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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 30 novembre 1988 - Vol. 30 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 37 - Loi sur la sécurité du revenu


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Bélanger): La commission permanente des affaires sociale se réunit aujourd'hui, le 30 novembre, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Blackburn (Chicoutimi) est remplacée par M. Jolivet (Laviolette); M. Blais (Terrebonne) est remplacé par M. Chevrette (Joliette).

Motion demandant de convoquer l'Office des personnes handicapées du Québec (suite)

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

Nous en étions, hier, à un amendement du député de Joliette qui se lisait comme ceci: "La motion est amendée par l'addition, à la fin, des mots "et l'Office des personnes handicapées". "

Si vous me permettez, je vais juste corriger le titre, parce que son appellation nominative est l'Office des personnes handicapées du Québec. Normalement, on doit l'ajouter. Il était recevable quand même, ça ne change rien, c'est juste pour la précision du titre. Donc, "et l'Office des personnes handicapées du Québec".

Nous en étions à donner la parole, si vous me permettez, à Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Pour les raisons que l'on connaît, je suis très favorable à la demande de mon collègue de Joliette pour que nous puissions recevoir l'Office des personnes handicapées du Québec à venir témoigner pour les personnes qui sont sous leur aile, c'est-à-dire celles qui souffrent d'un handicap physique ou psychologique.

M. le Président, en juin dernier, le nombre de personnes à handicap léger au Québec qui recevaient de l'aide sociale se situait à 4632; celles à handicap moyen, nous en avions 9234; à handicap élevé, 17 925; à handicap psychologique, nous en avions 25 993; à autre handicap, 22 456; et à handicap temporaire, 25 630. Ce qui nous donne un total de 105 800 et quelques personnes handicapées qui recevaient en juillet 1988, lors de ces statistiques, des prestations d'aide sociale. Ceci ne veut pas dire, M. le Président, que ces personnes n'étalent pas aptes à faire un travail rémunérateur.

Je suis consciente que le travail, doit être adapté aux besoins de la personne handicapée; je n'en disconviens pas. Mais on ne peut pas considérer que ces personnes comme des personnes inaptes au travail. Elles peuvent à la fois occuper un poste et être rémunérées.

Je pense que c'est de tout cela que l'Office des personnes handicapées souhaiterait venir témoigner devant les membres de la commission des affaires sociales, afin de bien nous faire comprendre les besoins que ces personnes ont et les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas, en quelque sorte, tomber sous le couperet du ministre pour les prestations d'aide sociale.

La notion de non-employé habilité ne paraît pas assez claire aux yeux de l'office, M. le Président. Ainsi, il est important de ne pas considérer les personnes handicapées comme des personnes malades. En ce qui a trait à l'employabilité, il devient urgent de définir le concept d'aptitude au travail selon une approche fonctionnelle.

Et je me souviens très bien, la semaine dernière, ici même à l'Assemblée nationale, il y a eu une réception pour honorer nos personnes handicapées qui avaient fait les jeux les paraolympiques, de Séoul, et je pense que tous les Québécois doivent être fiers de ces personnes qui sont, même avec leur handicap, ont réussi dans la vie. Elles ont choisi de faire du sport et ont excellé grâce à leur courage et aussi à la confiance de ceux et celles qui les accompagnaient pour les aider à faire quelque chose qui soit adapté à leur handicap.

M. le Président, je pense qu'on ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. Ou on reconnaît que ces personnes ont une valeur inestimable, ou ne ne reconnaît pas qu'elles valent la peine qu'on s'en occupe et on les passe sous le couperet du ministre. Je pense que c'est ce à quoi nous devons répondre, aujourd'hui. Et l'Office des personnes handicapées, qui fonctionne tous les jours avec des gens qui souffrent d'un handicap quelconque, léger, moyen ou important, serait beaucoup plus en mesure que nous, je pense, de témoigner devant la commission et de nous dire exactement quels sont les besoins et les attentes de ces personnes.

À l'égard des besoins particuliers des personnes handicapées non employables, l'office constate que le manque de références que peuvent avoir les handicapés considérés comme non employables. Il devrait y avoir des services adaptés, des plans de service, on propose un plan de service, qui permettrait l'évaluation des besoins de planification et de coordination des services individuels, ainsi qu'une meilleure intégration sociale et professionnelle de la personne handicapée. L'office pense que les mesures de développement d'employabilité dispensées par les CTQ devraient être adaptées, si nécessaire, pour aider les personnes handicapées dans la recherche d'un emploi. Quant aux besoins spéciaux, leur définition n'est pas assez étoffée,

aussi selon l'office, M. le Président, et je pense que c'est de tout cela que l'office souhaiterait venir nous informer à la commission parlementaire.

Les recommandations que l'office a faites jusqu'ici et possiblement qu'il pourrait y en avoir d'autres aujourd'hui de rattachées à cette première évaluation, c'est que le ministère statue sur l'employabilité ou la non-employabilité des personnes handicapées en utilisant la classification internationale des déficiences, incapacité et handicap, et ait recours à une évaluation fonctionnelle et non stritement médicale des capacités professionnelles de ces personnes. L'office recommande aussi que cette évaluation soit confiée à une équipe multidisciplinaire. Cette équipe pourrait être formée de spécialistes de l'orientation professionnelle, de l'ergonomie, de l'ergothérapie, de l'évaluation des capacités de travail, de la psychologie, de la psychologie industrielle.

Elle recommande aussi que les mesures légères de soutien à l'emploi et les mesures de développement de l'employabilité soient adaptées aux caractéristiques et aux besoins des personnes handicapées. Que la couverture des besoins spéciaux, particulièrement ceux reliés à l'accès, à l'intégration et au maintien au travail soit assurée pour les personnes handicapées impliquées dans une démarche d'intégration au travail.

L'office pense que les prestations d'aide financière aux personnes handicapées reconnues dépendantes ne devraient pas être réduites en fonction de la contribution alimentaire fondée sur le revenu des parents. Une politique de sécurité du revenu doit tenir compte des droits des personnes handicapées et de leur situation spécifique.

Je pense que quand le ministre pourra nous dire qu'il a rempli la commande qui a été adressée par l'Office des personnes handicapées, je pense qu'à ce moment-là, nous de l'Opposition, tout autant que les membres de I'autre côté de la Chambre, serions en mesure de dire que vraiment en leur nom et pour les personnes handicapées, nous avons rempli la commande qui nous avait été adressée. Mais tant et aussi longtemps, M. le Président, que nous n'aurons pas accepté de lever le voile sur cette partie de la société que sont nos personnes handicapées, que nous ne leur serons pas venus à l'aide et n'aurons pas répondu à ce cri de I Office des personnes handicapées qui travaillent quotidiennement avec ces gens-là, qui sont un peu moins chanceux que nous, disons-le, mais qui ne se trouvent pas pour cela des personnes moindres ou de moindre qualité, bien au contraire, je pense qu'on ne pourra pas fermer la porte et dire qu'on a accompli notre travail tel qu'on devait le faire.

C'est mon point de vue, M. le Président, et pour toutes ces raisons, nous souhaiterions que les personnes handicapées puissent être présentes avec nous et puissent intervenir au nom et pour ces personnes. Pour ce qui est des médecins, I y en a qui ont peur maintenant de la police parce qu'il y a eu des boubous macoutes qui seraient allés finalement dans leur cabinet sous de fausses représentations et je pense que les médecins sont craintifs à présent. Ils ne peuvent décemment faire une évaluation de la santé de la personne qui est dans leur cabinet. Il est important, M. le Président, que des choses comme ça ne puissent se produire de nouveau. Une confiance existait auparavant entre le patient et son médecin traitant. Aujourd'hui, à cause de certaines irrégularités qui se sont produites, le médecin n'est certainement plus autant en confiance et il y a des craintes qui existent à ce moment-là pour des évaluations qu'il fait à son cabinet.

Vous comprendrez. M. le Président, en terminant que je souhaiterais que cette partie de notre société qui est la nôtre aussi soit bien représentée à la commission et je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Johnson. M. le député de Lavioierte?

M. Jolivet: M. le Président. Pour terminer avec cette dernière intervention sur la motion d'amendement qui a été proposée, je vous dis que j'aurais aimé qu'on m'écoute et qu'on écoute les membres de notre formation politique de façon plus précise de l'autre côté et qu'on fasse montre d'une ouverture d'esprit qui aurait permis à des gens de venir se présenter à la commission parlementaire. On s'aperçoit qu'après moult discussions, moult raisons pour lesquelles, à mon avis, la commission pourrait en arriver à entendre des groupes, je m'aperçois que, de l'autre côté, on fait la sourde oreille comme on l'a fait pour l'ensemble du projet de loi. pour les points majeurs du projet de loi. Alors, nous allons passer au vote sur la motion et nous reviendrons.

Le Président (M. Bélanger): Alors, j'appelle le vote. Est-ce que cette motion d'amendement qui propose l'addition à la fin des mots "et l'Office des personnes handicapées du Québec" est adoptée?

Une voix:

Le Président (M. Bélanger): Vous demandez le vote nominal. Bien.

M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Présent.

Le Président (M. Bélanger): Je voudrais juste savoir si vous votez7

M. Bourbeau: Heureusement non, M. le~ Président.

Le Président (M. Bélanger): Contre.

M. Bélanger (Laval-des-Rapides)? Contre. M. Laporte (Sainte-Marie)?

M. Laporte: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Latuilppe (Chambly)?

M. Latulippe: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Lederc (Taschereau)?

M. Leclerc: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Thuringer: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Mme Harel (Maisonneuve)?

Mme Harel: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau (Johnson)?

Mme Juneau: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Alors, l'amendement est rejeté.

Une voix: Ce n'est pas juste.

Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas juste.

M. Jolivet: Ce serait fort probablement le même vote sur la motion initiale. (10 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Alors, nous revenons à la motion initiale qui se lit comme ceci: "II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la commission permanente des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de toi 37, Loi sur la sécurité du revenu, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin, elle entende le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Sur cette motion, est-ce qu'il y a encore des interventions? Cette motion, est-ce qu'elle est adoptée?

Mme Juneau: Adopté.

M. Jolivet: Adopté.

Des voix:...

M. Bourbeau: Hélas non, M. le Président!

Le Président (M. Bélanger): Je présume qu'on demande le vote nominal. M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. Bélanger (Laval-des-Rapides)? Contre. M. Laporte (Sainte-Marie)?

M. Laporte: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Latulippe (Chambly)?

M. Latulippe: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Leclerc (Taschereau)?

M. Leclerc: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Thuringer: Contre.

Le Président (M. Bélanger): M: Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Mme Harel (Maisonneuve)?

Mme Harel: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau (Johnson)?

Mme Juneau: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la motion est rejetée. Ceci termine...

M. Jolivet: Non, M. le Président. Avant d'aller à l'article 1, ma collègue, la députée de

Maisonneuve, aurait une motion à vous présenter.

Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le député de Laviolette. Alors, Mme la députée de Maisonneuve.

Motion demandant de fournir copie des projets de règlement

Mme Harel: M. le Président, la motion se lit comme suit. 'Que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette à la dispo-

sition de la commission permanente des affaires sociales une copte des projets de règlement d'application du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu et ce, afin que les membres de la commission puissent y référer au cours de l'étude détaillée de ce projet de loi"

Le Président (M. Bélanger): Alors, je voudrais vous entendre sur la recevabilité de la motion, s'I vous plaît.

Mme Harel: Oui, je vais laisser mon collègue, le savant député de...

M. Jolivet: Laviolette. Mme Harel:. "Jolivette" M. Jolivet: "Jolivette".

Le Président (M. Bélanger): "Jolivette" de Laviolette.

Mme Harel:... plaider la recevabilité, M. le Président. J'aurai peut-être l'occasion aussi de le faire par la suite.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, oui. On pourra vous entendre aussi.

Débat sur la recevabilité

M. Jolivet: M. le Président, je vais faire référence à différents articles de notre règlement, ce qui nous permettrait de revoir les raisons pour lesquelles nous prétendons que cette motion est recevabie en vous disant que nous n'avons pas eu besoin dans d'autres commissions de procéder par cette formule. Si le ministre, avant même que l'on discute de la motion, nous disait: Oui, je vais vous les transmettre, on éviterait beaucoup de discussions. Si le ministre me fait signe qu'il n'a pas l'intention de les transmettre... Cela pourrait éviter des discussions.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre

M. Bourbeau: Oui, j'ai l'intention de les transmettre et dans les meilleurs délais. Ce n'est pas que je ne veuille pas les transmettre, c'est que je ne peux pas les transmettre. Je suis moi-même très désireux de le faire dans les meilleurs délais, sauf qu'ils ne sont pas disponibles présentement. Tout le monde, je pense, va être en faveur de la motion. La motion est de déposer les règlements dans les meilleurs délais, c'est cela? Est-ce que vous pouvez nous relire la motion?

Mme Harel: Oui, je vous la relie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en fournis une copie, M. le ministre.

Mme Harel: "Que le ministre mette à la disposition de la commission permanente des affaires sociales une copie des projets de règlement d'application du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu et ce, afin que les membres de la commission puissent y référer au cours de l'étude détaillée de ce projet de loi "

M. Jolivet: M. le Président, compte tenu de cela, il est évident que je vais devoir discuter de la recevabilité de la motion. Le ministre nous indique que, pour des raisons qui lui appartiennent, il n'a pas l'intention de les transmettre Immédiatement. D'après lui, il ne peut pas. II faut peut-être le croire, mais aussi mettre en doute sa position. Alors, |e vais parler de recevabilité, M. le Président, parce que nous ne pouvons pas commencer l'étude détaillée du projet de loi si on n'a pas le règlement. C'est le but de la motion.

En vertu de l'article 154 que je vous lis, on dit: "Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions" Donc, les règles de l'Assemblée nationale s'appliquent à notre commission. Et en vertu de l'article 158, on dit: "En commission, les motions ne requièrent pas de préavis" Donc. M. le Président, vous êtes bien conscient que ma collègue avait raison de faire cette motion. Cela ne demandait aucun préavis.

A l'article 185, on dit: 'Le député qui désire proposer que l'Assemblée se prononce sur une question le fait par motion". Donc, ma collègue le fait en vertu de cet article qui, vous en conviendrez, réfère à l'article 154 qui dit que les règles de l'Assemblée s'appliquent aussi aux commissions.

À l'article 186, on dit: "Toute motion adoptée devient soit un ordre, soit une résolution de l'Assemblée: un ordre quand l'Assemblée enjoint à une commission, à un député ou à toute autre personne de faire quelque chose, une résolution quand elle exprime une opinion ou une intention, affirme un fait ou un principe. " Donc, c'est en vertu aussi de cet article que l'on dit au sujet du ministre: Oui mette à la disposition de la commission permanente une copie des projets de règlement. On dit bien "projets" parce qu'on comprend très bien que le ministre pourrait nous dire: Comme c'est un règlement et qu'i n'est pas encore adopté, je ne peux pas vous le transmettre. Mais les projets, il pourrait nous les transmettre. II est évident que ces projets feront l'objet de discussions au Conseil des ministres une fois la loi adoptée pour s'assurer, avec la prépubllcation et la publication, qu'ils respectent les habitudes que l'on a quant à I'adoption de ces règlements. Donc, "projets" est bien important ici dans notre motion.

Ensuite, à l'article 187, on dit: "Toute motion est soit de fond, soit de forme. "La motion de fond vise à saisir l'Assemblée

d'une affaire. - Ce qui en est une. "La motion de forme porte sur la façon de statuer sur une motion de fond ou porte sur la procédure de l'Assemblée. "

À l'article 188, on dit: "Sauf exception prévue par la loi et le présent règlement, le député qui désire présenter une motion doit en donner préavis. " Or, on voit bien ici que cela ne s'applique pas puisque c'est en vertu des règles sur la façon de procéder qui sont prévues en commission où on dit que cela ne demande pas préavis.

Donc, |'al cerné qu'en vertu de ces articles, je les répète: 154, 158, 185, 186, 187 et 188 de nos règles de procédure, un député pouvait proposer l'adoption d'une motion par une commission. Je pense qu'il n'y a pas de problème à la présentation comme telle.

En vertu, maintenant, de ces mômes articles, il peut le faire en tout temps. Cependant, la période des motions préliminaires, avant de procéder à l'étude détaillée d'un projet de loi, a été reconnue par la jurisprudence parlementaire comme étant plus particulièrement propice à la présentation de ce genre de motion. Je pense qu'il faut donc dire qu'il fallait la présenter immédiatement ici, étant donné que nous avons des motions préliminaires.

Je donne des décisions qui ont été prises le 2 décembre 1986 par le président Charbonneau, qui fait référence à notre Recueil de décisions concernant la procédure parlementaire relativement à une commission parlementaire. C'est la décision 244/14. 1 qui dit ceci: "À la fin de ses remarques préliminaires, un député de l'Opposition propose une motion visant à procéder à des consultations particulières. Certains députés n'ont pas encore fait leurs remarques préliminaires. " La première question dit: "Lorsqu'un député propose une motion préliminaire, est-il possible par la suite de reprendre l'étape des remarques préliminaires?" La deuxième: "Quelle différence y a-t-il entre ces remarques préliminaires et le débat prévu à l'article 247 du règlement?" La décision: "Selon la coutume, le processus d'étude détaillée débute d'abord par des remarques préliminaires et se continue par la suite par des motions préliminaires - donc, c'est une motion préliminaire qu'on fait ici - et finalement, par l'étude article par article. Le fait d'étudier une motion préliminaire signifie donc que l'étape des remarques préliminaires est terminée. Pour revenir à cette étape, la commission devrait adopter une motion de retrait conforme à l'article 195. " Cette décision nous Indique que c'est à ce moment précis que nous avons à présenter les motions préliminaires.

Une autre décision a été prise par la présidente Madeleine Bélanger, le 8 décembre 1986, quelques jours après et porte la numérotation, en vertu de notre recueil, COM 244/15. Elle nous indique ceci: "Alors que l'étape des remarques préliminaires est terminée, un député de l'Opposition désire proposer une motion prélimi- naire Un ministre s'y oppose prétendant que le député de l'Opposition a épuisé son temps de parole sur les remarques préliminaires et qu'en conséquence, il ne peut plus prendre la parole pour proposer une motion préliminaire. La question est la suivante: "Les motions préliminaires doivent-elles être proposées alors qu'un député dispose encore d'un droit de parole pour les remarques préliminaires?" La décision: "L'étape des motions préliminaires suit celle des remarques préliminaires. Il s'agit de deux étapes distinctes. En conséquence, même si un député a épuisé son temps de parole pour les remarques préliminaires, il peut proposer une motion préliminaire lorsque la commission arrive à cette étape. Donc, il y a toujours moyen, pour un député, de revenir et de proposer des motions préliminaires.

Une autre décision, qui, elle, date du 5 février 1985, a été rendue par le député Jacques Beauséjour. Numérotée 244/2, elle indique ceci: Contexte: "Lors de l'étude d'un article d'un projet de loi, un député de l'Opposition propose une motion visant à exiger d'un organisme public qu'il cesse toute publicité relative à un projet de loi qui n'a pas encore été adopté à l'Assemblée. " Question. "Cette motion peut-elle être reçue alors que la commission étudie un article précis du projet de loi?" Dans ce cas-là, on dit: Non, "cette motion est Irrecevable, puisqu'elle n'est pas reliée à l'article du projet de loi présentement étudié. Il s'agit là d'une motion qui aurait bien pu être présentée lors des remarques générales, avant d'aborder l'étude... " Donc, on nous indique que, dans ce contexte, 1 fallait la présenter au moment des remarques générales, des remarques préliminaires, donc, la motion préliminaire présentée devait l'être à ce moment-là. On indique, a contrario, qu'on ne pouvait pas la présenter une fois le premier article adopté. Par le fait même, on peut le faire avant l'étude du premier article.

L'autre question, c'est de savoir si cela aurait pour tendance d'empêcher l'exécution d'un ordre de l'Assemblée nationale. On se souviendra que nous avons eu un ordre, donné à l'Assemblée nationale, qui nous disait de venir en commission pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, article par article. Sur ceci, je dois vous dire que non, ça ne vient pas à rencontre d'un avis qui nous a été donné puisqu'on peut faire des remarques prélémlnaires, on peut faire des motions préliminaires et, en conséquence - et toute la jurisprudence va en ce sens - nous nous trouvons à nous demander si ça empêche cette motion qui nous a été donnée comme ordre de l'Assemblée nationale.

La motion, vous le comprendrez très bien, M. le Président, si on en fait la lecture, ne vise pas à empêcher l'exécution de l'ordre de l'Assemblée de procéder à l'étude détaillée du projet de loi ou même à en retarder le passage à cet étape. Cette motion vise, dans son essence même, à faire en sorte que le ministre nous fournisse

un outil que l'on juge indispensable, essentiel, et qui doit être ce qui nous permettra de faire la référence, parce que vous allez convenir avec moi que le projet de loi, si vous l'avez lu, je suis sûr que vous l'avez lu, nous indique qu'il y a plusieurs références à un pouvoir réglementaire.

Je suis sûr que ma collègue aura l'occasion de revenir sur cette partie, mais je dois vous dire que, si on n'a pas ça, on ne pourra pas faire référence et on va adopter à l'aveuglette un projet de loi, alors que le gouvernement en face de nous avait dit, lorsqu'il était dans l'Opposition et lorsqu'il est arrivé au pouvoir, que jamais plus on étudierait des projets de loi à la sauvette, à l'aveuglette, qu'on aurait moins de réglementation et que la réglementation serait soumise à un processus de consultation et qu'en conséquence les députés de l'Assemblée nationale, de quelque parti que ce soit dans cette salle, auraient l'occasion de faire valoir leurs points de vue. Là, je vous donne un exemple: le ministre responsable du travail et de la Commission de la santé et sécurité du travail a fait, la semaine dernière, un travail avec moi sur un projet de loi, article par article. Il m'a fourni, comme il avait été convenu, tous les projets de règlement, ce qui nous a permis de faire référence l'un par rapport à l'autre et d'accélérer le processus d'étude du projet de loi parce qu'on se disait Ah! si c'est dans le règlement et si le règlement est adopté comme tel, nous sommes d'accord ou là, nous ne sommes pas d'accord. En fait, on a eu une bonne discussion et je suis sûr que le ministre, de cette façon, a permis d'accélérer le processus évitant ainsi que la motion de l'Assemblée nationale de procéder article par article soit sans effet. (10 h 45)

Donc cette motion vise, je le disais, dans son essence même, à ce que le ministre fournisse aux membres de la commission un outil de travail indispensable et essentiel à la bonne exécution, du mandat qu'ils ont reçu de l'Assemblée nationale, afin qu'ils puissent, dans ce contexte, de bien déterminer la teneur de chacun des dizaines d'articles du projet de loi ayant trait directement à la notion de règlement.

Donc, M. le Président en vertu de votre règlement, c'est à ce moment-ci qu'on doit faire valoir au ministre l'importance de déposer ce qu'il nous a promis. Par sa formulation même, la motion n'est pas contraignante pour le ministre; il s'agit d'une motion que la commission a le droit de présenter et qui permettra j'en suis assuré, à tous les membres de la commission, de faire un travail vigilant, diligent, d'aller rapidement dans l'étude de ce projet de loi, tout en s'assurant qu'on le fait à la meilleure des connaissances du règlement qui sera proposé plus tard pour adoption. Alors dans ce sens-là, M. le Président, Je pense que notre motion, présentée par la députée de Maisonneuve, est tout à fait recevable.

Le Président (M. Bélanger): M. le député.

