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(Douze heures une minute)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien gagner leur siège, nous allons reprendre nos
travaux de consultations particulières sur l'étude du projet de
loi 4 concernant la pratique des sages-femmes dans le cadre de
projets-pilotes.
Il n'y a pas de remplacement?
Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Deux groupes sont
prévus à l'agenda, ce matin: l'Alliance québécoise
des sages-femmes praticiennes, de même que le Conseil du statut de la
femme. Nous nous excusons auprès de ces groupes; nous démarrons,
comme vous le voyez, avec un peu de retard. Ce sont les aléas de la vie
parlementaire et nous devons nous y conformer aussi. Nous en sommes, comme
vous, bien souvent les victimes.
Est-ce que les membres de la commission accepteraient que nous
poursuivions nos travaux jusqu'à 13 h 30, ceci nous permettant
d'entendre les deux groupes en leur accordant environ 45 minutes chacun? Ce qui
permet quand même, je crois, d'avoir une bonne possibilité de
poser des questions et que les groupes, par contre, soient entendus.
Êtes-vous d'accord? Consentement. De notre côté aussi?
Parfait. Alors, merci.
J'inviterais maintenant l'Alliance québécoise des
sages-femmes praticiennes à prendre place à l'avant, s'il vous
plaît!
Je vous invite à vous présenter aux membres de la
commission. On s'entend pour pas plus de quinze minutes de présentation,
le reste du temps étant consacré aux questions que les membres de
la commission pourraient vous poser.
Alliance québécoise des sages-femmes
praticiennes
Mme Cornellier (Hélène): Je vais essayer de
raccourcir notre présentation. Déjà, je trouvais que le
temps alloué était court, compte tenu de ce qui se passe ici, en
commission parlementaire. Est-ce que ce sera un accouchement
précipité? Il faudrait voir, mais on va essayer.
La Présidente (Mme Marois): Pardon! Mon collègue,
le ministre de la Santé, me dit qu'il est d'accord et je pourrai
consulter aussi mes collègues de l'autre côté: si vous
voulez prendre tout le temps que vous aviez prévu pour la
présentation, vous pouvez le faire. Cependant, ça enlèvera
d'autant du temps pour des questions.
Mme Cornellier: On va quand même essayer de se restreindre,
parce qu'on voulait déjà, au départ, consacrer plus de
temps aux questions pour clarifier ce qui a besoin de l'être.
La Présidente (Mme Marois): Alors, on y va.
Mme Cornellier: Alors, je suis Hélène Cornellier,
présidente depuis trois ans de l'Alliance québécoise des
sages-femmes praticiennes. Je suis sage-femme praticienne depuis dix ans et je
travaille à la reconnaissance de la profession depuis dix ans. À
mes côtés, Monique Beauche-min, qui est une sage-femme qui a
été formée en Suisse et qui pratique au Québec
depuis 1985, en pratique privée et aussi en faisant des remplacements au
projet nord, à la maternité de Povungnituk, dont il va être
question aujourd'hui. Elle est aussi membre de notre comité de formation
depuis 1986 et responsable, depuis septembre dernier, du comité de
formation.
En commençant notre présentation ici, je voudrais faire un
petit aparté et vous témoigner, en fait, de mon bouleversement,
de l'horreur que nous avons vécue avec les événements
d'hier, d'abord, en tant que sage-femme qui assiste des femmes qui donnent la
vie aux enfants, au Québec, et, aussi, en tant que femme qui vit dans
une société qui peut générer autant de haine et de
violence à l'égard des femmes. Je pense qu'il était
difficile de commencer cette journée sans...
La Présidente (Mme Marois): Vous avez tout à fait
raison. D'ailleurs, les membres de cette Assemblée, ce matin, ont
souligné leur solidarité, leur peine et leur tristesse,
finalement, à l'égard des familles qui, évidemment, sont
aux prises avec le drame que l'on a connu hier.
Mme Cornellier: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
Mme Cornellier: En débutant, on commencerait par dire que
le projet de loi 4, pour nous, n'a de sens que s'il légalise la
profession de sage-femme et permet l'expérimentation de cette pratique
pour pouvoir voir comment elle s'articulera ici, au Québec, comment elle
s'intégrera dans les services de santé et comment elle se
définira en termes de corporation, de formation et de standard de
pratique.
Au début, je vais présenter l'Alliance
québécoise des sages-femmes praticiennes et, ensuite, on abordera
ce qu'on appelle le contexte général de l'expérimentation
pour ensuite tomber plus précisément dans le projet de loi, tel
qu'on l'a étudié.
L'Alliance québécoise des sages-femmes pra-
ticiennes répond, à travers ses membres,
à la demande des femmes d'être suivies par une sage-femme.
S'étant engagée depuis plus de dix ans à faire
reconnaître le statut juridique et professionnel de la sage-femme au
Québec, elle a mis son expérience du dossier au profit du
gouvernement, des Intervenants en santé et de la population.
Les femmes qui ont commencé à travailler
comme sage-femme depuis dix à quinze ans au Québec l'ont bit pour
répondre aux besoins exprimés par les femmes et leur famille. Ces
demandes comprennent un suivi de grossesse personnalisé, une aide pour
l'accouchement à domicile, puisque c'est le seul lieu accessible pour la
pratique sage-femme actuellement. À ce moment-là, et môme
encore maintenant, il n'existe pas de véritable choix en ce qui concerne
le lieu d'accouchement, le lieu des suivis et les intervenants,
c'est-à-dire qu'on a une dynamique médecin-hôpital, d'un
côté, et sage-femme-domicile, de l'autre.
En fait, c'est pour accoucher et non se faire accoucher que
les femmes ont demandé des sages-femmes depuis plus de dix ans, au
Québec. On fait face actuellement, et depuis dix ans, à une
demande sans cesse croissante des services de sages-femmes, à tel point
que dans certaines régions, comme Montréal par exemple, les
sages-femmes sont obligées de refuser de la clientèle. Aussi,
s'il y a eu des commentaires sur le peu de demandes, en fait, de services de
sages-femmes, il faut regarder cette demande-là dans le contexte actuel
qui est un contexte d'inaccessibilité aux services, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas de sages-femmes disponibles dans toutes les régions du
Québec. Les coûts que les femmes, les familles doivent payer pour
avoir accès à ces services-là, puisqu'ils ne sont pas
couverts par le régime de santé actuellement, la
désinformation face aux services de sages-femmes, le manque de
collaboration entre médecins et sages-femmes font aussi que les femmes,
à certains moments donnés, viennent nous consulter, mais
n'oseront pas demander nos services pour les accompagner en centre hospitalier,
de peur que la dynamique entre les médecins et la sage-femme, au moment
de l'accouchement, ne vienne leur porter préjudice.
À ce point-ci, et avec ce qu'on a entendu hier, on
sent le besoin de réexpliquer ce que sont l'approche, la pratique et la
formation des sages-femmes, devant l'incompréhension ou la
méconnaissance profonde de cette profession. Je ne voudrais pas refaire
les études gouvernementales qui ont été faites deux fois
en dix ans. Par contre, je pense que c'est important de rectifier que la
sage-femme, en fait, ne touche pas que l'événement spectaculaire
dont il a été fait mention hier, qui est l'accouchement, mais
travaille depuis le début de la grossesse, tout au long de la grossesse,
pendant l'accouchement, et ce, pendant toutes les heures comprises pendant le
travail, la naissance du bébé et le postnatal Immédiat.
Elle travaille aussi en postnatal, les premières semaines, pour
s'assurer de l'intégration des soins de la mère au
bébé, l'intégration à la famille, le père y
compris. On touche, à ce moment-là, tous les aspects de ce
processus-là qui sont des aspects physiques, physiologiques,
psychologiques, émotifs, sociaux et familiaux. Aucun de ces aspects ne
doit être mis de côté.
Des membres de l'Alliance, de notre association, certaines
ont des diplômes reconnus à travers le monde. Elles sont
allées se chercher des formations à l'étranger, puisqu'il
n'y en a pas ici. Certaines ont une base d'infirmière, d'autre non, et
celles qui n'ont pas de diplôme reconnu se sont formées Ici, au
Québec, soit, en général, par apprentissage avec une autre
sage-femme pendant un, deux ou trois ans, et par des études
complémentaires théoriques. Cette formation, on se la donne parce
que la situation actuelle fait qu'il faudrait aller en France, en Angleterre ou
aux États-Unis, avec tout ce que ça implique, les coûts,
les déplacements pour nos familles, ce qui est impensable. Notre
priorité est de répondre aux besoins actuels, au jour le jour,
des femmes du Québec, et on forme les sages-femmes à la mesure de
notre pratique. Elles sont prises en apprentissage, à ce
moment-là.
Les services offerts par nos membres comprennent, entre
autres, le suivi de grossesse complet, l'accompagnement lors des accouchements,
soit à l'hôpital, soit à domicile. Il est clair que notre
rôle à l'hôpital se restreint à un rôle de
conseillère et d'"accompagnante" puisqu'on ne peut pas, là,
pratiquer notre profession dans toute sa latitude, sauf pour quelques
exceptions où les médecins sont prêts à laisser
continuer le processus avec la sage-femme.
On touche aussi les soins au nouveau-né et à
la mère pendant la période postnatale qui, en
général, va jusqu'à six semaines ou deux mois. On touche
les cours prénatals, les visites à la maison avant et
après l'accouchement, et de multiples consultations sur des sujets aussi
variés que la contraception, le support dans les deuils reliés
à la maternité, les problèmes d'allaitement, la
préparation à un accouchement vaginal après
césarienne, l'intégration à la vie familiale, etc.
Ce que je viens de décrire constitue le contexte de
la pratique actuelle, depuis dix ans, au Québec. Ce n'est pas
nécessairement ce qui va avoir lieu quand cette pratique va être
légalisée. Ce qu'on demande, c'est que la légalisation
nous donne la possibilité d'avoir une corporation autonome, une
formation de calibre universitaire, premier cycle universitaire, et une
formation qui sera à la fois théorique et clinique - c'est
très important pour nos membres - une intégration aux services de
santé parce qu'une légalisation de la profession sans
l'intégrer aux services de santé voudrait dire que les femmes
n'auraient
pas accès à ces services, devraient encore payer. Ce
serait donc une médecine parallèle et, à notre avis, les
femmes ont droit à cette Intervenante si c'est leur choix. Ce doit donc
être couvert par l'assurance-maladie, au même titre que le suivi
des médecins.
On veut aussi que la pratique qui se fera soit une pratique
complémentaire, avec tous les autres Intervenants du réseau qui
touchent cette période, pour nous permettre de donner une pratique
adéquate aux femmes, ce qui manque à l'heure actuelle. Cette
collaboration régulière et formelle, elle se fait, mais sur une
base, vraiment, de volonté individuelle.
La section du mémoire qui parle des sages-femmes dans le contexte
québécois, je vais passer par-dessus ça. Je pense que M.
Côté a beaucoup touché tout l'historique de
l'évolution de ce dossier-là. Les seules choses que je vais
souligner, c'est que vous trouverez, en annexe, des listes des groupes qui ont
montré leur accord et leur désaccord à la reconnaissance
de la pratique et la liste de tous les groupes sociaux qui vraiment appuient,
depuis dix ans, la reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Ce n'est pas
une demande de quelques marginales, d'hurluberlus qui veulent ce
service-là.
Je vais passer au contexte général de
l'expérimentation et, peut-être, vous clarifier ce que j'entends
par la. Le projet de loi 4, dans son libellé actuel, nous semble
permettre... En fait, ce qu'il fait, c'est qu'il permet
l'expérimentation dans huit projets-pilotes. On ne voit là aucune
ligne de base, ligne directrice à cette expérimentation. On
pourrait y lire que ces huit projets-pilotes chemineront chacun de leur
côté et qu'est-ce qu'on verra? Quel sera le résultat final
de ça? Ce qu'on note, nous, c'est une absence de but et d'objectif de
l'expérimentation, une absence d'encadrement global pour toute la
période d'expérimentation et aucune mention n'est faite de la
pratique actuelle qui se fait depuis dix ans. Ce sont nos
préoccupations, et je vais revenir là-dessus brièvement.
On pourra en reparler à la période de questions.
Les buts et objectifs de l'expérimentation, pour nous, c'est la
légalisation. C'est ce qu'on demande depuis dix ans, pour permettre
l'accessibilité au service et pour permettre l'encadrement de la
pratique, donc la sécurité de la clientèle. Pour nous, les
buts pourraient être d'apprécier l'impact de cette pratique sur
les objectifs en périnatallté au Québec, d'étudier
les modalités d'intégration des services sages-femmes, de
définir les différents aspects de la profession,
c'est-à-dire le statut légal, la formation, les standards de
pratique, etc., afin de procéder à la légalisation et
à son intégration dans les services de santé
québécois dans cinq ans et non pas cinq ans après ces cinq
ans - là, et cinq ans, au plus tard. Il est déjà trop
tard, à notre avis. On aurait dû procéder bien avant
ça.
Le comité provincial pour l'expérimentation. Afin
d'assurer une cohérence entre le but de l'expérimentation, son
déroulement et son évaluation, l'Alliance
québécoise des sages-femmes praticiennes estime essentiel de
mettre sur pied un mécanisme d'encadrement qui permette aux
ministères concernés et aux groupes impliqués d'en garder
fe leadership. (12 h 15)
II ne s'agit pas, comme ie fait supposer le projet de loi 4 dans son
énoncé actuel, d'évaluer après cinq ans huit
projets-pilotes ayant chacun suivi son propre cheminement. Il s'agit
plutôt d'évaluer l'impact d'une profession à travers des
projets-pilotes qui, tout en gardant leur originalité et leur
spécificité locale ou régionale, respecteront les buts,
les objectifs et les critères définis par le cadre
d'expérimentation. Je vais passer toute la section composition, mandats,
c'est dans le mémoire.
Pour nous, s'ajoutent à ça des conditions pour
l'expérimentation que je ne vais qu'énumé-rer, à ce
moment-ci, c'est-à-dire d'assurer aux usagères des services
sages-femmes et ou aux associations qui les représentent une
participation constante dans le processus de la reconnaissance des sages-femmes
et ce, dès maintenant, donc à travers l'expérimentation;
de mettre sur pied et d'exiger un recyclage pour toutes lès sages-femmes
qui désirent travailler dans le cadre des projets-pilotes; de rendre
accessibles à toutes les femmes qui le désirent les services de
sages-femmes mis sur pied par les projets-pilotes; de s'assurer de la
continuité des soins et des services dans l'organisation des
projets-pilotes et de la préserver tout au long de
l'expérimentation, ce à quoi le comité provincial pourra
veiller; de diversifier les lieux de pratique répondant ainsi aux
demandes exprimées par des femmes et des couples québécois
et, pour nous, ces lieux sont les CH, CLSC, les maisons de naissances
rattachées à des établissements ou autonomes et aussi les
domiciles.
Le point suivant, qui était mon troisième point, porte sur
les absences dans le projet de loi, c'est-à-dire aucune mention de la
pratique actuelle. Depuis dix ans, des services de sages-femmes existent au
Québec. Ils sont effectivement marginaux à cause des conditions
de pratique et de leur inaccessibilité. Ils sont aussi, je dirais,
semi-clandestins à cause de la légalité ou de
l'Illégalité de la pratique.
La loi 4 permet la pratique de sages-femmes légalement dans des
projets-pilotes mais, malgré cette expérimentation, ce que l'on
voit, c'est qu'on aura un double standard: on aura des sages-femmes pratiquant
dans des projets-pilotes, avec un statut légal, un recyclage, donc une
reconnaissance professionnelle de leur formation et elles seront aussi
salariées, donc accessibles aux femmes qui n'auront pas à
défrayer ces services-là; d'un autre côté, on aura
une pratique
encore dans les conditions actuelles mais, je dirais, doublement
illégale, puisque certaines sages-femmes seront légales. Elles
seront non reconnues, puisque n'ayant peut-être pas passé le
recyclage, faute d'accès; donc, illégales doublement, parce qu'il
y en a qui seront reconnues. Les femmes devront, elles, payer pour ces
services-là, donc, elles seront, encore une fois, doublement
pénalisées si elles refusent d'aller dans les projets-pilotes qui
sont mis sur pied.
Les projets-pilotes, II y en aura huit, dit-on, et Ils ne seront pas
nécessairement dans toutes les réglons du Québec. Donc, ce
n'est pas clair que les femmes y auront accès, simplement parce qu'il
n'y en aura pas et aussi parce que c'est le choix de certaines femmes de
procéder autrement et de ne pas nécessairement aller accoucher en
CH ou en maison de naissances, etc.
Alors, on se préoccupe de ça en tant qu'association de
sages-femmes qui pratiquent depuis dix ans au Québec et offrent des
services, ont monté des services qui sont vraiment adéquats
auprès de la population.
On va entrer maintenant dans le projet de loi. Mme Beauchemin va vous
présenter la suite du mémoire.
La Présidente (Mme Marois): On a environ 17 minutes de
passées. Je veux juste vous en Informer.
Mme Beauchemin (Monique): Moi, je voulais vous parler un peu des
modifications qu'on a faites au projet de loi parce que, pour nous, ce
n'était pas acceptable dans la formulation qu'il y avait. Par contre, ce
qu'on peut faire, comme il reste peu de temps et que nous, on privilégie
la période de questions, vous avez lu les modifications qu'on trouve
essentiel de faire; alors on peut passer à la période des
questions.
Nous, c'étaient les buts, en tout cas... Pourquoi on a
modifié en gros la loi? C'est parce qu'on voulait absolument qu'il y ait
des buts d'expérimentation, comme Hélène l'a
exprimé, qui soient clairs et qu'on ait un comité - en tout cas,
c'est en gros ce qui était ressorti - qui chapeauterait toute
l'expérimentation pour qu'on ait une évaluation qui soit valable
à la fin. Je pense que c'est trop long d'entrer dans chaque article. Je
vais laisser ça ouvert.
La Présidente (Mme Marois): Vous préférez
que les gens...
Mme Beauchemin: Oui.
La Présidente (Mme Marois): ...de la corn mission puissent
vous poser des questions?
Mme Beauchemin: Oui, avec les questions...
La Présidente (Mme Marois): Alors, je vais céder la
parole immédiatement à M. le ministre de la Santé. Je
donnerai le temps qui nous est réservé par la suite.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je vais céder, pour ce mémoire, ma
priorité de parole à ma collègue de Dorion.
La Présidente (Mme Marois): Très certainement. Oui,
Mme la ministre.
Mme Trépanler: Bienvenue à l'Alliance. J'ai eu
l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, entre autres lors
d'une réunion de groupes de femmes, récemment. Nous avions aussi
discuté de votre préoccupation avec un groupe de
députés, je me souviens, il y a à peu près un an.
Je constate qu'il y a certaines modifications ou certains ajustements à
votre pensée. Je voudrais avoir des éclaircissements
là-dessus.
D'abord, je voudrais vous dire que, lorsque vous dites que les
projets-pilotes feront deux classes de sages-femmes, c'est peut-être
vrai, mais c'est une étape aussi vers, peut-être, une
légalisation de la pratique des sages-femmes. Je ne vois pas comment
nous pourrions passer à côté de ça et comment nous
pourrions le faire différemment. C'est le premier commentaire que je
voudrais soulever. C'est un mal nécessaire, à mon avis, d'une
part. Je voudrais qu'on parie, parce que ça m'avait
énormément frappée lorsque nous vous avions
rencontrées, un groupe de députés, de la formation. Vous
semblez dire, aujourd'hui, que vous êtes tout à fait ouvertes
à un recyclage formel, à une formation. Je pense, à moins
que je ne me trompe, que dans votre association les formations sont très
diverses au niveau des sages-femmes. Il n'y a pas de formation uniforme et
c'est peut-être plus visible que dans d'autres. Expliquez-moi donc mieux
qu'est-ce que vous entendez. Est-ce que c'est vraiment votre position? Au
départ, vous disiez: Les autodidactes doivent avoir le droit de
professer sans recyclage. Aujourd'hui, vous dites: Nous sommes prêtes
à nous recycler.
Mme Cornellier: Bon, je comprends votre commentaire qui parie
d'un mal nécessaire et > qu'on procédera par étapes
dans la légalisation. Je pense qu'on ne peut pas, non plus, se mettre la
tête dans le sable et ne pas voir ce que peut vouloir dire, pour les
praticiennes qui resteront : sur le terrain et non pas dans les
projets-pilotes, ce double standard, et pour les femmes, surtout, qui feront ce
choix-là aussi; et s'il y a des suites à ça, je pense
qu'on est tous conscients, ici, on porte tous ce qui se passera à ce
moment-là. Et moi, c'est ça que je mentionne. On verra les
possibilités. On a des suggestions à cet effet-là pour au
moins minimiser certains effets de ce double standard, on pourra en
reparier.
La question de la formation et du recyclage, ce n'est pas une chose que
l'Alliance uniquement demande. C'est demandé par l'Association des
sages-femmes du Québec, elles l'ont demandé hier, et on s'est
toujours entendues pour que, préalablement à une phase
d'intégration des sages-femmes, donc à des projets-pilotes, il
doive y avoir une période de mise à jour des connaissances, non
pas parce que nos sages-femmes ne sont pas formées, nos sages-femmes
sont très bien formées. Mais, effectivement, elles peuvent avoir
des lacunes dans leur formation et aussi on a des sages-femmes qui ont
été formées à l'étranger et qui font partie
plus majoritairement de l'Association des sages-femmes du Québec, qui
ont eu des diplômes de divers pays à travers le monde. Là
aussi, on a un manque d'uniformité dans la formation et, pour beaucoup
d'entre elles, pas de pratique dans le contexte québécois et une
méconnaissance des services de santé des institutions.
Tout ça fait qu'on demande, conjointement les deux associations,
qu'il y ait, pour toutes les sages-femmes qui désirent pratiquer au
Québec, une période de mise à jour des connaissances et,
je dirais, d'harmonisation des connaissances, des compétences et de la
connaissance du milieu québécois. On veut faire une
démonstration dans ce qui se passe au Québec. Il faut savoir
comment on fonctionne dans le système de santé, il faut savoir
quelle est la demande des femmes aussi. C'est dans ce sens-là qu'on
demande une mise à jour des connaissances. Évidemment, on va
complémenter les lacunes des unes et des autres. Je pense que c'est
normal, à ce moment-ci.
Mme Trépanier: Nous avons parlé avec plusieurs
groupes, hier, longuement, des champs de pratique. Nous avons reçu votre
mémoire seulement ce matin; pouvez-vous nous expliciter ce que vous,
vous préconisez, comment vous voyez ça?
Mme Beauchemin: Pour nous, concernant le champ de pratique, nous
trouvons qu'il est essentiel de le sortir de la définition
internationale. La définition internationale, tout en définissant
la sage-femme, la définit par son champ de pratique. Donc, la vision
générale du champ de pratique de la sage-femme doit ressortir de
là. Pour nous, c'est tout à fait adéquat et ce qu'on devra
faire, c'est adapter ce champ de pratique là aux réalités
québécoises. Il y aura des activités qu'on pourra
énumérer. Il y a un champ qui est général et les
activités qu'on voudra voir exercer dans tel lieu, tel lieu, ou de telle
façon, je pense que ça pourra être adapté à
chaque milieu. Et, pour nous, c'est ça. Un champ de pratique, c'est
vraiment très vaste et nous, on se base sur la définition
internationale, on trouve que c'est ce qu'il y a de plus adéquat. On a
mis dans notre document la définition internationale et ensuite
l'identification des activités un peu plus en détail, ce qu'est
une pratique de sage-femme. Est-ce que vous aimeriez que je vous les lise? Pour
nous, c'est comme.....
Mme Trépanier: Et en ce qui concerne les lieux des
projets-pilotes, en milieu hospitalier, en CLSC, votre position est
laquelle?
Mme Beauchemin: On a toujours dit: Les lieux devraient
être, pour la pratique de la sage-femme en général,
là où les femmes veulent accoucher, parce qu'on garantit la
sécurité en assurant un service adéquat. Donc, si nous, en
tant que professionnelles, on accepte que le gouvernement
légifère sur des lieux très spécifiques, et qu'on
sait que la clientèle, elle, demande d'autres lieux, on sait qu'il y
aura un certain risque que ces femmes accouchent dans ces lieux qui ne seront
pas reconnus, sans encadrement. Donc, pour nous, c'est évident, c'est
essentiel que les lieux doivent être ceux où les femmes veulent
accoucher.
Dans le cadre du projet-pilote, on voudrait que tous les lieux soient
touchés, mais on est d'accord, pour alléger, pour permettre au
gouvernement de ne pas créer de structure administrative nouvelle, de
travailler en collaboration avec un établissement qui existe
déjà dans le réseau de santé. Donc, on
privilégie d'être rattachées à un CSLC comme
établissement. À un CH? Je pense qu'il faudra expérimenter
un certain type de services de sages-femmes adaptés à ce milieu,
mais si on a à être rattachées à un
établissement quelconque, on privilégie le CLSC.
Mme Cornellier: j'ajouterais que la raison de la diversité
des lieux - et pour nous, c'est le ch, le clsc, la maison de naissance -
autonomes ou rattachés administrativement - on comprend les
problèmes de créer de nouvelles institutions au sens de la loi -
mais aussi couvrant le domicile, c'est que, pour nous, quand la profession va
être légalisée, le champ de pratique de la sage-femme va
s'exercer dans tous les lieux où les femmes désirent recevoir ces
services. si on ne touche pas déjà ces lieux dans
l'expérimentation, si on ne les étudie pas, au moment où
on va la légaliser, il va y avoir des lacunes, des manques et on ne
pourra pas dire, dans tel contexte exactement, comment l'articuler. dans la
période actuelle où il y aurait possibilité de
déposer les projets-pilotes venant de groupes et d'établissements
qui portent sur divers lieux - et, pour moi, le domicile est compris
là-dedans - si un groupe structure un projet adéquat lié
à un clsc ou à un ch pour les services qui sont
nécessaires, donc avec tout l'aspect de la complémentarité
et de la collaboration, tout ça étant encadré par le
comité provincial, je vois difficilement comment on prend un
risque si grand puisque, de toute façon, à travers le
monde, il y a des études qui portent sur la sécurité de
l'accouchement à domicile.
Je ne ferai pas le procès de ce lieu de pratique ici, mais, pour
nous, il faut vraiment regarder la diversité. Autant, hier, on disait:
Les CH, c'est vraiment la place où il ne faudrait peut-être pas
entrer... On ne va pas jusque-là, on dit: C'est une structure
très lourde, difficile à pénétrer. On ne voudrait
pas ne voir que des projets-pilotes en CH - ce serait faire la
démonstration de l'inutilité de la profession -mais on veut
regarder... Autant ceux-là sont très difficiles, autant l'autre
extrême aussi doit être regardé et étudié avec
attention, pour mettre les balises au niveau de la formation des
professionnels, au niveau des services adéquats. Je pense qu'au
Québec on a des mécanismes de services d'urgence qui sont
facilement adaptables à tous les lieux de pratique. (12 h 30)
La Présidente (Mme Marois): Trois minutes, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je veux revenir sur
la première question qu'a posée ma collègue de Dorion sur
deux catégories de sages-femmes. Pour bien qu'on se comprenne, pour
qu'il n'y ait pas d'équivoque, dans mon livre à moi, il n'y en
aura pas deux; il va y en avoir une seule qui va être reconnue, dans
laquelle il y aura un bassin de main-d'?uvre, dans laquelle pourront
puiser les projets-pilotes pour s'alimenter. Au-delà de ça, il
n'y en aura pas. Ou on encadre avec des buts et des objectifs, comme vous le
dites si bien, de manière très claire, et on mène
l'expérience... Et c'est ce que ça veut dire. On ne pourra pas
maintenir la situation actuelle, en plus des projets-pilotes, avec une
reconnaissance. Je pense que là-dessus il va falloir être
très clair. Il va n'y avoir qu'une seule catégorie de
sages-femmes reconnue, à la fois pour celles qui ont une base
infirmière et pour celles qui ont une pratique qui leur donne
l'expérience pour être capables d'être reconnues au
comité accréditeur, il n'y a pas de problème. Ce qu'on
dit, c'est que tout le monde pourra y aller, déposer son dossier et se
défendre, comme on le disait hier, examen théorique, examen
pratique, et s'inscrire. Cela m'apparait extrêmement important de le dire
dès ce moment-ci.
Il y a quand même dans votre présentation, au
départ, une chose qui m'a accroché - plusieurs, mais une en
particulier - lorsque vous avez présenté Mme Beauchemin, qu'on
n'avait pas entendue jusqu'à maintenant, c'est quand elle a dit que son
expérience, elle l'a prise en Suisse. Évidemment, tout ce qu'on a
entendu hier soir, c'est: Au Québec, il n'y a pas
nécessité d'avoir cette expérience-là. On a entendu
ça toute la soirée et on risque de l'entendre un peu cet
après-midi aussi. Vous qui avez une formation en
Suisse, parlez-nous un peu de votre expérience sur le pian de
votre formation là-bas. Qu'est-ce que ça a été? Et,
à partir de ce moment-là, comment voyez-vous la transposition au
Québec?
Mme Beauchemin: Ce que je pourrais rectifier, c'est que mon
expérience, je l'ai prise au Québec. Ma formation, je l'ai prise
en Suisse. Mon expérience, je l'ai prise au Québec. Moi, j'ai une
formation d'infirmière et ce qu'on appelle en Suisse une formation
supplémentaire de sage-femme. D'accord?
Parce qu'il y a deux approches en Suisse. On peut soit avoir une
formation de base... Il y a deux écoles. Les femmes ont le choix. Les
femmes qui sont infirmières et qui veulent avoir la formation
supplémentaire passent à travers une formation raccourcie qui est
d'un an et demi, qui va aller vers deux ans bientôt, parce qu'on
s'aperçoit que, avec tout ce qu'il y a comme connaissances actuelles, ce
n'est plus suffisant, une année et demie pour arriver à une
qualité de sage-femme.
Donc, c'est une formation qui m'a permis, parce que j'étais
Infirmière, de raccourcir la profession de sage-femme. Mais on s'est
aperçu, en Suisse, que cette formation, qui est une formation
supplémentaire, a une lacune qui est celle-ci: on a dans notre
tête une formation en soins et non une formation en approche globale et
en approche de professionnel autonome. Donc, j'ai dû désapprendre
à être infirmière pour apprendre à être
sage-femme. C'est pour ça que, dans beaucoup de pays d'Europe, il y a
une formation d'infirmière et ensuite il y a une formation de
sage-femme. On tend maintenant vers une formation de sage-femme de base; on n'a
pas à passer par un prérequis infirmière avant d'aller
vers la formation de sage-femme. Et, en Suisse, c'était aussi la
réflexion. J'ai une formation en milieu universitaire,
spécialité obstétricale, très haute technologie, ce
qui est, à mon avis, très insatisfaisant et j'ai
été très insatisfaite parce qu'on n'appuyait pas assez,
dans cette formation, sur l'approche globale.
Il y a une critique de la CEE sur certains de ces pays qui ont tendance
à être à la remorque du système médical. La
cause de ça, c'est que l'accouchement a été beaucoup
récupéré par le milieu hospitalier. Cette approche ne se
fait qu'en milieu hospitalier. En Suisse, les sages-femmes qui ont gardé
l'approche internationale de la sage-femme, comme la définition le veut,
ce sont les sages-femmes qui pratiquent hors du milieu hospitalier.
Donc, j'ai vécu cette frustration et je n'aurais jamais
pratiqué en Suisse, c'est ce que je peux vous dire. C'est pour ça
que je suis revenue pratiquer au Québec, même si le cadre est
illégal et que je trouve ça très dur, parce que j'ai
toujours pratiqué dans un cadre légal. Je suis une fille de
formation dans les institutions.
Je n'aurais pas été capable d'aller vers l'autodi-daxie,
dans le sens que je ne suis pas une fille qui est capable d'aller chercher tout
seule, je ne suis pas assez disciplinée, peut-être. J'avais besoin
d'un cadre. Mais, dans ce cadre-là - j'avais une expérience, une
maturité - je savais ce que je voulais aller chercher et je sais aussi
ce que je n'ai pas trouvé dans cette formation-là.
La Présidente (Mme Marois): Merci. C'est terminé
pour vous, M. le ministre. Peut-être qu'à la fin de la
période allouée à l'Opposition vous aurez encore une
minute.
Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Ce qui me frappe -
et vous êtes le deuxième ou troisième groupe à le
dire d'une façon très claire - c'est qu'il faut d'abord
reconnaître la profession avant de vivre des projets-pilotes. Moi,
ça m'apparaît tout à fait logique. D'ailleurs, je pense que
le ministre des professions va venir faire un tour à un moment
donné, au cours de cette rencontre. Ça m'apparaîtrait une
aberration et je trouve que, sur ce point-là, vous êtes
très claires.
Par contre, quand je lis les amendements à la législation
que vous proposez, vous êtes moins claires. J'ai lu la page 14, entre
autres. Il faut bien se rendre compte que, si on vous reconnaît comme
profession - si on suit la logique qu'on a établie d'abord dans mon
commentaire, on vous reconnaît comme profession - on doit donc soustraire
des actes normalement dévolus au médecin et vous les donner ou
reconnaître que vous avez aussi le droit de les partager; c'est un ou
l'autre. Et vous avez appuyé beaucoup sur le fait que l'accouchement
était naturel.
Comment pouvez-vous, d'abord, vouloir vous approprier le pouvoir de
donner des soins aux bébés? C'est du curatif.
Mme Beauchemin: Je crois que les soins à un
bébé sain ne sont pas du curatif. La mère donne des soins
à son enfant. Je crois que, dans cette limite-là, ce n'est pas du
curatif. On commence le curatif lorsqu'on identifie une déviation du
normal et, là, on ne fait pas le soin. C'est là qu'on
transfère notre... La sécurité de la pratique de la
sage-femme, c'est de connaître très bien ses limites. Nous, on est
spécialisées dans le normal et on est spécialisées
pour identifier les déviations du normal.
Les gens nous disent: Vous allez diagnostiquer. On n'a pas vraiment
à diagnostiquer, nous. On a à connaître les
déviations. On est tellement perfectionnées dans le normal que,
aussitôt que ça sort du normal, on le sait, on le sent. Donc, on
n'a pas à diagnostiquer; on a à savoir: ça, ce n'est pas
normal; ce symptôme-là me dit: Ah, ahl danger! Et je consulte.
Donc, je ne fais pas de soins dans le sens médical. Je fais des soins
dans le sens de faire attention à quelqu'un, de surveiller, de m'assurer
que tout va bien. C'est les soins dans le sens de soins de la mère
à l'enfant. Je fais attention à mon amie qui n'est pas bien en ce
moment ou qui est... C'est ça, c'est un soin empathique; ce n'est pas
les soins dans le sens médical.
M. Chevrette: D'accord. Maintenant, si on continue, vous parlez
de diagnostic, d'une certaine façon, pour déceler autant chez la
mère que chez l'enfant des choses anormales. Donc, c'est un pouvoir de
diagnostic, d'expertise que vous demandez.
Mme Beauchemin: Moi, je vous dirais que le seul vrai diagnostic
qu'on pourrait faire en suivant les femmes, c'est le diagnostic de grossesse,
et puis, ce que je vous dirais, c'est que, la plupart du temps, ce sont les
femmes qui le font et elles viennent nous dire: Je suis enceinte et je voudrais
que tu me suives. C'est le seul diagnostic qu'on peut faire et quelqu'un va
aller plus loin que ça. Il va dire: Qui est-ce qui le fait, ce
diagnostic-là? C'est le laboratoire. Personne d'autre. Ce n'est pas moi.
C'est la femme qui sait qu'elle est enceinte et qui va le faire confirmer par
un laboratoire.
Le reste, comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas vraiment du
diagnotic, parce que diagnostiquer, c'est mettre le nom sur une maladie et,
ensuite, savoir quelle démarche on va faire pour la soigner. Nous, on
identifie des déviations. On sait que tel symptôme, comme la
pré-éclampsie chez une femme... On sait qu'il y a une pression
qui est anormalement élevée, qu'il y a des protéines dans
les urines. Mais, à la limite, je n'aurais même pas besoin de
savoir que ça s'appelle de la pré-éclampsie. Je le sais
parce que c'est une maladie de la grossesse. A la longue, à un moment
donné, on apprendrait les noms. Mais, à la limite, je n'aurais
même pas besoin de savoir le nom et je n'ai même pas besoin de
savoir le traitement. Je le sais parce que j'ai une formation qui est, quand
même, globale et qu'il faut que je connaisse toute l'obstétrique.
Mais parce que ma spécialité est le normal, je dois juste
savoir... Et plus je connais le normal, plus c'est facile pour mol de savoir
lorsque ça dévie du normal.
Et ce que je pourrais vous dire, c'est que beaucoup de jeunes
médecins généralistes vont paniquer, parce qu'ils n'ont
pas une assez grande expérience de l'éventail de variations qui
peuvent exister dans le normal. Il y a beaucoup de différences d'une
femme à l'autre, d'un accouchement à l'autre, d'un vécu
à l'autre, et tout ça peut être encore du normal. Mais on
panique facilement, parce qu'on n'en a pas vu beaucoup, parce qu'on n'a pas
beaucoup d'expérience et que notre expérience est presque
uniquement basée
sur la pathologie chez les médecins. Leur formation est plus
axée là; leur formation, pour ce qui est de la grossesse normale
et de l'accouchement normal, est courte. Ils sont médecins; chacun son
domaine, chacun sa spécialité.
M. Chevrette: Est-ce que je comprends bien la différence
qui vous caractérise par rapport au premier groupe de sages-femmes qui a
témoigné hier? Elles, elles ne semblaient pas favoriser du tout
l'institution ou le centre hospitalier et, vous, vous ne l'écartez pas,
pour autant qu'il y ait une reconnaissance légale au départ.
Mme Beauchemin: On ne peut pas dire qu'on écarte le centre
hospitalier. Comme je l'ai dit tantôt, pour moi, c'est le moins bon
choix. C'est vraiment le moins bon choix, mais c'est la réalité
d'aujourd'hui. On a, dans notre mentalité d'aujourd'hui, un besoin de
sécurité et de technologie. Il y aura toujours des femmes qui
choisiront l'hôpital, mais pour moi, c'est l'hôpital comme lieu
d'accouchement et non l'hôpital comme service de sages-femmes, parce que
ça, c'est une distinction à faire. On peut offrir un service de
sages-femmes dans n'importe quelle institution; ça peut être un
service privé avec privilèges hospitaliers. Donc, l'hôpital
comme lieu d'accouchement, si ça peut sécuriser certaines femmes
et certaines personnes, je ne suis pas contre, mais on est contre le fait qu'on
institutionnalise la pratique des sages-femmes, le service de sages-femmes dans
le milieu, intégré aux rouages administratifs du milieu
hospitalier, et là, ça va à sa perte. Mais on n'est pas
contre le fait que l'accouchement puisse se faire où les femmes le
veulent, et il y aura des femmes qui choisiront d'accoucher en milieu
hospitalier; c'est leur choix.
M. Chevrette: Ne croyez-vous pas que, pour favoriser
précisément l'implantation d'une telle pratique à
l'intérieur même des centres hospitaliers, ne serait-ce que pour
sécuriser les gens, comme vous dites, il devrait avoir une section
où, par exemple, ce serait consacré à la maternité
puis qui dérogerait complètement des règles et des normes
du centre hospitalier, et si besoin il y a, au moins vous êtes à
proximité? Cela ne se franchit pas. Vous ne demandez pas à des
gens, sur le plan psychologique, de franchir des pas sans avoir des preuves
concrètes, sans avoir des normes d'encadrement, des normes d'assurance,
puis c'est petit à petit que vous amenez du monde à changer
d'opinion. Je suis convaincu qu'il y a dix ans vous n'aviez pas la même
écoute ou les mêmes antennes que vous pouvez avoir
aujourd'hui.
Mme Cornellier: II est évident que si la pratique se fait
aussi en centre hospitalier, je pense qu'elle ira dans ce lieu-là. Il va
devoir y avoir un lieu là. On n'ira pas nécessairement - en tout
cas, pas facilement - dans le département de l'obstétrique et
dire: Aujourd'hui, je prends cette chambre-là, et admettre nos clientes
dans les salles qui sont prévues habituellement pour l'accouchement avec
les médecins. Je pense que ce serait difficile, surtout qu'on travaille
indépendamment du département d'obstétrique, quelque part
dans le projet-pilote, à ce moment-ci. Il serait bon qu'il y ait des
lieux privilégiés, que ce soient trois chambres privées
mises à la disposition du service des sages-femmes et où les
sages-femmes admettent leurs clientes, utilisent ce dont elles ont besoin pour
travailler là, qu'elles organisent, en fait, leur lieu de travail.
Il est clair pour nous que ça reste un lieu d'accouchement, donc
que, quand même, tout ce qui est prénatal ou postnatal se fait
à l'extérieur de ça et dans un milieu, idéalement,
qui est près de la communauté des femmes qui utilisent ces
services-là, parce que c'est ça aussi, la pratique de sage-femme;
c'est une pratique qui est communautaire, qui est implantée dans le
milieu. C'est important de connaître notre clientèle et
d'être plongé avec cette clientèle-là. Alors, dans
ce sens-là, effectivement, quand vous parlez de difficultés de
percer le milieu, il y a un exemple qui vient de se passer au CHUS, à
Sherbrooke: la directrice du département d'obstétrique, qui est
aussi une sage-femme - elle est infirmière, mais sage-femme - vient
d'implanter un service où les femmes en période postnatale ont
leur bébé dès le départ avec elles, et ça,
c'est impensable. Quand elle a parlé de ça, tout le monde a
paniqué et a dit: Les femmes ne voudront pas, ça ne se fera pas.
Elle a pris un an de travail avec tout le personnel: puéricultrices,
infirmières, médecins, directeurs, etc.; ça a
commencé le 11 novembre et une semaine après, les femmes
étaient béates devant leur bébé, contentes,
capables de dire que si cet enfant-là pleure un peu, c'est parce qu'il a
tel besoin, alors qu'anciennement, quand la femme envoyait son
bébé en pouponnière, elle se tournait vers
l'infirmière, toute paniquée, et disait: Qu'est-ce qui se passe?
Là, son enfant est là, elle sait ce qui se passe. (12 h 45)
Ça a pris un an, vraiment, de travail continu et ça vient
de démarrer de façon tout à fait merveilleuse. On souhaite
que ça se poursuive. C'est un pas en avant dans ce qui se passe mais,
comme vous le dites, ça prend du temps. C'est pour ça qu'il est
important, effectivement, qu'on garde l'autonomie de nos services,
l'indépendance dans un lieu pour que les gens, sans avoir des vitres
tout le tour comme dans un aquarium pour regarder, puissent s'apprivoiser
à ce qui se passe.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: Rapidement, pourriez-vous nous expliquer pourquoi il
existe deux groupements? Vous excuserez mon ignorance, mais...
Mme Comellier: Au Québec? Une voix: Au
Québec. Mme Cornellier: Deux associations? M. Lazure:
Oui.
Mme Cornellier: Moi, j'appelle ça une différence
historique. Il y a eu des sages-femmes qui ont été formées
au Québec entre les années 1962 et 1972, à la demande de
congrégations religieuses qui voulaient que leurs Infirmières
soient formées pour diriger des maternités. Les envoyer
étudier en Europe était coûteux. Elles ont fini par mettre
sur pied un cours avec l'hôpital Saint-Sacrement et, à la longue,
ce n'étaient plus que des religieuses; il y a eu des infirmières
laïques. Les femmes qui suivaient ce cours devaient être
infirmières, évidemment, et devaient avoir un poste à
l'étranger. Donc, il n'était aucunement question qu'elles
puissent pratiquer ici. Il y a eu 103 personnes - 102 femmes et 1 homme - qui
ont suivi ce cours. On a arrêté le cours en 1972.
Beaucoup de ces femmes sont revenues après leur pratique à
l'étranger, leur contrat à l'étranger, et souhaitaient
pratiquer ici. Elles avaient une profession et pourquoi ne pas la pratiquer
dans notre propre pays. Aussi, on a au Québec beaucoup de
Néo-Québécoises qui sont formées dans leur pays
d'origine puisque c'est une profession qui existe à la grandeur du
monde: des Françaises, des Espagnoles, des Anglaises d'Angleterre. Ces
femmes-là aussi revendiquent la possibilité d'utiliser leur
profession. Ça se fait partout. Alors, elles ont formé un groupe
pour revendiquer la légalisation de leur profession.
Parallèlement à ça, vers les années
soixante-quinze, il y a des femmes qui ont dit: Ça suffit, on ne
retourne pas accoucher en centre hospitalier. On vout de l'aide et elles ont
demandé à des femmes de les aider là-dedans et ça
été - je dirais par hasard, ce n'étaient pas des
sages-femmes diplômées - soit des infirmières ou d'autres
femmes qui avaient accouché elles-mêmes seules à domicile.
Ces femmes se sont donné une formation à travers les
années et on a eu la préoccupation, dès le départ -
ça fait dix ans que je suis là-dedans et ça a
été vraiment le début de ce mouvement - de s'encadrer
nous-mêmes, de se donner un support de formation, un support aussi en cas
de problèmes légaux parce qu'on était conscientes qu'on
avait une épée au-dessus de la tête, pour aider dans la
pratique. Donc, c'est une différence historique. On s'entend sur ce
qu'on veut comme profession dans l'avenir, sur tous les mécanismes de
recyclage, etc.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie.
Malheureusement, notre temps est terminé. J'aurais eu des questions
aussi à poser, mais je vais respecter les règles que nous avons
nous-mêmes entérinées ensemble. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je dis "malheureusement" mol
aussi, parce que j'avais une série de bonnes questions, mais on va
tenter de les poser à quelqu'un d'autre. Soyez attentifs. Si vous voulez
nous donner les réponses en dehors de la commission, il n'y a pas de
problème.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie beaucoup de
votre présence et de votre présentation.
J'appellerais maintenant le Conseil du statut de la femme à venir
présenter son mémoire.
Les membres de la commission ont, devant eux, un document, une pochette
de presse dans laquelle on va retrouver le texte de l'allocution de la
présidente du Conseil du statut de la femme.
Je n'ai pas à vous rappeler les règles. Je pense que vous
étiez présentes au moment où je les al
présentées aux personnes qui vous ont
précédées. Vous vous présentez, vous
présentez votre mémoire et nous questionnons sur ce dernier. Mme
la présidente, bienvenue.
Conseil du statut de la femme
Mme Lavigne (Marie): Merci. M. le ministre, Mmes et MM. les
membres de la commission parlementaire, dans un premier temps je vais vous
présenter les personnes qui m'accompagnent, c'est-à-dire Mme
Jocelyne Olivier, secrétaire générale du Conseil du statut
de la femme à ma droite; à ma gauche, Mme Micheline Boivin,
directrice de la recherche au Conseil et Mme Johanne Lévesque,
chercheuse en santé au Conseil.
Avant de commencer, je sens le même besoin que l'Alliance qui m'a
précédée, d'Indiquer, au nom du Conseil du statut de la
femme, à la fols notre trouble, notre Inquiétude, mais aussi
surtout notre profonde sympathie aux familles qui ont vécu la
tragédie d'hier, et aussi aux étudiantes et aux étudiants
non seulement en polytechnique mais partout au Québec. Il s'agit, bien
sûr, d'un geste isolé, un geste particulièrement
traumatisant, et la vie des femmes est difficile. La conquête de
l'autonomie des femmes est difficile et il importe qu'à la suite de ce
geste-là on ne s'enclenche pas dans un contexte de psychose collective.
Il importe que nos filles, nos soeurs, nos mères, sentent qu'elles ont
le droit de vivre sans se sentir menacées. Et à cet égard,
je pense que tout le
monde sent le besoin de souligner sa sympathie.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que les membres, avec
moi, partagent votre point de vue, Mme la présidente.
Mme Lavigne: Pour ce qui est du projet de loi, le texte qu'on
vous a remis, fondamentalement, reprend l'essentiel du mémoire, si ce
n'est un préambule qui me permettrait de situer, je pense, le contexte
de l'intervention du Conseil du statut de la femme, face au projet de loi
4.
Dans un premier temps je dois souligner que la médicalisation de
la grossesse et de l'accouchement, de môme que l'emprise croissante de la
technologie en périnatalité ont eu pour conséquence de
priver les femmes de la possibilité de jouer un rôle actif lors de
leur accouchement. Le Conseil du statut de la femme voit dans la pratique des
sages-femmes un moyen de rendre aux femmes l'autonomie perdue dans cette
fonction qui leur est propre, la maternité. Comme bien d'autres
organismes, il considère que l'arrivée d'une nouvelle
Intervenante en périnatalité est un moyen efficace d'humaniser
les soins et les services entourant la grossesse et l'accouchement. Dans ce
contexte, le projet de loi 4 sur la pratique des sages-femmes, dans le cadre
des projets-pilotes, fait l'objet d'une attention particulière de la
part du Conseil. Nos commentaires porteront donc sur les fonctions qui seront
attribuées aux sages-femmes, les mécanismes de reconnaissance des
projets-pilotes, l'organisation des services de maternité dans les
établissements.
Mais auparavant, il importe de rappeler deux aspects majeurs qui, s'ils
étalent pris en compte, auraient une influence positive sur la
santé périnatale de toutes les femmes, des enfants et des
familles. Il s'agit d'abord de l'importance d'établir une
véritable politique de périnatalité au Québec, et
d'améliorer, de façon générale, l'intervention des
professionnels exerçant dans ce secteur de la santé, et en
particulier l'intervention des médecins. En fait, pour promouvoir et
assurer le développement d'une politique en périnatalité
et réaliser sa mise en oeuvre selon les objectifs qu'entend poursuivre
le ministère de la Santé et des Services sociaux dont, entre
autres, la réduction de la morbidité et de la
prématurité périnatale, nous considérons que toutes
les approches interventionnistes doivent favoriser la santé globale des
clientèles. En cela, nous croyons que le corps médical doit
assurer un contrôle plus sévère et un meilleur suivi du
nombre et de la nature de leurs interventions obstétricales sur le corps
des femmes, au cours de la grossesse et de l'accouchement. Nous pensons
également que les médecins doivent mieux harmoniser leur pratique
à celle des autres professionnels oeuvrant er
périnatalité.
Rappelons que depuis plusieurs années qu'on entend parler
constamment de mouvement d'humanisation des naissances, malgré certains
changements apportés depuis 1980 en centres hospitaliers pour humaniser
les services et les soins entourant la grossesse et l'accouchement, de nombreux
problèmes persistent encore. Par exemple, l'ouverture des chambres de
naissance, dans certains hôpitaux dotés d'un département
d'obstétrique, n'a pas apporté une réponse
complètement adaptée aux demandes exprimées par les femmes
et les couples. À l'exception d'un plus grand accueil des hôpitaux
à la participation des pères au cours de l'accouchement et
à la cohabitation mère-enfant, les chambres de naissance, en tant
que lieu physique distinct et mieux adapté à
l'événement de la naissance que les salles traditionnelles
d'accouchement, n'ont pas véritablement favorisé une
démédicalisation de la grossesse et de l'accouchement. De plus,
devons-nous ajouter que les femmes qui ont une grossesse normale doivent faire
face aux multiples contraintes organisationnelles des établissements qui
favorisent davantage une adaptation des femmes à la structure
hospitalière plutôt qu'une adaptation de la structure aux besoins
des patientes et des femmes.
Entre autres, lors de leur accouchement, plusieurs femmes sont
aidées par des médecins qu'elle n'ont jamais vus et qu'elles ne
connaissent pas. Enfin, il nous faut rappeler tel qu'affirmé,
d'ailleurs, par la Corporation des médecins dans un sondage qu'il a
réalisé en 1986, que le tiers des femmes qui ont accouché
au Québec l'ont été par un médecin inconnu
d'elles.
Ce genre de situation amène d'ailleurs plusieurs femmes à
accepter un déclenchement artificiel du travail de façon à
accoucher avec le médecin par lequel elles ont été
suivies. Est-il nécessaire de redire que les déclenchements
artificiels, peu importent les contextes dans lesquels Ils sont faits, sont
réalisés par des procédés mécaniques ou
médicamenteux et qu'ils rendent la femme dépendante d'eux. Selon
les dernières données disponibles, le taux d'induction du travail
pour cent accouchements au Québec, en 1986-1987, était de 15,8 %.
Depuis 1981-1982, il a augmenté de 20 %, malgré un mouvement
d'humanisation des naissances.
Hormis ces éléments que nous venons de commenter, d'autres
observations démontrent les difficultés qu'éprouve le
système médical à considérer la naissance comme
étant un processus normal dans la majorité des cas. Ainsi, si
l'on prend le cas des césariennes, comparativement à ce qui est
observé dans les pays membres de ; l'Organisation mondiale de la
santé, le Canada est parmi les pays où cette technique est la
plus i répandue et, môme au Canada, parmi les provin- i ces
canadiennes, c'est encore nous qui enregis- i trons le record avec le plus haut
taux de
césariennes. Pour 100 accouchements, le taux était de 16,4
césariennes en 1981-1982. En 1987-1988, il a encore augmenté
à 19,5 %. Donc, près d'un enfant sur cinq, au Québec,
naît par césarienne. Or, l'Organisation mondiale de la
santé dit que le taux acceptable de césariennes doit se situer
entre 10 % et 15 %. Encore une fois, tout ceci dans un contexte où on
parle constamment d'humanisation des naissances.
Pour ce qui est de l'usage des ventouses, même
phénomène. Pour 100 accouchements, en 1981, le taux était
de 0,50. En 1987, il a augmenté à 4,1. Pour les autres techniques
telles l'échographie, l'épisiotomie, la situation n'est pas
meilleure, finalement, lorsqu'on la compare aux taux jugés acceptables
par l'Organisation mondiale de la santé. Si on se réfère
aux statistiques de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on
constate que, de 1979 à 1985, le nombre d'écho-graphies est
passé de 67 846 à 158 222. En 1985, il y a, en moyenne,
près de deux échographies par accouchement. À peu de
différence près, ce taux est constant en 1988.
Eu égard aux épisiotomies, on doit constater une certaine
diminution de 1981 à 1987. Néanmoins, on constate qu'encore deux
tiers des femmes qui accouchent au Québec ont des épisiotomies,
alors que l'OMS considère que le taux acceptable ne devrait pas
dépasser 20 %.
Finalement, pour toutes les autres techniques médicales
associées à la grossesse et à l'accouchement, telles
l'amniocentèse, l'anes-thésie, il a été
également démontré que certaines interventions au cours de
l'accouchement provoquent un effet cascades, c'est-à-dire qu'elles
entraînent d'autres interventions obstétricales. Le cas du
déclenchement artificiel est un exemple frappant. En plus des effets
négatifs qu'il peut entraîner sur la santé du
bébé, il incite à faire usage d'autres techniques telles
analgésiques, épidurales, forceps, monitoring foetal,
césariennes.
Le Conseil croit donc que, hormis l'importance de la pratique des
sages-femmes et de l'implantation des projets-pilotes, des modifications non
seulement à la pratique, mais aussi des attitudes, doivent âtre
apportées au sein de la pratique médicale car, ne l'oublions pas,
la majorité des femmes au Québec accouchent assistées d'un
médecin. Il importe qu'on arrive à une plus grande humanisation
de la relation médecin-patiente et la pratique médicale doit
s'associer à la sauvegarde de la normalité de la grossesse et de
l'accouchement. Elle doit viser à aider les femmes à retrouver
leur autonomie face à la santé périnatale. (13 heures)
Plus particulièrement, compte tenu de l'objet de cette commission
parlementaire, l'initiative de légaliser la pratique des sages-femmes
dans le cadre des projets-pilotes avec l'objectif d'une légalisation au
terme du processus nous apparaît souhaitable, compte tenu des objectifs
à atteindre en périnatalité. Il nous apparaît aussi
comme étant un élément susceptible d'influencer la
pratique actuelle tout en donnant enfin aux femmes la possibilité de
vivre un accouchement normal.
En ce qui concerne le champ de pratique tel que défini au projet
de loi, déjà en septembre 1987 le Conseil du statut de la femme
avait recommandé que la définition internationale des
sages-femmes, adoptée en 1972 par la Confédération
internationale des sages-femmes et aussi reprise par la
Fédération internationale des gynécologues
obstétriciens serve de base à une définition du champ de
pratique des sages-femmes québécoises. Le Conseil se
réjouit donc que la définition du champ de pratique
proposée dans ce projet s'apparente étroitement à la
définition internationale.
Le projet de loi, à l'article 3, reconnaît la pratique des
sages-femmes à l'intérieur des projets-pilotes, en autorisant
certains actes jusque-là réservés aux médecins et
aux infirmières. Une fois adoptée, la loi permettra aux
sages-femmes de partager un champ de pratique avec des professions existantes.
