Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que
la commission des affaires sociales puisse procéder à une
consultation générale et à des auditions publiques afin
d'étudier le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu".
Nous avons quorum. Madame, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président M. Gervais
(L'Assomption) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), Mme
Juneau (Johnson) sera remplacée par M. Desbiens (Dubuc) C'est tout
Le Président (M. Bélanger): Bien. Ce sont les
mêmes règles de procédure. Nous ne les
répéterons pas. J'appelle donc le premier organisme, le
Regroupement des étudiantes et étudiants des centres
d'éducation aux adultes et de I'école Boudreau de la Commission
des écoles catholiques de Québec (CECQ). II sera
représenté par Mme Lyne Desjardins M. Daniel Nadeau Mme Lise
Savard, Mme Lyne Matte, M. Daniel Milette et M. Sylvain Demers. Je les
inviterais à s'approcher de la table s'il vous plaît
Mme la députée de Maisonneuve
Mme Harel: M le Président j'aimerais, avant que nous
commencions nos travaux, m'assurer que toutes les personnes qui voulaient avoir
accès au parlement ce matin, et qui voulaient également assister
à nos travaux ont pu le faire.
Le Président (M. Bélanger): Selon la
dernière information que j'ai eue de la part de la
sécurité, tout le monde est ici. On a fait une modification
à la directive qu'on avait donnée, à savoir que ceux qui
étaient au fond de la galerie soient autorisés à aller
dans les côtés, parce que le son est meilleur. II semblerait qu'on
entende mal en arrière. Alors, on les a autorisés à aller
dans les côtés. II y en a quelques-uns qui seront dans la salle
ici en bas. Je ne sais pas s'ils sont entrés. Je sais qu'il y en a
quelques-uns qui sont dans la salle ici en bas. C'est I'entente qui a
été faite. On fait l'impossible pour que tout le monde puisse
être bien reçu, se sentir chez, soi selon les règles qui
règnent au parlement, règles de respect total de I
intégrité des travaux, ici.
Mme Harel: M. le Président je vous remercie. Je dois
constater que les personnes qui ont attendu plus d'une heure et quart ont
maintenant trouvé satisfaction à leur désir d'assister
à nos travaux, et j'en suis fort aise.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. Je vous explique nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire, on ne dépasse pas 20
minutes, le mémoire ou le résumé, parce que le
mémoire comme tel a été lu déjà. Alors si
vous voulez le résumer, c'est a votre convenance. Je souhaiterais aussi,
à chaque fois que chacun de vous prendra la parole, qu'il donne son nom
auparavant. C'est que nos transriptrices qui sont à l'extérieur
ont besoin, pour le Journal des débats, de savoir le nom de la
personne qui intervient. II est donc important que vous puissiez donner votre
nom à chaque fois. II arrive que j'oublie, moi aussi, de le rappeler,
mais on va tous faire un effort pour y penser. Cela leur facilite la
tâche.
Par la suite, il y a un échange de 40 minutes avec les membres de
la commission pour discuter de votre mémoire et I'approfondir.
Je demanderais au porte parole de bien vouloir s'identifier,
présenter I'équipe qui l'accompagne et, ensuite, procéder
à la présentation du mémoire.
Regroupement des étudiantes et étudiants
des centres d'éducation aux adultes et de l'école Boudreau de la
Commission
des écoles catholiques de Quebec (CECQ)
Mme Desjardins (Lyne): Je m'appelle Lyne Desjardins. Je suis
déléguée de I'école du CEA à Limoilou. Je
vous présente M. Daniel Nadeau délégué de
I'école Jacques Cartier; Mme Lyne Matte, déléguée
de I'école Boudreau; à ma droite, M. Sylvain Demers et Mme Lise
Savard, tous les deux délégués de I'école Louis
Jolliet; M. Daniel Milette, délégué de I'école
Saint Patrick
Je vais vous faire un bref historique de la situation des
décrocheurs un historique de lutte à Québec. La
première école ouverte à Quebec, c'était
I'école Jacques Marquette. Parmi les jeunes qui fréquentaient
l'école Jacques Marquette à son ouverture, personne n'avait
d'argent pour être admissible. II n y avait aucun projet pour les jeunes.
Les étudiants se sont regroupés et, avec des moyens de pression,
ils ont lutté pour faire augmenter leur chèque de BS. Cela a
réussi. Aujourd'hui, à Québec, il y a cinq écoles
de décrocheurs qui sont ouvertes. Les cinq écoles se sont
regroupées, mais cette fois ci pour une autre cause: contre la
réforme de M. Paradis.
On sait tous que cette réforme va changer tout notre
système de société et notre avenir. Tout le monde ici est
là pour aider les décrocheurs et voir ce qui se passe. Je vais
vous donner les raisons pour lesquelles on rejette la réforme. Je suis
un peu intimidée, le luxe et un peu tout cela.
Elle maintient dans la pauvreté une tranche importante de la
société québécoise. Contrairement à cette
dénomination, sécurité du revenu, elle va laisser la
majorité des bénéficiaires dans une situation
d'insécurité financière et psychologique. Nous savons
aussi que si le gouvernement mettait sa réforme en application demain
matin, 17 600 jeunes qui n'entrent pas dans les barèmes seraient dans la
rue et 10 000 autres jeunes seraient dépendants de leur famille.
La réforme force les jeunes à se trouver ce qui n'existe
pas, un emploi, puisque le taux de chômage demeure autour de 10 %. En
misant sur le "cheap labour" et le volontariat, elle nuit à la
création d'emplois décemment rémunérés.
Les dix volets du gouvernement qui sont le rattrapage scolaire et les
travaux communautaires, cela ne crée pas d'emploi. Le stage en
entreprise ne crée pas un emploi garanti. L'annonce des coupures dans
les acquis, coupures dans les besoins spéciaux coupures par le partage
du logement, c'est-à-dire qu'on reste tous ensemble, on essaie de se
sortir un peu de la misère pour arriver, et M. Paradis, avec sa
réforme, veut nous couper de 115 $ par mois. On ne sait pas si c'est
exactement 115 $ mais on trouve inadmissible que ce soit encore sur notre dos,
quand on essaie de se mettre ensemble pour réussir à manger au
moins jusqu'au milieu ou jusqu'à la fin du mois.
II coupe aussi dans les frais de garderie pour toutes les personnes du
programme APTE. En plus, la promesse de M. Paradis, la parité sera
accordée par la baisse. Les gens de 30 ans et plus qui ont
présentement 497 $ par mois auront 405 $. II maintient le statu quo de
la dépendance économique des conjoints. Cela veut dire qu'en 1988
si je reste avec quelqu'un, c'est lui qui va me faire vivre. C'est inadmissible
en 1988 que quelqu'un me fasse vivre. Je suis capable d'assumer mes
dépenses, de faire mes budgets et de vivre selon mes moyens
Pour les revendications. je vais vous passer Daniel Nadeau.
M. Nadeau (Daniel): Merci M. le Président, voici
maintenant l'ensemble des revendications que nous mettons sur la table et qui
nous apparaissent comme un minimum respectable. Une réforme de la Loi
sur l'aide sociale ne peut se faire par petites étapes mais par une
réforme majeure des politiques économiques et sociales.
Nous réclamons le droit de participer à des programmes
dans des conditions qui respectent notre dignité humaine notre statut
d'adulte, nos droits et nos libertés fondamentales, c'est-à-dire
avoir droit de choisir et refuser de participer à des programmes ou des
volets du programme APTE, soit stages en milieu de travail rattrapage scolaire
sans baisse des prestations et en tenant compte de ce qui correspond à
la progression de l'adulte, pas seulement au niveau financier mais au niveau
psychologique et affectif des individus. Le droit de présence
auprès de notre enfant à la maison jusqu'à ce qu'il soit
admis à sa première année de niveau primaire. Donc, donner
le droit aux parents de décider eux-mêmes à quel moment les
absences à la maison à cause de la recherche dun emploi ou
à la participation du programme n'affecteront pas le côté
pédagogique, moral ou affectif de l'enfant, peu importe l'âge,
jusqu'à un maximum de six ans.
Nous demandons une réforme de la fiscalité, afin que le
fardeau fiscal soit réparti équitablement entre tous les
contribuables. On n'a pas à se le cacher, il y en a qui paient beaucoup
d'impôt et il y en a beaucoup qui n'en paient pas non plus.
Nous demandons la mise sur pied dans les plus brefs délais d'une
politique de plein emploi décent. Par emploi décent, nous
entendons les emplois ne mettant pas en danger la santé et la
sécurité des travailleurs. De plus ayant droit à un
salaire adéquat pour se nourrir et se loger convenablement,
d'après les critères établis dans une
société moderne, nous demandons que le salaire minimum soit
haussé jusqu'à ce que le revenu de travail d'une semaine normale
atteigne le seuil de pauvreté tel qu'établi par Statistique
Canada.
Nous demandons que les barèmes de prestations pour les sans
emploi soient fixés à 70 % du seuil de pauvreté reconnu
par Statistique Canada qui est de 689 $.
Nous demandons que les gains de travail soient permis jusqu à
I'atteinte du seuil de pauvreté sans coupures ni impôts. Que I'on
crée une commission qui réglemente la hausse des prix des
aliments de base: pain légumes et viande. On demanderait un
contrôle gouvernemental là-dessus.
Nous demandons pour les droits sociaux la mise sur pied d'une
véritable politique de soutien aux familles; que les critères
universels pour I'admissibilité à l'aide sociale soit à
l'âge de 18 ans, sauf en cas de force majeure. Un exemple, une jeune
fille de seize ans qui devient enceinte et qui se fait foutre à la porte
par ses parents, il faut quand même quelle ait quelque chose, qu'elle ne
se retrouve pas démunie dans la rue toute seule.
Nous demandons que les femmes enceintes gardent en tout temps leur
statut de participante le maintien et le renforcement des acquis et aucune
modification dans la façon dont sont considérés les biens
possédés par un ménage.
Nous demandons une commission parlementaire itinérante lors de la
présentation du pro|et de loi et de sa réglementation. Merci.
Mme Desjardins: Je vais vous présenter Lise Savard qui va
nous parler du rattrapage scolaire et de nos revendications sur le rattrapage
scolaire.
Mme Savard (Lise): Bonjour. On représente ici aujourd'hui
quelque 1200 assistés sociaux qui sont sur le programme Rattrapage
scolaire. Nous
vivons dans la réalité du rattrapage scolaire. II y a
déjà des lacunes dans ce programme. La réforme va nous
abaisser encore plus dans nos besoins. Nous vous présentons
quelques-unes de nos revendications.
Nous voulons le droit à l'information. Pour ce faire, nous
demandons que le manuel de l'aide sociale ainsi qu'un résumé du
programme. Rattrapage scolaire soient distribués au début de
l'année scolaire dans les centres d'éducation aux adultes.
Sur le point des allocations, nous demandons que nos frais de transport
soient payés. Nous voulons le choix entre des cours autodidactes,
magistraux ou individuels selon nos besoins d'assistance individuelle.
Nous vous proposons aussi qu'on ait des talons de chèque avec le
détail des montants versés et des coupures, et cela en tout
temps. Nous vous demandons aussi que nos allocations soient maintenues pour que
nous puissions compléter les cours dont on a besoin pour l'obtention des
crédits nécessaires pour poursuivre nos études
postsecondaires. Nous demandons également le maintien des allocations
pour les trois sessions postsecondaires pour tous les participants qui en font
la demande.
Quant aux frais de garderie, il nous semble normal que ces frais soient
égaux à la tarification standard des gardiennes établie
par les normes du travail. Aussi, ils devraient être remboursés
sur le temps réel de gardiennage en tenant compte de l'aller et du
retour des étudiants pour se rendre et revenir à leur centre
d'éducation. Merci.
Maintenant...
M. Nadeau: M le Président, est ce que je pourrais revenir
sur les revendications? J'en ai oublié une tout à l'heure.
Le Président (M. Bélanger): Votre nom, s'il vous
plaît.
M. Nadeau: Daniel Nadeau
Le Président (M. Bélanger): Daniel Nadeau. Allez-y,
je vous en prie.
M. Nadeau: D'accord. Nous demandons la reconnaissance officielle
des groupes de défense des droits des assistés sociaux et la
diffusion de leur existence; de plus, que la loi et les règlements de
l'aide sociale soient vulgarisés dans un langage accessible aux classes
populaires et distribués à ces mêmes organismes dans le but
d'informer les gens de leurs droits convenablement. Merci.
Mme Desjardins: D'accord. Ce qu'on veut dire, c'est que pour que
nous autres, on ait un job il faut qu'on soit scolarisé. Pour être
scolarisé, il faut quon ait les moyens pour aller à
l'école. Comme vous voyez, on a un peu de monde avec nous autres. Ce
monde-là, ce sont les personnes qui vont aux écoles de
décrocheurs. Pour les sortir, la direction de nos écoles nous ont
demandé que M. Paradis, si c'est possible, puisse signer une motivation
d'absence pour tous ces gens parce.
Le Président (M. Bélanger): Peut-il
déléguer la séance?
Mme Desjardins: Non, mais vous comprenez on a toujours des
pressions sur nous autres quand on est à l'école. On a toujours
des pressions partout. On est malade, on a une gastro-entérite, on n'ira
pas voir le médecin pour lui dire: On sait qu'on est malade, on a une
gastro-entérite, il faut justifier nos absences. Pour les jobs qui sen
viennent aussi, on sait qu'il faut avoir un secondaire V, on essaie de vous
dire les moyens qui nous aideraient à pouvoir travailler avec le ventre
plein et au moins l'esprit aussi plein, parce que quand on a l'esprit vide et
le ventre vide, cela ne marche pas.
C'est cela qu'on avait à dire ce matin. On en avait pour deux
heures, même quatre heures à dire. On a essayé de dire cela
de façon condensée. Voilà ce qu'on avait à dire ce
matin.
Le President (M. Bélanger): Bien Monsieur.
M. Demers (Sylvain): M le Président, nous reste-t-il
beaucoup de temps?
Le Président (M Bélanger): Quel est votre nom?
M. Demers: Sylvain Demers.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Un instant Combien
de temps? Sept minutes.
M. Demers: Sept minutes.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Demers: Je voudrais juste revenir sur des
éléments... (10 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Écoutez, si vous
avez besoin de plus de temps, on peut faire une entente. On a une enveloppe
globale d'une heure. Cela fera moins de temps pour l'échange. Cela vous
permettra plus de temps si les deux côtes sont d'accord de prendre sur
leur temps. D'accord. J'ai le consentement, Mme la députée de
Maisonneuve? Excellent. Allez y, je vous en prie
M. Demers: Juste rappeler des éléments importants
dans tout ce qu'on vient de dire. Dans notre vécu, actuellement,
à I'intérieur du rattrapage scolaire qui est un volet actuel de
l'aide sociale, il ne s'agit pas pour nous de dire qu'on est en
désaccord avec la formation. On
reconnaît qu'au Québec, la main-d'oeuvre a besoin de plus
en plus d'être spécialisée. Ce qu'on dit cependant, c'est
qu'il ne faut pas se leurrer non plus en pensant que juste du fait d'être
spécialisé, cela va nécessairement nous amener un travail
à partir du moment où il n'existe pas. Donc, un
développement à la création d'emploi. En ce qui nous
concerne, ce sont des éléments majeurs, parce que cela ne donne
rien de se former si on n'arrive pas à se placer au niveau d'un emploi.
Dans ce sens, je vous indiquerai tout de suite qu'il y a
énormément de décrochage de la part des gens qui sont
actuellement à l'intérieur du rattrapage scolaire, du fait que
l'illusion de pouvoir posséder un emploi s'estompe tranquillement
à partir du moment où tu réalises que les
possibilités d'en trouver un sont pratiquement inexistantes.
Aussi, un autre élément, c'est que je voudrais seulement
souligner que la majorité de la clientèle, les gens qui sont
à l'intérieur du volet du rattrapage scolaire, ce sont des
femmes. Ce sont des femmes qui vivent. Parce que c'est l'éclatement de
la famille et qu'elles ont vécu des situations difficiles, cela les a
amenées sur le terrain de la reprise en charge de leurs économies
et de leur volonté de s'en sortir parce que, autrement, elles ne
pouvaient pas, à partir du moment où elles vivaient avec
quelqu'un d'autre. Donc, se retrouvent en situation monoparentale celles qui
sont dans une situation économique bien difficile, donc, ce sont, de
plus en plus, des gens qui viennent grossir le nombre des assistés
sociaux, ce sont des femmes en situation monoparentale victimes d'un
divorce.
Dans ce contexte, ce n'est pas facile de vivre cette situation dû
au fait aussi que la majorité des femmes qui vivent ces situations
vivent aussi beaucoup de harcèlement de la part de leur "ex-chum" et,
dans ce contexte-là, être capable de travailler au niveau de ta
formation en ayant l'esprit tranquille, pour bien des femmes, c'est difficile.
C'est une autre réalité sur laquelle on trouve que, dans la
réforme sur l'aide sociale, il n'y a pas beaucoup d'assistance
D'autres éléments, il y a, bien sûr, la prestation
de base qui fait qu'on s'appauvrit un peu plus. Actuellement, j'ai 487 $.
Une voix: C'est 497 $.
M. Demers: 497 $, sauf qu'en 1990, je vais me retrouver, si je ne
suis pas participant - si je suis dans la case admissible - à 520 $,
à 420 $. Si j'ai la chance de pouvoir participer à
l'intérieur d'un des trois programmes, je vais me ramasser avec une
prestation maximum possible de 520 $ et si, à travers cela, je suis
capable de me trouver une petite "jobbine", je vais avoir une exemption de
travail de 80 $. Dans ce contexte, comme il n'est pas évident que je
vais pouvoir jouir d'une exemption de travail parce qu'il n'y a pas ou à
peu près pas de job pour tout le monde, il est bien évident que
seulement avec une prestation de base de 520 $, dans la mesure ou je peux
être participant parce que cela n'est pas évident qu'il n'y aura
pas de contingence dans les programmes, comme il n'est pas évident non
plus - et on le soulignait - que le libre choix des individus à travers
ton cheminement d'employabilité est acquis, c'est-à-dire que je
n'ai pas le goût qu'on m'oblige à faire du stage en entreprise et
du travail communautaire si. Je veux décider de retourner à
l'école ou l'inverse aussi, donc le libre choix, ce n'est pas
évident. Si tu refuses de participer, ce qui est bien clair dans la
réforme, c'est que tu es coupé, tu n'as pas ta prestation de
participation tu n'es plus dans la case d'admissibilité, tu retombes
dans la case refus à 405 $. Donc, ce sont des traumatismes et des
pressions constantes qui font que les gens avec une prestation telle
qu'indiquée vivront dans I'inquiétude et de plus en plus
misérablement. Il y a un coût social à la misère
vous le savez, vous l'avez entendu en commission parlementaire depuis un
certain nombre de jours. Les gens seront de plus en plus dépressifs, il
y aura une augmentation de la criminalité, de la violence conjugale, des
dépressions, de la prostitution, de la vente de "dope etc. Bref, il y a
un coût social majeur qui fait que, en fonction de ce que vous nous
proposez, cela risque d être extrêmement dangereux pour l'ensemble
de la société québécoise. Je vais m arrêter
là-dessus. On pourra revenir dans les échanges. Mais, en ce qui
me concerne, il était important de souligner ces
éléments.
Le Président (M. Bélanger): D'accord, merci Cela
termine votre présentation?
Une voix: Oui.
Mme Matte (Lyne): Peut-on l'avancer? Cela s avance-t-il? Non?
Le Président (M. Bélanger): Il est fixe. Mme
Matte: D'accord. Moi, c'est pour...
Le Président (M. Bélanger): Votre nom s'il vous
plaît.
Mme Matte: Lyne Matte.
Le Président (M. Bélanger): Cela me fait
plaisir.
Mme Matte: Ce serait pour les 17 600 jeunes sans-abri. Je ne
comprends pas comment il se fait qu'on bâtit deux à trois maisons
à Québec ou en province pour les sans abri et qu'on est
prêt à en mettre 17 600 dans la rue quand ils savent qu'aucune
personne ne peut les aider, soit un parent, de la parenté, n'importe qui
ou des amis, ils n'ont aucun revenu pour les aider. Aussi, les 18 000 autres
jeunes qui sont dépendants de leurs parents et qui vont gagner
peut-être 25 $ ou 50 $. Pour le reste, ils seront
dépendants de leurs parents, ils seront obligés de se chercher un
emploi. Que vont-ils faire? Ils vont prendre le job de leurs parents qui
subviennent à leurs enfants; autrement dit, c'est un cercle vicieux. Je
voulais justement parler de cela. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Merci.
Mme Desjardins: Cest cela. On n'est pas tellement habitué
de venir en commission parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie allez-y
à votre rythme. Cela va bien. Y a-t-il d'autres interventions?
Mme Desjardins: Non, c'est tout. Mais il faut comprendre qu'on
vit des jours difficiles, qu'on essaie de s'en sortir, qu'on est courageux,
qu'on n'est pas des parasites et qu'on se tient debout.
Le Président (M. Bélanger): On va passer à
la période de questions. Cela vous donnera peut-être l'occasion de
mieux expliciter des points de vue ou d'en ramener d'autres qu'on aurait peut
être oubliés, d'accord? Je cède la parole au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Pierre Paradis.
M Paradis
(Brome-Missisquoi): Oui. Je tiens à
remercier le groupe de sa présentation et de son mémoire. Je vais
peut être commencer sur les dernières paroles que vous avez
prononcées, Mme Desjardins. Vous êtes déjà dans la
clientèle de l'aide sociale, parmi ceux et celles qui sont
déjà éligibles à des programmes
d'employabilité et qui avez, dans la quasi totalité des cas,
décidé de vous retrousser les manches et d'en profiter dans le
contexte actuel avec les difficultés quand même que cela vous pose
et là ou cela vous laisse.
Je pourrais discuter avec vous ce matin de l'ensemble de la
réforme de la sécurité du revenu mais, moi aussi, je suis
un peu, même si je suis plus habitué aux travaux, encarcané
par le temps qui est mis à la disposition en vertu du règlement,
toute la formation ministérielle a 20 minutes pour échanger des
propos avec vous et l'Opposition a également 20 minutes. Je vais donc
tenter de limiter mes questions ou mes échanges à ce qui vous
affecte, vous, et de quelle façon la réforme va vous affecter,
vous qui êtes déjà parmi les gens qui ont
décidé d'améliorer leur employabilité, de vous
donner plus de chances, sans qu'il n'y ait de garantie, je vous le
concède, de décrocher un emploi. Vous l'avez signifié, je
pense - et c'est M Nadeau qui le disait, je pense - que plus on a de formation,
plus on a un choix d emploi et plus cela peut être
rémunérateur.
Dans le contexte actuel, M. Demers a mentionné qu'il recevait 487
$. On m'indique que dans le cadre du rattrapage scolaire, c'est
présentement 387 $.
M. Demers: Juste une clarification là-dessus. C'est que je
n'ai pas droit au programme de prestation supplémentaire parce que je ne
suis pas en bas de 30 ans et que je ne suis pas chef d'une famille
monoparentale. Je vais sur mes propres bases.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes un peu
différent de la majorité des gens qui vous accompagnent.
M. Demers: Admettons. Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Disons que la
majorité des gens qui vous accompagnent ici, ce matin reçoivent
387 $ par mois en vertu du programme actuel et, en plus de cela, iIs ont le
droit, sans être taxés à 100 % ou pénalisés,
d aller gagner 25 $. S'ils gagnent plus de 25 $, ils sont
pénalisés à 100 %. Chacune des piastres est
récupérée par le gouvernement. C'est la situation actuelle
que vous vivez.
Voici ce que le document que nous avons rendu public vous propose. Je ne
vous dis pas, je le répète encore une fois, que cest le Klondike
ou le paradis, mais on prétend quand même qu'il y a des
améliorations pour vous.
Le barème de base passerait, parce que vous êtes des
participants, à 420 $. Vous auriez une allocation de participation,
parce que cela coûte de I'argent de participer. II faut vous
déplacer. Il faut vous vêtir. II vous faut manger à
l'extérieur...
Une voix: Excusez. M. le ministre...
Le Président (M Bélanger): Mme Desjardins.
Mme Desjardins: M. le Président, on a étudié
les barèmes de tout ce que vous expliquez et on est au courant. Cela
serait le "fun" que vous nous expliquiez autre chose. On est tous au courant de
toute votre nouvelle reforme. Cela serait le "fun" que vous...
M Paradis (Brorne-Missisquoi): J'ai pensé vous l'expliquer
parce que ce n'est pas ce que I'ai senti dans vos interventions et surtout dans
le mémoire écrit. Dans les interventions, un peu plus. Dans le
mémoire écrit, j'ai senti que la réforme était pour
vous une baisse, alors que sur le plan du revenu on touche 420 $, 60 $
d'allocation de participation et, pour les frais, 40 $. Cela fait 520 $ de base
comparé à 387 $ présentement. En plus, les exemptions de
travail passent de 25 $ à 80 $. Je ne vous dis pas, encore une fois, que
c'est le Klondike mais c'est la situation qui va apparaître sur votre
talon de chèque ou sur votre chèque, de façon pratique si
la réforme de la sécurité du revenu est mise en
application.
Maintenant, il y a des "mais. " Il y a toute la question des frais de
garde que vous avez soulignée parce qu'une majorité de la
clientèle est féminine. Les frais de garde sont
remboursés, pas de la façon dont vous le demandez avec le nombre
d'heures, etc., je vous le concède, mais le taux actuel est de 10 $ par
jour pour la gardienne, et il progresse lentement.
Il y a toute l'autre question que vous avez soulevée.
Là-dessus, je vais vous poser une question parce qu'on a un dilemme. Il
y a des groupes qui nous font des représentations dans un sens et,
d'autres groupes, qui nous font des représentations dans l'autre sens.
Toute la question de la personne qui a à sa charge des enfants entre
deux ans et six ans. J'ai cru comprendre, et de votre mémoire et de vos
propos verbaux devant la commission, que votre position c'est que tant qu'il y
a un enfant présent dont vous avez la charge jusqu'à six ans, le
système devrait faire en sorte qu'on donne le libre choix. Est-ce
exact?
M. Nadeau: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qu'est-ce que vous répondez
aux arguments des groupes qui disent qu'en ce faisant, on retire une personne
du marché du travail ou on lui offre une possibilité de se
retirer du marché du travail pendant une trop longue période et,
à ce moment-là, elle a plus de difficulté à revenir
sur le marché du travail et cela peut constituer une trappe de
pauvreté, finalement?
M. Nadeau: Bien, c'est quand même un pourcentage de gens.
Ce n'est pas tout le monde. Daniel pourrait peut-être répondre
à cela.
M. Milette (Daniel): Je trouve que c'est un devoir envers nos
enfants de pouvoir les aider à cheminer dans la vie. Cela veut dire que
si on est comme obligé, et on veut pouvoir avoir la garde de nos enfants
et nos enfants ont aussi besoin de nous en principe jusqu'à l'âge
de six ans.
M. Nadeau: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Nadeau: Daniel Nadeau. Voici la façon dont je le
comprends. Si j'ai un enfant, dans le programme, on dit: Les gens qui ne sont
pas disponibles, c'est deux ans et moins. À partir de deux ans et moins,
vous êtes censé, vous, être disponible pour embarquer dans
les programmes, Mais moi, si je décide que mon enfant n'est pas
prêt à aller dans une garderie et qu'il est plus important pour
moi de rester avec lui, du point de vue moral, affectif ou pédagogique,
je n'ai plus le choix. Est-ce qu'on va me couper parce que je ne suis pas
disponible? C'est cela que je ne comprends pas. Vous me coupez parce que je ne
suis pas disponible. Là, vous m'enlevez mon libre choix.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison dans
l'interprétation que vous faites du document d'orientation qui a
été rendu public en parlant de ce qui arrive en ce qui concerne
les enfants âgés entre deux et six ans. Votre
interprétation est juste et correcte. J'ai déjà
indiqué à d'autres groupes, et je vous l'indique, que ce n'est
pas gelé dans le ciment. C'est pour les fins de la discussion. Je vous
l'ai indiqué, je voulais avoir votre point de vue juste et je pense que
je l'ai compris. Vous, vous êtes nettement en faveur qu'au moins
jusqu'à six ans, ce soit le libre choix. Il y a d'autres groupes qui
nous disent le contraire. Nous aurons à prendre une décision,
à prendre nos responsabilités, à prendre la
décision la plus juste possible. Je dis à chacun des groupes ici
que nous écoutons attentivement leur argumentation sur ce
point-là.
Une voix: D'accord. (10 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le salaire minimum haussé.
Vous êtes conscients que le salaire minimum a été, pendant
une période de cinq ans, soit entre 1980 et 1985, complètement
gelé. Il n'a pas bougé d'un pourcentage ou d'un iota. Au
même moment, pendant la majeure partie de cette période, les
prestations de l'aide sociale ont été indexées, même
trimestriellement. Voici ce qui nous a posé un problème quand
nous sommes arrivés au pouvoir. C'était, dans certains cas, plus
rémunérateur d'être un bénéficiaire de l'aide
sociale que d'être un travailleur dans la société au
salaire minimum. À deux reprises, à chaque année, depuis
que nous sommes au pouvoir, nous avons augmenté le salaire minimum d'un
facteur plus important que l'augmentation du coût de la vie, parce que
nous étions conscients qu'il y avait du rattrapage à faire et
nous demeurons conscients que ce rattrapage n'est pas terminé. C'est une
décision qui, à chaque année, est difficile à
prendre. On reçoit des études au ministère qui nous disent
pourquoi on ne devrait pas l'augmenter et des études qui nous disent
pourquoi on doit l'augmenter. Il nous faut prendre des décisions d'ordre
politico-économique qui sont difficiles. Je vous indiquerai simplement
qu'en faveur des jeunes, nous avons aboli la discrimination basée sur
l'âge dans le salaire minimum et, avant, il y avait une différence
et elle n'existe plus. Nous avons l'intention, dans la limite des
paramètres qui nous sont imposés, de continuer cette hausse parce
que nous croyons qu'en ce faisant, nous sortons plus de gens, à chaque
année, de la trappe de la pauvreté et nous permettons de
conserver une incitation au travail en haussant nos barèmes. C'est un
peu notre approche philosophique.
Si vous me le permettez, j'aimerais parler de deux autres questions avec
vous, soit toute la
question de l'indépendance du jeune à compter de 18 ans.
C'est une question qui n'a pas été, pour nous, facile à
régler. On a regardé autour de nous et on a trouvé des
sociétés ou c'était un peu plus difficile. Je n'ai pas
cité encore l'exemple de l'Ontario en commission parlementaire. En
Ontario, avant 21 ans, vous n'avez droit à aucune prestation d'aide
sociale. Au Québec, nous nous étions engagés sur le plan
de la parité. Nous tentons de la donner complètement ou le plus
complètement possible, mais nous voulons éviter la distorsion
suivante. Là-dessus, si vous avez des idées pour nous
éclairer, parce que des fois vous en avez de meilleures que les
nôtres, elles sont les bienvenues. On ne veut pas que notre
système incite - vous êtes des décrocheurs et vous
êtes bien placés pour le comprendre - financièrement les
jeunes à quitter l'école pour venir à l'aide sociale.
Parce que notre système serait beaucoup plus attrayant
financièrement pour du monde qui mal pris avec le système des
prêts et bourses aux étudiants. Là-dessus, je ne sais pas
si on peut s'entendre pour que votre journée vaille la peine, mais si
vous pouvez nous amener des Idées, nous sommes réceptifs à
les entendre.
Mme Desjardins: Sylvain va vous répondre.
M. Demers: Je voudrais rappeler, relativement aux barèmes,
qu'en ce qui me concerne, c'est une baisse assez considérable ce
qu'annonce la réforme, parce que dans le système actuel, avec le
procédé d'indexation annuelle, je vais me ramasser, fin 1989,
avec une prestation mensuelle de 503 $ pour une personne en haut de 30 ans.
Dans ce contexte-là, la prestation mensuelle de base
suggérée est de 420 $. Si je suis participant, j'ai un surplus de
100 $, mais si je ne suis pas participant, je suis "stâlle" à 420
$. Mettons que je suis à 503 $ comme dans la logique du système
actuel et que j'avais la prestation mensuelle de 100 $ de plus, ça me
fait une prestation de 603 $ pour participer à l'intérieur d'un
programme dans le régime actuel avec les 100 $ de participation
supplémentaire. C'est quand même une bonne différence qui
fait que quand tu es prestataire d'aide sociale, ça fait des
différences importantes dans ton mois, dans ton logement et dans la
nourriture.
Par rapport à l'incitation au travail versus les prestations
d'aide sociale trop rapprochées du salaire minimum, je vous dirai d'une
part, qu'encore faut-il travailler. Deuxièmement, je vous soulignerai
que le salaire minimum représente actuellement un peu moins de 70 % du
seuil de pauvreté de Statistique Canada et que de penser que le salaire
minimum est une sortie à la pauvreté pour être capable de
faire face à tes conditions de vie, ce n'est pas une sortie. Donc,
l'incitation à l'emploi, en fonction de stimuler la main-d'oeuvre,
à conquérir la possibilité d'un travail au salaire minimum
versus de mieux vivre, ce n est pas dans l'évidence. Dans ce
contexte-là on ne craint pas la différence entre le salaire
minimum et les prestations d'aide sociale comme étant
rapprochées.
Ce qu'on souhaiterait cependant, c'est qu'on puisse avoir un minimum de
décence en termes de prestations pour être capables de faire face
minimalement à nos conditions de vie et à nos situations. On a
des besoins, il faut s'alimenter, se loger, se nourrir, etc. Dans ce
contexte-là, si on pouvait nous garantir un revenu minimal et ensuite
nous permettre d'avoir accès à un travail, mettons les normes
minimales du travail, parce qu'on peut comprendre que les employeurs, à
la limite, n'ont pas les moyens d'augmenter constamment le salaire des
employés, il y aurait peut-être des mécanismes par des
ristournes d'impôt, quand on parlait de réforme fiscale, nous
permettant de ne pas être coupés, donc, d'avoir un minimum garanti
pour tous et toutes parce que, de toute façon, le plein emploi ce n'est
pas pensable dans une société. Je n'en connais pas beaucoup. On
peut toujours friser les trois, quatre ou cinq pour cent dans les taux de
chômage, mais il y aura toujours des gens qui seront à la solde et
à la dépendance de la société. Dans ce contexte, si
on assure un revenu minimal à l'ensemble des gens pour être
capables de faire face à leurs conditions de vie minimales et si on leur
permet, par des mécanismes fiscaux et autres, I'accès à un
revenu de travail sans être pénalisés, cela pourrait
être un compromis envisageable.
C'est un peu ce sur quoi on soulève nos inquiétudes par
rapport à la réforme. Je ne sais pas s'il y avait d'autres... Ah!
l'incitation pour les jeunes décroches de leurs études. Si on est
capable de démontrer qu'en poursuivant les études - ce n'est pas
le cas pour bien du monde actuellement, quand je vous disais qu'il y a
plusieurs personnes qui décrochent, ce n'est pas pour rien - cela va te
conduire à un débouché intéressant sur le plan du
travail et, en conséquence, améliorer tes conditions de vie de
façon à pouvoir te prendre en main d'une façon assez
considérable, je pense qu'il n'y a pas grand monde qui va
décrocher des études. Que voulez vous, M. le ministre, être
sur des prestations d'aide sociale, tu ne vis pas avec cela, ce n'est pas vrai.
Les assistés sociaux sont obligés de se regrouper pour être
capables de partager un logement parce qu'ils ne sont pas capables tous seuls.
Ce n'est pas pensable que les gens vivent bien de l'aide sociale à moins
que tu te prostitues, que tu vendes de la drogue etc.
N'allez pas penser que c'est d'être gras qu'être
assisté social. Donc, I'incitation à poursuivre pour des jeunes
est relative à la possibilité de pouvoir travailler un jour,
autrement on peut vivre d'illusions, mais cela a une limite aussi.
Mme Desjardins: Je voudrais juste ajouter que, si on vit du bien
être social, ce n'est pas voulu. II y a des situations économiques
avec
nos familles, souvent des jeunes qui ont arrêté
l'école en secondaire III ou IV ont été obligés
d'aller sur le marché du travail à 4 $ ou à 3 $ l'heure
dans le temps pour apporter un peu de financement à la maison. Les gens
qui ont décroché, ça n'a pas toujours été
voulu, et on se retrouve à l'école pour avoir des diplômes
et tout cela, mais on ne l'a pas voulu. Ce sont des situations qu'on ne
crée pas; il n'y a pas d'emploi. Ce n'est pas nous qui avons voulu
être prestataires du bien-être.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense, comme vous le disiez
en terminant vos remarques préliminaires, que cela manifeste
certainement beaucoup de courage de votre part et de celle des gens qui vous
accompagnent aujourd'hui, d'avoir, dans les conditions que vous nous
décrivez et qui ne sont pas faciles, avec un espoir qui ne doit pas non
plus être déçu, parce que cet espoir est fragile d'une
certaine façon...
Je lisais, la semaine dernière, que le ministère de
l'Éducation du Québec allait réduire de 20 000 000 $ son
budget à l'éducation des adultes. Alors que le ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, dans son
discours d'introduction à la commission lundi, déclarait que 60 %
des bénéficiaires de l'aide sociale n'avaient pas
complété un secondaire, au même moment, on pouvait entendre
des cadres scolaires dénoncer cette coupure de 20 000 000 $ que
projetait le ministère de l'Éducation au chapitre de
l'éducation des adultes. D'une part, il faut aussi ne pas oublier qu'au
niveau de la formation, ce qui est offert, ce qui est indispensable, mais qui
n'est qu'une première étape, c'est une formation
générale, savoir compléter un secondaire. En sachant que,
pour tout de suite, en termes de formation professionnelle, en termes de
recyclage proprement dit, on attend toujours, il n'y a rien dans les mesures
offertes actuellement aux bénéficiaires de l'aide sociale pour
répondre adéquatement à une demande
spécialisée du marché de l'emploi.
Cela dit, je veux vous rassurer sur une chose. Quand le ministre dit que
certains groupes font des représentations pour rendre obligatoire la
participation aux mesures pour un chef ou une chef de famille monoparentale
quand l'enfant a deux ans et d'autres qui ne le demandent pas et qu'ils doivent
choisir comme un arbitre entre les deux, je dois vous dire que j'ai pris
connaissance de tous les mémoires et je le mets au défi de me
nommer un seul groupe au Québec qui lui recommande de rendre obligatoire
la participation aux mesures pour une chef de famille dont l'enfant a plus de
deux ans. La seule réflexion qui se fait présentement, c'est
faut-il inciter, y a-t-il lieu d'inciter, lorsqu'il y a un seul enfant de
manière que la durée de l'employabilité ne soit pas trop
longue? Encore là, les groupes qui réfléchissent sur
l'incitation possible le font en mettant en garde le ministre d'ajuster cela
à des barèmes à la baisse en disant que ce sont des
catégories qui devraient servir à prioriser des clientèles
et non à réduire leurs prestations.
Il n'a pas à jouer à l'arbitre entre des groupes qui le
recommandent, parce que tous les groupes sont unanimement contre cette
obligation dans laquelle seraient les chefs de famille monoparentale de quitter
la maison de façon coercitive après que leur enfant ait atteint
l'âge de deux ans.
Dans votre mémoire, vous recommandez un certain nombre de
dispositions concernant l'accès à l'information. Vous dites,
entre autres, que la loi et les règlements qui touchent les
bénéficiaires du programme de rattrapage devraient être
regroupés dans un document guide qui serait remis au début de
chaque année scolaire aux participants. Vous recommandez que soient
ajoutées sur le talon que vous recevez des explications qui donneraient
en détail les raisons des montants versés, des coupures, etc. Je
pense qu'il faut que ce droit à l'information aille aussi plus loin et
que l'on exige du ministre qu'il rende publiques les études
menées au ministère sur les résultats des mesures et de la
participation aux diverses mesures.
Actuellement, les chiffres que l'on a démontrent qu'avec pourtant
une incitation qui n'était pas peu de chose parce que cela doublait les
prestations... Avec cette incitation et malgré cette incitation
financière, la participation aurait été environ de 20 %
des jeunes de moins de 30 ans.
Dans The Gazette - j'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus - de mardi, ou après le discours d'ouverture du
ministre, je fais une traduction littérale mais très conforme, on
dit ceci: Des adjoints du ministre ont dit que s'il y a peu de jeunes qui
participent aux programmes, c'est parce que 80 % d'entre eux vivent dans leur
famille et utilisent les allocations d'aide sociale "as pocket money", comme de
l'argent de poche.
J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus et également
savoir si, en ce qui concerne les besoins spéciaux, on peut reprendre
simplement les tableaux, les barèmes que le ministre vous donnait
tantôt concernant le rattrapage scolaire avec peut-être une
omission de taille qui est sans doute involontaire... Je voudrais simplement
que, pour la suite des choses avec les autres groupes jeunes que nous aurons
à rencontrer, on puisse bien comparer la situation pratique et
concrète qu'auront à vivre les jeunes en matière de
rattrapage scolaire. On sait que les barèmes actuels, indexés en
1989, donnent 403 $ comme vous nous le rappeliez, que les barèmes que
l'on retrouve sur le tableau du ministre donnent 520 $ mais l'omission de
taille c'est que pour un partage de logement il y aurait une réduction
de 115 $ pour un montant de 405 $ et que pour tout jeune qui, pour un
délai de moins de trois ans, participe au programme tout en
n'étant pas marié ou en n'ayant pas déjà
cohabité, c'est une contribution minimale de 100 $ qui lui est
retirée pour un total de 305 $.
Cela veut dire une perte en 1989 de 95 $ pour un très grand
nombre, pour des dizaines de milliers de jeunes qui seront soumis
obligatoirement à cette baisse que le ministre ne doit pas omettre,
parce que cela va faire partie des conditions concrètes et pratiques de
vie de ceux qui auront à retourner à l'école.
Vous nous dites: II faut avoir le ventre plein pour étudier. Nous
connaissons maintenant la sous-alimentation des enfants de familles
assistées sociales. Des études nombreuses, entre autres, de
l'Association des diététitiennes, ont permis ainsi de chiffrer.
À votre connaissance, y a-t-il un tel type de sous-alimentation chez les
étudiants adultes? Nous n'avons pas dévaluation sur ce point.
Vous parlez du libre choix de la région de résidence. Cela
m'a surprise. C'est la première fois que l'entends dire qu'il pourrait
ne pas y avoir un libre choix? Pourquoi parler du libre choix de la
région de résidence dans vos revendications? Est-ce qu'il y a un
problème sur ce point? Quelles sont les conditions de participation aux
mesures de rattrapage scolaire? Quand vous avez le goût, la motivation,
est-ce qu'il y a des délais? Dans quel contexte tout cela se passe-t-il
cette inscription? Est-ce qu'il y a des inscriptions selon les sessions? Est-ce
que la formation est adéquate actuellement? Est-ce que la formation que
vous recevez est différente de celle qui vous a amenés à
quitter, puisqu'on dit de vous que vous êtes des décrocheurs?
Quant à moi je pense qu'il y a peut-être une pédagogie
nouvelle. Est-elle adéquate? Comme vous avez déjà connu un
échec en décrochant, est-ce que ça rend plus difficiles
les apprentissages? Y a-t-il des mesures d'accompagnement plus grandes à
cause de cet échec passé pour vous permettre cette fois ci de
gagner la partie? C'est un peu ce dont j'aimerais vous entendre. (11
heures)
Mme Desjardins: On va commencer par Sylvain.
M. Deniers: Bien des choses ont été
soulevées par Mme Harel. Je vais essayer de me retrouver dans mes notes
aussi. Quant à la dernière, mettons, sur la façon actuelle
de vivre notre rattrapage scolaire versus ce qu'on a déjà
vécu quand on était plus jeune et qui a fait qu on a
décroché, là-dessus il est bien évident qu'il y a
plein de lacunes dans le système, parce que tout le rattrapage scolaire
est trop encadré sur le fait qu'on débouche sur un emploi. C'est
comme si c'était I'antichambre du travail. Le problème, c'est
que, comme il n'y a pas de job, ta motivation quand tu vas à
l'école, sachant que les possibilités d'emploi sont restreintes,
cela fait en sorte que ce n'est plus sûr que tu as le goût de
continuer parce que, bon, vas-tu étudier pour des clous, finalement?
Alors, I'école ne répond plus à tes besoins parce qu'il y
a des éléments de besoins ou I'école peut être
dynamisante.
Briser ta solitude. Te permettre d'être capable de rencontrer des
gens qui peuvent t'aider dans ta situation économique difficile, etc.,
l'école ne répond pas à cela. L'école, c'est pour
moi, en tout cas, cela me rappelle un peu ma jeunesse du temps où j'ai
décroché. Cela veut dire: Tu performes, tu as une
pédagogie il faut que tu obtiennes ton diplôme et fonctionnes
là-dedans; nous autres, on va te fournir les outils dans cette mesure,
mais ne viens pas nous demander de nous raconter comment tu vis ta situation
comme assisté social, combien tu as de la difficulté à
nourrir ton enfant, combien tu as de la difficulté à payer ton
logement ça arrange-toi avec cela, c'est ton problème.
Je ne dis pas que c'est comme cela dans tous les centres, parce qu'il y
a des particularités aussi à l'intérieur de chaque centre.
Pour bien des centres, dont le mien, en tout cas, c'est comme cela que cela
fonctionne. Là-dessus, il n'y a pas d'attrait plus spécifique
à partir du moment ou moi j'ai déjà vécu mon propre
décrochage. Je ne vois pas de grosse différence.
Sur la notion de résidence, pourquoi on parle d'avoir le respect
sur le choix de notre résidence, c'est parce qu on présume que
dans l'effort, à partir du moment ou il y a l'élément de
la régionalisation des projets, on pense que, par exemple, en Abitibi,
un centre Travail-Québec du coin pourrait soumettre le reboisement des
forêts, mais pourrait exiger l'embauche des assistés sociaux dans
le cas de ce projet, peu importe le lieu de résidence. Cest comme une
espèce de respect d'amplitude d'où tu restes. Cela veut-il dire
que si moi je reste à 30 kilometres, 50 kilomètres de I'endroit
ou je dois aller travailler, je vais être nécessairement
obligé d'y aller? Y a-t-il un respect minimal du fait que je peux
refuser de participer à I'intérieur d'un de ces projets à
partir du moment ou cela va un peu trop loin d'où je reste? Donc, quand
on parlait du respect du choix de résidence, c'est beaucoup dans cette
lignée.
Mme Desjardins: D'accord. Daniel Nadeau va répondre pour
la formation scolaire.
M. Nadeau: Pour répondre à cette question, dans
certains centres, le mien, en tout cas, sur le nouveau matériel, il y a
des délais trop longs. C'est bien beau de dire: On va te montrer quelque
chose, mais il faut du matériel pour travailler. II y a un mois, des
élèves sont entrés à I'école, la demande a
été faite la semaine passée pour avoir du matériel
pour eux autres. Ils n'ont pas de dictionnaire, ils n'ont pas de grammaire pour
travailler. On comprend qu'à I'administration, c'est long. C'est une
grosse machine. On comprend cela. Mais un mois, on a trouvé cela
exagéré. Cela arrive assez souvent
Du côté matériel, comme un magnétophone ou
des choses comme cela, très souvent le matériel est
inadéquat. En français, par exemple, il faut absolument des
magnétophones pour apprendre, soit des dictées et la grammaire.
Cela fait une heure de temps que tu as cela dans les oreilles et tu entends un
"buzz" tout le temps, tout le temps. Tu ne peux pas te concentrer. Cela fait un
an, nous autres, qu'on se bat à l'école Jacques-Cartier, presque
deux ans, pour avoir des magnétophones qui ont du bon sens, on n'en a
pas encore. On nous dit toujours: L'administration, tatati, tatata, toujours
des réponses très vagues, mais, en fin de compte, qui est-ce qui
paie la note? C'est nous autres.
On a été des décrocheurs. Je trouve que le pattern
d'information ressemble beaucoup a ce qu'il était quand j'allais
à l'école. Toi tu es un adulte, tu manques une journée, il
te faut un petit billet d'absence; il ne faut pas que tu sois coupé sur
l'aide sociale. II te faut un petit billet pour ceci, on vit toujours avec une
pression. En tant qu'adulte, je pense quon est responsable et on n'est pas
toujours prêt à dire ce qu'on a à faire et de s'en sentir
coupable. II y a tout le vécu de la vie privée qui entre en ligne
de compte, comme Sylvain le disait tout à l'heure. Toi, tu
étudies, le reste, cela nous importe peu. Mais quand tu as des enfants
à la maison, tu as toute une responsabilité en arrière des
études qui entre en ligne de compte, tu ne fais pas qu'étudier,
tu as toute une vie privée en arrière, avec la pression, faire
vivre tes enfants et tout cela. Cela, on ne s'en occupe pas. C'est cela que
j'avais à dire. Merci.
Mme Desjardins: Lyne Matte va parler de l'alimentation. Ta
question.
Mme Matte: Oui. Je voulais parler de la sous-alimentation des
enfants. C'est vrai que les enfants - en tout cas dans mon cas avec mon enfant
- il arrive souvent qu'ils manquent de ce qui est essentiel, les
légumes, les fruits les jus etc., mais la personne qui en manque le
plus, c'est moi. C'est moi qui vais se priver pour que mon enfant puisse manger
convenablement. Si je ne suis pas capable de me nourrir et que j'ai six heures
de cours, il faut que je sois assise pendant six heures de temps à
écouter mon prof, je suis là pour cela, de toute façon...
Je suis assise pendant six heures de temps, qu'est-ce que j'ai mangé
durant la journée? Une pomme, deux ou trois sandwiches et un verre de
lait. Comment pensez vous que je suis capable d'arriver à de bons
résultats et avoir vraiment ce que je veux aller chercher quand je n'ai
rien pour me nourrir? C'est ce que je voulais expliquer concernant la
sous-alimentation.
Les besoins spéciaux avec 100 $, si tu considères que
pendant un mois, avec 100 $, il faut que tu paies tes lunches, ton autobus et
toutes tes petites affaires, tes crayons et tes feuilles, ces choses-là
que tu n'as peut être pas eues encore parce que cela fait peut être
un mois que tu es arrivée, tu ne les as pas eues encore, mais il faut
que tu les aies et que tu les fournisses... C'est seulement cela que je voulais
expliquer, merci.
Mme Desjardins: D'accord. Par rapport à la question
concernant l'argent de poche, ceux qui se mettent de I'argent seulement dans
les poches, Sylvain va répondre à cette question.
M. Demers: Concernant les statistiques que vous mentionniez, Mme
Harel, ou 80 % des jeunes, semble-t-il, auraient une prestation
supplémentaire du fait qu'ils restent chez leurs parents, qu'ils mettent
cela dans leurs poches, je dirais que c'est faux foncièrement faux.
Mme Harel: Ce sont les adjoints du ministre.
M Demers: Pardon?
Mme Harel: Enfin selon les journaux, ce que j'ai cité, ce
sont les adjoints du ministre.
M. Demers: Ah oui?
Mme Harel:... qui ont expliqué qu'il n'y avait que 20 % de
participation aux mesures.
M. Demers: Bien, en ce qui me concerne, cest complètement
faux. Premièrement, de toute façon, un jeune dans le
régime actuel ne peut pas faire autrement, à moins qu'il arrive
à se regrouper avec d'autres assistes sociaux, il ne peut pas faire
autrement que de rester chez ses parents pour être capable de vivre.
C'est bien clair. Donc, il ne s'en ira pas de chez ses parents parce que,
financièrement, il est suffisamment autonome pour se payer un logement,
à moins qu'il puisse réussir à se regrouper avec d'autres
jeunes, mais ce n'est pas le cas pour bien des jeunes. C'est impensable que les
prestations actuelles permettent I'autonomie d'un jeune; là-dessus,
c'est bien clair. Mais 100 $ d'argent de poche, je dirais - cela a
été dit aussi - que pour participer aux mesures de formation, il
y a des déboursés. Le transport, c'est déjà 30 $
par mois. Cela ampute un chèque assez considérablement Les
déboursés en ce qui concerne la consommation, il faut que tu
t'alimentes du temps que tu vas à I'école etc. Donc 100 $ pour
s'amuser durant le mois, je suis convaincu qu'il n'en reste pas épais.
Je ne peux pas comprendre les statistiques qui m'ont été
soumises, sur le fait que les jeunes s'amusent avec de I'argent de poche en fin
de compte, à partir du moment ou ils restent chez leur papa et leur
maman. Cela ne peut pas être vrai.
Mme Harel: Quatre minutes. Alors je pense bien que cela va peut
être nous permettre rapidement de voir comment vous réagissez
au
fait que, dans la réforme proposée, les participants aux
mesures, même ceux-là, puisque l'ensemble de tous les participants
au programme APTE se verraient enlever les besoins spéciaux
considérés autres que la carte-santé, donc l'ensemble de
tous les autres besoins spéciaux, je ne sais pas si j'ai à vous
les énumérer, sans doute les connaissez-vous, il s'agit soit
d'orthèse, de prothèse, en cas de sinistre, de supplément
de grossesse, déménagement, transport médical, lunettes,
etc.. Avez-vous pris connaissance de ce projet du document du ministre à
savoir que les bénéficiaires, dans le programme APTE, n'auraient
plus les besoins spéciaux autres que ceux de la santé?
Mme Desjardins: Lise va répondre.
Mme Savard: On est au courant. Dans mon cas, j'ai un enfant
handicapé qui a besoin de bottines spéciales et là, on ne
le paierait plus. Donc, à tous les six mois, j'aurais 100 $ à
payer pour ses bottines, si on ne payait plus pour ce besoin. Mon fils qui est
myope a besoin de lunettes qui doivent être changées, si vous ne
les payez plus, je n'ai pas les moyens de les payer. Il faut que je les prenne
sur ma nourriture.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais être obligé
d'intervenir parce que cela fait plusieurs groupes que Mme la
députée de Maisonneuve induit en erreur en se contredisant
elle-même. Elle dit que ce sont des besoins reliés à la
santé pour lesquels on ne paiera plus et là, elle fait la liste
des besoins qui sont reliés à la santé. Lorsque vous
parlez d'un enfant handicapé...
Mme Savard: Les besoins...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... qui a besoin de bottines, dites
prothèses spéciales...
Mme Savard: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... pour corriger ses pieds, je
pense que c'est un besoin qui est relié à la santé. Donc,
Mme la députée de Maisonneuve vous a induit en erreur.
Mme Savard: Oui, mais si je ne suis pas déclarée
inapte.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez le choix de la croire.
Je ne veux pas le...
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je vous demanderais
de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi. Mme Harel:...
respecter le temps...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, mais...
Mme Harel:... qui est mis à la disposition de ma formation
politique, d'une part.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... vous avez le droit de dire
n'importe quoi.