M. Leclerc: Sur la recevabilité, très brièvement, j'aimerais vous citer également une jurisprudence qui, à mon sens, est beaucoup plus précise et se rapporte davantage au cas que nous avons devant nous C'est une décision qui a été prise à la commission des affaires sociales, le 16 juin 1966, par un éminent président, vous, M. le Président. Le contexte est le suivant. Lors de l'étude détaillée d'un projet de loi, un député de l'Opposition propose une motion visant à ce que la ministre, dans ce cas, le ministre dans notre cas 244. 13 pardon, dépose devant la commission les règlements découlant d'une disposition du projet de loi à l'étude. Alors, c'est à peu près textuellement ce que l'Opposition nous a présenté comme motion. Évidemmment on se demandait si la motion préliminaire était recevable, et voici votre décision: La motion est Irrecevable, puisqu'il apparaît difficile de demander des règlements qui découlent d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté; les règlements n'ont aucune valeur tant que la loi n'est pas adoptée et on présume que la ministre n'exercera son pouvoir de réglementation qu'une loi la loi adoptée. C'est ce que j'avais à vous faire valoir. M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, d'abord une remarque concernant les lieux de travail. Mon adjoint a voulu s'installer...

La Président (M. Bélanger): Dans ce cas-ci c'est hors d'ordre. Les salles à côté n'ont rien à voir avec la commission.

Mme Harel: Elles n'ont rien à voir avec la commission, donc on va...

Le Président (M. Bélanger): Non.

Mme Harel: Donc on va...

Le Président (M. Bélanger): Non, les salles à côté n'ont rien à voir avec la commission. Je voudrais vous entendre sur la motion, si vous plaît, sur la recevabilité.

Mme Harel: Sur la recevabilité. Alors, M. le président, je veux simplement vous signaler que nous ferons appel au Président de l'Assemblée nationale pour avoir le même traitement que les députés ministériels.

Le Président (M. Bélanger): C'est hors d'ordre, madame, cela n'a rien à voir avec la commission.

Mma Harel: Sur la motion, M. le Président, je dois comprendre que si certains députés

ministériels avaient plus ou moins mauvaise conscience en regard de certains aspects de la réforme il y a un an, maintenant ils sont de plus en plus de mauvaise foi. Et, M. le Président, je voudrais vous rappeller que le premier geste symbolique que le gouvernement avait posé, après son élection au printemps 86, était d'adopter une loi-cadre sur la déréglementation. Il en avait fait un cheval de bataille durant toutes ses années d'Opposition, en invoquant que, de plus en plus, le processus législatif était une coquille vide dans laquelle l'Exécutif mettait ce qu'il voulait.

Lorsque le leader de l'Opposition en Chambre, le 11 mai dernier, a demandé au prédécesseur du ministre, M. Paradis, et je le cite exactement, le leader lui a demandé: "J'aimerais savoir du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'il entend prochainement, et dans les meilleurs délais, déposer également la série de règlements d'application. On sait que c'est un projet de loi qui, pour son application, nécessitera une série de règlements. Pour nous, je pense que ce serait Important de pouvoir prendre connaissance le plus rapidement possible - je vous rappelle qu'on est le 11 mai 1988 - des règlements d'application concernant certaines dispositions de la loi sur l'aide sociale modifiée".

Il y a six mois et demi de cela, M. le Président, et que répond le ministre? "Effectivement, M. le Président, la question du leader de l'Opposition est pertinente et j'entends rendre publics les règlements qui accompagneront le projet de loi de façon que l'Opposition puisse accomplir son travail en toute connaissance de cause, et éviter ainsi des critiques qui pourraient être futiles et inutiles. " Nous en sommes à six mois de cet engagement du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je vous rappelle que le ministre Bourbeau dans un communiqué émis le 22 septembre 1988, il y a deux mois de cela, devant les représentants du front commun des assistés sociaux - c'est le communiqué qui est issu de son cabinet - s'est engagé a rendre public le projet de règlement. Là, le ministre viendrait nous dire en date du 30 novembre, à la veille du 1er décembre, que ce n'est pas encore prêt Alors, M. le Président, c'est certainement à ne pas considérer comme le signale le député de Taschereau, puisque sur le fond de la question, la motion... Je cherche à obtenir une réponse simple qui est la suivante: Les règlements d'application seront-ils ou non déposés au moment de l'étude article par article du projet de loi? Les avocats de l'aide juridique qui déposaient cet automne une analyse substantielle et exhaustive, article par article, du projet de loi 37, disaient ceci à l'égard des références réglementaires, et je cite: "À travers les 134 articles du projet de loi sur la sécurité du revenu, nous avons dénombré une soixantaine de références au texte réglementaire. En fait, il y a tellement de références à des définitions, des normes et des barèmes qui devront être établis par règlement, que la loi peut passer du meilleur au pire...

Le Président (M. Bélanger): Un instant, M. le député de Taschereau, sur une question de règlement.

M. Leclerc: Oui. Avant de débattre du fond de la motion, est-ce qu'on pourrait savoir si elle est recevable...

Le Président (M. Bélanger): Sur quel article s'il vous plaît? Nous discutons actuellement sur la recevabilité. J'entends les gens sur la recevabilité et on va le faire le plus brièvement possible, et on rendra notre décision par la suite.

M. Leclerc:... et ce que les avocats de l'aide juridique peuvent avoir à dire sur la recevabilité de notre motion?

Le Président (M. Bélanger): Si cela fait partie du plaidoyer que Mme la députée de Maisonneuve veut utiliser, je suis prêt à l'entendre là-dessus. Je pense que c'est important.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Le député de Taschereau aurait peut-être intérêt à bien comprendre ce que souhaitaient les avocats de l'aide juridique quand ils disaient que la loi peut passer du meilleur au pire, selon ce que seront ces règlements. Et j'insiste sur la suite: Et il y aura tellement de substance dans ces règlements que nous nous demandons comment des parlementaires peuvent voter sur ce projet de loi sans que ne soit déposé au préalable le texte des règlements. Ils se le demandent, M. le Président, et c'est à vous et au député de Taschereau aussi qu'ils vont le demander. Comment peut-ii penser voter un projet de loi qui est une coquille législative vide sans que ne soient déposés les règlements d'application? Je vous rappelle que c'est le sort de certainement 600 000 hommes, femmes et enfants du Québec que nous allons décréter par ce projet de loi.

M. le Président, je termine en vous disant que la réglementation est abondante mais toujours inconnue. C'est une entreprise impossible à mener en l'absence des règlements, que de faire l'étude article par article. Je vous donne quelques exemples: à lui seul, l'article 90 qui détermine le pouvoir réglementaire contient 39 paragraphes; plus de la moitié des autres articles du projet de loi font référence à un pouvoir réglementaire dont nous ignorons toujours tout. Je vous donne un exemple: au seul paragraphe c de l'article 44, qui établit une des conditions d'admissibilité au programme APPORT, on retrouve trois fois une référence au règlement. Alors, cette motion doit être reçue par le ministre, doit être reçue par la commission, sinon

ce serait évidemment traiter très cavalièrement le travail que nous avons à mener, l'étude article par article du projet de loi, en traitant différemment ceux et celles qui seront en cause dans l'étude que nous allons mener. Pour tout cela, nous demandons que soient déposés les règlements avant que ne continue l'étude du projet de loi. Merci, M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Une très brève intervention, s'il vous plaît.

M. Jolivet: J'ai le droit de réplique sur la question.

Le Président (M. Bélanger): Non, non.

M. Jolivet: Non? On ne peut pas me le donner?

Le Président (M. Bélanger): Sur la recevabilité, I n'y a pas de droit de réplique, je m'excuse.

M. Jolivet: Alors, je vais donc prétendre que j'ai manqué ma chance. Malheur!

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Jolivet: Oui. je vais en faire une. M. le Président, une toute petite.

Le Président (M. Bélanger): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Jolivet: Simplement pour remercier.

M. Bourbeau: En vertu de la règle d'alternance, ne pourrait-on dire un mot sur cela nous aussi?

M. Jolivet: Oui. parfait.

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui.

M. Bourbeeu: M. le député de Taschereau veut parler. J'aimerais dire un mot après aussi. Peut-être pourrait-on alterner.

M. Leclerc: Je prétends respectueusement que bon nombre des considérations et des arguments présentés par Mme la députée de Malsonneuve et M. le député de Lavioiette sont des arguments de fond sur le fait que ce serait plus facile pour les membres de la commission de travailler avec les règlements. Tous ces arguments-là se rapportent au fond de la motion que nous avons devant nous. C'est pourquoi |e pense que, avant que nous n'allions plus loin dans cette discussion, vous devriez trancher à ce moment-ci si cette motion est recevable ou non.

M. Jolivet: M. le Président, toujours sur la recevabilité, je remercie mon Ineffable député de Taschereau de me donner encore de nouveaux arguments. On s'aperçoit qu'il n'est pas habitué avec le règlement et qu'on le renseigne très mai. D'ailleurs. I argumentation qu'il vous a apportée et qui réfère à votre décision est correcte. Je n'ai jamais mis en doute votre décision. D'ailleurs, je ne me suis pas référé à celle-là pour des raisons bien simples. Je vais vous indiquer, M. le Président, pourquoi la nôtre est recevable et pourquoi celle qui était devant vous ne l'était pas. Vous dites, dans l'étude du projet de loi. Le député de l'Opposition propose une motion visant à ce que le ministre dépose devant la commission le règlement découlant de la disposition du projet de loi à l'étude. Vous avez dit: Non, cela n'a pas de bon sens, la motion est irrecevable puisqu'il apparaît difficile de demander un règlement qui découle d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté. Donc, le règlement n'a aucune valeur tant que la loi n'est pas adoptée et l'on présume que le ministre n'exercera son pouvoir de réglementation qu'une fois la loi adoptée.

C'est tout à fait dans l'ordre, votre réponse, mais ce n'est pas de cela qu'on parle. Relisez ma motion. On ne dit pas: Donnez-nous le règlement. On dit: Donnez-nous les projets de règlement. Les projets de règlement, M. le Président, vous allez en convenir, font donc référence à ce que le ministre à l'intention de proposer. On peut, à ce moment-là, faire allusion à cela en disant au ministre. Bien, si vous proposez ce règlement en vue d'une réglementation future, prépublication et autres choses qui vont découler du projet de loi, il est évident qu'on vous demandera même une correction au règlement par rapport à l'article pour être sûrs que l'un ne vient pas à rencontre de l'autre. C'est donc dans ce sens. On ne demande pas au ministre de déposer le règlement, on lui demande de déposer des projets de règlement en sachant très bien que les projets de règlement ne sont pas le règlement définitif, qui va être proposé pour la prépublication et pour la publication finale. C'est dans ce sens-là qu'on a toujours travaillé. On a fait la même chose avec d'autres ministres, qui nous ont donné les projets en disant: Vous avez raison, c'est notre philosophie de faire en sorte que le règlement à venir soit étudié le plus rapidement possible.

Je vais aller plus loin, M. le Président. Il y a des commissions parlementaires où le ministre a même accepté d'avoir deux heures de discussion sur le projet de règlement. Je l'ai fait moi-même dans le cas de la loi 150, qui était une nouvelle loi, la Loi sur les forêts. On a fait une étude de deux heures sur le règlement, pour s'assurer qui était conforme à la loi et pour permettre au ministre d'avoir le meilleur règlement possible lors de la prépubiication. Ce que nous demandons, ce n'est pas le règlement. Donc, votre motion refusée n'est pas acceptable. Mais

la motion que l'on propose aujourd'hui est bien différente, c'est celle de dire: Qu'il dépose, simplement pour nous aider à cheminer le plus rapidement possible dans l'étude du projet de loi article par article, les projets de règlement, comme le ministre responsable de la CSST a fait. Donc, M. le Président, II me semble que c'est tout à fait recevable. C'est une motion différente de celle que vous avez refusée et je suis assuré que vous considérez ces arguments comme étant partie de la recevabilité.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît, pour qu'on puisse procéder.

M. Jolivet: Je finissais, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre et Mme la députée de Maisonneuve, une courte intervention. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, la motion demande au ministre de déposer des projets de règlement. La députée de Maisonneuve a fait état d'engagements pris par mon prédécesseur et également d'indications que j'ai données moi-même il y a deux mois de mon intention de rendre publics le plus tôt possible les projets de règlement ou le règlement lorsqu'il sera adopté. Je maintiens toujours que j'ai l'Intention de rendre publics, dans les meilleurs délais, les projets de règlement lorsque le Conseil des ministres aura statué sur les projets de règlement qui sont présentement devant lui. Éventuellement, la députée de Maisonneuve, l'Opposition, enfin tous les citoyens pourront prendre connaissance des projets de règlement qui seront prépubliés à la Gazette officielle et éventuellement rendus officiels par la publication définitive. (11 heures)

La raison pour laquelle je ne suis pas en mesure, présentement, de déposer des projets de règlement, c'est que le Conseil des ministres n'a pas encore statué sur ces projets-là. Je considère qu'il ne serait pas sage, ni prudent de rendre publics des projets de règlement qui ne sont justement que des projets et qui n'ont pas encore reçu l'aval du Conseil des ministres. Si je le faisais, je pourrais, soit créer de faux espoirs en laissant entendre que certaines décisions seront prises, qui pourraient ne pas l'être plus tard ou Je pourrais, au contraire ne pas rendre public...

M. Jolivet: M. le Président, le ministre... Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Jolivet: Je sais. Mais est-ce que j'ai droit à une question de règlement?

Le Président (M. Bélanger): Une question de règlement oui.

M. Jolivet: Bon! Le ministre, de la même façon que le député de Taschereau disait à ma collègue qu'elle parlait sur le fond, il a quand même parlé sur le fond, qu'il nous dise...

Le Président (M. Bélanger): On a été très tolérant avec vous, on va l'être avec M. le ministre. Je veux qu'on vide tout, qu'on entende tout le monde à sa satisfaction...

M. Jolivet: Je veux bien, mais c'est parce que si vous le déclarez irrecevable, il aura toute l'occasion de le dire. C'est juste pour lui éviter de perdre du temps.

Le Président (M. Bélanger): On écoute M. le ministre, je suis sûr que ce sens-là fait votre affaire. M. le ministre.

M. Jolivet: Un instant, vous avez dit une phrase de trop.

Le Président (M. Bélanger): Je la retire. Si vous plaît! M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est le monde à l'envers. Voilà le député de Lavioiette qui m'accuse de perdre du temps.

M. Jolivet: Je veux vous aider.

M. Bourbeau: Quand on sait ce que fait l'Opposition depuis deux jours... Je ne cherche pas à perdre du temps, je cherche à faire comprendre au député de Lavioiette qui ne semble pas disposé à comprendre, pourquoi ce n'est pas une question de mauvaise volonté, ou même selon les mots tout à fait excessifs de la députée de Maisonneuve, de mauvaise foi, c'est simplement une impossibilité physique de rendre publics des documents qui n'existent pas présentement, sauf sous la forme de projets. Ces projets, n'ayant pas reçu l'aval du Conseil des ministres, ne peuvent pas être rendus publics, parce qu'ils ne correspondraient pas à la réalité de ce que sera le règlement. Vous savez que, quand des documents sont présentés au Conseil des ministres, ils passent par toute une série de tamisages, par les différents comités ministériels et Immanquablement, ces documents sont modifiés, altérés, bonifiés, dans la plupart des cas, de sorte que je ne pourrai pas déposer aujourd'hui les documents qui ne sont pas ceux qui éventuellement formeront les projets de règlement ou le règlement lui-même. La loi que je dépose est une loi de portée générale qui réfère, bien sûr, à un règlement. Cela est normal, parce que la loi a un certain caractère d'immuabillté, si je peux m'exprimer ainsi. Il est assez difficile d'amender des lois, donc les lois ont une portée générale, et les règlements eux, sont essentiellement de nature modifiable. Même si, aujourd'hui, je déposais des projets de règlement, il n'y a rien

qui assure la commission que dans six mois, le gouvernement ne modifierait pas ce règlement. Donc, ce n'est pas en travaillant sur des projets de règlement qu'on aurait l'assurance que ce sera définivement le règlement adopté. Je dis donc au député - et je termine là-dessus, M. le Président - je dis à tous les députés que je partage l'objectif de déposer le plus tôt possible les projets de règlement. SI je ne l'ai pas fait, jusqu'à maintenant, M. le Président, c'est que j'ai apporté, au cours des derniers jours, de la dernière semaine, des modifications Importantes à ces projets de règlement. Les modifications que j'ai annoncées, que vous connaissez d'ailleurs, ont fait en sorte qu'on a dû reprendre la rédaction d'une partie du projet de règlement pour faire en sorte...

M. Jolivet: M. le Président, il est sur le fond.

M. Bourbeau: Non, pas du tout.

La Président (M. Bélanger): Excusez, j'ai été large avec vous tout à l'heure, je le suis avec M. le ministre. Je veux qu'on vide la question une fois pour toutes. On rendra la décision après.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis en train d'expliquer pourquoi cette motion n'est pas recevable. On peut peut-être dire que je suis à la limite de la légalité, mais je plaide exactement sur le même ton et de la même façon que le député de Laviolette tout à l'heure. Je termine en disant que la raison pour laquelle ce n'est pas prêt, c'est qu'on a apporté des modifications importantes au cours des derniers jours, au règlement. Il est donc impossible que le règlement soft sur la table ici, approuvé par le Conseil des ministres, alors qu'il est en train d'être revisé par le Conseil des ministres. Aussitôt que ce règlement sera adopté par le Consel des ministres, je me ferai un plaisir de le déposer, non seulement devant la commission, mais devant le public en général pour qu'il puisse en prendre connaissance. Merci.

Mme Haral: M. le Président, ce n'est pas pour le plaisir du ministre qu'on veut obtenir le dépôt des projets de règlement c'est pour faire notre travail de parlementaire. C'est évident que cela va jeter un discrédit sur tout le travail que le ministre prétend poursuivre ici que nous adoptions des coquilles législatives vides après les discours que ce gouvernement a tenus en matière de responsabilité à l'égard du pouvoir réglementaire. Je dois vous dire que je trouve que c'est tout à fait invraisemblable de la part du ministre de plaider ici que des modifications Importantes auraient été apportées récemment; qu'il les dépose, qu'il les dépose! Comment peut-il imaginer qu'on va lui faire un chèque en blanc? Il peut bien l'imaginer de la ligne du parti de ses collègues ministériels, I ne peut ni l'imaginer de l'Opposition, ni l'imaginer des centaines de milliers de personnes qui elles vont être victimes de ses décisions sans qu'elles puissent même se faire entendre. M. le Président, j'espère que vous ne me laissez pas parler sur le fond et la forme parce que dans le fond votre décision serait prise. Je souhaite et je pense bien que vous comprenez que ce que nous voulons c'est simplement de faire un travail de parlementaire avec tous les Instruments qui vont nous permettre de le faire sérieusement. Cela veut dire aussi les projets de règlement. Pour avoir cet éclairage, je vous rappelle que ce que les avocats nous disaient à l'aide Juridique, en comptant les pouvoirs réglementaires multiples, c'est à 67 reprises que, au fur et à mesure de l'étude du projet de loi nous serons et que les parlementaires seront face à l'inconnu. Si le ministre veut qu'on légifère sur l'inconnu, nous cela ne nous intéresse pas. Alors, le retard à déposer ces projets de règlement révèle malgré le temps passé le caractère improvisé que continue à revêtir cette prétendue réforme de l'aide sociale. C'est évident que vous ne pouvez pas ne pas retenir cette motion de manière à ce que le ministre ait à s'expliquer sur le pourquoi d'un refus de déposer les projets de règlement puisque, ultimement, c'est évident qu'au moment du vote sur une telle motion le poids du nombre va certainement amener le gouvernement, à la suite des propos du ministre, à refuser mais au moins à s'en expliquer. Merci. M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président, juste une toute petite dernière.

La Président (M. Bélanger): Très brièvement.

M. Jolivet: Une remarque sur la recevabilité. M. le Président.

La Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Jolivet: C'est simplement pour dire au ministre ceci. Vous n'avez pas au sujet de la recevabilité à décider du contexte pour savor si le règlement est prêt ou non. Ce que vous avez à décider, ce sont des projets de règlement, vous comprendrez très bien que c'est différent de la décision que vous avez rendue autrefois. Vous avez à décider si la commission est habilitée à faire une motion. Est-ce que cette motion que l'Opposition veut vous faire est recevabie ou non? Je pense que oui. On n'a pas à tenir compte des contraintes du ministre. On n'a qu'à réitérer notre souhait que le ministre nous les dépose. C'est ce que l'on veut dans le fond. C'est faire comprendre au ministre qu'il devrait, dans l'Intérêt de la crédibilité du projet de loi, le faire. C'est dans ce sens que vous avez à prendre les décisions. Donc, vous n'avez pas à

prendre une décision sur le défaut du ministre de les donner ou de ne pas les donner et des difficultés qu'il a à ne pas les donner ou à les donner, des amendements qu'il a à faire ou à ne pas faire. Ce que vous avez à décider c'est: Est-ce que l'Assemblée ici est capable de faire une motion? Si elle est capable de faire une motion, qu'on la débatte, ils la battront. Je pense que la logique voudrait que justement vous permettiez qu'on débatte de la motion. Une fois qu'elle sera débattue, on passera au vote et une fois qu'elle sera votée, ce sera pour ou contre, mais ce sera clair. Alors, vous n'avez pas à décider des contraintes du ministre. Vous avez à discuter si la motion est recevable ou non. Je prétends qu'elle est recevable à cette étape-ci. C'est seulement à cette étape-ci qu'on peut le faire et elle porte sur des documents que le ministre a en main, qu'ils soient terminés ou non, ce n'est pas notre problème. Ce qui est important, c'est qu'il les dépose ici et c'est l'objet de la motion.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie de votre intervention.

M. Jolivet: Vous pouvez prendre un moment de suspension si vous voulez?

Décision du président

Le Président (M. Bélanger): J'ai eu le temps de réfléchir beaucoup dans les dernières minutes. Alors, à cet effet, il y a une décision qui a déjà été rendue le 16 juin 1986, à la commission des affaires sociales, à la page 244-13 de l'étude détaillée du livre des commissions. Je vous fais part de cette décision. La motion était: Est irrecevable puisqu'il apparaît difficile de demander des règlements qui découlent d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté. Les règlements n'ont aucune valeur tant que la loi n'est pas adoptée et l'on présume que le ministre n'exercera son pouvoir de réglementation, pouvoir qui appartient à lui et au Conseil des ministres, qu'une fois la loi adoptée.

Le mandat de la commission ne couvre pas la partie réglementaire d'un projet de loi. On sait qu'il appartient à l'Exécutif, au Conseil des ministres et au ministre de les fixer et de les mettre en application, ce n'est pas à la commission. J'invoquerais au surplus, comme argumentation, l'article... Vous me direz lequel, je pense que c'est le 82 du règlement, qui dit que... Je prends ce que le ministre nous disait tout à l'heure: il invoque qu'il s'agit en quelque sorte de documents de travail et qu'il serait contraire à l'intérêt public, à ce moment-ci, de transmettre ces projets de règlement, ce qui est tout à fait permis par l'article 82 du règlement. Je pense que dans ce contexte...

Maintenant, sur le fond, il est évident que j'aurais le goût, des fois, de me prononcer, parce que je pense que quand un article de loi fait référence à une réglementation, il serait intéres- sant de connaître cette réglementation dans la mesure où elle est disponible ou qu'il est possible de l'avoir. Dans le cas présent, M. le ministre nous informe qu'elle n'est pas prête. On devra accepter et respecter sa parole en vertu de l'article 82, mais sur le fond, je maintiens que c'est irrecevable puisqu'il apparaît difficile, comme je le disais, de demander le règlement d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté. Donc, ce règlement, dans le fond, ne vaut encore rien. Ce ne sont que des précis d'intention ou des hypothèses. La motion est donc jugée non recevable.

