Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures sept minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa
place.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques pour étudier le document intitulé "Pour une
politique de sécurité du revenu". Nous avons le quorum. Y a-t-il,
Mme la secrétaire des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Cardinal
(Châteauguay) sera remplacée par M. Doyon (Louis-Hébert).
M. Chevrette (Joliette) par M. Desbiens (Dubuc). C'est tout.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie.
Aujourd'hui, nous recevrons Centraide Montréal, le Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail inc., l'Association
des médecins de CLSC du Québec, l'Association pour la
défense des droits sociaux du Québec métropolitain et la
Corporation professionnelle des conseillers et conseillères
d'orientation du Québec.
Dans un premier temps, nous recevons le groupe de Centraide
Montréal qui sera représenté par M. Jean Lessard qui en
est le président-directeur général, par M. Michel Giroux,
par M. Jean-Guy Bissonnette et par Mme Céline Germain.
Je prierais le porte-parole du groupe, d'une part, de nous
présenter son équipe et, d'autre part, de faire la
présentation du mémoire. Vous connaissez nos règles de
procédure. Vous avez droit à 20 minutes fermes pour
présenter votre mémoire et ensuite il y aura 40 minutes de
discussion avec les parlementaires. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: J'espère que nos invités vont comprendre
si je me permets, M. le Président, au début de la séance -
nous sommes encore sereins, nous commençons cette semaine - de
réitérer la demande que j'ai formulée au ministre à
la clôture de notre séance de jeudi dernier à l'effet
d'obtenir les chiffres qui nous permettraient de nous faire le tableau le plus
complet possible, le plus exact possible des jeunes de moins de 30 ans qui sont
actuellement bénéficiaires de l'aide sociale. Ceux d'entre eux
qui seraient admissibles au programme proposé, Soutien financier, donc
considérés comme inaptes, est-ce ceux qui ont déjà
des certificats médicaux? Ou est-ce d'autres? Ou est-ce moins que ceux
qui ont des certificats médicaux? Ceux d'entre eux qui vivraient chez
leurs parents et qui seraient soumis à la contribution parentale de 100
$ minimale qui est proposée; ceux qui, tout en vivant chez leurs
parents, verraient à la fois leurs parents avoir à payer à
la fois la contribution et le test de revenus. Également ceux qui sont
dépendants tout en habitant à l'extérieur du foyer
familial. En fait, l'ensemble des coefficients qui nous permettraient de
connaître la situation réelle des jeunes
bénéficiaires de moins de 30 ans.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remerde, Mme la
députée. Votre demande a été entendue par M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais répondre
verbalement pour le moment à Mme la députée de
Maisonneuve, en souhaitant que la sérénité qui nous anime
ne soit pas seulement caractérisée à l'occasion de
l'ouverture de la séance, mais perdure tout au long de nos travaux cette
semaine.
Mme Harel: Cela va dépendre de vous, ça!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je lui dirai que nous avons
reçu ce matin au ministère - je l'en remercie - ses demandes par
écrit et détaillées et que nous les actualisons. Nous
tenterons de vous répondre dans les meilleurs délais. Maintenant,
comme éléments de base de votre travail, les mêmes
questions, dans certains cas, nous avaient été posées par
votre prédécesseur en matière de critique de la
sécurité du revenu, M. Jean-Pierre Charbonneau,
député de Verchères et nous avions donné tous ces
renseignements à l'occasion des crédits et des engagements
financiers.
Maintenant, je comprends que vous les vouliez d'une façon
actualisée le plus près possible de la tenue de la commission
parlementaire.
Mme Harel: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On tente de le faire à
partir des données les plus récentes et les plus exactes possible
et dès que ce sera fait, nous vous les communiquerons.
Mme Harel: Mon Dieu, M. le Président, je vais profiter de
l'esprit de saine collaboration qui semble régner pour demander au
ministre quand iI entend déposer la définition des besoins
spéciaux qu'il propose de rendre admissibles aux personnes qui seraient
dans la catégorie Soutien financier et les besoins spéciaux qui
ne seraient plus offerts aux personnes qui seraient dans la catégorie
APTE.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne les besoins
spéciaux couverts par les
bénéficiaires admissibles au programme. Soutien financier,
il s'agit exactement de la même liste de besoins spéciaux que ceux
qui sont actuellement couverts. En ce qui concerne les besoins spéciaux
qui s'appliquent dans le cadre du programme APTE, il s'agit des besoins
reliés à la santé, et les discussions se poursuivent
actuellement avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux.
Mme Harel: Discussions à quel sujet?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour établir la liste des
besoins spéciaux existants qui s'appliquent en matière de
santé.
Mme Harel: En santé, entendez-vous par là ceux
couverts par la Régie de l'assurance-maladie actuellement et non pas
ceux couverts par l'aide sociale?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela fait partie des discussions.
Habituellement, nous utilisons et le ministère de la Main-d'Oeuvre, sous
quelque gouvernement que ce soit, a toujours utilisé l'expertise du
ministère de la Santé et des Services sociaux dans la couverture
de ces besoins spéciaux, ceux reliés à la
santé.
Mme Harel: Quand saurons-nous quels sont ceux qui sont couverts
par l'aide sociale, les besoins spéciaux qui ne faisaient pas partie de
ceux qui étaient couverts par la Régie de l'assurance-maladie? II
y avait des besoins spéciaux qui étaient couverts par le
régime de laide sociale. Prenons l'exemple de la grossesse. II y avait
un supplément au moment de la grossesse. II s'agit là de besoins
spéciaux qui ne sont pas couverts par l'assurance-maladie, qui
I'étaient par l'aide sociale. Faut-il comprendre que les personnes aptes
ne seraient plus admissibles à ces besoins spéciaux couverts par
l'aide sociale?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous devez comprendre de la
réponse indiquée dans le document d'orientation que tous les
besoins spéciaux rattachés à la santé seront
couverts. Maintenant, lorsque vous me posez la question - j'espère que
je ne l'interprète pas mal -vous dites: Est-ce qu'il s'agit strictement
des besoins spéciaux reconnus par la Régie de l'assurance-maladie
du Québec dans les listes de médicaments? Ma réponse est
non, mais même dans ce cas, il y a discussion avec le ministère de
la Santé et des Services sociaux parce qu'il possède une
expertise en matière de santé même pour les biens et
services qui ne sont pas couverts par la Régie de l'assurance maladie du
Québec parce qu'ils ont déjà eu l'occasion de faire des
évaluations et nous pensons que nous pouvons retrouver là une
expertise dont nous aurions tort de nous priver.
Mme Harel: En matière de santé, je vous rappelle,
M. le ministre, que de nombreux organismes viennent plaider devant la
commission. La santé n'est pas simplement une absence de maladie, c'est
aussi un ensemble de conditions multiples autant psychosociologiques
qu'économiques qui font qu'on est dans un état de santé.
Je vous demande à quel moment vous pensez que ces conversations
entretenues avec la Régie de l'assurance-maladie vont se terminer de
façon à nous permettre de connaître de façon plus
exacte les besoins spéciaux qui seront accessibles aux personnes du
programme APTE.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y avait pas
d'échéance fixe de déterminée. Maintenant, je vais
m'enquérir de l'état des travaux et du moment ou les
consultations devraient prendre fin.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie Nous
procédons sans autre délai à l'audition du mémoire
du groupe Centraide. Je vous prierais, M. le porte-parole, de vous identifier
et de bien vouloir procéder à la présentation de votre
mémoire.
Centraide Montréal
M. Lessard (Jean): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs. je suis Jean Lessard. président-directeur
général de Centraide Montréal. J'aimerais vous
présenter à ma droite, Céline Germain, directrice des
affaires gouvernementales, à ma gauche, Michel Giroux directeur
général adjoint et Jean Guy Bissonnette directeur de la recherche
sociale.
J'aimerais vous remercier de nous recevoir. Je vais essayer de vous
faire une légère présentation qui ne sera pas,
évidemment, une répétition de tout ce qu'il y a dans le
mémoire. Je tiens pour acquis que vous avez tous lu ce mémoire
durant la fin de semaine et que vous avez à l'esprit toutes les
questions fondamentales qui peuvent se poser à I'occasion de cette
présentation.
J'aimerais dire tout d'abord que cette réforme de l'aide sociale
est absolument essentielle. Elle est nécessaire et urgente. Cependant la
réforme de l'aide sociale soulève un certain nombre de questions.
La première est celle du message que nous devons transmettre à
I'ensemble de notre société. Est-ce que nous voulons une
société qui se prend en charge, une société qui
accepte la responsabilité et l'autonomie comme des valeurs essentielles?
Est-ce que nous allons dire à l'ensemble de la société
qu'il est parfaitement correct pour quelqu'un de vivre toute sa vie de l'aide
sociale? Et je pense en particulier à ces jeunes de 18 à 30 ans.
Comment peut-on penser que celui qui a 25 ans à l'heure actuelle puisse
passer les 30 prochaines années de sa vie sur I'aide sociale?
Dans le contexte de Centraide et du
mouvement bénévole et communautaire que nous
représentons et les organismes que nous finançons dont la
majorité travaille avec des assistés sociaux, dans cette
perspective, nous croyons qu'il est important de souligner certaines valeurs
qui nous apparaissent fondamentales dans notre société. II est
important que toute personne puisse remplir un emploi, que toute personne
puisse, toute sa vie, être capable d'être autonome et d'être
responsable. II nous apparaît majeur, à cet égard, que la
réforme de l'aide sociale favorise ces valeurs, cette culture
extrêmement importante.
Ce que j'aimerais dire au point de départ, c'est que le ministre,
dans son document vert, indique qu'il y a là un problème
important. Je pense que le problème de l'aide sociale, le
problème du nombre d'assistés sociaux, est un problème
beaucoup plus important que ce que le ministre en dit dans son livre. Et,
à cet égard, nous avons préparé - à partir
des données du ministre, évidemment - deux tableaux qui
manifestent fort bien, je pense, la croissance du phénomène de
l'aide sociale. Vous remarquerez ces deux tableaux, le premier étant la
croissance du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale. Nous
avons, pour illustrer davantage te phénomène, établi la
tendance pour la période de 1971 jusqu'à maintenant. On remarque
en haut de la courbe, une cloche qui est le fruit - je m'exprime
peut-être mai - le résultat de la récession de 1981-1982.
Il y a eu une légère diminution du nombre d'assistés
sociaux depuis l'an passé. Cependant, c'est une situation
particulièrement délicate et volatile. Au premier signe d'une
nouvelle récession, cette courbe risque d'augmenter, mais nous dit que,
sur une période de seize ans, il y a une croissance
régulière du nombre d'assistés sociaux 700 000
assistés sociaux, c'est un nombre extrêmement significatif.
Nous voyons que le pourcentage d'assistés sociaux par rapport
à la population totale, dans l'autre tableau, est passé de 6, 5
personnes, 6, 5 %. si vous voulez, en 1974, qui a été le creux,
à presque 11 % Actuellement, il y a une personne sur dix qui vit de
l'aide sociale. Cela veut dire que, chaque fois qu'on se promène dans la
rue, la dixième personne que l'on rencontre vit de l'aide sociale. Si
vous ajoutez à cela le nombre de personnes qui bénéficient
de I'assurance-chômage, d'une façon ou de l'autre
c'est-à-dire les prestations qui sont versées dans ce cas par le
gouvernement du Canada, nous avons aussi un nombre de personnes presque
égal. II y a presque 650 000 personnes qui vivent de
l'assurance-chômage. Nous vivons dans une société ou de
plus en plus de personnes vivent aux frais de l'État. Je pense que. si
nous ne mettons pas en place un certain nombre de mesures des mesures
extrêmement significatives et rigoureuses, nous allons nous retrouver
dans un certain nombre d'années avec un problème qui va
être encore beaucoup plus complexe. II y a 20 ans, l'aide sociale
était vraiment le mécanisme de dernier recours et, comme le
nombre de personnes visées qui vivaient de l'aide sociale était
très faible, on se posait même la question. Est-ce que ces
personnes devront vivre continuellement des subventions, des allocations, des
prestations de l'État? On est aujourd'hui dans une situation très
différente et l'une des questions que l'on peut se poser, c'est qu'au
fond toutes les réformes qui ont été faites dans les
années soixante ont contribué à augmenter le nombre de ces
personnes qui dépendent de l'État et qui ne pourront pas, pour un
certain nombre d'entre elles, vivre de façon autonome et
responsable.
J'aimerais ajouter que la proposition que le ministre fait, comme nous
I'indiquons dans le mémoire, est une proposition qu'il faut
considérer sérieusement, mais qu'il faut améliorer et
compléter. Améliorer et compléter, pourquoi? II serait
surprenant, si l'on prend par exemple, le tiers des bénéficiaires
qui sont, entre guillemets, aptes au travail, chefs de famille, qui ont moins
d'une onzième année, c'est-à-dire, à toutes fins
utiles, analphabètes fonctionnels ou analphabètes profonds. Je ne
sais pas comment il sera possible de prendre ces personnes et de leur donner un
niveau d'éducation et de formation leur permettant de remplir des
emplois sur le marché du travail. J'aimerais souligner qu'il serait
important que, dans la politique qui nous est proposée, il puisse y
avoir des politiques complémentaires, particulièrement quant
à l'alphabétisation, si vous voulez, et à la formation des
personnes. Nous I'avons indiqué à plusieurs reprises dans le
mémoire, il s'agit là d'un problème extrêmement
fondamental et c'est une question sur laquelle le ministre n'a pas dit beaucoup
de choses. Nous aimerions voir des propositions plus claires à cet
égard et plus complètes.
L'autre chose que nous avons indiquée dans le mémoire et
que je me permets de reprendre, c'est qu'il nous apparaît pratiquement
impossible de prendre deux ans pour faire la réinsertion des 300 000 -
eu égard au chiffre précis - chefs de famille aptes au travail.
Même si le ministre multipliait ses agents d'aide sociale ou d'aide socio
économique par cinq, je ne pense pas qu'il puisse le faire. Je pense que
nous avons là une situation qui nécessite une implantation
progressive de la politique sur une période d'années, et ceci
veut dire donner aussi certaines garanties ou certains assouplissements
intérimaires pour ceux qui ne pourront être visés par
I'implantation de la politique. Je dirais à cet égard qu'il est
important de mettre des priorités sur les populations à
intégrer ou à réintégrer. Dans les propositions que
nous faisons nous croyons que les jeunes de moins de 30 ans devraient faire
l'objet d'une priorité absolue.
Comme je le disais tout à I'heure, il est impossible que celui
qui a 25 ans passe le reste de sa vie à regarder le soleil ou, ici, la
neige et les nuages et à ne rien faire. II est important
qu'il y ait à cet égard une priorité absolue.
La deuxième chose en termes de priorité, et ceci vient de
notre action dans le milieu. Lorsque quelqu'un bénéficie de
l'aide sociale depuis plus de deux ans, et c'est encore pire quand c'est plus
de cinq ans, les personnes apprennent à vivre de l'aide sociale et il se
développe ce que l'on pourrait appeler une sous-culture de la
pauvreté. Les gens vivent avec cela.
Or, si l'on veut être capable d'empêcher que le nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale augmente, il faut prendre
immédiatement tous ceux qui ont moins de deux ans et en faire une
politique systématique. Dès que quelqu'un perd son
assurance-chômage et devient un assisté social il faut prendre
immédiatement la personne et l'inscrire dans un programme qui peut
comprendre un certain nombre de volets.
L'autre chose que j'aimerais souligner, c'est la collaboration entre le
secteur bénévole et communautaire et le secteur gouvernemental.
Nous croyons que, si l'on veut que la politique ait du succès, il faut
plus que seulement l'intervention de l'État. II faut une collaboration,
une concertation entre les divers intervenants que l'on retrouve dans les
milieux. À cet égard, il serait important qu'il puisse y avoir
non seulement cette collaboration entre le mouvement bénévole et
communautaire et les services gouvernementaux, mais aussi avec l'industrie et
avec les syndicats.
II nous apparaît extrêmement important que, si l'on veut que
cette politique puisse s'implanter avec succès, il y ait une
mobilisation. Ceci veut dire qu'il faut qu'il y art un consensus social au
Québec en vertu duquel il est fondamental et essentiel que toute
personne puisse avoir un emploi, puisse courir après un emploi, puisse
devenir autonome et responsable, et se prendre en charge.
Ce n'est pas uniquement un discours. C'est aussi une
réalité. II nous faut globalement, comme société,
envoyer un message clair à l'ensemble de notre monde. Ce message clair
c'est qu'on ne peut pas passer sa vie à ne rien faire. II faut passer sa
vie à faire un travail, un travail utile. II faut que la personne
humaine soit capable de se réaliser et ceci ne peut -être fait -
je le souligne et je le répète parce que cela m'apparaît
fondamental - sans le concours, la collaboration des divers intervenants dans
le milieu.
Je voudrais aussi souligner le fait qu'une politique comme celle que
propose le ministre nécessite aussi des politiques
complémentaires. Je ne parle pas de développer, pour le ministre,
un certain nombre d'emplois. Je parle, cependant, d'approche qui permettrait
à l'ensemble des citoyens de pouvoir avoir accès plus facilement
au développement de l'emploi. Comme nous parlons en même temps au
ministre de là Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
je pense que nous allons dans le secteur du ministre de la Main-d'Oeuvre et
j'aimerais beaucoup entendre le ministre dans les prochaines semaines parler de
politiques particulières à cet égard.
Finalement, le dernier point que j'aimerais soulever est un peu plus
difficile. Le gouvernement agit toujours en développant et en implantant
des politiques générales et universelles. C'est l'approche, par
définition, la plus parfaite de l'État. Cependant, ce type
d'approche consiste souvent à essayer de découvrir l'aspirine qui
permettrait de résoudre tous les problèmes auxquels l'être
humain pourrait être sujet. Malheureusement, quand il s'agit du corps
humain, on développe un certain nombre d'autres médicaments pour
permettre de résoudre les autres problèmes. Quand on parle des
assistés sociaux, on parle d'une clientèle qui est très
loin d'être homogène. II s'agit d'une clientèle
extrêmement variée.
On peut parler de jeunes qui n'ont jamais rempli d'emploi, qui n'ont
jamais su ce que c'était arriver dans une entreprise pour travailler le
matin. Vous retrouvez des personnes qui sont rendues à un certain
âge pour ne pas qualifier l'âge, qui ont vécu une partie de
leur vie et qui se retrouvent sans emploi. Vous trouvez des femmes, chefs de
famille monoparentale, et il y en a beaucoup, dont l'époux ou le mari a
oublié ou oublie de verser la pension alimentaire Vous vous retrouvez
avec toute une variété d'assistés sociaux. II nous
apparaît extrêmement important de développer un
éventai! de programmes à partir d'une analyse beaucoup plus
détaillée, beaucoup plus rigoureuse des profils d'assistés
sociaux. (15 h 30)
Je sais que le système informatique du ministre ne lui permet pas
de trouver toutes les réponses, mais je présume que son prochain
système informatique va lui permettre de faire des analyses beaucoup
plus détaillées. Ce que je suggère très fortement,
ce qui m'apparaît extrêmement important, c'est que nous puissions
avoir des profils qualifiés d'assistés sociaux. Si on veut
être en mesure de développer des programmes appropriés, 10,
12, 20, 30, il faut être capable de se baser sur une connaissance
profonde de la réalité. Or cette connaissance, nous ne t'avons
pas. Nous n'avons qu'une connaissance globale de quelques gros chiffres
là ou sont situés les assistés sociaux. Disons en passant
que 60 % des assistés sociaux sont dans la région
métropolitaine de Montréal, alors que nous n'avons que 40 % de la
population totale.
II s'agit là d'un phénomène qu'il ne faut pas
sous-estimer parce que le développement des sous-cultures dans une
région métropolitaine comme celle de Montréal est beaucoup
plus fort et beaucoup plus fondamental que ce que l'on peut retrouver ailleurs
en province. Ailleurs en province, la famille joue encore un
rôleiImportant et I'Église est présente. Quand vous vous
retrouvez à Montréal, vous vous retrouvez dans des situations
géographiques démographiques et sociales particulièrement
pénibles où le consensus social devient très difficile
à développer. Si l'on
veut réussir cette réforme de l'aide sociale qui nous
apparaît essentielle, fondamentale et urgente. Je pense qu'il faut, M. le
ministre, que nous puissions procéder à ces approches et, comme
je le disais au début, votre proposition de politique, il faut
l'améliorer un peu et la compléter. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
porte-parole. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je remercie Centraide pour la
qualité de son mémoire, la qualité de sa
présentation et également pour le travail que cet organisme
effectue dans Montréal et ses régions avoisinantes. Vous
êtes ceux et celles qui avez à ramasser la clientèle qui
passe à travers les mailles du filet de la sécurité
sociale. Comme vous l'indiquez dans votre mémoire, d'année en
année, vous travail devient un peu plus lourd. Donc, je comprends que
vous partagiez l'opinion des membres autour de cette table en commission,
à savoir qu'il faille revoir le système actuel. Maintenant, une
fois qu'on s'est entendu sur la nécessité de revoir le
système actuel, il faut s'entendre sur un certain nombre de principes et
également sur un certain nombre de modalités qui deviennent, dans
certains cas, aussi importantes que les principes quelles visent à
sous-tendre.
Vous vous êtes présentés devant nous en affirmant
que la réforme est essentielle, nécessaire et urgente. Vous nous
avez dit que le message également que I'on devait rendre public
était important. Je sais qu'il existe beaucoup de préjugés
dans la population quant à la définition de cette
clientèle de l'aide sociale. C'est pourquoi à peu près
à chaque mémoire, je rappelle que cette clientèle est
formée d'environ 100 000 ménages qui sont, à toutes fins
utiles, incapables de travailler et admissibles au programme Soutien financier
et que, parmi les 300 000 autres ménages, les trois quarts de la
clientèle de l'aide sociale ne sont pas tous des gens qui ne veulent pas
travailler, mais qui sont dans l'impossibilité de travailler. Vous aviez
raison de souligner le problème d'analphabétisation parce que,
à l'aide sociale, chez nos personnes capables de travailler, 36 % sont
des analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas complété
leur cours secondaire et certains d'entre eux pourraient être
placés dans la première catégorie et 40 % n'ont aucune
expérience de travail. On voit donc la difficulté que ces
gens-là pourraient avoir malgré la meilleure bonne volonté
du monde à se procurer un emploi dans la société. Nous
voulons profiter de cette commission pour transmettre ce message à
l'ensemble de la population du Québec. Vous avez parlé des
valeurs d'autonomie et de responsabilité. Nous partageons au
gouvernement ces valeurs.
Vous avez parlé de la clientèle dans son ensemble et de sa
croissance depuis 1971, depuis l'instauration du régime de l'aide
sociale que nous connaissons actuellement. Vous avez raison de mentionner que
le sommet de la courbe qui a été atteint en 1984-1985 nous venait
de la crise économique 1981-1982, parce que lorsque la crise
économique frappe une économie, traditionnellement, les gens qui
entrent à l'aide sociale continuent d'y entrer, mais il ny a plus de
sortie possible de l'aide sociale. C'est un embouteillage.
Pendant les douze premiers mois, les gens qui sont mis à pied
deviennent des prestataires d'assurance-chômage, mais après douze
mois. Ils entrent également à l'aide sociale. Donc, le
système devient complètement engorgé et
embouteillé. Mais vous avez également raison de mentionner qu'en
1986-1987 il y a eu une diminution de 100 000 personnes dépendantes de
l'aide sociale au Québec. Mais vous avez également raison de
craindre une autre possibilité de récession économique et
que les mesures ne soient pas suffisamment souples pour en tenir compte.
Maintenant, je vous dirai que ce phénomène de croissance
et de décroissance est relié à la conjoncture
économique et au marché du travail. Mais je ne suis pas convaincu
que ce soit là la seule cause. Si j'observe le phénomène
de l'emploi au Québec présentement, on se rend compte qu'en
même temps que le chômage diminue, l'aide sociale diminue. II y a
une diminution des deux personnes non employées.
En Ontario c'est un peu un phénomène inverse. Au moment ou
le chômage a diminué très rapidement et qu'on en est rendu
statistiquement parlant presque au plein emploi, iI y a augmentation de l'aide
sociale. Nous en sommes à évaluer si on n'est pas en train -
parce qu'on les oublie, parce qu'on oublie d'améliorer leur
employabilité - de marginaliser une partie de plus en plus importante de
la population qui ne peut même pas profiter de l'essor économique
et de la création d'emplois, lorsque la création d'emplois se
produit dans une société.
Vous avez demandé de prévoir des mesures
complémentaires pour notre clientèle qui est spécialement
composée d'analphabètes fonctionnels, mais dite apte au travail.
Je pense que vous avez complètement raison de nous le suggérer et
c'est une suggestion que nous retenons au ministère de la Main-d'
Oeuvre.
Vous avez parlé des 300 000 aptes au travail et d'une
implantation progressive de clientèles ciblées, en ciblant
préférablement les gens de moins de trente ans, les gens qui sont
depuis moins de deux ans à l'aide sociale, parce qu'ils n'ont pas
développé cette sous-culture que vous nous avez bien
livrée.
Je pourrais faire un petit échange de chiffres. À cause
des gens qui ne sont pas disponibles pour des raisons de santé
temporaires, etc. ou les gens que l'on considère non disponibles dans le
programme APTE, c'est
généralement 200 000 ménages qui seront
invités à participer aux mesures... Mais même là,
malgré le fait qu'il y en a 200 000 plutôt que 300 000,
l'implantation progressive pourrait assurer des garanties à des
bénéficiaires et nous permettrait d'obtenir des résultats
encore plus précis en ciblant nos clientèles. Il s'agit d'une
autre recommandation que nous avons l'intention de retenir.
L'implication de l'ensemble des secteurs, les secteurs qui regroupent
les bénévoles, les groupes communautaires, l'Industrie, le
syndicat. L'État ne peut tout faire seul. S'il y a un domaine où
l'État ne peut tout faire seul, c'est bien celui-là. Au moment
où nous nous parlons, tous les groupes communautaires qui se sont
présentés devant nous à ce jour nous ont fait cette
ouverture. Ils nous ont offert leur pleine collaboration et ils nous ont
demandé de les impliquer dans les mesures d'employabilité.
Dans le domaine industriel, à ce jour, un organisme patronal est
venu témoigner devant cette commission. Il s'agissait du Conseil du
patronat. Là aussi, l'ouverture a été manifestée.
Même dans la pratique - je l'ai indiqué la semaine dernière
- sur le plan très concret, au niveau des nouvelles industries qui
s'implantent au Québec, - parce que cela pose moins d'embûches,
nous insistons pour que ces gens accueillent favorablement nos
bénéficiaires les plus employables.
Pour ce qui est des syndicats, la CSN est déjà venue
témoigner devant cette commission, les autres centrales viendront, mais
nous partageons l'opinion de Centraide selon laquelle l'État ne peut
seul assurer le fonctionnement d'une politique de sécurité du
revenu, mais a absolument besoin de la collaboration du maximum d'intervenants.
À ce jour, les groupes communautaires ainsi que le patronat nous ont
manifesté une ouverture certaine et nous tenterons d'aller la chercher
également du côté du monde syndical.
Sur la politique de main-d'oeuvre, vous avez raison, l'approche que je
qualifierai d'aspirine, le remède qui soigne tout le monde, vous avez
raison, c'est l'approche que nous avons actuellement au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. En proposant, dans la
réforme de la sécurité du revenu, une approche
personnalisée, nous pensons être en mesure d'offrir un
médicament mieux adapté, en tout cas, mieux dosé aux
problèmes de chaque individu. Mais vous avez également raison,
l'état dans lequel se trouvait le ministère quand nous en avons
hérité - je n'en tiens pas rigueur au gouvernement
précédent, d'ailleurs, celle qui m'a
précédé, Mme Marois, l'avait dénoncé
dès mon assermentatton comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu - les outils de travail dont nous disposions
sur le plan informatique à la fin de 1985 et au début de 1986
étaient pour le moins archaïques et désuets et ne nous
permettaient pas d'avoir une autre approche que l'approche aspirine.
Malgré les politiques de restrictions budgétaires dans le
domaine, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a obtenu, au cours de ta dernière
année, les crédits nécessaires pour s'assurer d'une
approche un peu plus subtile envers la clientèle la plus
défavorisée, avec laquelle le gouvernement a à
traiter.
En ce qui concerne l'approche dans la région de Montréal,
là aussi, vous avez raison, nous avons déjà reçu un
seul groupe provenant des régions, soit celui de Nicolet, jeudi dernier,
et on constatait que les problèmes étaient différents pour
les clientèles d'aide sociale en régions et sur le territoire de
Montréal.
Nous avons lu attentivement votre mémoire également. Vous
soulevez certaines questions précises que vous n'avez malheureusement
pas eu le temps de soulever verbalement, parce que vous aussi êtes dans
le carcan du temps. Vous mentionnez à la page 25 que nulle part. Il
n'est fait état des coûts nécessaires à
l'implantation de la politique, au recyclage des agents d'aide
économique et à l'augmentation éventuelle du nombre de ces
agents. Lorsque nous publions les coûts des programmes Soutien financier,
APTE et APPORT, les coûts reliés à l'administration des
programmes sont inclus dans le total que nous avons rendu public. Donc, dans le
cas de Soutien financier, lorsque nous parlons d'un coût additionnel de
100 000 000 $, il n'y a pas d'ajout sur le plan administratif parce qu'on
simplifie l'administration, mais lorsque nous parlons d'un ajout de 445 000 000
$ à APTE si tout le monde participe, les outils de fonctionnement sont
pris en considération. Maintenant, si vous souhaitez avoir la
ventilation, on pourrait vous la rendre disponible.
Vous parlez des structures de concertation à la page 27. Oui,
cette concertation est importante entre tous les organismes, mais je tiens
à indiquer que, sur le plan gouvernemental, elle a été
faite et que nous sommes en train de la poursuivre à l'extérieur
du gouvernement, et cette commission parlementaire est un outil précieux
pour poursuivre cette consultation à l'extérieur de l'appareil
gouvernemental. La période d'implantation, vous l'avez soulignée
verbalement.
Vous soulevez à la page 30 de votre mémoire la question
des appels, l'approche des mécanismes d'appel. Bien que nous n'ayons pas
souligné cette approche dans le livre vert, dans le mémoire,
c'est un aspect que nous n'avons pas oublié. Il n'est pas question de
livrer le bénéficiaire de l'aide sociale à l'arbitraire
d'une décision d'un fonctionnaire quel qu'il soit, et quelle que soit sa
compétence.
Les questions 6 et 7, femmes enceintes et soins des enfants. Vous
mentionnez à la page 31 de votre mémoire: "Nous ne comprenons pas
pourquoi les femmes enceintes, à compter de la sixième semaine
précédant la date prévue de l'accouchement jusqu'à
la cinquième semaine
suivant l'accouchement sont financièrement
pénalisées. " Et vous ajoutez, à la page 31. la question
des enfants d'âge préscolaire, parce que la politique, telle que
libellée, arrête à l'âge de deux ans. J'aurais des
questions à vous poser quant à ces deux éléments.
(15 h 45)
Vous savez que, présentement, une femme travaillant au salaire
minimum peut prendre un congé payé, si je peux utliser
l'expression, par l'assurance-chômage à 60 % de sa prestation pour
une période de quinze semaines plus deux semaines additionnelles
payées par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Donc, ceci donne à cette travailleuse
au salaire minimum 17 semaines de son revenu, comblé à 60 % du
salaire minimum. Je vous Indique tout de suite que cette femme a droit si - et
c'est le cas lorsqu'elle est au salaire minimum - elle n'obtient pas
l'équivalent de l'aide sociale, de faire combler la différence
avec le revenu d'aide sociale. Je vous indiquerais également que, pour
elle, lorsqu'elle travaille, c'est à cette limite que s'arrêtent,
dans le moment, les contributions des programmes gouvernementaux. Ce que la
politique mise de l'avant offre au moment où nous nous partons, c'est
que, durant la période de la sixième semaine
précédant la date prévue de l'accouchement jusqu'à
la cinquième semaine, elle reçoit 90 % de l'aide sociale avec le
barème de non-disponibilité et ce, jusqu'à ce que l'enfant
atteigne l'âge de deux ans et qu'elle soit considérée non
disponible.
Je pense que je comprends votre deuxième demande visant à
allonger cette période jusqu'à l'âge préscolaire,
tant qu'il y a un enfant d'âge préscolaire, mais je ne sais pas de
façon précise comment interpréter votre intervention sur
la seizième semaine prévue de l'accouchement jusqu'à la
cinquième semaine après l'accouchement.
M. Lessard: En fait, M. le ministre, nous nous posions des
questions. Nous n'avons pas été capables de comprendre quels
étaient les niveaux d'harmonisation, entre guillemets, des
différentes politiques du gouvernement Et, comme le temps était
relativement court, nous n'avons pas passé plusieurs semaines à
essayer de comprendre cette technicité qui a quand même des
dimensions, je dirais, assez importantes. Je voudrais juste vous dire qu'il y
en a qui vont venir de l'assurance-chômage. Il y a aussi des femmes chefs
de familles monoparentales qui vont arriver en dehors du système de
l'assurance-chômage. Il y a là peut-être un problème
de compréhension de notre part, mais peut-être aussi un
problème de présentation dans le projet de politique. Pour nous,
ii s'agit là d'une interrogation assez importante. Et, d'autre part, il
y a un lien à faire entre ceci et le projet de, entre guillemets,
politique familiale. Je ne sais pas où ce projet en est à l'heure
actuelle, mais il doit y avoir un lien entre une politique familiale de l'Etat
et ces dispositions. Nous avons tout simplement posé la question plus
que nous avons essayé de trouver la réponse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez... M. Lessard: Et cela
vaut aussi pour...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous ai posé la question
parce que vous n'êtes pas le premier groupe, loin de là, à
la poser cette fameuse question, et nous en sommes à
réfléchir sur les réponses précises qui devraient y
être apportées. Et je vais faire comme je le fais souvent avec les
groupes bénévoles, je vais encore abuser de votre
bénévolat et vous demander de prendre le temps nécessaire
pour vérifier cet aspect et de nous formuler vos suggestions quant
à cet aspect de la problématique.
