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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 24 janvier 1990 - Vol. 31 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

La Présidente (Mme Marois): Nous allons poursuivre et reprendre donc nos travaux de consultation dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux.

Nous devrions entendre ce matin, d'une part, le Comité provincial des malades, la Fédération des ACEF du Québec et le Regroupement des parents pour déficients mentaux. On commence avec une dizaine de minutes de retard, on va essayer de se reprendre dans le temps. Avec un peu de discipline, je pense qu'on peut le faire.

Je rappelle les règles très brièvement. À peu près une vingtaine de minutes de présentation. Si ça vous prend un peu moins de temps, à ce moment-là, c'est du temps qui est laissé à la commission; vingt minutes de part et d'autre pour des questions. Je vous laisse la parole, madame. Vous allez vous présenter, pour le bénéfice des membres de la commission, s'il vous plaît.

Comité provincial des malades

Mme Lamquln-Éthier (Michèle): Mme la Présidente, mesdames, messieurs les députés, je suis Michèle Lamquln-Éthier, directrice générale du Comité provincial des malades.

Mme la Présidente, je vous prierais d'excuser M. Jean Clavel, président du conseil d'administration, qui ne peut être présent en raison de la grippe de Shanghai. Il est malheureusement alité.

Nous vous avons remis des pochettes qui n'altèrent en rien le contenu de notre mémoire, qui ne le modifient pas. Cette pochette-là vous a été remise afin de vous sensibiliser davantage aux services qui sont dispensés par le Comité provincial des malades. La pochette a été articulée sous trois chapitres principaux. Nous avons dressé un rapport sommaire de nos activités pour les membres de cette Assemblée, auquel est annexé un cumulatif de toutes les demandes que nous avons reçues par téléphone durant la dernière année. Ça va vous donner un reflet du travail concret du comité provincial. Nous avons joint en deuxième partie le rapport complet de nos activités de l'année dernière et la liste de nos réussites qui sont mises à jour. Afin d'illustrer davantage l'importance de supporter les comités de bénéficiaires, de les éduquer, de les informer, nous vous avons remis des documents qui ont été réalisés par le Comité provincial des malades. Vous avez un formulaire d'affiliation qui vous parle de la devise du CPM et sont annexés à ce formulaire-là différents documents qui ont été conçus et réalisés par le comité au bénéfice exclusif du comité de bénéficiaires.

Le comité provincial représente plus ou moins 60 000 personnes âgées, malades ou handicapées à travers le Québec. Au moment où on se parle, nous avons progressivement atteint le nombre de 329 comités de bénéficiaires qui nous sont affiliés et qui sont répartis à travers tout le Québec. Nous sommes porteurs des décisions qui ont été prises par l'assemblée des comités de bénéficiaires et c'est le message des comités de bénéficiaires à travers tout le Québec que nous venons vous livrer.

Le présent mémoire est présenté par le conseil d'administration du Comité provincial des malades et il reproduit fidèlement les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des comités de bénéficiaires de la province, principalement lors des assemblées tenues les 15 septembre 1988 à Québec, 29 mai 1989 à Montréal, et le 19 septembre 1989 à Québec.

Le 15 septembre 1988, l'Assemblée avait présenté à Mme la ministre Thérèse Lavoie-Roux des résolutions touchant le fonctionnement et la composition des comités de bénéficiaires; c'était alors dans le cadre de la vaste consultation de Mme la ministre suivant la parution du rapport Rochon.

Le 29 mai 1989, l'Assemblée avait manifesté ses réactions vis-à-vis le document "Orientations" publié en avril 1989 par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le 19 septembre 1989, l'Assemblée réagissait à l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et elle approuvait le présent mémoire. Ce mémoire expose donc fidèlement la réaction de l'ensemble des comités de bénéficiaires de la province concernant l'avant-projet de loi. Il témoigne de plus de l'expérience et de l'expertise acquises par le Comité provincial des malades dans la réalité concrète du fonctionnement des établissements de santé eu égard à la qualité de vie des bénéficiaires. Le présent mémoire a été adopté par le conseil d'administration.

Les orientations: Les orientations publiées par le ministère de la Santé et des Services sociaux, en avril 1989, contenaient plusieurs énoncés qui nous ont plu et que nous espérons retrouver dans les règlements adoptés par le gouvernement en vertu de la loi. Notamment, nous étions en faveur des mesures annoncées pour améliorer les services d'urgence des hôpitaux et tout à fait satisfaits de constater que le

ministère invite enfin chaque établissement à se doter d'un code d'éthique qui précisera non seulement les droits des bénéficiaires mais également les recours disponibles, les conduites du personnel jugées Inacceptables et les mesures disciplinaires prévues. Nous faisons référence à la page 56.

Le Comité provincial des malades se déclare prêt à collaborer étroitement avec les établissements aux fins de promouvoir l'adoption de codes d'éthique, de conseiller ces derniers et, au besoin, d'informer le ministère des difficultés particulières qu'il pourrait rencontrer Nous faisons, ici, référence au mandat confié dans le document "Orientations" à la page 56.

Nous avons également apprécié le chapitre II et plus particulièrement la section portant sur le respect des droits et de la dignité de la personne. Le CPM note avec satisfaction d'y voir réaffirmer qu'aucun conflit de travail ne peut altérer le droit aux soins et aux services de santé. Nous faisons référence à la page 53. Le CPM a, d'autre part, été consterné de constater de la part du ministère une acceptation à l'avance et explicite de la normalité du ralentissement des activités durant la période des fêtes, des vacances estivales ou de la relâche scolaire. Compte tenu des longues listes d'attente pour obtenir un hébergement ou une hospitalisation, le CPM proteste énergiquement contre cette habitude de fermer des lits pendant ces périodes et demande que la prestation des services soit assurée à l'année longue avec la même qualité de soins. Le CPM estime que le respect des droits et de la dignité de la personne commandent d'assurer en tout temps le droit aux soins et aux services de qualité.

Avant-projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Relativement à l'avant-projet de loi, le CPM aimerait maintenant soumettre à l'attention et à la considération des membres de cette assemblée ses avis sur les articles qui touchent de plus près l'ensemble de ses activités.

Le conseil d'administration. Il nous apparaît d'abord tout à fait irréaliste de demander à un conseil d'administration d'administrer une quinzaine d'établissements de façon efficace et efficiente. De deux choses l'une: ou un tel conseil adoptera les projets aveuglément, par routine, ou il va jouer consciemment son rôle et il devra se réunir deux ou trois fois par semaine. Pour les membres du conseil, ce bénévolat devient très exigeant. De plus, la voix des bénéficiaires sera complètement étouffée de même que l'information qu'ils seraient en droit de recevoir sur les décisions administratives qui touchent leurs conditions de vie et de séjour.

Conséquemment, le CPM est en complet désaccord avec les articles 43 et 44 de l'avant-projet de loi. De même, le CPM est en désaccord avec la composition du conseil d'administration, telle que mentionnée à l'article 49. Nous notons, en premier lieu, l'absence quasi totale des bénéficiaires, d'autant plus que les orientations proposaient et énonçaient spécifiquement: Trop souvent des décisions qui concernent les personnes âgées sont prises sans qu'elles soient partie prenante ou même consultées. Pourtant, ce sont elles qui connaissent le mieux les besoins et la meilleure façon d'y répondre. On devra donc prévoir qu'une place leur soit spéficiquement accordée dans les structures décisionnelles." Nous faisons référence à la page 29.

Nous soumettons que ces paroles ont sûrement dû être oubliées lors de la rédaction de l'article 49 de l'avant-projet de loi. Nous considérons le travail d'un conseil d'administration trop sérieux et trop important pour choisir quatre de ses membres lors d'une assemblée publique où n'importe qui pourra tenir un beau discours et se faire élire sans autre vérification de son intérêt réel et véritable et sans autre vérification de sa compétence et de son expérience probante à pouvoir remplir de telles fonctions. En conséquence, le CPM croit que ces assemblée publiques risquent d'être peu ou pas fréquentées.

Il nous semble très clair que la composition du conseil, telle qu'elle est proposée, s'inspire directement de l'idée très à la mode de démocratisation de la composition des conseils par la participation de toutes les catégories de citoyens à la gestion des établissements. Le CPM dénonce de façon vigoureuse ce principe très séduisant et ce, même s'il admet qu'il est politiquement rentable. Le centre d'intérêt, voire la raison d'être d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée demeure, d'abord et avant tout, le bénéficiaire. Le CPM maintient que, pour composer un conseil d'administration, il ne s'agit pas de faire plaisir à des personnes issues de tous les milieux, qui veulent faire une expérience intéressante, mais bien qu'il faut choisir des administrateurs qualifiés, qui sauront utiliser les ressources disponibles pour assurer et dispenser aux bénéficiaires les meilleurs soins et services et la meilleure qualité de vie. En fonction de cet objectif fondamental, le CPM croit que les membres d'un conseil d'administration doivent être choisis, d'abord et avant tout, pour leur notoire engagement social et leur expérience administrative indiscutable, après un examen attentif de leur curriculum vitae.

L'article 57 de l'avant-projet de loi. Il nous apparaît très significatif de constater que l'article 57 précise ce qui peut empêcher une personne d'être membre d'un conseil d'administration et qu'il n'y ait aucun article pour préciser les qualités, au moins souhaitables, que doit posséder tout membre appelé à siéger à un conseil d'administration. Par ailleurs, nous sommes entièrement en faveur du retrait du conseil, des personnes rémunérées par les établissements. En effet, notre expérience nous a démontré que la présence des employés conduit

trop souvent à des conflits d'intérêts.

Nous avons souvent observé que l'employé aura ou peur de contredire le directeur, ou, au contraire, il aura reçu la mission de le contredire systématiquement, ou, pire, il prendra carrément position contre lui uniquement pour des griefs personnels qui n'ont aucune pertinence avec l'étude d'un point particulier. Et je pense que vous pourriez nous citer de nombreux exemptes, comme nous, nous pourrions vous en citer, qui illustrent de façon flagrante un manque d'objectivité ou, encore, une complaisance tout à fait déplorable. Dans l'un ou l'autre cas, de toute façon, ce n'est pas recevable.

L'article 64 de l'avant-projet de loi. Nous attirons également l'attention des membres de cette commission sur l'article 64 qui stipule: "Le président et le vice-président du conseil d'administration agissent comme président et vice-président de chacun des établissements que le conseil administre". Nous soumettons que la rédaction de cet article prête à confusion, fait naître des difficultés d'interprétation et qu'elle mériterait d'être révisée et précisée. Faut-il comprendre que chaque directeur général d'un établissement est mis sous tutelle du président ou du vice-président du conseil? Qu'est-ce que le président du conseil ira présider dans chaque établissement où il n'y aura plus de conseil d'administration? Que veut dire être le président d'un établissement?

Recommandations. Le Comité provincial des malades soumet respectueusement:

Recommandation 1. Que chaque établissement ou chaque couple d'établissements fusionnés conserve son conseil d'administration. En effet, il nous apparaît essentiel, voire même indispensable, que les administrateurs restent près des problèmes qu'ils doivent régler. Faut-il le répéter, il ne s'agit pas d'administrer une industrie qui fabrique des objets, mais bien de prendre toutes décisions propres à assurer aux malades, aux personnes âgées et aux personnes handicapées le respect de leurs droits et de leur dignité, et leur garantir la prestation de soins et de services de qualité, dispensés par un personnel compétent et véritablement intéressé.

Recommandation 2. Que le conseil d'administration soit composé de neuf membres qui en font partie au fur et à mesure de leur élection ou nomination:

Quatre membres nommés par le ministre sur recommandation de la régie régionale, avec le commentaire suivant: Ces quatre membres devraient être nommés sur recommandation d'un comité de sélection de la régie régionale, lequel serait composé d'un représentant provenant des organismes communautaires ou des groupes socio-économiques, d'un représentant des comités de bénéficiaires et d'un représentant des autres composantes du conseil de la régie régionale.

Deux membres nommés par le comité de bénéficiaires de l'établissement. Toutefois, lors- que deux établissements sont fusionnés, chaque comité de bénéficiaires nomme un de ses membres au conseil.

Deux membres nommés par les six premiers.

Le directeur général.

Afin d'éliminer l'actuelle lourdeur administrative de la procédure de nomination des membres du conseil d'administration, suivant les recommandations des divers groupes communautaires, le Comité provincial des malades est d'avis que les personnes intéressées à faire partie d'un conseil d'administration devraient soumettre leur candidature et leur curriculum vitae directement à la régie régionale.

Nous aimerions ajouter que, règle générale, un conseil ou un comité qui comporte moins de dix membres travaille beaucoup plus efficacement que lorsque te nombre est élevé. De plus, avec un conseil restreint, point n'est besoin de créer un comité administratif. Enfin, avec le mode de nomination proposé, il y a une meilleure probabilité de pouvoir nommer des personnes qui ont les qualités requises et nécessaires pour siéger à un conseil d'administration.

Recommandation 3. À défaut par cette commission de recevoir nos deux premières recommandations et si le conseil d'administration devait être constitué selon les modalités prévues à l'article 49 de l'avant-projet de loi, nous recommandons qu'il faut y trouver deux personnes nommées par les comités de bénéficiaires.

La structure administrative. En dehors de la composition du conseil d'administration, le CPM accepte le système de collège électoral et de régie régionale. Nous trouvons cependant qu'en augmentant l'indice de démocratisation on augmente d'autant le coefficient d'inertie du système.

Nous sommes particulièrement sceptiques à l'égard du comité d'établissements constitué en vertu des articles 85 et 86 de l'avant-projet de loi. Il nous semble irréaliste de demander aux directeurs généraux de planifier entre eux le partage des subventions. Cette fonction de planification devrait, à notre avis, se retrouver à l'intérieur de la régie régionale.

Le comité des bénéficiaires. Article 115 de l'avant-projet de loi. Le premier alinéa de cet article élimine la nécessité de mettre sur pied un comité de bénéficiaires dans les hôpitaux de courte durée qui ont une section de soins prolongés.

Nous comprenons, suivant les Orientations du ministère, que les hôpitaux généraux et spécialisés doivent se départir des soins de longue durée, mais, dans l'éventualité où cette opération ne serait pas complètement réussie à court terme, il nous apparaît nécessaire de prévoir un comité de bénéficiaires dans ces établissements où il y aurait encore des soins de longue durée.

De même, lorsque deux établissements sont fusionnés sous une même administration, il est

essentiel, pour respecter les objectifs et la raison d'être d'un comité de bénéficiaires, de créer un comité dans chacun des établissements qui sont ainsi fusionnés. En effet, pour être efficace, le comité de bénéficiaires doit garder un contact étroit avec les bénéficiaires de l'établissement où il est situé. Il peut difficilement connaître et défendre les problèmes vécus par les bénéficiaires d'un autre établissement, très souvent situé à une très grande distance géographique du premier.

En conséquence, le CPM recommande que - recommandation 4 - le premier alinéa de l'article 115 devrait se lire comme suit: 'Tout établissement qui exploite un centre hospitalier psychiatrique, un centre d'hébergement et de soins de longue durée, un centre de réadaptation, ou tout établissement offrant les mêmes services, doit mettre sur pied un comité de bénéficiaires et lui accorder le budget particulier fixé à cette fin dans son budget total. Lorsque deux ou plusieurs établissements sont fusionnés sous une même administration, chacun des établissements ainsi fusionnés doit mettre sur pied un comité de bénéficiaires et lui accorder le budget particulier fixé à cette fin dans son budget total."

L'obligation d'élire deux bénévoles. Le deuxième alinéa de l'article 115 ne tient pas compte des demandes maintes fois réitérées par les comités de bénéficiaires de la province et véhiculées par le comité provincial a Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. La dernière mesure préconisée dans ce paragraphe peut, d'ailleurs, être inapplicable car, dans plusieurs établissements, il n'y a pas de services de bénévolat et il est à peu près impossible de trouver une personne bénévole oeuvrant dans rétablissement qui accepte de faire partie d'un comité de bénéficiaires. Nous devons donc réitérer avec force les demandes des comités de bénéficiaires, soit: Que les bénéficiaires soient toujours majoritaires au sein du comité; que, dans les institutions très populeuses, le comité puisse compter plus de cinq membres afin de partager le travail et de pouvoir être présent dans l'ensemble de l'établissement auprès de tous les bénéficiaires; que le comité puisse compter des bénévoles, des parents ou des représentants de bénéficiaires, mais sans en faire une obligation. (10 h 30)

En conséquence, nous demandons - recommandation 5 - que le deuxième alinéa de l'article 115 devrait se lire comme suit: "Ce comité se compose de cinq membres élus par les bénéficiaires du centre. Toutefois, ce nombre peut être porté à sept, ou à onze, dans les établissements ayant respectivement de 500 à 1000 lits, et plus de 1000 lits. "La décision d'augmenter le nombre de membres, le cas échéant, appartient au comité des bénéficiaires et doit faire l'objet d'une décision unanime au moins trois mois avant l'élection des membres. "Les membres sont élus par les représentants des bénéficiaires si leur état ne leur permet pas d'exercer leur droit de vote. "Le comité peut compter des personnes bénévoles ou parentes de bénéficiaires, mais les bénéficiaires doivent toujours être majoritaires."

Les représentants de certains bénéficiaires. Les dispositions de l'article...

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse, madame, votre temps est écoulé.

Mme Lamquin-Éthier: Ah bon, d'accord!

La Présidente (Mme Marois): On me signifie Ici qu'on est prêt à continuer à vous entendre, si c'est possible, quand même, de resserrer un peu la présentation...

Mme Lamquin-Éthier: D'accord.

La Présidente (Mme Marois): ...parce que je ne voudrais pas, évidemment, que l'on déborde le temps prévu aux autres organismes qui vous suivent.

Mme Lamquin-Éthier: Tout à fait normal. Je vous prie de m'excuser. Je prie les membres de m'excuser.

La Présidente (Mme Marois): Ça va.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, nous en étions à la représentation des comités de bénéficiaires. Le libellé de l'article 118.3 ne reproduit pas certains éléments qui nous apparaissent nécessaires et qu'on aimerait voir réintégrés. Lorsque l'état de santé des bénéficiaires, tel qu'évalué par les autorités médicales d'un établissement, ne leur permet pas de faire partie d'un comité de bénéficiaires, les parents ou représentants de ces bénéficiaires élisent cinq d'entre eux pour former le comité de bénéficiaires lors d'une assemblée convoquée par le directeur général.

Quant au mandat du comité de bénéficiaires, le texte tel que reproduit à l'article 116 fait preuve d'une méconnaissance complète du fonctionnement et de la réalité des comités de bénéficiaires. Il serait irréalisable de penser faire une élection à tous les ans. C'est un processus qui est beaucoup trop difficile et trop long.

Conséquemment, nous formulons une recommandation qui devrait s'inscrire à l'article 116: Le comité adopte des règlements pour sa régie interne et l'élection ou le remplacement de ses membres. Toutefois, le mandat des membres est d'au moins deux ans et d'au plus quatre ans. Ce mandat est renouvelable.

Nous pensons que ça serait heureux que le mandat soit renouvelable puisque, lorsqu'un membre fait bien son travail et qu'il est intéressé à le poursuivre, nous ne pensons pas qu'il

y aurait de raisons de ne pas reconduire son mandat. Si l'article était ainsi rédigé, il faudrait, évidemment, supprimer au dernier paragraphe de l'article 119, les mots "établir ses règles de fonctionnement".

Quant à l'article 118 de l'avant-projet de loi, on prévoit, fort justement, la création d'un conseil consultatif du personnel clinique, d'un conseil des médecins et des dentistes, mais on ne prévoit pas que le comité de bénéficiaires soit reconnu comme un conseil consultatif. Il nous apparaîtrait important que le comité de bénéficiaires soit reconnu comme un conseil consultatif. Évidemment, ça aurait des effets aussi sur l'article 75 de l'avant-projet de loi. Il faut vraiment consulter les bénéficiaires. Alors, si on veut véritablement les consulter, qu'on l'insère une bonne fois pour toutes dans le texte de loi.

La recommandation 8: Le directeur général d'un établissement est tenu de consulter le comité de bénéficiaires avant d'adopter toute mesure touchant les conditions de vie et de séjour. Parce que ce n'est plus au conseil d'administration qu'on consulte. On décide, mais on ne consulte pas. Si la consultation se fait avant, il va falloir aménager des sentiers pour que ça se fasse avant.

L'article 119 de l'avant-projet de loi supprime des fonctions du comité de bénéficiaires celle de participer à l'organisation des loisirs. Et c'est très important pour la clientèle que nous représentons. Conséquemment, nous sollicitons que soit réinstitué à l'alinéa 3 de l'article 119: Participer à l'organisation des loisirs des bénéficiaires et conseiller le directeur général de l'établissement sur toute question relative aux loisirs et aux questions qui ont trait aux conditions de séjour.

Il serait important de reconnaître l'importance des comités de bénéficiaires de leur donner une reconnaissance. C'est eux qui sont la raison d'être du réseau. Alors, il nous apparaît à ce moment-là...

La recommandation 10: Ajouter l'alinéa suivant à la fin de l'article 119: Le comité de bénéficiaires d'un établissement est l'agent officiel et privilégié de liaison entre l'administration et les bénéficiaires pour recevoir les décisions administratives et les communiquer aux bénéficiaires et pour renseigner l'administration sur les besoins des bénéficiaires.

Il faut faire une distinction entre la consultation et l'information.

Si les recommandations 1 et 2 de notre mémoire étaient retenues et si chaque établissement avait son conseil d'administration où siégeaient deux bénéficiaires, il y aurait lieu pour nous de formuler deux recommandations additionnelles, les recommandations 11 et 12: "Que le comité de bénéficiaires adopte son propre règlement pour élire ses membres au conseil d'administration. Cette élection doit toutefois être présidée par une personne qui n'est pas membre du comité de bénéficiaires et qui est choisie à l'unanimité des membres de ce comité. " "Que toute vacance au conseil d'administration créée par un membre du comité de bénéficiaires soit toujours comblée par un autre membre du comité do bénéficiaires, nommé par le comité. " Je vous remercie.

La Présidente (mme marois): merci beaucoup, mme lamquin-éthier. je vais maintenant demander au ministre s'il a des questions à poser.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, certainement. D'abord, quelques observations en tout premier lieu puisque c'est le premier mémoire que nous entendons. De consentement avec l'Opposition, nous avons définitivement choisi d'entendre en cette première journée non pas les dispensateurs de services, mais davantage les bénéficiaires de services puisqu'on a voulu et on veut dans cette réforme faire en sorte que ce soit le bénéficiaire qui soit la priorité de la réforme. On se devait donc de vous entendre aujourd'hui et on vous remercie, malgré le court laps de temps que ça a pu vous donner, de vous être rendus disponibles. C'est un geste que nous avons posé délibérément pour donner un signal à cette commission que notre intérêt, à nous, ce n'est pas le béton; c'est davantage les bénéficiaires qui nous intéressent et ce n'est pas nécessairement des dispensateurs de services aussi, mais davantage les bénéficiaires, puisque, vous l'avez dit vous-même dans votre présentation, s'il n'y a pas de bénéficiaires, il n'y a pas de béton, il n'y a pas de dispensateurs de services, et ça nous apparaissait extrêmement important.

Évidemment, dans ce contexte-ci, on aurait pu dire: On a un avant-projet de loi qui n'a pas été modifié et qui, forcément, a des forces et des faiblesses. Ça donne au moins l'avantage de se positionner par rapport à des choses qui sont dans le projet de loi, qui sont questionnables. C'est ce que vous avez fait dans votre présentation. Évidemment, je ne reprendrai pas chacun des arguments ou chacune des choses que vous évoquez puisque, à mon point de vue, il y a déjà, à l'intérieur de votre mémoire, des propositions que nous allons retenir. Règle générale, là-dessus, on passe rapidement, il y a des bons points; où il y a des lacunes dans le document, vous les soulevez et vous soulevez d'autres points qui me paraissent être normaux en termes d'ajustements ou correspondre à ce qu'on fera comme ajustements.

Mes questions porteront, d'abord, sur d'autres volets de la réforme, des idées peut-être un peu plus fondamentales et quelques questions spécifiques sur des structures que vous interpellez, pour tenter d'avoir votre opinion.

Dans l'avant-projet de loi et dans le document d'orientation, on parle beaucoup des

droits reconnus aux bénéficiaires. On dit, par exemple, dans l'avant-projet de loi, que l'on définit les droits actuels de l'usager: droit aux services, droit à l'information, droit à l'intégrité physique, droit à un plan de services individualisé dans certaines circonstances, droit d'exercer un recours, droit à l'assistance, droit à la protection et, enfin, droit de recevoir des services dans sa langue, selon certaines dispositions. Est-ce que ça a fait l'objet de votre interrogation, de vos analyses? Est-ce que ça vous semble complet ou s'il manque des choses?

Mme Lamquin-Éthier: Nous avons été très satisfaits de voir reproduire enfin, noir sur blanc, renonciation de droits parce qu'on avait entendu à de nombreuses occasions: Tout le monde connaît ses droits. On sait qu'ils ont des droits. Là, pour une fois, c'est écrit et c'est important. Les bénéficiaires ne connaissent pas leurs droits; les parents ne connaissent pas les droits; les usagers ne connaissent pas leurs droits. Alors, c'est donc nécessaire de les énoncer clairement et simplement et ça les sacralise d'une certaine façon. C'est très important, c'est une reconnaissance. Nous avons fait l'examen de ce qui était mentionné et nous avons été satisfaits de cette énumération-là.

Ce qui nous inquiète le plus, si vous me le permettez, M. le ministre, par ailleurs, c'est les recours, la possibilité d'exercer des recours. Ça, ça paraît moins évident et, encore là, on nous dit souvent que les structures sont en place, sauf qu'on ne comprend pas que, pour la clientèle que nous représentons, les structures actuelles qu'on leur offre, ça ne répond pas de la meilleure façon à leurs capacités, à leurs limites. C'est un système qui est autrement complexe et le bénéficiaire est tout à fait perdu dans tout ça. Il n'a pas la santé, la capacité physique d'instituer de longues procédures. Ça prend donc des choses qui soient efficaces, rapides et dirigées avec intelligence. Ce ne sont pas toujours des recours, vous savez, très élaborés que ça prend. Nous sommes à faire une réflexion sur un document de travail et les modes de protection quant aux personnes vulnérables, adultes vulnérables, ça nous apparaît essentiel. C'est bon d'avoir des recours, d'avoir des droits, mais il faut avoir la capacité de les exercer. Ça nous apparaît aussi fondamental.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, à partir du moment où on a des droits, il faut ôtre capable de les faire valoir; il faut avoir des structures et des mécanismes qui permettent de les faire valoir.

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, de votre côté, vous ôtes à réfléchir sur les mécanismes à ce moment-ci?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, nous faisons cet examen-là pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'on est très inquiets. Le tableau que nous avons soumis va vous permettre d'apprécier la nature des demandes qu'on reçoit. Vous allez remarquer qu'il y a beaucoup de ces demandes qui sont orientées sur des questions qui touchent aux droits: le droit à l'information, la liberté de choix quant au médecin, à l'établissement. C'est donc très significatif. Il y a vraiment des problèmes. Il va falloir que ces problèmes-là soient abordés de façon pratique. Alors, ce serait quoi la façon pratique pour des bénéficiaires à l'heure actuelle d'avoir la meilleure audition ou le meilleur règlement? Ça, ça nous préoccupe beaucoup, beaucoup, beaucoup.

On va vous soumettre un document possiblement sur l'avenir des comités de bénéficiaires. La survenance des ombudsmen dans les établissements est venue modifier de beaucoup la réalité des comités de bénéficiaires, les mandats. D'après notre expérience, le vécu, sauf de rares exceptions, les ombudsmen ce n'est pas la réponse efficace aux problèmes. Ces gens-là sont nettement en conflit d'Intérêts puisqu'ils dépendent de l'établissement. Alors, ils peuvent difficilement faire valoir les points des bénéficiaires et c'est très préoccupant. Il nous apparaît fondamental que les comités de bénéficiaires demeurent, mais c'est aussi fondamental qu'on leur donne les outils et les moyens d'être efficaces, et on s'interroge sur ces sujets-là.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, vous avez une réflexion et des propositions. Ce sera prêt dans combien de temps?

Mme Lamquin-Éthier: Nous sommes à raffiner le document, M. le ministre. On pourrait Idéalement vous faire parvenir ça d'ici à la fin du mois de janvier.

M. Côté (Charlesbourg): Parfait. Comme on en a pour deux mois et demi ici, si ça devait arriver à la mi-février, il n'y a pas de problème.

Une voix: Même à la mi-mars.

M. Côté (Charlesbourg): Même à la mi-mars.

Mme Lamquin-Éthier: D'accord.

M. Côté (Charlesbourg): Un deuxième point qui m'a frappé, puisque vous y mettez beaucoup d"'emphase" dans votre présentation, est définitivement celui d'une réprobation des conseils d'administration unifiés. Vous avez une crainte qui est, il faut l'admettre, un peu généralisée à ce moment-ci lorsqu'on regarde les mémoires et qu'on entend les gens, une crainte de conseils d'administration unifiés. Évidemment, on devra réfléchir beaucoup là-dessus. C'est un peu

l'exercice qu'on fait. On parie de manque de complémentarité entre les différents niveaux d'institutions. Lorsqu'on parle de conseils d'administration unifiés, on voit toujours la supergrosse structure, évidemment, puisque, si vous en regroupez quinze, ça fait gros. Évidemment, la moyenne qui avait été estimée par les gens qui ont travaillé sur le dossier était d'à peu près quatre établissements qui se regrouperaient. Est-ce que vous pensez qu'il y a possibilité effectivement, tout en respectant ce que vous évoquez, le droit des bénéficiaires, le respect des bénéficiaires, d'arriver à une formule qui permettrait d'unifier certains conseils d'administration?

Mme Lamquin-Éthier: En théorie?

M. Côté (Charlesbourg): Non. Bien, la théorie, on en a parlé pendant longtemps parce qu'on va passer bientôt à la phase pratique. La théorie pour la théorie, ça ne m'Intéresse pas. Une théorie qui peut être pratique, donc qui va s'appliquer et qui va donner des effets dans le champ demain matin, c'est surtout ça qui m'intéresse.

Mme Lamquin-Éthier: Nous, en tout cas, on s'est questionné et ça nous apparaît douteux. Ça nous apparaît douteux parce qu'on a fait certains examens de certains secteurs de CLSC et on a retrouvé beaucoup plus que quatre établissements. Le quatre, j'aimerais ça... (10 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): En moyenne. C'est une moyenne provinciale. Mais, évidemment, vous allez prendre des territoires où on est un peu plus choyés que d'autres.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, bien, en tout cas.

M. Côté (Charlesbourg): II y a eu concentration des différents établissements.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Et c'est l'histoire qui a fait ça. Évidemment, si vous vous retrouvez dans un territoire de CLSC au centre-ville de Montréal, vous avez de fortes chances qu'il y en ait pas mal plus que quatre.

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça. Alors, quant à nous, les investigations qu'on a faites nous ont conduits à pas mal plus que quatre et c'est pour ça qu'on émet de sérieuses réserves. Vous évoquez, et je comprends que vous le fassiez, que ça ne représente pas une superstructure et que le risque semble atténué. Quant à nous, il y a un risque et il n'est pas atténué. Il est réel et concret. Nous, on a la qualité d'être modestes et très simples et on a les pieds sur le sol. Alors, on favorise ce qui est simple et ça nous paraît, en tout cas, si on se place uniquement au niveau du bénéficiaire, des comités de bénéficiaires et de l'usager, une formule simple et accessible. C'est pour ça que le contact va être beaucoup plus direct avec la base si la formule est simplifiée. Pour nous, il nous semble beaucoup plus simple que chaque établissement conserve son conseil d'administration et que les gens restent près de la base.

M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on parle de ces structures, parce que cela fait, évidemment, l'objet de préoccupations, vous êtes d'accord avec une régie régionale...

Mme Lamquin-Éthier: Oui, en principe.

M. Côté (Charlesbourg): ...tout en conservant l'identité propre, par son conseil d'administration, de chacune des institutions. Évidemment, tout en faisant ça, on se rend compte que, malgré le fait qu'il y ait des conseils d'administration d'institutions, on a des problèmes aussi. En faisant l'analyse, on retrouve des problèmes vécus aujourd'hui au niveau des conseils d'administration non unifiés tels qu'on les connaît aujourd'hui, qui sont donc près de la base et qui ont aussi des problèmes.

À partir de ce moment, dans votre document, vous analysez... En tout cas, vous me corrigerez si je saisis mal, mais de ce que je comprends de vos propos, la participation des usagers n'est pas un succès formidable dans les conseils d'administration actuels. J'aimerais en entendre davantage parce que usagers et bénéficiaires sont deux choses; je pense qu'on se comprend. J'aimerais entendre parler à la fois de la participation des usagers parce que, dans votre présentation, comme vous êtes capables de le faire, évidemment, de manière très subtile, on parle de démocratie, alors qu'une démocratie qui fait que les usagers participent aux conseils d'administration et des bénéficiaires, on l'interroge. On dit qu'elle n'est pas toujours bonne parce que, si tu te présentes dans une assemblée publique et que tu as une grande gueule, tu as des chances de gagner par rapport à quelqu'un qui n'aurait peut-être pas une grande gueule, mais des qualités pour le faire.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on attaque des principes assez importants de démocratie où c'est tout le monde qui vote. Dites-moi comment on fait pour régler ça.

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire qu'on n'est pas pour une démocratisation à tous crins où, en vertu d'un principe de démocratisation, on donne ouverture à des gens qui proviendraient de partout et qui auraient le goût, comme on le dit, de vivre une expérience intéressante. Ce n'est

pas ça et, en tout cas, ça ne doit pas être conçu comme ça. C'est pour ça qu'il nous apparaît important, d'une part, d'enlever des conseils d'administration les employés puisqu'on a, en de nombreuses occasions, constaté réellement et concrètement que c'étaient des sources de problèmes. Je peux vous donner des illustrations.

D'autre part, pour s'assurer que la participation de ces gens-là soit valable, vraiment efficace et qu'elle conduise vraiment aux objectifs que vous recherchez, il nous apparaît important de regarder la formation de ces gens-là, l'intérêt et les antécédents pour ne pas avoir des gens qui vont aller là soit pour dire oui ou soit pour dire non, être là sans autres intérêts. C'est ça qu'on veut faire passer comme message. La démocratisation, oui, c'est sûr que c'est intéressant, c'est un principe qu'il faut respecter, mais pas à tous crins, pas au point d'admettre des gens qui n'auraient pas les qualités requises pour siéger sur de conseils comme ça. C'est trop important.

La Présidente (Mme Marois): Si j'étais très, très stricte sur le temps, on aurait terminé pour le gouvernement et on devrait passer à l'Opposition, mais je pense qu'on pourrait s'étendre quatre ou cinq minutes passé l'heure. Alors, M. le ministre, si vous avez une ou deux autres questions.

M. Côté (Charlesbourg): J'en aurais bien d'autres, mais je me réserve le plaisir de vous rencontrer ultérieurement, lorsqu'on aura fait des choix chez nous, pour valider un certain nombre de choses. Je ne le ferai pas avec tout le monde, mais les bénéficiaires, pour moi, ça m'apparaît extrêmement important.

Mme Lamquin-Éthier: Je m'excuse de vous interrompre. Au niveau de la participation, on a parlé des usagers, mais comprenez bien que notre intérêt, c'est d'abord et avant tout les bénéficiaires.

M. Côté (Charlesbourg): Les bénéficiaires.

mme lamquin-éthier: alors, c'est bien important que ces gens-là conservent leur siège aux conseils d'administration et que leur participation soit véritablement intéressante.

M. Côté (Charlesbourg): Juste une dernière question concernant le conseil d'administration composé de neuf membres. À votre recommandation 2, vous dites: "Quatre membres nommés par le ministre, sur recommandation de la régie régionale. " Mais ce que je comprends, c'est que le ministre va sortir son étampe et iI va l'apposer. C'est un peu ça que vous nous proposez, non? Puisque vous dites: Le ministre devrait en nommer quatre, mais vous en recommandez quatre. Donc, ce n'est pas quatre d'une liste que vous recommandez, mais vous recommandez quatre noms dans des secteurs spécifiques.

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que ces quatre membres sont nommés par le ministre, sur recommandation de la régie régionale. Mais nous, pour avoir plus de sécurité, on pense apporter une nuance et cette nuance-là, c'est que les quatre membres devraient être nommés, sur recommandation d'un comité de sélection. Donc, qu'il y ait un comité de sélection de la régie régionale, lequel comité serait composé d'un représentant provenant des organismes communautaires ou des groupes socio-économiques, d'un représentant des comités de bénéficiaires et d'un représentant des autres composantes - je ne voudrais pas être déplaisante là - pour s'assurer, disons, que la personne nommée sera la plus apte à remplir les fonctions.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, dans ce cas-là, c'est que finalement, ça pourrait facilement être nomme par la régie régionale, de toute manière, parce que, évidemment, le ministre là-dedans n'a aucun jeu. C'est peut-être juste un palier d'arbitrage additionnel au cas où il se passe des choses qui ne sont pas correctes.

Mme Lamquin-Éthier: Ouf.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand vous en recommandez quatre et que vous dites au ministre: Tu nommes ces quatre-là, il sort son étampe et il demande à son haut fonctionnaire de la mettre dessus, puis c'est réglé.

Mme Lamquin-Éthier: Nous, ce qu'on veut, c'est qu'au niveau de la régie régionale iI y ait un comité constitué qui reçoive des curriculum qu'il en fasse l'examen et qu'il fasse des recommandations. Et c'est ces recommandations-là qui conduisent le ministre à choisir les personnes les plus aptes pour ne pas. justement, que ce soit du...

M. Côté (Charlesbourg): o. k., mais le ministre n'a pas de choix parce que vous expédiez quatre noms et il doit choisir les quatre.

Mme Lamquin-Éthier: Écoutez, les recommandations qui seront envoyées à la régie régionale, ça pourrait être plus de quatre, mais, parmi celles qui seront recommandées à l'attention du ministre, celui-ci pourra retenir...

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Çava.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le leader de l'Opposition et critique.

M. Chevrette: Oui, madame Durant quelques

minutes, tout ce que je vais dire ne s'adressera pas à vous. Hier, je faisais, d'entrée de jeu, certaines remarques. Puis, comme vous âtes la première, mes remarques s'avèrent tout à fait justes. C'est au ministre que je vais m'adresser et, après ça, je reviendrai à vous. Hier, je disais que précisément l'avant-projet de loi, tel que déposé, ça constituait un carcan intellectuel auquel on ne pouvait pas déroger. On ne peut pas demander au Comité des malades de se prononcer sur d'autre chose que l'avant-projet qu'il a devant lui, alors que tous les discours, hier, parlaient des vrais problèmes en santé, que c'était d'autre chose que de la structurite et des conseils d'administration, qu'il y avait du financement, qu'il y avait de la régionalisation, qu'il y avait l'individu dans ce système-là, qu'il y avait du monde qui était en position de bénéficier de plus de soins de santé que d'autres. Et vous avez répondu, en ce qui vous concerne, exactement à la lecture que vous faites du projet de loi, en tant que groupe. Mais on se rend bien compte que le processus législatif - et je le disais - est faussé. Normalement, on soumet à la commission parlementaire des orientations d'un Conseil des ministres. Normalement, on publie un projet, un livre blanc, un livre bleu, il y a mâme jusqu'à rose. Là, ça démontre une volonté gouvernementale de s'en aller dans une direction.

Ce qu'on a présentement, on ne le sait pas, le ministre lui-même vient de dire: On va vous rencontrer parce qu'il faut faire des choix. Est-ce qu'il n'y a pas eu des orientations de départ? C'est ça qui me faisait dire hier que le ministre ne croyait probablement même pas à l'avant-projet sur lequel on consulte, puisqu'il vient lui-même d'affirmer qu'il y aura des choix et qu'il vous rencontrera par la suite. Le processus législatif et le processus le plus démocratique pour un gouvernement, c'est d'abord de faire connaître ses orientations, d'écouter le monde et de modifier ses orientations si le monde n'accepte pas ses orientations.

Quand on a lu le discours du ministre - on l'a entendu hier - et qu'on regarde le projet de loi qui amène les groupes à se prononcer sur la structure, eh bien, il ne faut pas être surpris. Chaque groupe va venir parler de sa place dans ce système-là alors qu'il y a des enjeux au Québec. La décentralisation ferme, on est-u pour, on est-u contre? On est-u pour une décentralisation, comme le disait M. Castonguay hier, vers les établissements ou si on est pour une structure régionale?

Vous autres, vous optez pour la régie régionale. D'autres pourraient opter pour une structure au niveau d'un territoire de CLSC, une décentralisation au niveau d'un CLSC. Un autre pourrait dire: On va épouser les formes des MRC qui sont une créature d'État. Un autre pourrait dire: On va opter pour une décentralisation vers les régions administratives telles qu'elles existent. Voilà au moins une forme de décentralisa- tion et on adapte les structures après, mais il faut d'abord savoir s'il y a ou non une volonté ferme de décentraliser.

Est-ce que c'est une déconcentration qu'on veut plutôt? À ce moment-là, vous avez probablement raison d'exiger, dans votre mémoire, que les personnes soient des personnes compétentes dans le cadre d'une déconcentration. Votre sens de la démocratie ne prend pas la même connotation si c'est une décentralisation avec des pouvoirs de décider, parce que, si on met les pouvoirs de décision en bas, ça suppose tout le processus démocratique du milieu et ce n'est pas la même connotation de la démocratie. Donc, ce carcan intellectuel dont je parlais hier, dans lequel on est placés, on nous le prouve très bien par la présentation de votre mémoire.

Ceci dit, vous avez quand même débordé sur un point et j'aurai des questions en fonction, d'après moi, de ce qui aurait dû être les questions fondamentales qu'on vous pose. Êtes-vous d'accord avec une décentralisation, oui ou non? SI oui, de quel type de décentralisation et à quel niveau la voyez-vous?

Mme Lamquin-Éthier: Le Comité provincial, lorsqu'il a produit ce mémoire, a volontairement choisi de le produire dans ces termes-là et en utilisant ça, parce qu'on est porteurs du message de la base et ce sont les choses que nous avons discutées avec la base. C'est pour ça qu'on vous dit: Si vous prenez nos recommandations 1 et 2, ce sera ça; si vous ne les prenez pas, bien, ce sera autre chose. On essaie d'être pratiques, quand même.