M. Jolivet: Avant que alliez plus loin, je voudrais juste bien comprendre votre décision...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je pense que c'est cela qui est important. Cela fait jurisprudence, vous le savez, et c'est important de le regarder comme tel.

Le Président (M. Bélanger): Elle est déjà dans la jurisprudence.

M. Jolivet: Non, mais il y en a d'autres, ici, qui portent sur les droits de présenter des motions.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Sur le fond, là-dessus, oui. Vous nous avez dit qu'après les remarques préliminaires, il y a les motions préliminaires. Dans ce sens-là, vos propos sont tout à fait pertinents, vous avez totalement raison. Cela devient une motion préliminaire qui est présentée au moment où elle doit l'être et là-dessus, elle a été présentée au bon moment, il n'y a pas de problème.

M. Jolivet: Donc, ce pourquoi vous refusez la motion, c'est que vous dites: Écoutez, j'ai pris l'argument du ministre qui dit que le règlement n'est pas prêt et qu'il ne sera prêt que lorsqu'il y aura adoption du projet de loi; ils sera prépublié, etc. Je vous pose la question suivante... Dans le fond, ce que l'on semble refuser, c'est, à la commission, le pouvoir de forcer par motion le ministre à déposer des projets de règlement.

Si je faisais une motion qui était différente, une motion par laquelle je souhaiterais que le ministre dépose les projets de règlement, la motion, à mon avis, serait recevable. Dans ce sens, je vous propose, M. le Président, une motion qui changerait celle que je viens de vous proposer.

Le Président (M. Bélanger): Non, non. C'est parce que vous avez interprété ce que j'ai dit... En tout cas, ce n'est pas conforme à ce que j'ai dit.

M. Jolivet: Non, mais je ne dis pas que ce

n'est pas conforme, je vous pose une question. Moi, je vous dis ceci: Actuellement, c'est marqué: "Que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette à la disposition de la commission... " Alors, je changerais la motion, je vous en propose une autre qui serait ainsi: "La commission permanente des affaires sociales souhaite que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette à la disposition de la commission des projets de règlement. " Alors, ma motion serait bien différente, c'est que nous exprimons un souhait; je vous propose donc une motion qui a pour but de souhaiter que le ministre mette à notre disposition des projets de règlement.

Alors, j'aimerais savoir si cette motion est recevabie. Si elle l'est, M. le Président, je demanderai à ma collègue de faire l'argumentation en conséquence.

M. Leclerc: M. le Président, est-ce qu'on peut avoir une copie de la motion présentée par l'Opposition?

M. Jolivet: II n'y a pas de difficulté, on a juste à l'écrire.

M. Leclerc: Non, mais vous dites qu'elle est fort différente.

Le Président (M. Bélanger): Bon, nous sommes dans le domaine des hypothèses. Je pense que cela reste hypothétique et tant que ce n'est pas déposé, c'est purement hypothétique.

M. Jolivet: Non, mais je la dépose, là.

M. Leclerc: Non, non. Il vient de la déposer, c'est pour cela que j'en demande une copie.

La Président (M. Bélanger): Non, non. Je sais, je parle sur le fond, sur la même chose que vous, c'est-à-dire que lorsque le projet de règlement sera prêt, je suis convaincu, le ministre nous l'a affirmé tout à l'heure, et là, je vous parle comme parlementaire, je prends sa parole...

M. Jolivet: Cela, M. le Président, je...

Le Président (M. Bélanger): Mais la commission ne peut pas forcer le ministre, à moins que ce ne sort unanime...

Mme Vermette: On ne force pas! Non, non, non! Souhaiter, ce n'est pas forcer. C'est grave.

M. Leclerc: Est-ce qu'on peut savoir, M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): À ce moment-là, on n'a pas à faire une motion pour le souhaiter, c'est déjà au Journal des débats et votre souhait est déjà entré.

M. Leclerc: M. le Président, un Instant. Est-ce que je peux savoir si premièrement, on a...

M. Jolivet: Je vais donc déposer une motion.

M. Leclerc: Parfait, d'accord, c'est ce que je voulais savoir.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y.

M. Jolivet: La motion, Mme la secrétaire, est la suivante: "La commission permanente des affaires sociales... " Donc, la motion se lit: "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette à la disposition de la commission permanente une copie des projets de règlement... " Cela va?

Le Président (M. Bélanger): On va la lire comme il faut. On peut suspendre la séance une minute, juste pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Bélanger): Si chacun veut bien reprendre sa place. La motion est recevabie et j'explique pourquoi. C'est qu'elle ne fait pas obligation de déposer les projets de règlement, elle est un souhait émis à la commission. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut la recevoir. Je ne sais pas s'il y a de la jurisprudence là-dessus, 'i y en aura une à partir de maintenant. Monsieur...

M. Leclerc: On est pas certains, de notre côté, de la motion exacte; vous pourriez la relire ou la lire, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bélanger): Oui. 'Que la commission des affaires sociales souhaite...

M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut en avoir une copie? C'est plus facile...

Le Président (M. Bélanger): On va en faire faire une copie.

M. Jolivet: On peut suspendre la séance.

Le Président (M. Bélanger): On va suspendre la séance deux minutes, on va en faire faire des copies et on va les remettre à tout le monde.

M. Jolivet: II n'y a pas de problème.

M. Bourbeau: Si vous vouiez avoir une chance...

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 22)

Motion souhaitant que le ministre fournisse copie des projets de règlement

Le Président (M. Bélanger): Nous reprenons nos travaux. La motion présentée par le député de Laviolette se lit comme ceci: "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition des membres de la commission copie des projets de règlement d'application du projet de loi 37. "

M. Jolivet: M. le Président, ma collègue et députée de Maisonneuve fera l'argumentation, puisque vous avez reçu cette motion.

Le Président (M. Bélanger): Elle est recevable, effectivement.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je pourrais en faire une question de règlement? Je veux simplement dire à l'Opposition qu'on serait d'accord avec la proposition; et pour ne pas faire perdre le temps à la commission, puisque qu'on est d'accord avec le principe, si l'Opposition acceptait d'ajouter, à la fin de la proposition, les mots "dès que ces projets de règlement auront été acceptés par le Conseil des ministres", on serait immédiatement d'accord pour approuver cette proposition-là.

Le Président (M. Bélanger): Vous proposez un amendement à la motion, M. le ministre?

M. Bourbeau: Si l'Opposition était d'accord, on pourrait s'entendre et on pourrait immédiatement...

M. Jolivet: Ma collègue...

Le Président (M. Bélanger): On va entendre Mme la députée de Maisonneuve et on ira sur la...

M. Bourbeau: Évidemment, si c'est uniquement proposé pour faire perdre du temps, c'est autre chose; mais si on voulait passer à autre chose, on pourrait s'entendre immédiatement sur un libellé acceptable.

M. Jolivet: On a peut-être un amendement différent à remettre...

Mme Harel: Le ministre n'a pas à présumer de ce que sera mon intervention.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la députée de Maisonneuve, sur le fond.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors sur le fond, M. le Président, je le signalais au moment du débat sur la recevabilité de la première motion de mon collègue de Laviolette, plus de la moitié des articles du projet de loi 37 se réfèrent à une réglementation dont nous ignorons encore tout. J'aimerais vous apporter quelques exemples qui vous permettront certainement de mieux comprendre comment l'absence de réglementation va rendre difficile l'étude détaillée du projet de loi 37.

Prenons par exemple simplement l'article 7 du projet de loi où on détermine la clientèle qui sera admissible au programme Soutien financier. La référence à un règlement, dans le paragraphe 1° de cet article 7... Je cherche mon projet de loi, M. le Président.

Donc, la référence à un règlement fera que la définition des inaptes au travail sera plus ou moins large, donc qu'il y aura quelques milliers de personnes, en plus ou en moins, qui pourront recevoir des prestations en vertu de ce programme.

Je lis donc le premier paragraphe de l'article 7 qui dit: "1° démontrer, par la production d'un rapport médical, que son état physique ou mental, ou que, dans tes cas et selon la mesure déterminés par règlement... " Quels seront ces cas? C'est essentiel de le savoir, M. le Président, parce que les inconnues se multiplient au fur et à mesure qu'on examine le projet de loi article par article. Cela veut donc dire que la façon de déterminer la clientèle admissible au programme Soutien financier, on n'en saura vraisemblablement rien tant que l'on ne connaîtra pas le règlement prévu au paragraphe 1° de l'article 7. C'est évident que dans le mémoire qui était déposé en commission parlementaire par la Commission des services juridiques pour l'examen du document d'orientation, la commission considérait que 8744 inaptes au travail deviendraient miraculeusement employables avec la nouvelle loi, compte tenu de la différence de rédaction entre le document et la nouvelle loi. La commission ajoutait: L'incertitude entourant le contenu de cette définition n'est pas pour nous rassurer. C'est évident que simplement cet exemple illustre bien à quel point l'incertitude plane sur plus de la moitié des dispositions du projet de loi.

Je vous donne d'autres exemples. L'avoir liquide ou encore les biens que pourront posséder les prestataires en vertu de la nouvelle loi, qu'est-ce que le ministre peut nous en dire? Rien. Ce sera le règlement qui nous l'apprendra. Le projet de loi ne donne pas de réponse à des questions pourtant fondamentales qui déterminent les conditions de vie d'un concitoyen sur onze.

Le même mystère, ajoute la Commission des services juridiques, plane sur ce que sera la méthode de calcul de la contribution parentale. Le ministre prépare des modifications quant au recours possible. Quelles sont les circonstances ou les conditions que l'on retrouve à l'article 15, paragraphe g? Les prestations pourront continuer

d'être versées jusqu'à l'intégration ou la réintégration au marché du travail. Quelles sont ces circonstances et ces conditions? Mystère! On n'en sait rien.

Quel sera le montant de la compensation qui pourra être fait à même le chèque d'un prestataire, à l'article 41? On n'en sait rien. À l'article 41, on lit: "Le ministre peut, après avoir délivré un tel certificat, opérer compensation jusqu'à concurrence du montant mensuel fixé par règlement". Quelle sera l'admissibilité au programme APPORT? Tant et plus, par l'intermédiaire du service parlementaire, j'ai cherché à obtenir les critères et les procédures pour l'attribution des prestations dans le cadre du programme APPORT. On n'en sait toujours rien, l'inconnu plane. L'article 44, c'est vraiment le chef-d'oeuvre. On y fait référence six fois au règlement. À moins qu'on n'ait le texte réglementaire, il est absolument impossible de savoir qui est admissible au programme APPORT.

Je vous le signalais, M. le Président, l'article 90 qui détermine le pouvoir réglementaire compte 39 paragraphes. Comment pouvez-vous imaginer qu'on va procéder à l'étude article par article du projet de loi 37, et, entre autres, à l'étude de l'article 90 qui détermine 39 pouvoirs réglementaires sans qu'on les connaisse, en faisant un acte de foi sur la présomption qu'on est entièrement d'accord avec ce que le ministre nous fera connaître plus tard? C'est une question de simple responsabilité que nous ayons en main les projets de règlement au moment de l'étude du projet de loi article par article.

Nous sommes dans l'inconnu en regard de dispositions pourtant fondamentales. Par exemple, la réduction de la prestation mensuelle pour le partage du logement. Prenez simplement l'article 90 qui détermine que les personnes en logement subventionné pourront voir évoluer leurs prestations; qu'est-ce qui en est exactement? Qu'est-ce qu'on a à répondre? Qu'est-ce que le ministre va répondre à l'égard des familles prestataires d'aide sociale qui sont membres de coopératives d'habitation ou qui habitent déjà dans des logements à loyer modique? Le ministre ne pourra pas prétendre nous faire adopter un pouvoir réglementaire dont on ignore toujours tout. (11 h 30)

Prenez, par exemple, M. le Président, l'article 90: le règlement peut prévoir, pour chaque programme, dans quels cas un enfant n'est pas considéré à la charge d'une personne. Le règlement peut prévoir, pour chaque programme, dans quels cas un enfant est à la charge d'un autre adulte que son père ou sa mère et désigner cet adutte. Simplement le paragraphe 2° de l'article 90, c'est un abîme d'inconnu. Cela veut dire qu'il va y avoir des responsabilités parentales, par règlement, attribuées à des adultes qui ne sont pas père ou mère de l'enfant. L'État n'a plus juste le droit, par règlement ou par loi, de changer un homme en femme, mais il va pouvoir maintenant décréter la parentalité à l'égard d'un enfant. Vous lisez exactement le paragraphe 2° de l'article 90. C'est du droit nouveau à tous égards. Qu'est-ce que le ministre entend exactement par cela?

Le Conseil du statut de la femme nous met en garde, notamment à l'égard de cette réglementation, en invoquant qu'en matière d'obligations entre conjoints, le Code civil ne fait aucune obligation alimentaire entre conjoints de fait. Non seulement le Code civil n'en fait-il pas, mais le gouvernement actuel ne cherche pas à modifier, dans le cadre de la réforme du Code civil, les dispositions pour qu'il y ait une telle obligation alimentaire que l'Ontario a déjà introduite depuis 1986. Mais dans l'ensemble de l'économie générale du projet de loi, si on regarde la définition de "conjoint" à l'article 2, on voit que le gouvernement va mettre la main au collet d'un nouvel ami de la mère pour le rendre responsable de l'entretien des enfants dont il n'est pas le père et pour lesquels il n'a aucune responsabilité légale. Là, l'article 90, paragraphe 2°, nous dit que le ministre - ce n'est pas peu de chose - va attribuer par règlement la parentalité à un adulte à l'égard d'un enfant dont il n'est lié ni par le sang, ni par l'adoption. Assurément, ce serait du domaine de l'absurde que de procéder à l'étude, article par article, du projet de loi sans connaître les intentions du ministre qui ne seront contenues que dans le projet de règlement.

D'ailleurs, le Conseil du statut de la femme disait ceci, à l'égard de l'étendue du pouvoir réglementaire: On peut cependant déplorer, de manière générale, que le projet de loi s'en remette aussi largement à la réglementation sur des points essentiels. Il est nécessaire, pour apprécier correctement la portée du projet de loi, de connaître le texte du règlement qui en précisera l'application. Surtout, il faut s'inquiéter que des éléments essentiels de la loi soient libellés en termes imprécis sans, à l'inverse, qu'aucune habilitation soit donnée à quelqu'un pour qu'il en précise le sens par le règlement. Là, le Conseil du statut de la femme nous a donné entre autres l'exemple de l'article 23, sur lequel repose l'ensemble du programme APTE, et les articles 27, 69 et 74.

Il faut, conclut le ConseH du statut de la femme, souhaiter que tout amendement au projet de loi actuel ainsi que le projet de règlement afférent, soient largement diffusés de façon que les personnes et les groupes intéressés puissent être adéquatement informés et se fassent entendre.

M. le Président, c'est évidemment un fouillis inextricable qui ne peut pas permettre de voir exactement quelle est la volonté gouvernementale en matière de barèmes, de critères de prestation, sans qu'on connaisse le règlement. Je vais vous en donner un exemple: Prévoir pour chaque programme - paragraphe 3 de l'article 90 - dans quelles circonstances une personne continue de faire partie d'une famille, cesse d'en

faire partie ou en redevient membre. Le ministre ne décrète plus simplement la parentalité mais aussi le lien familial.

Il faudrait savoir quelles sont les intentions exactes du ministre, notamment à l'égard de la clause de dénuement total. Est-ce qu'il va demander que la famille fasse constater par un constat de police que l'enfant adulte a quitté le domicile familial, mais on n'en sait rien. C'est le mystère et l'inconnu. On ne sait rien de ce qu'exigera le ministre pour constater la rupture familiale, étant donné que le ministre ne soutiendra les adultes de plus de 18 ans qui n'ont pas passé le test d'indépendance que dans la mesure où la famille s'est désintégrée, dans la mesure exclusivement où la famille ne le soutient plus.

M. le Président, évidemment, on pourrait continuer. Simplement l'article 18: Déterminer la contribution parentale qui doit être considérée dans le calcul par règlement, de la prestation d'un adulte, à partir d'un montant de base et de revenu net. La contribution parentale, c'est par règlement qu'on va la connaître. Le partage du logement, c'est par règlement qu'on va également connaître finalement les intentions gouvernementales. C'est par règlement qu'on connaîtra l'intention du ministre de suppléer aux bénéficiaires pour payer les coûts de logement, d'électricité ou de chauffage du prestataire, tel qu'on les retrouve à l'article 21 du projet de loi 90.

Tout ça met en cause des questions qui sont fondamentales. Notamment, cet article 21 du projet de loi 90, la Commission des droits de la personne disait à cet égard que ces dispositions sont contraires à la portée de nos lois générales où pour décréter l'incapacité civile, il faut se référer à toutes les dispositions du Code civil. Par une mesure d'exception, le ministre va, dans le fond, introduire un nouveau régime d'incapacité partiel avec simplement l'article 21 du projet de loi 90. Évidemment, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous signaler combien toutes les associations, organismes, commissions ayant fait connaître leurs réactions au projet de loi 37, ont pu être sévères sur le fait que cette réglementation était toujours inconnue. Il y a 67 inconnus dans le projet de loi. 67 mesures, barèmes, dispositions, programmes qui restent inconnus, tant que la réglementation ne sera pas déposée. C'est évident qu'on pourrait en faire une liste exhaustive et chacune de ces dispositions inconnues refère à une question qui est fondamentale. Ce n'est pas simplement accessoire ou secondaire. Cela réfère à la détermination de relations conjugales, de relations parentales, de relations familiales. Cela réfère aux conditions de vie même des personnes du sort desquelles on discute. M. le Président, pour toutes ces raisons, je voudrais apporter un sous-amendement, un amendement à la motion...

M. Bourbeau: Elle propose un amendement et elle l'amende avant qu'on ait eu le temps d'en discuter.

M. Jolivet: Non, c'est moi qui ai proposé la motion.

Le Président (M. Bélanger): C'est le député de Laviolette qui a proposé l'amendement et Mme la députée de Maisonneuve dépose un sous-amendement à l'amendement, ce qui est techniquement, en tout cas, possible.

Mme Harel: Alors, M. le Président, l'amendement se lirait comme suit à la motion présentée par le député de Laviolette: Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie des projets de règlement d'application du projet de loi 37 avant que ne débute l'étude dudit projet de loi.

Le Président (M. Bélanger): On va suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 44)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux. Mme la députée de Maisonneuve, c'est une motion, vous avez raison. L'amendement à la motion qu'apporte Mme la députée de Maisonneuve est recevable, puisque cette motion émet un voeu et ne fait pas obligation. Dans ce sens-là, elle est concordante avec la première décision que nous avions rendue. Elle ne fait que préciser à quel moment on voudrait que ce voeu s'exécute. Dans ce sens-là, c'est recevable.

M. Jolivet: Est-ce que vous voulez que je débute l'argumentation, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Bourbeau: Est-ce que ce n'est pas le proposeur qui doit plaider sur cette motion? Non?

M. Jolivet: Non, c'est un membre de l'Opposition, tout comme un membre du pouvoir.

Le Président (M. Bélanger): Un instant, je vais juste vérifier votre question. C'est l'auteur de la motion qui doit...

M. Bourbeau: II me semble. Est-ce que la députée de Maisonneuve est à court d'arguments?

Le Président (M. Bélanger): On va regarder dans le règlement.

Mme Harel: Je cherchais seulement mon projet de loi.

M. Bourbeau: On peut bien prendre le vote tout de suite, si vous voulez.

Mme Harel: Sans mon projet de loi, je me sens...

Le Président (M. Bélanger): Un instant, je me consulte moi-même, ha, ha, ha! Je suis en train de réviser mon règlement parce que je ne suis pas sûr. Les règles étant ce qu'elles sont, elles favorisent l'expression de tout le monde.

Une voix: C'est ce qu'on veut faire comprendre.

Le Président (M. Bélanger): Exact. Alors, si vous voulez prendre la parole, je vous reconnaîtrai lorsque vous la demanderez en vertu de la règle d'alternance.

M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut parler un peu là-dessus?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le ministre.

M. Bourbeau: Voici.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, on va écouter M. le ministre et on reviendra.

M. Jolivet: Sur quoi?

M. Bourbeau: Sur l'opportunité d'accepter la proposition. M. le Président, ce que je voulais vous dire...

Mme Harel: Pas l'opportunité, mais la recevabilité.

M. Jolivet: Non, elle est faite. Elle est recevable.

M. Bourbeau: Sur la recevabilité. Ce qui se passe, M. le Président, c'est que si ce n'est pas le proposeur de la motion qui prend la parole en premier lieu sur sa propre motion, mais plutôt un autre député, à la fin de la première intervention du député, dans ce cas-ci, le député de Laviolet-te qui veut parler sur la motion d'amendement de la députée de Maisonneuve, le député de Laviolette serait, je pense, habilité à proposer lui-même un sous-amendement à l'amendement de la députée de Maisonneuve. Si vous acceptez ce sous-amendement, en vertu du même principe, la députée de Marie-Victorin pourrait prendre la parole en premier lieu sur le sous-amendement du député de Laviolette. À la fin de son intervention de 30 minutes, elle pourrait proposer...

M. Jolivet: II ne connaît pas le règlement.

M. Bourbeau:... elle-même un sous-sous-amendement sur lequel parlerait la députée de Maisonneuve. Ainsi, M. le Président, on peut dire que, d'une façon indéfinie, l'Opposition va prendre la parole et la partie gouvernementale ne pourra pas s'exprimer pendant des jours et des jours. Cela m'apparaît tout à fait contraire aux règles les plus élémentaires de la démocratie voulant que le parti gouvernemental ait le droit, au moins une fois à tous les 24 heures, de prendre la parole. Dans ces conditions, M. le Président, de deux choses l'une.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!

M. Bourbeau: De deux choses l'une. Ou bien Mme la députée de Maisonneuve, le proposeur, fait la première intervention sur son amendement et à ce moment-là, notre droit de réplique ou d'intervention en alternance sera respecté, ou bien vous interdisez à celui qui prend la parole le premier sur une motion de présenter lui-même un amendement sur la motion. C'est l'un ou l'autre, sinon c'est le bâillon pour le gouvernement.

M. Jolivet: Un instant.

Le Président (M. Bélanger): On va en terminer rapidement. L'article 189 est formel. La motion est présentée par le député qui en donne préavis. Avec sa permission, un autre député peut la présenter à sa place. C'est sûr qu'à la fin il agit aux lieu et place de celui qui a proposé la motion. Donc, I ne peut pas arriver à la fin avec un sous-amendement. Dans ce sens-là, vous avez tout à fait raison M. le ministre. Donc, la motion est recevable sur le fond. Vous souhaitez que M. le député de Laviolette agisse ?

M. Bourbeau: Question de règlement. Alors, si on donne suite à votre décision - je la respecte - cela veut dire que Mme la députée de Maisonneuve a perdu son droit de parole sur cette motion.

Le Président (M. Bélanger): Ses trente minutes, oui. Mais elle aura droit à dix minutes comme les autres membres.

M. Bourbeau: Son droit de parole, point. M. Jolivet: Non.

Le Président (M. Bélanger): Elle a cédé son droit de présenter, de débattre la motion au député de Laviolette qui aura droit à trente minutes pour la débattre mais, comme membre de sa formation, elle a droit à dix minutes en vertu du règlement toujours. Là-dessus, il n'y a aucun écrit.