M. Lessard: D'accord, nous allons le faire, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Malsonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. II me fait plaisir
également de souhaiter la bienvenue, au nom de ma formation politique,
à vous, M. Lessard, M. Giroux qui vous accompagne et M. Bissonnette qui
êtes le directeur de la recherche et de la planification - c'est bien le
cas - et Mme Germain. J'ai déjà eu l'occasion, il y a bien des
années de cela maintenant, de travailler au Conseil de
développement social sur la rue Saint-François-Xavier où
se trouvait à l'origine le Conseil francophone et de comprendre - non
seulement à ce moment-là, mais maintenant aussi puisque vous
oeuvrez dans le quartier que je représente à l'Assemblée
nationale - le soutien que vous offriez à l'engagement communautaire de
personnes qui oeuvrent au mieux-être de nos concitoyens.
M. Lessard, vous avez bien cerné ce qui doit être un
nouveau contrat social. Ce n'est peut-être pas le mot que vous avez
utilisé, mais c'est certainement ce que vous nous avez décrit que
devait être ce contrat qui tourne autour d'un partage de l'emploi ou,
tout au moins, d'une accessibilité à l'emploi. J'aimerais bien
avec vous revoir cette question pour vérifier si le document
d'orientation qui est devant nous peut adéquatement répondre
à ce qui est certainement actuellement une des aspirations les plus
profondes de la société québécoise.
Quand on prend acte de tous les mémoires qui sont devant nous, on
se rend compte que tous commencent, ou presque tous, par l'urgente
nécessité d'une réforme et par la nécessité
d'une politique de plein emploi. Vous y avez fait également écho.
J'aimerais bien qu'on examine
avec vous cette question. Notamment, puisqu'il s'agit d'un projet
dit-on, de sécurité du revenu, en tout cas, cela porte ce nom
tout au moins. Souvent, il y a une sorte de glissement actuellement dans
l'opinion publique. Le ministre lui-même appelle cela la réforme
de l'aide sociale, mais c'est pour une politique de sécurité du
revenu, et une politique de sécurité du revenu a un principe
fondamental, c'est souvent l'harmonisation des programmes de transferts et des
programmes d'imposition de façon à ce que cela puisse être
payant de travailler aussi.
Je ne sais pas si c'est à vous-même, M. Lessard, ou
à M. Bissonnette que je dois poser la question, mais les études
que vous avez menées à Centraide vous amènent-elles
à considérer que notre actuel programme politique plutôt
d'imposition, notre programme en vigueur présentement, permet vraiment
l'incitation au travail? Je vous pose la question parce que je pense qu'elle
est fondamentale. Il ne faut pas simplement la rechercher dans la
volonté des personnes, mais dans ce qu'on met en place comme
société pour inciter ou "désinciter".
M. Lessard: Madame, nous n'avons pas parlé, de
façon rigoureuse, d'une politique de plein emploi, d'abord parce que je
ne sais pas ce que signifie une politique de plein emploi. Nous avons
souligné qu'il est important pour le gouvernement de développer
des politiques d'incitation à l'emploi et de développement de
l'emploi. Ces politiques doivent être développées de
façon à ce que les personnes soient capables de se trouver un
emploi ou de façon à ce que les personnes créent leur
emploi. Quand on regarde les dernières années, on se rend compte
que, à la suite de la récession de 1981-1982, iI n'y a
pratiquement pas d'emplois qui ont été créés dans
les grandes et moyennes entreprises. Effectivement tout le développement
de l'emploi au cours des cinq dernières années s'est fait
rigoureusement dans la PME. Cela signifie qu'il y a eu un niveau d'initiative
particulièrement remarquable dans notre société
québécoise. Cela veut dire qu'il est possible pour les gens de
développer des emplois et d'être capables de créer des
entreprises.
Je ne sais pas comment l'État peut créer d'autres emplois
que ceux des fonctionnaires. Je sais cependant que l'État peut
favoriser, par un certain nombre de politiques, le développement de la
petite entreprise. C'est dans ce sens qu'il faut qu'il y ait un certain nombre
de mesures. Pour être capable d'assurer les emplois qui s'ouvrent, il est
aussi fondamental qu'il puisse y avoir une politique de formation. Je l'ai
mentionné dans la présentation tout à l'heure, avec le
nombre d'assistés sociaux qui sont analphabètes fonctionnels ou
analphabètes profonds et, avant que ces personnes soient capables de
remplir des emplois adéquats, il va être important de les
reprendre et de les former. Il va être important aussi de les inciter
à se trouver des emplois, à les préparer à des
emplois. C'est l'ensemble des choses dont nous parlons dans le document et que
l'on appelle des programmes d'insertion sociale ou de réinsertion
sociale. Ceci est fondamental et essentiel.
Mme Harel: Permettez-moi d'examiner avec vous cette question.
Vous disiez: II faut nous assurer que les personnes puissent créer leur
propre emploi. Ai-je bien compris? Est-ce bien ce dont il s'agit?
M. Lessard: C'est l'une des formes de création
d'emplois.
Mme Harel: Bon! Pensez-vous que, compte tenu de la performance
assez exceptionnelle en ternies de création d'emplois que le
Québec a connue durant la présente année - on parle d'une
performance record. Pourtant, comme vous avez pu le constater, le taux de
chômage a à peine vacillé, il s'est à peine
profilé un peu à moins des 10 %. Pourtant, tous les observateurs
confirment maintenant que, à plus ou moins court terme, nous allons
entrer dans une nouvelle période de ralentissement. C'est donc dire que,
même en période de grande croissance, en période de
performance, il y a une création d'emplois qui absorbe à peine la
main-d'oeuvre et une création de chômage puisque le taux de
chômage vacille à peine et si on regarde le taux d'occupation,
d'activité et d'Inactivité, on se rend compte, sur les quinze ou
vingt dernières années, que cela a à peine
sautillé, si vous me permettez l'expression, puisque c'est à peu
près toujours autour du même pourcentage que les gens sont en
activité.
Comment créer ce nouveau contrat social? Je vous demande s'il
faut faire porter la responsabilité sur les épaules des individus
eux-mêmes dont vous disiez qu'ils sont sans doute les plus
hypothéqués de notre société. Dans votre propre
mémoire, d'ailleurs, vous mentionnez un chiffre très saisissant;
vous dites que, selon les indicateurs du ministère de
l'Éducation, encore récemment, 29 % des finissants scolaires ne
complètent pas un secondaire. D'un côté, il y a un
système qui produit des personnes qui auront à être prises
par l'autre bout, si vous me permettez l'expression. Donc, la question que je
vous pose, c'est: Est-ce que vous attribuez ou non une responsabilité
à l'État en matière de création d'emplois, par
exemple axée sur le développement des services sociaux et
communautaires, des services de garde, des services complémentaires au
maintien à domicile, des services liés à la protection de
l'environnement, à la lutte contre la pollution de l'air, etc. ?
Concevez-vous qu'en matière de contrat social, puisque l'objectif que
vous mentionnez, avec raison, c'est que toute personne puisse remplir un
emploi, l'Etat doive assumer une responsabilité en matière de
création d'emplois?
M. Lessard: Vous dites plusieurs choses et vous posez plusieurs
questions. Il est peut-être un peu difficile d'y répondre d'un
seul trait.
Je dirais, concernant le premier point qui est extrêmement
important, que nous sommes dans une société qui devient de plus
en plus âgée. On est rendus à l'heure actuelle à un
taux de personnes âgées de plus de 65 ans de presque 12 %. Ce taux
est extrêmement élevé. Tout à l'heure, nous allons
manquer de personnes pour remplir des emplois. Nous nous dirigeons vers une
situation qui en sera probablement une de pénurie de main-d'oeuvre dans
un certain nombre de secteurs. L'une des choses importantes auxquelles il faut
faire face, c'est la formation de nos jeunes et l'entraînement, sur le
marché du travail, d'un certain nombre de personnes de façon
à ce qu'elles puissent remplir adéquatement les emplois.
Vous avez cité le chiffre de 29 % de décrocheurs
scolaires, ceux qui ne finissent pas l'école secondaire. Vous soulevez
là tout le problème de ce qu'on appelle en anglais le
"throughput" du système d'éducation. Ce phénomène
que l'on retrouve ici, au Québec, est malheureusement un
phénomène nord-américain. Tout à l'heure, nous
allons nous retrouver - nous y sommes déjà entrés - dans
cette ère d'une concurrence sur le plan international et il devient
fondamental que l'on puisse former cette main-d'oeuvre de demain. Je pense que
la règle devrait être: il faut investir dans notre avenir. Cela
veut dire qu'il faut que l'on s'occupe des jeunes de façon à ce
qu'ils soient capables de remplir des postes. (16 heures)
Ce que je voudrais souligner c'est que je ne sais pas dans quelle mesure
l'État a plus de ressources pour créer des emplois permanents. Je
ne pense pas que l'objectif soit de créer et que nous ayons dit qu'il
fallait créer de nouveaux emplois à être financés
par l'État. Il y a une limite aux ressources financières et
humaines que l'État doit mettre à la disposition de l'ensemble de
la société. Notre objectif n'est certainement pas de continuer
à développer la notion de I État-providence. Je pense que
cette question de l'État-providence, c'est le monde des années
soixante au moment où l'on pensait que les ressources financières
et humaines étaient illimitées, que l'on pouvait faire n'importe
quoi et qu'il serait possible de pouvoir assumer et assurer la croissance
économique à tout le monde.
Mme Harel: M. Lessard, Je vous pose la question. S'il n'y a pas
de nouveaux emplois financés par l'État et si le marché
privé de l'emploi n'a pas prouvé ce qu'on peut constater
présentement avec un taux de performance exceptionnelle, n'a pas
démontré sa capacité d'absorber la main-d'oeuvre inactive,
puisqu'il y a 300 000 chômeurs inscrits sur l'assurance-chômage,
à part les 440 000 ménages qui bénéfi- cient de
l'aide sociale, à qui devons-nous confier cela? Aux
bénéficiaires eux-mêmes? Le problème va certainement
se poser de savoir qui doit porter te fardeau et la responsabilité de ce
nouveau contrat fondamental, celui de pouvoir occuper un emploi. Seulement la
personne qui est en chômage?
M. Giroux (Michel): J'aimerais simplement signaler à
madame...
Le Président (M. Bélanger): Pouvez-vous vous
Identifier auparavant, s'il vous plaît?
M. Giroux: Oui. Michel Giroux. Je suis directeur
général adjoint à Centraide.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Giroux.
M. Giroux: Je veux simplement signaler à Mme Harel que,
dans le mémoire que nous présentons, aux pages 12 et suivantes,
nous situons dès le début l'ampleur et l'importance de la
situation actuelle, le grave problème de société devant
lequel nous nous trouvons, et ce ne sont pas simplement les gens qui vivent de
l'aide sociale mais l'ensemble de la population qui se retrouve devant un grave
problème de société qu'on doit envisager et sur lequel on
doit réfléchir.
Dans un deuxième temps, on dit ceci à la page 12: II
s'agit d'un problème qui appelle des interventions multiples et
diversifiées. C'est à l'intérieur de cela qu'il faut
trouver des politiques de l'emploi, de l'éducation, de la famille, etc.
Ce n'est pas uniquement la réforme de l'aide sociale, quelle qu'elle
soit qui va régler tous les problèmes de notre
société. Il est bien évident qu'il s'agit d'un morceau
parmi un ensemble de mesures qui doivent être prises et qui sont
importantes et urgentes et qu'on pense importantes aussi. C'est un peu ce qu'on
disait. L'état doit faire des choses pour développer des emplois,
pour favoriser un climat économique qui permette le développement
de la petite entreprise, par exemple, de sorte que des emplois nouveaux soient
créés progressivement. Mais on ajoute ceci. C'est qu'en
même temps qu'il doit y avoir des mesures pour créer de l'emploi,
des mesures en éducation, des mesures pour la famille, en même
temps il doit y avoir des mesures qui doivent aider les gens qui
bénéficient de l'aide sociale à devenir capables de
remplir des emplois et de les remplir adéquatement.
Au fond, on est toujours devant le même problème. Les gens
nous disent: On ne peut pas développer l'emploi chez les gens parce
qu'il n'y en a pas, aussi: On ne peut pas développer de l'emploi parce
qu'on n'aura pas de gens qualifiés pour les remplir. Je pense que notre
approche est de dire qu'il faut multiplier les différentes interventions
à tous les niveaux. Quand on
regarde l'avenir de notre société - c'est un peu le
message fondamental de notre mémoire - on est assez inquiet de cet
avenir et on se dit: Ce n'est pas vrai, il faut absolument travailler sur tous
les fronts, sur tous les plans et surtout, si on regarde notre
société qui vieillit, où des jeunes devront prendre la
relève, il faut les équiper le plus possible pour des formes
d'emplois qui vont être de plus en plus exigeants. Les jeunes ne pourront
plus occuper des emplois s'ils sont analphabètes, s'ils n'ont pas fait
des études suffisamment avancées pour être capables de.
C'est un peu notre approche.
Mme Harel: D'accord. M Giroux, je m'excuse de vous interrompre.
On a si peu de temps qu'une fois que l'essentiel... Étant donné
que je veux profiter de votre présence pour pouvoir... Combien me
reste-t-il de temps M. le Président? Quatre minutes, vous voyez, c'est
si peu. Évidemment, vous faites appel à une politique de
formation de la main-d'uvre. Je vous rappelle qu'avec le projet il n'y a
pas autre chose que le rattrapage scolaire comme projet de formation
générale. II n'y a pas là un projet de formation
professionnelle. II n'y a pas là un plan de campagne de scolarisation
non plus. Au moment même ou le ministère de l'Éducation
annonce des coupures de 20 000 000 $ au chapitre de la formation des adultes,
il n'y a pas non plus un plan d'alphabétisation. C'est sûr que
tout cela, parfois on a les mots pour le dire, mais la question, c'est. Le
ministre a-t-il les moyens pour le faire? Je pense que c'est une question sous-
jacente à votre mémoire.
Deux questions avant de terminer. La première. Pensez-vous que,
pour développer des programmes appropriés, il faille baisser les
barèmes en dessous du seuil de pauvreté comme c'est le cas
présentement? Vous retrouvez que dans toutes les catégories sauf
à I'exception d'une, qui est celle des personnes déficientes.
Celles-ci sont elles mêmes de toute façon venues nous dire que ce
n'était pas parce qu'on était déficient qu'on était
en mauvaise santé et elles ne sont pas tout à fait unanimes
à penser que c'est le meilleur régime pour elles. Mais
pensez-vous que pour développer des programmes appropriés, pour
en arriver justement à ce développement des formations
souhaitables, iI faille inciter en baissant les barèmes en
deçà de ce qui est défini même par le
ministère comme besoins essentiels de façon à inciter
à participer au programme, auquel cas il n'y aurait pas I'
incitation?
Finalement, votre mémoire parle de la question des agents
socio-économiques. Vous parlez, dans votre mémoire, de la
nécessité de bien former les agents socio-économiques du
ministère qui auront à faire l'entrevue, qui auront à
évaluer, qui auront à avoir une relation de confiance. D'autres
sont venus avant vous plaider qu'il y avait incompatibilité entre la
fonction de contrôle et la fonction d'appui, que cette
incompatibilité était telle qu'elle ne permettrait pas une
réelle relation d'appui ou d'évaluation pour aider la personne
à entreprendre la démarche souhaitable. Je voulais
également vous rappeler ceci: C'était très récent,
le 12 février dernier, les agents d'aide socio-économique
critiquaient ou plus encore dénonçaient le fait que les personnes
embauchées pour aider les bénéficiaires de l'aide sociale
à retourner au travail - elles étaient au nombre de 540, elles
étaient embauchées à titre d'agents
socio-économiques, je pense pour une période de trois ans, et
faisaient le travail de relations d'aide - au mois d'août prochain,
auront cessé leur contrat et devraient être remplacées par
d'autres employés occasionnels.
Elles mettent en doute le fait qu'on puisse comme cela, à une
fréquence de tous les trois ans, une fois qu'on a acquis l'expertise,
une fois qu'on a atteint une sorte de qualification, être remplacé
comme ça, mis de côté au moment ou l'on s'apprête
à mener une réforme qui va nécessiter ce genre de soutien
professionnel que devraient donner, comme vous le mentionnez, les centres
Travail-Québec.
M. Lessard: Nous avons parlé, dans notre mémoire,
des agents d'aide socio-économiques et nous avons suggéré
que ces personnes soient entraînées, soient formées
à cette nouvelle forme d'approche plus individualisée il nous
semble qu'il y a là un secteur extrêmement important si l'on veut
que cette politique puisse être implantée de façon
professionnelle et positive. Je pense qu'il faut faire ce qu'on appelle, en
anglais l'"upgrading" du personnel, il faut réentraîner le
personnel de façon appropriée. La relation d'aide est
différente de la relation qui s'était établie
traditionnellement ou les critères mathématiques étaient
appliqués de façon mathématique par les agents. Là,
c'est une nouvelle forme d'application qui va être beaucoup plus
personnalisée. II est évident qu'il doit y avoir un changement
dans l'approche et le personnel doit être réentraîné
pour réaliser ce type de politique. C'est dans ce sens que nous I'avions
dit dans le mémoire.
Mme Harel: J'imagine quelles vont pouvoir compter sur votre.
Oui?
Le Président (M. Bélanger): Je m' excuse,
Mme la députée de Maisonneuve, le temps est
écoulé.
Mme Harel: Je vais les remercier, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Harel: À ce moment-là je vais peut être
vous inviter, comme le faisaient les agents d'aide socio économique
à faire appel aux pressions de l'opinion publique pour ramener le
gouvernement à retirer les directives qui les
visent. Il s'agit de 540 personnes qui sont en poste depuis trois ans et
qui verront leur contrat se terminer au mois d'août prochain,
après avoir développé leurs qualifications et leurs
aptitudes à assurer cette relation d'aide. J'espère que l'opinion
publique pourra vous appuyer. Je vous remercie et je remercie Centraide pour sa
contribution à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée. Il reste trois minutes pour le côté
ministériel. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. J'aurais quelques questions -
moi aussi, je suis limité dans le temps - mais assez précises
à adresser à Centraide. Un chiffre circule chez divers organismes
dans l'agglomération montréalaise, que l'on retrouve
régulièrement dans les médias, la question des 50 000
individus non répertoriés, c'est-à-dire qui ne sont ni
à l'aide sociale ni à l'assurance-chômage et qui font
partie des sans-abri, etc. Est-ce l'évaluation que Centraide partage
grosso modo pour la grande région de Montréal?
M. Lessard: Nous sommes Incapables de confirmer ou d'infirmer ce
chiffre. Il n'existe pas de données et je ne sais pas comment les gens
sont arrivés à déterminer ce chiffre que l'on a vu
apparaître comme cela. Je ne le sais pas. Le seul chiffre de 50 000 dont
je me rappelle... Il y a eu un article dans The Gazette à la fin du mois
d'octobre qui mentionnait ce chiffre, mais je n'en sais pas plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un autre élément
avec une question rapide: vous mentionnez aux pages 26 et 27 de votre
mémoire que l'unique porte d'entrée dans le système
proposé est le centre Travail-Québec finalement et vous concluez
à la page 27: "D'autres portes d'entrée pour un certain nombre de
bénéficiaires lourdement handicapés socialement... "
Auriez-vous l'obligeance de nous citer quelques exemples?
M. Lessard: On se demandait s'il ne serait pas possible dans des
cas comme cela que certains mandats puissent être confiés
spécialement à des organismes communautaires du milieu qui
pourraient traiter de façon particulière avec un nombre
d'assistés sociaux dans un secteur donné. Ces organismes
pourraient, de façon beaucoup plus concrète, pratique et
immédiate, aider des assistés sociaux qu'ils connaissent à
pouvoir réintégrer et la société et le
marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans votre expérience
auprès des clientèles, possédez-vous l'information sur la
proportion ou le pourcentage d'individus que vous aidez et qui sont des
assistés sociaux, des chômeurs ou des travailleurs à faible
revenu ou des non répertoriés?
M. Lessard: À ce moment-ci, je ne pourrais pas vous donner
de chiffres précis dans tous ces secteurs. Je pourrais vous dire que, de
façon générale, nous savons à peu près ce
que nos organismes font dans le milieu, mais nous n'avons jamais voulu mettre
l'accent sur le comptage des personnes dans chacun des trous de ta matrice.
Nous sommes un mouvement bénévole et communautaire et nous ne
voulons pas que les gens passent leur temps à les compter. Cependant,
l'on peut dire que, dans la majorité des organismes que nous
finançons, les personnes dont vous parlez font l'objet des
clientèles de ces organismes. Par définition, le mouvement
bénévole et communautaire vient à l'aide des personnes qui
sont les plus désavantagées de la communauté. Il est
inévitable que ces personnes soient dans les catégories dont vous
parlez.
Quand vous pensez, par exemple, aux personnes handicapées
physiques, vous allez en trouver un certain nombre qui sont des assistés
sociaux. Quand vous parlez des handicapés mentaux, il y en a là
un certain nombre. Les ex-patients psychiatriques, vous avez là des
personnes qui vivent de l'aide sociale dans un certain nombre de cas, mais il y
en a d'autres qui n'ont probablement jamais fait de demande parce qu'elles ne
savent pas comment faire des demandes. Vous en retrouvez parmi les sans-abri.
Quand vous vous promenez dans le centre de Montréal, vous en retrouvez
un certain nombre qui font le tour des poubelles. Je ne veux pas
exagérer et dire que le nombre est extrêmement significatif, mais
en l'espace de sept ou huit ans, le climat et l'ensemble de la ville ont
changé de façon considérable. On pourrait peut-être
essayer d'avoir dans la prochaine année des données plus
précises. Vous avez probablement là une question importante, mais
je ne saurais pas y répondre davantage.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. C'est
tout le temps dont nous disposions. Si M. le ministre veut profiter de quelques
secondes pour remercier nos...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en quelques secondes,
à Centraide, à ses représentants, pour leur travail
sérieux et constructif, pour leurs suggestions, leurs recommandations,
qui ont pour but de bonifier un projet bonifiable, je vous remercie. Quant
à la demande que vous a adressée Mme la députée de
Maisonneuve. je soutiens qu'elle n'a pas complètement tort. Je suis aux
prises, comme ministre, avec une directive du Conseil du trésor qui a
été adoptée sous l'ancien gouvernement et vous comprendrez
que je suis déjà en demande au Conseil du trésor pour
qu'elle soit modifiée.
Je vous remercie de votre comparution.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le groupe Centraide et invite à la table
des témoins le groupe du Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail inc. Ce groupe est
représenté par Mme Suzanne Barbeau, Mme Andrée Robert et
Mme Lise Leduc! Nous allons suspendre pour deux minutes, mais; deux
brèves minutes, par exemple!
(Suspension de la séance à 16 h 16)
(Reprise à 16 h 19)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Que chacun reprenne sa place.
Nous recevons présentement à la table des témoins
le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail inc. Je
prierais fa porte-parole de bien vouloir s'identifier et je demanderais
à chacune d'entre vous, lorsque vous prendrez la parole, de vous
identifier d'abord, pour les fins de la transcription du Journal des
débats. ) Vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire, je devrai vous interrompre à la 21e minute, et il y a40 minutes pour les discussions avec les parlementaires. Je vous prie donc
de vous identifier et de bien vouloir procéder.
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes
au travail inc.
Mme Leduc (Lise): M. le ministre, m. le Président,
mesdames et messieurs les commissaires, il me fait plaisir de vous
présenter les deux porte-parole du Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail, Mme Andrée Robert, directrice du
Centre L'Aiguillage de la région de Sherbrooke, Mme Suzanne Barbeau,
intervenante, conseillère en main-d'oeuvre dans un service externe de
main-d'oeuvre dans la région de Montréal et moi-même,
coordonnatrice au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail. Je cède la parole à Mme Robert.
Mme Robert (Andrée): Nous aimerions, avant de commencer
l'analyse du document d'orientation, demander au ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu de s'engager à tenir une
nouvelle commission parlementaire lors du dépôt de la loi qui
modifiera l'actuelle Loi sur l'aide sociale, compte tenu de l'importance de ce
débat et de notre ignorance des intentions du gouvernement quant
à la réforme de la fiscalité, de la politique familiale,
de la politique des services de garde au Québec.
En 1982, des intervenantes oeuvrant auprès des femmes dans des
programmes de réintégration professionnelle se sont donné
un organisme provincial important C'est par cet organisme qu'elles voulaient
faire connaître leurs recommandations quant à la politique
d'accès au travail pour les femmes. Depuis, le Conseil d'intervention
pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT, n'a pas cessé de
s'impliquer dans plusieurs dossiers, notamment ceux de l'accès à
l'égalité, la formation professionnelle, les changements
technologiques, le libre-échange et l'aide sociale.
À cet effet, en janvier 1984, nous avons présenté
au gouvernement un mémoire intitulé "Modifier la loi d'aide
sociale pour faciliter le retour au travail et aux études des femmes
chefs de famille et bénéficiaires d'aide sociale". Des
recommandations d'alors, seules celles concernant les facilités à
offrir aux femmes chefs de famille quant à l'accessibilité
à la formation ont reçu un accueil favorable débouchant
sur des programmes Intéressants, des assouplissements et des ouvertures
de la loi.
Aujourd'hui, dans le cadre de la consultation sur le document
d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu", te
CIAFT veut contribuer aux réflexions et discussions publiques concernant
les responsabilités de l'État envers tes plus démunis. Par
le présent texte, nous voulons rendre compte de l'expérience
quotidienne des intervenantes dont la tâche est de soutenir la
démarche de retour à l'autonomie financière de nombreuses
femmes dont plusieurs sont des bénéficiaires de l'aide
sociale.
Nos constats voudront souligner, d'une part, nos réactions face
aux principes généraux d'équité, d'autonomie et
d'intégration au marché du travail mis de l'avant par le MMSR
comme étant la base de la réforme proposée. D'autre part,
nous illustrerons les conséquences néfastes de certains aspects
des modalités d'application de la réforme.
De plus, nous insisterons sur les dangers de certaines conceptions
véhiculées, à savoir qu'il y aurait actuellement du
travail pour tout le monde. Il est tout à fait erroné de croire
qu'il y a des emplois pour toutes les travailleuses de bonne volonté.
Enfin, nous proposerons le type d'intervention que nous souhaitons voir
appliquée afin que les aspects que nous jugeons discriminants,
coercitifs et punitifs deviennent des mesures incitatives, équitables,
positives et stimulantes. Rappelons que tout changement à l'actuelle loi
doit s'appuyer sur des principes d'équité et de respect envers
les bénéficiaires.
Le CIAFT, dans ses divers dossiers, a toujours soutenu que
l'intégration des femmes au marché du travail devait se traduire
par une amélioration de leur qualité de vie et leur assurer tant
l'autonomie qu'une sécurité financière véritable.
C'est pourquoi le fil conducteur de notre analyse de la proposition de M.
Paradis "Pour une politique de sécurité du revenu" sera le
suivant: en quoi l'État, à travers l'établissement de
cette politique, soutient-il véritablement et efficacement toutes les
femmes qui tiennent à quitter l'aide sociale et à avoir
accès à un emploi stable et décemment
rémunéré sur le marché du travail
régulier?
Le CIAFT, depuis longtemps, réclame la réforme de la Loi
sur l'aide sociale. Nous visions, par le biais de cette réforme,
l'amélioration de la situation des femmes prestataires de l'aide
sociale. Le contact quotidien avec celles-ci nous permet de constater,
contrairement à ce que laisse entendre le texte ministériel,
qu'être prestataire de l'aide sociale n'est pas une situation enviable et
recherchée. Or, la lecture de la réforme proposée nous a
rapidement permis de constater que l'objectif poursuivi par le MMSR, par le
biais de cette réforme, ne coïncidait pas avec le nôtre.
Force nous est de constater que le but poursuivi n'est pas un meilleur partage
de la richesse collective, mais strictement le maintien de la diminution du
nombre des prestataires. La diminution du nombre des prestataires devient une
fin en sol, quels que soient les moyens utilisés, peur, force,
délation, contrôle, et quels que soient les impacts sur
l'organisation générale du monde du travail, notamment la
détérioration des conditions de travail et la tendance à
la baisse de tous les salaires.
Je vais maintenant parler du contexte socio-économique. Le
document d'orientation que nous avons sous les yeux s'inscrit dans la
volonté gouvernementale, maintes fois répétée, de
couper les dépenses de I'État. II s'inscrit aussi dans un
contexte socio économique où le taux de chômage demeure
élevé chez les femmes, 10, 8 % au dernier trimestre de 1987,
malgré une croissance économique continue. De plus, il faut
reconnaître qu'au cours des années, le marché du travail
s'est modifié créant un resserrement à l'entrée et
une stagnation dans les conditions de travail.
Cette modification a amené les employeurs à augmenter
leurs exigences en termes de compétence et de formation, ce qui à
toutes fins utiles, exclut les femmes ayant quitté le marché du
travail pour un certain temps des emplois créés par la reprise
économique. À cause de leur faible niveau d'employabilité,
cette pratique discrimine particulièrement les femmes prestataires de
l'aide sociale. De ce fait la clientèle ciblée par la politique
de sécurité du revenu est exclue de la reprise
économique.
II nous paraît fallacieux, et nous remettons en question cette
pratique, d'examiner l'augmentation de la clientèle ou même les
modifications dans le profil des bénéficiaires par la lunette
étroite de l'aptitude/inaptitude en laissant entendre que I'augmentation
des bénéficiaires aptes serait due à un manque de
volonté réelle de réintégrer la main-d'oeuvre
active et à une certaine aisance à se complaire dans cette
dépendance à l'égard de I'État.
II est inadmissible de faire porter essentiellement aux individus
victimes de cette situation économique la responsabilité de leur
état. C'est d'autant plus inacceptable que les solutions
proposées s'inspirent d'abord de changements exigés des individus
plutôt que de porter sur des modifications du cadre socio
économique qui a généré les problèmes.
Faut-il rappeler aux commissaires que, quelle que soit l'envergure des
mesures d'em- ployabilité ou la qualité de la formation offerte,
la disponibilité d'emplois intéressants assortie de conditions
d'exercices facilitants reste le facteur majeur de réussite de toute
politique de main-d'oeuvre? C'est à ce problème que le ministre
du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu devrait s'attaquer en priorité.
Au premier regard, la réforme proposée comporte un certain
nombre d'aspects positifs. C'est pourquoi l'augmentation de barèmes en
regard du programme Soutien financier, qui s'adresse aux personnes
jugées non employables, ne peut être qu'appréciée.
Cependant, nous constatons qu'aucun moyen d'évaluation adéquat
n'a été mis sur pied pour évaluer la
non-employabilité, et notre expertise nous démontre que seule une
évaluation à long terme permet de s assurer de la justesse d un
tel jugement.
La nouvelle définition du conjoint de fait est certes une
amélioration à l'arbitraire du système actuel. À
cet égard, nous souhaitons aussi une harmonisation avec les autres
programmes gouvernementaux, plus particulièrement le Régime de
rentes où I'on déclare que sont conjoints de fait des personnes
sans enfant ayant cohabité pendant trois ans. Cependant, si nous
acceptons une telle responsabilité alimentaire entre les adultes du
couple reconnu, en aucun cas nous n'accepterons une définition qui
rendra le nouveau partenaire responsable des enfants issus d'une union
précédente.
Au chapitre des gains de travail admissibles, la révision
à la hausse est heureuse. Il s'agit d'une demande que nous avions
déjà formulée. De même le programme APPORT peut
permettre de combler une partie du manque à gagner des travailleuses
dont le salaire ne suffit d'aucune façon à faire vivre leur
famille compte tenu, entre autres, des frais de garderie grugeant ce faible
revenu. Nous tenons à réitérer notre accord avec la mise
en place de programmes de formation et de développement de
l'employabilité ayant pour but d'accroître les possibilités
des femmes d'avoir accès au travail rémunéré. Dans
ce sens, nous approuvons I'intention exprimée dans le document
d'assortir toute démarche de retour au travail et aux études
d'une évaluation en profondeur des besoins et possibilités
réelles de la personne en démarche.
Après ces considérations d'ordre général et
global nous voulons aborder I'analyse du document par le biais de la
réalité concrète vécue par des femmes
bénéficiaires de I'aide sociale. Je cède la parole
à Mme Suzanne Barbeau.
Mme Barbeau (Suzanne): Afin d'expliquer les changements survenus
à la composition de la clientèle de laide sociale, le document
d'orientation identifie certains facteurs qui auraient contribué
à accroître le nombre de prestataires considérés
aptes au travail. Parmi ces facteurs, on mentionne les changements de
mentalité relativement à certaines valeurs telles le mariage
et la famille. Nous tenons à relever l'ambiguïté qui
se dégage d'une telle analyse. C'est vrai, i! y a eu, au cours des
dernières années, un changement de mentalité face au
mariage et à la famille, mais cette évolution a permis, entre
autres, aux femmes de ne plus accepter l'inacceptable. La réalité
de la violence conjugale, de plus en plus révélée au grand
jour, confirme pourtant que cette valeur de mariage ne devrait jamais plus
primer celle plus fondamentale encore du respect de la dignité de la
personne. II serait inacceptable que ce droit de rompre une union
insatisfaisante soit réservé aux seules femmes qui ont les moyens
de s'en prévaloir. Soyons claires, personne ne divorce pour le plaisir;
les femmes qui le font savent pertinemment qu'elles auront à faire face
à la pauvreté et, entre deux maux, elles choisissent le
moindre.
C'est vrai, cette nouvelle réalité entraîne des
coûts sociaux, mais les femmes concernées ne sont-elles pas celles
qui paient le plus cher aujourd'hui le fart de s'être conformées
aux attentes que la société a toujours eues à leur
égard? On a toujours demandé aux femmes d'être d'abord des
épouses et des mères. C'est au nom de cette fonction qu'elles ont
longtemps été exclues du marché du travail.
Concrètement, c'est parce qu'elles ont consacré l'essentiel de
leurs énergies au soin des enfants que les femmes dont nous parlons sont
maintenant déqualifiées face au marché du travail. Nous
songeons ici plus particulièrement aux femmes de 45 ou 50 ans qui,
après avoir donné le meilleur d'elles-mêmes pour
élever une famille, doivent soudainement se trouver un emploi, un
travail rémunéré et, si elles n'y parviennent pas,
être pénalisées et culpabilisées.
