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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 20 février 1990 - Vol. 31 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme Marois): Si vous voulez bien prendre place, nous allons démarrer notre travail à la commission des affaires sociales.

Nous sommes réunis, ce matin, pour procéder à une consultation générale, de même qu'à des auditions publiques, dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente: M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount).

La Présidente (Mme Marois): Bonjour.

La Secrétaire: M. Chevrette (Joliette) par Mme Harel (Maisonneuve).

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Est-ce que de votre côté... Non, il n'y a pas de remplacement. D'accord.

Je vous souhaite la bienvenue à la commission. J'aimerais rappeler, en une ou deux minutes, l'importance des travaux que nous engageons ce matin. C'est vrai, bien sûr, je vous dirai, pour beaucoup de commissions auxquelles nous siégeons et pour lesquelles nous entendons des représentations. Celle de ce matin est particulièrement importante. On nous rappelle qu'elle toucherait 58 % de la main-d'oeuvre québécoise et elle touche souvent le travail de nombreuses femmes - sûrement que la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille en parlera-elle touche largement les femmes, elle touche largement le travail précaire d'un grand nombre de personnes qui oeuvrent chez nous, et c'est dans ce sens-là que cette commission est aussi importante.

Je souhaite que nos travaux soient empreints de sérénité, permettent aux personnes de s'exprimer, de dire les points de vue et permettent aussi qu'il y ait entre les membres de la commission des échanges fructueux qui éclaireront ainsi le gouvernement quant aux positions à prendre sur cet important projet de loi.

Alors, je crois que vous vous êtes entendus quant au partage du temps: 20 minutes de part et d'autre, et M. le député indépendant a dix minutes qu'il lui est aussi possible d'utiliser pour émettre son point de vue.

Remarques préliminaires M. André Bourbeau j'inviterais maintenant le ministre de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle à nous faire part de son point de vue.

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Nous franchissons aujourd'hui une étape importante dans le processus devant conduire à la révision des normes du travail.

La consultation publique que nous menons sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail s'inscrit, en effet, dans une démarche visant à mettre à jour et à améliorer les conditions minimales de travail au Québec. Mises à part quelques retouches de concordance, la loi actuelle n'a fait l'objet d'aucun amendement significatif depuis son adoption, en 1979.

Pourtant, la dernière décennie a été marquée par une évolution importante du marché du travail et par une sensibilisation accrue de la nécessité de mieux concilier le travail et les responsabilités familiales. En publiant l'avant-projet de loi, le gouvernement a déposé des propositions susceptibles de constituer la base d'un nouveau cadre législatif sur les conditions minimales de travail. J'insiste pour dire qu'il s'agit bel et bien de propositions. Nous sommes parfaitement réceptifs à des suggestions d'amendement, de retrait, d'ajout ou à des projets d'articles qui pourraient bonifier l'avant-projet de loi et contribuer à la constitution d'un régime plus adéquat et plus complet de normes du travail.

À l'égard de certaines questions, nous avons choisi de ne pas prendre position immédiatement, préférant solliciter de la part des participants à cette commission parlementaire des suggestions concrètes en ces matières. C'est notamment le cas des règles régissant la participation des employés à temps partiel aux régimes d'avantages sociaux instaurés dans l'entreprise. Comment, par exemple, appliquer une règle de proportionnalité qui rendrait admissibles aux bénéfices d'un régime d'assurance collective les employés à temps partiel? Je souhaite que certains de nos invités expriment leur façon d'aborder ce genre de problème dans l'optique de la recherche de l'équité à l'égard des milliers de personnes qui travaillent à temps partiel, souvent dans des conditions précaires.

Comme vous le voyez, Mme la Présidente, l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail demeure un chantier ouvert. Le

gouvernement ne fera son lit qu'après avoir soigneusement analysé et évalué les recommandations que nous entendrons au cours des prochains jours. C'est donc dire toute l'importance que nous accordons aux travaux de cette commission.

Dans une société comme la nôtre, la fixation du salaire et des conditions de travail s'établit en fonction des rapports entre l'employeur et les employés. Les forces du marché et de la concurrence devraient normalement assurer un certain équilibre entre la volonté d'améliorer les conditions de travail des salariés et la capacité des entreprises d'y contribuer.

Mais la réalité n'est jamais, hélas, aussi simple. Aussi, les gouvernements ont-ils historiquement établi des normes relatives au travail et aux conditions de base d'exercice d'un emploi. Le travail effectué en deçà de ces normes minimales pourrait être qualifié d'abusif en regard de la qualité de vie, de la dignité et du respect des droits fondamentaux de la personne.

Bien sûr, la Loi sur les normes du travail s'applique indistinctement à l'ensemble des personnes en emploi. Il n'en demeure pas moins que ce sont surtout les travailleurs qui ne disposent pas d'un pouvoir de négociation qui y voient une protection essentielle à la préservation de leur droit à des conditions de travail considérées décentes dans un contexte économique et social donné.

Une fois qu'on a établi les conditions minimales de travail, il faut les réviser périodiquement afin de tenir compte de l'évolution des valeurs d'une société et des mutations du marché du travail. Le présent exercice de révision est notamment rendu impératif par le besoin d'assouplir les conditions de travail afin de favoriser l'exercice des responsabilités parentales et de prendre acte que les femmes occupent une place de plus en plus importante sur le marché du 'travail.

La révision des normes du travail vise aussi à réduire les écarts séparant les conditions minimales de travail de celles dont bénéficie la grande majorité des salariés. On constate, par exemple, qu'une forte proportion des travailleurs syndiqués a droit à au moins trois semaines de vacances après cinq ans d'ancienneté alors que ce droit n'est acquis qu'après dix ans de service continu chez le même employeur en vertu des normes actuelles du travail. Nous proposons que ce droit à trois semaines de vacances après cinq ans d'ancienneté soit désormais considéré comme minimal.

La Loi sur les normes du travail garantit des droits minimaux aux personnes en emploi. Cette loi est, au Québec du moins, complétée par d'autres législations sociales. Il ne faut donc pas y inscrire des prérogatives assumées en partie par l'État en vertu de ses programmes sociaux.

L'exemple des congés de maternité illustre bien ce propos. Il faut inclure dans les normes du travail l'obligation de l'employeur d'accorder un congé à la femme enceinte et de lui garantir son emploi au retour, mais les dispositions se rapportant au remplacement du salaire pendant les congés de maternité relèvent des programmes sociaux et ne constituent pas une obligation assumée en exclusivité par les entreprises.

Puisque la Loi sur les normes du travail protège les droits essentiels des personnes en emploi, il faut voir à ce que, dans toute la mesure du possible, l'ensemble des travailleurs soit visé par cette loi. Dans l'avant-projet de loi, nous proposons de réduire les exclusions en vertu desquelles certaines activités échappent présentement aux normes du travail.

Ces modifications concernent principalement les travailleurs domestiques et les employés des petites fermes. Tout en reconnaissant que l'exercice de ce genre de fonctions requiert, pour des raisons évidentes, un cadre de travail souple, nous convenons néanmoins d'offrir à ces salariés la protection reconnue par certaines normes du travail. De même, l'application de la loi sera étendue à tous les organismes gouvernementaux dont le personnel n'est ni nommé ni rémunéré en vertu de la Loi sur la fonction publique.

Les travailleurs à temps partiel constituent une autre catégorie de personnes particulièrement visées par les modifications que nous voulons apporter à la Loi sur les normes du travail. Les emplois à temps partiel ont pris une place très importante dans notre économie. Ils comptent actuellement pour 13,6 % de tous les emplois au Québec et les trois quarts de ces emplois sont occupés par des femmes.

Nous savons tous que la Loi sur les normes du travail couvre les personnes salariées sans distinction, qu'elles soient à temps plein ou à temps partiel. Nous reconnaissons cependant que la caractéristique première des emplois à temps partiel a trait à leur précarité nettement plus grande que celle des emplois à temps plein. Il est donc essentiel que les salariés concernés soient adéquatement protégés par la Loi sur les normes du travail.

Au-delà des difficultés que j'évoquais précédemment sur la participation des employés à temps partiel à certains éléments du régime des avantages sociaux, nous prenons position en faveur d'une revalorisation de ce travail. Les personnes travaillant à temps partiel auront droit, au même titre que les salariés à temps plein, à toutes les améliorations suggérées à la Loi sur les normes du travail, notamment celles se rapportant aux congés parentaux, à l'ajout d'un jour férié, à l'accessibilité aux recours et aux préavis de licenciement. De plus, nous envisageons d'abolir l'exigence de 20 semaines de travail continu pour avoir droit à un congé de maternité sans solde. L'expérience nous a appris que cette exigence défavorise nettement les personnes à temps partiel, puisque ce type d'emploi est très souvent de courte durée.

L'efficacité d'une loi sur les normes du travail se mesure en bonne partie à la possibilité réelle qu'elle permet d'exercer des recours lorsqu'une personne s'estime lésée. Jusqu'ici, les observateurs reconnaissent qu'un travailleur peut, sans trop de difficulté, obtenir par un recours à la Commission des normes du travail le paiement de salaire qui lui est dû et les compensations pour le temps supplémentaire et les vacances annuelles.

Ce qu'il faut améliorer, c'est surtout le mécanisme des recours en cas de congédiement sans motif valable. Les femmes enceintes et celles qui reviennent d'un congé de maternité sont particulièrement concernées par ce genre de décision. Il faut faciliter la procédure de recours dans ces situations dramatiques.

Ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et responsable de la Famille, exposera dans quelques minutes la protection accrue que propose l'avant-projet de loi en regard de la maternité et des responsabilités parentales. En plus des dispositions prévues à ce chapitre, nous souhaitons que la Commission des normes du travail accroisse ses activités de médiation afin de déjudiciariser les relations employeurs-employés. Nous souhaitons également que cette Commission puisse représenter elle-même une personne non syndiquée devant le commissaire du travail et que la procédure coûteuse de l'arbitrage soit remplacée par un recours devant un commissaire du travail. De nombreux travailleurs non syndiqués, victimes d'un congédiement qu'ils jugent arbitraire, ne peuvent pas défrayer les honoraires d'un avocat et assumer la moitié des dépenses d'un arbitre pour se prévaloir d'un droit reconnu dans les normes du travail. Il est essentiel d'assouplir la procédure actuelle afin que les recours soient nettement plus accessibles.

Nous voulons, évidemment, profiter de l'exercice de révision de la Loi sur les normes du travail pour éliminer des imprécisions, extirper des irritants et clarifier des notions ambiguës dans le cadre de l'application de la loi actuelle. Depuis 1979, tant la Commission des normes du travail que les syndicats, les employeurs, les avocats, les commissaires, les arbitres, les spécialistes en relations du travail et les salariés ont découvert des lacunes qui doivent être corrigées. Je suppose que nous entendrons au cours de cette commission parlementaire de nouvelles suggestions qui iront dans le sens de la clarification et de la simplification de cette loi et nous y apporterons la plus grande attention. Tout en étant considérée comme une loi à caractère social puisqu'elle a une portée générale et qu'elle constitue une protection de base pour l'ensemble des personnes salariées, il ne faut pas pour autant sous-estimer le caractère économique de cette loi puisqu'elle contribue, entre autres, à une meilleure gestion des ressources humaines, facteur important de productivité. Dans une société moderne, à l'heure du libre-échange et plus que jamais ouverte à la concurrence internationale, il convient donc d'élaborer un régime de relations du travail qui permette aux entreprises de soutenir cette concurrence. En même temps, il faut faire en sorte que les salariés les plus vulnérables, en raison même de leur faible pouvoir de négociation, n'aient pas à assumer une part trop lourde des ajustements requis sur le marché du travail suite aux mutations de l'économie. Tout est affaire d'équilibre. Pour ma part, je demeure convaincu qu'il est possible de préserver les droits fondamentaux des personnes en emploi et d'améliorer leur qualité de vie sans nuire pour autant à la capacité concurrentielle des entreprises québécoises.

En terminant, je tiens à remercier les organismes qui nous ont adressé des mémoires sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail. Soyez assurés que nous écouterons attentivement ce que vous avez à nous dire parce que, dans une large mesure, vous représentez les personnes directement visées par la Loi sur les normes du travail et que nous avons besoin de votre éclairage afin de poursuivre le travail si bien amorcé.

J'ai indiqué, dès le départ, que la révision de la Loi sur les normes du travail était largement inspirée par les impératifs de la politique familiale et de la situation des femmes sur le marché du travail. Ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et responsable de la Famille, a participé à la préparation de l'avant-projet de loi et elle manifeste un intérêt évident à l'égard des mémoires déposés au secrétariat de cette commission. En vous remerciant, Mme la Présidente, il me fait plaisir de lui céder la parole. (10 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la ministre.

Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. Comme vient de le mentionner mon collègue, j'ai pris part activement au cours des derniers mois aux travaux de révision de la Loi sur les normes du travail. Je profite de l'occasion pour le remercier, ainsi que son équipe, pour l'esprit de collaboration qui a animé nos discussions. C'est avec un grand intérêt que j'entendrai les positions et discuterai avec les différents participants de cette commmission.

Depuis l'adoption de la Loi sur les normes du travail, en 1979, notre marché du travail a été caractérisé par de nombreux bouleversements. La mondialisation croissante de l'économie, la hausse importante des emplois du secteur des services, la mobilité accrue de la main-d'oeuvre, l'augmentation des emplois à temps partiel et des emplois à statut précaire sont autant de manifes-

tations des changements survenus. La présence grandissante des femmes sur le marché du travail est un autre changement structurel majeur. Actuellement, les femmes représentent 43 % de la main-d'oeuvre. Des données indiquent que les femmes avec des enfants sont de plus en plus présentes sur le marché du travail et qu'elles ont tendance à y rester. C'est ainsi que près de 60 % des femmes ayant des enfants d'âge préscolaire font partie de la main-d'oeuvre.

Le marché du travail n'a pas été le seul théâtre de bouleversements importants. La société québécoise, dans son ensemble, a connu de profondes mutations. La transformation des rôles des femmes et des hommes, l'émergence de nouvelles structures familiales, le ralentissement de la croissance démographique et le vieillissement de la population sont des nouvelles réalités qui ont des incidences autant sociales qu'économiques. Les politiques et les législations doivent donc en tenir compte.

Les modifications suggérées à la Loi sur les normes du travail apparaissent donc nécessaires. Comme l'a mentionné mon collègue, l'avant-projet de loi qui sera discuté dans le cadre de nos travaux vise à mettre à jour et à améliorer les conditions minimales de travail et la qualité de vie des travailleuses et travailleurs au Québec. De plus, il cherche à faciliter, pour les parents travailleurs, l'exercice de leurs responsabilités parentales. Parmi les propositions, plusieurs concernent les droits parentaux. Décision de nature personnelle avant tout, la maternité et la paternité comportent également une dimension sociale très importante. La société doit apporter le soutien adéquat aux travailleuses et travailleurs qui assument des responsabilités parentales. Les droits parentaux actuellement prévus par la Loi sur les normes du travail, et par la réglementation s'y rattachant apparaissent trop limités. Il est impératif d'élargir ces droits, de faciliter leur accès et d'assurer une meilleure protection aux parents travailleurs qui s'en prévaudront.

Traditionnellement, les femmes ont assumé les soins et l'éducation des enfants. Encore aujourd'hui, ce sont majoritairement elles qui, en raison d'obligations familiales, exercent des emplois à temps partiel, s'absentent du travail et, finalement, supportent une part plus large des risques professionnels et économiques liés au fait d'avoir des enfants.

Comment solutionner le problème de l'égalité économique entre les femmes et les hommes, sans qu'il y ait un véritable partage des responsabilités parentales? Heureusement, on observe, chez les jeunes couples en particulier, le développement d'une nouvelle parentaltté qui est de plus en plus axée sur une division plus équitable des fonctions parentales. La législation sur les normes du travail devrait contribuer à cette évolution et faciliter aux travailleurs l'exercice de leurs responsabilités parentales. On répondrait ainsi à un volet important de la politique familiale québécoise. Cet objectif se retrouve également dans les orientations du gouvernement en matière de condition féminine. À cette fin, lavant-projet de loi propose de donner à chaque parent, lors de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, le droit à un congé de cinq jours, dont les deux premiers seraient rémunérés. Également, il prévoit d'accorder le droit à un congé de longue durée, soit un congé de maternité de 18 semaines et un congé parental de 34 semaines. On reconnaîtrait la mixité des droits parentaux en permettant à la mère et au père de se prévaloir de ce congé parental.

Afin d'assurer une plus grande accessibilité à ces congés, on propose l'abolition de l'exigence de 20 semaines de service continu. Cette bonification des congés parentaux s'accompagnerait d'une meilleure protection des travailleuses et travailleurs. En effet, on suggère le renforcement de la présomption de congédiement illégal en précisant qu'elle continuerait de s'appliquer pour, au moins, 20 semaines après le retour au travail de la personne salariée. Par conséquent, si la personne était licenciée dans les 20 semaines qui suivent son retour, son congédiement serait présumé illégal.

Les responsabilités parentales ne se limitent pas à la première année de vie de l'enfant. À l'heure actuelle, le marché du travail ne prend pas suffisamment en compte les obligations familiales des parents travailleurs. L'avant-projet de loi propose des solutions intéressantes en accordant le droit à cinq jours de congé par année pour l'exercice des fonctions parentales ainsi que le droit d'être avisé(e) douze heures à l'avance, lorsqu'il y a du temps supplémentaire à effectuer.

Sans s'adresser de façon spécifique aux parents travailleurs, d'autres propositions de l'avant-projet de loi faciliteront aussi l'exercice des responsabilités parentales. Mentionnons la durée des vacances annuelles qui sera progressivement augmentée à trois semaines après cinq ans de service continu, la possibilité de permettre plusieurs fractionnements des vacances annuelles, l'ajout d'un congé férié et la possibilité de compenser les temps supplémentaires en congé. Même si ces propositions ainsi que celles relatives aux droits parentaux aideront les personnes salariées à assumer leurs tâches parentales, plusieurs aspects restent à préciser. Le droit au poste régulier de travail ou encore à un poste équivalent au retour du congé parental, la question du fractionnement du congé de maternité, les modalités relatives au préavis de départ sont parmi les sujets dont nous discuterons dans le cadre de cette commission. Même si la loi sur les normes n'est pas le véhicule approprié pour déterminer les modes de remplacement du revenu du travail lors des congés de longue durée, les discussions sur les droits parentaux nous amènent évidemment à considérer

cette question. Plusieurs groupes auront des propositions à nous faire à ce sujet. L'attente d'un équilibre entre les objectifs professionnels et les responsabilités parentales est une question qui préoccupe non seulement le gouvernement et les parents travailleurs mais aussi les employeurs. On constate de plus en plus que ces derniers sont sensibles aux besoins de leurs employés. Bien au fait des nouvelles approches en gestion de ressources humaines, plusieurs d'entre eux ont compris qu'en instaurant un climat et des relations du travail propices au développement professionnel et personnel de leurs employés ils augmentaient ainsi le rendement et la productivité. Une étude réalisée en 1988 par le Conference Board du Canada auprès d'entreprises qui ont modifié leur politique administrative pour aider leurs employés dans l'exercice de leurs responsabilités parentales constate que les entreprises en retirent plusieurs avantages. Ces mesures permettent de faciliter le recrutement; elles abaissent le taux de roulement des employés ainsi que le taux d'absentéisme. De plus, elles ont un impact positif sur la qualité de vie des employés et diminuent le stress au travail.

Au cours des prochains jours, nous aborderons également la question des travailleuses et travailleurs qui occupent un emploi à statut précaire, en particulier ceux qui travaillent à temps partiel. Nul doute que ce type d'emploi répond à des besoins du marché du travail ainsi qu'à ceux d'une certaine catégorie de personnes salariées. Plusieurs le savent, ce sont les femmes qui composent les trois quarts des effectifs à temps partiel. Toutefois, on constate des écarts au chapitre de la rémunération et des avantages sociaux entre les personnes travaillant à temps plein et celles à temps partiel. La Loi sur les régimes complémentaires de retraite, adoptée en juin dernier, a permis d'améliorer la situation des personnes exerçant un emploi à temps partiel, quant à leur droit au régime de retraite. Cependant, la question des autres avantages sociaux, des vacances et de la rémunération demeure entière. Pour le gouvernement, il est important d'assurer une meilleure protection à cette main-d'oeuvre. Les propositions des différents participants à la commission parlementaire seront donc écoutées très attentivement. Un gouvernement responsable ne saurait se priver de l'expertise et de la compétence des intervenants que nous entendrons au cours de cette commission parlementaire. C'est donc dans un climat d'ouverture que mon collègue, les membres de la commission et moi-même entendrons leurs recommandations.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.

Vous avez pris quelques minutes de plus et j'imagine donc qu'on aura cette même tolérance pour les autres points de vue qui s'exprimeront.

D'accord. Je pense qu'avec un peu de souplesse on peut fonctionner et ça nous évite des arrêts impromptus des présentations.

Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et critique en cette matière pour l'Opposition officielle.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je vous signale que ma collègue de Chutes-de-la-Chaudière, Mme Carrier-Perreault, nous rejoindra dans quelques minutes et qu'elle a préparé avec moi cette présentation, étant, elle, responsable du dossier de la Condition féminine.

Mme la Présidente, heureusement, presque, qu'il ne s'agit que d'un avant-projet de loi et que le ministre et son gouvernement peuvent encore se reprendre en déposant le vrai projet de loi. Je l'espère sincèrement, Mme la Présidente, pour ces centaines de milliers d'hommes et de femmes du Québec qui n'ont aucun autre pouvoir de négociation sur leurs conditions de travail, qui ne peuvent s'offrir aucune autre protection de base que la Loi sur les normes du travail. Les non-syndiqués constituent l'immense majorité de notre société: 70 % de tous les travailleurs et travailleuses du secteur privé; 35 % - on l'oublie parfois - des employés des secteurs public et parapublic. L'économie de marché, la liberté de commercer à laquelle nous croyons tous et qui est devenue récemment presque un credo universel exige cependant des garanties sociales fortes, des barrières législatives incontournables pour éviter l'exploitation, la marginalisation d'une partie de la main-d'oeuvre.

Ceux qui sont les moins bien organisés de notre société n'ont pas à payer le prix de la mondialisation, de la conversion des marchés, de la restructuration industrielle, des changements technologiques qui profitent à d'autres dans la société. Le gouvernement s'est malheureusement trop traîné les pieds dans le dossier, d'abord en tablettant le rapport de la commission Beaudry qui avait conduit, en 1985, des travaux d'envergure sur l'amélioration des conditions de travail au Québec.

Je regrette d'avoir à le dire, mais le fait est que Québec a totalement perdu au profit de l'Ontario, depuis trois ans, son leadership en matière de législation sociale. Malheureusement, dans son avant-projet de loi, le gouvernement québécois n'a même pas le courage élémentaire de faire le rattrapage nécessaire. L'exercice de révision timoré qui nous est proposé n'a rien à voir avec l'ajustement d'envergure qu'il faut envisager en ces débuts de la dernière décennie du siècle.

Oui, les bouleversements sont considérables, les bouleversements du marché ont été sismiques, il faut bien le reconnaître, et surtout inédits dans l'histoire: entrée massive des femmes sur le

marché du travail - les femmes de 25 à 44 ans sont à 70 % sur le marché du travail - mais, particulièrement, entrée massive de celles qui sont mères d'enfants de moins de trois ans. Entre 1975 et 1985, en dix ans, ta progression fut littéralement vertigineuse, puisque chez ces dernières l'augmentation a été de 90 %.

Mme la Présidente, je voudrais, à cet égard, citer également l'étude du Conference Board que Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille citait, pour rappeler que, dans cette étude réalisée l'automne dernier, le Conference Board concluait que près de 80 % des travailleurs interrogés disent éprouver du stress et de l'anxiété quand il s'agit de concilier les besoins reliés au travail et les besoins de la famille. Le sondage révélait que les deux tiers des travailleurs consultés avaient ressenti de la difficulté à équilibrer la fonction famille et la fonction travail, que 10 % des gens avaient laissé leur emploi à cause de cette difficile conciliation entre les deux tâches, que 17 % des personnes interviewées avaient refusé des promotions et que 25 % d'entre elles avaient refusé de déménager, suite à une offre qui leur avait été faite, à cause de leurs responsabilités familiales.

Les bouleversements ne se sont pas produits qu'en matière d'entrée massive des femmes, mais ils ont été tout aussi importants à l'égard de l'entreprise, compte tenu des changements technologiques, de l'Accord de libre-échange, des mutations industrielles et ces bouleversements exigent plus qu'un réaménagement timide qui nous est proposé dans l'avant-projet de loi. Exercice de révision qui, malheureusement, laisse la main-d'oeuvre assujettie aux lois du Québec considérablement moins bien protégée que les travailleurs et travailleuses voisins de l'Ontario ou les salariés québécois travaillant dans des entreprises couvertes par le Code canadien du travail qui a été considérablement amélioré, il y a à peine quelques années. (10 h 45)

Alors, Mme la Présidente, malgré une faible amélioration des normes du travail à l'égard de la famille - j'aurai l'occasion d'y revenir - et l'exercice qui, théoriquement, est facilité de certains recours dans l'avant-projet de loi, toutes les autres questions, pourtant brûlantes d'actualité, sont mises de côté.

Le gouvernement prétend encore ce matin attendre après la commission parlementaire le dépôt d'éventuelles normes qu'il n'a pas le courage de déposer maintenant en matière, notamment, de travail à temps partiel, d'équité salariale, de vacances annuelles, de régimes d'assurance et d'autres avantages sociaux. Mais encore d'autres aspects des normes du travail, pourtant stratégiques dans une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre, sont toujours complètement passés sous silence, notamment, les Indemnités de départ lors des licenciements, les congés pour la formation professionnelle, le salaire minimum, le congé de maladie et les indemnités lors de faillites.

En matière de réduction de la semaine de travail et de l'aménagement de la semaine de travail, contrairement à la loi ontarienne et contrairement au nouveau Code canadien du travail qui, je le rappelle, s'applique à l'égard des entreprises québécoises sous juridiction fédérale, Québec ne prévoit la détermination ni d'une semaine ni d'une journée maximale de travail au-delà desquelles l'employé peut refuser d'exécuter du travail en temps supplémentaire.

Les seules prétendues améliorations introduites dans l'avant-projet de loi soulèvent la critique par leur complexité. Nous le verrons d'ailleurs à l'audition des mémoires dont nous avons déjà pris connaissance. Il s'agit notamment du droit proposé dans l'avant-projet de loi de refuser de travailler au-delà des heures régulières qui ne sont pas déterminées et ce droit est réservé aux seuls salariés ayant des responsabilités familiales et ce droit, encore, est-il assujetti à une exception, puisque l'employeur peut les aviser douze heures à l'avance que leurs services sont requis. Pour être praticable, ce droit au refus de travailler au-delà d'un certain nombre d'heures par jour doit être offert à tous les salariés. Nous entendons proposer la journée maximale de 8 heures, conformément au Code canadien et à la loi ontarienne, et la semaine normale de travail de 40 heures.

En matière de congés annuels, l'avant-projet de loi diminue de dix à cinq le nombre d'années de service continu pour un même employeur avant d'obtenir trois semaines de vacances. Avec des présences, sur le marché du travail, pour de courtes périodes successives parfois, bien des travailleurs et travailleuses ne peuvent jamais cumuler le nombre d'années de service nécessaire - cinq années dans l'avant-projet de loi - pour avoir droit à ces trois semaines de congé.

Nous entendons soumettre une disposition à l'effet de porter les vacances annuelles, qui sont de deux semaines après une année de service, à trois semaines après une année de service continu. Je vous rappelle notamment, Mme la Présidente, que nous avions, l'an dernier, au moment de l'étude de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, diminué de deux à une année la période pour avoir droit de cotiser à un régime de retraite pour le motif qu'un très grand nombre de travailleurs et de travailleuses, surtout de travailleuses, et majoritairement de travailleuses, ne réalisent pas ces deux années de service continu et ne peuvent profiter, ne peuvent exercer des droits qui ne leur sont pas accessibles compte tenu du fait qu'elles quittent l'emploi ou, tout au moins, qu'elles obtiennent un nouvel emploi avant que le délai requis ne soit complété.

En matière de congés de formation proies sionnelle, le silence complet de l'avant-projet de

loi sur cette question inquiète d'autant plus que la formation professionnelle est devenue un important instrument d'adaptation, aussi bien pour les personnes que pour l'économie dans son ensemble. À l'heure des grands changements dans l'entreprise, des bouleversements qui ont un impact sur la main-d'oeuvre et au moment où est ressenti le besoin de recyclage permanent, le gouvernement se dérobe à la responsabilité d'offrir au moins la garantie de retour à l'emploi après un congé éducation.

Mme la Présidente, je veux également signaler qu'en matière d'indemnité de départ il faut que cessent les disparités inacceptables entre la loi ontarienne sur les normes d'emploi et les dispositions actuellement en vigueur dans les lois du Québec sur les normes minimales de travail. Il faut introduire une allocation d'indemnité de départ afin que les fermetures d'usine cessent d'être moins coûteuses au Québec qu'en Ontario. Déjà, depuis 1987, la loi ontarienne permet à tout travailleur et travailleuse licenciés d'une entreprise qui compte plus de 50 employés de recevoir une indemnité de cessation d'emploi qui correspond à une semaine de rémunération par année de service. Cette indemnité peut représenter jusqu'à 26 semaines de rémunération et être versée à tout employé ayant au moins cinq ans de service au moment où intervient le licenciement collectif ou même l'interruption permanente ou partielle d'une partie des activités de l'entreprise.

Il est incompréhensible que le gouvernement se dérobe à cette responsabilité de faire en sorte d'assurer aux travailleurs et travailleuses du Québec la même protection de base qui est celle des salariés de l'Ontario présentement. Compte tenu du fait que dans son rapport le Conseil d'adaptation de la main-d'oeuvre présidé M. de Grandpré recommandait que de telles indemnités soient versées et espérait même leur bonification pour les travailleurs de 55 ans et plus en recommandant que ce soit une semaine et demie par année de service jusqu'à concurrence de 39 semaines qui leur soit versée, compte tenu de l'ampleur du phénomène des fermetures d'usine que connaît le Québec présentement, il est bien évident qu'un projet de loi modifié amendé sur les normes du travail doit introduire une telle disposition. Je veux vous rappeler d'ailleurs à cet égard, Mme la Présidente, que l'an dernier les chiffres que nous avons à notre disposition indiquent qu'au moins 14 063 salariés ont été licenciés sur une base permanente et que 1676 l'ont été sur une base temporaire. Il s'agit donc des données pour les années 1987 à 1989 et tout laisse croire évidemment, dans les derniers mois de 1989 et au début de l'année 1990, que la situation ne fait que s'empirer.

Durant la campagne électorale, le gouvernement libéral s'est engagé à verser quelques millions supplémentaires pour bonifier l'allocation de 240 $ à 360 $ en matière de compensation du délai de carence des deux semaines du régime d'assurance-chômage et pour offrir à l'un ou l'autre des parents d'un enfant de troisième rang la possibilité de recevoir, à la suite des 30 semaines couvertes par l'assurance-chômage, le même revenu de remplacement jusqu'à l'épuisement des 52 semaines. Cependant, Mme la Présidente, il était question de beaucoup plus que ces aménagements, que ces accommodements dans le mémoire soumis au Conseil des ministres à l'occasion de l'étude par le Conseil des ministres des amendements à être apportés à la Loi sur les normes du travail. Dans ce mémoire dont nous avons obtenu copie et qui a été déposé l'an dernier, signé par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et également par ses collègues de la Santé et des Services sociaux et par la ministre déléguée de l'époque, nous pouvions y lire ceci: "Quant au régime de remplacement du revenu de travail applicable lors de congés de plusieurs semaines - il s'agit en l'occurrence du congé de maternité, du congé qui est offert par les prestations d'assurance-chômage, je continue donc la citation de ce mémoire soumis au Conseil des ministres - il souffre de nombreuses faiblesses en plus d'être compliqué et disparate. Des propositions seront soumises dans un proche avenir en vue de doter ultimement le Québec d'un régime unifié et amélioré relevant de son entière responsabilité au niveau des prestations à verser."

À l'ouverture des travaux de la commission parlementaire, je veux rappeler au gouvernement que les Québécoises attendent beaucoup plus que cette coquille législative vide, d'une certaine façon, que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi. Les congés sans solde qui y sont proposés peuvent être un miroir aux alouettes, particulièrement pour les jeunes chefs de famille, pour les jeunes parents qui ne pourront s'en prévaloir n'ayant pas les revenus suffisants pour combler un manque à gagner en matière de congé sans solde de maternité ou de congé parental. En l'absence d'un revenu de remplacement adéquat, le gouvernement leurre la population en prétendant offrir aux jeunes parents, qui ne pourront pas pour la plupart d'entre eux s'en prévaloir, un congé maternel et parental sans solde. Nous devons presser le gouvernement de faire connaître quelles sont ses intentions exactes en matière d'un programme de remplacement du revenu adéquat, unifié, tel qu'indiqué dans ce mémoire soumis au Conseil des ministres l'an passé. Les études de faisabilité sont-elles complétées? Pourquoi le gouvernement retarde-t-il tant à offrir aux mères de jeunes enfants un véritable régime de remplacement du revenu? Pourquoi le gouvernement retarde-t-il l'enclenchement des pourparlers pour rapatrier les pouvoirs essentiels qui permettraient justement de doter le Québec d'un régime unifié amélioré de prestations à verser en matière de congé de maternité, de congé parental?

Nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction la récente proposition du Conseil du statut de la femme de créer un seul régime universel et plus généreux des congés de maternité et parentaux. Nous nous sommes déjà fermement engagés à créer une caisse de la famille dans laquelle serait rapatriées et bonifiées les sommes détenues à l'assurance-chômage aux fins de prestations de maternité et d'adoption, et je rappelle cette proposition ferme du Parti québécois en faveur d'un congé de maternité d'une durée de six mois compensé à 90 % du salaire assurable. Un des objectifs que nous nous fixons à l'occasion de la révision de la Loi sur les normes du travail est d'obtenir des conditions de travail qui vont reconnaître le rôle des parents afin que la maternité et les responsabilités parentales puissent véritablement se conjuguer avec des chances véritables d'embauché, d'avancement sur le marché du travail.

Mme la Présidente, nous souhaitons procéder à cette révision pour que, définitivement, l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec connaisse une protection de base qui leur assure une plus grande sécurité. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve. J'inviterais maintenant M. le député de Westmount à nous faire valoir son point de vue.

M. Richard Holden

M. Holden: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de constater que pendant ces consultations sur l'avant-projet on ne touchera, ni de près ni de loin, la question de la langue.

La Présidente (Mme Marois): C'est vous qui vous en réjouissez là. On le note bien tous ensemble. D'accord!

M. Holden: Alors, en général je reconnais que la plupart des amendements apportés par le gouvernement à l'avant-projet de la loi sur les normes du travail et d'autres lois sont de nature à améliorer les conditions de travail de plusieurs ouvriers, ouvrières et travaillants dans la société québécoise dans tous les domaines mentionnés dans le bill.

Je constate aussi que les changements, que mon recherchiste me dit être au nombre de 57, sont plutôt modestes. En lisant les différents mémoires, j'observe que le gouvernement a fait des compromis entre les demandes des syndicats et d'autres groupes qui voudraient aller plus loin et les supporteurs du statu quo. Je n'entrerai pas dans les détails de chaque amendement ce matin - on aura le temps de le faire - mais je veux soulever une certaine mise en garde. Nous sommes actuellement en pleine récession économique au Canada et au Québec, mais on ne veut pas l'admettre. Nous attendons, cet après-midi, le budget du gouvernement fédéral qui va certainement coûter cher aux provinces, y compris la province de Québec. Nos industries font face à une concurrence nationale et internationale féroce. Il faut qu'elles soient compétitives, surtout dans le contexte du libre-échange avec les États-Unis. (11 heures)

Vous êtes sans doute au courant, Mme la Présidente, du fait que le gouvernement de la Suède a subi la défaite fa semaine dernière et que le ministre des Finances a démissionné. Le commentaire que j'ai lu d'un des anciens chefs syndicaux suédois était, et je cite: "Le modèle suédois ne fonctionne plus. Les syndicats avares et égoïstes nous mènent à une catastrophe." Le problème fondamental en Suède, c'est que les salaires et les autres coûts dans le marché du travail ont augmenté deux fois plus vite que dans les pays avec qui la Suède doit faire concurrence. Comme ici, les industries vouées à l'exportation, qui créent la prospérité chez les Suédois, sont en perte de vitesse vis-à-vis de leurs rivaux étrangers. Cela a produit une réduction dans leur balance des paiements et une augmentation du déficit.

Un économiste suédois qui est cité dans le Globe & Mail dit ce qui suit: "In some ways, the Swedish model has been too successful, and has grown ossified. Look at the people in government and central trade union organization: None of them has ever done a real job outside the system." And one final quote on Sweden from a columnist in a Stockholm daily newspaper: "Sweden used to be a welfare paradise on earth. Now, it is the sick man of Europe."

La raison pour laquelle j'insiste sur la situation actuelle en Suède, Mme la Présidente, c'est que plusieurs politiciens et économistes québécois ont déjà fait miroiter l'exemple suédois comme un but à rechercher dans la société québécoise. C'est donc une mise en garde que je propose ce matin, et je le fais en anglais pour que je m'exprime très précisément.

Let us not adopt any ideological or foreign model by which we, as legislators, examine the draft Bill before us. Let us keep in mind that small and medium business is of the utmost importance to our economic prosperity. They are the ones most affected by any increasing of the cost of doing business in Québec. If we put undue burdens on our "entrepreneurs", they will either move or go out of business. We must allow them to remain competitive, to increase trade and to allow the economy of Québec to prosper. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, M. le député.

Auditions

Maintenant que ces propos préliminaires ont été tenus, j'inviterais le premier groupe à vouloir faire des représentations devant la commission à venir prendre place devant nous. Il s'agit des représentantes du Conseil du statut de la femme.

Pendant que ces personnes vont prendre place, je rappellerai aux membres de la commission que nous devrions entendre des groupes pendant environ 5 jours et que 36 groupes devraient se présenter devant nous pour faire valoir leurs points de vue. Il est prévu, selon l'agenda que j'ai ici, que l'on termine à 12 h 50. Si l'on terminait à 13 heures, ça permettrait aux groupes d'avoir exactement leur temps de présentation et le temps de questions. Est-ce que vous avez des objections?

M. Bourbeau: C'est-à-dire, Mme la Présidente, que vous présumez déjà que chaque groupe va prendre la totalité de ses 20 minutes, que le parti gouvernemental va prendre ses 20 minutes et que l'Opposition va prendre ses 20 minutes. Il est possible qu'au cours des interventions l'une des parties ne prenne pas la totalité de son temps. Alors, je proposerais plutôt qu'on voie comment ça va se dérouler et, si, un moment donné, on économise quelques minutes ici et là, peut-être qu'on pourra entrer dans le temps qui nous est imparti. On verra, disons, à la fin.

La Présidente (Mme Marois): Je n'ai pas d'objection. Je parlais juste d'expérience. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Moi, également.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mais je retiens votre suggestion.

J'inviterais maintenant Mme la présidente du Conseil du statut de la femme à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez environ 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura des échanges, des questions, avec les membres de la commission. Bienvenue.

Conseil du statut de la femme

Mme Lavigne (Marie): Bonjour, je vous remercie. Je suis Marie Lavigne, présidente du Conseil du statut de la femme. À ma gauche, il y a Lucie Desrochers, agente de recherche au Conseil; Francine Lepage, économiste au Conseil du statut de la femme, et, à ma droite, Jocelyne Olivier, secrétaire générale du Conseil.

Mmes et MM. membres de la commission, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion de nous exprimer sur un sujet qui nous semble primordial. Pour le Conseil, la révision de la Loi sur les normes du travail doit viser au moins deux objectifs: adapter la loi à révolution du marché du travail et introduire dans cette loi des modifications susceptibles de permettre aux parents travailleurs d'harmoniser leurs responsabilités professionnelles et familiales.

Le premier avis que nous vous avons soumis, "Pour une politique québécoise de congés parentaux", prend appui sur le cadre normatif fixé par le gouvernement dans son avant-projet de loi. Nous manifestons notre accord global avec les droits d'absence qui y sont suggérés, soit 18 semaines pour le congé de maternité, 34 semaines pour prendre soin de l'enfant, congé de paternité ou d'adoption de cinq jours dont deux jours payés par l'employeur, cinq jours par année pour des responsabilités familiales.

Le Conseil, cependant, se refuse à envisager, en matière de congés parentaux, de façon séparée les normes et l'idemnisation de ces mêmes congés. Prévoir un droit d'absence et une protection de l'emploi est, certes, utile et nécessaire. Mais, ne nous leurrons pas, ces droits seront en grande partie fictifs s'ils ne sont accompagnés d'une véritable politique de remplacement du revenu.

Or, le régime d'assurance-chômage qui existe dans le moment ne constitue pas un véhicule adapté à la fonction d'indemnisation des congés parentaux. Même avec l'introduction d'un nouveau volet de prestations parentales, il ne compensera que très partiellement le manque à gagner subi par les travailleuses et les travailleurs qui font face à de nouvelles responsabilités parentales. Le taux de remplacement du revenu est actuellement inférieur à 60 % et il n'est pas rare que les femmes perdent 5000 $ et plus de revenu dans une année pour la seule raison qu'elles ont accouché d'un enfant. En fait, les femmes qui donnent naissance à des enfants sont traitées de façon plus défavorable que les victimes d'accidents du travail, que les victimes d'accidents de la route, de maladies professionnelles ou d'actes criminels qui, elles, sont compensées à 90 % de la rémunération nette dans les régimes québécois d'assurance sociale.

La politique actuelle de congés parentaux est donc insuffisante, mais elle est aussi incohérente et morcelée entre deux paliers de gouvernement dont les objectifs ne se rejoignent pas. Le mariage chômage-maternité empêche, jusqu'à un certain point, le Québec de se doter d'une politique intégrée lui permettant de poursuivre ses objectifs propres. C'est pourquoi le Conseil croit que le Québec doit devenir le principal maître d'oeuvre d'une politique globale et cohérente de congés parentaux, à la fois sur le plan des normes et sur le plan de l'indemnisation par la création d'un régime de prestations parentales.

Le système que nous proposons accorderait, en premier lieu, 18 semaines de prestations de maternité remplaçant 90 % de la rémunération nette pour la mère pendant son congé de mater-

ntté; en second lieu, six semaines de prestations parentales à 90 % de la rémunération nette à chacun des parents pour prendre soin de l'enfant au cours de l'année suivant sa naissance ou son adoption; ensuite, un congé de paternité ou d'adoption de cinq jours dont deux jours payés par l'employeur; trois jours de congé assortis de prestations pour la travailleuse enceinte en cas de malaise, maladie, ou pour des fins de consultation médicale lors de la grossesse; et, enfin, cinq jours ouvrables sans solde, par année, de congé pour des responsabilités familiales.

Les prestations parentales de six semaines accordées au père ou à la mère pour prendre soin de l'enfant devraient être, croyons-nous, un droit propre, réservé à chacun des parents et non des prestations transférables d'un conjoint à l'autre, tel que prévu dans le cadre de la réforme de l'assurance-chômage. En en faisant un droit individuel, on crée un incitatif concret et puissant au partage des tâches parentales en encourageant la responsabilité du père. On amène aussi tous les milieux de travail, et non pas essentiellement les milieux à majorité féminine, à s'adapter enfin au statut parental de leur main-d'oeuvre.

Dans les pays européens qui ont déjà une longueur d'avance sur nous au plan de l'indemnisation des congés, cette formule novatrice leur semble, d'ailleurs, la voie à privilégier.

Le régime actuel a aussi une couverture limitée parce qu'il ne s'adresse qu'aux salariées. On se réjouit dans le moment que l'avant-projet de loi, quant à lui, propose d'étendre la protection de la loi à certaines catégories de travailleuses qui, par le passé, en étaient exclues, mais nous devons rappeler que le programme d'indemnisation de l'assurance-chômage, lui, va continuer encore à écarter de son application de nombreuses travailleuses, dont les travailleuses autonomes. De plus, d'autres femmes telles les étudiantes, les chômeuses, les nouvelles venues sur le marché du travail, les travailleuses à temps partiel, les mères demeurant au foyer auprès de leurs jeunes enfants ne peuvent avoir accès aux prestations de chômage, faute d'avoir réalisé les 20 semaines d'emploi assurables.

Le Conseil du statut de la femme croit qu'une politique de congés parentaux doit donc s'appliquer au plus grand nombre de femmes et d'hommes en âge de procréer. Nous recommandons alors que le régime de prestations parentales s'étendent aux travailleuses et travailleurs indépendants pour ce qui est des prestations de maternité, de paternité et d'adoption. Nous recommandons en outre que le régime de prestations parentales accorde à toute femme qui accouche une allocation universelle de maternité de 100 $ par semaine durant les 18 semaines de congé de maternité. Financée à même les fonds généraux de l'État, cette allocation de base de 100 $ par semaine durant 18 semaines assurera un minimum pour les femmes qui n'ont pas un attachement suffisant au marché du travail. Elle permettra à celles qui sont au foyer de défrayer les coûts des services de remplacement nécessaires au moment de la naissance. Attribuée également aux femmes en emploi, elle servira de base à la prestation proportionnelle au revenu qui viendrait la compléter. Nous croyons qu'une telle mesure constituera un message clair d'une reconnaissance sociale de la maternité, et ce, pour toutes les femmes du Québec.

Le régime de prestations parentales devrait, selon nous, être financé de façon tripartite par le gouvernement du Québec, les employeurs, les travailleurs salariés et indépendants. L'allocation universelle de 100 $ par semaine durant 18 semaines serait financée par les fonds généraux de l'État et le complément proportionnel au gain d'emploi serait financé par les contributions des employeurs et des travailleurs à une caisse. Chaque volet du régime aurait d'ailleurs une comptabilité indépendante pour que les charges dévolues à chaque groupe correspondent bien à leurs responsabilités respectives.

Le Conseil a préparé une estimation des coûts du régime de prestations parentales en supposant qu'il ait été implanté en 1989. Plusieurs scénarios, évidemment, sont possibles. Celui que nous avons présenté dans notre mémoire démontre clairement la faisabilité d'une telle réforme qui pourrait être autofinancée à plus de 80 % à partir de sommes déjà existantes. Sur les 545 000 000 $ que coûterait le régime en prestations, des déboursés additionnels de l'ordre de 91 000 000 $ seraient nécessaires. Cela suppose évidemment que le Québec récupère des employés et des employeurs les cotisations versées au volet "maternité" et au volet "parental" de l'assurance-chômage. La Loi sur l'assurance-chômage prévoit d'ailleurs explicitement cette possibilité dans le cas où une province voudrait mettre sur pied son propre régime d'indemnisation. Donc, nous demandons au gouvernement du Québec d'entamer des discussions avec le gouvernement fédéral pour obtenir le retrait ou le transfert de la partie du champ de cotisation de l'assurance-chômage qui sert à financer les prestations versées au Québec.

Avec la création de ce régime, les programmes québécois visant actuellement à allouer des sommes aux parents à la naissance ou tors de la maternité pourraient être fondus à un tel système. C'est le cas, notamment, des allocations de naissance, de l'allocation de maternité de 240 $ et de certaines sommes que l'État employeur affecte déjà à la compensation de congés dans le secteur public ou parapublic

Certains voudront déplorer la disparition des allocations de naissance qui avantagent actuellement de façon très marquée le troisième enfant d'une famille. Nous répondrons d'abord que notre scénario signifie environ les mêmes montants pour la famille sauf que, cette fois-ci, ils sont distribués équltablement à chaque

naissance, peu importe le rang de l'enfant. Il vous sera d'ailleurs distribué à la fin de l'allocution un document complémentaire décrivant l'avantage comparatif pour les familles de l'allocation universelle que nous proposons, par rapport à l'allocation de naissance existante. (11 h 15)

Enfin, les organismes que nous avons consultés: associations féminines ou de travailleurs, employeurs, syndicats, milieux familiaux, préfèrent le système d'allocation universelle que nous proposons. Les organisations féminines, quant à elles, y voient enfin une façon concrète de reconnaître l'apport d'une mère au foyer lors de la naissance de chacun de ses enfants. Enfin, nombreuses sont les femmes qui éprouvent un malaise très certain face aux bébés-bonis qui sont perçus comme des primes à la production.

Mmes, MM. les commissaires, cela fait plus d'une décennie que les Québécois attendent une telle réforme. La simple justice commande que la naissance d'un enfant ne signifie pas une perte de revenus pour une travailleuse et pour une famille. Il s'agirait d'abord et avant tout d'une mesure concrète d'accès à l'égalité pour les femmes. Elle marquerait aussi un jalon important d'une politique familiale adaptée à la réalité contemporaine. En effet, dans la grande majorité des couples, la mère ne se retire plus du marché du travail à la naissance des enfants. Au sein des familles, femmes et hommes doivent désormais conjuguer les impératifs de la vie professionnelle et familiale, et ce, dès la naissance d'un enfant.

Le deuxième avis que nous vous avons soumis, "Main-d'oeuvre féminine et normes du travail", porte quant à lui plus précisément sur les autres normes du travail qui ne sont pas de nature spécifiquement familiale ou parentale. Le Conseil croit qu'il faut profiter de la réouverture de la Loi sur les normes du travail pour réviser en profondeur certaines des normes qui nous semblent mésadaptées à l'évolution du marché du travail depuis dix ans. Tous s'entendent pour dire qu'un des faits marquants de cette évolution est sans contredit la participation croissante des femmes sur le marché du travail. Représentant aujourd'hui près de 43 % de la main-d'oeuvre québécoise, la présence des femmes est irréversible, mais aussi différente de celle des hommes. Rappelons que seulement 23,7 % des travailleuses du secteur privé sont syndiquées. De plus, un grand nombre de femmes ne peuvent occuper que des emplois à statut précaire: travaux à temps partiel ou de courte durée. C'est dire que le pouvoir de négociation de la plupart des travailleuses est faible ou inexistant. Elles ont donc besoin, plus que d'autres, d'un outil comme la Loi sur les normes du travail qui puissse leur garantir des conditions minimales décentes.

En ce qui concerne le champ d'application de la loi, l'avant-projet de loi considère la problématique des domestiques et des gardiennes et propose une amélioration notable avec laquelle nous sommes d'accord. Ainsi, toutes les personnes qui effectuent un travail mixte, c'est-à-dire travail de garde et travail ménager, pourraient dorénavant bénéficier d'une protection minimale de leurs conditions de travail. Toutefois, pour celles dont la fonction exclusive est d'effectuer un travail de garde, nous croyons qu'il n'y a aucune raison de les exclure de l'application de normes minimales n'ayant pas d'incidence financière importante. En fixant un seuil minimal de 60 heures de garde par mois pour bénéficier de la protection, on s'assure d'une couverture minimale non négligeable pour celles dont le travail de garde constitue l'activité rémunérée principale.

Nous croyons en outre que les distinctions actuelles entre les domestiques résidentes chez les employeurs et les autres n'ont pas de raison d'exister et doivent être éliminées. C'est la valeur du travail effectué qui doit être reconnue et non le statut de la personne qui l'accomplit. Toutefois, afin de diminuer les occasions d'exploitation, il serait nécessaire, évidemment, de continuer à fixer par règlement le prix maximum qu'un employeur peut exiger pour la chambre et la pension d'une domestique résidente.

De plus en plus de travailleuses occupent un travail à temps partiel. D'ailleurs, ça a plus que doublé depuis une dizaine d'années, la plupart par contrainte, plutôt que par choix. Ni marginal ni transitoire, ce phénomène est dû, en grande partie, à la structure du marché du travail et commande de la part du législateur des gestes attentifs, mais mesurés. En effet, la Loi sur les normes du travail ne doit pas avoir pour effet d'accentuer la progression du travail à temps partiel et qui contribue à maintenir les femmes dans la dépendance économique et à les rendre seules responsables du travail domestique.

Il nous importe donc qu'il y ait un ajustement, notamment que la Loi sur les normes du travail devrait interdire à l'employeur de verser une rémunération inférieure pour la seule raison que la personne qui occupe un emploi l'occupe à temps partiel. En outre, nous recommandons que les avantages sociaux offerts dans une entreprise soient accordés aux mêmes conditions à tout le personnel régulier, qu'ils occupent ou non un emploi à temps plein, et que la participation à ces avantages sociaux se fasse au prorata des heures travaillées.

En ce qui a trait à la durée normale de travail, nous croyons qu'elle ne correspond plus à la réalité actuelle du marché de l'emploi. La grande majorité de la main-d'oeuvre a déjà une semaine de travail qui ne dépasse pas 40 heures, la moyenne au Canada étant de 38,3 heures et, au Québec, 85 % des non-syndiqués travaillent 40 heures par semaine et moins. Quant à la journée normale de travail, elle est déjà fixée pour une proportion très importante de la main-d'oeuvre

syndiquée. La diminution de la journée et de la semaine de travail ne devrait donc pas entraîner de perturbations dans l'économie québécoise et refléterait davantage la situation réelle.

Donc, nous recommandons que la durée normal du travail soit fixée à 40 heures pour la semaine et à 8 heures pour la journée. Pour permettre aux entreprises visées de s'adapter à cette mesure, l'application pourrait être progressive.

L'avant-projet de loi introduit, par ailleurs, une disposition qui accorderait uniquement aux parents d'enfants mineurs le droit de refuser, dans certaines limites, d'effectuer des heures supplémentaires. Tout en reconnaissant l'objectif poursuivi par le gouvernement, nous croyons qu'il ne faut pas marginaliser indûment les parents travailleurs en leur réservant des droits dont devraient bénéficier tous les travailleurs et les travailleuses. Or, le fait de devoir, pour conserver son emploi, demeurer au travail durant une période qui dépasse son seuil de tolérance à la fatigue et au stress est une menace pour sa santé et sa sécurité, que l'on soit ou non un parent. Donc, nous recommandons que soit établie une limite de 48 heures par semaine et de 10 heures par jour au-delà de laquelle le salarié ou la salariée peut refuser d'effectuer des heures de travail supplémentaires. Si ces règles s'avèrent trop rigides pour certaines entreprises ayant notamment des formules d'aménagement de temps de travail, nous proposons qu'un étalement différent soit possible, ceci après entente entre employeurs et employés, à partir de normes édictées par la Commission des normes du travail.

Sous la rubrique des congés, le silence de l'avant-projet de loi quant à l'absence pour maladie nous paraît totalement inacceptable. Un événement aussi imprévisible et incontrôlable qu'une maladie ne devrait pas soustraire des travailleuses et des travailleurs à l'application minimale de la loi. Le fait de devoir demeurer au travail en dépit de problèmes de santé enlève toute autonomie à une personne lorsqu'elle risque de perdre son emploi. Donc, à l'instar de ce qui existe dans le Code canadien du travail, nous demandons que l'employeur ne puisse congédier ou prendre d'autres mesures disciplinaires contre une personne s'absentant pour maladie et que cette protection s'applique pour une durée de 12 semaines si le travailleur ou la travailleuse a effectué trois mois de service continus.