M. Leclerc: Comme député de Laviolette, il ne peut pas présenter de sous-amendement.

M. Jolivet: Non.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez raison, vous avez bien compris. On vous écoute M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Donc, l'argumentation du ministre selon laquelle il ne pourrait pas parler, était tout à fait erronée. Il aura la chance de parler après moi. M. le Président, il existe un problème majeur et c'est pourquoi nous avons présenté cette motion. Ma collègue, quand on a eu un temps d'arrêt, est venue me dire qu'il y avait un problème et qu'elle aimerait s'assurer que le règlement soit déposé avant le début de l'étude article par article, donc avant le début de ce premier article du projet de loi. Vous allez très bien comprendre pourquoi. Si je suis votre argumentation et celle du ministre sur la recevabilité de la première motion, que ma collègue de Maisonneuve avait présentée et qui avait été refusée, je dois vous dire que vous aviez pris une décision qui était basée sur de l'argumentation, à savoir que le ministre ne pouvait pas déposer un règlement qui n'avait pas encore été adopté par le Conseil des ministres. Vous savez comment on procède, comment on discute ce problème dans un contexte où on voudrait, nous, faire l'étude des articles avec les projets de règlement. Si le ministre n'accepte pas notre souriait qu'il dépose, avant l'étude du premier article du projet de loi, les projets de règlement, comment pourrons-nous avoir ce règlement si on accepte ce que le ministre, durant la suspension, nous a dit, et ce qu'il nous a demandé au début de l'étude de cette motion, soit qu'il serait prêt à déposer le règlement aussitôt que le Conseil des ministres l'aura adopté. Cela veut dire, dans le fond, que le ministre ne veut d'aucune façon nous donner des projets de règlement avant, pendant, ou même après l'étude du projet de loi.

Pourquoi est-ce que je dis ça, M. le Président? Il faut savoir comment on procède. Le ministre nous a dit: Je voudrais déposer un amendement, et nous avons refusé qu'il le fasse à ce moment-là, lequel avait pour but de dire: Dès que le Conseil des ministres l'aura adopté. Mais ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Vous le savez très bien, vous m'avez dit dans votre argumentation que le règlement découle du projet de loi, que le règlement serait adopté une fois le projet de loi adopté. Donc, ça veut dire tout simplement ceci, si on acceptait l'argumentation du ministre: Vous aurez le règlement quand le projet de loi aura été adopté. C'est ça, dans la fond, que ça veut dire. Nous, on dit: Mais non, ça n'a pas de bon sens; si on veut l'avoir... Et là, je comprendrais très mal l'ar- gumentation des députés au pouvoir qui viendraient nous dire qu'ils se contenteraient d'avoir le règlement une fois le projet de loi adopté, et ne pas faire l'étude article par article avec le règlement devant eux. C'est ça que nous proposons, M. le Président. Il faut absolument en arriver à ce qu'on fasse une étude détaillée article par article de ce projet de loi dans la meilleure connaissance. Ma collègue de Maison-neuve vous a dit tout à l'heure toutes les raisons pour lesquelles il devient évident que nous ayons ces projets de règlement avant qu'on commence l'étude article par article du projet de loi, parce que c'est de commune renommée de savoir ce qu'on adopte. Il n'y a personne ici qui serait bénéficiaire de l'aide sociale qui ne dirait pas: Écoutez, un instant, j'aimerais bien savoir, si vous adoptez tel article et que plus tard on promulgue tel règlement, que ça n'aurait pas pour effet de m'en enlever encore plus que vous m'en enlevez actuellement et, finalement, de me forcer à faire des choses qui seraient contraires à la Charte des droits et libertés de la personne.

M. le Président, ça devient aberrant de penser que le ministre précédent ait dit: Écoutez, je comprends votre argumentation; soyez assurés qu'on va vous le donner. Que le ministre actuel dise: Écoutez, je comprends votre préoccupation, mais je ne suis pas capable de vous le donner. Et il dit dans son argumentation que c'est parce qu'il y a eu, d'après lui, tellement d'amendements majeurs - ce qu'on conteste d'ailleurs, vous le savez très bien, et ce que beaucoup de gens contestent - il y a eu tellement de changements dans ce que je vous propose, et il y a des amendements à venir, finalement, je dois changer mon règlement. À ce moment-là, tout le processus s'enclenche. Le cabinet du ministre et les gens du ministère au niveau administratif préparent le règlement avec le contentieux du ministère, l'envoient au comité interministériel permanent de développement quelconque qui est formé et qui fait valoir ça auprès de ses collègues, s'en vont au comité de législation pour voir si ce projet de règlement est correct légalement, et c'est ensuite le dépôt au Conseil des ministres. Au Conseil des ministres on va dire: Écoutez, on aimerait bien savoir si le projet de loi est adopté avant d'adopter le règlement. On veut le savoir et il n'y a pas un ministre qui ne serait pas d'accord avec ça, à savoir si le règlement est conforme à la loi, si le règlement ne vient pas restreindre la loi, s'il ne vient pas élargir la loi. Vous savez très bien que le règlement fait partie intégrante du projet de loi. On ne peut pas, par un règlement, changer la loi. Si on veut changer la loi, on doit aller devant l'Assemblée nationale avec un projet de loi en ce sens. Mais si on veut le faire dans des conditions plus rapides dans certaines circonstances, la Loi sur les impôts, de la façon dont le ministre des Finances exerce ses pouvoirs... Il fait une déclaration ministérielle et on sait très

bien que ça aura des effets rétroactifs au moment de la déclaration ministérielle. Mais ce n'est pas comme ça qu'on procède dans les autres lois. Dans les autres lois, le ministre peut faire une déclaration ministérielle, indiquer ses positions. On peut répliquer et après ça on passe à d'autres étapes. On présente ça à l'Assemblée nationale à l'intérieur des projets de loi.

M. le Président, vous voyez très bien qu'il est tout à fait logique qu'une demande soit faite ici pour le dépôt des projets de règlement par le ministre. Il n'y a personne autour de la table qui va le critiquer, en sachant très bien que ce sont des projets, mais que sur l'ensemble il y en a quelques-uns qui vont être modifiés à la suite des discussions qu'on aura autour de fa table sur l'adoption du principe, mais que pour la majorité ils ne seront pas changés. Alors le ministre pourra nous dire: Écoutez - lorsqu'on arrivera à telle règle qui fait allusion à tel article du projet de loi - monsieur, madame, je vous le dis d'avance, iI va y avoir des changements. C'est à peu près dans ce sens-là qu'ils vont avoir lieu et ça ne viendra pas enlever quoi que ce soit au numéro de l'article untel du projet de loi. Cela viendra simplement ajouter l'éclairage nécessaire à une meilleure compréhension de l'article.

Vous comprendrez très bien, M. le Président, qu'il n'y a rien qui empêche le ministre de nous faire ces avertissements au fur et à mesure qu'on va avancer. L'exemple typique, je vous le rappelle, c'est le ministre responsable de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On n'a même pas eu besoin de le forcer par une décision de la commission. Le ministre nous les a donnés de bon gré en disant: Écoutez, M. le député, je vous donne en fait des projets de règlement. Vous comprendrez très bien que c'est un projet de règlement. J'ai dit: Oui, j'ai compris ça. Vous comprendrez bien que vous pouvez nous aider à le perfectionner. J'ai dit: Oui, c'est pour ça qu'on vous l'a demandé. Et, au fur et à mesure qu'on avançait dans le projet de loi 65, le ministre nous faisait mention que ça référait à tel règlement. Et même, c'est encore mieux que ça. Compte tenu de cette loi sur les inscriptions sur les barils, les sacs, les enclos - peu importe où ce serait - de produits dangereux, l'étiquetage et l'avertissement nécessaire, le ministre nous indiquait que ça faisait référence à un projet de loi fédéral. Il nous a même déposé les projets de règlement qu'il y avait au fédéral. Imaginez la coopération et la collaboration que nous avons eues du ministre pour adopter un projet de loi avec lequel les gens semblaient être en accord, en principe, mais en désaccord sur certaines modalités. Cela nous a permis de faire une étude exhaustive et détaillée du projet de loi. Et vous pouvez retrouver cela dans les minutes de l'Assemblée, à la commission qui a étudié le projet de loi 65.

La même chose lorsque le ministre délégué aux Forêts a présenté son projet de loi sur les forêts qu'il a voulu faire adopter au mois de décembre 1986 pour application au 1er avril 1987. Il nous a transmis tout le règlement nous permettant même d'avoir une séance de discussion de deux heures sur le projet de règlement. Le ministre n'a pas dit à l'Opposition: Ecoutez, je ne peux pas vous le présenter parce que le règlement n'est pas prêt, il va changer en cours de route, il faut que je le présente au Conseil des ministres. Tout ce qu'il nous a dit à ce moment-là, c'était bien simple, c'était qu'il y avait des changements à apporter, il nous a dit dans quelle direction il décidait d'aller en nous disant que, lorsqu'il aurait le projet final, il serait prépublié, que cette prépublication leur permettrait d'en faire une étude et de faire des recommandations, et même de demander une commission parlementaire additionnelle, une séance de travail de la commission. À partir de ça, nous nous sommes retrouvés devant un ministre qui a voulu collaborer. (12 heures)

Ce qu'on demande, dans le fond, c'est que le ministre nous aide à faire notre travail. À ce sujet, je comprends mal les ministériels de refuser ce qu'ils ont demandé par l'intermédiaire d'un projet de loi qui a été déposé, nous disant que de la réglementation, il y en avait trop. Je me souviens de certains discours à l'Assemblée nationale où l'on a fait mention, lorsque ce ministre présentait un projet de loi sur la déréglementation, de la démagogie qu'on avait pu faire.

On s'aperçoit finalement aujourd'hui que ce n'est pas mieux qu'avant. Comme le disait mon collègue, le député de Joliette et chef de I Opposition: On est habitués aux discours de ce parti. Avant l'élection c'est une chose et, après l'élection, c'est autre chose. Même leur chef a dit à la radio, par le moyen d'une cassette préenregistrée, que c'était normal de dire quelque chose pendant l'élection et autre chose après. Mais là, ce dont il est question, c'est d'aujourd'hui. Le ministre agit autrement que de la façon qu'il prêchait lui-même, au moment où i était sur les banquettes de l'Opposition. Son parti a fait une campagne électorale dans laquelle il disait: Nous autres, vous allez voir qu'on va faire mieux. Le discours inaugural de la vice-première ministre, au mois de décembre 1985, disait la même chose: Nous allons légiférer moins et mieux. Moins, c'est une question qu'on pourrait se poser, quand on considère qu'ils font une dépense de temps et d'énergie pour enlever un "d" d'un article, et mieux, la discussion peut être la meilleure.

Malgré toutes les précautions que nous avons prises pour étudier le mieux possible le projet de loi 150 sur les forêts, nous avons fait mention au ministre des problèmes qui existeraient à l'avenir et on s'est retrouvés avec un projet de loi dont on va discuter bientôt, le projet de loi 84 sur les forêts, qui, encore une fois, amende le projet de loi en vigueur depuis le 1er avril 1987, avec des points qui vont être

corrigés et qu'on leur avait soumis à l'époque.

Je vous dis bien honnêtement, M. le Président, que je suis un peu abasourdi de voir le ministre agir autrement que de la manière qu'il a toujours prêchée. On comprend les contraintes du pouvoir, mais on n'est pas obligés de les accepter. On peut comprendre que le ministre soit contraint de passer par toutes sortes de comités pour arriver à une réglementation finale, mais de là à dire qu'on est d'accord avec le fait qu'il refuse de nous présenter des projets de règlement qu'on lui soumet, je dois vous dire, M. le Président, que j'en suis vraiment peiné. J'espère que le ministre reviendra à de meilleures raisons, de meilleurs sentiments, qu'il entendra raison, qu'il acceptera, comme notaire...

Une voix:...

M. Jolivet: Non, je pense qu'on est notaire un jour et qu'on doit l'être pour toujours, à la condition de garder un lien avec cette profession. Le ministre doit certainement garder dans sa tête toute l'argumentation qu'il a pu apporter lorsqu'il mettait un contrat sur papier. Il a certainement mis ses clients en garde contre les difficultés qui pourraient survenir s'ils ne mettaient pas telle et telle clause dans le contrat et il faisait certainement lire, j'en suis sûr, comme très bon notaire, le contrat avec les sous-paragraphes et les italiques pour s'assurer que les gens comprenaient bien ce qu'ils signaient. Lui qui a passé sa vie de notaire à faire ces mises en garde, il voudrait nous empêcher de faire les mêmes mises en garde. Je n'en reviens pas, M. le Président.

Je me souviens, à votre place, de ce cher député de l'Opposition à ma gauche à l'époque, dans une certaine commission que j'ai présidée, qui voulait analyser tous les petits mots du projet de loi. Tous. Il voulait même, je m'en souviendrai toujours, qu'on étudie - alors qu'il a fallu lui montrer que ce n'était pas possible et on repassait le projet de loi pour que je le lui dise exactement - ce qu'on appelle les notes explicatives, pour être sûr qu'elles étaient conformes au projet de loi. Je l'ai vu. Je l'ai vu me faire dire cela. J'étais président à votre place. Aujourd'hui il nous refuserait une chose qui est au moins plus importante que d'étudier les notes explicatives. Dans le fond, vous le savez très bien, les notes explicatives n'ont pas force de loi. Mais, le règlement, lui, a force de loi. Cela, c'est bien différent, M. le Président. Combien de temps il a pris! Je me souviendrai toujours du député qui faisait la discussion avec Mme Lise Payette au sujet du projet de loi sur l'assurance automobile, le député - quel était son nom? - O'Gallagher. Vous ne l'avez pas vu, vous, John O'Gallagher. Moi, je l'ai vu, c'était épouvantable. C'était épouvantable. Ce qu'il nous a demandé dans des commissions parlementaires, ce n'est pas possible, des nuits et des nuits de temps.

Dans le temps notre règlement, M. le Président, ne prévoyait pas de finir à minuit, il allait bien plus loin que cela. Il a fallu le changer. Cela n'a pas de bon sens. Vous savez, dans la Ligue nationale on a changé le règlement, parce que les Canadiens étaient trop forts quant au choix des joueurs du Québec. Vous vous souvenez de la clause Québec qu'on avait à l'époque pour les joueurs du Canadien? Aujourd'hui, on n'a plus cela, vous savez. Ils vont jouer dans toute la ligue, aux États-Unis comme ailleurs. Mais, cette clause-là avait protégé le club Canadien et lui avait permis d'avoir une bonne hégémonie sur le hockey. Imaginez-vous qu'il a fallu changer le règlement de l'Assemblée nationale pour éviter des choses semblables. Mais, c'était sur des notes explicatives! Nous, on ne parle pas de notes explicatives, on parle de règlement, du règlement qui va tenir feu et lieu de la loi, qui va être responsable de décisions que des gens vont prendre dans des bureaux locaux. Vous avez vu hier l'argumentation que j'ai apportée disant que cela n'avait pas de bon sens de ne pas faire entendre ces gens-là. Je vous le dis, si on présentait ici les projets de règlement, les gens diraient: Enfin, un ministre qui est raisonnable, enfin un ministre qui applique ce qu'il dit: il nous présente des projets de règlement qui nous permettent d'analyser l'ensemble du projet de loi avec une meilleure vision, avec l'assurance, finalement, qu'on n'a d'aucune façon outrepassé la teneur du projet de loi par le règlement.

Je pourrais argumenter longuement, encore une fois, je sais qu'il me reste encore du temps, M. le Président. Mais, avec toute l'argumentation que j'ai apportée, je pense que je vais laisser le soin au député de Taschereau de nous donner une réponse favorable et, à ce moment-là, arrêter toute discussion et passer à autre chose. Si le député, mon ineffable collègue de Taschereau, me donnait ce biscuit comme dessert, j'en serais très heureux. Je dirais: Enfin, il a compris. Il nous permettra, à ce moment-là, de faire la meilleure étude possible du projet de loi. J'arrête là, M. le Président. J'espère avoir convaincu le ministre et ses collègues, mais si le ministre donne un signe à ses collègues, ils vont tous voter comme lui et cela ne me donnera pas grand chose. Mais, comme j'espère que son collègue le député de Taschereau va le convaincre, à ce moment-là je suis sûr que nous allons voter ensemble unanimement pour la motion d'amendement de ma collègue et la motion principale que j'ai proposée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Latulippe): M. le ministre. M. le député de Taschereau.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Évidemment, puisque nous voulons étudier un projet de

loi relativement complexe, il est sûr que je ne peux tenir rigueur à Mme la députée de Maison-neuve, qui a pris la parole avant M. le député de Laviolette, de faire quelques erreurs d'interprétation. Vous me permettrez, M. le Président, de reprendre ce que je considère être une erreur de la députée de Maisonneuve, lorsque à l'article 90, paragraphe 2, de la loi 37 que nous étudions, où il est dit: "Prévoir pour chaque programme dans quel cas un enfant est à la charge d'un autre adulte que son père ou sa mère et désigner cet adulte". Mme la députée de Maisonneuve nous a dit: Nous sommes là devant du droit nouveau. Évidemment, compte tenu du fait que la précédente loi prévoyait déjà ce genre de cas où le ministre peut prévoir par règlement, dans quel cas un enfant est à la charge d'un autre adulte que son père ou sa mère, nous ne sommes évidemment pas devant du droit nouveau. Elle nous faisait remarquer qu'il pouvait y avoir, quant à la contribution parentale, des effets plutôt effrayants. Il n'en est pas question. La contribution parentale ne s'est toujours référée qu'au père et à la mère de l'enfant, qu'au revenu du père et de la mère de l'enfant. Par conséquent, le paragraphe 2 de l'article 90 ne fait que rendre possible le versement du chèque mensuel à des oncles, des tantes, ou des grands-parents.

Donc, dans le paragraphe 2 de l'article 90, il n'est nullement question d'exclure des jeunes de l'aide sociale, il n'est nullement question de permettre au gouvernement de réclamer quelque forme de contribution parentale que ce soit, de personne autre que père et mère de l'enfant, mais bien au contraire, il est strictement question de permettre au gouvernement de payer la portion permise pour un enfant à d'autres personnes que son père ou sa mère, parce que nous avons - et la députée de Maisonneuve pourra en témoigner - souvent des cas où c'est soit un frère, une soeur, un oncle, une tante ou les grands-parents qui prennent soin de l'enfant ou qui le gardent. Il est donc souhaitable et raisonnable que ce soient ces personnes, autres que le père et la mère, qui puissent bénéficier de l'argent que le gouvernement met à la disposition de l'enfant, par l'intermédiaire des gens qui en ont la charge.

Donc, je trouve dommage que la députée de Maisonneuve - mais Je ne lui en tiens pas rigueur, car nous sommes devant un projet de loi relativement complexe - par ce genre d'interprétation, puisse provoquer parmi nos concitoyens des interrogations qui ne sont pas justifiées. Je me reporterai au paragraphe 18 de l'article 90 qui confirme exactement ce que je viens de dire, quant à la contribution parentale. Il est dit: "déterminer la contribution" c'est-à-dire que le gouvernement peut, par règlement, déterminer la contribution parentale qui doit être considérée dans le calcul de la prestation d'un adulte, à partir d'un montant de base et des revenus nets au sens de l'article 28 de la Loi sur les impôts, de son père et de sa mère, pour la dernière année fiscale. Par conséquent, la loi à l'article 18, si elle est adoptée ainsi, empêche le gouvernement, par règlement ou autrement, de déterminer toute contribution parentale, autre que par les revenus du père et de la mère. Par conséquent, j'espère que la députée retirera son point, de sorte que personne, parmi nos concitoyens, ne puisse se faire du tracas inutilement. (12 h 15)

M. le Président, dès le dépôt de la motion, vous vous en souviendrez, le ministre a dit: Si vous êtes prêts à changer un tant soit peu le libellé de votre motion, nous sommes prêts à l'accepter. Je pense que nous avions là une occasion en or de voir si l'Opposition était de bonne foi, si l'Opposition se servait des motions comme mesure dilatoire. Je vous avoue qu'ils ont discuté au moins une heure jusqu'à maintenant sur le fond de la motion, alors que, dès le début, le ministre nous a fait part de son ouverture quant à cette motion. Que le ministre veuille rendre public son règlement, il nous a expliqué les faits qui l'empêchent de le faire à la demande expresse de l'Opposition et dans les conditions qu'elle lui demande. Mme la députée de Maisonneuve comme M. le député de Laviolette, ayant déjà eux-mêmes siégé au Conseil des ministres, devraient être en mesure de comprendre que les règlements doivent être approuvés par le Conseil des ministres avant d'être rendus publics.

Vous me permettrez, je lisais ce matin une analyse de M. Jean Francoeur du journal Le Devoir sur le projet de loi 37 et, pour alimenter la réflexion de l'Opposition, j'aimerais vous en lire un court extrait. "Le débat sur la réforme de l'aide sociale atteindra bientôt son point culminant à l'Assemblée nationale où l'Opposition péquiste recourt à l'obstruction systématique contre le projet de loi 37. " M. le Président, ce n'est pas moi qui dis cela, c'est M. Francoeur du journal Le Devoir qui dit: Que l'Opposition péquiste recourt à l'opposition systématique contre le projet de loi 37 et nous en avons ce matin une preuve éloquente alors que de ce côté-ci nous étions favorables à la motion de l'Opposition en échange de quelques légers changements quant au libellé et d'aucune façon elle ne nous a fait part de sa collaboration.

Je continue mon article du journal Le Devoir de ce matin. "Dans le même temps, on assistera à diverses actions de commando lancées par des groupes de promotion qui, à leur manière, chercheront à faire obstacle à un projet dont ils réclament le retrait pur et simple. Mais le gouvernement s'est commis, M. Bourassa a confirmé son intention de faire adopter le projet de loi avant l'ajournement des fêtes. Pour y arriver, la majorité parlementaire devra sans doute imposer une limite à la durée du débat". Évidemment, vous soupçonnez, M. le Président, que ce n'est pas notre intention mais même les analystes indépendants prétendent que nous devrons avoir recours à cette méthode. "C'est

alors que, de la part de l'Opposition, les gros mots commenceront à pleuvoir: bâillon, rouleau-compresseur, législation à la vapeur et le reste. Ces accusations, aussi excessives que prévisibles, seraient mieux fondées si le projet de loi avait fait l'objet d'un dépôt de dernière heure, ce qui n'est pas le cas. "

Par conséquent, M. le Président, même les analystes indépendants, et bien que nous ayons commencé cette commission depuis fort peu de temps, disent à la population que nous sommes devant une opposition systématique. Le ministre, à la suite de la motion présentée par l'Opposition, a fait part d'ouverture. Il a dit que oui, il était prêt à appuyer la motion en échange de quelques petits changements au libellé et l'Opposition a préféré discuter pendant une heure au lieu d'accepter le compromis honorable - soit dit en passant - du ministre pour qu'enfin nous puissions commencer à l'article 1.

Malheureusement pour la population, nous ne pouvons encore à ce moment-ci commencer l'étude article par article. Qu'il serait préférable que nous ayons le règlement pour le faire, tout le monde en convient, mais il faut comprendre que l'administration gouvernementale a ses exigences, qu'ont également suivies nos prédécesseurs, que le ministre se doit de faire approuver son projet de règlement avant de le rendre public et il nous a fait part tout à l'heure des raisons. Il n'est pas question de susciter de vains espoirs chez des gens alors que son projet de règlement pourrait subir des modifications au Conseil des ministres. Cela m'apparaît sage comme décision et je répète à l'Opposition que le côté ministériel est fort réceptif à ce genre de motion qu'elle a présentée. Afin de vous prouver, M. le Président, que nous sommes réceptifs, je vous annonce que j'aurai un amendement tout à l'heure.

