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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 28 mars 1990 - Vol. 31 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Joly): Bonjour, tout le monde. Bienvenue à cette commission. Il me fait plaisir de vous rappeler que nous sommes réunis afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi qui est la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président: Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) sera remplacée par M. Lazure (La Prairie).

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Alors, aujourd'hui, nous entendrons l'Association du Québec pour l'intégration sociale, l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux inc., le groupe Auto-Psy provincial, la Commission d'accès à l'information et, finalement, la Commission des droits de la personne.

Il me fait plaisir de saluer les gens de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Je vois qu'ils ont déjà pris place. Est-ce que la personne responsable du groupe peut s'identifier et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît?

Association du Québec pour l'intégration sociale

Mme Girard (Madeleine): M. le Président, M. le ministre, M. le critique officiel de l'Opposition, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de nous présenter. Je me nomme Madeleine Girard et je réside à Fabrevil-le, dans ville de Laval.

Le Président (M. Joly): Double bienvenue.

Mme Girard: J'ai une jeune fille de 18 ans qui vit avec une déficience intellectuelle, qui a vécu les 5 premières années de sa vie à la maison, 10 ans à Rivière-des-Prairies. Je suis un des parents ayant demandé l'enquête sur la qualité de vie à Rivière-des-Prairies et, comme on n'a pas obtenu la tutelle après, j'ai repris ma fille qui est à la maison depuis 4 ans et j'attends encore des services.

J'ai, à ma droite, Mme Bernadette Salois, mère d'un fils de 30 ans qui se nomme Gilles et membre de notre conseil; M. Jacques Turgeon, directeur général de l'Association; Mme Colette Savard, mère d'un garçon de 18 ans, un beau jeune homme qui s'appelle Olivier, et M. Denis Gauthier, à l'arrière, notre collaborateur à l'AQIS.

Le Président (M. Joly): Je vous rappelle, Mme Girard, que vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et, par après, les membres des deux formations se réservent le loisir de vous poser quelques questions.

Mme Girard: Ça va.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.

Mme Girard: Nous voulons rappeler, dès le début, que nous sommes une organisation bénévole de type fédératif qui regroupe près de 50 associations membres réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Depuis bientôt 40 ans, nous réunissons les parents des personnes ayant une déficience intellectuelle et, de plus, les personnes adultes qui vivent aussi avec une déficience intellectuelle se défendent elles-mêmes.

Notre bras technique, l'Institut québécois de la déficience mentale, a été l'un des principaux promoteurs du droit à la vie au sein des communautés de personnes déficientes, longtemps rejetées et marginalisées au nom de perceptions erronées. C'est donc dans cette perspective que nous avons examiné l'avant-projet de loi élaboré par le ministère de la Santé et des Services sociaux, rassurés que nous étions de lire dans le préambule du document "L'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle, Un impératif humain et social, Orientations et Guide d'action" qu'on spécifiait: "Nous avons voulu, dans ce document, considérer la personne non seulement comme un bénéficiaire de services, mais surtout comme le véritable responsable et principal artisan de son projet de vie, même s'il devra requérir l'appui de son entourage dans certaines circonstances."

Nous tenons à adresser personnellement à chacun et à chacune des membres de la commission des affaires sociales nos salutations et à leur assurer que notre exercice n'a visé qu'à apporter notre contribution aux travaux de perfectionnement de la proposition que constitue cet avant-projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec, notre intérêt fondamental étant l'amélioration des conditions de vie de nos fils et de nos filles, sans oublier tous ceux et celles qui n'ont pas de parents.

Nous sommes animés par la croyance fondamentale que les personnes ayant une

déficience intellectuelle sont des citoyens et des citoyennes à part entière du Québec et que, comme tout être humain d'ailleurs, ils et elles sont capables de développement et de croissance.

Tous les services conçus et gérés pour elles et leur famille doivent faire en sorte de les accompagner sur une base individualisée, dans les contextes les plus valorisants possible et considérer leurs besoins comme guide d'action et critères d'évaluation de la performance qualitative de ces services.

Nous avons identifié plusieurs points positifs dans cette proposition de refonte de notre système de services sociaux et de santé que nous présentons à la première partie du chapitre 1 et que nous vous rappelons.

Les acquis que l'on retrouve dans l'avant-projet de loi: un mandat visant à l'utilisation de l'autorité gouvernementale pour remodeler le système, la planification et l'administration régionale, l'orientation vers la prévention, le blocage des admissions en institution et la mise en place de plans de désinstttutlonnalisatlon, une idéologie de services humaniste et logique.

Nos inquiétudes et nos questionnements à l'Association: la récupération des forces bénévoles. Nos commentaires regroupés sous le titre Thème 5", sur le mouvement associatif, cernent l'essentiel de notre position. Rappelons, cependant, que nous voulons comprendre que dorénavant, au Québec, un organisme communautaire est considéré, de par la loi, comme étant d'égale valeur à un établissement puisqu'ils peuvent conclure des ententes, travailler conjointement à la réalisation de projets et, pour l'organisme communautaire, facturer des services à l'établissement qui contracte avec lui. Nous venons ainsi de franchir une étape historique: l'organisme communautaire sera dorénavant un interlocuteur de même palier. Il ne s'agit donc plus pour eux de vivre des situations d'acceptation forcée, de tolérance ou d'acceptation de leur légitimité, mais bien d'une reconnaissance de leur rôle et de leur mandat. Nous serions très inquiets si telle n'était pas la compréhension à avoir.

La participation d'un établissement à la réalisation d'un projet d'un organisme communautaire comporte un danger certain d'Ingérence. Pour éviter cet état de fait, nous proposons que les règlements qui découleront de la loi prévoient spécifiquement les balises de cette participation afin d'assurer à l'organisme communautaire son autonomie pleine et entière, sous réserve, bien sûr, des obligations prévues au contrat à intervenir entre les parties. Mais, malgré tout ça, dans les faits, nous tenons à resouligner notre inquiétude puisqu'il est connu et reconnu que les organismes communautaires ont une culture qui leur est propre, se traduisant, entre autres, dans des modes de fonctionnement reposant largement sur l'expertise empirique et les forces de même que les aléas du bénévolat.

En équivalence, les structures publiques possèdent leur propre culture se traduisant, pour leur part, par une certitude quasi absolue de durée et des modes de fonctionnement affectionnant les contrôles. Malgré le constat certain de la cohabitation de deux solitudes, nous savons que des expériences de travail en commun existent, peuvent fonctionner harmonieusement et fonctionnent effectivement en respect des caractéristiques du partenaire social que constitue l'organisme communautaire. Cependant, nous connaissons tous et toutes une liste noire d'expériences vécues. Ces réalités viennent doubler la nécessité de la réglementation discutée au paragraphe précédent.

D'autre part, nous questionnons sérieusement le pouvoir de contrôle que pourrait exercer la Régie dans son rôle de coordination de l'action des établissements et des groupes communautaires. Ce qui peut être inquiétant, c'est la possibilité que peut avoir la Régie de juger et d'éliminer ce qu'elle considérerait comme un dédoublement qui n'en serait pas un, du point de vue des consommateurs et consommatrices de services. Un service donné dans une approche différente, qui convient mieux aux attentes des personnes, donné par un organisme communautaire pourrait-il être considéré comme un dédoublement si ce genre de service est donné par un établissement mais d'une façon qui ne convienne pas à un certain type de clientèle?

Enfin, toute la question du financement devra faire l'objet d'un débat de fond. Je passe maintenant la parole à Mme Savard.

Mme Savard (Colette): Nous avons dit, dans notre commentaire général du chapitre 2, que l'absence de programmes rigoureux et systématiques de formation en cours d'emploi affecte sérieusement la qualité de vie dans la communauté des personnes ayant une déficience intellectuelle. À titre d'exemple, un éducateur en établissement, qui a travaillé pendant des années auprès de personnes ayant une déficience intellectuelle, ne peut se retrouver du jour au lendemain éducateur en communauté, dans la communauté sans avoir une formation pertinente, parce que sa façon de faire avec la personne change, du fait qu'il n'est plus en institution mais dans la communauté.