Comme nous l'avions souhaité déjà en 1987, le Conseil a
plaisir à constater que les sages-femmes, tout en évoluant dans
un contexte d'Interrelation professionnelle, disposeront de l'autonomie
nécessaire à la pratique de leur profession.
Par l'article 4, la pratique des sages-femmes est reconnue dans le cadre
de projets-pilotes se déroulant dans un centre hospitalier ou dans un
lieu qui lui est rattaché. Le Conseil considère que la pratique
des sages-femmes en institution hospitalière, dans le cadre des
projets-pilotes, constitue une avenue en soi intéressante. Cela permet
d'introduire d'importants changements dans ce qui constitue encore le lieu
habituel de l'immense majorité des femmes québécoises et
de favoriser une interaction avec les autres professionnels de la
santé.
Cependant, compte tenu des orientations que le MSSS entend
privilégier à l'égard des CLSC, dont celle de renforcer
dans ces établissements les services médicaux courants, le
Conseil considère qu'il y aurait lieu d'examiner la possibilité
d'expérimenter la pratique des sages-femmes en CLSC. Étant
donné l'ouverture des CLSC à l'approche communautaire et leur
mode de travail en équipes multidisciplinaires, la pratique des
sages-femmes pourrait très bien s'y intégrer. Il faudra toutefois
s'assurer que l'implantation de tels projets apporte enfin une véritable
réponse à leur désir d'humanisation des soins et des
services entourant la naissance et l'accouchement et enfin, pour les femmes,
d'avoir accès à une pratique alternative en
périnatalité.
Aux articles 5 et 6 du projet de loi, il est proposé qu'un
comité soit mandaté pour évaluer les membres de la
profession qui pourraient
participer aux projets-pilotes. Ainsi, la sage-femme serait
évaluée par un comité constitué en majorité
de ses pairs. Comme il l'a déjà mentionné par le
passé, le Conseil accorde une grande importance à la
reconnaissance des acquis de formation et des expériences des
sages-femmes. Cependant, l'absence d'uniformité dans la formation des
sages-femmes de même que l'absence d'uniformité dans les lieux de
formation exigent que les mécanismes d'évaluation soient
suffisamment rigoureux pour que le public profite de garanties quant à
la compétence des sages-femmes autorisées à pratiquer.
La Présidente (Mme Marois): Je dois vous signaler, Mme la
présidente, que le temps est terminé...
Mme Lavigne: Déjà?
La Présidente (Mme Marois): ...mais vous pouvez continuer
à passer à travers votre mémoire, cela réduit tout
simplement le temps. Je pense que les membres de la commission ont
accepté ça ce matin et...
Mme Lavigne: Bon, d'accord.
M. Chevrette: Pour autant qu'on aura deux ou trois minutes pour
faire des remarques.
Mme Lavigne: D'accord, je vais faire ça vite. Le Conseil
insiste enfin pour que la formation académique des sages-femmes,
formation qui sera retenue ultérieurement, soit de niveau universitaire,
afin de satisfaire aux exigences d'une pratique autonome et d'un large champ de
pratique.
Le projet de loi propose aussi quatre facteurs pour la sélection
des projets-pilotes. On prend d'abord en considération les
mécanismes. Sur ce point, le projet de loi peut apparaître
imprécis. Par ailleurs, il permet néanmoins l'adaptation
nécessaire au contexte particulier de chacun des projets-pilotes. Le
second facteur d'approbation est l'identification des actes médicaux
qui, selon nous, doit également comporter les conditions d'exercice de
ces actes, telle, par exemple, l'assistance médicale en cas de
besoin.
On comprend ici que les actes autorisés doivent d'abord faire
l'objet d'une entente entre les différents partenaires des services de
maternité de l'établissement où se déroule le
projet-pilote. Il est donc possible que les actes autorisés varient d'un
projet-pilote à l'autre. Il s'agit, bien sûr, d'un
mécanisme permettant de respecter le contexte particulier de chaque lieu
de pratique. Néanmoins, il ne faudrait pas se retrouver avec des projets
où le champ de pratique est tellement restreint que ça ne veuille
plus rien dire.
Les mesures d'urgence auxquelles les sages-femmes pourraient avoir
recours, conformément à ce qui est prévu par la
Confédération internationale des sages-femmes, pourraient aussi
être précisées à cette occasion. Il existe
déjà d'ailleurs, en milieu hospitalier, un
précédent dans le cadre de la réglementation des actes
médicaux et infirmiers qui permet un ajustement des pratiques selon des
arrangements déjà conclus au sein des établissements.
Pour ce qui est de l'autonomie, ce mécanisme dans le cadre des
projets-pilotes assurera aussi l'autonomie des établissements et, par
conséquent, une meilleure intégration des sages-femmes. Ce sont
là des garanties importantes pour le succès de projets
innovateurs. Toutefois, le Conseil voudrait s'assurer que, quel que soit le
partage des tâches effectuées lors de ces ententes, les
utilisatrices des services de maternité et les nouveaux-nés
aient, par protocole, pleinement accès aux services
généralement offerts dans les unités d'obstétrique
et les pouponnières.
L'avis du Conseil des médecins et dentistes qui est prévu
au projet de loi aussi constitue un troisième élément
d'acceptation. Le Conseil y voit un facteur essentiel de la réussite
d'un projet et II souhaite qu'avant l'approbation du projet, la collaboration
aussi des autres spécialistes et des autres intervenants soit
assurée.
Par rapport au quatrième facteur de sélection, le Conseil
estime que les sages-femmes doivent disposer de toute l'autonomie
nécessaire pour remplir véritablement leur rôle. À
l'occasion de l'approbation des projets, le gouvernement devra s'assurer que
l'équilibre soit respecté entre les trois principes que nous
jugeons essentiels, soit l'autonomie de la pratique des sages-femmes, leur
intégration harmonieuse à leur milieu de travail et la
sécurité du public.
Par ailleurs, le projet exige, à l'article 8, la production
annuelle par le centre hospitalier d'un rapport d'évaluation. Soulignons
rapidement que nous souhaitons qu'une série d'indicateurs permette une
évaluation globale, sur des bases communes.
En ce qui concerne l'article 11, un centre hospitalier, il est
prévu qu'il organise et gère dans son établissement ou
dans un lieu qui y est rattaché, fasse la gestion... Est-ce qu'on doit
comprendre, dans un tel contexte, que la sage-femme devient une salariée
de cet établissement et que son employeur assume la
responsabilité des actes qu'elle a posés? Cette
interprétation correspondrait à l'esprit du rapport du MSSS sur
la pratique des sages-femmes selon lequel le mode de rémunération
et le salaire privilégié serait le salariat. Cette option
présente, en plus, l'avantage de limiter pour les sages-femmes les
coûts que pourrait engendrer une assurance-responsabilité
professionnelle.
Je passe rapidement. Je pense que je vais passer rapidement à ma
conclusion pour permet-
tre de répondre au voeu de M. Chevrette. Alors, somme toute, le
Conseil du statut de la femme réserve un bon accueil au projet de loi 4,
puisqu'il légalise la pratique des sages-femmes dans le cadre des
projets-pilotes dans un milieu pluridisciplinaire, leur accorde d'un champ de
pratique qui se rapproche des barèmes internationaux, leur assure
l'autonomie dans l'exercice de la profession et enfin, leur donne des
responsabilités et des pouvoirs au sein des comités
rattachés à leur lieu de pratique.
Les recommandations du CSF portent sur l'évaluation des
sages-femmes et leur formation, l'accessibilité à l'ensemble des
services en périnatalité pour les femmes et les
nouveaux-nés qui reçoivent des soins dans le cadre des
projets-pilotes, l'évaluation des projets-pilotes et la participation du
Conseil des sages-femmes au processus d'évaluation des plaintes.
De plus, le Conseil demande qu'une politique de
périnatalité soit instaurée au Québec et que, dans
ce cadre, un meilleur suivi du nombre et de la nature des interventions
obstétricales pratiquées sur le corps des femmes au cours de la
grossesse et de l'accouchement soit assuré. Finalement, le Conseil
demeure fidèle à la position qu'il a toujours maintenue sur la
reconnaissance des sages-femmes et à ses engagements en faveur d'une
plus grande humanisation des soins et des services entourant l'accouchement et
la naissance. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous
remercions, Mme la présidente. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mmes les
présidentes. Je pense que c'est un moment privilégié que
de vous recevoir ce matin, compte tenu de la journée d'hier où on
a fait un certain nombre d'échanges sur le taux de satisfaction versus
la volonté. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre ce qui
s'est dit hier soir, je vous le résume très
brièvement.
Un sondage nous révèle que 80 % des gens souhaitent voir
reconnaître la pratique des sages-femmes. À cela, hier soir,
lorsqu'on rencontrait les différentes fédérations de
médecins, on nous opposait un autre sondage qui parlait d'un taux de
satisfaction de la clientèle de 97 %, ce qui n'est pas incompatible, je
pense. Comme vous êtes l'organisme le plus représentatif des
femmes, et c'est votre mandat, est-ce que vous croyez à ces
données de sondage qui nous disent qu'aujourd'hui 80 % des gens
souhaitent la reconnaissance du statut de sage-femme, de la
légalisation?
Mme Lavigne: Je pense qu'on vit dans une société
pluraliste, une société où on trouve anormal qu'il n'y ait
qu'une seule voie. Nous sommes habitués, dans le type de
société où on est, d'avoir des choix multiples et de
respecter les choix individuels. Or, je pense qu'il est très normal que
la réaction de la population soit de dire qu'une femme doit avoir le
libre choix de vivre sa grossesse de façon normale. On comprend fort
bien que des gens préfèrent s'entourer de mesures
hospitalières plus lourdes, mais il y aussi des gens qui
préfèrent... En ce sens, je pense que ça reflète
très bien l'opinion et ce n'est quand même pas par hasard que,
dans le mouvement des femmes, c'est une revendication qu'on retrouve depuis
près de 20 ans et qui concerne fondamentalement la
réappropriation de la naissance et de la maternité.
M. Côté (Charlesbourg): Mais il n'y a pas
nécessairement d'incompatibilité entre le fait que 80 % de la
population souhaitent la reconnaissance et les 97 % de satisfaction à
l'égard de ceux qui la pratiquent aujourd'hui.
Mme Lavigne: Je pense que ce qu'on attend, quand on est en milieu
hospitalier, c'est qu'il n'y ait pas de bavure. Dans la mesure où il n'y
a pas de bavure, les gens ne peuvent pas être insatisfaits et les 3 %
d'insatisfaits sont probablement 3 % qui risquent d'arriver avec ou des
poursuites, ou des plaintes, etc. Dans la mesure où le système
est organisé tel quel et qu'on n'a pas le choix, on se retrouve face
à des mesures où c'est bien fait, où il n'y a pas de
bavure. Néanmoins, il y a une possibilité, je pense, entre un
taux... Et, ces sondages sont toujours faits... Je pense que Mme Boivin veut
ajouter un certain élément complémentaire.
Mme Boivin (Micheline): Nous avions examiné, en effet, le
sondage de la Corporation des , médecins. La principale limite que nous
y voyons, c'est le fait que les questions étaient posées aux
femmes immédiatement après l'accouchement, au moment où
elles sont exubérantes du fait qu'elles viennent d'avoir un enfant;
alors, la satisfaction était plutôt due au fait qu'enfin elles
avaient un enfant. Elles étaient contentes d'avoir un enfant.
C'était la période plutôt rosé, si on peut dire.
Elles avaient oublié les problèmes autres.
M. Côté (Charlesbourg): Ma deuxième question
va dans le sens de la première puisque, à la page 4 de votre
mémoire, vous évoquez qu'un tiers des femmes accouchées ne
le sont pas par le médecin qui les a suivies. Évidemment, c'est
un élément extrêmement important dans la
sécurité du bénéficiaire, je pense. Comment
expliquer qu'on puisse être satisfait à 97 % si un tiers des
femmes n'ont pas le médecin qui les ont suivies le long de
l'accouchement, donc avant pour le pendant?
Mme Lavigne: Je peux vous répondre de
façon très simple. Un accouchement, ce n'est pas un
pique-nique. C'est insécurisant et énervant de penser qu'on
n'aura pas son médecin et on se retrouve devant un inconnu, d'autant
plus qu'on le fait une ou deux fois, quelquefois trois fois dans sa vie. On ne
pratique pas très souvent. Là-dessus, je pense qu'il est
très normal qu'une fois que c'est fait, on l'oublie. Ce n'est pas un
pique-nique, mais on l'a oublié. On est tellement contente d'avoir un
petit que je pense que l'analyse là-dessus... On ne peut pas faire
autrement que d'être euphorique quand un bébé est
né. S'il est en bonne santé, s'il est normal et si on peut se
tenir debout sur nos deux jambes, bien sûr qu'on est contente et qu'on
veut entrer à la maison avec le petit le plus vite possible. C'est
très normal d'être profondément heureuse quand on a un
bébé. Je ne peux vous répondre autrement que ça.
(13 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je vous
écoute, et, pour avoir assisté à l'accouchement de mes
deux enfants, je comprends très bien ce que vous dites parce que
c'était le même phénomème. Vous évoquez une
statistique qui est réelle et qui n'est contestée par personne au
niveau de naissances par césariennes. Vous dites qu'en 1987-1988 il y a
quand même une augmentation par rapport aux années
antérieures qui se situe à 19,5% et c'est plus
élevé que ce que l'Organisation mondiale de la santé
reconnaît. Cependant, hier soir, ce qu'on a entendu, parce qu'on a
posé la question à ceux qui accouchent, on nous a dit, hier soir,
que s'il y en avait un aussi grand nombre, c'était peut-être parce
que les femmes le demandaient et même l'exigeaient. C'est une affirmation
d'hier soir, c'est du vécu. Est-ce que vous êtes de l'avis
qu'effectivement, dans ces cas, s'il y en a autant à Québec,
c'est parce que la femme au Québec l'exige davantage qu'ailleurs?
Mme Lavlgne: Écoutez, je pense qu'il y a tout un
problème de... On vit, je pense - c'est un problème
général auquel vous devez être confronté, comme
ministre de la Santé - un phénomène global de
désappropriation de sa santé ou de remise ou d'absence
d'autonomie autant des femmes que des hommes face à la santé, de
remettre entièrement entre les mains des autres sa propre
destinée. C'est une insécurité qui a été
créée au fil des ans où, en même temps, on admire
profondément le savoir du corps médical. Dans ce sens-là,
qu'il y ait des gens pour lesquels on a créé un climat
d'insécurité... Je pense qu'il ne faut pas oublier
là-dessus l'expérience collective des Québécoises
où on était, il y a quelque 150 ans, les plus fertiles de la
planète, où on n'a jamais eu besoin de césariennes pour
avoir des taux mondiaux records de fécondité et, là, on se
retrouve soudainement comme n'étant plus capable d'accoucher toute
seule. Comment se fait-il que les petites-filles de ces mères si
fertiles ne soient pas capables d'accoucher toutes seules? Je me dis qu'il y a
quelque chose d'autre, en dehors des femmes, qui s'appelle un type de
conditionnement à l'insécurité liée à
l'accouchement. Je pense que, lorsque je disais tout à l'heure qu'il est
important de faire un travail au niveau des mentalités, au niveau des
attitudes, c'est d'abord et avant tout de se dire que dans l'immense
majorité des cas, comme c'était le cas pour nos
arrière-arrière-grand-mères, l'accouchement est un acte
normal. Qu'on n'en fasse pas un acte médical. C'est fondamentalement une
question d'attitude où ça prend beaucoup de mesures
d'éducation et une approche globale de praticiennes qui vont rendre cet
événement normal. C'est tout simplement ce qu'on demande.
M. Côté (Charlesbourg): Hier, j'ai
énoncé qu'il y avait deux conditions essentielles pour la
réussite du projet-pilote, sans présumer que la réussite
soit positive, par après, ou négative. Il y avait d'abord
l'autonomie des sages-femmes - vous le reprenez dans votre mémoire - et,
deuxièmement, le support médical qui est aussi une condition
extrêmement importante pour rechercher cette sécurité au
niveau de l'accouchement, que ce soit naturel ou un acte médical.
Cependant, la question qui se pose à ce moment-ci: Est-ce qu'on peut
remplir les conditions d'autonomie des sages-femmes et de support
médical n'importe où? C'est-à-dire que je ne dis pas que
n'importe où, c'est dans le centre hospitalier, je ne dis pas que
n'importe où, ça pourrait être éventuellement dans
les CLSC, mais hors des murs de centres hospitaliers et de CLSC?
Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, le Conseil tient
beaucoup à un aspect des définitions internationales des
sages-femmes qui est toute la notion d'équipe multldisclplinaire,
d'interrelation avec d'autres praticiens. Alors, je pense que, quel que soit le
lieu où il y aura des expériences, il faut avoir des
mécanismes et des lieux où l'interrelation et la
référence sont faciles et possibles. Comme on le mentionne, on
pense qu'effectivement il peut y avoir des lieux rattachés à des
CH, dans la mesure où on a des ententes précises permettant
l'interrelation. Les CLSC peuvent être une porte, je pense, un lieu qui
peut être intéressant s'ils sont équipés, et
probablement beaucoup moins lourds que ce qu'on vit en milieu hospitalier.
Ça peut être possible.
Je pense que la condition préalable, c'est d'avoir les ententes.
Je me dis que, quels que soient les lieux, dans la mesure où il y a des
ententes qui assurent à la fois l'accessibilité des femmes
à d'autres types de services et accessibilité rapide, il en va de
la sécurité et de la
santé des femmes. Des accidents, ça arrive tous les jours
et, dans ce sens-là, on ne peut pas se permettre qu'il n'y ait pas des
ententes très claires et une accessibilité des lieux. Cela se
fait. Vous savez, quand on regarde la grandeur des CH, ce n'est pas
évident que l'accessibilité soit facile, le passage de l'aile
nord à l'aile sud, dans un hôpital. Dans ce sens-là, ce
qui. est important, ce sont des ententes qui permettent de le
réaliser.
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une
dernière question.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez encore le
temps, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière
question. Évidemment, on a évoqué la possibilité,
dans certains cas, qu'il y ait une corporation professionnelle dès
maintenant, dès le moment où le processus est enclenché.
Est-ce que vous êtes de cet avis ou si, au contraire, le projet de loi
qui ne prévoit pas à ce moment-ci qu'il y ait de corporation
professionnelle va...
Mme Boivin: Le Conseil avait examiné cette
possibilité lorsqu'il avait été consulté sur le
rapport du comité sur les sages-femmes qui avait été
formé par le ministère de la Santé et des Services
sociaux. Le Conseil, à cette époque, adhérait à une
proposition de l'Office des professions qui constatait qu'étant
donné le nombre restreint de sages-femmes en exercice - en exercice,
entre parenthèses - ce nombre-là pour le moment était trop
restreint pour assurer la viabilité des structures exigées aux
corporations professionnelles dans le cadre de ce qui est prévu au Code
des professions. L'Office recommandait qu'il y ait une époque
préalable pendant laquelle on pourrait, d'une part, mieux
préciser le champ d'exercice et, d'autre part, préciser aussi les
modes d'accès à l'exercice. L'Office, en fait, préconisait
une structure qu'il appelait - un instant, j'ai des notes ici - une nouvelle
structure où l'État fournirait une partie des ressources
nécessaires pour organiser la mise sur pied de cette profession. Cet
organisme aurait pour fonction de fixer les normes de délivrance et de
détention des permis, d'émettre ces permis, d'établir les
modes de contrôle nécessaire à l'exercice de la profession.
La manière dont cette nouvelle structure évoluerait permettrait
par la suite à l'Office de juger du mode corporatif qui conviendrait le
mieux.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Boivin. Alors, M.
le leader de l'Opposition, vous avez des questions?
M. Chevrette: II appert que mes questions seront exactement sur
les mêmes sujets que ceux du ministre parce qu'on n'a presque pas le
temps d'en poser. Premièrement, vous dites que les femmes ont
suffisamment d'autonomie, les sages-femmes. Vous affirmez ça à la
page 8.
Une voix: Pardon?
M. Chevrette: Vous êtes contentes, vous vous
réjouissez du fait que le projet de loi 4... Excusez, je vais vous le
lire exactement. À la page 8, vous dites carrément qu'elles ont
suffisamment d'autonomie. Vous reprenez dans votre conclusion à la page
15: "Le projet de loi 4 leur assure l'autonomie dans l'exercice de leur
profession." Or, on a entendu dire, depuis le début, des deux groupes de
sages-femmes en particulier, que précisément elles craignaient
beaucoup avec la loi 4 actuelle pour l'autonomie d'action dans leur profession,
d'autant plus qu'elles ne privilégient absolument pas l'hôpital ou
le centre hospitalier alors que vous autres, vous privilégiez le centre
hospitalier. Cela m'apparaît une contradiction entre le Conseil du statut
de la femme et les deux groupes de sages-femmes qui ont passé devant
nous jusqu'à maintenant.
Mme Lavigne: Écoutez, d'une part, je tiens à
préciser qu'on ne privilégie pas... Le projet de loi
prévoyait des centres hospitaliers ou des lieux qui y sont
rattachés. Nous mentionnons l'exploration de la faisabilité dans
d'autres lieux, soit les CLSC, d'une part. Par ailleurs, nous, la lecture qu'on
a faite à la lumière des structures qui seront mises en place,
c'est-à-dire un conseil de sages-femmes où les sages-femmes sont
majoritaires et où elles ont un organisme autonome où il y a une
coordonnatrice de services de maternité qui est, de par le projet de
loi, une sage-femme, où on a créé un certain nombre de
conditions qui permettent d'avoir une pratique autonome... Les
infirmières n'ont pas ce type de pratique autonome étant dans un
conseil consultatif différent. C'est un lieu qui permettait, il nous
semblait, en tout cas, à la lecture que nous avons faite du projet,
qu'il y avait, de toute façon, dans le fait de pouvoir présenter
annuellement un rapport au conseil d'administration de l'hôpital, qu'il y
avait un certain nombre de structures qui permettaient, le temps de
l'ex-périence-pilote, de développer à la fois toute une
série de pratiques et un niveau de références. C'est la
lecture que nous en avons faite à la lumière des
mécanismes qui étaient identifiés au projet de loi.
M. Chevrette: Est-ce que c'est parce que vous recommandez que ce
soient des salariés dépendant directement du centre hospitalier,
donc d'une coordonnatrice mais aussi d'un exécutif, si j'ai bien compris
le projet de loi, dans sa version actuelle en tout cas? Est-ce que
c'est dans ce sens-là que vous parlez surtout d'autonomie,
d'action, par le fait, par exemple, que l'hôpital prendrait fait et cause
en l'occurrence pour les sages-femmes? Parce que si on parle strictement
profession et automonie professionnelle, par le fait que Mme Boivin nous disait
tantôt qu'elles ont déjà envisagé ça, suite
à une demande de consultation du ministère de la Santé et
des Services sociaux, mais le projet de loi ne va pas à la
reconnaissance immédiate de la profession. Il accorde le droit pratique,
sans reconnaître le statut professionnel comme tel. Donc sur le plan du
droit, vous allez permettre à des individus dont la profession n'est pas
reconnue d'exercer des actes normalement dévolus à une autre
profession. À partir de là, est-ce que c'est dans le cadre...
Est-ce parce que vous reconnaissez que ces Individus sont donc des
salariés de l'institution que vous dites que le projet de loi 4 leur
assure de l'autonomie ou si c'est par prudence que vous le faites? À mon
point de vue, j'ai entendu les spécialistes hier soir. On leur a
demandé: Allez-vous participer à ça? Allez-vous
collaborer? Ils ont dit: Non. Des omnis sont venus; on leur a dit: Allez-vous
collaborer? Ils ont dit: Non. Ou à peu près, ou pas de
réponse. Les gynécologues, eux, ont dit: On verra
peut-être. Ou à peu près. De sorte que, est-ce que c'est
par optimisme? Pourquoi débordez-vous de confiance sur l'autonomie des
sages-femmes dans un tel contexte?
Mme Lavigne: Non, mais ce qu'on dit, autonomie, ça
signifie la possibilité d'exercer toute une série de gestes.
Remarquons, et je pense que c'est important de le rappeler, l'ensemble du champ
de pratique des sages-femmes, II n'y a qu'un volet qui est l'accouchement, le
volet le plus spectaculaire dont on parlait tantôt, où il peut y
avoir, en tout cas, des protocoles plus étroits, plus identifiés
mais où on peut fonctionner aussi par une délégation
d'actes. Au niveau de l'approbation des projets-pilotes, le ministère
indiquait qu'il est important de s'inscrire dans une philosophie d'autonomie de
la pratique, de respect de l'autonomie de la pratique. Ça fait partie
des critères d'approbation du projet. Donc, à un endroit
où on aurait des gens qui ne peuvent strictement rien faire, je pense
que ça ne vaudrait même pas la peine de tenter la pratique.
Pour ce qui est de la collaboration des autres intervenants en
santé, je pense qu'au-delà de débats qui peuvent
être des débats, je pense, plutôt de nature corporative dans
le moment, au-delà de ça, je pense qu'il en va aussi d'une prise
de conscience au niveau de la santé globale et d'une approche globale de
la santé où, d'abord et avant tout, qu'on soit ou salarié
ou payé par la RAMQ, on est d'abord et avant tout payé par
l'État pour rendre un service public qui est la santé du public.
Dans ce sens-là, quand l'en- semble du public et quand l'État
s'orientent vers une forme alternative, il me semble qu'il y a des
mécanismes de collaboration qui peuvent se vivre. Ce qui est important,
c'est qu'ils soient conçus et acceptés par un milieu pour que les
projets se vivent de façon convenable.
M. Chevrette: C'est toujours la même question. Depuis le
début, à la lecture, on est obligés de critiquer le projet
qui est sur la table. Le ministre a donné d'autres orientations, mais
tant et aussi longtemps qu'on n'a pas les autres orientations, on va bien
être obligés de prendre le projet qui est sur la table. Vous ne
croyez pas qu'avec un projet tel que libellé, on a peu ou pas de chance
de faire en sorte que la profession des sages-femmes puisse se
développer véritablement et faire des preuves concrètes de
bienfait à la grandeur du Québec puisque tout est assujetti
à une foule de structures à l'intérieur même d'une
institution qui répugne au départ, pas au sens péjoratif,
mais qui répugne au départ même aux sages-femmes comme lieu
d'exercice?
Je suis surpris de voir qu'il y ait une adhésion quasi
inconditionnelle de votre part, de la part du Conseil du statut de la femme,
à la structure proposée. Est-ce que c'est... C'est possible que
vous ayez eu des échanges avec le ministère et que vous sachiez
d'avance qu'il y avait des orientations autres. Non? Mais ça aurait pu.
De bonne foi, tu peux discuter de ça. Je ne cherche pas à
introduire des sous-entendus malveillants, je veux tout simplement dire que,
dans le libellé actuel du projet de loi 4 ou 156, je suis surpris de
voir que vous êtes un peu débordantes d'optimisme alors qu'il
m'apparait que c'est un carcan qu'il nous faut changer et que même le
ministre reconnaît qu'il faut changer au moment même où on
se parie et, en particulier, sur l'autonomie. Lui-même l'a dit hier. Vous
faites une ouverture même sur les lieux pour permettre une plus grande
autonomie et, que vous soyez aussi débordantes, ça me
surprend.
Mme Boivin: Si le gouvernement trouve d'autres solutions qui
peuvent permettre plus d'autonomie, tant mieux. Toutefois, en fait,
l'impression que nous avons c'est que nous agissons maintenant dans un terrain
qui n'est pas un terrain vierge, un terrain qui est occupé en
matière de santé par de multiples corporations professionnelles
et quelle que soit la solution retenue, il faudra négocier avec d'autres
corporations professionnelles. Même s'il s'agit de la reconnaissance
immédiate d'une corporation professionnelle, ça risque
peut-être même de prendre encore plus de temps que de
procéder dans le cadre de projets-pilotes où là, on peut
déjà faire la preuve qu'il y a des choses possibles et que, sur
une échelle plus réduite, on
peut déjà démontrer que les choses peuvent bien se
passer.
La Présidente (Mme Marois): cela va? merci. est-ce qu'il y
a d'autres questions? une petite, d'accord, parce qu'il ne nous reste pas
beaucoup de temps et j'aimerais en poser une.
Mme Vermette: En fait, si j'ai bien compris, au tout début
de votre mémoire, vous mettiez en cause les dangers d'une pratique en
milieu hospitalier et qu'on continue à conserver la
médicalisation du geste de l'accouchement par la sous-utilisation de la
chambre des naissances. Est-ce que vous croyez justement que de maintenir cet
acte-là dans le milieu hospitalier fait en sorte que les
mentalités n'évolueront pas non plus rapidement, puisque
déjà on voit que par la pratique, on sous-utilise... Et, le fait
d'avoir des sages-femmes dans les hôpitaux, est-ce que ça peut
changer les mentalités?
Mme Lavigne: Je pense que ça peut être un facteur de
confrontation extrêmement important et que la chose la plus
déplorable qui pourrait arriver c'est qu'alors que tout le monde
souhaite une diversité de lieux, de projets-pilotes, on s'inscrive et on
prenne une voie différente en disant: Plus dans les CH. Donc, les femmes
qui vont accoucher dans les CH, surmédicalisation, et celles qui vont
accoucher ailleurs, accouchement normal. C'est important qu'il y ait des
initiatives. Un projet-pilote en soi, c'est porteur d'innovations, ça
permet à un milieu d'apprivoiser des changements et c'est absolument
fondamental que la pratique dans l'ensemble médical autour de
l'accouchement s'humanise de plus en plus. Je pense que c'est un facteur qu'il
ne faut absolument pas oublier, parce que nous ne l'oublions pas. Compte tenu
du nombre de personnes qui risquent de pratiquer comme sages-femmes, il faut se
dire que pour les cinq prochaines années il y aura juste huit
projets-pilotes. Quand même, la grande majorité des femmes
québécoises vont continuer d'accoucher de façon
traditionnelle avec médicalisation. C'est important qu'il y ait aussi
des projets dans des hôpitaux et qu'on se dise: C'est faisable, un CH
humain, c'est aussi faisable. Et, dans ce sens-là, c'est un facteur
d'innovations qu'il ne faut pas enlever. Néanmoins, la diversité
est importante et il y a probablement des endroits plus faciles et plus souples
pour avoir une expérience plus globale, plus large et plus
intéressante.
C'est dans ce sens-là que je tiens à rappeler à M.
Chevrette que ce n'est pas un enthousiasme inconditionnel à le limiter
à un lieu hospitalier; nous l'avons dit clairement, il faut que d'autres
lieux soient regardés aussi.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Si vous me le
permettez, un commentaire et une petite question et ce sera terminé.
Dans votre document... C'est peut-être aux membres de la commission que
je devrais plutôt m'adresser. À la page 3, on mentionne que le
rapport entre le nombre d'accouchements en chambres des naissances et le nombre
d'obstétriciens indique que plus ils sont nombreux, moins la chambre des
naissances est utilisée. J'avais posé la question hier à
l'Association des obstétriciens et gynécologues et on me disait
qu'il y avait une nette volonté de l'utiliser et, de la même
façon, que plus il y a de gynécologues dans un centre
hospitalier, plus le nombre de transferts de la chambre des naissances à
la salle d'accouchement est grand.
Cela étant dit, je ne veux pas vous mettre en
porte-à-faux; il y a actuellement féminisation de la
médecine et même de la médecine de
spécialité. On nous a présenté hier ce fait comme
rendant caduque la possibilité d'ouvrir du côté d'une
nouvelle pratique qu'est la pratique sage-femme puisqu'on dit maintenant que la
pratique traditionnelle est aussi occupée largement par des femmes.
Est-ce que vous partagez ce point de vue?
Mme Lavigne: Fondamentalement, je pense que c'est une question
d'approche et de formation. Quand on est formé à travailler avec
l'anormal, la maladie, on n'a pas la même perspective que quand on est
formé d'abord et avant tout à travailler en termes de
prévention et, comme le disait la sage-femme tantôt, de travailler
avec du normal. C'est essentiellement une question d'approche et il est
important qu'on puisse accepter qu'il y ait d'autres approches que l'approche
de la maladie. Il y a aussi une approche de santé qui dit que la
naissance est un geste ce qu'il y a de plus naturel et qu'on peut le vivre en
santé, sans médicaments. Ce n'est pas une question de l'un ou de
l'autre, d'avoir des femmes dans la profession ou pas, c'est fondamentalement
une question de formation scientifique qu'on a eue et des gestes qu'on est
amenées à poser conséquemment à la formation qu'on
a eue.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la
présidente. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): Alors nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 36)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Marois): J'inviterais les membres de la
commission à prendre leur siège.
Nous allons reprendre nos travaux. L'ordre de présentation des
mémoires, cet après-midi, est le suivant: la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, le Centre de santé
Inuulitsivik, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, ce
soir les Cercles de fermières, l'Association des pédiatres,
l'Association médicale, et Mme Maria De Koninck.
Alors j'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des
médecins du Québec à s'avancer, s'il vous plaît.
Alors, s'il vous plaît, on va se redire nos règles du jeu.
Ça prendra à peine quelques secondes. Vous avez environ une
vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Si vous
dépassez, c'est moins de temps aux membres de la commission pour leur
permettre de vous questionner. Le reste du temps se partage à parts
égales entre les gens du gouvernement et de l'Opposition.
M. Chevrette: Mme la Présidente, on ne donne pas notre
consentement à tous les groupes pour dépasser!
La Présidente (Mme Marois): On essaie de s'entendre pour
que ça se passe dans un contexte correct et que vos propos soient non
seulement entendus, mais compris.
M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends le
député de Joliette, n'est pas roi qui veut ici.
La Présidente (Mme Marois): II y a déjà une
reine, alors... Ha, ha, ha!
Une voix: Oh, oh!
La Présidente (Mme Marois): Si on peut s'amuser un peu. Je
m'excuse. S'il vous plaît, vous présentez votre équipe.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): Mme la présidente, M. le ministre, M.
le chef de l'Opposition, MM. et Mmes membres de la commission parlementaire,
avant de commencer, je vais présenter les gens qui m'accompagnent.
À ma droite, le Dr Joanne Béliveau, omnipraticienne de la rive
sud de Montréal, le Dr André Lapierre, secrétaire
général adjoint de la corporation des médecins, le Dr
Pierre Saint-Georges, directeur du Service de l'inspection professionnelle, et,
qui sont malheureusement en retard, le Dr Marie-Thérèse Gagnon et
le Dr Lucille Martin, de La Pocatière, qui devraient arriver au moment
où je vais faire ma présentation.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Roy: Au nom de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, je veux remercier les membres de la
commission des affaires sociales de nous fournir l'occasion de donner notre
opinion sur le projet de loi 4 relatif à la pratique des sages-femmes.
Présumant que vous avez pris connaissance du mémoire que nous
avons fait parvenir à la commission en août dernier, vous me
permettrez, dans un premier temps, de résumer la position de la
Corporation sur le projet de loi.
Sans vouloir vous offusquer, M. le ministre, nous répétons
que ce projet de loi doit être retiré. Il s'agit d'un texte
improvisé, ambigu, qui fait fi du cadre législatif prévu
pour régir le système professionnel et hospitalier, et qui
érige en parallèle pour les sages-femmes un système
d'exception qui ne tient compte ni des structures en place, ni des
professionnels oeuvrant déjà dans les domaines de
l'obstétrique et de la périnatalité.
Il nous apparaît inacceptable de contourner la législation
actuelle et de confier à deux ministres un pouvoir d'exception. Par
surcroît, le projet de loi soustrait ces ministres aux mécanismes
existants de contrôle et de discussions publiques prévues au Code
des professions. De plus, la définition de l'exercice des sages-femmes
que donne le projet de loi déborde largement, selon nous, l'entendement
habituel que l'on a du rôle de la sage-femme qui est de s'occuper d'une
femme en cours de grossesse, d'un travail et d'un postpartum normaux et de
procéder aux accouchements vaginaux spontanés normaux avec
l'obligation de référence à un médecin dans les cas
qui sortent de la normalité.
Elle ne tient pas compte des orientations de la pratique des
sages-femmes, notamment dans la plupart des pays européens où
cette pratique s'amenuise et où les liens de la sage-femme avec la
profession médicale et les autres intervenants en
périnatalité se raffermissent. De plus, le projet de loi
prévoit que cette définition pourrait encore être
élargie grâce au pouvoir décisionnel de deux ministres.
En plus de contourner la législation professionnelle, le projet
de loi propose également de contourner la Loi sur les services de
santé et les services sociaux en dédoublant les structures
hospitalières. Il créerait un conseil des sages-femmes en
parallèle au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et un
service de maternité en parallèle au service
d'obstétrique. Ce dédoublement ne risque-t-il pas de créer
deux niveaux de soins et d'augmenter les coûts sans compter les
problèmes et les bouleversements qu'un tel précédent
pourrait créer pour les nombreux professionnels en place?
Signalons enfin, à l'égard du projet de loi, que rien ne
nous permet de comprendre les objectifs que l'on veut poursuivre avec les
projets-pilotes, si ce n'est un désir d'implanter
progressivement et en douce une pratique sages-femmes sous le couvert
d'une expérimentation. En fait, la vieille stratégie des taxes
temporaires qui, généralement, deviennent permanentes.
Essayez de découvrir dans le projet de loi quels critères
autres que des critères d'implantation sont prévus pour qu'un
projet-pilote soit admissible. Comme les mêmes critères seront
utilisés quand il s'agira de procéder aux évaluations, on
peut d'ores et déjà prévoir quels seront les rapports de
ces évaluations.
Dans un deuxième temps, je voudrais vous faire un court
résumé du cheminement du dossier de périnatalité.
En 1973, le ministère des Affaires sociales a promulgué sa
première politique de périnatalité à laquelle un
groupe important de médecins ont contribué et que la corporation
a appuyée. Entre 1973 et 1985, des progrès Importants ont
été accomplis en périnatalité et ont permis au
Québec d'atteindre les premiers rangs au Canada et dans l'ensemble des
pays industrialisés en ce qui a trait aux mortalités maternelles
et périnatales. Malgré ces progrès, des problèmes
ont persisté à l'égard des taux de naissance de
nouveau-nés prématurés de petit poids, des taux de
nouveau-nés présentant des anomalies et à l'égard
de l'humanisation des soins.
Entre 1978 et 1985, à l'instigation du Conseil du statut de la
femme, les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales
procédaient à des travaux dans le but d'ouvrir la voie à
la formation et la reconnaissance d'une nouvelle intervenante en
obstétrique. À l'égard de ces divers travaux, la
Corporation s'est vu refuser la collaboration qu'elle a maintes fols offerte.
Malheureusement, et nous le regrettons, le gouvernement a volontairement mis la
profession médicale de côté.
En 1985, le ministère de la Santé et des Services sociaux
déposait un nouveau projet de politique en périnatalité.
Je vous rappelle que c'est dans le cadre de cette politique que le
ministère a introduit une nouvelle intervenante, la sage-femme, comme un
des moyens de répondre au problème de périnatalité.
La Corporation a alors signifié qu'elle était d'accord avec les
grands objectifs que cette politique visait, mais qu'elle était en
désaccord sur les priorités à établir, sur les
moyens à mettre en place. Bon nombre de personnes ici présentes
savent que le ministère a alors demandé de procéder
à des études en profondeur sur certains sujets retenus comme
prioritaires, à savoir mortalité et morbidité
périnatales, périnatalité en milieu
défavorisé, grossesse à l'adolescence, période
postnatale, pratique des sages-femmes, lieu de naissance. Je vous fais
remarquer que ce dernier texte n'a jamais été publié. Nous
savons qu'il existe, par ailleurs, et nous savons qu'il a circulé dans
le milieu des sages-femmes, que des sages-femmes, du moins, l'ont vu. Nous
avons une petite idée des raisons pour lesquelles sa dif- fusion
générale n'a pas été faite.
Dès juillet 1987, l'avis sur la pratique des sages-femmes
élaboré par le ministère, l'avant-dernier, le
numéro 5, en fait, "la pratique des sages-femmes", était
disponible et soumis, entre autres, à la Corporation. Dès
novembre 1987, nous faisions part des réactions suivantes: La
Corporation signifiait son étonnement de voir que le ministère
était déjà en mesure de proposer une solution alors qu'il
ne disposait que d'une des six études qu'il avait commandées pour
établir l'ensemble de la problématique, prélude
indispensable à une politique cohérente et appropriée. En
toute logique, cette étude aurait dû être la dernière
publiée, déjà ça sentait le parti pris à
plein nez. La Corporation signifiait son désaccord avec une des
conclusions de l'avis sur les sages-femmes qui laissait croire que la solution
des problèmes à connotation multlfac-torielle en
périnatalité passait par la reconnaissance d'une nouvelle
ressource professionnelle, la sage-femme, une sorte de panacée, une
femme orchestre, à la fois infirmière, travailleuse sociale,
médecin de famille, pédiatre et obstétricienne.
La Corporation donnait par ailleurs son accord de principe aux objectifs
généraux à poursuivre en périnatalité mais
dans un ordre de priorités différent de celui proposé. Ses
objectifs étaient de poursuivre les efforts pour diminuer le taux de
mortalité périnatale, travailler à la prévention
des naissances de bébés prématurés de petit poids,
viser à faire disparaître les difficultés
rencontrées par les groupes particuliers, grossesse à
l'adolescence, en milieu défavorisé, grossesse en région
éloignée, viser à obtenir un recours rationnel aux
interventions obstétricales et favoriser, finalement, l'humanisation des
soins et services entourant la grossesse et la naissance. Depuis lors, la
Corporation a toujours maintenu que le gouvernement devait se doter d'une
nouvelle politique de périnatalité - on n'est pas les seuls,
d'ailleurs, le Conseil du statut de la femme l'a dit ce matin - une politique
devant répondre aux problèmes persistants, selon leur ordre
d'importance. Cette politique établirait les objectifs de santé
publique à atteindre et les moyens à mettre en place selon la
gravité, la nature et les causes des divers problèmes. Elle
devrait tenir compte des ressources disponibles tant humaines et
organisa-tionnelles que pécuniaires.
Dix-huit mois plus tard, en décembre 1988, alors même que
la politique ministérielle reconnaissant les sages-femmes, datée,
entre parenthèses, de septembre 1988, était déjà
arrêtée, dix-huit mois plus tard, en décembre 1988,
après l'avoir quémandé à de maintes reprises, la
Corporation obtenait enfin un résumé de quatre autres
études commandées par le ministère, études qui
n'ont fait que la confirmer dans ce qu'elle savait déjà.
Les principaux problèmes rapportés dans ces études
étaient l'arrêt de l'amélioration des taux de
nouveau-nés de petit poids et de prématurés, les
disparités dans les taux de mortalité et de morbidité
périnatales au sein de diverses régions ou de certains groupes de
la population, les problèmes d'utilisation de techniques
obstétricales, les problèmes d'humanisation des services. Ces
études permettent de constater que le Québec a un taux de
succès remarquable, comparable au meilleur au monde dans sa lutte
à la mortalité périnatale, en général, mais
que les résultats deviennent très inquiétants quand on
analyse les grossesses difficiles et certains des facteurs spécifiques
de mortalité et de morbidité périnatales. (15 h 15)
C'est en milieux défavorisés que ces taux sont les pires
et une des études établit qu'ils sont le double ou le triple de
ceux des femmes socio-économiquement favorisées et qu'ils
équivalent même, au Québec, à ceux du tiers monde.
Il me semble important de faire connaître à cette commission
certaines des données de ces études du ministère. En 1985,
on estimait environ une Québécoise enceinte sur cinq, soit
près de 16 000 femmes enceintes, le nombre de celles qui vivaient sous
le seuil de la pauvreté. De ce nombre, de 7000 à 9000, soit de 9%
à 11% de toutes les femmes qui accouchent dans l'année, vivaient
dans des conditions d'extrême pauvreté et souffraient de revenus
insuffisants, de sous-alimentation ou d'insécurité totale d'une
vie en marge de la société. Ceci est d'autant plus
préoccupant que les femmes pauvres sont plus nombreuses à avoir
plus d'enfants en générai. En milieux défavorisés,
on compte un nombre plus important d'adolescentes enceintes, le plus de
maladies ou d'états pathologiques au cours de la grossesse,
vomissements, infection, hypertension, oedème, menaces d'interruption
spontanée de grossesse, le plus de prématurés, le plus de
nouveau-nés de poids insuffisant, leur nombre est estimé à
environ 1500 - le plus de retards de croissance intra-utérine.
C'est parce que cet écart entre les groupes sociaux doit
être réduit que la Corporation croit que le geste important que le
gouvernement doit poser en matière de santé publique consiste
à établir une politique de périnatalité avec des
objectifs précis, soit une réduction de la mortalité
périnatale, du nombre de nouveau-nés de petit poids à la
naissance, du nombre de prématurés, du nombre de
nouveau-nés présentant des anomalies graves.
Les mesures à prendre doivent être appropriées et
pertinentes, tout comme les ressources choisies. Pour la Corporation, il serait
aberrant de croire que la création d'un corps professionnel pourrait
résoudre les problèmes alarmants mentionnés. Ces
problèmes ont des causes multiples de divers ordres qu'aucune profession
existante ou à créer ni aucun établissement ne peuvent
raisonnablement espérer résoudre seuls.
Tout au long de la dernière décennie, de nombreuses
mesures ont été prises par les hôpitaux, par les
intervenants actuels en périnatalité, par la Corporation des
médecins, pour améliorer la pratique de l'obstétrique,
favoriser une approche plus humanisée de la grossesse et, ceci dit, un
recours plus judicieux à la technologie et aux interventions
obstétricales.
Tous ces efforts ont permis d'atteindre un résultat
inespéré si l'on tient compte du contexte nord-américain
dans lequel nous sommes. En plus de continuer ces efforts, il est
impératif de prendre des mesures plus directement destinées aux
femmes enceintes des milieux défavorisés et aux problèmes
qui les affectent, mesures qui doivent être prises. À cette fin,
il est Important et primordial d'adopter d'Importantes mesures sociales pour
pallier aux problèmes d'insuffisance de revenus, de sous-alimentation,
de logements insalubres, de mauvaises conditions de travail des femmes
enceintes des milieux défavorisés, de créer des
équipes multidisciplinaires composées de divers professionnels
oeuvrant déjà en périnatalité et qui ont
déjà fait la preuve de leur compétence et de leur
efficacité. Ces professionnels sont, en plus des médecins, des
infirmières et infirmiers, infirmières et infirmiers auxiliaires,
préposés aux services d'obstétrique et de
pé-rinatalogie, les diététistes, travailleurs sociaux,
auxiliaires sociales et familiales, psychologues, etc.
Seule l'approche multidisciplinaire permettra de rejoindre les gens du
milieu défavorisé, d'instaurer des programmes de soins globaux
mettant à contribution tous les intervenants actuels en
obstétrique et en périnatalogie tant des établissements du
réseau que des cliniques privées, d'articuler l'action des
centres hospitaliers et des CLSC pour réaménager les programmes
existants, notamment, celui des cours prénatals, afin de les rendre plus
accessibles et mieux adaptés aux divers groupes de femmes enceintes,
notamment, à celles du milieu défavorisé.
Compte tenu du peu de ressources budgétaires dont semble disposer
le gouvernement, si on s'en tient aux récents propos du premier ministre
en Chambre, il est important et primordial d'affecter celles qui sont
disponibles aux mesures qui permettront de solutionner les plus importants
problèmes de santé publique. À cet égard, la
Corporation est d'avis que les problèmes de mortalité et de
morbidité périnatales doivent avoir priorité sur ceux qui
sont reliés au mieux-être des femmes qui ont une grossesse et un
accouchement normal.
Je désire répéter devant cette commission que la
Corporation des médecins a toujours insisté auprès du
ministère pour que la question
des sages-femmes soit envisagée dans le cadre d'une politique de
périnatalité dans laquelle des besoins seraient d'abord
établis, des objectifs prioritaires déterminés et des
moyens pertinents choisis, en tenant compte de l'ensemble des ressources
humaines organisationnelles et budgétaires disponibles.
En septembre 1988, le ministère a dévié de cette
route pour des motifs qu'il est le seul à connaître. Le projet de
loi que vous avez devant vous est le fruit du scénario adopté par
le ministère. En ce qui nous concerne, nous répétons que
le projet de loi 4, qui prévoit la reconnaissance des sages-femmes dans
le cadre de projets-pilotes, ne répond pas à des besoins
prioritaires en périnatalité, qu'il s'agit, de plus, d'un mauvais
projet pour des raisons invoquées dans le mémoire que nous avons
soumis à la commission et qu'il doit être retiré.
La Corporation professionnelle des médecins a déjà
enjoint le ministère d'éviter de se tromper de priorités.
Elle est d'avis qu'en promulguant le présent projet de loi, le
gouvernement ne vise pas les objectifs prioritaires. C'est, avant tout, une
politique de prénatalité que le ministère doit
établir et il doit le faire en concertation avec les principaux
intervenants du milieu. Ce n'est que dans le cadre d'une telle politique qu'il
sera possible de déterminer, à partir des besoins prioritaires
à satisfaire, à quelles ressources humaines actuelles et
nouvelles il faudrait avoir recours.
En terminant, nous faisons nôtre cet article récent de
Châtelaine que je cite in extenso: "L'accouchement par sage-femme:
un happening de luxe, inutile et dangereusement "rétro". "Oui, c'est
vrai, les sages-femmes ont une longue histoire derrière elles, en
Europe, en Afrique et ailleurs. Au début, femmes du village ou de la
tribu, elles tiraient leur savoir-faire de l'expérience du quotidien et
de quelques traditions orales transmises de mère en fille. Plus tard, ce
seront, en France par exemple, essentiellement des infirmières
spécialisées en obstétrique. Leur présence
s'imposait dans les campagnes, où les naissances étaient
nombreuses, les hôpitaux éloignés, les moyens rapides de
transport inexistants et le nombre de médecins insuffisant.
L'accouchement à la maison n'y a pourtant jamais été
vécu comme le comble du bonheur, bien au contraire. Entièrement
"naturel", c'est-à-dire la plupart du temps long et douloureux, il
imposait de plus à la récente accouchée un trop rapide
retour au travail si une parente ou une voisine n'acceptait pas de prendre en
charge les soins du ménage et les autres enfants. C'était par
excellence l'accouchement des pauvres. L'arrivée de centres hospitaliers
ou au moins de cliniques d'accouchement dans toutes les petites villes de
France, à moins de dix kilomètres de chaque village, a
été saluée, je m'en souviens, avec enthousiasme et un
profond soulagement, comme un véritable progrès social.
"Pourtant, en raison d'une logique bizarre, c'est maintenant, quand la
majorité des femmes n'auront qu'un enfant, qu'un seul accouchement dans
leur vie, que certains jugent nécessaire et même obligatoire de
leur offrir le choix parmi de multiples scénarios d'accouchement et,
particulièrement, la "chance" de pouvoir accoucher "naturellement" chez
elle, en la seule compagnie d'une sage-femme. Une sorte de happening
rétro pour entourer d'un maximum de "magie" cet acte qui risque
d'être unique? "L'accouchement, vous diront-elles, c'est une histoire de
femmes, qui doit se passer entre femmes. Je suis loin d'être d'accord
mais, quant à cela, la profession médicale se féminise
tellement rapidement que nui n'est besoin de sages-femmes pour s'assurer d'une
présence féminine au chevet des accouchées. (Le sexisme
d'ailleurs est déplaisant, d'où qu'il vienne. Dans leur esprit,
l'existence de "sages-hommes" est-elle possible? Je ne le crois pas.)
"L'accouchement, insisteront-elles encore, est un acte "naturel" qui ne
nécessite pas la présence d'un médecin. Oui, et le nombre
de femmes qui en sont mortes tout à fait "naturellement", avant que la
médecine ne s'en mêle, est proprement effrayant! Même une
grossesse normale peut s'achever par un accouchement difficile, potentiellement
dangereux pour la mère et l'enfant. C'est rare, mais pourquoi prendre un
risque, même léger, quand absolument rien ne vous y force. Et si
l'accouchement à l'hôpital est surmédicalisé (trop
de césariennes et d'épisioto-mies), ça doit et ça
peut se corriger de l'intérieur et non en instituant un système
parallèle. "Et puis enfin, je ne comprends pas à quelle sorte de
pression cède Mme Lavoie-Roux - c'a été écrit en
juillet. On manque d'argent au Québec pour les services sociaux: les
hôpitaux se plaignent, les infirmières aussi, sans parier des
garderies, de la protection de la jeunesse, de l'aide insuffisante aux familles
pauvres, monoparentales ou non. Et le peu d'argent disponible devrait servir
entre autres à créer un service parallèle de sages-femmes
qui n'intéressera qu'une infime portion de femmes, nanties d'une maison
confortable, assurées de l'aide nécessaire et en quête
d'émotions fortes? "Mettre un enfant au monde, ça prend au plus
24 heures; l'élever, plus de 20 ans: les priorités sont claires
et Mme Lavoie-Roux devrait, me semble-t-il, revoir les siennes!"
Mme la Présidente, je termine. Comme la très grande
majorité des Québécois, l'Assemblée nationale croit
fermement que le Québec est une société distincte avec,
notamment, sa langue, ses traditions, ses coutumes et sa culture. Contrairement
à d'autres pays ni meilleurs ni pires, le Québec n'a pas de
sages-femmes parce que ce champ d'activité est occupé par les
médecins qui
tiennent à le conserver. Il faut accepter cette différence
et tirer bon parti de cette spécificité tout comme il faut
respecter celle de nos compatriotes, les Inuit du Grand-Nord
québécois qui vont venir parler après moi. Pourquoi
changer un système qui a fait ses preuves et qui fonctionne bien? Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la
Présidente. Je partagerai mon temps avec mon collègue
d'Abitibi-Est. Évidemment, Dr Roy, on vous salue ainsi que mesdames et
messieurs qui vous accompagnent. Vous n'êtes pas sans savoir que votre
participation à cette commission était très attendue et
que vous avez été un assidu depuis le début de cette
commission parlementaire pour avoir des points de vue de tous les horizons et,
bien sûr, pour être capable de répondre aux quelques petites
questions qu'on pourrait avoir inspirées par notre propre connaissance
des faits. J'y vais à l'aide du mémoire.
À la page 1, vous dites, au bas: "La définition de
l'exercice des sages-femmes que donne le projet de loi déborde
largement, selon nous, l'entendement habituel.11 Ça implique
qu'elles ont un entendement habituel, qui est donc reconnu ailleurs qu'ici et
qui se pratique ailleurs qu'ici. Sur la fin de votre présentation, vous
nous avez dit: On est distincts, on pourrait l'être aussi dans ce domaine
en n'ayant pas des sages-femmes, sachant déjà qu'il y en a, parce
qu'on ne se le cachera pas, il y en a au moment où on se parle. Alors,
l'expérience, et d'ailleurs ce n'est pas une surprise pour vous parce
qu'on s'en est parlé avant même la commission dans des rencontres
que nous avons eues... J'avais dit: II y aura un projet de loi, il y aura des
expériences-pilotes. Evidemment, votre position est connue aussi, vous
avez dit: II faut que vous retiriez le projet de loi tel qu'il est. Ce n'est
pas pire, on a déjà fait un bout. Il faut retirer le projet tel
qu'il est, je pense qu'on a fait un bout.
Qu'est-ce qui, fondamentalement, justifie une opposition aussi
campée de l'ensemble des médecins - je pense que ça me
paraît assez évident pour une très large majorité -
à l'implantation ou à la légalisation chez nous de la
pratique des sages-femmes alors que, dans à peu près tous les
domaines, on va toujours puiser de l'expérience européenne,
l'expérience des États-Unis, et que ça ne nous a pas
toujours mal desservis? Pourquoi ça nous desservirait de mauvaise
manière dans ce cas-ci?
M. Roy: M. le ministre, je vais vous dire qu'on n'a rien contre
les sages-femmes comme telles. On sait que des sages-femmes, ça existe
ailleurs dans le monde. Ce n'est pas du charlatanisme. On sait que ça
s'apprend, faire des accouchements. Tout ce qu'on dit, c'est qu'au
Québec on ne croit pas nécessaire d'avoir une nouvelle
intervenante dans ce domaine pour faire de la grossesse normale, pour faire des
accouchements normaux. On dit, par ailleurs, qu'il y a une politique de
périnatalité, il y a des problèmes spécifiques au
Québec de prématurité, de bébés de petit
poids, et auxquels il faudrait s'attaquer d'une façon urgente, mais ce
n'est pas en ajoutant quelqu'un dans un dossier qui est déjà
très bien couvert par les omnipraticiens et les spécialistes,
quelqu'un qui va faire de la "duplication", qu'on va aider les femmes des
milieux défavorisés. En Europe, et on vous l'a dit hier,
lorsqu'il y a des sages-femmes, il n'y a pas d'omnipraticiens qui font des
accouchements. C'est une tradition, c'est une culture, c'est un système
de santé. Ils ont leur spécificité, le Québec a la
sienne, tout le monde s'en vante, veut s'en réjouir. On n'a pas de
sages-femmes ici. Ce sont les médecins qui ont fait les accouchements
ici, depuis toujours. Il y en a déjà eu des sages-femmes dans le
temps de la colonie. Elles ont été remplacées par les
médecins au fur et à mesure que la profession médicale
s'est améliorée, que les médecins sont devenus en nombre
suffisant, que les hôpitaux ont été construits. Madame, de
Châtelaine, vous dit: Qu'est-ce que vous voulez? Les sages-femmes,
c'était dans un moment de pénurie, un moment de pauvreté.