Le Président (M. Latulippe): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, ce qu'il faut comprendre c'est que les exigences de la ligne de parti sont, pour le député de Taschereau, plus importantes que celles de représenter ses concitoyens. Je comprends que le député n'est pas très familier malgré trois années maintenant au Parlement avec cet exercice éminemment démocratique auquel nous nous sommes engagés ici par les travaux de notre commission parlementaire. Je voudrais lui rappeler que - ce qu'il nous dit en fait, ses propos sont simples - pour être de bonne foi, il faudrait être pour le dépôt des projets de règlement plus tard, quand on n'en aura plus besoin. Si on les veut maintenant, au moment où ils nous seraient utiles, c'est de la mauvaise foi. Vraiment, M. le Président, j'ai rarement entendu plus d'incohérence dans des propos. J'ai l'impression que ce n'est pas de la mauvaise foi chez le député de Taschereau, mais plutôt de la mauvaise conscience. Le député de Taschereau a mauvaise conscience parce que, compte tenu de l'expérience personnelle qu'il a, il sait très bien ce qui pend malheureusement au bout du nez de bon nombre de ses concitoyens. Je regrette, M. le député de Taschereau, la bonne foi, c'est d'avoir ces projets de règlement d'application au moment où l'on étudie le projet de loi article par article. En fait, je veux vous remercier pour les informations que vous nous donnez, mais cela ne me rassure pas.

Finalement, l'inquiétude que j'exprimais n'était pas sur les questions auxquelles vous avez répondu à l'égard de l'article 90, paragraphe 2. L'inquiétude que j'exprime en regard de l'absence de cette réglementation - on va encore reprendre le cas du paragraphe 2 de l'article 90 - est également exprimée par le Conseil du statut de la femme qui dit ceci à l'égard de la reconnaissance des conjoints de fait: "Nous n'avons pas, dit le Conseil du statut de la femme, obtenu gain de cause en ce qui a trait à la durée de vie commune devant entraîner la reconnaissance de l'union de fait. Alors que nous suggérions une période de trois ans en l'absence d'enfants issus de l'union ou adoptés, on s'en tient à la période d'un an proposée initialement. Ne nuira-t-on pas ainsi à la reconstitution d'unions stables? La perspective d'avoir à assurer rapidement, avant même que l'union n'ait acquis une certaine permanence, la charge d'un adulte et celle d'enfants qui ne sont pas les siens, ne peut-elle pas exercer un effet dissuasrf auprès d'éventuels conjoints? Les articles 3 et 90 deuxième alinéa, ouvrent de plus la porte à l'imputation formelle d'une telle responsabilité financière, puisqu'ils permettent de prévoir quand un enfant est à la charge d'un autre adulte que son père et sa mère. Est-ce cela, l'intention du législateur et, si oui, a-t-on bien mesuré la portée de ces articles?"

Pour comprendre la portée de ces articles, c'est à l'article 2 de la définition qu'il faut se référer. Évidemment, il faut pouvoir également comprendre que, en matière de sécurité du revenu, le gouvernement définit différemment les conjoints qu'il ne le fait dans un projet de loi actuellement à l'étude devant l'Assemblée nationale, déposé par le ministre des Transports, qui définit tout à fait autrement la notion de conjoint. Eh! Que c'est étrange! Une notion de conjoint généreuse en matière d'indemnisation du dommage corporel et, au même moment, pendant la même session, à la même fin de session, une définition de conjoint restrictive et beaucoup plus sévère dans le cadre du projet de loi 37.

M. le Président, c'est évident, il va falloir que le gouvernement fasse un seul lit pour les conjoints, non pas deux et, au moment où nous discutons de cette question devant l'Assemblée, qu'il nous dise laquelle des deux définitions est la bonne, celle qui prévoit une cohabitation d'au

moins trois ans, à moins de la naissance d'un enfant de l'union commune évidemment, ou celle qui prévoit une cohabitation d'un an tout au plus, mais qui prévoit encore plus: que les personnes peuvent être considérées comme conjoints malgré qu'elles ne cohabitent pas. Le projet de loi dit: "Malgré l'absence temporaire de l'une d'elles". Évidemment, comment le gouvernement définira-t-il le mot "temporaire"? Et, surtout la question la plus fondamentale: Comment un gouvernement peut-il prétendre introduire, durant la même session législative, deux définitions différentes de "conjoint"? Cela a évidemment une incidence sur le deuxième alinéa de l'article 90, parce que, suivant le libellé qu'on retrouvera à la notion de conjoint, il est évident que le nouvel ami d'une chef de famille monoparentale pourra, après un an, être tenu responsable financièrement des enfants dont il n'est pas le père. C'est évidemment à ces questions que le ministre doit répondre en déposant les projets de règlement d'application.

Je voudrais également, M. le Président, vous signaler tout simplement l'article 5. Je regrette que le député de Sainte-Marie ne soit pas ici parce qu'il doit beaucoup s'inquiéter qu'un ancien ministre de l'Habitation fasse à la Sécurité du revenu ce qu'il n'avait pas réussi à faire quand il était à l'Habitation. Au paragraphe 5° de l'article 90, il est prévu - je vous en fais lecture, M. le Président, que le règlement va "prévoir les barèmes des besoins établissant les montants mensuels pour l'application des programmes d'aide de dernier recours, lesquels peuvent varier selon les programmes, selon qu'il s'agit d'un adulte seul ou d'une famille, selon la situation de l'adulte seul ou de la famille ou selon que l'adulte seul ou les adultes d'une famille - et c'est là-dessus que je veux retenir votre attention - sont hébergés ou détenus dans un établissement ou sont résidents d'un logement subventionné. " C'est donc dire que, dorénavant, la résidence en loyer modique ou en coopérative d'habitation pourra devenir un facteur pouvant influencer le montant de la prestation. C'est ce que dit l'alinéa 5 de l'article 90, mais ce qu'il ne dit pas c'est comment, de quelle façon. Le ministre joue à la cachette. L'éditorialiste du journal Le Devoir, M. Francoeur qui n'a pas signé d'ailleurs son analyse dans les pages éditoriales... Je crois comprendre que l'équipe éditoriale ne souscrivait pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel:... à son opinion. L'éditorialiste peut bien se satisfaire et se satisfait d'ailleurs de barèmes distincts de contribution alimentaire parentale et d'un calcul en moins des prestations en tenant compte du partage du logement. Alors, évidemment, si l'ensemble des collègues ministériels du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, contrairement à leur parti, d'ailleurs - je crois comprendre que la présidente de la commission jeunesse...

Une voix: Chez vous aussi, c'est un peu comme ça.

M. Bourbeau: Vous avez assez de problèmes avec le vôtre.

Mme Harel:... n'a pas encore réussi à faire passer ses idées, à obtenir...

M. Leclerc: Chez nous les jeunes ont réussi, mais vous n'êtes pas d'accord.

Mme Harel:... la fin de la discrimination puisqu'elle parle d'une discrimination systématique, d'une jungle administrative. Ma collègue, la députée de Marie-Victorin aura l'occasion d'ailleurs d'y revenir.

Alors en conclusion, M. le Président, c'est essentiel, notamment, que nous puissions vérifier si les projets de règlement d'application, contiendront une disposition souhaitée par la Commission des droits de la personne a l'effet que - et je le Ils: "Les règlements adoptés sous l'autorité de la Loi sur la sécurité du revenu contiennent des dispositions propres à encadrer le processus de vérification de façon à ce que celle-ci s'effectue dans le respect de la vie privée des prestataires, de leur droit à la sauvegarde de la dignité et à la protection contre les fouilles et les saisies abusives. " Avant que nous examinions toutes les dispositions portant sur les investigations, nous avons besoin de savoir s'il y aura une telle disposition dans le règlement d'application. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Latulippe): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion d'amendement?

M. Jolivet: Pas d'alternance.

Le Président (M. Latulippe): Pas d'alternance. Alors Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: M. le Président, il me fait plaisir de pouvoir justement, moi aussi, apporter mes commentaires sur l'amendement qui a été apporté par ma collègue de Maisonneuve. Parce que, M. le Président, ça fait partie même des engagements du premier ministre... Je ne veux pas dire du premier ministre mais du ministre qui était le premier dans le dossier des affaires sociales, qui était de Brome-Missisquoi...

M. Jolivet: II a passé proche d'être chef.

Mme Vermette: Bien c'est pour ça en fait, peut-être que ce n'était qu'une éclipse.

M. Jolivet: II est quand même deuxième.

Mme Vermette: Le 11 mai 1988, il disait qu'il voulait déposer le règlement pour empêcher tout débat futile et inutile pour que, justement, le débat ne s'oriente pas dans toutes sortes de directions et un peu pour pallier aux azimuts dont s'est dégagé un certain règlement préconisé par le ministre actuel. Pour contrer ces arguments assez hétéroclites, déjà son prédécesseur était conscient de la nécessité de déposer, d'une façon très rapide, le règlement pour empêcher ces discussions inutiles et futiles. Nous revenons à la charge cette fois-ci en disant: Écoutez, c'est important, il faut absolument qu'on art une orientation pour vérifier sur quoi reposent ces articles de loi parce qu'en fin de compte, ce sont les règlements qui mettent en action un article de loi. Le ministre lui-même, lorsqu'il a rencontré les différents groupes d'assistés sociaux à ses bureaux d'une façon assez clandestine, pour que personne ne soit trop au courant de ce qui se passe lors de ces rencontres, s'était engagé à déposer son propre règlement au cours de l'automne qui est presque à la veille de se terminer. Donc, on lui donne l'occasion de nous apporter ce règlement puisque c'est l'occasion privilégiée en commission parlementaire, lorsque nous discutons d'un projet de loi, d'apporter les documents les plus pertinents à la compréhension et qui peuvent favoriser la bonne marche des travaux. Donc, il aurait été intéressant, et c'est pourquoi nous avons marqué "il aurait été souhaitable", de pouvoir se pencher sur les orientations que devraient prendre les règlements. (12 h 30)

D'autant plus, M. le Président, que même les jeunes libéraux s'opposent à toute forme de réglementation qui a été proposée par le ministre Bourbeau parce qu'eux aussi ne savent pas à quoi va tenir ce règlement et quels seront, encore une fois, les orientations, les principes qui sous-tendront finalement l'application de ce règlement. On ne les connaît pas. Encore là, Marie Gen-dron, présidente de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, s'en est prise formellement aux amendements proposés que le ministre s'apprêtait à déposer. Donc, il aurait été important qu'on puisse encore une fois vérifier pourquoi ces jeunes libéraux qui, ordinairement, ont une certaine osmose avec le parti, cette fois-ci brisent cet état qui a pris surtout une allure de fébrilité par rapport au projet de loi déposé et au règlement que voudrait déposer le ministre. Selon Mlle Gendron, la contribution parentale, telle que maintenue, est aussi discriminatoire qu'avant. On pourrait vérifier si ce sera toujours aussi discriminatoire qu'avant. Aussi, cette même Mlle Gendron disait: Nous, les jeunes libéraux, sommes encore contre. C'est ce qu'elle a souligné. Par ses amendements, le ministre fait tellement de pirouettes qu'il est difficile de prévoir quel sera pour les jeunes assistées sociales le résultat net de l'opération. M. le Président, ce n'est pas nous. Ce ne sont pas nos paroles. Ce ne sont pas les gens de l'Opposition qui essaient de faire une figure de style par rapport à l'allure que peut prendre le ministre dans ce dossier. Ce sont eux-mêmes. C'est Mlle Marie Gendron qui dit: Le ministre fait tellement de pirouettes qu'il est difficile de prévoir quelle sera pour les jeunes assistées sociales le résultat net de l'opération.

M. Jolivet: Ce n'est pas un acrobate.

Mme Vermette: M. le Président, il me semble que le ministre devrait se rendre compte à quel point il y a beaucoup de gens qui sont en attente face à cela. Il me semble que ce n'est pas tout à fait clair. Il reste sûrement beaucoup d'ambiguïtés et il aurait été, à mon avis, essentiel d'avoir une orientation, une ligne directrice, et, là-dessus encore, on devra attendre. Nous sommes placés un peu comme des molécules en suspension où, finalement, on est dans l'air et on attend qu'il se passe quelque chose. On est là et puis bon. Pour se déposer, là c'est autre chose. C'est assez inconfortable comme situation. Je veux dire que finalement ce serait plus important de pouvoir prendre une forme concrète beaucoup plus tangible. Nous sommes toujours devant cette façon: Oui, ça s'en vient, oui, mais cela va apporter des modifications. Il n'y a rien de vraiment tangible et de concret. Encore une fois, même Mlle Gendron disait qu'elle restait très sceptique quant aux mécanismes alternatifs proposés par M. Bourbeau visant à forcer les parents à contribuer dans le cas où les jeunes ont rompu tous les liens familiaux.

M. Bourbeau a aussi proposé un programme d'assistance financière pour les familles coincées financièrement par un coût de loyer trop élevé. Ces deux mécanismes représentent un processus supercomplexe, une jungle administrative, prévient Mlle Gendron. Ce né sont pas les propos mêmes... Il n'y a pas que l'Opposition qui voit ces choses venir et arriver. Il y en a d'autres aussi, des gens qui ont peut-être un certain recul par rapport à leur parti actuellement et qui sont capables de faire la part des choses. On dit souvent que les jeunes ont une vision plus éclairée, plus dynamique finalement parce que, évidemment, c'est le propre de la jeunesse de pouvoir changer des choses et de pouvoir favoriser des changements. Dans ce sens, je pense qu'ils ont pris une bonne orientation. Ils font des pressions pour que leur ministre se rende compte, justement, que peut-être il s'est endormi un peu trop vite sur son projet de loi et que, finalement, il serait peut-être temps qu'il réagisse et, plutôt que considérer que tout est fin et que tout va très bien, Mme la marquise, à part un petit rien - mais ce petit rien, il ne faudrait pas en parler - il faut tout simplement glisser. Je pense qu'il y a des jeunes qui le rappellent et le mettent à l'ordre et lui disent: Écoutez, M. le ministre, nous pensons actuellement que vous allez vous réveiller tantôt et le

feu va être pris complètement à l'intérieur de votre organisation, parce que vous êtes en train de vouloir élaborer une politique, mais ça ne marche pas si bien que ça.

On crie à droite, on crie à gauche et beaucoup de gens vous le disent. Beaucoup de gens sont en opposition avec votre projet de loi. Il vous faut au moins essayer d'éclairer notre lanterne. Même encore là, vous n'êtes pas capable de nous éclairer parce que vous restez dans un certain mutisme; finalement ce n'est pas votre mutisme, c'est tout simplement faire miroiter que tout est à venir, que rien n'est encore tout à fait arrêté et tout s'en vient. On a dit: Écoutez, ça fait longtemps qu'on est venus sur la glace, ça fait longtemps qu'on espère, mais maintenant on est tannés. On voudrait savoir davantage exactement de quoi retourne le projet dans l'esprit du ministre. Jusqu'où est-il prêt à aller et qu'est-ce que sont ces amendements qu'il a tant à proposer? C'est actuellement une attitude du gouvernement qui passe tout par règlement et qui empêche les parlementaires de jouer leur véritable rôle surtout dans une commission parlementaire où ces genres de documents sont des outils de travail indispensables pour mener à bien une commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Latulippe): Y a-t-il d'autres interventions?

M. Leclerc: Je voudrais justement savoir où on en est dans les droits de parole respectifs de l'Opposition parce que mol je vous avais fait part que je voulais présenter un amendement.

Mme Vermette: On n'a pas encore enregistré le vote.

M. Leclerc: Non, ce n'est pas ça que je veux savoir. Je veux savoir où on en est rendus.

M. Jolivet: Avez-vous utilisé tout votre droit de parole?

M. Leclerc: Pardon?

M. Jolivet: Avez-vous utilisé tout votre droit de parole?

M. Bourbeau: On est épuisés totalement de vous entendre.

M. Jolivet: A ce moment-là, il n'y a pas de problème, M. le Président, il ne peut proposer aucun amendement.

M. Leclerc: II y en a d'autres qui peuvent en proposer.

M. Jolivet: Sur la motion là?

Le Président (M. Latulippe): Juste un instant. M. le député de Taschereau sur l'amendement tel quel, je pense que vous ne pouvez pas revenir sur l'amendement tel quel. Je pense qu'on devrait disposer, doit disposer de l'amendement et si vous avez, par la suite...

M. Leclerc: Je voudrais savoir à qui il restait un droit de parole?

Le Président (M. Latulippe): Tout le monde a utilisé son droit de parole jusqu'à maintenant.

Mme Vermette: De notre côté, nous avons épuisé notre temps.

Le Président (M. Latulippe): On disposerait de l'amendement. Tout le monde a disposé de son droit de parole. Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Jolivet: Adopté.

Une voix: Alors, on va procéder au vote.

Le Président (M. Latulippe): M. le ministre, député de Laporte.

M. Bourbeau: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Latulippe): M. le député de Laval-des-Rapides. Le député de l'Assomption n'est pas là. M. le député de Chambly? Contre.

M. le député de Taschereau?

M. Leclerc: Contre.

Le Président (M. Latulippe): Mme la députée de Deux-Montagnes?

Mme Legault: Contre.

Le Président (M. Latulippe): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Thuringer: Contre.

Le Président (M. Latulippe): M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Latulippe): Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Pour.

Le Président (M. Latulippe): Mme la députée de Marie-Victorin?

Mme Vermette: Pour.

Le Président (M. Latulippe): Alors, la motion est malheureusement-heureusement rejetée. On revient à la motion principale qui se lit

comme suit: Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie des projets de règlement d'application du projet de loi 37. Est-ce qu'il...

M. Leclerc: M. le Président...

Le Président (M. Latulippe): Oui, M. le député de Taschereau.

M. Leclerc:... je voudrais, tel que j'en ai fait part tout à l'heure, proposer un amendement. Je propose donc l'amendement suivant à la motion du député de Laviolette, de remplacer les mots "des projets" par les mots "du projet" et ajouter les mots "dès que le Conseil des ministres l'aura adopté" après les mots "projet de loi 37". Ainsi, la motion amendée se lira donc comme suit: Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie du projet de règlement d'application du projet de loi 37 dès que le Conseil des ministres l'aura adopté.

M. Jolivet: M. le Président, sur la recevabilité.

M. Leclerc: Je vous transmets copie de la motion.

Le Président (M. Latulippe): Alors, est-ce que vous avez une objection sur la recevabilité?

M. Jolivet: Oui, oui, justement je vais argumenter, M. le Président. Je pense que l'amendement apporté n'a aucune allure dans le contexte où il y a une décision qui a été rendue - c'est le député, mon ineffable collègue de Taschereau, qui me l'a dit: Une décision rendue par un président assis à votre place, le député de Laval-des-Rapides, indiquait qu'on ne peut pas demander au ministre de déposer des choses avant que le projet de loi ne soit adopté, premièrement et, deuxièmement, pas plus un règlement qui sera adopté plus tard. Si le ministre veut jouer sur les mots en disant "quand le projet de loi sera adopté, il va y avoir un règlement et on le déposera", il n'a même pas besoin de nous le dire, c'est sûr et certain. Le but de la proposition est, en termes de souhait, de le déposer ici.

À ce moment-là, M. le Président, vous voyez bien qu'à sa face même, cet amendement est irrecevable. À ce moment-là, il serait bien plus simple, pour éviter l'argumentation... Si vous le recevez, on va parler le temps qu'il faudra. Si vous voulez épargner du temps au profit du ministre, il s'agit tout simplement de passer au vote et de battre notre motion; ce serait bien plus simple. Je trouve qu'ils sont en train de faire un drôle de jeu, ils perdent eux-mêmes du temps, ce que nous ne voulons absolument pas.

Cela n'a pas de bon sens. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Latulippe): Est-ce que, M. le député de Taschereau, vous avez quelques remarques? Ma décision est pratiquement prise.

M. Leclerc: Alors, si votre décision est prise, M. le Président, on va l'entendre.

Le Président (M. Latulippe): Allez-y si vous avez...

M. Leclerc: Non. Tout cela pour vous dire que, d'abord, la motion contient toujours le mot "souhait", d'une part; d'autre part, il est évident que compte tenu du fait que le Conseil des ministres approuve des règlements, il y a certains délais dans la publication. Si le ministre, dès l'approbation du Conseil des ministres, c'est-à-dire un certain mercredi soir sans doute - puisque ces séances du Conseil des ministres ont lieu le mercredi en fin d'après-midi - le dépose en commission parlementaire, vous admettrez avec moi que nous allons épargner un certain nombre de jours d'étude dans l'intérêt de la commission parlementaire.

Le Président (M. Latulippe): Ma décision est la suivante...

Mme Harel: M. le Président, je voudrais me prononcer sur la question de la recevabilité avant que vous ne preniez votre décision.

Le Président (M. Latulippe): Allez-y rapidement, Mme la députée de Maisonneuve; rapidement, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. Là, évidemment, c'est comme si le gouvernement pouvait encore jouer à la cachette, une fois que le règlement est adopté par le Conseil des ministres. Fort heureusement, il faut qu'à un moment donné la cachette cesse et que le règlement sorte du sac, qu'il soit prépublié à la Gazette officielle. Il ne peut pas continuer à prétendre le mettre dans le placard. Alors, tout ce que souhaite le député de Taschereau, c'est comme s'il oubliait qu'il y a une loi-cadre, qui, même si elle est insuffisante, prévoit les étapes que doit franchir un projet de règlement lorsqu'il est adopté par le Conseil des ministres, pas un projet, mais un règlement une fois adopté par le Conseil des ministres. C'est finalement le règlement... Ce n'est pas le règlement que nous voulons, ce sont les projets de règlement au moment même où nous étudions le projet de loi, article par article. (12 h 45)

Alors, je pense que non seulement c'est redondant, mais c'est finalement contraire à la motion elle-même qui souhaitait, pour l'étude du projet de loi, obtenir ces projets de règlement.

Le Président (M. Latulippe): Merci, madame. M. mes et MM. les députés, je considère que l'amendement est recevable d'une façon très claire. L'article 197 dit: Les amendements doivent concerner le même sujet que celui de la motion, donc, voici le premier concept. Je suis convaincu que les amendements concernent le même sujet que celui de la motion, c'est-à-dire le dépôt du projet de règlement d'application et ne peuvent aller à l'encontre de son principe, voilà le deuxième concept de l'article 197. Les amendements proposés par le député de Taschereau, c'est-à-dire d'ajouter, entre autres, "dès que le Conseil des ministres l'aura adopté", ne vont pas à rencontre du principe de la motion principale qui prévoit que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie du projet de règlement. Il ne vise qu'à retrancher et à ajouter ou à remplacer des mots. C'est effectivement ce que l'amendement fait. Il ajoute quelques mots et, effectivement, remplace un mot. Les commentaires de Mme la députée de Maisonneuve pourraient s'appliquer beaucoup plus sur le contenu mais pas sur la recevabilité. Donc, pour moi, l'amendement est recevable.

M. Leclerc: M. le Président, est-ce qu'on commence sur le fond?

M. Jolivet: M. le Président, avant qu'on ne débute, compte tenu du temps et étant donné que le député a 30 minutes pour faire valoir ses points de vue, on pourrait suspendre à...

Une voix: C'est peu probable.

M. Jolivet: On pourrait demander de suspendre après la période de questions.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis assez étonné que le député de Taschereau prenne 30 minutes pour faire valoir son point de vue.