Une décentralisation, ça peut être très Intéressant, mais il faut voir comment elle va s'exercer. Ça, c'est évident, au niveau du principe, c'est acquis. Ça va être peut-être une solution à bien des problèmes qu'on connaît, mais au niveau des modalités d'exercice, c'est autre chose.

M. Chevrette: À supposer qu'on aille vers une décentralisation certaine, est-ce que vous favorisez les régions administratives ou des unités plus petites de l'étendue d'un territoire de CLSC, par exemple, ou encore de MRC?

Mme Lamquin-Éthier: II y a certainement des gens qui vont être plus en mesure que nous de répondre à ces questions en fonction de l'expertise et de l'expérience qu'ils ont. Nous, ce que nous pourrions vous faire, c'est un commentaire. Ça pourrait peut-être être plus axé vers les besoins si c'était en fonction des régions.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous êtes penchés sur le financement du système de santé au Québec?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, on s'était penchés là-dessus à d'autres moments par le passé.

On avait rencontré la ministre à plusieurs occasions pour y aller de certaines de nos suggestions pratiques.

M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez nous dévoiler les suggestions pratiques que vous avez faites à la ministre, puisque c'est une commission parlementaire publique?

Mme Lamquin-Éthier: Ce dont je peux faire état, c'est que, par exemple, en 1988, on avait rencontré la ministre. On était plus particulièrement préoccupés par la question des urgences et c'est bien sûr qu'on avait abordé cette question-là en utilisant des petits moyens très simples. On avait proposé, par exemple, que dans un établissement on réserve un certain pourcentage de soins de longue durée. Dans un centre d'accueil d'hébergement, par exemple, on pourrait réserver X % pour les soins de longue durée. L'usager qui n'est plus en mesure d'être autonome ne quitte pas rétablissement. L'établissement n'encourt pas nécessairement des ressources additionnelles; on le monte d'un étage. Il reçoit un budget qui est beaucoup plus intéressant. La personne est sécurisée, elle est dans le même établissement, elle ne quitte pas et on lui donne des soins jusqu'à ce qu'elle puisse, ou que malheureusement, elle doive quitter l'établissement.

On avait parlé d'utiliser des ressources alternatives, les autres ressources du réseau qui sont sous-utilisées. On avait parié de développer des réflexes chez la population. On avait parlé de prévention, un peu de modifier les mentalités, les comportements. On avait observé le Québécois et ça me comprend, moi, parce que j'ai trois enfants et quand mes enfants sont malades, c'est toujours le soir ou à Noël, de sorte qu'une des seules ressources que j'ai, c'est l'urgence. On a le réflexe d'aller à l'urgence.

M. Chevrette: Est-ce que vous retrouvez ces éléments dans l'avant-projet de loi?

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que ce qu'on retrouve... Il faudrait que je le regarde plus attentivement. Rapidement, comme ça... Je ne l'ai pas relu dans l'ensemble hier soir; j'aurais dû le faire.

M. Chevrette: Vous dites que...

Mme Lamquin-Éthier: II y a certainement des principes qui sont là, qui vont assurer une meilleure répartition des ressources, mais vous savez, ce n'est pas tout. Il faut que le système aille avec le principe. Si on n'éduque pas les gens, si on ne développe pas chez eux de nouveaux réflexes d'utilisation, si les polycliniques n'ont pas des horaires compatibles, si les CLSC continuent toujours à faire du 9 à 5, si entre deux CLSC il y a autant de disparités, on peut bien discuter longuement des principes, mais, concrètement, les changements vont être difficiles à apporter.

M. Chevrette: Donc, à toutes fins pratiques, vous me dites que vous recherchez, comme bénéficiaires, l'équité dans les services ou l'égalité des services un peu à travers le Québec. Est-ce que vous jugez... (11 heures)

mme lamquin-éthier: l'accessibilité, d'abord.

M. Chevrette: L'accessibilité et, au moins, les mêmes ressources dans tous les milieux pour que ce soit équitable.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Chevrette: D'accord. Est-ce que vous seriez d'accord avec un système privé qui viendrait permettre à ceux qui sont mieux nantis de se débrouiller un peu plus facilement? Par exemple, hier, à la sortie de cette commission, l'ex-ministre de la réforme a dit qu'il voyait très bien qu'il puisse y avoir des cliniques privées, parce qu'il a le 'loin" pour pouvoir se donner des services additionnels. Est-ce que vous partagez ce point de vue là, vous, comme bénéficiaires?

Mme Lamquin-Éthier: C'est une idée qui est intéressante, qui mérite d'être examinée. Je ne pense pas que je puisse la repousser d'un coup. Ça pourrait peut-être ramener la qualité. La compétition, en soi, ce n'est pas mauvais. L'usager aurait peut-être plus de possibilités. Ça pourrait être intéressant. Vous savez, aujourd'hui, il y a un grand magasinage qui s'exerce chez l'usager, mais est-ce que ce magasinage ne s'exerce pas parce que, justement, il manque quelque chose? On voit un médecin, on n'est pas satisfait et on sent comme le besoin d'en voir un autre. S'il y avait des indices de qualité qui étaient plus forts, plus présents, on couperait peut-être ce magasinage-là.

M. Chevrette: Est-ce que vous jugez qu'il y aurait un comité de bénéficiaires dans des cliniques privées du genre de soins de longue durée?

Mme Lamquin-Éthier: Ça pourrait sûrement être envisageable. Je ne vois pas pourquoi, dans la mesure où les gestionnaires veulent avoir le pouls, le bon pouls, savoir comment ça se passe... Je pense que la meilleure façon d'assurer la qualité, c'est d'avoir...

M. Chevrette: Est-ce que vous le feriez par statut légal, comme vous l'exigez dans les centres publics? Parce que, comme comité de bénéficiaires, vous voulez représenter l'ensemble des bénéficiaires du Québec?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Chevrette: À supposer que le gouvernement, a posteriori, après cette commission, décide qu'il y a des centres hospitaliers de soins de longue durée privés... Vous exigez que, dans le public, il y ait des comités de bénéficiaires sur les conseils d'administration. Les bénéficiaires que vous voulez représenter à la grandeur du Québec, est-ce que vous pensez qu'ils ont la même place dans les centres hospitaliers de soins de longue durée dans le secteur privé?

Mme Lamquin-Éthier: Absolument. De toute façon, la lettre de la loi, c'est "tout établissement qui exploite un centre hospitalier, psychiatrique." Enfin, dans la mesure où il y aurait des soins de longue durée, il nous apparaîtrait essentiel qu'il y ait des comités de bénéficiaires.

M. Chevrette: Mais vous savez que...

Mme Lamquin-Éthier: Évidemment, ce serait peut-être plus laissé au bon vouloir de chacun, comme on l'observe actuellement dans certains établissements où ils n'en veulent pas, mais, de toute façon, c'est l'une des faiblesses du texte de loi, à l'heure actuelle. On parte de l'article 118.1, on dit qu'on doit mettre sur pied... Mais, en pratique, il n'y a absolument aucun mécanisme qui a été prévu pour obliger qui que ce soit à mettre un comité de bénéficiaires sur pied. Et c'est un jeu de balle, on l'observe partout. C'est regrettable. Si chaque établissement qui offre des soins de longue durée ou des soins de même nature doit mettre sur pied des comités, qu'il le fasse et qu'on prévoie des mesures pour qu'il les mette sur pied, autant pour le privé que pour le public, puisque ce qu'on vise, c'est la qualité des soins. Et la meilleure façon...

M. Chevrette: À supposer qu'on opte pour le privé, vous savez qu'il n'y a pas de conseil d'administration?

Mme Lamquin-Éthier: Non.

M. Chevrette: C'est souvent un actionnaire.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui. On les vit, ces obstacles-là.

M. Chevrette: Quel est le rôle, à ce moment-là, que peut jouer la régie sur la compétence de vos bénéficiaires? Qui représenterait vos bénéficiaires dans ces centres-là?

Mme Lamquin-Éthier: Le rôle sur la compétence?

M. Chevrette: Oui, les régies. Vous êtes pour une régie régionale...

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Chevrette: ...qui recommande des membres pour représenter vos bénéficiaires.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Chevrette: Vous allez même jusqu'à dire: Bien, démocratie, pédale douce, s'il vous plaît, parce qu'on veut avoir du monde compétent.

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça.

M. Chevrette: Vous auriez beau en trouver quatre, cinq compétents, si l'administrateur dans le privé n'en veut pas, de comité de bénéficiaires, qu'est-ce que vous allez faire?

Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est la difficulté qu'on connaît actuellement aussi pour le public. Alors, il faut continuer, il faut insister, il faut faire comprendre, il faut sensibiliser. Tant et aussi longtemps que les comités de bénéficiaires seront perçus comme des agents de griefs ou des gens qui n'ont pas d'apport véritable à donner - "qu'ossa donne?" comme on dit. Ah! Ils ne sont pas capables - on n'avancera pas. Qu'on cesse de penser que les comités de bénéficiaires, ce sont des créatures qui découlent d'un texte de loi, qui sont là, bidon, et qui ne font rien de valable. Ces gens-là font des choses valables si on leur donne l'occasion de le faire. Qu'on leur donne les moyens de le faire et ils vont faire des choses valables.

M. Chevrette: Vous avez absolument raison sur ce point. J'ai rencontré personnellement le comité des bénéficiaires de Louis-H. Lafontaine. Quand on parle d'incapacité, ceux qui se permettent de parler d'incapacité... Quand on a jasé une couple d'heures avec les deux groupes, on doute de la capacité de certains qui jugent les autres. Vous avez raison.

Mme Lamquin-Éthier: Mais les comités de bénéficiaires à vocation psychiatrique, ce sont des comités qui ont beaucoup de facteurs intrinsèques qui sont différents. D'autre part, la population est très grande. Dans ces comités, s'ils étaient plus, ils pourraient peut-être faire leur travail plus facilement. Ils ont eu beaucoup de difficultés, à celui que vous évoquez, d'une part, parce qu'il y a un conflit de juridictions entre l'ombudsman et le comité de bénéficiaires.

On pourrait faire avec vous un examen beaucoup plus attentif des capacités du comité de bénéficiaires, parce qu'il faut s'autocritiquer. C'est, d'ailleurs, pour ça qu'on va vous proposer un document, parce qu'on est parfaitement conscients des réalités qu'on vit au niveau des comités de bénéficiaires. Les gens vieillissent de plus en plus, ils sont de plus en plus malades, de

moins en moins intéressés à faire partie de comités de bénéficiaires. Pourquoi, pensez-vous? Il faut vous poser ces questions-là. Dans la mesure où les gestionnaires font tout pour ne pas avoir de comités de bénéficiaires, il faut régler ce problème-là. S'ils en ont un comité et qu'ils ne l'utilisent pas, il faut aussi régler ce problème-là. Là, il faut vous demander aussi: Qu'est-ce qu'on fait avec ces deux systèmes-là et quelle est la meilleure façon de reconnaître la primauté des droits et l'exercice pour ces gens-là?

Vous savez, si vous prenez un comité de bénéficiaires - et Louis-H. fait du lobby, quand même, plus fréquemment que les autres - il ne faudra pas tirer des conclusions qui sont applicables à l'ensemble. Chaque comité de bénéficiaires reflète une réalité qui est la sienne. II ne faut pas généraliser. Nous, nous regroupons 329 comités de bénéficiaires. On tâte le pouls régulièrement. On sait où sont les attentes, on sait où sont les besoins et on sait que c'est bon, des comités de bénéficiaires. On sait aussi que ça ne fait pas l'affaire des directions et on sait pourquoi ça ne fait pas leur affaire, parce que ça retourne le gestionnaire à ses propres capacités. Il est obligé de se demander si la job qu'il fait est bonne et s'il la fait bien. C'est pour ça que c'est fatigant.

La Présidente (Mme Marois): Merci M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, vous avez très peu de temps, une ou deux questions tout au plus.

M. Trudel: Rapidement...

La Présidente (Mme Marois): Merci.

M. Trudel:.. une question parce que je vais séparer mon temps et il reste deux minutes. Moi aussi, j'aurai quelques remarques à rajouter, qui ne sont pas directement reliées à la présentation de votre mémoire, sur ce que le critique en matière de santé adressait au ministre de la Santé et des Services sociaux.

Très clairement, le ministre, dans ses observations à la suite de la présentation de votre mémoire a donné deux exemples qui nous font dire qu'on ne sait pas si on étudie le véritable projet de loi sur l'intention du gouvernement. Sur les conseils d'administration unifiés, sauf erreur, le ministre a dit: Comme il semble y avoir une réprobation générale sur ces mécanismes-là, qu'est-ce que vous en pensez? On sait ce qu'à peu près tout le monde pense de ça au Québec, sauf qu'on ne sait pas ce que le ministre, qui présente ce projet de réforme, en pense, lui.

Deuxièmement, on a l'impression de refaire ce que j'ai dit au ministre autour du 15 décembre, le coup des sages-femmes, dans le sens suivant: il indique la volonté du gouvernement, mais, par ailleurs, procède à une consultation particulière. Il a dit, tantôt: J'aurai à vous revoir dans un cadre particulier. Ce cadre particulier, bien sûr qu'il exclut l'Opposition toujours, ça va de soi; et c'est un mécanisme dont on ne sait pas l'aboutissement terminal, dans le sens: est ce qu'on reviendra auprès des gens concernés, des groupes concernés pour savoir véritablement ce que ça veut dire, ce projet de réforme là?

Une question qui s'adresse à vous maintenant, directement, sur la protection des droits des bénéficiaires: Est-ce que vous pensez que le projet de loi devrait indiquer clairement que les bénéficiaires du système de santé et de services sociaux du Québec devraient être protégés de façon législative sous la responsabilité du Protecteur du citoyen du Québec? Vous y avez fait une allusion tantôt, en disant: Là où il y a des ombudsmen ou des protecteurs du citoyen, de façon interne et ce n'est pas dans toutes les institutions au Québec - ça ne va pas très bien. On sait que la...

Mme Lamquin-Éthier: Non.

M. Trudel:.. Loi sur le Protecteur du citoyen, au Québec, actuellement, ne donne pas la responsabilité de la protection des droits des bénéficiaires dans le système de santé et de services sociaux au Protecteur du citoyen. Compte tenu de ce que vous avez dit, est-ce que vous seriez d'accord pour que l'on inclue dans le mandat du Protecteur du citoyen la protection des bénéficiaires et de leurs droits en toute période, peu importe s'il y a conflit ou pas?

Mme Lamquin-Éthier: Nous avons rencontré le Protecteur du citoyen et on l'a rencontré justement parce que son actuel mandat ne lui permet pas d'embrasser notre clientèle et de faire des choses avec lui. Maintenant, on a regardé si l'éventuelle extension de son mandat changerait quelque chose. A priori, il n'apparais sait pas que ça engloberait notre clientèle, mais, en tout cas, on est en train de sonder encore ces pistes-là avec lui. Ça pourrait être intéressant, oui. Il faudrait voir, encore là, les modalités d'exercice. On a déjà abordé le Protecteur dans cette optique-là.

Si on vous donne le tableau cumulatif des plaintes, c'est pour vous montrer que le Comité provincial des malades, par ses actions depuis les dernières années, se dessine de plus en plus comme étant le protecteur des malades. Des gens se réfèrent à nous parce qu'on est vraiment là pour les aider et c'est vraiment ce qu'on fait. Le document sur lequel on travaille et qu'on va remettre aborde ces questions-là. Qu'est-ce qu'on peut envisager en matière de protection des droits? Est-ce que ça sera un organisme indépendant qui découlera du Protecteur du citoyen, qui serait au-dessous de ses bras ce n'est pas ça

que je veux dire, mais c'est ça que je dis - sous sa juridiction et qui aurait donc des pouvoirs? Ou est-ce que ça pourrait être un organisme indépendant qui pourrait dépendre directement, par hypothèse, de l'Assemblée nationale et qui aurait des pouvoirs d'intervenir, de faire enquête et qui pourrait, lui, être doté d'une banque d'ombudsmen qui pourraient, eux, intervenir dans les établissements? Ça soustrairait l'ombudsman au conflit dans lequel il se trouve actuellement. Il y a plusieurs façons d'envisager ça.

Actuellement, le mandat du Protecteur du citoyen n'englobe pas... Telle que formulée, l'extension de mandat, ça ne l'engloberait pas. Alors, c'est pour ça que nous, on se demande comment on pourrait arriver à trouver une formule qui protège vraiment les malades. Et ça serait bon que ça soit inclus dans un texte de loi mais il faudrait qu'on vous soumette un document bien étayé à cet égard-là.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme Lamquin-Éthier. Je vais maintenant passer la parole au ministre pour conclure, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Uniquement...

La Présidente (Mme Marois): Nous avons terminé, évidemment, le temps qui était alloué.

M. Côté (Charlesbourg): ...vous remercier et vous réitérer, que ça fasse ou pas l'affaire de ceux qui sont en face parce que le ministre sentira le besoin de consulter à nouveau des gens avant d'en arriver à la réforme finale, c'est encore lui qui a la responsabilité de ce qu'il déposera à l'Assemblée nationale. Et, dans cet esprit-là, nous nous reverrons, compte tenu de l'importance que vous avez comme représentants des bénéficiaires. Et si l'objectif de tout le monde dans cet exercice est le bénéficiaire, il me semble pleinement logique de revoir les représentants du comité des bénéficiaires pour voir si, effectivement, ce que nous ferons comme mesure finale - parce que c'est un avant-projet de loi, ce n'est pas un projet de loi... Si c'était un projet de loi, on serait dans un autre forum. Comme on est dans un avant-projet de loi, c'est que, forcément, il y a des choses à modifier et, s'il n'y avait rien à modifier, on ne serait pas ici. Donc, il y a des choses à modifier. C'est comme ça que j'ai pris le principe des différentes interventions et soyez sûre qu'on vous reverra avec le plus grand des plaisirs.

M. Chevrette: Je voudrais aussi vous remercier, madame, et vous rappeler une phrase que je disais hier: Le ministre apportera des modifications substantielles à l'avant-projet de loi et j'envisage mal comment il pourrait poursuivre le processus législatif sans tenir de nouvelles audiences particulières.

M. Côté (Charlesbourg): Oubliez ça.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, Mme Lamquin-Éthier d'être venue témoigner devant les membres de la commission. J'inviterais maintenant la Fédération des ACEF du Québec à prendre place à la table, s'il vous plaît.

Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à nos audiences, à notre consultation. Évidemment, comme tout le monde a des obligations et que les travaux de la commission doivent se terminer à 13 heures, on va essayer de vous entendre et de poser les questions que nous avons à poser à l'intérieur d'une enveloppe de 50 minutes. Et on répartira ainsi le temps avec le gouvernement et l'Opposition. Essayez de ne pas dépasser les 20 minutes et, si vous pouvez môme faire votre présentation en une quinzaine de minutes, ça faciliterait un petit peu les choses. Je vous inviterais à présenter aux membres de la commission les gens qui vous accompagnent.

Fédération des ACEF du Québec

M. Nolet (Donald): Bonjour à tous les membres de la commission. Mon nom est Donald Nolet. Je vais vous présenter les autres membres de notre commission qui s'appelle la Commission sur les dossiers sociaux de ia Fédération des ACEF du Québec, et vous présenter le déroulement de notre présentation. Il y aura d'abord Henri Goulet qui nous introduira le sujet. Ensuite, Paule pariera de la reconnaissance des groupes populaires, donc, en réaction avec l'avant-projet de loi, et Philippe Dorais va nous parler de l'autonomie des groupes populaires et je terminerai avec les recommandations que nous avons à proposer. Henri. (11 h 15)

M. Goulet (Henri): Alors, brièvement, en guise d'introduction, on tenait à rappeler quand même que la réforme du dossier de la santé et des services sociaux au Québec a mobilisé des énergies assez incroyables depuis quasiment cinq ans maintenant. On mentionnait dans notre introduction de mémoire: Plus de 6000 personnes rencontrées, 800 représentations écrites, plus de 20 000 pages d'études et on nous annonçait, hier, au-delà de 243 mémoires à entendre ici. Ça veut dire que le secteur de la santé et des services sociaux intéresse énormément de monde et ça touche énormément de citoyens et citoyennes au Québec.

La Fédération des ACEF du Québec est un organisme qui prétend être un intervenant social au Québec depuis plus de 20 ans déjà. En passant, entre parenthèses, la Fédération des ACEF n'a jamais réussi à percer les critères de subventions du ministère des affaires sociales et du ministère de la Santé et des Services sociaux pour être subventionnée pour le travail social qu'elle fait depuis plus de 25 ans au Québec. On

y reviendra de toute façon.

Dans notre présentation et en guise d'introduction, ce qu'on voulait dire, c'est surtout... On ne pouvait pas passer sous silence le travail qui a été fait au niveau du document "Orientations" présenté par Mme Thérèse Lavole-Roux. Je voudrais, premièrement, souligner très rapidement qu'il y a deux points là-dedans qu'on voulait soulever, c'était que, enfin, à la suite des rencontres qu'on avait eues avec la ministre lors de sa tournée provinciale, on avait beaucoup discuté de cette question-là avec elle, c'était que les problèmes socio-sanitaires y sont enfin reliés à la situation économique des familles, c'est-à-dire très grossièrement, c'est évident que les familles à faible revenu, les plus pauvres de notre société sont toujours plus malades, vivent toujours dans des environnements plus pollués, plus difficiles etc., et donc requièrent plus de services. Ça, on trouvait ça très important que dans le document "Orientations" on ait campé cette réalité-là de façon très nette, finalement, à la suite de l'enquête de Santé Québec qui venait tout juste de sortir.

La deuxième réalité qu'on voulait souligner de façon très importante, c'est qu'enfin, dans un document gouvernemental, on faisait une présentation fort intéressante, une présentation de ce que c'est qu'un organisme communautaire au Québec, un organisme communautaire travaillant, offrant des services en santé et en service social. On a trouvé exactement une façon de présenter, une façon de définir en démarcation par rapport à des institutions du public ou du réseau public qu'est-ce que c'est que la spécificité d'un organisme communautaire. Dans quelques pages ramassées très bien, on a réussi aussi à dégonfler l'espèce de dualisme qu'on a toujours traîné partout dans beaucoup de ministères entre des groupes de services et des groupes de défense de droits. Ce n'est plus vrai que les groupes communautaires ont fait de la défense des droits d'un côté et qu'on ne fait jamais de service. Habituellement, c'est toujours les deux mêlés et l'un ne va jamais sans l'autre. Donc, on ne peut pas être subventionné uniquement ou reconnu uniquement pour des offres de service qu'on fait aux citoyens et citoyennes ou pour des droits de défense. C'étaient les deux points qu'on voulait mentionner et qu'on trouvait très importants dans le document d'introduction.

Trois faiblesses qu'on trouvait importantes, c'était justement la régionalisation, c'est-à-dire que, pour nous, ça nous apparaissait dans ce document comme étant une espèce de déconcentration administrative, je n'insisterai pas beaucoup là-dessus. Donc, une situation de crise au ministère, je pense, qui est assez évidente et que tout le monde reconnaît et qu'on multipliait finalement ou qu'on voudrait multiplier par douze cette situation de crise. Ça ressemble un peu étrangement à douze sociétés distinctes qui originaient de Vancouver, il n'y a pas longtemps.

L'autre point, c'est le silence sur les coûts des soins de santé. Donc, encore une fols dans le document d'étude, le problème majeur qui semble circuler partout depuis cinq ans, c'est la hausse importante des coûts du réseau au Québec et, bizarrement, dans ce document-là, on ne parle jamais finalement des problèmes de coûts ou d'où origlnent finalement les coûts dans le réseau public. Nous mentionnions, entre autres, que, finalement, toute l'analyse de la rétribution à l'acte de la part des médecins, c'était un problème majeur, c'était un système qui est très onéreux, et on aurait beaucoup souhaité que ce système-là soit révisé.

Malgré ces quelques critiques, mais surtout à cause des perspectives intéressantes qu'on retrouvait dans ce document là pour l'avenir des organismes communautaires au Québec, nous attendions avec grande impatience l'avant-projet de loi. Je passe maintenant la parole à ma collègue, Paule, pour aborder justement l'avant-projet de loi.

Mme Drouin (Paule): Ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait une analyse seulement des articles qui concernaient les organismes communautaires. On retrouve ça à la page 8 de notre document. Mon collègue, tantôt, parlait de la définition des organismes communautaires qu'on avait très appréciée dans le document "Orientations" ce qu'on ne retrouve pas dans lavant-projet de loi. L'avant-projet de loi définit un organisme communautaire comme "un organisme sans but lucratif, constitué en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies, qui oeuvre dans le domaine de la santé et des services sociaux et dont le conseil d'administration est composé majoritairement d'usagers de l'organisme ou de membres de la communauté", et ça s'arrête là. Et ça, c'est contrairement aux divers établissements, les centres hospitaliers, les CLSC ou les CSS qui, eux, sont très définis. Nous, on trouve que la définition des organismes communautaires est limitative et qu'elle passe sous silence la spécificité de nos objectifs, des services qu'on offre et de notre fonctionnement et, finalement, de notre mission. Aussi, elle évite de préciser qui on est et on pense aussi qu'une bonne façon de ne pas reconnaître quelqu'un, c'est d'éviter de le définir, justement. Et aussi on croit que de mentionner l'existence des organismes communautaires, c'est différent du fait de reconnaître le rôle qu'ils jouent. Je passe la parole à Philippe pour continuer.

M. Dorais (Philippe): En ce qui concerne la question de l'intégration des organismes communautaires dans la nouvelle structure, il y a deux points majeurs que j'aimerais souligner. Tout d'abord, dans les articles 27, 28 et 29 de l'avant-projet de loi, les organismes communautaires apparaissent comme des palliatifs à l'insuffisance du système. On est là, un petit peu

placés en bout de ligne, au cas où le système serait incapable de répondre à la demande ou serait incapable d'offrir les services nécessaires aux bénéficiaires. C'est clairement établi dans l'article.

Si on continue un peu plus loin, l'article 157 accentue un petit peu ce phénomène-là dans la mesure où cet article-là semble vouloir concrétiser le rôle minimal des organismes communautaires dans le sens où on leur offre d'une certaine façon un rôle de sous-traitants dans le système. Or, à notre avis, ça limite drôlement le rôle, en tout cas, des organismes communautaires dans cette structure.

L'autre point que j'aimerais souligner, c'est la question de l'autonomie. L'article 244 parle du rôle de la régie régionale par rapport à la définition des tâches, à la répartition des tâches entre les établissements et les organismes, sauf que cet article-là ne reconnaît pas du tout l'autonomie des organismes. Il n'y a rien là-dedans qui mentionne ça. En fait, si on va plus loin, on voit que non seulement on ne reconnaît pas vraiment l'autonomie, mais en plus on la menace, cette autonomie, à l'article 243, puisqu'il est dit textuellement: "La régie régionale peut, pour l'exercice de ses fonctions, requérir des établissements et des organismes communautaires de santé et de services sociaux de sa région, les renseignements nécessaires sur les clientèles..." Or, je vous rappelle une chose, c'est que plusieurs organismes communautaires dont les ACEF donnent des services concrets aux bénéficiaires, aux usagers et on traite ces dossiers-là de façon strictement confidentielle. Nous, c'est toujours ce qu'on dit quand les gens viennent à nos bureaux, que nos dossiers sont confidentiels. Personne n'a accès à ça. Alors, pour nous, ce serait un précédent dangereux que de vouloir obliger un tant soit peu les organismes communautaires à fournir des renseignements personnels sur la clientèle qui bénéficie de nos services.

On pourrait aussi mentionner l'article 240 de l'avant-projet de loi qui dit que la régie doit, en collaboration avec les organismes communautaires, entre autres, prévoir des programmes. Or, je ne sais pas, il y a comme une possibilité, encore là, d'empiétement sur l'autonomie de gestion des organismes communautaires, je crois.

En conclusion, par rapport à ce que je viens de dire, je dirais que les organismes communautaires, vus dans cette perspective-là, sont comme poussés vers une certaine forme de marginalisation qui est déjà un petit peu commencée. On ne semble pas reconnaître du tout le rôle important des organismes communautaires dans la mesure où ils apportent des solutions alternatives originales et, surtout, peu coûteuses. Ça, je pense que c'est un élément important, l'argent. Encore là, on ne reconnaît pas cet aspect dans l'avant-projet de loi. Je vais passer la parole à Donald.

M. Nolet: Au niveau des recommandations, la première qu'on formule, c'est un moratoire sur les propositions de l'avant-projet de loi, en tout cas celles qui concernent les organismes communautaires. Après toutes les réserves qu'on a mentionnées avant, on n'en veut tout simplement pas. Un moratoire de trois ans où il y aurait formation - c'est une autre recommandation -d'un groupe de travail conjoint MSSS et organismes communautaires, avec un mandat qui est détaillé dans le document qui vise, évidemment, à redéfinir correctement le rôle et la place des organismes communautaires. En attendant aussi, pendant le moratoire, on suggère que le Service de soutien aux organismes communautaires qu'on appelle le SSOC continue à distribuer l'argent aux organismes communautaires.

Une autre recommandation pour répondre aux besoins criants des organismes communautaires, une hausse immédiate du budget du SSOC à 1 % du budget du MSSS. Finalement, on insiste sur la révision de ia représentation des organismes communautaires au niveau des régies régionales.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Alors, je vous remercie, M. Nolet. Je vais maintenant passer la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Si j'ai bien saisi votre présentation et la lecture du mémoire, vous retrouvez une distorsion entre les Orientations et l'avant-projet de loi. Si on reprend les Orientations, à la page 82, lorsqu'on parie de la reconnaissance des organismes communautaires, quatre éléments sont définis. On dit: Premièrement, définissent librement leur orientation, leur politique et leur approche. Deuxièmement, réalisent soit des activités bénévoles, soit des activités partiellement rémunérées, mais sans but lucratif, dans le domaine de la santé et des services sociaux. Troisièmement, sont incorporés en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies et, quatrièmement, ont un conseil d'administration composé majoritairement d'usagers ou de membres de leur communauté.

Je comprends que ces quatre éléments sont acceptés par les ACEF. Vous dites: On ne les retrouve pas nécessairement à l'intérieur de l'avant-projet de loi et c'est ce qui crée de la distorsion entre l'avant-projet de loi lui-même, donc la volonté politique exprimée dans un avant-projet de loi, par rapport aux orientations à l'intérieur du document. Effectivement, le premier et le quatrième ne semblent pas à tout le moins très clairement reproduits dans (es Intentions législatives parce que ce n'est pas toujours facile de le faire non plus. Est-ce que j'ai bien saisi le sens de votre présentation? S'il

y avait, à l'intérieur du projet de loi. très clairement défini, ce qu'on retrouve à la page 82 à l'intérieur des Orientations, ça éliminerait vos inquiétudes ou du moins une partie de vos inquiétudes. Et dites-moi quelle partie.

M. Goulet: Je peux essayer de compléter par rapport à la question de M. le ministre. Effectivement, dans le document "Orientations", on sentait une volonté, vraiment, un peu dans la môme dimension ou de la même manière qu'on a pris le temps de redéfinir ou de repréciser les tâches, les rôles des centres hospitaliers et des centres d'accueil, de l'ensemble, finalement, des établissements du réseau. On avait aussi pris le temps de définir un peu le cadre de pratique des organismes communautaires que nous venons représenter ici aujourd'hui. C'est l'objectif de notre présentation ici. lorsqu'on a reçu l'avant-projet de loi et comme on l'a souligné tantôt, c'est effectivement une définition un peu simpliste qu'on y a retrouvée. je comprends aussi que, pour un projet de loi, c'est probablement plus compliqué de mettre une philosophie dans un projet de loi, mais je pense qu'il faut trouver le moyen de le faire. mais la distorsion vient surtout du fait qu'étant déjà réduit en termes de définition, c'est-à-dire qu'un organisme communautaire sera dorénavant une association incorporée sous la troisième partie de la lof sur les compagnies, évidemment, ça ouvre la porte à peu près à n'importe quoi et à tout le monde finalement. c'est un point que je trouvais important dans le sens que tout ce qui suit par après dans la restructuration ou dans la réorganisation du ministère, évidemment, les groupes qui assument déjà des tâches sociales ou des services sociaux très importants, actuellement, à l'ensemble de la population, ces groupes-là vont arriver en disqualification par rapport à l'organisation ou la réforme majeure qui s'en vient. lorsqu'on pense régionalisation, quelle place les groupes communautaires ou lesquels groupes communautaires seront reconnus dans une structure décentralisée? (11 h 30)

L'autre problème qu'on constate aussi, c'est l'augmentation effarante des groupes qu'on reconnaît comme bénévoles et communautaires au Québec. Je n'ai pas les derniers chiffres pour l'année en cours, sauf que ce qu'on constate, actuellement, et je pense que c'est partout dans toutes les régions, c'est que le réseau public se dote d'organismes communautaires, dits communautaires, pour faire le travail du réseau et ces groupes-là vont chercher les enveloppes de subventions qui étaient, autrefois, octroyées aux groupes communautaires. C'est ce qui se passe.

De la même façon qu'on dénonçait en fin de semaine le fait que le premier ministre lui-même et tous les députés du Québec, finalement, vont faire un effort pour aller soutenir une campagne de levée de fonds pour le centre hospitalier ou le CLSC local. Les groupes communautaires, on n'est pas compétitifs à ce niveau-là. C'est impossible et on n'a pas de place dans cette structure-là pour nous permettre de continuer, au moins de garder les petits acquis que nous avions. Il faut comparer des budgets aussi. Le budget du Service de soutien aux organismes communautaires, il est autour de 39 000 000 $, je pense, pour au-delà de 1500 groupes, ou tout près. Et le budget global du gouvernement du Québec, pour les affaires sociales, ou pour la préoccupation sociale, ça peut se chiffer au-delà de 12 000 000 000 $. Ça veut dire qu'il n'y en a pas de proportion là.

La reconnaissance, elle n'a jamais existé et on ne trouve pas que dans l'avant-projet de loi, actuellement, cette reconnaissance-là est confirmée ou qu'il y a une volonté de l'accentuer.

M. Côté (Charlesbourg): Vous posez une question qui est très bonne, non pas seulement une question, mais on parle d'un problème qui est réel. Le budget pour l'année en cours est d'au-delà de 47 000 000 $ et la reconnaissance était de quelque 1500 organismes, 1600 organismes. Cela a connu un phénomène tout à fait escalatolre sur le plan de la reconnaissance du nombre d'organismes. Il faut dire qu'il y a l'habileté aussi du milieu à en créer. Et il y a eu cette habileté là de créer des groupes. Moi, je veux me créer une job. Je vais créer un groupe. Il y a tel service qui n'est pas bien rendu. Je vais le faire communautaire. Mais, communautaire, bien souvent ça veut dire aussi un permanent qui est là, pas très très grassement payé. Ce n'est pas vrai qu'avec 15 000 $ ou 20 000 $ de subvention le gars va vivre ou la personne va vivre. D'où... Je vais en arriver à ma question, parce qu'en lisant le mémoire... Vous me direz si je me suis trompé. Je ne suis pas de ceux qui... Je crois aux valeurs du communautaire, il faut que le communautaire continue d'exister, il faut qu'il soit supporté, mais pas tous azimuts, n'importe comment et n'Importe quand. Ce que j'ai pu déceler de la lecture, c'est à peu près ce qui suit. Si je me trompe, j'imagine que, comme vous nous avez parlé tantôt du lac Meech, vous ne vous gênerez pas pour nous le dire non plus. Alors, à chacun sa distinction. Ce que j'ai compris, et ce que je tire comme conclusion, c'est. Reconnaissez-nous, donnez-nous de l'argent et foutez-nous la paix sur le plan de l'administration. Est-ce que c'est ça que vous voulez? Si c'est ça, dites-nous le. Si ce n'est pas ça, dites-moi le aussi.

M. Goulet: Non, c'est très mal connaître l'administration des programmes de subventions.

M. Côté (Charlesbourg): Je la connais très bien, ne vous inquiétez pas. Je la connais très bien.

M. Goulet: Non, mais c'est dans le sens que ce n'est pas vrai. C'est vrai que les groupes communautaires, depuis 20 ans déjà, tout ce qu'on est condamné à faire c'est de venir quêter, finalement, des sommes existantes. Nous, ce qu'on vient dire actuellement, surtout parce que ce problème-là devient un problème majeur dans l'ensemble des régions, c'est le fait que le réseau public se dote d'organismes communautaires et vient pour subventionner, finalement, les services que lui-même devrait rendre, vient chercher les enveloppes qui étaient octroyées aux organismes communautaires auparavant. Lorsqu'on passe, en 1987, de 900 organismes subventionnés au Service de soutien aux organismes communautaires à 1600 en trois ans, il y a un phénomène qui se produit, évidemment. Les sommes qui sont accordées au communautaire n'ont jamais été accordées à leur juste valeur, c'est-à-dire qu'on n'a jamais reconnu officiellement l'ensemble des services sociaux offerts par le communautaire de sorte qu'il y a, effectivement, une disproportion qu'il faudrait réduire. Sauf que cet argent, dans le communautaire, ce n'est pas vrai qu'ils sont donnés dans le sens de "foutez-nous la paix", c'est-à-dire que l'encadrement des programmes, il est très sévère, il est très suivi, il est bien fait, à ma connaissance, pour le nombre de rapports qu'on nous demande, en tout cas.

M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste qu'on se comprenne. Je n'ai pas dit que ce n'était pas bien fait. Quant à moi, si on donne de l'argent, surtout pour des ressources qu'on veut complémentaires ou supplétives, on va devoir donner des orientations. Et si j'ai bien entendu la fin, vous avez dit: C'est quand même bien fait. Alors, au moins, on partage cet avis. Ça prend donc un certain encadrement de façon à ce qu'on ne se tire pas dans le pied non plus avec notre argent. À partir de ça, parce qu'il y a des organismes communautaires qui reçoivent des montants assez substantiels, on est rendu avec deux catégories d'organismes communautaires, si j'ai bien compris en regardant la chose, c'est qu'il y a des gens qui reçoivent des montants substantiels - quand on parle de 100 000 $, 150 000 $, 200 000 $, 250 000 $, ça commence à être substantiel comme argent - puis il y en a d'autres qui reçoivent 3000 $, 4000 $, 5000 $. Alors, ce qu'il faut, c'est faire une analyse de la situation telle qu'elle est et de ne pas mettre sur le même pied les 3000 $, les 4000 $ et les 5000 $ et ceux qui reçoivent 200 000 $, 250 000 $ ou 150 000 $. Ce que vous trouvez, c'est qu'il y a peut-être un peu trop d'encadrement, si j'ai bien compris.

M. Goulet: Non.

M. Côté (Charlesbourg): Non?

M. Goulet: On n'y a même pas accès, nous, à ces programmes de toute façon.

M. Côté (Charlesbourg): Non, par contre vous avez accès à d'autres à ce que j'ai compris: éducation, protection du consommateur, me dit-on. Un excès de générosité de celui qui m'a précédé, qui a été le dernier ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Chevrette, en 1985. Mais de manière...

Une voix: Je ne m'en souviens pas.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, 50 000 $.

Une voix: Qu'est-ce qu'il dit? Il a fait un excès?

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est vrai que vous n'êtes pas reconnus chez nous. Vous avez revendiqué pendant plusieurs années de l'être. C'est vrai que vous ne l'êtes pas, pour différentes raisons que vous connaissez. Il s'agira de voir ce qui pourrait être fait dans l'avenir. Mais une chose est certaine, c'est qu'il y a des sommes plus substantielles. Les programmes voulaient répondre, et ça c'est évolutif. Il s'agit de regarder s'il n'y a pas des choses qu'on peut faire sur le plan de l'amélioration, bien sûr, compte tenu de la vocation même du ministère.

Dans le discours d'hier, ce que j'ai dit c'est qu'on met beaucoup d'efforts sur le curatif. Il faut peut-être en mettre encore davantage maintenant sur le préventif. Peut-être qu'on va finir par se rejoindre à un moment donné, si on réussit à faire le virage qu'on souhaite faire mais, évidemment, à ce que j'ai compris, vous êtes davantage dans le préventif. C'est à cette partie-là que vous vous associez.

Je veux revenir aux régies régionales. Vous avez un constat très dur sur les régies régionales. Quelles sont les améliorations que nous pourrions apporter aux douze - moi, je vous dirais peut-être davantage, puisqu'il y a seize régions au Québec - aux seize sociétés distinctes? Qu'est-ce qu'on doit leur donner de distinctrf pour que ce ne soit pas une déconcentration, mais qu'on donne au niveau régional - parce que je suis un régional iste et on ne me changera pas demain matin - qu'on donne au palier régional suffisamment de moyens pour être capable, effectivement, de ne pas transférer uniquement un problème, mais une partie des solutions aussi par rapport à l'avant-projet de loi?

mme drouin: ce que je pourrais peut-être vous dire là-dessus, c'est que nous on s'est penchés davantage, à propos des régies régionales, sur la composition des régies régionales et la place des organismes communautaires au niveau des régies régionales et dans les collèges électoraux. ce qu'on a remarqué, c'est que les proportions diminuent énormément entre les deux

paliers de la pyramide, si on peut dire, puisque dans le collège régional - ça, c'est à l'article 278 - les organismes communautaires comptent pour 25 % de représentants, puis, au niveau des régies régionales, Ils comptent pour 13 %.

Aussi, ce qu'on remarque beaucoup, c'est que les régies régionales, ce sont elles qui doivent désigner les organismes communautaires qui seront aptes à siéger au collège régional et c'est ie collège régional qui, lui, doit élire les gens à la régie régionale. Seulement, en ce qui concerne les organismes communautaires, c'est que nous on s'est demandé c'était quoi notre place exactement là-dedans, si ce seront les établissements qui devront décider quels organismes communautaires seront aptes ou non à faire partie des régies, et si on doit, finalement, seulement prendre le train en route.