Et c'est ce qui se passe en Europe à l'heure actuelle. En Europe, de
plus en plus les femmes vont accoucher à l'hôpital et c'est pour
ça qu'en Europe les sages-femmes se sentent menacées. Au moment
où les sages-femmes diminuent d'importance en Europe, nous ici on va les
créer au Québec, une sorte de système rétro. Alors,
c'est ça qu'on dit. Il n'y a rien de sorcier là-dedans. D'autant
plus que ces sages-femmes dont on parie, dans la définition que vous
donnez dans le projet de loi et qui est donnée par elles-mêmes,
font inévitablement de la médecine globale du début
à la fin, de la planification familiale au suivi de la grossesse et du
bébé. Alors, ça, c'est de la médecine, de
l'om-nipratique, de la pédiatrie, de l'obstétrique, du service
social, en plus du nursing. Alors, c'est ça qu'on dit; à ce
moment-là, on n'en a pas besoin, c'est de la "duplication". Pourquoi
créer une nouvelle professionnelle de la santé alors qu'au moment
même le gouvernement tente de réduire le nombre de médecins
dans les facultés de médecine?
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je pense
que chacun exprime ses opinions et c'est la liberté qu'on a. On peut les
partager ou ne pas les partager, mais on doit les respecter et ça, je
pense que c'est la base même de notre système.
A la page 3, il est clairement dit - et, d'ailleurs, pas seulement une
fois, à plusieurs
reprises dans le mémoire; je pense qu'on sent qu'on a la
même analyse, tout le monde partage à peu près la
même analyse avec nos faiblesses et avec nos forces - dans le
troisième paragraphe, dernière phrase: "Malgré ces
progrès, des problèmes ont persisté à
l'égard des taux de naissance de nouveau-nés
prématurés et de petit poids, de taux de nouveau-nés
présentant des anomalies et à l'égard de l'humanisation
des soins et, au-delà de ça, tout le monde reconnaît qu'on
a des problèmes spécifiques au niveau des adolescentes enceintes,
au niveau des milieux défavorisés et au niveau des femmes en
régions éloignées. " (15 h 30)
Si notre système est si bon que cela, qu'est-ce qui fait qu'on en
arrive avec ces problèmes-là dans des régions
isolées, dans des régions très urbanisées, mais
à faible potentiel sur le plan économique? Qu'est-ce qui fait
qu'on a quand même ces problèmes-là et qu'est-ce qu'ont
fait vos professions pour être capables de corriger ce
problème-là, puisque la principale accusation qu'on a entendue
ici, parce que c'en est une, c'est que votre préoccupation
première, c'est pendant: avant et après, ça ne semble pas
être votre préoccupation?
M. Roy: Très bien, M. le ministre. Votre petite question
est facile à répondre. Les médecins sont ceux qui font de
la médecine. On sait qu'il y a des problèmes chez les femmes des
milieux défavorisés; ce milieu-là est difficile à
percer. Actuellement, ce sont les CLSC et les départements de
santé communautaire qui devraient s'en occuper. Les départements
de santé communautaire ont maintenant plus de difficultés: les
politiques de périnatalité sont en CLSC. C'est pour ça
qu'on me dit et on est ouvert à une nouvelle politique de
périnatalité qui va bâtir une équipe de
périnatalité, pas seulement avec des médecins, mais avec
des infirmières, des travailleuses sociales, des
diététistes et des intervenants. Ils existent déjà.
On dit: Pourquoi créer une nouvelle catégorie? Pourquoi le
gouvernement ne donne-t-il pas des budgets plus grands aux CLSC et aux DSC pour
avoir du personnel entraîné, pour aller percer le milieu des
clientèles défavorisées, pour faire de l'éducation,
de la prévention? Pourquoi le ministère, quant à
ça, n'aurait-il pas plus de personnel dans les hôpitaux et les
départements d'obstétrique pour faire le suivi du travail, par
exemple, au niveau de l'humanisation des services? Là, vous revenez
aussi avec avant, pendant et après, comme si les médecins ne
faisaient que l'accouchement. Le médecin suit la femme pendant sa
grossesse. Les femmes vont voir le médecin; les visites peuvent
être de six à huit, douze ou treize, dépendamment du cas.
Le médecin est formé pour suivre une femme, au complet, dans sa
globalité. Il est formé pour faire l'accouchement
également quand il veut en faire. Il est formé également
pour faire le suivi de la grossesse et il le fait très bien. Alors, le
médecin fait la globalité de la médecine. Le Dr
Saint-Georges va compléter.
M. Saint-Georges (Pierre): J'aimerais juste rappeler quelques
éléments qui vont resituer la chose dans son contexte. En fait,
pourquoi dit-on qu'actuellement on croit que les besoins d'une sage-femme ne
sont pas démontrés? C'est pour certaines raisons que j'aimerais
vous énumérer. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a en
médecine, et on est la seule province au Canada à avoir
ça, un programme intégré de formation en médecine
générale. Ça nous a pris quinze ans avant de faire
modifier notre réglementation pour pouvoir en arriver à
ça, mais, finalement, on l'a et ce n'est pas dans cinq ans qu'on aura
des omnipraticiens médecins de famille qui vont avoir une expertise
autant en obstétrique que dans les autres domaines, mais c'est en
juillet 1990. Je pense qu'il est important, si on veut qu'il y ait une certaine
cohérence dans nos politiques, qu'on puisse au moins expérimenter
ce que, éventuellement, cette nouvelle proportion de médecins
pourra apporter.
D'autre part, comme le Dr Roy vient de le dire, les médecins ont
toujours suivi les patientes en prénatal comme en postnatal, de la
même façon qu'au moment de l'accouchement. Il est bien sûr
qu'il y a des améliorations possibles. On vous a fait un mémoire
hier où on a voulu intégrer la sage-femme aux CLSC. Moi, je vous
dirais: Ce n'est pas en créant des structures qu'on va régler le
problème, c'est en rendant les structures disponibles à la
population. Il ne faut pas intégrer le problème des sages-femmes
aux CLSC, il faut intégrer les CLSC à l'intérieur des
problèmes de la population. On en voit fréquemment des
médecins qui viennent nous dire: Si on pouvait avoir les supports de
diététistes qui existent dans les CLSC, si on pouvait avoir les
supports de travailleuses sociales qui existent dans les CLSC, on
améliorerait de beaucoup le suivi qu'on peut faire des parturientes.
Il serait peut-être important aussi d'articuler et d'arrimer les
cours prénatals qui existent dans la province de Québec. Pour
certaines régions de la province et particulièrement les
régions éloignées, les gens peuvent se parler passablement
plus que dans les grands centres, mais le Québec est aussi un
agglomérat de grands centres. Et, particulièrement dans la
région de Montréal, vous n'êtes pas sans savoir que ce qui
se dit dans les cours prénatals, d'une part, est contredit très
fréquemment dans les établissements hospitaliers, d'autre part.
Plutôt que de penser à créer des structures, si on pensait
à utiliser déjà les personnes en place, les amener
à pouvoir dialoguer ensemble et échanger les
éléments d'information qu'ils ont et améliorer
l'accessibilité, entre autres, aux cours prénatals,
je pense qu'on améliorerait énormément de
choses.
Dans les centres hospitaliers même où, par le fait qu'on
ait pu rencontrer bon nombre d'Infirmières de salles d'accouchement, on
dit que l'équivalent d'environ 1 % des femmes sont accompagnées,
soit par des sages-femmes ou par d'autres personnes qui ne veulent pas
s'identifier, vous n'êtes pas sans savoir qu'on est dans des
établissements de Montréal à vouloir créer des
structures parallèles d'infirmières qui vont permettre aux femmes
d'être accompagnées pendant leur travail à cause du manque
de personnel infirmier dans les établissements. C'est probablement une
situation qu'on pourrait très facilement régler en allouant
différemment certains budgets hospitaliers. On pourrait facilement
penser à réaménager des corps de travail dans des
établissements hospitaliers pour pouvoir, éventuellement, assurer
un meilleur suivi des parturientes en travail. Si ce n'est pas possible pour
les infirmières aujourd'hui, je me demande pourquoi ce sera possible
éventuellement pour les sages-femmes dans trois ans. On pourrait
intégrer des soins pré et postpartum dans les
établissements hospitaliers. Dans quelques établissements,
effectivement, on le fait. Et ce n'est pas par l'établissement d'une
structure qu'on va faire ça, ça va être à aller
convaincre les gens sur place qu'effectivement il faut faire ça. On
pourrait intégrer les soins hospitaliers et les soins à domicile,
ce serait facile, et c'est pour ça que nous, on préconise la
formation d'une équipe multidisciplinaire qui pourrait
éventuellement s'attaquer à ce qu'on pense être les
problèmes les plus importants de santé publique, le
problème de bébés de petit poids, qu'on vous a
répété à plusieurs reprises, et qui ne se
régleront pas tant qu'on n'aura pas une équipe multidisciplinaire
qui va aller rejoindre les parturientes dans leur foyer, qui va faire en sorte
que la diététiste va pouvoir aller montrer à la
parturiente dans son foyer comment s'alimenter, qui va faire en sorte que
l'infirmière va aller lui montrer les soins d'hygiène
élémentaire et qui fera en sorte éventuellement qu'on
pourra fort probablement régler les problèmes importants qu'on a
actuellement.
Je pourrais vous parler des taux d'intervention. Vous aller nous poser
des questions là-dessus; ça me fera plaisir d'y répondre,
M. le ministre.
La Présidente (Mme Marois): Vous avez encore quatre ou
cinq minutes, cinq minutes.
Une voix: Le Dr Lapierre veut dire un petit mot.
M. Lapierre (André): Je voudrais ajouter, M. le ministre,
que si on a toujours des problèmes au niveau des nouveau-nés
prématurés et des bébés de petit poids, c'est
justement parce qu'on n'a pas de politique en périnatalité. Il y
en a une qui date de 1973, elle a atteint ses objectifs, sauf celui de
l'humanisation des soins. Mais, depuis 1985 que le ministère a
publié un document qui était une amorce de politique en
pérlnataltté, des énergies ont été
consacrées à un seul moyen, qui est la sage-femme, et on a
oublié tous les autres. Si on avait une politique de
périnatalité qui datait de 1985, déjà on aurait
probablement des améliorations au niveau de ces taux-là.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, si vous
me permettez, parce que le temps passe vite, je vous pose une dernière
question. Mon collègue d'Abitibi-Est en a une aussi à poser.
Dites-moi si j'ai tort, je suis prêt à changer de cible s'il faut,
je n'ai pas de problème avec ça. En vous écoutant, ce que
je comprends, c'est que les problèmes qu'on constate au niveau des
milieux défavorisés, des régions éloignées,
des adolescentes, peuvent être réglés par des personnes
autres que les médecins, mais en CLSC, sur le plan d'une approche qui
est dans la période d'avant, en termes d'encadrement sur l'alimentation,
sur toute une série de choses qui sont extrêmement importantes.
C'est donc, et vous dites: Des CLSC devraient être là pour le
faire. Hier, les CLSC nous ont dit: Oui, on est d'accord avec les sages-femmes,
reprenant exactement ou à peu près le même constat que tout
le monde fait en disant: Ça devrait être fait par des sages-femmes
et par des équipes multidiscipli-naires aussi à partir des CLSC,
et les infirmières que vous évoquez dans vos propos, elles aussi,
sont venues nous dire: C'est un travail qui, effectivement, devrait être
reconnu que celui de la sage-femme. Démêlez-moi.
M. Saint-Georges: Je répète un principe que je vous
mentionnais tantôt. Je pense qu'il faut rendre les CLSC disponibles
à la population et non pas demander à la population de
s'intégrer aux CLSC. C'est très très très
différent, parce que la clientèle...
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'actuellement les
CLSC ne sont pas accessibles à la population?
La Présidente (Mme Marois): J'aimerais que vous nous
expliquiez ce concept-là, si vous le permettez, M. le ministre.
M. Saint-Georges: Bon, écoutez, c'est très simple
à expliquer. Je vais vous l'expliquer par un exemple que tout le monde
va comprendre. Je pense qu'à peu près 95 % de la
clientèle, pendant la grossesse, est suivie dans des cabinets de
médecin, et non pas suivie dans des CLSC. Ce n'est pas demain matin que
les gens, par la vertu
de je ne sais pas quelle magie, vont nécessairement se faire
suivre dans des CLSC. Ces 95 % de personnes-là, d'autre part, pourraient
avoir accès à des professionnels qui existent actuellement dans
les CLSC. Pourquoi ne pourrait-on pas arrimer les services que les CLSC sont en
mesure d'offrir à cette population-là et faire en sorte que les
médecins, autant dans leur clientèle privée que dans les
cliniques...
M. Saint-Georges:... ce que les CLSC sont en mesure d'offrir
à cette population et faire en sorte que les médecins, autant
dans leur clientèle privée que dans les cliniques de grossesses
à risques élevés qui peuvent exister dans des
établissements... Pourquoi ces diverses personnes ne pourraient-elles
pas se parler? C'est tout simplement ce qu'on propose.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Savoie: Mme la Présidente, il me fait plaisir...
La Présidente (Mme Marois): Excusez-moi, M. le ministre.
On convient que M. le ministre peut poser un certain nombre de questions, mais
comme vous n'êtes pas membre de la commission, il faut que la commission
autorise votre présence à cet égard, ce qui est fait
maintenant.
M. Côté (Charlesbourg): Vous n'êtes pas membre
de notre corporation, on vous fait un droit légal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Vous êtes bien
gentils. Vous me permettrez, à mon tour, de saluer les officiers de la
Corporation professionnelle des médecins du Québec. Quelques
questions. Tout d'abord, on sait qu'en Europe les relations qui existent entre
la Corporation des médecins et les regroupements de sages-femmes, les
corporations de sages-femmes, sont excellentes. Il y a vraiment une
coopération assez fondamentale et le mode de fonctionnement semble bien
se développer. Vous craignez qu'ici, au Québec, ça ne
puisse pas se produire. J'aimerais savoir pourquoi.
Mme Béliveau (Joanne): C'est bien évident que, dans
des pays qui ont une tradition, qui ont des sages-femmes depuis des centaines
d'années, des sages-femmes qui n'ont jamais disparu, c'est très
facile d'avoir une collaboration qui existe déjà. Ici, on
introduit une nouvelle intervenante qui ne résoudra pas forcément
le problème parce que le problème ne peut être
résolu que par un groupe d'intervenants qui comprend, comme le Dr Roy
l'a dit, des médecins, des diététistes, qui comprend tout
le personnel des CLSC.
M. Roy: le problème, en europe, c'est que les
accouchements normaux en dehors des hôpitaux sont
généralement faits par des sages-femmes. je vous l'ai dit,
à la fin: ii y a une spécificité, ils ont une
société distincte, eux, ils ont des traditions dans ce sens. au
canada et au québec, c'est le contraire, ce sont des médecins qui
font les accouchements. si on veut changer ça, ça veut dire qu'il
faudrait tasser les omnipraticiens et les remplacer par les sages-femmes.
imaginez-vous le tollé en europe si, demain matin, les médecins
disaient: tassez-vous, les sages-femmes, c'est nous qui prenons votre place,
maintenant. c'est exactement ça que vous voulez faire au québec,
sans même nous en parler, sans même nous consulter, sans même
connaître l'envers de la médaille.
M. Savoie: Dr Roy, une première question, peut-être.
À Terre-Neuve, je crois qu'il s'agit de la seule province où la
pratique des sages-femmes est assez bien implantée. Le territoire du
Labrador ressemble assez bien au territoire du nord du Québec et on nous
dit qu'au niveau des sages-femmes pratiquant sur ces territoires ça
fonctionne extrêmement bien, que ça répond vraiment
à une demande de la population.
M. Roy: En fait, il y a des particularités, à un
moment donné, dans un système. Bien sûr, moi, j'ai
pratiqué la médecine dans le Témiscamingue. J'ai fait des
accouchements à domicile; je ne ferai plus jamais ça, ce sont des
risques épouvantables; j'ai été chanceux. J'ai
travaillé avec des infirmières de colonie, les sages-femmes de
l'époque. Il y en avait une dans le comté
d'Abitibi-Témiscamingue. À Rémigny, j'étais en
charge d'une colonie où l'infirmière sage-femme faisait les
accouchements et, quand elle était mal prise, elle m'appelait. J'y
allais sur demande. J'ai travaillé dans des réserves indiennes et
ensuite, j'ai travaillé sur la Côte-Nord.
Je comprends que, dans des endroits où il n'y a pas de
médecin, où il n'y a pas de meilleur système, ce serait
Idéal d'avoir la collaboration de toute une équipe, mais II y a
des endroits où ça s'est toujours fait comme ça. Chez les
Inuit, chez les Indiens, elles accouchaient entre elles. C'était la
squaw qui accouchait les Indiennes, à l'époque; ce
n'étaient pas les docteurs blancs. À ce moment-là, que
voulez-vous, il y a une particularité à Povungnituk, mais ce qui
est bon pour Povungnituk n'est pas nécessairement transposable à
Montréal. Il y a un système en équipe à
Povungnituk, il n'y a pas d'autre chose. C'est un milieu fermé. On est
d'accord avec ça. Ce n'est pas nécessaire d'avoir des
projet-pilotes ou d'avoir une loi particulière pour faire ça. On
a tous les mécanismes dans notre loi pour faire ça si on nous le
demandait, mais on n'a jamais
rien fait, évidemment, pour empêcher une expérience
semblable; on trouve que c'est valable.
M. Savoie: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Marois): Une question brève, si
vous le permettez, M. le ministre.
M. Savoie: Dr Roy, croyez-vous que le gouvernement du
Québec procéderait à la création d'une corporation
des sages-femmes et à son installation d'une façon
définitive, après la période des projets-pilotes, dans
cinq ans, si ça allait à l'encontre, par exemple, du bien public
ou de la protection du public?
M. Roy: En fait, on ne peut pas présumer de ce qui va
arriver dans cinq ans, mais il reste que, actuellement... La question a
été posée par le député de Joliette à
plusieurs reprises, la remarque a été faite: Est-ce que c'est
normal d'avoir des projets-pilotes sans avoir une profession reconnue? C'est
mettre la charrue devant les boeufs, c'est clair. (15 h 45)
D'un autre côté, est-ce qu'on crée une profession
quand on ne connaît pas les membres qui en feraient partie et quand ces
membres sont en nombre infime? Il y a une espèce de dynamique à
suivre. Mais nous, on ne s'attarde pas à ça pour le moment. On
dit que, dans le contexte actuel du Québec, on n'en a pas besoin, de
sages-femmes. Ce n'est pas mauvais, il n'y a rien de mauvais dans ça. On
ne pense pas qu'il soit nécessaire d'instaurer une catégorie
nouvelle de professionnels de la santé au Québec.
Dans la propre argumentation du ministre, hier, dans son texte
d'ouverture, il a dit qu'il faut régler au Québec certains
problèmes majeurs de prématurité et de bébés
de petit poids dans les milieux défavorisés. Ce n'est pas la
sage-femme qui va faire ça. Elles-mêmes disent: On veut travailler
au milieu des grossesses normales, on est des spécialistes des
grossesses normales. Ce n'est pas la sage-femme qui va faire ça, c'est
un travail d'équipe. Amenez une équipe de
périnatalité et vous allez régler ces problèmes
avec les gens du milieu actuel de la santé, Infirmières,
travailleuses sociales et tout le monde qui existe déjà.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Dr Saint-Georges, vous
voulez ajouter un petit commentaire?
M. Saint-Georges: Juste un petit commentaire très court.
Dans l'allocution que vous avez prononcée, M. le ministre, qui s'inspire
effectivement de l'avis no 1 concernant la légalisation de la profession
de la sage-femme, vous faites allusion, à de nombreuses reprises,
à ce qui se passe aux États-Unis, en Californie, dans le
Kentucky, au Texas, en Arizona, etc. Vous reprenez l'argumentation de
l'avis no 1, ce qui est de bonne guerre, ce qui est tout à fait
normal.
Je peux vous dire que l'avis no 1, on l'a lu. On l'a fait lire. Il
existe dans l'avis no 1 le même problème qui existe dans un grand
nombre de revues scientifiques. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans un
grand nombre de revues scientifiques, il existe des problèmes importants
de méthodologie quant aux conclusions que l'on tire de nombreux
articles. Dans les divers articles cités, les avis qu'on nous fournit
sont à l'effet qu'on n'a jamais isolé la variable sages-femmes
comme étant responsable de l'amélioration des taux de
mortalité et de morbidité périnatale.
Ce qui découle des divers articles cités dans l'avis no 1,
de la page 32 à la page 37, c'est que effectivement, quand on constitue
une équipe et qu'on fournit des services à des gens qui n'en
avaient pas, on améliore leur condition. Quand on prend des
adolescentes, des pauvres mexicaines ou qu'on prend n'importe quelle personne
d'un milieu défavorisé et qu'on lui fournit des services, elle
est mieux après qu'avant. Mais c'est tout ce que les divers articles de
l'avis no 1 peuvent permettre de conclure, scientifiquement parlant,
d'après les chercheurs qu'on a consultés.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que permettraient des
projets-pilotes, ce serait d'éliminer les mauvaises méthodologies
et on aurait la pratique pour être capable de compiler les
résultats. C'est ce que permettraient les projets-pilotes.
M. Saint-Georges: M. le ministre, pour que ça permette
ça, il faudrait avoir des projets-pilotes faits à l'aveugle et
pouvoir comparer les résultats de deux types de projets-pilotes
identiques. Dans le projet de loi tel qu'il est déposé, II
n'existe aucun de ces critères qui permettraient d'identifier
éventuellement des succès ou des insuccès de ces divers
projets-pilotes.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Avant de passer la
parole à notre collègue, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, j'aimerais excuser le leader de
l'Opposition et critique sur ce projet parce qu'il a dû être
appelé en Chambre pour un projet de loi spécial. Oui, M. le
député.
M. Trudel: Je vais en profiter, bien sûr, pour vous
remercier aussi de nous faire connaître votre position. On en avait une
idée avant que vous arriviez. Le moins que l'on puisse dire, c'est
qu'elle est très bien campée. Elle a au moins cet avantage. Elle
est aussi très inquiétante, cette position. De voir que la
corporation qui représente les médecins du Québec donne
une
position aussi marquée par rapport à un
phénomène qui est quasiment devenu un phénomène
social, si on se fie... Là, ne commençons pas à nous
tirailler sur les méthodologies et sur l'évaluation des
résultats de sondages. Je pense qu'il y a une assez grande
évidence qu'il y a une manifestation de vouloir voir apparaître
dans le paysage québécois et de reconnaître une certaine
pratique des sages-femmes.
Est-ce que, dans ce cadre, si le gouvernement fait son nid et y va avec
une loi - et on est en matière de projet-pilote ici - on peut supposer
que, conformément à vos engagements, je dirais, sociaux et de
responsabilité sociale au Québec, on peut compter qu'il y aura
une certaine collaboration de la part des médecins pour avoir de
meilleurs résultats, tel que vous le dites en termes de
spécialistes et de connaissances, au niveau de l'installation de cette
pratique au Québec?
M. Roy: Ce serait malheureux que le gouvernement fasse son nid si
rapidement alors qu'il n'y a pas de feu dans la bâtisse. Ça fait
longtemps que la situation dure. Nous, on a offert notre collaboration. J'ai
des documents ici que je peux vous donner. Dans tous les mémoires qu'on
a fait parvenir à partir de 1985, on a demandé à
être consultés et on ne l'a jamais été. On a offert
notre collaboration, on a travaillé en catimini. Ça a
été une décision biaisée et malhonnête du
ministère de nous éloigner du sujet. On est prêts à
collaborer, mais on voudrait que le ministère rejoigne - et ça a
été dit hier soir - une table de concertation avec des gens du
milieu, infirmières, travailleuses sociales, gens des hôpitaux,
une couple de sages-femmes, si on veut, médecins, qu'on s'assoie et
qu'on discute du problème pour en arriver à une situation qui
serait vivable. Ne vous imaginez pas que, du jour au lendemain, les
omnipraticlens vont se tasser du champ de l'obstétrique. Ne vous
imaginez pas que, du jour au lendemain, les
obstétriciens-gynécologues vont continuer à réparer
des erreurs qui vont se commettre par des accouchements faits par des gens non
formés, non préparés. 20% des accouchements des
sages-femmes à l'heure actuelle aboutissent dans des hôpitaux et
sont réparés par des obstétriciens-gynécologues. Il
faudrait une certaine concertation, une certaine collaboration. On est
prêts à travailler dans une politique de
périnatalité. Il faudrait établir des besoins,
établir des objectifs, établir des priorités, mais
évidemment on ne veut pas se faire imposer quoi que ce soit.
Imaginez-vous, par exemple, que le gouvernement, du jour au lendemain,
n'étant pas satisfait des électriciens d'Hydro-Québec,
décide de créer une nouvelle catégorie
d'électriciens pour faire la même job et dise: Vous, tassez-vous.
Qu'est-ce que vous pensez qu'il arriverait? Alors, c'est ça. Il y a
quand même un certain problème humain à respecter.
M. Trudel: Est-ce qu'on doit comprendre, M. Roy, que, dès
le moment où on aurait une politique de périnatalité au
Québec, vous seriez d'accord avec la reconnaissance des
sages-femmes?
M. Roy: Je pense que, si on s'assoit et qu'on s'entend sur une
politique de périnatalité, on va respecter les règles du
jeu, comme on a toujours respecté les ententes qu'on a eues avec les
gouvernements, actuel et antérieur.
M. Lapierre: Ce qui est étonnant, Mme la
Présidente, si vous me le permettez...
La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement.
M. Lapierre: Ce qui est étonnant, c'est de réaliser
que la commission ne cherche pas du tout à connaître la
nécessité ou non de la sage-femme. On cherche les moyens de
l'implanter et on ne cherche pas la preuve de la nécessité d'une
nouvelle intervenante dans le système. Nous, nous disons: Faisons donc
la preuve de la nécessité d'une nouvelle intervenante et,
après ça, on dira si on est d'accord ou pas.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que notre
collègue permet un commentaire de M. le ministre? Bref, j'imagine.
Une voix: Je veux juste compléter...
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je ne peux pas
laisser passer ça, c'est impossible.
Une voix: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Je tenterais de vous dire
et, de toute façon on ne gagnera rien, que vous êtes à peu
près les seuls à contester le fait qu'il y ait une volonté
très claire au Québec d'implanter et de reconnaître les
sages-femmes. Moi, c'est ce que j'ai entendu depuis le début et c'est ce
que j'avais, avant même qu'on se rencontre dans des rencontres
auparavant... Je vous l'ai dit, à partir du moment où j'ai fait
ce constat, et je vous l'ai dit très honnêtement dans des
rencontres que nous avons eues en privé, j'ai dit publiquement: II va y
avoir un projet de loi sur les sages-femmes, il va y avoir des
expériences-pilotes sur les sages-femmes parce que ça
m'apparaît aujourd'hui répondre à une volonté qui
est populaire, qui est celle voulue par celles qui sont les premières
concernées par ça, qui sont les femmes. Ça, vous ne l'avez
pas contredit, et il n'y a personne qui a contredit ça jusqu'à
maintenant depuis le début de la commission. Ça me paraît
être une évkJen-
ce aussi.
M. Roy: M. le ministre, on ne vous empêche pas d'avoir une
loi concernant les sages-femmes ou des projets-pilotes. Ce qu'on dit, c'est
qu'il n'est pas urgent de l'adopter immédiatement, surtout que
vous-même avez dit que vous étiez pour apporter toutes sortes
d'amendements et même un nouveau projet de loi. On est prêts
à s'asseoir et à en discuter, mais actuellement on justifie - je
l'ai entendu trois ou quatre fois depuis une couple de jours - l'arrivée
des sages-femmes par la demande de la population à la suite d'un sondage
Léger - très léger même - un sondage Léger
où on demande: Êtes-vous favorable aux sages-femmes après
le dépôt du projet de loi par la ministre? Il aurait quand
même fallu connaître le genre d'échantillonnage de ce
sondage, la clientèle visée, les gens qui y ont répondu.
On peut faire dire bien des choses à des sondages. C'est comme si je
demandais, par exemple: Est-ce que les gens sont favorables à une baisse
de taxes? Vous savez bien ce que serait la réponse, mais le gouvernement
ne le ferait pas. Est-ce qu'on est favorable à un virage à droite
sur les lumières rouges? Il y a déjà eu un sondage
favorable à ça. Le gouvernement n'a pas changé la loi.
Est-ce qu'on est favorable à une hausse du salaire des
députés? Les gens se sont prononcés contre et vous avez
augmenté votre salaire pareil. Alors, écoutez!
La Présidente (Mme Marois): Mais vous admettrez,
docteur...
M. Côté (Charlesbourg): II est encore bien
inférieur à celui des médecins, compte tenu des heures
comparables.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Vous admettrez, cependant, Dr
Roy, que ce n'est pas il y a quelques semaines ou quelques mois que les
sondages se sont faits. Ce n'est pas d'une génération
spontanée dans la dernière année.
M. Roy: Au mois de juin.
La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a
déjà un bon moment que ce besoin a été
exprimé, signifié, étayé et qu'on aboutit
actuellement à un processus qui est engagé depuis un bon
moment.
M. Roy: On connaît très bien-La Présidente
(Mme Marois): Ce ne sont pas les derniers sondages qui viennent changer...
Ils viennent confirmer des choses, ils viennent en infirmer. On peut en retenir
les conclusions, les critiquer, c'est toujours utile.
M. Roy: Non, c'est un petit sondage de fin de semaine au moment
propice. On connaît l'évolution du dossier. Dr Saint-Georges.
M. Saint-Georges: Mme la Présidente, moi je voudrais vous
dire qu'on n'est pas venus répondre à des sondages. On est venus
vous fournir une opinion à l'égard d'un problème que vous
nous avez soumis, qu'on croit être un problème de santé
publique. Si un problème de santé publique se règle par le
fait d'un sondage paru dans le Journal de Montréal un dimanche
matin, je pense qu'on peut tous aller prendre des vacances.
La Présidente (Mme Marois): je pense que ce serait
présumer des outils d'évaluation des membres de la commission que
d'imaginer que c'est l'outil d'évaluation.
M. Saint-Georges: C'est ce que je crois.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. On est bien d'accord
là-dessus aussi. Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, s'il vous plaît.
Mme Carrier-Perreault: Justement, disons que, par rapport
à cet ensemble de sondages - vous parlez du sondage Léger &
Léger; j'en avais parlé moi-même, c'est sûr - il
reste qu'il y a aussi le bilan des réactions à la suite d'une
consultation du MSSS, à la question: Êtes-vous d'accord avec la
décision de mettre sur pied des projets-pilotes de pratique des
sages-femmes au Québec? Je regarde les résultats de ça, et
les réserves et les désaccords viennent pratiquement uniquement,
en fait, du groupe de médecins, d'obstétriciens, de l'Association
des hôpitaux, alors que la série de gens qui sont d'accord est
très longue. Il y a des gens aussi qui ont donné leur appui. La
majorité des groupes féminins ont donné leur appui
à ça. Disons que j'ai beaucoup de difficultés, moi aussi,
à voir la preuve que vous essayez de me faire qu'on n'a pas besoin de
ça, des sages-femmes au Québec. C'était juste
ça.
M. Roy: Est-ce que c'est votre question?
Mme Carrier-Perreault: Si vous êtes capable de me
démontrer ça autrement à un moment donné.
M. Roy: On aimerait bien ça, Mme la députée,
prendre une couple d'heures, deux ou trois heures avec vous, pour être
capable de vous expliquer le fond du dossier. Vous comprendriez mieux.
Mme Carrier-Perreault: Après tes fêtes, on se
rencontrera. Compte tenu aussi du peu de ressources budgétaires dont
semble disposer le
gouvernement - les propos auxquels vous faisiez allusion tout à
l'heure - est-ce que vous pensez que ce serait plus dispendieux pour
l'État de payer pour des sages-femmes que de donner un salaire à
des médecins?
M. Roy: Répétez donc encore. Comment? Si c'est
à...
Mme Carrier-Perreault: Pour les mêmes actes, si on veut,
même qu'on va un peu plus loin. Compte tenu des propos que vous avez
mentionnés...
M. Roy: La question des coûts, il en a été
question rapidement hier. Les sages-femmes "chargent" à peu près
- ce n'est pas de 500 $ à 700 $ - de 700 $ à 1000 $. De toute
façon, on ne se querellera pas sur les coûts des services
professionnels. Le médecin "charge" 225 $, un peu plus la nuit
maintenant; c'était 100 $, il n'y a pas tellement longtemps. Alors,
disons qu'il y a des visites incluses là-dedans. Les coûts
professionnels, on ne se querelle pas sur ça. Mais parlons
peut-être des coûts administratifs engendrés par
l'organisation, l'instauration des sages-femmes: la duplication des structures,
des comités à mettre sur place, des voyages des fonctionnaires et
mettez-en, mettez-en. C'est ça qui va coûter cher alors qu'on
pense que ce n'est absolument pas nécessaire d'avoir, dans le contexte
actuel, quelqu'un qui va faire un accouchement normal. Mais assoyons-nous et
discutons-en ensemble. D'autant plus que le ministère lui-même ne
sait pas vraiment les coûts que ça pourrait engendrer et l'argent
que ça pourrait "sauver". Il y a une étude qui a
été faite pour savoir les coûts, mais elle n'est pas
publiée au ministère parce que je pense qu'elle n'est pas
publiable.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: mme la présidente, merci. je veux d'abord
souligner que je suis un membre invité à cette commission-ci.
deuxièmement, je réitère ma loyauté à mon
président-directeur général de la corporation des
médecins, mais je lui réitère aussi mon désaccord,
évidemment, sur la question de l'exercice éventuel des
sages-femmes au québec. quand il dit qu'il n'y a pas
nécessité, s'il veut dire par là qu'il n'y a pas de
nécessité médicale, j'en suis, qu'il n'y a pas de
nécessité clinique, j'en suis. mais, c'est une
nécessité sociologique à laquelle on fait face
actuellement. je pense que c'est la raison principale pour laquelle notre
formation politique est en faveur de la pratique des sages-femmes au
québec. (16 heures)
Cependant, moi, je suis étonné, Mme la Présidente,
que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'ait pas
réussi à négocier - lui qui a des talents de
négociateur assez remarquables - avec la Corporation des
médecins, avec la Fédération des médecins
spécialistes et la Fédération des médecins
omnipraticiens, une sorte de modus Vivendi. Ça, ça
m'étonne beaucoup et ça me déçoit beaucoup, parce
que je ne peux pas concevoir qu'au Québec on lance, ne serait-ce que
dans des projets-pilotes, l'exercice officiel, ouvert, légal, ou la
pratique par les sages-femmes sans qu'il y ait des liens étroits avec
les médecins.
Mon collègue, tantôt, en face, le ministre qui n'est pas
celui de la Santé, responsable des...
Une voix: Responsable de l'Office des professions.
M. Lazure: ...de l'Office des professions - excusez-moi - a
posé la question que je voulais poser. Et je pense que c'est tragique de
s'avancer, d'initier un mouvement aussi important que celui-là, sans
qu'on ait réussi... Et je connais aussi les talents de
négociateur du Dr Roy; ils sont assez remarquables aussi. Et ça
m'étonne qu'il n'y ait pas eu de chimie entre les deux. Est-ce qu'il y a
eu suffisamment d'efforts pour arriver à un accord? Je ne suis pas
sûr qu'il y en ait eu suffisamment. Mais, en tout cas, moi, en conclusion
sur ce point précis, je pense que c'est quasiment voué à
l'échec, les expériences, si on n'a pas un mode de pratique qui
serait acceptable aux médecins.
La deuxième remarque que j'ai concerne un aspect du projet de
loi. La structure qu'on propose, à savoir de créer un conseil de
sages-femmes dans un centre hospitalier me paraît très lourde,
avec son comité exécutif, et me paraît un peu trop
marginale par rapport aux autres professionnels dans le centre hospitalier. On
sait que, à part le conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens dans un hôpital, il y a aussi le conseil des professionnels
incluant physiothéra-peutes, psychologues, les autres professionnels. Et
là, on créerait un troisième conseil de professionnels,
qui serait un conseil de sages-femmes et qui, en plus, relèverait
directement du conseil d'administration.
Alors, là, non seulement on veut commencer l'expérience
sans le concours des médecins, ce qui me paraît irréaliste,
mais on veut aussi commencer l'expérience en marginalisant ces futures
professionnelles de la santé, les sages-femmes, en les marginalisant par
rapport aux autres professionnels de l'hôpital. Pourquoi ne pas les
inclure dans le conseil des professionnels qui existe déjà? C'est
ma question au ministre. Parce que, là, vous allez créer une
zizanie dans l'hôpital. Vous allez avoir l'ensemble des professionnels
qui, eux, ont leur conseil et vous allez avoir un troisième conseil
à côté.
Et les mêmes remarques s'appliquent mutatis mutandis à la
création d'un service de maternité. Encore là, moi, je
crois que c'est absolument irréaliste - là, c'est l'ex-dlrecteur
général d'hôpital qui vous parle - de concevoir un service
d'obstétrique et, a côté, un service de maternité
qui seraient complètement indépendants l'un de l'autre. Je pense
que ceux qui ont imaginé ça, Mme la Présidente, ne
connaissent pas bien le fonctionnement des hôpitaux et devraient aller
faire des stages dans les hôpitaux pendant un certain temps. Voilai
La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le Président,
Dr Roy.
M. Roy: Merci. M. le député de La Prairie, je vois
que vous faites honneur à votre profession. Vous avez très bien
saisi le fond du problème très rapidement. Je dois dire que je ne
peux absolument pas - et je ne veux pas que mes propos soient
interprétés comme ça - jeter le blâme sur le
ministre actuel de la Santé qui est en poste depuis très peu de
temps, qui est en face d'un dossier volumineux qui chemine dans les arcanes
gouvernementales, non seulement à la Santé, mais à
l'Éducation, au Conseil du statut de la femme, au Conseil des affaires
sociales - nommez-en - il y a du monde dans ça, ça coûte
cher au gouvernement ce dossier-là, un dossier qui chemine depuis dix
ans en catimini, de façon à tenir à l'écart la
profession médicale. Le ministre arrive avec un dossier comme ça
devant lui et, nous, on dit au ministre, et on le répète: On vous
offre notre collaboration pour s'asseoir et en discuter pour comprendre le fond
du dossier. Ce qui arrive, aujourd'hui, c'est qu'on utilise un prétexte
pour reconnaître les sages-femmes. On veut les reconnaître pour
régler le problème de la prématurité des
bébés de petit poids. À cela, on dit: Ce n'est pas la
bonne raison, il n'y a aucune démonstration scientifique que c'est
ça qui va se faire.
D'un autre côté, et là, je vous rejoins très
bien, et on l'a dit à la ministre antérieure... On l'a
écrit. J'ai des textes de mes lettres. On lui a dit: Mme la ministre,
n'utilisez pas de mauvais arguments. On va comprendre très bien que vous
vouliez légaliser les sages-femmes et les reconnaître pour des
motifs idéologiques et politiques. On va les comprendre, ces
motifs-là. Mais ne venez pas essayer de nous induire en erreur - pour
utiliser un mot très poli - de nous conter des choses inacceptables, de
nous conter des histoires en pensant nous passer une couleuvre, en disant: On
reconnaît les sages-femmes parce qu'on en a besoin pour régler les
problèmes de prématurité et de bébés de
petit poids. Cela n'est pas vrai. Il n'y a pas de démonstration
scientifique pour amener la profession de sages-femmes au Québec, il n'y
en a pas, sauf pour des motifs idéologiques et politiques. Cela, je le
comprends très bien.
La Présidente (Mme Marois): Oui. Là, il nous reste
quatre minutes. Il y a une question qui a été soulevée au
ministre. J'imagine que mon collègue aimerait bien obtenir une
réponse. Attendez un petit peu, juste pour qu'on...
M. Côté (Charlesbourg): Dans ma réplique.
La Présidente (Mme Marois): Bon, d'accord. Alors, le
ministre me dit: Je répondrai dans ma petite réplique de la fin.
Vous avez une question, Mme la députée de Marie-Victorin?
Mme Vermette: Oui. Alors, si j'ai bien compris vos propos
tantôt lorsqu'on parlait des milieux éloignés et surtout
chez les Inuit, vous étiez d'accord, lorsqu'il y a une pénurie de
médecins, que cet acte-là soit fait par des infirmières ou
par des professions, autres que d'ordre médical. Pourquoi, finalement,
ces principes-là sont-ils si élastiques quand il n'y a pas de
médecin et que, là où il y a des médecins, on
change le principe, cela devient une autre façon de voir les choses? Je
ne comprends pas cela.
M. Roy: Parce que c'est une situation particulière.
Mme Vermette: Mais c'est le même accouchement. C'est le
même phénomène physiologique.
M. Roy: On dit: Dans les milieux organisés, on n'en a pas
besoin dans le contexte actuel. À Fort-Chimo ou a Kuujjuaq, maintenant,
il y a des médecins qui le font, il y a une équipe
médicale. À Povungnituk, pour prendre cet exemple, on a une
rotation très grande de médecins qui vont là. Les
médecins restent un an, deux ans. Ce sont généralement des
jeunes médecins dont un bon nombre ne veulent pas faire
d'obstétrique. Ils vont dans des régions éloignées
temporairement pour faire du temps, comme ils le disent, et pour revenir en
ville après. Ils ne sont pas intéressés à
l'obstétrique. C'est dommage. Je le déplore. À ce
moment-là, je pense que les gens de ces régions ont droit
à des services corrects, des services continus. Je pense que ça
peut s'apprendre, faire des accouchements. Les médecins
l'apprennent...
Mme Vermette: C'est exactement ce qu'on discute ici.
M. Roy: ...les infirmières et les sages-femmes...
Mme Vermette: C'est ce qu'on dit.
M. Roy: Mais, évidemment, quand on veut faire de
l'obstétrique globale, en France, c'est un cours de quatre ans. Ici, on
dit au Québec: Un cours de quatre ans, c'est aussi bien de faire un
cours de médecine. On n'a pas besoin de ça, c'est de la
duplication. Mais, il reste qu'à Kuujjuaq ou à Povungnituk, ce
sont des accouchements soi-disant normaux qui peuvent tourner très mal.
Et qu'est-ce qu'on fait? On réfère énormément de
patientes aussi à des hôpitaux de Montréal pour tous les
cas à risque ou les cas d'accidents. Cela coûte très cher
au gouvernement, ce système. C'est loin d'être l'idéal.
Mais que voulez-vous? Il faut à un moment donné donner des soins
minimum à la population et on est d'accord avec ça.
La Présidente (Mme Marois): Le Dr Lapierre voulait ajouter
quelque chose, non?
M. Lapierre: Oui, s'il vous plaît, Mme la
Présidente. Le problème de Povungnituk est un problème
très particulier dans le Québec. Évidemment, on ne peut
pas se payer l'ensemble des services dans toutes les régions de la
province. Povungnituk est une région qu'on appelle une région
isolée. Ce n'est pas une région éloignée, c'est une
région isolée. Je vous rappelle que, vers 1977, la Corporation,
avec l'Ordre des infirmières, avait commencé à
élaborer un projet de règlement pour permettre à des
infirmières de poser des actes, selon le règlement des actes
délégués, à cause de l'isolement de la
région. Et si le projet n'a pas évolué davantage, c'est
parce qu'il y a eu des moratoires instaurés par le ministre du temps sur
les actes délégués et aussi parce que le premier
règlement sur les actes délégués a pris huit ans
à franchir les dédales, je dirais, des affaires
parlementaires.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Il nous reste
très peu de temps. Oui, allez-y.
M. Saint-Georges: Quinze secondes, si vous permettez, Mme la
Présidente. Je pense qu'il ne faut pas partir du postulat que l'exercice
à Povungnituk va être identique à l'exercice à
Montréal et vice versa. Je pense qu'il faut se promener dans la province
pour réaliser que les services de santé ne sont pas identiques
partout dans la province. Je pense qu'il ne faut pas faire d'analogie de ce
type-là parce qu'on va sûrement arriver à de fausses
conclusions, les prémisses étant fausses.
La Présidente (Mme Marois): sauf que vous allez admettre,
cependant, je pense que vous êtes d'accord, qu'accoucher là-bas ou
accoucher ici, c'est toujours la même chose, le même
phénomène.
M. Saint-Georges: Quand on accouche à
Montréal, madame, je pense qu'on est en droit d'être dans
un environnement qui soit différent de celui qu'on peut avoir quand on
est à Povungnituk. Pour avoir visité plusieurs fois la province
de Québec, je peux vous dire qu'il y a bien des gens des régions
éloignées qui aimeraient avoir les services de santé que
les grands centres peuvent offrir.
La Présidente (Mme Marois): J'en conviens avec vous,
sûrement et à bien des égards.
M. Roy: ...Mme la Présidente, et comme femme vous le savez
très bien, les femmes attachent un très grand prix à leur
bébé-La Présidente (Mme Marois): J'espère
que les hommes aussi.
M. Roy: ...et surtout en la période
d'austérité d'aujourd'hui. On n'est pas pour revenir à la
période d'il y a 50 ans où mes parents, mes grands-parents
avaient 10, 15, 20 enfants. S'il mourait trois ou quatre enfants à
l'accouchement, même la mère, ce n'était pas...
C'était la Providence qui avait voulu ça. On faisait des
prières et c'était fini. On n'est pas pour revenir à cette
période. Dans le temps où j'ai commencé à faire des
accouchements, il mourait 80 femmes par année au Québec et
maintenant, quand il en meurt une par deux ans, on en fait un drame et,
à juste titre, on fait une enquête. La vie des femmes et des
enfants, ça a un prix énorme qu'il faut respecter. Il faut donner
la sécurité aux femmes et aux enfants. On veut la leur donner. On
est prêts à travailler avec divers intervenants dans une
équipe, on l'a fait déjà, on veut améliorer la
périnatalité au Québec, on veut travailler avec le
ministère. Que le ministère nous demande de nous asseoir avec lui
et on va collaborer, mais on ne veut pas se faire passer des sapins.
La Présidente (Mme Marois): enfin... il nous reste peu de
temps. j'ai promis au ministre un temps de réponse d'une minute tout au
plus. m. le ministre, si vous le permettez.
M. Côté (Charlesbourg): Ce sera ma conclusion en
même temps, Mme la Présidente, pour dire au Dr Lazure deux choses.
D'abord, II ne faut pas demander à quelqu'un qui est là depuis
deux mois d'avoir les talents de négociateur de quelqu'un qui n'a pas pu
régler le problème pendant 20 ans - il faut donc lui laisser le
temps - et avec plusieurs ministres successivement qui avaient probablement
plus de talent que moi. C'est le premier élément. Le
deuxième élément, je l'ai dit et je le
répète, le projet de loi tel qu'il est déposé
aujourd'hui ne sera pas le projet de loi qui sera déposé à
l'Assemblée nationale. Il y aura des modifications pour tenir
compte de tout ce qu'on a entendu en commission parlementaire, y compris
de vos propos.
En terminant, ce que je trouve intéressant de la discussion qui a
quand même été productive parce que je pense que c'est
l'expression d'opinions bien senties par chacun, c'est qu'on s'entend qu'il
faut très rapidement avoir une politique sur la
périnatalité et vous, de manière très positive,
vous concluez en démontrant une ouverture. Ce qu'on n'a pas eu hier
soir, vous nous l'offrez cet après-midi, je trouve ça
extrêmement intéressant. Je vous dis: Je relève le gant
mais je serai à même de juger à la fin de
l'expérience de l'ouverture, de la bonne foi et on ne m'y reprendra pas
deux fois si jamais la bonne foi n'est pas là.
M. Roy: Pour terminer, M. le ministre, moi aussi je suis
prêt à relever le gant. On a eu une discussion virile sur un sujet
de femmes, on est prêts à s'asseoir et vous avez remarqué
que, sur notre délégation de six, il y a trois femmes. C'est le
portrait de la profession médicale au Québec. La médecine,
ce n'est pas une affaire d'hommes seulement, c'est une affaire de femmes et
d'hommes. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse, II y a mon
collègue Ici qui voulait ajouter une phrase.
M. Chevrette: Je voudrais dire que je regrette de ne pas avoir
croisé le fer, mais j'ai dû aller plaider une suspension des
règles à l'Assemblée nationale parce qu'on passe une loi
d'exception de l'autre côté sur l'institut Armand-Frappier. De
sorte que je m'excuse, ce sera partie remise. Je ne hais pas ça croiser
le fer avec vous.
M. Roy: On vous a beaucoup "manqué", M. le
député.
M. Chevrette: J'en suis convaincu parce que d'habitude on a des
bonnes altercations.
La Présidente (Mme Marois): Remarquez, si vous me le
permettez, en conclusion et en vous remerciant, peut-être que si les
femmes avaient été plus nombreuses au pouvoir ce serait
déjà réglé. Merci. (16 h 15)
J'inviterais maintenant le Centre de santé Inuulitsivik, s'il
vous plaît, à venir prendre place devant nous.
Est-ce que les membres de la commission peuvent reprendre leur
siège? C'est presque fait. Alors, nous recevons maintenant le Centre de
santé Inuulitsivik. Alors, je leur dis innuitgne, bienvenue. J'aimerais
que vous vous présentiez aux membres de la commission, ainsi que les
gens qui vont participer à la présentation de votre
mémoire, s'il vous plaît. Merci.
Centre de santé Inuulitsivik
Mme Tremblay (Francine): Mme la Présidente, bonjour, M. le
ministre, bonjour à tous les membres de cette intéressante
commission parlementaire sur la pratique des sages-femmes au Québec.
À travers les vents et les tempêtes du Nord, on a
réussi à arriver à temps pour nous joindre à vous
afin de venir vous parler de la pratique des sages-femmes qui prévaut
depuis trois ans à Povungnituk, chez les Inuit, et aussi vous apporter
un peu nos commentaires relatifs au projet de loi 4.
Le mémoire qui vous a été remis - d'ailleurs, il a
une couverture de couleur un peu saumon de l'Arctique, couleur orange - nous
regrettons de vous dire que nous n'avons pas eu le temps de faire les
traductions françaises de la plupart des documents. Nous nous en
excusons, c'est vraiment un manque de temps et de ressources disponibles pour
ce genre de travaux urgents.
Cela étant dit, Mme la Présidente, je voudrais demander la
possibilité, étant donné qu'il y aura des traductions
à faire lors de la période de questions, une petite extension au
nom de notre groupe.
Pour ce qui est de nos femmes participantes du Conseil régional
Kativik, je vais vous les présenter à l'instant. Vous avez, au
milieu, notre directrice générale du Centre de santé
Inuulitsivik, Mme Aani Tulugaq; à sa droite, Mme LJzzle Epoo-York, notre
directrice générale du Conseil régional de la santé
Kativik (région 10A); à gauche de Mme York, Dr André
Corriveau, qui était le DSP, a initié et était là
au début de l'implantation de la maternité à
Povungnituk.
Si je reviens à droite de la directrice générale,
Mme Akinisie Qumaluk, qui est une sage-femme et qui est aussi membre de
l'Association des femmes autochtones à Povungnituk. Vous avez, à
sa droite, Mme Johanne Gagnon, qui est aussi sage-femme et qui était
là, avec le Dr Corriveau et Mmes Aani Tulugaq et Akinisie Qumaluk, lors
de l'implantation des services de maternité à Povungnituk. Ce
seront les principaux présentateurs de cette rencontre. Nous avons aussi
le Dr François Meyer que j'invite à venir s'asseoir auprès
de nous...
La Présidente (Mme Marois): Oui, allez, Dr Meyer, vous
pouvez prendre place.
Mme Tremblay: ...du dsc chul, qui fera une présentation.
sur ça, je laisse donc la parole à mme ljzzie epoo-york,
directrice générale, pour l'ouverture de notre discussion.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme
Tremblay.
Mme Epoo-York (Lizzie): Thank you. First of all, I would like to
say that I am very pleased to speak on behalf of our Regional Council today.
Midwifery is very important to us in our life. As you know, one of our
establishments has incorporated a community-based midwifery practice in its
health care services.
We live in Northern Quebec, above the 55th parallel. Our region has two
establishments, serving a population of about 6000 people.
I believe this is the only establishment in this Province, and in
Canada, to offer this service to its population. Since its opening, we have.
seen tremendous changes in attitudes towards family life and all aspects of
well-being.
This attitude unfortunately disappeared when community midwifery
dissolved due to the introduction of new medical services that did not allow
local midwives to share their lifetime practice.
I would also like to say a bit about my experience of delivering two of
my children. The first one was born in Montreal, which is very, very far away
from home, and it was nowhere near a natural birth. It was a frightening
experience, there was no one around to ask questions to. For an Inuk, this is
very very disturbing, because we are very open to life and very very natural.
And today, there are still women who are transferred to Southern hospitals who
go through the same experience I had in Montreal. But let me just say that I
feel I must do everything in my power to prevent my daughters, and any other
women who will give birth in future, from going through the same bad experience
I had.
Over the last 20 years, no one else has been able to make such
improvements in these areas, and we admire people who believe in satisfying
women's needs and who had the courage to work hard in implementing maternity
services in Inuulitsivik. The program would never have been successful without
the belief of these people in the importance of what they are doing.
The most significant component of the maternity service was that the
midwives involved trained Inuit women and exchanged their knowledge. The second
most important component was the participation of doctors. These physicians
have had much respect for the Board, the midwives, and they have understood the
needs of the population.
We have now reached the stage in our development where we are even
prepared to say that doctors who do not believe in midwifery should not
consider working in Northern Quebec. We feel that the uniqueness of our region
must be recognized. We live in a vast region with a very small population and
with a very different life-style since the majority of our residents are
Inuit. Because of this context, we feel that it would be better to be
full partners in defining the proposed draft according to our needs.
For the Inuit, the reality is not the same. The Southern mentality has
imposed on us for about 30 years. However, we have not forgotten home
deliveries and we intend to reinforce midwifery in our communities. Therefore,
in conclusion, I would like to take this opportunity to say how proud and
delighted I am to have been able to speak in support of Inuulitsivik Hospital
Centre. Thank you.
Mme Palliser-Tulugaq (Aani): Not long ago a proud,
self-sufficient and culturally rich nation, we have watched hopelessly as ours
became a nation plagued with one of the highest suicide rates, the highest
death rates caused by violence and accidents, the highest incidents of family
violence, the highest rates of unwanted and teenage pregnancies, the highest
rates of tooth decay in very young children, the nation with the lowest number
of elders. In the past 15 to 20 years, our communities have seen these problems
and more, which were never before witnessed in our ancestral and nomadic
lands.
Lacking the resources and the training needed to help it, to meet these
challenges, ours has become a stagnant nation, overwhelmed by a lack of
understanding of the White man's laws and regulations, a nation that has lost
its self-determination and its self-esteem. That is why, when we first heard
that the Health and Social Services Centre was being built in Povungnituk,
which was to operate a maternity ward, the local women's groups felt it was
important that these maternity services should not contribute further to this
deterioration.
Our concerns included the mental and physical well-being of women and
children, that women have to understand how their bodies function. The issues
included teenage and unwanted pregnancies, family violence, sexually
transmitted diseases, family planning, parental responsibility towards
children; the communities were concerned that women needed support to stop
feeling violated in the home and in the community. These concerns have been the
foundation of the training of three Inuit mid-wives, at Inuulitsivik Hospital,
which has lasted three years.
We feel that it is by giving a woman the knowledge and the information
she needs to care for herself and her baby that we have the best chance of
seeng positive change. This information, when given and made available to the
community in their own language, becomes a tool which enables people to make
better choices for themselves. They feel they have more control and therefore,
reflect a better outlook on their lives. We have had midwifery services
available to our people for three years now and we are
satisfied with these services. In fact, we feel we have received more
than what we first expected. Thank you. (16 h 30)
La Présidente (Mme Marois): Thank you, Mrs. Tulugaq.
Oui?