Les questions soulevées dans le cadre de la réforme de
l'aide sociale sont fondamentales. Quel projet de société
allons-nous désormais privilégier? Allons-nous faire preuve de
solidarité sociale et envisager des solutions respectueuses de ces
femmes, de leur contribution passée et actuelle à la
société ou allons-nous, au contraire, pénaliser davantage
les femmes les plus pauvres, celles qui ont le moins
bénéficié jusqu'à maintenant des minces acquis de
nos luttes pour le droit à une réelle autonomie
financière? Une telle orientation équivaudrait à
établir carrément deux catégories de femmes, celles pour
qui le droit au travail commence à prendre uni sens et pour qui le choix
de travailler à l'extérieur ou de se consacrer aux enfants
commence à se concrétiser, et les autres, les femmes pauvres et
moins scolarisées qui, avant même d'avoir pu connaître le
droit véritable au travail, s'y voient contraintes quelles que soient
leurs conditions.
Nous ne pouvons accepter de voir ainsi trahies nos revendications pour
l'accès au travail. Nous avons toujours réclamé la mise en
place de conditions permettant à toutes les femmes de mieux concilier
travail et maternité. Nous voulons voir progresser la mise en place de
telles conditions afin que de moins en moins de femmes n'aient d'autre option
que l'aide sociale pour assurer leur survie. Nous n'acceptons pas cependant que
celles qui ont maintenant à composer avec cette situation soient
aujourd'hui stigmatisées et identifiées comme une charge pour
l'État, et que l'on passe sous silence ou banalise le fait qu'elles sont
aussi des chargées d'enfants. Nous croyons que seule une attitude de
solidarité et de soutien est digne d'une société qui se
respecte.
Nous allons maintenant aborder rapidement les pratiques que nous voyons
se développer face aux femmes bénéficiaires de l'aide
sociale. J'entendais M. Paradis faire état du fait qu'il fallait
reconnaître que la situation n'est pas facile pour les assistés
sociaux en démarche de retour au travail. Malheureusement, dans les
derniers mois, on a entendu beaucoup de commentaires, par les médias,
laissant entendre, au contraire, qu'un bon nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale préfèrent
dépendre des prestations de l'État plutôt que de faire
l'effort de gagner leur vie. Or, de notre côté, on est en contact
tous les jours avec un grand nombre de femmes en démarche de retour au
travail et les intervenants que nous représentons les accompagnent et
les soutiennent, et on sait qu'elles doivent lutter quotidiennement pour
acquérir leur autonomie et la garder.
On est en mesure de constater les effets chez nos clientes de cette
véritable campagne de discrédit dont elles sont victimes depuis
la dernière année. On est témoin de la réaction aux
enquêtes à domicile et à l'accroissement des diverses
mesures de contrôle. IL y a un climat de peur créé par les
enquêtes à domicile. De plus, l'annonce des mesures coercitives
envers les assistés sociaux aptes au travail de même que des
pressions directes sur les bénéficiaires sont des facteurs qui
contribuent à développer anxiété et panique.
Certaines femmes se sentent littéralement piégées. Elles
réagissent en se lançant dans n'importe quoi pour prouver leur
bonne volonté: stages, programmes de formation sans démarche
d'orientation sérieuse, recherche d'emploi à l'aveuglette.
À notre point de vue, exercer de telles pressions relève d'une
approche du problème aussi irréaliste que méprisante et ne
contribue en rien à aider la bénéficiaire dans son
cheminement de prise en charge.
Toutes les femmes que nous voyons se présentent à nos
bureaux animées par le même espoir. Elles ne veulent plus avoir
à dépendre financièrement de l'état comme elles ont
dû dépendre d'un mari par le passé. Ce qu'elles viennent
chercher chez nous, et nous voulons insister là-dessus, c'est non pas la
volonté ou la motivation, mais bien des moyens de parvenir à
l'autonomie financière et à une meilleure qualité de vie
pour elles et pour leurs enfants.
La notion même des barèmes incitatifs élimine
malheureusement toute illusion quant à l'axe choisi pour intervenir sur
ce problème social qu'est la pauvreté des femmes. En fait, le
gouvernement choisit de les appauvrir davantage en présumant que
cette détérioration de leurs conditions deviendra un facteur
unique de motivation au travail.
Les barèmes actuels sont déjà insuffisants et en
deçà des besoins réels des bénéficiaires.
L'extrême pauvreté des femmes chefs de famille,
bénéficiaires de l'aide sociale, a été maintes fois
démontrée. Dire que l'aide sociale puisse représenter un
quelconque attrait démontre un éloignement et un manque de
connaissance des moyens économiques réels des
bénéficiaires de l'aide sociale. II ne faut jamais avoir eu
l'occasion de vivre et de faire vivre deux enfants avec un revenu de 725 $ par
mois pour tenir un semblable discours.
Or, une simple comparaison entre la situation qui prévalait
jusqu'à maintenant et les nouveaux barèmes prévus nous
amènent à faire les constats suivants en ce qui concerne les
femmes chefs de famille. La réforme prévoit un appauvrissement de
toutes les prestataires, quelle que soit leur situation familiale et quelle que
soit aussi leur situation par rapport aux différentes étapes
prévues: Neuf premiers mois, admissibles, participantes, etc.
Seulement quelques chiffres. Il est prévu qu'une femme chef de
famille ayant un enfant à charge verra sa prestation diminuer de 99 $
par mois dans les neuf premiers mois ou si elle refuse de participer, et de 24
$ par mois si elle a un enfant de moins de deux ans. Dans le cas ou elle est en
mesure de participer et décide de se prévaloir de cette
possibilité, sa prestation sera tout de même réduite de 64
$ par rapport aux conditions financières qui prévalent
jusqu'à maintenant.
Pour toutes les femmes concernées, c'est un recul dramatique de
leurs conditions de vie. Tout compte fait, cette réduction de la
prestation de base pour toutes les bénéficiaires vient annuler
les effets positifs qu'aurait pu avoir I'augmentation des gains admissibles de
travail sur tes conditions de vie des bénéficiaires.
Pour illustrer notre propos, il y a ici un petit tableau qui montre le
très mince écart qui existe, une très mince
amélioration du droit de gagner. C'est pourquoi la majoration des gains
admissibles ne doit pas servir à justifier la baisse de la prestation de
base.
Finalement, de telles mesures ne laissent aux
bénéficiaires qu'une seule porte de sortie pour ne pas voir se
détériorer davantage leurs conditions déjà fort
précaires de survie: Trouver un emploi au salaire minimum et ce le plus
rapidement possible, quelles que soient les conséquences et même
si cette porte peut être en réalité un cul-de-sac, et cela,
à la condition évidemment que de tels emplois existent en nombre
suffisant.
Au-delà des beaux discours, la stratégie gouvernementale
se révèle crûment appauvrir les bénéficiaires
et les rendre responsables advenant un échec. Le gouvernement pourra
toujours affirmer ensuite quelle était capable mais n'a pas suffisamment
voulu. En effet, n'est-elle pas responsable de tout ce qui lui arrive? De son
mariage? Des années passées auprès des enfants? De sa
déqualification? Du chômage qui fait obstacle à sa
réinsertion? Et pourquoi pas maintenant, responsable de son échec
à cumuler la double tâche d'élever ses enfants et de
travailler dans des conditions difficiles?
Nous l'avons déjà dit, maintenir une telle orientation
conduit à pénaliser finalement celles qui paient
déjà très cher les règles du jeu qui ont
prévalu jusqu'à maintenant à l'égard des femmes,
règles du jeu discriminatoires qui persistent d ailleurs aujourd
hui.
Nous croyons que, fondée sur l'appauvrissement des
bénéficiaires, la réforme risque finalement de consacrer
un double mépris. Mépris des femmes en tant que mères
mépris des femmes en tant que travailleuses.
Le Président (M. Bélanger): Mme Barbeau je m'excuse
Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît, vos 20 minutes sont
écoulées.
Mme Barbeau: Combien de temps me laissez-vous pour conclure?
Le Président (M. Bélanger): À moins qu'il y
ait consentement.
Mme Barbeau: Je peux faire l'effort de résumer rapidement.
J'aimerais juste savoir combien de temps.
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous avons un
consentement. S'il vous plaît continuez.
Mme Barbeau: D'accord. Comment expliquer autrement le fait que
les femmes reconnues non disponibles parce que chargées d'enfants de
moins de deux ans devraient vivre avec des prestations très
inférieures à celles prévues pour les personnes inaptes?
On dit que ces femmes ont les mêmes besoins, qu'on ne doit pas nier
I'utilité sociale de cette fonction en réduisant leurs
prestations. On se pose la question. Sommes nous sur la voie, en tant que
société, de considérer les enfants comme un bien de
consommation réservé à ceux qui en ont les moyens? Nous
réitérons la nécessité de maintenir la notion de
besoin comme seul critère prévalant à I octroi d une
subvention.
Par ailleurs on constate que le gouvernement se prépare à
décréter apte et disponible toute femme dont les enfants ont
atteint deux ans et considérée en bonne santé physique et
mentale. Nous croyons qu'une telle mesure banalise le problème des
femmes face au marché du travail. L'État intervient actuellement
vis-à-vis des femmes bénéficiaires de laide sociale comme
si la société venait de subir ces derniers mois, une
transformation aussi radicale que
subite en ce qui concerne la responsabilité des enfants et que
c'est sereines et dégagées que les femmes devraient maintenant
envisager leur retour au travail. Nous croyons qu'il faut revenir sur terre et
que ce n'est pas parce que, dans les livres d'école, Yves fait
maintenant la vaisselle que les femmes ont conquis les moyens d'être
autonomes dans la vraie vie.
Par exemple, le fait qu'il n'existe aucun service de garde
subventionné pour les enfants d'âge scolaire pendant toute la
période estivale - on se fait répondre: En été, on
est au chalet - est un exemple parmi d'autres que, finalement, la
responsabilité des enfants est perçue comme la
responsabilité individuelle de chaque femme. Reconquérir sa place
sur le marché du travail après plusieurs années d'absence
est un défi de taille puisqu'il! s'agit d'établir un
équilibre fragile entre deux réalités contradictoires dans
le contexte social | actuel. Les femmes dont nous parlons élèvent
leurs enfants dans des conditions difficiles et elles doivent affronter un
marché du travail fermé et Inadapté à leurs
responsabilités parentales.
L'établissement d'un réseau de services de garde de
qualité adapté aux besoins des familles à coût
accessible est un prérequis à la participation des femmes au
marché du travail de même qu'à des changements importants
dans l'organisation du travail lui-même. Banaliser te problème et
réduire les solutions aux mesures du programme APPORT,
c'est-à-dire combler une partie du déficit en intervenant sur une
partie des frais de garde, c'est bien loin des interventions exigées
pour permettre un accès véritable au travail. Nous croyons que
forcer un retour au travail en contraignant les femmes à une plus grande
pauvreté, ce n'est pas une intervention réaliste, efficace et
rentable. Une telle orientation fait preuve d'une grande méconnaissance
|de ta problématique dont il est question, et nous croyons - c'est le
pire - que cela risque de conduire à des échecs.
Je vais aller rapidement sur certaines mesures. Les neuf premiers mois.
Ce qu'on a à en dire principalement dans le cas de la clientèle
qui nous concerne, c'est que pour les femmes chefs de famille, s'il y a une
période qui 'est une période difficile, c'est bien le premier
mois après la séparation. Or, cela nous apparaît
inapproprié de profiter de cette période pour les appauvrir
davantage. Même dans l'hypothèse où les femmes de cette
catégorie pouvaient ne pas avoir à vivre cette espèce de
purgatoire et avoir finalement la possibilité de participer
immédiatement, on croit, d'après notre expertise avec ces femmes,
| que le fait de participer pour éviter de crever de faim n'est pas une
garantie de succès. (16 h 45)
Les femmes avec qui on travaille visent un retour définitif sur
le marché régulier du travail. Elles pensent à leur
avenir. Elles planifient les 20 ou 30 prochaines années. C'est dans ce
sens qu'elles nous parlent. Elles ne veulent pas retomber dans le piège
de la dépendance financière dans trois mois ou dans un an. C'est
pourquoi nous attachons tant d'importance à l'exploration avec la
cliente de l'ensemble de sa problématique afin qu'elle puisse
évaluer ses capacités tant physiques que psychologiques et
choisir le bon moment pour effectuer la transition entre le foyer et le
marché du travail afin de faire de sa démarche un succès.
Une démarche volontaire est, à notre avis, la base d'une
démarche réussie. De plus, cette démarche doit pouvoir
bénéficier d'un soutien financier adéquat, s'appuyer sur
des services de qualité, permettant à cette clientèle de
faire la transition entre le foyer et le marché du travail.
Nous sommes d'accord, nous l'avons déjà mentionné,
avec la mise en place de programmes de formation et d'employabilité. Le
problème de déqualification des femmes en regard des exigences
accrues du marché du travail est réel et il est urgent de le
solutionner. Les femmes visent, par le travail, à améliorer leurs
conditions de vie.
En tant qu'intervenantes, nous savons qu'un tel travail doit pouvoir non
seulement leur apporter un salaire décent mais être conciliable
avec leur réalité parentale en termes d'horaire, de transport et
de conditions générales. Dans ce sens, il n'y a pas de place,
à mon avis, pour pénaliser des femmes qui auraient refusé
supposément un emploi dit rémunérateur. Il est
Indispensable que tes programmes d'employabilité soient centrés
sur un objectif de soutien et non de coercition et ce, au nom même de
l'objectif qu'on poursuit.
La formation à laquelle les femmes ont droit est une formation
polyvalente et qualifiante. Elles ne doivent pas encore une fois être
amenées à se contenter d'emplois précaires, peu
rémunérés et perpétuant la "sexisation" des
emplois.
Les programmes de rattrapage scolaire et de retour aux études
répondent en partie à ces exigences. Nous en souhaitons le
maintien et la bonification. Nous souhaitons aussi que cesse ta confusion entre
des mesures d'accès au travail, d'employabilité et des
activités occupationnelles de tout ordre.
Ainsi, parmi les mesures visant à améliorer
l'employabiiité, on retrouve dans le document: les travaux
communautaires, les stages en entreprise et même le "grant diversion" qui
consiste carrément à accomplir un travail en échange de sa
prestation.
De notre côté, nous nous opposons à toute forme
d'utilisation des énergies de travail de type occupationnel qui, tout
compte fait, ne permet pas l'insertion sur le marché régulier du
travail dans des conditions normales et dignes. Déjà, les
exemples sont nombreux de cette forme d'utilisation qui finalement ne sert
qu'à combler des vides là où de vrais salaires devraient
être versés pour le travail accompli. On a aussi une question
à vous poser sur le fait qu'il n'est pas
mentionné dans te document qu'il y a maintien des frais de garde
à 100 % pendant la durée de ta participation au programme.
En ce qui concerne le programme APPORT, on a fait de nombreuses
démarches pour tenter d'avoir les chiffres, d'avoir les tableaux,
à tous les niveaux autant local que régional pour tenter de faire
des simulations qui nous auraient permis d'avoir une appréciation juste,
et on le déplore.
Toutefois, on pensé que, pour la clientèle dont il est
question, il y a une certaine amélioration de la situation. Cependant,
notre réserve se situe sur le point suivant: on ne voudrait pas qu'un
tel programme serve à consacrer et à légitimer l'embauche
des femmes au salaire minimum. Celles-ci représentent déjà
un pourcentage important des travailleurs au bas de l'échelle. Le
programme APPORT, en l'absence de mesures sérieuses pour transformer le
rapport des femmes au marché du travail, ne pourrait que consolider
cette discrimination.
Nous croyons que ce programme, en créant un grand bassin de
main-d'oeuvre à bon marché, soit surtout malheureusement un
cadeau fait à l'employeur qui légitimera le maintien des salaires
au plus bas niveau possible et le salaire minimum à son niveau actuel.
C'est ce que nous craignons.
Vous avez ici les recommandations. Nous n'avons pas à les
relire.
Rapidement, en conclusion. Certains faits constatés par le
gouvernement sont indiscutables: 1- Le nombre de bénéficiaires de
l'aide sociale a augmenté de façon dramatique; 2- Toute
société respectueuse des droits humains doit fournir à ses
citoyens la possibilité de retrouver un emploi
rémunérateur. Cependant, les moyens proposés afin de
fournir des emplois et réduire le nombre des bénéficiaires
sont des plus discutables.
Je vais passer rapidement à la conclusion. On conclut en citant
le texte ministériel: "La création d'emplois demeurera toujours
le meilleur moyen de permettre aux bénéficiaires de l'aide
sociale d'accéder au marché du travail ou d'y revenir. "
Nous souhaitons, mesdames et messieurs les commissaires, que nos
recommandations contribuent à enrichir vos réflexions et nous
vous remercions de la considération que vous leur accorderez. Je vous
remercie pour te temps supplémentaire.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, Mme Barbeau. Il
restera quinze minutes de chaque côté. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, peut-être pour
s'assurer que les règles de la joute sont clairement établies, le
consentement de Mme la députée de Maisonneuve à ce que Mme
la ministre déléguée à la Condition féminine
puisse intervenir, s'il y a lieu.
Mme Harel: Certainement, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci.
Mme Harel: Je réitère que la présence du
ministre délégué à la famille serait utile pour
qu'il nous explique en quoi c'est là une politique familiale.
Le Président (M. Baril): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'organisme de son
mémoire, de sa présentation. Vous êtes reconnues pour
être un organisme qui adresse des recommandations progressives et
sérieuses au gouvernement. Mais vous êtes surtout reconnues pour
être des gens tenaces, et nous en tenons compte également.
Vous vous montrez d'accord avec quelques-uns des éléments
ou quelques-unes des propositions mises de l'avant comme les mesures
reliées à l'augmentation des barèmes du programme Soutien
financier dans votre mémoire. La nouvelle définition du conjoint
de fait, vous n'en avez pas parlé, mais dans votre mémoire on
retrouve, sans que ce soit complètement satisfaisant, une certaine
amélioration. Vous avez parié des gains de travail admissibles et
la mise en place de programmes de formation et de développement de
l'employabilité.
Mais je veux commencer avec vous comme je le fais partout maintenant -
surtout que Mme la députée de Maisonneuve me l'a reproché;
je pense que c'est peut-être la meilleure façon de commencer - en
essayant de définir quelle est la clientèle à laquelle
s'adresse la politique de sécurité du revenu justement pour
peut-être en changer l'image qui a été
véhiculée.
Sur 400 000 ménages, il y a à peu près 10 000
ménages considérés admissibles au Soutien financier,
c'est-à-dire pour de longues périodes de leur vie, ces personnes
ne peuvent subvenir à leurs propres besoins. Parmi les autres 300 000
ménages, vous avez les caractéristiques suivantes: 36 % sont des
analphabètes fonctionnels; 60 % n'ont pas complété leur
cours secondaire; 40 % n'ont aucune expérience de travail
antérieure.
Dans ces cas, même si la personne veut s'en sortir, elle a des
difficultés quasi insurmontables pour s'en sortir et les gouvernements
qui les ont laissés ou abandonnés dans cet état de fait en
leur envoyant un chèque mensuel pour se faire une bonne conscience n'ont
peut-être pas emprunté la bonne voie, et il y a lieu de regarder
s'il n'y a pas d'autres voies à emprunter. Cela rejoint les propos de
Mme Robert sur des emplois pour tous les travailleurs de bonne
volonté.
J'ai peut-être trouvé, dans un éditorial du Devoir
du 16 décembre 1987, une réponse intéressante à la
problématique que vous soulevez et qui a été
soulevée par d'autres groupes concernant la note sur laquelle vous avez
fini, tirée du document "Pour une politique de sécurité
du
revenu" qui traite de création d'emplois et de son importance.
C'est un éditorial de Jean Francoeur. II termine comme suit: "Toutes les
mesures envisagées - rattrapage scolaire, travaux communautaires, stages
en milieu de travail, subvention à l'emploi - ne peuvent remplacer un
véritable programme de création d'emplois. " II répond:
"Réponse fort juste. Mais ces mesures n'en constituent pas moins une des
composantes essentielles d'une politique de plein emploi. Elles pourraient
même en être le fondement. "Certains craignent que la suite de
l'application de ces mesures, le travail des uns ne provoque le chômage
des autres, étant donné ie nombre limité des emplois
disponibles. C'est une fausse perception contre laquelle un Alfred Sauvy, par
exemple, aura lutté pendant toute sa vie. C'est le travail qui
crée le travail. Toute autre proposition serait absurde. Ce serait dire:
Moins les gens travaillent, plus il y a d'emplois. L'activité
économique repose sur la production et l'échange de biens et
services. Aussi est-ce plutôt le chômage des uns qui crée le
chômage des autres. "Tel est le cercle vicieux qu'il faut briser. En ce
sens, la réforme de l'aide sociale représente, en son principe,
une mesure progressive. " Fin de la citation
Qu'est-ce qui s'est passé sur le marché de l'emploi au
cours de la dernière année au Québec? 122 000 emplois de
plus de janvier à janvier. Parmi ces 122 000 emplois, seulement 5000
à temps partiel, 116 000 à temps plein.
Comme vous représentez particulièrement
l'élément féminin au dossier, entre autres, je vous
citerai un passage de l'a revue publiée par le ministère du
Travail, l'autre ministère dont j'assume la responsabilité. Le
marché du travail, novembre 1987: "Situation selon l'âge et le
sexe. Selon les estimations non désaisonnalisées de Statistique
Canada, 101 000 emplois se sont ajoutés au Québec en septembre
1987 par rapport à septembre 1986, soit une croissance de 3, 5 %. Les
femmes sont les grandes gagnantes de cette progression puisqu'elles ont
accaparé 70 % des nouveaux emplois, une augmentation de 5, 9 % en regard
de 1, 8 % pour les hommes. "Les femmes de 45 à 64 ans ont connu la
hausse la plus spectaculaire avec une croissance de 13, 6 % (32 000 postes)
comparativement à la même période l'an dernier. Le groupe
des femmes de 25 à 44 ans n'est toujours pas demeuré en reste
alors qu'elles ont été 49 000, 7, 1%, à se trouver du
travail en un an. À I'opposé - je pourrais continuer - le groupe
des jeunes femmes 15-24 a accusé une perte de 12 000 emplois par rapport
au mois de septembre 1986, et les jeunes ont encaissé une chute de 1,
000. Le retour en classe explique cette décroissance de population
".
Ce n'est pas une situation qui a réglé tous les
problèmes, mais elle indique qu'il y a des progrès importants qui
se font là ou on avait tendance à croire que les progrès
étaient plus difficiles à accomplir, entre autres, pour la
catégorie d'âge que j'ai mentionnée. Je pense que vous
n'êtes pas étrangères au travail positif et aux
résultats positifs qui ont été obtenus dans la
société à cet égard.
J'aurais une série de questions à vous poser, j'ai toutes
les notes de votre intervention verbale, mais je suis également
limité à quinze minutes. J'avais préparé, à
chacune des pages de votre mémoire, des questions, entre autres, qui
touchaient la définition d'apte et d'inapte, la question du
critère de non-disponibilité. Vous avez mentionné,
à un moment donné, que toutes les femmes chefs de famille
monoparentale, dans quelque situation, en quelque circonstance que ce soit, se
retrouvent perdantes. Cela m'a un peu estomaqué d'entendre cela, parce
qu'on m'a convaincu à tort ou à raison que pour le programme
Soutien financier elles étaient toutes gagnantes; que pour le programme
APPORT, lorsqu'il y a un enfant, elles sont toutes gagnantes et que, dans le
cas du programme APTE, iI y avait même des gagnantes. Même dans le
cas du barème de non-disponibilité, on m'avait donné un
exemple.
Mme Barbeau: Pour la personne non disponible, je suis d'accord
avec vous. La catégorie qui est appauvrie, c'est la catégorie des
femmes classées dans les aptes au travail. Elles perdent, si on compare
avec la situation qui prévaut aujourd'hui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends donc que votre
affirmation signifie que toutes les femmes classées dans la
catégorie des aptes, selon vous, perdent en toute circonstance. Ce ne
sont pas les représentations que m'ont faites mes fonctionnaires. Vous
avez même donné un exemple dans votre mémoire sur la
question du critère de non-disponibilité que nous sommes à
étudier présentement. Je regarde le cas du barème non
disponible, monoparentale, un enfant, et vous avez raison, l'écart est
de -24, mais si je regarde le cas de monoparentale, deux enfants,
l'écart est de +22. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de
réaménagement, mais se faire dire qu'en toute circonstance, qu'en
toute occasion, cela devient inquiétant pour un ministre qui est
supposé avoir des experts à sa disposition, et I'entendre d'un
groupe d'expertes comme le vôtre. Je pense que je vais vous
suggérer de rencontrer mes supposés experts pour qu'on parle des
mêmes chiffres quant au programme APTE. Si vous avez raison - ce ne sont
pas les représentations qui mont été faites et les
chiffres qui m'ont été fournis comme ministre - des
décisions importantes devront être prises. Je vous lance
ouvertement I'invitation de vous asseoir avec mes experts pour qu on compare
ces chiffres.
Mme Barbeau: Globalement, honnêtement, on vous écrit
un mémoire pour vous donner un point de vue global. II y a un
appauvrissement global.
M. Paradis (Brome-MissEsquoi): C'est encore pire. Vous m'avez dit
dans toute circonstance, etc.
Mme Barbeau: En ce qui concerne les personnes aptes au travail,
la différence entre la situation qui prévaut actuellement, c'est
que, globalement, il y a plus de femmes qui perdent que de femmes qui
gagnent
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je demande à vous croire.
J'ai des chiffres qui me sont présentés par le CIAFT, j'ai des
chiffres qui me sont présentés par des économistes du
ministère de la . Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu et qui ont été vérifiés par des
économistes du ministère des Finances. Il y a contradiction entre
les chiffres - et je ne suis pas un économiste de formation - mais
globalement, s'il y a perte, il y aura des corrections apportées. (17
heures)
Mme Barbeau: Est-ce qu'il n'y a pas une perte de 99 $ par mois
pour la famille 99 $ par mois?
Mme Harel: Avec un enfant de plus de deux ans, et qui refuse de
participer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De plus de deux ans... Je veux
m'assurer que ce que vous dites - dans toutes les circonstances et dans tous
les cas, il y a perte - c'est faux, et qu'il y a plus de gains que de pertes.
Globalement, parce qu'on va oublier les particularités, qu'il y a plus
de pertes que de gains, je veux m'assurer que cette prétention n'est pas
exacte. Sinon, je vous dis que les correctifs appropriés vont être
apportés, mais je n'ai pas l'impression que vous vous appuyez sur la
même base. Maintenant, si vous vous rencontrez, vous allez être en
mesure, soit de maintenir ces affirmations, soit de les corriger. Je demande
une chose, comme ministre: la vérité afin de prendre les
meilleures décisions possible.
Mme Leduc: Sans vouloir faire de particularités, M.
Paradis, le seul cas, c'est 22 $ et je ne sais pas pourquoi on ne l'a pas
mentionné là. On a un barème et un tableau et il y a un
cas où ta femme a plus, c'est la somme de 22 $. Il n'y en pas d'autre
ailleurs. Alors, cela, c'est une particularité. C'est la seule.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est vraiment la seule dans
l'ensemble du programme ou de la politique de sécurité du revenu,
le programme coûte suffisamment cher pour que j'aie des questions
très spéciales à adresser à ces fonctionnaires.
Vous avez répondu favorablement à l'invitation que je vous ai
lancée. Je vais mettre les économistes à votre
disposition. Ce que je tiens à avoir, c'est la vérité sur
ces chiffres et je ne le ferais pas si je rejetais vos chiffres. Je ne les
rejette pas. Je ne rejette pas ceux des fonctionnaires. Je vous dis: Allez vous
asseoir ensemble et vérifiez si vous pouvez m'apporter une
réponse unique sur des chiffres.
Mme Leduc: Avec plaisir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne les frais de
garde. En page 21 de votre mémoire, vous dites: "Le document
d'orientation ne fait aucunement mention du maintien du remboursement des frais
de garde pendant la durée de la participation aux programmes. S'agit-il
d'un oubli?" Je m'en confesse. Il s'agit d'un oubli. C'est là.
Mme Leduc: Est-ce que cela va être corrigé?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, l'oubli va être
corrigé. Vous êtes d'une prudence légendaire. Oui, cela va
être corrigé.
À la page 24 de votre mémoire, le droit à la
prestation mensuelle lors du mois du retour au travail et du mois suivant,
comme c'est le cas actuellement. Il s'agit d'un autre oubli qui va être
corrigé.
À la page 25 de votre mémoire, le maintien et la
bonification des programmes de formation à l'intention des femmes chefs
de famille monoparentale, service d'orientation: éliminer le
critère de deux ans de présence à l'aide sociale pour le
rattrapage scolaire. Le critère sera éliminé.
Mme Barbeau: Au niveau postsecondaire aussi? Même au niveau
de la poursuite des études postsecondaires? C'est cela le point.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Ma réponse vaut pour
le rattrapage scolaire jusqu'au secondaire. Laissez-moi vérifier pour
les études postsecondaires. Je ne voudrais pas gaver Mme la
députée de Maisonneuve de trop de bonnes nouvelles la même
journée. Je prends la question en réserve. Je vous indique que
c'est le cas jusqu'à la fin des études secondaires. Quant aux
études postsecondaires, nous évaluons.
À la page 25, une réforme de la fiscalité
orientée pour soulager les petits salariés du fardeau fiscal. Je
ne peux pas vous annoncer de réforme de fiscalité. Mon rôle
de ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne me
le permet pas. Je vous dirai cependant que toute cette politique a
été amplement discutée au ministère des Finances
avec les hauts fonctionnaires et avec le ministre concerné. Je vous
indique également que le dernier budget du gouvernement du Québec
a annoncé un important programme de réduction d'Impôt pour
les familles avec enfants, qui équivaut à 171 000 000 $ en
1989-1990. Vous parlez du salaire minimum, etc. On m'indique qu'il me reste
deux minutes. Comme je veux en profiter pour vous remercier à la toute
fin, je vais céder immédiatement la parole
à Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, vous savez que, quand on cite
des éditoriaux - et on peut en citer - II arrive parfois et assez
fréquemment que le même éditorialiste, sans que ce soit
dans le même texte, mais un peu plus tard, puisse se poser des questions.
Vous citiez Jean Francoeur dans Le Devoir, d'avant Noël. En février
dernier, vous voyez qu'il avait déjà cheminé parce qu'il
écrivait: "Cela dit, la mise en oeuvre d'une telle réforme
soulève de multiples questions qui nécessitent un long
débat public. Il serait hasardeux d'en prévoir le terme car, qui
sait, te projet pourrait se révéler impraticable. " Et je ne cite
pas... Bien oui, pourquoi pas? Ce matin même, l'éditorialiste du
Soleil, faisant écho aux préoccupations
démographiques des délégués au congrès du
Parti libéral de la fin de semaine, écrit: "Aux ministres
maintenant d'en tenir compte dans leurs politiques sectorielles mieux que ne
l'a fait Pierre Paradis dans son projet de réforme de l'aide sociale. "
C'est simplement pour sa réflexion. On commence la semaine. Ainsi, on
commence du bon pied. |
C'est sans doute ce qui maintenant peut nous permettre de vous poser la
question de fond. Cette question, vous l'exprimiez sous! forme d'un
désaccord total avec la remise en question du principe d'une prestation
selon la notion de besoins. J'aimerais vous entendre là-dessus. Je dois
comprendre que vous écartez la catégorie des aptes et inaptes,
disponibles et non disponibles, et autres, mais vous êtes par jailleurs
favorables, vous l'avez dit dans le passé et vous le
répétez, à des programmes d'employabilité. Comment
les harmonisez-vous? C'est-à-dire en priorisant des clientèles.
Lesquelles? Mais si je comprends bien, non pas en réduisant les
barèmes de prestations. Essentiellement, que les catégories ne
donnent pas lieu à des réductions à la baisse, je vous
laisse vous expliquer là-dessus.
Votre position est extrêmement articulée sur la question
des responsabilités parentales dévolues encore aux femmes dans
notre société. Vous nous donnez le plus bel exemple, celui de
l'absence totale de garde dans le milieu scolaire pendant l'été.
Je pense bien que la question se pose: Que deviendront les enfants de ces
femmes qui participeront aux mesures justement en considérant qu'il n'y
a aucun service, même pour les journées pédagogiques?
Aujourd'hui même, ma fille est en journée pédagogique et je
me disais: Heureusement qu'elle a douze ans, parce qu'il n'y aurait aucun
service qui lui serait offert. Là-dessus, vous êtes on ne peut
plus, disons, démonstratives et également convaincantes.
La question que je veux vous poser est en regard des politiques
familiales. Vous avez, depuis la création du CIAFT, été
connues pour la promotion de l'égalité des femmes sur le
marché de l'emploi, pour l'accès à des emplois non
traditionnels, et vous posez une question assez fondamentale à la page
15 de votre mémoire:
Sommes-nous en train de considérer les enfants comme un bien de
consommation réservé à ceux qui en ont tes moyens? Vous
savez, c'est une question assez tragique, d'une certaine façon, d'avoir
à la poser. J'aimerais vous entendre sur cette question, ce que' vous
concevez, ce qu'est votre philosophie en matière de politique
familiale.
Mme Barbeau: C'est une grande question. Notre réflexion,
c'est cela, et je pense que c'est un aspect de fond qu'on a voulu faire
ressortir aujourd'hui. Le problème des femmes par rapport au
marché du travail est loin d'être solutionné. Tout à
l'heure, M. Paradis mentionnait des chiffres qui faisaient état d'un
certain nombre d'emplois créés. Quand on parle d'une banalisation
de ce que représente la charge d'enfants pour les femmes dans notre
société, c'est un peu se faire donner ce genre de réponse:
On les paie, les frais de garde; il y a une subvention; il y a un certain
nombre d'emplois. Mais c'est toute la complexité de ce que veut dire
avoir la pleine responsabilité d'un enfant, de deux enfants ou de trois
enfants, et avoir à composer avec un marché du travail encore
fermé.
Quand on parle d'une politique qui irait dans le sens d'une politique
familiale, on parle d'offrir aux femmes des conditions pour qu'elles puissent
avoir un véritable accès au travail, ce qui n'est pas le cas
actuellement. Des exemples, on en a, des offres d'emplois comme celles dont
vous parliez. L'emploi est offert à Pointe-Claire ou à la ville
de Saint-Laurent, alors que notre cliente habite dans le quartier
Hochelaga-Maisonneuve et a deux garderies à fréquenter le matin
avant de se rendre au travail. La cliente n'a pas de voiture, n'a pas de
soutien pour exercer cette double fonction. On ne peut parier d'un accès
au travail qui est gagné, d'une possibilité d'avoir accès
au travail.