M. Côté (Charlesbourg): Mais j'avais perçu plus que ça dans votre intervention, sur le plan de la régie régionale, parce que c'était quand même assez dur. On crée la régie régionale, mais on crée douze problèmes. On en a un au central, avec le ministère. Là, on va créer douze problèmes différents au niveau des régies. Mais ce que je comprends, là, c'est une question de partage du conseil d'administration quant à la représentativité. Il y aurait moins de problèmes si vous étiez plus représentés, parce que c'est là-dessus que ça porte.

Deuxièmement, évidemment, si vous êtes davantage représentés, vous avez davantage voix au chapitre quant à... Ce que j'avais davantage compris, tantôt, de l'intervention, c'était: Bien sûr, si vous transférez aux régies régionales, des problèmes, transférez-leur aussi des solutions et des pouvoirs de décider ou d'arbitrer. La volonté du document, c'était de dire. Oui, effectivement, les régions, normalement, connaissent beaucoup mieux leur situation et sont davantage en situation de décider elles-mêmes ce qu'elles veulent choisir de manière prioritaire, en termes de développement ou en termes de services qu'elles veulent offrir à leur population. J'avais compris, tantôt, que vous interpelliez à la fols ce qu'on transférait et la composition. Mais, de ce que j'entends de madame, c'est peut-être davantage la représentativité du communautaire, tant au conseil d'administration qu'au collège électoral, que vous questionnez.

M. Goulet: Par rapport à cette question-là, il y avait une position de base, finalement, ou une position de principe qui faisait en sorte que notre analyse ne pouvait nous amener à dire que nous sommes contre une décentralisation politique. Pour nous, c'est très important que, de plus en plus, les services, les ministères soient décentralisés. Pour nous, c'est une position de principe. Dans la formule, dans la structure actuelle ou dans la façon dont c'est amené actuellement, on ne pense pas que ça va régler les problèmes. Sauf qu'on ie dit tout candidement parce qu'il est clair que, nous, on ne représente pas les centres hospitaliers, finalement, les "majors" qui sont touchés là-dedans. Ça va? On n'a pas beaucoup de choses à dire. On regarde le train passer. On regardait le train passer...

M. Côté (Charlesbourg): Via.

M. Goulet: ...pour dire que, finalement, là-dedans, nous, on n'a pas grand-chose à dire. Et ce sur quoi on a quelque chose à dire, finalement, c'est qu'on sent très bien qu'on va se faire passer par-dessus le corps par le Goliath de la santé dans cette restructuration-là, ça nous apparaît clair. Mais, dans la façon de régler le problème qui nous et qui vous concerne, je pense qu'on n'a pas beaucoup de pouvoir de frappe là-dedans, d'organisation ou de proposition, finalement.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, pour...

M. Goulet: On est un peu en dehors de la carte.

M. Côté (Charlesbourg): ...synthétiser, c'est que vous êtes pour une décentralisation politique...

M. Goulet: Oui

M. Côté (Charlesbourg): ...donc, du pouvoir décisionnel.

M. Goulet: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Votre crainte est dans le sens que la santé vous passe sur le corps.

M. Goulet: C'est-à-dire qu'il doit y avoir des principes rattachés à une décentralisation; pour nous, ça nous apparaissait clair, mais peut-être pas dans le document, comme tel. Il doit y avoir des principes de base qu'on doit camper avant d'entreprendre une décentralisation. Nulle part, ce n'est dit, ces principes-là. C'est-à-dire que, dans le document "Orientations*, il y avait des principes. On ne les retrouve pas dans l'avant-projet de loi, de sorte qu'on a affaire beaucoup plus à une structure, à une réforme de plomberie, d'administration. Et nous, à ce nlveau-là, on n'a vraiment pas grand-chose à dire, sauf pour le bout qui nous concerne. Arrêtez la machine, on ne veut pas que ça se passe, c'est-à-dire la régionalisation des enveloppes du SSOC, parce qu'on va se les faire avaler.

M. Côté (Charlesbourg): Je sais qu'il ne reste pas...

La Présidente (Mme Marois): II vous reste encore une minute. (11 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): Je changerais peut-être de sujet. Vous avez abordé le problème de la hausse Importante des coûts auxquels le système est confronté. Vous avez identifié un problème, un des problèmes, ou la solution, le dispensateur de services. Alors, on a parlé de médecins, donc à l'acte. Vous évoquez le fait que, si c'était le salariat, on aurait peut-être - en tout cas, j'étire peut-être un peu votre interprétation - moins de problèmes. Il reste que, dans le système, II y a des abus. Sans atteindre la gratuité, est-ce que vous croyez, au-delà de la dispensation des services... Parce que lorsqu'on compare ce que les médecins gagnent au Québec par rapport à ce que les médecins gagnent en Ontario, la démonstration n'est pas dure à faire, il y a un écart de 40 % entre les médecins du Québec et de l'Ontario, sur le plan des revenus. C'est très très important à ce niveau-là. Ce n'est pas la seule... Est-ce qu'on est dans une situation où il n'y a pas des abus, dans certains cas, de consommation de la part de la clientèle aussi? Parce qu'on peut s'attaquer aux dispensateurs et, effectivement, II y a des problèmes là, mais on peut s'attaquer... Pour qu'il y ait consommation, il faut qu'il y ait un consommateur aussi. Est-ce qu'il n'y a pas, de ce côté-là, des abus? Quelles seraient les solutions que vous pourriez nous proposer pour éviter des abus de consommation?

La Présidente (Mme Marois): M. Goulet... M. Goulet: Oui.

La Présidente (Mme Marois): ...ou M. Nolet, peu importe.

M. Goulet: Évidemment, sur la question des coûts, on a tenu, nous, à souligner l'aspect important dans l'ensemble du budget, entre autres le budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je pense que ça ne doit pas être loin des 2 000 000 000 $.

M. Côté (Charlesbourg): 2 400 000 000 $.

M. Goulet: 2 400 000 000 $?

M. Côté (Charlesbourg): 2 400 000 000 $.

M. Goulet: Alors, c'est assez impressionnant, comparativement à d'autres types de personnes qui aussi travaillent très dur pour assurer les services de santé et les services sociaux au Québec, les organismes communautaires y étant aussi, évidemment. Comment fait-on pour arrêter la machine, finalement? C'est un problème qu'il faudrait discuter. C'est un problème qu'il faudrait mettre sur la table. Il faudrait, d'abord, commencer à en discuter. Le problème, c'est que depuis le début des études entreprises par la commission Rochon, publiquement, cette question, à ma connaissance, n'a pas été beaucoup abordée et je pense que, clairement posée... On a entendu M. Castonguay, hier, en faire mention directement, mais la question du mode de rémunération des médecins principalement, parce que ça touche 80 % du budget de la Régie, il faut commencer à mettre ça sur la table et voir s'il n'y a pas un gaspillage éhonté de types de services qui sont offerts et, en même temps, voir comment ce sont les autres secteurs de la société qui, finalement, assument les frais de ça, nous, les premiers. Ça coûte cher, les médecins, donc on ne peut pas donner plus d'argent aux autres groupes. C'est évident.

Je pense que tout ce qu'on peut dire dans le moment, la question... On sait que la rémunération à l'acte, tout le monde le reconnaît internationalement, c'est peut-être la pire méthode qu'on pouvait choisir. D'autres méthodes ne sont pas, évidemment, une panacée non plus parce qu'on sait, par exemple, qu'en France, actuellement, les médecins sont en grève parce qu'ils sont salariés. Le problème n'est pas simple.

M. Côté (Charlesbourg): Je me permettrais une question additionnelle à ma question principale parce que vous êtes habile, vous n'avez pas répondu à ma question. Étant donné la nature même des gens que vous représentez... Il y a les médecins, je vous ai dit que oui, effectivement, il y a des problèmes là. Mais un médecin ne donne pas des soins à quelqu'un qui n'est pas là. Il y a donc forcément des gens qui consomment aussi. Est-ce que, dans ces cas-là, votre niveau d'appréciation ne fait pas ressortir aussi un des problèmes, qu'il y a des consommateurs et qu'il y aurait, de ce côté-là aussi, certains abus dans la consommation des actes médicaux, pas de ceux qui dispensent - parce que j'ai toujours dit qu'il y avait des abus de ceux qui dispensaient et des abus de ceux qui consomment aussi... Est-ce qu'il n'y a pas aussi, de ce côté-là, certaines lacunes?

M. Nolet: Oui. Je pense qu'on pourrait facilement admettre que, du côté des consommateurs de services, de médicaments et de tout, il y a certaines évidences d'abus. Nous, évidemment, on aime mieux souligner la responsabilité qui vient des dispensateurs de services, dans le cas des médecins et c'est pour ça...

M. Côté (Charlesbourg): Alors, merci.

M. Nolet: ...qu'on parle de coûts des médecins et de salariat des médecins.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je serai bref...

La Présidente (Mme Marois): Mme la Présidente.

M. Chevrette: Mme la Présidente, excusez-moi. Je voudrais vous dire, Mme la Présidente, que chacun a ses sensibilités et il ne faut pas occuper le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux pendant fort longtemps pour comprendre que la santé gobe la très large part du budget de la Santé et des Services sociaux et que, malheureusement, au Québec, très peu est mis sur la prévention. Personnellement, depuis 14 ans, |'ai été à môme de me rendre compte jusqu'à quel point j'ai pu acheminer des gens qui sont sur le point de divorcer, parce qu'ils ont des problèmes financiers, par exemple, ils ne sont même pas capables d'administrer un budget. Je les ai référés à l'ACEF locale et on a réussi à éviter de graves problèmes et à conserver une famille unie. Et je voudrais vous rendre hommage comme groupe, en partant, et vous expliquer mon excès, justement, de générosité au cours de l'année où je l'ai été...

Cela dit, M. le Président, je voudrais maintenant également poser une seule question. C'est au niveau de la décentralisation versus la déconcentration. Ce que j'ai compris de votre mémoire, c'est que vous étiez en faveur d'une véritable décentralisation et non pas d'une déconcentration et, que, d'autre part, vous aviez une inquiétude, s'il n'y a pas de réalignement des politiques, vous aviez une inquiétude pour le communautaire en général, pour que ces derniers ne soient pas étouffés par le secteur santé. D'autant plus que la philosophie prévalant au niveau du communautaire depuis quelques années, c'est: Sois beau, sois sous-contractant et on va te donner des subventions, mais, si tu restes toi-même et que tu travailles selon tes méthodes et ton habitude dans ton milieu, tu n'auras rien. Est-ce que j'ai bien compris votre mémoire?

La Présidente (Mme Marois): M. Goulet ou M. Dorais.

M. Chevrette: Celui qui le voudra.

La Présidente (Mme Marois): C'est ça.

M. Dorais: Je pense que votre interprétation est relativement juste en ce qui me concerne. Je crois que ce que nous défendons là-dedans... Au fond, on sait que l'appareil actuel est très lourd. On croit que ce qui est proposé actuellement ne réglera pas le problème de lourdeur. On dit une chose, c'est que, comme M. le ministre Côté parlait tantôt de solutions à des problèmes de surconsommation ou autres, je crois qu'il en existe des solutions. Je prends l'exemple des sages-femmes. On vient de... On a décidé de faire une expérience-pilote avec les sages-femmes. D'après mol, c'est un pas dans la bonne direction au niveau de la réduction des coûts de santé. Il y a beaucoup d'autres expériences qui se poursuivent actuellement dans les groupes communautaires, tant sur le plan social que de la santé et on oublie souvent que ces expériences-là, en tant que telles, sont très peu coûteuses. Je ne peux pas parler pour l'ensemble de ces expériences-là, mais il y en a plusieurs là-dedans qui donnent des résultats très positifs. Mais, par contre, on ne les reconnaît pas et c'est ce qui pose le problème à la base.

La Présidente (Mme Marois): Oui? Vous voulez compléter la réponse? D'accord. Ça va.

M. Goulet: Je veux juste compléter par rapport à la question de M. Chevrette. Je pense que l'analyse, globalement, est pertinente pour le communautaire. Mais en même temps j'aimerais revenir aussi sur la question du ministre tantôt au sujet du comportement des consommateurs par rapport aux services. Je pense, effectivement, qu'on fait face à un problème social important, c'est-à-dire non pas uniquement - parce qu'on s'en occupe aussi - la consommation de biens indéfiniment accessibles sur le marché - II n'y a plus de limite pour les biens - mais aussi, d'une certaine façon, ça entraîne par le fait même une consommation excessive de services. Et c'est un problème de société. Nous, quand on va dire, par exemple, qu'il y a une consommation excessive de médicaments chez les bénéficiaires d'aide sociale, chez les personnes âgées de plus de 65 ans, parce que ça coûte de l'argent et qu'on est capable de chiffrer ces montants-là, on est d'accord pour dire que ça n'a pas de sens, que c'est énorme. Il y a effectivement une consommation excessive. Comment change-t-on ça? On coupe le programme ou on commence à dire: II y a une éducation importante à faire sur l'utilisation des services publics. Mais ça ne veut pas dire... Le problème aussi, c'est que les familles à faible revenu et les secteurs... Et, dans le projet de réforme, nulle part il n'est mentionné que certaines régions seront favorisées parce que le revenu est plus faible. Ils ont donc des problèmes beaucoup plus importants de santé, ils ont besoin de beaucoup plus de programmes d'éducation, de services sociaux. Nulle part il n'y a des réalités locales ou régionales qui sont pointées ou qui sont visées, c'est-à-dire que tout le monde va avoir la même chose sur un même pied. Et on pense que ça n'a pas de sens, parce que, effectivement, dans certains secteurs, il y a une proportion... Et je pense au Montréal métropolitain surtout, les bénéficiaires de l'aide sociale sont majoritairement concentrés là, les poches de pauvreté sont principalement concentrées là aussi. Qu'est-ce qu'on va accorder dans ce programme-là pour des programmes spéciaux à l'intention de ces couches de population? Nulle

part, ce n'est dit.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, il vous reste une quinzaine de minutes...

M. Trudel: Très bien. Je veux vous remercier de votre...

La Présidente (Mme Marois): ...si je veux être équitable par rapport à l'autre parti.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Présentation et document extrêmement intéressants. On comprend, par ailleurs, qu'il y a beaucoup d'éléments que vous soulevez dans votre mémoire qui ne nous apparaissent pas complets, mais je pense qu'il faut toujours comprendre qu'on ne peut pas demander à des associations ou à des groupes, comme vous êtes, d'être à l'extrême fine pointe de l'information et de connaître cette espèce de monstre bureaucratique et administratif aussi qu'est devenue l'organisation de notre système de santé et de services sociaux au Québec. Mais vous soulevez des questions extrêmement pertinentes et il y en a une, entre autres, sur laquelle je veux revenir, tout comme le ministre l'a fait tantôt; en tout cas, pour ma part, si vous aviez plus d'informations à nous donner, je pense que ça pourrait être appréciable; c'est au niveau d'une politique de reconnaissance des groupes au niveau de l'action communautaire au Québec. Souhaitez-vous véritablement que l'aide de l'État qui serait accordée, et on reviendra sur l'histoire de la politique qu'à l'intérieur d'une aide qui serait accordée aux groupes communautaires ce soit - et j'exagère un peu en le disant, mais c'est pour bien faire voir la question - détaché des grands objectifs que poursuivrait, par exemple, le système de santé et de services sociaux au Québec? En somme, vos affaires, vos objectifs, votre indépendance, votre autonomie et, par ailleurs, un financement adéquat pour réaliser cela. La question vise uniquement à comprendre quelle serait l'orientation fondamentale qui devrait présider à toute politique de reconnaissance de l'action des groupes communautaires au Québec.

M. Goulet: Je pense que l'éventail, si je comprends bien la question, de réponses, ce pourrait être éventuellement une formule un peu semblable à l'Ontario où on a comme dissocié spécifiquement le secteur communautaire du secteur santé et on en a fait même quasiment un ministère en soi. Donc, ça voudrait dire que ça pourrait être une formule applicable ici. Il faudrait l'étudier, il faudrait l'envisager. Nous - on en a parié, on l'a écrit - même qu'on l'avait présentée à la ministre dans le sens qu'on ne peut plus fonctionner avec l'exemple du Goliath de la santé. On n'est pas du tout dans la même logique, dans la même optique, dans le même plan de travail, on ne peut pas se comparer à ça; on ne peut pas se faire analyser de la même façon non plus. Ça n'a aucun sens. Sauf que le problème social, il est important dans le sens que - et ça, il faut être cohérent mini-malement - les problèmes de santé, s'il y avait plus d'interventions au niveau social, à notre point de vue et selon notre profonde conviction, diminueraient. C'est le travail qu'on essaie de faire, de sorte qu'on a toujours voulu, en principe et au niveau d'une politique globale et complémentaire, rattacher, finalement, santé et services sociaux. La formule est correcte, mais la reconnaissance n'a jamais suivie, c'est-à-dire qu'on n'a jamais pris le temps d'accorder à Pierre ce qui appartient à Pierre et à Jacques ce qui appartient à Jacques. On a toujours voulu utiliser un créneau ou une formule pour les deux. On n'a jamais créé une formule spécifique pour le communautaire, et c'est ce qu'on réclame. Alors, s'il faut dissocier et créer un autre ministère pour le faire, on ne le sait pas; peut-être que oui, mais ce n'est pas évident. On ne le sait pas, on ne connaît pas la réponse à ce niveau-là.

M. Trudel: On comprend cette préoccupation et cette préoccupation étant tellement large, comme vous venez de l'exprimer, je mets ça en relation avec le moratoire de trois ans que vous demandez sur tout ce qui concerne le communautaire dans ce projet de réforme. Je vous avoue que, pour ma part, je suis un peu surpris de ça dans le sens suivant: au moment où on s'engage au Québec dans un très vaste débat sur toute notre organisation des services de santé et des services sociaux et aussi dans ce secteur en particulier de l'action communautaire, vous n'avez pas peur, en réclamant ce moratoire, de vous faire oublier dans le décor et qu'on oublie finalement, encore une fois, de développer cette nécessaire politique de reconnaissance et de financement des groupes et de l'action communautaire au Québec? (12 heures)

M. Dorais: Je pense qu'il n'y a pas de danger comme tel dans le sens où, je pense, ça été écrit dans les journaux, que la réforme qui est envisagée actuellement ne s'appliquera pas dans six mois, ni même dans un an; ça va prendre, deux, trois et même quatre ans avant que ce soit actualisé en fonctionnement concret. Alors, je pense qu'il n'y a pas nécessairement une contradiction là-dedans. Ce qu'on dit, ce que mon collègue, Henri, disait, c'est qu'on ne peut pas envisager analyser les organismes communautaires dans le même cadre que le reste du réseau. Il faut le voir comme étant à part, parce qu'on ne fonctionne pas nécessairement selon les mêmes principes. On vise peut-être des clientèles similaires à certains points de vue, mais la philosophie des principes de base diffère énor-

mément. Nous, ce qu'on dit, c'est: Avant de décider d'une façon un peu péremptoire qu'il va y avoir deux représentants des organismes communautaires à la Régie et tant d'autres au Collège électoral, on devrait arrêter de mettre des structures comme ça qui sont un petit peu artificielles, dans le fond, pour vraiment envisager la problématique sous l'angle de: Comment les organismes communautaires peuvent répondre aux problèmes qu'on vit actuellement aux niveaux sanitaire et social. Et ça, d'après moi, ça m'ap-paraît comme déjà un pas dans la bonne direction.

M. Trudel: Très bien. Allons sur un autre volet de votre présentation, en particulier à la section 3.4 qui est absolument très éclairante sur le problème de société auquel nous sommes confrontés en particulier au niveau de l'organisation et de la dispensation des soins de santé et des services sociaux. Vous avez probablement vu, comme tout le monde, qu'hier, l'ex-ministre responsable de ce secteur d'activité à l'époque, M. Castonguay, a fait appel à des dimensions d'introduction de concurrence entre les établissements, entre les dispensateurs, les unités dispensatrices de services dans le réseau. Il a fait appel aussi à la notion d'une certaine privatisation en termes de compression de l'offre de services compte tenu des coûts qui sont engendrés. Il a fait appel également à une troisième dimension - je vous les mets dans la même question parce qu'on a peu de temps - la notion d'allocation des ressources en fonction de la performance, en fonction du rendement des institutions. Évidemment, ça nous pose une nouvelle définition de la base sur laquelle on devrait appuyer l'allocation des ressources en termes de santé et de services sociaux et d'actions communautaires, cela va de sol. au Québec. Qu'est-ce que vous pensez de cela? Est-ce qu'on devrait s'attarder à cette approche-là? Et, deuxièmement, si la performance, ça vaut pour ce type d'établissement, est-ce que ça devrait valoir aussi pour les organismes communautaires? Une question à double volet.

M. Goulet: Sur la privatisation d'abord?

M. Trudel: Oui, d'abord, et l'allocation des ressources en fonction de la performance.

M. Goulet: Sur la question de la privatisation, nous on avait déjà, de toute façon, analysé dans le premier mémoire la question des HMO. On s'était informé un peu sans avoir l'ensemble du contexte. Pour nous, c'est clair, c'est non. Toute réorientation, toute réorganisation, tout projet de décentralisation devrait au moins partir avec des principes de base: accessibilité, équité, gratuité du système pour tout le monde. Ça ne veut pas dire que le problème est réglé pour autant, mais aussi incroyable qu'on puisse le concevoir, c'est que, hier soir, nous on présentait un petit mémoire au comité de travail d'accessibilité à la justice. Le comité de travail mis sur pied par le ministre de la Justice a posé une question: Qu'est-ce que ça pourrait être, une déjudiciarisation du système, en plus de réviser le programme d'aide juridique? Il a posé aussi la question au groupe: Fournissez-nous des idées sur la déjudiciarisation éventuelle, des alternatives. Lorsqu'on demande aux citoyens du Québec de trouver des alternatives, moi, je pense qu'on est capable de trouver, on est capable de trouver des choses intéressantes et qui ne sont pas nécessairement de l'ordre de la privatisation. Sauf que la question, on ne l'a jamais posée en termes d'alternatives. Si on veut avoir des alternatives, que les responsables politiques posent la question et on pourra en trouver, je pense.

M. Nolet: ...peut-être intervenir au niveau...

La Présidente (Mme Marois): L'autre volet, c'est ça, de la question.

M. Nolet: ...de l'allocation des ressources selon le rendement. Je rattacherais tout simplement l'exemple qui avait été...

La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous monter le ton parce que c'est...

M. Nolet: Oui.

La Présidente (Mme Marois): ...seulement vous qui pouvez le faire. Le micro... Ha, ha, ha!

M. Nolet: Ah! Ici, là? Ce bouton-là?

La Présidente (Mme Marois): Non, non, par votre force de voix.

M. Nolet: Ahl Je voudrais tout simplement reprendre l'exemple qui a été donné tantôt. D'après moi, ce serait beaucoup plus facile... Dans un secteur où il y a une population plus fortunée, que les institutions qui desservent cette population pourraient peut-être plus facilement obtenir un rendement et auraient droit, à ce moment-là, à une plus grande allocation de ressources qui n'est pas, effectivement, définie selon les besoins. Comme on le disait, dans le fond, les poches ou les secteurs de populations pauvres ont plus de besoins.

M. Trudel: Très bien. Vous insistez également, on le comprend facilement compte tenu de votre mission, sur. les programmes alternatifs d'éducation et de prévention. Il ne reste pas beaucoup de temps. Est-ce que, dans vos relations avec les CLSC, vous êtes satisfaits de ce type de relations que vous avez avec ces organismes qui sont chargés de faire de la prévention et, s'il y a des choses qui devraient

changer et qui devraient être introduites dans les pratiques actuelles, comment devrait-on retrouver ça dans une nouvelle définition de l'organisation du système de santé et de services sociaux au Québec?

M. Goulet: Oui, c'est une question très importante. Normalement, les liens entre le communautaire devaient s'arrimer avec le réseau principalement à partir du réseau des CLSC. Je pense qu'aujourd'hui, et on parle pour nos groupes, cet objectif, ce souhait ou cette volonté ne s'est pas fait et c'est principalement à cause d'une réorientation très importante dans la mission des CLSC, c'est-à-dire que les CLSC répondent présentement à un objectif, à 50 % généralement, qui touche une question: le maintien à domicile. Et ils arrivent difficilement à assumer leur programme d'éducation, leur programme d'intervention sociale et leur programme communautaire. Lorsqu'on mentionnait tantôt, et c'est eux qui sont visés, finalement, non pas parce qu'ils sont de gros méchants, mais pour faire leur travail, ils créent des groupes communautaires autonomes qui ont accès aux demandes de subventions et ils peuvent essayer d'extensionner, finalement, leur travail... A notre point de vue, c'est déplorable parce que ce sont des groupes champignons, des groupes qui naissent, et ça n'a pas beaucoup d'impact ou pas beaucoup d'avenir pour l'Intervention sociale et communautaire au Québec.

M. Trudel: Vous dites: Ils sont obligés de créer ces groupes-là compte tenu de la faiblesse de leurs moyens probablement et ils sont obligés de passer par la porte d'en arrière au lieu de réaliser directement et ouvertement ce pourquoi ils avaient été créés au Québec...

M. Goulet: Oui, et c'est très sérieux, ce qui se produit.

M. Trudel:... compte tenu de l'insuffisance du support et de ce qu'ils devaient réaliser comme mission.

M. Goulet: Oui.

M. Trudel: Une dernière, Mme la Présidente, si vous me le permettez.

La Présidente (Mme Marois): Et ça terminera votre temps de parole.

M. Trudel: Je n'élaborerai pas beaucoup sur la régionalisation que vous dites être tout à fait inadéquate en termes de présentation. Vous en avez discuté avec le ministre. J'aimerais poser une question là-dessus. Vous dites: On va pousser en douze morceaux le problème vers les régions sans avoir politiquement fait son nid sur une véritable décentralisation. Hier, dans sa présenta- tion, le ministre soulevait la question de l'im-putabilité de ceux et celles qui occuperont ou occuperaient éventuellement des responsabilités à l'intérieur d'un mécanisme vraiment décentralisé, et c'est une question qui doit se poser partout. Ce sont les sous du public, ce sont les sous de l'État. À cet égard, est-ce que vous avez l'impression - et c'est tout à fait une hypothèse -qu'une régie régionale, qui gérerait les budgets véritablement décentralisés et composée très majoritairement de personnes élues directement par la population, pourrait nous apporter une certaine solution concernant l'imputabilité, c'est-à-dire qu'on pourrait tenir responsables ces gens en termes de décision, par exemple, sur l'allocation des ressources et on pourrait aussi, comme dans tout processus démocratique, les renvoyer chez eux lorsqu'ils n'accomplissent pas les devoirs tels qu'on pense qu'ils devraient être accomplis?

Est-ce que ça pourrait nous amener à une véritable décentralisation dans la gestion du système de santé et des services sociaux au Québec?

M. Dorais: Si on peut parler de décentralisation dans le sens d'une démocratisation, c'est sûr que la participation des usagers en soi, c'est bienvenu. Par contre, c'est un phénomène... La participation de l'usager ne date pas de l'avant-projet de loi, elle était commencée dans les années soixante-dix. On sait un petit peu comment ça fonctionne. En pratique, c'est que les voeux qui sont exprimés par le ministre ne sont pas souvent réalisés sur le terrain parce qu'on conçoit que les usagers sont souvent un peu des pions, des faire-valoir qui sont là pour légitimer les politiques et non pas pour les remettre en question. Il faut se comprendre là-dedans. La démocratie en soi c'est joli, c'est bienvenu, tout le monde est pour la vertu, mais c'est au niveau du fonctionnement qu'il y a de graves problèmes parce qu'actuellement, si on regarde les régies régionales, la façon dont elles sont composées, je ne pense pas que même si on élisait du monde là-dedans, ça réglerait les problèmes parce qu'il y a des intérêts politiques majeurs qui sont défendus dans ces régionales-là.

Si les étblissements de santé occupent une grande place dans les régies, ce n'est pas pour rien. C'est parce que c'est eux autres qui ont le gros bout du bâton. En termes monétaires et financiers, ils ont des intérêts à défendre et ils sont appliqués à tous les autres organismes: CSS, CLSC, etc. Mais, c'est justement, c'est cette logique-là qu'on ne peut pas détruire simplement en élisant du monde. Il va falloir penser à une autre façon de voir ça. Alors, je n'ai pas la réponse complète à ce problème. On n'a pas eu le temps, nous autres, à la Fédération, d'analyser cette problématique-là, sauf qu'on se rend compte que la question de la participation des usagers n'est pas nécessaire-

ment une réponse adéquate. C'est une partie d'une réponse. (12 h 15)

M. Trudel: Très bien, merci.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci. Ça va, M. le député de Westmount? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Dorais: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant le Regroupement de parents pour déficients mentaux à prendre place à la table, s'il vous plaît. Je fais des efforts pour qu'on se rattrape dans le temps, mais chacun, de part et d'autre, demande une petite extension et on n'y arrive pas trop, là.

Alors, M. Faulkner, c'est ça? Bienvenue à la commission. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et ensuite procéder, comme vous avez pu le voir par rapport aux groupes qui vous ont précédés.

Regroupement de parents pour déficients mentaux

M. Faulkner (Marcel): Oui, bonjour. C'est Mme Suzanne Côté, travailleuse communautaire chez nous, qui m'accompagne. Bonjour, M. le ministre, bonjour tous les membres de la commission. Je n'ai pas vu fonctionner les groupes précédents. Je suis en retard, j'arrive à l'Instant.

La Présidente (Mme Marois): Alors, écoutez, une phrase. Vous avez environ une quinzaine de minutes...

M. Faulkner: Oh!

La Présidente (Mme Marois):... pour présenter le contenu de votre mémoire. Le ministre me dit - j'imagine que le leader serait d'accord -qu'on peut extensionner un peu, mais d'une vingtaine de minutes. Il ne faut quand même pas dépasser une vingtaine de minutes. Et, par la suite, une période de questions se partage à temps égal entre les représentants gouvernementaux et les représentants de l'Opposition.

M. Faulkner: O. K., merci. D'abord, un mot sur l'organisme que je représente, le Regroupement de parents pour déficients mentaux. C'est une association de parents de la région de Montréal - on regroupe environ 350 familles - qui ont tous la charge d'une personne déficiente intellectuelle, et ce sont surtout des familles qui ont de jeunes enfants. Alors, dans notre langage, on dit qu'on est de la deuxième génération puisque nos enfants n'ont pas connu l'institutionnalisation, les enfants qui sont nés, disons, après 1974, 1975 où on a cessé cette pratique pour le meilleur. On a, évidemment, beaucoup axé sur toute la problématique de l'Intégration sociale et du maintien dans le milieu naturel et, en particulier, l'intégration en milieu scolaire. Je pense que ça, ça campe un peu, ça nous différencie de beaucoup d'autres organismes qui oeuvrent dans le même domaine, mais qui peut-être rejoignent une population plus âgée et qui sont aux prises avec le phénomène de la désinstitutlonnalisatlon.

En gros, notre mémoire, dans un premier temps, rappelait certaines orientations du document pour améliorer la santé et le bien-être au Québec et, dans un deuxième temps, peut-être une partie plus critique qu'on a axée aussi sur les groupes communautaires. En tout cas, de prime abord, il nous semble déceler une espèce de contradiction tant dans le document d'orientation que dans l'avant-projet de loi où l'on constate, selon nous, un décalage entre les attentes de la population en matière de participation à la gestion des services et la place qui est réservée, finalement, tant aux groupes communautaires qu'aux citoyens, dans le système tel qu'il existe et tel qu'il est proposé.

Je repasse rapidement à la première partie où vous constaterez que juste par les sous-titres - je suis rendu à la page 3 - on reprend de très près le document pour dire, en somme, qu'on est d'accord avec l'espèce de bilan qui est tracé dans les premières pages du document d'orientation, en particulier aux pages 10 et 11, sur l'espèce de critique qu'on fait du système de santé où il y a beaucoup trop de technocratiques, etc. Il y a également un passage où l'on insiste sur les problèmes que pose la discontinuité dans les services. Dans notre cas, c'est particulièrement pertinent parce que, en particulier en ce qui a trait à la déficience intellectuelle, je pense qu'on est obligés d'avoir une approche, qu'on dit dans le document, multisectorieile. C'en est un bel exemple où l'on ne peut pas se cantonner à un programme limité même si la clientèle est spécifique. On aimerait bien, éventuellement, avoir des services qui assurent une espèce de suivi de la personne dans le temps et dans son cheminement. Cette approche-là, forcément, déborde un peu, peut-être, du champ de la santé et des services sociaux parce que les loisirs peuvent être à toucher, le travail et, en ce qui nous concerne, l'école. Mais c'est pour dire que ça manque énormément.

Le nouveau guide pour l'action telle que proposée, on aime bien ce qu'on retrouve dans le document au sujet du fait de centrer le service sur la personne. Cette approche nous Intéresse beaucoup et je cite, en haut de la page 5: Le document propose qu'on doive faire attention au respect, à la dignité, à l'intimité, à l'intégrité de la personne. Comme on représente une catégorie particulièrement vulnérable, je pense que ces mots ne sont pas de la théorie pour nous autres. Malheureusement, comme tout le monde, on a appris par Le Point, la semaine dernière, un cas

qui nous rejoint, qui nous touche beaucoup - je ne suis pas mandaté pour en parler - je vous parie du cas d'euthanasie qu'on a fait sur un enfant mongolien à l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Je ne suis pas mandaté pour en parler, mais c'est juste pour vous dire que ça, ça traduit déjà une attitude qui, malheureusement, est trop répandue dans le milieu et en même temps ça montre jusqu'à quel point notre clientèle, pour parler dans les termes du jargon du ministère, est vulnérable.

Alors, on fait nôtre la recommandation qui est faite dans le document d'orientation, que les établissements se dotent d'un code d'éthique. Je pense que c'est une proposition intéressante qui peut peut-être permettre aussi, justement, à des gens de pouvoir intervenir à ce niveau.

Une approche plus globale en matière de la santé, bien, les déterminants de la santé, le rapport Lalonde qui revient. Tout ce qu'on note, c'est que ça fait quinze ans. Le rapport Lalonde date de quinze ans. On est très sensibles à la nouvelle définition qui est donnée dans le document de la santé qu'on traduirait plus en termes, nous, d'adaptation sociale, finalement. La santé, ce n'est plus juste par la négative de la maladie, c'est un phénomène d'adaptation. Et quand on parle d'adaptation, il y a la personne et il y a les services qui sont en face d'elle. Alors, cette définition pourrait introduire une nouvelle dynamique à laquelle on est très sensibles.

Au niveau des stratégies, encore une fois on est d'accord avec ce qui est proposé: prévention, promotion. Évidemment, ce sont des propositions qui nous apparaissent théoriques, mais, dans les faits, on sait qu'on est loin de ça, en particulier la définition qui est donnée de la promotion, à savoir l'intervention au niveau du développement des conditions favorables à l'amélioration de la santé, tout ce qui concerne également l'apport du communautaire, le communautaire et les réseaux naturels. Si on pense famille, réseaux naturels et réseaux communautaires, de façon plus élargie, ça nous rejoint beaucoup.

Aussi, à la page 7 de notre mémoire, on note la proposition qui est faite de voir à une coopération inter et multisectorielle, éventuellement, dont le ministère serait le maître d'oeuvre. Ça nous rejoint également, mais, par contre, on ne peut pas s'empêcher de se demander si on est sérieux quand on écrit ça. Parce que, dans notre domaine, qui est celui de la personne handicapée, il y avait précisément - je parle déjà au passé - il y a précisément un office qui avait cette approche multisectorielle et qui, à la suite d'une décision relative au transfert de programmes, va, à notre sens, perdre sa substance et éventuellement sa raison d'être et son expertise. On trouve ça malheureux parce qu'on avait justement là un organisme qui avait une approche globale de notre problématique, qui intervenait à plusieurs niveaux, dans plusieurs domaines. À notre sens, on pense qu'on va procéder à son démantèlement prochainement.

Au niveau de la recherche sociale, on a une proposition à faire. Dans le document "Orientations", on a identifié les secteurs prioritaires: santé mentale, adaptation et réadaptation et le sida. Il nous semble que tout ce qui concerne l'approche communautaire devrait faire l'objet de recherches sociales. On devrait ajouter ça comme priorité parce que, premièrement, il y en a très peu de recherches qui se font là-dedans. On Improvise beaucoup, les expériences de désinsti-tutionnalisation le témoignent, avec les résultats qu'on connaît, le phénomène des sans-abri à Montréal, entre autres.

Au niveau des organismes communautaires, le document "Orientations" semble alléchant à première vue. On propose une reconnaissance. On propose même d'en faire des partenaires associés. On va même jusqu'à dire qu'on veut s'assurer que les organismes communautaires aient voix au chapitre, tant dans la détermination des orientations du système - ça veut dire ce que ça veut dire - et les choix d'allocations budgétaires. C'est très intéressant, ça, sauf que lorsqu'on aborde plus en détail l'avant-projet de loi et qu'on regarde les articles correspondant à ça, on s'aperçoit qu'on a affaire à une tout autre logique.

Alors, c'est là que je suis rendu. Donc, dans la deuxième partie un peu plus critique, en gros, une représentation minimale des citoyens et des groupes communautaires. Quand on regarde la mécanique, les modalités de participation qui sont mises en place et la place qu'on réserve, tant au niveau des conseils d'administration des établissements qu'au niveau du conseil d'administration des régies régionales, l'apport à la fois des communautaires et des citoyens est minimal. Ça nous apparaît une espèce de "family compact" qu'on veut créer, un club privé sélect où les gens se "coop" entre eux, où il y a des échanges entre un conseil d'administration de l'établissement et celui de la régie et qu'on se renvoie l'ascenseur, des personnes qui vont sûrement siéger sur les deux.

Évidemment, tout le problème de la participation - j'entendais les intervenants qui m'ont précédé - c'est quelque chose d'extrêmement complexe. On n'a pas de formule magique à proposer. Malheureusement, on n'a pas eu le temps de se pencher là-dessus et d'arriver avec des propositions nouvelles, mais le statu quo nous apparaît préférable à ce qui est proposé, au moins on peut dire ça.

Quant au partenariat, donc, par rapport aux groupes communautaires, je pense que le problème central, c'est l'iniquité au niveau des moyens. On peut bien proposer aux groupes communautaires: Venez siéger à nos différentes tables de concertation, venez, on va discuter de telle chose et de telle chose, mais on n'a malheureu-

sèment pas toujours les moyens, l'expertise, la formation nécessaire, parce qu'il faut bien constater qu'on est en face d'une machine, pas seulement d'une machine, mais de gens qui sont là-dedans à ta semaine, qui ont développé des compétences. C'est bien difficile pour les citoyens que nous sommes de s'impliquer, à part égale, là-dedans.

Par contre, ce qui nous est proposé, c'est d'évaluer la participation éventuelle du communautaire, l'évaluer en fonction de programmes définis par le ministère, appliqués par les régies régionales. On invite les groupes communautaires, moyennant financement, éventuellement, à participer à ces programmes. Je pense que ça va venir dénaturer le communautaire, introduire des pratiques qui ne sont pas celles du communautaire, ni, non plus peut-être les objectifs qui pourraient être différents. C'est une dynamique différente, c'est un monde différent qu'on risque, par ce qui est proposé, de tuer éventuellement. Alors, je terminais en disant, à la page 13, qu'on craint une institutionnalisation des groupes communautaires.

Je n'irai pas plus loin dans mon mémoire, je vous ferai grâce de la dernière partie. Je voudrais juste conclure en disant que, vu de la base, évidemment, le ministère et toutes ses instances nous apparaissent toujours comme étant ce que j'appelle souvent un monstre sacré. C'est comme si - et dans le document d'orientation, ça paraît beaucoup - c'est comme s'il y avait une force à l'intérieur de ce ministère-là qui ne peut pas s'empêcher de centraliser quand il dit qu'il veut décentraliser, qui ne peut pas s'empêcher d'essayer d'encadrer, de mettre la main sur tout ce qui grouille.

J'ai un exemple très récent dans lequel j'ai été impliqué pendant quatre ans dans la région de Montréal, relativement aux politiques de soutien aux familles, qui sont en voie d'élaboration. Nos interventions ont amené l'OPHQ à redéfinir son approche là-dessus, sa politique qui a été publiée récemment. Ç'a amené le CRSSS de Montréal à redéfinir la sienne. Ç'a amené l'ancienne ministre à un ajout de 2 000 000 $ pour le soutien aux familles. Dans la région de Montréal, ça voulait dire à peu près 600 000 $. On s'est rendu compte que, six mois après, dans l'an II de ce budget-là, il y avait à peine 15 % de cet argent qui étaient dépensés pour le soutien aux familles. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas, finalement, respecté les projets qui avaient été mis de l'avant par les groupes communautaires, à la demande même du CRSSS, parce que lorsqu'on a envoyé l'argent dans les régions, c'était accompagné de directives tellement restrictives qu'il n'y avait plus aucun groupe communautaire qui était capable d'opérer à l'intérieur des normes fixées. On a fait des représentations pour corriger ces normes là, brof, on est remonté jusqu'à l'ancienne ministre. Finalement, ç'a n'a rien donné. C'est un petit exemple qui nous indique cette espèce d'appétit insatiable qui caractérise ce ministère qui nous envahit tout le temps.

Je terminerai par un slogan: De grâce, laissez-nous vivre. On parle de santé, laissez-nous vivre. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai une situation double vis-à-vis de votre intervention. Je vous suis des bouts, parce que c'est un appel de quelqu'un qui vit de bénévolat avec le système et qui défend le bénévolat, où le ministère intervient, fait une proposition - elle est peut-être maladroite, elle n'est peut-être pas adaptée aux besoins - mais, à tout le moins, elle vise à faire en sorte qu'il y ait moins de choses qui se décident au central - c'était ça, l'objectif - qu'il y ait plus de choses qui se décident au niveau de la région. (12 h 30)

Ce qui m'étonne un petit peu, c'est que vous dites: Au lieu de nous imposer ce que vous mettez dans votre projet de loi, laissez-nous donc le statu quo, si j'ai bien compris. À partir du moment où on a une problématique, il y en a... Parce que le statu quo, à ce que je comprends, ne règle pas tous les problèmes, parce que vous venez uniquement de nous évoquer, en terminant, un fait où le statu que - si je comprends ce que vous dites - n'a pas réglé les problèmes. Le statu quo a amené de l'argent et, là, finalement, c'est que l'argent ne se dépense pas pour toutes sortes de raisons qu'on peut qualifier d'administratives. Évidemment, si c'est un chèque totalement en blanc, ce ne sera pas compliqué, là. Ce qu'on va demander au ministère, c'est d'avoir dix personnes au budget qui vont, à chaque année, faire la démarche d'aller chercher 10 000 000 000 $ au Trésor et dire: Bon, parfait, tout est transféré; maintenant, administrez-le comme vous voulez, sans règle, sans norme. Mais quand on parie d'Imputa-bilité, il y en a un qui répond. Et s'il y a une "flagosse" qui se passe sur le plan administratif, ils n'iront pas questionner la régie régionale, au moment où on se parie. C'est le ministre qui va être questionné. C'est encore lui qui répond devant ses pairs à l'Assemblée nationale.