Nous souhaitons enfin également que des efforts accrus soient déployés par la Commission des normes du travail pour améliorer le traitement des plaintes en réduisant les délais, en s'attaquant au fort taux de désistement des plaintes et en exerçant de façon large et généreuse son mandat d'information. Il est particulièrement important de s'assurer que des clientèles spécifiques soient rejointes: la maln-d'oeuvre syndiquée, les travailleuses et les travailleurs immigrants ou isolés.

Voilà, mesdames et messieurs, membres de la commission, l'essentiel des recommandations que formule le Conseil du statut de la femme pour rénover et adapter la Loi sur les normes du travail à la réalité d'aujourd'hui. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions pour votre présentation qui est entrée expressément dans les temps fixés, mais qui est porteuse de projets fort intéressants sur le fond. M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: Oui, Mme la Présidente, nous sommes exceptionnellement, je dois le dire, deux ministres qui assistons, pour le gouvernement, à cette commission parlementaire. Etant donné le très fort lien de parenté qui existe entre votre organisme et ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, je demanderais à la présidente de bien vouloir céder le droit de parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Marois): Certainement. Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre a un peu raison de dire que le Conseil du statut de la femme a comme mandat, expressément, de faire des recommandations au gouvernement sur toute question qui touche la condition féminine et il le fait de façon très adéquate et pertinente depuis 1973.

Vous dites dans votre présentation, Mme la Présidente - je reste accrochée sur cette phrase - et je cite: "Le Conseil se refuse, cependant, à envisager séparément la fixation de normes minimales en matière de congés parentaux et l'indemnisation de ces mêmes congés." Donc, si je résume, dans les principes, dans ses grandes lignes, le Conseil est d'accord avec l'avant-projet, sauf quelques ajouts, sur les normes minimales du travail, mais il y associe très étroitement un plan d'indemnisation, un plan de congés parentaux.

Vous avez fait une présentation, il y a quelques jours, de cette formule qui a été abondamment couverte et, je pense, accueillie assez favorablement. Alors, je me permettrai, même si ça n'entre pas dans le cadre spécifique des normes minimales du travail, d'aller chercher quelques informations supplémentaires qui seront sûrement très utiles à nos travaux. D'ailleurs, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, tout à l'heure, faisait référence à un mémoire au Conseil des ministres de l'an dernier et dans lequel nous disions justement - je n'étais pas ministre à la Condition féminine à l'époque - que nous avions, nous aussi, fait le constat que "le

remplacement du revenu - et je cite - de congés de plusieurs semaines souffre de plusieurs faiblesses en plus d'être compliqué et disparate". On y disait: "Des propositions seront soumises, dans un proche avenir, en vue de doter ultérieurement ultimement le Québec d'un régime unifié et amélioré relevant de son entière responsabilité au niveau des prestations à verser. " Nous avions, à cette époque, choisi de renforcer les conditions existantes et c'est comme ça que nous sommes arrivés à prendre un engagement sur l'amélioration du PRALMA, mais le gouvernement avait probablement, aussi à votre suggestion, réalisé qu'il y avait des grandes améliorations à apporter.

Vous arrivez aujourd'hui avec un projet dont, à tout le moins, peut-être trois points me frappent: l'universalité, premièrement; deuxièmement, qui viendrait simplifier la démarche des femmes - vous me corrigerez si je me trompe - et, troisièmement, qui donnerait un support plus égal, je dirais, à toutes les familles du Québec.

Vous nous avez parlé d'une consultation assez large. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous en êtes arrivées à élaborer cette formule et quelles sont les consultations qui ont été faites. Est-ce qu'elles ont été faites de façon formelle? Élaborez donc là-dessus. Je pense que c'est important, pour nous, de savoir quel est le consensus de cette formule-là.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Lavigne.

Mme Lavigne: C'est qu'évidemment une telle formule, je pense, dérange ou, en tout cas, défait beaucoup de systèmes qui étaient établis, et nécessitait une consultation. Au cours de l'automne, le Conseil a rencontré une quinzaine d'organismes, qui allaient d'organismes patronaux à des syndicats, des associations féminines, des organismes familiaux et aussi des organismes de travailleurs autonomes parce qu'il y avait toute la problématique aussi de couverture de la maternité pour des travailleurs autonomes.

Je dois vous dire que nous allions avec un avant-projet d'avis qui, d'ailleurs, fut considérablement modifié à la suite de la consultation que nous avons effectuée parce qu'il s'agissait d'évaluer différents scénarios qu'on avait, de voir à la fois la réceptivité... Nous avons posé différentes questions aux gens. La première constatation, en somme, qu'on a faite, ça a été, je pense, à la fois la surprise de voir à quel point il y avait une convergence de points de vue et que le climat, au Québec, était mûr pour qu'enfin un pas significatif soit fait. (11 h 30)

Ça sortait de façon très claire de l'ensemble des consultations qu'on a faites. Nous voulions vérifier des questions; d'abord, l'allocation universelle; une allocation universelle de maternité, comment ça pouvait être perçu. Alors, cette question-là est intéressante parce qu'on disait: Écoutez, c'est la première fois qu'on peut avoir une mesure qui s'adapte à tout le monde d'une façon concrète et qui ait, bon, un caractère d'équité et qui s'intègre dans tout un système de compensation.

La réaction par rapport à ça, notamment des associations féminines, fut particulièrement intéressante et nous a amenées à modifier considérablement notre proposition. La première hypothèse que nous avions faite prévoyait le maintien des allocations de naissance pour le troisième enfant. Nous avions prévu ne pas toucher à ces annonces qui avaient été faites récemment. Or, là-dessus, on nous a souligné, et ça partout où nous sommes allées, chez des associations féminines et des syndicats, qu'une telle mesure posait d'énormes questions, les allocations, et on nous demandait: Mais pourquoi vous ne les réintégrez pas? Parce qu'un système, avec la somme, on pourrait équitablement desservir l'ensemble des femmes. Et là-dessus, la question est revenue extrêmement souvent en disant, autant chez les organismes familiaux que chez des associations féminines: Écoutez, pour nous, le premier enfant est aussi important que le troisième.

Chez des jeunes, ensuite, nous avons vu des organismes comme le Conseil de la jeunesse c'était de dire: Écoutez, le problème des jeunes est là, est existant, le premier enfant est aussi difficile à avoir que certains démographes peuvent considérer le troisième enfant et il importe d'avoir un soutien qui soit équivalent.

La consultation nous a aussi amenées... Bon, évidemment, le Conseil du patronat nous dit: Écoutez, les coûts sont élevés. Nous avions dans notre premier scénario des coûts plus élevés qui étaient de l'ordre de 150 000 000 $. Or, on nous a dit: Écoutez, vous ne pouvez pas penser avoir une approche qui soit plus progressive, une approche où le fardeau serait moins élevé dans une première étape? Et, parmi les scénarios envisagés, une des façons de réduire les coûts était notamment de revoir toute cette question d'allocation de naissance qui, pour bien des femmes, était vue comme une prime à la production du style de ce qu'on a, les bonis, dans une manufacture de chaussures. On nous l'a dit de façon aussi explicite que ça et c'était souvent vu de façon blessante par des femmes. En même temps, ça permettait de concilier un objectif de rationalité économique et aussi donc de baisser les coûts, de rendre un système faisable et, par ailleurs, d'enlever ce traitement différent d'un enfant par rapport à l'autre. D'ailleurs, le document dont je parlais tout à l'heure qui a peut-être été distribué, l'annexe, une annexe sur l'avantage comparatif des systèmes, je pense, est éloquent là-dessus et permet de voir qu'il n'y a finalement que 600 $ de différence, mais ça, si on prend un scénario d'une famille qui a trois

enfants, une fois que le troisième enfant est né six ans après qu'on a décidé d'avoir une famille. Donc, la proposition que nous faisons en faisant une hypothèse que des gens restent au foyer tout le temps est finalement en soi... peut avoir un léger désavantage mais qui, je pense, pourrait être compensé par la poursuite de la politique déjà annoncée de renforcement d'allocations familiales.

Aussi, autre élément qui est sorti clairement, le temps de la consultation sur cette question, c'est que c'est un leurre, cette prime à la naissance, parce qu'en réalité ce sont... on la donne sur trois ans. Celle du troisième enfant, on la donne sur trois ans. Or, ça fait longtemps qu'il est né le petit. Il a déjà trois ans. Bon. Alors que, si on veut avoir des mesures de renforcement d'allocations familiales, je pense que c'est un objectif social qui est endosse par plusieurs associations mais qui peut, lui, être vu non pas à partir d'une mesure à la naissance mais bien d'une mesure de soutien aux familles. Bon. Ça, c'est un élément, en tout cas, important qui est ressorti de la consultation et qui nous a amenées à beaucoup baisser le coût du système qu'on avait identifié.

Un autre élément intéressant qui est ressorti de l'allocation universelle et qui nous a amenées aussi à monter... à hausser le coût de la prestation de l'allocation universelle, c'est qu'il y a beaucoup de travailleuses à temps partiel, de travailleuses précaires qui ne réussissent pas et ne réussiront même pas de toute façon à avoir un attachement assez régulier pour payer à une caisse des cotisations et qui risqueraient, si elles étaient admissibles, disons, à 110 $ ou 120 $ de prestation de maternité, de ne pas être admissibles à un système de compensation quel qu'il soit. Alors, l'avantage de l'allocation universelle est de permettre de couvrir tous ces cas-là qui se retrouvent entre les deux. Autre point de vue qui est sorti beaucoup lors de la consultation et que, comme société aussi, toujours au niveau de la question de la naissance, autour de la maternité, une des priorités qu'on devrait avoir et avant de songer à soutenir le coût additionnel d'un enfant est, d'abord et avant tout, la première chose: compenser la perte du revenu, parce que des gens perdent de 2000 $ à 5000 $ à 10 000 $ par année de revenu parce qu'ils ont un enfant, et ça, c'est un autre élément qui est ressorti.

Est-ce que vous désirez que je continue à...

La Présidente (Mme Marois): Soit dit en passant pour les membres de la commission, vous avez dans la pochette, je crois, que le Conseil vous a remise tous les documents auxquels fait référence la présidente.

Mme Trépanier: Mme la Présidente, vous parlez d'allocation à la naissance, j'aime mieux, moi, dire: soutien à la famille avant la naissance. Il y a une chose qui m'importe, c'est que le soutien à la famille qui a été prévu, qui a été conçu par le gouvernement, qui est octroyé présentement, il y a une statistique qu'il ne faut quand même pas laisser en plan, et c'est celle qui veut que les parents d'une famille de trois enfants et plus sont plus démunis et plus pauvres que la famille de deux enfants et moins. Ça, c'est entendu. Alors, vous me dites, dans votre formule, qu'il y aurait possibilité que le soutien à la famille d'un enfant de troisième rang ne soit pas moindre, dans le fond. Quand vous avez établi votre prestation universelle de 100 $, est-ce que c'était.... Comment l'avez-vous inden-tifiée? J'imagine que vous avez divers scénarios. Je n'ai pas vu les scénarios que vous avez proposés, j'imagine qu'il doit y avoir possibilité d'ajuster la formule pour que les parents d'un enfant de troisième rang ne reçoivent pas d'aide inférieure à ce qu'ils reçoivent présentement ou qu'il y ait, à tout le moins, une période de transition entre un nouveau programme éventuel et celui qui existe présentement.

Mme Lavigne: Écoutez. Bon, une chose est évidente, c'est que, à un tel système ou à une telle mesure, si elle était implantée, je pense que tout législateur et tout gouvernement, nécessairement, a des mesures transitoires de façon à ce que des gens... Bon, une femme qui est enceinte au moment de l'application de la mesure ou des gens qui ont déjà la mesure puissent continuer à bénéficier de l'application. Ça, je pense que c'est important et ça faisait partie aussi du décor, de ce que l'on supposait et c'est inscrit dans le document.

Par ailleurs, quand on dit 1800 $ à chacun des enfants, si on prend l'hypothèse d'une famille qui a trois enfants, la proposition que nous faisons signifie 5400 $ alors que les primes à la naissance signifient 6000 $. Donc, c'est sûr qu'il y a une différence de 600 $, mais elle intervient au bout de trois ans après la naissance du troisième enfant. Toutefois, je pense qu'on ne peut pas regarder cette question-là seule parce que le système qu'on propose est un système qui dit. Désormais, il faut regarder la réalité telle que nous la vivons comme société. Or, comme société, l'immense majorité des femmes sont sur le marché du travail et, si une famille s'appauvrit lors de la naissance du troisième enfant, c'est qu'une femme doit quitter le marché du travail; c'est la raison de l'appauvrissement de la famille. Ce n'est pas... L'appauvrissement n'est pas nécessairement le coût supplémentaire d'un enfant.. On identifie le coût supplémentaire d'un enfant, on sait qu'un troisième enfant coûte moins... Écoutez, il y a des théories là-dessus Je ne reviendrai pas là-dessus, il y a deux hypothèses. Excusez! Bon, mais, ceci dit, il y a un coût, il y a le coût majeur pour une famille, c'est le retrait d'une femme du marché du

travail. Or, la majorité des familles ont besoin de deux gagne-pain pour vivre, c'est un fait de société, et je pense qu'aucune mesure ne peut nous amener à nier aucun grand désir. Alors, ce que l'on dit, d'abord et avant tout, c'est un système de remplacement du revenu qu'il faut et remplacement du revenu qui permette aussi de s'adapter à des familles ou des femmes qui ont des situations différentes ou qui sont à temps partiel. Donc, première mesure, qu'on s'organise pour que, quand on fait son rapport d'impôt, quand on a un troisième enfant, ça ne signifie pas qu'il faille quitter le marché du travail. Qu'on puisse rester au travail, et je pense qu'on aura réglé, à ce moment-là, au moins 80 % du problème. C'est ce qui est majeur.

Par ailleurs, il y a effectivement des coûts à un troisième enfant. Tout le monde sait que ça coûte plus d'argent que deux. Ça, on le dit depuis des années, il importe qu'on continue, comme société, à soutenir, par des allocations familiales, des enfants, mais qu'on appelle les choses par leur nom. Il s'agit d'allocations familiales. Il y a là-dessus, je pense, toute une série d'études et d'approches. Des économistes vont dire, par ailleurs: Un des problèmes majeurs, ce n'est pas le coût d'un enfant en bas de six ans, c'est son coût lorsqu'il grandit et devient adolescent. Un enfant, on l'a aussi jusqu'à 18 ans. Alors, des mesures d'allocations familiales, je pense, qu'il faut penser en termes de bonification pour l'ensemble de la société, l'ensemble des enfants, mais aussi jusqu'à l'âge de 18 ans et ne pas tout orienter et appeler "mesures familiales" des mesures qui, en fait, sont des mesures où il y a la naissance, ou tout mélanger le concept comme on l'a fait.

Mme Trépanier: Mme la Présidente, on pourrait discuter fort longtemps de cette proposition-là. Je suis convaincue que d'autres intervenants aborderont la question, au cours de cette commission. Je vais passer la parole à... Je vais donner mon temps et, au retour, peut-être que M. le ministre aura une question ou deux à vous poser également. Alors, merci de votre intervention.

La Présidente (Mme Marois): II restait quelques minutes à votre temps d'intervention.

Mme Harel: Est-ce que c'est terminé pour...

Mme Trépanier: Je garde les trois minutes pour M. le ministre, à la clôture.

Mme Harel: Ha!

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: ...Mme la députée de Hochelaga.

Mme Harel: Mme la Présidente, l'échange qui vient de se produire me semble quand même assez révélateur. C'est le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu qui, malgré tout, est responsable de ce dossier, et je sais les sentiments généreux que la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille peut avoir. J'ai lu, également, sa prise de position sur l'aspect souhaitable de la proposition du Conseil, mais ce n'est pas elle, c'est lui qui peut la rendre réalisable.

M. Bourbeau: Est-ce que vous essayez de créer la zizanie dans le camp adverse, là, quoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Le retrait, finalement, du ministre dans cet échange-là au profit de sa collègue seulement... J'espère qu'il va prendre ses trois minutes pour nous donner les intentions gouvernementales parce que, sinon, on est à l'éducation permanente et on parle pour parler. C'est avec courtoisie qu'on peut faire des calculs sur l'aspect adéquat ou non pour les parents d'un enfant de troisième rang, mais la question est bien posée, c'est: Le gouvernement entend-il installer une telle caisse unifiée, universelle de congés de maternité en rapatriant, notamment, les prestations versées par l'assurance-chômage? C'est ce que vous proposez dans votre mémoire - et je voudrais aussi insister pour le signaler ce matin - vous ne nous proposez pas seulement une politique québécoise de congés parentaux, vous nous proposez aussi une révision des normes du travail. Je ne voudrais pas qu'on occulte complètement ces recommandations-là, et je vais y revenir. Je voudrais que vous me le souligniez, Mme la Présidente.

Alors, on revient donc tout de suite aux congés parentaux. Vous nous dites, dans votre mémoire: II y a 50 % des femmes qui accouchent au Québec et qui n'ont rien, même si la plupart d'entre elles sont sur le marché du travail, et vous dites au gouvernement qu'il doit se presser pour aller négocier, aller rapatrier... D'abord, qu'il doit instituer son propre régime de prestations parentales et, comme il s'agit d'un programme fédéral à l'égard des congés parentaux versés par l'assurance-chômage, que, donc, Québec doit procéder au rapatriement. Là, vous nous citez l'artice 50, paragraphe 3, de la loi révisée du Canada, la Loi sur l'assurance-chômage plus exactement, en Incitant le gouvernement à entamer des discussions pour obtenir le retrait ou le transfert du gouvernement fédéral de ce champ de cotisation de l'assurance-chômage. C'est là dans votre rapport, à la page 55. (11 h 45)

Effectivement, il faut reconnaître que toute

la question relative aux congés de maternité est de compétence exclusive du Québec. Parfois, je me dis que Duplessis doit se retourner dans sa tombe s'il sait que le transfert de compétence de l'assurance-chômage en faveur d'Ottawa qu'il a signé en 1952 a servi, par la suite, d'intrusion d'Ottawa dans des champs de compétence exclusive du Québec, y compris le congé de maternité et la formation professionnelle. C'était, en fait, un détournement de compétence, parce que ce n'était que l'assurance-chômage que le Québec transférait. Il ne l'a jamais fait, ni pour le congé de maternité, ni pour la formation professionnelle. C'est pour ça qu'à l'article 50, paragraphe 3, de la Loi sur l'assurance-chômage, on peut lire: "La Commission prend, avec l'approbation du gouverneur en conseil - en fait, du Conseil des ministres - des règlements prévoyant un mode de réduction de la cotisation payable en vertu de la présente loi lorsque le paiement d'allocations, de prestations ou d'autres sommes à des assurés en vertu d'une loi provinciale en cas de maladie ou de grossesse, aurait pour effet de réduire ou de supprimer les prestations payables en vertu de la présente loi a ces assurés..." Cette disposition s'intitule "Allocations provinciales". Donc, ce n'est plus nécessaire d'aller chercher l'appui de sept provinces, avec 50 % de représentants de la population du Canada. On n'est pas dans la Loi constitutionnelle - compliquée - de 1982. On est dans un domaine de juridiction exclusive du Québec. La grande question, c'est: Est-ce qu'il y a des pourparlers, à votre connaissance, qui sont entamés présentement pour négocier ce rapatriement?

Mme Lavtgne: À notre connaissance, non. On n'en a pas entendu parler. Un aspect qui peut être intéressant là-dessus - et je peux peut-être revenir sur la consultation - c'est au niveau d'organismes patronaux. Par rapport à cette proposition, ce qui peut être intéressant, c'est que le patronat, vous le savez, a réagi de façon très très négative au retrait du gouvernement fédéral de la participation à l'assurance-chômage. Quand on parle de rapatriement, il faut bien savoir que le gouvernement fédéral ne contribue nullement aux congés parentaux et aux congés de maternité. Quand on parle de rapatrier, c'est un champ de cotisation qu'on a sur nos chèques de paye et que les employeurs ont sur leurs chèques de paye. Là où le Conseil du patronat était particulièrement réceptif à une proposition intégrée dans le cadre d'une législation québécoise... Excusez-moi, je n'ai pas nommé un organisme, mais trouvez la proposition intéressante et vous pourrez interroger les organismes. C'est dans le sens où on dit, dans des milieux patronaux, que dans les législations européennes, habituellement, ce qu'on retrouve, c'est que l'État continue à payer les aspects sociaux d'une mesure. Or, on dit que la maternité a aussi une dimension sociale, n'est pas uniquement une mesure liée au travail. Le système qu'on propose est un système tripartite où il y a une garantie de financement de l'État qui paie toujours l'allocation de base, qui sert de base à la prestation pour les travailleuses elles-mêmes. Dans ce sens-là, ça permet le respect du volet social qu'on ne retrouve plus désormais dans le système d'assurance et qui permettrait aussi, dit-on, à certaines petites entreprises étant plus fragiles d'avoir des prestations peut-être moins élevées à assumer, parce qu'il y aurait déjà une prestation de base assumée par l'État.

Dans ce sens, des discussions, que je sache, je ne pense pas qu'il y en ait, mais on se dit: II s'agit de cotisations qu'on paie nous-mêmes, dans lesquelles le gouvernement fédéral, désormais, ne met plus de contribution.

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison de nous rappeler qu'avec la réforme de l'assurance-chômage et la loi C-21 Ottawa se retire complètement de la contribution à la caisse d'assurance-chômage, mais, tout en se retirant, nous laisse deux politiques canadiennes, soit une de congé de maternité et une de formation professionnelle, sans même les financer et en renvoyant uniquement aux cotisations. Là, vous aviez, dans vos dossiers, au moment de la mise en marché du projet, la semaine dernière, rappelé qu'en l'absence d'un remplacement du revenu à 90 % les mères québécoises sont traitées différemment des bénéficiaires des autres régimes québécois d'assurance sociale, notamment les travailleuses en retrait préventif, victimes d'accidents du travail, d'actes criminels ou d'accidents de la route. Donc, l'ensemble de notre régime de sécurité sociale assure un remplacement du revenu à 90 % sauf, finalement - il faut le reconnaître - lors de la naissance d'un enfant. La question que je me posais, c'est: Compte tenu de vos homologues canadiennes, est-ce que le fait que l'assurance-chômage ne rembourse que 60 % du revenu assurable, ça préoccupe aussi les associations canadiennes? Ou on n'en entend jamais parler? Ou est-ce que tout simplement ce n'est pas là un sujet qui a une sensibilité similaire à celle qu'on retrouve dans l'opinion publique québécoise? Est-ce que le fait, justement, du taux de natalité, par exemple, dans les provinces de l'Ouest qui est de 2 % et en Ontario qui est de 1,8 %, ce n'est pas une préoccupation majeure pour eux qui fait en sorte qu'il n'y a justement pas de pression pour que se bonifient à la hausse les versements de prestations à l'assurance-chômage?

Mme Lavigne: Écoutez, dans le cadre de la réforme de l'assurance-chômage, de toute façon, plusieurs provinces canadiennes ont entrepris aussi d'actualiser leur loi sur les normes du travail et, dans ce contexte-là, dans le moment, il y a un débat dans plusieurs provinces et

plusieurs associations féminines et conseils ont fait un peu la même démarche qui s'est faite au Québec, et que nous avons faite, qui était de regarder le côté des prestations. Je pense que c'est une question à laquelle on est sensible, et aussi ailleurs, mais je ne sais pas exactement dans quel paramètre le débat se vit.

Mme Harel: Alors, écoutez, je ne souhaiterais tellement pas passer sous silence tout l'aspect que vous avez aussi développé et dont il a été moins question, finalement, dans les médias d'information, mais qui est aussi important et qui concerne les améliorations apportées aux conditions de travail proprement dites. J'aimerais particulièrement vous entendre sur la question de la semaine normale de travail et de la journée normale de travail. Vous proposez huit heures pour une journée normale. Donc, c'est après ces huit heures terminées que commence à être payé le temps supplémentaire, quand on utilise l'expression "normale", n'est-ce pas? Donc, ce qui se trouve dans l'avant-projet de loi, la proposition que seuls les salariés ayant des responsabilités familiales puissent se prévaloir du droit de refus du temps supplémentaire après un certain nombre d'heures régulières qui ne sont pas déterminées, à moins que l'employeur ne les ait avisés douze heures a l'avance que leurs services seraient requis, qu'est-ce que vous en pensez de cette proposition dans l'avant-projet de loi?

Mme Lavlgne: Là-dessus, finalement, la proposition qu'on fait, c'est que la journée normale de travail serait de huit heures. D'accord? Après huit heures de travail, on aurait droit à du temps supplémentaire.

Mme Harel: Pour tout le monde? Mme Lavigne: Pour tout le monde.

Mme Harel: vous considérez qu'il est préférable... pourquoi insistez-vous pour que ce soit pour tout le monde plutôt que pour les salariés qui ont des responsabilités familiales?

Mme Lavigne: Bien, écoutez, je pense que c'est important de ne pas créer deux catégories. De toute façon, si on regarde l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui ont des responsabilités familiales, on va chercher presque jusqu'à 1 000 000 de la population active: ça commence à être énormément de monde. À ce moment-là, pourquoi aller en chercher 1 000 000 et ne pas aller chercher le reste de la main-d'oeuvre? Aussi, il importe beaucoup de ne pas s'enligner dans des mesures de type protectionniste parce que, on le sait, par le passé, c'est ce qui a servi à interdire le travail des femmes dans les mines, qui a servi à interdire l'accès des femmes à toutes sortes de jobs très payantes, pour les protéger, soit dit en passant. Ceci dit, ce serait une mesure protectionniste qui risquerait en l'occurrence que ces congés-là... En tout cas, nous on ne proposait pas qu'ils soient... Excusez, pour le temps supplémentaire, il y a de fortes chances que ce soient les mères qui le prennent, compte tenu du cheminement qu'on a comme type de société et, à ce moment-là, que les mères soient... Évidemment, si c'est une mère, elle a des enfants, elle ne peut pas faire du temps supplémentaire ou, évidemment, si c'est un père, dirions-nous, si c'est un nouveau père, on ne peut pas lui demander de faire du temps supplémentaire. Enfin, il ne faut pas, je pense, se retrouver à créer deux catégories de travailleurs à cet égard-là.

Alors, ce qu'on dit, c'est: Au-delà de dix heures, tout travailleur, quel qu'il soit, a le droit de refuser de faire du temps supplémentaire. Donc, c'est pour ça qu'on a mis une notion de journée maximale. On peut refuser au-delà de dix heures; entre huit et dix heures, on n'inscrit pas de... Comme il y a une journée normale, il y a nécessairement du temps supplémentaire, chose qui n'existe pas dans le moment, donc qui peut constituer, je pense, un type de frein à des demandes pour des gens qui n'en ont pas, parce qu'on n'avait pas de journée maximale de huit heures. Alors, ça permet un certain équilibre entre les deux, mais ce qu'on trouve, c'est qu'il n'y ait pas de mesures davantage protectionnistes et qu'on ne divise pas la main-d'oeuvre en deux.

Mme Harel: Je vous remercie, je voulais justement vous entendre sur cette question des mesures protectionnistes. Par ailleurs, vous savez sans doute que l'ensemble des autres dispositions de nos voisins ne s'appliquent qu'à une détermination d'heures maximales de travail par semaine, c'est-à-dire une semaine normale. Vous proposez dix heures par jour au-delà de quoi le temps supplémentaire peut être refusé. Vous savez sans doute que, déjà, dans le Code canadien, on prévoit huit heures par jour au-delà de quoi le temps supplémentaire peut être refusé. Ça ne veut pas dire que la personne qui accepte d'en faire est payée à temps supplémentaire. Ça, évidemment, c'est après le calcul de la semaine normale et, dans le Code canadien, pour des travailleurs québécois assujettis à cette juridiction fédérale, c'est 40 heures, la semaine normale, à partir de quoi le temps supplémentaire est payé. Mais pourquoi dix heures pour refuser du temps supplémentaire?

Et je vais vous poser une autre question aussi, tout de suite, dans le même ordre d'idées. Vous proposez en matière de congédiement sans cause juste et suffisante - parce que, évidemment, on le sait, dans le mémoire, justement, qui était déposé l'an dernier au Conseil des ministres, il était bien dit que le tiers des bas salariés au Québec ont des conditions de travail inférieures aux normes du travail. Je ne parle

pas du tiers des travailleurs et travailleuses au salaire minimum, mais du tiers des bas salariés. Ça fait pas mal de monde ça. Et, évidemment, on discute, finalement, de droits dont l'exercice peut être extrêmement difficile à défaut de connaître ces droits ou tout simplement parce que les coûts peuvent en être prohibitifs devant les arbitres ou devant le commissaire du travail. Et là vous proposez qu'en matière de congédiement sans cause juste et suffisante il y ait réduction de cinq ans de service continu chez un employeur, pour avoir droit à ce recours, à trois ans. Déjà, le Code canadien, lui, prévoit un an. C'est suffisant après un an de service continu pour avoir droit à un recours. Je sais bien que le ministre passe sous silence cette question-là puisque ça reste cinq ans. Mais, tant qu'à faire du rattrapage et à mettre notre situation pour les années qui viennent, pas pour les années passées, pourquoi ne pas envisager un an?

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la présidente, si une de vos collègues veut répondre, H n'y a pas de problème. Mme Desrochers.

Mme Desrochers (Lucie): Oui, je vais répondre en ce qui concerne les heures, pourquoi le Conseil demande de fixer une durée normale à huit heures et une durée maximale à dix heures et des heures aussi pour la semaine. La durée normale de huit heures, c'est que ça correspond à ce qui se vit présentement dans la main-d'?uvre. Donc, on aimerait que ça se reflète dans la Loi sur les normes du travail. Maintenant, la durée maximale de dix heures, il y a un peu d'arbitraire là-dessus. Elle aurait pu être fixée à huit heures comme la durée normale. À ce moment-là, ça empêche l'employeur tout le temps d'exiger du temps supplémentaire. Il ne pourrait jamais en exiger puisque la durée normale correspondrait... Alors, en la fixant à dix heures, on trouve que ça donne un certain équilibre et une marge de manoeuvre. L'employeur peut exiger, dans un cadre limité toutefois, et la travailleuse ou le travailleur sait quand même qu'on peut lui demander du temps supplémentaire, mais que, rendu à une certaine limite, il peut refuser. Donc, on a essayé de trouver un équilibre entre les intérêts de chacun. On s'est inspiré, évidemment, de certaines législations canadiennes. Dans certains cas, on a fixé seulement une semaine maximale, dans d'autres cas, seulement une journée et, dans d'autres cas, il y a aussi la journée et la semaine. On a préféré la journée et la semaine.

Mme Harel: Écoutez, il y a tellement d'autres aspects parce que vous avez vraiment traité d'une façon très exhaustive l'ensemble de toutes ces dispositions. Je pense, entre autres, à la question du congé de maladie que vous introduisez avec une garantie de retour à l'emploi. J'aurais aimé vous interroger: Est-ce que ce sont des absences pour maladie qui peuvent être successives? Si, après trois mois de service continu, il y a une garantie de retour à l'emploi, même après douze semaines de congé, est-ce que ça peut se répéter? Ça, c'est peut-être une question qu'on... Mais, comme il reste très peu de temps, il y a certainement un aspect sur lequel je veux absolument vous entendre, c'est sur l'équité salariale. On sait qu'en Ontario, en 1987, ils ont introduit une législation qui prévoit que l'employeur, toute entreprise de plus de dix employés doit redresser la situation ou la corriger s'il y inéquité en consacrant 1 % de la masse salariale de l'année précédente à cette correction. Est-ce que vous envisagez ou vous souhaitez des mécanismes pour assurer une meilleure application du principe inscrit dans la charte en matière d'équité salariale?

Mme Lavigne: Écoutez, ce que je dois vous dire, c'est qu'on ne l'a pas retenu. Effectivement, ça aurait pu faire partie de la réflexion et s'inscrire dans le cadre d'une lot sur les normes. Ce qu'on a retenu au niveau de l'équité, c'est absolument l'importance, toutefois, pour le travail à temps partiel, qu'on ne puisse pas, parce que quelqu'un travaille à temps partiel, lui donner un salaire inférieur. (12 heures)

Et ceci, ne l'oublions pas, n'existe pas dans la Charte québécoise des droits. Ce n'est pas un motif de discrimination. Donc, une caissière dans un super-marché peut se trouver, si elle travaille à temps partiel, à avoir 7 $ de l'heure alors que l'autre qui travaille à temps plein peut avoir 10 $ ou 11 $ de l'heure et ce n'est pas discriminatoire en vertu de la charte. Donc, ça, c'est absolument essentiel pour le travail à temps partiel que ce soit inscrit dans la loi sur les normes.

Pour ce qui est de l'ensemble de la problématique de l'équité salariale, je dois vous dire qu'on est véritablement dans une période de transition, et dans une période de transition où effectivement, comme de nombreux organismes, on reconnaît, comme la Commission des droits elle-même le reconnaît, que nous avons comme société un instrument, la Charte des droits, qui n'est pas l'instrument le plus approprié. Bon! Sauf que, pour proposer un instrument plus approprié, on est encore dans une période d'évaluation, d'évaluation d'une part de l'expérience ontarienne qui est quand même à ses débuts. Et je pense qu'il importe de voir quelles sont les difficultés d'application de la loi ontarienne. Vous savez que les premiers rapports ont été déposés en retard le 11 janvier, certains sont encore en cours de dépôt. Alors, ça, c'est difficile de voir et je pense que le jour où on devrait y aller comme société, on devrait savoir dans quel sens on y va.

Par ailleurs, il y a eu un choix qui a été fait de l'ordre des mesures volontaires; il faut

peut-être laisser le temps aux mesures volontaires de voir si ça marche ou si ça ne marche pas et que le processus d'évaluation qui est en cours puisse se finaliser. Sauf qu'il me semble qu'assez bientôt, en tout cas, on devrait être prêts, comme société, à reprendre une réflexion parce que c'est quand même un phénomène totalement inadmissible qu'encore aujourd'hui les femmes touchent 60 % du salaire des hommes. Et ça, je pense qu'on ne peut pas sortir de là. Mais on ne l'a pas fait pour ça.

Mme Harel: Très bien, je vous remercie. Je pense qu'il va me rester juste une minute pour conclure moi aussi.

Mme Lavigne: Je le sais, oui.

La Présidente (Mme Marois): II vous reste... C'est terminé, en fait.

Mme Harel: Je vais pouvoir quand même conclure?

La Présidente (Mme Marois): Vous pouvez conclure.

Mme Harel: Je vais laisser d'abord M. le ministre terminer son intervention, il vous reste trois minutes.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre, il vous reste trois minutes.

M. Bourbeau: Bon, écoutez, j'écoutais tout à l'heure la députée de Hochelaga. On doit dire la députée de Hochelaga, maintenant, si j'ai bien compris?

Mme Harel: Hochelaga-Maisonneuve, les deux.

M. Bourbeau: Hochelaga-Maisonneuve. Ah bon! Faire un résumé à sa façon, bien sûr, de l'avant-projet de loi qu'on a devant nous et je dois dire que moi, quand j'entends la députée de Hochelaga-Maisonneuve s'exprimer ainsi, ça me fout toujours le cafard. Ça prend un bon moral pour travailler de ce côté-ci de la table, quand on voit un résumé aussi pessimiste d'une situation, d'un projet de loi. En fait, à entendre ce résumé-là, j'étais porté à dire: Bon, on est aussi bien de retirer le projet de loi complètement puis de conserver le statu quo, puisqu'il semble, d'après l'Opposition officielle, que c'est la grande déprime et qu'il n'y a rien de bon dans l'avant-projet de loi. Mais, de toute façon, je présume que ça fait partie du jeu politique.

Quant à nous, il me semble que cet avant-projet de loi améliore nettement la situation. Bien sûr, dans un monde idéal, on pourrait probablement proposer des choses plus généreuses: remplacement du salaire à 150 % pendant deux ans et demi pour chaque enfant etc. Mais, on doit vivre avec la conjoncture, on doit vivre avec la compétitivité des entreprises, et tout ça doit s'articuler évidemment dans une problématique d'équilibre. D'ailleurs, je dois dire que la proposition du Conseil du statut de la femme se situe dans cet esprit-là.

Ce sont des propositions intéressantes, je dois le dire. Le mémoire que vous nous avez proposé va faire l'objet d'études encore plus approfondies. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour vous donner la réponse du gouvernement à ce que vous proposez. Nous sommes ici pour écouter, beaucoup plus pour écouter que pour parler, mais vous pouvez être assurées que tout ce qui se dit ici est noté et sera subséquemment mis dans la balance avec toutes les autres propositions, de sorte que nous avons l'intention éventuellement de proposer un projet: Et c'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle j'ai choisi de procéder au moyen d'un avant-projet de loi, pour bien indiquer que ce n'est pas la version définitive. Nous sommes ouverts à toute suggestion dont, entre autres, celles que vous nous faites.

J'aurais peut-être une question à vous poser pour sortir un peu des sentiers que l'on bat depuis une demi-heure. Dans votre mémoire, vous traitez un peu du salaire minimum. Le salaire minimum, ça ne fait pas partie de l'avant-projet de loi, c'est un processus extérieur, mais vous savez que, depuis 1986, nous avons procédé à une révision annuelle du salaire minimum après une consultation avec le gouvernement de l'Ontario. Nous l'avons fait parce que nous estimons que l'Ontario et le Québec ont des économies qui se ressemblent un peu. Ce sont les deux provinces qui, un peu, là, servent de locomotives à l'économie canadienne et à partir du moment où il y a une entente entre ces deux provinces-là, en général, les autres provinces canadiennes s'ajustent, un petit peu en retard parfois, mais s'ajustent.

Alors, en quoi la procédure que nous avons suivie depuis 1986, qui a fait en sorte que nous avons augmenté le salaire minimum à chaque année, de 4 $ qu'il était à notre arrivée, à la fin de 1985, à 4,35 $, 4,50 $, 4,75 $ et, finalement, à 5 $, le premier octobre dernier, en quoi cette procédure-là vous apparaît-elle inefficace?

Mme Lavigne: Écoutez, ce n'était pas une question de jugement qui a été fait. Si vous remarquez, c'est que... Je pense qu'il faut s'enligner dans la loi autrement que dans une relation interprovinciale. Il s'agit, effectivement, d'une entente Québec-Ontario mais qui, en soi, n'est pas une entente perpétuelle.

Ce qu'on dit, c'est qu'il importe, néanmoins, qu'il y ait une révision annuelle, que le processus soit fait, qu'il y ait ou pas une entente avec l'Ontario ou que les mécanismes s'affaiblissent ou non. Donc, on dit: Qu'il y ait un processus de révision annuelle et, par ailleurs, qu'à cette fin

il y ait une consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui soit faite sur les niveaux souhaitables. Là, ce sera au gouvernement de prendre la décision. Je pense qu'armé de ce lieu de consultation de données... et aussi que l'avis soit rendu public de façon que les citoyens puissent savoir aussi sur quelle base ça se fait. Rares sont les citoyens, je pense, qui savent que ça se discute entre le ministère du Travail ontarien et le ministère québécois de la Main-d'oeuvre, la fixation du salaire minimum, et il n'y a pas de débat social autour de ça. Or, ça concerne une partie quand même importante de travailleurs et ça a un impact aussi sur toute une série de travailleurs qui sont autour du salaire minimum. Dans ce sens-là, on se dit: Qu'il y ait un lieu où, à partir de données, on puisse le rendre public et qu'on soit assuré d'un processus de révision annuelle, ce qui est différent, je pense, d'une recommandation qui serait de type indexation annuelle. Ça, ça poserait, peut-être, je pense, des complications dans le système dans lequel on vit dans le moment. Alors, on dit qu'on s'assure au moins que, chaque année, l'effort soit fait, que la révision soit faite, que ça soit connu et qu'ensuite il y ait une entente interprovinciale. Mais je pense que, comme société, il faut se donner nos outils aussi, à nous, en dehors de la bonne volonté d'un gouvernement ontarien qui pourrait se retirer un jour ou... je ne sais pas.

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vais laisser la parole à la députée de Hochelaga-Malsonneuve en espérant qu'elle ait au moins un bon mot à l'endroit de l'avant-projet.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelage-Maison-neuve.

Mme Harel: Mme la Présidente, il y a un grand mot du dictionnaire qui, à mon avis, s'applique fort bien aux législations que le ministre et son gouvernement ont déposées jusqu'à maintenant en matière de sécurité sociale, c'est le mot "pusillanime". C'est un grand mot, mais il est tout à fait adéquat.

Moi, je veux dire bravo et surtout merci pour les travaux d'envergure que le Conseil du statut de la femme a menés sur ces questions. Le gouvernement est aveugle, mais il n'est pas sourd. Il y va peut-être à tâtons, mais il y va au son. Vous avez permis de monter le volume du son et je pense que ça va devenir incontournable. On ne peut pas, comme il le fait fréquemment, parler du taux de dénatalité, s'en inquiéter, en inquiéter la population, faire des déclarations sur les politiques familiales généreu ses qui doivent être offertes aux Québécoises et aux Québécois et, de façon inconséquente et irresponsable, ne pas doter la société, les familles du Québec, les parents, les hommes et les femmes qui veulent faire des enfants, des moyens pour les soutenir.

Alors, je vous remercie pour votre contribution.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée. Mme la ministre, une phrase.

Mme Trépanier: Une phrase. Le temps est écoulé.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

Mme Trépanier: Merci infiniment pour votre présentation. Vos propos viendront sûrement alimenter nos travaux dans les prochaines semaines. Merci infiniment.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Merci de votre présentation.

Mme Lavigne: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant les représentants et représentantes de la Fédération des unions de familles à bien vouloir prendre place devant nous.

Je vais rappeler aux membres de la commission que, non seulement nous avons pris le temps qui nous était alloué pour entendre les représentantes du Conseil du statut de la femme, mais nous l'avons dépassé.

M. Bourbeau: Oui, mais ça, c'est l'homélie de la députée de Maisonneuve.

La Présidente (Mme Marois): Vous n'étiez pas mal aussi.

Je vous souhaite la bienvenue à notre commission. Vous connaissez les règles du jeu. Bonjour Je vous les rappelle: une vingtaine de minutes pour votre présentation, par la suite, il y a échange avec les membres de la commission. J'imagine, M. Lizée, que vous représentez le groupe et que vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Ensuite, soit vous ou quelqu'un qui vous accompagne, procède rez à la présentation de votre mémoire

Fédération des unions de familles

M. Lizée (Jacques): Ce n'est pas tout à fait ça. Je laisserai Mme Ricard vous expliquer le processus.

La Présidente (Mme Marois): Bonjour, Mme Ricard, bienvenue.

M. Lizée: Je m'excuse, Mme la Présidente.

Mme Ricard (Jacinthe): Merci. Ça me fait

plaisir d'être ici parmi vous aujourd'hui. M. le ministre Bourbeau, Mme la ministre Trépanier, messieurs, mesdames les membres de la commission et Mme la Présidente, Mme Marois, il me fait plaisir de représenter la Fédération des unions de familles aujourd'hui. Je vous présente les personnes qui sont avec moi: M. Gilles Plamondon, qui est membre du comité exécutif; M. Jacques Lizée, qui est secrétaire général à la Fédération, et moi-môme, Jacinthe Ricard, qui est également membre du comité exécutif.

Dans un premier temps, je vais présenter la Fédération des unions de familles. La Fédération a été incorporée en 1961. Elle est le prolongement d'un organisme qui s'appelait alors l'École des parents. Le soutien parental est au coeur de l'action de la Fédération et ses réalisations suivantes en témoignent: l'obtention, par l'action avec d'autres organismes, des comités d'école et des comités de parents dans la structure scolaire, alors que jusqu'à ce moment les unions de familles jouaient ce rôle; la mise sur pied, grâce aux unions de familles, des premiers services de gardiens-gardiennes et la formation en cette matière; la création, par les unions de familles, des premiers cours prénatals; la participation active à la création de la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec; l'aide au fonctionnement de Parents-secours du Québec; la création et la promotion du Centre québécois de ressources à la petite enfance; la publication de "Quand on a des tout-petits... Quelques expériences communautaires à multiplier"; la production d'un document sur la prévention de la violence familiale, intitulé "Qu'il est difficile d'aimer"; la réalisation de "La mémoire collective, fiches informatisées" sur des actions communautaires menées à la base; la publication de "Sable et eau", un recueil d'activités pour soutenir les parents de jeunes enfants et les éducateurs, produit conjointement avec le Centre québécois de ressources à la petite enfance.

La Fédération poursuit trois objectifs majeurs: la promotion, la concertation et le soutien aux parents, aux familles et aux groupes familiaux. Elle compte à son actif plus de 200 mémoires et représentations sur des questions familiales. De plus, elle réalise annuellement, depuis 1981, la remise du prix de la famille et des prix reconnaissance aux municipalités. Enfin, c'est elle qui a lancé l'idée de la désignation d'élus municipaux responsables des questions familiales.

La politique familiale et le travail. Pionnière et promotrice d'une politique familiale globale au Québec depuis le milieu des années soixante, la Fédération a toujours considéré important l'équilibre à maintenir entre la vie familiale et le travail. Elle le réaffirme avec encore plus d'insistance ces années-ci, compte tenu que la conciliation du rôle de parents et de celui de travailleur et de travailleuse est de plus en plus difficile et nécessaire. (12 h 15)

Le profil de la population active a considérablement changé depuis quelques décennies. Plus de 55 % des femmes exercent un travail rémunéré hors du foyer. Beaucoup de familles ont besoin de deux salaires. Le nombre de parents seuls s'accroît constamment. Cette situation est là pour y demeurer. De leur côté, les parents sont allés à la limite de leur capacité d'adaptation au monde du travail: le monde du travail doit donc s'organiser en conséquence. Les parents parlent du "piège de l'enfant". Quelle triste expression, mais aussi quelle réalité!

Le discours sur la politique familiale s'est souvent limité, au cours des dernières années, à l'accroissement du taux de natalité au Québec. Certes, le besoin en cette matière est généralement reconnu. Cependant, un tel angle de prise risque de compromettre l'instauration d'une véritable politique familiale. En effet, si nous réussissons à augmenter le nombre d'enfants par famille, entre autres par l'introduction de mesures économiques, sans pour autant passer par une réorganisation globale de la vie en société, on risque de passer à côté de l'objectif visé de la politique familiale, à savoir la qualité de vie.

Une société dans laquelle chaque personne a la possibilité de se réaliser et d'aller jusqu'au bout de sa capacité est un objectif à atteindre. Les parents ne doivent pas être exclus de cet objectif. Bien au contraire, leur contribution sociale par la venue d'enfants devrait les avantager par rapport à d'autres travailleurs. De plus, l'autonomie économique passe beaucoup par l'emploi. Encore faut-il avoir l'occasion de l'exercer. Le projet de loi actuel visant à modifier la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives est certes un pas dans la bonne direction et la Fédération s'en réjouit.

La limite de notre avis. La Fédération a déjà été entendue sur le thème du travail en 1984, lors des audiences publiques de la commission consultative québécoise sur le travail et la révision du Code du travail. Déjà, elle réclamait des congés parentaux. Elle y revient dans le présent mémoire avec plus d'insistance. L'avis se limitera à l'amélioration des conditions de travail des parents travailleurs et travailleuses en considération de la responsabilité individuelle et collective de l'enfant.

La réforme et les PME. La Fédération précise dès le départ que sa réflexion s'inscrit dans un processus de changement qui doit prendre en considération la réalité des divers milieux de travail. Il conviendra tantôt de tenir compte de la taille des entreprises, tantôt du lieu et de la nature même du travail dans les propositions à formuler. Bref, on ne peut pas partir du modèle unique de la grande entreprise pour calquer les mesures à proposer pour l'en-

semble du monde du travail. Un dialogue permanent entre des représentants gouvernementaux, patronaux, syndicaux et parentaux devrait être encouragé dans les années à venir afin de trouver des réponses équitables aux besoins du parent travailleur et travailleuse. Les choix à faire s'exprimeront très souvent à partir de solutions partagées entre les parties. Voilà une prémisse fondamentale au développement harmonieux et efficace des normes du travail pour les parents.

Dans ce présent mémoire, la Fédération a tenu compte de cet angle de prise. Ainsi, elle est consciente que certaines de ses propositions devront se retrouver dans une réflexion élargie qui ne relève pas uniquement du présent exercice. Cependant, c'est dès maintenant qu'elle souhaite en présenter le contexte. Cette réflexion se poursuivra à d'autres niveaux et dans d'autres lieux.

Les composantes de l'avis.

La maternité. Dans la réflexion sur le rôle de parent travailleur et travailleuse, tout commence par la grossesse. C'est dès cet instant que nous devons intervenir. Bien sûr, ce sont les femmes travailleuses qui sont alors concernées. On sait tous que l'organisation familiale concerne encore beaucoup les femmes. La maternité doit être protégée. Les femmes, futures mères, ne doivent pas être désavantagées vis-à-vis d'autres travailleurs et travailleuses; bien au contraire, on doit les reconnaître socialement en emploi.

Trois mesures spécifiques ont retenu l'attention de la Fédération dans le présent mémoire. Il s'agit du retrait préventif, du suivi pendant la grossesse et du congé de maternité.

Le retrait préventif. La Fédération souligne l'importance du programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Ce programme doit être maintenu et davantage connu.

Deuxièmement, le suivi pendant la grossesse. Au cours d'une grossesse, plusieurs visites médicales de contrôle sont à effectuer. Plus l'accouchement approche, plus elles sont rapprochées. La perte de salaire d'un futur parent est de moins en moins possible et nous devons trouver des solutions afin d'atténuer une telle situation.

Ainsi, la Fédération recommande que des congés rémunérés par l'employeur soient prévus durant la grossesse, premièrement, aux femmes qui pourront démontrer que les visites médicales ne peuvent s'effectuer en dehors de leurs heures de travail régulier, (la travailleuse devra alors fournir, à cet effet, une attestation écrite de son médecin); deuxièmement, aux femmes qui subiront des examens particuliers, par exemple, une échographie.

Troisième point, le congé de maternité. Une perte importante de revenu lors d'un accouchement n'est certes pas la meilleure façon de témoigner aux nouveaux parents une reconnais- sance sociale pour la venue de l'enfant. Dans le contexte actuel, les futures mères sont beaucoup pénalisées. On ne peut pas couvrir l'ensemble de ce sujet seulement à partir de la Loi sur les normes du travail. Là aussi, c'est dans un contexte plus large que cette réflexion devra se poursuivre.

Afin d'améliorer cette situation, la Fédération recommande que la durée du droit d'absence prévue par la Loi sur les normes du travail actuelle soit maintenue. Toutefois, elle demande que la période d'employabilité de 20 semaines s'applique, même s'il y a eu plus d'un employeur. Cette ouverture permettrait de couvrir les travailleuses qui viennent de changer d'emploi.

Les congés parentaux. Le congé parental sans solde. Le congé parental suite à la naissance d'un enfant est beaucoup réclamé par les nouveaux parents. Que ce sort par choix idéologique, pour des raisons de santé de la mère ou de l'enfant, pour une difficulté à trouver une ressource adéquate pour la garde de l'enfant ou par manque de pouponnière, on réclame un tel congé pour une période plus ou moins longue. À cette fin, la Fédération recommande un congé sans solde d'une durée maximale ne dépassant pas 34 semaines après le congé de maternité et déterminé à l'avance. Ce congé pourrait être obtenu par tout parent de l'enfant ayant réalisé au moins 20 semaines continues d'emploi chez le même employeur.

Afin d'aider les PME qui auraient de la difficulté à combler des postes pour une telle période, la Fédération recommande au gouvernement d'offrir un programme spécifique d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux, tel le programme de développement en emploi. Ces personnes entreraient en fonction quatre semaines avant le début du congé parental et termineraient quatre semaines après la fin du congé.

Le retour à temps partiel. La Fédération recommande que le congé parental sans solde puisse permettre des formules de retour à temps partiel protégé. Aussi, la protection accordée contre le congédiement ou la mutation d'emploi des travailleuses enceintes, prévue dans les normes du travail pour les six mois après le retour au travail, doit s'appliquer au congé parental sans solde.

Un congé de paternité de naissance. Des pères désirent une plus grande implication lors de la naissance d'un enfant. Afin de faciliter cette situation, la Fédération appuie la proposition du projet de loi et recommande qu'un congé de paternité de naissance de cinq jours soit disponible: trois jours seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur.

Un congé parental d'adoption. L'adoption d'un enfant est un moment important dans la vie de futurs parents. À cette fin, la Fédération appuie la proposition du projet de loi et recommande qu'un congé parental d'adoption de cinq jours soit disponible à l'un ou l'autre des deux

parents. Trois jours seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur.

Un congé familial sans solde. Enfin, la Fédération recommande qu'un congé familial sans solde d'un maximum de cinq jours soit disponible lorsqu'un membre de la famille (conjoint, conjointe, enfant ou parent dépendant) requiert une présence.

Le rôle de la Commission des normes. D'une manière générale, le manque d'information des salariés quant à leurs droits est chose reconnue. La Commission des normes fournit déjà une certaine information qui mériterait d'être accrue. À cette fin, la Fédération recommande que les parents travailleurs et travailleuses, ainsi que les employeurs soient davantage informés de l'existence des congés de maternité et parentaux. Des outils d'information devraient être conçus et publiés en quantité suffisante.

Les heures supplémentaires. La Fédération apprécie de retrouver dans le projet de modification de la loi, à l'article 51.1, le souci familial du législateur rendant possible, aux parents, de se dispenser de travailler des heures supplémentaires. Sur ce point, la Fédération recommande qu'un salarié ayant des obligations reliées à la garde ou à l'éducation de son enfant mineur ou majeur dépendant ou à un parent dépendant puisse refuser de travailler après ses heures régulières de travail, sauf si son employeur l'a avisé au moins 24 heures à l'avance que ses services seraient requis. La Fédération se rallie aux deux clauses exceptionnelles de refus prévues à l'article 51.1 relatives à des événements imprévisibles ou à des travaux urgents reconnus.

Un régime d'assurance parentale. La complexité du système, la double juridiction fédérale-provinciale et les mesures et programmes juxtaposés au cours des années rendent difficile l'harmonisation des interventions en faveur des parents. Il en est de même dans d'autres secteurs.

Informée du projet d'avis, en octobre 1989, du Conseil du statut de la femme relativement à la mise en place d'une politique québécoise de congés parentaux, la Fédération souscrit à l'objectif d'un tel contenu. Il vise directement la notion de parentalité. Il évacue du discours la notion de chômage et de maladie reliée aux congés de maternité et parentaux. La Fédération n'a pas étudié les modalités de financement et d'application du projet, mais considère néanmoins que l'idée de base assurerait la cohérence recherchée en matière de politique familiale.