M. Jolivet: II va avoir de la misère à me convaincre.

M. Bourbeau: II y a de fortes chances que le député de Taschereau art terminé avant une heure.

Motion souhaitant que le ministre fournisse

copie du projet de règlement dès que le

Conseil des ministres l'aura adopté

Le Président (M. Latulippe): Là, je comprends qu'il n'y a pas unanimité pour ajourner, à ce stade-ci. Alors, M. le député de Taschereau.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: L'amendement que je propose fait suite à l'ouverture que le ministre a démontrée dès le dépôt de la motion par le député de

Laviolette. Vous vous souvenez que le ministre a dit: Je serais d'accord avec votre motion dans l'éventualité où vous accepteriez d'en modifier le libellé. Puisque nous nous sommes retrouvés devant une fin de non-recevoir par l'Opposition, il nous appartient alors de présenter un amendement pour faire en sorte que cette motion soit acceptable par le gouvernement. Pour que cette motion soit acceptable par le gouvernement, il faut au minimum, que les principes de bonne gestion gouvernementale y soient inclus. Il est normal, je crois, pour le ministre, d'attendre que ses collègues ministres réunis en Conseil des ministres approuvent son projet de règlement avant qu'il ne le rende public. S'il le faisait auparavant et que certains éléments n'étaient pas retenus par le Conseil des ministres, eh bien, on ne serait pas surpris que certaines personnes puissent être déçues de voir que certaines choses ne s'y retrouvent pas, alors qu'elles étaient à l'intérieur du projet.

Par conséquent, je pense que si le ministre veut garder ses coudées franches, si le ministre veut gérer ce dossier selon la bonne pratique gouvernementale normale, il doit avoir l'aval de ses collègues du Conseil des ministres avant de rendre public quelque projet de règlement que ce soit. Vous verrez, M. le Président, à notre motion, que nous n'avons point touché au mot "projet" parce que, même si le projet de règlement reçoit l'aval du Conseil des ministres, il ne devient règlement en bonne et due forme et n'est mis en vigueur que lorsque les délais légaux sont épuisés. Par conséquent, dans l'éventualité où le ministre - comme je l'expliquais tout à l'heure, un certain mercredi soir après un Conseil des ministres du mercredi après-midi -déposait ici, à la table de la commission parlementaire, les règlements, eh bien, ce serait encore un projet de règlement, puisque les étapes de la publication à la Gazette officielle du Québec ne seraient pas passées encore. Par conséquent, je trouve un petit peu dommage que l'Opposition essaie de faire un plat en disant: Ce ne sera plus un projet, à ce moment-là, ce sera public. Ce n'est pas tout à fait vrai, puisqu'il y a des délais à la Gazette officielle du Québec que le ministre s'engage, par la motion, à devancer en déposant sur la table de la commission le projet de règlement, dès que ses collègues du Conseil des ministres l'auront approuvé. Par conséquent, la motion que nous proposons est une bonification de la procédure normale et régulière utilisée dans l'adoption du règlement. Honnêtement, tous les membres de la commission ont bien hâte de voir la réglementation. Il est certain que c'est un outil très intéressant pour étudier la loi que nous avons devant nous et ni le ministre, ni les députés du côté ministériel ne veulent de délai pour recevoir le projet de règlement. Mais il faut quand même composer avec les particularités de l'administration gouvernementale. Puisque tout récemment le ministre annonçait des bonifications à sa loi,

il faut comprendre que cela engage également des modifications de la réglementation, et il faut comprendre que le ministre et ses fonctionnaires ont besoin d'un certain nombre de jours pour passer à travers cela par les différents comités ministériels et ensuite acheminer cela au Conseil des ministres pour y être adopté.

Donc, nous avons devant nous une motion qui, si elle est adoptée telle qu'amendée, permettra au ministre d'agir avec le plus de célérité possible pour permettre aux membres de la commission de faire le travail le plus sérieux possible, mais permettra également au ministre d'effectuer et de franchir avec sérieux toutes les étapes que la réglementation doit franchir avant d'être acceptée par le Conseil des ministres. Il serait peut-être, en effet, un petit peu présomptueux de la part du ministre si, d'ores et déjà, il déposait son projet de règlement sans connaître à l'avance les observations des différents comités ministériels et du Conseil des ministres. Par conséquent, je demande à l'Opposition de faire amende honorable. Elle a là une occasion de permettre à la commission de commencer l'étude, article par article, tout en ayant l'assurance du ministre que dès que le projet de règlement sera disponible, il sera transmis à la commission parlementaire. Merci M. le Président.

Le Président (M. Latulippe): Peut-être qu'on pourrait suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi.

Mme Harel: Cela nous fera plaisir de poursuivre le débat sur l'amendement du député de Taschereau, au retour. Je demande la suspension.

Le Président (M. Latulippe): Est-ce qu'il y a unanimité, consentement?

Mme Harel: Vous ne contentez personne, M. le député de Taschereau.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Leclerc): Nous étions à discuter de l'amendement de la motion principale et la parole était à l'Opposition, était-ce à Mme la députée de Maisonneuve ou à M. le député de Laviolette? Mme la députée de Maisonneuve, je vous reconnais.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, comme vous avez été l'auteur de l'amendement, je dois vous dire que nous n'avons pas l'intention de voter en faveur d'un tel amendement puisque, en le faisant, nous souscririons à une "déresponsabilité" du ministre à l'égard de l'examen des projets de règlement, au moment même où nous étudions, article par article, le projet de loi 37.

J'ai pris connaissance de la Loi sur les règlements qui a été modifiée à l'automne 1986 et je veux notamment savoir du ministre s'il a déjà transmis au ministre de la Justice le projet de règlement pour examen et si, comme le prévoit ta loi, l'examen sur la légalité du projet de règlement a déjà été effectué en vertu de l'article 5 de la Loi sur les règlements. Je rappelle au ministre que bien des réserves, pour ne pas dire plus encore, ont été émises par, notamment, la Commission des droits de la personne, quant à l'effet de certaines dispositions sur des pratiques abusives. Je rappelle au ministre que la Commission des droits de la personne invitait le ministre à assujettir son projet de loi d'une disposition antidiscriminatoire générale. Est-ce que l'examen des pouvoirs réglementaires a été fait à la lumière des droits et libertés de la personne? De toute façon, M. le Président, nous ne voulons certainement pas concourir à l'idée que les règlements ne seraient connus qu'après l'adoption de la loi. Il nous semble évident que, tel que libellé, vous nous proposez finalement d'attendre l'adoption de la loi pour connaître le règlement d'application qui aura un tel impact en matière de sécurité du revenu.

M. le Président, si j'avais besoin d'un appui supplémentaire pour signaler au ministre combien il est important qu'il clarifie ses intentions en matière réglementaire. Je n'aurais pas pu souhaiter obtenir un meilleur appui que celui qui, indirectement, m'est donné par une lettre envoyée au ministre par le Barreau du Québec et dans laquelle le bâtonnier exprime sa plus vive inquiétude à l'égard de nombreuses dispositions du projet de loi 37. Pour avoir regardé de plus près les dispositions qu'invoque le bâtonnier en regard des pouvoirs réglementaires des articles 27, 30, 31 et 33 du projet de loi, en regard des articles 32, 84 et 87, lesquels articles sont très sévèrement analysés par le bâtonnier. Invoquant la mission première du Barreau qui est la protection du public, le bâtonnier explique au ministre en quoi ces dispositions et les pouvoirs réglementaires qui les assortissent nuisent aux justiciables, portent atteinte à l'indépendance de l'avocat et à l'intégrité des tribunaux. Jusqu'à maintenant, M. le Président, je ne pense pas avoir lu, sans doute, une analyse aussi sévère de certaines dispositions du projet de loi 37. Le Barreau dit: "Le Barreau s'est toujours voulu le gardien des droits individuels; à ce titre, il n'hésite pas à faire entendre sa voix lorsqu'une politique gouvernementale ou un projet de loi risque sérieusement de compromettre ces droits individuels, voire de les brimer. "Or, le projet de loi 37 comporte de tels risques, et ce, à maints égards. " Le bâtonnier décrit ces risques à l'égard de la capacité juridique des prestataires de l'aide sociale, du

rôle de l'avocat comme conseiller juridique et il considère que le projet de loi 37 nie le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Au surplus, le projet de loi 37 représente un obstacle important à une saine administration de la justice. À la lecture d'un jugement aussi sévère, lorsqu'on sait que ces dispositions mises en cause sont assorties de pouvoirs réglementaires qui, évidemment, laissent dans l'inconnu les droits qu'auraient les justiciables, il est évident que cela ajoute à la plus vive inquiétude, notamment lorsque le bâtonnier considère que, contrairement au ministère de la Justice et au Barreau qui encouragent par tous les moyens le recours à la médiation, le ministère s'apprête, avec le projet de loi, à décourager les ententes et à mettre l'accent sur la judiclarisation.

Évidemment, M. le Président, je passe rapidement sur les aspects les plus sévèrement critiqués, ceux qui portent atteinte à l'indépendance des avocats et à l'intégrité des tribunaux. J'aurai l'occasion d'y revenir, mais je veux par là vous signaler combien il est indispensable que le ministre ne se soustraie pas à sa responsabilité en matière d'étude et d'examen des volontés gouvernementales, ici, en commission parlementaire. Puisque bon nombre des articles du projet de loi 37 ne sont, je le répète, que des coquilles législatives vides qui ne pourront être comprises qu'à la lumière et avec l'éclairage des dispositions réglementaires, il est certainement aberrant qu'à ce moment-ci nous soyons devant un amendement qui permettrait au ministre de se soustraire à ses responsabilités, pendant cet examen que nous faisons en commission parlementaire, en reportant le dépôt du règlement à une date ultérieure à l'adoption de la loi. M. le Président, nous pensons que le ministre va, d'une certaine façon, discréditer sa propre cause en refusant de déposer les projets de règlement qu'il nous a quand même signalé avoir terminés, puisqu'il entend ou il a déjà transmis ses projets de règlement aux instances gouvernementales. Il va, d'une façon certaine, confirmer que ces règlements ne sonf\ pas susceptibles d'améliorer la situation des prestataires.

Le Président (M. Leclerc):... vingt minutes.

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je crois donc comprendre qu'il me reste vingt minutes, c'est bien cela. Je souhaiterais pouvoir, durant ces vingt minutes, faire entendre raison au ministre. Comment peut-il imaginer que l'on examine chacun des articles du projet de loi, en se référant à l'éclairage des règlements déjà existants, sans connaître la nature de celui qu'il s'apprête à édicter? C'est une façon tellement cavalière de procéder qu'on ne peut l'envisager comme étant sérieuse. Depuis sa nomination, le ministre a procédé de cette façon, sous les apparences de courtoisie, de bonne entente; systématiquement, il tente d'éviter ses responsabilités en matière législative. Systémati- quement, il a tenté d'éviter des auditions publiques sur le projet de loi 37. Il s'est servi d'un subterfuge qui consistait à multiplier les dîners et les rencontres à son bureau de comté, en consultation privée, pensant qu'il pourrait justifier de se soustraire à un débat public et à un examen public du projet de loi 37. Ce qu'il a pensé le servir va certainement finir par le desservir, parce que ce projet de loi 37 est encore peu connu de l'opinion publique, et au fur et à mesure que nous en aborderons l'examen, ces articles vont se révéler des dispositions qui vont susciter, je dirais presque de l'effroi dans la population. Fort heureusement que nous sommes dans une société où les institutions démocratiques jouent à l'égard de tous, y compris des personnes démunies et pauvres.

J'ai été fort heureuse de prendre connaissance de la lettre que le bâtonnier a envoyée au ministre, satisfaite aussi de celle du président de la Commission des droits de la personne et satisfaite aussi des contacts téléphoniques que j'ai pu avoir avec le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général; je suis satisfaite que nos institutions démocratiques ne viennent pas servir d'alibi au ministre pour qu'il continue à poursuivre la voie dangereuse dans laquelle il s'est engagé. La preuve, M. le Président, que c'est une voie dangereuse, c'est que le ministre, parce que le point de départ de sa vision des choses est évidemment tellement autoritaire et punitif, iI est obligé d'amplifier les contrôles et les dispositions susceptibles de mettre en tutelle des personnes qu'il prétend, par ailleurs - dans un discours de propagande - "responsabilisées". La preuve en est, comme le dit si bien le Barreau, que d'un côté, on tente de "responsabiliser" les bénéficiaires et, de l'autre, on les réduit à un niveau d'incapacité juridique en les empêchant de conclure toute entente relative à une pension alimentaire, sans que celle-ci ne soit autorisée par le ministre. (16 h 45)

C'est là l'article 31, M. le Président, et non seulement interdit-on, sans l'autorisation du ministre, une telle entente relative à une pension alimentaire mais, plus encore, si une telle entente a lieu... Parce que dans la Loi sur l'aide sociale, à l'article 12, on permet à tout adulte de ne pas exercer ses droits et recours s'il a une raison suffisante de ne pas le faire. C'est d'ailleurs le cas, notamment, en matière de violence conjugale ou lorsqu'il y a simplement appréhension de représailles, on permet à la victime de ne pas poursuivre et, à ce moment-là, le ministre se substitue et est transféré dans les droits de la victime. Dorénavant, avec l'article 30 du projet de loi 37, on va fermer la porte à ce genre de cas d'exception, en obligeant maintenant chaque prestataire, sous peine de réduction ou d'annulation de prestations, à exercer ses droits.

M. le Président, ce qui est peut-être sans doute plus grave, c'est que si le ministre con-

sidère qu'il y a un manquement - et il faut voir que le ministre est assailli par des milliers de fonctionnaires et ici, on ne légifère pas après le jugement, on ne légifère pas sur le bon sens, on ne légifère même pas sur la bonne conduite et l'équité; c'est pourquoi il nous faut tant être vigilants pour faire en sorte que nos lois ne soient pas laissées à l'arbitraire de l'interprétation - si, M. le Président, le ministre considère qu'une telle entente a été conclue sans son autorisation, il pourrait y avoir pour ce manquement un châtiment, enfin il s'agit d'une amende de 1000 $. Plus encore, et c'est ce qui suscite tant d'inquiétude dans les milieux juridiques, le procureur, l'avocat qui est appelé quotidiennement à négocier de telles ententes, à conseiller son client qu'il soit ou non prestataire de l'aide sociale, sera lui aussi responsable d'un tel manquement s'il arrivait qu'une entente ait lieu sans l'autorisation du ministre.

Alors, il est évident qu'en matière d'ingérence, M. le Président, il y a là, définitivement, une façon inégalée d'intervenir. Le Barreau le dit bien... Le Barreau dénonce - c'est le terme exact - "l'atteinte que ce projet de loi porte à l'indépendance de l'avocat et à l'intégrité des tribunaux". Ce sont là des termes que les avocats n'ont pas l'habitude d'utiliser, M. le Président. Quand le bâtonnier lui-même considère que les dispositions représentent une menace réelle à l'indépendance judiciaire et que le Barreau ne saurait tolérer une telle ingérence politique, quand on sait ce que les mots veulent dire et combien l'usage en est parcimonieux dans le milieu juridique, il faut, M. le Président, croire que le ministre est sourd et aveugle s'il ne répond pas à ces inquiétudes en assurant qu'il entend rétracter, comme d'ailleurs le lui demande le Barreau, reconsidérer le bien-fondé de ces articles.

Nous aurons l'occasion d'y revenir, M. le Président, mais je veux simplement vous rappeler encore une fois, puisque l'occasion m'en est donnée par cet amendement présenté par le député de Taschereau, que c'est maintenant que nous aurions besoin de procéder à l'examen du projet de règlement. Je ne sais pas si tous les membres ministériels de cette commission ont déjà eu l'occasion de prendre connaissance des règlements en matière d'aide sociale, le manuel de l'aide sociale. C'est, de loin, beaucoup plus substantiel que le projet de loi lui-même et c'est évidemment beaucoup plus important que nous fassions l'exercice et l'examen des dispositions du projet de règlement, ou tout aussi important que celui du projet de loi. C'est un chèque en blanc, le projet de loi. C'est un acte de foi que les députés ministériels s'apprêtent à faire sur le fait qu'ils sont entièrement d'accord avec un règlement qui leur sera connu tout prochainement. C'est un acte de foi qui fait injure, non pas simplement au jugement mais aussi au bon sens d'un parlementaire. Il arrive, dans un certain nombre de lois, que la réglementation qui est assortie ne soit pas nécessairement secondaire, elle peut être importante également; mais, c'est une réglementation qui n'a pas un effet aussi déterminant sur les conditions de vie des personnes.

Je vous rappelle que ce n'est pas le cas en matière de main-d'oeuvre et de sécurité du revenu. C'est bien plus le règlement qui compte, que la loi qui ne vient qu'autoriser le ministre à édicter un règlement. Et c'est évident qu'un ministre qui n'aurait pas le moindrement la préoccupation d'une simple justice sociale, imaginez-vous en matière d'industrie et de commerce, s'il fallait adopter une loi aussi vide de contenu, avec autant d'inconnu, quand on pense, je vous le rappelle, que 67 dispositions, pourtant prévues, sont toujours inconnues.

Imaginez-vous, en matière d'industrie et de commerce, une loi qui viendrait régler le sort des entreprises au Québec sans une réglementation abondante qui déterminerait, entre autres choses, ce qu'est ou n'est pas une entreprise, qui peut ou non faire partie du conseil d'administration, etc. Il faut voir que la réglementation en matière d'aide sociale finit même par édicter ce qu'est une famille, les membres qui la composent, ce qu'est un conjoint, de quoi est constitué un couple, et ainsi de suite. Ce ne sont quand même pas des questions anodines. Imaginez-vous si, en matière économique, en matière d'entreprise, il y avait un tel exercice: à tous égards ce serait la révolution. Ce serait considéré comme étant une atteinte profonde aux droits des personnes morales, et là ce sont des personnes physiques.

C'est un non-sens et personnellement, je suis convaincue qu'en leur for intérieur, les députés ministériels le savent très bien. Ils savent très bien que c'est un non-sens, que de toute façon le prédécesseur du ministre actuel avait convenu qu'il fallait faire l'examen du projet de loi de façon concomitante avec la réglementation. C'est évidemment le bon sens, mais le ministre pense encore une fois éviter un débat public sur sa réglementation et il va la prépublier. Il pense que cela satisfera et que les nuages qui se sont amoncelés au-dessus de sa tête vont disparaître comme par magie, puisque de toute façon il y a eu confirmation qu'il y aura un bâillon.

Alors, quel que soit l'état de l'examen où nous serons du projet de loi 37, le ministre s'est déjà installé à la quatrième vitesse, il attend déjà ce bâillon, sinon, il aurait déjà déposé son règlement pour accélérer l'adoption du processus. Il sait très bien que le fait de ne pas le déposer retardera l'examen du projet de loi 37. Il sait très bien que sur chaque article, il aura à s'expliquer sur ses intentions, en matière réglementaire.

Comment imaginez-vous qu'on puisse passer à travers l'article 90 et ses 39 dispositions réglementaires, sans que, de ce côté-ci tout au moins, iI y ait une responsabilité à questionner le ministre sur ses intentions en matière de ses

pouvoirs réglementaires? Le contraire serait de l'irresponsabilité de la part de l'Opposition.

Alors le ministre pense qu'il accélère sa cause parce qu'elle consiste uniquement, envers et contre tous, à faire adopter la loi 37, à l'état de brouillon comme elle est, sans déposer les modalités d'application, sans faire connaître ses amendements. Le ministre n'a même pas encore déposé ses amendements. C'est quand même phénoménal.

Quand on pense que le ministre de l'Éducation, qui est parfois considéré, par ses propres partisans, comme étant obstiné... Ce ne sont pas mes propos, ce sont ceux tenus par la présidente de la Commission jeunesse du Parti libérai. Madame Gendron, à un récent conseil général, disait du ministre Ryan qu'il fallait que le parti l'enlève de sa vue, parce que vraiment, il avait un entêtement qui était de l'obstination. Mais ce n'est rien le ministre Ryan, comparativement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le ministre Bourbeau!

Le ministre Ryan a passé autant de temps, n'en déplaise à M. Francoeur du Devoir... Elle n'est pas du tout historique, la commission parlementaire qu'on a menée sur le document d'orientation du ministre Paradis. Franchement, pour penser ça historique, il ne faut pas mettre souvent les pieds dans le parlement. Le ministre Ryan a tenu des auditions bien plus longues sur son projet de loi en matière d'éducation. Je dois vous dire qu'il y a eu, sur le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail, et auparavant sur la loi 101, des auditions qui avaient été historiques, en terme de temps. Ce qu'on a fait, c'est intéressant, mais ce n'est pas historique. Comparativement aux travaux que l'on fait dans bien d'autres projets de loi, c'est dans la bonne moyenne.

Mais le ministre Ryan qui a passé bien plus de temps, au printemps, en consultation, il y est retourné sur ses projets de loi 106 et 107 et il a accepté de passer trois jours à chercher de l'éclairage. Le ministre n'y va pas! Pas parce qu'il a peur que ça prenne du temps, mais parce qu'il sait très bien que ce qu'il se fera dire est qu'il serait indécent de poursuivre la volonté de faire adopter le projet de loi 37 tel quel. Il le sait très bien, et c'est pour ça qu'il cherche par tous les moyens à l'éviter. Comme il sait très bien que c'est impossible de faire un travail sérieux sans les modalités d'application, en matière sociale; c'est évident. M. le Président, c'est très décevant. C'est décevant que le ministre soit si obstiné et si entêté. C'est décevant. Cela court-circuite totalement le processus parlementaire.

Le ministre - je l'ai dit au début et cela ne devait que se confirmer - agit comme s'il était le gérant d'un département qui a sa marchandise à vendre, même si elle est en mauvais état, même si sa clientèle est insatisfaite. Il ne se rend pas compte que c'est un débat public majeur que celui de la réforme de nos politiques en matière de main-d'oeuvre et de sécurité du revenu, et il a essayé de l'escamoter tant qu'il a pu.

(17 heures)

C'est évident que nous ne pouvons pas souscrire à l'amendement ni attendre l'adoption du projet de loi, pour connaître le sort que le ministre réserve aux centaines de milliers de gens dont i est question dans ce projet de loi. C'est évident que cela va jeter un discrédit tout au long de nos travaux ce refus que semble maintenir le ministre sur le dépôt du règlement. Cela va certainement nous permettre encore plus de constater que, malheureusement, le ministre a des directives très strictes à suivre, qu'il entend ne plus se bâdrer de cette question après la fin de notre présente session et qu'il cherche par tous les moyens, même ceux qui sont contraires à l'intérêt des parlementaires, mais surtout contraires à l'intérêt de ceux qu'il prétend vouloir aider par son projet de loi... C'est bien évident que le ministre s'apprête aveuglément, obstinément, avec entêtement à mener ce projet de loi vers une adoption, même à l'état de brouillon comme il est. C'est regrettable. M. le Président, je conclus que nous ne pouvons pas, comme Opposition, souscrire à un tel comportement. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien, madame. Je vous remercie. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, je suis tout à fait en faveur de la motion qui est présentée par mon collègue, le député de Taschereau. Je n'ai pas l'intention de faire perdre du temps à la commission et de parler très longtemps. Je dirai à la députée de Maisonneuve que nous venons de recevoir la copie de la lettre du bâtonnier du Barreau du Québec. Le bâtonnier, dans sa lettre, fait un certain nombre d'observations. Je dois dire cependant que ces observations ont été faites à un moment où le bâtonnier ne connaissait pas, bien sûr, toutes les modifications que nous avons l'intention d'apporter, ni celles que nous avons annoncées et que nous annoncerons. M. le Président, je peux déjà vous dire et faire connaître aux membres de la commission, qu'un grand nombre des suggestions faites par le bâtonnier ou des objections qu'il apporte, connaîtront une réponse satisfaisante lorsque nous déposerons les amendements à la loi au fur et à mesure que nous procéderons à l'étude des articles.