Mme Harel: D'autre part, je suis contente de voir
l'intérêt que le ministre manifeste pour cette question parce que
cela va lui permettre sans doute de réviser ses positions. Voyez-vous il
va sans doute pouvoir, comme cela, distinguer les besoins du programme
d'assistance-maladie, et je lui lis le texte même du document qu'il a
rendu public: "Les bénéficiaires du programme APTE obtiendront -
page 34 - gratuitement, par l'intermédiaire d'une carte-santé,
les médicaments reconnus et autres services de santé
autorisés dont ils pourront avoir besoin pendant la période
d'admissibilité au programme. Les autres allocations spéciales
qui favoriseraient les bénéficiaires employables au-delà
des conditions dont jouissent habituellement les personnes à faible
revenu - parce que son principe, c'est: comme les autres ne l'ont pas, il faut
vous les enlever - seront éliminées. "
Là, je le renvoie aux coûts détaillés des
besoins spéciaux que l'on retrouve et qui sont préparés
par son propre ministère: besoins administrés par l'aide sociale
et les besoins du programme d'assistance-maladie. Dans les besoins du programme
d'assistance-maladie, les prothèses qui sont là sont des
prestations de médicaments d'appareils médicaux et les
prothèses qu'on retrouve également dans les besoins
administrés par l'aide sociale le sont parfois pour des raisons
esthétiques, mais qui ne sont pas pour autant des diagnostics qui
commandent une prothèse. Il faudrait voir avec madame si, dans le
cas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est malhonnête de dire ce
que vous dites. Vous citez un document... J'ai reçu des tonnes de
documents, un peu comme dans le cas du salaire minimum. Certains nous disent,
comme les économistes: gelez-le! D'autres qui nous disent: Augmentez-le!
Vous avez un document, oui, qui vient du ministère, mais il n'a pas
été retenu par le ministre. Il date du 8 décembre au
moment où la politique de sécurité du revenu était
déjà imprimée. Le document n'a pas été
retenu dans son ensemble par le ministère. Vous le savez maintenant,
cela fait trois fois que je vous le dis. Je vous demande de faire preuve d'un
peu d'honnêteté intellectuelle.
Mme Harel: M. le ministre, est-ce qu'on doit comprendre que
l'ensemble des besoins spéciaux seront retenus pour les
bénéficiaires du programme APTE...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous devez comprendre...
Mme Harel: ou, comme vous l'indiquez dans votre document
d'orientation, ils perdront les besoins spéciaux administrés par
votre ministère?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous devez comprendre que tous les
besoins spéciaux reliés à la santé, et le cas que
madame a cité est un besoin spécial relié à la
santé, son enfant et elle seront admissibles à ce besoin
spécial, prétendre le contraire, c'est faire preuve de
malhonnêteté intellectuelle et de mauvaise foi, Mme la
députée de Maisonneuve. (11 h 15)
Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois vous dire que
je mets le ministre au défi, sur ce cas précis, de
vérifier si les prothèses font partie des besoins spéciaux
administrés par l'assurance maladie ou administrés par le
ministère qu'il dirige parce que, pour avoir eu des cas, M. le ministre,
d'enfants de familles assistées sociales qui avaient besoin de
prothèse et qui ne pouvaient pas en obtenir, je sais très bien,
et madame doit le savoir aussi, quelle difficulté il y a à
même faire reconnaître actuellement des prothèses dans le
cas d'enfants qui, pourtant, en ont besoin. Je vais demander au ministre,
puisqu'il nous dit ne pas avoir retenu... Comment se fait-il que, dans son
document d'orientation, il nous définisse et il nous distribue ici
même en commission parlementaire la liste des besoins spéciaux qui
seront coupés pour les bénéficiaires du programme APTE? Le
ministre a fait des omissions durant toute la présentation de son
document d'orientation. Et il voudrait maintenant nous reprocher sa propre
malhonnêteté intellectuelle.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Toute manifestation du genre est interdite ici. Je vous
demande à l'avenir de ne pas réagir. C' est strictement
interdit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je vous dirai, M. le
Président, c'est que lorsqu'on lit une phrase ou on dit: " Tous les
besoins spéciaux reliés à la santé seront couverts"
et qu'on interprète les prothèses pour un handicap d'un enfant
comme n'étant pas un besoin relié à la santé, ou
bien on est malhonnête intellectuellement ou on est de mauvaise foi. Et
c'est ce dont l'accuse la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Alors le ministre est mal informé parce qu'il
ne sait pas encore qu'il y a des prothèses qui ne sont pas couvertes par
la Régie de I'assurance maladie.
Une voix: II va finir par l'apprendre. Mme Harel: Il va
finir par I'apprendre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée, je
sais qu'il y a des types de prothèses qui ne sont pas couverts. II y a
une évolution technologique dans les prothèses, mais le genre de
prothèses dont madame parlait sont des prothèses qui existent
depuis longtemps.
Mme Harel: On ne le sait pas. Vous ne le savez pas plus que
moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien voyons donc! J'ai eu des
enfants qui en ont porté madame! J'ai eu des enfants qui en ont
porté.
Mme Harel: On ne sait pas quelle sorte de maladie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie allez
y.
M. Demers: Peut-on comprendre que par les coupures des besoins
spéciaux, toute la santé dentaire va être
nécessairement coupée? Peut on comprendre que les besoins de
lunettes qu'on doit porter - parce que c'est quand même un besoin de voir
clair - est-ce que cela va être coupé? Peut on comprendre
cela?
M Paradis (Brome-Missisquoi): Non, vous ne pouvez pas comprendre
cela.
M. Demers: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous pouvez comprendre,
c'est qu'il est écrit dans le document que tous les besoins
spéciaux reliés à la santé vont être
maintenus dans le programme APTE. C'est cela que vous pouvez comprendre parce
que cest cela qui est écrit. Maintenant, vous avez le choix Vous pouvez
vous fier à cet énoncé. Vous pouvez prendre !a parole du
ministre ou vous pouvez prendre un document de Mme Harel qui vous dit que cela
n'est pas couvert. Vous aurez I'occasion, par exemple dans l'avenir, lorsque le
programme sera en application, de vérifier. À ce
moment-là, vous pourrez juger qui vous a dit la
vérité.
Mme Harel: Je demande au ministre... Je le mets au défi de
nous faire la liste des besoins qui seront coupés puisque son document
d'orientation nous dit que les bénéficiaires du programme APTE
n'auront plus accès à certains besoins et qu'il me reproche de ne
pas donner les bons. Alors qu'il nous énumère les besoins qui
seront coupés! C'est lui le ministre. C'est lui qui est responsable de
donner I'information.
Le Président (M Bélanger): Alors le temps est
écoulé. II reste quelques minutes à la forma- tion
ministérielle. Est ce qu'il y a une question? M. le député
de Sainte Marie.
M Laporte: Durant ce bref laps de temps que vous m'indiquez, M.
le Président, je voudrais, premièrement, pour ma part,
féliciter les
gens du regroupement. Dieu seul sait que ce n'est pas facile de faire
une intervention devant une commission parlementaire. Et surtout, pour
reprendre un peu l'intervention du ministre hier, j'aimerais souligner qu'il
est toujours rafraîchissant de discuter avec des gens qui font affaire,
en tout cas, avec ce qu'on pourrait appeler le système.
Afin de me permettre aussi une ou deux questions rapidement pour aussi
avoir la réponse par la suite, je retiens deux de vos arguments avec
lesquels je suis en parfait accord. Je dois souligner que le fait que vous
soyez ici prouve que vous êtes motivés et que c'est vrai aussi
qu'en ce qui concerne la grosse majorité des gens qui est aux prises
avec les mêmes problèmes que vous vous avez une
détermination de vouloir vous en sortir.
On discute beaucoup dans mon comté, comme dans plusieurs autres
comtés, de la méconnaissance des divers programmes qui existent
actuellement. Par là, on peut regarder un peu l'expérience qui
existe actuellement pour voir ce qu'on peut faire aussi par la suite.
J'aimerais savoir ceci de vous qui bénéficiez de ce programme. La
première des choses comment avez-vous eu contact, ou comment avez-vous
eu I'information? Par les gens de l'aide sociale, j'imagine?
Et la deuxième question qui est sous jacente à
celle-là: quelle a été la forme d'accueil que vous avez
eue? Comment vous a-t-on orientés? Quelle a été la suite
logique qui vous a amenés à cela? Quelle a été
votre réaction première lorsque vous avez commencé ce
programme de rattrapage scolaire? Et, par la suite, avec la
réalité, qu'est-ce que vous en concevez? Aussi, peut-être
pour faire une continuité logique: est-ce que vous avez des
connaissances, des suggestions ou des propositions qui pourraient nous amener
à regarder autre chose que ce qui existe actuellement? Je peux penser
à beaucoup d'organismes qui font de la formation, entre guillemets, au
chapitre de I'alphabétisme, dans mon secteur, et aussi de
I'informatique, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur tout le
processus à partir de I'entrée, et peut-être des
suggestions qui pourraient nous guider par la suite dans cette réforme
annoncée.
Mme Desjardins: On a encore du temps?
Le Président (M. Bélanger): II reste environ une
minute. Allez-y.
Mme Desjardin: D'accord. Je vais céder la parole à
Lyne Matte.
Mme Matte: Du point de vue du contact avec I'école, je
sais bien que quand je suis arrivée là, j'étais bien
nerveuse. Tu te demandes ce qui va se passer et aussi comment cela va se
passer. Tu arrives là; c est une semaine contact. Tu passes une semaine
à faire des examens. Ils te situent dans cela. Ils essaient de
t'orienter un peu, à savoir ce que tu veux, tes besoins, le genre de job
aussi. Est ce que tu veux plus un contact humain ou si c'est plus important
pour toi de travailler avec des machines? De cette façon, tu trouves ton
orientation, tu trouves ou tu veux aller. Le contact humain, c'est chaleureux.
Tu es accueilli. C'est cela que je voulais exprimer.
Le Président (M Bélanger): Malheureusement, c'est
tout le temps que nous avions à notre disposition. Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez bien remercier le
groupe.
Mme Harel: Oui. Je remercie les porte-parole de même que
tous ceux et celles qui les accompagnent, en espérant que vos directions
d'école comprennent que, d'une certaine façon, ce que vous avez
fait ce matin, c'est que vous avez travaillé pour I'ensemble de la
société québécoise, parce que l'avenir repose aussi
beaucoup sur vous. Je souhaite avec vous que le ministre comprenne le message
que vous lui lanciez, notamment à I'égard des travailleurs au
salaire minimum. Une des façons qui serait à sa portée,
à la portée de son gouvernement, serait de ne pas obliger les
travailleurs au salaire minimum d avoir a payer de l'impôt. Actuellement,
un travailleur au salaire minimum doit débourser 245 $ en impôt
provincial. De ce montant de 689 $ que vous nous avez dit être à
70 % du seuil de la pauvreté, un montant de 245 $ comprend, une fois
enlevés tous les crédits d'impôt à la consommation
et autres crédits d'impôt foncier... Alors, c'est une mesure
efficace, donc à la portée d'un gouvernement qui ne veut pas
simplement réduire à la baisse, mais aussi faire une lutte
à la pauvreté. Je vous remercie pour votre participation, pour
votre contribution et dites-vous que ce que vous nous avez apporté comme
expertise personnelle, ce que vous vivez, c'est extrêmement
précieux pour la commission.
Le Président (M Bélanger): Merci M. le
ministre.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais vous transmettre mes
remerciements. Je l'ai dit à mes collègues, on vous
considère un peu bien qu on vous ne traite pas toujours comme tel au
ministère, comme la crème de la clientèle, celle qui a
décidé de se prendre en main et de s'en sortir. Dans le cadre de
ce qu'on vous propose, sauf exception, et je m'en confesse, vous avez
présentement des prestations de 387 $, en 1989 avec l'indexation au
coût de la vie vous aurez 403 $. Ce qu'on vous propose, c est 520 $.
C'est une augmentation de 29 % plus l'indexation. On ne vous dit pas que cest
le Klondike, on vous le répète, mais on espère que cela
va, financièrement, vous aider un peu plus qu'on le fait
présentement en comptant que c'est vous qui
devez d'abord et avant tout vous en sortir.
Quant aux autres mesures, je retiens un élément de
réflexion très important sur la question des enfants en bas
âge. Ce sont toutes les représentations que vous nous avez faites
là-dessus, ainsi que les tracasseries administratives lorsque vous
tentez de retourner à l'école, pour que cela soit fait dans un
climat qui soit plus agréable.
En terminant, je vous dirai que je fais confiance à vos
institutions pour vous faire confiance, mais si jamais elles ne le font pas, le
billet de dispense que vous avez demandé, moi je le signerai et je le
ferai contresigner par Mme Harel. Ainsi, il n'y a plus personne qui pourra
s'obstiner.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Regroupement des étudiantes et
étudiants des centres d'éducation aux adultes et de
l'école Boudreau de la Commission des écoles catholiques de
Québec. J'espère que cela n'a pas été une
expérience trop difficile.
M. Nadeau: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement.
M. Nadeau: Brièvement. Je voudrais remercier, au nom des
délégués, tous les gens des centres qui sont venus nous
appuyer ce matin. Merci beaucoup.
M. Demers: Un autre élément avant qu'on quitte.
Nous autres, on fait notre bout. On espère que vous allez faire le
vôtre. Cela nous prend de l'emploi.
Le Président (M. Bélanger): Cela nous prend de
l'emploi. Oui. Merci beaucoup.
J'appelle donc à la table des témoins le prochain groupe,
le Conseil des affaires sociales et de la famille qui sera
représenté par le Dr Madeleine Blanchet, M. Georges Robitaille,
M. Gilles Beausoleil et Mme Louise Barnard.
Une voix: Suspendez-vous les travaux pendant deux secondes, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Nous allons suspendre,
pendant deux minutes, les travaux de la commission.
(Suspension de la séance à 11 h 25)
(Reprise à 11 h 29)
Le Président (M. Polak): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'invite les représentants du Conseil des affaires sociales et de
la famille. Je demanderais au Dr Madeleine Blanchet, présidente, de
s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent pour les fins
du Journal des débats. Vous pourrez commencer par la suite. Vous
connaissez les règles du jeu: vous avez 20 minutes, les
députés ministériels ont 20 minutes et l'Opposition a
également 20 minutes, pour un total de 60 minutes.
Conseil des affaires sociales et de la famille
Mme Blanchet (Madeleine): M. le Président, je suis le Dr
Madeleine Blanchet, présidente du Conseil des affaires sociales et de la
famille. À ma droite, Mme Louise Barnard, économiste, agente de
recherche au conseil qui a effectué l'ensemble des recherches et qui a
rédigé l'avis; à ma gauche, M. Georges Robitaille, un
administrateur très connu dans le domaine des affaires sociales qui est
membre du conseil et, à mon extrême gauche, M. Gilles Beausoleil,
exsous-ministre aux Affaires sociales qui a été à
l'origine non pas d'une réforme mais des toutes premières
tentatives de réforme sous M. Claude Castonguay. M. Beausoleil a
travaillé au gouvernement fédéral à des projets
semblables. N'est pas ici aujourd'hui, Mme Use Simon-Poulin qui, à titre
de spécialiste du marché du travail, nous a également
aidés dans la rédaction et la mise au point de l'avis.
M. le Président, nous sommes ici comme membres du Conseil des
affaires sociales et de la famille mais aussi comme parents. Nous allons faire
porter l'essentiel de notre message non pas sur le document que vous avez en
main, qui est un document, relativement technique, où nous amenons
diverses propositions de modifications, mais bien davantage sur des aspects que
l'on ne traite pas toujours, je crois, en commission parlementaire.
D'une part, nous voulons vous remercier aussi de nous recevoir parmi les
premiers organismes qu'entend cette commission. Ce privilège provient
sans doute de ce que les questions de sécurité du revenu font
partie du mandat de notre organisme depuis sa création par M. Claude
Castonguay en 1970.
Nous avons beaucoup parié de pauvreté. Nous
résumions en 1984, dans Objectif Santé, les effets
désastreux de la pauvreté sur la santé. Comme le signalait
de nouveau récemment la Commission Rochon, on ne peut ignorer que dans
une société dite avancée comme le Québec
d'aujourd'hui, il y a un écart de plus de onze ans entre
l'espérance de vie en bonne santé des personnes des quartiers
pauvres et de celles des quartiers riches de Montréal.
Comme vous le savez, de nouveaux créneaux de pauvreté sont
apparus qui traduisent, d'une part, l'instabilité des couples qui
laissent de jeunes enfants à l'entière responsabilité d'un
seul parent, le plus souvent la mère, et, d'autre part,
la fin de la prise en charge des parents vis-à-vis de leurs
grands enfants. De nouvelles valeurs sont aussi apparues chez les jeunes qui
recherchent une plus grande autonomie. Des femmes et leurs enfants, des jeunes
se sont ainsi retrouvés en nombre grandissant à dépendre
du programme de l'aide sociale qui constitue le principal programme public de
lutte contre la pauvreté.
Nous allons maintenant parler de l'incitation au travail. Il devenait de
plus en plus évident que le programme de l'aide sociale n'atteignait pas
son objectif d'incitation au travail et qu'il était nécessaire de
réviser en profondeur un régime qui touche près de 650 000
de nos concitoyens et concitoyennes, presque le double de celui de l'Ontario
où, pourtant, la population est plus élevée. Il existe un
consensus dans notre société qui est bien traduit par l'adage: le
travail, c'est la santé. L'absence de travail est l'un des facteurs les
plus délétères pour la santé mentale de même
que pour la santé physique. Ainsi, les personnes à l'aide sociale
consultent davantage les professionnels de la santé et des services
sociaux, consomment davantage de médicaments tels tranquilisants et
somnifères que les personnes du même âge occupant un emploi.
Aussi, sommes-nous tout à fait d'accord avec l'objectif d'incitation au
travail contenu dans le projet de réforme.
Là où nous sommes en désaccord, tout au moins
partiellement, c'est sur. la façon dont l'incitation serait faite
essentiellement par la baisse des prestations. Lorsque le gouvernement, M. le
Président, a voulu inciter les médecins à pratiquer en
région éloignée, il les a augmentés de 20 %. Ici,
on baisserait les jeunes d'environ 20 % et, dans le cas des responsables de
famille monoparentale, leurs prestations' seraient réduites de 7 %
à 15 %. Le conseil reconnaît qu'il est difficile d'instaurer un
mécanisme d'incitation efficace. Toutefois, dans le cas des
médecins qui décident de s'établir en région
périphérique, il s'est avéré que la hausse de
rémunération était un facteur moins important que
l'attrait d'un milieu de vie plus près de la nature et une plus grande
autonomie dans leur pratique. Le gouvernement a donc évalué et il
a trouvé que ce n'était pas la bonne façon d'inciter que
de jouer sur les questions pécuniaires. C'est sûr qu'on a
évalué - enfin, je présume - quel pourrait être
l'impact d'une incitation négative.
Dans le cas des bénéficiaires de l'aide sociale, il nous
semble que l'attrait au travail doit être très puissant et non
seulement pour des raisons d'ordre économique. D'ailleurs, malgré
les moyens que la réforme envisage, la différence de revenu entre
les bénéficiaires et les travailleurs au salaire minimum est
plutôt négligeable. Nous reviendrons là-dessus dans la
discussion, je crois.
D'autres facteurs peuvent être plus attrayants, tels que la
fréquentation quotidienne de compagnons et de compagnes de travail, la
valorisation personnelle rattachée au sentiment d'être utile et la
fin de la dépendance et de l'isolement où se trouvent les
bénéficiaires.
Aussi, faudrait-il que ces stages en milieu de travail que l'on
prévoit fournissent ce cadre regénérateur
épanouissant qui donne réellement le goût du travail.
Nous allons maintenant parler de quelques conditions qui nous paraissent
essentielles à la réussite de la réforme. Plusieurs l'ont
affirmé et nous le réaffirmons. Le conseil estime que la
première condition de la réussite de la réforme est la
création d'emplois. L'ouverture du marché du travail devrait
permettre aux moins scolarisés de notre société que sont,
d'une part, les bénéficiaires de l'aide sociale et une partie des
chômeurs et des immigrants de ne pas être en compétition
pour occuper un bassin d'emplois que les spécialistes estiment
très restreint en raison entre autres de la tertiairisation de
l'économie.
On sait qu'en Ontario, par exemple, il existe beaucoup plus d'emplois au
salaire minimum qu'au Québec, donc possibilité d'emploi pour ces
personnes bénéficiaires de l'aide sociale.
La deuxième condition concerne la prévention de la
dépendance financière des jeunes grâce à une
meilleure scolarisation. Bon nombre de jeunes normalement doués
abandonnent précocement les études pour diverses raisons. Ils se
retrouvent tantôt dans des emplois précaires, tantôt
chômeurs, tantôt à l'aide sociale. Aussi, faudrait-il que le
ministère de l'Éducation augmente les budgets des interventions
visant la prévention de l'abandon scolaire ainsi que le retour aux
études.
Après évaluation en 1986, il a été
recommandé de soutenir et d'améliorer ces programmes pour
lesquels le besoin se fait toujours sentir.
Enfin, une troisième condition: Les passerelles entre les
entreprises et le système d'éducation doivent être plus
larges qu'elles ne le sont actuellement si on veut favoriser l'insertion des
jeunes au travail, il semble bien que ce soit sur cette dernière
charnière, la charnière éducation-travail, que l'on doive
désormais mettre des efforts en vue de résoudre le
problème crucial de la marginalisation des jeunes du marché du
travail. Compte tenu des répartitions des responsabilités entre
les différents ministères, nous ne sommes pas sûrs que
cette sorte de charnière existe en ce moment.
La quatrième condition concerne les familles. C'est
peut-être là le point le plus important de notre intervention. La
réforme veut resserrer les liens de solidarité entre les parents
et les jeunes adultes en "obligeant" - entre guillemets - les parents à
verser une contribution alimentaire. Fort bien, mais cela ne va-t-il pas
à rencontre des valeurs actuelles des jeunes qui mettent l'accent sur
l'autonomie précoce? En témoigne d'ailleurs la tendance de
beaucoup de jeunes de 18 ans de quitter le foyer pour s'établir en
appartement avec des compagnons ou, encore, d'aller vivre en couple. J'ai une
fille de douze ans qui rêve déjà de cela.
Du reste, les gouvernements reconnaissent que les jeunes de 18 ans sont
également des adultes et les traitent ainsi sur le plan fiscal, comme on
a pu le constater dans la réforme Wilson. Les jeunes tiennent à
leur autonomie financière. Ainsi, dans le régime des prêts
et bourses on constate que 50 % des parents ne sont pas obligés de
desserrer les cordons de la bourse car les étudiants occupent un emploi
assez rémunérateur pour payer une partie de leurs
études.
Le conseil croit donc que dans le cas des jeunes
bénéficiaires de l'aide sociale, les parents ne devraient pas
être obligés à une contribution alimentaire pendant trois
ans mais pendant une période beaucoup plus courte, soit neuf mois ou un
an tout au plus. Si, après cette période, les jeunes ne se sont
pas trouvé de travail ou ne sont pas retournés aux études,
c'est qu'il n'y a pas d'emploi pour eux comme cela peut être le cas dans
les régions périphériques ou qu'il y a eu échec des
interventions visant la prévention de l'abandon scolaire ou, encore, que
cette charnière entre le monde du travail et celui de l'éducation
est déficiente.
En outre, les jeunes qui dépendent de leurs parents sont
soustraits au programme de développement de l'employabilité
proposé dans la réforme de l'aide sociale.
Venons-en maintenant au sort que réserve la réforme aux
responsables des familles monoparentales. Le conseil croit que le sort des
jeunes célibataires est bien enviable en comparaison de celui des
responsables des familles monoparentales. Celles-ci, puisqu'il s'agit de femmes
dans 95 % des cas, se verraient retirer une partie de leurs prestations sous le
programme APTE alors que le programme APPORT ne couvre pas dans leur cas les
frais de garde dans des proportions suffisantes pour permettre un retour au
travail en regard d'un emploi au salaire minimum.
Certes, l'intention de les amener à retourner sur le
marché du travail n'est pas mauvaise, loin de là. Notre conseil
souscrit entièrement à cet objectif. Encore ici, il nous semble
que ce soit quant aux moyens qui nous paraissent insuffisants. Les services de
garde ne sont pas appropriés aux besoins de celles qui travaillent
à temps partiel. Le nombre de places est largement insuffisant pour
celles qui travaillent à temps plein. Les coûts inhérents
à ces services sont inabordables pour celles qui travaillent à
faible salaire et les compensations maximales ne sont que de 50 % alors
qu'elles devraient atteindre 100 % sous le programme APPORT. Enfin, comble de
malheur pour elles, le partage du logement avec une compagne aboutirait
à une réduction des prestations.
Le conseil veut attirer l'attention du gouvernement sur l'impact
négatif que pourraient avoir ces propositions sur !es enfants
eux-mêmes. Pour éviter que ces enfants déjà victimes
de la perte d'un parent et plus exposés à la violence, on le
sait, que les autres ne deviennent à leur tour révoltés et
n'aillent grossir la clientèle des services sociaux et des services
judiciaires, il y a lieu, à notre avis, de prévoir un train de
mesures spéciales à l'intention des familles monoparentales. Ces
mesures s'inscriraient parfaitement, du reste, dans le cadre de la politique
familiale que le gouvernement veut mettre en oeuvre. Celles-ci
bénéficieraient, grâce à un volet spécial
destiné aux familles monoparentales, de la reconnaissance du
gouvernement dans la tâche si difficile qu'elles ont à assumer
seules.
Le conseil croit, en effet, que dans toute la mesure du possible, les
mères de famille monoparentale doivent retourner graduellement au
marché du travail à mesure que leurs enfants grandissent. Nous ne
croyons pas que la situation actuelle est meilleure pour les enfants. Ce serait
rendre un mauvais service à ces enfants eux-mêmes que de ne pas
faciliter cette réinsertion qui permettrait, entre autres, à ces
mères de jouir des effets secondaires du travail
rémunéré, telle une meilleure intégration sociale,
une alternative à l'isolement, une valorisation individuelle et qui sait
peut-être un futur père pour leurs enfants.
Dans cette optique, le conseil propose un certain nombre d'amendements.
Tout d'abord, éviter cette baisse des prestations. Que les
barèmes de prestations actuels soient au moins maintenus. Que les
montants de taxation implicites des gains de travail diminuent de façon
graduelle jusqu'au seuil d'allocations nulles. Que soit étudiée
la possibilité non seulement d'exempter les premiers dollars
gagnés, mais de les supplémenter. Nous avons ici un graphique qui
montre que dans le programme tel que prévu, il va y avoir vraiment un
problème. À chaque fois qu'elles veulent échapper à
la misère, cela revient, on leur soustrait, et elles retournent dans ce
que j'appellerais une Signe horizontale de pauvreté.
Que les frais de garde sous le programme APTE soient totalement
compensés et qu'ils le soient en totalité aussi sous le programme
APPORT pour les travailleuses à salaire minimum pour ne pas avoir cette
dualité entre les deux, avec bien sûr diminution graduelle du taux
de compensation à mesure que les revenus augmentent. Que les prestations
soient versées aux parents naturels sans revenu à l'égard
de ces enfants, même lorsqu'il y a présence d'un conjoint de fait
reconnu, nous pensons d'ailleurs que ces conjoints de fait ne devraient
être reconnus qu'après trois ans de vie commune compte tenu de
l'instabilité actuelle. Que les prestations de l'aide sociale aux
familles monoparentales ne soient pas réduites lorsqu'il y a
cohabitation avec une personne autre qu'un conjoint. C'est leur seule
façon d'arriver un peu.
Que la durée d'admissibilité au programme de retour aux
études post-secondaires soit prolongée pour permettre l'obtention
d'un diplôme donnant accès au marché du travail afin
d'éviter les fluctuations du revenu et l'insécurité
chez les familles monoparentales dont une pension alimentaire diminue
les prestations d'aide sociale, que celles-ci leur soient versées en
totalité quitte à ce que le ministère procède, par
ailleurs, au recouvrement de la pension alimentaire pour se rembourser. Le
conseil croit que le gouvernement qui a annoncé sa ferme intention
d'améliorer la qualité de vie des familles doit avantager d'abord
les plus démunis de toutes ces familles et accorder à leurs
enfants les mêmes chances que ceux qui vivent dans des familles mieux
nanties.
Nous sommes convaincus, M. le Président, que le gouvernement ne
fera pas fausse route s'il permet aux enfants élevés dans ces
familles d'échapper à la pauvreté, de s'épanouir
comme les autres enfants de notre société. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Polak): Merci beaucoup, Mme Blanchet. Un
mot maintenant du ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre a pris beaucoup de
notes. Je remercie le Conseil des affaires sociales et de la famille et ses
représentants, spécialement le Dr Blanchet, pour le volumineux
mémoire qu'ils ont acheminé, il est technique, il est
fouillé, il nous est utile, ainsi que pour la présentation
verbale. J'avais choisi comme première approche d'échanger des
propos sur le mémoire, mais considérant l'approche que vous avez
prise, qui est plus vivante et plus près du terrain, je vais m'ajuster
à celle que vous avez choisie et tenter de reprendre les notes. (11 h
45)
Vous dites que vous êtes ici non seulement comme membres, mais
également comme parents et je pense que l'exposé verbal que vous
nous avez fait en témoigne. Je prends note que vous partagez l'objectif
du gouvernement de cesser de placer de côté, de stationner, de
marginaliser les assistés sociaux aptes au travail et qu'on doit tout
faire pour les inciter au travail et améliorer leur
employabilité.
Ici, vous avez rejoint le témoignage de quelqu'un qui, hier, l'a
dit indirectement en disant: Le travail, c'est la santé.
Mme Blanchet: Les médecins, l'association des...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais là s'arrêtent,
finalement, les points de conversation et d'arrimage faciles qui peuvent nous
unir. Vous avez des réserves sur plusieurs aspects. Vous dites:
L'incitation au travail, oui, sur le pian financier, mais pas seulement sur le
plan financier.
Mme Blanchet: Pas seulement sur le plan financier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a tout un environnement qu'il
faut créer, mettre fin à l'isolement - on sait que 60 % de la
clientèle de l'aide sociale sont composés de personnes seules,
donc, par définition, qui sont isolées - valoriser la personne,
etc.
Est-ce que vous ne croyez pas, de façon pratique - pour ne
prendre qu'un des programmes, parce qu'on vient de traiter du rattrapage
scolaire, ce sont surtout des jeunes qui s'inscrivent présentement, mais
on ouvre le programme également à l'ensemble de la
clientèle - qu'un programme de cette nature ne fait pas en sorte qu'on
aide l'individu à se sortir de son isolement et qu'on le place au moins
en situation de groupe?
Mme Blanchet: Oui. Je pense que notre intervention à cet
égard était plus dans le cas de personnes qui appartiennent
à des familles monoparentales. Quand on a donné l'exemple, je ne
veux pas faire de démagogie, des doubles standards... Je pense qu'on ne
connaît pas vraiment bien comment inciter les gens au travail. On s'est
trompé dans le cas des médecins. Voici ma question: Est-ce qu'on
n'est pas en train de se tromper dans le cas des assistés sociaux?
Est-ce qu'une mécanique qui serait pas mal axée... On prend
l'hypothèse que si on les baisse, qu'ils vont aller se chercher du
travail, mais ce n'est pas absolument sûr car on ne sait pas si, compte
tenu du travail au noir et de ce qui se passe en ce moment... Je ne suis pas
sûr qu'on sache. Dans un sens, je me dis qu'on s'est trompé pour
les médecins; est-ce qu'on n'est pas en train de se tromper aussi? C'est
seulement pour éviter cela. Dans le cas des médecins, on a
dépensé plusieurs millions de dollars avant de se dire: Bien, ce
n'est pas cela qu'il fallait, c'était de changer l'environnement. C'est
plutôt dans ce sens-là, M. Paradis.
Néanmoins, M. le ministre, c'est clair que c'est plus pour nous
inciter à une sorte de réflexion avant de mettre cela en marche.
Est-ce qu'on va être capable d'évaluer cela? Je veux dire que je
réfléchis aussi en termes de personne qui a vécu toutes
ces évaluations que l'on fait après coup et qui se dit: Bien,
est-ce qu'on ne va pas dépenser de l'argent, essayer de couper et puis
que, après cela, on s'aperçoive que cela ne marche pas et que ce
n'est pas ce qu'il fallait faire,
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'intéresse à cet
aspect-là plus particulièrement parce que je partage votre
opinion, savoir que l'incitation au travail qui demeure entre le travailleur
à faible revenu, au salaire minimum - là, on parle toujours de la
personne seule, mais on se dit que c'est quand même 60 % de la
clientèle actuelle de l'aide sociale - et 600 $, c'est 89... Donc, vous
avez souligné que sur le plan financier, ce n'était pas
exagéré comme incitation au travail et qu'il fallait y ajouter
d'autres éléments plus attrayants qui tiennent compte de plus de
dimensions chez l'individu. C'est là-dessus que je
tente de vous sonder.
Vous avez identifié des carences. La personne est isolée,
donc il faut qu'il y ait un attrait de la replacer en situation de groupe,
daller la chercher, de la motiver, etc. C'est là- dessus que je vous
demande, si cela vous est possible, d'être, sur le plan de la
méthode, de l'approche, un peu plus précise, de façon a ce
que, oui...
Mme Blanchet: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... il y ait une incitation sur le
plan financier, mais vu quelle n'est pas suffisante, qu'on puisse la
complémenter par les autres dimensions que vous avez
soulignées.
Mme Blanchet: Oui M. le ministre, je pense qu'un bon exemple de
cela, c'est la prévention de l'abandon scolaire, je pense que c'est un
programme extrêmement important. Toutefois, pour revenir sur ces choses,
je voudrais être sûre qu'on nous ait bien compris. Nous sommes
contre les baisses comme mécanisme d'incitation parce que nous pensons
que, comme on s'est déjà trompé en haussant, on va
obtenir. Je pense que l'incitatif financier est peut-être très
secondaire, surtout qu'on fait affaire avec des gens qui seront en concurrence
avec d'autres qui touchent le salaire minimum. Je ne suis pas sûre
d'avancer tellement.
Ensuite venons-en quand même à une question qui est plus
importante. À quel genre d'emploi - je parle spécifiquement des
familles monoparentales - les mères de famille monoparentale
peuvent-elles aspirer compte tenu de la tertiarisation du secteur des emplois
et du nombre très faible d'emplois auxquels leur scolarité
actuelle pourrait leur donner accès?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a deux bons
éléments sur lesquels j'aimerais qu'on discute, surtout sur la
question de la baisse, parce que vous êtes quand même
familière avec le fonctionnement des ministères, des organismes
gouvernementaux et vous êtes accompagnée de gens qui le sont
également. Lorsqu'on me parle de baisse, je me rappelle les
échanges positifs que j'ai eus à entretenir avec des organismes,
tels le Conseil du trésor ou le ministère des Finances et
finalement on a peut-être réussi à les convaincre
d'autoriser le ministre à rendre public un document qui dit que pour les
gens considérés comme incapables de travailler, leur ouvrir le
programme APTE mais quand même augmenter d'environ 1000 $ par
année leurs prestations... Dans le cas des jeunes qui étaient ici
tantôt, je pense que vous étiez présents aux audiences,
pour tous les jeunes qui sont en rattrapage et qui font des efforts, il y a une
augmentation de prestations, on a parlé d'une moyenne de 29 % il y a les
gens qui vont refuser de participer à des mesures d'employa-
bilité et qui sont aptes au travail. Mais si on veut conserver... parce
que participer cela occasionne des frais, ce n'est pas simplement une
incitation, on la indique pour sortir de la maison, se transporter et
s'habiller en conséquence etc., on évalue au ministère les
frais de participation à 40 $ par mois. Donc, ce n'est pas trop pour des
participations. L'incitatif à participer: 60 $ par mois. Peut-on
vraiment réduire cet incitatif ou l'éliminer? C'est la
première question que je vous pose quant aux barèmes comme
tels.
Mme Blanchet: Peut être qu'il serait intéressant
à ce moment ci de faire intervenir mes collègues, parce que
là, on parle d'aspects un peu plus techniques également. Je crois
que nous sommes bien préparés. Je ne sais pas si...
Peut-être que Louise aimerait apporter certains
éléments.
Mme Barnard (Louise): Simplement sur la question que vous posez,
je suis moins familière avec les niveaux de prestations, les
barèmes pour les personnes seules, on a surtout travaillé sur les
familles, mais il me semble qu'il y a des baisses à peu près
partout. D'abord l'allocation... J'oublie les termes les frais de travail sont
très bas, à 40 $, et l'incitation à participer me semble
très basse. De toute façon, c'est une baisse pour la
majorité des bénéficiaires. Vous dites qu'il y aura une
hausse de 29 % pour les jeunes, mais je crois que, étant donne la
promesse de la parité et le système actuel. Je crois que,
finalement, c'est simplement d'arriver à la parité si on retenait
les prestations indexées que nous avons aujourd'hui.
M Paradis (Brome-Missisquoi): De façon pratique, le jeune,
si on veut bien se comprendre, reçoit aujourd hui 178 $. S'il ne
participe à rien, il recevrait probablement en 1989 tout près de
200 $ et il recevrait le barème de 405 $ s'il était en refus de
participation, s'il refusait de participer à une mesure.
Mme Barnard: Non, mais je suis d'accord avec vous qu'il y a une
hausse parce qu'il y a parité. Si on compare avec les prestations
actuelles et si on avait donne la parité compte tenu des prestations
actuelles, là je considère qu'il y a un moins grand gain. En
fait, je pense que le message le plus important cest la création
d'emplois, l'incitation au travail par peut-être des supplements au
revenu de travail et de meilleures exemptions, pas de baisse des prestations,
pas de taux d imposition à 100 %.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D' accord.
Mme Barnard: Je pense que c'est là I'essentiel du
message.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Autrement
dit, qu'il n'y ait pas d'imposition des gens tant qu'ils n'ont pas
atteint au moins le salaire minimum et que chaque dollar qu'ils gagnent ne soit
pas imposé.
Mme Barnard: Non, pas nécessairement exempté au
total, mais qu'après le niveau de gains exemptés que vous
proposez, il y a, à ce que je comprends du document, une taxation
à 100 %. Je pense que c'est cela qui est très négatif pour
une entrée graduelle sur le marché du travail. Je
considère que c'est très désincitatif.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sauf, dans le cas des familles ou
il y a des enfants avec le programme APPORT, bien que techniquement,
présentement, iI n'y ait pas arrimage parfait pour l'année 1988
entre APTE et APPORT. APTE n'étant pas en vigueur, cela ne pose pas de
problèmes pratiques mais il ne faudrait pas laisser le trou lors de la
première année d'opération de APTE et APPORT.
Mme Barnard: Non, même pour les personnes seules.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bien là APPORT ne
s'applique pas aux personnes seules.
Mme Barnard: D'accord. Mais je parle du taux d'imposition
implicite. Je pense que, même pour les personnes seules, c'est
désincitatif qu'il atteigne 100 % après un certain niveau de
gains exemptés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous souhaiteriez que la taxation
commence à quel niveau, à ce moment-là?
Mme Barnard: Je...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais il y a un seuil minimum
d'imposition qui...
Mme Barnard: Je n'ai pas de chiffres pour le seuil minimum. Ce
que je dis, c'est que peut-être les personnes seules. Je connais moins
les barèmes pour elles, mais c'est je crois, 403 $ et peut-être
150 $ d'exemption et le cent cinquante-sixième dollar de gain est
imposé à 100 %. C'est ce que je crois désincitatif
également pour les personnes seules.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons que c'est une
amélioration sur le système actuel ou c'était 25 $ par
mois et imposition à 100 %, mais que ce n'est pas suffisant et vous
demandez que ce soit haussé.
Mme Barnard: Vous parlez du montant des exemptions, mais pour ce
qui est du taux de taxation implicite, il est le même. Il est de 100
%.
Mme Blanchet: Je pense que Gilles Beausoleil aurait
peut-être quelques éléments à apporter
là-dessus.
M. Beausoleil (Gilles): Si vous me permettez, M. le
Président, une couple de préalables. La première chose
c'est que je suis. Enfin, vous savez, comme professeur d'université, on
est toujours pour la liberté. Donc, si je dis des choses qui sont
peut-être un peu différentes de ce que les gens d'à
côté ont dit, ils pourront toujours me corriger.
La deuxième chose, c'est qu'après avoir vraiment beaucoup
réfléchi, je suis un peu un inconditionnel - je m excuse de
commencer par le général pour passer au particulier, mais
puisqu'on me demande de m'exprimer, je m'exprime - du modèle de base du
revenu garanti. Et ce modèle de base de revenu garanti pourrait
impliquer la diminution des taux clés, des taux de base. Mais c'est
fondamentalement relié - les deux variables sont totalement
intégrées - à l'existence d'un taux marginal de taxation
qui est, en tout cas, relativement faible et qui, en plus de cela, doit laisser
de la place pour les coûts de travail.
II y a un troisième élément que j'aimerais ajouter.
Enfin, c'est celui que j'appellerais une évolution dynamique des
revenus. On travaille beaucoup avec des données indexées mais il
reste que des réflexions ont été faites. Parce que c'est
en partie tiré du livre blanc, je sais que vous avez beaucoup
travaillé depuis ce temps-là, mais depuis ce temps, c'est
à-dire depuis les chiffres de 1983, il y a des évolutions de
revenu. En 1983, on était assez marqué par la récession.
(12 heures)
Alors il m'apparaît que les taux de base que ce soit pour une
personne seule, chef de famille monoparentale, impliqueraient de façon
générale I'application du principe du taux de taxation marginal,
disons à 50 %. Je suis très conscient de ce que je dis devant
cette assemblée. Je suis extrêmement conscient. Je ne l'ai pas
fait parce qu'on a fait du travail rapide. Mais j'ai une idée des
centaines de millions qui sont impliqués. En tout cas, là-dessus,
on peut me répondre tout de suite. Je le dis d'avance, je sais ce que
cela veut dire financièrement. Mais si on regarde cela pour 1990,
après cinq années de reprise, enfin, on est en train de surnager
économiquement, cela fait des taux assez bas, des taux qui peuvent
être assez bas. On pourrait en discuter. On tient compte aussi du fait
que le programme d'aide sociale, ce n'est pas seulement un mécanisme
d'incitation au travail. C'est le seul programme, dans l'armature des
programmes publics, de protection contre la pauvreté. Ce n'est pas
l'assurance chômage. Il y a le supplément de revenu garanti pour
les personnes âgées. Quand on regarde I'ensemble de I'armature de
la sécurité sociale, c'est le seul programme qu'on a pour lutter
contre la pauvreté. Comme les
revenus des gens à faible revenu ont eu tendance à
diminuer relativement au cours des années récentes, il me semble
que cette question du niveau des taux m apparaît extrêmement
importante.
Deuxièmement, le taux de taxation marginal. Je vais terminer
là-dessus et j'aimerais ajouter deux ou trois choses, mais plus tard.
C'est vrai qu'il y a un taux de taxation marginal qui est nul par les revenus
exemptés, qu'on prenne n'importe laquelle des catégories, qui est
relativement faible dans le cas du programme APPORT, mais les frais de travail
sont élevés. Cela laisse une grande question très ouverte,
sur laquelle il faudrait continuer à se pencher.
J'ajoute deux ou trois conclusions rapides. À mon avis, cela pose
tout le problème des grands débats sur la réforme de la
sécurité du revenu canadienne. Je le dis tout de suite et on
pourra en discuter plus tard, je ne veux pas... Je vois mal cette
réforme dans le contexte seulement du Québec.
Le Président (M. Polak): Merci beaucoup M. Beausoleil.
Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'attends beaucoup de
cet échange de la commission avec vous du Conseil des affaires sociales
et de la famille, Mme Blanchet et ceux qui vous accompagnent. Les travaux que
vous avez menés sont connus, sont reconnus. Je crois que vous pouvez
certainement apporter toute votre expertise aux membres de la commission qui
devraient davantage avoir l'attitude d'explorer toutes les avenues possibles
pour mener cette lutte contre la pauvreté plutôt que de
défendre un projet qui, au fil des organismes que nous entendons, est
fortement remis en question.
Vous dites et je pense que c'est I'élément
névralgique de votre présentation, que c'est le seul programme
public de protection contre la pauvreté et non pas seulement un
programme d'incitation au travail. Hier, lors de l'audition de la COFAQ, la
Confédération des organismes familiaux du Québec, ses
représentants mettaient en lumière que c'était à ce
point une substitution de programmes que même les femmes enceintes ou
celles qui avaient la garde d'enfants de moins de deux ans étaient
considérées dans une catégone de non-disponibles,
étant une sorte de congé de participation aux mesures, quand la
logique implacable n'est fondée que sur la participation aux mesures.
L'ensemble des autres catégories ne sont envisagées que par
rapport exclusivement à cette logique-là, comme la substitution
d'un programme de protection contre la pauvreté uniquement par un
programme d'incitation au travail. Je veux vous reposer la question, parce que
vous avez commencé comme cela: Le travail c'est la santé. La
question que posait la COFAQ hier c'est: Quelle sorte de travail? Est-ce qu'il
faut élargir notre notion de travail traditionnel? Est-ce que, comme
société, comme collectivité humaine, il ne faut pas, comme
cela a été le cas il y a 20 ans lorsque l'État a
décidé que le personnel dans les maisons d'enseignement et dans
les établissements de santé, qui était souvent
considéré comme engagé par charité, devenait de
vrais employés, appelés employés de soutien avec des
conventions de travail, etc. donc un statut... Faut-il modifier notre
conception, notre notion de travail et I'élargir à des
activités qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été
rémunérées, par exemple, le soin aux enfants, I'entretien
des personnes âgées, des personnes handicapées, etc. ?
J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus de manière qu'on
parle bien des vraies choses quand on dit peut être que I'activité
c'est la santé et de quel type de travail voulons-nous parler.
D'autre part, nous avons malheureusement eu très tardivement
votre mémoire. Je suis certaine que ce n'est la faute de personne, mais
c'est la réalité avec laquelle je dois travailler. Vous avez dans
votre mémoire...
Une voix:...
Mme Harel: Je ne I'impute pas au ministre. Je lui impute plein
d'autres omissions, mais pas celle là. Vous avez fait le profil
économique des bénéficiaires. Vous nous dites que ce sont
des gens qui sont dans des professions à fort taux de chômage.
C'est la première fois que nous avons cette donnée d'étude
des 50 métiers dans lesquels sont inscrites les personnes qui sont
à I'aide sociale. Vous nous dites que ce sont la les métiers qui
sont à plus fort taux de chômage. Les gens sont donc très
faiblement scolarisés, ils sont sans expérience, ils vivent dans
des régions qui ne disposent pas souvent des structures
économiques nécessaires, ils sont en competition avec d'autres et
ils sont susceptibles de menacer les travailleurs non qualifiés par tous
ces projets de réintégration.
À la dernière page de votre mémoire, vous nous
apportez un tableau sur lequel j'aimerais que I'on revienne. C'est un tableau -
j'aimerais d'ailleurs attirer I'attention du ministre sur ce tableau - des
revenus nets une fois les frais de garde déboursés dans le cadre
d'une participation au programme le plus généreux, selon le
ministre, qui est celui d'APPORT. Avec APPORT, dites-vous, une fois les frais
de garde déboursés, le revenu net d une famille monoparentale
avec un enfant de moins de six ans serait de 713 $ par mois. Vous nous dites
que le régime actuel indexé donnerait 729 $ par mois et que cette
même personne, avec une prestation de soutien financier, si elle
était dite non employable, aurait 785 $ par mois. Est-ce que je dois
lire que sa participation au salaire minimum au marché du travail, dans
le cadre même d un programme APPORT qui lui rembourse à 50 % ses
frais de garde, ne lui permet qu'un revenu net
de 713 $ par mois? Est-ce bien là la conclusion que l'on doit
tirer de ce tableau?
Troisième et dernière question. Vous avez vous même
signalé, je pense, que les besoins essentiels reconnus sont ceux des
dépenses de consommation des travailleurs à plus faible revenu de
l'année 1983. Donc, on sortait d'une récession, d'une crise, il
est possible qu'à ce moment-là les dépenses de
consommation aient pu être moindres, parce que les dépenses ne
comptent pas non plus dans le niveau d'endettement de ces travailleurs. Ils
n'en tiennent pas compte. La logique sur laquelle repose toute la
réforme, ce sont des besoins reconnus et, une fois ces besoins reconnus,
les barèmes et les gains de travail fictifs ou théoriques
égalent ces besoins reconnus. C'est donc dire, comme vous le mentionnait
votre recherchiste, que les gains de travail pour et dans le cadre du programme
APTE ne sont que ceux qui permettent de combler les besoins reconnus qui ne
sont pas couverts maintenant et tout gain de travail au-delà des besoins
reconnus a un taux d'imposition à 100 %.
D'autre part, le salaire minimum qui se trouve en rouge est
imposé. Une personne seule au salaire minimum va débourser
actuellement en impôt provincial, une fois tous les crédits
d'impôt enlevés 245 $. On entendra après vous le Conseil
canadien du développement social mais, à votre avis, comme
représentants du Conseil des affaires sociales et de la famille, quel
est le niveau en deçà duquel vous pensez qu'il ne devrait y avoir
aucune taxation des gains de travail?
Mme Blanchet: Mme la députée, quant à la
première question à savoir de quel travail s'agit-il, est-ce
qu'on tient compte du travail domestique, de I'ensemble des activités?
Je pense bien que ce que nous avions en tête, c'est que toute
activité valorisante pour nous n'est pas nécessairement du
travail rémunéré, ça peut être du travail
à la maison, tout ce que les femmes font lorsqu'elles sont à la
maison et quelles élèvent leurs enfants. C'est très
valorisant. Là ou il faut quand même revenir à la notion du
travail rémunéré, c'est lorsqu'on pense aux effets
secondaires du travail, c'est-à-dire sortir de la maison, sortir de
l'isolement, je crois qu'il est assez exact que beaucoup de personnes à
l'aide sociale n'ont pas le réseau de support qu'elles devraient avoir.
Une étude récente faite pour le compte de la commission Rochon
démontre que, malgré un certain bien-être que peuvent avoir
actuellement certaines assistées sociales, etc., le manque d'appui
affectif est énorme. C'est le principal problème. Souvent elles
sont trop isolées pour essayer, entre autres,, de trouver un père
à leurs enfants. Le milieu de travail est souvent très
important.
Pour cette première question, nous ne pensions certainement pas
uniquement en termes de travail rémunéré. On voit que le
bénévolat est aussi une activité extrêmement
valorisante. Toutefois, lorsque nous parlons des plus pauvres dans notre
société nous ne sommes pas ainsi et nous n'avons donc pas les
mêmes valeurs. C'est aussi difficile pour nous de transposer. II est bien
clair que l'essentiel de notre message était qu'il faut certainement
faire très attention dans le cas des mères de famille
monoparentale qui ont de jeunes enfants à la maison, de ne pas les
inciter trop fort pour aller travailler parce que les enfants viennent de vivre
un deuil et qu'ils peuvent peut-être vivre très difficilement
cette transition-là. D'après notre expérience en regardant
des gens autour de nous, même pour des femmes mieux armées, c'est
difficile; elles doivent se trouver un autre logement, etc. D'ailleurs, je
pense qu'une période d environ neuf mois est prévue, mais je vous
dirai qu'en tant que médecin, j'ai aussi vu beaucoup de personnes qui
attendaient pour être opérées et qui tombaient à
l'aide sociale parce qu'elles étaient tellement longtemps hors du
marché du travail, par exemple, avant une opération pour pontage,
qu'à un moment donné le docteur Paul David a dit: Mais que
faisons-nous en faisant nos pontages? Nous faisons des assistés sociaux.
Autrement dit, être longtemps hors du marché du travail n'est pas
bon non plus. C'était le sens de notre intervention à ce
sujet.
Pour la deuxième question...
Mme Harel: Permettez-moi une question, sur cela, avant que nous
n'abordions la deuxième question. On doit donc comprendre que vous
souhaitez qu'il y ait des incitations, mais vous concevez que ces incitations
ne doivent pas donner lieu à des réductions de prestations.
Est-ce bien...
Mme Blanchet: C'est exactement cela. Je pense que nous ne nous
servons pas suffisamment actuellement du mécanisme d'incitation pour
présumer que cela va marcher. Peut être y a-t-il des études
qui le démontrent? Nous n'en connaissons pas; il n'y en a pas ici. Je
vous disais I'exemple qu'on a essayé pour les médecins. Nous
mêmes, lorsque nous nous déplaçons en région
éloignée, nous avons une prime d'éloignement et ce sont
tous des mécanismes positifs. Là, on arriverait avec un
mécanisme relativement négatif, en tout cas, et nous ne savons
pas s'il va fonctionner.
Quant aux deuxième et troisième questions que vous avez
abordées, Mme la députée, je suis
généraliste et je vais me tourner vers mes collègues,
particulièrement vers Louise, parce que c' est une question un peu plus
technique.
Mme Barnard: En réponse à la question contenue au
tableau 4, à la dernière page du document, je ne sais pas si les
calculs sont exacts. Évidemment, ils sont faits sur la base des
informations contenues au livre blanc sur la fiscalité des particuliers.
II y a peut être eu des
changements depuis ce temps-là, mais ces calculs sont faits
compte tenu de frais de garde très élevés
présentement, compte tenu du peu de places en services de garde
reconnus, donc du peu de personnes subventionnées par le programme
d'exonération financière. Alors, compte tenu de tous ces
coûts pour la participation au régime de rentes, cotisations
à l'assurance-chômage et tous les coûts de travail, il
semble que ce soit...
En fait, je pense que le gros du problème, c'est que les frais de
garde ne sont pas subventionnés à 100 %, mais à un maximum
de 50 %. Je sais qu'il y a de gros montants en jeu, mais, en fait, ce n'est pas
incitatif à un retour sur le marché du travail pour une
mère responsable de famille monoparentale, spécialement compte
tenu des frais de garde qui ne sont pas couverts dans leur totalité.
Mme Blanchet: En réponse à votre troisième
question... Ah, bon! Pardon! M. Beausoleil avait, je pense, une suggestion de
pratique à faire. (12 h 15)
M. Beausoleil: Non, non, je voulais juste soulever une couple de
questions. La première, sur la question de la structure de I'agencement
des prestations de base du taux marginal de taxation. Je touve qu'il y a quand
même des questions sérieuses relativement à un certain
ajustement à la baisse pour des raisons dévolution
générale des revenus, comme je le mentionnais, et pour la
capacité d'incitation. Je voulais juste rappeler qu'on a eu un programme
depuis plusieurs années, je ne me souviens pas en quelle année,
qui était extrêmement incitatif. C'était celui en termes
des niveaux de prestations et même du taux marginal de taxation.
C'était celui des jeunes de moins de 30 ans.
Je ne sais pas, il y a peut-être des évaluations de cette
partie du programme qui ont été faites. Je ne suis pas certain
que cela ait eu le résultat attendu. Dans ce sens, je pense que la
parité ou, en tout cas, la marche vers la parité m'apparaît
une bonne marche, une marche dans la bonne direction.
Autrement dit, comme économiste je suis très marqué
par la notion des incitations. Je pense qu'il faut avoir toutes les conditions
pour les remplir. Je pense aussi qu on a peut être encore à
réfléchir, en tout cas à regarder beaucoup, parce qu'on a
eu un programme Incitation au travail Jeune, le programme le plus parfait, je
dirais dans l'histoire et on s est retrouvé avec une augmentation des
jeunes Je reviendrai peut-être sur la dimension emploi
ultérieurement.
Mme Blanchet: Merci de votre intervention. Il y avait une
troisième question qui était encore plus embêtante sur le
taux minimal, je crois. Est-ce que tu pourrais y répondre?
M. Beausoleil: La question des emplois au salaire.
Mme Blanchet. Oui.
Mme Harel: Non. En fait, c'est plutôt le seuil
en-deçà duquel.
Mme Blanchet: Le seuil, pardon. Oui.