Le résumé des recommandations. La Fédération des unions de familles recommande que les conditions de travail des parents travailleurs et travailleuses s'inscrivent dans une réflexion permanente et reçoivent une reconnaissance importante des gouvernements et de la société en général; que l'ensemble des propositions tienne compte des divers milieux de travail, de la taille des entreprises et de la nature même du travail des PME; que le dialogue permanent entre des représentants gouvernementaux, patronaux, syndicaux et parentaux soit assuré; que le programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite soit maintenu et davantage connu; que les visites médicales durant la grossesse soient rémunérées par l'employeur lorsqu'elles ne peuvent avoir lieu en dehors des heures de travail régulier et lorsque des examens particuliers telle une échographie sont exécutés; que la durée du droit d'absence prévue par la Loi sur les normes du travail actuelle soit maintenue et que la période d'empioyabilité de 20 semaines s'applique même s'il y a eu plus d'un employeur; que le congé sans solde d'une durée maximaie ne dépassant pas 34 semaines après le congé de maternité et déterminé à l'avance soit reconnu. Ce congé pourrait être obtenu par tout parent de l'enfant ayant réalisé au moins 20 semaines continues d'emploi chez le même employeur; que l'aide aux PME lors de tel congé prolongé se traduise par l'offre d'un programme spécifique d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux, tel le programme de développement en emplois. Les travailleurs concernés entreraient en fonction quatre semaines avant le début du congé parental et termineraient quatre semaines après la fin du congé; que le retour au travail après un congé prolongé puisse s'effectuer par une intégration progressive en emploi par du travail à temps partiel; que la protection accordée contre le congédiement ou la mutation d'emploi des travailleuses enceintes, prévue dans les normes du travail pour les six mois après le retour au travail, s'applique également au congé parental sans solde; que, lors de la naissance d'un enfant, un congé de paternité de naissance de cinq jours soit disponible. Trois jours seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur; que, lors de l'adoption d'un enfant, un congé parental d'adoption de cinq jours soit disponible à l'un ou l'autre des deux parents. Trois jours seraient sans solde et deux seraient payés par l'employeur; que, lorsqu'un conjoint, un enfant ou un parent dépendant requiert une présence, un congé familial sans solde d'un maximum de cinq jours soit autorisé; que l'information relative aux normes sur les congés de maternité et parentaux soit davantage diffusée et que des outils à cette fin soient réalisés; que le salarié ayant des obligations reliées à la garde ou à l'éducation de son enfant mineur ou majeur dépendant ou à un parent dépendant puisse refuser de travailler après ses heures régulières de travail sauf si son employeur l'a avisé, au moins 24 heures à l'avance, que ses services seraient requis, que le projet du Conseil du statut de la femme relativement à la mise en place d'une politique québécoise de congés parentaux fasse l'objet d'une réflexion collective afin d'en arriver à une cohérence en cette matière et à une plus grande reconnaissance de la parentalité.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, Mme Ricard. J'inviterais le ministre à vous poser des questions et échanger avec vous.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, étant donné que l'organisme qui est devant nous, la Fédération des unions de familles, relève beaucoup plus de ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, je vous prierais de lui céder mon droit de parole.

La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre.

Mme Trépanier: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à la Fédération des unions de familles. J'aimerais savoir... Vous avez combien de membres à la Fédération, juste pour situer auprès de la commission l'importance de votre intervention aujourd'hui? Mme Ricard ou M. Lizée. (12 h 30)

Mme Ricard: Si vous me le permettez, Mme la ministre, je vais laisser la parole à M. Jacques Lizée.

La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement.

M. Lizée: La Fédération a, d'abord, un conseil d'administration de 15 personnes qui viennent de différentes régions du Québec, qui sont représentatives des régions et, à la fois, des milieux, des organismes familiaux communautaires. Nous sommes présents dans huit régions du Québec et nous comptons 55 groupes de parents qui tantôt sont du domaine de l'éducation à la vie familiale, tantôt de services de gardiennage, tantôt de familles monoparentales et aussi de services au niveau de la consommation. Alors, c'est tout à fait varié comme secteurs de représentation. Ce qu'ils ont en commun, ces gens-là, c'est le désir de l'implantation d'une politique familiale et de représenter les nombreux secteurs de cette politique à l'intérieur d'un organisme qui travaille sur la dimension horizontale de cette question.

Mme Trépanier: Vous nous avez mentionné des services de gardiennage. J'ai été surprise, d'ailleurs, que vous ne parliez pas de ce point dans les normes minimales; alors, j'y reviendrai un peu plus tard.

Vous avez fait des suggestions originales et je voudrais que vous reveniez sur deux d'entre elles. Entre autres, vous parlez d'offrir un programme d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux qui s'apparenterait au programme que nous avons déjà. Est-ce que vous pouvez expliciter un peu plus ce que vous entendez par là?

M. Lizée: Cette idée...

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y,

M. Lizée.

M. Uzée: ...nous est venue du fait... D'ailleurs, le préambule de notre avis le démontre très bien, nous voulons nous inscrire dans un contexte où nous voulons respecter les PME. C'est beaucoup dans les toutes petites entreprises que le bât blesse, je dirais, lorsqu'un employé a à quitter pour une question familiale. Alors, cette idée nous est venue en nous disant que, si on pouvait venir soutenir l'entreprise lors du départ d'un de ses membres parent elle pourrait, à ce moment-là, offrir un tel programme, un peu comme il y a des projets de développement en emploi que le gouvernement fédéral offre et qui permettent, selon certains critères, d'obtenir du personnel.

Dans un contexte où il y a une main-d'oeuvre de jeunes formés et qui ont de la difficulté à se trouver de l'emploi, nous considérons que ça pourrait être une double réalisation. D'une part, ça permettrait à la petite entreprise d'être moins pénalisée parce que la personne entrerait en emploi quatre semaines avant le départ de la personne concernée et y demeurerait quatre semaines après aussi pour lui donner ie temps d'y retourner et de faire le transfert des dossiers ou du travail dont il est question. Ça permettrait à ces personnes-là d'acquérir une expérience en milieu de travail.

Alors, on se dit: Si ça existe déjà, des programmes semblables, pourquoi ne pourrait-on pas faire une discrimination positive à l'endroit des parents pour faire en sorte que ce soit un des critères pour de tels projets? Je regarde les projets qui sortiront bientôt pour les étudiants à l'été; on dit qu'on va mettre de l'avant des projets qui concernent le sida ou qui concernent la violence ou les problèmes d'analphabétisme. Je suis tout à fait d'accord avec ces points de vue, mais on pourrait aussi prévoir qu'un certain pourcentage de ces projets pourrait concerner des départs de parents qui quittent pour des raisons familiales.

C'est dans cet esprit-là qu'on a avancé cette idée et on savait aussi qu'en Belgique il y a un projet semblable. Je ne peux vous dire, à ce moment-ci, s'il est réalisé. S'il est en voie de l'être, ça, j'en suis sûr, mais à quel niveau il est rendu, je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c'est que c'est un projet que nos amis Belges avaient mis de l'avant il y a déjà quelques années pour, à la fois, permettre l'entrée sur le marché du travail de jeunes et de gens qui se cherchent un emploi et concilier les responsabilités familiales.

Mme Trépanier: Merci. A la suite d'un congé parental, vous suggérez un retour possible au travail à temps réduit. Est-ce que la suggestion que vous faites serait une prérogative d'un employeur ou si vous le voyez vraiment inséré

dans les normes minimales du travail et comment pourraient être articulées les normes de ça? Est-ce que vous avez une idée là-dessus ou si c'est le principe que vous insérez que vous abordez?

M. Lizée: C'est le principe, mais quand même on y voit une application au sens suivant. C'est que, lorsqu'on parle du congé parental de 34 semaines, nous, on dit que peut-être ça pourrait être avantageux, même pour l'employeur. Ce congé de 34 semaines, s'il était dans les normes du travail, pourrait être à l'avantage de l'employeur, advenant qu'au bout de 20 semaines le parent dise: Écoute, moi, je pourrais déjà, au bout de 20 semaines, revenir et revenir à temps partiel. Ça pourrait donc être une mesure fort intéressante pour le parent qui veut revenir avant la période qui lui serait possible de 34 semaines, mais en même temps aussi pour l'employeur.

Ce qu'on constate, c'est qu'actuellement l'organisation du travail est telle que c'est du temps plein ou pas du tout. Alors, l'harmonisation de ça, il y a peut-être des mécanismes à trouver, à ce moment-ci, pour savoir comment l'appliquer, mais je pense que ça se traduit fort bien dans des cas concrets qu'on a vus et que les parents nous ont soulevés, où ils étaient prêts à retourner progressivement, mais, par ailleurs, le milieu de travail où ils étaient ne le permettait pas.

Mme Trépanier: Même à l'intérieur des 34 semaines.

M. Lizée: Oui, bien sûr, à l'intérieur des 34 semaines.

Mme Trépanier: Alors, il y aurait de la flexibilité, ça pourrait être disponible aussi après la période de 34 semaines.

M. Lizée: Ça pourrait aussi être disponible après, mais nous l'avons d'abord vu, à ce moment-ci de la réflexion, sur les 34 semaines que nous souhaitons dans la question du congé parental.

Mme Trépanier: Bon. Vous faites une différence entre l'emploi continu pour un congé de maternité et un congé parental. Pourquoi proposez-vous qu'une personne puisse justifier 20 semaines de travail continues chez un employeur pour avoir droit à un congé de maternité quand, pour un congé parental, il doit justifier 20 semaines? Est-ce que j'ai bien compris? Vous dites: Quand la mère prend un congé de maternité, les 20 semaines n'ont pas besoin d'être continues; quand c'est un congé parental, elles doivent être continues.

La Présidente (Mme Marois): Oui, monsieur, allez-y.

M. Lizée: On n'a pas la prétention d'avoir creusé beaucoup cette question-là. Ce qui nous apparaît, en tout cas, important, c'est que la notion des 20 semaines d'employabilité et que la personne soit à ce travail, ça nous apparaît une mesure... Quand je disais, tout à l'heure, qu'il faut à la fois regarder la partie patronale puis la partie qui concerne l'employé je pense qu'on ne peut pas uniquement se situer comme parents et tirer la couverture uniquement de notre côté. Alors, pour nous, ça nous est apparu fondamental d'essayer d'avoir des formules qui disent: Écoutez, il y a un minimum, quand même: il faut 20 semaines à certains endroits; à certains endroits, bien, peut-être pas. Notre discussion là-dessus n'est pas arrêtée à 100 %. Ce qu'on veut, c'est garder l'esprit ouvert sur cette capacité-là progressive, en tout cas, de voir comment aussi, du côté patronal, il y aura des réactions.

On en est conscients et, si vous me permettez une parenthèse ici - c'est votre question qui m'amène à soulever ça - on travaille actuellement avec des entreprises sur une réflexion à ce sujet-là. Je vous avoue que même les propos que nous tenons dans notre tout petit mémoire qu'on dépose aujourd'hui, dans certains milieux de travail, ils sont déjà extrêmement progressistes par rapport au niveau de réflexion qui est déjà dans le domaine de l'entreprise. Quand on dit aussi, dans le document, que c'est une réflexion qui devra se continuer à d'autres niveaux et beaucoup plus élargie par rapport à d'autres questions, ça nous apparaît, en tout cas à ce stade-ci, une réflexion drôlement importante pour ne pas s'antagoniser, je dirais, avec certains milieux de travail. Il ne faudrait surtout pas que le législateur, par son pouvoir d'imposer des choses dans les normes, fasse qu'on retarde révolution de la réflexion pour des choses qui ne seront pas dans les normes et pour lesquelles on voudrait aussi un développement dans les conventions collectives régulières.

Alors, c'est là que je vous dis: C'est fragile comme discours, ce que l'on tient, non pas parce qu'on ne voudrait pas en demander davantage, mais parce qu'on veut ça dans une dialectique très souple et très ouverte avec le milieu du travail.

Mme Trépanier: Je décèle que, pour le mieux-être des familles, vous souhaitez un équilibre, parce que - mon collègue me souffle: Qui trop embrasse mal étreint - à vouloir trop gagner, on peut peut-être aussi pénaliser des gens que l'on veut protéger. Alors, je trouve ça important qu'un groupe familial le souligne. C'est le désir que nous avons, dans cette commission, d'essayer, avec le meilleur équilibre possible, de donner les avantages les plus grands possible; ça, c'est sûr.

Vous pariez de congé rémunéré à un endroit et c'est lorsque vous abordez les visites médi-

cales. Pourquoi pariez-vous, à ce moment-là, de congé rémunéré et que vous n'en parlez pas ailleurs ou pourquoi spécifiquement pour ce point-là?

M. Lizée: On en parie un peu ailleurs, dans les endroits où il y a cinq jours de congé réclamés.

Mme Trépanier: Je veux dire: ajoutés au projet, à l'avant-projet.

M. Llzée: Ajoutés au projet. C'est que ça nous apparaît, en tout cas pour la future mère, une situation où il ne faut pas qu'elle soit pénalisée. C'est là aussi qu'on parie de la question du salaire. Nos amies du Conseil du statut de la femme le disaient tout à l'heure: Les gens ont besoin de ce revenu familial et le double salaire n'est pas un luxe dans beaucoup de familles. C'est bien évident que, pour des examens semblables, si on en a parié, c'est que c'est une situation tout à fait physique, qui demande des rendez-vous chez le médecin. Mais, là encore, on s'est dit: II ne faut pas abuser et il faudrait essayer de s'assurer que ces rendez-vous ne puissent pas être retenus à des heures extérieures au travail et pour lesquelles le médecin pourrait justifier que c'est à telle heure. Pour nous, ça semblait important, pour ce point-là, de manifester pour ne pas que les futures mères soient pénalisées.

Mme Trépanier: Peut-être une dernière question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

Mme Trépanier: Vous n'avez pas abordé dans votre mémoire la question des domestiques qui seraient maintenant inclus dans les normes minimales du travail. Je considère, pour un organisme comme le vôtre, que le sort des travailleuses domestiques et des gardiennes est important. Comment voyez-vous cet aspect de la Loi sur les normes du travail, même si vous ne l'avez pas abordé? Est-ce que je peux avoir votre opinion là-dessus? C'est un point difficile, je l'avoue, mais vous devez avoir une idée.

M. Lizée: Dans un autre avis dont je ne me souviens pas du thème, mais je me souviens du contenu, on disait, par exemple: C'est inacceptable, dans une société comme la nôtre, que la personne qui est préposée à un garage où on gare notre voiture soit plus payée que les gens qui s'occupent de nos enfants, soit à domicile ou dans les garderies. Pour nous, si je m'inspire de cette situation, je dirais que c'est évident que, comme société, on a à réfléchir sur cette question: comment faire en sorte que les gens qui occupent un travail rémunéré en lien avec la garde des enfants... Il y a, effectivement, un redressement à faire là-dessus et on doit les protéger. Si on avait creusé cette question, Mme la ministre, je vous dirais, bien sûr, qu'on aurait abondé dans le sens d'offrir aux gens qui s'occupent de nos enfants des conditions décentes de travail.

Mme Trépanier: La contrepartie ne vous inquiète-t-elle pas, soit le fait de considérer qu'il y aurait peut-être des coûts supplémentaires à assumer pour les familles? Il y a toujours deux côtés à une médaille.

M. Lizée: Oui, mais dans notre mémoire, dans celui qu'on a ici, on parie, à un moment donné, d'une responsabilité individuelle et d'une responsabilité collective. Je pense que, dans un dossier comme celui-là, c'est une responsabilité individuelle des parents et là je rejoins votre question en disant: Oui, les parents doivent accepter de mettre la main dans leur poche et un peu plus. Mais, en même temps, si nous voulons des enfants, si pour nous c'est important comme société québécoise d'en avoir, je pense que la responsabilité collective doit jouer pour beaucoup et, à ce moment-là, on doit se poser la question: Comment, collectivement, pourrons-nous répondre à ça?

De plus, il faudrait faire attention au fait que, dans des emplois traditionnellement réservés aux femmes, il ne faudrait surtout pas que ce soit elles qui aient à payer constamment la question des services reliés à la vie familiale. Ça, ça nous apparaît indécent et, de ce côté-là - je me tourne vers nos amis du conseil d'administration - c'est une question qu'il faudrait, effectivement, creuser éventuellement pour apporter des éléments de solution. Vous avez raison de soulever la question.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir également d'accueillir Mme Ricard, M. Lizée, M. Plamondon. Compte tenu du fait que vous êtes sensibles aux préoccupations patronales, j'ai été quand même surprise que vous mainteniez la recommandation concernant le droit du refus de travailler des heures supplémentaires uniquement pour les salariés ayant des responsabilités familiales. Ça apparaît, de prime abord, une idée généreuse, mais souvent ce sont des idées généreuses qui, à l'usage, en fait, provoquent l'effet exactement contraire de ce qui est recherché.

D'une part, vous avez entendu les propos, certainement, de la présidente du Conseil du statut de la femme sur ces mesures protectionnistes qui peuvent, à l'usage, amener de la discrimination à l'embauche. Par exemple, quel employeur va être intéressé à embaucher un

homme ou une femme sans lui demander s'il a quatre, cinq ou six enfants, étant donné que la présence surnuméraire, finalement, d'enfants peut amener un refus plus fréquemment utilisé? (12 h 45)

Et la grande question que je me suis posée à la lecture de votre mémoire et à la lecture de l'avant-projet de loi, c'est: Comment faire pour qu'un droit - parce que là, on est dans le domaine des droits, mais des droits qui doivent être exercés dans des conditions où... Ce n'est pas un fonctionnaire qui va exercer le droit, parce que, dans les conditions d'exercice, c'est la personne qui dit: J'ai un droit, mais c'est elle qui est le moteur de l'exercice du droit. Alors, ça veut dire qu'il faut le simplifier pour que les conditions de réalisation du droit soient là, pour que, finalement, ce soit un exercice facile, aisé, pratique. Il faut aussi des recours, parce qu'on a beau avoir un droit, il ne vaut que le papier sur lequel il est écrit si on n'a pas un recours. Il ne faut pas que ce recours-là coûte cher, il ne faut pas que ce recours-là amène plus d'inconvénients à être utilisé qu'à se taire en endurant. Le seul recours, c'est de porter plainte et il faut ensuite que ce soit sanctionné.

Alors, étant donné qu'on parle, dans la vraie vie, de choses qui doivent être faciles d'usage pour qu'on n'ait pas besoin de porter plainte ou peut-être d'avoir de mauvaises relations de travail, de sanctionner et de mettre en place un ensemble de contrôles institutionnels pour que la personne, au bout de la ligne, puisse exercer ce droit, je vous repose la question: Comment mettre ça en pratique pour le salarié ayant des obligations reliées à la garde ou à l'éducation de son enfant mineur ou majeur? Est-ce son propre enfant à lui? Que faisons-nous dans le cas des familles reconstituées?

Hier, par exemple, à la sortie d'une réunion avec des légistes du ministère de la Justice, on m'a dit: II faut que je quitte parce que je me porte toujours responsable de l'enfant de ma voisine qui est monoparentale. C'est toujours moi, me dit la légiste, qui vais le chercher à la garderie. Bon! Que fait-on de ces situations où les responsabilités familiales sont de plus en plus partagées par d'autres qu'exclusivement par les parents biologiques? Et si les deux parents, par exemple, parce qu'on dit "le salarié"... Comme les deux ne travaillent pas nécessairement à la même entreprise, est-ce qu'il ne peut pas se présenter aussi que, pour d'autres raisons que de bonnes raisons, l'un et l'autre invoquent, chacun dans son entreprise, le fait d'avoir des obligations pour se payer du bon temps, de temps en temps? Ce sont toutes ces questions-là. Et comment peut-on déterminer les heures régulières, notamment? C'est quoi, les heures régulières? Peuvent-elles différer d'une entreprise à l'autre? En d'autres termes, est-ce que ce ne sont pas là des mesures protectionnistes qui, à l'usage, comme vont nous le dire durant la commission tous les représentants d'associations d'employeurs et comme vont aussi le signaler les représentants de travailleurs, seront impraticables si elles ne sont pas offertes à tous les salariés?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lizée.

M. Lizée: Vous posez une très bonne question, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Je pense qu'on ne peut pas taire la situation du vécu des parents qui sont sur le marché du travail. Vous avez raison de dire que c'est délicat et que ça peut créer un effet boomerang ou presque. Cependant, pour nous, ce qu'on constate, c'est que les parents nous disent: On est des superparents. Ce sont beaucoup des "superwomen" qu'on entend, ce sont des mères qui sont toujours en situation. Les parents, comme on le dit dans notre mémoire, sont allés à la limite de leur capacité de concilier marché du travail et vie familiale. Quand je dis "à la limite", il y a des cas même dramatiques. Je pourrais prendre des exemples de cas dramatiques pour équilibrer certains exemples que vous avez donnés qui étaient très justes, mais moi, ce que je dirais là-dessus, c'est que notre notion, par rapport à ce qui est dans le texte, c'est une notion de responsabilité directe à l'endroit de l'enfant. Ça nous apparaît fondamental que le parent qui réclame de tels droits ait une responsabilité reconnue à l'égard de l'enfant. Quand vous me parlez de la voisine, parce que c'est la personne qui va chercher l'enfant habituellement, je regrette, mais, dans notre esprit, ça ne nous apparaît pas nécessairement la personne qui a la charge de cet enfant-là. Alors, c'est sûr qu'il va falloir avoir des choses très claires, très pointues, très précises, mais il ne faudrait pas, parce que c'est délicat à traiter, qu'on évacue des normes du travail ce langage-là de responsabilité familiale.

Et je vais un petit peu plus loin. Il y a une commission qui siège en même temps que celle-ci sur la santé et les services sociaux. Je m'éloigne peut-être du sujet, mais vous allez voir que je ne suis quand même pas très loin. C'est parce qu'on parle, nous, de responsabilités à l'endroit de parents dépendants; donc, c'est un travailleur qui aurait lui-même un père ou une mère à l'endroit de qui il aurait une certaine dépendance. La réforme actuelle souhaite beaucoup qu'il y ait le maintien à domicile. De plus en plus, on vit dans une société où on veut maintenir nos gens à domicile et, en même temps, comment allons-nous faire en sorte de continuer à maintenir chez les gens la responsabilité à l'endroit de ces gens-là qu'on veut maintenir à domicile? Si on veut que les enfants de ces parents continuent de s'y intéresser, de s'impliquer, je pense qu'il ne faudrait pas les mettre dans un cul-de-sac tel que, quand ils sont en emploi, ils ne puissent pas vaquer à des activités de dépendance à l'endroit de leurs proches et

faire en sorte qu'ils disent: Écoutez, on ne peut pas composer parce que le milieu du travail ne s'ouvre pas à des dimensions comme celles-là.

Peut-être, effectivement, que c'est difficile d'appliquer ce qu'on propose à ce niveau, mais, en même temps, nous, on prétend que c'est le test de vérité de la prochaine décennie. Si on ne réussit pas à passer au travers, je ne suis pas sûr, moi, que le taux de natalité va augmenter et je ne suis pas sûr non plus que la responsabilité familiale va s'accroître si on n'est pas capable de s'ajuster, actuellement, aux nouvelles réalités parentales.

Mme Harel: Oui, voilà! Évidemment, la question, c'est: Comment cet ajustement doit-il se réaliser pour que, à terme, il ne discrimine pas les chargés d'enfants? Ça, c'est toute la question, évidemment, qui est le défi d'une commission comme celle que nous tenons présentement.

Vous avez proposé l'offre d'un "programme spécifique d'emploi pour chômeurs et assistés sociaux, tel le programme de développement en emploi", comme aide aux PME. J'ai bien compris qu'il ne s'agit pas de l'embauche de chômeurs et d'assistés sociaux parents comme tels.

M. Uzée: Non, non.

Mme Harel: C'est simplement lors d'un congé parental. Vous savez sans doute que le gouvernement s'est engagé, durant la campagne électorale, à développer une mesure fiscale en vue d'offrir une compensation financière aux employeurs qui assument les coûts de formation associés au remplacement d'un employé en congé parental. Je le leur rappelle parce que, voyez-vous, c'est toujours bon de le rappeler. En fait, il y a encore des engagements de 1985 qui traînent, comme l'accès des femmes au foyer à la Régie des rentes du Québec, qui s'est perdu en cours de route. Mais ça, c'est un engagement qu'ils ont pris ça ne fait pas longtemps, ça ne fait pas encore six mois. C'était donc une mesure fiscale, j'imagine. Moi, je m'attends à ce que ce soit dans le budget de Gérard D. Levesque, au printemps, cette mesure fiscale qui va offrir une compensation financière pour les coûts de formation.

Mais ça m'amène à une question plus générale. C'est intéressant, les travaux que vous poursuivez avec des entreprises à l'égard de toute cette question de la charge familiale, de la parentalité, mais ne pensez-vous pas que, comme pour tout notre régime de sécurité sociale - je crois qu'il n'y a pas une exception à la règle - depuis sa pierre d'assise dans les tout débuts, que ce soit en matière de santé et de sécurité au travail, en matière de régimes de retraite, de fonds de pension, en matière de maladies, quel qu'ait été, finalement, l'objectif poursuivi, toujours l'État a dû légiférer parce qu'en laissant seules les forces du marché, ça piétinait complètement le vécu des gens... Le capital, pour parler en termes clairs, n'a pas nécessairement comme objectif de faire réaliser des conditions de vie qui soient celles qu'on puisse espérer offrir à l'ensemble des citoyens dans une société. Je veux dire qu'on n'a pas à lui transférer une responsabilité que seul, d'une certaine façon, l'État a, qui lui est confiée par la société.

Là, je me demande: Est-ce qu'on va attendre qu'il y ait des grèves plus nombreuses, comme il a commencé à y en avoir, pour qu'il y ait un congé, par exemple, de maternité? Parce que dans le secteur privé, c'est à ça maintenant qu'on assiste. Il y en a eu, dans le temps, des grèves pour avoir des fonds de pension, pour avoir de bonnes conditions de santé et de sécurité et c'est l'État qui est intervenu pour légiférer. Maintenant, c'est comme entendu que ça fait partie des choses qu'on considère comme normales. Mais est-ce qu'on va attendre qu'il y ait des grèves pour qu'il y ait des congés de maternité, pour qu'il y ait des congés parentaux? Est-ce que c'est à ça, finalement, qu'on va devoir assister si on laisse les choses aller et qu'on ne se fie qu'à l'évolution des esprits? Dans tous les autres domaines, il a fallu en arriver à des législations parce que l'évolution des esprits n'avait pas donné des résultats probants. Je ne sais pas où en est votre réflexion, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lizée: Sur cette question, c'est bien évident qu'il faut surtout que l'État continue à jouer un rôle moteur, définitivement. De par le modèle de société ou de structure qu'on s'est donné, je pense que l'État doit continuer à jouer un rôle moteur. Cependant, en même temps, je pense que c'est faisable de démontrer - il y a des modèles américains là-dessus qui le démontrent - que, pour l'employeur, c'est aussi rentable d'offrir à ces parents qui sont travailleurs des conditions intéressantes. Il y a une question de productivité là-dessus qui peut aussi jouer. Actuellement, il y a des employeurs qui nous disent qu'il y a des personnes qui viennent comme cadres parce qu'elles savent que l'entreprise peut leur apporter telle sorte d'avantages ou telle situation.

Il me semble, de ce côté-là, que tout doit se faire un petit peu en même temps. Je pense que l'État doit continuer à jouer son rôle, j'allais dire, de chien de garde et, en même temps, être moteur et progressiste par rapport à ça. L'exemple qu'il donne à ses propres employés de la fonction publique est important aussi. Ça, c'est un point de vue. L'autre côté, c'est corn ment, en même temps, les entreprises vont voir à tirer profit de cette situation d'avoir des employés... On l'a vu dans le domaine du con-dionnement physique. Combien d'entreprises, maintenant, développent des programmes de

Participe-action et de gymnases pour offrir des conditions intéressantes pour que leurs employés aient une santé mentale meilleure. On dit que c'est la même chose dans le domaine de la parentalité.

Pour nous, à la Fédération, ce dialogue qu'on a entrepris avec les entreprises se veut aussi important du point de vue du développement d'autres services. Pensons à des services psychosociaux, au développement d'Information écrite sur le développement de l'enfant que les parents réclament en entreprise, à des activités qui pourraient faire en sorte qu'après le travail des parents se retrouvent pour échanger sur des questions familiales. Ce ne sont pas que des voeux. Il y a quelques réalisations de ce côté-là. Je pense, enfin, à tout le développement des services de garde en milieu de travail. Pour donner un petit exemple, nous prônons, par exemple, que, dans les parcs industriels - parce que nous travaillons beaucoup avec les municipalités aussi - les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens d'avoir leurs propres garderies puissent faire un pool de places pour gérer collectivement une garderie avec l'incitatif de la municipalité.

Je pense qu'il y a, autour des congés parentaux, des services parentaux qui peuvent être générés par le milieu du travail. C'est dans cette dynamique que nous nous inscrivons et j'apprécie que vous nous rappeliez l'histoire des grands dossiers, comment ça s'est fait, et nous les partageons, madame.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ça va?

Mme Harel: Alors, je veux remercier la Fédération, Mme Ricard, M. Plamondon, M. Lizée pour la contribution que vous faites à nos travaux.

La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre.

Mme Trépanier: Depuis sa création qui date de 1961, vous nous avez dit: La Fédération a toujours eu comme objectif le soutien des parents. Il y a un souci aussi de concertation et vous êtes aussi présents sur tout le territoire québécois. Alors, a ce titre, votre position sur cet avant-projet important était extrêmement précieuse pour nous. Soyez assurés que vos propositions et votre position seront analysées certainement avec grand intérêt par la commission.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présence à la commission.

Je suspends maintenant les travaux en vous rappelant, cependant, que nous recommencerons à 14 heures, à 2 heures cet après-midi. Nous avons quatre grands groupes à entendre, de 14 heures à 18 heures. Alors, j'aimerais bien que l'on puisse commencer à l'heure prévue. Merci.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprisée 14 h 10)

La Présidente (Mme Marois): Si vous le voulez bien, nous allons reprendre nos travaux. Je rappelle aux membres de la commission que nous avons quatre groupes à entendre cet après-midi, nous recevons donc quatre groupes dont le Front de défense des non-syndiqué-e-s, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens et la Centrale de l'enseignement du Québec.

J'inviterais donc, à ce moment-ci, les personnes représentant le Front de défense des non-syndiqué-e-s à venir prendre place à l'avant. Je vous rappelle brièvement nos règles. Vous présentez votre mémoire en une vingtaine de minutes. Par la suite, il y a un échange avec les membres de la commission sous forme de questions, de commentaires et d'échanges qui ne devraient pas dépasser au total une heure pour votre présentation. Alors, je ne sais pas qui sera votre porte-parole, mais j'aimerais que le porte-parole se présente et présente les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Front de défense des non-syndiqué-e-s

M. Bousquet (Mario): Oui, très bien. Je suis Mario Bousquet, du Mouvement action-chômage, de Saint-Hyacinthe et du Service d'aide et de consultation sur le travail, de Saint-Hyacinthe. Je serai le porte-parole. Je suis accompagné par Michel Gagnon, à ma gauche, du CANO, le Comité d'action des non-organisé-e-s, de Trois-Rivières. À mon extrême droite, Jocelyne Malette de l'ATIQ, l'Association des travailleurs immigrants et québécois et, finalement, Mme Claudette Carbonneau, secrétaire générale du Conseil central Montréal-CSN.

Nous remercions la commission de bien vouloir nous laisser parler aujourd'hui. Je ferai remarquer, au niveau des groupes membres de notre organisation, qu'il y a deux groupes qu'on doit rajouter à la page 3 de notre mémoire. Ce sont les groupes de Solidarité populaire Québec, qui nous appuie et, également, l'ATEQ.

Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi 126, le Front de défense des non-syndiqué-e-s prend la parole encore une fois devant nos dirigeants politiques afin d'apporter une série de réflexions sur le projet de loi qui vise à réformer la convention collective des non-syndiqués, soit la Loi sur les normes du travail. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les normes du travail, en 1979, les non-syndiqués se sont donné une organisation représentative pour répondre aux propositions gouvernementales. Le FDNS

regroupe plus d'une trentaine de groupes à travers le Québec. Ces groupes travaillent au quotidien avec des gens touchés par cette loi et, forts de leur expérience et de leur expertise, ils sont en mesure d'apporter des commentaires pertinents sur l'avant-projet de loi.

Il faut également souligner que plusieurs commissions se sont succédé sans donner pour autant de résultats concrets. Pendant ce temps, les non-syndiqués attendent le jour d'une réforme de la loi 126 pour protéger leurs droits.

Le gouvernement a souvent évoqué la nécessité de considérer le contexte dans lequel évolue l'économie de la province pour refuser d'acquiescer aux demandes des non-syndiqués. Brandissant ainsi le spectre de la compétition mondiale que doivent affronter les entreprises québécoises, il a davantage tenu compte de l'augmentation des coûts de production que risquait d'entraîner toute amélioration apportée aux conditions de travail des non-syndiqués plutôt que de tenir compte de l'augmentation des coûts sociaux relatifs aux problèmes causés par la détérioration de leurs conditions de vie et de travail.

D'autre part, bien que cet élément de la conjoncture soit passé sous silence par nos dirigeants politiques, il nous apparaît évident que le traité de libre-échange avec les États-Unis a des conséquences sur l'ensemble des politiques actuelles de nos gouvernements en matière de réglementation du marché du travail. De plus, la situation socio-économique actuelle est plutôt inquiétante et les reculs enregistrés par l'économie québécoise sont très sérieux. La diminution de taux de croissance de l'emploi, le déclin de secteurs industriels importants tels que le textile, la métallurgie, le transport et la compétition mondiale exarcerbée sont tous des facteurs entraînant d'importantes restructurations économiques. C'est dans ce contexte que s'élabore le processus de privatisation de larges secteurs d'activité jusqu'ici placé sous la gouverne de l'État.

Les orientations qui seront prises par nos dirigeants politiques auront, sans contredit, des conséquences qualitatives et quantitatives sur nos conditions de vie et de travail. L'État se doit pourtant de voir à la protection et à l'amélioration de la qualité de vie de la collectivité. Cette amélioration passe nécessairement par l'amélioration des conditions de travail d'un groupe très important dans notre société: les travaillleurs et travailleuses non syndiqués.

Cette conjoncture économique force donc un nombre croissant de travailleurs et de travailleuses à vivre d'emplois précaires et instables. Les conditions de travail des non-syndiqués se sont détériorées de façon phénoménale depuis la dernière décennie. Le monde de la sous-traitance s'est considérablement accentué durant la même période. Le droit de gérance des employeurs, pour ne pas dire le pouvoir absolu, a permis des conditions de travail intolérables. Quand les conditions de travail deviennent insupportables, ce sont les conditions de vie qui s'en trouvent affectées.

La problématique du travail précaire est un domaine complexe. D'un côté, cette situation provoque une discrimination entre les employés à temps plein et ceux qui occupent un emploi à temps partiel. D'autre part, les employés à temps partiel ne peuvent pratiquement jamais adhérer à un syndicat. Il ne faut pas uniquement regarder cette iniquité, mais il faut également se pencher sur la stabilité de l'emploi à temps plein. À ce chapitre, il n'est pas rare de voir un travailleur ou une travailleuse occuper, dans une même année, plusieurs emplois soi-disant à temps plein. Ici se pose un problème important qui soulève plusieurs questions: Pour combien de temps va-ton occuper un emploi à temps plein?

La situation du travail a plein temps n'est pas plus sécurisante que celle des employés à temps partiel. La seule protection pour ces milliers de travailleurs et travailleuses est la Loi sur les normes du travail. Le gouvernement, dans son document de présentation de l'avant-projet de loi modifiant la loi 126, reconnaît cette situation mais repousse aux calendes grecques les gestes concrets pour contrer cette problématique.

Durant la dernière campagne électorale, le Parti libéral a fait état d'un certain nombre de priorités. L'une d'entre elles visait la politique au niveau de la famille. Celui-ci est demeuré cohérent au niveau de cette priorité en réformant la loi 126. Le projet de loi reconnaît enfin les droits de la salariée enceinte tant revendiqués par les groupes de pression. On ne peut qu'applaudir une telle initiative de sa part. Cependant, il y a d'autres revendications à d'autres niveaux qui ont été ignorées par le législateur. Nous faisons ici référence aux congés de maladie et au préavis. À cause du silence à ce chapitre, les travailleurs et les travailleuses continueront à être congédiés du seul fait qu'ils ont été malades et ne pourront contester cette situation. De plus, les employeurs congédieront encore, sans donner de préavis, car rien dans la réforme ne nous laisse présager une volonté du gouvernement à mieux légiférer à ce chapitre.

Par contre, à d'autres niveaux, le gouvernement tente de reconnaître certains droits. C'est le cas, par exemple, du temps supplémentaire. D'un côté, on amorce une ouverture afin de reconnaître le droit aux travailleurs et travailleuses de refuser d'en faire mais, de l'autre côté, on donne des outils aux employeurs pour contourner ce droit.

Parions également des congés fériés. Le projet de loi accorde un jour de plus, soit le 1er juillet, mais on n'élimine pas encore la notion de jour ouvrable. L'an passé, plusieurs salariés n'ont pas eu droit à leur congé férié du seul fait que celui-ci tombait un samedi.

Notons également que le gouvernement a

fait des efforts pour inclure des travailleurs et des travailleuses auparavant exclus dans la loi actuelle sous les normes. C'est le cas des employés domestiques et des travailleurs de petites firmes. Dans le premier cas, le libellé proposé dans le projet de réforme reste confus quant à la définition qu'on fait ou fera de l'expression "prendre soin". Pour ce qui est des travailleurs et travailleuses oeuvrant sur des petites firmes, ils demeureront exclus au niveau du salaire et de la durée du travail.

Pour ce qui est du congé annuel, malgré une petite ouverture, nous sommes encore très loin du modèle européen qui octroie quatre semaines de vacances dès la première année de travail pour un même employeur.

Finalement, l'avant-projet de loi visant à modifier la loi 126 prévoit donner une application plus large en ce qui a trait au recours en vertu de l'article 122 de la loi. Nous aurions souhaité que le gouvernement ordonne l'obligation pour la Commission des normes de représenter le ou la plaignante à sa demande.

Quant au recours en vertu de 124, en plus de donner la gratuité au niveau de l'arbitrage, le gouvernement devrait s'engager à payer le ou la procureur de la salariée ou du salarié.

Nous vous soumettons maintenant une série de revendications que le Front de défense des non-syndiqués portent depuis plusieurs années. Les modifications que nous proposons sont là pour permettre de meilleures conditions de travail, donc une meilleure qualité de vie.

Au niveau du salaire minimum, en 1986, le salaire minimum concernait environ 182 000 travailleurs et travailleuses au Québec. Le salaire minimum est présentement à 5 $ l'heure. À 40 heures par semaine, cela équivaut à 10 400 $ par année, ce qui se situe au-dessous du seuil de pauvreté fixé à 11 828 $ par an, pour une personne seule, selon les données du Conseil canadien de développement social. Nous proposons que le salaire minimum soit augmenté à 6 $ l'heure, afin de rattraper l'inflation et d'aller au-delà du seuil de pauvreté; que le gouvernement institue un mécanisme d'indexation annuelle le 1er octobre de chacune des années, qu'il tienne compte de l'augmentation du coût de la vie et de l'enrichissement collectif et que soit aboli l'article 4 du règlement sur les normes du travail qui accorde un salaire minimum différent aux travailleurs et aux travailleuses à pourboire.

Au niveau des employés exclus de la Loi sur les normes du travail, présentement, les employés travaillant dans les petites firmes de trois employés et moins sont exclus du champ d'application de la Loi sur les normes du travail, en vertu de l'article 3. De plus, la situation des employés qui sont engagés à titre de domestiques est source d'ambiguïté dans le cadre de la loi. En effet, bien que ces personnes soient incluses dans son champ, elles en sont exclues dès que leur tâche implique la garde d'enfants. Afin d'éviter de créer des sous-catégories de travailleurs et de travailleuses, nous proposons que soit aboli l'article 3.1 de la loi, afin que les employés de petites firmes de trois employés et moins soient inclus totalement dans le champ d'application de la loi; que soit redéfini l'article 3.2 de la Loi sur les normes du travail afin que les ambiguïtés relatives aux domestiques qui gardent des enfants ou des adultes soient clarifiées et qu'ils ou elles soient également inclus dans le champ d'application de la Loi sur les normes du travail.

Au niveau des heures de travail, la Loi sur les normes du travail ne fixe aucune norme au sujet du nombre d'heures maximal par jour. Plusieurs travailleurs et travailleuses sont actuellement obligés de travailler jusqu'à dix ou onze heures par jour, mais ne reçoivent jamais de temps supplémentaire, car ils ne font que 42 heures par semaine. Nous proposons que l'article 52 de la Loi sur les normes du travail soit modifié pour se lire ainsi: Aux fins du calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures et la journée normale de travail est de huit heures. Le salarié a droit de refuser de faire des heures supplémentaires. De plus, que soit institué un mécanisme différent adapté aux salariés payés à la semaine ou dans un régime d'horaire variable. au niveau de l'ancienneté, en effet, 60 % des salariés qui ont contacté au bas de l'échelle se sont plaints du non-respect de l'ancienneté dans des cas comme les congédiements, les vacances, les promotions ou les mises à pied. un salarié comptant, par exemple, quinze ans de service continu n'a pas droit à une reconnaissance de son statut lors d'une mise à pied. bien souvent, on se sert de la crise économique pour congédier un salarié qui est rendu trop vieux ou trop vieille, ou trop onéreux ou trop onéreuse, ce qui fait que les gens de 50 ans et plus se retrouvent souvent sans emploi après 15 ou 20 ans de service chez leur même employeur. nous proposons que la notion d'ancienneté au sein de l'entreprise soit reconnue dans la loi sur les normes du travail et que les mises à pied ou les rappels au travail soient faits selon l'ordre d'ancienneté du ou de la salariée au sein de l'entreprise.

Au niveau des congés fériés payés, la loi et le règlement sur les normes du travail fixent actuellement les jours fériés et chômés, pendant l'année. En plus, la Loi sur la fête nationale prévoit que le 24 juin est férié et chômé. Cependant, c'est le seul jour férié qui est payé, qu'il tombe un jour ouvrable ou non. Alors, si Noël et le Jour de l'an coïncident avec un jour non ouvrable pour le ou la salariée, ces derniers n'auront pas droit à un congé, comme ce fut le cas le 25 décembre 1988 et le 1er janvier 1989. Alors, nous proposons que la Loi sur les normes du travail soit modifiée de façon que les jours fériés soient chômés et payés, qu'ils tombent un

jour ouvrable ou non.

Vacances annuelles. Les salariés ont présentement droit à deux semaines de vacances annuelles après un an de service chez le même employeur. Nous croyons qu'en ajoutant une troisième semaine de vacances, cela permettrait de mettre notre législation en accord avec les recommandations de l'Organisation internationale du travail, en plus d'être bénéfique pour les salariés. Enfin, cette mesure permettrait de créer de l'emploi, ce qui n'est pas négligeable dans la situation actuelle. Nous proposons que soient modifiés les articles pertinents de la Loi sur les normes du travail pour qu'ils se lisent ainsi: Un salarié ou une salariée qui, à la fin d'une année de référence, compte au moins trois ans de service continu chez le même employeur, a droit à un congé annuel d'une durée minimale de trois semaines Un ou une salarié qui, à la fin d'une année de référence, compte au moins dix ans de service continu chez le même employeur, a droit à un congé annuel d'une durée minimale de quatre semaines, dont deux semaines consécutives.

Au niveau de la pause santé, à l'heure actuelle, il n'y a rien dans la loi qui couvre la pause santé. Nous proposons que soit établie une pause santé obligatoire de quinze minutes payée à l'intérieur de quatre heures de travail consécutives.

Au niveau de la création d'une nouvelle norme, le congé de maladie. Actuellement, plus de 70 % des travailleurs et des travailleuses du Québec n'ont pas le droit d'être malades. En effet, la Loi sur les normes du travail ne prévoit pas qu'un ou une salarié puisse s'absenter de son travail pour cause de maladie. Il s'ensuit que son employeur pourra le ou la remplacer et lui signifier son congédiement lors de son retour. Le congédiement n'est donc pas illégal et il n'ouvre donc pas la porte aux recours prévus à l'article 122 de la loi portant sur les congédiements illégaux.

Nous proposons d'inclure dans la Loi sur les normes du travail un nouvel article dont le contenu respecterait les principes suivants: un employeur ne peut congédier ou mettre à pied un ou une employé pour le seul motif de son absence pour cause de maladie lorsque ledit employé ou ladite employée a été à son service de façon continue durant trois mois avant son absence, lorsqu'il n'est pas absent pendant plus de douze semaines ou pendant une période plus longue que celle de son traitement et qu'il fournit à l'employeur, à la demande de celui-ci, dans les quinze jours de son retour au travail, un certificat de maladie ou d'incapacité de travailler justifiant son absence. Pour le calcul de la pension ou des autres avantages d'un ou d'une employé qui s'est absenté de son travail pour cause de maladie, l'emploi occupé après son retour au travail est réputé être le prolongement ininterrompu de l'emploi occupé avant cette absence, si les conditions énumérées ci-haut sont respectées. Un ou une employé, qui a accumulé trois mois de service continu pour un employeur, a droit à une demi-journée de maladie, par mois, payée. Ces journées s'accumulent sur une période maximale de douze mois. Les pourboires doivent être inclus dans le calcul de la rémunération des congés de maladie.

Maintenant, au niveau du préavis en cas de départ involontaire. Il nous apparaît que ce qui est prévu actuellement dans la loi est non seulement insuffisant, mais que cela ne correspond pas à la réalité du marché du travail au niveau du roulement du personnel. Au niveau du recours prévu, un préavis non versé à un employé ayant moins de trois mois de service doit être réclamé par la Cour des petites créances. Lorsqu'une personne est en congé de maladie, qu'elle reçoit une assurance-salaire et qu'elle est congédiée, elle n'a pas droit au préavis, car elle n'est pas une personne salariée au sens de la loi.

Nous proposons que le délai pour le préavis lors de congédiement, de licenciement ou de mise à pied soit établi comme suit: zéro à trois mois, une semaine; trois mois à un an, deux semaines; un an à trois ans, trois semaines; trois ans à cinq ans, quatre semaines; cinq ans à dix ans, six semaines; dix ans et plus, huit semaines; que l'infraction au préavis, lorsqu'il y a moins de trois mois de service, soit incluse dans la Loi sur les normes du travail; qu'on élargisse la notion de salarié en regard du préavis pour toute personne qui est encore à l'emploi de l'employeur, mais qui se trouve temporairement en congé de maladie et que soient inclus les pourboires dans le calcul d'une rémunération tenant lieu de préavis.

Au niveau de l'accès au recours prévu à rencontre des congédiements illégaux, à l'article 122. Le recours prévu à l'article 122 de la Loi sur les normes du travail vise à réintégrer le ou la salarié congédié illégalement dans son emploi. Or, un tel congédiement ne prédispose pas les parties à vouloir se retrouver a nouveau dans le même milieu de travail. C'est pourquoi nous croyons approprié de permettre à l'employé d'être pleinement indemnisé, sans préjudice, plutôt que réintégré. Par ailleurs, le délai de 30 jours prévu pour le dépôt des plaintes est excessivement court et plusieurs plaignants éventuels ne prennent connaissance de leurs droits qu'une fois que le délai est écoulé.

Nous proposons que le ou la salarié puisse choisir d'être indemnisé monétairement plutôt que réintégré dans son emploi sans subir de préjudice, que le délai pour porter une plainte à rencontre d'un congédiement illégal en vertu de l'article 122 soit porté à six mois.

Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Marois): II vous reste à peu près cinq minutes.

M. Bousquet: O.K.

La Présidente (Mme Marois): Je vois que vous accélérez un petit peu le processus.

M. Bousquet: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce qu'il y a consentement pour que l'on prolonge de quelques minutes peut-être la présentation? Et on réduira d'autant le temps qui est...

M. Bousquet: J'en ai environ pour dix minutes.

La Présidente (Mme Marois): environ une dizaine de minutes, parce que je vous sens accélérer effectivement le débit et j'allais vous prévenir de cela aussi.

M. Bousquet: Bon. Je vous remercie. Au niveau du congédiement pour cause injuste ou insuffisante, en effet, de 1981 à 1987, seulement 9824 plaintes ont été déposées à la Commission des normes du travail en vertu de l'article 124, soit une moyenne de 1637 par année: 1637 congédiements injustes surviennent au Québec, chaque année. Selon nous, cela tient plutôt à ce que la loi, en exigeant un minimum de cinq ans do service pour contester un congédiement, tient une forte proportion de travailleurs et travailleuses à l'écart de ce recours.

Pour éviter que ces catégories de travailleurs ne soient, en pratique, tenues à l'écart d'un recours aussi fondamental, la loi devrait prévoir que tout salarié justifiant d'une année de service continu pour le même employeur puisse se prévaloir de ce recours.

Nous proposons donc que toute personne justifiant d'une année de service continu pour un même employeur puisse se prévaloir du recours prévu à l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, comme c'est le cas dans le Code canadien du travail; que le délai de prescription pour porter plainte soit porté de 30 jours à six mois. (14 h 30)

Au niveau de l'accès au recours à rencontre des congédiements faits sans une cause juste et suffisante, la personne congédiée injustement après cinq ans de service doit faire face à des frais considérables. Il lui faut tout d'abord payer les honoraires d'un avocat. Selon une étude de la Commission des normes du travail, plus de 20 % des plaignants défraient des coûts d'environ 1000 $; une proportion importante de 24 % paient entre 1000 $ et 2000 $ et 12 % paient 6000 $ et plus. La moyenne se situe à 3151 $ pour porter plainte.

Jusqu'en 1982, la Commission des normes du travail fournissait les services de ses avocats gratuitement aux personnes qui avaient été victimes de congédiements illégaux en vertu de l'article 124. Alors, nous proposons que les frais d'avocat de la personne congédiée et portant plainte soient assumés par la Commission des normes du travail ou par le ministère québécois du Travail.

Au niveau du dépôt de plaintes à l'encontre de violation des normes du travail, actuellement, un salarié dont les normes minimales d'emploi ne sont pas respectées doit déposer lui-même ou elle-même une plainte écrite auprès de la Commission des normes du travail. Cela entraîne évidemment certains désavantages. Même si la loi prévoit que la Commission doit préserver l'anonymat du salarié durant l'enquête, l'employeur finit, dans la plupart des cas, par découvrir qui est l'auteur de la plainte.

D'autres lois prévoient qu'un organisme voué à la défense d'un groupe de personnes peut porter plainte au nom d'individus auprès d'un organisme gouvernemental. C'est notamment le cas de la Charte des droits et libertés de la personne.

Nous proposons que tout organisme puisse saisir la Commission des normes du travail de plaintes alléguant les infractions à la Loi sur les normes du travail le droit de révision au salarié dont la demande d'enquête est rejetée par la Commission des normes du travail.

Présentement, d'après la Loi sur les normes du travail, une demande d'enquête d'un salarié peut être rejetée si elle est frivole ou de mauvaise foi ou, si de l'avis de la Commission, elle est mal fondée. Il est à noter que, dans certains cas, c'est souvent l'inspecteur de la commission lui-même qui prend la décision en se basant sur des interprétations administratives qui n'ont pas nécessairement force de loi.

Nous proposons que la Loi sur les normes du travail prévoie un droit de révision pour les salariés qui voient leur demande d'enquête rejetée par la Commission des normes du travail. Distribution à chaque salarié d'une vulgarisation des principales dispositions de la Loi sur les normes du travail. Le manque d'information des salariés quant à leurs droits est chronique et dramatique. Nos contacts quotidiens avec eux et elles nous montrent qu'ils ne sont souvent même pas au courant des droits les plus élémentaires que leur accorde la Loi sur le salaire minimum, vacances, semaines de travail, etc.

L'information dispensée par la Commission des normes du travail, à cet égard, est loin de suffire à la tâche. Nous proposons que la Commission des normes du travail prépare à l'intention de chaque employeur, en nombre suffisant, des copies vulgarisées des principales dispositions de la Loi sur les normes du travail au niveau du salaire, temps de travail, préavis, vacances, etc.

Au moment de l'embauche d'un salarié ou d'une salariée, l'employeur devrait remettre à celui-ci ou celle-ci un exemplaire de ce document. Les mêmes dispositions s'appliqueraient mutatis mutandis aux comités paritaires à l'égard

des décrets de la convention collective dont ils ont la responsabilité.

Recouvrement des sommes dues aux salariés dans le cas de faillites et d'infractions à la Loi sur les normes du travail. Les salariés qui ont des réclamations à faire contre leur employeur doivent porter plainte à la Commission des normes du travail. Celle-ci fait enquête puis réclame, s'il y a lieu, à l'employeur fautif le paiement de la somme due. Au mieux, l'employeur consent et fait un paiement à l'ordre de la Commission. Celle-ci émet alors un chèque à l'employé. Ce processus dure de trois à quatre mois. Au pire, l'employeur refuse de payer et la Commission doit alors le poursuivre devant les tribunaux civils, généralement, la Cour provinciale, ce qui rallonge le processus.

La Loi sur les normes du travail prévoit pourtant une procédure plus expéditive. Les articles 29.6, 39.6 et 112 stipulent, en effet, que la Commission des normes du travail peut indemniser elle-même les salariés impayés, sans attendre que l'employeur soit condamné par un tribunal. Mais ces articles ne sont toujours pas en vigueur. Nous proposons que le gouvernement mette immédiatement en vigueur les articles 29.6, 39.6, 112 et 136 à 138 de la loi des normes minimales, que dans ces articles, le mot "peut" soit remplacé par le mot "doit".

Les pouvoirs d'enquête de la Commission des normes du travail. La Commission des normes du travail ne mène actuellement d'enquête sur le respect des normes du travail dans une entreprise que dans des cas prévus à l'article 102 de la Loi sur les normes du travail, c'est-à-dire quand un salarié a déposé individuellement une plainte contre son employeur. Il serait préférable, pour assurer un respect de la loi, que la Commission puisse donner à ces enquêtes un caractère préventif, les enquêtes portent sur des situations collectives et systématiques de violation des normes du travail et que la Commission puisse réclamer les sommes dues aux salariés dans les deux ans qui précèdent le dépôt des plaintes comme cela existe, d'ailleurs, en Ontario.

Nous proposons que la Commission entreprenne obligatoirement des enquêtes préventives sur le respect des normes du travail; que l'enquête de la Commission suite au dépôt d'une plainte porte sur l'ensemble de la situation dans l'entreprise et non seulement sur le principe de cas individuels; que le délai de prescription et d'enquête pour les réclamations soit porté à deux ans.

Au niveau des travailleurs et travailleuses à pourboires, nous proposons que l'employeur paie l'uniforme et l'entretien de celui-ci, s'il oblige ses employés à porter l'uniforme maison; qu'en aucun temps l'employeur ne prenne les pourboires et les redistribue aux employés; qu'il soit interdit à l'employeur de faire payer aux employés les frais d'administration des cartes de crédit lorsque les pourboires y sont inclus.

Au niveau des congés de maternité et parentaux, le Front de défense des non-syndiqués s'est penché sur la réalité des travailleuses et des travailleurs non syndiqués qui désirent avoir des enfants ou obtenir de meilleures conditions de travail en fonction de leur rôle de parents. L'avant-projet de loi propose des solutions intéressantes quoique insatisfaisantes en regard de la réalité vécue par cette catégorie de la population travailleuse. En conséquence, nous appuyons le mémoire déposé à cette fin, à cette consultation par le Regroupement pour les congés de maternité et parentaux.

