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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 7 décembre 1989 - Vol. 31 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 4, Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes


Journal des débats

 

(Douze heures une minute)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien gagner leur siège, nous allons reprendre nos travaux de consultations particulières sur l'étude du projet de loi 4 concernant la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes.

Il n'y a pas de remplacement?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Deux groupes sont prévus à l'agenda, ce matin: l'Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes, de même que le Conseil du statut de la femme. Nous nous excusons auprès de ces groupes; nous démarrons, comme vous le voyez, avec un peu de retard. Ce sont les aléas de la vie parlementaire et nous devons nous y conformer aussi. Nous en sommes, comme vous, bien souvent les victimes.

Est-ce que les membres de la commission accepteraient que nous poursuivions nos travaux jusqu'à 13 h 30, ceci nous permettant d'entendre les deux groupes en leur accordant environ 45 minutes chacun? Ce qui permet quand même, je crois, d'avoir une bonne possibilité de poser des questions et que les groupes, par contre, soient entendus. Êtes-vous d'accord? Consentement. De notre côté aussi? Parfait. Alors, merci.

J'inviterais maintenant l'Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes à prendre place à l'avant, s'il vous plaît!

Je vous invite à vous présenter aux membres de la commission. On s'entend pour pas plus de quinze minutes de présentation, le reste du temps étant consacré aux questions que les membres de la commission pourraient vous poser.

Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes

Mme Cornellier (Hélène): Je vais essayer de raccourcir notre présentation. Déjà, je trouvais que le temps alloué était court, compte tenu de ce qui se passe ici, en commission parlementaire. Est-ce que ce sera un accouchement précipité? Il faudrait voir, mais on va essayer.

La Présidente (Mme Marois): Pardon! Mon collègue, le ministre de la Santé, me dit qu'il est d'accord et je pourrai consulter aussi mes collègues de l'autre côté: si vous voulez prendre tout le temps que vous aviez prévu pour la présentation, vous pouvez le faire. Cependant, ça enlèvera d'autant du temps pour des questions.

Mme Cornellier: On va quand même essayer de se restreindre, parce qu'on voulait déjà, au départ, consacrer plus de temps aux questions pour clarifier ce qui a besoin de l'être.

La Présidente (Mme Marois): Alors, on y va.

Mme Cornellier: Alors, je suis Hélène Cornellier, présidente depuis trois ans de l'Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes. Je suis sage-femme praticienne depuis dix ans et je travaille à la reconnaissance de la profession depuis dix ans. À mes côtés, Monique Beauche-min, qui est une sage-femme qui a été formée en Suisse et qui pratique au Québec depuis 1985, en pratique privée et aussi en faisant des remplacements au projet nord, à la maternité de Povungnituk, dont il va être question aujourd'hui. Elle est aussi membre de notre comité de formation depuis 1986 et responsable, depuis septembre dernier, du comité de formation.

En commençant notre présentation ici, je voudrais faire un petit aparté et vous témoigner, en fait, de mon bouleversement, de l'horreur que nous avons vécue avec les événements d'hier, d'abord, en tant que sage-femme qui assiste des femmes qui donnent la vie aux enfants, au Québec, et, aussi, en tant que femme qui vit dans une société qui peut générer autant de haine et de violence à l'égard des femmes. Je pense qu'il était difficile de commencer cette journée sans...

La Présidente (Mme Marois): Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, les membres de cette Assemblée, ce matin, ont souligné leur solidarité, leur peine et leur tristesse, finalement, à l'égard des familles qui, évidemment, sont aux prises avec le drame que l'on a connu hier.

Mme Cornellier: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Merci.

Mme Cornellier: En débutant, on commencerait par dire que le projet de loi 4, pour nous, n'a de sens que s'il légalise la profession de sage-femme et permet l'expérimentation de cette pratique pour pouvoir voir comment elle s'articulera ici, au Québec, comment elle s'intégrera dans les services de santé et comment elle se définira en termes de corporation, de formation et de standard de pratique.

Au début, je vais présenter l'Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes et, ensuite, on abordera ce qu'on appelle le contexte général de l'expérimentation pour ensuite tomber plus précisément dans le projet de loi, tel qu'on l'a étudié.

L'Alliance québécoise des sages-femmes pra-

ticiennes répond, à travers ses membres, à la demande des femmes d'être suivies par une sage-femme. S'étant engagée depuis plus de dix ans à faire reconnaître le statut juridique et professionnel de la sage-femme au Québec, elle a mis son expérience du dossier au profit du gouvernement, des Intervenants en santé et de la population.

Les femmes qui ont commencé à travailler comme sage-femme depuis dix à quinze ans au Québec l'ont bit pour répondre aux besoins exprimés par les femmes et leur famille. Ces demandes comprennent un suivi de grossesse personnalisé, une aide pour l'accouchement à domicile, puisque c'est le seul lieu accessible pour la pratique sage-femme actuellement. À ce moment-là, et môme encore maintenant, il n'existe pas de véritable choix en ce qui concerne le lieu d'accouchement, le lieu des suivis et les intervenants, c'est-à-dire qu'on a une dynamique médecin-hôpital, d'un côté, et sage-femme-domicile, de l'autre.

En fait, c'est pour accoucher et non se faire accoucher que les femmes ont demandé des sages-femmes depuis plus de dix ans, au Québec. On fait face actuellement, et depuis dix ans, à une demande sans cesse croissante des services de sages-femmes, à tel point que dans certaines régions, comme Montréal par exemple, les sages-femmes sont obligées de refuser de la clientèle. Aussi, s'il y a eu des commentaires sur le peu de demandes, en fait, de services de sages-femmes, il faut regarder cette demande-là dans le contexte actuel qui est un contexte d'inaccessibilité aux services, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de sages-femmes disponibles dans toutes les régions du Québec. Les coûts que les femmes, les familles doivent payer pour avoir accès à ces services-là, puisqu'ils ne sont pas couverts par le régime de santé actuellement, la désinformation face aux services de sages-femmes, le manque de collaboration entre médecins et sages-femmes font aussi que les femmes, à certains moments donnés, viennent nous consulter, mais n'oseront pas demander nos services pour les accompagner en centre hospitalier, de peur que la dynamique entre les médecins et la sage-femme, au moment de l'accouchement, ne vienne leur porter préjudice.

À ce point-ci, et avec ce qu'on a entendu hier, on sent le besoin de réexpliquer ce que sont l'approche, la pratique et la formation des sages-femmes, devant l'incompréhension ou la méconnaissance profonde de cette profession. Je ne voudrais pas refaire les études gouvernementales qui ont été faites deux fois en dix ans. Par contre, je pense que c'est important de rectifier que la sage-femme, en fait, ne touche pas que l'événement spectaculaire dont il a été fait mention hier, qui est l'accouchement, mais travaille depuis le début de la grossesse, tout au long de la grossesse, pendant l'accouchement, et ce, pendant toutes les heures comprises pendant le travail, la naissance du bébé et le postnatal Immédiat. Elle travaille aussi en postnatal, les premières semaines, pour s'assurer de l'intégration des soins de la mère au bébé, l'intégration à la famille, le père y compris. On touche, à ce moment-là, tous les aspects de ce processus-là qui sont des aspects physiques, physiologiques, psychologiques, émotifs, sociaux et familiaux. Aucun de ces aspects ne doit être mis de côté.

Des membres de l'Alliance, de notre association, certaines ont des diplômes reconnus à travers le monde. Elles sont allées se chercher des formations à l'étranger, puisqu'il n'y en a pas ici. Certaines ont une base d'infirmière, d'autre non, et celles qui n'ont pas de diplôme reconnu se sont formées Ici, au Québec, soit, en général, par apprentissage avec une autre sage-femme pendant un, deux ou trois ans, et par des études complémentaires théoriques. Cette formation, on se la donne parce que la situation actuelle fait qu'il faudrait aller en France, en Angleterre ou aux États-Unis, avec tout ce que ça implique, les coûts, les déplacements pour nos familles, ce qui est impensable. Notre priorité est de répondre aux besoins actuels, au jour le jour, des femmes du Québec, et on forme les sages-femmes à la mesure de notre pratique. Elles sont prises en apprentissage, à ce moment-là.

Les services offerts par nos membres comprennent, entre autres, le suivi de grossesse complet, l'accompagnement lors des accouchements, soit à l'hôpital, soit à domicile. Il est clair que notre rôle à l'hôpital se restreint à un rôle de conseillère et d'"accompagnante" puisqu'on ne peut pas, là, pratiquer notre profession dans toute sa latitude, sauf pour quelques exceptions où les médecins sont prêts à laisser continuer le processus avec la sage-femme.

On touche aussi les soins au nouveau-né et à la mère pendant la période postnatale qui, en général, va jusqu'à six semaines ou deux mois. On touche les cours prénatals, les visites à la maison avant et après l'accouchement, et de multiples consultations sur des sujets aussi variés que la contraception, le support dans les deuils reliés à la maternité, les problèmes d'allaitement, la préparation à un accouchement vaginal après césarienne, l'intégration à la vie familiale, etc.

Ce que je viens de décrire constitue le contexte de la pratique actuelle, depuis dix ans, au Québec. Ce n'est pas nécessairement ce qui va avoir lieu quand cette pratique va être légalisée. Ce qu'on demande, c'est que la légalisation nous donne la possibilité d'avoir une corporation autonome, une formation de calibre universitaire, premier cycle universitaire, et une formation qui sera à la fois théorique et clinique - c'est très important pour nos membres - une intégration aux services de santé parce qu'une légalisation de la profession sans l'intégrer aux services de santé voudrait dire que les femmes n'auraient

pas accès à ces services, devraient encore payer. Ce serait donc une médecine parallèle et, à notre avis, les femmes ont droit à cette Intervenante si c'est leur choix. Ce doit donc être couvert par l'assurance-maladie, au même titre que le suivi des médecins.

On veut aussi que la pratique qui se fera soit une pratique complémentaire, avec tous les autres Intervenants du réseau qui touchent cette période, pour nous permettre de donner une pratique adéquate aux femmes, ce qui manque à l'heure actuelle. Cette collaboration régulière et formelle, elle se fait, mais sur une base, vraiment, de volonté individuelle.

La section du mémoire qui parle des sages-femmes dans le contexte québécois, je vais passer par-dessus ça. Je pense que M. Côté a beaucoup touché tout l'historique de l'évolution de ce dossier-là. Les seules choses que je vais souligner, c'est que vous trouverez, en annexe, des listes des groupes qui ont montré leur accord et leur désaccord à la reconnaissance de la pratique et la liste de tous les groupes sociaux qui vraiment appuient, depuis dix ans, la reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Ce n'est pas une demande de quelques marginales, d'hurluberlus qui veulent ce service-là.

Je vais passer au contexte général de l'expérimentation et, peut-être, vous clarifier ce que j'entends par la. Le projet de loi 4, dans son libellé actuel, nous semble permettre... En fait, ce qu'il fait, c'est qu'il permet l'expérimentation dans huit projets-pilotes. On ne voit là aucune ligne de base, ligne directrice à cette expérimentation. On pourrait y lire que ces huit projets-pilotes chemineront chacun de leur côté et qu'est-ce qu'on verra? Quel sera le résultat final de ça? Ce qu'on note, nous, c'est une absence de but et d'objectif de l'expérimentation, une absence d'encadrement global pour toute la période d'expérimentation et aucune mention n'est faite de la pratique actuelle qui se fait depuis dix ans. Ce sont nos préoccupations, et je vais revenir là-dessus brièvement. On pourra en reparler à la période de questions.

Les buts et objectifs de l'expérimentation, pour nous, c'est la légalisation. C'est ce qu'on demande depuis dix ans, pour permettre l'accessibilité au service et pour permettre l'encadrement de la pratique, donc la sécurité de la clientèle. Pour nous, les buts pourraient être d'apprécier l'impact de cette pratique sur les objectifs en périnatallté au Québec, d'étudier les modalités d'intégration des services sages-femmes, de définir les différents aspects de la profession, c'est-à-dire le statut légal, la formation, les standards de pratique, etc., afin de procéder à la légalisation et à son intégration dans les services de santé québécois dans cinq ans et non pas cinq ans après ces cinq ans - là, et cinq ans, au plus tard. Il est déjà trop tard, à notre avis. On aurait dû procéder bien avant ça.

Le comité provincial pour l'expérimentation. Afin d'assurer une cohérence entre le but de l'expérimentation, son déroulement et son évaluation, l'Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes estime essentiel de mettre sur pied un mécanisme d'encadrement qui permette aux ministères concernés et aux groupes impliqués d'en garder fe leadership. (12 h 15)

II ne s'agit pas, comme ie fait supposer le projet de loi 4 dans son énoncé actuel, d'évaluer après cinq ans huit projets-pilotes ayant chacun suivi son propre cheminement. Il s'agit plutôt d'évaluer l'impact d'une profession à travers des projets-pilotes qui, tout en gardant leur originalité et leur spécificité locale ou régionale, respecteront les buts, les objectifs et les critères définis par le cadre d'expérimentation. Je vais passer toute la section composition, mandats, c'est dans le mémoire.

Pour nous, s'ajoutent à ça des conditions pour l'expérimentation que je ne vais qu'énumé-rer, à ce moment-ci, c'est-à-dire d'assurer aux usagères des services sages-femmes et ou aux associations qui les représentent une participation constante dans le processus de la reconnaissance des sages-femmes et ce, dès maintenant, donc à travers l'expérimentation; de mettre sur pied et d'exiger un recyclage pour toutes lès sages-femmes qui désirent travailler dans le cadre des projets-pilotes; de rendre accessibles à toutes les femmes qui le désirent les services de sages-femmes mis sur pied par les projets-pilotes; de s'assurer de la continuité des soins et des services dans l'organisation des projets-pilotes et de la préserver tout au long de l'expérimentation, ce à quoi le comité provincial pourra veiller; de diversifier les lieux de pratique répondant ainsi aux demandes exprimées par des femmes et des couples québécois et, pour nous, ces lieux sont les CH, CLSC, les maisons de naissances rattachées à des établissements ou autonomes et aussi les domiciles.

Le point suivant, qui était mon troisième point, porte sur les absences dans le projet de loi, c'est-à-dire aucune mention de la pratique actuelle. Depuis dix ans, des services de sages-femmes existent au Québec. Ils sont effectivement marginaux à cause des conditions de pratique et de leur inaccessibilité. Ils sont aussi, je dirais, semi-clandestins à cause de la légalité ou de l'Illégalité de la pratique.

La loi 4 permet la pratique de sages-femmes légalement dans des projets-pilotes mais, malgré cette expérimentation, ce que l'on voit, c'est qu'on aura un double standard: on aura des sages-femmes pratiquant dans des projets-pilotes, avec un statut légal, un recyclage, donc une reconnaissance professionnelle de leur formation et elles seront aussi salariées, donc accessibles aux femmes qui n'auront pas à défrayer ces services-là; d'un autre côté, on aura une pratique

encore dans les conditions actuelles mais, je dirais, doublement illégale, puisque certaines sages-femmes seront légales. Elles seront non reconnues, puisque n'ayant peut-être pas passé le recyclage, faute d'accès; donc, illégales doublement, parce qu'il y en a qui seront reconnues. Les femmes devront, elles, payer pour ces services-là, donc, elles seront, encore une fois, doublement pénalisées si elles refusent d'aller dans les projets-pilotes qui sont mis sur pied.

Les projets-pilotes, II y en aura huit, dit-on, et Ils ne seront pas nécessairement dans toutes les réglons du Québec. Donc, ce n'est pas clair que les femmes y auront accès, simplement parce qu'il n'y en aura pas et aussi parce que c'est le choix de certaines femmes de procéder autrement et de ne pas nécessairement aller accoucher en CH ou en maison de naissances, etc.

Alors, on se préoccupe de ça en tant qu'association de sages-femmes qui pratiquent depuis dix ans au Québec et offrent des services, ont monté des services qui sont vraiment adéquats auprès de la population.

On va entrer maintenant dans le projet de loi. Mme Beauchemin va vous présenter la suite du mémoire.

La Présidente (Mme Marois): On a environ 17 minutes de passées. Je veux juste vous en Informer.

Mme Beauchemin (Monique): Moi, je voulais vous parler un peu des modifications qu'on a faites au projet de loi parce que, pour nous, ce n'était pas acceptable dans la formulation qu'il y avait. Par contre, ce qu'on peut faire, comme il reste peu de temps et que nous, on privilégie la période de questions, vous avez lu les modifications qu'on trouve essentiel de faire; alors on peut passer à la période des questions.

Nous, c'étaient les buts, en tout cas... Pourquoi on a modifié en gros la loi? C'est parce qu'on voulait absolument qu'il y ait des buts d'expérimentation, comme Hélène l'a exprimé, qui soient clairs et qu'on ait un comité - en tout cas, c'est en gros ce qui était ressorti - qui chapeauterait toute l'expérimentation pour qu'on ait une évaluation qui soit valable à la fin. Je pense que c'est trop long d'entrer dans chaque article. Je vais laisser ça ouvert.

La Présidente (Mme Marois): Vous préférez que les gens...

Mme Beauchemin: Oui.

La Présidente (Mme Marois): ...de la corn mission puissent vous poser des questions?

Mme Beauchemin: Oui, avec les questions...

La Présidente (Mme Marois): Alors, je vais céder la parole immédiatement à M. le ministre de la Santé. Je donnerai le temps qui nous est réservé par la suite.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je vais céder, pour ce mémoire, ma priorité de parole à ma collègue de Dorion.

La Présidente (Mme Marois): Très certainement. Oui, Mme la ministre.

Mme Trépanler: Bienvenue à l'Alliance. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, entre autres lors d'une réunion de groupes de femmes, récemment. Nous avions aussi discuté de votre préoccupation avec un groupe de députés, je me souviens, il y a à peu près un an. Je constate qu'il y a certaines modifications ou certains ajustements à votre pensée. Je voudrais avoir des éclaircissements là-dessus.

D'abord, je voudrais vous dire que, lorsque vous dites que les projets-pilotes feront deux classes de sages-femmes, c'est peut-être vrai, mais c'est une étape aussi vers, peut-être, une légalisation de la pratique des sages-femmes. Je ne vois pas comment nous pourrions passer à côté de ça et comment nous pourrions le faire différemment. C'est le premier commentaire que je voudrais soulever. C'est un mal nécessaire, à mon avis, d'une part. Je voudrais qu'on parie, parce que ça m'avait énormément frappée lorsque nous vous avions rencontrées, un groupe de députés, de la formation. Vous semblez dire, aujourd'hui, que vous êtes tout à fait ouvertes à un recyclage formel, à une formation. Je pense, à moins que je ne me trompe, que dans votre association les formations sont très diverses au niveau des sages-femmes. Il n'y a pas de formation uniforme et c'est peut-être plus visible que dans d'autres. Expliquez-moi donc mieux qu'est-ce que vous entendez. Est-ce que c'est vraiment votre position? Au départ, vous disiez: Les autodidactes doivent avoir le droit de professer sans recyclage. Aujourd'hui, vous dites: Nous sommes prêtes à nous recycler.

Mme Cornellier: Bon, je comprends votre commentaire qui parie d'un mal nécessaire et > qu'on procédera par étapes dans la légalisation. Je pense qu'on ne peut pas, non plus, se mettre la tête dans le sable et ne pas voir ce que peut vouloir dire, pour les praticiennes qui resteront : sur le terrain et non pas dans les projets-pilotes, ce double standard, et pour les femmes, surtout, qui feront ce choix-là aussi; et s'il y a des suites à ça, je pense qu'on est tous conscients, ici, on porte tous ce qui se passera à ce moment-là. Et moi, c'est ça que je mentionne. On verra les possibilités. On a des suggestions à cet effet-là pour au moins minimiser certains effets de ce double standard, on pourra en reparier.

La question de la formation et du recyclage, ce n'est pas une chose que l'Alliance uniquement demande. C'est demandé par l'Association des sages-femmes du Québec, elles l'ont demandé hier, et on s'est toujours entendues pour que, préalablement à une phase d'intégration des sages-femmes, donc à des projets-pilotes, il doive y avoir une période de mise à jour des connaissances, non pas parce que nos sages-femmes ne sont pas formées, nos sages-femmes sont très bien formées. Mais, effectivement, elles peuvent avoir des lacunes dans leur formation et aussi on a des sages-femmes qui ont été formées à l'étranger et qui font partie plus majoritairement de l'Association des sages-femmes du Québec, qui ont eu des diplômes de divers pays à travers le monde. Là aussi, on a un manque d'uniformité dans la formation et, pour beaucoup d'entre elles, pas de pratique dans le contexte québécois et une méconnaissance des services de santé des institutions.

Tout ça fait qu'on demande, conjointement les deux associations, qu'il y ait, pour toutes les sages-femmes qui désirent pratiquer au Québec, une période de mise à jour des connaissances et, je dirais, d'harmonisation des connaissances, des compétences et de la connaissance du milieu québécois. On veut faire une démonstration dans ce qui se passe au Québec. Il faut savoir comment on fonctionne dans le système de santé, il faut savoir quelle est la demande des femmes aussi. C'est dans ce sens-là qu'on demande une mise à jour des connaissances. Évidemment, on va complémenter les lacunes des unes et des autres. Je pense que c'est normal, à ce moment-ci.

Mme Trépanier: Nous avons parlé avec plusieurs groupes, hier, longuement, des champs de pratique. Nous avons reçu votre mémoire seulement ce matin; pouvez-vous nous expliciter ce que vous, vous préconisez, comment vous voyez ça?

Mme Beauchemin: Pour nous, concernant le champ de pratique, nous trouvons qu'il est essentiel de le sortir de la définition internationale. La définition internationale, tout en définissant la sage-femme, la définit par son champ de pratique. Donc, la vision générale du champ de pratique de la sage-femme doit ressortir de là. Pour nous, c'est tout à fait adéquat et ce qu'on devra faire, c'est adapter ce champ de pratique là aux réalités québécoises. Il y aura des activités qu'on pourra énumérer. Il y a un champ qui est général et les activités qu'on voudra voir exercer dans tel lieu, tel lieu, ou de telle façon, je pense que ça pourra être adapté à chaque milieu. Et, pour nous, c'est ça. Un champ de pratique, c'est vraiment très vaste et nous, on se base sur la définition internationale, on trouve que c'est ce qu'il y a de plus adéquat. On a mis dans notre document la définition internationale et ensuite l'identification des activités un peu plus en détail, ce qu'est une pratique de sage-femme. Est-ce que vous aimeriez que je vous les lise? Pour nous, c'est comme.....

Mme Trépanier: Et en ce qui concerne les lieux des projets-pilotes, en milieu hospitalier, en CLSC, votre position est laquelle?

Mme Beauchemin: On a toujours dit: Les lieux devraient être, pour la pratique de la sage-femme en général, là où les femmes veulent accoucher, parce qu'on garantit la sécurité en assurant un service adéquat. Donc, si nous, en tant que professionnelles, on accepte que le gouvernement légifère sur des lieux très spécifiques, et qu'on sait que la clientèle, elle, demande d'autres lieux, on sait qu'il y aura un certain risque que ces femmes accouchent dans ces lieux qui ne seront pas reconnus, sans encadrement. Donc, pour nous, c'est évident, c'est essentiel que les lieux doivent être ceux où les femmes veulent accoucher.

Dans le cadre du projet-pilote, on voudrait que tous les lieux soient touchés, mais on est d'accord, pour alléger, pour permettre au gouvernement de ne pas créer de structure administrative nouvelle, de travailler en collaboration avec un établissement qui existe déjà dans le réseau de santé. Donc, on privilégie d'être rattachées à un CSLC comme établissement. À un CH? Je pense qu'il faudra expérimenter un certain type de services de sages-femmes adaptés à ce milieu, mais si on a à être rattachées à un établissement quelconque, on privilégie le CLSC.

Mme Cornellier: j'ajouterais que la raison de la diversité des lieux - et pour nous, c'est le ch, le clsc, la maison de naissance - autonomes ou rattachés administrativement - on comprend les problèmes de créer de nouvelles institutions au sens de la loi - mais aussi couvrant le domicile, c'est que, pour nous, quand la profession va être légalisée, le champ de pratique de la sage-femme va s'exercer dans tous les lieux où les femmes désirent recevoir ces services. si on ne touche pas déjà ces lieux dans l'expérimentation, si on ne les étudie pas, au moment où on va la légaliser, il va y avoir des lacunes, des manques et on ne pourra pas dire, dans tel contexte exactement, comment l'articuler. dans la période actuelle où il y aurait possibilité de déposer les projets-pilotes venant de groupes et d'établissements qui portent sur divers lieux - et, pour moi, le domicile est compris là-dedans - si un groupe structure un projet adéquat lié à un clsc ou à un ch pour les services qui sont nécessaires, donc avec tout l'aspect de la complémentarité et de la collaboration, tout ça étant encadré par le comité provincial, je vois difficilement comment on prend un

risque si grand puisque, de toute façon, à travers le monde, il y a des études qui portent sur la sécurité de l'accouchement à domicile.

Je ne ferai pas le procès de ce lieu de pratique ici, mais, pour nous, il faut vraiment regarder la diversité. Autant, hier, on disait: Les CH, c'est vraiment la place où il ne faudrait peut-être pas entrer... On ne va pas jusque-là, on dit: C'est une structure très lourde, difficile à pénétrer. On ne voudrait pas ne voir que des projets-pilotes en CH - ce serait faire la démonstration de l'inutilité de la profession -mais on veut regarder... Autant ceux-là sont très difficiles, autant l'autre extrême aussi doit être regardé et étudié avec attention, pour mettre les balises au niveau de la formation des professionnels, au niveau des services adéquats. Je pense qu'au Québec on a des mécanismes de services d'urgence qui sont facilement adaptables à tous les lieux de pratique. (12 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Trois minutes, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je veux revenir sur la première question qu'a posée ma collègue de Dorion sur deux catégories de sages-femmes. Pour bien qu'on se comprenne, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, dans mon livre à moi, il n'y en aura pas deux; il va y en avoir une seule qui va être reconnue, dans laquelle il y aura un bassin de main-d'?uvre, dans laquelle pourront puiser les projets-pilotes pour s'alimenter. Au-delà de ça, il n'y en aura pas. Ou on encadre avec des buts et des objectifs, comme vous le dites si bien, de manière très claire, et on mène l'expérience... Et c'est ce que ça veut dire. On ne pourra pas maintenir la situation actuelle, en plus des projets-pilotes, avec une reconnaissance. Je pense que là-dessus il va falloir être très clair. Il va n'y avoir qu'une seule catégorie de sages-femmes reconnue, à la fois pour celles qui ont une base infirmière et pour celles qui ont une pratique qui leur donne l'expérience pour être capables d'être reconnues au comité accréditeur, il n'y a pas de problème. Ce qu'on dit, c'est que tout le monde pourra y aller, déposer son dossier et se défendre, comme on le disait hier, examen théorique, examen pratique, et s'inscrire. Cela m'apparait extrêmement important de le dire dès ce moment-ci.

Il y a quand même dans votre présentation, au départ, une chose qui m'a accroché - plusieurs, mais une en particulier - lorsque vous avez présenté Mme Beauchemin, qu'on n'avait pas entendue jusqu'à maintenant, c'est quand elle a dit que son expérience, elle l'a prise en Suisse. Évidemment, tout ce qu'on a entendu hier soir, c'est: Au Québec, il n'y a pas nécessité d'avoir cette expérience-là. On a entendu ça toute la soirée et on risque de l'entendre un peu cet après-midi aussi. Vous qui avez une formation en

Suisse, parlez-nous un peu de votre expérience sur le pian de votre formation là-bas. Qu'est-ce que ça a été? Et, à partir de ce moment-là, comment voyez-vous la transposition au Québec?

Mme Beauchemin: Ce que je pourrais rectifier, c'est que mon expérience, je l'ai prise au Québec. Ma formation, je l'ai prise en Suisse. Mon expérience, je l'ai prise au Québec. Moi, j'ai une formation d'infirmière et ce qu'on appelle en Suisse une formation supplémentaire de sage-femme. D'accord?

Parce qu'il y a deux approches en Suisse. On peut soit avoir une formation de base... Il y a deux écoles. Les femmes ont le choix. Les femmes qui sont infirmières et qui veulent avoir la formation supplémentaire passent à travers une formation raccourcie qui est d'un an et demi, qui va aller vers deux ans bientôt, parce qu'on s'aperçoit que, avec tout ce qu'il y a comme connaissances actuelles, ce n'est plus suffisant, une année et demie pour arriver à une qualité de sage-femme.

Donc, c'est une formation qui m'a permis, parce que j'étais Infirmière, de raccourcir la profession de sage-femme. Mais on s'est aperçu, en Suisse, que cette formation, qui est une formation supplémentaire, a une lacune qui est celle-ci: on a dans notre tête une formation en soins et non une formation en approche globale et en approche de professionnel autonome. Donc, j'ai dû désapprendre à être infirmière pour apprendre à être sage-femme. C'est pour ça que, dans beaucoup de pays d'Europe, il y a une formation d'infirmière et ensuite il y a une formation de sage-femme. On tend maintenant vers une formation de sage-femme de base; on n'a pas à passer par un prérequis infirmière avant d'aller vers la formation de sage-femme. Et, en Suisse, c'était aussi la réflexion. J'ai une formation en milieu universitaire, spécialité obstétricale, très haute technologie, ce qui est, à mon avis, très insatisfaisant et j'ai été très insatisfaite parce qu'on n'appuyait pas assez, dans cette formation, sur l'approche globale.

Il y a une critique de la CEE sur certains de ces pays qui ont tendance à être à la remorque du système médical. La cause de ça, c'est que l'accouchement a été beaucoup récupéré par le milieu hospitalier. Cette approche ne se fait qu'en milieu hospitalier. En Suisse, les sages-femmes qui ont gardé l'approche internationale de la sage-femme, comme la définition le veut, ce sont les sages-femmes qui pratiquent hors du milieu hospitalier.

Donc, j'ai vécu cette frustration et je n'aurais jamais pratiqué en Suisse, c'est ce que je peux vous dire. C'est pour ça que je suis revenue pratiquer au Québec, même si le cadre est illégal et que je trouve ça très dur, parce que j'ai toujours pratiqué dans un cadre légal. Je suis une fille de formation dans les institutions.

Je n'aurais pas été capable d'aller vers l'autodi-daxie, dans le sens que je ne suis pas une fille qui est capable d'aller chercher tout seule, je ne suis pas assez disciplinée, peut-être. J'avais besoin d'un cadre. Mais, dans ce cadre-là - j'avais une expérience, une maturité - je savais ce que je voulais aller chercher et je sais aussi ce que je n'ai pas trouvé dans cette formation-là.

La Présidente (Mme Marois): Merci. C'est terminé pour vous, M. le ministre. Peut-être qu'à la fin de la période allouée à l'Opposition vous aurez encore une minute.

Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Ce qui me frappe - et vous êtes le deuxième ou troisième groupe à le dire d'une façon très claire - c'est qu'il faut d'abord reconnaître la profession avant de vivre des projets-pilotes. Moi, ça m'apparaît tout à fait logique. D'ailleurs, je pense que le ministre des professions va venir faire un tour à un moment donné, au cours de cette rencontre. Ça m'apparaîtrait une aberration et je trouve que, sur ce point-là, vous êtes très claires.

Par contre, quand je lis les amendements à la législation que vous proposez, vous êtes moins claires. J'ai lu la page 14, entre autres. Il faut bien se rendre compte que, si on vous reconnaît comme profession - si on suit la logique qu'on a établie d'abord dans mon commentaire, on vous reconnaît comme profession - on doit donc soustraire des actes normalement dévolus au médecin et vous les donner ou reconnaître que vous avez aussi le droit de les partager; c'est un ou l'autre. Et vous avez appuyé beaucoup sur le fait que l'accouchement était naturel.

Comment pouvez-vous, d'abord, vouloir vous approprier le pouvoir de donner des soins aux bébés? C'est du curatif.

Mme Beauchemin: Je crois que les soins à un bébé sain ne sont pas du curatif. La mère donne des soins à son enfant. Je crois que, dans cette limite-là, ce n'est pas du curatif. On commence le curatif lorsqu'on identifie une déviation du normal et, là, on ne fait pas le soin. C'est là qu'on transfère notre... La sécurité de la pratique de la sage-femme, c'est de connaître très bien ses limites. Nous, on est spécialisées dans le normal et on est spécialisées pour identifier les déviations du normal.

Les gens nous disent: Vous allez diagnostiquer. On n'a pas vraiment à diagnostiquer, nous. On a à connaître les déviations. On est tellement perfectionnées dans le normal que, aussitôt que ça sort du normal, on le sait, on le sent. Donc, on n'a pas à diagnostiquer; on a à savoir: ça, ce n'est pas normal; ce symptôme-là me dit: Ah, ahl danger! Et je consulte. Donc, je ne fais pas de soins dans le sens médical. Je fais des soins dans le sens de faire attention à quelqu'un, de surveiller, de m'assurer que tout va bien. C'est les soins dans le sens de soins de la mère à l'enfant. Je fais attention à mon amie qui n'est pas bien en ce moment ou qui est... C'est ça, c'est un soin empathique; ce n'est pas les soins dans le sens médical.

M. Chevrette: D'accord. Maintenant, si on continue, vous parlez de diagnostic, d'une certaine façon, pour déceler autant chez la mère que chez l'enfant des choses anormales. Donc, c'est un pouvoir de diagnostic, d'expertise que vous demandez.

Mme Beauchemin: Moi, je vous dirais que le seul vrai diagnostic qu'on pourrait faire en suivant les femmes, c'est le diagnostic de grossesse, et puis, ce que je vous dirais, c'est que, la plupart du temps, ce sont les femmes qui le font et elles viennent nous dire: Je suis enceinte et je voudrais que tu me suives. C'est le seul diagnostic qu'on peut faire et quelqu'un va aller plus loin que ça. Il va dire: Qui est-ce qui le fait, ce diagnostic-là? C'est le laboratoire. Personne d'autre. Ce n'est pas moi. C'est la femme qui sait qu'elle est enceinte et qui va le faire confirmer par un laboratoire.

Le reste, comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas vraiment du diagnotic, parce que diagnostiquer, c'est mettre le nom sur une maladie et, ensuite, savoir quelle démarche on va faire pour la soigner. Nous, on identifie des déviations. On sait que tel symptôme, comme la pré-éclampsie chez une femme... On sait qu'il y a une pression qui est anormalement élevée, qu'il y a des protéines dans les urines. Mais, à la limite, je n'aurais même pas besoin de savoir que ça s'appelle de la pré-éclampsie. Je le sais parce que c'est une maladie de la grossesse. A la longue, à un moment donné, on apprendrait les noms. Mais, à la limite, je n'aurais même pas besoin de savoir le nom et je n'ai même pas besoin de savoir le traitement. Je le sais parce que j'ai une formation qui est, quand même, globale et qu'il faut que je connaisse toute l'obstétrique. Mais parce que ma spécialité est le normal, je dois juste savoir... Et plus je connais le normal, plus c'est facile pour mol de savoir lorsque ça dévie du normal.

Et ce que je pourrais vous dire, c'est que beaucoup de jeunes médecins généralistes vont paniquer, parce qu'ils n'ont pas une assez grande expérience de l'éventail de variations qui peuvent exister dans le normal. Il y a beaucoup de différences d'une femme à l'autre, d'un accouchement à l'autre, d'un vécu à l'autre, et tout ça peut être encore du normal. Mais on panique facilement, parce qu'on n'en a pas vu beaucoup, parce qu'on n'a pas beaucoup d'expérience et que notre expérience est presque uniquement basée

sur la pathologie chez les médecins. Leur formation est plus axée là; leur formation, pour ce qui est de la grossesse normale et de l'accouchement normal, est courte. Ils sont médecins; chacun son domaine, chacun sa spécialité.

M. Chevrette: Est-ce que je comprends bien la différence qui vous caractérise par rapport au premier groupe de sages-femmes qui a témoigné hier? Elles, elles ne semblaient pas favoriser du tout l'institution ou le centre hospitalier et, vous, vous ne l'écartez pas, pour autant qu'il y ait une reconnaissance légale au départ.

Mme Beauchemin: On ne peut pas dire qu'on écarte le centre hospitalier. Comme je l'ai dit tantôt, pour moi, c'est le moins bon choix. C'est vraiment le moins bon choix, mais c'est la réalité d'aujourd'hui. On a, dans notre mentalité d'aujourd'hui, un besoin de sécurité et de technologie. Il y aura toujours des femmes qui choisiront l'hôpital, mais pour moi, c'est l'hôpital comme lieu d'accouchement et non l'hôpital comme service de sages-femmes, parce que ça, c'est une distinction à faire. On peut offrir un service de sages-femmes dans n'importe quelle institution; ça peut être un service privé avec privilèges hospitaliers. Donc, l'hôpital comme lieu d'accouchement, si ça peut sécuriser certaines femmes et certaines personnes, je ne suis pas contre, mais on est contre le fait qu'on institutionnalise la pratique des sages-femmes, le service de sages-femmes dans le milieu, intégré aux rouages administratifs du milieu hospitalier, et là, ça va à sa perte. Mais on n'est pas contre le fait que l'accouchement puisse se faire où les femmes le veulent, et il y aura des femmes qui choisiront d'accoucher en milieu hospitalier; c'est leur choix.

M. Chevrette: Ne croyez-vous pas que, pour favoriser précisément l'implantation d'une telle pratique à l'intérieur même des centres hospitaliers, ne serait-ce que pour sécuriser les gens, comme vous dites, il devrait avoir une section où, par exemple, ce serait consacré à la maternité puis qui dérogerait complètement des règles et des normes du centre hospitalier, et si besoin il y a, au moins vous êtes à proximité? Cela ne se franchit pas. Vous ne demandez pas à des gens, sur le plan psychologique, de franchir des pas sans avoir des preuves concrètes, sans avoir des normes d'encadrement, des normes d'assurance, puis c'est petit à petit que vous amenez du monde à changer d'opinion. Je suis convaincu qu'il y a dix ans vous n'aviez pas la même écoute ou les mêmes antennes que vous pouvez avoir aujourd'hui.

Mme Cornellier: II est évident que si la pratique se fait aussi en centre hospitalier, je pense qu'elle ira dans ce lieu-là. Il va devoir y avoir un lieu là. On n'ira pas nécessairement - en tout cas, pas facilement - dans le département de l'obstétrique et dire: Aujourd'hui, je prends cette chambre-là, et admettre nos clientes dans les salles qui sont prévues habituellement pour l'accouchement avec les médecins. Je pense que ce serait difficile, surtout qu'on travaille indépendamment du département d'obstétrique, quelque part dans le projet-pilote, à ce moment-ci. Il serait bon qu'il y ait des lieux privilégiés, que ce soient trois chambres privées mises à la disposition du service des sages-femmes et où les sages-femmes admettent leurs clientes, utilisent ce dont elles ont besoin pour travailler là, qu'elles organisent, en fait, leur lieu de travail.

Il est clair pour nous que ça reste un lieu d'accouchement, donc que, quand même, tout ce qui est prénatal ou postnatal se fait à l'extérieur de ça et dans un milieu, idéalement, qui est près de la communauté des femmes qui utilisent ces services-là, parce que c'est ça aussi, la pratique de sage-femme; c'est une pratique qui est communautaire, qui est implantée dans le milieu. C'est important de connaître notre clientèle et d'être plongé avec cette clientèle-là. Alors, dans ce sens-là, effectivement, quand vous parlez de difficultés de percer le milieu, il y a un exemple qui vient de se passer au CHUS, à Sherbrooke: la directrice du département d'obstétrique, qui est aussi une sage-femme - elle est infirmière, mais sage-femme - vient d'implanter un service où les femmes en période postnatale ont leur bébé dès le départ avec elles, et ça, c'est impensable. Quand elle a parlé de ça, tout le monde a paniqué et a dit: Les femmes ne voudront pas, ça ne se fera pas. Elle a pris un an de travail avec tout le personnel: puéricultrices, infirmières, médecins, directeurs, etc.; ça a commencé le 11 novembre et une semaine après, les femmes étaient béates devant leur bébé, contentes, capables de dire que si cet enfant-là pleure un peu, c'est parce qu'il a tel besoin, alors qu'anciennement, quand la femme envoyait son bébé en pouponnière, elle se tournait vers l'infirmière, toute paniquée, et disait: Qu'est-ce qui se passe? Là, son enfant est là, elle sait ce qui se passe. (12 h 45)

Ça a pris un an, vraiment, de travail continu et ça vient de démarrer de façon tout à fait merveilleuse. On souhaite que ça se poursuive. C'est un pas en avant dans ce qui se passe mais, comme vous le dites, ça prend du temps. C'est pour ça qu'il est important, effectivement, qu'on garde l'autonomie de nos services, l'indépendance dans un lieu pour que les gens, sans avoir des vitres tout le tour comme dans un aquarium pour regarder, puissent s'apprivoiser à ce qui se passe.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Rapidement, pourriez-vous nous expliquer pourquoi il existe deux groupements? Vous excuserez mon ignorance, mais...

Mme Comellier: Au Québec? Une voix: Au Québec. Mme Cornellier: Deux associations? M. Lazure: Oui.

Mme Cornellier: Moi, j'appelle ça une différence historique. Il y a eu des sages-femmes qui ont été formées au Québec entre les années 1962 et 1972, à la demande de congrégations religieuses qui voulaient que leurs Infirmières soient formées pour diriger des maternités. Les envoyer étudier en Europe était coûteux. Elles ont fini par mettre sur pied un cours avec l'hôpital Saint-Sacrement et, à la longue, ce n'étaient plus que des religieuses; il y a eu des infirmières laïques. Les femmes qui suivaient ce cours devaient être infirmières, évidemment, et devaient avoir un poste à l'étranger. Donc, il n'était aucunement question qu'elles puissent pratiquer ici. Il y a eu 103 personnes - 102 femmes et 1 homme - qui ont suivi ce cours. On a arrêté le cours en 1972.

Beaucoup de ces femmes sont revenues après leur pratique à l'étranger, leur contrat à l'étranger, et souhaitaient pratiquer ici. Elles avaient une profession et pourquoi ne pas la pratiquer dans notre propre pays. Aussi, on a au Québec beaucoup de Néo-Québécoises qui sont formées dans leur pays d'origine puisque c'est une profession qui existe à la grandeur du monde: des Françaises, des Espagnoles, des Anglaises d'Angleterre. Ces femmes-là aussi revendiquent la possibilité d'utiliser leur profession. Ça se fait partout. Alors, elles ont formé un groupe pour revendiquer la légalisation de leur profession.

Parallèlement à ça, vers les années soixante-quinze, il y a des femmes qui ont dit: Ça suffit, on ne retourne pas accoucher en centre hospitalier. On vout de l'aide et elles ont demandé à des femmes de les aider là-dedans et ça été - je dirais par hasard, ce n'étaient pas des sages-femmes diplômées - soit des infirmières ou d'autres femmes qui avaient accouché elles-mêmes seules à domicile. Ces femmes se sont donné une formation à travers les années et on a eu la préoccupation, dès le départ - ça fait dix ans que je suis là-dedans et ça a été vraiment le début de ce mouvement - de s'encadrer nous-mêmes, de se donner un support de formation, un support aussi en cas de problèmes légaux parce qu'on était conscientes qu'on avait une épée au-dessus de la tête, pour aider dans la pratique. Donc, c'est une différence historique. On s'entend sur ce qu'on veut comme profession dans l'avenir, sur tous les mécanismes de recyclage, etc.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie. Malheureusement, notre temps est terminé. J'aurais eu des questions aussi à poser, mais je vais respecter les règles que nous avons nous-mêmes entérinées ensemble. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je dis "malheureusement" mol aussi, parce que j'avais une série de bonnes questions, mais on va tenter de les poser à quelqu'un d'autre. Soyez attentifs. Si vous voulez nous donner les réponses en dehors de la commission, il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie beaucoup de votre présence et de votre présentation.

J'appellerais maintenant le Conseil du statut de la femme à venir présenter son mémoire.

Les membres de la commission ont, devant eux, un document, une pochette de presse dans laquelle on va retrouver le texte de l'allocution de la présidente du Conseil du statut de la femme.

Je n'ai pas à vous rappeler les règles. Je pense que vous étiez présentes au moment où je les al présentées aux personnes qui vous ont précédées. Vous vous présentez, vous présentez votre mémoire et nous questionnons sur ce dernier. Mme la présidente, bienvenue.

Conseil du statut de la femme

Mme Lavigne (Marie): Merci. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, dans un premier temps je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent, c'est-à-dire Mme Jocelyne Olivier, secrétaire générale du Conseil du statut de la femme à ma droite; à ma gauche, Mme Micheline Boivin, directrice de la recherche au Conseil et Mme Johanne Lévesque, chercheuse en santé au Conseil.

Avant de commencer, je sens le même besoin que l'Alliance qui m'a précédée, d'Indiquer, au nom du Conseil du statut de la femme, à la fols notre trouble, notre Inquiétude, mais aussi surtout notre profonde sympathie aux familles qui ont vécu la tragédie d'hier, et aussi aux étudiantes et aux étudiants non seulement en polytechnique mais partout au Québec. Il s'agit, bien sûr, d'un geste isolé, un geste particulièrement traumatisant, et la vie des femmes est difficile. La conquête de l'autonomie des femmes est difficile et il importe qu'à la suite de ce geste-là on ne s'enclenche pas dans un contexte de psychose collective. Il importe que nos filles, nos soeurs, nos mères, sentent qu'elles ont le droit de vivre sans se sentir menacées. Et à cet égard, je pense que tout le

monde sent le besoin de souligner sa sympathie.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que les membres, avec moi, partagent votre point de vue, Mme la présidente.

Mme Lavigne: Pour ce qui est du projet de loi, le texte qu'on vous a remis, fondamentalement, reprend l'essentiel du mémoire, si ce n'est un préambule qui me permettrait de situer, je pense, le contexte de l'intervention du Conseil du statut de la femme, face au projet de loi 4.

Dans un premier temps je dois souligner que la médicalisation de la grossesse et de l'accouchement, de môme que l'emprise croissante de la technologie en périnatalité ont eu pour conséquence de priver les femmes de la possibilité de jouer un rôle actif lors de leur accouchement. Le Conseil du statut de la femme voit dans la pratique des sages-femmes un moyen de rendre aux femmes l'autonomie perdue dans cette fonction qui leur est propre, la maternité. Comme bien d'autres organismes, il considère que l'arrivée d'une nouvelle Intervenante en périnatalité est un moyen efficace d'humaniser les soins et les services entourant la grossesse et l'accouchement. Dans ce contexte, le projet de loi 4 sur la pratique des sages-femmes, dans le cadre des projets-pilotes, fait l'objet d'une attention particulière de la part du Conseil. Nos commentaires porteront donc sur les fonctions qui seront attribuées aux sages-femmes, les mécanismes de reconnaissance des projets-pilotes, l'organisation des services de maternité dans les établissements.

Mais auparavant, il importe de rappeler deux aspects majeurs qui, s'ils étalent pris en compte, auraient une influence positive sur la santé périnatale de toutes les femmes, des enfants et des familles. Il s'agit d'abord de l'importance d'établir une véritable politique de périnatalité au Québec, et d'améliorer, de façon générale, l'intervention des professionnels exerçant dans ce secteur de la santé, et en particulier l'intervention des médecins. En fait, pour promouvoir et assurer le développement d'une politique en périnatalité et réaliser sa mise en oeuvre selon les objectifs qu'entend poursuivre le ministère de la Santé et des Services sociaux dont, entre autres, la réduction de la morbidité et de la prématurité périnatale, nous considérons que toutes les approches interventionnistes doivent favoriser la santé globale des clientèles. En cela, nous croyons que le corps médical doit assurer un contrôle plus sévère et un meilleur suivi du nombre et de la nature de leurs interventions obstétricales sur le corps des femmes, au cours de la grossesse et de l'accouchement. Nous pensons également que les médecins doivent mieux harmoniser leur pratique à celle des autres professionnels oeuvrant er périnatalité.

Rappelons que depuis plusieurs années qu'on entend parler constamment de mouvement d'humanisation des naissances, malgré certains changements apportés depuis 1980 en centres hospitaliers pour humaniser les services et les soins entourant la grossesse et l'accouchement, de nombreux problèmes persistent encore. Par exemple, l'ouverture des chambres de naissance, dans certains hôpitaux dotés d'un département d'obstétrique, n'a pas apporté une réponse complètement adaptée aux demandes exprimées par les femmes et les couples. À l'exception d'un plus grand accueil des hôpitaux à la participation des pères au cours de l'accouchement et à la cohabitation mère-enfant, les chambres de naissance, en tant que lieu physique distinct et mieux adapté à l'événement de la naissance que les salles traditionnelles d'accouchement, n'ont pas véritablement favorisé une démédicalisation de la grossesse et de l'accouchement. De plus, devons-nous ajouter que les femmes qui ont une grossesse normale doivent faire face aux multiples contraintes organisationnelles des établissements qui favorisent davantage une adaptation des femmes à la structure hospitalière plutôt qu'une adaptation de la structure aux besoins des patientes et des femmes.

Entre autres, lors de leur accouchement, plusieurs femmes sont aidées par des médecins qu'elle n'ont jamais vus et qu'elles ne connaissent pas. Enfin, il nous faut rappeler tel qu'affirmé, d'ailleurs, par la Corporation des médecins dans un sondage qu'il a réalisé en 1986, que le tiers des femmes qui ont accouché au Québec l'ont été par un médecin inconnu d'elles.

Ce genre de situation amène d'ailleurs plusieurs femmes à accepter un déclenchement artificiel du travail de façon à accoucher avec le médecin par lequel elles ont été suivies. Est-il nécessaire de redire que les déclenchements artificiels, peu importent les contextes dans lesquels Ils sont faits, sont réalisés par des procédés mécaniques ou médicamenteux et qu'ils rendent la femme dépendante d'eux. Selon les dernières données disponibles, le taux d'induction du travail pour cent accouchements au Québec, en 1986-1987, était de 15,8 %. Depuis 1981-1982, il a augmenté de 20 %, malgré un mouvement d'humanisation des naissances.

Hormis ces éléments que nous venons de commenter, d'autres observations démontrent les difficultés qu'éprouve le système médical à considérer la naissance comme étant un processus normal dans la majorité des cas. Ainsi, si l'on prend le cas des césariennes, comparativement à ce qui est observé dans les pays membres de ; l'Organisation mondiale de la santé, le Canada est parmi les pays où cette technique est la plus i répandue et, môme au Canada, parmi les provin- i ces canadiennes, c'est encore nous qui enregis- i trons le record avec le plus haut taux de

césariennes. Pour 100 accouchements, le taux était de 16,4 césariennes en 1981-1982. En 1987-1988, il a encore augmenté à 19,5 %. Donc, près d'un enfant sur cinq, au Québec, naît par césarienne. Or, l'Organisation mondiale de la santé dit que le taux acceptable de césariennes doit se situer entre 10 % et 15 %. Encore une fois, tout ceci dans un contexte où on parle constamment d'humanisation des naissances.

Pour ce qui est de l'usage des ventouses, même phénomène. Pour 100 accouchements, en 1981, le taux était de 0,50. En 1987, il a augmenté à 4,1. Pour les autres techniques telles l'échographie, l'épisiotomie, la situation n'est pas meilleure, finalement, lorsqu'on la compare aux taux jugés acceptables par l'Organisation mondiale de la santé. Si on se réfère aux statistiques de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on constate que, de 1979 à 1985, le nombre d'écho-graphies est passé de 67 846 à 158 222. En 1985, il y a, en moyenne, près de deux échographies par accouchement. À peu de différence près, ce taux est constant en 1988.

Eu égard aux épisiotomies, on doit constater une certaine diminution de 1981 à 1987. Néanmoins, on constate qu'encore deux tiers des femmes qui accouchent au Québec ont des épisiotomies, alors que l'OMS considère que le taux acceptable ne devrait pas dépasser 20 %.

Finalement, pour toutes les autres techniques médicales associées à la grossesse et à l'accouchement, telles l'amniocentèse, l'anes-thésie, il a été également démontré que certaines interventions au cours de l'accouchement provoquent un effet cascades, c'est-à-dire qu'elles entraînent d'autres interventions obstétricales. Le cas du déclenchement artificiel est un exemple frappant. En plus des effets négatifs qu'il peut entraîner sur la santé du bébé, il incite à faire usage d'autres techniques telles analgésiques, épidurales, forceps, monitoring foetal, césariennes.

Le Conseil croit donc que, hormis l'importance de la pratique des sages-femmes et de l'implantation des projets-pilotes, des modifications non seulement à la pratique, mais aussi des attitudes, doivent âtre apportées au sein de la pratique médicale car, ne l'oublions pas, la majorité des femmes au Québec accouchent assistées d'un médecin. Il importe qu'on arrive à une plus grande humanisation de la relation médecin-patiente et la pratique médicale doit s'associer à la sauvegarde de la normalité de la grossesse et de l'accouchement. Elle doit viser à aider les femmes à retrouver leur autonomie face à la santé périnatale. (13 heures)

Plus particulièrement, compte tenu de l'objet de cette commission parlementaire, l'initiative de légaliser la pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes avec l'objectif d'une légalisation au terme du processus nous apparaît souhaitable, compte tenu des objectifs à atteindre en périnatalité. Il nous apparaît aussi comme étant un élément susceptible d'influencer la pratique actuelle tout en donnant enfin aux femmes la possibilité de vivre un accouchement normal.

En ce qui concerne le champ de pratique tel que défini au projet de loi, déjà en septembre 1987 le Conseil du statut de la femme avait recommandé que la définition internationale des sages-femmes, adoptée en 1972 par la Confédération internationale des sages-femmes et aussi reprise par la Fédération internationale des gynécologues obstétriciens serve de base à une définition du champ de pratique des sages-femmes québécoises. Le Conseil se réjouit donc que la définition du champ de pratique proposée dans ce projet s'apparente étroitement à la définition internationale.

Le projet de loi, à l'article 3, reconnaît la pratique des sages-femmes à l'intérieur des projets-pilotes, en autorisant certains actes jusque-là réservés aux médecins et aux infirmières. Une fois adoptée, la loi permettra aux sages-femmes de partager un champ de pratique avec des professions existantes. Comme nous l'avions souhaité déjà en 1987, le Conseil a plaisir à constater que les sages-femmes, tout en évoluant dans un contexte d'Interrelation professionnelle, disposeront de l'autonomie nécessaire à la pratique de leur profession.