Mme Harel:... les gains de travail ne devraient pas être
taxés.
M. Beausoleil: Bien taxés dans la taxation ordinaire ou
dans la taxation implicite?
Mme Harel: La taxation implicite.
M. Beausoleil: Bien, les règles générales
sont d'avoir un taux inférieur à 100 %, un taux moyen avec
certaines exemptions pour les coûts de travail, donc...
Mme Harel: Jusqu'au seuil de pauvreté de Statistique
Canada, par exemple.
M. Beausoleil: Je pense que dans ce cas, cest relié aux
prestations. Si les gains ne sont qu'en partie remis à I'aide sociale et
en partie retenus, c'est plutôt fonction du niveau des prestations.
Mme Harel: Et aussi fonction d'un programme de supplément
de gain de travail. Cela peut aussi être une supplémentation des
gains de travail comme se voulait SUPRET, par exemple. Je sais que le conseil
recommande que soit maintenu le programme de supplément pour les
personnes seules également. Je voulais savoir jusqu'à quel
montant vous conceviez... De toute façon...
M. Beausoleil: Ah! Le maximum. Mme Harel: Oui.
M Beausoleil: Écoutez! non. Je n'ai pas vraiment
travaillé la question. Je pense que les maximas qui ont
été exprimés pour le programme APPORT, par exemple,
m'apparaissent raisonnables. J'oserais peut être ajouter qu'ils
m'apparaissent peut-être un peu trop élevés.
Là-dessus... J'émets une opinion discutable.
Mme Harel: Est ce en regard du programme APPORT?
M. Beausoleil: Si vous parlez des maximas, la question
posée est: Jusqu'à quel moment va-t-on supplémenter les
gains de travail? C'est cela?
Mme Harel: C'est cela. Je pense que c'est jusqu'à 21 000 $
dans le programme APPORT ou 18 000 $. Je ne me souviens pas.
M. Beausoleil: Bien, quand il y a des
enfants, cela dépasse 20 000 $ ou 22 000 $.
Mme Harel: Bon. Écoutez, de toute façon, on aura
l'occasion d'y revenir avec le Conseil canadien de développement social
qui a beaucoup fouillé cette question.
Voici ce que je conclus d'une certaine façon. Compte tenu que le
ministre s'apprête à amener 300 000 ménages sur des
programmes d'incitation sans avoir pu démontrer que te programme
d'incitation offert aux 50 000 jeunes, malgré le fait qu'il leur
permettait de doubler leurs prestations, en tout cas avec toutes les
informations que l'on a jusqu'à maintenant, n'a pas obtenu les
résultats escomptés, c'est très hasardeux. Je pense que
c'est une invitation à la prudence qui est lancée d'extrapoler
à partir d'un programme qui n'a pas donné les résultats
escomptés en le multipliant par dix pour couvrir des personnes qui vont
présenter des difficultés encore plus grandes d'adaptation.
Voilà ce que je conclus des échanges que nous avons eus ce
matin.
Il y a une recommandation, en terminant, à laquelle j'aimerais
que vous réagissiez. C'est celle qui propose de rapprocher les
barèmes de prestation des personnes dites non disponibles dans les
catégories du document ministériel: fes femmes enceintes, garde
d'enfants de moins de deux ans, personnes malades. Les barèmes des
personnes qui sont dites non employables. C'est la première fois qu'on a
une recommandation de cette nature. J'aimerais entendre la justification, en
fait.
Mme Blanchet: C'est quelque chose que nous avons discuté
à un certain moment. Je ne sais plus vers lequel de mes collègues
me tourner. Peut-être que Louise pourrait démarrer et on
verra.
Mme Barnard: On a surtout fait cette recommandation en pensant
aux mères de famille monoparentale ayant un enfant de moins de deux ans.
On s'est dit que c'est une période où l'on ne veut pas faire
jouer les mécanismes d'incitation au travail, alors si les baisses de
prestation sont faites pour cette raison, on n'a pas de justification pour
pénaliser cette personne et il faudrait lui donner le meilleur pour
partir un enfant dans la vie.
Le Président (M. Polak): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Polak): Vous pouvez remercier.
Mme Harel: Alors, c'est bien trop bref, évidemment.
Heureusement qu'il nous reste votre mémoire écrit. Heureusement
que ce mémoire écrit chiffre de façon concrète ce
que vous appelez les baisses brutales de revenu pour le programme APTE et pour
à peine l'atteinte des niveaux de besoins reconnus avec le programme
APPORT, qui est un programme pour des personnes qui sont déjà ou
qui vont sur le marché du travail. Je pense bien qu'avec les tableaux
qui illustrent cette baisse brutale pour les bénéficiaires du
programme APTE et le peu d'incitation véritable pour les participants au
programme APPORT, je souhaite qu'il y ait une révision du
côté ministériel des propositions qui sont faites.
Le Président (M. Polak): Merci. Il reste encore deux
minutes pour le côté ministériel. Elles sont
réservées par le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, le conseil, dans la
présentation qu'a fait le Dr Blanchet, soulève le fait que la
réforme va dans le sens, si j'ai bien compris, d'un resserrement des
liens familiaux avec des responsabilités qui sont confiées aux
parents pour une période plus longue vis-à-vis des enfants. Vous
vous interrogez sur l'à-propos d'un tel courant, d'une telle
réforme, compte tenu de ce que vous croyez déceler dans la
société qui va un peu en sens contraire. Je pense que cette
constatation que vous faites, si elle repose sur la réalité, je
la déplore grandement. Parce que tout ce qui a pour effet de faire
éclater la famille de façon accélérée doit
être réprimé et doit être, à mon sens en tout
cas, c'est un choix que je fais et je le dis ouvertement... la famille doit
être protégée au niveau des moyens dont on dispose à
savoir si ce sont les bons moyens ou les moyens qui sont moins efficaces, c'est
une question d'appréciation.
Mais, je voudrais vous entendre, peut-être quelques mots sur cette
constatation qui me fait un peu peur à savoir sur quoi vous basez-vous,
en d'autres mots, pour en arriver à la conclusion qu'on a un courant
contraire à celui qui est celui que propose, jusqu'à un certain
point, la réforme, c'est-à-dire de garder la famille ensemble, de
garder la famille unie, de garder les enfants sous le toit familial, sous
l'autorité des parents. Sur quoi vous basez-vous? Vous avez
mentionné, peut-être des exemptions fiscales, enfin, vous avez
donné quelques pistes. Y a-t-il d'autres éléments qui vous
amènent à cette conclusion, à part la réflexion que
votre fille de douze a faite.
Le Président (M. Polak): Mme Blanchet.
Mme Blanchet: M. le député, M. le Président,
le conseil n'a pas fait d'étude scientifique qui montrerait que... cela
va être très difficile de proposer l'obligation alimentaire et
d'être sûr que cela va se passer comme cela selon les souhaits. On
a comme l'impression que le gouvernement, on le sait, qui s'oriente vers une
politique familiale, met un peu la charrue devant les boeufs, dans le sens que
les changements dans
les valeurs qui sont souhaités et qui rendraient possible, sans
doute, l'obligation alimentaire, le conseil est loin d'être sûr
qu'ils sont déjà là, n'en témoignent le nombre
considérable de jeunes qui vont s'établir hors du foyer
là, on parle de jeunes, évidemment, de plus de 18 ans.
Au plan fiscal, la réforme Wilson et le gouvernement... J'ai eu
une lettre de M Wilson qui me dit que c'est la même chose ici, c'est
qu'on reconnaît que ce sont des adultes sur le plan fiscal, à 18
ans. On nous dit justement qu'ils n'ont plus droit aux exemptions parce quits
sont des adultes et que... Bon, d'une part, on les reconnaît adultes et,
d'autre part, en tout cas, au niveau ici, on dirait. Ah non, cela n'a pas de
bon sens; comment, en tant que parents, pouvez-vous laisser tomber vos enfants?
C'est un peu cela qui nous inquiète. On a l'impression que ce
renversement de courant et dans les valeurs va à l'encontre des valeurs
actuelles des jeunes. Ce renversement que vous souhaitez et que nous
souhaitons, bien sûr, à titre de conseil qui a beaucoup à
faire avec les organismes familiaux et les familles. Néanmoins, à
l'heure actuelle, comment obliger des parents qui sont en rupture avec leurs
enfants à leur verser quelque chose? Est ce qu on ne s'embarque pas dans
quelque chose comme le recouvrement des pensions alimentaires ou quelque chose
de ce genre-là? Je ne le sais pas. Cela ne nous paraît pas
évident que cela va se produire ainsi. En plus... C'est un peu la
raison, d'ailleurs, pour laquelle nous n'avons mis non pas trois ans pour
harmoniser avec les prêts et bourses, je pense que c'était
I'intention, mais plutôt neuf mois ou un an, en se disant: Bien, si
jamais on réussit à faire verser aux parents ce que,
peut-être, en théorie, ils doivent à leurs enfants, est-ce
que de leur demander cela pendant une période de trois ans n'est pas
énorme? C'est plus, je vous dirai le résultat d'une
réflexion au sein du conseil que le résultat d'études
scientifiques. Je ne sais pas du tout même et je ne sais pas si cela a
été étudié, à savoir quelle est la
proportion de jeunes qui sen vont du foyer pour s établir avec d'autres?
Tout ce qu'on sait, c'est que la cohabitation est en montée; il y a 40 %
de jeunes qui vivent en cohabitation, donc il y en a beaucoup.
Cela, cest l'autonomie, ce sont les valeurs prédominantes
actuellement chez ces jeunes-là Etaient-ils bien dans le foyer?
Le Président (M. Polak): II faut que je vous interrompe,
même si je le regrette, madame.
Mme Blanchet: Monsieur...
Le Président (M. Polak): Le temps est expiré, il ne
reste que 30 secondes.
Mme Blanchet: M. le Président est ce que vous me
permettez, comme le groupe précédent, d avoir deux minutes de
plus?
Le Président (M. Polak): Mais nous sommes
déjà une demi-heure en retard et il y a un autre groupe
après vous...
Mme Blanchet: D 'accord.
Le Président (M. Polak):... et je pense qu'on veut manger
aussi, à un moment donné.
Mme Blanchet: C'est que nous avions quelques
considérations sur les aspects. Je m excuse, je...
Le Président (M. Polak): Oui.
Mme Blanchet: C'est que mon collègue, Georges Robitaille,
depuis le début, voudrait peut être exprimer quelques souhaits. Je
ne pense pas que ce soit à titre de parent, c'est plutôt à
titre de gestionnaire.
Le Président (M. Polak): Est-ce qu'il y a consentement, de
part et d'autre? Très rapidement.
Mme Blanchet: Très rapidement.
Le Président (M. Polak):... parce qu'il y a un autre
groupe qui nous attend.
Mme Blanchet: C'est sur les aspects gestion du programme.
Le Président (M. Polak): D'accord.
M. Robitaille (Georges): Dans le fond, c'est peut être pour
rappeler certaines données qui sont dans le mémoire de base du
conseil comme tel. C'est un dossier extrêmement complexe. Le conseil
doute que les moyens proposés permettent d'atteindre les
résultats escomptés. On a très peu parlé de la
complexité administrative qui va découler de I'application de
cette chose, même si la préoccupation est dans le livre vert, ce
n'est pas très clair. Si on fait un parallèle, finalement, entre
la clientèle de l'aide sociale et celle de I'assurance chômage,
qui est juste au-dessus, si I'on veut, qui est employable, qui est en
assurance, c'est un peu un problème différent, mais tout le joint
entre les deux. Le conseil est entièrement d'accord sur la question de
la motivation au travail, c'est un des problèmes; comment arrimer cela
pour que ce soit complémentaire? Quand on veut confier aux agents d'aide
sociale la dualité de rôle, le contrôle et le soutien, on a
de sérieux doutes très sérieux. Quand on regarde... Je
vais vous donner un exemple. Lorsque j'étais au conseil, quand j'ai
travaillé au comité, j'ai lu la reforme et, pourtant, j'ai
trouvé cela extrêmement complexe à comprendre. Je me dis:
Comment va-t on arriver en ce qui concerne la population à traduire
autant de catégories? Comment va-t-on admirtistrer cela d'une
façon efficace dans le respect
des droits de la personne en particulier et atteindre surtout les
objectifs que l'on vise? Quand on va arriver - je termine là-dessus, M
le Président - aux programmes, on a des ressources dans les centres de
main-d'oeuvre qui sont spécialisées en termes d'emplois, etc., et
qu'on n'a pas de l'autre côté.
Le Président (M. Polak): Merci. Mme Blanche!: C'est
une réflexion.
Le Président (M. Polak): II reste seulement 30 secondes au
ministre pour vous remercier et, ensuite, on accueillera l'autre groupe. (12
h30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui et c'est un peu
encarcané également pour les remerciements, cela mérite
davantage. J'apporterai quelques précisions. Quant au tableau 4, annexe
5, on me dit que la discussion n'a pas été plus loin et qu'il y
aurait avantage à faire des conciliations entre votre organisme et le
ministère de façon qu'on tire les bonnes conclusions en ayant les
bons chiffres de départ.
II y a la question - et je la soumets à votre réflexion -
des expérimentations que nous avons eues chez la clientèle
âgée de moins de 30 ans. Nous n'avons pas tiré de
conclusion comme telle, mais il y a des chiffres qui méritent qu'on ait
votre réflexion. II y a deux ans, il y avait environ 100 000 jeunes de
moins de 30 ans qui étaient prestataires de l'aide sociale, aujourd'hui,
il y en a 45 000 de moins. Parmi la clientèle qu'il nous reste, il y en
a environ 24 000 qui sont en mesure de participation et d'amélioration
d'employabilité, etc. C'est le bilan strictement mathématique. Je
sais qu'il y a d'autres aspects à ce dossier que l'on peut tirer de
l'application du programme dans les deux dernières années.
Maintenant, j'aurais aimé vous entendre davantage. Si vous avez des
notes additionnelles à nous soumettre sur toute la question de la
présence d'enfants jusqu'à l'âge scolaire, nous
apprécierions les recevoir parce que nous continuons à recevoir
les représentations de groupes qui mettent des nuances etc., et il va
falloir, à un moment donné, prendre des décisions et nous
aimerions les prendre de la façon la pfus éclairée et
là aussi, un éclairage additionnel serait
apprécié.
Encore une fois pour la qualité de votre mémoire, la
qualité de vos représentations et la façon constructive
avec laquelle vous avez abordé le dossier, nous vous disons merci.
Le Président (M Polak): Après ce long compte rendu,
je remercie aussi les membres du Conseil des affaires sociales et de la
famille. Pour rattraper un peu le temps parce que nous sommes en retard, on
demande tout de suite au Conseil canadien de développement social -
division du Québec - de prendre place.
Mme Blanchet: Au nom des 175 000 enfants qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, nous vous remercions de nous
avoir entendus.
Le Président (M. Polak): Merci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va prendre deux minutes.
Le Président (M. Polak): Le Conseil canadien...
Voulez-vous prendre place? Nous attendons seulement Mme la
députée de Maisonneuve, elle a dû s absenter.
Mme Usher, voulez-vous, comme présidente, présenter les
personnes qui vous accompagnent. Ensuite celui qui est le porte-parole va lire
le mémoire. Vous avez 20 minutes au total. Vous n'êtes pas
obligés de prendre toutes les 20 minutes. Ensuite le système est
qu'il y a 20 minutes de part et d'autre pour discuter.
Mme Usher (Anne): Merci M. le Président. J'ai le plaisir
de vous présenter le vice président pour le Québec, M.
Jean Panet-Raymond, qui va diriger l'exposé aujourd'hui. II va
présenter notre collègue à côté de lui.
Conseil canadien du développement social -
division du Québec
M. Panet-Raymond (Jean): À ma droite M. Jean-Bernard
Robichaud, conseiller principal en politique sociale, qui travaille au bureau
de Montréal du conseil. Je suis le vice-president pour le
Québec.
Deux mots rapides sur le Conseil canadien du développement
social, un organisme pan-canadien qui existe depuis 1920. C'est un organisme
privé à but non lucratif qui vise essentiellement à
impliquer la population dans la participation à I'élaboration des
politiques sociales par le truchement de programmes de recherche, de
consultation et de distribution d'information. Le conseil, depuis 1984, a
été particulièrement impliqué dans le domaine de la
sécurité du revenu par, notamment, une brochure publiée en
1984 qui s'appelait Trop peu et qui portait sur la definition des seuils
de pauvreté au Canada. En ce moment, le conseil est impliqué dans
un programme sur la consultation, encore une fois dans l'ensemble du Canada,
sur la mise sur pied d'un programme-cadre de sécurité du revenu
et une politique d'emploi pour I année 1990. Donc, on est très
heureux d'être ici, aujourd'hui, dans la mesure ou la reforme de M le
ministre Paradis s'inscrit tout a fait dans nos préoccupations.
Le conseil souscrit d'emblée à la nécessité
d une réforme de I'aide sociale. Cependant, notre analyse diffère
sensiblement de celle du ministère, ce qui nous amènera à
discuter ici de I'ob|ectif à poursuivre dans toute tentative
sérieuse de réforme et des moyens à mettre en
oeuvre pour y arriver. C'est autour de ces pôles donc, l'objectif
de la réforme et les moyens à développer, que nous avons
structuré notre présentation.
À nos yeux, le régime d'aide sociale constitue un dernier
recours visant à subvenir aux besoins des personnes privées ou
susceptibles d'être privées de tout autre moyen de subsistance,
indépendamment des causes ou des raisons de l'état des besoins de
ces personnes. Ce programme doit leur assurer les revenus et les moyens
nécessaires pour subvenir à leurs besoins de base et à
certains besoins spéciaux. Les notions de définition d'un
état de besoin et, en conséquence, d'un niveau adéquat de
revenu ou de moyens, nous apparaissent déterminantes. Tout comme il nous
apparaît déterminant que cette définition des besoins se
fasse de façon objective, positive et sans discrimination pour les
personnes assistées en fonction des raisons ou des situations qui les
ont conduites à ces derniers recours.
C'est dire l'importance de sauvegarder le caractère unifié
du régime d'aide sociale et d'éviter la catégorisation qui
risque de devenir discriminatoire. II importe aussi de s'assurer de
l'adequacité" des prestations en fonction des besoins de base. De plus,
la référence aux personnes susceptibles d'être dans le
besoin donne au régime d'aide sociale un ob|ectif de prévention
qui est très important selon nous, mais trop souvent ignoré.
Voilà notre perspective. Espérons que la consultation
menée sous l'égide de votre commission permettra de rapprocher le
plus possible le système d'aide sociale de notre objectif fondamental.
C'est sur certains points de notre mémoire en particulier qu'on voulait
attirer votre attention ce matin.
Donc, l'objectif fondamental pour nous, c'est de sortir les
assistés sociaux de la pauvreté. Malgré la reprise de
l'économie après la crise des années 1980-1983, 20 % de la
population du Québec reste en marge, qu'il s'agisse de families ou de
personnes seules subsistant au salaire minimum, touchant des prestations
d'assurance-chômage ou d'assistance sociale. Sans rappeler tous les
chiffres relatifs à la pauvreté aux inégalités et
à l'appauvrissement des petits salariés, il importe cependant de
reconnaître certains faits et, notamment, les suivants d'abord le taux de
croissance de la pauvreté au Quebec est supérieur au taux de
croissance de la population. Deuxièmement, la distribution des revenus
est injuste, les 20 % des ménages les plus défavorisés ne
recevant qu'une part inférieure à 5 % de l'ensemble des revenus,
alors que la part des revenus des 20 % les plus riches atteint 43 %. La part
des riches est donc neuf fois et demie plus grande que celle des pauvres.
Le processus d'appauvrissement est le principal moteur de la
pauvreté et des inégalités. Plusieurs études ont
commenté cela. Plus les travailleurs sont exposés à des
conditions pénibles dans leur travail et à des bas salaires, plus
leurs forces de travail s'usent rapidement, plus leur santé se
détériore et plus ils sont exposés au chômage et
à laide sociale Un dernier point important, la reprise de
l'économie qui a suivi la récession a été
inégale et elle ne s'est accomplie quen sacrifiant le niveau de vie des
classes ouvrières et des plus démunis de la
société. Ces faits questionnent fondamentalement l'ensemble de
notre système de sécurité du revenu et toute tentative de
réforme de l'aide sociale. À la lecture du document
d'orientation, le conseil estime que les approches proposées visent
à gérer les pauvres plutôt que de lutter contre la
pauvreté. À nos yeux, l'un des enjeux fondamentaux de la
réforme, c'est la lutte à la pauvreté. À notre
avis, si la commission, en terminant ses travaux, ne peut conclure que les
programmes proposés réussiront à prévenir contrer
ou éliminer la pauvreté, elle devra rejeter l'ensemble du
projet.
Tout comme le ministère, nous desirons que le séjour dans
un programme de dernier recours sort le plus court possible, mais tenant compte
du processus d appauvrissement, nous pensons que ce séjour devrait
être le moins pénible possible pour assurer non seulement une
sortie de laide sociale, mais une sortie de la pauvreté. La lecture du
document d orientation nous porte à croire que les mesures
proposées se fondent sur une incitation au travail par la
négative et/ou par l'aversion. Nous doutons des chances de succès
de ces approches. Une incitation pratique et positive par des mesures
précoces, intensives et volontaires d'aide, tant au plan du soutien
financier que des services, fournit de meilleures garanties de succès.
Nous pensons que laide sociale peut encore développer des attitudes plus
ouvertes, plus réceptives, plus généreuses
vis-à-vis de ces personnes et certainement plus adaptées à
leur réalité.
Le conseil ne souscrit pas à la thèse de certains auteurs
américains axée essentiellement sur la personnalisation et la
psychologisation du problème de l'accessibilité au travail. Nous
ne croyons pas que cette vision apporte une solution sérieuse à
la marginalisation et à l'exclusion d'une proportion croissante de
personnes. Nous envisageons plutôt les programmes qui agissent autant,
sinon plus, sur la scène de l'emploi que sur la formation et la
motivation des personnes démunies. La pression pour sortir l'assiste
social à n'importe quelle condition, de I'aide sociale nous amène
à nous interroger sur la mise en place de programmes d'incitation et de
retour au travail sans préoccupation de la qualité de l'emploi et
du niveau décent de rémunération. Ces programmes risquent
de se limiter à sortir temporairement le bénéficiaire des
statistiques de l'aide sociale pour le piéger dans la pauvreté.
Alors, il débute un cycle de travail précaire, marginal, à
temps partiel et peu rémunéré qui aboutit à
I'assurance-chômage et, très souvent, à l'aide sociale. II
faut aussi se méfier des réactions en chaîne que
crée ce cercle vicieux
puisque l'assisté social ainsi recyclé déplacera
inévitablement d'autres travailleurs à statut précaire qui
le rejoindront dans le même scénario à moins qu'il n'y ait
véritablement création d'emplois.
Nous abordons maintenant les mesures d'employabilité. Le
ministère a déjà une expérience de quelques
années, à la suite de l'entente entre Mmes Marois et
Bégin, des mesures d'employabilité. Le conseil déplore
l'absence d'évaluation de ces mesures. Le document est silencieux sur le
nombre et les caractéristiques de personnes ayant
bénéficié de l'une ou l'autre des mesures. Il ne dit rien
des types d'organismes communautaires ou d'entreprises impliqués dans
les programmes du ministère. Plus important encore, il n'y a aucune
mesure d'impact ni aucune notion de coefficacité autres peut-être
que certains chiffres que M. Paradis a donnés tout à l'heure. On
n'a trouvé, en aucune façon, une évaluation des
programmes. (12 h 45)
Par exemple, combien d'assistés sociaux ont ainsi obtenu des
positions de qualité? Combien ont échoué? Privé de
cette information, il est difficile de discuter à fond des mesures
d'employabilité. Les mesures proposées semblent assez semblables
à celles actuellement en usage.
Le conseil estime que l'accessibilité au marché du travail
constitue un autre enjeu important de cette réforme. Cependant,
l'accès à un travail à temps partiel mal
rémunéré, peu protégé, marginal, en somme
conservant toutes les caractéristiques du travail précaire
n'apparaît pas pour nous une solution adéquate. L'assisté
social a droit à des emplois de qualité et devrait pouvoir y
aspirer légitimement.
Or, le document ne fait aucune référence au nombre
d'emplois accessibles ou à développer ni à la
qualité minimale de ces emplois. L'objectif des mesures
d'employabilité devrait être de sortir les assistés sociaux
de la pauvreté, sinon le retour à l'emploi des assistés
sociaux risque d'être un alibi servant à s'en
débarrasser.
Les mesures d'employabilité semblent vouloir répondre
essentiellement à la pression exercée sur le système
d'aide sociale par l'entrée massive d'une clientèle jeune, sans
travail et apte au travail. Nous ne répéterons jamais assez que,
dans la plupart des cas, l'absence de travail, la perte d'emploi et
l'insuccès dans la recherche d'emploi relèvent de conditions tout
à fait en dehors du contrôle des individus.
Le renvoi des individus à leur seule responsabilité ne
constitue pas une solution adéquate à une situation structurelle.
Nous voulons encourager tous les efforts pour supporter une démarche de
réinsertion au travail et de relèvement de l'employabilité
mais nous aimerions que l'approche privilégiée contienne moins de
risques d'augmenter la stigmatisation, l'étiquetage et la
marginalisation.
Voici quelques critères positifs permettant d'éviter ces
pièges et qui pourraient s'intégrer dans le programme APTE, par
exemple. 1. Un droit d'accès au programme d'employabilité pour
tout bénéficiaire ou pour toute personne susceptible d'être
dans le besoin, ce qui comprend les prestataires d'assurance-chômage, les
sans-emploi, les travailleurs subsistant en dessous du seuil de
pauvreté. Toutes ces personnes devraient être définies et
reconnues sans ambiguïté. Ce droit, créant des
responsabilités partagées par le gouvernement et l'individu,
éviterait la définition d'une responsabilité trop
exclusivement individuelle. 2. L'accès devrait être strictement
volontaire, donc, non coercitif. Le refus de participer ne devrait pas
entraîner de pénalité financière ou autres. C'est le
caractère incitatif du programme qui en garantira le succès. En
effet, un programme coercitif envoie un message négatif à
l'ensemble de la population et aux clientèles potentielles. Tout
à l'heure, M. Beausoleil a parlé de façon assez
éloquente à ce sujet-là.
Pourquoi obliger des gens à participer et menacer de les punir
advenant leur refus lorsqu'on a confiance dans la qualité du programme?
Est-ce que ce serait parce que le programme n'est pas si bon qu'on le dit? Au
contraire, un programme incitatif est fondé sur la confiance dans le
succès et le succès appelle la réussite. 3. L'intervention
devrait être précoce et préventive. Pourquoi imposer un
délai d'attente de neuf mois pour rendre le programme disponible?
Pourquoi ne pas l'offrir à l'entrée? Pourquoi ne pas faire des
interventions préventives et les rendre accessibles aux prestataires de
l'assurance-chômage, aux sans-emploi et aux travailleurs subsistant
au-dessous du seuil de pauvreté actuel?
Les dispositions du régime d'assistance publique du Canada, ayant
retenu la notion de susceptibilité du besoin, rendent ceci possible,
nous en voyons un début d'application dans les ententes tripartites
entre les deux gouvernements, signées entre les gouvernements
provinciaux et le gouvernement fédéral. Le conseil recommande
d'exploiter cette piste à fond pour donner un caractère plus
résolument préventif aux programmes d'employabilité. 4.
L'effet de ce programme devrait être neutre, tant sur le plan financier
qu'autrement, c'est-à-dire que les requérants ou les participants
ne devraient pas retirer d'avantages ou subir des inconvénients directs
reliés à son administration. L'objectif de se sortir de ia
pauvreté en accédant à des emplois de qualité et
bien rémunérés devrait être suffisamment fort et
mobilisant pour y adhérer. Les multiples catégories de
clientèles et leur caractère arbitraire ainsi qu'une incitation
de nature négative empêchent les programmes Soutien financier et
APTE de répondre à l'un ou l'autre des quatre critères
énoncés, ce qui nous amène logiquement à leur
rejet.
Nous aborderons maintenant la création d'emplois. C'est un aspect
presque ignoré par le
document d'orientation, une condition essentielle à toute
tentative crédible de réforme. Nous regrettons que le document
d'orientation n'ait pas reconnu d'emblée l'importance
prépondérante de ce facteur structurel sur toutes les autres
explications Individuelles ou motivationnelles. Pourquoi le ministère de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne
présente-t-il pas clairement une politique d'emploi en relation avec
l'ébauche d'une politique de sécurité du revenu? Pourquoi
se refuse-t-il à fixer des objectifs même modestes?
Dans notre mémoire, nous avons traité de
l'évolution du travail et de l'emploi et nous avons fait ressortir
l'effritement du travail à temps plein, dans le travail à temps
partiel et le travail occasionnnel ainsi que la rareté grandissante des
emplois de qualité, stables et bien rémunérés. Nous
avons aussi démontré que la transformation du marché du
travail se reflète dans la modification des caractéristiques des
clientèles de l'aide sociale. Par exemple, on y constate une
augmentation de la clientèle masculine et un inversement des proportions
entre les clientèles qualifiées d'employables et de non
employables ou aptes et inaptes.
Il semble au conseil de toute première importance d'agir sur les
causes structurelles, c'est-à-dire le nombre, les
caractéristiques et la qualité des emplois créés.
La création d'emplois de première qualité constitue une
première ligne de défense contre la pauvreté. Le programme
de soutien du revenu pour les travailleurs à faible revenu constitue la
deuxième ligne. C'est pourquoi nous parlerons maintenant du programme
APPORT.
APPORT, comme programme de supplément de revenu, comprend trois
faiblesses majeures, bien que ses intentions soient fondamentalement
importantes. Nous sommes d'accord pour soutenir les travailleurs à
faible revenu. En premier lieu, ce programme ne couvre qu'une très
petite proportion des familles à faible revenu, n'en rejoignant moins de
15 %. C'est un programme beaucoup trop restrictif dans la définition des
familles admissibles, tant au niveau des caractéristiques des familles
visées qu'au niveau des revenus donnant droit à une prestation.
Il exclut notamment les personnes seules vivant sous le seuil de la
pauvreté qui se chiffreraient par 340 000, en 1985, et dont le taux de
pauvreté atteignait 46, 3 %.
Une deuxième faiblesse, c'est le niveau de prestations et le
seuil de prestations nulles qui sont trop bas. Ils maintiennent le
bénéficiaire dans la pauvreté. Les avenues possibles pour
corriger cette lacune seraient soit d'augmenter le salaire minimum ou de
relever le seuil de prestations nulles.
Le conseil est conscient que de faire franchir le seuil de
pauvreté à l'ensemble des personnes vivant en dessous de ce seuil
représente des augmentations de coûts très importantes pour
le programme APPORT. Aussi, il com- prendrait que le gouvernement
procède par étapes et qu'il assure d'abord l'équité
horizontale pour ensuite s'attaquer au niveau des prestations.
Il ne faudrait pas oublier que le gouvernement dispose de plusieurs
autres moyens d'intervention pour aider les travailleurs à faible
revenu. Il peut agir par les mesures fiscales, il peut améliorer des
allocations familiales.
Troisième faiblesse. Les modalités administratives du
programme et les limites qui lui sont imposées, particulièrement
sa sélectivité, ne le rendent pas très attrayant. Il
risque de créer une nouvelle classe d'assistés et de
développer une mentalité de dépendance qui va à
l'encontre de l'objectif désiré. Un simple test de revenus
devrait être suffisant pour donner accès aux prestations.
Nous avons mentionné que le niveau des prestations était
insuffisant dans le programme APPORT. C'est un problème plus
général qui touche toutes les clientèles de l'aide
sociale, tant dans le système actuel que dans la réforme.
Donc, pour améliorer le niveau des prestations. La principale
lacune des prestations de l'aide sociale, c'est qu'elles sont insuffisantes.
Dans une analyse faite à partir des données de 1985, les
prestations annuelles d'aide sociale au Québec ne dépassent pas
60 % du seuil de pauvreté de Statistique Canada pour les familles. Quant
aux prestations destinées aux personnes seules, le Québec faisait
la plus mauvaise figure de toutes les provinces canadiennes n'atteignant pas 20
% du seuil de pauvreté de Statistique Canada.
Les deux tableaux qui suivent présentent ces faits de
façon particulièrement évidente quand vous regardez la
position du Québec.
Les propositions...
Le Président (M. Polak): Excusez-moi, M.
Panet-Raymond.
M. Panet-Raymond: Oui?
Le Président (M. Polak): II reste deux minutes. Donc, vous
pouvez vous préparer.
M. Panet-Raymond: Je conclus. J'en ai pour à peine une
page.
Donc, le conseil exprime de fortes réserves quant au fondement de
la réforme parce qu'elles ne fournissent aucune assurance que le
ministère est soucieux d'établir des barèmes qui
correspondent aux besoins réels des assistés sociaux.
De plus, notre inquiétude se fonde sur une autre faiblesse
majeure du programme d'aide sociale qui restreint de plus en plus la notion de
besoin.
En rappelant que près de 30 % de la clientèle est
constituée de personnes de moins de 21 ans, nous considérons que
la définition des besoins pourrait couvrir plus largement tout ce qui
est nécessaire pour garantir à ces jeunes une
égalité des chances et un meilleur avenir.
Enfin, nous considérons que la tendance actuelle de
réduire les autres revenus et les avoirs des requérants dans
l'établissement de l'admissibilité à l'aide sociale et la
réduction du niveau de certaines prestations vont provoquer un
appauvrissement important de la clientèle de l'aide sociale. L'un des
derniers points, c'est d'avoir un programme qui soit beaucoup plus
unifié. On trouve que l'approche catégorielle et sélective
représente beaucoup d'inconvénients pour un programme de dernier
recours. Elle complexée beaucoup le système et elle risque
d'être discriminatoire. Donc, le conseil craint que le système
devienne de plus en plus arbitraire et pénalisant à l'endroit d
une clientèle très vulnérable.
Pour nous, la question centrale, c'est de savoir si un programme de
dernier recours qui vise à répondre aux besoins de base peut
définir plusieurs niveaux de besoins se traduisant dans les niveaux de
prestations aussi différenciés que ceux qui sont proposés.
D'après nous, il ne faut pas établir de telle catégorie.
Donc, je termine là-dessus et je vous remercie de m'avoir
écouté.
Le Président (M. Polak): Merci beaucoup. Je donne
maintenant la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le Conseil canadien de
développement social du Québec, sa présidente, son
vice-president et son directeur et pour le mémoire qu'ils nous ont
expédié et pour le mémoire avec embargo qu'ils nous ont
distribué et présenté. J'aurais quelques précisions
à demander sur des orientations de clientèles, en
débutant. Vous indiquez quelque part dans votre mémoire qu'il y a
une augmentation de la proportion des hommes à laide sociale. Est-ce
exact?
M. Robichaud (Jean-Bernard): Oui...
M. Panet-Raymond: Je vais laisser M. Robichaud répondre
à cette question. Je pense qu'il a le mémoire devant lui.
M. Robichaud: Dans notre mémoire, je pense qu'on dit que
la proportion des hommes à I'aide sociale est passée de 46 %
à 51 %; donc il y a un peu plus d'hommes maintenant que de femmes
à l'aide sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les chiffres que l'on nous donne
au ministère vont dans le sens inverse. Ce serait passé dans les
proportions, en février 1986, comparativement à février
1988, sur une base de deux ans, de 50 % en février 1986 à 48 % en
février 1988, ce qui donne 48 % d'hommes et 52 % de femmes.
M. Robichaud: Les deux énoncés pourraient
être vrais. M. le ministre, parce que nous faisons
référence aux données de 1975 à 1983. Si vous
parlez de données de 1986 vous pourriez avoir raison.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a toujours des terrains
d'entente quelque part Vous insistez beaucoup dans votre mémoire sur la
question de l'obtention, la création, la possibilité pour un
individu dans la société de détenir un emploi
rémunérateur, valorisant. Vous insistez beaucoup sur la
création d'emplois nets et, finalement, vous dites que c'est là
qu'est la porte de sortie pour I'ensemble de la population.
J'ai eu à le rappeler à certains groupes, bien que je
n'aie peut-être pas besoin de vous le rappeler, vous le savez peut
être. Le type et le nombre de création d'emplois au cours des deux
dernières années, au Québec, en particulier, cest
radicalement modifié. Je n'ai pas a vous rappeler qu'on a eu une
période ou on a subi des pertes d'emplois; depuis 1984, on est en gain
net d'emplois; mais il existe un préjugé sur le fait que les
nouveaux emplois créés sont des emplois temporaires,
précaires, faiblement rémunérés etc. Les
statistiques que nous obtenons, autant de Statistique Canada que du Bureau de
la statistique du Québec, nous indiquent tout le contraire et ce, encore
une fois, non pas en prenant des chiffres du début des années
quatre-vingt, mais les chiffres des deux dernières années; en
tout cas, la dernière année donne le tableau suivant, de janvier
à janvier: La création d'emplois au Québec, 122 000
emplois sur une base annuelle; parmi ces emplois, 116 000 à temps plein
et 5000 à temps partiel. Les types d'emplois: Dans quels secteurs
d'activité les emplois ont été créés?Dans le secteur des finances, celui des assurances et celui des affaires
immobilières, 41 000; les industries manufacturières, 35 000; la
construction, 16 000. (13 heures)
Est-ce que votre mémoire tient compte de ce que j'appellerais ce
revirement de situation ou cette évolution de situation dans le nombre
et la qualité des nouveaux emplois crées?
M Panet-Raymond: On a remarqué dans les chiffres qu'on a -
j'apprécie les chiffres peut-être plus à jour que vous nous
donnez - que c'est essentiellement dans le secteur tertiaire que les emplois a
temps plein dont vous parlez ont dans certains cas un caractère aussi
saisonnier! Donc, il faut faire attention quand vous parlez de la construction
et de certaines industries! Cela inclut probablement certains programmes de
création d'emplois! Je pense à des organismes communautaires qui
ont un caractère temporaire à temps plein mais temporaire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis bien sensible à
cela, mais là on va retomber tantôt dans un seuil de
pauvreté. Pour être non pas seulement ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu mais également ministre du
Travail, j'ai à négocier ou à intervenir dans des
négociations des conditions de travail des
travailleurs de la construction. Je suis d'accord avec vous que pour
plusieurs d'entre eux, il s'agit d'emplois qui sont temporaires mais quand
même sur une période d'au moins six mois par année à
des conditions qu'on réussit à négocier librement avec des
gens qui ont des forces de négociation assez importantes et, pour le
reste de l'année, ces gens se retrouvent habituellement au maximum des
prestations d'aide sociale. Ce qui fait globalement pour ces gens que c'est
très rare qu'ils se retrouvent en bas des seuils de pauvreté, que
l'on retienne les chiffres d'à peu près n'importe quel organisme
sociocommunautaire.
Le Président (M. Polak): Mme Usher.
Mme Usher: M. Paradis, je pense que pour n'importe quelle source
des chiffres il faut poser des questions à chaque nouvelle série
de chiffres que nous recevons. Les questions parmi elles sont: C'est quoi la
durée de l'emploi? C'est quoi le salaire? C'est quoi les heures de
travail? Peut-être que parmi les ouvriers organisés où on
veut une augmentation des occasions de travail dans les projets dedéveloppement, on voit une amélioration de la situation. Mais
à l'Institut Vanier, il y a deux semaines, on m'a envoyé une
information qui démontre un autre profil, soit que chez les jeunes
familles, les deux adultes doivent travailler maintenant 72 heures par semaine
afin d'assurer un niveau minimum adéquat à une famille de quatre
personnes. C'est un grand changement des années où il y avait un
seul salaire familial. Je pense que tous les gens qui étudient cette
question de la pauvreté et le fait de se sortir de la pauvreté
doivent vraiment penser sérieusement au type et au caractère des
emplois que nous voyons maintenant et dans l'avenir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis complètement
d'accord. C'est pourquoi j'insiste. Votre mémoire, je pense que j'ai la
bonne perception, pose comme pierre angulaire finalement cette qualité
et ce nombre de créations d'emplois pour la population. Tout ce que je
souhaite, c'est que, encore là, on parle à partir des mêmes
chiffres, des mêmes évolutions et de la même qualité
d'emplois pour que le dialogue soit plus facile.
Le deuxième élément, c'est que pour occuper ces
emplois, ce que l'on découvre de plus en plus, ce sont des exigences
minimales qui sont posées un peu partout par la grande entreprise et qui
sont de plus en plus élevées dans la petite et la moyenne
entreprise québécoise. Il n'est pas rare lorsqu'on fait le
relevé des offres d'emploi que l'on exige comme minimum même pour
poser sa candidature un diplôme d'études secondaires et, dans
certains cas d'études, supérieures. Avec le pourcentage important
de notre clientèle qui n'a pas complété ses études
secondaires, est-ce que l'on ne se doit pas, comme gouvernement, d'offrir
à cet ensemble de la clientèle qui en a besoin et qui est apte
à le faire la possibilité au moins d'avoir une chance d'obtenir
l'emploi plutôt que de faire ce que l'on a fait traditionnellement, sauf
pour les gens de moins de 30 ans, là il y a toute la question de la
parité. Les gens de plus de 30 ans, sauf les chefs de famille
monoparentale n'avaient pas accès à ces programmes. Est-ce qu'on
ne s'en va pas dans la bonne direction en les ouvrant à l'ensemble de
notre clientèle?
M. Robichaud: M. le ministre, je pense qu'il ne faut pas
comprendre, selon notre mémoire, qu'on est opposé aux mesures
d'employabilité. Je crois qu'au contraire, on dit que les mesures
d'employabilité proposées dans le livre vert restent trop faibles
et qu'elles ont des caractéristiques qui nous déplaisent dans le
sens qu'elles ne sont pas d'abord basées sur un principe de volontariat,
mais elles sont basées sur un principe de coercition.
D'autre part, donc, elles sont pénalisantes et elles ne sont pas
suffisamment précoces dans le sens qu'il faut attendre neuf mois. Il y a
un délai de carence de neuf mois et on se dit: Cette clientèle
qui est vulnérable et qui a difficilement accès au marché
du travail, si c'est un fait qu'elle est vulnérable et qu'elle a
difficilement accès au marché du travail, pourquoi ne pas lui
offrir beaucoup plus tôt, à l'entrée,
immédiatement...
D'ailleurs, vous avez une catégorie pour les familles
monoparentales. Vous proposez de le faire immédiatement. Alors, je ne
sais pas pourquoi on ne généraliserait pas ça à
l'ensemble de la clientèle qualifiée d'employable et même
en étudiant le Régime d'assistance publique du Canada, on pense
qu'il serait possible d'avoir une intervention encore plus préventive,
c'est-à-dire de rendre les mesures d'employabilité disponibles
avant que les gens - comme on le dit communément - tombent sur l'aide
sociale, c'est-à-dire au moment où il sont à
l'assurance-chômage ou même lorsqu'ils occupent des emplois
précaires et qui sont à risque de chômage ou à
risque d'arriver à l'aide sociale, pourquoi ne pas leur proposer, par
des méthodes ou mesures incitatives, d'accéder déjà
à ces mesures?
Donc, on n'est pas du tout opposé à l'idée de
l'emptoyabilité et de développer l'employabilité. On dit:
il nous en faut; il nous en faut plus et il faut que ce soit
présenté de façon beaucoup plus positive que ce que nous
avons lu dans le livre vert.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que vous soulevez
là un point important. Vous avez raison de dire que lorsque la
majorité de la clientèle nous arrive à l'aide sociale,
généralement, elle a vécu, vers la fin, un emploi
précaire, elle a subi, par la suite, cinquante-deux semaines de
prestations d'assurance-chômage et, finalement, elle nous arrive à
l'aide sociale.
La pratique nous démontre, cependant, ce qui suit. Chez les
personnes que l'on considère aptes au travail, pendant ces neuf premiers
mois, 40 % de la clientèle se sort je pourrais pratiquement dire,
d'elle-même de l'aide sociale. Qu'on envisage pour des clientèles
particulières, dont les analphabètes, entre autres, les
clientèles pour qui cela ne servirait à rien, finalement, ce
serait une perte de temps additionnelle, d'intervenir immédiatement; et,
pour les autres clientèles, il faut quand même prendre le temps
d'établir le programme d'employabilité qui est le plus propice.
Est-ce que la personne a des possibilités de retourner à
I'école? Est-ce qu'elle est mieux en travaux communautaires, en stages
en entreprise ou autres?
Mais là ou vous soulevez encore un problème plus important
- cela soulève également des problèmes de juridiction -
lorsqu il nous est possible d'intervenir - nous avons commencé à
le faire - là ou on sent que les emplois vont devenir précaires,
là ou on peut inciter l'entreprise à des changements
technologiques, à l'apprentissage pour les travailleurs dans
l'entreprise pour que ces travailleurs demeurent là en leur donnant la
formation nécessaire pour qu'il ne perdent pas leur emploi on le
fait.
Là-dessus, on a des ententes avec le gouvernement
fédéral ou on n'a pas de problème de juridiction majeur.
Ces interventions ont commencé à se faire à la suite de la
dernière signature de l'entente fédérale-provinciale en
matière de main-d'oeuvre. Là où il y a un trou qui est
assez important, où il manque de programmes et ou nous ne sommes pas
intervenus, c'est sur toute la période de cinquante-deux semaines
à I'assurance-chômage. Là, cest beaucoup plus
sérieux et beaucoup plus grave que notre période de neuf
mois.
Est ce que vous avez des propositions concrètes, mais qui
tiennent compte quand même du champ d'intervention ou le Québec
peut intervenir?
M. Robichaud: Nous avons fait référence dans notre
document aux ententes quadripartites signées récemment entre les
deux ministères fédéraux Santé et Bien-Être
et la Commission de I'emploi et de I'immigration Canada et des
ministères provinciaux qui incluent toujours le ministère de la
Sécurité du revenu et la Santé et Services sociaux ou
l'Éducation, selon les provinces. II semble qu'il y ait là un
mécanisme qui se développe, mais je ne pense pas qu'il soit
à point. II n'est pas tout à fait a point. Mais ce que nous
disons, c'est que le potentiel existe dans le régime d'assistance
publique du Canada pour développer ces mesures, les exploiter et,
finalement, justifier des dépenses fédérales en vertu du
regime d'assistance publique pour rejoindre ces clientèles. Notre point
principal, c'est que cela n'a pas été fait de façon
suffisamment explicite jusqu'à maintenant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout ce que je peux vous dire sur
ce point que vous soulevez avec beaucoup de pertinence, c'est que le
gouvernement du Québec, dans le but d'améliorer
I'employabilité de ses travailleurs va chercher tout ce qu'il peut de
fonds fédéraux dans le RAPC (Régime d'assistance publique
du Canada). Nous ne sommes pas convaincus que le système de vases
communicants a été réellement bien établi entre
Emploi et Immigration Canada et le RAPC de façon à permettre des
interventions du même type.
M. Robichaud: On accepte cela, mais je pense...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela ne règle pas notre
problème.
M. Robichaud:... que dix provinces se concertant et exigeant la
même chose pourraient peut être forcer les vis-à-vis
fédéraux à commencer à mieux se parler.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que la question du libre
échange et ses effets sur I'adaptation de la main-d'oeuvre peuvent
servir d'excellents prétextes aux juridictions provinciales pour inciter
le gouvernement fédéral à intervenir dans le sens que nous
suggérons.
Le Président (M Polak): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je ne sais pas si nos invités voulaient
réagir sur cette question.
M. Robichaud: Je veux juste dire un mot sur la faiblesse des
mesures d'employabilité. D'après les chiffres du
ministère, on nous dit qu'il y aurait 196 000 personnes aptes au
travail. On dit que s'il y a 50 % de participation, il y aura un potentiel de
98 000 participants. Donc, s'il y a 100 % de participation il y aura à
peu près 196 000 aptes au travail. C'est un peu préoccupant quand
on s'aperçoit qu'on a plafonné le nombre de stages en milieux de
travail a 7000 sur la base de la capacité, par rapport à 196 000,
cela devient un pourcentage vraiment très faible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous auriez raison de le souligner
si le plafond que vous mentionnez n'était pas purement théorique.
Ce que je vous dis, c'est qu' il n'y a pas de plafonnement.
M. Robichaud: Pardon? II n'y a pas de plafonnement?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ny a pas de plafonnement.
Mme Harel: Vous savez, il faut croire le ministre sur parole
parce que dans son document
d'orientation, il y a une catégorie...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Traitez-moi de menteur.
Mme Harel:... qui est dite admissible. Dans cette
catégorie dite admissible, c'est justement la salle d'attente de ceux
qui sont censés avoir des programmes et des mesures qui leur sont
totalement disponibles. Alors, moi, je mets le ministre au défi, s'il
veut être conséquent, de faire disparaître cette
catégorie admissible puisque ce sont là des personnes
disposées à participer aux mesures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous expliquer ce qu'est
la catégorie admissible. Cela fait deux ou trois fois que vous revenez
sur cela et vous ne semblez pas avoir - je ne vous blâme pas - compris ce
qu'est la catégorie admissible.
Mme Harel: Allez-y!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous donner le cas le plus
pratique en vertu duquel on ne peut pas enlever cette catégorisation. Le
prestataire peut être admissible une fois qu'il a établi avec
l'agent d'aide socio-économique que le plus avantageux pour lui serait
une mesure de rattrapage scolaire. S'il le fait au mois de juillet ou au mois
d'août avant la rentrée scolaire du mois de septembre, cela ne
pose pas tellement de problème parce que l'école commence au mois
de septembre. S'il l'établit le 30 septembre et que l'autre semestre
commence au mois de janvier, cela pose un problème d'une participation
souhaitée et par le ministère et par l'individu mais de
disponibilité en attendant qu'il puisse entrer sur la mesure de
participation comme telle. C'est l'exemple le plus pratique que je peux vous
donner.
Mme Harel: C'est bien le bel exemple du double langage parce que,
à ce moment, le fardeau de la privation va être sur le dos de
celui qui est en attente. On peut concevoir qu'il y aura une capacité
administrative selon des sessions scolaires, mais pourquoi en faire porter le
poids en termes de réduction de prestation par le
bénéficiaire qui attend justement que le ministère de
l'Éducation, compte tenu de sa capacité administrative d'ouvrir
des classes ou compte tenu des sessions scolaires... Cela revient exactement,
M. le Président, je vais vous demander de faire respecter mon
droit...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, cela va.
Mme Harel:...
(13 h 15)
Le Président (M. Polak): Excusez-moi, je ne voudrais pas
avoir un dialogue entre vous deux. Je pense qu'on devrait poser des questions
à nos invités qui ont beaucoup à dire.
Mme Harel: Donc, j'en conclus qu'il n'y a pas de contingentement,
mais il n'y en a tellement pas que le ministre est obligé d'ouvrir une
catégorie pour des gens qui vont être en attente de participation,
le fardeau est certainement renversé, c'est-à-dire le fardeau
d'offrir immédiatement au bénéficiaire qui est
disposé à le faire, ce fardeau n'est pas sur le dos du
ministère; le fardeau de l'attente est sur le dos du
bénéficiaire. Comme le Conseil canadien du développement
social, je déplore l'absence d'évaluation des mesures. Je ne peux
pas concevoir que le ministre ne les rende pas publiques. Le ministre
répond régulièrement aux questions qui lui sont
posées par les médias qu'il a de telles mesures qui le rassurent
quant à sa capacité administrative. Qu'il rende publique
l'évaluation des mesures sinon il sème un doute qui est
certainement de la nature à discréter ce qu'il dit. Il voudrait
qu'on le croit sur parole. Sur parole, M. le ministre, cela suppose que vous
ayez aussi la bonne foi de nous permettre nous aussi de faire la même
évaluation que vous. Alors, rendez-nous disponibles les analyses que
vous dites posséder sur l'efficacité de ces mesures. Les
résultats que l'on peut analyser sont ceux que l'on connaît
à savoir que même avec une incitation qui était du double
à la prestation le taux de participation a été autour de
20 % chez les jeunes de moins de 30 ans - je ne voudrais pas prendre trop de
temps pour discuter de ces questions - cela va durer un mois et plus avec le
ministre, j'espère qu'à la fin de ce mois il va mettre de
côté l'essentiel de sa réforme.
Avec le Conseil canadien du développement social, je voudrais
surtout revenir sur les questions contenues dans le mémoire qu'il nous a
fait parvenir. On ne peut pas toujours donner le même temps à
chacun des mémoires, mais j'ai lu le vôtre extrêmement
attentivement. La qualité de vos travaux, jusqu'à maintenant,
nous indique que vous devriez certainement servir d'inspiration pour la
détermination de nos politiques sociales. Vous dites essentiellement que
ce projet n'a pas comme objectif de sortir des personnes de la pauvreté,
mais de les sortir de l'aide sociale. Ce que, dans votre gros mémoire,
vous mettez finalement en situation, c'est que la pauvreté se vit
même avec des gains de travail. Je pense que c'est l'aspect sans doute le
plus important de votre mémoire, c'est l'appauvrissement des petits
salariés. Comme toute la logique de la réforme, le fondement
repose sur le fait de les faire sortir de l'aide sociale pour les faire devenir
de petits salariés. Dans votre mémoire, vous dites que même
dans ce contexte il y a appauvrissement étant donné que si on
veut une véritable politique de sécurité du revenu, il ne
faut pas juste l'appuyer sur l'aide sociale mais sur l'ensemble des questions
relatives à la lutte contre la pauvreté. Donc, avec vous, je
voudrais
aborder la page 39 de votre mémoire ou vous dites: "Le programme
APPORT ne touchera, en 1988, que 44 000 familles, selon les estimations
contenues dans le document d'orientation. Ce nombre - dites-vous - ne
réprésente que 14 % des familles qui, en 1984, vivaient sous le
seuil de la pauvreté au Québec. En utilisant le taux de
croissance de 1983-1984 de 10 %, nous aurions en 1988 plus de 437 000 familles
au Québec vivant sous le seuil de la pauvreté, alors que le
programme ne viendrait en aide qu'à environ 10 % de ces familles ".
Alors, sur cette question de l'ensemble de l'appauvrissement même
avec des gains de travail, j'aimerais entendre les membres du conseil sur les
recommandations que vous auriez à faire aux membres de la commission et
éventuellement au ministre.
M. Panet-Raymond: On pourrait se référer au
document que j'ai mentionné au tout début, Trop peu sur la
définition de la pauvreté et l'évaluation de la
pauvreté au Canada. Dans ce sens, ce qu'on prônait à ce
moment, c'est de reconnaître les seuils de pauvreté tels que nous
les avions définis, mais qui sont très près de ceux de
Statistique Canada. Que ce soit cela un ob|ectif finalement des programmes de
soutien et de sécurité du revenu, mais aussi que cela nous serve
de guide en ce qui a trait aux mesures telles que le salaire minimum. Donc,
quand on parle de création d'emplois mieux
rémunérés, cela implique évidemment un
programme-cadre de sécurité du revenu qui passe par la
reconnaissance d'un salaire minimum plus élevé. Alors le seuil de
pauvreté en question que nous avions suggéré, et cest une
formule qui peut finalement s'ajuster annuellement, c'était sur une
norme qui était 50 % du revenu moyen des familles canadiennes. Donc,
c'est déjà quand même pas très
élevé.