Toutes les revendications contenues dans ce mémoire sont oubliées dans la révision de la loi 126 et nous en sommes profondément abasourdis. En effet, depuis déjà dix ans, les non-syndiqués du Québec subissent la même convention collective dénudée d'une véritable reconnaissance de leur apport essentiel à l'épanouissement économique du Québec - je commence à être fatigué. Avec l'avènement du néolibéralisme, au début des années 1980, le marché du travail s'est considérablement détérioré, entraînant avec lui les conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs du Québec. La dégénération des ressources palliatives au marché du travail amène une plus grande dépendance envers la Loi sur les normes du travail. C'est pourquoi il ne suffit plus, lors de la révision des normes du travail, d'aménager des notions reliées à la nouvelle politique familiale portée par le gouvernement, mais bien de transformer cette loi afin qu'une véritable reconnaissance soit donnée aux travailleurs et travailleuses non syndiqués du Québec.

Avec le libre-échange, le début des années quatre-vingt-dix promet d'être encore plus houleux pour le marché du travail entraînant un niveau de vie et de travail encore plus bas. La Loi sur les normes du travail qui protège les non-syndiqués, cette loi qui devrait assurer un minimum de droits décent aux deux tiers d'une population qui met sa force de travail à l'avancement économique du Québec, ne répond pas à leurs besoins. Nous demandons aujourd'hui aux décideurs politiques qu'ils reconnaissent et boni fient la contribution des travailleurs et travailleuses non syndiqués au profit du Québec. Nous nous attendons aussi à ce que le gouvernement révise la Loi sur les normes du travail à une période plus courte qu'à tous les dix ans. Car si notre société s'inscrit dans un modèle où la qualité de vie est importante, il ne faudra pas qu'on puisse redire qu'il y a chez nous des nègres blancs d'Amérique.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bousquet, pour votre présentation. Je sentais que l'accélération vous obligeait à bousculer un peu les propos, mais je pense qu'ils ont été bien entendus. Je vous remercie. J'invite M. le ministre à vous poser des questions, à échanger

des avis avec vous.

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Je comprends que le Front de défense des non-syndiqués accueille favorablement, d'une certaine façon, l'avant-projet de loi, mais estime que les améliorations qui sont contenues sont peut-être un peu trop modestes par rapport à ce que l'on souhaiterait et suit, évidemment, un catalogue de toutes les améliorations que vous aimeriez voir apporter à la loi. On va regarder ça attentivement. J'aimerais peut-être prendre certains aspects. Je ne peux pas toucher tous les points parce que, à ce moment-là, j'en aurais peut-être pour trois heures.

J'aimerais en venir avec vous à votre première recommandation qui touche le salaire minimum. Vous aimeriez voir le salaire minimum porté à 6 $ l'heure. Bon, alors je rappelle qu'il y a quatre ans, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le salaire minimum était de 4 $. Il est de 5 $ aujourd'hui. On a donc augmenté le salaire minimum de 25 % en quatre ans, c'est-à-dire un taux d'augmentation qui est supérieur à l'indice des prix à la consommation depuis les quatre dernières années. On peut donc dire que les travailleurs ont fait des gains à l'égard du salaire minimum par rapport au coût de la vie.

Par ailleurs, si on devait porter le salaire minimum à 6 $ maintenant, il pourrait y avoir d'autres problèmes qui surgiraient. Je parle des problèmes de compétitivité, par exemple, de nos entreprises avec la concurrence dans le cadre du libre-échange et de la mondialisation des échanges et des marchés. Par exemple, si on regarde la situation au Canada, dans les autres provinces, la plupart des provinces ne sont même pas à 5 $ l'heure, présentement. Il y a l'Ontario qui est à 5 $ de même que le Québec. Il y a le Yukon qui excède un peu 5 $ mais, à part ça, toutes les autres provinces canadiennes sont en deçà de cela. Le Manitoba: 4,70 $; la Nouvelle-Ecosse: 4,50 $ de même que l'île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et l'Alberta; la Colombie-Britannique: 4,75 $; le Nouveau-Brunswick: 4,50 $; Terre-Neuve: 4,25 $ et le taux fédéral est de 4 $. Maintenant, si on regarde les États-Unis et qu'on prend le taux du salaire minimum américain converti en dollars canadiens, le taux fédéral est de 3,98 $, en valeur canadienne. Le président Bush a suggéré des modifications, l'administration Bush, qui feraient en sorte que le salaire américain passerait, en janvier 1990, à 4,34 $ canadiens, je parle toujours de la valeur canadienne; en janvier 1991: 4,70 $ canadiens et en janvier 1992, à 5,05 $ canadiens. Autrement dit, l'administration américaine proposerait que, dans deux ans d'aujourd'hui, le salaire minimum américain soit au niveau de ce qu'il est présentement au Québec.

Regardons les États américains qui sont limitrophes. Le Connecticut est présentement à peu près au niveau du Québec. Mais les autres

États, le Maine est à 4,46 $ en valeurs canadiennes de même que le Massachusetts, le New-Hampshire, à 4,34 $ équivalents canadiens. Tout ça pour dire qu'il pourrait y avoir... J'aimerais vous poser la question: Trouvez-vous important, dans votre optique à vous, que le Québec maintienne une certaine parité avec ses voisins, l'Ontario et les États américains, dans le but de maintenir une certaine compétitivité des entreprises canadiennes ou québécoises par rapport à la concurrence? Est-ce qu'il n'y aurait pas un danger que des pertes d'emplois soient occasionnées si on situait le taux du salaire minimum bien au-delà de la concurrence?

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): II nous apparaît... Bien sûr, des comparaisons, je pense qu'on peut en faire de tous les genres. Et, au fond, si on creusait davantage la question, vous nous soulignez, M. le ministre, que, oui, dans les dernières années, on a connu un accroissement de 25 % du salaire minimum. C'est réel. Mais il faut aussi se rappeler que les années qui ont précédé ont été des années très difficiles où le salaire minimum a été gelé et, en bout de ligne, ça signifie une perte significative de pouvoir d'achat pour, au fond, les travailleurs et les travailleuses les plus démunis. Quand je vous pariais de comparaison, il y a peut-être lieu de rappeler aussi - c'est une comparaison qui peut se faire - qu'actuellement, au Québec, le salaire minimum représente à peine 40 % du salaire industriel moyen payé. De ce côté-là, il ne nous apparaît pas que la revendication qu'on porte, soit de 6 $ l'heure, et d'une indexation qui prenne aussi en considération l'enrichissement collectif, soit une demande démesurée.

Par rapport aux autres aspects que vous soulevez, entre autres, les questions de compétition, il y a là-dedans effectivement des choix de société. Je pense qu'il ne faut pas passer sous silence les effets des mauvaises conditions salariales et de travail qui frappent des franges importantes de la population; ça a des répercussions sur différents coûts sociaux, au niveau de la santé, etc. Je pense que, de ce côté-là, le salaire minimum demeure une balise. Et pour qu'elle ait une quelconque signification dans une société comme la nôtre - je vous réfère à la première comparaison que je faisais - je pense que 40 % du salaire industriel moyen, ma foi, ce n'est pas une demande abusive, loin de la.

M. Bourbeau: Écoutez, je peux dire que l'actuel gouvernement ne s'est pas privé d'augmenter le salaire minimum. Je suis absolument d'accord avec vous qu'on doit tenter d'augmenter le salaire minimum le plus rapidement possible et le plus haut possible. On est bien placés pour en parler puisqu'on l'a fait régulièrement, chaque

année. Le but de ma question est simplement de vous demander: Est-ce qu'il n'y a pas un danger si on va unilatéralement, sans le faire de concert avec nos compétiteurs, entre autres, l'Ontario, est-ce qu'il n'y a pas un danger que ça résulte dans des pertes d'emplois, ce qui irait, évidemment, à l'encontre de ce que vous souhaitez, bien sûr? C'est uniquement dans ce sens-là que je pose la question. Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'il y ait des pertes d'emplois dans le cas où un gouvernement est le seul à hausser le salaire minimum au-dessus de celui de ses concurrents? (14 h 45)

La Présidente (Mme Marois): Mme Carbon-neau.

Mme Carbonneau: Qu'on élargisse effectivement le débat avec les autres provinces canadiennes en soutenant fermement la nécessité d'augmenter partout le salaire minimum, j'en suis. Cependant, je ne pourrais pas accepter une position de la part de nos élus politiques qui irait dans le sens de s'aligner de façon très docile par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces.

La Présidente (Mme Marois): Voulez-vous ajouter quelque chose, M. Bousquet?

M. Bousquet: Ce sera aux autres provinces de s'ajuster à nous.

M. Bourbeau: Alors, je tiens pour acquis que vous êtes d'accord avec la politique qu'on a adoptée d'être un peu les leaders au Canada dans ce domaine-là, parce que c'est le Québec qui est la locomotive un peu dans le salaire minimum, avec l'Ontario. C'est donc ce qu'on tente de faire depuis un certain nombre d'années, d'inciter nos partenaires et peut-être nos compétiteurs à hausser conjointement, avec nous, le salaire minimum. En tout cas, moi, ça m'apparaît une bonne façon de procéder et je n'ai pas saisi que vous étiez opposés à ça, au contraire.

La Présidente (Mme Marois): Oui, je pense que M. Bousquet...

M. Bousquet: Ce qu'on dit actuellement, c'est que le salaire minimum, à l'heure actuelle, pour quelqu'un qui travaille 40 heures par semaine, c'est sous le seuil de pauvreté. Et c'est ça qu'il est important, je pense, de préciser. C'est qu'on veut qu'on rattrape un jour ce seuil de pauvreté, et que, par la suite, on puisse être toujours au-dessus du seuil de pauvreté. Je pense qu'il ne faut pas viser le minimum à ce stade-ci, mais bien viser à ce que le salaire minimum permette au moins de vivre décemment, d'avoir de bonnes conditions de vie liées aux conditions de travail. Alors, quand on va un peu améliorer les conditions financières de ces gens-là, on va donc améliorer leurs conditions de vie et peut-être qu'au niveau des coûts sociaux ça pourrait peut-être coûter moins cher à l'État à ce moment-là parce que je pense que ce n'est pas juste une question de coûts de production reliés à la main-d'oeuvre, mais bien une question de coûts sociaux également.

M. Bourbeau: Oui, je suis entièrement d'accord, d'autant plus que si on ne relève pas le salaire minimum régulièrement et qu'on indexe, par exemple, les prestations d'aide sociale régulièrement, on attire littéralement à l'aide sociale des travailleurs qui seraient découragés d'aller travailler si ça devenait plus rentable d'être à la sécurité du revenu.

J'aimerais passer à un autre...

La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y avait une autre intervention de madame à ce sujet.

Mme Carbonneau: Je vais être très brève sur cette question. Quand vous évoquez, M. le ministre, la question de la compétition des entreprises québécoises, je pense qu'effectivement on ne peut pas traiter à la légère de cette question, sauf qu'il m'apparaît que tout ne réside pas strictement dans le taux du salaire minimum. Je pense qu'une partie de la productivité de nos entreprises tient aussi à la qualité de la main-d'oeuvre, à sa formation, à son intérêt à demeurer dans une entreprise. Et, au fond, des conditions extraordinairement marginales ne favorisent pas l'excellence au niveau de la main-d'oeuvre québécoise. De ce côté-là, il me semble que tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir non plus.

M. Bourbeau: Très bien. Vous faites état de personnes salariées qui travailleraient jusqu'à dix ou onze heures par jour sans jamais être payées à temps et demi, comme on dit, pour les heures supplémentaires parce que ces personnes ne dépassent pas la durée de la semaine normale de travail, et vous suggérez d'instituer un mécanisme différent de calcul des heures supplémentaires qui serait adapté aux personnes salariées payées à la semaine ou bénéficiant d'un régime des horaires variables. Est-ce que vous pourriez fournir plus de précisions sur la problématique particulière des catégories de personnes salariées pour lesquelles vous proposez justement un mode différent de calcul des heures supplémentaires et à quelle méthode de calcul songez-vous pour ces catégories particulières de personnes?

La Présidente (Mme Marois): Oui

M. Bousquet: La méthode de calcul comme telle, on ne l'a pas encore pondue. Ce qu'on voulait surtout préciser, c'était de calculer le temps supplémentaire à partir de la journée, de façon quotidienne. Après huit heures, bon, il y a

du temps supplémentaire, et non pas à la semaine. Au niveau des horaires variables, je n'ai pas d'exemple. J'avais un exemple, je ne m'en souviens plus...

La Présidente (Mme Marois): Mme Malette, oui.

Mme Malette (Jocelyne): Ce que je pourrais préciser dans ce sens-là, c'est que dans tes cas quo j'ai rencontrés il y a souvent des personnes qui ont travaillé dix heures par jour, pendant trois jours de temps, et qui n'ont jamais bénéficié d'aucune rémunération supplémentaire et que, par la suite, ça revenait à cinq heures par jour. On calcule que ce n'est pas tout à fait normal que des dix heures par jour soient travaillées et que ce ne soit pas rémunéré en supplémentaire. Ce sont un peu des exemples qui ont été vécus chez nous par des personnes que j'ai rencontrées dans différents milieux; c'est surtout dans des emplois précaires, surtout dans le travail précaire qu'on a pu rencontrer ces situations-là.

M. Bourbeau: oui, je comprends très bien. il s'agit de voir comment on pourrait introduire une façon de calculer ce temps supplémentaire. de toute façon, on va y réfléchir, nous aussi. si jamais il vous vient une idée un peu plus précise, vous pourrez toujours nous en faire part.

Mme Malette: Ce qu'on voulait surtout, c'était de porter à votre attention que ça se faisait, que cette pratique se faisait. Ensemble, on pourrait peut-être trouver un moyen, justement, de trouver un calcul. On ne s'est pas arrêtés vraiment au calcul, mais on s'est plutôt arrêtés à vouloir démontrer que c'étaient des pratiques qui se faisaient et on voulait aussi un peu les dénoncer.

M. Bousquet: L'exemple qui me vient finalement en tête, c'est l'employé qui travaille et qui est payé aux quinze jours. Souvent, dans une première semaine de travail, il peut faire 60 heures et, la deuxième semaine, il va faire 20 heures. Au niveau de l'étalement, ce qui arrive, c'est que le temps supplémentaire de la première semaine ne sera jamais payé parce qu'on permet actuellement de faire cet étalement dans certaines entreprises, et on voit souvent ça dans l'hôtellerie, ce genre de rémunération. Donc, il y a même des horaires de travail qui existent; il y a du monde qui travaille sept jours et qui sont cinq jours en congé. Alors qu'est-ce qui arrive avec ça? On permet le mode de paiement réparti sur deux semaines, mais il y a quand même eu du temps supplémentaire.

La Présidente (Mme Marois): Une dernière question, M. le ministre ou Mme la ministre-peu importe?

M. Bourbeau: C'était au sujet des pourboires. Vous proposez d'inclure les pourboires dans le calcul de l'indemnité en cas de préavis, de maladie, etc. Comment voyez-vous l'application de cette proposition? Sur quelle base? Quel pourcentage serait pris en considération pour y arriver?

M. Bousquet: Actuellement, il existe un livre dans lequel l'employé doit déclarer ses pourboires. À ce moment-là, je pense qu'en accord avec l'employeur, il y a toujours un salaire moyen qui est établi avec pourboires. Je pense que les pourboires varient peu dans une entreprise quand ça fait plusieurs semaines que tu travailles pour la même entreprise. Alors, ce serait, selon les deux ou trois dernières semaines travaillées, la moyenne du salaire et des pourboires.

La Présidente (Mme Marois): Merci Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve, s'il vous plaît.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. C'est assez impressionnant de prendre connaissance de la liste des organismes qui font partie du Fonds de défense. Je suis contente que nous ayons finalement pu vous entendre dès le début de nos travaux. Je déplore toujours que l'organisme Au bas de l'échelle, qui représente les salariés, les travailleurs et les travailleuses les plus démunis de la société, ne soit entendu qu'à la toute fin, à 21 heures, ce soir. Si vous me le permettez, d'abord, je commencerais par la fin de votre présentation. Vous souhaitez que le gouvernement révise la loi sur les normes à une période plus courte qu'à tous les dix ans. L'actuelle loi, d'ailleurs, aurait dû être révisée, suite à l'examen approfondi qu'avait fait la commission Beaudry, en 1985. Donc, c'est cinq ans plus tard seulement qu'on revient sur ces questions qui avaient finalement été, comme je le signalais ce matin, examinées suite à une consultation très large. C'est d'autant plus de rattrapage à faire en regard des modifications qu'il faut apporter à la loi.

Commençons par le salaire minimum. J'ai apprécié le ton sobre du ministre sur cette question. Cela dit, il nous citait le salaire minimum américain au niveau fédéral. Mais encore faut-il se rappeler qu'on n'est pas en compétition avec le Nebraska, la Caroline, le Texas ou la Louisiane. Essentiellement, nos compétiteurs, ce sont les États d'à côté et, là, le salaire minimum est beaucoup plus élevé. J'aimerais qu'il puisse, pour le bénéfice des membres de la commission parlementaire, nous déposer les salaires minimums horaires qui sont payés dans les États voisins, ceux des États de la Nouvelle-Angleterre, parce que c'est finalement avec le Nord-Est américain qu'il faut aussi se comparer. Et aussi...

M. Bourbeau: Je pense que la députée n'a pas écouté. Je les ai nommés, les États limitrophes. Mais je vais déposer le document encore.

Mme Harel: Ah ouil Les États limitrophes?

La Présidente (Mme Marois): Vous allez le déposer, M. le ministre? Vous n'avez pas d'objection.

M. Bourbeau: Oui, oui, je vais faire faire la copie. Je l'ai déjà déposé. Je l'ai déjà dit.

Mme Harel: De toute façon, son ministère vient de compléter, la semaine passée, une étude très exhaustive sur toutes les conditions de travail, y compris la rémunération en regard du libre-échange entre le Québec et les Américains. Ce qu'il en conclut, c'est qu'il n'y a pas de différence. Alors, il n'y aurait pas de différence quand il y trouve un bénéfice et, là, il nous dit qu'il y a beaucoup de différence. Ce qu'il en conclut, c'est que le pouvoir d'achat est le même, finalement. Même si le salaire là-bas est plus bas, les prix étant moins élevés, finalement, pour le coût de la vie, en général, ici le montant du salaire minimum permet de se procurer à peu près l'équivalent.

Donc, le problème qui est le plus important, c'est: En quoi ce salaire minimum est-il une désincitation, finalement, à travailler parce que, vous le signaliez, c'est en deçà du seuil de pauvreté pour une personne seule? C'est évident que le salaire minimum ne permet pas de faire vivre une famille, on ne parle pas de ça, mais même pas une personne de plus que la personne qui travaille. Ça c'est carrément, maintenant, mis de côté.

Moi, je vais vous dire, là-dessus: Le ministre a raison. Depuis quatre ans, il indexe, comme l'avait fait le gouvernement précédent durant son premier mandat. J'ai hâte de voir et je le souhaite, j'applaudis chaque fois, parce que, dans le premier mandat, on l'avait fait huit fois en quatre ans. Après, il y a eu une crise économique, une récession. Là, j'espère quo ce gouvernement va continuer à l'indexer. Mais moi, ce que je souhaite, comme vous, et c'est ce qu'on a proposé, finalement, au gouvernement, c'est qu'on retire de l'arbitraire et du discrétionnaire cette question, qu'on la mette dans la loi. Ce qui m'a beaucoup inquiétée, c'est que dans la loi de l'aide sociale, on ait retiré, dans la nouvelle réforme, l'indexation qui s'y trouvait de manière réglementaire. Maintenant, c'est laissé à l'arbitraire et au discrétionnaire.

Mais je voudrais qu'au contraire, on introduise dans la Loi sur les normes du travail un mécanisme qui fasse en sorte que les gouvernements ne soient plus l'objet des pressions. Parce que, avant, chaque fois que c'était augmenté, il y a de ses collègues - je lui en ai cité, je ne veux pas reprendre ça - souvent, qui criaient quasiment au socialisme parce qu'on indexait le salaire minimum. Moi, je l'applaudis. Ça, il peut vous le dire. Mais il faut que ce soit un mécanisme. Vous dites: C'est 40 %. Nous, ce qu'on propose, c'est que ça devienne de façon permanente réajusté au salaire industriel moyen et que ce soit à 45 % du salaire industriel moyen. Ça se négocie, mais l'idée de base, c'est que la locomotive du salaire industriel moyen entraîne l'ensemble des travailleurs de notre société, parce que ceux qui travaillent au salaire minimum ne le font pas dans des entreprises concurrentielles. Ils le font dans des secteurs de service ou ils travaillent pour des gens qui travaillent dans des entreprises concurrentielles avec, finalement, nos voisins d'à côté ou d'en bas.

Je ne sais pas, je vais peut-être vous entendre là-dessus, mais surtout, revenir sur la question des heures de travail. Vous avez dit: C'est important que la législation québécoise s'accorde avec la majorité des autres législations du Canada. Et là, il faut bien distinguer la notion d'heures maximales et d'heures normales. Dans la loi, présentement, ce n'est pas compliqué, tout ce qu'il y a depuis bien des décennies, c'est 44 heures, au-delà de quoi le temps supplémentaire est payé, par semaine. Mais, évidemment, à ce moment-là, la personne n'a aucun droit de refus de faire du temps supplémentaire.

Dans les autres législations qui ont toutes rafraîchi leurs dispositions, il y a ce qu'on appelle une semaine normale, c'est-à-dire des heures à partir de quoi on paie du temps supplémentaire, et il y a une semaine maximale, les heures à partir desquelles on peut refuser de faire du temps supplémentaire. Ce sont deux choses différentes. Vous dites qu'il faut s'accorder avec la majorité des législations, donc, une journée de travail de 8 heures, 40 heures de travail par semaine. Mais je pense, entre autres, à la loi ontarienne qui prévoit une semaine maximale de 48 heures, c'est-à-dire que le temps supplémentaire est payé, mais on ne peut pas refuser d'en faire. Alors, je voulais juste savoir si vous voulez vraiment vous ajuster avec la majorité des autres législations, tel que vous le souhaitez de la part du gouvernement.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bousquet.

M. Bousquet: La revendication, c'est vraiment à partir d'une semaine normale de 40 heures et de 8 heures par jour. Pour le calcul du temps supplémentaire, évidemment, c'est après 40 heures ou 8 heures par jour. Et puis, aussi, le droit de refuser de faire du temps supplémentaire.

Mme Harel: Ce n'est pas tout à fait un ajustement avec les autres, disons, législations.

M. Bousquet: C'est le modèle ontarien que vous venez de décrire.

Mme Harel: C'est-à-dire que le modèle ontarien prévoit une semaine de 48 heures, d'heures travaillées, au-delà de quoi on peut refuser de faire du temps supplémentaire.

M. Bousquet: D'accord.

Mme Harel: Et, donc, le temps est payé, mais on ne peut pas refuser de le faire. (15 heures)

M. Bousquet: D'accord. Donc, à ce moment-là, il fixe un nombre d'heures pour pouvoir refuser. Nous, on dit: C'est après 40 heures. On peut refuser après 40 heures, si l'employé veut.

Mme Harel: Une autre question importante, c'est toute la question des recours. Finalement, les droits ne valent que le papier sur lequel ils sont publiés, s'il n'y a pas de recours et si on ne peut pas les faire valoir, évidemment. Vous faites valoir que le délai de 30 jours pour porter une plainte de congédiement illégal est beaucoup trop court; j'imagine que c'est reçu. Mais c'est toute la question des délais. Vous voyez, actuellement, ça prend cinq ans de service continu pour avoir un recours pour congédiement illégal. Et puis, vous, vous proposez toutes sortes de délais. Par exemple, vous en proposez un de trois mois pour avoir droit à un congé de maladie sans solde ou quelque chose comme ça, en tout cas, avec un droit de retour; trois mois. Vous dites: Trois ans pour avoir trois semaines de vacances. Actuellement, c'est deux semaines après un an et trois semaines après dix ans. Le ministre propose trois semaines après cinq; vous le réduisez à trois.

M. Bousquet: Oui.

Mme Harel: Et vous dites: Un an, comme le Code canadien, pour avoir droit de déposer une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante. Est-ce que ce ne serait pas préférable, pour que, vraiment, les travailleurs et travailleuses du Québec, l'ensemble des 70 % du secteur privé qui n'ont pas d'autres recours que ça, n'aient pas besoin d'aller voir personne, dans le fond, pas de spécialistes des normes, mais qu'ils puissent l'imposer à tout le monde, y compris à leur employeur, l'idée qu'après un an de service continu on ait toutes sortes de recours possibles, qu'après un an de service continu on puisse avoir recours à la Commission des normes pour porter plainte, mais qu'on puisse aussi avoir les trois semaines de vacances, et qu'on puisse, après un an de service continu, avoir droit de garantie de retour à l'emploi pour un congé de maladie? Est-ce qu'il n'y a pas plus intérêt à avoir, par exemple, une uniformité, de manière à ce que: C'est un an, et ça s'imprime dans les esprits, tout le monde le sait, et comme ça, ça s'applique, dans le fond, plus efficacement?

M. Bousquet: Tout cela passe, bien entendu, un peu par notre proposition au niveau de la vulgarisation. En tout cas, on se rend bien compte aujourd'hui que la loi sur les normes est méconnue par l'ensemble des travailleurs non syndiqués. Alors, on a une proposition où on disait: Si on pouvait vulgariser ou informer davantage les gens qui sont reliés à la Loi sur les normes du travail, déjà, ça pourrait être une première amorce intéressante. Si tous les délais étaient uniformisés, c'est sûr que ce serait intéressant. Si c'est une solution pour que le monde comprenne mieux, on est bien d'accord. Mais ce qu'on voulait surtout dire dans notre revendication, c'est que le délai de cinq ans pour porter plainte, c'est vraiment dépassé. Il faut vraiment ramener ça à un an au plus coupant, parce que, actuellement, le délai brime beaucoup le travailleur. Des travailleurs qui ont cinq ans de service continu, ça se compte sur le bout des doigts, quasiment.

Mme Harel: J'ai été surprise, dans vos revendications, qu'on ne retrouve pas cette idée qui circule qu'il faudrait, justement, en cas d'aliénation des entreprises de vente, des entreprises de transfert, où il y a changement de propriété et où les employés, même s'ils continuent le service, doivent recommencer à zéro à calculer leurs années de service... j'ai été surprise que vous ne recommandiez pas une amélioration à cet égard.

M. Bousquet: C'est parce qu'on n'a peut-être pas eu le temps de regarder les revendications. On est quand même une trentaine de groupes à s'asseoir et à regarder ça. On a essayé de faire un tour complet, mais je suis sûr que ce que vous venez de dire là, Mme Harel, c'est très intéressant. C'est sûr qu'au niveau de la reconnaissance de l'ancienneté ou lorsqu'on revient dans une entreprise qui a été déjà aliénée, il faudrait le regarder. Je pense qu'on accueille ça favorablement.

Mme Harel: C'est tout le temps qui m'était imparti. Gillette et Simpson ont fermé, elles n'ont pas fait faillite. Et les indemnités qui devraient être versées en cas de fermeture, ce n'est pas nécessairement par l'État, avec le fonds consolidé et les impôts de tout le monde. Lorsqu'il y a fermeture pour restructuration industrielle, ça devrait être versé par l'entreprise. J'ai été surprise que vous recommandiez, finalement, dans ces cas de fermeture, que ce soit la Commission des normes et, éventuellement, l'État qui aient à verser ces indemnités.

M. Bousquet: Je comprends. C'est une question qu'on n'a pas plus approfondie.

Mme Harel: D'accord.

La Présidente (Mme Marois): D'accord? Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Mme la ministre, M. le ministre, ça va? Ça va?

Mme Trépanier: Juste un petit mot pour dire que, s'il y a une clientèle qui est concernée par la loi des normes, c'est bien celle que vous représentez. On aurait aimé avoir plus de temps pour vous interroger sur votre mémoire. J'ai été surprise de ne pas voir une position plus forte sur le travail à temps partiel. On voulait profiter de cette commission pour recueillir les impressions, les suggestions des groupes, et ce sera partie remise, ainsi qu'élaborer sur les congés parentaux. Vous appuyez la position du regroupement des congés de maternité et parentaux. Alors, surtout sur les congés parentaux, les congés de parents adoptifs versus les congés de parents biologiques, j'aurais aimé avoir votre position là-dessus. C'est partie remise. Merci beaucoup pour votre contribution et, au nom du ministre et de la commission, merci pour votre belle présentation.

La Présidente (Mme Marois): Merci pour votre apport à la commission.

J'inviterais maintenant les représentants et représentantes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à bien vouloir venir prendre place devant nous.

Je souhaite la bienvenue aux représentantes et représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. J'imagine, M. Daoust, que vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, par la suite procéder en une vingtaine de minutes à la présentation de votre mémoire. Cette présentation sera suivie, évidemment, d'un échange, d'une discussion et d'une période de questions de la part des membres de la commission. Alors, bienvenue à cette commission.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Messieurs, mesdames, je vais, comme vous m'avez invité à le faire, vous présenter ceux et celles qui m'accompagnent. Je vais commencer à ma gauche: Diane Bissonnette, de l'Association internationale des machinistes et aussi vice-présidente de la FTQ; Marc Bellemare, de l'Alliance de la fonction publique du Canada et aussi vice-président de la FTQ; Rolande Pinard, de notre service de recherche, à la FTQ; Guy Cousineau, le secrétaire général du Conseil des travailleuses et des travailleurs du Montréal métropolitain, vice-président de la FTQ aussi; et Jean-Marc Couture, le directeur québécois des travailleurs du vêtement et du textile, aussi vice-président de la FTQ.

Mme la Présidente, je vais vous faire un exposé, comme le veut cette commission parlementaire, d'une vingtaine de minutes, exposé qui reprend substantiellement les positions que vous trouvez dans notre document, notre mémoire, qui vous fut distribué, sans aucun doute.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Daoust: La FTQ a tenu à être entendue devant cette commission, parce que la Loi sur les normes du travail concerne tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec. La syn-dicalisation, vous en conviendrez, constitue la seule assurance pour ces derniers d'obtenir des conditions de travail améliorées et qui respectent leurs intérêts et leurs besoins. Cependant, devant les grandes difficultés de syndicalisation d'une très grande partie de la main-d'oeuvre active, la Loi sur les normes du travail revêt une importance primordiale. la mise en application de cette loi, il y a dix ans, a coïncidé avec une grave crise économique qui a coûté cher aux travailleurs et aux travailleuses. nous croyons qu'il est temps de reconnaître l'apport de ceux-ci et de celles-ci dans la reprise qui a suivi et de leur accorder des protections minimales améliorées. nous demandons donc au gouvernement, par la présente, de modifier cette loi selon les quatre principaux objectifs suivants: une loi à caractère universel, une loi qui reconnaisse le caractère social de la maternité et des responsabilités parentales, un relèvement immédiat de certaines normes du travail et, enfin, une loi accessible et respectée.

Une loi à caractère universel. Une loi d'ordre public et qui, par conséquent, constitue un minimum juridique devrait, selon nous, s'appliquer de manière universelle. C'est donc dire qu'aucune exclusion de la loi n'est justifiable lorsqu'elle a pour effet de permettre d'accorder des conditions inférieures à celles qui sont prévues dans la loi.

Or, il arrive que les exclusions de salariés de toute ou de parties de la loi touchent essentiellement des catégories à statut précaire ou, si l'on préfère, des emplois atypiques: les travailleurs et travailleuses agricoles, saisonniers, les stagiaires et le reste. Ces exclusions explicites s'ajoutent à d'autres qui sont plus implicites et qui tirent leur origine des exigences requises pour se prévaloir de certaines normes. Par exemple, les salariés à temps partiel, temporaires, à contrat à durée déterminée arrivent beaucoup plus difficilement à se qualifier pour bénéficier des normes reliées à une exigence de service continu lorsque, toutefois, ils y arrivent. De plus, des études démontrent que ces salariés bénéfi-

cient souvent de conditions salariales moindres que les salariés réguliers à plein temps.

Devant l'importance croissante que prennent ces catégories de salariés - et rappelons qu'une étude publiée par le gouvernement du Québec affirme qu'il s'agit d'une personne sur deux dans la population active - il devient impérieux que la Loi sur les normes du travail leur assure les mêmes droits, protection et recours qu'aux salariés réguliers à plein temps.

C'est pourquoi nous demandons que les modifications à apporter concernant la protection des salariés à statut précaire respectent les principes généraux suivants: une révision de la définition du service continu pour inclure les salariés dont les liens d'emploi sont souvent interrompus avec un employeur, ainsi que l'ajout de la présomption de service continu dans les cas de contrats à durée déterminée successifs et d'emplois temporaires récurrents; l'abolition ou la réduction significative du nombre de jours ou d'années de service pour avoir droit à certaines protections ou recours; la reconnaissance du droit aux mêmes avantages sociaux au prorata, s'il y a lieu, en plus du droit . au même salaire pour un travail équivalent pour les salariés qui travaillent selon un horaire réduit ou régulier; un contrôle gouvernemental sur le travail à domicile concernant les conditions de travail accordées à ces salariés. Nous ne saurions trop insister sur l'importance de légiférer pour protéger ces salariés par la Loi sur les normes du travail vu qu'ils constituent une partie fort importante de la population active.

Deuxième principe: une loi qui reconnaisse le caractère social de la maternité et des responsabilités parentales. Les modifications proposées à la loi en ce qui concerne les congés parentaux sont fort intéressantes et constituent une amélioration certaine par rapport à la situation actuelle. (15 h 15)

Sans entrer dans le détail des diverses propositions que nous faisons dans notre mémoire sur les congés parentaux, je voudrais souligner ici un aspect essentiel sur lequel l'avant-projet de loi est silencieux. Il s'agit du remplacement du revenu pour les personnes qui se prévalent d'un congé de maternité, de paternité ou d'adoption. Il est inadmissible que les femmes, c'est-à-dire celles qui utilisent le plus ce congé, soient encore pénalisées économiquement lorsqu'elles décident de mettre au monde des enfants. C'est pourquoi nous souscrivons entièrement avec d'autres organismes, dont le Conseil du statut de la femme, à la création d'un régime d'assurance parentale, financé par l'État, les employeurs et les salariés. Un tel régime devrait être d'application universelle et assurer un remplacement du revenu pendant toute la durée du congé de maternité, de paternité ou d'adoption. De plus, il devrait également servir à assurer le maintien du revenu pour certains congés parentaux additionnels. Les propositions que nous faisons pour améliorer les congés parentaux sont fondées sur la création d'un tel régime d'assurance.

Enfin, l'amélioration des congés parentaux perd beaucoup de son efficacité si une partie importante de la main-d'oeuvre a de moins en moins les moyens de fonder une famille. La précarité et les bas salaires sont peu propices à la prise d'une telle décision. Aussi, la loi doit-elle, selon nous, prévoir une amélioration immédiate de certaines normes du travail, surtout celles ayant trait aux salaires et au temps de travail et de repos.

Un relèvement immédiat de certaines normes de travail constitue le troisième des principes. Étant donné leur importance, nous avons décidé d'axer nos revendications sur les normes salariales, ainsi que sur celles qui réfèrent au temps de travail et hors travail. Une hausse immédiate du salaire minimum à 6 $ l'heure s'impose. Il s'agit là vraiment d'un minimum si l'on considère qu'une telle hausse réussirait tout juste à amener le salaire annuel d'une personne travaillant 40 heures par semaine au niveau du seuil de la pauvreté de 1989. L'indexation automatique est également nécessaire afin de ne pas dépendre de règlements que le gouvernement, soulignons-le, est parfois très lent à changer.

Que l'avant-projet de loi ne fasse aucune proposition pour réduire la durée de la semaine normale de travail et introduire la notion de journée normale de travail dépasse notre entendement. La journée de huit heures et la semaine de 40 heures existent dans la majorité des législations canadiennes sur les normes de travail. La durée moyenne de la semaine de travail au Canada est d'un peu plus de 38 heures. La revendication, on s'en souvient, pour la journée de huit heures en Amérique du Nord remonte au XIXe siècle et la plupart des grands syndicats ouvriers l'ont obtenue au début du siècle. Nous savons que la législation vient souvent entériner une pratique déjà établie dans la réalité, que, surtout en matière de normes de travail, la loi suit les gains des travailleurs et travailleuses syndiqués, tout en conservant un certain écart. En matière de durée de travail, l'écart qui va s'amplifiant justifie amplement un ajustement immédiat de ia loi. Il faut donc décréter immédiatement la journée de huit heures et la semaine de 40 heures.

Reliée à cette question de la durée du travail est celle du temps supplémentaire. La loi doit réglementer les heures supplémentaires de manière à laisser le choix au salarié ou à la salariée de refuser d'en faire, du temps supplémentaire, et le droit de décider d'être compensé en temps ou en argent. La pratique du temps supplémentaire est largement répandue à l'initiative des employeurs; cela nuit à la création d'emplois et peut même créer du chômage. Sur la question de refuser de faire du temps

supplémentaire, les parents de jeunes enfants ne sont pas les seuls à avoir besoin de temps après les heures de travail pour vaquer à d'autres occupations. Nous acceptons difficilement cette distinction. Tous les salariés et salariées doivent bénéficier des mêmes droits.

Enfin, la FTQ réclame des améliorations au niveau des périodes rémunérées de congé ou de repos. Les jours fériés chômés et payés devraient être accessibles à tous les salariés, qu'ils coïncident ou non avec une journée ouvrable. Les salariés à temps partiel devraient pouvoir en bénéficier également en temps ou en argent sur une base proportionnelle. Ces congés, tout autant qu'une occasion de célébration d'une fête importante, sont devenus des jours de repos rémunérés, reconnus socialement. Ici, comme pour la période de repos annuelle, c'est-à-dire les vacances, tous les salariés devraient y avoir droit car ces moments de récupération sont vitaux pour la santé physique et mentale. Ceci nous amène à cette revendication d'un droit élémentaire qui devrait inclus dans la Loi sur les normes du travail, c'est-à-dire celui de s'absenter pour maladie sans risquer le congédiement.

Enfin, le dernier principe: une loi accessible et respectée. Cette partie de notre mémoire est très importante puisque l'efficacité d'une loi améliorée dépend de la connaissance qu'ont les salariés de leurs droits, de la surveillance étroite de l'application de la loi par la Commission des normes du travail et de l'accessibilité aux recours que la loi prévoit. La Commission a un rôle stratégique. Et, tout d'abord, il nous apparaît tout à fait inadmissible qu'au conseil d'administration de la Commission les membres qui ont été nommés ou renommés en 1987 proviennent tous du milieu des affaires ou d'autres milieux qui en sont très proches. Étant donné que l'obligation qui est faite actuellement de consulter les organismes les plus représentatifs des salariés ne semble pas tellement respectée, nous demandons que la loi prévoie que les six commissaires, ainsi que le président ou la présidente de la Commission soient choisis à partir d'une liste de personnes dressée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'?uvre. Ensuite, les quatre fonctions de la Commission, établies dans la loi actuelle, devraient être renforcées, précisées pour trois d'entre elles et concrétisée pour la quatrième qui n'est pas en vigueur.

Je vais reprendre rapidement ces quatre fonctions: 1° Informer et renseigner. Nous ne pouvons que constater une déficience à ce niveau puisque, selon les données mêmes de la Commission dans son rapport annuel 1987-1988, la plupart des salariés ne connaissent pas leurs droits. Nous proposons donc la production d'une brochure d'information simplifiée par le ministère du Travail qui comprenne non seulement les droits inscrits dans la loi sur les normes, mais également ceux inscrits dans la quinzaine d'au- tres lois qui contiennent des dispositions relatives aux salariés. Tout employeur devrait avoir l'obligation d'en remettre un exemplaire à toute personne nouvellement embauchée. 2° Surveiller l'application des normes du travail. Cette fonction devrait être renforcée par le pouvoir d'effectuer des enquêtes préventives, de même que la possibilité de faire une enquête qui s'applique à l'ensemble des salariés de l'employeur, suite à une plainte individuelle. 3° Recevoir les plaintes et indemniser les salariés. Premièrement, nous croyons que le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour réduire le délai de traitement des plaintes. Dernièrement, nous tenons à souligner que la fonction d'indemnisation n'était pas mise en vigueur dans la loi actuelle. Le gouvernement a probablement l'intention de la mettre en vigueur en même temps que les autres modifications qui seront apportées. Nous nous interrogeons là-dessus; c'est une question que nous nous posons. 4° Dédommager les salariés à la suite de la faillite d'un employeur. Ce paragraphe 4° de l'article 5 n'est pas non plus en vigueur à l'heure actuelle, ni les autres parties de la loi reliées à la faillite: le paragraphe 4° de l'article 29 et tout le chapitre VI de cette loi.

Avant de songer à octroyer une nouvelle fonction de médiation à la Commission, fonction sur laquelle je reviendrai dans un instant, il nous semble que le législateur devait au moins voir à ce que les fonctions déjà prévues à la loi soient actualisées. Il nous apparaît inconcevable qu'une loi d'ordre public ne soit que partiellement mise en vigueur. En ce qui concerne l'ajout d'une cinquième fonction de médiation, telle que proposée dans l'avant-projet de loi, nous la jugeons tout à fait impertinente, non seulement à cause du rôle même de la Commission qui, selon nous, doit rester neutre, mais également à cause du caractère minimal des dispositions de cette loi, dont le contenu ne saurait être négociable.

Enfin, la loi doit assurer des recours accessibles et efficaces pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Cela veut dire réduire significativement l'exigence du service continu pour porter plainte contre un congédiement sans cause juste et suffisante. L'avant-projet de loi ne propose aucune amélioration aux cinq ans exigés actuellement qui écartent une bonne partie de la main-d'oeuvre du droit à ces recours. Nous proposons de les ramener à six mois. Cela veut dire aussi réduire les frais reliés à l'exercice des recours. Le remplacement de l'arbitre par un commissaire du travail pour rendre une décision dans les cas de congédiements injustes contribuera à réduire ces frais. Cependant, la FTQ tient à souligner que cela créera une injustice envers les travailleurs et les travailleuses syndiqués qui, eux, devront continuer à payer les frais d'arbitres. C'est pourquoi nous demandons que cet article, l'article

126 modifié, s'applique également, lorsque c'est leur choix, aux travailleurs et travailleuses syndiqués.

Enfin, nous n'acceptons pas davantage le rôle de médiation que l'avant-projet de loi veut renforcer dans les cas de congédiements injustes et arbitraires. Même s'il s'agit là de cas où la médiation pourrait être plus acceptable, compte tenu de la nature moins tranchée des causes, nous sommes d'avis que ce n'est pas le rôle de la Commission des normes qui a, par ailleurs, un rôle de représentation des salariés, de se donner ici un statut de neutralité. Cela viendrait en contradiction avec le fait qu'elle constitue, pour ainsi dire, le seul lieu de recours pour les salariés lésés.

Pour conclure, nous tenons à revenir sur l'urgence de favoriser la syndicalisation du plus grand nombre possible de salariés au Québec, par l'accréditation multipatronale. C'est, selon nous, la seule voie possible vers l'amélioration des conditions de travail et le respect des travailleurs et travailleuses par les employeurs. Nous vous demandons donc de réexaminer la Loi sur les normes du travail en tenant compte des revendications exposées dans ce mémoire.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. Vous êtes sûrement des pros à cet égard. Vous avez respecté parfaitement le temps en nous ramassant votre mémoire et - je vous suivais tout au long de la présentation - en n'oubliant aucun des éléments qui s'y trouvaient. M. le ministre.

M. Bourbeau: Alors, il me fait plaisir de saluer les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Ma première question. Vous proposez de couvrir ce qu'on appelle les gardiennes d'enfants dans la loi, à l'exception de celles qui ne gardent qu'occasionnellement. Est-ce que vous pourriez nous dire quels critères vous retiendriez pour exclure ceux ou celles qui font du gardiennage occasionnel? Comment pourrait-on distinguer entre les occasionnels et les permanents?

M. Oaoust: II n'est peut-être pas simple de trouver des critères qui puissent départager, parmi ce personnel-là, ceux qui font ça de façon occasionnelle et ceux qui le font de façon exclusive, quoique le mot "exclusif1, ça veut dire que les gens s'y consacrent. C'est leur revenu le plus important qui les distingue. Les gens qui le font de façon occasionnelle, ça peut-être un revenu d'appoint, quelques heures ici et là de façon non continue, de façon lointaine et ce sont ces gens-là, évidemment, qui pourraient être exclus de la loi. Mais ceux dont c'est la tâche principale, qui font ça systématiquement là où il y a une certaine continuité, devraient être assujettis à la loi. Et, quand on parle d'exclusion, encore une fois, c'est vraiment quand c'est "en passant" - comment vous dire ça? - de façon véritablement non structurée et non précisée.

La Présidente (Mme Marois): Mme Pinard, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Pinard (Rolande): Oui. Je pense que ça ne devrait pas être trop difficile à évaluer parce qu'il s'agit de personnes qui ont besoin de soins habituellement, soit des personnes âgées ou des enfants. Alors, une personne qui en prend soin d'une manière continuelle, elle est là à tous les jours, elle s'en occupe tout le temps. Ce qu'on veut éviter, ce sont des gardiennages de soirée ou de fins de semaine et ça, c'est assez facile, d'après moi, à évaluer.

M. Bourbeau: Évidemment, il y a des gardiennes qui gardent tous les jours, mais pas au même endroit. Alors, vous avez une gardienne qui peut avoir gardé dans cinq familles différentes, cinq jours différents. Là, ça devient plus compliqué d'assujettir ces gens-là.

La semaine dernière, le Conseil du statut de la femme a rendu public son mémoire sur un régime de congés parentaux comportant, notamment, des prestations de remplacement du revenu de travail. Est-ce que la FTQ a pris position relativement aux recommandations du Conseil du statut de la femme?

M. Daoust: Substantiellement, dans le mémoire que nous vous avons présenté, nous faisons nôtre cet avis du Conseil du statut de la femme et nous saluons, puisque l'occasion nous en est donnée, le Conseil qui a étudié à fond cette question et qui suggère une méthode innovatrice, des critères et des solutions modernes à l'égard d'un problème comme celui-là. On sait à quel point le problème de la natalité nous préoccupe tous et toutes au Québec. Des données démographiques que nous connaissons nous permettent de conclure qu'il faut, par tous les moyens, appuyer une politique qui permettra au Québec de se doter d'une véritable stratégie nataliste, une stratégie familiale. (15 h 30)

Nous appuyons ces grandes revendications et c'est pour ça que nous parlons d'une assurance parentale qui puisse permettre à ces femmes, qui donnent naissance à un enfant, de ne pas être pénalisées, comme c'est le cas à ce moment-ci, par des pertes de revenus ou par des revenus qui sont charcutés de façon telle que ça peut constituer une désincitation à la maternité. C'est dans ce sens-là que, encore une fois, dans notre mémoire, nous reprenons ces positions qu'un congé de maternité ou un congé de paternité, ou un congé de maternité de 20 semaines ou un congé parental de six semaines qui s'y ajoute, un congé parental, pour le père ou pour la mère, de douze semaines, en deux

blocs de six semaines, soient rémunérés.

Donc, là-dessus, nous sommes en communion de pensée avec le Conseil du statut de la femme et nous souhaitons bien que ce document fera son bout de chemin à l'intérieur du gouvernement et que, dans les plus brefs délais, on pourra parvenir à surmonter les problèmes liés à la maternité. C'est vraiment impensable... Je ne vous en ferai pas la démonstration très très longtemps: je pense qu'il y a à peu près unanimité au sein de la société québécoise pour dire que ces femmes qui donnent des enfants à la société ne devraient pas être pénalisées. Elles le sont systématiquement et il faut tout mettre en oeuvre pour qu'elles ne le soient plus dans les plus brefs délais. Encore une fois, cette position du Conseil du statut de la femme nous semblerait la solution la plus acceptable à ce moment-ci pour permettre au Québec de commencer à se doter des éléments d'une politique nataliste.

M. Bourbeau: J'aimerais, si vous le voulez, maintenant qu'on parle un peu de la problématique du temps partiel puisque le gouvernement n'a pas caché qu'il souhaite recevoir de la part des intervenants un certain éclairage sur cette question-là. Est-ce que, à votre connaissance, parlant de travail égal et de salaire égal ou de taux de salaire égal pour un travail égal, il existe des conventions collectives actuellement qui tolèrent qu'un salaire inférieur soit payé à certaines personnes pour le seul motif qu'elles travailleraient à temps partiel?

La Présidente (Mme Marois): Évidemment, c'est salaire égal pour travail équivalent.

M. Bourbeau: Très bien.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Vous me permettrez...

M. Bourbeau: Oui, oui, ces nuances.

La Présidente (Mme Marois): ..c'est ma longue expérience.

M. Bourbeau: On aura compris que c'est ce que je voulais dire.

M. Oaoust: M. le ministre, je serais assez malvenu de vous dire qu'il n'en existe pas. Il en existe peut-être et, s'il en existe, elles devraient être corrigées dans les plus brefs délais. Vous savez à quel point les centrales syndicales et la FTQ font une bataille pour l'instauration de programmes d'accès à l'égalité, pour des politiques d'équité salariale qui soient reconnues par les employeurs. On souligne toujours que le gouvernement du Québec, dans ses récentes négociations, a permis d'ouvrir le chemin à bien des employeurs ici au Québec dans ce domaine-là Oui, bravo, il faut le souligner. Ça arrive assez souvent et on le mentionne quand ça arrive; il faut le souligner. Mais c'est le résultat de négociations. Il fallait qu'on vous pousse quelque peu dans le dos.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Daoust: Ce n'est pas venu comme ça, par l'opération du Saint-Esprit, mais c'est de bonne guerre et ça s'est fait dans des négociations. Bon.

Le problème de l'équité salariale est fondamental et les textes que nous avons examinés et qui approfondissent ce problème nous révèlent des choses extraordinairement déprimantes. Des données statistiques nous indiquent - ces données sont dans notre mémoire - qu'il y a un fort pourcentage d'employeurs au Québec, où il n'y a pas de syndicat, qui s'autorisent de la faiblesse de notre loi pour ne pas payer des salaires identiques à des postes équivalents, pour reprendre l'expression de Mme la Présidente. On souhaiterait bien que la loi, là-dessus, réaffirme les principes contenus dans la Charte des droits de la personne et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. C'est tellement important que les textes soient connus.

À l'égard du temps partiel, permettez-moi de commenter un peu ce phénomène-là qui est un des plus porteurs d'inquiétude à l'intérieur de nos sociétés du Québec, comme du reste du Canada, quant au nombre de travailleurs et de travailleuses qui n'ont pas un emploi permanent dans le vrai sens du mot. Il y a des données révélatrices qui ne sont pas contradictoires, d'un document à l'autre. Le Conseil économique du Canada, il y a à peine quelques jours - Le Devoir nous en faisait état le 15 février dernier - nous disait en gros qu'entre 1980 et 1988... J'essaie de retrouver la donnée. Attendez juste un instant. Bon, je ne la retrouve pas. Mais il est question d'environ 30 % de la main-d'oeuvre, ici au Canada - je l'ai - entre 1980 et 1988; ces types d'emploi ont représenté pas moins de 50 % de tous les postes créés au pays. Quand on parle de ces types d'emploi, ce sont les types d'emploi à temps partiel: les postes de courte durée, l'emploi autonome, comme les pigistes, et le travail effectué pour le compte d'entreprises offrant des services de personnel temporaire. Et je reprends la phrase: "Entre 1980 et 1988, ces types d'emploi ont représenté pas moins de 50 % de tous les postes créés au pays. Ils forment actuellement 30 % de l'emploi total au Canada." C'est le Conseil économique du Canada qui le constate.

C'est, d'ailleurs, pour cette raison - je cite toujours l'article - que "le Conseil presse les gouvernements du pays - le gouvernement du Québec comme tous les autres gouvernements - d'adopter des lois qui permettront aux employés à temps partiel, ayant de fortes attaches à l'égard d'un employeur, de bénéficier

des avantages sociaux généralement offerts aux employés à temps plein. " Bon, je ne veux pas vous lire l'article en entier, mais c'est pour illustrer l'importance du phénomène de gens qui, de plus en plus, au Québec et au Canada, ne sont pas des travailleurs typiques, comme on dit, mais sont devenus des travailleurs - pour employer une expression du jargon des économistes, des sociologues - atypiques. On parle de 30 % ici, alors que, dans un autre document québécois, cette fois-là, qui a été produit par la Commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail et qui est relativement récent, même si la Commission a fini ses travaux il y a quelque temps, on dit qu'en vertu des données du recensement de 1981, c'est désormais 50 % de la population active canadienne qui, en 1980, a occupé des emplois n'ayant pas les caractéristiques de l'emploi typique.

C'est fantastique. Que ce soit 30 %, 40 % ou 50 %, c'est une statistique déconcertante, qui doit nous faire réfléchir et qui devrait faire en sorte que, dans des lois comme celle sur les normes du travail, on en tienne compte, de ces gens-là qui n'ont pratiquement aucun droit; explicitement, des fois, ils sont exclus, puis implicitement, à cause du service continu, ils n'ont pas accès aux dispositions de la loi, ils ne sont pas assujettis à la loi. On y revient beaucoup dans notre mémoire et on fait des recommandations dans ce sens-là. Je m'excuse d'avoir répondu un peu longtemps à votre question, M. le ministre.

M. Bourbeau: Écoutez, on est là pour écouter et non pas nécessairement pour parler; enfin, quant à moi. Je ne parle pas pour l'Opposition qui semble avoir une façon différente de travailler.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre, vous avez une question?

M. Bourbeau: Écoutez, on suggère dans l'avant-projet de loi de remplacer le recours à un arbitre par un recours à un commissaire du travail à l'égard des non-syndiqués pour, justement, leur permettre une meilleure justice, étant donné que les frais d'arbitre sont tellement importants que, souvent, on nous fait observer que les simples travailleurs n'ont pas les moyens de se payer un arbitre. Pourquoi dites-vous que le recours à un commissaire plutôt qu'à un arbitre pour les non-syndiqués crée une injustice aux travailleurs syndiqués, puisque les travailleurs syndiqués n'ont pas, actuellement, le droit de recours à un arbitre? Remarquez qu'il y a des avocats, derrière moi, qui veulent avoir des précisions. Je trouve la question un peu embêtante, mais j'aimerais quand même... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Daoust: Le mot "injustice". On pourrait peut-être dire qu'on fait justice à ces travailleurs et à ces travailleuses en permettant, dans le cas de congédiement sans cause juste et suffisante, qu'ils ou qu'elles puissent avoir recours à un commissaire du travail. Mais là où il y a une espèce de contradiction, c'est que les syndiqués, eux, techniquement, à moins que la loi ne soit amendée, n'auraient pas le même recours. Ils ont des recours en vertu de leur convention collective de travail. Ils ont des recours, sauf qu'ils paient pour ces recours. Ils paient pour ça à même leurs cotisations syndicales. On se partage les frais de l'arbitre, vous le savez, dans l'immense majorité des cas. Et ces frais-là, ils peuvent être fort élevés. Ils sont payés par le syndicat. Ce n'est pas le syndiqué, personnellement, qui va débourser 2000 $, 3000 $, 4000 $, c'est le syndicat. Mais le syndicat, il se nourrit exclusivement des cotisations syndicales. Donc, le travailleur syndiqué, lui, il paie pour sa défense, alors que celui qui n'est pas syndiqué et qu'on voudrait bien voir syndiqué, lui, aurait...