Alors, je comprends le sens de l'oxygène. Ça prend de l'oxygène pour vivre. Et ce qui est à la base de ça, c'est, bien sûr, une volonté de donner plus de pouvoirs à la structure régionale qui, elle, va décider d'un certain nombre de choses. J'ai un petit peu de difficultés avec tout ça et, finalement, si j'ai bien compris l'intervention, vous nous dites: On préfère le statu quo, pas sur tout, mais sur des points particuliers, le statu quo par rapport à la structure. D'autre

part, les objectifs, je pense qu'ils ne sont pas très très questionnés. On dit: Dans les objectifs, ça ne va pas si mal; cependant, dans l'avant-projet de loi, il n'est pas évident que l'avant-projet de loi supporte très bien les objectifs ou atteint les objectifs qu'on retrouve dans le document.

J'aimerais vous entendre un petit peu plus, parce que si vous vous êtes fait avaler, vous vous êtes fait avaler aussi par la structure actuelle. Donc, vous avez parlé du CRSSS de la région de Montréal. Je vous pose la question carrément: Est-ce que vous vous sentez mieux écoutés, mieux compris par le CRSSS de la région ou par le ministère? Sans que ça blesse personne. Ce n'est pas ça l'objectif. L'objectif est de dire qu'il va quand même rester un ministère - il peut y avoir dix personnes dedans comme il peut y en avoir 1100 - qui, lui, a une responsabilité sur le plan administratif et il va continuer de l'avoir de toute façon. Ce qu'on vise - je l'ai dit dans le discours, hier - c'est - bien sûr, moi je suis un gars qui croit au régional - de transférer des choses au régional avec des pouvoirs de décision, avec de l'im-putabilité aussi, parce qu'au bout de la ligne, on va se retrouver devant le même phénomène. Mais pour ça, peu importe le niveau où vous allez être, il va falloir savoir que si on se donne des objectifs de santé par l'entremise, d'abord, de la prévention et du curatif - parce que le curatif, on ne pourra pas l'éliminer complètement, mais mettre plus d'accent sur le préventif... Ce sont des objectifs. Pour atteindre des objectifs, il va falloir être capable de s'évaluer de temps en temps et avoir des moyens de contrôle, et cela existe encore au niveau du ministère. Ce qu'on dit: II y a une série de planifications, toute une partie de planification et d "operational isation" des. décisions qu'on aura prises qui peut être confiée - on parle des régies régionales, ça peut être n'importe quelle appellation que vous voulez - mais à un pouvoir régional véritable.

Ce que je comprends bien, c'est que vos problèmes ne sont pas dans la régie, mais dans la manière dont elle est composée et dans la volonté d'être capable de dire des choses et de ne pas être étouffé par les professionnels. Et, moi, j'avais compris, dans la réforme telle que je la vois, que les professionnels étaient assis sur la chaise en arrière. En tout cas, c'est ce que j'ai compris, quand on dit: Pas d'intérêts professionnels sur un conseil d'administration. Évidemment, on est conscient de ça aujourd'hui, sur les conseils d'administration, que les D.G., les médecins, les professionnels, quand ils s'en vont là, s'en vont là avec leurs gros documents et celui qui est sur le conseil d'administration est vite perdu dans 80 %, 90 % des cas. C'est ce que j'avais compris. Je pense que vous n'avez pas compris la même chose et j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Alors, si vous voulez y aller. En fait, il y a commentaires et questions. On a bien...

M. Faulkner: J'ai compris.

La Présidente (Mme Marois): ...compris.

M. Faulkner: Je vais essayer d'éclairer notre position. On n'est pas contre la décentralisation qui est proposée. C'est bien clair. Elle ne nous apparaît pas tellement une décentralisation comme une déconcentration. Je pense que le terme a été utilisé tantôt. Il y a une différence. Le ministère nous apparaît toujours très omniprésent.

Les programmes de santé doivent être nationaux, dans notre esprit. Ça ne nous pose pas tellement de problèmes. Je pense que tout ce volet-là, les attributions du ministère telles que définies, ça nous rejoint. La volonté de décentraliser vraiment, oui ça nous rejoint. Par contre, où on accroche, ce sont les modalités, la mécanique qui est là au niveau des régies régionales. Quand vous me dites: II n'y a pas beaucoup de professionnels; au conseil d'administration de la régie régionale, sur quinze personnes, il y en a sept qui vont provenir des établissements, probablement des directeurs d'établissements, sept sur quinze en partant.

M. Côté (Charlesbourg): Sept sur quinze, ça ne veut pas dire que ce sont des professionnels. À partir du moment où le conseil d'administration, unifié ou pas, n'a pas de professionnels, il ne pourra pas déléguer un professionnel, il va déléguer un membre du conseil d'administration qui n'est pas un professionnel.

M. Faulkner: Qui aura le temps, la disponibilité, les moyens et les ressources de siéger peut-être sur deux conseils d'administration, celui des établissements et celui de la régie, qui va avoir le temps et l'énergie de se familiariser avec toutes les problématiques, surtout si on pense en termes de régie. C'est presque comme le ministère, toutes les problématiques qui gravitent autour de ça. Ça prend quelqu'un qui est à temps plein; ce n'est pas un humble citoyen, comme moi par exemple, qui va avoir les moyens d'occuper un poste comme celui-là et de pouvoir se prononcer pour les déficients, pour les handicapés, pour les personnes âgées, pour le maintien à domicile, etc. Ça ne finit plus.

Quand on dit que... Finalement, notre objection vient du fait qu'on invite des gens qui n'ont pas les moyens. L'intention est peut-être bonne d'amener le citoyen à participer, c'est extrêmement compliqué, on est d'accord avec ça. Mais on aimerait même que le milieu communautaire soit plus présent numériquement, et en termes d'expertise, qu'il soit préparé pour ce faire.

Quand vous demandez la position crûment: Est-ce qu'on est mieux entendu au ministère qu'au CRSSS? On n'est pas mieux entendu au ministère qu'au CRSSS, c'est bien sûr. Ce serait peut-être souhaitable qu'on soit mieux entendu chez nous, dans nos régions. Les régions sont différentes, c'est vrai, et les problématiques sont un peu différentes, même dans notre domaine, qu'on soit à l'extérieur des grandes régions ou à Montréal, ça ne se pose pas dans les mêmes termes, ce ne sont pas les mêmes besoins. On est d'accord avec cette décentralisation-là. Ce qu'on veut, c'est d'avoir les moyens et, d'autre part, quand vous parlez d'argent, l'argent qui m'intéresse... Je n'ai pas fait d'intervention sur les services aux personnes déficientes, |e l'ai pris sous l'angle du communautaire, donc en termes d'organismes de représentation. Et, l'argent qu'on représente au ministère, ce n'est pas beaucoup. Il y a une vieille revendication qui est toujours la nôtre, que le service de soutien aux organismes communautaires représente 1 % du budget du ministère et on n'est pas rendu là, loin de là. Ce serait peut-être le doubler que d'atteindre ce 1 %.

Et, en même temps, on se fait parler d'évaluation. L'évaluation en fonction de programmes qu'on ne définira pas! Dans le rapport Rochon, M. le ministre, il y avait une recommandation à l'effet de créer, ils appelaient ça un comité régional des priorités, qui nous apparaissait être une initiative intéressante qu'on n'a pas retrouvée par la suite, qui aurait peut-être permis à des gens justement qui ne sont pas du réseau d'Intervenir - ce n'était pas une Instance décisionnelle, c'était une instance de consultation - en amont, pas au niveau de l'allocation des budgets, pas au niveau de la gestion des budgets comme on fait dans un conseil d'administration d'établissement, mais au niveau de priorités régionales, au niveau de l'élaboration de politiques.

Je pense que ça aurait été un lieu d'intervention important pour le communautaire. Parce que, bien souvent, le communautaire est en avance sur le réseau, au moins pour sentir les besoins - je pense que tout le monde va l'admettre - et peut-être aussi pour développer des formules nouvelles qui collent peut-être plus à la réalité. Ça, c'est la part du communautaire et on dirait qu'à quelque part, le réseau ne veut pas entendre ça. Pourtant, si on veut faire des économies, c'est peut-être une occasion ou jamais de permettre précisément au communautaire d'exister, non pas juste de survivre, de vivoter comme il le fait présentement, mais d'exister et de pouvoir intervenir puisque c'est de la prévention qu'on fait essentiellement et de la promotion telle que vous la définissez, mais ça éviterait peut-être un paquet de problèmes plus importants qui se poseraient par la suite.

M. Côté (Charlesbourg): Si, demain matin, on était dans une situation où les régies régionales sont créées, donc peut-être en mesure de mieux connaître, de mieux sentir et de mieux apprécier les besoins régionaux... Je ne crois pas, mol, que les priorités dans une région soient forcément les mômes priorités qu'ailleurs. Ça me paraît très très évident et ça m'est toujours apparu que la région elle-même pouvait déterminer ses priorités. Est-ce que vous auriez la même crainte si le budget dévolu au communautaire qu'il soit de 1 %, qu'il soit de 2 %, qu'il soit de 7/10 % là, si ce budget communautaire était priorisé par les régions? Est-ce que ça vous fait peur?

M. Faulkner: Ça nous fait peur dans le cadre qui est proposé, à savoir l'existence de programmes qui seraient définis par le ministère, et que les régies auraient pour fonction d'appliquer, parce que ces programmes-là, le communautaire n'a pas de prise dessus au niveau de son élaboration. Dans ce qui est proposé, je pense que c'est aux articles 231, 232, de mémoire, où l'on dit que le ministre, à sa discrétion, va désigner les organismes provinciaux pour fins de représentation. Autrement dit, le ministre pour se réserver le privilège de consulter qui il veut, quand il le veut. Ça nous apparaît antidémocratique d'une part et, comment on va intervenir pour définir ce progamme-là? On n'a pas de place. On n'en a pas non plus dans les régies. Ça, ça nous fait peur, d'une part. d'autre part, le fonctionnement des groupes communautaires, je pense que les intervenants précédents l'ont dit, il y avait une question qui allait en ce sens-là, ça repose sur l'autonomie. la volonté de prise en charge. je pense que c'est un langage que vous pouvez comprendre. tous les groupes reposent là-dessus. on se créq, non pas par plaisir, on se crée parce qu'il y a des besoins qui ne sont pas comblés par le système. on se crée par volonté de vouloir assumer nos responsabilités et laissez-moi vous dire que dans mon secteur, en termes de déficiences, elles sont extrêmement lourdes. on ne demande pas la charité mais, compte tenu des sommes qui nous sont allouées via le service de soutien aux groupes communautaires du ministère, c'est tellement dérisoire là, on ne devrait même pas en parler. par contre on se permet, dans l'avant-projet de loi, de dire: on va évaluer votre performance. ça veut dire quoi notre performance? ça veut dire quoi pour un groupe de promotion comme le mien? ma performance, aujourd'hui, m. le ministre, c'est quoi? comment est-ce que je vais évaluer ça? et les représentations qu'on fait comme organisme, à tour de bras, à longueur de journée, pour obtenir des services auxquels on a droit. ça va se mesurer comment cette performance-là? il y a quelqu'un, il y a un fonctionnaire à la régie qui va dire. m. faulkner, votre groupe n'a pas été performant cette année parce que je ne sais pas: vous avez

eu 150 téléphones au lieu de 175.

M. Côté (Charlesbourg): J'aime ça que vous preniez votre exemple. Qu'est-ce que vous recevez comme subvention annuelle?

M. Faulkner: On existe, M. le ministre depuis 1982. On est incorporés depuis 1982. J'ai fait plusieurs demandes aux services communautaires. J'ai reçu deux fois 3000 $ sous deux régimes politiques différents.

M. Côté (Charlesbourg): Dans ces conditions-là, vous avez raison de poser ces questions pour 3000 $ ou 4000 $. C'est pour ça qu'au groupe précédent j'ai dit qu'il y a des choses à changer et quand c'est 3000 $, 4000 $ ou 5000 $ ...on ne demandera pas de faire de rapport. Je pense qu'il y a des choses très importantes à ce niveau-là. Évidemment, vous aurez compris que là-dedans, s'il y a 47 000 000 $ qui ont été distribués l'an dernier, il y en a quand même qui ont reçu des montants assez appréciables. Et l'autonomie, moi, j'y crois. Je crois à ça l'autonomie, mais je crois aussi à la possibilité de recevoir des réponses à savoir comment l'argent est dépensé. 3000 $, 4000 $ quand vous élaborez comme ça, évidemment Je comprends que...

M. Faulkner: Je me sens très autonome, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends votre intervention. Si vous aviez eu 200 000 $, je vous aurais posé d'autres sortes de questions, vous pouvez être sûr de ça, parce qu'il y a une distinction très nette entre les deux qui va se faire éventuellement.

La Présidente (Mme Marois): Une dernière question, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, ce que je retiens, c'est que pour que le système soit efficace, qu'on soit capable de défendre les intérêts d'une communauté, il ne suffit pas d'être membre d'un conseil d'administration, mais il faut être surtout formé et préparé pour être capable. À ce niveau-là, il doit y avoir une préparation et une formation des gens qui auront à remplir ces responsabilités.

D'autre part, je retiens aussi la crainte d'être noyé dans des gens représentant les institutions qui vont défendre leur butin à eux, et le communautaire a peur de ça, et pas nécessairement à tort non plus. Je retiendrai un certain nombre de choses des interventions de gens qui reçoivent 3000 $ par année pour défendre l'intérêt de leurs concitoyens. (12 h 45)

La Présidente (Mme Marois): M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. J'aurai trois questions. Tout d'abord, vous dénoncez particulièrement le peu de place qu'a (e citoyen dans le système comme tel et la Complexité du système, mais vous ne dites pas, en contrepartie, comment vous envisagez votre participation pour qu'elle soit optimale. J'aimerais vous entendre.

M. Faulkner: Je l'ai dit tantôt, malheureusement on n'a pas eu le temps de se pencher là-dessus, compte tenu des délais qu'on avait pour produire notre mémoire et que c'est extrêmement complexe. J'ai moi-même déjà participé au conseil d'administration d'un centre d'accueil et, si je me base uniquement sur cette petite expérience, ça m'a pris a peu près un an avant de comprendre ce qui se passait. On était en période de restrictions budgétaires, il fallait couper etc., et je me suis rendu compte que ce n'était pas un lieu d'intervention tellement pertinent pour les parents parce que c'est une job de gestion et d'approbation de budgets, etc. Les problèmes qu'on avait, ce n'était pas là qu'on les exprimait; on les exprimait à l'extérieur. En tout cas, je n'ai pas de formule. J'ai une longue citation d'un M. Julien qui a déjà fait une étude du temps qu'il était à l'ENAP sur la participation des usagers, tant dans le réseau de la santé que dans celui de l'éducation. Il y a plusieurs constats intéressants qui sont faits là-dedans. Ça ne fait que poser le problème. Lui, il dit que la participation pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Je ne ferais pas cette affirmation-là. Il faut ouvrir le système. Mais comment l'ouvrir? Je ne le sais pas.

Pour ce qui est des régies régionales, par exemple, il y a les commissions administratives. Cela nous paraît un lieu peut-être privilégié. Ce n'est pas sur un conseil d'administration, mais les commissions administratives fonctionnent par problématique. Alors, si on va, par exemple, dans le domaine de la déficience, on a affaire aux gens qui sont préoccupés par ça. Ça nous apparaît une place privilégiée d'intervention.

Dans l'avant-projet de loi, à ma connaissance, les régies sont libres de créer les organismes ou les instances qu'elles veulent. On ne mentionne pas de façon particulière les commissions administratives. C'est un lieu privilégié. Ce qu'il y avait comme proposition dans la commission Rochon, "les comités régionaux des priorités", comme elle les appelait, c'est aussi une autre proposition qui peut être intéressante. Ensuite, d'outiller les gens pour y aller. Si on veut l'implication du communautaire, par exemple, pourquoi ne pas demander au communautaire, nous donner le temps d'y réfléchir un peu et en faire une proposition? Je pense que plusieurs groupes seraient intéressés à travailler là-dessus.

M. Chevrette: Vous posez une question de fond, je pense. À la page 15 de votre mémoire, je vous cite au texte: "La logique technocratique de l'État est-elle concHiable avec la volonté de prise en charge individuelle et collective préconisée par les groupes d'entraide et de support?" C'est vous-mêmes qui posez cette question.

Quand vous vous êtes posé cette question-là, avez-vous élaboré certaines hypothèses de réponses et s) oui, j'aimerais les connaître.

M. Faulkner: Malheureusement, non.

M. Chevrette: Vous avez touché du doigt le problème sans...

M. Faulkner: C'est parce que c'est tel qu'on l'a vécu. C'est une réaction, si vous voulez, qu'on faisait à ce niveau-là. Puis, ça caractérise un peu la nature du système, ce que j'appelais tantôt "son appétit insatiable", aussitôt que ça bouge quelque part. Je reviendrai sur le soutien à la famille, mon organisme entre autres, pour parler de ce que je connais le mieux, qui a été un des premiers dans la région de Montréal à élaborer un projet de soutien, c'est un projet de répit gardiennage. Finalement, c'est le CRSSS qui a avalé notre projet et il n'est pas capable de l'appliquer. On a travaillé là-dessus pendant trois ans. C'est juste un petit exemple. Non, pour répondre à votre question.

M. Chevrette: Mais vous me faites réfléchir sur tout le mode de financement des organismes communautaires et je voudrais dire tout haut ce que je pense depuis un certain temps et peut-être avoir votre réaction. Ce sont les organismes communautaires eux-mêmes qui se regroupent, à un moment donné, pour revendiquer. Je prends les centres de femmes, les maisons de femmes, les maisons de jeunes. Ils se regroupent dans une structure. Donc, le premier pas vers la structuration n'est pas fait nécessairement par l'État. Il est fait souvent par la base sous prétexte qu'il y a une revendication à faire ou à poser, à un moment donné.

Vous dites, dans votre mémoire, à plusieurs reprises: Peut-on imaginer, à toutes fins prati ques, qu'il y ait un soutien aux organismes communautaires? Vous dites: Oui. Vous répondez à celle-là d'une façon claire. Ça prend un soutien. Laissez-nous notre autonomie. Et surtout, ne nous institutionnalisez pas. Je vous suis jusque là. L'autonomie de pensée... et c'est vrai que bien des organismes sont nés précisément parce qu'il y avait des lacunes dans le système, des manques, à partir de besoins spécifiques.

Mais, ceci dit, dès qu'on pense à une politique de financement des organismes communautaires, moi je suis d'accord sur un point avec le ministre, c'est qu'il faut faire la distinction entre un service qui est généralisé à la grandeur du Québec et qui devient, à ce mo- ment-là, très structuré. Tu subventionnes per capita ou tu donnes un per diem, par exemple, pour une femme violentée. C'est très différent d'un organisme communautaire où on donne 3000 $, comme vous dites, 5000 $, 4000 $. Ça peut être des organismes communautaires créés pour des besoins très ponctuels dans un milieu. Il y en a d'autres, c'est permanent. Dans votre cas, je reconnais que c'est permanent.

Mais le fait de ne pas vouloir être institutionnalisé d'aucune façon, par rapport à l'obligation de l'État de voir où vont les sous, comment conciliez-vous ça, vous? Mettez-vous à la place d'un ministre ou d'un député, vous dites: Un groupe communautaire pour les parents, c'est 10 000 $. S'il y en a un à Saint-Charles-Bor-romée à Joliette, parce qu'il y a un institut pour jeunes déficients mentaux, et qu'il y en a un autre à Montréal, pourquoi ne pas donner à Joliette si on ne donne pas à Montréal? Pourquoi? Ou, l'Inverse. Je veux dire: s'il y en a un des deux qui l'a, pourquoi l'autre ne l'a-t-il pas? Je vous suis. Mais II va falloir discuter d'une certaine forme pour dire: On vous le donne pour faire une promotion. Sans que tu le veuilles, est-ce qu'il n'y a pas une forme d'institutionnalisation dès que vous voulez étendre l'ensemble du traitement à tous les groupes d'un même secteur? Est-ce que ce n'est pas une forme d'institutionnalisation sans pour autant vous créer des carcans administratifs du même genre de ceux qu'on crée pour les grands organismes?

Je voudrais vous entendre là-dessus parce que dans votre mémoire vous posez beaucoup de questions. Je ne vois pas poindre, en tout cas, des éléments de solution qui pourraient aider à trancher ce dilemme. Parce qu'on est tous pris, c'est vrai. Vous dites même que vous avez eu 3000 $ du présent gouvernement, que vous en avez eu 3000 $ du précédent. Bien sûr, 3000 $, mais |e dois vous dire, moi, qu'il y a beaucoup à faire au niveau du ministère parce que le ministre... Ça ne doit pas avoir changé, ce système-là. Il y a 47 000 000 $, mais il y a des recommandations. Au mois de mars ou avril, on lui dit: Bon, cette année, tu as ces nouveaux-là, tu as des demandes de ces nouveaux-là. Quels sont ceux que tu reconnais dans ça? Dans les anciens, tu as ceux-là. Il y en a qui ont plus ou moins fait de travail, ils se sont chicanés toute l'année et ils n'ont pas travaillé, puis ils demandaient 20 000 $ avant. Puis il y a ceux des réseaux normaux, par exemple, les femmes violentées, les maisons de jeunes.

Je suis convaincu que c'est à peu près ça qui est encore là et je suis convaincu aussi de l'importance d'en arriver à avoir une politique de financement correcte, une politique structurée et qu'on sait... Mais ça suppose - et j'aimerais savoir si vous partagez ça - ça suppose une formule d'accréditation ou de reconnaissance légale. Ne nous barrons pas sur les termes, mais

ça suppose une formule où il y a au moins une reconnaisance de base, avec certains critères. Ça suppose qu'il y a au moins une possibilité - parce que, autrement, le gouvernement serait irrresponsable, quel qu'il soit - d'avoir au minimum un rapport quelconque. Ça suppose un certain suivi sans pour autant imposer des façons de voir et des façons de penser. Est-ce que ça sonne quelque chose dans votre tôte? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que je ne sais pas si on serait plus avancés. On a beaucoup de bonnes questions, mais ces questions-là je dois vous avouer que, personnellement, ça fait longtemps que je me les suis posées. J'aurais aimé que vous contribuiez à me faire une idée plus claire.

M. Faulkner: Malheureusement, je ne pense pas que je puisse contribuer beaucoup à faire avancer votre réflexion là-dessus. Moi-même je me pose ces questions-là depuis, disons, deux ou trois ans. On n'a pas les moyens, malheureusement, de se pencher, de regarder ça et d'essayer de proposer quelque chose. Je l'ai dit tantôt et je le répète: Pourquoi est-ce que le ministère ne prend pas l'initiative de faire une consultation sur la question de la part du communautaire, du financement du communautaire? Je pense que vous posez très bien... On est pognés dans une contradiction où on préconise l'autonomie et on dit au ministère: Finance-nous au moins en partie. On joue sur les deux tableaux. On est en contradiction dans notre propre position. Évidemment qu'avec 3000 $ ou 4000 $ on se sent très libres, mais on en voudrait un peu plus et plus on va en avoir, moins peut-être, on va se sentir libres. Ça pose un problème.

L'accrédition du ministère de l'Éducation pour les organismes, les OVEP fonctionne sur cette formule. Il y a des regroupements d'organismes au sein du ministère, des organimes populaires, d'éducation populaire, et ils font entendre leur voix au niveau du ministère. Il n'y a pas l'équivalent dans le domaine du secteur de la santé et des services sociaux. Chacun des organismes fait son pèlerinage au service de soutien pour essayer d'avoir un peu plus chaque année. La formule d'accréditation, je n'ai rien contre; il restera à voir les critères. Il restera surtout à y mettre beaucoup de souplesse. Je reviens à cette notion. Les groupes communautaires, parce qu'ils sont "plogués" sur les besoins, identifient souvent des besoins qui ne sont pas reconnus par les instances officielles. Une formule d'accréditation pourrait étouffer l'expression de ces besoins-là par sa non-reconnaissance des groupes qui, eux, les ont identifiés.

M. Chevrette: Je vous arrête, juste sur ce point-là bien précis. Je vous ai suivi jusque-là, mais dès que vous dites: II faudrait que la formule d'accréditation soit très très souple... À supposer qu'il y a une somme dans ce qu'on appelle communément un pot ou un "pool'1 d'argent, vous avez 50 000 000 $, chiffre rond. Il arrive un événement dans votre milieu, vous créez un organisme communautaire et, là, vous dites: Bien, subventionnez-moi. Il est possible, d'abord, que la politique de reconnaissance ait épuisé l'ensemble des montants d'argent disponibles, premièrement, et deuxièmement, que ça puisse ne pas être dans les priorités immédiates d'une formation politique. Une formation politique peut avoir des orientations différentes d'une autre. Mais si tu la reconnais, parce que ça s'est créé, il faut que tu la reconnaisses, entre vous et moi, ça conduit où, au bout de la course? Si c'est juste une question de dire: II faut être un petit peu... Tout en mettant toute la souplesse que vous voudrez au niveau des critères, est-ce que vous reconnaissez qu'il nous faut tout d'abord, à partir de priorités qui peuvent être connues, qui peuvent être rendues obligatoirement publiques, à part ça, et discutées en commission parlementaire spécifique là-dessus, peu importe, je ne suis pas contre ça, moi... Là où j'en suis, c'est de dire: Est-ce qu'il faut reconnaître, au départ, qu'il y a une formule de reconnaissance - appelons ça reconnaissance pour ne par être péjoratifs au niveau de l'accréditation parce que ça a toujours des connotations syndicales. Si vous avez peur de ça, enlevez tout ça... Mais est-ce que ça ne prend pas des critères de reconnaissance et, au moins, aussi, un élémentaire... Les organismes de loisirs, par exemple, sont obligés, devant les institutions, de produire un rapport financier. Est-ce que vous reconnaissez que ça prend au moins un élément de contrôle, quelque chose du genre?

M. Faulkner: De toute façon, même dans le système actuel, même pour mes petits 3000 $, je suis obligé de faire un rapport financier au ministère; ça, on s'entend là-dessus. Et dans nos demandes de subvention, on définit nos activités et, avec la subvention, on rappelle les activités qu'on doit faire. Je suis subventionné par l'OPHQ, c'est la même formule, et on lui envoie toute notre documentation également. Ce contrôle-là ne nous fatigue pas.

M. Chevrette: O.K.

M. Faulkner: Ce qui nous fatiguerait, c'est le contrôle sur les activités et l'évaluation des activités. Ça, c'est une autre paire de manches. Vous m'avez dit quelque chose, je voulais enclencher, mais ça m'est sorti de l'esprit, un blanc de mémoire.

La Présidente (Mme Marois): Si jamais vous y revenez, si vous y repensez...

M. Chevrette: Vas-y.

La Présidente (Mme Marois): J'aurais une

question à vous poser et là je m'adresse plus à l'utilisateur ou aux utilisateurs, à madame aussi, que vous âtes, de services, parce que vous êtes parents ou enfin membres d'une association de parents qui représente des enfants qui ont des difficultés en termes de déficience. Vous avez dit, au départ de votre intervention, que l'une des grandes préoccupations que vous aviez - je ne le retrouve pas au texte, mais ce n'est pas grave - c'était le risque pour vous de discontinuité de services, si j'ai bien compris ce que vous avez mentionné. Et un de vos objectifs fondamentaux par rapport à d'autres organismes, probablement de défense des droits... Vous dites: Nous, notre préoccupation majeure, on est la deuxième génération - et c'est donc dans cette foulée-là - c'est l'intégration de la personne au sein de la communauté, jeunes et moins jeunes.

Dans le projet qui est devant nous, est-ce que l'on répond aux attentes fondamentales que vous défendez, qui est d'assurer une continuité de services, d'une part, et, d'autre part, l'intégration des personnes dans leur milieu naturel ou dans le milieu normal, si on veut, entre guillemets?

M. Faulkner: Non, je n'ai rien vu qui répondrait à ça parce que, finalement, dans l'avant-projet de loi, on parie plus de structure Ce serait en référence aux programmes. Les programmes ne sont pas là dans notre secteur. Les budgets sont par établissement. Donc, l'argent va pour les centres d'accueil et pour la deuxième génération, chez laquelle les enfants sont en milieu familial, il n'y en a pas de budget. Il y a l'allocation spéciale pour les enfants handicapés de 92 $ ou 94 $ par mois, point.

La Présidente (Mme Marois): Oui, c'est ça.

M. Faulkner: Donc, c'est à peu près tout. Ça n'a jamais été une revendication, même de la part des organismes dans ce secteur-là; ça n'a jamais été une revendication de l'OPHQ. Ça a été le bonbon qu'on nous a donné II y a dix ans pour qu'on ne fasse pas trop de bruit à partir du moment où les institutions ont été fermées. Puis on nous disait: Vos enfants, vous les prenez ou on va les placer en familles d'accueil, puis oubliez-les. Alors, ça c'était il y a dix ou douze ans. En termes de discontinuité, on est toujours confrontés à ça et puis, malheureusement, si on...

Je pense au secteur scolaire, parce qu'à un moment donné, nos enfants arrivent là, mais pour nous autres, c'est le deuxième choc, après celui de la naissance. C'est la "débarque" quand on arrive au niveau scolaire, parce que les travailleurs sociaux, etc., dans le domaine de la santé ont une longueur d'avance au niveau de la problématique, au niveau de la politique du maintien à domicile dans le milieu naturel, de l'intégration. On arrive au niveau du ministère et ce qu'on nous propose, ce sont des écoles spéciales. Là, on dit: Bien non, ce n'est pas ça qu'on veut. On ne commencera pas à les envoyer dans une école spéciale ou même dans une classe spéciale, parce que, là, c'est la fin, et les enfants ont six ans. Si on s'enligne sur un milieu spécial, Ils vont mourir dans un milieu spécial. Puis, en bout de ligne, quand ils vont avoir 21 ans, Ils ne pourront pas aller dans les Institutions, on est en train de les vider. Alors, dans ce sens-là, il n'y a pas de continuité.

SI on veut un service de transport, il faut s'adresser à qui? Au ministère des Transports? Pour les loisirs, à un autre ministère? Pour que mon petit gars puisse aller au parc l'été, à qui vais-je m'adresser? A la municipalité, au ministère du Loisir, à l'OPHQ pour avoir de l'accompagnement? Il n'y a pas de continuité...

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Donc, dans ce sens-là, ce qui est...

M. Faulkner: ...et là-dedans, non plus.

La Présidente (Mme Marois): ...là ne vous apparaît pas ouvrir vers ce que sont vos besoins, dans le fond, actuellement?

M. Faulkner: Non.

La Présidente (Mme Marois): Moi, j'ai terminé, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Juste sur le dernier point, parce que, effectivement, lorsqu'on pose le problème de discontinuité de services, on le pose de la manière dont vous l'évoquez. Dans le monde scolaire, on sait qu'il y a un projet d'intégration scolaire en discussion actuellement pour approbation par l'OPHQ. Si ma mémoire est fidèle, la déficience mentale n'est pas incluse dans le projet que l'OPHO nous a proposé sur le plan de l'intégration scolaire. Donc, le défenseur des droits des personnes handicapées ou déficientes, c'est l'OPHQ et, évidemment, ça pose un problème. Il peut y avoir effectivement de la discontinuité, mais l'OPHQ est l'organisme qui doit revendiquer et défendre les intérêts des gens qui sont handicapés aussi bien que ceux des déficients mentaux. Donc, il y a des problèmes aussi dans le réseau actuel, même auprès de ceux qui ont à défendre vos intérêts.

M. Faulkner: Je ne voudrais pas laisser passer ça, M. le ministre. Je pense qu'il faudrait vérifier... J'ai lu, la semaine dernière, le document de l'OPHQ sur le transfert des programmes spécifiques en déficience intellectuelle. Il a déjà été question, il y a deux ans, de ne pas transférer pour cette clientèle.. C'était la position de l'OPHQ. Celui-ci a changé sa position là-dessus et on...

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes bien sûr deçà?

M. Faulkner: Oui, je l'ai lu la semaine dernière, monsieur; c'est signé Paul Mercure. Les discussions sont déjà en cours.

M. Côté (Charlesbourg): II faut être prudent.

M. Faulkner: Pardon?

M. Côté (Charlesbourg): On peut lire des choses, mais celui qui signe le mémoire pour aller chercher de l'argent sur le plan de l'intégration scolaire, c'est celui qui vous parle. À l'occasion, entre ce qui est écrit et ce qui se fait, pas uniquement au gouvernement, mais dans certaines officines aussi, il y a des différences. Donc, il faudrait être prudent.

M. Faulkner: Je voudrais bien être prudent, M. le ministre, mais je voudrais aussi vous rappeler que l'année dernière, l'OPHQ, pour la clientèle de déficicients intellectuels, a accordé du service à 686 enfants et que, cette année, il s'en est ajouté, en plus de ceux-là, 707 ou 729 qui ne peuvent pas être supportés par l'OPHQ.

M. Côté (Charlesbourg): il faut faire attention, parce que le débat, on va l'avoir, le vrai débat sur l'OPHQ dans pas grand temps. Il faut faire attention entre ce qui est véhiculé et ta vérité. Effectivement, je suis celui qui, actuellement, défend le dossier de l'intégration scolaire et on pourrait s'en parler très longuement. C'est pour ça que j'ai convoqué à mon bureau, au mois de février, la COPHAN. Avec le conseil d'administration de l'OPHQ, on va tirer des choses au clair sur ce qui se véhicule par rapport à la vérité.

La Présidente (Mme Marois): Alors, merci, M. le ministre. M. le leader, ça va? Vous dites merci aux gens?

M. Chevrette: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise à 15 h 5)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien prendre place, nous allons reprendre nos travaux. Nous avons trois groupes. Nous entendrons trois groupes cet après-midi. Nous commençons par le Regroupe- ment des ressources alternatives en santé mentale, qui sera suivi du Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse et du Mouvement Retrouvailles adoptés-parents.

J'inviterais le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale à prendre place, s'il vous plaît. Est-ce qu'ils sont là?

M. Côté (Charlesbourg): S'ils ne sont pas là, ils ont jasé pas mal.

M. Chevrette: Compte tenu de la température, s'il y a un groupe d'arrivé, on peut passer l'autre et...

La Présidente (Mme Marois): Voilà, c'est ce que j'allais suggérer. Évidemment, ça peut aussi bousculer l'autre groupe qui suit. Est-ce que le Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse... Est-ce qu'il y a des représentants qui sont là? Pas encore. Le Mouvement Retrouvailles...

M. Chevrette: Je propose... Quel groupe, vous autres? C'est quel groupe?

Mme Comeau (Cécile): Mouvement Retrouvailles du Québec.

M. Chevrette: Bon, bien, vous allez...

La Présidente (Mme Marois): Si ça ne vous ennuie pas et que vos membres sont là, on vous entendrait maintenant.

Mouvement Retrouvailles adoptés-parents

Mme Comeau: II n'y a pas de problème, Mme la Présidente, mais nous aimerions d'abord distribuer de la documentation à l'intention de la Tribune de la presse. Nous avons 30 exemplaires... une trentaine d'exemplaires de notre mémoire. Nous aurions aussi des pièces complémentaires à distribuer aux membres de la commission.

La Présidente (Mme Marois): II n'y a aucun problème.

Mme Comeau: Ça va?

La Présidente (Mme Marois): II y a des gens ici qui vont se charger de ça même pour vous et qui vont nous distribuer...

Mme Comeau: ...ici ou là?

La Présidente (Mme Marois): ...ces documents.

Mme Comeau: Nous nous installons ici?

La Présidente (Mme Marois): Vous vous

installez à l'avant, aux sièges qui sont devant moi, qui me font face. Je vous remercie et Je vous souhaite la bienvenue au comité, c'est-à-dire à la commission des affaires sociales. J'aimerais vous rappeler un petit peu, en une phrase, en fait, les règles. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire et nous demandons à ce que vous vous en teniez à ces 20 minutes. S'il y a donc des éléments que vous devez ramasser un peu, vous le faites. Le ministre et les représentants du gouvernement ont une vingtaine de minutes à leur disposition pour poser des questions et il en va de même pour l'Opposition, de telle sorte que nous ne devrions pas dépasser une heure pour entendre votre point de vue sur ce que nous étudions aujourd'hui, soit l'avant-projet de loi sur les services de santé et services sociaux.

La personne qui est porte-parole, je crois que c'est Mme Andrée Carrier, pourrait...

Une voix: Mme Lise Bérubé.

La Présidente (Mme Marois): Vous allez vous présenter vous-même et nous présenter tes gens qui vous accompagnent. Ça va?

Une voix: D'accord.

La Présidente (Mme Marois): Mme Bérubé, s'il vous plaît.

Mme Bérubé (Use): Mme la Présidente et membres de la commission, II me fait plaisir de vous présenter Mme Andrée Carrier, ex-présidente de notre mouvement de 1984 à 1989, Mme Lise Bérubé, présidente intérimaire et directrice de la région de Montréal, Mme Solange Hareng, directrice à l'exécutif intérimaire, directrice de la région de Portneuf et présidente du CGU de Québec.

La Présidente (Mme Marois): Qui est qui?

Mme Bérubé: Mme Solange Hareng est à ma droite; Mme Carrier, à ma gauche; Mme Cécile Comeau, conseillère politique et directrice adjointe à la région de Québec.

La Présidente (Mme Marois): Parfait. Ça va... la présentation de votre point de vue.

Mme Bérubé: Le point sur notre dossier, par ordre chronologique, le mandat de notre organisme. La mission du Mouvement Retrouvailles vise à représenter les parents naturels, adoptifs et les enfants adoptés et non adoptés afin de favoriser les retrouvailles. Tout ceci mis ensemble représente 1 000 000 de la population du Québec, soit un sixième.

Rappel de certains faits récents. 1985: Le 20 septembre 1985, le ministre Chevrette confie au secrétariat le mandat de mise en place et de coordination d'un comité d'étude sur la recherche des antécédents socioblologiques. 1986: En mai 1986, le comité interministériel sur les recherches des antécédents sociobiologiques a déposé un rapport; le rapport n'est pas rendu public; dépôt d'une pétition de 42 000 noms. 1987: Réaction du conseil d'administration du Mouvement Retrouvailles aux hypothèses d'orientation à la suite d'une rencontre avec la délégation ministérielle. 1988: Rapport de l'Association des centres de services sociaux du Québec. Demande de ressources non récurrentes afin de maintenir les services. En mai 1989, l'Association des centres de services sociaux du Québec dépose un document sur la planification annuelle de l'organisme. À la demande du gouvernement, l'Association des CSS du Québec a élaboré un guide pratique afin d'obtenir l'uniformisation de la pratique dans tous les CSS. L'évaluation des besoins Indique 11 125 dossiers en attente.

Nos demandes, nos attentes: obtenir le budget spécial non récurrent: 10 000 000 $ pour quatre ans attribués aux CSS pour couvrir les dossiers de 1940 à 1975; obtenir l'engagement du ministre d'assurer l'accessibilité à des services uniformes et complets dans tous les CSS du Québec; obtenir l'accès aux banques d'information gouvernementales afin de faciliter le travail des praticiens dans les CSS.

Je passe maintenant la parole à Mme Andrée Carrier.

Mme Carrier (Andrée): Est-ce que je dois attendre que...Cela va?

La Présidente (Mme Marois): Procédez avec votre intervention.

Mme Carrier: J'aimerais faire un bref retour sur les actions concrètes et les demandes concrètes du Mouvement Retrouvailles depuis sa fondation et depuis que nous nous sommes présentés à la commission Cadieux.

Nos recommandations, c'est la demande de trois droits: le droit aux origines, ce qui veut dire pour nous l'accès à l'acte de naissance original avec les nom, prénom des parents biologiques; le droit à l'information; le droit d'accès au dossier d'adoption pour les bénéficiaires concernés.

Comme vous le savez, le 14 juin 1984, la Cour d'appel du Québec a tranché sur le droit à l'information. Depuis ce temps-là, qu'est-ce qui se passe dans nos CSS? Rien. Nous n'avons pas encore reconnu le jugement Carrier, le jugement de la Cour d'appel, à un tel point que, après cedlt 14 juin, les CSS ont été débordés par la demande d'informer nos parents ou d'informer notre enfant, ce qui a donné comme suite l'engorgement dans les CSS, la disparité dans les services, pour ne pas dire, à un moment donné, l'angoisse totale au niveau de la pratique même, parce que le phénomène des retrouvailles au

Québec est tout à fait nouveau. Mais il fallait un peu s'attendre à ça, 20 ans après, que des gens qui sont nés n'obtiennent pas le droit de connaître leurs antécédents, le droit d'obtenir leur acte de naissance, le droit d'obtenir des informations sur leurs parents et le droit de les retrouver s'il y a demande. (15 h 15)

Dans un troisième temps maintenant, le droit aux retrouvailles, le droit de rencontre avec le consentement des personnes impliquées. Comment peut-on penser rencontrer ses parents ou son enfant si nous n'avons pas l'accessibilité desdites personnes qui détiennent nos dossiers? M. Chevrette nous disait à un moment donné, lorsqu'il nous a rencontrés: Attention, les enfants! Il ne faudrait quand même pas... Il faut faire bien attention; vous avez de ces "outsiders" qui pourraient venir vous gruger, à un moment donné, venir vous chercher d'une certaine façon. Mais je pense que vous, en tant qu'État, vous devez nous protéger contre ces "outsiders-là". De toute façon, ces droits-là que nous avons revendiqués, le droit aux origines, le droit à l'information, le droit aux retrouvailles, nous avons le même parler aujourd'hui, nous avons les mêmes demandes. Dans ce sens-là, je voudrais qu'au nom du gouvernement l'on tranche une fois pour toutes sur le droit aux origines, le droit à l'information et le droit aux retrouvailles. La demande était identique en 1984, mais elle s'est désagrégée avec les services que nous n'avons pas reçus durant les cinq dernières années, même malgré la Cour d'appel.