Donc, la proposition, c'est essentiellement que l'ensemble des
programmes de sécurité du revenu ait cet objectif dans les
definitions de barèmes ou d'admissibilité aux programmes
supplément de revenu. C'est pour ça qu'on soulignait notamment
I'importance d'un programme comme APPORT, mais dans la mesure ou il est moins
discriminant, parce que ce qu'on avait découvert dans cette recherche,
notamment c'est qu'il y a des gens qui travaillent à temps plein et qui
sont pauvres dans le sens que...
Anne le disait tout à I'heure. Cela prend plus qu'un revenu dans
bien des cas pour permettre à une famille de vivre décemment.
Donc, la notion de seuil de pauvreté est un objectif qui devrait exister
dans l'établissement des programmes-cadres.
Mme Harel: À la page 44, vous suggérez une
stratégie qui est celle du supplément du revenu. Alors, vous
dites en fait. L'écart ne peut pas se faire simplement par le haut le
salaire minimum établissant le plafond puisque cet écart, s'il
est fait ainsi, abaisse les prestations et produit un écart à la
baisse en faveur de catégories méritantes et d'autres qui sont
finalement écartées.
Donc, devons nous comprendre que vous incitez à une
stratégie de supplémentation du revenu d'emploi?
M. Panet-Raymond: Oui et, en fait, on prônait comme formule
le supplément de revenu à l'emploi une formule de revenu minimal
garanti ou d'impôt négatif, si on peut dire, toujours dans une
logique qui vise à reconnaître certains seuils pour les gens qui
travaillent et qui ne travaillent pas et une simplification administrative du
système également, parce que, évidemment on n'est pas sans
savoir que la complexité rend souvent peu accessibles plusieurs
programmes.
En ce qui concerne le programme SUPRET, vous avez bien identifié
qu'il était très peu accessible, parce que mal connu et assez
complexe. Donc, pour compléter on viserait une simplification qui
passerait par exemple, par une forme de revenu minimum garanti.
Mme Harel: Alors comment supplémenter le revenu? SUPRET
est annuel complexe, peu accessible. Par ailleurs APPORT est critiqué
également du fait qu'il serait mensuel et qu'il supposerait des
contrôles très fréquents de I'état de vie marital,
puisque ça suppose qu'APPORT ne s adresse qu'à la famille et non
pas aux personnes seules. Donc, si la situation maritale ou si la situation
parentale change, APPORT est différent selon le nombre d'enfants, tout
cela exigeant des contrôles qui sont rejetés.
Alors, vous avez parlé dans votre mémoire de la
simplification. Vous dites: Les 54 catégories vont apporter un niveau de
complexité qu'il faut écarter. Sur la multiplication des
catégories, vous avez également parlé d'une ouverture pour
qu'on mette de côté la catégorie de soutien financier qui
est celle qui s'adresse aux personnes considérées par le ministre
comme les vrais bénéficiaires d'aide sociale.
Mais vous dites: II ne faut pas catégoriser et vous abordez la
question de donner une pension pour des situations de long terme. Alors, vous
avez envisagé qu'il valait peut être mieux... Comment peut on...
Ce n'est pas bien décrit. Est-ce qu'il s'agirait plutôt d'une
rente du type. Régie des rentes, d'un test d'invalidité qui
ressortirait de la Régie des rentes plutôt que du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de façon
que, pour les personnes qui sont invalides au sens qu'on I'entend, on
obtiendrait une pension plutôt qu une allocation d assistance?
Avez vous un point de vue sur les crédits d'impôt? Parce
que des organismes nombreux - jusqu'à maintenant, il y en a seulement
un, la CSN, mais il y en a d'autres qui viendront durant le mois - recommandent
la mise de côté de toute cette complexité au profit d'un
crédit
d'impôt remboursable pour adultes de plus de dix-huit ans.
M. Panet-Raymond: Je vais laisser Jean-Bernard répondre
à cela, parce qu'il a travaillé beaucoup plus à
cette...
M. Robichaud: En fait, vous soulevez beaucoup de questions. De
façon générale, je dirais que nous, comme Conseil canadien
du développement social, allons toujours appuyer une mesure à
portée universelle de préférence à une mesure
sélective ou catégorielle. Nous avons posé des questions
au sujet du programme soutien, parce qu'on pense qu'on crée une
espèce de catégorie de bout de ligne qui, à la limite
piège les gens dans cette catégorie. Une fois qu'ils auront cette
espèce de statut d'inapte consacré, la porte est tellement
étroite qu'ils risquent d'être piégés là pour
vraiment très longtemps.
On n'a pas vraiment réfléchi aux modalités pour les
sortir de l'aide sociale et possiblement leur proposer une pension ou des
choses comme cela, ce qui ne serait pas impossible. Je pense que de
façon plus fondamentale, ce qu'on dit c'est: Commençons à
l'intérieur du programme d'aide sociale à éliminer ces
catégories. Ne nous servons pas du statut face à
l'employabilité pour déterminer des catégories
administratives qui vont supporter ensuite des traitements
différenciés.
On dit: On peut quand même mettre l'accent sur la notion
d'employabilité, mais en développant des critères positifs
en étant incitatifs, en maintenant le caractère volontaire, donc
en ne pénalisant pas la clientèle, mais tout simplement
l'objectif à poursuivre au bout du compte, c'est-à-dire la
possibilité d'obtenir un emploi devrait être suffisante pour que
les gens décident d'accéder à ce programme.
Un autre point était soulevé, au début de votre
intervention, Mme la députée: la notion d'équité
horizontale. Évidemment, le programme APPORT est un programme, à
notre avis, beaucoup trop pointu. Il ne rejoint que 15 % des familles vivant
sous le seuil de la pauvreté, mais si on considère l'ensemble des
personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire les
couples, les personnes seules, cela rejoint peut-être seulement 4 % de
l'ensemble de la population à faible revenu. Dans ce sens-là, on
pense que le programme APPORT devrait être étendu peut-être
dans un premier temps à l'ensemble des catégories de faible
revenu, c'est ce que je veux dire par une équité horizontale,
avant même de parler d'augmenter le niveau de prestations. Parce qu'on
comprend que ce dont on parle ici, ce sont des centaines et des centaines de
millions, c'est une proposition qui coûterait énormément
cher d'étendre APPORT à l'ensemble de la population à
faible revenu. C'est pour cela qu'on dit dans le document que M. Panet-Raymond
vient de lire qu'on accepterait une approche par étapes et que la
première étape devrait être de l'étendre à
l'ensemble des catégories, au moins il y aurait équité
horizontale et, ensuite, on pourrait aborder la notion d'améliorer les
prestations.
Mme Harel: Sur la question de la définition des points
essentiels, enfin, je n'ai pas eu de réponse à la question du
crédit d'impôt remboursable pour adulte de 18 ans, je ne sais pas
si le conseil a déjà une opinion là-dessus.
M. Panet-Raymond: On était favorable à la notion de
crédit plutôt qu'à celle de déduction et des
exemptions, donc on est plutôt favorable certainement à cette
forme de modalité fiscale que les exemptions, les déductions
telles qu'elles existent actuellement.
Mme Harel: Dans votre mémoire... Ah! peut-être Mme
Usher...
Mme Usher: Nous avons un autre grand document que nous pourrons
vous envoyer et que nous avons déposé au niveau
fédéral au mois d'août 1987. Il inclut tout cela; il y est
noté le besoin d'augmenter dans quelques provinces significativement le
salaire minimum de travail comme une des mesures parmi d'autres qui, ensemble,
vont améliorer la situation.
Mme Harel: Dans votre mémoire, vous recommandez un revenu
individuel plutôt que le revenu des ménages. Cela est un virage
extrêmement important. D'aucuns ici considèrent qu'il faut
resserrer les liens de la famille d'une certaine façon par des mesures
qui l'obligent à se partager. Vous concevez qu'il devrait y avoir au
point... dans un couple, doit-on comprendre que le barème d'un couple
doit être partagé selon le même principe en termes de
personne adulte, c'est bien le cas?
M. Panet-Raymond: C'est une question très litigieuse qui a
été objet de nombreux débats. Je vais laisser Mme Usher
répondre.
Mme Usher: Nous ne travaillons pas dans une tour d'ivoire. Nous
avons des membres dans tout le pays. Chaque fois que nous sommes en train
d'élaborer une nouvelle position ou progressive, comme celle-là,
nous invoquons une consultation et, cette fois, c'était vaste. Nous
avons des consultations dans 35 villes du Canada et, à chaque
réunion, c'était probablement plutôt des femmes, mais les
femmes ont aussi des amis parmi les hommes. Pour le moment, il n'est pas
question sur la base individuelle d'un programme. Peut-être sommes-nous
à une étape d'évolution humaine comme
société. C'est le message que nous avons entendu et nous l'avons
introduit dans notre proposition.
Mme Harel: Permettez-moi tout de suite de vous demander ce que
vous pensez de la propo-
sition de contribution parentale exigée de toute famille quel que
soit son niveau de revenu qui va non pas seulement en faveur, mais qui est
totalement à I'opposé de l'autonomie des personnes?
Mme Usher: J'hésiterais de répondre à cela
maintenant.
M. Panet-Raymond: On favorise une certaine autonomie dans ce
sens-là des personnes donc de la même façon qu'au niveau
d'une famille, on veut que et hommes et femmes soient considérés
d'une façon autonome de la même façon qu'on
reconnaîtrait que les jeunes doivent être reconnus d'une
façon autonome. C'est comme disait Anne. Ce n'est pas une question
facile, mais je pense qu'on s'inscrit plutôt dans cette reconnaissance de
I'autonomie des personnes. C'est peut-être aussi à la
lumière le mouvement des femmes, je pense a fait plusieurs descriptions
de scénario à ce niveau là, c'est au niveau de
l'indépendance de la femme, une fois quelle perd son ménage ou
quelle quitte le ménage, donc la reconnaissance de I'autonomie va dans
le sens de favoriser cette autonomie qui prend l'allure d'une séparation
ou des fruits d'une séparation donc on favoriserait beaucoup plus la
reconnaissance de I'autonomie et des enfants à I'égard de leur
famille et des femmes donc des revenus séparément
considérés...
Mme Harel: Dans votre mémoire vous faites beaucoup
état des effets pervers de certaines mesures, notamment celles qui
consistent à donner un revenu familia, l ce qui est un facteur de
démembrement, puisqu'il est finalement plus facile de survivre et
d'améliorer son sort en vivant séparément, donc c'est un
facteur de désintégration d'une certaine façon. Cela peut
être un facteur de désintégration comme peut l'être
un facteur de désintégration que le barème ne couvre pas
le troisième ou le quatrième enfant. Comme je l'expliquais
déjà au début de cette commission, qu'on puisse mettre son
troisième et quatrième enfant en foyer d'accueil pour
soi-même se constituer en foyer d'accueil pour les autres. Tout cela est
facteur de désintégration, mais est ce que le ministre
répond à cela quand il dit que le partage du logement, ce montant
de 115 $ qui serait exigible de tout bénéficiaire qui partage son
logement est proposé pour rendre équitable aux personnes seules
qui vivent ensemble pour les rendre équitables horizontalement à
I'égard des couples qui reçoivent moins des barèmes parce
que ensemble...
Est-ce que vous avez un point de vue là dessus sur cette notion
d'équité?
Le Président (M. Polak): Vous êtes dans votre
dernière minute, car il n en reste que deux.
M. Panet-Raymond: Je pense qu'on n'a pas touché vraiment
cela. J'aurais tendance à penser quon tendrait vers la reconnaissance,
encore une fois de I'autonomie, donc de ne pas enlever ce montant de 115 $
à des personnes qui, comme forme de débrouille et
évidemment cela rejoint beaucoup les jeunes, je pense quon
pénalise les formes de débrouille presque inévitables
finalement. Dans ce sens-là, on irait contre la réduction du
montant de 115 $ pour deux individus qui vivent ensemble.
Mme Harel: Alors je veux juste vous remercier...
Le Président (M. Polak): Oui.
Mme Harel: Je vais le faire peut être immédiatement.
Le temps nous est malheureusement compté. J'aurais aimé vous
interroger sur ce qu'on retrouve dans votre mémoire concernant la
définition des besoins essentiels, mais je vais simplement vous dire que
votre... Quand vous dites: L'aide aux personnes vivant dans une pauvreté
extrême sera dorénavant définie et plafonnée par la
misère des personnes avec les revenus les plus faibles, je souhaite que
ce point de vue soit pris en considération.
Je vous remercie pour la contribution que vous avez apportée
à la commission.
Le Président (M. Polak): Merci. II reste deux minutes pour
le côté ministériel, je donne le droit de parole au
député de Notre Dame-de-Grâce
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Dans votre
conclusion, vous partez sur une note pas mal négative, puis vous parlez
de gérance de pauvreté, mais dans le plan aussi, il y a I'argent
de l'aide économique, la personne autour de lui ou elle tourne vraiment
tous ses proiets pour des personnes qui vont entrer au travail... J'aimerais
avoir vos réflexions sur le genre de personne, le profil, quelles sont
les responsabilités? Est-ce que vous voyez clairement le type de
responsabilités et de faiblesses ou les forces que cette personne doit
posséder pour aider quelqu'un à sortir de la pauvreté?
Est-ce que vous comprenez un peu mon...
M. Panet-Raymond: Je ne sais pas de quelle personne vous parlez
quand vous...
M Thunnger: Mais je parle...
M Panet-Raymond: Les agents d'aide sociale?
M Thunnger: C'est cela.
M Panel-Raymond: Ah mon Dieu! Je pense que le genre de fonction
qu'ils ont actuellement est vraiment de gérer. J'ai eu I'occasion
souvent d'essayer de négocier avec des agents pour des
personnes qui étaient aux prises soit avec une
incompréhension, soit avec des contraintes légales, ce qui
faisait qu'il y avait très peu de marge de manoeuvre. Dans ce
sens-là, je dirais que ces agents-là doivent avoir une
connaissance beaucoup plus large du milieu, des conditions d'emploi, du
fonctionnement des individus. Sans dire qu'il faut que ce soient des
travailleurs sociaux, ils doivent d'être plus sensibles au contexte dans
lequel les individus qui viennent pour avoir des prestations peuvent vivre.
Quand je dis contexte, l'absence de réseau de soutien, l'absence de
famille ou l'existence dans certains cas d'organismes communautaires, de
réseaux d'aide. Je pense qu'on ne trouve pas cela vraiment. On a une
réponse souvent un peu rapide et mécanique. Je peux comprendre
les conditions de travail des agents d'aide sociale qui sont souvent
surchargés. Donc une formation impliquerait une très grande
sensibilité et ma connaissance sociale du milieu du marché du
travail et du fonctionnement d'une personne.
Le Président (M. Polak): Je vous remercie il ne reste plus
de temps, sauf 45 secondes pour les remerciements du ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux remercier Mme Usher mais
elle insiste pour dire quelque chose.
M. Panet-Raymond: II faut la laisser parler à ce
moment-là.
Mme Usher: Oui. Je n'ai pas parlé beaucoup aujourd'hui
mais je pense, en un mot, qu'une approche éducative est vraiment
demandée. Si nous voulons voir notre programme d'assistés sociaux
sous n importe quel titre, assurer une libération de la pauvreté,
il faut avoir une approche éducative et avec le plus possible
d'assurance d'une bonne santé et dignité pour le
bénéficiaire. Bonne chance!
Le Président (M. Polak): M le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup au Conseil canadien
du développement social, à sa présidente Mme Usher,
à son vice-président, M. Panet-Raymond ainsi qu'au directeur du
bureau de Québec, M Robichaud la qualité exceptionnelle de votre
mémoire mérite d'être soulignée.
Le Président (M. Polak): Merci Ainsi, se termine la
session de ce matin. Je remercie le conseil canadien. Savez-vous, on doit avoir
un peu plus de rigueur au point de vue de la ponctualité, parce que cela
devient très difficile.
On commence à 10 heures le matin jusqu'à 23 heures
presque. Est-ce qu'il y a moyen de recommencer à 15 heures
précises, tout le monde? Au moins, on peut finir à 18 heures au
lieu de briser tout.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous
êtes dupe...
Le Président (M. Polak): On va suspendre les travaux
jusqu'à 15 heures précises.
(Suspension de la séance à 13 h 39)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Polak): On va entendre maintenant la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Quebec (COPHAN) Mme la Présidente, voulez-vous
présenter les personnes qui vous accompagnent? Je vous explique en
même temps les règles du jeu, c'est-à-dire que vous aurez
20 minutes pour faire votre représentation; ensuite, il y aura 20
minutes de part et d'autre pour un échange de questions et
réponses. Allez-y.
Confédération des organismes provinciaux
de personnes handicapées du Quebec
Mme Picard (France): Je vous remercie, M le Président.
J'aimerais vous présenter les gens qui sont avec moi. À ma
gauche, Mme Louise Doré, qui est membre de l'Association
québécoise de I'intégration sociale; à ma droite,
M. Pierre Majeau, directeur général de la COPHAN et, à
l'extrême droite, M. Michel Trottier de l'Association canadienne de la
dystrophie musculaire.
J'aimerais d'abord vous remercier du fait que l'on puisse se faire
entendre à cette commission, ce qui est, pour nous, fort important. La
réforme que vous suggérez ou le document d'orientation touche,
comme vous le savez, 8 % de la population qui nous concerne
particulièrement soit la population handicapée au Québec.
Les impacts vis-a-vis de ce groupe sont fort importants. Nous voulons soulever
certains points de discussion afin que les intérêts et les droits
de ces personnes qui auront à vivre avec !a nouvelle réforme,
dans un sens ou dans l'autre soient le mieux desservi possible.
J'aimerais aussi vous présenter immédiatement, avant de
passer au rapport, la Confédération des organismes provinciaux de
personnes handicapées du Québec la COPHAN. La COPHAN est un
regroupement d'associations; elle regroupe 34 associations membres
actuellement. Les associations concernent les personnes handicapées qui
vivent autant avec une déficience intellectuelle qu'une
déficience physique, neurologique ou autre. Ce qui nous fait dire que
nous rejoignons, par nos interventions, environ 486 000 personnes au
Québec qui sont d'une manière ou d'une autre touchées par
les points dont nous allons discuter.
La COPHAN s'interesse aux dossiers, qu'ils soient sociaux,
économiques ou socio-écono-
miques, si vous voulez, et même tout ce qui "concerne les
politiques familiales. Nous avons fait beaucoup de représentations afin
de faire connaître justement les positions fondamentales et les besoins
fondamentaux d'une personne qui vit avec une déficience et les faire
mieux connaître à la société finalement. Je pense
qu'on peut s'entendre ici pour dire que le handicap ne vient pas de la personne
mais beaucoup plus de la société qui est peu réceptive
à cette situation avec laquelle elle a à vivre. C'est au handicap
que nous nous attaquons le plus souvent, afin d'améliorer le
mieux-être de la personne handicapée.
La COPHAN a un conseil d'administration de neuf personnes. Elle a une
assemblée annuelle, ainsi que trois assemblées ponctuelles par
année, ce qui permet de pouvoir recueillir régulièrement
les commentaires des diverses associations, afin de bien représenter
tous les intérêts en jeu.
Quant au rapport lui-même, mes collègues, Mme Doré
et M. Trottier, nous entretiendront d'un point plus précis, soit pour
Mme Doré, les personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle et, pour M. Trottier, les personnes qui vivent avec une
déficience physique. Je ne m'en tiendrai qu'à des
considérations générales, à ce moment-ci.
Le présent mémoire analyse les répercussions du
projet de réforme de la Loi sur l'aide sociale auprès de
l'ensemble des personnes handicapées actuellement ou potentiellement
bénéficiaires de ce régime. Pour ce faire, il
procède tout d'abord à une analyse critique des objectifs et des
grandes orientations proposés par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu, en soulignant la conception d'un
départ qui, pour nous, est biaisé.
C'est vraiment ce sur quoi repose notre rapport au niveau de la
définition. Que ce soit au niveau de la definition en ce qui concerne
l'état de santé versus le handicap ou que ce soit au niveau de la
terminologie, on pense que, dans ce rapport, il y a une terminologie qui porte
à confusion au détriment des intérêts des personnes
handicapées. Nous voulons beaucoup insister sur ce point, afin d'avoir
un langage commun.
En effet, la reforme proposée fait d'une politique de dernier
recours, celle de l'aide sociale, l'une de développement à
l'employabilité et de création d'emplois. Le document sème
une confusion supplémentaire entre les notions de plein emploi et de
sécurité du revenu qui ne traitent ni de l'une ni de l'autre de
façon satisfaisante.
La réforme dépasse, en fait, le simple cadre de la Loi sur
l'aide sociale et devrait se faire de concert avec la réforme fiscale et
la mise en place de la politique familiale. La réforme ignore totalement
les principes contenus dans. À part... égale, politique
d'ensemble du gouvernement québécois sur l'intégration
sociale des personnes handicapées et sur la prevention des
déficiences.
Le concept central de la réforme employable versus non employable
relié à la détermination de l'aptitude ou de l'inaptitude
au travail reflète mal la réalité de vie des personnes
handicapées. La réforme tombe dans le piège commun
associant état de santé et handicap qui sont deux concepts
faisant référence à des réalités fort
différentes. Pour parler d'une façon plus simple, ce n'est pas
parce qu'on est une personne handicapée qu'on est malade et vice
versa.
Encore une fois, on assiste à la prédominance du
modèle médical qui fait fi d'une approche globale de la personne.
Nous venons vous présenter ici une forme d'intégration qui se
veut beaucoup plus sociale, qui se veut beaucoup plus globale que seulement
l'analyse médicale. Et je pense que, pour réellement comprendre
la réalité des personnes qui vivent avec une déficience,
il faut vraiment l'analyser dans son contenu en entier. Ce qui fait appel
à une grande part au niveau social, probablement beaucoup plus
importante qu'au niveau médical.
Le mémoire évalue et examine les impacts du projet de
réforme sur l'ensemble des personnes handicapées en termes de
perception publique négative de leurs capacités de travail. Dans
la réforme, le rapport glisse trop facilement entre le fait de vivre
avec une déficience et le fait de ne pas pouvoir travailler,
d'être inapte. C'est !e concept central sur lequel nous allons vous
entretenir plus longuement et c'est ce qui n'est pas acceptable pour nous.
Ce qu'il faut, ce sont des emplois subventionnés. On vous parle
beaucoup dans notre rapport des emplois sur lesquels on a un soutien à
l'emploi et des emplois ou d'y a une adaptation du poste de travail pour rendre
dans un premier temps, à part égale, la participation de !a
personne vivant avec une déficience sa participation voire au
travail.
Les problèmes soulevés par I'instauration de trois
nouveaux programmes, Soutien financier, APTE et APPORT sont, par la suite,
soulignés avec, comme toile de fond, l'analyse effectuée dans le
mémoire sur les objectifs et les grandes orientations de la
réforme et la perspective de leur application auprès des
personnes handicapées.
Une conclusion vient clore le mémoire en faisant ressortir les
principales lacunes de la réforme du point de vue de la réponse
aux besoins réels des personnes handicapées en soulignant entre
autres le risque de les voir confinées de façon permanente
à un statut de non employable ou d inapte au travail.
Je laisse maintenant la parole à Mme Doré qui pourra faire
une plus grande démonstration en ce qui concerne les personnes qui
vivent avec une déficience intellectuelle.
Le Président (M. Polak): Mme Doré.
Mme Dore (Louise): Merci. Dans le fond, on note aussi comment
faire en si peu de temps
Comment vous convaincre de ce qui nous bloque dans le concept d'apte et
inapte? Pour nous, c'est ce qui est central. Il fut un temps au Québec,
et cela ne fait pas si longtemps, où les personnes handicapées
étaient considérées comme des objets de pitié ou
des objets de charité qu'il fallait entretenir parce qu'on n'avait pas
le choix et parce qu'on était bons. Puis, les gens se sont
organisés depuis dix ans, quinze ans, pour revendiquer un statut de
pleine égalité et pour affirmer leur capacité et leur
volonté de s'intégrer socialement. Pour un adulte qui veut
s'intégrer socialement, évidemment ce sont les questions de
revenu et de travail qui sont centrales. Nous affirmons cela et nous
l'affirmons de façon catégorique. Les luttes ont
été menées parce que les gens ont dit: On en a assez
d'être considérés comme des citoyens de seconde classe et
toujours à la charge de la société; donnez-nous la chance
de prouver qu'on est capables de le faire; mettez en place des mesures qui vont
enlever des obstacles et, convaincus de nos capacités malgré nos
déficiences, nous allons faire la preuve qu'on est capables de
s'intégrer. Oonc, il y a eu des efforts énormes à ce
niveau, des efforts de sensibilisation de la population en
général, des décideurs, des ministères et du monde
des affaires par rapport au travail. Le handicap majeur - c'est ce qui est
crucial et qu'il faut comprendre - des personnes handicapées, ce n'est
pas leur déficience, qu'elle soit physique ou intellectuelle. C'est la
perception de tout le monde qu'elles ne sont pas capables. Comprenez bien que,
quand vous nous arrivez avec un projet qui dit qu'on va classer les gens selon
leur capacité, leur incapacité, leur aptitude et leur inaptitude,
on retourne quinze ans en arrière. C'est comme si tous nos efforts
d'affirmer la capacité des gens étaient passés dans l'eau
de rose, comme si toutes les politiques étaient mises de l'avant
ailleurs et qu'on n'en tenait plus compte. Pour nous, c'est absolument crucial
et on va s'opposer de façon catégorique et ferme à tout ce
qui nous sera proposé, ici ou ailleurs, qui va catégoriser les
personnes. D'accord?
Pour nous, c'est un piège. C'est un piège qui est beau.
C'est un piège qui est doré. Dans le fond, on ne doute pas de la
bienveillance de votre intention. On va nous dire: Écoutez, les
personnes handicapées, ce n'est pas facile pour elles de travailler et,
ainsi, on va leur laisser la paix; alors, elles vont avoir des revenus et elles
n'auront pas toutes les pressions. On convient de cela, mais on est convaincus
que ce n'est pas dans leur intérêt. Nous affirmons l'importance du
travail dans la vie de quelqu'un, l'importance qu'une personne ait vraiment
l'impression de contribuer à son maintien financier et d'être une
participante active à la société, l'importance au niveau
social, l'importance au niveau de la valorisation personnelle. Qu'est-ce qui va
arriver avec une personne handicapée dans la façon qui nous est
présentée là? Ou elle se fait déclarer inapte ou
elle se fait déclarer apte. D'accord?
Écoutez! vous pouvez bien me dire: Si elle trouve qu'elle est si
apte que ça, qu'elle entre dans le programme APTE. Supposons ça.
Cela veut dire une personne qui serait capable de dire à son
médecin qui lui dira: Tu es inapte... ce n'est pas vrai, je suis capable
et je veux, Supposons ça au départ. Il n'y a pas de programme de
soutien qui nous est proposé. Si le handicap majeur de la personne c'est
que les employeurs ne sont pas ouverts à accepter des personnes
handicapées, si c'est un peu trop compliqué et que, dans le fond,
on a 100 personnes, pourquoi est-ce qu'on prendrait une personne qui a de la
misère? C'est comme si les obstacles redeviendraient majeurs et elle
n'arrivera pas seule, malgré sa volonté de départ et son
intérêt, à combattre ces obstacles. Elle ne se trouvera pas
de job, c'est presque aussi clair que ça.
Vous dites: Elle pourrait retourner aux études, Ce n'est pas un
problème d'études. Il y a des personnes qui ont des
déficiences physiques qui sont très instruites, qui ont plein de
diplômes et ne trouvent pas d'emploi à cause des barrières
de préjugés parce qu'il n'y a pas assez de mesures incitatives.
La personne qui a une déficience intellectuelle, si vous la retourniez
dans ces projets-là, ça va devenir de l'occupa-tionnel. Elle, par
rapport à l'emploi, ce dont e(le a besoin, c'est d'apprendre sur le lieu
de travail parce qu'elle a de la misère au niveau des transferts
d'apprentissage. Donc, ça va occuper, mais ça ne réglera
pas le problème.
Il y aurait le travail communautaire. Il y a beaucoup de personnes
handicapées qui se retrouvent dans le travail communautaire, mais avec
la situation effrayante que, finalement, tu travailles à temps plein
mais tu restes quand même considéré comme quelqu'un du
bien-être, comme quelqu'un à charge. Ce n'est pas ça que
les gens veulent. Les gens veulent de l'emploi, ils s'attendaient à une
politique de l'emploi. Avec ce qui est dit concrètement pour des
personnes, comment va-t-on faire ça, comment va-t-on soutenir l'emploi?
Et si une personne se trouve un job à 6 $ ou 7 $ l'heure, s'il lui faut
quand même des souliers à 400 $, on va lui donner de l'aide pour
se les payer, ce ne sera pas à même son salaire et elle ne perdra
pas de bénéfices.
Ce qui va arriver, c'est que pour les personnes qui ont une
déficience intellectuelle, la tentation sera énorme de les
classer carrément inaptes parce qu'elles ne sont pas habiles pour parler
et si on les regarde comme ça, on se dit: Mon Dieu! on ne voit pas
trop... On pourrait vous donner beaucoup d'exemples où les gens sont
capables et nous affirmons que même au niveau des personnes
déficientes intellectuelles, 90 % pourraient travailler
carrément. (15 h 15)
Donc, pour résumer, on n'est pas capable d'accepter un principe
comme ça. Comprenez-vous? Parce que ça ghettoïse les gens et
une fois que tu vas te faire déclarer inapte, tu ne pourras plus t'en
sortir. Bien sûr, M. le ministre,
que vous laissez une petite porte en disant que c'est vrai qu'il y a des
choses de réadaptation et qu'il faudrait peut-être penser que les
inaptes pourraient mais, pratiquement parlant, si une personne est
déjà déclarée inapte dit à un moment
donné: Écoute, je voudrais bien et tout cela, qu'est-ce qui va
empêcher les gens de dire: On a nos projets, mais on se rend compte qu'il
y a 100 000 personnes qu'il faut entrer dans 30 000 postes. C'est sûr que
ces personnes vont passer après et qu'on va leur dire: Ce
monde-là a ses jambes et sa tête; tu es bien, on te laisse la
paix. Donc, c'est bienveillant, mais ce n est pas dans l'intérêt
des personnes, à notre avis, comprenez-vous? C'est pour cela qu'on va le
refuser.
Une dernière chose, il me reste une minute et 30 secondes. Ce
qu'on conteste de façon énergique aussi, c'est la
compétence médicale pour poser un diagnostic d'aptitude au
travail pour les personnes handicapées; c'est clair et c'est
énergique, dans le sens qu'on considère les médecins
inaptes dans ce domaine-là, s'il faut reprendre votre terminologie. Ce
n'est pas qu'ils ne soient pas bons sur le plan médical, mais ils
connaissent des choses médicales; ils ne connaissent pas la
réadaptation, ils n'ont pas de compétences dans le domaine du
travail et ce n'est pas eux qui peuvent dire cela. Un exemple, en
matière de déficience intellectuelle, un des problèmes
majeurs des gens je vous l'avoue, ce sont les médecins, qu'on aime bien
comme cela, mais qui ont tellement de préjugés et tellement peu
de connaissances dans ce domaine là, que c'est eux qui posent des
limites. Si vous saviez comment, encore aujourd'hui, il y a des parents qui
arrivent découragés dans nos associations parce que leur
médecin leur a dit: Tu sais, ton enfant, il va être comme une
orange - parce qu'ils prennent un langage un petit peu clair pour expliquer
cela au monde ordinaire - et nous, on est là à dire: Ce n'est pas
vrai, c'est tout à fait faux. La petite orange en question, elle a
quatre ans et elle est en garderie ordinaire et elfe parle comme tout le monde.
Elle n'est pas comme tout le monde, mais elle parle et elle a ses petits amis.
Sauf que, si on n'avait pas été là pour convaincre les
gens que le médecin avait posé un mauvais diagnostic, ce serait
drôlement grave. Donc la déficience intellectuelle, on conteste
carrément qu'au niveau de l'aptitude au travail on la confie aux
médecins. S'il fallait déterminer cela, ce serait une
équipe multidisciplinaire qui connaît bien la personne qui ferait
une évaluation globale.
Je cède la parole à mon confrère qui va aussi
parler de l'expertise médicale pour les personnes handicapées
physiquement.
M. Trottier (Michel): Est-ce qu'il y a moyen d'approcher le
micro? C'est assez fort? D'accord.
II va sans dire que j'abonde fermement dans le même sens que
Louise en ce qui concerne les personnes handicapées physiquement.
J'aimerais quand même attirer votre attention, pour ma part, sur les
objectifs qui auraient dû nécessairement être pris en ligne
de compte dans le cadre d'une réforme de la Loi sur l'aide sociale
relativement aux personnes handicapées.
Premièrement, une approche qui considère la personne
handicapées dans son ensemble, évaluation individuelle des
besoins des personnes handicapées et leur potentiel;
deuxièmement, l'accès à des activités
rémunératrices sans discrimination ni privilège pour toute
personne handicapée; troisièmement, l'accès à des
services et à des ressources de main-d'oeuvre adaptés aux besoins
des personnes handicapées, et finalement, I'ouverture du milieu de
travail, sensibilisation et information des employeurs.
Une voix: Combien nous reste-t-il de temps?
Le Président (M. Polak): II reste environ une minute ou
deux.
M. Majeau (Pierre): Je voudrais simplement, au cours de cette
intervention, faire référence à l'ensemble des points de
vue qui ont été exprimés. En guise de synthèse, on
va vous donner ce qu on considère être I'impact majeur de la
réforme de l'aide sociale telle que proposée actuellement sur les
personnes handicapées.
II y a trois éléments fondamentaux. Le premier, cest que
si la réforme reste telle qu'elle est actuellement on risque d'assister
à la perpétuation et à I'augmentation même d'une
perception négative à I'endroit des personnes handicapées
et leur capacité de travail, comme le soulignait amplement Mme
Doré en donnant I'exemple des personnes qui ont une déficience
intellectuelle.
La deuxième conséquence, c'est la non-reconnaissance du
statut de travailleur pour les personnes handicapées. Je pense que
là-dessus, même si la réforme souligne à un moment
donné qu'il y a possibilité d'avoir recours a certaines
ressources de main-d'oeuvre et autres pour faciliter l'intégration, on
est obligé de constater dans les faits qu'il y a actuellement des
mesures qui vont à l'encontre de ce qui est exprimé dans la
réforme proposée. Je fais ici référence au CT
consolidé 165816 du 27 octobre dernier qui, grosso modo, a comme impact
de ne plus reconnaître le statut de travailleur aux personnes
handicapées qui occupent un emploi soit dans un centre de travail
adapté ou au moyen d'un emploi subventionné dans une entreprise,
par exemple, au moyen d un contrat d'intégration au travail.
Le troisième impact, qui est fondamental - c'est la base des
revendications, c'est la base même de la politique d'ensemble de
À part... égale - c'est la non-reconnaissance, d'une
certaine façon, par la réforme, du principe de compensation des
coûts supplémentaires encourus par les personnes
handicapées qui sont relies soit
à leur déficience ou à leur limitation
fonctionnelle.
Je pense que cette question doit être traitée de
façon préalable à toute réforme de l'aide sociale.
Que vous soyez déclaré apte ou inapte, peu importe, vous avez les
mêmes besoins comme personne handicapée qu'une personne dite
normale. Cela ne ressort pas clairement dans la réforme. C'est une
question de fond à notre avis.
Le Président (M. Polak): En conclusion, s'il vous
plaît, M Majeau.
M. Majeau: Pardon?
Le Président (M. Polak): Voulez-vous conclure?
M. Majeau: Oui. Je conclus sur le dernier point en disant
l'élément suivant. On pense que la réforme, telle que
proposée actuellement, mérite de sérieuses
améliorations. On ne peut pas y souscrire telle qu'elle est
proposée dans le contexte actuel. Merci.
Le Président (M. Polak): Merci. Je cède maintenant
la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais remercier la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec autant pour le mémoire écrit
que pour la présentation que vous venez de nous faire. Étant
donné que je suis limité aussi dans le temps, de même que
la formation ministérielle, je vais tenter d'aborder
immédiatement vos principales préoccupations. L'approche que nous
avons choisie tente de donner à chaque individu, chaque citoyen, chaque
personne dans la société une liberté quant au choix du
barème. On présume, comme gouvernement et comme
société, toute personne employable. II ny a pas de
présomption négative, péjorative de quelque nature quelle
soit. On dit: Tout le monde est une personne employable. Premier choix.
Deuxième choix, on dit: Il y a des gens qui dans la vie, et cela
rejoint peut-être I'élément no 3 que vous venez juste
d'apporter en conclusion, auquel on doit apporter des compensations de nature
pécuniaire strictement... Si vous faites déchiqueter nos
barèmes, ce sont les besoins d'à peu près toutes les
autres catégories de bénéficiaires haussées
d'à peu près 25 $ par mois. C'est à peu près le
barème comme tel.
Deuxième choix. Si la personne choisit le programme Soutien
financier, elle peut également choisir ou être conseillée
à choisir les programmes qui sont mis à la disposition des gens
qui sont sous le programme APTE. Je comprends vos réserves sur le plan
administratif. Vous nous avez mis en garde contre un préjugé
défavorable ou favorable selon de quel côté on se situe.
Deuxièmement si les programmes réguliers du programme APTE ne
vous satisfont pas, le ministère est à préparer des
programmes adaptés. Nous avons voulu éviter - je ne sais pas si
les moyens que nous avons choisis sont parfaits - ce qui se produit un peu
présentement à l'aide sociale. On part quand même d'une
situation de fait ou pour l'ensemble des bénéficiaires, sauf les
jeunes en bas de 30 ans, et les chefs de famille monoparentale on leur envoie
un chèque. On leur dit. Vous êtes bien avec cela Merci beaucoup
et, s'il vous plaît, ne nous achalez pas trop dans la
société.
La philosophie qui nous anime est de dire: Bon, ce n'est peut-être
pas l'approche. On se rend compte qu'on est en pleine
récupération économique qu'il y a de la création
d'emplois nets et qu'on est en tram de créer cet écart entre les
gens qui ont accès à un niveau de vie convenable dans la
société et ceux et celles qui handicapés ou pas, n'ont pas
accès à ce niveau de vie satisfaisant. On dit: On a une
obligation sociale et gouvernementale de leur venir en aide. Maintenant, parmi
ces gens, il y en a qui ont des barrières qu'ils n ont pas choisies,
mais qui sont arrivées, qu'il faut tenter d'amenuiser le plus possible,
comme société. Au lieu d imposer des situations, on se dit:
Est-ce qu'on peut, par incitation, tenter de leur offrir des
éléments qui vont les aider à sauter ces barrières?
Il y a des gens qui vont nous dire: Moi, je ne veux pas d'incitation
additionnelle. Je veux concurrencer dans la société sans
incitation additionnelle. II y en a d'autres qui peuvent nous dire ou
être conseillés à nous dire: Sur le plan financier, j'en
aurais besoin d'un peu plus.
Maintenant, les mesures que vous mettez à la disposition des gens
qui sont employables dans vos programmes d'employabilité, cela ne me
convient pas exactement, il me faut quelques programmes adaptés. Nous
mettons tout cela sur la table et nous disons. Servez-vous! Me reprochez-vous
d'en mettre trop ou pas assez?
Mme Picard: Je pense que le fond de notre message, M. le
ministre... Je pense qu'il n y en a jamais trop, de toute façon. Je
pense que ce qu'on veut faire ressortir dans tout ce qui a été
dit, quant à I'approche, c'est qu'on ne sent pas que la personne qui vit
avec une déficience a été considérée
vraiment comme une personne qui a un plein droit au travail. Vraiment, on se
demande si ses chances de participation sont à parts égales.
D'ailleurs, on n'a pas retrouvé beaucoup, dans votre document
d'orientation, de références à cette politique qui, pour
nous, est fondamentale. C'est quand même une forte partie de la
population et ses droits doivent être bien défendus d'une certaine
façon.
En ce qui concerne I'aptitude ou l'inaptitude au travail, ce qui ressort
dans nos discussions, lorsqu'on a analysé votre document, c'est qu'il y
avait une tendance pas mal forte à considérer ces personnes comme
inaptes au travail. On a peur quelles soient considérées comme
inaptes au travail pour le restant de leurs
jours et, de cette façon-là, on aura réussi
à identifier les personnes handicapées comme des citoyens de
seconde zone. C'est cela qu'il ne faut pas laisser faire, vous comme moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. On partage, je vous le
dirai, vos appréhensions au ministère. Nous sommes conscients que
la tentation est grande, et surtout que l'expérience nous enseigne
également que c'est la tendance qu'on a eue, et je vous l'indique,
à l'endroit de l'ensemble des bénéficiaires de l'aide
sociale et avec une petite particularité davantage axée chez les
gens qui étaient un peu moins capables de se défendre dans le
système. Quand nous avons pensé au programme Soutien financier,
nous n'avons voulu obliger personne à s'en servir, tenant pour acquis ce
que j'ai dit tantôt que certains individus dans la société
disent: Bien, j'aime cela compétitionner malgré que vous puissiez
penser que je ne suis pas capable, je vais vous montrer que je suis capable, et
il y en a qui réussissent très bien. D'autres disent: Moi, je
n'ai jamais eu la chance de travailler pendant une période de ma vie,
même au salaire minimum. Donnez-moi au moins sur le plan financier
quelque chose qui va me permettre de compétitionner également et
de m'en sortir de cette aide sociale. On est conscients de l'évolution
technologique aussi et là, on parle des gens qui sont affectés
d'un handicap soit mental soit physique. L'évolution technologique leur
permet de s'exprimer, de parler dans certains cas et cela va aller davantage
rapidement. C'est pour cela qu'on a donné cette ouverture à
l'ensemble des programmes APTE, les programmes d'employabilité
réguliers et qu'on développe des programmes
d'employabilité adaptés parce qu'on n'est pas allés assez
loin au moment ou on se parle au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Quand je vois la réaction, je me dis: j'abandonne le programme
Soutien financier, je conserve le programme APTE et là, je me dis que si
je n apporte pas une attention particulière, est-ce que je ne risque pas
de retomber dans la marginalisation de la clientèle? C'est mon premier
point. (15 h 30)
Deuxième point, il ne faut pas confondre - c'est une
barrière qui est facile à traverser autant pour les gens que vous
représentez que pour les bénéficiaires d'aide sociale qui
sont représentés par d autres groupes également - les
mesures d'employabilité, adaptées ou pas, avec ce qu on appelle
le marché du travail régulier.
II y a des interventions que les gouvernements fédéral,
provinciaux, municipaux et scolaires peuvent faire, même le secteur
privé dans ce qu'on appelle le marché ou on retrouve I'ensemble
des travailleurs. Vous en avez des gens que vous représentez, qui sont
sur le marché régulier du travail. Là, vous avez des
barrières que vous avez soulignées qui sont présentes et
les mesures d'employabilité que le gouvernement met à la
disposition de votre clientèle.
À l'heure actuelle, au moment ou on se parle, nous n'avons pas,
au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, des programmes d'employabilité adaptés. Vous avez raison
de souligner que le document n'est pas très loquace sur ces
orientations.
Je pense qu'il y a une ligne de pensée ou de direction qui
apparaît là lorsqu'on dit: Les gens pourront
bénéficier ou pourront se prévaloir, s'ils le jugent
opportun, du programme APTE. On n'ajoute pas et ce n'est pas écrit APTE
adapté. On vous demande de prendre en considération que le
gouvernement va l'ajouter.
Maintenant, mon problème - je reviens à la base - c'est:
Est-ce que je réponds à votre élément numéro
3 ou est-ce que je l'oublie et le laisse tomber?
M. Majeau: Pour répondre à votre question, je pense
que c'est un peu le problème de la réforme, telle quelle a
été présentée au départ. Vous soulignez dans
votre question la reconnaissance des besoins spéciaux, le
développement de l'employabililté et la création
d'emplois. Le programme qu'on a perçu à la réforme que
vous proposez, ce n'est pas vraiment une politique de création ou
d'intégration à I'emploi et ce n'est pas vraiment une politique
de développement à l'employabilité.
Le problème qu'on a, c'est aussi qu'il y a quand même une
situation de dernier recours pour des personnes qui est nécessaire. Ce
n'est pas évident pour nous que ces éléments sont
traités de façon satisfaisante. C'est pour ça qu'on vous
soulignait le dernier élément dans le cadre des personnes
handicapées qui est la base de la politique d'ensemble de À
part... égale.
Si on réussissait à compenser les limitations
fonctionnelles ou les déficiences des personnes handicapées, il
n'y aurait plus de personnes handicapées. Le problème, c'est que
dans la réalité on ne réussit pas à faire ça
et, à cause de cela, il y a des coûts supplémentaires que
les personnes doivent débourser pour adapter le plus possible leur mode
de vie.
La remarque qu'on vous dit par rapport à cela, c'est que cest un
peu préalable et cela touche... C'est un concept central et global peu
importe le type de programme que vous voulez appliquer et que vous devez
prendre en considération. Ce n'est pas parce qu'une personne
handicapée intègre le marché du travail qu'elle n'aura pas
les mêmes besoins de base et les mêmes besoins spéciaux
qu'une personne qui n'intègre pas le marché du travail en ce qui
concerne sa personne, son intégration et son fonctionnement.
Cest un élément de fond qui devra être pris en
consideration par I'ensemble de la réforme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettez une
intervention? Tel que conçu, administré et pensé, le
programme de sécurité du revenu, une fois qu'un individu, quel
qu'il soit dans la société, a intégré le
marché du travail, sauf s'il se qualifie pour le programme APPORT - Aide
aux parents pour leurs revenus de travail - n'est plus couvert par la politique
de sécurité du revenu.
M. Majeau: Cela fait référence,
précisément, à des besoins qui sont reliés non pas
à l'individu, mais à sa déficience, sa limitation
fonctionnelle, la couverture des orthèses et des prothèses, parce
que vous savez, actuellement, selon que c'est un régime assuré de
l'État ou non, il y a une couverture différente des besoins.
Si vous êtes un accidenté du travail ou un accidenté
de la route, tous ces besoins vont être couverts de façon
universelle. Si vous avez la malchance d'avoir une déficience
congénitale, vous ramassez souvent les miettes ou vous avez recours aux
services palliatifs qui existent.
Le problème est de nature importante. Je pense que les besoins de
base des personnes handicapées, on ne peut pas les identifier par une
cause d'accident ou autre. C'est un besoin essentiel de l'individu auquel il
faut répondre, au départ. Je pense que cela, c'est essentiel dans
ce sens-là. L'exemple que je vous donnais des orthèses ou des
prothèses, ce n'est pas nécessairement une liste exhaustive. Ce
sont quelques exemples.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur cette question, parce qu'elle
est également importante - vous m'excuserez de vous interrompre - je
suis en discussion de ce temps-ci- sur les prestations de la Régie de
l'assurance automobile du Québec et celles de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. L'argument que vous
nous apportez, dans certains cas, nous est apporté. Ce n'est pas parce
qu'un travailleur a un accident sur la route que ses indemnisations devraient
être différentes que s'il a un accident au travail. Votre
organisme pense-t-il, quelle que soit la source de la perte de revenu, qu'il
devrait y avoir harmonisation de toutes ces choses entre les différents
organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux qui interviennent.
M. Majeau: Le plus qu'on peut dire c'est que, justement, vous
savez que les personnes handicapées auxquelles les services de
l'état ne peuvent pas répondre de façon satisfaisante
s'adressent souvent de façon palliative à l'Office des personnes
handicapées qui compense leurs besoins non satisfaits. C'est d'ailleurs
pourquoi il y a une opération transfert de programmes, actuellement,
pour que ces différents ministères prennent en charge les besoins
de toutes les personnes handicapées peu importe la cause ou l'origine de
leur déficience. C'est un débat qu'on a amorcé depuis
longtemps. On pense qu'effectivement, l'idée d'une couverture sous forme
de régime universel de ces besoins-là s'imposerait peu importe la
nature ou l'origine de la déficience. À cet égard, il y a
des exemples de pays qui ont adopté des régimes similaires. La
Belgique, a un fonds public, formé à même une cotisation ou
une quote-part prise sur les polices d'assurance-vie ou les polices d'assurance
privées, qui couvre l'ensemble des besoins des personnes
handicapées, peu importe la cause ou l'origine de leur
déficience.
Je pense qu'effectivement, c'est vers un élément de cette
nature-là... Il y aurait évidemment lieu d'avoir des discussions.
Mais on est obligé de constater que selon la cause de ta
déficience, il y a un traitement différent qui est fait aux
personnes handicapées.
L'autre élément que je voulais souligner dans les mesures
gouvernementales que vous suggérez, et c'est cela qui nous
inquiète au sujet de l'intégration au travail, c'est qu'il y a
des directives gouvernementales. On vous a donné l'exemple du CT du mois
d'octobre qui, dans les faits, parce que vous faites référence
à un moment donné... Comme vous dites, ce n'est pas très
élaboré sur les mesures spéciales. On ne veut pas de
mesures ségréguées non plus, mais des mesures qui tiennent
compte des besoins spéciaux. Il y a une directive gouvernementale qui
fait qu'actuellement un des outils à la disposition des personnes
handicapées, soit les services externes de main-d'oeuvre, sont
limités dans les types de placement qu'ils peuvent faire à cause
de cette directive-là. Ce qui est limité, c'est ce qu'on appelle
l'emploi subventionné, comme par exemple l'utilisation d'un contrat
d'intégration au travail qui compense le manque à gagner de la
personne handicapée ou le placement dans un centre de travail
adapté... Le problème avec cette directive, c'est que si elle est
appliquée, supposément elle est appliquée depuis le mois
de janvier, les SEMO à toutes fins utiles ne pourront plus faire de
placement des personnes handicapées au moyen de ces emplois
subventionnés. Ce qui a donc comme impact qu'on se coupe d'un outil
essentiel à l'intégration de ces personnes-là. C'est ce
qui nous rend un peu perplexes.
Si vous avez un énoncé de principe qui a des mesures comme
ça, je vous garantis que là-dessus on s'arrache un peu les
cheveux, comme on dit, en voyant cela. Cela nous apparaît quand
même une contradiction fondamentale et il y aurait peut-être lieu
de clarifier quelles sont les intentions et l'harmonisation. D'ailleurs, on
vous a écrit une lettre à ce sujet-là.
Une voix: Comme on avait juste 20 minutes...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On me confirme que vous avez
raison dans votre exposé.
M. Majeau: On souligne cela dans le mémoire. M. Paradis,
on vous donne l'exemple de cette question là à deux endroits dans
le mémoire, dans la section 5 entre autres.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai vérifié parce
que je n'étais pas personnellement au courant, mais on me confirme que
vous avez raison.
Le Président (M. Polak): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, mesdames et messieurs de la
COPHAN, quand le ministre parle, discute avec vous sur la question des
traitements différents selon des régimes d'assistance et
d'assurance, je trouve cela passionnant, mais je ne peux pas ne pas vous
signaler que cela m'inquiète. Parce que quand il parle d'harmonisation,
pour tout de suite, la démonstration que I'on a quand il
réfléchit sur l'éventuelle harmonisation entre un
régime de couverture à la CSST pour les accidentés du
travail et celui de la Régie de l'assurance automobile pour les
accidentés de la route, le problème, c'est que jusqu'à
maintenant, ces efforts d harmonisation ont toujours été à
la baisse par exemple quand il veut harmoniser, dit-il, les prêts et
bourses en instaurant la contribution parentale, quand il veut harmoniser les
barèmes de couples pour les personnes seules qui cohabitent en obligeant
un partage du logement qui réduit la prestation de 115 $. La question qu
il faut poser c'est: L'harmonisation doit-elle toujours se faire à la
baisse?
La contribution que vous apportez aujourd'hui à la commission est
absolument majeure. Vous représentez ce que le ministre considère
être la catégorie méritante, qui mérite dans son
projet d'orientation, de se voir combler les besoins essentiels reconnus pour
une personne seule ou une famille à partir de sa propre
définition. Pour les autres, comme vous avez pu le constater, il ne
conçoit pas que l'État doive combler les besoins essentiels
reconnus. II ne les couvre plus et il ne les couvre que dans la mesure ou ils
vont se chercher des gains d'emploi qui sont théoriques puisqu'ils leur
sont imputés avant de les avoir gagnés. Au-delà des
besoins essentiels qui leur sont reconnus, tout gain d'emploi vient
réduire, pour chaque dollar gagné, la prestation. Cela s'appelle
le taux implicite de taxation à 100 %. Je vous rappelle tout cela parce
que le ministre disait, avec raison, qu'il faut se questionner, vraiment se
questionner, pour mettre fin à cette situation au Québec qui
consiste à envoyer un chèque en disant: Ne nous dérangez
pas. II faut certainement, par ailleurs, le questionner quand il pense
s'acquitter de son obligation sociale et leur venir en aide en diminuant le
montant de leur chèque pour sen occuper plus et s'en occuper mieux. Ce
n'est pas en diminuant le montant des chèques des
bénéficiaires, des prestataires, qu'on pourra faire face à
ce défi qui est celui de contrer la pauvreté d'une
majorité de nos concitoyens. Vous avez dit que c'est majeur, que ce
projet de politique n'intégrait pas les éléments de la
politique d'ensemble en matière de handicap, la politique sur
l'intégration sociale des personnes handicapées et sur la
prévention des déficiences. Est-ce que vous avez eu l'occasion
d'en discuter avec le ministre responsable? Avez-vous pu faire parvenir vos
réflexions l'opposition que vous manifestez dans votre mémoire,
à Mme Lavoie-Roux, de manière qu'elle puisse représenter
vos intérêts lorsque sont discutées des mesures comme
celles apportées par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu au Conseil des ministres?
Mme Picard: Nous avons évidemment des contacts
fréquents avec M. Dutil...
Mme Harel: C est M. Dutil.
Mme Picard:... qui est maintenant responsable, et nous avons eu
aussi beaucoup de contacts avec Mme Thérèse Lavoie Roux. Je pense
quelle connaît bien nos positions sur I'ensemble des aspects de
l'intégration, que ce soit l'intégration scolaire ou
l'intégration au travail. Evidemment, notre ministre responsable comme
vous dites, est au courant de nos préoccupations puisque nous avons des
contacts réguliers avec lui. Cependant, est ce que M. Dutil est
intervenu de façon précise auprès de M. Paradis? C'est
quelque chose qu on va verifier et on va s'interroger. Comme le soulignait le
directeur général de la COPHAN, nous sommes dans une
opération importante de transfert des programmes qui touchent
l'intégration au travail. À ce sujet, tout le gouvernement
québécois s'interroge, tous les ministères ou plusieurs
ministères doivent se poser des questions sur ce qu est
l'intégration des personnes handicapées. Je suis sûre que
MM. Paradis et Dutil, sous une forme ou sous une autre, peuvent se parler. Le
débat n est pas terminé. Il va se poursuivre avec cette
opération de façon plus analytique. Je souhaite que les
décisions qui seront prises dans le cadre de cette réforme soient
concordantes ou fassent avancer le mieux possible le dossier du transfert des
programmes qui nous préoccupe beaucoup et qui, pour nous, est tout
à fait concomitant.
M. Majeau: J'aimerais ajouter un élément. Mme
Harel: Oui, allez-y.
M Majeau: C'est un élément important que vous avez
souligné. On a dit que c'était en réponse à la
question de M. Paradis et que c'était intéressant d'envisager une
réponse universelle. Il est clair, pour nous, qu'il ne s'agit pas de
nivellement par le bas. Il ny a pas de
raison actuellement qu'une personne handicapée, à la suite
d'un accident de travail, reçoive un montant X et qu'une personne qui a
une déficience congénitale ou autre ait un montant moindre. Cela
ne veut pas dire que parce qu'un a une déficience congénitale,
pour un besoin similaire, on va recevoir un montant moindre ou, parfois, qu'on
n'aura pas du tout de service. C'est le premier élément.