Un autre exemple, les intervenants au CLSC doivent être sensibilisés aux besoins des personnes, parce que les personnes qui ont une déficience intellectuelle ne sont pas la majorité de leur clientèle, ce n'est pas la majorité des gens qu'ils reçoivent. Par exemple, moi, quand on évalue les besoins de mon fils Olivier et les miens en fonction de support à domicile, j'invite l'intervenant à la maison pour qu'il nous voie, Olivier et moi, dans notre contexte familial.

Nous avons besoin d'être assurés de la volonté du ministère sur le principe, mais surtout

sur les moyens à mettre en place afin que la formation s'opère en conformité avec les orientations du document "L'Intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle, Un impératif humain et social". Vous remarquerez que notre mémoire parle, entre autres, de six thèmes qui reflètent tous nos préoccupations de base.

Centrer le système sur la personne est le thème 3. L'avant-projet de loi reconnaît légalement le plan de services individualisés comme l'instrument privilégié pour répondre aux besoins de la personne. Mais nous nous inquiétons du fait qu'il ne propose que peu de mécanismes concrets et formels pour faire en sorte de s'assurer que les services soient conçus à partir des besoins de la personne et de sa famille et qu'ils soient des services de qualité.

Nous sommes convaincus, et l'ensemble de la recherche te démontre, que deux mécanismes sont essentiels pour assurer une réponse appropriée aux besoins des personnes et de leur famille, à savoir: la coordination rigoureuse des plans individualisés par une instance indépendante des dispensateurs de services - il est, je pense, difficile d'être à la fois juge et partie - et la mise en place de mesures formelles, d'assurance de qualité.

Il faut se rappeler qu'historiquement, ce sont les parents qui ont mis sur pied les services dans la communauté à l'intention de leurs enfants. À titre d'exemple, les programmes de stimulation précoce, les écoles, les camps de jour, les camps de vacances. L'État a pris le relais dans un double souci d'universaliser et d'accessibiliser. En 1990, selon les informations que l'on nous a fournies, la clientèle des personnes ayant une déficience Intellectuelle est actuellement celle la moins financée. Nous voulons que soit statué que les sommes d'argent actuelles en déficience intellectuelle deviennent des sommes protégées par région et que soit ajustée l'équité des ressources financières entre les clientèles.

L'article 289 énonce l'élaboration de la politique globale, et je cite: "en collaboration avec les autres ministres intéressés." Nous pensons qu'un pas est ainsi franchi puisque ces mots se retrouvent écrits dans un texte de loi. Nous nous demandons, cependant, pourquoi ne pas inscrire dans cette même loi l'obligation des autres ministères d'aller dans les mêmes orientations. Les parents dont les enfants sont ou ont passé par le système scolaire, leur cauchemar, c'est la mission MSSS-MEQ. Pourquoi? Parce que nos enfants ont des besoins spéciaux et, à l'école, ils ont aussi besoin des services de réadaptation, à savoir: les services d'orthophonie, d'ergothérapie, de physiothérapie, et c'est souvent très difficile d'en avoir et de coordonner tout ça. Une autre des difficultés, c'est le transport adapté. Le parent a à faire face, si je peux m'exprimer ainsi, à un perpétuel décalage horaire, c'est-à-dire qu'il se promène entre les fuseaux horaires des différents ministères.

J'ai parlé, au début de mon intervention, d'assurance de qualité des services. L'assurance de qualité est le thème 4 de nos préoccupations de base. À l'article 242, il est dit au sujet de la régie régionale, et je cite: "élaborer et mettre en oeuvre, conformément aux directives du ministre, un programme d'évaluation de la qualité des services offerts par les établissements;" Nous nous demandons si cela suppose que les régies régionales se doteront d'une structure de contrôle de la qualité des services. Nous vous proposons, pour assurer cette surveillance, un programme "assurance de la qualité*. Ses objectifs, principalement, seraient: favoriser l'autonomie et l'indépendance de la personne, admettre la représentation de la personne et permettre la surveillance de la qualité des services par le biais d'un système qu'on appelle d'intercession, qui est peut-être plus connu sous le terme "advocacy". Nous croyons qu'il est essentiel que le système de services soit doté d'un mécanisme formel permettant l'atteinte des objectifs fixés. Le système doit s'assurer qu'il est cohérent avec les besoins des personnes.

Je passe la parole maintenant à Mme Salois.

Mme Salois (Bernadette): Le privé à but lucratif. Dans notre mémoire présenté à l'automne 1976 au premier ministre du Québec, nous disions: II existe au Québec plusieurs services pour personnes déficientes intellectuelles administres par des entreprises ou corporations à but lucratif. La majeure partie de ces services sont institutionnels. L'Association du Québec pour l'intégration sociale s'oppose formellement au fait qu'une entreprise puisse tirer des profits à cause de la déficience et des handicaps d'une partie de la population. Nous ne voulons pas juger les personnes responsables de ces corporations, mais nous condamnons ce genre d'établissement.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour vous citer un exemple qui illustre bien ce genre d'entreprise: le pavillon Saint-Théophile, situé à Laval-Ouest, près de Montréal, où vivaient 88 adultes handicapés intellectuels, dont mon fils Gilles. Ce centre d'accueil a fait l'objet d'une enquête publique par la Commission des droits de la personne sur l'exploitation des bénéficiaires et sur la qualité de vie. Cette enquête vient de se terminer après 74 jours d'audition. D'après les témoignages entendus, il nous apparaît clairement que ces 88 personnes ont été exploitées et abusées durant de nombreuses années.

Si nos renseignements sont exacts, au 31 mars 1988, il restait encore cinq centres privés conventionnés à but lucratif, recevant 401 personnes. En 1987-1988, un budget d'au moins 15 000 000 $ a été réparti entre ces institutions, ce qui représente 37 640 $ par personne, annuellement. Nous ne pouvons réconcilier les notions

de réadaptation, d'intégration sociale et de valorisation des rôles sociaux avec la notion de profit. Nous croyons qu'à court terme le gouvernement devrait s'approprier ces centres et confier leur gestion a des organismes régionaux de type parapubllc, et ce, pour le plus grand bien des personnes desservies et pour une utilisation Judicieuse et plus rationnelle de nos ressources.

Il va de soi que l'AQIS s'oppose à ce que le MAS confie à ces institutions privées des mandats de développer des services dits communautaires, ce qui équivaudrait à consolider leur emprise tout en nuisant au développement de réseaux intégrés de services. Nous demandons donc l'abolition du secteur privé à but lucratif dans le domaine des services aux personnes déficientes intellectuelles et l'encouragement au secteur privé à but non lucratif dans son rôle de complémentarité au réseau de services.

Notre premier mémoire date de 1976. Quatorze années plus tard, nous réécrivons ces mêmes mots: Quand le gouvernement du Québec statuera-t-il sur l'arrêt de l'exploitation basée sur la déficience intellectuelle?

Durant les deux dernières décennies, les revendications de notre mouvement ont systématiquement été formulées dans le sens d'une reconnaissance pleine et entière de la personne ayant une déficience intellectuelle et demandait à l'État québécois, via son ministère de la Santé et des Services sociaux, de réorganiser les services offerts aux personnes et aux familles sur les bases d'un système de services intégrés à la communauté. Nous nous permettons d'en rappeler les principaux jalons.