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: En passant!

M. Daoust:... accès au commissaire du travail et ne paierait pas. Alors, iI y a une contradiction là. Le mot "injustice". Il y a une injustice par rapport à quelqu'un qui a un droit qu'il peut s'arroger et qui n'est pas à la portée de celui qui n'y a pas accès. Alors, c'est ce qu'on veut dire. Ce qu'on dit, c'est que le syndiqué devrait avoir le choix: ou bien il procède selon la convention collective de travail et, à ce moment-là, il paie à même ses cotisations ou bien il procède devant le commissaire du travail et, à ce moment-là, c'est la collectivité qui paie.

M. Bourbeau: À ce moment-là, ça ne coûte rien au syndicat.

M. Daoust: Voilà!

M. Bourbeau: On a une bonne idée de ce qui arriverait.

M. Daoust: Je ne sais pas. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Daoust: Pas nécessairement! Je m'excuse! Pas nécessairement parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Daoust:... ce recours-là existe en vertu de certaines lois, le même type de recours. Souvent, les syndiqués... Et, vraiment, là-dessus,

on s'est longuement interrogé. On a discuté, dans les instances de la FTQ, assez longuement sur ce sujet-là. Ce n'est pas toujours le cas. On ne devrait pas conclure que, si cet accès-là était permis, l'ensemble des syndiqués procéderait par le commissaire du travail. Il y a bien des raisons. On s'interroge sur l'institutionnalisation du mode de règlement des griefs de cette façon-là. Il y a bien des syndicats et bien des syndiqués qui sont habitués avec des arbitrages de nature privée, ça va de soi. Ils choisissent leur arbitre. Évidemment, les deux parties concourent au choix de l'arbitre. Il y a un problème de rapidité d'exécution, de délais, tout ça. Alors, ce n'est pas écrit dans le ciel qu'il y aurait une ruée coûteuse pour le gouvernement si un tel accès leur était permis, loin de là; moi, je suis loin d'en être convaincu.

La Présidente (Mme Marois): Alors, c'était votre dernière question. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve

Mme Harel: Mme la Présidente, je veux d'abord saluer M. Daoust et les personnes qui l'accompagnent et entrer immédiatement dans cet échange sur la question de l'arbitre, du commissaire du travail. En vertu de la loi actuelle les honoraires et frais de l'arbitre sont payés conjointement et à parts égales par l'employeur et le salarié, conformément au tarif établi, etc. C'est l'article 135 de la loi actuelle sur les normes. Et parce qu'il y a ce partage, il n'y a pas d'arbitrage. Oui, on a une bonne idée de ce qui arrive quand c'est à frais partagés, c'est qu'il y a plein de désistements, c'est que les travailleurs congédiés n'ont pas les moyens d'aller devant un arbitre pour faire valoir leurs droits. Ce n'est pas moi qui le dis; c'est une étude très sérieuse qui a été faite et produite par la Commission des normes minimales. (15 h 45)

Évidemment, le sujet est litigieux parce que la demande du Conseil du trésor actuellement - et je pense que c'est là l'objet le plus controversé des présentes négociations dans le secteur public - c'est de faire partager les frais d'arbitre également aux employés du secteur public. Mais si on revient finalement à la proposition dans l'avant-projet de loi, c'est qu'il n'y ait plus d'arbitre parce que, dans le fond, comme le gouvernement ne veut pas assumer seul les frais de l'arbitre, il propose de revenir au commissaire du travail. Mais le commissaire du travail - le problème de l'article 126, c'est aussi qu'il n'y a pas de révision - sa décision est finale. C'est un droit, pourtant, qui prévaut dans toutes les autres législations sociales et, là. il n'y a aucune révision de prévue et le problème reste posé du salarié congédié qui doit s'offrir les services d'un avocat, puis payer les honoraires, parce que la Commission n'a pas l'obligation de représenter le salarié. Alors, la boucle est bouclée finalement, puis on va se retrouver devant un problème où il y a des accommodements, mais où il n'y aura pas de vraies solutions.

D'abord, je veux vous poser une question importante: Vous êtes une association de salariés. Vous l'avez tantôt bien signalé: II y a des difficultés de syndicalisation. Et je veux vous féliciter parce que vous prenez fermement le parti de ceux qui sont non syndiqués en ne souhaitant pas qu'il y en ait moins pour qu'ils vous rejoignent, mais en souhaitant que leur sort s'améliore parce que c'est là l'objet des recommandations que vous nous faites. Et vous avez présenté le mémoire le plus fouillé dont j'aie pu prendre connaissance sur les travailleurs à travail précaire. C'est certain. Vous avez fait sans doute définitivement le travail le plus approfondi sur cette question.

Dans votre mémoire, à la page 18, vous rappeliez une recommandation que vous aviez faite à la commission Beaudry "d'unifier la législation du travail dans un code du travail qui comprendrait essentiellement quatre parties" et vous les exposez: soit les rapports collectifs de travail, le contrat individuel, les normes du travail, la santé et la sécurité. La commission Beaudry avait retenu votre recommandation et proposait un code intégré du travail avec les contrats collectifs et les contrats individuels. Je voulais juste vous entendre là-dessus - c'est là une vision généreuse, d'une certaine façon, des rapports sociaux dans notre société - et également vous entendre sur la question de la médiation. Vous insistez beaucoup sur le fait qu'il peut être dangereux qu'une commission des normes chargée de l'application d'une loi se voie comme chargée de la négocier en faisant de la médiation entre un employeur et un salarié. Là-dessus également, je souhaiterais vous entendre.

M. Daoust: Oui. Cette proposition que nous soumettions à la commission Beaudry, il y a quelque temps déjà, d'unifier la législation du travail, on l'a mentionné, c'était pour permettre une rationalisation de l'ensemble de ces législations-là, pour que les gens s'y retrouvent. C'est un fouillis indescriptible pour quelque travailleur que ce soit ou quelque employeur que ce soit de s'y retrouver facilement. C'est un problème d'harmonisation, de clarté et de transparence. On sait très bien où est-ce qu'on s'en va. Ce n'est pas archicompliqué de procéder à ce type d'unification et ça permet à tout le monde de ne pas passer une partie d'un temps précieux à fouiller dans 10, 12 ou 15 lois. On s'y retrouve beaucoup plus facilement. D'ailleurs, à la FTQ, quand on a discuté de la Loi sur les normes du travail, on souhaitait que, dans cette loi-là, entre autres, on décrive un peu mieux les recours devant le commissaire du travail, même si ce n'est pas dans la loi comme telle, pour que les gens, en prenant cette loi-là, puissent savoir de quelle

façon on peut se débrouiller quand on est affecté par un congédiement pour cause injuste ou encore un congédiement de type illégal. Alors, c'est donc pour ça qu'on parlait d'unification des législations.

À l'égard du rôle de médiation, là-dessus, on est très précis. On se dit: II y a une Commission qui est là; on souhaite, encore une fois, dans sa composition, retrouver pas rien que des gens qui sont d'un côté, qu'ils soient amis du régime ou non, mais des gens qui aient une qualité d'impartialité. Et je comprends que, quel que soit le gouvernement au pouvoir, il est toujours tout à fait - je ne dis pas normal - souhaité dans bien des milieux qu'on puisse distribuer des postes - je ne dirai pas à des amis - à des gens qui sont près de nous idéologiquement. Mais, des fois, ce sont des amis aussi. N'entrons pas trop là-dedans, c'est compliqué. On se comprend très bien!

Il me semble que l'occasion est toute rêvée, puisque la loi, déjà, en fait état, pour dire: On va confier à ce Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où on retrouve le patronat, puis les syndicats, le soin de faire des recommandations, ce qui permettrait à la Commission en question d'avoir une plus grande crédibilité.

Ceci étant dit à l'égard de son rôle de médiation, voici une Commission, avec des normes qui sont minimales. C'est minimal. Ce n'est pas tellement élevé. Pourquoi faut-il négocier des normes minimales? Ou bien l'employeur s'est mis les pieds dans les plats volontairement ou non en ne respectant pas la loi; à ce moment-là, qu'on le lui dise et, bon, le salarié a droit à telle ou telle compensation. Ce n'est pas de la médiation. Ça ne se tranche pas en deux. Écoutez, le salaire minimum, 5 $ l'heure, ça ne se tranche pas en deux; c'est déjà assez bas. En tout cas, je ne veux pas donner un tas d'exemples, vous le savez.

On ne souhaite pas que la Commission joue un rôle de médiation. La même chose dans les cas de congédiements, bien que, là-dessus, l'arbitre - ou plutôt le commissaire maintenant - a toute la latitude de trouver, dans la décision qu'il rendra, entre les demandes qui lui sont faites, des moyens multiples. Mais on trouve que la Commission se mettrait dans une espèce de conflit d'intérêts en faisant une médiation qui ferait en sorte que ceux qui sont les objets visés par la médiation porteraient inévitablement un jugement en disant: Ils ont penché d'un côté ou ils ont penché de l'autre. Et ça affecterait la crédibilité de la Commission. Puis, c'est pour ça qu'on ne lui voit pas un rôle de médiation. La loi est là. Partout où il y a moyen, qu'elle la fasse appliquer très rigoureusement - je ne dirais même pas le plus rigoureusement possible - comme c'est le rôle de ceux qui se retrouvent dans des postes d'exécution des décisions de la loi, et sans qu'il y ait médiation.

Mme Harel: Alors, j'aimerais peut-être faire une correction.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

Mme Harel: En fait, la révision d'une décision du commissaire du travail est possible devant le tribunal du travail. C'est la décision de la Commission de référer ou non au commissaire, qui, elle, n'est pas révisable en vertu de l'avant-projet de loi. Et c'est ça qui nous inquiète.

Il y a également dans votre mémoire, à la page 7, toute la question de l'exclusion des personnes dites en formation professionnelle - je pense, en particulier, évidemment, au programme de sécurité du revenu à l'aide sociale du ministre - et de l'exclusion, donc, du recours à des stagiaires. Vous dites: "Le recours à des stagiaires permet actuellement à des employeurs d'obtenir une main-d'oeuvre payée à rabais. Cela a des effets d'entraînement sur l'ensemble des salariés, en plus de contraindre cette main-d'oeuvre à bon marché à travailler et à vivre dans des conditions économiques des plus pénibles." Et vous dites qu'il ne devrait jamais y avoir d'exclusion sauf - et, là, vous le balisez très bien - lorsqu'il s'agit de crédits académiques qui bénéficient d'un encadrement dans des activités axées sur l'apprentissage, plutôt que sur la production.

J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous avez une expérience dans le marché privé et le ministre s'en vient, d'ici un mois à peine, avec un programme à la grandeur du Québec, qui va s'appeler PAIE, mais qui ne sera pas payant, en fait; payant juste pour l'employeur, mais pas pour le bénéficiaire d'aide sociale qui va être obligé d'y participer, puisque l'employeur va pouvoir verser en deçà du salaire minimum la compensation de la prestation qui serait versée. Alors, la prestation serait versée et l'employeur n'aurait qu'à compenser l'équivalent du salaire minimum. C'est bien le cas?

M. Bourbeau: Ce n'est pas en deçà du salaire minimum. C'est en haut du salaire minimum.

Mme Harel: De toute façon, vous dites que ces programmes qui excluent des catégories de personnes ne devraient pas l'être. C'est ce qu'on doit donc retenir. C'est bien le cas?

M. Daoust: Oui, c'est le cas. Ce qu'on dit, dans le dernier paragraphe de la page 7, c'est que "seules les personnes effectuant un stage d'études donnant droit à des crédits académiques..." Bon, ça, c'est une partie. Ce qu'il y a de plus important, c'est: "un encadrement sur place et dont les activités sont essentiellement axées sur l'apprentissage plutôt que sur la production". Vous savez qu'en d'autres lieux on a souvent dit, et on le répète, que le syndicat devrait être

impliqué, partie prenante - là où il y a un syndicat, évidemment - à l'égard de l'accueil de ces gens-là et de ta façon dont ils devraient être traités en vertu des lois qui les régissent. Mais on veut par tous les moyens - et je pense bien que tout le monde le souhaite - éviter le phénomène du "cheap labor" où des employeurs, s'autorisant de certains programmes...

Une voix: De subventions.

M. Daoust: ...de subventions de toutes sortes, vont se servir de cette main-d'oeuvre-là pour la faire travailler, vont l'affecter à des tâches de production de biens ou de services, que ce soit dans des usines ou des bureaux. Et c'est ça qu'on veut carrément éviter. Pour des fins d'apprentissage, de recyclage, de formation, dans le cadre d'un programme accepté - on dit académique, bon, ça peut être pris dans un sens peut-être un peu plus large - avec l'accord des parties quand il y a un syndicat, sans aucun doute, ça ne devrait pas causer de difficultés.

Mme Harel: En matière de pratique de travail à domicile, vous citez une étude qui avait été réalisée pour la FTQ dans l'industrie du vêtement et qui, notamment, démontrait que la majorité des travailleuses à domicile recevaient moins que le salaire minimum. Et vous nous dites qu'il faut étroitement surveiller ça - notamment, entre autres, à cause de l'informatique qui introduit de nouveaux types de travail à domicile - comme c'est le cas au Manitoba et en Ontario. Et, là, vous faites valoir qu'il y a inscription obligatoire par l'employeur de tous les salariés auprès du ministère du Travail. Est-ce que c'est là, finalement, une pratique qui tend à se développer, à votre connaissance, le travail à domicile?

M. Daoust: Je pense que oui. Non seulement je pense, mais on a la certitude que, oui, ça se développe - c'est un peu comme le travail au noir dans la construction - le travail à domicile dans un tas de secteurs professionnels. Il nous vient à l'idée, avec rapidité, le vêtement, la fourrure, de plus en plus des tâches plus techniques. Les études sont abondantes qui nous révèlent que le taux va en augmentant. Soit dit en passant, tous les gouvernements devraient s'y intéresser et nous autres, on applaudirait - je ne sais pas ce que M. Wilson va nous dire tout à l'heure - si on trouvait les moyens - et je pense qu'il y en a - pour éviter ces évasions fiscales de la part de ceux qui donnent le travail à domicile, dans bien des cas, et de ceux qui le font. Ces gens-là paient peu d'impôt et ce n'est pas sur la tête de ceux-ci qu'il faut frapper avec le plus de force. Mais je pense qu'il faudrait peut-être trouver des moyens... On parle du Manitoba, de l'Ontario qui permettent une espèce de réglementation du travail à domicile. Il y a une forme d'exploitation éhontée. L'impôt, admettons que ce n'est pas ce qu'il y a de plus important à ce moment-ci. On a tous des exemples à donner. On a tous plus ou moins vécu des cas où des gens travaillent à des salaires de 2 $ ou 3 $ l'heure et c'est toute la famille qui, assez souvent, travaille dans ces occupations-là. Alors, on souhaiterait bien que, par la loi et par d'autres moyens, on trouve les techniques voulues pour encadrer ce type de travail à domicile.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ça va?

Mme Harel: Est-ce que mon temps est écoulé?

La Présidente (Mme Marois): Votre temps est écoulé, madame. Ça va? Merci. M. le ministre, ça va?

M. Bourbeau: Oui, le mot de la fin, peut-être.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Bourbeau: Tout en soulignant qu'il n'est pas question que le gouvernement lance quelque programme que ce soit où des travailleurs seraient rémunérés à un salaire inférieur au salaire minimum, je tiens à le dire et à le répéter, je tiens à remercier la FTQ. C'est la troisième fois, si je ne m'abuse, en quinze mois que j'ai l'honneur de piloter une réforme à caractère social où la FTQ vient nous faire part de ses commentaires. À l'automne 1988, c'était la réforme de l'aide sociale; au mois de juin dernier, la réforme des régimes supplémentaires de rentes, les régimes complémentaires de retraite et, maintenant, c'est la réforme de la loi sur les normes. Donc, la FTQ est toujours présente à nos travaux. Je peux assurer la FTQ qu'on va tenir compte des commentaires, très judicieux d'ailleurs, qu'elle nous a faits, au cours des semaines et des mois qui vont suivre. Merci.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

Mme Harel: Mme la Présidente, vous allez me permettre de remercier également, pour l'importante contribution qui vient d'être faite, les représentants de la FTQ, pour leur dire qu'ils attendent sans doute, comme moi, la consultation que le ministre avait promise sur l'indexation et sur la disposition des surplus en matière de régimes de retraite et, également, pour leur signaler que, si le salaire minimum est payé dans ces programmes de subventions, malheureusement, l'employeur peut obtenir une main-d'oeuvre payée à rabais puisqu'il peut s'autoriser des subventions

qui sont versées pour une seule catégorie pour mettre de côté des travailleurs qui, eux, n'ont pas le bénéfice d'être assujettis à ces subventions des programmes de sécurité du revenu. Je veux remercier la FTQ surtout pour l'importante contribution à l'égard des travailleurs qui sont en emploi précaire. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Oaoust: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Daoust, allez-y.

M. Daoust: Deux mots, très rapidement. J'aurais bien aimé vous parler - et je sais que vous en entendez parler abondamment - du salaire minimum. Il me semble qu'on a atteint, tout ce qu'on en est dans notre société, un degré de maturité tel qu'on pourrait dépolitiser le salaire minimum et l'indexer à l'indice des prix à la consommation, faire en sorte que ces gens-là ne soient pas des années et des années à ne pas voir de relèvement du salaire minimum. De toute façon, les courbes qui vont vous être présentées par d'autres, un peu plus tard - j'ai vu certains mémoires - vous indiquent que le salaire minimum, si on le compare à ce qu'il était il y a je ne sais trop combien d'années, ne cesse de régresser. Je trouve ça un peu malheureux pour ces travailleurs et ces travailleuses, qui sont tellement mal pris, d'être obligés de venir quémander et "quêtailler", devant quelque gouvernement que ce soit, une augmentation du salaire minimum.

L'autre remarque très rapide, c'est à l'égard de la durée de travail. Le Québec, on ne lui demande pas d'être à l'avant-garde de toutes les sociétés industrielles, mais il me semble que 40 heures-semaine, huit heures par jour - il y a des problèmes de paiement de temps supplémentaire là-dedans qui y sont liés - ça ne serait pas l'un des gestes les plus difficiles à accepter, loin de là, et ça irait dans le sens de certaines avancées d'autres provinces qui sont déjà rendues à ce type d'heures là. Il y a bien d'autre chose, mais vous avez lu notre mémoire et on aura l'occasion de le commenter en d'autres lieux.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie de votre intéressante...

M. Daoust: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): ...contribution aux travaux de la commission. J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers canadiens à bien vouloir prendre place. Nous suspendons pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprise à 16 h 6)

Association des manufacturiers canadiens

La Présidente (Mme Marois): Alors, nous vous souhaitons la bienvenue à la commission des affaires sociales. Vous avez entendu, je pense bien, depuis le début de la journée, chaque fois, les règles du jeu que je répète: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, nous échangeons des propos avec vous.

Je me permets de vous dire que - et je le disais à quelqu'un d'entre vous tout à l'heure - je me sers de vos publications, à l'occasion, qui sont toujours très intéressantes sur les analyses de situation en termes, entre autres, de main-d'oeuvre et de son importance dans l'industrie manufacturière.

Alors, M. Le Hir, j'imagine.

M. Charland (Gaston): Gaston Charland.

La Présidente (Mme Marois): Pardon, M. Charland, vous allez présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Charland: Oui, merci, Mme la Présidente. J'aimerais, premièrement, vous saluer, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Les personnes qui m'accompagnent, qui sont avec moi aujourd'hui, sont les membres du comité des relations de travail. Vous avez: M. Georges Cross, Me Jean-René Ranger ainsi que M. Fernand Legault.

Je vais maintenant procéder à notre présentation. Je dois vous dire que notre mémoire a fait l'objet de nombreuses discussions et a été le résultat de travaux menés par une équipe d'experts dans le domaine des ressources humaines qui se sont rencontrés de multiples fois.

Voici quels sont nos commentaires généraux sur l'avant-projet de loi. Bien que ne contestant pas, en principe, certaines orientations exprimées par le gouvernement, l'AMC exprime de sérieuses réserves sur plusieurs des aspects contenus dans l'avant-projet de loi, réserves particulièrement fondées sur le souci de l'AMC de préserver la position concurrentielle des entreprises manufacturières québécoises dans l'actuel contexte économique nord-américain.

En effet, les coûts et les sérieuses difficultés d'opération éventuellement engendrés par plusieurs dispositions de l'avant-projet de loi, particulièrement quant aux divers congés familiaux, risquent de nuire sérieusement à plusieurs entreprises manufacturières, spécialement de petite et de moyenne taille, et, conséquemment, de mettre en danger le maintien d'emplois ou le degré de compétitivité, si vous préférez.

De plus, plusieurs des dispositions contenues à l'avant-projet de loi sont vagues, ambiguës et risquent ainsi, dans plusieurs cas, d'être inter-

prêtées ou appliquées de façon telle qu'on y perdra l'intention première et réelle du législateur.

Vous allez me permettre maintenant de passer des commentaires particuliers sur l'avant-projet de loi, que je vais essayer de résumer de la façon la plus succincte possible.

Au chapitre 1: Rôle et pouvoirs de la Commission: Le rôle de médiation. L'article 5, paragraphe 5°. L'AMC reconnaît les effets bénéfiques probables d'un tel processus de médiation, mais s'oppose à ce qu'ils relèvent du personnel de la Commission. Le double rôle de médiateur et de partie prenante qu'aurait ainsi la Commission risque de créer des effets négatifs sur le résultat de la médiation. Nous pensons que la médiation doit s'effectuer dans un climat de confiance et que la confidentialité des informations doit être garantie. Par contre, l'AMC est d'accord, à certaines conditions, pour conserver à la Commission son rôle actuel de médiation dans les cas de plainte logée à rencontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante. Ce que nous vous recommandons, c'est de confier le rôle de médiation à un organisme autre que la Commission, de maintenir l'actuel rôle de médiation prévu à l'article 125, mais de le confier à du personnel de la Commission, exclusivement affecte à cette tâche et formé spécifiquement à cet effet. un autre point sur lequel nous voulons intervenir, le règlement des litiges pour un groupe de salariés, l'article 39, paragraphe 5°. l'amc accueille favorablement cet amendement qui permettra une solution plus rapide des réclamations concernant un groupe de salariés. le texte de loi ne prévoit pas cependant le processus de détermination de la majorité, à savoir si elle sera acquise en fonction du nombre de salariés ou plutôt en proportion des sommes réclamées. ce que nous recommandons, c'est de prévoir précisément le processus de détermination de la majorité, lors du règlement d'une réclamation visant un groupe de salariés, et qu'un tel règlement lie tous les salariés du groupe. c'est souvent dans la mécanique d'application que se créent les problèmes et non pas dans les principes.

Le 1.3, le pouvoir de représentation dans les cas de congédiement illégal, l'article 123, alinéa 4. L'AMC s'oppose à cette modification parce qu'elle a pour effet de faire porter la totalité du fardeau économique de la représentation des salariés sur les épaules de l'employeur, de favoriser la multiplication des recours frivoles et d'élargir le rôle et les fonctions actuels de la Commission. À notre point de vue, le législateur a déjà corrigé le potentiel déséquilibre en instituant un régime de présomption par lequel l'employeur est forcé de contrer la conclusion automatique qu'il a agi à rencontre de l'article 122. Ce que nous recommandons simplement, c'est de retirer la proposition voulant que la commis- sion puisse représenter un salarié lors d'un congédiement illégal.

Le chapitre 2, la notion de cadre supérieur. Le législateur propose d'exclure les cadres supérieurs de l'application de la loi. Il ne définit pas cependant cette catégorie de salariés. Conséquemment, compte tenu de la structure hiérarchique et organisationnelle propre à chaque entreprise, il sera virtuellement impossible aux tribunaux de pouvoir établir de grands principes directeurs. Par ailleurs, l'AMC accueille avec satisfaction le constat fait par le législateur à savoir que la Loi sur les normes du travail est une loi conçue avant tout pour les salariés et qu'elle s'applique difficilement aux conditions de travail de certains cadres. Permettez-moi de vous mentionner, entre autres, le droit à la réintégration qui cause souvent des problèmes énormes. L'AMC propose d'étendre ce constat d'inap-plicabilité de la loi à l'ensemble des cadres d'une entreprise. Ce que nous recommandons, c'est d'exclure les cadres de l'application de la loi de façon totale ou, à tout le moins, quant aux recours prévus à l'article 124 dans les cas de congédiement injuste.

Le chapitre 3, la responsabilité parentale. Le droit de refuser d'exécuter du temps supplémentaire, l'article 51.1. L'institutionnalisation du droit pour un salarié de refuser de travailler après ses heures régulières de travail, pour un motif exprimé de façon aussi générale que celui d'avoir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant mineur, ne tient pas compte des contraintes organisationnel-les et opérationnelles propres à chaque entreprise et risque d'entraîner des abus. Ai-je besoin de vous mentionner les conditions diverses de l'entreprise, un délai de livraison à respecter, un événement fortuit ayant retardé la production ou le retard d'un employé qui travaille dans des opérations continues. L'autre problème qui peut nous être occasionné: le préavis de douze heures pour le temps supplémentaire n'est strictement pas applicable; ce n'est pas possible de le prévoir. Ce que nous recommandons simplement, c'est de retirer la proposition donnant à un salarié le droit de refuser d'exécuter du temps supplémentaire pour cause d'obligation familiale.

Le 3.2, la permission d'absence pour obligation familiale, l'article 81.2. L'AMC donnerait son accord à une telle disposition si elle prévoyait diverses modalités régissant l'exercice de ce droit par le salarié, telle l'obligation de donner un préavis raisonnable, de mentionner de façon spécifique le motif de l'absence et d'établir, de façon satisfaisante, que son obligation parentale ne peut être remplie en dehors de ses heures normales de travail.

L'AMC souligne de plus que cette disposition ne confère pas à l'employeur un droit de regard sur la durée et le moment de l'absence. Un exemple qui nous a été fourni lors de nos discussions: Cette disposition ne pourrait-elle pas

être interprétée, par exemple, comme permettant à un père divorcé, qui a la garde de son enfant mineur, d'amener ce dernier faire du ski pendant une journée de congé scolaire? Ce que nous vous disons, c'est que, finalement, le législateur n'a pas tenu compte que de telles absences ne nécessitent pas toujours une libération d'une journée, même d'une demi-journée. Ce que nous vous recommandons, c'est de limiter les absences d'un salarié ayant des obligations familiales à cinq occasions annuellement, chacune étant d'une durée maximale d'une journée, d'amender le texte pour mieux encadrer l'exercice de ce droit par le salarié et pour conférer un droit de regard à l'employeur sur la durée et le moment de l'absence. 3.3, le congé de maternité, de paternité ou d'adoption, l'article 81.3. L'AMC s'étonne que le législateur ait prévu que tous les aspects de cette disposition fort importante, à l'exception de la durée maximale du congé, fassent l'objet d'une réglementation du gouvernement. L'AMC n'est pas en mesure de se prononcer sur l'à-propos d'une telle disposition, tant que n'en seront pas connus tous les détails qui lui permettront alors d'en évaluer la portée réelle ainsi que les effets sur les pians financier et opérationnel.

À notre point de vue, en termes clairs, il y a lieu d'y repenser et d'examiner si, dans la pratique, une telle chose peut être appliquée. Le législateur devra aussi se pencher sérieusement sur les problèmes qu'occasionnera, à l'occasion, l'instauration d'un tel congé, plus particulièrement quant à la disponibilité de la main-d'oeuvre qualifiée. Ces problèmes seront d'autant plus sérieux dans les entreprises manufacturières de petite et de moyenne taille. Ce que nous vous recommandons, c'est de réévaluer l'impact d'un tel congé sur les entreprises, particulièrement sur celles de petite et de moyenne taille.

Un autre point, le chapitre 4, l'avis de cessation d'emploi, de mise à pied supérieure à six mois et l'indemnité compensatrice. De façon générale, l'AMC est d'accord avec la plupart des modifications proposées. Par ailleurs, elle déplore que le législateur ait enlevé à l'employeur la possibilité de transmettre à un salarié un préavis pendant la période de mise à pied, de même qu'il n'ait pas profité de l'occasion pour remplacer l'exception de faute grave, prévue à l'article 82.1, par l'exception de congédiement pour une cause juste et suffisante. De plus, le législateur devrait prévoir, à l'article 83, une disposition libérant l'employeur de l'obligation de donner un deuxième préavis à un salarié rappelé pendant la période de mise à pied et mis à pied à nouveau par la suite.

Finalement, l'AMC accueille favorablement la proposition voulant qu'un salarié qui bénéficie d'un droit de rappel au travail pendant plus de six mois, en vertu d'une convention collective, ne reçoive l'indemnité compensatrice qu'à compter de l'expiration du droit de rappel ou d'un délai d'un an après la mise à pied, selon la première des deux éventualités. Elle souligne toutefois au législateur que plusieurs conventions collectives ou politiques écrites d'un emploi accordent à des salariés un droit de rappel supérieur à un an. Ce que nous recommandons, comme nous vous l'avons précisé, c'est de remplacer le troisième alinéa de l'article 82.1 pour qu'il se lise dorénavant comme suit: ...qui a fait l'objet d'un congédiement pour une cause juste et suffisante; d'amender l'article 83 pour prévoir, dans des cas spécifiques, la possibilité de donner, pendant la période de mise à pied, un avis de mise à pied supérieur à six mois; d'amender l'article 83 pour y ajouter qu'un employé qui a reçu un avis de mise à pied supérieur à six mois, mais qui est rappelé au travail pour une période déterminée à l'intérieur de ces six mois n'ait pas droit à un deuxième préavis quand il est à nouveau mis à pied. Ensuite, biffer les termes "un an après la mise à pied" apparaissant au paragraphe deuxième du premier alinéa de l'article 83.1.1 et élargir cette disposition aux salariés bénéficiant d'un droit de rappel, en vertu d'un décret, d'un contrat individuel de travail ou d'une politique écrite de l'employeur.

Un autre point sur lequel nous désirons intervenir est le chapitre 5, le recours à rencontre d'un congédiement fait sans une cause juste et suffisante. L'amendement principal proposé par le législateur sur ces dispositions consiste en le fait de référer dorénavant les plaintes de congédiement au bureau du commissaire général du travail plutôt qu'à un arbitre. L'AMC s'oppose à un tel amendement et propose que le bureau du commissaire général du travail demeure un forum consacré exclusivement aux rapports collectifs de travail. L'AMC déplore également que le législateur n'ait pas saisi l'occasion pour amender certaines autres dispositions régissant ce recours, compte tenu de l'expérience vécue depuis près d'une dizaine d'années. À cet effet, l'AMC souligne l'importance de conférer un droit d'appel aux parties, mais de sanctionner les abus de procédure.

Un autre point sur lequel nous désirons intervenir, les dispositions diverses, l'indemnité de congé annuel. Ce que nous recommandons, c'est de retirer la proposition voulant que l'indemnité de congé annuel ne soit pas réduite du fait d'un congé familial pris pendant l'année de référence. Nous ne sommes pas d'accord avec cette position.

Les retenues sur le salaire, l'article 49. Ce que nous recommandons, c'est de modifier l'article 49 de la loi afin de permettre à un employeur d'effectuer une retenue sur le salaire lorsqu'il y a une compensation, c'est-à-dire compensation au sens du Code civil, lorsque le salarié est responsable d'une dette liquide exigible envers l'employeur ou afin de corriger une erreur ayant occasionné un surpaiement de

salaire.

Sur la présomption lors du congédiement d'un salarié ayant bénéficié d'un congé prévu à l'article 81.3, article 122.2, nous recommandons de retirer cette proposition, puisque l'établissement de la présomption est une question de fait, et qu'il est inapproprié qu'elle fasse l'objet d'une détermination législative quant à sa durée.

Sur le congé annuel de trois semaines, l'article 69, nous suggérons de revoir l'opportunité d'abaisser de dix à cinq ans le nombre d'années de service continu nécessaires pour qu'un employé bénéficie d'un congé annuel de trois semaines ou, à tout le moins, échelonner sur une plus longue période la réduction de cette exigence.

En ce qui concerne la double indemnisation, ce que nous recommandons: Prévoir que toute indemnité versée en vertu de la Loi sur les normes du travail doive être réduite d'une indemnité reçue en vertu d'une autre loi, telle la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ou la Loi sur l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

En conclusion, ce que nous vous transmettons, c'est que la Loi sur les normes du travail est entrée en vigueur il y a maintenant près de dix ans et l'AMC partage l'opinion du législateur à l'effet qu'elle devrait être revue en profondeur et faire l'objet de divers ajustements. Merci. Est-ce qu'il nous reste encore quelques secondes?

La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement, il vous reste encore cinq minutes.

M. Charland: II me ferait plaisir, à ce moment-ci, de vous présenter notre vice-président et directeur général, M. Richard Le Hir, qui vient de se joindre à nous. Je ne sais pas s! Richard a des commentaires à ce moment-ci ou si on va passer directement à la période des questions.

M. Le Hir (Richard): Je pense que ce serait préférable de passer directement aux questions et, à l'occasion, on fera les remarques appropriées.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. On vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Bourbeau: Alors, il me fait plaisir de saluer les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Je voudrais, en premier lieu, traiter de la question du refus de faire du temps supplémentaire s'il n'y a pas un préavis. Dans l'avant-projet de loi, on avance un préavis de douze heures. Vous nous dites qu'à toutes fins pratiques ce ne serait pas applicable, il pourrait y avoir des problèmes dans les industries, dans les compagnies, si on procède de cette façon-là, des bris, des arrêts de chaîne de montage, etc.

Pourtant, si on retourne la situation et qu'on la considère du point de vue de la mère, parce que l'objectif que nous poursuivons est de tenter de concilier les obligations qui découlent du statut de parent avec le statut de travailleur, de plus en plus on constate qu'il y a un grand nombre de femmes qui occupent des emplois et ces femmes-là, bien sûr, si on veut que le Québec se reproduise et ait un taux de natalité suffisant, vont vouloir avoir des enfants et donc, il faut favoriser la natalité.

Alors, comment pouvez-vous... Enfin, si vous n'acceptez pas la proposition que l'on fait, moi, je vous retourne la question: Quelle solution alternative proposeriez-vous alors pour permettre à une femme qui a des enfants de pouvoir s'occuper de ses enfants si on lui demande de faire du temps supplémentaire à la dernière minute? Prenez, par exemple, une femme qui a des enfants à la garderie et qui doit aller les chercher à cinq heures de l'après-midi et qui n'a pas pris de dispositions autres. Tout à coup, le patron s'amène à cinq heures moins quinze et lui dit: Bon, il faut faire du temps supplémentaire. Alors, là, vous avez l'intérêt de l'employeur, bien sûr, qui est en cause et vous avez aussi les enfants qui sont là et qui attendent leur mère. Ça m'apparaît un peu difficile d'obliger une personne, une femme, à laisser ses enfants sur le trottoir, pour ainsi dire. Alors, comment pourrait-on régler ce problème-là, parce qu'on veut inciter, bien sûr, les femmes à avoir des enfants, et ne pas brimer les intérêts de l'employeur dans un cas comme ça? Est-ce que vous auriez des suggestions alternatives, si celle-là ne vous convient pas?

Mme Marois: Évidemment, il pourrait s'agir de l'homme aussi qui laisse ses enfants sur le trottoir à l'occasion.

Une voix: Oui, oui.

M. Bourbeau: Ah! oui, oui, bien sûr.

Mme Marois: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Je ne voulais pas compliquer davantage la question.

Mme Marois: M. Ranger, je crois que vous vouliez intervenir?

M. Ranger (Jean-René): Merci, Mme la Présidente, vous m'avez volé mon premier commentaire, puisque la loi ne fait pas de distinction entre le père et la mère. D'abord, je vous souligne qu'à notre mémoire, celui qui est en version allongée, au paragraphe 3.2, sur les permissions d'absence de cinq jours-année, l'AMC dit bien là-dedans qu'il est évidemment très légitime, dans des cas où le parent n'a pas le choix, qu'on puisse ou qu'on doive libérer cette

personne-là de son obligation d'effectuer par exemple, dans le cas qui nous concerne, du temps supplémentaire. Je vous souligne cependant, et c'est un peu ça le message qu'on veut passer, d'abord le droit qui serait reconnu ou qui est mentionné à l'avant-projet de loi et qui traite du père ou de la mère.

Deuxièmement, on parle d'une notion fort générale d'obligation reliée à la garde, l'éducation ou à la santé de son enfant mineur. Évidemment, cette expression-là est fort large. Alors, est-ce qu'un salarié ou une salariée pourrait me dire, à moi, l'employeur qui lui demande de rester: Bien, là, j'ai des obligations reliées à la garde, la santé et à l'éducation de mon enfant et je dois quitter. Si, à tout le moins - et c'est ce qui est dit à la page 12 du mémoire allongé - on avait une notion d'urgence ou une notion du fait que le salarié n'a pas le choix, à ce moment-là, on restreindrait de façon beaucoup plus satisfaisante ce droit et il serait certainement plus acceptable.

L'autre chose, c'est que, il est sûr qu'il y a des parents qui ont des problèmes à concilier leurs obligations parentales et leur travail et il est sûr qu'il faut y voir. Cependant, on doit quand même reconnaître que, dans une bonne partie, sinon la majorité des cas, les gens se débrouillent. Par exemple, le professeur de notre enfant qu'on doit rencontrer, bien, à l'occasion et même régulièrement, le prof peut être disponible à cinq heures et quinze ou à cinq heures trente, si c'est une journée pédagogique, à titre d'exemple. Le médecin: il y a des médecins ou des dentistes qui rencontrent ou qui donnent des rendez-vous à cinq heures trente ou à cinq heures quinze. Et ce que nous craignons, c'est que l'instauration d'un droit aussi catégorique, et pour lequel le législateur n'apporte aucune nuance, sauf le préavis de douze heures et l'urgence pour les équipements ou la santé-sécurité, mais qu'à peu près aucune nuance fasse en sorte que les gens ne tentent plus de se débrouiller. Et je ne vous dis pas qu'on... Il y a des cas, effectivement, et on le reconnaît, où les gens auront à partir à cinq heures, s'ils terminent à cinq heures, ou après leurs heures normales, et ça, "fine", sauf qu'il y a plusieurs autres cas où on peut se débrouiller. Maintenant, il faut faire le poids de ça - qui est très important et on le reconnaît - avec les contraintes de l'entreprise. Si on a quatre employés qui font le même travail et qu'il y en a un qui doit quitter puis qu'on en a besoin seulement de deux, on peut se débrouiller. Mais si c'est mon "king pin", mon supermécanicien ou ma supermécanicienne et là ça casse... Vous parlez d'exceptions à l'équipement, mais s'il faut que ça sorte, j'ai un délai de livraison, on peut peut-être s'organiser pour rester quinze, vingt minutes de plus, ou si mon collègue qui prend le chiffre de soir arrive avec une demi-heure de retard, je peux peut-être attendre une demi-heure avant de partir. C'est un peu ça le message qu'on passe. (16 h 30)

Si vous me permettez un dernier commentaire. On a trouvé assez paradoxal le préavis de douze heures pour la raison suivante. D'une part, il est vrai que très souvent le temps supplémentaire ne peut être prévu la veille parce que, quand on parle de douze heures, on ne parle pas de 4 heures du matin, donc on parle de la veille au soir, d'une part. D'autre part, il nous apparaît paradoxal que le législateur dit: Dès que je te donne un avis de douze heures, tu n'as pas le choix, même si tu avais la meilleure raison du monde. On se dit, est-ce que le législateur, en prévoyant ces exceptions, s'est vraiment adressé au problème et a vraiment tenté de temporiser les impératifs du patron versus les impératifs de la famille ou de l'employé? Voilà.

M. Bourbeau: Je vais revenir encore une fois sur le sujet parce que c'est important de tenter de préciser ça. Si je comprends bien ce que vous me dites, vous n'auriez pas d'objection si, en cas d'urgence, la situation se présentait. Mais prenons une femme, par exemple, je veux bien concevoir que ça peut être un homme aussi, mais prenons comme exemple une femme, une chef de famille monoparentale qui a deux enfants et, à chaque jour, pour cette femme-là, à 17 heures, c'est une urgence, dans ce cas-là. Parce que si elle doit aller chercher ses enfants tous les (ours à la garderie, chaque jour est la même chose. Donc, on ne peut pas dire que dans son cas, oui, on serait d'accord en cas d'urgence. Chaque jour demande la présence de la mère. Dans ce cas-là, si je comprends bien, vous ne seriez pas d'accord pour qu'on introduise le mécanisme parce que vous direz que ce n'est pas un cas d'urgence, c'est régulier. Mais il peut arriver et il arrive effectivement, quand on est chef de famille monoparentale, qu'à tous les jours on doive s'occuper de ses enfants.

Alors, moi, je vous repose la question. Est-ce que vous auriez une alternative? Moi, j'en ai une, c'est dans le projet de loi, c'est douze heures. C'est ça pour l'instant. Si vous me dites que ce n'est pas acceptable, moi, je vous dis: qu'est-ce qui serait acceptable? Vous me dites qu'il faut autre chose, mais je n'ai rien entendu de concret. J'aimerais entendre des choses plus... Peut-être que vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de nous le dire, mais j'aimerais, d'ici à ce qu'on dépose un projet de loi définitif, si ce n'est pas acceptable, qu'on puisse nous suggérer quelque chose d'acceptable. Je vois des mains qui se lèvent.

M. Charland: II va y avoir deux commentaires qui vont se faire...

La Présidente (Mme Marois): M. Charland, je pense que M. Le Hir...

M. Charland: ...peut-être laisser la parole à M. Le Hir en premier.

M. Le Hir: La chose qui pour nous est extrêmement importante, c'est de préserver, pour nos manufacturiers, une certaine flexibilité dans leurs opérations. Plus on demande d'introduire des rigidités, plus on ajoute des coûts, moins nos entreprises sont concurrentielles. Je suis très sensible au problème que vous venez de décrire. Je sais que c'est une situation qui est vécue dans un bon nombre d'entreprises. Je n'ai malheureusement pas de réponse facile à vous offrir, ça dépend des circonstances. C'est clair que, dans les grandes entreprises où il y a une bonne structure d'organisation, c'est plus facile d'accommoder des situations comme celles-là et, en général, sans même qu'il y ait de règlements, on arrive à trouver des solutions.

Par contre, dans les plus petites entreprises, là où on n'a pas cette flexibilité, c'est là que l'exigence que vous allez imposer va se révéler la plus difficile à vivre et c'est là qu'elle va avoir les conséquences les plus néfastes. Une fois qu'on se trouvera devant une situation où effectivement, ce qu'on fait, c'est de limiter la création d'emplois, je ne pense pas qu'on aura non plus facilité la tâche ou l'intégration des femmes qui veulent entrer sur le marché du travail.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ranger.

M. Ranger: Mme la Présidente, merci. Vous parlez de quelque chose de concret. En échange, vous me permettrez la suggestion suivante. Plusieurs entreprises, syndiquées ou non, ont un système par lequel tu peux d'avance annoncer tes couleurs quant au temps supplémentaire. Le projet de loi parle de situations ponctuelles, c'est-à-dire: Aujourd'hui, j'ai besoin de toi, ça presse. Je ne peux pas. C'est comme ça qu'on l'a lu. Il n'est pas impensable de penser à un système où les gens pourraient à l'avance, pour une certaine période de temps, dire: Là, oublie-moi pour le temps supplémentaire. Le patron, à ce moment-là, peut se revirer de bord et prévoir. S'il arrive des occasions, il pourra à ce moment-là voir venir ou avoir vu venir et trouver le ou les remplaçants appropriés. Souvent, dans les entreprises, on dit aux gens: Bon, pour les prochains trois mois, ou pour les prochains six mois, qui ferait du temps supplémentaire si j'en ai besoin? Ou on pourrait faire l'inverse: Qui ne veut pas en faire? À ce moment-là, on peut s'organiser. Mais il y a la situation ponctuelle à laquelle on fait face là-dedans: s'il faut que ça sorte à 17 heures et que ce n'est pas sorti et si le salarié me laisse en plan, quelles que soient les bonnes raisons, je suis mal pris aussi. Or, il peut peut-être y avoir une piste de systématiser, si on veut, sur une période plus longue plutôt que le caractère ponctuel qui semble être la toile de fond des dispositions de l'avant-projet de loi.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M le ministre.

M. Bourbeau: II semble qu'en Ontario, un syndiqué peut refuser de faire du temps supplémentaire après huit heures. Comment vos membres vivent-ils cette situation-là en Ontario?

M. Le Hir: Là-dessus, M. le ministre, il faut bien examiner la différence - c'est le mot en anglais - entre le "make-up" du secteur manufacturier en Ontario et au Québec. Et il y a une beaucoup plus forte proportion de grandes entreprises en Ontario que c'est le cas au Québec, ce qui fait que c'est plus facile d'accommoder des exigences comme celle-là. Au Québec, il faut réaliser que la plupart, en fait le plus grand nombre des entreprises manufacturières sont des PME et imposer - je reviens là-dessus - une telle rigidité à ces entreprises-là, c'est les placer dans une position extrêmement difficile.

M. Bourbeau: J'aimerais, si vous voulez, parler maintenant du cumul des congés. Votre proposition de ne pas appliquer le droit à des congés parentaux de courte durée, de cinq jours, lorsqu'une convention collective prévoit une banque de congés, est-ce que cette proposition-là ne risque pas de défavoriser les parents syndiqués par rapport aux autres salariés? Par exemple, une personne syndiquée qui n'a pas d'enfant peut prendre tous les congés mobiles prévus dans sa convention collective pour son propre plaisir tandis que ceux qui ont des enfants, eux, devraient prendre les cinq congés pour des soins d'enfants, à même leur banque de congés. Alors, est-ce que ça ne défavorise pas ces derniers?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M Charland.

M. Charland: Sur le point qui nous est apporté, on répond à la question d'obligations parentales et on regarde de quelle façon ça peut être appliqué comme tel. Notre opinion est dans le sens que ça peut être appliqué d'une certaine façon, en parlant d'occasions. Maintenant, on n'a pas fait le parallèle avec le fait qu'on accorde à un groupe d'employés des avantages qu'on n'accorderait pas à un autre groupe d'employés. Je sais que ça été soulevé au cours de la journée par d'autres groupes qui nous ont posé la question. Est-ce que ce n'est pas de marginaliser certains groupes en essayant d'identifier des conditions particulières? Mais on n'a pas répondu à cette question-là dans notre mémoire comme tel.

M. Ranger: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Ranger: M. le ministre, pour répondre spécifiquement à votre question. Le message qui était véhiculé par ce paragraphe était de dire: S'il y a des mesures équivalentes dans la convention collective, et, par équivalentes, on entendait forcément des congés de nature familiale et non pas des congés mobiles qui peuvent être utilisés à d'autres fins... Alors, c'était pour éviter qu'il y ait vraiment double emploi, mais pour des congés non seulement équivalents en termes de durée, mais en termes de nature aussi. Ce n'était peut-être pas exprimé clairement, mais ça se voulait être le message.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Une dernière question, M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui. Écoutez, je ne pense pas que ça ait fait l'objet de vos préoccupations majeures, mais j'aimerais vous poser une question à l'égard du taux du salaire minimum. Les intervenants qui vous ont précédés ont beaucoup fait état de ça. Vous êtes la première partie patronale qu'on a l'occasion de questionner. On nous a demandé de hausser le salaire minimum assez rapidement. Entre autres, il a été question d'indexer le salaire minimum, soit au coût de la vie ou encore à un pourcentage du salaire industriel moyen. Ma collègue, la députée d'Hochelaga, proposait de le faire - Hochelaga-Maisonneuve, bien sûr - je crois que c'est à 45 % du salaire industriel moyen. C'est bien ça? Oui. Qu'est-ce que vous pensez de ces propositions-là?

M. Le Hir: Sur la question d'une indexation, M. le ministre, c'est contraire, évidemment, à toute la philosophie qu'on défend. On ne peut pas être en accord avec une mesure comme celle-là qui a un caractère automatique alors que les conditions que vivent nos entreprises n'ont rien d'automatique, laissez-moi vous dire. C'est, encore une fois, une rigidité dont on paierait finalement très cher le prix à moyen et à long terme.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de retrouver les porte-parole de l'Association des manufacturiers canadiens, M. Le Hir, en particulier, avec lequel j'ai eu l'occasion d'échanger des propos dans le passé et vous, messieurs. Première remarque, et vous ne m'en voudrez certainement pas de vous faire remarquer que vous êtes le premier groupe qui se présente devant nous et qui n'avez aucune représentation féminine en votre sein. La question me venait finalement: Quelle est la propor- tion de femmes membres de l'exécutif de la section?

La Présidente (Mme Marois): M. Le Hir.

M. Le Hir: À notre conseil d'administration, je dois bien admettre humblement que, pour l'instant, il n'y a pas encore de représentation féminine. Il y a un certain nombre de femmes qui siègent dans certains de nos comités, mais elles n'ont pas manifesté l'intérêt elles-mêmes pour accéder à notre conseil d'administration. D'autre part, les fonctions qu'elles occupent dans les entreprises ne les prédisposent pas pour l'instant à participer à notre conseil d'administration.

Mme Harel: C'est quand même une question intéressante et c'est un sujet qui est brûlant d'actualité puisque la question qui est posée dans tous les milieux, c'est: Est-ce que c'est parce que les femmes manquent d'intérêt, parce que les conditions qu'on leur fait ne sont pas satisfaisantes compte tenu de leurs autres obligations? J'avais ici un sondage récent du Conference Board. Selon ce sondage, et je vous cite textuellement ce qui en est dit: Le travail et la famille ne font pas bon ménage. Près de 80 % des travailleurs interrogés disent éprouver du stress et de l'anxiété quand il s'agit de concilier les besoins reliés au travail et les besoins de la famille. Les problèmes rencontrés chez cette catégorie de travailleurs: une moins bonne performance, un taux d'absentéisme plus élevé, des qualifications inférieures.

Le sondage révèle également que les deux tiers des travailleurs consultés ont ressenti de la difficulté à équilibrer la fonction famille et la fonction travail; que 10 % des gens auraient laissé leur emploi à cause de cette difficile conciliation entre les deux tâches, que 17 % des personnes interviewées avaient refusé des promotions et que 25 % avaient refusé de déménager à cause de leurs obligations. C'est donc là une réalité, celle des charges parentales, qui peut même avoir un effet négatif finalement si l'entreprise, plutôt que d'être sur la défensive, d'une certaine façon, ne passe pas à l'offensive sur ces questions-là.

Il y a trois dimensions de votre mémoire sur lesquelles j'aimerais vous interroger: la première, c'est les heures d'affaires; ensuite, les mises à pied, les licenciements et le préavis et, finalement, les recours. La première sur la question du droit de refuser de faire du temps supplémentaire. Vous avez dit, et je vous comprends aussi: II faut s'ajuster au contexte, n'est-ce pas? Et, d'une certaine façon, ça a comme soulevé la désapprobation générale - la disposition de l'avant-projet de loi - pas simplement de votre côté, mais du côté aussi des organismes de défense parce que, finalement, ce sont des mesures protectionnistes

qui, malgré leur caractère généreux, peuvent avoir finalement un effet pervers étant donné qu'à l'usage, ça peut se retourner contre les personnes.

Contrairement à la loi ontarienne et contrairement au nouveau Code canadien qui s'applique au Québec pour les travailleurs qui sont assujettis aux entreprises de juridiction fédérale, contrairement aussi non seulement à l'Ontario, mais au Manitoba, à la Saskatchewan, à l'Alberta, à la Colombie-Britannique où il y a déjà une journée maximale, je ne parle pas de la journée normale au-delà de laquelle on compte le temps supplémentaire, on s'entend bien, je parle de la journée maximale de huit heures. C'est-à-dire qu'il y a même une journée normale... En Colombie-Britannique et dans les autres provinces de l'Ouest, c'est la journée normale, mais en Ontario, c'est une journée maximale, c'est-à-dire qu'au-delà de ces huit heures, on peut refuser de faire du temps supplémentaire et c'est un droit qui est offert à l'ensemble des salariés. Ce n'est donc pas une mesure protectionniste en particulier. Il n'y a pas toutes ces difficultés d'application avec les contrôles sur la vie familiale: est-ce bien votre enfant? Ou est-ce l'enfant de votre conjointe? Est-ce que c'est votre conjointe nouvellement acquise ou... Ha, ha, ha! Avec tous les problèmes que ça peut poser dans notre société de familles reconstituées, et donc, systématiser sur une période plus longue parce que... Tantôt c'était intéressant, Me Ranger, vous disiez que le travailleur pourrait dire: Oublie-moi pour un temps. Mais comment lui donner le droit de dire: Oublie-moi pour un temps? Il faut donc lui donner le droit de refuser de faire du temps supplémentaire. Et pourquoi ne pas convenir de s'ajuster à ce qui se passe dans l'ensemble des législations de nos voisins, et même ici, au Québec, d'une journée maximale - on peut en discuter - au-delà de laquelle tout le monde aurait le droit de refuser de faire du temps supplémentaire?

M. Charland: Écoutez, au niveau du temps supplémentaire, il nous est difficile de comparer sans avoir des informations précises. Souvent, il y a des approches qui sont différentes dans les diverses législations et le choix de l'employé est souvent conditionné par un contexte qui est fort différent. Au sujet de l'applicabilité au niveau du Québec, je pense que notre point essentiel c'est: Est-ce qu'il y a vraiment un besoin présentement d'établir des règlements ou d'établir des prescriptions dans la loi sur ce sujet-là? Nous autres, ce qu'on croit, c'est que présentement, étant donné notre type d'entreprises ou étant donné que nous avons une proportion fort importante de petites et de moyennes entreprises, il n'est pas nécessaire d'établir des articles de loi qui vont réglementer l'application du temps supplémentaire. (16 h 45)

Mme Harel: Je vais demander à Mme la Présidente de vous transmettre un tableau qui a été préparé par le centre de documentation de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale qui est, semble-t-il, à jour et qui indique tous les tempéraments mêmes qu'il peut y avoir pour l'ensemble des provinces et les notions de journée maximale, de semaine maximale, de semaine normale. Alors, vous allez pouvoir avoir, comme nous, le tableau de ce qui se fait chez nos voisins.

M. Le Hir: Juste une mise en garde...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Le Hir.

M. Le Hir: ..par exemple sur cette question, madame. On ne peut pas prendre des mesures à la carte et se faire un menu de ce qui nous convient quand on ne tient pas compte de l'ensemble d'un système qui a été établi. Il est possible qu'effectivement dans d'autres provinces, dans d'autres juridictions, il y ait des avantages ou des différences dans la législation et qu'on se dise en les regardant. Ça pourrait être une bonne idée pour le Québec. Mais on ne peut pas sortir une mesure de façon isolée comme celle-là et en conclure que si c'est bon ailleurs, ça peut être bon chez nous. Il faut regarder un contexte beaucoup plus large que la seule mesure en question.