Je dis et je répète à la députée de Maison-neuve que, si elle veut en savoir plus long, il faudrait qu'elle cesse l'obstruction systématique qu'elle fait depuis le début des travaux de cette commission, en ne voulant pas procéder à l'étude du projet de loi, l'espèce de "filibuster" qu'elle et ses collègues pratiquent depuis plusieurs jours maintenant qui fait en sorte que, par leur

attitude irresponsable, les députés de l'Opposition empêchent la commission de procéder à l'étude du projet de loi. Si l'Opposition pousse ce manque de logique à la limite, on va arriver à la fin de la session et on va manquer de temps. Et si on manque de temps, le projet de loi pourra être approuvé à l'Assemblée nationale sans que nous ayons fait l'étude du projet de loi article par article et sans que l'Opposition ait eu l'occasion de faire son devoir. Elle se sera mise elle-même dans une position où elle ne pourra pas faire son devoir qui est d'éclairer la commission sur les bonifications que nous pourrions apporter au projet de loi. Nous allons déposer plusieurs amendements, mais si l'Opposition nous prive de la possibilité d'en parler, les amendements seront déposés en vrac, sans étude, à l'Assemblée nationale. À ce moment-là, l'Assemblée nationale adoptera le projet de loi sans que la commission parlementaire ait eu l'occasion de procéder à l'étude article par article. Je trouve que c'est pour l'Opposition une façon irresponsable de se conduire et je lui dis: Si vous voulez vraiment participer a l'amélioration du projet de loi, cessez votre obstruction. Cessez le babillage systématique que vous nous imposez depuis des heures et des heures, des jours même. Mettez-vous à la tâche. Passons à l'article 1 du projet de loi et là vous pourrez, article après article, faire connaître votre point de vue, bonifier le projet de loi; je pense que ça sera dans le meilleur intérêt des assistés sociaux et de tous les citoyens du Québec.

Pour l'instant, ce que vous nous imposez, c'est une perte de temps. Vous nous imposez une perte de temps en disant des enfantillages, en répétant toujours les mêmes choses. Manifestement, ce que vous faites, c'est tuer le temps comme on fait au hockey quand il y a une punition et qu'on tourne en rond avec la rondelle, ne cherchant pas à faire progresser la partie. Je pense que ça fait assez longtemps que vous tournez en rond. Vous avez notre réponse, elle est connue. Nous avons l'intention de faire adopter ce projet de loi non pas par la force, non pas en imposant un bâillon, mais en procédant à l'étude des articles un par un. Les journalistes m'ont posé la question aujourd'hui: Est-ce que vous allez mettre le bâillon? J'ai dit: J'espère qu'on n'aura pas besoin de faire ça. J'espère que l'Opposition va se mettre à la tâche. Ce projet de loi est trop important pour les assistés sociaux pour qu'on soit obligés de procéder de cette façon-là. Évidemment,. si l'Opposition refuse systématiquement de faire son devoir, nous prendrons nos responsabilités. Mais pour l'instant, je fais appel au bon jugement de l'Opposotion, à sa bonne foi, pour cesser de faire cette espèce de parodie du travail d'une commission parlementaire et pour passer à l'étude des articles.

M. le Président, quant à moi, je suis tout à fait disposé à passer immédiatement à l'étude de l'article 1 du projet de loi.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Quand le ministre a dit "parodie" je pensais qu'il était pour dire "inviter Paradis". J'ai eu peur un peu parce que des fois il fait des lapsus. Mais vous savez, M. le Président, le ministre est en train de nous faire une leçon qu'on n'a pas besoin de recevoir de lui. Cela, c'est la première chose. Ce matin, il y avait juste une chose à faire: l'ineffable député de Taschereau avait juste à ne pas présenter d'amendement. Il avait juste à battre notre motion et cela aurait été fini. On n'en parlerait pas au moment où on se parle. Cela fait une heure qu'on discute. Cela fait une heure que les députés ministériels nous ont imposé une discussion sur une motion qu'on n'est pas prêts à recevoir parce qu'elle n'a pas de bon sens. Une motion comme celle-là n'a pas de bon sens.

Le ministre vient de nous dire "du babillage". Bien là, je m'excuse. Babillage pour faire venir du monde, nous faire dire exactement ce que le ministre nous a dit avant... Il a dit: Messieurs, mesdames, le Barreau a dit des choses. Maintenant, il y a des affaires qui ont été réglées. On ne sait même pas quels sont les amendements. On ne sait même pas quoi répondre. S'il était venu avec les amendements, on serait peut-être aujourd'hui en train d'étudier l'article 1 depuis longtemps. On aurait pu prendre les deux ou trois dernières journées pour le faire.

M. le Président, le ministre n'a pas de leçon à nous donner. Il n'a surtout pas de leçon à nous donner quand il nous dit, en première partie: Écoutez, on va être obligés de déposer ces amendements-là en vrac si on ne peut pas le faire autrement. On n'aura pas le temps de discuter. Est-ce que ça sous-entend que le ministre est en train de nous dire que ses amendements ont, à ce point, si peu de bon sens, qu'il n'a même pas le courage de nous dire s'ils vont être bons ou pas, puisqu'il nous dit: Vous allez être poignés avec les amendements que je vais déposer. Je vous le dis, il n'y a rien qui presse pour adopter un document qui est mal fait. Il s'agit tout simplement de le refaire à neuf s'il le faut et d'écouter ce que les gens ont à dire, y compris le Barreau et d'autres. Le bâtonnier, qui n'est pas n'importe qui, est une personne qui a des conseillers et qui lui-même, étant avocat, comprend ce que le texte veut dire. Il est capable de l'analyser et d'y donner des réponses.

M. le Président, le ministre vient encore une fois ouvrir ses épouvantails à moineaux en disant: Écoutez, les journalistes m'ont demandé: Si jamais ça ne va pas à votre goût, allez-vous utiliser le bâillon? Bien, le ministre aura beau dire et mettre la faute sur l'Opposition, il

comprendra une chose: c'est que lui, il veut passer son projet de loi et que nous, nous ne voulons pas qu'il passe ainsi. Il utilisera les règles à sa disposition prévues par l'Assemblée nationale, s'il le désire, il fera comme il voudra, il aura confiance ou pas aux amendements qu'il a l'intention de présenter. La seule chose que je sais, c'est que nous, on n'aura pas eu la chance d'avoir les règlements et les amendements qui auraient pu être apportés au règlement, parce qu'on ne sait même pas ce qu'il a l'intention de présenter. Ce qu'on demande, ce sont les projets de règlement. Les projets de règlement, avec la motion qu'il vient de nous donner, M. le Président, ça vient à l'encontre de la décision que vous avez rendue en 1986 et selon laquelle le règlement ne pouvait pas faire l'objet d'une motion parce qu'il n'était adopté qu'après l'adoption du projet de loi.

Or, en discutant aujourd'hui de l'amendement qui nous a été présenté ce matin, qui a été reçu par le président de la commission, nous sommes pris dans un dilemme. Le ministre a dit: Lorsque le Conseil des ministres l'aura adopté. Bien, le Conseil des ministres l'aura adopté, ça pourra aller après l'étude du projet de loi, après son adoption. Dans ce contexte, M. le Président, on ne sera pas plus avancés qu'on ne l'était et l'argumentation que vous apportiez dans votre décision, je l'apporte aujourd'hui.

Cela n'a pas de bon sens. Nous allons voter contre cet amendement. Nous n'allons en aucune façon accepter que le ministre parodie - pas "paradis" - le système parlementaire en pratiquant, par un amendement, une ouverture qui lui permet de mettre à notre disposition le règlement tellement plus tard, qu'il met en pièces la loi que lui-même a appuyée comme ministre au Conseil des ministres. Je pense que ça n'a pas de bon sens. La loi concernant le pouvoir réglementaire, c'est ce gouvernement qui, il y a quelque temps, l'a adoptée. Cette loi nous donne la possibilité comme parlementaires d'intervenir dans le processus d'adoption des règlements. Tout ce qu'on veut demander au ministre, c'est qu'il dépose seulement ce qu'il a de prêt. Si les articles du règlement ne sont pas tous prêts, s'il y en a, je ne sais pas, 40 ou 60, si, sur les 60, il y en a 50 de prêts, qu'il en dépose 50. Il dira: Les 10 autres, je ne peux pas les déposer. Au moins, on pourra commencer à travailler sur quelque chose et, en cours de route, si le Conseil des ministres adopte les dix autres, le ministre nous les donnera. Je pense bien que ce qu'il nous a dit ce matin, c'est qu'il ne pouvait pas nous les donner, parce qu'il y a des articles qui vont changer à cause des amendements qu'il apporte; mais ce ne sont pas tous les articles qui seront amendés. Qu'il nous dépose au moins ceux qui sont prêts, ceux qui ont déjà fait l'objet d'une première adoption par le Conseil des ministres. Qu'il dépose ceux-là, on discutera avec ceux-là et on serait prêts à dire, à ce moment-là: Amendons la proposition.

L'amendement pourrait être le suivant: Que le ministre, à la suite de l'argumentation qu'il a apportée, dépose au moins... On souhaite, comme commission parlementaire, qu'il dépose au moins ceux qui sont acceptés et il déposera les autres après. Alors, je pourrais présenter un sous-amendement, M. le Président. Le ministre nous dit: Je dépose le règlement après son adoption. Je pourrais dire: Qu'il dépose immédiatement les articles déjà adoptés et nous serions prêts à regarder plus tard le dépôt des autres, des dix ou quinze autres, je ne sais pas combien il en resterait. Le ministre pourrait nous dire: Je serais prêt à faire cet amendement. Mais, M. le Président, vous savez très bien que je ne veux pas faire perdre le temps de la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Je ne voudrais pas ajouter au temps de la commission. Je ne voudrais pas que le ministre m'accuse. Je ne le ferai pas. Vous voyez notre bonne foi. Mais le ministre n'accepte pas, M. le Président. On pourrait discuter longuement et le ministre battrait mon sous-amendement, accepterait son amendement et, en fin de compte, adopterait la motion amendée qui n'aurait plus de bon sens. M. le Président, nous vous le disons, nous sommes contre l'amendement. Nous aurions pu proposer un autre sous-amendement. Je suis sûr que vous l'auriez accepté parce qu'il était recevable. L'amendement avait pour but de demander au ministre de déposer les règles déjà acceptées et qui ne feront pas l'objet d'une révision au Conseil des ministres et de présenter les autres règles plus tard, en cours de commission.

M. le Président, compte tenu de tous ces faits, je pense que nous avons épuisé toute l'argumentation de bonne foi que nous avions contre celle du ministre. Nous serions donc disposés à procéder au vote sur l'amendement du ministre en vous disant que nous allons refuser l'amendement. Compte tenu du fait qu'il a voulu biaiser notre propre motion, M. est évident que nous allons voter contre la motion amendée. Le but que nous recherchions, c'était le dépôt en cours de commission parlementaire. Comme je le disais, M. le Président, si nous avions voulu faire perdre le temps de la commission, nous aurions proposé un sous-amendement qui aurait eu pour but de dire: Le ministre déposera les projets de règlement déjà adoptés, pour lesquels il est convenu qu'il n'y aura pas de changement, et déposera plus tard en commission les autres règles qui auront fait l'objet d'une acceptation du Conseil des ministres. (17 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que je comprends, M. le député de Laviolette, que vous demandez qu'on procède au vote?

M. Jolivet: C'est ce que je demande.

Le Président (M. Bélanger): Bien.

M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez faire la lecture de l'amendement, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Bien. Je propose l'amendement suivant à la motion du député de Laviolette: remplacer les mots "des projets" par les mots "du projet" et ajouter les mots "dès que le Conseil des ministres l'aura adopté" après les mots "projet de loi 37*. Ainsi, la motion amendée se lirait comme suit: "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie du projet de règlement d'application du projet de loi 37 dès que le Conseil des ministres l'aura adopté. " C'est l'essence de la motion. Alors, est-ce que la motion est adoptée?

M. Jolivet: On va passer à l'amendement. M. Bourbeau:... l'amendement.

Le Président (M. Bélanger): Sur l'amendement, pardon, oui, à la motion. Est-ce que l'amendement à la motion est adopté?

M. Bourbeau: Adopté. M. Jolivet: Rejeté.

Le Président (M. Bélanger): Adopté. Vous voulez le vote nominal?

M. Jolivet: C'est évident.

Le Président (M. Bélanger): J'appelle donc le vote. M. le ministre Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): II ne faut pas que je me trompe de colonne. M. Bélanger (Laval-des-Rapides): Pour.

M. Laporte (Sainte-Marie)?

M. Laporte: Pour.

Le Président (M. Bélanger): Mme Legault (Deux-Montagnes)?

Mme Legault: Pour.

Le Président (M. Bélanger): M. Sirros (Laurier)?

M. Sirros: Pour.

Le Président (M. Bélanger): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Bélanger): Mme Harel

(Maisonneuve)?

Mme Harel: Contre.

Le Président (M. Bélanger): Mme Juneau (Johnson)?

Mme Juneau: Contre.

Le Président (M. Bélanger): L'amendement est adopté. On retourne donc à la motion principale qui se lit comme ceci: "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre mette à la disposition de ses membres copie du projet de règlement d'application du projet de loi 37. "

M. Bourbeau: Dès que...

Le Président (M. Bélanger): Ah oui) Excusez: "dès que le Conseil des ministres l'aura adopté. " C'est la nouvelle motion.

M. Bourbeau: M. le Président, le même vote.

M. Jolivet: Non, non! Concernant la motion amendée? On s'abstient, nous autres. On a le droit de s'abstenir?

Mme Harel: Oui, abstention. Le Président (M. Bélanger): Oui.

M. Bourbeau: S'abstenir?

M. Jolivet: Bien oui!

M. Bourbeau: Qu'est-ce que c'est que cette affaire-là!

M. Jolivet: On a le droit. Il n'y a rien qui nous en empêche.

M. Bourbeau: Vous n'êtes pas capables de vous brancher?

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Jolivet: Non, non, M. le ministre. On est bien plus branchés que vous l'êtes. Bien plus branchés sur la réalité.

M. Bourbeau: Le député de Laviolette n'est ni pour ni contre, bien au contraire.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs. Messieurs. Messieurs.

M. Jolivet: Bien au contraire. Soyez sûr d'une chose, M. le Président, on a compris la manoeuvre du ministre.

Le Président (M. Bélanger): Bon, tout le monde a compris? Alors, la motion est adoptée telle qu'amendée et avec des abstentions. Est-ce que vous voulez Inscrire vos abstentions?

M. Jolivet: C'est évident.

Le Président (M. Bélanger): C'est évident. Avec abstention de Mme la députée de Johnson, de M. le député de Laviolette et de Mme la députée de Maisonneuve.

M. Jolivet: Merci.

M. Bourbeau: On ne peut pas dire que vous êtes contre. On ne peut pas dire que vous êtes pour.

Mme Harel: On peut dire qu'on est au-dessus.

Le Président (M. Bélanger): L'amendement est adopté. L'amendement étant adopté, nous en sommes donc...

M. Jolivet: Rendus à une motion préliminaire, M. le Président, par ma collègue la députée de Maisonneuve. Nous avons une autre proposition préliminaire.

M. Bourbeau: Une autre punition à tuer.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: La motion se lit comme suit...

M. Bourbeau: Article 1, là. On ne passe pas à l'article 1?

Mme Harel: "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette à la disposition de ses membres copie des amendements qu'il a l'intention de lui proposer d'adopter au cours de l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. "

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, un instant, je vais me consulter. Ha, ha, ha! On suspend pour une minute ou deux.

Mme Harel: Je veux signaler que la motion consiste à mettre "immédiatement".

Le Président (M. Bélanger): Je vais la relire pour vous dire...

Mme Harel: Ajouter le mot "immédiatement". M. Bourbeau: Ah!

Le Président (M. Bélanger): Oui. Mettre "immédiatement".

Mme Harel: Là ça va être difficile, vous qui venez de dire qu'ils sont prêts.

Le Président (M. Bélanger): "Que la commission des affaires sociales souhaite que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mette immédiatement à la disposition de ses membres copie des amendements qu'il a l'intention de lui proposer d'adopter au cours de l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur la sécurité du revenu. "

Alors, dans la même veine que la précédente, c'est un souhait. Dans ce sens-là, ça devient recevable. Alors, si vous vouiez, Mme la députée de Maisonneuve, nous présenter votre motion.

Motion souhaitant que le ministre

fournisse copie des amendements

proposés au projet de loi

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je pense que nous aurons enfin un consentement de la part du ministre. Il serait évidemment absurde, d'une certaine façon, que le ministre invoque des prétextes pour ne pas déposer les amendements qui sont prêts. Il vient justement de nous dire, en réponse aux inquiétudes du Barreau, que les amendements étaient prêts et qu'il fallait procéder immédiatement, sinon il serait obligé de les déposer en liasse au moment où la guillotine ferait son oeuvre. Alors, le ministre ne peut plus prétexter des motifs autres que sa propre volonté.

Pourquoi retarderait-il? Dites-moi, M. le Président, quel motif le ministre aurait-il de retarder le dépôt des amendements, si tant est qu'il souhaite sincèrement faciliter l'étude article par article du projet de loi 37? Quel motif pourrait-il avoir pour les garder par-devers lui? Il prétend que ces amendements vont bonifier le projet de loi. Alors, s'il est fier de ses amendements, qu'il en est content et satisfait, et qu'ils sont prêts, quel motif pourrait venir justifier qu'il ne les dépose pas à ce stade-ci? Là vraiment, ce serait non pas incompréhensible, mais inconvenant.

Je rappelle à ce stade-ci ce que disait le bâtonnier au nom du Barreau du Québec, à la suite des réactions qu'il avait fait connaître au Barreau sur les dispositions du projet de loi 37. Nous aurons certainement l'occasion, au fur et à mesure que sera connu dans l'opinion publique le début de nos travaux, de recevoir des réactions de groupes et d'organismes qui, dans la société, manifestent aussi des inquiétudes à l'égard de l'une ou l'autre des dispositions du projet de loi 37. Je pense, par exemple...

M. le Président, je voudrais qu'il y ait un peu moins de tapage, s'il vous plaît...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, on écoute...

Mme Harel:... du côté ministériel.

Le Président (M. Bélanger):... l'intervention de Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je ne leur demande pas de nécessairement m'écouter, mais je leur demande de parler moins fort, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Alors, on respecte, s'il vous plaît, un minimum...

M. Jolivet: II serait bon qu'ils l'écoutent quand même.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. S'il vous plaît! Alors, Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, je pense, entre autres, à la confédération des organismes monoparentaux qui, il y a dix jours, a fait connaître ses plus vives inquiétudes a l'égard d'un certain nombre de dispositions du projet de loi 37. Alors, le ministre, qui prétend avoir en main des amendements qui vont venir répondre à ces inquiétudes et qui prétend qu'il va pouvoir les faire taire, n'a aucune raison de ne pas déposer, à ce moment-ci, les amendements aux dispositions du projet de loi 37. Je reprends donc l'intervention que faisait le bâtonnier quand il considérait que des dispositions nuisaient au justiciable. Je vous ai relaté l'analyse sévère qu'il faisait à propos de l'impossibilité dans laquelle seraient maintenant les bénéficiaires de conclure toute entente relative à une pension alimentaire sans qu'elle soit autorisée par le ministre. Le bâtonnier invoquait également la mise en tutelle - ce sont là les mots exacts - des prestataires d'aide sociale et de leur famille. Non seulement, écrit le bâtonnier, le ministre sera-t-il désormais l'administrateur du budget familial en vertu de l'article 27, mais il pourra exercer, en lieu et place du créancier alimentaire, les droits de ce dernier lorsqu'il estimera que la situation de ce créancier en compromet l'exercice. Cela, c'est l'article 30. Le bâtonnier écrit: II s'agit là d'une trop large discrétion que s'arroge le ministre et qui risque de rendre tout à fait illusoire toute demande de révision à l'encontre d'une telle décision. Déjà, les avocats de l'aide juridique avaient évalué de leur côté que ces dispositions créaient un mode, un régime d'incapacité civile différent du régime du Code civil, différent du régime général.

M. le Président, si vous me permettez de retrouver la critique sévère qu'en faisait également le Conseil du statut de la femme, j'aimerais pouvoir le citer.

Une voix:... du temps, si vous voulez.

Mme Harel: Non. Cela ne sera pas nécessaire. J'ai déjà annoté suffisamment la loi pour pouvoir me retrouver. Alors, M. le Président, le Conseil du statut de la femme était très très sévère en disant justement à l'égard de l'article 27 du projet de loi: "Nous voyons mal la justification du double régime introduit par l'article 27. On ne voit pas pourquoi, écrit le Conseil du statut de la femme, il faudrait soustraire les prestataires au régime général de l'incapacité civile. En effet, si vraiment une personne n'est pas en mesure d'administrer ses prestations, elle relève du domaine d'application de l'incapacité civile. Plutôt que d'être désaisie de l'administration d'une partie de ses biens par une simple décision administrative, elle devrait être reconnue civilement incapable selon les critères et la procédure prévue au Code civil. "

Ce n'est pas peu de chose, M. le Président. C'est le rôle du Curateur ou du conseil judiciaire dans le régime général de l'incapacité civile que le ministre prétend s'arroger. Ce qui est encore plus incohérent, c'est que sous prétexte que la personne, selon l'article 27 du projet de loi "... compte tenu de circonstances particulières ou de leur comportement antérieur dans l'administration de leurs biens... ", un fournisseur va appeler le ministre et dire: Un tel ne me paie pas. S'il vous plaît, arrangez-moi donc cela. Le libellé est exorbitant par rapport à toutes les dispositions usuelles du droit dans notre société. Ce qui est encore plus exorbitant, c'est que le ministre va payer certains fournisseurs, certains créanciers et qu'il va laisser au prestataire la gestion du reste. Donc, il n'est pas vraiment incapable. Il est incapable juste pour les créances que le ministre juge plus importantes que d'autres. C'est assez invraisemblable.

Le Conseil du statut de la femme écrit à ce sujet, M. le Président: "Si une personne n'est pas en mesure d'administrer ses prestations, seule se justifie la désignation d'un administrateur - pas le ministre - chargé non seulement de payer des dettes, mais d'exercer à sa place ses droits et recours. La dérogation au principe de l'insaisissabilité des prestations que permet l'article 27 sous forme de paiement direct de certains créanciers nous paraît en revanche, écrit le Conseil du statut de la femme, une ingérence injustifiée dans la gestion des rapports contractuels privés. " "Ingérence", écrit le Conseil du statut de la femme; "ingérence", écrit le Barreau. Les mots exacts du Barreau: "Le Barreau du Québec ne saurait tolérer une telle ingérence. "

Alors, si le ministre est sérieux dans la volonté qu'il prétend avoir de faire un examen sérieux du projet de loi 37, qu'il dépose immédiatement ses amendements et qu'il permette à ses propres collègues et à l'Opposition de faire un travail sérieux. (17 h 30)

C'est évidemment une trop grande ingérence du ministre à l'égard des prestataires, mais le Barreau est tout aussi éloquent à l'égard de

l'ingérence du ministre, cette fois, à l'égard de l'avocat, du procureur lui-même. À ce sujet, le bâtonnier écrit: "Aux termes de la Loi sur le Barreau, l'avocat exerce une fonction publique auprès du tribunal et collabore à l'administration de la justice. Le Code de déontologie des avocats précise que l'avocat ne doit pas tenir compte d'interventions d'un tiers qui pourraient influencer l'exécution de ses devoirs professionnels au préjudice de son client. " Et le Barreau continue: "Menacé de sanctions pénales, l'avocat qui conseillerait à son client d'accepter une entente qu'il aurait lui-même négociée sans obtenir l'aval du ministre constitue une atteinte grave au principe sacré de l'indépendance de l'avocat et met en péril l'exercice de son rôle de conseiller juridique. "

Qu'est-ce que le ministre répond à cela? Est-ce qu'il en a des amendements? Bien, qu'il les dépose.