Mme Harel: Vous avez parlé de votre crainte des faux
départs.
Mme Barbeau: Oui, et on en a; on en a vu et, quand les femmes
viennent nous voir dans nos services, c'est parce qu'elles ne veulent plus
revivre des situations semblables. Il y a un exemple que j'aimerais soulever.
On parlait de la situation des femmes durant les neuf premiers mois
après leur séparation; je travaille actuellement avec une cliente
qui s'est lancée dans une démarche de retour au travail
après deux mois de séparation. Ce que cette femme va avoir
à vivre durant la première semaine de son retour au travail,
c'est un déménagement, parce que la résidence familiale
sera vendue au profit du mari, ia maison étant à son nom. Il y a
donc recherche de logement, vente de ia maison, procédure à
compléter en cour pour essayer d'obtenir une pension alimentaire un peu
plus substantielle, et elle commence à travailler à peu
près dans la première semaine à Repentigny. Donc,
double
transport, 100 $ additionnels, et elle n'a pas de voiture, madame.
Mme Harel: Les enfants ne sont pas malades?
Mme Barbeau: Heureusement que les enfants ne sont pas malades,
heureusement qu'il n'y a pas d'autres problèmes du type
délinquance des enfants ou que madame a une résistance nerveuse
hors de l'ordinaire. Mais, comme je le disais à mes compagnes avant de
venir, je croise mes doigts pour que cette résistance nerveuse ne craque
pas. S'il y a échec, que fa femme dit un bon matin: Je ne suis plus
capable et qu'elle retourne à la case de départ avec le montant
de prestations alloué dans le cas où on a refusé ou admis
son incapacité, c'est un exemple où on a pénalisé
quelqu'un qui faisait pourtant preuve de toute la bonne volonté et..
Mme Harel: De courage.
Mme Barbeau:... d'un grand courage.
Mme Harel: Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
On a si peu de temps. Voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Barbeau: Je voulais juste réagir un peu sur la notion
de besoins. Dans les chiffres que M. Paradis nous a donnés
décrivant la situation des personnes bénéficiant de l'aide
sociale, analphabètes, cours secondaire pas complété, sans
expérience, on est bien d'accord avec les mesures
d'employabilité, on l'a toujours dit. On n'est pas d'accord avec le
principe que ces mesures d'employabilité, si les gens n'en profitent
pas, soient sanctionnées par une diminution de barème quand on
sait que les barèmes sont déjà insuffisants pour faire
vivre les gens. On n'est pas d'accord non plus avec la mesure... Pour nous,
à ce moment-là, ce n'est plus volontaire. On veut que les femmes
puissent participer à ces mesures de façon plus volontaire pour
éviter des situations d'échec, etc. C'est dans ce sens qu'on est
d'accord; on sait que les gens en ont besoin, pour une bonne partie, mais c'est
avec la façon d'appliquer ces mesures qu'on n'est pas d'accord.
Mme Harel: Tantôt, vous avez mentionné dans votre
mémoire, et le ministre l'a repris, vos nombreuses tentatives pour avoir
accès à des chiffres et à des tableaux. Il vous a
proposé... Je le lis même dans votre mémoire: Malgré
nos nombreuses tentatives d'avoir accès aux tableaux et chiffres, aucune
des instances gouvernementales concernées n'a été en
mesure, jusqu'à maintenant, de nous fournir les informations
pertinentes. Quand j'ai lu cela, cela m'a un peu consolée parce que je
me suis dit: Je ne suis pas toute seule, enfin, dans les mêmes
conditions. Vous disiez: Mais c'est essentiellement sur le programme APPORT. Le
ministre vous propose un comité auprès duquel vous pourriez aller
chercher toute l'Information et vérifier vos chiffres quant aux
barèmes de l'aide sociale. Doit-on comprendre qu'il s'agit
également de vous donner toute l'information pertinente concernant le
programme APPORT? Également?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous le demandez. (17 h 15)
Mme Harel: Voyez-vous, le demander, M. le ministre... Est-ce
qu'on pourrait, à ce moment-là, examiner... Vous pensez, et c'est
ce que vous dites dans votre mémoire - vous le souhaitez, je pense, mais
vous n'avez pas encore d'élément concret - que le programme
APPORT sera bénéfique pour les femmes qui y participeront. Il
faut quand même se rappeler ce que faisait le Conseil canadien de
développement social. Il s'adressera à peine à 10 % des
familles à faible revenu, selon l'évaluation du conseil, mais
j'ai pu obtenir les chiffres du ministère des Finances qui nous
permettent de connaître les taux d'imposition implicites de taxation,
lorsque le revenu disponible augmente un peu en regard de l'aide sociale.
Là, on se rend compte, avec le programme APPORT, avec l'harmonisation
fiscale que nous décrit le ministre, ce que serait l'incitation au
travail, par exemple, pour une femme chef de famille monoparentale avec un
enfant de moins de six ans, avec son barème d'aide sociale en
participant aux mesures, prenons le cas le plus souhaitable selon le ministre.
Elle aurait un revenu de 9634 $ par année. En participant à des
revenus de travail de 2000 $ de plus, au total, en tout et pour tout, elle ne
va même pas chercher 65 $ de plus parce que le taux d'imposition ou, en
d'autres termes, pour chaque dollar gagné, ce qui lui est déduit
de sa prestation est de l'ordre de 96 %.
Cela me ferait plaisir de distribuer... Je ne sais pas si le ministre en
veut une copie. J'imagine que c'est certainement là où on peut
juger. Vous savez, on dit d'un discours qu'il est démagogique lorsqu'il
n'y a que les mots pour le dire sans les moyens pour le faire. Je pense que,
dans le cas qui nous intéresse, les groupes de femmes, les organismes
comme celui que vous représentez sont trop vigilants pour laisser
entendre qu'ils n'iront pas au fond des choses pour vérifier si cela
améliore ou non la qualité de vie des femmes ou si tout
simplement c'est finalement une sorte d'annulation des avantages.
Le ministre va certainement vous faire connaître ces chiffres en
participant au comité ou à la rencontre avec les
fonctionnaires.
Mme Robert: Est-ce qu'on pourrait avoir le nom de la personne
avec qui communiquer pour organiser cette rencontre où nous pourrions
avoir des chiffres?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La représentante à
la condition féminine à mon cabinet va
vous obliger en organisant cette rencontre. Il s'agit de Me Nicole
Dussault
Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre que le ministre
connaissait déjà les chiffres du taux d'imposition, du taux
marginal de taxation qui ne lui permet plus de prétendre que le revenu
des femmes chefs de famille monoparentale, en fait, d'une femme, entre autres,
avec un enfant de six ans, va s'améliorer même de quelques
centaines de dollars? Cela n'atteint même pas 100 $ avec un revenu annuel
de 2000 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que le ministre vous dit, c'est
qu'il a travaillé avec son collègue des Finances à faire
une harmonisation avec la fiscalité et harmonisation vous
découvrirez.
Mme Harel: De toute façon, je pense qu'il faut aussi... Je
ne sais pas si vous avez eu accès aux chiffres contenus dans un document
confidentiel rendu public grâce à... Ce n'est peut-être pas
un document de travail, mais il n'avait pas encore été rendu
public par le ministre. C'est un peu comme une peinture à
numéros, sa réforme, c'est-à-dire qu'il y a juste quelques
numéros et ils ne nous permettaient pas de voir tout l'ensemble. C'est
beaucoup avec les fuites d'information qu'au fur et à mesure le tableau
final nous apparaît, notamment en ce qui concerne les économies
prévisibles.
Quant à la contribution parentale et au partage du logement,
est-ce que les personnes avec qui vous travaillez, les
bénéficiaires avec qui vous travaillez seraient susceptibles
d'être victimes de ces économies que la réforme
prétend réaliser sur leurs prestations?
Mme Barbeau: Le partage du logement peut être une solution
pour plusieurs de nos clientes et, avec la réduction de leurs
prestations, cela annule l'espèce de possibilité qu'elles
essayaient de se donner d'améliorer leurs conditions.
Dans la région de Montréal, il y a un problème de
logement absolument dramatique. Ce n'est pas compliqué, le montant du
logement vient gruger la moitié de la prestation.
Mme Harel: Considérez-vous que ce n'est pas
équitable que des personnes non mariées puissent, en habitant
ensemble, réaliser une économie relative, je le conçois,
en regard des couples mariés qui, eux, voient une réduction de
leurs prestations lorsqu'il y a cohabitation? C'est là en fait
l'argumentation utilisée par le ministre pour justifier cette
réduction de 115 S pour le partage du logement
Le Président (M. Bélanger): Brièvement, s'il
vous plaît.
Mme Barbeau: On n'a pas tellement approfondi cette question, Mme
Harel. On s'est plutôt centrées sur les questions relatives
à l'accès au travail. On a regardé rapidement...
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, votre temps est écoulé,
malheureusement. Voulez-vous remercier, maintenant?
Mme Harel: Non, je vais peut-être laisser Mme la
ministre...
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, oui.
Rapidement, il reste deux minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: II ne reste que quelques minutes. Je vais
plutôt passer la parole au ministre concerné. Je verrai le groupe
à ta sortie.
Le Président (M. Bélanger): D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y aurait une question que
j'aimerais traiter à la suite des propos qui ont été tenus
et d'un énoncé qu'on retrouve dans votre mémoire, à
la page 25, sur la question du salaire minimum et des bas salariés. Les
femmes constituent 52 % de la clientèle à l'aide sociale. On sait
que la majorité également - je n'ai pas le chiffre exact devant '
moi - de notre clientèle est formée de femmes au salaire minimum.
On connaît la situation historique. Pendant cinq ans, de 1980 à
1985, Mme la députée de Maisonneuve a oublié de
suggérer à son ministre du Travail de décréter des
augmentations de salaire minimum.
Mme Harel:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On tient pour acquis que vous
dites la vérité. Depuis qu'on est au gouvernement, il y a eu deux
augmentations du salaire minimum. Il y a encore du rattrapage à faire.
Ce qui m'a inquiété tantôt dans vos propos, c'est le fait
que vous dites que les mesures d'employabilité mettraient à la
disposition du patronat, pour utiliser une expression que vous n'avez pas
utilisée mais, pour paraphraser du "cheap labor" finalement, ce qui
aurait pour conséquence une baisse de l'ensemble des salaires des bas
salariés. Nous, on prétend que le gouvernement est intervenu et
on juge quand même le gouvernement à ses actes. Je pense qu'il y a
des actes de posés. Mais des économistes me disent encore une
fois ceci: Plus on améliore l'employabilité d'une personne, plus
elle possède d'instruction et d'expérience, plus elle peut
choisir un créneau d'emploi et plus elle peut commander un revenu
élevé. Ne partagez-vous pas cette opinion?
Mme Barbeau: Jamais on a dit que le fait
de mettre en place des mesures d'employabilité, ça
viendrait augmenter les gens au salaire minimum. D'accord? Ce qu'on vous a dit
à propos des mesures d'employabilité, c'est: Attention, faites
bien la distinction entre ce qui est véritablement développer
l'employabilité et envoyer des gens occuper des emplois sans être
payés. Oui, c'est ça qui est vraiment la différence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Autrement dit,
assurez-vous du côté formation de votre mesure et non du
côté production.
Mme Barbeau: Que ce ne soit pas de l'occupationnel.
Mme Robert: Pour éviter des stages comme on en a vus, qui
étaient payés par l'aide sociale, par exemple, des travaux
communautaires où une personne pouvait travailler pour le gouvernement,
justement, à faire du classement pendant plusieurs mois et sortir de
là sans aucune expérience. Il n'y a plus personne qui engage
quelqu'un pour faire seulement du classement
Le Président (M. Bélanger): Je dois vous
interrompre, le temps est écoulé. Mme la députée de
Maisonneuve, voulez-vous remercier le groupe?
Mme Harel: Oui. Évidemment, le CIAFT fait vraiment depuis
plusieurs années un travail extrêmement utile et reconnu
d'ailleurs par l'ensemble de tous les groupes de femmes. Je pense que vos
études sont souvent reprises par la fédération des femmes,
le conseil des femmes, le regroupement des centres de femmes, les maisons
d'hébergement. C'est certainement une dimension extrêment
importante qu'il faut considérer. En vous écoutant, je pensais
justement à une chose. Puisque vous avez pu apprendre, en fait, faire
confirmer que les frais de garde pour les bénéficiaires allaient
être remboursés, il serait peut-être également utile
d'en profiter pour faire confirmer par le ministre s'il y a une durée
d'heures par semaine de prévue pour la participation à ces
mesures, comme c'était le cas auparavant. Cela n'est mentionné
nulle part dans le document d'orientation et cela pourrait ouvrir des
possibilités, par exemple, de chaînes de production de 40 heures
par semaine. Peut-être allez-vous pouvoir en profiter lorsqu'il y aura
cette rencontre avec les fonctionnaires du ministère pour faire
éclaircir la chose. Dites-vous que, si cela peut profiter à la
collectivité, j'aimerais bien que vous me transmettiez vos
informations.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
très brièvement, le temps est largement
dépassé.
M. Paradis {Brome-Missisquoi): Oui. Pour la qualité de
votre mémoire,. pour la qualité de vos interventions, pour le
travail que vous accomplissez dans la société, merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. J'invite
à ta table des témoins l'Association des médecins de CLSC
du Québec qui sera représentée par le Dr Jean Rodrigue,
par le Dr Jean-Denis Bérubé, par le Dr Véronique
Nally.
S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir
reprendre sa place pour que nous puissions continuer nos travaux, compte tenu
de l'heure. Nous avons déjà un retard très important.
Nous recevons donc à la table des témoins l'Association
des médecins de CLSC du Québec. Je vous rappelle nos
règles de procédure, Vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire. S'il peut être résumé en moins de
temps, ce sera l'idéal. Les parlementaires bénéficieront
de 40 minutes pour vous interroger sur le contenu de votre mémoire, Je
vous prierais donc d'abord de vous Identifier et, par la suite, de faire la
présentation de votre mémoire. Mais auparavant, chaque fois que
l'un d'entre vous devra ou voudra intervenir, on lui demande de bien vouloir
donner son nom, s'il vous plaît, pour les fins de la transcription du
Journal des débats. C'est dans une autre pièce. Ils ne vous
voient pas; donc, ils ne peuvent pas prendre les noms. Je vous remercie.
Association des médecins de CLSC du
Québec
M. Rodrigue (Jean): Merci. Mon nom est Jean Rodrigue. Je suis
président de l'Association des médecins de CLSC. Les gens qui
m'accompagnent sont le Dr Véronique Nally de la clinique communautaire
de Pointe-Saint-Charles et le Dr Serge Gingras qui travaille au CLSC Parc
Extension. Notre mémoire est relativement court. Compte tenu de
l'assemblée qui est ici, on préfère vous le lire parce
qu'il est concis et qu'il dit bien ce qu'on pense. Je vais donc procéder
tout de suite à la lecture.
L'Association des médecins de CLSC alertée par les
médecins de la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et ceux de
la clinique familiale de l'est a pris connaissance du document d'orientation
"Pour une politique de sécurité du revenu".
Comme omnipraticiens, nous exerçons auprès de diverses
clientèles, la plupart du temps avec d'autres professionnels du domaine
sociosanitaire, dans un constant souci de promouvoir la santé et
l'autonomie des personnes qui nous consultent. À ce titre, nous
favorisons une approche globale des problèmes de santé en
incluant les aspects physiques, psychologiques et sociaux qui y sont
attachés.
Notre pratique nous confronte quotidiennement avec la difficulté
pour les pauvres de vivre en santé. Les modifications à notre
système d'aide sociale nous apparaissent urgentes. Certains parmi nous
se sont déjà élevés, à plusieurs
reprises dans le passé, contre la discrimination par l'âge
de l'actuel régime de l'aide sociale. Nous considérons
irréalisable en 1988 l'équation: être en santé et
vivre de 170 $ par mois! C'est pourtant le lot des assistés sociaux de
moins de 30 ans, malgré l'article 45 de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne qui
assure à toute personne dans le besoin une assistance susceptible
d'assurer un niveau de vie décent.
Nous tenons à dire à cette commission qu'effectivement, la
réforme proposée modifie en profondeur notre attitude comme
société face aux pauvres. Elle le fait sous de fausses
prémisses, avec des conséquences néfastes pour la
clientèle visée et les intervenants concernés. De plus,
elle traite sommairement ou élude des éléments
importants.
Santé et pauvreté. Au-delà des modalités
énoncées, le document d'orientation se fonde sur des conceptions
erronées de la santé et, de la pauvreté et leurs
interrelations. Il nous apparaît essentiel, pour situer nos critiques, de
replacer ces notions fondamentales dans leur contexte. D'abord, la
santé. L'énoncé de politique n'aborde pas la santé
comme telle. Il limite la maladie à une altération de
l'état physique et mental en retournant à la notion
archaïque: santé = absence de maladie.
Le Conseil des affaires sociales et de la famille définit la
santé pour un individu comme la capacité de fonctionner aussi
efficacement que possible dans son milieu et de se consacrer pleinement
à son ou à ses projets. Dans un autre document du même
organisme, Sylvie Dillard présente les divers déterminants de la
santé: les déterminants biologiques; les déterminants
environnementaux; le stress que traduit le processus d'adaptation entre
l'individu et son environnement; les habitudes de vie et, finalement, le
système de soins. j
La santé apparaît donc maintenant aux experts comme un
processus dynamique dont le maintien ou la promotion repose sur une action
concertée auprès des différents déterminants
Impliqués. (17 h 30)
La pauvreté, elle, ne se limite pas à un faible pouvoir
d'achat. Elle s'accompagne d'un ensemble de privations qui ont trait aux
connaissances, au pouvoir et au confort: faible scolarité, faibles
qualifications professionnelles, risques plus grands de chômage,
logements insalubres, etc. |
Tous les experts s'entendent sur l'interaction constante entre la
santé et la pauvreté. Les personnes qui se situent dans le plus
bas quintile en termes de revenu annuel ont une augmentation de leur niveau de
stress, de leurs restrictions permanentes des activités - jusqu'à
cinq fois plus chez les hommes - et de leurs expositions a des facteurs de
risque.
Les études québécoises sur la morbidité et
la mortalité selon les classes sociales sont nombreuses. Je passe les
deux ou trois autres chapitres. Il y a plein d'autres mémoires que nous
avons lus, dont celui de la situation de ta santé publique, qui vous
donnaient tous ces détails encore plus extensivement que nous.
Jennifer O'Loughlin résume bien la question en citant Jennings:
"Les problèmes de santé des pauvres sont probablement le
résultat d'un ensemble comprenant un accès réduit et/ou un
échec à bénéficier des soins médicaux,
couplé au fait de vivre dans un environnement toxique et dangereux,
pathogène socialement, médicalement et psychologiquement. "
Pour nous, M. le ministre, la pauvreté est une altération
de la santé qui nécessite des interventions tant auprès de
l'individu qui en est affligé, que de ia société qui la
tolère.
Médicalisation de la pauvreté. Le document d'orientation
propose une vision réductrice de la pauvreté. Elle n'a que deux
causes: la maladie ou l'absence de travail. Dans l'actuel régime d'aide
sociale, tout citoyen de 30 ans et plus, quel que soit son état de
santé, a droit à une aide financière s'il se trouve dans
le besoin. Les jeunes de 18 à 30 ans, quant à eux, ont droit
à des prestations réduites, à moins qu'ils ne donnent une
preuve médicale d'inaptitude au travail. Dans la situation
présente, un jeune bénéficiaire doit être malade
pour obtenir une allocation décente.
Cette médicalisation de la pauvreté s'étendra
maintenant à tous les bénéficiaires de l'aide sociale,
sauf exception. Nous disons "sauf exception", parce qu'après 55 ans il
semble qu'on pourra être pauvre sans être malade. Tout individu
demandant de l'aide sociale devra avoir, à de multiples reprises, une
évaluation de sa santé, afin de déterminer son
employabilité, sa disponibilité, ses caractéristiques
personnelles.
Ces évaluations impliquant les professionnels de la santé,
dont les médecins, aboutiront à une catégorisation des
individus et, conséquemment, à différents niveaux de
prestations. Les bénéficiaires considérés inaptes
au travail se situeront au sommet de cette échelle.
Pour être un peu moins pauvre parmi les pauvres, iI faudra donc
être malade ou plutôt il faudra détenir un certificat de
maladie. Le document d'orientation ne s'intéresse pas au devenir de ces
malades et ne se préoccupe pas davantage des perturbations que de tels
certificats provoqueront dans la relation médecin-malade.
L'énoncé de politique ne tient pas compte des multiples
causes de la pauvreté: familiales, sociales, économiques et
culturelles. Il ne préconise aucune réforme à ces niveaux.
Pourquoi attendre la maladie pour intervenir? Nous dénonçons
cette échelle de prestations basée essentiellement sur la
présence ou non de maladies chez les bénéficiaires de
l'aide sociale.
Judiciarisation du système. Non seulement la réforme
médicalise la pauvreté, mais elle judiciarise son système
d'aide. Le gouvernement - je
cite - présume de l'employabilité et de la
disponibilité de toute personne à occuper un emploi, à
moins que son inaptitude au travail ou sa non-disponibilité temporaire
soit démontrée".
Tout citoyen dans le besoin qui se juge inapte au travail aurait donc
l'obligation légale de le prouver à la satisfaction du service
d'aide sociale. Une fois cette preuve faite, ce citoyen aura toujours le
fardeau de la démontrer à nouveau lors d'évaluations
subséquentes.
Nous nous interrogeons également sur les implications
légales de cet. engagement contractuel auquel on convie le
bénéficiaire d'aide sociale jugé apte au travail.
Au cours des deux dernières années, le gouvernement a
multiplié le contrôle auprès des
bénéficiaires d'aide sociale laissant entendre qu'un grand nombre
d'entre eux étaient des fraudeurs. Les préjugés
vis-à-vis des bénéficiaires d'aide sociale n'en ont
été que renforcés. Aucune autre catégorie de la
population n'a été contrôlée de cette
façon.
Pourtant, la fraude n'est pas l'apanage des pauvres. Une Idée
sous-jacente se dégage. Dans notre société, un citoyen est
présumé coupable d'être pauvre et de demander de l'aide,
à moins d'être très malade. Depuis quelque temps, le
gouvernement a étendu sa chasse aux fraudeurs pour s'attaquer aux
professionnels de ta santé. Il a entamé une série de
poursuites contre des médecins. Ceux-ci avaient signé un
certificat d'inaptitude pour une jeune fausse assistée sociale.
Nous nous opposons à de telles pratiques de la part du
gouvernement. Nous voulons réitérer ici notre solidarité
envers les médecins poursuivis qui ont, en toute bonne foi, signé
un certificat dans une perspective globale de ta santé pour venir en
aide à leurs patients. La menace de poursuites judiciaires dans un tel
contexte porte un préjudice très grave à la pratique
médicale. Elle introduit un élément de méfiance
chez le médecin qui fausse toute évaluation objective de la
situation. Elle prive l'assisté social de l'assistance à laquelle
il a droit et enlève toute validité à la rencontre
médecin-patient.
Cet élément nous préoccupait à un tel point
que nous avons envoyé, la semaine dernière, une lettre à
tous les médecins des CLSC compte tenu, justement, de la commission
parlementaire qui se déroule actuellement, compte tenu aussi des
problèmes des médecins face à ces certificats
d'invalidité. La position de l'association à cet effet,
c'est-à-dire ce qu'on recommande à nos membres, c'est ce qui
suit. Lorsqu'un jeune assisté social vous consulte pour une
évaluation de son état de santé, veuillez faire une
évaluation complète de sa condition, en tenant compte de la
dimension psychosociale de la santé. Si vous avez une bonne raison de
croire à une altération de sa santé, n'hésitez pas
à lui compléter un certificat d'invalidité pour la raison
diagnostique et la durée que vous jugerez opportune.
La pauvreté n'est pas un phénomène Individuel.
L'énoncé de politique axe l'action gouvernementale sur les
personnes dans le besoin et sur la recherche d'une autonomie financière
par le travail comme solution à la pauvreté. Au-delà de la
personne, le gouvernement reconnaît la nécessité de tenir
compte des liens de solidarité et de responsabilité qui unissent
les membres d'une famille et de ne pas s'y substituer. Il nous semble pourtant
évident que la lutte à la pauvreté n'est pas la seule
responsabilité de l'individu et de sa famille, et que la
société n'a pas qu'un rôle de soutien.
Le document n'aborde pas la répartition des tâches
familiales qui peuvent modifier la disponibilité au travail d'un ou des
deux conjoints. Le document est silencieux sur les groupes d'entraide et leur
apport dans la lutte à la pauvreté. Le document refuse de
considérer les pathologies importantes telles que l'alcoolisme ou la
toxicomanie comme des altérations significatives de la santé. Le
document parle de cet engagement contractuel entre te
bénéficiaire et le ministère. Il se tait quant aux
rôles de ces derniers dans la création d'emplois. Pourtant,
lorsqu'on évalue à 257 000 le nombre de ménages
employables et disponibles pour accéder au marché du travail,
toute politique est vide de sens si elle n'Indique pas des voies pour stimuler
l'économie.
En somme, te nouveau pauvre sera riche d'un plan d'action
personnalisé établi avec des agents d'aide
socio-économiques pour intégrer le marché du travail. Et
s'il n'y a pas d'emploi, si le bénéficiaire a d'autres
problèmes que la maladie ou le manque de travail et s'il n'y a plus de
place à l'Intérieur du programme APTE, les personnes pauvres se
retrouveront, en bout de ligne, flouées de toutes parts.
Tout en dénonçant le fond de cette politique de
sécurité du revenu, nous ne pouvons passer sous silence les
points ambigus du document. Qu'entend-on par "un état physique ou mental
altéré de façon significative pendant une période
relativement longue"? Compte tenu de la morbidité et de la
mortalité chez les gens défavorisés, il nous
apparaît essentiel qu'une politique d'aide aux plus démunis ne
laisse pas place à l'arbitraire technocratique et à une approche
normative des soins à donner.
Qu'entend-on par professionnel autorisé qui peut certifier qu'une
personne éprouve des problèmes de santé physique ou
mentale? Que veut-on dire aussi par problème de santé physique ou
mentale? Quel soutien psychosocial prévoit-on pour les familles en
situation de crise? Par exemple, qui subviendra aux besoins d'un jeune qui
décide de quitter le domicile familial? Au-delà de l'augmentation
des garderies, que prévoit-on pour les familles monoparentales? Quel est
le contenu du plan d'action personnalisé? Quel type d'intervention
effectueront les agents d'aide socio-économiques? Quel type d'appui
attend-on des intervenants, médecins,
travailleurs sociaux, etc., et des grands réseaux de
l'éducation, de la santé et des services sociaux?
À titre de médecins, nous sommes convaincus qu'une
approche d'aide à des personnes défavorisées ne peut se
faire que dans un contexte d'écoute et de confiance. Plus encore, les
problèmes issus de la pauvreté ne peuvent être
résolus sans une approche multidisciplïnaire concertée, au
service de la personne et de son entourage. À titre de citoyens, nous
considérons la pauvreté comme un phénomène social
qui appelle une solution de société généreuse et
innovatrice. Nous ne croyons pas que le Québec doive s'inspirer des
thèses néo-libérallstes à la Thatcher ou à
la Reagan. Aussi regrettons-nous la vision parcellaire du document
d'orientation, qui ignore la réflexion québécoise actuelle
sur la famille et sur la santé. D'ailleurs, à ce sujet-là,
M. le ministre, on n'est pas sans être inquiets de la déclaration
du ministre Dutil la semaine dernière où - en tout cas, on a vu
cela dans une coupure de presse - il disait qu'il avait été
consulté tout au long de la politique de sécurité du
revenu. S'il l'a été, permettez-nous d'être inquiets quant
à sa politique de la famille. Finalement, nous jugeons inconcevable de
maintenir encore pour deux ans la disparité des prestations au
détriment des jeunes de 18 à 30 ans.
Le Président (M. Bélanger): Avez-vous
terminé?
M. Rodrigue: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Il reste combien de temps? 20
miniutes?
Le Président (M. Bélanger): 45 minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme vous, on vérifie les
règles du jeu. Bien qu'on soit ministre, on ne les impose pas. C'est la
commission qui les impose.
Le Président (M. Bélanger): En principe, on devrait
terminer à 18 heures. En pratique, on peut prolonger s'il y a
consentement des deux côtés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je tiens à
remercier l'Association des médecins de CLSC du Québec, son
président, son secrétaire, le docteur Nally de la clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles, et, pour le mémoire et pour la
présentation qu'ils nous en ont faite. Je tiens à souligner
l'absence, pour des raisons de santé, du député de
Sainte-Anne qui, dans le cas du dossier de Pointe-Saint-Charles, est intervenu
sur une base au moins hebdomadaire, sinon quoti- dienne, auprès de celui
qui vous parle.
J'aurais besoin d'informations additionnelles, si vous en disposez,
quant aux clientèles que vous desservez et aux clientèles avec
lesquelles vous établissez le lien ou les effets de la pauvreté
sur la santé. Quel est le pourcentage ou la proportion - si vous l'avez
en tête - des gens que vous avez à traiter et qui vivent de
prestations d'aide sociale, de prestations d'assurance-chômage ou du
salaire minimum? Si vous te savez.
M. Rodrigue: Je pense que, d'abord, M. le ministre, la
réponse qu'on pourrait vous donner là-dessus serait quand
même relativement parcellaire parce qu'elle viendrait de notre
expérience mutuelle. Je pense qu'on peut dire que finalement les
études qui ont été faites - je pense entre autres à
l'étude de Jennifer O'Loughlin - démontrent que la plupart des
assistés sociaux ou des gens pauvres consomment de la même
façon que les autres classes de la société en termes
socio-économiques. Ce qui veut donc dire, je pense, que, dans les CLSC
comme en pratique privée, les médecins voient, dans la même
proportion que dans la société, des assistés sociaux et
des gens en chômage. Quand vous parlez de 400 000 ménages, je
serais porté à dire que probablement la proportion de gens qu'on
voit dans nos CLSC ou à la clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles, de façon normative, est à peu près
la même qu'un peu partout ailleurs. Sauf que dans certains quartiers -
actuellement, je travaille à centre-sud, le docteur Nally travaille
à Pointe-Saint-Charles et le docteur Gingras travaille à Parc
Extension - je pense que la proportion est sûrement de plus de 50 %.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont 50 % de prestataires
d'aide sociale qui sont dans...
M. Rodrigue: Probablement, oui. Mme Harel: Une moyenne de 50
%.
M. Rodrigue: C'est dans ces CLSC. Par contre, nous intervenons
dans tout le Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une autre question de
précision. Est-ce que vous avez également à traiter des
cas qui requièrent votre expertise dans le cadre d'autres programmes
gouvernementaux, telle la Régie des rentes du Québec, la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, la
Régie de l'assurance automobile du Québec. Est-ce que vous
retrouvez là certaines pistes intéressantes ou certaines
embûches dans votre pratique quotidienne? (17 h 45)
M. Rodrigue: On peut d'emblée vous répondre que
oui. Effectivement, on a affaire avec des gens de la Régie des rentes,
sauf que le problème n'est pas là. Le problème n'est pas
dans le fait de compléter une formule ou non. Le
problème est dans le fait d'identifier que, pour les pauvres, il
y a deux seules façons d'être pauvres et d'avoir de l'aide. C'est
d'abord d'être malades. C'est cet élément que nous
contestons. On ne conteste pas le fait de remplir une formule. C'est sûr
qu'on aurait pu, dans un premier temps, arriver, d'ailleurs on y a
pensé, et dire: On pourrait peut-être proposer une formule
quelconque, avec telle case à tel niveau. Je pense que le fond du
problème n'est pas là. Ce n'est pas de dire: Si on avait une
formule semblable à celle de la CSST, peut-être que cela Irait.
Là question fondamentale, c'est: Est-ce que le système doit
être basé sur une médicalisation de la pauvreté ou
doit-on systématiquement évaluer l'état de santé de
chaque personne qui demande un soutien financier? Je ne devrais pas dire
soutien financier, mais aide sociale. Est-ce qu'on devrait
systématiquement évaluer son état de santé et
identifier, après, dans quelle catégorie on va le mettre? On est
contre cet élément. On n'est pas contre une formule quelconque.
On est contre le fait de tout le temps assigner à une prestation de
l'aide sociale une évaluation de la santé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question parce
que, dans tous les dossiers de la Régie des rentes, dans tous les
dossiers de la CSST et dans tous les dossiers de la Régie de l'assurance
automobile du Québec que je vois à mon bureau de comté,
invariablement depuis que les régimes existent et depuis que je suis
député, si on n'a pas dans le dossier toute cette question
d'expertise médicale, la cause de notre commettant, comment pourrais-je
dire, est illusoire. On tente de conseiller notre commettant à partir de
l'expertise médicale que l'on retrouve dans le dossier et, s'il y a
absence d'expertise médicale, on tente de l'orienter à un endroit
Je ne parle pas des assistés sociaux. Je parle des dossiers de la
Régie des rentes, de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et de la Régie de l'assurance
automobile. On tente de l'orienter là où II peut obtenir la
meilleure opinion médicale de façon à faire progresser son
dossier positivement. C'est dans ce but que je vous posais la question.
M. Rodrigue: C'est dans ce but aussi que je vous ai
répondu de cette façon. Ce qui nous chicote là-dedans,
c'est vraiment l'aspect de la médicalisation de la pauvreté.
Celui qui demande un régime de rentes participe à un
régime qui prévoit une rente soit à sa retraite ou encore
en cas d'invalidité. Le régime de l'aide sociale en soi, quant
à nous, n'est pas un régime qui se base sur la maladie. Le
régime se base sur des gens qui ont besoin d'une aide sociale. À
ce moment-là, on pense que c'est fausser à la base que d'inclure
tout le temps cette notion de maladie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai, sur cette question
de la division entre aptes et inaptes et le fardeau que vous dénoncez
quelque peu dans votre mémoire, qu'il y a des organismes
représentant des personnes handicapées, que nous avons eu
l'avantage d'entendre la semaine dernière à cette commission, qui
ne voulaient surtout pas que l'on considère leur clientèle comme
étant des gens inaptes au travail et qu'on laisse au moins le libre
choix à ces individus de choisir parmi la possibilité des statuts
qu'offre le programme de sécurité du revenu.
Je vous dirai qu'il y a une affirmation à la page 5 de votre
mémoire qui me frappe. On la retrouve au deuxième paragraphe.