Dans notre mémoire présenté à l'automne 1976, nous disions: Si nous avons un reproche à faire au gouvernement, c'est celui de ne pas concevoir la déficience mentale comme un problème global qui part de la naissance de la personne et continue jusqu'à sa mort. C'est une problématique qui touche l'individu, sa famille, sa collectivité immédiate et la société en général. Toutes les solutions à ce problème sont interdépendantes, ce qui veut dire, en fait, que la politique d'un gouvernement doit absolument être une politique d'ensemble.

Au printemps 1977, le gouvernement du Québec publiait un livre blanc, "Proposition de politique à l'égard des personnes handicapées", où nous retrouvions dans la préface: "À une époque où l'on parie de plus en plus de l'égalité des chances pour tous, il est un groupe dont les conditions de vie actuelles sont devenues intolérables. La société québécoise vient de prendre conscience de la situation des personnes handicapées et, notamment, des adultes handicapés. "

Quatre ans plus tard, en décembre 1981, au nom du gouvernement, M. Denis Lazure annonçait que: "De plus, par l'intermédiaire de l'Office des personnes handicapées, nous élaborons en ce moment une politique d'ensemble à l'égard des personnes handicapées qui permettra une meilleure coordination des services que nous assumons déjà. "

Il faut attendre 1984 pour se réjouir de la divulgation de la politique d'ensemble "À part... égale", par laquelle la communauté est nettement identifiée comme lieu de vie de la personne ayant une déficience intellectuelle et où il est clarifié les nécessités de concertation, de continuité et de complémentarité.

En 1986, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Thérèse Lavoie-Roux, réitérait "la volonté du ministre de favoriser davantage l'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle et de réaliser leur intégration sociale. " les deux dernières années ont été très fertiles en événements au niveau des services sociaux et des services de santé. nous retenons trois de ces événements: la publication, au printemps 1988, de la position officielle du gouvernement du québec, "l'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle, un impératif humain et social, orientations et guide d'action", appelé le "livre vert"; le dévoilement, au printemps 1989, du document intitulé "pour améliorer la santé et le bien-être au québec, orientations" qui expose les modifications que l'état entend apporter au système et, enfin, la présentation, à l'automne 1989, de l'avant-projet de loi. loi sur les services de santé et les services sociaux. (10 h 30)

On peut lire, au préambule du livre vert: "L'intégration sociale des personnes présentant une déficience intellectuelle est un impératif humain et social. Cette affirmation, qui constituait le message principal des orientations que j'annonçais il y a deux ans, demeure encore aujourd'hui et pour les prochaines années un objectif prioritaire pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. À la demande des personnes elles-mêmes et de leur famille, le ministère a été invité à leur reconnaître, dans les faits, l'accès à la même qualité de vie et aux mêmes prérogatives dont bénéficie la majorité des gens. Nous avons voulu, dans ce document, considérer la personne non seulement comme un bénéficiaire de services, mais surtout comme le véritable responsable et principal artisan de son projet de vie, même s'il devra requérir l'appui de son entourage dans certaines circonstances. "

Je passe la parole à Mme Madeleine Girard.

Le Président (M. Joly): Madame, je vous laisse déborder là, mais vous réalisez que ça laisse beaucoup moins de temps pour les questions.

Mme Girard: D'accord, il reste juste quelques minutes.

Le Préskient (M. Joly): Merci.

Mme Girard: Dans le document "Orientations", nous pouvons lire que: "Les orientations pour l'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle sont venues récemment confirmer et étayer la perspective de réinsertion sociale adoptée par le ministère. Cette perspective sera maintenue."

L'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux doit s'inscrire dans la foulée des décisions qui a jalonné la démarche visant à la libération des personnes ayant une déficience intellectuelle des fardeaux de l'exclusion sociale et de la dévalorisation. Les propositions que nous avons présentées dans ce mémoire vont dans ce sens, et nous prenons pour acquis que l'actuel titulaire du ministère saura nous confirmer formellement que l'avant-projet de loi servira de nouveaux jalons.

Nous avons une double attente à l'égard du ministre actuel: d'une part, nous nous attendons à le voir formellement reconfirmer la volonté politique du gouvernement de poursuivre la reconnaissance pleine et entière de la personne ayant une déficience intellectuelle et la réorganisation des services sur les bases d'un système de services intégrés à la communauté; d'autre part, nous nous attentons à le voir s'engager à prendre les moyens nécessaires pour en arriver le plus rapidement possible à rétablir l'équilibre entre les budgets programmes de son ministère afin de rendre justice au financement des services en déficience intellectuelle.

L'engagement de l'État québécois envers l'obligation collective de reconnaître les personnes ayant une déficience intellectuelle dans leur statut de concitoyens et concitoyennes à part entière sans discrimination basée sur la différence doit se traduire dans des lois préservant les acquis et complétant les mécanismes d'action, tout en étant appuyé du rajustement des ressources financières nécessaires et d'une nette emphase sur la formation des personnes. C'est une partie qui est très importante, je pense, la formation du personnel. Peut-être commencerons-nous enfin à récolter dans nos vies quotidiennes, avec nos fils et nos filles, les fruits de notre ténacité. Permettez-moi de vous dire qu'on en a, de la ténacité, parce que, quand on est parents de handicapés, de leur naissance aller jusqu'à leur mort, il faut 25 téléphones avant d'être capables d'avoir des services. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, mesdames et monsieur. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Nous sommes très heureux de vous recevoir. Je pense que nous en sommes à un exercice qui, dans deux semaines, sera terminé. C'est un exercice qui nous semble, assis après 140 mémoires et encore une cinquantaine à venir, à l'occasion fastidieux, long et répétitif. Mais, ce matin, ce n'est pas le cas, compte tenu du fait que nous abordons un sujet qui n'a pas été abordé de manière - formelle en commission parlementaire. Il faut bien situer que nous sommes dans un processus donc d'échanges et d'emmagasinage d'un certain nombre de réflexions de la part des intervenants qui, quant à eux, se prononcent sur "Orientations" déposé par Mme Lavoie-Roux, tel que madame le disait tantôt, aussi un avant-projet de loi qui, forcément, n'est pas pariait, on l'a dit en cours d'exercice, et mérite d'être bonifié à la lumière des interventions de chacun des groupes qui veulent bien se faire entendre à cette commission. Donc, c'est dans cette perspective-là, ce matin, que nous entamerons la discussion avec vous, tentant de bonifier notre perception de la situation réelle et de mettre le focus sur les véritables enjeux, et faire en sorte qu'effectivement on réussisse à faire en sorte que le bénéficiaire soit véritablement celui qui soit l'objet de la réforme et que tous nos efforts soient canalisés en fonction de ce que nous devons donner au bénéficiaire et que, par l'ensemble des intervenants, au lieu de faire en sorte que, comme aujourd'hui, le bénéficiaire soit l'objet d'un établissement, soit l'objet d'un professionnel de la santé, pour une fois, que l'objet soit le professionnel de la santé ou rétablissement au service du bénéficiaire. Évidemment, là, on s'est dit cela entre nous autres. Vous avez exactement la même Idée que nous autres. L'Opposition partage notre idée aussi, mais ça, ça demeure dans le domaine du théorique. C'est dans la pratique qu'on va voir si on a atteint notre but et qu'il faut faire des changements extrêmement importants de mentalité, en particulier de la part de ceux qui dispensent les services, de ceux qui organisent les services, et ça, ça m'apparaît être le virage là où on est le plus interpellés et ce n'est pas différent ce matin, dans votre présentation, pour une clientèle plus spécifique.

Les lignes de force de votre présentation de votre mémoire, moi, je les perçois comme une volonté de tout mettre en oeuvre pour la qualité des services dispensés. On voit ça par, d'abord, l'insistance sur la formation, on voit ça par une inquiétude de ce qui se passe dans certains établissements privés par rapport aux coûts, par rapport au public et par rapport à leur mission, par rapport aux plans de services, par rapport à l'interrelation dans les différents ministères. Évidemment, votre préoccupation, bon, on dit: Pour une fois, n'agissez pas uniquement en ministère de la Santé et des Services sociaux mais en gouvernement, en tentant de faire en sorte que tout le monde soit concerné par le cas qui est soulevé ce matin.