M. Bourbeau: On va les déposer.

Mme Harel: Qu'il les dépose immédiatement.

M. Bourbeau: On va les déposer en temps et lieu.

Une voix: Passons à l'article 1.

Mme Harel: Puis tout aussi grave, le Barreau considère que les articles 31 et 87 du projet de loi vont encore plus loin. Ce n'est pas peu de chose. Ils assujettissent les tribunaux. Le ministre n'est plus seulement au-dessus des prestataires - et cela fait longtemps qu'il les écrase - il n'est pas simplement au-dessus des avocats malgré leur Code de déontologie. Il prétend, dans son projet de loi, dicter la règle de conduite aux tribunaux. Donc, les deux dispositions contenues à l'article 31 et 87 assujettissent les tribunaux à cette même bénédiction ministérielle et à la possibilité que le ministre demande au tribunal de modifier, d'annuler une entente conclue sans son autorisation. C'est Dieu tout-puissant, le ministre! Et ces dispositions représentent, selon le Barreau, une menace réelle à l'indépendance judiciaire. A ce sujet, le bâtonnier écrit: "L'indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs sont des principes constftutionnellement reconnus auxquels aucune loi ne saurait faire accroc, y compris le projet de loi 37. "

Le ministre, encore une fois, pense qu'il est en mesure de nous demander un acte de foi, mais ses amendements, s'il prétend qu'ils vont résoudre ces questions, qu'il les dépose maintenant, immédiatement. Il prétendait craindre tantôt ne pas avoir le temps de les faire étudier, mais qu'il règle la question maintenant, qu'il les dépose tout de suite et il pourra immédiatement, pas juste de l'Opposition, pas seulement de la députée de Maisonneuve et de mes collègues, obtenir l'expertise de nombreuses personnes qui ont à dire des choses lorsqu'un projet de loi public est adopté dans une société. Pourquoi attendre à la dernière minute, lorsqu'on sera dans les tourtières et les choux de Noël, pour les déposer ses amendements, s'il en est si content?Qu'il les dépose maintenant et qu'il permette à ceux et à celles qui ont des responsabilités publiques dans la société, en matière notamment de protection du public, de réagir sur ce qu'il prétend être maintenant des amendements qui devraient solutionner les problèmes qui sont exposés.

Malheureusement, c'est une sorte d'obstination aveugle, une sorte d'entêtement. Remarquez. M. le Président, qu'on m'avait déjà prévenue. On m'avait déjà parlé de cette capacité que le nouveau ministre avait de jouer finalement un rôle qui consistait à laisser passer la tempête en imaginant qu'il n'allait pas y avoir de retombée. C'est sans doute pour ses comportements que le ministre a obtenu la responsabilité d'un dossier qui certainement est l'un de ceux qui étaient le moins recherchés, parce que l'héritage de son prédécesseur n'était pas facile à porter. C'est évident qu'on ne fait pas du neuf avec du vieux et qu'il aurait fallu au ministre une certaine vision nouvelle, qu'il aurait fallu au ministre une certaine sensibilité pour quitter les sentiers punitifs et culpabilisants qu'avait introduits son précécesseur, lequel ne parlait jamais des chômeurs à l'aide sociale - il parlait seulement des fraudeurs - et qui avait fini par augmenter le niveau de préjugés dans notre société en l'alimentant constamment comme un brasier.

Le nouveau ministre pense qu'il peut se soustraire à sa responsabilité, tout simplement en répétant de façon incantatoire qu'il a hâte de passer à l'article 1. C'est une incantation qui ne convainc personne dans la mesure où le ministre sait très bien que pour l'étude article par article, nous ne sommes pas outillés pour faire un bon travail; nous allons devoir interroger le ministre sur toutes ces inconnues, les inconnues du projet de loi, les inconnues en matière des modalités d'application, et les inconnues également en matière d'amendements.

Alors, M. le Président, c'est évident que le ministre se maintient dans une sorte d'aveuglement en pensant qu'il peut garder sa crédibilité en ne procédant pas de façon plus sérieuse dans les travaux que nous menons. Je mentionnais son collègue à l'éducation qui non seulement a accepté des auditions, mais qui, en plus, a déposé en liasse l'ensemble des amendements qu'il voulait apporter à ses projets de loi tout dernièrement. Plus encore, je pense à son 22e amendement soumis par l'Opposition et qui vient d'être introduit. Alors, nous sommes loin du compte avec le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, loin du compte avec la stratégie à laquelle il avait pensé.

Vous savez à quel point de vue le ministre s'intéresse? À celui de ses fonctionnaires, mais pas de tous les fonctionnaires. Il y a des fonc-

tionnaires dont il préfère ne pas entendre parler, soit ceux, entre autres, qui lui ont écrit un rapport de mission quand ils sont allés à Boston voir l'expérience réussie du Massachusetts où il y a un vrai programme qui performe et qui permet la réinsertion à l'emploi. Le ministre ne veut pas en entendre parler. Ces fonctionnaires ne sont pas du genre de ceux dont il écoute la voix. Ce ne sont que des professionnels, m'a-t-il dit. Je ne sais de quelle nature est celui qui est assis à ses côtés, s'il est un petit haut fonctionnaire ou un haut petit fonctionnaire, mais chose certaine, c'est à peu près le seul avis que le ministre a l'air de requérir, celui de ceux qui passent leur temps dans un appareil isolé et qui n'auront pas, de toute façon, à s'exposer au tumulte des controverses publiques. C'est le ministre qui aura à s'accommoder de sa réforme, pas juste maintenant avant Noël, mais dans les mois qui vont suivre. Le ministre ne peut pas penser que cela va s'arrêter. Il connaît très bien ma propre ténacité pour ne pas s'imaginer que tout va s'arrêter parce qu'ils nous auront bâillonnés et qu'ils auront obligé le Parlement à voter le projet. Le ministre sait très bien qu'il sera obligé de s'en accommoder après.

Alors, pendant qu'il s'amuse avec des ordinateurs - il semble qu'il en aurait installé un à côté - pour essayer d'élargir les contrôles sur le plus de gens possible dans notre société, le ministre aurait été mieux avisé d'entendre des gens qui ne lui donnent pas le même son de cloche, mais qui ont peut-être un peu plus d'influence finalement à long terme dans la société. Il serait peut-être avisé aussi de permettre à la commission de faire un travail plus consistant en déposant ses amendements. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, simplement quelques mots pour dire que je ne voudrais pas faire de peine à la députée de Maisonneuve, et parfois j'ai l'impression que c'est ce que je fais. Je ne suis pas du type têtu, M. le Président, quoi qu'en pense la députée de Maisonneuve. Je pense que je peux accueillir avec beaucoup de largeur de vue les propositions qu'on me fait. Je suis de ceux qui écoutent les propositions qui me sont faites ou les suggestions qui me sont faites, d'où quelles viennent, et je les juge à leur mérite. Lorsqu'on me propose des modifications ou des changements qui m'apparaissent souhaitables et qu'on me fait la démonstration qu'elles sont souhaitables, je n'hésite pas à modifier mon propre comportement et ma façon de voir les choses. Dans le cas présent, M. le Président, la députée de Maisonneuve voudrait que nous déposions en vrac tous les amendements que nous voulons apporter à chacun des articles du projet de loi. Or, la députée de Maisonneuve nous fait la preuve depuis plusieurs jours qu'elle n'est pas intéressée à faire l'étude article par article du projet de loi. Elle fait une obstruction systématique. Elle et ses collègues font du "filibustering", M. le Président. Comment dit-on cela en français?

M. Sirros: Du "filibuster". De l'obstruction.

M. Bourbeau: De l'obstruction systématique. On parle pour le plaisir de parler, pour le plaisir de tuer le temps. On n'est pas intéressés à procéder même a l'étude de l'article 1 du projet de loi. Alors, pourquoi, moi, devrais-je déposer aujourd'hui tous ces amendements aux articles suivants, alors que l'Opposition ne veut même pas étudier l'article 1? M. le Président, ce ne serait pas logique de ma part de venir déposer en vrac toute une série d'amendements, alors qu'il n'y a pas le moindre élément de bonne foi de la part de l'Opposition officielle. Si la députée de Maisonneuve prend la peine de consulter ses collègues...

Mme Harel: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, Mme la députée.

Mme Harel: Je crois comprendre que la bonne foi se présume toujours entre nous, entre parlementaires. C'est d'ailleurs là l'une des dispositions de notre règlement, soit qu'il faut toujours présumer de la bonne foi. Alors, je demanderais au ministre de faire de même.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas parlé de mauvaise foi. J'ai parlé de bonne foi. C'est de bonne foi que je parle. Si j'avais accusé la députée de Maisonneuve d'être de mauvaise foi, je comprendrais son courroux, mais je parle de bonne foi. C'est elle-même un peu plus tôt dans cette même séance qui a accusé cette fois-ci l'Opposition de mauvaise foi. M. le Président, la députée a prononcé ces mots-là.

Mme Harel: M. le Président, j'ai dit... M. Bourbeau: Ces mots-là, ces mots-là.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît. On va laisser, M. le ministre...

Mme Harel: M. le Président, j'ai été mal citée. J'ai dit que la mauvaise conscience pouvait conduire à la mauvaise foi.

Le Président (M. Bélanger): Bien. On va écouter M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Maisonneuve est passée experte dans l'art de jouer sur les mots, M. le Président. J'avais retenu de ses propos qu'elle nous accusait de mauvaise foi. D'ailleurs, connaissant la députée de Maisonneuve, je n'avais pas relevé à ce moment-là ces mots. Je les avais mis au compte de sa déception de ne pouvoir soulever dans l'opinion publique plus d'enthousiasme pour sa position. Je répète que j'ai beaucoup de sympathie pour la députée de Maisonneuve qui doit faire un travail. Je reconnais qu'elle fait un travail important, qu'elle est studieuse, qu'elle va au fond de ses dossiers et qu'elle connaît bien le dossier. Ce sont des qualités, M. le Président, qui mènent loin. Je suis convaincu que si elle continue de faire preuve d'autant d'acharnement, de patience - surtout de patience - un jour, son chef, son nouveau chef ou le futur chef pourra reconnaître ses qualités et la nommera peut-être, je ne sais pas, adjointe du leader de l'Opposition ou adjointe du whip en chef.

Mme Harel: C'est de l'impertinence, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Laissons M. le ministre terminer son intervention.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne voudrais quand même pas "filibuster" mon propre projet de loi. Ce que je veux dire à la députée, c'est que si elle prenait la peine de consulter ses collègues - ses collègues qui me connaissent - par exemple, le suave député de Jonquière, la députée de Maisonneuve saurait que, dans le passé, à chaque fois qu'on a fait l'étude de projets de loi avec le député de Jonquière, presque à chaque fois, j'ai déposé tous les amendements en début de séance. Je n'ai jamais retardé le dépôt des amendements, sauf, M. le Président, lorsqu'il m'est apparu que l'Opposition n'était pas intéressée à faire l'étude du projet de loi. C'est le cas présentement. M. le Président, la démonstration est faite et mes collègues sont du même avis que moi. Oui? Même le député de Laurier ici brûle du désir de corroborer mes propos. M. le Président, la députée de Maison-neuve n'est absolument pas intéressée à faire l'étude du projet de loi. Voyez, elle se lève même. Elle disparaît. Alors, M. le Président, dans ces conditions, cela donnerait quoi d'aller déposer comme cela des papiers devant elle? Cela ne ferait que la mélanger davantage. Il y a tellement de papiers disparates déposés devant elle, M. le Président, qu'elle les perdrait de vue. Alors, je dis ceci, M. le Président: Le jour où la bonne foi nous paraîtra évidente, le jour où nous serons en train d'étudier le projet de loi, nous déposerons les amendements. D'ici là, cela me semble une perte de temps. (17 h 45)

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je vais juste relever certaines choses que le ministre a dites dans ses interventions, à sa première et à celle-ci. Dans un premier temps, il a répondu à ma collègue, la députée de Maisonneuve, ce qui suit: Les amendements viendront en temps et lieu - je le cite - en commençant par l'article 1. Je pense que le ministre nous indique clairement, à ce moment-là, qu'il y aura probablement des amendements à tous les articles.

Comment pouvez-vous penser que l'Opposition peut faire un travail raisonnable et éclairé si elle n'a pas devant elle l'ensemble des amendements, l'ensemble des modifications que le ministre apportera au projet de loi 37? J'ai l'impression, après sa deuxième Intervention, que le ministre veut punir l'Opposition. Il veut non seulement punir l'Opposition, mais aussi les opposants, tous ceux et celles qui veulent se faire entendre. Il dit: Je ne veux pas insulter la députée, mais elle s'apercevra qu'elle n'a pas eu l'assentiment de beaucoup de gens pour le projet de loi 37. Je m'excuse! Il y a eu 8000 assistés sociaux qui sont venus ici, en face du parlement.

Une voix: Ah!

Mme Juneau: La secrétaire de la commission est intervenue. Elle nous a fait part que 55 associations souhaitaient se faire entendre. Si le ministre prétend que la députée de Maisonneuve n'a pas su soulever... Même à ce sujet, la députée de Maisonneuve n'aurait pas eu besoin de faire un travail aussi particulier, M. le Président. Les gens ne sont pas dupes! Le projet de loi 37 ne fait pas leur affaire, n'entre pas dans le cadre de ce qu'ils souhaiteraient qu'il soit. À ce sujet, M. le Président, je pense que ma collègue, la députée de Maisonneuve, fait un travail à la fois éreintant. Elle se donne corps et âme à l'étude du projet de loi pour le défendre correctement, au nom de ceux et celles qui en ont besoin.

Je reviendrai sur la motion, M. le Président, que l'Opposition vient de faire, parce que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, si le ministre a, dans son esprit, préparé des modifications et des amendements à chacun des articles, ça va nous amener à un projet de loi qui exigera drôlement du travail, de nombreuses heures d'étude et d'évaluation qu'on ne connaît pas. Et je trouve injuste pour l'Opposition officielle, qui doit faire un travail éclairé, de ne pas avoir en main la possibilité d'étudier correctement, avec l'aide qui doit lui être fournie et qui est minime en comparaison de toute la batterie de spécialistes, entre guillemets, sur le sujet, que le ministre a pour l'aider à formuler des choses. Nous, nous n'avons qu'un recherchiste ou qu'une personne-ressource qui peut nous donner le coup de

main nécessaire...

M. Leclerc: Pas n'importe qui.

Mme Juneau: La députée fait son travail et nous essayons de faire le nôtre. Il me semble, M. le Président, que c'est aberrant que l'Opposition officielle, que les membres de la commission ne soient pas en mesure d'avoir l'éclairage nécessaire pour être capables de faire leur travail de façon honnête envers ceux et celles qu'ils représentent. M. le Président, c'est choquant de faire un travail comme ça, à la pièce, et de faire un travail à la dernière minute quand on n'a pas les ressources nécessaires et que le ministre... Je pense que c'est de la mauvaise volonté. Le ministre fait preuve de mauvaise volonté en ce sens.

Je pense aussi, M. le Président, que si le ministre nous apportait ses amendements et ses modifications, nous aussi, de notre côté, nous pourrions consulter certaines personnes de l'extérieur qui pourraient aider chacun des députés. Je pense qu'on pourrait consulter, à l'extérieur, des gens qui vivent le problème, qui sont en situation et dont la situation s'aggravera dès que le ministre aura mis de l'avant son projet de loi. Donc, nous pourrions nous aussi, à la lumière de gens qui vivent cette situation et en ayant les amendements en main, les évaluer, les étudier, et regarder aussi s'il n'y a pas des attrapes à ce moment-là pour les gens que nous voulons défendre. Je pense que le ministre devrait, au contraire, être réceptif. Ce qu'on veut faire, ce n'est pas autre chose que de bonifier le projet de loi pour ceux et celles qu'on représente ici, à l'Assemblée nationale. Nous avons un travail à faire. Nous avons besoin de connaître les tenants et les aboutissants quand on a un projet de loi à étudier. Je pense que, tout autant que les gens de l'autre côté de la table, M. le Président, nous avons besoin de pouvoir reconnaître à la fois le projet de loi, les articles et toutes les propositions d'amendements que le ministre, j'imagine, a préparées et que seulement sa mauvaise volonté empêche de nous fournir pour qu'on puisse décemment les étudier. On en a besoin, et non pas la semaine prochaine. Demain, c'est le 1er décembre. Le 1er décembre! Cela veut dire qu'il nous reste à peu près trois semaines à siéger ici, à l'Assemblée nationale. Pensez-vous que ce ne serait pas autant dans votre intérêt, M. le ministre, de nous fournir ces modifications et ces amendements pour qu'on puisse finalement faire un travail potable qui va aider les personnes qui vivent la situation?

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, avec les membres de notre formation politique, j'insiste pour que la motion de ma collègue, la députée de Maisonneuve, soit mise de l'avant et pour que le ministre accepte de nous fournir, non pas la semaine prochaine, non pas dans deux ou trois semaines, on ne siégera plus, cela va être Noël, mais tout de suite ce dont on a besoin, c'est-à-dire les amendements et les modifications qu'il doit apporter puisqu'il nous a dit tout à l'heure qu'il y aurait des amendements dès le premier article. Il l'a dit tout à l'heure, dans son intervention. Puisqu'il dit qu'il y aura des amendements et qu'on les aura en temps et lieu, le temps et le lieu, c'est aujourd'hui, c'est tout de suite. On en a besoin et on souhaite que vous soyez assez compréhensif pour nous fournir, dès ce soir, les amendements et les modifications que vous allez apporter au projet de loi 37. M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec la députée de notre formation politique responsable du projet de loi pour qu'on ait en main les outils nécessaires pour faire un excellent travail, pour faire en sorte que les gens qui comptent sur nous puissent continuer de le faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Johnson. M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, je suis complètement extatique même, très heureux de cette ouverture d'esprit démontrée par l'Opposition et de l'empressement qui est mis de l'avant pour commencer l'étude article par article.

Mme Juneau: On essaie de vous le dire depuis longtemps.

M. Sirros: Oui? Vous êtes prêts à faire l'étude article par article, qu'on la commence tout de suite?

Mme Juneau: On a besoin des amendements.

Mme Harel: II faut y mettre les moyens nécessaires.

M. Sirros: Je pensais bien, M. le Président, qu'il y avait un "mais" quelque part. Je connais bien les personnes qui disent: Oui, mais... Il faut faire très attention aux personnes qui disent: Oui, mais... Cela veut dire qu'il y a un jeu qui se fait quelque part et qu'elles cachent des choses.

Mme Harel: C'est comme le: Non, mais...

M. Sirros: Cela se peut, mais M. le Président, on était prêts à mettre tous les amendements sur la table aussitôt que l'Opposition démontrerait qu'il y avait véritablement un désir d'approfondir, d'étudier et de discuter le projet de loi. La députée de Johnson était pressée d'avoir les amendements et insistait pour les avoir tout de suite, maintenant, immédiatement. Sauf qu'on vient de passer quatre jours à peu près... trois jours sans avoir la moindre indication de la part de l'Opposition qu'on serait prêts

à commencer l'étude du projet de loi, ayant eu de nombreuses indications que l'Opposition avait l'intention, dès le départ, même avant de voir les amendements, de bloquer le projet de loi. Elle nous a dit qu'elle n'est pas d'accord avec les principes. Mais là, elle veut étudier les moyens. S'il y avait au moins un engagement de la part de l'Opposition à faire une étude sérieuse du projet de loi sur les moyens, étant donné que le principe a été adopté, c'était la volonté d'un gouvernement dûment élu, on pourrait déposer... En tout cas, je parlerai au ministre dans ce sens.

Si l'Oppostion démontrait la moindre bonne foi, mes collègues et moi inciterions le ministre à déposer l'ensemble des amendements, M. le Président. Mais pour l'instant, je trouve que cette volonté empressée d'avoir le dépôt immédiat des amendements fait beaucoup plus preuve d'une curiosité morbide - disait quelqu'un - dans le sens qu'étant donné que l'Opposition, dès le départ, dit: On va bloquer le projet de loi, on ne veut rien savoir de cela, mais on veut voir quels seraient les amendements que le ministre avait l'intention de proposer. Je pense que celui qui l'avait décrit comme cela avait raison. C'est une curiosité morbide, parce que si vraiment l'Opposition est intéressée à voir les amendements dans une perspective de bonification du projet de loi, il me semble que, au lieu de passer trois jours, de trouver des moyens de parler et de parler... On a fait cela aussi, j'imagine, de l'autre côté, les années passées. On avait demandé aussi le dépôt des... Je me rappelle, j'avais demandé, à des ministres antérieurs, le dépôt des projets de règlement. On ne les a jamais eus, ils avaient réussi à me convaincre que c'était pour de bonnes raisons. J'accepte aujourd'hui que c'était pour de bonnes raisons. C'est vrai.

Si vraiment l'Opposition est sérieuse et veut vraiment bonifier le projet de loi, je suis convaincu que le ministre serait disposé à déposer l'ensemble des amendements. Mais, aussi longtemps que l'Opposition s'acharnera à dire qu'elle va bloquer le projet de loi, qu'elle ne veut pas qu'on entende la discussion sur les articles précis du projet de loi, il me semble que cette motion qui est mise de l'avant pour avoir le droit de voir immédiatement l'ensemble des amendements qui seraient susceptibles d'être proposés par le ministre relève plus de la curiosité morbide que d'un désir réel de bonifier le projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: II ne reste pas tellement de temps. M. le Président, j'aurais aimé argumenter davantage sur la motion, mais je vais sûrement relever certaines affirmations du collègue du gouvernement, le député de Laurier, lorsqu'il dit qu'on veut parler pour parler. En fait, ce n'est pas jaser pour jaser qu'on veut faire, mais bien entendre les différents groupes, il y a une nuance. Évidemment, comme toute la vie est faite en nuances, c'est pour étudier ces nuances que nous demandons au ministre de déposer ses amendements. Il y a toujours une question d'interprétation. Il y a une infinité de gris et il faut qu'on s'entende sur la couleur. Les amendements, c'est un peu la couleur qui donnera force à la loi. C'est là-dessus qu'on voulait bien s'entendre et pour vérifier si tout le monde a la même interprétation et la même signification de ces amendements qui seront apportés. Il y va de la vie de gens et ces gens devront assumer et subir les conséquences de tous ces amendements. Je trouve que c'est utile et d'une importance capitale, et non pas une curiosité morbide. Ces gens qui préfèrent l'ignorance crasse à la morbidité, finalement à la curiosité, je trouve cela malheureux parce que, comme on le sait, plus on a de données, plus on est disposés à porter un meilleur jugement et une meilleure compréhension. Il n'y a pas d'intérêt à maintenir les gens dans une certaine ambiguïté ou, même, dans une absence d'interprétation.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse,

Mme la députée de Marie-Victorin. Compte tenu de l'heure, à moins que j'aie un consentement, nous devons interrompre nos travaux...

Mme Harel: Malheureusement, il n'y a pas de consentement parce qu'il y a d'autres activités prévues aux parlementaires.

Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de consentement, donc la commission ajourne ses travaux...

Mme Vermette: On pourra continuer demain, M. le Président. Il doit me rester du temps.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bélanger): La période de questions est à 10 heures demain, puisqu'on commence la période de session intensive. Donc, période de questions à 10 heures. Des ordres vont être donnés en Chambre après la période de questions.

(Fin de la séance à 18 heures)

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