Deuxièmement, pour compléter relativement à
l'opération de transfert des programmes, je peux vous dire que, pour
l'ensemble des organismes provinciaux, des regroupements régionaux de
personnes handicapées dans tout le Québec, une des
préoccupations, c'est qu'il n'y ait pas justement ce qu'on appelle des
transferts à rabais. Il ne faut pas que les gens se retrouvent avec
moins de services qu'ils ont actuellement à l'office une fois que le
programme sera transféré. C'est une préoccupation majeure
qu'on a de s'assurer que les gens aient droit aux services réels dont
ils ont besoin et qu'il n'y ait pas de transfert de programmes à rabais
comme dans le cas des transferts ou des programmes de l'OPHQ.
Mme Harel: Je crois comprendre que votre mémoire a
été le produit d'une discussion que vous avez eue en
congrès ou en colloque récemment. J'ai pu voir dans les journaux
que vous avez réuni des organismes représentatifs sur l'ensemble
du territoire québécois, je crois, il y a un mois ou quelques
semaines. (15 h 45)
Est-ce qu'en matière des obstacles qui sont dressés...
Vous avez dit: Le concept central est inacceptable. Il est inacceptable et vous
nous l'avez démontré de façon évidente, mais qui ne
parait pas toujours évidente à première vue. Malgré
tout, vous nous avez démontré avec raison que ce n'est pas parce
qu'il y a une déficience que, pour autant, la personne est en mauvaise
santé, notamment, qu'il peut y avoir des personnes sans
déficience qui sont en mauvaise santé. À l'inverse, le
ministre disait tantôt: On a voulu protéger les moins capables de
se défendre dans le système. Je pense qu'avec votre
exposé, vous nous démontrez qu'il est possible qu'il y ait des
personnes qui ont une déficience et qui soient capables de se
défendre et d'autres qui ont une sorte d'inaptitute sociale qui peuvent
même avoir des difficultés supplémentaires à se
défendre dans le système.
C'est peut-être en regard de l'ensemble de la politique que
j'aimerais vous interroger. Dans votre mémoire - à la page 16 -
il y a un élément qui est sans doute central, qui est sans doute
la trappe de la pauvreté qui ne vous attrappe pas dans les
barèmes nécessairement avec le Soutien financier, mais qui vous
attend au détour lorsqu'il y a intégration sur le marché
de l'emploi. Vous dites qu'à partir de ce moment, il y a une perte de
couverture des besoins spéciaux lorsque les personnes handicapées
intègrent le marché du travail. Vous faites valoir que c'est
suffisamment désincitatif, compte tenu des coûts qui sont couverts
par les besoins spéciaux pour que cette non-reconnaissance
entraîne - dites-vous - le paradoxe désarmant, que pour la
personne handicapée, il vaut parfois mieux rester sur l'aide sociale
compte tenu de la meilleure couverture des besoins dits spéciaux
pourtant essentiels à toute personne handicapée, peu Importe son
statut.
Quand on parle de politique de sécurité du revenu et qu'on
parle, comme le fait le ministre, de politique d'intégration à
l'emploi, pas seulement de participation aux mesures, il faudrait attendre
qu'il y ait couverture des besoins spéciaux même pour les
personnes handicapées qui réintègrent le marché du
travail à un certain niveau de revenu qui, sinon, les désincite
complètement à retourner sur le marché du travail...
M. Majeau: C'est un point clé. D'ailleurs, on a
soulevé que c'est un des problèmes actuellement de l'aide sociale
qu'on va perpétuer et cela amène le point 3, la
non-reconnaissance des coûts reliés à la déficience.
C'est exactement ça qu'on voulait dire. Ce n'est pas parce que tu es une
personne handicapée qui travaille ou qui reste à la maison que
tes besoins vont changer comme individu. C'est le problème actuellement,
si tu intègres le marché du travail, tu perds tes couvertures de
besoins spéciaux parce que je n'ai pas besoin de dire que les gens qui
sont sur l'aide sociale ne reçoivent pas de prestation de la CSST ou de
la RAAQ. Donc, c'est parmi les gens les plus démunis souvent au plan
financier. Je pense que c'est un élément capital qu'on voulait
soulever. Cette chose-là est désincitative. On devrait sortir cet
élément-là du cadre de la réforme de l'aide
sociale. C'est quasiment préalable à la réforme.
Mme Harel: Les besoins spéciaux auxquels vous faites
référence, quels sont-ils, ceux qui sont actuellement couverts
quand vous êtes sur l'aide sociale?
M. Majeau: Cela dépend. On n'a pas la liste exacte. Par
exemple, je pense qu'il y a toute la question des orthèses, des
prothèses, des médicaments essentiels, les soins dentaires; ce
sont les besoins spéciaux dont il est question actuelllement.
Mme Picard: Les services à domicile pour les
personnes...
M. Majeau: Les services à domicile pour les personnes
handicapées.
Mme Picard:... qui coûtent très très cher
actuellement.
M. Majeau: Le transport adapté dans certains cas qui est
inexistant dans certaines régions. Cela peut quand même être
une couver-
ture, des besoins assez larges de ce côté-là.
Mme Harel: Vous avez également signalé que les
barrières de préjugés doivent être franchies par des
mesures incitatives pour les employeurs. Je pense que madame a dit: Comment
imaginer que l'employeur, qui aura une sorte de bassin à sa disposition,
puisque le projet s'adresse à au-delà de 280 000 ménages
dans la catégorie APTE, pourrait préférer, s'il n'y a pas
d'Incitation, des personnes qui, sous le Soutien financier, voudraient quand
même bénéficier du programme de
réintégration? J'aimerais vous entendre plus amplement. C'est une
contradiction certainement de taille.
M. Majeau: Je pourrais peut-être amorcer une réponse
et tu pourras continuer. Je pense que c'est un autre des éléments
qu'on veut souligner quand on dit que ce n'est ni une politique vraiment de
développement de l'employabilité ni d'intégration ou de
création d'emplois. Quand on parle de handicap, on vous l'a
souligné, c'est toute la question d'obstacles sociaux rencontrés
par les personnes. Quand on parle d'intégration au travail, c'est
sûr que c'est nécessaire de développer les mesures
d'employabilité, mais il faut surtout prendre en considération,
à notre avis, les trois facteurs suivants: D'abord, la question de
l'accessibilité des lieux de travail; l'adaptation des postes de
travail. Quand on parle d'adaptation, cela ne veut pas dire
nécessairement de refaire l'usine de fond en comble, des fois cela peut
être des adaptations très simples qui sont faites. Dans certains
cas, cela va être compliqué aussi, mais la question d'adaptation
des postes de travail est un facteur quand même fondamental.
Évidemment, je pense que... J'ai perdu mon troisième
élément, mais il va me revenir.
Il y a donc la question de l'accessibilité de l'adaptation et le
dernier élément capital là-dessus, c'est ce que j'appelle
la sensibilisation des employeurs, des milieux de travail et souvent des
instances syndicales. Si on n'a pas ces éléments-là quand
on parle d'intégration des personnes handicapées au travail, il
est utopique de considérer qu'il y aura des résultats
significatifs de ce côté. J'aimerais peut-être rappeler
aussi qu'il existe actuellement pour les entreprises de 50 employés et
plus l'obligation, et c'est déjà fait, de déposer un plan
d'embauche concernant les personnes handicapées. Là-dessus, on
s'interroge beaucoup sur ce que le ministère de la Main-d'Oeuvre
pourrait faire concrètement pour y donner suite, parce que ce sont des
affaires qui sont en train de rester dans des tiroirs à l'Office des
personnes handicapées. C'est un outil qui pourrait probablement
être utilisé pour favoriser l'intégration de ces
personnes-là. Je sais que ceia fait déjà plusieurs
années qu'il y a des pourparlers avec le ministère de la
Main-d'Oeuvre et je pense que c'est un élément quand même
essentiel à utiliser. On a des outils et on ne les voit pas
mentionnés dans le projet de réforme. Dans ce sens-là,
pour nous, il est fondamental qu'on utilise ces aspects-là. Si on ne les
utilise pas ou si on n'intervient pas là-dessus, il est utopique de
penser qu'il y aura une vraie intégration au travail des personnes
handicapées.
Mme Doré: Concernant les personnes qui ont une
déficience intellectuelle, par exemple, les problèmes de soutien
à l'emploi ou de mesures qui vont aider l'emploi ne sont pas
nécessairement du niveau physique. Ce n'est pas là qu'est le
problème. Ce sont des gens qui ont des difficultés à
apprendre et qui sont donc plus lents. On a besoin de gens qui vont les inciter
au travail, qui vont les encourager, leur montrer comment faire, les encadrer
et, une fois qu'ils auront appris, ils vont pouvoir.
La majorité des gens qui ont une déficience intellectuelle
pourraient occuper plein d'emplois tout simples. Travailler dans une
épicerie à remplir des caisses et des tablettes, ce n'est pas
compliqué. Travailler comme aide-concierge, ce n'est pas
compliqué, et faire du ménage dans les cafétérias,
ce n'est pas compliqué. Ces choses ne demandent pas de grandes
compétences intellectuelles. Ce sont des choses qu'on peut apprendre de
façon méthodique et de façon très claire pour les
personnes qui en sont capables. Le danger pour ces personnes dans ce qui est
proposé ici, c'est que, d'une part, on les déclare inaptes parce
qu'on se dit que ces affaires, c'est trop compliqué, ce n'est pas
possible.
Ce que je voulais vous souligner, c'est qu'il y aura des gens qui auront
intérêt à les garder là, d'accord? Il y a des
familles à faible revenu et, si leur enfant adulte est reconnu inapte,
elles auront la paix par rapport à cela et le revenu de leur enfant
adulte aidera à payer les autres affaires. À ce moment-là,
comment les parents vont-ils faire? Ils vont dire: Bien oui, vas-y travailler;
cela va être bon pour toi. Cela va te stimuler, cela va t'intégrer
et tout cela. Non, non. Là, ce sont les considérations d'ordre
financier qui vont jouer à rencontre de la personne. Une personne qui a
une déficience intellectuelle a besoin de quelqu'un d'autre pour la
stimuler, comprenez-vous, pour lui faire comprendre qu'elle est capable parce
que, durant toute sa vie, on lui a dit qu'elle n'était pas capable.
C'est pour cela que, pour nous, cette affaire est un piège. J'ai
même l'impression qu'il y a danger que les personnes qui ont une
déficience intellectuelle soient encore plus de seconde zone par rapport
à cela que par rapport à l'ampleur d'autres problèmes on
laisse ceux-là de côté... et qu'il n'y ait pas tant que
cela de gens qui revendiquent de se retrouver sur le marché du travail.
Cette question reste encore majeure pour nous.
Donc, les besoins de soutien à l'emploi sont des besoins de
travailleurs au niveau de centres de main-d'oeuvre qui vont connaître
quelle sorte
d'emploi, ou on pourrait mettre tes personnes en termes de soutien dans
les stages. Ce sont des besoins comme ceux-là.
Mme Harel: Dois-je conclure. Excusez-moi.
M. Trottier: J'aurais un point à ajouter concernant la
personne handicapée physique et l'image qu'elle a d'elle-même.
S'il n'y a pas de mesures incitatives très appropriées, beaucoup
de personnes handicapées n'accéderont pas au marché du
travail parce qu'elles pensent et on leur a mis dans la tête, que c'est
impossible d'y accéder.
Mme Harel: Dois-je conclure de votre mémoire que, pour
vous, le risque contenu dans le document d'orientation est très grand de
confiner les personnes handicapées à... Dites-vous un statut de
personne non employable ou d'inapte? Enfin, quel que soit le qualificatif, le
risque est grand. On peut conclure que, pour vous le risque n'en vaut pas la
chandelle, est-ce exact?
Mme Picard: Exactement. On espère bien que les
considérations que nous avons apportées ici aujourd'hui
réussiront à ouvrir un peu... D'abord, je pense que c'est
toujours un travail - on en a beaucoup parlé, depuis 20 minutes - de
sensibilisation. Je pense que, pour les parlementaires, on espère avoir
réussi ce travail de sensibilisation. II faudra le continuer ensemble,
parce que c'est toute la société québécoise qu'il
faut continuer à sensibiliser pour arriver à ce que la personne
handicapée ou vivant avec une déficience ait vraiment des chances
égales à l'emploi. Avec toutes les discussions auxquelles se
livre notre société actuellement, je pense qu'on devrait
être capable d'y arriver. Nous voulons demander à M. Paradis,
finalement, de bien considérer cet élément de
sensibilisation, parce que I'intégration n'est pas une question de
bebelle, c'est entre les deux oreilles que cela se passe. Lorsque les gens
comprennent exactement les besoins d'une personne, souvent ils vont trouver des
moyens très simples pour faire en sorte que la personne puisse avoir un
statut de vrai citoyen. C'est ce que nous demandons ici à la commission
parlementaire.
Mme Harel: Avez vous I'impression qu'il y a une conception
paternaliste derrière I'offre qui vous est faite d une reconnaissance
plus grande que pour les autres catégories?
Mme Picard: C'est ce qu'on a voulu vous traduire ici. On
connaît d'autres sociétés ou on a dit: Bon on sait qu'il y
a des prestations importantes qui sont données aux personnes
handicapées, mais elles ne peuvent pas sortir de leur appartement.
D'accord. On est aussi capable d'admettre que la société
québécoise n'est pas à ce niveau. II y a quand même
des mesures dans notre société qui font que la participation des
personnes handicapées s accroît de jour en jour plus dans certains
secteurs que dans d'autres. À notre avis, celui du travail est le plus
difficile. C'est celui ou il reste le plus de travail à faire. Ce qui
est important, c'est que la personne handicapée ait vraiment le
goût d'aller travailler, se sente accueillie dans le milieu du travail.
Je pense que le gouvernement québécois a un rôle à
jouer pour faire en sorte que les employeurs deviennent de vrais
partenaires.
Je comprends que c'est une mission très difficile, mais c'est la
seule façon de réussir la mission. Ce n'est pas seulement en
donnant des fonds. II faut vraiment que tout le monde mette la main à la
pâte et comprenne que la personne handicapée peut travailler,
quelle a sa place dans notre société. Comme disait Michel, je
pense que plusieurs personnes à I'inverse seront plus incitées
à le faire et le combat sera gagné à ce moment.
Le Président (M Polak): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je veux vous remercier. J'attendais avec beaucoup
d'intérêt le point de vue que vous alliez exprimer. Je crois que
la Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec a un caractère très
représentatif. Le point de vue que vous nous exprimez est partagé
par les personnes qui ont à vivre avec un handicap ou une
déficience. Les changements à faire le sont dans les structures
de la société et aussi dans les mentalités. Je dois vous
dire que je suis vraiment heureuse du point de vue que vous nous apportez,
parce que c'est un point de vue qui fait appel à plus de
solidarité sociale pour changer les choses plutôt que de faire
appel peut être à une sorte de compas sion pour que les choses ne
changent pas.
Le Président (M Polak): Merci. II reste trois minutes pour
la déposition ministérielle. Je donne la parole à Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Cardinal: M le Président j'ai lu attentivement votre
mémoire et je vous en félicite. Je veux aussi vous dire que je
connais le travail que vous faites pour l'intégration et la
sensibilisation.
Voici ce qui ma frappée dans votre mémoire, et je pense
que vous résumez vos inquiétudes en page 16 lorsque vous
écrivez: La réforme proposée doit donc éviter la
détermination d'un statut particulier aux personnes handicapées,
ce qui aurait pour effet de les reléguer à un ghetto, bref de les
marginaliser encore plus.
Dieu sait si on connaît le travail que vous avez fait depuis les
quinze dernières années pour faire reconnaître qu'un
handicapé, quel qu'il soit, est un être humain à part
entière. Je pense
que cela est important. Je vous remercie de nous I'avoir
rappelé.
Deuxièmement, je veux vous conter une petite anecdote. Un jeune
en déficience mentale est venu à mon bureau, dans mon centre de
rééducation, pour me dire qu'il n'était pas un
assisté social mais un travailleur. Et il a déchiré son
chèque d'aide sociale devant moi. J'ai été vraiment
estomaquée. Je veux le mentionner parce que c'est un geste de
fierté, un geste d une personne blessée qui se dit: Moi j'ai
aussi mes capacités, j'ai aussi mon potentiel et vous allez le
reconnaître.
Vous m'avez rappelé énormément de choses en vous
écoutant. Je vous remercie de nous avoir sensibilisés davantage.
C'est sûr qu'on était au courant. Je pense que cet appel a
évité qu'on marginalise davantage les personnes
handicapées et c'est très important. Si on considère la
difficulté qu'un bien portant a à se trouver du travail, vous
vous imaginez dans ce contexte - je comprends votre inquiétude - qu'il
peut devenir plus difficile. Je pense que M. le ministre en est très
conscient. Nous en sommes tous conscients. On va apporter sûrement des
élements positifs pour vous aider à continuer votre excellent
travail. Je vous remercie.
Le Président (M. Polak): Merci. Mme la
députée. II reste 50 secondes pour le ministre. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais difficilement vous
remercier plus adéquatement que vient de le faire Mme la
députée de Chateauguay. Toutefois, voici le message que je peux
vous laisser. Depuis un peu plus de deux ans, comme ministre, j'ai la
responsabilité d'administrer un programme d'aide sociale ou il y a
plusieurs personnes qui s'en sont sorties. Plus de 100 000 au cours des deux
dernières années. Mais très peu de personnes
étaient handicapées. Donc, le système actuel ne
répond pas de façon adéquate, pour ne pas dire ne
répond pas aux attentes et aux besoins des gens que vous
représentez ici devant la commission parlementaire. II va peut
être falloir être innovateur. II va peut-être falloir prendre
des risques pour atteindre... au moins améliorer un résultat nul
et le faire progresser.
Là-dessus, j'ai retenu peut-être les trois mots clés
- le troisième que vous avez cherché et que vous avez
retrouvé - accessibilité, adaptation, sensibilisation. Je peux
vous dire quant à la sensibilisation, qu'il y en a dans les
ministères que je représente, mais il en manque un peu. Vous avez
fait allusion à un CT tantôt. Je me suis informé.
Présentement, je ne veux pas faire état des pourparlers à
l'intérieur des ministères et du Conseil du trésor, mais
mon ministère est déjà en demande au Conseil du
trésor pour qu'il soit modifié. Je tiens à vous dire que
j'interviendrai - on ne le fait pas sur tous les CT - personnellement
auprès de mon bon ami, le président du Conseil du trésor,
pour quon remédie à l'élément que vous nous avez
souligné. Encore une fois, pour la qualité de votre
mémoire, de votre présentation et la qualité avec laquelle
vous avez su nous sensibiliser également, je vous dis merci, au nom des
ministères que je représente.
Le Président (M. Polak): Merci. Je remercie
également les représentants de la confédération qui
ont respecté I'horaire. Cela va bien.
Je vais demander aux porte-parole de la Corporation professionnelle des
psychologues de s approcher. On va donner I'occasion aux dépu
tés, durant une minute, de saluer ceux qui nous quittent.
(Suspension de la séance a 16 h 3)
(Reprise à 16 h 9)
Le Président (M. Bélanger): À I'ordre s'il
vous plaît! Nous entendrons maintenant la Corporation professionnelle des
psychologues du Québec qui est représentée par M. Luc
Granger, Mme Renée Lavigne-Sabourin et Mme Danielle Marchand. M. Granger
je me souviens de vous.
Vous connaissez nos règles de fonctionne ment. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire et les parlementaires ont 40
minutes pour passer aux interrogations et aux échanges sur votre
mémoire. Je vous prierai, M. Granger, tout d'abord, de nous
présenter vos collègues. À chaque fois que I'un d'entre
vous veut ou doit intervenir, à la suite d'une question qui lui est
posée, il voudra bien s'identifier pour les besoins de la transcription
du Journal des débats, puisqu'on n'est pas familier avec vos voix
M le député de Louis Hébert.
Discussion relativement aux règles de
fonctionnement de la commission
M. Doyon: Merci M. le Président, très
brièvement. J'ai remarqué que, depuis le début de nos
travaux la télévision est présente - elle n'est pas
là dans le moment - ici régulièrement et elle prend des
images, je suppose, pour diffusion au choix. Je me demande, M. le
Président, si vous avez eu I'occasion de consulter soit le bureau, soit
le président ou quelqu'un finalement qui aurait pu vous éclairer
sur les règles qui s appliquent dans un tel cas. En I'occurrence, si
vous I'avez fait, pourriez-vous nous mettre au courant des règles qui
prévalent ou, s'il y a eu des changements concernant ce qui se fait ou
ce qui s'est fait auparavant, aux commissions dans lesquelles j'ai eu
I'occasion de siéger?
Le Président (M. Bélanger): Effectivement, la
question a été posée à quelques reprises depuis le
début des travaux. Comme président, on avait fait preuve d'une
grande tolérance eu égard
à ce que le règlement nous autorise de faire dans ces
circonstances. J'avais d'ailleurs pris la peine de consulter auparavant si le
ministe était d'accord, et il était totalement d'accord. Je
n'ajouterai pas son commentaire, mais je sais depuis quand vient son accord. II
me disait que, depuis la Baie James, cela avait fait son affaire. Mme la
députée de Maisonneuve m'avait donné, elle aussi, son
accord. Alors, du côté de la Chambre, on était d'accord.
Comme député de Laval-des Rapides, si je fais abstraction de mon
rôle de président, j'étais aussi entièrement
d'accord, il m'apparaissait important que la population qui suit les nouvelles
télévisées puisse être bien informée de ce
qui se passe ici. Maintenant, comme président de la commission, je dois
revenir sur cette tolérance, au sens ou j'ai ici des textes de
jurisprudence de commissions et des décisions rendues, entre autres par
M Filion, par M Vallières, par M Marquis - et il y en a toute une
série - et les règles de l'Assemblée nationale qui
interdisent la présence de caméras autres que celles de
l'Assemblée nationale, parce qu' il y a un code d'éthique et des
règles spéciales qui régissent, semble-t-il, le film des
débats. Cependant, cette tolérance aura au moins le mérite
de poser une question de fond à I'Assemblée nationale et à
la commission de l'Assemblée nationale, question que je veux
débattre avec elles. J'ai demandé au président qu'à
la prochaine réunion de la commission de l'Assemblée nationale,
nous puissions discuter de cette possibilité de laisser les journalistes
du film - si on peut ainsi dire - les journalistes de la
télévision, prendre les images dont ils ont besoin ou même
I'ensemble des commissions dans la mesure où - on l'a vu depuis deux
jours -cela ne pose pas de problème. Je pense que cela n'a pas
dérangé le fonctionnement des travaux ou quoi que ce soit. Dans
ce sens-là, cela nous amène à poser une question plus
loin, à forcer le débat là-dessus et à prendre une
position révisée dans un contexte qui est maintenant, je pense,
un peu différent de ce qu'il était il y a quelques années
quand la télévision a commencé à l'Assemblée
nationale. C'est le sens de ma décision. M le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Très bien, M. le Président. Si je
comprends bien, nous serons informés de ce qu'il se passera. Je m'en
remets à vous quant au moment que vous jugerez opportun pour nous faire
connaître la décision que vous aurez prise en consultation avec
les personnes responsables.
Autre chose M. le Président, puisque je suis dans les points de
règlement, je porte à votre attention I'article 5 des
règles de fonctionnement concernant les commissions ou il est dit que:
"Le vice président et le secrétaire prennent place de part et
d'autre du président à la table de la commission ".
Je pense que cet article si on le lit correctement - je ne veux pas
être désagréable, mais je pense qu'il est important pour
les privilèges des parlementaires qui sont ici - que les gens qui
s'assoient autour de la table soient des parlementaires, sauf exception
indiquée dans le règlement.
Je constate depuis... Je le porte à votre attention. Vous
prendrez la décision que vous voudrez. Mais il y a un article du
règlement qui indique qui, sauf les parlementaire, peut s'asseoir
à la table, et on ne fait nulle part allusion à des
fonctionnaires, à des sous-ministres à des recherchistes ou
à qui que ce soit. Dans les circonstances, j'aurais recours à vos
bons services pour demander que cet article soit appliqué dans son
intégralité.
Je pense qu'il y va de la bonne marche de nos travaux et de la
distinction qui doit être et qui doit exister entre des gens qui ont un
mandat du peuple, qui sont des élus et qui, à ce titre, ont le
droit de s asseoir à certains endroits pour participer aux travaux. Il
faut distinguer Je pense que la dignité de l'Assemblée nationale,
la dignité de cette commission et le mandat, finalement, qui nous est
confié par la population exige que cet article soit respecté.
J'aimerais qu'à partir de maintenant, vous fassiez en sorte qu' il soit
respecté.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Sur la même
question de règlement, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, une représentation. Alors, une
représentation d'abord sur la question de la télédiffusion
des débats. M. le Président, j'apprends que la présence
des cameras, autres que celles de l'Assemblée nationale, avait fait,
nous dites-vous, I'objet de décision junsprudentielle, en fait de
précèdent de la part de présidents de commission, alors
cette présence de caméras, autres que celles de
I'Assemblée nationale, met en question aussi la demande que vous avez
formulée pour obtenir, par le Service de la
radiotélévision des débats de I'Assemblée
nationale, la télédiffusion de nos travaux. J'aimerais
connaître, M. le Président, la réponse que vous avez
obtenue. On ma dit que le président de I'Assemblée nationale
avait informé le whip de ma formation politique de sa décision
négative en matière de télédiffusion des
débats. Si c'est le cas, M. le President, que cette décision du
président de I'Assemblée nationale vous a été
communiquée, je voudrais immédiatement vous dire que c'est, pour
ma formation politique et moi même, tout à fait inacceptable que
la demande que vous aviez formulée ne soit pas reconnue et retenue et
que nous n'ayons pas de télédiffusion des débats, et sous
prétexte que sans télédiffusion des débats il ne
doit pas y avoir d'autres caméras, que nous n'ayons, ni I'un ni I'autre,
le motif, dit le Président, de compression budgétaire ou de
réduction ou de problèmes budgétaires, bien, qu'en
I'absence de télédiffusion des débats par le service de
I'Assemblée nationale, que I'ensemble de nos concitoyens, puis que
l'opinion puissent au moins avoir accès à l'information
par les médias qui voudraient suivre nos travaux...
On ma fait des représentations disant que la radio, par le
perroquet, peut suivre nos travaux facilement, ce qui n'est pas le cas des
médias électroniques modernes. J'aimerais peut-être que
vous fassiez la représentation le plus rapidement possible pour qu'on
puisse certainement mettre fin à cette situation. Je vais demander
à mon recherchiste puisque c'est de lui dont il s'agit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée de
Maisonneuve, est-ce que sur le premier point, nous pouvons indiquer au
président.
Le Président (M. Bélanger): M le ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... et je viens de faire une
consultation rapide avec l'ensemble des membres de la commission, qu'il
s'agirait d'une demande unanime de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Pour clore le
débat, je ne voudrais pas qu'on éternise. Excusez nos
débats de procédure, cela fait partie de la vie parlementaire et
c'est même très important.
Mme Harel: Vous êtes des psychologues. Vous nous
étudiez pendant ce temps-là.
Une voix: On fait cela On note. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Je dois donc dire que,
au nom des membres de la commission parlementaire des deux côtés
de cette Chambre, j'ai fait parvenir une lettre au président de
l'Assemblée nationale, pour demander que la télédiffusion
des débats soit faite dans les meilleurs délais. On me dit qu il
y a le comité. J'ai ici copie de la lettre. Je peux vous la lire, si
vous voulez. "Objet demande de télédiffusion des travaux de la
commission des affaires sociales. "Monsieur le Président, "La commission
des affaires sociales entreprend dès aujourd'hui une consultation
générale afin d'étudier le document intitulé: Pour
une politique de sécurité du revenu. Les membres de la commission
considèrent que ce mandat qui leur a été confié par
l'Assemblée nationale revêt une grande importance et
présente un intérêt certain pour toute la population du
Quebec. Ainsi au nom de la commission, je vous prie d'autoriser la
télédiffusion des délibérations de la commission
à cette occasion. Les auditions publiques débuteront aujourd'hui
même à la Salle du conseil législatif et se poursuivront
les 24, 25, 29 février ainsi que les 4, 14, 15, 16 et 17 mars prochains.
'Veuillez agréer, monsieur le Président, mes salutations les plus
distinguées. "Le président de la commission, député
de Laval-des-Rapides. "
Or, cela a été fait. Ce que j'ai l'intention de faire. Je
peux vous dire aussi mes intentions comme président de commission. Lors
de la prochaine réunion de la commission de l'Assemblée
nationale, dont je suis membre d'office, je vais rapporter ce point à
l'ordre du jour et demander qu'il soit débattu au mérite parce
que je pense, et inconditionnellement, que tous les gens de cette salle
étaient d'accord avec la télédiffusion des
délibérations et que, jusqu'à maintenant, à moins
que quelqu'un ne me fasse la preuve du contraire, cela n'a posé
absolument aucun problème de fonctionnement et la couverture a
été faite d'une façon sobre et très objective. Ce
que j'ai vu aux nouvelles me semblait sobre et objectif même si, M. le
ministre, je ne suis peut-être pas de votre avis. Mais je pense que les
journalistes avaient fait leur travail avec une éthique qui était
respectueuse des normes de l'Assemblée nationale. Donc, ce
point-là est clos. Je ne veux pas aller plus loin Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il faut
également constater que, quel que soit le traitement que l'on donne
à l'information, ce n'est pas nécessairement sur le contenu que
I'on doive se prononcer mais bien plus, en fait, sur la possibilité
d'accès direct à I'information sans nécessairement
d'intermédiaire. Alors qu'il y ait télédiffusion des
débats. Mais dans le cas ou il n'y aurait pas
télédiffusion des débats qu'il y ait au minimum un
accès à nos travaux pour les médias électroniques
qui le veulent.
D'autre part je voulais intervenir, M. le Président, sur la
deuxième remarque du députe de Jean-Talon.
M. Doyon: Louis Hébert.
Mme Harel:... de Louis Hébert. Je reconnais bien son souci
de la forme et je vais inviter mon recherchiste - parce que j'imagine que c'est
de lui dont il s'agit - à se retirer tout en signalant, M. le
Président, que cela n'entache en rien la dignité de nos travaux
parce qu'il est très fréquent dans des salles de commission
parlementaire, lors des études des engagements financiers et des
crédits, que de part et d'autre nous ayons les personnes qui nous
accompagnent. Je me rappelle qu'à la première étude des
engagements financiers du ministère de la Maind'oeuvre et de la
Sécurité du revenu que l'on a faite à la salle 121. B,
votre adjoint, vous accompagnait M le ministre.
Cela dit je conçois que, lorsqu'un parlementaire veut faire
appliquer rigoureusement le règlement, vous ayez a le faire. Je
regrette, par ailleurs, la présence de ce recherchiste parce que cela
semblait me rendre plus efficace et il
me semblait que, pour les fins de nos travaux parlementaires, il est
parfois souhaitable que l'efficacité passe avant les formalités.
Puisque le député de Louis-Hébert le voit autrement,
je...
Le Président (M. Bélanger): Vous faites appel
à des précédents dans ce sens-là.
Mme Harel: Non, je ne fais pas appel à des
précédents.
Le Président (M. Bélanger): Je veux dire comme
président.
Mme Harel: Vous voulez m en citer.
Le Président (M. Bélanger):... de cette commission,
je me rappelle fort bien..
Mme Harel: Vous pouvez m'en citer.
Le Président (M. Bélanger):.. qu'en d'autres
occasions, de part et d'autre, on le permettait.
Mme Harel: Oui. on peut, pas de problème.
Le Président (M. Bélanger): Dans le contexte, il y
a une demande d'appliquer le règlement. Alors, vous me voyez dans
l'obligation de l'appliquer.
Mme Harel: Le règlement est déjà
appliqué.
Le Président (M. Bélanger): Je l'apprécie
énormément, madame. Je vous remercie.
M. Doyon: Sur cette question, M. le Président, la question
des précédents.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Je pourrais aussi en invoquer de nombreux, alors
qu'étant dans l'Opposition, la requête que je viens de faire
était faite par les membres ministériels et, très souvent
nos recherchistes devaient prendre la banquette arrière. Si on parle de
précédent, on peut se référer à un certain
nombre de précédents qui sont aussi plus anciens.
Le Président (M. Bélanger): S' il vous plaît
on va clore le débat ici.
Mme Harel: Bon!
Le Président (M. Bélanger): Je pense que tout est
réglé. Mme la députée de Maisonneuve a consenti, de
bonne foi, à le régler.
Mme Hare!: J'espère que vous n'allez pas être trop
fâché. Le député de Louis-Hébert a l'air bien
monté.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bélanger): Nous revenons a nos
débats. Nous accueillons donc à la table des témoins la
Corporation professionnelle des psychologues du Québec. J'ai
invité tout à l'heure M Granger et ses deux collègues. M.
Granger, si vous voulez bien nous présenter vos collègues et nous
présenter votre mémoire dans les 20 minutes allouées, nous
en serions fort aise.
Corporation professionnelle des psychologues du
Québec
M. Granger (Luc): Je vais essayer de vous rendre fort aise. Je
vous présente, à ma gauche, Mme Renée Lavigne-Sabounn,
vice-présidente de la corporation, plus particulièrement
chargée des questions de santé mentale et, à ma droite -
j'espère, M. le Président, que j'ai le droit de la garder - notre
recherchiste chargée de dossier, Mme Danielle Marchand
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Granger: Mais j'ai compris que le règlement
s'appliquait au côté parlementaire de la commission et non pas au
grand public. Je me permets de garder ma recherchiste.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez,
là-dessus, tous les droits.
M. Granger: Merci beaucoup. Je voudrais d'abord remercier la
commission parlementaire de nous accueillir. Je voudrais m'excuser d'une erreur
d'assemblage du mémoire qui vous a été distribué.
Nous avons remis juste avant la commission des copies du mémoire. Cela a
peut-être pu vous compliquer la vie. On s'est aperçu qu'il y avait
un certain nombre de mémoires qui avaient été mal
assemblés. Les vôtres ne l'avaient peut-être pas
été. En tout cas, si jamais ils I'avaient été, on
s'en excuse. Des pages étaient inversées. On a laisse de
nouvelles copies.
Je voudrais d'abord situer le cadre de notre comparution devant cette
commission parlementaire. Nous représentons une corporation de
psychologues plus particulièrement préoccupés par le
bien-être psychologique des gens. Nous ne sommes donc ni des comptables
ni des statisticiens, ni des fonctionnaires spécialisés dans le
type de problème que vous traitez. On va surtout orienter et on a
surtout orienté notre mémoire sur les aspects psychologiques,
enfin sur les dangers et aussi les bienfaits de cette réforme sur la
santé mentale et psychologique des gens qui sont concernes.
Je dois vous dire que, du point de vue des principes psychologiques en
cause on est d'accord avec les principes de base de la reforme. C'est
plutôt en ce qui concerne beaucoup de modalités qu'on est inquiet.
Quant au principe de
base de la réforme qui veut permettre à ceux qui sont
capables de le faire de retourner sur le marché du travail, donc de
réintégrer la société, on est pour cela, et pour
des raisons très particulières que je vais vous exposer. La
première, d'ailleurs, a déjà été
exposée par Félix Leclerc dans une chanson où il laisse
entendre que la meilleure façon de tuer un humain, c'est de le payer
à ne rien faire. Je pense qu'à ce moment, il ne parlait pas de la
santé physique, mais bien de la santé psychologique et sociale
des gens. Tout cela est corroboré par de nombreuses recherches qui sont
faites en psychologie et en psychologie sociale sur ce phénomène.
Il y en a une en particulier qui a été faite dans les
années quatre-vingt, en 1985, je pense, à l'Université
Laval, dans laquelle on s'était rendu compte que l'inaction au niveau
des bénéficiaires de l'aide sociale est un des principaux
facteurs de détérioration de la santé mentale. On ne peut
qu'être d'accord avec le principe qu'il est préférable que
dans une société les gens travaillent et soient bien
intégrés dans cette société-là.
Cette recherche avait aussi démontré, se basant sur des
recherches faites dans les années trente, durant la grande crise
économique, qu'il y avait une espèce de chronicisation qui
s'établissait par contre chez des gens qui étaient chômeurs
dans une société, que cela se faisait en trois phases et
très rapidement. Je vais vous décrire les trois phases,
très rapidement, parce que j'y reviendrai tantôt dans mes
critiques sur certains aspects du document d'orientation présenté
par le ministre.
La première phase qui durait de deux à trois mois: Quand
quelqu'un perd son emploi habituellement, durant les deux ou trois premiers
mois, il est un peu surpris de ça mais il demeure en
général assez optimiste parce qu'il se dit: étant
donné le fait que j'ai déjà travaillé et que je
suis encore probablement - surtout s'il est jeune - plaçable sur le
marché du travail, il se cherche de l'emploi. Il cherche un peu partout,
il regarde et essaie de vendre ses capacités. Ce qui se produit
après ces deux ou trois mois si l'individu n'a pas trouvé
d'emploi, c'est qu'il commence à être un peu plus angoissé
et dépressif vis-à-vis de sa situation. Si cela se prolonge
encore et s'il n'est pas réintégré sur le marché du
travail pour toutes sortes de raisons, on assiste à une espèce de
développement d'une situation d'apathie, si vous voulez, où
l'individu adopte finalement une nouvelle façon de se voir. Il se voit
comme quelqu'un qui ne peut plus rien faire dans la société.
Cette apathie qui suit ce processus amène même souvent l'individu
à refuser ou, en tout cas, à être très
méfiant vis-à-vis de toute mesure qui va tenter de le
réintégrer dans le système, parce que cette personne a
développé une espèce d'expérience de l'échec
qui lui fait craindre, dans le fond, de se représenter et de se refaire
dire, finalement, par la société, pas directement mais
indirectement, qu'il ne vaut rien. C'est très dévalorisant pour
quelqu'un d'être dans une telle phase. On développe souvent alors
un sentiment d'échec qui fait qu'on n'essaiera pas vraiment de s'en
sortir, parce que c'est trop dangereux de voir encore l'estime qu'on a de soi
remise en question.
C'est pourquoi, sur les principes de base de la réforme, nous
sommes d'accord. Je pense qu'on n'est pas les seuls à être
d'accord là-dessus. Je pense qu'il est très dommageable pour une
société de rendre les gens parasitaires et de les inciter
à demeurer parasitaires. Donc, on est d'accord pour ça.
Le problème, et on en voit beaucoup finalement dans le document
d'orientation, c'est dans la mise en application et les différentes
façons de faire qui sont proposées pour atteindre ce noble
but.
Je vais vous résumer rapidement ce qu'on en pense. En ce qui
regarde d'abord le programme de Soutien financier pour les personnes
déclarées inaptes, on est d'accord avec le principe. Je pense que
si quelqu'un est carrément inapte au travail, la société
se doit de s'en occuper de la bonne façon. On a un peu de crainte
cependant à propos de la définition d'inaptitude. Je pense qu'on
rejoint un peu les Intervenants précédents la-dessus, on ne
voudrait pas que, par ce programme, on rende encore plus inaptes des gens qui
le sont peut-être temporairement ou qui le sont peut-être parce que
la société n'est pas organisée pour tenir compte de leur
potentialité. Donc, on part du principe que c'est toujours mieux pour
quelqu'un d'être utile et d'être intégré dans la
société que d'être plus ou moins parasite - entre
guillemets - de la société.
Par contre, on est d'accord sur le fait que, si quelqu'un est vraiment
inapte, qu'il n'y a absolument rien à faire et qu'il n'y a aucune
potentialité à exploiter pour le moment présent, la
société en tienne compte et en prenne soin de la bonne
façon. Je pense que c'est un devoir social de voir à ce que tout
citoyen ait au moins ses besoins les plus fondamentaux comblés par la
société dans laquelle ii se trouve.
On rejoint aussi, pour la question du programme de Soutien financier,
une intervention qui a été faite par les intervenants
précédents. On se dit que cette inaptitude devrait être
évaluée par beaucoup de professionnels compétents. On
serait très embêté si le seul type d'évaluation de
l'inaptitude dans ce programme était fait par des spécialistes de
la médecine, parce qu'ils ont un point de vue mais il y a aussi, je
pense, d'autres sortes d'inaptitudes dont il faut tenir compte quand on
évalue quelqu'un.
En ce qui concerne le reste du document, ou la partie qui parle surtout
de ce qu'on fera avec les gens considérés comme aptes au travail,
comme je vous l'ai déjà répété maintes fois,
on est sensiblement d'accord avec le principe de base. Il y a cependant des
choses qui nous embêtent un peu là-dedans. La première,
dans le fond, c'est la réalité économique actuelle et
la
réalité sociale actuelle. Si on était dans une
société de plein emploi et qu'il y avait beaucoup d'emplois
disponibles, je pense qu'effectivement il faut le plus possible essayer
d'inciter les gens à se trouver de l'emploi et il faut les aider
à le faire.
Je pense que même si on n'est pas économiste, on lit les
journaux et les prédictions du Conference Board, d'autres organismes de
ce genre, et les statistiques du chômage. Je pense qu'il y a actuellement
au Québec probablement un taux de chômage entre 9 % et 10 %. On se
dit à ce moment. Parfait, s'il y a de l'emploi pour tout le monde, mais
s'il n'y a pas d'emploi pour tout le monde, on doit quand même faire
attention avant de dire qu'on va inciter de façon plus ou moins
drastique tous ceux qui sont aptes à retourner au travail. Je pense que
cela implique qu'il y a effectivement un travail disponible pour ces personnes.
(16 h 30)
On trouve aussi que les mesures proposées ne tiennent pas
nécessairement compte de la réalité psychologique des
bénéficiaires de l'aide sociale. Je reviens un peu au
préambule que j'ai fait tantôt. Souvent ces gens-là,
après un certain temps, et même, dans certains cas, avaient, avant
d'être dans ces programmes, une perte d'habileté sociale ou en
avaient très peu, ils avaient peut-être très peu
d'habileté scolaire et ils avaient souvent peut-être aussi
très peu d'habileté pour s'intégrer sur le marché
du travail. Tout cela, joint au sentiment de dépréciation
personnelle d'isolement qu'un séjour prolongé sur la
sécurité sociale apporte à celui qui était
fondamentalement apte au travail, pose un problème qui pourrait
être celui-ci. Il peut arriver que ces personnes ne soient pas
immédiatement aptes à bénéficier du type
d'incitation de retour au travail sous-entendu dans le document il est possible
que ce soient finalement les personnes les plus démunies qui abandonnent
ces programmes ou qui ne veulent pas s'y inscrire et qu'on les retrouve
finalement socialement très mal pris ayant très peu de
prestations, alors que le problème n'était pas vraiment, dans le
meilleur des cas, le manque de travail, l'absence de bons programmes de
formation professionnelle, mais simplement l'absence de bons programmes
d'apprentissage d'habileté de base ou de réintégration sur
le marché du travail.
Je vais vous citer un exemple rapporté par une psychologue qui
travaille avec ce type de personne. II s'agit d'une cliente quelle essayait
d'aider à se trouver un travail, parce que des psychologues ont mis sur
pied des programmes de recherche d'emploi pour aider les gens à se
trouver de l'emploi. Finalement, cela a pris trois ou quatre semaines avant que
la psychologue s'aperçoive que, si la personne ne faisait jamais
l'inventaire des compagnies susceptibles de l'employer, c'est qu'au fond elle
ne savait même pas utiliser un annuaire téléphonique, sauf
quelle était beaucoup trop gênée pour l'avouer à
quelqu'un. Dans notre société, aller avouer qu'on ne sait pas
utiliser un annuaire téléphonique, les gens nous regardent d'une
façon pas très encourageante et on se sent encore plus
dévalorisé qu'on ne l'est. Cet exemple peut sembler ridicule,
mais je pense que ce sont de petites choses comme celle-là qui peuvent
parfois faire glisser les plus belles intentions ou les plus beaux
programmes.
On souhaite qu'on ajoute au projet de réforme un certain nombre
de mesures qui favoriseraient la réintégration sociale des
personnes aptes au travail et que les mesures qui seront mises sur pied ne
soient pas simplement des mesures strictement d'orientation professionnelle ou
de programme de recherche d'emploi, de liste d'emplois et de stage dans le
milieu de travail. Pour cela, on va vous rappeler quelques-unes des mesures
qu'on propose dans notre mémoire. On voudrait que l'ensemble des
bénéficiaires aient accès à des services d'aide
spécialisée qui soient adaptés à leur condition. II
est question d'une carte-santé, en particulier dans le projet
d'orientation du ministre. On aimerait être sûr que santé,
c'est une définition globale de la santé, un peu comme la
définition que la commission Harnois proposait et dont on a
discuté dans une précédente commission parlementaire et
qu'il ne s'agisse pas simplement de vérifier si la personne a assez de
doigts ou de pieds pour aller travailler. Dans certains cas, et les
intervenants précédents l'ont dit, cela se passe entre les deux
oreilles, mais il peut arriver que quelqu'un qui a toute sa santé
physique apparente soit parfaitement inapte au point de vue psychologique et au
point de vue social à retourner au travail, alors que quelqu'un à
qui il manque deux bras peut être en très bonne condition sociale
ou psychologique pour faire un travail productif et avoir le goût de le
faire.
On voudrait aussi qu'on introduise une notion d'inaptitude
circonstantielle. On a I'impression que le rapport parle des aptes et des
inaptes et que ce sont deux classes relativement étanches. On voudrait
donc voir introduire une notion d'inaptitude circonstantielle en vertu de
laquelle les personnes qui ne pourraient pas travailler pour une cause de
maladie physique ou mentale ou de grossesse ou parce qu'elles ont la garde de
jeunes enfants recevraient temporairement des prestations égales
à celles qu'on propose dans le programme de donner aux
bénéficiaires qui seront, a toutes fins utiles
considérés comme inaptes pour une bonne partie de leur vie.
On voudrait qu'un mécanisme d'évaluation des programmes
d'employabilité soit mis sur pied. Dans le fond on propose
d'établir des programmes d'employabilité et on dit. Si quelqu'un
abandonne ces programmes-là il a une certaine pénalit. Mais il se
pourrait aussi que les programmes soient mal faits ou mal adaptés et on
voudrait être sûr que, si les gens abandonnent ces
programmes-là, ce sera vraiment parce
qu'ils veulent les abandonner et non pas parce que les programmes
n'étaient finalement pas adaptés aux besoins des gens auxquels on
les adressait.
On voudrait que soit mis sur pied une espèce de mécanisme
d'information qui permettrait aux bénéficiaires qui refuseraient
de participer aux divers programmes de faire un choix éclairé.
C'est-à-dire qu'on veut être sûr que les gens qui refuseront
de participer aux programmes mis sur pied pour les aider à se
réintégrer au marché du travail ne le fassent pas par
manque d'habileté ou par crainte, comme je vous l'exprimais
tantôt, de passer pour de parfaits imbéciles parce qu'ils ne
savent pas lire, parce qu'ils ne sont pas alphabétisés, parce
qu'ils sont timides, parce qu'ils ne savent pas s'exprimer en public, parce
qu'ils ont des phobies sociales en groupe ou pour un tas de raisons comme
celles-là qui feraient que ces gens refuseraient d'aller aux programmes,
non pas parce qu'ils sont de mauvaise foi et qu'ils veulent se faire entretenir
par la société, mais parce qu'ils ont certains
éléments de base qui leur manquent, même pour aller dans
ces programmes.
Nous voudrions qu'on intervienne assez rapidement auprès des
bénéficiaires, si possible, dans les premiers mois de la
recherche d'emploi, par des mesures appropriées. Nous basons cela sur ce
que je vous al dit tantôt, sur les trois phases de la chronicité
de la situation d'un chômeur qui montrent que déjà
après les deux ou trois premiers mois, si quelqu'un ne s'est pas
trouvé un emploi, cela commence à produire des effets
psychologiques qui vont rendre de moins en moins probable le fait qu'ils se
trouvent un emploi. Nous voudrions donc une intervention assez rapide.
Nous voudrions aussi qu'un certain soutien financier puisse être
accordé à des programmes de réintégration au
travail qui émargent d'organismes communautaires ou alternatifs qui
existent déjà. Je vais vous en citer un par exemple, la Maison
Saint-Jacques à Montréal qui s'occupe de la
réintégration ou de l'aide en bonne partie à des personnes
psychiatrisées. On a déjà mis sur pied des types de
programmes d'emploi qui fonctionnent très bien pour ces personnes. On se
dit. Plutôt que de dédoubler ou d'en faire d'autres au
gouvernement peut-être que dans le fond une aide à des choses qui
fonctionnent déjà serait plus économique pour
l'État et serait peut-être mieux adaptée parce que ce sont
vraiment des gens habitués dans ce milieu et qui sont habilités
à faire cela.
Nous voudrions aussi que les bénéficiaires soient bien
informés des mesures qui existent déjà. On a ouï dire
par certains des psychologues qui travaillent dans ce domaine qu'il y a des
programmes fédéraux, par exemple, qui sont sur pied. II ny a pas
beaucoup de gens qui leur sont référés ou encore les
bénéficiaires ne savent pas quils existent Je ne prétends
pas que c'est encore un exemple de chicane fédérale-provin- ciale
entre des fonctionnaires, mais il est possible parfois que l'information ne
ctrcule pas très bien entre les divers programmes à la
disposition des gens. Je me dis que si le fédéral met des
programmes sur pied et veut payer pour, tant mieux pour nous. On serait aussi
bien de les utiliser plutôt que de les doubler.
Je pense qu'il faudrait aussi évidemment, vu qu'on n'est pas dans
une société de plein emploi, mettre sur pied des mesures
destinées à sensibiliser les employeurs et à les inciter
à l'embauche permanente des bénéficiaires. Sur ce point,
j'ai lu avec intérêt dans le journal, ce matin, que des
démarches avaient été faites avec la firme Hyundai et
qu'elle s'est déclarée prête à prendre un certain
nombre de bénéficiaires de l'aide sociale dans son usine. Je
pense que cest là le vrai type de mesures, et il faudrait les
continuer.
Certaines caractéristiques du reste du rapport nous
inquiètent, en particulier la proposition qui vise à diminuer de
115 $ par mois la prestation des chambreurs et des personnes qui partagent un
logement lorsque ces personnes sont aptes à travailler. On se dit que
plusieurs personnes, particulièrement les femmes chef de famille,
essaient de faire échec à la pauvreté et à la
solitude de cette façon, et on ne croit pas que ces personnes devraient
être pénalisées. On pense qu il faut effectivement
encourager les gens à cesser de s'isoler. Faire une mesure ou on va leur
couper une partie des prestations, si ces gens essaient de partager des
services et donc essaient de se refaire un début de vie sociale, on
trouve cela assez embêtant. On est encore assez embêté
vis-à-vis de la formule qui veut inciter les jeunes à retourner
vivre chez les parents. Cela nous apparaît un peu contraire à
I'esprit des réformes qui vise à responsabiliser les gens
à s'occuper de leurs choses.
On trouve discutable le fait d'appliquer des critères analogues
à ceux qui conditionnent l'octroi de prêts et bourses pour
déterminer le statut des jeunes. On pense qu'on devrait raccourcir ce
délai et qu'on devrait raccourcir le délai de deux ans
au-delà duquel le jeune qui a quitté le domicile familial peut
être considéré comme indépendant. Nous croyons qu
étant donné l'état actuel de la famille et de la
société cela nous apparaît dangereux même pour les
politiques natalistes qui, d'un autre côté, sont mises de l'avant
par le gouvernement. Quelqu'un est majeur à 18 ans, il a le droit de
vote, il peut faire beaucoup de choses. On considère effectivement que
les proches ou les parents ont des responsabilités vis-à-vis des
gens à côté d'eux mais peut-être pas pour le reste de
leur vie, d'autant plus qu on vit dans une société ou les
familles sont de plus en plus éclatées et de moins en moins
conscientes de ce type de chose.
Une dernière chose que je voudrais souligner en terminant mon
exposé, c'est qu'on trouve que la mission qu'on entend confier aux
agents d'aide socio-économique est très complexe
et grosse. On se demande si vous allez recruter assez de superhommes et
de superfemmes pour être à la fois les administrateurs de
programmes les évaluateurs les formateurs les aidants. On se dit que
c'est beaucoup demander à des personnes de faire cela. Je pense que ce
n'est pas parce que ce sont ces personnes en particulier. On demanderait cela
à n'importe qui et ce serait problématique Nous voyons
plutôt ces gens comme des informateurs ou des référents qui
pourraient après cela référer les personnes dans les
programmes spécialisés mis sur pied pour tenir compte du
déficit particulier qu'une personne apte ou inapte au travail peut
vivre.
Nous pensons que leur formation devrait aussi les aider à prendre
conscience de la réalité quotidienne des
bénéficiaires de l'aide sociale et qu'il est toujours difficile
de conjuguer chez une même personne à la fois un rôle de
surveillant des dépenses de I'État et de l'application de
programmes et un rôle d'aidant pour les personnes. Je pense qu'on place
ces personnes dans une situation assez embêtante.
Finalement je pense que I'essentiel de notre message est. D'accord pour
le fait qu'il faut réintégrer les gens à la
société, qu'il faut que les gens aient un rôle social qu'il
faut qu'ils retournent au travail le plus rapidement possible que le travail
soit productif qu'ils soient bien payés pour le faire quon arrête
de les inciter à devenir des parasites et en ce faisant éviter de
nuire à leur santé mentale. Par contre, il faut tenir compte de
la réalité économique il faut tenir compte de tous ces
facteurs psychologiques et de I'état psychologique dans lequel peuvent
être des bénéficiaires de l'aide sociale après un
certain temps. Prendre cela en compte dans les mesures qu'on va mettre sur pied
pour les réintégrer. Je pense aussi qu'il faut se demander ce qui
va se passer chez quelqu'un qui est apte au travail qui suit tous les
programmes et qui malheureusement ne trouve pas d'emploi parce qu' il n' y en a
pas.
Je pense qu à ce moment là cette personne, là non
plus ne devrait pas être pénalisée. On devrait même
prendre des moyens pour qu'elle ne vive pas un nouveau sentiment d'échec
qui ne ferait que la remettre encore plus creux que I'endroit ou elle
était quand elle va avoir finalement pris la décision avec
beaucoup de courage de venir participer à des programmes pour se
réintégrer au marché du travail. Si on fait cela il ne
faut pas oublier que ces gens vont probablement - ceux qui vont accepter de
participer à cela - avoir un certain espoir qu'ils vont améliorer
leur situation. Et si pour toutes sortes de raisons sociales après on
les retourne en disant. Voilà, il n y a pas de travail c'est regrettable
et qu'on les retourne dans leur isolement avec peu de soutien financier et peu
de soutien psychosocial, je pense qu'on ne les a pas aides finalement.
Voilà. Je vous remercie de I'attention que vous avez
prêtée.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie M. le
ministre.
M Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais remercier la corporation
son président M. Granger et les personnes qui I'accompagnent. De
façon qu'on puisse échanger des propos un peu plus rapidement je
vais peut être ouvrir le dialogue à partir du résumé
que vous nous avez fourni. Le premier élément que vous touchez
dans le résumé traite du programme. Soutien financier. Vous nous
suggérez, à titre indicatif de confier l'administration dudit
programme à un autre organisme de l'État. À titre
d'exemple vous parlez de la Régie des rentes du Québec. Nous
avons considéré cette option. Pour le moment nous ne l'avons pas
retenue pour la considération principale suivante. C'est que les gens
qui vont être dans le cadre du programme Soutien financier vont
également avoir accès, s'ils le désirent, au programme
APTE et APTE adapté. On se dit que si on le sort du ministère
pour I'envoyer dans un autre organisme gouvernemental cette interconnexion
absolument essentielle et nécessaire risque de disparaître. On
risque de créer une espèce de "vacuum" entre les deux. J'aimerais
avoir votre réaction à cette réflexion qui nous a
animés lorsqu'on a décidé de le conserver au
ministère.
M. Granger: On n'a pas d'opposition particulière à
cela. Je pense que quand on a dit cela, nous, on pensait surtout aux gens qui
seraient considérés pour toujours à vie inaptes. Cela va
être des cas très rares finalement. Je me dis. Par exemple,
quelqu'un qui a un accident de voiture se fait couper la colonne
vertébrale et vit sans aucun espoir de ne jamais sortir de là et
de ne jamais reprendre conscience, je pense qu' il est inapte pour toujours au
travail.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Le danger, c'est qu'on se refuse
peut être à tort de considérer quelqu'individu que ce soit
à I'aide sociale pour une période...
M Granger: Comp lètement inapte.
M Paradis (Brome-Missisquoi):... indéfinie,
complètement irrécupérable ou non fonctionnel.
M Granger: Je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, je pense qu'on
joint a cela ce que les intervenants précédents ont dit. C'est
que, si possible, la société devrait faire tous les efforts
possibles pour permettre a quelqu'un de remplir un rôle. À ce
moment, si c'est dans cette optique, je pense qu'on n'a pas d'objection
à cela du tout.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On arrive au programme APTE et
peut être dans les reproches ou les suggestions que vous nous adressez le
premier élément. L'accès à I'ensemble des
bénéficiaires à des services d'aide
spécialisée adaptés à leur condition. Sur le plan
du fonctionnement du programme, on a déjà indiqué que
pendant les neuf premiers mois, ils ont déjà traversé les
phases psychologiques auxquelles vous faisiez référence. Parce
que, généralement, ils nous arrivent après 52 semaines
d'assurance-chômage. Durant les neuf premiers mois, à peu
près 40 % des nouveaux bénéficiaires qui sont
entrés s'en sortent d'eux-mêmes pendant cette période.
Maintenant, on indique à la page 32 de notre document "Pour une
politique de sécurité du revenu" qu'on va avoir une approche
individuelle. On propose une approche individuelle à l'égard de
chaque individu. À compter du premier examen, on va tenter de
dépister les problèmes qui sont plus apparents, qu'il s'agisse de
problèmes - on donne les exemples - d'alcoolisme, de toxicomanie,
d'endettement chronique, de délinquance, et, s'il y a lieu, d'orienter
immédiatement les personnes concernées vers des services
spécialisés offerts par d'autres organismes.
Autrement dit, on se dit: II y a déjà 40 % qui s'en
sortent. Dans les 60 % de la clientèle qui a besoin qu'on les aide
à s'en sortir, il y a une partie de la clientèle qui va
être privilégiée, c'est-à-dire qui n'aura pas
à attendre neuf mois pour avoir accès aux mesures. On pense aux
analphabètes, entre autres. Également, si le superhomme ou la
superfemme dont on parlera tantôt détecte les problèmes, le
bénéficiaire est immédiatement dirigé vers une
ressource du milieu. Est-ce que cela répond au premier point que vous
soulevez? (16 h 45)
M. Granger: Oui, cela répond si, par problème, on
n'entend pas nécessairement des problèmes de la gravité de
ceux que vous avez mentionnés. Il est évident qu'un toxicomane
avancé aura besoin d'aide et ce sera évident pour tout le monde.
Par contre, il y a des gens qui manquent simplement d'habileté sociale,
qui sont trop timides, qui ont des problèmes de contrôle de leur
agressivité, qui sont ex-psychia-trisés donc, finalement, qui ont
des problèmes qui ne sont pas strictement de nature médicale,
mais beaucoup plus de nature psychosociale. On était un peu inquiet en
disant que cela veut dire, dans le fond: Parfait! Tout le monde va avoir
accès à son médecin et tout le monde pourra être
désintoxiqué, pour ceux qui sont toxicomanes. Mais si quelqu'un
ne peut pas profiter des programmes, des choses qui sont mises à sa
disposition ou du marché du travail simplement parce qu'il a une phobie
sociale tellement forte qu'il n'est pas capable d'aller parler aux autres et
qu'il ne sort pas de la maison chez lui, mais cela n'est pas une toxicomanie,
ce n'est pas nécessairement un problème phsychiatrique profond.
On voudrait que ces gens-là aient aussi accès à des
services ou à des spécialistes qui s'occuperaient de cela.
Si ce qui est mentionné dans votre document d'orientation
recouvre cette intention-là, on est absolument d'accord avec cela; mais
on voulait être sûr que c'était vraiment cela et que ce
n'étalent pas seulement les problèmes médicaux apparents
ou les problèmes psychomédicaux apparents et qu'il y avait aussi
les problèmes de santé mentale au sens large du terme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce le même raisonnement
qui s'applique quant à l'éligibilité première au
programme Soutien financier?
M. Granger: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Granger: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Relativement à une notion
d'inaptitude circonstantielle, en vertu de laquelle les personnes qui ne
peuvent travailler pour cause de maladie physique, mentale, etc., est-ce que
vous ne considérez pas - et là, je ne discute pas du niveau du
barème - que la catégorie apte, mais non disponible, ne couvre
pas cette inaptitude circonstantielle?
M. Granger: Oui, c'est cela, c'est non disponible, alors on veut
être sûr qu'elles ne seront pas pénalisées par la
suite, c'est-à-dire qu'elles seront plutôt
considérées comme des inaptes que comme des non disponibles et
ces personnes auront le même type de barème d'aide, c'est
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Granger: C'est plus cela, notre crainte dans le fond, c'est
qu'on ne veut pas qu'ils soient non disponibles et donc
considérés comme étant des travailleurs en puissance
immédiatement et, finalement, pénalisés parce qu'ils ne
peuvent pas réintégrer immédiatement le marché du
travail ou qu'ils ne peuvent pas s'inscrire à des programmes. On se dit
qu'ils devraient être considérés comme des inaptes
même si c'est pour quatre, cinq ou six mois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mécanismes
d'évaluation des programmes d'employabilité. On peut le faire
à deux étapes, soit pendant que les gens sont chez nous en
employabilité, dans un des programmes, ou on peut le faire par un suivi
lorsqu'ils ont quitté pendant une période qu'on peut fixer
à six mois, un an etc.
M. Granger: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On le fait à l'interne. On
se demande si on doit le faire par la suite, parce qu'il y a des gens qui nous
disent: On a déjà assez de contrôle pendant qu'on est dans
vos programmes, une fois qu'on
les a quittés et qu'on est sur le marché régulier,
pouvez-vous tout simplement nous laisser vivre?
M. Granger: Non, c'est parce que ce n'était pas clair, en
tout cas, pour nous, quand on a lu le document qu'il y avait une
évaluation de faite. S'il y en a une de faite et même si elle est
faite en cours de programme, je pense que c'est déjà de beaucoup
préférable que d'attendre six mois plus tard pour voir si le
programme était bon.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais là, on a des
faiblesses pour les personnes qui nous ont quittés. On peut dire combien
de personnes qui sont entrées dans nos programmes
d'employabilité.
M. Granger:... sauf qu'on ne sait pas pourquoi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... sont demeurées à
l'aide sociale et quel pourcentage a quitté pour le marché
régulier du travail. On a ces statistiques. Mais sur la qualité
des emplois occupés etc, on manque de données pertinentes parce
que les gens nous disent. Vous nous contrôlez suffisamment pendant qu'on
est chez vous, lorsqu'on s'est affranchis du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, s'il vous
plaît...
M. Granger: Oui. Je pense que, quand ils sont retournés au
travail, il ny a pas de problème, mais quand ils ne sont pas
retournés au travail et que, finalement, ils sont encore dans le
circuit, je pense qu'il pourrait être intéressant de savoir
pourquoi ils ont quitté le programme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Granger: Peut-être est ce simplement que le programme ne
leur convenait pas pour toutes sortes de raisons du genre de celles qu'on a
mentionnées tantôt et, finalement, peut-être qu'un petit
réajustement du programme ou un programme particulier pour ces gens
pourrait les aider à profiter de cela. Je pense que, pour ceux qui
travaillent effectivement, s'ils sont sortis du réseau peut être
que... S'ils ne veulent pas continuer de bénéficier des
contrôles de I'État, je pense qu'on peut peut être les
laisser tranquilles.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mécanismes d'information
permettant aux bénéficiaires qui refuseront de participer etc.
Question d'information je pense que vous avez strictement raison. On se rend
compte que, peut être, on ne fait pas suffisamment d'information, peut
être que le niveau psychologique que vous avez mentionné
tantôt qui s'appelle la méfiance de la personne qui...
M. Granger: C' est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... depuis trop longtemps etc. II y
a une lacune qu'il nous faut corriger à cet égard.
Intervention rapide. On en a discuté pendant la période
des neuf premiers mois, mais encore là, on s'est dit qu'il serait
préférable d'intervenir pendant les 52 semaines de
I'assurance-chômage. Les clientèles particulières. Un
soutien financier accordé au programme de réintégration au
travail qui émerge d'organismes communautaires ou alternatifs. Je pense
que c'est la première journée que I'on a I'occasion d'entendre.
Ici des groupes comme la Société Saint-Vincent-de Paul, le YMCA,
etc. On se rend compte que les taux de succès obtenus par les organismes
externes sont impressionnants. À Montréal on vient de
déroger d une norme gouvernementale pour un programme qui s'appelait
Boulot vers, parce que le taux de succès de ces organismes-là est
plus fort que tout ce qu'on peut réussir à I'interne.
M. Granger: Oui, parce que souvent ils sont très bien
intégrés dans le milieu et connaissent donc très bien les
besoins des types de clientèle avec lesquels ils font affaire et les
milieux où on peut faire travailler ces gens là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'application de mesures
d'intégration permanente au travail par des organismes
spécialisés, cela se veut un peu dans le même sens dans la
même direction et cela inclut nos SEMO dans le cas de nos clienteles plus
difficiles, des mesures destinées à sensibiliser des employeurs
à les inciter à l'embauche permanente des
bénéficiaires. Vous avez mentionné le cas de Hyundai, ce
n'est pas un cas exclusif. On n'est pas en mesure de faire toutes les annonces,
mais tous ces dossiers sur le plan de la main-d'oeuvre passent sur le bureau de
celui qui vous parle. On tente d'introduire de façon incitative cette
mesure.
Les caractéristiques de partage de logement et de contribution
alimentaire parentale soulève tout un débat. On na pas le temps
de les vider complètement. Je vous dirai que demain on devrait parler
beaucoup de contribution alimentaire parentale et de partage du logement, parce
que les jeunes des deux formations politiques, groupes de jeunes, etc., vont
venir. Faute de temps, je ne pourrai pas vider ce sujet avec vous. La
qualité des services à la clientèle est un
élément qu'on n'a pas beaucoup discuté à ce jour;
il est très important et il est essentiel à une application de la
présente politique La mission extrêmement difficile, c'est un
rôle d'informateur. Ce que vous nous dites finalement est-ce:
Administrez-en le moins possible à l'interne et confiez-en le maximum de
cette politique là aux autres partenaires sociaux et aux groupes
communautaires?
M. Granger: C'est en partie cela et c'est également ceci:
N'accordons pas à une même personne à la fois le rôle
de surveillant de police, d'individu qui surveille la réglementation que
les prestations sont bien données, que l'individu n'a pas fraudé
le système en même temps que de vouloir en faire quelqu'un qui va
aider et qui va accueillir. C'est cela. On dit: Ne mêlons pas les
rôles. Pour cela on se dit: Créez-en le moins à I'interne
et commencez par utiliser ce qui se fait déjà ailleurs en le
soutenant. Je pense qu'on serait assez d'accord avec cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord
de féliciter la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec, vous, M. Granger, et les personnes qui vous accompagnent pour
être venus exprimer votre point de vue. Je crois que c'est là une
dimension importante du rôle social des professionnels.
J'aimerais aborder avec vous ce dont vous nous avez parlé
d'emblée dès I'ouverture de la présentation de votre
mémoire, à savoir du travail. Vous avez fait allusion à la
recherche effectuée en 1985 par l'Université Laval.
J'apprécierais beaucoup avoir la référence, si
c'était possible de nous la donner exactement ou peut-être de la
transmettre à Mme la secrétaire de la commission de
manière que nous puissions référer à
l'étude. Vous avez dit avec raison que c'est très dommageable
à la fois pour la société mais aussi pour I'individu
d'être payé à ne rien faire. J'aimerais tantôt que
vous nous disiez ce que vous concevez comme ne rien faire à savoir
est-ce que. Cela s'est beaucoup discuté depuis l'ouverture de cette
commission. Quelle est la notion de l'activité qui est validement ou
légitimement revendiquée par les uns ou par les autres? À
savoir, est ce que la notion de travail exclut par exemple les
responsabilités parentales disons à I'égard de
I'éducation d'un enfant? Parce qu'on voit que dans le projet qui est
devant nous, tout est centré sur la participation à des mesures
d'employabilité au détriment même du choix de vie qui
serait de rester à la maison et assumer I'éducation des enfants
jusqu'à l'âge scolaire. Alors est ce que dans ce "ne rien faire"
vous incluez les tâches parentales éducatives? J'aimerais vous
entendre là-dessus.
D'autre part, vous nous avez parlé de ceci, et c'est fort
intéressant. À la page 13, vous nous le décrivez bien et
je suis vraiment contente d'avoir ce point de vue. D'une certaine façon,
il n'y a que vous qui pouvez nous I'apporter vraiment aussi bien
articulé que vous le faites, le sentiment qui se développe au fur
et à mesure de I'inactivité qui est souvent le sentiment
d'inaptitude qui se développe parallèlement, donc la
période d'optimisme, ensuite la période de frustation et ensuite
la période d'apathie. Cela met en cause le fait que, avant I'aide
social, il y a 52 semaines d'assurance-chômage. Alors, c'est cette
période-là que vous nous décrivez, parce que quand ils
arrivent habituellement, c'est dans l'état qui est décrit
à la limite. Là il faut poser toute la question. Faut-il
récupérer des points d'impôt? C'est une question où
on pourrait faire reconnaître notre spécificité de toute
façon. Vous concluez à ce chapitre-là que vous jugeriez
plus rentable que les bénéficiaires peu scolarisés
puissent, immédiatement, profiter d'une période de formation en
matière d'aphalbétisation étant donné, dites-vous,
que même s'ils se trouvent un emploi après quelques mois ils
risquent d'y revenir tôt ou tard. Cela met en cause le point de vue du
ministre qui dit que, de toute façon, il y en a 40 % qui vont quitter
dans les neuf premiers mois, alors ne nous en occupons pas. Mais
I'intérêt serait de savoir combien y reviennent et combien
reviennent après avoir trouvé un emploi et recommencent avec un
barème réduit? Vous savez M. Granger, quant à la
chronicisation dont vous nous avez parlé et qui suppose une intervention
rapide, le problème c'est quelle est associée dans le pro|et de
réforme une baisse des prestations. Alors, je ne sais pas si pour vous,
je sais que vous n'êtes pas intervenu sur la structure des
barèmes, mais concevez vous vous la Corporation des psychologues que
c'est une incitation que I'incitation negative par une baisse des prestations
si non-participation? J'aimerais avoir votre point de vue sur cette question si
vous en avez un, de même que sur l'évaluation d' inaptitude.
Je vous donne bien sincèrement mon point de vue. Je trouve cela
à la fois intéressant mais inquiétant que vous nous disiez
- parce que c'est exact - qu'il ne faut pas prendre dans la definition
d'inaptitude simplement le point de vue médical et qu'il faut aussi
prendre, disiez vous, I'évaluation de beaucoup de professionnels
compétents. Je vous dis comme citoyenne du Québec que cela
m'inquiète qu'on utilise les services de professionnels pour juger de
I'inaptitude des gens. J'aimerais mieux qu'on ait une politique de
sécurité du revenu où on fait travailler des
professionnels pour la réintégration sociale des gens. Et c'est
un effet pervers. Vous allez me dire qu'effectivement, il y a des dimensions
qui ne seront pas envisagées par le médecin que vous, vous pouvez
envisager, mais à ce compte-là, imaginez vous juste sur le plan
des coûts sociaux le coût économique de l'inaptitude.
Combien va coûter I'évaluation par beaucoup de professionnels
compétents. Est ce qu on ne serait pas mieux d envisager un
système où, finalement, les uns comme les autres, un peu comme
nous le signalait la Corporation des personnes handicapées à la
fois déficientes intellectuelles ou physiques, les personnes voient
leurs besoins essentiels reconnus, ont des allocations supplémentaires
pour faire face a leur handicap mais
ont une situation de citoyens à part entière comme tout le
monde et, où finalement, les besoins essentiels sont reconnus sans qu'il
y ait de catégorie méritante sur le plan de l'inaptitude physique
ou mentale plutôt que des catégories déméritantes
parce que c'est une inaptitude sociale? Concevez-vous que les professionnels
devraient être plus utilisés pour intégrer socialement que
pour évaluer l'inaptitude sociale? Cela m'inquiète parce que des
fois, sans le vouloir, on tombe dans une trappe de hyperprofessionnali-sation
de l'individu qui, lui, finalement n'est pas plus aidé pour autant
Finalement, quand vous nous décrivez... Je pense que c'est
à la page 11. À la page 11 vous faites une description
psychologique saisissante des difficultés qui vont être
rencontrées dans la recherche de l'employabilité, de la
participation. J'aimerais que tous les membres de cette commission en prennent
connaissance. J'aimerais que mes collègues à l'Assemblée
nationale en prennent connaissance. Vous dites: Toute tentative en vue de
permettre de réintégrer le travail peut alors ne pas être
considérée comme une forme d'aide additionnelle, du moins dans un
premier temps, mais comme une menace à sa sécurité. Il
pourra donc être enclin à y résister non pas - je le
soulignerais beaucoup - par mauvaise volonté, mais à cause d'une
insécurité tout à fait normale comparable à
l'insécurité ressentie par les employés dont l'entreprise
est en voie de réorganisation. C'est ainsi - dites-vous - que s'installe
le phénomène de dépendance. Contrairement à ce que
croient encore plusieurs personnes - je dirais encore des personnes qui sont
ici - cette dépendance n'est pas choisie par le
bénéficiaire mais est plutôt le résultat d'un
processus d'adaptation. (17 heures)
Et vous continuez en nous décrivant ce que ce sentiment de
dépendance, d'estime de soi au plus bas, peut apporter comme
difficulté qui fait que ce n'est pas parce qu'il y a une incitation
négative par une baisse des prestations que, du jour au lendemain... Ce
n'est pas la baisse négative qui va permettre de franchir les obstacles
que vous nous décrivez à la page 11 et qui va permettre à
quelqu'un qui est très anxieux et qui bégaie, parce qu'il va
avoir moins s'il ne participe pas, de régler son problème de
bégaiement ou autre. Je vous laisse répondre à mes
questions.
Vous nous donnez le cas d'une personne qui, durant trois mois, a
été vue par un psychologue pour l'inciter à dresser
l'inventaire des entreprises pour retourner sur le marché de l'emploi.
Vous dites que cette personne se sentait incapable d'avouer qu'elle
n'était pas capable d'utiliser l'annuaire. Un peu plus loin, à la
page 6, vous dites que si un psychologue plutôt qu'un médecin
avait été chargé de diagnostiquer le problème
social, il aurait pu déceler l'absence d'anxiété
réelle de la personne qui se disait bénéficiaire. M.
Granger, je vous dis qu'il faut vraiment faire très attention de ne pas
trop hyperprofessionnaliser parce que si le médecin qui l'a vue pendant
trois mois n'a pas pu détecter le problème, comment quelqu'un
peut-il, en une seule séance, détecter l'anxiété
réelle et la distinguer de celle d'un agent de la Sûreté du
Québec?
M. Granger: Je vais essayer de répondre à toutes
vos questions et peut-être même donner, à l'occasion, la
parole à mes collaboratrices. Si jamais j'en oublie une, vous me le
direz. J'ai pris des notes, mais il y a plusieurs choses que vous m'avez
mentionnées.
Premièrement, les gens qui ne font rien. Non. La notion
d'inactivité, pour nous, cela veut dire quelqu'un qui n'a pas de
rôle social, qui n'a pas de statut, qui n'a pas de responsabilité,
qui n'a rien à faire de reconnu par la société et qu'on
paie pour rester ainsi. Si quelqu'un élève des enfants ou s'en
occupe et que c'est un rôle reconnu et valorisé par la
société, il travaille, à toutes fins utiles. Il fait un
travail. Il a un rôle social. Il a une fonction sociale.
L'inactivité, c'est plutôt une absence de fonction sociale. Cela
produit effectivement une démotivation, une apathie. Vous trouvez ce
phénomène chez les personnes âgées. C'est un peu le
même phénomène qui se produit chez les personnes
âgées. On les met à la retraite et, souvent, on ne les a
pas préparées à cela. On leur dit: On n'a plus besoin de
vous; vous n'avez rien à faire. Ce n'est même pas toujours une
question financière. Il y a des personnes âgées qui ont des
fonds de retraite et qui ont un gros choc à la retraite parce que,
soudainement, elles passent d'un statut social, où elles avaient un
rôle utile pour la société et elles étaient
responsables de gens dans le fonctionnement de quelque chose, et on leur dit:
Reposez-vous, en leur laissant entendre que, dans le fond, elles ne servent
plus à rien et si elles peuvent donc débarrasser le plancher pour
laisser la place à d'autres. Notre notion de ne rien faire, cela veut
dire ne rien faire. Cela veut dire ne pas avoir de choses utiles à faire
dans la société et sanctionnées par la communauté
environnante. Le type de choses précises, cela peut dépendre de
ce que la société valorise ou ne valorise pas et cela pourrait
varier dans d'autres sociétés. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
Mme Harel: Très bien, merci.
M. Granger: Pour les 40 % des personnes qui
bénéficient du programme et qui retournent sur le marché
du travail, c'est évident, si on s'aperçoit qu'il y a le syndrome
de la porte tournante, comme on le retrouve avec la
désinstitutionnatisation psychiatrique, il faudra en tenir compte. Si on
dit: Parfait, il y en a 40 % qui partent et qui travaillent toujours
après sans problème, il n'y a pas de problème. Si on me
dit qu'il y a 40 % des gens qui, après avoir
bénéficié
de l'aide sociale, se trouvent un emploi, mais qui, comme on me dit un
an après, reviennent par l'autre bout du tuyau, c'est le syndrome de la
porte tournante qu'on a en santé mentale, ce n'est pas plus acceptable
là-dedans. II faudra vraiment à ce moment-là
évaluer ce qui ne va pas et c'est possible que ce soit
précisément parce que ce sont des petits emplois temporaires pour
lesquels ces gens-là n'ont pas vraiment appris tes habiletés
qu'il fallait pour rester sur le marché du travail.
Vous m'avez parlé du rôle des professionnels dans la
réintégration des citoyens plutôt que dans leur
évaluation. Je suis entièrement d'accord. Personne va s'opposer
à cela. La raison pour laquelle on a dit ce qu'on a dit, c'est qu'on
avait peur qu'en plus de faire de l'évaluation, on en fasse une qui
serait un peu trop simple ou un peu trop centrée sur un seul aspect du
problème. Cela dit, on préfère de beaucoup collaborer pour
que les gens apprennent ou les aider à apprendre les habiletés
sociales nécessaires pour retourner sur le marché du travail et
s'intégrer à la société, plutôt que de dire:
On va faire un beau rapport d'évaluation qui va dormir sur les tablettes
et on va être content parce que quinze professionnels plutôt qu'un
auront fait le rapport. Nous avons souligné ce fait parce qu'on
s'inquiétait parfois des évaluations hâtives qui sont
faites sur un seul aspect dont on tient compte. Cela change tranquillement dans
la société et je pense que la tournure que la commission Harnois
avait prise laissait supposer que cela allait changer même en
santé mentale. Alors, on voudrait que cela change aussi dans les autres
domaines sociaux, mais cest sûr qu'on préfère beaucoup
travailler à aider les gens à s'intégrer et à avoir
une vie heureuse et productive que de dire. On les évalue et,
après, on est content parce qu'on a un rapport gros comme ça
plutôt que gros comme ça. On comprend fort bien ce qu'ils ont,
mais ils sont encore chez eux à se tourner les pouces et, à
toutes fins utiles ça ne donne rien. Cela donne peut-être plus de
sous aux professionnels, mais ce n'est pas le rôle de la corporation de
demander plus de sous pour les professionnels. C'est le rôle de la
corporation depuis l'adoption de la loi 250, de protéger le public et
c'est ce qu'on essaie de faire.
J'ai l'impression que j'en ai oublié une quelque part ou
peut-être même deux.
Mme Harel: La chronicisation doit-elle être
associée, pour en sortir, à une incitation négative par
une diminution de prestations?
M. Granger: Non. Je pense que nous favorisons les incitations
positives sauf qu'on se dit qu'à un moment donné il y a une
limite à ça c'est-à-dire qu'une société a
une capacité limitée de payer et si, après avoir fait des
incitations positives, mis des programmes à la disposition de quelqu un
etc., je pense qu'il faudrait peut-être là recourir à
d'autres mesures mais pas nécessairement au départ. Je pense que,
quand on a recours à des mesures incitatives négatives, il faut
être sûr que cest vraiment parce qu'on a épuisé
toutes les façons d'aider la personne. Je pense que Mme Sabourin
voudrait ajouter quelque chose.
Mme Lavigne-Sabourin (Renée): Je voudrais ajouter quelque
chose là-dessus. Nous l'avons plutôt perçue comme une
incitation positive, finalement, I'augmentation du montant d'argent;
c'est-à-dire qu'une mesure d'employabilité, c'est comme aller
travailler et, dans ce sens-là, si on a bien compris, on donne une
certaine allocation pour le fait de participer à cette mesure
d'employabilité. Nous avons plutôt perçu ça de
façon positive. Dans tout ça d'ailleurs, j'aimerais dire qu'il y
a toute une question de perception et de choix de mots qui fait qu'on va
prendre les choses d' une façon négative ou positive.
Je voudrais revenir à la partie du programme des inaptes et
aptes, Soutien financier. Si on a appuyé un peu ça, on I'avait vu
aussi d'une façon positive dans le sens suivant. On croit qu'il y a des
inégalités dans le groupe des gens qu'on appelle des assistes
sociaux. Dans ce sens-la, on trouve intéressant que la reforme tienne
compte de ces inégalités. II y a des gens qui sont beaucoup moins
habilités et capables, pour toutes sortes de raisons, d'être
réintégrés sur le marché du travail que d'autres.
Dans ce sens-là, on trouvait ça intéressant.
Peut-être que le choix des mots est préjudiciable. Des questions
comme aptes et inaptes prêtent peut-être un peu à confusion
et ça peut avoir une connotation négative.
Mme Harel: Mme Lavigne Sabourin, je comprends que vous n'ayez
peut être pas pu, parce que vous le dites dans votre mémoire,
examiner toute la structure des barèmes. Une personne chef de famille
avec un enfant de plus de deux ans qui décide pour assumer
I'éducation de son enfant de rester à la maison verrait sa
prestation mensuelle réduite de 99 $ par mois. Une femme chef de famille
qui ne peut participer aux mesures du fait de sa grossesse après six
mois ou du fait d'assumer la garde d'un enfant de moins de deux ans a une
baisse de prestation de 60 $ par mois, je pense. C'est donc tout I'ensemble des
barèmes qui est à la baisse en regard de la participation aux
mesures. Quand je parle de la baisse de prestation, c'est donc que le talon
dévaluation est la participation et toute autre activité humaine,
tout autre role social est déclassé par rapport à cette
participation aux mesures.
Encore-là, le ministre me rétorquera que j'ai mal compris,
mais je pense que c'est encore lui qui s'explique mal. Le fait d'attendre la
capacité administrative même d'entrer, par exemple, en formation
de rattrapage scolaire, c'est dans une autre catégorie où on est
admissible, on désire participer mais la mesure n'est
pas nécessairement offerte immédiatement et là on
est encore en réduction par rapport à la participation aux
mesures. C'est donc dire que toute la structure de barèmes sur laquelle
vous disiez ne pas vouloir vous prononcer est en réduction par rapport
exclusivement à la participation aux mesures et non pas par rapport au
désir d'y participer ou à l'intention manifestée d'y
participer, mais par rapport à la participation qui est, finalement, de
la responsabilité du ministère. À votre place, je serais
bien prudente de dire que...
Mme Lavigne-Sabourin: Dans ce sens-là, on l'avait vu,
notre notion d'inaptitude circonstancielle va dans ce sens-là. Par
exemple, les femmes qui ont de jeunes enfants. On trouvait même qu'elles
devraient avoir le même barème, avoir accès au programme
Soutien financier, si on peut dire. Dans ce sens-là, je suis d'accord
avec vous.
Mme Harel: D'accord. De toute façon, de nombreux groupes
sont venus plaider du fait qu'on garde au Québec un programme de
sécurité du revenu qui en soit un de protection contre la
pauvreté, qu'on ne substitue pas entièrement ce programme
à un programme d'employabilité qui est aussi nécessaire,
mais qui devrait s'ajouter à un programme de protection contre la
pauvreté et non pas le remplacer. C'est un débat qui se fait tout
au cours de la présente commission.
Vous nous avez mentionné qu'en l'absence de mécanisme
d'évaluation des programmes d'employabilité - c'est à la
page 12 de votre mémoire - il serait dangereux d'introduire une
disposition à l'effet que, lorsque la personne cesse sa participation,
pour une période de six mois, elle ne puisse plus participer à
nouveau à toute autre mesure. Vous faites valoir que, s'il n'y a pas
d'évaluation des programmes, la responsabilité... - j'imagine que
c'est comme cela que j'ai pu lire; je ne sais pas si c'est adéquatement
- il y a plus de fardeau d'offrir un programme adéquat puisque la
personne qui reçoit la mesure, si elle est insatisfaite, n'a aucune
autre façon de le dire que de le quitter et, à ce
moment-là, elle se trouve pénalisée. Est-ce ainsi que je
dois comprendre?
M. Granger: Oui, c'est cela, en bonne partie. On se dit que, si
vous offrez un programme aux gens et qu'on n'évalue pas si ce programme
correspond vraiment aux besoins des gens qui sont dedans, est-ce que la seule
façon qu'a la personne de dire: Cela ne me convient pas, c'est de
quitter le programme? Je pense qu'on trouverait dangereux de la
pénaliser. Il faudrait lui demander pourquoi elle a quitté le
programme et peut-être essayer d'ajuster le programme à son besoin
particulier.
Mme Harel: Je vais vous remercier pour votre contribution. Elle
est spécifique et la description que vous nous faites des
phénomènes psychologiques qui sont vécus; vous n'avez pas
un point de vue moral. Ce ne sont pas de bons ou de méchants
bénéficiaires. Ce sont des gens qui... Nous-mêmes, mis dans
la même situation, réagirions d'une façon similaire.
Je veux simplement souhaiter, comme vous sans doute, que le ministre
rende publiques les statistiques dont il nous a parlé un peu plus
tôt sur le cheminement des jeunes de moins de 30 ans qui ont
déjà participé aux mesures, de façon que l'on
puisse enfin connaître l'ampleur des résultats et des
difficultés aussi qui ont été rencontrées à
l'occasion par les participants au programme. Vous comprendrez à quel
point il est difficile de penser prolonger un programme pour 250 000
ménages quand celui qui existait a eu un succès ou un taux
d'échec relatif.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Maisonneuve. Quelques minutes étaient encore
disponibles du côté ministériel. M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président.
Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, le rôle
d'agent d'aide socio-économique et l'importance du rôle que cette
personne joue dans cette politique. J'aimerais vous entendre un peu sur les
craintes que vous éprouvez. Je sais que vous en avez mentionné
quelques-unes. Je m'interroge à ce sujet. On a parlé du fait que
certains centres communautaires ont une grande réussite à placer
ou à réintégrer les gens dans leur travail. Est-ce
concevable qu'on puisse contracter, pour expérimenter au moins, dans
certains endroits, cette responsabilité pour ceux qui sont aptes au
travail aux centres communautaires? J'aimerais avoir votre réaction.
M. Granger: Effectivement. On pense que les choses doivent se
faire de la façon la plus efficace et la plus économique
possible. Si la façon la plus efficace et la plus économique est
de contracter auprès d'organismes qui le font déjà, comme
expérimentation de base, on a absolument aucune objection à cela.
On pense que c'est le résultat qui compte et que le meilleur moyen doit
être choisi. Si des choses existent déjà et qu'on peut les
réutiliser, utilisons-les. N'en construisons pas d'autres nouvelles
à côté juste pour le plaisir de dire qu'on en a fait de
nouvelles; de toute façon, je pense qu'à un moment donné,
ce sont les citoyens qui paient pour tout ce qu'on construit de nouveau, d'une
façon ou d'une autre. À ce moment-là, si on peut faire une
chose de la façon la plus économique tout en étant plus
efficaces, faisons-la.
Quant aux craintes qu'on avait vis-à-vis des agents dont vous
parlez, cela était peut-être ambigu dans le document ou on l'a
peut-être mal compris, mais, en tout cas, on avait l'impression qu'on
leur donnait beaucoup de rôles et
que les rôles n'étaient pas toujours clairs. C'est surtout
là que nos craintes étaient. On s'est dit: Donnons-leur un
rôle clair parce que, si on veut tout leur faire faire en même
temps, ils vont tout manquer. On s'est dit que c'est impossible de former
quelqu'un à faire tout cela, mettre le programme sur pied,
l'évaluer, l'appliquer, conseiller les gens et, en même temps
surveiller pour que personne ne triche. C'est un peu dans ce sens. (17 h
15)
On ne peut pas être plus précis que cela, mais on se dit
qu'il faudrait vraiment se poser le problème de ce qu'on va demander de
faire à qui là-dedans. On voudrait que les oranges soient des
oranges, que les pommes soient des pommes et que les contrôleurs soient
des contrôleurs, que les aidants soient les aidants, que tout le monde ne
fasse pas la même chose parce que tout le monde va être
mêlé. Je pense que cela se produit à l'occasion dans le
système ou le fonctionnaire qu'on rencontre est à la fois le
vérificateur et la police et à la fois celui qui doit nous aider
en même temps. À un moment donné, dans l'esprit du
bénéficiaire qui va le voir, il y a une confusion de rôle.
On peut se méfier beaucoup de quelqu'un qui est la police en même
temps. Je ne dis pas que cela n'en prend pas mais je ne suis pas sûr que
cela prend les mêmes partout.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre, en conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En conclusion ce sont des
remerciements a la Corporation professionnelle des psychologues pour avoir
apporté un éclairage un peu différent. Vous vous situez
encore au début de nos travaux, mais l'angle sous lequel vous nous avez
présenté et votre mémoire et votre énoncé
verbal est un peu nouveau. On ne l'avait pas vu de la part des autres
intervenants sauf de façon très parcellaire, ici et là. En
le globalisant et en nous le présentant d'une façon aussi dense
et aussi précise, vous nous incitez à quelques réflexions
approfondies quant à quelques-unes des démarches ou quelques-uns
des mécanismes que nous proposons de mettre de l'avant. Je vous assure
que nous allons conserver le contact avec votre corporation de façon que
les éléments nouveaux que vous nous apportez soient
incorporés dans une politique finale.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
la Corporation professionnelle des psychologues du Québec et invite
à la table des témoins le prochain groupe l'Association
canadienne de la dystrophie musculaire, qui sera représentée par
M. Michel Trottier.
À I'ordre, s'il vous plaît! Que la commission reprenne ses
travaux. Si vous permettez nous recevons présentement l'Association
canadienne de la dystrophie musculaire qui est représentée par M.
Michel Trottier. M. Trottier, vous con- naissez nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire. Ensuite il y a une période d'interrogation par les deux
partis en cette Chambre. Je vous invite donc à présenter votre
mémoire.
Association canadienne de la dystrophie
musculaire
M. Trottier (Michel): M le Président, mesdames, messieurs,
compte tenu de l'allocation que nous recevons présentement en tant
qu'assistés sociaux, de ce qui nous est proposé dans la
présente politique de sécurité du revenu, permettez-moi de
débuter cette démarche en exprimant ma reconnaissance à
des femmes de la trempe de Mmes France Picard, Michèle Salvail,
coordonnatrice et Denise Crepin, directrice générale de
I'Association canadienne de la dystrophie musculaire et aussi à des
hommes de la trempe de M. Pierre Majeau. C'est grâce à leur
dialogue et à leur écoute constante et à leur don, le don
de leur personne, à travailler à l'amélioration de nos
conditions de vie que l'effectue cette démarche.
Je tiens à vous dire que j'ai 40 ans et que je suis
diplômé du deuxième cycle de l'Université de
Montréal. C'est donc à titre de consultant de l'Association
canadienne de la dystrophie musculaire que je m'adresse à vous
aujourd'hui. L'association représente plus de 10 000
Québécoises et Québécois atteints de l'une ou
l'autre des 50 maladies neuromusculaires communément appelées
dystrophie musculaire. II s'agit d'appellation générale d'un
groupe de maladies neuromusculaires héréditaires et chroniques
caractérisées par la dégénérescence et
l'affaiblissement progressifs des muscles volontaires. Les autres maladies dont
peuvent être atteints certains de nos membres et dont nous nous
préoccupons à I'association sont les atrophies musculaires
vertébrales, les myopathies les myotonies, les maladies du nerf
périphérique, les maladies de la jonction neuromusculaire, les
maladies métaboliques du muscle. Contrairement à une croyance
répandue voulant que les dystrophies musculaires soient exclusivement
une maladie de I'enfance, I'apparition clinique peut se faire à tout
moment de la vie. Les caractéristiques de chacune d'entre elles varient
selon I'âge I'apparition des symptômes et selon les muscles
affectés. La forme la plus courante et la plus sévère des
dystrophies musculaires est la dystrophie musculaire de Duchenne. Les maladies
neuromusculaires n'ont pas que des repercussions physiologiques. Elles
affectent le fonctionnement entier de la vie. Les personnes qui en sont
atteintes ont besoin de support et de services afin de pouvoir vivre le plus
normalement possible. L'association est la pour les aider à y
parvenir.
C'est donc en assumant notre préoccupation pour ces personnes
atteintes de I'une ou I'autre de ces maladies que nous vous livrons nos
commentaires et nos recommandations.
Les personnes handicapées ne doivent pas être
considérées comme inaptes, mais plutôt comme étant
désireuses et prêtes à travailler, c'est plus positif et
Incitatif. Serait-ce utopique au Québec d'anticiper nous, personnes
handicapées, de vivre l'espoir, la dignité et l'autonomie? Nous
nécessitons un soutien financier accru assorti de conditions
équitables.
Nous tenons à vous dire que du fait que nous nous retrouvions
à l'aide sociale n'est ni acceptable pour nous-mêmes ni
souhaitable pour la société et pour l'État. Des solutions
dynamiques et des actions concrètes doivent être envisagées
afin que notre gouvernement puisse susciter des changements radicaux à
notre égard afin de nous assurer l'intégration sociale pleine et
entière dans la reconnaissance de la valeur humaine et de la
spécificité de notre potentiel.
Nous optons pour que notre gouvernement aide à rétablir
des principes de justice et d'équité. Si le travail constitue une
source d'épanouissement personnel et un facteur de croissance pour
l'ensemble de la société, il en est de même pour les
personnes dont les Nations Unies ont proclamé l'égalité et
la pleine participation en 1981. Toute société respectueuse des
droits humains doit fournir à ses citoyens la possibilité de se
trouver un emploi rémunérateur. Beaucoup de gens y parviennent
d'eux-mêmes. Un bon nombre de personnes handicapées, pour diverses
raisons, le plus souvent indépendantes de leur volonté,
éprouvent des difficultés d'intégration, de maintien ou de
réintégration au marché du travail.
C'est un devoir fondamental de l'État d'offrir à ces
personnes un soutien financier et surtout des moyens concrets leur permettant
de se trouver un travail et de réaliser leur autonomie. Nous trouvons la
politique de sécurité peu bavarde à ce sujet en ce qui
nous concerne. Pourtant, la loi 9 qui nous assure des droits des personnes
handicapées a fait ressortir la nécessité de
l'intégration et a fait valoir à ce sujet l'égale
nécessité d'investir dans l'adaptation des postes de travail.
Nous considérons le fait d'encadrer la notion d'inaptitude au travail
dans le texte de la politique de sécurité du revenu, tel que cela
nous est présenté, que c'est dangereux de semer la confusion et
d'augmenter des préjugés à notre égard en ce qui
concerne la tendance de plus en plus reconnue de l'intégration des
personnes handicapées.
De plus, de la même façon que l'on craint pour les moins de
30 ans, que l'inscription à l'aide sociale devienne un style de vie
permanent et qu'ainsi encourage-t-on par des mesures proposées, les
personnes handicapées à ne vouloir vivre que de l'aide sociale.
Ainsi, on encourage aussi ces personnes, et il faut se le dire, à une
dépendance accrue entre autres sur des services sociaux, communautaires,
par exemple les CLSC, plutôt que de les stimuler à s'impliquer
socialement et à prendre leur vie en charge.
Cela nous amène à vous dire que, en tant que personnes
handicapées de naissance, nous n'avons pas l'impression dans notre
société d'être traitées comme des personnes à
part entière. Nous avons l'impression d'être des personnes de
second rang ou de n'être que le symbole d'une déficience
paralysante, inutiles pour la société. Pourtant, nombreux
sommes-nous à nous impliquer dans la société, notamment
à l'amélioration de notre qualité de vie et à la
reconnaissance de notre personne, pleine et entière.
Cependant, malgré nos implications nombreuses, nous en sommes
toujours à vivre sous le régime aliénant de l'aide
sociale. Celle-ci est, en principe, une mesure temporaire de dernier recours et
non pas une mesure à long terme, pour ne pas dire à vie. Cette
mesure à long terme nous est imposée avec ce que cela implique
d'ingérence dans notre vie intime, c'est-à-dire droit de regard
sur le compte de banque, revenus d'appoint toujours déduits du montant
alloué de l'aide sociale, ce qui dissuade de travailler, etc. Cette
situation ne nous permettra jamais l'espérance d'assumer
financièrement nos besoins d'une façon autonome. Au contraire, en
plus de subir des préjugés dûs à nos
déficiences physiques, nous devons subir l'humiliation de l'indigence
qui sous-entend notre inaptitude permanente au travail.
Dans un contexte où il n'y a pas de politique de plein emploi,
nous avons bien peu de chances de travailler à temps plein et quand nous
travaillons à temps partiel, nos revenus sont déduits des revenus
de l'aide sociale.
Les politiques proposées ne sont que des palliatifs temporaires
et très peu valorisants pour des personnes handicapées. Certaines
de ces personnes qui sont scolarisées, le sont parfois plus que les
fonctionnaires qui les servent et sont à chaque fois confrontées
avec la frustration de ne pouvoir mettre leurs ressources à
contribution. (17 h 30)
Voilà pourquoi nous désirons un réel changement de
perspective quant aux mesures de sécurité du revenu.
Au point de départ, nous considérons inacceptables les
approches qui maintiendraient les personnes handicapées, comme toute
autre personne d'ailleurs, dans l'indigence, par le biais des mesures
semblables à celles de l'aide sociale qui imposent de vivre bien
en-deçà du seuil de pauvreté,
Alors nous proposons que le programme actuel de l'aide sociale soit
aboli pour faire place à une autre loi établissant un revenu
minimum garanti, universel. Cela veut dire qu'une personne handicapée
adulte recevrait un revenu minimum garanti, sans égard à ses
autres revenus, qui devrait rejoindre le seuil de pauvreté. Les autres
revenus qu'un travail à temps partiel lui donnerait, par exemple,
seraient soumis, avec le revenu minimum garanti, à l'impôt, comme
pour tout autre citoyen. Cela permettrait aux personnes handicapées
d'avoir accès à un niveau de vie
décent.
L'État pourra financer ce type de programme avec un
système fiscal adéquat, selon un modèle de justice
distributive où le citoyen paie la note à la porte de sortie, par
des mesures fiscales rationnelles et équitables, plutôt
qu'à la porte d'entrée, par des mesures qui ne tiennent pas
compte des besoins réels des individus.
Notre principal élément de solution au revenu minimum
garanti peut vous paraître irréaliste et radical, mais nous sommes
convaincus que la situation actuelle et celle proposée par l'actuel
projet de réforme ne le sont pas moins.
Nous souhaitons ardemment, en effet, que les politiques à venir,
concernant les personnes handicapées, soient plus positives et
créatrices. Ces politiques de revenu devraient considérer le
potentiel réel de la personne sans la distinction préjudiciable
proposée d'apte ou d'inapte au travail, quelqu'un pouvant être
complètement privé de mouvements et quand même être
en mesure d'occuper un emploi adapté à ses limites
fonctionnelles.
Il en est de la responsabilité de l'État de rendre notre
société plus juste et soucieuse de mettre en valeur le potentiel
des individus qui la composent.
J'aimerais terminer en posant une question, un exemple aussi, quand je
compare ce qui est donné présentement à un assisté
social. À un bénéficiaire de l'aide sociale, on donne le
montant de 587 $, et moi, qui travaille à temps partiel, j'ai un gain de
revenu de 464 $. Quand je fais l'analyse comparative en heures, cela me donne
uniquement 0, 15 $ de plus; en semaines, cela me donne uniquement 5, 81 $; en
mois uniquement 25, 18 $ de plus, et annuellement 302, 16 $, comparativement au
bénéficiaire d'aide sociale qui demeure chez lui et qui ne
travaille pas. Alors, en tant qu'équité, je me demande si dans le
Soutien financier, on sera plus respectueux de la personne à s'impliquer
socialement?
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. Trottier, autant le
mémoire que vous présentez, au nom de l'Association canadienne de
la dystrophie musculaire, que votre présentation soulèvent de
grandes questions. Vous nous avez parlé vers la toute fin de votre
présentation, mais cela s'en venait tout au long de la
présentation de la question du revenu minimum garanti pour tout individu
dans la société et vous vous êtes dit conscient des
difficultés que cela pouvait soulever, mais vous dites: La
réforme de la sécurité du revenu finalement pourrait en
soulever autant.
Je vous dirai que dans les discussions que j'ai eues avec des
collègues d'autres ministères, pour ne pas les nommer, vous allez
comprendre facilement ceux et celles qui pouvaient être impliqués
dans une telle approche. J'ai discuté du concept et de son application
et que s'il avait été humainement, physiquement possible d'aller
plus loin que nous allons présentement, moi je l'aurais fait. Je vous
dirai que, strictement, l'harmonisation d'une politique de
sécurité du revenu avec la fiscalité, c'est la
première fois que cela se fait. Tu as une côte assez abrupte
à franchir que de placer sur la même longueur d'onde ceux que vous
avez appelés les fonctionnaires de certains départements, sans
les nommer; cela a été un défi qui était
très difficile à relever. Je dirai que le défi de
l'harmonisation avec la fiscalité au moment où nous nous parions
constitue un pas dans la bonne direction. Si vous me demandez, comme ministre,
si je pense que la démarche est suffisante et complète, la
réponse est négative. Mais lorsque je prends le système
tel qu'il existe présentement, qui, finalement, prend l'ensemble des
assistés sociaux, sauf les jeunes en bas de 30 ans et les chefs de
famille monoparentale à qui on a offert dans le passé des
programmes d'employabilité et que, strictement, je le
répète, on les stationne, on les oublie, on leur dit:
Contentez-vous de votre chèque... et que je regarde ce que nous mettons
de l'avant qui est, oui, qui comporte un facteur risque, je me dis, au moins
dans la meilleure des perspectives, que la personne va réussir à
réintégrer le marché du travail et, dans la pire des
perspectives, on aura réussi à lui donner une meilleure chance
d'y accéder selon le climat économique. Et cela m'apparaît
important.
Je suis sensible à la clientèle que vous
représentez. Nous avons voulu lui donner, ou lui présenter
plutôt, toutes les portes d'entrée ou de sortie. Là
où on ne peut pas vous donner de garantie, parce que le travail est
amorcé depuis longtemps et que nous ne le contrôlons pas
directement à partir du ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, c'est le marché du travail comme tel.
Je rejoins les préoccupations qui nous ont été transmises
tantôt par la Confédération des organisme provinciaux des
personnes handicapées du Québec. Il nous faut adapter les
endroits, II nous faut travailler sur les mentalités et les
résultats atteints à ce jour ne sont pas pessimistes mais ne sont
pas satisfaisants, ni pour les gens que vous rencontrez ni pour celui qui vous
parie.
Nous avons l'impression - et on ne demande qu'à s'excuser si ce
n'est pas le cas - de poser un geste, de faire un pas, tant dans
l'harmonisation avec la fiscalité que sur le plan des mesures
d'employabilité et d'employabilité adaptée que nous
mettons de l'avant. Nous avons l'impression de faire un pas dans la bonne
direction. Est-ce que vous endossez - et je comprends que votre demande est le
revenu minimum, faute de l'obtenir pour le moment - cette orientation
d'harmonisation avec la fiscalité et cette orientation de mettre
à la disposition de l'ensemble des clientèles, quelles qu'elles
soient, des mesures d'employabilité et d'employabilité
adaptée?
M. Trottier: Pour répondre à votre question,
naturellement, j'aurais besoin d'information. J'ai essayé de communiquer
avec des agents d'aide sociale pour avoir de l'information et aucun des agents
de bien-être n'a été en mesure de me donner des
renseignements comparatifs à ce que vous proposez. Pour un soutien
financier, par exemple, ce que vous proposez, ce que j'ai vu dans le cahier,
dans le livre vert, c'est que vous offrez 585 $ par mois alors qu'actuellement
j'en ai 612 $. Alors c'est plutôt déprimant. Ce que je
déplore aussi, c'est le manque d'information apporté aux
bénéficiaires. On est complètement laissé dans
l'ignorance par rapport au débat sauf les interventions que, nous, dans
les organismes, suscitons auprès de nos clientèles respectives.
Mais en ce qui concerne les bureaux d'aide sociale, il n'y a aucune information
qui nous permette de comprendre les enjeux du débat quand on essaie de
faire sortir l'information.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, on me dit qu'en
regardant le tableau que vous avez produit à cause de ce manque
d'information, probablement, iI y a des chiffres qui auraient avantage à
être revus. Je ne pense pas que dans chacun des 110 bureaux de
Travail-Québec, on possède cette Information de façon
détaillée. Je le dis comme je le pense. Je suis prêt
à mettre à votre disposition, comme conseiller même des
deux organismes, pour utiliser l'expression, tous les chiffres dont vous avez
besoin et de vous assigner quelqu'un pour le faire de façon que vous
ayez vraiment tout l'éclairage qui vous est nécessaire sur le
plan de la mathématique de façon à bien renseigner les
personnes que vous représentez et que vous conseillez,
M. Trottier: Oui, ce serait important.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. Trottier, l'Association canadienne de la
dystrophie musculaire peut certainement s'ennorgueillir d'être bien
représentée. En vous écoutant, je me disais, par votre
simple présence, que vous êtes du fait même un
témoignage et je me plaisais à penser qu'un jour, des
collègues, membres de l'Assemblée nationale et parlementaires,
siégeraient aussi tout en ayant une déficience. Vous êtes
un témoignage pour le ministre de ce que le groupe qui représente
l'ensemble de la confédération venait nous dire, à savoir
que ce n'est pas parce qu'on a une déficience que pour autant on n'a pas
de capacité parfois, à l'occasion certainement, supérieure
à des personnes qui n'en ont pas. Alors, permettez-moi de vous demander
ceci: vous-même, en regard de la catégorie Soutien financier,
cette catégorie - vous nous dites avec la
générosité qui caractérise cette catégorie,
selon le ministre, vous permettrait une allocation de 587 $...
Vous dites actuellement obtenir 612 $.
J'aimerais comprendre. Actuellement, c'est avec le revenu à temps
partiel que vous pouvez obtenir un montant comme celui-là. C'est bien le
cas?
M. Trottier: Effectivement, oui. Je ne sais pas si je peux vous
donner plus de détails. C'est-à-dire que je travaille. Je gagne
232 $ par quinze jours, le 15 et le 30 du mois. L'aide sociale me donne 432 $
pour les besoins essentiels et 65 $ d'allocation de logement plus 10 $ de taxe
foncière. Cela fait le montant de 587 $ pour des besoins spéciaux
en tant que paraplégique. Un montant de 100 $ additif. Cela fait un
montant de 597 $ sur lequel je peux effectuer en multipliant le salaire
hebdomadaire par 3. 4 et en enlevant certains bénéfices 6 % par
exemple d'exemption et un 25 $ pour les besoins spéciaux, ce qui me
permet d'avoir un montant d'aide sociale de 147, 86 $ auquel j'ajoute ie
montant de 464 $ que je reçois de l'Association canadienne de la
dystrophie musculaire, ce qui donne le montant de 612, 18 $.
Mme Harel: Je dois vous dire qu'avec, par exemple, le Soutien
financier, vous auriez la possibilité d'ajouter un gain d'emploi au
barème que vous recevrez, je pense ne pas me tromper en disant que ce
serait un montant de 100 $ de gain d'emploi qui s'ajouterait au barème.
(17 h 45)
M. Trottier: Actuellement avec les besoins spéciaux en
tant que paraplégique, est-ce que c'est l'équivalence ou additif,
les 100 $? À ce moment-là, ce montant va tomber. La situation
est...
Mme Harel: Dans la mesure où ce serait additionnel, disons
que le gain d'emploi que vous pourriez vous permettre ne pourrait cependant pas
dépasser 100 $. Il y aurait sans doute ce besoin spécial que vous
recevez actuellement de 100 S qui serait additionnel à cause de votre
situation particulière. J'aimerais vous donner la primeur d'un tableau.
Je ne sais pas si vous avez vu que le ministre avait le privilège
d'avoir derrière lui un tableau qui illustre sa réforme. Depuis
le début que je l'envie un peu, alors je m'en suis fait faire un. Il
n'est pas encore sur un chevalet, mais je l'aurai demain sans doute. Je vais
quand même vous en donner une copie. Même s'il est réduit,
en fait, il démontre bien ce qu'on ne retrouve pas sur le tableau, c'est
qu'il n'y a pas véritablement une harmonisation sur le plan fiscal. Si
on reprend les données de base, par exemple du seuil de pauvreté,
ce sont des données qui valent pour toute personne seule, d'autant plus
lorsqu'il y a des dépenses supplémentaires à cause de la
déficience, mais au minimum le seuil de pauvreté de Statistique
Canada est actuellement de 999 S pour une personne seule. Le salaire minimum
est de 689 $, on reprend le tableau du ministre, en 1988
malgré que les barèmes qui suivent sont ceux de 1989. La
question que je me suis posée est celle-ci: Est-ce que cela signifie que
le ministre n'a pas l'intention d'indexer le salaire minimum en 1989,
sinon...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre actuel n'a pas
l'intention de suivre le chemin de ses prédécesseurs de l'ancien
gouvernement et de maintenir le salaire minimum gelé.