Mme Harel: Très bien. Alors, on va regarder, si vous voulez, le contexte des mises à pied, des licenciements et des préavis lors de la fermeture ou de la cessation d'une partie des activités dans une entreprise. Donc, vous avez fait faloir de façon très précise les modifications que vous vouliez obtenir à l'égard du préavis. J'aimerais vous entendre sur les dispositions qui ont été introduites dans la loi ontarienne, depuis 1987, relatives aux licenciements collectifs ou individuels et qui font finalement...? d'indemnités de cessation d'emploi indépendamment du préavis, parce que, au Québec, évidemment l'indemnité n'est versée que lorsqu'il y a défaut d'envoyer le préavis, tandis que, maintenant en Ontario, il y a donc cette indemnité lorsqu'on constate pour toute entreprise de plus de 50 employés ou une entreprise, je pense, qui a une masse salariale de plus de 2 500 000 $... Alors, cette indemnité, elle est d'une semaine par année de services jusqu'à l'équivalent de 26 semaines. Le rapport d'adaptation de la main-d'?uvre qui avait été commandé par le fédéral l'an dernier, le rapport de Grand-pré soulignait avec beaucoup d'insistance la nécessité de telles indemnités de départ. Et de Grandpré justement recommandait cette semaine d'indemnité par année de service continu et même une semaine et demie pour les travailleurs de plus de 55 ans. Alors, je voulais savoir si vous pensez, comme un certain nombre d'inter-

venants qui se présentent devant nous, que le fait que l'Ontario ait une telle disposition et que le Québec ne l'ait pas peut amener, dans des cas précis, à considérer que les coûts étant à rabais au Québec, la fermeture étant meilleur marché, qu'il vaut mieux fermer parfois? Je pense, entre autres, à GE, sur la rue Faillon, qui va déménager sa production, qui était pourtant très rentable et très profitable, de son usine de Montréal à celle de l'Ontario où la production cessait parce que tout était transféré aux États-Unis et parce que d'avoir licencié en Ontario aurait coûté infiniment plus cher que de licencier au Québec. Ne pensez-vous pas qu'il faut aussi avoir une position concurrentielle en matière de fermetures et que ça ne coûte pas moins cher de licencier au Québec qu'en Ontario?

M. Le Hir: Sur le principe, je suis parfaitement d'accord avec vous. Mais si on prenait le cas en particulier, on se rendrait compte qu'il est pas mal plus complexe que la description que vous en faites et on se rendrait compte également qu'il n'y a pas une seule entreprise parmi nos membres, et même une manufacturière qui a du succès, qui réussit, qui fait des profits, qui va prendre le risque de compromettre sa position, ses profits avec une main-d'oeuvre qu'elle connaît pour aller ailleurs, dans une situation comme celle que vous décrivez.

Mme Harel: À ce moment-là, vous considérez que les entreprises que vous représentez n'ont pas de filiales ailleurs.

M. Le Hir: Ah! Certainement qu'elles ont des filiales ailleurs. Il s'agit autant d'entreprises québécoises qui ont des filiales ailleurs que d'entreprises américaines ou canadiennes qui ont des filiales au Québec. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est de réaliser qu'une entreprise qui réussit quelque part n'a aucun intérêt à s'en aller. Donc, le scénario que vous venez de décrire ne correspond pas à la réalité. Ça ne...

Mme Harel: Holà! M. Le Hir. Écoutez, on mange encore des petits biscuits David, des petits "whippets".

M. Le Hir: Oui.

Mme Harel: II y avait beaucoup d'intérêt à continuer d'en faire. Ils se font toujours, mais ils ne se font plus sur la rue Hochelaga; ils se font maintenant en Ontario.

M. Le Hir: Parce que les équipements étaient vétustés.

Mme Harel: Et les équipements étaient extrêmement modernes. La SDI venait d'investir une subvention de plusieurs millions de dollars et on a simplement déménagé l'équipement en ontario. si vous voulez des exemples, malheureusement trop nombreux dans la circonscription que je représente, je peux vous en fournir plusieurs.

M. Le Hir: Mais on ne peut pas prendre un seul facteur isolément.

Mme Harel: Y compris Catelli, y compris ce qui se passe actuellement dans cette entreprise qui va fermer et qui va mettre à pied, semble-t-il, près de 400 employés. Enfin! Je veux simplement, là-dessus, vous dire que ce ne sont pas que des considérations, ce n'est pas que... Pensez à GE, qui va fermer, sur la rue Faillon, et qui faisait pourtant des profits très intéressants.

M. Le Hir: II y a d'autres raisons qui entrent en ligne de compte systématiquement dans chaque cas.

Mme Harel: Voilà! Et ces raisons peuvent être des raisons de restructuration industrielle, mais, dans la balance, on y met aussi parfois les indemnités qu'on doit ou non verser.

M. Le Hir: L'expérience qu'on a chez nous, c'est que, plus souvent qu'autrement, il s'agit d'autres problèmes, en particulier, par exemple, la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée lorsqu'on fait de nouveaux investissements, qu'on a de nouveaux équipements et qu'on se rend compte que la main-d'oeuvre qu'on avait n'est plus adaptée. C'est un facteur qui pèse lourd, c'est un secteur dans lequel on devrait intervenir d'une façon beaucoup plus ordonnée qu'on ne le fait à l'heure actuelle et, pour notre part, c'est certainement un sujet qui devrait recevoir plus d'attention à l'heure actuelle que celui qui est devant nous.

Mme Harel: II y a également la question des recours. Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance d'une étude réalisée par la Commission des normes du travail, qui est assez récente, août 1988, et qui s'intitule "L'arbitrage, un recours luxueux", qui fait la démonstration qu'il faut avoir les moyens de se payer le recours à l'arbitrage actuellement parce que, évidemment, il en coûte en moyenne près de 1000 $ pour l'arbitre et un peu plus de 3000 $ pour son avocat; c'est à peu près 4000 $, le coût moyen. Vous recommandez, je pense, qu'on maintienne l'arbitrage et que, contrairement a la disposition qui est dans l'avant-projet, finalement, ces dossiers ne soient pas transférés au commissaire du travail par la Commission. Est-ce que vous êtes en faveur du paiement de l'arbitre par la Commission des normes ou pensez-vous que le système actuel est suffisant?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ranger.

M. Ranger: Mme Harel, dans un premier temps, l'AMC s'oppose à ce que la juridiction soit transférée au commissaire du travail. Comme nous le disons dans notre mémoire, le Commissariat du travail est un bureau qui est principalement axé sur les rapports collectifs de travail et, si à l'époque, on lui a confié les congédiements illégaux de la Loi sur les normes, c'est parce que ces congédiements illégaux avaient le même régime juridique de présomption que le congédiement pour activités syndicales, d'une part. D'autre part, j'en sais quelque chose, les commissaires du travail en ont déjà jusque-là et, à mon sens, ce serait malvenu de leur envoyer cette autre juridiction.

Finalement, on sait que le projet de loi qui fera peut-être disparaître le Commissariat du travail - bien, c'est-à-dire, ce qui est encore sur les tablettes, c'est la création de la commission - fera peut-être en sorte qu'il n'y aura plus de commissaire du travail. Maintenant, ce que l'AMC dit aussi, pour répondre spécifiquement à votre question, c'est ceci. Si le législateur veut que le salarié n'ait pas à débourser lui-même les frais d'arbitre, à ce moment-là - ce n'est pas dit textuellement comme ça - étatisons les frais d'arbitrage. Au fédéral, le gouvernement paie les frais d'arbitrage pour les deux parties. Alors, donc, étatisons - et c'est dit à la page 21 du mémoire - ou bien ramenons sur le plancher un projet qui, semble-t-il, à ce qu'on m'a dit, se promène encore dans les couloirs de l'Assemblée nationale, la création d'une chambre du travail, où on y amènerait, entre autres, la question des congédiements injustes, qui donnerait un meilleur accès à la justice aux salariés et qui réglerait, nous le pensons, le problème que vous avez soulevé et pour lequel, comme vous le voyez dans le mémoire, nous sommes fort conscients et préoccupés.

Mme Harel: Je vous remercie pour ces précisions. Je pense que ça clarifie votre position.

La Présidente (Mme Marois): Ça va, Mme la députée?

Mme Harel: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Merci Oui, voulez-vous ajouter une intervention? Non? Oui, monsieur...

M. Legault (Fernand): Moi, je voudrais revenir deux secondes sur un propos qu'a tenu Mme Harel, lors d'une présentation précédente. Je voudrais bien que M. le ministre retienne ça lorsqu'on parie du salaire minimum. Vous avez dit qu'on devait garder le salaire minimum comparable à notre entourage. Bien, dans notre entreprise, nous, la concurrence va jusqu'en Louisianne puis en Floride, au Sud de la Floride.

Alors, ce n'est pas tout simplement l'Ontario et les alentours qu'on doit prendre en considération.

Mme Harel: II y a...

La Présidente (Mme Marois): Allez.

Mme Harel: C'est intéressant. Il y a une étude, la semaine dernière, je pense, M. Legault, qui a été réalisée par un service du ministère du Travail - c'est ça? - par le ministère du Travail, pas de la Main-d'oeuvre, et qui tente de comparer, mais vraiment, toutes les conditions de travail, de rémunération des travailleurs québécois et de ceux des États-Unis pour essayer d'illustrer quelles sont les ressemblances ou les différences, et qui conclut au fait que, finalement, le pouvoir d'achat est le même et, finalement, que ça aurait relativement peu de différence.

Mais il y a peut-être une question qui est importante. C'est celle du salaire minimum. Vous, vous offrez plus que le salaire minimum dans votre entreprise, M. Legault, n'est-ce pas?

M. Legault: C'est ça.

Mme Harel: Parce que les travailleurs du salaire minimum, en fait, ce sont des femmes à 75 %, puis c'est dans les services à 80 %. Ce sont, finalement, des gens qui travaillent sur le territoire pour d'autres gens qui travaillent pour des entreprises en concurrence, mais, pour la plupart, ce ne sont pas des employés qui sont dans des services concurrentiels. La question c'est, évidemment, comment dépolitiser le salaire minimum. C'a toujours l'air d'être un cadeau, ça, l'indexation, puis c'est toujours sujet à bien des pressions favorables ou défavorables.

Comment le dépolitiser? Nous, ce qu'on dit, il est à 40 % du salaire industriel moyen, on dit au ministre: Ajustez-le de façon permanente au salaire industriel moyen. Et on propose qu'il soit ajusté à 45 % du salaire industriel moyen. Puis là, il va suivre le salaire industriel moyen. Si ça va moins bien, la progression ne sera pas la même. Si ça va bien pour l'ensemble de la société, tout le monde va progresser. C'est ça qu'on dit

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Le Hir.

M. Le Hir: Une dernière chose, Mme la Présidente, c'est qu'il faut faire bien attention. On est bien conscients qu'un bon nombre des problèmes qu'on essaie de traiter par la législation qui est proposée ne sont pas des problèmes qu'on rencontre nécessairement dans le secteur manufacturier, que bien plus souvent il s'agit de problèmes qu'on rencontre dans l'industrie des services. Le triste de la chose, finalement, c'est qu'à l'occasion d'une législation comme celle-là,

pour régler des problèmes dans le secteur de l'industrie des services, on se trouve à créer des rigidités dans le secteur manufacturier qui vont causer ou qui risquent de causer des problèmes opérationnels sérieux, en particulier à nos PME manufacturières qui, elles, ont à vivre une réalité particulièrement difficile, non seulement à cause de la conjoncture économique, mais à cause du fait qu'elles cherchent à percer sur des marchés nouveaux pour elles, comme les États-Unis, et qu'en plus tout le secteur manufacturier va devoir faire face, au cours des années qui viennent, à une restructuration industrielle majeure. (17 heures)

La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. le ministre?

Mme Harel: Merci pour votre contribution.

La Présidente (Mme Marois): Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

J'inviterais maintenant les personnes représentant la Centrale de l'enseignement du Québec à bien vouloir venir prendre place.

Je souhaite la bienvenue aux personnes qui représentent la Centrale de l'enseignement du Québec. Je demanderais au porte-parole de se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent. Ensuite, vous présenterez votre mémoire en une vingtaine de minutes. D'accord? Bienvenue à la commission.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): mme la présidente, m. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, je voudrais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent: jean-marcel lapierre, avocat salarié à l'emploi de la centrale; réal caron, employé salarié à la centrale, qui s'occupe de divers dossiers; et moi-même, raymond johnston, vice-président de la ceq.

Je vous rappelle que la Centrale représente environ 130 000 personnes au Québec. Elle est particulièrement implantée dans l'éducation, elle commence à l'être dans le secteur de la santé et des services sociaux et elle l'est aussi dans les services de garde, les loisirs, les communications.

Je veux également vous dire que l'intérêt qu'on porte à ce dossier repose sur au moins quelques facteurs. Le premier, c'est que, comme bien des groupes au Québec, on représente des gens dont un certain nombre de conditions de travail sont quand même définies par les normes du travail, même si les gens sont régis par des conventions collectives, particulièrement les personnels à statut précaire, et on pourra revenir là-dessus. Deuxième question d'intérêt, il nous semble que la façon dont on traite les travailleuses et les travailleurs assujettis à la Loi sur les normes a une répercussion assez générale sur les conditions dans lesquelles s'inscrivent les luttes syndicales au Québec. Troisième facteur d'intérêt, qui n'est pas négligeable, la majeure partie de nos membres travaillent dans le secteur de l'éducation et ils sont confrontés quotidiennement à des situations qui sont liées aux conditions de vie des familles, des enfants.

Incidemment, je voudrais ouvrir ma présentation en vous disant que, récemment, en faisant préparer un dossier sur la question de l'appauvrissement au Québec, un économiste, chez nous, a mis la main sur une donnée qui n'est pas inintéressante, mais qui est assez décevante. Dans l'ensemble des familles québécoises de type biparental, il y a 6,4 % des familles dont les deux conjoints travaillent à temps plein et qui vivent des conditions situées globalement en bas du salaire minimum telles que décrites par Satistique Canada.

Une voix: Sous le seuil de la pauvreté.

M. Johnston: Du seuil de la pauvreté, je m'excuse. Donc, 6,4 % des familles dont les deux conjoints travaillent à temps plein, pas à temps partiel. Il y a quelque chose d'inquiétant là-dedans. Je vais essayer de faire un survol rapide, parce que vous comprendrez qu'en 20 minutes je n'aurai pas le temps de parcourir l'ensemble du mémoire.

D'abord, vous signaler que nous souhaiterions que, dans la poursuite de l'étude de l'avant-projet de loi, on sorte de l'approche un peu minimaliste des normes, qu'on élargisse la portée des normes et qu'on tente de les raffermir. Deuxièmement, vous signaler aussi qu'on pense qu'il est temps de tenir compte d'un certain nombre de conditions en développement de façon plus significative qu'on le fait dans l'avant-projet de loi, par exemple, la participation des femmes au marché du travail, qui est de plus en plus importante, l'obligation d'arriver à concilier les responsabilités parentales et les responsabilités liées à une participation au marché du travail, ce qui est une donnée importante qui fait partie des intentions décrites par le ministre, mais pour lesquelles, croyons-nous, les mesures sont insuffisantes.

Deuxième facteur relativement lourd, c'est le courant important de précarisation de l'emploi au Québec. Nous croyons qu'il faut, de façon absolue, prendre des mesures qui vont faire en sorte que l'emploi précaire ne se développera pas sous le seul prétexte que c'est plus rentable pour l'entreprise. C'est la seule façon de contrer un peu le développement de la précarité de l'emploi. Nous pensons aborder succinctement les grandes questions qui sont traitées de façon plus approfondie dans notre mémoire.

Nous abordons d'abord les questions de discrimination. Nous attirons votre attention sur le fait qu'il serait peut-être temps d'éviter que des débats sur l'orientation sexuelle viennent

teinter la législation. Il y a une définition de conjoint dans la loi, qui est restrictive. Même si les gens n'ont pas tous la même approche de cette question, nous pensons qu'il est temps de reconnaître que, dans une législation, il peut y avoir des conjoints de même sexe. Ça demande peut-être plus de courage politique pour le faire dans le contexte actuel. Il y a peut-être d'autres moyens de le faire, mais il faut mettre fin à la discrimination sous cet angle-là.

Il faut développer des mesures aussi pour mettre fin au harcèlement sexuel, obliger les employeurs à assumer la responsabilité d'un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel, obliger aussi les employeurs à adopter des politiques, des déclarations, à les publier, un peu comme on retrouve dans le Code canadien. Il est probablement temps aussi de tenir compte du fait qu'il y a un bon nombre de démissions qui surviennent en contexte de harcèlement sexuel, qui devraient être assimilées à des congédiements.

Nous pensons aussi qu'il est temps de développer, ou dans cette loi ou par une autre loi, des mesures qui visent à contrer la discrimination salariale à l'endroit des femmes. La mesure que nous mettons de l'avant est une législation proactive à rencontre de la discrimination systémique dont les femmes sont l'objet. Mais je pense qu'il y a quelque chose là qui doit nécessiter une intervention de l'État.

De la même façon, nous croyons qu'il faut, comme d'ailleurs, je crois, le Comité jeunesse du Parti libéral le demande avec insistance depuis quelques années, il faut mettre fin à la pratique des régimes différenciés selon la date d'entrée au travail. Il faut donc mettre fin à la discrimination salariale à l'égard des jeunes.

Pensons aussi qu'il faut s'attaquer à certaines exclusions de la loi, notamment celles qui concernent les travailleuses et travailleurs agricoles. Il faut aussi, à notre point de vue, non seulement prévoir dans cette loi, mais il faut aussi revoir la loi sur la sécurité du revenu pour faire disparaître les exclusions quant à l'application de la Loi sur les normes aux personnes qui travaillent effectivement, soit dans des stages en milieu de travail, soit dans des travaux communautaires, du seul fait qu'elles ont le statut d'assisté social ou d'assistés sociaux.

Nous pensons aussi qu'il faut trouver le moyen de rendre la Commission des normes un peu plus représentative des milieux intéressés. Nous pensons aussi qu'il faut agir sur les conditions économiques des travailleuses et travailleurs assujettis à la loi des normes.

Donc, il faut envisager un relèvement important du salaire minimum. Nous sommes d'avis qu'il faudrait fixer l'objectif à environ 55 % de la rémunération hebdomadaire moyenne, mais nous proposons que ce relèvement se fasse progressivement, mais que d'ores et déjà il y ait une formule d'ajustement automatique selon révolution de la rémunération hebdomadaire moyenne.

(17 h 15)

Au plan de la conciliation des responsabilités parentales et de l'implication sur le marché du travail, nous proposons substantiellement d'aller vers une généralisation progressive du régime de droits parentaux qui a été négocié dans les secteurs public et parapublic, en pensant d'abord à améliorer les conditions applicables aux personnes à qui ces mesures pourraient s'appliquer et en allant ensuite vers une intégration complète des dispositions relatives à l'assurance-chômage avec les dispositions qui pourraient être prévues par cette loi. Et nous mettons de l'avant l'idée que ce régime-là devrait être financé par des contributions patronales à une caisse unique gérée provincialement.

Sur la durée du travail et le temps supplémentaire, la position que nous mettons de l'avant peut tenir en gros dans les trois phrases suivantes: une semaine normale maximale, au point de départ, de 40 heures, avec des journées de travail maximales de huit heures avec possibilité d'étalement de modulations selon les cas, parce qu'il y a des gens qui réussissent à se négocier des semaines de quatre jours en augmentant le nombre d'heures par jour. Donc, une semaine maximale de 40 heures avec l'inscription de la recherche progressive d'une semaine de travail de 35 heures, en considérant que le temps supplémentaire, au sens de la loi, devrait être comptabilisé et monnayé à compter du moment où le ou la salariée dépasse ou la journée normale ou la semaine normale de travail. Et sa semaine normale c'est la semaine qui est applicable dans l'industrie ou dans rétablissement, ce n'est pas nécessairement celle qui est prévue comme maximale dans la loi. Je veux ajouter là-dessus que c'est important de faire la distinction entre la semaine normale dans rétablissement et la semaine maximale prévue dans la loi parce que, pour les fins d'établissement du statut et des bénéfices des gens qui travaillent à temps partiel, si on ne fait pas cette différence, à chaque fois qu'il y a des gens qui sont engagés sous un régime un peu atypique, ils se trouvent automatiquement défavorisés dans le calcul de leur traitement et de leurs bénéfices, si on se réfère toujours au maximum qui est prévu par la loi et non pas au régime normal prévu dans l'entreprise.

Pensons aussi qu'il faut resserrer les dispositions concernant les congés fériés. Les dispositions actuelles sont des dispositions qui permettent à peu près à tout le monde de les contourner. Et, même dans nos secteurs, c'est contourné. Il faut s'assurer que les congés fériés qui sont prévus dans la loi des normes sont applicables à tout le monde, mais qu'il peut y avoir une possibilité de changer des jours dans une entente négociée et que le minimum qui est prévu dans la loi est applicable de façon gêné-

rale.

Sur les vacances, la proposition que nous mettons de l'avant, c'est le droit à quatre semaines de vacances, dont au moins deux consécutives. Nous voulons attirer aussi votre attention sur deux questions qui, jusqu'à ce jour, n'ont probablement pas été vraiment traitées devant vous: l'utilisation de plus en plus importante du polygraphe et toute la question des tests de dépistage dos sidatiques ou sidéens et les tests de dépistage des gens qui utiliseraient ou qui seraient présumés utiliser des drogues. Il y a des pratiques de plus en plus importantes dans différents milieux de travail, autour de ces questions, qui conduisent à la discrimination, à la marginalisation de ces personnes-là. Nous croyons que la loi devrait intervenir dans ce contexte pour interdire l'utilisation de ces instruments qui conduisent, comme je le disais tantôt, à la discrimination.

Nous mettons aussi de l'avant l'idée que sous l'empire de la loi des normes il devrait y avoir, minimalement, un droit à un congé de maladie. Ce n'est pas le Pérou, ce qu'on propose, mais ce serait diablement mieux que ce qui existe, puisqu'il n'y a rien.

Je disais tantôt, en introduction, que nous pensons qu'il est important d'adopter des dispositions qui permettent de contrer la précarisation de l'emploi. À cet égard, nous croyons que les propositions que nous avons faites concernant la semaine de travail de même que les propositions que nous faisons sur l'application des avantages sociaux réduiraient l'avantage pour l'employeur de recourir à ces statuts d'emplois atypiques et, donc, pourraient renforcer le courant vers la création d'emplois à temps plein régulier.

Sur les recours, substantiellement, nous proposons une augmentation de la qualité des recours de même qu'une augmentation aussi des moyens pour assumer ces recours. On pourrait y revenir dans le détail, mais, vu que le temps passe, je voudrais aller un peu plus loin. Il est aussi important d'asseoir dans la loi une obligation de diffusion de l'information sur cette législation, entre autres, et sur les autres législations qui s'appliquent à l'ensemble des travailleuses et travailleurs au Québec. Il est important aussi d'asseoir un pouvoir d'enquête qui ne soit pas un pouvoir d'enquête, à toutes fins pratiques, presque inutile. Mettons donc de l'avant la piste qu'il devrait y avoir de l'enquête préventive, qu'on devrait aussi revenir à la formule qui a déjà été appliquée à savoir que, quand il y a une plainte pour un employeur sur une question donnée, on fouille l'ensemble du dossier de l'employeur sous cet angle-là. Nous croyons aussi qu'il faut mettre de l'avant, dans la législation, la mise en place de mécanismes dans les établissements qui permettent aux travailleuses et aux travailleurs d'assurer eux-mêmes, elles-mêmes, avec la protection de la loi, la surveillance des normes dans leur milieu respectif.

Finalement, je voudrais vous signaler que nous ne prétendons pas avoir tout couvert par ce mémoire. Il y a des zones qu'on aurait avantage à examiner de façon plus attentive, notamment concernant les délais de licenciement. Il faudrait aussi examiner la question des licenciements collectifs. J'en parlais, avec le député de Trois-Rivières tantôt, de Northern qui vient de fermer encore au Cap-de-la-Madeleine; 120 emplois disparaissent parce qu'un employeur décide que, se conformer aux règlements sur l'environnement, c'est incompatible avec le maintien des emplois. Il va donc falloir s'arrêter sur la question des licenciements et des licenciements collectifs de façon plus importante. Mais on a entendu dire qu'il s'en venait probablement une révision de la Loi sur la qualification professionnelle qui comprend un certain nombre de dispositions sur les licenciements collectifs, alors on pourrait peut-être, à cette occasion-là, regarder ce dossier.

Le dernier point que je me sens obligé de vous rappeler, c'est que tout ça ne doit pas nous exempter de relancer le débat sur les moyens qui pourraient faciliter un accès plus égal, plus généralisé à la syndicalisation au Québec, parce que nous sommes convaincus que, finalement, les améliorations les plus significatives que les travailleuses et les travailleurs pourraient avoir et celles qui seraient les plus durables seraient éventuellement celles qui pourraient être négociées dans un rapport collectif de travail.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Johnston. J'inviterais maintenant le ministre à échanger avec vous. M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, vous traitez abondamment, là, dans votre mémoire des problèmes de harcèlement sexuel, de discrimination, etc. Vous suggérez qu'on inscrive dans la loi des articles qui protégeraient d'une façon additionnelle contre le harcèlement sexuel. Mais pourquoi, étant donné que la Charte des droits les protège déjà, trouvez-vous essentiel qu'on reprenne ça dans la loi? Est-ce qu'on ne peut pas considérer que la Charte des droits protège suffisamment les individus contre le harcèlement sexuel et la discrimination?

M. Johnston: Sur cette question, M. le ministre, laisser toute cette question entre les mains des personnes qui peuvent être éventuellement visées par le harcèlement face à un seul recours, c'est-à-dire le recours à la Commission des droits de la personne et, le cas échant, quand la loi 140 sera vraiment en application, au tribunal des droits humains, ça peut peut-être permettre de régler des cas à la pièce. Mais nous sommes convaincus que la question du harcèlement sexuel au Québec, comme dans l'ensemble de la société occidentale, c'est un problème de

société qui mérite qu'on s'y attarde et qu'on prenne des mesures à portée collective. Il faut que la protection contre le harcèlement sexuel soit assurée dans tous les milieux de travail. Et ce n'est pas parce qu'une personne l'aurait subi que, par le seul fait de loger une plainte, de peut-être avoir une indemnité, on va régler le problème. Il faut être capable de prendre le problème de façon globale et d'imposer un certain nombre de règles, comme le législateur fédéral l'a fait avec le Code canadien, qui créent des obligations à l'employeur et qui évitent de placer les personnes en situation de harcèlement parce que ces mesures-là ont un effet préventif.

M. Bourbeau: Je voudrais changer de sujet. Vous proposez d'accorder au père et à la mère le droit à une réserve annuelle de cinq jours rémunérés par la caisse, que vous suggérez d'établir, pour des responsabilités parentales, ce congé pouvant être fractionné en journée ou en demi-journée. La question que je vous pose est la suivante: Relativement au congé ponctuel pour responsabilités parentales, selon l'expression que vous employez, pourriez-vous nous expliquer comment fonctionnerait le partage des coûts entre l'employeur et la caisse que vous proposez?

La Présidente (Mme Marois): Si vous souhaitez que M. Caron intervienne, il peut le faire.

M. Johnston: Nous, on croit qu'il faut assurer un régime qui garantisse l'essentiel. C'est vrai qu'il y a des coûts importants autour d'une mesure comme celle-là. Si, pour l'instant, c'est inaccessible, l'option que nous mettons de l'avant, c'est de permettre aux gens qui seraient couverts par la loi des normes de pouvoir faire à peu près la même chose que les travailleuses et travailleurs du secteur public qui n'ont pas pu négocier les cinq jours payés par leur employeur, c'est-à-dire l'utilisation de leur caisse de congés de maladie. S'il y avait au moins le moyen de partir de ça... Mais, ultimement, nous pensons que, dans un régime complet et intégré, il faudrait que ce soit vraiment assumé par la caisse québécoise dont on parlait tantôt, ce qui permettrait l'accès à tout le monde à ce bénéfice. En termes de financement, l'approche que nous avons, c'est-à-dire qu'actuellement le peu qui existe, c'est l'assurance-chômage. C'est financé par 'es contributions de l'employeur, les contributions des salariés. (17 h 30)

L'approche que nous mettons de l'avant, c'est que la nouvelle caisse pour les bénéfices complémentaires devrait être alimentée par les contributions de l'employeur, mais, au moment où on serait capable de faire l'intégration, nous n'avons aucune objection à ce que le niveau de contribution actuelle des salariés à la Loi sur l'assurance-chômage pour les fins de ces bénéfi- ces-là soit maintenu. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Bourbeau: Oui, oui, mais... Ça va. Vos propos sont enregistrés. On les relira à tête reposée et, si ça n'apparaît pas très clair, on communiquera avec vous.

Une dernière question relative aux emplois à temps partiel. Selon vous, comment devrait être calculée l'indemnité ou la compensation financière pour la non-participation des personnes à temps partiel a un régime contributif d'assurance collective? Selon vous, les travailleurs à plein temps seraient-ils prêts à absorber une augmentation de primes d'assurance pour intégrer à leur régime les personnes à temps partiel?

M. Johnston: Écoutez, on a déjà fait des batailles chez nous pour faire en sorte que les gens qui étaient à temps partiel aient le droit de contribuer à leur régime de retraite, puis on a assumé une partie des coûts. Je crois qu'on pourrait faire des analogies. Dans l'expérience d'un régime d'assurance collective, le poids des travailleurs à temps partiel, en tout cas au niveau de l'expérience, ne risquerait pas d'être très différent du poids, en termes de risque, des employés réguliers. Mais, ceci dit, je ne suis pas en mesure de vous quantifier un pourcentage de la masse salariale qui devrait être versé en termes d'indemnité.

Ce que nous disons, c'est que, chaque fois où c'est impossible d'appliquer le même bénéfice, ça prend une indemnité qui correspond aux coûts qui auraient normalement été assumés si les personnes avaient participé.

La Présidente (Mme Marois): Ça va, M le ministre?

M. Bourbeau: Oui.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de saluer M. Johnston et MM. Caron et Lapierre. Votre mémoire est intéressant et il introduit des aspects qui n'ont pas été examinés de toute la journée, notamment en regard de la discrimination et des recours à introduire pour permettre l'exercice des droits. Le ministre vous a interrogés sur la pertinence d'introduire, dans une législation du travail comme la loi sur les normes, les motifs de discrimination interdits par la charte en vous disant: Pourquoi est-ce que ce ne serait pas redondant? Je pense qu'il faudrait peut-être avoir en mémoire le cas récent de l'employée féminine de la GM qui a dû recourir aux tribunaux supérieurs, avec les coûts afférents.

Évidemment, on peut espérer que le Tribu-

nal des droits de la personne vienne le plus rapidement possible permettre d'entendre ce genre de cause, mais il n'en reste pas moins que, dans la mesure où, comme vous le suggérez, les motifs de discrimination interdits, y compris ce que vous proposez en matière de harcèlement sexuel, seraient introduits dans une loi sur les normes, les pouvoirs du commissaire du travail, qui sont considérables et qui permettent de réinstaller la personne à l'emploi - en fait, ce sont des pouvoirs dont on est en train de me faire la liste à l'instant - mais ces pouvoirs... Est-ce qu'on peut me la passer parce que j'aimerais... Enfin, de toute façon, ils permettraient certainement de solutionner beaucoup plus rapidement que ne peut le faire la Commission qui va simplement faire enquête, qui peut conclure à une discrimination ou à un harcèlement, mais qui doit se référer à des tribunaux, jusqu'à maintenant en tout cas, faire homologuer par un tribunal supérieur ou s'y référer pour que la personne trouve finalement justice.

Dans la recommandation que vous faites, il y a certainement intérêt à examiner la possibilité d'introduire ces motifs de discrimination interdits et l'interdiction du harcèlement sexuel dans les lois sur les normes. De toute façon, de plus en plus de conventions collectives ont de telles dispositions et les arbitres, de plus en plus, sont amenés à devoir, je pense, examiner ce genre de règle.

J'aimerais vous entendre sur l'équité salariale. Le ministre ne vous a pas interrogé, je pense, sur cette question.

M. Bourbeau: Je vous ai laissé ce soin.

Mme Harel: Vous m'avez laissé ce soin? Alors, vous nous rappelez l'expérience de l'Ontario qui a une législation qui oblige les employeurs à démontrer que leur structure salariale n'est pas discriminatoire. J'aimerais savoir ce que vous entendez par la législation proactive assurant l'équité salariale pour les travailleuses québécoises. Vous en faites une recommandation, mais qu'est-ce que c'est que vous avez en tête comme législation proactive?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Johnston.

M. Johnston: II existe quelques modèles. Quand on se réfère à la législation ontarienne, on a un modèle là. Il y a un autre modèle qui a été développé, je crois, au Manitoba, à une certaine époque où on a imposé l'obligation de même prévoir un pourcentage de la masse salariale pour rétablir l'équité salariale entre les hommes et les femmes, 1 % par année, je crois. Nous soumettons qu'il y a lieu à une intervention pour réglementer ce dossier-là, pour le faire progresser rapidement. Est-ce que c'est à l'intérieur de la loi des normes qu'on devrait le faire ou si on ne peut pas le faire par une législation à part? Je laisse ça à l'examen de la part de la commission. Mais nous croyons qu'il commence à y avoir urgence parce qu'on remarque encore, de façon très significative, des différences salariales très importantes entre les femmes salariées puis les hommes salariés dans des emplois parfaitement comparables au Québec. Si on veut se sortir de ce cercle-là, il va falloir, à un moment donné, un train de mesures convergentes qui changent cette approche-là progressivement.

Il y a des bouts que certaines organisations essaient de faire par la voie de la négociation. On a tenté de faire des bouts dans la négociation du secteur public et parapublic, avec un succès tout à fait relatif, doit-on dire. Mais pensons que, si on veut être capable de rétablir une forme d'équité et de justice un peu significative à l'égard des femmes plus nombreuses sur le marché du travail, ça va prendre une législation de cette nature-là. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant. On n'a pas fait le portrait de ce que devrait comprendre une telle loi, mais if y a au moins une couple de modèles au Canada sur lesquels on pourrait se pencher ensemble.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Oui, Mme la députée.

Mme Harel: À la page 60, vous proposez l'inclusion de motifs nouveaux dans la liste des motifs de pratiques patronales interdites en matière de congédiement illégal et, bon, vous en proposez un certain nombre dont celui assimilable à une discrimination interdite par la charte. Effectivement, tout ça reviendrait devant le commissaire du travail qui pourrait, en vertu de ses pouvoirs, soit réinstaller la personne dans son emploi ou accorder des indemnités compensatoires. Il peut y avoir, comme vous le signaliez, Intérêt à procéder de cette façon-là.

A la page suivante, à 62, s'il avait été utile d'avoir des statistiques pour démontrer au ministre qu'il fallait réduire à un an de service continu plutôt qu'à cinq la durée pour avoir accès à un recours en matière de congédiement sans cause juste et suffisante, vraiment, vous avez trouvé la bonne façon de faire en citant des statistiques compilées par son propre ministère et qui révèlent, finalement, que c'est l'immense majorité des salariés non syndiqués qui compte moins de cinq ans d'ancienneté auprès du même employeur. Je vous en remercie. C'est une contribution importante, ça, aux travaux de la commission. Je ne sais pas où vous avez pris ces statistiques. Peut-être que le ministre voudrait avoir votre source. Mais c'est très pertinent. Ça veut dire que, quand on connaît ces statistiques-là, les cinq ans, c'est donner à quelqu'un juste le hochet sans avoir la possibilité d'avoir vraiment un recours pour exercer un droit. Je ne sais pas si vous voulez vous faire entendre là-

dessus.

M. Johnston: Sur ce bout-là, c'est évident que ces chiffres-là parlent. Ils parlent drôlement, c'est pour ça qu'on les a utilisés, d'ailleurs. Ce n'est pas un document pirate. C'est un document officiel du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, donc des données qui sont à la connaissance du ministre, je pense. Il y a un point sur lequel je voudrais revenir, si vous me le permettez. Puisque vous avez parlé de cette question-là et que vous avez parlé aussi de la question des motifs de discrimination et du recours que nous proposions, notamment en matière de congédiement, moi, je voudrais porter à l'attention des membres de la commission qu'il suffit de se promener dans quelques établissements de la région de Montréal qui sont spécialisés dans la confection de vêtements pour dames ou autres similaires pour se rendre compte de la discrimination courante, ouverte à l'égard, notamment, des femmes immigrantes. Si on ne trouve pas le moyen, par la législation, de donner une prise pour combattre cette discrimination-là, c'est qu'on accepte de façon délibérée, c'est qu'on donne la permission aux employeurs de continuer les pratiques ouvertes. Là, ce n'est pas de la discrimination systémique, c'est de la discrimination ouverte et directe. C'est le temps de faire quelque chose là-dessus, pour autant qu'on veuille rétablir un peu d'équité et tenir compte que la société n'existe peut-être pas juste pour les profits, mais aussi pour les humains. Il y a quelque chose à regarder là.

Mme Harel: Cette discrimination à laquelle vous faites référence, elle a un effet aussi sur les Québécoises d'origine canadienne-française. Parce que j'en reçois souvent à mon bureau qui me disent que la seule façon de se faire engager dans les manufactures c'est de dire: No habla francés, no habla inglés. Elles ont appris ces mots-là et, après, elles ne disent plus rien. Alors, ça, c'est la manière par laquelle, souvent, on peut obtenir un emploi, quand l'employeur est convaincu qu'on ne parle ni français, ni anglais, et il faut le dire en espagnol, de préférence, ou en créole. Ha, ha, ha!

M. Johnston: II y a d'autres endroits où c'est la discrimination sur la base de la couleur qui prime. Et ça, il n'y a malheureusement pas moyen de maquiller ça par un discours.

Mme Harel: Le Conseil du statut de la femme, ce matin, a proposé l'institution d'un régime de congé parental et de maternité et a proposé au gouvernement d'instituer son propre régime québécois, de procéder au rapatriement des sommes versées par l'assurance-chômage, de les bonifier et d'instituer, finalement, un régime universel et plus généreux. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus? Est-ce que vous préférez votre proposition ou celle qui est sur la table, déposée par le Conseil du statut et je pense par la coalition des groupes de femmes pour un congé de maternité?

M. Johnston: Je ne voudrais pas qu'on porte de jugement trop rapide, mais je ne voudrais pas non plus qu'on se serve du prétexte d'une bataille de juridictions entre le provincial et le fédéral pour éviter d'améliorer les conditions des personnes qui travaillent au salaire minimum ou les conditions de l'ensemble des travailleuses et travailleurs du Québec. Nous, on est favorables à l'idée d'un régime complet intégré, mais, quand on regarde la perspective d'un régime intégré - puis on se le fixe comme objectif - on dit: Est-ce qu'il faut poser comme prérequis que ça doit être, au point de départ, un régime intégré ou bien s'il faut jouer sur l'amélioration des conditions, pour qu'une fois qu'on aura atteint, par voie complémentaire, quelque chose qui commence à avoir du bon sens pour le monde, là, on essaie d'organiser le tout dans un ensemble intégré, ayant réglé entre-temps les questions de transferts entre le Québec et le fédéral, le cas échéant? Mais on ne voudrait pas que l'idée de l'intégration vienne en quelque sorte nuire à l'amélioration des conditions. C'est un objectif, mais le premier objectif c'est l'amélioration des conditions pour les personnes qui travaillent.

Mme Harel: Est-ce que ce n'est pas un peu périlleux de penser bâtir un système qui soit adéquat, quand une grande partie de sa mise en place échappe... Par exemple, le Conseil du statut de la femme démontrait que 50 % des mères qui ont accouché l'an dernier, au Québec, n'ont pas touché de prestations de maternité, qu'un bon nombre d'entre elles travaillaient, étaient sur le marché du travail et qu'elles étaient soit des travailleuses autonomes ou encore des travailleuses qui n'avaient pas complété les semaines de service continu chez le même employeur pour se qualifier. Avec une accumulation de conditions que l'on sait de plus en plus difficiles à l'assurance-chômage, avec la réforme de l'assurance-chômage, est-ce que ce n'est pas. finalement, penser bâtir un système qui va reposer sur une fondation qui est finalement boiteuse?

M. Johnston: Écoutez, nous ne disons pas que les seules personnes qui devraient avoir accès à ça sont des personnes qui seraient reconnues admissibles à l'assurance-chômage, nous ne disons pas que la durée des congés doit être la même que celle de l'assurance-chômage et nous ne disons pas qu'il ne peut pas y avoir de protection supplémentaire à celle de l'assurance-chômage. Ce que nous disons, c'est qu'il existe là quelque chose qui est d'ailleurs financé, qui existe par une législation. Il y a moyen de construire un appareil complémentaire, qui peut déborder par en haut, mais qui peut déborder sur

les côtés aussi, et, petit à petit, en construisant cet édifice-là, on peut avoir à l'esprit qu'en bout de course, quand on aura des conditions complémentaires satisfaisantes, on fera l'intégration. Comme je le disais tantôt, là, nous, on ne la pose pas comme un préalable, on pose ça comme étant quasiment l'aboutissement d'un processus, mais ça ne veut pas dire que les conditions de l'assurance-chômage doivent s'appliquer nécessairement, loin de là.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée, une dernière question? Ça va?

Mme Harel: Non, Mme la Présidente, non. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Ça va. M. le ministre, ça va?

M. Bourbeau: Oui...

La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez une dernière question?

M. Bourbeau: Oui, un dernier mot, oui. Une observation, là, et je pense que c'est important de le dire. La députée de Maisonneuve, tout à l'heure, a fait allusion aux statistiques que détenait la CEQ en suggérant de nous les faire parvenir, si j'ai bien compris, ou...

Mme Harel: De nous les faire... Non...

M. Bourbeau: ...de vous les faire parvenir.

Mme Harel: ...de nous donner ia source. M. Bourbeau: Ah bon!

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Je vais simplement rappeler à tout le monde que cet avant-projet de loi a fait l'objet d'une très large consultation, une préconsultation de nos fonctionnaires et les membres de mon cabinet même, à l'égard de tous ceux qui avaient un intérêt pour l'avant-projet de loi. À ma connaissance, à moi, je n'ai jamais vu, en tout cas de mon expérience à moi, un tel effort de transparence de la part du ministère ou d'un ministère. Nous avons tenu des séances d'infor mation avec un très grand nombre des intervenants qui se sont présentés ou qui vont se présenter. Il y en a eu en septembre, en octobre, je pourrais les nommer; la CEQ a été visitée le 12 octobre, la CSN, la FTQ, la CSD, enfin tous les groupes et, à chaque groupe, on a remis des documents, en fait tous les documents, des tableaux, des graphiques, un document ici: changements sur les normes, bref, je pense qu'on a vraiment...

Mme Harel: Des choses que je n'ai pas eues, moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: on a vraiment... si la députée de hochelaga-maisonneuve ne les a pas eus, ça me fera plaisir de lui faire parvenir dès ce soir. ce sont des renseignements...

Mme Harel: Vous avez rencontré tout le monde sauf moi.

M. Bourbeau: On a littéralement déversé dans la population la totalité de l'information qu'on avait. Alors je suis heureux de voir que ces statistiques ont pu servir et d'autres, probablement, que vous aviez vous-même, à une meilleure compréhension du projet de loi et à la formulation de propositions dont nous tiendrons compte certainement. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Johnston, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Johnston: Oui. Je voudrais attirer votre attention sur la page 64 de notre mémoire. Immédiatement après la recommandation 37, on cite, au deuxième alinéa de l'article 124 - et on me faisait remarquer tantôt, l'avocat salarié qui travaille pour la Centrale me faisait remarquer tantôt que la formulation qu'on retrouve au début de cet alinéa, "pour l'application du présent article", ça pourrait, le cas échéant, avoir pour effet de contrer la jurisprudence qui est en voie de se développer sur toute la question du service continu aux fins de l'application d'autres dispositions de la loi sur les normes. On pourra peut-être s'en reparler au moment où on se retrouvera devant un projet de loi, mais il y a peut-être lieu de faire attention à des dispositions de cette nature qui viennent refermer en quelque sorte des progrès qui commençaient à s'enregistrer sous l'empire de la présente loi.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie. Je crois que votre mémoire était très exhaustif quant à son analyse et quant à sa présentation. Merci beaucoup. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures où nous entendrons deux groupes, la Centrale des syndicats démocratiques et Au bas de l'échelle. Nous reprendrons à 20 heures précises.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

(Reprise à 20 h 5)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien prendre place à la table, nous allons reprendre nos audiences. Nous recevons ce soir deux groupes. Le premier, c'est

la Centrale des syndicats démocratiques. Alors, je demanderai à M. Gingras, le président - d'abord je lui souhaite la bienvenue ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent - de présenter les personnes qui vous accompagnent et ensuite de présenter votre mémoire en ne prenant pas plus qu'une vingtaine de minutes. Par la suite, on procédera à des échanges de vues avec vous.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Gingras (Claude): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mme la Présidente, distingués membres de la commission des affaires sociales, la CSD désire, en tout premier lieu, vous remercier de l'opportunité que vous lui procurez de témoigner de sa position sur l'avant-projet de loi visant à modifier la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.

Je suis assisté, pour cette présentation, par M. Richard Beaulieu, qui est directeur professionnel de la Fédération de la métallurgie, des mines et des produits chimiques à la CSD, Mme Michèle Bourget, qui est responsable de la condition féminine à la CSD, ainsi que Pierre Yvon Ouellette, du service de recherche de la CSD.

Le défi majeur auquel la société québécoise a à faire face en ce début des années 1990 est, sans contredit, le plein emploi. Or, quel que soit l'angle qu'on choisisse pour analyser la situation, une économie en santé est une économie qui fournit à toutes et à tous un emploi convenable.

Avec un taux de chômage qui oscille toujours autour de 10 % avec les nouvelles réalités dues aux changements technologiques et à la rationalisation de la production dans les entreprises - parce que vous comprendrez bien qu'en ce qui concerne la CSD nous avons une solide implantation dans ces secteurs - avec les exigences qu'entraîne l'internationalisation du commerce qui est un nouveau phénomène, le défi du plein emploi exige plus que jamais le développement d'attitudes nouvelles.

Or, toutes les actions gouvernementales doivent donc converger vers la réalisation de cet objectif de plein emploi. Si auparavant les partenaires socio-économiques avaient tendance à s'en remettre massivement à l'État pour initier et mener à bien de grands projets économiques, sociaux et culturels, la situation est changée quelque peu aujourd'hui. En effet, il n'y a qu'à regarder la multiplication des initiatives extérieures au gouvernement pour comprendre la nouvelle tangente prise par les forces vives du Québec. L'heure est au développement de nouvelles solidarités sans attendre du gouvernement qu'il s'associe nécessairement à la démarche. Ce nouveau partenariat développé tout à fait en dehors des structures gouvernementales de concertation est un signe de santé et de vitalité.

Alors, le gouvernement, à la lumière de ces changements, doit revoir son rôle, réajuster ses interventions dans le sens d'un soutien réel aux partenaires socio-économiques. Dans ce cadre, les législations doivent répondre aux besoins nouveaux et, dans un effort de concomitance, permettre à ce nouveau partenariat de s'exercer.

Les divers secteurs liés à la vie des travailleuses et travailleurs sont encadrés et régis par des législations particulières. Mentionnons seulement le cas de la santé et de la sécurité du travail, les libertés fondamentales, l'éducation, la formation professionnelle, la langue française, les relations du travail, les normes minimales. À tous ces secteurs, qui constituent autant d'enjeux pour notre société correspondent des législations particulières. Un seul manque à l'appel: la famille. S'il est vrai que le plein-emploi constitue à lui seul un projet de société, il ne veut cependant rien dire s'il n'est pas associé à d'autres mesures sociales et économiques. Dans le cas du Québec, la preuve n'est plus à faire quant à la nécessité de mettre en place une politique familiale. Celle-ci doit d'ailleurs englober un ensemble de mesures visant à mieux concilier travail et famille sans se réduire uniquement à celles prévoyant des arrêts de travail. Il faut qu'elles comportent des dispositions allant beaucoup plus loin que de simples congés parentaux.

En ce sens, la CSD est convaincue que la politique familiale va faire l'objet de législations distinctes et doit être traitée dans sa globalité. Cette réflexion nous amène à questionner profondément l'approche actuelle du gouvernement face à la Loi sur les normes du travail.

La CSD recommande enfin que toutes les dispositions touchant la famille soient distinguées de la Loi sur les normes du travail et fassent plutôt l'objet d'une législation particulière comme c'est le cas, par exemple, pour la santé et la sécurité du travail.

Depuis de nombreuses années, les législations sur le travail au Québec, tant le Code du travail que la Loi sur les décrets de convention collective, sont stagnantes. Les dispositions régissant les relations de travail sont démodées, souvent dépassées et le dialogue est rompu. On fait du surplace. Au lieu de s'attaquer à cette pièce législative centrale pour le monde du travail, le gouvernement choisit plutôt la voie du changement aux conditions minimales de travail. Alors on se questionne. On se demande effectivement pourquoi. Bien que l'un n'empêche pas l'autre, les énergies devraient prioritairement être dirigées vers un changement radical du Code du travail en vue, notamment, de favoriser l'émergence de droits nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs. Par contre, modifier le code exige la tenue de véritables discussions avec le monde syndical sur la vision du travail, sur les relations entre les parties, ce que le gouvernement semble vouloir éviter Selon la

CSD, le gouvernement préfère apporter des amendements à la Loi sur les normes du travail, parce que cela ne confère aucun droit additionnel aux syndicats.

De tout temps, les centrales syndicales ont été exclues de la définition des conditions de base et de l'application de cette loi. Associer le monde syndical à une véritable révision du Code du travail et des autres législations, y compris la Loi sur les normes du travail, dans le sens d'une intégration de toutes les dispositions, ne semble pas être le type d'exercice correspondant à la vision du développement économique et des relations de travail du gouvernement. Le préalable à toute discussion à ce sujet est la reconnaissance absolue du rôle indispensable des centrales syndicales à titre de partenaires dans l'élaboration, l'application et l'évaluation des dispositions touchant les travailleuses et les travailleurs.

D'autre part, en apportant des améliorations à la loi des normes du travail, le gouvernement renforce l'illusion selon laquelle les travailleuses et les travailleurs sont protégés et bénéficient de conditions de travail, qu'ils soient syndiqués ou non. Avec cet avant-projet de loi, le gouvernement fait diversion, c'est-à-dire qu'il se cache derrière ces quelques modifications à la loi, dont le libre accès est loin d'être assuré, pour ne pas accorder de véritables droits aux travailleuses et travailleurs. Or, l'avancement social du Québec ne se mesurera pas en nombre de jours de congé, très souvent sans solde, accordés par la loi des normes. On pourrait ajouter que ce n'est pas nécessairement par le biais d'une loi des normes qu'on réussit quand même à inculquer dans notre société des changements majeurs.

Les agents de changement du monde du travail sont les centrales syndicales. À cet égard, des droits doivent leur être reconnus dans la défense des travailleurs et des travailleuses, syndiqués ou non. La CSD préconisait, dans son mémoire présenté à la commission Beaudry, l'élargissement du rôle des centrales dans l'application des lois touchant le travail par le représentation de salarié-e-s sur une base individuelle, selon le choix de la personne Les centrales syndicales ont l'expertise requise dans la promotion collective des travailleurs et travailleuses. C'est à elles qu'appartiennent cette responsabilité et non exclusivement à un organisme gouvernemental. Alors, la CSD recommande que soit accordé aux centrales syndicales le droit d'appliquer les normes minimales pour tous les salarié-e-s. Les centrales seraient automatiquement les parties intéressées, dès que la Loi sur les normes du travail s'applique. La CSD recommande donc que les centrales syndicales soient reconnues comme représentantes des salariés qui le désirent, même s'ils ne sont pas membres d'un syndicat affilié à l'une d'entre elles. Un salarié aurait le choix de se faire représenter à la Commission des normes du travail par la commis- sion ou par une centrale syndicale qu'il détermine. La commission rembourserait alors les centrales syndicales des frais de représentation, selon des barèmes qu'on pourrait établir.

Quant à l'avant-projet de loi comme tel en regard de l'avancement social du Québec, la CSD est convenue de s'attarder à commenter plus précisément certains points, entre autres, les congés parentaux, le travail à temps partiel, les recours d'une personne salariée, le préavis de licenciement ou de mise à pied, les jours fériés ou chômés, les congés annuels, la révision de normes diverses. Pour les congés parentaux, nous estimons que la politique familiale fait partie intégrante d'un projet de société et ne doit pas se limiter au seul aspect des congés parentaux. À ce titre, elle doit être traitée dans une législation distincte. De plus, son application, pour être efficace, doit rapatrier en un seul lieu plusieurs mandats actuellement éparpillés.

En intégrant les mesures familiales dans une sorte de guichet unique, on se trouve, non seulement à en simplifier l'application au plus grand bénéfice des utilisatrices et utilisateurs, mais, en plus, on consacre à la politique familiale toute l'importance qui lui revient dans la société. Cette solution répond à la plus élémentaire logique, notamment pour ce qui est du remplacement du revenu, sujet sur lequel l'avant-projet de loi est muet. (20 h 15)

La CSD recommande que soient intégrées toutes les dispositions relatives à la famille et qu'elles soient administrées par un organisme responsable. Il s'agit, particulièrement, des services de garde, du retrait préventif, du remplacement du revenu lors du congé de maternité, des congés parentaux, des allocations familiales et de naissance et de programmes d'aide à l'habitation et d'accès à la propriété pour les parents. Il semble que c'est seulement à ce prix-là qu'on affirmera vraiment notre volonté de prendre le problème globalement et non pas à la pièce.

La CSD recommande également que le gouvernement du Québec verse à la personne admissible à un congé de maternité ou d'adoption une indemnité de remplacement du revenu égale à 93 % de son salaire net et ce, pendant une durée minimale de 30 semaines. Nous suggérons également les modalités de financement d'une telle mesure.

Quelques commentaires relatifs aux congés parentaux. Le congé de naissance ou d'adoption de courte durée doit prévoir la rémunération des cinq jours prévus. Quant au congé de naissance ou d'adoption de longue durée, la CSD recommande que la garantie de protection du poste de la personne salariée soit inscrite dans la loi et non pas simplement dans un règlement, pour éviter toute ambiguïté à ce sujet. On doit prévoir également, pour la durée du congé sans solde de naissance ou d'adoption, les mêmes

dispositions concernant les avantages sociaux que pour le congé de maternité de 18 semaines, soit que la participation de la personne salariée aux avantages sociaux reconnus à son lieu de travail ne doit pas être affectée par son congé, sous réserve du paiement de sa part des cotisations.