Alors, je passe la parole pour la partie synthèse pour ce qui est des demandes de revendications.

Mme Comeau: Mme la Présidente, MM. et Mmes les membres de la commission, en bref, notre mémoire se situe dans la même ligne de pensée que les mémoires présentés antérieurement. Ceux de 1985 et de 1986 expliquaient le bien-fondé de nos demandes qui était basé sur des critères d'éthique, des critères légaux, médicaux et psychologiques. La cinquième partie de notre mémoire va s'attarder plus au comment, à la manière de répondre à ces demandes de retrouvailles. Dans la partie V de notre mémoire, si vous vous attardez au plan, on s'attarde surtout à ce qui est travail de législation, clientèle visée, modalités de fonctionnement et financement.

On a longtemps parlé de l'amendement de la loi 89, les articles 594-625. On a parié de la Charte des droits et libertés de la personne, les articles 1, 4, 10 et 39 où on parie de la dignité de l'être humain, de la personnalité juridique, de l'égalité des droits, de la protection, de la sécurité et l'attention des parents.

Nous ne comprenons pas, ici, en tant que citoyens, comment il se fait que des parents qui abusent, qui maltraitent leurs enfants, se les voient redonner à leur garde simplement après quelques séances de psychothérapie chez un professionnel en santé mentale quand nous, nos mères, qui ne nous ont fait aucun mal, ne peuvent même pas savoir ce qu'il est advenu de nous. On n'est plus au Moyen Âge, on n'a pas une administration ici au Québec qui relève d'une république de bananes. Alors, comment se fait-il qu'on ne se donne pas les outils pour réparer les torts qui ont été causés à ces gens, des torts que les gens subissent encore 20, 30, 40 et même 50 ans après que les faits aient été commis? Alors, le travail de législation va toucher aussi la loi sur l'accès à l'information. Le projet de loi 154 doit être débattu en Chambre dans les plus brefs délais.

Certaines de nos mamans sont âgées, pauvres et malades. Elles n'ont pas les moyens de se payer le luxe des lenteurs administratives. Ça n'a aucun sens. Depuis 1983 que les dossiers s'accumulent et on a su, lors du comité ad hoc, qu'aucun travail n'avait été fait concernant les modifications aux lois apportées au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Concernant la clientèle visée, vous verrez à la partie III ou IV de notre mémoire de 1990 que nous endossons les recommandations du rapport de la commission Cadieux ou, si vous préférez, du Comité interministériel sur la recherche des antécédents sociobiologiques. Nous aimerions ajouter à cette clientèle les cas d'adoptions privées parce que ces adoptions ont été effectuées au Québec à cause de nos lois. Donc, les gens qui ont été adoptés d'après ce mode d'adoption ont autant droit que nous à ces services. Il ne faut pas oublier nos orphelins aussi. Il ne faut pas oublier nos milliers d'enfants qui ont été envoyés à l'étranger ou dans d'autres provinces canadiennes. Ces gens ont droit aux mêmes services que nous et, si possible, en anglais. Quand on vient de Burnaby, Colombie-Britannique, c'est tout à fait compréhensible qu'on ne soit pas capable de lire des documents en français. Alors ces gens ont droit aux mêmes services que nous dans les mêmes délais.

Au niveau des modalités de fonctionnement, nous demandons l'uniformisation des procédures de retrouvailles à tous les niveaux. Nous demandons que des ressources humaines, en personnel qualifié et en nombre suffisant, soient disponibles dans tous les centres de services sociaux de la province de Québec afin que les défais d'attente soient les mêmes d'un centre de service social à l'autre. Nous demandons que nos travailleurs sociaux n'aient plus les mains liées. C'est rendu que les travailleurs sociaux sont obligés de s'en tenir à des vieux bottins téléphoniques pour essayer de retracer des personnes.

C'est bien beau de dire "la confidentialité", qui sert à toutes les sauces, mais c'est inadmissible qu'à l'intérieur du secteur de la santé et des services sociaux un travailleur social qui est

dans un centre de service social ne puisse pas aller dans un hôpital ou dans un centre d'hébergement pour personnes âgées pour retracer une personne en invoquant des pseudo-normes de confidentialité. On demande l'accès aux bases de données gouvernementales informatisées, aux archives. On veut que nos travailleurs sociaux aient accès aux jugements d'adoption qui sont conservés dans nos palais de justice, dans les greffes de notaires, par exemple, qui auraient pratiqué des adoptions privées.

Il faut faire en sorte que nos travailleurs sociaux aient accès aux informations pour pouvoir localiser les gens. On ne veut pas savoir si tel enfant ou telle mère a eu le SIDA ou des choses comme ça. Ça ne nous intéresse pas. Ce qu'on veut savoir, c'est où est rendue la personne. Si nos travailleurs sociaux ont accès à ces bases de données, ça va diminuer les coûts d'opération de 80 % à 90 %, d'après les recommandations du rapport Cadieux.

Au niveau du financement, vous comprendrez que nous n'accepterons pas d'avoir à défrayer les coûts pour réparer des torts qui ont été causés par une société qui était tout à fait intolérante, qui nous a discriminés, nous et nos mères, simplement parce qu'on n'est pas né au moment opportun. Je crois que ces normes sociales étaient basées seulement sur la bigoterie et n'avaient aucun fondement légal. Aussi, au niveau du financement, nous refusons d'avoir à défrayer les coûts de ces recherches-là simplement parce que nous contribuons, par notre collaboration, notre travail, à l'édification de notre société. Nous participons déjà, par le biais de nos taxes et de nos impôts, au financement de nos services de santé et nos services sociaux. Nous sommes en droit de nous attendre à des services qui nous reviennent de plein droit au même titre que les autres citoyens du Québec qui, eux, n'ont pas défrayé un sou pour savoir qui sont leur père, leur mère, leurs grands-parents.

Alors, ça c'est très important. C'est une question, je crois, de choix politique que le gouvernement devrait faire parce que les citoyens, les gens qui les ont élus veulent avoir des services d'abord. Alors, je crois que les citoyens au Québec reconnaissent cette primauté de la personne sur les entreprises et il va falloir que ça transparaisse au niveau de nos services de santé et de nos services sociaux. Pas question de nous jouer les uns contre les autres et dire: On ne vous donne pas de sous à vous parce qu'il faut qu'on en donne aux personnes âgées. Ce langage-là ne fonctionne pas avec nous et nos représentants aux comités de bénéficiaires, dans les centres de services sociaux, vont être très vigilants à ce sujet-là. Nous sommes solidaires des autres usagers des centres de services sociaux du Québec.

Quant au financement, pour en terminer, vous allez nous dire que la province est en déficit, mais nous n'y sommes pour rien dans le déficit de la province de Québec. Ce ne sont pas les maigres sommes consacrées au service de retrouvailles qui ont creusé ce trou béant. Vous allez nous dire qu'il y a des besoins partout, on en est conscients. On a collaboré, par notre travail bénévole, par notre travail d'accompagnement et d'information de la population et de nos membres, à faire en partie le travail qui aurait dû être fait par le gouvernement. On totalise des milliers d'heures de bénévolat depuis 1983 et nous aimerions que, pour une fois, ce soit reconnu, dans le sens où le gouvernement accepte de verser les 10 500 000 $ demandés sur une période de quatre ans. 2 500 000 $, sur une marge de manoeuvre de 150 000 000 $ pour le MSSS, ce n'est pas énorme, c'est très négligeable.

Si on parle des responsables. Bon, si on prend les BPC de Salnt-Basile-le-Grand, par exemple. Ça a coûté à peu près 10 000 000 $, 10 500 000 $ pour envoyer ça outre-mer. Il y avait des responsables qui avaient généré ces stocks dits industriels. Ont-ils payé, eux?

Alors, si vous me permettez de terminer sur les nouvelles technologies de reproduction, il est évident que ces nouvelles technologies ne devront pas faire en sorte qu'on crée des problèmes d'identité tels que nous les vivons aujourd'hui. Il est très important pour un enfant de pouvoir retrouver ses origines. Je cite comme exemple l'ensemble des maladies héréditaires et familiales et vous comprendrez très vite les raisons pour lesquelles il faut qu'on puisse connaître ses origines. C'est un droit fondamental que tout être humain doit avoir.

Concernant les droits des parents, ces nouvelles technologies ne devront jamais faire en sorte que des parents biologiques soient destitués de leurs droits de paternité et de maternité. On ne devra jamais considérer, non plus, le corps de la femme comme un objet d'expérimentation. Quant aux manipulations génétiques, elles devront seulement s'arrêter à des questions d'amélioration de la santé des individus. Quand on sait qu'il y a 250 000 gênes sur un chromosome et qu'il y en a 46, alors, imaginez que, si on va foutre le bordel là-dedans, ça va causer des problèmes pires que ceux qu'on voulait corriger.

En conclusion, mesdames, messieurs de la commission, nous avons parlé ouvertement et franchement, comme tout bon enfant du Québec se doit de le faire. Si, dans notre mémoire, on parle avec tant d'insistance, c'est parce qu'on ne comprend pas encore pourquoi la société québécoise tarde tant à nous redonner les êtres que nous chérissons, pourquoi la société québécoise tarde tant à faire en sorte que des individus qui sont des citoyens à part entière aient toute leur identité, comme n'importe quel citoyen? Je connais un jeune homme qui a eu cinq Identités à un moment donné; II n'a même pas été capable d'avoir un passeport pour aller en Europe. Alors,

ce sont des choses qui sont inadmissibles.

On espère que les travaux de législation demandés seront faits en quatrième vitesse parce que nous, ce qu'on veut, ce sont des budgets pour le mois de mars, pour la prochaine année budgétaire qui s'en vient. On veut que les travaux commencent dans les centres de services sociaux. On en a assez des études, on en a assez des rapports, c'est le temps de passer aux actions, maintenant. C'a coûté une fortune, ces études-là, puis il n'y a rien qui se passe. Il n'y a strictement rien au point de vue action, au point de vue résultat tangible à l'autre bout. Et 10 500 000 $, ce n'est pas énorme, compte tenu que les dossiers dorment depuis 1983 dans nos centres de services sociaux. C'est un budget récurrent qu'on demande, c'est-à-dire que, quand on aura répondu aux demandes qui sont là, on pourra s'arranger peut-être avec 500 000 $, 750 000 $, 250 000 $, mais il faut à tout prix commencer.

La Présidente (Mme Marois): Madame, il vous reste à peine quelques minutes, deux minutes, si vous désirez conclure, Mme Bérubé, ou si ça va?

Mme Bérubé: Ça va.

La Présidente (Mme Marois): Parfait. Alors, on vous remercie de cette présentation. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. J'ai été personnellement sensibilisé de manière un peu spéciale lors de la campagne électorale. J'étais loin de penser, à l'époque, que je me retrouverais dans le fauteuil des responsabilités que j'ai aujourd'hui par rapport au dossier. De toute façon, nous avons eu, avec le Mouvement Retrouvailles, des rencontres ultérieures, au moins une, à tout le moins, avec moi, pour une sensibilisation encore plus importante que ce que je connaissais du Mouvement Retrouvailles, de ses difficultés sur le plan législatif, de ses difficultés sur le plan financier pour atteindre les objectifs qu'il vise, qui ne sont pas contestés par beaucoup de monde, je pense, dans ce cas-ci.

Je me suis, bien sûr, assuré en arrivant au ministère qu'il y a un certain nombre de choses qui pouvaient se passer, compte tenu de ce que j'avais entendu lors de notre rencontre au cours de la campagne électorale. Effectivement, je suis allé, dans un certain nombre d'informations... Laissons de côté les 10 000 000 $, on y reviendra, parce que j'aurai probablement la môme réaction que j'ai eue au moment où vous m'avez rencontré. Donc, il y a un problème d'accessibilité à l'information, li y a un problème de disponibilité de ressources, de main-d'oeuvre au niveau des CSS pour répondre aux demandes. Il y a des choses qui peuvent être faites, qui vont effectivement permettre de diminuer les coûts estimés de 10 000 000 $, et sur ça je pense qu'à peu près tout le monde s'entend.

Évidemment, vous saisissez une opportunité qui est celle de la réforme pour faire valoir votre point de vue. Ce n'est pas moi qui vais vous en blâmer. Je pense que vous avez cette habilité-là de vous servir de la tribune, alors qu'on doit parler de la réforme du ministère qui est proposée. Évidemment, la porte étant ouverte, vous venez sensibiliser les parlementaires, et l'opinion publique par le fait même, à l'importance de votre cause.

Avant de passer à des questions plus spécifiques sur cette cause, ma première question serait peut-être sur la réforme elle-même, en termes de propositions. Quels sont vos commentaires quant à la réforme? À partir de ce moment-là, dans la mesure où il y a des choses positives ou négatives, on pourra en discuter, me laissant quelques instants pour être capable de discuter avec vous du problème spécifique des retrouvailles. (15 h 30)

Mme Comeau: Concernant le projet de réforme à la Loi sur les services de santé et des services sociaux, il faudrait faire en sorte qu'à l'intérieur de notre réseau de la santé et des services sociaux nos travailleurs sociaux aient accès à des données, que ce soit autant pour le Mouvement Retrouvailles que pour la recherche de personnes disparues ou des choses comme ça. il va falloir donner à nos travailleurs sociaux, je crois, une reconnaissance plus large de leur statut professionnel. Je m'explique. Les travailleurs sociaux sont des gens qui, règle générale, ont une excellente formation académique. Ce sont des gens qui sont profondément humains. Ce sont des gens qui côtoient la souffrance et la misère à longueur d'année. Ils ont un vécu que bien des gens de l'ordinaire, de la rue, n'ont pas. Et, souvent, ils sont obligés de se buter a toutes sortes de lois et de réglementations qui vont faire entrave à leur travail, que ce soit au niveau des recherches ou que ce soit au niveau des recommandations ou des actions qu'ils recommandent.

J'ai souvent entendu dire de travailleurs sociaux qu'on ne peut pas faire ça parce qu'il y a tel contrôle de telle façon. On ne peut pas faire ça parce qu'on ne nous autorise pas à avoir accès à telles et telles informations. Je crois qu'une secrétaire médicale qui travaille dans un cabinet de médecin a plus de latitude qu'un travailleur social parce qu'elle prend des données confidentielles, elle les rentre dans le dossier et ça vient de s'éteindre. Si jamais un autre cabinet de médecin, un spécialiste, a besoin de consultation, ce qu'elle fait, c'est qu'elle va aller chercher le dossier, elle va en parler au médecin et elle va transmettre les informations. Tandis que nos travailleurs sociaux qui sont, par exemple, dans un centre de service social comme

celui de Québec, n'ont pas accès à des dossiers médicaux, par exemple, pour essayer de retracer une personne. Pourtant, c'est à l'intérieur du même ministère. Ils n'ont pas accès aux fichiers de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Pourtant, c'est le môme ministère qui chapeaute tout ça. Ils n'ont pas accès à des informations contenues dans des centres d'hébergement pour personnes âgées. Il y a beaucoup de nos mamans qui sont quand même âgées, mais ils ne peuvent pas donner les informations sur ces personnes-là, ne serait-ce que la date de naissance, par exemple.

Prenez une dame qui s'appelle Tremblay et qui vient du Lac-Saint-Jean. Quelle est la clé pour savoir si on a la bonne Mme Tremblay ou si on n'a pas la bonne Mme Tremblay, sinon la date de naissance? On ne peut même pas leur donner cette information-là. Si on a 50 Mmes Tremblay dans les centres d'accueil de la région de Québec, bien là, c'est quoi? Est-ce qu'on va tirer à pile ou face? Non, quand même, ce n'est pas sérieux. Les moyens sont tout à fait disproportionnés. Je ne crois pas que nos travailleurs sociaux, dans toute l'histoire du Québec, aient transmis des informations dites confidentielles. Moi, je n'ai jamais entendu dire qu'un travailleur social n'avait pas respecté le secret professionnel par lequel il était lié. Il y a peut-être des cas d'exception, mais il y a des modalités à trouver pour tout ça pour faire en sorte que les gens n'aient pas à attendre six mois ou n'aient pas à devoir se démerder avec des bottins téléphoniques de Montréal qui datent des années cinquante et quarante. C'est inadmissible.

Il est dit dans ce projet de loi là que toutes les lois du Québec devront être modifiées pour faire en sorte que cette nouvelle loi puisse s'appliquer sans entrave. Alors, ne serait-ce que pour les services postadoption, regardez toutes les lois qui entrent en contradiction. Le Code civil, la loi sur l'accès à l'information, le droit.. Ça ne finit plus. Pourtant, ça serait si facile de légiférer rapidement là-dessus.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va amener ma première question spécifique sur le droit d'accès à l'information...

Mme Comeau: Oui.

M. Côté (Charlesbourg):.. parce que c'est une question fondamentale. et, selon qu'on a accès ou pas, la facture augmente ou diminue, en termes de coûts.

Mme Comeau: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Le coût, si j'ai souvenir des conversations que nous avions eues, do 10 000 000 $ était celui du statu quo actuel où on est obligé de faire des démarches, de multiplier des démarches de part et d'autre dans le but de faire ces retrouvailles.

Dans la mesure où, effectivement, le projet de loi qui, dans un premier temps, avait été déposé, ou, à tout le moins, au début des discussions autour de certaines modifications à la loi sur l'accès à l'information... Il permettait, quant à lui, de diminuer considérablement les coûts qui, au-delà de tout ça, se situeraient à peu près à 2 000 000 $ ou 2 500 000 $, si les chiffres sont encore bons au moment où nous nous parlons. Donc, il y a une amorce de solution qui est dans des amendements législatifs à la loi sur l'accès à l'Information, qui doivent, de toute manière, quand même avoir leur limite. Il me semble, dans mon esprit à moi, que le législateur lorsqu'il a fait la loi d'accès à l'information savait qu'il y a quand même certaines données qui devaient demeurer confidentielles. Évidemment, c'est un problème qui n'est pas facile. Vous avez, d'une part, des parents qui veulent retrouver leur enfant, des enfants qui veulent retrouver leurs parents et il y a aussi des gens qui ne veulent pas se retrouver. On peut se retrouver dans une situation où un enfant veut retrouver sa mère et que sa mère ne veuille pas revoir l'enfant. Il y a des problèmes... Ce sont des problèmes que vous vivez, j'imagine, à chaque jour.

Est-ce que les mesures que vous aviez évoquées à l'époque... Vous avez eu des rencontres avec ma prédécesseure Mme Thérèse Lavoie-Roux et un cheminement avait été établi à l'époque: modification à la loi d'accès à l'information, protocole uniforme au niveau des CSS quant au traitement des dossiers et, par la suite, rencontre avec le ministère, parce que vous m'avez donné une réponse tantôt que je n'avais pas encore eue au ministère dans votre intervention sur le plan du partage des coûts. Le comité qui s'est réuni avec le Mouvement Retrouvailles dans le but de faire un certain bout de chemin pour régler une partie des dossiers, ça s'est fait, me dit-on, à moins que je sois mal informé. Dans cet aspect-là, on attend la réaction du comité du Mouvement Retrouvailles sur certains documents que le ministère vous a transmis. Je pense qu'il faut prendre le temps de les regarder, mais il faut quand même admettre... On dit de manière catégorique qu'il n'y a rien qui s'est fait, que c'est long. C'est vrai que c'est long, de 1985 à aujourd'hui, c'est long pour celui qui attend, pour celle qui attend. Je comprends ça. Mais quand on dit tout de go qu'il n'y a absolument rien qui s'est fait, je pense qu'il y a un bout de chemin qui a été fait. On est sur le point de régler un certain nombre de dossiers Accès à l'information, vous dites qu'il faut revenir à une législation le plus rapidement possible. La loi d'accès à l'information, ça m'apparaît évidemment un dossier qui a subi le test gouvernemental. On me dit, puisque ça ne relève pas de moi, que ça a nécessité certaines modifications pour lesquelles vous avez été

consultés. Disons que c'est un processus qui est en cours sur le plan législatif et qui devrait permettre un accès plus facile à un certain nombre de données. Est-ce que vous avez...

Mme Comeau: Si vous permettez, M. le ministre, avant de passer la parole à Mme notre présidente, Mme Bérubé, vous avez soulevé le cas des problèmes avec la loi sur l'accès à l'information: des problèmes juridiques, des problèmes légaux. Je crois que le Québec ne s'est pas posé tant de problèmes que ça quand il a transmis toutes les informations contenues dans la base de données de la Régie de l'assurance automobile du Québec aux amputés de guerre du Canada dans un but militaire. Alors, les problèmes, il ne faudrait quand même pas en voir où il n'y en a pas. Nous ne voulons pas avoir des informations sur la vie personnelle des gens, tout ce qu'on veut, c'est qu'un travailleur social dûment autorisé, pas nous, pas Pierre, Jean, Jacques, qui arriverait de n'importe où, qu'un travailleur dûment autorisé ait accès à ces bases de données, à ces registres-là, manuels ou informatisés, pour pouvoir localiser les personnes, pour éviter des coûts supplémentaires à l'État dans le but de rationaliser.

Concernant les refus d'enfants ou le refus de parents de se retrouver, il y a déjà des provisions dans la Loi sur l'adoption, à cet effet-là. Maintenant, au niveau des coûts, l'une des idées dans lesquelles le Mouvement Retrouvailles a accepté de siéger en comité ad hoc, c'est que nous avons énormément de ressources bénévoles à offrir. Je crois que c'était... Le Mouvement Retrouvailles n'a jamais refusé catégoriquement quoi que ce soit avant d'aller voir de quoi il était question avant. Alors, pour le comité ad hoc maintenant, je vous passe Mme Lise Bérubé, qui a assisté à la dernière séance de travail.

Mme Bérubé: Si on fait un peu un historique du mouvement du côté bénévolat depuis 1983, je pense que depuis la fondation de ce mouvement, concernant le soutien à nos membres et le soutien aux adoptés, on a économisé déjà beaucoup de sous à notre gouvernement. Pour le comité ad hoc que j'ai personnellement rencontré, je pense que, d'une part, il faut aller chercher une autre fois l'approbation de nos membres à ce niveau. Déjà en mars 1987, avec Mme Thérèse Lavole-Roux, notre conseil d'administration avait décidé qu'il n'entérinait pas des frais pour les retrouvailles. Le comité actuel, le comité ad hoc, nous propose un document de travail qui va être apporté à notre conseil d'administration et à nos membres à travers la province pour savoir et connaître leur idée face à tout ça.

Mais demander à des adoptés et des mères naturelles de payer pour connaître leurs origines, je pense que c'est trop demander. Les enfants dits naturels, entre parenthèses, n'ont jamais eu à payer pour connaître leur identité.

M. Côté (Charlesbourg): Si ça peut être une réponse, j'ai fait vérifier l'intention de la ministre des Communications quant au projet de loi et il serait effectivement déposé à la reprise de la session au mois de mars. Donc, pour adoption à la session hivernale et printanière.

Quant à l'autre aspect qui est celui du recouvrement de certains frais à moins que je me trompe, dans les conversations que j'avais eues à l'époque avec un groupe plus restreint, j'en conviens, même les gens disaient qu'ils étaient prêts effectivement à payer une partie de certains frais, mais pas tous les frais. Donc, il y avait un certain acquiescement de toute façon. C'est votre liberté que d'aller consulter vos membres afin de savoir si c'est normal de payer ou pas mais, évidemment, on peut prendre toutes sortes de comparaisons qu'on voudra sur le plan de l'affectation des sommes budgétaires du gouvernement par rapport aux besoins d'aujourd'hui. Votre besoin en est un parmi tant d'autres où il y a des choix à faire et ce que le principe législatif va faire par l'accès à l'information c'est de diminuer la facture de 10 000 000 $ à 2 000 000 $ ou 2 500 000 $ et, à partir du moment où c'est fait, je pense qu'il y a des décisions qui devront être prises sur X années. Évidemment, dans ces circonstances-là vous m'étonnerez un peu dans la mesure - et ça c'est votre liberté mais c'est aussi la mienne de le dire - qu'il n'y ait pas cette volonté personnelle de vouloir défrayer certains coûts inhérents à cette recherche. Quand on parle de certains coûts, ça ne veut pas dire tous les coûts. Et, évidemment, c'est un choix que vous aurez à faire. C'était pour ça que la création du comité avait été mise sur pied, non pas pour dire: Vous allez payer, mais qu'on s'entende, compte tenu de ce que j'avais vécu chez nous au moment où on s'est rencontrés, sur un processus, sur un protocole identique d'intervention au niveau des CSS parce que l'intervention ne se faisait pas de la même manière partout. Donc, il y a uniformité dans l'action pour que celui qui va à Montréal soit traité de la même manière que celui qui va à Québec ou ailleurs et ce protocole-là, me dit-on, vous a été présenté ou soumis et le comité lui aussi a fait un certain travail. On attendait après des réponses mais ce que je comprends, sur le financement, la réponse est déjà prête.

Mme Bérubé: Non pas qu'elle soit déjà prête, mais je pense, qu'il faut quand même-Depuis 1985 qu'on nous demande les mêmes choses, qu'on nous demande de payer des frais. En 1987, lors d'un conseil d'administration, on s'était prononcés. Alors, grâce au comité ad hoc qu'on a rencontré quand même seulement voilà quinze jours, je pense qu'il faut aller chercher une autre fois l'approbation de nos membres face

à cène demande.

M. Côté (Charlesbourg): si j'ai compris, mme comeau, tantôt dans son intervention, ce qu'elle nous a dit, c'est qu'il n'était pas question de payer.

Mme Comeau: En mars 1987, nos membres nous ont dit: On ne paye pas. O.K. Comme Je vous ai dit tout à l'heure, le Mouvement Retrouvailles n'a jamais refusé d'entendre la partie gouvernementale et d'aller consulter ses membres après mais je vous le dis: Attendez-vous de recevoir un refus parce que les gens ça fait tellement de fois qu'ils se font poser cette même question qu'on ne vous garantit pas qu'ils acceptent de payer. Ah, tu as accepté de payer des frais minimaux de 20 $, 25 $, 30 $, O.K., uniformes à tout le monde, et ça a collé! 610 $ basés sur les normes d'admissibilité de l'aide juridique, il y a une sacrée marge de manoeuvre là. Il ne faut pas oublier une chose, nos enfants et nos parents vont avoir à se déplacer pour se rencontrer. Parrainer une mère qui part du Témiscamingue ou de l'Abltibi qui va rencontrer son enfant en Gaspésie ou à Québec, ces gens-là vont être obligés de débourser déjà de leurs poches pour se rencontrer. Alors, baser ça sur des critères d'admissibilité à l'aide juridique quand on sait qu'une personne vivant seule, qui n'a pas de responsabilité parentale n'a pas accès à cette aide juridique là à partir du moment où elle gagne plus de 170 $ par semaine, c'est tout à fait irréaliste. Les gens n'accepteront pas des critères aussi serrés que ça. Encore une fois, comme on vous l'a dit, on est des payeurs d'impôts et on contribue par notre travail à l'édification de notre société. On va accepter de payer des majorations de taxes et d'impôts pour améliorer nos services de santé et nos services sociaux comme tous les citoyens se doivent de le faire, c'est notre devoir. Mais on n'a pas, nous, à payer, en lieu et place de la société, des frais pour des Injustices qui nous ont été faites. Quand même! C'est comme si on demandait à quelqu'un qui vient de se faire cambrioler de verser la prime que son assurance contre le vol devrait lui verser.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de l'Opposition. (15 h 45)

M. Chevrette: Moi aussi, je voudrais vous féliciter pour votre habileté à profiter d'une tribune pour exposer votre problème. Malheureusement, au sujet de la réforme ou de la structure, je n'ai pas entendu un mot. Je m'étais préparé des questions en fonction de la structure, mais je pense que vous voulez traiter de votre dossier. Si le ministre a eu la chance d'en rencontrer une quarantaine, moi j'ai eu la chance d'avoir deux bains de foule et ils étaient pas mal plus nombreux que ça, 400 ou 500 à Joliette et peut-être autant à Montréal durant l'élection de 1985, et j'étais aussi ministre à l'époque. je voudrais savoir, dans un premier temps, par rapport à votre document-synthèse, parce que j'aurais une question... sur un principe, j'ai toujours eu des nuances; sur d'autres, j'avais peu de nuances, mais, sur un principe, j'ai toujours eu des nuances et je voudrais savoir si votre dossier a évolué dans ce sens-là. quand vous parlez de droit aux origines, vous voulez connaître le nom et le prénom de vos parents biologiques. est-ce le cas présentement?

Mme Carrier: À savoir si on maintient ce droit-là?

M. Chevrette: Non, non, si vous avez ce droit présentement.

Mme Carrier: Non, nous ne l'avons pas. M. Chevrette: Bon.

Mme Carrier: Ce qui veut dire que le droit d'accès à l'acte de naissance originel, avec les nom et prénoms des parents biologiques, nous ne l'avons pas.

M. Chevrette: Bon. C'est exactement ce...

Mme Carrier: Pourquoi le détachons-nous, M. Chevrette, du droit à l'Information? C'est que la personne qui a le droit de connaître le nom de ses parents ne veut pas nécessairement passer à l'étape des retrouvailles.

M. Chevrette: Non, non, je vous suis. Mme Carrier: Oui?

M. Chevrette: Je vous suis, mais j'essaie de faire un lien entre le point un et le point trois...

Mme Carrier: Bon.

M. Chevrette: ...de votre synthèse. Je prends pour acquis, moi, en principe, que la liberté des uns ne doit pas entraver la liberté des autres. Je ne sais pas si vous me suivez.

Mme Carrier: Puis...

M. Chevrette: A partir du point un...

Mme Carrier: Oui, oui.

M. Chevrette: ...par rapport au point trois, et suivez-moi bien dans mon raisonnement.

Mme Carrier: Oui.

M. Chevrette: Si je vous dis que vous êtes la fille de Lucie Tartempion et de Guy Che-

vrette, comment voudriez-vous sauver toute la liberté de Guy Chevrette de faire connaître qu'il est votre père ou non, tout en vous donnant votre droit de connaître Guy Chevrette? C'est là que Je concilie mal le point un et le point trois. J'ai toujours eu de la difficulté, d'ailleurs... Je vous al toujours dit, le temps que j'ai été ministre, que je reconnaissais que vous aviez droit à de l'information, que vous aviez le droit de dire: Je suis née d'une mère qui était infirmière et tout le "kit", que vous aviez le droit de demander si les parents voulaient vous voir. Mais, si on reconnaît le droit à une mère, par exemple, qui était, je ne le sais pas, de Joliette et qui s'est expatriée à Québec et qui veut enterrer avec elle l'expérience douloureuse qu'elle a vécue et dont elle ne voudra plus jamais parler... Comment voulez-vous qu'elle puisse garder cette liberté-là si, au point un, vous lui accordez... J'ai toujours le môme dilemme et je n'ai pas eu de réponse de quelque groupe que ce soit là-dessus pour essayer de rendre justice à tout le monde. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez cela parce que je ne saisis pas, et vous me comprenez bien, j'en suis sûr.

Mme Carrier: Oui, je vous comprends bien. Je vous comprends assez bien pour le temps qu'on s'est assis ensemble pour en discuter, à partir du fait que nul n'a le droit de déchoir une personne de sa filiation, de sa généalogie, sous prétexte que sa naissance était comme pas correcte, et je m'explique. J'ai rencontré mes parents biologiques et mon père serait fier de moi, aujourd'hui, de me voir assise ici. Mais personne d'entre vous ne sait qui est mon père et j'ai respecté l'anonymat. Vous avez affaire à une personne adulte. Mon père a gardé ses grands secrets et il est mort comme il a vécu, heureux. Je n'ai entravé ni sa vie privée ni sa vie publique.

Lorsque nous mentionnons le droit aux origines...

M. Chevrette: Je vous arrête pour 30 secondes. Pour que vous puissiez rencontrer votre père, c'est parce qu'il y a eu un intermédiaire entre vous et votre père qui vous a dit: Je vais aller demander à ton père s'il veut bien te rencontrer.

Mme Carrier: Oui.

M. Chevrette: Et votre père a dit oui. Mais, si votre père avait dit non et que vous aviez connu le nom de votre père, est-ce que vous pourriez présumer de votre réaction? C'est juste là le hic. J'ai rencontré des gens qui m'ont dit: Moi, ma liberté, monsieur, j'ai gardé ce secret bien à moi, j'ai refusé de le dire à mon mari, il ne le sait même pas et, si jamais vous deviez consentir au droit aux origines tel que stipulé par le Mouvement Retrouvailles, vous risqueriez peut-être - je dis bien peut-être, elle ne pouvait pas présumer de la réaction de son mari - de désunir une famille que j'ai bâtie et je suis seule à souffrir de mon passé. C'est dommage, mais j'ai décidé de le faire. Est-ce que ce n'est pas la liberté de cette personne aussi?

Je veux vraiment que vous compreniez le point de vue de ceux qui s'expriment différemment.

Mme Carrier: Le cas que vous mentionnez ici, M. Chevrette, je l'ai aussi vécu personnellement avec la mère qui a refusé la rencontre, dont je connais le nom, la rue, le numéro de téléphone et dont je respecte le refus.

M. Chevrette: Dans le cadre des lois actuelles et du travail du travailleur social actuel, vous ne devriez pas connaître le nom de votre mère, son adresse et son nom.

Mme Carrier: Elle a été informée. Il y a eu une première rencontre et la mère a refusé.

M. Chevrette: II y a eu une première rencontre avec vous.

Mme Carrier: Oui.

M. Chevrette: Ah! Donc, elle a accepté de faire une première rencontre. C'est différent de ce que vous dites. Je ne comprends pas d'abord.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que c'est la professionnelle qui a rencontré la mère ou si c'est vous-même?

Mme Carrier: La professionnelle a rencontré la mère et moi, j'ai rencontré la mère un petit instant, le temps qu'elle me dise qu'elle n'ouvrait pas son 39e tiroir à l'époque. Alors, j'ai respecté ça.

M. Chevrette: Donc, elle a accepté quand même de divulguer... Je m'excuse, je vous arrête. Elle a donc accepté de divulguer qui elle était.

Mme Carrier: Oui.

M. Chevrette: Sauf qu'elle ne voulait pas avoir de liaison avec vous.

Mme Carrier: C'est ça.

M. Chevrette: Mais vous savez qui?

Mme Carrier: Oui.

M. Chevrette: Est-ce que c'est différent, et c'est là, Mme Carrier, que je vous questionne... Est-ce que ce n'est pas différent par rapport... À supposer que je suis fils sans connaître les

origines biologiques de mon père et de ma mère et qu'ils disent non avant même que je les rencontre, qu'est-ce que ça me donnerait à moi de connaître leur nom s'ils ne veulent même pas me rencontrer et qu'est-ce que ça me donnerait, sinon peut-être de m'enligner précisément pour chercher à les voir, chercher à leur faire savoir que je sais, chercher peut-être à débalancer psychologiquement leur vie? C'est ça que je veux savoir. C'est sérieux, c'est très sérieux.

Mme Comeau: Je comprends les inquiétudes de M. Chevrette. Il ne faut pas débarquer dans la vie privée des gens comme les "Marines" l'ont fait sur les plages de Normandie lors de la dernière Guerre mondiale. Ce n'est pas ça du tout que nous voulons faire. Il n'est pas question que je me pointe chez mes parents après la grand-messe du dimanche et dire: Bonjour, c'est mol, j'arrive. Absolument pas du tout.

Ce que nous voulons, c'est que la confidentialité concernant le passé de nos parents soit respectée, dans le sens que le travailleur social n'aille pas le crier sur les toits, dans le sens que, moi, je n'irai pas crier sur les toits que Mme X, que M. Y, sont mes parents biologiques et qu'ils m'ont confié à l'adoption en 1953. On s'entend très bien là-dessus. Si nos parents biologiques nous demandent de garder confidentielles les informations qui les concernent, nous allons le faire.

Les cas de refus maintenant. Il y a déjà...

M. Chevrette: Mme Comeau, pourriez-vous me permettre de vous arrêter juste sur ce point?

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: Je vais essayer de suivre le raisonnement avec vous.

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: Vous dites qu'il n'est pas question que vous criiez sur tous les toits...

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: ...si vos parents biologiques demandent de ne pas en parler. Mais qu'est-ce qui vous dit... Je suis votre fils...

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: Je sais que c'est vous qui êtes ma mère.

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: Et vous me demandez à moi, Guy Chevrette...

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: ...de ne pas dire que vous êtes ma mère.

Mme Comeau: Oui.

M. Chevrette: Je vous dis: Écoutez, je fais une dépression nerveuse, je me tiens chez vous, je me tiens au téléphone pour vous parler, pour essayer de vous convaincre. Est-ce que vous pensez que ça ne peut pas arriver, ces choses?

Mme Comeau: Comme dans toute situation, monsieur, il y a toujours des cas d'exception. Mais, si vous êtes mon fils et que je suis votre mère, si vous avez souffert de la séparation arbitraire que nous avons subie, quand on se sera parlé entre les yeux pendant une couple d'heures, vous allez comprendre les raisons pour lesquelles je ne voudrai pas que vous divulguiez le secret qui nous lie. Alors, peut-être que si j'ai 20 ans ou 18 ans de plus que vous, si on nous volt ensemble, vous pourrez passer pour mon amant, à la rigueur, mais il n'y a personne qui va se douter que vous allez être mon fils. Tous les...

M. Chevrette: II y a des fils qui se maga-nent plus que leur mère.

Mme Comeau: ...enfants à qui on a demandé de conserver l'anonymat, ça s'est remarqué d'un bout à l'autre du Canada, ils l'ont respecté parce qu'ils comprennent les mobiles pour lesquels les parents demandent qu'on conserve cet anonymat-là. Ce qu'on veut, nous, ce n'est pas une reconnaissance publique de paternité ou de maternité. Ce qu'on veut c'est un lien affectif pour combler un vide qu'on a eu dans notre vie. C'est juste ça qu'on veut.

M. Chevrette: Je suis votre raisonnement, Mme Comeau. Et à mon point de vue, si on devait arriver à l'octroyer, si on veut être responsable, il faut d'abord préparer les mentalités à un tel fait public. Ça ne peut pas se faire du jour au lendemain par législation, si on est un tant soit peu responsable. Écoutez, ce sont des concepts de droit et des concepts de liberté. Des concepts de droit et de liberté, ça ne se définit pas sans un long cheminement public pour préparer des mentalités à ça. Pour que des gens aient le temps aussi de préparer tes proches à un tel fait. Moi, je sais que je pourrais très bien partager votre point de vue. Et, si j'étais dans la même situation, je vous dirais: Pourriez-vous me donner une couple d'années, peut-être, ou une couple de semaines, en tout cas, pour que je prépare peut-être mon conjoint au fait...

Mme Comeau: Oui, monsieur...

M. Chevrette: ...que je lui ai fait des

cachettes pendant 20 ans, 25 ans? Savez-vous ce qui est arrivé à Montréal? Je ne sais pas si je peux le raconter. J'hésite même. En tout cas. Je ne donnerai pas les professions parce qu'on pourrait peut-être deviner. Une femme qui est assise avec son mari à souper avec ses trois enfants et, à l'heure du souper... Il y a quelqu'un, une agence privée qui a trouvé les parents. À l'heure du souper, il y a quelqu'un qui entre en pleurant: Moi, je veux vous voir, maman. Elle a caché ça à son mari pendant des années. Elle sait qu'il ne le savait pas. Qu'est-ce que vous pensez qui arrive comme choc?

Au lieu d'avoir une personne qui est émotivement frappée, vous risquez d'en avoir cinq. Vous ne croyez pas, à ce moment-là, que...

Mme Comeau: Non ...

M. Chevrette: ...c'est quelque chose qui se prépare de longue main? Ce sont des droits que tu peux reconnaître en principe, mais tu dis, en pratique, ce n'est pas vrai qu'on peut passer à l'étape de la reconnaissance immédiate sans avoir un cheminement psychologique long, une préparation des mentalités. Il me semble que ça aurait plus... Il me semble qu'au départ, en se tenant au consentement...

Mme Comeau: II y a des solutions... Il y a des solutions à tout ça, monsieur. Vous me dites qu'à Montréal, ce qui s'est passé, c'est une agence privée. Justement, si le Québec avait eu en temps et lieu des services compétents offerts à ces personnes-là, ça ne se serait jamais passé de cette façon-là. Alors, ça c'est un danger, des agences privées. Je dois le reconnaître. Quand vous parlez qu'il faut préparer les gens à ça, je vous donne l'exemple de la loi en Nouvelle-Zélande. J'ai eu un compte rendu de M. K. Griffith, le père de l'ouverture des dossiers d'adoption en Nouvelle-Zélande. Soit dit en passant, depuis 1985, on a fait 8000 retrouvailles, c'est-à-dire qu'on a fait se rencontrer 16 000 personnes.

À l'intérieur de cette loi-là, il y a une provision qui dit que quelqu'un qui n'est pas prêt à retrouver son enfant ou son parent, qu'il avertisse le centre de service social avec lequel il fait affaire. Autrement dit, une femme qui attend, par exemple, que son conjoint décède parce que son conjoint ne savait pas, ignorait qu'elle avait eu un enfant avant de se marier et qu'elle voulait qu'il garde ses illusions jusqu'à sa mort, on se comprend très bien, alors, cette dame-là peut envoyer une lettre au centre de service social où est le dossier de son enfant et dire: Présentement, je ne suis pas prête à des retrouvailles parce qu'il faut que je prépare mon mari. Il faut que je prépare les demi-frères ou les demi-soeurs de cet enfant, mais je veux le retrouver. Moi, je veux le retrouver à mon moment. Ça, on est tout à fait d'accord avec ça.

M. Chevrette: à ce moment-là, je vous prends au mot, reconnaissez-vous que votre point un ne pourrait pas être appliqué tant et aussi longtemps...

Mme Comeau: Le point un...

M. Chevrette: Le droit à nos origines.

Mme Comeau: C'est qu'on a droit à nos origines. C'est qu'on peut avoir droit à nos origines...