Je commencerais par la formation. Si on n'a pas de formation, ça risque d'atteindre éventuellement la qualité. Il me paraît y avoir un lien

assez important. Ce n'est pas parce que les gens ne sont pas de bonne foi. Mais ce qui m'a accroché dans votre présentation, ce n'est pas uniquement formation adéquate, c'est formation continue. Alors, j'aimerais vous entendre davantage. Dans des domaines spécifiques, ça veut dire quoi, demain par rapport a aujourd'hui, lorsqu'on parle de formation continue? Parce que c'est un élément très important. Tantôt, si on veut faire valider la qualité de la dispensation des services, il faut donc qu'on se parie de formation et de formation continue, tel que vous le souhaitez. Dans votre esprit, illustrez-moi ça d'un exemple dans votre domaine. Illustrez-moi ça d'un exemple.

Mme Savard: alors, moi, je peux vous donner l'exemple des plans individualisés. pour nous, parents, ce n'est pas nouveau mais, pour les intervenants, c'est très nouveau.:

M. Côté (Charlesbourg): Les intervenants, c'est qui?

Mme Savard: Les intervenants de première ligne. J'ai demandé pour mon fils, dans la région de Hull, un plan de services individualisés. Alors, je sais que le centre qui est responsable de donner les services aux personnes déficientes dans la région 07 a fait la formation de ses personnels sur les valeurs. Nous, on demande des services de qualité et c'est basé sur des valeurs que nos fils et nos filles aient les mêmes droits que quiconque. Je veux dire qu'on ne veut pas non plus les materner ou les paterner, en ce sens que, la dignité, ça existe aussi pour nos fils et nos filles. Alors, c'est tout un changement qu'on demande aux intervenants mais il faut que dans leur formation... C'est à partir des valeurs aussi que leur formation doit leur être donnée. Alors, pour qu'un plan individualisé réponde aux attentes des personnes et de leur famille, il faut qu'on ait un langage commun, qu'on sache de quoi on parie. SI on parle en fonction des mêmes valeurs, bien, disons qu'on aura moins de difficultés à répondre aux besoins des personnes. C'est un exemple.

M. Côté (Charlesbourg): Mais, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement une formation qui est dispensée dans les universités ou dans les cégeps, parce que ça, c'est théorique, c'est une formation théorique. Dieu sait le décalage qui peut exister entre la formation théorique à peu près dans tous les domaines... Un économiste qui sort de l'université et qui tombe à travailler dans l'économie, il a les surprises de sa vie. Un historien qui va à l'université et qui, quand il sort de là, se retrouve à donner un cours, il est obligé de revoir des livres parce qu'il lui en manque de bons bouts. Donc, c'est le même phénomène dans ces cas-ci.

Comment est-ce qu'on fait... Ce n'est pas une question pour vous embêter, mais pour tenter de trouver des mécanismes pour s'assurer que cette formation continue et adaptée à la clientèle spécifique, comment est-ce qu'on fait pour le faire?

Mme Savard: Moi, je pense que ça doit être en lien avec les institutions qui font la formation ou de l'enseignement aussi. Un système de formation continue peut être en lien avec les organismes qui donnent cette formation.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ce n'est pas davantage par des stages, des stages pratiques qu'on réussira à faire cette formation continue qui, forcément, quand on parle de formation continue, va évoluer avec le temps, avec les mentalités, avec les méthodes. À partir de ça, ce sont des ressources qui sont là et qui doivent être libérées un certain nombre de temps ou d'heures pour faire cette formation-là. J'Imagine que c'est ça que vous visez.

Mme Savard: Je veux juste ajouter un petit commentaire, puis je vais passer... Je ne sais pas s'il y a d'autres de mes collègues ici qui veulent ajouter. Vous dites que le plus grand défi, ce sont les intervenants, dans un sens, pour permettre cette réforme. Les intervenants veulent le bien des personnes - il n'y a personne qui veut le mal de ces personnes-là - sauf que la façon de faire auprès de la personne est très influencée par les valeurs et la philosophie de base. La grande majorité de nos intervenants n'ont pas reçu cette formation en fonction de ces valeurs. Ce sera d'autant plus difficile pour eux de faire en sorte que ce soit des services dans la communauté.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un échange qui est très intéressant, on n'a pas eu la chance d'en avoir un semblable. Je vais très loin dans mes propos pour tenter de découvrir des pistes et des choses intéressantes.

Est-ce que vous diriez que le communautaire est peut-être davantage près de cette mentalité recherchée que ne le sont les professionnels?

Mme Girard: Je pense que le communautaire est très près, d'autant plus que si on parle de nos associations, ce sont des associations de parents. Je pense que quand on parie de nos fils et de nos filles, et même ceux qui n'ont pas de parents, on connaît leurs besoins Quand on parle de formation continue, je pense que la formation est importante. Je ne veux pas répéter ce que disait Colette tantôt, mais, si les personnes qui travaillent auprès de nos fils et de nos filles n'ont pas des valeurs, ou si leur attitude n'est pas bonne... Au départ, je pense que c'est un gros bon sens que ça leur prend.

M. Côté (Charlesbourg): Mais puisque vous le soulevez, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que c'est le cas maintenant? Ce serait inquiétant, si c'était le cas. Je sais que c'est une question qui peut être embarrassante pour vous...

Mme Girard: C'est le cas maintenant, dans le moment. On retrouve dans beaucoup de services, qui sont dans la communauté, des personnes, des intervenants qui ont travaillé en institution, qui ont commencé par travailler soit dans les buanderies, dans les cuisines ou à des travaux lourds, pour faire le ménage, puis se sont retrouvés avec les personnes et ils n'ont pas du tout l'attitude, ils n'ont pas du tout de valeurs. Je dois dire que pour les personnes ce n'est pas...

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends maintenant davantage vos inquiétudes, surtout en relation avec ce que vous appelez l'assurance-qualité. Je ne le comprenais pas au début. Tout le monde parie de qualité de dispensation des soins, de vérification des plaintes, de mécanismes pour bien s'assurer qu'il y ait une qualité de dispensation de services. En levant le voile sur certains faits un peu plus précis, votre inquiétude, c'est que, dans la mesure où on poursuit dans la veine dont on parie, il y a des gens qui, forcément, de par une sécurité d'emploi, se retrouvent dans des postes qu'autrement ils n'auraient pas occupés si on s'était davantage préoccupé de la qualité du service à dispenser et de la formation de base nécessaire pour dispenser ce service-là. (10 h 45)

Mme Girard: Je pense qu'on sait très bien, M. Côté - je ne sais pas si tout le monde est au courant ici - que les personnes qui se sont retrouvées à travailler auprès des personnes qui étaient en institution ou en centre d'accueil sont des personnes qui travaillaient dans le voisinage du centre d'accueil ou de l'hôpital, ce qui ne veut pas dire que c'étaient les personnes qui étaient les mieux adaptées pour travailler auprès de nos personnes. Ça, je pense que ça nous cause beaucoup d'inquiétude.

M. Côté (Charlesbourg): Je le comprends mieux pour avoir suivi un cas, récemment, qui risque de revenir sur la place publique, quant à l'évaluation des capacités du personnel. Évidemment, quand on dit que le système est prisonnier d'intérêts particuliers - on a parlé des médecins, on parie aussi des syndicats, à l'occasion. Mais il y a un cas qui est sur la place publique, au moment où on se parie, où il y a des intérêts de syndicat, donc, de protéger l'emploi de quelqu'un qui, selon l'évaluation de spécialistes, n'ont pas la compétence pour effectuer le travail qu'on voudrait leur confier. Par conséquent: qualité de la dispensation du service pour un des bénéficiaires qui en a besoin. Je comprends un petit peu mieux, mais le président m'a signifié qu'il ne-me restait pas grand-temps.