C'est sous le titre "médicalisation de la pauvreté", la
dernière phrase: 'Dans la situation présente, un jeune
bénéficiaire doit être malade pour obtenir une allocation
décente". À ce moment-là, vous faites allusion à la
parité par le certificat médical; mais dans le cas de
Pointe-Saint-Charles, et c'est pour cela que je mentionnais entre autres les
interventions du député de Sainte-Anne parce qu'il ne risque
peut-être pas de m'arriver ce qui m'est arrivé la semaine
dernière avec le centre Travail-Québec de Nicolet, le
député de Sainte-Anne a toujours insisté pour que le
centre Travail-Québec qui dessert ce coin soit pourvu, en termes
d'argent et d'effectifs, des sommes d'argent nécessaires pour que le
jeune qui s'y présente et qui veut obtenir une mesure
d'employabilité puisse se voir offrir cette mesure
d'employabilité. Donc, est-ce qu'on peut vraiment soutenir que la seule
façon, c'est d'obtenir un certificat, c'est d'être malade ou
est-ce qu'il n'y a pas également dans le système actuel, lorsque
les ressources humaines et financières sont disponibles, une autre
façon? C'est la question que je vous adresse.
Mme Nally (Véronique): Vous avez raison pour une
minorité de cas, en effet. Il y a des jeunes qui retournent à des
programmes de rattrapage scolaire, entre autres, et qui peuvent
bénéficier de l'aide à ce moment-là, mais je pense
qu'on leur signe un certificat médical quand même, dans certains
cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela m'étonnerait. Je ne
veux pas le nier sans vérifier avec les praticiens de la pratique
quotidienne que sont nos fonctionnaires du ministère, mais la personne
admissible au programme d'employabilité qui a moins de 30 ans n'a pas
besoin, au moment où l'on se parle, d'une évaluation
médicale.
Mme Nally: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela pose toute la
problématique. Les discussions que j'ai eues avec le
député de Sainte-Anne, je vais vous les livrer bien ouvertement.
Il y a une possibilité, à partir d'une évaluation
médicale ou d'une évaluation psychosociale, au moment
où
l'on se parle, mais I! y a également toute cette
possibilité à partir des mesures d'employabilité. Si on
peut reprocher au gouvernement une machine administrative ou technocratique
enrayée qui ne met pas à la disposition des jeunes des programmes
d'employabilité qui donnent la parité, j'accepte la critique.
Cela a été le cas la semaine dernière. Quelqu'un de
Nicolet nous a dit: Au centre Travail-Québec de Nicolet, l'argent et le
personnel ne sont pas disponibles. On est en train d'effectuer des
vérifications. On va apporter une réponse en commission
parlementaire et, si c'est de la faute du ministère, on va dire mea
culpa et on va tenter d'apporter des corrections, mais si ces mesures sont
disponibles, de quelle façon pouvez-vous justifier une affirmation aussi
lourde de conséquences et aussi sérieuse, en disant que la
façon pour un jeune d'obtenir la parité, c'est d'être
malade? Comme ministre responsable, et ce n'est pas mon programme - je vous le
dis, je l'ai hérité de l'ancien gouvernement - je suis
politiquement dégagé, mais moralement surpris de cette
affirmation.
Mme Nally: Là-dessus, j'aimerais dire une ou deux choses.
D'une part, je crois qu'un jeune qui participe à un programme de
rattrapage scolaire n'a pas la parité. Il a une espèce de boni,
mais il n'a pas la parité. Première des choses. Donc, il n'y a
pas d'évaluation médicale, mais il n'y a pas parité quand
même. Ensuite, le rattrapage scolaire n'est pas disponible à tout
te monde. On sait qu'environ 20 %, ou moins, des bénéficiaires de
moins de 30 ans participent aux programmes gouvernementaux, soit de rattrapage
scolaire ou de stage en milieu de travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le cas de
Pointe-Saint-Charles - je suis incapable de le préciser avec autant de
certitude pour tous les centres Travail-Québec - mes fonctionnaires
m'affirment que personne ne s'est vu refusé l'accès à une
mesure de rattrapage scolaire. C'est ce qu'on m'affirme. Je demande simplement
qu'on me mette devant l'évidence que c'est inexact.
Mme Nally: Oui. Je ne peux pas le confirmer ou l'infirmer. Il me
semble que j'ai vécu des cas où il y avait eu un échec sur
ce plan.
D'autre part, ce que je remets ici en question, c'est l'objectif
même du rattrapage scolaire. Pour les jeunes de moins de 30 ans,
retourner aux études secondaires n'est pas souvent une grande
motivation, parce qu'en fin de compte ils vont passer quatre ans à
suivre des cours du soir, à rattraper l'école secondaire et il
n'y aura pas d'emploi à la fin. Il n'y a aucune incitation à
retourner sur le marché du travail en retournant faire le cours
secondaire. Donc, pour beaucoup, ce n'est pas grand-chose.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis conscient que la mesure de
rattrapage scolaire peut ne pas répondre aux capacités même
d'un jeune qui a plus d'habileté manuelle que d'autres types
d'habiletés, etc. que ce n'est pas parfait. Ce que je trouve très
lourd de conséquences, c'est cette affirmation devant une commission
parlementaire. Je ne sais pas s'il y a d'autres membres de la commission qui la
partagent. On ne l'a pas eue d'autres groupes jusqu'à maintenant.
Remarquez qu'on n'en est qu'à notre deuxième semaine. On risque
peut-être de l'avoir. Je parle peut-être à travers mon
chapeau. Mais cette affirmation, si elle était vraie, serait dangereuse
pour la société même, dans le contexte actuel.
M. Rodrigue: M. le ministre, d'abord vous comprendrez qu'on
n'invoquera pas les délais, mais on peut invoquer la petite machine
qu'on a pour ne pas avoir fait une évaluation de tous les centres
Travail-Québec du Québec et avoir vu leur articulation avec les
CLSC. Je pense que, dans la réalité de tous les jours, dans nos
bureaux, il y a une proportion relativement importante, je ne saurais pas la
chiffrer en termes de pourcentage, mais il y a un nombre assez important de
jeunes qui viennent nous voir en prétextant différents.
problèmes psychosociaux réels pour avoir une majoration de leur
allocation, il semble que, dans ce qu'ils nous disent, ils ont
épuisé la plupart des ressources du milieu par rapport à
une aide quelconque qu'ils pourraient avoir pour majorer cette
augmentation.
De toute façon, M. le ministre, au-delà de cet
élément, même si on vous concédait que cet
élément est un peu grossier comme affirmation, le problème
reste le même. Il s'agit juste de regarder les barèmes de
prestations. L'écart est tellement important entre les gens qui vont
avoir une prestation en vertu du programme Soutien financier par rapport aux
autres. Il y aura toujours une incitation pour beaucoup de gens à
médicaliser la pauvreté et à prétendre
différentes choses pour avoir droit à un montant minimal. Je ne
crois pas qu'on puisse dire actuellement que le Soutien financier, même
s'il est plus élevé que le programme, c'est la richesse. En tout
cas, on n'achètera sûrement pas des terrains pour Oerlikon
à ce prix. À ce moment-là, ce que nous, on dit, c'est que
vraiment au-delà de tout cela, il y a une notion de médicaliser
la pauvreté. C'est cela qui nous apparaît le plus important. C'est
sûr qu'on peut trouver des détails.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique qu'il me reste une
minute. Je vais la mettre en banque et céder immédiatement la
parole à Mme la députée de Maisonneuve, quitte à
vous revenir.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve. Il en restait trois - je m'excuse - tout
à l'heure, mais il a continué. Il lui reste une minute et demie.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel:... on comptabilise. Vous nous dites dans votre
mémoire essentiellement... en assistant à cet échange...
si tant est que dans le système actuel iI est possible, par exemple,
pour un jeune de doubler sa prestation, sauf pour le rattrapage scolaire, mais
en fait, pour les autres mesures, travaux communautaires ou stages dans
l'entreprise, malgré cette incitation, il n'en demeure pas moins que les
chiffres que l'on a jusqu'à maintenant nous permettent de constater que
seulement 20 % des moins de 30 ans auraient participé aux mesures.
Donc, il y a là une question que, normalement, une personne
sérieuse, se pose. La question, c'est: Faut-il étendre à
des centaines de milliers de ménages finalement un programme pour lequel
on n'a pas encore une évaluation sérieuse, ou tout au moins dont
les résultats sont loin d'être satisfaisants? Faut-il faire porter
le poids de la non-participation sur les épaules des jeunes en
prétextant - vous pouvez mettre tous les qualificatifs négatifs
que vous imaginez - ou doit-on plutôt examiner du côté des
programmes s'ils sont adéquats et s'ils sont capables de performer
compte tenu de la lourdeur, disons-le, peut-être justement
bio-psycho-sociale des personnes à qui on veut adresser ces mesures?
Dans votre mémoire, je pense que vous regardez en fonction du
document d'orientation parce que le document va maintenant dorénavant
établir la ligne de démarcation sur l'inaptitude. Votre document
devient exact en regard de la réforme à venir puisque
essentiellement, avec la réforme, il n'y aura qu'une seule façon
digne - c'est un peu ce que je conclus de vos propos - d'avoir de l'aide, c'est
de se faire reconnaître comme ayant un état de santé
physique ou mentale altéré de façon significative. C'est
le fondement d'une certaine façon de... Ce que le ministre dit, c'est
que sa réforme agit de manière à assurer la dignité
à des personnes qu'on laisse actuellement simplement à l'abandon
avec un chèque mensuel et que son document d'orientation consiste
à leur proposer une nouvelle dignité en leur permettant de faire
quelque chose.
Je dois comprendre que vous ne partagez pas l'idée que ce
document propose à des personnes dites aptes une vision plus positive
d'elles-mêmes.
M. Rodrigue: C'est une grande question. Essentiellement, on dit,
je le répète encore, que cela nous apparaît important qu'il
y ait une réforme de l'aide sociale. Cela, on ne le nie pas. On pense
seulement que les bases sur lesquelles doit s'asseoir cette réforme de
l'aide sociale doivent reconnaître l'autonomie et
l'intégrité de la personne, et lui proposer une vision qui soit
quand même positive de sa démarche. (18 heures)
Actuellement, tout se passe comme... Toute l'énergie qu'une
personne va avoir dans les premiers mois ou dans les premiers temps d'une
demande à l'aide sociale sera de se placer dans la catégorie qui
sera la plus efficace pour elle. Donc, ce sera un peu un jeu pour être
dans la meilleure catégorie. Nous pensons que cette perception, cette
base n'est pas bonne.
Le trajet est quand même assez long entre Québec et
Montréal; on a eu le temps d'en parler en venant. Par exemple, toute
cette réforme oublie la question des minorités ethniques et des
gens de la deuxième génération qui arrivent ici, qui sont
confrontés avec les valeurs culturelles de leurs parents qui ont une
vision peut-être antérieure de la culture dans le pays d'où
ils venaient, et vous avez les jeunes. Cela amène des problèmes
sociaux. Il y a un tas d'éléments là-dedans dont on ne
fait pas mention dans la politique de sécurité du revenu parce
que cela s'articule autour de: Comment on paie moins ou comment on peut limiter
ce qu'on donne?
Au fond, toute la question du développement de la personne et de
sa recherche en termes d'autonomie n'est pas là. Même en ce qui
concerne la maladie, on le souligne dans le document, il s'agit de donner un
certificat d'Invalidité. Qu'est-ce qui va se passer après? On ne
le sait pas. Est-ce qu'il y a vraiment une démarche pour que les gens se
sortent de cette maladie, pour qu'ils progressent et qu'ils aient une meilleure
santé? On ne le sait pas. On dénonce cet élément de
la médicalisation de la pauvreté et de la judiciarisation du
système. Il ne faut pas oublier que ce qui nous chicote beaucoup aussi,
c'est que le pauvre est toujours coupable. Il n'a pas le bénéfice
d'avoir des jurys.
Mme Harel: Je dois comprendre que vous concevez qu'on puisse
être aussi digne en recevant de l'aide sociale tout en n'ayant pas
à prouver, tout en n'étant pas dans un système dans lequel
on a à prouver, pour avoir une sorte de reconnaissance ou d'estime des
autres, un état de santé altéré pour obtenir cette
reconnaissance. C'est cela, finalement, que vous contestez, l'effet secondaire
d'un système qui, en catégorisant les aptes et les inaptes, a
comme effet - je dis encore pervers parce que je crois que c'est vraiment
pervers - d'inciter les gens à se faire reconnaître comme inaptes,
donc à se mettre en situation, sinon cela peut être beaucoup
d'anxiété, beaucoup d'angoisse. Cela peut être, non
seulement de l'anxiété et de l'angoisse de faire baisser ses
barèmes, mais l'anxiété et l'angoisse qui viennent du
sentiment d'échecs antérieurs projetés sur l'avenir,
l'imagine.
M. Gingras (Serge): II y a aussi des conséquences pour les
gens qui ont des problèmes plutôt d'ordre psychosocial. Avec la
judiciarisation, on va se baser sur des choses qu'on peut prouver. On le voit
bien avec les accidents du travail. Les problèmes de dos, c'est plus
difficile à évaluer. On suppose qu'il y a plein de fraudeurs.
Pour les gens qui ont des problèmes
d'ordre psychosocial, et on sait qu'ils sont énormes chez les
gens qui sont pauvres, cela devient plus difficile à cerner, et la
judiclarisation fait que beaucoup de médecins maintenant vont se fier
seulement à une maladie biologique. Concernant tout l'aspect
psychosocial, ils disent. Ah! on ne peut pas vraiment évaluer; tout
à coup, il n'y a pas quelque chose de vraiment "objectivable"; allez
voir ailleurs. Il y a des gens qui auraient droit finalement à un
certain montant et qui rassortiront du système si on le judiciarise de
la façon dont on le fait déjà.
Mme Harel: Vous mentionnez dans votre mémoire, à la
page 7, qu'en multipliant les contrôles auprès des assistés
sociaux, le gouvernement a pu laisser entendre qu'un grand nombre d'entre eux
étaient des fraudeurs. Vous dites que les préjugés
vis-à-vis des assistés sociaux n'en ont été que
renforcés. Cette constatation vous vient de votre pratique, vous vient
de l'expérience. Vous avez ce sentiment qu'il y a accroissement des
préjugés à l'égard des assistés sociaux?
Mme Nally: Cela vient de notre autre pratique. En tout cas, dans
ma pratique, j'ai eu des remarques comme celle-là, très souvent,
de gens qui n'étaient pas bénéficiaires de l'aide sociale,
à savoir que, au fond, c'étaient tous des profiteurs. Cela a
été reflété dans les médias et aussi lors
des visites à domicile effectuées par des inspecteurs du
bien-être social, qui |ont été rapportées dans les
médias. Les voisins voient cela.
Mme Harel: Est-ce que ce n'est pas finalement parce qu'au sens
commun, il est souhaitable et sans doute louable que chacun puisse, dans ta
société J'imagine que les personnes qui sont
bénéficiaires et qui vont vous voir, elles-mêmes souhaitent
pouvoir devenir autonomes.
Mme Nally: Bien sûr.
Mme Harel: En lisant cette phrase, je me suis dit combien
c'était surprenant, par exemple, qu'on n'ait jamais
contrôlé les déclarations de revenus des étudiants.
Souvent, le ministre compare le programme des prêts et bourses avec le
programme de l'aide sociale pour justifier une contribution parentale, de
manière à l'harmoniser avec le programme de prêts et
bourses pour lequel il y a déjà une contribution parentale, mais
qui n'est pas payée - cela a été démontré -
dans 70 % des cas.
À l'inverse, les déclarations de revenus des
étudiants ne font pas vraiment l'ob|et de contrôle ni
d'enquête, malgré que ce soit de commune renommée qu'elles
sont bien en deçà des gains réels obtenus par les emplois
d'été ou par les emplois à temps partiel. Il est de
commune renommée qu'il n'y a pas d'enquête à domicile, iI
n'y a pas de contrôle pour vérifier, et pourtant, d'une certaine
façon, c'est là aussi une catégorie que l'on sait ne pas
avoir un régime conséquent avec la réalité
d'aujourd'hui et pour lequel on a une tolérance en ce qui concerne le
fait de l'outrepasser.
Comme tout le monde le sait depuis 1972, les gains d'emploi à 40
$ pour une famille et 25 $ pour une personne seule étaient
outrageusement trop bas, mais il n'y avait pas de tolérance à
l'égard des assistés sociaux s'ils dépassaient ces gains
d'emploi.
M. Rodrigue: Excusez-moi, Mme Harel, je pense que
là-dessus on ne s'en ira pas trop chez les étudiants. On
dénonce déjà ce qui se passe chez les pauvres, on
n'encouragera pas que cela se fasse chez les étudiants aussi.
Mme Harel: Ah!non, non, non, pas du tout.
M. Rodrigue: S'il y avait des visites à faire, je les
ferais peut-être chez des gens qui ont des revenus très importants
et qui réussissent à déduire jusqu'à zéro.
Cela vaudrait peut-être la peine que là il y ait des visites
à domicile.
Mme Harel: Docteur Rodrigue, je dois vous dire que ce n'est pas
une harmonisation à la baisse, ce n'est pas un programme de transfert
à la baisse que l'on souhaite. Au contraire, on remet en cause la
contribution parentale. D'ailleurs, sur cet aspect de la contribution parentale
et l'aspect du partage de logement, votre mémoire est muet. Sans doute
ignoriez-vous ces économies de 100 000 000 $ pour le partage de logement
et de 80 000 000 $ pour la contribution parentale prévue, mais
avez-vous, depuis, eu l'occasion de réfléchir à cette
question?
Mme Nally: On ne l'ignorait pas, mais on n'en a pas parlé
parce qu'on s'est dit que d'autres groupes, en particulier des groupes
d'assistés sociaux et d'autres groupes, allaient en parler plus
longuement. Nous nous sommes concentrés sur l'aspect de la santé
et de la pauvreté pour pouvoir être plus concis aussi. Je voulais
juste ajouter que, parmi la clientèle des assistés sociaux qui
viennent me consulter, c'est évident et c'est même parfois
très poignant de voir à quel point ces jeunes voudraient du
travail, de façon désespérée.
Mme Harel: Les sentez-vous capables, non pas de façon
magique - parce qu'il y a aussi la pensée magique - en possession de
leurs moyens pour accomplir un travail? Des groupes sont venus nous dire: Vous
savez, on peut être employeur sans être productif parce qu'on n'a
pas fait toutes sortes d'apprentissages, étant donné qu'on
n'avait pas le soutien de sa famille. Les sentez-vous capables d'occuper un
emploi?
Mme Nally: Pas toujours. Je pense que c'est une catégorie
de gens très vulnérables qui ont
besoin d'être aidés dans leur démarche,
certainement. Très souvent, ils ont peu d'aptitudes scolaires, ce qui
les met tout de suite dans une catégorie d'emploi très
précaire, très peu rémunérée, très
peu valorisante aussi. D'emblée, ils ont tendance à
écarter ces emplois, mais ils aimeraient une bonne "job", comme ils
disent.
Mme Harel: Tantôt, vous disiez: Plusieurs d'entre eux - je
ne sais pas si c'est votre pratique aussi à Parc Extension -
rêvent d'un emploi, mais ne participent pas aux mesures. A quoi
attribuez-vous ce fait, justement?
Mme Nally: Je pense que les mesures ne sont pas toujours
adaptées aux besoins de ces jeunes. Comme je le disais tout à
l'heure au ministre Paradis, concernant le rattrapage scolaire, il y a des
jeunes qui m'ont dit: C'est trop psychologique, l'école, c'est trop
philosophique, c'est trop intellectuel, finalement. Ce n'est pas de cela qu'ils
ont besoin. Ce qu'ils aimeraient, finalement, ce sont' des formations, des
apprentissages, des habiletés qui ne soient pas intellectuels. En ce qui
concerne les stages en milieu de travail, c'est très décourageant
pour beaucoup de jeunes parce que, très souvent, après la
période de stage, l'employeur les remercie et en prend un autre. On l'a
vérifié à plusieurs reprises, en tout cas à
Pointe-Saint-Charles. Ils n'ont pas de débouchés sur un emploi
stable avec cela et ils repartent à la case 0 à 170 $. Les
travaux communautaires, cela reste quelque chose de temporaire, de peu
valorisant aussi.
M. Gingras: Moi, je vais parler de la contribution parentale. Je
vis dans un quartier très multi-ethnique à tout le moins. Il y a
beaucoup de problèmes de conflits de générations. Cela
nourrit beaucoup de délinquance, de drogue et de prostitution. C'est un
quartier très dur sur ce plan. Quand j'ai lu le petit coin qui pariait
de la contribution parentale pour quelques années au moins, pour deux
ans, après qu'ils aient quitté le milieu, je me suis dit que cela
ne va que faire augmenter finalement le niveau de délinquance, etc. Je
ne vois absolument pas comment le parent va subvenir aux besoins de son enfant
après 18 ans. Il y a deux ans de flottement où...
Mme Harel: Oui, le statut de dépendant.
M. Gingras: C'est cela. Il y a deux ans de flottement avec un
jeune qui a des besoins et qui va s'organiser pour subvenir à ses
besoins. En tout cas, je vois qu'il faudrait penser au taux de
criminalité qui va quand même s'accroître. Je n'en serais
pas surpris.
Mme Harel: Je ne sais pas combien de temps il me reste.
J'aimerais peut-être en profiter pour vous poser une question, compte
tenu de l'expérience humaine que vous avez, de la relation de confiance
aussi que vous avez avec les personnes qui sans doute se livrent à vous.
Vous disiez dans votre mémoire: La pauvreté ne se limite pas
à un faible pouvoir d'achat. Elle s'accompagne d'un ensemble de
privations qui ont trait aux connaissances, au confort, à la faible
scolarité, aux faibles qualifications professionnelles, au risque plus
grand de chômage, au logement insalubre, etc. Si vous aviez à
rêver d'une politique de sécurité du revenu, comment
l'en-visageriez-vous?
M. Rodrigue: C'est lundi, et vous posez des grandes questions,
Mme Harel, depuis le début. Comment envisagerait-on une politique de
sécurité du revenu? À ce stade-ci, Je ne crois pas qu'on
soit placés pour répondre Intelligemment à cette question.
Ce qu'on peut vous dire, c'est que si jamais il y avait un système de
sécurité du revenu qui devrait être fait, nous serions
prêts à collaborer, à travailler pour essayer de trouver le
meilleur système.
Actuellement, on dit ceci de ce système qu'on nous propose: Ce
système donne trop de poids à l'aspect de la maladie uniquement.
II ne donne pas de poids à la santé, il donne du poids à
la maladie. Puis, il y a un concept de judiciarisation très
important.
Je vais revenir sur la notion de famille que Serge a mentionnée
tout à l'heure. Cela m'ap-paraît une chose très importante.
Cette politique n'apporte rien. Rien, ne soyons pas catégoriques pour
faire sauter M. Paradis même s'il est tôt. Disons que ce programme
n'apporte pas grand-chose aux familles, c'est-à-dire qu'il ne propose
pas grand-chose pour que les familles assument leur rôle. On dit: II faut
que la famille assume son rôle. Souvent, dans les milieux pauvres, il y a
des familles qui sont quand même relativement
désorganisées. Parfois, cela commence quand les enfants ont moins
de dix-huit ans, douze ans, treize ans ou sept ans. II est important de tenir
compte de quel type de famille on veut pour le Québec et quel type de
famille est le plus propice pour les différentes personnes qu'on
aide.
Souvent on est pris comme médecins avec des gens très
pauvres qui n'ont aucun soutien. Il y a des gens qui nous disent: J'ai
réussi à me mettre sur le bien-être social, je ne bouge
pas. D'autres personnes nous ont disent, dans le milieu de la santé,
qu'elles en sont venues à la conclusion dans leur expérience
personnelle que, si quelqu'un réussit à devenir
bénéficiaire de l'aide sociale, la meilleure solution est de
demeurer là-dessus et de ne pas bouger, de ne même pas essayer
d'aller chercher un peu d'argent parce qu' il va tout perdre.
Je pense que, s'il y a un gros perdant dans cette chose, c'est vraiment
la famille. C'est ce qui nous inquiétait de la déclaration du
ministre Dutil parce que finalement tout se fait comme si on ne pariait que
d'individus. Les deux conjoints
ne sont que deux adultes. Les enfants, on ne sait pas trop où on
les met
Là, vous avez apporté des modifications... Bien oui! Il
faut bien vous faire sauter un peu, vous faire dépenser un peu
d'énergie avant le souper. M. Paradis, tout à l'heure aux dames
qui nous précédaient vous avez mentionné des choses qui
n'étaient pas dans le mémoire, qui n'étaient pas dans
votre document d'orientation. Que votre document évolue, c'est une
chose. Nous, nous pouvons simplement émettre des commentaires sur le
document qui nous a été présenté. (18 h 15)
Mme Harel: Et moi, Je veux vous remercier du fait que nous...
Vous exigez sans doute de nous qu'on se pose des questions fondamentales
au-delà des modalités. Avant que l'État intervienne en
démarquant les aptes des inaptes, vous demandez de bien vérifier
les effets que cela peut avoir. Par exemple, plusieurs groupes sont venus ici
nous dire: Faites attention, cela peut être discriminatoire au sens de
l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui
Interdit la discrimination fondée sur la condition sociale, et
reconnaître des besoins essentiels et ne pas les combler de la même
façon, cela peut aussi être discriminatoire. Mais je pense
qu'au-delà de ces aspects plus juridiques il y a la question: Est-ce
que, comme vous nous te mentionnez, le fait d'introduire des critères
dans des systèmes qui font que seulement lorsqu'il y a échec, il
y a soutien de l'État.. Soutien plus grand lorsqu'il y a échec,
déficience ou maladie. La maladie vaut pour la catégorie des
inaptes. L'échec vaut pour le test de dénuement de la famille.
L'échec vaudra aussi pour pouvoir obtenir...
Le Président (M. Bélanger): Conclusion, Mme la
député.
Mme Harel:... des services de garde. Alors, dans l'ensemble des
interventions de l'État, lorsque finalement l'État a des
critères qui ont comme un effet de désintégration puisque
les individus ne peuvent obtenir du soutien que lorsque cela va mal, eh bien,
je pense qu'il faut sérieusement, comme vous nous l'avez indiqué
dans votre mémoire, se poser des questions sur les fondements
mêmes de nos propositions. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, pour
remercier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste... Le
Président (M. Bélanger): II vous reste...
Attendez un peu. Est-ce qu'il reste du temps?
Combien?
Une voix: Deux minutes.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux
minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en deux minutes, Je vais vous
dire ceci. Je pense que c'est le premier mémoire qui me fait autant
sursauter. Je vous ai donné l'exemple d'une affirmation lourde de
conséquences tantôt. Vous êtes des médecins. Vous
êtes censés avoir un minimum de connaissances du fonctionnement
des systèmes et l'affirmation écrite de votre mémoire m'a
fait sursauter. Il y a une autre affirmation verbale qui vient de me faire
sursauter et elle ne vient pas des améliorations ou des bonifications
à apporter, elle vient des tableaux tels qu'imprimés dans la
politique de sécurité du revenu sans aucune modification.
Vous dites que toute la politique est basée sur l'individu et que
la notion de conjoint ou de famille n'est pas là. Je vais vous donner un
bel exemple. Sur le tableau ici: personne seule qui participe, 420 $ de
barème, 100 $ de frais d'allocation et de participation, total: 520 $.
Pour un couple sans enfant, deux personnes qui vivent ensemble, c'est 820 $. Si
vous appliquez la location de partage de logement - et c'est pourquoi elle est
appliquée, la location de partage de logement - c'est parce que le
gouvernement actuel n'a pas fait le choix que vous supposez qu'il a fait en
fonction de l'individu, mais iI a fait le choix de la neutralité et il a
laissé l'individu choisir de vivre en couple ou seul dans la
société. Je vous demanderais de vérifier cette affirmation
que je vous fais et de me la commenter lorsque vous aurez le temps parce qu'on
va être bâillonnés nous aussi bientôt.
Deuxième élément. Je vous demanderais de calculer
les besoins lorsqu'il y a un enfant présent et lorsqu'il y a deux
enfants présents dans la famille pour voir si ces ajouts
monétaires ne sont pas là justement pour tenir compte de l'aspect
de l'implication familiale et de la présence d'enfants. Quant à
l'affirmation que vous avez faite sur l'approche individuelle, c'est une
approche qui a été rejetée par le gouvernement et les
barèmes le traduisent clairement. Je vous demanderais de m'indiquer
où vous prenez votre source d'information pour nous dire qu'il s'agit
d'une approche individuelle. Nous n'avons pas eu cette approche. La
fiscalité ne nous permet même pas de l'avoir.
M. Rodrigue: Si vous me permettez une minute...
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Rodrigue: Je pense que la question de la famille, ce n'est pas
une question uniquement de montant d'argent. C'est là-dessus qu'on
disait que, même si cette politique accorde un montant additionnel
à la famille, on ne trouve pas d'autres incitatifs pour la famille. On a
mentionné, dans notre document, en ce qui concerne les engagements pour
tes garderies ce qui n'était
pas clair là-dedans. On pense finalement aux problèmes des
enfants qui quittent le milieu familial et à ce qui se passe à ce
moment-là. Ce qu'il faut bien comprendre, M. le ministre, c'est que dans
une famille - surtout une famille pauvre - il y a souvent des états de
tension et de crise plus importants. Actuellement, quand on lit le document, on
dit: Oui, iI y a plus d'argent. Mais en termes de soutien, en termes de
reconnaissance... Par exemple, qu'est-ce qui arrive à une famille dont
un des conjoints - et je terminerai là-dessus - décide de
demeurer à la maison, simplement pour des raisons familiales, pour
toutes sortes de choses? L'allocation baisse. Alors, nous disons que ce
document, bien qu'il accorde plus d'argent lorsqu'il y a deux, trois ou quatre
personnes dans un foyer, n'est pas très incitatif pour favoriser la
famille et pour supporter la crise familiale. C'est là-dessus qu'on
intervient. On n'intervient pas uniquement. Vous comprendrez que nos
préoccupations, au-delà de l'argent, s'adressent aussi à
la personne.
M. Paradis (Brome-Miasisquoi): Et les nôtres aussi.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie l'Association des médecins de CLSC et suspend
ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 21)
(Reprise à 20 h 1)
Le Président {M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Bonsoir! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place
afin que la commission des affaires sociales puisse procéder à
une consultation générale et tenir des auditions publiques afin
d'étudier le document intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu". Nous recevons en premier lieu l'Association
pour la défense des droits sociaux du Québec
métropolitain, qui est représentée par Mme Lyna Savard,
Mme Françoise Jutra Mme Suzanne Paquet, Mme Armande Labrecque M Alain
Fortin, et Mme Lucie Villeneuve.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes ferme pour présenter votre mémoire. Je vous prierais
avant de commencer de bien vouloir identifier d'une part votre porte-parole et
d'autre part, les autres représentants de I'équipe. Chaque fois
que vous aurez une intervention à faire en réponse aux questions
des parlementaires, je vous prierais de bien vouloir donner votre nom pour les
fins de transcription au Journal des débats. Je vous prierais de
bien vouloir procéder. Merci.
Association pour la défense des droits sociaux
du Québec
Mme Jutra (Françoise): M. le Président, mon nom est
Françoise Jutra. Nous avons ici une feuille à distribuer. Je ne
sais pas si avec votre permission...
Le Président (M. Bélanger): Aucun problème,
madame. Est-ce que vous croyez vraiment que c'est pertinent à nos
débats?
Mme Jutra: Vous allez comprendre un peu plus tard, M. le
Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sous réserve.
Le Président (M. Bélanger): Qu'on le distribue sous
réserve.
Mme Jutra: D'accord. L'image de I'épouvantait que nous
vous avons distribuée avant cette audition représente le
portrait-robot de ce que deviendra une personne assistée-sociale
à la satisfaction de M. Paradis...
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi. Pourriez
vous présenter vos autres représentants, s'il vous
plaît?
Mme Jutra: Excusez-moi. À ma droite, Lucie Villeneuve.
À ma gauche, Lyna Savard, Alain Fortin, Armande Labrecque et Suzanne
Paquet qui n'est pas là. Est-ce que je peux procéder, M. le
Président?
Le Président (M Bélanger): Je vous en prie.
Mme Jutra: Pour recommencer I'image de I'épouvantail que
nous avons distribuée avant l'audition représente le portrait
robot de ce que deviendrait une personne assistée sociale, à la
satisfaction de M. Paradis, avec la réforme qui nous est
proposée.
Avec le peu de nourriture que pourra s'offrir une personne
assistée sociale, ce serait un bon régime pour avoir la taille
aussi svelte qu'un bâton. Les personnes assistées sociales seront
idéales pour le recyclage des vieux vêtements. Ils et elles
n'auront plus de problème de logement, puisque un épouvantail est
à l'oeuvre dehors 24 heures par jour, sept jours par semaine. Avec la
réputation des assistés sociaux et assistées sociales que
laisse sous entendre le document de réforme, ces personnes auront une
réputation d'épouvantail, c'est-à-dire celle de faire
peur. Les programmes proposés ne pourront que les rendre employables
pour les champs de blé d'inde.
Cette réforme est basée sur I'incitation au travail par
des mesures répressives, telles que des prestations à la baisse
et des coupures. C'est à croire que les assistés sociaux et
assistées sociales sont sur l'aide sociale par choix et qu'ils
et elles ne sont pas intéressés à retourner sur le
marché du travail. Je vous ferai part, M. le Président, que M.
Paradis n'a pas prêté l'oreille pour constater que beaucoup
d'entre eux font preuve de bonne volonté et que beaucoup ont cru au
début qu'ils et elles n'étalent que de passage au BS. Ils et
elles se sont vite aperçu, après de multiples efforts pour s'en
sortir, qu'ils et elles étaient tombés dans les sables mouvants.
Ils et elles constatent très vite que les ouvertures pour des emplois
permanents avec salaires et conditions de travail décents sont quasi
inexistantes, c'est-à-dire des emplois qui permettront d'atteindre au
moins le seuil de pauvreté de Statistique Canada et d'avoir des
avantages sociaux au même titre que les autres travailleurs.