M. Chevrette: O.K., c'est un bout différent.

Mme Comeau: On a toutes sortes de transferts de responsabilité ici, au gouvernement. Il y a des transferts de responsabilité du fédéral au provincial, du provincial au municipal, et ainsi de suite. Ne pourrait-on pas faire peser sur les épaules de l'enfant qui demande à retrouver son parent, par exemple, la responsabilité de la confidentialité des données? Si tu paries, bonhomme, tu paies l'amende et tu vas en prison.

M. Chevrette: Si je résume, Mme Comeau...

Mme Comeau: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire des choses comme ça?

M. Chevrette: Si je me résume, celui et celle qui ont donné naissance à un enfant qu'ils ont confié à l'adoption seraient donc la clé de départ pour octroyer le droit aux origines.

Mme Comeau: Non, monsieur, parce que nous aussi on a droit à nos origines. N'oubliez pas ça, là. (16 heures)

M. Chevrette: Bien, c'est parce qu'on s'explique mal. Je vais essayer de reprendre, d'abord, ce que j'ai dit. Vous m'avez dit tantôt, vous venez à peine de me dire... Oui.

La Présidente (Mme Marois): II faudrait terminer.

M. Chevrette: Oh! Je m'excuse, oui. Dernière question, vite, vite. Vous m'avez dit, tantôt, que vous étiez prêts à respecter le droit des autres aussi. A partir de là, si une femme écrivait à un CSS et disait: Moi, il n'est pas question, je n'accepte pas que vous entrepreniez, de quelque nature que ce soit, une enquête pour fins de retrouvailles; j'étais fille-mère, j'ai donné naissance à une fille qui a été confiée à l'adoption et qui porte tel nom et, si elle fait des démarches, je refuse. Malgré ça, vous, si vous étiez sa fille, vous voudriez savoir le nom de la mère et le nom du père. Est-ce que c'est ça que vous me dites? Malgré le refus...

Mme Comeau: Moi, parce que j'y ai droit...

M. Chevrette: ..systématique...

Mme Comeau: II y a la notion de consentement, cher monsieur.

M. Chevrette: Mais c'est la clé.

Mme Comeau: II y a la notion de consentement. Même si des parents consentent à ne pas connaître leur enfant, même si des parents ont consenti de plein droit, de plein gré à laisser leur enfant pour adoption, nous aussi, on est des êtres humains, on n'est pas des chiens, on ne descend pas d'extra-terrestres, il faudrait comprendre ça. Nous aussi, on a des droits. Vous disiez tantôt que les droits de l'un s'arrêtent là où les droits de l'autre commencent. Mais II ne faudrait pas seulement voir, non plus, les droits des parents qui, souvent, ont eu des pressions sociales sur eux. Souvent, ces gens-là, s'ils sont bien contactés par un travailleur social compétent, toutes leurs défenses vont tomber une à une et il n'y aura aucune pression ni aucune sollicitation qui va se faire de ce côté-là.

M. Chevrette: Mais dans ce cas-là...

Mme Comeau: Les enfants aussi ont des droits.

M. Chevrette: Est-ce que je peux me permettre, quand même, une dernière remarque ou un conseil? Pour vendre un tel droit, dans la conjoncture actuelle, avec les mentalités comme elles sont, demandez plutôt... À mon point de vue, si vous voulez faire cheminer votre dossier, plutôt que de vous braquer sur le droit et faire face à un mur de brique dans l'opinion publique, je pense que vous auriez avantage à vous associer à des campagnes de sensibilisation pour le droit aux origines en particulier. On a vécu, avec toutes nos contraintes religieuses, que vous avez connues, qu'on a connues, que j'ai connues, des ères où on le cachait. Et le fait de cacher, c'est une liberté tout autant que le fait d'ouvrir et de faire connaître. Moi, je prétends que vous auriez avantage à préparer les mentalités à l'obtention ou à l'exercice... Je ne parle pas du droit fondamental quant à la reconnaissance, je ne pense qu'à l'exercice d'un droit. Il y a une différence entre un droit dans une conjoncture sociale et l'exercice d'un droit dans une autre conjoncture sociale. Ça m'apparait important que vous réfléchissiez sur cet aspect-là parce que ça peut mettre en cause les libertés des autres. C'est juste sur ce point que j'ai voulu discuter parce que je m'aperçois que le cheminement n'a pas été fait encore sur ce point-là, tandis que les autres, c'est acquis assez bien.

Mme Comeau: Mme Carrier va vous répon dre à ce sujet-là, monsieur, concernant la sensibilisation.

M. Chevrette: D'accord.

Mme Comeau: Vous allez voir que le peuple est beaucoup plus sensibilisé que vous ne le croyez.

M. Chevrette: Tant mieux.

La Présidente (Mme Marois): Brièvement, s'il vous plaît, compte tenu qu'on...

M. Chevrette: Ce n'est pas un reproche, ça, madame. Je vous questionne.

La Présidente (Mme Marois): ...est en train de dépasser le temps qui nous est imparti. Est-ce que vous ne vouliez pas intervenir aussi, Mme Hareng?

M. Chevrette: Oui, elle n'a pas dit un mot, elle.

Mme Hareng (Solange): Quelques minutes. C'est parce que je voulais répondre à M. Chevrette en disant aussi qu'aujourd'hui, lorsqu'on parle d'enfants, soit dit entre guillemets, les enfants ont peut-être 25, 30 et 40 ans. Nous ne sommes plus des enfants. Les mentalités peuvent changer...

M. Chevrette: On est toujours l'enfant de sa mère.

Mme Hareng: de beaucoup. Comme vous disiez, le cas spécifique que vous nous avez apporté, c'est une salade qui nous est souvent apportée à nous et je le comprends. Mais, comme Mme Comeau le disait, c'est quelque chose de privé. Et si on donnait les moyens, les outils nécessaires à nos intervenants, des choses comme ça ne seraient pas arrivées, voyez-vous? Alors, on reviens toujours à la même source, ce sont les accès, ce sont les outils dont on a besoin pour arriver à faire ça. J'ai fait un petit calcul, comme ci comme ça. Depuis 1984, d'après le jugement, on demande, justement, que les intervenants aillent avertir la partie adverse. Si on prend tout ce temps-là, c'a été cahin-caha parce qu'on n'a pas donné les outils, on n'a pas donné les informations, on n'a rien fait pour les aider. Ils ont quand même fait un bon travail. Mais on se retrouve, au bout de cinq ans, avec des montants d'argent qui ont été quand même alloués à ces intervenants, et ainsi de suite, encore à 11 215 dossiers qui sont en attente, malgré 3 435 000 $ que ces intervenants ont touchés. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas travaillé, mais ils ne sont pas capables de travailler qu'ils n'ont pas les accès. En réalité, toutes les petites choses qui sont autour de ça, c'est ça; c'est l'accès à l'information, ce sont les outils nécessaires.

Ensuite, pour répondre aussi à votre idée,

comme je le disais, les gens mûrissent; les adultes, qui ont eu des enfants, eux aussi ont mûri. Et, si on leur permet de changer d'idée en les informant, par exemple... Un point que j'avais amené au CSS, qu'ils ont trouve peut-être bon, c'est, lorsqu'on envoie, par exemple, les chèques de pension, les chèques des militaires, les chèques du bien-être social, les chèques d'allocations aux personnes âgées, pourquoi ne pas insérer de l'information? Parce que, parmi ces gens-là, il y en a sûrement qui ont eu des enfants. Si on leur dit: Bien, c'est possible, aujourd'hui, que vous le recherchiez, c'est possible que ces gens-là aient droit à l'information, bien, le premier point va devenir plus facile parce que les gens vont être sensibilisés. Alors, je trouve qu'on ferait déjà un grand travail de ce côté-là. Je ne sais pas si l'idée est bonne, mais je la lance.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci.

M. Chevrette: C'est bon.

La Présidente (Mme Marois): Si vous voulez conclure.

Mme Carrier: Alors, je conclus en vous disant, chers membres de cette commission, que nous allons retourner et nous allons continuer de faire ce que nous avons fait depuis cinq ans, c'est-à-dire sensibiliser la population, mais non pas de façon disparate. Cette année, nous avons fait 152 émissions, c'est peu et c'est beaucoup à la fois. Il y a beaucoup de bénévolat là-dedans. Il y a beaucoup de temps donné par nous tous. Alors, cette sensibilisation, je crois que, de plus en plus, elle grandit et elle va chercher, je dirais, peut-être pas les secrets, mais les confidences les plus étroites à travers les foyers. Je vous garantis qu'on va continuer dans cette route-là.

La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Merci de votre présentation. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Bien.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Merci.

J'aimerais maintenant inviter - je crois que tout le monde a réussi à se rendre à la commission - le groupe qui était prévu pour 15 heures, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. J'aimerais l'inviter à se présenter à la table de la commission, s'il vous plaît.

Alors, Mme Claudine Laurin, c'est ça?

Mme Laurin (Claudine): C'est ça, oui.

La Présidente (Mme Marois): Alors, si vous voulez, Mme Laurin, nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et une quarantaine de minutes que se partageront ensuite les gens ici, entre le gouvernement et l'Opposition, pour vous questionner sur vos recommandations, vos propositions ou vos remarques.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale

Mme Laurin: D'accord. M. Pierre Whalen, qui est vice-président du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, et Mme Carole Hince, qui est permanente au Regroupement des ressources alternatives. Notre façon de procéder - c'est divisé en trois parties - nous ne lirons pas le mémoire, nous avons sorti des choses... Les recommandations vont être lues, mais il y a des choses plus spécifiques sur lesquelles on voulait vous entretenir. Mme Hlnce va également faire une courte présentation de ce qu'est le Regroupement des ressources.

Mme Hince (Carole): Bonjour. Le Regroupement des ressources alternatives, c'est une fédération d'organismes communautaires qui travaillent en santé mentale. On représente près de 60 ressources à travers la province. On en a dans toutes les régions du Québec, sauf au Nouveau-Québec; on n'a pas encore de développement dans ce coin-là.

Les ressources alternatives en santé mentale, ce sont des maisons d'hébergement, des ressources d'intervention thérapeutique, des groupes d'entraide, des groupes de défense de droits, qui travaillent avec des gens qui ont des problèmes de santé mentale. Les ressources sont ouvertes à toute la population, sauf que les trois quarts de la clientèle qui fréquente nos ressources, nos groupes, sont des personnes qui ont eu, en moyenne, quatre hospitalisations dans le système psychiatrique.

Depuis 1989, depuis la sortie de la politique en santé mentale, les ressources alternatives sont les premiers groupes communautaires à être régionalisés. Donc, dans le moment, on est en plein exercice de planification régionale et les ressources alternatives y participent sur une base régionale. On peut, d'ailleurs, tirer certaines conclusions de cette régionalisation-là.

Dans ce sens, nous sommes aussi membres de la Coalition des organismes communautaires du Québec, la COCO, et nous appuyons les revendications de ses fédérations membres. Mme Laurin.

Mme Laurin: Oui. Notre première lecture de l'avant-projet de loi, disons, s'est située au niveau de l'objectif 1 de l'avant-projet de loi qui disait que "le système de services de santé et de services sociaux a pour but l'amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des

personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles qu'elles entendent assumer. " Cette même logique, si on s'y réfère, présupposait une présentation qui aurait été différente de lavant-projet de loi, c'est-à-dire qu'on aurait dû voir apparaître - si on se réfère à notre table des matières, on a suivi la logique de l'avant-projet de loi - donc, la personne, les établissements, les ressources intermédiaires, les organismes communautaires et les régies régionales.

Dans une logique où on veut redonner à l'individu la primauté, on aurait, du moins, aimé voir apparaître la personne au centre, les organismes communautaires, les établissements, les ressources intermédiaires et les régies régionales. Ça aurait été vraiment situer la pyramide à l'envers et, justement, situer les paliers auxquels les individus, normalement... Bon, en premier, ils s'aident eux-mêmes. Après, ils font des groupes de support naturels, des solidarités nouvelles. Après, ils en appellent aux établissements. Les établissements conservent, dans cet avant-projet de Foi, une primauté beaucoup trop importante par rapport au tissu social et à l'individu. C'est un de nos premiers commentaires, disons, face à l'avant-projet de loi.

Considérant, en fait, l'obligation... Là, je vais tomber dans les recommandations. Au sujet de l'article 8, au niveau de l'obligation pour rétablissement d'élaborer un plan de services, nous trouvons qu'il aurait été préférable d'exiger - la théorie du consentement éclairé, à l'article 6 - un consentement écrit. Si on se réfère à la loi de la cure fermée, pour nous, les organismes de santé mentale, les établissements doivent donner l'information à la clientèle de ses droits et ce n'est pas fait dans les trois quarts des cas. Donc, je pense que de laisser à l'établissement ou aux professionnels de la santé le soin d'expliquer au client quels sont les enjeux du traitement, s'il n'y a pas consentement écrit, c'est un aléatoire un peu grand.

Au niveau du plan de services Individualisé, ça, là-dedans, je pense qu'en santé mentale on peut vous en parler longuement. Nous trouvons pour le moins surprenant que ceci se voie imbriqué dans un avant-projet de loi alors qu'au niveau de la santé mentale il est encore à l'étape exploratoire. On ne s'entend pas sur certains problèmes de fond, tels que l'éthique, le respect de la confidentialité des dossiers. Ça entraîne de nombreuses questions. Ce n'est pas réglé. Il n'y a présentement aucun modèle et on voit dans l'avant-projet de loi qu'il va s'exten-sionner à toutes les clientèles. On recommande, à ce chapitre-là, que l'individu ait non seulement le droit de participer, mais que tout établissement ou tout coordonnateur de plan de services soit dans l'obligation d'amener l'individu dans le plan de services ou son représentant, qu'il y ait également des mécanismes de recours pour obliger l'évaluation à tous les trois mois du plan de services Individualisé, sinon, ça va devenir un outil qui va permettre de peut-être "chronlciser" davantage la clientèle et que des mécanismes d'appel soient prévus au chapitre des plans de services individualisés.

L'article 14 qui est le fameux droit du choix, en fait, de l'établissement et du professionnel est, pour nous - dans le mémoire, on vous l'a dit - de l'ordre du voeu pieux pour la santé mentale, si on s'en réfère à la fameuse politique de sectorisation à laquelle nous faisons face continuellement. Montréal et la Montérégie ont mis sur pied des politiques de sectorisation qui n'étaient pas pour empêcher l'Individu de choisir son établissement, mais pour obliger rétablissement à recevoir tout individu. Sauf que dans la pratique, dans les faits, c'est l'inverse. SI vous vous présentez à un centre hospitalier et que vous n'appartenez pas dans les adresses civiques à son territoire, on vous refuse le traitement et on vous réfère à l'hôpital de votre secteur. Nous considérons que la régionalisation peut également entraîner encore une plus grande pratique de sectorisation. Aussi, on demande de déclarer illégale toute pratique de sectorisation.

On recommande également que les conseils régionaux aient à prévoir, dans leur budget, des sommes, des montants d'argent qui pourront permettre aux individus de changer de territoire si, pour eux, il y a intérêt. En plus, on demande que tout professionnel qui refuse de traiter un client - oui, il a le droit de refuser un client - ait l'obligation de référer et d'accorder le support à la référence. (16 h 15)

Au chapitre de la réadaptation, en 1975 - ça fait quand même assez longtemps - le rapport Batshaw soulignait déjà que la réadaptation était beaucoup trop institutionnalisée. On retrouve encore dans l'avant-projet de loi le mandat de réadaptation physique et mentale aux centres hospitaliers. Notre recommandation serait d'en retirer le mandat au centre hospitalier et de le laisser à des Institutions beaucoup plus légères et à des organismes communautaires, considérant que la réadaptation ne fait pas appel à un diagnostic ou à un acte médical à proprement parler. Donc, pour nous, à l'instar du rapport Batshaw de 1975, on s'attendait, en 1990, à voir retirer le mandat de la réadaptation aux centres hospitaliers.

Le plus fort de notre recommandation, je pense, c'est la fermeture des centres hospitaliers psychiatriques car, pour nous, de voir dans l'avant-projet de loi qu'on a un article les déclarant centres hospitaliers psychiatriques, créant une nouvelle classification, va à ('encontre même de la désinstitutionnalisation. Un mouvement de désinstitutionnalisation ne devrait pas Institutionnaliser l'institution psychiatrique

On recommande. à l'instar de la Colombie-Britannique, de faire un plan quinquennal en vue de la fermeture de ces centres hospitaliers,

également de fermer toute nouvelle admission parce que, si on veut fermer le centre hospitalier, il faudrait aussi fermer les nouvelles admissions. Et on recommande l'ouverture de départements de psychiatrie dans les centres hospitaliers généraux, des structures beaucoup plus souples et plus normales à la communauté. Parce que, pour nous, les hôpitaux psychiatriques ne feront jamais disparaître la stigmatisation. Présentement, et je ne vois pas le jour du changement, ces structures feront toujours office d'hébergement de fous dans la population. Donc, si on veut vraiment faire une désinstitution-nalisation, si on veut vraiment faire un projet d'intégration communautaire au niveau de la santé mentale et donner une chance à tout le monde, ceci va passer, justement par la désacralisation de ces institutions et peut-être, justement, se retrouver dans les hôpitaux généraux où toute maladie est quand même traitée sans nécessairement en faire un centre à part. Donc, pour nous, ce mouvement-là ne va passer que par la fermeture des centres hospitaliers.

M. Whalen (Pierre): À l'article 43, nous trouvons qu'il y a risque de voir les conseils d'administration axés uniquement sur la gestion et dépouillés de la philosophie d'intervention. On considère aussi le besoin reconnu dans le document "Orientations" de définir des modes d'Intervention souples et personnalisés.

On considère aussi l'ampleur d'une telle structure faisant face à différents types de clientèles avec des intérêts et des besoins divers. Conséquemment, nous recommandons le statu quo et ce, pour le plus grand respect des diverses clientèles.

Pour les articles 57 et l'article 260 de la loi, considérant la volonté d'ouverture du système et l'implication accrue des communautés locales, à tout le moins, en tout cas, en ce qui concerne la santé mentale; considérant le danger de politiser davantage les lieux de décisions et considérant l'exclusion de tous les groupes de base, qui n'apparaissent pas dans ces articles-là, nous recommandons, pour les CLSC, les centres hospitaliers et les centres de réadaptation, l'ouverture des conseils d'administration à la population sans égard à son type d'emploi ou mode de rémunération.

Pour l'article 115, considérant le syndrome de la porte tournante en santé mentale et la notion de soins de longue durée sans hébergement; considérant les nombreux pavillons privés ou relevant de centres d'accueil; considérant qu'afin d'assurer une continuité l'on confère un mandat de trois ans aux conseils d'administration du réseau; considérant que le document "Orientations" stipulait un montant au chapitre du budget devant être alloué aux comités de bénéficiaires, nous recommandons qu'un comité de bénéficiaires soit obligatoire pour toutes les clientèles en santé mentale inscrites au centre hospitalier aux fins de recevoir des services en externe, qu'une enveloppe budgétaire soit connue et protégée pour les comités de bénéficiaires et que le mandat de ces comités soit porté à trois ans.

Pour l'article 116. considérant les clientèles adultes en santé mentale en vertu de l'article 116, nous recommandons d'enlever l'obligation, mais de garder le droit d'avoir des parents ou tuteur au sein du comité.

Pour ce qui est de l'article 201 traitant des structures Intermédiaires, considérant que la définition des structures intermédiaires est une définition incomplète et considérant la réalité bien différente de ces structures versus les ressources alternatives et communautaires en santé mentale, nous recommandons que soit inclus dans sa définition "la provenance de la majorité de la clientèle vient d'un établissement et sur référence". Dans ce sens-là, nous considérons que la structure intermédiaire est directement le prolongement de l'institution et que, de ce fait, il y a nécessairement excroissance des coûts à long terme et aussi probablement un changement au niveau du syndrome de la porte tournante qui ne sera plus non plus l'hôpital, mais la structure Intermédiaire elle-même.

Mme Hince: L'article 229 concernant les organismes communautaires. Considérant la définition des organismes communautaires comme incomplète; considérant la confusion qu'il y a déjà entre la structure intermédiaire et la ressource communautaire, nous recommandons que l'on prenne comme référence la définition de la politique de santé mentale, soit: Le ministère reconnaît comme organismes communautaires l'ensemble des groupes issus de la communauté qui poursuivent soit des activités bénévoles, soit des activités qui, même si elles sont rémunérées, sont sans but lucratif, dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Pour fins de reconnaissance, le ministère fixe quatre conditions: la communauté doit être à l'origine de la création de l'organisme; l'organisme doit se livrer à des activités non lucratives dans le secteur de la santé et des services sociaux; l'organisme est autonome dans ses orientations et ses pratiques et son conseil d'administration est composé majoritairement d'usagers de ses services et de personnes de son milieu; le support de la communauté, financier ou autre, contribue en partie à son fonctionnement.

Si vous me le permettez, on va retourner à l'article 157 qui concerne les structures inter-médaires. Considérant l'opportunité pour les institutions de générer leurs propres ressources, soit les structures intermédiaires; considérant le danger de voir émerger un autre État-providence via les institutions et les structures intermédiaires, nous recommandons qu'un protocole d'entente signé soit obligatoire s'il s'agit d'une ressource déjà existante, c'est-à-dire que si un

hôpital voulait "partir" sur un territoire une ressource d'hébergement alors qu'il y aurait déjà une ressource d'hébergement - communautaire sur le territoire, on demanderait un protocole d'entente entre l'institution et l'organisme communautaire déjà en place.

Par ailleurs, s'il s'agit d'une ressource à implanter, que d'autres organismes communautaires soient impliqués dans la démarche? Il faut que je retourne a mon autre page. Un instant, ce ne sera pas long. S'il s'agit d'une ressource à implanter, ce que je disais, c'est que d'autres organismes communautaires soient impliqués dans la démarche; que l'établissement s'engage à rendre la ressource autonome à l'intérieur d'une année et que l'établissement en cause n'ait aucun droit de vote à l'Intérieur de l'organisme communautaire nouvellement formé.

O.K. Là, je reviens à la page 12, merci, l'article 230.

Considérant que le document "Orientations" de Mme Lavoie-Roux, reconnaît l'importance de préserver l'autonomie des ressources communautaires; considérant la nature des services offerts par les organismes communautaires, lesquels s'ajustent continuellement aux besoins de leurs membres et non à ceux de l'institution, nous recommandons que sort retirée à l'article 230 la réglementation concernant le nombre maximum de personnes qu'il peut héberger et la durée moyenne de séjour.

Mme Lauiin: Pour ce qui est du financement des regroupements régionaux, j'Imagine que vous vous attendiez tous à avoir une recommandation.

Considérant l'importance de l'organisation communautaire; considérant la fragilité des ressources alternatives; considérant l'importance d'un regroupement provincial structuré dans un but de formation, promotion, recherche...

Ici, j'aimerais souligner, justement, l'importance d'un regroupement provincial. On vient de vivre un colloque pancanadien de personnes psychiatrisées. C'est une première au Canada et il s'est tenu grâce au financement autant des niveaux provincial que fédéral, mais il n'aurait pu avoir lieu que par le financement. Si nous n'avions pas eu un regroupement structuré depuis cinq ans, avec permanence, la logistique aurait été impossible à faire et le colloque n'aurait pas eu lieu. Donc, l'importance du regroupement de la structure a été très grande. Nous recommandons donc que le ministère subventionne les regroupements provinciaux.

Considérant aussi que les regroupements provinciaux doivent ôtre redevables à leurs membres - ça, nous ne le nions pas; nous en tenons compte aussi - nous recommandons que la subvention du ministère demeure à titre de financement de base et que les groupes membres se voient greffer à leur budget une somme supplémentaire servant à financer l'organisation provinciale de leur choix. Ici, pour nous, il s'agit d'un genre de formule Rand, en fait, que les groupes communautaires de base aient une somme supplémentaire. Et, pour nous, c'est Important qu'elle soit supplémentaire; sinon, vous nous faites faire "le choix de Sophie", c'est-à-dire que, si la somme n'est pas supplémentaire et que l'organisme peut donner des services avec la somme... Il faut qu'elle choisisse qui elle donne: Est-ce son gars qu'elle donne aux Allemands ou si c'est sa fille? Est-ce que, philosophiquement, elle adhère à un regroupement provincial qui va lui donner de la formation, qui va lui donner des outils de recherche et tout, ou si elle donne plus de services à la clientèle qui crie? Je trouve que c'est un choix beaucoup trop difficile, c'est peut-être de la responsabilité du ministère, de voir à ce qu'on ne soit pas obligé d'en arriver là.

Considérant l'obligation, à l'article 240, pour les régies régionales d'élaborer avec les organismes communautaires des programmes de santé et de services sociaux; considérant que la globalité d'approche fait la richesse des interventions des ressources alternatives en santé mentale; considérant également l'importance de préserver l'autonomie des ressources, Importance qui a, d'ailleurs, été soulevée et reconnue dans le document "Orientations", nous recommandons que la philosophie d'intervention soit considérée dans la dispensation des services, donc dans toute l'élaboration des programmes-cadres, qu'on ne nous oblige pas à faire une planification serrée où on ne pourrait pas tenir compte de la globalité de nos services.

Considérant les difficultés - ça, c'est nouveau - d'implantation que vivent les ressources résidentielles alternatives en santé mentale - ce n'est pas dans l'avant-projet de loi, c'est une recommandation de plus que nous faisons - nous recommandons qu'une législation s'inspirant de la loi de Padovan soit mise de l'avant et ce, afin de garantir une meilleure répartition des ressources Ça va garantir l'Implantation des ressources, mais également une meilleure répartition des ressources.

M. Whalen: Au titre des régies régionales, considérant la responsabilité...

M. Chevrette: Ah!

Mme Carrier: Vous n'avez pas réglé la grève d'Hydro, à ce que je vois. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Nous avons fait fermer les lumières qui sont utHes essentiellement lorsqu'il y a des caméras.

Mme Carrier: Ah! O.K.

M. Chevrette: Les caméras sont parties

M. Whaien: Alors, considérant la respon-

sabilité du ministère face au maintien de la qualité du système de services de santé et de services sociaux; considérant que les régies régionales deviendront, dans une régionalisation, juges et parties, considérant que le ministère entend expérimenter un nouveau mode de fonctionnement de gestion par la régionalisation, nous recommandons qu'un canal de communication privilégié soit maintenu entre les organismes communautaires et le ministère; que des mécanismes de recours soient prévus afin de recevoir les plaintes des régions qui se croiraient lésées soit par malversation, abus de pouvoir, règles du jeu non respectées, etc.

À l'article 260, considérant l'importance des mandats des régies régionales et considérant que l'avant-projet de loi confère aux organismes communautaires le quart du collège électoral, nous recommandons que les organismes communautaires se voient attribuer le quart des sièges du conseil d'administration des régies régionales; que la composition des conseils d'administration des régies régionales soit de six sièges provenant des institutions, quatre sièges provenant du communautaire, deux sièges provenant des communautés, deux sièges provenant des groupes socio-économiques, un siège provenant des comités de bénéficiaires et un siège pour le directeur général. (16 h 30)

Considérant la volonté d'ouvrir les mécanismes de prise de décisions aux populations locales; considérant l'importance d'accroître la participation des communautés locales et considérant l'accès à l'information comme outil de pouvoir, nous recommandons que la fonction de président des régies régionales soit ouverte à tous et chacun, sauf au directeur général. Advenant que le ministère maintienne sa position, qu'au moins te président-directeur général n'ait pas le droit de vote. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Je crois que cela fait le tour de votre présentation. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. Je pense qu'une des pièces maîtresses, si l'on veut, de la structure... Parce qu'on est obligés de parler de structure à l'occasion, même si ça ne fait pas toujours notre affaire. S'il n'y en avait pas, je pense que tout le monde, à l'occasion, serait peut-être bien heureux, hein?

Que je sache, vous vivez actuellement une expérience de régionalisation dans la politique de santé mentale. C'est peut-être une première et elle est en cours au moment où on se parle. Évidemment, beaucoup de personnes ont peur de la régionalisation et la craignent, des fois, parce qu'on ne la connaît pas, des fois aussi parce qu'on n'a pas appris à travailler avec. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus sur l'expérience vécue par rapport à ce que nous souhaitons faire, dans la proposition qui est devant nous, des régies régionales.

Mme Laurin: Nous sommes embarqués dans la régionalisation sans la connaître. Ce que l'on en tire, ce n'est pas égal. Ça dépend beaucoup des dynamiques régionales. Pour certains CRSSS, ça va relativement bien. On ne peut pas parler, par exemple, d'un beau portrait dans l'ensemble du Québec. Le partenariat ne se joue pas d'une façon égale. C'est la promesse qu'on avait au niveau de la politique de santé mentale. Les ressources en sortent énormément blessées. Je ne sais pas si c'est dû à un manque de cadre serré et strict. Je ne dis pas que la régionalisation est un échec. Je dis que, peut-être s'il y avait eu un cadre plus serré, plus strict, laissant moins d'interprétation, c'aurait été mieux.

Dans certains CRSSS, on retrouve des commissions tripartites qui fonctionnent très bien. Dans d'autres, on les a mis non pas consultatives au conseil d'administration, mais consultatives déjà à une commission administrative qui, elle, est consultative au conseil d'administration, ce qui fait deux ou trois structures. Dans d'autres, la planification de l'organisation de services se fait strictement par l'équipe des permanents des conseils régionaux, par des comités d'experts et à la commission tripartite, on est 21, on reçoit des documents la journée même, on a à les entériner ou à ne pas les entériner, ce qui fait, finalement, une participation, dans certains CRSSS, un peu bidon de la base et même des institutions. Et je dirais que ceux qui sont les plus pénalisés sont, finalement, le troisième tiers qui, eux, ne comprennent absolument rien au jargon de la santé mentale, soit le tiers de la communauté.

On a des agents de probation, on a des villes, des municipalités. Déjà, ils ne connaissaient rien du jargon qu'on a, et Dieu sait qu'il est compliqué à comprendre. En plus, il faut qu'ils embarquent dans la planification de services. Je pense qu'ils manquent de cadre plus serré. C'est un peu pour ça que les organismes communautaires demandent de maintenir un canal privilégié avec le ministère dans le sens où, pour nous, on ne peut pas marcher comme les CLSC dans les régions avec des regroupements forts, parce qu'on n'est pas aussi nombreux. Pour nous, ce serait une garantie que le ministère ait le pouls de la base, qu'il se garde un canal de communication.

Il y aurait un beau travail à faire - j'ouvre la porte - au niveau de l'étude de Topérationa-lisation" de la régionalisation au niveau de la santé mentale, non pas pour la détruire, mais probablement pour l'améliorer. On est prêts à y participer.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est que là où ça va mal, c'est lorsqu'on est mis un peu à côté.

Mme Laurin: Oui et des notions non com prises. Par exemple, on est arrivés avec des mesures prioritaires. Le mot "groupe d'entraide" n'est pas compris par tous. La notion de groupe de défense des droits faite par un groupe communautaire, ce n'est pas compris partout. On voit souvent même des gens du réseau nous dire: Bien, moi, comme travailleuse sociale ou moi, comme infirmière, je la fais, la défense des droits. C'est évident qu'on peut peut-être la faire comme individu - ils ne sont pas tous mauvais - sauf que ce n'est pas structuré, ce n'est pas ça qu'on entend comme groupe de défense des droits. Ces notions n'ont pas été assez définies.

M. Côté (Charlesbourg): À partir du moment, dans l'expérience vécue actuellement, parce que ça peut être une source extrêmement intéressante pour nous de voir ce qu'il faut faire, et ce qu'il ne faut pas faire, dans la mesure où l'accès est direct au conseil d'administration, est-ce que je dois comprendre que ça se déroule quand même pas si mal?

Mme Laurin: Je pourrais vous nommer deux régions où ça se déroule pas si mal. Il y a treize CRSSS.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. O.K.

Mme Laurin: Ces deux régions, M. le ministre, si vous me le permettez...

M. Côté (Charlesbourg): Oui

Mme Laurin: ...ce sont les deux régions où les organismes étaient les plus structurés, où ils étaient les plus nombreux. Je pense que ça tient compte de tout ça aussi. Dans les régions où les organismes avaient déjà une pratique dans les structures et avec les structures, la Montérégie et Montréal, ça va assez bien dans l'ensemble. Mais, si on parle des régions comme Gaspé sie-Bas-du-Fleuve, si on parle de l'Abitibi, ce sont des réglons où il n'y a pas eu de rassemblement au niveau des organismes communautaires. Là, non, ça ne va pas bien.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. En tout cas, je pense qu'il faut en tirer profit sur le plan de ce qu'on s'apprête à faire comme expérience parce que l'intention est pure.

Mme Laurin: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, dans la mécanique, c'est là qu'on frappe la difficulté des personnes, des structures, des habitudes et ce n'est pas toujours facile à changer.

Mme Laurin: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends maintenant davantage. Je pense que c'est la résolution 244 au niveau des organismes communautaires. 244, effectivement.

Mme Laurin: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprenais difficilement la proposition où on souhaitait garder un canal avec le ministère. Deuxièmement, finalement, on disait: Décentralisation, oui, pour autant que cela en soit une bonne, mais on garde quand même notre canal, notre bouée de sauvetage si jamais ça va mal. Je pense que ça s'explique un peu mieux de par l'expérience que vous vivez au moment où on se parle.

Évidemment, je m'adresse, à ce que j'ai compris, à des gens qui connaissent ça et même, si je ne me trompe pas, à des professionnels. Pour avoir mol-même été, à l'occasion, membre d'un conseil d'administration, du temps où j'étais un petit professeur en Gaspésie, mon lieu d'origine, effectivement j'étais perdu. J'avais l'impression que les permanents de la structure, ceux qui sont là et qui occupent tous les jours l'espace, qui présentent des dossiers au conseil d'administration, évidemment, on était des gens qui venaient avec l'étampe. Et, quand le conseil d'administration se réunissait, évidemment, tout était préparé d'avance, soit avec les médecins de l'hôpital, soit avec le D.G., en tout cas, tout était bien orchestré, avec une belle présentation. Tu venais de décider des choses dont tu ne comprenais même pas les tenants et les aboutissants. Tu les avals autorisées et ça paraissait dans la résolution, aucun problème. Et là, tu représentais le public.

C'est un peu ça qu'on souhaitait faire, faire en sorte que les gens qui sont dans les conseils d'administration puissent effectivement décider un certain nombre de choses et enlever ça des mains des professionnels. Comme vous êtes là et que c'est peut-être la première opportunité que j'ai, je pense que vous êtes contre le fait, si j'ai bien compris, qu'on exclue les professionnels des conseils d'administration. Expliquez-moi ça. Je voudrais bien comprendre parce que, effectivement, il y a du monde ordinaire aussi qui ne haïrait pas ça être capable de comprendre ce qui se passe dans ces établissements et d'orienter certaines décisions. Je pense qu'à ce moment-là il comprendrait un petit peu plus.

Mme Laurin: Quand on parle d'exclure les professionnels, un, on n'est pas des professionnels. On dit qu'on donne des services professionnels, mais on n'est membre d'aucune corporation. Il n'y a personne qui est au titre... Nos ressources sont gérées, dans l'ensemble, par et pour des psychiatrisés, soit majoritairement, soit au quart. SI on demande de ne pas... c'est, justement, à cause de ça. C'est que nous, qui sommes des ressources de base, vous nous excluez également

de la participation au conseil d'administration Je pense qu'il est utopique de penser que quelqu'un va aller siéger à un conseil d'administration s'il n'y a pas un intérêt qui n'est pas strictement individuel. S'il est strictement individuel, ça va être un intérêt politique ou peut-être syndical, mais un intérêt collectif, il faut qu'il émane d'un groupe. Bien souvent, il est supporté par un groupe pour avoir l'intérêt collectif.

Vous coupez également toute personne psychiatrisée qui vient en charge d'un groupe d'entraide, qui devient, par le fait même, permanente. Il est permanent, il est payé et le groupe est subventionné. Vous ne lui permettez plus d'aller siéger au conseil d'administration parce que, malheureusement, II est devenu permanent, le psychiatrisé, et on le pénalise. Celui qui devient directeur du comité de bénéficiaires, c'est un ancien bénéficiaire. A ce moment-là, on le pénalise, lui aussi. Alors qu'il devient très actif, alors que, là, il est armé pour s'en aller à un conseil d'administration, on le retire. Le danger, c'est que les directeurs généraux, les permanents de ces centres puissent véhiculer ce qu'ils veulent comme valeurs parce que les gens sont là, esseulés, pas nécessairement appuyés et le temps qu'on apprenne sur un conseil d'administration, si on n'a pas de support, ça peut nous prendre deux ans et trois ans même.

C'est là qu'on dit: Pour ne pas exclure... On comprend l'idée de vouloir enlever les guerres de corporations. Ce sont des luttes stériles. Cela aurait pu être un bon moyen pour l'enlever, sauf qu'on trouve qu'on jette le bébé avec l'eau du bain parce qu'on exclut même, comme je vous le dis, le bénéficiaire qui devient directeur. À ce moment-là, nous autres, on préférait prôner la libre démocratie, que tout le monde y ait accès et par vote.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de Verdun, vous souhaitiez soulever une question.

M. Gautrin: Juste une question, madame. À la page 14 de votre document, vous faites état de la loi Padovan, dans l'État de New York. La loi Padovan, à New York, c'est celle qui a impliqué le monde municipal dans le développement des ressources de santé. La question que j'aurais à vous poser, c'est: Comment voyez-vous l'implication de notre réseau municipal ou des municipalités régionales de comté dans le développement ou dans la gestion du réseau de santé? Je n'ai pas bien compris votre recommandation très générale que vous faites à la page 14. Qu'est-ce que vous aviez déjà dans l'idée? Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de précisions sur ce que vous voyez et ce que vous pensez à ce niveau-là?

Mme Hince: On ne s'est pas arrêté aux mécanismes de la loi Padovan qui est en vigueur dans l'État de New York. Ce qui nous intéressait, c'était l'esprit de la loi. Cette loi-là, dans l'État de New York, lorsqu'il y a implantation de ressources résidentielles dans la communauté, ça oblige à ce qu'il y ait une consultation. Et la seule raison pour refuser, c'est la saturation du milieu. C'est-à-dire que, s'il y a déjà trop de ressources résidentielles qui s'adressent à un certain type de clientèle, c'est la seule raison pour laquelle on peut invoquer le refus. C'est l'esprit de cette loi qu'on aimerait voir étudier.

En ce qui concerne les mécanismes et l'implication des municipalités, des MRC et tout ça, on n'est pas rendus à cette étape-là. Par contre, si vous avez des travaux à faire sur ce sujet, on serait prêts à y participer.

M. Gautrin: Donc, c'est la vision de la loi qui touchait la consultation et non pas la structure municipale, des municipalités.

Mme Hince: Non.

M. Gautrin: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Vous semblez avoir épousé la position d'à peu près tous les groupes communautaires, en ce sens que vous craignez la régionalisation à cause du faible poids de représentation que vous pourriez obtenir. Je suis obligé de vous dire que vous avez raison un peu, pas mal. C'est beaucoup plus pathétique, un cas de santé, par exemple, avec les médecins qui vont se présenter et avec des exemples de personnes âgées qui pourraient être fort malades. Effectivement, je me demande comment vous pourriez, dans le cadre d'une décentralisation, s'il n'y a pas de balises au moins minimales pour le communautaire... Je pense que ça pourrait relever du pouvoir central de dire: Oui, je décentralise mais il y a une portion du budget de décentralisation qui doit nécessairement être attribuée au communautaire. L'arbitrage pourrait se faire en région, pareil. Est-ce que je me trompe en disant que votre crainte, c'est le partage des ressources financières et la faible part de représentativité qui pourrait vous être octroyée ou qui vous est octroyée en vertu des structures, surtout si on regroupe les conseils d'administration comme on semble le faire?

Deuxième aspect, vous abordez un sujet qui, à mon point de vue, est loin d'être réglé et je pensais qu'il serait amené d'une façon plus évidente que ça, c'est la démédicalisation de la réadaptation. À mon point de vue, la réforme ne vient rien faire dans le domaine de la psychiatrie, d'autant plus qu'il m'apparaît que c'est 8 000 000 $ injectés dans le budget, même pas indexés sur trois ans, un montant de 8 000 000 $ qui se répète, les mêmes 8 000 000 $ de la

première année ne sont pas augmentés la deuxième, ne sont pas augmentés la troisième. Ce sont 8 000 000 $ constants qui semblent avoir réglé toute la question du rapport Harnois. Est-ce que je me trompe ou si je lis mal l'actualité, si je suis mal les événements au Québec ou si j'ai un tantinet vu clair dans ce qui se passait? J'aimerais avoir votre opinion.

mme taurin: vous vous trompez peu. ha, ha, ha!

M. Chevrette: Bien, dites que j'ai raison beaucoup, d'abord. Ha, ha, ha!

Mme Laurin: Ha, ha, ha! O.K. Vous avez raison beaucoup.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Si je me trompe peu, c'est parce que c'est vrai beaucoup.

Mme Laurin: Je pense que les mesures prioritaires vont amener, quand môme - il faut reconnaître à César ce qui est à César - certaines régions à développer, au niveau de la santé mentale, des groupes communautaires. Il faut quand même dire que les mesures prioritaires - pour une fois, c'est arrivé - étaient exclusivement réservées au communautaire. Ça s'est avéré respecté, à peu près, je dirais, à 72 %. C'est dommage parce que les directives étaient vraiment censées être allées au communautaire et, encore là, il y a des vices de forme.

Notre crainte, ce n'est pas tellement au niveau du partage. Ça pourrait être une crainte. Mais la plus grande crainte vient du fait de la non-reconnaissance en région et de la peur de se voir mis comme complémentaire au réseau. Pour nous, en tout cas, les ressources alternatives, c'est primordial. Un, on s'est fait enlever notre notion d'alternative, on ne la retrouve plus nulle part. On nous met avec les ressources communautaires, alors que notre priorité est de développer une approche alternative en psychiatrie, de démédicaliser, justement, autant la réadaptation que la psychiatrie elle-même. (16 h 45)

À partir de là, quand on se retrouve en région, souvent, ce qu'on va nous demander, c'est d'être complémentaire à un centre hospitalier pour, justement, avoir accès au budget, pour, justement, avoir accès à la planification de services. On devient des voies de garage...