Quant à la possibilité de refuser d'effectuer du temps supplémentaire, la CSD considère que les mesures prévues sont totalement inapplicables. Nous recommandons que soit enlevé l'avis de douze heures et que soit retiré le paragraphe 2 du deuxième alinéa à cause de son imprécision et de la trop grande marge de manoeuvre qu'il accorde aux employeurs.

La CSD recommande également qu'il y ait présomption automatique si un employeur diminue les heures de travail ou exerce toute mesure discriminatoire à l'endroit d'une personne après qu'elle a exercé son droit de refuser d'effectuer du temps supplémentaire.

Selon les données en ce qui a trait au travail à temps partiel, 430 000 emplois au Québec sont à temps partiel. 71,4 % de ceux-ci sont détenus par des femmes. Un autre phénomène important à noter est l'augmentation significative des emplois à temps partiel. En effet, selon une étude publiée en 1987 par le Bureau de la statistique du Québec, de 1980 à 1985, le nombre d'emplois à temps partiel a crû de 43,4 %, soit de façon nettement plus marquée que les emplois à temps plein.

La CSD recommande que soient accordées aux salariés à temps partiel des conditions de travail équivalentes à celles des salariés à temps plein, ainsi que la proportionnalité des avantages sociaux. Dans le cas des jours de congé fériés et chômés, leur plein accès doit être garanti aux salariés à temps partiel. Pour ce faire et ainsi éviter toutes les manoeuvres des employeurs qui veulent s'en exempter, la CSD recommande qu'un pourcentage du salaire représentatif de ces jours soit versé aux personnes à temps partiel.

Dans son rapport annuel de 1987-1988, la Commission des normes du travail estime que la loi s'applique à plus de 1 300 000 salariés québécois. Cette statistique nous laisse songeur quant à son application effective, lorsqu'on établit la comparaison avec le nombre de recours exercés par les salariés face au non-respect de certaines dispositions En 1987-1988, 14 482 enquêtes ont été menées par la Commission, touchant majoritairement les normes concernant les vacances annuelles, le salaire et le préavis de licenciement. De ce nombre, 5811 ont donné lieu à un règlement. Un si maigre pourcentage de plaintes par rapport au nombre de personnes visées par la loi ne doit pas nous fournir une raison de nous réjouir. L'attitude passive de la Commission, le manque d'information, les multiples complexités administratives ainsi que la crainte de représailles suffisent à expliquer ce faible pourcentage. Nous proposons donc une série de mesures visant à améliorer l'applicabilité de cette législation minimum. Les mesures touchent plus particulièrement les articles 124, 123, 126,39, 113 et 111.

La CSD recommande aussi que, dans le cas de faillite et d'insolvabilité, les articles 136, 137 et 138, prévus dans la loi et non mis en vigueur encore, soient enfin promulgés et reçoivent leur pleine application, plutôt que d'essayer de prévoir des mesures pour un peu les mettre au rancart.

Sur le préavis de licenciement ou de mise à pied, le fait de porter de six mois à un an le versement de l'indemnité compensatrice, dans le cas des salariés couverts par une convention collective prévoyant un droit de rappel, est carrément discriminatoire. En vertu de quel principe les syndiqués devraient-ils attendre six mois de plus que les autres pour atteindre ce droit? Or, la CSD recommande le retrait de l'article 83.1 de l'avant-projet de loi et le maintien de l'obligation pour les employeurs de verser à tous les salariés, dans un maximum de six mois, l'indemnité compensatrice à laquelle ces personnes ont droit si elles n'ont pas reçu le préavis.

La CSD transmet également sa position et plusieurs recommandations relatives aux jours chômés et payés, aux congés annuels, à l'indemnité afférente aux congés annuels, à la compensation du travail en temps supplémentaire, au versement du salaire, aux frais d'achat, d'usage et d'entretien d'un uniforme.

Pour ce qui est de l'essentiel, la CSD s'en est tenue à commenter les modifications contenues dans l'avant-projet de loi et il est entendu que d'autres modifications auraient tout lieu d'être apportées, entre autres à l'article 102 quant aux plaintes à la Commission. Cet article prévoit que les salariés, liés par une convention collective ou un décret, doivent avoir épuisé tous les recours qui y sont prévus avant de déposer une plainte à la Commission. Dans la pratique, une fois ces recours épuisés, les délais, pour déposer une plainte, le sont aussi. Alors, la CSD recommande, en fait, que soit abrogé le deuxième alinéa de l'article 102 qui crée encore une discrimination pour les travailleurs syndiqués.

L'article 106, plainte frivole. La CSD recommande qu'un salarié puisse en appeler de la décision de la CNT lorsqu'elle refuse de pour suivre une plainte qu'elle qualifie de frivole Quant à l'article 58, indemnité de trois heures, pour ce qui est de cette indemnité, dans plusieurs cas, des employeurs se servent du "cas fortuit" pour se soustraire à l'obligation de verser à la personne salariée une indemnité égale à au moins trois heures de son salaire horaire habituel. Or, nous recommandons que soit précisé l'obligation pour l'employeur de verser l'indemnité minimale de trois heures à chaque occasion où l'employeur requiert la présence de la personne salariée

Comme nous l'indiquions au début de ce

document, la CSD est convaincue que le fait d'avoir confié la gestion et l'application des normes de travail à un organisme gouvernemental n'a en rien contribué à accroître les droits des personnes salariées, bien au contraire. De plus, on peut dire que, par cette opération, l'État a réussi un double tour de force.

Premièrement, il a dépossédé les véritables intervenants du monde du travail, que sont les centrales syndicales, de tout le champ des conditions de base s'appliquant aux salariés et en a profité pour le confier aux fonctionnaires. Ce n'est pas qu'on en a contre les fonctionnaires, mais je pense qu'on a une mission et on désire la remplir.

Deuxièmement, avec la Loi sur les normes du travail, l'État charrie un grand mythe, soit celui qu'il existe une réelle protection pour les travailleuses et les travailleurs non syndiqués. Il n'y a qu'à constater le nombre de plaintes déposées pour des cas de congédiements pour se convaincre de la fausseté de cette assertion. Selon le rapport annuel, 1531 plaintes ont été déposées en vertu de l'article 124. De ce nombre, 30 % se sont terminées par un désistement, laissant un peu plus de 1000 dossiers actifs. Pour une loi qui couvre environ 1 300 000 salariés et avec le taux de roulement du personnel qu'on constate dans les entreprises, il n'y a pas de quoi se réjouir.

La Commission doit développer une approche plus globale face à l'application de la loi. Au lieu d'agir défensivement et de faire des enquêtes à la pièce lorsqu'il y a plainte, elle doit aller au-devant. Pour ce faire, elle pourrait développer des interventions par secteur économique, en commençant par ceux où sont plus susceptibles de se retrouver les employeurs contrevenants. Si on se fie au pourcentage de plaintes déposées par secteur, c'est le commerce de détail, pour une proportion de 20 %, l'hébergement et la restauration, dans une proportion de 18 %, qui remportent la palme et exigeraient une action systématique de la part de la Commission, du moins pour débuter.

De plus, des mesures punitives réellement dissuasives devraient être prévues dans le cas d'employeurs contrevenants parce qu'on s'aperçoit souvent que ce sont toujours les mêmes contrevenants. Des amendes allant en augmentant, dans les cas de récidive, devraient être aussi imposées. La CSD recommande que soit mis sur pied un fichier central d'entreprises contenant des informations issues de multiples sources sur le degré de conformité de ces entreprises aux diverses lois et règlements. Plus particulièrement, le portrait de chaque entreprise permettrait de connaître son bilan social et comprendrait notamment des éléments concernant la santé et la sécurité, l'Impôt, les taxes, l'assurance chômage, le respect des normes du travail et le respect des droits et libertés. Un tel recueil d'informations permettrait sûrement de cibler les entre- prises qui agissent en mauvais citoyens. Notre expérience nous prouve qu'une entreprise qui fait défaut de se conformer à une législation généralise ce comportement face à l'ensemble de celle-ci.

Voilà, messieurs dames de la commission, la position de la CSD relativement au projet de modification de la loi sur les normes minimales. Nous demeurons à votre disposition pour échanger avec vous sur la nature de ces propositions, de ces recommandations que nous avons à l'endroit du projet.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Gin-gras, de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre à échanger avec vous.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, aimerait poser quelques questions en premier lieu, si vous le voulez bien.

La Présidente (Mme Marois): Certainement. M. le député de Verdun, vous serez reconnu dans le temps imparti à votre formation politique.

Mme Trépanier: Monsieur, comme ministre responsable de la Famille, vous me comprendrez de revenir sur vos commentaires face à la politique en matière familiale. Dans votre intervention, vous avez recommandé que toutes les propositions relatives à la famille fassent l'objet d'une législation spécifique. Ce que vous voulez dire, c'est que, non pas uniquement dans les normes de travail, dans toutes les législations, dans tous les ministères, vous souhaiteriez que les propositions relatives à la famille fassent l'objet d'une législation spécifique?

M. Gingras: Oui. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne devrait pas, dans chacune des législations, prévoir des dispositions touchant... qui visent à favoriser la famille. On ne devrait pas les éparpiller dans toutes sortes de législations distinctes et séparées, on devrait regrouper toutes ces dispositions ou ces mesures visant à favoriser la famille dans une seule et même législation qui affirmerait, au Québec, un enjeu social important. C'est en ce sens que, pour nous autres, il est important qu'on rapatrie l'ensemble des droits parentaux, les droits à la famille dans une seule pièce législative qui consacrerait l'importance de cet enjeu pour notre société.

Mme Trépanier: Vous comprendrez que la famille, les besoins de la famille, c'est vaste et ça touche à tous les ministères. La démarche que le gouvernement a adoptée a été plutôt l'inverse, c'est d'adopter un plan d'action en matière familiale suivant une politique familiale qui chapeaute 58 ou 60 mesures qui rejoignent chacun des ministères. Ce que nous avons décidé de faire, c'est de nous assurer, par un réseau de

répondants, au niveau des ministères et au niveau des instances politiques également, que chacun des ministères tienne en compte et prenne en compte les besoins familiaux quotidiennement. Le problème, tant dans la politique familiale qu'au niveau de la condition des femmes, c'est de s'assurer qu'il y ait une coordination puis de s'assurer aussi que chacun des ministères, lors de l'élaboration d'un projet de loi, tienne en compte des besoins de la famille.

Je me demande, si nous adoptions l'approche que vous suggérez, s'il y aurait ce souci toujours aussi constant de faire en sorte que, dans chacun des projets de loi, on tienne en compte, on prenne en compte les besoins de la famille. Et, si oui, est-ce qu'il n'y aurait pas danger de dédoublement? Comment pourrait-on... Pourquoi voyez-vous ça de façon plus efficace?

M. Gingras: C'est parce que, dans le contexte où on le voit, plutôt que de confier à la loi des normes minimales du travail le soin de régler une partie du problème des familles, on considère que l'ensemble des mesures qu'on veut mettre de l'avant pour favoriser la famille devraient se retrouver dans un guichet unique accessible pour les familles au lieu d'être éparpillé dans une série de mesures que les gens ont de la peine à coordonner. Parce que si vous dites que vous avez créé un organisme de coordination, justement pour essayer de voir à ce que tous les ministères respectent les grandes priorités de la famille dans chacun leur vocation respective, c'est que vous avez déjà senti, pour le gouvernement, la nécessité de coordonner cette démarche-là parce que, pour vous autres, ce n'est pas simple, la démarche, et elle n'est pas simple non plus pour les travailleurs et travailleuses qui sont dans les milieux de travail. (20 h 30)

Dans ce sens-là, ce qu'on propose c'est que, plutôt que d'éparpiller les mesures et, après ça, essayer de les coordonner, on fasse donc ressortir les mesures qui sont spécifiques à favoriser la famille et qu'on les place dans une législation, dans une charte de la famille qui soit quand même un guichet unique et où les familles vont se retrouver, en termes de mesures, vont retrouver l'ensemble des mesures qui favorisent justement le droit à la famille. Or, c'est dans ce sens-là que notre recommandation arrive. C'est que, plutôt que d'éparpiller cette série de droits, on les rassemble et on en fasse un guichet unique. En plus d'être plus simple et d'être plus rapide à gérer c'est que ce genre de politique, ces mesures regroupées permettraient aussi d'affirmer, de façon non équivoque, l'engagement de notre société vers cet enjeu important qu'est la famille.

De plus en plus on est à même de constater que la dénatalité nous cause des problèmes importants. On est à même de constater que les milieux de travail et le genre d'économie avec laquelle on est obligé de composer, où les deux partenaires qui composent la cellule familiale, le mari et la femme, sont souvent obligés d'être les deux pour travailler et gagner, si vous voulez, la vie... De façon générale, c'est devenu un pattern, c'est devenu une façon de vivre. Or, dans ce sens-là, ce n'est pas seulement un droit, le travail pour l'épouse, c'est devenu une nécessité pour plusieurs. Dans ce sens-là, il est important qu'on retrouve l'ensemble des mesures qui vont favoriser la famille dans un regroupement, dans un guichet unique, mais qui touchent aussi l'aspect du travail parce que, souvent, les personnes vont devoir composer avec les milieux de travail, c'est bien sûr. Mais ces législations-là ne devraient pas nécessairement apparaître dans ce qu'on appelle... dans les législations du travail proprement dites, mais devraient apparaître dans la législation qui favorise, justement, l'accès à la famille. C'est dans ce sens-là qu'on le voit.

Mme Trépanier: Nos préoccupations vous rejoignent un peu parce que nous avons un plan d'action intégré en matière de politique familiale. De ce plan d'action, un volet important c'est les normes du travail et nous avons fait la démarche inverse mais l'objectif reste le même et le résultat se veut un résultat le plus bénéfique possible pour les familles du Québec. Ce qui est important c'est de la coordination, et le souci quotidien que les familles aient ce qui leur revient dans chacune des législations, dans chacun des ministères.

Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Marois): Oui.

Mme Trépanier:... je vais céder la parole à M. le ministre.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Dans votre document, au sujet du travail à temps partiel, vous proposez de garantir aux personnes à temps partiel les jours de congé fériés et chômés en versant un pourcentage de ce que vous appelez le salaire représentatif de ces jours. J'aimerais savoir ce que vous entendez par le salaire représentatif des jours fériés à verser aux personnes qui, justement, travaillent à temps partiel...

M. Gingras: Écoutez, si de façon générale les travailleurs à temps plein ont accès à tant de congés, en vertu de la loi des normes minimales, ce nombre de congés, si on le traduit en coût, en pourcentage, ça équivaut à un pourcentage du salaire d'un employé à temps régulier. Alors on sait que les employés à temps partiel, de façon générale, n'ont pas accès aux congés. Ils n'ont pas accès aux jours fériés. Alors ils sont privés constamment de ce qu'on appelle les congés

reliés à leur tâche, de façon générale. Dans ce sens-là, ce qu'on dit c'est de prendre le pourcentage requis pour assumer le nombre de congés et en fonction du salaire qu'ils recevront... C'est qu'ils recevront au moins le pourcentage des congés auxquels ils auraient normalement droit alors qu'actuellement ils n'en profitent pas.

M. Bourbeau: Bon. Je voudrais changer de sujet. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous vous objectez à appliquer la règle de la majorité pour le règlement d'une réclamation de salaire impayé qui touche plusieurs personnes. Dans la loi actuelle, la loi exige l'unanimité. On propose de changer l'unanimité pour la majorité, de façon à pouvoir régler les questions de salaire impayé lorsque la situation se présente. Et il nous apparaît, en tous les cas, que la règle de la majorité est une règle qui est démocratique. Et sûrement en tant que président d'un syndicat qui se veut démocratique, vous devez être sensible à ça. Mais, si vous n'êtes pas d'accord avec notre proposition, j'aimerais savoir quelle proposition vous feriez dans le cas d'une entreprise qui fait face à une fermeture, par exemple, et que, sans ce règlement-là, il est possible que les salariés perdent toutes leurs réclamations. Ne trouvez-vous pas qu'il serait préférable de régler sur la base de la majorité ou, sinon, est-ce que c'est vraiment à l'unanimité que vous souhaitez et sine qua non?

M. Gingras: Non, écoutez, ce n'est pas nécessairement l'unanimité, mais entre l'unanimité et le fait que chaque personne individuellement ait droit de dire: Moi, j'accepte le règlement ou je n'accepte pas le règlement, il y a une différence. Je pense qu'une décision majoritaire tend à imposer à un individu qui refuserait un règlement inférieur une règle, soit que la majorité aurait décidé pour lui.

Prenons l'exemple d'une entreprise où la majorité des gens seraient des travailleurs qui proviennent de la famille de la personne qui a fait une faillite ou qui a des redevances à l'endroit de l'ensemble des salariés d'une entreprise - prenons cette hypothèse-là seulement -et que la majorité de ceux-ci, étant des gens de la famille du propriétaire de l'entreprise ou de rétablissement, décident que, majoritairement, ils sont prêts à accepter un règlement moindre avec la connivence de l'employeur disant que... Écoutez, ce règlement-là, on vous récompensera, vous autres, les membres de la famille, mais on va l'imposer aux autres de cette façon-là. Nous croyons que, dans des réclamations d'ordre civil, comme celles qui émanent de l'application de la loi des normes, le droit individuel des personnes de refuser un règlement moindre doit continuer d'exister. Si la majorité décide d'accepter un règlement inférieur, bien, individuellement, ils l'accepteront, mais dans le cadre d'un règlement qui leur est soumis et ce sera leur décision personnelle. Je pense que c'est ça, la démocratie, ce n'est pas nécessairement de tenter... Parce qu'une décision démocratique, ça peut être une décision majoritaire dans certains cas, mais ià il ne s'agit pas d'une plainte collective; dans le cas de la loi des normes, c'est une plainte individuelle.

M. Bourbeau: Oui, mais il reste que si je comprends bien ce que vous dites, si la majorité l'accepte, que la majorité règle son problème comme ça, mais les autres qui ne l'acceptent pas... Vous conviendrez avec moi que l'employeur, lui, ne réglera pas, à moins d'avoir un règlement global. S'il règle avec la moitié des gens sur une base et que les autres, après, arrivent et disent: Nous, on veut plus, il n'y aura aucun règlement du tout. Dans ces cas-là, il y a un règlement qui se fait ou rien du tout. C'est difficile de dire que certains vont avoir un traitement de faveur par rapport à ceux qui ont réglé.

M. Gingras: Non, je comprends, M. le ministre, que ce sera probablement plus compliqué pour lui d'apprendre que la majorité n'est pas capable de régler le problème comme lui l'entend. Cependant, si la majorité est prête à accepter un règlement moindre et que c'est déjà pour lui inférieur à ce qui est actuellement prévu dans la loi, c'est une décision individuelle. Alors s'il y a des gens qui sont prêts à accepter un règlement moindre, ce qui devrait à ce moment-là... Ça devrait probablement être acceptable à ce moment-là pour... Mais c'est que la décision doit demeurer une décision individuelle.

La Présidente (Mme Marois): Oui, merci, M. le ministre. M. le député de Verdun, vous aviez une question?

M. Gautrin: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je vais saluer la CSD pour son... Historiquement, ça toujours été une centrale très originale dans la manière d'aborder les relations de travail et très imaginative dans ce qu'il fallait aborder. Je pense que plusieurs peuvent en témoigner ici. Vous voulez... Vous dites à la page 7 de votre mémoire: "La CSD recommande que soit accordé aux centrales syndicales le droit d'appliquer les normes minimales pour tous les salarié-e-s. " Pratiquement, quand je regarde l'endroit où ça s'applique, c'est à la page 18 de votre mémoire dans lequel vous voulez le droit de représenter, que les centrales éventuellement représentent les salariés qui pourraient y faire droit. Mais est-ce que, à part ça, à part ce que vous énoncez en page 18, vous voyez d'autres moyens ou d'autres éléments d'application du principe très général que vous avez énoncé en page 7, qui est un principe global dans lequel, grosso modo, vous dites: Les normes minimales de travail, ça concerne les centrales syndicales. L'application pratique, excusez-moi, mais elle est

un peu restreinte, si je dois dire, en page 18, en disant: Le cas échéant, on donnera un coup de main aux gens et une aide sur le plan juridique éventuellement lorsqu'ils veulent aller à la Commission des normes du travail. Est-ce que voyez autrement ou comment vous voyez... J'aimerais vous entendre parce qu'en général vous avez été historiquement, probablement, les gens qui, dans le monde du travail, ont été les plus imaginatifs. Vous pensiez à quoi là-dedans?

M. Gingras: Bon, écoutez, notre position là-dedans, vous avez raison quand on regarde la première partie du mémoire telle qu'elle apparaît, ce n'est peut-être pas complet en ce qui a trait à notre position ou la vision de la position qu'on essaie d'exprimer. Cependant, à la page 7, à la fin du paragraphe qui précède notre recommandation, on vous réfère...

M. Gautrin: À l'annexe I.

M. Gingras: ...à l'annexe I de notre mémoire. On a exposé à la commission Beaudry... C'est un extrait du rapport, c'est-à-dire de la position qu'on a soumise à la commission Beaudry et qui fait état de la possibilité de se syndiquer à titre individuel pour les travailleurs. Alors, c'est que les travailleurs n'auraient pas besoin de se syndiquer nécessairement dans le cadre d'une accréditation tel qu'on le conçoit actuellement dans le régime de relations de travail au Québec. Actuellement, les travailleurs se syndiquent automatiquement pour en venir à obtenir une accréditation et négocier de façon majoritaire avec les entreprises. Ce qu'on propose d'instaurer, c'est plutôt un syndicalisme où, à titre d'individu, une personne pourrait se donner, à un moment donné, le statut de travailleur syndiqué et, s'il n'atteint pas le droit de négocier une convention parce que la majorité des travailleurs de son entreprise ne sont pas syndiqués, à ce moment-là, la centrale syndicale qui le représente pourrait avoir le mandat de le représenter, au moins en vertu de la loi des normes minimales de travail, sur les conditions de santé, de sécurité et de prévention, et différentes conditions qui existent actuellement et qui sont accessibles à l'ensemble des salariés travailleuses et travailleurs du Québec. Alors, dans ce sens-là, le travailleur n'aurait pas nécessairement à confier son sort à n'importe qui, ou à des fonctionnaires, ou à des gens de l'aide juridique ou à des gens qui n'ont aucune expertise en matière de relations de travail, mais pourrait choisir une allégeance syndicale au même titre qu'un travailleur en choisit une pour obtenir une accréditation et négocier une convention collective dans son entreprise. Il pourrait, à ce titre-là, choisir une allégeance syndicale qui serait en fonction de défendre ses intérêts, au moins en vertu des lois minimales qui existent dans notre société.

M. Gautrin: Est-ce que...

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, une dernière...

M. Gautrin: Une dernière. Autrement dit, est-ce que, dans une même unité d'accréditation, il pourrait y avoir des gens qui seraient affiliés à différents syndicats? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

M. Gingras: Non, c'est que, tant qu'il n'y aurait pas une majorité de salariés syndiqués dans une entreprise, dans une même allégeance syndicale, il n'y aurait pas d'accréditation. C'est pour ça, c'est que...

M. Gautrin: Ah! c'est avant l'accréditation.

M. Gingras: ...c'est un syndicalisme à titre individuel.

M. Gautrin: Avant l'accréditation?

M. Gingras: Avant l'accréditation. On continuerait d'avoir la même règle qu'actuellement: pour être accrédité, ce serait une majorité de travailleurs dans une organisation qui ferait que les travailleurs puissent réussir à être accrédités dans une entreprise, mais, avant d'accéder à ça, ce ne serait pas nécessaire que ce soit une majorité qui soit désireuse de se syndiquer pour avoir une convention collective pour qu'on soit syndiqué au Québec. Nous autres, on estime que ça ne devrait pas être une condition sine qua non pour être syndiqué que d'être obligatoirement enfermé dans une majorité. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on aborde la problématique. On dit: II y a des lois minimums et puis, comme centrale syndicale, on peut jouer un rôle, mais à la condition nécessairement que ces gens-là puissent quand même avoir accès à une centrale syndicale et accès à des services de cette centrale-là, et on est prêts, nous autres, à donner des services au moins en vertu des lois minimums qui existent dans notre société pour défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses qu'on pourrait représenter à ce titre individuel, pas nécessairement dans le cadre d'une négociation avec l'employeur.

M. Gautrin: C'est certainement une piste intéressante à poursuivre Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député de Verdun. Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve, s'il vous plaît

Mme Harel: Oui. Alors, Mme la Présidente, ça me fait plaisir de saluer M. Qingras et les personnes qui l'accompagnent, certaines d'entre elles avec lesquelles j'ai déjà eu l'occasion

d'échanger ses idées. M. Gingras, cette proposition, la même dont vous discutiez avec le député de Verdun, a fait l'objet d'une discussion au sein de ma formation politique, enfin au caucus du Parti québécois, et ce que nous considérions... Vous avez vraiment bien fait valoir que finalement l'exercice peut être assez futile et que les plus belles pièces législatives ne valent rien si elles ne sont pas mises en application, et que parfois même le risque d'exercer des recours, pour un travailleur ou une travailleuse qui n'a pas le soutien, est trop élevé en regard du bénéfice même qui est recherché. On le voit avec tous les désistements de plaintes qui se produisent et avec le fait que bien des gens n'osent pas même obtenir ces normes minimales, de peur du courroux qui peut s'ensuivre ou des répercussions, comme le dit mon collègue. (20 h 45)

À ce moment-là, est-ce qu'il faut envisager... La Commission, jusqu'à maintenant, est seule à avoir le mandat de faire appliquer les normes minimales. En fait, vous, vous dites: Élargissons, de manière qu'il y en ait d'autres aussi dans notre société. Ça pourrait être au choix du salarié, ça pourrait être au choix, à ce moment-là, de préférer l'intervention d'un représentant de la Commission. On sait que, présentement, la Commission peut intervenir. Est-ce qu'il faut qu'au choix le salarié obtienne que la Commission doive intervenir, s'il choisit de se faire représenter par la Commission, mais que son choix puisse aussi être en faveur d'une association de salariés ou d'un organisme de défense des droits?

Tout de suite après vous, viendra l'organisme Au Bas de l'échelle qui reçoit surtout des travailleurs et des travailleuses assujettis aux normes minimales, et qui pourrait les représenter devant la Commission. Ma question est la suivante: Est-ce que vous pensez souhaitable d'élargir votre recommandation à la page 18, de façon que les associations de salariés et les organismes de défense des droits, identifiés évidemment, puissent représenter les salariés qui le désirent et qu'à ce titre-là des frais de représentation soient remboursés selon les barèmes à établir?

M. Gingras: Écoutez, je pense qu'il y a toute la question de reconnaissance de l'organisme en question. Ça soulève un problème quand même. Quand on parie d'une centrale syndicale, on parle quand même d'une organisation qui, quotiennement, est impliquée dans le règlement de certains dossiers, est impliquée dans la démarche de défense des travailleurs et travailleuses et possède une expertise. Il y a des conditions minimums. Je ne pense pas que notre position mette à l'écart ce genre d'organisme qui pourrait éventuellement recevoir une accréditation quelconque parce que, justement, il possède les qualités requises. Mais il ne faudrait pas que ce soit une invitation à la création d'une série d'organismes qui seraient là pour laisser voir qu'ils jouent le rôle, mais qui, dans les faits, ne le jouent pas nécessairement.

C'est pour ça que je dis qu'il faut être prudents. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait un mécanisme d'accréditation quand même et que les organismes qui seraient reconnus pour défendre les travailleurs, en dehors des centrales syndicales, devraient être accrédités en fonction de règles et de critères minimums qui assureraient la garantie des intérêts des travailleurs et travailleuses qui font appel à ce genre de services. Il ne faudrait pas tomber dans un autre excès et faire en sorte que la centralisation devienne une décentralisation, au point que n'importe quelle personne d'un coin de rue pourrait se partir un service de représentation des travailleurs et avoir accès à ces sommes-là indûment, sans nécessairement faire le travail auquel, normalement, on doit s'attendre dans une situation comme celle-là.

Mme Harel: En tout cas, c'est certainement la question la plus névralgique de nos travaux, soit de se demander comment faire en sorte que les bas salariés voient appliquer les lois qui sont votées en leur faveur, puisqu'on sait que le tiers au moins des bas salariés ont des conditions de travail inférieures aux normes du travail. Avoir des partenaires pour pouvoir le faire est certainement souhaitable, mais confier à l'État seul une sorte de monopole de représentation des droits des personnes, ce n'est pas nécessairement dans l'esprit des temps actuels. C'est certain que ça pourrait être intéressant que soit envisagé un élargissement dans le sens que vous proposez et dans le sens qu'on peut le souhaiter aussi, avec une reconnaissance d'organismes qui ont déjà de l'expertise en matière de défense des bas salariés.

Des organismes avant vous ont fait valoir que, finalement, toutes ces législations du travail sont tellement éparpillées... Et je pense, entre autres, à la Fédération des travailleurs du Québec qui illustrait, dans son mémoire, une série de lois qui contiennent des dispositions relatives aux droits des salariés: la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, celle sur la fête nationale, sur les jurés, la Loi électorale, le Code civil, la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, etc. Il y en avait une quinzaine comme ça. Et ça, ça ne facilite pas, évidemment, l'application, la connaissance des lois, le fait qu'elles soient à ce point éparpillées, et certains ont repris la recommandation de la commission Beaudry, en ce sens d'intégrer toutes les dispositions relatives au travail dans un code intégré, un Code du travail, comprenant à la fois les contrats collectifs et les contrats individuels dans une sorte d'ensemble, pour en arriver à une certaine harmonisation aussi, finalement à

une économie générale de ce droit d'une certaine façon.

Je vais vous dire ce qui m'a étonnée, parce que vous, vous semblez aller dans ce sens-là. Dans votre mémoire, vous recommandez, je pense, qu'il y ait une véritable révision du Code du travail, des autres législations, y compris la Loi sur les normes du travail, dans le sens d'une intégration. En fait, vous allez dans le même sens. Et là ce qui m'a étonnée, c'est que vous proposiez, pour les familles, une loi à part. Ça m'a vraiment surprise parce que, dans le fond, qui, parmi les travailleurs et les travailleuses, n'est pas dans une famille? Ils ne sont peut-être pas parents de jeunes enfants, mais ils sont certainement enfants de parents et la famille n'est pas que celle des petits bébés. En fait la responsabilité familiale n'est pas qu'à l'égard des petits enfants. Ce n'est pas seulement les congés de maternité, même si c'est là un aspect très important.

Il y a une logique implacable, dans le fond, à faire partie d'une famille. Ce n'est pas une minorité visible ou invisible dans notre société, la famille. Tout le monde est d'une famille. Les orphelins complets, c'est... Et je me dis: Quels recours auraient-ils? C'est une loi qui devrait, de toute façon, avoir les recours des autres dispositions des normes minimales pour qu'advenant qu'il y ait défaut la personne puisse faire sanctionner, finalement, donc il faudrait qu'elle se réfère aussi au commissaire du travail et à la Commission des normes. Alors, pourquoi une loi à part quand on a intérêt, dans le fond, à ce que la réalité famille, penser famille, ce soit intégré au point où, finalement, nos lois respirent la famille sans qu'on ait besoin d'en faire à côté?

M. Gingras: C'est que parler de lois qui respirent la famille, on ne pense pas que l'épar-pillement donne l'impression, justement, que les lois respirent la famille. On n'y croit pas en termes d'orientations. Nous, on favorise plutôt le guichet unique parce qu'on pense qu'on a un problème de société par rapport à la famille, actuellement. On pense que la seule façon d'affirmer vraiment une orientation majeure favorisant la famille repose sur le fait qu'on regroupe les mesures qui concernent la famille dans un guichet unique. Je comprends votre intervention. Quand on parle de regrouper les législations du travail, oui on partage cet objectif-là. L'ensemble des législations du travail doivent être regroupées.

Cependant, on dit oui à ça, on dit oui au regroupement de l'ensemble des législations, mais il y a certaines législations d'espèce. On va prendre, entre autres, la santé et sécurité au travail, qui fait l'objet d'une législation particulière. Je pense qu'on devra continuer de composer avec une législation de nature un peu particulière, pour la santé et la sécurité, et ça affirme une volonté, en même temps, de s'atta- quer à un problème fondamental qui est celui de la santé et de la sécurité.

On le voit comme ça. Si c'était intégré dans un ensemble de législations constituant les législations du travail, on n'aurait pas le même sentiment que c'est une priorité au même titre. Ce serait une priorité à l'intérieur des priorités, bien sûr, mais ce ne serait pas une priorité au même titre. Je pense que l'enjeu du problème familial actuellement dans notre société est tellement important qu'il nécessite qu'on affirme vraiment cette priorité et qu'on la retrouve à l'intérieur d'une législation, d'une pièce législative qui soit tout à fait spécifique à cet enjeu.

Or, c'est dans ce sens-là que notre recommandation va, aussi surprenante soit-elle, mais je pense que c'est sur ça qu'elle repose. Le motif fondamental est sur ça. Quant au regroupement de l'ensemble des législations du travail, on partage aussi cet objectif-là et on croit qu'on doit le réaliser parce que l'éparpillement des législations du travail dessert actuellement le monde du travail. Ça, c'est clair. Je pense qu'on l'a demandé à la commission Beaudry. On continue de le demander à toutes les occasions, qu'on regroupe cet ensemble de législations-là et qu'on puisse faire référence à une seule législation du travail malgré notre position.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Disons qu'on a parlé avec des groupes, cet après-midi entre autres, du sujet de l'équité salariale. Je remarque qu'il n'en est pas du tout question dans le mémoire que vous nous avez présenté. Est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'une mesure comme l'équité salariale s'ajoute à un projet de loi comme celui-là?

M. Gingras: Bien, écoutez, concernant l'équité salariale, je verrais sûrement d'un bon oeil que la loi des normes minimales traite de l'équité salariale, bien sûr. C'est que si on parle d'équité salariale dans notre société, et à quelque niveau que ce soit, je pense que toutes les occasions qu'on a de pouvoir y référer, de pouvoir en traiter de façon à résoudre les problèmes d'équité qui existent actuellement, si on a des mécanismes... Mais je ne vois pas encore comment on peut l'introduire. C'est parce qu'il s'agit quand même de voir comment on va traiter la compensation des postes de travail et le travail dans notre société, pas nécessairement en fonction de ce qu'il est exécuté par un homme ou une femme, mais qu'il est exécuté en fonction de ce que mérite une tâche. Alors là on parle d'échelles salariales, on parle d'équité salariale, c'est différent d'une échelle de salaire minimum. On parle de toute une autre philosophie en termes de traitement de base, traitement minimum. C'est un traitement minimum qui serait

plus conforme peut-être à la réalité ou à l'équité salariale que comporterait le fait d'effectuer un travail plutôt qu'un autre. Je ne sais pas si c'est dans ce sens-là que vous le voyez?

Mme Carrier-Perreault: Disons qu'il y a des groupes aussi qui nous ont dit que ce serait important que cette mesure-là sort inscrite dans une loi, si on veut, proactive.

À la page 31 de votre mémoire, vous nous parlez du rôle de la Commission des normes du travail. Disons que personnellement je vois beaucoup de similitudes avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail en quelque part. Disons que le genre de recommandations que vous faites, c'est un peu pour un inventaire de risques, si on veut, avec les mauvais... On ne prend pas de chances avec les mauvais employeurs, on sait d'avance, donc on fait de la prévention, si on veut. Est-ce que ça n'aurait pas pour but de rendre la loi proactive à ce moment-là, c'est qu'on pourrait aller justement au-devant avec la loi, sans attendre qu'il y ait des plaintes?

M. Gingras: C'est exact.

Mme Carrier-Perreault: Est-ce que c'est dans ce but-là que vous avez...

M. Gingras: C'est dans ce but-là. C'est qu'actuellement la loi est passive et, à notre avis, l'application de la loi est passive. Or, dans ce sens-là, c'est qu'on veut la rendre proactive. Il est important, en fait, qu'on ait une stratégie d'application de cette loi. Ce n'est pas tout de rendre une loi... Parce que, actuellement, dans les milieux de travail, force nous est de constater que souvent, lorsqu'on arrive à syndiquer des endroits de travail, des milieux de travail, on s'aperçoit que même la loi des normes minimales ne s'applique pas et ce n'est qu'à ce moment-là que certains employés viennent nous voir et nous disent: Bien, écoutez, j'ai eu telle situation, on n'a pas respecté mes droits élémentaires. On leur demande toujours: Mais pourquoi vous n'avez pas fait appliquer vos droits? On n'a pas fait appliquer nos droits parce que, si on les fait appliquer, l'employeur va l'apprendre et on va perdre notre job. On n'aura pas de travail demain matin. Or, par déduction ou par information qu'il recevra d'un agent de la Commission, on sera littéralement mis à la porte de notre travail. Et, d'ailleurs, des exemples se produisent régulièrement dans les milieux de travail et il y a des gens qui viennent même se plaindre chez nous. Ils viennent nous voir et ils viennent chercher des conseils, comment agir dans des situations comme ça, parce qu'ils viennent de perdre leur travail parce qu'ils ont réclamé à la Commission des normes du travail le traitement minimum qui est prévu dans la législation. Alors, ils ne savent pas comment s'en sortir, parce que l'employeur ne le congédiera pas parce qu'il a réclamé mais il va trouver un autre motif pour s'en débarrasser. Alors, c'est un peu la situation que vivent les gens dans le champ. Or, dans ce sens-là, il y a lieu, dans une législation minimum comme celle-là, et connaissant les milieux de travail comme ceux qui existent actuellement dans notre société, qu'on ait quand même au moins la volonté de faire appliquer ces minimums parce qu'il faut que ça se ressente aussi. Ce n'est pas tout de passer une législation, mais il faut qu'on sente aussi la mission d'en faire une application concrète. Or, quand on sait qu'il y a des secteurs qui ont de la difficulté à faire l'application de cette législation et la violent systématiquement, je pense qu'il faut qu'on procède à ce qu'on appelle des inspections de conformité. Ça existe dans le domaine de la santé, de la sécurité. (21 heures)

II y a des entreprises qui sont de mauvais citoyens et il y a des entreprises qui ont des taux de cotisation élevés parce que, justement, elles ont un taux d'accidents important. Je pense qu'il y a des inspections de conformité, chez ces entreprises-là, qui sont plus régulières qu'ailleurs. Mais je pense que c'est justifié parce qu'on veut les inciter à une approche préventive plutôt qu'à une approche curative. Dans ce sens-là, je pense qu'il est nécessaire, quand on a une loi minimum et qu'on s'aperçoit qu'il y a des secteurs qui violent de façon systématique ces lois minimums là, qu'au moins on fasse comprendre aux entreprises ou aux employeurs qui violent systématiquement ces législations-là qu'il y a une volonté, quand même, qu'elles s'appliquent.

La Présidente (Mme Marois): Une dernière question, Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Vermette: En page 37 de votre mémoire, vous parlez de l'accessibilité à un fichier central des entreprises. Vous aimeriez, en fait, être informés sur, en tout cas, tout ce qui est conforme, en fait, à ces entreprises au niveau des divers règlements. J'aimerais savoir pourquoi, justement, cette demande est mise là, actuellement. Est-ce qu'il pourrait être plus favorable pour les travailleurs et les travailleuses qu'on mette sur pied un fichier central de cet ordre-là?

M. Gingras: Écoutez, je vais demander à Pierre Yvon Ouellette, de notre service de recherche, de vous apporter une réponse et je compléterai, s'il y a lieu.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Ouellette.

M. Ouellette (Pierre Yvon): Merci. L'idée du

fichier central, d'abord, on l'a exprimée par rapport à l'action actuelle de la Commission des normes. La Commission des normes a actuellement une action défensive. Elle répond à des plaintes. Elle répond à des problèmes qui se produisent. Ce qu'on dit, c'est que la Commission des normes devrait aller au-devant des problèmes, donc devrait détecter des entreprises qui sont susceptibles de violer la loi des normes. L'expérience qu'on a, c'est qu'une entreprise qui a des problèmes à respecter la loi des normes, c'est la même qui a des problèmes à respecter la loi de la santé, la loi des accidents et maladies, l'application de la Charte de la langue française; c'est toujours la même. Une entreprise qui a des problèmes à respecter une de ces lois-là qui sont des fondements minimaux, elle a des problèmes à respecter toutes les autres.

Par exemple, dans certaines régions où il y a du chômage actuellement, si on avait pu détecter des entreprises qui avaient une fréquence à utiliser la mise à pied pour régler leurs problèmes de vente, leurs problèmes de production, on aurait peut-être évité des fermetures d'entreprises. Si on avait pu aller au-devant d'entreprises, que ce soit en termes de fréquence, de gravité d'accidents de travail, on n'aurait peut-être pas les fermetures qu'on a, on n'aurait peut-être pas les accidents qu'on a, on n'aurait peut-être pas les maladies professionnelles qu'on a.

Alors, pour résumer, l'objectif d'avoir un fichier central, c'est de ramasser dans la même banque d'informations les entreprises qui ont des problèmes à respecter ces lois-là. Par rapport à notre texte, on pourrait ajouter les entreprises qui ont des problèmes à respecter les lois de l'environnement. C'est dans la même famille que celles qui ont de la misère à respecter les lois de la santé, des accidents, de l'impôt, etc.

La Présidente (Mme Marois): Les mauvais citoyens corporatifs.

M. Ouellette: Voilà!

La Présidente (Mme Marois): Oui, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, M. Gingras?

M. Gingras: En fait, c'est ça. On le soumettait d'ailleurs au gouvernement fédéral concernant le bill C-21, la Loi sur l'assurance-chômage, on a soumis exactement la même position. On pense que, de façon générale, un mauvais citoyen se reproduit. Dans tous les régimes sociaux, on retrouve de quelle façon il se reproduit. Pour nous autres, il est important que ces mauvais citoyens corporatifs, quand même, on y porte une attention, parce que ce sont des gens qui coûtent cher à la société. Il ne faut pas penser qu'ils coûtent cher uniquement aux travailleurs et travailleuses qu'ils emploient, mais ils coûtent cher aussi à la société. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a lieu qu'on prévoie des règles spécifiques qui fassent en sorte qu'au moins, à un moment donné, on puisse identifier ces gens et qu'on ait un traitement particulier

La Présidente (Mme Marois): Je pense que ça va, M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui, j'aimerais simplement remercier la CSD et son président pour un exposé très clair et très intéressant sur le projet de loi. Je peux vous assurer que nous allons tenir compte de toutes les représentations que vous nous avez faites et dans votre mémoire et dans votre exposé verbal.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission. Qu'on partage ou non votre point de vue, je pense qu'il était intéressant et neuf par rapport à d'autres mémoires qu'on a eus jusqu'à maintenant, même si ça ne fait qu'une journée que l'on siège.

M. Gingras: On est heureux que vous aviez reçu nos commentaires avec autant de diligence. Je pense que, si on vous en fait part, c'est parce qu'on y croit et je pense qu'on est convaincus que ces principes doivent apparaître dans cette législation. Bien sûr, même si vous ne partagez pas l'ensemble, je pense qu'on se devait de vous les soumettre parce que c'est la pensée des gens qu'on représente, quand même, par rapport à la loi sur les normes minimales de travail. On vous remercie de la possibilité que vous nous avez donnée de nous faire entendre par rapport à ce projet de loi et on espère que vous tiendrez compte de l'ensemble des modifications, au Parlement.

La Présidente (Mme Marois): Merci. J'inviterais maintenant les représentants et représentantes de l'organisme Au Bas de l'échelle à bien vouloir prendre place devant nous. Pendant ce temps, je fais circuler l'ordre du jour pour les séances de travail de demain.

Si les membres de la commission le veulent bien, nous allons reprendre nos travaux. Comme je l'ai fait pour d'autres personnes qui sont venues, j'inviterais la présidente du conseil, Mme Aveline, à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent, et à procéder à la présentation du mémoire en une vingtaine de minutes pour nous permettre d'échanger avec vous par la suite.

Au Bas de l'échelle

Mme Aveline (Danielle): Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci de nous avoir invités. Mon nom est Danielle Aveline; je suis

présidente de l'organisme Au Bas de l'échelle. Je suis accompagnée par Gaétan Lévesque, qui est membre du conseil d'administration; par Manon Richard et Lynda Nadeau, qui sont toutes les deux permanentes au groupe. On vous remercie donc de nous avoir permis de venir ici. On est très contents parce que, nous, ça fait 15 ans qu'on existe. Ça fait 15 ans qu'on travaille, justement, avec cette loi, la loi 126, et on peut dire qu'on la connaît très bien.

Notre organisme, on peut le dire, a une expertise sur cette loi et, surtout, sur la façon dont elle est appliquée par les non-syndiqués. On reçoit, depuis ces 15 années, de nombreux non-syndiqués, qui, parce qu'on est un groupe de défense et d'aide des non-syndiqués, viennent nous demander toutes sortes d'informations sur la loi elle-même qu'ils ne connaissent pas - ça, le constat est assez clair - sur les recours possibles qu'ils ont ou qu'ils n'ont pas, sur les trous de la loi, enfin, et j'en passe.

On donne énormément d'informations également dans les COFI, dans les groupes de jeunes, dans les groupes de femmes, dans les écoles, dans les entreprises qui le demandent; bref, nous rejoignons un grand nombre de personnes. Ce sont environ 2000 demandes par année qui arrivent au groupe Au Bas de l'échelle et on peut dire que, sur ces 2000 demandes - on a des statistiques claires là-dessus - il y a 40 % des gens qui n'ont pas de recours légaux, c'est-à-dire qu'on est obliges de leur répondre: Votre cas n'est pas prévu par la loi; on ne peut rien faire.

Je voudrais vous dire aussi qu'on vit quotidiennement cette loi et qu'on est capables d'en analyser certaines faiblesses. Par contre, on n'a pas la chance d'avoir la formule Rand. On n'a pas la chance de représenter... On ne peut pas dire que les non-syndiqués sont membres d'Au Bas de l'échelle. Bien sûr, on a un groupe de membres, un membership, mais si tous les non-syndiqués étaient membres et si on avait la formule Rand, ce serait extraordinaire. On n'aurait pas quatre permanentes, mais on en aurait 2000. Ce serait formidable.

On va mettre "l'emphase" sur certains éléments du mémoire. On ne veut pas détailler tout parce que, d'une part, nous faisons partie du Front de défense des non-syndiqué-e-s que vous avez eu l'occasion de rencontrer ce matin et on appuie, évidemment, entièrement leur mémoire. D'autre part, on fait partie également du Regroupement pour des congés de maternité et parentaux qui va présenter son mémoire demain, que nous appuyons également entièrement puisque nous avons travaillé avec eux sur ce mémoire. Donc, on appuie trois mémoires. C'est extraordinaire!

Mais on est venus, quand même, spécifiquement sur le nôtre parce que, comme je vous le disais tantôt, on a une expertise qu'on trouvait important de vous amener. Les deux constats principaux qu'on fait sont que la loi nous paraît inadéquate et insuffisante, et que les recours qui sont prévus dans la loi sont difficiles d'accès, en général.

De plus, depuis dix ans, je ne vous apprendrai rien en vous disant que la situation économique s'est détériorée avec les fermetures, les faillites, la précarisation de l'emploi, la dualité du marché du travail. Tous ces éléments-là, que tout le monde connaît, font en sorte que de plus en plus de personnes n'ont pas les moyens de se défendre et, finalement, ont comme seul recours cette loi. La ioi est donc devenue désuète, c'est clair, et il n'y a pas de mécanisme clair pour la changer. Alors, je trouve qu'on a l'occasion historique, avant l'an 2000 - parce que la prochaine fois, ce sera peut-être en l'an 2000 - avec vous, les parlementaires et le ministre, de changer cette loi. Et je trouve ça très très important qu'on la fasse le mieux possible.

À cet égard, on voudrait dire qu'on a bien étudié l'avant-projet de loi. On a, d'ailleurs, fortement apprécié également que les agents du ministère viennent nous rencontrer pour nous l'expliquer et on voudrait vous remercier de cette initiative. Ça nous a beaucoup aidés. On a trouvé qu'il y avait des choses très importantes dans ce projet de loi et un pas en avant qui est tout à fait notable, mais on trouve que c'est insuffisant. Naturellement, on va vous dire pourquoi.

Nos demandes sont, somme toute, très raisonnables, vous allez le voir, et on ne pense pas que ces demandes soient irréalistes. D'abord, on s'aligne par rapport à d'autres lois, comme le Code canadien du travail ou d'autres lois provinciales. On essaie juste d'harmoniser pour que ces lois dites minimales soient, quand même, un petit peu à l'ordre du jour de 1990, et on pense qu'elles n'entraînent pas une détérioration économique épouvantable. On nous menace toujours, on a toujours l'épée de Damoclès: Si vous augmentez le salaire minimum, ça va déranger l'économie. En fait, on s'aperçoit que ça n'a pas un impact considérable.

Par contre, on pense à des éléments incitateurs au retour au marché de l'emploi. Parce que c'est sûr que, si les conditions de travail sont difficiles, les gens préfèrent rester au bien-être social. On le sait tous, il y a eu assez d'études là-dessus.

Voilà les points qu'on voudrait amener assez rapidement. Je voudrais, d'abord, toucher le champ d'application de la loi; ensuite, le salaire minimum; ensuite, certaines normes comme les congés, les vacances, le temps supplémentaire; puis, les recours et, enfin, parler de la Commission, de son mandat et de son application. Je vais essayer d'être brève.

En ce qui concerne le champ d'application de la loi, ça va être très simple. C'est tout simplement pour dire que nous demandons que

cette loi, qui est quand même une loi sur les normes minimales, soit universelle, c'est-à-dire qu'elle touche tous les travailleurs, qu'il n'y ait pas d'exclusions telles qu'elles sont actuellement - je ne vous donnerai pas tous les détails techniques, vous les connaissez mieux que moi sans doute - mais que les travailleurs agricoles, notamment, et les travailleurs domestiques soient entièrement couverts par cette loi. ils sont exclus actuellement de certaines dispositions. d'ailleurs, le ministère, le mmsr, recommandait déjà, en 1987, l'abrogation des mesures d'exception. donc, on va tout à fait dans le même sens.

Sur le salaire minimum, nous avons - vous le trouverez en page 8 - trois choses que nous voulons voir réformer: premièrement, que le salaire minimum soit augmenté immédiatement à 6 $ l'heure afin de rattraper l'inflation et d'aller au-delà du seuil de la pauvreté. Nos calculs actuels nous disent qu'un travailleur au salaire minimum est en dessous du seuil de la pauvreté de 1400 $ s'il n'a pas de personne à charge. Donc, dès qu'il a une personne à charge, il est encore plus en dessous du seuil. Donc, ça nous apparaît une mesure de rattrapage immédiate, nécessaire. Deuxièmement, étant donné qu'il y a souvent des changements de gouvernement, de pouvoir, et qu'on a des périodes de gel de salaires, de remontée de salaires, c'est assez aléatoire, on pense qu'il faudrait qu'il y ait, n'est-ce pas, Mme la Présidente... (21 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Oh! Qu'élégamment ces choses sont dites, madame!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Vous voulez un changement de gouvernement, quoi? C'est ça que j'ai...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Aveline: Nous pensons qu'il faut prévoir un mécanisme d'indexation du salaire minimum qui soit révisé une fois par année et qui repose, entre autres, sur le coût de la vie. On pense qu'il faut, au moins, que les gens conservent leur niveau de vie.

Une autre chose qu'on voudrait voir, c'est qu'un mécanisme de hausse de la valeur réelle, c'est-à-dire qui tienne compte des hausses du pouvoir d'achat, du salaire minimum, soit conçu à titre de participation à l'enrichissement collectif. Vous trouverez, à cet effet, dans les annexes de notre mémoire, un petit tableau que nous avons fait faire par un économiste très sérieux de l'UQAM, qui nous explique que, même si on mettait le salaire minimum à 6 $ en 1990, la valeur réelle de ce salaire est de 3,78, c'est-à-dire un petit peu en dessous de ce qu'il était réellement en 1981. Donc, on ne rattrape même pas, on est très conservateurs dans nos demandes.

Donc, ces trois points pour le salaire minimum nous apparaissent importants. Une augmentation et un mécanisme d'indexation qui permettrait de le revoir régulièrement.

En ce qui concerne maintenant les différentes petites normes - qui ont l'air petites comme ça, mais qui sont grosses, et je vais en parler rapidement, malheureusement - que je voulais passer, ce serait d'abord les congés. Les congés parentaux, on n'en parlera pas... Comme je le disais tout à l'heure, on appuie le mémoire qui sera présenté demain. Pour les congés fériés, on voudrait juste clarifier qu'actuellement ce n'est pas clair quand un congé férié tombe un dimanche, etc. Nous proposons simplement que les jours fériés soient vraiment chômés et payés. Alors, il y a toutes sortes de nuances là. Et, selon que ça tombe un dimanche, il y a des travailleurs chaque année qui se plaignent; on a des appels, ça ne dérougit pas, chaque fois qu'il y a des congés fériés parce qu'ils veulent savoir s'ils ont le droit d'être payés et tout ça; et, en fait, ils n'ont pas le droit, ce qui fait qu'il y a des jours qui sont perdus de cette façon.

Le congé de maladie, ça, c'est notre cheval de bataille. On trouve ça vraiment invraisemblable qu'une loi minimale ne permette pas à un travailleur d'être malade, de s'absenter. Pour cette raison, il peut perdre son emploi, et ça arrive régulièrement et très souvent. Un employé qui a moins de cinq ans d'ancienneté, comme vous le savez, n'a pas de recours. Alors, il y a des gens qui sont en maladie et qui reviennent avec un licenciement sur la table, c'est absolument aberrant! Et ça, c'est un gros, gros trou dans la loi et, nous, ça fait des années qu'on se bat pour qu'il y ait une reconnaissance. C'est d'autant plus scandaleux que ça fait des différences entre les travailleurs. Vous prenez un travailleur de caisse populaire et de la Banque Nationale. La Banque Nationale est de juridiction canadienne, le Code canadien du travail prévoit des congés de maladie. On nous dit que c'est difficile à gérer; je me demande comment les banques les gèrent. Ça doit être possible. Nous ne voyons pas un problème à ça. Il me semble que c'est absolument désincitateur pour les travailleurs de ne pas avoir le droit d'être malades. C'est comme fondamental. On insiste beaucoup sur ça.

Dans notre proposition, d'ailleurs, à la page 10... Je vois que vous posez souvent des questions: Comment on peut faire et tout ça? Justement, on vous donne tout le procédé, aux pages 11 et 12, pour le gérer et on ne le fait pas simplement avec le chapeau ou du point de vue des travailleurs. On sait aussi, parce qu'on connaît les employeurs, que ce n'est pas facile pour eux. On a essayé de trouver un mécanisme qui permette de ne pas abuser, justement, et on donne certaines façons. Par exemple, il faut être en service continu depuis trois mois, il ne faut pas être absent pendant plus de douze semaines,

pendant une période plus longue que celle... Bon, etc. Je vous laisse lire, aux pages 11 et 12, les différentes façons dont on pourrait gérer ce congé-là, mais il nous apparaît important qu'il y ait quelque chose.