Mme Qumaluk (Akinisie): Thank you. "Nakormik. " Since the
maternity in Povungnituk opened, we, the Inuit midwives, have seen changes in
how women take care of themselves and their children. Not only do they know
more, but they are more confident of how and what to do. For example, when we
first started, most women did not know what good food was. They did not even
know that their own country food was a source of good nutrition. We understood
a bit but not as much as we know today and we are using the information to lead
healthier lives.
When, we, women, were sent South to have our babies, we could not speak
our own language, we could not eat our own food, we worried about our kids and
our families back home but, mostly, we had no support. They were only strangers
to us and how could they know what we needed? With all the changes that have
come to our communities in the last while, much of the common knowledge, the
things everyone knew began to disappear. When women started going South to have
their babies, the community was cut off even more from the whole process of
child-birth. Mothers and daughters stopped sharing what they knew and people
became very dependent on nurses and doctors, but dependency is not a healthy
way.
This is why our women wanted to change the way things were being done
around childbirth. A woman gives birth according to the way she is and how she
feels about herself. Knowing herself and being supported by women who know her
help her to go through her birth in a growing way and to have more confidence
about how she takes care of her children after. But the Inuit have always known
this. Myself, I have seen, since the maternity opened, that men too are getting
more involved in caring for their wives and children. They are taking more
responsibility for supporting them. They are hunting more to provide them with
good food. As they learn more, they are learning more respect too. The
midwifery care is changing our way of life in our communities for the better.
It is important for us to give birth in our community with our relatives and
with midwives who speak our language.
The midwives encourage women to give birth naturally, to move around in
labour and have our families near for support. The midwives help teach women to
take care of themselves in pregnancy and give birth safely. We use medical
equipment and drugs if necessary, but we do not cut or drug women when it is
not necessary. Midwives work together with doctors and nurses and community
members as a team and, because we know each other and share with one another,
the midwives are trusted as primary caretakers by the professionals working
with us and, more importantly, by our own people.
We are proving to ourselves and to our community that this way works. We
remember that our people have traditionally had these skills. It is important
that Inuit women can train on the job in their community, taking from the old
and new; Inuulitsivik could be a model for this kind of training. For Inuit,
birth is natural; with or without complications, birth is still natural. Inuit
accept things this way. Non-Native people have a hard time understanding life
this way. Midwifery is a profession, but it is also a simple and natural way of
sharing and caring. Thank you. "Nakormik".
La Présidente (Mme Marois): Thank you, merci. Oui,
allez-y.
M. Corriveau (André): Je suis le Dr André
Corriveau. J'ai été directeur des services professionnels
à Povungnituk, de l'été 1986 jusqu'au printemps dernier.
Il y a beaucoup de choses que je voudrais et que je pourrais vous dire sur la
maternité de Povungnituk, comment cela a évolué, comment
c'est arrivé, comment cela a fonctionné. Je pense que je vais
laisser les questions venir à moi plutôt que de vous donner un
énoncé, une présentation très formelle.
Il y a trois points de ce qui a été dit par le Dr Roy que
je voudrais relever avant et qui m'ont chicoté au plus profond de mes
entrailles, et je ne peux pas passer à côté de ces
remarques. Le premier commentaire qu'il a fait, c'est que les médecins
qui allaient à Povungnituk étaient des médecins qui
manquaient d'expérience, des jeunes médecins qui, en
général, ne voulaient pas faire d'obstétrique. Alors, je
voudrais apporter un commentaire là-dessus.
Premièrement, quant à la question des jeunes
médecins, mon expérience à Povungnituk - et c'est moi qui
engageais les médecins de 1986 à 1989 - c'est qu'on Insistait
beaucoup pour que ces médecins aient un intérêt et une
expérience très concrète en obstétrique. Je peux
vous citer le cas de Daniel Lachance qui a été avec nous autres
pendant deux ans et à qui j'avais demandé d'aller faire un stage
de deux mois dans un hôpital pour parfaire son expérience en
obstétrique, parce que le médecin était une personne
clé dans le processus de décision et c'était important
qu'il y ait une bonne maîtrise de ce domaine-là. Dans mon cas,
j'ai été intéressé à la pratique en
région éloignée dès le début de mes
études en médecine et, pour être certain d'avoir
l'expérience requise, je m'étais même expatrié
à Terre-Neuve pour faire mon
internat, parce que je savais que, là-bas, Ils formaient de vrais
omnipraticiens qui travaillaient en région isolée et que
j'arriverais là-bas avec tous les outils nécessaires pour faire
face à la pratique qui m'attendait.
Quant à la question de la jeunesse, écoutez, moi, je sais
que j'avais 33 ans quand je suis arrivé là-bas et que j'avais, en
plus, terminé un stage en résidence de santé communautaire
parce que je voyais que c'étaient les défis qui auraient à
être réalisés dans le Nord et que cela englobait non
seulement la médecine clinique, mais des défis de santé
communautaire. Je voulais arriver là et donner ce qu'il y avait de
meilleur pour la population inuit.
Quant à la question de roulement des médecins, je peux
vous dire qu'il y avait le Dr Dwong qui était à Povungnituk ou
dans la région du Nord depuis une quinzaine d'années, qu'il y
avait le Dr Jean-François Proulx, qui a terminé l'an dernier et
qui avait été là pendant sept ans, moi-même, qui y
suis resté trois ans, et le Dr Michel Lambert, en arrière, qui
m'a remplacé comme DSP, qui en est à sa troisième
année à Povungnituk. Comme question de haut roulement, c'est
évident que, dans le Nord, on ne pourra jamais s'attendre que les gens
aillent s'installer là de façon permanente, mais je pense
qu'à Povungnituk on avait quand même réussi à tenir
notre bout et à avoir une certaine stabilité dans l'équipe
médicale. La quostlon d'Intégrer la pratique des sages-femmes
chez nous découlait d'un ensemble de facteurs et certainement pas du
fait que les médecins n'étaient pas aptes à pratiquer
l'obstétrique ou n'étaient pas intéressés à
le faire non plus. C'était certainement une des choses qu'on avait... On
avait à préparer nos médecins qui arrivaient, à les
ajuster à ce type de pratique, mais ce n'était pas parce qu'ils
arrivaient là en ne voulant pas en faire et ça n'avait rien
à voir avec les raisons pour lesquelles on avait emmené des
sages-femmes à Povungnituk. Alors, je trouvais important de
répliquer à ça.
Ensuite, je voudrais juste toucher brièvement au problème
de santé publique, au fameux problème de santé publique
que l'intégration des sages-femmes amènerait au Québec au
niveau de la périnatalité. De toute façon, tout à
l'heure, je pourrai vous donner toutes sortes de statistiques sur la
maternité de Povungnituk et sur celles que j'ai réussi à
générer par rapport à la pratique obstétricale du
reste du Québec, malgré l'isolement et tout ce qu'on nous
reproche dans le Nord. Je pourrais vous dire que la pratique de la
"sagefemmerie", si on peut utiliser ce terme, est une pratique qui... On
parlait, tout à l'heure, des besoins sociologiques auxquels on pourrait
répondre: il va toujours y avoir une demande pour ce service, qui est un
service beaucoup plus personnalisé, je pense, dans certains cas, et plus
spécialisé, jusqu'à un certain point, et en la confinant,
en gardant cette profession dans l'illégalité, en fait, on la
condamne à être une profession clandestine, parce qu'il y a encore
une demande, la demande reste réelle. On la confine à la
clandestinité. Aussi, ce qui se produit au niveau de la santé
publique, à mon avis, vu qu'il n'y a pas de cadre de
référence, ça donne lieu à toutes sortes de
pratiques qui, à ce moment-là... Le danger, d'après moi,
est beaucoup plus grand qu'en l'intégrant à la profession des
sciences de la santé comme une des professions auxquelles les gens ont
accès et ont un droit.
Alors, je pense que je vais laisser ma présentation de
côté et je vais attendre les questions de la commission, Mme la
Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. Est-ce qu'il
y a d'autres Interventions à ce moment-ci ou est-ce qu'on peut
procéder aux questions? Is there any other...
Mme Gagnon (Johanne): il y avait, pour faire suite à tout
ça, la réaction, en fin de compte, des membres de cette
équipe-là à povungnituk sur le projet de loi.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
Mme Gagnon: Alors, je ne sais pas si vous almorie? mieux
procéder à dos questions ou si vous voulez entendre parler du
projet de loi maintenant? Oui?
La Présidente (Mme Marois): D'accord. On
préférerait peut-être que vous nous fassiez une
présentation en la ramassant un peu...
Mme Gagnon: D'accord.
La Présidente (Mme Marois): ...nous permettant un petit
peu déjà de voir peut-être les pistes sur lesquelles vous
souhaiteriez que nous vous interrogions par la suite, d'accord?
Mme Gagnon: D'accord. D'abord, je voudrais remercier l'actuel
ministre de la Santé et des Services sociaux d'assurer aussi rapidement
dans son mandat la poursuite des actions gouvernementales sur la pratique des
sages-femmes dans le système de santé québécois. Au
regard de l'opinion publique hautement favorable des besoins périnatals
au Québec, des recommandations issues du comité
ministériel de 1986 et des oppositions farouches des groupements
professionnels, autoritaires et intéressés, nous croyons
respectueuse et sage la décision du ministère de mettre sur pied
et surtout de veiller à planifier favorablement l'encadrement de la
pratique des sages-femmes et des établissements dans le cadre des
projets-pilotes.
Nous voulons considérer ces projets-pilotes
telle une phase préliminaire à l'intégration
harmonieuse et permanente de la pratique des sages-femmes dans le
système de santé québécois. Pour remplir
efficacement cette question, nous devrions, au terme de ces projets, disposer
d'une évaluation globale et rigoureuse des projets-pilotes sur des
thèmes visés au départ par les législateurs.
À la lumière des recommandations issues de cette
évaluation pourraient être définies les modalités
intermédiaires ultérieures et les modalités permanentes de
l'intégration des sages-femmes au système de santé
québécois, la reconnaissance officielle légale de la
pratique des sages-femmes au Québec et de leur Intégration dans
le système avec pour Impératif le respect de l'histoire
récente des sages-femmes au Québec. Le processus
d'intégration des nouvelles professions dans un système de
santé aux multiples facettes nécessite une démarche
structurée et continue de l'État et des groupes impliqués.
Dans cet esprit et parallèlement avec notre expérience, la
nécessité de refondre le projet de loi 4 nous apparaît
claire. De manière générale, nous dirions que ce projet de
loi vise trop loin dans l'immédiat de son écriture et tout
à la fois ouvre sur trop d'imprécisions qui vont mener tout droit
ces projets à l'échec.
Coordination et objectifs. On va d'abord traiter peut-être de
cette partie-là. Les projets-pilotes seront mis sur pied pour fournir -
enfin, c'est si nous avons bien compris la décision gouvernementale -
une base provinciale d'évaluation des divers aspects entourant ou
interférant avec la pratique et l'intégration des sages-femmes
dans notre système de santé et/ou susceptible d'agir sur la
qualité de ces services. Il nous apparaît donc impératif
que le projet de loi définisse clairement, d'une part, les grands termes
sur lesquels devra porter cette évaluation et, d'autre part, des points
particuliers sur lesquels nos législateurs nécessiteront des
recommandations. Cette ligne de conduite en quelque sorte nous apparaît
négligée. D'autre part, dans le souci d'une évaluation
globale nourrie également de chacun de ces projets et tout à la
fois cohérente dans les similitudes et différences des divers
projets-pilotes, il nous apparaît essentiel que le projet de loi
prévoie la constitution d'un comité aviseur multidisciplinaire
chargé de chapeauter les trois phases de déroulement des
projets-pilotes.
La première phase: les phases intermédiaires. Entre le oui
gouvernemental et les premiers gestes cliniques des sages-femmes à
l'intérieur des projets-pilotes - on parie ici d'expérience, on
en a fait une, on sait ce qu'il y a entre tout ça - garantissant une
structure de base uniforme au champ de pratique des sages-femmes à
l'intérieur de ces projets, cette phase devrait prévoir et
organiser l'évaluation des connaissances et des habiletés des
sages-femmes désirant oeuvrer dans ces projets et, fonction de cette
évaluation, planifier les moyens d'enrichir ou d'harmoniser ces
connaissances et habiletés, vu la diversité des modèles
humains et professionnels des sages-femmes engendrée par l'histoire
récente de la périnatallté au Québec. Une
étape parallèle serait la détermination des lieux de
déroulement de ces projets-pilotes, choix effectué en fonction
des disponibilités et des thèmes de l'évaluation, ce qui
n'exclut donc pas la pratique à domicile. (16 h 45)
En deuxième phase, soit durant le déroulement des projets,
le comité aviseur multidisciplinaire serait chargé d'assurer la
surveillance du respect des règles de base fixées au
départ et convenues avec les établissements et/ou, au besoin, de
les modifier, et, encore au besoin, d'intervenir pour gérer des conflits
susceptibles d'entraîner la détérioration du milieu de
pratique des sages-femmes.
En troisième phase - cette phase, en fait, débute
dès le commencement de tout ça - le comité aviseur
multidisciplinaire devrait adresser au ministère un rapport global et
final sur l'ensemble des facteurs évalués correspondant avec la
volonté initiale des législateurs et les recommandations qui en
découlent.
De notre avis, et basé sur notre expérience, ce
comité aviseur central multidisciplinaire assurerait la permanence d'un
espace neutre de communication essentielle dans le climat de conflit
professionnel qui menace la faillite des projets-pilotes de même qu'un
élément de cohérence et de continuité au niveau des
apports fournis par ces projets-pilotes sur le dossier de la
légalisation de la profession de sage-femme au Québec. Nous
savons que les sages-femmes ont leur place dans le système de
santé québécois et nous savons également
qu'affirmer que nous n'en avons pas besoin, c'est affirmer que nous ne savons
pas ce qu'est et ce que fait la professionnelle sage-femme.
Oeuvrant d'abord dans l'intérêt du public, les
législateurs québécois devront relever le défi de
créer des politiques favorables au développement et au maintien
d'un modèle québécois de sage-femme adapté à
notre culture, à nos besoins spécifiques et cela, dans le respect
de la tradition internationale des sages-femmes. Ce modèle devra
bénéficier rie structures et d'une autonomie suffisante pour
s'adapter à l'évolution des standards de santé en
évolution rapide au Québec comme dans plusieurs régions ou
pays du monde. Les sages-femmes du Québec sont soucieuses d'assurer le
respect des fondements de la pratique sage-femme qui, à bien des
égards, s'éloigne de près ou de loin des tendances
officielles de la profession d'infirmière et de celle de
médecin.
À toutes les phases du développement de ce dossier, les
législateurs devront respecter ces différences réelles
afin de ne pas condamner les
effets bénéfiques de cette profession de toutes parts
rattachée à l'action communautaire. Dans cette lignée, il
nous apparaît d'ores et déjà impératif que soit
reconnue indépendante la profession de sage-femme et que, par respect
pour l'histoire ancienne et récente du peuple québécois,
soit aménagé également un espace sécuritaire pour
la pratique à domicile.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, Mme Gagnon.
Est-ce qu'il y a... Oui, s'il vous plaît. You have another intervention.
You want to speak?
Mme Palliser-Tulugaq: I would just like to conclude. In
conclusion, we request: 1) that the Parliament of Québec support the
legislation of a modified Bill 4, An Act Respecting the Practice of Midwifery
within the Framework of Pilot Projects; 2) due to the particular problems that
the Inuit of Northern Québec face and due to the satisfaction expressed
by our people, that the Parliament of Québec recognize that the
Inuulitsivik Hospital has made midwifery services available to our people for
the last three years and that further recognition must be given to the local
training we provide for Inuit community midwives so that Inuit midwifery be
officially recognized even if local training is not done according to the
modalities accepted in the future for Non-Native midwives. Thank you.
La Présidente (Mme Marois): Cela va, merci.
M. Corriveau: Mme la Présidente, je veux juste m'offrir
pour faire la traduction s'il y avait des membres de la commission qui
désireraient que je leur donne le message.
La Présidente (Mme Marois): Je ne crois pas. Est-ce que
ça va? Cela va.
Une voix: Ça va. J'ai un traducteur à
côté de moi.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de la
présentation. Est-ce que vous voulez y aller, M. le ministre
délégué...
M. Côté (Charlesbourg): Ah! aucun
problème!
La Présidente (Mme Marois):... responsable de l'Office des
professions? Vous voulez y aller?
M. Côté (Charlesbourg): L'Office des professions,
allez-y, M. le député d'Abitibi-Est. Je suivrai et, si vous
prenez trop de temps, je vous couperai.
M. Savoie: Merci beaucoup, M. Côté. Mrs. Tulugaq, I
believe that we have already met three years ago. Could you tell me, when you
were born in povungnituk, if you were born in
Povungnituk, under what conditions you were born? was there a doctor
present or was it a midwife?
Mme Palliser-Tulugaq: I was born in Inukjuak, In an Igloo, by an
Inuit midwife with no nurses and no doctors. I was born 35 years ago, in
February, in the winter time, in an igloo.
M. Savoie: And if one was to be born 20 years ago, in Povungnituk
- that was before the construction of the hospital - would one still be born in
the presence of an Inuit midwife or would there be a doctor present?
Mme Palliser-Tulugaq: Now? M. Savoie: No, 20 years
ago.
Mme Palliser-Tulugaq: 20 years ago, there were still no
nurses.
M. Savoie: There were still no nurses. Mme Palliser-Tulugaq:
No nurses. M. Savoie: 10 years ago?
Mme Palliser-Tulugaq: It has only been in the last 15 years.
M. Savoie: That is right.
Mme Palliser-Tulugaq: 13 to 15 years.
M. Savoie: So, up until that time, finally, what was used was a
sort of midwifery that was in operation throughout...
Mme Palliser-Tulugaq: Inuit midwives, yes.
M. Savoie:... all of inuit lands around the arctic circle. do you
feel that the presence of doctors has considerably enhanced the birth-giving
process up north?
Mme Palliser-Tulugaq: i think our presentation makes it clear
that we feel that the less medical intervention there is in childbirth, the
better it is for women.
M. Savoie: Are you related to Harry?
Mme Tulugaq: I may not be the best person to be answering these
questions.
Une voix: She is his sister-in-law.
M. Savoie: Ah! you are Hanys sister-in-law! Thank you very
much.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Vous me permettrez de le
faire en français, compte tenu de mon handicap. J'ai
écouté attentivement la présentation et je pense qu'on est
dans une première où on a une expérience
québécoise. Elle est distinctive parce qu'elle est dans le Nord,
semble-t-il, mais ce qui est très frappant dans la présentation,
de ce que j'en ai compris - c'est pour ça que je voudrais en savoir
davantage - c'est qu'elle répond à un des objectifs de la
politique de périnatalité qui était celle de secourir et
d'aider les adolescentes ou les femmes en milieu défavorisé. Ce
que je comprends, à tout le moins, c'est qu'il y a eu un résultat
assez intéressant à ce niveau, et c'est à ça qu'on
doit s'adresser. Si je comprends bien, ce sont les sages-femmes qui ont fait
l'avant, le pendant et l'après, donc, l'intégration globale de
l'ensemble de cette pratique. Cela donne, semble-t-il, des résultats,
mais j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
La Présidente (Mme Marois): Dr Corriveau, allez-y, si vous
voulez. Vous pouvez vous entendre sur qui va intervenir, il n'y a pas de...
Mme Gagnon: Je pense que je peux débuter. Je vais
répondre à la question, pendant qu'on va me fournir des
explications. La maternité de Povungnituk relève de la
volonté des femmes. Les femmes ont décidé que,
puisqu'elles auraient des accouchements, au Nord, entre autres, elles auraient
des sages-femmes. Avoir des sages-femmes, pour elles, c'était viser
l'éducation au lieu de... Elles avaient déjà, des
infirmières et des médecins qui faisaient des suivis
prénataux, qui les référaient pour les accouchements et
qui faisaient le suivi postnatal, mais ça ne répondait pas
à ce qu'elles attendaient, en fin de compte, de ce service. On a voulu,
là-bas, avoir des sages-femmes en pensant que, finalement, on
travaillerait sur les sujets qui étaient prioritaires non pas pour les
médecins, mais pour la population. Ces sujets-là étaient
les problèmes d'une société réellement en
mouvement. Alors, c'est de là que vient la volonté d'avoir des
sages-femmes au Nord. Est-ce que...
M. Corriveau: Oui, est-ce que je pourrais ajouter
là-dessus? Personnellement, je n'étais pas impliqué dans
les étapes de la planification du projet. Il y avait le Dr
Jean-François Proulx et Johanne Gagnon qui étaient
impliqués, mais il faut dire que ça a commencé par une
consultation de la population. Quand ils ont su qu'ils allaient avoir leur
hôpital, il y a eu un processus de consultation sur la côte,
à savoir ce qu'on voulait de cet hôpital-là. Depuis quinze
ans que les systèmes des dispensaires sont développés, les
femmes étaient envoyées à Moose Factory, en Ontario, pour
accoucher, et quand c'étaient des problèmes complexes, on les
envoyait à Kingston, à Toronto, à Montréal. Il y
avait un désir de rapatrier le processus au Nord et, en plus, de le
rapatrier à la population inuit, qui avait encore ce
désir-là. On associait beaucoup les problèmes du bris des
familles, de la violence conjugale, au fait que les femmes étaient
isolées de leur famille pendant des mois. Si vous ajoutez trois,
quatre, cinq ou six grossesses, et que vous êtes partie trois ou
quatre mois chaque fois, vous voyez le genre de désorganisation que
ça cause au niveau des familles. Alors, il y avait déjà un
besoin sociologique de développer une approche et de s'approprier le
processus au niveau des Inuit.
Et c'est évident que pour ce qui est des médecins
là-bas, on est souvent à court d'effectif et on a à
s'occuper de tous les problèmes médicaux sur la côte. Si on
voulait avoir un professionnel qui allait se dévouer entièrement
à ce champ-là de la périnatalité - il y avait des
statistiques effarantes à ce moment-là; à part le fait que
les femmes étaient toutes envoyées à l'extérieur
pour accoucher, il y avait un haut taux de mortalité infantile, et tout
ça - c'était un champ qui devait être prioritaire et on
devait trouver des professionnels qui non seulement prendraient le temps voulu,
parce que ce serait leur champ d'activité, mais qui pourraient aussi
s'adonner à la formation des Inuit ou leur réapproprier cette
partie de connaissances et les mettre au niveau du XXe siècle pour ce
qui est des connaissances, physiologie, biologie, et tout ça. Alors, je
pense que le choix, la décision d'avoir des sages-femmes à
Povungnituk relevait d'un besoin sociologique, mais aussi d'un besoin
médical et d'un besoin fondamental au niveau de la santé publique
de la population là-bas. Comme médecins, on n'aurait pas eu le
temps de donner l'énergie et le temps qu'il fallait pour mettre la
périnatalité à un niveau prioritaire où elle devait
être. À de niveau-là, ça répondait à
plusieurs besoins et pas seulement à un besoin sociologique.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, ça
répond à un besoin sociologique et médical de Povungnituk
et de toute la côte, de tous les villages inuit. Est-ce que, par votre
expérience, vous croyez que la pratique des sages-femmes pourrait aussi
répondre ailleurs au Québec à ce besoin sociologique et
médical?
M. Corriveau: Bien, je pense que tout à l'heure vous
faisiez référence à toute la question de la
périnatalité dans le cadre des milieux défavorisés
et des milieux socio-économiquement défavorisés. Je pense
que, si on parle d'action en santé communautaire, on doit avoir des
intervenants - je cherche le bon mot - avec lesquels
la population à laquelle on veut s'adresser a des
affinités, qu'elle se sente interpellée par ces
intervenants-là et ait le goût d'investir et de s'impliquer.
alors...
M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends,
l'expérience à Povungnituk a bien réussi parce que ce sont
les Inuit eux-mêmes qui se sont impliqués et, connaissant
très bien le milieu, ont répondu aux attentes de leur milieu et
ont été respectés par leur milieu. Ce que vous voulez
dire, c'est qu'on devrait avoir les mêmes bases pour nos projets-pilotes,
les faire dans des milieux défavorisés, mais par des gens qui
seraient acceptés par le milieu défavorisé aussi.
M. Corrlveau: Je pense que c'est certainement un point important
dans la démarche et je pense que ça doit répondre à
un besoin du milieu, ces projets-pilotes. Si on veut les imposer, ça ne
marchera pas. C'est comme si j'avais des réactions au projet de loi
comme il a été écrit. Moi, j'arrive de la Nouvelle-Ecosse
- je voulais juste vous situer - je suis venu mais je travaille dans une autre
province en ce moment. Je n'ai pas eu grand temps pour préparer et pour
lire les documents, mais ce qui me frappe, c'est que, nous autres, ce qu'on a
réussi à faire à Povungnituk, c'est de créer des
mécanismes. Si vous mettez n'importe quel groupe de professionnels
ensemble dans une même boîte, il va y avoir des conflits. Je veux
dire, vous ne pouvez pas... Je pense que ce serait irréaliste de penser
qu'on va faire des projets-pilotes et que tout va aller comme sur des
roulettes. On a eu nos problèmes, sauf qu'on avait des mécanismes
pour régler ça. Il y avait des procédures... (17
heures)
M. Côté (Charlesbourg): Parlez-nous en de vos
mécanismes d'encadrement. Comment ça se fait dans la pratique
chez vous? Ce qui ne semble pas possible ailleurs, comment est-ce que ça
a été possible chez vous?
La Présidente (Mme Marois): Mme Gagnon voulait
répondre aussi. Je ne sais pas si elle veut ajouter des choses et puis
vous revenez. Dr Corriveau, je ne sais pas. Vous y allez, Mme Gagnon?
Mme Gagnon: Oui, j'aimerais bien faire une
spécification.
La Présidente (Mme Marois): Merci.
Mme Gagnon: Povungnituk est très certainement un des
milieux les plus défavorisés de la province de Québec.
C'est la situation des autochtones en général. C'est une pratique
qui attire beaucoup les sages-femmes. Ça fait partie de la
définition du rôle des sages-femmes et je trouve que c'est une
attitude drôlement plus louable que d'accepter que les accouchements
soient faits par des gens qui, peut-être, n'ont pas la préparation
et de se dire que ça se passe ailleurs. On n'a pas le choix, c'est de
même. C'est la pratique en milieu défavorisé, mais la
profession des sages-femmes est une profession très large, c'est un
aspect de la pratique des sages-femmes. Les sages-femmes sont prouvées
comme étant efficaces, même dans des conditions difficiles. C'est
une profession qui est basée sur le communautaire, sur l'enseignement,
sur ce que la femme peut faire elle-même pour sa situation.
Ensuite de ça, comment ça fonctionne? 100 % des
bébés sont reçus par les mains des sages-femmes, à
Povungnituk, c'est comme ça que ça se passe. Comment est l'avant,
le pendant et l'après? Là aussi, ce sont les sages-femmes. Elles
font le suivi prénatal, elles sont présentes aux accouchements et
ce sont elles qui font le suivi postnatal, ce qui est tout à fait dans
la profession des sages-femmes.
Maintenant, à l'intérieur de l'établissement, on a
prévu un mécanisme, je dirais de neutralité, pour
neutraliser les professionnels quand ils doivent se mettre à discuter
parce que autrement... Moi, j'étais là au tout début,
c'est moi qui ai fait la phase d'implantation, avant l'ouverture. Après
six mois, j'étais prête à m'en aller parce que... Je veux
dire que ça accrochait partout avec les médecins. Ils voulaient
une sage-femme, mais ils voulaient faire les accouchements à sa place.
Ils voulaient prendre la partie qui leur tentait. Je veux dire qu'au
départ, ça a été comme ça. Moi, je refusais
de handicaper, je dirais, le respect que j'ai pour ma profession en abandonnant
la part du gâteau qui est toujours rendue énorme et qui, en fin de
compte, n'est que le résultat de quelque chose qui doit être
préparé, dans la partie prénatale.
À ce moment-là, on a organisé, à
l'intérieur de l'établissement, le comité de
périnatalité qui regroupe, par exemple, toujours deux
médecins au même comité, deux sages-femmes blanches et deux
sages-femmes autochtones qui vont discuter de tous les sujets qui sont autour
de la périnatalité. C'est, chaque semaine, une réunion.
C'est ce qu'on a décidé dans l'établissement.
Aussi, je refusais, dans le cadre de la pratique de la maternité,
de prendre la responsabilité de retenir ou de référer une
femme au Sud. Je voudrais que vous vous imaginiez que Povungnituk est beaucoup
plus loin... C'est sept heures de transfert pour avoir accès à un
chirurgien pour une césarienne, si jamais vous en avez besoin. Je pense
que dans cet esprit, si on trouve que les accouchements à domicile sont
absolument aberrants au niveau sécuritaire, je me dis qu'on doit penser
de très mauvaises choses de nous. C'est quand même ça, les
conditions. Les femmes ont choisi d'accoucher au Nord, c'est très
important pour le tissu social, il fallait
relever le défi. le comité de périnatalité
doit, de façon hebdomadaire, réviser chaque dossier, donc
médecins et sages-femmes ensemble, et prendre la décision du lieu
où la femme accouchera de la façon fa plus sécuritaire,
parce que la sécurité, c'est aussi la sécurité d'un
enfant qui naît dans des conditions idéales, c'est-à-dire
entouré des parents, de |a famille. c'est la sécurité d'un
individu aussi, ce n'est pas seulement d'être sûr que, si on en a
besoin, on va pouvoir lui foire une césarienne n'importe quand. on peut
- et on l'a prouvé, on a les statistiques pour le prouver - faire un
"screening" de ces choses-là. ce n'est pas vrai qu'un accouchement vire
en catastrophe n'importe quand. je l'ai assez entendu, quand on fait un suivi
consciencieux et aussi, surtout, inscrit dans la continuité qu'offrent
les sages-femmes, ce genre de "jack-ln-the-box", on ne vit pas ça. il
peut vous arriver une tempête, un avion brisé, ça, c'est
vrai, mais vous savez, que tout tourne absolument mal, ce n'est pas vrai.
alors, on planifie, à ce moment-là, qui accouchera àpovungnituk et qui sera à l'extérieur et le forum entre les
professionnels, c'est un comité où chacun a une parole
égale et où on vote.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce qui fait que vous
en êtes arrivés à une harmonie? Parce qu'au bout de six
mois vous vouliez quitter. Ceux qui avaient des problèmes
d'incompréhension du rôle de chacun... Est-ce que ce sont
davantage les médecins qui ont eu plus d'ouverture d'esprit ou si on a
davantage appris à travailler ensemble?
Mme Gagnon: Je pense que ce que j'ai compris lorsque l'exercice
clinique a débuté, d'abord, les médecins avaient
très peur d'une sage-femme. Ils ne savaient pas ce que c'était.
L'inconnu fait peur à l'individu. Alors, ils ne savaient pas ce que
c'était. Ils ont eu peur. Alors, ils mettaient toutes sortes
d'obstacles. Dès qu'on a eu trois mois de pratique, toutes ces choses
ont sauté automatiquement. Ils ont reconnu que la sage-femme
était finalement même mieux formée qu'un omnipraticien pour
s'occuper d'un accouchement normal ou avec certaines petites choses à
côté. Et puis, on a trouvé un terrain sûr par des
règles, des ordres de service: où commence la
responsabilité de l'un ou de l'autre et comment on s'entend entre tout
ça. Je crois que c'est la structure et que c'est aussi un des gros
problèmes au Québec, à l'heure actuelle, et que la
majorité des gens, y compris des professionnels, ne savent ce qu'est une
sage-femme. Ils ne savent pas, en fin de compte, ce qu'est la pratique d'une
sage-femme. C'est pour ça qu'on dit que ça se trouve à
être fait par les infirmières et les médecins. Ça ne
l'est pas. Ça n'existe tout simplement pas.
La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie. On a
déjà, évidemment - je pense que vous avez compris
ça tout le monde - dépassé... Oui, je vais vous
reconnaître, M. le député. On a dépassé un
peu notre temps, mais on se permet, de bonne foi tout le monde, d'aller dans ce
sens. Mes trois collègues veulent intervenir. Je vais commencer par le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition, je voudrais aussi vous
remercier d'avoir pris le temps de venir nous relater l'expérience que
vous avez dans le secteur. On voit bien l'intérêt qui est
démontré par le ministre parce que vous êtes parmi les
seules personnes, au Québec, qui pouvez nous dire, à la suite
d'une expérience dans la réalité, ce qu'est la pratique
des sages-femmes, ses difficultés et comment ça s'applique
comment toute l'organisation s'est faite. Surtout, c'est fait par des personnes
qui sont elles-mêmes, d'abord, dans ce milieu. Ça devient une
ressource extrêmement importante pour les membres de l'Assemblée,
et le ministre responsable d'écouter et de prendre note, bien sûr,
de ce que vous avez vécu dans le processus.
Je compléterai en disant qu'il y a, entre autres choses, un sujet
d'inquiétude qui, peu importe le côté de la Chambre
où nous soyons, nous parcourt tous inévitablement depuis le
début de ces audiences de la commission. Il s'agit de l'opposition
presque unanime, très forte, de tous les membres, de toutes les parties
et de tous les membres des corps médicaux qui sont venus devant nous,
depuis quelques jours, et c'est extrêmement inquiétant. Par
ailleurs, on a une autre version. Je dirais que c'est peut-être plus
à partir des individus qui ont oeuvré dans cette
expérience, mais il y a là une démonstration que ce n'est
pas nécessairement en montant de super gros mécanismes, de super
grosses structures à l'intérieur des Institutions dans lesquelles
pourront se dérouler ces expériences et projets-pilotes qu'on
peut résoudre les difficultés inévitables, par ailleurs,
qui vont se présenter et qui sont résolubles, par le fait
même, puisque vous en avez vécu vous-même
l'expérience avec des difficultés supplémentaires, par
exemple, au niveau de votre origine ethnique, de la composition des personnes
dans les différents comités et groupes que vous aviez ou les
professionnels que vous aviez autour de la table. À partir du moment
où la volonté du législateur se serait exercée, il
y a donc une très grande possibilité d'entente et de
répondre à ce besoin au niveau de l'ensemble de la
communauté québécoise.
Il y a également, je pense qu'il fout le rappeler, tout cet
aspect communautaire sur lequel vous avez beaucoup insisté dans tout le
processus qui fait en sorte qu'on se donne une espèce de garantie de
succès des expériences. Là-dessus, j'aurais
peut-être, Mme la Présidente,
une couple de petites questions. Je voudrais avoir des
précisions, en particulier du Or Gagnon. Lorsque vous dites qu'il serait
très important pour vous...
Mme Gagnon: Je ne suis pas docteur, je suis sage-femme.
M. Trudel: Sage-femme, pardon.
Mme Gagnon: Si vous voulez.
M. Trudel: Pardon. Ha, ha, ha!
Mme Gagnon: Si vous voulez.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Trudel: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon: Faites attention, là!
M. Trudel: Ha, ha, ha! Oui, certain. Vous avez
précisé qu'il faudrait définir, si j'ai bien compris, les
thèmes de l'évaluation avant ou même dans le projet de loi.
J'aimerais que vous nous décriviez ça plus largement, le
pourquoi, l'importance, parce que, évidemment, comme on est en
matière d'expérience-pilote, tout sera en réexamen, en
quelque sorte, dans cinq ans. Pourquoi le ministre devrait-il tenir compte de
votre suggestion et, surtout, pourquoi l'importance de définir les
thèmes de l'évaluation, au départ?
Mme Gagnon: Parce que, en fin de compte, c'est
l'évaluation qui va vous amener à faire les étapes
suivantes dans l'intégration de tout ça. Maintenant, vous
entendez le discours habituel - bien qu'on l'entende de moins en moins
alarmiste - sur les sages-femmes. Il va falloir prouver que la sage-femme est
une intervenante très sécuritaire et probablement même
qu'on va prouver, comme on l'a prouvé à Povungnituk, que,
finalement, c'est plus sécuritaire, lorsqu'on s'adresse à des
grossesses normales, de s'adresser à une sage-femme. Alors, ça,
il va falloir que vous le prouviez, en tout cas d'une façon ou d'une
autre.
Maintenant, aussi, recueillir toutes ces données, ça
demande toutes sortes de mécanismes qui doivent s'enclencher dès
le début de tout ça. Ensuite de ça, au niveau de la
préparation de la pratique, il n'existe pas au Québec de
corporation professionnelle des sages-femmes. Donc, qu'est-ce que ça
fait, une sage-femme? Qu'est-ce qu'elle a le droit de faire? Qu'est-ce qui fait
partie de sa profession? Qu'est-ce qui n'en fait pas partie? Toutes ces
choses-là devront être, au départ, fixées pour
pouvoir évaluer, en fin de compte, la sécurité. Il faut
que ça commence dès le début.
La Présidente (Mme Marois): Oui, une autre question?
M. Trudel: Oui, Mme la Présidente. Ce serait ce
comité aviseur que vous avez suggéré...
Mme Gagnon: Oui.
M. Trudel: ...qui verrait, selon sa définition même
dans le projet de...
Mme Gagnon: Oui.
M. Trudel: ...loi, à déterminer tous ces
éléments de suivi...
Mme Gagnon: Oui, oui. M. Trudel: ...à
réaliser... Mme Gagnon: Oui.
M. Trudel: ...pour ne pas arriver à la fin et dire, si
j'ai bien compris: Ah! nous avons oublié tel aspect! Nous aurions
dû regarder cela.
Mme Gagnon: Exactement. Nous aurions dû; maintenant, c'est
non concluant. Ensuite de ça, vous avez huit projets-pilotes.
Préparer l'ouverture d'une maternité ou d'un service de
sages-femmes avec les réticences qu'il y a à l'heure actuelle,
avec un système qui est construit autrement, ça demande une
longue préparation, autant au niveau de... Bon! Il se passe telle
situation. À quel moment la sage-femme doit-elle aviser le
médecin? Alors, tout ça doit être défini. Cela a
tout été défini dans le cadre de la maternité de
Povungnituk qui est dans une région Isolée. D'accord? Cela va
devoir être fait pour chacun des projets-pilotes. Pourquoi faire
ça huit fois? Pourquoi ne pas le faire une fois? Vous obtiendrez,
à la fin, une évaluation beaucoup plus consistante, ce qui ne
veut pas dire qu'il va falloir régir tout ce qui se passe, la vie
quotidienne des gens à l'intérieur d'un projet-pilote, loin de
là. On doit offrir une structure qui permette aux choses de se passer
sans que ça accroche tout le temps. Autour de ça, on va nourrir
la vie quotidienne des projets-pilotes, mais ce sera déjà assez
pour les sages-femmes et rétablissement de s'occuper de ça. On
devrait fournir ces choses-là et, ensuite, on passera, dans la
période secondaire d'intégration, à une corporation
professionnelle ou à quelque chose pour regrouper les sages-femmes de
façon indépendante.
La Présidente (Mme Marois): Cela va? M. Trudel:
Très bien, ça va.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Je vais
reconnaître maintenant la députée de Marie-Victorin,
ensuite le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous
demanderais d'être un petit peu bref parce qu'il faut aussi savoir qu'on
fait attendre, bien sûr. un autre groupe.
Mm» Vermette: Dans vos conclusions, vous soulevez le fait
de reconnaître vos trois années d'expérience, en fait.
Mme Gagnon: en fait, il faudrait dire quatre: ce sont trois
années de pratique clinique mais quatre années, dont une
année a été de préparation.
Mme Vermette: Bon. Alors, cela fait... Mme Gagnon:
D'accord.
Mme Vermette:... déjà ça d'acquis, encore
une de plus. Alors, moi, je vous demandais, compte tenu de votre
expérience et compte tenu aussi du projet de loi qui demande cinq ans,
qui va être basé sur cinq ans. Est-ce que vous considérez
que votre expérience est assez concluante et que vous auriez besoin d'un
statut particulier, compte tenu des différentes
expériences-pilotes qu'on va mettre sur pied?
Mme Gagnon: Oui, absolument, d'un statut particulier. Je pense
que si on a quelque temps à y consacrer encore, il faudrait absolument
toucher les statistiques qui ne sont pas longues mais qui, justement, prouvent
que ce n'est pas un exercice de second ordre que de travailler avec des
sages-femmes. (17 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Dr Meyer.
Mme Gagnon: Épidémiologiste. On a entrepris une
évaluation de la maternité. On en fait une.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Vous nous avez
remis, d'ailleurs, un petit document.
Une voix: C'est ça.
La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous l'avez, les
collègues de la commission.
M. Meyer (François): Oui. Les données qui vous sont
présentées, c'est la comparaison, en fait, des accouchements et
des grossesses entre les deux parties du Nouveau-Québec, la Baie
d'Ungava et la Baie d'Hudson. À la Baie d'Hud-son, vous savez qu'il y a
la maternité avec les sages-femmes et a la Baie d'Ungava, c'est un
hôpital qui est tenu par des médecins. Pour pouvoir, en fait,
comparer, disons avec une certaine honnêteté les statistiques qui
sont données, II faut reconnaître qu'à Povungnituk, il y
avait une équipe qui était assez stable, qui était
formée d'un certain nombre de médecins, de trois sages-femmes et
de trois élèves sages-femmes, alors que, de l'autre
côté, les accouchements étalent faits par une équipe
de médecins beaucoup plus large, qui roulait beaucoup plus.
Des choses qui sont intéressantes à voir dans les
données qu'on a compilées, c'est qu'aussi bien dans la Baie
d'Ungava que dans la Baie d'Hudson, les interventions, les taux de
césariennes et d'accouchements avec instruments sont beaucoup plus
faibles que dans le reste du Québec. Ce n'est pas quelque chose qui, en
soi, est au crédit des sages-femmes. Si on s'inquiète de la
pratique par les sages-femmes dans le Nord sur, par exemple, le pourcentage des
bébés de petit poids ou sur la mortalité néonatale
précoce, on volt que les statistiques sont tout à fait
comparables à celles de l'ensemble du Québec. Par exemple, pour
le pourcentage des bébés de petit poids, la mortalité
néonatale précoce est plus élevée, mais il faut
avoir en tête que les populations ont une proportion beaucoup plus grande
de grossesses à risque. Maintenant, là où on peut voir
l'apport peut-être plus spécifique des sages-femmes, c'est si on
considère les grossesses qui sont réalisées dans
l'hôpital à Povungnituk et tous les accouchements qui ont eu lieu
par voie vaginale; on peut remarquer que la différence la plus frappante
est dans le taux d'épisiotomies, puisque 3 % des femmes qui ont
accouché à Povungnituk ont eu une épisiotomie contre
environ 28 % à Kuujjuaq, alors que la moyenne pour l'ensemble de la
province est de 67 %. On peut regarder l'image un petit peu en miroir entre
l'épisiotomie et les traumatismes lors de l'accouchement qui serait le
pourcentage des femmes qui accouchent avec un périnée intact: 60
% à Povungnituk contre 30 % à Kuujjuaq, et probablement un
chiffre du même ordre pour l'ensemble du Québec.
L'ensemble de ces données suggère qu'il n'y a pas de
danger ou de risque particulier, ni pour la femme enceinte ni pour le
bébé, et qu'il y aurait plutôt des avantages, finalement,
lorsque l'accouchement et le suivi de la grossesse sont réalisés
par des sages-femmes.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Atkinson: Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas de
question, c'est une petite observation.
La Présidente (Mme Marois): Certainement.
M. Atkinson: Ladies, it has been an ab-solute pleasure to hear
your stories about your birth, about the work put into, your efforts by
midwives, the "sages-femmes. " And this is absolutely extraordinary. You
have given us - to me, at least - a whole new insight into a region of
Québec that most of us never think about. Merci, madame. Merci,
messieurs.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le
député, de la brièveté de vos propos. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Une seule petite
question.
La Présidente (Mme Marois): Très petite.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, sur les statistiques.
Ce sont les statistiques de quelle année?
M. Meyer: C'est l'ensemble des données pour les deux
années du calendrier 1987 et 1988.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Ce qu'il serait
intéressant de voir, c'est l'évolution dans un sens ou dans
l'autre au niveau de chaque année. Je pense que ça aussi va
être un indicateur très important dont on devra tenir compte
éventuellement.
M. Meyer: Si on regarde le pourcentage des bébés de
petit poids, ou de la mortalité néonatale précoce,
l'évolution a suivi, à un niveau beaucoup plus
élevé, celle du Québec depuis, mettons, les 20
dernières années.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, tout ce que je veux
vous dire, c'est merci de votre témoignage, des efforts tout à
fait exceptionnels qui ont été faits pour la présentation
et de vous être déplacés d'aussi loin aussi pour venir
témoigner, même de Nouvelle-Écosse et du Grand-Nord. Je
pense que c'est tout à fait exceptionnel. On vous remercie pour votre
collaboration. On en tirera certainement de bonnes choses.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous me permettrez,
aidée en cela par le ministre délégué aux Mines et
responsable des corporations, de vous dire "nakormlk"?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Tremblay: Mme la Présidente, je m'excuse, je sais que
ce n'est pas nécessairement dans le protocole, mais la sage-femme
Akinisie m'a demandé de faire faire une petite correction de nature
technique dans son texte de présentation qui a été
dactylographié dans les heures précédant cette rencontre.
C'est à la page 3. Il y a une erreur assez flagrante et elle ne voudrait
pas que les membres de la commission partent avec cette erreur. C'est dans le
texte de Mme
Akinisie Qumaluk, page 3, troisième ligne: Au lieu de lire "they
are hurting", c'est "they are hunting".
La Présidente (Mme Marois): O. K.
Mme Tremblay: Je vous remercie beaucoup au nom de Mme
Qumaluk.
La Présidente (Mme Marois): Merci et au revoir.
Vous savez que ce n'est pas prévu dans les règles que nous
manifestions comme cela, mais comme même les membres de la commission ont
manifesté, vous comprendrez que je ne vais pas vous faire de reproches
de le faire.
J'appelle maintenant l'Ordre des Infirmières et infirmiers du
Québec, s'il vous plaît, à prendre place à
l'avant.
Si les collègues de la commission veulent bien reprendre leur
siège. On a presque terminé là, avant la suspension.
Cela nous fait plaisir de vous recevoir. Comme à tous les autres
groupes, on va vous demander de vous présenter et de présenter
les gens qui sont avec vous. Je souhaiterais que l'on ne dépasse pas
trop le temps parce qu'on a une lourde journée, déjà, de
faite et on deviendra peut-être Improductifs si on continue comme
ça, mais je pense qu'à l'intérieur du temps, cinq petites
minutes de plus que six heures peut-être, mais il ne faudrait pas
vraiment dépasser de beaucoup cela.
Ordre des infirmières et Infirmiers du
Québec
Mme Pelland (Jeannine): Ça, ça fait très
court. Enfin! Alors, j'ai à ma droite Mme Thérèse Guimond,
directrice générale et secrétaire de l'Ordre; à
côté d'elle, Me Claudette Ménard et, à ma gauche,
Odile Larose, directrice du service professionnel à l'Ordre.
Mme la Présidente, MM. les ministres et chers membres de la
commission. Ce mémoire donne suite à l'invitation des membres de
la commission des affaires sociales de faire connaître l'opinion de
l'Ordre des infirmières et Infirmiers du Québec sur le projet de
loi 4, Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de
projets-pilotes.
Depuis plusieurs années déjà, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec se préoccupe du
dossier des sages-femmes, jugeant essentiel de s'engager dans le débat
sur les services de santé offerts à la femme au cours du cycle de
la maternité. Il démontre ainsi un souci constant que soient
reconnus le droit des femmes, le droit des couples et le droit des familles de
choisir le lieu et la manière de mettre leurs enfants au monde, de
recevoir l'information, l'assistance et le soutien nécessaires pour
mener à bien l'ex-
périence de la naissance. Ce type d'engagement de la part de
l'Ordre s'est traduit sous toutes sortes de formes, dont la participation
à des comités, la collaboration à des projets
ministériels, la rédaction d'une prise de position ainsi que des
échanges avec différentes instances gouvernementales.
À titre d'exemple, dès 1980, l'Ordre collabore avec le
ministère de l'Éducation à l'élaboration des
tâches et des opérations de l'intervenante en
santé-obstétrique. À la fin de mai 1985, l'Ordre se
prononce en faveur des infirmières sages-femmes. Respectant les attentes
et les besoins exprimés par les femmes et compte tenu de la philosophie
humaniste traditionnelle des infirmières, l'Ordre soutient que
l'infirmière sage-femme formée au niveau universitaire est la
professionnelle de la santé la mieux placée et la mieux
préparée pour réaliser une approche globale et une
continuité de soins tant souhaitées par des groupes de
femmes.
En juillet 1985, l'Ordre commente auprès du ministère de
l'Éducation les recommandations émises par les membres du
comité interministériel dans le rapport intitulé "Les
sages-femmes: propositions d'un profil professionnel et hypothèses de
formation. " L'Ordre partage l'idée fondamentale
véhiculée tout au long du rapport à l'effet de
reconnaître le bien-fondé de la pratique de la sage-femme, mais,
toutefois, maintient la nécessité que la sage-femme soit
infirmière pour répondre aux besoins de la
collectivité.
C'est aussi en 1985 que la présidente de l'Ordre, au nom des
administratrices du Bureau, envoie un avis à l'Office des professions en
rapport avec la demande de l'Association des sages-femmes d'être
constituée en corporation professionnelle. L'Ordre a
considéré cette demande comme non justifiée, étant
donné que les tâches professionnelles identifiées et le
champ d'activité décrit par l'Association ressemblaient, dans
leur presque totalité, à ceux des infirmières. Et dans la
liste des membres de l'Association qui nous avait été fournie
à ce moment-là, la presque totalité des noms de
sages-femmes qui apparaissaient sur la liste étaient déjà
des infirmières qui faisaient partie de notre tableau; II y en avait
quelque chose comme 95 % qui étaient déjà des
infirmières.
Enfin, en juin dernier, l'Ordre fait part au sous-ministre
associé du MSSS de ses commentaires sur le document de travail
intitulé "Position ministérielle relativement à la
pratique des sages-femmes au Québec" Essentiellement, l'Ordre
maintient sa position pour que soit reconnu le droit des femmes et des couples
de faire leur choix d'un lieu, de la méthode et du déroulement de
la naissance, et que soient respectées leurs décisions en cette
matière. Néanmoins, l'Ordre s'oppose à l'introduction
d'une nouvelle intervenante au sein des équipes de
périnatalité existantes, sans que soit pris en compte l'apport
des infirmières dans ce domaine.
Dans le cadre des présentes consultations particulières,
l'Ordre ne peut donc faire autrement que de souligner à nouveau le fait
que les infirmières ont, de tout temps, assisté les femmes lors
de leur maternité et occupent, depuis plus de 100 ans, le champ de
pratique que l'on veut attribuer aux sages-femmes. Bien que leur contribution
et leur rôle dans le champ de la périnatalité fassent
l'objet d'un déni continuel, il n'en demeure pas moins que, selon nos
plus récentes données statistiques, et elles sont relevées
au 13 novembre 1989, 2200 infirmières oeuvrent en salle d'accouchement
et en post-partum, 806 infirmières oeuvrent en pouponnière, en
plus de 813 infirmières... Ça va? Oui? Il n'y a pas de
problème?
La Présidente (Mme Marois): continuez. ça n'a rien
à voir. c'est à l'assemblée nationale. on est allé
voir si c'est un appel pour le vote ou quoi que ce soit d'autre.
Mme Pelland: D'accord. Alors, 813 infirmières qui
travaillent dans le cadre des programmes de périnatalité offerts
par les CLSC dans la communauté. Ce qui veut dire qu'on a un total de
3819 infirmières qui travaillent dans tous ces champs
d'activité.
C'est donc avec intérêt que l'Ordre a pris connaissance du
projet de loi 156, devenu le projet de loi 4, par lequel...
La Présidente (Mme Marois): Si vous me le permettez,
effectivement, après vérification, et malheureusement pour tout
le monde, pour vous comme pour nous à ce moment-ci, c'est un appel au
vote. Alors, on doit suspendre nos travaux et j'imagine que les membres de la
commission seraient d'accord pour qu'on revienne. Habituellement, le vote,
ça prend cinq minutes.
Une voix: Cinq ou dix minutes.
La Présidente (Mme Marois): D'accord? Alors, nous
suspendons les travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 31 )
(Reprise 17 h 47)
La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la
commission veulent bien reprendre leur siège, ce qui se fait, nous
allons reprendre nos travaux. Évidemment, comme on reprend à 17 h
45, on s'entend qu'on pourra prolonger un peu les travaux de la commission.
Mme Pelland: Alors, Mme la Présidente, j'avais fait un
court historique...
La Présidente (Mme Marois): Peut-être reprendre le
début de la page 3.
Mme Pelland: Oui, d'accord.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que ça...
Mme Pelland: C'est ce que j'avais l'intention de faire, parce
qu'il me semble que ces statistiques-là sont bien importantes.
La Présidente (Mme Marois): Comme vous voyez, on vous
suivait assez bien quand môme.
Mme Pelland: C'est gentil. Bien que leur contribution et leur
rôle - |e parle des Infirmières - dans le champ de la
périnatalité fassent l'objet d'un déni continuel, il n'en
demeure pas moins que, selon nos plus récentes données
statistiques - et je dis que ce sont celles du 13 novembre 1989 - 2200
infirmières oeuvrent en salle d'accouchement et en post-partum, 806
infirmières en pouponnière et plus de 813 travaillent dans le
cadre des programmes de périnatalité offerts par les CLSC dans la
communauté, ce qui fait un total de 3819 infirmières.
C'est donc avec intérêt que l'Ordre a pris connaissance du
projet de loi 156 devenu le projet de loi 4 par lequel la volonté
politique du gouvernement s'exprime en vue de faire reconnaître la
pratique des sages-femmes, d'identifier les fonctions rattachées
à l'exercice de cette pratique et d'instaurer des services de
maternité à l'intérieur des organisations
hospitalières. Par contre, l'Ordre ne peut être en accord avec ce
projet de loi puisque l'articulation de ses différentes dispositions
suscite de nombreuses interrogations en ce qui concerne les projets-pilotes,
leur insertion dans le droit professionnel et dans le droit de la santé
ainsi que les moyens d'évaluation de ces projets-pilotes.
L'Ordre présente donc aux membres de la commission des
interrogations et des commentaires que soulève la lecture du projet de
loi et des avenues de solution. Et je suis certaine que je vais
répéter certaines interrogations qui ont été
posées par d'autres depuis hier. Concernant les interrogations et les
commentaires, les points du projet de loi qui suscitent le plus
d'interrogations et de commentaires sont ceux qui se rapportent au champ de
pratique des sages-femmes, aux mécanismes de reconnaissance des
projets-pilotes ainsi qu'à l'organisation des services de
maternité.
Le champ de pratique des sages-femmes décrit dans le projet de
loi apparaît non limitatif, d'une part, et comporte, d'autre part, de
larges zones de recoupement avec le champ de pratique, les activités et
le rôle assumés par plusieurs infirmières.
C'est plus précisément dans la combinaison des articles 2
et 3 et du deuxième paragraphe de l'article 7 que le caractère
très étendu et non limitatif du champ de pratique des
sages-femmes se constate. Ce caractère non limitatif ressort de
l'utilisation du terme "notamment", à l'article 2 du projet de loi, du
libellé de l'article 3 et de la précision apportée
à l'article 7 concernant des actes médicaux pouvant être
posés en outre de ceux mentionnés à l'article 2.
De fait, bien que le législateur puisse, pour les fins de
projets-pilotes, soustraire l'exercice de la pratique des sages-femmes à
l'application des lois qui régissent l'exercice de la médecine et
l'exercice de la profession d'Infirmière, ce sont, à notre avis,
les exigences de la protection du public qui doivent servir de balises à
la définition du champ de pratique des sages-femmes. Nous croyons qu'une
telle définition sous-tend que les personnes qui exerceront les
fonctions de sages-femmes devront détenir une solide formation leur
permettant de répondre adéquatement et de façon
sécuritaire aux attentes et aux besoins des femmes tout en respectant
leurs choix. Le contexte multidisciplinaire du domaine de la
périnatalité et la continuité des services militent en
faveur d'une telle orientation.
En ce qui concerne les mécanismes de reconnaissance des
projets-pilotes, nous voulons attirer l'attention de la commission plus
spécifiquement sur le processus de reconnaissance, de modification et
d'abandon des projets-pilotes ainsi que sur les modalités
d'évaluation des projets-pilotes décrits dans la deuxième
section du projet de loi.
Le mécanisme de reconnaissance des projets-pilotes est
imprécis et incomplet. L'utilisation au premier alinéa de
l'article 7 du terme "notamment" laisse croire que d'autres facteurs non
énumérés au projet de loi seront considérés
pour l'approbation des projets-pilotes. Les autres conditions
déterminantes de l'approbation des projets-pilotes apparaissant à
l'article 4 sont également imprécises. Au premier paragraphe de
cet article, tous les lieux d'expérimentation de la pratique des
sages-femmes ne sont pas identifiés. Sans doute, une diversification des
lieux d'expérimentation permettrait-elle de bonifier la mise en oeuvre
des projets-pilotes. De plus, au deuxième paragraphe de ce même
article, les termes "service de maternité" ne sont pas
définis.