Je souhaiterais avoir un petit peu plus d'informations de votre part, si c'était possible, sur le mécanisme d'assurance-qualité, parce qu'on dit: Bon, parfait, on va décentraliser, on va régionaliser, mais ça n'empêche pas, sur le plan régional, d'avoir une assurance-qualité. On sait que, dans la mesure où on va jusqu'au bout - et on est capables d'y aller - ce sera donc par programmes, avec des objectifs par programmes. Donc, ça va protéger des budgets en fonction d'objectifs réels à atteindre et ça, ça en est un élément, d'être capable de mesurer la qualité. Mais probablement que, dans votre esprit, ça devrait aller beaucoup plus loin que ça, et j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Turgeon (Jacques): Oui. Je pense que, d'abord et avant tout, c'est le mécanisme de contrôle qui est primordial pour assurer une certaine qualité. Un établissement aura beau avoir des barèmes, des critères, des normes de qualité, d'efficacité, d'efficience, si les personnes qui évaluent l'atteinte, le respect de ces normes sont partie prenante à la gestion du réseau, d'une façon ou d'une autre. Nous, on craint que des intérêts, je dirais, corporatifs, dans le sens large du terme, se révèlent. D'ailleurs, actuellement, c'est malheureusement le cas; parfois, il peut y avoir des intérêts communs qui se dessinent entre un fonctionnaire - je dis ça théoriquement, je ne peux pas nommer de cas précis - entre, par exemple, une instance régionale, un établissement, voire même des gens qui interviennent au niveau du ministère central. Nous, on pense que la meilleure assurance qu'il ne peut pas y avoir, en fait, même, ce qui pourrait constituer une espèce de stimulation pour les établissements à respecter un niveau minimum de qualité et même à aller vers l'excellence, ce serait un mécanisme de contrôle extérieur, externe, entre les mains de gens qui n'auraient aucune contrainte de vérification. Ça pourrait s'articuler tantôt au niveau provincial, régional, mais on est à étudier, d'ailleurs, une formule où... On a fait une table ronde de plusieurs présidents d'organismes de protection et on s'en va vers une formule, c'est une option, où il pourrait y avoir un plan d'ensemble dans lequel s'inséreraient des organismes, c'est-à-dire dans lequel agiraient des organismes qui assumeraient le contrôle, localement, régionale-ment, mais dans le cadre d'un plan d'ensemble. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. C'est parce que le président me signale que j'ai déjà passé amplement mon temps, alors, je suis obligé de me taire. Ça répond, mais, si j'ai besoin d'informations additionnelles...

M. Turgeon: Oui, on est prêts à se mettre en relation directe avec...

M. Côté (Charlesbourg): Comme on s'est déjà parlé, on continuera de taire de môme.

M. Turgeon: Oui, oui, oui.

Mme Savard: Je peux peut-être ajouter que notre bras technique... Tout à l'heure, on a parlé du bras technique, bien, le bras technique a un instrument qu'il est en train d'expérimenter.

M. Turgeon: On a fait déjà une couple d'expériences-pilotes et on s'apprête à élargir le champ d'expérimentation.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, aussi critique, pour sa formation, en matière d'affaires sociales.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, rapidement, parce que votre mémoire est tellement dense et il y a tellement de bonnes pistes qui nous sont fournies qu'il faut essayer d'y voir le plus clair possible. Pendant cette consultation, il y a un certain nombre de choses qui sont des redites, au niveau de cette commission, mais, ce matin, il y a vraiment un genre de piste, en particulier pour des clientèles, pour des personnes qui nous semblent, en tout cas, particulièrement vulnérables dans le système. Vous avez des propositions qui sont extrêmement claires en termes de bonification au niveau de la réécriture complète de ce projet de loi tel que l'a énoncé le ministre, il y a maintenant quelques semaines. Pour ma part, parce que le député de La Prairie aura aussi un bon nombre de questions, je vais me limiter à une seule question en poursuivant sur la voie du ministre au niveau de cette assurance qualité.

Je pense que vous avez d'abord une réflexion, je pense que vous avez bien raison de dire qu'il faut absolument bonifier dans cette réorganisation des services toute la question de la protection et de l'exercice des droits, en particulier pour les personnes les plus démunies et qui sont faibles dans le système.

Est-ce que vous pensez que ce mécanisme de type externe à mettre sur pied en termes de définition ne pourrait pas être, par exemple, rattaché à la fonction de protection du citoyen ou des responsabilités du Protecteur du citoyen au Québec? Dans le sens suivant, il faut que ce soit, bien sûr, le plus proche des bénéficiaires et des victimes potentielles, entre guillemets. Mais comme vous dites, ça doit être un mécanisme qui a des assises légales et des assises sociales. Est-ce que vous pensez que nous pourrions nous donner les mécanismes de plainte et d'exercice des droits à travers la fonction du Protecteur du citoyen, pour ce mécanisme externe aux régies régionales ou aux organismes chargés d'administrer dans le système?

M. Turgeon: Je vous disais tout à l'heure que nous avons formé une table ronde de réflexion à ce sujet, table ronde autour de laquelle se retrouvent le président de l'Office des personnes handicapées, la directrice de la curatelle publique, de même que l'ombudsman. C'est sur la table actuellement. Il y a une opinion qui est en train de prendre forme. À l'origine de nos discussions, effectivement, on croyait que ce qu'on appelle les porte-parole des bénéficiaires dans les établissements, qui portent le nom commun d'ombudsman d'établissement, pourraient peut-être, de façon à garantir leur autonomie d'action, être rattachés à l'ombudsman, au Protecteur du citoyen. C'est une avenue; on n'est pas encore positionné de façon définitive là-dessus. Je ne voudrais pas justement faire des conclusions avant que le comité ait terminé ses travaux. On doit faire le point là-dessus au mois de juin, mais on doit vous avouer que c'est une avenue sérieuse qu'on examine.

On examine également une autre avenue qui est celle d'associer et de donner une autonomie d'action, d'examen au comité de bénéficiaires des établissements, mais en association étroite, puisqu'on parle d'amener les gens, de réinsérer les gens dans leur communauté, il faut aussi que ce ne soit pas uniquement un mécanisme qui existe à l'intérieur des quatre murs d'un établissement. Il faut qu'il y ait une espèce de sortie vers la communauté, une association vers les organismes communautaires. Pour notre part, on pense que nos organismes locaux pourraient servir de tête de pont à ce genre d'association-là, une espèce, pas une fusion, mais une espèce d'entente très intime entre le comité de bénéficiaires et les associations locales. Cependant, on a découvert, constaté que les comités de bénéficiaires sont isolés, et, très tôt, on verrait poindre à l'horizon le besoin de regroupement pour se donner des services centraux pour mieux analyser les situations.

Je vois le ministre: Encore une structure qui pointe à l'horizon! Nous, on se dit: Pourquoi en créer d'autres, puisqu'on veut aller vers la communauté? Et on pense que des organismes majeurs - on se considère majeur - et aussi le Comité provincial des malades, pourraient, avec leur expertise, définir une espèce de protocole d'intervention, qui pourrait être administré localement par des groupes locaux.

M. Trudel: Très bien. Juste une toute petite remarque, au niveau du texte, à la page 28, sur ce mécanisme. Vous recommandez de modifier l'article 234, quant aux responsabilités des régies régionales, et vous suggérez: "que soit rajouté au présent alinéa 6 "via un mécanisme d'évaluation de la qualité des services"." Vous voulez dire un

mécanisme externe d'évaluation? M. Turgeon: Oui.

M. Trudel: 11 faudrait peut-être le noter, si les gens au ministère regardent ça de près, c'est un mécanisme externe d'évaluation. Là-dessus, M. le Président...