Je veux parler aussi de vacances rapidement. Actuellement, il faut avoir dix ans pour avoir deux semaines. Je ne sais pas s'il y en a beaucoup, autour de la table, qui apprécieraient d'attendre dix ans d'ancienneté pour avoir deux semaines. En tout cas, moi, je ne le prendrais pas et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui...

Une voix: Trois semaines.

Mme Aveline: Trois semaines, pardon. Il n'y a beaucoup de gens qui restent dix ans au même endroit. Et puis, trois semaines, c'est vraiment pas beaucoup, non plus, hein. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on trouve très très... Pardon?

M. Gautrin: Les députés ne prennent pas trois semaines de vacances.

Mme Aveline: Ah?

M. Bourbeau: C'est pour ça qu'on fait les modifications là.

Mme Aveline: Bien, c'est ça, vous proposez, après cinq ans, qu'il y ait trois semaines. D'après nos calculs, ça touche moins de 40 % des travailleurs. Alors, ce n'est pas inintéressant là, mais il faut aller un petit peu plus loin, parce qu'il me semble qu'au niveau du ressourcement, du besoin de repos, de la motivation au travail aussi... Quand on va chercher un emploi et qu'on vous dit d'avance qu'il faut attendre cinq ans, et que ça touche moins de 40 % des travailleurs, moi, je me dis: Quelque part, c'est insuffisant. Nous, on propose vraiment qu'il y ait trois semaines après trois ans, ce qui n'est pas révolutionnaire, non plus, et quatre semaines après cinq ans. Ça améliorerait sensiblement la situation.

Je ne vous citerai pas mon pays d'origine parce que tout le monde vous le met sous le nez, mais, quand même, en France, tout le monde a cinq semaines de congé - je ne peux pas m'em-pêcher de le dire - et ça fait un décalage tellement énorme que ça paraît absolument incroyable qu'après un an on arrive à avoir cinq semaines de congé. Et moi, quand je suis arrivée ici, il y a 10 ans, je suis tombée à la renverse quand j'ai vu ça et, 10 ans après, je tombe encore à la renverse parce que votre avant-projet de loi n'avance pas encore beaucoup, puis, s'il est là encore pour 10 ans, on va être encore pris, en l'an 2000, avec ça. Ce n'est pas très avant-gardiste. Voilà pour les vacances.

Pour le temps supplémentaire, bien, on avait deux demandes qu'on trouvait fondamentales, car on a vécu ça depuis que la loi existe. La semaine normale de travail à 44 heures est vraiment trop longue; ça prend vraiment une semaine de 40 heures, comme dans le Code canadien - une fois de plus, je vous cite le Code canadien, puis il y a cinq autres provinces également qui ont ça - et puis aussi la journée de huit heures. Parce que, si vous avez 44 heures et que vos 44 heures, vous les faites en trois jours, ça fait dur un peu. Et ça arrive qu'il y a des gens qui font dix, douze, treize heures de travail par jour parce qu'il n'y a pas de journée normale de travail. Alors, les deux choses sont absolument indissociables. Il y a aussi le problème pour les gens qui sont à temps partiel, qui ne travaillent que quelques jours par semaine; bien, s'ils ont une journée dite normale de travail, ils pourront refuser, après neuf ou dix heures, de faire ce temps supplémentaire.

Justement, on parle du droit de refus et votre projet prévoit un droit de refus pour les congés parentaux, pour les gens qui ont des responsabilités parentales avec, d'ailleurs, des ambiguïtés qui nous paraissent un peu difficiles à gérer. Enfin, c'est un certain progrès, mais ça touche simplement les gens qui ont des responsabilités parentales. Moi, je pense à tous ces gens qui vont prendre, par exemple, des cours de formation professionnelle, qui prennent des cours le soir, ce qui est tout à fait bénéfique socialement, et qui ne peuvent pas rester au bureau le soir. Vous souriez, monsieur, mais c'est vrai, il y a des employés, des secrétaires - moi, j'en ai des exemples autour de moi - à qui on demande: Bien, reste ce soir pour faire un "rush", puis qui ont un cours et elles sautent leur cours. Je trouve ça dommage que ça ne permette pas le recyclage, surtout que le ministère s'occupe aussi de formation professionnelle maintenant, et je pense que c'est une préoccupation qu'on doit avoir.

Donc, en ce qui concerne le temps supplémentaire, on demande, aux fins du calcul des heures supplémentaires, que la semaine normale soit de 40 heures et la journée de huit heures, et qu'on ait le droit de refuser de faire des heures supplémentaires après ses heures régulières de travail. Je ne pense pas que ce soit très difficile à gérer, à partir du moment où on a fait huit heures, de simplement dire: Je peux faire des heures supplémentaires, mais je peux aussi refuser. Voilà en ce qui concerne les différents points des normes.

Je voudrais aborder maintenant le quatrième point de notre mémoire, qui concerne les recours. En ce qui concerne l'article 122, les congédiements illégaux, on trouve qu'il y a quelques améliorations dans l'avant-projet de loi, mais vous verrez, à la page 18, qu'on propose d'aller un petit peu plus loin aussi. On pense que la Commission des normes du travail devrait défendre gratuitement et automatiquement les travailleurs. Ce n'est pas juste à leur demande,

etc. On sait qu'il y a beaucoup de travailleurs qui ne font pas cette demande parce que, d'abord, ça coûte très, très cher, c'est une des premières raisons. Il faut prévoir vraiment une accessibilité parce que ce sont des congédiements vraiment graves.

On a également le problème qu'on Joue avec les mots: on a vu beaucoup de travailleurs subir des congédiements déguisés, des mises à pied qui n'en sont pas réellement, etc. Nous proposons d'élargir la portée de l'article 122 afin qu'il comprenne les circonstances de mise à pied, de situation de représailles, de discrimination et d'imposition de toute autre sanction. On sait pertinemment qu'il y a des façons indirectes de donner des conditions de travail aux gens qui font que ça revient à décourager les gens qui démissionnent et c'est un congédiement déguisé. Il y a toutes sortes de jurisprudences autour de ces termes-là aussi qui sont ambigus. C'est juste pour harmoniser aussi qu'on propose, finalement, que la portée de l'article 122 soit plus générale. On donne l'exemple, à la page 18, d'un employeur qui mettrait à pied un salarié, la veille d'un congé férié, afin d'éviter de le rémunérer et qui agirait en toute légalité puisque l'article 122 ne prévoit pas le cas d'une mise à pied. C'est un exemple parmi d'autres.

Pour l'article 124, nous pensons qu'il y a une très grosse amélioration, parce que le fait que ça aille gratuitement devant le commissaire, c'est une très, très grosse amélioration. Bon! On se pose des questions sur comment ça va être géré; il risque d'y avoir des attentes pour les auditions et tout ça, mais ça, c'est un autre problème technique. On trouve que c'est, quand même, une très nette amélioration parce que ça coûte très cher comme c'est. Mais il reste aussi les frais d'avocat. Les frais d'avocats, ça peut tourner autour de 3000 $. Nous, actuellement, Au Bas de l'échelle, depuis un an, on a un projet-pilote de financement de recours, qu'on a pu faire financer par le ministère de la Justice parce que, justement, on avait trop de gens qui arrivaient. On a une espèce de clinique juridique gratuite pour consultation, mais, quand les gens avaient des recours à faire, on ne pouvait pas les amener plus loin, ça coûtait trop cher. Là, on a des projets-pilotes et on a commencé à financer des recours. On a déjà une petite jurisprudence; on a déjà des causes qui ont été gagnées grâce au financement de recours, des gens qui, par ailleurs, ont une situation économique qui ne leur permettrait pas - ils viennent de perdre leur emploi, etc. - de se prévaloir de leurs droits. Alors, on a la démonstration que, quand c'est gratuit, les gens peuvent y accéder, finalement, et gagner leurs recours qui sont tout à fait justes.

Ce qu'on sait, c'est qu'il y a les deux tiers des salariés qui n'accumulent pas cinq ans d'ancienneté, et vous savez que l'article 124 s'applique à ceux qui ont plus de cinq ans d'ancienneté. On a calculé, nous autres, trois ans, deux ans. On a regardé un peu ce que ça donnait. En tout cas, si on mettait ça à deux ans, il y aurait encore 43 % des travailleurs qui seraient sans protection. Ça n'a pas de bon sens; ce n'est môme pas la moitié. On se dit qu'il faut mettre ça à un an parce que ramener ça à un an, eh bien, on a 65 % des travailleurs qui sont couverts. C'est quand même nettement plus satisfaisant; c'est plus que la moitié des travailleurs. Vous voyez donc qu'il n'y a pas beaucoup d'ancienneté qui est accumulée chez ces travailleurs-là. C'est un constat qu'on peut faire. Donc, si on veut les toucher réellement et les défendre, il faut avoir une période d'attente beaucoup plus courte. La plupart ne restent pas cinq ans chez le même employeur; donc, ils ne peuvent jamais se prévaloir de ce droit. Vous savez aussi qu'on a beaucoup de travailleurs qui, après quatre ans et cinq mois, six mois, ou quatre ans et onze mois - de moins en moins parce qu'il y a une jurisprudence là-dessus - quatre ans et neuf mois, etc., se font, congédier pour un prétexte ou pour un autre, pour empêcher, finalement, qu'ils n'aient leurs cinq ans d'ancienneté. C'est un petit peu aberrant.

Vous lirez, à la page 21, notre proposition concernant l'article 124. On demande que les frais d'avocat de la personne congédiée et portant plainte soient assumés par la Commission des normes du travail ou par le ministère québécois du Travail; que toute personne justifiant d'une année de service continu pour un même employeur puisse se prévaloir du recours prévu à l'article 124 de la loi, comme c'est le cas également dans le Code canadien du travail. Décidément, on s'en sert beaucoup, de ce Code canadien, mais, au moins, sur certains points, il est plus avancé. J'ai encore un peu de temps? Sur la notion de...

La Présidente (Mme Marois): Oui, très peu, à peine une minute ou deux, mais je suis persuadée que les membres de la commission...

Mme Aveline: Ah! Mais je vais conclure.

La Présidente (Mme Marois):... vous permettent de terminer votre présentation qui ne prendra pas plus que quelques minutes.

Mme Aveline: Merci beaucoup. En ce qui concerne le congédiement, je l'ai déjà signalé tout à l'heure, vous retrouvez, en page 22, notre proposition. On propose que le mot "congédiement", que l'on retrouve dans les articles 122, 122. 1 et 124, soit remplacé par la notion plus contemporaine de rupture du lien d'emploi, qui couvre, finalement, tout ce qu'on appelle "congédiement", "licenciement", "mise à pied". Les employeurs jouent énormément là-dessus. C'est difficile de prouver une mise à pied et, pour des raisons économiques, on ferme un service une

couple de mois, on le rouvre après, sous un autre nom. On joue beaucoup là-dessus et, finalement, les travailleurs n'ont pas de recours parce que c'est une mise à pied, ce n'est pas un congédiement. Ça, c'est un jeu de passe-passe et les employeurs, disons que, dans nos 15 ans d'expérience, on s'est aperçus qu'ils jouent avec la loi, qu'ils en connaissent les failles et, de plus en plus, qu'ils l'utilisent, et ce recours-là est utilisé souvent.

On parle aussi de l'efficacité de la réintégration. On a fait le constat que beaucoup de gens, même s'ils gagnent leur recours et qu'ils demandent leur réintégration, ont des difficultés à la vivre pour des raisons évidentes; le plus souvent, ce sont des petites "jobines", avec le patron très, très proche et c'est très difficile, quand le patron a perdu sa cause et quand il a été obligé de reprendre son employé, d'avoir des relations de travail très saines. C'est évident, ce n'est pas facile. Beaucoup d'employés qui viennent chez nous demandent une compensation financière. D'ailleurs, à la Commission des normes aussi, je pense que c'est à peu près la moitié, si je ne m'abuse. Donc, on propose tout simplement que le salarié puisse choisir d'être indemnisé monétairement plutôt que réintégré dans son emploi sans subir de préjudice. Dans les faits, ils le réintègrent par principe parce qu'ils ont gagné et, très vite, ils cherchent un emploi ailleurs et, dès qu'ils peuvent trouver ailleurs, ils s'en vont; donc, ce n'est pas très efficace comme recours. C'est peut-être dôsincitateur pour l'employeur de se dire que, s'il a perdu, il est obligé de reprendre l'employé, mais c'est à peu près le seul effet qu'a ce recours.

Par rapport maintenant à la Commission des normes, la Commission des normes avait plusieurs mandats. Dans son premier mandat, elle constatait elle-même - évidemment - ça date de 1986, mais on n'a pas de chiffres plus récents - qu'il y avait environ 44 % de la population qui ignorait qu'il existait une loi, la loi des normes. Enormément de gens sont très, très surpris de savoir qu'il existe une loi - ça, c'est une chose mais de savoir ce qu'il y a dedans... Régulièrement, on a des gens qui ont vingt ans d'expérience sur le marché du travail et qui arrivent: Ah bon! On n'a pas droit à des congés de maladie. Ah bon! Ils ne connaissent pas leurs droits. Alors, il faudrait qu'il y ait des procédures assez faciles d'accessibilité à cette loi. Dans certaines provinces comme l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et même l'île-du-Prince-Édouard, ils ont une espèce de disposition qui permet de donner un résumé de la loi aux travailleurs. Comme on leur donne leur convention collective quand ils sont syndiqués; on leur donnerait, à l'embauche, une petite plaquette qui résumerait leurs conditions de travail. Egalement, on demande que ce soit affiché dans les milieux de travail. (21 h 30)

On propose donc que la Commission prépare à l'intention de chaque employeur, en nombre suffisant, des copies vulgarisées des principales dispositions de la loi: le salaire, le temps de travail, etc., qu'au moment de l'embauche l'employeur remette un exemplaire de ce document et qu'un résumé soit affiché dans un endroit bien visible pour tout le monde. Il me semble que c'est assez facile à faire et c'est un besoin très, très important, parce que, dans la clientèle qu'on volt, il y a énormément de besoins d'information. Au téléphone, on n'arrête pas. On a un service d'information et beaucoup de gens appellent pour savoir: Est-ce que j'ai droit aux congés fériés? Qu'est-ce que c'est, le salaire minimum? Est-ce que j'ai droit à un préavis, etc.? Donc, ce serait la première chose sur la Commission des normes.

Au niveau de son deuxième mandat, qui est de surveiller l'application des nonnes, j'ai écouté, tout à l'heure, la CSD dire aussi que c'était difficile au niveau préventif. La Commission n'a peut-être pas les moyens - ou elle le fait peut-être moins, elle le fait de moins en moins -d'aller voir un petit peu ce qui se passe dans les entreprises pour voir si, justement, les conditions des normes minimales sont respectées.

On voudrait donc que tout organisme puisse saisir la Commission des normes du travail de plaintes à l'égard des infractions à la Loi sur les normes du travail, que la Commission entreprenne obligatoirement des enquêtes préventives, des "spot-checks" sur le respect des normes du travail, surtout dans les entreprises qui ont déjà un passé, qui ont déjà eu des plaintes, etc., et que l'enquête de la Commission, suite au dépôt d'une plainte, porte sur l'ensemble de la situation de l'entreprise et non seulement sur de simples cas individuels. Actuellement, ce n'est pas possible. Nous, on sait très bien que, s'il y a une employée qui vient faire une plainte, les 10 autres employés ont exactement les mêmes conditions. Mais la Commission n'a pas le mandat de faire une enquête générale. On trouve que c'est dommage parce qu'on gagnerait du temps de cette façon. C'est ça.

On a un petit chapitre sur la représentation au sein de la Commission des normes. On n'a pas de proposition très très claire, mais on a un souci que la représentation des travailleurs non-syndiqués soit plus équitable parce qu'on trouve qu'ils ne sont pas très bien représentés à la Commission. Alors, c'est une proposition générale de représentation. On ne vous propose pas comment ce serait fait.

Pour conclure, donc, je voudrais souligner l'importance de ce moment pour nous. Les revendications qu'on a faites sont un peu la conclusion d'un travail de longue haleine. Nous étions déjà là à la commission Beaudry. Nous avons déjà fait maintes et maintes représentations pour faire changer des articles de loi. C'est un avantage social pour 58 % des citoyens, soit

environ 1 000 000 de personnes qui seraient touchées par ces changements.

Comme cette loi risque d'être là pour un bout de temps, nous comptons sur vous pour tenir compte de notre expertise, même si elle n'est peut-être pas aussi évidente que l'expertise des syndicats. Vous savez, les syndicats défendent les travailleurs syndiqués et puis, nous, on les défend aussi, les travailleurs syndiqués. C'est étonnant de voir combien de personnes qui sont syndiquées ne savent pas, premièrement, que leur convention collective est en deçà des normes, ce qui fait que, vous le savez probablement, quand la convention est en deçà des normes, c'est la norme qui s'applique. Donc, nous aussi, on dessert parfois les travailleurs syndiqués. Alors, je pense que l'ensemble des travailleurs sont touchés par cette loi, y compris les travailleurs non syndiqués.

Je vous remercie beaucoup de votre attention parce qu'à cette heure-ci ce n'est pas facile de nous écouter, après tout ce que vous avez entendu toute la journée. J'espère que j'ai su vous convaincre un peu des revendications de notre groupe Au Bas de l'échelle.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre intéressante présentation. Vous êtes, en effet, le huitième groupe, mais non le moins intéressant. M. le ministre.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, je vais poser une couple de questions au groupe Au Bas de l'échelle et ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille, aimerait compléter. Je devrai vous quitter avant la fin de la séance, mais ma collègue pourra continuer à garder le fort et je compte sur la députée de Hochelaga-Maisonneuve pour meubler le reste du temps.

M. Marcil: J'ai une question aussi. M. Bourbeau: Même le député, bon.

Mme Harel: Ce ne sera pas pour faire l'éloge du ministre.

M. Bourbeau: Ça m'étonnerait beaucoup. Au sujet des petites fermes - c'est un sujet dont on n'a pas beaucoup parlé, mais vous avez une certaine expertise là-dessus - pensez vous que les agriculteurs seraient en mesure de respecter l'ensemble des normes du travail proposées? Je pense, par exemple, à la question du surtemps, à la semaine de 44 heures. Je pense, par exemple, à la problématique des récoltes où on doit se précipiter par beau temps. Pensez-vous que la relation remployeur-salarié est différente dans ce milieu-là par rapport aux autres milieux de travail, et est-ce que c'est logique d'appliquer les mêmes normes dans le milieu des petites fermes, par exemple, que dans les milieux normaux de travail?

La Présidente (Mme Marois): M. Lévesque.

M. Lévesque (Gaétan): Oui, M. le ministre. On pense, un peu comme vous l'avez fait dans votre présentation de la loi qui venait du ministère, finalement, que ça a évolué. On n'est plus en 1938 où...

Une voix: En 1937.

M. Lévesque (Gaétan): On n'est plus en 1937; ça a évolué, l'entreprise agricole et, en tout cas, nous, on ne voit pas ce qui ferait qu'il pourrait y avoir une grosse différence entre une entreprise agricole de trois employés et moins et un dépanneur sur le coin de la rue. Évidemment, il y a des questions de récoltes, de beau temps, ces aspects-là, sauf qu'au niveau de la relation employeur-employé, pour répondre directement à votre question, on n'en voit pas.

Cela étant dit, ce que l'on vous a sorti - et je pense qu'il faut en être conscient - c'est qu'on voit toutes les années, vers le mois d'août, arriver des gens de pays étrangers, et ça fait toujours drôle aux Québécois de se dire: Comment ça se fait qu'on est obligés d'embaucher des gens de l'extérieur? Dans notre mémoire, on vous dit, à la page 5, que "les principales régions du Québec continueront d'être aux prises avec des pénuries d'ouvriers agricoles, en raison principalement des conditions de travail qui leur sont offertes." On pense que, si on offrait, aux employés des petites fermes comme des grandes fermes, des conditions de travail comme celles des autres employés, on diminuerait probablement les problèmes au niveau des pénuries et on donnerait aux gens des conditions minimales qui sont respectables pour les autres et pour eux aussi.

La Présidente (Mme Marois): Mme la ministre, vous avez une question?

Mme Trépanier: Oui. D'abord, Mme la présidente, j'ai une critique à formuler; je trouve que vous êtes trop humble. Je connais le travail que vous effectuez dans le champ et c'est dans le champ que ça se passe au niveau des travailleurs non syndiqués. Vous les représentez très adéquatement, ça c'est clair. Votre position est extrêmement importante pour nous; la loi des normes, c'est à votre clientèle que ça s'adresse, un peu comme le groupe de cet après-midi. Vous jugez les amendements à la loi timides, modestes, mais, dans l'ensemble, si vous en voulez plus, vous n'êtes pas en désaccord avec le virage que nous faisons, je pense.

En ce qui concerne le champ d'action de la loi, c'est un moment privilégié pour essayer d'ajuster nos positions et aussi de trouver des solutions à certains problèmes que nous trouvons

difficiles, nous aussi. Je discutais avec certains d'entre vous dans le corridor cet après-midi et je pense que les solutions ne sont pas toujours faciles à trouver. Vous, vous êtes dans le champ et vous ne les trouvez pas toujours aussi; alors, c'est pour ça qu'il faut avoir une bonne collaboration pour essayer d'avoir la meilleure loi possible pour nos travailleurs.

Vous proposez qu'on élargisse la couverture, que la loi s'applique à tout le monde, dans le fond, aux travailleurs domestiques, etc. Vous élargissez beaucoup. Vous incluez également les gardiennes. Est-ce que vous avez une définition du mot "gardien" dans ce cas-là? Est-ce que vous incluez la garde occasionnelle? Comment allez-vous faire la démarcation? C'est une question très difficile pour nous, on a de la difficulté à établir une charnière.

La Présidente (Mme Marois): M. Lévesque.

M. Lévesque (Gaétan): Oui, je pense qu'on comprend la difficulté, évidemment. Ce qu'on se dit, dans le fond, c'est qu'il faut que tous les travailleurs, quand ils se déplacent pour aller travailler, aient des conditions minimales le moindrement correctes. On comprend les difficultés, dans le cas des gardiennes d'enfants, et je pense que Mme la ministre de la famille... De la famille, enfin, je ne sais pas au juste le nom.

Mme Trépanier: Ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.

M. Lévesque (Gaétan): O.K. Je pense que Mme la ministre en est très consciente, sauf que, évidemment, si on le voit du côté des parents qui payent une gardienne, leur demander de payer 6 $ l'heure, ça peut être un peu difficile pour leur budget. Sauf que si on le prend du côté des travailleuses, qui, elles, doivent se déplacer pour gagner 3 $, 2 $ l'heure, on se dit qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part dans le système. Dans le fond, notre proposition, c'est de se dire: II nous semble que ce serait plus simple si tout le monde qui travaille avait un salaire minimal. On pense que 6 $, ce serait peut-être un peu réaliste et, si c'est difficile pour les parents, si c'est difficile pour d'autres, il y a peut-être d'autres politiques sociales, fiscales, etc., à évaluer.

La Présidente (Mme Marois): Allez-y, Mme la ministre.

Mme Trépanier: Une petite dernière. Je cède la parole à mon collègue ensuite. Vous êtes solidaire de la position du Regroupement en ce qui concerne la politique des congés parentaux. Est-ce que vous avez pris connaissance de la position du Conseil du statut de la femme et comment vous situez-vous face à cette position? Elle est un peu différente de celle que le

Regroupement nous présentera demain. Le Conseil du statut de la femme présente, pour sa part, une proposition d'indemnisation universelle, ce que ne fait pas le Regroupement. Comment voyez-vous cette position-là? Est-ce que vous la connaissiez quand vous avez pris comme position celle du Regroupement?

La Présidente (Mme Marois): Mme Richard, Mme Nadeau, peu importe. Oui, Mme Richard.

Mme Richard (Manon): Mme Richard, oui. Nous en avons pris connaissance, mais de façon assez succincte. Et, comme c'est une politique assez élaborée, vous en conviendrez, nous n'avons pas eu le temps de... C'est certain que nous la trouvons fort avantageuse et fort intéressante. Élaborer ici les nuances, je ne pense pas qu'on soit à même de faire cet exercice-là à ce moment-ci.

Mme Trépanier: Donc, vous êtes d'accord avec un principe de politique de congé parental, sauf que, sur les modalités, vous êtes ouverts à plusieurs...

Une voix: Oui.

Mme Trépanier: Ça pourrait être une formule différente.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. C'est un avant-projet de loi; ce n'est pas un projet de loi. Il y a beaucoup de modifications, quand même, qui sont apportées au niveau des congés parentaux, des congés de maternité, ainsi de suite. Il y a un point qui est majeur, à mon sens, du moins. C'est un point sur lequel je me pose énormément de questions et Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve également soulève souvent le point: les fameux cinq ans d'ancienneté pour avoir un recours lorsqu'il y a un congédiement. Maintenant, vous dites qu'au-delà de 60 % des travailleurs et travailleuses ont moins de cinq ans d'ancienneté dans la même entreprise. Au-delà de 40 % des travailleurs et travailleuses ont moins de trois ans d'ancienneté. Compte tenu du rôle que vous avez à jouer, êtes-vous capables de me donner... Si vous ne le pouvez pas, vous pourrez l'écrire et me l'envoyer. J'aimerais savoir - vous avez souvent des causes à défendre - par groupe d'ancienneté, un an, deux ans, trois ans, quatre ans, c'est à quel niveau qu'on ressent le plus de congédiements. Est-ce que c'est entre quatre et cinq, entre trois et quatre ou est-ce que c'est la première année?

Mme Aveline: Je ne suis même pas capable de vous dire ça, je pense.

M. Marcil: Est-ce que vous avez des chiffres à ce niveau-là?

Mme Aveline: On a des chiffres pour savoir quel pourcentage de travailleurs ça toucherait de reculer à deux ans et tout ça.

M. Marcil: Ça, ça va.

Mme Aveline: Ça, ça va. Mais par rapport...

M. Marcil: S'il n'y avait pas de congédiements, on ne se poserait pas la question.

mme aveline: mais, intuitivement, on sait qu'il y a beaucoup de travailleurs qui ont des congédiements autour de cinq ans, comme je le disais tout à l'heure.

M. Marcil: Est-ce qu'il y en a plus...

Mme Aveline: Je ne le sais pas.

M. Marcil: Vous ne le savez pas, hein.

Mme Aveline: Je ne suis pas capable de vous le dire. Je ne sais pas si vous êtes capable.

La Présidente (Mme Marois): Mme Richard.

Mme Richard: La moyenne d'ancienneté des gens qui font appel à nos services à Au Bas de l'échelle, c'est dix mois et demi.

M. Marcil: Dix mois et demi.

Mme Richard: Dix mois et demi d'ancienneté pour la mâme entreprise. Alors, lorsqu'on demande un an, on est même au-dessus du seuil qu'on retrouve chez nous. Quand Mme Aveline mentionnait tout à l'heure que nous avions 2000 appels à Au Bas de l'échelle, on ne parle que d'appels. C'est 6000 personnes qu'on rejoint par année. C'est, quand même, assez considérable. On peut estimer par la suite que des statistiques comme dix mois et demi, c'est assez significatif.

M. Marcil: Oui, madame.

Mme Nadeau (Lynda): Ce que je pourrais ajouter, c'est que, depuis quelques mois, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de gens qui ont fait affaire avec nous, nos clients, qui ont plus que cinq ans, qui ont même dix ou quinze ans d'ancienneté, mais ça, c'est beaucoup dû aux licenciements massifs de ce temps-ci. Il y a une montée par rapport aux gens qui font appel à nous qui...

M. Marcil: Ça, c'est un autre problème.

Mme Nadeau: Oui, c'est ça, c'est un autre problème, quand même important, et eux ont plus que cinq ans d'ancienneté souvent.

M. Marcil: Oui, qui est important aussi. Dans les congédiements chez les moins de cinq ans, est-ce que vous avez un pourcentage sur les congédiements pour cause de maladie, retour au travail après cinq mois et on a comblé le vide? C'est quoi à peu près? Parce que vous avez, quand même, des causes.

Mme Aveline: On n'était pas préparés pour avoir tous ces chiffres-là.

M. Marcil: Non, c'est parce que c'est important, ça.

La Présidente (Mme Marois): Mais est-ce que ce sont des chiffres que vous pourriez éventuellement fournir aux membres de la commission? On ne vous demande pas de faire une recherche en sus et tout ça, mais peut-être qu'il y a des chiffres que vous avez déjà cumulés, qui sont disponibles chez vous et qu'il pourrait être intéressant de déposer devant la commission. (21 h 45)

Mme Aveline: Tous les gens qui nous consultent par rapport à ce recours, on pourrait faire une compilation.

M. Marcil: Vous savez, légiférer dans un domaine, dans un secteur, il faut que ça ait des retombées positives, dans le sens que moi, je suis prêt à faire un effort au niveau de notre groupe et, je pense, au niveau de tous les parlementaires, si l'ensemble des congédiements des moins de cinq ans sont dus à des causes de maladie, parce qu'on a remplacé quelqu'un, bonjour, merci; ça, c'est important de le savoir. Donc, si c'est une des causes principales, c'est important de le savoir. Si on situe le nombre de congédiements aux alentours de quatre ans, quatre ans et demi parce qu'on ne veut pas que les gens atteignent une certaine sécurité d'emploi, comme on dit dans le secteur public, parce que, chez nous, c'est après deux ans, la troisième année de contrat, les gens ont une sécurité d'emploi, ça aussi, c'est important de le savoir. Parce qu'on peut avoir toutes sortes de causes de congédiement, mais ça, ce sont des causes réellement discriminatoires par rapport à... Si vous aviez des chiffres, ce serait intéressant pour nous de le savoir.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Richard.

Mme Richard: Je voudrais peut-être compléter là-dessus. On a fait une étude à Au Bas de l'échelle; on a pris des dossiers pour les années 1986-1987, 1987-1988 où on a estimé que 24 % des congédiements dont on avait eu con-

naissance - des gens qui avaient fait appel à nous - étaient reliés directement à la notion de maladie, c'est-à-dire que les gens avaient été malades une journée, par exemple, comme certains cas que j'ai pu avoir; ils sont retournés au travail le lendemain et se sont fait donner leurs 4 %. Ça, c'est vrai. C'est la vraie vie, comme on dit, et c'est ça. C'est un chiffre, 24 %, je pense que ça parle beaucoup.

M. Marcil: C'est important parce qu'il y a certains groupes qui...

La Présidente (Mme Marois): M. le député, c'est parce qu'on est en train de dépasser un peu

M. Marcil: Oui, la dernière. C'est important dans le sens qu'il y a des groupes qui demandent une demi-journée par mois pour maladie ou ainsi de suite, ce sont des cas...

Une voix: Comme nous. C'est nous. Des voix: Ha, ha, hal

M. Marcil: Juste une petite remarque en passant. C'est sûr que, si on pouvait augmenter le salaire minimum à 10 $ l'heure, ce serait extraordinaire pour tout le monde. Sauf que j'imagine que, pour une personne dont le conjoint ou la conjointe travaille déjà, qui décide de retourner sur le marché du travail dans un emploi à 7 $ l'heure, c'est assez difficile de payer une gardienne 6 $ l'heure, c'est-à-dire que c'est possible, mais je ne vois pas l'intérêt qu'elle ou qu'il aurait à retourner au travail.

Une voix: C'est pour ça que ça prend des garderies.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Surtout s'il n'y a pas de mesures fiscales ou de mesures sociales qui viennent soutenir...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Je salue Mme Aveline et les personnes qui l'accompagnent. Je trouve également que vos demandes sont raisonnables et que vos propos sont très gentils, je n'ose pas dire trop gentils, compte, tenu de l'heure tardive où le ministre a décidé de vous entendre. Je le lui ai tellement dit que ça ne me dérange pas de le répéter, même en son absence; j'espère que ça lui sera répété, d'ailleurs. Parce que cette loi des normes, c'est à votre clientèle qu'elle s'adresse, moi, j'aurais souhaité que vous soyez le groupe que l'on entende le premier. Mais il n'est jamais trop tard, de toute façon, parce que vos propos sont pertinents et la réaction du député de Salaberry-Soulanges l'indique bien, parce qu'il s'y est intéressé.

Sur la question du congé de maladie, dans le Code canadien, il y a une disposition qui dit ceci: "Sous réserve du paragraphe 1.1, l'employeur ne peut congédier, suspendre, mettre à pied, ni rétrograder un employé, ni prendre des mesures disciplinaires contre lui pour absence en raison de maladie ou d'accident si celui-ci remplit, par ailleurs, les conditions suivantes: travaille sans Interruption pour lui depuis au moins trois mois; n'est pas absent plus de douze semaines, etc." Alors, c'est la garantie de retour à l'emploi, mais il n'y a pas la demi-journée payée par mois travaillé. Alors, je voulais juste le signaler parce que parfois on fait dire plus au Code canadien ou aux lois connexes des provinces d'à côté, mais il y a une garantie de retour à l'emploi après un congé de maladie.

Une voix: C'est au moins ça.

Mme Harel: Oui, je pense que c'est le minimum, en tout cas, qu'il faut certainement viser par rapport aux amendements à la loi québécoise. Le Front de défense des non-syndi-qué-e-s, dans son mémoire, à la page 20, mentionnait que pour votre organisme - il a illustré souvent ses recommandations par la pratique d'Au Bas de l'échelle - les maladies et les conflits de personnalités sont, à 65 %, les raisons principales de congédiement. Est-ce que ça vous semble conforme à ce que vous vivez dans votre organisme?

Mme Richard: Tout à fait.

Mme Harel: C'est donc un aspect, le congé de maladie, très, très important, qu'il ne faut pas mettre de côté. Est-ce ça qu'il faut conclure?

Une voix: Oui.

Mme Harel: D'autre part, il y a eu des chiffres. Je ne vais pas vous les citer parce qu'on a peu de temps, mais je vais, quand même, vous les transmettre. On les retrouvait dans le mémoire que la CEQ a déposé devant la commission cet après-midi et ce sont des statistiques qui ont été compilées par le ministère de la Main-d'oeuvre et qui sont très, très éloquentes sur la durée réduite de service continu chez un même employeur par des travailleurs salariés non syndiqués. En fait, il s'agissait de 65 % des salariés non syndiqués qui comptent moins de cinq ans d'ancienneté auprès du même employeur et c'est encore, en fait, plus important dans certains secteurs d'hébergement, de restauration ou autre. Alors, ça aussi, ça argumente en faveur d'une diminution.

La question que je souhaitais vous poser concernait, notamment, les recours. Le Conseil du statut de la femme et le Front de défense des non-syndiqué-e-s ont recommandé qu'un organisme puisse porter plainte devant la Commission. Ils ont donné l'exemple de la Charte des droits et libertés de la personne qui permet à la Commission de recevoir des plaintes de personnes autres que le plaignant qui est victime d'une discrimination. Et le Conseil, comme le Front de défense, recommandait que des organismes puissent porter plainte pour les personnes. Est-ce que ça vous semble un aspect important à retrouver dans les amendements à cette loi?

Mme Aveline: On avait déjà discuté de cette possibilité à Au Bas de l'échelle, mais on n'a jamais pris position parce que, dans l'état actuel du financement des organismes communautaires où on a une difficulté énorme à absorber déjà les demandes et tout ça, on voit difficilement comment on pourrait représenter des non-syndiqués. Non pas pour le principe, parce qu'on a ce qu'il faut pour les représenter, je pense qu'on est à même de le faire, sauf qu'il faudrait qu'on nous donne les moyens de le faire éventuellement et il faudrait voir à quelles conditions c'est fait aussi parce que, quand on est isolés, quand... Par exemple, à la Commission des normes, c'est pareil, un non-syndiqué ou une personne qui représente les non-syndiqués qui est isolée, ça n'a pas beaucoup de poids. De la même façon, vouloir représenter toutes les causes des non-syndiqués, c'est très lourd aussi, comment ça pourrait se faire, etc. C'est quelque chose qu'a déjà...

Mme Harel: Encore faut-il peut-être distinguer "porter plainte" et "représenter".

Mme Aveline: Oui.

Mme Harel: Parce que, dans votre mémoire, à la page 28, vous recommandez que tout organisme puisse saisir la Commission...

Mme Aveline: C'est ça, oui.

Mme Harel: ...de plaintes. Là, vous me dites: Oui, ça, on pense que, comme, en fait, c'est indiqué dans le mémoire, ce serait souhaitable, mais vous pensez que, pour la représentation, il faudrait établir des barèmes et rembourser les frais de représentation.

Mme Aveline: C'est ça, en quelque sorte, oui.

M. Lévesque (Gaétan): Dans le fond, ce que...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lévesque.

M. Lévesque (Gaétan): ...Mme Aveline disait, je pense, c'est: Ce n'est pas compliqué pour nous de dire: On a eu une plainte d'un employé de la compagnie ABC qui reçoit - je ne sais pas - 5 $ l'heure tandis que le salaire minimum est de 6 $. Vu que cet employé a peur de vous appeler lui-même à la Commission des normes, on ne nomme pas le nom et on fait une plainte au nom de la compagnie. Ça, je pense que c'est quelque chose qui n'est pas tellement compliqué; avec les ressources qu'on a actuellement, il n'y a pas de problèmes.

La représentation devant les tribunaux, devant les commissaires du travail, devant les arbitres, si lavant-projet de loi n'est pas modifié, ça passe devant des commissaires du travail, ça, c'est autre chose. Quand on parle de 3000 $ de frais d'avocat, nous pouvons embaucher des avocats à Au Bas de l'échelle, comme question de principe, mais ça peut nous coûter cher aussi. Mais, vous êtes conscients des problèmes de financement...

Une voix: Même s'ils sont au bas de l'échelle.

M. Lévesque (Gaétan): Même s'ils sont au bas de l'échelle. Je pense que vous êtes, quand même, conscients des problèmes de financement des organismes populaires.

Mme Harel: Devant le commissaire du travail, comment ça se passe pour les gens qui vont vous voir? Ils s'engagent un avocat habituellement devant l'arbitre, mais devant le commissaire du travail aussi?

Mme Nadeau: Oui, aussi devant le commissaire du travail.

Une voix: Ils ne peuvent pas se défendre. Mme Nadeau: Non, c'est trop difficile.

Mme Harel: et est-ce qu'il y a beaucoup de désistement de plaintes, à cause de ça, quand vous leur dites qu'il vont devoir se faire représenter?

Mme Aveline: Oui, pour des raisons financières - c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est pour ça qu'on a un projet-pilote pour financer les recours, entre autres - il y a des désistements et, quelquefois, ça dure longtemps. Ça peut aller, non pas en appel, je ne sais pas comment ça s'appelle, en...

Une voix: En évocation.

Mme Aveline: ...évocation. On en a vu des cas, dernièrement. Les employés ne cèdent pas comme ça. Alors, il faut avoir du souffle. Les personnes ont souvent perdu leur emploi; quel-

quefois, elles s'en retrouvent un autre; alors, tant mieux, elles laissent tomber. C'est souvent ça qui arrive aussi.

M. Lévesque (Gaétan): D'ailleurs, il y a des statistiques - là, je ne les retrouve pas - de la Commission des normes du travail, assez éloquentes sur le nombre de personnes qui décident de ne pas... Bien, ça, c'est sur le recours 124. Mais, le recours sur 124 et le recours sur 122, il n'y avait pas une grosse différence; la seule différence, c'est qu'il fallait, en plus de payer les frais d'avocat, payer les frais de l'arbitre qui tournaient autour de 1400 $ divisés par deux, une partie au patron et une partie à l'employeur. Non, on n'est pas dans les milieux hospitaliers, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lévesque (Gaétan): Une partie au patron, une partie au salarié. Ha, ha, ha)

Mme Harel: Alors, donc, compte tenu des frais d'à peu près 4000 $ qui étaient encourus, là, on va soustraire à peu près 1000 $ au plus pour les frais d'arbitre, mais...

Une voix: II reste...

Mme Harel: ...il reste toujours les 3000 $, c'est ça, d'honoraires...

M. Lévesque (Gaétan): Exactement. Mme Harel: ...d'avocat.

M. Lévesque (Gaétan): Et, si on a droit à l'aide juridique, c'est parfait, l'aide juridique va nous défendre. Le problème, c'est que les barèmes ont changé. Si on est au salaire minimum et qu'on travaille 40 heures par semaine, on est au-dessus de l'aide juridique.

C'est intéressant d'être en commission parlementaire. Je me rappelle qu'à la dernière commission parlementaire, à l'époque, c'était le ministre Pierre Marc Johnson qui disait: Je crois que les frais d'arbitre vont être payés par l'aide juridique. Mais l'aide juridique a toujours refusé de payer les frais d'arbitre. Ils considèrent, eux, que ce ne sont pas des frais judiciaires au sens de la loi, de sorte que, même si on est à l'aide juridique, les frais d'arbitre, il y a un problème actuellement, c'est qu'on devrait techniquement les payer. Là, il y a des sentences arbitrales récentes qui semblent indiquer que non, mais ce n'est pas encore clair. Donc, même si on fait appel à l'aide juridique, on pourrait être obligés de payer les frais d'arbitre. D'où l'idée de l'avant-projet de loi de remettre ça aux commissaires; c'est extraordinaire, parce que ce sont des fonctionnaires de l'État, on n'a plus besoin de les payer.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et là, qui va représenter...

La Présidente (Mme Marois): Je pense que Mme Nadeau veut...

Mme Harel: ...le salarié? Devant le commissaire, il va devoir se faire représenter également et tout le problème des honoraires se repose également, même avec la modification du commissaire du travail plutôt que l'arbitre, c'est bien le cas?

M. Lévesque (Gaétan): Tandis que...

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y, Mme Nadeau. Vous pourrez peut-être revenir, M. Lévesque.

Mme Nadeau: Je voulais, entre autres, répondre par rapport aux désistements. Entre 1981 et 1987, il y a eu 9824 plaintes et, là-dessus, il y a eu 35 % de ces personnes qui se sont désistées. Elles ont fait un recours quand, après cinq ans d'ancienneté, elles ont été congédiées sans raison suffisante; 35 % se sont désistées après avoir fait une plainte.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Lévesque.

M. Lévesque (Gaétan): Quant au pouvoir de représentation, l'avant-projet de loi, c'est intéressant, à l'article 123... Nous, on a pris l'ancienne loi et on a collé l'avant-projet de loi et on peut voir assez facilement les différences. Dans l'avant-projet de loi, on prévoit, au dernier paragraphe: "La Commission peut représenter un salarié non assujetti à une convention collective dans une instance relative à la présente section." Donc, la Commission va peut-être représenter des salariés, ce qui serait extraordinaire.

Mme Harel: Mais peut-être pas. Peut-être oui et peut-être non.

M. Lévesque (Gaétan): Exactement. On aimerait, dans le fond... Nous ce qu'on dit, c'est: on va changer le mot "peut" par "doit" et, à ce moment-là, ça réglerait plusieurs problèmes.

Mme Harel: Ça réglerait plusieurs problèmes, mais revenons aux problèmes que ça réglerait, parce que, si c'était "doit", nécessairement, ça supposerait une sorte d'engorgement, à moins que ce soit là un service gouvernemental qui, non seulement ne subisse aucune coupure, aucun gel ou aucune diminution, mais qu'encore là il y ait des sommes d'argent supplémentaires qui soient allouées, que ça devienne une priorité prioritaire, sinon le salarié ou la salariée en

cause ne pourra pas recevoir la représentation adéquate. Alors, ne vaut-il pas mieux s'assurer qu'il y ait des partenaires de l'État qui pourraient faire cette représentation à partir de barèmes ou de tarifs à établir qui les rembourseraient, mais qui permettraient, au choix, au salarié de se faire représenter?

M. Aveline: Je trouve que c'est une idée intéressante. On n'en a jamais discuté à Au Bas de l'échelle, mais toute solution qui pourrait permettre aux salariés d'être mieux représentés.. On avait la même crainte par rapport a l'attente. Effectivement, c'est un joli principe, mais, dans les faits, comment est-ce que ça va se passer? Ça va peut-être être très compliqué. S'il y a d'autres solutions qui permettent une représentation, on est ouvert à cette idée-là.

M. Lévesque (Gaétan): D'autant plus que ça respecterait un peu le principe qu'on respecte dans l'aide juridique, c'est-à-dire de choisir son procureur ou son représentant. Quand je vous disais "doit", c'est peut-être un peu exagéré; c'était juste pour... Dans le fond, nous, on croit que la Commission pourrait, devrait représenter, à sa demande, le salarié. S'il y a d'autres partenaires... Tout à l'heure, vous discutiez, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, avec les représentants de la CSD et je pense que, dans le fond, n'importe quoi pour faire en sorte que le salarié soit bien représenté est bienvenu.

Mme Harel: Bien représenté.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. (22 heures)

Mme Harel: La notion de congédiement, c'est peut-être la seule chose... Parce qu'elle est presque spécifique à votre mémoire. Je ne crois pas qu'elle se retrouvait dans le mémoire du Front de défense des non-syndiqué-e-s. Ça semble important pour vous. Est-ce que c'est l'expertise que vous avez eue suite à des plaintes de travailleurs? Comment en êtes-vous venus à faire cette recommandation-là?

M. Lévesque (Gaétan): On pourrait dire que c'est l'expertise... Dans notre projet de financement de recours, on a eu un cas. C'est l'expertise aussi qu'on acquiert en lisant le Droit du travail express. C'est de la jurisprudence en matière arbitrale et je pense que c'est assez évident que je ne dirai pas systématiquement, mais une bonne partie des employeurs vont faire ce qu'on appelle des objections préliminaires à la compétence de l'arbitre, en disant que l'arbitre n'a pas compétence puisqu'il ne s'agit pas d'un congédiement, mais bien d'un licenciement. À ce moment-là, ça remet le fardeau de la preuve sur les épaules du salarié et sur son avocat, d'où les frais. Ça remet un fardeau de preuve assez difficile en vue de prouver que le congédiement-

La différence, essentiellement, c'est que le congédiement, c'est à cause de la personne, de mesures disciplinaires ou encore parce que la personne n'a pas la capacité; le licenciement, c'est relié à l'entreprise. Donc, il faut montrer: non, non, l'entreprise n'avait pas de difficultés financières, M. le président du comité d'arbitrage, non, non. C'est ça qui est un peu difficile. Ce qu'on dit dans le fond, c'est de remplacer ça par "rupture du lien d'emploi". Ça ne veut pas dire que, parce qu'il y a eu un licenciement, l'employé va être réintégré. Ça ne veut pas dire ça du tout. Ça veut dire que l'arbitre va se dire: Bon, là, il y a quelqu'un qui a eu une rupture du lien d'emploi. Ce qu'on va regarder maintenant, c'est s'il y a une cause juste et suffisante. S'il y a une cause juste et suffisante, et si le patron démontre qu'effectivement sa situation financière était tellement mauvaise qu'il n'avait pas le choix, à ce moment-là, le salarié n'aura pas plus son emploi. N'ayez pas peur de ça. C'est qu'on ne veut pas...

Mme Harel: C'est qu'il n'y aura pas les objections préliminaires qui ne permettaient même pas de faire entendre la cause au fond, si on se comprend bien.

M. Lévesque (Gaétan): Là, il y a eu la jurisprudence des tribunaux supérieurs qui ont dit: L'arbitre a décidé que, là, non ce n'était pas un congédiement, c'était un licenciement. L'arbitre a excédé sa juridiction, on casse la décision et, là, ça a monté à la Cour d'appel. On voit à peu près les difficultés.

Mme Harel: D'accord. La dernière chose. C'est un souci constant que vous avez de rendre facilement accessible la connaissance des droits pour qu'ils puissent s'exercer. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable qu'on l'ait très facilement en uniformisant, d'une certaine façon, les délais pour avoir toutes sortes de droits auxquels la loi donne accès, par exemple, pour avoir droit à des vacances de trois semaines après un an éventuellement, ou pour avoir droit à un congé de maladie après un an, ou pour avoir droit à un recours pour congédiement après un an? En définitive, qu'on n'oblige pas la personne à faire toutes sortes de démarches pour savoir si, après tant de temps, elle y a droit ou pas. On multiplie savamment les délais et, comme le signale la présidente, oui, ça crée une sorte de complexité. Il faut absolument se référer à quelqu'un parce qu'on ne peut pas le savoir ou on ne peut pas se le dire en jouant aux cartes, mettons. Il faut absolument appeler Au Bas de l'échelle pour vérifier si le délai du congé de maladie n'est pas le même que celui des vacances, qui ne serait pas le même que celui du recours, etc. Est-ce qu'il n'y a pas intérêt le plus possible à harmoniser pour que ce soit, finalement, le même délai qui donne droit à des choses?

Mme Aveline: On est tout à fait d'accord, à condition que ce soit trois mois, le délai. On le ramène au plus petit commun dénominateur. C'est que, comme je vous le disais tout à l'heure, on a été conservateur dans nos demandes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: On ne pourrait pas s'entendre sur un an, là?

Mme Aveline: Alors, si on passe de cinq ans à un an, dans dix ans, on va demander trois mois. Oui, ce n'est pas une mauvaise idée d'harmoniser, mais les réalités ne sont pas les mêmes. On peut avoir droit aux vacances après un an; c'est plus logique qu'après trois mois. La maladie, on y a droit un peu plus tôt. Enfin, il y a, quand même, des nuances à faire. Ce n'est pas si simple que ça, je crois.

Mme Harel: Oui, mais la maladie, ça pose le problème suivant. Quel est le droit successif d'absence pour maladie? Par exemple, après trois mois, ça donnerait lieu à une ouverture de douze semaines; douze semaines, c'est l'équivalent de trois mois également. Est-ce qu'au retour de ce congé de maladie de douze semaines on pourrait retomber malade pour douze autres semaines?

Mme Aveline: C'est comme la gestion dans une convention collective. C'est pareil; on a une espèce de banque de journées de maladie qu'on utilise au fur et à mesure qu'on a de l'ancienneté. À chaque mois d'ancienneté accumulé...

Mme Harel: Oui, mais ça, ça suppose une banque.

Mme Aveline: Oui.

Mme Harel: Je me réfère, moi, à ce qui existe dans le Code canadien. Il n'y a pas de banque dans le Code canadien. C'est seulement la garantie de retour à l'emploi qui n'existe pas, mais on peut souhaiter qu'elle existe dans notre législation québécoise. Mais, pour qu'elle existe, cette garantie de retour à l'emploi, comment la baliser de manière qu'il n'y ait pas, malgré tout, des congés successifs d'absence pour maladie après trois mois seulement? Par exemple, quelqu'un fait trois mois de travail, peut avoir, justement, une absence pour maladie de douze semaines, donc l'équivalent, disons, de trois mois, revient pour deux ou trois semaines, doit à nouveau utiliser un congé de maladie. Quelle est la répétition de cette absence pour maladie?

Mme Aveline: Nous, on parlait d'un principe de journées de maladie, mais pas cette possibilité de douze semaines, là. Je ne sais pas de quoi on parle. on parlait d'une demi-journée de maladie par mois pour un travailleur qui est à l'emploi, qui peut s'absenter au courant de son emploi. alors, les douze semaines, là, je ne sais pas de quoi il s'agit. du code canadien?

Mme Harel: Écoutez, si on reprend votre mémoire, il n'a pas été absent plus de douze semaines. Vous dites donc que c'est après trois mois de service et ça peut être pour douze semaines.

Mme Aveline: Non, il n'est pas absent pendant plus de douze semaines.

Mme Harel: Oui, voilà! Donc, c'est parce qu'il l'est pendant moins de douze semaines.

Mme Aveline: Oui, c'est vrai.

Mme Harel: Alors, comme il l'est pendant moins de douze semaines, il est en congé de maladie possiblement pendant douze semaines.

Mme Aveline: O. K. Là, je comprends.

Mme Harel: Donc, il a trois mois de service, puis il a un congé de maladie de douze semaines et il revient ensuite pour quoi? Pour trois autres mois de service...

Mme Aveline: Oui, c'est ça. Je comprends maintenant.

Mme Harel:... et pour combien de congés de maladie?

Mme Aveline: J'imagine qu'il faudrait mettre une...

Mme Harel: C'est-à-dire que quelque part il faut y réfléchir parce que la question sera nécessairement posée.

Mme Aveline: Ça peut être une fois par an, je ne sais trop. Enfin, il y a sûrement moyen de trouver des procédures.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée.

Mme Harel: D'accord. Merci.

Mme Aveline: Elle pose des bonnes questions.

La Présidente (Mme Marois): Une toute petite question, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Elle était minuscule, ma question, mais elle a été en partie répondue, si vous voulez, suite aux interventions de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Avant vous,

une centrale syndicale est venue dire - parce que la grande question est la question des recours, hein. Nous, nous sommes prêts à nous en occuper. Comment vous vous positionnez par rapport au fait que les centrales syndicales aient le mécanisme qui a été proposé par la CSO, ici, pour s'occuper des recours devant la Commission des normes du travail?

Mme Aveline: Moi, le problème que j'ai par rapport à ça, c'est comment ils vont le faire et avec quelle expertise. Je ne suis pas contre le fait que n'importe quel groupe défende les travailleurs. On ne veut pas, nous, se garder nécessairement ce privilège. Mais, quand j'entendais parler, par exemple, de la façon dont on pourrait défendre des travailleurs qui seraient syndiqués individuellement, je me demande comment ça va se passer dans les faits, parce que les petits syndicats ont déjà de la difficulté à avoir le service des centrales, c'est difficile. Alors, les syndiqués isolés, comment vont-ils le faire et les non-syndiqués, comment vont-ils le faire aussi? J'ai des questions là-dessus. Je ne suis pas sûre... C'est sûr que quelques personnes vont s'adresser au syndicat pour avoir des informations, comme il nous l'a mentionné tout à l'heure. Mais la plupart des non-syndiqués s'adressent aux organismes qui les défendent, comme nous. Alors, il me semble que l'expertise revient plus aux organismes communautaires, les groupes d'immigrants, les groupes de femmes, beaucoup de gens qui travaillent auprès de cette population la plus démunie. C'est ma façon spontanée de réagir par rapport à ça.

M. Gautrin: Une dernière chose. Vous avez dit, dans votre témoignage, qu'il y avait des conventions collectives qui étaient négociées en deçà des normes minimales du travail.

Mme Aveline: Oui, certains articles. Il arrive parfois que les gens ne connaissent pas les normes et prévoient des congés fériés insuffisants, par exemple. Ça arrive régulièrement. C'est assez surprenant.

La Présidente (Mme Marois): À ce moment-là, c'est la Loi sur les normes du travail qui s'applique.

Mme Aveline: C'est ça.

M. Gautrin: Qui prime, bien sûr, mais ça m'étonnerait, quand même.

La Présidente (Mme Marois): Non, non, ça arrive. Ah oui! Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Trépanier: Mesdames, messieurs, merci pour votre patience. Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve a relevé le fait que vous étiez les derniers à passer ce soir. Sauf que vous êtes effectivement les derniers, mais vous serez frais à nos mémoires.

Mme Aveline: On sera les premiers pour nos revendications.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Trépanier: Les derniers seront les premiers. On se souviendra de votre intervention, c'est évident.

Mme Aveline: Mais j'espère bien. Merci beaucoup.

Mme Trépanier: Au revoir!

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre excellente contribution aux travaux de la commission.

Une voix: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures. Nous entendrons demain six groupes. Je commence à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 10)

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