Dans ces conditions, il est impossible d'imaginer le contenu
spécifique des documents de présentation de chacun des
projets-pilotes, de connaître l'ensemble des critères réels
d'acceptation et de situer clairement tous les lieux d'expérimentation,
tant dans les centres hospitaliers que dans des lieux qui leur sont
rattachés.
Par ailleurs, les pouvoirs attribués aux centres hospitaliers
pour recommander la modification ou l'abandon d'un projet-pilote sont fort
discutables. L'octroi de tels pouvoirs, sans
connaître les critères justifiant leur modification ou leur
abandon, rend plutôt fragile et arbitraire l'expérimentation de la
pratique des sages-femmes.
Cette constatation soulève la question de l'absence
d'un cadre évaluattf bien circonscrit des projets-pilotes et pose, en
conséquence, celle de la validité de l'expérimentation de
la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes et de
l'efficacité de cette pratique dans l'atteinte des objectifs en
périnatalité.
En l'absence d'un tel cadre évaluatif, il y a tout
lieu de s'interroger sur les critères qui serviront aux
évaluations annuelles des expérimentations de la pratique des
sages-femmes. Par exemple, porteront-elles sur la satisfaction de la
clientèle, sur des avantages économiques, sur des indicateurs de
santé et sur des indicateurs de qualité de vie individuelle et
familiale tels que préconisés par le Conseil des affaires
sociales et de la famille?
En ce qui concerne l'organisation des services de
maternité, une remarque que nous vouions faire, une des principales
remarques, c'est que l'organisation nous est inconnue dans ce projet de loi.
L'absence de définition opérationnelle de l'expression "service
de maternité'' est une lacune fort déplorable et suscite, en
conséquence, de nombreuses interrogations et des scénarios plus
ou moins fantaisistes. En plus, dans la littérature
nord-américaine consultée, l'expression "service de
maternité'' n'est jamais utilisée.
Or, que signifie l'expression "service de
maternité"? S'agit-il d'une entité distincte à
l'intérieur d'un centre hospitalier? S'agit-il d'un type de service qui
sera offert par des sages-femmes à l'intérieur des
départements et des unités de soins déjà existants
dans un centre hospitalier? Aucun indice dans le projet de loi ne permet de
répondre à ces questions et il est impossible d'identifier la
nécessaire articulation entre les services de maternité et les
autres services et départements du centre hospitalier ou même des
lieux qui y sont rattachés.
Par ailleurs, la constitution du conseil des sages-femmes
et de son comité exécutif de même que la création
d'un poste de coordonnateur d'un service de maternité, sous
l'autorité du directeur général, constituent dans leur
ensemble une structure pour le moins étonnante considérant la
structure organlsationnelle des centres hospitaliers.
Les responsabilités conférées au
conseil des sages-femmes sont calquées sur celles du Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens. La création de cette instance
décisionnelle ne risque-t-elle pas d'engendrer des manières
différentes de concevoir l'appréciation des actes posés,
les règles de soins et les règles d'utilisation des ressources du
centre hospitalier? De plus, contrairement au CMDP, les pouvoirs du conseil des
sages-femmes sont exercés par un comité exécutif
constitué de membres ne faisant pas nécessairement partie du
conseil des sages-femmes. Ces ambiguïtés risquent de provoquer des
affrontements dans les milieux et même Jusqu'au conseil d'administration
du centre hospitalier.
Enfin, le projet de loi confie expressément à
un coordonnateur du service de maternité, sous l'autorité du
directeur général, les fonctions de diriger, de coordonner et de
surveiller les activités des sages-femmes. Cette situation aussi risque
de générer des conflits puisque, en ce qui concerne les soins
infirmiers, une directrice des soins infirmiers d'un centre hospitalier,
également sous l'autorité du directeur général,
n'assume pas nommément, en vertu d'une loi, de telles fonctions.
Là, on se pose des questions. Peut-être qu'on ne devrait pas
réagir à ça, parce que, si c'est bon pour un coordonnateur
de conseil, tel que prévu dans la loi, peut-être que ça
pourrait être bon aussi pour une directrice des soins infirmiers. Alors,
on pourra y revenir.
Les avenues de solution. Après avoir soulevé
les principales interrogations qu'a suscitées la lecture du projet de
loi 4, l'Ordre a pris connaissance d'un mémoire que l'Association des
hôpitaux du Québec a rendu public en septembre dernier. Notre
organisme considère que des avenues de solution se retrouvent dans
l'approche préconisée par cette association représentant
plus de 200 centres hospitaliers à vocations diverses au Québec.
Nous aurions souhaité passer après l'Association des
hôpitaux du Québec pour que l'Association fasse l'exposé
des avenues de solution, mais il passe demain et nous ne pouvions pas
être là demain. Enfin. Vous les entendrez après que nous
ayons donné notre assentiment à certaines avenues de solution
d'ailleurs. En effet, ses propositions viennent apporter des réponses
à des questions soulevées et corriger certaines lacunes du projet
de loi, en ce qui concerne l'absence d'une approche de recherche
évaluative, les mécanismes d'admission d'une personne à la
pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes ainsi que les
conditions de reconnaissance des projets-pilotes et les modalités
organisationnelles.
L'Ordre accepte le leadership de l'AHQ dans le dossier des
sages-femmes. Cependant, il semble nécessaire d'ajouter aux avenues de
solution proposée par cette Association les éléments
suivants qui se rapportent à l'assurance-responsabilité, aux
conditions de travail des sages-femmes et aux mécanismes de recours en
cas de mesures disciplinaires ou administratives.
L'assurance-responsabilité. L'AHQ soulève la
problématique de l'assurance-responsabilité civile
professionnelle des établissements de santé, laquelle fait
surgir, pour l'Ordre, dans la perspective où les sages-femmes qui
participeront à
des projets-pilotes seront infirmières, celle de
l'assurance-responsabilité professionnelle des infirmières
sages-femmes.
Notre organisme, en tant que coassureur d'une
assurance-responsabilité professionnelle pour les infirmières,
est directement touché par cette conjoncture d'augmentation
éventuelle des risques que pourrait constituer l'élargissement de
leur champ de pratique.
Pour cette raison et en l'absence d'études appropriées par
des experts analystes, le gouvernement devrait assumer entièrement les
coûts inhérents à l'assurance-responsabilité
professionnelle pour couvrir la pratique des sages-femmes dans le cadre des
projets-pilotes. De plus, et pour les mêmes motifs, l'Ordre devrait
être, à l'avenir, consulté et invité à
participer à toute discussion sur le sujet.
Conditions de travail. De plus, l'AHQ propose que le statut d'emploi et
la rémunération applicables aux sages-femmes soient
déterminés par les deux ministres responsables des
projets-pilotes.
À ces exigences, l'Ordre recommande que soit ajoutée la
détermination de l'ensemble des conditions de travail des sages-femmes
dans le respect des lois qui régissent le domaine des relations de
travail afin, entre autres, de protéger les acquis des gens
intéressés par les projets-pilotes et de permettre la
reconnaissance de l'expérience au sein de ces projets-pilotes. (18
heures)
En somme, toutes les conditions de travail reliées à ces
postes au sein des projets-pilotes devraient être
précisées, tant sur le plan de l'engagement que de la prestation
des services et de l'évaluation.
L'Ordre suggère d'ajouter un mécanisme de recours pour
toute sage-femme qui fait l'objet d'une sanction disciplinaire ou
administrative à l'intérieur de la mise en oeuvre de
projets-pilotes.
Le comité provincial d'admission à la pratique des
sages-femmes que suggère l'AHQ pourrait étudier en
dernière instance le dossier de toute sage-femme désirant
entreprendre une procédure d'appel à la suite d'une sanction. Au
terme de l'étude de tout dossier, les membres du comité
provincial d'admission pourraient transmettre leurs commentaires et leurs
recommandations au ministre de la Santé et des Services sociaux et au
ministre responsable de l'application des lois professionnelles.
En résumé, nous sommes d'accord avec la pertinence de la
mise sur pied de projets-pilotes pour en arriver à la reconnaissance
éventuelle des sages-femmes. Nous questionnons la définition du
champ de pratique, les mécanismes de reconnaissance des projets-pilotes,
la structure organisationnelle proposée. Nous reconnaissons que
l'approche préconisée par l'AHQ vient bonifier le projet de loi
sur plusieurs points. Nous insistons pour que soit clarifié ce qui
concerne l'assurance-responsabilité professionnelle, les conditions de
travail et les mécanismes de recours. Je vous remercie de votre
attention.
La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous
remercions, madame, de votre présentation. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Et de votre patience, compte
tenu des aléas de notre pratique parlementaire. Merci de la
présentation. Ma première question ne procède d'aucune
malice; j'en suis incapable, vous me connaissez. Hier soir, nous recevions la
FIIQ qui a fait une présentation supportant d'emblée et, je
dirais même, nous disant qu'on n'allait pas assez loin dans la
reconnaissance de la pratique de la sage-femme. Il me semble y avoir dans votre
appréciation ou dans votre mémoire une différence ou c'est
un appui plus timide à la pratique des sages-femmes. Est-ce que je me
trompe?
Mme Pelland: J'ai un peu de difficultés à vous
répondre à partir de la présentation de la FIIQ, parce je
n'étais pas là. Je peux vous répondre à partir de
ce que j'ai lu dans le journal ou à partir du très court
résumé qu'on a fait de son intervention. D'abord, la FIIQ est le
regroupement de 40 000 membres qui font partie aussi de notre corporation et
notre groupe en représente presque 59 000 à l'heure actuelle. Je
pense que la FIIQ avait deux orientations très différentes II y a
quelques années. Il y avait l'orientation de la fédération
des SPIIQ et l'oriention de la FQII. L'une insistait pour que ce soient des
infirmières sages-femmes et l'autre insistait pour que ce soient des
sages-femmes qui ne soient pas infirmières. On me dit, et je suis
surprise - là est ma réponse - que la FIIQ recommande que ce
soient des sages-femmes qui ne soient pas infirmières. D'abord, je
pourrais m'arrêter à l'assurance-responsabilité
professionnelle - je pense que ces gens ne l'ont pas trop approchée -
mais c'est un problème qui devrait les préoccuper. S'ils ne s'en
préoccupent pas, c'est qu'ils nous laissent ça à nous, de
nous en préoccuper, parce que c'est nous qui assurons les 40 000
membres. Ce n'est pas la FIIQ qui assure ses membres. C'est déjà
un problème très important.
En ce qui concerne l'approche, à savoir que les sages-femmes ne
soient pas infirmières, j'ai aussi un tout petit peu de
difficultés à voir comment les presque 4000 personnes qui
travaillent actuellement dans le grand domaine de la périnatalité
recevraient une telle position. Ce qu'on en sait de notre côté, et
c'est pour ça que nous avons fait les commentaires que nous venons
d'émettre, c'est que les personnes qui travaillent déjà
dans le domaine de la périnata-
lité vont regarder venir les sages-femmes. Mon discours pense
peut-être à l'ensemble des 59 000 membres et il diffère -
je suis obligée de dire qu'il diffère - de celui de la FIIQ. J'ai
beaucoup de difficultés à comprendre cette approche-là.
C'est peut-être une position du conseil de la FIIQ, à l'heure
actuelle, mais elle est différente de la position, disons, des 18 000
membres qui étaient de la Fédération des SPIIQ il y a
quelques années.
M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, on nous a
expliqué un peu aussi la distinction, hier, parce qu'il y avait un
changement de cap là, et ce n'est sûrement pas pour mettre les
gens en opposition, mais j'avais senti qu'il y avait quand même une
distinction entre les deux positions.
Mme Pelland: Puis on ne m'a pas consultée. M.
Côté (Charlesbourg): D'accord. Mme Pelland: On ne nous
a pas consultés.
M. Côté (Charlesbourg): Vous représentez le
même monde, finalement.
Mme Pelland: Plus.
M. Côté (Charlesbourg): Plus.
Mme Pelland: On représente l'ensemble des
infirmières du Québec, 59 000.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, j'avais compris la
distinction, mais globalement. D'accord.
Mme Pelland: Et nous les assurons toutes en coassurance.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): L'assurance, c'est quand
même important.
Mme Pelland: C'est très important.
M. Côté (Charlesbourg): Vous dites: On ne devrait
pas reconnaître une sage-femme si elle n'est pas infirmière.
Mme Pelland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je traduis
peut-être...
Mme Pelland: C'est ce que nous avons dit jusqu'à
maintenant, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Le groupe qui vous a
précédés nous a fait la démonstration que dans
certains milieux isolés, peut-être même des milieux plus
défavorisés, il n'était pas nécessaire d'être
infirmière pour être sage-femme. Comment est-ce que vous
réagissez à ça?
Mme Pelland: Jusqu'à maintenant, vous savez, il y a
beaucoup de sages-femmes qui sont déjà infirmières. Quand
je vous mentionne qu'on a un certain nombre de gens qui travaillent
déjà en périnatalité, plusieurs de celles-là
ne sont pas identifiées comme étant des sages-femmes, mais ce
sont des infirmières et quand elles s'identifient comme sages-femmes,
très souvent, elles ne s'identifient pas comme étant
infirmières. Je suis certaine qu'on a un assez grand nombre de
sages-femmes parce que, déjà, on a fait une étude en 1983
et on avait déjà autour de 175 infirmières qui
étaient sages-femmes. Je pense que celles qui vivent des
expériences intéressantes et qui s'identifient, pour plusieurs
d'entrés elles, comme étant des sages-femmes à l'heure
actuelle omettent de s'identifier aussi comme étant des
infirmières; et il arrive très souvent des expériences
très positives des sages-femmes, aussi bien que plusieurs
projets-pilotes qui seront présentés, qui sont déjà
prêts, sont préparés par des sages-femmes qui sont aussi
infirmières. Je vous rappelle que, quand la demande d'incorporation a
été faite auprès de l'Office des professions, en 1985, les
personnes demandaient à être reconnues comme sages-femmes et
s'identifiaient comme étant des sages-femmes préparées,
mais elles étaient à 95 % et plus déjà
infirmières aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. Donc ce qui
est souhaitable, l'idéal, c'est qu'on soit dans une situation où
la sage-femme est infirmière, mais le groupe précédent
nous a démontré que les femmes inuit, à moins que je ne me
trompe ou que j'aie une mauvaise compréhension...
Mme Pelland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...n'étaient pas
infirmières et que c'était un élément
extrêmement important, dans le milieu là-bas, que les femmes inuit
soient accouchées ou suivies, pas seulement accouchées mais
pendant tout le cycle, encadrées par une des leurs, une femme inuit qui
n'est pas forcément infirmière et qui aussi en arrive à un
résultat, semble-t-il, très intéressant.
Mme Pelland: M. le ministre, jusqu'à maintenant, nous
avons maintenu la position que nous souhaitions que les sages-femmes soient des
infirmières. C'était la position du Bureau en 1985 et on l'a
maintenue. Par contre, j'ai eu à parler avec Mme Lavoie-Roux à
plus d'une reprise et avec le président actuel de l'Office des
professions et on nous demandait: Est-ce que vous êtes
prêtes à faire non pas des concessions, mais est-ce que
vous voyez qu'il pourrait y avoir d'autres formules? Nous pensons que la
sage-femme doit être sécuritaire pour la femme. Une sage-femme
bien préparée, je pense, ayant une bonne formation, peut assurer
un excellent service. Et le cheminement qu'on a fait autant auprès de
Mme Lavoie-Roux qu'auprès de l'Office des professions, c'était de
dire: II y a sûrement un recoupement de champs de pratique eï il y
aurait grand avantage à utiliser les ressources que représentent
les infirmières qui sont aussi sages-femmes et les infirmières
qui travaillent dans le domaine dé la périnatalité,
à l'heure actuelle, et de peut-être penser à un
rapprochement Je pense que les sages-femmes - et Je pense sages-femmes bien
préparées - et infirmières se rapprocheraient très
bien à l'heure actuelle. Nous sommes même allés
jusqu'à faire des propositions aux deux personnes parce qu'elles nous
l'ont demandé. Le bureau de notre corporation avait accepté une
telle discussion d'approche nouvelle. C'était de prévoir de
rapprocher infirmières et sages-femmes peut-être dans un cadre de
corporation et dans un cadre de formation de tronc commun. C'était ce
qu'on voyait à ce moment-là. Et il y a même
déjà eu des discussions avec les universités.
M. Côté (Charlesbourg): Deux petites
dernières questions avant de passer la parole à mon
collègue d'Abitibi-Est. A la page 6, au deuxième paragraphe, vous
dites à peu près: Service de maternité, il y a plusieurs
questions sur l'articulation. C'est ce qu'on volt dans le paragraphe. Avec les
services départementaux du centre hospitalier, qu'est-ce que vous
proposez? Parce que, évidemment, on le sent bien, on va avoir un certain
nombre de problèmes auxquels on devra faire face. Dans ce cas-là
précis, qu'est-ce que vous nous proposez?
Mme Pelland: On propose que ce soit clair. Comment ça
pourrait s'articuler, quels seront les pouvoirs de ces personnes pour
travailler avec les différents services de laboratoire, de radiologie,
tous les services dont elles vont avoir besoin pour travailler.
M. Côté (Charlesbourg): Vous ne pouvez pas
être plus claire que ça?
Mme Pelland: Pas pour le moment.
M. Côté (Charlesbourg): Sur le plan des
modalités. On pourra se consulter éventuellement et,
évidemment, hier je disais qu'il y avait deux éléments
extrêmement importants pour la réussite des projets-pilotes:
premièrement l'autonomie des sages-femmes, deuxièmement le
support médical, ce qui paraissait assez important. Est-ce qu'il devrait
y avoir le privilège d'admission?
Mme Pelland: II faudrait qu'elles aient le privilège
d'admission. Si vous voulez faire la preuve du succès de la
reconnaissance des sages-femmes, II faut qu'elles aient tous les
privilèges. Et ça répond aussi à la question
précédente que vous me posiez, il faut qu'elles soient capables
d'utiliser les ressources, qu'elles soient capables de prescrire les analyses,
qu'elles soient capables de demander les radiographies. Il faut qu'elles soient
capables de tout faire ça. Il faut que ce soit précisé
pour éviter les difficultés, parce que cette structure-là
que vous leur donnez, sans que ce soit précisé, là
ça va causer des problèmes. Il va y en avoir avec les
médecins et il va y en avoir avec les infirmières, parce que
cette capsule de service de maternité qui est à
l'intérieur... On ne sait pas trop, trop comment est-ce que c'est
situé. Ça va occasionner un tas de problèmes, autant chez
les médecins que chez les infirmières, parce que vous en avez
beaucoup qui sont préparées, et chez nos infirmières qui
sont là, on en a presque 67 % du nombre que je vous ai donné qu!
ont de 10 à 25 ans d'expérience. C'est beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre responsable de
l'Office des professions.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.
Très rapidement, est-ce que vous avez pris le temps de
vérifier auprès des pays où il existe déjà
les sages-femmes les conditions en ce qui concerne
l'assurance-responsabilité et les conditions de travail?
Mme Pelland: Non, je ne l'ai pas vérifié. Nous ne
l'avons pas vérifié.
M. Savoie: Nous ne l'avons pas vérifié. Est-ce que
vous croyez que ce serait une bonne chose de le faire, puisque vous nous
demandez de vous consulter?
Mme Pelland: Oui. L'étude de
l'assurance-responsabilité, c'est un problème très
sérieux.
M. Savoie: Oui.
Mme Pelland: c'est pour ça que notre recommandation va
dans le sens que le gouvernement devrait assumer l'entière
responsabilité de l'assurance-responsabilité pour toute la
durée de l'expérience-pilote.
M. Savoie: Ah, vous croyez que c'est au gouvernement d'assumer
l'entière responsabilité?
Mme Pelland: C'est ce que l'on recommande dans notre
document.
M. Savoie: II me semblait que, dans votre
document, vous demandiez à être consultées.
Mme Pelland: c'est parce qu'il n'y a pas d'analyse de faite
à l'heure actuelle et je ne veux pas vendre la mèche pour
l'association des hôpitaux, mais je crois savoir que l'association des
hôpitaux ne veut pas accepter une charge semblable. et comme nous venons
en deuxième dans notre assurance-responsabilité, après
l'assurance-responsabilité de l'association des hôpitaux, nous non
plus, nous ne voulons pas assumer ça pour le moment. on n'a pas fait
d'analyse semblable, on n'a pas eu de discussion avec notre coassureur. on sait
que ça pourrait occasionner une augmentation de primes de façon
substantielle.
M. Savoie: Vous ne croyez pas qu'il serait opportun
d'entreprendre ces démarches immédiatement?
Mme Pelland: II faudrait sûrement faire des analyses, en
tout cas.
M. Savoie: Oui. Très rapidement, puisque...
Mme Pelland: Mais ça, le projet de loi est très
silencieux là-dessus et ça nous fait très peur.
M. Savoie: Oui, effectivement, on en a fait l'observation
également. Mais ce à quoi j'en viens, c'est le fait que,
finalement, l'Ordre devrait se pencher sur ce dossier et faire ses
recommandations dans les plus brefs délais.
Mme Pelland: Et on propose de travailler avec vous dans ce
sens-là, d'être invitées et d'être...
M. Savoie: D'accord. On se mettra en communication avec vous,
à ce moment-là.
Mme Pelland: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre. M. le
député de La Prairie. (18 h 15)
M. Lazure: La Prairie. Merci, Mme la Présidente. Il me
semble que mes collègues me demandent d'adresser des remerciements, au
nom de notre formation, à l'Ordre pour cet excellent mémoire. Je
pense que c'est un mémoire qui a un ton conciliant; c'est un
mémoire qui offre toutes sortes de possibilités de collaboration.
À mol, il me plaît particulièrement, parce que - je ne sais
pas si vous étiez ici quand j'ai fait certaines remarques, lorsque le
groupe des médecins a présenté son mémoire, mais ce
que je disais de la difficulté de commencer des projets-pilotes alors
que le ministre n'a pas encore suffisamment travaillé à ce
rapprochement entre des acteurs tout à fait essentiels dans un
hôpital, les médecins et les nouvelles professionnelles que
seraient les sages-femmes - les remarques que je faisais à cet
égard s'appliquent aussi aux infirmières. Je pense qu'on ne peut
pas concevoir que des essais valables soient faits dans un hôpital, pour
l'exercice des sages-femmes, sans qu'il y ait une collaboration avec les
infirmières. Ça me paraît capital, fondamental.
Je pense qu'il y a lieu d'être optimiste, parce que les
infirmières, l'Ordre des infirmières, en tout cas, ouvrent la
porte à la collaboration. L'Ordre met aussi en garde le ministre sur le
modèle qu'il présente dans son projet de loi qui, si je comprends
bien, est une ébauche de projet de loi. C'est sur le modèle de
création de cette maternité et sur l'organisation du conseil. Je
pense qu'il y a du travail à faire de ce côté-là,
parce que, encore une fois, il ne faut pas que ce conseil de sages-femmes soit
une entité qui sort trop marginale dans l'hôpital par rapport aux
autres professionnels, notamment par rapport aux infirmières. Moi, je
suis de l'avis de la présidente quand elle dit que la très vaste
majorité des sages-femmes sont des infirmières. Ça fart
plus, entre guillemets, "in"; ça fait plus "in", peut-être,
surtout auprès de groupements féministes aujourd'hui de se dire
sage-femme plutôt qu'infirmière. Ça fart peut-être
plus à la mode, actuellement, sociologiquement parlant, pour toutes
sortes de raisons.
Je reviens à une question que le ministre responsable de l'Office
des professions a posée; dans ce que je connais de la situation en
Europe, il y a beaucoup de collaboration et avec les infirmières, et
avec les médecins. La plupart des sages-femmes en Europe qui pratiquent
en milieu hospitalier sont des infirmières qui se sont
spécialisées dans une formation additionnelle et sont devenues
des sages-femmes. Je poserais une question à Mme la présidente:
Est-ce que vous considérez que vos infirmières en milieu
hospitalier, qui travaillent dans un service d'obstétrique, ont leur
autonomie professionnelle? Est-ce qu'elles exercent, d'après vous, avec
une autonomie professionnelle suffisante?
Mme Pelland: Elles ont leur autonomie professionnelle en ce qui
concerne les soins infirmiers; oui, je le pense, dans bon nombre de cas. Je ne
comprends pas votre question exactement, il me semble qu'il y a quelque chose
derrière tout ça.
M. Lazure: II n'y a rien à comprendre.
Mme Pelland: Soyez plus précis; il me semble qu'il y a
quelque chose que je ne comprends pas.
M. Lazure: Je m'attendais un peu à cette
réponse-là, je pense qu'elle reflète la
réalité.
Mais voici la question que je poserais au ministre pour sa
considération, et aux sages-femmes aussi, évidemment, et encore
une fois en me reportant au modèle européen: Est-ce qu'il n'est
pas concevable que les sages-femmes obtiennent un degré d'autonomie qui
les satisfassent, tout en étant à l'intérieur d'un service
d'obstétrique? Je la pose à vous et au ministre.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez un
commentaire, une réponse, une remarque?
Mme Pelland: Je pense qu'il y a possibilité, oui, qu'elles
puissent avoir leur autonomie, quel que soit le lieu où elles
interviendront Ce n'est pas une question de lieu, c'est une question de
définir leur champ de pratique et les conditions d'exercice, beaucoup
plus qu'une question de lieu. Je pense qu'il serait souhaitable que les projets
ne se fassent pas seulement en milieu hospitalier, justement, mais qu'ils se
fassent dans le cadre des CLSC également.
La Présidente (Mme Marois): Ça va, M. le
député?
M. Lazure: Oui.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Vermette: Comme vous faites un lien très étroit
entre les infirmières et la profession de sage-femme, est-ce qu'il y a
déjà eu des rencontres et des discussions qui ont
été entamées par votre corporation professionnelle avec
les sages-femmes, et dans cette éventualité, quelles ont
été les conclusions, et est-ce que vous avez déjà
envisagé des programmes de formation à l'intérieur
même du cadre de la profession d'infirmière?
Mme Pelland: Je n'ai pas eu de rencontre officielle avec
l'ensemble des sages-femmes dans une association, par exemple, mais comme elles
sont infirmières, pour plusieurs, j'ai eu l'occasion de parler avec
plusieurs sages-femmes qui sont infirmières et oui font partie
d'associations de sages-femmes. Evidemment, étant membre d'une
association, elles souhaitaient être reconnues comme leurs
collègues, de façon autonome, sages-femmes. Quand je leur pose la
question: Bien, est-ce que ça ne peut pas t'aider dans tes interventions
de sage-femme que d'être infirmière, je pense que je n'en ai
jamais rencontré une qui ait été capable de me dire: Bien,
c'est sûr que moi, je suis capable de voir beaucoup plus large parce que
ma formation d'infirmière m'aide. C'est entendu. Quand elles sont
à domicile, les sages-femmes, pour prendre soin de celle qui fait son
cheminement vers la maternité, elles ont à intervenir très
souvent auprès d'autres personnes, et là, c'est
l'infirmière qui intervient, ce n'est pas la sage-femme, pour donner des
conseils.
Mme Vermette: J'aurais une dernière question. À
l'intérieur, quand vous faites vos consultations et qu'en fait le
constat que vous faites, c'est que la formation d'infirmière peut
être utile dans le cadre d'une sage-femme, à quel niveau la
formation d'infirmière apporte-t-elle une connaissance
supplémentaire ou une qualité concernant le service de la
sage-femme? Est-ce que c'est au niveau de l'empathie, de ses connaissances
anatomiques, physiologiques, est-ce que, bon, c'est un ensemble de choses,
c'est à quel niveau? Est-ce que vous êtes capables de le pointer
du doigt?
Mme Pelland: C'est l'ensemble de la satisfaction des besoins d'un
individu, c'est son approche, c'est son empathie, comme vous dites, sa
façon de développer une relation d'être avec les individus.
C'est l'approche globale d'un individu, c'est sa façon d'intervenir. Je
pensais que vous me posiez la question: Quelle sorte de formation... Personne
ne m'a posé cette question-là jusqu'à maintenant.
La Présidente (Mme Marois): Moi je l'avais, j'avais cette
question-là.
Mme Vermette: En fait, c'est parce que...
Mme Pelland: Je pensais que c'était ça que vous me
posiez.
Mme Vermette: Je vous l'avais posée.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que je vais la poser.
Maintenant, si vous permettez, il y a le député de Fabre aussi
qui m'a demandé d'en poser une toute petite. Je pense que je vais lui
accorder la parole. Mais comme on est sur ce champ-là, si on veut...
Vous proposez que ce soient des infirmières, c'est-à-dire avec la
formation que l'on connaît maintenant, et que s'ajoute à cela une
formation de trois ans.
Mme Pelland: Que ce soient des infirmières avec une
formation de premier cycle. Je pense que tous les intervenants qui ont
proposé des formations, c'était une formation de premier cycle
universitaire, enfin, pratiquement, ce que je retiens de ce que j'ai entendu.
Et nous proposons une formation de premier cycle universitaire.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Mais il y
a...
Mme Pelland: Mais c'est là qu'on voit qu'il
pourrait y avoir un tronc commun avec la formation dos
infirmières.
La Présidente (Mme Marois): D'accord, alors on prend le
cours...
Mme Pelland: II y a des matières qui sont communes.
La Présidente (Mme Marois):... qui se donne
actuellement.
Mme Pelland: À l'université.
La Présidente (Mme Marois): C'est ça, on s'entend
bien.
Mme Pelland: À l'université, oui.
La Présidente (Mme Marois): À l'université
et qui, là, pourrait avoir une base commune...
Mme Pelland: C'est ça.
La Présidente (Mme Marois):... et des options
pourraient...
Mme Pelland: II y a des matières fondamentales qui sont
les mêmes, anatomie, physiologie, biochimie, microbiologie, enfin, un tas
de matières, psychologie, sociologie, matières humaines,
scientifiques et humaines...
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
Mme Pelland:... qui sont nécessaires dans les deux
cas.
La Présidente (Mme Marois): Ça, c'est votre
proposition proprement dite.
Mme Peliand: Oui.
La Présidente (Mme Marois): M. le député de
Fabre.
M. Joly: Merci, Mme la Présidente. Mme Peliand, je suis
content de voir que dans votre exposé vous avez souligné
jusqu'à quel point vous réalisiez l'importance de l'assurance, au
niveau de la responsabilité professionnelle. Vous avez aussi
avoué que la majorité des sages-femmes sont des
infirmières, au départ. Vous avez aussi mentionné que
cesdites infirmières sont couvertes en vertu d'un contrat d'assurance
émis au nom de l'Ordre des infirmières.
Mme Peliand: C'est ça. Il y en a deux qui ne le sont par
sur 59 000, presque.
M. Joly: Bon alors, parfait, partant de là, si jamais, en
tant que gouvernement, on allait de l'avant avec le projet, modifié
peut-être, mais qu'on décidait de ne pas payer les assurances,
mais que le fait de ne pas payer ferait augmenter la prime totale de chacun de
vos membres, seriez-vous autant d'accord pour aller de l'avant avec le projet
des sages-femmes?
Mme Peliand: D'abord, je ne peux pas vous dire qu'on pourrait
faire ça parce que nous sommes en coassurance, alors il faudrait le
demander à la compagnie avec laquelle nous sommes en coassurance. Ces
gens assument un tiers des risques, nous assumons deux tiers des risques.
M. Joly: C'est justement sur ça, madame, que je vous pose
la question.
Mme Peliand: II faudrait le discuter, parce que c'est une
modalité qui n'a jamais été...
M. Joly: Mais ça va être automatique. Si la
compagnie d'assurances estime que, pour eux, c'est un risque
supplémentaire, définitivement, il va y avoir un reflet dans la
prime quelque part. Que ce soit réparti sur 200 personnes ou sur 59 000,
si la prime totale, par exemple, est un demi-million de dollars par
année, répartis sur 59 000, vous savez ce que ça
représente.
Mme Peliand: Oui. Je ne suis pas sûre que l'ensemble des
membres serait heureux de ça.
M. Joly: Merci.
Mme Peliand: En plus, à l'heure actuelle, la prime n'est
pas très élevée parce que nous sommes en deuxième.
Il y a l'assurance de l'Association des hôpitaux qui vient en premier,
nos membres étant des employés et étant
protégés par leur convention collective, par l'assurance des
hôpitaux.
La Présidente (Mme Marois): Mme Guimond, vous ne vouliez
pas ajouter quelque chose? Non, ça va.
Mme Guimond (Thérèse): Tout ce que j'aurais
à ajouter, c'est qu'il y aurait peut-être à faire supporter
ce surplus par les infirmières qui seraient dans les projets-pilotes.
Là, nécessairement, je pense qu'on négocierait avec le
gouvernement comme des associations de médecins l'ont fait, je crois, au
niveau des obstétriciens-gynécologues, où le gouvernement,
actuellement, paie 50 % de la prime. Ça représente 6000 $ pour le
gouvernement par médecin et ça représente des millions. Je
pense bien que pour un projet-pilote qui a l'air si cher au gouvernement, il y
aura un petit effort à faire.
La Présidente (Mme Marois): Vous lui faites
une suggestion, si je comprends bien.
Mme Guimond: C'est une suggestion, en fait, de quelque chose qui
existe déjà.
La Présidente (Mme Marois): Alors, nous vous remercions.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez raison de dire que
c'est un projet qui est cher au gouvernement et qui va le demeurer et qu'on a
encore un petit peu de travail à faire. On va le faire en collaboration
avec tous ceux et celles qui nous l'ont offert, pour parvenir à un
résultat qui, nous l'espérons, sera positif.
Merci de votre présentation. On aura très certainement
l'occasion de se revoir dans les prochains jours, sinon les premiers jours de
janvier.
La Présidente (Mme Marois): On vous remercie. On suspend
nos travaux jusqu'à 20 heures, je dis bien 20 heures, parce qu'on a
encore passablement de groupes a entendre ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise à 20 h 8)
La Présidente (Mme Marois): Nous allons reprendre nos
travaux. Alors, bonsoir, tout le monde. Vous avez eu un bon souper?
Une voix: Oui.
M. Chevrette: Très bon, Madame.
La Présidente (Mme Marois): Nous allons reprendre nos
travaux en entendant, d'abord, les Cercles de fermières du
Québec; par la suite, l'Association des pédiatres du
Québec, l'Association médicale du Québec et Mme Maria De
Koninck.
Bonsoir, mesdames des Cercles de fermières. J'aimerais, d'une
part, en commençant votre présentation, que vous vous
présentiez; par la suite.. on accorde environ une vingtaine de minutes
à la présentation de votre mémoire et une quarantaine de
minutes à des questions qui se partagent équitablement entre les
gens de la commission. Cela va? Alors, à vous la parole.
Cercles de fermières du Québec
Mme Huot (Noëlla): Bonsoir mesdames et messieurs les
ministres, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir de présenter mes
compagnes. D'abord, je suis Noëlla Huot, présidente provinciale des
Cercles de fermières du Québec. À ma droite, Louise
Déziel-Fortln, vice-présidente et, à ma gauche, Mme
Cécile Labrecque, secrétaire provinciale.
Je veux vous dire tout de suite au début, même si vous nous
avez dit qu'on a vingt minutes, vingt minutes et, en fin de compte, une heure,
que notre discours ne sera pas long.
La Présidente (Mme Marois): Parfait.
Mme Huot: Nous ne sommes pas des professionnels de la
santé ni des spécialistes dans ce domaine-là, mais nous
sommes, mes compagnes et moi, des mères de famille, ce qu'on appelle les
usagères. En tout cas, si ce n'est pas nous autres, si on a passé
l'âge, on l'a déjà été. Moi, je tiens
à dire que j'ai treize enfants et qu'il y en a six là-dessus qui
sont nés avec une infirmière sage-femme, et puis, que j'ai connu
c'est quoi, donner naissance avec une sage-femme à la maison et donner
naissance à l'hôpital. Puis, j'ai sept petits-enfants qui sont
nés avec des sages-femmes à la maison, dernièrement, ce
qui veut dire que le dernier est à un an, disons que le médecin
était sur le bord de la porte.
Les Cercles de fermières du Québec, association
vouée à la défense et à la promotion des
intérêts des femmes et des familles québécoises,
regroupe près de 60 000 membres. Célébrant leur 75e
anniversaire en 1990, les Cercles de fermières du Québec se sont
toujours intéressés au développement de nouveaux services
en matière de soin et de santé, tant pour leurs membres que pour
les femmes de la province. C'est pourquoi, dès la présentation du
projet de loi 156 par Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui est maintenant
le projet de loi 4, nous sommes obligées d'en faire une étude
sérieuse afin de faire part au législateur de nos commentaires.
D'abord, nous étions très heureuses quand II y a eu l'annonce du
dépôt d'un projet de loi qui permettrait enfin la pratique des
sages-femmes au Québec, à titre expérimental. Notre
enthousiasme s'est un peu refroidi quand on a pris connaissance du projet de
loi et nous vous dirons pourquoi.
Lors de notre congrès annuel de 1985, nos membres ont
adopté la recommandation suivante concernant la pratique des
sages-femmes au Québec: Que la profession de sage-femme soit reconnue
légalement, que la formation académique soit de niveau
universitaire, que la profession soit régie de façon
autonome.
Cette recommandation, qui fut acheminée aux autorités
compétentes, et notre participation à de nombreux groupes de
travail intéressés à la périnatalité au
Québec, notamment en ce qui concerne la pratique des sages-femmes, sont
des gestes concrets à l'appui du présent avis.
Pour nous, il ne fait aucun doute que notre recommandation de 1985 doit
être appliquée intégralement. Ce faisant, le
législateur répondra à une demande sans cesse grandissante
de la
population féminine, tant de milieu urbain que rural, et assurera
des services de qualité.
Il ne faut pas croire que notre position constitue un désaveu de
la profession médicale. Cependant, comme nous l'avons souligné
lors d'une autre de nos recommandations, nous considérons que des
professionnels qualifiés, autres que les médecins, devraient
pouvoir intervenir dans le dossier de la santé. Alors, je vous dis que
cette recommandation que nous avons eue, qui date de 1986, était de
briser le monopole médical actuel pour permettre l'accès à
d'autres pratiques de médecine alternative reconnue ailleurs au monde et
respecter ainsi le choix des individus.
Ainsi, la présence de sages-femmes en périnatalité
n'a rien de folklorique et ce n'est pas un recul dans le temps. Cette
présence dans le réseau actuel des établissements de
santé est une reconnaissance des soins préventifs plutôt
que curatif8. Elle replace tout le processus de périnatalité dans
son contexte véritable, c'est-à-dire celui d'un geste sain et
naturel et non d'une pathologie.
Les couples demandent le libre choix, lors de l'accouchement, une
approche plus naturelle. Ça fait partie des droits inaliénables
de la personne. L'accouchement, on le sait, est un des plus grands
événements de la vie familiale. Pourtant, plusieurs parents,
encore aujourd'hui, ont le sentiment de vivre cet événement comme
une maladie. On sait bien que ce n'est pas surprenant puisque l'accouchement
est devenu un acte médical, avec tout l'appareillage technologique que
l'on connaît.
C'est de ces déceptions, de ces expériences qu'est
née, au Québec, la requête actuelle de l'intégration
des sages-femmes dans le système périnatal. On s'explique mal la
lenteur constatée sur ce dossier alors que la législation de la
profession fait l'objet d'un large consensus social - pensons aux nombreuses
demandes qui ont été faites à la commission Rochon en
1986, en tout cas - sauf de la Corporation professionnelle des médecins,
bien entendu.
Le projet de loi. Entre la demande formulée par Mme Lavoie-Roux
à la Corporation professionnelle des médecins du Québec,
à laquelle cet organisme a pour ainsi dire répondu par une fin de
non-recevoir et le projet de loi 4, nous aurions souhaité et nous
souhaitons une plus grande fermeté de la part du législateur.
Ici, je dois dire à M. le ministre Côté que, d'après
les médias, ce qu'ils nous disent est que M. Côté semble
vouloir être plus ferme avec la Corporation professionnelle des
médecins, et nous nous en réjouissons.
Le projet, tel qu'il est présenté, signifie, à
court terme, un retard pour la mise en place des projets-pilotes, si on pense
à l'évaluation des sages-femmes, à créer des
comités multidis-ciplinaires et à implanter des projets-pilotes,
etc.. ça signifie aussi, à plus long terme, que la pratique des
sages-femmes au Québec n'obtient aucune garantie, tant sur le plan de la
reconnaissance professionnelle que de l'assurance d'une formation universitaire
adéquate. Il n'est pas plus question, d'ailleurs, de l'autonomie de la
profession. Le gouvernement du Québec dispose déjà d'une
batterie complète d'outils lui permettant d'évaluer le dossier de
la pratique des sages-femmes et de prendre une position ferme à son
endroit. Les sages-femmes sont reconnues et excercent avec compétence
dans la plupart des pays industrialisés. Il se fait déjà
des accouchements par sage-femme dans certaines régions
éloignées du Québec. Pourquoi alors partir à
zéro?
Si nous ne pouvons refuser un pas de l'avant, si minime soit-il, il nous
est difficile de comprendre l'hésitation que le projet de loi cache mal.
S'il est ici question de projets-pilotes et de certains mécanismes
visant leur mise en place, nous nous inquiétons des suites que ceux-ci
pourraient avoir, tout comme des suites que pourrait engendrer l'entrée
en vigueur du projet de loi; crainte devant l'intransigeance des
médecins que les projets risquent de se trouver compromis avant
même qu'ils débutent ou qu'ils puissent être concluants.
Bref, que fera-t-on après le délai de cinq ans? Aura-t-on
vraiment fait progresser le dossier de la pratique des sages-femmes au
Québec?
Nous comprenons que ce projet de loi vise, entre autres, à
modifier temporairement la Loi médicale, sans attaquer de front la
profession médicale. Nous comprenons aussi que son objectif, d'analyser
l'impact de la profession des sages-femmes sur la périnatalité et
d'intégrer les sages-femmes dans le réseau de santé du
Québec, sera difficile à atteindre objectivement puisque des
médecins doivent être directement impliqués dans les
projets-pilotes. Encore ici, nous ne mettons pas en doute la bonne foi de
toutes celles et de tous ceux qui feront partie des projets-pilotes, nous
disons seulement qu'ils devront laisser de côté tout esprit
corporatif et faire preuve du professionnalisme et de l'esprit d'équipe
dont ils sont capables.
Mme Fortin (Louise): Les Cercles de fermières du
Québec ont des membres à la grandeur du territoire de la province
et connaissent ainsi très bien les soins de santé disponibles en
matière de périnatalité. Ce que nos membres et ce que nous
disons aujourd'hui, c'est que le projet de loi 4 répond peu ou pas
à nos attentes, compte tenu de notre recommandation de 1985. Cependant,
il signifie un pas en avant sur la pratique des sages-femmes et on peut vous
dire que l'on s'en réjouit.
Si le projet de loi devenait loi, il devrait d'abord être
amendé selon les orientations suivantes: Nous, les Cercles de
fermières du
Québec, recommandons que la définition internationale de
la sage-femme soit reconnue comme base pour rétablir le rôle de la
sage-femme au Québec.
Deuxièmement, que le champ de pratique soit davantage
défini avant la mise en place des projets-pilotes. Nous recommandons
aussi que le gouvernement ne se limite pas à l'implantation de
projets-pilotes en centre hospitalier et établisse aussi un processus
d'accès dans las CLSC, les maisons des naissances et à domicile,
s'il y a lieu, tant en milieu urbain que rural.
Quatrièmement, que la compétence des sages-femmes soit
évaluée par un comité multi-disciplinaire composé
majoritairement de sages-femmes.
Cinquièmement, qu'une formation académique correspondant
à un programme universitaire de premier cycle pour les sages-femmes au
Québec soit exigée et établie par la suite.
Sixièmement, qu'un comité multidisciplinaire, un
comité aviseur d'encadrement autonome, qui verrait aux orientations,
à la planification, à la mise en place et au bon fonctionnement
des projets-pilotes, soit formé. Que les usagères soient
représentées au comité multidisciplinaire d'encadrement
des projets.
Septièmement, qu'un comité superviseur fasse rapport
régulièrement au gouvernement et qu'il donne une image
réelle - et on insiste beaucoup - du déroulement du
processus.
Huitièmement, que le financement de ces projets soit assure afin
qu'ils fonctionnent adéquatement.
Neuvièmement, qu'à la fin de son application, après
cinq ans, la loi soit nécessairement transformée en une loi
régissant la pratique des sages-femmes au Québec, laquelle
consacrerait la légalité de la profession de sage-femme et son
autonomie de toute autre pratique oeuvrant en périnatalité et
définirait aussi sa pratique et la formation requise pour y
accéder. On voudrait, en tout cas, que la pratique des sages-femmes soit
intégrée au système de santé.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Les dernières
recommandations, je ne les avais pas... Est-ce que vous avez les
dernières recommandations, telles qu'elles vous les ont
présentées? Parfait. On vous remercie. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je veux remercier
Mmes Huot, Fortin et Labrecque de leur présentation. Plusieurs groupes
sont intervenus, y compris vous, en disant: Cela devrait être une
corporation professionnelle autonome et reconnue que celle de la pratique des
sages-femmes. Il y a un consensus assez large. Certaines personnes disaient que
ça permettrait d'avoir de meilleures assises sur le plan légal
pour être capables d'expérimenter les projets-pilotes sans trop
trop de problèmes. L'expérien- ce vécue nous dit que
ça prend à peu près trois ans avant qu'on puisse
établir une corporation professionnelle. Si on allait dans cette
voie-là, est-ce à dire qu'on devrait attendre dans trois ans
avant de débuter l'expérience de cinq ans, compte tenu du fait
qu'on dit: Cela prendrait une corporation professionnelle.
Une voix: Je vérifie. Vous nous demandez s'il faudrait
avoir la corporation avant d'implanter des projets-pilotes?
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Une voix: Non. On va commencer avec des projets-pilotes, mais
j'espère que les deux vont aller de pair.
M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Il y a deux
théories, celle de dire qu'il faudrait, pour commencer les
projets-pilotes, avoir une corporation professionnelle, de telle sorte que tout
le monde soit bien balisé au moment où on enclenche le processus
et aussi très bien protégé, et que ça donnerait un
meilleur encadrement, une meilleure liberté pour être capables de
passer à l'action, si vous me passez l'expression. D'autres disent: Oui,
il faut aller dans les projets-pilotes sans nécessairement avoir la
corporation professionnelle, mais elle devra venir en cours de route.
Une voix: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que vous dites: Passons d'abord aux expériences de projets-pilotes et,
par la suite ou parallèlement, tentons de créer la corporation
professionnelle parce que le risque, si on enclenchait le processus tout de
suite ou qu'on attendait, ce n'est peut-être pas trois, ça peut
être quatre ans, ça peut être cinq ans avant d'être
capables de passer à travers compte tenu des oppositions qu'on
connaît maintenant.
À la page 3 du mémoire que j'avais, vous dites dans le bas
de la page: Si le projet de loi 156 - qui est devenu le projet de loi 4 -
devenait loi, il faudrait d'abord l'amender selon les orientations suivantes:
1° que le champ de pratique soit davantage défini. Je voulais le
demander à d'autres groupes qui sont intervenus de la même
manière et finalement, je ne l'avais pas nécessairement
oublié mais je n'avais pas eu le temps. Je vais en profiter pour la
poser à vous sans que ça vous embarrasse. On parle beaucoup de
définition de sages-femmes et de champ de pratique. On dit: La
définition internationale des sages-femmes. En tout cas, les conseils
que j'ai eus... parce que ce n'est pas mon projet de loi, il faut donner le
mérite à qui ça appartient, c'est Mme Lavoie-Roux qui a
fait franchir un pas extrêmement important à ce
processus que nous avons aujourd'hui. Il sera bien sûr
modifié, le projet de loi, pour revenir en tenant compte de toutes les
expressions d'opinions qu'on a devant la commission. Mais ce qu'on me dit et la
volonté du législateur telle qu'elle est là, c'est que la
définition internationale se retrouve dans le champ de pratique, mais
dans le champ de pratique inclus à l'intérieur du projet de loi.
C'est pour ça que j'aimerais, sans que ça vous embarrasse, parce
qu'on n'a pas tous une formation de légiste, encore bien moins moi, je
ne suis pas avocat, je suis un simple petit professeur comme le
député de Joliette... Alors, évidemment, on est
limité dans ce temps-là. Est-ce que, d'après vous, la
définition internationale de sage-femme se retrouve bien campée
dans le projet de loi à l'intérieur du champ d'application?
Mme Fortin: Je peux vous dire que la définition
internationale de la sage-femme a été adoptée par la
Confédération internationale de la sage-femme, en 1972. Cela a
été approuvé en 1973 par l'Association internationale des
gynécologues-obstétriciens et par l'Organisation mondiale de la
santé. Alors, ça peut vous dire que dans l'ensemble, je pense que
le champ de pratique avait été étudié et que cela
avait été accepté. Par contre, le champ de pratique pour
nous, c'est d'éliminer toute confusion dans les rôles. En fait,
c'est une équipe qui va être là. Ce n'est pas seulement la
sage-femme; c'est une équipe. Alors que l'équipe s'entende sur
les rôles qu'ils auront à jouer en périnatalité,
à l'accouchement et à tous les processus. Je ne sais pas si
ça répond bien à votre question.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que,
évidemment, la question est revenue. Je voudrais tenter, autant que
possible, de l'élucider dans la mesure où on refait le projet de
loi parce qu'on a... L'Impression que je tire de l'analyse que les gens font,
c'est que le projet de loi 4 ou 156 - de toute façon c'est le môme
- ne reprend pas la définition internationale de la sage-femme, alors
que le champ de pratique reprend exactement... C'est le Conseil du statut de la
femme, m'indique-t-on - ça m'avait échappé - qui reprend
la définition internationale des sages-femmes plus le projet de loi 4 et
c'est essentiellement à peu près la même chose. Donc, ce
que je voudrais vous dire, c'est qu'on retrouve déjà, à
l'intérieur du projet de loi 4, la définition internationale de
la sage-femme et qu'on serait dans une situation où ça
répondrait à tout le moins à votre premier point quant au
champ de pratique.
Mme Fortin: Je m'excuse, M. le ministre. La Présidente
(Mme Marois): Oui, allez.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Fortin: C'est peut-être le rôle, nous, qu'on veut
vraiment qui soit bien défini à chacun.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Oui, mais c'est... en
tout cas, ça m'apparaît clair dans toutes les discussions qu'on a
eues jusqu'à maintenant, là. S'il y a, passez-moi l'expression,
s'il y a un os important, ça va être celui-là, et c'est
à ça qu'on devra s'attaquer dans notre rôle de
législateur dans les étapes ultérieures. Vous dites
à un certain moment donné: Bon, ce sont des projets-pilotes,
c'est une expérience de cinq ans, mais on voudrait avoir la garantie
dès maintenant que ça va être permanent. Je comprends ce
que vous voulez nous dire, mais je vous dis que ce n'est pas facile. Vous nous
demandez de juger dès à présent et de donner des
résultats d'une expérience des projets-pilotes qu'on prendra cinq
ans pour analyser.
Mme Huot: C'est parce que ça a fait ses preuves ailleurs
au monde. Quand on dit que dans au-dessus de 90 pays où les sages-femmes
exercent, c'est reconnu et elles ont leur place, alors pourquoi nous, faut-il
repartir à zéro? C'est pour ça qu'on se dit: O.K. Essayons
les projets-pilotes, ça va peut-être en contenter certains. En
tout cas, nous autres, on y voit une ouverture vis-à-vis des
médecins, de la Corporation professionnelle des médecins. On voit
que c'est mettre un pied dans la porte en mettant des projets-pilotes. Et nous
autres, on se dit: On veut qu'au bout de cinq ans, ça soit reconnu
légalement et puis qu'on soit comme les autres pays où les
sages-femmes ont le droit d'exercer. C'est dans ce sens-là qu'on...
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
Mme Huot: Pour nous autres, il me semble que c'est clair qu'il
faut que ce soit comme ça.
La Présidente (Mme Marois): En fait vous tenez pour acquis
qu'effectivement le résultat va être...
Mme Huot: II me semble que ça ne peut pas faire
autrement.
La Présidente (Mme Marois): D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ce que je
comprends, c'est que les sages-femmes sont prêtes à prendre le
pari, étant convaincues, quant à elles, que l'expérience
sera tellement positive qu'on n'aura pas le choix, au bout de cinq ans, que de
la...
Mme Huot: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je reviendrais à Mme
Huot, parce que votre entrée en matière était très
intéressante, et on cherche toujours à travers cela à
aller chercher l'exemple qui va nous permettre de comprendre. Vous nous avez
dit: J'ai mis au monde treize enfants, dont six par accouchement de sage-femme,
et on présuppose que pour les sept autres, c'a été en
milieu hospitalier avec des médecins.
Mme Huot: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): C'est quoi la
différence?
Mme Huot: Le jour et la nuit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Huot: Je l'ai toujours dit. Moi, mes enfants ne sont pas
nés dans les années quarante, là. Ils sont nés
à la fin des années cinquante et soixante. Nous demeurions en
Abltibi, et à ce moment-là les infirmières qui
étaient dans les dispensaires étaient des infirmières qui
avaient suivi des cours... En tout cas, c'étaient elles qui faisaient
des accouchements.
Une voix: II n'y avait pas d'autre service médical?
Mme Huot: Non. Et puis j'ai eu mes six enfants là et
ensuite, c'est arrivé que, changeant d'endroit, les médecins ne
voulaient pas venir, ne faisaient pas d'accouchements à la maison.
Alors, comme les autres, j'ai pris le chemin de l'hôpital. Nous autres,
on avait les yeux grands, on avait décidé d'avoir treize enfants.
C'est ça la vie. J'en ai eu sept à l'hôpital. J'ai toujours
trouvé... Quand je vous ai répondu tantôt que c'est le jour
et la nuit, c'est vrai. J'ai passé mon temps à dire qu'à
la maison - quand je contais ça à mes enfants et à tout le
monde - c'est la fête, c'est un événement important de
mettre au monde un enfant. Il me semble que c'est comme faire son nid chez
nous, se préparer à accoucher. Un enfant, c'est quelque chose de
grand dans notre vie de femme et notre vie de couple. Ce qu'on ne vit pas
à l'hôpital, quand tout le monde est pressé et que tout le
monde fait son travail et que chacun parle de ce qui s'est passé dans la
journée et tout ça. L'encadrement n'est pas le même. Je
sais bien que depuis les dix dernières années, on a tout fait
pour essayer d'humaniser les soins dans les hôpitaux. Mais mon histoire,
notre histoire, je l'ai racontée à nos enfants. Mes filles, quand
elles se sont mariées et qu'elles ont commencé à
élever leur famille, elles aussi, les plus vieilles surtout, ont
commencé avec des médecins. Elles se disaient: Quand maman nous
contait qu'elle avait accouché à la maison, que c'était le
jour et la nuit... Il y en a une qui s'est dit: Moi, je l'essaie. J'essaie
ça avec une sage-femme. Elle aussi a dit: C'est le jour et la nuit...
Ça l'a réconciliée avec l'accouchement. Elle en a
parlé à ses soeurs. C'est pour dire, il y a sept petits-enfants
qui sont nés à la maison, avec des sages-femmes. Je pense que
cela fait des petits-enfants qu'on aime, un esprit de famille, une vie de
famille qui est changée quand... J'ai assisté même à
la naissance du petit Michel à la maison, avec la sage-femme. Je peux
dire que c'était un jour de fête. En tout cas, si vous vouliez une
histoire, c'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est une histoire
vécue. C'est celles-là qui sont davantage importantes dans notre
commission. Je le prends comme un témoignage qui va très
certainement nous servir sur le plan de l'appréciation. Pour le moment,
ça ira.
(20 h 30)
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le
ministre. M. le leader de l'Opposition, une critique.
M. Chevrette: Je voudrais reprendre peut-être la question
du ministre, la première de toutes. Votre première
recommandation, c'est que vous avez dit que vous vouliez davantage
définir le champ de pratique des sages-femmes. Ai-je bien compris les
explications de madame à gauche dont je ne sais pas le nom...
Mme Fortin: Oui.
Mme Huot: Mme Fortin.
M. Chevrette: Est-ce que ce n'est pas plutôt, au lieu de
définir le champ de pratique, les interrelations entre les personnels
que vous vouliez dire?
Mme Fortin: C'est tout ça, en fait. Le champ de pratique,
qu'il soit défini avant la mise en place des projets-pilotes. Mais quand
ces projets-là seront mis en place, que chaque rôle soit bien
défini. Je pense que c'est... En tout cas, c'est notre point de vue.