M. Chevrette: Des "sous-contractants".

Mme Laurin: ...la voie de sortie, oui. De la complémentarité qu'on avait avec l'Individu qui, lui, nous amenait à collaborer avec d'autres partenaires, mais c'est lui qui nous amenait, là on va être obligés d'être complémentaires à des structures, ce qui va tuer complètement les mouvements communautaires dans beaucoup de sphères, y compris surtout celle de la santé mentale qui est très menacée. Il n'y aura plus de solidarités nouvelles; on va tous être solidaires au réseau par complémentarité de services. C'est un continuum mur à mur.

M. Chevrette: Et il n'y a pas eu de définition des rôles comme tous les groupes l'avalent demandé lors de l'étude du rapport Harnois, la définition des rôles de chacun. D'où le danger encore plus Imminent, à ce moment-là, qu'on médicalise toute l'opération parce que, majoritairement, ce sera la notion de santé curative qui va primer...

Mme Laurin: Oui.

M. Chevrette: ...au détriment de la prévention ou des alternatives, en tout cas, non médicales.

Mme Laurin: Oui. C'est, d'ailleurs, un peu ça qui nous a amenés aussi à dire: Ne pas faire de conseil d'administration unifié va également amener la pratique de l'hospitalocentrlsme parce que, on le sait, on n'a pas enlevé dans les valeurs; tout est versé vers le curatlf, dans le réseau. Donc, si je fais un conseil d'administration unifié, nécessairement, c'est encore le budget du curatif qui va gruger sur la prévention et sur les méthodes alternatives. Les valeurs n'ont pas été changées, les attitudes non plus. Donc, ce n'est pas une pensée magique.

M. Chevrette: Oui, c'est de ça que je voulais vous parler. Ma dernière question - mon collègue me regarde avec de gros yeux, il veut quelques minutes - à la page 19, vous dites ceci: "Nous nous retrouvons face à la pensée magique de l'assurance de la continuité de soins et de services..." J'ai trouvé ça pas mal beau comme expression, mais j'aimerais savoir quelle est votre solution.

Mme Laurin: "Nous nous retrouvons face à la pensée magique de l'assurance de la continuité..." Pour nous, un système de services de soins intégrés aurait passé d'abord par la compréhension de l'intégration d'un support communautaire. Si nous ne montons pas un système d'intégration de support communautaire, ce n'est pas en intégrant des services dans une structure... Un système de support communautaire, c'est, d'abord, de partir de la communauté. Vous revenez à mon point de départ qui dit que l'avant-projet de loi aurait dû partir de l'individu, des solidarités nouvelles, des organisations communautaires que l'individu s'est données et de monter à l'établissement.

Si je regarde le système d'intégration communautaire dont Boston s'est dotée, bien, eux ont mis de l'avant des PC qui fonctionnent, donc

des centres de crise, mais ils ont un système complet d'Intégration communautaire où toutes les lignes se chevauchent, où l'individu peut être autant dans une troisième ligne et dans une première ligne. C'est un système d'intégration communautaire qu'il faudrait monter et cesser de s'attaquer aux structures et aux services dans les structures; sinon, c'est le service pour le service.

M. Chevrette: Là-dessus, moi, je conclus en vous disant que vous avez absolument raison et je trouve que, du fait que le projet de loi nous oblige ou nous force à parler de structures, on oublie précisément les grands objectifs. Les quelque 60 que j'ai lus à ce jour m'indiquent que chaque groupe est obligé de se définir en fonction d'une structure et non pas en fonction des objectifs sociaux, des objectifs de société. Vous avez entièrement raison, je vous félicite de votre mémoire. On s'en inspirera le jour où il y aura un projet définitif. Là, à ce moment-là, on sera certain que le ministre croit à son projet parce que ce sera le sien et non pas un avant-projet d'un autre.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: En complémentaire, là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): En complémentaire.

M. Trudel: c'est un peu inquiétant, à la page 3; en tout cas, pour moi, c'est inquiétant, moi qui représente une circonscription périphérique...

Mme Laurin: On ne vous entend pas. M. Trudel: Ah, il faut s'approcher plus.

La Présidente (Mme Marois): Approche-toi, allez.

M. Trudel: À la page 3 de votre annexe, sous les recommandations, il y a quelque chose d'inquiétant lorsque vous nous parlez de la liberté de choix au niveau du centre, du lieu ou de l'endroit où on pourrait recevoir le service, en disant môme - et ça m'apparaît considérable - que la régionalisation, c'est comme... "Considérant la régionalisation comme une menace aliénant le choix à l'établissement et au choix du professionnel..." Je ne vous demande pas de faire le choix, mais j'ai envie de vous placer dans une situation d'hypothèse en disant: Est-ce qu'on doit privilégier la liberté du choix du lieu ou de l'endroit ou du type de service qu'on veut recevoir, le libre choix, ou, par ailleurs, assurer qu'il y a des services partout au Québec pour le type de problèmes qui nous intéresse ici? Vous comprenez très bien le sens de ce que ça peut vouloir dire.

Mme Laurin: Oui. Si je vous réponds au niveau de la santé mentale, je dirais qu'il faut "prloriser" le choix. Toute relation thérapeutique qui s'engage doit s'engager sur un rapport égal, sur un rapport où j'ai besoin que la personne me dise quelque chose et que moi, je dise quelque chose à la personne. Nous nous sommes inspirés de ce que l'on vit en santé mentale. Si vous avez lu le mémoire, je vous raconte un fait seulement d'une dame qui a fait une tentative de suicide, qui a été suivie dix ans de temps à Albert-Prévost. Lors de sa tentative de suicide, la préposée à l'admission a eu le bonheur d'apprendre qu'elle demeurait maintenant sur la rive sud et lui a dit: Retourne-toi-z-en là. C'est là que tu vas te faire traiter. Moi, je pense que je n'ai pas le droit de dire qu'il faut que les services soient donnés partout sans tenir compte aussi du fait que ça implique certaines formes de traitement où la relation est plus importante que le traitement. Et, en santé mentale, c'est la relation. On n'a jamais été capable de me prouver que le traitement est plus important que la relation, surtout en santé mentale et c'est nous, les premiers, qui devons vivre avec l'aberration de la sectorisation qui est supposément illégale. Et cela a été prouvé à la Cité de la santé de Laval.

Bien, nous autres, malheureusement - c'est peut-être parce qu'on a une clientèle qui est beaucoup sur le bien-être social et qu'on n'a pas de ressources, qu'on n'est pas suffisamment financés pour traîner en cour les hôpitaux qui font ça et aller jusqu'à la Cour supérieure - on n'a jamais été capables d'avoir un jugement qui nous dise que c'est illégal. On n'a jamais eu les moyens d'aller se le chercher. Et notre clientèle est refusée tous les jours. Encore pire, pour décongestionner les urgences, on a créé des centres de crise à même des budgets de décon-gestionnement d'urgences. Ces dix centres de crise sont aussi obligatoirement liés à la sectorisation. Donc, là, l'individu qui pique une crise, il faut qu'il sache qu'il va dans tel centre de crise et l'adresse. Je trouve que là on complique et, en plus, on ne donne plus la liberté à personne de choisir le thérapeute avec qui il s'entend.

M. Trudel: Tout en s'entendant très bien, si je comprends bien, qu'il faut assurer des services partout sur le territoire pour les personnes qui ont besoin de ce type de services. Parce que ce que je crains un petit peu - c'est une réflexion que je fais - c'est qu'on retrouve peut-être un peu trop au centre l'ensemble des ressources pour effectivement - et vous avez bien raison - permettre cette diversité et cette différence dans la relation, mais aux dépens de services qui, souvent, ne peuvent pas exister dans des centres plus petits parce que les

ressources sont, forcément, limitées quelque part.

Je vais changer un petit peu de partie dans votre mémoire. Au niveau de la politique ou de la reconnaissance des groupes, au niveau de l'action communautaire des groupes, vous craignez, là aussi, beaucoup la régionalisation et on comprend que c'est fondé sur l'expérience, que ce n'est pas tout à fait seulement en principe que vous nous en parlez. Est-ce qu'on ne devrait pas aller au-delà d'une définition de ce qu'est un groupe communautaire, tel que vous le retrouvez dans le rapport sur la santé mentale, pour également retrouver une politique de reconnaissance des groupes communautaires, des groupes de type communautaire, dans l'action communautaire et, également, prévoir - et j'essaie de rejoindre une autre préoccupation que vous avez mentionnée sur d'autres aspects - un mode de financement qui soit triennal?

Mme Laurln: Oui, une politique pourrait être aidante et prévoir aussi un mode de financement triennal. Nous, les organismes de santé mentale qui postulons au poste - le poste, c'est la planification de l'organisation de services dans lesquels nous allons vendre nos services - on l'a, le triennal. Mais ce qui nous embête, c'est qu'il faut que j'aille vendre mes services de la même façon qu'un centre hospitalier va les vendre, de la même façon que le CLSC va les vendre. Donc, il faut que je fasse des têtes de chapitres, des titres de programmes. Il faut que je définisse des services. Ça, c'est me mettre dans le système de pensée réseau et vous allez être pris avec un autre réseau que vous-mêmes allez avoir engendré parce que vous m'embarquez dans cette démarche. Et là, à ce moment-là, vous m'éloignez vraiment de la solidarité des groupes, des membres qui, eux, me faisaient faire la démarche de planification, mais pas dans un sens aussi cartésien, mais plus avec leurs besoins.

Il y a une phrase qui court dans le communautaire et qui dit: tout comme le ministère, on croit que pour la régionalisation, le danger croit à l'usage, comme la politique de tabac.

M. Trudel: Là-dessus, pour contrer ce type de problème qu'on peut effectivement rencontrer, est-ce qu'un mécanisme d'appel à une structure plus centralisée comme le ministère serait suffisant pour garantir l'accès soit à la reconnaissance, soit au financement? Est-ce que ce serait suffisant?

Mme Hince: Le canal dont on parlait, c'est pour faire appel, oui, lorsqu'il y a lieu, au niveau des conseils régionaux, mais c'est pour plus que ça. C'est aussi pour pouvoir échanger avec les gens du ministère lorsqu'il est question d'orientations, pour qu'en fin de compte les groupes de base aient comme un canal de communication direct pour pouvoir s'exprimer et faire connaître les besoins de leurs organismes, les besoins des gens qu'ils représentent. C'est pour faire appel, mais aussi pour participer aux orientations.

M. Trudel: Très bien. Ça va, merci. M. Chevrette: Pour revenir à...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le leader de l'Opposition, vous avez d'autres questions à poser.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Pour revenir à la régionalisation, si le gouvernement ou le ministère octroyait un cadre bien précis, octroyait des enveloppes régionales, mais dans un cadre précis, en disant, par exemple: Le communautaire ou le préventif - appelons ça comme on voudra - va prendre une part x plus importante, si ça devient une politique de l'État et qu'il exige le partage local dans ses paramètres, est-ce que la régionalisation vous ferait tout aussi peur que présentement?

Mme Laurin: Oui, oui, parce qu'il faut quand même comprendre aussi que les enjeux de la régionalisation, c'est que nous sommes aussi avec des partenaires que l'on rencontre tous les jours. Le pouvoir politique, quand il est en région, est autrement plus fort que quand il est à Québec. Tous les jeux politiques, tous les jeux de corporation, tous les jeux syndicaux - je parle de pouvoir politique "at large" - se vivent d'une façon beaucoup plus intense au niveau de la région. Là-dessus, pour les organismes communautaires, ça, c'est un gros danger.

Encore là, vous venez de parler de préventif. Il y a aussi toute la notion, à savoir que la bataille n'est pas encore gagnée puisqu'on a enlevé le mot "alternatif' de la politique. Je pense que les ressources, justement à ce niveau-là, essaient de montrer qu'elles ne sont pas que préventives, mais curatives à leur façon, pas curatives dans le sens médical Au niveau de l'alternative en santé mentale, c'est une approche différente, mais qui prend la même clientèle, dans bien des cas, que le centre hospitalier. Donc, c'est toute cette notion

M. Chevrette: Mais ce n'est pas à cause de votre statut plus particulier où vous jouez sur la dimension préventive et curative dans votre cas? Par rapport au communautaire...

Mme Laurin: Oui.

M. Chevrette: ..est-ce que vous reconnaissez que vous avez un aspect particulier?

Mme Laurin: Oui.

M. Chevrette: Bon. Ça répond à ma question. Si vous le reconnaissez, je ne suis pas certain que le communautaire, lui, par exemple,

qui n'a pas cette dimension d'alternative aux soins médicaux...

Mme Laurin: Non.

M. Chevrette:... ne serait pas plus rassuré si le national fixait un cadre de partage préalable. Le danger que je voyais et que je comprenais était le suivant: il est évident que, si on arrive avec une enveloppe globale de x centaines de millions au niveau de la région, les établissements de santé, à tous les niveaux, à partir du centre d'accueil, du centre de réadaptation et des soins de longue durée, de courte durée, des centres psychiatriques justement, vont tout gober le budget et il va rester des miettes pour le communautaire. C'est un peu ça, la réaction première du communautaire; en tout cas, c'est ce qu'on m'avait énoncé. Et on m'a dit, à ce moment-là: Attention, le ministre ne peut pas décentraliser et nous laisser en pâture, si vous voulez, au groupe santé en particulier. J'avais compris ça. Dans votre cas, vous m'arrivez en disant: Même si le ministre fixait un cadre communautaire et de santé, nous autres, on resterait craintifs pareil. Je comprends très bien pourquoi, c'est parce que vous êtes une alternative au fait qu'on a médicalisé, au sens très strict du mot, la réadaptation et la psychiatrie. Donc, vous avez une part à jouer dans la partie curative.

Mme Laurin: Oui. Mais les femmes...

M. Chevrette: Mais ça pourrait faire l'objet d'une discussion nettement en dehors du communautaire traditionnel qui n'a pas affaire avec la partie curative par rapport au... Parce que vous jouez sur les deux.

Mme Laurin: Les maisons de femmes, à ce compte-là, ne sont pas plus contentes du cadre départage...

M. Chevrette: Les maisons de...

Mme Laurin: Les centres d'hébergement pour femmes...

M. Chevrette: O. K. D'accord.

Mme Laurin:... ne sont pas plus contents; ça n'a pas réglé... Et, au contraire, ce que ça risque d'entraîner, dans le communautaire, des cadres de partage, quand on les fait trop fixes, ce sont des approches tous azimuts, mur à mur, qui ne tiennent pas nécessairement compte de toutes les solidarités.

M. Chevrette: Oui, je suis d'accord avec vous. (17 heures)

Mme Laurin: C'est un danger de tabler tout sur le cadre du partage.

M. Chevrette: En ce qui concerne l'exemple que vous me donnez, je vous donne raison, mais reconnaissez-vous avec moi que, lorsqu'ils viennent revendiquer un cadre de financement, ils viennent d'Institutionnaliser leur groupe dans un... Comment dirais-je? Ils viennent négocier un per diem pour recevoir une femme. La méthodologie d'approche n'est pas à discuter, mais pour l'hébergement dans le cadre d'une politique de financement pour les groupes de femmes, si vous voulez en parler, il y a un per diem pour le nombre de femmes que tu reçois. Il y a un per diem pour les services de "counseling" auprès des femmes. Il y a de l'argent qui est attribué à ça. Mais, le jour où tu entres dans une politique de financement, tu viens d'entrer dans un réseau bien précis. Tu es obligé de dire: J'ai tant de jours-femmes dans mon centre. Est-ce que l'indépendance que vous voulez conserver - et c'est là ma question - n'est pas au niveau des méthodologies de travail auprès des personnes...

Mme Laurin: C'est ça.

M. Chevrette:... mais que vous acceptez au moins, cependant, de reconnaître qu'il y a une responsabilité ou une imputabllité quant à l'argent qui vous est octroyé?

Mme Laurin: Nous sommes prêts à répondre de la responsabilité et de l'imputablité, on la reconnaît. Ce que l'on dit, c'est: Pourquoi ne répondrions-nous pas par: nous autres, on vous donne des mécanismes dans lesquels on peut s'enclencher? Ce qui est dangereux dans le fait de nous institutionnaliser, c'est qu'on prend les formules toutes faites du réseau et qu'on nous les applique. Moi, je pense que les organismes communautaires sont en mesure de produire eux-mêmes leurs grilles d'évaluation, leurs rapports de statistiques dont le ministère a besoin.

La Présidente (Mme Marois): Nous avons terminé, évidemment, notre temps. On vous remercie. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être juste clarifier...

La Présidente (Mme Marois): Certainement.

M. Côté (Charlesbourg):... je pense, une situation dans la décision gouvernementale concernant la politique de santé mentale. On a dit tantôt que c'étaient toujours les mêmes 8 000 000 $. Je pense que c'était M. Chevrette. Ce sont 8 000 000 $ neufs à chaque année, ce qui fait, en vitesse de croisière, 32 000 000 $ indexés. Je pense que c'est important de faire la clarification pour ne pas qu'on se mêle dans les millions. Quand on en a, au moins le dire.

La Présidente (Mme Marois): Oui, ça va. On vous remercie beaucoup de cette présentation. J'inviterais maintenant le Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse à prendre place, s'il vous plaît, l'un ou l'autre de ses représentants.

Alors, M. Archambault, je crois. Vous nous présentez la personne qui vous accompagne. Vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, le temps qu'il nous reste est partagé entre les gens du gouvernement et de l'Opposition pour vous poser un certain nombre de questions ou échanger avec vous.

Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse

M. Archambault (André): Je vous remercie. Je voudrais seulement dire qu'en plus d'être président du Regroupement je suis aussi directeur de l'une des maisons membres. Donc, c'est aussi à titre de membre que je viens présenter ce mémoire. Je voudrais vous présenter aussi Mme Elisabeth Martin, qui travaille au Service d'hébergement Saint-Denis, une maison d'hébergement pour jeunes de 15 à 20 ans, à Montréal, et qui est également, évidemment, membre du Regroupement.

Comme le ministre l'a souligné tantôt, nous sommes, nous aussi, un des regroupements qui vivent des inquiétudes par rapport à l'avant-projet de loi, peut-être parce qu'on ne connaît pas assez encore la structure, peut-être aussi parce que certaines expériences vécues par plusieurs de nos membres, à différents titres, nous amènent à nous poser des questions sur le concret de cette proposition. Je dois dire aussi que le Regroupement est membre de la Coalition des organismes communautaires du Québec et. à ce titre-là, nous sommes solidaires des positions qui ont été présentées par l'ensemble des membres de la Coalition.

On est inquiets à deux titres particuliers: d'abord, sur la question de l'existence même de nos ressources telles qu'elles existent, telles qu'elles sont, telles qu'elles veulent intervenir, et, ensuite, de l'accessibilité des services que nous offrons aux jeunes sans-abri. Et, dans la définition même de jeunes sans-abri, déjà des inquiétudes se posent dans des termes de restriction, c'est-à-dire que, pour nous, ces jeunes-là, ce sont des hommes, ce sont des femmes qui ont entre 12 et 30 ans.

On trouvera cet écart d'âge peut-être un peu important, sauf que, dans nos maisons, on rencontre des jeunes de 12, 13 ou 14 ans qui ont un vécu d'adulte qu'on ne saurait imaginer et on rencontre également des jeunes de 26, 27 ou 28 ans qui ont encore, malgré tous leurs efforts, un statut d'adolescent, sans premier emploi, sans statut réel, sans place réelle dans cette société.

À notre avis, on ne peut restreindre les sans-abri à une simple description de malades mentaux abandonnés ou de clochards toxicomanes chroniques. Oui, ces problèmes-là existent, sauf que cela nous apparaît très restrictif et, pour nous, nous parlons de dizaines de milliers de jeunes qui sont frappés par la pauvreté, par l'isolement social et par une espèce d'angoisse de vivre assez intolérable marquée au timbre du sentiment d'impuissance, du mépris de soi et du désespoir. Nous partons d'une génération frappée de plein fouet par les crises économiques successives et qui a un mal de chien à se tailler une place, si petite sort-elle, dans cette société. Il y a un certain discours économique qui se fait jour à l'heure actuelle et qui propose, d'ailleurs, d'investir plus dans les générations qui suivent en se disant que, de toute façon, pour la génération précédente ou ceux qui en ont le plus souffert, on ne peut plus rien faire. Nous nous portons, évidemment, à rencontre de ce nouveau discours.

Ce qu'on veut manifester, c'est notre crainte de voir cet avant-projet de loi ou cette loi sur la santé et les services sociaux réduire la réalité de ces jeunes afin de les insérer dans les cases administratives beaucoup trop étroites de la simple santé mentale, de la toxicomanie ou de la clochardise, quoique ces problèmes, nous ne les nions pas, mais ils ne sont pas exclusifs. Pour nous, les jeunes avec lesquels on travaille sont beaucoup plus que ça; ils ne sont pas simplement des personnes à problèmes. Quand on parle d'approche globale en ternies d'action communautaire, on ne parle pas simplement d'agir sur des problèmes spécifiques, mais d'agir aussi sur des potentiels. Ça nous apparaît important.

Nous avons des inquiétudes par rapport à l'existence de nos maisons d'hébergement. Quelles sont-elles ces maisons? On parle de 22 maisons à travers le Québec, qui sont réparties sur l'ensemble du territoire, dans toutes les régions du Québec ou presque toutes. Il est étonnant de constater que, sans concertation préalable, depuis 1973, les initiatives ou les dynamiques locales ont permis de créer des ressources qui ont chacune leur distinction et qui se sont donné chacune leur vocation, mais qui respectent fondamentalement une dynamique régionale. C'est peut-être une forme de régionalisation anticipée. Elles ont des différences, mais elles ont sûrement un même objectif qui est d'aider les jeunes en difficulté et sans abri. Ce sont 22 milieux de vie créés par la communauté et où se retrouvent des milliers de jeunes chaque année; on parie de 3500. Ils viennent de la rue ou ils viennent du réseau; ça n'a que peu d'importance pour nous. Ce qui est important, c'est qu'ils viennent d'abord sur une base volontaire. C'est un élément essentiel de notre travail et, sans cet élément-là, on voit déjà des risques de voir notre intervention communautaire un peu handicapée, sinon beaucoup.

Les organismes communautaires sont le dernier point de contact, à notre avis, d'une

population de jeunes qui fuient le système, qui fuient le réseau public, qui se marginalisent de plus en plus et qu'on aura de plus en plus de mal à trouver si on ne maintient pas ces points de contact. Les rapports de confiance et de confidentialité, les rapports volontaires et négociés sont les conditions essentielles de notre action efficace.

L'avant-projet de loi nous propose des principes intéressants qui nous rejoignent à certains égards. La notion de santé qui dépasse une simple vision médicale de la non-maladie nous apparaît un pas fort intéressant, surtout quand on parle de prévention, pas simplement de prévention de type très très large, mais de prévention spécifique comme celle que nous pensons faire. Notion d'intervention qui reconnaît aussi les limites du réseau, son incapacité à tout faire. Le réseau peut accomplir certaines choses. Il y a des choses qu'il ne pourra jamais accomplir de par sa structure et non pas de par la mauvaise ou la bonne volonté des gens qui y participent et que nous reconnaissons.

Nous entendons donc, dans cet avant-projet de loi, l'intention de favoriser la prise en charge de la communauté et la recherche d'alternatives aux approches lourdes centrées surtout sur des crises à régler ou sur des problèmes très spécifiques à régler. Nous entendons également l'intention de changer les conditions de vie, donc, à notre avis, de prévenir. Ce qu'on reconnaît d'intéressant également dans l'avant-projet de loi, c'est cette première reconnaissance qui, pour nous autres, est un gain, de ce qu'est l'action communautaire, de ce que sont les organismes communautaires. Pour la première fols, on se volt nommés et ça nous fait un petit velours quelque part. D'autre part, évidemment, on a l'impression qu'une petite partie a été oubliée qui traite surtout de notre autonomie et de notre droit à rendre compte de nos orientations d'abord à nos assemblées générales, d'abord aux gens de notre communauté et d'abord à ceux qui s'impliquent directement dans nos milieux.

D'autre part, on ne nous dit pas si, dans cette reconnaissance du communautaire, on va vouloir la privilégier ou privilégier l'approche de ressources intermédiaires au détriment de nos ressources. C'est une inquiétude.

À titre d'exemple précis, on pourrait nous traiter de paranoïaques ou nous dire qu'on ne le sait pas, sauf que certains indices nous permettent de croire, par exemple, que l'une de nos maisons membres n'est plus membre depuis déjà quelques mois parce qu'ils ont effectivement accepté de devenir, à toutes fins pratiques, une ressource intermédiaire d'un centre d'accueil. Ça se passe sur la rive sud. Ils reçoivent leur clientèle, à partir de maintenant, exclusivement du centre d'accueil; ils reçoivent leur mandat du centre d'accueil. Donc, en termes d'autonomie, en termes d'approche volontaire, en termes d'ouverture et d'accessibilité des jeunes, on se pose des questions à ce niveau. Est-ce que c'est une approche qu'on va privilégier?

D'autres centres d'accueil nous ont contactés pour nous demander comment nous faisions l'intervention communautaire parce qu'ils ont des maisons qu'ils veulent réutiliser. Certaines fondations de centres d'accueil sont propriétaires de maisons. Ils veulent les réutiliser, ils voudraient créer une ressource communautaire et viennent nous rencontrer pour nous demander comment on le fait. Ils sont un peu surpris qu'on leur dise qu'une ressource communautaire, ça part, au premier chef, de la communauté qui la crée. Il faut faire une nuance, à notre avis, très importante entre ressource communautaire et ressource intermédiaire. Ces nuances ne sont pas encore évidentes. Dans l'avant-projet de loi, ce qui nous apparaît intéressant, c'est qu'on fait au moins une première distinction de ce type. Des ressources créées par les centres d'accueil pour les besoins de désengorger les centres d'accueil ne nous apparaissent pas être, au départ, des organismes communautaires.

Un autre exemple qui m'est plus personnel et qui touche les ressources pour les plus de 18 ans. Il est évident que, dans le cadre de la réforme au niveau de la santé mentale, des hôpitaux comme l'hôpital Douglas dans le sud-ouest de Montréal peuvent être intéressés à recourir à nos ressources pour des questions de désengorgement, sauf que, quand on en vient presque dans la situation où on a dû fermer nos portes pendant quelques semaines pour des problèmes de fonds et qu'on vient nous proposer de devenir partie intégrante du programme de l'hôpital Douglas, il y a déjà une marge qui nous apparaît beaucoup plus importante et qu'il nous apparaît important aussi de démarquer.

Sur la question de l'universalité, là aussi, on trouve qu'il y a des éléments intéressants parce que, effectivement, pour nous, c'est un principe qu'il faut réaffirmer pour les raisons que les jeunes avec lesquels on travaille risquent de se voir encore pénalisés si cette notion était compromise. C'est toujours, à notre avis, ceux qui en ont le moins qui paient le plus à ce niveau. C'est toujours ceux-là qu'on vise comme étant des abuseurs du système, alors que nous pensons qu'il y a beaucoup de façons d'abuser du système que ces quelques pourcentages de personnes qui abusent du système ne coûtent peut-être pas aussi cher que d'autres et que ce n'est peut-être pas ceux auxquels on devrait s'adresser d'abord. À ce titre, nous sommes en désaccord avec la position, évidemment, des centres hospitaliers qui nous apparaissent réclamer presque un triple financement, d'une certaine façon. On les sait très largement financés, si on les compare à nous, c'est bien évident.

On sait, d'autre part, que l'avant-projet de loi veut leur confirmer un droit ou un pouvoir d'aller chercher des fonds privés. C'est sûr que ça nous fait mal quand nous, on est obligés de

négocier des subventions à coups de 10 000 $, 20 000 $, 25 000 $ et qu'on nous demande d'aller chercher la plus grosse partie de notre financement. C'est sûr que, si on se rencontre sur le terrain avec les hôpitaux, avec les fondations d'hôpitaux, on arrive deuxième. On n'a pas les machines de recherche de fonds qui vont nous permettre de les concurrencer, ça nous apparaît évident, comme deuxième financement.

Comme troisième financement, que les propres usagers de ces services aient à payer en plus des taxes qu'ils paient déjà, ça nous apparaît un élément de triple financement qui coûte cher. Nos jeunes n'auraient peut-être pas les moyens de faire ça.

On reconnaît un souci d'organisation, de réorganisation au niveau du réseau qu'on trouve très légitime, qu'on trouve très Important.

D'autre part, si l'avant-projet de loi prend position pour la santé, on doit reconnaître la nécessité d'un partage plus équitable entre l'action curative et l'action préventive. On est d'accord pour investir des masses Importantes d'argent au niveau de la santé, du curatlf, du traitement de la crise, mais il y a également toute une action préventive qui nous permettrait peut-être, à long ou à moyen terme, de réduire des coûts Importants si cette action pouvait être garantie de façon continue sur une période assez longue pour qu'on puisse en faire la preuve. Un des problèmes qu'on vit à l'heure actuelle, c'est de ne pouvoir agir de façon continue, de façon accessible. (17 h 15)

Le curatif peut aussi, à certains égards, constituer un gouffre important, parce qu'il n'y en aura probablement jamais assez. Je pense qu'il faut trouver des alternatives, il faut trouver des ressources dans la communauté. Il faut être capable de mobiliser les gens de la communauté. À ce titre-là, je pense que nos organismes constituent des alternatives Importantes pour mobiliser la communauté. Je sais que c'est un objectif qui a été mis de l'avant et je pense qu'on est en mesure de faire ça et on le fait depuis déjà très longtemps.

On a des malaises au niveau des objectifs qui ont été proposés. On veut ajouter toutes sortes de choses à la santé et à la vie. Cependant, à titre d'exemple - on l'a mis de façon importante dans le mémoire - parier du taux de cholestérol de nos jeunes ou parler de réduire leur taux de cholestérol alors qu'on est inquiet sur le fait qu'ils vont manger ou pas, notre priorité, à nous autres, serait placée au niveau de leur pauvreté et de leur capacité à s'alimenter avant de parier d'indicateurs, de ce qui nous apparaît être beaucoup plus des indicateurs, sur un niveau de santé générale. Ça nous apparaît donc important de placer la pauvreté et la capacité de survivre de ces gens, évidemment.

Sur la question de la prévention, je pense qu'il y a beaucoup... Il y a le rapport sur la santé mentale. Il y a des expériences dans les CLSC qui permettent de démontrer que, si on est capable d'avoir un impact sur la pauvreté, sur l'Isolement des gens, on est capable d'avoir un impact aussi sur le fait qu'ils vont voir moins souvent le médecin, qu'ils requièrent moins souvent de soins, qu'ils comptent plus sur leurs voisins, qu'ils comptent plus sur leurs amis. Et, à ce titre-là, je pense que l'action préventive, ce n'est pas illusoire ou ce n'est pas juste une idée en l'air de se dire que ça va avoir un Impact sur les coûts.

Sur la question du programme-cadre, c'est peut-être l'élément qui nous Inquiète le plus. On a peur un petit peu d'être appelé - et c'est un petit peu le thème de notre mémoire - à troquer un petit peu notre vocation contre un financement qui serait peut-être plus confortable, mais qui nous demanderait de faire ce qu'on ne s'est pas donné comme mandat de faire. A titre d'exemple, on peut reprendre l'exemple de la santé mentale. Nous ne sommes pas des ressources alternatives en santé mentale. Nous ne voulons pas que les maisons pour les plus de 18 ans soient associées exclusivement à ce mandat. Nous nous adressons à tous les jeunes et nous voulons rester ouverts à l'ensemble des jeunes. Nous ne voulons pas être obligés d'aller dans des régies régionales pour négocier un montant d'argent pour tel type de mandat ou tel autre type de mandat, par petits morceaux, et que, si on acceptait d'aller dans cette priorité de l'année, nous soyons obligés d'attendre l'année suivante pour un financement adéquat. Ça nous apparaît important de reconnaître les ressources pour ce qu'elles font. C'est l'essentiel de notre projet.

La question de l'hébergement de dépannage pour les moins de 18 ans est à l'honneur à l'heure actuelle. Je vais demander à Élisabeth tantôt de peut-être vous en tracer un portrait rapide. On ne veut pas, non plus, que les maisons pour les moins de 18 ans deviennent des garages pour désengorger le réseau. Je pense qu'on s'est donné un autre mandat. On n'est pas seulement des pensions pour jeunes, on est aussi des lieux d'intervention. Qu'elle soit à court terme ou à long terme, on voudrait cette reconnaissance parce qu'on a développé cette pratique. Ça nous apparaît important.

Concernant les régies régionales, on ne s'est pas penché très lourdement sur la mécanique. On voulait simplement manifester une grande Inquiétude. On reconnaît que, dans chaque région, II y a des besoins qui sont spécifiques et on n'en disconvient pas. D'ailleurs, nos ressources se sont développées de façon très autonome, en fonction de ces disparités. On n'est pas très sûr, cependant, que la proposition de régies régionales va servir le projet de démocratisation annoncé dans l'avant-pro|et de loi Pour nous, la place qui pourrait être occupée par les organismes communautaires restera toujours marginale,

soit en termes de disponibilité, de capacité à se mobiliser systématiquement pour répondre à un ensemble de dossiers qui vont être vraisemblablement gérés administrattvement. Est-ce qu'on va devenir seulement des "rubber stamps", des sanctions, des cautions pour des décisions auxquelles on n'aura plus, à un moment donné, accès, où on ne pourra plus nécessairement se mobiliser? Quels vont être les pouvoirs régionaux versus le pouvoir du ministre, la limite de ces choix-là? Ça nous inquiète un peu.

D'autre part, notre projet communautaire, notre expérience en est une de démocratie et de participation. On se dit qu'on pourrait peut-être commencer à tabler sur nos regroupements, sur notre présence régionale, sur notre volonté de collaboration, d'autre part, qui ne s'est jamais démentie, mais qui a toujours été volontaire et qui a toujours été négociée volontairement avec l'ensemble des partenaires du réseau. Évidemment, la perspective de voir disparaître nos regroupements nous inquiète. Ça nous a pris quatre ans pour se les donner démocratiquement. On s'est réuni librement, gratuitement et démocratiquement. On est inquiet de cette perspective de ne plus avoir de groupes qui nous représentent et qui représentent l'ensemble de la réalité de nos ressources.

Un dernier point, peut-être, concernant l'évaluation. On en parle beaucoup. Je pense que notre Regroupement des maisons d'hébergement est peut-être la meilleure garantie que l'État peut avoir en ce qui concerne l'amélioration de la qualité des services. Si on parle de l'évaluation en termes de qualité de services, c'est un petit peu différent que d'en parler en termes de contrôle administratif. On sait qu'on est imputable pour les sommes qu'on reçoit et on n'a jamais refusé de rendre compte de ça, d'aucune façon, en tout cas pour les montants qui nous étaient alloués, étant donné que ça ne correspond sûrement pas au total de ce dont on a besoin. Mais on a toujours été redevable devant le gouvernement de ces sommes d'argent qui nous ont été données.

D'autre part, en termes de qualité, il nous apparaît cependant que la meilleure façon de contrôler cette qualité-là, c'est quand les membres se regroupent pour essayer d'échanger sur leur pratique, d'améliorer leur capacité à intervenir et de se donner des meilleurs moyens. Je pense qu'on en a fait la preuve. Si on accordait moins de temps à se battre pour notre survie, à faire des représentations, à reparler de reconnaissance et de financement après cinq, six, sept ans, on aurait peut-être plus de temps pour parler entre nous de nos pratiques et les améliorer. Ça nous apparaît un point important.

Un des dossiers chauds, à l'heure actuelle, qui nous donne peut-être certaines indications sur nos craintes par rapport à la régionalisation, c'est la question des jeunes sans-abri, 12-18 ans, 15-20 ans, 18-30 ans, on ne le sait pas. Ça nous inquiète et on a fait des représentations à ce titre-là. J'aimerais ça qu'Elisabeth puisse, un petit peu, vous présenter la situation à ce niveau-là.

Mme Martin (Elisabeth): En effet, H y a...

La Présidente (Mme Marois): On vous laisse filer, là, mais vous savez qu'il faut un petit peu...

Mme Martin: Je vais faire ça vite.

La Présidente (Mme Marois): ...se ramasser. Mais prenez quand même le temps de nous présenter vos...

Mme Martin: O.K. Alors, il y a quatre principes qui régissent l'action des maisons d'hébergement jeunesse. Ce sont des principes qu'on veut préserver à tout prix parce qu'on se bat pour ces principes depuis le début de l'avènement des maisons d'hébergement et on désire que le projet de loi dont on parie aujourd'hui nous permette de les préserver. Alors, il s'agit de la mixité des sexes, de la mixité des âges, de la provenance des jeunes qu'on reçoit et du principe de volontariat. Celui-là, je le laisserai tomber parce qu'André en a déjà parié. Je vous parierai quand même de la mixité des âges, des sexes et de la provenance.

Ce qui caractérise la philosophie des maisons d'hébergement jeunesse, c'est leur compréhension de l'adolescence, période qui débute vers l'âge de 12 ans et qui se cristallise vers 24 ans. Les jeunes mineurs que l'on retrouve dans nos maisons doivent acquérir une autonomie beaucoup plus rapidement que ceux qui peuvent encore bénéficier d'un soutien familial adéquat. L'engorgement du réseau des services sociaux a entraîné des listes d'attente qui relèguent les adolescents derrière les jeunes enfants. On sait qu'à la DPJ ils sont beaucoup plus préoccupés des jeunes enfants de deux ans que d'un adolescent de dix-sept ans et demi qui vit une crise familiale avec ses parents.

Une maison d'hébergement jeunesse devient alors, pour ces jeunes, un milieu de vie privilégié où ils pourront faire des apprentissages dans le respect des éléments de socialisation qu'ils ont déjà acquis. La cohabitation des majeurs et des mineurs présente alors des avantages notoires. Elle permet à ces derniers d'abaisser la pensée magique des 18 ans à un niveau plus réaliste, la pensée qu'à 18 ans tout se règle de soi-même parce qu'on devient majeur. Et puis, qu'on le veuille ou non, la coexistence des mineurs et des majeurs, tout comme la mixité des sexes d'ailleurs, ça fait partie de la vie de tous les jours. À quoi ça servirait de proposer un milieu de vie aseptisé, détaché des réalités de la vie quotidienne, quand le but poursuivi est la recherche de

l'autonomie et de l'intégration sociale? Sans compter que les influences négatives, en tout cas, qu'on présume souvent seront beaucoup mieux contrôlées dans des maisons d'hébergement que dans la rue. Les jeunes qui sont dans nos maisons peuvent recevoir l'aide d'intervenants pour reconnaître les pièges de la manipulation et du principe du plaisir.

En présentant son cadre normatif, en juin dernier, le ministère annonçait que les maisons auraient à choisir, et ça a été reconfirmé, entre recevoir des jeunes de moins de 18 ans ou des jeunes de plus 18 ans. Alors, il n'y aura plus possibilité de recevoir à la fois des jeunes majeurs et mineurs à l'intérieur d'une même maison.

En novembre dernier, on a appris qu'il n'y avait pas de considérations légales à l'origine de cette décision-là, que le ministère, finalement, invoquait des considérations éthiques. Alors, les assemblées générales, les CA, les intervenants des maisons d'hébergement, eux aussi, ont des préoccupations éthiques. C'est pourquoi le Regroupement n'hésite pas à reconnaître qu'une maison ne peut accepter de faire cohabiter des jeunes dont l'écart d'âge représenterait une trop grande différence dans l'expérience de vie.

Toutefois, l'idée d'un âge précis comme clivage nous apparaît plus légaliste que réaliste. Le jour de ses 18 ans, un jeune devient majeur, mais cela ne signifie pas, pour autant, qu'il devient adulte et autonome. Le Regroupement définit que, pour les maisons qui choisissent de travailler avec des jeunes mineurs et majeurs, un écart maximal de six ans permettrait d'éviter que de jeunes adultes ne se retrouvent à partager un môme toit avec des adolescents plus jeunes. Ceux-ci, les plus jeunes, pourraient avoir de la difficulté à intégrer l'expérience de vie d'un grand frère peut-être un peu trop vieux.

Il y a aussi le principe de la mixité des sexes sur lequel on veut s'attarder. On pense que, dans la société, il y a des femmes et des hommes, et le fait que, dans nos maisons d'hébergement, il y ait des femmes et des hommes, c'est aussi un portrait fidèle de la société et ça permet aux jeunes d'échanger entre eux sur, par exemple, le rôle de la femme, la place de la femme dans le marché du travail et ça leur donne un excellent terrain d'apprentissage pour partager leurs expériences de vie. Tout au long de l'existence des maisons d'hébergement, II n'y a jamais eu aucune plainte ni aucun scandale qui a fait en sorte de laisser voir que la mixité des sexes ne doit pas exister a l'intérieur des malsons d'hébergement.

La mixité de la provenance aussi, parce que, quand on parle de jeunes sans-abri, de jeunes en difficulté, on parle de jeunes qui, s'ils ont moins de 18 ans, peuvent être référés par les services sociaux ou par les CLSC et il y a les jeunes aussi qui viennent d'eux-mêmes, sans passer par toute la filière du réseau. Pour nous, c'est Important aussi qu'il y ait un respect au niveau de la mixité de la provenance des jeunes. Alors, que les jeunes viennent du réseau, qu'ils nous soient référés ou qu'ils viennent de la rue, pour nous, ce sont des jeunes qui ont des problèmes, qui ont des difficultés de vie et il n'y a pas de discrimination. On ne voudrait pas se voir Imposer seulement des jeunes qui viennent du réseau.

Et le principe du volontariat, c'est le quatrième principe. André en a parié, comme le temps est écoulé, je vais m'abstenir.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Alors, on vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Beaucoup de choses. Il y en a des bonnes que j'ai écoutées avec beaucoup d'attention, qui me touchent, peut-être parce que je suis originaire d'une région. Ce n'est peut-être pas nécessairement la raison qui fait que je vous donnerais raison sur certains points, mais, à tout le moins, ça me permet de comprendre certaines interrogations que vous avez. C'est clair que le comportement, au niveau d'une région, des maisons par rapport à un milieu très urbanisé comme l'est celui de Montréal... Forcément, les critères que nous avons à Montréal peuvent s'appliquer à Montréal, mais ne s'appliqueraient pas nécessairement dans le monde rural et la barrière des 18 ans, à ce moment-là, est un élément sur lequel on doit se pencher. J'ai compris que vous allez rencontrer des gens tantôt pour continuer la discussion.