M. Turgeon: Si je peux me permettre une image, il faudrait s'inventer une espèce de Croix-Rouge des services de santé. Ils peuvent entrer partout eux. Il n'y a pas d'endroit où ils ne peuvent pas entrer. Et le seul fait qu'on refuse l'entrée à un inspecteur de la Croix-Rouge, c'est qu'on a de quoi à cacher. Nous, on pense qu'on pourrait avoir à peu près le même genre de formule.

M. Trudel: Merci.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître M. le député de LaPrairie.

M. Lazure: Je veux féliciter l'Association pour son mémoire, leurs interventions. Il reste très peu de temps, malheureusement. J'avais plusieurs questions et des commentaires. Je partage votre position quand vous dites: "Nous avons une double attente à l'égard du ministre actuel", les budgets-programmes. Je poserais la question... Et sur un autre point aussi, je partage entièrement, nous partageons entièrement votre position, à savoir sur l'abolition des centres d'accueil pour déficients intellectuels à but lucratif. J'aimerais poser la question au ministre, est-ce qu'il est d'accord pour cette abolition là?

M. Côté (Charlesbourg): C'est un point que je n'ai pas relevé, je gardais ça pour ma conclusion, compte tenu du double défi. On est dans une situation où, effectivement, on va vers ça. On me signale que ce ne sont pas nécessairement les cinq qui donnent des services de la même qualité et qu'il y en a, à tout le moins, un qui est même très, très bon sur le plan des services qu'on dispense, donc, il faut faire attention. En principe, dans l'évaluation des coûts, si, effectivement, le privé coûte aussi cher ou plus cher que le public ou le parapublic, il y a des questions qu'on doit se poser. On va l'examiner de très près. C'est d'abord et avant tout la qualité de la dispensation des soins aux bénéficiaires qui est importante.

M. Lazure: On pourrait prendre leçon de l'expérience qui avait été faite en 1977, lorsque nous avions acheté un grand nombre d'institutions privées à but lucratif, qui faisaient de l'exploitation comme les gens de l'Association viennent de nous l'expliquer. Dans les deux minutes qui restent, je voudrais aussi faire un commentaire sur les budgets protégés. Nous partageons... Moi, je crois que, parmi l'ensemble des handicapés mentaux ou physiques, les déficients intellectuels sont peut-être parmi ceux et celles qui ont été les plus négligés de toutes les personnes handicapées. Pour une période de rattrapage, à tout le moins, la formule du budget protégé, région par région, me paraît une bonne formule.

Maintenant, est-ce qu'on peut espérer qu'il y aura de l'argent nouveau pour ces programmes-là? Depuis hier, avec les commentaires du collègue du ministre de la Santé, le président du Conseil du trésor, qui remet en question la gratuité des soins, qui parie d'un ticket modérateur, qui dit: "La gratuité des soins nous mène vers la pauvreté." Évidemment, l'Opposition officielle n'est absolument pas d'accord avec ce genre de commentaires, que la gratuité des soins mène à la pauvreté. La gratuité des soins, depuis plusieurs années, au contraire, ça va de pair avec la prospérité économique. Nous pensons que le ministre de la Santé aura un gros boulot, parce que... il a reçu l'avertissement de son collègue, M. Johnson a lancé un message clair à son collègue Marc-Yvan Côté: "Si M. Côté ressort de la présente commission parlementaire, notre commission, en recommandant l'ajout de fonds nouveaux, il devra aller se rhabiller." Il n'est pas encore déshabillé...

M. Côté (Charlesbourg): Je peux vous dire que je suis déjà habillé.

M. Lazure: ...puis on espère qu'il ne se laissera pas déshabiller par son collègue, le président du Conseil du trésor, parce que les demandes que vous faites, ça va demander de l'argent nouveau, ça. Quand Madame dit, et j'ai pris la citation au tout début: "J'attends encore les services pour mon fils adulte, mon fils adulte qui est rendu à domicile". Elle attend encore les services, qu'elle nous dit, pour son fils qui a passé plusieurs années en institution. Mais on le sait qu'il y a des listes d'attente énormes pour l'aide à domicile des personnes handicapées, on le sait, ça. Il me semble que le gouvernement actuel devrait, au moins pour certaines clientèles, comme les personnes handicapées intellectuellement, qui ont encore besoin d'une période de rattrapage, devrait faire des efforts supplémentaires.

Nous, l'Opposition officielle, nous partageons l'opinion de l'Association. J'ai peut-être une dernière question ou avant-dernière au ministre. Les gens de l'Association ont fait allusion au comité conjoint MASS-MEQ, c'est un comité qui a été créé pour améliorer les relations et les services qui touchent les deux ministères, qu'en est-il de ce comité? Est-ce qu'il est actif? Et surtout en fonction de l'intégration des enfants handicapés intellectuellement aux écoles régulières et aux classes régu-

Hères, est-ce que les travaux de ce comité conjoint sont satisfaisants? (11 heures)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai eu l'opportunité, quant à moi, d'avoir une première rencontre avec l'Association qui est devant nous ce matin, il y a deux mois...

M. Turgeon: Moins que ça.

M. Côté (Charlesbourg): Un mois?

M. Turgeon: Un mois et demi.

M. Côté (Charlesbourg): Un mois et demi. Ils nous ont soulevé, à l'occasion de signatures de protocoles d'entente, certains points relativement à certains messages à passer à l'Éducation. Je sais qu'ils ont eux-mêmes été reçus, il y a quelques jours à peine, je pense, ou quelques semaines, par...

M. Turgeon: Deux, trois... Trois semaines.

M. Côté (Charlesbourg): Deux, trois semaines par M. Ryan, sur le plan des discussions. Quant à nous, avec l'entremise de l'OPHQ, il y a des rencontres très, très, très intenses au moment où nous nous parlons pour tenter de finaliser un certain nombre de dossiers. Encore aujourd'hui, il y a des rencontres entre les hauts fonctionnaires pour tenter de solutionner certains dossiers. J'espère qu'on va aboutir très rapidement. Il y a, effectivement, beaucoup d'échanges à ce moment-ci et on tente d'en régler le plus possible. C'est actif.

M. Lazure: Je voudrais peut-être attirer l'attention du ministre sur un problème particulier, et l'Association pourrait nous en parler aussi, je suis sûr. Dans les réglons, et dans ma région, la Montérégie, par exemple, il y a encore, après plusieurs années de tentative d'intégration... Et c'est la politique officielle du ministère de l'Éducation d'intégrer les enfants handicapés intellectuellement aux classes régulières autant que possible ou, au moins, aux écoles régulières. Mais il y a encore des douzaines et des douzaines d'enfants qui sont transportés de la Montérégie vers Montréal, chaque jour. Ça n'a pas sa raison d'être. Vous parliez tantôt de décalage pour le transport. Il y en a une qui a fait mention des problèmes de transport. Il y a de gros problèmes, parce que les commissions scolaires - c'est là, l'importance du comité MAS-MEQ - il y a encore des commissions scolaires qui n'assument pas leurs responsabilités, qui ne fournissent pas les services aux enfants handicapés intellectuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas seulement en Montérégie. Je pourrais vous nommer d'autres cas, d'autres commissions scolaires, où il y a des problèmes. Il s'agit de faire du bureau de comté pour en recevoir dans chacun de nos milieux. J'en ai reçu chez nous, moi-même, des personnes qui sont intervenues pour davantage nous sensibiliser. Il y a, au niveau de certaines commissions scolaires - ce n'est pas le lot - .certains retards, même certaines résistances. C'est là-dessus qu'il faut continuer de travailler, davantage avec la persuasion que la coercition, parce que la coercition ne donnera pas nécessairement la qualité qu'on souhaite avoir.