Par l'article 4, la pratique des sages-femmes est reconnue dans le cadre de projets-pilotes se déroulant dans un centre hospitalier ou dans un lieu qui lui est rattaché. Le Conseil considère que la pratique des sages-femmes en institution hospitalière, dans le cadre des projets-pilotes, constitue une avenue en soi intéressante. Cela permet d'introduire d'importants changements dans ce qui constitue encore le lieu habituel de l'immense majorité des femmes québécoises et de favoriser une interaction avec les autres professionnels de la santé.

Cependant, compte tenu des orientations que le MSSS entend privilégier à l'égard des CLSC, dont celle de renforcer dans ces établissements les services médicaux courants, le Conseil considère qu'il y aurait lieu d'examiner la possibilité d'expérimenter la pratique des sages-femmes en CLSC. Étant donné l'ouverture des CLSC à l'approche communautaire et leur mode de travail en équipes multidisciplinaires, la pratique des sages-femmes pourrait très bien s'y intégrer. Il faudra toutefois s'assurer que l'implantation de tels projets apporte enfin une véritable réponse à leur désir d'humanisation des soins et des services entourant la naissance et l'accouchement et enfin, pour les femmes, d'avoir accès à une pratique alternative en périnatalité.

Aux articles 5 et 6 du projet de loi, il est proposé qu'un comité soit mandaté pour évaluer les membres de la profession qui pourraient

participer aux projets-pilotes. Ainsi, la sage-femme serait évaluée par un comité constitué en majorité de ses pairs. Comme il l'a déjà mentionné par le passé, le Conseil accorde une grande importance à la reconnaissance des acquis de formation et des expériences des sages-femmes. Cependant, l'absence d'uniformité dans la formation des sages-femmes de même que l'absence d'uniformité dans les lieux de formation exigent que les mécanismes d'évaluation soient suffisamment rigoureux pour que le public profite de garanties quant à la compétence des sages-femmes autorisées à pratiquer.

La Présidente (Mme Marois): Je dois vous signaler, Mme la présidente, que le temps est terminé...

Mme Lavigne: Déjà?

La Présidente (Mme Marois): ...mais vous pouvez continuer à passer à travers votre mémoire, cela réduit tout simplement le temps. Je pense que les membres de la commission ont accepté ça ce matin et...

Mme Lavigne: Bon, d'accord.

M. Chevrette: Pour autant qu'on aura deux ou trois minutes pour faire des remarques.

Mme Lavigne: D'accord, je vais faire ça vite. Le Conseil insiste enfin pour que la formation académique des sages-femmes, formation qui sera retenue ultérieurement, soit de niveau universitaire, afin de satisfaire aux exigences d'une pratique autonome et d'un large champ de pratique.

Le projet de loi propose aussi quatre facteurs pour la sélection des projets-pilotes. On prend d'abord en considération les mécanismes. Sur ce point, le projet de loi peut apparaître imprécis. Par ailleurs, il permet néanmoins l'adaptation nécessaire au contexte particulier de chacun des projets-pilotes. Le second facteur d'approbation est l'identification des actes médicaux qui, selon nous, doit également comporter les conditions d'exercice de ces actes, telle, par exemple, l'assistance médicale en cas de besoin.

On comprend ici que les actes autorisés doivent d'abord faire l'objet d'une entente entre les différents partenaires des services de maternité de l'établissement où se déroule le projet-pilote. Il est donc possible que les actes autorisés varient d'un projet-pilote à l'autre. Il s'agit, bien sûr, d'un mécanisme permettant de respecter le contexte particulier de chaque lieu de pratique. Néanmoins, il ne faudrait pas se retrouver avec des projets où le champ de pratique est tellement restreint que ça ne veuille plus rien dire.

Les mesures d'urgence auxquelles les sages-femmes pourraient avoir recours, conformément à ce qui est prévu par la Confédération internationale des sages-femmes, pourraient aussi être précisées à cette occasion. Il existe déjà d'ailleurs, en milieu hospitalier, un précédent dans le cadre de la réglementation des actes médicaux et infirmiers qui permet un ajustement des pratiques selon des arrangements déjà conclus au sein des établissements.

Pour ce qui est de l'autonomie, ce mécanisme dans le cadre des projets-pilotes assurera aussi l'autonomie des établissements et, par conséquent, une meilleure intégration des sages-femmes. Ce sont là des garanties importantes pour le succès de projets innovateurs. Toutefois, le Conseil voudrait s'assurer que, quel que soit le partage des tâches effectuées lors de ces ententes, les utilisatrices des services de maternité et les nouveaux-nés aient, par protocole, pleinement accès aux services généralement offerts dans les unités d'obstétrique et les pouponnières.

L'avis du Conseil des médecins et dentistes qui est prévu au projet de loi aussi constitue un troisième élément d'acceptation. Le Conseil y voit un facteur essentiel de la réussite d'un projet et II souhaite qu'avant l'approbation du projet, la collaboration aussi des autres spécialistes et des autres intervenants soit assurée.

Par rapport au quatrième facteur de sélection, le Conseil estime que les sages-femmes doivent disposer de toute l'autonomie nécessaire pour remplir véritablement leur rôle. À l'occasion de l'approbation des projets, le gouvernement devra s'assurer que l'équilibre soit respecté entre les trois principes que nous jugeons essentiels, soit l'autonomie de la pratique des sages-femmes, leur intégration harmonieuse à leur milieu de travail et la sécurité du public.

Par ailleurs, le projet exige, à l'article 8, la production annuelle par le centre hospitalier d'un rapport d'évaluation. Soulignons rapidement que nous souhaitons qu'une série d'indicateurs permette une évaluation globale, sur des bases communes.

En ce qui concerne l'article 11, un centre hospitalier, il est prévu qu'il organise et gère dans son établissement ou dans un lieu qui y est rattaché, fasse la gestion... Est-ce qu'on doit comprendre, dans un tel contexte, que la sage-femme devient une salariée de cet établissement et que son employeur assume la responsabilité des actes qu'elle a posés? Cette interprétation correspondrait à l'esprit du rapport du MSSS sur la pratique des sages-femmes selon lequel le mode de rémunération et le salaire privilégié serait le salariat. Cette option présente, en plus, l'avantage de limiter pour les sages-femmes les coûts que pourrait engendrer une assurance-responsabilité professionnelle.

Je passe rapidement. Je pense que je vais passer rapidement à ma conclusion pour permet-

tre de répondre au voeu de M. Chevrette. Alors, somme toute, le Conseil du statut de la femme réserve un bon accueil au projet de loi 4, puisqu'il légalise la pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes dans un milieu pluridisciplinaire, leur accorde d'un champ de pratique qui se rapproche des barèmes internationaux, leur assure l'autonomie dans l'exercice de la profession et enfin, leur donne des responsabilités et des pouvoirs au sein des comités rattachés à leur lieu de pratique.

Les recommandations du CSF portent sur l'évaluation des sages-femmes et leur formation, l'accessibilité à l'ensemble des services en périnatalité pour les femmes et les nouveaux-nés qui reçoivent des soins dans le cadre des projets-pilotes, l'évaluation des projets-pilotes et la participation du Conseil des sages-femmes au processus d'évaluation des plaintes.

De plus, le Conseil demande qu'une politique de périnatalité soit instaurée au Québec et que, dans ce cadre, un meilleur suivi du nombre et de la nature des interventions obstétricales pratiquées sur le corps des femmes au cours de la grossesse et de l'accouchement soit assuré. Finalement, le Conseil demeure fidèle à la position qu'il a toujours maintenue sur la reconnaissance des sages-femmes et à ses engagements en faveur d'une plus grande humanisation des soins et des services entourant l'accouchement et la naissance. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous remercions, Mme la présidente. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mmes les présidentes. Je pense que c'est un moment privilégié que de vous recevoir ce matin, compte tenu de la journée d'hier où on a fait un certain nombre d'échanges sur le taux de satisfaction versus la volonté. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre ce qui s'est dit hier soir, je vous le résume très brièvement.

Un sondage nous révèle que 80 % des gens souhaitent voir reconnaître la pratique des sages-femmes. À cela, hier soir, lorsqu'on rencontrait les différentes fédérations de médecins, on nous opposait un autre sondage qui parlait d'un taux de satisfaction de la clientèle de 97 %, ce qui n'est pas incompatible, je pense. Comme vous êtes l'organisme le plus représentatif des femmes, et c'est votre mandat, est-ce que vous croyez à ces données de sondage qui nous disent qu'aujourd'hui 80 % des gens souhaitent la reconnaissance du statut de sage-femme, de la légalisation?

Mme Lavigne: Je pense qu'on vit dans une société pluraliste, une société où on trouve anormal qu'il n'y ait qu'une seule voie. Nous sommes habitués, dans le type de société où on est, d'avoir des choix multiples et de respecter les choix individuels. Or, je pense qu'il est très normal que la réaction de la population soit de dire qu'une femme doit avoir le libre choix de vivre sa grossesse de façon normale. On comprend fort bien que des gens préfèrent s'entourer de mesures hospitalières plus lourdes, mais il y aussi des gens qui préfèrent... En ce sens, je pense que ça reflète très bien l'opinion et ce n'est quand même pas par hasard que, dans le mouvement des femmes, c'est une revendication qu'on retrouve depuis près de 20 ans et qui concerne fondamentalement la réappropriation de la naissance et de la maternité.

M. Côté (Charlesbourg): Mais il n'y a pas nécessairement d'incompatibilité entre le fait que 80 % de la population souhaitent la reconnaissance et les 97 % de satisfaction à l'égard de ceux qui la pratiquent aujourd'hui.

Mme Lavigne: Je pense que ce qu'on attend, quand on est en milieu hospitalier, c'est qu'il n'y ait pas de bavure. Dans la mesure où il n'y a pas de bavure, les gens ne peuvent pas être insatisfaits et les 3 % d'insatisfaits sont probablement 3 % qui risquent d'arriver avec ou des poursuites, ou des plaintes, etc. Dans la mesure où le système est organisé tel quel et qu'on n'a pas le choix, on se retrouve face à des mesures où c'est bien fait, où il n'y a pas de bavure. Néanmoins, il y a une possibilité, je pense, entre un taux... Et, ces sondages sont toujours faits... Je pense que Mme Boivin veut ajouter un certain élément complémentaire.

Mme Boivin (Micheline): Nous avions examiné, en effet, le sondage de la Corporation des , médecins. La principale limite que nous y voyons, c'est le fait que les questions étaient posées aux femmes immédiatement après l'accouchement, au moment où elles sont exubérantes du fait qu'elles viennent d'avoir un enfant; alors, la satisfaction était plutôt due au fait qu'enfin elles avaient un enfant. Elles étaient contentes d'avoir un enfant. C'était la période plutôt rosé, si on peut dire. Elles avaient oublié les problèmes autres.

M. Côté (Charlesbourg): Ma deuxième question va dans le sens de la première puisque, à la page 4 de votre mémoire, vous évoquez qu'un tiers des femmes accouchées ne le sont pas par le médecin qui les a suivies. Évidemment, c'est un élément extrêmement important dans la sécurité du bénéficiaire, je pense. Comment expliquer qu'on puisse être satisfait à 97 % si un tiers des femmes n'ont pas le médecin qui les ont suivies le long de l'accouchement, donc avant pour le pendant?

Mme Lavigne: Je peux vous répondre de

façon très simple. Un accouchement, ce n'est pas un pique-nique. C'est insécurisant et énervant de penser qu'on n'aura pas son médecin et on se retrouve devant un inconnu, d'autant plus qu'on le fait une ou deux fois, quelquefois trois fois dans sa vie. On ne pratique pas très souvent. Là-dessus, je pense qu'il est très normal qu'une fois que c'est fait, on l'oublie. Ce n'est pas un pique-nique, mais on l'a oublié. On est tellement contente d'avoir un petit que je pense que l'analyse là-dessus... On ne peut pas faire autrement que d'être euphorique quand un bébé est né. S'il est en bonne santé, s'il est normal et si on peut se tenir debout sur nos deux jambes, bien sûr qu'on est contente et qu'on veut entrer à la maison avec le petit le plus vite possible. C'est très normal d'être profondément heureuse quand on a un bébé. Je ne peux vous répondre autrement que ça. (13 h 15)

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je vous écoute, et, pour avoir assisté à l'accouchement de mes deux enfants, je comprends très bien ce que vous dites parce que c'était le même phénomème. Vous évoquez une statistique qui est réelle et qui n'est contestée par personne au niveau de naissances par césariennes. Vous dites qu'en 1987-1988 il y a quand même une augmentation par rapport aux années antérieures qui se situe à 19,5% et c'est plus élevé que ce que l'Organisation mondiale de la santé reconnaît. Cependant, hier soir, ce qu'on a entendu, parce qu'on a posé la question à ceux qui accouchent, on nous a dit, hier soir, que s'il y en avait un aussi grand nombre, c'était peut-être parce que les femmes le demandaient et même l'exigeaient. C'est une affirmation d'hier soir, c'est du vécu. Est-ce que vous êtes de l'avis qu'effectivement, dans ces cas, s'il y en a autant à Québec, c'est parce que la femme au Québec l'exige davantage qu'ailleurs?

Mme Lavlgne: Écoutez, je pense qu'il y a tout un problème de... On vit, je pense - c'est un problème général auquel vous devez être confronté, comme ministre de la Santé - un phénomène global de désappropriation de sa santé ou de remise ou d'absence d'autonomie autant des femmes que des hommes face à la santé, de remettre entièrement entre les mains des autres sa propre destinée. C'est une insécurité qui a été créée au fil des ans où, en même temps, on admire profondément le savoir du corps médical. Dans ce sens-là, qu'il y ait des gens pour lesquels on a créé un climat d'insécurité... Je pense qu'il ne faut pas oublier là-dessus l'expérience collective des Québécoises où on était, il y a quelque 150 ans, les plus fertiles de la planète, où on n'a jamais eu besoin de césariennes pour avoir des taux mondiaux records de fécondité et, là, on se retrouve soudainement comme n'étant plus capable d'accoucher toute seule. Comment se fait-il que les petites-filles de ces mères si fertiles ne soient pas capables d'accoucher toutes seules? Je me dis qu'il y a quelque chose d'autre, en dehors des femmes, qui s'appelle un type de conditionnement à l'insécurité liée à l'accouchement. Je pense que, lorsque je disais tout à l'heure qu'il est important de faire un travail au niveau des mentalités, au niveau des attitudes, c'est d'abord et avant tout de se dire que dans l'immense majorité des cas, comme c'était le cas pour nos arrière-arrière-grand-mères, l'accouchement est un acte normal. Qu'on n'en fasse pas un acte médical. C'est fondamentalement une question d'attitude où ça prend beaucoup de mesures d'éducation et une approche globale de praticiennes qui vont rendre cet événement normal. C'est tout simplement ce qu'on demande.

M. Côté (Charlesbourg): Hier, j'ai énoncé qu'il y avait deux conditions essentielles pour la réussite du projet-pilote, sans présumer que la réussite soit positive, par après, ou négative. Il y avait d'abord l'autonomie des sages-femmes - vous le reprenez dans votre mémoire - et, deuxièmement, le support médical qui est aussi une condition extrêmement importante pour rechercher cette sécurité au niveau de l'accouchement, que ce soit naturel ou un acte médical. Cependant, la question qui se pose à ce moment-ci: Est-ce qu'on peut remplir les conditions d'autonomie des sages-femmes et de support médical n'importe où? C'est-à-dire que je ne dis pas que n'importe où, c'est dans le centre hospitalier, je ne dis pas que n'importe où, ça pourrait être éventuellement dans les CLSC, mais hors des murs de centres hospitaliers et de CLSC?

Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, le Conseil tient beaucoup à un aspect des définitions internationales des sages-femmes qui est toute la notion d'équipe multldisclplinaire, d'interrelation avec d'autres praticiens. Alors, je pense que, quel que soit le lieu où il y aura des expériences, il faut avoir des mécanismes et des lieux où l'interrelation et la référence sont faciles et possibles. Comme on le mentionne, on pense qu'effectivement il peut y avoir des lieux rattachés à des CH, dans la mesure où on a des ententes précises permettant l'interrelation. Les CLSC peuvent être une porte, je pense, un lieu qui peut être intéressant s'ils sont équipés, et probablement beaucoup moins lourds que ce qu'on vit en milieu hospitalier. Ça peut être possible.

Je pense que la condition préalable, c'est d'avoir les ententes. Je me dis que, quels que soient les lieux, dans la mesure où il y a des ententes qui assurent à la fois l'accessibilité des femmes à d'autres types de services et accessibilité rapide, il en va de la sécurité et de la

santé des femmes. Des accidents, ça arrive tous les jours et, dans ce sens-là, on ne peut pas se permettre qu'il n'y ait pas des ententes très claires et une accessibilité des lieux. Cela se fait. Vous savez, quand on regarde la grandeur des CH, ce n'est pas évident que l'accessibilité soit facile, le passage de l'aile nord à l'aile sud, dans un hôpital. Dans ce sens-là, ce qui. est important, ce sont des ententes qui permettent de le réaliser.

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une dernière question.

La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez encore le temps, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question. Évidemment, on a évoqué la possibilité, dans certains cas, qu'il y ait une corporation professionnelle dès maintenant, dès le moment où le processus est enclenché. Est-ce que vous êtes de cet avis ou si, au contraire, le projet de loi qui ne prévoit pas à ce moment-ci qu'il y ait de corporation professionnelle va...

Mme Boivin: Le Conseil avait examiné cette possibilité lorsqu'il avait été consulté sur le rapport du comité sur les sages-femmes qui avait été formé par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le Conseil, à cette époque, adhérait à une proposition de l'Office des professions qui constatait qu'étant donné le nombre restreint de sages-femmes en exercice - en exercice, entre parenthèses - ce nombre-là pour le moment était trop restreint pour assurer la viabilité des structures exigées aux corporations professionnelles dans le cadre de ce qui est prévu au Code des professions. L'Office recommandait qu'il y ait une époque préalable pendant laquelle on pourrait, d'une part, mieux préciser le champ d'exercice et, d'autre part, préciser aussi les modes d'accès à l'exercice. L'Office, en fait, préconisait une structure qu'il appelait - un instant, j'ai des notes ici - une nouvelle structure où l'État fournirait une partie des ressources nécessaires pour organiser la mise sur pied de cette profession. Cet organisme aurait pour fonction de fixer les normes de délivrance et de détention des permis, d'émettre ces permis, d'établir les modes de contrôle nécessaire à l'exercice de la profession. La manière dont cette nouvelle structure évoluerait permettrait par la suite à l'Office de juger du mode corporatif qui conviendrait le mieux.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Boivin. Alors, M. le leader de l'Opposition, vous avez des questions?

M. Chevrette: II appert que mes questions seront exactement sur les mêmes sujets que ceux du ministre parce qu'on n'a presque pas le temps d'en poser. Premièrement, vous dites que les femmes ont suffisamment d'autonomie, les sages-femmes. Vous affirmez ça à la page 8.

Une voix: Pardon?

M. Chevrette: Vous êtes contentes, vous vous réjouissez du fait que le projet de loi 4... Excusez, je vais vous le lire exactement. À la page 8, vous dites carrément qu'elles ont suffisamment d'autonomie. Vous reprenez dans votre conclusion à la page 15: "Le projet de loi 4 leur assure l'autonomie dans l'exercice de leur profession." Or, on a entendu dire, depuis le début, des deux groupes de sages-femmes en particulier, que précisément elles craignaient beaucoup avec la loi 4 actuelle pour l'autonomie d'action dans leur profession, d'autant plus qu'elles ne privilégient absolument pas l'hôpital ou le centre hospitalier alors que vous autres, vous privilégiez le centre hospitalier. Cela m'apparaît une contradiction entre le Conseil du statut de la femme et les deux groupes de sages-femmes qui ont passé devant nous jusqu'à maintenant.

Mme Lavigne: Écoutez, d'une part, je tiens à préciser qu'on ne privilégie pas... Le projet de loi prévoyait des centres hospitaliers ou des lieux qui y sont rattachés. Nous mentionnons l'exploration de la faisabilité dans d'autres lieux, soit les CLSC, d'une part. Par ailleurs, nous, la lecture qu'on a faite à la lumière des structures qui seront mises en place, c'est-à-dire un conseil de sages-femmes où les sages-femmes sont majoritaires et où elles ont un organisme autonome où il y a une coordonnatrice de services de maternité qui est, de par le projet de loi, une sage-femme, où on a créé un certain nombre de conditions qui permettent d'avoir une pratique autonome... Les infirmières n'ont pas ce type de pratique autonome étant dans un conseil consultatif différent. C'est un lieu qui permettait, il nous semblait, en tout cas, à la lecture que nous avons faite du projet, qu'il y avait, de toute façon, dans le fait de pouvoir présenter annuellement un rapport au conseil d'administration de l'hôpital, qu'il y avait un certain nombre de structures qui permettaient, le temps de l'ex-périence-pilote, de développer à la fois toute une série de pratiques et un niveau de références. C'est la lecture que nous en avons faite à la lumière des mécanismes qui étaient identifiés au projet de loi.

M. Chevrette: Est-ce que c'est parce que vous recommandez que ce soient des salariés dépendant directement du centre hospitalier, donc d'une coordonnatrice mais aussi d'un exécutif, si j'ai bien compris le projet de loi, dans sa version actuelle en tout cas? Est-ce que

c'est dans ce sens-là que vous parlez surtout d'autonomie, d'action, par le fait, par exemple, que l'hôpital prendrait fait et cause en l'occurrence pour les sages-femmes? Parce que si on parle strictement profession et automonie professionnelle, par le fait que Mme Boivin nous disait tantôt qu'elles ont déjà envisagé ça, suite à une demande de consultation du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais le projet de loi ne va pas à la reconnaissance immédiate de la profession. Il accorde le droit pratique, sans reconnaître le statut professionnel comme tel. Donc sur le plan du droit, vous allez permettre à des individus dont la profession n'est pas reconnue d'exercer des actes normalement dévolus à une autre profession. À partir de là, est-ce que c'est dans le cadre... Est-ce parce que vous reconnaissez que ces Individus sont donc des salariés de l'institution que vous dites que le projet de loi 4 leur assure de l'autonomie ou si c'est par prudence que vous le faites? À mon point de vue, j'ai entendu les spécialistes hier soir. On leur a demandé: Allez-vous participer à ça? Allez-vous collaborer? Ils ont dit: Non. Des omnis sont venus; on leur a dit: Allez-vous collaborer? Ils ont dit: Non. Ou à peu près, ou pas de réponse. Les gynécologues, eux, ont dit: On verra peut-être. Ou à peu près. De sorte que, est-ce que c'est par optimisme? Pourquoi débordez-vous de confiance sur l'autonomie des sages-femmes dans un tel contexte?

Mme Lavigne: Non, mais ce qu'on dit, autonomie, ça signifie la possibilité d'exercer toute une série de gestes. Remarquons, et je pense que c'est important de le rappeler, l'ensemble du champ de pratique des sages-femmes, II n'y a qu'un volet qui est l'accouchement, le volet le plus spectaculaire dont on parlait tantôt, où il peut y avoir, en tout cas, des protocoles plus étroits, plus identifiés mais où on peut fonctionner aussi par une délégation d'actes. Au niveau de l'approbation des projets-pilotes, le ministère indiquait qu'il est important de s'inscrire dans une philosophie d'autonomie de la pratique, de respect de l'autonomie de la pratique. Ça fait partie des critères d'approbation du projet. Donc, à un endroit où on aurait des gens qui ne peuvent strictement rien faire, je pense que ça ne vaudrait même pas la peine de tenter la pratique.

Pour ce qui est de la collaboration des autres intervenants en santé, je pense qu'au-delà de débats qui peuvent être des débats, je pense, plutôt de nature corporative dans le moment, au-delà de ça, je pense qu'il en va aussi d'une prise de conscience au niveau de la santé globale et d'une approche globale de la santé où, d'abord et avant tout, qu'on soit ou salarié ou payé par la RAMQ, on est d'abord et avant tout payé par l'État pour rendre un service public qui est la santé du public. Dans ce sens-là, quand l'en- semble du public et quand l'État s'orientent vers une forme alternative, il me semble qu'il y a des mécanismes de collaboration qui peuvent se vivre. Ce qui est important, c'est qu'ils soient conçus et acceptés par un milieu pour que les projets se vivent de façon convenable.

M. Chevrette: C'est toujours la même question. Depuis le début, à la lecture, on est obligés de critiquer le projet qui est sur la table. Le ministre a donné d'autres orientations, mais tant et aussi longtemps qu'on n'a pas les autres orientations, on va bien être obligés de prendre le projet qui est sur la table. Vous ne croyez pas qu'avec un projet tel que libellé, on a peu ou pas de chance de faire en sorte que la profession des sages-femmes puisse se développer véritablement et faire des preuves concrètes de bienfait à la grandeur du Québec puisque tout est assujetti à une foule de structures à l'intérieur même d'une institution qui répugne au départ, pas au sens péjoratif, mais qui répugne au départ même aux sages-femmes comme lieu d'exercice?

Je suis surpris de voir qu'il y ait une adhésion quasi inconditionnelle de votre part, de la part du Conseil du statut de la femme, à la structure proposée. Est-ce que c'est... C'est possible que vous ayez eu des échanges avec le ministère et que vous sachiez d'avance qu'il y avait des orientations autres. Non? Mais ça aurait pu. De bonne foi, tu peux discuter de ça. Je ne cherche pas à introduire des sous-entendus malveillants, je veux tout simplement dire que, dans le libellé actuel du projet de loi 4 ou 156, je suis surpris de voir que vous êtes un peu débordantes d'optimisme alors qu'il m'apparait que c'est un carcan qu'il nous faut changer et que même le ministre reconnaît qu'il faut changer au moment même où on se parie et, en particulier, sur l'autonomie. Lui-même l'a dit hier. Vous faites une ouverture même sur les lieux pour permettre une plus grande autonomie et, que vous soyez aussi débordantes, ça me surprend.

Mme Boivin: Si le gouvernement trouve d'autres solutions qui peuvent permettre plus d'autonomie, tant mieux. Toutefois, en fait, l'impression que nous avons c'est que nous agissons maintenant dans un terrain qui n'est pas un terrain vierge, un terrain qui est occupé en matière de santé par de multiples corporations professionnelles et quelle que soit la solution retenue, il faudra négocier avec d'autres corporations professionnelles. Même s'il s'agit de la reconnaissance immédiate d'une corporation professionnelle, ça risque peut-être même de prendre encore plus de temps que de procéder dans le cadre de projets-pilotes où là, on peut déjà faire la preuve qu'il y a des choses possibles et que, sur une échelle plus réduite, on

peut déjà démontrer que les choses peuvent bien se passer.

La Présidente (Mme Marois): cela va? merci. est-ce qu'il y a d'autres questions? une petite, d'accord, parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps et j'aimerais en poser une.

Mme Vermette: En fait, si j'ai bien compris, au tout début de votre mémoire, vous mettiez en cause les dangers d'une pratique en milieu hospitalier et qu'on continue à conserver la médicalisation du geste de l'accouchement par la sous-utilisation de la chambre des naissances. Est-ce que vous croyez justement que de maintenir cet acte-là dans le milieu hospitalier fait en sorte que les mentalités n'évolueront pas non plus rapidement, puisque déjà on voit que par la pratique, on sous-utilise... Et, le fait d'avoir des sages-femmes dans les hôpitaux, est-ce que ça peut changer les mentalités?

Mme Lavigne: Je pense que ça peut être un facteur de confrontation extrêmement important et que la chose la plus déplorable qui pourrait arriver c'est qu'alors que tout le monde souhaite une diversité de lieux, de projets-pilotes, on s'inscrive et on prenne une voie différente en disant: Plus dans les CH. Donc, les femmes qui vont accoucher dans les CH, surmédicalisation, et celles qui vont accoucher ailleurs, accouchement normal. C'est important qu'il y ait des initiatives. Un projet-pilote en soi, c'est porteur d'innovations, ça permet à un milieu d'apprivoiser des changements et c'est absolument fondamental que la pratique dans l'ensemble médical autour de l'accouchement s'humanise de plus en plus. Je pense que c'est un facteur qu'il ne faut absolument pas oublier, parce que nous ne l'oublions pas. Compte tenu du nombre de personnes qui risquent de pratiquer comme sages-femmes, il faut se dire que pour les cinq prochaines années il y aura juste huit projets-pilotes. Quand même, la grande majorité des femmes québécoises vont continuer d'accoucher de façon traditionnelle avec médicalisation. C'est important qu'il y ait aussi des projets dans des hôpitaux et qu'on se dise: C'est faisable, un CH humain, c'est aussi faisable. Et, dans ce sens-là, c'est un facteur d'innovations qu'il ne faut pas enlever. Néanmoins, la diversité est importante et il y a probablement des endroits plus faciles et plus souples pour avoir une expérience plus globale, plus large et plus intéressante.

C'est dans ce sens-là que je tiens à rappeler à M. Chevrette que ce n'est pas un enthousiasme inconditionnel à le limiter à un lieu hospitalier; nous l'avons dit clairement, il faut que d'autres lieux soient regardés aussi.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Si vous me le permettez, un commentaire et une petite question et ce sera terminé. Dans votre document... C'est peut-être aux membres de la commission que je devrais plutôt m'adresser. À la page 3, on mentionne que le rapport entre le nombre d'accouchements en chambres des naissances et le nombre d'obstétriciens indique que plus ils sont nombreux, moins la chambre des naissances est utilisée. J'avais posé la question hier à l'Association des obstétriciens et gynécologues et on me disait qu'il y avait une nette volonté de l'utiliser et, de la même façon, que plus il y a de gynécologues dans un centre hospitalier, plus le nombre de transferts de la chambre des naissances à la salle d'accouchement est grand.

Cela étant dit, je ne veux pas vous mettre en porte-à-faux; il y a actuellement féminisation de la médecine et même de la médecine de spécialité. On nous a présenté hier ce fait comme rendant caduque la possibilité d'ouvrir du côté d'une nouvelle pratique qu'est la pratique sage-femme puisqu'on dit maintenant que la pratique traditionnelle est aussi occupée largement par des femmes. Est-ce que vous partagez ce point de vue?

Mme Lavigne: Fondamentalement, je pense que c'est une question d'approche et de formation. Quand on est formé à travailler avec l'anormal, la maladie, on n'a pas la même perspective que quand on est formé d'abord et avant tout à travailler en termes de prévention et, comme le disait la sage-femme tantôt, de travailler avec du normal. C'est essentiellement une question d'approche et il est important qu'on puisse accepter qu'il y ait d'autres approches que l'approche de la maladie. Il y a aussi une approche de santé qui dit que la naissance est un geste ce qu'il y a de plus naturel et qu'on peut le vivre en santé, sans médicaments. Ce n'est pas une question de l'un ou de l'autre, d'avoir des femmes dans la profession ou pas, c'est fondamentalement une question de formation scientifique qu'on a eue et des gestes qu'on est amenées à poser conséquemment à la formation qu'on a eue.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la présidente. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Alors nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 36)

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Marois): J'inviterais les membres de la commission à prendre leur siège.

Nous allons reprendre nos travaux. L'ordre de présentation des mémoires, cet après-midi, est le suivant: la Corporation professionnelle des médecins du Québec, le Centre de santé Inuulitsivik, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, ce soir les Cercles de fermières, l'Association des pédiatres, l'Association médicale, et Mme Maria De Koninck.

Alors j'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des médecins du Québec à s'avancer, s'il vous plaît.

Alors, s'il vous plaît, on va se redire nos règles du jeu. Ça prendra à peine quelques secondes. Vous avez environ une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Si vous dépassez, c'est moins de temps aux membres de la commission pour leur permettre de vous questionner. Le reste du temps se partage à parts égales entre les gens du gouvernement et de l'Opposition.

M. Chevrette: Mme la Présidente, on ne donne pas notre consentement à tous les groupes pour dépasser!

La Présidente (Mme Marois): On essaie de s'entendre pour que ça se passe dans un contexte correct et que vos propos soient non seulement entendus, mais compris.

M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends le député de Joliette, n'est pas roi qui veut ici.

La Présidente (Mme Marois): II y a déjà une reine, alors... Ha, ha, ha!

Une voix: Oh, oh!

La Présidente (Mme Marois): Si on peut s'amuser un peu. Je m'excuse. S'il vous plaît, vous présentez votre équipe.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): Mme la présidente, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, MM. et Mmes membres de la commission parlementaire, avant de commencer, je vais présenter les gens qui m'accompagnent. À ma droite, le Dr Joanne Béliveau, omnipraticienne de la rive sud de Montréal, le Dr André Lapierre, secrétaire général adjoint de la corporation des médecins, le Dr Pierre Saint-Georges, directeur du Service de l'inspection professionnelle, et, qui sont malheureusement en retard, le Dr Marie-Thérèse Gagnon et le Dr Lucille Martin, de La Pocatière, qui devraient arriver au moment où je vais faire ma présentation.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Roy: Au nom de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, je veux remercier les membres de la commission des affaires sociales de nous fournir l'occasion de donner notre opinion sur le projet de loi 4 relatif à la pratique des sages-femmes. Présumant que vous avez pris connaissance du mémoire que nous avons fait parvenir à la commission en août dernier, vous me permettrez, dans un premier temps, de résumer la position de la Corporation sur le projet de loi.

Sans vouloir vous offusquer, M. le ministre, nous répétons que ce projet de loi doit être retiré. Il s'agit d'un texte improvisé, ambigu, qui fait fi du cadre législatif prévu pour régir le système professionnel et hospitalier, et qui érige en parallèle pour les sages-femmes un système d'exception qui ne tient compte ni des structures en place, ni des professionnels oeuvrant déjà dans les domaines de l'obstétrique et de la périnatalité.

Il nous apparaît inacceptable de contourner la législation actuelle et de confier à deux ministres un pouvoir d'exception. Par surcroît, le projet de loi soustrait ces ministres aux mécanismes existants de contrôle et de discussions publiques prévues au Code des professions. De plus, la définition de l'exercice des sages-femmes que donne le projet de loi déborde largement, selon nous, l'entendement habituel que l'on a du rôle de la sage-femme qui est de s'occuper d'une femme en cours de grossesse, d'un travail et d'un postpartum normaux et de procéder aux accouchements vaginaux spontanés normaux avec l'obligation de référence à un médecin dans les cas qui sortent de la normalité.

Elle ne tient pas compte des orientations de la pratique des sages-femmes, notamment dans la plupart des pays européens où cette pratique s'amenuise et où les liens de la sage-femme avec la profession médicale et les autres intervenants en périnatalité se raffermissent. De plus, le projet de loi prévoit que cette définition pourrait encore être élargie grâce au pouvoir décisionnel de deux ministres.

En plus de contourner la législation professionnelle, le projet de loi propose également de contourner la Loi sur les services de santé et les services sociaux en dédoublant les structures hospitalières. Il créerait un conseil des sages-femmes en parallèle au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et un service de maternité en parallèle au service d'obstétrique. Ce dédoublement ne risque-t-il pas de créer deux niveaux de soins et d'augmenter les coûts sans compter les problèmes et les bouleversements qu'un tel précédent pourrait créer pour les nombreux professionnels en place?

Signalons enfin, à l'égard du projet de loi, que rien ne nous permet de comprendre les objectifs que l'on veut poursuivre avec les projets-pilotes, si ce n'est un désir d'implanter

progressivement et en douce une pratique sages-femmes sous le couvert d'une expérimentation. En fait, la vieille stratégie des taxes temporaires qui, généralement, deviennent permanentes.

Essayez de découvrir dans le projet de loi quels critères autres que des critères d'implantation sont prévus pour qu'un projet-pilote soit admissible. Comme les mêmes critères seront utilisés quand il s'agira de procéder aux évaluations, on peut d'ores et déjà prévoir quels seront les rapports de ces évaluations.

Dans un deuxième temps, je voudrais vous faire un court résumé du cheminement du dossier de périnatalité. En 1973, le ministère des Affaires sociales a promulgué sa première politique de périnatalité à laquelle un groupe important de médecins ont contribué et que la corporation a appuyée. Entre 1973 et 1985, des progrès Importants ont été accomplis en périnatalité et ont permis au Québec d'atteindre les premiers rangs au Canada et dans l'ensemble des pays industrialisés en ce qui a trait aux mortalités maternelles et périnatales. Malgré ces progrès, des problèmes ont persisté à l'égard des taux de naissance de nouveau-nés prématurés de petit poids, des taux de nouveau-nés présentant des anomalies et à l'égard de l'humanisation des soins.

Entre 1978 et 1985, à l'instigation du Conseil du statut de la femme, les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales procédaient à des travaux dans le but d'ouvrir la voie à la formation et la reconnaissance d'une nouvelle intervenante en obstétrique. À l'égard de ces divers travaux, la Corporation s'est vu refuser la collaboration qu'elle a maintes fols offerte. Malheureusement, et nous le regrettons, le gouvernement a volontairement mis la profession médicale de côté.

En 1985, le ministère de la Santé et des Services sociaux déposait un nouveau projet de politique en périnatalité. Je vous rappelle que c'est dans le cadre de cette politique que le ministère a introduit une nouvelle intervenante, la sage-femme, comme un des moyens de répondre au problème de périnatalité. La Corporation a alors signifié qu'elle était d'accord avec les grands objectifs que cette politique visait, mais qu'elle était en désaccord sur les priorités à établir, sur les moyens à mettre en place. Bon nombre de personnes ici présentes savent que le ministère a alors demandé de procéder à des études en profondeur sur certains sujets retenus comme prioritaires, à savoir mortalité et morbidité périnatales, périnatalité en milieu défavorisé, grossesse à l'adolescence, période postnatale, pratique des sages-femmes, lieu de naissance. Je vous fais remarquer que ce dernier texte n'a jamais été publié. Nous savons qu'il existe, par ailleurs, et nous savons qu'il a circulé dans le milieu des sages-femmes, que des sages-femmes, du moins, l'ont vu. Nous avons une petite idée des raisons pour lesquelles sa dif- fusion générale n'a pas été faite.

Dès juillet 1987, l'avis sur la pratique des sages-femmes élaboré par le ministère, l'avant-dernier, le numéro 5, en fait, "la pratique des sages-femmes", était disponible et soumis, entre autres, à la Corporation. Dès novembre 1987, nous faisions part des réactions suivantes: La Corporation signifiait son étonnement de voir que le ministère était déjà en mesure de proposer une solution alors qu'il ne disposait que d'une des six études qu'il avait commandées pour établir l'ensemble de la problématique, prélude indispensable à une politique cohérente et appropriée. En toute logique, cette étude aurait dû être la dernière publiée, déjà ça sentait le parti pris à plein nez. La Corporation signifiait son désaccord avec une des conclusions de l'avis sur les sages-femmes qui laissait croire que la solution des problèmes à connotation multlfac-torielle en périnatalité passait par la reconnaissance d'une nouvelle ressource professionnelle, la sage-femme, une sorte de panacée, une femme orchestre, à la fois infirmière, travailleuse sociale, médecin de famille, pédiatre et obstétricienne.

La Corporation donnait par ailleurs son accord de principe aux objectifs généraux à poursuivre en périnatalité mais dans un ordre de priorités différent de celui proposé. Ses objectifs étaient de poursuivre les efforts pour diminuer le taux de mortalité périnatale, travailler à la prévention des naissances de bébés prématurés de petit poids, viser à faire disparaître les difficultés rencontrées par les groupes particuliers, grossesse à l'adolescence, en milieu défavorisé, grossesse en région éloignée, viser à obtenir un recours rationnel aux interventions obstétricales et favoriser, finalement, l'humanisation des soins et services entourant la grossesse et la naissance. Depuis lors, la Corporation a toujours maintenu que le gouvernement devait se doter d'une nouvelle politique de périnatalité - on n'est pas les seuls, d'ailleurs, le Conseil du statut de la femme l'a dit ce matin - une politique devant répondre aux problèmes persistants, selon leur ordre d'importance. Cette politique établirait les objectifs de santé publique à atteindre et les moyens à mettre en place selon la gravité, la nature et les causes des divers problèmes. Elle devrait tenir compte des ressources disponibles tant humaines et organisa-tionnelles que pécuniaires.

Dix-huit mois plus tard, en décembre 1988, alors même que la politique ministérielle reconnaissant les sages-femmes, datée, entre parenthèses, de septembre 1988, était déjà arrêtée, dix-huit mois plus tard, en décembre 1988, après l'avoir quémandé à de maintes reprises, la Corporation obtenait enfin un résumé de quatre autres études commandées par le ministère, études qui n'ont fait que la confirmer dans ce qu'elle savait déjà.

Les principaux problèmes rapportés dans ces études étaient l'arrêt de l'amélioration des taux de nouveau-nés de petit poids et de prématurés, les disparités dans les taux de mortalité et de morbidité périnatales au sein de diverses régions ou de certains groupes de la population, les problèmes d'utilisation de techniques obstétricales, les problèmes d'humanisation des services. Ces études permettent de constater que le Québec a un taux de succès remarquable, comparable au meilleur au monde dans sa lutte à la mortalité périnatale, en général, mais que les résultats deviennent très inquiétants quand on analyse les grossesses difficiles et certains des facteurs spécifiques de mortalité et de morbidité périnatales. (15 h 15)

C'est en milieux défavorisés que ces taux sont les pires et une des études établit qu'ils sont le double ou le triple de ceux des femmes socio-économiquement favorisées et qu'ils équivalent même, au Québec, à ceux du tiers monde. Il me semble important de faire connaître à cette commission certaines des données de ces études du ministère. En 1985, on estimait environ une Québécoise enceinte sur cinq, soit près de 16 000 femmes enceintes, le nombre de celles qui vivaient sous le seuil de la pauvreté. De ce nombre, de 7000 à 9000, soit de 9% à 11% de toutes les femmes qui accouchent dans l'année, vivaient dans des conditions d'extrême pauvreté et souffraient de revenus insuffisants, de sous-alimentation ou d'insécurité totale d'une vie en marge de la société. Ceci est d'autant plus préoccupant que les femmes pauvres sont plus nombreuses à avoir plus d'enfants en générai. En milieux défavorisés, on compte un nombre plus important d'adolescentes enceintes, le plus de maladies ou d'états pathologiques au cours de la grossesse, vomissements, infection, hypertension, oedème, menaces d'interruption spontanée de grossesse, le plus de prématurés, le plus de nouveau-nés de poids insuffisant, leur nombre est estimé à environ 1500 - le plus de retards de croissance intra-utérine.

C'est parce que cet écart entre les groupes sociaux doit être réduit que la Corporation croit que le geste important que le gouvernement doit poser en matière de santé publique consiste à établir une politique de périnatalité avec des objectifs précis, soit une réduction de la mortalité périnatale, du nombre de nouveau-nés de petit poids à la naissance, du nombre de prématurés, du nombre de nouveau-nés présentant des anomalies graves.

Les mesures à prendre doivent être appropriées et pertinentes, tout comme les ressources choisies. Pour la Corporation, il serait aberrant de croire que la création d'un corps professionnel pourrait résoudre les problèmes alarmants mentionnés. Ces problèmes ont des causes multiples de divers ordres qu'aucune profession existante ou à créer ni aucun établissement ne peuvent raisonnablement espérer résoudre seuls.

Tout au long de la dernière décennie, de nombreuses mesures ont été prises par les hôpitaux, par les intervenants actuels en périnatalité, par la Corporation des médecins, pour améliorer la pratique de l'obstétrique, favoriser une approche plus humanisée de la grossesse et, ceci dit, un recours plus judicieux à la technologie et aux interventions obstétricales.

Tous ces efforts ont permis d'atteindre un résultat inespéré si l'on tient compte du contexte nord-américain dans lequel nous sommes. En plus de continuer ces efforts, il est impératif de prendre des mesures plus directement destinées aux femmes enceintes des milieux défavorisés et aux problèmes qui les affectent, mesures qui doivent être prises. À cette fin, il est Important et primordial d'adopter d'Importantes mesures sociales pour pallier aux problèmes d'insuffisance de revenus, de sous-alimentation, de logements insalubres, de mauvaises conditions de travail des femmes enceintes des milieux défavorisés, de créer des équipes multidisciplinaires composées de divers professionnels oeuvrant déjà en périnatalité et qui ont déjà fait la preuve de leur compétence et de leur efficacité. Ces professionnels sont, en plus des médecins, des infirmières et infirmiers, infirmières et infirmiers auxiliaires, préposés aux services d'obstétrique et de pé-rinatalogie, les diététistes, travailleurs sociaux, auxiliaires sociales et familiales, psychologues, etc.

Seule l'approche multidisciplinaire permettra de rejoindre les gens du milieu défavorisé, d'instaurer des programmes de soins globaux mettant à contribution tous les intervenants actuels en obstétrique et en périnatalogie tant des établissements du réseau que des cliniques privées, d'articuler l'action des centres hospitaliers et des CLSC pour réaménager les programmes existants, notamment, celui des cours prénatals, afin de les rendre plus accessibles et mieux adaptés aux divers groupes de femmes enceintes, notamment, à celles du milieu défavorisé.

Compte tenu du peu de ressources budgétaires dont semble disposer le gouvernement, si on s'en tient aux récents propos du premier ministre en Chambre, il est important et primordial d'affecter celles qui sont disponibles aux mesures qui permettront de solutionner les plus importants problèmes de santé publique. À cet égard, la Corporation est d'avis que les problèmes de mortalité et de morbidité périnatales doivent avoir priorité sur ceux qui sont reliés au mieux-être des femmes qui ont une grossesse et un accouchement normal.

Je désire répéter devant cette commission que la Corporation des médecins a toujours insisté auprès du ministère pour que la question

des sages-femmes soit envisagée dans le cadre d'une politique de périnatalité dans laquelle des besoins seraient d'abord établis, des objectifs prioritaires déterminés et des moyens pertinents choisis, en tenant compte de l'ensemble des ressources humaines organisationnelles et budgétaires disponibles.

En septembre 1988, le ministère a dévié de cette route pour des motifs qu'il est le seul à connaître. Le projet de loi que vous avez devant vous est le fruit du scénario adopté par le ministère. En ce qui nous concerne, nous répétons que le projet de loi 4, qui prévoit la reconnaissance des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, ne répond pas à des besoins prioritaires en périnatalité, qu'il s'agit, de plus, d'un mauvais projet pour des raisons invoquées dans le mémoire que nous avons soumis à la commission et qu'il doit être retiré.

La Corporation professionnelle des médecins a déjà enjoint le ministère d'éviter de se tromper de priorités. Elle est d'avis qu'en promulguant le présent projet de loi, le gouvernement ne vise pas les objectifs prioritaires. C'est, avant tout, une politique de prénatalité que le ministère doit établir et il doit le faire en concertation avec les principaux intervenants du milieu. Ce n'est que dans le cadre d'une telle politique qu'il sera possible de déterminer, à partir des besoins prioritaires à satisfaire, à quelles ressources humaines actuelles et nouvelles il faudrait avoir recours.

En terminant, nous faisons nôtre cet article récent de Châtelaine que je cite in extenso: "L'accouchement par sage-femme: un happening de luxe, inutile et dangereusement "rétro". "Oui, c'est vrai, les sages-femmes ont une longue histoire derrière elles, en Europe, en Afrique et ailleurs. Au début, femmes du village ou de la tribu, elles tiraient leur savoir-faire de l'expérience du quotidien et de quelques traditions orales transmises de mère en fille. Plus tard, ce seront, en France par exemple, essentiellement des infirmières spécialisées en obstétrique. Leur présence s'imposait dans les campagnes, où les naissances étaient nombreuses, les hôpitaux éloignés, les moyens rapides de transport inexistants et le nombre de médecins insuffisant. L'accouchement à la maison n'y a pourtant jamais été vécu comme le comble du bonheur, bien au contraire. Entièrement "naturel", c'est-à-dire la plupart du temps long et douloureux, il imposait de plus à la récente accouchée un trop rapide retour au travail si une parente ou une voisine n'acceptait pas de prendre en charge les soins du ménage et les autres enfants. C'était par excellence l'accouchement des pauvres. L'arrivée de centres hospitaliers ou au moins de cliniques d'accouchement dans toutes les petites villes de France, à moins de dix kilomètres de chaque village, a été saluée, je m'en souviens, avec enthousiasme et un profond soulagement, comme un véritable progrès social. "Pourtant, en raison d'une logique bizarre, c'est maintenant, quand la majorité des femmes n'auront qu'un enfant, qu'un seul accouchement dans leur vie, que certains jugent nécessaire et même obligatoire de leur offrir le choix parmi de multiples scénarios d'accouchement et, particulièrement, la "chance" de pouvoir accoucher "naturellement" chez elle, en la seule compagnie d'une sage-femme. Une sorte de happening rétro pour entourer d'un maximum de "magie" cet acte qui risque d'être unique? "L'accouchement, vous diront-elles, c'est une histoire de femmes, qui doit se passer entre femmes. Je suis loin d'être d'accord mais, quant à cela, la profession médicale se féminise tellement rapidement que nui n'est besoin de sages-femmes pour s'assurer d'une présence féminine au chevet des accouchées. (Le sexisme d'ailleurs est déplaisant, d'où qu'il vienne. Dans leur esprit, l'existence de "sages-hommes" est-elle possible? Je ne le crois pas.) "L'accouchement, insisteront-elles encore, est un acte "naturel" qui ne nécessite pas la présence d'un médecin. Oui, et le nombre de femmes qui en sont mortes tout à fait "naturellement", avant que la médecine ne s'en mêle, est proprement effrayant! Même une grossesse normale peut s'achever par un accouchement difficile, potentiellement dangereux pour la mère et l'enfant. C'est rare, mais pourquoi prendre un risque, même léger, quand absolument rien ne vous y force. Et si l'accouchement à l'hôpital est surmédicalisé (trop de césariennes et d'épisioto-mies), ça doit et ça peut se corriger de l'intérieur et non en instituant un système parallèle. "Et puis enfin, je ne comprends pas à quelle sorte de pression cède Mme Lavoie-Roux - c'a été écrit en juillet. On manque d'argent au Québec pour les services sociaux: les hôpitaux se plaignent, les infirmières aussi, sans parier des garderies, de la protection de la jeunesse, de l'aide insuffisante aux familles pauvres, monoparentales ou non. Et le peu d'argent disponible devrait servir entre autres à créer un service parallèle de sages-femmes qui n'intéressera qu'une infime portion de femmes, nanties d'une maison confortable, assurées de l'aide nécessaire et en quête d'émotions fortes? "Mettre un enfant au monde, ça prend au plus 24 heures; l'élever, plus de 20 ans: les priorités sont claires et Mme Lavoie-Roux devrait, me semble-t-il, revoir les siennes!"

Mme la Présidente, je termine. Comme la très grande majorité des Québécois, l'Assemblée nationale croit fermement que le Québec est une société distincte avec, notamment, sa langue, ses traditions, ses coutumes et sa culture. Contrairement à d'autres pays ni meilleurs ni pires, le Québec n'a pas de sages-femmes parce que ce champ d'activité est occupé par les médecins qui

tiennent à le conserver. Il faut accepter cette différence et tirer bon parti de cette spécificité tout comme il faut respecter celle de nos compatriotes, les Inuit du Grand-Nord québécois qui vont venir parler après moi. Pourquoi changer un système qui a fait ses preuves et qui fonctionne bien? Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je partagerai mon temps avec mon collègue d'Abitibi-Est. Évidemment, Dr Roy, on vous salue ainsi que mesdames et messieurs qui vous accompagnent. Vous n'êtes pas sans savoir que votre participation à cette commission était très attendue et que vous avez été un assidu depuis le début de cette commission parlementaire pour avoir des points de vue de tous les horizons et, bien sûr, pour être capable de répondre aux quelques petites questions qu'on pourrait avoir inspirées par notre propre connaissance des faits. J'y vais à l'aide du mémoire.

À la page 1, vous dites, au bas: "La définition de l'exercice des sages-femmes que donne le projet de loi déborde largement, selon nous, l'entendement habituel.11 Ça implique qu'elles ont un entendement habituel, qui est donc reconnu ailleurs qu'ici et qui se pratique ailleurs qu'ici. Sur la fin de votre présentation, vous nous avez dit: On est distincts, on pourrait l'être aussi dans ce domaine en n'ayant pas des sages-femmes, sachant déjà qu'il y en a, parce qu'on ne se le cachera pas, il y en a au moment où on se parle. Alors, l'expérience, et d'ailleurs ce n'est pas une surprise pour vous parce qu'on s'en est parlé avant même la commission dans des rencontres que nous avons eues... J'avais dit: II y aura un projet de loi, il y aura des expériences-pilotes. Evidemment, votre position est connue aussi, vous avez dit: II faut que vous retiriez le projet de loi tel qu'il est. Ce n'est pas pire, on a déjà fait un bout. Il faut retirer le projet tel qu'il est, je pense qu'on a fait un bout.

Qu'est-ce qui, fondamentalement, justifie une opposition aussi campée de l'ensemble des médecins - je pense que ça me paraît assez évident pour une très large majorité - à l'implantation ou à la légalisation chez nous de la pratique des sages-femmes alors que, dans à peu près tous les domaines, on va toujours puiser de l'expérience européenne, l'expérience des États-Unis, et que ça ne nous a pas toujours mal desservis? Pourquoi ça nous desservirait de mauvaise manière dans ce cas-ci?