Mme Harel: Malheureusement, il n'a pas suivi en bien des choses
le chemin de son prédécesseur parce qu'il a aboli l'indexation
trimestrielle des barèmes d'aide sociale. SI on reprend les besoins
essentiels reconnus, ils sont à un minimum de 560 $. Ce sont des besoins
essentiels qui sont reconnus par une étude du ministère
lui-même, que tout le monde sait avoir été faite dans des
conditions où la définition de ces besoins s'est faite au minimum
du minimum, étant donné que ce sont les dépenses de
consommation, comme vous le savez, des travailleurs à plus faible revenu
de 1983 et que l'échantillonnage est seulement de 62 familles.
Même à ça, le besoin essentiel reconnu est de 560 $. Comme
on vous reconnaît un besoin essentiel supplémentaire de 100 $
à titre de personne qui a un handicap, normalement c'est 660 $ que vous
devriez obtenir pour faire face à ce que l'État reconnaît
comme devant être vos besoins essentiels, ceux qui le sont à titre
de citoyen à part entière et ceux des 100 $ qui le sont, disons,
à titre de handicap. Ces 660 $ sont, si vous voulez, le besoin essentiel
reconnu par le ministère mais qui n'est pas couvert, qui ne l'est que
par votre revenu d'emploi dans votre cas à vous, parce que pour toutes
les bonnes raisons qui font que vous êtes ici avec nous, c'est
évident que vos capacités vous le permettent. Ceux de vos pairs
qui ne pourront pas avoir ce revenu d'emploi n'auront pas nécessairement
la capacité de combler les besoins essentiels qui leur sont pourtant
reconnus. Ceux qui pourraient, comme vous, ajouter un montant
supplémentaire, peut-être que vous pourriez éventuellement
travailler un plus grand nombre d'heures que ce que vous faites
présentement. Mais, pour chaque dollar additionnel, il y aura une
réduction du dollar que vous gagnerez, ce qui est nettement, selon nous,
une désincitation à toute forme de désir de s'en sortir et
d'efforts pour se sortir de ce seuil-là. D'une certaine façon,
c'est relié au fait qu'il n'y a pas d'harmonisation fiscale, parce qu'un
travailleur autonome paie actuellement 245 $ à l'impôt provincial,
même si c'est seulement un montant de 689 $ qui est en deçà
de 300 $ par mois du seuil de pauvreté. Malgré cela, il paie
actuellement 245 $ d'impôt provincial. Les chiffres que l'on a
démontrent qu'une femme chef de famille monoparentale qui gagnerait plus
de 10 000 $, même avec le programme APPORT qui va lui payer 50 % de ses
frais de garde, va avoir un taux marginal d'imposition de presque 90 %. Alors,
quand vous dites qu'il faut une réforme fiscale pour ne pas que l'effort
consenti et l'espoir de bien des gens qui consentent à faire tous ces
efforts comme vous le faites pour sortir et aller activement vous employer ne
soient pas réduits à presque néant lorsque les rattrape,
si vous voulez, la trappe de pauvreté...
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres questions.
Mme Harel: Le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné que les
consensus d'un côté comme de l'autre de la table sont rares, je
prends note qu'il y a un consensus, avec la nécessaire harmonisation
avec la fiscalité.
Mme Harel: Une autre question. Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion de l'étudier. Faut-il plutôt adopter la formule d'un
crédit d'impôt remboursable pour toute personne adulte de 18 ans
et plus, ou faut-il s'en tenir à nos déductions, nos exemptions,
qui sont parfois très injustes parce que, plus on a des hauts salaires,
plus ces déductions rapportent et plus le salaire ou la prestation est
basse avec même l'effort qu'on consent, plus, à ce
moment-là, l'exemption ne nous rapporte pas. C'est ce choix qu'a
à faire un gouvernement. Comme vous avez pu le voir dans la politique de
sécurité du revenu, le moins qu'on puisse dire, c'est que le
choix n'est pas là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme je vous l'ai dit, il y a
quand même une réponse à ce voeu d'harmonisation avec la
fiscalité que vous n'avez pas encore vue ou que vous refusez de
voir.
Mme Harel: Qu'on n'a pas vue parce qu'on ne l'a pas eue ou
qu'on...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne l'avez pas vue.
Mme Harel: Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vos recher-chistes, je ne le sais
pas.
Mme Harel: On nous reproche... Ah, bon! Où est-elle?
À quel... Dites-moi cela. À l'heure du souper, je m'y mets.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dis qu'elle est là.
À l'heure du souper, mettez-vous- y.
Mme Harei: Alors, dites-moi les éléments de cette
harmonisation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a ce qu'on appelle dans la
société québécoise un seuil
minimum d'imposition qui s'applique généralement à
l'ensemble de tous les individus de la société. Il s'agit de
s'assurer par une interrelation des politiques fiscales et des politiques de
sécurité du revenu qu'une personne prestataire de politique de
sécurité du revenu ne soit aucunement taxée jusqu'à
ce qu'elle atteigne ce seuil minimum d'imposition.
Mme Harel: Alors, je reviens exactement à ce que je
disais. C'est un choix, je ne sais pas si c'est le choix du gouvernement, c'est
le choix qui soit le plus injuste qu'on peut faire. Ce seuil minimum
d'imposition vaut beaucoup quand on gagne beaucoup et il ne vaut rien quand on
ne gagne pas beaucoup.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison lorsque vous
parlez de cela. C'est toute la différence entre les crédits
d'impôt et les déductions. Quand vous gagnez beaucoup vous pouvez
profiter de beaucoup plus de déductions que de crédits
d'impôt.
Mme Harel: Le seuil minimal d'Imposition, c'est cela l'exemption
personnelle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. C'est l'exemption
personnelle. Ce que je vous dis c'est que pour la première fois...
Mme Harel: L'exemption personnelle vaut beaucoup pour nous qui
sommes députés, mais ne vaut rien pour monsieur qui est à
temps partiel.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. L'exemption personnelle de
base vaut même pour ie travailleur au salaire minimum. C'est vous qui le
citez.
Mme Harel: À peine. Elle vaut beaucoup plus pour nous
parce que vous comprendrez qu'une exemption sur un salaire de 20 000 $, 30 000
$, 40 000 S est bien différente que sur un revenu de 5000 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais elle vaut 100 % pour la
personne qui en est complètement exemptée à la base.
Mme Harel: C'est bien du moins parce que sinon, on aurait des
programmes de transfert parce que notre seuil minimal d'imposition correspond
à notre programme de transfert. Au-delà du programme de
transfert, le programme de transfert c'est l'aide sociale ou presque pour une
personne seule.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Même pas. Nos seuils
minimaux d'imposition ne correspondaient pas traditionnellement à nos
programmes de transfert.
Mme Harel: Parce qu'ils étaient plus bas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exact.
Mme Harel: Alors, vous voyez. On a tout dit quand on dit que
notre seuil minimal d'imposition est plus bas que notre programme de
transfert.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous pouviez avoir raison dans le
passé.
Mme Harel: Je ne joue pas à la cachette parce que c'est le
sort de milliers de nos concitoyens qui en dépend et on est en train
d'étudier une politique de sécurité du revenu sans
connaître les éléments de politique familiale, sans
connaître les éléments de politique fiscale, sans
connaître les éléments de politique en matière de
désinstitutionnalisation. À part cela, vous savez... C'est comme
jouer au bingo, c'est comme jouer à la loto.
M. Trottier: C'est cela. Et les personnes concernées
directement ne sont même pas en mesure de pouvoir exprimer ce qu'elles
peuvent en penser.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qu'on vous dit sur ce - cas,
c'est qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, tous nos documents sont accessibles. Je viens
de l'offrir et je réitère l'offre parce qu'elle a
déjà été acceptée. Cela ne donne rien de la
réitérer. Comme consultant et comme participant à l'autre
organisme, je vous dis la même chose. C'est que les chiffres sont sur la
table et si vous avez des chiffres à confronter également,
madame, nos fonctionnaires sont à votre disposition. Il n'y a pas de
problème.
Mme Harei: Vraiment?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vraiment. Si vous avez des
chiffres à confronter, vous nous remettez vos tableaux. Nous les
concilions. Comme vous le dites, c'est une politique qui affecte les gens au
bas de l'échelle de la société. Nous n'avons pas
l'intention d'adopter une politique en ne mettant pas tous les chiffres sur la
table.
Mme Harel: J'apprécie beaucoup, M. le ministre. Je
l'apprécie parce que j'aimerais beaucoup faire vérifier certains
taux marginaux d'imposition pour les faire vérifier par rapport aux
chiffres que j'ai.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La fiscalité, ce n'est pas
facile.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Deux-Montagnes.
Mme Legault: À ce moment-ci, je voudrais tout simplement
vous dire que je suis d'accord
avec vous et votre objectif de justice sociale. Ce que j'aime un peu
moins, ce que vous avez dit, c'est que vous pensez que souvent on pense que
vous êtes au second rang et que vous êtes des gens inutiles. Ce qui
est pour moi, en tout cas, et je pense bien de la part de mes collègues
qui sont ici, je pense que ce n'est pas ce qu'on pense. Souvent on a
intérêt à vous fréquenter et on a de grandes
leçons à retirer d'humanisme venant de chez vous. Nous, nous
sommes des individus en pleine santé et vous n'avez pas
été privilégiés de ce côté.
Pour ce qui est quand vous dites de l'aide sociale, le chèque du
bien-être, vous ne semblez pas heureux justement quand vous dites. Le
chèque du bien-être. Je me demande si on ne devrait pas trouver
une solution, pour appeler cela d'une autre façon, de vous procurer
justement le nécessaire, mais sans appeler cela le chèque du
bien-être. II y aurait peut-être une solution à envisager
pour que vous vous sentiez plus revalorisés à ce moment. Je me
demande s'il n 'y aurait pas lieu de s'y pencher.
M. Trottier: II y a bien des préjugés à cet
égard.
Mme Legault: Exactement, j'ai compris.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, voulez-vous remercier M. Trottier?
Mme Harel: Oui, remercier M. Trottier et lui dire, ce qui va
peut-être l'étonner, que d'une certaine façon j'ai appris
à me méfier des bons sentiments parce que les bons sentiments,
c'est intéressant, mais cela ne suffit pas pour faire des bonnes
politiques. Ce que je souhaite, c'est qu'en plus des bons sentiments, on puisse
faire des politiques qui soient non pas des politiques tournées vers le
passé, mais qui vous permettent de regarder avec espoir la vie. Je vous
remercie de votre participation.
Le Président (M. Bélanger): Bien M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je joins mes remerciements
à ceux exprimés par Mme la députée de Maisonneuve,
en vous soulignant que, conscient que la politique actuelle ne vous a pas bien
servis, loin de là, j'ai des bons sentiments envers la nouvelle
politique. Je suis également de l'avis de Mme la députée
de Maisonneuve que les bons sentiments, ce n'est pas suffisant. C'est à
l'application qu'on peut la juger cette politique. Mais la pire chose que je
pourrais faire comme ministre responsable du dossier présentement, ce
serait de continuer la situation de statu quo que j'ai héritée et
qu'à peu près n'importe quel changement risque pour l'ensemble
des gens que vous représentez d'être à tous les points de
vue avantageux. Pour votre contribution, pour votre participation, je vous
remercie. Je vais immédiatement vous mettre en contact avec les gens de
façon que sur le plan des chiffres vous ayez tous les renseignements que
I'on possède au ministère pour votre information personnelle et
pour celle des organismes que vous consultez ou qui vous consultent.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
l'Association canadienne de la dystro- phie musculaire et son
représentant, M. Trottier, et suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise à 20 h 11)
Le Président (M. Bélanger): Si vous permet tez, je
demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. La commission
va reprendre ses travaux.
Nous recevons, ce soir, la Conférence religieuse canadienne,
région du Québec, représentée par le père
Pierre Lévesque, Mme Alice Tremblay, Mme Lise Gagnon et M. Benoît
Fortin - je ne sais pas si le père Benoît Fortin ou... je n'osais
pas trop m'aventurer, je m'en excuse - alors vous êtes les bienvenus.
Vous connaissez un peu nos règles de procédure Votre
porte-parole doit, en vingt minutes - votre porte-parole ou I'ensemble des
porte-parole - nous présenter le mémoire. On ne dépasse
pas vingt minutes. Ensuite il y a quarante minutes d'échange avec les
parlementaires relativement à votre mémoire.
Je vous prierais, à chaque fois que vous avez une intervention
à faire de bien vouloir donner votre nom pour les fins de transcription
du Journal des débats. Si votre porte parole veut bien présenter
ses collègues et commencer la présentation du mémoire,
nous sommes tout ouïe.
Conference religieuse canadienne - région du
Quebec
M. Lévesque (Pierre): Nous vous remercions de nous donner
la possibilité de prendre la parole à cette commission
parlementaire
La Conference religieuse canadienne - permettez-moi d'abord de la
présenter - regroupe les personnes qui remplissent le rôle de
supérieur général ou provincial dans leur
communauté respective, dans notre jargon on appelle cela
supérieur majeur, physiquement cela peut être vrai des fois.
Elle comporte quatre régions. La région du Québec
est celle que nous représentons et elle correspond à la province
de Quebec. La région du Quebec regroupe 240 membres, c'est-à-dire
240 supérieurs majeurs et touche près de 30 000 religieux La CRCQ
a mis sur pied divers comités qui suivent ce qui se passe dans
différents
secteurs de la réalité. Le comité justice sociale
est un de ces comités qui essaie de suivre la réalité
sociale de notre milieu et il a préparé ce mémoire, l'a
soumis au comité exécutif qui vous te présente ce
soir.
Ceux qui nous accompagnent: soeur Lise Gagnon, des soeurs des Saints
Noms de Jésus et de Marie, membre du comité justice sociale;
soeur Alice Tremblay, qui est également membre du comité justice
sociale, Petite soeur de l'Assomption; le père Benoît Fortin, qui
est membre du comité également et en plus, il est provincial de
sa communauté et membre du conseil d'ad* ministration de la CRCQ et moi,
provincial des religieux de Saint-Vincent-de-Paul, président du conseil
d'administration de la CRCQ.
Depuis une quinzaine d'années, un nombre croissant de religieux
et religieuses oeuvrent dans les différentes villes du Québec.
C'était peut-être davantage vécu au niveau des Institutions
autrefois. Maintenant, le progrès a fait en sorte que les
différentes institutions qui avaient été mises sur pied
sont assumées par d'autres instances. Ces religieux et ces religieuses
ont découvert la réalité vécue par les plus
appauvris. Connaissant au jour le jour les espoirs et les difficultés
des gens, ils et elles participent à leur prise de conscience, à
leur regroupement et à leurs actions en vue d'améliorer leur sort
et contribuer à faire advenir une société plus juste.
De plus, diverses congrégations, selon leur objectif
spécifique, manifestent une solidarité prioritaire envers ceux et
celles qui sont exclus du partage équitable des richesses. Par ce court
mémoire, nous vouions joindre notre voix à la leur.
C'est à partir de notre connaissance du milieu du monde
populaire, particulièrement de ceux et celles qui n'ont que l'aide
sociale pour vivre, que nous vous présentons ces quelques remarques sur
la sécurité du revenu.
Après avoir rappelé l'importance de la pauvreté et
sa dure réalité, nous attirons votre attention sur trois points:
l'environnement économique et responsabilité de l'état,
incitation au travail et création d'emplois et, enfin, solidarité
sociale.
La pauvreté est une réalité masssive ou qui tend
à l'être. Travailleurs et travailleuses au salaire minimum,
emplois précaires, chômeurs, chômeuses et
bénéficiaires de l'aide sociale, de même que les faibles
salariés doivent se débattre avec des ressources
financières sous le seuil de la pauvreté.
On entend dire depuis quelques années que la crise
économique est une réalité du passé. On
répète que les affaires tournent à nouveau. Or, si la
crise est terminée pour les uns, il faut reconnaître qu'elle se
prolonge pour un grand nombre; et si elle est bien terminée, nous devons
cependant reconnaître qu'elle a laissé de profondes
séquelles. Le taux officiel de chômage est à 9, 5 %. Il y a
encore plus de 600 000 personnes qui n'ont que des prestations de l'aide
sociale pour vivre. Dans les quartiers populaires et dans certaines
régions du Québec, on le sait, le taux de chômage et de
l'aide sociale est beaucoup plus élevé que la moyenne pour
l'ensemble du Québec.
Une certaine reprise économique ne doit pas faire oublier une
frange importante de la population. On se souvient qu'il y a quelques
années les débats publics et les moyens d'information mettaient
davantage en lumière le sort de ces milliers de nos concitoyens et
concitoyennes. La pauvreté chez nous ne se résume pas à
des cas Isolés, elle est au contraire une réalité
importante. Au début de 1987, une série d'articles du journal
La Presse est venue nous rappeler cette dure réalité dans
la région de Montréal. Chaque soubresaut de l'économie
peut venir aggraver la situation un peu précaire de ceux et celles qui
vivent en marge d'un certain développement économique et, en
plus, en augmente le nombre.
Mme Gagnon (Lise): On voit une dure réalité
à vivre. Nous n'avons pas l'intention de faire un long exposé sur
ce point. Toutefois, il est important de se rappeler, même
brièvement, la réalité des gens qui se débattent
avec un revenu insuffisant.
Pour illustrer le quotidien de la pauvreté, regardons quelques
aspects de la vie des femmes monoparentales.
Une enquête effectuée en 1985 dans le centre-sud de
Montréal nous replonge dans les problèmes concrets des
mères seules. Une enquête, plus récente que les
statistiques de 1981, menée en 1985 auprès des mères
seules - enquête que les membres des groupes communautaires trouvent
à point - révèle que le logement constitue un
problème majeur. Peu de verdure, pas de cour pour les enfants, des
logements vétustes, insalubres et non sécuritaires. Presque
toutes sont locataires à 99 %, près de la moitié, soit 46
%, consacrent plus du tiers de leur revenu au loyer, 39 % y engloutissent
jusqu'à la moitié de leur avoir.
Avant, c'était surtout de vieux logements. Aujourd'hui, à
cause de la spéculation, des réparations majeures et du manque de
logements sociaux, il devient impossible d'en payer le coût.
Une quatrième voisine qui disait: Avant, ils n'étaient pas
restables. Aujourd'hui, ils ne sont pas payables.
L'alimentation représente une autre difficulté. Ces femmes
consacrent presque tout leur avoir au logement et à la nourriture. Elles
doivent user du système D sans arrêt, investissant une bonne
partie de leur temps et de leur énergie à courir les
spéciaux, parfois très loin, pour économiser quelques sous
et se mettre ensemble pour essayer de cuisiner.
La garde des enfants constitue un problème majeur. La garderie
pour les enfants de 0 à 5 ans coûte cher. Le minimum qu'un parent
seul doit verser est d'environ 5 $ par jour. Plusieurs mères seules
ayant plus d'un enfant, étant à l'aide sociale ou travaillant au
salaire minimum,
n'ont tout simplement pas les moyens de s'offrir ce service
essentiel.
Mentionnons brièvement d'autres difficultés. Un tiers
d'entre elles ont déjà éprouvé des
difficultés à encaisser leur chèque dans les institutions
bancaires du quartier. Plus d'une a donc dû recourir à
Instachèque moyennant 6 % du montant encaissé.
La majorité a si peu de temps libre et si peu d'argent qu'elle en
vient à devoir considérer les activités obligatoires comme
un loisir faire les courses avec les enfants, etc. Elles connaissent l'ennui,
la solitude et l'isolement, et pour vrai.
Le budget d'une famille monoparentale avec deux enfants de huit et dix
ans montre une dépense mensuelle de 340 $ pour le loyer, incluant
l'entretien et le chauffage, et c'est une dépense moyenne. Selon le
Dispensaire diététique de Montréal, cette famille aurait
besoin d'un minimum de 310 $ par mois pour la nourriture Les revenus du
bien-être, l'allocation familiale et le crédit d'impôt pour
enfants sont de 833, 30 $. D'autres travaux nous montrent que 11, 5 % des
bébés du centre-sud de Montréal ne pesaient pas 2500
grammes à leur naissance en 1986. C'est la situation au Maroc et au
Pérou où les bébés à faible poids
représentent 8 % et 9 %. Chez nous c'est 11, 5 % dans le centre-sud de
Montréal Sous ce poids, les enfants sont susceptibles de souffrir de
malformation, de handicaps physiques ou mentaux, note une étude
menée au centre hospitalier de l'Université Laval.
L'exemple précédent invite à une prise de
conscience collective afin d'établir une meilleure distribution des
richesses dans une perspective de justice sociale et de respect de la personne
humaine. C'est urgent si nous ne voulons pas reporter et reproduire la
pauvreté sur la génération qui vient.
II aurait fallu, nous en sommes bien conscients et conscientes,
présenter une analyse d'ensemble de la réalité des
économiquement faibles, particulièrement des
bénéficiaires de l'aide sociale. Il aurait fallu parler des
jeunes - je pense que le café Boustifable, dans le centre-sud,
présentera un mémoire ici - qui, après quelques jours de
travail, se font remercier parce qu'on ne les considère pas assez
rapides. J'aurais le goût d'ajouter "pas assez nourris
peut-être".
Nous aurions aimé attirer l'attention sur le cas des personnes de
50 ans qui se voient refuser un emploi parce que, dit-on, elles sont trop
vieilles. Que dire de la situation dramatique des jeunes qui attendent la
parité, une vraie?
Ces réalités, nous les voyons et les constatons
régulièrement, ce vu et ce connu nous incitent à prendre
fermement la parole.
Mme Tremblay (Alice): Nouvel environnement économique et
responsabilité de l'État. Parlant d'une clientèle
complètement modifiée, le document d'orientation évoque la
crise écono- mique qui a entraîné une affluence de
chômeurs à l'aide sociale et reconnaît que la reprise est
insuffisante pour satisfaire tous les besoins.
Nous croyons que cette analyse devrait insister davantage sur
l'environnement économique qui prévaut actuellement et qui est
constitué par la mondialisation de l'économie, la division
internationale du travail, la poussée des nouvelles technologies, les
mouvements illogiques de spéculation, les fusions d'entreprises et le
dérèglement monétaire.
Une telle situation réanime une concurrence plus âpre. Elle
fait primer la loi de l'offre et de la demande au-dessus des
considérations sociales et humaines et fart que I'importance de mieux
performer devient le mot d'ordre. En conséquence, la nouvelle dynamique
économique presse les pouvoirs publics à réduire les
coûts des mesures sociales.
Devant ces changements qui en définitive, tracent un projet de
société les faibles salaries les sans-travail et les
assistés sociaux sont devenus des témoins pratiquement
impuissants, de sorte que, s'ils apparaissaient autrefois comme des
malchanceux, aujourd'hui, ils prennent de plus en plus figure de victime. Et
par ses mesures restrictives, le document d'orientation ne fait qu augmenter
leur insécurité.
Nous souhaitons donc que, face au nouvel environnement
économique, l'État prenne davantage ses responsabilités
à l'égard de ceux et celles qui n'ont pas accès à
la dynamique des nouvelles richesses, qu'il adopte des mesures
généreuses pour redonner espoir dignité et confiance
à des milliers d'entre nous et qu'il tienne compte que malgré,
les diverses mesures sociales adoptées par les gouvernements
fédéra! et provincial, la répartition du revenu entre
pauvres et riches ne s'est pas modifiée depuis 35 ans.
Incitation au travail et création d'emplois. Le document
d'orientation attache beaucoup d'importance aux mesures incitatives. Ainsi,
grâce à de faibles allocations qui en resteront à une marge
importante sous le seuil de la pauvreté, on prétend que les
prestataires du bien-être social trouveront soutien et encouragement
à participer au programme. Actions positives pour le travail et
I'emploi. De plus le document d'orientation laisse entendre que tout repose sur
le bénéficiaire qui doit assumer la responsabilité et
s'intégrer au marché du travail de sorte que la non-participation
entraîne des punitions pécuniaires comme on le voit, par exemple,
dans le cas de femmes monoparentales avec enfant au-dessus de deux ans dont le
choix d'en assumer la garde n'est pas reconnu comme contribution sociale.
Quant à nous nous croyons qu'habitués à vivre au
jour le jour les gens du bien être social ne trouveront
intérêt aux divers programmes que dans la mesure ou ils conduiront
à un travail correspondant à leur goût et aptitudes.
Lorsque les programmes ne servent qu'à se promener d'un employeur
à I'autre et à se casser
le nez partout, ces programmes ne servent trop souvent qu'à
démobiliser les personnes plutôt qu'à augmenter
f'employabilité.
Nous croyons surtout que le problème n'est pas du
côté des gens du bien-être. Il se trouve dans le manque de
milliers d'emplois, car il y aurait actuellement un manque de 500 000 emplois
au Québec. Les gens veulent travailler. Dans une province voisine, les
barèmes pour les jeunes au bien-être sont plus
généreux et pourtant, ils n'empêchent pas tes gens de
retourner au travail lorsque les emplois sont disponibles. C'est là
où le taux de chômage est le plus bas. Au Québec, les gens
cherchent. Plusieurs d'entre nous ont été témoins de
dizaines de personnes faisant la queue pour solliciter quelques emplois
disponibles dans un restaurant ou autres établissements. Une visite de
quelques heures dans un centre de main-d'oeuvre du Canada permet de voir de
nombreuses personnes qui viennent y consulter l'affichage des offres
d'emploi.
Nous croyons aussi qu'il ne faudrait pas que les mesures incitatives du
gouvernement se résument à appauvrir davantage les gens pour
qu'ils participent au programme APTE. Il ne faudrait pas non plus que les gens
au bien-être jouent à la chaise musicale avec des travailleurs ou
des chômeurs autour de quelques emplois.
Enfin, nous croyons que le document d'orientation aurait dû
prévoir des mesures incitatives à la création d'emplois
à l'égard des grands acteurs économiques, notamment ceux
qui bénéficient de subventions.
M. Fortin (Benoit): Une nouvelle solidarité sociale. Le
document d'orientation apporte peu d'espoir aux bénéficiaires du
bien-être social, aux petits salariés. Ainsi, au lieu de
présenter une politique d'ensemble qui tendrait vraiment à un
meilleur partage, on offre à des centaines de milliers de personnes de
continuer à vivre dans l'insécurité assortie de nouvelles
réglementations énervantes avec lesquelles ils devront se
débattre. Comme horizon de solidarité, on leur offre de vivre
selon les 10 % des revenus les plus faibles. Comme l'affirmait document en main
un groupe de femmes bénéficiaires de l'aide sociale, on dirait
que le gouvernement préfère les pauvres tranquilles,
isolés, reconnaissants, dépendants de l'enquêteur de l'aide
sociale et reluquant les 5 $ obtenus par la voisine en vertu de l'application
du 50e barème. D'autre part, le projet APPORT ne prouve-t-il pas que les
prestations actuelles sont insuffisantes?
Quant à nous, à partir de tout ce que nous avons vu et que
plusieurs de nos membres voient chaque jour, nous sommes étonnés
de constater les écarts grandissants entre les pauvres et les riches.
Nous sommes étonnés de voir qu'une proportion importante de la
population du Québec ne bénéficie pas du partage
équitable de la richesse. Nous sommes étonnés que 500 000
personnes attendent ou recherchent un emploi.
Nous ne comprenons pas pourquoi on retarde encore la parité aux
jeunes de moins de 30 ans. Pourtant nous savons bien que les faibles
salariés et les bénéficiaires de l'aide sociale n'ont pas
été étrangers par leur travail à bâtir notre
richesse collective. (20 h 30)
Ainsi, par le biais des impôts et des taxes, ils apportent et ont
apporté dans le passé une contribution importante au financement
des besoins de notre société. À titre d'illustration, une
personne seule travaillant au salaire minimum paie plus d'impôt que l'ont
fait 79 600 sociétés rentables qui elles n'ont payé aucun
impôt en 1983. Or, lorsqu'ils sont victimes des caprices de
l'économie, on ne pense plus à se solidariser avec eux et on
oublie même leur aide en les maintenant dans la pauvreté et on
fait appel à leur responsabilité individuelle pour se sortir de
cette situation comme s'ils étaient seuls responsables de ce qui
arrive.
Nous rappelons qu'une politique du revenu ne doit pas s'orienter vers le
plus bas minimum, mais qu'elle doit plutôt permettre un revenu
correspondant aux besoins normaux dans le contexte où nous vivons. En
d'autres termes, une politique de sécurité du revenu devrait,
dans une perspective de justice sociale, considérer les besoins
réels et la richesse disponible au lieu de tendre vers une
égalité dans la pauvreté et on s'aperçoit à
ce moment-là qu'on va beaucoup plus vers une sorte de pauvreté
tranquille.
Enfin, nous aimons rappeler qu'à plusieurs reprises depuis une
trentaine d'années, la population du Québec a su manifester une
grande solidarité quand il s'est agi de se doter d'instruments
collectifs de sécurité, santé, rentes, etc. Dans une
conjoncture de profonds changements, où des milliers d'entre nous
risquent d'être définitivement marginalisés et où la
réussite individuelle est prônée et promue, l'État
ne doit pas se désengager face au défi que constitue la lutte
à la pauvreté.
C'est pourquoi, à partir tout ce que nous avons vu et savons,
convaincus que les pauvres ne peuvent plus attendre et que l'État doit
rigoureusement prendre le parti des économiquement faibles et mettre de
l'avant des moyens qui manifestent notre solidarité collective afin que
la richesse soit plus équitablement partagée, nous faisons les
recommandations suivantes:
Premièrement, que l'on accorde immédiatement la
parité d'aide sociale aux jeunes de moins de 30 ans. Pour prendre un mot
connu, cela serait un juste rattrapage.
Deuxièmement, concernant l'emploi, que le gouvernement, tenant
compte des études, recherches et débats sur ce point, prenne les
moyens nécessaires et devienne artisan majeur afin de mobiliser les
agents économiques et d'arriver à mettre en oeuvre une
véritable politique dfe plein emploi.
Troisièmement, concernant la sécurité du revenu,
que le gouvernement s'oriente vers une
véritable politique de sécurité du revenu
permettant aux faibles salariés et aux assistés sociaux d'avoir
un revenu qui s'approche des seuils de pauvreté tels qu'estimés
par Statistique Canada.
On peut se référer à l'étude
"Fiscalité et aide sociale pour une réforme juste et
équitable" par Ruth Rose, professeure de sciences économiques
à l'UOAM.
Quatrièmement, compte tenu des recommandations no 2 et 3, aucun
barème actuellement en vigueur ne doit être modifié
à la baisse en attendant une véritable politique de
sécurité du revenu.
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous arrivons
avec un bon minutage puisque le temps était malheureusement
écoulé.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier la
Conférence religieuse canadienne pour son mémoire et la
présentation que vous en avez fait.
Dans un premier temps, je tiendrais à vous remercier pour le
travail discret, mais combien efficace que vous effectuez là où
tous les gouvernements laissent filtrer des citoyens par les trous qui sont
assez grands dans le filet de sécurité qu'on pense, lorsqu'on
parle sur la place publique, complètement à l'épreuve de
tout Je pense que vous savez qu'il n'est pas à l'épreuve de tout
et vous le savez d'autant plus que c'est vous qui ramassez des citoyens et qui
passez à travers.
Cela dit, on part d'une situation de fait ou la politique en place qui
date du début des années soixante-dix, est une politique qui a
davantage choisi, peut-être parce qu'à l'époque la
clientèle était composée dans la très vaste
majorité de personnes ou d'individus considérés inaptes au
travail, de leur envoyer un chèque mensuel et, un peu, de les
oublier.
De façon un peu plus récente pour une clientele
particulière, les jeunes de moins de 30 ans et les chefs de famille
monoparentale, des programmes d'employabilité ont été mis
sur pied. Quand on fait le bilan au moment ou on se parle, en 1988, on regarde
la clientèle de l'aide sociale et vous avez raison de dire qu'elle est
encore très nombreuse. Aux alentours de 600 000 personnes en
dépendent au Quebec et il faut se rappeler qu'il y a à peine deux
ans, c'était plus de 715 000 personnes qui en dépendaient.
C'était encore pire comme situation.
On regarde qui sont ceux et celles qui ont réussi à s'en
sortir depuis ce temps-là. Est-ce que ce sont les gens
considérés inaptes au travail? Non, ces derniers sont là
pour longtemps à l'aide sociale. II y en a qui y passent leur vie. La
clientèle qui s'en est sortie le plus est la clientèle à
la disposition de qui le gouvernement a mis des mesures d'employabilité.
Je mentionnais cet après-midi que depuis dix-huit mois, il y a a peu
près 45 000 jeunes qui se sont sortis de l'aide sociale et on se dit.
Est-ce qu'on continue à administrer le programme ou si on stationne de
côté notre clientèle, on lui envoie un chèque et on
n'a pas de problème? Sur la place politique, on défend les
montants qui sont sous le seuil de la pauvreté ou est-ce qu'on fait les
efforts pour tenter de corriger la situation?
On a regardé aussi ce qui se passait ailleurs. Je pense que c'est
Mme Tremblay qui mentionnait la province voisine. On y a regardé
beaucoup, entre autres, et c'était facile parce que ce n'était
pas loin de regarder ce qui se passait dans la province voisine et on sait que
son salaire minimum est équivalent au nôtre, donc que les
conséquences sur les bas salariés sont à peu près
les mêmes. On n'a pas trouvé exactement ce que vous avez
trouvé en Ontario, c'est-à-dire que quelques barèmes sont
supérieurs, quelques autres sont inférieurs. II y a une partie
administrée par la province et une autre partie par les
municipalités. On a également trouvé que tous les jeunes
de 18 à 21 ans sont carrément - ce n'est pas une question de
parité - exclus de l'aide sociale. On a également
découvert un phénomène étrange: là ou le
taux de chômage est le plus bas au Canada, pendant que le chômage
diminue, l'aide sociale augmente, tandis qu'au Québec, en même
temps que le chômage diminue, l'aide sociale diminue. Est-ce que ce
serait attribuable au programme d'employabilité? Est-ce que ce serait
attribuable à cette nouvelle approche dynamique qui vise à ne pas
marginaliser ces gens-là?
Je reviens sans cesse sur le cas - et je suis content de l'avoir en face
de moi - du comté de Maisonneuve, celui de Mme Harel, ou on a environ 35
000 personnes qui sont des bénéficiaires de
I'assurance-chômage et de I'aide sociale et où on a
assisté, au cours des deux dernières années, à une
création d'emplois plus importante que dans le reste de la région
de Montréal, mais la conséquence de cette création
d'emplois n'a pas servi aux gens qui en avaient le plus besoin. On a encore le
même nombre d'assistés sociaux et de chômeurs. Puis on s'est
dit: Pourquoi ces gens-là n'ont pas été capables d'avoir
une chance d'occuper ces emplois-là? Pourquoi ce sont des gens de
Longueuil, de Laval, de Westrnount et d'ailleurs qui les ont occupés? Et
on s'est rendu compte qu'il y avait des carences énormes entre les
qualifications que l'entreprise demandait et les qualifications que
détenaient les travailleurs qui avaient été mis à
pied, licenciés collectivement dans des entreprises traditionnelles. On
se dit: Est-ce que maintenant on n'investit pas dans l'employabilité? Et
c'est ce qu on a annoncé la semaine passée pour ces
travailleurs-là. Dans I'ensemble on s'est dit. Bon il y a la
clientèle qui va demeurer plus longtemps a I'aide sociale, parce qu'elle
a besoin de plus d'employable ou qu'elle est - excusez-moi l'expression - plus
poquée. Programme Soutien financier hausse des prestations pour tout le
monde d'à peu près 1000 $. Cela ne
paraît pas beaucoup pour des gens peut-être autour de la
table, mais pour des gens dont les revenus sont faibles, ce n'est pas si
mal.
Programme APPORT pour les parents à faible revenu. Quelqu'un a
mentionné des problèmes de garderie tantôt, 5 $ par jour
qui... Ce n'est pas parfait. Avant cela, on ne payait pas les frais de
garderie, là on va les payer jusqu'à 50 %. Peut-être que
l'idéal serait de les payer à 100 % pour ne plus que le fait
d'avoir un enfant constitue une barrière à l'entrée sur le
marché.
Le programme APTE, vous avez le salaire minimum et les incitatifs. On a
besoin de votre aide pour s'assurer qu'on ne fait pas mal à personne.
J'ai vu que dans votre mémoire, vous avez souligné toute la
question de l'enfant âgé entre deux et six ans et le fait que dans
la majorité des cas, des femmes, soutien de famille, on ne leur donne
pas le choix. Finalement, on leur dit: On ne considère pas que le fait
qu'elles prennent soin de leur enfant et qu'elles leur donne
l'éducation, cela équivaut à de la participation. On dit:
À partir du moment où il a deux ans, retourne dans les mesures de
participation.
On est conscient qu'il y a des gens qui sont d'accord avec cette
politique et il y en a d'autres qui ne sont pas d'accord. On prend bonne note
de vos propos. Vous ne semblez ne pas être d'accord. Vous semblez vouloir
qu'on modifie et qu'on étire un peu plus longtemps. Puis notre politique
comme on la comprend et. comme on vous l'explique. Mais moi, j'aurais besoin de
savoir, de votre expérience et de votre pratique, quel est le
pourcentage de gens que vous aidez et que vos collègues aident qui sont
des bénéficiaires de l'aide sociale, des prestataires
d'assurance-chômage et des bas salariés? Est-ce que, grosso modo,
vous pourriez nous donner la ventilation de vos interventions auprès de
ces clientèles?
M. Lévesque (Pierre): Disons que ce ne sont pas des
études qu'on a faites. Nous sommes plus orientés vers la pratique
comme telle. On accueille les gens. Par exemple, on ne veut pas ici brosser le
tableau général, mais la désinstitutionnalisation, par
exemple - c'est un grand mot - fait sortir des psychiatrisés
d'hôpitaux et où se ramassent-ils? Dans des communautés
religieuses, parce qu'ils ont de la misère à se
réinsérer sur le plan social. On n'a pas fait de données
statistiques, mais je sais que c'est un grand nombre. J'ai un de mes
confrères qui accueille entre 60 et 70 jeunes et moins jeunes par
semaine pour leur donner ce qu'on appelle une boîte de nourriture.
Là-dedans il y a des jeunes de 25 à 30 ans. C'est peut-être
un défaut qu'on a et peut-être que vous nous suggérez de
faire cette étude, mais on n'a pas de données statistiques. On a
des résultats concrets qui arrivent et c'est ce qui nous laisse un petit
peu mal à l'aise par rapport à l'ensemble de la réforme.
Je ne sais pas si la réforme va répondre à cela.
Personnellement, je suis porté à en douter.
On parle d'employabilité et la notion est assez finement
décrite, si on veut. Il y a l'employabilité dans le document
"Pour une politique de sécurité du revenu".
L'employabilité peut comporter plusieurs choses. La non
employabilité peut dépendre des conditions psychologiques, de
l'âge, d'un manque de préparation, ou encore
d'insécurité. Il y a beaucoup de gens qui vont se chercher de
l'ouvrage et qui, une fois rendus à l'ouvrage, au point de vue
psychologique, ils ne sont pas capables de le tenir, s'en vont et parfois on
est porté à les traiter de paresseux ou dire: Ils sont instables.
Mais c'est quand même la réalité, et ce sont des gens qui
vivent dans la société et dont il faut tenir compte. Dans
l'ensemble, ils viennent faire un tour chez les communautés religieuses
pour avoir un peu de secours, de compréhension et on fait bien ce qu'on
peut. (20 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'a pas trop de
difficulté, ce n'est pas là que la difficulté se pose. La
question est survenue cet après-midi. C'est Mme la députée
de Maisonneuve qui l'a posée. La personne qui sort de l'aide sociale
pour se retrouver sur le marché du travail, on n'a pas de retour, on n'a
pas le phénomène marquant de la porte tournante. Il existe un
peu, mais on a des pourcentages qui démontrent que la personne qui
réussit à s'en sortir généralement réussit
à s'en sortir pour le reste de sa vie. C'est important pour nous aussi,
parce que cela voudrait dire autrement que c'est le phénomène de
la porte tournante, et c'est toujours la même clientèle qui
revient à l'aide sociale. Chez vous, est-ce que vous avez un pourcentage
important des gens dont vous vous occupez qui vivent le phénomène
de la porte tournante, c'est-à-dire que vous vous en occupez, qu'ils
réussissent à y aller et qui reviennent chez vous?
Mme Tremblay: Alice Tremblay. Je travaille en milieu populaire
depuis 20 ans. J'ai vu passer pas mal de monde. Je peux dire que les gens
veulent s'en sortir, mais cela prend du temps. Le phénomène de la
porte tournante, cela peut arriver pour quelques individus, mais en
général les gens veulent vraiment se sortir du pétrin.
J'ai l'expérience et mes compagnes l'ont aussi. On a une maison dans
Hochelaga-Maisonneuve, un milieu communautaire, et les gens circulent à
coeur de jour dans ce milieu. Ils viennent dans ce milieu
précisément pour rencontrer d'autres personnes, pour socialiser,
pour s'aider les uns les autres à se sortir de la situation
d'insécurité dans laquelle ils sont. Ils ont
réalisé que seuls, ils ne pouvaient pas s'en sortir. Quand cela
fait des années qu'on est mal pris, je pense que cela prend plus que
quelques petites incitations au travail pour s'en sortir. Je peux vous dire que
les gens veulent travailler et veulent s'en sortir.
Vous parlez de pourcentage, |e ne peux pas vous donner de chiffre. C'est
juste cela finalement. Ce sont seulement des petits salariés des gens
bénéficiaires de I'aide sociale que je côtoie.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Ma question n'avait pas pour but
d'obtenir un pourcentage précis. C'était dans le but d'avoir une
proportion, plus de bas salariés, plus de gens
bénéficiaires de l'aide sociale ou plus de gens prestataires
d'assurance-chômage. C'était pour essayer de comparer le montant
que ce monde là gagne et quel niveau de clientèle se ramasse chez
vous. Si vous l'avez, vous l'avez. Si vous ne l'avez pas, vous ne l'avez pas.
Il n y a pas de problème.
Mme Gagnon: Je pense que cela dépend des personnes et avec
qui on travaille. Le milieu dans lequel je travaille, ce sont presque toutes
des personnes assistées sociales, plutôt monoparentales. Chez
nous, le phénomène de la porte tournante, on l'appelle la
piscine. On se mouille et on se sèche, on se mouille et on se
sèche.
Mme Harel: le document, ils appellent cela la piscine, au
ministère.
Mme Gagnon: Oui.
Mme Harel: Je vais vous sortir le document 1 que je n'ai pas
sorti encore.
M. Paradis (Brome-Missisquei): Ce sont des documents de votre
temps.
Mme Harel: Non, non. Ce sont les mêmes fonctionnaires avec
les mêmes mauvaises idées, mais ce sont les vôtres.
Le Président (M. Bélanger) Vous voulez dire quand
ils étaient au pouvoir et non pas aucune autre allusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Allez-y madame.
Le Président (M. Bélanger): C'est à vous Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Est-ce qu'il a terminé?
Le President (M. Bélanger): Oui. II reste quelques minutes
mais ils vont revenir.
Mme Harel: Non. Terminez vos 20 minutes.
Une voix: un autre député.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'alternance.
Des voix: L'alternance.
Une voix: L'alternance. On vous respecte.
Le Président (M. Bélanger): C'est la règle
de l'alternance qui est souhaitable.
Mme Harel: C'est 20 minutes pour chaque parti, en vertu de la
règle de l'alternance. Alors terminez vos 20 minutes et je vais faire
les miennes.
Le Président (M. Bélanger): Pas de
problème.
M. le député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. Si c'est la règle,
je vais la suivre. D'abord je veux vous remercier d'avoir le courage de dire ce
que vous avez à dire et de le faire de façon aussi claire. Dans
le mémoire on sent que vous voulez vraiment que, dans notre
société, il y ait une équité entre ce qu'on peut
appeler les riches et ceux qui sont les plus démunis. Vous
défendez plus spécifiquement ces derniers. Sans pourtant sentir
de véhémence, on sent quand même qu il y a une
volonté de votre part de défendre les familles monoparentales.
À un moment donné vous soulignez que les familles avec des
enfants en bas âge devraient quand même être
considérées de façon spéciale. J'aimerais que vous
précisiez ce point, parce que plusieurs groupes ont manifesté le
même point de vue que vous et, en tant que membre de la commission
parlementaire, parce que nous sommes ici tous ensemble pour travailler ensemble
afin de bonifier le pro|et de loi avant d'en arriver à définir
une politique finale, c'est certain qu'on aime toujours avoir
I'expérience du milieu, surtout que vous travaillez dans le milieu. Mais
le milieu, cela veut dire rencontrer des gens, mais est ce que cela veut dire
aussi avoir un suivi? Cest un peu ce qui me préoccupe parfois. On
rencontre des gens et après, c'est ce qu'on peut appeler en anglais du
"touch and go", on ne les revoit peut-être plus. Dans votre cas vous
défendez avec force les familles monoparentales. J'aimerais que vous
explicitiez un peu ce que vous aimeriez voir arriver à ce chapitre.
Mme Gagnon: Une chose me frappe. Quand on dit que pour le
logement si je prends centre sud - c'est probablement différent dans
d'autres secteurs cela se ressemble - quand on regarde le logement moyen, c'est
rendu à 340 $ avec chauffage par exemple. Pour qu'une femme avec deux
enfants puisse se nourrir, c'est 310 $ cela fait un total de 645 $ pour se
loger et se nourrir. Comme le disent plusieurs femmes avec lesquelles je
travaille, on ne peut pas se permettre quand il y a des enfants, de vivre
I'itinérance. C'est comme si se loger et se nourrir était un
minimum.
J'ai ici le budget d'une femme monoparentale avec deux enfants elle peut
accorder 100 $ pour la nourriture pour un mois. Quand on regarde le total de
ses chiffres ce sont presque des dépenses intouchables. II lui reste 20
$ par
semaine pour un adulte et deux enfants pour les dépenses qui ne
sont pas intouchables. Je me demande, dans ce sens-là, avec le montant
de la coupure, comment cette femme-là, avec 687 $ durant neuf mois, peut
être incitée à aller travailler. Pour nous, ce n'est
même pas le minimum vital pour être incités à
chercher du travail.
Ce qui me frappe aussi dans votre document d'orientation, c'est le
profil que vous faites de la clientèle par rapport aux femmes ayant
soi-disant beaucoup moins de scolarité; aussi, à la page 24, deux
personnes sur cinq n'ont pas d'expérience de travail. Je suis convaincu
que, dans cela, il y a les jeunes de 18 à 30 ans. Il y a aussi beaucoup
de femmes monoparentales, si je regarde les femmes que je connais, très
peu ont leur secondaire. Parfois, on se dit qu'elles sont les premières
"drop-out" du système gratuit, dans le fond, les femmes entre 25 et 35
ans. C'est comme si vous les décriviez un peu à la manière
des groupes populaires. Mais, ce qui me frappe, c'est le point suivant
où vous dites que c'est possible qu'elles puissent retourner au travail
et une façon de les inciter rapidement, c'est de les couper. Quand on
vit avec elles, on voit bien que c'est juste une façon de faire de la
panique et non pas du tout pour préparer quelqu'un à aller
travailler.
Je pense que vous subventionnez aussi des groupes communautaires qui
aident les femmes à retourner sur le marché du travail, et, selon
leur expérience, une femme qui y est déjà allée,
mais qui veut y retourner, admettons après une absence à cause
des enfants, c'est un minimum de six mois jusqu'à trois ans pour
quelqu'un qui n'est jamais allé sur le marché du travail. Quand
vous mettez neuf mois avec une coupure, pour nous, ce n'est pas incitatif du
tout. Je pense qu'on a utilisé des mots comme coercitif et punitif,
mais, pour nous, ce n'est pas vivable. On n'a même pas le goût
d'utiliser des grands mots.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Si cela peut rassurer
la Conférence religieuse canadienne, le père Lévesque et
vous qui l'accompagnez, vous n'êtes pas les seuls à être en
désaccord. Au-delà de 87 % de tous les mémoires qui vont
être présentés devant cette commission vont exprimer des
désaccords profonds sur les orientations contenues dans le document.
Vous comprendrez qu'il vous faut quand même le
répéter et je pense que votre expérience, soeur Lise et
soeur Alice, est utile parce que l'expertise que vous avez dans le milieu
populaire que je représente ici à l'Assemblée nationale
est une expérience qui n'est malheureusement pas prise en compte.
Malgré tout, je pense qu'il faut le répéter. Pour moi,
cette proposition qui est devant nous, cette réforme en est une de
sans-coeur; c'est une réforme sans coeur, hypocrite parce qu'elle a
été décalquée. Ce n'est pas une réforme en
matière de sécurité du revenu. C'est une réforme
qui met de côté une politique de protection du revenu contre la
pauvreté. C'est une réforme qui, sous prétexte de mettre
des gens en activité, ce qui est un souhait louable et un espoir
important pour bon nombre de nos concitoyens, comme vous le dites, va
simplement créer la panique et une insécurité profonde
chez la grande majorité d'entre eux.
Le ministre nous dit qu'il est fier des résultats des mesures
d'employabilité qui, jusqu'à maintenant, à titre
expérimental, étaient offertes aux jeunes de moins de 30 ans. Je
ne peux pas comprendre que s'il est si fier des résultats des mesures
qu'il ne les rende pas publiques. On ne connaît pas l'analyse des
expériences qui ont été faites. Ce qu'on en sait, par
exemple, avec les chiffres informatisés qu'on a pu obtenir... Et on ne
connaît que les fuites parce que ce sont les seules informations qu'on
puisse avoir. C'est que malgré une incitation qui, admettons-le,
était considérable parce qu'il s'agissait de doubler ces
prestations en participant aux mesures, malgré cette incitation qui,
dans la logique du ministre, vaudrait maintenant pour les 283 000
ménages qui seront tous coupés s'ils ne participent pas,
malgré cette incitation donc pour les moins de 30 ans, le taux de
participations aux mesures d'employabilité est à peine de 20
%.
C'est certain que dans l'entourage du ministre, il y en a qui pensent
que c'est parce que les autres 80 % restaient che2 leurs parents et
dépensaient leur allocation en argent de poche. C'est ce qu'ils ont
d'ailleurs dit aux journalistes qui l'ont rapporté, notamment dans
The Gazette. La question est de savoir si vous pensez que c'est une des
raisons, un des motifs. C'est sûr que si le ministre rendait publics les
résultats de ces études, on pourrait savoir pour quels motifs le
taux de participation aux mesures n'a été que de 20 %.
Je ne sais pas si vous-mêmes, qui avez une expérience
concrète dans le milieu, pouvez nous faire valoir ce que vous pensez
être les motifs de la non-participation, parce que c'est central
étant donné qu'on prétend étendre cette
expérience, dont on ne donne pas !es résultats maintenant,
à l'ensemble de tous nos concitoyens et à tous les
ménages.
M. Fortin (Benoît): Benoît Fortin. En tout cas, je
trouve que la réforme qui nous est proposée à partir d'une
autre pratique est très culpabilisante pour les gens. À la base
de cela, il y a deux préjugés qui sont renforcés
finalement sur le terrain. C'est que les pauvres sont pauvres mais que c'est un
peu de leur faute et même beaucoup de leur faute, de telle sorte que ce
sont eux qui sont responsables de s'en sortir ou non. S'ils ne s'en sortent
pas, ils en seront les coupables.
L'autre préjugé, c'est qu'il y a beaucoup d'emplois et
ceux qui ne travaillent pas, c'est
qu'ils ne le veulent pas. Parmi les gens qu'on rencontre, ce sont des
choses très culpabilisantes. Là-dessus, je voudrais dire que j'ai
travaillé surtout avec les petits travailleurs. J'ai cherché des
années durant pas loin d'ici du travail avec des gens. J'ai
déjà fait du marché du travail avec des gens qui avaient
déjà fait 30 emplois, des jeunes de 22, 23 ans, des petites
"jobines". À un moment donné, j'ai cherché du travail avec
un qui m'a dit: Si je n'en trouve pas après trente et une, je vais
arrêter. Je suis entré dans un milieu de travail pendant une
dizaine d'années pour constater combien c'est difficile. Actuellement,
nous, comme religieux et religieuses, sommes souvent près des
travailleurs qui ont accès au travail précaire.
Selon une étude faite à l'Université Laval
dernièrement, il y a 50, 9 % du travail actuellement qui est
précaire, c'est-à-dire pas un court temps. C'est cela, le
phénomène de la porte qui tourne: travaille six mois ou travaille
24 heures par semaine, ne peut pas vivre, lâche ton travail, prends deux
jobs et, à un moment donné, fait une dépression, pense au
suicide et... Il y en a 50, 9 %. (21 heures)
La question qu'on se pose c'est: Quel travail, quel type de travail,
quel type de société il y a derrière cela? Est-ce que
c'est un travail qui va pouvoir permettre à quelqu'un de construire sa
vie, de faire des projets? Une autre question qu'on se pose aussi, c'est: Ne
fait-on pas des assistés sociaux? Moi, je connaissais
dernièrement 320 travailleurs et travailleuses qui travaillaient, qui
étaient heureux et heureuses, et à cause de leurs droits non
protégés, ils sont maintenant bénéficiaires de
l'aide sociale. Je parle des gens du Manoir Richelieu ' que j'ai visités
dernièrement. Il me semble qu'il faudrait non seulement s'occuper des
assistés sociaux, mais de ceux qui ont leur job pour ne pas qu'ils
tombent assistés sociaux aussi. C'est pour cela que par rapport à
cette réforme, il me semble que cela prend des mesures courageuses qui
partent des faits, parce qu'on ne croit pas beaucoup actuellement que des gens
vont pouvoir travailler alors qu'ils vont nécessairement s'engager dans
le secteur précaire et, nous autres, la seule solution qu'on trouve, ce
sont des emplois stables où les gens sont heureux de travailler et non
pas là où ils seront obligés de travailler. Parfois, ils
sortent du travail avec des dépressions et c'est là que - non pas
la table tournante - la porte tournante ou la piscine joue.
Mme Harel: Le ministre a maintes fois, depuis le début de
cette commission, rappelé qu'actuellement au Québec des
statistiques récentes démontreraient que la très grande
majorité des emplois qui seraient créés seraient des
emplois à temps plein. Contrairement à l'impression qu'on peut en
avoir. Je crois qu'il faut certainement constater que ces emplois à
temps plein plutôt qu'à temps partiel existent, mais ce sont quand
même des emplois à temps plein dans des secteurs qui sont bien
moins rémunérateurs très souvent que ceux qui existaient
dans la fabrication ou encore qui existaient dans la production, comme
c'était le cas auparavant. En tout cas, tout au moins, puisque le
ministre cite abondamment l'est de Montréal et en particulier
Maisonneuve, je relisais l'étude du comité de relance de
l'économie et de l'emploi dans l'est de Montréal, ce matin, pour
reconstater de nouveau - et je rappelle ces chiffres au ministre - que durant
les cinq dernières années, on va être quitte, parce que
c'est deux années et demie sous son gouvernement et deux années
et demie sous le nôtre, c'est 7000 emplois qui se sont perdus dans l'est,
et des emplois dans le domaine de la fabrication, de la production proprement
dite.
C'est exactement quelque 3400 emplois qui ont été
créés. Je regardais la grande entreprise, elle en a perdu 200.