C'est en créant de véritables emplois que vous
réussirez à réintégrer les ex-travailleurs et
ex-travailleuses et que vous redonnerez de l'espoir aux jeunes. M. le
Président, M. le ministre Paradis ne cesse de répéter que
les assistés sociaux et assistées sociales, actuellement, ne sont
pas assez qualifiés pour réintégrer le marché du
travail et qu'il corrigerait cette lacune par la mise sur pied de programmes
d'employabilité. Si l'on se réfère au programme actuel,
nous constatons que c'est une fausse solution, car le programme de rattrapage
scolaire ne sert qu'à obtenir un diplôme général,
qui donne accès à quoi? Les programmes de travaux communautaires
spécialisent les assistés sociaux et assistées sociales
à laver la vaisselle, à laver les planchers et à d'autres
travaux qui, en quelque sorte, ne demandent aucune spécialisation.
D'ailleurs, beaucoup d'assistés sociaux et assistées sociales ont
connu ce genre de travaux, pour y avoir laissé leur santé
physique et mentale à cause des mauvaises conditions de travail et des
abus des patrons. Pour ce qui est du stage en milieu de travail, vu que le M.
le ministre Paradis est en période d'apprentissage en ce qui concerne le
vécu des assistés sociaux et assistées sociales, serait-il
intéressé de faire la "job" de ministre seulement pour gagner un
chèque du BS? En tout cas, il serait une économie pour le
gouvernement.
Dans l'ensemble, il n'y a rien qui laisse voir une amélioration
des conditions de vie des personnes concernées. En d'autres mots, ils et
elles ne seront qu'une économie dans le budget alloué à
l'aide sociale. Lorsqu'ils ou elles seront en période d'attente pour
être admissibles ou participants et participantes aux programmes
proposés, ils et elles ne seront qu'un profit pour les patrons
d'entreprise qui bénéficieront de cette main-d'oeuvre à
bon marché pour un temps indéterminé. Tous les êtres
humains ont besoin de se sentir utiles à la société, mais
ils ont aussi besoin d'un travail qui améliorera leurs conditions de
vie, ne serait-ce que de manger trois fois par four, de pouvoir s'habiller et
de se loger décemment. Alors, il est peu demandé seulement que
ces gens puissent gagner jusqu'au seuil de pauvreté de Statistique
Canada, et cela en commençant par augmenter le salaire minimum. En
réalité, les assistés sociaux et assistées sociales
ne seront qu'une banque de main-d'oeuvre à bon marché qui servira
à faire pression sur les travailleurs et travailleuses à faibles
revenus, ce qui aura pour effet une détérioration nette des
conditions de travail et un recul dans les acquis des travailleurs et
travailleuses.
Alors, M. le Président, lorsque le ministre Paradis se dit
surpris d'entendre le Conseil du patronat appuyer sa réforme,
laissez-moi vous dire, M. le Président, qu'il est le seul à
être surpris, car cela ne prend pas un diplôme pour deviner que la
réforme proposée est grandement avantageuse au patronat. Les
quelques millions qui seront versés pour maintenir de tels programmes
permettront aux patrons de faire des profits qui ne seront pas
négligeables.
M. le Président, avant de laisser la parole à ma
collègue, il est important ici de souligner notre appui aux groupes qui,
jusqu'ici, ont dénoncé le traitement irréaliste fait aux
parents et chefs de familles monoparentales d'enfants de plus de deux ans.
Nous, à l'ADDS, nous constatons que M. le ministre Paradis est loin de
connaître la réalité de ces familles. Il oblige ces parents
à participer à ses programmes bidons sans tenir compte,
premièrement, du choix de certains parents de vouloir rester
auprès de leurs jeunes enfants, ce qui ressemble, à mon avis,
à une politique antifamiliale; deuxièmement, du nombre de places
disponibles dans les garderies accréditées par l'Office des
services de garde à l'enfance; troisièmement, des coûts
réels de garde à domicile et des dépenses
supplémentaires qu'apporte la participation aux programmes, et j'en
passe. M. le ministre Paradis devrait consulter directement ces familles pour
trouver des solutions à l'intégration sur le marché du
travail pour ceux et celles qui en font le choix.
Dans l'ensemble, nous appuyons les groupes qui rejettent la
réforme, entre autres, nous appuyons les revendications du Front commun
des assistés sociaux et sociales du Québec. Je passe la parole
à Lyna.
Mme Savard (Lyna): Je tiens à dire bonsoir à
l'assemblée, pour commencer. M. le Président, mon nom est Lyna
Savard et je vais vous entretenir de la notion de besoins. La notion de besoins
pour l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec.
Certes, vous comprenez que la notion de besoins est la charnière de
l'assistance sociale, et cela depuis que la loi a été
instituée. Toute personne en situations diverses de dénuement -
oui, c'est tout à fait cela - telles que le chômage, le divorce,
la violence conjugale, etc. doit pouvoir combler ses besoins essentiels. Que ce
soit à court ou à long terme, l'État a le devoir de
répondre adéquatement à cet être humain en
difficulté. Assurément, c'est un État qui opte pour le
bien-être des personnes dans la collectivité et qui
démontre une inconditionnelle confiance dans les personnes, misant
ainsi sur l'économie des problèmes sociaux et non sur
l'économie de capitaux.
En outre, tout individu possède les mêmes besoins
essentiels, comme la nourriture, le vêtement, le logement, pour ne nommer
que les besoins primaires. De même, il arrive souvent que des besoins
spéciaux, eux aussi essentiels, s'ajoutent aux besoins de base, par
exemple le port de lunettes ou d'un appareil de malentendant, la
nécessité de déménager, la grossesse, le transport
pour raisons médicales, le dédommagement pour cause de feu, etc.
Ironie du sort, iI s'avère que les propositions de M. Paradis vont
à l'encontre de ce que nous, à l'ADDS, concevons comme logique
autour de la notion de besoins. (20 h 15)
En guise d'explication, permettez-moi quelques illustrations. D'abord,
pouvez-vous vous imaginer construire une maison sans fondations et donner comme
raison que vous allez réduire les dépenses? C'est ce que M.
Paradis compte faire pourtant en soustrayant la notion de besoins, la base de
la Loi sur l'aide sociale. Voici un autre exemple de l'humour de M. Paradis au
sujet de la coupure de 115 $ pour partage de logement. Aurait-on idée de
payer moins cher un travailleur ou une travailleuse qui consomme de la
margarine que celui qui consomme du beurre? Eh bien, c'est encore un songe du
ministre qui désire sabrer dans les besoins essentiels en
pénalisant ceux et celles qui tentent de s'en sortir en partageant leur
logement. La farce continue avec les besoins spéciaux qu'il faudrait
bien soustraire à la majorité des assistés sociaux.
L'État se garderait la grosse part du gâteau prétextant
alors que ce gâteau ferait des jaloux entre les salariés au
salaire minimum et les assistés sociaux inhabitués au
partage.
En guise de conclusion, sur la notion de besoins bien entendu, l'ADDS
dit à M. le ministre qu'on n'a pas vraiment besoin de sa drôle de
réforme.
M. Fortin (Alain): Je suis Alain Fortin. Je vais vous parler de
la parité. Nous, de l'ADDS, voulons une parité sans
discrimination. La sorte de parité dans le document d'orientation de M.
le ministre Paradis a pour effet de diminuer la prestation des plus de 30 ans.
Il faut tout de suite donner la parité aux moins de 30 ans afin qu'ils
rattrapent les prestations des plus de 30 ans. Vivre avec 178 $ par mois, c'est
plus que difficile à tous points de vue. Cela met les jeunes à
l'école du crime. La réforme rend dépendants les jeunes
assistés sociaux. 7000 d'entre eux seront sans revenu. On surcharge la
responsabilité parentale quand les enfants ont pius de 18 ans. La
responsabilité parentale quand les enfants ont entre 2 et 18 ans est
comme évacuée en obligeant les parents à aller sur le
marché du travail.
Ce que la réforme fait, c'est appliquer le régime des
prêts et bourses dans le régime de l'aide sociale. Les prêts
et bourses sont déjà très contestés par les
étudiants - eux-mêmes à cause même de cette fameuse
dépendance des parents. Ce qu'il faut, c'est reconnaître
l'autonomie de toute personne qui a 18 ans et plus, c'est-à-dire pas de
notion de dépendance des enfants vis-à-vis des parents.
Dans la présente réforme, une personne peut rester
dépendante des parents jusqu'à la retraite. La réforme
telle que proposée isole et confine dans la dépendance quand, de
façon systématique, on coupe de 115 $ les colocataires et quand
on surveille, de façon indue, les femmes pour voir si elles ne sont pas
soutenues par quelqu'un. Quant à l'augmentation de
l'employa-bilité des personnes, c'est une autre façon de confiner
dans la dépendance quand il n'y a pas d'emploi.
Dans tout cela, il ne faudrait pas oublier que nous sommes en pleine
révolution technologique. La société est capable de
produire plus avec moins de ressources humaines. Il est donc normal que le
nombre des assistés dits aptes au travail augmente. D'ailleurs, les
assistés sociaux n'ont pas besoin d'incitation au travail, car ils sont
déjà tous à la recherche d'un emploi. Pour commencer, il y
a pénurie d'emplois.
En terminant, notre société est rendue à un moment
où il est nécessaire de donner un revenu garanti à
tous.
Mme Villeneuve (Lucie): Lucie Villeneuve. Pour terminer, nous
rejetons complètement la réforme de M. Paradis. Nous la
considérons comme une malhonnêteté intellectuelle et de
mauvaise foi, pour reprendre les mots du ministre. La réforme de l'aide
sociale est trop importante pour qu'on la prenne à la
légère. Nous trouvons que nous avons eu peu de temps pour amener
toute la richesse du vécu de l'assisté social et notre propre
projet de réforme. Pour ces raisons, nous exigeons une véritable
consultation publique sur la réforme et une commission d'étude
itinérante qui viendrait chercher ce que nous sommes capables de donner
comme véritable réforme basée sur nos besoins. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
infiniment. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Misstsquoi): Vous me permettrez de
débuter, M. le Président, en reprenant, comme je l'ai fait
à plusieurs reprises, le tableau ou le portrait statistique de
l'assisté social. Je suis conscient que, dans chacun des dossiers, une
approche personnalisée est de mise, et c'est ce que préconise la
réforme. Mais, quand même, la clientèle du ministère
n'est pas, comme vous le savez sans doute, des plus faciles à
réintégrer sur le marché du travail.
Vous avez comme clientèle à l'aide sociale
approximativement 400 000 ménages Parmi ces 400 000, environ 25 % soit
100 000, sont des gens qui, durant leur vie, n'ont pas travaillé et ne
travailleront probablement pas à cause d'un
handicap physique ou mental, bien que le gouvernement soit
disposé à mettre à leur disposition le programme APTE avec
des programmes adaptés de façon à ce que
l'évolution technologique qui était dénoncée
tantôt puisse leur servir à occuper, dans la
société, un emploi rémunérateur. Cette
clientèle de l'aide sociale est composée - et Mme la
députée de Maisonneuve déteste que je la décrive -
de 36 % d'individus qui sont des analphabètes fonctionnels, chez les
aptes au travail, de 60 % d'individus qui n'ont pas complété leur
cours secondaire et de 40 % qui n'ont aucune expérience de travail.
À partir de ces statistiques sommairement exprimées, il
est clair que, même s'ils veulent travailler, même s'ils ont le
goût de travailler, en ce qui concerne ceux qui sont aptes au travail, il
y a de nombreuses barrières qui s'érigent entre ces personnes et
le marché du travail. On en a des exemples frappants. Il s'est
créé beaucoup d'emplois au Québec durant la
dernière année, des emplois valorisants et des emplois à
temps plein. Dans la province, il s'est créé quelque 122 000
emplois de janvier à janvier. Parmi ces emplois, il n'y en avait que
5000 à temps partiel. Donc, les autres 116 000 emplois étaient a
temps plein. On a connu au Québec une baisse et des chômeurs et du
nombre d'assistés sociaux de plus de 100 000.
Nous pensons que l'employabilité, c'est très important
pour un individu pour qu'il ait une chance de se trouver un emploi. En Ontario,
on a vécu une situation qui se rapproche du plein emploi. Le
chômage a baissé en deçà des 5 %. Mais au même
moment...
M. Fortin (Alain): M. le ministre. M. le Président...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais compléter le
portrait et vous pourrez poser la question.
Le Président (M. Bélanger): Laissez M. le ministre
compléter sa question. Par ta suite, vous pourrez répondre.
M. Fortin (Alain): Elle est longue, sa question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En même temps que le
chômage a baissé quasiment au niveau de ce qu'on appelle le plein
emploi, vous avez eu une augmentation du nombre des assistés sociaux. Il
s'est produit un peu la même chose dans le comté que
représente à l'Assemblée nationale Mme la
députée de Maisonneuve. Au moment où il s'est
créé plus d'emplois dans l'est de Montréal que dans les
autres régions du Montréal métropolitain, on s'est rendu
compte que te chômage n'a pas baissé. On s'est également
rendu compte que le nombre d'assistés sociaux n'a pas baissé. Les
emplois ont été occupés par des gens qui avaient un
degré d'employabilité plus élevé et qui provenaient
soit de la rive nord, soit de la rive sud, soit d'autres régions de
Montréal. Et le gouvernement vient d'annoncer - Mme la
députée de Maisonneuve remerciait le gouvernement publiquement la
semaine dernière - un investissement additionnel et important dans
l'employabilité des gens de l'est de Montréal pour que,
lorsqu'une autre industrie s'établira, ces gens soient les premiers
à occuper les emplois parce qu'ils posséderont les
caractéristiques d'employabilité requises par l'entreprise.
Cette mise en situation m'amène plus directement dans le coeur
des interventions que chacun ou chacune a faites. Mme Jutra a parlé de
création d'emplois. Je pense que Je viens de répondre à
cette question en partie. Maintenant, je l'inviterais à relire, parce
que les témoignages qui sont donnés devant cette commission sont
transcrits, le témoignage de Centraide sur cette question cet
après-midi sur la création d'emplois. Je sais que vous êtes
un organisme près de Centraide. Nous avions le plaisir et le
privilège d'entendre cet après-midi le directeur
général de Centraide en matière de création
d'emplois qui a parié du rôle du gouvernement dans
l'établissement d'un climat propice à la création
d'emplois.
Vous parlez également, et c'est Mme Jutra qui l'a fait, de la
question de l'augmentation du salaire minimum et vous craignez que les
programmes d'employabilité aient une influence sur le gel du salaire
minimum. C'est une crainte qui transpire dans votre mémoire. Je vous
dirai que nous avons une approche différente du gouvernement
précédent en ce qui concerne le salaire minimum. Le gouvernement
précédent a choisi, lui, de geler pendant - vous avez dû
les sentir très longues, ces années - cinq très longues
années. Cela a dû être long pour Mme Harel aussi parce
qu'elle me disait que chaque année elle intervenait en faveur d'une
augmentation, mais qu'elle n'était pas écoutée par
l'ancien gouvernement. Donc, le gel du salaire minimum a duré cinq
longues années. Pendant la majorité de cette période, les
prestations d'aide sociale ont été indexées
trimestriellement.
Il arrive ce qui doit normalement arriver lorsque vous gelez le salaire
minimum et que vous indexez trimestriellement les prestations d'aide sociale:
L'incitation au travail disparaît complètement et on a un
phénomène d'attraction vers l'aide sociale, qui sans doute
n'était pas voulu par l'ancien gouvernement, mais qui s'est en fin de
compte révélé fondé. Mme Jutra a parlé
également de la politique antifamiliale préconisée par la
proposition gouvernementale. Bien qu'elle semble bien posséder les
interventions du Conseil du patronat devant cette commission parlementaire, les
remarques que j'ai adressées aux groupes qui ont réclamé
un statut spécial lorsqu'il y a présence d'un enfant de moins de
six ans ou d'âge préscolaire à la maison, et les ouvertures
que nous avons faites sur ce point lui ont sans doute
échappé.
Je profite de l'occasion pour rappeler gentiment à Mme Jutra que
le dossier n'était pas clos lorsqu'il y a eu dépôt du
mémoire et que d'autres groupes sont venus réclamer certains
ajustements, mais qu'il y a là toute la problématique de
concilier la réintégration sur le marché du travail de la
femme avec l'angle familial que l'on souhaiterait donner à un projet de
loi dans ce domaine. Je prends note que Mme Jutra nous Indique également
son appui total et complet du mémoire du front commun des
assistés sociaux.
Je ne sais pas si je vais tenter de répliquer dans l'ordre ou de
reprendre dans l'ordre les arguments. M. Fortin, non, je ne pense pas, oui on
va passer immédaitement aux arguments de M. Fortin. La parité et
tout de suite! C'est ce que j'ai retenu de M. Fortin. Vous n'êtes pas
d'ailleurs le premier. À 178 $ par mois, il n'y a pas personne qui peut
vivre avec cela. Le gouvernement actuel ne prétend pas qu'il y ait
quelqu'un qui puisse vivre avec cela. J'aimerais vous entendre... si les
programmes d'employabilité, que certains considèrent valables et
que certains autres considèrent non valables, sont mis à la
disposition des assistés sociaux dans la région que vous
représentez, soit la grande région de Québec, de
façon qu'ils obtiennent, par une participation à ces programmes
dans le cadre actuel, la parité de l'aide sociale, ou si vraiment il y a
carence, que les fonds n'existent pas, que les programmes n'existent pas et que
les fonctionnaires pour les appliquer n'existent pas. Là-dessus,
j'aimerais vous entendre, M. Fortin.
M. Fortin (Alain): J'aimerais parler un peu du salaire minimum.
Le ministre dit qu'il a augmenté te salaire minimum, mais il oublie de
dire que c'est à la suite des pressions populaires, des groupes
populaires qu'il a augmenté le salaire minimum. Qu'il se rappelle
l'opération beurre de 'peanut" dans le temps, il y a deux ou trois
ans.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Il y a deux ans et demi.
M. Fortin (Alain): Nous avons peur que le salaire minimum soit
gelé parce qu'il y a dans cela le gain d'exemption au travail de 155 $
par mois qui, en fait, est un nouveau salaire minimum. Les assistés
sociaux vont travailler, mais ce qui va arriver, c'est que tout le monde va
frapper à la porte des employeurs qui vont offrir des "jobs" à
155 $ par mois. Ce qui fait qu'il y a des gens au salaire minimum qui vont
être congédiés pour se retrouver sur l'aide sociale, qui
vont grossir tes rangs de l'aide sociale et qui vont passer par tout le
cheminement qui est dans la réforme ici, et qui vont se retrouver dans
des "jobs" à 155 $ par mois. La critique que je fais, parce qu'il faut
être humaniste, c'est que les travaux communautaires et les stages en
milieu de travail ne durent qu'un an chacun et, quand le jeune ne se trouve pas
d'emploi, il se retrouve à 168 $ par mois. D'accord.
Je connais plusieurs personnes, des jeunes, qui se trouvent dans la
criminalité parce qu'ils paient seulement leur logement et qu'ils ne se
nourrissent pas. S'ils se nourrissent, ils vont à l'Auberivière
et quêtent dans la rue. Ils sont tellement découragés
qu'ils se retrouvent à prendre de la drogue, de l'alcool, etc. (20 h
30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Fortin, je vais tenter
d'être un peu plus précis avec vous. Avant le souper, nous avons
eu le témoignage de médecins de l'Association de médecins
de CLSC du Québec qui nous ont dit que la seule façon qu'il y
avait d'obtenir la parité ou la quasi-parité - dans le cas des
mesures de rattrapage scolaire, ce n'est même pas la parité -
c'était d'obtenir un certificat d'un médecin comme quoi quelqu'un
est inapte au travail. On a convenu avec ces médecins et même avec
l'Opposition que ce n'était pas la seule façon d'obtenir ta
parité et qu'il y avait des mesures de participation pour un jeune. Ma
question est la suivante: À la suite de l'expérience que vous
avez comme personnes qui fréquentez ces milieux, lorsqu'un jeune
désire obtenir cette parité ou quasi-parité et se
présente dans un centre Travail-Québec, est-ce qu'il y a un
manque de ressources financières, de ressources humaines de programmes
qui lui sont offerts, de façon à ce qu'il l'obtienne
immédiatement?
M. Fortin (Alain): Je vais parfois, dans les centres d'emplois et
les jobs qu'il y a là, ce sont des jobs de représentants. Comme
je...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne parle pas des emplois
affichés, des offres d'emplois habituels, mais des programmes comme le
rattrapage scolaire, les travaux communautaires ou le stage à
l'entreprise. SI vous avez un jeune qui vous consulte comme organisme et qui
n'a que 178 $ par mois, est-ce que vous le référez, dans le cadre
de ces programmes, aux centres Travail-Québec?
M. Fortin (Alain): Nous avions un cas qui a été
référé, mais ce jeune a 27 ans, il a fait des travaux
communautaires, puis en tant qu'organisme, nous ne pouvons pas aller dans un
stage en milieu de travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Vous avez
également touché la question des prêts et bourses aux
étudiants, la contribution alimentaire parentale à l'aide
sociale, et vous avez dit: Cette mesure est déjà très
contestée dans la société, la notion de contribution
alimentaire parentale. Je vous le concède. C'est une notion qui, en ce
qui concerne les prêts et bourses aux étudiants, est
déjà très contestée. Cette notion même a fait
l'objet d'un débat au cours du congrès du Parti libéral en
fin de semaine et majoritairement le congrès s'est prononcé
contre le maintien de cette contribution alimentaire
parentale pour les prêts et bourses aux étudiants. Je ne
vous expliquerai pas de quel côté ta délégation de
Brome-Missisquoi a voté, je vais tout simplement vous poser là
question suivante: Dans le cas où elle existe dans le programme des
prêts et bourses aux étudiants, cette notion de contribution
alimentaire parentale, ne pensez-vous pas qu'en l'enlevant dans le programme
d'aide sociale, dans le programme APTE de la sécurité du revenu,
parce qu'elle n'existe pas dans le programme Soutien financier pour les
inaptes, vous maintenez là une incitation au jeune qui est aux
études de quitter ses études et de devenir un prestataire de
l'aide sociale, tout en vous avouant que, si elle n'existe pas pour les
prêts et bourses, on pourrait également l'enlever au niveau de
l'aide sociale?
M. Fortin (Alain): J'ai déjà été
étudiant. Je pense que j'ai 10 000 $ en prêts et bourses. Quand
j'irai travailler, ce que je vais rembourser... ce qui va me rester, c'est
l'aide jsociale, même moins. Alors, pourquoi aller travailler, donner de
l'espoir à un jeune, quand il n'y a pas de politique du plein emploi? Il
y a 30 % de soi-disant aptes au travail qui ont une scolarité de onze
ans et plus. Cela donnerait espoir aux autres si ces gens trouvaient un emploi.
Il y a 40 % des décrocheurs au Canada. et une des raisons est qu'ils
voient leur avenir bouché. Lucie aimerait prendre la parole.
Mme Villeneuve: Je suis prête à continuer à
répondre à la question. Le ministre demande: Est-ce que ça
ne contribuerait pas aux étudiants? Pour moi, présentement, les
étudiants qui veulent être bénéficiaires de l'aide
sociale, c'est bien difficile, parce que, quand on est étudiant, on ne
peut pas recevoir de l'aide sociale. Cela fait longtemps qu'existe la
dépendance de la contribution alimentaire aux prêts et bourses et
il n'y a pas eu plus d'étudiants qui se sont en allés sur l'afde
sociale à 150 $ par mois. Quand on est étudiant, on l'est au
niveau du cégep et de l'université. On ne peut pas participer aux
programmes de rattrapage scolaire. Donc, quel avantage aurait un
étudiant d'être bénéficiaire de l'aide sociale,
d'avoir moins que les prêts et bourses? Les prêts et bourses et
l'aide sociale ce n'est pas équivalent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là,
mathématiquement, vous me renversez. Il me reste à peine cinq
minutes. J'ai déjà eu l'occasion de lire une citation du livre
blanc sur la fiscalité écrit par Jacques Parizeau. Même
dans le cas où on n'accorde pas la parité de l'aide sociale,
où il y a discrimination contre les jeunes, il démontrait noir
sur blanc, ce grand professeur d'économie, que c'était
déjà plus payant d'être bénéficiaire de
l'aide sociale que dans le système des prêts et bourses aux
étudiants. Maintenant, si vous accordez la parité, comme le
propose le document, cela va devenir encore beaucoup plus attrayant que dans le
temps où M. Parizeau a écrit son livre blanc.
Mme Villeneuve: Si on accorde la parité avec les
programmes d'employabilité, parce que la parité,
présentement, c'est avec les programmes d'employabilité qu'on
peut l'avoir.
M. Paradis (Brome-MIssisquoi): C'est exact
Mme Villeneuve: Quand tu es étudiant, tu ne peux pas
participer aux programmes d'employabilité et étudier en
même temps parce que, pour les rattrapages scolaires, il ne faut pas que
tu aies fait ton cinquième secondaire. Tu ne peux pas faire le
rattrapage scolaire avec ton cégep ou à l'université. La
majorité des gens qui ont des prêts et bourses sont au
cégep ou à l'université. Donc, ce n'est pas la même
clientèle qui est touchée dans les deux cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez complètement
raison là-dessus, mais disons qu'avec la parité, dans la pire des
circonstances, le pire des barèmes que le jeune aurait avec la
parité, durant la période des neuf premiers mois s'il ne va pas
chercher ses gains pour exemption de travail, il tombe à 405 $ par mois.
Et il ne s'agit pas d'un prêt, il s'agit d'une prestation d'aide sociale.
Vous la multipliez, sur une base annuelle, par douze. Vous comparez cela
à ce que vous pouvez obtenir en matière de prêts et
bourses. Je pense que les jeunes savent calculer. Là-dessus, je vais
céder mon droit de parole à Mme la députée de
Maisonneuve. Il ne me reste pas de temps.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Pour reprendre le même exemple que le ministre,
il est fort vraisemblable que ce jeune n'ait pas 405 $ mais 305 $, compte tenu
de la contribution parentale minimale de 100 $ à titre de
dépendant. Donc 305 $, en ne parlant évidemment pas de partage de
logement. S'il y avait partage de logement, s'il était à la fois
avec un statut de dépendant et en partage de logement, ce serait 305 $
moins 115 $, donc éventuellement 190 $. On revient donc à la case
de départ. On revient à la case de ce qu'il a présentement
sans même participer, tout en pouvant multiplier et en participant au
programme.
Au fond, je veux faire juste une petite intervention de départ.
Vous allez remarquer, parce que je pense que vous êtes venus
précédemment assister à l'audition de quelques autres
mémoires, qu'il y a une sorte de mise en scène. Chaque fois qu'il
y a un groupe qui vient, le ministre intervient de la même façon.
Moi, personnellement, de l'entendre décrire le profil et les
caractéristiques d'analphabétisation et de sous-scolarisation de
la clientèle de l'aide
sociale, ce n'est pas cela qui me dérange. Mais je pense que cela
devrait le déranger et j'attends son grand plan de campagne pour la
scolarisation.
Ce qui me dérange, c'est qu'il a les mots pour le dire et qu'il
n'a aucun moyen pour le faire. Cela me dérange beaucoup, par exempte.
Cela me dérange de savoir que le ministère de l'Éducation
n'a pas l'air d'entendre son message parce qu'il a coupé 20 000 000 $ au
programme de la formation des adultes. Cela me dérange aussi de penser
qu'il reprend l'idée que le chômage a baissé jusqu'à
ce qu'on appelle le plein emploi. Je suis sûre que cela lui a
échappé. Je suis sûre qu'il ne va pas le
répéter, mais c'est transcrit. Demain, je vais le lui montrer et
je suis certaine... Vous partiez pour l'Ontario?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Harel: Ah bon! D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est transcrit. Demain, vous me
le montrerez.
Mme Harel: C'est pour l'Ontario. Si c'est pour l'Ontario,
voyez-vous, on en est loin encore. Je regardais, à l'heure du souper,
les rapports d'emploi sur la population, le rapport d'activités, et
malgré le taux de croissance, c'est malheureusement un rapport qui se
maintient, bon an mal an, à 56, 8 % à peu près, quelque
chose comme cela. Voyez-vous, cela est très rapide. Je le lui
répète et il n'a pas l'air de vouloir le comprendre. Je pense
que, pour se sécuriser, il s'est construit mentalement toute une
façon. C'est un mécanisme de défense. Cela existe. On
étudie les mécanismes de défense de la part de ceux qui
seraient obligatoirement tenus de participer aux mesures, mais là on est
devant le mécanisme de défense du ministre, qui me renvoie
toujours à la somme de 12 000 000 $ supplémentaires - merci, M.
le ministre - qu'il a allouée sur trois ans aux 22 000 chômeurs et
10 000 assistés sociaux de l'est de Montréal. Mais je lui
rappelle que, justement, c'est grâce à la vigilance des gens de
l'est - je le répète, car c'est vrai; d'ailleurs, même mon
homologue fédéral, M. Malépart, le dit - que nous avons pu
obtenir ce qui est un programme expérimental, un programme de formation
qui n'a rien à voir avec les mesures contenues dans le document
d'orientation.
Justement, les mesures sont des mesures de formation
générale - vous en parliez vous-même dans votre
mémoire - tandis que ce qu'on a pu obtenir du ministre, c'est un projet
expérimental de formation à l'emploi. On ne sait pas encore ce
que cela va donner, mais on est prêts à donner libre cours
à une sorte de consultation du milieu et à la soutenir parce que
je souhaite, justement, qu'il puisse y avoir un vrai plan de campagne de
formation professionnelle, pas seulement une litanie. Le ministre nous fait une
litanie. Cela me fait penser aux processions de la Fête-Dieu, quand on
faisait des grandes litanies. Il nous fait ta litanie de la sous-scolarisation
et de l'alphabétisation, mais il ne passe pas aux actes. À un
moment donné dans la vie, vous savez, il ne faut pas juste conter
fleurette, il faut passer aux actes. Là-dessus, on n'a pas de plan de
campagne du ministre.
Je lui rappelle simplement que dans l'est, si le chômage n'a pas
baissé, ce n'est pas tant parce que les gens d'ailleurs sont venus
prendre les emplois qui s'ouvraient, c'est parce qu'en cinq ans 7000 emplois
sont disparus à la suite de licenciements et de fermetures.
Je pense que c'est la dernière fois que je vais lui en parler.
Comme cela, je me dis: Ce sera dit, s'il ne comprend pas, ce n'est plus ma
responsabilité. Je reviens avec votre notion de besoins. Vous nous
dites: II y a des besoins. Vous nous avez parlé de l'ensemble des
besoins dits essentiels. Je faisais la comparaison entre la définition
qu'on retrouve dans l'étude qui a servi à la définition
des seuils de revenu minimum au Québec... C'est une étude sur
laquelle le ministère fonde toute sa définition des besoins
actuels pour modifier les barèmes. Avant, il prenait les barèmes
du dispensaire diététique de Montréal sur les besoins,
maintenant, il prend cette étude sur les dépenses de consommation
des familles à très faible revenu. Savez-vous combien de
familles, de ménages ont participé à l'étude du
ministère, pour qu'on fasse une proposition pour modifier les
barèmes de centaines de milliers de ménages? J'ai vu dans un
document du ministère qu'il y a, au maximum, 62 ménages. C'est
à partir de cela qu'on définit les besoins. Quand on les regarde,
même dans l'étude du ministère - je ne sais pas si vous
avez eu l'occasion de l'examiner - il n'y avait pas seulement les besoins
suivants: alimentation, logement, entretien ménager, soins personnels,
habillement, communications, articles et accessoires d'ameublement, transport,
loisir; il y avait aussi lecture, tabac et alcool - quelle luxe -
dépenses diverses, sécurité - j'imagine que ce doit
être des assurances - dons et contributions. Cela, c'est disparu.
Quand on examine les besoins essentiels de 1989, dans le document du
ministère, et ceux de 1985, dans l'étude, on se rend compte qu'il
y en a pour lesquels cela coûte moins cher. Cela coûte moins cher
en 1989 que cela coûtait en 1985. Je me suis dit... Vous n'avez pas pu
prendra connaissance de l'étude? J'ai pensé que vraiment il y
avait là un miracle que j'aurais aimé que le ministre nous
explique. Comment est-il possible qu'en 1989, sur le plan de l'habillement,
cela coûte moins cher en 1989 qu'en 1985. Il en est de même pour
l'ameublement, pour les transports, pour les loisirs. Il serait certainement
Intéressant de savoir comment il est possible, en 1989, de
prévoir des besoins essentiels moindres que ceux qui étaient
prévus dans l'étude du ministère sur
les seuils de revenu minimum selon la taille du ménage
sur une base mensuelle, premier décile des ménages de
travailleurs. (20 h 45)
Sur les besoins, je pense que si vous pouvez, ce soir, nous faire part
de l'expérience que vous avez... Dans votre mémoire, au
début, vous nous dites que vous offrez un service de soutien, de
consultation, d'appui. Il y a certainement des personnes qui vous ont
appelés aujourd'hui ou la semaine passée. Quel est, finalement,
le type de problèmes qu'elles vous présentent? Quelles sont les
difficultés qu'elles rencontrent? Quelles sortes de personnes
s'adressent à vous pour obtenir vos services? J'aimerais savoir un peu
ce que c'est Et si vous êtes dans la région de Québec, de
quelles sortes de personnes s'agit-il? Vous-même, êtes-vous
assistée sociale?
Mme Jutra: Je suis une ex-assistée sociale, et depuis peu
du programme prêts et bourses.
Mme Harel: Êtes-vous retournée aux études?
Mme Jutra: Oui, je suis à l'université
présentement, grâce au programme des prêts et bourses,
depuis janvier 1988.
Mme Harel: Cela fait plaisir.
Mme Jutra: J'étais une assistée sociale avant.
Mme Harel: Alors, parfois cela a du bon quand même.
Mme Jutra: Oui, je l'ai été trois ans. Ce sont
trois années d'expérience qui ne sont pas drôles, mais qui
m'ont beaucoup appris.
Je suis venue à l'audition d'autres groupes quand M. le ministre
Paradis a dit: Amenez-moi un cas d'inapte qui serait pénalisé.