M. Roy: M. le ministre, je vais vous dire qu'on n'a rien contre les sages-femmes comme telles. On sait que des sages-femmes, ça existe ailleurs dans le monde. Ce n'est pas du charlatanisme. On sait que ça s'apprend, faire des accouchements. Tout ce qu'on dit, c'est qu'au Québec on ne croit pas nécessaire d'avoir une nouvelle intervenante dans ce domaine pour faire de la grossesse normale, pour faire des accouchements normaux. On dit, par ailleurs, qu'il y a une politique de périnatalité, il y a des problèmes spécifiques au Québec de prématurité, de bébés de petit poids, et auxquels il faudrait s'attaquer d'une façon urgente, mais ce n'est pas en ajoutant quelqu'un dans un dossier qui est déjà très bien couvert par les omnipraticiens et les spécialistes, quelqu'un qui va faire de la "duplication", qu'on va aider les femmes des milieux défavorisés. En Europe, et on vous l'a dit hier, lorsqu'il y a des sages-femmes, il n'y a pas d'omnipraticiens qui font des accouchements. C'est une tradition, c'est une culture, c'est un système de santé. Ils ont leur spécificité, le Québec a la sienne, tout le monde s'en vante, veut s'en réjouir. On n'a pas de sages-femmes ici. Ce sont les médecins qui ont fait les accouchements ici, depuis toujours. Il y en a déjà eu des sages-femmes dans le temps de la colonie. Elles ont été remplacées par les médecins au fur et à mesure que la profession médicale s'est améliorée, que les médecins sont devenus en nombre suffisant, que les hôpitaux ont été construits. Madame, de Châtelaine, vous dit: Qu'est-ce que vous voulez? Les sages-femmes, c'était dans un moment de pénurie, un moment de pauvreté. Et c'est ce qui se passe en Europe à l'heure actuelle. En Europe, de plus en plus les femmes vont accoucher à l'hôpital et c'est pour ça qu'en Europe les sages-femmes se sentent menacées. Au moment où les sages-femmes diminuent d'importance en Europe, nous ici on va les créer au Québec, une sorte de système rétro. Alors, c'est ça qu'on dit. Il n'y a rien de sorcier là-dedans. D'autant plus que ces sages-femmes dont on parie, dans la définition que vous donnez dans le projet de loi et qui est donnée par elles-mêmes, font inévitablement de la médecine globale du début à la fin, de la planification familiale au suivi de la grossesse et du bébé. Alors, ça, c'est de la médecine, de l'om-nipratique, de la pédiatrie, de l'obstétrique, du service social, en plus du nursing. Alors, c'est ça qu'on dit; à ce moment-là, on n'en a pas besoin, c'est de la "duplication". Pourquoi créer une nouvelle professionnelle de la santé alors qu'au moment même le gouvernement tente de réduire le nombre de médecins dans les facultés de médecine?

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je pense que chacun exprime ses opinions et c'est la liberté qu'on a. On peut les partager ou ne pas les partager, mais on doit les respecter et ça, je pense que c'est la base même de notre système.

A la page 3, il est clairement dit - et, d'ailleurs, pas seulement une fois, à plusieurs

reprises dans le mémoire; je pense qu'on sent qu'on a la même analyse, tout le monde partage à peu près la même analyse avec nos faiblesses et avec nos forces - dans le troisième paragraphe, dernière phrase: "Malgré ces progrès, des problèmes ont persisté à l'égard des taux de naissance de nouveau-nés prématurés et de petit poids, de taux de nouveau-nés présentant des anomalies et à l'égard de l'humanisation des soins et, au-delà de ça, tout le monde reconnaît qu'on a des problèmes spécifiques au niveau des adolescentes enceintes, au niveau des milieux défavorisés et au niveau des femmes en régions éloignées. " (15 h 30)

Si notre système est si bon que cela, qu'est-ce qui fait qu'on en arrive avec ces problèmes-là dans des régions isolées, dans des régions très urbanisées, mais à faible potentiel sur le plan économique? Qu'est-ce qui fait qu'on a quand même ces problèmes-là et qu'est-ce qu'ont fait vos professions pour être capables de corriger ce problème-là, puisque la principale accusation qu'on a entendue ici, parce que c'en est une, c'est que votre préoccupation première, c'est pendant: avant et après, ça ne semble pas être votre préoccupation?

M. Roy: Très bien, M. le ministre. Votre petite question est facile à répondre. Les médecins sont ceux qui font de la médecine. On sait qu'il y a des problèmes chez les femmes des milieux défavorisés; ce milieu-là est difficile à percer. Actuellement, ce sont les CLSC et les départements de santé communautaire qui devraient s'en occuper. Les départements de santé communautaire ont maintenant plus de difficultés: les politiques de périnatalité sont en CLSC. C'est pour ça qu'on me dit et on est ouvert à une nouvelle politique de périnatalité qui va bâtir une équipe de périnatalité, pas seulement avec des médecins, mais avec des infirmières, des travailleuses sociales, des diététistes et des intervenants. Ils existent déjà. On dit: Pourquoi créer une nouvelle catégorie? Pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas des budgets plus grands aux CLSC et aux DSC pour avoir du personnel entraîné, pour aller percer le milieu des clientèles défavorisées, pour faire de l'éducation, de la prévention? Pourquoi le ministère, quant à ça, n'aurait-il pas plus de personnel dans les hôpitaux et les départements d'obstétrique pour faire le suivi du travail, par exemple, au niveau de l'humanisation des services? Là, vous revenez aussi avec avant, pendant et après, comme si les médecins ne faisaient que l'accouchement. Le médecin suit la femme pendant sa grossesse. Les femmes vont voir le médecin; les visites peuvent être de six à huit, douze ou treize, dépendamment du cas. Le médecin est formé pour suivre une femme, au complet, dans sa globalité. Il est formé pour faire l'accouchement également quand il veut en faire. Il est formé également pour faire le suivi de la grossesse et il le fait très bien. Alors, le médecin fait la globalité de la médecine. Le Dr Saint-Georges va compléter.

M. Saint-Georges (Pierre): J'aimerais juste rappeler quelques éléments qui vont resituer la chose dans son contexte. En fait, pourquoi dit-on qu'actuellement on croit que les besoins d'une sage-femme ne sont pas démontrés? C'est pour certaines raisons que j'aimerais vous énumérer. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a en médecine, et on est la seule province au Canada à avoir ça, un programme intégré de formation en médecine générale. Ça nous a pris quinze ans avant de faire modifier notre réglementation pour pouvoir en arriver à ça, mais, finalement, on l'a et ce n'est pas dans cinq ans qu'on aura des omnipraticiens médecins de famille qui vont avoir une expertise autant en obstétrique que dans les autres domaines, mais c'est en juillet 1990. Je pense qu'il est important, si on veut qu'il y ait une certaine cohérence dans nos politiques, qu'on puisse au moins expérimenter ce que, éventuellement, cette nouvelle proportion de médecins pourra apporter.

D'autre part, comme le Dr Roy vient de le dire, les médecins ont toujours suivi les patientes en prénatal comme en postnatal, de la même façon qu'au moment de l'accouchement. Il est bien sûr qu'il y a des améliorations possibles. On vous a fait un mémoire hier où on a voulu intégrer la sage-femme aux CLSC. Moi, je vous dirais: Ce n'est pas en créant des structures qu'on va régler le problème, c'est en rendant les structures disponibles à la population. Il ne faut pas intégrer le problème des sages-femmes aux CLSC, il faut intégrer les CLSC à l'intérieur des problèmes de la population. On en voit fréquemment des médecins qui viennent nous dire: Si on pouvait avoir les supports de diététistes qui existent dans les CLSC, si on pouvait avoir les supports de travailleuses sociales qui existent dans les CLSC, on améliorerait de beaucoup le suivi qu'on peut faire des parturientes.

Il serait peut-être important aussi d'articuler et d'arrimer les cours prénatals qui existent dans la province de Québec. Pour certaines régions de la province et particulièrement les régions éloignées, les gens peuvent se parler passablement plus que dans les grands centres, mais le Québec est aussi un agglomérat de grands centres. Et, particulièrement dans la région de Montréal, vous n'êtes pas sans savoir que ce qui se dit dans les cours prénatals, d'une part, est contredit très fréquemment dans les établissements hospitaliers, d'autre part. Plutôt que de penser à créer des structures, si on pensait à utiliser déjà les personnes en place, les amener à pouvoir dialoguer ensemble et échanger les éléments d'information qu'ils ont et améliorer l'accessibilité, entre autres, aux cours prénatals,

je pense qu'on améliorerait énormément de choses.

Dans les centres hospitaliers même où, par le fait qu'on ait pu rencontrer bon nombre d'Infirmières de salles d'accouchement, on dit que l'équivalent d'environ 1 % des femmes sont accompagnées, soit par des sages-femmes ou par d'autres personnes qui ne veulent pas s'identifier, vous n'êtes pas sans savoir qu'on est dans des établissements de Montréal à vouloir créer des structures parallèles d'infirmières qui vont permettre aux femmes d'être accompagnées pendant leur travail à cause du manque de personnel infirmier dans les établissements. C'est probablement une situation qu'on pourrait très facilement régler en allouant différemment certains budgets hospitaliers. On pourrait facilement penser à réaménager des corps de travail dans des établissements hospitaliers pour pouvoir, éventuellement, assurer un meilleur suivi des parturientes en travail. Si ce n'est pas possible pour les infirmières aujourd'hui, je me demande pourquoi ce sera possible éventuellement pour les sages-femmes dans trois ans. On pourrait intégrer des soins pré et postpartum dans les établissements hospitaliers. Dans quelques établissements, effectivement, on le fait. Et ce n'est pas par l'établissement d'une structure qu'on va faire ça, ça va être à aller convaincre les gens sur place qu'effectivement il faut faire ça. On pourrait intégrer les soins hospitaliers et les soins à domicile, ce serait facile, et c'est pour ça que nous, on préconise la formation d'une équipe multidisciplinaire qui pourrait éventuellement s'attaquer à ce qu'on pense être les problèmes les plus importants de santé publique, le problème de bébés de petit poids, qu'on vous a répété à plusieurs reprises, et qui ne se régleront pas tant qu'on n'aura pas une équipe multidisciplinaire qui va aller rejoindre les parturientes dans leur foyer, qui va faire en sorte que la diététiste va pouvoir aller montrer à la parturiente dans son foyer comment s'alimenter, qui va faire en sorte que l'infirmière va aller lui montrer les soins d'hygiène élémentaire et qui fera en sorte éventuellement qu'on pourra fort probablement régler les problèmes importants qu'on a actuellement.

Je pourrais vous parler des taux d'intervention. Vous aller nous poser des questions là-dessus; ça me fera plaisir d'y répondre, M. le ministre.

La Présidente (Mme Marois): Vous avez encore quatre ou cinq minutes, cinq minutes.

Une voix: Le Dr Lapierre veut dire un petit mot.

M. Lapierre (André): Je voudrais ajouter, M. le ministre, que si on a toujours des problèmes au niveau des nouveau-nés prématurés et des bébés de petit poids, c'est justement parce qu'on n'a pas de politique en périnatalité. Il y en a une qui date de 1973, elle a atteint ses objectifs, sauf celui de l'humanisation des soins. Mais, depuis 1985 que le ministère a publié un document qui était une amorce de politique en pérlnataltté, des énergies ont été consacrées à un seul moyen, qui est la sage-femme, et on a oublié tous les autres. Si on avait une politique de périnatalité qui datait de 1985, déjà on aurait probablement des améliorations au niveau de ces taux-là.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, si vous me permettez, parce que le temps passe vite, je vous pose une dernière question. Mon collègue d'Abitibi-Est en a une aussi à poser. Dites-moi si j'ai tort, je suis prêt à changer de cible s'il faut, je n'ai pas de problème avec ça. En vous écoutant, ce que je comprends, c'est que les problèmes qu'on constate au niveau des milieux défavorisés, des régions éloignées, des adolescentes, peuvent être réglés par des personnes autres que les médecins, mais en CLSC, sur le plan d'une approche qui est dans la période d'avant, en termes d'encadrement sur l'alimentation, sur toute une série de choses qui sont extrêmement importantes. C'est donc, et vous dites: Des CLSC devraient être là pour le faire. Hier, les CLSC nous ont dit: Oui, on est d'accord avec les sages-femmes, reprenant exactement ou à peu près le même constat que tout le monde fait en disant: Ça devrait être fait par des sages-femmes et par des équipes multidiscipli-naires aussi à partir des CLSC, et les infirmières que vous évoquez dans vos propos, elles aussi, sont venues nous dire: C'est un travail qui, effectivement, devrait être reconnu que celui de la sage-femme. Démêlez-moi.

M. Saint-Georges: Je répète un principe que je vous mentionnais tantôt. Je pense qu'il faut rendre les CLSC disponibles à la population et non pas demander à la population de s'intégrer aux CLSC. C'est très très très différent, parce que la clientèle...

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'actuellement les CLSC ne sont pas accessibles à la population?

La Présidente (Mme Marois): J'aimerais que vous nous expliquiez ce concept-là, si vous le permettez, M. le ministre.

M. Saint-Georges: Bon, écoutez, c'est très simple à expliquer. Je vais vous l'expliquer par un exemple que tout le monde va comprendre. Je pense qu'à peu près 95 % de la clientèle, pendant la grossesse, est suivie dans des cabinets de médecin, et non pas suivie dans des CLSC. Ce n'est pas demain matin que les gens, par la vertu

de je ne sais pas quelle magie, vont nécessairement se faire suivre dans des CLSC. Ces 95 % de personnes-là, d'autre part, pourraient avoir accès à des professionnels qui existent actuellement dans les CLSC. Pourquoi ne pourrait-on pas arrimer les services que les CLSC sont en mesure d'offrir à cette population-là et faire en sorte que les médecins, autant dans leur clientèle privée que dans les cliniques...

M. Saint-Georges:... ce que les CLSC sont en mesure d'offrir à cette population et faire en sorte que les médecins, autant dans leur clientèle privée que dans les cliniques de grossesses à risques élevés qui peuvent exister dans des établissements... Pourquoi ces diverses personnes ne pourraient-elles pas se parler? C'est tout simplement ce qu'on propose.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Savoie: Mme la Présidente, il me fait plaisir...

La Présidente (Mme Marois): Excusez-moi, M. le ministre. On convient que M. le ministre peut poser un certain nombre de questions, mais comme vous n'êtes pas membre de la commission, il faut que la commission autorise votre présence à cet égard, ce qui est fait maintenant.

M. Côté (Charlesbourg): Vous n'êtes pas membre de notre corporation, on vous fait un droit légal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Vous êtes bien gentils. Vous me permettrez, à mon tour, de saluer les officiers de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Quelques questions. Tout d'abord, on sait qu'en Europe les relations qui existent entre la Corporation des médecins et les regroupements de sages-femmes, les corporations de sages-femmes, sont excellentes. Il y a vraiment une coopération assez fondamentale et le mode de fonctionnement semble bien se développer. Vous craignez qu'ici, au Québec, ça ne puisse pas se produire. J'aimerais savoir pourquoi.

Mme Béliveau (Joanne): C'est bien évident que, dans des pays qui ont une tradition, qui ont des sages-femmes depuis des centaines d'années, des sages-femmes qui n'ont jamais disparu, c'est très facile d'avoir une collaboration qui existe déjà. Ici, on introduit une nouvelle intervenante qui ne résoudra pas forcément le problème parce que le problème ne peut être résolu que par un groupe d'intervenants qui comprend, comme le Dr Roy l'a dit, des médecins, des diététistes, qui comprend tout le personnel des CLSC.

M. Roy: le problème, en europe, c'est que les accouchements normaux en dehors des hôpitaux sont généralement faits par des sages-femmes. je vous l'ai dit, à la fin: ii y a une spécificité, ils ont une société distincte, eux, ils ont des traditions dans ce sens. au canada et au québec, c'est le contraire, ce sont des médecins qui font les accouchements. si on veut changer ça, ça veut dire qu'il faudrait tasser les omnipraticiens et les remplacer par les sages-femmes. imaginez-vous le tollé en europe si, demain matin, les médecins disaient: tassez-vous, les sages-femmes, c'est nous qui prenons votre place, maintenant. c'est exactement ça que vous voulez faire au québec, sans même nous en parler, sans même nous consulter, sans même connaître l'envers de la médaille.

M. Savoie: Dr Roy, une première question, peut-être. À Terre-Neuve, je crois qu'il s'agit de la seule province où la pratique des sages-femmes est assez bien implantée. Le territoire du Labrador ressemble assez bien au territoire du nord du Québec et on nous dit qu'au niveau des sages-femmes pratiquant sur ces territoires ça fonctionne extrêmement bien, que ça répond vraiment à une demande de la population.

M. Roy: En fait, il y a des particularités, à un moment donné, dans un système. Bien sûr, moi, j'ai pratiqué la médecine dans le Témiscamingue. J'ai fait des accouchements à domicile; je ne ferai plus jamais ça, ce sont des risques épouvantables; j'ai été chanceux. J'ai travaillé avec des infirmières de colonie, les sages-femmes de l'époque. Il y en avait une dans le comté d'Abitibi-Témiscamingue. À Rémigny, j'étais en charge d'une colonie où l'infirmière sage-femme faisait les accouchements et, quand elle était mal prise, elle m'appelait. J'y allais sur demande. J'ai travaillé dans des réserves indiennes et ensuite, j'ai travaillé sur la Côte-Nord.

Je comprends que, dans des endroits où il n'y a pas de médecin, où il n'y a pas de meilleur système, ce serait Idéal d'avoir la collaboration de toute une équipe, mais II y a des endroits où ça s'est toujours fait comme ça. Chez les Inuit, chez les Indiens, elles accouchaient entre elles. C'était la squaw qui accouchait les Indiennes, à l'époque; ce n'étaient pas les docteurs blancs. À ce moment-là, que voulez-vous, il y a une particularité à Povungnituk, mais ce qui est bon pour Povungnituk n'est pas nécessairement transposable à Montréal. Il y a un système en équipe à Povungnituk, il n'y a pas d'autre chose. C'est un milieu fermé. On est d'accord avec ça. Ce n'est pas nécessaire d'avoir des projet-pilotes ou d'avoir une loi particulière pour faire ça. On a tous les mécanismes dans notre loi pour faire ça si on nous le demandait, mais on n'a jamais

rien fait, évidemment, pour empêcher une expérience semblable; on trouve que c'est valable.

M. Savoie: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Marois): Une question brève, si vous le permettez, M. le ministre.

M. Savoie: Dr Roy, croyez-vous que le gouvernement du Québec procéderait à la création d'une corporation des sages-femmes et à son installation d'une façon définitive, après la période des projets-pilotes, dans cinq ans, si ça allait à l'encontre, par exemple, du bien public ou de la protection du public?

M. Roy: En fait, on ne peut pas présumer de ce qui va arriver dans cinq ans, mais il reste que, actuellement... La question a été posée par le député de Joliette à plusieurs reprises, la remarque a été faite: Est-ce que c'est normal d'avoir des projets-pilotes sans avoir une profession reconnue? C'est mettre la charrue devant les boeufs, c'est clair. (15 h 45)

D'un autre côté, est-ce qu'on crée une profession quand on ne connaît pas les membres qui en feraient partie et quand ces membres sont en nombre infime? Il y a une espèce de dynamique à suivre. Mais nous, on ne s'attarde pas à ça pour le moment. On dit que, dans le contexte actuel du Québec, on n'en a pas besoin, de sages-femmes. Ce n'est pas mauvais, il n'y a rien de mauvais dans ça. On ne pense pas qu'il soit nécessaire d'instaurer une catégorie nouvelle de professionnels de la santé au Québec.

Dans la propre argumentation du ministre, hier, dans son texte d'ouverture, il a dit qu'il faut régler au Québec certains problèmes majeurs de prématurité et de bébés de petit poids dans les milieux défavorisés. Ce n'est pas la sage-femme qui va faire ça. Elles-mêmes disent: On veut travailler au milieu des grossesses normales, on est des spécialistes des grossesses normales. Ce n'est pas la sage-femme qui va faire ça, c'est un travail d'équipe. Amenez une équipe de périnatalité et vous allez régler ces problèmes avec les gens du milieu actuel de la santé, Infirmières, travailleuses sociales et tout le monde qui existe déjà.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Dr Saint-Georges, vous voulez ajouter un petit commentaire?

M. Saint-Georges: Juste un petit commentaire très court. Dans l'allocution que vous avez prononcée, M. le ministre, qui s'inspire effectivement de l'avis no 1 concernant la légalisation de la profession de la sage-femme, vous faites allusion, à de nombreuses reprises, à ce qui se passe aux États-Unis, en Californie, dans le

Kentucky, au Texas, en Arizona, etc. Vous reprenez l'argumentation de l'avis no 1, ce qui est de bonne guerre, ce qui est tout à fait normal.

Je peux vous dire que l'avis no 1, on l'a lu. On l'a fait lire. Il existe dans l'avis no 1 le même problème qui existe dans un grand nombre de revues scientifiques. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans un grand nombre de revues scientifiques, il existe des problèmes importants de méthodologie quant aux conclusions que l'on tire de nombreux articles. Dans les divers articles cités, les avis qu'on nous fournit sont à l'effet qu'on n'a jamais isolé la variable sages-femmes comme étant responsable de l'amélioration des taux de mortalité et de morbidité périnatale.

Ce qui découle des divers articles cités dans l'avis no 1, de la page 32 à la page 37, c'est que effectivement, quand on constitue une équipe et qu'on fournit des services à des gens qui n'en avaient pas, on améliore leur condition. Quand on prend des adolescentes, des pauvres mexicaines ou qu'on prend n'importe quelle personne d'un milieu défavorisé et qu'on lui fournit des services, elle est mieux après qu'avant. Mais c'est tout ce que les divers articles de l'avis no 1 peuvent permettre de conclure, scientifiquement parlant, d'après les chercheurs qu'on a consultés.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que permettraient des projets-pilotes, ce serait d'éliminer les mauvaises méthodologies et on aurait la pratique pour être capable de compiler les résultats. C'est ce que permettraient les projets-pilotes.

M. Saint-Georges: M. le ministre, pour que ça permette ça, il faudrait avoir des projets-pilotes faits à l'aveugle et pouvoir comparer les résultats de deux types de projets-pilotes identiques. Dans le projet de loi tel qu'il est déposé, II n'existe aucun de ces critères qui permettraient d'identifier éventuellement des succès ou des insuccès de ces divers projets-pilotes.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Avant de passer la parole à notre collègue, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, j'aimerais excuser le leader de l'Opposition et critique sur ce projet parce qu'il a dû être appelé en Chambre pour un projet de loi spécial. Oui, M. le député.

M. Trudel: Je vais en profiter, bien sûr, pour vous remercier aussi de nous faire connaître votre position. On en avait une idée avant que vous arriviez. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est très bien campée. Elle a au moins cet avantage. Elle est aussi très inquiétante, cette position. De voir que la corporation qui représente les médecins du Québec donne une

position aussi marquée par rapport à un phénomène qui est quasiment devenu un phénomène social, si on se fie... Là, ne commençons pas à nous tirailler sur les méthodologies et sur l'évaluation des résultats de sondages. Je pense qu'il y a une assez grande évidence qu'il y a une manifestation de vouloir voir apparaître dans le paysage québécois et de reconnaître une certaine pratique des sages-femmes.

Est-ce que, dans ce cadre, si le gouvernement fait son nid et y va avec une loi - et on est en matière de projet-pilote ici - on peut supposer que, conformément à vos engagements, je dirais, sociaux et de responsabilité sociale au Québec, on peut compter qu'il y aura une certaine collaboration de la part des médecins pour avoir de meilleurs résultats, tel que vous le dites en termes de spécialistes et de connaissances, au niveau de l'installation de cette pratique au Québec?

M. Roy: Ce serait malheureux que le gouvernement fasse son nid si rapidement alors qu'il n'y a pas de feu dans la bâtisse. Ça fait longtemps que la situation dure. Nous, on a offert notre collaboration. J'ai des documents ici que je peux vous donner. Dans tous les mémoires qu'on a fait parvenir à partir de 1985, on a demandé à être consultés et on ne l'a jamais été. On a offert notre collaboration, on a travaillé en catimini. Ça a été une décision biaisée et malhonnête du ministère de nous éloigner du sujet. On est prêts à collaborer, mais on voudrait que le ministère rejoigne - et ça a été dit hier soir - une table de concertation avec des gens du milieu, infirmières, travailleuses sociales, gens des hôpitaux, une couple de sages-femmes, si on veut, médecins, qu'on s'assoie et qu'on discute du problème pour en arriver à une situation qui serait vivable. Ne vous imaginez pas que, du jour au lendemain, les omnipraticlens vont se tasser du champ de l'obstétrique. Ne vous imaginez pas que, du jour au lendemain, les obstétriciens-gynécologues vont continuer à réparer des erreurs qui vont se commettre par des accouchements faits par des gens non formés, non préparés. 20% des accouchements des sages-femmes à l'heure actuelle aboutissent dans des hôpitaux et sont réparés par des obstétriciens-gynécologues. Il faudrait une certaine concertation, une certaine collaboration. On est prêts à travailler dans une politique de périnatalité. Il faudrait établir des besoins, établir des objectifs, établir des priorités, mais évidemment on ne veut pas se faire imposer quoi que ce soit. Imaginez-vous, par exemple, que le gouvernement, du jour au lendemain, n'étant pas satisfait des électriciens d'Hydro-Québec, décide de créer une nouvelle catégorie d'électriciens pour faire la même job et dise: Vous, tassez-vous. Qu'est-ce que vous pensez qu'il arriverait? Alors, c'est ça. Il y a quand même un certain problème humain à respecter.

M. Trudel: Est-ce qu'on doit comprendre, M. Roy, que, dès le moment où on aurait une politique de périnatalité au Québec, vous seriez d'accord avec la reconnaissance des sages-femmes?

M. Roy: Je pense que, si on s'assoit et qu'on s'entend sur une politique de périnatalité, on va respecter les règles du jeu, comme on a toujours respecté les ententes qu'on a eues avec les gouvernements, actuel et antérieur.

M. Lapierre: Ce qui est étonnant, Mme la Présidente, si vous me le permettez...

La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement.

M. Lapierre: Ce qui est étonnant, c'est de réaliser que la commission ne cherche pas du tout à connaître la nécessité ou non de la sage-femme. On cherche les moyens de l'implanter et on ne cherche pas la preuve de la nécessité d'une nouvelle intervenante dans le système. Nous, nous disons: Faisons donc la preuve de la nécessité d'une nouvelle intervenante et, après ça, on dira si on est d'accord ou pas.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que notre collègue permet un commentaire de M. le ministre? Bref, j'imagine.

Une voix: Je veux juste compléter...

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je ne peux pas laisser passer ça, c'est impossible.

Une voix: D'accord.

M. Côté (Charlesbourg): Je tenterais de vous dire et, de toute façon on ne gagnera rien, que vous êtes à peu près les seuls à contester le fait qu'il y ait une volonté très claire au Québec d'implanter et de reconnaître les sages-femmes. Moi, c'est ce que j'ai entendu depuis le début et c'est ce que j'avais, avant même qu'on se rencontre dans des rencontres auparavant... Je vous l'ai dit, à partir du moment où j'ai fait ce constat, et je vous l'ai dit très honnêtement dans des rencontres que nous avons eues en privé, j'ai dit publiquement: II va y avoir un projet de loi sur les sages-femmes, il va y avoir des expériences-pilotes sur les sages-femmes parce que ça m'apparaît aujourd'hui répondre à une volonté qui est populaire, qui est celle voulue par celles qui sont les premières concernées par ça, qui sont les femmes. Ça, vous ne l'avez pas contredit, et il n'y a personne qui a contredit ça jusqu'à maintenant depuis le début de la commission. Ça me paraît être une évkJen-

ce aussi.

M. Roy: M. le ministre, on ne vous empêche pas d'avoir une loi concernant les sages-femmes ou des projets-pilotes. Ce qu'on dit, c'est qu'il n'est pas urgent de l'adopter immédiatement, surtout que vous-même avez dit que vous étiez pour apporter toutes sortes d'amendements et même un nouveau projet de loi. On est prêts à s'asseoir et à en discuter, mais actuellement on justifie - je l'ai entendu trois ou quatre fois depuis une couple de jours - l'arrivée des sages-femmes par la demande de la population à la suite d'un sondage Léger - très léger même - un sondage Léger où on demande: Êtes-vous favorable aux sages-femmes après le dépôt du projet de loi par la ministre? Il aurait quand même fallu connaître le genre d'échantillonnage de ce sondage, la clientèle visée, les gens qui y ont répondu. On peut faire dire bien des choses à des sondages. C'est comme si je demandais, par exemple: Est-ce que les gens sont favorables à une baisse de taxes? Vous savez bien ce que serait la réponse, mais le gouvernement ne le ferait pas. Est-ce qu'on est favorable à un virage à droite sur les lumières rouges? Il y a déjà eu un sondage favorable à ça. Le gouvernement n'a pas changé la loi. Est-ce qu'on est favorable à une hausse du salaire des députés? Les gens se sont prononcés contre et vous avez augmenté votre salaire pareil. Alors, écoutez!

La Présidente (Mme Marois): Mais vous admettrez, docteur...

M. Côté (Charlesbourg): II est encore bien inférieur à celui des médecins, compte tenu des heures comparables.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Vous admettrez, cependant, Dr Roy, que ce n'est pas il y a quelques semaines ou quelques mois que les sondages se sont faits. Ce n'est pas d'une génération spontanée dans la dernière année.

M. Roy: Au mois de juin.

La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a déjà un bon moment que ce besoin a été exprimé, signifié, étayé et qu'on aboutit actuellement à un processus qui est engagé depuis un bon moment.

M. Roy: On connaît très bien-La Présidente (Mme Marois): Ce ne sont pas les derniers sondages qui viennent changer... Ils viennent confirmer des choses, ils viennent en infirmer. On peut en retenir les conclusions, les critiquer, c'est toujours utile.

M. Roy: Non, c'est un petit sondage de fin de semaine au moment propice. On connaît l'évolution du dossier. Dr Saint-Georges.

M. Saint-Georges: Mme la Présidente, moi je voudrais vous dire qu'on n'est pas venus répondre à des sondages. On est venus vous fournir une opinion à l'égard d'un problème que vous nous avez soumis, qu'on croit être un problème de santé publique. Si un problème de santé publique se règle par le fait d'un sondage paru dans le Journal de Montréal un dimanche matin, je pense qu'on peut tous aller prendre des vacances.

La Présidente (Mme Marois): je pense que ce serait présumer des outils d'évaluation des membres de la commission que d'imaginer que c'est l'outil d'évaluation.

M. Saint-Georges: C'est ce que je crois.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. On est bien d'accord là-dessus aussi. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, s'il vous plaît.

Mme Carrier-Perreault: Justement, disons que, par rapport à cet ensemble de sondages - vous parlez du sondage Léger & Léger; j'en avais parlé moi-même, c'est sûr - il reste qu'il y a aussi le bilan des réactions à la suite d'une consultation du MSSS, à la question: Êtes-vous d'accord avec la décision de mettre sur pied des projets-pilotes de pratique des sages-femmes au Québec? Je regarde les résultats de ça, et les réserves et les désaccords viennent pratiquement uniquement, en fait, du groupe de médecins, d'obstétriciens, de l'Association des hôpitaux, alors que la série de gens qui sont d'accord est très longue. Il y a des gens aussi qui ont donné leur appui. La majorité des groupes féminins ont donné leur appui à ça. Disons que j'ai beaucoup de difficultés, moi aussi, à voir la preuve que vous essayez de me faire qu'on n'a pas besoin de ça, des sages-femmes au Québec. C'était juste ça.

M. Roy: Est-ce que c'est votre question?

Mme Carrier-Perreault: Si vous êtes capable de me démontrer ça autrement à un moment donné.

M. Roy: On aimerait bien ça, Mme la députée, prendre une couple d'heures, deux ou trois heures avec vous, pour être capable de vous expliquer le fond du dossier. Vous comprendriez mieux.

Mme Carrier-Perreault: Après tes fêtes, on se rencontrera. Compte tenu aussi du peu de ressources budgétaires dont semble disposer le

gouvernement - les propos auxquels vous faisiez allusion tout à l'heure - est-ce que vous pensez que ce serait plus dispendieux pour l'État de payer pour des sages-femmes que de donner un salaire à des médecins?

M. Roy: Répétez donc encore. Comment? Si c'est à...

Mme Carrier-Perreault: Pour les mêmes actes, si on veut, même qu'on va un peu plus loin. Compte tenu des propos que vous avez mentionnés...

M. Roy: La question des coûts, il en a été question rapidement hier. Les sages-femmes "chargent" à peu près - ce n'est pas de 500 $ à 700 $ - de 700 $ à 1000 $. De toute façon, on ne se querellera pas sur les coûts des services professionnels. Le médecin "charge" 225 $, un peu plus la nuit maintenant; c'était 100 $, il n'y a pas tellement longtemps. Alors, disons qu'il y a des visites incluses là-dedans. Les coûts professionnels, on ne se querelle pas sur ça. Mais parlons peut-être des coûts administratifs engendrés par l'organisation, l'instauration des sages-femmes: la duplication des structures, des comités à mettre sur place, des voyages des fonctionnaires et mettez-en, mettez-en. C'est ça qui va coûter cher alors qu'on pense que ce n'est absolument pas nécessaire d'avoir, dans le contexte actuel, quelqu'un qui va faire un accouchement normal. Mais assoyons-nous et discutons-en ensemble. D'autant plus que le ministère lui-même ne sait pas vraiment les coûts que ça pourrait engendrer et l'argent que ça pourrait "sauver". Il y a une étude qui a été faite pour savoir les coûts, mais elle n'est pas publiée au ministère parce que je pense qu'elle n'est pas publiable.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: mme la présidente, merci. je veux d'abord souligner que je suis un membre invité à cette commission-ci. deuxièmement, je réitère ma loyauté à mon président-directeur général de la corporation des médecins, mais je lui réitère aussi mon désaccord, évidemment, sur la question de l'exercice éventuel des sages-femmes au québec. quand il dit qu'il n'y a pas nécessité, s'il veut dire par là qu'il n'y a pas de nécessité médicale, j'en suis, qu'il n'y a pas de nécessité clinique, j'en suis. mais, c'est une nécessité sociologique à laquelle on fait face actuellement. je pense que c'est la raison principale pour laquelle notre formation politique est en faveur de la pratique des sages-femmes au québec. (16 heures)

Cependant, moi, je suis étonné, Mme la Présidente, que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'ait pas réussi à négocier - lui qui a des talents de négociateur assez remarquables - avec la Corporation des médecins, avec la Fédération des médecins spécialistes et la Fédération des médecins omnipraticiens, une sorte de modus Vivendi. Ça, ça m'étonne beaucoup et ça me déçoit beaucoup, parce que je ne peux pas concevoir qu'au Québec on lance, ne serait-ce que dans des projets-pilotes, l'exercice officiel, ouvert, légal, ou la pratique par les sages-femmes sans qu'il y ait des liens étroits avec les médecins.

Mon collègue, tantôt, en face, le ministre qui n'est pas celui de la Santé, responsable des...

Une voix: Responsable de l'Office des professions.

M. Lazure: ...de l'Office des professions - excusez-moi - a posé la question que je voulais poser. Et je pense que c'est tragique de s'avancer, d'initier un mouvement aussi important que celui-là, sans qu'on ait réussi... Et je connais aussi les talents de négociateur du Dr Roy; ils sont assez remarquables aussi. Et ça m'étonne qu'il n'y ait pas eu de chimie entre les deux. Est-ce qu'il y a eu suffisamment d'efforts pour arriver à un accord? Je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu suffisamment. Mais, en tout cas, moi, en conclusion sur ce point précis, je pense que c'est quasiment voué à l'échec, les expériences, si on n'a pas un mode de pratique qui serait acceptable aux médecins.

La deuxième remarque que j'ai concerne un aspect du projet de loi. La structure qu'on propose, à savoir de créer un conseil de sages-femmes dans un centre hospitalier me paraît très lourde, avec son comité exécutif, et me paraît un peu trop marginale par rapport aux autres professionnels dans le centre hospitalier. On sait que, à part le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens dans un hôpital, il y a aussi le conseil des professionnels incluant physiothéra-peutes, psychologues, les autres professionnels. Et là, on créerait un troisième conseil de professionnels, qui serait un conseil de sages-femmes et qui, en plus, relèverait directement du conseil d'administration.

Alors, là, non seulement on veut commencer l'expérience sans le concours des médecins, ce qui me paraît irréaliste, mais on veut aussi commencer l'expérience en marginalisant ces futures professionnelles de la santé, les sages-femmes, en les marginalisant par rapport aux autres professionnels de l'hôpital. Pourquoi ne pas les inclure dans le conseil des professionnels qui existe déjà? C'est ma question au ministre. Parce que, là, vous allez créer une zizanie dans l'hôpital. Vous allez avoir l'ensemble des professionnels qui, eux, ont leur conseil et vous allez avoir un troisième conseil à côté.

Et les mêmes remarques s'appliquent mutatis mutandis à la création d'un service de maternité. Encore là, moi, je crois que c'est absolument irréaliste - là, c'est l'ex-dlrecteur général d'hôpital qui vous parle - de concevoir un service d'obstétrique et, a côté, un service de maternité qui seraient complètement indépendants l'un de l'autre. Je pense que ceux qui ont imaginé ça, Mme la Présidente, ne connaissent pas bien le fonctionnement des hôpitaux et devraient aller faire des stages dans les hôpitaux pendant un certain temps. Voilai

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le Président, Dr Roy.

M. Roy: Merci. M. le député de La Prairie, je vois que vous faites honneur à votre profession. Vous avez très bien saisi le fond du problème très rapidement. Je dois dire que je ne peux absolument pas - et je ne veux pas que mes propos soient interprétés comme ça - jeter le blâme sur le ministre actuel de la Santé qui est en poste depuis très peu de temps, qui est en face d'un dossier volumineux qui chemine dans les arcanes gouvernementales, non seulement à la Santé, mais à l'Éducation, au Conseil du statut de la femme, au Conseil des affaires sociales - nommez-en - il y a du monde dans ça, ça coûte cher au gouvernement ce dossier-là, un dossier qui chemine depuis dix ans en catimini, de façon à tenir à l'écart la profession médicale. Le ministre arrive avec un dossier comme ça devant lui et, nous, on dit au ministre, et on le répète: On vous offre notre collaboration pour s'asseoir et en discuter pour comprendre le fond du dossier. Ce qui arrive, aujourd'hui, c'est qu'on utilise un prétexte pour reconnaître les sages-femmes. On veut les reconnaître pour régler le problème de la prématurité des bébés de petit poids. À cela, on dit: Ce n'est pas la bonne raison, il n'y a aucune démonstration scientifique que c'est ça qui va se faire.

D'un autre côté, et là, je vous rejoins très bien, et on l'a dit à la ministre antérieure... On l'a écrit. J'ai des textes de mes lettres. On lui a dit: Mme la ministre, n'utilisez pas de mauvais arguments. On va comprendre très bien que vous vouliez légaliser les sages-femmes et les reconnaître pour des motifs idéologiques et politiques. On va les comprendre, ces motifs-là. Mais ne venez pas essayer de nous induire en erreur - pour utiliser un mot très poli - de nous conter des choses inacceptables, de nous conter des histoires en pensant nous passer une couleuvre, en disant: On reconnaît les sages-femmes parce qu'on en a besoin pour régler les problèmes de prématurité et de bébés de petit poids. Cela n'est pas vrai. Il n'y a pas de démonstration scientifique pour amener la profession de sages-femmes au Québec, il n'y en a pas, sauf pour des motifs idéologiques et politiques. Cela, je le comprends très bien.

La Présidente (Mme Marois): Oui. Là, il nous reste quatre minutes. Il y a une question qui a été soulevée au ministre. J'imagine que mon collègue aimerait bien obtenir une réponse. Attendez un petit peu, juste pour qu'on...

M. Côté (Charlesbourg): Dans ma réplique.

La Présidente (Mme Marois): Bon, d'accord. Alors, le ministre me dit: Je répondrai dans ma petite réplique de la fin. Vous avez une question, Mme la députée de Marie-Victorin?

Mme Vermette: Oui. Alors, si j'ai bien compris vos propos tantôt lorsqu'on parlait des milieux éloignés et surtout chez les Inuit, vous étiez d'accord, lorsqu'il y a une pénurie de médecins, que cet acte-là soit fait par des infirmières ou par des professions, autres que d'ordre médical. Pourquoi, finalement, ces principes-là sont-ils si élastiques quand il n'y a pas de médecin et que, là où il y a des médecins, on change le principe, cela devient une autre façon de voir les choses? Je ne comprends pas cela.

M. Roy: Parce que c'est une situation particulière.

Mme Vermette: Mais c'est le même accouchement. C'est le même phénomène physiologique.

M. Roy: On dit: Dans les milieux organisés, on n'en a pas besoin dans le contexte actuel. À Fort-Chimo ou a Kuujjuaq, maintenant, il y a des médecins qui le font, il y a une équipe médicale. À Povungnituk, pour prendre cet exemple, on a une rotation très grande de médecins qui vont là. Les médecins restent un an, deux ans. Ce sont généralement des jeunes médecins dont un bon nombre ne veulent pas faire d'obstétrique. Ils vont dans des régions éloignées temporairement pour faire du temps, comme ils le disent, et pour revenir en ville après. Ils ne sont pas intéressés à l'obstétrique. C'est dommage. Je le déplore. À ce moment-là, je pense que les gens de ces régions ont droit à des services corrects, des services continus. Je pense que ça peut s'apprendre, faire des accouchements. Les médecins l'apprennent...

Mme Vermette: C'est exactement ce qu'on discute ici.

M. Roy: ...les infirmières et les sages-femmes...

Mme Vermette: C'est ce qu'on dit.

M. Roy: Mais, évidemment, quand on veut faire de l'obstétrique globale, en France, c'est un cours de quatre ans. Ici, on dit au Québec: Un cours de quatre ans, c'est aussi bien de faire un cours de médecine. On n'a pas besoin de ça, c'est de la duplication. Mais, il reste qu'à Kuujjuaq ou à Povungnituk, ce sont des accouchements soi-disant normaux qui peuvent tourner très mal. Et qu'est-ce qu'on fait? On réfère énormément de patientes aussi à des hôpitaux de Montréal pour tous les cas à risque ou les cas d'accidents. Cela coûte très cher au gouvernement, ce système. C'est loin d'être l'idéal. Mais que voulez-vous? Il faut à un moment donné donner des soins minimum à la population et on est d'accord avec ça.

La Présidente (Mme Marois): Le Dr Lapierre voulait ajouter quelque chose, non?

M. Lapierre: Oui, s'il vous plaît, Mme la Présidente. Le problème de Povungnituk est un problème très particulier dans le Québec. Évidemment, on ne peut pas se payer l'ensemble des services dans toutes les régions de la province. Povungnituk est une région qu'on appelle une région isolée. Ce n'est pas une région éloignée, c'est une région isolée. Je vous rappelle que, vers 1977, la Corporation, avec l'Ordre des infirmières, avait commencé à élaborer un projet de règlement pour permettre à des infirmières de poser des actes, selon le règlement des actes délégués, à cause de l'isolement de la région. Et si le projet n'a pas évolué davantage, c'est parce qu'il y a eu des moratoires instaurés par le ministre du temps sur les actes délégués et aussi parce que le premier règlement sur les actes délégués a pris huit ans à franchir les dédales, je dirais, des affaires parlementaires.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Il nous reste très peu de temps. Oui, allez-y.

M. Saint-Georges: Quinze secondes, si vous permettez, Mme la Présidente. Je pense qu'il ne faut pas partir du postulat que l'exercice à Povungnituk va être identique à l'exercice à Montréal et vice versa. Je pense qu'il faut se promener dans la province pour réaliser que les services de santé ne sont pas identiques partout dans la province. Je pense qu'il ne faut pas faire d'analogie de ce type-là parce qu'on va sûrement arriver à de fausses conclusions, les prémisses étant fausses.

La Présidente (Mme Marois): sauf que vous allez admettre, cependant, je pense que vous êtes d'accord, qu'accoucher là-bas ou accoucher ici, c'est toujours la même chose, le même phénomène.

M. Saint-Georges: Quand on accouche à

Montréal, madame, je pense qu'on est en droit d'être dans un environnement qui soit différent de celui qu'on peut avoir quand on est à Povungnituk. Pour avoir visité plusieurs fois la province de Québec, je peux vous dire qu'il y a bien des gens des régions éloignées qui aimeraient avoir les services de santé que les grands centres peuvent offrir.

La Présidente (Mme Marois): J'en conviens avec vous, sûrement et à bien des égards.

M. Roy: ...Mme la Présidente, et comme femme vous le savez très bien, les femmes attachent un très grand prix à leur bébé-La Présidente (Mme Marois): J'espère que les hommes aussi.

M. Roy: ...et surtout en la période d'austérité d'aujourd'hui. On n'est pas pour revenir à la période d'il y a 50 ans où mes parents, mes grands-parents avaient 10, 15, 20 enfants. S'il mourait trois ou quatre enfants à l'accouchement, même la mère, ce n'était pas... C'était la Providence qui avait voulu ça. On faisait des prières et c'était fini. On n'est pas pour revenir à cette période. Dans le temps où j'ai commencé à faire des accouchements, il mourait 80 femmes par année au Québec et maintenant, quand il en meurt une par deux ans, on en fait un drame et, à juste titre, on fait une enquête. La vie des femmes et des enfants, ça a un prix énorme qu'il faut respecter. Il faut donner la sécurité aux femmes et aux enfants. On veut la leur donner. On est prêts à travailler avec divers intervenants dans une équipe, on l'a fait déjà, on veut améliorer la périnatalité au Québec, on veut travailler avec le ministère. Que le ministère nous demande de nous asseoir avec lui et on va collaborer, mais on ne veut pas se faire passer des sapins.

La Présidente (Mme Marois): enfin... il nous reste peu de temps. j'ai promis au ministre un temps de réponse d'une minute tout au plus. m. le ministre, si vous le permettez.

M. Côté (Charlesbourg): Ce sera ma conclusion en même temps, Mme la Présidente, pour dire au Dr Lazure deux choses. D'abord, II ne faut pas demander à quelqu'un qui est là depuis deux mois d'avoir les talents de négociateur de quelqu'un qui n'a pas pu régler le problème pendant 20 ans - il faut donc lui laisser le temps - et avec plusieurs ministres successivement qui avaient probablement plus de talent que moi. C'est le premier élément. Le deuxième élément, je l'ai dit et je le répète, le projet de loi tel qu'il est déposé aujourd'hui ne sera pas le projet de loi qui sera déposé à l'Assemblée nationale. Il y aura des modifications pour tenir

compte de tout ce qu'on a entendu en commission parlementaire, y compris de vos propos.

En terminant, ce que je trouve intéressant de la discussion qui a quand même été productive parce que je pense que c'est l'expression d'opinions bien senties par chacun, c'est qu'on s'entend qu'il faut très rapidement avoir une politique sur la périnatalité et vous, de manière très positive, vous concluez en démontrant une ouverture. Ce qu'on n'a pas eu hier soir, vous nous l'offrez cet après-midi, je trouve ça extrêmement intéressant. Je vous dis: Je relève le gant mais je serai à même de juger à la fin de l'expérience de l'ouverture, de la bonne foi et on ne m'y reprendra pas deux fois si jamais la bonne foi n'est pas là.

M. Roy: Pour terminer, M. le ministre, moi aussi je suis prêt à relever le gant. On a eu une discussion virile sur un sujet de femmes, on est prêts à s'asseoir et vous avez remarqué que, sur notre délégation de six, il y a trois femmes. C'est le portrait de la profession médicale au Québec. La médecine, ce n'est pas une affaire d'hommes seulement, c'est une affaire de femmes et d'hommes. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse, II y a mon collègue Ici qui voulait ajouter une phrase.

M. Chevrette: Je voudrais dire que je regrette de ne pas avoir croisé le fer, mais j'ai dû aller plaider une suspension des règles à l'Assemblée nationale parce qu'on passe une loi d'exception de l'autre côté sur l'institut Armand-Frappier. De sorte que je m'excuse, ce sera partie remise. Je ne hais pas ça croiser le fer avec vous.

M. Roy: On vous a beaucoup "manqué", M. le député.

M. Chevrette: J'en suis convaincu parce que d'habitude on a des bonnes altercations.

La Présidente (Mme Marois): Remarquez, si vous me le permettez, en conclusion et en vous remerciant, peut-être que si les femmes avaient été plus nombreuses au pouvoir ce serait déjà réglé. Merci. (16 h 15)

J'inviterais maintenant le Centre de santé Inuulitsivik, s'il vous plaît, à venir prendre place devant nous.

Est-ce que les membres de la commission peuvent reprendre leur siège? C'est presque fait. Alors, nous recevons maintenant le Centre de santé Inuulitsivik. Alors, je leur dis innuitgne, bienvenue. J'aimerais que vous vous présentiez aux membres de la commission, ainsi que les gens qui vont participer à la présentation de votre mémoire, s'il vous plaît. Merci.

Centre de santé Inuulitsivik

Mme Tremblay (Francine): Mme la Présidente, bonjour, M. le ministre, bonjour à tous les membres de cette intéressante commission parlementaire sur la pratique des sages-femmes au Québec.

À travers les vents et les tempêtes du Nord, on a réussi à arriver à temps pour nous joindre à vous afin de venir vous parler de la pratique des sages-femmes qui prévaut depuis trois ans à Povungnituk, chez les Inuit, et aussi vous apporter un peu nos commentaires relatifs au projet de loi 4.

Le mémoire qui vous a été remis - d'ailleurs, il a une couverture de couleur un peu saumon de l'Arctique, couleur orange - nous regrettons de vous dire que nous n'avons pas eu le temps de faire les traductions françaises de la plupart des documents. Nous nous en excusons, c'est vraiment un manque de temps et de ressources disponibles pour ce genre de travaux urgents.

Cela étant dit, Mme la Présidente, je voudrais demander la possibilité, étant donné qu'il y aura des traductions à faire lors de la période de questions, une petite extension au nom de notre groupe.

Pour ce qui est de nos femmes participantes du Conseil régional Kativik, je vais vous les présenter à l'instant. Vous avez, au milieu, notre directrice générale du Centre de santé Inuulitsivik, Mme Aani Tulugaq; à sa droite, Mme LJzzle Epoo-York, notre directrice générale du Conseil régional de la santé Kativik (région 10A); à gauche de Mme York, Dr André Corriveau, qui était le DSP, a initié et était là au début de l'implantation de la maternité à Povungnituk.

Si je reviens à droite de la directrice générale, Mme Akinisie Qumaluk, qui est une sage-femme et qui est aussi membre de l'Association des femmes autochtones à Povungnituk. Vous avez, à sa droite, Mme Johanne Gagnon, qui est aussi sage-femme et qui était là, avec le Dr Corriveau et Mmes Aani Tulugaq et Akinisie Qumaluk, lors de l'implantation des services de maternité à Povungnituk. Ce seront les principaux présentateurs de cette rencontre. Nous avons aussi le Dr François Meyer que j'invite à venir s'asseoir auprès de nous...

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez, Dr Meyer, vous pouvez prendre place.

Mme Tremblay: ...du dsc chul, qui fera une présentation. sur ça, je laisse donc la parole à mme ljzzie epoo-york, directrice générale, pour l'ouverture de notre discussion.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme

Tremblay.

Mme Epoo-York (Lizzie): Thank you. First of all, I would like to say that I am very pleased to speak on behalf of our Regional Council today. Midwifery is very important to us in our life. As you know, one of our establishments has incorporated a community-based midwifery practice in its health care services.

We live in Northern Quebec, above the 55th parallel. Our region has two establishments, serving a population of about 6000 people.

I believe this is the only establishment in this Province, and in Canada, to offer this service to its population. Since its opening, we have. seen tremendous changes in attitudes towards family life and all aspects of well-being.

This attitude unfortunately disappeared when community midwifery dissolved due to the introduction of new medical services that did not allow local midwives to share their lifetime practice.

I would also like to say a bit about my experience of delivering two of my children. The first one was born in Montreal, which is very, very far away from home, and it was nowhere near a natural birth. It was a frightening experience, there was no one around to ask questions to. For an Inuk, this is very very disturbing, because we are very open to life and very very natural. And today, there are still women who are transferred to Southern hospitals who go through the same experience I had in Montreal. But let me just say that I feel I must do everything in my power to prevent my daughters, and any other women who will give birth in future, from going through the same bad experience I had.

Over the last 20 years, no one else has been able to make such improvements in these areas, and we admire people who believe in satisfying women's needs and who had the courage to work hard in implementing maternity services in Inuulitsivik. The program would never have been successful without the belief of these people in the importance of what they are doing.

The most significant component of the maternity service was that the midwives involved trained Inuit women and exchanged their knowledge. The second most important component was the participation of doctors. These physicians have had much respect for the Board, the midwives, and they have understood the needs of the population.

We have now reached the stage in our development where we are even prepared to say that doctors who do not believe in midwifery should not consider working in Northern Quebec. We feel that the uniqueness of our region must be recognized. We live in a vast region with a very small population and with a very different life-style since the majority of our residents are

Inuit. Because of this context, we feel that it would be better to be full partners in defining the proposed draft according to our needs.

For the Inuit, the reality is not the same. The Southern mentality has imposed on us for about 30 years. However, we have not forgotten home deliveries and we intend to reinforce midwifery in our communities. Therefore, in conclusion, I would like to take this opportunity to say how proud and delighted I am to have been able to speak in support of Inuulitsivik Hospital Centre. Thank you.

Mme Palliser-Tulugaq (Aani): Not long ago a proud, self-sufficient and culturally rich nation, we have watched hopelessly as ours became a nation plagued with one of the highest suicide rates, the highest death rates caused by violence and accidents, the highest incidents of family violence, the highest rates of unwanted and teenage pregnancies, the highest rates of tooth decay in very young children, the nation with the lowest number of elders. In the past 15 to 20 years, our communities have seen these problems and more, which were never before witnessed in our ancestral and nomadic lands.

Lacking the resources and the training needed to help it, to meet these challenges, ours has become a stagnant nation, overwhelmed by a lack of understanding of the White man's laws and regulations, a nation that has lost its self-determination and its self-esteem. That is why, when we first heard that the Health and Social Services Centre was being built in Povungnituk, which was to operate a maternity ward, the local women's groups felt it was important that these maternity services should not contribute further to this deterioration.

Our concerns included the mental and physical well-being of women and children, that women have to understand how their bodies function. The issues included teenage and unwanted pregnancies, family violence, sexually transmitted diseases, family planning, parental responsibility towards children; the communities were concerned that women needed support to stop feeling violated in the home and in the community. These concerns have been the foundation of the training of three Inuit mid-wives, at Inuulitsivik Hospital, which has lasted three years.

We feel that it is by giving a woman the knowledge and the information she needs to care for herself and her baby that we have the best chance of seeng positive change. This information, when given and made available to the community in their own language, becomes a tool which enables people to make better choices for themselves. They feel they have more control and therefore, reflect a better outlook on their lives. We have had midwifery services available to our people for three years now and we are

satisfied with these services. In fact, we feel we have received more than what we first expected. Thank you. (16 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Thank you, Mrs. Tulugaq. Oui?

Mme Qumaluk (Akinisie): Thank you. "Nakormik. " Since the maternity in Povungnituk opened, we, the Inuit midwives, have seen changes in how women take care of themselves and their children. Not only do they know more, but they are more confident of how and what to do. For example, when we first started, most women did not know what good food was. They did not even know that their own country food was a source of good nutrition. We understood a bit but not as much as we know today and we are using the information to lead healthier lives.