C'était avant la fermeture du chantier naval de la Vickers; il faut en
ajouter 500. La moyenne entreprise, elle, avait été
créatrice des 3500 emplois. Tout cela faisait une perte, parce que vous
avez beau en créer 3500, il y a de la création d'emploi et les
chiffres dans la colonne de création, il y en a presque 100 000, un
record. Mais c'est dans la colonne des pertes qu'il y en a aussi. On fabrique
autant de chômage qu'on fabrique de l'emploi, parce que la
réalité, c'est que les emplois créés absorbent
à peine la main-d'oeuvre nouvelle et n'ont pas d'effet réel sur
la diminution substantielle du taux de chômage en pleine période
de croissance comme on est.
Vous avez raison, dans votre mémoire, quand vous dites: Si la
crise est terminée pour les uns, il faut reconnaître qu'elle se
prolonge pour un grand nombre. " Je pense que personne autour de cette table
peut contester cette affirmation du document que vous nous présentez.
Dans votre mémoire, vous n'abordez pas, j'imagine, que l'information
peut-être avait été rendue publique encore une fois,
heureusement, grâce à une fuite, mais malheureusement parce que
c'était une mauvaise nouvelle pour nous apprendre que dans les
situations de partage de logement, les bénéficiaires se verraient
couper chacune des personnes, chacune de celles qui partagent le logement d'un
montant de 115 $. Je sais que vous travaillez à un projet, surtout dans
le comté de Sainte-Marie, je crois, mais enfin, dans centre-sud, il
existe aussi l'équivalent dans Maisonneuve de partage de
préparation...
Mme Gagnon: Cuisines collectives.
Mme Harel:... d'aliments. Heureusement que le ministère ne
sait pas cela parce qu'un peu plus, il couperait aux
bénéficiaires la portion de ce qu'ils peuvent épargner,
parce que le logement c'est la même chose.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Voyons donc!
Mme Harel: Ils vont leur couper la portion de ce qu'ils peuvent
économiser en se débrouillant. Je voudrais connaître la
position que la conférence ou, quelle opinion vous, comme agent
communautaire, avez sur cette question.
Mme Gagnon: J'imagine que vous avez bien reconnu qu'on a choisi
certains points, parce qu'on aurait pu les prendre tous. Quand je pense au
logement, c'est sûr qu'il y a le 115 $, il y a toute la notion de
conjoint qui touche aussi les femmes monoparentales, parce que dans le fond,
dès que quelqu'un va demeurer avec cette personne-là pendant un
an, il est déclaré conjoint au bout d'un an, alors les
réactions des femmes, c'est après six mois, mettons-le dehors,
c'est aussi illogique que cela.
Ensuite, il y a la notion concernant les HLM. Comme ce n'est pas clair,
mais il y a comme toute une partie qui dit que si pour niveler un peu tout le
monde, tous les assistés sociaux vers le plus bas, si quelqu'un a moi,
j'ai compris et avec d'autres que si quelqu'un a un HLM et que le loyer moyen
est autour de 320 $, mais peut-être qu'il sera obligé de payer la
différence, alors des choses comme celle-là en ce qui concerne le
logement, n'aide pas quand on sait toutes les coupures qu'on a pour essayer de
faire des coopératives et essayer d'avoir du logement, puis on en sait
quelque chose dans le centre-sud. Au cours de toute la commission parlementaire
au niveau de la levée du moratoire, je pense que vous avez eu tout le
côté logement, il me semble.
Mme Harel: Ce n'est pas la même commission, par ailleurs,
mais.
Mme Gagnon: Non, non.
Mme Harel: Le test de revenu pour les bénéficiaires
habitant en HLM qui était en fait introduit dans la politique, il semble
qu'il ait été totalement écarté, c'est une
réponse que le ministre a donnée à un groupe, dès
la première journée, c'était la bonne nouvelle. J'en
espérais une bonne comme celle-là chaque jour. Disons je n'en ai
pas eu une pour hier, ni pour aujourd'hui, mais...
Mme Gagnon: J'espère qu'il n'y aura pas de coupure au
niveau des coopératives non plus.
Mme Harel: Cela, remarquez que je n'ai pas pu vérifier.
Vous nous dites que sur la question... J'aimerais vous entendre sur la question
de solidarité familiale, parce que des interventions faites depuis trois
jours chez certains parlementaires consistent à penser que I'État
doit intervenir pour resserrer les liens de la famille en obligeant la
contribution parentale. C'est comme cela que c'est présenté.
D'ailleurs, il y a un organisme qui vous a précédés, la
Fédération des femmes du Québec, qui disait que la plupart
des mots comme: générosité, solution dynamique, outil
efficace, action concrète, autonomie, dignité
équité et justice font partie de notre vocabulaire comme du
vôtre, j'en suis certaine, de la conférence religieuse, et la
fédération disait que la plupart de ces mots courants, on ne peut
pas les désavouer. Ce que nous désavouons, disait-elle, c'est
l'utilisation trompeuse qui en est faite alors sur la question de
solidarité familiale, l'aimerais vous entendre.
Mme Gagnon: Ce qui me touche beaucoup, ce sont les femmes
monoparentales qui découvrent qu'avec la contribution alimentaire, elles
vont rester coincées si longtemps, que leur jeune... quel jeune peut
vraiment être autonome avec les critères qu'il y a là,
quand une femme est déjà assistée sociale et que son
jeune, avant qu'il ait deux ans, je pense que selon les critères, ce
sont deux ans de travail stable avant d'être déclaré
autonome? Alors, c'est un élément de panique de plus chez les
femmes monoparentales qui dépassent 35 ans.
Mme Harel: À moins que le jeune se marie pour divorcer un
peu après.
Mme Gagnon: Oui, cela fait partie aussi de...
Mme Harel: Des effets pervers de mauvaise politique.
Mme Gagnon: Ce sont juste des moyens différents pour
essayer que si on veut être débrouillard, de frauder autrement, de
se trouver des moyens dans le fond pour survivre.
Mme Harel: Je ne sais pas si soeur Alice a dit quelque chose.
Mme Tremblay: Au sujet de la... c'est une question à part.
Pour moi, le document est antifamilial parce que je me dis que les jeunes qui
sont rendus a 18 ans, il me semble que c'est d'aller contre le respect de la
personne que de les obliger... j'allais dire à ce qu'ils soient
dépendants de leurs parents.
Mme Harel: C'est certain que c'est considéré comme
une mesure énergique pour resserrer les liens de la famille.
Mme Tremblay On dirait qu'ici, il faut regarder la situation
comme elle est. La famille au Quebec a beaucoup évolué et on n'a
plus la famille traditionnelle d'autrefois. Il me semble que ce
programme-là, à mon avis, est antifamilial. II créera des
problèmes psychologiques très forts.
Mme Harel: Dès l'ouverture, demain, nous allons avec des
organismes de jeunes examiner
cette question de la contribution et notamment avec la Commission
jeunesse du Parti libéral qui suggère un mécanisme de
perception de la contribution parentale pour s'assurer que le jeune va pouvoir
la toucher. Alors, je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel
niveau de sophistication on en est rendu: on en est rendu à proposer
tout au moins et à écrire sérieusement dans un
mémoire un mécanisme de perception de la contribution parentale.
Alors, c'est censé être une mesure de reserrement de la
solidarité familiale. Je pense bien que cela se passe de commentaires,
à moins que père Lévesque.
M. Lévesque (Pierre): Évidemment, disons que c'est
un problème complexe, celui de la famille. La famille quand même
est éclatée et il faut partir de cette réalité pour
essayer de voir sur le plan politique ce que l'on peut faire. C'est tout
à fait sûr que, quand vous êtes dans une famille
disloquée, on peut difficilement imposer une loi pour dire.
M'entendez-vous? II y a d'autre chose que je souhaiterais travailler dans la
société pour que la famille soit bonifiée et qu'elle
remplisse son rôle, sa fonction, pour qu'elle puisse se retrouver.
Actuellement, cela semble être difficile. Est-ce que cela dépend
des lois sociales? Est-ce que cela dépend de çi et de ça?
On pourrait faire une enquête là-dessus, d'ailleurs, il y en a qui
ont été faites. Alors, pour nous, on regarde le fait qu'il y a
des familles disloquées et que si on prend des mesures
financières pour aller dans un sens comme dans l'autre, il n'y aura
pratiquement pas de résultat concret. Ce n'est pas ça qui va
inciter les gens à s'entendre ou à faire en sorte qu'il y ait une
famille où il y a vraiment solidarité.
II y a des choses qui laissent mal à l'aise d'une certaine
façon. L'incitation au travail, il faut inciter les gens à
travailler, là-dessus je suis bien d'accord, mais quand on regarde et on
la lu dans La Presse, il y a quand même un nombre imposant de
sociétés qui réussissent quand même à ne pas
payer d'impôt. II y a certainement des gens qui, à un moment
donné aussi, vont payer ce qu'il faut pour l'État. Alors, je ne
sais pas s'il y aurait lieu d'établir des politiques d'incitation
à participer au fardeau social d'une société. On s'est
petit a petit créé une société, puis dans cette
société I'État avait un rôle de plus en plus fort
concernant les nécessiteux, les besoins et là on songe à
changer de cap. Je pense qu'en changeant de cap, il va y avoir des victimes et
il faut en tenir compte. Je ne sais pas si on peut dire ça comme cela,
mais on s'habitue à un certain style de société ou on le
fait et on l'accepte et puis à un moment donné on bifurque et
là à ce moment-là il y a des choses qui grincent. C'est
difficile à dire mais on dirait que à un moment donné - je
ne suis pas économiste, et on nest pas dans cette ligne-là non
plus - pour que I'inflation baisse, il faut augmenter le chômage. Je ne
sais pas s'il y a déjà des études qui ont
été faites là-dessus. En tout cas, c'est un ensemble de
malaises si vous voulez, puis il faudrait, pour établir une politique
cohérente dans une juste répartition des richesses, en tenir
compte, si vous voulez.
Mme Harel: Oui Je pense que vous voulez intervenir?
M. Fortin (Benoît): Je voudrais ajouter que tout le
programme qu'on a, on trouve que ça brise beaucoup la solidarité.
On a parlé de solidarité familiale, mais cela brise la
solidarité entre les pauvres pour qu'ils sen sortent. C'est comme si on
privatisait l'aide aux pauvres pour les isoler. Il y a toutes sortes de
barèmes, il y a des aides personnalisées. C'est très beau
comme intention, mais dans la pratique, on se rend compte que les gens auront
quelques dollars de différence. Vraiment, l'aide aux pauvres est
privatisée. Les gens, les femmes particulièrement, seront
à la merci d'un agent et cela grossira beaucoup le nombre de gens qui
devront administrer cela. Dans la pratique, cela crée une panique et
cela désolidarise ceux qui devraient se tenir ensemble pour s'en sortir.
Cela met les plus pauvres de plus en plus à la merci du gouvernement.
Cela les renvoie seuls chez eux parce qu'ils sont presque en
compétition, les chômeurs, les assistes sociaux et ceux qui
travaillent au salaire minimum, mais cette privatisation de l'aide aux pauvres
est très dangeureuse et elle est vécue durement dans les milieux
populaires et pauvres. (21 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. II
reste deux minutes à la formation ministérielle. Est-ce qu'il y a
un intervenant M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui Père Lévesque,
votre dernière question: Est-ce que pour contenir l'inflation on doit
laisser augmenter le chômage et laide sociale? C'est ce qui s'est produit
en 1980 et 1985 au Québec. Le nombre de chômeurs a
augmenté, le nombre d'assistés sociaux a augmenté de
façon drastique. Depuis cette date les deux catégories sont en
diminution. Moi, j'écoutais Mme Harel et je me disais: II me semble que
cela ne fait pas tellement longtemps en 1985. Que s'est-il passé au
niveau du salaire minimum quand on parle de toute la question de I'incitation
au travail? Entre 1980 et 1985, de combien a été augmenté
le salaire minimum au Quebec? De zéro, de pas un cent. On a abandonne
tous ces travailleurs, tous ces bas salariés. Moi je ne sais pas ou
était Mme Harel - ou Mme la députée de Maisonneuve -
à cette époque-là, mais jamais le salaire minimum n a
été augmenté.
On parle de discrimination, on parle de parité à I'aide
sociale. Même la volonté politique n'y était pas chez cette
formation politique de
donner la parité aux jeunes de l'aide sociale On les condamnait
à 178 $ et c'était là, non seulement ce qu'on faisait,
mais c'était la volonté politique également de les garder
là.
Quant à la question du partage du logement, est-ce que vous savez
qu'elle existe présentement? Est-ce que vous savez qu'en fonction de la
désinstitutionnalisation, elle existe même chez ta
catégorie d'assistés sociaux qui est inapte au travail et qu'en
fonction de la désinstitutionnalisation dont vous parliez tantôt,
la personne qu'on sort d'une institution dans le système actuel a besoin
de quelqu'un avec qui vivre. Ma correspondance comme ministre responsable, en
ce qui concerne le partage du logement, parce qu'il existe présentement,
touche essentiellement, il me semble bien - les députés des deux
côtés de la table - les personnes qui sont inaptes au travail et
incapables de travailler.
Est-ce que, également, dans la clientèle qu'on dit
employable à l'aide sociaie, les trois quarts de la clientèle de
l'aide, sociale, les 300 000 ménages dont on parle, vous savez qu'il y
en a 36 % qui sont des analphabètes fonctionnels? Quand on parle de
trouver un emploi à un analphabète fonctionnel, ce n'est pas
facile et vous en savez quelque chose. Est-ce qu'on sait qu'il y en a 60 % qui
n'ont même pas complété leur cours secondaire? Les grandes
compagnies pour engager, même pour faire une demande d'emploi, cela te
prend ton cours secondaire. Ce n'est pas facile à placer ce
monde-là.
Est-ce qu'on sait également qu'il y en a 40 % qui n'ont aucune
expérience de travail? C'est ce qu on a hérité comme
dossier.
Le Président (M. Bélanger): Sur une question de
réglement, Mme...
Mme Harel: Je consens, M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on est prêt...
Mme Harel: Oui. c'est une question de réglement, M. le
Président. Je consens à ce que le ministre...
Le Président (M. Bélanger): Sur quel article,
madame?
Mme Harel: Sur le fait qu'il ne nous reste plus de temps mais je
consens à ce qu'il continue dans la mesure ou je pourrai moi aussi
bénéficier du même temps.
Le Président (M. Bélanger): Le ministre
bénéficiait de deux minutes et il reste...
Mme Harel: C'est terminé?
Le Président (M. Bélanger): Terminé? Bon.
Alors, M. le ministre, c'est terminé.
Mme Harel: Mais je consens, M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais continuer, mais je
vais vous remercier de votre témoignage. Je vais également vous
remercier du travail que vous accomplissez. Avec le système actuel, il y
a beaucoup de trous. Vous avez beaucoup de travail. Ce que je souhaite, c'est
que le système qui sera mis en place laisse un peu moins de trous pour
que vous ayez un peu moins de travail. De toute façon, quel que soit le
système en place et quel que soit le gouvernement en place, la
société québécoise aura toujours besoin de votre
collaboration et nous vous en remercions.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Merci, M le Président. J'aurais avec plaisir,
consenti a ce que le ministre puisse continuer de manière à
pouvoir, moi aussi, bénéficier d'un temps similaire, il a
préféré mettre fin. Bien, je veux vous remercier et vous
rappeler que, effectivement, tout cela n'est pas simple et que durant la
période la plus grave de la récession que le Québec ait
connue, qui était de l'ordre des années 1930, dans cette
période de récession on a connu des taux d'intérêt
qui ont été de l'ordre du shylocking mais légalisé.
C'est la période où le Québec a eu assez de coeur pour
indexer trimestriellement les allocations d'aide sociale et c'est au moment ou
on était en période de croissance économique qu'on a aboli
l'indexation trimestrielle. Alors, je pense que I'ensemble de notre politique
de sécurité du revenu commande...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement, le temps est terminé.
Mme Harel:... certainement qu'on soit à l'écoute du
message que vous nous transmettez. Je vous remercie de vous être
solidarisés avec les plus pauvres de ceux que l'État devrait
défendre le plus.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
la Conférence religieuse canadienne région du Quebec.
J'invite maintenant à la table des témoins les
représentants du Projet Genèse ou Project Genesis, M. Mike
L'Espérance, Mme Sharon Laframboise, Mme Martha Lopez, M. John Kinloch,
Mme Alice Herscovitch, et M. Jim Torczyner. Je demanderais à chacun de
bien vouloir reprendre sa place afin que la commission
reprenne ses travaux.
Nous recevons à la table des témoins le Projet
Genèse ou Project Genesis.
Des voix:...
Projet Genèse/Project Genesis
Le Président (M, Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je vous rappelle nos règles de procédure. Vous avez
exactement 20 minutes pour présenter votre mémoire et les
parlementaires ont 40 minutes pour procéder à la partie des
questions concernant votre mémoire. Je vous prierais, chaque fois que
vous avez à intervenir, de bien vouloir dire votre nom. C'est pour les
fins du Journal des débats et cela va faciliter la tâche
des transcriptrices. Je demanderais au porte-parole de s'identifier, de
présenter son groupe et, ensuite, de nous présenter le
mémoire. Merci.
Mme Herscovitch (Alice): Bonsoir. Je suis Alice Herscovitch,
directrice du Projet Genèse Avant de commencer, j'aimerais vous
mentionner qu'il manquait une annexe à notre mémoire l'annexe 1.
Je ne sais pas s'il y a possibilité de donner des copies à tout
te monde.
Le President (M. Bélanger): II n'y a pas de
problème.
Mme Herscovitch: M. le Président de la commission, M. le
ministre Paradis, madame et messieurs membres de l'Assemblée nationale,
bonsoir. J'aimerais d'abord présenter les représentants du Projet
Genèse: M. John Kinloch, coordonnateur de la cafétéria
communautaire pour les personnes à faible revenu; M. Michael
L'Espérance, qui travaille à un projet de travaux communautaires
à Multi Caf, la cafétéria; Dr Jim Torczyner, membre
fondateur du Projet Genèse et également professeur à
l'Université McGill, à I'école de service social; Mme
Martha Lopez, organisatrice communautaire au Projet Genèse et qui
travaille à la problématique des assistés sociaux, des
personnes handicapées, des réfugiés et des immigrants
récents; Mme Janice Tholmson, qui travaille également à un
projet de travaux communautaires. Derrière nous, un autre travailleur
à un projet de travaux communautaires, M. Wing Wah Ham.
Projet Genèse est un organisme sans but lucratif fondé il
y a onze ans pour desservir le quartier Côte-des Neiges-Snowdon. Nous
offrons des services d'information, des conseils sur les droits sociaux et des
références à plus de 10 000 clients chaque année.
Notre clientèle est largement composée de familles et d'individus
à faible revenu de tous les âges et les gens viennent nous
consulter pour des problèmes de besoins primaires le logement, les
programmes de sécurité du revenu de services sociaux et de
santé. Nous travaillons aussi dans le milieu en aidant les citoyens
à s'organiser autour de besoins communs le logement HLM et
coopératives d'habitation, l'aide sociale les droits des
réfugiés et des personnes handicapées, I'accès des
minorités aux services sociaux et de santé, conseils
communautaires, etc.
Nous avons aussi mis sur pied, il y a un an et demi, une
cafétéria communautaire pour les gens à faible revenu,
Multi-Caf, ou nous servons environ 11 250 repas par année et offrons
1800 paniers de vivres dans des cas d'urgence. 75 % de la clientèle de
Multi-Caf est composée d'assistés sociaux et d'assistées
sociales; plusieurs sont des réfugiés et des immigrants
récents. 23 % des familles de notre quartier vivent sous le seuil de la
pauvreté et plus de 30 groupes ethniques y ont trouvé leur
résidence.
Nous sommes reconnaissants que la commission nous permette de
présenter notre mémoire ce soir, mais nous sommes
déçus que cette audition n'ait pu avoir lieu à
Montréal pour faciliter la participation des groupes de la
région. Malheureusement, des membres de notre organisme qui auraient
voulu être présents n. ont pas pu l'être vu I'heure et la
distance. En plus ce soir, Projet Genèse organise une session
d'information sur les relations entre les minorités ethniques et la
police à Montréal, un sujet fort intéressant et
contesté ce soir surtout et qui divise donc les énergies de nos
membres.
Nous allons présenter notre mémoire en anglais car,
malheureusement il nous est difficile de faire autrement. We will therefore
start with John Kinloch.
M. Kinloch (John): I would like to briefly address the issue of
job creation as it relates to the proposed welfare reform. Briefly overstates
the attention the Government gives to job creation in this document instead the
Government unequivocally places the blame for unemployment squarely on the
shoulders of those who - quote - lack the incentive to work". We at Project
Genesis fundamentally disagree with this contention.
The reason why people are not working Mr Paradis, is that there are no
jobs. It is impossible for an income security policy to ignore that fact and at
the same time, be effective in helping people return to the work force. A full
employment policy must be an integral part of any income security policy if we
are to provide each of our citizens with an adequate income a sense of
self-esteem and an opportunity to contribute to society.
Austria, Norway and Sweden, for example, all have full employment
policies. The unemployment rates in 1985 for these countries were 35 % 2 6 %
and 2 8 % respectively. In 1985 Québec's rate was 12 8 %. If Mr Paradis
were to look at any region in Québec local community organizations would
give him a long list of development initiatives which would create employment
and build a stronger community
Social services, education and health areas are sectors that face
continuous cutbacks and are the most obvious places to create employment.
With specific regard to the document and to the Employment Incentive
Program, let us first point out that this program in no way responds to
Quebeckers' needs for real training or an opportunity to integrate into the
work force. During the so called eligible period, the job seeker does not even
have the resources to look for what few jobs exist, including money for
transportation, appropriate clothing or day care, not to mention the fact that
according to 1981 Statistics Canada figures, a person living in
Côte-des-Neiges was paying an average of 351 $ a month on rent for an
apartment while he or she was looking for work. During the participation
period, a single person will only get 17 $ more and under the current indexed
rate for 1989 this, at a time when people are unable to maintain themselves
under present welfare rates.
On the issue of work income exemptions, we would make two points first
people should be allowed to make up to and above the poverty line and not just
the 155 $ proposed: secondly, work income exemptions cannot be seen as a
realistic opportunity for people at a time when jobs are so scarce.
In conclusion the basic problem that the Government deliberately fails
to address is that there are precious few jobs in this Province. That is the
reality, Mr Paradis. We stress this point because it is one which you have
failed to grasp. The measures announced in the income security document do
nothing to address this context of structural unemployment and, as such,
represent a shirking of government responsibility.
M. L'Espérance (Michael): My name is Michael
L'Espérance. I am a welfare recipient and I am working at a community
work program. This is about my own experience in job training. The Government
is proposing to offer us, welfare recipients, this great training program that
will allow us, like magic, to find a job. We know better. We want to know what
kind of training program it will offer. Is it going to offer, for example,
French computer or any other courses that will help our chances of getting
better jobs, or will it continue training us to do menial labor jobs, that are
badly paid and under terrible conditions and that nobody else wants?(21 h 30)
How can I really improve myself when every time I go to a Manpower
Office in the city and fill out an application form for a job they
automatically place me in a menial labor job category? Firstly, because I have
no experience; I have experience only in menial jobs. Secondly, I do not have
the experience education or language to get the job I would really like to
have. So are those so-called training programs going to help me to get the job
that I want? I doubt it specially after participating for almost one year in a
welfare community work program. I have gained no experience nor have. I
improved my chances of getting a permanent job.
If the Government really wants to get people off welfare, they should
start by training us in worthwhile jobs. But at the same time the Government
must create more jobs in Quebec a province where there is a 12 % unemployment
rate. So, it is not all our fault if we cannot get a job.
Another problem is that only 25 % or less of the people under 30 are now
working in community programs. The Government is planning to open the programs
to all welfare recipients How is the Government planning to do this if there is
not enough placement available? If the Governments intentions are to provide us
with worthwhile training, then we should ask how the Government expects us to
follow a training program when we cannot even afford to eat properly or keep a
roof over our heads? With the amount of money that is given to us every month,
this new reform has us in constant fear of being cut off for living with our
parents or sharing accommodations with whomever we choose in order to cut down
on cost of living expenses. They always come up with phony excuses to cut us
off this poverty stricken life style.
Mme Lopez (Martha): My name is Martha Lopez. We believe that
arbitrary categorization of recipients and determination of benefits are
promoted by the reform. We also believe that the reform encourages
ghettoizatton of different categories of recipients under a stigmatization.
With this in mind, we then ask the Government: Why will the disabled be
categorized as unemployable when we know that it is society that handicaps the
disabled by not offering them equal opportunities on the labor market?
It is definitely easier for the Government to classify the disabled as
unemployable instead of making the working place accessible reducing working
hours and sensitizing society etc. It would be less expensive for the
Government to increase benefits than to provide the disabled with adequate
service or improve environmental conditions. So we have to question. Is this a
policy based on individual needs? We also ask the Government why it categorizes
pregnant women as employable but not available, when every single day women are
discriminated and harassed in the working place, when it is well known that
employers will not hire a pregnant woman because they believe that a pregnant
woman would only interrupt the efficiency and productivity of the company. So
would this not be the case of real unemployability and once again something
that is out of control from the individual but a concrete example of discrimina
tion against women?
Another question we want to ask is: Why will the Government take into
consideration the
financial situation of the parents of many young people who will then be
labelled as dependent and be refused adequate benefits? With this policy? The
Government is pushing back these young people into a state of family
dependency. So, we have to be ready, as a society, to pay the price of having
an increasing number of family violence.
We also want to know why the Government gives the power to the social
economic agents to categorize, for example, an ex-psychiatric patient as
unavailable and not being able to share accommodations, out of fear of being
cut 115 $ or more a month. This kind of punishment will only slow the process
of recuperating mental health, specially with ex-psychiatric patients who need
to live with somebody to move away from depression and isolation.
We are also concerned as to how the Government intends to apply the El
Program to refugee claimants. How will the first nine months of intensive job
search apply to a sector of society which does not have a working permit and
must wait at least four or five months after their arrival to have the right to
work? Why should beneficiaries pay for the contradictions of the legal
system?
We are also concerned as to how the Government intends, to classify
people into categories, when most agents do not have a full understanding of
the cultural differences. For example, one perception of mental health varies
according to ones background or ethnicity. Will agents be trained so that they
can learn to accept cultural differences and if yes, they can may be train the
police force?
We strongly believe that dividing people into categories will only
discriminate against individuals, specially when the reform has proven to be a
policy based on cost and not on individual needs. Therefore we recommend that
welfare rates respect individual needs and not be determined by arbitrary and
discriminatory criteria and that no distinction be made between those
employable and those unemployable. Adequate benefits must be granted to those
who cannot work for reasons of disability, family responsibility, illness etc.
We also recommend that the Government respect the poverty line as an adequate
gauge by which to assess individual needs.
M. Torczyner (Jim): In the nineteen sixties, the Government
declared a war on poverty. In the nineteen eighties, Mr Paradis has declared a
war on the poor. This proposal seeks to make the poor poorer and reduces in an
arbitrary capricious and punitive manner the rights, income dignity and
reputation of the poor.
In 1986 Mr Paradis assaulted the dignity and rights of the poor through
investigations giving the impression, though never substantiated, that welfare
abuse had reached an alarming 20 %. This propaganda now enters its second
phase. By giving the impression of increased benefits and work, Mr Paradis, as
my colleagues have mentioned, cuts benefits to most recipients and violates
their fundamental rights.
This reform will not eliminate poverty. It may eliminate the poor by
keeping them fed, but not dead alone but unobtrusive, prisoners boxed in one of
54 proposed arbitrary cubicals and categories. Their rights are continually
violated. We believe that the right to sufficient levels of social assistance
is protected by the Quebec Charter, which contains both an implicit and an
explicit recognition of this right. The notion of human rights is based on the
freedom and well-being of all and forms the basis for the right to welfare. The
right to welfare is tied to Sections 3 4 5, 6, 7 and 8, which appear in the
Human Rights and Freedoms Charter.
Certainly the aspects of well-being, such as personal security, dignity
and respect for ones private life, are at risk when basic sustenance is
threatened. Moreover, inexplicit right to welfare is contained within the
Quebec Charter at Section 45. The key word in this section is "acceptable". We
contend that an acceptable standard of living is one that allows a beneficiary
to enjoy the other Charter rights mentioned in the chapter entitled Human
Rights and Freedoms.
We feel the reform violates the fundamental rights to freedom of welfare
recipients. Perhaps the most important definition of freedom is provided by the
Supreme Court of Canada, and I quote: "Freedom can primarily be characterized
by the absence of coercion or constraint. If a person is compelled by the state
or the will of another to a course of action or inaction which he would not
otherwise have chosen, he is not acting of his own volition and he cannot be
said to be truly free. "
We contend that benefits as protected by the Charter cannot be
established in an arbitrary and capricious way nor utilized to coerce persons
to do things which they would not do were they not dependent on these benefits.
We submit that the reforms rationale is arbitrary and punitive. It is arbitrary
because there is no supporting evidence that beneficiaries can live adequately
on this amount.
On page 26, the working paper cites a range of benefits for welfare
recipients which vary, based on the recipients employability availability and
receptivity for work. Is this reform suggesting that ones basic needs vary
according to availability for employment and if they do, where is the evidence
that they vary to such extremes. Rather it is a coerce measure designed to
force people to work at levels below the minimum wage in order to receive
financial assistance at unacceptable levels.
We are also most concerned because the position paper increases
bureaucratic discretionary authority and provides exceptional
coercive power to welfare agents. The more arbitrary the policy and the
larger the system, the greater, the bureaucratic authority has discretion to
interprète the rules. Given the fundamental nature of these decisions
affecting questions of basic sustenance of the poorest members of society, the
risk of unchecked bureaucratic authority is great because it can place the
lives of welfare recipients in peril and leave them destitute.
Who shall decide about what criteria make a person employable or avaible
for employment? How will it be determined if a person's refusal to participate
is valid? The complexity of the proposed reform leaves these life-threatening
decisions to the sole discretion of bureaucratic authority. In that sense, the
proposed reform violates basic principles of law, principles of validity,
legitimacy and equality.
To single out persons on a differential basis contravenes the principle
of equality. The proposed reform seeks to legislate, for example, that a single
mother with small children who refuses to abandon her right to nurture them at
home will be intimidated to do so and to seek entry into the El Program under
the very real pain and threat of being given insufficient funds to minimally
sustain her children. This is, to say the least, coercive, if not outright
cruelty and certainly contravenes the principles of validity, legitimacy and
equality.
The position paper provides no recourse or impartial review for welfare
recipients, nor does the reform contemplate impartial review boards for
purposes of appeal and to oversee and regulate the activities of welfare
agents. The presumption must be that in the absence of clear forms of recourse,
none are contemplated. Or, if the presumption is that already existing remedies
will be applied to the new reform, we must state unequivocally that the
existing remedies are insufficient and their very legality will be decided
shortly by the Human Rights Commission in the case of Nguyen versus Paradis.
The absence of these mechanisms violates the principle of due process, the
principle of accountability and the principle of redress.
Thus, we recommend that any reform must conform with the Charter, that
welfare agents not be given arbitrary authority and that community review
boards, independent of the welfare office, be empowered to monitor the
activities of welfare agents. Thank you.
Mme Herscovitch: Alice Herscovitch...
Le Président {M. Bélanger): All the time is
finished. Sorry.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): If we can get a consent around the
table, we are not only here to talk, we are also here to listen. If we cut our
time half and half, I would leave you the time because we discuss amongst each
other a lot but we do not have you here every day.
Le Président (M. Bélanger): Okay. With the consent
of both sides, we could go on.
Mme Herscovitch: Thank you. It will take two minutes.
One of our major criticisms of the reform is that it imposes a
considerable shift of responsibility for social problems and their solution
from the State to the family, without consideration of the social context and
structure of our society.
Firstly, the Government negates responsibility for high unemployment.
Those who are on welfare are there because they wish to be, are shiftless,
lazy, untrained. No consideration is given to family responsibilities and a
lack of day-care facilities, health, educational and social services and the
inequality of opportunities in our society. Children, despite their ability to
vote, drink, etc., will be children until the age of sixty-five years as their
families maintain financial responsibility for them and this, with a family
income of 21 600 $, 932 $ less than 1987 poverty lines for a family of
four.
How can we speak of remotivation in training in the case of mothers of
children of two years and under for whom day-care services simply do no exist?
How can we speak of returning to the work force for these same mothers when
after-school programs are inadequate? Basic expenses of day-care, extra food,
transportation and clothing, all elementary work-related expenses, are not
considered by the reform.
We find it simplistic to speak of remotivating and training through
personalized job development plans for families who have been on welfare
perhaps for 30 years. To be able to offer real opportunities to these families,
they would need long-time support which cannot come from currently overburdened
health, social and educational services which have been continuously cut
back.
These people need to regain self-esteem which has been demolished by the
poverty and stigma of welfare. Is providing temporary make-work jobs not a
simplistic solution to the myriad of problems these families encounter? Are
welfare agents qualified to truly help these families? We believe that, as
proposed, without the adequate development of support systems we have
mentioned, the reform would increase rather than decrease social problems. (21
h 45)
As a community organization offering food and other essential services
to the poor in Côte-des-Neiges, we can only dread the effects of
decreased welfare payments, coercion to work and inadequate support services.
Homelessness, the need for community cafeterias and emergency referrals would
dramatically climb.
Private citizens and organizations cannot assume these responsibilities.
The State, In developing its health, social service and educational apparatus,
has assumed them. Nor can the community sector be counted on to assume tens of
thousands of job placements for welfare recipients without considerable
financial support and certainly the community sector is not a growth sector in
terms of permanent employment.
We believe the Government must provide much needed complementary
services if it is at all serious about helping citizens get off welfare. Other
needs are as important as the need for meaningful employment and must be
considered. Not all welfare recipients, regardless of disability, can be
expected to work and their contribution in other ways to society must be
recognized.
We welcome the Government's recognition of a need for change in the
welfare system. It would be impossible for us, however, to support the
procedures outlined in the reform paper as they are discriminatory and
represent an attack on the most disadvantaged segments of our society.
We strongly recommend that the Government withdraw the proposed reform
and start the process of developing a consensus about income security through a
dialogue of reform with all concerned, including those who have to live on
welfare. Thank you.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. I would like to thank the
people involved with Project Genesis for their memoir and their presentation. I
am going to try to be as brief as possible, because I know some members want to
intervene and I am not the only one allowed to intervene around this table.
I will start by putting forth arguments to Mrs. Herscovitch. There seems
to be a thought that we think or I think or whatever, that people who are on
welfare do not want to work, When we look at the people who are on welfare, 25
% of them, about 100 000 households are in a very desperate situation. Out of
those desperate situations, among the other 75 %, 300 000 people, they are not
in such a great shape either: 36 % of them are completely analphabet, they are
not functional in writing or reading; 60 % have not terminated their secondary
school; 40 % never held a job previously in their life. So, anybody saying that
those people do not want to work would be wrong, because they do not have the
basic tools to even have the chance to get a job in society, if that job was
there. And we are going to be in a society where there will be more and more
skill jobs and if we keep the actual system and park those people away and
forget about them, like we are doing right now, mailing them a monthly cheque,
they are going to be on welfare for a very long time, even if they have the
desire to work.
So, I just want you to change your approach. We know those people want
to work and we know that most of them do not have the tools or that society
does not provide them with the tools to work. We have recuperation to make,
which brings me to Mr. Kinloch's situation. What kind of work? The more you
have skills in society, the better choice of jobs you have and the higher
remuneration you can try to get. The situation is changing in Quebec. Somebody
mentioned a level of unemployment of 12 %. It used to be true and it even used
to be higher than that. The last figures - it is a trend and we hope it will
continue and we are making all possible efforts in that direction - put it
under 10 %, at 9 %.
Job creation in the Province of Quebec during the last year: 122 000
jobs. Contrary to public perception, they are full-time jobs, except 5000 of
them which are part-time jobs; so, 116 000 are full-time jobs. But we have one
problem: What kind of training? We had problems in the past. Quebec society has
trained a lot of people, not taking into account what the market needed. And we
graduated people and we did not correct it. We are trying to correct that; we
have succeeded, we have approached the Income Security and Manpower Department
and the Education Department. The Minister of Education is changing his
program, even at the secondary level. We are not saying that we are going to
solve it overnight; in education, it takes five years when you take the
approach to start to solve it. We are conscious of that and we agree with you
when you mention it. What kind of training? It has to be training that will
correspond to the job needs. And who establishes that? Well, we have put
together, in all areas of Québec, committees where representatives of
workers are present and representatives of employers too are there to help us
try to read the future.
Miss Lopez had arguments; I have taken two of them, not all of them. We
talked about the disabled. You said that you sort of want to put them in one
way and say: They are unemployables, so let us forget about them and even if
you hike their contribution... That is not the purpose. We had the
representatives of the handicapped people, two groups this afternoon. We have
linked the Income Support Program to the Employment Incentive Program, for the
handicapped people who wish to keep their benefits and join the other program.
We are working on adding up adapted programs for those people because we
believe that with the evolution of technology and with their own evolution,
they can participate more and more in society.
Your last argument was: The whole thing is based on cost. I am not going
to say that we have no cost. The figures are right in the
document. They have been approved by all departments and ail levels of
Government The first program, the "support financier", the Financial Support
Program.
Une voix: Financial Support Program.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): The additional cost is 100 000 000
$ a year, indexed year after year. The Parental Wage Support Program's net
cost, because we are taking away the SUPRET, is an additional amount of 40 000
000 $ a year. The cost of the El Program, well, it varies. If we can get
everybody to work together, avoid too much bureaucracy, get the community
people involved, if it works at 100 %, it is going to cost, in extra money, 445
000 000 $ a year, but it has to work at 100 %. Then you have the percentage if
it works less. So it is a challenge to society, it is a challenge to the group
community.
I am taking a lot of time, but I would have a last answer for my friend,
Mr Torczyner. I am not going to say "I will see you in court", I think that
even if they are not there.
M. Polak:... always wins.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... there are no "no recourse
situations. " The recourses that were there are maintained. We are expecting
arguments to improve that. When we came into office the last appeal court,
administrative and quasi-judicial, was "la Commission des affaires sociales".
It took you over three years and a half before you could have your case heard.
We have been working on improving that and we have improved it quite
substantially since we are there and it is not even perfect. And we have even
created an emergency roll for those people who are in terrible situations.
We can improve it and we are waiting for your arguments but we want to
assure you that we have not abolished the possibility for the person who is in
need to have an administrative and a quasi judicial recourse. And if there is
possibility to improve it we are for improvement.
Those are my preliminary remarks. My colleagues are going to kill me if
I take any longer, and you can answer to them, you are here to do that.
Mme Herscovitch: Do we answer right away or do we wait for...
M. Polak: Do not use up all of our time
Mme Herscovitch: We will take them one at a time. Okay. I think
that we were certainly not saying that people on welfare do not want to work. I
think that there are many people on welfare who want to work. What we question
is the availability of work for them and the kinds of jobs that are available
for them and the kinds of training which would be provided through the
Employment Incentive Program because certainly, what is outlined in the
document is work related to farms. In the municipal sector, we understand that
to be sanitation department kind of work a very untrained menial kind of work.
That is what is mentioned in the reform. There is nothing else that is
mentioned. I think that there were some other questions that perhaps John would
want to look at.
M. Kinloch: My initial comment would be in reference to the
situation of a lot of people. You referred to people in desperate situations,
you referred to the fact that a lot of them lack reading skills; that certainly
is true. Then you went on to say: If that job was there they could not have it.
The job is not there in the first place. So, where do you get off saying rt is
simply a lack of skills.
Secondly, I would like to repeat a comment that was made earlier and
briefed by another group, by the députee de Maisonneuve who suggested
that, yes, more and more skilled jobs are going to be created in Québec
in the next 20 years. That is very true but at the same time you are creating
those skilled jobs, you are going to be eliminating entirely other categories
of workers. So, sure, you will have a few jobs to show for yourself, but you
are also going to have lots of other jobs that will not be there and that were
there in the past. What are you going to do with those people?
M Torczyner: Statistics are difficult things. The 9 % figure that
you quoted is actually 9 7 % and it is for the first month of 1988. The 1987
figure is 12 3 %. That is one.
When you talk about statistics of a backlog being reduced at the Social
Affairs Commission from three and a half years, that is true; it now takes
three years rather than three and a half. So I am not sure what kind of
improvement there is!
I think that there are some basic issues here, that is: whether or not
one bills work strategies based on positive incentives with real jobs or based
on punishment and punitive incentives. We know and you know it as well, that in
the State of Massachusetts they have a work strategy program where 30 000
welfare recipients voluntarily are on a waiting list because it means real jobs
and real industries with real benefits You do not get people to work by
punishing them.
Second, it is not the cost of the program but the cost of the recipient.
In actual dollars, it means that most people will end up with less money in
1989, not with more money.
What else do I have here? The question about recourse is this: The issue
that is before the Human Rights Commission - in that one case we documented one
hundred violations to
the Charter - in the instance of welfare investigations that the Human
Rights Commission is deciding upon on April 8th, the problem is that there is
no accountability of a welfare agent nor of the welfare recipient. This reform
does not even recognize that as a problem.
Mme Laframboise (Sharon): To your question, I have finished my
test that is equivalent in Canada. I did it in Jamaica. It is a general
certificate of education and we get our exam from England. I have eight subjets
I could read, I could write, I tried very hard to find a job. Obviously, I have
two children, so, I had to end up on welfare. I am not ashamed of being on
welfare, but I know that I could do better. When I go there, there is nothing
for me. So, I have to be on welfare in order to survive.
Now, I cannot understand why, when you live with your parents or with
share accommodations, you should be cut for that, if each of us living with one
and another have to share food or whatever apartment to survive because we
cannot survive without sharing. {22 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I am going to refrain from
answering because I am going to be eating the MNA's time, but after it is over,
I will come back and give you the answer.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: I want to thank Mme Harel, la députée de
Maisonneuve, and the Minister who gave me two minutes because I have a
particularly weak spot for Genesis. Our experience goes back to the time - you
will remember - when we were sitting with another minister called Bourbeau on
the condominium conversion issue. I think we did pretty well. This time, it is
a little different because on the principles, I agree with my Minister, but on
the modality, there is a lot to be rectified.
I always wanted to meet the famous professor from McGill because I
always said to my people in Sainte-Anne: You do not have to go to a professor
at McGill to "faire valoir vos droits", come and see me and I will see Mr
Paradis if there is a problem and a really serious situation. I never had one
person coming to see me in Sainte-Anne, by the way. It was not necessary,
because I told them to see me, show me the case and if there was a violation of
human rights, whatever you see me, that is my job, I will see the Minister and
if we cannot settle it, go and see the professor from McGill. So in my riding,
nobody has ever come to see me and I say the poverty... I told them that there
and I say it tonight. But I like, by the way, his attitude I think he fights
for his cause and I wish him success.
By the way, tonight, while I am sitting here, your local MNA, Mr Pierre
Fortier, Mi- nister, knew you were coming here tonight and he told Maximilien,
please fight Paradis, you can talk on my behalf and I am doing that.
Now, what I say is this: We have to try to make this document better
because I agree with the principles this time differently from at the time of
Minister Bourbeau. I want to know from you just a few things, two things. There
is in the document on page 37 - I talk about the English version of it - a
contribution of 115 $ for people who share accommodations. I told Mr Paradis -
and if did not tell him directly, I do it through you and other groups - in
Pointe Saint-Charles the average rental that a social welfare person pays is
not 25 %, unfortunately it is 40 %, 50 %. So, I do not think pooling reserves
is making a little bit of money on the side, I think it is trying to make
misery a little bit more acceptable, it is still misery. I want to know from
you, question number one: Do you have the same experience in your area, in
Côte-des-Neiges, as I have in mine, where people do not pay 25 % and
where sharing accommodations is not to make a little bit of money on the extra
and live in luxury, but it is simply suffering a little less? Number 1.
Number two, that is the only question I have. We got a document from
Alliance Quebec. I believe very much in English-speaking rights and people, you
know, in principle, and we got a letter and they pointed this out to us. I did
not hear you talk about it tonight. I want to ask you the question. They said:
You know Mr Paradis - they wrote a letter to the Minister and I got a copy -
what are you going to do for the English-speaking? And I turn to the lady from
Jamaica whom, I assume, is basically English-speaking, unilingual, doing all
her best to learn French. In the meantime, there is only one program offered
"rattrapage scolaire", "travail milieu" and all the rest, working place and so
on, but I have a problem because maybe you do not have programs geared to us.
These might be people in Montreal in a township and so on. Do you have any
particular experience where you find out from your clientele that there is a
problem, where the unilingual-English is punished twice: first, for being a
social welfare person and second, for being unilingual-English. On those two
things, I would like to hear you and then, I will gladly turn it back to the
Minister and to Mme Harel, of course.
Mme Herscovitch: So, if I could answer your first question
regarding pooling of resources and the 115 $ deduction we really believe from
our experience and just from the figure that John cited earlier that the
average rent in our neighbourhood, which unfortunately has a large proportion
of poor people, was 351 $ in 1981. People on welfare certainly cannot survive
without sharing accommodations. Certainly single people cannot and even
families cannot. To punish them further by taking away more of
their income is truly coercive, it is punishing, it is nothing else. It
is divisive as a tactic as well, divisive of people who might be able to get a
little emotional and psychologic support from living together as well as
financial support.
To answer your second question, I think Martha would like to speak.
Mme Lopez: First, I wanted to tell you that now I understand why
they do not let you talk too much, because you make a lot of sense today, you
know I feel that in terms of people, I think... Wow! Anyhow, what I wanted to
say is that in terms of language, it is not only affecting unilingual people,
but it is also affecting a lot of refugees and new immigrants. Who have to face
the reality which is the first nine-month waiting period where they have to go
and find a job. We are saying: No, they cannot find a job, because they do not
have a work permit. So, why should they be penalized for something that is out
of their control and is a contradiction of the legal system and a contradiction
of the Government.
Secondly, we are saying: What kind of training are these people going to
receive if they can neither speak English or French. So, right away, they
should if we are talking about training, be participating in a training program
and that should be French so that after that, they have all their capacities to
go into other kinds of training. But I think that the reform itself does not
take into consideration cultural minorities at all.
Le President (M.
Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci M. le Président. Certainement que la
présentation du mémoire du Projet Genèse me permet de
mieux comprendre la réalité des quartiers que vous
représentez. Je me rappelle la commission parlementaire du mois
d'août dernier qui étudiait le projet de loi du ministre Bourbeau
sur I'habitation et les Affaires municipales. On entendait les mémoires
présentés par les groupes de Montréal. Je me rappelle un
groupe, une coalition du quartier Hochelaga-Maisonneuve qui présentait
son mémoire avec un refus, un rejet complet de la levée du
moratoire. Je me rappelle aussi la réaction de surprise de ce groupe de
voir qu immédiatement après le dépôt de son
mémoire, les groupes qui le suivaient venaient de Westmount et
manifestaient exactement le même point de vue avec les mêmes
considérations et rejetaient aussi vivement la proposition de
levée du moratoire. C'était une occasion de constater que de
Westmount à Maisonneuve les problèmes montréalais, les
problèmes de la vie urbaine et des coûts que ça engendre
avec la spéculation sur les logements, avec la hausse du coût des
logements et des transports, ces problèmes étaient les
mêmes que l'on soit anglophone, francophone, que l'on vive dans I'est ou
dans l'ouest.
Certainement que c'est la même démonstration que vous nous
faites ce soir. Quand vous avez... Je pense que c'est Mme Herscovitch ou je ne
sais lequel de vous a parlé... Je crois que c'est vous, monsieur. Je
crois que cest M. Torczyner. C'est bien le cas? Vous avez traité de
cette question de la même façon que l'a fait le Conseil canadien
du développement social en nous parlant d'un projet de
sécurité du revenu qui consiste plus à gérer les
pauvres qu'à lutter contre la pauvreté. C'était
I'expression du Conseil canadien du développement social ce matin qui
regrettait que le projet consiste plus à gérer les pauvres
quà tenter de lutter contre la pauvreté.
Vous avez beaucoup parlé de la question de l'emploi et du
chômage et je crois que ce qui serait utile pour la commission, vraiment
utile, c'est au-delà des chiffres de chômage qui sont
significatifs, mais qui le sont moins que les proportions de la population
active par rapport à la population par catégories d'âge,
parce que là où on peut vraiment voir I'évolution de
I'emploi dans une société, c'est beaucoup plus quand on examine
pour la totalité de la population les variations de la population
active. C'est cela qui nous permet vraiment de voir si la situation de
maintenant est meilleure que celle d'il y a dix ans, parce qu'il est fort
possible que beaucoup de gens se soient retires du marché de I'emploi et
que les pourcentages soient finalement peu significatifs en regard de la
situation réelle.
Alors, ce que je souhaite c'est que le ministre puisse fournir aux
membres de la commission - peut-être que la secrétaire pourrait
vous en faire parvenir copie - les chiffres que le ministère
possède certainement des variations de la population active par rapport
à la population totale, ici, au Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique qu'on croit que
ça va être possible au ministère.
Mme Harel: Bon.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Dès qu'on les aura on vous
les communiquera et on les communiquera à Mme la présidente du
projet.
Mme Harel: Oui. Vous avez beaucoup parlé de la question de
la formation. Je crois que le ministre faisait état du portrait de la
clientèle a l'aide sociale 36 % d analphabètes et 60 % qui n'ont
pas terminé leur secondaire. Ces chiffres sont assez tragiques.
Par ailleurs je portais à la connaissance du ministre,
aujourd'hui, une nouvelle parue à la suite d'une conference de presse
des cadres scolaires du Québec qui dénonçaient une coupure
dans le programme d'éducation des adultes une coupure de 20 000 000 $
que le ministère de l'Éducation s'apprête à faire.
Je pense qu'il faut poser la question:. Dans une période ou on se
rend compte des efforts considérables de rattrapage à
faire en matière de formation, faut-il que cette information d'une
coupure dans l'éducation des adultes nous permette d'y voir une
intention gouvernementale, si tant est qu'on veuille vraiment donner suite
à une volonté politique de mettre les moyens, les ressources
nécessaires pour tenter de corriger cette situation?
Alors, ça suppose qu'au ministère de l'Éducation il
y a des sommes d'argent qui seraient consacrées tant au programme
d'alphabétisation qu'au programme de formation des adultes, de
manière que - c'est le cas également des programmes
d'apprentissage de la langue française dans les COFI - les efforts qu'on
veut consentir puissent trouver des ressources.
Je pense que ça va vous intéresser, comme ça peut
sans doute intéresser le ministre, et je vous en laisse une copie. C'est
en anglais, en plus de ça, et je n'ai pas encore eu le temps de la faire
traduire en français. Alors, vous en avez un peu, vous aussi, la
primeur. C'est un document - peut-être qu'à l'université
vous en avez déjà pris connaissance - qui avait été
préparé a l'occasion d'une conférence internationale qui a
eu lieu à Montebello, une conférence qui réunissait des
décideurs en matière de programmes de développement
d'Europe et d'Amérique du Nord. Cela a eu lieu. Cela portait sur
"Planning the welfare mix, making fuller use of human resources".
C'est extrêmement intéressant de voir les conclusions des
études qui ont été présentées notamment,
l'ensemble de la synthèse des experiences américaines. Vous y
avez fait allusion et les conclusions de ces expériences qui se sont
faites bien avant que nous pensions les entreprendre sont à peu
près les suivantes: "Some of the traditionally accepted solutions have
proved to be ineffective".
On décrit dans des tableaux, pour chacune des clientèles
jeunes, femmes adultes hommes adultes clientèle analphabète
n'ayant pas complété le secondaire, etc. On y voit chacune des
mesures déjà mises en pratique et les résultats que
ça donné, pour se rendre compte qu'il y a loin du désir
à la réalité, très loin, et qu'il faut consacrer
énormément d'appui psychologique pour que les personnes
retrouvent une confiance en elles qui leur permette de faire des apprentissages
qu'elles n ont pas faits plus jeunes.
Alors, je pense que cette étude va mériter d'être
analysée et je vais vous en remettre copie. Je sais que vous avez
beaucoup d'expertise, plus même que la communauté francophone sur
toute la question de la discrimination. Je n'ai pas été surprise,
lorsque le YMCA est venu, que ses représentants nous disent que les
distinctions les catégories étaient peut-être contraires
aux dispositions de I'article 10 de la Charte québécoise des
droits et libertés en matière de non-discrimination, pour le
motif de condition sociale. Souvent, la communauté est beaucoup plus
sensible à toutes ces questions relatives à I'arbitraire et
à la discrimination. À votre point de vue, est-ce que les
catégories que I'on retrouve peuvent être
considérées comme discriminatoires au sens de nos chartes et de
la charte québécoise, en particulier?
M. Torczyner: Article 10 of the Quebec Charter prohibits
discrimination based on social condition. The category of welfare recipients is
a social condition. The Human Rights Commission has already ruled on that.
However, at the present time, the attorney for Mr Paradis is arguing before the
Human Rights Commission that being on welfare is not a social condition. That
is the argument that was submitted by Mr Fauteux in November.
So, since it is a social condition and accepted as such, the
discrimination takes place in a number of ways. In one instance, the purpose of
enshrining in the Charter the right to welfare and discrimination prohibiting
against the social condition. Discrimination takes place in everything from
definitions of a consort and what makes a common law marriage. There is a
separate judicial procedure if you are on welfare than if you are not. If there
is an allegation of fraud, an investigator has the power to both investigate
and pass judgement. There is no separation of investigative powers from
judicial powers. No other category of citizens in the Quebec society faces this
kind of separate unequal judicial process.
It is also stigmatizing and discriminatory when welfare recipients as
proposed here are forced to work for below the minimum wage. It creates a
category for employment. And in 1986 already the Human Rights Commission issued
a statement about the right for welfare recipients to be able to join unions.
Mr Paradis has a copy of that document as do I.
In this one instance the case of Mrs Nguyen, that is now before the
Human Rights Commission, we - myself, Professor Cotler and Michel Proulx -
documented 100 violations of the Quebec Charter, 15 sections of the Quebec
Charter in this one case. That is because it violates basic principles of law
due process accountability of public servants the right to a fair hearing and
the rest. I can furnish you copies of the briefs that we put together.
Mme Harel: Je pense que ce serait très
apprécié des membres de la commission de pouvoir en recevoir une
copie, si possible. Je pense que cela pourrait intéresser les autres
membres de la commission aussi. En la faisant parvenir à la
secrétaire, elle pourrait nous la faire distribuer. C'est une
étude sur I'ensemble des entorses en matière de discrimination
pour le motif de la condition sociale.
Le Président (M. Bélanger): Oui. La commission
recevra avec plaisir ce document et I'ache-
minera.
Mme la députée de Maisonneuve, est-ce que vous voulez
remercier nos invités?
Mme Harel: Oui, certainement, M. le Président, je veux les
remercier. Je pense que, déjà, te département de service
social de l'Université McGill a alerté l'opinion publique
anglophone des conséquences si une telle réforme était
adoptée. J'espère que cela va inciter à une extrême
prudence de ce côté-ci de la Chambre. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): I would also like to thank the
group and the principal "intervenants" within the group. Following what Mrs
Harel has said, that she hopes that we will be prudent, yes, we will be, but
not prudent enough as to not do anything keeping those people apart, sending
them a monthly cheque and leaving them aside of society. That would be too
prudent; that would be careless. Thank you very much.
Le Président
(M. Bélanger): Alors, la commission
remercie le groupe Genèse ou Project
Genesis et ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures.
Merci.
(Fin de séance à 22 h 21)