M. Chevrette: Mais vous autres, quelle est votre position?
Mme Huot: Je voudrais ajouter quelque chose, mon ami.
M. Chevrette: Oui.
Mme Huot: Je voudrais dire que quand on dit que ça soit
bien défini, c'est que la sage-femme, de par sa profession de
sage-femme, joue son rôle de sage-femme jusqu'au bout dans ce
projet-là - pas juste être assistante - qu'elle joue pleinement
son rôle, tel qu'il est défini par
la définition internationale des sages-femmes. Dans ces
projets-pilotes, que ce soit défini clairement et qu'elle remplisse son
rôle jusqu'au bout.
M. Chevrette: O.K. Vous dites que le projet de loi met un point
final après cinq ans, à toutes fins pratiques, d'où votre
demande de reconnaître légalement, immédiatement, la
profession. Le ministre de la Santé et des Services sociaux dit: Cela
peut prendre trois ans avant que ce ne soit reconnu légalement. Donc, on
ne peut pas attendre jusque-là si on veut que les sages-femmes
commencent à exercer leur profession. Qu'est-ce que vous diriez d'une
suggestion qui serait la suivante: Que le ministre enlève sa motion qui
rend le projet de loi caduc au bout de cinq ans et qu'il dise plutôt que
ce projet de loi sera nul et non avenu le jour où il sera
remplacé par un projet de loi de type permanent?
Mme Huot: Bien...
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que c'est une
proposition qui répondrait un petit peu à vos voeux?
Mme Huot: Ça répondrait à ce qu'on veut.
M. Chevrette: Donc, vous aimeriez ça qu'on fasse ça
comme amendement?
Mme Huot: Oui.
M. Chevrette: Bon, ce n'est pas si mal. On vient d'en annoncer
un.
Troisième question que je voudrais vous poser. Quand vous dites:
Que ce comité fasse rapport régulièrement au gouvernement,
vous parlez du comité d'évaluation national?
Mme Huot: Un comité...
M. Chevrette: Dans votre feuille de résumé des
recommandations, à la quatrième recommandation: "Que ce
comité fasse rapport régulièrement au gouvernement."
Mme Huot: On a dit: Que ce comité fasse rapport
régulièrement au gouvernement. On pense toujours que c'est un
comité qui va superviser ces projets, mais qu'il fasse
régulièrement un rapport au gouvernement et qu'il donne une image
réelle du déroulement du processus pour s'assurer
régulièrement que ce projet-là fonctionne bien et que,
s'il y a des choses... s'il a pris une tangente, s'il va de travers bien qu'il
soit...
M. Chevrette: Mais, dans votre esprit, ça veut dire que
les projets-pilotes sont tous uniformes ou s'il peut y avoir des divergences
d'une région à l'autre quant à la conception et à
la réalisation d'un projet?
Mme Huot: Je ne crois pas qu'ils soient uniformes. Je crois
qu'ils s'adaptent aux régions, Ils s'adaptent aux besoins de la
population, mais s'ils sont en centre hospitalier, dans les CLSC ou dans une
maison des naissances, ils vont être différents, et, s'ils sont
dans un centre urbain ou dans un milieu rural, j'ai l'impression qu'ils vont
être différents.
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous pensez de ce type
d'expérience dans un centre hospitalier?
Mme Huot: ii ne faudrait pas... on ne veut pas que ce soit juste
dans les centres hospitaliers. si c'est juste là, on en doute dès
le départ.
M. Chevrette: O.K. Dernière question. Je vais voler une
question qui serait sans doute chère au député de Verdun,
je pense. Je voudrais voir... Je suis sûr de ne pas avoir la même
réponse qu'il a eue à une couple de reprises, cette fois-ci. Je
vais vous poser la question: Quel type de formation vous voyez, vous...
Mme Huot: Pour les sages...
M. Chevrette: ...pour les sages-femmes?
Mme Huot: Bien, nous autres, notre recommandation qui a
été adoptée lors d'un congrès provincial, c'est
qu'on veut que ce soit une formation universitaire de premier cycle.
M. Chevrette: Premier cycle ou deuxième cycle?
Mme Huot: Premier cycle. M. Chevrette: Premier cycle.
D'accord. Mme Huot: Est-ce que ça vous va? M. Chevrette:
Ah! Oui.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Il y a la
députée des Chutes-de-la-Chaudière qui voudrait aussi
soulever quelques questions.
Mme Carrier-Perreault: Bien, écoutez, je n'ai pas
grand-chose à vous demander là, surtout après la question
de mon collègue. Disons que, dans le cadre des projets-pilotes, par
exemple, est-ce que pour vous les sages-femmes qui sont non
diplômées, celles qui ont une expérience, pourraient quand
même participer à l'expérience?
Mme Huot: Bien, il faudrait que celles qui
n'ont pas de diplôme passent des examens en tout cas pour que leur
compétence... qu'elles soient évaluées par un
comité et puis, peut-être, si elles ont besoin de recyclage ou
d'autres choses, que ça se fasse, mais dans notre idée, ce ne
sont pas toutes les sages-femmes qui vont pouvoir exercer le...
Mme Carrier-Perreault: Vous Otes d'accord en fait avec le genre
de comité de sélection, même si elles ne sont pas
diplômées, à ce moment-là.
Mme Huot: Oui.
Mme Carrier-Perreault: D'accord, merci.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Oui, M. le député.
M. Trudel: Une petite vite. Évidemment, à cette
recommandation que la répartition des projets-pilotes tienne compte des
besoins des régions, étant de l'Abitibi aussi, ça a
commencé là, hein?
Mme Huot: Oui.
M. Trudel: II y a des choses, donc, qu'on peut apprendre de
l'Abitibi, ailleurs au Québec. Ce serait important, vous dites, de le
mentionner dans le projet de loi ou de l'indiquer quelque part, qu'il devrait y
avoir une certaine répartition régionale des projets, vu qu'ils
ne se retrouvent pas tous en milieu urbain. Donc, c'est important pour vous
autres?
Mme Huot: Absolument, c'est important pour nous autres. Notre
association regroupe des femmes de partout, de toutes les régions de la
province, et c'est un souhait des femmes, qu'on pense aux régions
éloignées et aux régions rurales.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce qu'il y a
d'autres questions? Oui, M. le ministre? Cela va. Oui, M. le
député.
M. Gautrin: J'ai une question. Je m'excuse de revenir sur la
question du député.
M. Chevrette: C'est parce que je voulais le réveiller
tantôt. Je savais qu'il se lèverait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gautrin: Sur la formation, où il y a une formation de
premier cycle, quelle différence faites-vous entre la formation actuelle
universitaire en sciences infirmières et celle qui irait pour les
personnes, les sages-femmes, les personnes qui auraient cette formation
à faire?
Mme Huot: Je ne peux pas vous dire là-dessus, ma
compétence dans ce domaine est restreinte. Je ne peux pas vous
répondre. Je ne connais pas assez le cours pour les infirmières
pour me prononcer là-dessus.
M. Chevrette: On va faire jaser M. Gautrin avec M. Trudel, deux
recteurs. Ils vont nous le dire.
La Présidente (Mme Marois): Vous savez, la sagesse peut
venir d'autres lieux aussi. Hal ha, hal La preuve. On vous remercie
d'être venues témoigner. Je pense que c'est important pour les
membres de la commission aussi d'entendre, bien sûr, votre regroupement
parce qu'on en connaît l'importance et la signification dans notre
histoire, mais aussi d'entendre des expériences vécues qui
permettent peut-être de dédramatiser un petit peu un acte qui est,
bien sûr, naturel et, en plus, quand c'est dit d'une façon aussi
sereine. Alors, on vous remercie. M. le ministre.
Mme Huot: J'ai vu dans les journaux, aujourd'hui, que M.
Chevrette aussi était né des mains d'une sage-femme.
M. Chevrette: Certainement, madame, et je me trouve pas si
mal.
Dés voix: Ha, ha, ha!
Mme Huot: C'est ce que je voulais dire.
La Présidente (Mme Marois): II est né surtout d'une
femme, ce qui est déjà pas mal. Ha! ha, ha!
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier et vous demander:
Avez-vous des projets de fusion avec l'AFEAS?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Huot: Des projets de fusion?
M. Chevrette: Avec l'AFEAS. Non?
Mme Huot: Non.
M. Chevrette: Pas encore.
Mme Huot: Mais pourquoi?
M. Chevrette: C'est une blague. C'est parce que, dans mon milieu,
je les taquine parce qu'elles marchent en parallèle.
Mme Huot: Vous pouvez continuer à les taquiner et à
nous taquiner aussi. Nous avons chacune notre champ d'action et quand il y a
à
faire des coalitions sur certains sujets, pour constituer une force, on
est là et elles sont là et je pense qu'on s'en sert.
M. Chevrette: Bravo!
Une voix: 1-0.
La Présiden
te (Mme Marois): Merci.
M. Chevrette: C'est rare que je leur dis bravo.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): Cela va. M. le ministre.
M. Chevrette: Je la connais depuis longtemps.
M. Côté (Charlesbourg): je veux vous remercier de
votre témoignage et je pense qu'il reste des étapes à
franchir, à venir, en souhaitant avoir la collaboration de tout le
monde, parce que ça prendra la collaboration de tout le monde, y compris
des médecins, pour y arriver. merci bien.
Mme Huot: On compte sur vous. Merci. M. Côté
(Charlesbourg): Oui. Ha! ha, ha!
La Présidente (Mme Marois): merci. j'appellerais
maintenant l'association des pédiatres du québec à prendre
place. nous allons procéder. le dr michel guay est le président
de l'association. bienvenue. je vous demanderais de présenter les
personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de procéder à la
présentation de votre mémoire.
Association des pédiatres du
Québec
M. Guay (Michel): Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, mesdames et messieurs les députés membres de cette
commission, j'aimerais vous présenter les membres de ma
délégation. À mon extrême droite, le Dr Jacques
Simard, pédiatre à Lévis; il est aussi premier
vice-président de l'Association des pédiatres du Québec.
À ma droite, le Dr Jeanne Pichette,
pédiatre-néonatologiste attachée au Centre hospitalier
universitaire Laval et à l'hôpital Saint-François-d'Assise
à Québec et vice-présidente de la Société
des néonatologistes du Québec. À ma gauche, le Dr Gloria
Jeliu, pédiatre attachée à l'hôpital Sainte-Justine,
directrice du centre de développement de cet hôpital et membre du
conseil de l'APQ; le Dr Jeliu est particulièrement reconnue pour son
implication sociale, notamment, dans le domaine des enfants maltraités.
Ensuite, le Dr Pierre Blanchard, pédiatre-néonatologiste
attaché au Centre hospitalier universitaire Laval et à
l'hôpital Saint-François-d'Assise, membre du conseil
d'administration de l'Association des pédiatres du Québec et
secrétaire de la Société des néonatologistes du
Québec. Finalement, à mon extrême gauche, le Dr Anne
Brodeur, pédiatre de Québec attachée à
l'hôpital du Christ-Roi, à l'hôpital du Saint-Sacrement et
au Centre hospitalier universitaire Laval.
La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.
M. Guay: L'Association des pédiatres du Québec
désire remercier le ministre de la Santé et des Services sociaux,
M. Marc-Yvan Côté, de son invitation à venir exprimer notre
point de vue lors de cette consultation en commission parlementaire.
L'Association des pédiatres du Québec s'est
déjà penchée sur le processus de la reconnaissance de la
pratique des sages-femmes et elle a soumis au ministère un rapport le 24
septembre 1985 en réponse au "Projet de politique en
périnatalité, ministère des Affaires sociales, 25 avril
1985".
Pour nous replacer dans le contexte de cette époque, j'aimerais
vous lire les conclusions de ce rapport que vous n'avez pas actuellement,
étant donné que c'est une pièce d'archivé. Je pense
que ce rapport vous a été envoyé il y a quatre ans. De
fait, on n'en a plus jamais entendu parler par la suite. Je vous lis les
conclusions dudit rapport: "Nous désirons d'abord adresser des
félicitations au ministère des Affaires sociales pour
l'intérêt qu'il porte à la périnatalité. Son
document contient de très nombreux et très valables
éléments de solution à des problèmes qui nous
préoccupent aussi. Peut-être mal conseillé à
certains égards, le ministère nous soumet tout de même des
éléments de réflexion très enrichissants, en
particulier lorsqu'il traite d'humanisation et d'attitude
générale. Nous sommes convaincus que tous les professionnels de
la santé impliqués, tant médicaux que paramédicaux,
sont disposés à participer activement à plusieurs
programmes que le document nous propose. Nous désirons, cependant,
mettre en garde le ministère quant à la mise en application
prématurée de certains projets-pilotes qui devraient faire
l'objet d'une concertation plus élargie. Notre réseau actuel est
perfectible à de multiples égards. C'est à ce niveau qu'il
faut investir capital humain et financier afin qu'il réponde mieux aux
attentes des femmes et des couples et aux impératifs de
sécurité que la fragilité des nouveau-nés nous
impose. "Péri-natalité 1973" était résolument
orientée vers le nouveau-né en négligeant quelque peu sa
mère. "Périnatalité 1985" commet la même erreur,
mais en sens inverse. L'Association des pédiatres de la
province de Québec offre au ministère son entière
coopération afin de trouver, avec lui, le juste milieu." (20 h 45)
C'est là-dessus que nous avons conclu et c'est la dernière
chose... Enfin, nous avons envoyé le document, on a reçu un
accusé de réception et ça a été tout. On n'a
plus été consultés de façon officielle par la
suite.
L'Association des pédiatres du Québec a soumis un autre
document en octobre 1987 portant sur "La périnatalité au
Québec - étude d'un moyen pour atteindre les objectifs: la
pratique des sages-femmes (avis no 1)". Maintenant, ce soir, le sujet de cette
commission parlementaire est la reconnaissance de la pratique des sages-femmes
au Québec.
Après étude des nombreux documents diffusés par le
ministère, il nous apparaît clairement que cette démarche
procède d'une volonté purement politique, hors des cadres d'une
gestion saine et cohérente d'un véritable programme de
santé en périnatalité québécoise.
En effet, nul document ou enquête ou rapport n'a pu nous
convaincre du bien-fondé d'une telle démarche, encore moins de
l'innocuité éventuelle de la mise en place de cette
volonté de reconnaître la pratique des sages-femmes dans le
contexte québécois actuel.
De plus, alors que depuis 1973 l'amélioration constante du
portrait de la mortalité et de la morbidité périnatales et
infantiles place le Québec au premier rang des pays
industrialisés - mortalité périnatale, par exemple, le
taux par 1000 en 1965, 27,5; en 1975, 14,2 et, en 1985, 8,2 - que le taux de
mortalité maternelle directe et indirecte est le plus bas au Canada et
pratiquement dans le monde entier - le taux par 10 000 naissances vivantes en
1975, 0,8 et, en 1985, 0,2 - le ministère propose une loi qui semble
discréditer les équipes multidisciplinaires qui oeuvrent
actuellement dans le champ de la pratique obstétricale et
néonatale avec des ressources financières restreintes ou
parcimonieusement allouées. Le ministère, entre-temps, admet que
la situation en périnatalité est fort acceptable, voire
encourageante.
D'autre part, nul n'a pu nous convaincre de l'innocuité
éventuelle de ce projet de loi. Donc, le gouvernement semble prêt
à déstabiliser un système qu'il serait sûrement
moins spectaculaire, mais peut-être plus rationnel d'améliorer par
l'injection judicieuse de fonds et de ressources et à reconnaître
enfin que la problématique résiduelle en
périnatalité passe plutôt par l'introduction de mesures
sociales éclairées visant à améliorer la
qualité de vie des femmes et de leurs nouveau-nés, avant, pendant
et après la grossesse.
Au chapitre suivant, nous traiterons de la reconnaissance de la pratique
des sages-femmes à l'intérieur des projets-pilotes. Comme nous
l'avons déjà mentionné, la reconnaissance de la pratique
des sages-femmes procède d'une volonté politique. Le projet de
loi actuel ne nous semble pas contenir de garanties suffisantes et nous ne
croyons pas que la compétence des sages-femmes dans le domaine de la
néonatologie et de la pédiatrie leur soit acquise. Nous mettons
en doute leur compétence parce qu'il n'a jamais été
prouvé qu'elles maîtrisaient bien les complexes connaissances
nécessaires pour aborder la néonatologie, telle qu'elle se
pratique au Québec et dont les résultats se font sentir au niveau
des excellentes statistiques obtenues année après année,
mortalité et morbidité périnatales et infantiles. Ce sont
là des résultats dont nous sommes fiers, mais que nous ne tenons
pas pour acquis sans qu'une certaine continuité de soins, de
compétences et de technologie soit assurée.
Un autre point avec lequel nous sommes en complet désaccord,
c'est le libellé de la loi au sujet du lieu de pratique des sages-femmes
et qui se lit comme suit: "En centre hospitalier ou dans un lieu qui y est
rattaché".
Autant nous nous opposons à l'accouchement à domicile pour
des raisons de sécurité, autant nous craignons que
l'interprétation de cet article de la loi n'entraîne des
situations extrêmement dangereuses. Ainsi, lorsque l'accouchement, au
déroulement normal jusque-là, évolue vers la catastrophe
non prévue, seules une organisation hospitalière rodée,
des méthodes de réanimation expertes et une technologie minimale
arrivent, même actuellement, à la contrer avec difficulté.
Il est impossible que le gouvernement pense équiper les CLSC ou
d'éventuelles malsons des naissances, avec des facilités
coûteuses, de salles d'opération de tout l'arsenal technologique
et d'équipes médicales complètes aux fins de
prévoir l'imprévisible.
Si seulement 15 % des nouveau-nés présentent des
problèmes, ce nombre est déjà pour nous, pédiatres,
très significatif. Or, dans notre expérience, il n'est pas une
semaine dans chaque centre hospitalier où l'intervention de
l'équipe médicale actuelle ne transforme un désastre
imminent, suite à un accouchement annoncé comme normal, en
heureux événement. Pour la sécurité des
nouveau-nés et de leur mère, nous demandons que tous les
accouchements se fassent à l'hôpital.
Nous endossons entièrement la position de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, à savoir que la
définition du champ de pratique proposée par le ministère
de la Santé et des Services sociaux est très extensive et
déborde largement la conception qu'on se fait habituellement de la
sage-femme.
Le chapitre suivant est au sujet de la reconnaissance des
projets-pilotes. Le projet de loi actuel prévoit que les sages-femmes
pourraient avoir la liberté de poser les mêmes gestes
médicaux que les médecins et ce, sans même
prévoir au préalable les critères de formation et
les mécanismes objectifs de contrôle de l'acte médical
qu'on exige des médecins. Cette seule constatation nous fait nous
opposer à la mise en vigueur d'une telle loi qui crée un
précédent dangereux et risque d'entraîner une diminution de
la qualité des soins médicaux.
Tout dans cette loi semble devoir se passer en marge des structures
médicales de contrôle actuelles, lesquelles furent mises en place
par le législateur pour assurer une plus grande sécurité
aux usagers des services de santé. Ceci met en cause la confiance que
pourront accorder les usagers à ces mécanismes de contrôle.
Il s'agit d'un précédent dangereux qui risque de
déstabiliser le système actuel.
Modalités organisationnelles. Sous cette rubrique, nous
soulignerons notre vive inquiétude face à l'absence de
prévision de la loi 4 concernant les nouveau-nés et le peu de
place que l'on semble accorder à l'expertise pédiatrique.
L'article 11 prévoit l'organisation de services de maternité en
centres hospitaliers où se tiendraient les projets-pilotes. On y passe
sous silence le mode de coexistence qui devra s'établir entre ceux-ci et
les services d'obstétrique et de pouponnière déjà
en place. Pire, on semble oublier de situer sous quelle autorité sera
placée la surveillance de l'état de santé des
nouveau-nés. Soumis à la loi 4, échapperont-ils totalement
au protocole de surveillance établi dans chaque pouponnière sous
la direction du chef de service de pouponnière? On ne précise pas
qui fera l'examen du nouveau-né, qui décidera s'il peut recevoir
son congé. Sera-t-il soumis au dépistage provincial des maladies
métaboliques, etc? Et autres questions?
La coexistence des deux philosophies sera-t-elle source de frictions et
résultera-t-elle en deux catégories de nouveau-nés: d'une
part, ceux bénéficiant d'une évaluation et d'un suivi
organisé, scientifique et sécuritaire, de l'autre, ceux qui
seront l'objet d'une improvisation capricieuse? L'Association des
pédiatres recommande que les nouveau-nés soient tout simplement
soumis à l'évaluation et au suivi applicables aux
nouveau-nés de toutes les pouponnières des centres hospitaliers
où se tiendraient des projets- pilotes.
Autre lacune du projet de loi 4. Aucun article ne semble traiter de la
responsabilité professionnelle et surtout de
l'assurance-respon-sabilité. Il s'agit là d'une technicité
importante quand on sait ce qu'il en coûte présentement aux
médecins accoucheurs pour se prévaloir de ce type d'assurance
obligatoire sans lequel ils ne pourraient exercer leur profession. Il en est de
même, dans une moindre mesure, pour les pédiatres.
En guise de conclusion, la fonction du pédiatre l'amène
à se poser en avocat de la santé et de la sécurité
des nouveau-nés et des enfants à toutes les étapes de leur
croissance. Nous avons à coeur de conserver et d'améliorer les
acquis dans le domaine de la périnatalité. Nous sommes convaincus
que l'adoption de cette loi n'apporterait qu'un dérivatif passager
à la compréhension des vrais problèmes encourus par les
femmes enceintes dans notre société et retarderait d'autant leur
solution éventuelle.
Le gouvernement ne doit pas perdre de vue que l'amélioration des
conditions sociales des mères des milieux défavorisés, de
leur état nutrltlonnel, des conditions de travail de la travailleuse
enceinte et de la mère qui allaite, des conditions maritales des couples
et l'élimination de la violence conjugale, du niveau d'éducation,
de l'accessibilité à l'information et aux services
déjà disponibles, de la diminution du nombre de grossesses chez
l'adolescente et de l'abandon de l'usage du tabac, de l'alcool, de la
cocaïne et autres drogues par les femmes enceintes mènera
éventuellement au redressement et à l'amélioration des
conditions de vie et de survie des nouveau-nés. Nul Intervenant ne peut
se targuer de pouvoir modifier à lui seul l'un ou l'autre de ces
problèmes. Un plan d'ensemble, voire une véritable politique
cohérente en périnatalité, devrait s'attaquer à
solutionner tous ces problèmes.
Les équipes de professionnels déjà en place,
médecins, médecins accoucheurs, infirmières,
pédiatres, néonatologistes, psychologues, travailleurs sociaux,
etc., ont réussi à faire en sorte que les conditions de naissance
sont actuellement les meilleures de toute notre histoire médicale et ont
peu à envier aux sociétés dont le développement est
semblable. Nous, pédiatres, sommes au premier titre concernés par
la réduction des taux de prématurité. Le plafonnement
récent de la réduction du taux de naissance des
bébés de petit poids, soit ceux de moins de 2500 grammes, est
préoccupant. Nous sommes confrontés, dans notre pratique,
à tous les enfants atteints de malformation d'origine diverse et nous
contribuons de toute notre expertise à l'humanisation des soins offerts
aux mères et à leur nouveau-né, mais notre perception de
l'amélioration des conditions ci-haut décrites passe par le
redressement de situations qui échappent au contrôle d'un
intervenant unique, si doué sort-il.
L'Association des pédiatres mettra tout en oeuvre pour que ses
membres continuent de s'assurer que les nouveau-nés reçoivent
dans un cadre approprié des soins à la hauteur de ce qu'ils sont
en droit d'obtenir dans une société bien organisée qui
tente de regarder vers l'avenir plutôt que de réveiller le
passé.
Alors, si on résume notre intervention, l'Association des
pédiatres du Québec considère que le projet de loi 4
n'offre pas de garanties de sécurité pour les femmes enceintes et
les nouveau-nés du Québec sur le plan de la pratique
médicale. L'Association considère que le gouver-
nement n'a jamais fait la preuve de la nécessité
d'introduire une nouvelle sorte d'intervenant dans la problématique de
la périnatalité au Québec. L'Association trouve que le
gouvernement manque d'objectivité en reconnaissant les sages-femmes
avant de faire une évaluation sérieuse de leur compétence
et de leur savoir. L'Association pense que la loi ne protège pas les
nouveau-nés à naître dans le cadre de ces projets-pilotes.
L'Association estime que le projet de loi introduit une série de
précédents dangereux qui risqueront de déstabiliser le
fonctionnement des centres hospitaliers visés et l'Association
considère le projet de loi actuel comme une digression dans la recherche
d'une véritable solution aux problèmes multifacettaires des
femmes enceintes et de leurs nouveau-nés dans notre
société. En conséquence, l'Association des
pédiatres du Québec recommande de rejeter cette loi 4. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président.
M. le ministre. (21 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Dr Guay. Je pense que
la table, si on peut dire la table, est mise des positions de chacun. Je pense
qu'on peut facilement constater que tout le monde reconnaît qu'il y a un
certain nombre de problèmes. On les répète:
bébés de petit poids, en particulier certains problèmes au
niveau des adolescentes, des femmes qui sont en milieu défavorisé
et en régions isolées, et bien d'autres, parce qu'on pourrait
facilement faire le tour. En lisant avec vous le mémoire en même
temps, vous dites à un certain moment donné, à la page 3:
"Donc, le gouvernement semble prêt à déstabiliser un
système qu'il serait sûrement moins spectaculaire mais
peut-être plus rationnel d'améliorer par l'injection judicieuse de
fonds et de reconnaître enfin que la problématique
résiduelle en périnatalité passe plutôt par
l'introduction de mesures sociales éclairées, visant à
améliorer la qualité de vie des femmes et de leur
nouveau-né avant, pendant et après la grossesse. " Est-ce que je
dois comprendre de ça, de cet énoncé-là, "par des
mesures sociales éclairées", que ce n'est pas
nécessairement par la médecine?
M. Guay: Oui, il y a une forte proportion des problèmes
résiduels en périnatalité qui repose sur
l'amélioration des mesures sociales. La médecine a
identifié une quantité de causes, par exemple au niveau des
bébés de petit poids, et un exemple de ça serait la
malnutrition, carence hygiénique. Une fois que la médecine a
identifié le problème, elle est quand même relativement
impuissante pour aller régler le problème. Si la mère
mange mal, n'a pas ce qu'il faut, pour des raisons budgétaires ou
économiques, la médecine n'y peut rien. Et, je vois mal un
intervenant changer quoi que ce soit. Si le niveau économique des gens
est bas, à ce moment-là je ne comprends pas qu'un intervenant
nouveau viendrait modifier quoi que ce soit là-dedans.
M. Côté (Charlesbourg): Si vous me le permettez,
prenons un exemple, où ça me semble être le cas. On a eu
cet après-midi la présentation des gens venant du Nord du
Québec, avec l'expérience de Povungnituk, où,
effectivement, on faisait le même diagnostic: les mêmes carences
dans ces milieux isolés, des milieux défavorisés sur le
plan économique, avec exactement les mêmes problèmes. Les
gens sont venus nous dire qu'effectivement, par la pratique de sages-femmes, on
a été capables, avant, pendant et après, de mieux encadrer
ce groupe de femmes, et de faire en sorte qu'on ait des standards plus
élevés. Ça ne veut pas dire que c'est plus
élevé que ce qu'on connaît plus au sud, mais plus
élevés par rapport à la pratique antérieure
là-bas, et que ça donne des résultats très
intéressants. Est-ce que vous croyez que dans un cas comme le Nord du
Québec, Povungnituk, cette expérience-là est
plausible?
La Présidente (Mme Marois): Bienvenue à celui ou
celle qui veut répondre. C'est à vous de décider. Oui?
M. Blanchard (Pierre): Je pense qu'un intervenant qui va
identifier les problèmes sociaux qu'on a mentionnés peut modifier
certains aspects. On a mentionné certainement au point de vue
nutritionnel et au point de vue drogue, et je pense que ce qui existe
actuellement dans le système de santé québécois, si
on y ajoutait plus d'intervenants actuels, ces choses-là d'intervention
en milieu défavorisé, je suis convaincu que nous pourrions
arriver à un résultat semblable à ce qui a
été fait dans le Nord.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne sais pas si vous
étiez ici cet après-midi lorsqu'ils ont fait la
présentation. Ce que les gens nous disaient, c'est qu'il était
extrêmement important dans ces villages inuit, que ce soit des Inuit qui
puissent passer différents messages d'éducation, d'encadrement,
et que pour ça, il était extrêmement important que
ça vienne de la même communauté pour la relation de
confiance qui était extrêmement importante aussi, et une bonne
partie de communication où il y a eu une amélioration - je n'ai
pas raison de douter des chiffres qui nous ont été transmis - une
amélioration considérable. Est-ce que ça voudrait dire
qu'il faudrait aller aussi vers ces mesures sociales-là dans des milieux
plus urbanisés, mais où il y a aussi des problèmes, compte
tenu de l'éducation, compte tenu de milieux, pas isolés sur le
plan géographique, mais isolés sur le plan du tissu
économi-
que, par exemple? Et à ce moment-là vous nous dites: Oui,
en ajoutant des ressources déjà dans le circuit et non pas de
nouvelles personnes.
La Présidente (Mme Marois): Dr Jeliu.
Mme Jeliu (Gloria): Si vous me le permettez, M. le ministre, je
voudrais concourir à ce que vous venez de dire. Nous savons tous qu'il y
a, dans la province de Québec, en permanence 16 000 femmes qui sont
enceintes et qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. C'est un nombre
qui est quand même extraordinaire. Nous savons que la pauvreté a
son cortège qui n'est pas simplement l'absence de luxe, mais qui est
l'absence de nécessité quotidienne.
Comment rattacher ce problème de pauvreté aux
résultats qui sont vus, aux statistiques d'augmentation des petits poids
de naissance, c'est un fait? C'est relié, comme il a été
dit, à une mauvaise hygiène de vie. C'est relié à
un stress quotidien qui perdure pendant des mois. C'est relié au fait
que même si, théoriquement, notre système de santé,
qui est probablement un des meilleurs au monde, permet l'accessibi&é
à tous les citoyens à l'égard de ce système de
santé, les personnes défavorisées, bien souvent, n'y
accèdent pas. Il est donc vrai qu'il est important de trouver le moyen
de les rejoindre et de les rejoindre en respectant leur culture, de les
rejoindre en respectant certaines de leurs habitudes de vie et de les rejoindre
en leur inspirant confiance.
Ceci m'amène à dire, sans du tout me dissocier de
l'essentiel qui a été dit dans le rapport de l'Association des
pédiatres, que je ne crois pas que les pédiatres soient
opposés au concept de la sage-femme. C'est sûr que, comme l'a dit
le Dr Guay, notre système est perfectible. C'est sûr qu'au niveau
de l'humanisation des soins, au niveau d'une économie de la technologie,
nous avons peut-être des progrès à faire. C'est sûr
que nous désirons collaborer avec d'autres intervenants mais, ceci,
à des conditions bien précises. Quelles sont les conditions? Les
conditions sont celles d'une formation adéquate. Cette formation
adéquate ne semble pas soulignée, épelée dans le
projet de loi qui a été soumis ou qui sera soumis.
Et ceci, personnellement, m'inquiète profondément. Je ne
crois pas que dans une décade où le nombre d'enfants est
tellement rare... Nous savons que nous avons 1,4 enfant par couple. Donc, dans
une décade où il y a si peu d'enfants, qu'il ne faille pas mettre
en oeuvre tout pour les protéger. Je suis bien consciente qu'un grand
nombre de naissances sont des naissances, disons, simples, normales, sources de
joie, comme nous l'avons entendu tout à l'heure. Ceci est vrai. Mais
lorsque la catastrophe montre le bout du nez, on n'a pas le temps de
transporter l'enfant, on n'a pas le temps d'appeler un médecin qui est
dans un centre hospitalier pour aller à domicile. Ceci simplement pour
souligner que la collaboration des pédiatres face à des
intervenants qui pourraient oeuvrer dans des milieux particuliers, avec un
processus de coordination et d'intégration avec le milieu
médical, m'apparaît, certes, intéressant à regarder
de plus près. Il est surtout important pour nous, pédiatres et
médecins, que la sécurité de l'enfant nouveau-né
soit assurée.
Le nouveau-né est un être fragile. Les pathologies ne sont
pas nécessairement immédiatement visibles. Les variations de la
normale ne sont pas simples à décortiquer. Cela prend exactement
six ans pour faire un omnipraticien. Cela prend dix ans pour faire un
pédiatre. Nous allons demander à de pauvres infirmières ou
sages-femmes non infirmières d'oeuvrer dans le champ de
l'obstétrique, de pouvoir identifier très vite les choses qui
dérapent. Nous demandons à ces mêmes femmes d'être
aussi en mesure d'évaluer des nouveau-nés et de pouvoir
identifier, elles aussi, très tôt ce qui ne va pas, cela
m'apparaît leur demander beaucoup trop.
Je vois également, dans ce projet de loi, un certain
parallélisme entre deux systèmes de prestation de soins. Ceci
m'apparaît tellement inapproprié et tellement dangereux. Il serait
tellement plus simple d'avoir effectivement une coordination, d'avoir des
équipes multkJisciplinai-res qui existent déjà. Ce sont
les équipes multidisciplinaires qui amènent le progrès
dans le domaine de la périnatalité, que ce soit au travers de la
technologie, lorsque c'est nécessaire, que ce soit au travers de la
nutrition, que ce soit au travers des mesures d'intervention psychosociale
auprès de certaines clientes, c'est par ce biais-là que les
progrès se font
Et, pour terminer, je ne voudrais pas que les sages-femmes mal
préparées, mal supportées, mal vues par le corps
médical soient, à un moment donné, dans un ghetto
quelconque et, à ce moment-là, il sera difficile, très
difficile de collaborer avec elles.
La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je dois vous admettre
très honnêtement que votre prestation est un peu un soulagement
par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant,
puisqu'elle démontre "ne ouverture. Je pense que votre réputation
sur le plan international nous oblige à prendre le temps qu'il faut pour
mettre en relief un certain nombre de choses que nous avons déjà
déclarées devant cette commission où il nous apparaissait
que, pour que l'expérience-pilote puisse être une véritable
expérience où chacun a la chance de prouver ce qu'il a à
prouver, qu'on puisse avoir, dans un premier temps, l'autonomie de la
sage-femme; deuxièmement, bien sûr, en s'assurant que la formation
de
base soit là, qu'il y ait l'encadrement médical suffisant
et, pour cela, il faut, bien sûr, qu'il y ait l'ouverture de
médecins à une collaboration éventuelle dans ces
expériences-pilotes. Ma question au Dr Guay, dans le premier
mémoire que nous avions reçu, à la page 12, il
était écrit - et on ne le retrouve pas tel quel dans le nouveau
mémoire, chacun a le droit de réajuster son tir, et je pense que
c'est normal, mais je voudrais savoir pourquoi - : "L'Association des
pédiatres mettra tout en oeuvre pour que ses membres continuent de
s'assurer que les nouveau-nés reçoivent, dans le cadre des
projets-pilotes, des soins à la hauteur de ce qu'ils sont en droit
d'obtenir dans une société bien organisée qui tente de
regarder vers l'avenir plutôt que de réveiller le passé."
Cela me paraissait une ouverture à une collaboration, la santé
étant l'objectif premier, et ça me paraissait une ouverture...,
ce que nous ne retrouvons pas comme texte, dans le projet
présenté aujourd'hui.
M. Guay: II me semble que ce que vous venez de nous lire est
à peu près exactement ce que je viens de dire.
M. Côté (Charlesbourg): Non, c'est-à-dire...
M. Guay: Je m'excuse...
M. Côté (Charlesbourg): ...que, dans le nouveau
texte, vous ne parlez pas de projets-pilotes dans un cadre acceptable ou
approprié. Alors...
M. Guay: Dans un cadre approprié...
M. Côté (Charlesbourg): ...ce ne sont pas les
mêmes... Cela pourrait être une expérience-pilote, dans
votre esprit, dans un cadre approprié?
M. Guay: Écoutez, là, il y a bien des points.
Là, vous parlez de projets-pilotes. D'abord, on ne sait pas ce qu'est le
projet-pilote. Cela fait deux jours que j'assiste aux réunions de
l'Assemblée ici et il semble qu'il va y avoir adoption d'une loi, mais
on ne sait pas du tout ce qui s'en vient. Alors, vous nous demandez si on va
collaborer. À quoi? Cela va être quoi, le projet-pilote? Il va
ressembler à quoi? Comme l'a dit Mme Jeliu, nous ne sommes pas contre le
concept de sage-femme, nous sommes, nous, pour les enfants, nous sommes - ici
pour les représenter et on veut éviter que, par une
législation qui nous apparaît actuellement boiteuse, où on
oublie complètement l'enfant, on le laisse de côté, on ne
parie que de grossesse et d'accouchement, où il n'y a aucune mention
disant qu'on va s'occuper de l'enfant... On vient vous proposer de collaborer;
on vous l'a proposé, il y a quatre ans, et personne ne s'en est
occupé, puis maintenant, on nous demande si on va collaborer. On veut
collaborer, mais au nom des enfants. Il ne s'agit pas, pour nous, de favoriser
telle ou telle idéologie politique, il s'agit plutôt de voir
à ce que les enfants reçoivent, comme il est dit dans le texte,
les meilleurs soins possible auxquels Ils sont en droit de s'attendre. C'est
la...
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, j'assume
la continuité, mais je n'étais pas là, il y a quatre ans.
J'avais d'autres préoccupations...
M. Guay: Écoutez, je ne vous accuse pas
personnellement.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, non, je ne le
prends pas comme une accusation personnelle parce que, de toute façon,
je pense que l'important, c'est l'avenir, comme vous le dites, ce n'est pas le
passé, et, dans ce contexte-là, je suis très heureux de
l'ouverture. Évidemment, une commission parlementaire, comme je l'ai dit
hier, si on avait la vérité, on ne serait pas ici aujourd'hui, on
serait de l'autre côté, a l'Assemblée nationale même
pour adopter le projet de loi final et dire: C'est fini. Lorsqu'on fait une
commission parlementaire comme celle-là, c'est, bien sûr, dans le
but que les gens puissent s'exprimer et, ne possédant pas la
vérité, de tenter d'obtenir de ceux qui viennent témoigner
une ouverture d'esprit qui nous permette effectivement d'avoir les balises, les
paramètres, tout ce qu'il faut pour être bien sûr qu'on ne
fait pas d'erreur. C'est un peu dans ce sens que les commissions parlementaires
se veulent, en termes d'échange; dans la mesure où il n'y a pas
ce qu'il faut à l'intérieur du projet de loi, libre à ceux
qui viennent devant nous de nous dire: Voici, oui, mais voici à quelles
conditions et avec quel encadrement ça pourrait se faire. C'est libre
à vous de pouvoir nous le dire si vous le voulez. Une chose est
certaine, il y a une obligation d'aller un peu plus loin, maintenant, dans la
collaboration pour la mise en oeuvre. Je suis très heureux de
l'ouverture à la collaboration que vous faites au nom des enfants et de
la santé des enfants et, aussi, de la mère, bien sûr. Je le
prends comme une ouverture intéressante et soyez sûrs que vous ne
serez pas quatre ans sans avoir de nouvelles. (21 h 15)
M. Guay: Est-ce que vous permettez que le Dr Blanchard ajoute
quelques mots?
La Présidente (Mme Marois): Allez-y, Dr Blanchard.
M. Blanchard: Je vous remercie. Je voudrais juste rajouter que,
comme le Dr Guay et le Dr Jeliu l'ont mentionné, nous sommes prêts
à collaborer et, par le projet de loi, tel qu'il nous
a été présenté, nous sommes très
inquiets s'il n'y a pas une définition beaucoup plus
élaborée que ce sont possiblement les nouveau-nés qui vont
payer pour ces projets-pilotes. On va voir ce qui va arriver, ce sont les
nouveau-nés qui, potentiellement, peuvent payer si le projet de loi
n'est pas reformulé d'une façon beaucoup plus précise.
C'est notre très grande crainte. Je tiens encore à dire que nous
sommes tous prêts à collaborer à ce que la santé des
nouveau-nés québécois et de leur famille soit
améliorée.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Monsieur, je voudrais adresser ma question soit
à M. Guay, soit peut-être au Dr Jeliu. Pour la première
fois, j'entends des gens qui disent, de la part du corps médical: Vous
n'êtes pas opposé au concept de sage-femme. Dans votre texte,
à la page 4, vous mettez en doute la compétence parce qu'il n'a
jamais été prouvé qu'elles maîtrisaient bien les
complexes connaissances nécessaires pour aborder la néonatologie.
Alors, je reviens toujours sur ma question de pharmaciens: Quelles seraient,
d'après vous, les compétences ou les connaissances
nécessaires qu'une sage-femme devrait avoir, ou quelle est la formation
qu'une sage-femme devrait avoir? De grâce! ne me répondez pas
d'être un médecin omnipraticien parce que, à ce
moment-là, on retomberait à la case zéro encore, une fois
de plus.
M. Guay:... la série de réponses de ce genre que
vous avez eues, mais ça finit par être monotone. Je vais demander
à Mme Jeliu si elle veut étoffer cette réponse.
Mme Jeliu: II est, certes, impossible de vous transmettre en
quelques minutes ce que représente un programme de formation pour
quelque corps professionnel que ce soit. Un programme de formation est
élaboré au travers de séances qui peuvent durer plusieurs
mois et plusieurs années. Les pays qui ont une longue tradition de
sages-femmes - et il en existe un certain nombre en Europe, il en existe aux
États-Unis - ont tous des programmes qui sont élaborés
conjointement, évidemment par un processus de tradition mais aussi par
une collaboration avec des personnes qui ont une connaissance d'expertise dans
le domaine de l'obstétrique, dans le domaine de la
néonatologie.
Tout ceci pour dire, de façon très simple, qu'un programme
de formation à l'usage des sages-femmes ne peut pas être le fruit
d'un bourgeonnement autodidacte. Le contenu des connaissances en termes de
connaissances dans le domaine de l'obstétrique, c'est-à-dire la
grossesse et l'accouchement, le contenu des connaissances au niveau de la
néonatologie et du jeune nour- risson sont des connaissances très
complexes qui font référence à des données qui
appartiennent au domaine de la physiologie, qui appartiennent au domaine de
l'anatomie; ça ne s'improvise pas. Nous n'allons pas fabriquer des
sages-femmes comme des, j'allais dire, "feldsher", c'est-à-dire des
semi-médecins, ce n'est pas ça qu'on veut. On veut avoir un corps
professionnel compétent qui est sécuritaire pour pouvoir
distinguer de façon précise, au bon moment, ce qui appartient
à la normalité et ce qui appartient éventuellement
à la pathologie.
Je ne vous cache pas que je suis particulièrement - j'allais
employer le mot "atterrée" -atterrée de voir qu'on improvise.
C'est tellement important, ce qui se passe avec un nouveau-né. Ça
va tellement vite quand ça va mal. C'est surtout ça. Ça va
trop vite. M. Blanchard serait encore mieux placé que moi pour
élaborer autour du concept de la rapidité des catastrophes.
La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous le faire, Dr
Blanchard?
M. Blanchard: Je pourrais prendre quelques minutes. C'est
sûr que ce serait très long, mais c'est certainement notre crainte
actuelle. Je pense que nous ne sommes pas contre des lieux agréables
pour accoucher, mais on veut rappeler que l'accouchement - je parie comme
ça en tant que père, non pas seulement en tant que médecin
- ne dure que quelques heures, au plus une journée, mais une
anoxémie ou un manque d'oxygène au cerveau a des
conséquences à long terme. Et dans ma pratique de tous les jours,
nous avons des situations où un accouchement était prévu
comme tout à fait normal et, en l'espace de quelques minutes, cet
accouchement qu'on avait prévu de longue date, depuis plusieurs semaines
et même juste immédiatement avant l'accouchement, comme
étant normal se transforme en catastrophe. On ne veut pas être
alarmistes en disant ça, on veut tout simplement vous transmettre la
réalité que nous vivons à tous les jours, et c'est une
triste réalité. Ce que Mme Jeliu a mentionné, c'est en
termes de minutes, et je crois que dans le projet de loi, nous l'avons
mentionné, nous trouvons comme inconcevable, pour la protection de tous
nos nouveau-nés, que des accouchements aient lieu dans d'autres lieux
qui seraient équipés comme dans le milieu hospitalier actuel. Je
n'ai pas mentionné "un hôpital", mais "comme dans un milieu
hospitalier actuel". Donc, notre très grande crainte, c'est vraiment la
sécurité du nouveau-né. Je pense que quand ça va
bien, ça va bien. On dit qu'il n'y a que 10 % à 15 % des
nouveau-nés qui ont des problèmes, mais on ne peut le dire
qu'après coup, que l'accouchement a été normal. Et
même dans l'accouchement prévu le plus normal, les choses peuvent
rapidement changer. Quand ça a bien été, ça a bien
été,
mais quand ça va mal, ça va très mal. Je peux vous
dire que dans notre expérience de tous les jours, c'est ce qu'on peut
voir.
La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous vouliez
intervenir, Dr Pichette et Dr Simard. Les deux, je pense, c'est ça?
M. Simard (Jacques): Oui. J'ai une formation de pédiatre
général et je travaille dans un centre qui n'est pas un centre
universitaire, comme le Dr Blanchard. Alors, je suis peut-être mieux
placé, comme pédiatre de première ligne, pour les voir
arriver ces catastrophes. Je dois admettre que fondamentalement, les
pédiatres, de tout temps, ont su accepter les changements, mais en
veillant toujours à ce que ce soit avec un strict minimum de risques
pour le nouveau-né. On a été parmi les premiers, dans la
profession médicale, à appuyer la présence des
pères, les chambres des naissances, l'utilisation minimale des
techniques de forceps, des césariennes, etc. Donc, on n'est
sûrement pas perçus de la même manière que d'autres
médecins. On a toujours en tête cette idée de minimiser les
risques, tout en acceptant d'évoluer. Je pense que c'est notre
caractéristique professionnelle.
Le point que plusieurs membres de notre équipe ont soulevé
et qui doit absolument être bien compris par la commission, c'est qu'il
existe, lorsque ça va mal en pédiatrie néonatale, une
notion d'urgence dont vous n'avez pas idée. Vous n'avez pas idée
comment c'est une question de minute, souvent, qui fait toute la
différence entre un enfant sain et un enfant à tout jamais
handicapé, et c'est cet enfant-là dont on veut venir
défendre les droits devant vous ce soir.
Un accouchement naturel, normal à domicile, c'est merveilleux,
mais c'est un heureux hasard. Puis heureusement, statistiquement parlant, c'est
vrai que c'est ça, la norme. Mais lorsque ça va mal, ça va
mal en maudit, puis ça va mal vite, tant au point de vue
obstétrical qu'au point de vue néonatal. La même chose
à la période néonatale des premiers jours de vie.
La pratique de la néonatologie est autant un an" qu'une science.
On doit avoir beaucoup d'expérience, on doit avoir des notions de base
en physiologie, en pathologie, et on doit avoir des notions de normalité
extrêmement raffinées pour arriver, justement, à
dépister très précocement les pathologies et faire en
sorte que le devenir du bébé soit excellent. Plus les pathologies
sont découvertes tardivement, lorsque c'est flagrant pour le premier
venu, le pronostic est toujours mauvais. Mes confrères
néonatologistes pourront venir le confirmer. C'est cet aspect d'urgence,
tant au moment de la naissance même qu'au moment des modifications
pathologiques qui peuvent survenir chez le bébé à la
période néonatale, qui doivent être bien comprises. C'est
à ce point de vue-là qu'on réclame, pour le
nouveau-né, de naître dans les conditions les plus humaines, mais
toujours les plus sécuritaires possible, en essayant de respecter l'un
et l'autre.
Dans ce sens-là, on pense qu'il est certainement plus important
d'essayer d'étudier tous le projet de la périnatalité, de
s'établir une politique périnatale adéquate que de sauter
et mettre la charrue devant les boeufs en passant d'emblée à un
des moyens qui, peut-être, pourrait améliorer la
périnatalité.
La Présidente (Mme Marois): Dr Pichette.
Mme Pichette (Jeanne): En fait, en tant que
néonatologiste, je suis bien heureuse d'entendre mes collègues
dire que quand on nous appelle, ça presse, parce qu'on a toujours
l'impression que quand on a un téléphone pour un
nouveau-né malade, les gens voudraient qu'on soit là à
l'instant même. Alors, la médecine néonatale, c'est une
médecine d'urgence. Contrairement à la médecine d'adulte
où on a le temps de voir venir un peu les problèmes, le
nouveau-né est un être plus vulnérable, plus fragile, qui
se détériore très rapidement et cette notion, c'est
important qu'on la comprenne dans le cadre des discussions d'aujourd'hui.
Le deuxième point en corollaire de ça, c'est quand on
entend des termes comme l'expérimentation, projets-pilotes,
expériences; c'est très inquiétant pour des gens qui
s'occupent des nouveau-nés. C'est une terminologie qui nous
inquiète grandement. On se demandait, tantôt, si les gens auraient
des diplômes ou pas. Je pense que c'est important que l'encadrement soit
très bien élaboré.
La Présidente (Mme Marois): pour mon information
personnelle, je ne suis pas une spécialiste en médecine, est-ce
qu'il y a des néonatologistes dans tous les hôpitaux où il
y a des naissances avec des omnipraticiens? non?
Mme Pichette: Non.
Une voix: II n'y a certainement pas des néonatologistes
dans tous les hôpitaux où il se fait des naissances avec des
omnipraticiens. Mais justement, les omnipraticiens, dans leur formation, ont
quand même des notions de base en pédiatrie et en
néonatologie pour avoir les outils nécessaires pour
dépister précocement les problèmes chez l'enfant qui
était, au départ, sain.
La Présidente (Mme Marois): Alors, je vais revenir,
à ce moment-là, à ce que le Dr Jeliu nous disait tout
à l'heure. Elle disait: Nous ne sommes pas contre le principe et nous
croyons qu'il faut imaginer une formation qui... Je suis d'accord que ce n'est
pas la génération spontanée, je pense qu'il faut en
convenir ensemble,
bien sûr. Je n'oserais pas mettre en doute, à cet
égard, sûrement, la capacité que vous pouvez avoir et les
connaissances que vous avez pour, probablement, bâtir un profil de cours,
un profil de formation qui permettrait de répondre aux craintes que vous
soulevez. Mais justement, et c'est ça que je voudrais savoir, quand vous
me ramenez le fait qu'un omnipraticien a des connaissances qui lui sont
données pendant son cours, qui lui sont fournies, si on imagine une
formation de sage-femme en milieu universitaire sur une période de trois
ans, est-ce qu'on ne peut pas imaginer que l'on puisse bâtir un profil de
cours qui va permettre de couvrir l'ensemble des sujets qui vous
préoccupent et auxquels je suis sensible aussi, et auxquels je pense que
les membres de la commission le sont, qui permettrait à ces personnes
d'exercer leur profession, de pouvoir pratiquer et offrir des conditions
sécuritaires tant a la mère qu'à l'enfant?
Si vous étiez là tout au long de la commission - je
reconnais, effectivement, certains des visages - j'ai de la difficulté,
et je le répète, je l'ai dit à certains de vos
confrères hier, si ce n'est à vous-même, j'ai de la
difficulté à me convaincre et vous ne me convainquez pas à
cet égard... Évidemment, je ne suis pas la ministre et je ne suis
pas au gouvernement, mais si on est là, c'est qu'on essaie d'avoir des
éclairages qui vont, bien sûr, aussi aider à cet
égard le gouvernement à prendre des décisions. Vous ne
réussissez pas à me convaincre que si nous précisons, nous
encadrons une bonne formation, qu'il y a même des années de
supervision avec des gens qui ont déjà des expériences
pratiques et qui peuvent superviser des personnes qui arriveraient dans la
pratique, j'ai de la difficulté à me convaincre que ces
gens-là ne seraient pas compétents.
Que l'on prenne le temps pour bien bâtir les cours, que l'on
apporte les informations nécessaires, j'en conviens, mais est-ce qu'on
ne pourrait pas arriver à former des gens qui seraient tout à
fait adéquats pour suivre des grossesses et même être
capables, minimalement - pas minimalement - mais être capables de
déceler des problèmes qui pourraient arriver chez le nouveau
nô, qui pourraiont se présenter chez le nouveau né et
immédiatement taire référence... Je pense qu'il n'y a
personne qui va vivre en autarcie, j'imagine - on ne va pas changer le monde
demain matin - et qui peuvent référer à des gens qui vont
aller beaucoup plus loin, eux, dans l'intervention. (21 h 30)
M. Guay: Mme la Présidente, nous sommes
désolés de ne pas vous convaincre, mais on peut dire que c'est
réciproque. Notre point de vue est qu'on se demande pourquoi le
gouvernement insiste tant pour faire intervenir un nouveau corps professionnel.
Nous l'avons mentionné, les conditions de naissance actuelles au
Québec, malgré tous les problèmes dont on vient de
discuter, sont les meilleures de toute notre histoire médicale et
ça, on l'a fait sans l'aide de personne. C'est un système qui est
perfectible. Nous sommes prêts à l'améliorer. Mais pourquoi
cette insistance à vouloir introduire un nouveau corps
professionnel?
La Présidente (Mme Marois): II y avait un collègue
de ma formation politique cet après-midi qui est lui-même
médecin et qui répondait un peu à cette question-là
en disant: Parce qu'il y a un nouveau contexte sociologique qui fait qu'il y a
une attente et une expression de besoins à cet égard-là.
Et d'autre part aussi - ça, c'est dans une autre perspective - en se
disant que c'est un bon outil pour faire de la prévention, un bon moyen
pour faire de la prévention, pour faire du dépistage, pour faire
du suivi, pour faire du support - on pourrait en mettre longtemps, on le sait -
pour permettre à des gens, entre autres, de milieux
défavorisés non seulement effectivement sur le plan financier,
mais je pense aussi parfois sur le plan culturel, et probablement plus grave et
beaucoup plus sérieux et à ce moment-là, d'aider ces
personnes-là, ces femmes-là à apprendre à mieux
vivre finalement et probablement à donner naissance, donc, à des
enfants en meilleure santé. Donc, c'est une réalité du
contexte dans lequel nous vivons actuellement. Quand j'entends le Dr Jeiiu
dire: On n'est pas contre le principe, j'ai de la difficulté aussi
à concilier les propos que vous venez de me tenir en disant: On ne croit
pas que c'est utile et nécessaire. Je vous dis: À partir du
moment où il semble y avoir une volonté dans le sens que
ça puisse être utile et souhaitable, est-ce qu'on ne peut pas
imaginer que vous puissiez proposer des avenues permettant justement
d'éviter les risques que vous identifiez dans la pratique de la
profession?
M. Simard: II nous apparaît sûrement très
difficile d'arriver à créer en trois ans une espèce de
femme-orchestre qui va être à la fois gynécologue,
pédiatre, néonatologiste, travailleuse sociale, etc. C'est cet
aspect-là. On regarde la définition de la sage-femme, c'est
incroyable. Je ne sais pas comment elles peuvent arriver à faire tout
ça. On reproche...
La Présidente (Mme Marois): Cela existe pourtant ailleurs
dans le monde.
M. Simard: Pardon?
La Présidente (Mme Marois): Cela existe pourtant ailleurs
dans le monde.
M. Simard: Oui, mais les études restent à faire
dans ces domaines. Je regardais le document sur la pratique des sages-femmes.
J'ai
trouvé un peu déplorable que beaucoup, sinon la
majorité des études qu'on nous présente remonte aux
années soixante ou soixante-dix. Il y a très peu d'études
vraiment récentes sur la valeur du travail fait par les sages-femmes un
peu partout à travers le monde. On lit le document en long et en large.
Je l'ai relu au moins trois ou quatre fois et je n'en reviens pas de voir des
études qui remontent toujours à la nuit des temps. En
néonatologie, 20 ans, c'est la nuit des temps. Il y a 20 ans... Moi,
ça fait quinze ans que je suis en pratique, et c'est incroyable à
quel point les connaissances ont pu évoluer et on nous cite des
études qui remontent déjà à une
éternité.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que le ministère
a entre les mains, d'autre part, des études plus récentes
à l'égard de la pratique de la profession? M. le ministre. Je ne
veux pas vous prendre au dépourvu, c'est parce que ça me... Vous
soulevez ça. Ce sont des données qui existent peut-être
quelque part.