Je voudrais commencer par votre page des recommandations - je pense qu'on a une bonne partie de l'essentiel des Interrogations à partir des recommandations - et aller à 2B et, évidemment, en profiter à ce moment-ci, parce que tous ceux qui sont venus défendre l'intérêt des groupes communautaires ont fait à peu près la même revendication, pour vous dire que, dans les orientations, à la page 82, on retrouve bien défini... C'est ce que vous dites, c'était bien dans les objectifs, dans les orientations, mais on ne le retrouve pas à l'intérieur de l'avant-projet de loi. Alors, pour ceux qui connaissent les difficultés que nous impose la rédaction de textes sur le plan législatif, on a beau avoir le meilleur des contentieux - c'est ce que j'ai au niveau du ministère - on en arrive toujours à quelques petits problèmes au niveau du Bureau des règlements et des lois qui Interprète de manière différente et qui dit qu'on doit en mettre le moins possible. Évidemment, l'objectif de base était de refléter dans lavant-projet de loi, dans le texte, exactement ce qu'il y avait dans les orientations. Le constat qu'on a, comme tout le monde s'interroge, c'est qu'on n'a peut-être pas réussi et que ce sont des situations qui seront éventuellement corrigées pour bien vous rassurer

à ce niveau-là. (17 h 30)

Je vais aller directement à un des os, votre recommandation 7: "Limitation du pouvoir des établissements de réaliser des campagnes de levée de fonds pour permettre aux organismes communautaires de réaliser les leurs. " La communauté anglophone nous a habitués... Parce qu'on ne l'était pas, les francophones. D'abord, on n'avait pas les moyens et, avant môme que la communauté francophone ne réussisse à avoir un certain leadership dans le monde des affaires - parce que c'est là qu'est l'argent - ça a pris un certain temps. Mais on a appris des communautés anglophones que des levées de fonds, ça pouvait faire des choses miraculeuses. Évidemment, les institutions se sont ajustées vis-à-vis de la rareté des ressources, prenons un terme comme celui-là, ça ne choquera personne. D'autre part, on pourrait dire aussi que devant l'appétit constant et en forte croissance des institutions on a trouvé le moyen d'aller chercher de l'argent ailleurs pour faire ce qu'on voulait faire. Parce que ça, c'est encore un principe très sacré de l'autonomie. Si on a eu... Quand notre fondation est allée chercher notre argent, on peut se permettre de mettre de la pression sur le gouvernement pour les budgets d'opération et on peut aller acheter un scanner, par exemple. On dit: Vous n'avez même pas à le payer. Nous on l'achète, mais vous allez payer le coût d'opération.

Évidemment, tout ça est toujours fait dans le but d'augmenter le service à la population. Je pense qu'on peut le dire d'une manière générale. Comment est-ce qu'on fait pour dire, demain matin, à tout ce monde-là qui, de manière bénévole aussi - peut-être avec quelques permanents payés, de l'hôpital ou d'un centre - fait des levées de fonds... Parce qu'au bout de la ligne, s'ils vont ramasser 1 000 000 $ ou 2 000 000 $, dans certains cas, 11 000 000 $ ou 15 000 000 $, ce sont des sommes très très appréciables. Et ça ne veut pas dire par le fait même aussi que si on les faisait évacuer ce champ-là, automatiquement, les groupes communautaires pourraient aller chercher le même argent. Ça me paraît un peu difficile, là. Dites-moi comment faire pour interdire purement et simplement que ce champ-là soit occupé par les institutions?

M. Archambault: o. k. on n'a pas parlé d'interdire, dans un premier temps, on a parlé de limiter. et ça, ça m'apparaît important.

M. Côté (Charlesbourg): Comment est-ce qu'on limite ça, alors?

M. Archambault: Pardon?

M. Côté (Charlesbourg): Comment est-ce qu'on limite ça, alors?

M. Archambault: Je vais vous dire ça. Sérieusement, je pense qu'il y a peut-être effectivement un écueil qui apparaît important et je ne pense pas qu'il y ait de solution miracle. Et si vous me demandez comment, je pense que ça peut être aussi en fonction de reconnaître certains besoins. Je pense qu'on reconnaît qu'il y a des besoins au niveau du réseau de la santé. On n'est pas aveugles non plus. Cependant, on reconnaît qu'il peut peut-être y avoir des limitations au niveau des montants, ou des limitations au niveau de la portée ou de la durée. Il peut y avoir des limitations sur les objectifs, c'est-à-dire pourquoi on ramasse de l'argent, si on le ramasse pour un scanner, si l'hôpital à côté en a un, etc. Il y a peut-être des façons de limiter sur des objectifs à remplir.

On a vu des campagnes de financement qui se faisaient pour ramasser le fameux scanner. Tout le monde semble en vouloir un maintenant. Si on dit: On veut ramasser 1 500 000 $ pour un scanner, et ça paraît important dans une région parce qu'effectivement c'est vital, je pense que ce sont des objectifs qui sont légitimes. Si on y va "at large" parce qu'effectivement, avant, il y avait un vide, il n'y avait rien dans la loi qui permettait ou qui interdisait, maintenant elle le permet, elle le permet sans limite, ça nous apparaissait absolument difficile pour nous. C'est bien évident qu'on se ramasse dans un marché de compétition. Ça devient presque intenable ou insupportable de penser qu'à cause de l'ensemble des besoins on est obligés de "compétitionner". Mais dans les faits, quand nous autres on va demander un petit montant de 25 000 $ de plus, de temps en temps, on se fait dire: Écoutez, il faut que vous soyez autonomes. Il faut que vous soyez autofinancés. Faites un effort. On passe notre vie à faire ça. En tout cas, moi ça fait un an que j'en passe un grand bout à l'heure actuelle et il est évident qu'on ne peut pas monter des... On est en train de travailler très fort à se créer des appuis à l'intérieur de la communauté, même de la communauté des affaires, ça c'est clair. Mais, avant que ce soit fait, il y a un temps qui va se passer pendant lequel des ressources vont mourir. Et ça nous apparaît aussi intenable et insupportable à l'heure actuelle. Il est clair qu'on ne demande pas l'interdiction parce qu'on reconnaît bien qu'il y a des limites et qu'il y a des besoins, mais on proposerait peut-être d'aller vers des objectifs, ou vers des limites d'argent ou de durée de cet ordre-là, à titre indicatif, n'étant pas un spécialiste....

M. Côté (Charlesbourg): Oui, d'accord. On va... Non, mais je comprends que c'est davantage dans le sens de trouver des balises qui vont faire en sorte qu'il en reste pour les

autres.

M. Archambault: Exactement.

M. Côté (Charlesbourg): Revenons aux objectifs. Bon, vous avez pris tantôt un exemple. Vous avez dit: Parfait, avant de tenter de contrôler le cholestérol des jeunes, il faut peut-être s'assurer qu'ils aient de quoi manger. Évidemment, ça c'est un problème de gouvernement, auquel le gouvernement doit s'attaquer. Il est évident de plus en plus qu'il y a un lien direct entre ton état de santé et ta capacité de bien te nourrir.

Il y a 20 objectifs qui sont dans le document "Orientations". D'après vous, le défi - j'ai des idées, moi, je pourrais vous les dire, mais ce n'est pas ça que je souhaite là... D'après vous, quelles sont les deux premières priorités auxquelles le gouvernement devrait s'attaquer demain matin?

M. Archambault: Les deux premières priorités. Si du siège où moi je me trouve... Je vous dirais très spontanément et très personnellement, je vais sortir de mon mandat de représentant du regroupement pour vous dire très personnellement que je pense que la pauvreté, celle des jeunes en particulier - la pauvreté des personnes âgées, j'ai l'impression qu'il y a des gens qui vont venir vous en parler, je vais leur laisser ça - et l'isolement, si on parie sur le plan social, l'isolement des gens, dans toutes ses dimensions, m'apparaissent des priorités. Il y a 25... Vous avez dit vous-même qu'il y avait 20 priorités et il y a des gens qui viendraient s'asseoir à la même place que moi et qui vous en nommeraient sûrement quelques autres. Si j'ai à me prononcer là-dessus, moi, ce qui me préoccupe, c'est la pauvreté de ces jeunes-là parce que beaucoup de choses découlent de cette pauvreté et surtout de cet isolement. On aurait tendance à croire à des problèmes individuels des gens en disant: Ah! Ils sont maladaptés, etc., sauf que, quand on regarde dans l'ensemble de la vie de l'ensemble des Québécois, dans nos vies personnelles et un peu partout, l'isolement social des gens est un problème pour les personnes âgées, pour les jeunes et pour un paquet de monde. Je pense qu'on a à recréer des tissus sociaux. Ça, ça ne se fait pas en un an; ça ne se fait pas nécessairement par mandat annuel, c'est sûr; ça se fait sur de longues périodes. C'est pour ça qu'on est venu vous demander de faire un choix de longue durée, à long terme, sur des actions préventives. On a galvaudé le préventif, on est d'accord là-dessus. On l'a galvaudé à toutes les sauces, mais je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a des actions préventives qui peuvent être cernées, qui peuvent être cadrées et qui peuvent permettre aussi de réduire des interventions de type curatif. Là-dessus, on en est convaincu, le vécu avec nos jeunes tous les jours nous permet de le constater et on n'est pas médecin.

M. Côté (Charlesbourg): donc, si je vous comprends bien, peu importe l'ordre... les deux premières priorités devraient s'adresser à nos gens âgés, aux difficultés que connaissent nos gens âgés, et à notre jeunesse.

M. Archambault: C'est plus large que ça.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non, d'accord, je comprends.

M. Archambault: C'est plus large que ça. M. Côté (Charlesbourg): Oui

M. Archambault: Oui, je pense que ce sont deux groupes d'âge - je ne suis pas sûr de vous voir venir encore - qui vivent des difficultés...

M. Côté (Charlesbourg): ...les plus vulnérables.

M. Archambault: ...d'isolement et de pauvreté et qui sont plus vulnérables, le problème n'étant pas leur âge, mais sûrement leur pauvreté et leur isolement.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais en tout cas... Disons que, si je vous donnais mon opinion à moi, je pense que les deux plus mal pris de notre société, ce sont les deux extrêmes, en termes d'âge.

M. Archambault: Vous parlez de priorité ou de clientèle plus vulnérable?

M. Côté (Charlesbourg): Deux objectifs, mais ça vise effectivement - on va finir par y arriver - les clientèles. Et avec le défi de demain, du vieillissement de notre population, il est bien évident qu'en termes de choix de gouvernement on n'aura pas d'autre choix, éventuellement, que de faire face à ça. À l'autre bout, notre jeunesse éprouve aussi des difficultés extrêmement importantes et, à partir de ça, on va trouver les conditions qui font qu'ils vivent des problèmes. C'est pour ça que je vous posais la question. Donc, dans ce cheminement où nous partageons à peu près les principaux éléments, serait-il logique et pensable, dans la mesure où nous avons un programme-cadre sur le plan des subventions aux organismes communautaires, qu'on oriente aussi nos disponibilités budgétaires en fonction des priorités d'aujourd'hui? Ça m'apparaît important parce que, en termes de rareté de ressources, si on doit effectivement dire: Le problème numéro un est celui-là, le numéro deux est celui-là, le numéro trois est celui-là, est-ce que, dans ces conditions-là, la logique ne voudrait pas que, sur le plan de l'allocation de nos ressources, à tous les ni-

veaux - on parle de communautaire, mais à d'autres niveaux aussi - nos efforts soient d'abord orientés en fonction de ces objectifs-là?

M. Archambault: C'est une bonnel Si vous parlez de priorités en termes d'économie de coût, c'est-à-dire: On n'a pas assez d'argent pour tout, donc il faut choisir, je vous dirais qu'avant de "prioriser", à l'intérieur même du communautaire qui ne doit pas représenter une grosse masse là - évidemment, il y a plusieurs millions là-dedans mais, par rapport à l'ensemble du budget, ça ne représente pas une masse énorme sur l'ensemble du budget - avant de "prioriser" à l'intérieur même du communautaire, évidemment, de là où je suis placé, moi, je vous dirais de "prioriser" le communautaire. Les besoins sont partout. Ils sont pour les familles, ils sont pour les jeunes, ils sont pour les personnes âgées. Je pense qu'il ne faudrait peut-être pas une masse considérable d'argent pour consolider, peut-être un millier ou deux milliers d'initiatives a l'Intérieur même de la communauté et qui nous permettraient - d'ailleurs, on n'a jamais demandé le total chez vous de toute façon - effectivement de consolider sur l'ensemble. Je pense qu'il y a de la place pour ça. C'est peut-être une des craintes qu'on vit à travers la question des régies régionales, c'est d'être obligés d'aller se battre, par exemple, avec le Centre des femmes de Verdun ou avec tel autre centre ou tel autre groupe pour avoir un petit morceau de ce qui devrait être prioritaire. Qui va décider de ce qui va être prioritaire? Je sais, il y a des journées ça ne doit pas être très facile de tracer ces priorités-là, surtout en termes de budget, sauf qu'il nous apparaît possible, je pense, compte tenu de la masse d'argent qui est représentée par ce ministère et du peu qui est demandé la plupart du temps par nos groupes, de répondre adéquatement à l'ensemble. J'aurais, moi, beaucoup de mal à défendre mon dossier contre un autre organisme communautaire sachant l'ensemble des batailles que ces gens-là ont aussi à mener de la même façon. Je ne voudrais pas me retrouver en région, à être obligé de défendre la vie de mon organisme contre celle d'un autre; ça, j'aurais effectivement beaucoup de difficultés à le faire et je pense que ce n'est pas à moi de le faire non plus.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends votre intervention mais, évidemment, à partir du moment où on se met dans une situation où on veut se situer dans des priorités et des objectifs sur le plan gouvernemental, les sommes d'argent dévolues à ce moment-ci... Tout le monde demande le 1 %, on sait ce que ça représente; cette année 47 000 000 $, et 47 000 000 $ ce ne sont pas des "pinottes". On veut bien le situer. Pour bien le situer dans le ministère par rapport à son importance, le gouvernement, au cours des dernières années, a reconnu un budget d'alour- dissement de clientèle et c'est 45 000 000 $, le budget d'alourdissement de clientèle. Donc, lorsqu'on dit 47 000 000 $, pour ceux qui sont dans les groupes communautaires, évidemment, on souhaiterait bien en avoir 90 000 000 $ ou 100 000 000 $ et ça peut être légitime aussi. Mais quand on regarde le problème auquel on fait face aujourd'hui et demain en termes d'alourdissement de clientèle, donc, nos personnes âgées qui sont entrées dans des centres d'hébergement à 65 ans presque autonomes, perte d'autonomie qui exige beaucoup d'heures-soin - c'était une heure et demie, c'est deux heures et demie, c'est trois heures - on consacre donc comme effort ce qu'on peut consacrer, 45 000 000 $. C'est donc important. C'est pour ça que je ne vous oblige pas de répondre là. Je pense que je vous ai assez torturé comme ça. Vous avez des intérêts à défendre...

M. Archambault: Je dirais... excusez, terminez.

M. Côté (Charlesbourg): Allez.

M. Archambault: J'aurais peut-être plus tendance, à des moments donnés, à comparer ces 47 000 000 $ à l'ensemble des besoins lourds du réseau. Je vais prendre une rubrique d'un journal, la semaine passée, où les hôpitaux réclamaient 300 000 000 $, je pense, pour les réparations les plus urgentes. Moi, j'ai tendance à tomber en bas de ma chaise dans ce temps-là, d'une part, parce que je me dis: Mon Dieu, qu'on n'est pas gros! Donc, à ce niveau-là, s'il fallait comparer, j'aimerais autant comparer avec le réseau que le comparer avec mes confrères et consoeurs du réseau communautaire, pour des raisons évidemment d'intérêt aussi sûrement.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. Finalement, on prend toujours, quand ça nous concerne, la comparaison qui fait notre affaire. Je comprends. Alors, j'ai pris celle-là aussi, mais je l'ai prise dans un secteur où je me suis dit: C'est une des priorités de demain, l'alourdissement des clientèles au niveau du réseau. Comme vous êtes des gens qui travaillez dans le communautaire et qui, effectivement, avez à donner des services aussi, de manière globale, à ce genre de ressources, ce sont des choses dont on doit se préoccuper sans pour autant négliger ce que je considère l'élément jeunesse. Évidemment, je pourrais continuer. Votre exemple de la rive sud, d'un de vos membres associés qui vous a été littéralement piraté, ça pose tout le problème de l'autonomie des institutions auxquelles on accorde des budgets où on n'a finalement, au bout de la ligne, pas beaucoup de droits de regard quant à l'action. Ça pose aussi le problème d'autonomie des groupes communautaires qui sont subventionnés et qui font fondamentalement un choix, à un moment donné, de vous laisser pour aller vers le

plus lucratif, comme vous l'avez dit tantôt. (17 h 45)

M. Archambault: J'ajouterais là-dessus... Ah! Je m'excuse.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'ils font vraiment le choix à ce moment-là? La question se pose. Ou c'est l'obligation qui les amène...

Mme Martin: C'est un faux choix. En quelque sorte, c'est un choix: ou bien tu crèves ou bien tu continues parce que tu veux faire une action auprès des jeunes, et tu vas prendre un autre créneau. Je pense que c'est un faux choix. C'est un choix piégé, en tout cas.

M. Côté (Charlesbourg): D'accord. Ce qui est le titre de votre mémoire.

Mme Martin: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Ce sur quoi je voulais attirer votre attention, ce n'est pas nécessairement sur le fait qu'il était piégé, mais davantage l'autonomie. On demande aujourd'hui, à peu près dans tous les rapports, davantage d'argent et davantage d'autonomie. Autrement dit: passez-nous plus d'argent, mais ne vous mêlez pas de nos affaires, et ça, des fois, c'est difficile à concilier. Je ne dis pas que c'est votre cas là.

M. Archambault: O.K. Mais je vous voudrais parler de l'alourdissement. Vous parliez de l'alourdissement. Chez nous aussi, on le vit, l'alourdissement. On reçoit des jeunes qui vivent des problèmes de plus en plus compliqués. On peut constater qu'on a tardé à intervenir, que c'est le milieu communautaire qui a, encore une fois, mis le doigt sur certains problèmes en termes d'hébergement des jeunes et qui a finalement trouvé les alternatives. Une fois que c'est fait, quand on essaie de le cadrer, ça devient beaucoup plus compliqué parce qu'on se dit: On est là, sur le terrain, depuis déjà un bon moment, on a identifié des affaires, on a fait des pas, on a développé des alternatives et, là, on nous dit: Bien non, vous ne ferez pas ça de telle façon ou vous ne ferez pas ça de telle autre façon. On dit: Un instant! Par rapport à ça, les clientèles chez nous aussi s'alourdissent et on ne refuse pas systématiquement non plus de recevoir des clientèles lourdes, mais on veut les recevoir de la façon qu'on a développée en termes d'intervention - et c'est ce qu'on veut surtout préserver - et préserver cette dynamique qui existe entre ce qu'on appelle la communauté qui s'implique dans nos ressources et qui nous aide aussi à choisir et à orienter, ce qui nous permet de nous revirer sur un trente-sous, alors que, pour d'autres institutions du réseau, ça prend beaucoup plus de temps avant de changer les orientations. Je pense que c'est un avantage non négligeable pour l'ensemble des ressources.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que Mme la députée de Saint-Henri voulait soulever une question.

mme loiselle: merci, mme la présidente. ce n'est pas une question, c'est un commentaire, un commentaire positif. ça fait du bien de temps en temps. je voulais, au nom des jeunes démunis et en détresse du sud-ouest de montréal plus précisément, du quartier saint-henri, côte-saint-paul et ville-émard, vous remercier publiquement. si on recule dix ans ou onze ans en arrière, je me souviens de la première rencontre que j'ai eue avec vous, m. archambault, ii n'y avait presque pas d'aide ou de ressources pour ces jeunes-là pour se retourner et aujourd'hui, grâce à l'acharnement, la volonté et la détermination des intervenants du milieu qui oeuvrent auprès de la jeunesse comme vous et votre groupe, on retrouve deux maisons de jeunes qui sont très actives, à saint-henri et à vllle-émard, une maison d'hébergement, hébergement du sud-ouest, une maison de jeunes pour les jeunes qui ont de graves problèmes de drogue et d'alcoolisme. je vous dis merci et je vous dis de ne pas lâcher. je suis derrière vous. merci.

M. Archambault: Ça fait du bien de l'en tendre. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée de Saint-Henri. Je suis persuadée que c'est un commentaire que beaucoup de vos collègues autour de la table, tant d'un côté comme de l'autre, partagent avec vous.

M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Tout à fait, Mme la Présidente, je ne veux pas rallonger là-dessus, mais, avec ce qu'on a entendu depuis un certain nombre d'heures et de journées maintenant, vous nous présentez un mémoire extrêmement articulé et une pensée extrêmement articulée à l'intérieur de ce que vous dites et de ce que vous constituez comme ressource dans la communauté. Je dois vous dire tout de suite, en tout cas, que c'est la première fois que le ministre, face à des groupes qui sont venus nous présenter leur pensée, reconnaît assez largement que le problème est beaucoup plus relié à la pauvreté, à l'état de situation des populations qu'à des plans de traitement, qu'à la réponse que l'on donne en termes de services de santé et de services sociaux au Québec. Là-dessus, il va falloir espérer que le ministre aille aussi Jusqu'au bout, au niveau de l'allocation des ressources, en lui faisant remarquer, entre autres, que, dans le domaine dans lequel vous oeuvrez, par rapport au problème de la limitation des sommes à Injecter

dans le réseau, à la nécessaire limitation des ressources de l'État... Il faut dire au ministre, et probablement qu'il le sait, bien sûr, que l'on se prive, au Québec, d'une certaine quantité de ressources financières parce que, par exemple, l'action que vous menez auprès des jeunes en termes de prévention - et vous avez tellement bien décrit ces interventions-là - elle n'entre pas dans les compensations ou dans les calculs au niveau du gouvernement fédéral pour rembourser le Québec, parce que vous ne vous occupez pas des jeunes qui ont été Incarcérés.

Le gouvernement fédéral redonnerait des ressources au Québec pour vous aider à mieux faire votre travail, mais à condition que ce soient des jeunes qui vous aient été référés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Là-dessus, on comprend que c'est un autre morceau qu'on doit assumer seuls, au Québec, et que ça aide, que ça supporte ou que ça contribue à la faiblesse de revenus que nous avons pour vous aider en termes de ressources financières.

Ceci étant dit, toute cette problématique de la reconnaissance des groupes communautaires, de leur financement et de l'autonomie que ces groupes doivent avoir... Est-ce que vous reconnaissez cependant qu'il est de ta responsabilité de l'État de fixer les grands objectifs généraux vers lesquels on doit tendre dans une société et qu'on est en mesure d'exiger - je fais exprès pour utiliser le mot "exiger" pour caricaturer un peu - de la part des groupes communautaires oeuvrant dans un secteur particulier, de se conformer à ces grands objectifs et qu'en quelque sorte - il faut bien être clair - ça amène une limitation de la définition d'autonomie? Est-ce que c'est acceptable? Est-ce qu'on peut se rendre jusque-là lorsqu'on serait en train de définir une politique de reconnaissance de l'action des groupes communautaires au Québec?

M. Archambault: Je pense qu'effectivement on reconnaît cette condition, soit que le ministère a à fixer les grands objectifs. Dans la pratique et dans ses technicités, cependant, il faudrait peut-être - et c'est peut-être un problème depuis la loi 65 qui a lancé des grands objectifs d'universalité, etc., qui voulait une certaine uniformité sur l'ensemble du territoire, des services pour tout le monde, tout ça - reconnaître aussi qu'il y a une dynamique différente qui joue a contre-courant, dans ce sens-là, mais pas nécessairement à contre-courant dans le sens de rejoindre ces objectifs.

Les organismes communautaires sont issus du milieu. Ils naissent parce que les gens reconnaissent, ou intuitivement, ou de toute autre façon, des besoins et, éventuellement, ces initiatives se cristallisent dans des groupes. Ce qui m'apparaît important, maintenant, et c'est peut-être un des enjeux de cet avant-projet de loi et de la loi avec laquelle on va vivre pendant 10 ou 20 ans, c'est de reconnaître le besoin, une fois qu'on a défini un réseau d'ensemble de services uniformes sur l'ensemble du territoire, d'apprendre à gérer la différence. C'est-à-dire que, malgré tout ce réseau, malgré ces grands objectifs, il va rester une masse de besoins que les gens eux-mêmes vont vouloir rencontrer, pour lesquels ils vont vouloir se solidariser et trouver des alternatives.

Il va falloir trouver à l'intérieur de cette loi un moyen de reconnaître que l'État doit aussi gérer cette différence. On parle de différences régionales, on parle de différences d'Interventions, on parle d'alternatives. Il n'y a pas de recette miracle et c'est un gros enjeu qui n'est pas facile à rencontrer. Mais comment l'État va-t - il pouvoir gérer la différence en reconnaissant cette différence, en reconnaissant une dynamique qui fait qu'à Rimouski il s'est créé une maison d'hébergement qui ne ressemble pas à celle de Montréal, mais qui répond tellement bien aux besoins qu'on n'a pas besoin de l'encadrer nécessairement dans un objectif général, des objectifs spécifiques, des objectifs par région, des mandats par région, des mandats spécialisés, des mandats par clientèle? C'est ça qui nous inquiète beaucoup plus que les objectifs généraux, je pense, auxquels on pourrait tous ici se joindre sans aucune difficulté. Je pense que tout le monde ici est de bonne foi et voit l'ensemble des enjeux pour le Québec, c'est sûr. Je ne sais pas si ça répond à votre question. J'espère que j'ai répondu à votre question.

M. Trudel: Tout à fait, tout à fait parce que vous vous doutez bien qu'on n'a pas... C'est normal. Ce n'est pas tous les groupes qui nous ont répondu de cette façon-là. Il faut retrouver cette espèce de marge, à la fois de liberté pour les organismes qui oeuvrent dans tel ou tel secteur, mais il y a aussi la responsabilité de l'État. Il y a aussi les grands objectifs. On n'est pas sûr d'être efficace si on tire tous azimuts, dans toutes les directions. Mais dans la mesure où vous êtes prêts, vous, à dire et à participer à un travail qui aménagerait ce corridor, vous souhaitez, d'ailleurs, la même chose de la part de l'État en disant: Nous on est prêts à collaborer. Il y a des aménagements, il y a des corridors à dessiner, je pense qu'on peut en arriver à établir une politique de reconnaissance et un mode de financement beaucoup plus stable pour faire en sorte que vous puissiez remplir les objectifs pour lesquels vous êtes nés, finalement.

À cet égard, je prends la précaution suivante avant de poser cette autre question. Ce n'est pas pour vous mettre en contradiction avec d'autres groupes. Il y a des gens, dans votre situation et dans votre réseau, qui nous ont dit qu'ils voudraient un moratoire de trois ans sur tous les éléments qui regardent l'organisation communautaire ou la reconnaissance des groupes communautaires, tout ce qui regarde le communautaire dans l'avant-projet de loi qui nous

est présenté Ici. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette grande période parce que ça me semble - pour faire mon observation tout de suite - très long comme période? Du môme coup, vous pourriez me répondre: Est-ce que vous pensez qu'on peut faire ça assez rapidement, compte tenu des acquis, par exemple, que vous avez dans votre propre réseau, la définition de cette politique et des mécanismes afférents au niveau du financement? Est-ce qu'on peut faire ça relativement rapidement?

M. Archambault: Je serais tenté de vous répondre qu'effectivement je ne sais pas si on va avoir la patience, nous autres, d'attendre trois ans. On est toujours un peu impatient par rapport à des résultats. Il y a une ouverture qui est faite à travers le projet de loi à l'effet d'une reconnaissance des organismes communautaires; ça m'apparaît déjà un premier pas. Il y a des volontés manifestées de s'asseoir à une même table, et je pense que l'ensemble des groupes est sensible à ça. Il y a une volonté du ministère de s'asseoir avec nous, en tout cas, d'ouvrir la porte à des discussions; à preuve, aujourd'hui. Je pense que les conditions sont quand même bien meilleures que si je regarde il y a cinq ou dix ans. Et je pense que, oui, il y a lieu de faire ce moratoire-là et de commencer tout de suite, maintenant, à se parler, et pourquoi ne pas se parler le plus souvent possible là-dessus? Moi, je trouverais ça long, personnellement, trois ans, ça fait trop longtemps qu'on attend. Mais, si ça devait prendre ça, j'accepterais peut-être d'attendre encore un grand bout, mais je voudrais qu'on commence tout de suite à s'asseoir et à essayer de trouver. On est un gros paquet de monde autour de la table, quand on parle du communautaire. Il y a des enjeux. Il faudrait commencer dès maintenant. Je pense qu'on peut y arriver quand même assez rapidement, à mon point de vue. C'est une évaluation très sommaire, très personnelle.

M. Trudel: Très bien. Tout ça ne visait pas à vous mettre en contradiction avec d'autres groupes du communautaire qui se sont exprimés dans ce sens-là. Le souci est le même, mais votre expérience nous dit que ce serait possible de le faire assez rapidement, pourvu qu'on ait la volonté politique de le faire et de s'attabler à la réalisation et à la définition de cette politique là. Il y a, à cet égard... Pardon?

Mme Martin: Je pense que si on utilisait... Il y a eu déjà beaucoup d'études de faites sur la reconnaissance et le financement des organismes communautaires, autant par le milieu communautaire, autant par le milieu gouvernemental. Je pense que déjà, si on sortait tout ça des tablettes, je ne suis pas sûre que ça prendrait trois ans à en arriver à une politique et à s'entendre sur quelque chose. Donc, j'ai l'impression que trois ans, c'est peut-être un peu gros comme chiffre, mais la volonté est là et d'agir rapidement aussi.

M. Trudel: Très bien, tout le monde...

M. Archambault: On a déjà des efforts de concertation, j'ajoute, au niveau, en tout cas, de la coalition, sur certains grands objectifs, au niveau de la coalition des organismes communautaires. Ce sont quand même treize ou peut-être, bientôt, quinze regroupements qui représentent beaucoup d'organismes et qui s'entendent déjà sur certaines bases. On est loin d'une entente globale sur plein de choses, mais II y a des arguments de fond qui reviennent dans l'ensemble des groupes. Là-dessus, je pense qu'on se reconnaît malgré toutes nos différences et malgré notre goût de rester le plus proche de notre monde possible et différent à travers ça.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Chicoutimi. Vous avez une autre question?

M. Trudel: Oui, tout à fait. Permettez, Mme la Présidente, au moins une dernière question. Le ministre nous disait: Au niveau de la traduction des orientations dans l'avant-projet de loi sur la réforme, il y a peut-être de petites choses qui ont été oubliées au niveau de la définition des organismes. Le ministre note, en passant, qu'il a un très bon contentieux et qu'on va réussir à corriger ça, on est heureux d'apprendre ça, qu'il y a un très bon contentieux au ministère, ce n'est pas comme à l'Environnement, II y a du bon monde. Il y a du bon monde qui est capable de travailler; on est sûr qu'ils sont capables de réaliser ça, on est certain de cela. Et, à cet égard...

M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, je l'ai dit parce que mes prédécesseurs l'ont dit aussi. Il y a une continuité chez nous tout à fait exceptionnelle au niveau du contentieux, incarné par Mme Demers...

M. Trudel: Dans votre ministère.

M. Côté (Charlesbourg):.. donc, c'est unanime des partis politiques à l'Assemblée. (18 heures)

M. Trudel: Dans votre ministère, dans votre ministère. Là-dessus, il y a tout cet aspect de votre avis au niveau de l'établissement des régies régionales. Vous êtes prudent. Vous dites: On n'est pas sûr, on a des craintes. Finalement, est-ce que ça vaut la peine, dans la forme où ça nous est présenté, que ces régies régionales au niveau de la régionalisation, au moins, des opérations, mais la régionalisation de la dispensation de nos services de santé et de nos

services sociaux... Est-ce que le nombre de réserves que vous apportez ne nous amènerait pas à conclure, finalement, que c'est juste cosmétique, cette histoire-là, et que ça ne vaut pas la peine de se lancer dans cette opération-là parce que ça changerait peu de choses dans la réalité? Même, vous, vous ajoutez: On a des craintes supplémentaires qu'on ne va que se retrouver, finalement, à développer peut-être des luttes, en ce qui concerne votre secteur, entre des groupes ayant des objectifs similaires. Mais, finalement, la régionalisation, les régies, vous voulez qu'on y aille ou qu'on n'y aille pas? Est-ce que ça vaut la peine ou est-ce que ça ne vaut pas la peine?

M. Archambault: En tout cas, dans l'état actuel de ce qui nous est présenté, compte tenu de la garantie d'existence qu'on a, de la reconnaissance qu'on a, où on en est à l'heure actuelle, c'est sûr que ça ne vaut pas la peine pour nous, pour nos groupes, de participer à ça. Est-ce que ça vaut la peine pour le réseau, en termes de rationalisation, en termes de meilleure opérationalisation? Je ne le sais pas. Je vais être bien franc avec vous, je ne le sais pas. Cependant, c'est sûr que, pour nous, il y a de trop grosses inquiétudes pour dire: "Let's go", on y va et on verra bien. On n'est pas prêts à prendre le risque de cette expérience-là maintenant, compte tenu des quelques expériences qu'on a pu vous présenter et qui nous disent: Si on était assis aux mêmes tables que les gens du réseau, malgré toute leur bonne foi et malgré tout ça - on ne remet pas ça en question, d'aucune façon - on ne serait peut-être pas gros dans la balance, on ne serait peut-être pas très capables de faire valoir nos points de vue et, à la limite, on serait peut-être, encore là, obligés de troquer notre vocation contre un financement qui, dans le fond, ne ressemble pas à ce qu'on... On a l'impression qu'on ne s'y retrouvera pas, nous autres, là-dedans et que, à la limite, ça ne nous concerne pas véritablement, ça ne nous interpelle pas véritablement, ce projet de régionalisation. On pourrait très bien, via notre regroupement et via le Service de soutien aux organismes communautaires, à l'heure actuelle, continuer un dialogue qui s'est amorcé et, parfois, qui a été difficile, parfois, qui a été meilleur, mais qui s'est amorcé. Et il y a une continuité qu'on souhaite, à l'heure actuelle, tant et aussi longtemps qu'on n'est pas sûrs de ce qu'on s'en va faire en région, nous autres, et de la place qu'on va occuper. On ne se sent pas très gros là-dedans, c'est bien évident.

M. Trudel: Vous avez tellement d'appréhension qu'on n'a pas suffisamment de garanties dans ce qui nous est présenté pour courir le risque.

M. Archambault: À l'heure actuelle.

M. Trudel: C'est à peu près ça.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Chicoutlmi, on devrait terminer d'ici deux ou trois minutes. Alors, il faut...

Mme Blackburn: Alors, ça va être bref. Je veux d'abord dire que je partage l'avis de mes collègues quant à la qualité et à la nécessité de vos interventions dans nos comtés et dans mon comté, en particulier. J'ai, je pense, fait le tour un peu de votre réseau, je le connais bien, je sais ce que vos gens ont fait. Une seule chose m'inquiète, et ça rejoint un peu ce que dit le député d'Abitibi, ce sont les appréhensions que vous avez quant à la capacité des régions, si elles sont plus autonomes, de définir leurs propres besoins et de se doter des outils nécessaires. En même temps que vous reconnaissez que les besoins sont varies, différents selon les régions, selon les villes, selon les villages, en même temps, vous ne semblez pas vouloir faire confiance aux régionaux pour décider de ce qui leur convient le mieux. Je dois dire que ça me laisse perplexe, peut-être parce que moi, précisément, j'estime que les régions, où qu'elles se trouvent, que ce soit la région de l'est de Montréal, la grande région de Québec, celle de la Gaspésie ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean, j'estime et j'ai toujours estimé que c'étaient les gens les mieux placés pour faire une évaluation des besoins et pour se donner les outils dont ils avaient besoin. Alors, ça m'étonne un peu. Je me demandais si ce que je pensais qui pouvait être utile - en tout cas, moi, c'est la perception que j'en avais - le pouvoir dans les régions, mais l'assurance d'une concertation nationale... Je pense qu'on a perdu et on a perdu beaucoup, particulièrement à l'éducation des adultes, lorsqu'on a coupé les ressources aux tables nationales, aux tables provinciales, dans les OVEP et ce genre de truc-là. On leur a enlevé... On a arrêté de les financer, donc, ils ont de moins en moins de possibilité de se réunir, de se concerter, de voir ce qui se fait d'une région à l'autre, de pouvoir s'enrichir les uns les autres; je pense que ça, à mon avis, c'est indispensable. Mais pour le reste, moi, j'aurais privilégié plus de décisions en région.

M. Archambault: Je pense qu'on reconnaît déjà clairement qu'effectivement les gens qui sont les plus à même d'identifier les besoins, ce sont les gens qui les vivent, d'une part, de quelque région qu'ils soient et à l'intérieur même de leur région. Ça nous amène à proposer, effectivement, de laisser jouer certains dynamis-mes sociaux pour que les gens se regroupent, avec des solidarités naturelles, et se les donnent, ces organismes-là. Ce qu'on craint, ce n'est pas que ça se passe dans les régions, c'est comment ça va se passer dans les régions et qui vont être les véritables décideurs de ces mandats-là, de ces

vocations-là. De lier notre financement à ça nous inquiète beaucoup parce que les régies régionales, en tout cas, les inquiétudes qu'on a, c'est qu'on ne puisse pas suivre le rythme et que, finalement, ça devienne des lieux où on va dire peut-être oui avec réserve, où on n'aura pas vraiment ni le temps ni l'espace ni les moyens nécessaires pour faire jouer véritablement la démocratie dans ce sens-là.

Je reviens, à ce moment-là, à ce que nous autres on définit comme expérience démocratique qui est celle où des groupes se regroupent selon des solidarités naturelles, et ça ne renie pas le principe qu'effectivement ce sont les gens qui vivent la situation qui sont les premiers. Je pense que c'est l'un des principes du communau taire de reconnaître qu'ils sont les premiers à savoir ce dont Ils ont besoin.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre intervention.

M. Archambault: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Moi, j'aurais eu aussi quelques...

Mme Blackburn: Ils sont centralisateurs.

La Présidente (Mme Marois): ..questions. Je pense que je vais m'en permettre une. Sûrement que M. le ministre va prendre une minute ou deux, je sais qu'il est pressé comme beaucoup d'entre nous.

M. Côté (Charlesbourg): ..tout simplement vous dire merci. Évidemment, c'était une ultime consultation, très certainement pour tenir compte de ce qu'on veut nous dire et dans les décisions finales.

M. Archambault: On l'apprécie.

La Présidente (Mme Marois): Juste une dernière remarque. Vous avez mentionné dans une réponse au ministre que, pour vous, il y avait essentiellement deux priorités auxquelles il fallait s'attaquer d'une façon très sérieuse, c'était la pauvreté et l'isolement. Évidemment, il y a la pauvreté matérielle, il y a la pauvreté culturelle; l'isolement, c'est la pauvreté sociale, jusqu'à un certain point.

Si vous aviez une stratégie à proposer au gouvernement, à quoi devrait-on s'attaquer en priorité?

M. Archambault: En priorité?

La Présidente (Mme Marois): Dans le sens de cette pauvreté profonde, laquelle vous nous identifiez comme étant ce à quoi un gouvernement ou une société devrait s'attaquer Est-ce que c'est par essentiellement des mécanismes de répartition de richesse que l'on s'y attaque, par des interventions un peu plus significatives dans le domaine de la santé et des services sociaux, par exemple, ou par des mesures de type économique?

M. Archambault: O.K. Je pense qu'il n'y a pas une solution en soi. Au départ, je pense qu'il va falloir... En tout cas, si on parle des jeunes, je vais vous parler des jeunes avec lesquels je vis et je travaille. Il n'y a pas une solution en soi et je pense qu'il n'y a pas de solution miracle, je n'en ai pas moi non plus. Cependant, ce que j'aurais tendance à proposer pour rester cohérent avec tout ce qu'on a dit depuis le début, c'est de laisser jouer ces dynamiques de communauté qui font que des groupes se retrouvent, à des moments donnés, pour parler de santé mentale, se retrouvent, travaillent ensemble, se développent des outils. Certains groupes reconnaissent qu'il y a des besoins spécifiques pour des jeunes, ouvrent des maisons d'hébergement et essaient de développer des liens, des réseaux avec d'autres organismes qui oeuvrent au niveau de l'emploi, par exemple, et qui, eux, ont des actions complémentaires, travaillent de façon volontaire. Le partenariat m'apparaît une chose intéressante dans la mesure où il est volontaire, où il n'est pas lié au financement. Je ne peux pas faire de partenariat avec quelqu'un qui me dit: Si tu n'es pas avec moi, je ne te finance pas. Donc, ça doit être volontaire. Je pense qu'en laissant jouer ces dynamiques-là, en permettant aux gens de définir et de créer, il va se créer, à mon point de vue, une forme de régionalisation qui va être tout à fait naturelle et qui va se lier sur des solidarités.

C'est clair que le réseau communautaire a toujours été le premier à identifier des besoins, à chercher des réponses et c'est par la suite qu'on les a plus institutionnalisées, dans la plupart des cas. Laissons jouer ces dynamiques, faisons en sorte que les gens puissent s'asseoir, se parler ensemble, travailler ensemble sur une base volontaire et sur une base négociée. Ça m'apparaft, moi, être non pas l'anarchie mais la meilleure stratégie possible pour que les communautés se reprennent en main Si c'est l'objectif de cet avant-projet de loi, laissons les gens se reprendre en main.

La Présidente (Mme Marois): D'accord

M. Trudel: Merci beaucoup de cette participation. J'ai l'impression que nous aurons à nous revoir puisque le ministre, de son côté, dit que c'est l'ultime consultation et que, si vous voulez avoir voix au chapitre, il faudra passer par l'Opposition quand il y aura un projet de loi. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Si vous le

permettez, M. le député, nous allons... Je vous remercie à mon tour...

M. Archambault: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Nous allons ajourner nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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