Dans ce sens-là, en terminant, peut-être pour remercier les gens qui se sont présentés ce matin, quant au double défi, je dois vous dire qu'à ce moment-ci il n'y a rien de changé sur les orientations que le ministère a prises. Évidemment, comme on est en commission parlementaire pour entendre et pour analyser un certain nombre de choses, il y a des décisions qui seront à prendre chez nous. Je partage très largement les points de vue que vous avez exprimés ce matin, qu'on devrait retrouver renforcés dans la réforme et au niveau du projet de loi éventuellement. Si je vous donnais la réponse finale ce matin, on aurait juste à mettre fin aux travaux de la commission et s'en aller travailler. Donc, on va continuer le processus, et vous verrez, lorsque le projet de loi sera déposé et la réforme elle-même, qu'il y aura des choses à ce niveau-là.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. A mon tour, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Bon retour dans chacune de vos régions respectives, spécialement à Mme Girard de Laval. Au plaisir, madame.

Mme Girard: Je tiens à remercier tout le monde. Et s'il y a des questions qui sont sans réponse: à l'Association, on est toujours disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup.

Je demanderais maintenant aux gens représentant l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux inc. de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

Bonjour et bienvenue à cette commissionl J'apprécierais que la personne responsable du mouvement, du groupe se présente et aussi identifie les gens qui l'accompagnent. S'il vous plaît.

Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux

Mme Soave (Luciana): C'est Luciana Soave. Je suis présidente d'ACCESSS. ACCESSS est une fédération qui regroupe actuellement 42 orga-

nismes offrant des services aux communautés culturelles, plus des membres affiliés ou associés. Je présente les autres membres de la table. À ma gauche, c'est la secrétaire du conseil d'administration, Mme Thérèse Amoni; à ma droite, M. Pascual Delgado, qui est un des fondateurs d'ACCESSS, et Mme Nancy William, qui est la coordonnatrice d'ACCESSS.

Le Président (M. Joly): Madame, vous connaissez la procédure. Vous êtes une habituée. Alors vous avez une vingtaine de minutes pour nous livrer votre réflexion et, par après, les membres de cette commission se réservent le privilège de vous poser quelques questions.

Mme Soave: On va chercher à faire moins de 20 minutes pour laisser plus de temps au débat.

Le Président (M. Joly): Plus de temps pour l'échange, madame.

Mme Soave: On aime plus échanger. On a envoyé le mémoire; j'imagine ou j'espère que tout le monde en a pris connaissance.

Je ne veux pas, donc, m'attarder aux détails. Ce qui est quand même important, on va y revenir après au cours de la discussion: le concept des communautés culturelles qui est très important. On vient de découvrir que le terme "communautés culturelles" n'est pas un terme juridique et on aimerait bien que dans la prochaine loi ce terme-là soit défini.

Par la suite, on apprécie beaucoup qu'on commence dans l'avant-projet de loi à mentionner les droits à l'accessibilité des services à tout le monde. Ça c'est très bon en théorie. Cependant, on aimerait bien qu'on arrive un peu plus en profondeur avec une définition du terme "communautés culturelles", arriver à stipuler aussi dans la loi la nécessité d'implanter une accessibilité - ça se fait un petit peu à Montréal, ça commence à Montréal, dans la Montérégie - des plans d'accessibilité. On voudrait donc que ça devienne une loi, que ça rentre dans la loi pour s'assurer que ça ne reste pas des initiatives sporadiques mais que ça devienne partie intégrante de la société québécoise. Les droits aux services de santé et au services sociaux sont des droits acquis. Les droits à l'immigration, je pense qu'on n'est pas là pour en discuter aujourd'hui. Le Québec fait venir des gens. Quand ils arrivent, ils ont besoin de soins de santé.

On demande donc un effort de la part du gouvernement pour faciliter cette accessibilité. Et là, dans notre mémoire, on souligne plusieurs points, entre autres, les comités de bénéficiaires. C'est important que tous les bénéficiaires puissent en faire partie. Il faut tenir compte de ce qui arrive aux gens qui n'arrivent pas à se défendre.

Les conseils d'administration, c'est vital.

C'est dans les conseils d'administration qu'on prend les décisions et très souvent les personnes originaires des communautés culturelles ne sont pas représentées dans les conseils d'administration. On demande donc une vigilance auprès du gouvernement et surtout, dans la loi, de prévoir un moyen d'avoir des conseils d'administration qui sont représentatifs du milieu en tenant compte de la composition sociale, économique, ethnoculturelle du territoire.

On parte des organismes communautaires. Je pense que la valeur et l'importance des organismes communautaires n'est pas à prouver aujourd'hui. On voit avec beaucoup de faveur l'importance que l'avant-projet de loi a donnée aux organismes communautaires, le partenariat qu'on veut donner à ces organismes-là; mais on veut s'assurer qu'ils puissent aussi survivre, qu'ils aient des moyens de maintenir leur autonomie, leur capacité de se développer, de travailler avec des bénévoles de façon très informelle et qu'ils aient aussi les moyens économiques pour continuer.

On se préoccupe, en parlant de la santé aussi, de beaucoup de personnes, en particulier des médecins diplômés à l'étranger qui arrivent ici, qui se trouvent à travailler dans des restaurants, à faire des ménages. Pourquoi pas utiliser... Pourquoi pas donner à des gens qui ont des capacités d'aider la population, de faire ce pour quoi d'autres pays ont payé pour leur instruction? C'est un gaspillage énorme de ressources humaines et des années d'études qui sont gaspillées parfois à faire de l'entretien dans des restaurants. Ce n'est pas une honte de faire de l'entretien dans les restaurants, mais pourquoi pas utiliser cette ressource humaine énorme?

Je ne voudrais pas prendre toute la place. Je donnerai la place à mes collègues. Mais on insiste beaucoup sur le fait que le projet de loi ou la future loi inclut l'accessibilité des communautés culturelles comme un article de loi, après avoir défini qu'est-ce que c'est, pour le gouvernement, les communautés culturelles.

M. Oelgado (Pascual): Je vais aborder certains points spécifiques qui, à notre avis, sont particulièrement importants. Il ne faut pas oublier que les communautés culturelles composent aujourd'hui 15,6 % de la population du Québec, et qu'il y a de plus en plus de groupes de minorités qui vont chaque fois grandissant. Alors nous avons regardé, par exemple, à la page 7 de notre mémoire, le terme "communautés culturelles", semble-t-il qu'il y a un problème de définition dans la jurisprudence actuellement au Québec. Vraiment, il y a une ambivalence par rapport au terme. Nous demandons que, dans le projet de loi, le ministère procède à une définition des termes "communautés culturelles" tel qu'entendu aujourd'hui par les différents paliers de gouvernement et que ceci apparaisse dans un préambule, dans l'introduction de la loi. De notre

part, dans notre mémoire et pour clarification, par "communautés culturelles", nous entendons les personnes habitant le Québec qui sont issues d'une culture autre que québécoise francophone ou québécoise anglophone de vieille souche, ou autochtone. Donc, nous aimerions que ça apparaisse quelque part dans la loi.