M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, si
vous me preniez au dépourvu, ce serait très très
évident, vous allez vous en rendre compte rapidement. Évidemment,
ce qu'on me dit c'est effectivement en partie vrai, en partie faux, puisque ces
études ont été des études sur de longues
périodes. Elles ont pu être amorcées au début des
années soixante, mais elles se sont quand même terminées
ultérieurement. Et il y a, d'autre part, des études faites par
l'Organisation mondiale de la santé qui, elles, seraient plus
récentes, dont je n'ai pas moi-même pris connaissance, et qui
seraient un peu plus à jour. Dans ce sens-là, évidemment
la question se pose. On peut toujours dire que les études d'ailleurs
sont des études très âgées, mais il reste
qu'aujourd'hui, hier et demain, en Europe, ce métier-là, cette
profession-là s'exerce et il n'y a pas de contestation aussi forte de la
pratique là-bas. Comment fait-on en Europe pour être capable de
vivre avec cette pratique des sages-femmes, avec toutes les qualités que
vous avez évoquées tantôt? Est-ce qu'en Europe on les a,
toutes ces qualités que vous évoquiez tantôt? Et si
ça prend toutes ces qualités-là, moi, si j'étais
omnipraticien demain matin, je me sentirais petit dans mes souliers
passablement avec toutes les qualités que vous évoquez. Je ne
sais pas, il y a des choses qui me paraissent un peu discordantes, mais je
respecte quand même votre opinion, parce que vous avez beaucoup plus
d'expérience que moi dans le domaine. Je pense qu'il faudra
décanter tout ça pour être capable d'en arriver à un
juste milieu qui doit se situer très certainement quelque part.
M. Simard: Vous savez, M. le ministre, il faut apprendre à
se méfier des études qui parfois peuvent faire dire n'importe
quoi à n'importe qui. je peux vous en citer une que je viens de lire il
y a quelques jours à peine dans le british médical journal,
un journal bien réputé et connu pour son sérieux dans
les milieux médicaux britanniques qui dit, et je cite: "le tabagisme
était le facteur le plus important permettant de corriger le
problème des naissances des bébés de petit poids" et on
dit même: "les facteurs sociaux et psychologiques ont peu ou aucun effet
direct sur le poids des bébés, les corrections étant
faites". c'est quand même incroyable de voir des études
sérieuses, bien faites, publiées dans des revues très
sérieuses qui disent des choses semblables. je ne partage pas ces
vues-là, mais ça prouve bien qu'on peut faire dire ce qu'on veut
à qui on veut dans des choses, dans des publications pourtant
sérieuses, par des gens supposément sérieux.
M. Côté (Charlesbourg): Mais d'un bord comme de
l'autre, là.
M. Simard: Alors, je pense qu'on doit essayer de faire la part
des choses sur ce qu'on entend.
La Présidente (Mme Marois): Docteur... Ah!
Excusez-moi.
M. Côté (Charlesbourg): D'un bord comme de l'autre,
dépendamment de la thèse qu'on défend,
évidemment.
La Présidente (Mme Marois): Alors là, j'ai le Dr
Blanchard, je crois, qui veut intervenir. C'est bien ça, je ne me trompe
pas?
M. Blanchard: C'est bien ça.
La Présidente (Mme Marois): Ensuite, il y a des gens de ce
côté-ci qui voudraient aussi poser des questions.
M. Blanchard: On a avancé peut-être des guerres de
chiffres, mais on a peut-être des chiffres un peu plus récents qui
sont tirés d'un manuel du ministère qui a été
publié récemment, qui cite des chiffres de 1985. On compare ou on
cite souvent des pays ou des projets où il y a des sages-femmes, et je
vais les mentionner: les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France et les
États-Unis, plus proche de nous, et ce qui m'inquiète, c'est que
leurs statistiques de mortalité périnatale sont plus
élevées et, dans certains cas, comme aux États-Unis, le
double des statistiques d'ici. Je suis inquiet à ce niveau-là, on
parle de guerre de chiffres ou de guerre de statistiques. On a là des
chiffres relativement récents de 1985 qui nous laissent songeurs.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Écoutez, moi j'écoute vos propos tout
en lisant votre mémoire aussi. Quelquefois, il me semblait que vous
aviez des expressions qui me semblaient un peu méprisantes à
l'endroit des femmes, en tout cas, quant à leur choix parce que, en
fait, vouloir utiliser des sages-femmes c'est comme retourner, en tout cas,
dans un passé tellement vieillot, ça n'a pas d'allure; et c'est
faire un petit peu injure à l'intelligence des femmes qui demandent
justement d'avoir droit à ce service, d'une part.
D'autre part, je me pose une question aussi, à savoir... On
demandait le nombre, tantôt, de néonatologistes. Il n'y en a pas.
Je ne pense pas qu'il en pleuve beaucoup. Qu'arrive-t-il dans les
régions éloignées où déjà on a une
pénurie de pédiatres, une pénurie
d'ultra-spécialistes en fait, parce que la néonatologie est une
ultra-spécialité? Donc, qu'est-ce qui arrive dans ces
cas-là et qu'est-ce qui arrive de l'urgence des enfants quand arrivent
des naissances dans un CLSC très éloigné ou autre, de
l'état de santé du bébé? Est-ce qu'il n'y a pas,
encore là, des problèmes de distance, il n'y a pas là un
problème de tout ordre et que finalement, ce que vous dites est bon et
valable pour des gens en milieu urbain, mais que vous laissez toute la
problématique des autres régions en suspens? Les discours sont
discordants à un moment donné. Compte tenu des régions
où on habite, la problématique n'est sûrement pas la
même. Il est urgent d'avoir des sages-femmes dans des régions
urbaines et, par contre, dans d'autres régions plus
éloignées, ce n'est pas tout à fait la même urgence
ou, en tout cas, on laisse tomber ou on laisse en suspens de gros
problèmes qui mettent autant en danger et en sécurité la
vie de l'enfant.
M. Guay: Je ne vous accompagnerai pas sur le terrain du
mépris qu'on aurait pour les femmes, mais je vais vous répondre.
Pour ce qui est des problèmes des régions
éloignées, effectivement, on manque de pédiatres et on
manque de néonatologistes surtout. Une partie des enfants qui arrivent
dans les centres de néonatologie arrivent des régions
éloignées en très mauvais état. Je pourrais laisser
mes confrères néonatologistes répondre à cette
question. Qu'est-ce qu'on fait? On se débrouille, on fait au mieux. Et
ce n'est pas de notre faute s'il en manque. Il y a un contingentement de postes
en résidence à l'université et ça prend du temps
à faire préparer des... à fabriquer un spécialiste
en néonatologie. Bien, quand on bloque les postes et qu'on contingente,
et puis ça prend du temps, et puis on en manque, les gens vieillissent
et ça, c'est un autre problème. Mais il faut être bien
conscient que... Nous autres aussi, on est bien conscient qu'on ne peut pas
tout couvrir. On se débrouille, et ces gens-là travaillent. Ils
sont ici ce soir avec leur "bellboy", ils sont en appel, ils n'ont même
pas pu se libérer complètement pour venir en commission
parlementaire, parce que l'hôpital peut les appeler. alors, ils ne sont
même pas assez nombreux pour se libérer pour venir ici.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que, Dr Jeliu, vous
voulez intervenir, ou Dr Blanchard?
Mme Jeliu: Oui, j'aimerais, disons, non pas répondre mais
échanger avec Mme la députée ici présente. C'est
sûr que des problèmes particuliers existent dans certains
régions. C'est sûr qu'un corps professionnel, je vais dire les
mots "moins longtemps formé", pourrait être
particulièrement utile pour contrer des situations qui sont beaucoup
plus criantes, et ceci, disons... Le concept de la sage-femme est une chose, le
projet-pilote en est une autre, et je crois que dans notre discussion, la
discordance que nous entendons, ou qui semble être présente dans
certains des discours ici provient du fait que, tantôt on parle de notre
difficulté à accepter le projet-pilote tel qu'il est
présenté, tantôt on veut bien se référer au
concept de la sage-femme.
Je le répète, le concept de la sage-femme est une chose
qui mérite d'être étudiée de près, plus
longtemps, plus longuement, plus en détail, et qu'on puisse à un
moment donné dégager à l'intérieur d'une politique
de périnatalité des intervenants qui peuvent être
particulièrement utiles pour certaines régions. Est-ce que toutes
les régions ont besoin de sages-femmes? Probablement que non. Par
contre, et ça c'est une idée qui me vient au fur et à
mesure que je parle, l'isolement des sages-femmes dans des régions
éloignées pourrait se retourner à la longue contre elles.
Tout professionnel, quel qu'il soit, a besoin de fréquenter d'autres
confrères, d'autres instances où il va se ressourcer au niveau de
sa formation. Ceci est vrai pour les médecins, ceci est vrai pour les
omnipraticiens, ceci est vrai pour les pédiatres, ceci est vrai pour
tous les corps professionnels. Ce que je veux dire par là, c'est que le
projet-pilote, ou les projets-pilotes m'apparaissent effectivement
prématurés au niveau de la conception, peut-être pas
prématurés au niveau de l'envie qu'on a de tester, passez-moi le
gros mot, de tester la présence des sages-femmes dans un contexte
médical qui, par ailleurs, présente beaucoup d'avantages, qui est
le nôtre. Qu'il y ait des coins, des poches de pauvreté, des
poches de service éloignées, des groupes de population
très vulnérables au niveau santé, au niveau
développement des enfants, nous le savons tous. Là n'est pas le
point. Le point est de savoir si les expériences qui sont
proposées, puisque c'est le terme qui a été
utilisé, si les projets-pilotes qui sont proposés
présentent, tels qu'ils sont proposés, des dangers pour la
population. Et je reprends la proposition, l'argument du Dr Blan-
chard: Nous ne voudrions pas que des projets-pilotes représentent
un danger pour quelque nouveau-né que ce soit. Et le danger n'est pas
nécessairement la mort. La mort, c'est probablement la moins mauvaise
chose qui puisse arriver dans un accident de nouveau-né. Ce qui est
pire, c'est ce qui arrive quand il y a des suites et un enfant qui survit et
qui est lésé. On ne sait pas combien coûte un enfant qui
est abîmé et qui est obligé de suivre des classes
spéciales, qui est obligé d'aller en institution; c'est par
centaines de milliers de dollars que ça se mesure. Amener un
prématuré à maturité, l'amener sain coûte
beaucoup d'argent, mais lorsqu'il est sain, il est sain. Tandis que faire
survivre un enfant et le mener à l'âge adulte alors qu'il est
handicapé au niveau mental ou au niveau corporel coûte beaucoup
d'argent, nous le savons tous, et nous n'avons pas nécessairement le
pouvoir, même si on l'appelle triomphaliste à certains
égards, nous n'avons pas toujours le pouvoir de restaurer les accidents
au niveau de l'accouchement.
La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la
députée. (21 h 45)
Mme Vermette: Je suis heureuse de voir, de constater que vous
n'êtes pas tout à fait fermée à la profession de
sage-femme, mais comment se fait-il que dans des régions
éloignées, il est beaucoup plus facile... La cohabitation et
l'existence des échanges entre, justement, le corps médical, avec
toutes ses spécialités, et d'autres formations, alors que dans
certaines régions, notamment les grandes métropoles, c'est
beaucoup plus difficile? C'est là-dedans que je m'explique mal, en
fait...
Mme Jeliu: Je vous répondrai par des souvenirs qui
commencent à dater. J'ai été à Povungnituk, il y a
un certain nombre d'années, voir des enfants, rencontrer des
infirmières. Effectivement, le climat de vie, de fonctionnement
médical, entre guillemets, n'est pas le même. Mais on ne se situe
pas au même niveau. On est à un niveau qui est un niveau de
sauve-qui-peut, d'une certaine manière, un niveau relativement bas de
fonctionnement. Je ne dis pas que les services sont nécessairement
mauvais. Ce n'est pas ça que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est
qu'on est obligés de pallier des situations qui sont des situations
courantes, où tout le monde se serre les coudes pour faire du mieux
possible. Autrement dit, on ne peut pas comparer, comment dirais-je, les
exigences de sécurité, le raffinement au niveau scientifique qui
est quand même nécessaire dans un centre universitaire ou dans une
grande ville. Ce qu'attendent les femmes qui vont accoucher à
Montréal et ce qu'attendent les femmes qui, malheureusement, sont
obligées - et maintenant elles le font - d'accoucher à
Povungnituk, ce n'est peut-être pas tout à fait la même
chose.
Revenons à l'expérience de Povungnituk. Sur 56 femmes qui
ont donné naissance à Povungnituk, il y a quand même
seulement 38 bébés qui sont nés sur place. Le reste a
dû être évacué pour des raisons, disons, des
complications médicales. Vous me répondrez, à juste titre:
C'est donc qu'elles ont été dépistées. C'est vrai.
Mais je ne sais pas si ça a bien tourné, je n'ai pas les
détails.
La Présidente (Mme Marois): Ça va? Mme Vermette:
Oui.
La Présidente (Mme Marois): II vous reste une toute petite
question?
M. Trudel: Oui, s'il vous plaît, madame. La Présidente
(Mme Marois): D'accord.
M. Trudel: C'est assez impressionnant, vous aussi, la description
que vous nous faites et, en particulier - je ne me souviens pas, au bout de la
table ici - toute la question de la gestion du temps, en quelque sorte.
L'impression que vous nous donnez, enfin, la description que vous nous faites,
c'est quand il arrive une urgence en pareille matière, on est vraiment
en termes de secondes et de minutes. Par ailleurs, il y a une espèce de
compréhension générale à travers le monde de ce
qu'est la naissance, de ce qu'est l'arrivée d'un enfant, de ce qu'est le
phénomène. Comment pouvez-vous concilier ça? Je ne pose
quasiment pas la question à quelqu'un qui est un spécialiste; je
la pose à des êtres humains qui évoluent dans ce secteur.
Comment pouvez-vous concilier cela avec les propos de Mme Huot tantôt,
par exemple, des Cercles de fermières qui dit: C'est le jour et la nuit?
Comment pouvez-vous concilier ces deux dimensions-là? Parce que j'essaie
d'imaginer le législateur qui est à regarder comment il pourrait
répondre adéquate-ment à un désir assez largement
manifesté et, : par ailleurs, avec des mises en garde extrêmement
sérieuses, compte tenu de votre formation et de votre expérience.
Comment réussissez-voùs ; à concilier ces deux
affirmations? Est-ce possible pour vous?
M. Simard: Je vais répondre à vos propos. J'ai bien
mentionné qu'une naissance à la maison, c'est un heureux hasard.
Heureux, effectivement, c'est fantastique, c'est merveilleux. Moi, non pas en
tant que médecin, mais en tant que père - je suis père de
trois enfants - jamais, jamais je n'aurais accepté que ma femme accouche
à la maison parce que j'ai trop vu de situations obstétricales
qui sont allées mal à la dernière minute.
J'écoutais tout à l'heure lorsque la dame
des Cercles de fermières était ici. Vous aimez les cas
vécus, je vais vous raconter un cas vécu de la semaine
passée. J'étais à l'Hôtel-Dieu de Lévis. J'ai
vu une dame qui venait accoucher de son troisième enfant.
Première naissance, tout à fait normale. Deuxième
naissance, tout à fait normale. Tout se déroule très bien,
tout va parfaitement bien. La dame se présente pour accoucher de son
troisième enfant. Elle a été bien suivie. Sa grossesse a
toujours été admirablement bien. Le bébé a
profité comme il faut. Les échographies étaient correctes.
Les examens du médecin étaient corrects. Elle est arrivée
en obstétrique en travail. Tout allait très bien jusqu'à
ce qu'à la dernière seconde, tout à coup, le coeur foetal
se met à ralentir et, là, ça allait mal. On examine la
patiente en détail et on constate une triple circulaire du cordon. Le
bébé est en train de s'égorger littéralement. Il
n'y avait pas assez de cordon pour qu'il sorte de là. Ça a
été une césarienne immédiate dans les cinq à
dix minutes qui ont suivi: on était en train de perdre le
bébé. Ils ont sauvé le bébé, ils l'ont sorti
de là, ils l'ont réanimé, un peu d'oxygène, un peu
de ventilation, il s'est mis à pleurer, tout était parfait, tout
le monde était heureux et, au bout de cinq minutes, c'était comme
s'il ne s'était jamais rien passé. Mot, j'ai examiné le
bébé; on m'a appelé. L'enfant était parfaitement
normal, les cinq minutes catastrophiques étaient passées. J'ai
dit: C'est un bébé en parfaite santé, environ sept livres,
excellent au point de vue neurologique et autre. Cette dame-là aurait
accouché dans d'autres circonstances qu'elle aurait perdu l'enfant si
elle n'y était pas restée elle-même. C'en est une situation
de catastrophe qui aurait pu m'arriver à moi et qui aurait pu arriver
à n'importe qui qui décide d'accoucher dans des conditions
où il n'y a pas tout à la portée de la main. C'en est un
cas vécu.
La Présidente (Mme Marois): Oui, vous voulez intervenir,
Dr Pichette?
Mme Pichette: Pour suivre le propos qu'on entendait tantôt
de Mme Huot qui nous disait: C'est le jour et la nuit. Et elle nous a dit:
C'est l'approche qui est différente quand on accouche à domicile.
Quand on accouche à l'hôpital, les gens sont pressés, les
infirmières sont pressées, elles n'ont pas le temps de s'occuper
de nous, elles n'ont pas le temps de nous accompagner au cours de cette
expérience du travail et de l'accouchement, en fait. Et c'est ce que les
femmes du Québec nous disent aussi. On n'a pas, en milieu hospitalier,
et c'est vrai, on le constate... Il y a eu beaucoup de progression pendant les
dix dernières années de l'humanisation des soins en milieu
hospitalier, mais on est encore loin d'une approche plus humaine et c'est ce
que les femmes du Québec veulent, en fait. En exprimant des sondages de
80 % en faveur des sages-femmes, elles veulent une approche plus humanitaire et
on devrait utiliser les ressources en place et les raffiner pour
améliorer cette approche du travail et de l'accouchement à
l'hôpital.
M. Guay: Le Dr Brodeur voudrait intervenir.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Puis, si vous
permettez, on va terminer nos...
Mme Brodeur (Anne): Moi, j'aimerais intervenir en tant que femme,
en tant que mère et en tant que future accoucheuse au printemps prochain
et vous dire que, moi, je ne suis pas lésée du tout du tout comme
femme par les recommandations qui ont été faites. Je ne vois pas
en quoi les femmes se sentent lésées là-dedans et je
pourrais vous dire aussi que je n'ai jamais accouché à la maison,
je ne penserais jamais accoucher à la maison non plus, probablement de
par ma profession. C'est sûr que je n'ai pas accouché dans les
années cinquante, je suis née en 1957. J'ai accouché en
1985, en 1987 et j'accoucherai en 1990. Je peux vous dire que les accouchements
sont drôlement plus humains qu'ils ne l'étaient avant. Les femmes
nous disent: On peut toucher au bébé maintenant. Oui, madame,
venez le chercher à la pouponnière, votre bébé.
Dès la naissance, le bébé est mis sur la mère. Elle
peut l'allaiter dès la naissance, elle peut le prendre dans ses bras,
elle peut le garder avec elle. Même quand le bébé fait une
jaunisse, on apporte les lampes de photothérapie dans la chambre de la
mère. Je pense que ce qui était vécu il y a 20 ans et ce
que ma mère a vécu - on n'avait pas le droit de toucher au
bébé quand il était à la pouponnière,
c'étaient seulement les infirmières gantées et
blousées qui y touchaient - cette époque-là est
révolue et les accouchements à l'hôpital sont, dans les
chambres de naissances en tout cas, de par mon expérience personnelle de
mère, de par mon expérience personnelle de pédiatre... Je
pense qu'on ne peut plus parler de jour et de nuit, maintenant.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Dr Brodeur. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite mise au
point avant de remercier tout le monde parce que j'ai vu tantôt le Dr
Guay s'enflammer en nous disant le contingentement des spécialistes.
C'était lancer une grosse pierre dans notre jardin. Je la prends et je
la retourne à qui de droit, parce qu'elle n'est pas
méritée dans le camp gouvernemental. De 270 spécialistes,
on est passé, à la dernière entente, à 325, et vous
le savez très bien. C'est uniquement depuis deux ans que le gouvernement
a maintenant son mot à dire quant à la répartition alors
qu'auparavant
c'était l'affaire des doyens, et ce n'est pas pour rien que le
gouvernement s'est senti l'obligation de reprendre un peu de contrôle
pour être capable d'avoir une meilleure répartition en fonction
des nouvelles spécialités. Dans ce sens-là, il y a une
progression assez importante du nombre de postes et aussi dans l'affectation
dans chacune des catégories, des spécialités. Je voulais
faire cette petite mise au point parce que, tel que présenté,
cela me paraissait un petit peu injuste vis-à-vis du gouvernement compte
tenu des efforts qui ont été faits, pas par moi, mais par ceux
qui m'ont précédé, et c'est un petit peu leur rendre
hommage que de le souligner.
Enfin, en terminant, je pense qu'on a eu une discussion très
très ouverte et, je dois vous le dire, très rafraîchissante
avec tout ce que ça suppose, malgré le fait que votre
mémoire ne fût pas sévère, mais avec des mises en
garde extrêmement importantes quant au geste que nous devrons poser comme
législateurs, suffisamment pour qu'on y réfléchisse.
C'était aussi très intéressant parce que, enfin, pour une
fois, j'ai senti une véritable ouverture de la part des médecins.
C'est ce qui va nous permettre de franchir des pas en avant avec toujours le
même objectif, avoir une politique de périnatalité en
faisant en sorte qu'on puisse éliminer les problèmes que vous
avez diagnostiqués et qui sont connus par le ministère
aujourd'hui, et de faire en sorte aussi qu'on puisse franchir un pas en avant
dans cette volonté que vous décrivez comme politique, mais cette
volonté de vouloir reconnaître le travail des sages-femmes. Merci
bien.
La Présidente (Mme Marois): Merci. On vous remercie de la
qualité de votre présentation.
J'inviterais maintenant l'Association médicale du Québec
à venir faire sa présentation, s'il vous plaît.
J'aimerais que les membres de la commission reprennent leur
siège. Je vais inviter le Dr L'Heureux, j'imagine, à nous faire
la présentation des personnes qui l'accompagnent et, ensuite, à
procéder à l'exposé de son mémoire.
Association médicale du Québec
M. L'Heureux (Bruno): Merci, Mme la Présidente. À
mon extrême gauche, le Dr Jean-Yves Bhérer qui est le premier
vice-président de l'Association médicale du Québec et qui
est un membre du comité des services communautaires qui a
rédigé le mémoire. À ma gauche, le Dr Jean-Pierre
Picard qui est président de ce même comité de l'Association
médicale du Québec et qui est membre aussi du comité des
services communautaires de l'Association médicale canadienne. À
ma droite, le Dr J. Edwin Coffey qui est le secrétaire de l'Association
médicale du
Québec, qui est le président du comité
d'étude sur la responsabilité professionnelle de l'Association
médicale canadienne et qui a aussi participé au groupe
d'étude, en fait, au projet d'étude "Obstétrique 1987" qui
avait été mis sur pied par l'Association médicale
canadienne. Moi-même, votre humble serviteur qui remplace au pied
levé le président de l'Association, le Dr Richard Jacob, qui,
malheureusement, ne pouvait être présent. Je suis le
président du conseil d'administration de l'Association médicale
du Québec.
Pour situer l'Association, c'est une association qui regroupe
volontairement 9000 membres et ces 9000 membres sont des médecins
à tous les niveaux, que ce soient des étudiants, des internes,
des résidents, des omnipraticiens, des spécialistes, des
chercheurs, des professeurs et même des administrateurs. (22 heures)
Je vais vous présenter le mémoire et je vous dirai, comme
remarque préalable, qu'on n'a pas voulu... C'est évident que ce
n'est pas un mémoire qui approuve le projet nécessairement, mais
ça n'a pas été apporté dans un esprit de
confrontation, ça a été surtout apporté comme outil
de réflexion à l'intention du gouvernement et du ministre plus
particulièrement. Nous n'avons pas repris la nomenclature exhaustive de
tous les articles du projet de loi, parce que tout le monde l'a fait; puis,
finalement, commencer à s'obstiner sur les virgules, je pense que ce
n'est pas l'endroit. Les seules remarques qu'on pourrait vous faire à ce
niveau-là, c'est qu'effectivement la définition du champ de
pratique est très peu précise et laisse à désirer.
Deuxièmement, les lieux de pratique aussi, ça peut, à
notre sens, devenir inquiétant de ne pas les préciser de
façon beaucoup plus précise.
Je vous demanderais de prendre la page 4 où on a l'introduction,
où l'on vous dit qu'une étude approfondie de l'évolution
ainsi que du résultat des mesures prises par la profession
médicale dans le domaine obstétrical au cours des derniers 20 ans
amène un double constat. L'évolution de la technologie
médicale a profondément modifié la relation
médecin-patient tout en améliorant les statistiques de
morbidité et de mortalité maternelles et infantiles de
façon spectaculaire. Cette sécurisation médicale a, par
ailleurs, entraîné pour certaines parturientes des
réactions d'angoisse, soit par ignorance, soit par manque de
communication. En même temps, des remous profonds ont perturbé la
profession médicale et ont modifié encore plus la relation
médecin-patient par l'introduction d'un nouveau partenaire,
l'État. Ce dernier, par le biais d'une législation coercitive et
d'un incitatif économique pénalisant, a forcé les
médecins à la productivité au détriment de la
qualité et de la compassion qu'exige l'obstétrique, tant en
communication sereine qu'en disponibilité de temps.
Si on fait référence au bilan soumis par le
Dr Madeleine Blanchet et Mme Madeleine Levas-seur en septembre 1980 dans
la revue Carrefour des affaires sociales, ce bilan est quand même
très éloquent. Les statistiques dont nous nous inspirons sont
tirées de ce document. Nous y relevons, entre autres, de 1969 à
1973, une réduction du taux de mortalité maternelle de l'ordre de
66 %, c'est-à-dire de 3,5 à 1,1 par 10 000 naissances. en 1978,
ce même taux se situait à 0,7, soit une baisse globale de 80 % par
rapport à 1969. et 1969, ce n'est pas loin, c'est 11 y a 20 ans. un
autre tableau fait état du taux de mortalité périnatal qui
s'est abaissé de 30 % entre 1972 et 1977, passant de 18,5 à 13,2
par 1000 naissances.
On peut, bien sûr, attribuer ces succès à plusieurs
facteurs et les principaux se résument comme suit: d'abord, la politique
préventive et sensibilisatrice du gouvernement au niveau des
unités sanitaires; le déplacement des accouchements du domicile -
qui constituaient 79,6 % en 1940 - à l'hôpital où, en 1970,
on retrouvait 99,5 % des accouchements; l'apport de nouvelles techniques; le
développement de services obstétricaux et de néonatologie
et le perfectionnement des équipes de soins.
Au sein de ces équipes, le médecin accoucheur,
généraliste ou spécialiste, mérite une mention
particulière. Il a contribué largement au progrès
obstétrical en souscrivant au perfectionnement par l'enseignement
médical continu ou par des cours postgradués, à la mise
sur pied de protocoles stricts concernant les grossesses à risque,
l'induction ou l'arrêt de travail et à une réglementation
départementale mettant l'accent sur la qualité des soins.
Pour le médecin, toute attitude, tout retard, toute omission
pouvant porter préjudice à la mère ou au foetus
dérogent aux standards établis. Cet énoncé est
d'autant plus important qu'aujourd'hui les familles sont moins nombreuses et
que chaque grossesse doit atteindre une finalité heureuse. C'est quand
même très différent d'autrefois, ce qui explique
possiblement la nouvelle attitude des couples d'aujourd'hui par rapport
à ce qui se faisait autrefois. Alors que vous aviez 12, 15, 18 ou 13
enfants, comme madame le disait peu de temps auparavant, c'est très
différent lorsque vous en avez un, deux ou trois. Le genre de
vécu que vous voulez avoir avec ça est très
différent. Aussi, il faut comprendre que l'hôpital qui
était perçu comme un lieu de mort il n'y a quand même pas
si longtemps, la perception a commencé à changer. Autrefois, on
allait mourir à l'hôpital et, aujourd'hui, on y va pour des soins.
C'est très différent comme perception. les statistiques nous
démontrent, en rétrospective, malheureusement, que 85 % des
grossesses présentent un risque minimum. il est évident que
personne ne peut prédire, lors d'une première visite
prénatale ou même au moment de l'accouchement, quelle grossesse
évoluera normalement; ça se sait après. Au Québec,
depuis cinq ans, à la suite de la régionalisation et du
développement de centres hospitaliers à vocation
spécialisée, les médecins ont axé leur pratique de
façon à référer rapidement au centre
désigné toute grossesse à risque, évitant ainsi des
transferts in extremis. Par voie de conséquence, ces transferts
préventifs amenuisent tant la morbidité que la mortalité
obstétricale.
Nouvelle venue, la génétique médicale contribue
aussi à améliorer les standards obstétricaux et à
diminuer la morbidité en offrant une alternative d'interruption de la
grossesse aux parturientes qui, à la suite d'une amniocentèse,
présentent des anomalies chromosomiques foetales.
En somme, il est assez facile de quantifier et de qualifier les
standards requis à la lumière des succès obtenus et des
expériences tentées ailleurs. Nonobstant, les
obstétriciens-gynécologues et les médecins de famille sont
en constante réflexion à cet égard.
Certaines patientes font grand état de l'angoisse dans laquelle
elles ont vécu avant, pendant et après leur grossesse. Cette
plainte, pour ne pas dire reproche, trouve son écho dans la discussion
qui a cours entre le gouvernement, de nombreux groupes de pression et les
médecins. Nous sommes convaincus qu'elle est la résultante d'un
vaste mouvement populaire qui explique l'engouement actuel pour la
médecine holistique.
L'approche holistique, basée sur l'interaction des parties et des
touts, met l'emphase sur la responsabilité de l'individu envers sa prise
en charge. Son concept de la santé englobe le bien-être positif in
toto. La vitalité amène la joie; la joie amène un travail
productif; le travail productif amène de l'affection et de l'harmonie;
et le tout amène un bon conditionnement physique et le cercle
recommence.
Le domaine obstétrical n'a pas échappé à
l'effet d'entraînement de cette approche, même si la
majorité des parturientes se dit satisfaite des soins reçus. Une
étude de l'Association médicale canadienne faite en 1987, et qui
sera apportée par le Dr Coffey tantôt, confirmait qu'en
règle générale, dans la majorité des cas, les
femmes étaient satisfaites de ce qu'elles avaient reçu comme
soins. C'est pourquoi on reproche à la profession médicale un
paternalisme qui brime les droits de certains couples. Il importe peu que, par
formation, le médecin cherche lui aussi à intégrer les
notions du bien-être holistique. Sa faute est de favoriser
prioritairement le bien-être du foetus et la prévention de tout
risque à la santé.
Cependant, il faut quand même comprendre que tout ça doit
se faire en communication constante avec le couple. Ce n'est pas le
médecin, du haut d'un piédestal, qui dicte aujourd'hui au couple
comment, où et de quelle façon
accoucher. Ça se fait en discussion, habituellement, en cabinet.
On accuse donc les médecins de médicaliser de façon
systématique les accouchements normaux et de ne pas être à
l'écoute des attentes du couple.
L'on invoque que les césariennes ont doublé de 1971
à 1978 et que leurs indications ont été élargies,
qu'on a recours davantage à l'anesthésie régionale,
à l'épisiotomie, aux techniques telles que les ultrasons et le
"monitoring" foetal. Pourtant, ces mêmes techniques, sauf la
césarienne, lorsqu'elles sont pratiquées par des sages-femmes,
sont vues comme un bienfait. C'est curieux, quand même, de voir que,
lorsque c'est un médecin qui pose ce même geste, ça devient
une médicalisation de l'accouchement et lorsqu'une sage-femme
décide de faire une épisioto-mie, ça devient
essentiel.
On retrouve là les mêmes éléments qui ont
permis d'améliorer les statistiques de périmor-tinatalité
et de morbidité. Ce ne sont pas les seuls facteurs en cause mais,
même s'ils n'avaient influencé que de 10 % les succès
obtenus, n'y aurait-il pas lieu de s'en féliciter?
Quant au mérite scientifique de ces interventions
médicales et aux standards statistiques acceptables, nous devons nous
référer à l'expertise de l'association professionnelle
concernée et à celle de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec. Nous rejetons l'hypothèse que les
médecins agissent de façon systématique, voire
irréfléchie. Chaque acte doit être évalué au
mérite, sous l'oeil attentif des instances responsables. les attentes du
couple. ici, le reproche porte sur le manque de dialogue entre le couple et le
médecin ou sur le refus de ce dernier de répondre aux attentes du
couple. ceci mérite sérieuse considération. cette
accusation remet en cause l'empathie habituelle reconnue au médecin et
nous devons admettre qu'il existe présentement un malaise dans la
population à cet égard. nous sommes convaincus que la
médecine jouit toujours de son aura de vocation et que les
médecins sont encore non seulement préoccupés par leurs
patients, mais engagés envers eux.
Nous avons fait état, ci-devant, des remous qui ont
bouleversé le domaine de la santé au Québec. Les
médecins ont été relégués à un
rôle de dispensateur de soins. Leur nombre a doublé en quinze ans
mais, en même temps, le nombre total de contacts
médecins-bénéficiaires a probablement
décuplé. La majorité des médecins préconise
le système du rendez-vous et le patient peu insistant devra souvent
attendre plusieurs jours avant d'être vu. Le volume des consultations
sans rendez-vous au service d'urgence et à la clinique a ainsi
augmenté et la notion de voir son docteur est en voie de
disparition.
Puisque l'on parle d'humanisation, il convient de glisser un mot sur la
qualité de vie du professionnel de la santé. C'est cette notion
qui a incité les médecins au travail d'équipe. leurs
congés et leurs vacances leur permettent de diminuer le stress et
d'assurer une meilleure disponibilité physique, psychologique et
sociale.
De tels propos n'ont pas pour but d'excuser les médecins d'avoir
suivi le courant imposé. Nous avons tout simplement cherché
à mettre en perspective l'évolution de la pratique
obstétricale et les causes du malaise pressenti chez le
bénéficiaire.
Certes, l'application de mesures visant à accroître le
rapprochement entre le médecin et ses patients servirait les
intérêts de tous. Les médecins seraient les premiers
à s'en réjouir. Toutefois, ces mesures ne sauraient se
concrétiser sans un dialogue honnête entre les
intéressés et sans le respect des attributions de chacun. Le tout
résulterait en une nouvelle dynamique qui permettrait à une
parturiente de mieux saisir le bien-fondé des préoccupations du
médecin lorsqu'il suggérerait le recours à des techniques
considérées à première vue comme invasives et
anxiogènes.
L'implication des médecins dans le développement
d'approches plus humaines ira de pair. À preuve, plusieurs d'entre eux
ont contribué à fa mise sur pied de chambres des naissances
qu'ils ont ensuite utilisées. D'autres ont également
participé à l'élaboration et à l'application de la
méthode dite Leboyer.
Nous considérons que la première étape pour
discuter de l'humanisation des soins obstétricaux doit se franchir lors
des visites prénatales avec l'apport et du médecin et du couple.
N'oublions pas qu'un des fondements de la médecine est le libre choix du
médecin par le patient et vice versa. Cette liberté mutuelle de
contracter est soumise, par ailleurs, à un autre principe qui s'appelle
la responsabilité médicale. Et lorsque ce principe vient en
conflit avec les attentes d'un couple, il a malheureusement priorité.
L'accouchement, ce n'est pas, malheureusement, toujours une fête. C'est
effectivement un acte naturel, mais qui peut se médicaliser en une
fraction de seconde.
Si on aborde la question des sages-femmes et de la démographie
médicale, on sait qu'avant les années quarante l'Ordre des
médecins, qui est devenu aujourd'hui la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, attribuait un permis d'exercice aux
sages-femmes. Entre autres considérations, mentionnons qu'elles
comblaient une pénurie au niveau de la main-d'oeuvre médicale;
elles apportaient aussi une solution à certains problèmes
reliés à cette époque où l'on ne
bénéficiait pas des moyens de communication et de transport
d'aujourd'hui pour assurer la dispensation des soins en milieux
éloignés. En plus, une pénurie de lits d'hôpitaux
empêchait les médecins de l'époque de dispenser tous les
soins obstétricaux. Depuis ce temps, l'art s'est perfectionné et
la préparation au travail d'accoucheur
nécessite une connaissance de plusieurs volets de la
médecine, laquelle ne s'acquiert pas au moyen d'un cours
accéléré.
Nous avons souligné plus haut que le nombre de médecins a
doublé depuis quinze ans. Qui plus est, la féminisation du corps
médical a également accéléré durant ce
même temps. À la lumière de ces données de
démographie médicale, il nous semble paradoxal qu'on veuille
réintroduire la notion de sages-femmes. Ne devrait-on pas penser tout
d'abord à des sages-femmes médecins motivées par un
engagement obstétrical? Il nous apparaît tout aussi paradoxal, en
ce moment où l'on s'interroge sur un surplus d'effectifs médicaux
et sur leur répartition, que l'on cherche à soustraire au
médecin un champ d'activité prioritaire aux yeux de la
société québécoise, un champ dans lequel on a
investi des sommes fabuleuses depuis quinze ans afin d'en améliorer la
performance.
Nous en arrivons à une définition du terme "sage-femme"
parce que, souvent, on entend différentes expressions dans ce
domaine-là. Il est bon de rappeler que le terme "sage-femme" ne
s'applique pas uniquement aux personnes qui aident les femmes à
accoucher à domicile, mais également à toute personne
s'occupant de la femme enceinte et du nouveau-né au cours de la
grossesse. Ce qualificatif n'est pas explicite et peut s'employer pour
désigner une personne sans entraînement reconnu, une
infirmière diplômée ou une personne ayant suivi un cours
spécialisé. Pour y voir clair, il importe que l'on procède
à une définition des termes en usage.
Une surveillante du travail, une assistante-accoucheuse sans formation
ou une sage-femme sans formation. Ces termes se réfèrent
habituellement aux femmes accoucheuses traditionnelles ne possédant
d'autre forme d'entraînement que l'expérience vécue. Leur
rôle devrait se confiner au support et à l'encouragement, vu
qu'elles ne sont pas qualifiées pour poser des gestes médicaux ou
infirmiers.
Sage-femme. Ce terme s'applique aux personnes diplômées
ayant suivi un cours d'obstétrique reconnu.
Infirmière en obstétrique. Ce terme désigne une
infirmière qui a acquis de l'expérience obstétricale en
milieu hospitalier, mais qui n'a pas reçu de formation
spécialisée dans ce domaine.
Et, finalement, infirmière accoucheuse. Il s'agit ici d'une
infirmière diplômée qui a reçu une formation
hautement spécialisée en obstétrique. Quelques autres
termes en usage n'ont pas été définis ici, vu qu'on ne
leur connaît aucune application pratique au Québec.
Un argument souvent invoqué par les protagonistes du projet des
sages-femmes porte sur le désintéressement de la médecine
générale à l'égard de l'obstétrique.
Plusieurs facteurs expliquent cette tendance, les exigences de
disponibilité, une tarification Inadéquate, les coûts
élevés de l'assurance-responsabtllté et, plus important
encore, la formation reçue. La formule de groupe permet
d'atténuer le facteur de la disponibilité se rapportant aux
nuits, aux fins de semaine et aux vacances. Des moyens de négociation
plus efficaces corrigeraient l'Impact négatif des facteurs
économiques. Enfin, il serait facile de corriger les lacunes de
formation en encourageant le rôle de professeur clinique avec pratique
obstétricale pour l'enseignement aux internes et aux
résidents.
Si le praticien général se désintéressait de
l'obstétrique, la parturiente et le système perdraient un de
leurs meilleurs alliés. La fragmentation des soins obstétricaux
n'en serait que plus prononcée, car il faudrait remplacer le praticien
par des sages-femmes salariées qui revendiqueraient les mêmes
heures de travail que tout autre salarié. En plus, la
délégation de la responsabilité constituerait un
problème de taille. Les sages-femmes voudront-elles assumer la
responsabilité de la faute professionnelle ainsi que les coûts
exorbitants de l'assurance-responsabilité? il nous apparaît
utopique de croire que le médecin continuera d'assumer à lui seul
ces obligations.
Qu'on procède à des réaménagements au niveau
de la distribution des soins afin de réduire le nombre d'accouchements
normaux faits en centre ultraspécialisé; afin de maximiser la
réponse aux attentes du couple devant l'accouchement et afin
d'améliorer le travail d'équipe entre les infirmières
spécialisées en obstétrique et les médecins, nous
en convenons. Qu'on incite les médecins accoucheurs,
particulièrement ceux du sexe féminin, tant par des conditions de
travail revalorisantes que par une rémunération adéquate,
à s'intéresser à ce champ d'activité et à
travailler de concert avec le ministre des Affaires sociales et de la
Santé afin d'améliorer les acquis, d'accord! (22 h 15)
Les membres de notre comité se disent favorables à ce que
l'on considère l'intégration d'une intervenante en
périnatalité qui, sous la responsabilité exclusive du
médecin, pourrait prendre en charge les cellules familiales à
risque. Le fardeau psychologique moral et social du suivi de ces familles
pourrait être ainsi allégé.
Mais, compte tenu de la complexité du domaine obstétrical
et de la nécessité d'y maintenir un haut niveau d'excellence,
nous croyons qu'il serait plus sage d'encourager l'utilisation optimale des
ressources humaines et matérielles existantes que d'investir dans le
développement d'un nouveau groupe de professionnels, fut-il
composé des plus sages parmi les femmes. Les problèmes
d'intégration d'un tel groupe à l'équipe actuelle des
soins seraient de taille et, en sus, fort coûteux.
Une certaine nostalgie à l'égard d'une
pratique obstétricale qui faisait partie de notre folklore
d'antan n'a rien de condamnable en soi, mais de là à effectuer un
retour au passé et à l'ère des sages-femmes...
Sur quelle logique pourrait-on s'appuyer pour justifier un retour
à une époque où les statistiques québécoises
en matière de périmortinatalité et de morbidité
néonatale et maternelle s'avéraient effarantes? En d'autres
termes, pourquoi chercher midi à quatorze heures lorsque les ressources
humaines disponibles aujourd'hui regorgent de sages-femmes et aussi de
sages-hommes... médecins?
Alors, c'est évident, Mme la Présidente et M. le ministre,
que nous ne sommes pas favorables à l'implantation actuelle d'un nouvel
intervenant en périnatalité. Néanmoins, à la
lecture et à la façon dont se déroulent les
échanges au niveau de la commission des affaires sociales - et Mme la
Présidente l'a dit elle-même tantôt - il semble que, du
côté médical, personne ne réussisse à vous
convaincre. Je pense qu'il va falloir que vous en arriviez à une
définition beaucoup plus précise que ce qu'on retrouve dans le
projet de loi actuellement. Le projet de loi nous apparaît, à tout
le moins, improvisé. On a l'impression que cela a été fait
dans un geste politique et non pas après mûre réflexion et
après concertation avec les gens qui sont dans le milieu, qui doivent et
qui seront appelés possiblement à travailler avec ces
gens-là parce que c'est l'autre volet du problème. C'est qu'il ne
faut pas oublier que, dans un deuxième temps, une fois qu'un projet de
loi est ou n'est pas adopté, il reste la suite, et la suite, c'est
qu'est-ce qu'il va se passer dans les hôpitaux? Déjà que le
climat n'est pas très agréable actuellement, s'il faut, en plus,
que les médecins se mettent à chicaner eux autres avec, ce ne
sera pas drôle.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, Dr L'Heureux, ainsi
que ceux qui vous accompagnent. On sent, bien sûr, une position qui va
dans la continuité de ce qu'on a entendu de la part des médecins.
Il y a quand même un certain assouplissement ou un certain niveau
d'ouverture en disant: Si ce geste irréfléchi et politique
était posé, des conditions devraient l'accompagner. Je veux
cependant vous dire et bien vous rassurer que si, à vos yeux, ce
geste-là qui est un geste politique est un geste non
réfléchi, j'ose espérer que vous ne pensez pas ça
de tous les gestes politiques posés parce qu'à l'occasion
j'imagine que les politiciens peuvent aussi réfléchir avant de
poser des gestes.
Vous avez évoqué dès le départ,
d'entrée de jeu: On est contre mais dans la mesure où... Vous
n'avez pas dit ça, dans la mesure où ça se fait. Vous avez
dit: II y a des questions qui se posent, qui doivent être
répondues, qui ne le sont pas suffisamment dans le projet de loi. Vous
avez parlé des lieux de pratique, vous avez parié du champ,
d'entrée de jeu. On va y aller. Il va y avoir un projet de loi, je le
répète, et il va y avoir des expériences-pilotes. Dans ces
circonstances, on parle des lieux de pratique. D'après vous, quels
seraient les endroits où ça pourrait se faire dans des conditions
optimales?
M. L'Heureux: à notre sens, je pense bien que la seule
place où ça peut se faire, c'est malheureusement en centre
hospitalier ou dans un lieu y ressemblant étrangement.
La Présidente (Mme Marois): Pourquoi dites-vous
"malheureusemenr?
M. L'Heureux: Parce que, je ne le sais pas, il semblerait que
l'hôpital a une aura de désespoir. Cela a l'air qu'aller à
l'hôpital, c'est épouvantable et que, quand ça se passe
à la maison, c'est merveilleux. C'est vrai qu'à la maison,
écoutez, on est en famille, ça va bien, et tout ça, c'est
bien le "fun" mais, comme les pédiatres vous l'ont dit tantôt, et
moi, faisant de l'obstétrique, il y a des fois où, je vous jure,
on est essoufflés. On a l'impression que ça ne va pas assez vite.
Il y a des problèmes qui surviennent et on est pourtant actuellement en
milieu hospitalier. On n'en fait pas à domicile. Ça fait qu'on se
dit que si ça se faisait à domicile ou dans un petit CLSC
où il n'y a pas d'équipement, où il n'y a pas rien,
où il n'y a pas de sang en cas de besoin, ou ces choses-là, il y
a des fois où ça pourrait amener des situations catastrophiques.
Le problème de tout ça, c'est que ça se sait après.
Si ça se savait avant, ce serait donc merveilleux de regarder une
patiente dans les yeux ou dans les mains et lui dire: Toi, tu fais partie des
15 % qui vont avoir des problèmes. À ce moment-là, M. le
ministre, on vous sauverait des coûts. On arrêterait de suivre les
85 % qu'on suit pour rien et qu'on ne fait que rassurer tout le long de la
grossesse. Mais ce n'est pas ça, ça se sait après, une
fois que les parents ont le bébé avec eux. Là, on dit:
Ça a bien été, c'aurait été le "fun" si
ça avait été à la maison, oui, ça aurait
été le "fun", mais ça se fait à
l'hôpital.
M. Côté (Charlesbourg): II ne faudrait pas prendre
pour acquis que, par nos propos, on trouve que vous n'avez pas de bonnes choses
dans votre mémoire. Ça m'apparaît très clair, il y a
des mises en garde qui sont extrêmement importantes et qui viennent du
vécu et dont on doit tenir compte. Lorsque vous dites "malheureusement
en centre hospitalier" comme lieu de pratique, ça présuppose
qu'il y a une présence ou un support médical constant. Est-ce que
ça ne pourrait pas vouloir dire qu'en dehors d'un centre hospitalier il
pourrait y avoir aussi des
endroits où il y a un support médical adéquat dans
les circonstances?
M. L'Heureux: Je laisserais peut-être Dr Coffey
répondre, étant donné que lui est gynécologue,
donc, c'est lui qui se retrouverait un peu au bout de la chaîne, parce
que...
La Présidente (Mme Marois): D'accord, oui, ça
va.
M. Coffey (J. Edwin): Oui. Mme la Présidente, M. le
ministre, je m'excuse; je parle français et anglais, mais pas trop bien,
mais comme le député, mon ami Gordon Atkinson, nous essayons.
Donc, concernant une alternative à la naissance à
l'hôpital, je pratique l'obstétrique depuis 35 ans comme
omnipraticien, en Abitibi-Est, et j'ai accouché des femmes à la
maison. J'ai une formation de John Hopkins University; j'ai enseigné. I
teach, I taught the nurse midwives in American schools of medicine. Puis,
maintenant, j'approche de la fin de ma carrière comme
obstétricien.
Je pense qu'ici nous prenons une décision concernant le plus
dangereux voyage de notre vie à tous: c'est le voyage par la voie
naturelle pendant le travail et l'accouchement. C'est plus dangereux que le
"trip" à Montréal sur l'autoroute, que n'importe quoi. Et c'est
un fait. Maintenant, après 40 ans, avec une amélioration dans
toutes les statistiques, nous avons une obstétrique qui est "safe",
"secure". Le nouveau-né est en bonne santé, comme le
pédiatre, le néonatolo-giste l'a expliqué. C'est juste
deux ou trois, quatre minutes d'une complication et le cerveau est fini. C'est
sérieux, et je le sais. A 2 heures du matin à l'hôpital,
seul avec tous les problèmes...
On dit: Pourquoi une autre méthode, une autre méthode
d'accouchement. J'explique une étude concernant ça. L'Association
médicale canadienne, il y a deux ans, a fait une étude à
travers le pays. They first had an independent study done by a group at Queen's
University, in Kingston, to determine the level of satisfaction among women who
had given birth within the last two years.
Et je pense que, peut-être, vous avez reçu le rapport
obstétrique 1987. Sinon, j'en ai une copie. Mais les statisques du
Biometries Research Group montrent qu'à Québec, par exemple, 95 %
des femmes qui ont accouché sont satisfaites ou très satisfaites
des soins prénataux; 4, 9 % sont insatisfaites. Pour l'accouchement,
à Québec, 81 % satisfaites, 8 % insatisfaites.
Maintenant, pour nous, c'est curieux, avec les résultats,
pourquoi changer le système trop vite et trop gros? Nous avons des
problèmes et nous avons fait une liste des problèmes que nous
avons reçus. Mais, dans le présent système, nous avons la
capacité de corriger les problèmes: les problèmes de
communication avec les patients prénataux, le problème d'un peu
plus de "tender loving care" C'est très, très important, nous
sommes d'accord. Et notre système présent a la capacité
d'offrir ça si vous lui en donnez les moyens. Je pense que, comme
solution, c'est plus rationnel de faire un peu d'"adjustment, a minor tune-up
in the present system" au lieu de commencer une nouvelle aventure avec beaucoup
de dépenses. Je ne le sais pas, mais la sage-femme que j'ai vue, l'autre
soir, a reçu 1200 $ ou 1500 $ d'honoraires; j'ai reçu 300 $.
C'est drôle!
By the way, that is not my main interest.
M. Côté (Charlesbourg): Vous m'ouvrez la porte pour
vous poser une question. Les 1500 $, c'est la patiente qui les a payés
alors que les 300 $, c'est le système.
M. Coffey: O. K.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce à dire que
lorsqu'on paie 300 $, on en a pour 300 $? Cela pourrait aller jusque-là
parce que, dans le mémoire, je comprends une chose. On dit très
clairement: II faut passer beaucoup plus de temps avec le couple qu'on n'en
passe maintenant. C'est extrêmement important pour le
développement d'avant, pendant et après. Là-dessus, tout
le monde s'entend. Et qu'on doit davantage mettre des efforts sur la
relation.
Vous avez le courage - ce que d'autres n'ont pas fait - de toucher un
point qui est évoqué sur la place publique, où il y a
effectivement une critique de la relation médecin avec le couple qui a
à vivre une expérience extraordinaire. Vous l'abordez de plein
front et c'est la première fois que quelqu'un reconnaît qu'il y a
effectivement une interrogation, un questionnement et même des critiques
vis-à-vis de la pratique, à ce moment-là. Et que
l'humanisation - tout le monde se sert du mot - l'humanisation des soins...
Certains vont même jusqu'à dire qu'on devrait ajouter des
ressources dans les CLSC pour être capable de le faire davantage dans les
zones défavorisées. Mais vous touchez aussi au problème.
Est-ce que, dans ces cas-là, c'est uniquement une question d'argent? Je
n'en suis pas sûr mais je vous pose la question. (22 h 30)
M. L'Heureux: M. le ministre, je pense qu'il est important de
réaliser que le médecin n'est pas différent de n'importe
quel travailleur que vous rencontrez. Un médecin doit gagner sa vie et
celle de sa famille, une sage-femme va devoir gagner sa vie et celle de sa
famille, si elle est soutien principal. Et, si on regarde la façon dont
ça fonctionne actuellement, c'est évident que, si vous regardez
l'accroissement du... Parce qu'on parie d'honoraires d'accouchement. C'est
passé d'un montant de 85 $, qui était à peu près
la
moyenne des années cinquante, à 225 $ en 1990. Cela ne
tient pas compte du niveau d'inflation. Si on regarde maintenant ce qui se
passe ailleurs, parce que...
M. Côté (Charlesbourg): Mais ça, c'est
l'accouchement seulement.
M. L'Heureux: C'est l'accouchement seulement, oui, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas l'avant et
l'après.
M. L'Heureux: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas l'avant...
Ça ne tient pas compte de l'avant ni de l'après.
M. L'Heureux: Ce n'est pas l'avant, ni l'après.
L'après, c'est 35 $ et l'avant, ce sont les visites. Et, une patiente
qui a des problèmes va avoir plus de visites et une qui en a moins va en
avoir moins. Pour l'association médicale, moi, II y a quelques
années, je suis allé en Europe, et plus particulièrement
en France, pour voir comment fonctionnaient les sages-femmes et, ce qui nous
désole un peu dans tout ce projet-là, c'est qu'il y a des
problèmes clairement identifiés dans la dynamique des soins de
santé au point de vue obstétrical et, bon, on en a parlé
tantôt, des problèmes de malnutrition, de mauvaises conditions de
vie, mauvaise hygiène de vie, ces choses-là, et ça,
écoutez, la sage-femme ne fera pas plus de miracles qu'on ne peut en
faire actuellement, à moins qu'elle ne fasse de l'apostolat et qu'elle
n'aille visiter des gens de porte en porte. Elle va faire comme les
sages-femmes font ailleurs.
Les sages-femmes ailleurs, qu'est-ce qu'elles font? Celles que j'ai vues
en Europe, en France, bien, ce sont des travailleuses qui sont là 24
heures consécutives, qui prennent deux jours de congé et qui sont
là encore 24 heures consécutives. Alors, cette
dimension-là qu'on nous fait valoir actuellement, que la sage-femme va
avoir un contact différent qu'un médecin peut avoir,
écoutez, l'être humain étant ce qu'il est, ça va se
perdre, parce qu'à un moment donné la sage-femme va faire comme
nous, elle va prendre des vacances et elle va prendre des congés et, des
fois, les fins de semaine, elle va vouloir être avec sa famille et elle
va dire: Écoutez, là, ça n'a pas d'allure, vous me donnez
juste, je ne sais pas moi, 900 $ pour un accouchement. Ça me prendrait
plus, je n'arrive pas. Surtout si on considère qu'on doit consacrer plus
de temps. Donnez-moi le triple de ce que je gagne actuellement comme
obstétricien, et je vais consacrer le triple de temps aux patientes;
sauf que j'ai des contingences à un moment donné, il faut que je
fasse vivre mon bureau, il faut que je fasse vivre ma famille. Et ça,
c'est comme n'importe quel chiffre d'affaires.
M. Côté (Charlesbourg): C'est vrai pour tous les
travailleurs, y compris pour les politiciens.
M. L'Heureux: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais arriver à une
question. Selon les statistiques, il y a 2000 accouchements par année
faits par des sages-femmes. Ça, c'est une réalité, 2000
sur 70 000 ou 75 000 annuellement. C'est quand même d'importance. Ce
n'est pas différent, sur le plan des statistiques, de ce qui se passe
aux États-Unis, semble-t-il, à peu près 4 %. Donc à
peu près dans les mêmes... C'est donc une donnée
extrêmement importante de choses vécues au Québec,
malgré le fait que ce ne soit pas permis. Il y a donc une volonté
qui s'exprime là d'un choix, d'une liberté de choix de la part
des femmes qui choisissent, malgré le fait que ce ne soit pas
légal, de se faire accoucher par des sages-femmes.
Mol, je dis à ce moment-ci qu'on devrait davantage tenir compte
de ce phénomène qui ne s'éliminera pas demain matin mais
qui va perdurer, et d'aller très bien l'encadrer pour éviter le
genre d'erreurs que vous avez évoquées ou de situations de
catastrophe que vous avez évitées et qui sont réelles, au
lieu de complètement dire: On n'en veut pas. Est-ce que vous ne pensez
pas qu'il n'y a pas une réalité qui est là, qui est
présente, qui va perdurer, et qu'on a la responsabilité, quand on
a la responsabilité de la santé des citoyens au Québec, de
mieux l'encadrer, et c'est à ça que vise le projet de loi,
malgré le fait qu'il le fait mal à ce moment-ci, dans le
libellé actuel. Mais grâce à une collaboration que vous
pourrez nous offrir, il le ferait peut-être beaucoup mieux si on avait
cette collaboration.