When, we, women, were sent South to have our babies, we could not speak our own language, we could not eat our own food, we worried about our kids and our families back home but, mostly, we had no support. They were only strangers to us and how could they know what we needed? With all the changes that have come to our communities in the last while, much of the common knowledge, the things everyone knew began to disappear. When women started going South to have their babies, the community was cut off even more from the whole process of child-birth. Mothers and daughters stopped sharing what they knew and people became very dependent on nurses and doctors, but dependency is not a healthy way.

This is why our women wanted to change the way things were being done around childbirth. A woman gives birth according to the way she is and how she feels about herself. Knowing herself and being supported by women who know her help her to go through her birth in a growing way and to have more confidence about how she takes care of her children after. But the Inuit have always known this. Myself, I have seen, since the maternity opened, that men too are getting more involved in caring for their wives and children. They are taking more responsibility for supporting them. They are hunting more to provide them with good food. As they learn more, they are learning more respect too. The midwifery care is changing our way of life in our communities for the better. It is important for us to give birth in our community with our relatives and with midwives who speak our language.

The midwives encourage women to give birth naturally, to move around in labour and have our families near for support. The midwives help teach women to take care of themselves in pregnancy and give birth safely. We use medical equipment and drugs if necessary, but we do not cut or drug women when it is not necessary. Midwives work together with doctors and nurses and community members as a team and, because we know each other and share with one another, the midwives are trusted as primary caretakers by the professionals working with us and, more importantly, by our own people.

We are proving to ourselves and to our community that this way works. We remember that our people have traditionally had these skills. It is important that Inuit women can train on the job in their community, taking from the old and new; Inuulitsivik could be a model for this kind of training. For Inuit, birth is natural; with or without complications, birth is still natural. Inuit accept things this way. Non-Native people have a hard time understanding life this way. Midwifery is a profession, but it is also a simple and natural way of sharing and caring. Thank you. "Nakormik".

La Présidente (Mme Marois): Thank you, merci. Oui, allez-y.

M. Corriveau (André): Je suis le Dr André Corriveau. J'ai été directeur des services professionnels à Povungnituk, de l'été 1986 jusqu'au printemps dernier. Il y a beaucoup de choses que je voudrais et que je pourrais vous dire sur la maternité de Povungnituk, comment cela a évolué, comment c'est arrivé, comment cela a fonctionné. Je pense que je vais laisser les questions venir à moi plutôt que de vous donner un énoncé, une présentation très formelle.

Il y a trois points de ce qui a été dit par le Dr Roy que je voudrais relever avant et qui m'ont chicoté au plus profond de mes entrailles, et je ne peux pas passer à côté de ces remarques. Le premier commentaire qu'il a fait, c'est que les médecins qui allaient à Povungnituk étaient des médecins qui manquaient d'expérience, des jeunes médecins qui, en général, ne voulaient pas faire d'obstétrique. Alors, je voudrais apporter un commentaire là-dessus.

Premièrement, quant à la question des jeunes médecins, mon expérience à Povungnituk - et c'est moi qui engageais les médecins de 1986 à 1989 - c'est qu'on Insistait beaucoup pour que ces médecins aient un intérêt et une expérience très concrète en obstétrique. Je peux vous citer le cas de Daniel Lachance qui a été avec nous autres pendant deux ans et à qui j'avais demandé d'aller faire un stage de deux mois dans un hôpital pour parfaire son expérience en obstétrique, parce que le médecin était une personne clé dans le processus de décision et c'était important qu'il y ait une bonne maîtrise de ce domaine-là. Dans mon cas, j'ai été intéressé à la pratique en région éloignée dès le début de mes études en médecine et, pour être certain d'avoir l'expérience requise, je m'étais même expatrié à Terre-Neuve pour faire mon

internat, parce que je savais que, là-bas, Ils formaient de vrais omnipraticiens qui travaillaient en région isolée et que j'arriverais là-bas avec tous les outils nécessaires pour faire face à la pratique qui m'attendait.

Quant à la question de la jeunesse, écoutez, moi, je sais que j'avais 33 ans quand je suis arrivé là-bas et que j'avais, en plus, terminé un stage en résidence de santé communautaire parce que je voyais que c'étaient les défis qui auraient à être réalisés dans le Nord et que cela englobait non seulement la médecine clinique, mais des défis de santé communautaire. Je voulais arriver là et donner ce qu'il y avait de meilleur pour la population inuit.

Quant à la question de roulement des médecins, je peux vous dire qu'il y avait le Dr Dwong qui était à Povungnituk ou dans la région du Nord depuis une quinzaine d'années, qu'il y avait le Dr Jean-François Proulx, qui a terminé l'an dernier et qui avait été là pendant sept ans, moi-même, qui y suis resté trois ans, et le Dr Michel Lambert, en arrière, qui m'a remplacé comme DSP, qui en est à sa troisième année à Povungnituk. Comme question de haut roulement, c'est évident que, dans le Nord, on ne pourra jamais s'attendre que les gens aillent s'installer là de façon permanente, mais je pense qu'à Povungnituk on avait quand même réussi à tenir notre bout et à avoir une certaine stabilité dans l'équipe médicale. La quostlon d'Intégrer la pratique des sages-femmes chez nous découlait d'un ensemble de facteurs et certainement pas du fait que les médecins n'étaient pas aptes à pratiquer l'obstétrique ou n'étaient pas intéressés à le faire non plus. C'était certainement une des choses qu'on avait... On avait à préparer nos médecins qui arrivaient, à les ajuster à ce type de pratique, mais ce n'était pas parce qu'ils arrivaient là en ne voulant pas en faire et ça n'avait rien à voir avec les raisons pour lesquelles on avait emmené des sages-femmes à Povungnituk. Alors, je trouvais important de répliquer à ça.

Ensuite, je voudrais juste toucher brièvement au problème de santé publique, au fameux problème de santé publique que l'intégration des sages-femmes amènerait au Québec au niveau de la périnatalité. De toute façon, tout à l'heure, je pourrai vous donner toutes sortes de statistiques sur la maternité de Povungnituk et sur celles que j'ai réussi à générer par rapport à la pratique obstétricale du reste du Québec, malgré l'isolement et tout ce qu'on nous reproche dans le Nord. Je pourrais vous dire que la pratique de la "sagefemmerie", si on peut utiliser ce terme, est une pratique qui... On parlait, tout à l'heure, des besoins sociologiques auxquels on pourrait répondre: il va toujours y avoir une demande pour ce service, qui est un service beaucoup plus personnalisé, je pense, dans certains cas, et plus spécialisé, jusqu'à un certain point, et en la confinant, en gardant cette profession dans l'illégalité, en fait, on la condamne à être une profession clandestine, parce qu'il y a encore une demande, la demande reste réelle. On la confine à la clandestinité. Aussi, ce qui se produit au niveau de la santé publique, à mon avis, vu qu'il n'y a pas de cadre de référence, ça donne lieu à toutes sortes de pratiques qui, à ce moment-là... Le danger, d'après moi, est beaucoup plus grand qu'en l'intégrant à la profession des sciences de la santé comme une des professions auxquelles les gens ont accès et ont un droit.

Alors, je pense que je vais laisser ma présentation de côté et je vais attendre les questions de la commission, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. Est-ce qu'il y a d'autres Interventions à ce moment-ci ou est-ce qu'on peut procéder aux questions? Is there any other...

Mme Gagnon (Johanne): il y avait, pour faire suite à tout ça, la réaction, en fin de compte, des membres de cette équipe-là à povungnituk sur le projet de loi.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

Mme Gagnon: Alors, je ne sais pas si vous almorie? mieux procéder à dos questions ou si vous voulez entendre parler du projet de loi maintenant? Oui?

La Présidente (Mme Marois): D'accord. On préférerait peut-être que vous nous fassiez une présentation en la ramassant un peu...

Mme Gagnon: D'accord.

La Présidente (Mme Marois): ...nous permettant un petit peu déjà de voir peut-être les pistes sur lesquelles vous souhaiteriez que nous vous interrogions par la suite, d'accord?

Mme Gagnon: D'accord. D'abord, je voudrais remercier l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux d'assurer aussi rapidement dans son mandat la poursuite des actions gouvernementales sur la pratique des sages-femmes dans le système de santé québécois. Au regard de l'opinion publique hautement favorable des besoins périnatals au Québec, des recommandations issues du comité ministériel de 1986 et des oppositions farouches des groupements professionnels, autoritaires et intéressés, nous croyons respectueuse et sage la décision du ministère de mettre sur pied et surtout de veiller à planifier favorablement l'encadrement de la pratique des sages-femmes et des établissements dans le cadre des projets-pilotes.

Nous voulons considérer ces projets-pilotes

telle une phase préliminaire à l'intégration harmonieuse et permanente de la pratique des sages-femmes dans le système de santé québécois. Pour remplir efficacement cette question, nous devrions, au terme de ces projets, disposer d'une évaluation globale et rigoureuse des projets-pilotes sur des thèmes visés au départ par les législateurs.

À la lumière des recommandations issues de cette évaluation pourraient être définies les modalités intermédiaires ultérieures et les modalités permanentes de l'intégration des sages-femmes au système de santé québécois, la reconnaissance officielle légale de la pratique des sages-femmes au Québec et de leur Intégration dans le système avec pour Impératif le respect de l'histoire récente des sages-femmes au Québec. Le processus d'intégration des nouvelles professions dans un système de santé aux multiples facettes nécessite une démarche structurée et continue de l'État et des groupes impliqués. Dans cet esprit et parallèlement avec notre expérience, la nécessité de refondre le projet de loi 4 nous apparaît claire. De manière générale, nous dirions que ce projet de loi vise trop loin dans l'immédiat de son écriture et tout à la fois ouvre sur trop d'imprécisions qui vont mener tout droit ces projets à l'échec.

Coordination et objectifs. On va d'abord traiter peut-être de cette partie-là. Les projets-pilotes seront mis sur pied pour fournir - enfin, c'est si nous avons bien compris la décision gouvernementale - une base provinciale d'évaluation des divers aspects entourant ou interférant avec la pratique et l'intégration des sages-femmes dans notre système de santé et/ou susceptible d'agir sur la qualité de ces services. Il nous apparaît donc impératif que le projet de loi définisse clairement, d'une part, les grands termes sur lesquels devra porter cette évaluation et, d'autre part, des points particuliers sur lesquels nos législateurs nécessiteront des recommandations. Cette ligne de conduite en quelque sorte nous apparaît négligée. D'autre part, dans le souci d'une évaluation globale nourrie également de chacun de ces projets et tout à la fois cohérente dans les similitudes et différences des divers projets-pilotes, il nous apparaît essentiel que le projet de loi prévoie la constitution d'un comité aviseur multidisciplinaire chargé de chapeauter les trois phases de déroulement des projets-pilotes.

La première phase: les phases intermédiaires. Entre le oui gouvernemental et les premiers gestes cliniques des sages-femmes à l'intérieur des projets-pilotes - on parie ici d'expérience, on en a fait une, on sait ce qu'il y a entre tout ça - garantissant une structure de base uniforme au champ de pratique des sages-femmes à l'intérieur de ces projets, cette phase devrait prévoir et organiser l'évaluation des connaissances et des habiletés des sages-femmes désirant oeuvrer dans ces projets et, fonction de cette évaluation, planifier les moyens d'enrichir ou d'harmoniser ces connaissances et habiletés, vu la diversité des modèles humains et professionnels des sages-femmes engendrée par l'histoire récente de la périnatallté au Québec. Une étape parallèle serait la détermination des lieux de déroulement de ces projets-pilotes, choix effectué en fonction des disponibilités et des thèmes de l'évaluation, ce qui n'exclut donc pas la pratique à domicile. (16 h 45)

En deuxième phase, soit durant le déroulement des projets, le comité aviseur multidisciplinaire serait chargé d'assurer la surveillance du respect des règles de base fixées au départ et convenues avec les établissements et/ou, au besoin, de les modifier, et, encore au besoin, d'intervenir pour gérer des conflits susceptibles d'entraîner la détérioration du milieu de pratique des sages-femmes.

En troisième phase - cette phase, en fait, débute dès le commencement de tout ça - le comité aviseur multidisciplinaire devrait adresser au ministère un rapport global et final sur l'ensemble des facteurs évalués correspondant avec la volonté initiale des législateurs et les recommandations qui en découlent.

De notre avis, et basé sur notre expérience, ce comité aviseur central multidisciplinaire assurerait la permanence d'un espace neutre de communication essentielle dans le climat de conflit professionnel qui menace la faillite des projets-pilotes de même qu'un élément de cohérence et de continuité au niveau des apports fournis par ces projets-pilotes sur le dossier de la légalisation de la profession de sage-femme au Québec. Nous savons que les sages-femmes ont leur place dans le système de santé québécois et nous savons également qu'affirmer que nous n'en avons pas besoin, c'est affirmer que nous ne savons pas ce qu'est et ce que fait la professionnelle sage-femme.

Oeuvrant d'abord dans l'intérêt du public, les législateurs québécois devront relever le défi de créer des politiques favorables au développement et au maintien d'un modèle québécois de sage-femme adapté à notre culture, à nos besoins spécifiques et cela, dans le respect de la tradition internationale des sages-femmes. Ce modèle devra bénéficier rie structures et d'une autonomie suffisante pour s'adapter à l'évolution des standards de santé en évolution rapide au Québec comme dans plusieurs régions ou pays du monde. Les sages-femmes du Québec sont soucieuses d'assurer le respect des fondements de la pratique sage-femme qui, à bien des égards, s'éloigne de près ou de loin des tendances officielles de la profession d'infirmière et de celle de médecin.

À toutes les phases du développement de ce dossier, les législateurs devront respecter ces différences réelles afin de ne pas condamner les

effets bénéfiques de cette profession de toutes parts rattachée à l'action communautaire. Dans cette lignée, il nous apparaît d'ores et déjà impératif que soit reconnue indépendante la profession de sage-femme et que, par respect pour l'histoire ancienne et récente du peuple québécois, soit aménagé également un espace sécuritaire pour la pratique à domicile.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, Mme Gagnon. Est-ce qu'il y a... Oui, s'il vous plaît. You have another intervention. You want to speak?

Mme Palliser-Tulugaq: I would just like to conclude. In conclusion, we request: 1) that the Parliament of Québec support the legislation of a modified Bill 4, An Act Respecting the Practice of Midwifery within the Framework of Pilot Projects; 2) due to the particular problems that the Inuit of Northern Québec face and due to the satisfaction expressed by our people, that the Parliament of Québec recognize that the Inuulitsivik Hospital has made midwifery services available to our people for the last three years and that further recognition must be given to the local training we provide for Inuit community midwives so that Inuit midwifery be officially recognized even if local training is not done according to the modalities accepted in the future for Non-Native midwives. Thank you.

La Présidente (Mme Marois): Cela va, merci.

M. Corriveau: Mme la Présidente, je veux juste m'offrir pour faire la traduction s'il y avait des membres de la commission qui désireraient que je leur donne le message.

La Présidente (Mme Marois): Je ne crois pas. Est-ce que ça va? Cela va.

Une voix: Ça va. J'ai un traducteur à côté de moi.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de la présentation. Est-ce que vous voulez y aller, M. le ministre délégué...

M. Côté (Charlesbourg): Ah! aucun problème!

La Présidente (Mme Marois):... responsable de l'Office des professions? Vous voulez y aller?

M. Côté (Charlesbourg): L'Office des professions, allez-y, M. le député d'Abitibi-Est. Je suivrai et, si vous prenez trop de temps, je vous couperai.

M. Savoie: Merci beaucoup, M. Côté. Mrs. Tulugaq, I believe that we have already met three years ago. Could you tell me, when you were born in povungnituk, if you were born in

Povungnituk, under what conditions you were born? was there a doctor present or was it a midwife?

Mme Palliser-Tulugaq: I was born in Inukjuak, In an Igloo, by an Inuit midwife with no nurses and no doctors. I was born 35 years ago, in February, in the winter time, in an igloo.

M. Savoie: And if one was to be born 20 years ago, in Povungnituk - that was before the construction of the hospital - would one still be born in the presence of an Inuit midwife or would there be a doctor present?

Mme Palliser-Tulugaq: Now? M. Savoie: No, 20 years ago.

Mme Palliser-Tulugaq: 20 years ago, there were still no nurses.

M. Savoie: There were still no nurses. Mme Palliser-Tulugaq: No nurses. M. Savoie: 10 years ago?

Mme Palliser-Tulugaq: It has only been in the last 15 years.

M. Savoie: That is right.

Mme Palliser-Tulugaq: 13 to 15 years.

M. Savoie: So, up until that time, finally, what was used was a sort of midwifery that was in operation throughout...

Mme Palliser-Tulugaq: Inuit midwives, yes.

M. Savoie:... all of inuit lands around the arctic circle. do you feel that the presence of doctors has considerably enhanced the birth-giving process up north?

Mme Palliser-Tulugaq: i think our presentation makes it clear that we feel that the less medical intervention there is in childbirth, the better it is for women.

M. Savoie: Are you related to Harry?

Mme Tulugaq: I may not be the best person to be answering these questions.

Une voix: She is his sister-in-law.

M. Savoie: Ah! you are Hanys sister-in-law! Thank you very much.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Vous me permettrez de le faire en français, compte tenu de mon handicap. J'ai écouté attentivement la présentation et je pense qu'on est dans une première où on a une expérience québécoise. Elle est distinctive parce qu'elle est dans le Nord, semble-t-il, mais ce qui est très frappant dans la présentation, de ce que j'en ai compris - c'est pour ça que je voudrais en savoir davantage - c'est qu'elle répond à un des objectifs de la politique de périnatalité qui était celle de secourir et d'aider les adolescentes ou les femmes en milieu défavorisé. Ce que je comprends, à tout le moins, c'est qu'il y a eu un résultat assez intéressant à ce niveau, et c'est à ça qu'on doit s'adresser. Si je comprends bien, ce sont les sages-femmes qui ont fait l'avant, le pendant et l'après, donc, l'intégration globale de l'ensemble de cette pratique. Cela donne, semble-t-il, des résultats, mais j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Dr Corriveau, allez-y, si vous voulez. Vous pouvez vous entendre sur qui va intervenir, il n'y a pas de...

Mme Gagnon: Je pense que je peux débuter. Je vais répondre à la question, pendant qu'on va me fournir des explications. La maternité de Povungnituk relève de la volonté des femmes. Les femmes ont décidé que, puisqu'elles auraient des accouchements, au Nord, entre autres, elles auraient des sages-femmes. Avoir des sages-femmes, pour elles, c'était viser l'éducation au lieu de... Elles avaient déjà, des infirmières et des médecins qui faisaient des suivis prénataux, qui les référaient pour les accouchements et qui faisaient le suivi postnatal, mais ça ne répondait pas à ce qu'elles attendaient, en fin de compte, de ce service. On a voulu, là-bas, avoir des sages-femmes en pensant que, finalement, on travaillerait sur les sujets qui étaient prioritaires non pas pour les médecins, mais pour la population. Ces sujets-là étaient les problèmes d'une société réellement en mouvement. Alors, c'est de là que vient la volonté d'avoir des sages-femmes au Nord. Est-ce que...

M. Corriveau: Oui, est-ce que je pourrais ajouter là-dessus? Personnellement, je n'étais pas impliqué dans les étapes de la planification du projet. Il y avait le Dr Jean-François Proulx et Johanne Gagnon qui étaient impliqués, mais il faut dire que ça a commencé par une consultation de la population. Quand ils ont su qu'ils allaient avoir leur hôpital, il y a eu un processus de consultation sur la côte, à savoir ce qu'on voulait de cet hôpital-là. Depuis quinze ans que les systèmes des dispensaires sont développés, les femmes étaient envoyées à Moose Factory, en Ontario, pour accoucher, et quand c'étaient des problèmes complexes, on les envoyait à Kingston, à Toronto, à Montréal. Il y avait un désir de rapatrier le processus au Nord et, en plus, de le rapatrier à la population inuit, qui avait encore ce désir-là. On associait beaucoup les problèmes du bris des familles, de la violence conjugale, au fait que les femmes étaient isolées de leur famille pendant des mois. Si vous ajoutez trois, quatre, cinq ou six grossesses, et que vous êtes partie trois ou quatre mois chaque fois, vous voyez le genre de désorganisation que ça cause au niveau des familles. Alors, il y avait déjà un besoin sociologique de développer une approche et de s'approprier le processus au niveau des Inuit.

Et c'est évident que pour ce qui est des médecins là-bas, on est souvent à court d'effectif et on a à s'occuper de tous les problèmes médicaux sur la côte. Si on voulait avoir un professionnel qui allait se dévouer entièrement à ce champ-là de la périnatalité - il y avait des statistiques effarantes à ce moment-là; à part le fait que les femmes étaient toutes envoyées à l'extérieur pour accoucher, il y avait un haut taux de mortalité infantile, et tout ça - c'était un champ qui devait être prioritaire et on devait trouver des professionnels qui non seulement prendraient le temps voulu, parce que ce serait leur champ d'activité, mais qui pourraient aussi s'adonner à la formation des Inuit ou leur réapproprier cette partie de connaissances et les mettre au niveau du XXe siècle pour ce qui est des connaissances, physiologie, biologie, et tout ça. Alors, je pense que le choix, la décision d'avoir des sages-femmes à Povungnituk relevait d'un besoin sociologique, mais aussi d'un besoin médical et d'un besoin fondamental au niveau de la santé publique de la population là-bas. Comme médecins, on n'aurait pas eu le temps de donner l'énergie et le temps qu'il fallait pour mettre la périnatalité à un niveau prioritaire où elle devait être. À de niveau-là, ça répondait à plusieurs besoins et pas seulement à un besoin sociologique.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, ça répond à un besoin sociologique et médical de Povungnituk et de toute la côte, de tous les villages inuit. Est-ce que, par votre expérience, vous croyez que la pratique des sages-femmes pourrait aussi répondre ailleurs au Québec à ce besoin sociologique et médical?

M. Corriveau: Bien, je pense que tout à l'heure vous faisiez référence à toute la question de la périnatalité dans le cadre des milieux défavorisés et des milieux socio-économiquement défavorisés. Je pense que, si on parle d'action en santé communautaire, on doit avoir des intervenants - je cherche le bon mot - avec lesquels

la population à laquelle on veut s'adresser a des affinités, qu'elle se sente interpellée par ces intervenants-là et ait le goût d'investir et de s'impliquer. alors...

M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends, l'expérience à Povungnituk a bien réussi parce que ce sont les Inuit eux-mêmes qui se sont impliqués et, connaissant très bien le milieu, ont répondu aux attentes de leur milieu et ont été respectés par leur milieu. Ce que vous voulez dire, c'est qu'on devrait avoir les mêmes bases pour nos projets-pilotes, les faire dans des milieux défavorisés, mais par des gens qui seraient acceptés par le milieu défavorisé aussi.

M. Corrlveau: Je pense que c'est certainement un point important dans la démarche et je pense que ça doit répondre à un besoin du milieu, ces projets-pilotes. Si on veut les imposer, ça ne marchera pas. C'est comme si j'avais des réactions au projet de loi comme il a été écrit. Moi, j'arrive de la Nouvelle-Ecosse - je voulais juste vous situer - je suis venu mais je travaille dans une autre province en ce moment. Je n'ai pas eu grand temps pour préparer et pour lire les documents, mais ce qui me frappe, c'est que, nous autres, ce qu'on a réussi à faire à Povungnituk, c'est de créer des mécanismes. Si vous mettez n'importe quel groupe de professionnels ensemble dans une même boîte, il va y avoir des conflits. Je veux dire, vous ne pouvez pas... Je pense que ce serait irréaliste de penser qu'on va faire des projets-pilotes et que tout va aller comme sur des roulettes. On a eu nos problèmes, sauf qu'on avait des mécanismes pour régler ça. Il y avait des procédures... (17 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Parlez-nous en de vos mécanismes d'encadrement. Comment ça se fait dans la pratique chez vous? Ce qui ne semble pas possible ailleurs, comment est-ce que ça a été possible chez vous?

La Présidente (Mme Marois): Mme Gagnon voulait répondre aussi. Je ne sais pas si elle veut ajouter des choses et puis vous revenez. Dr Corriveau, je ne sais pas. Vous y allez, Mme Gagnon?

Mme Gagnon: Oui, j'aimerais bien faire une spécification.

La Présidente (Mme Marois): Merci.

Mme Gagnon: Povungnituk est très certainement un des milieux les plus défavorisés de la province de Québec. C'est la situation des autochtones en général. C'est une pratique qui attire beaucoup les sages-femmes. Ça fait partie de la définition du rôle des sages-femmes et je trouve que c'est une attitude drôlement plus louable que d'accepter que les accouchements soient faits par des gens qui, peut-être, n'ont pas la préparation et de se dire que ça se passe ailleurs. On n'a pas le choix, c'est de même. C'est la pratique en milieu défavorisé, mais la profession des sages-femmes est une profession très large, c'est un aspect de la pratique des sages-femmes. Les sages-femmes sont prouvées comme étant efficaces, même dans des conditions difficiles. C'est une profession qui est basée sur le communautaire, sur l'enseignement, sur ce que la femme peut faire elle-même pour sa situation.

Ensuite de ça, comment ça fonctionne? 100 % des bébés sont reçus par les mains des sages-femmes, à Povungnituk, c'est comme ça que ça se passe. Comment est l'avant, le pendant et l'après? Là aussi, ce sont les sages-femmes. Elles font le suivi prénatal, elles sont présentes aux accouchements et ce sont elles qui font le suivi postnatal, ce qui est tout à fait dans la profession des sages-femmes.

Maintenant, à l'intérieur de l'établissement, on a prévu un mécanisme, je dirais de neutralité, pour neutraliser les professionnels quand ils doivent se mettre à discuter parce que autrement... Moi, j'étais là au tout début, c'est moi qui ai fait la phase d'implantation, avant l'ouverture. Après six mois, j'étais prête à m'en aller parce que... Je veux dire que ça accrochait partout avec les médecins. Ils voulaient une sage-femme, mais ils voulaient faire les accouchements à sa place. Ils voulaient prendre la partie qui leur tentait. Je veux dire qu'au départ, ça a été comme ça. Moi, je refusais de handicaper, je dirais, le respect que j'ai pour ma profession en abandonnant la part du gâteau qui est toujours rendue énorme et qui, en fin de compte, n'est que le résultat de quelque chose qui doit être préparé, dans la partie prénatale.

À ce moment-là, on a organisé, à l'intérieur de l'établissement, le comité de périnatalité qui regroupe, par exemple, toujours deux médecins au même comité, deux sages-femmes blanches et deux sages-femmes autochtones qui vont discuter de tous les sujets qui sont autour de la périnatalité. C'est, chaque semaine, une réunion. C'est ce qu'on a décidé dans l'établissement.

Aussi, je refusais, dans le cadre de la pratique de la maternité, de prendre la responsabilité de retenir ou de référer une femme au Sud. Je voudrais que vous vous imaginiez que Povungnituk est beaucoup plus loin... C'est sept heures de transfert pour avoir accès à un chirurgien pour une césarienne, si jamais vous en avez besoin. Je pense que dans cet esprit, si on trouve que les accouchements à domicile sont absolument aberrants au niveau sécuritaire, je me dis qu'on doit penser de très mauvaises choses de nous. C'est quand même ça, les conditions. Les femmes ont choisi d'accoucher au Nord, c'est très important pour le tissu social, il fallait

relever le défi. le comité de périnatalité doit, de façon hebdomadaire, réviser chaque dossier, donc médecins et sages-femmes ensemble, et prendre la décision du lieu où la femme accouchera de la façon fa plus sécuritaire, parce que la sécurité, c'est aussi la sécurité d'un enfant qui naît dans des conditions idéales, c'est-à-dire entouré des parents, de |a famille. c'est la sécurité d'un individu aussi, ce n'est pas seulement d'être sûr que, si on en a besoin, on va pouvoir lui foire une césarienne n'importe quand. on peut - et on l'a prouvé, on a les statistiques pour le prouver - faire un "screening" de ces choses-là. ce n'est pas vrai qu'un accouchement vire en catastrophe n'importe quand. je l'ai assez entendu, quand on fait un suivi consciencieux et aussi, surtout, inscrit dans la continuité qu'offrent les sages-femmes, ce genre de "jack-ln-the-box", on ne vit pas ça. il peut vous arriver une tempête, un avion brisé, ça, c'est vrai, mais vous savez, que tout tourne absolument mal, ce n'est pas vrai. alors, on planifie, à ce moment-là, qui accouchera àpovungnituk et qui sera à l'extérieur et le forum entre les professionnels, c'est un comité où chacun a une parole égale et où on vote.

M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce qui fait que vous en êtes arrivés à une harmonie? Parce qu'au bout de six mois vous vouliez quitter. Ceux qui avaient des problèmes d'incompréhension du rôle de chacun... Est-ce que ce sont davantage les médecins qui ont eu plus d'ouverture d'esprit ou si on a davantage appris à travailler ensemble?

Mme Gagnon: Je pense que ce que j'ai compris lorsque l'exercice clinique a débuté, d'abord, les médecins avaient très peur d'une sage-femme. Ils ne savaient pas ce que c'était. L'inconnu fait peur à l'individu. Alors, ils ne savaient pas ce que c'était. Ils ont eu peur. Alors, ils mettaient toutes sortes d'obstacles. Dès qu'on a eu trois mois de pratique, toutes ces choses ont sauté automatiquement. Ils ont reconnu que la sage-femme était finalement même mieux formée qu'un omnipraticien pour s'occuper d'un accouchement normal ou avec certaines petites choses à côté. Et puis, on a trouvé un terrain sûr par des règles, des ordres de service: où commence la responsabilité de l'un ou de l'autre et comment on s'entend entre tout ça. Je crois que c'est la structure et que c'est aussi un des gros problèmes au Québec, à l'heure actuelle, et que la majorité des gens, y compris des professionnels, ne savent ce qu'est une sage-femme. Ils ne savent pas, en fin de compte, ce qu'est la pratique d'une sage-femme. C'est pour ça qu'on dit que ça se trouve à être fait par les infirmières et les médecins. Ça ne l'est pas. Ça n'existe tout simplement pas.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie. On a déjà, évidemment - je pense que vous avez compris ça tout le monde - dépassé... Oui, je vais vous reconnaître, M. le député. On a dépassé un peu notre temps, mais on se permet, de bonne foi tout le monde, d'aller dans ce sens. Mes trois collègues veulent intervenir. Je vais commencer par le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Au nom de l'Opposition, je voudrais aussi vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous relater l'expérience que vous avez dans le secteur. On voit bien l'intérêt qui est démontré par le ministre parce que vous êtes parmi les seules personnes, au Québec, qui pouvez nous dire, à la suite d'une expérience dans la réalité, ce qu'est la pratique des sages-femmes, ses difficultés et comment ça s'applique comment toute l'organisation s'est faite. Surtout, c'est fait par des personnes qui sont elles-mêmes, d'abord, dans ce milieu. Ça devient une ressource extrêmement importante pour les membres de l'Assemblée, et le ministre responsable d'écouter et de prendre note, bien sûr, de ce que vous avez vécu dans le processus.

Je compléterai en disant qu'il y a, entre autres choses, un sujet d'inquiétude qui, peu importe le côté de la Chambre où nous soyons, nous parcourt tous inévitablement depuis le début de ces audiences de la commission. Il s'agit de l'opposition presque unanime, très forte, de tous les membres, de toutes les parties et de tous les membres des corps médicaux qui sont venus devant nous, depuis quelques jours, et c'est extrêmement inquiétant. Par ailleurs, on a une autre version. Je dirais que c'est peut-être plus à partir des individus qui ont oeuvré dans cette expérience, mais il y a là une démonstration que ce n'est pas nécessairement en montant de super gros mécanismes, de super grosses structures à l'intérieur des Institutions dans lesquelles pourront se dérouler ces expériences et projets-pilotes qu'on peut résoudre les difficultés inévitables, par ailleurs, qui vont se présenter et qui sont résolubles, par le fait même, puisque vous en avez vécu vous-même l'expérience avec des difficultés supplémentaires, par exemple, au niveau de votre origine ethnique, de la composition des personnes dans les différents comités et groupes que vous aviez ou les professionnels que vous aviez autour de la table. À partir du moment où la volonté du législateur se serait exercée, il y a donc une très grande possibilité d'entente et de répondre à ce besoin au niveau de l'ensemble de la communauté québécoise.

Il y a également, je pense qu'il fout le rappeler, tout cet aspect communautaire sur lequel vous avez beaucoup insisté dans tout le processus qui fait en sorte qu'on se donne une espèce de garantie de succès des expériences. Là-dessus, j'aurais peut-être, Mme la Présidente,

une couple de petites questions. Je voudrais avoir des précisions, en particulier du Or Gagnon. Lorsque vous dites qu'il serait très important pour vous...

Mme Gagnon: Je ne suis pas docteur, je suis sage-femme.

M. Trudel: Sage-femme, pardon.

Mme Gagnon: Si vous voulez.

M. Trudel: Pardon. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon: Si vous voulez.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Trudel: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon: Faites attention, là!

M. Trudel: Ha, ha, ha! Oui, certain. Vous avez précisé qu'il faudrait définir, si j'ai bien compris, les thèmes de l'évaluation avant ou même dans le projet de loi. J'aimerais que vous nous décriviez ça plus largement, le pourquoi, l'importance, parce que, évidemment, comme on est en matière d'expérience-pilote, tout sera en réexamen, en quelque sorte, dans cinq ans. Pourquoi le ministre devrait-il tenir compte de votre suggestion et, surtout, pourquoi l'importance de définir les thèmes de l'évaluation, au départ?

Mme Gagnon: Parce que, en fin de compte, c'est l'évaluation qui va vous amener à faire les étapes suivantes dans l'intégration de tout ça. Maintenant, vous entendez le discours habituel - bien qu'on l'entende de moins en moins alarmiste - sur les sages-femmes. Il va falloir prouver que la sage-femme est une intervenante très sécuritaire et probablement même qu'on va prouver, comme on l'a prouvé à Povungnituk, que, finalement, c'est plus sécuritaire, lorsqu'on s'adresse à des grossesses normales, de s'adresser à une sage-femme. Alors, ça, il va falloir que vous le prouviez, en tout cas d'une façon ou d'une autre.

Maintenant, aussi, recueillir toutes ces données, ça demande toutes sortes de mécanismes qui doivent s'enclencher dès le début de tout ça. Ensuite de ça, au niveau de la préparation de la pratique, il n'existe pas au Québec de corporation professionnelle des sages-femmes. Donc, qu'est-ce que ça fait, une sage-femme? Qu'est-ce qu'elle a le droit de faire? Qu'est-ce qui fait partie de sa profession? Qu'est-ce qui n'en fait pas partie? Toutes ces choses-là devront être, au départ, fixées pour pouvoir évaluer, en fin de compte, la sécurité. Il faut que ça commence dès le début.

La Présidente (Mme Marois): Oui, une autre question?

M. Trudel: Oui, Mme la Présidente. Ce serait ce comité aviseur que vous avez suggéré...

Mme Gagnon: Oui.

M. Trudel: ...qui verrait, selon sa définition même dans le projet de...

Mme Gagnon: Oui.

M. Trudel: ...loi, à déterminer tous ces éléments de suivi...

Mme Gagnon: Oui, oui. M. Trudel: ...à réaliser... Mme Gagnon: Oui.

M. Trudel: ...pour ne pas arriver à la fin et dire, si j'ai bien compris: Ah! nous avons oublié tel aspect! Nous aurions dû regarder cela.

Mme Gagnon: Exactement. Nous aurions dû; maintenant, c'est non concluant. Ensuite de ça, vous avez huit projets-pilotes. Préparer l'ouverture d'une maternité ou d'un service de sages-femmes avec les réticences qu'il y a à l'heure actuelle, avec un système qui est construit autrement, ça demande une longue préparation, autant au niveau de... Bon! Il se passe telle situation. À quel moment la sage-femme doit-elle aviser le médecin? Alors, tout ça doit être défini. Cela a tout été défini dans le cadre de la maternité de Povungnituk qui est dans une région Isolée. D'accord? Cela va devoir être fait pour chacun des projets-pilotes. Pourquoi faire ça huit fois? Pourquoi ne pas le faire une fois? Vous obtiendrez, à la fin, une évaluation beaucoup plus consistante, ce qui ne veut pas dire qu'il va falloir régir tout ce qui se passe, la vie quotidienne des gens à l'intérieur d'un projet-pilote, loin de là. On doit offrir une structure qui permette aux choses de se passer sans que ça accroche tout le temps. Autour de ça, on va nourrir la vie quotidienne des projets-pilotes, mais ce sera déjà assez pour les sages-femmes et rétablissement de s'occuper de ça. On devrait fournir ces choses-là et, ensuite, on passera, dans la période secondaire d'intégration, à une corporation professionnelle ou à quelque chose pour regrouper les sages-femmes de façon indépendante.

La Présidente (Mme Marois): Cela va? M. Trudel: Très bien, ça va.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Je vais reconnaître maintenant la députée de Marie-Victorin, ensuite le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous demanderais d'être un petit peu bref parce qu'il faut aussi savoir qu'on fait attendre, bien sûr. un autre groupe.

Mm» Vermette: Dans vos conclusions, vous soulevez le fait de reconnaître vos trois années d'expérience, en fait.

Mme Gagnon: en fait, il faudrait dire quatre: ce sont trois années de pratique clinique mais quatre années, dont une année a été de préparation.

Mme Vermette: Bon. Alors, cela fait... Mme Gagnon: D'accord.

Mme Vermette:... déjà ça d'acquis, encore une de plus. Alors, moi, je vous demandais, compte tenu de votre expérience et compte tenu aussi du projet de loi qui demande cinq ans, qui va être basé sur cinq ans. Est-ce que vous considérez que votre expérience est assez concluante et que vous auriez besoin d'un statut particulier, compte tenu des différentes expériences-pilotes qu'on va mettre sur pied?

Mme Gagnon: Oui, absolument, d'un statut particulier. Je pense que si on a quelque temps à y consacrer encore, il faudrait absolument toucher les statistiques qui ne sont pas longues mais qui, justement, prouvent que ce n'est pas un exercice de second ordre que de travailler avec des sages-femmes. (17 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Dr Meyer.

Mme Gagnon: Épidémiologiste. On a entrepris une évaluation de la maternité. On en fait une.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Vous nous avez remis, d'ailleurs, un petit document.

Une voix: C'est ça.

La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous l'avez, les collègues de la commission.

M. Meyer (François): Oui. Les données qui vous sont présentées, c'est la comparaison, en fait, des accouchements et des grossesses entre les deux parties du Nouveau-Québec, la Baie d'Ungava et la Baie d'Hudson. À la Baie d'Hud-son, vous savez qu'il y a la maternité avec les sages-femmes et a la Baie d'Ungava, c'est un hôpital qui est tenu par des médecins. Pour pouvoir, en fait, comparer, disons avec une certaine honnêteté les statistiques qui sont données, II faut reconnaître qu'à Povungnituk, il y avait une équipe qui était assez stable, qui était formée d'un certain nombre de médecins, de trois sages-femmes et de trois élèves sages-femmes, alors que, de l'autre côté, les accouchements étalent faits par une équipe de médecins beaucoup plus large, qui roulait beaucoup plus.

Des choses qui sont intéressantes à voir dans les données qu'on a compilées, c'est qu'aussi bien dans la Baie d'Ungava que dans la Baie d'Hudson, les interventions, les taux de césariennes et d'accouchements avec instruments sont beaucoup plus faibles que dans le reste du Québec. Ce n'est pas quelque chose qui, en soi, est au crédit des sages-femmes. Si on s'inquiète de la pratique par les sages-femmes dans le Nord sur, par exemple, le pourcentage des bébés de petit poids ou sur la mortalité néonatale précoce, on volt que les statistiques sont tout à fait comparables à celles de l'ensemble du Québec. Par exemple, pour le pourcentage des bébés de petit poids, la mortalité néonatale précoce est plus élevée, mais il faut avoir en tête que les populations ont une proportion beaucoup plus grande de grossesses à risque. Maintenant, là où on peut voir l'apport peut-être plus spécifique des sages-femmes, c'est si on considère les grossesses qui sont réalisées dans l'hôpital à Povungnituk et tous les accouchements qui ont eu lieu par voie vaginale; on peut remarquer que la différence la plus frappante est dans le taux d'épisiotomies, puisque 3 % des femmes qui ont accouché à Povungnituk ont eu une épisiotomie contre environ 28 % à Kuujjuaq, alors que la moyenne pour l'ensemble de la province est de 67 %. On peut regarder l'image un petit peu en miroir entre l'épisiotomie et les traumatismes lors de l'accouchement qui serait le pourcentage des femmes qui accouchent avec un périnée intact: 60 % à Povungnituk contre 30 % à Kuujjuaq, et probablement un chiffre du même ordre pour l'ensemble du Québec.

L'ensemble de ces données suggère qu'il n'y a pas de danger ou de risque particulier, ni pour la femme enceinte ni pour le bébé, et qu'il y aurait plutôt des avantages, finalement, lorsque l'accouchement et le suivi de la grossesse sont réalisés par des sages-femmes.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Atkinson: Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas de question, c'est une petite observation.

La Présidente (Mme Marois): Certainement.

M. Atkinson: Ladies, it has been an ab-solute pleasure to hear your stories about your birth, about the work put into, your efforts by

midwives, the "sages-femmes. " And this is absolutely extraordinary. You have given us - to me, at least - a whole new insight into a region of Québec that most of us never think about. Merci, madame. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député, de la brièveté de vos propos. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Une seule petite question.

La Présidente (Mme Marois): Très petite.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, sur les statistiques. Ce sont les statistiques de quelle année?

M. Meyer: C'est l'ensemble des données pour les deux années du calendrier 1987 et 1988.

M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Ce qu'il serait intéressant de voir, c'est l'évolution dans un sens ou dans l'autre au niveau de chaque année. Je pense que ça aussi va être un indicateur très important dont on devra tenir compte éventuellement.

M. Meyer: Si on regarde le pourcentage des bébés de petit poids, ou de la mortalité néonatale précoce, l'évolution a suivi, à un niveau beaucoup plus élevé, celle du Québec depuis, mettons, les 20 dernières années.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, tout ce que je veux vous dire, c'est merci de votre témoignage, des efforts tout à fait exceptionnels qui ont été faits pour la présentation et de vous être déplacés d'aussi loin aussi pour venir témoigner, même de Nouvelle-Écosse et du Grand-Nord. Je pense que c'est tout à fait exceptionnel. On vous remercie pour votre collaboration. On en tirera certainement de bonnes choses.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous me permettrez, aidée en cela par le ministre délégué aux Mines et responsable des corporations, de vous dire "nakormlk"?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Tremblay: Mme la Présidente, je m'excuse, je sais que ce n'est pas nécessairement dans le protocole, mais la sage-femme Akinisie m'a demandé de faire faire une petite correction de nature technique dans son texte de présentation qui a été dactylographié dans les heures précédant cette rencontre. C'est à la page 3. Il y a une erreur assez flagrante et elle ne voudrait pas que les membres de la commission partent avec cette erreur. C'est dans le texte de Mme

Akinisie Qumaluk, page 3, troisième ligne: Au lieu de lire "they are hurting", c'est "they are hunting".

La Présidente (Mme Marois): O. K.

Mme Tremblay: Je vous remercie beaucoup au nom de Mme Qumaluk.

La Présidente (Mme Marois): Merci et au revoir.

Vous savez que ce n'est pas prévu dans les règles que nous manifestions comme cela, mais comme même les membres de la commission ont manifesté, vous comprendrez que je ne vais pas vous faire de reproches de le faire.

J'appelle maintenant l'Ordre des Infirmières et infirmiers du Québec, s'il vous plaît, à prendre place à l'avant.

Si les collègues de la commission veulent bien reprendre leur siège. On a presque terminé là, avant la suspension.

Cela nous fait plaisir de vous recevoir. Comme à tous les autres groupes, on va vous demander de vous présenter et de présenter les gens qui sont avec vous. Je souhaiterais que l'on ne dépasse pas trop le temps parce qu'on a une lourde journée, déjà, de faite et on deviendra peut-être Improductifs si on continue comme ça, mais je pense qu'à l'intérieur du temps, cinq petites minutes de plus que six heures peut-être, mais il ne faudrait pas vraiment dépasser de beaucoup cela.

Ordre des infirmières et Infirmiers du Québec

Mme Pelland (Jeannine): Ça, ça fait très court. Enfin! Alors, j'ai à ma droite Mme Thérèse Guimond, directrice générale et secrétaire de l'Ordre; à côté d'elle, Me Claudette Ménard et, à ma gauche, Odile Larose, directrice du service professionnel à l'Ordre.

Mme la Présidente, MM. les ministres et chers membres de la commission. Ce mémoire donne suite à l'invitation des membres de la commission des affaires sociales de faire connaître l'opinion de l'Ordre des infirmières et Infirmiers du Québec sur le projet de loi 4, Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes.

Depuis plusieurs années déjà, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec se préoccupe du dossier des sages-femmes, jugeant essentiel de s'engager dans le débat sur les services de santé offerts à la femme au cours du cycle de la maternité. Il démontre ainsi un souci constant que soient reconnus le droit des femmes, le droit des couples et le droit des familles de choisir le lieu et la manière de mettre leurs enfants au monde, de recevoir l'information, l'assistance et le soutien nécessaires pour mener à bien l'ex-

périence de la naissance. Ce type d'engagement de la part de l'Ordre s'est traduit sous toutes sortes de formes, dont la participation à des comités, la collaboration à des projets ministériels, la rédaction d'une prise de position ainsi que des échanges avec différentes instances gouvernementales.

À titre d'exemple, dès 1980, l'Ordre collabore avec le ministère de l'Éducation à l'élaboration des tâches et des opérations de l'intervenante en santé-obstétrique. À la fin de mai 1985, l'Ordre se prononce en faveur des infirmières sages-femmes. Respectant les attentes et les besoins exprimés par les femmes et compte tenu de la philosophie humaniste traditionnelle des infirmières, l'Ordre soutient que l'infirmière sage-femme formée au niveau universitaire est la professionnelle de la santé la mieux placée et la mieux préparée pour réaliser une approche globale et une continuité de soins tant souhaitées par des groupes de femmes.

En juillet 1985, l'Ordre commente auprès du ministère de l'Éducation les recommandations émises par les membres du comité interministériel dans le rapport intitulé "Les sages-femmes: propositions d'un profil professionnel et hypothèses de formation. " L'Ordre partage l'idée fondamentale véhiculée tout au long du rapport à l'effet de reconnaître le bien-fondé de la pratique de la sage-femme, mais, toutefois, maintient la nécessité que la sage-femme soit infirmière pour répondre aux besoins de la collectivité.

C'est aussi en 1985 que la présidente de l'Ordre, au nom des administratrices du Bureau, envoie un avis à l'Office des professions en rapport avec la demande de l'Association des sages-femmes d'être constituée en corporation professionnelle. L'Ordre a considéré cette demande comme non justifiée, étant donné que les tâches professionnelles identifiées et le champ d'activité décrit par l'Association ressemblaient, dans leur presque totalité, à ceux des infirmières. Et dans la liste des membres de l'Association qui nous avait été fournie à ce moment-là, la presque totalité des noms de sages-femmes qui apparaissaient sur la liste étaient déjà des infirmières qui faisaient partie de notre tableau; II y en avait quelque chose comme 95 % qui étaient déjà des infirmières.

Enfin, en juin dernier, l'Ordre fait part au sous-ministre associé du MSSS de ses commentaires sur le document de travail intitulé "Position ministérielle relativement à la pratique des sages-femmes au Québec" Essentiellement, l'Ordre maintient sa position pour que soit reconnu le droit des femmes et des couples de faire leur choix d'un lieu, de la méthode et du déroulement de la naissance, et que soient respectées leurs décisions en cette matière. Néanmoins, l'Ordre s'oppose à l'introduction d'une nouvelle intervenante au sein des équipes de périnatalité existantes, sans que soit pris en compte l'apport des infirmières dans ce domaine.

Dans le cadre des présentes consultations particulières, l'Ordre ne peut donc faire autrement que de souligner à nouveau le fait que les infirmières ont, de tout temps, assisté les femmes lors de leur maternité et occupent, depuis plus de 100 ans, le champ de pratique que l'on veut attribuer aux sages-femmes. Bien que leur contribution et leur rôle dans le champ de la périnatalité fassent l'objet d'un déni continuel, il n'en demeure pas moins que, selon nos plus récentes données statistiques, et elles sont relevées au 13 novembre 1989, 2200 infirmières oeuvrent en salle d'accouchement et en post-partum, 806 infirmières oeuvrent en pouponnière, en plus de 813 infirmières... Ça va? Oui? Il n'y a pas de problème?

La Présidente (Mme Marois): continuez. ça n'a rien à voir. c'est à l'assemblée nationale. on est allé voir si c'est un appel pour le vote ou quoi que ce soit d'autre.

Mme Pelland: D'accord. Alors, 813 infirmières qui travaillent dans le cadre des programmes de périnatalité offerts par les CLSC dans la communauté. Ce qui veut dire qu'on a un total de 3819 infirmières qui travaillent dans tous ces champs d'activité.

C'est donc avec intérêt que l'Ordre a pris connaissance du projet de loi 156, devenu le projet de loi 4, par lequel...

La Présidente (Mme Marois): Si vous me le permettez, effectivement, après vérification, et malheureusement pour tout le monde, pour vous comme pour nous à ce moment-ci, c'est un appel au vote. Alors, on doit suspendre nos travaux et j'imagine que les membres de la commission seraient d'accord pour qu'on revienne. Habituellement, le vote, ça prend cinq minutes.

Une voix: Cinq ou dix minutes.

La Présidente (Mme Marois): D'accord? Alors, nous suspendons les travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 31 )

(Reprise 17 h 47)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien reprendre leur siège, ce qui se fait, nous allons reprendre nos travaux. Évidemment, comme on reprend à 17 h 45, on s'entend qu'on pourra prolonger un peu les travaux de la commission.

Mme Pelland: Alors, Mme la Présidente, j'avais fait un court historique...

La Présidente (Mme Marois): Peut-être reprendre le début de la page 3.

Mme Pelland: Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que ça...

Mme Pelland: C'est ce que j'avais l'intention de faire, parce qu'il me semble que ces statistiques-là sont bien importantes.

La Présidente (Mme Marois): Comme vous voyez, on vous suivait assez bien quand môme.

Mme Pelland: C'est gentil. Bien que leur contribution et leur rôle - |e parle des Infirmières - dans le champ de la périnatalité fassent l'objet d'un déni continuel, il n'en demeure pas moins que, selon nos plus récentes données statistiques - et je dis que ce sont celles du 13 novembre 1989 - 2200 infirmières oeuvrent en salle d'accouchement et en post-partum, 806 infirmières en pouponnière et plus de 813 travaillent dans le cadre des programmes de périnatalité offerts par les CLSC dans la communauté, ce qui fait un total de 3819 infirmières.

C'est donc avec intérêt que l'Ordre a pris connaissance du projet de loi 156 devenu le projet de loi 4 par lequel la volonté politique du gouvernement s'exprime en vue de faire reconnaître la pratique des sages-femmes, d'identifier les fonctions rattachées à l'exercice de cette pratique et d'instaurer des services de maternité à l'intérieur des organisations hospitalières. Par contre, l'Ordre ne peut être en accord avec ce projet de loi puisque l'articulation de ses différentes dispositions suscite de nombreuses interrogations en ce qui concerne les projets-pilotes, leur insertion dans le droit professionnel et dans le droit de la santé ainsi que les moyens d'évaluation de ces projets-pilotes.

L'Ordre présente donc aux membres de la commission des interrogations et des commentaires que soulève la lecture du projet de loi et des avenues de solution. Et je suis certaine que je vais répéter certaines interrogations qui ont été posées par d'autres depuis hier. Concernant les interrogations et les commentaires, les points du projet de loi qui suscitent le plus d'interrogations et de commentaires sont ceux qui se rapportent au champ de pratique des sages-femmes, aux mécanismes de reconnaissance des projets-pilotes ainsi qu'à l'organisation des services de maternité.

Le champ de pratique des sages-femmes décrit dans le projet de loi apparaît non limitatif, d'une part, et comporte, d'autre part, de larges zones de recoupement avec le champ de pratique, les activités et le rôle assumés par plusieurs infirmières.

C'est plus précisément dans la combinaison des articles 2 et 3 et du deuxième paragraphe de l'article 7 que le caractère très étendu et non limitatif du champ de pratique des sages-femmes se constate. Ce caractère non limitatif ressort de l'utilisation du terme "notamment", à l'article 2 du projet de loi, du libellé de l'article 3 et de la précision apportée à l'article 7 concernant des actes médicaux pouvant être posés en outre de ceux mentionnés à l'article 2.

De fait, bien que le législateur puisse, pour les fins de projets-pilotes, soustraire l'exercice de la pratique des sages-femmes à l'application des lois qui régissent l'exercice de la médecine et l'exercice de la profession d'Infirmière, ce sont, à notre avis, les exigences de la protection du public qui doivent servir de balises à la définition du champ de pratique des sages-femmes. Nous croyons qu'une telle définition sous-tend que les personnes qui exerceront les fonctions de sages-femmes devront détenir une solide formation leur permettant de répondre adéquatement et de façon sécuritaire aux attentes et aux besoins des femmes tout en respectant leurs choix. Le contexte multidisciplinaire du domaine de la périnatalité et la continuité des services militent en faveur d'une telle orientation.

En ce qui concerne les mécanismes de reconnaissance des projets-pilotes, nous voulons attirer l'attention de la commission plus spécifiquement sur le processus de reconnaissance, de modification et d'abandon des projets-pilotes ainsi que sur les modalités d'évaluation des projets-pilotes décrits dans la deuxième section du projet de loi.

Le mécanisme de reconnaissance des projets-pilotes est imprécis et incomplet. L'utilisation au premier alinéa de l'article 7 du terme "notamment" laisse croire que d'autres facteurs non énumérés au projet de loi seront considérés pour l'approbation des projets-pilotes. Les autres conditions déterminantes de l'approbation des projets-pilotes apparaissant à l'article 4 sont également imprécises. Au premier paragraphe de cet article, tous les lieux d'expérimentation de la pratique des sages-femmes ne sont pas identifiés. Sans doute, une diversification des lieux d'expérimentation permettrait-elle de bonifier la mise en oeuvre des projets-pilotes. De plus, au deuxième paragraphe de ce même article, les termes "service de maternité" ne sont pas définis.