J'ai tout de suite pensé au cas d'une femme qui avait des handicaps
multiples et qui nous a appelés. Par handicaps multiples, nous entendons
quatre vertèbres cervicales qui lui manquaient; donc, elle n'avait pas
de cou. Elle avait un pied bot Elle avait une tige de fer dans une jambe. Elle
avait entendu dire qu'elle pouvait avoir le supplément au revenu, un
supplément de 100 $. Alors, elle a fait les démarches. Au bout de
quatre mois, n'ayant pas de nouvelles pour savoir si elle était
acceptée pour le supplément ou non, elle appelle pour savoir ce
qui arrivait avec sa demande. Ils lui ont dit qu'elle n'était pas
admissible à ces 100 $ supplémentaires parce qu'elle
n'était pas paraplégique, ils lui ont dit: C'est normal, c'est la
loi. Cette femme m'a dit qu'en plus on lui avait enlevé 85 $ parce
qu'elle restait avec sa mère de plus de 80 ans. J'ai trouvé cela
aberrant. Je me suis dit: II faut que j'allie m'informer aux bonnes sources.
Alors, j'ai dit: Madame, on vous rappellera pour vous dire si vous avez droit
aux 100 $ supplémentaires.
J'ai téléphoné au bureau régional pour
m'informer si elle avait vraiment droit à cette somme de 100 $.
Effectivement, elle n'y avait pas droit parce qu'il faut vraiment ramper ou
aller faire sa demande en chaise roulante, il faut être
paraplégique ou avoir des maladies, grandes comme le bras, que personne
ne connaît. Profitant de l'occasion, je lui ai dit: C'est aberrant que
cette femme qui ne peut pas rester seule - et en plus elle reste avec sa
mère de plus de 80 ans - soit privée de 85 $. Mais elle me dit:
C'est la loi, toute personne qui partage avec un parent perd 85 $. J'ai dit: Ce
n'est pas 65 $ pour une personne seule? Non, c'est seulement la base; si elle
paye moins que 65 $, elle sera coupée. Mais pour rester avec un parent,
c'est 85 $. En plus, avec ce qui s'en vient, avec la réforme qui s'en
vient, elle ajoute: Cette personne va être privée de 115 $ quand
la réforme sera appliquée. Alors, je trouve cela aberrant. Une
personne qui n'a pas le choix de rester...
Mme Harel: Qui vous a informée? C'est la personne... Qui
vous a...
Mme Jutra: C'est la directrice. Claire Roy, la directrice du
bureau régional de Québec qui lui a dit qu'elle aura 115 $ de
moins, qu'elle peut se compter chanceuse - elle n'a pas dit cela, mais je peux
déduire qu'elle est chanceuse maintenant à 85 $, parce qu'il s'en
vient..
On a souvent des cas comme cela. Des fois, des erreurs administratives
qu'on rajuste sur un mois. Mais qu'est-ce qui arrive avec les besoins pendant
le mois où il y a rajustement? Comment les personnes font-elles pour
manger? Comment font-elles pour arriver le mois où les rajustements se
font? Si une personne nous appelle pour nous dire qu'elle a eu 104 $ de trop
parce qu'elle ne savait pas exactement comment procédait son
entrée dans un programme... En plus, elle fait preuve de bonne
volonté. Elle participe à un programme d'employabilité
actuel. Elle s'embarque dans ce programme. Parce qu'elle est entrée,
d'après les modalités, le 18 janvier, elle devait partir. Le
supplément devait rentrer en calculant à partir du 18 janvier,
mais on lui a envoyé la totalité du mois. Mais lui, il ne le
savait pas. Il reçoit une lettre en février lui disant qu'il
avait trop perçu, qu'ils lui coupaient, dans le mois de mars, la somme
de 104 $. Le monsieur a dit: Comment je vais faire au mois de mars? On
m'enlève ce qu'on me donne d'une main. C'est continuellement comme
ça. On trouve continuellement des raisons de couper. Dans les besoins
essentiels, où coupe-t-on? Sur la nourriture, parce qu'on a besoin d'un
logement. Le propriétaire attend le loyer. On n'a pas le droit, nous, de
retarder nos paiements, de retarder notre loyer. Il y a des procédures
qui font qu'il revient contre nous. Il faut s'habiller aussi. Là, on a
le recyclage des vieux vêtements; ce n'est pas si pire. On arrive
à s'en sortir. Il va peut-
être y avoir une taxe là-dessus. Mme Harel:
Écoutez...
Mme Jutra: C'est tout cela. Ce sont des coupures, coupures,
coupures, sur les besoins essentiels.
Mme Harel: Oui, cela me fait bien comprendre. En ce qui concerne
le partage du logement, dans le document du ministre, les personnes qui sont
admissibles au Soutien financier ne verraient plus le montant de 85 $ ni de 115
$ leur être réduit. Mais tous les ménages qui sont au
programme APTE et au programme APPORT, et on oublie parfois, parmi les
ménages au programme APPORT, les familles monoparentales du programme
APPORT, je pense que c'est plus que 115 $. Je crois que c'est un montant de 160
$ qui leur serait réduit. J'ai l'impression que cela peut
"désinciter" d'ailleurs beaucoup de femmes à retourner sur le
marché de l'emploi sachant que c'est si peu incitatif sur le plan des
gains de travail avec ces 160 $ par mois de réduction s'il y a partage.
C'est aussi dans le cas du programme APTE. La personne qui vous mentionnait le
trop-perçu qui lui était réclamé, c'est parce
qu'elle avait participé à un programme, me dites-vous?
Mme Jutra: En janvier, elle a été admissible
à un programme.
Mme Harel: Lequel? Le savez-vous? Mme Jutra: Travaux
communautaires.
Mme Harel: Elle avait commencé à participer aux
travaux communautaires.
Mme Jutra: Elle a participé le 18 janvier exactement.
Mme Harel: Et les 18 premiers jours...
Mme Jutra:... ne comptent pas pour le supplément, parce
qu'ils calculent à partir du moment où elle était
admissible au programme.
Mme Harel: À ce moment-là, elle avait, de bonne
foi, mentionné toutes les informations qui lui avaient été
réclamées...
Mme Jutra: Oui.
Mme Harel:... la date du début de son programme. À
ce moment-là, c'était une erreur administrative. C'est cela?
Mme Jutra: Oui, exactement.
Mme Harel: La crainte énorme que j'ai, c'est qu'avec la
multiplication des catégories et le fait que les catégories ne
soient plus néces- sairement uniquement fonction du statut marital, mais
du nombre d'enfants, de l'âge des enfants, imaginez-vous toutes les
possibilités d'erreurs administratives qui seront toujours
imputées au bénéficiaire, parce que les erreurs
administratives sont toujours payées par tes mêmes. C'est bien
cela?
Mme Jutra: Oui.
Mme Harel: Elles sont toujours redevables à ceux qui, au
fond, ne les auraient pas commises. Dans le cas qui nous intéresse, elle
a donné toutes les informations. C'est cela?
Mme Jutra: Oui. Toutes les informations étaient
là.
Mme Harel: II ne me reste que trois minutes. J'aimerais savoir si
vous avez des informations concernant les travaux communautaires ici, dans la
région de Québec, ou encore les stages en entreprise. Est-ce
qu'il y a des expériences, qui ont été portées
à votre connaissance, sur les stages en entreprise? Est-ce que cela a
été satisfaisant ou pas? Concernant les travaux communautaires,
est-ce qu'il y a des expériences intéressantes qui se seraient
faites? Est-ce que tous tes organismes bénévoles ou
communautaires qui veulent ouvrir des stages en ont ta possibilité? Il y
a des gens de Nicolet qui sont venus nous dire que les budgets étaient
complètement plafonnés et que même les organismes ne
pouvaient plus avoir de bénéficiaires qui y participent. Est-ce
qu'à votre connaissance cela s'est présenté dans la
région de Québec aussi? Est-ce que le rattrapage scolaire est
possible sans plafonnement?
Mme Jutra: Je peux quand même dire que je connais des
organismes qui ont présentement des assistés sociaux participant
aux programmes de travaux communautaires. Ils prennent justement de la
main-d'oeuvre des programmes de travaux communautaires parce qu'ils n'ont pas
les moyens de payer des salaires décents à ces personnes. Non pas
parce qu'ils n'ont pas les qualifications, c'est tout simplement que
l'organisme accrédité n'en a pas les moyens. On est perdants
parce qu'ils n'auraient jamais les moyens; ils sont plafonnés. En tout
cas, je peux laisser la parole à Lyna qui peut répondre un peu
plus à votre question.
Mme Savard: Je peux répondre de deux manières.
Premièrement, concernant le vécu des gens sur les travaux
communautaires, pour y avoir participé un peu cet été. moi
aussi, ce que je peux tout simplement dire, c'est que j'avais une fonction dans
un bureau étant un peu plus instruite que les autres personnes. Les gens
que j'ai vus défiler dans ce bureau cet été,
c'était assez triste de les voir prendre leur petit 100 $ qui leur
était versé par l'employeur, le reste
étant fourni par le ministère. Mais que faisaient ces
gens-là? Ils faisaient du ménage chez des personnes
âgées. Ils faisaient cela durant un, deux ou trois mois. Certains
laissaient et d'autres entraient; on était toujours à refaire la
liste des employés. On ne faisait quasiment que cela. Ces gens
n'étaient pas du tout valorisés par le travail et, pour eux, ce
fameux programme n'était pas un programme d'employabilfté, mais
une façon d'avoir au moins environ 400$ par mois pour vivre tout
simplement un petit peu. Ces gens qui ont réussi à se placer,
à se garder...
Mme Harel: C'étaient des Jeunes de| moins de 30 ans?
Le Président (M. Bélanger): Mme Harel.
Mme Savard: Excusez-moi, Mme Harel, les personnes qui ont
réussi à se garder un poste, c'est une minime partie, environ 20
% des gens qui ont réussi à se placer chez une personne
âgée qui leur payait un petit salaire pour les soins domestiques,
mais encore, sans conditions de travail décentes. Ces personnes, on
pouvait toujours les congédier du jour au lendemain. Enfin, c'est la
petite expérience que j'ai sur le vécu des personnes dans ces
travaux. Ce n'est pas du tout rose, comme semble vouloir le dire M. Paradis, et
j'espère qu'il m'écoute en ce moment. Je ne sais pas si...
Je voulais aussi ajouter, concernant les projets sur les travaux
communautaires, qu'on oublie beaucoup là-dedans qu'il y a plein de gens,
des jeunes et des moins jeunes, qui ont des projets et qui les ont soumis
maintes fois à différents ministères. Malheureusement, ces
projets sont pleins de poussière et on ne s'en est jamais servi. Ces
gens sont encore sur t'aide sociale depuis deux ans, cinq ans ou dix ans. Ils
ont des projets et ils ont des idées, mais ils n'ont même pas le
temps de pouvoir les réaliser parce qu'ils se débattent toujours
avec le BS qui coupe ici et qui coupe là, et il leur arrive plein
d'affaires. Ils doivent toujours se démener dans cette bureaucratie et
ils ne peuvent jamais se réaliser. Ce n'est surtout pas eux, encore une
fois, avec la réforme de M. Paradis qui pourront le faire, parce que ce
seront les entreprises qui profiteront de la réforme. Je pense que tout
le monde a compris.
Le Président (M. Bélanger): C'était tout le
temps à la disposition de...
Mme Jutra: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Du côté
ministériel, on me dit qu'il reste trois minutes. Brièvement, M.
le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement un commentaire.
Tantôt, Mme Jutra a soulevé la question du partage du logement
chez une personne qu'elle a, je pense, exactement décrite comme
quelqu'un qui serait admissible au programme Soutien financier. C'est une
erreur fondamentale, mais je ne vous en tiens pas rigueur. Vous me l'avez
expliqué de deux façons. Le groupe qui était venu avant
vous avait commis ce genre d'erreur flagrante, mais il aurait dû
être mieux renseigné.
Vous m'avez dit que c'est quelqu'un d'un centre Travail-Québec ou
d'une direction régionale qui vous a donné l'information.
Auriez-vous l'obligeance, après notre séance, de rencontrer Mme
Dussault, de mon cabinet, pour que l'on vérifie parce que c'est possible
que cette information vous ait été transmise. Ce que je tiens
à vous dire, et je tiens à remercier...
Mme Harel: Elles ont déjà dit que c'était la
directrice de la région. Est-ce exact? (21 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous prenons acte et nous ne
tenons pas rigueur. Je tiens également à remercier Mme Harel qui
a rapidement souligné le fait qu'il s'agissait également d'une
inexactitude. Je vous dirai que, depuis deux ans, dans mon courrier de ministre
responsable de l'aide sociale, des députés de l'Assemblée
nationale, de façon répétitive, me dénoncent ces
situations où le gouvernement applique une politique de
désinstitutionnalisation. En même temps, lorsque cette personne
sort de l'institution, va demeurer chez un parent qui en prend soin, on lui
coupe sa prestation d'aide sociale pour partage du logement. Ce sont les
députés des deux côtés de la Chambre qui
m'écrivent à ce sujet, ce qui est malheureusement le cas au
moment où nous nous parlons, sans réforme de politique de
sécurité du revenu.
Mais ce qui est également exact, et Mme la députée
de Maisonneuve l'a souligné et, si c'est le cas, la directrice
régionale aurait dû également vous le souligner, c'est
qu'avec la politique de sécurité du revenu, dans le cas du
programme Soutien financier, ii n'y aura ni partage du logement ni contribution
alimentaire parentale, et ce sera en moyenne une hausse de prestation d'environ
1000 $ sur une base annuelle, par personne qui sera admissible à ce
programme.
C'était là l'essentiel des commentaires que j'avais
à faire. Je tiens à vous remercier du travail que vous effectuez
auprès des assistés sociaux. Vous prenez la défense de
leurs droits. Vous faites valoir leurs droits. Il faut que dans la
société il y ait des groupes qui continuent à le faire. Je
vous remercie de votre intervention.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec
métropolitain et invite à la table des témoins le prochain
groupe...
Mme Harel: Auriez-vous aimé compléter?
Mme Jutra: Oui, J'aurais aimé compléter, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement, s'il vous plaît
Mme Jutra: Brièvement, c'est seulement pour que M. Paradis
arrête un peu sa litanie pour ce qui le concerne. S'il veut savoir
pourquoi à l'est du Québec on n'a pas engagé des
assistés sociaux, c'est à cause de la réputation qu'il a
faite aux assistés sociaux. La réputation de fraudeur...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse...
Mme Jutra: Juste une chose. Est-ce que je peux dire à la
dame qu'elle peut avoir ses 85 $?
Le Président (M. Bélanger): Non. M. le ministre
vous a invitée à voir Mme Dussault qui vous expliquera ou qui
verra les procédures à prendre dans le présent cas.
Mme Jutra: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sous le système actuel,
elle ne les aura pas.
Le Président (M. Bélanger): La commission vous
remercie donc. J'invite la Corporation professionnelle des conseillers et
conseillères d'orientation du Québec qui seront
représentés par M. André Boivin, Mme Dominique Drolet, Mme
Hélène Saucier, M. Alain Dubois et M. Jean-Noël
Deschênes.
Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place afin
que nous puissions entendre l'exposé de la Corporation professionnelle
des conseillers et conseillères d'orientation du Québec. Vous
connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour
faire la présentation de votre mémoire. Je prierais donc votre
porte-parole de se présenter et de présenter chacun de ses
représentants ou de ses coéquipiers, et chaque fois que vous avez
à intervenir, de bien vouloir donner votre nom. C'est pour les fins de
la retranscription du Journal des débats. Ces gens sont dans une
autre pièce et ne vous voient pas. Alors, s'ils n'entendent pas votre
nom, ils ne sont pas capables d'identifier les voix. Je prierais donc le
porte-parole de s'identifier et de procéder à la lecture du
mémoire. Merci.
Corporation professionnelle
des conseillers et conseillères
d'orientation du Québec
M. Boivin (André-G. ): Merci, M. le Président Je
voudrais commencer par vous présenter la personne qui est à mon
extrême gauche, Mme Dominique Drolet. À ma gauche, Mme
Hélène Saucier; à ma droite, M. Alain Dubois et votre
serviteur, André Boivin.
Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous accorder l'occasion,
surtout en cette fin de journée qui est aussi difficile pour vous que
pour nous de venir... J'aimerais que notre mémoire soit
présenté comme une occasion de réfléchir ensemble.
Cela va peut-être aider à mieux finir la journée.
La corporation que nous représentons compte 1400 membres et je
pense que ce n'est pas superflu ici de préciser certaines choses. On
connaît beaucoup les conseillers et les conseillères d'orientation
pour leur travail dans les écoles. À première vue, on peut
se demander ce qui motive ou ce qui intéresse les conseillers et
conseillères en orientation à parler de la réforme de
l'aide sociale.
C'est qu'en plus de ceux qui travaillent dans les écoles et qui
ont souvent affaire aux bénéficiaires de l'aide sociale, plus de
50 % de nos membres travaillent en dehors des écoles secondaires et 30 %
de nos membres travaillent directement avec des adultes
bénéficiaires d'aide sociale. Donc, on retrouve, depuis dix ans,
des conseillers et des conseillères d'orientation en
réhabilitation et en main-d'oeuvre, en plus de les retrouver en
éducation.
Notre formation en orientation a fait de nous les spécialistes
d'une relation dynamique qui existe entre l'individu et le travail.
C'est-à-dire que l'orientation peut être vue comme le point
d'équilibre entre ta lecture que je fais de moi, de mes aspirations, de
mes motivations, de mes capacités et la lecture que je fais de
l'environnement dans lequel se trouve le travail. Donc, en tant que
spécialiste, de cette relation dynamique qui existe entre l'individu et
le travail, nous offrons entre autres aux bénéficiaires de l'aide
sociale des services de quatre ordres. D'abord, des services
d'évaluation d'intérêts, d'aptitudes, de
personnalité, de situations psychosociales. Nous offrons
également des services de relations d'aide, que ce soit du "counselling"
d'emploi, vocationnel ou psychologique.
En troisième lieu, nous offrons aussi des services d'information
sur la réalité du marché du travail et, enfin, des
services de suivi sur l'aspect de la recherche d'emploi, l'aspect du maintien
en emploi. Nous avons concentré notre mémoire surtout sur un
point et quelques autres petites considérations, non pas qu'on est
d'accord avec tous les aspects du mémoire, mais plusieurs groupes sont
venus ici et viendront répéter souvent la même chose. On a
voulu, en plus de toucher quelques points, insister beaucoup sur la notion
d'employabilité qui nous semble fondamentale dans le projet de
réforme.
Ce qu'on a à vous proposer, à vous présenter, c'est
un concept d'employabilité que nous trouvons plus facile à
"opérationaliser", et plus facile à utiliser comme instrument,
comme approche pour arriver à un succès avec les
différents programmes offerts. M. Dubois, à ma droite, va vous
présenter la partie sur l'employa-
bilité. Mme Drolet, à mon extrême gauche vous
pariera des quelques autres aspects.
M. Dubois (Alain): Alain Dubois. Je vais commencer par la
définition qui est donnée dans le document. C'est que
l'employabilité est considérée comme l'adéquation
entre certaines caractéristiques de la personne et la nature des emplois
disponibles sur le marché. Ce qu'on peut considérer de cette
définition, c'est que cela donne quand même une orientation au
projet. D'un autre côté, cela reste très vague et cela
laisse place à beaucoup d'interprétation. De l'expérience
de beaucoup d'entre nous auprès de personnes moins favorisées par
rapport à l'emploi, on a retenu une définition
d'employabilité, c'est-à-dire de parier beaucoup plus
précisément de l'ensemble des préalables, des
habiletés, des comportements et attitudes qu'une personne doit
posséder à un niveau minimal afin de chercher, trouver et
conserver un emploi.
À ce moment-là, c'est possible de partir de cette
définition et de reconnaître les caractéristiques d'une
personne employable et aussi j d'avoir des styles d'intervention avec elle. Un
des buts qu'on a, ce n'est pas seulement d'évaluer, mais aussi
d'être capable d'aider des gens à développer leur
employabilité. L'employabilité, qu'est-ce que cela peut
comprendre? Cela comprend d'abord les prérequis généraux,
les caractéristiques essentielles à posséder avant
d'entreprendre une intégration au marché du travail. On pense
à une autonomie sociale. On pensé à la santé
physique et mentale, et aussi à une] chose qui est souvent
oubliée, avoir un projet voca-tionnel réaliste et
réalisable. Bien souvent dans les programmes de stages en entreprise,
des stages ont échoué justement parce que le stage ou le
programme de travail communautaire ne correspondait pas au projet vocationnel
|de la personne. Pour nous, ce qui est important, c'est aider chaque personne
à actualiser ses potentiels et partir de ce qu'elle peut apporter sur le
marché du travail.
Un autre point important, ce sont tes habiletés
particulières à un secteur d'emploi concerné. On parle des
compétences, des aptitudes, du tempérament et de la formation
relatifs au rendement quantitatif et qualitatif attendu. C'est sûr que,
lorsqu'on parle d'une habileté particulière, cela change pour
chaque emploi. Une personne sur ce point-là, par exemple, sera
employable dans un emploi jet pas dans un autre. À ce moment-là,
il est Important d'être capable de cerner avec elle quelles sont ses
habiletés particulières à un secteur d'emploi.
Un autre point important, ses habiletés de recherche d'emploi. On
insiste beaucoup sur les méthodes dynamiques de recherche d'emploi et
toutes ces techniques, mais on oublie souvent les ressources affectives qui
sont nécessaires à la personne pour chercher un emploi. Cela peut
aller comme ce que j'ai retrouve dans un dépliant "Méthodes
dynamiques de recherche d'emploi" où l'on disait: Chercher un emploi est
un emploi à temps plein. Vous êtes supposé faire ça
40 heures par semaine. Personnellement, pour avoir vécu une
période de chômage prolongée et pour accompagner des
personnes qui le vivent, c'est premièrement culpabilisant de se faire
dire ça et, deuxièmement, ça prend quelqu'un qui a un
degré d'estime de soi et d'intégration personnelle au-dessus de
la moyenne des gens. Ce qui est à peu près impossible è
trouver. Il faut aussi tenir compte des effets détériorants de
l'absence de travail. À ce niveau-là, les personnes n'ont souvent
plus les ressources pour chercher un emploi.
Un autre point, c'est l'adaptation au travail. C'est l'ensemble des
qualités ou compétences interpersonnelles qui permettent à
l'individu d'Interagir adéquatement avec son milieu de travail. Ce sont
des choses qu'on a pu apprendre à l'école, face aux nouveaux
emplois comme les emplois d'été, mais ici il peut être
question des personnes qui n'ont pas été favorisées, soit
par leurs expériences de vie antérieure ou tout simplement par
leur période plus mouvementée dans le système scolaire.
Elles n'ont pas pu développer ces habiletés, de sorte qu'elles
seront rejetées par le marché du travail.
Dans le but de présenter cela de façon un peu plus
concrète, on vous a donné des exemples. Cela ne correspond
peut-être pas au portrait statistique des assistés sociaux qu'on
répète souvent, mais ça correspond à notre
expérience clinique. Ce sont des personnes qui existent dans les faits
et on a seulement changé les prénoms. C'est pour montrer aussi
que lorsqu'on n'apporte pas la bonne mesure à quelqu'un, c'est tout
simplement la "chroniciser" davantage dans le système. On va prendre le
premier exemple: Claire qui est une finissante du cégep de 1985 en
techniques de travail de bureau n'a pas pu travailler dans son domaine. On lui
propose des mesures pour améliorer sa recherche d'emploi. Pourtant,
l'absence de travail l'a amenée à douter de ses capacités,
à être déprimée et à perdre ses
compétences professionnelles par manque de pratique.
À certaines personnes comme celle-là, offrir, à
répétition, des techniques de recherche d'emploi ou lui refaire
commencer des groupes qui passent tous par là, c'est toujours lui donner
l'impression qu'elle va revenir toujours au même point. Ce qui importe
avec elle, c'est de partir de ce dont elle a besoin et de définir cela
avec elle. Il est clair dans sa situation que ses principales limites se
situent dans les habiletés spécifiques par suite d'un manque
d'expérience de travail et aussi dans des habiletés de recherche
d'emploi du côté des ressources affectives pour chercher un
emploi. Pour quelqu'un de déprimé, c'est assez difficile d'aller
chercher un emploi. Je ne pense pas que ce soit une technique de recherche
d'emploi viable de se mettre à pleurer dans une entrevue de
sélection. C'est pourtant ce qui est arrivé. La personne dira: Je
ne peux pas
l'engager; elle est Instable émotivement. À ce
moment-là, ce qui importe, c'est de travailler ces points avec elle,
avant de penser à la recherche d'emploi.
Une autre situation peut être très différente.
Pourtant, la personne se retrouve aussi sous le régime de l'aide
sociale. C'est le cas d'un père de famille de 56 ans. Il y a plus d'un
an, l'entreprise où il travaillait a fermé. Donc, il a
épuisé son assurance-chômage. Il n'a pu décrocher un
nouvel emploi en raison de son âge, de sa faible scolarité et du
ralentissement économique dans son secteur d'activité. Tout son
avenir était basé sur le secteur du textile. Son
expérience est là-dedans puis aussi, si on se rapporte à
de nombreuses années. II n'a pas appris à chercher un emploi, du
moins pas dans les milieux comme aujourd'hui. Alors, cette personne a besoin
d'appui. Premièrement, on peut lui offrir des programmes de formation,
c'est bien sûr, mais je ne pense pas qu'une personne de 56 ans se sente
prête à faire du rattrapage scolaire pour augmenter son
employabllité. Elle va avoir besoin d'un appui affectif également
comme personne. Elle va avoir besoin qu'on parle avec elle du genre de mesure
dont elle pourrait avoir besoin. À 56 ans, elle a besoin d'être
respectée comme un personne qui a une expérience de vie, qui n'a
pas été chanceuse, qui a besoin d'appui et d'aide. (21 h 15)
Plutôt que de tous les reprendre, je vais passer à un
dernier exemple qu'on donnait. C'était Michèle, qui est
hémiplégique - c'est-à-dire paralysée de la
moitié du corps - et qui a une formation en tenue de livres. Elle a
réussi à aller se chercher une formation en tenue de livres. Elle
devrait normalement se trouver un emploi. Il faut dire qu'elle est
laissée pour compte parce que, dans son secteur d'emploi, on demande
d'être polyvalent. Il n'y a pas d'entreprise actuellement... et on parie
beaucoup de la relance économique et centrée sur les PME. Pour
travailler dans une PME, il faut être polyvalent. Pour quelqu'un qui ne
peut pas faire de dactylo et qui ne veut faire que de la tenue de livres, ses
possibilités d'emploi sont nettement moins grandes que pour celui qui
peut faire de la dactylo. Une personne comme cela, c'est sûr et certain,
on pourrait travailler très longtemps à lui faire faire des
stages en milieu de travail, à lui faire faire des travaux
communautaires, et cela n'améliorerait probablement pas son
emptoyabilité... Cela va venir un petit peu plus tard dans ma
présentation sur la disponibilité de l'emploi.
Ce qu'il est important de voir, c'est que chaque personne a un profil
d'employabilité qu'il importe, au début du processus,
d'être capable d'évaluer avec elle, parce que c'est elle qui est
la principale source d'information et de construire avec elle un programme
d'intervention. Une chose qui ressort aussi, c'est que cela demande donc des
services auxquels les centres
Travail-Québec du réseau actuel sont capables de
référer des gens. Les services sont déjà existants
mais on devrait les utiliser plus adéquatement. On pourra, à ce
moment-là, s'assurer du suivi auprès de ces gens et du suivi par
des tierces parties, c'est-à-dire des personnes extérieures au
ministère. Cela facilite énormément la confidence lorsque
la personne en face de soi ne manoeuvre pas le couteau. C'est une
expérience qui fonctionne déjà très bien dans
d'autres organismes. Que l'on pense à ta CSST et à la RAAQ, qui
va référer à d'autres organismes pour la
réadaptation. C'est un peu une formule identique qu'on proposerait.
Une autre chose importante, c'est la disponibilité de l'emploi.
Une chose que nous remarquons, c'est que moins un emploi est disponible, plus
le profil d'employabilité exigé est spécifique. Il est
donc difficile pour certaines personnes défavorisées
d'accéder à un emploi là-dedans. On aurait beau travailler
avec ces individus pendant des années et même des dizaines
d'années, cela ne changerait rien. On a besoin à ce
moment-là de mesures incitatives, pas pour la personne mais pour
l'employeur, pour compenser son manque à gagner; pas seulement, par
exemple, pour ce qui est de se faire connaître par des stages, mais d'une
subvention réelle à l'emploi qui compense pour ces manques.
Encore là, cela existe dans certains autres services, entre autres pour
ce qui est des handicapés physiques. Il serait intéressant de
pouvoir connaître d'autres limites. Qu'on pense à la limite en
raison de l'âge. C'est une catégorie de plus en plus grande de
personnes bénéficiant de l'aide sociale actuellement.
Je pourrais terminer sur ['emptoyabilité en disant que parler
d'employabilité auprès des personnes, c'est parler d'un profil
qui peut s'améliorer et se détériorer. Mais c'est surtout
déculpabiliser la personne et sortir de sa responsabilité
personnelle. Très souvent, son évolution et son profil
d'employabilité vont être indépendants de ce qu'elle a pu
faire jusqu'à maintenant.
Mme Drolet (Dominique): Dominique Drolet. Pour poursuivre les
propos d'Alain, on aimerait aussi attirer votre attention sur quatre points ou
thèmes qui nous sont apparus importants à la lecture de la
réforme. Ce n'est absolument pas exhaustif comme analyse, ce ne sont que
quelques autres points qui ont retenu notre attention.
Le premier est la notion d'aptitude au travail. Je formulerais mes
propos plus en disant que nous sommes inquiets que puisse revenir au corps
médical et au corps médical uniquement l'évaluation de
l'aptitude ou de l'inaptitude au travail. On a entendu parler de ce qui
s'était passé avec le médecin qui avait été
poursuivi par rapport à un certificat médical. Bon, d'accord.
Comme le précisait André Boivin tout à l'heure, notre
corps professionnel a comme caractéristique, entre autres, d'être
capable d'évaluer les
exigences du marché du travail et ce que cela prend pour
s'Intégrer au marché du travail
Je pense qu'il est important, au moment de l'évaluation de
l'aptitude ou de l'inaptitude, tout en faisant un bilan de ce qu'a la personne
comme potentiel ou comme caractéristiques, qu'on puisse mettre cela en
lien avec les exigences du marché du travail aussi. Pour cela, ce n'est
pas uniquement une décision médicale qui doit être prise Ce
qui fait que, dans ce domaine-là, il serait important que des
comités interdisciplinaires puissent faire l'évaluation des
bénéficiaires d'aide sociale pour que, au mieux, ils puissent
recevoir ensuite l'aide dont ils ont besoin.
Un autre point aussi est la notion d'auto-évaluation et
d'auto-orientation dont il est question dans le projet de réforme. Ce
qui a été ta base de notre réflexion est notre
expérience clinique On se rend compte que, quand les
bénéficiaires arrivent dans un service qui va les aider ou
à développer leur employable ou à s'Intégrer au
marché du travail, à moins qu'ils n'aient absolument aucune
expérience de travail, ils ont habituellement épuisé les
ressources de l'assurance-chômage et des mesures légères,
les MDRE du Centre d'emploi du Canada, les sessions de recherche dynamique,
aussi, qui existent dans les CTQ. Cela dit, il est absolument - Je l'affirme
comme cela - irréaliste de penser que ces clients et clientes
bénéficiaires d'aide sociale seront en mesure, après une
période de chômage relativement prolongée, pour certains,
très prolongée, en raison de la détérioration que
leur ont procurée le chômage et l'exclusion du marché,
d'avoir une perception juste et adéquate d'eux-mêmes, de telle
sorte qu'ils puissent s'auto-évaluer et s'auto-orienter et qu'ils
pourront, sans une aide plus approfondie, réintégrer le
marché du travail.
Un autre élément, c'est le lien parental et filial
Plusieurs groupes se sont prononcés là-dessus. J'aimerais juste
vous dire, et je n'aimerais absolument pas faire peser la responsabilité
sur les parents, que si un jeune adulte arrive à demander des
prestations d'aide sociale, c'est quit s'est passé quelque chose avant,
et ce n'est pas nécessairement la faute des parents. Soit qu'il ait
décroché de l'école, soit qu'il ait eu des
problèmes personnels sociaux de n'importe quelle sorte, en
général, s'il sort d'un milieu dit favorisé, c'est parce
que les parents n'ont pas réussi à faire quelque chose de plus
pour lui. Ce n'est pas en laissant aux parents une part de
responsabilité financière qu'on va aider le jeune de quelque
façon que ce soit, ou l'adulte, parce que, selon la réforme, pour
le lien parental et filial, il n'y a pas d'âge. Ce n'est pas de ce type
d'aide que la personne a besoin, ce n'est pas cela qui va l'aider à
améliorer sa situation et, éventuellement, à
développer son autonomie.
Le dernier point, ce sont les montants mensuels. On s'est amusés
à faire de brefs calculs de la situation d'une seule personne partageant
ou ne partageant pas les dépenses, etc. Vous avez dû en faire
plusieurs, vous avez dû entendre plusieurs vous en raconter. C'est
absolument insuffisant pour vivre, d'autant plus que, malgré le
supplément qui pourrait être apporté en participant
à une mesure d'employabilité, la recherche d'emploi, cela
coûte cher. Envoyer dix curriculum vitae par semaine par la poste, c'est
en moyenne 1 $ du curriculum vitae. J'ai fait peser des enveloppes hier pour
une de mes clientes, c'est 0, 72 $ de timbre pour envoyer un curriculum vitae
de quatre pages avec une lettre de présentation, excluant les frais de
photocopies et de l'enveloppe. Cela veut dire, pour dix curriculum vitae par
semaine, ce qui n'est pas beaucoup en recherche d'emploi, un minimum de 10 $
par semaine, juste pour cela, et je ne parle pas des besoins vitaux de
nourriture, logement, etc. je parle juste des frais reliés à la
recherche d'emploi. Cela prend des vêtements décents, d'autant
plus si la personne a été longtemps exclue du marché du
travail. Cela prend, de temps à autre, une coupe de cheveux. Pour
certains milieux de travail, il y a des normes d'intégration et tous ces
frais sont supplémentaires. II est absolument impensable qu'une personne
puisse arriver financièrement et chercher de l'emploi avec les montants
qui lui sont alloués.