M. Picard (Jean-Pierre): M. le ministre, ce que vous dites, j'y
suis très sensible, ayant été le président du
comité qui a fait l'étude. Cependant, je pense qu'on revient un
petit peu à la question précédente. On peut toujours se
poser la question: Pourquoi les femmes, maintenant, de plus en plus,
considèrent-elles les sages-femmes? L'accouchement, si vous voulez, on
peut le diviser en deux grandes parties: l'aspect psychologique ou social, et
l'autre aspect qui est purement technique ou médical. Je ne pense pas
qu'une femme qui va accoucher va choisir, entre un médecin et une
sage-femme, la sage-femme au point de vue scientifique. Au pire,
concédez-moi que les deux pourraient être excellents. Disons qu'on
le fait, je pense, bien plus pour l'aspect psychologique. Ce qu'on vous dit
dans notre mémoire, c'est effectivement que le balancier est devenu
peut-être un petit peu trop technique.
C'est que, depuis une vingtaine d'années, en médecine, on
a eu une révolution sur le plan technique absolument extraordinaire.
Regardez vos budgets d'équipement et vous comprendrez. Alors, dans le
domaine de l'obstétrique, vous avez exactement le même
phénomène. On en est venu qu'à un moment donné,
examiner un ventre avec ses mains devient moins précis que de mettre un
appareil d'échographie dessus et on voit, à ce moment-là,
même le sexe de l'enfant.
Vous comprenez, je pense, que c'est un petit peu humain. On a eu
tendance à laisser aller l'aspect relation intime ou relation
amitié et, avec la surcharge de travail qui se faisait de plus en plus
importante, je pense qu'on en est venu un petit peu à laisser aller cet
aspect de communication interpersonnelle qui devrait être la base entre
toute communication patient et médecin, et peut-être encore plus
chez les gens, par exemple, lors de grossesse ou lors d'un décès
ou d'une personne en phase terminale. Il y a des pathologies comme ça ou
des situations médicales dans la vie où le contact humain devient
drôlement important.
Je pense, et je pense que c'est ce que vous pensez aussi, qu'au moment
de l'accouchement, c'est un des phénomènes importants. Pour cette
raison, les femmes qui s'orientent vers les sages-femmes, je pense que c'est la
cause principale. On vous dit, dans notre document, qu'il y a moyen de corriger
ça. Je pense qu'actuellement les médecins tendent à
humaniser leurs soins de plus en plus. On essaie au niveau de
l'entraînement, quand les résidents ou les internes viennent en
entraînement, de leur inculquer le respect du patient, de prendre le
temps de jaser, de prendre le temps de leur expliquer ce qu'ils vont faire et
tout ça.
Évidemment, ça ne changera pas en l'espace de quelques
heures ou de quelques jours ou de quelques années, II faut prendre le
temps. Mais, comme le disait le Dr Coffey, est-ce que ça vaut la peine,
à ce moment-là, de changer tout le système dans ses deux
parties, dans son aspect scientifique et dans son aspect psychologique? On vous
offre de corriger l'aspect psychologique tout en maintenant l'aspect
scientifique qui a fait ses preuves au cours des années. Qu'on regarde
les statistiques et je pense qu'on ne peut pas faire autrement que de voir que
la médicalisation, si on peut dire, a quand même porté
fruit.
Si vous me le permettez, dans cette optique, je pense que l'autre
question qu'on peut se poser à propos des sages-femmes, avant de parler
de quel genre d'entraînement on va leur faire, de quelle façon on
va les intégrer dans le milieu hospitalier ou ailleurs, de quelle
façon elles vont être régies ou quoi que ce soit,
peut-être, M. le ministre, faudrait-il se poser la question à
savoir: A-t-on besoin des sages-femmes? À cette question,
personnellement, je vous répondrai non.
Les effectifs médicaux sont actuellement suffisants et je ne
connais pas de patientes qui n'ont pas pu accoucher faute de docteur. Il y a
évidemment, des "sages-chauffeurs de taxi", des "sages-policiers", de
temps en temps, qui font un accouchement dans l'auto en s'en allant à
l'hôpital un peu en catastrophe. Ça arrive. Mais de façon
générale, effectivement, vous parliez tantôt de la
région de Povungnituk, en tout cas dans ce coin-là,
évidemment il restera toujours des régions très
éloignées où ils ne pourront pas avoir, par exemple, des
camions à incendie aussi perfectionnés que ceux que vous avez
à Québec, où ils n'auront pas des pompiers
surspécialisés comme ceux de Montréal, et où ils
n'auront pas de cardiologues pour traiter leur infarctus.
Je trouve extraordinaire que les médecins qui ont
été entendus ici cet après-midi aient
entraîné des sages-femmes là-bas parce que, si on regarde
le taux de rétention des médecins là-bas, c'est
extraordinairement bas. Les gens y vont un an, deux ans; il y en avait un, je
crois, qui avait fait quatre ans. Un jour, ils peuvent se ramasser pas de
médecin. Je pense que c'est une conscience sociale extraordinaire des
médecins qui sont là que d'enseigner la technique ou de
superviser ou, en tout cas, d'inciter les gens à avoir cette technique
pour que le service soit rendu si jamais des médecins décidaient
de ne plus y aller. De les contingenter, de les obliger à y aller, on
voit ce que ça a donné à date d'essayer de faire
ça. Je pense que c'est une excellente chose que les médecins
aient incité des personnes là-bas à pouvoir avoir ce genre
de pratique médicale pour rendre service aux gens dans la
région.
En plus, dans ce village en particulier, si vous me le permettez, M. le
ministre, il faut faire attention aussi, II y a un élément
important qui est la façon de vivre des Inuit. Leur tradition
d'accoucher avec toute la famille autour, c'est très important. C'est un
petit peu différent quand même de ce qu'on voit ici. Je
m'arrêterai là.
La Présidente (Mme Marois): Je pense que le
ministre...
M. Côté (Charlesbourg): J'avançais sur mon
fauteuil parce que je voyais vos réactions et je voyais aussi des gens
de Povungnituk, qui sont ici encore en arrière, réagir et
ça me tentait d'intervenir. Je pense que j'ai compris l'essence de votre
message. Et puis il n'y en n'avait pas rien qu'un; il y en avait plusieurs
aussi lorsqu'on parlait de la régionalisation des médecins.
La Présidente (Mme Marois): Mme la députée
de Marie-Victorin, s'il vous plaît. ! Mme Vermette: je lis en page
6 de votre
mémoire que 85 % des grossesses sont à risque minimum. En
fait, on peut considérer que ce sont des grossesses normales. Je regarde
au niveau des sondages, en tout cas, au moins 80 % des gens sont d'accord pour
les sages-femmes, en fait. Est-ce qu'il n'y a pas une forme de relation entre
ces deux pourcentages, d'une part, et d'autre part, aussi, ce que je regarde,
n'est-ce pas un constat d'échec, finalement, que 80 % de la population
est en faveur des sages-femmes à l'égard de la pratique
médicale actuellement? On pourrait peut-être envisager ça
de cette façon.
Quand je regarde... On explique toujours que les médecines
holistiques, c'est plus un genre d'envoûtement, que finalement... C'est
peut-être un constat d'échec vis-à-vis, justement, de la
pratique médicale encore une fois plutôt qu'un envoûtement
et que les gens, maintenant, préfèrent aller vers ces
médecines qui répondent davantage à leurs attentes et qui,
en fin de compte, sont plus proches d'eux, à l'écoute de leur
corps et à l'écoute de leurs besoins.
Je lisais un peu plus loin aussi, à une autre page, à la
page 8 - je trouve ça assez spécial -quand on parlait aussi de
tout ce qui concerne les épisiotomies, etc, tout ce qu'on pouvait faire,
en fait, au niveau de l'accouchement, tous les actes qu'on pouvait poser, on
disait que ce n'était jamais fait d'une façon
irréfléchie. En fin de compte, il y avait toujours l'oeil
attentif des instances responsables. Je trouve ça un petit peu
particulier, en fait, en disant que quand c'est du côté
médical, l'oeil attentif est toujours présent, mais par contre,
pour les autres professions, il n'est plus là et on remet en doute, en
fait, tous les actes qu'on peut poser. Je trouve ça un petit peu
particulier. Moi, j'aimerais bien que vous me disiez... Pourrait-il y avoir une
relation entre ces deux pourcentages-là, d'une part? Est-ce qu'on
pourrait, finalement, dire que ça pourrait être un genre de
constat d'échec dans la population vis-à-vis de votre pratique
médicale?
M. L'Heureux: Non, je pense qu'il faut quand même faire
attention. Les 85 % regroupent effectivement les grossesses dites normales ou
à risque minimal, appelez-les comme vous voulez. Les 80 %, c'est une
opinion sur ce que ça devrait être dans la vie. Or, dans la vie,
vous demandez des opinions sur n'importe quoi et vous allez avoir aussi un peu
n'importe quoi comme réponse. 80 % en faveur des sages-femmes, ça
ne veut pas dire que 80 % des répondants choisiraient
nécessairement de se faire accoucher par une sage-femme. Ça veut
dire que oui, on est d'accord avec le concept, comme on est d'accord avec le
naturopathe, comme on est d'accord avec le chiro, comme on est d'accord avec le
podiatre, avec tout ce qui est le champ des médecines douces.
Or, dans le champ des médecines douces, en règle
générale, qu'est-ce qui se passe? Sans vouloir faire injure
à personne, lorsqu'un problème est sérieux, on va voir le
médecin traditionnel et lorsque le problème est d'ordre
relationnel ou de fonctionnement, on va vers des thérapies alternatives.
Il n'y a pas plus longtemps qu'il y a environ trois semaines, à la
clinique, chez moi, il y a une acupunctrice qui est là et elle nous
disait: Écoutez, dans des cas d'arthrite je ne peux pas faire
grand-chose parce que, effectivement, il y a un problème, mais dans des
cas d'ulcère d'estomac, ça fonctionne bien, l'acupuncture.
Il faut faire attention à ça aussi. Il y a un engouement
pour ces choses-là. Les gens redécouvrent une nouvelle forme de
médecine qui était là auparavant et qui était
exercée par le médecin. Quand le médecin tapait sur
l'épaule du patient et disait: "Écoute, ne t'en fais pas, dans
trois jours tu vas être mieux", le patient repartait heureux, il
était satisfait de ça. Il n'y avait pas toujours eu de traitement
et puis il n'y avait pas toujours eu de la pénicilline au bout. À
l'époque, il n'y en avait pas de pénicilline.
Cette approche médicale a évolué, elle est devenue
beaucoup plus technique, on l'a dit tantôt. On le déplore
partiellement parce qu'on dit: II n'y a pas que de la technique en
médecine, il y a encore de la relation. Je peux vous dire que dans le
"day-to-day" au bureau, c'est encore ça. C'est la relation qui joue bien
plus que l'arsenal thérapeutique, sauf que l'arsenal
thérapeutique n'est pas négligé. Il est là et doit
être utilisé à bon escient. Il doit être
utilisé dans les cas où il y a un besoin.
Maintenant, vous parliez aussi des techniques. Les techniques
médicales en obstétrique, elles sont connues quand même
depuis un bout de temps. Il y a une remise en question et la remise en question
s'effectue, je dirais, depuis probablement les dix ou quinze dernières
années. Il n'y a pas si longtemps que ça, les femmes
étaient attachées sur les tables d'accouchement au Québec.
Ça ne se fait plus dans les hôpitaux. Les épisiotomies se
faisaient de routine. Moi, quand j'ai commencé à pratiquer,
ça se faisait d'emblée, ça ne se fait plus
d'emblée. Or, si c'est la demande... c'est-à-dire que ce n'est
pas la façon dont je vais m'exprimer. Si on nous apporte cette
solution-là, la solution sage-femme, en réponse à
ça, je dis non, là on est à côté. (22 h
45)
Mme Vermette: Je vous ferai seulement remarquer, docteur, que
lorsque vous me disiez que les pratiques sont remises en question sur une
quinzaine d'années, en fait, les quinze dernières années,
je vous dirai que ces pratiques se sont faites sous l'oeil bienveillant des
médecins. Alors, c'est peut-être pour ça, d'ailleurs, que
les femmes maintenant ont moins confiance, justement votre réponse, et
retournent vers les femmes. Donc, il y a une solidarité naturelle entre
les femmes. C'est tout simplement ce que
je relève aussi. C'est leur corps et c'est en réponse,
justement, presque à une agression qu'on a faite à leur corps
qu'elles se retournent vers d'autres moyens qui sont peut-être plus doux
par rapport à ce qu'elles aimeraient recevoir comme traitement.
M. L'Heureux: Mais c'est parce qu'il faut savoir aussi comment
ça fonctionne, en médecine. En médecine, la façon
de fonctionner, en règle générale, c'est par étude.
Donc, il y a quelqu'un qui propose un nouveau traitement. On regarde, dans une
population donnée sans traitement, la mortalité, la
morbidité serait de combien et avec ce nouveau traitement, ce serait de
combien. Or, à l'époque où ces techniques ont
été instaurées, qu'on pense forceps, épisiotomie et
compagnie, ça correspondait à un besoin et le besoin est encore
là, il ne faut pas se leurrer. Il y a encore des patientes qui ont des
épisiotomies et qui sont très contentes d'en avoir. Là
où je ne suis pas d'accord, c'est que ces gestes-là deviennent
automatiques. C'est là-dessus, je pense, que les femmes ont
questionné. Elles ont dit: Moi, je ne veux pas que ça se fasse
automatiquement. S'il y a un besoin, je suis d'accord, mais s'il n'y a pas de
besoin, je ne veux pas de telle ou telle technique. C'est de plus en plus ce
qui se passe dans la pratique obstétricale. Les médecins et le
personnel infirmier - il y a une équipe quand même, ce ne sont pas
seulement les médecins -expliquent de plus en plus aux femmes:
Écoutez, il y a telle ou telle chose qui va être faite pour telle
ou telle raison. Pour ça, je n'abonde pas dans le même sens que
vous, d'autant plus que la pratique des sages-femmes, en Europe, c'est ce qu'on
nous cite toujours, c'est la pratique d'un omnipraticien, au Québec.
Tout ce que ça a fait, les sages-femmes en France, ça a fait
disparaître les omnipraticiens. Vous avez maintenant les
gynécologues et les sages-femmes. Vous avez un corps professionnel qui
en a remplacé un autre qui a pris les mêmes travers et qui...
Mme Vermette: C'est pour ça et j'ai remarqué dans
votre mémoire que, d'ailleurs, vous accordez beaucoup d'importance
à ce que, maintenant, il y ait de plus en plus de femmes, en tout cas,
qui s'adonnent davantage à l'obstétrique. En fait, vous me parlez
des médecins accoucheurs et qu'on incite davantage des femmes... Par
contre, vous remettez en question leurs conditions de travail et leur
rémunération. Comment se fait-il, je veux dire, que vous
remettiez ça en cause en disant: Si on met peut-être de meilleures
conditions de travail revalorisantes et une meilleure
rémunération adéquate pour les inciter? Est-ce que ce
n'est pas actuellement... N'y a-t-il pas d'incitatif à être un
accoucheur, actuellement? Il faudrait mettre d'autres incitatifs pour faire en
sorte que des femmes soient plus intéressées?
M. L'Heureux: II n'y a pas d'incitatif à être
médecin accoucheur, qu'on soit un homme ou une femme. Malheureusement ou
heureusement, nos consoeurs médecins partagent avec les autres femmes de
la terre un peu le même fardeau. Elles ont souvent la double tâche
d'être mère, d'être épouse et d'être aussi
médecin, de sorte que les conditions de travail pour un homme
médecin sont très différentes des conditions de travail
pour une femme médecin, même si la rémunération est
identique. Pour un accouchement, une femme ne reçoit pas plus ou pas
moins que moi sauf que, pour elle, l'implication que ça peut
représenter dans sa vie professionnelle, c'est peut-être
très différent.
Mme Vermette: Ce que je comprends, en fait, c'est que les
sages-femmes, en 1940, avaient déjà ces lettres de créance
qui étaient reconnues. Elles ont été un petit peu
dépossédées justement, ce qui me porte à croire...
C'est qu'en situation de pénurie, si on regarde 1940, c'était la
guerre... Donc, quand les hommes ne sont pas là, les femmes prennent le
métier et quand les hommes reviennent, les femmes retournent à la
maison. Finalement, on prend la place. C'est très difficile, pour elles,
de reprendre leur place après parce qu'on leur dit: Écoutez,
attendez votre tour; maintenant, vous êtes dépassées. Cela
n'a-t-il pas l'air de ça un peu finalement, votre mémoire, un
petit peu quand on lit ça? Vous insistez beaucoup sur 1940, bon, qu'il y
avait déjà eu une place mais que, maintenant, c'est vraiment
dépassé parce que autre chose est arrivé en cours de
route.
M. L'Heureux: Non. Il faut comprendre que les sages-femmes
étaient formées et avaient un certificat qui était
délivré par la corporation professionnelle. Cela a
été abandonné. On ne dit pas, actuellement: Refaisons des
sages-femmes avec les femmes-médecins. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a
déjà un corps professionnel qui s'appelle des médecins
dans lequel il y a une féminisation qui augmente. Si l'argument pour
amener les sages-femmes, c'est le fait qu'une femme préfère
s'adresser à une autre femme, on a là une partie de la
réponse, c'est-à-dire qu'il y a déjà des femmes
présentes dans le corps médical. Si c'est pour l'aspect
psychologique ou l'aspect sociopsychologique de la relation de grossesse, on
vous dit que c'est en train de changer. Cela dépend pourquoi.
On a l'impression que ce projet de loi est arrivé un peu de nulle
part, en ce sens qu'on n'a pas l'impression que c'est une majorité de
femmes qui demandent actuellement à être accouchées par des
sages-femmes. Même si c'était le cas, demain matin, et que le
projet de loi fonctionnait, il n'est pas évident que les cabinets de
médecins vont se dépeupler. On a l'impression par contre qu'il y
a une minorité de
femmes qui le demandent et qui vont faire changer tout un système
pour peut-être 90 %, 95 % des femmes qui ne le demandent pas
actuellement, qui sont satisfaites de ce qu'elles ont. Ce n'est pas une
question de jouer au yoyo et dire: Les hommes sont là, tassez-vous.
Quand nous autres, on se retire, bien prenez la place. Cela fait du sexisme
à outrance.
La Présidente (Mme Marois): Vous voulez ajouter quelque
chose. Allez.
M. Picard: Oui, c'est dans la même veine. J'ai promis
à mon épouse, M. le ministre, de vous la poser: Les hommes dans
ça, est-ce qu'il va y avoir des "sages-hommes"?
La Présidente (Mme Marois): Pourquoi pas?
M. Picard: Dans le projet de loi, on parle toujours de
sages-femmes. Est-ce qu'on va exclure les hommes de la profession?
M. Côté (Charlesbourg): Je me souviens lorsque Mme
Lavoie-Roux a défendu le projet de loi au Conseil des ministres, elle a
terminé en disant: J'ose espérer qu'il y aura des
"sages-hommes."
M. Picard: Merveilleux!
M. Côté (Charlesbourg): Je ne voudrais pas briser la
volonté de celle qui a eu le courage de déposer pour la
première fois un projet de loi de cette importance à
l'assemblée.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous voulez ajouter
quelque chose, Dr Picard?
M. Picard: Oui, juste une chose. C'est qu'il y a un
élément dans le document qui, peut-être, est un petit peu
moins évident et sur lequel je voudrais insister de façon
particulière, M. le ministre. Je pense qu'il y a deux choses qui sont
discutées ici, dans les médias, un peu partout et qui sont un
petit peu enchevêtrées. D'une part, le lieu où se fait la
naissance et, d'autre part, la personne qui la fart. Je pense qu'il faudra
dissocier clairement et, je regrette, dans le document on ne l'a
peut-être pas précisé à ce point. Mais il faudra
dissocier complètement ces deux choses.
Vous pouvez avoir des sages-femmes ou des médecins qui sont
très compétents et qui peuvent faire d'excellents accouchements;
que ce soit une sage-femme ou un médecin qui fasse l'accouchement
à domicile, ça nous semblera toujours, toujours, toujours
inacceptable. Je pense que, là-dessus, le corps médical va faire
l'unanimité et je pense qu'il faudra faire la différence entre
les deux choses.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, Mme la
députée de Bourget.
Mme Boucher-Bacon: Merci. Pour éclairer la
commission...
La Présidente (Mme Marois): Je me permets de vous dire
qu'il ne faut pas que ce soit trop long parce qu'on est déjà
à la limite, à l'extrême limite de la ...
Mme Boucher-Bacon: Je vais faire de mon mieux. Pour les fins de
la commission, j'aimerais savoir où avez-vous pris, en page 12, vos
définitions? Est-ce que ça va, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Marois): Très certainement,
chère amie.
M. Picard: Ces définitions ont été prises,
en partie, à partir de l'étude dont le Dr Coffey vous a
parié, une étude pancanadienne faite par l'Association
médicale canadienne et, aussi, à partir d'un document de
l'Ontario Médical Association quand ils ont préparé leur
document pour les sages-femmes. Ils avaient noté, à ce
moment-là, que le terme pouvait signifier beaucoup de choses. À
ce moment-là, ils ont émis plusieurs définitions, dont
certaines n'ont pas été retenues parce que, ici, ça ne
s'emploie pas. En anglais, par exemple, il peut y avoir plusieurs termes qui,
en français, s'identifient à une même chose. C'est
drôlement important, vous savez, parce que vite, vite ma nièce
jure à tout le monde qu'elle a accouché avec une sage-femme, sauf
que la sage-femme lui tenait la main et le médecin l'a accouchée
à domicile.
La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, M. le
député de Fabre.
M. Joly: Très brièvement, je ne voudrais pas
résumer, en fait, tout ce qui s'est dit, disons, au niveau de
différents groupes, mais ce qui ressort de ceux qui ne sont pas
reliés au monde médical, c'est que ce qu'on a à reprocher,
que ce soit aux omnipraticiens, aux pédiatres, un petit peu tout le
monde, c'est l'avant, peut-être pas le pendant, mais l'après
aussi. Ça, ça ressort souvent.
M. Picard: On l'a dit dans le document. Il y a effectivement des
lacunes au niveau de la relation médecin-patient, mais on vit encore
avec la nostalgie du bon Dr Welby et du bon médecin de famille. Or, je
viens d'un milieu urbanisé, Laval. À Laval, vous demandez
à un patient: C'est qui, votre médecin de famille? Je ne le sais
pas, je n'en ai pas. Vous leur demandez: Prenez Un rendez-vous avec un
médecin de famille. Ils n'en connaissent pas. Ce sont des notions
qui
disparaissent. C'est évident...
Écoutez, on n'est pas différents, on n'est pas des
machines. Lorsque quelqu'un se présente chez vous et que vous ne le
connaissez pas, vous ne pourrez pas le traiter avec autant d'empathie que
quelqu'un que vous connaissez. Vous recevez des amis à souper, je suis
sûr que ce doit être drôlement plus intéressant que
quand vous recevez quelqu'un que vous n'avez pas jamais vu de votre vie. Vous
ne savez pas de quoi lui parler. C'est la même chose, en relation
médicale. Donc, les gens qui viennent nous voir, il y a effectivement un
refroidissement à ce niveau-là parce qu'il n'y a plus cette
relation ou cet attachement à une personne.
Deuxièmement, il y a un aspect technique qui n'était pas
là, autrefois. Le médecin accompagnait le patient dans la mort
puis, quand il pouvait le guérir, c'était le "fun", mais
ça n'arrivait pas toujours. Maintenant, le médecin est capable de
faire beaucoup plus. Ce ne sont pas encore des miracles, mais il y a un paquet
de techniques qui se font aujourd'hui, qui permettent a des gens qui seraient
décédés très tôt et qui n'auraient pas pu
survivre avec une vie de qualité de le faire. Ça aussi, c'est
rébarbatif pour un patient.
Finalement, il y a l'aspect monétaire. On ne peut pas en faire
abstraction. On a à gagner notre vie et c'est évident que de la
façon dont la rémunération des médecins est
structurée actuellement, il va toujours y avoir, je dirais, une
rapidité d'essayer d'en venir le plus rapidement possible au diagnostic
et, peut-être, laisser tomber ce qu'on appelle en anglais les "fringe
benefits" autour qu'il aurait pu y avoir, mais qui disparaissent dans ce genre
de relation parce qu'il y a un tiers maintenant qui est payant. Ce n'est plus
le patient qui dit: Moi, je veux me payer une visite à 50 $ chez le
docteur et je sors 50 $ de ma poche. C'est le patient qui dit: Moi, je vais me
payer la visite que le gouvernement me paie et le gouvernement paie 12,70 $
pour une visite. C'est ça.
La Présidente (Mme Marois): Dr Picard.
M. Picard: Rapidement, juste un élément qui ressort
de ce que j'entends depuis cet après-midi. J'ai eu l'occasion
d'être ici une partie de l'après-midi. C'est qu'on nous demande
une chose très difficile actuellement, vous savez, M. le ministre. On
nous demande d'être à la fois expert et partie. Je réalise
ça tout d'un coup qu'à un moment donné on se fait accuser
d'être en conflit d'intérêts. C'est vrai, vous avez
entièrement raison. Par contre, à qui voulez-vous demander
quelles sont les normes de sécurité pour un accouchement, quelles
sont les normes pour procéder à une épisiotomie ou
à une césarienne, sinon à ceux qui les ont établies
et ceux qui, en tout cas, jusqu'à date dans notre société,
constituent le corps professionnel le plus habilité à donner son
opinion là-dessus? Vous nous voyez très malheureux d'arriver et
de vouloir s'imposer, d'un côté, en expert pour essayer de vous
montrer pourquoi on défend telle ou telle position et, de l'autre
côté, on se sent un petit peu piégé, en se disant:
On est pris à partie. C'est une partie de notre pratique
médicale. Soyez assuré que quand on intervient dans l'aspect
comme expert... En tout cas, je peux vous dire, en ce qui concerne les membres
qui sont ici et ceux qui ont participé à ce document, qu'on l'a
fait dans la plus grande liberté et sans penser à ce que
ça pouvait nous donner ou nous enlever. Évidemment,
l'obstétrique, je pense qu'on y tient, c'est une partie importante de la
médecine, mais je pense bien qu'il n'y a pas de médecin qui
crèverait de faim, demain matin, si on enlevait l'obstétrique.
Par contre, je pense qu'il faut la garder parce que les médecins la font
bien et devraient continuer à la faire.
La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux rassurer le Dr
Picard: il n'a jamais été l'intention du législateur, je
pense, de l'enlever aux médecins, tout simplement de donner le libre
choix à la femme qui, elle, voudrait avoir les services d'une
sage-femme.
Je veux vous remercier. C'a été extraordinaire,
malgré l'heure, et beaucoup plus captivant qu'un match de hockey
Canadiens-Nordiques.
La Présidente (Mme Marois): Surtout de ce temps-ci!
M. Côté (Charlesbourg): il y a eu de bons
échanges. Je pense que c'est de nature à améliorer ce
qu'il y a à améliorer. On tiendra compte de ce qu'on a
échangé ensemble, ce soir. Merci bien!
La Présidente (Mme Marois): Merci de votre
présentation.
M. L'Heureux: Juste en terminant, si vous me le permettez. Il y a
deux choses qu'on voudrait que vous reteniez comme message, finalement. C'est
qu'il y a tout l'aspect périmor-bidité qu'il faut modifier et
ça, on n'est pas convaincu que le projet de loi y répond.
Deuxièmement, il devrait y avoir concertation des groupes, autant
médecins, infirmières, sages-femmes et gouvernement, pour que
ça fonctionne. On n'a pas l'impression, actuellement, que c'est le cas
avec le projet de loi. On a l'impression que ça se fait de deux
façons: d'un côté, les sages-femmes qui disent: "Nous, on
ne veut
aucune tutelle, on veut être indépendantes" et, de l'autre
côté, les médecins qui disent: "Quand vous serez
compétentes, on verra mais, pour le moment, vous avez à prouver
votre compétence." Si ça peut vous aider, nous offrons notre
concours à participer à ça.
M. Côté (Charlesbourg): Extraordinaire!
La Présidente (Mme Marois): C'est ce qu'on croyait
comprendre. Merci. (23 heures)
J'invite maintenant Mme Maria De Koninck, qui est titulaire de la Chaire
d'étude sur la condition des femmes et professeure au département
de médecine sociale et préventive de l'Université Laval,
à se présenter. Elle est accompagnée de Mme Anne Robinson.
C'est ça? C'est parce que, comme ce n'est pas un groupe, j'essaie
de...
Alors, bonsoir et bienvenue.
Mme De Koninck (Maria): Bonsoir.
La Présidente (Mme Marois): Malgré l'heure tardive,
nous allons essayer d'être aussi attentifs que nous l'avons
été jusqu'à maintenant aux propos des gens qui vous ont
précédées. Si vous voulez vous présenter et, par la
suite, nous faire part de votre point de vue.
Mme Maria De Koninck
Mme De Koninck: Merci. Je suis Maria De Koninck, titulaire de la
Chaire d'étude sur la condition des femmes et professeure au
département de médecine sociale et préventive de
l'Université Laval. La personne qui m'accompagne est Mme Anne Robinson
qui est coordonnatrice du groupe de recherche multidisciplinaire
féministe de l'Université Laval et professeure à la
Faculté de droit.
Bonsoir, mesdames et messieurs. Avant d'entrer dans le vif du sujet,
compte tenu du lieu où nous nous trouvons, nous tenons toutes les deux
à souligner notre solidarité avec les familles des victimes du
drame d'hier soir, à Montréal. Nous nous sentons
particulièrement concernées, non seulement parce que nous sommes
des féministes, mais aussi parce que ces jeunes femmes qui ont
été abattues hier symbolisent des changements en cours dans la
société québécoise, changements qui, nous
l'espérons, vont conduire à une société plus
égalitaire entre les hommes et les femmes. Nous espérons que,
collectivement au Québec, nous allons savoir réagir à ce
qui s'est passé hier, rejeter ce qui s'est passé hier et chercher
à s'assurer que ça ne puisse pas se reproduire.
La Présidente (Mme Marois): Puis-je vous dire que les
membres de la commission partagent à cet égard votre point de
vue? Nous avons eu d'ailleurs la possibilité de l'exprimer à
différents moments au cours de la journée.
Mme De Koninck: Alors, relativement au projet de loi sur la
pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes, en tant que
docteure en sociologie, il m'importe surtout de retracer ici les fondements
sociaux de la situation actuelle. Les fondements sociaux, c'est que les
données sociales sont maintenant considérées comme
étant déterminantes pour les phénomènes relatifs au
domaine de la santé. C'est pourquoi je veux vous rappeler ici certains
éléments qui démontrent où on en est arrivés
aujourd'hui, après un cheminement important sur le plan social.
La légalisation de la pratique des sages-femmes fait l'objet de
débats depuis déjà plus de dix ans. J'ai été
moi-même personnellement associée à plusieurs étapes
de l'évolution de cette situation. En 1977, j'étais au Conseil du
statut de la femme et, déjà là, il y avait des
revendications qui étaient acheminées auprès du Conseil du
statut de la femme, revendications qui venaient de femmes qui souhaitaient voir
des changements, mais il y avait aussi déjà à ce
moment-là des sages-femmes qui assistaient des femmes au moment de leurs
accouchements. On peut donc dire que dès ce moment il y avait un
mouvement social, mouvement de revendication qui avait des racines. Ce
mouvement coïncidait avec ce qu'on a appelé depuis lors la
médicalisation de l'accouchement, c'est-à-dire que le nombre
d'interventions progressait de façon assez alarmante au sein des milieux
obstétricaux.
C'est donc dire qu'il ne s'agit pas d'un phénomène
récent et quand on a porté à l'attention du Conseil du
statut de la femme les demandes des femmes, le Conseil a jugé opportun
de faire des recommandations au gouvernement dans le cadre de sa politique
d'ensemble "Pour les Québécoises: Égalité et
indépendance", pour faire reconnaître la légitimité
de la pratique des sages-femmes. Ces recommandations ont été
évidemment réaménagées depuis parce que les
recherches et la réflexion, les études se sont poursuivies
là-dessus.
Personnellement, j'ai aussi été associée, au
début des années quatre-vingt, aux colloques régionaux
"Accoucher ou se faire accoucher" qui se sont tenus à travers la
province et qui ont suscité la participation de 10 000 personnes. J'ai
moi-même eu à rédiger, en tant que conseillère
à l'exécutif de la SPQ qui avait organisé ces colloques,
le rapport synthèse des colloques régionaux. Et je vous
soulignerais que dans chaque rapport, le rapport de chacune des régions,
il était question des sages-femmes, alors que cette question-là
n'avait pas été à l'ordre du jour des colloques; c'est
venu spontanément des personnes qui y ont participé.
La demande venait de femmes qui souhaitaient, à ce
moment-là, une amélioration des services en
périnatalité et qui voyaient dans la pratique des sages-femmes
une solution à cet égard. Je tiens à souligner ça
parce qu'il m'ap-paraît important pour le législateur d'être
conscient qu'il ne s'agit pas seulement de manifester une tolérance
à l'égard d'une pratique marginale, mais bien d'intégrer
une réponse à des demandes qui se font entendre depuis un certain
nombre d'années.
L'évolution du dossier s'est poursuivie et il y a eu le
comité interministériel sur la formation des sages-femmes. Nous
deux, ici présentes, en tant qu'universitaires, sommes
particulièrement préoccupées par cette question. Le
comité Interministériel a abattu un travail monstre et en est
arrivé à dégager les paramètres de ce qui devait
être la formation d'une sage-femme. On en a conclu que cette formation
devait intégrer à la fois une bonne expérience, mais une
solide formation académique.
Depuis 1982, le ministère des affaires sociales s'est
penché sur cette question. J'ai été moi-même
associée à la démarche, au ministère, pendant un
certain nombre d'années. Cette démarche a permis de consolider
les revendications relatives à la reconnaissance de la pratique des
sages-femmes, notamment parce qu'on a pu étayer comment cette pratique
n'était pas une pratique marginale sur le plan international, mais bien
plutôt, ce qu'il y avait de marginal, c'est de ne pas reconnaître
la pratique des sages-femmes.
Le travail qui a été fait au ministère de la
Santé et des Services sociaux a permis également de
dégager la question des sages-femmes d'une espèce de tout. On
considérait: Bon, il y a des problèmes, il y a une solution, ce
sont les sages-femmes. Je crois que le travail qui a été fait au
ministère a vraiment permis de faire la distinction. La pratique des
sages-femmes est une des réponses que l'on peut apporter aux
problèmes que l'on rencontre actuellement dans le domaine de
périnatalité. Ce n'est pas une solution unique, il y en a
d'autres. Et je pense qu'il est important de rappeler ici que la
préoccupation relativement aux soins en périnatalité ne
doit pas s'arrêter strictement à la question des sages-femmes.
J'ai également mené, de 1984 à 1988, une recherche
importante qui m'a amenée à rencontrer un certain nombre de
femmes qui venaient d'accoucher et également un certain nombre de
médecins et d'infirmières. Il y a deux éléments
majeurs que je veux souligner ici relativement à cette recherche. Le
premier, c'est ce qui s'est dégagé de ma recherche, c'est qu'il y
a un besoin d'une approche différente des soins en
périnatalité. Ce besoin est impérieux si l'on veut freiner
non seulement la médicalisation de l'accouchement, mais même sa
chirurgicalisa- tion et, éventuellement, la technicisation de l'ensemble
des événements qui sont liés à la grossesse et
à l'accouchement.
Le constat majeur de ma recherche, c'est qu'il y a un renforcement de
cette tendance au recours à la technique qui vient des femmes parce que
l'expérience qu'elles vivent dans de nombreux milieux
obstétricaux est une expérience où on leur laisse peu de
place à la personnalisation de ce qu'elles vivent et à
l'expression des différentes dimensions de ce qu'elles peuvent
ressentir. Et c'est ce qui va les amener à non seulement accepter, mais
même à réclamer des interventions techniques.
Ce sont les femmes que j'ai interviewées qui m'ont
elles-mêmes expliqué l'engrenage technique dans lequel elles
s'étalent inscrites au moment de leurs grossesses et de leurs
accouchements parce qu'elles n'avaient pu trouver de place pour
compléter une démarche affective qui aurait favorisé leur
autonomie. Cet élément est extrêmement important parce que
la méthode que j'ai utilisée dans ma recherche - je ne veux pas
entrer dans un débat méthodologique ici - mais j'ai permis
à ces femmes de s'exprimer sur leur expérience pendant une couple
d'heures. Et j'ai pu constater qu'a priori, évidemment, elles disent:
Oui, c'a bien été parce que le bébé est en
santé, mais, après, il y a tout le reste. Donc, cette dimension
beaucoup plus profonde de l'expérience qui est vécue et qui
intervient dans les tendances qui se dessinent dans le domaine de la
périnatalité, je pense que c'est important de les écouter,
d'écouter les femmes à ce niveau-là et de ne pas se
contenter de faire une enquête téléphonique trois jours
après un accouchement pour leur demander si elles étaient
satisfaites.
Ce que j'ai pu constater donc, c'est que nous nous retrouvons sur une
pente dont l'aboutissement - et je ne veux pas appeler l'apocalypse, mais je
pense que, socialement, nous devons être conscientes et conscientes de
ça... Nous sommes sur une pente qui s'en va vers une définition
essentiellement technique des événements. Donc, si on opte pour
des nouvelles pratiques, pour une remise en question, ce n'est pas seulement
qu'on opte pour un développement professionnel pour une nouvelle
intervenante, on opte pour une autre définition des
événements dans laquelle le caractère psychosocial aurait
sa place.
J'aimerais également souligner un deuxième
élément qui s'est dégagé de ma recherche - j'ai
vraiment envie de le soulever à cette heure-ci - c'est que les milieux
médicaux et les milieux hospitaliers, certains milieux sont très
ouverts à la pratique des sages-femmes et qu'il ne s'agit pas... Je
crois que l'image d'un bloc monolithique de résistance peut nous induire
en erreur. Dans les milieux, de nombreuses intervenantes et intervenants sont
ouverts parce qu'ils souhaitent
eux-mêmes et elles-mêmes protéger le caractère
essentiellement humain de la mise au monde. Les personnes qui sont ainsi
préoccupées ont également un souci de maintenir les acquis
scientifiques, mais souhaitent que l'on en arrive à protéger la
globalité de l'expérience. C'est ce qui m'amène à
souligner la nécessité d'une collaboration entre les
différentes actrices et acteurs et il faut absolument prévoir les
mécanismes pour éviter un clivage: d'un côté, des
accouchements normaux humains et, de l'autre côté, des
accouchements un petit peu plus difficiles où il faut faire appel
à des ressources spécialisées. Nous considérons
qu'un esprit de collaboration devrait présider à la mise en place
des projets-pilotes. S'il y a un esprit de collaboration, les
expériences vont être valables et leur évaluation, à
ce moment-là, pourra être crédible.
Il y a cinq éléments que nous souhaitons porter à
votre attention comme étant déterminants. Le premier est que le
principe de la légalisation de la pratique des sages-femmes doit
être reconnu par le législateur et l'expérimentation doit
porter sur les possibilités d'aménagement de cette pratique dans
le système de santé québécois. Le deuxième
élément, la formation des sages-femmes devant participer aux
projets-pilotes, doit favoriser l'acquisition des connaissances à la
fine pointe du domaine et la protection de la globalité de leur approche
à l'égard des femmes enceintes et des futurs parents. Le projet
de loi, troisièmement, doit avoir une approche large des
possibilités d'intégration des sages-femmes dans le
système actuel et ne pas exclure d'initiatives quant aux lieux de
pratique. Quatrièmement, l'expérimentation de la pratique des
sages-femmes dans le cadre du présent projet de loi doit sanctionner sa
particularité et non en sanctionner la marginalité.
Cinquièmement, le caractère professionnel de la pratique des
sages-femmes doit être inhérent à son
expérimentation, c'est-à-dire qu'il faut absolument garantir
l'autonomie de ces dernières.
C'est donc que nous souhaitons voir certains amendements au projet de
loi, le premier étant que le législateur doit rendre manifeste
dans le projet de loi que cette pratique est légitime et que le projet a
pour but de la permettre. Nous aimerions aussi nous assurer que, dans le projet
de loi, l'on prévoie une diversification des personnes responsables de
la définition des critères de compétence et, notamment,
l'ajout d'un ou d'une représentante du milieu universitaire. Il nous
semble important que, dans le projet de loi, on ne limite pas les
possibilités des lieux où vont se tenir les projets-pilotes,
notamment, la possibilité qu'il y ait des projets qui soient
développés avec des centres locaux de services communautaires.
(23 h 15)
Nous souhaitons également que, dans le projet de loi, il soit
prévu des mécanismes pour que les objectifs des projets-pilotes
et que les critères d'évaluation protègent
l'intégration de la pratique en tant que pratique différente et
non pas définir des critères qui vont faire en sorte que,
finalement, il va s'agir, effectivement, simplement d'une autre intervenante
dans le domaine.
Finalement, il nous apparaît très important que
l'évaluation des projets-pilotes et que la surveillance de la
qualité d'exercice de la pratique ne soient pas confondues: donc, une
bonne autonomie en ce qui concerne la pratique professionnelle,
parallèlement à une solide évaluation des projets.
Il nous apparaît que le projet de loi actuel est un
progrès. Cela montre quand même qu'il y a une volonté
d'avancer, mais nous trouvons important que les précisions que nous
avons soulevées soient apportées au projet pour que vraiment nous
n'ayons pas à tout reprendre dans quelques années et que les
expériences soient menées de façon telle que la
marginalité de la pratique des sages-femmes soit maintenue. Ce que nous
souhaitons, c'est vraiment une intégration de la pratique des
sages-femmes dans les soins de santé au Québec.
La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme De Koninck.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve dommage qu'on vous
entende à 11 heures le soir, après une journée comme
celle-là, à la fois pour vous comme pour nous, compte tenu de
votre expérience et de la recherche que vous avez faite auprès
des femmes. Vous nous l'avez dit... C'est parce qu'hier, j'ai été
étonné d'apprendre de la bouche des médecins que, s'il y
avait autant de césariennes au Québec, c'était parce que
des femmes le voulaient et le demandaient. C'est un peu étonnant parce
que je ne m'attendais pas à ça du tout. Évidemment, votre
recherche vient un peu le confirmer, mais avec les bémols que vous y
avez mis, et c'est peut-être là l'élément
extrêmement important de votre recherche, pour être capable de bien
comprendre et d'étayer la réponse d'hier. Je pense que ça
la replace dans sa véritable perspective en termes de réponse et
ça c'est intéressant.
À la page 9 de votre mémoire, quatrièmement, vous
dites: "L'expérimentation de la pratique des sages-femmes dans le cadre
du présent projet de loi doit sanctionner sa particularité et non
en sanctionner la marginalité." "Et non en sanctionner la
marginalité", je n'ai pas de problème; ce n'est pas parce que
j'ai des problèmes aussi avec l'autre, mais je voudrais comprendre ce
que ça veut dire. Qu'est-ce que ça veut dire: "le présent
projet de loi doit sanctionner sa particularité"?
Mme De Koninck: Ce qui est très important c'est que
l'expérimentation porte sur une approche différente. Les
critères qui devront être définis pour les
expériences devraient être des critères qui vont permettre
de mesurer l'apport nouveau des sages-femmes et pas seulement de s'assurer
qu'elles pratiquent comme tout le monde. L'approche sage-femme est une approche
différente et l'évaluation des projets-pilotes devrait se faire
aussi là-dessus. Donc, il faut prévoir une intégration
dans laquelle elles ont une certaine marge de manoeuvre et peuvent vraiment
avoir cette approche différente.
M. Côté (Charlesbourg): Sur le plan de
l'évaluation, cela me semble relativement facile à faire. Cela me
semble un peu plus compliqué sur le plan législatif. Je ne sais
pas si j'ai tort ou si vous avez des pistes sur lesquelles vous pouvez nous
aiguillonner, mais, sur le plan législatif, ça me paraît
peut-être un peu difficile.
Mme Oe Koninck: Pourquoi est-ce compliqué là,
à partir des articles qui sont là?
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, c'est parce que
là on va abréger. Le législatif est toujours
très... en tout cas, pour moi, qui ne suis ni légiste ni avocat,
je trouve toujours ça très difficile. J'ai toujours de la
misère à m'y retrouver moi-même, alors, je me dis: Ceux qui
vont avoir à l'interpréter en règle
générale, vont avoir un peu de difficulté aussi.
Ça, c'est toujours un peu une partie pénible. Là, ce qu'on
dit c'est qu'effectivement, c'est spécifique comme expérience et
que ça doit transparaître aussi dans le libellé du projet
de loi. Cela me paraît effectivement difficile de le faire.
Mme De Koninck: Par rapport à ça, la
multidisciplinarité des personnes impliquées tout au long de
l'élaboration des projets, de l'évaluation des
compétences, etc., si vous pouvez vous assurer d'une
multidisciplinarité, à ce moment-là, je pense que
ça pourrait protéger la particularité de la pratique des
sages-femmes.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, aujourd'hui, il
y a des ouvertures qui sont intéressantes, en particulier, le groupe
précédent. Il y a là des ouvertures très
intéressantes. Je pense qu'on va en profiter pour tenter d'aller encore
plus loin qu'on était allé avec le premier projet de loi, celui
de Mme Lavoie-Roux et le prochain qui sera déposé, quitte
à prendre une semaine de plus pour être capable de faire
progresser plus loin. Et, selon moi, quand on ouvre la porte, ça vaut la
peine qu'on prenne le temps d'y entrer, de dialoguer et d'amener cette
concertation et cette collaboration qui est nécessaire. On l'a dit:
Autonomie nécessaire, mais aussi support médical et une bonne
complicité de tout le monde, pour être capable d'avoir une
expérience qui, au bout de la ligne, sera une expérience valable
dont personne ne pourra contester les résultats obtenus.
C'est un peu ça qu'on cherche, puis je pense que votre
démonstration c'est ce qu'elle dit, c'est ce qu'elle vise aussi,
toujours avec la toile de fond d'humanisation de l'avant, du pendant et de
l'après. Alors, j'ai bien appris ma leçon, hein? Vous avez
réussi à bien me la faire comprendre. Alors, j'arrête
là-dessus. Je vous dis merci pour votre collaboration et j'y reviendrai
si jamais il y avait des choses qui ne m'appa-raissaient pas claires ou qui
avaient besoin d'être... d'un peu plus de compréhension.
La Présidente (Mme Marois): Je vais vous poser une
question qui n'est pas carrément dans le mémoire, mais à
cause de vos expériences, de vos études et de votre pratique...
Vous-même, vous êtes enseignante en médecine sociale - c'est
bien ça - et préventive. Vous disiez tout à l'heure que ce
n'était pas un bloc monolithique que l'ensemble des membres de la
pratique médicale, si on veut, les médecins, les
spécialistes, etc., qu'il y avait des personnes de ces groupes qui
étaient d'accord.
Mais on a eu un groupe qui, effectivement, est venu hier, qui vient de
la médecine communautaire, qui présentait un point de vue un peu
différent. Et j'aimerais ça que vous me disiez un peu comment
vous expliquez cette résistance, parce qu'il me semble qu'ils doivent
être eux aussi capables de faire toutes les analyses que l'on fait
ensemble.
Alors, comment expliquez-vous cette résistance? J'imagine qu'ils
ne doivent pas se sentir menacés: 2000 accouchements sur 86 000, 2000
grossesses, bien sûr, suivies - parce que ce n'est pas seulement 2000
accouchements - ça fait 00,2. Tu sais, c'est très peu. Alors,
comment l'expliquez-vous, cette attitude-là, actuellement, qui en est
une de rejet? Il y a des ouvertures, c'est vrai. Le ministre l'a
mentionné, mais il faut aller les chercher assez loin.
Mme De Koninck: II y a une résistance au changement, je
crois. Il y a une résistance au changement qu'on peut facilement
expliquer socialement. On y voit donc... Si on prend un peu l'analyse qui -
selon ce que j'ai entendu, en tout cas - semble être servie, bon, les
chiffres nous disent que la situation s'est améliorée, etc., donc
c'est un retour en arrière. Je pense qu'il y a beaucoup cette
lecture-là: retour en arrière, et ça signifie aussi une
attaque à un certain monopole.
C'est comme ça que j'explique cette résistance qui
m'apparaît de nature corporatiste. Moi, quand je parie d'ouverture, c'est
que, là, je me réfère à des expériences de
médecins, entre autres, en tant que médecins. Et cette
expérien-
ce-là, elle est la suivante, pour un certain nombre d'entre eux:
il y a une prise de conscience de la technicisation d'un
événement de la vie. Alors, ces personnes-là veulent
absolument mettre au service de cet événement de la vie leurs
connaissances et leurs habiletés. Mais, en même temps, ils
aimeraient bien qu'on laisse une certaine place à la dimension
humaine.
Et, là, on est en train de leur dire, d'une certaine
façon: Bien, vous autres, vous n'êtes pas capables. Il y aurait
peut-être quelqu'un d'autre qui pourrait le faire. Alors, ça
s'explique assez qu'il y ait une résistance par rapport à cette
solution-là, mais il y a quand même une ouverture. Moi, je pense
qu'il y a eu... Je ne veux pas vous donner un cours d'histoire; je vais faire
ça très rapidement. La raison pour laquelle les médecins
sont arrivés en obstétrique, c'est pour intervenir.
L'arrivée des médecins dans les chambres d'accouchement des
femmes, c'était pour intervenir quand il y avait des problèmes.
La définition de leur profession, c'est ça.
Et je pense que ça, ça reste beaucoup. Et, compte tenu de
la définition qu'on semble avoir adopté de l'accouchement, qui
est un événement médical, on y associe l'intervention, on
y associe donc le médecin. Là, on remet tout ça en cause.
C'est un peu normal que, sur le plan corporatif, il y ait une réaction
de résistance. Moi, je maintiens que, si on se place au niveau des
professionnels, ils ont une ouverture et je pense qu'avec des projets où
on ferait appel à leur collaboration, il y a possibilité de
développer des choses.
La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce qu'il y a,
à ce moment-ci, d'autres questions? Oui, M. le député...
Je reviendrai à vous. Oui, allez-y!
M. Trudel: On remercie aussi ces gens de nous avoir
présenté cette excellente recherche. Ça nous fait refaire
l'histoire de beaucoup de recherches et beaucoup de travail qui ont
été faits depuis de nombreuses années, qui nous arrive
avec l'aboutissement de ce projet de loi, aujourd'hui. C'est extrêmement
intéressant de voir l'évolution, et les pistes que vous nous
donnez...
Vous avez noté au passage, et vous comprendrez que l'Opposition
peut s'en réjouir aussi, que le ministre vient de nous mentionner que
l'ouverture à la concertation, qu'on a pu constater aujourd'hui,
donnerait certainement l'occasion au ministre de réfléchir sur la
possibilité de peut-être, non seulement réécrire,
mais prendre cette ouverture et faire en sorte que la rédaction d'un
projet de loi soit la plus complète possible et que ce ne soit pas un
travail bâclé. C'est d'autant plus appréciable, cette
attitude du ministre, s'il peut se rendre jusque-là, compte tenu de
l'histoire que vous nous avez décrite ici et des éléments
importants que vous nous soulignez, dont il faut tenir compte dans ce projet de
loi pour ne pas consacrer la marginalité, mais vraiment
reconnaître, de plein droit, cette profession ou cette pratique des
sages-femmes.
Je voudrais profiter juste de quelques minutes pour demander à
Mme Robinson, qui est spécialiste en droit, si elle a examiné la
question de la responsabilité professionnelle. Je pose largement la
question: Où commence-t-elle pour vous? Où se termine-t-elle?
Est-elle pleine et entière? Passe-t-elle par l'institution, si elle est
en dehors d'un centre hospitalier, ce avec quoi nous sommes bien d'accord de ce
côté-ci de la table? Est-ce que vous avez examiné cette
question? Vous pourriez nous éclairer un peu là-dessus, sur la
question de la responsabilisation.
Mme Robinson (Anne): Je n'ai pas examiné comme telle la
question de la responsabilité parce que cette question n'est pas venue
sur le tapis avant la commission parlementaire. Il me semble que c'est hier
qu'on a commencé à parler de la question de la
responsabilité des sages-femmes comme groupe. Bien sûr, il y a un
certain nombre de causes qui sont pendantes, actuellement, devant les tribunaux
sur cette question.
Par ailleurs, j'aurais tendance à vous répondre de
façon assez intuitive ce soir. La responsabilité des sages-femmes
est la même que la responsabilité de l'accoucheur qui pose le
geste d'un accouchement normal, c'est-à-dire qui effectue un
accouchement normal. Donc, je ne vois pas pourquoi on soulève la
question de la responsabilité des sages-femmes alors que la question de
la responsabilité médicale existe depuis toujours. Je pense que
ce sont les mêmes règles qui devraient s'appliquer dans le cadre
de la pratique de la sage-femme. Il n'y a pas de choses différentes en
fait.
M. Trudel: Compte tenu du fait que vous insistez beaucoup aussi,
de toute façon, sur le type de formation...
Mme Robinson: Oui.
M. Trudel:... le type de compétence, vous ne voyez pas de
différence quant au type de responsabilité assumée par
celle qui ferait l'intervention à ce moment-là.
Mme Robinson: Oui, c'est ça.
La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous prendre la
relève, Mme la députée de Bourget?
Mme Boucher-Bacon: Contrairement à mon ministre qui a
entendu un bémol, j'aimerais entendre un bécarre. N'est-il pas
vrai qu'à un
moment donné, après 24 heures ou 48 heures de travail qui
s'effectue nécessairement peut-être dans la joie, mais aussi dans
la douleur, alors qu'à un moment donné, si le
démérol n'a pas fait son effet, on peut demander une
césarienne?
Une voix: Tout à fait.
Mme Boucher-Bacon: Donc, ce n'est pas faux de dire qu'à un
moment donné, ce sont les femmes qui accouchent qui peuvent le
demander?
Mme De Koninck: C'est tout à fait le constat auquel je
suis arrivée, c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de femmes
qui réclament des césariennes. Mais ce constat ne s'arrête
pas là. Quand on fait parler les femmes sur l'expérience qu'elles
ont vécue, dans un certain nombre de cas, si elles en sont
arrivées là, c'est parce qu'elles n'ont pas eu le soutien
nécessaire pour se rendre au bout de leur accouchement sans se sentir
totalement démunies, vulnérables et ayant besoin d'une
intervention technique de cette importance. Donc, il ne faut pas remettre en
cause la césarienne. Ça sauve des vies et tout ça. Ce
n'est pas la question. La question est que les femmes que j'ai
interviewées m'ont permis de comprendre que l'absence de soutien au
moment d'un accouchement fait qu'elles vont s'inscrire dans une logique
technique où elles se refusent à elles-mêmes la
capacité d'enfanter et font appel essentiellement à la technique
de sorte que, tout de suite après, quand on pose la question
Êtes-vous satisfaite? Oui, le bébé est en santé, je
suis satisfaite. Mais, après, par exemple, quand elles font le retour
sur tout ce qu'elles ont vécu, c'est là qu'elles peuvent
réaliser qu'il y a eu toute une partie de leur expérience qui n'a
pu s'exprimer et c'est ça qui a fait qu'elles ont, à un moment
donné, réclamé une intervention technique. Je ne vous dis
pas que ce sont tous les cas. Je vous dis qu'actuellement, il y a un climat et
une tendance vers la technicisation parce que les femmes ne peuvent pas vivre
l'enfantement comme ce que c'est: une expérience multidimensionnelle. Il
n'y a pas, comme je l'ai entendu tout à l'heure, le psychologique, le
social et la technique. Il y a une expérience physiologique dans un
corps sur lequel il y a une tête et ça ne se coupe pas en
morceaux.
Mais, à un moment donné, la situation est telle qu'on veut
les dissocier et, à ce moment-là, les femmes ne vivent pas
ça globalement. Elles vivent ça mal, elles peuvent souffrir
terriblement, elles n'ont pas de soutien, elles se sentent très seules.
Que vont-elles demander? Mais, finissez-en. C'est ce que j'ai découvert
au fil d'heures et d'heures d'entrevue avec des femmes. Merci.
La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez encore
une question? Non, ça va. De toute façon, on devait terminer nos
travaux à 23 h 30. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. C'est une
contribution intéressante, en particulier l'image de la tête qui
fait aussi partie du corps. C'est un tout et on va le retenir. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Marois): on vous remercie beaucoup.
c'était très intéressant. je pense que c'est un apport un
peu différent aux travaux de la commission. nous ajournons sine die.
(Fin de la séance à 23 h 33)