Dans ces conditions, il est impossible d'imaginer le contenu spécifique des documents de présentation de chacun des projets-pilotes, de connaître l'ensemble des critères réels d'acceptation et de situer clairement tous les lieux d'expérimentation, tant dans les centres hospitaliers que dans des lieux qui leur sont rattachés.

Par ailleurs, les pouvoirs attribués aux centres hospitaliers pour recommander la modification ou l'abandon d'un projet-pilote sont fort

discutables. L'octroi de tels pouvoirs, sans connaître les critères justifiant leur modification ou leur abandon, rend plutôt fragile et arbitraire l'expérimentation de la pratique des sages-femmes.

Cette constatation soulève la question de l'absence d'un cadre évaluattf bien circonscrit des projets-pilotes et pose, en conséquence, celle de la validité de l'expérimentation de la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes et de l'efficacité de cette pratique dans l'atteinte des objectifs en périnatalité.

En l'absence d'un tel cadre évaluatif, il y a tout lieu de s'interroger sur les critères qui serviront aux évaluations annuelles des expérimentations de la pratique des sages-femmes. Par exemple, porteront-elles sur la satisfaction de la clientèle, sur des avantages économiques, sur des indicateurs de santé et sur des indicateurs de qualité de vie individuelle et familiale tels que préconisés par le Conseil des affaires sociales et de la famille?

En ce qui concerne l'organisation des services de maternité, une remarque que nous vouions faire, une des principales remarques, c'est que l'organisation nous est inconnue dans ce projet de loi. L'absence de définition opérationnelle de l'expression "service de maternité'' est une lacune fort déplorable et suscite, en conséquence, de nombreuses interrogations et des scénarios plus ou moins fantaisistes. En plus, dans la littérature nord-américaine consultée, l'expression "service de maternité'' n'est jamais utilisée.

Or, que signifie l'expression "service de maternité"? S'agit-il d'une entité distincte à l'intérieur d'un centre hospitalier? S'agit-il d'un type de service qui sera offert par des sages-femmes à l'intérieur des départements et des unités de soins déjà existants dans un centre hospitalier? Aucun indice dans le projet de loi ne permet de répondre à ces questions et il est impossible d'identifier la nécessaire articulation entre les services de maternité et les autres services et départements du centre hospitalier ou même des lieux qui y sont rattachés.

Par ailleurs, la constitution du conseil des sages-femmes et de son comité exécutif de même que la création d'un poste de coordonnateur d'un service de maternité, sous l'autorité du directeur général, constituent dans leur ensemble une structure pour le moins étonnante considérant la structure organlsationnelle des centres hospitaliers.

Les responsabilités conférées au conseil des sages-femmes sont calquées sur celles du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. La création de cette instance décisionnelle ne risque-t-elle pas d'engendrer des manières différentes de concevoir l'appréciation des actes posés, les règles de soins et les règles d'utilisation des ressources du centre hospitalier? De plus, contrairement au CMDP, les pouvoirs du conseil des sages-femmes sont exercés par un comité exécutif constitué de membres ne faisant pas nécessairement partie du conseil des sages-femmes. Ces ambiguïtés risquent de provoquer des affrontements dans les milieux et même Jusqu'au conseil d'administration du centre hospitalier.

Enfin, le projet de loi confie expressément à un coordonnateur du service de maternité, sous l'autorité du directeur général, les fonctions de diriger, de coordonner et de surveiller les activités des sages-femmes. Cette situation aussi risque de générer des conflits puisque, en ce qui concerne les soins infirmiers, une directrice des soins infirmiers d'un centre hospitalier, également sous l'autorité du directeur général, n'assume pas nommément, en vertu d'une loi, de telles fonctions. Là, on se pose des questions. Peut-être qu'on ne devrait pas réagir à ça, parce que, si c'est bon pour un coordonnateur de conseil, tel que prévu dans la loi, peut-être que ça pourrait être bon aussi pour une directrice des soins infirmiers. Alors, on pourra y revenir.

Les avenues de solution. Après avoir soulevé les principales interrogations qu'a suscitées la lecture du projet de loi 4, l'Ordre a pris connaissance d'un mémoire que l'Association des hôpitaux du Québec a rendu public en septembre dernier. Notre organisme considère que des avenues de solution se retrouvent dans l'approche préconisée par cette association représentant plus de 200 centres hospitaliers à vocations diverses au Québec. Nous aurions souhaité passer après l'Association des hôpitaux du Québec pour que l'Association fasse l'exposé des avenues de solution, mais il passe demain et nous ne pouvions pas être là demain. Enfin. Vous les entendrez après que nous ayons donné notre assentiment à certaines avenues de solution d'ailleurs. En effet, ses propositions viennent apporter des réponses à des questions soulevées et corriger certaines lacunes du projet de loi, en ce qui concerne l'absence d'une approche de recherche évaluative, les mécanismes d'admission d'une personne à la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes ainsi que les conditions de reconnaissance des projets-pilotes et les modalités organisationnelles.

L'Ordre accepte le leadership de l'AHQ dans le dossier des sages-femmes. Cependant, il semble nécessaire d'ajouter aux avenues de solution proposée par cette Association les éléments suivants qui se rapportent à l'assurance-responsabilité, aux conditions de travail des sages-femmes et aux mécanismes de recours en cas de mesures disciplinaires ou administratives.

L'assurance-responsabilité. L'AHQ soulève la problématique de l'assurance-responsabilité civile professionnelle des établissements de santé, laquelle fait surgir, pour l'Ordre, dans la perspective où les sages-femmes qui participeront à

des projets-pilotes seront infirmières, celle de l'assurance-responsabilité professionnelle des infirmières sages-femmes.

Notre organisme, en tant que coassureur d'une assurance-responsabilité professionnelle pour les infirmières, est directement touché par cette conjoncture d'augmentation éventuelle des risques que pourrait constituer l'élargissement de leur champ de pratique.

Pour cette raison et en l'absence d'études appropriées par des experts analystes, le gouvernement devrait assumer entièrement les coûts inhérents à l'assurance-responsabilité professionnelle pour couvrir la pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes. De plus, et pour les mêmes motifs, l'Ordre devrait être, à l'avenir, consulté et invité à participer à toute discussion sur le sujet.

Conditions de travail. De plus, l'AHQ propose que le statut d'emploi et la rémunération applicables aux sages-femmes soient déterminés par les deux ministres responsables des projets-pilotes.

À ces exigences, l'Ordre recommande que soit ajoutée la détermination de l'ensemble des conditions de travail des sages-femmes dans le respect des lois qui régissent le domaine des relations de travail afin, entre autres, de protéger les acquis des gens intéressés par les projets-pilotes et de permettre la reconnaissance de l'expérience au sein de ces projets-pilotes. (18 heures)

En somme, toutes les conditions de travail reliées à ces postes au sein des projets-pilotes devraient être précisées, tant sur le plan de l'engagement que de la prestation des services et de l'évaluation.

L'Ordre suggère d'ajouter un mécanisme de recours pour toute sage-femme qui fait l'objet d'une sanction disciplinaire ou administrative à l'intérieur de la mise en oeuvre de projets-pilotes.

Le comité provincial d'admission à la pratique des sages-femmes que suggère l'AHQ pourrait étudier en dernière instance le dossier de toute sage-femme désirant entreprendre une procédure d'appel à la suite d'une sanction. Au terme de l'étude de tout dossier, les membres du comité provincial d'admission pourraient transmettre leurs commentaires et leurs recommandations au ministre de la Santé et des Services sociaux et au ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

En résumé, nous sommes d'accord avec la pertinence de la mise sur pied de projets-pilotes pour en arriver à la reconnaissance éventuelle des sages-femmes. Nous questionnons la définition du champ de pratique, les mécanismes de reconnaissance des projets-pilotes, la structure organisationnelle proposée. Nous reconnaissons que l'approche préconisée par l'AHQ vient bonifier le projet de loi sur plusieurs points. Nous insistons pour que soit clarifié ce qui concerne l'assurance-responsabilité professionnelle, les conditions de travail et les mécanismes de recours. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous remercions, madame, de votre présentation. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Et de votre patience, compte tenu des aléas de notre pratique parlementaire. Merci de la présentation. Ma première question ne procède d'aucune malice; j'en suis incapable, vous me connaissez. Hier soir, nous recevions la FIIQ qui a fait une présentation supportant d'emblée et, je dirais même, nous disant qu'on n'allait pas assez loin dans la reconnaissance de la pratique de la sage-femme. Il me semble y avoir dans votre appréciation ou dans votre mémoire une différence ou c'est un appui plus timide à la pratique des sages-femmes. Est-ce que je me trompe?

Mme Pelland: J'ai un peu de difficultés à vous répondre à partir de la présentation de la FIIQ, parce je n'étais pas là. Je peux vous répondre à partir de ce que j'ai lu dans le journal ou à partir du très court résumé qu'on a fait de son intervention. D'abord, la FIIQ est le regroupement de 40 000 membres qui font partie aussi de notre corporation et notre groupe en représente presque 59 000 à l'heure actuelle. Je pense que la FIIQ avait deux orientations très différentes II y a quelques années. Il y avait l'orientation de la fédération des SPIIQ et l'oriention de la FQII. L'une insistait pour que ce soient des infirmières sages-femmes et l'autre insistait pour que ce soient des sages-femmes qui ne soient pas infirmières. On me dit, et je suis surprise - là est ma réponse - que la FIIQ recommande que ce soient des sages-femmes qui ne soient pas infirmières. D'abord, je pourrais m'arrêter à l'assurance-responsabilité professionnelle - je pense que ces gens ne l'ont pas trop approchée - mais c'est un problème qui devrait les préoccuper. S'ils ne s'en préoccupent pas, c'est qu'ils nous laissent ça à nous, de nous en préoccuper, parce que c'est nous qui assurons les 40 000 membres. Ce n'est pas la FIIQ qui assure ses membres. C'est déjà un problème très important.

En ce qui concerne l'approche, à savoir que les sages-femmes ne soient pas infirmières, j'ai aussi un tout petit peu de difficultés à voir comment les presque 4000 personnes qui travaillent actuellement dans le grand domaine de la périnatalité recevraient une telle position. Ce qu'on en sait de notre côté, et c'est pour ça que nous avons fait les commentaires que nous venons d'émettre, c'est que les personnes qui travaillent déjà dans le domaine de la périnata-

lité vont regarder venir les sages-femmes. Mon discours pense peut-être à l'ensemble des 59 000 membres et il diffère - je suis obligée de dire qu'il diffère - de celui de la FIIQ. J'ai beaucoup de difficultés à comprendre cette approche-là. C'est peut-être une position du conseil de la FIIQ, à l'heure actuelle, mais elle est différente de la position, disons, des 18 000 membres qui étaient de la Fédération des SPIIQ il y a quelques années.

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, on nous a expliqué un peu aussi la distinction, hier, parce qu'il y avait un changement de cap là, et ce n'est sûrement pas pour mettre les gens en opposition, mais j'avais senti qu'il y avait quand même une distinction entre les deux positions.

Mme Pelland: Puis on ne m'a pas consultée. M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Mme Pelland: On ne nous a pas consultés.

M. Côté (Charlesbourg): Vous représentez le même monde, finalement.

Mme Pelland: Plus.

M. Côté (Charlesbourg): Plus.

Mme Pelland: On représente l'ensemble des infirmières du Québec, 59 000.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, j'avais compris la distinction, mais globalement. D'accord.

Mme Pelland: Et nous les assurons toutes en coassurance.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): L'assurance, c'est quand même important.

Mme Pelland: C'est très important.

M. Côté (Charlesbourg): Vous dites: On ne devrait pas reconnaître une sage-femme si elle n'est pas infirmière.

Mme Pelland: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je traduis peut-être...

Mme Pelland: C'est ce que nous avons dit jusqu'à maintenant, oui.

M. Côté (Charlesbourg): Le groupe qui vous a précédés nous a fait la démonstration que dans certains milieux isolés, peut-être même des milieux plus défavorisés, il n'était pas nécessaire d'être infirmière pour être sage-femme. Comment est-ce que vous réagissez à ça?

Mme Pelland: Jusqu'à maintenant, vous savez, il y a beaucoup de sages-femmes qui sont déjà infirmières. Quand je vous mentionne qu'on a un certain nombre de gens qui travaillent déjà en périnatalité, plusieurs de celles-là ne sont pas identifiées comme étant des sages-femmes, mais ce sont des infirmières et quand elles s'identifient comme sages-femmes, très souvent, elles ne s'identifient pas comme étant infirmières. Je suis certaine qu'on a un assez grand nombre de sages-femmes parce que, déjà, on a fait une étude en 1983 et on avait déjà autour de 175 infirmières qui étaient sages-femmes. Je pense que celles qui vivent des expériences intéressantes et qui s'identifient, pour plusieurs d'entrés elles, comme étant des sages-femmes à l'heure actuelle omettent de s'identifier aussi comme étant des infirmières; et il arrive très souvent des expériences très positives des sages-femmes, aussi bien que plusieurs projets-pilotes qui seront présentés, qui sont déjà prêts, sont préparés par des sages-femmes qui sont aussi infirmières. Je vous rappelle que, quand la demande d'incorporation a été faite auprès de l'Office des professions, en 1985, les personnes demandaient à être reconnues comme sages-femmes et s'identifiaient comme étant des sages-femmes préparées, mais elles étaient à 95 % et plus déjà infirmières aussi.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. Donc ce qui est souhaitable, l'idéal, c'est qu'on soit dans une situation où la sage-femme est infirmière, mais le groupe précédent nous a démontré que les femmes inuit, à moins que je ne me trompe ou que j'aie une mauvaise compréhension...

Mme Pelland: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...n'étaient pas infirmières et que c'était un élément extrêmement important, dans le milieu là-bas, que les femmes inuit soient accouchées ou suivies, pas seulement accouchées mais pendant tout le cycle, encadrées par une des leurs, une femme inuit qui n'est pas forcément infirmière et qui aussi en arrive à un résultat, semble-t-il, très intéressant.

Mme Pelland: M. le ministre, jusqu'à maintenant, nous avons maintenu la position que nous souhaitions que les sages-femmes soient des infirmières. C'était la position du Bureau en 1985 et on l'a maintenue. Par contre, j'ai eu à parler avec Mme Lavoie-Roux à plus d'une reprise et avec le président actuel de l'Office des professions et on nous demandait: Est-ce que vous êtes

prêtes à faire non pas des concessions, mais est-ce que vous voyez qu'il pourrait y avoir d'autres formules? Nous pensons que la sage-femme doit être sécuritaire pour la femme. Une sage-femme bien préparée, je pense, ayant une bonne formation, peut assurer un excellent service. Et le cheminement qu'on a fait autant auprès de Mme Lavoie-Roux qu'auprès de l'Office des professions, c'était de dire: II y a sûrement un recoupement de champs de pratique eï il y aurait grand avantage à utiliser les ressources que représentent les infirmières qui sont aussi sages-femmes et les infirmières qui travaillent dans le domaine dé la périnatalité, à l'heure actuelle, et de peut-être penser à un rapprochement Je pense que les sages-femmes - et Je pense sages-femmes bien préparées - et infirmières se rapprocheraient très bien à l'heure actuelle. Nous sommes même allés jusqu'à faire des propositions aux deux personnes parce qu'elles nous l'ont demandé. Le bureau de notre corporation avait accepté une telle discussion d'approche nouvelle. C'était de prévoir de rapprocher infirmières et sages-femmes peut-être dans un cadre de corporation et dans un cadre de formation de tronc commun. C'était ce qu'on voyait à ce moment-là. Et il y a même déjà eu des discussions avec les universités.

M. Côté (Charlesbourg): Deux petites dernières questions avant de passer la parole à mon collègue d'Abitibi-Est. A la page 6, au deuxième paragraphe, vous dites à peu près: Service de maternité, il y a plusieurs questions sur l'articulation. C'est ce qu'on volt dans le paragraphe. Avec les services départementaux du centre hospitalier, qu'est-ce que vous proposez? Parce que, évidemment, on le sent bien, on va avoir un certain nombre de problèmes auxquels on devra faire face. Dans ce cas-là précis, qu'est-ce que vous nous proposez?

Mme Pelland: On propose que ce soit clair. Comment ça pourrait s'articuler, quels seront les pouvoirs de ces personnes pour travailler avec les différents services de laboratoire, de radiologie, tous les services dont elles vont avoir besoin pour travailler.

M. Côté (Charlesbourg): Vous ne pouvez pas être plus claire que ça?

Mme Pelland: Pas pour le moment.

M. Côté (Charlesbourg): Sur le plan des modalités. On pourra se consulter éventuellement et, évidemment, hier je disais qu'il y avait deux éléments extrêmement importants pour la réussite des projets-pilotes: premièrement l'autonomie des sages-femmes, deuxièmement le support médical, ce qui paraissait assez important. Est-ce qu'il devrait y avoir le privilège d'admission?

Mme Pelland: II faudrait qu'elles aient le privilège d'admission. Si vous voulez faire la preuve du succès de la reconnaissance des sages-femmes, II faut qu'elles aient tous les privilèges. Et ça répond aussi à la question précédente que vous me posiez, il faut qu'elles soient capables d'utiliser les ressources, qu'elles soient capables de prescrire les analyses, qu'elles soient capables de demander les radiographies. Il faut qu'elles soient capables de tout faire ça. Il faut que ce soit précisé pour éviter les difficultés, parce que cette structure-là que vous leur donnez, sans que ce soit précisé, là ça va causer des problèmes. Il va y en avoir avec les médecins et il va y en avoir avec les infirmières, parce que cette capsule de service de maternité qui est à l'intérieur... On ne sait pas trop, trop comment est-ce que c'est situé. Ça va occasionner un tas de problèmes, autant chez les médecins que chez les infirmières, parce que vous en avez beaucoup qui sont préparées, et chez nos infirmières qui sont là, on en a presque 67 % du nombre que je vous ai donné qu! ont de 10 à 25 ans d'expérience. C'est beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre responsable de l'Office des professions.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.

Très rapidement, est-ce que vous avez pris le temps de vérifier auprès des pays où il existe déjà les sages-femmes les conditions en ce qui concerne l'assurance-responsabilité et les conditions de travail?

Mme Pelland: Non, je ne l'ai pas vérifié. Nous ne l'avons pas vérifié.

M. Savoie: Nous ne l'avons pas vérifié. Est-ce que vous croyez que ce serait une bonne chose de le faire, puisque vous nous demandez de vous consulter?

Mme Pelland: Oui. L'étude de l'assurance-responsabilité, c'est un problème très sérieux.

M. Savoie: Oui.

Mme Pelland: c'est pour ça que notre recommandation va dans le sens que le gouvernement devrait assumer l'entière responsabilité de l'assurance-responsabilité pour toute la durée de l'expérience-pilote.

M. Savoie: Ah, vous croyez que c'est au gouvernement d'assumer l'entière responsabilité?

Mme Pelland: C'est ce que l'on recommande dans notre document.

M. Savoie: II me semblait que, dans votre

document, vous demandiez à être consultées.

Mme Pelland: c'est parce qu'il n'y a pas d'analyse de faite à l'heure actuelle et je ne veux pas vendre la mèche pour l'association des hôpitaux, mais je crois savoir que l'association des hôpitaux ne veut pas accepter une charge semblable. et comme nous venons en deuxième dans notre assurance-responsabilité, après l'assurance-responsabilité de l'association des hôpitaux, nous non plus, nous ne voulons pas assumer ça pour le moment. on n'a pas fait d'analyse semblable, on n'a pas eu de discussion avec notre coassureur. on sait que ça pourrait occasionner une augmentation de primes de façon substantielle.

M. Savoie: Vous ne croyez pas qu'il serait opportun d'entreprendre ces démarches immédiatement?

Mme Pelland: II faudrait sûrement faire des analyses, en tout cas.

M. Savoie: Oui. Très rapidement, puisque...

Mme Pelland: Mais ça, le projet de loi est très silencieux là-dessus et ça nous fait très peur.

M. Savoie: Oui, effectivement, on en a fait l'observation également. Mais ce à quoi j'en viens, c'est le fait que, finalement, l'Ordre devrait se pencher sur ce dossier et faire ses recommandations dans les plus brefs délais.

Mme Pelland: Et on propose de travailler avec vous dans ce sens-là, d'être invitées et d'être...

M. Savoie: D'accord. On se mettra en communication avec vous, à ce moment-là.

Mme Pelland: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre. M. le député de La Prairie. (18 h 15)

M. Lazure: La Prairie. Merci, Mme la Présidente. Il me semble que mes collègues me demandent d'adresser des remerciements, au nom de notre formation, à l'Ordre pour cet excellent mémoire. Je pense que c'est un mémoire qui a un ton conciliant; c'est un mémoire qui offre toutes sortes de possibilités de collaboration. À mol, il me plaît particulièrement, parce que - je ne sais pas si vous étiez ici quand j'ai fait certaines remarques, lorsque le groupe des médecins a présenté son mémoire, mais ce que je disais de la difficulté de commencer des projets-pilotes alors que le ministre n'a pas encore suffisamment travaillé à ce rapprochement entre des acteurs tout à fait essentiels dans un hôpital, les médecins et les nouvelles professionnelles que seraient les sages-femmes - les remarques que je faisais à cet égard s'appliquent aussi aux infirmières. Je pense qu'on ne peut pas concevoir que des essais valables soient faits dans un hôpital, pour l'exercice des sages-femmes, sans qu'il y ait une collaboration avec les infirmières. Ça me paraît capital, fondamental.

Je pense qu'il y a lieu d'être optimiste, parce que les infirmières, l'Ordre des infirmières, en tout cas, ouvrent la porte à la collaboration. L'Ordre met aussi en garde le ministre sur le modèle qu'il présente dans son projet de loi qui, si je comprends bien, est une ébauche de projet de loi. C'est sur le modèle de création de cette maternité et sur l'organisation du conseil. Je pense qu'il y a du travail à faire de ce côté-là, parce que, encore une fois, il ne faut pas que ce conseil de sages-femmes soit une entité qui sort trop marginale dans l'hôpital par rapport aux autres professionnels, notamment par rapport aux infirmières. Moi, je suis de l'avis de la présidente quand elle dit que la très vaste majorité des sages-femmes sont des infirmières. Ça fart plus, entre guillemets, "in"; ça fait plus "in", peut-être, surtout auprès de groupements féministes aujourd'hui de se dire sage-femme plutôt qu'infirmière. Ça fart peut-être plus à la mode, actuellement, sociologiquement parlant, pour toutes sortes de raisons.

Je reviens à une question que le ministre responsable de l'Office des professions a posée; dans ce que je connais de la situation en Europe, il y a beaucoup de collaboration et avec les infirmières, et avec les médecins. La plupart des sages-femmes en Europe qui pratiquent en milieu hospitalier sont des infirmières qui se sont spécialisées dans une formation additionnelle et sont devenues des sages-femmes. Je poserais une question à Mme la présidente: Est-ce que vous considérez que vos infirmières en milieu hospitalier, qui travaillent dans un service d'obstétrique, ont leur autonomie professionnelle? Est-ce qu'elles exercent, d'après vous, avec une autonomie professionnelle suffisante?

Mme Pelland: Elles ont leur autonomie professionnelle en ce qui concerne les soins infirmiers; oui, je le pense, dans bon nombre de cas. Je ne comprends pas votre question exactement, il me semble qu'il y a quelque chose derrière tout ça.

M. Lazure: II n'y a rien à comprendre.

Mme Pelland: Soyez plus précis; il me semble qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas.

M. Lazure: Je m'attendais un peu à cette réponse-là, je pense qu'elle reflète la réalité.

Mais voici la question que je poserais au ministre pour sa considération, et aux sages-femmes aussi, évidemment, et encore une fois en me reportant au modèle européen: Est-ce qu'il n'est pas concevable que les sages-femmes obtiennent un degré d'autonomie qui les satisfassent, tout en étant à l'intérieur d'un service d'obstétrique? Je la pose à vous et au ministre.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez un commentaire, une réponse, une remarque?

Mme Pelland: Je pense qu'il y a possibilité, oui, qu'elles puissent avoir leur autonomie, quel que soit le lieu où elles interviendront Ce n'est pas une question de lieu, c'est une question de définir leur champ de pratique et les conditions d'exercice, beaucoup plus qu'une question de lieu. Je pense qu'il serait souhaitable que les projets ne se fassent pas seulement en milieu hospitalier, justement, mais qu'ils se fassent dans le cadre des CLSC également.

La Présidente (Mme Marois): Ça va, M. le député?

M. Lazure: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Vermette: Comme vous faites un lien très étroit entre les infirmières et la profession de sage-femme, est-ce qu'il y a déjà eu des rencontres et des discussions qui ont été entamées par votre corporation professionnelle avec les sages-femmes, et dans cette éventualité, quelles ont été les conclusions, et est-ce que vous avez déjà envisagé des programmes de formation à l'intérieur même du cadre de la profession d'infirmière?

Mme Pelland: Je n'ai pas eu de rencontre officielle avec l'ensemble des sages-femmes dans une association, par exemple, mais comme elles sont infirmières, pour plusieurs, j'ai eu l'occasion de parler avec plusieurs sages-femmes qui sont infirmières et oui font partie d'associations de sages-femmes. Evidemment, étant membre d'une association, elles souhaitaient être reconnues comme leurs collègues, de façon autonome, sages-femmes. Quand je leur pose la question: Bien, est-ce que ça ne peut pas t'aider dans tes interventions de sage-femme que d'être infirmière, je pense que je n'en ai jamais rencontré une qui ait été capable de me dire: Bien, c'est sûr que moi, je suis capable de voir beaucoup plus large parce que ma formation d'infirmière m'aide. C'est entendu. Quand elles sont à domicile, les sages-femmes, pour prendre soin de celle qui fait son cheminement vers la maternité, elles ont à intervenir très souvent auprès d'autres personnes, et là, c'est l'infirmière qui intervient, ce n'est pas la sage-femme, pour donner des conseils.

Mme Vermette: J'aurais une dernière question. À l'intérieur, quand vous faites vos consultations et qu'en fait le constat que vous faites, c'est que la formation d'infirmière peut être utile dans le cadre d'une sage-femme, à quel niveau la formation d'infirmière apporte-t-elle une connaissance supplémentaire ou une qualité concernant le service de la sage-femme? Est-ce que c'est au niveau de l'empathie, de ses connaissances anatomiques, physiologiques, est-ce que, bon, c'est un ensemble de choses, c'est à quel niveau? Est-ce que vous êtes capables de le pointer du doigt?

Mme Pelland: C'est l'ensemble de la satisfaction des besoins d'un individu, c'est son approche, c'est son empathie, comme vous dites, sa façon de développer une relation d'être avec les individus. C'est l'approche globale d'un individu, c'est sa façon d'intervenir. Je pensais que vous me posiez la question: Quelle sorte de formation... Personne ne m'a posé cette question-là jusqu'à maintenant.

La Présidente (Mme Marois): Moi je l'avais, j'avais cette question-là.

Mme Vermette: En fait, c'est parce que...

Mme Pelland: Je pensais que c'était ça que vous me posiez.

Mme Vermette: Je vous l'avais posée.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que je vais la poser. Maintenant, si vous permettez, il y a le député de Fabre aussi qui m'a demandé d'en poser une toute petite. Je pense que je vais lui accorder la parole. Mais comme on est sur ce champ-là, si on veut... Vous proposez que ce soient des infirmières, c'est-à-dire avec la formation que l'on connaît maintenant, et que s'ajoute à cela une formation de trois ans.

Mme Pelland: Que ce soient des infirmières avec une formation de premier cycle. Je pense que tous les intervenants qui ont proposé des formations, c'était une formation de premier cycle universitaire, enfin, pratiquement, ce que je retiens de ce que j'ai entendu. Et nous proposons une formation de premier cycle universitaire.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Mais il y a...

Mme Pelland: Mais c'est là qu'on voit qu'il

pourrait y avoir un tronc commun avec la formation dos infirmières.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, alors on prend le cours...

Mme Pelland: II y a des matières qui sont communes.

La Présidente (Mme Marois):... qui se donne actuellement.

Mme Pelland: À l'université.

La Présidente (Mme Marois): C'est ça, on s'entend bien.

Mme Pelland: À l'université, oui.

La Présidente (Mme Marois): À l'université et qui, là, pourrait avoir une base commune...

Mme Pelland: C'est ça.

La Présidente (Mme Marois):... et des options pourraient...

Mme Pelland: II y a des matières fondamentales qui sont les mêmes, anatomie, physiologie, biochimie, microbiologie, enfin, un tas de matières, psychologie, sociologie, matières humaines, scientifiques et humaines...

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

Mme Pelland:... qui sont nécessaires dans les deux cas.

La Présidente (Mme Marois): Ça, c'est votre proposition proprement dite.

Mme Peliand: Oui.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, Mme la Présidente. Mme Peliand, je suis content de voir que dans votre exposé vous avez souligné jusqu'à quel point vous réalisiez l'importance de l'assurance, au niveau de la responsabilité professionnelle. Vous avez aussi avoué que la majorité des sages-femmes sont des infirmières, au départ. Vous avez aussi mentionné que cesdites infirmières sont couvertes en vertu d'un contrat d'assurance émis au nom de l'Ordre des infirmières.

Mme Peliand: C'est ça. Il y en a deux qui ne le sont par sur 59 000, presque.

M. Joly: Bon alors, parfait, partant de là, si jamais, en tant que gouvernement, on allait de l'avant avec le projet, modifié peut-être, mais qu'on décidait de ne pas payer les assurances, mais que le fait de ne pas payer ferait augmenter la prime totale de chacun de vos membres, seriez-vous autant d'accord pour aller de l'avant avec le projet des sages-femmes?

Mme Peliand: D'abord, je ne peux pas vous dire qu'on pourrait faire ça parce que nous sommes en coassurance, alors il faudrait le demander à la compagnie avec laquelle nous sommes en coassurance. Ces gens assument un tiers des risques, nous assumons deux tiers des risques.

M. Joly: C'est justement sur ça, madame, que je vous pose la question.

Mme Peliand: II faudrait le discuter, parce que c'est une modalité qui n'a jamais été...

M. Joly: Mais ça va être automatique. Si la compagnie d'assurances estime que, pour eux, c'est un risque supplémentaire, définitivement, il va y avoir un reflet dans la prime quelque part. Que ce soit réparti sur 200 personnes ou sur 59 000, si la prime totale, par exemple, est un demi-million de dollars par année, répartis sur 59 000, vous savez ce que ça représente.

Mme Peliand: Oui. Je ne suis pas sûre que l'ensemble des membres serait heureux de ça.

M. Joly: Merci.

Mme Peliand: En plus, à l'heure actuelle, la prime n'est pas très élevée parce que nous sommes en deuxième. Il y a l'assurance de l'Association des hôpitaux qui vient en premier, nos membres étant des employés et étant protégés par leur convention collective, par l'assurance des hôpitaux.

La Présidente (Mme Marois): Mme Guimond, vous ne vouliez pas ajouter quelque chose? Non, ça va.

Mme Guimond (Thérèse): Tout ce que j'aurais à ajouter, c'est qu'il y aurait peut-être à faire supporter ce surplus par les infirmières qui seraient dans les projets-pilotes. Là, nécessairement, je pense qu'on négocierait avec le gouvernement comme des associations de médecins l'ont fait, je crois, au niveau des obstétriciens-gynécologues, où le gouvernement, actuellement, paie 50 % de la prime. Ça représente 6000 $ pour le gouvernement par médecin et ça représente des millions. Je pense bien que pour un projet-pilote qui a l'air si cher au gouvernement, il y aura un petit effort à faire.

La Présidente (Mme Marois): Vous lui faites

une suggestion, si je comprends bien.

Mme Guimond: C'est une suggestion, en fait, de quelque chose qui existe déjà.

La Présidente (Mme Marois): Alors, nous vous remercions. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez raison de dire que c'est un projet qui est cher au gouvernement et qui va le demeurer et qu'on a encore un petit peu de travail à faire. On va le faire en collaboration avec tous ceux et celles qui nous l'ont offert, pour parvenir à un résultat qui, nous l'espérons, sera positif.

Merci de votre présentation. On aura très certainement l'occasion de se revoir dans les prochains jours, sinon les premiers jours de janvier.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie. On suspend nos travaux jusqu'à 20 heures, je dis bien 20 heures, parce qu'on a encore passablement de groupes a entendre ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise à 20 h 8)

La Présidente (Mme Marois): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, bonsoir, tout le monde. Vous avez eu un bon souper?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Très bon, Madame.

La Présidente (Mme Marois): Nous allons reprendre nos travaux en entendant, d'abord, les Cercles de fermières du Québec; par la suite, l'Association des pédiatres du Québec, l'Association médicale du Québec et Mme Maria De Koninck.

Bonsoir, mesdames des Cercles de fermières. J'aimerais, d'une part, en commençant votre présentation, que vous vous présentiez; par la suite.. on accorde environ une vingtaine de minutes à la présentation de votre mémoire et une quarantaine de minutes à des questions qui se partagent équitablement entre les gens de la commission. Cela va? Alors, à vous la parole.

Cercles de fermières du Québec

Mme Huot (Noëlla): Bonsoir mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir de présenter mes compagnes. D'abord, je suis Noëlla Huot, présidente provinciale des Cercles de fermières du Québec. À ma droite, Louise Déziel-Fortln, vice-présidente et, à ma gauche, Mme Cécile Labrecque, secrétaire provinciale.

Je veux vous dire tout de suite au début, même si vous nous avez dit qu'on a vingt minutes, vingt minutes et, en fin de compte, une heure, que notre discours ne sera pas long.

La Présidente (Mme Marois): Parfait.

Mme Huot: Nous ne sommes pas des professionnels de la santé ni des spécialistes dans ce domaine-là, mais nous sommes, mes compagnes et moi, des mères de famille, ce qu'on appelle les usagères. En tout cas, si ce n'est pas nous autres, si on a passé l'âge, on l'a déjà été. Moi, je tiens à dire que j'ai treize enfants et qu'il y en a six là-dessus qui sont nés avec une infirmière sage-femme, et puis, que j'ai connu c'est quoi, donner naissance avec une sage-femme à la maison et donner naissance à l'hôpital. Puis, j'ai sept petits-enfants qui sont nés avec des sages-femmes à la maison, dernièrement, ce qui veut dire que le dernier est à un an, disons que le médecin était sur le bord de la porte.

Les Cercles de fermières du Québec, association vouée à la défense et à la promotion des intérêts des femmes et des familles québécoises, regroupe près de 60 000 membres. Célébrant leur 75e anniversaire en 1990, les Cercles de fermières du Québec se sont toujours intéressés au développement de nouveaux services en matière de soin et de santé, tant pour leurs membres que pour les femmes de la province. C'est pourquoi, dès la présentation du projet de loi 156 par Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui est maintenant le projet de loi 4, nous sommes obligées d'en faire une étude sérieuse afin de faire part au législateur de nos commentaires. D'abord, nous étions très heureuses quand II y a eu l'annonce du dépôt d'un projet de loi qui permettrait enfin la pratique des sages-femmes au Québec, à titre expérimental. Notre enthousiasme s'est un peu refroidi quand on a pris connaissance du projet de loi et nous vous dirons pourquoi.

Lors de notre congrès annuel de 1985, nos membres ont adopté la recommandation suivante concernant la pratique des sages-femmes au Québec: Que la profession de sage-femme soit reconnue légalement, que la formation académique soit de niveau universitaire, que la profession soit régie de façon autonome.

Cette recommandation, qui fut acheminée aux autorités compétentes, et notre participation à de nombreux groupes de travail intéressés à la périnatalité au Québec, notamment en ce qui concerne la pratique des sages-femmes, sont des gestes concrets à l'appui du présent avis.

Pour nous, il ne fait aucun doute que notre recommandation de 1985 doit être appliquée intégralement. Ce faisant, le législateur répondra à une demande sans cesse grandissante de la

population féminine, tant de milieu urbain que rural, et assurera des services de qualité.

Il ne faut pas croire que notre position constitue un désaveu de la profession médicale. Cependant, comme nous l'avons souligné lors d'une autre de nos recommandations, nous considérons que des professionnels qualifiés, autres que les médecins, devraient pouvoir intervenir dans le dossier de la santé. Alors, je vous dis que cette recommandation que nous avons eue, qui date de 1986, était de briser le monopole médical actuel pour permettre l'accès à d'autres pratiques de médecine alternative reconnue ailleurs au monde et respecter ainsi le choix des individus.

Ainsi, la présence de sages-femmes en périnatalité n'a rien de folklorique et ce n'est pas un recul dans le temps. Cette présence dans le réseau actuel des établissements de santé est une reconnaissance des soins préventifs plutôt que curatif8. Elle replace tout le processus de périnatalité dans son contexte véritable, c'est-à-dire celui d'un geste sain et naturel et non d'une pathologie.

Les couples demandent le libre choix, lors de l'accouchement, une approche plus naturelle. Ça fait partie des droits inaliénables de la personne. L'accouchement, on le sait, est un des plus grands événements de la vie familiale. Pourtant, plusieurs parents, encore aujourd'hui, ont le sentiment de vivre cet événement comme une maladie. On sait bien que ce n'est pas surprenant puisque l'accouchement est devenu un acte médical, avec tout l'appareillage technologique que l'on connaît.

C'est de ces déceptions, de ces expériences qu'est née, au Québec, la requête actuelle de l'intégration des sages-femmes dans le système périnatal. On s'explique mal la lenteur constatée sur ce dossier alors que la législation de la profession fait l'objet d'un large consensus social - pensons aux nombreuses demandes qui ont été faites à la commission Rochon en 1986, en tout cas - sauf de la Corporation professionnelle des médecins, bien entendu.

Le projet de loi. Entre la demande formulée par Mme Lavoie-Roux à la Corporation professionnelle des médecins du Québec, à laquelle cet organisme a pour ainsi dire répondu par une fin de non-recevoir et le projet de loi 4, nous aurions souhaité et nous souhaitons une plus grande fermeté de la part du législateur. Ici, je dois dire à M. le ministre Côté que, d'après les médias, ce qu'ils nous disent est que M. Côté semble vouloir être plus ferme avec la Corporation professionnelle des médecins, et nous nous en réjouissons.

Le projet, tel qu'il est présenté, signifie, à court terme, un retard pour la mise en place des projets-pilotes, si on pense à l'évaluation des sages-femmes, à créer des comités multidis-ciplinaires et à implanter des projets-pilotes, etc.. ça signifie aussi, à plus long terme, que la pratique des sages-femmes au Québec n'obtient aucune garantie, tant sur le plan de la reconnaissance professionnelle que de l'assurance d'une formation universitaire adéquate. Il n'est pas plus question, d'ailleurs, de l'autonomie de la profession. Le gouvernement du Québec dispose déjà d'une batterie complète d'outils lui permettant d'évaluer le dossier de la pratique des sages-femmes et de prendre une position ferme à son endroit. Les sages-femmes sont reconnues et excercent avec compétence dans la plupart des pays industrialisés. Il se fait déjà des accouchements par sage-femme dans certaines régions éloignées du Québec. Pourquoi alors partir à zéro?

Si nous ne pouvons refuser un pas de l'avant, si minime soit-il, il nous est difficile de comprendre l'hésitation que le projet de loi cache mal. S'il est ici question de projets-pilotes et de certains mécanismes visant leur mise en place, nous nous inquiétons des suites que ceux-ci pourraient avoir, tout comme des suites que pourrait engendrer l'entrée en vigueur du projet de loi; crainte devant l'intransigeance des médecins que les projets risquent de se trouver compromis avant même qu'ils débutent ou qu'ils puissent être concluants. Bref, que fera-t-on après le délai de cinq ans? Aura-t-on vraiment fait progresser le dossier de la pratique des sages-femmes au Québec?

Nous comprenons que ce projet de loi vise, entre autres, à modifier temporairement la Loi médicale, sans attaquer de front la profession médicale. Nous comprenons aussi que son objectif, d'analyser l'impact de la profession des sages-femmes sur la périnatalité et d'intégrer les sages-femmes dans le réseau de santé du Québec, sera difficile à atteindre objectivement puisque des médecins doivent être directement impliqués dans les projets-pilotes. Encore ici, nous ne mettons pas en doute la bonne foi de toutes celles et de tous ceux qui feront partie des projets-pilotes, nous disons seulement qu'ils devront laisser de côté tout esprit corporatif et faire preuve du professionnalisme et de l'esprit d'équipe dont ils sont capables.

Mme Fortin (Louise): Les Cercles de fermières du Québec ont des membres à la grandeur du territoire de la province et connaissent ainsi très bien les soins de santé disponibles en matière de périnatalité. Ce que nos membres et ce que nous disons aujourd'hui, c'est que le projet de loi 4 répond peu ou pas à nos attentes, compte tenu de notre recommandation de 1985. Cependant, il signifie un pas en avant sur la pratique des sages-femmes et on peut vous dire que l'on s'en réjouit.

Si le projet de loi devenait loi, il devrait d'abord être amendé selon les orientations suivantes: Nous, les Cercles de fermières du

Québec, recommandons que la définition internationale de la sage-femme soit reconnue comme base pour rétablir le rôle de la sage-femme au Québec.

Deuxièmement, que le champ de pratique soit davantage défini avant la mise en place des projets-pilotes. Nous recommandons aussi que le gouvernement ne se limite pas à l'implantation de projets-pilotes en centre hospitalier et établisse aussi un processus d'accès dans las CLSC, les maisons des naissances et à domicile, s'il y a lieu, tant en milieu urbain que rural.

Quatrièmement, que la compétence des sages-femmes soit évaluée par un comité multi-disciplinaire composé majoritairement de sages-femmes.

Cinquièmement, qu'une formation académique correspondant à un programme universitaire de premier cycle pour les sages-femmes au Québec soit exigée et établie par la suite.

Sixièmement, qu'un comité multidisciplinaire, un comité aviseur d'encadrement autonome, qui verrait aux orientations, à la planification, à la mise en place et au bon fonctionnement des projets-pilotes, soit formé. Que les usagères soient représentées au comité multidisciplinaire d'encadrement des projets.

Septièmement, qu'un comité superviseur fasse rapport régulièrement au gouvernement et qu'il donne une image réelle - et on insiste beaucoup - du déroulement du processus.

Huitièmement, que le financement de ces projets soit assure afin qu'ils fonctionnent adéquatement.

Neuvièmement, qu'à la fin de son application, après cinq ans, la loi soit nécessairement transformée en une loi régissant la pratique des sages-femmes au Québec, laquelle consacrerait la légalité de la profession de sage-femme et son autonomie de toute autre pratique oeuvrant en périnatalité et définirait aussi sa pratique et la formation requise pour y accéder. On voudrait, en tout cas, que la pratique des sages-femmes soit intégrée au système de santé.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Les dernières recommandations, je ne les avais pas... Est-ce que vous avez les dernières recommandations, telles qu'elles vous les ont présentées? Parfait. On vous remercie. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je veux remercier Mmes Huot, Fortin et Labrecque de leur présentation. Plusieurs groupes sont intervenus, y compris vous, en disant: Cela devrait être une corporation professionnelle autonome et reconnue que celle de la pratique des sages-femmes. Il y a un consensus assez large. Certaines personnes disaient que ça permettrait d'avoir de meilleures assises sur le plan légal pour être capables d'expérimenter les projets-pilotes sans trop trop de problèmes. L'expérien- ce vécue nous dit que ça prend à peu près trois ans avant qu'on puisse établir une corporation professionnelle. Si on allait dans cette voie-là, est-ce à dire qu'on devrait attendre dans trois ans avant de débuter l'expérience de cinq ans, compte tenu du fait qu'on dit: Cela prendrait une corporation professionnelle.

Une voix: Je vérifie. Vous nous demandez s'il faudrait avoir la corporation avant d'implanter des projets-pilotes?

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Une voix: Non. On va commencer avec des projets-pilotes, mais j'espère que les deux vont aller de pair.

M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Il y a deux théories, celle de dire qu'il faudrait, pour commencer les projets-pilotes, avoir une corporation professionnelle, de telle sorte que tout le monde soit bien balisé au moment où on enclenche le processus et aussi très bien protégé, et que ça donnerait un meilleur encadrement, une meilleure liberté pour être capables de passer à l'action, si vous me passez l'expression. D'autres disent: Oui, il faut aller dans les projets-pilotes sans nécessairement avoir la corporation professionnelle, mais elle devra venir en cours de route.

Une voix: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est que vous dites: Passons d'abord aux expériences de projets-pilotes et, par la suite ou parallèlement, tentons de créer la corporation professionnelle parce que le risque, si on enclenchait le processus tout de suite ou qu'on attendait, ce n'est peut-être pas trois, ça peut être quatre ans, ça peut être cinq ans avant d'être capables de passer à travers compte tenu des oppositions qu'on connaît maintenant.

À la page 3 du mémoire que j'avais, vous dites dans le bas de la page: Si le projet de loi 156 - qui est devenu le projet de loi 4 - devenait loi, il faudrait d'abord l'amender selon les orientations suivantes: 1° que le champ de pratique soit davantage défini. Je voulais le demander à d'autres groupes qui sont intervenus de la même manière et finalement, je ne l'avais pas nécessairement oublié mais je n'avais pas eu le temps. Je vais en profiter pour la poser à vous sans que ça vous embarrasse. On parle beaucoup de définition de sages-femmes et de champ de pratique. On dit: La définition internationale des sages-femmes. En tout cas, les conseils que j'ai eus... parce que ce n'est pas mon projet de loi, il faut donner le mérite à qui ça appartient, c'est Mme Lavoie-Roux qui a fait franchir un pas extrêmement important à ce

processus que nous avons aujourd'hui. Il sera bien sûr modifié, le projet de loi, pour revenir en tenant compte de toutes les expressions d'opinions qu'on a devant la commission. Mais ce qu'on me dit et la volonté du législateur telle qu'elle est là, c'est que la définition internationale se retrouve dans le champ de pratique, mais dans le champ de pratique inclus à l'intérieur du projet de loi. C'est pour ça que j'aimerais, sans que ça vous embarrasse, parce qu'on n'a pas tous une formation de légiste, encore bien moins moi, je ne suis pas avocat, je suis un simple petit professeur comme le député de Joliette... Alors, évidemment, on est limité dans ce temps-là. Est-ce que, d'après vous, la définition internationale de sage-femme se retrouve bien campée dans le projet de loi à l'intérieur du champ d'application?

Mme Fortin: Je peux vous dire que la définition internationale de la sage-femme a été adoptée par la Confédération internationale de la sage-femme, en 1972. Cela a été approuvé en 1973 par l'Association internationale des gynécologues-obstétriciens et par l'Organisation mondiale de la santé. Alors, ça peut vous dire que dans l'ensemble, je pense que le champ de pratique avait été étudié et que cela avait été accepté. Par contre, le champ de pratique pour nous, c'est d'éliminer toute confusion dans les rôles. En fait, c'est une équipe qui va être là. Ce n'est pas seulement la sage-femme; c'est une équipe. Alors que l'équipe s'entende sur les rôles qu'ils auront à jouer en périnatalité, à l'accouchement et à tous les processus. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question.

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que, évidemment, la question est revenue. Je voudrais tenter, autant que possible, de l'élucider dans la mesure où on refait le projet de loi parce qu'on a... L'Impression que je tire de l'analyse que les gens font, c'est que le projet de loi 4 ou 156 - de toute façon c'est le môme - ne reprend pas la définition internationale de la sage-femme, alors que le champ de pratique reprend exactement... C'est le Conseil du statut de la femme, m'indique-t-on - ça m'avait échappé - qui reprend la définition internationale des sages-femmes plus le projet de loi 4 et c'est essentiellement à peu près la même chose. Donc, ce que je voudrais vous dire, c'est qu'on retrouve déjà, à l'intérieur du projet de loi 4, la définition internationale de la sage-femme et qu'on serait dans une situation où ça répondrait à tout le moins à votre premier point quant au champ de pratique.

Mme Fortin: Je m'excuse, M. le ministre. La Présidente (Mme Marois): Oui, allez.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

Mme Fortin: C'est peut-être le rôle, nous, qu'on veut vraiment qui soit bien défini à chacun.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Oui, mais c'est... en tout cas, ça m'apparaît clair dans toutes les discussions qu'on a eues jusqu'à maintenant, là. S'il y a, passez-moi l'expression, s'il y a un os important, ça va être celui-là, et c'est à ça qu'on devra s'attaquer dans notre rôle de législateur dans les étapes ultérieures. Vous dites à un certain moment donné: Bon, ce sont des projets-pilotes, c'est une expérience de cinq ans, mais on voudrait avoir la garantie dès maintenant que ça va être permanent. Je comprends ce que vous voulez nous dire, mais je vous dis que ce n'est pas facile. Vous nous demandez de juger dès à présent et de donner des résultats d'une expérience des projets-pilotes qu'on prendra cinq ans pour analyser.

Mme Huot: C'est parce que ça a fait ses preuves ailleurs au monde. Quand on dit que dans au-dessus de 90 pays où les sages-femmes exercent, c'est reconnu et elles ont leur place, alors pourquoi nous, faut-il repartir à zéro? C'est pour ça qu'on se dit: O.K. Essayons les projets-pilotes, ça va peut-être en contenter certains. En tout cas, nous autres, on y voit une ouverture vis-à-vis des médecins, de la Corporation professionnelle des médecins. On voit que c'est mettre un pied dans la porte en mettant des projets-pilotes. Et nous autres, on se dit: On veut qu'au bout de cinq ans, ça soit reconnu légalement et puis qu'on soit comme les autres pays où les sages-femmes ont le droit d'exercer. C'est dans ce sens-là qu'on...

M. Côté (Charlesbourg): O.K.

Mme Huot: Pour nous autres, il me semble que c'est clair qu'il faut que ce soit comme ça.

La Présidente (Mme Marois): En fait vous tenez pour acquis qu'effectivement le résultat va être...

Mme Huot: II me semble que ça ne peut pas faire autrement.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ce que je comprends, c'est que les sages-femmes sont prêtes à prendre le pari, étant convaincues, quant à elles, que l'expérience sera tellement positive qu'on n'aura pas le choix, au bout de cinq ans, que de la...

Mme Huot: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Je reviendrais à Mme Huot, parce que votre entrée en matière était très intéressante, et on cherche toujours à travers cela à aller chercher l'exemple qui va nous permettre de comprendre. Vous nous avez dit: J'ai mis au monde treize enfants, dont six par accouchement de sage-femme, et on présuppose que pour les sept autres, c'a été en milieu hospitalier avec des médecins.

Mme Huot: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): C'est quoi la différence?

Mme Huot: Le jour et la nuit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Huot: Je l'ai toujours dit. Moi, mes enfants ne sont pas nés dans les années quarante, là. Ils sont nés à la fin des années cinquante et soixante. Nous demeurions en Abltibi, et à ce moment-là les infirmières qui étaient dans les dispensaires étaient des infirmières qui avaient suivi des cours... En tout cas, c'étaient elles qui faisaient des accouchements.

Une voix: II n'y avait pas d'autre service médical?

Mme Huot: Non. Et puis j'ai eu mes six enfants là et ensuite, c'est arrivé que, changeant d'endroit, les médecins ne voulaient pas venir, ne faisaient pas d'accouchements à la maison. Alors, comme les autres, j'ai pris le chemin de l'hôpital. Nous autres, on avait les yeux grands, on avait décidé d'avoir treize enfants. C'est ça la vie. J'en ai eu sept à l'hôpital. J'ai toujours trouvé... Quand je vous ai répondu tantôt que c'est le jour et la nuit, c'est vrai. J'ai passé mon temps à dire qu'à la maison - quand je contais ça à mes enfants et à tout le monde - c'est la fête, c'est un événement important de mettre au monde un enfant. Il me semble que c'est comme faire son nid chez nous, se préparer à accoucher. Un enfant, c'est quelque chose de grand dans notre vie de femme et notre vie de couple. Ce qu'on ne vit pas à l'hôpital, quand tout le monde est pressé et que tout le monde fait son travail et que chacun parle de ce qui s'est passé dans la journée et tout ça. L'encadrement n'est pas le même. Je sais bien que depuis les dix dernières années, on a tout fait pour essayer d'humaniser les soins dans les hôpitaux. Mais mon histoire, notre histoire, je l'ai racontée à nos enfants. Mes filles, quand elles se sont mariées et qu'elles ont commencé à élever leur famille, elles aussi, les plus vieilles surtout, ont commencé avec des médecins. Elles se disaient: Quand maman nous contait qu'elle avait accouché à la maison, que c'était le jour et la nuit... Il y en a une qui s'est dit: Moi, je l'essaie. J'essaie ça avec une sage-femme. Elle aussi a dit: C'est le jour et la nuit... Ça l'a réconciliée avec l'accouchement. Elle en a parlé à ses soeurs. C'est pour dire, il y a sept petits-enfants qui sont nés à la maison, avec des sages-femmes. Je pense que cela fait des petits-enfants qu'on aime, un esprit de famille, une vie de famille qui est changée quand... J'ai assisté même à la naissance du petit Michel à la maison, avec la sage-femme. Je peux dire que c'était un jour de fête. En tout cas, si vous vouliez une histoire, c'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est une histoire vécue. C'est celles-là qui sont davantage importantes dans notre commission. Je le prends comme un témoignage qui va très certainement nous servir sur le plan de l'appréciation. Pour le moment, ça ira.

(20 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le ministre. M. le leader de l'Opposition, une critique.

M. Chevrette: Je voudrais reprendre peut-être la question du ministre, la première de toutes. Votre première recommandation, c'est que vous avez dit que vous vouliez davantage définir le champ de pratique des sages-femmes. Ai-je bien compris les explications de madame à gauche dont je ne sais pas le nom...

Mme Fortin: Oui.

Mme Huot: Mme Fortin.

M. Chevrette: Est-ce que ce n'est pas plutôt, au lieu de définir le champ de pratique, les interrelations entre les personnels que vous vouliez dire?

Mme Fortin: C'est tout ça, en fait. Le champ de pratique, qu'il soit défini avant la mise en place des projets-pilotes. Mais quand ces projets-là seront mis en place, que chaque rôle soit bien défini. Je pense que c'est... En tout cas, c'est notre point de vue.