Le Président {M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup, Mme Drolet. Vos 20 minutes sont écoulées et je vais
laisser la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux remercier la Corporation
professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du
Québec pour son mémoire et pour sa présentation. Je vous
indiquerai Immédiatement que l'heure à laquelle vous avez
été invités à présenter votre mémoire
n'a rien à voir avec la qualité du mémoire que vous
présentez ni des observations que vous faites. La commission a
négocié, si je peux utiliser ce terme, en mon absence, la
comparution des différents groupes. II y en a qui sont plus tôt le
matin, il y en a d'autres qui sont plus tard le soir, mais je dois dire que
jusqu'à maintenant, autant dun côté de la table que de
l'autre, nous sommes restés attentifs et éveillés aux
problèmes soulevés jusqu'à la toute dernière
minute, et le problème soulevé en fin de soirée est aussi
important que celui soulevé en matinée, et c'est l'attention que
nous lui accordons.
Sur ce, parce que vous avez contribué à détendre un
peu le ton de nos travaux, j'aurais envie ou j'avais envie de ne pas citer
à nouveau les fameuses caractéristiques d'employabilité ou
de non-employabilité des bénéficiaires de laide sociale.
Et à entendre Mme Drolet, je ne l'aurais pas fait. Je ne les aurais pas
citées parce que je pense quelle a bien saisi la clientèle
difficile avec laquelle nous avons à oeuvrer. Je ne suis pas certain que
M. Dubois a décrit, dans les cas qu'il nous a cités, la
clientèle typique de l'aide
sociale. Ou, s'il l'a fait, il a pris tes cas les plus faciles à
l'aide sociale. Ils avaient déjà un diplôme. Cela allait
défà pas si mal. lis manquaient un peu de pointu dans
l'employabilité. Je rappellerai donc, brièvement, sans mentionner
tous les efforts de création d'emplois et les résultats obtenus
par le gouvernement, que 36 % de cette clientèle sont des
analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas complété leur
cours secondaire et 40 % n'ont aucune expérience de travail
antérieure. J'espère qu'en le répétant je n'ai
froissé ou choqué personne et que le ton demeurera là
où il était lorsque j'ai commencé mon intervention.
Vous parlez, M. Dubois, d'employabilité, d'aider chaque personne.
C'est l'approche que nous préconisons. Au moment où nous nous
parlons, pour utiliser une expression empruntée à Centrante cet
après-midi, le ministère a plutôt une approche "aspirine",
le remède qui fait à tout le monde. Et cette approche "aspirine"
fait en sorte que ni la posologie ni le médicament n'apportent chez le
client visé les résultats escomptés et qu'en bout de ligne
on réussit à marginaliser 400 000 ménages au Québec
et à se libérer un peu la conscience en se disant: Bon, ils ont
eu leur chèque; on espère que tout va bien. Donc, ce que vous
préconisez lorsque vous partez d'aider chaque personne, c'est un peu
l'orientation que nous voulons favoriser.
Maintenant, nous sommes conscients, comme vous, du poids ou du fardeau
qui serait imposé à celui à qui on demanderait pendant 40
heures par semaine - pour utiliser l'exemple que vous avez utilisé - une
recherche active d'emploi. Cela prend vraiment quelqu'un qui, comme vous l'avez
souligné, n'a pas de complexe. Peut-être que tous les
députés ici l'ont fait. Ils font plus de 40 heures par semaine,
tous les quatre ans. en campagne électorale. Mais demander à
quelqu'un qui, dans la société, a éprouvé des
difficultés énormes et tout ce que cela peut entraîner, de
le faire pendant 40 heures par semaine, c'est une exigence qui m'apparait,
à première vue, déraisonnable. Là-dessus, nous
prenons note de vos remarques.
Vous avez également parlé de la question de l'adoption du
programme aux individus. Vous avez mentionné à titre d'exemple le
cas de la personne de 56 ans en rattrapage scolaire. Vous avez
complètement raison sur les propos que vous avez tenus. Je vous dirais
de plus qu'il y a à l'Intérieur du programme APTE pour les
personnes - et vous l'avez sans doute noté - de 55 ans et plus, toute la
possibilité, bien qu'elles soient aptes au travail, de choisir le
barème des non admissibles. Je vous dirai également qu'au moment
où nous nous parlons, comme gouvernement du Québec, nous sommes
en négociation avec le gouvernement fédéral, dans le cadre
d'un programme qui s'appelait PAT pour les licenciements collectifs dans le cas
de certains secteurs très désignés et qui a cessé
au mois d'août dernier, dans le but d'appliquer ce pro- gramme à
l'ensemble des travailleurs licenciés collectivement dans l'ensemble des
créneaux industriels de façon à ce que ces gens ne se
retrouvent pas bénéficiaires de l'aide sociale, que cela
s'appelle te programme APTE ou autrement, mais se retrouvent dans un programme
qui soit beaucoup plus apparenté à l'assurance-chômage
qu'à l'assistance sociale. Et nous croyons répondre là
à un voeu de cette partie de la clientèle qui a contribué
toute sa vie, finalement, à l'essor économique, etc. et qui ne
veut pas finir bénéficiaire de l'aide sociale.
Vous avez également parlé, M. Dubois, de subventions
réelles à l'emploi. Il existe des programmes actuellement. Qu'on
parie de bons d'emploi ou bons d'emploi plus modifiés. On dit
présentement au ministère - et on l'a laissé savoir
publiquement - que nous avions l'Intention d'utiliser certaines méthodes
utilisées dans des États américains qu'on appelle le
"grant diversion", c'est-à-dire que l'assisté social peut prendre
cette portion de l'argent et le convertir en salaire de façon à
lui donner un incitatif favorable. Cela va dans le sens des remarques que vous
avez formulées et un peu aussi de l'approche que j'ai soulignée
la semaine dernière et qui est incitative auprès des nouvelles
compagnies qui s'installent au Québec. On leur demande, lorsque nous
négocions les programmes de formation, de réserver une partie des
emplois réguliers à cette clientèle de l'aide sociale. (21
h 30)
Mme Drolet, quant à elle, a posé des questions difficiles,
qui doivent être posées dans le cadre de cette politique de
sécurité du revenu. Sur la notion d'aptitude au travail et sa
dimension psychosociale, vous nous avez suggéré un comité
intersectoriel. C'est une suggestion qui mérite d'être
analysée. C'est une suggestion à laquelle je manifeste
personnellement une certaine ouverture.
Vous avez souligné également la notion
d'auto-évaluation en nous indiquant le profil d'une personne qui, sur le
plan psychologique, a subi certains effets surtout après une perte
d'emploi, douze mois à l'assurance-chômage et son arrivée
à l'aide sociale. Vous avez entièrement raison et vous rejoignez
les propos qui ont été tenus par l'association des psychologues
qui est venue témoigner. Peut-être pas dans les mêmes mots,
mais en tout cas l'idée que vous avez énoncée, ils
l'avaient énoncée. Pour cette clientèle, vous avez
entièrement raison. On a aussi une clientèle qui nous arrive
directement à l'aide sociale, sans perte d'emploi. D'ailleurs, tes 40 %
qui n'ont jamais occupé d'emploi antérieur sont arrivés
directement à l'aide sociale sans passer par l'assurance-chômage
et peut-être que, là, tout le processus psychologique que vous
nous avez décrit ne s'est pas produit. Il ne s'agit pas, à ce
moment-là, de traiter les gens de la même façon et c'est
là où l'approche personnalisée, dont je traitais avec M.
Dubois, prend toute son importance.
Troisièmement, vous touchez à la question du lien parental
ou filial, question combien discutée et combien soulevée à
cette commission parlementaire par l'ensemble des intervenants qui, grosso
modo, semblent quasi unanimement s'y opposer. Également, la question, je
le mentionnais à l'autre groupe, a été discutée en
fin de semaine au congrès du Parti libéral du Québec et,
par un vote serré, mais quand même par un vote majoritaire, les
militants ont demandé que l'on raie la question de contribution
parentale ou même de conjoint dans les questions des prêts aux
étudiants. J'imagine que, si on leur avait posé la question quant
à l'aide sociale, le vote aurait été sans doute à
peu près identique. Ils nous auraient demandé également de
rayer cette contribution alimentaire dans le programme de l'aide sociale; je
n'ai pas de doute là-dessus.
J'ai également indiqué que je ne dévoilerais pas
publiquement comment les délégués du comté de
Brome-Missisquoi ont voté, mais je peux le laisser sous-entendre. Sauf
que, comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, je suis placé devant un choix impraticable. Tant que cela
demeure une inclusion dans le système des prêts et bourses aux
étudiants, tous les observateurs avertis me préviennent que Je
commettrais probablement la gaffe politique de la décennie si je
n'introduisais pas de notion de contribution alimentaire parentale au niveau de
l'aide sociale tant qu'elle demeure au niveau des prêts et bourses aux
étudiants, parce que le phénomène d'attraction
décrit par M. Parizeau, dans son livre blanc sur la fiscalité, en
l'absence de parité, deviendrait un phénomène d'attraction
très fort si on accordait la parité au jeune assisté
social. C'est le dilemme dans lequel je me trouve présentement.
J'aimerais, là-dessus, que vous me suggériez quoi faire, à
la suite de ce que je viens de vous dire. Est-ce que je devrais quand
même l'enlever?
M. Boivin: André Boivin. Vous parliez de travail
interdisciplinaire tantôt, intersectoriel. Il faudrait peut-être
aller du côté du travail interministériel aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boivin: Si quelqu'un a une réponse plus
sérieuse, il est le bienvenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, la réponse est
très sérieuse.
Mme Droiet: Dominique Drolet. Je n'administre pas
financièrement un ministère comme le vôtre. Cependant, je
courrais le risque quand même. Cela dit, pas sans offrir en contrepartie
à ces jeunes les moyens de ne pas demeurer à l'aide sociale pour
les 10, 15 ou 20 prochaines années. D'accord? Si le
phénomène d'attraction est pour se produire, cela se peut, mais
je mettrais en place des mesures pour qu'il he dure pas et que le
phénomène d'attraction soit très temporaire. Ce ne sont
pas uniquement les montants financiers qui vont inciter les jeunes à
aller à l'aide sociale. Au contraire, Je pense que si quelqu'un se sent
incité à aller à l'aide sociale, c'est parce qu'il y a
quelque chose d'autre qui ne marche pas, quelque chose d'autre qui a
accroché dans son développement, il faudrait intervenir
là-dessus, quitte à ce que, pour une période temporaire,
il soit effectivement, entre guillemets, incité à être
bénéficiaire de l'aide sociale plutôt que... Mais ce n'est
pas tout. II faudrait aussi qu'il y ait des services après coup pour ne
pas y rester.
M. Dubois (Alain): Alain Dubois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. Dubois.
M. Dubois (Alain): Au sujet de la question de l'attraction des
étudiants réguliers au régime de l'aide sociale, je peux
répondre que ce sont peut-être des considérations
économiques que des économistes peuvent faire, devant quelqu'un
qui a déjà travaillé dans le système scolaire
régulier, il ne faut jamais oublier que le système scolaire n'est
pas seulement un milieu, que j'appellerais de réussite scolaire, mais
aussi un milieu de vie pour tes étudiants. Ils ne vont pas changer pour
aller chercher l'argent de l'aide sociale, c'est-à-dire laisser leur
milieu de vie et aller chercher une étiquette qu'ils ne sont
peut-être pas intéressés à avoir. Je ne suis pas
certain du tout que, pour un montant identique, ils vont transférer au
régime d'aide sociale.
C'est peut-être qu'ils ne savent pas compter. On s'est rendu
compte cette année qu'ils avaient des problèmes en
français; peut-être qu'on se rendrait compte qu'ils ont aussi des
problèmes en mathématiques, mais je ne suis pas du tout certain
qu'ils feraient le transfert, ayant des contacts avec des gens. J'ai même
vu des gens passer d'un régime à l'autre même si cela les
défavorisait, entre autres des personnes handicapées physiquement
qui sont passées d'un régime à l'autre, même si cela
les défavorisait parce qu'elles préféraient aller à
temps plein.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Dubois, vous avez raison
lorsque la fourchette, si je peux utiliser l'expression, est raisonnable. Dans
le cas où il n'y avait pas parité, la fourchette, à mon
avis, si Je prends les chiffres de M. Pari-zeau, en 1984:
bénéficiaires de l'aide sociale, 1758 $ parce qu'ils n'avaient
pas la parité; prêts et bourses aux étudiants, 1195 $ en
prêts et 1250 $ en bourses dans le cas limite...
Au moment où nous nous parlons, dans le pire des barèmes:
neuf mois, le plus bas, sans exemption pour gain de travail, 405 $.
Multipliez-les par douze sur une base annuelle et il ne s'agit pas d'un
prêt. Je suis prêt à comprendre que les jeunes ne savent
peut-être pas exacte-
ment compter ou, si la fourchette est étroite, qu'il n'y a pas ce
passage, mais lorsque, sur le plan financier, on élargit le passage et
qu'il devient une autoroute, je ne suis pas certain qu'il n'y aura pas de
circulation sur l'autoroute.
M. Dubois (Alain): Sauf si, pour passer cette autoroute, il faut
qu'ils oublient du bagage en route, comme leur projet scolaire qu'ils
avaient..
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais pour...
M. Dubois (Alain):... mais je ne suis pas certain que les
étudiants laisseraient tomber cela. En tout cas, c'est un débat
qui peut rester en l'air.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour quelqu'un issu d'un milieu
raisonnablement confortable, peut-être pas, mais pour quelqu'un issu
d'une famille bénéficiant de l'aide sociale où tous les
besoins sont comptés et minutés, je ne suis pas certain que la
pression ne serait pas plus forte et qu'à ce moment-là on ne
desservirait pas les plus défavorisés de la
société.
M. Dubois (Alain): II faut croire que ce seraient peut-être
des individus qui déjà décrochaient aujourd'hui et non pas
de nouveaux décrocheurs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de votre opinion.
Mme Harel.
Le Président (M. Baril): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, vous me permettrez
peut-être de continuer la discussion sur le même sujet. Il pourrait
se produire à ce moment-là que l'individu issu d'une famille
défavorisée soit, comme vous le dites, lui-même un
décrocheur ou encore il faudrait se demander combien d'entre eux ont
accès à des études postsecondaires, collégiales ou
universitaires. Je pense que le pourcentage de décrochages au
secondaire... À ce moment-là, de toute façon, iI ne peut y
avoir de problème avec les prêts et bourses parce que cela
n'existe pas au secondaire.
Une voix: Cela n'existe pas au secondaire.
Mme Harel: Les prêts et bourses s'appliquent seulement
à des études collégiales ou universitaires.
M. Dubois (Alain): Postsecondaires.
Mme Harel: Postsecondaires, voilà! Donc, je pense que le
pourcentage d'étudiants venant de milieux défavorisés, de
familles pauvres, qui poursuivent des études collégiales et
universitaires est encore très faible. Je pense qu'il serait
intéressant de le faire vérifier parce que je crois que,
malgré la réforme scolaire des vingt dernières
années, cela a à peine fluctué et qu'on n'a pas
réussi substantiellement à ouvrir les études
postsecondaires aux enfants de milieux défavorisés.
Par ailleurs, sur ce thème, les 405 $ sont dans le cas du
barème pour non-activité. C'est le montant de 405 $ dans la
catégorie des neuf mois de départ. Comme il y en a 80 % qui
habitent chez leurs parents, ils se verraient réduits d'un montant de
515 S, et ils constituent la majorité des moins de 30 ans. En plus de
cela, pour la plupart d'entre eux, iI y aurait sur ce montant une contribution
minimale de 100 $ des parents, je pense, sans prendre en considération
le test de revenu. On revient finalement à la case de départ pour
la plupart de ceux qui, vivant chez leurs parents, voudraient, pour toutes
sortes de mauvaises raisons, quitter les études collégiales pour
décrocher complètement, avec cette étiquette qui reste
malgré tout quand même assez difficile à porter au
Québec.
D'ailleurs, je me suis demandé, et c'est une question que je vous
pose, si la tentation ne peut pas être plus grande dans certains milieux
où l'étiquette est moins compromettante que dans les milieux
ouvriers. Dans les milieux ouvriers, je pense que c'est beaucoup plus difficile
de porter l'étiquette d'assisté social que dans les milieux de
classe moyenne où, sans complexe, on peut plus mettre la faute sur sa
famille, ses parents ou sur la société entière, et on n'a
pas un cousin, un oncle, un frère ou une soeur qui travaille au salaire
minimum durement et qui est un exemple vivant pour soi. Je ne suis pas
sûre que dans les milieux défavorisés, sauf ceux qui sont
complètement désintégrés... C'est autre chose
à ce moment-là.
Je reviens avec votre mémoire. Vous ne serez pas surpris si vous
apprenez qu'essentiellement la trame de fond est la même que celle de la
corporation des psychologues.
M. Boivin: Nos deux spécialités, étant
très complémentaires, cela ne me surprend pas de voir qu'il peut
y avoir des...
Mme Harel: C'est cela. Vous ne serez pas surpris non plus de
savoir - c'est la question que posait Mme Drolet quant à l'usage qui
serait fait par le corps médical de son expertise - que le corps
médical lui-même, en tout cas, certaines de ses parties, semble
inquiet. On avait avec nous la fédération des médecins de
CLSC qui faisaient valoir eux-mêmes qu'il fallait considérer la
personne dans son ensemble avec ses dimensions bio-psycho-sociales.
Parfois, en lisant un mémoire comme celui de votre corporation -
ce n'est pas du tout un reproche, c'est même intéressant pour un
parlementaire - on peut voir qu'il y a des vocabu-
laires de milieux, c'est-à-dire, par exemple, M Dubois. Puis,
tout cela a l'air d'être un peu tiré par les cheveux, mais quand
vous nous donnez des exemples concrets, on comprend mieux. Par exemple, quand
vous dites la clarté du projet vocationnel et les ressources affectives
nécessaires Dans un milieu comme ici, cela peut avoir l'air, je
m'excuse, complètement "flyé" Je ne sais pas si je m'explique
bien. Pourtant, quand vous décrivez les choses, là je comprends
Quand vous avez dit. Si quelqu'un passe une entrevue et se met à
pleurer, on aura beau lui avoir augmenté son empltoyabilité "au
coton", lui avoir fait passer son secondaire et tout ce qu'on peut s'imaginer
de travaux communautaires, c'est bien évident qu'il y a sûrement
là un problème dont on n'a pas nécessairement tenu
compte.
M. Boivin: Cela ressemble à l'adaptation qu'on dort faire
quand on se présente pour une première fois devant une commission
parlementaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ouf. Mme Drolet, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Drolet: Ce qu'on entend aussi par clarté du projet
vocationnel, c'est ce que je dis en première journée de session
de recherche d'emploi à toutes les femmes, parce que je travaille dans
un SEMO-femmes. Quand on ne sait pas ce qu'on cherche, on ne trouve rien. C'est
cela, la clarté du projet vocationnel.
Mme Harel: En vous écoutant, cela me faisait penser
à un emploi d'été que j'ai occupé. II y a bien
longtemps. Je travaillais dans un bureau d'aide sociale. Je me souviens de
quelqu'un qui s'était présenté en disant: Je suis capable
de faire n'importe quoi. Mais n'importe quoi, finalement, cela n existe pas sur
le fichier.
Mme Drolet: C'est quoi?
Mme Harel: C'est certainement dans ce sens, quand vous parlez
d'un projet vocationnel Vous nous donnez des exemples, et je pense que cela
aide à faire comprendre que c'est la clientèle de l'aide sociale.
Sauf peut-être Claire, et encore là, pour Georges, pour Alain, le
décrocheur, pour Jacques, l'ex-bénéficiaire psychiatrique,
pour Michèle, hémiparésique, c'est certainement là
justement la clientèle de l'aide sociale C'est cela qui nous fait voir
qu'on ne peut juste dire: Retournez à l'ouvrage, en pensant,
malgré soi, dans sa tête C'est parce qu'ils ne veulent pas laver
de la vaisselle. Finalement plus ou moins, tout tourne autour de cette
question. Sont-ils paresseux au point de ne pas vouloir aller laver la
vaisselle au salaire minimum' Vous allez me dire que c'est simplifier beaucoup.
L'opinion publique, parfois, se met à simplifier à
l'extrême, et c'est avec ce degré de simplification que certains
débats ici même à l'Assemblée peuvent avoir lieu (21
h 45)
Je voudrais avoir votre opinion sur cette question
d'employabilité. Je ne sais pas si ce sera entendu, si ce sera
reçu - je ne veux pas dire simplement écouté, mais compris
- le rôle que le document veut faire jouer aux agents
socio-économiques. Pensez-vous qu'il est raisonnable qu'ils aient
à la fois un rôle de soutien et un rôle de contrôle?
Peut-être Mme Drolet, si vous le permettez, M. le Président?
Le Président (M. Bélanger): Oui. Mme Harel:
Oui.
Mme Drolet: Moi, je trouve qu'un agent d'aide
socio-économique est en conflit d'intérêts carrément
avec sa clientèle. II n'est pas en conflit d'intérêts pour
référer les personnes aux bonnes ressources ou aux bons services.
II l'est dans la mesure ou, à partir du moment où il fait
l'évaluation de la situation du bénéficiaire pour le
référer quelque part, il vérifie aussi, n'appose aussi son
sceau sur les montants mensuels qui vont être accordés. C'est
absolument impensable. Pour moi, cela encourage le fait que les
bénéficiaires ne se sentent pas particulièrement à
l'aise ni en confiance, et n'utilisent pas vraiment les ressources qui sont
à leur disposition dans les CTQ auprès de leur agent d'aide
socio-économique. Quel intérêt ai-je à parler de moi
si Je sais que je peux être coupé après? Cela ne va pas
ensemble.
Mme Harel: Vous voulez ajouter, M. Dubois?
M. Dubois (Alain): Un autre point important à tenir
compte, cest la quantité de dossiers qu'ont les agents
socio-économiques. C'est assez difficile de donner un service
personnalisé quand le nombre de dossiers peut quelquefois être
compté en centaines.
Mme Harel: II y a eu un très iImportant colloque
international à Montebello, il n'y a pas tellement longtemps - je pense
que cela fait un an et demi ou quelque chose comme cela - qui portait sur les
programmes européens de développement des ressources humaines.
C'était un colloque international, et un haut gradé du
ministère de la Santé nationale et du Bient-être social
"Health and Welfare" qui y a participé et qui faisait un peu la
synthèse des programmes d'employabilité américains, une
sorte d'évaluation globale - ils ont un peu d'avance sur nous en cette
matière - a dit en résumé que les solutions
traditionnellement acceptées s étaient
révélées inefficaces. Là, ils étudiaient
surtout trois groupes, les jeunes, les femmes et les hommes adultes de plus de
30 ans, j'imagine - je ne sais pas leur catégorie d'âge - pour
concture que
l'ensemble des programmes américains de formation scolaire qui
leur étaient destinés s'étaient avérés
totalement inefficaces et que la formation à l'emploi s'était
révélée plus efficace que tout autre type de formation,
où il y avait un rappel de leur échec antérieur dans les
mêmes conditions ou à peu près avec la même
pédagogie, etc. Pour ce qui est des femmes, l'étude concluait que
c'était là que cela s'était révélé le
plus satisfaisant et que les femmes avaient montré une réponse
très positive dans la recherche d'emploi, dans les programmes de
formation et finalement dans tout ce qui leur était offert. Quant aux
programmes destinés aux hommes en général, c'est là
où cela avait été le plus insatisfaisant, parce que la
plupart combinant beaucoup de problèmes personnels avec... Est-ce que
selon votre expérience - je n'ai pas pu savoir exactement - vous semblez
travailler surtout avec des clientèles, non pas scolaires, mais des
clientèles de réinsertion à l'emploi?
Une voix: Oui.
Mme Harel: Tous les quatre ou?
M. Boivin: Je travaille à temps plein à la
corporation. C'est pourquoi je préfère laisser les dimensions
plus spécialisées à ceux qui viennent des milieux de
travail.
Mme Harel: D'accord. Vous êtes tous les trois dans des
programmes de réinsertion à l'emploi?
Mme Drolet: Oui. Ce que je veux ajouter par rapport au rôle
de l'agent d'aide socio-économique, c'est qu'Alain a soumis quelque
chose d'important en disant qu'il y avait le "caseload" dans le langage de ces
personnes. J'ai fait brièvement ce matin, sachant que je venais ici, une
étude absolument informelle. Je travaille dans un SEMO.
Idéalement, CTQ et SEMO devraient travailler en étroite
collaboration. J'ai juste retracé depuis le 4 janvier, le jour de la
rentrée jusqu'à ce matin, combien de références
nous avaient été faites par les agents en place. J'en ai
compté trois sur l'ensemble des CTQ de la région de
Québec. Alors, les agents d'aide socio-économique...
Mme Harel: Sur combien? Mme Drolet: Trois sur...
Mme Harel: Sur le total de combien de personnes?
Mme Drolet: On a peut-être rencontré en entrevue
d'évaluation de besoins, peut-être 35 ou 40 personnes.
Mme Harel: Des femmes ou des personnes handicapées?
Mme Drolet: Des femmes, SEMO-femmes. Cela veut dire
qu'actuellement le problème que je constate c'est que les agents en
place ont même de la difficulté à connaître les
ressources et à bien se référer aux bonnes ressources. Ils
ont de la misère à connaître ça. Je ne leur en fais
pas le reproche. Il y a toutes sortes de circonstances reliées à
leur situation au travail qui nous font faire ce constat, mais je me dis: S'il
faut qu'ils arrivent à faire le suivi, ils ne connaissent même pas
les ressources et en plus on leur demande un rôle supplémentaire.
Je suis consciente que, dans la réforme, vous soulignez qu'il y a des
besoins de formation qui sont perdus dans l'ensemble des changements rapides
qui se sont produits. Oui, mais ceci dit, c'est inhumain de demander à
ces personnes de faire tout cela en même temps. Elfes ne peuvent pas
tenir tous ces rôles.
Mme Harel: Oui, sur la question de la clientèle. M.
Dubois.
M. Dubois (Alain): Alain Dubois. C'est un peu pour poursuivre ce
qu'a dit Dominique. Ce qu'on propose, c'est que les agents puissent
référer les clientèles à des services soit
déjà existants soit en inventer d'autres s'ils n'existent pas, et
pour cela ne pas attendre six mois par exemple. Je pense que pour des clients,
par expérience, on va se rendre compte seulement en écoutant
l'histoire de la personne que cela va être long avant qu'il se
décroche quelque chose. On n'est pas obligé d'attendre qu'elle
soit démolie. Le travail est beaucoup plus dur à faire
après. On veut intervenir avant. À ce moment-là, il faut
référer. C'est déjà, je dirais, une modalité
qui existe avec d'autres organismes. J'en ai parlé. Je pense à la
Régie de l'assurance automobile du Québec, qui
réfère à des centres de réadaptation ou à
des bureaux privés. Pour la CSST, c'est la même chose. Parce que
les gens ont trop de dossiers en main cliniquement, ils réfèrent
tout en se gardant ce que j'appellerais les clients plus faciles ou pour
lesquels cela va plus rondement. Pour nous, ce serait une modalité qui
permettrait à chacun d'avoir un service de qualité dans des
délais raisonnables.
Mme Harel: C'est certain que, quand on vous écoute, venant
de la corporation, on peut avoir l'impression que c'est pour des raisons de
corporation, de corporatisme, que vous défendez ce point de vue. Par
ailleurs, moi j'ai une corporation de développement économique et
communautaire dans l'est qui vient de terminer une étude qui
démontre que l'institutionnel a totalement failli, que des groupes
communautaires du genre 40-60 ans qui font de l'activité, disons
occupationnelle réinsèrent plus de personnes sur le marché
de l'emploi que le centre Travail-Québec de la rue Sherbrooke dans
l'est.
M. Dubois (Alain): Oui, entièrement. Quand
je parle de référence à des ressources, je ne parle
pas uniquement de ressources professionnelles du type conseiller d'orientation.
Cela peut être d'autres ressources aussi, si le besoin est autre. Il faut
faire quand même une nuance. On parle aussi d'entraide vocationnelle dans
notre secteur. Les réseaux d'entraide sont importants et sont existants
dans des services actuellement.
Mme Harel: Êtes-vous dans la région de
Québec, M. Dubois?
M. Dubois (Alain): Oui. Je suis au centre François-Charon,
en réadaptation.
Mme Harel: D'accord. Je pense que M. Boivin... Je ne sais pas si
Mme Saucier va vouloir ajouter quelque chose.
M. Boivin: Tant mieux.
Mme Harel: Non...
M. Boivin: Je pense que le message le plus important de notre
mémoire est de vous dire qu'on peut peut-être développer
une conception de l'employabilité différente de celle qu'on lit
dans le document. Je pense que M. le ministre a saisi tantôt, de par ses
réactions, que l'employabilité vue à notre manière
était peut-être différente et pouvait avoir certains
avantages. Ce que j'aimerais faire comprendre à la commission, c'est
qu'il existe au Québec des expériences d'application de la notion
d'employabilité. André Dubois parlait d'entraide vocationnelle
qui se fait entre des pairs. C'est propre à notre société
québécoise. Cela a été développé dans
la région de Sherbrooke par Jacques Limoges. Il fait aussi beaucoup de
travail auprès des chômeurs et avec les chômeurs. Je pense
qu'un peu partout au Québec on a développé des expertises,
et il faudrait d'abord commencer par étudier les ressources humaines de
la société québécoise.
J'arrive d'un congrès mondial de l'orientation en France
où, dans le domaine du lien avec le travail, les francophones se ruent
vers les ateliers tenus par nos Québécois qui ont
développé ces théories face au travail.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut demander au ministre s'il a pu faire
mener des études ou si le ministère a pu mener des études
sur les ressources, l'entraide communautaire...
M. Boivin: L'entraide vocationnelle.
Mme Harel: Vocationnelle, je vais utiliser votre vocabulaire.
M. Boivin: Je vais leur demander de trouver un autre mot.
Mme Harel: Non, on va finir par s'habituer. Pour moi, vocation,
cela voulait dire entraide missionnaire. Je comprends que c'est un autre
usage.
M. Boivin: II ne faudrait surtout pas dire cela au syndicat qui
représente nos membres.
Mme Harel: Est-ce qu'on a fait le tour, au Québec... Il y
a un nouveau contrat social qu'il serait souhaitable de passer sur le plan de
l'accompagnement et du soutien des personnes qui veulent se
réinsérer, mais ce que vous nous dites, c'est que, dans le
document d'orientation, les moyens préconisés ne sont pas les
meilleurs pour y arriver. Est-ce que c'est ce que je dois conclure?
M. Boivin: Exact.
Mme Drolet: Dominique Drolet. Je voulais ajouter tout à
l'heure qu'une ressource adaptée pour un bénéficiaire qui
désire réintégrer le marché du travail, c'est plus
qu'un professionnel, c'est plus qu'un modèle théorique sur ce
qu'est I'employabilité, c'est plus que des connaissances du
marché du travail. Chez nous, un service adapté, c'est une maison
où on laisse ses souliers, où on est connu. C'est un petit milieu
où il y a un groupe de six, huit ou dix personnes qui se connaissent,
qui se passent du linge d'enfant, qui s'échangent des gardiennes, qui
s'appellent le soir, qui se donnent des trucs en recherche d'emploi. Quand ils
voient un emploi, ils s'appellent entre eux. C'est cela, une ressource
adaptée. Je ne pense pas, malgré toute leur bonne volonté,
que les agents d'aide socio-économique vont pouvoir développer
cela avec leur clientèle. J'ai résumé avec quelques
exemples, mais, chez nous, il n'y a pas d'eau chaude dans les bureaux, il y a
une bouilloire; c'est une fille qui nous a donné une vieille bouilloire
que son "chum" avait réparée. C'est cela, une ressource
adaptée pour des femmes qui, souvent, sortent pour la première
fois de chez elles, qui n'ont pas fait garder depuis très longtemps
leurs enfants. C'est tout ce réseau qui est aussi un soutien en plus de
l'expertise, entre guillemets, professionnelle qu'on peut leur apporter. C'est
cela, une ressource adaptée. Et elles n'auront pas cela au CTQ.
Mme Harel: Mme Drolet, je veux vous remercier de même que
M. Boivin, M. Dubois et Mme Saucier qui partagez la même expertise. Je
dois vous dire que votre exemple à 0, 72 $ le timbre pour envoyer un
curriculum vitae de quatre pages avec une lettre d'accompagnement, sans les
frais de photocopie, cela m'a convaincue de pas mal d'affaires. Je vous
remercie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous vous remercions.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que
cela vous a convaincu que Postes Canada demandait trop cher? Pour en
revenir à une réponse que vous cherchiez en ce qui concerne
l'entraide vocationnelle, oui, le ministère est impliqué. Il
travaille avec un groupe externe dans' la région de Sherbrooke. Le
groupe s'appelle Hexagone. Pour revenir à...
M. Boivin:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Hexagone.
J'en reviens à une question que je considère comme
fondamentale au projet de politique de sécurité du revenu et qui
a été soulevée par Mme Drolet, le rôle de l'agent
d'aide socio-économique. Je pense qu'il s'agit là d'un
problème fondamental. Nous sommes conscients, au ministère, que
demander à des gens qui, essentiellement, dans le passé, sauf
quelques exceptions, ont été utilisés ou employés
à émettre des chèques et à contrôler
l'émission des chèques c'est tout un défi qui est
posé à ce personnel et qu'il faut être raisonnable dans le
défi que nous posons ou dans le changement d'attitude et de
mentalité que nous demandons à ces gens, malgré la
formation que nous leur offrons. Vos propos sont retenus de façon
très sérieuse par celui qui vous parie parce qu'il y a là,
nous en sommes conscients, un danger de dérapage. Il s'agit de le
baliser et de s'assurer qu'il est minimisé au maximum. Sur ce point,
vous nous avez apporté des suggestions valables tout comme certains
groupes communautaires qui sont venus devant cette commission nous indiquer
que, dans plusieurs cas, ils étaient peut-être mieux placés
que le ministère comme tel pour rejoindre plus efficacement les
clientèles. Je vous remercie d'avoir soulevé ce point et des
suggestions constructives que vous nous avez adressées.
À la Corporation professionnelle des conseillers et
conseillères d'orientation du Québec, à son
président qui est de retour de voyage, aux gens qui sont venus à
une heure tardive nous faire part ou insister pour que l'on n'oublie pas ou ne
néglige aucunement cet aspect psycho-social de cette réforme de
sécurité du revenu, au nom des bénéficiaires
actuels et, au nom des bénéficiaires qui
bénéficieront je le souhaite, des bonifications que nous pouvons
apporter, je vous dis merci.
M. Boivin: Merci.
Le Président {M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie la Corporation professionnelle des conseillers et
conseillères d'orientation du Québec et ajourne ses travaux
à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 1)