M. Chevrette: Mais vous autres, quelle est votre position?

Mme Huot: Je voudrais ajouter quelque chose, mon ami.

M. Chevrette: Oui.

Mme Huot: Je voudrais dire que quand on dit que ça soit bien défini, c'est que la sage-femme, de par sa profession de sage-femme, joue son rôle de sage-femme jusqu'au bout dans ce projet-là - pas juste être assistante - qu'elle joue pleinement son rôle, tel qu'il est défini par

la définition internationale des sages-femmes. Dans ces projets-pilotes, que ce soit défini clairement et qu'elle remplisse son rôle jusqu'au bout.

M. Chevrette: O.K. Vous dites que le projet de loi met un point final après cinq ans, à toutes fins pratiques, d'où votre demande de reconnaître légalement, immédiatement, la profession. Le ministre de la Santé et des Services sociaux dit: Cela peut prendre trois ans avant que ce ne soit reconnu légalement. Donc, on ne peut pas attendre jusque-là si on veut que les sages-femmes commencent à exercer leur profession. Qu'est-ce que vous diriez d'une suggestion qui serait la suivante: Que le ministre enlève sa motion qui rend le projet de loi caduc au bout de cinq ans et qu'il dise plutôt que ce projet de loi sera nul et non avenu le jour où il sera remplacé par un projet de loi de type permanent?

Mme Huot: Bien...

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que c'est une proposition qui répondrait un petit peu à vos voeux?

Mme Huot: Ça répondrait à ce qu'on veut.

M. Chevrette: Donc, vous aimeriez ça qu'on fasse ça comme amendement?

Mme Huot: Oui.

M. Chevrette: Bon, ce n'est pas si mal. On vient d'en annoncer un.

Troisième question que je voudrais vous poser. Quand vous dites: Que ce comité fasse rapport régulièrement au gouvernement, vous parlez du comité d'évaluation national?

Mme Huot: Un comité...

M. Chevrette: Dans votre feuille de résumé des recommandations, à la quatrième recommandation: "Que ce comité fasse rapport régulièrement au gouvernement."

Mme Huot: On a dit: Que ce comité fasse rapport régulièrement au gouvernement. On pense toujours que c'est un comité qui va superviser ces projets, mais qu'il fasse régulièrement un rapport au gouvernement et qu'il donne une image réelle du déroulement du processus pour s'assurer régulièrement que ce projet-là fonctionne bien et que, s'il y a des choses... s'il a pris une tangente, s'il va de travers bien qu'il soit...

M. Chevrette: Mais, dans votre esprit, ça veut dire que les projets-pilotes sont tous uniformes ou s'il peut y avoir des divergences d'une région à l'autre quant à la conception et à la réalisation d'un projet?

Mme Huot: Je ne crois pas qu'ils soient uniformes. Je crois qu'ils s'adaptent aux régions, Ils s'adaptent aux besoins de la population, mais s'ils sont en centre hospitalier, dans les CLSC ou dans une maison des naissances, ils vont être différents, et, s'ils sont dans un centre urbain ou dans un milieu rural, j'ai l'impression qu'ils vont être différents.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous pensez de ce type d'expérience dans un centre hospitalier?

Mme Huot: ii ne faudrait pas... on ne veut pas que ce soit juste dans les centres hospitaliers. si c'est juste là, on en doute dès le départ.

M. Chevrette: O.K. Dernière question. Je vais voler une question qui serait sans doute chère au député de Verdun, je pense. Je voudrais voir... Je suis sûr de ne pas avoir la même réponse qu'il a eue à une couple de reprises, cette fois-ci. Je vais vous poser la question: Quel type de formation vous voyez, vous...

Mme Huot: Pour les sages...

M. Chevrette: ...pour les sages-femmes?

Mme Huot: Bien, nous autres, notre recommandation qui a été adoptée lors d'un congrès provincial, c'est qu'on veut que ce soit une formation universitaire de premier cycle.

M. Chevrette: Premier cycle ou deuxième cycle?

Mme Huot: Premier cycle. M. Chevrette: Premier cycle. D'accord. Mme Huot: Est-ce que ça vous va? M. Chevrette: Ah! Oui.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Il y a la députée des Chutes-de-la-Chaudière qui voudrait aussi soulever quelques questions.

Mme Carrier-Perreault: Bien, écoutez, je n'ai pas grand-chose à vous demander là, surtout après la question de mon collègue. Disons que, dans le cadre des projets-pilotes, par exemple, est-ce que pour vous les sages-femmes qui sont non diplômées, celles qui ont une expérience, pourraient quand même participer à l'expérience?

Mme Huot: Bien, il faudrait que celles qui

n'ont pas de diplôme passent des examens en tout cas pour que leur compétence... qu'elles soient évaluées par un comité et puis, peut-être, si elles ont besoin de recyclage ou d'autres choses, que ça se fasse, mais dans notre idée, ce ne sont pas toutes les sages-femmes qui vont pouvoir exercer le...

Mme Carrier-Perreault: Vous Otes d'accord en fait avec le genre de comité de sélection, même si elles ne sont pas diplômées, à ce moment-là.

Mme Huot: Oui.

Mme Carrier-Perreault: D'accord, merci.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, M. le député.

M. Trudel: Une petite vite. Évidemment, à cette recommandation que la répartition des projets-pilotes tienne compte des besoins des régions, étant de l'Abitibi aussi, ça a commencé là, hein?

Mme Huot: Oui.

M. Trudel: II y a des choses, donc, qu'on peut apprendre de l'Abitibi, ailleurs au Québec. Ce serait important, vous dites, de le mentionner dans le projet de loi ou de l'indiquer quelque part, qu'il devrait y avoir une certaine répartition régionale des projets, vu qu'ils ne se retrouvent pas tous en milieu urbain. Donc, c'est important pour vous autres?

Mme Huot: Absolument, c'est important pour nous autres. Notre association regroupe des femmes de partout, de toutes les régions de la province, et c'est un souhait des femmes, qu'on pense aux régions éloignées et aux régions rurales.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, M. le ministre? Cela va. Oui, M. le député.

M. Gautrin: J'ai une question. Je m'excuse de revenir sur la question du député.

M. Chevrette: C'est parce que je voulais le réveiller tantôt. Je savais qu'il se lèverait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Sur la formation, où il y a une formation de premier cycle, quelle différence faites-vous entre la formation actuelle universitaire en sciences infirmières et celle qui irait pour les personnes, les sages-femmes, les personnes qui auraient cette formation à faire?

Mme Huot: Je ne peux pas vous dire là-dessus, ma compétence dans ce domaine est restreinte. Je ne peux pas vous répondre. Je ne connais pas assez le cours pour les infirmières pour me prononcer là-dessus.

M. Chevrette: On va faire jaser M. Gautrin avec M. Trudel, deux recteurs. Ils vont nous le dire.

La Présidente (Mme Marois): Vous savez, la sagesse peut venir d'autres lieux aussi. Hal ha, hal La preuve. On vous remercie d'être venues témoigner. Je pense que c'est important pour les membres de la commission aussi d'entendre, bien sûr, votre regroupement parce qu'on en connaît l'importance et la signification dans notre histoire, mais aussi d'entendre des expériences vécues qui permettent peut-être de dédramatiser un petit peu un acte qui est, bien sûr, naturel et, en plus, quand c'est dit d'une façon aussi sereine. Alors, on vous remercie. M. le ministre.

Mme Huot: J'ai vu dans les journaux, aujourd'hui, que M. Chevrette aussi était né des mains d'une sage-femme.

M. Chevrette: Certainement, madame, et je me trouve pas si mal.

Dés voix: Ha, ha, ha!

Mme Huot: C'est ce que je voulais dire.

La Présidente (Mme Marois): II est né surtout d'une femme, ce qui est déjà pas mal. Ha! ha, ha!

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier et vous demander: Avez-vous des projets de fusion avec l'AFEAS?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Huot: Des projets de fusion?

M. Chevrette: Avec l'AFEAS. Non?

Mme Huot: Non.

M. Chevrette: Pas encore.

Mme Huot: Mais pourquoi?

M. Chevrette: C'est une blague. C'est parce que, dans mon milieu, je les taquine parce qu'elles marchent en parallèle.

Mme Huot: Vous pouvez continuer à les taquiner et à nous taquiner aussi. Nous avons chacune notre champ d'action et quand il y a à

faire des coalitions sur certains sujets, pour constituer une force, on est là et elles sont là et je pense qu'on s'en sert.

M. Chevrette: Bravo!

Une voix: 1-0.

La Présiden te (Mme Marois): Merci.

M. Chevrette: C'est rare que je leur dis bravo.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Cela va. M. le ministre.

M. Chevrette: Je la connais depuis longtemps.

M. Côté (Charlesbourg): je veux vous remercier de votre témoignage et je pense qu'il reste des étapes à franchir, à venir, en souhaitant avoir la collaboration de tout le monde, parce que ça prendra la collaboration de tout le monde, y compris des médecins, pour y arriver. merci bien.

Mme Huot: On compte sur vous. Merci. M. Côté (Charlesbourg): Oui. Ha! ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): merci. j'appellerais maintenant l'association des pédiatres du québec à prendre place. nous allons procéder. le dr michel guay est le président de l'association. bienvenue. je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, de procéder à la présentation de votre mémoire.

Association des pédiatres du Québec

M. Guay (Michel): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs les députés membres de cette commission, j'aimerais vous présenter les membres de ma délégation. À mon extrême droite, le Dr Jacques Simard, pédiatre à Lévis; il est aussi premier vice-président de l'Association des pédiatres du Québec. À ma droite, le Dr Jeanne Pichette, pédiatre-néonatologiste attachée au Centre hospitalier universitaire Laval et à l'hôpital Saint-François-d'Assise à Québec et vice-présidente de la Société des néonatologistes du Québec. À ma gauche, le Dr Gloria Jeliu, pédiatre attachée à l'hôpital Sainte-Justine, directrice du centre de développement de cet hôpital et membre du conseil de l'APQ; le Dr Jeliu est particulièrement reconnue pour son implication sociale, notamment, dans le domaine des enfants maltraités. Ensuite, le Dr Pierre Blanchard, pédiatre-néonatologiste attaché au Centre hospitalier universitaire Laval et à l'hôpital Saint-François-d'Assise, membre du conseil d'administration de l'Association des pédiatres du Québec et secrétaire de la Société des néonatologistes du Québec. Finalement, à mon extrême gauche, le Dr Anne Brodeur, pédiatre de Québec attachée à l'hôpital du Christ-Roi, à l'hôpital du Saint-Sacrement et au Centre hospitalier universitaire Laval.

La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.

M. Guay: L'Association des pédiatres du Québec désire remercier le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan Côté, de son invitation à venir exprimer notre point de vue lors de cette consultation en commission parlementaire.

L'Association des pédiatres du Québec s'est déjà penchée sur le processus de la reconnaissance de la pratique des sages-femmes et elle a soumis au ministère un rapport le 24 septembre 1985 en réponse au "Projet de politique en périnatalité, ministère des Affaires sociales, 25 avril 1985".

Pour nous replacer dans le contexte de cette époque, j'aimerais vous lire les conclusions de ce rapport que vous n'avez pas actuellement, étant donné que c'est une pièce d'archivé. Je pense que ce rapport vous a été envoyé il y a quatre ans. De fait, on n'en a plus jamais entendu parler par la suite. Je vous lis les conclusions dudit rapport: "Nous désirons d'abord adresser des félicitations au ministère des Affaires sociales pour l'intérêt qu'il porte à la périnatalité. Son document contient de très nombreux et très valables éléments de solution à des problèmes qui nous préoccupent aussi. Peut-être mal conseillé à certains égards, le ministère nous soumet tout de même des éléments de réflexion très enrichissants, en particulier lorsqu'il traite d'humanisation et d'attitude générale. Nous sommes convaincus que tous les professionnels de la santé impliqués, tant médicaux que paramédicaux, sont disposés à participer activement à plusieurs programmes que le document nous propose. Nous désirons, cependant, mettre en garde le ministère quant à la mise en application prématurée de certains projets-pilotes qui devraient faire l'objet d'une concertation plus élargie. Notre réseau actuel est perfectible à de multiples égards. C'est à ce niveau qu'il faut investir capital humain et financier afin qu'il réponde mieux aux attentes des femmes et des couples et aux impératifs de sécurité que la fragilité des nouveau-nés nous impose. "Péri-natalité 1973" était résolument orientée vers le nouveau-né en négligeant quelque peu sa mère. "Périnatalité 1985" commet la même erreur, mais en sens inverse. L'Association des pédiatres de la

province de Québec offre au ministère son entière coopération afin de trouver, avec lui, le juste milieu." (20 h 45)

C'est là-dessus que nous avons conclu et c'est la dernière chose... Enfin, nous avons envoyé le document, on a reçu un accusé de réception et ça a été tout. On n'a plus été consultés de façon officielle par la suite.

L'Association des pédiatres du Québec a soumis un autre document en octobre 1987 portant sur "La périnatalité au Québec - étude d'un moyen pour atteindre les objectifs: la pratique des sages-femmes (avis no 1)". Maintenant, ce soir, le sujet de cette commission parlementaire est la reconnaissance de la pratique des sages-femmes au Québec.

Après étude des nombreux documents diffusés par le ministère, il nous apparaît clairement que cette démarche procède d'une volonté purement politique, hors des cadres d'une gestion saine et cohérente d'un véritable programme de santé en périnatalité québécoise.

En effet, nul document ou enquête ou rapport n'a pu nous convaincre du bien-fondé d'une telle démarche, encore moins de l'innocuité éventuelle de la mise en place de cette volonté de reconnaître la pratique des sages-femmes dans le contexte québécois actuel.

De plus, alors que depuis 1973 l'amélioration constante du portrait de la mortalité et de la morbidité périnatales et infantiles place le Québec au premier rang des pays industrialisés - mortalité périnatale, par exemple, le taux par 1000 en 1965, 27,5; en 1975, 14,2 et, en 1985, 8,2 - que le taux de mortalité maternelle directe et indirecte est le plus bas au Canada et pratiquement dans le monde entier - le taux par 10 000 naissances vivantes en 1975, 0,8 et, en 1985, 0,2 - le ministère propose une loi qui semble discréditer les équipes multidisciplinaires qui oeuvrent actuellement dans le champ de la pratique obstétricale et néonatale avec des ressources financières restreintes ou parcimonieusement allouées. Le ministère, entre-temps, admet que la situation en périnatalité est fort acceptable, voire encourageante.

D'autre part, nul n'a pu nous convaincre de l'innocuité éventuelle de ce projet de loi. Donc, le gouvernement semble prêt à déstabiliser un système qu'il serait sûrement moins spectaculaire, mais peut-être plus rationnel d'améliorer par l'injection judicieuse de fonds et de ressources et à reconnaître enfin que la problématique résiduelle en périnatalité passe plutôt par l'introduction de mesures sociales éclairées visant à améliorer la qualité de vie des femmes et de leurs nouveau-nés, avant, pendant et après la grossesse.

Au chapitre suivant, nous traiterons de la reconnaissance de la pratique des sages-femmes à l'intérieur des projets-pilotes. Comme nous l'avons déjà mentionné, la reconnaissance de la pratique des sages-femmes procède d'une volonté politique. Le projet de loi actuel ne nous semble pas contenir de garanties suffisantes et nous ne croyons pas que la compétence des sages-femmes dans le domaine de la néonatologie et de la pédiatrie leur soit acquise. Nous mettons en doute leur compétence parce qu'il n'a jamais été prouvé qu'elles maîtrisaient bien les complexes connaissances nécessaires pour aborder la néonatologie, telle qu'elle se pratique au Québec et dont les résultats se font sentir au niveau des excellentes statistiques obtenues année après année, mortalité et morbidité périnatales et infantiles. Ce sont là des résultats dont nous sommes fiers, mais que nous ne tenons pas pour acquis sans qu'une certaine continuité de soins, de compétences et de technologie soit assurée.

Un autre point avec lequel nous sommes en complet désaccord, c'est le libellé de la loi au sujet du lieu de pratique des sages-femmes et qui se lit comme suit: "En centre hospitalier ou dans un lieu qui y est rattaché".

Autant nous nous opposons à l'accouchement à domicile pour des raisons de sécurité, autant nous craignons que l'interprétation de cet article de la loi n'entraîne des situations extrêmement dangereuses. Ainsi, lorsque l'accouchement, au déroulement normal jusque-là, évolue vers la catastrophe non prévue, seules une organisation hospitalière rodée, des méthodes de réanimation expertes et une technologie minimale arrivent, même actuellement, à la contrer avec difficulté. Il est impossible que le gouvernement pense équiper les CLSC ou d'éventuelles malsons des naissances, avec des facilités coûteuses, de salles d'opération de tout l'arsenal technologique et d'équipes médicales complètes aux fins de prévoir l'imprévisible.

Si seulement 15 % des nouveau-nés présentent des problèmes, ce nombre est déjà pour nous, pédiatres, très significatif. Or, dans notre expérience, il n'est pas une semaine dans chaque centre hospitalier où l'intervention de l'équipe médicale actuelle ne transforme un désastre imminent, suite à un accouchement annoncé comme normal, en heureux événement. Pour la sécurité des nouveau-nés et de leur mère, nous demandons que tous les accouchements se fassent à l'hôpital.

Nous endossons entièrement la position de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, à savoir que la définition du champ de pratique proposée par le ministère de la Santé et des Services sociaux est très extensive et déborde largement la conception qu'on se fait habituellement de la sage-femme.

Le chapitre suivant est au sujet de la reconnaissance des projets-pilotes. Le projet de loi actuel prévoit que les sages-femmes pourraient avoir la liberté de poser les mêmes gestes médicaux que les médecins et ce, sans même

prévoir au préalable les critères de formation et les mécanismes objectifs de contrôle de l'acte médical qu'on exige des médecins. Cette seule constatation nous fait nous opposer à la mise en vigueur d'une telle loi qui crée un précédent dangereux et risque d'entraîner une diminution de la qualité des soins médicaux.

Tout dans cette loi semble devoir se passer en marge des structures médicales de contrôle actuelles, lesquelles furent mises en place par le législateur pour assurer une plus grande sécurité aux usagers des services de santé. Ceci met en cause la confiance que pourront accorder les usagers à ces mécanismes de contrôle. Il s'agit d'un précédent dangereux qui risque de déstabiliser le système actuel.

Modalités organisationnelles. Sous cette rubrique, nous soulignerons notre vive inquiétude face à l'absence de prévision de la loi 4 concernant les nouveau-nés et le peu de place que l'on semble accorder à l'expertise pédiatrique. L'article 11 prévoit l'organisation de services de maternité en centres hospitaliers où se tiendraient les projets-pilotes. On y passe sous silence le mode de coexistence qui devra s'établir entre ceux-ci et les services d'obstétrique et de pouponnière déjà en place. Pire, on semble oublier de situer sous quelle autorité sera placée la surveillance de l'état de santé des nouveau-nés. Soumis à la loi 4, échapperont-ils totalement au protocole de surveillance établi dans chaque pouponnière sous la direction du chef de service de pouponnière? On ne précise pas qui fera l'examen du nouveau-né, qui décidera s'il peut recevoir son congé. Sera-t-il soumis au dépistage provincial des maladies métaboliques, etc? Et autres questions?

La coexistence des deux philosophies sera-t-elle source de frictions et résultera-t-elle en deux catégories de nouveau-nés: d'une part, ceux bénéficiant d'une évaluation et d'un suivi organisé, scientifique et sécuritaire, de l'autre, ceux qui seront l'objet d'une improvisation capricieuse? L'Association des pédiatres recommande que les nouveau-nés soient tout simplement soumis à l'évaluation et au suivi applicables aux nouveau-nés de toutes les pouponnières des centres hospitaliers où se tiendraient des projets- pilotes.

Autre lacune du projet de loi 4. Aucun article ne semble traiter de la responsabilité professionnelle et surtout de l'assurance-respon-sabilité. Il s'agit là d'une technicité importante quand on sait ce qu'il en coûte présentement aux médecins accoucheurs pour se prévaloir de ce type d'assurance obligatoire sans lequel ils ne pourraient exercer leur profession. Il en est de même, dans une moindre mesure, pour les pédiatres.

En guise de conclusion, la fonction du pédiatre l'amène à se poser en avocat de la santé et de la sécurité des nouveau-nés et des enfants à toutes les étapes de leur croissance. Nous avons à coeur de conserver et d'améliorer les acquis dans le domaine de la périnatalité. Nous sommes convaincus que l'adoption de cette loi n'apporterait qu'un dérivatif passager à la compréhension des vrais problèmes encourus par les femmes enceintes dans notre société et retarderait d'autant leur solution éventuelle.

Le gouvernement ne doit pas perdre de vue que l'amélioration des conditions sociales des mères des milieux défavorisés, de leur état nutrltlonnel, des conditions de travail de la travailleuse enceinte et de la mère qui allaite, des conditions maritales des couples et l'élimination de la violence conjugale, du niveau d'éducation, de l'accessibilité à l'information et aux services déjà disponibles, de la diminution du nombre de grossesses chez l'adolescente et de l'abandon de l'usage du tabac, de l'alcool, de la cocaïne et autres drogues par les femmes enceintes mènera éventuellement au redressement et à l'amélioration des conditions de vie et de survie des nouveau-nés. Nul Intervenant ne peut se targuer de pouvoir modifier à lui seul l'un ou l'autre de ces problèmes. Un plan d'ensemble, voire une véritable politique cohérente en périnatalité, devrait s'attaquer à solutionner tous ces problèmes.

Les équipes de professionnels déjà en place, médecins, médecins accoucheurs, infirmières, pédiatres, néonatologistes, psychologues, travailleurs sociaux, etc., ont réussi à faire en sorte que les conditions de naissance sont actuellement les meilleures de toute notre histoire médicale et ont peu à envier aux sociétés dont le développement est semblable. Nous, pédiatres, sommes au premier titre concernés par la réduction des taux de prématurité. Le plafonnement récent de la réduction du taux de naissance des bébés de petit poids, soit ceux de moins de 2500 grammes, est préoccupant. Nous sommes confrontés, dans notre pratique, à tous les enfants atteints de malformation d'origine diverse et nous contribuons de toute notre expertise à l'humanisation des soins offerts aux mères et à leur nouveau-né, mais notre perception de l'amélioration des conditions ci-haut décrites passe par le redressement de situations qui échappent au contrôle d'un intervenant unique, si doué sort-il.

L'Association des pédiatres mettra tout en oeuvre pour que ses membres continuent de s'assurer que les nouveau-nés reçoivent dans un cadre approprié des soins à la hauteur de ce qu'ils sont en droit d'obtenir dans une société bien organisée qui tente de regarder vers l'avenir plutôt que de réveiller le passé.

Alors, si on résume notre intervention, l'Association des pédiatres du Québec considère que le projet de loi 4 n'offre pas de garanties de sécurité pour les femmes enceintes et les nouveau-nés du Québec sur le plan de la pratique médicale. L'Association considère que le gouver-

nement n'a jamais fait la preuve de la nécessité d'introduire une nouvelle sorte d'intervenant dans la problématique de la périnatalité au Québec. L'Association trouve que le gouvernement manque d'objectivité en reconnaissant les sages-femmes avant de faire une évaluation sérieuse de leur compétence et de leur savoir. L'Association pense que la loi ne protège pas les nouveau-nés à naître dans le cadre de ces projets-pilotes. L'Association estime que le projet de loi introduit une série de précédents dangereux qui risqueront de déstabiliser le fonctionnement des centres hospitaliers visés et l'Association considère le projet de loi actuel comme une digression dans la recherche d'une véritable solution aux problèmes multifacettaires des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés dans notre société. En conséquence, l'Association des pédiatres du Québec recommande de rejeter cette loi 4. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président. M. le ministre. (21 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Dr Guay. Je pense que la table, si on peut dire la table, est mise des positions de chacun. Je pense qu'on peut facilement constater que tout le monde reconnaît qu'il y a un certain nombre de problèmes. On les répète: bébés de petit poids, en particulier certains problèmes au niveau des adolescentes, des femmes qui sont en milieu défavorisé et en régions isolées, et bien d'autres, parce qu'on pourrait facilement faire le tour. En lisant avec vous le mémoire en même temps, vous dites à un certain moment donné, à la page 3: "Donc, le gouvernement semble prêt à déstabiliser un système qu'il serait sûrement moins spectaculaire mais peut-être plus rationnel d'améliorer par l'injection judicieuse de fonds et de reconnaître enfin que la problématique résiduelle en périnatalité passe plutôt par l'introduction de mesures sociales éclairées, visant à améliorer la qualité de vie des femmes et de leur nouveau-né avant, pendant et après la grossesse. " Est-ce que je dois comprendre de ça, de cet énoncé-là, "par des mesures sociales éclairées", que ce n'est pas nécessairement par la médecine?

M. Guay: Oui, il y a une forte proportion des problèmes résiduels en périnatalité qui repose sur l'amélioration des mesures sociales. La médecine a identifié une quantité de causes, par exemple au niveau des bébés de petit poids, et un exemple de ça serait la malnutrition, carence hygiénique. Une fois que la médecine a identifié le problème, elle est quand même relativement impuissante pour aller régler le problème. Si la mère mange mal, n'a pas ce qu'il faut, pour des raisons budgétaires ou économiques, la médecine n'y peut rien. Et, je vois mal un intervenant changer quoi que ce soit. Si le niveau économique des gens est bas, à ce moment-là je ne comprends pas qu'un intervenant nouveau viendrait modifier quoi que ce soit là-dedans.

M. Côté (Charlesbourg): Si vous me le permettez, prenons un exemple, où ça me semble être le cas. On a eu cet après-midi la présentation des gens venant du Nord du Québec, avec l'expérience de Povungnituk, où, effectivement, on faisait le même diagnostic: les mêmes carences dans ces milieux isolés, des milieux défavorisés sur le plan économique, avec exactement les mêmes problèmes. Les gens sont venus nous dire qu'effectivement, par la pratique de sages-femmes, on a été capables, avant, pendant et après, de mieux encadrer ce groupe de femmes, et de faire en sorte qu'on ait des standards plus élevés. Ça ne veut pas dire que c'est plus élevé que ce qu'on connaît plus au sud, mais plus élevés par rapport à la pratique antérieure là-bas, et que ça donne des résultats très intéressants. Est-ce que vous croyez que dans un cas comme le Nord du Québec, Povungnituk, cette expérience-là est plausible?

La Présidente (Mme Marois): Bienvenue à celui ou celle qui veut répondre. C'est à vous de décider. Oui?

M. Blanchard (Pierre): Je pense qu'un intervenant qui va identifier les problèmes sociaux qu'on a mentionnés peut modifier certains aspects. On a mentionné certainement au point de vue nutritionnel et au point de vue drogue, et je pense que ce qui existe actuellement dans le système de santé québécois, si on y ajoutait plus d'intervenants actuels, ces choses-là d'intervention en milieu défavorisé, je suis convaincu que nous pourrions arriver à un résultat semblable à ce qui a été fait dans le Nord.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi lorsqu'ils ont fait la présentation. Ce que les gens nous disaient, c'est qu'il était extrêmement important dans ces villages inuit, que ce soit des Inuit qui puissent passer différents messages d'éducation, d'encadrement, et que pour ça, il était extrêmement important que ça vienne de la même communauté pour la relation de confiance qui était extrêmement importante aussi, et une bonne partie de communication où il y a eu une amélioration - je n'ai pas raison de douter des chiffres qui nous ont été transmis - une amélioration considérable. Est-ce que ça voudrait dire qu'il faudrait aller aussi vers ces mesures sociales-là dans des milieux plus urbanisés, mais où il y a aussi des problèmes, compte tenu de l'éducation, compte tenu de milieux, pas isolés sur le plan géographique, mais isolés sur le plan du tissu économi-

que, par exemple? Et à ce moment-là vous nous dites: Oui, en ajoutant des ressources déjà dans le circuit et non pas de nouvelles personnes.

La Présidente (Mme Marois): Dr Jeliu.

Mme Jeliu (Gloria): Si vous me le permettez, M. le ministre, je voudrais concourir à ce que vous venez de dire. Nous savons tous qu'il y a, dans la province de Québec, en permanence 16 000 femmes qui sont enceintes et qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. C'est un nombre qui est quand même extraordinaire. Nous savons que la pauvreté a son cortège qui n'est pas simplement l'absence de luxe, mais qui est l'absence de nécessité quotidienne.

Comment rattacher ce problème de pauvreté aux résultats qui sont vus, aux statistiques d'augmentation des petits poids de naissance, c'est un fait? C'est relié, comme il a été dit, à une mauvaise hygiène de vie. C'est relié à un stress quotidien qui perdure pendant des mois. C'est relié au fait que même si, théoriquement, notre système de santé, qui est probablement un des meilleurs au monde, permet l'accessibi&é à tous les citoyens à l'égard de ce système de santé, les personnes défavorisées, bien souvent, n'y accèdent pas. Il est donc vrai qu'il est important de trouver le moyen de les rejoindre et de les rejoindre en respectant leur culture, de les rejoindre en respectant certaines de leurs habitudes de vie et de les rejoindre en leur inspirant confiance.

Ceci m'amène à dire, sans du tout me dissocier de l'essentiel qui a été dit dans le rapport de l'Association des pédiatres, que je ne crois pas que les pédiatres soient opposés au concept de la sage-femme. C'est sûr que, comme l'a dit le Dr Guay, notre système est perfectible. C'est sûr qu'au niveau de l'humanisation des soins, au niveau d'une économie de la technologie, nous avons peut-être des progrès à faire. C'est sûr que nous désirons collaborer avec d'autres intervenants mais, ceci, à des conditions bien précises. Quelles sont les conditions? Les conditions sont celles d'une formation adéquate. Cette formation adéquate ne semble pas soulignée, épelée dans le projet de loi qui a été soumis ou qui sera soumis.

Et ceci, personnellement, m'inquiète profondément. Je ne crois pas que dans une décade où le nombre d'enfants est tellement rare... Nous savons que nous avons 1,4 enfant par couple. Donc, dans une décade où il y a si peu d'enfants, qu'il ne faille pas mettre en oeuvre tout pour les protéger. Je suis bien consciente qu'un grand nombre de naissances sont des naissances, disons, simples, normales, sources de joie, comme nous l'avons entendu tout à l'heure. Ceci est vrai. Mais lorsque la catastrophe montre le bout du nez, on n'a pas le temps de transporter l'enfant, on n'a pas le temps d'appeler un médecin qui est dans un centre hospitalier pour aller à domicile. Ceci simplement pour souligner que la collaboration des pédiatres face à des intervenants qui pourraient oeuvrer dans des milieux particuliers, avec un processus de coordination et d'intégration avec le milieu médical, m'apparaît, certes, intéressant à regarder de plus près. Il est surtout important pour nous, pédiatres et médecins, que la sécurité de l'enfant nouveau-né soit assurée.

Le nouveau-né est un être fragile. Les pathologies ne sont pas nécessairement immédiatement visibles. Les variations de la normale ne sont pas simples à décortiquer. Cela prend exactement six ans pour faire un omnipraticien. Cela prend dix ans pour faire un pédiatre. Nous allons demander à de pauvres infirmières ou sages-femmes non infirmières d'oeuvrer dans le champ de l'obstétrique, de pouvoir identifier très vite les choses qui dérapent. Nous demandons à ces mêmes femmes d'être aussi en mesure d'évaluer des nouveau-nés et de pouvoir identifier, elles aussi, très tôt ce qui ne va pas, cela m'apparaît leur demander beaucoup trop.

Je vois également, dans ce projet de loi, un certain parallélisme entre deux systèmes de prestation de soins. Ceci m'apparaît tellement inapproprié et tellement dangereux. Il serait tellement plus simple d'avoir effectivement une coordination, d'avoir des équipes multkJisciplinai-res qui existent déjà. Ce sont les équipes multidisciplinaires qui amènent le progrès dans le domaine de la périnatalité, que ce soit au travers de la technologie, lorsque c'est nécessaire, que ce soit au travers de la nutrition, que ce soit au travers des mesures d'intervention psychosociale auprès de certaines clientes, c'est par ce biais-là que les progrès se font

Et, pour terminer, je ne voudrais pas que les sages-femmes mal préparées, mal supportées, mal vues par le corps médical soient, à un moment donné, dans un ghetto quelconque et, à ce moment-là, il sera difficile, très difficile de collaborer avec elles.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je dois vous admettre très honnêtement que votre prestation est un peu un soulagement par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, puisqu'elle démontre "ne ouverture. Je pense que votre réputation sur le plan international nous oblige à prendre le temps qu'il faut pour mettre en relief un certain nombre de choses que nous avons déjà déclarées devant cette commission où il nous apparaissait que, pour que l'expérience-pilote puisse être une véritable expérience où chacun a la chance de prouver ce qu'il a à prouver, qu'on puisse avoir, dans un premier temps, l'autonomie de la sage-femme; deuxièmement, bien sûr, en s'assurant que la formation de

base soit là, qu'il y ait l'encadrement médical suffisant et, pour cela, il faut, bien sûr, qu'il y ait l'ouverture de médecins à une collaboration éventuelle dans ces expériences-pilotes. Ma question au Dr Guay, dans le premier mémoire que nous avions reçu, à la page 12, il était écrit - et on ne le retrouve pas tel quel dans le nouveau mémoire, chacun a le droit de réajuster son tir, et je pense que c'est normal, mais je voudrais savoir pourquoi - : "L'Association des pédiatres mettra tout en oeuvre pour que ses membres continuent de s'assurer que les nouveau-nés reçoivent, dans le cadre des projets-pilotes, des soins à la hauteur de ce qu'ils sont en droit d'obtenir dans une société bien organisée qui tente de regarder vers l'avenir plutôt que de réveiller le passé." Cela me paraissait une ouverture à une collaboration, la santé étant l'objectif premier, et ça me paraissait une ouverture..., ce que nous ne retrouvons pas comme texte, dans le projet présenté aujourd'hui.

M. Guay: II me semble que ce que vous venez de nous lire est à peu près exactement ce que je viens de dire.

M. Côté (Charlesbourg): Non, c'est-à-dire... M. Guay: Je m'excuse...

M. Côté (Charlesbourg): ...que, dans le nouveau texte, vous ne parlez pas de projets-pilotes dans un cadre acceptable ou approprié. Alors...

M. Guay: Dans un cadre approprié...

M. Côté (Charlesbourg): ...ce ne sont pas les mêmes... Cela pourrait être une expérience-pilote, dans votre esprit, dans un cadre approprié?

M. Guay: Écoutez, là, il y a bien des points. Là, vous parlez de projets-pilotes. D'abord, on ne sait pas ce qu'est le projet-pilote. Cela fait deux jours que j'assiste aux réunions de l'Assemblée ici et il semble qu'il va y avoir adoption d'une loi, mais on ne sait pas du tout ce qui s'en vient. Alors, vous nous demandez si on va collaborer. À quoi? Cela va être quoi, le projet-pilote? Il va ressembler à quoi? Comme l'a dit Mme Jeliu, nous ne sommes pas contre le concept de sage-femme, nous sommes, nous, pour les enfants, nous sommes - ici pour les représenter et on veut éviter que, par une législation qui nous apparaît actuellement boiteuse, où on oublie complètement l'enfant, on le laisse de côté, on ne parie que de grossesse et d'accouchement, où il n'y a aucune mention disant qu'on va s'occuper de l'enfant... On vient vous proposer de collaborer; on vous l'a proposé, il y a quatre ans, et personne ne s'en est occupé, puis maintenant, on nous demande si on va collaborer. On veut collaborer, mais au nom des enfants. Il ne s'agit pas, pour nous, de favoriser telle ou telle idéologie politique, il s'agit plutôt de voir à ce que les enfants reçoivent, comme il est dit dans le texte, les meilleurs soins possible auxquels Ils sont en droit de s'attendre. C'est la...

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, j'assume la continuité, mais je n'étais pas là, il y a quatre ans. J'avais d'autres préoccupations...

M. Guay: Écoutez, je ne vous accuse pas personnellement.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non, non, je ne le prends pas comme une accusation personnelle parce que, de toute façon, je pense que l'important, c'est l'avenir, comme vous le dites, ce n'est pas le passé, et, dans ce contexte-là, je suis très heureux de l'ouverture. Évidemment, une commission parlementaire, comme je l'ai dit hier, si on avait la vérité, on ne serait pas ici aujourd'hui, on serait de l'autre côté, a l'Assemblée nationale même pour adopter le projet de loi final et dire: C'est fini. Lorsqu'on fait une commission parlementaire comme celle-là, c'est, bien sûr, dans le but que les gens puissent s'exprimer et, ne possédant pas la vérité, de tenter d'obtenir de ceux qui viennent témoigner une ouverture d'esprit qui nous permette effectivement d'avoir les balises, les paramètres, tout ce qu'il faut pour être bien sûr qu'on ne fait pas d'erreur. C'est un peu dans ce sens que les commissions parlementaires se veulent, en termes d'échange; dans la mesure où il n'y a pas ce qu'il faut à l'intérieur du projet de loi, libre à ceux qui viennent devant nous de nous dire: Voici, oui, mais voici à quelles conditions et avec quel encadrement ça pourrait se faire. C'est libre à vous de pouvoir nous le dire si vous le voulez. Une chose est certaine, il y a une obligation d'aller un peu plus loin, maintenant, dans la collaboration pour la mise en oeuvre. Je suis très heureux de l'ouverture à la collaboration que vous faites au nom des enfants et de la santé des enfants et, aussi, de la mère, bien sûr. Je le prends comme une ouverture intéressante et soyez sûrs que vous ne serez pas quatre ans sans avoir de nouvelles. (21 h 15)

M. Guay: Est-ce que vous permettez que le Dr Blanchard ajoute quelques mots?

La Présidente (Mme Marois): Allez-y, Dr Blanchard.

M. Blanchard: Je vous remercie. Je voudrais juste rajouter que, comme le Dr Guay et le Dr Jeliu l'ont mentionné, nous sommes prêts à collaborer et, par le projet de loi, tel qu'il nous

a été présenté, nous sommes très inquiets s'il n'y a pas une définition beaucoup plus élaborée que ce sont possiblement les nouveau-nés qui vont payer pour ces projets-pilotes. On va voir ce qui va arriver, ce sont les nouveau-nés qui, potentiellement, peuvent payer si le projet de loi n'est pas reformulé d'une façon beaucoup plus précise. C'est notre très grande crainte. Je tiens encore à dire que nous sommes tous prêts à collaborer à ce que la santé des nouveau-nés québécois et de leur famille soit améliorée.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Monsieur, je voudrais adresser ma question soit à M. Guay, soit peut-être au Dr Jeliu. Pour la première fois, j'entends des gens qui disent, de la part du corps médical: Vous n'êtes pas opposé au concept de sage-femme. Dans votre texte, à la page 4, vous mettez en doute la compétence parce qu'il n'a jamais été prouvé qu'elles maîtrisaient bien les complexes connaissances nécessaires pour aborder la néonatologie. Alors, je reviens toujours sur ma question de pharmaciens: Quelles seraient, d'après vous, les compétences ou les connaissances nécessaires qu'une sage-femme devrait avoir, ou quelle est la formation qu'une sage-femme devrait avoir? De grâce! ne me répondez pas d'être un médecin omnipraticien parce que, à ce moment-là, on retomberait à la case zéro encore, une fois de plus.

M. Guay:... la série de réponses de ce genre que vous avez eues, mais ça finit par être monotone. Je vais demander à Mme Jeliu si elle veut étoffer cette réponse.

Mme Jeliu: II est, certes, impossible de vous transmettre en quelques minutes ce que représente un programme de formation pour quelque corps professionnel que ce soit. Un programme de formation est élaboré au travers de séances qui peuvent durer plusieurs mois et plusieurs années. Les pays qui ont une longue tradition de sages-femmes - et il en existe un certain nombre en Europe, il en existe aux États-Unis - ont tous des programmes qui sont élaborés conjointement, évidemment par un processus de tradition mais aussi par une collaboration avec des personnes qui ont une connaissance d'expertise dans le domaine de l'obstétrique, dans le domaine de la néonatologie.

Tout ceci pour dire, de façon très simple, qu'un programme de formation à l'usage des sages-femmes ne peut pas être le fruit d'un bourgeonnement autodidacte. Le contenu des connaissances en termes de connaissances dans le domaine de l'obstétrique, c'est-à-dire la grossesse et l'accouchement, le contenu des connaissances au niveau de la néonatologie et du jeune nour- risson sont des connaissances très complexes qui font référence à des données qui appartiennent au domaine de la physiologie, qui appartiennent au domaine de l'anatomie; ça ne s'improvise pas. Nous n'allons pas fabriquer des sages-femmes comme des, j'allais dire, "feldsher", c'est-à-dire des semi-médecins, ce n'est pas ça qu'on veut. On veut avoir un corps professionnel compétent qui est sécuritaire pour pouvoir distinguer de façon précise, au bon moment, ce qui appartient à la normalité et ce qui appartient éventuellement à la pathologie.

Je ne vous cache pas que je suis particulièrement - j'allais employer le mot "atterrée" -atterrée de voir qu'on improvise. C'est tellement important, ce qui se passe avec un nouveau-né. Ça va tellement vite quand ça va mal. C'est surtout ça. Ça va trop vite. M. Blanchard serait encore mieux placé que moi pour élaborer autour du concept de la rapidité des catastrophes.

La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous le faire, Dr Blanchard?

M. Blanchard: Je pourrais prendre quelques minutes. C'est sûr que ce serait très long, mais c'est certainement notre crainte actuelle. Je pense que nous ne sommes pas contre des lieux agréables pour accoucher, mais on veut rappeler que l'accouchement - je parie comme ça en tant que père, non pas seulement en tant que médecin - ne dure que quelques heures, au plus une journée, mais une anoxémie ou un manque d'oxygène au cerveau a des conséquences à long terme. Et dans ma pratique de tous les jours, nous avons des situations où un accouchement était prévu comme tout à fait normal et, en l'espace de quelques minutes, cet accouchement qu'on avait prévu de longue date, depuis plusieurs semaines et même juste immédiatement avant l'accouchement, comme étant normal se transforme en catastrophe. On ne veut pas être alarmistes en disant ça, on veut tout simplement vous transmettre la réalité que nous vivons à tous les jours, et c'est une triste réalité. Ce que Mme Jeliu a mentionné, c'est en termes de minutes, et je crois que dans le projet de loi, nous l'avons mentionné, nous trouvons comme inconcevable, pour la protection de tous nos nouveau-nés, que des accouchements aient lieu dans d'autres lieux qui seraient équipés comme dans le milieu hospitalier actuel. Je n'ai pas mentionné "un hôpital", mais "comme dans un milieu hospitalier actuel". Donc, notre très grande crainte, c'est vraiment la sécurité du nouveau-né. Je pense que quand ça va bien, ça va bien. On dit qu'il n'y a que 10 % à 15 % des nouveau-nés qui ont des problèmes, mais on ne peut le dire qu'après coup, que l'accouchement a été normal. Et même dans l'accouchement prévu le plus normal, les choses peuvent rapidement changer. Quand ça a bien été, ça a bien été,

mais quand ça va mal, ça va très mal. Je peux vous dire que dans notre expérience de tous les jours, c'est ce qu'on peut voir.

La Présidente (Mme Marois): Je crois que vous vouliez intervenir, Dr Pichette et Dr Simard. Les deux, je pense, c'est ça?

M. Simard (Jacques): Oui. J'ai une formation de pédiatre général et je travaille dans un centre qui n'est pas un centre universitaire, comme le Dr Blanchard. Alors, je suis peut-être mieux placé, comme pédiatre de première ligne, pour les voir arriver ces catastrophes. Je dois admettre que fondamentalement, les pédiatres, de tout temps, ont su accepter les changements, mais en veillant toujours à ce que ce soit avec un strict minimum de risques pour le nouveau-né. On a été parmi les premiers, dans la profession médicale, à appuyer la présence des pères, les chambres des naissances, l'utilisation minimale des techniques de forceps, des césariennes, etc. Donc, on n'est sûrement pas perçus de la même manière que d'autres médecins. On a toujours en tête cette idée de minimiser les risques, tout en acceptant d'évoluer. Je pense que c'est notre caractéristique professionnelle.

Le point que plusieurs membres de notre équipe ont soulevé et qui doit absolument être bien compris par la commission, c'est qu'il existe, lorsque ça va mal en pédiatrie néonatale, une notion d'urgence dont vous n'avez pas idée. Vous n'avez pas idée comment c'est une question de minute, souvent, qui fait toute la différence entre un enfant sain et un enfant à tout jamais handicapé, et c'est cet enfant-là dont on veut venir défendre les droits devant vous ce soir.

Un accouchement naturel, normal à domicile, c'est merveilleux, mais c'est un heureux hasard. Puis heureusement, statistiquement parlant, c'est vrai que c'est ça, la norme. Mais lorsque ça va mal, ça va mal en maudit, puis ça va mal vite, tant au point de vue obstétrical qu'au point de vue néonatal. La même chose à la période néonatale des premiers jours de vie.

La pratique de la néonatologie est autant un an" qu'une science. On doit avoir beaucoup d'expérience, on doit avoir des notions de base en physiologie, en pathologie, et on doit avoir des notions de normalité extrêmement raffinées pour arriver, justement, à dépister très précocement les pathologies et faire en sorte que le devenir du bébé soit excellent. Plus les pathologies sont découvertes tardivement, lorsque c'est flagrant pour le premier venu, le pronostic est toujours mauvais. Mes confrères néonatologistes pourront venir le confirmer. C'est cet aspect d'urgence, tant au moment de la naissance même qu'au moment des modifications pathologiques qui peuvent survenir chez le bébé à la période néonatale, qui doivent être bien comprises. C'est à ce point de vue-là qu'on réclame, pour le nouveau-né, de naître dans les conditions les plus humaines, mais toujours les plus sécuritaires possible, en essayant de respecter l'un et l'autre.

Dans ce sens-là, on pense qu'il est certainement plus important d'essayer d'étudier tous le projet de la périnatalité, de s'établir une politique périnatale adéquate que de sauter et mettre la charrue devant les boeufs en passant d'emblée à un des moyens qui, peut-être, pourrait améliorer la périnatalité.

La Présidente (Mme Marois): Dr Pichette.

Mme Pichette (Jeanne): En fait, en tant que néonatologiste, je suis bien heureuse d'entendre mes collègues dire que quand on nous appelle, ça presse, parce qu'on a toujours l'impression que quand on a un téléphone pour un nouveau-né malade, les gens voudraient qu'on soit là à l'instant même. Alors, la médecine néonatale, c'est une médecine d'urgence. Contrairement à la médecine d'adulte où on a le temps de voir venir un peu les problèmes, le nouveau-né est un être plus vulnérable, plus fragile, qui se détériore très rapidement et cette notion, c'est important qu'on la comprenne dans le cadre des discussions d'aujourd'hui.

Le deuxième point en corollaire de ça, c'est quand on entend des termes comme l'expérimentation, projets-pilotes, expériences; c'est très inquiétant pour des gens qui s'occupent des nouveau-nés. C'est une terminologie qui nous inquiète grandement. On se demandait, tantôt, si les gens auraient des diplômes ou pas. Je pense que c'est important que l'encadrement soit très bien élaboré.

La Présidente (Mme Marois): pour mon information personnelle, je ne suis pas une spécialiste en médecine, est-ce qu'il y a des néonatologistes dans tous les hôpitaux où il y a des naissances avec des omnipraticiens? non?

Mme Pichette: Non.

Une voix: II n'y a certainement pas des néonatologistes dans tous les hôpitaux où il se fait des naissances avec des omnipraticiens. Mais justement, les omnipraticiens, dans leur formation, ont quand même des notions de base en pédiatrie et en néonatologie pour avoir les outils nécessaires pour dépister précocement les problèmes chez l'enfant qui était, au départ, sain.

La Présidente (Mme Marois): Alors, je vais revenir, à ce moment-là, à ce que le Dr Jeliu nous disait tout à l'heure. Elle disait: Nous ne sommes pas contre le principe et nous croyons qu'il faut imaginer une formation qui... Je suis d'accord que ce n'est pas la génération spontanée, je pense qu'il faut en convenir ensemble,

bien sûr. Je n'oserais pas mettre en doute, à cet égard, sûrement, la capacité que vous pouvez avoir et les connaissances que vous avez pour, probablement, bâtir un profil de cours, un profil de formation qui permettrait de répondre aux craintes que vous soulevez. Mais justement, et c'est ça que je voudrais savoir, quand vous me ramenez le fait qu'un omnipraticien a des connaissances qui lui sont données pendant son cours, qui lui sont fournies, si on imagine une formation de sage-femme en milieu universitaire sur une période de trois ans, est-ce qu'on ne peut pas imaginer que l'on puisse bâtir un profil de cours qui va permettre de couvrir l'ensemble des sujets qui vous préoccupent et auxquels je suis sensible aussi, et auxquels je pense que les membres de la commission le sont, qui permettrait à ces personnes d'exercer leur profession, de pouvoir pratiquer et offrir des conditions sécuritaires tant a la mère qu'à l'enfant?

Si vous étiez là tout au long de la commission - je reconnais, effectivement, certains des visages - j'ai de la difficulté, et je le répète, je l'ai dit à certains de vos confrères hier, si ce n'est à vous-même, j'ai de la difficulté à me convaincre et vous ne me convainquez pas à cet égard... Évidemment, je ne suis pas la ministre et je ne suis pas au gouvernement, mais si on est là, c'est qu'on essaie d'avoir des éclairages qui vont, bien sûr, aussi aider à cet égard le gouvernement à prendre des décisions. Vous ne réussissez pas à me convaincre que si nous précisons, nous encadrons une bonne formation, qu'il y a même des années de supervision avec des gens qui ont déjà des expériences pratiques et qui peuvent superviser des personnes qui arriveraient dans la pratique, j'ai de la difficulté à me convaincre que ces gens-là ne seraient pas compétents.

Que l'on prenne le temps pour bien bâtir les cours, que l'on apporte les informations nécessaires, j'en conviens, mais est-ce qu'on ne pourrait pas arriver à former des gens qui seraient tout à fait adéquats pour suivre des grossesses et même être capables, minimalement - pas minimalement - mais être capables de déceler des problèmes qui pourraient arriver chez le nouveau nô, qui pourraiont se présenter chez le nouveau né et immédiatement taire référence... Je pense qu'il n'y a personne qui va vivre en autarcie, j'imagine - on ne va pas changer le monde demain matin - et qui peuvent référer à des gens qui vont aller beaucoup plus loin, eux, dans l'intervention. (21 h 30)

M. Guay: Mme la Présidente, nous sommes désolés de ne pas vous convaincre, mais on peut dire que c'est réciproque. Notre point de vue est qu'on se demande pourquoi le gouvernement insiste tant pour faire intervenir un nouveau corps professionnel. Nous l'avons mentionné, les conditions de naissance actuelles au Québec, malgré tous les problèmes dont on vient de discuter, sont les meilleures de toute notre histoire médicale et ça, on l'a fait sans l'aide de personne. C'est un système qui est perfectible. Nous sommes prêts à l'améliorer. Mais pourquoi cette insistance à vouloir introduire un nouveau corps professionnel?

La Présidente (Mme Marois): II y avait un collègue de ma formation politique cet après-midi qui est lui-même médecin et qui répondait un peu à cette question-là en disant: Parce qu'il y a un nouveau contexte sociologique qui fait qu'il y a une attente et une expression de besoins à cet égard-là. Et d'autre part aussi - ça, c'est dans une autre perspective - en se disant que c'est un bon outil pour faire de la prévention, un bon moyen pour faire de la prévention, pour faire du dépistage, pour faire du suivi, pour faire du support - on pourrait en mettre longtemps, on le sait - pour permettre à des gens, entre autres, de milieux défavorisés non seulement effectivement sur le plan financier, mais je pense aussi parfois sur le plan culturel, et probablement plus grave et beaucoup plus sérieux et à ce moment-là, d'aider ces personnes-là, ces femmes-là à apprendre à mieux vivre finalement et probablement à donner naissance, donc, à des enfants en meilleure santé. Donc, c'est une réalité du contexte dans lequel nous vivons actuellement. Quand j'entends le Dr Jeiiu dire: On n'est pas contre le principe, j'ai de la difficulté aussi à concilier les propos que vous venez de me tenir en disant: On ne croit pas que c'est utile et nécessaire. Je vous dis: À partir du moment où il semble y avoir une volonté dans le sens que ça puisse être utile et souhaitable, est-ce qu'on ne peut pas imaginer que vous puissiez proposer des avenues permettant justement d'éviter les risques que vous identifiez dans la pratique de la profession?

M. Simard: II nous apparaît sûrement très difficile d'arriver à créer en trois ans une espèce de femme-orchestre qui va être à la fois gynécologue, pédiatre, néonatologiste, travailleuse sociale, etc. C'est cet aspect-là. On regarde la définition de la sage-femme, c'est incroyable. Je ne sais pas comment elles peuvent arriver à faire tout ça. On reproche...

La Présidente (Mme Marois): Cela existe pourtant ailleurs dans le monde.

M. Simard: Pardon?

La Présidente (Mme Marois): Cela existe pourtant ailleurs dans le monde.

M. Simard: Oui, mais les études restent à faire dans ces domaines. Je regardais le document sur la pratique des sages-femmes. J'ai

trouvé un peu déplorable que beaucoup, sinon la majorité des études qu'on nous présente remonte aux années soixante ou soixante-dix. Il y a très peu d'études vraiment récentes sur la valeur du travail fait par les sages-femmes un peu partout à travers le monde. On lit le document en long et en large. Je l'ai relu au moins trois ou quatre fois et je n'en reviens pas de voir des études qui remontent toujours à la nuit des temps. En néonatologie, 20 ans, c'est la nuit des temps. Il y a 20 ans... Moi, ça fait quinze ans que je suis en pratique, et c'est incroyable à quel point les connaissances ont pu évoluer et on nous cite des études qui remontent déjà à une éternité.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que le ministère a entre les mains, d'autre part, des études plus récentes à l'égard de la pratique de la profession? M. le ministre. Je ne veux pas vous prendre au dépourvu, c'est parce que ça me... Vous soulevez ça. Ce sont des données qui existent peut-être quelque part.

M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, si vous me preniez au dépourvu, ce serait très très évident, vous allez vous en rendre compte rapidement. Évidemment, ce qu'on me dit c'est effectivement en partie vrai, en partie faux, puisque ces études ont été des études sur de longues périodes. Elles ont pu être amorcées au début des années soixante, mais elles se sont quand même terminées ultérieurement. Et il y a, d'autre part, des études faites par l'Organisation mondiale de la santé qui, elles, seraient plus récentes, dont je n'ai pas moi-même pris connaissance, et qui seraient un peu plus à jour. Dans ce sens-là, évidemment la question se pose. On peut toujours dire que les études d'ailleurs sont des études très âgées, mais il reste qu'aujourd'hui, hier et demain, en Europe, ce métier-là, cette profession-là s'exerce et il n'y a pas de contestation aussi forte de la pratique là-bas. Comment fait-on en Europe pour être capable de vivre avec cette pratique des sages-femmes, avec toutes les qualités que vous avez évoquées tantôt? Est-ce qu'en Europe on les a, toutes ces qualités que vous évoquiez tantôt? Et si ça prend toutes ces qualités-là, moi, si j'étais omnipraticien demain matin, je me sentirais petit dans mes souliers passablement avec toutes les qualités que vous évoquez. Je ne sais pas, il y a des choses qui me paraissent un peu discordantes, mais je respecte quand même votre opinion, parce que vous avez beaucoup plus d'expérience que moi dans le domaine. Je pense qu'il faudra décanter tout ça pour être capable d'en arriver à un juste milieu qui doit se situer très certainement quelque part.

M. Simard: Vous savez, M. le ministre, il faut apprendre à se méfier des études qui parfois peuvent faire dire n'importe quoi à n'importe qui. je peux vous en citer une que je viens de lire il y a quelques jours à peine dans le british médical journal, un journal bien réputé et connu pour son sérieux dans les milieux médicaux britanniques qui dit, et je cite: "le tabagisme était le facteur le plus important permettant de corriger le problème des naissances des bébés de petit poids" et on dit même: "les facteurs sociaux et psychologiques ont peu ou aucun effet direct sur le poids des bébés, les corrections étant faites". c'est quand même incroyable de voir des études sérieuses, bien faites, publiées dans des revues très sérieuses qui disent des choses semblables. je ne partage pas ces vues-là, mais ça prouve bien qu'on peut faire dire ce qu'on veut à qui on veut dans des choses, dans des publications pourtant sérieuses, par des gens supposément sérieux.

M. Côté (Charlesbourg): Mais d'un bord comme de l'autre, là.

M. Simard: Alors, je pense qu'on doit essayer de faire la part des choses sur ce qu'on entend.

La Présidente (Mme Marois): Docteur... Ah! Excusez-moi.

M. Côté (Charlesbourg): D'un bord comme de l'autre, dépendamment de la thèse qu'on défend, évidemment.

La Présidente (Mme Marois): Alors là, j'ai le Dr Blanchard, je crois, qui veut intervenir. C'est bien ça, je ne me trompe pas?

M. Blanchard: C'est bien ça.

La Présidente (Mme Marois): Ensuite, il y a des gens de ce côté-ci qui voudraient aussi poser des questions.

M. Blanchard: On a avancé peut-être des guerres de chiffres, mais on a peut-être des chiffres un peu plus récents qui sont tirés d'un manuel du ministère qui a été publié récemment, qui cite des chiffres de 1985. On compare ou on cite souvent des pays ou des projets où il y a des sages-femmes, et je vais les mentionner: les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, plus proche de nous, et ce qui m'inquiète, c'est que leurs statistiques de mortalité périnatale sont plus élevées et, dans certains cas, comme aux États-Unis, le double des statistiques d'ici. Je suis inquiet à ce niveau-là, on parle de guerre de chiffres ou de guerre de statistiques. On a là des chiffres relativement récents de 1985 qui nous laissent songeurs.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Écoutez, moi j'écoute vos propos tout en lisant votre mémoire aussi. Quelquefois, il me semblait que vous aviez des expressions qui me semblaient un peu méprisantes à l'endroit des femmes, en tout cas, quant à leur choix parce que, en fait, vouloir utiliser des sages-femmes c'est comme retourner, en tout cas, dans un passé tellement vieillot, ça n'a pas d'allure; et c'est faire un petit peu injure à l'intelligence des femmes qui demandent justement d'avoir droit à ce service, d'une part.

D'autre part, je me pose une question aussi, à savoir... On demandait le nombre, tantôt, de néonatologistes. Il n'y en a pas. Je ne pense pas qu'il en pleuve beaucoup. Qu'arrive-t-il dans les régions éloignées où déjà on a une pénurie de pédiatres, une pénurie d'ultra-spécialistes en fait, parce que la néonatologie est une ultra-spécialité? Donc, qu'est-ce qui arrive dans ces cas-là et qu'est-ce qui arrive de l'urgence des enfants quand arrivent des naissances dans un CLSC très éloigné ou autre, de l'état de santé du bébé? Est-ce qu'il n'y a pas, encore là, des problèmes de distance, il n'y a pas là un problème de tout ordre et que finalement, ce que vous dites est bon et valable pour des gens en milieu urbain, mais que vous laissez toute la problématique des autres régions en suspens? Les discours sont discordants à un moment donné. Compte tenu des régions où on habite, la problématique n'est sûrement pas la même. Il est urgent d'avoir des sages-femmes dans des régions urbaines et, par contre, dans d'autres régions plus éloignées, ce n'est pas tout à fait la même urgence ou, en tout cas, on laisse tomber ou on laisse en suspens de gros problèmes qui mettent autant en danger et en sécurité la vie de l'enfant.

M. Guay: Je ne vous accompagnerai pas sur le terrain du mépris qu'on aurait pour les femmes, mais je vais vous répondre. Pour ce qui est des problèmes des régions éloignées, effectivement, on manque de pédiatres et on manque de néonatologistes surtout. Une partie des enfants qui arrivent dans les centres de néonatologie arrivent des régions éloignées en très mauvais état. Je pourrais laisser mes confrères néonatologistes répondre à cette question. Qu'est-ce qu'on fait? On se débrouille, on fait au mieux. Et ce n'est pas de notre faute s'il en manque. Il y a un contingentement de postes en résidence à l'université et ça prend du temps à faire préparer des... à fabriquer un spécialiste en néonatologie. Bien, quand on bloque les postes et qu'on contingente, et puis ça prend du temps, et puis on en manque, les gens vieillissent et ça, c'est un autre problème. Mais il faut être bien conscient que... Nous autres aussi, on est bien conscient qu'on ne peut pas tout couvrir. On se débrouille, et ces gens-là travaillent. Ils sont ici ce soir avec leur "bellboy", ils sont en appel, ils n'ont même pas pu se libérer complètement pour venir en commission parlementaire, parce que l'hôpital peut les appeler. alors, ils ne sont même pas assez nombreux pour se libérer pour venir ici.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que, Dr Jeliu, vous voulez intervenir, ou Dr Blanchard?

Mme Jeliu: Oui, j'aimerais, disons, non pas répondre mais échanger avec Mme la députée ici présente. C'est sûr que des problèmes particuliers existent dans certains régions. C'est sûr qu'un corps professionnel, je vais dire les mots "moins longtemps formé", pourrait être particulièrement utile pour contrer des situations qui sont beaucoup plus criantes, et ceci, disons... Le concept de la sage-femme est une chose, le projet-pilote en est une autre, et je crois que dans notre discussion, la discordance que nous entendons, ou qui semble être présente dans certains des discours ici provient du fait que, tantôt on parle de notre difficulté à accepter le projet-pilote tel qu'il est présenté, tantôt on veut bien se référer au concept de la sage-femme.

Je le répète, le concept de la sage-femme est une chose qui mérite d'être étudiée de près, plus longtemps, plus longuement, plus en détail, et qu'on puisse à un moment donné dégager à l'intérieur d'une politique de périnatalité des intervenants qui peuvent être particulièrement utiles pour certaines régions. Est-ce que toutes les régions ont besoin de sages-femmes? Probablement que non. Par contre, et ça c'est une idée qui me vient au fur et à mesure que je parle, l'isolement des sages-femmes dans des régions éloignées pourrait se retourner à la longue contre elles. Tout professionnel, quel qu'il soit, a besoin de fréquenter d'autres confrères, d'autres instances où il va se ressourcer au niveau de sa formation. Ceci est vrai pour les médecins, ceci est vrai pour les omnipraticiens, ceci est vrai pour les pédiatres, ceci est vrai pour tous les corps professionnels. Ce que je veux dire par là, c'est que le projet-pilote, ou les projets-pilotes m'apparaissent effectivement prématurés au niveau de la conception, peut-être pas prématurés au niveau de l'envie qu'on a de tester, passez-moi le gros mot, de tester la présence des sages-femmes dans un contexte médical qui, par ailleurs, présente beaucoup d'avantages, qui est le nôtre. Qu'il y ait des coins, des poches de pauvreté, des poches de service éloignées, des groupes de population très vulnérables au niveau santé, au niveau développement des enfants, nous le savons tous. Là n'est pas le point. Le point est de savoir si les expériences qui sont proposées, puisque c'est le terme qui a été utilisé, si les projets-pilotes qui sont proposés présentent, tels qu'ils sont proposés, des dangers pour la population. Et je reprends la proposition, l'argument du Dr Blan-

chard: Nous ne voudrions pas que des projets-pilotes représentent un danger pour quelque nouveau-né que ce soit. Et le danger n'est pas nécessairement la mort. La mort, c'est probablement la moins mauvaise chose qui puisse arriver dans un accident de nouveau-né. Ce qui est pire, c'est ce qui arrive quand il y a des suites et un enfant qui survit et qui est lésé. On ne sait pas combien coûte un enfant qui est abîmé et qui est obligé de suivre des classes spéciales, qui est obligé d'aller en institution; c'est par centaines de milliers de dollars que ça se mesure. Amener un prématuré à maturité, l'amener sain coûte beaucoup d'argent, mais lorsqu'il est sain, il est sain. Tandis que faire survivre un enfant et le mener à l'âge adulte alors qu'il est handicapé au niveau mental ou au niveau corporel coûte beaucoup d'argent, nous le savons tous, et nous n'avons pas nécessairement le pouvoir, même si on l'appelle triomphaliste à certains égards, nous n'avons pas toujours le pouvoir de restaurer les accidents au niveau de l'accouchement.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la députée. (21 h 45)

Mme Vermette: Je suis heureuse de voir, de constater que vous n'êtes pas tout à fait fermée à la profession de sage-femme, mais comment se fait-il que dans des régions éloignées, il est beaucoup plus facile... La cohabitation et l'existence des échanges entre, justement, le corps médical, avec toutes ses spécialités, et d'autres formations, alors que dans certaines régions, notamment les grandes métropoles, c'est beaucoup plus difficile? C'est là-dedans que je m'explique mal, en fait...

Mme Jeliu: Je vous répondrai par des souvenirs qui commencent à dater. J'ai été à Povungnituk, il y a un certain nombre d'années, voir des enfants, rencontrer des infirmières. Effectivement, le climat de vie, de fonctionnement médical, entre guillemets, n'est pas le même. Mais on ne se situe pas au même niveau. On est à un niveau qui est un niveau de sauve-qui-peut, d'une certaine manière, un niveau relativement bas de fonctionnement. Je ne dis pas que les services sont nécessairement mauvais. Ce n'est pas ça que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'on est obligés de pallier des situations qui sont des situations courantes, où tout le monde se serre les coudes pour faire du mieux possible. Autrement dit, on ne peut pas comparer, comment dirais-je, les exigences de sécurité, le raffinement au niveau scientifique qui est quand même nécessaire dans un centre universitaire ou dans une grande ville. Ce qu'attendent les femmes qui vont accoucher à Montréal et ce qu'attendent les femmes qui, malheureusement, sont obligées - et maintenant elles le font - d'accoucher à Povungnituk, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose.

Revenons à l'expérience de Povungnituk. Sur 56 femmes qui ont donné naissance à Povungnituk, il y a quand même seulement 38 bébés qui sont nés sur place. Le reste a dû être évacué pour des raisons, disons, des complications médicales. Vous me répondrez, à juste titre: C'est donc qu'elles ont été dépistées. C'est vrai. Mais je ne sais pas si ça a bien tourné, je n'ai pas les détails.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Mme Vermette: Oui.

La Présidente (Mme Marois): II vous reste une toute petite question?

M. Trudel: Oui, s'il vous plaît, madame. La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Trudel: C'est assez impressionnant, vous aussi, la description que vous nous faites et, en particulier - je ne me souviens pas, au bout de la table ici - toute la question de la gestion du temps, en quelque sorte. L'impression que vous nous donnez, enfin, la description que vous nous faites, c'est quand il arrive une urgence en pareille matière, on est vraiment en termes de secondes et de minutes. Par ailleurs, il y a une espèce de compréhension générale à travers le monde de ce qu'est la naissance, de ce qu'est l'arrivée d'un enfant, de ce qu'est le phénomène. Comment pouvez-vous concilier ça? Je ne pose quasiment pas la question à quelqu'un qui est un spécialiste; je la pose à des êtres humains qui évoluent dans ce secteur. Comment pouvez-vous concilier cela avec les propos de Mme Huot tantôt, par exemple, des Cercles de fermières qui dit: C'est le jour et la nuit? Comment pouvez-vous concilier ces deux dimensions-là? Parce que j'essaie d'imaginer le législateur qui est à regarder comment il pourrait répondre adéquate-ment à un désir assez largement manifesté et, : par ailleurs, avec des mises en garde extrêmement sérieuses, compte tenu de votre formation et de votre expérience. Comment réussissez-voùs ; à concilier ces deux affirmations? Est-ce possible pour vous?

M. Simard: Je vais répondre à vos propos. J'ai bien mentionné qu'une naissance à la maison, c'est un heureux hasard. Heureux, effectivement, c'est fantastique, c'est merveilleux. Moi, non pas en tant que médecin, mais en tant que père - je suis père de trois enfants - jamais, jamais je n'aurais accepté que ma femme accouche à la maison parce que j'ai trop vu de situations obstétricales qui sont allées mal à la dernière minute.

J'écoutais tout à l'heure lorsque la dame

des Cercles de fermières était ici. Vous aimez les cas vécus, je vais vous raconter un cas vécu de la semaine passée. J'étais à l'Hôtel-Dieu de Lévis. J'ai vu une dame qui venait accoucher de son troisième enfant. Première naissance, tout à fait normale. Deuxième naissance, tout à fait normale. Tout se déroule très bien, tout va parfaitement bien. La dame se présente pour accoucher de son troisième enfant. Elle a été bien suivie. Sa grossesse a toujours été admirablement bien. Le bébé a profité comme il faut. Les échographies étaient correctes. Les examens du médecin étaient corrects. Elle est arrivée en obstétrique en travail. Tout allait très bien jusqu'à ce qu'à la dernière seconde, tout à coup, le coeur foetal se met à ralentir et, là, ça allait mal. On examine la patiente en détail et on constate une triple circulaire du cordon. Le bébé est en train de s'égorger littéralement. Il n'y avait pas assez de cordon pour qu'il sorte de là. Ça a été une césarienne immédiate dans les cinq à dix minutes qui ont suivi: on était en train de perdre le bébé. Ils ont sauvé le bébé, ils l'ont sorti de là, ils l'ont réanimé, un peu d'oxygène, un peu de ventilation, il s'est mis à pleurer, tout était parfait, tout le monde était heureux et, au bout de cinq minutes, c'était comme s'il ne s'était jamais rien passé. Mot, j'ai examiné le bébé; on m'a appelé. L'enfant était parfaitement normal, les cinq minutes catastrophiques étaient passées. J'ai dit: C'est un bébé en parfaite santé, environ sept livres, excellent au point de vue neurologique et autre. Cette dame-là aurait accouché dans d'autres circonstances qu'elle aurait perdu l'enfant si elle n'y était pas restée elle-même. C'en est une situation de catastrophe qui aurait pu m'arriver à moi et qui aurait pu arriver à n'importe qui qui décide d'accoucher dans des conditions où il n'y a pas tout à la portée de la main. C'en est un cas vécu.

La Présidente (Mme Marois): Oui, vous voulez intervenir, Dr Pichette?

Mme Pichette: Pour suivre le propos qu'on entendait tantôt de Mme Huot qui nous disait: C'est le jour et la nuit. Et elle nous a dit: C'est l'approche qui est différente quand on accouche à domicile. Quand on accouche à l'hôpital, les gens sont pressés, les infirmières sont pressées, elles n'ont pas le temps de s'occuper de nous, elles n'ont pas le temps de nous accompagner au cours de cette expérience du travail et de l'accouchement, en fait. Et c'est ce que les femmes du Québec nous disent aussi. On n'a pas, en milieu hospitalier, et c'est vrai, on le constate... Il y a eu beaucoup de progression pendant les dix dernières années de l'humanisation des soins en milieu hospitalier, mais on est encore loin d'une approche plus humaine et c'est ce que les femmes du Québec veulent, en fait. En exprimant des sondages de 80 % en faveur des sages-femmes, elles veulent une approche plus humanitaire et on devrait utiliser les ressources en place et les raffiner pour améliorer cette approche du travail et de l'accouchement à l'hôpital.

M. Guay: Le Dr Brodeur voudrait intervenir.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Puis, si vous permettez, on va terminer nos...

Mme Brodeur (Anne): Moi, j'aimerais intervenir en tant que femme, en tant que mère et en tant que future accoucheuse au printemps prochain et vous dire que, moi, je ne suis pas lésée du tout du tout comme femme par les recommandations qui ont été faites. Je ne vois pas en quoi les femmes se sentent lésées là-dedans et je pourrais vous dire aussi que je n'ai jamais accouché à la maison, je ne penserais jamais accoucher à la maison non plus, probablement de par ma profession. C'est sûr que je n'ai pas accouché dans les années cinquante, je suis née en 1957. J'ai accouché en 1985, en 1987 et j'accoucherai en 1990. Je peux vous dire que les accouchements sont drôlement plus humains qu'ils ne l'étaient avant. Les femmes nous disent: On peut toucher au bébé maintenant. Oui, madame, venez le chercher à la pouponnière, votre bébé. Dès la naissance, le bébé est mis sur la mère. Elle peut l'allaiter dès la naissance, elle peut le prendre dans ses bras, elle peut le garder avec elle. Même quand le bébé fait une jaunisse, on apporte les lampes de photothérapie dans la chambre de la mère. Je pense que ce qui était vécu il y a 20 ans et ce que ma mère a vécu - on n'avait pas le droit de toucher au bébé quand il était à la pouponnière, c'étaient seulement les infirmières gantées et blousées qui y touchaient - cette époque-là est révolue et les accouchements à l'hôpital sont, dans les chambres de naissances en tout cas, de par mon expérience personnelle de mère, de par mon expérience personnelle de pédiatre... Je pense qu'on ne peut plus parler de jour et de nuit, maintenant.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Dr Brodeur. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite mise au point avant de remercier tout le monde parce que j'ai vu tantôt le Dr Guay s'enflammer en nous disant le contingentement des spécialistes. C'était lancer une grosse pierre dans notre jardin. Je la prends et je la retourne à qui de droit, parce qu'elle n'est pas méritée dans le camp gouvernemental. De 270 spécialistes, on est passé, à la dernière entente, à 325, et vous le savez très bien. C'est uniquement depuis deux ans que le gouvernement a maintenant son mot à dire quant à la répartition alors qu'auparavant

c'était l'affaire des doyens, et ce n'est pas pour rien que le gouvernement s'est senti l'obligation de reprendre un peu de contrôle pour être capable d'avoir une meilleure répartition en fonction des nouvelles spécialités. Dans ce sens-là, il y a une progression assez importante du nombre de postes et aussi dans l'affectation dans chacune des catégories, des spécialités. Je voulais faire cette petite mise au point parce que, tel que présenté, cela me paraissait un petit peu injuste vis-à-vis du gouvernement compte tenu des efforts qui ont été faits, pas par moi, mais par ceux qui m'ont précédé, et c'est un petit peu leur rendre hommage que de le souligner.

Enfin, en terminant, je pense qu'on a eu une discussion très très ouverte et, je dois vous le dire, très rafraîchissante avec tout ce que ça suppose, malgré le fait que votre mémoire ne fût pas sévère, mais avec des mises en garde extrêmement importantes quant au geste que nous devrons poser comme législateurs, suffisamment pour qu'on y réfléchisse. C'était aussi très intéressant parce que, enfin, pour une fois, j'ai senti une véritable ouverture de la part des médecins. C'est ce qui va nous permettre de franchir des pas en avant avec toujours le même objectif, avoir une politique de périnatalité en faisant en sorte qu'on puisse éliminer les problèmes que vous avez diagnostiqués et qui sont connus par le ministère aujourd'hui, et de faire en sorte aussi qu'on puisse franchir un pas en avant dans cette volonté que vous décrivez comme politique, mais cette volonté de vouloir reconnaître le travail des sages-femmes. Merci bien.

La Présidente (Mme Marois): Merci. On vous remercie de la qualité de votre présentation.

J'inviterais maintenant l'Association médicale du Québec à venir faire sa présentation, s'il vous plaît.

J'aimerais que les membres de la commission reprennent leur siège. Je vais inviter le Dr L'Heureux, j'imagine, à nous faire la présentation des personnes qui l'accompagnent et, ensuite, à procéder à l'exposé de son mémoire.

Association médicale du Québec

M. L'Heureux (Bruno): Merci, Mme la Présidente. À mon extrême gauche, le Dr Jean-Yves Bhérer qui est le premier vice-président de l'Association médicale du Québec et qui est un membre du comité des services communautaires qui a rédigé le mémoire. À ma gauche, le Dr Jean-Pierre Picard qui est président de ce même comité de l'Association médicale du Québec et qui est membre aussi du comité des services communautaires de l'Association médicale canadienne. À ma droite, le Dr J. Edwin Coffey qui est le secrétaire de l'Association médicale du

Québec, qui est le président du comité d'étude sur la responsabilité professionnelle de l'Association médicale canadienne et qui a aussi participé au groupe d'étude, en fait, au projet d'étude "Obstétrique 1987" qui avait été mis sur pied par l'Association médicale canadienne. Moi-même, votre humble serviteur qui remplace au pied levé le président de l'Association, le Dr Richard Jacob, qui, malheureusement, ne pouvait être présent. Je suis le président du conseil d'administration de l'Association médicale du Québec.

Pour situer l'Association, c'est une association qui regroupe volontairement 9000 membres et ces 9000 membres sont des médecins à tous les niveaux, que ce soient des étudiants, des internes, des résidents, des omnipraticiens, des spécialistes, des chercheurs, des professeurs et même des administrateurs. (22 heures)

Je vais vous présenter le mémoire et je vous dirai, comme remarque préalable, qu'on n'a pas voulu... C'est évident que ce n'est pas un mémoire qui approuve le projet nécessairement, mais ça n'a pas été apporté dans un esprit de confrontation, ça a été surtout apporté comme outil de réflexion à l'intention du gouvernement et du ministre plus particulièrement. Nous n'avons pas repris la nomenclature exhaustive de tous les articles du projet de loi, parce que tout le monde l'a fait; puis, finalement, commencer à s'obstiner sur les virgules, je pense que ce n'est pas l'endroit. Les seules remarques qu'on pourrait vous faire à ce niveau-là, c'est qu'effectivement la définition du champ de pratique est très peu précise et laisse à désirer. Deuxièmement, les lieux de pratique aussi, ça peut, à notre sens, devenir inquiétant de ne pas les préciser de façon beaucoup plus précise.

Je vous demanderais de prendre la page 4 où on a l'introduction, où l'on vous dit qu'une étude approfondie de l'évolution ainsi que du résultat des mesures prises par la profession médicale dans le domaine obstétrical au cours des derniers 20 ans amène un double constat. L'évolution de la technologie médicale a profondément modifié la relation médecin-patient tout en améliorant les statistiques de morbidité et de mortalité maternelles et infantiles de façon spectaculaire. Cette sécurisation médicale a, par ailleurs, entraîné pour certaines parturientes des réactions d'angoisse, soit par ignorance, soit par manque de communication. En même temps, des remous profonds ont perturbé la profession médicale et ont modifié encore plus la relation médecin-patient par l'introduction d'un nouveau partenaire, l'État. Ce dernier, par le biais d'une législation coercitive et d'un incitatif économique pénalisant, a forcé les médecins à la productivité au détriment de la qualité et de la compassion qu'exige l'obstétrique, tant en communication sereine qu'en disponibilité de temps.

Si on fait référence au bilan soumis par le

Dr Madeleine Blanchet et Mme Madeleine Levas-seur en septembre 1980 dans la revue Carrefour des affaires sociales, ce bilan est quand même très éloquent. Les statistiques dont nous nous inspirons sont tirées de ce document. Nous y relevons, entre autres, de 1969 à 1973, une réduction du taux de mortalité maternelle de l'ordre de 66 %, c'est-à-dire de 3,5 à 1,1 par 10 000 naissances. en 1978, ce même taux se situait à 0,7, soit une baisse globale de 80 % par rapport à 1969. et 1969, ce n'est pas loin, c'est 11 y a 20 ans. un autre tableau fait état du taux de mortalité périnatal qui s'est abaissé de 30 % entre 1972 et 1977, passant de 18,5 à 13,2 par 1000 naissances.

On peut, bien sûr, attribuer ces succès à plusieurs facteurs et les principaux se résument comme suit: d'abord, la politique préventive et sensibilisatrice du gouvernement au niveau des unités sanitaires; le déplacement des accouchements du domicile - qui constituaient 79,6 % en 1940 - à l'hôpital où, en 1970, on retrouvait 99,5 % des accouchements; l'apport de nouvelles techniques; le développement de services obstétricaux et de néonatologie et le perfectionnement des équipes de soins.

Au sein de ces équipes, le médecin accoucheur, généraliste ou spécialiste, mérite une mention particulière. Il a contribué largement au progrès obstétrical en souscrivant au perfectionnement par l'enseignement médical continu ou par des cours postgradués, à la mise sur pied de protocoles stricts concernant les grossesses à risque, l'induction ou l'arrêt de travail et à une réglementation départementale mettant l'accent sur la qualité des soins.

Pour le médecin, toute attitude, tout retard, toute omission pouvant porter préjudice à la mère ou au foetus dérogent aux standards établis. Cet énoncé est d'autant plus important qu'aujourd'hui les familles sont moins nombreuses et que chaque grossesse doit atteindre une finalité heureuse. C'est quand même très différent d'autrefois, ce qui explique possiblement la nouvelle attitude des couples d'aujourd'hui par rapport à ce qui se faisait autrefois. Alors que vous aviez 12, 15, 18 ou 13 enfants, comme madame le disait peu de temps auparavant, c'est très différent lorsque vous en avez un, deux ou trois. Le genre de vécu que vous voulez avoir avec ça est très différent. Aussi, il faut comprendre que l'hôpital qui était perçu comme un lieu de mort il n'y a quand même pas si longtemps, la perception a commencé à changer. Autrefois, on allait mourir à l'hôpital et, aujourd'hui, on y va pour des soins. C'est très différent comme perception. les statistiques nous démontrent, en rétrospective, malheureusement, que 85 % des grossesses présentent un risque minimum. il est évident que personne ne peut prédire, lors d'une première visite prénatale ou même au moment de l'accouchement, quelle grossesse évoluera normalement; ça se sait après. Au Québec, depuis cinq ans, à la suite de la régionalisation et du développement de centres hospitaliers à vocation spécialisée, les médecins ont axé leur pratique de façon à référer rapidement au centre désigné toute grossesse à risque, évitant ainsi des transferts in extremis. Par voie de conséquence, ces transferts préventifs amenuisent tant la morbidité que la mortalité obstétricale.

Nouvelle venue, la génétique médicale contribue aussi à améliorer les standards obstétricaux et à diminuer la morbidité en offrant une alternative d'interruption de la grossesse aux parturientes qui, à la suite d'une amniocentèse, présentent des anomalies chromosomiques foetales.

En somme, il est assez facile de quantifier et de qualifier les standards requis à la lumière des succès obtenus et des expériences tentées ailleurs. Nonobstant, les obstétriciens-gynécologues et les médecins de famille sont en constante réflexion à cet égard.

Certaines patientes font grand état de l'angoisse dans laquelle elles ont vécu avant, pendant et après leur grossesse. Cette plainte, pour ne pas dire reproche, trouve son écho dans la discussion qui a cours entre le gouvernement, de nombreux groupes de pression et les médecins. Nous sommes convaincus qu'elle est la résultante d'un vaste mouvement populaire qui explique l'engouement actuel pour la médecine holistique.

L'approche holistique, basée sur l'interaction des parties et des touts, met l'emphase sur la responsabilité de l'individu envers sa prise en charge. Son concept de la santé englobe le bien-être positif in toto. La vitalité amène la joie; la joie amène un travail productif; le travail productif amène de l'affection et de l'harmonie; et le tout amène un bon conditionnement physique et le cercle recommence.

Le domaine obstétrical n'a pas échappé à l'effet d'entraînement de cette approche, même si la majorité des parturientes se dit satisfaite des soins reçus. Une étude de l'Association médicale canadienne faite en 1987, et qui sera apportée par le Dr Coffey tantôt, confirmait qu'en règle générale, dans la majorité des cas, les femmes étaient satisfaites de ce qu'elles avaient reçu comme soins. C'est pourquoi on reproche à la profession médicale un paternalisme qui brime les droits de certains couples. Il importe peu que, par formation, le médecin cherche lui aussi à intégrer les notions du bien-être holistique. Sa faute est de favoriser prioritairement le bien-être du foetus et la prévention de tout risque à la santé.

Cependant, il faut quand même comprendre que tout ça doit se faire en communication constante avec le couple. Ce n'est pas le médecin, du haut d'un piédestal, qui dicte aujourd'hui au couple comment, où et de quelle façon

accoucher. Ça se fait en discussion, habituellement, en cabinet. On accuse donc les médecins de médicaliser de façon systématique les accouchements normaux et de ne pas être à l'écoute des attentes du couple.

L'on invoque que les césariennes ont doublé de 1971 à 1978 et que leurs indications ont été élargies, qu'on a recours davantage à l'anesthésie régionale, à l'épisiotomie, aux techniques telles que les ultrasons et le "monitoring" foetal. Pourtant, ces mêmes techniques, sauf la césarienne, lorsqu'elles sont pratiquées par des sages-femmes, sont vues comme un bienfait. C'est curieux, quand même, de voir que, lorsque c'est un médecin qui pose ce même geste, ça devient une médicalisation de l'accouchement et lorsqu'une sage-femme décide de faire une épisioto-mie, ça devient essentiel.

On retrouve là les mêmes éléments qui ont permis d'améliorer les statistiques de périmor-tinatalité et de morbidité. Ce ne sont pas les seuls facteurs en cause mais, même s'ils n'avaient influencé que de 10 % les succès obtenus, n'y aurait-il pas lieu de s'en féliciter?

Quant au mérite scientifique de ces interventions médicales et aux standards statistiques acceptables, nous devons nous référer à l'expertise de l'association professionnelle concernée et à celle de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Nous rejetons l'hypothèse que les médecins agissent de façon systématique, voire irréfléchie. Chaque acte doit être évalué au mérite, sous l'oeil attentif des instances responsables. les attentes du couple. ici, le reproche porte sur le manque de dialogue entre le couple et le médecin ou sur le refus de ce dernier de répondre aux attentes du couple. ceci mérite sérieuse considération. cette accusation remet en cause l'empathie habituelle reconnue au médecin et nous devons admettre qu'il existe présentement un malaise dans la population à cet égard. nous sommes convaincus que la médecine jouit toujours de son aura de vocation et que les médecins sont encore non seulement préoccupés par leurs patients, mais engagés envers eux.

Nous avons fait état, ci-devant, des remous qui ont bouleversé le domaine de la santé au Québec. Les médecins ont été relégués à un rôle de dispensateur de soins. Leur nombre a doublé en quinze ans mais, en même temps, le nombre total de contacts médecins-bénéficiaires a probablement décuplé. La majorité des médecins préconise le système du rendez-vous et le patient peu insistant devra souvent attendre plusieurs jours avant d'être vu. Le volume des consultations sans rendez-vous au service d'urgence et à la clinique a ainsi augmenté et la notion de voir son docteur est en voie de disparition.

Puisque l'on parle d'humanisation, il convient de glisser un mot sur la qualité de vie du professionnel de la santé. C'est cette notion qui a incité les médecins au travail d'équipe. leurs congés et leurs vacances leur permettent de diminuer le stress et d'assurer une meilleure disponibilité physique, psychologique et sociale.

De tels propos n'ont pas pour but d'excuser les médecins d'avoir suivi le courant imposé. Nous avons tout simplement cherché à mettre en perspective l'évolution de la pratique obstétricale et les causes du malaise pressenti chez le bénéficiaire.

Certes, l'application de mesures visant à accroître le rapprochement entre le médecin et ses patients servirait les intérêts de tous. Les médecins seraient les premiers à s'en réjouir. Toutefois, ces mesures ne sauraient se concrétiser sans un dialogue honnête entre les intéressés et sans le respect des attributions de chacun. Le tout résulterait en une nouvelle dynamique qui permettrait à une parturiente de mieux saisir le bien-fondé des préoccupations du médecin lorsqu'il suggérerait le recours à des techniques considérées à première vue comme invasives et anxiogènes.

L'implication des médecins dans le développement d'approches plus humaines ira de pair. À preuve, plusieurs d'entre eux ont contribué à fa mise sur pied de chambres des naissances qu'ils ont ensuite utilisées. D'autres ont également participé à l'élaboration et à l'application de la méthode dite Leboyer.

Nous considérons que la première étape pour discuter de l'humanisation des soins obstétricaux doit se franchir lors des visites prénatales avec l'apport et du médecin et du couple. N'oublions pas qu'un des fondements de la médecine est le libre choix du médecin par le patient et vice versa. Cette liberté mutuelle de contracter est soumise, par ailleurs, à un autre principe qui s'appelle la responsabilité médicale. Et lorsque ce principe vient en conflit avec les attentes d'un couple, il a malheureusement priorité. L'accouchement, ce n'est pas, malheureusement, toujours une fête. C'est effectivement un acte naturel, mais qui peut se médicaliser en une fraction de seconde.

Si on aborde la question des sages-femmes et de la démographie médicale, on sait qu'avant les années quarante l'Ordre des médecins, qui est devenu aujourd'hui la Corporation professionnelle des médecins du Québec, attribuait un permis d'exercice aux sages-femmes. Entre autres considérations, mentionnons qu'elles comblaient une pénurie au niveau de la main-d'oeuvre médicale; elles apportaient aussi une solution à certains problèmes reliés à cette époque où l'on ne bénéficiait pas des moyens de communication et de transport d'aujourd'hui pour assurer la dispensation des soins en milieux éloignés. En plus, une pénurie de lits d'hôpitaux empêchait les médecins de l'époque de dispenser tous les soins obstétricaux. Depuis ce temps, l'art s'est perfectionné et la préparation au travail d'accoucheur

nécessite une connaissance de plusieurs volets de la médecine, laquelle ne s'acquiert pas au moyen d'un cours accéléré.

Nous avons souligné plus haut que le nombre de médecins a doublé depuis quinze ans. Qui plus est, la féminisation du corps médical a également accéléré durant ce même temps. À la lumière de ces données de démographie médicale, il nous semble paradoxal qu'on veuille réintroduire la notion de sages-femmes. Ne devrait-on pas penser tout d'abord à des sages-femmes médecins motivées par un engagement obstétrical? Il nous apparaît tout aussi paradoxal, en ce moment où l'on s'interroge sur un surplus d'effectifs médicaux et sur leur répartition, que l'on cherche à soustraire au médecin un champ d'activité prioritaire aux yeux de la société québécoise, un champ dans lequel on a investi des sommes fabuleuses depuis quinze ans afin d'en améliorer la performance.

Nous en arrivons à une définition du terme "sage-femme" parce que, souvent, on entend différentes expressions dans ce domaine-là. Il est bon de rappeler que le terme "sage-femme" ne s'applique pas uniquement aux personnes qui aident les femmes à accoucher à domicile, mais également à toute personne s'occupant de la femme enceinte et du nouveau-né au cours de la grossesse. Ce qualificatif n'est pas explicite et peut s'employer pour désigner une personne sans entraînement reconnu, une infirmière diplômée ou une personne ayant suivi un cours spécialisé. Pour y voir clair, il importe que l'on procède à une définition des termes en usage.

Une surveillante du travail, une assistante-accoucheuse sans formation ou une sage-femme sans formation. Ces termes se réfèrent habituellement aux femmes accoucheuses traditionnelles ne possédant d'autre forme d'entraînement que l'expérience vécue. Leur rôle devrait se confiner au support et à l'encouragement, vu qu'elles ne sont pas qualifiées pour poser des gestes médicaux ou infirmiers.

Sage-femme. Ce terme s'applique aux personnes diplômées ayant suivi un cours d'obstétrique reconnu.

Infirmière en obstétrique. Ce terme désigne une infirmière qui a acquis de l'expérience obstétricale en milieu hospitalier, mais qui n'a pas reçu de formation spécialisée dans ce domaine.

Et, finalement, infirmière accoucheuse. Il s'agit ici d'une infirmière diplômée qui a reçu une formation hautement spécialisée en obstétrique. Quelques autres termes en usage n'ont pas été définis ici, vu qu'on ne leur connaît aucune application pratique au Québec.

Un argument souvent invoqué par les protagonistes du projet des sages-femmes porte sur le désintéressement de la médecine générale à l'égard de l'obstétrique. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance, les exigences de disponibilité, une tarification Inadéquate, les coûts élevés de l'assurance-responsabtllté et, plus important encore, la formation reçue. La formule de groupe permet d'atténuer le facteur de la disponibilité se rapportant aux nuits, aux fins de semaine et aux vacances. Des moyens de négociation plus efficaces corrigeraient l'Impact négatif des facteurs économiques. Enfin, il serait facile de corriger les lacunes de formation en encourageant le rôle de professeur clinique avec pratique obstétricale pour l'enseignement aux internes et aux résidents.

Si le praticien général se désintéressait de l'obstétrique, la parturiente et le système perdraient un de leurs meilleurs alliés. La fragmentation des soins obstétricaux n'en serait que plus prononcée, car il faudrait remplacer le praticien par des sages-femmes salariées qui revendiqueraient les mêmes heures de travail que tout autre salarié. En plus, la délégation de la responsabilité constituerait un problème de taille. Les sages-femmes voudront-elles assumer la responsabilité de la faute professionnelle ainsi que les coûts exorbitants de l'assurance-responsabilité? il nous apparaît utopique de croire que le médecin continuera d'assumer à lui seul ces obligations.

Qu'on procède à des réaménagements au niveau de la distribution des soins afin de réduire le nombre d'accouchements normaux faits en centre ultraspécialisé; afin de maximiser la réponse aux attentes du couple devant l'accouchement et afin d'améliorer le travail d'équipe entre les infirmières spécialisées en obstétrique et les médecins, nous en convenons. Qu'on incite les médecins accoucheurs, particulièrement ceux du sexe féminin, tant par des conditions de travail revalorisantes que par une rémunération adéquate, à s'intéresser à ce champ d'activité et à travailler de concert avec le ministre des Affaires sociales et de la Santé afin d'améliorer les acquis, d'accord! (22 h 15)

Les membres de notre comité se disent favorables à ce que l'on considère l'intégration d'une intervenante en périnatalité qui, sous la responsabilité exclusive du médecin, pourrait prendre en charge les cellules familiales à risque. Le fardeau psychologique moral et social du suivi de ces familles pourrait être ainsi allégé.

Mais, compte tenu de la complexité du domaine obstétrical et de la nécessité d'y maintenir un haut niveau d'excellence, nous croyons qu'il serait plus sage d'encourager l'utilisation optimale des ressources humaines et matérielles existantes que d'investir dans le développement d'un nouveau groupe de professionnels, fut-il composé des plus sages parmi les femmes. Les problèmes d'intégration d'un tel groupe à l'équipe actuelle des soins seraient de taille et, en sus, fort coûteux.

Une certaine nostalgie à l'égard d'une

pratique obstétricale qui faisait partie de notre folklore d'antan n'a rien de condamnable en soi, mais de là à effectuer un retour au passé et à l'ère des sages-femmes...

Sur quelle logique pourrait-on s'appuyer pour justifier un retour à une époque où les statistiques québécoises en matière de périmortinatalité et de morbidité néonatale et maternelle s'avéraient effarantes? En d'autres termes, pourquoi chercher midi à quatorze heures lorsque les ressources humaines disponibles aujourd'hui regorgent de sages-femmes et aussi de sages-hommes... médecins?

Alors, c'est évident, Mme la Présidente et M. le ministre, que nous ne sommes pas favorables à l'implantation actuelle d'un nouvel intervenant en périnatalité. Néanmoins, à la lecture et à la façon dont se déroulent les échanges au niveau de la commission des affaires sociales - et Mme la Présidente l'a dit elle-même tantôt - il semble que, du côté médical, personne ne réussisse à vous convaincre. Je pense qu'il va falloir que vous en arriviez à une définition beaucoup plus précise que ce qu'on retrouve dans le projet de loi actuellement. Le projet de loi nous apparaît, à tout le moins, improvisé. On a l'impression que cela a été fait dans un geste politique et non pas après mûre réflexion et après concertation avec les gens qui sont dans le milieu, qui doivent et qui seront appelés possiblement à travailler avec ces gens-là parce que c'est l'autre volet du problème. C'est qu'il ne faut pas oublier que, dans un deuxième temps, une fois qu'un projet de loi est ou n'est pas adopté, il reste la suite, et la suite, c'est qu'est-ce qu'il va se passer dans les hôpitaux? Déjà que le climat n'est pas très agréable actuellement, s'il faut, en plus, que les médecins se mettent à chicaner eux autres avec, ce ne sera pas drôle.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Dr L'Heureux, ainsi que ceux qui vous accompagnent. On sent, bien sûr, une position qui va dans la continuité de ce qu'on a entendu de la part des médecins. Il y a quand même un certain assouplissement ou un certain niveau d'ouverture en disant: Si ce geste irréfléchi et politique était posé, des conditions devraient l'accompagner. Je veux cependant vous dire et bien vous rassurer que si, à vos yeux, ce geste-là qui est un geste politique est un geste non réfléchi, j'ose espérer que vous ne pensez pas ça de tous les gestes politiques posés parce qu'à l'occasion j'imagine que les politiciens peuvent aussi réfléchir avant de poser des gestes.

Vous avez évoqué dès le départ, d'entrée de jeu: On est contre mais dans la mesure où... Vous n'avez pas dit ça, dans la mesure où ça se fait. Vous avez dit: II y a des questions qui se posent, qui doivent être répondues, qui ne le sont pas suffisamment dans le projet de loi. Vous avez parlé des lieux de pratique, vous avez parié du champ, d'entrée de jeu. On va y aller. Il va y avoir un projet de loi, je le répète, et il va y avoir des expériences-pilotes. Dans ces circonstances, on parle des lieux de pratique. D'après vous, quels seraient les endroits où ça pourrait se faire dans des conditions optimales?

M. L'Heureux: à notre sens, je pense bien que la seule place où ça peut se faire, c'est malheureusement en centre hospitalier ou dans un lieu y ressemblant étrangement.

La Présidente (Mme Marois): Pourquoi dites-vous "malheureusemenr?

M. L'Heureux: Parce que, je ne le sais pas, il semblerait que l'hôpital a une aura de désespoir. Cela a l'air qu'aller à l'hôpital, c'est épouvantable et que, quand ça se passe à la maison, c'est merveilleux. C'est vrai qu'à la maison, écoutez, on est en famille, ça va bien, et tout ça, c'est bien le "fun" mais, comme les pédiatres vous l'ont dit tantôt, et moi, faisant de l'obstétrique, il y a des fois où, je vous jure, on est essoufflés. On a l'impression que ça ne va pas assez vite. Il y a des problèmes qui surviennent et on est pourtant actuellement en milieu hospitalier. On n'en fait pas à domicile. Ça fait qu'on se dit que si ça se faisait à domicile ou dans un petit CLSC où il n'y a pas d'équipement, où il n'y a pas rien, où il n'y a pas de sang en cas de besoin, ou ces choses-là, il y a des fois où ça pourrait amener des situations catastrophiques. Le problème de tout ça, c'est que ça se sait après. Si ça se savait avant, ce serait donc merveilleux de regarder une patiente dans les yeux ou dans les mains et lui dire: Toi, tu fais partie des 15 % qui vont avoir des problèmes. À ce moment-là, M. le ministre, on vous sauverait des coûts. On arrêterait de suivre les 85 % qu'on suit pour rien et qu'on ne fait que rassurer tout le long de la grossesse. Mais ce n'est pas ça, ça se sait après, une fois que les parents ont le bébé avec eux. Là, on dit: Ça a bien été, c'aurait été le "fun" si ça avait été à la maison, oui, ça aurait été le "fun", mais ça se fait à l'hôpital.

M. Côté (Charlesbourg): II ne faudrait pas prendre pour acquis que, par nos propos, on trouve que vous n'avez pas de bonnes choses dans votre mémoire. Ça m'apparaît très clair, il y a des mises en garde qui sont extrêmement importantes et qui viennent du vécu et dont on doit tenir compte. Lorsque vous dites "malheureusement en centre hospitalier" comme lieu de pratique, ça présuppose qu'il y a une présence ou un support médical constant. Est-ce que ça ne pourrait pas vouloir dire qu'en dehors d'un centre hospitalier il pourrait y avoir aussi des

endroits où il y a un support médical adéquat dans les circonstances?

M. L'Heureux: Je laisserais peut-être Dr Coffey répondre, étant donné que lui est gynécologue, donc, c'est lui qui se retrouverait un peu au bout de la chaîne, parce que...

La Présidente (Mme Marois): D'accord, oui, ça va.

M. Coffey (J. Edwin): Oui. Mme la Présidente, M. le ministre, je m'excuse; je parle français et anglais, mais pas trop bien, mais comme le député, mon ami Gordon Atkinson, nous essayons. Donc, concernant une alternative à la naissance à l'hôpital, je pratique l'obstétrique depuis 35 ans comme omnipraticien, en Abitibi-Est, et j'ai accouché des femmes à la maison. J'ai une formation de John Hopkins University; j'ai enseigné. I teach, I taught the nurse midwives in American schools of medicine. Puis, maintenant, j'approche de la fin de ma carrière comme obstétricien.

Je pense qu'ici nous prenons une décision concernant le plus dangereux voyage de notre vie à tous: c'est le voyage par la voie naturelle pendant le travail et l'accouchement. C'est plus dangereux que le "trip" à Montréal sur l'autoroute, que n'importe quoi. Et c'est un fait. Maintenant, après 40 ans, avec une amélioration dans toutes les statistiques, nous avons une obstétrique qui est "safe", "secure". Le nouveau-né est en bonne santé, comme le pédiatre, le néonatolo-giste l'a expliqué. C'est juste deux ou trois, quatre minutes d'une complication et le cerveau est fini. C'est sérieux, et je le sais. A 2 heures du matin à l'hôpital, seul avec tous les problèmes...

On dit: Pourquoi une autre méthode, une autre méthode d'accouchement. J'explique une étude concernant ça. L'Association médicale canadienne, il y a deux ans, a fait une étude à travers le pays. They first had an independent study done by a group at Queen's University, in Kingston, to determine the level of satisfaction among women who had given birth within the last two years.

Et je pense que, peut-être, vous avez reçu le rapport obstétrique 1987. Sinon, j'en ai une copie. Mais les statisques du Biometries Research Group montrent qu'à Québec, par exemple, 95 % des femmes qui ont accouché sont satisfaites ou très satisfaites des soins prénataux; 4, 9 % sont insatisfaites. Pour l'accouchement, à Québec, 81 % satisfaites, 8 % insatisfaites.

Maintenant, pour nous, c'est curieux, avec les résultats, pourquoi changer le système trop vite et trop gros? Nous avons des problèmes et nous avons fait une liste des problèmes que nous avons reçus. Mais, dans le présent système, nous avons la capacité de corriger les problèmes: les problèmes de communication avec les patients prénataux, le problème d'un peu plus de "tender loving care" C'est très, très important, nous sommes d'accord. Et notre système présent a la capacité d'offrir ça si vous lui en donnez les moyens. Je pense que, comme solution, c'est plus rationnel de faire un peu d'"adjustment, a minor tune-up in the present system" au lieu de commencer une nouvelle aventure avec beaucoup de dépenses. Je ne le sais pas, mais la sage-femme que j'ai vue, l'autre soir, a reçu 1200 $ ou 1500 $ d'honoraires; j'ai reçu 300 $. C'est drôle!

By the way, that is not my main interest.

M. Côté (Charlesbourg): Vous m'ouvrez la porte pour vous poser une question. Les 1500 $, c'est la patiente qui les a payés alors que les 300 $, c'est le système.

M. Coffey: O. K.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce à dire que lorsqu'on paie 300 $, on en a pour 300 $? Cela pourrait aller jusque-là parce que, dans le mémoire, je comprends une chose. On dit très clairement: II faut passer beaucoup plus de temps avec le couple qu'on n'en passe maintenant. C'est extrêmement important pour le développement d'avant, pendant et après. Là-dessus, tout le monde s'entend. Et qu'on doit davantage mettre des efforts sur la relation.

Vous avez le courage - ce que d'autres n'ont pas fait - de toucher un point qui est évoqué sur la place publique, où il y a effectivement une critique de la relation médecin avec le couple qui a à vivre une expérience extraordinaire. Vous l'abordez de plein front et c'est la première fois que quelqu'un reconnaît qu'il y a effectivement une interrogation, un questionnement et même des critiques vis-à-vis de la pratique, à ce moment-là. Et que l'humanisation - tout le monde se sert du mot - l'humanisation des soins... Certains vont même jusqu'à dire qu'on devrait ajouter des ressources dans les CLSC pour être capable de le faire davantage dans les zones défavorisées. Mais vous touchez aussi au problème. Est-ce que, dans ces cas-là, c'est uniquement une question d'argent? Je n'en suis pas sûr mais je vous pose la question. (22 h 30)

M. L'Heureux: M. le ministre, je pense qu'il est important de réaliser que le médecin n'est pas différent de n'importe quel travailleur que vous rencontrez. Un médecin doit gagner sa vie et celle de sa famille, une sage-femme va devoir gagner sa vie et celle de sa famille, si elle est soutien principal. Et, si on regarde la façon dont ça fonctionne actuellement, c'est évident que, si vous regardez l'accroissement du... Parce qu'on parie d'honoraires d'accouchement. C'est passé d'un montant de 85 $, qui était à peu près la

moyenne des années cinquante, à 225 $ en 1990. Cela ne tient pas compte du niveau d'inflation. Si on regarde maintenant ce qui se passe ailleurs, parce que...

M. Côté (Charlesbourg): Mais ça, c'est l'accouchement seulement.

M. L'Heureux: C'est l'accouchement seulement, oui, oui.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas l'avant et l'après.

M. L'Heureux: Pardon?

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas l'avant... Ça ne tient pas compte de l'avant ni de l'après.

M. L'Heureux: Ce n'est pas l'avant, ni l'après. L'après, c'est 35 $ et l'avant, ce sont les visites. Et, une patiente qui a des problèmes va avoir plus de visites et une qui en a moins va en avoir moins. Pour l'association médicale, moi, II y a quelques années, je suis allé en Europe, et plus particulièrement en France, pour voir comment fonctionnaient les sages-femmes et, ce qui nous désole un peu dans tout ce projet-là, c'est qu'il y a des problèmes clairement identifiés dans la dynamique des soins de santé au point de vue obstétrical et, bon, on en a parlé tantôt, des problèmes de malnutrition, de mauvaises conditions de vie, mauvaise hygiène de vie, ces choses-là, et ça, écoutez, la sage-femme ne fera pas plus de miracles qu'on ne peut en faire actuellement, à moins qu'elle ne fasse de l'apostolat et qu'elle n'aille visiter des gens de porte en porte. Elle va faire comme les sages-femmes font ailleurs.

Les sages-femmes ailleurs, qu'est-ce qu'elles font? Celles que j'ai vues en Europe, en France, bien, ce sont des travailleuses qui sont là 24 heures consécutives, qui prennent deux jours de congé et qui sont là encore 24 heures consécutives. Alors, cette dimension-là qu'on nous fait valoir actuellement, que la sage-femme va avoir un contact différent qu'un médecin peut avoir, écoutez, l'être humain étant ce qu'il est, ça va se perdre, parce qu'à un moment donné la sage-femme va faire comme nous, elle va prendre des vacances et elle va prendre des congés et, des fois, les fins de semaine, elle va vouloir être avec sa famille et elle va dire: Écoutez, là, ça n'a pas d'allure, vous me donnez juste, je ne sais pas moi, 900 $ pour un accouchement. Ça me prendrait plus, je n'arrive pas. Surtout si on considère qu'on doit consacrer plus de temps. Donnez-moi le triple de ce que je gagne actuellement comme obstétricien, et je vais consacrer le triple de temps aux patientes; sauf que j'ai des contingences à un moment donné, il faut que je fasse vivre mon bureau, il faut que je fasse vivre ma famille. Et ça, c'est comme n'importe quel chiffre d'affaires.

M. Côté (Charlesbourg): C'est vrai pour tous les travailleurs, y compris pour les politiciens.

M. L'Heureux: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais arriver à une question. Selon les statistiques, il y a 2000 accouchements par année faits par des sages-femmes. Ça, c'est une réalité, 2000 sur 70 000 ou 75 000 annuellement. C'est quand même d'importance. Ce n'est pas différent, sur le plan des statistiques, de ce qui se passe aux États-Unis, semble-t-il, à peu près 4 %. Donc à peu près dans les mêmes... C'est donc une donnée extrêmement importante de choses vécues au Québec, malgré le fait que ce ne soit pas permis. Il y a donc une volonté qui s'exprime là d'un choix, d'une liberté de choix de la part des femmes qui choisissent, malgré le fait que ce ne soit pas légal, de se faire accoucher par des sages-femmes.

Mol, je dis à ce moment-ci qu'on devrait davantage tenir compte de ce phénomène qui ne s'éliminera pas demain matin mais qui va perdurer, et d'aller très bien l'encadrer pour éviter le genre d'erreurs que vous avez évoquées ou de situations de catastrophe que vous avez évitées et qui sont réelles, au lieu de complètement dire: On n'en veut pas. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il n'y a pas une réalité qui est là, qui est présente, qui va perdurer, et qu'on a la responsabilité, quand on a la responsabilité de la santé des citoyens au Québec, de mieux l'encadrer, et c'est à ça que vise le projet de loi, malgré le fait qu'il le fait mal à ce moment-ci, dans le libellé actuel. Mais grâce à une collaboration que vous pourrez nous offrir, il le ferait peut-être beaucoup mieux si on avait cette collaboration.

M. Picard (Jean-Pierre): M. le ministre, ce que vous dites, j'y suis très sensible, ayant été le président du comité qui a fait l'étude. Cependant, je pense qu'on revient un petit peu à la question précédente. On peut toujours se poser la question: Pourquoi les femmes, maintenant, de plus en plus, considèrent-elles les sages-femmes? L'accouchement, si vous voulez, on peut le diviser en deux grandes parties: l'aspect psychologique ou social, et l'autre aspect qui est purement technique ou médical. Je ne pense pas qu'une femme qui va accoucher va choisir, entre un médecin et une sage-femme, la sage-femme au point de vue scientifique. Au pire, concédez-moi que les deux pourraient être excellents. Disons qu'on le fait, je pense, bien plus pour l'aspect psychologique. Ce qu'on vous dit dans notre mémoire, c'est effectivement que le balancier est devenu peut-être un petit peu trop technique.

C'est que, depuis une vingtaine d'années, en médecine, on a eu une révolution sur le plan technique absolument extraordinaire. Regardez vos budgets d'équipement et vous comprendrez. Alors, dans le domaine de l'obstétrique, vous avez exactement le même phénomène. On en est venu qu'à un moment donné, examiner un ventre avec ses mains devient moins précis que de mettre un appareil d'échographie dessus et on voit, à ce moment-là, même le sexe de l'enfant.

Vous comprenez, je pense, que c'est un petit peu humain. On a eu tendance à laisser aller l'aspect relation intime ou relation amitié et, avec la surcharge de travail qui se faisait de plus en plus importante, je pense qu'on en est venu un petit peu à laisser aller cet aspect de communication interpersonnelle qui devrait être la base entre toute communication patient et médecin, et peut-être encore plus chez les gens, par exemple, lors de grossesse ou lors d'un décès ou d'une personne en phase terminale. Il y a des pathologies comme ça ou des situations médicales dans la vie où le contact humain devient drôlement important.

Je pense, et je pense que c'est ce que vous pensez aussi, qu'au moment de l'accouchement, c'est un des phénomènes importants. Pour cette raison, les femmes qui s'orientent vers les sages-femmes, je pense que c'est la cause principale. On vous dit, dans notre document, qu'il y a moyen de corriger ça. Je pense qu'actuellement les médecins tendent à humaniser leurs soins de plus en plus. On essaie au niveau de l'entraînement, quand les résidents ou les internes viennent en entraînement, de leur inculquer le respect du patient, de prendre le temps de jaser, de prendre le temps de leur expliquer ce qu'ils vont faire et tout ça.

Évidemment, ça ne changera pas en l'espace de quelques heures ou de quelques jours ou de quelques années, II faut prendre le temps. Mais, comme le disait le Dr Coffey, est-ce que ça vaut la peine, à ce moment-là, de changer tout le système dans ses deux parties, dans son aspect scientifique et dans son aspect psychologique? On vous offre de corriger l'aspect psychologique tout en maintenant l'aspect scientifique qui a fait ses preuves au cours des années. Qu'on regarde les statistiques et je pense qu'on ne peut pas faire autrement que de voir que la médicalisation, si on peut dire, a quand même porté fruit.

Si vous me le permettez, dans cette optique, je pense que l'autre question qu'on peut se poser à propos des sages-femmes, avant de parler de quel genre d'entraînement on va leur faire, de quelle façon on va les intégrer dans le milieu hospitalier ou ailleurs, de quelle façon elles vont être régies ou quoi que ce soit, peut-être, M. le ministre, faudrait-il se poser la question à savoir: A-t-on besoin des sages-femmes? À cette question, personnellement, je vous répondrai non.

Les effectifs médicaux sont actuellement suffisants et je ne connais pas de patientes qui n'ont pas pu accoucher faute de docteur. Il y a évidemment, des "sages-chauffeurs de taxi", des "sages-policiers", de temps en temps, qui font un accouchement dans l'auto en s'en allant à l'hôpital un peu en catastrophe. Ça arrive. Mais de façon générale, effectivement, vous parliez tantôt de la région de Povungnituk, en tout cas dans ce coin-là, évidemment il restera toujours des régions très éloignées où ils ne pourront pas avoir, par exemple, des camions à incendie aussi perfectionnés que ceux que vous avez à Québec, où ils n'auront pas des pompiers surspécialisés comme ceux de Montréal, et où ils n'auront pas de cardiologues pour traiter leur infarctus.

Je trouve extraordinaire que les médecins qui ont été entendus ici cet après-midi aient entraîné des sages-femmes là-bas parce que, si on regarde le taux de rétention des médecins là-bas, c'est extraordinairement bas. Les gens y vont un an, deux ans; il y en avait un, je crois, qui avait fait quatre ans. Un jour, ils peuvent se ramasser pas de médecin. Je pense que c'est une conscience sociale extraordinaire des médecins qui sont là que d'enseigner la technique ou de superviser ou, en tout cas, d'inciter les gens à avoir cette technique pour que le service soit rendu si jamais des médecins décidaient de ne plus y aller. De les contingenter, de les obliger à y aller, on voit ce que ça a donné à date d'essayer de faire ça. Je pense que c'est une excellente chose que les médecins aient incité des personnes là-bas à pouvoir avoir ce genre de pratique médicale pour rendre service aux gens dans la région.

En plus, dans ce village en particulier, si vous me le permettez, M. le ministre, il faut faire attention aussi, II y a un élément important qui est la façon de vivre des Inuit. Leur tradition d'accoucher avec toute la famille autour, c'est très important. C'est un petit peu différent quand même de ce qu'on voit ici. Je m'arrêterai là.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): J'avançais sur mon fauteuil parce que je voyais vos réactions et je voyais aussi des gens de Povungnituk, qui sont ici encore en arrière, réagir et ça me tentait d'intervenir. Je pense que j'ai compris l'essence de votre message. Et puis il n'y en n'avait pas rien qu'un; il y en avait plusieurs aussi lorsqu'on parlait de la régionalisation des médecins.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît. ! Mme Vermette: je lis en page 6 de votre

mémoire que 85 % des grossesses sont à risque minimum. En fait, on peut considérer que ce sont des grossesses normales. Je regarde au niveau des sondages, en tout cas, au moins 80 % des gens sont d'accord pour les sages-femmes, en fait. Est-ce qu'il n'y a pas une forme de relation entre ces deux pourcentages, d'une part, et d'autre part, aussi, ce que je regarde, n'est-ce pas un constat d'échec, finalement, que 80 % de la population est en faveur des sages-femmes à l'égard de la pratique médicale actuellement? On pourrait peut-être envisager ça de cette façon.

Quand je regarde... On explique toujours que les médecines holistiques, c'est plus un genre d'envoûtement, que finalement... C'est peut-être un constat d'échec vis-à-vis, justement, de la pratique médicale encore une fois plutôt qu'un envoûtement et que les gens, maintenant, préfèrent aller vers ces médecines qui répondent davantage à leurs attentes et qui, en fin de compte, sont plus proches d'eux, à l'écoute de leur corps et à l'écoute de leurs besoins.

Je lisais un peu plus loin aussi, à une autre page, à la page 8 - je trouve ça assez spécial -quand on parlait aussi de tout ce qui concerne les épisiotomies, etc, tout ce qu'on pouvait faire, en fait, au niveau de l'accouchement, tous les actes qu'on pouvait poser, on disait que ce n'était jamais fait d'une façon irréfléchie. En fin de compte, il y avait toujours l'oeil attentif des instances responsables. Je trouve ça un petit peu particulier, en fait, en disant que quand c'est du côté médical, l'oeil attentif est toujours présent, mais par contre, pour les autres professions, il n'est plus là et on remet en doute, en fait, tous les actes qu'on peut poser. Je trouve ça un petit peu particulier. Moi, j'aimerais bien que vous me disiez... Pourrait-il y avoir une relation entre ces deux pourcentages-là, d'une part? Est-ce qu'on pourrait, finalement, dire que ça pourrait être un genre de constat d'échec dans la population vis-à-vis de votre pratique médicale?

M. L'Heureux: Non, je pense qu'il faut quand même faire attention. Les 85 % regroupent effectivement les grossesses dites normales ou à risque minimal, appelez-les comme vous voulez. Les 80 %, c'est une opinion sur ce que ça devrait être dans la vie. Or, dans la vie, vous demandez des opinions sur n'importe quoi et vous allez avoir aussi un peu n'importe quoi comme réponse. 80 % en faveur des sages-femmes, ça ne veut pas dire que 80 % des répondants choisiraient nécessairement de se faire accoucher par une sage-femme. Ça veut dire que oui, on est d'accord avec le concept, comme on est d'accord avec le naturopathe, comme on est d'accord avec le chiro, comme on est d'accord avec le podiatre, avec tout ce qui est le champ des médecines douces.

Or, dans le champ des médecines douces, en règle générale, qu'est-ce qui se passe? Sans vouloir faire injure à personne, lorsqu'un problème est sérieux, on va voir le médecin traditionnel et lorsque le problème est d'ordre relationnel ou de fonctionnement, on va vers des thérapies alternatives. Il n'y a pas plus longtemps qu'il y a environ trois semaines, à la clinique, chez moi, il y a une acupunctrice qui est là et elle nous disait: Écoutez, dans des cas d'arthrite je ne peux pas faire grand-chose parce que, effectivement, il y a un problème, mais dans des cas d'ulcère d'estomac, ça fonctionne bien, l'acupuncture.

Il faut faire attention à ça aussi. Il y a un engouement pour ces choses-là. Les gens redécouvrent une nouvelle forme de médecine qui était là auparavant et qui était exercée par le médecin. Quand le médecin tapait sur l'épaule du patient et disait: "Écoute, ne t'en fais pas, dans trois jours tu vas être mieux", le patient repartait heureux, il était satisfait de ça. Il n'y avait pas toujours eu de traitement et puis il n'y avait pas toujours eu de la pénicilline au bout. À l'époque, il n'y en avait pas de pénicilline.

Cette approche médicale a évolué, elle est devenue beaucoup plus technique, on l'a dit tantôt. On le déplore partiellement parce qu'on dit: II n'y a pas que de la technique en médecine, il y a encore de la relation. Je peux vous dire que dans le "day-to-day" au bureau, c'est encore ça. C'est la relation qui joue bien plus que l'arsenal thérapeutique, sauf que l'arsenal thérapeutique n'est pas négligé. Il est là et doit être utilisé à bon escient. Il doit être utilisé dans les cas où il y a un besoin.

Maintenant, vous parliez aussi des techniques. Les techniques médicales en obstétrique, elles sont connues quand même depuis un bout de temps. Il y a une remise en question et la remise en question s'effectue, je dirais, depuis probablement les dix ou quinze dernières années. Il n'y a pas si longtemps que ça, les femmes étaient attachées sur les tables d'accouchement au Québec. Ça ne se fait plus dans les hôpitaux. Les épisiotomies se faisaient de routine. Moi, quand j'ai commencé à pratiquer, ça se faisait d'emblée, ça ne se fait plus d'emblée. Or, si c'est la demande... c'est-à-dire que ce n'est pas la façon dont je vais m'exprimer. Si on nous apporte cette solution-là, la solution sage-femme, en réponse à ça, je dis non, là on est à côté. (22 h 45)

Mme Vermette: Je vous ferai seulement remarquer, docteur, que lorsque vous me disiez que les pratiques sont remises en question sur une quinzaine d'années, en fait, les quinze dernières années, je vous dirai que ces pratiques se sont faites sous l'oeil bienveillant des médecins. Alors, c'est peut-être pour ça, d'ailleurs, que les femmes maintenant ont moins confiance, justement votre réponse, et retournent vers les femmes. Donc, il y a une solidarité naturelle entre les femmes. C'est tout simplement ce que

je relève aussi. C'est leur corps et c'est en réponse, justement, presque à une agression qu'on a faite à leur corps qu'elles se retournent vers d'autres moyens qui sont peut-être plus doux par rapport à ce qu'elles aimeraient recevoir comme traitement.

M. L'Heureux: Mais c'est parce qu'il faut savoir aussi comment ça fonctionne, en médecine. En médecine, la façon de fonctionner, en règle générale, c'est par étude. Donc, il y a quelqu'un qui propose un nouveau traitement. On regarde, dans une population donnée sans traitement, la mortalité, la morbidité serait de combien et avec ce nouveau traitement, ce serait de combien. Or, à l'époque où ces techniques ont été instaurées, qu'on pense forceps, épisiotomie et compagnie, ça correspondait à un besoin et le besoin est encore là, il ne faut pas se leurrer. Il y a encore des patientes qui ont des épisiotomies et qui sont très contentes d'en avoir. Là où je ne suis pas d'accord, c'est que ces gestes-là deviennent automatiques. C'est là-dessus, je pense, que les femmes ont questionné. Elles ont dit: Moi, je ne veux pas que ça se fasse automatiquement. S'il y a un besoin, je suis d'accord, mais s'il n'y a pas de besoin, je ne veux pas de telle ou telle technique. C'est de plus en plus ce qui se passe dans la pratique obstétricale. Les médecins et le personnel infirmier - il y a une équipe quand même, ce ne sont pas seulement les médecins -expliquent de plus en plus aux femmes: Écoutez, il y a telle ou telle chose qui va être faite pour telle ou telle raison. Pour ça, je n'abonde pas dans le même sens que vous, d'autant plus que la pratique des sages-femmes, en Europe, c'est ce qu'on nous cite toujours, c'est la pratique d'un omnipraticien, au Québec. Tout ce que ça a fait, les sages-femmes en France, ça a fait disparaître les omnipraticiens. Vous avez maintenant les gynécologues et les sages-femmes. Vous avez un corps professionnel qui en a remplacé un autre qui a pris les mêmes travers et qui...

Mme Vermette: C'est pour ça et j'ai remarqué dans votre mémoire que, d'ailleurs, vous accordez beaucoup d'importance à ce que, maintenant, il y ait de plus en plus de femmes, en tout cas, qui s'adonnent davantage à l'obstétrique. En fait, vous me parlez des médecins accoucheurs et qu'on incite davantage des femmes... Par contre, vous remettez en question leurs conditions de travail et leur rémunération. Comment se fait-il, je veux dire, que vous remettiez ça en cause en disant: Si on met peut-être de meilleures conditions de travail revalorisantes et une meilleure rémunération adéquate pour les inciter? Est-ce que ce n'est pas actuellement... N'y a-t-il pas d'incitatif à être un accoucheur, actuellement? Il faudrait mettre d'autres incitatifs pour faire en sorte que des femmes soient plus intéressées?

M. L'Heureux: II n'y a pas d'incitatif à être médecin accoucheur, qu'on soit un homme ou une femme. Malheureusement ou heureusement, nos consoeurs médecins partagent avec les autres femmes de la terre un peu le même fardeau. Elles ont souvent la double tâche d'être mère, d'être épouse et d'être aussi médecin, de sorte que les conditions de travail pour un homme médecin sont très différentes des conditions de travail pour une femme médecin, même si la rémunération est identique. Pour un accouchement, une femme ne reçoit pas plus ou pas moins que moi sauf que, pour elle, l'implication que ça peut représenter dans sa vie professionnelle, c'est peut-être très différent.

Mme Vermette: Ce que je comprends, en fait, c'est que les sages-femmes, en 1940, avaient déjà ces lettres de créance qui étaient reconnues. Elles ont été un petit peu dépossédées justement, ce qui me porte à croire... C'est qu'en situation de pénurie, si on regarde 1940, c'était la guerre... Donc, quand les hommes ne sont pas là, les femmes prennent le métier et quand les hommes reviennent, les femmes retournent à la maison. Finalement, on prend la place. C'est très difficile, pour elles, de reprendre leur place après parce qu'on leur dit: Écoutez, attendez votre tour; maintenant, vous êtes dépassées. Cela n'a-t-il pas l'air de ça un peu finalement, votre mémoire, un petit peu quand on lit ça? Vous insistez beaucoup sur 1940, bon, qu'il y avait déjà eu une place mais que, maintenant, c'est vraiment dépassé parce que autre chose est arrivé en cours de route.

M. L'Heureux: Non. Il faut comprendre que les sages-femmes étaient formées et avaient un certificat qui était délivré par la corporation professionnelle. Cela a été abandonné. On ne dit pas, actuellement: Refaisons des sages-femmes avec les femmes-médecins. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a déjà un corps professionnel qui s'appelle des médecins dans lequel il y a une féminisation qui augmente. Si l'argument pour amener les sages-femmes, c'est le fait qu'une femme préfère s'adresser à une autre femme, on a là une partie de la réponse, c'est-à-dire qu'il y a déjà des femmes présentes dans le corps médical. Si c'est pour l'aspect psychologique ou l'aspect sociopsychologique de la relation de grossesse, on vous dit que c'est en train de changer. Cela dépend pourquoi.

On a l'impression que ce projet de loi est arrivé un peu de nulle part, en ce sens qu'on n'a pas l'impression que c'est une majorité de femmes qui demandent actuellement à être accouchées par des sages-femmes. Même si c'était le cas, demain matin, et que le projet de loi fonctionnait, il n'est pas évident que les cabinets de médecins vont se dépeupler. On a l'impression par contre qu'il y a une minorité de

femmes qui le demandent et qui vont faire changer tout un système pour peut-être 90 %, 95 % des femmes qui ne le demandent pas actuellement, qui sont satisfaites de ce qu'elles ont. Ce n'est pas une question de jouer au yoyo et dire: Les hommes sont là, tassez-vous. Quand nous autres, on se retire, bien prenez la place. Cela fait du sexisme à outrance.

La Présidente (Mme Marois): Vous voulez ajouter quelque chose. Allez.

M. Picard: Oui, c'est dans la même veine. J'ai promis à mon épouse, M. le ministre, de vous la poser: Les hommes dans ça, est-ce qu'il va y avoir des "sages-hommes"?

La Présidente (Mme Marois): Pourquoi pas?

M. Picard: Dans le projet de loi, on parle toujours de sages-femmes. Est-ce qu'on va exclure les hommes de la profession?

M. Côté (Charlesbourg): Je me souviens lorsque Mme Lavoie-Roux a défendu le projet de loi au Conseil des ministres, elle a terminé en disant: J'ose espérer qu'il y aura des "sages-hommes."

M. Picard: Merveilleux!

M. Côté (Charlesbourg): Je ne voudrais pas briser la volonté de celle qui a eu le courage de déposer pour la première fois un projet de loi de cette importance à l'assemblée.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, Dr Picard?

M. Picard: Oui, juste une chose. C'est qu'il y a un élément dans le document qui, peut-être, est un petit peu moins évident et sur lequel je voudrais insister de façon particulière, M. le ministre. Je pense qu'il y a deux choses qui sont discutées ici, dans les médias, un peu partout et qui sont un petit peu enchevêtrées. D'une part, le lieu où se fait la naissance et, d'autre part, la personne qui la fart. Je pense qu'il faudra dissocier clairement et, je regrette, dans le document on ne l'a peut-être pas précisé à ce point. Mais il faudra dissocier complètement ces deux choses.

Vous pouvez avoir des sages-femmes ou des médecins qui sont très compétents et qui peuvent faire d'excellents accouchements; que ce soit une sage-femme ou un médecin qui fasse l'accouchement à domicile, ça nous semblera toujours, toujours, toujours inacceptable. Je pense que, là-dessus, le corps médical va faire l'unanimité et je pense qu'il faudra faire la différence entre les deux choses.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher-Bacon: Merci. Pour éclairer la commission...

La Présidente (Mme Marois): Je me permets de vous dire qu'il ne faut pas que ce soit trop long parce qu'on est déjà à la limite, à l'extrême limite de la ...

Mme Boucher-Bacon: Je vais faire de mon mieux. Pour les fins de la commission, j'aimerais savoir où avez-vous pris, en page 12, vos définitions? Est-ce que ça va, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Marois): Très certainement, chère amie.

M. Picard: Ces définitions ont été prises, en partie, à partir de l'étude dont le Dr Coffey vous a parié, une étude pancanadienne faite par l'Association médicale canadienne et, aussi, à partir d'un document de l'Ontario Médical Association quand ils ont préparé leur document pour les sages-femmes. Ils avaient noté, à ce moment-là, que le terme pouvait signifier beaucoup de choses. À ce moment-là, ils ont émis plusieurs définitions, dont certaines n'ont pas été retenues parce que, ici, ça ne s'emploie pas. En anglais, par exemple, il peut y avoir plusieurs termes qui, en français, s'identifient à une même chose. C'est drôlement important, vous savez, parce que vite, vite ma nièce jure à tout le monde qu'elle a accouché avec une sage-femme, sauf que la sage-femme lui tenait la main et le médecin l'a accouchée à domicile.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, M. le député de Fabre.

M. Joly: Très brièvement, je ne voudrais pas résumer, en fait, tout ce qui s'est dit, disons, au niveau de différents groupes, mais ce qui ressort de ceux qui ne sont pas reliés au monde médical, c'est que ce qu'on a à reprocher, que ce soit aux omnipraticiens, aux pédiatres, un petit peu tout le monde, c'est l'avant, peut-être pas le pendant, mais l'après aussi. Ça, ça ressort souvent.

M. Picard: On l'a dit dans le document. Il y a effectivement des lacunes au niveau de la relation médecin-patient, mais on vit encore avec la nostalgie du bon Dr Welby et du bon médecin de famille. Or, je viens d'un milieu urbanisé, Laval. À Laval, vous demandez à un patient: C'est qui, votre médecin de famille? Je ne le sais pas, je n'en ai pas. Vous leur demandez: Prenez Un rendez-vous avec un médecin de famille. Ils n'en connaissent pas. Ce sont des notions qui

disparaissent. C'est évident...

Écoutez, on n'est pas différents, on n'est pas des machines. Lorsque quelqu'un se présente chez vous et que vous ne le connaissez pas, vous ne pourrez pas le traiter avec autant d'empathie que quelqu'un que vous connaissez. Vous recevez des amis à souper, je suis sûr que ce doit être drôlement plus intéressant que quand vous recevez quelqu'un que vous n'avez pas jamais vu de votre vie. Vous ne savez pas de quoi lui parler. C'est la même chose, en relation médicale. Donc, les gens qui viennent nous voir, il y a effectivement un refroidissement à ce niveau-là parce qu'il n'y a plus cette relation ou cet attachement à une personne.

Deuxièmement, il y a un aspect technique qui n'était pas là, autrefois. Le médecin accompagnait le patient dans la mort puis, quand il pouvait le guérir, c'était le "fun", mais ça n'arrivait pas toujours. Maintenant, le médecin est capable de faire beaucoup plus. Ce ne sont pas encore des miracles, mais il y a un paquet de techniques qui se font aujourd'hui, qui permettent a des gens qui seraient décédés très tôt et qui n'auraient pas pu survivre avec une vie de qualité de le faire. Ça aussi, c'est rébarbatif pour un patient.

Finalement, il y a l'aspect monétaire. On ne peut pas en faire abstraction. On a à gagner notre vie et c'est évident que de la façon dont la rémunération des médecins est structurée actuellement, il va toujours y avoir, je dirais, une rapidité d'essayer d'en venir le plus rapidement possible au diagnostic et, peut-être, laisser tomber ce qu'on appelle en anglais les "fringe benefits" autour qu'il aurait pu y avoir, mais qui disparaissent dans ce genre de relation parce qu'il y a un tiers maintenant qui est payant. Ce n'est plus le patient qui dit: Moi, je veux me payer une visite à 50 $ chez le docteur et je sors 50 $ de ma poche. C'est le patient qui dit: Moi, je vais me payer la visite que le gouvernement me paie et le gouvernement paie 12,70 $ pour une visite. C'est ça.

La Présidente (Mme Marois): Dr Picard.

M. Picard: Rapidement, juste un élément qui ressort de ce que j'entends depuis cet après-midi. J'ai eu l'occasion d'être ici une partie de l'après-midi. C'est qu'on nous demande une chose très difficile actuellement, vous savez, M. le ministre. On nous demande d'être à la fois expert et partie. Je réalise ça tout d'un coup qu'à un moment donné on se fait accuser d'être en conflit d'intérêts. C'est vrai, vous avez entièrement raison. Par contre, à qui voulez-vous demander quelles sont les normes de sécurité pour un accouchement, quelles sont les normes pour procéder à une épisiotomie ou à une césarienne, sinon à ceux qui les ont établies et ceux qui, en tout cas, jusqu'à date dans notre société, constituent le corps professionnel le plus habilité à donner son opinion là-dessus? Vous nous voyez très malheureux d'arriver et de vouloir s'imposer, d'un côté, en expert pour essayer de vous montrer pourquoi on défend telle ou telle position et, de l'autre côté, on se sent un petit peu piégé, en se disant: On est pris à partie. C'est une partie de notre pratique médicale. Soyez assuré que quand on intervient dans l'aspect comme expert... En tout cas, je peux vous dire, en ce qui concerne les membres qui sont ici et ceux qui ont participé à ce document, qu'on l'a fait dans la plus grande liberté et sans penser à ce que ça pouvait nous donner ou nous enlever. Évidemment, l'obstétrique, je pense qu'on y tient, c'est une partie importante de la médecine, mais je pense bien qu'il n'y a pas de médecin qui crèverait de faim, demain matin, si on enlevait l'obstétrique. Par contre, je pense qu'il faut la garder parce que les médecins la font bien et devraient continuer à la faire.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux rassurer le Dr Picard: il n'a jamais été l'intention du législateur, je pense, de l'enlever aux médecins, tout simplement de donner le libre choix à la femme qui, elle, voudrait avoir les services d'une sage-femme.

Je veux vous remercier. C'a été extraordinaire, malgré l'heure, et beaucoup plus captivant qu'un match de hockey Canadiens-Nordiques.

La Présidente (Mme Marois): Surtout de ce temps-ci!

M. Côté (Charlesbourg): il y a eu de bons échanges. Je pense que c'est de nature à améliorer ce qu'il y a à améliorer. On tiendra compte de ce qu'on a échangé ensemble, ce soir. Merci bien!

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation.

M. L'Heureux: Juste en terminant, si vous me le permettez. Il y a deux choses qu'on voudrait que vous reteniez comme message, finalement. C'est qu'il y a tout l'aspect périmor-bidité qu'il faut modifier et ça, on n'est pas convaincu que le projet de loi y répond. Deuxièmement, il devrait y avoir concertation des groupes, autant médecins, infirmières, sages-femmes et gouvernement, pour que ça fonctionne. On n'a pas l'impression, actuellement, que c'est le cas avec le projet de loi. On a l'impression que ça se fait de deux façons: d'un côté, les sages-femmes qui disent: "Nous, on ne veut

aucune tutelle, on veut être indépendantes" et, de l'autre côté, les médecins qui disent: "Quand vous serez compétentes, on verra mais, pour le moment, vous avez à prouver votre compétence." Si ça peut vous aider, nous offrons notre concours à participer à ça.

M. Côté (Charlesbourg): Extraordinaire!

La Présidente (Mme Marois): C'est ce qu'on croyait comprendre. Merci. (23 heures)

J'invite maintenant Mme Maria De Koninck, qui est titulaire de la Chaire d'étude sur la condition des femmes et professeure au département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval, à se présenter. Elle est accompagnée de Mme Anne Robinson. C'est ça? C'est parce que, comme ce n'est pas un groupe, j'essaie de...

Alors, bonsoir et bienvenue.

Mme De Koninck (Maria): Bonsoir.

La Présidente (Mme Marois): Malgré l'heure tardive, nous allons essayer d'être aussi attentifs que nous l'avons été jusqu'à maintenant aux propos des gens qui vous ont précédées. Si vous voulez vous présenter et, par la suite, nous faire part de votre point de vue.

Mme Maria De Koninck

Mme De Koninck: Merci. Je suis Maria De Koninck, titulaire de la Chaire d'étude sur la condition des femmes et professeure au département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval. La personne qui m'accompagne est Mme Anne Robinson qui est coordonnatrice du groupe de recherche multidisciplinaire féministe de l'Université Laval et professeure à la Faculté de droit.

Bonsoir, mesdames et messieurs. Avant d'entrer dans le vif du sujet, compte tenu du lieu où nous nous trouvons, nous tenons toutes les deux à souligner notre solidarité avec les familles des victimes du drame d'hier soir, à Montréal. Nous nous sentons particulièrement concernées, non seulement parce que nous sommes des féministes, mais aussi parce que ces jeunes femmes qui ont été abattues hier symbolisent des changements en cours dans la société québécoise, changements qui, nous l'espérons, vont conduire à une société plus égalitaire entre les hommes et les femmes. Nous espérons que, collectivement au Québec, nous allons savoir réagir à ce qui s'est passé hier, rejeter ce qui s'est passé hier et chercher à s'assurer que ça ne puisse pas se reproduire.

La Présidente (Mme Marois): Puis-je vous dire que les membres de la commission partagent à cet égard votre point de vue? Nous avons eu d'ailleurs la possibilité de l'exprimer à différents moments au cours de la journée.

Mme De Koninck: Alors, relativement au projet de loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre des projets-pilotes, en tant que docteure en sociologie, il m'importe surtout de retracer ici les fondements sociaux de la situation actuelle. Les fondements sociaux, c'est que les données sociales sont maintenant considérées comme étant déterminantes pour les phénomènes relatifs au domaine de la santé. C'est pourquoi je veux vous rappeler ici certains éléments qui démontrent où on en est arrivés aujourd'hui, après un cheminement important sur le plan social.

La légalisation de la pratique des sages-femmes fait l'objet de débats depuis déjà plus de dix ans. J'ai été moi-même personnellement associée à plusieurs étapes de l'évolution de cette situation. En 1977, j'étais au Conseil du statut de la femme et, déjà là, il y avait des revendications qui étaient acheminées auprès du Conseil du statut de la femme, revendications qui venaient de femmes qui souhaitaient voir des changements, mais il y avait aussi déjà à ce moment-là des sages-femmes qui assistaient des femmes au moment de leurs accouchements. On peut donc dire que dès ce moment il y avait un mouvement social, mouvement de revendication qui avait des racines. Ce mouvement coïncidait avec ce qu'on a appelé depuis lors la médicalisation de l'accouchement, c'est-à-dire que le nombre d'interventions progressait de façon assez alarmante au sein des milieux obstétricaux.

C'est donc dire qu'il ne s'agit pas d'un phénomène récent et quand on a porté à l'attention du Conseil du statut de la femme les demandes des femmes, le Conseil a jugé opportun de faire des recommandations au gouvernement dans le cadre de sa politique d'ensemble "Pour les Québécoises: Égalité et indépendance", pour faire reconnaître la légitimité de la pratique des sages-femmes. Ces recommandations ont été évidemment réaménagées depuis parce que les recherches et la réflexion, les études se sont poursuivies là-dessus.

Personnellement, j'ai aussi été associée, au début des années quatre-vingt, aux colloques régionaux "Accoucher ou se faire accoucher" qui se sont tenus à travers la province et qui ont suscité la participation de 10 000 personnes. J'ai moi-même eu à rédiger, en tant que conseillère à l'exécutif de la SPQ qui avait organisé ces colloques, le rapport synthèse des colloques régionaux. Et je vous soulignerais que dans chaque rapport, le rapport de chacune des régions, il était question des sages-femmes, alors que cette question-là n'avait pas été à l'ordre du jour des colloques; c'est venu spontanément des personnes qui y ont participé.

La demande venait de femmes qui souhaitaient, à ce moment-là, une amélioration des services en périnatalité et qui voyaient dans la pratique des sages-femmes une solution à cet égard. Je tiens à souligner ça parce qu'il m'ap-paraît important pour le législateur d'être conscient qu'il ne s'agit pas seulement de manifester une tolérance à l'égard d'une pratique marginale, mais bien d'intégrer une réponse à des demandes qui se font entendre depuis un certain nombre d'années.

L'évolution du dossier s'est poursuivie et il y a eu le comité interministériel sur la formation des sages-femmes. Nous deux, ici présentes, en tant qu'universitaires, sommes particulièrement préoccupées par cette question. Le comité Interministériel a abattu un travail monstre et en est arrivé à dégager les paramètres de ce qui devait être la formation d'une sage-femme. On en a conclu que cette formation devait intégrer à la fois une bonne expérience, mais une solide formation académique.

Depuis 1982, le ministère des affaires sociales s'est penché sur cette question. J'ai été moi-même associée à la démarche, au ministère, pendant un certain nombre d'années. Cette démarche a permis de consolider les revendications relatives à la reconnaissance de la pratique des sages-femmes, notamment parce qu'on a pu étayer comment cette pratique n'était pas une pratique marginale sur le plan international, mais bien plutôt, ce qu'il y avait de marginal, c'est de ne pas reconnaître la pratique des sages-femmes.

Le travail qui a été fait au ministère de la Santé et des Services sociaux a permis également de dégager la question des sages-femmes d'une espèce de tout. On considérait: Bon, il y a des problèmes, il y a une solution, ce sont les sages-femmes. Je crois que le travail qui a été fait au ministère a vraiment permis de faire la distinction. La pratique des sages-femmes est une des réponses que l'on peut apporter aux problèmes que l'on rencontre actuellement dans le domaine de périnatalité. Ce n'est pas une solution unique, il y en a d'autres. Et je pense qu'il est important de rappeler ici que la préoccupation relativement aux soins en périnatalité ne doit pas s'arrêter strictement à la question des sages-femmes.

J'ai également mené, de 1984 à 1988, une recherche importante qui m'a amenée à rencontrer un certain nombre de femmes qui venaient d'accoucher et également un certain nombre de médecins et d'infirmières. Il y a deux éléments majeurs que je veux souligner ici relativement à cette recherche. Le premier, c'est ce qui s'est dégagé de ma recherche, c'est qu'il y a un besoin d'une approche différente des soins en périnatalité. Ce besoin est impérieux si l'on veut freiner non seulement la médicalisation de l'accouchement, mais même sa chirurgicalisa- tion et, éventuellement, la technicisation de l'ensemble des événements qui sont liés à la grossesse et à l'accouchement.

Le constat majeur de ma recherche, c'est qu'il y a un renforcement de cette tendance au recours à la technique qui vient des femmes parce que l'expérience qu'elles vivent dans de nombreux milieux obstétricaux est une expérience où on leur laisse peu de place à la personnalisation de ce qu'elles vivent et à l'expression des différentes dimensions de ce qu'elles peuvent ressentir. Et c'est ce qui va les amener à non seulement accepter, mais même à réclamer des interventions techniques.

Ce sont les femmes que j'ai interviewées qui m'ont elles-mêmes expliqué l'engrenage technique dans lequel elles s'étalent inscrites au moment de leurs grossesses et de leurs accouchements parce qu'elles n'avaient pu trouver de place pour compléter une démarche affective qui aurait favorisé leur autonomie. Cet élément est extrêmement important parce que la méthode que j'ai utilisée dans ma recherche - je ne veux pas entrer dans un débat méthodologique ici - mais j'ai permis à ces femmes de s'exprimer sur leur expérience pendant une couple d'heures. Et j'ai pu constater qu'a priori, évidemment, elles disent: Oui, c'a bien été parce que le bébé est en santé, mais, après, il y a tout le reste. Donc, cette dimension beaucoup plus profonde de l'expérience qui est vécue et qui intervient dans les tendances qui se dessinent dans le domaine de la périnatalité, je pense que c'est important de les écouter, d'écouter les femmes à ce niveau-là et de ne pas se contenter de faire une enquête téléphonique trois jours après un accouchement pour leur demander si elles étaient satisfaites.

Ce que j'ai pu constater donc, c'est que nous nous retrouvons sur une pente dont l'aboutissement - et je ne veux pas appeler l'apocalypse, mais je pense que, socialement, nous devons être conscientes et conscientes de ça... Nous sommes sur une pente qui s'en va vers une définition essentiellement technique des événements. Donc, si on opte pour des nouvelles pratiques, pour une remise en question, ce n'est pas seulement qu'on opte pour un développement professionnel pour une nouvelle intervenante, on opte pour une autre définition des événements dans laquelle le caractère psychosocial aurait sa place.

J'aimerais également souligner un deuxième élément qui s'est dégagé de ma recherche - j'ai vraiment envie de le soulever à cette heure-ci - c'est que les milieux médicaux et les milieux hospitaliers, certains milieux sont très ouverts à la pratique des sages-femmes et qu'il ne s'agit pas... Je crois que l'image d'un bloc monolithique de résistance peut nous induire en erreur. Dans les milieux, de nombreuses intervenantes et intervenants sont ouverts parce qu'ils souhaitent

eux-mêmes et elles-mêmes protéger le caractère essentiellement humain de la mise au monde. Les personnes qui sont ainsi préoccupées ont également un souci de maintenir les acquis scientifiques, mais souhaitent que l'on en arrive à protéger la globalité de l'expérience. C'est ce qui m'amène à souligner la nécessité d'une collaboration entre les différentes actrices et acteurs et il faut absolument prévoir les mécanismes pour éviter un clivage: d'un côté, des accouchements normaux humains et, de l'autre côté, des accouchements un petit peu plus difficiles où il faut faire appel à des ressources spécialisées. Nous considérons qu'un esprit de collaboration devrait présider à la mise en place des projets-pilotes. S'il y a un esprit de collaboration, les expériences vont être valables et leur évaluation, à ce moment-là, pourra être crédible.

Il y a cinq éléments que nous souhaitons porter à votre attention comme étant déterminants. Le premier est que le principe de la légalisation de la pratique des sages-femmes doit être reconnu par le législateur et l'expérimentation doit porter sur les possibilités d'aménagement de cette pratique dans le système de santé québécois. Le deuxième élément, la formation des sages-femmes devant participer aux projets-pilotes, doit favoriser l'acquisition des connaissances à la fine pointe du domaine et la protection de la globalité de leur approche à l'égard des femmes enceintes et des futurs parents. Le projet de loi, troisièmement, doit avoir une approche large des possibilités d'intégration des sages-femmes dans le système actuel et ne pas exclure d'initiatives quant aux lieux de pratique. Quatrièmement, l'expérimentation de la pratique des sages-femmes dans le cadre du présent projet de loi doit sanctionner sa particularité et non en sanctionner la marginalité. Cinquièmement, le caractère professionnel de la pratique des sages-femmes doit être inhérent à son expérimentation, c'est-à-dire qu'il faut absolument garantir l'autonomie de ces dernières.

C'est donc que nous souhaitons voir certains amendements au projet de loi, le premier étant que le législateur doit rendre manifeste dans le projet de loi que cette pratique est légitime et que le projet a pour but de la permettre. Nous aimerions aussi nous assurer que, dans le projet de loi, l'on prévoie une diversification des personnes responsables de la définition des critères de compétence et, notamment, l'ajout d'un ou d'une représentante du milieu universitaire. Il nous semble important que, dans le projet de loi, on ne limite pas les possibilités des lieux où vont se tenir les projets-pilotes, notamment, la possibilité qu'il y ait des projets qui soient développés avec des centres locaux de services communautaires. (23 h 15)

Nous souhaitons également que, dans le projet de loi, il soit prévu des mécanismes pour que les objectifs des projets-pilotes et que les critères d'évaluation protègent l'intégration de la pratique en tant que pratique différente et non pas définir des critères qui vont faire en sorte que, finalement, il va s'agir, effectivement, simplement d'une autre intervenante dans le domaine.

Finalement, il nous apparaît très important que l'évaluation des projets-pilotes et que la surveillance de la qualité d'exercice de la pratique ne soient pas confondues: donc, une bonne autonomie en ce qui concerne la pratique professionnelle, parallèlement à une solide évaluation des projets.

Il nous apparaît que le projet de loi actuel est un progrès. Cela montre quand même qu'il y a une volonté d'avancer, mais nous trouvons important que les précisions que nous avons soulevées soient apportées au projet pour que vraiment nous n'ayons pas à tout reprendre dans quelques années et que les expériences soient menées de façon telle que la marginalité de la pratique des sages-femmes soit maintenue. Ce que nous souhaitons, c'est vraiment une intégration de la pratique des sages-femmes dans les soins de santé au Québec.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme De Koninck.

M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve dommage qu'on vous entende à 11 heures le soir, après une journée comme celle-là, à la fois pour vous comme pour nous, compte tenu de votre expérience et de la recherche que vous avez faite auprès des femmes. Vous nous l'avez dit... C'est parce qu'hier, j'ai été étonné d'apprendre de la bouche des médecins que, s'il y avait autant de césariennes au Québec, c'était parce que des femmes le voulaient et le demandaient. C'est un peu étonnant parce que je ne m'attendais pas à ça du tout. Évidemment, votre recherche vient un peu le confirmer, mais avec les bémols que vous y avez mis, et c'est peut-être là l'élément extrêmement important de votre recherche, pour être capable de bien comprendre et d'étayer la réponse d'hier. Je pense que ça la replace dans sa véritable perspective en termes de réponse et ça c'est intéressant.

À la page 9 de votre mémoire, quatrièmement, vous dites: "L'expérimentation de la pratique des sages-femmes dans le cadre du présent projet de loi doit sanctionner sa particularité et non en sanctionner la marginalité." "Et non en sanctionner la marginalité", je n'ai pas de problème; ce n'est pas parce que j'ai des problèmes aussi avec l'autre, mais je voudrais comprendre ce que ça veut dire. Qu'est-ce que ça veut dire: "le présent projet de loi doit sanctionner sa particularité"?

Mme De Koninck: Ce qui est très important c'est que l'expérimentation porte sur une approche différente. Les critères qui devront être définis pour les expériences devraient être des critères qui vont permettre de mesurer l'apport nouveau des sages-femmes et pas seulement de s'assurer qu'elles pratiquent comme tout le monde. L'approche sage-femme est une approche différente et l'évaluation des projets-pilotes devrait se faire aussi là-dessus. Donc, il faut prévoir une intégration dans laquelle elles ont une certaine marge de manoeuvre et peuvent vraiment avoir cette approche différente.

M. Côté (Charlesbourg): Sur le plan de l'évaluation, cela me semble relativement facile à faire. Cela me semble un peu plus compliqué sur le plan législatif. Je ne sais pas si j'ai tort ou si vous avez des pistes sur lesquelles vous pouvez nous aiguillonner, mais, sur le plan législatif, ça me paraît peut-être un peu difficile.

Mme Oe Koninck: Pourquoi est-ce compliqué là, à partir des articles qui sont là?

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, c'est parce que là on va abréger. Le législatif est toujours très... en tout cas, pour moi, qui ne suis ni légiste ni avocat, je trouve toujours ça très difficile. J'ai toujours de la misère à m'y retrouver moi-même, alors, je me dis: Ceux qui vont avoir à l'interpréter en règle générale, vont avoir un peu de difficulté aussi. Ça, c'est toujours un peu une partie pénible. Là, ce qu'on dit c'est qu'effectivement, c'est spécifique comme expérience et que ça doit transparaître aussi dans le libellé du projet de loi. Cela me paraît effectivement difficile de le faire.

Mme De Koninck: Par rapport à ça, la multidisciplinarité des personnes impliquées tout au long de l'élaboration des projets, de l'évaluation des compétences, etc., si vous pouvez vous assurer d'une multidisciplinarité, à ce moment-là, je pense que ça pourrait protéger la particularité de la pratique des sages-femmes.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, aujourd'hui, il y a des ouvertures qui sont intéressantes, en particulier, le groupe précédent. Il y a là des ouvertures très intéressantes. Je pense qu'on va en profiter pour tenter d'aller encore plus loin qu'on était allé avec le premier projet de loi, celui de Mme Lavoie-Roux et le prochain qui sera déposé, quitte à prendre une semaine de plus pour être capable de faire progresser plus loin. Et, selon moi, quand on ouvre la porte, ça vaut la peine qu'on prenne le temps d'y entrer, de dialoguer et d'amener cette concertation et cette collaboration qui est nécessaire. On l'a dit: Autonomie nécessaire, mais aussi support médical et une bonne complicité de tout le monde, pour être capable d'avoir une expérience qui, au bout de la ligne, sera une expérience valable dont personne ne pourra contester les résultats obtenus.

C'est un peu ça qu'on cherche, puis je pense que votre démonstration c'est ce qu'elle dit, c'est ce qu'elle vise aussi, toujours avec la toile de fond d'humanisation de l'avant, du pendant et de l'après. Alors, j'ai bien appris ma leçon, hein? Vous avez réussi à bien me la faire comprendre. Alors, j'arrête là-dessus. Je vous dis merci pour votre collaboration et j'y reviendrai si jamais il y avait des choses qui ne m'appa-raissaient pas claires ou qui avaient besoin d'être... d'un peu plus de compréhension.

La Présidente (Mme Marois): Je vais vous poser une question qui n'est pas carrément dans le mémoire, mais à cause de vos expériences, de vos études et de votre pratique... Vous-même, vous êtes enseignante en médecine sociale - c'est bien ça - et préventive. Vous disiez tout à l'heure que ce n'était pas un bloc monolithique que l'ensemble des membres de la pratique médicale, si on veut, les médecins, les spécialistes, etc., qu'il y avait des personnes de ces groupes qui étaient d'accord.

Mais on a eu un groupe qui, effectivement, est venu hier, qui vient de la médecine communautaire, qui présentait un point de vue un peu différent. Et j'aimerais ça que vous me disiez un peu comment vous expliquez cette résistance, parce qu'il me semble qu'ils doivent être eux aussi capables de faire toutes les analyses que l'on fait ensemble.

Alors, comment expliquez-vous cette résistance? J'imagine qu'ils ne doivent pas se sentir menacés: 2000 accouchements sur 86 000, 2000 grossesses, bien sûr, suivies - parce que ce n'est pas seulement 2000 accouchements - ça fait 00,2. Tu sais, c'est très peu. Alors, comment l'expliquez-vous, cette attitude-là, actuellement, qui en est une de rejet? Il y a des ouvertures, c'est vrai. Le ministre l'a mentionné, mais il faut aller les chercher assez loin.

Mme De Koninck: II y a une résistance au changement, je crois. Il y a une résistance au changement qu'on peut facilement expliquer socialement. On y voit donc... Si on prend un peu l'analyse qui - selon ce que j'ai entendu, en tout cas - semble être servie, bon, les chiffres nous disent que la situation s'est améliorée, etc., donc c'est un retour en arrière. Je pense qu'il y a beaucoup cette lecture-là: retour en arrière, et ça signifie aussi une attaque à un certain monopole.

C'est comme ça que j'explique cette résistance qui m'apparaît de nature corporatiste. Moi, quand je parie d'ouverture, c'est que, là, je me réfère à des expériences de médecins, entre autres, en tant que médecins. Et cette expérien-

ce-là, elle est la suivante, pour un certain nombre d'entre eux: il y a une prise de conscience de la technicisation d'un événement de la vie. Alors, ces personnes-là veulent absolument mettre au service de cet événement de la vie leurs connaissances et leurs habiletés. Mais, en même temps, ils aimeraient bien qu'on laisse une certaine place à la dimension humaine.

Et, là, on est en train de leur dire, d'une certaine façon: Bien, vous autres, vous n'êtes pas capables. Il y aurait peut-être quelqu'un d'autre qui pourrait le faire. Alors, ça s'explique assez qu'il y ait une résistance par rapport à cette solution-là, mais il y a quand même une ouverture. Moi, je pense qu'il y a eu... Je ne veux pas vous donner un cours d'histoire; je vais faire ça très rapidement. La raison pour laquelle les médecins sont arrivés en obstétrique, c'est pour intervenir. L'arrivée des médecins dans les chambres d'accouchement des femmes, c'était pour intervenir quand il y avait des problèmes. La définition de leur profession, c'est ça.

Et je pense que ça, ça reste beaucoup. Et, compte tenu de la définition qu'on semble avoir adopté de l'accouchement, qui est un événement médical, on y associe l'intervention, on y associe donc le médecin. Là, on remet tout ça en cause. C'est un peu normal que, sur le plan corporatif, il y ait une réaction de résistance. Moi, je maintiens que, si on se place au niveau des professionnels, ils ont une ouverture et je pense qu'avec des projets où on ferait appel à leur collaboration, il y a possibilité de développer des choses.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce qu'il y a, à ce moment-ci, d'autres questions? Oui, M. le député... Je reviendrai à vous. Oui, allez-y!

M. Trudel: On remercie aussi ces gens de nous avoir présenté cette excellente recherche. Ça nous fait refaire l'histoire de beaucoup de recherches et beaucoup de travail qui ont été faits depuis de nombreuses années, qui nous arrive avec l'aboutissement de ce projet de loi, aujourd'hui. C'est extrêmement intéressant de voir l'évolution, et les pistes que vous nous donnez...

Vous avez noté au passage, et vous comprendrez que l'Opposition peut s'en réjouir aussi, que le ministre vient de nous mentionner que l'ouverture à la concertation, qu'on a pu constater aujourd'hui, donnerait certainement l'occasion au ministre de réfléchir sur la possibilité de peut-être, non seulement réécrire, mais prendre cette ouverture et faire en sorte que la rédaction d'un projet de loi soit la plus complète possible et que ce ne soit pas un travail bâclé. C'est d'autant plus appréciable, cette attitude du ministre, s'il peut se rendre jusque-là, compte tenu de l'histoire que vous nous avez décrite ici et des éléments importants que vous nous soulignez, dont il faut tenir compte dans ce projet de loi pour ne pas consacrer la marginalité, mais vraiment reconnaître, de plein droit, cette profession ou cette pratique des sages-femmes.

Je voudrais profiter juste de quelques minutes pour demander à Mme Robinson, qui est spécialiste en droit, si elle a examiné la question de la responsabilité professionnelle. Je pose largement la question: Où commence-t-elle pour vous? Où se termine-t-elle? Est-elle pleine et entière? Passe-t-elle par l'institution, si elle est en dehors d'un centre hospitalier, ce avec quoi nous sommes bien d'accord de ce côté-ci de la table? Est-ce que vous avez examiné cette question? Vous pourriez nous éclairer un peu là-dessus, sur la question de la responsabilisation.

Mme Robinson (Anne): Je n'ai pas examiné comme telle la question de la responsabilité parce que cette question n'est pas venue sur le tapis avant la commission parlementaire. Il me semble que c'est hier qu'on a commencé à parler de la question de la responsabilité des sages-femmes comme groupe. Bien sûr, il y a un certain nombre de causes qui sont pendantes, actuellement, devant les tribunaux sur cette question.

Par ailleurs, j'aurais tendance à vous répondre de façon assez intuitive ce soir. La responsabilité des sages-femmes est la même que la responsabilité de l'accoucheur qui pose le geste d'un accouchement normal, c'est-à-dire qui effectue un accouchement normal. Donc, je ne vois pas pourquoi on soulève la question de la responsabilité des sages-femmes alors que la question de la responsabilité médicale existe depuis toujours. Je pense que ce sont les mêmes règles qui devraient s'appliquer dans le cadre de la pratique de la sage-femme. Il n'y a pas de choses différentes en fait.

M. Trudel: Compte tenu du fait que vous insistez beaucoup aussi, de toute façon, sur le type de formation...

Mme Robinson: Oui.

M. Trudel:... le type de compétence, vous ne voyez pas de différence quant au type de responsabilité assumée par celle qui ferait l'intervention à ce moment-là.

Mme Robinson: Oui, c'est ça.

La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous prendre la relève, Mme la députée de Bourget?

Mme Boucher-Bacon: Contrairement à mon ministre qui a entendu un bémol, j'aimerais entendre un bécarre. N'est-il pas vrai qu'à un

moment donné, après 24 heures ou 48 heures de travail qui s'effectue nécessairement peut-être dans la joie, mais aussi dans la douleur, alors qu'à un moment donné, si le démérol n'a pas fait son effet, on peut demander une césarienne?

Une voix: Tout à fait.

Mme Boucher-Bacon: Donc, ce n'est pas faux de dire qu'à un moment donné, ce sont les femmes qui accouchent qui peuvent le demander?

Mme De Koninck: C'est tout à fait le constat auquel je suis arrivée, c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de femmes qui réclament des césariennes. Mais ce constat ne s'arrête pas là. Quand on fait parler les femmes sur l'expérience qu'elles ont vécue, dans un certain nombre de cas, si elles en sont arrivées là, c'est parce qu'elles n'ont pas eu le soutien nécessaire pour se rendre au bout de leur accouchement sans se sentir totalement démunies, vulnérables et ayant besoin d'une intervention technique de cette importance. Donc, il ne faut pas remettre en cause la césarienne. Ça sauve des vies et tout ça. Ce n'est pas la question. La question est que les femmes que j'ai interviewées m'ont permis de comprendre que l'absence de soutien au moment d'un accouchement fait qu'elles vont s'inscrire dans une logique technique où elles se refusent à elles-mêmes la capacité d'enfanter et font appel essentiellement à la technique de sorte que, tout de suite après, quand on pose la question Êtes-vous satisfaite? Oui, le bébé est en santé, je suis satisfaite. Mais, après, par exemple, quand elles font le retour sur tout ce qu'elles ont vécu, c'est là qu'elles peuvent réaliser qu'il y a eu toute une partie de leur expérience qui n'a pu s'exprimer et c'est ça qui a fait qu'elles ont, à un moment donné, réclamé une intervention technique. Je ne vous dis pas que ce sont tous les cas. Je vous dis qu'actuellement, il y a un climat et une tendance vers la technicisation parce que les femmes ne peuvent pas vivre l'enfantement comme ce que c'est: une expérience multidimensionnelle. Il n'y a pas, comme je l'ai entendu tout à l'heure, le psychologique, le social et la technique. Il y a une expérience physiologique dans un corps sur lequel il y a une tête et ça ne se coupe pas en morceaux.

Mais, à un moment donné, la situation est telle qu'on veut les dissocier et, à ce moment-là, les femmes ne vivent pas ça globalement. Elles vivent ça mal, elles peuvent souffrir terriblement, elles n'ont pas de soutien, elles se sentent très seules. Que vont-elles demander? Mais, finissez-en. C'est ce que j'ai découvert au fil d'heures et d'heures d'entrevue avec des femmes. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous avez encore une question? Non, ça va. De toute façon, on devait terminer nos travaux à 23 h 30. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. C'est une contribution intéressante, en particulier l'image de la tête qui fait aussi partie du corps. C'est un tout et on va le retenir. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): on vous remercie beaucoup. c'était très intéressant. je pense que c'est un apport un peu différent aux travaux de la commission. nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 23 h 33)

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