La deuxième chose dont je veux parier, c'est au sujet des articles qui touchent les garanties de services à la communauté anglophone et plus spécifiquement les articles 13 et 241 du projet de lof. On peut lire, dans ces articles, surtout à l'article 13, que toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux. À l'article 241, plus spécifiquement on stipule qu'une régie régionale doit élaborer, en collaboration avec les établissements, conjointement avec d'autres régies régionales, le cas échéant, un programme d'accès aux services de santé et aux services sociaux, en langue anglaise, pour les personnes visées à l'article 13, dans les établissements qui l'indiquent, compte tenu de l'organisation et des ressources de ces établissements. Ce que nous demandons, en effet, à la page 9 de notre mémoire, c'est un amendement des articles 13 et 241 ou qu'on ajoute un deuxième article pour assurer que ces services doivent aussi être garantis aux communautés culturelles. Nous pensons sérieusement que c'est un grand pas en avant, c'est une évolution positive que de garantir à une partie minoritaire de la population des services de santé et des services sociaux, notamment à la partie anglophone de notre communauté. Néanmoins, on découvre qu'if y a une partie énorme de la population qui ne parle ni anglais ni français, qui est d'origine alloch-tone et qui, finalement, ne reçoit pas la même qualité de services. Donc, dans la recommandation 4, à la page 9 de notre mémoire, nous recommandons que le ministère amende les articles 13 et 241 afin d'assurer également aux personnes issues des différentes communautés ethnoculturelles le même droit de recevoir des services adaptés à leurs besoins, tel qu'il est fait pour les personnes d'expression anglaise, et conformément à l'esprit de l'article 2,4. Pour nous, c'est une chose absolument essentielle, car s'il n'y a pas une définition claire dans le projet de loi et s'il n'y a pas un reflet de ce besoin, évidemment nous manquons une unité de défense assez importante. Ça, c'est une recommandation. On passe maintenant aux prochaines personnes de notre groupe.

Mme William (Nancy): Oui. Si vous regardez maintenant la recommandation 7, on croit qu'il est important que dans la formation des maîtres on tienne compte de la réalité multiculturelle du Québec, qu'il y ait des cours obligatoires qui soient donnés sur les communautés culturelles, par exemple, en travail social, en psycho-éduca- tion, des choses comme ça, parce qu'ils auront à Intervenir directement auprès des communautés culturelles. Si on regarde dans le réseau, ce serait important aussi que les intervenants reçoivent une formation par rapport aux communautés culturelles, mais que la formation soit continue. Donc, d'une part, des cours obligatoires au niveau universitaire, au niveau collégial, et, d'autre part, une formation continue dans le réseau.

Mme Soave: je trouve qu'il est très important de voir qu'il y a un mouvement près du gouvernement. je fais partie avec m. sirros, qu'on a le plaisir de voir aujourd'hui en tant que ministre, du comité qui a abouti un peu à enchaîher une série de ressources, de services qui montrent qu'on est en train d'aller quelque part. on ne voudrait pas que ça reste quand môme des initiatives locales ou des initiatives sporadiques. on voudrait que l'intention première vienne du gouvernement. c'est un peu ce qu'on demande. (11 h 15)

À ce point-ci, je pense que j'aimerais mieux continuer les débats plutôt que d'être toute seule à parler parce qu'on se répète. Mais ce qui est important, et c'est ce que M. Delgado a dit aussi, c'est que parfois ça ne coûte pas très cher pour favoriser l'accessibilité. On a apporté l'exemple de la communauté anglophone justement pour montrer un excellent exemple de la façon dont on peut résoudre des services sans faire beaucoup de dépenses ni investir beaucoup d'énergies. C'est un bon exemple qu'on prend, c'est très bien ce qui a été fait, c'est une excellente initiative. Alors on voit que si le gouvernement veut faire quelque chose, il peut le faire sans dépenser des sommes énormes.

Ce qu'on dit pour les communautés culturelles, c'est que ça ne coûte pas des milliards, mais il faut mettre une petite ressource ou des budgets protégés, même s'ils ne sont pas énormes. Il y a des choses qu'on peut faire avec la bonne volonté des institutions et c'est ce qu'ils sont en train de faire à Montréal et dans la Montérégie. Mais arrive le moment où on parle d'interprètes, d'une banque d'interprètes professionnels. On peut parler de formation obligatoire dans les différentes institutions, on peut parler de formation des maîtres, on peut parler de campagnes de sensibilisation ou de production de matériel dans d'autres langues et, à ce moment-là, il faut que le gouvernement s'engage physiquement dans les intérêts qu'il a démontrés dans l'avant-projet de loi.

M. Delgado: J'aimerais ajouter, par rapport au budget réservé, que nous notons une certaine carence en ce qui concerne les subventions ou allocations aux organismes communautaires des communuautés culturelles. Pour donner un exemple, à l'intérieur de la région de Montréal,

actuellement, les subventions qui vont aux organismes qui travaillent auprès des communautés culturelles représentent à peu près 5 % de l'enveloppe totale des subventions octroyées aux organismes non gouvernementaux. Alors, nous croyons que c'est un moyen de pallier la carence. Mais il ne faut pas oublier non plus qu'à l'intérieur même des établissements, il n'y a pas de budgets réservés pour servir les populations dans le réseau public. Ça nous paraît absolument essentiel.

Une autre chose, ce sont les conseils d'administration. Il y a eu beaucoup d'accroissement du nombre des individus et des groupes ethniques qui siègent maintenant aux conseils d'administration des établissements. Pourtant nous croyons qu'il y a encore beaucoup d'espace pour évoluer et nous croyons qu'il est important de faire des gestes concrets et des nominations, de nommer des personnes directement au conseil s'il y a un déséquilibre dans une région où il y a une forte concentration. Certains quartiers de la région de Montréal, par exemple, sont maintenant composés principalement de 40 % ou de 50 % de personnes originaires des communautés ethnocul-turelles et ça ne se reflète pas dans la composition des conseils d'administration. Un très bon exemple de ça, c'est la Commission administrative du conseil régional: dans toute la Commission administrative du conseil régional du Montréal métropolitain, il y a seulement une personne qu'on pourrait qualifier d'originaire des communautés culturelles. Alors, pour nous, ça implique une déficience.

Je pense que c'est maintenant le temps de permettre des questions parce qu'on a pas mal...

Le Président (M. Joly): Je vous remercie, je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Slrros: Merci, M. le Président. Moi aussi, il me fait plaisir de revoir Mme Soave et tous les autres membres de l'ACCESSS avec lesquels on a eu l'occasion de travailler, tant au comité qui a formulé un certain nombre de recommandations il y a maintenant deux ans et demi ou trois ans... Non?

M. Oelgado: Le comité Sirros. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Deux ans et demi ou trois ans. Je dois commencer en disant, au départ, que je suis d'accord avec le fait que souligne Mme Soave, que ça prend et que ça prendra de plus en plus une volonté gouvernementale pour faire avancer les choses. Peut-être, pour souligner cette volonté gouvernementale, que je pourrais prendre l'occasion qui m'est offerte par la commission parlementaire pour réitérer le fait qu'en dépit de la situation dans laquelle les finances se trouvent, comme on l'a vu hier, nous avons pu procéder, au ministère de la Santé et des Services sociaux, à la consolidation et à l'accroissement des ressources affectées au bureau de coordination pour les services aux communautés culturelles, un peu, si vous voulez, comme un signal qu'il y a une volonté ferme de procéder dans un dossier qui, de plus en plus, devient important par rapport au réseau, surtout dans les régions de Montréal et de la Montéré-gie. Laval, éventuellement, quand ce sera une région autonome, on devra en tenir compte également. Mais il est clair, et j'ai eu l'occasion de le souligner, il y a à peu près deux semaines, que, de plus en plus, le réseau doit tenir compte de cette nouvelle réalité démographique que vit le Québec actuellement.

J'aimerais reprendre un peu ce à quoi vous avez fait allusion pour souligner qu'il y a effectivement quelque chose d'assez important qui est en train de se passer actuellement à Montréal où, il y a deux semaines, on a identifié de façon publique au-delà d'une quarantaine d'établissements à peu près qui ont accepté de s'afficher comme des établissements qui présenteront des plans d'accès à leurs services aux membres des communautés culturelles qui pourraient être concernés. J'aimerais relier ça à la demande que vous faites de voir quelque chose de plus formel inscrit dans la loi, au même plan et sans les mettre en contradiction, où les conseils régionaux actuellement sont obligés de fournir un plan d'accessibilité pour des services disponibles en langue anglaise. Vous dites finalement: Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir dans le projet de loi qui viendra une obligation pour une régie régionale de soumettre à l'approbation du gouvernement un plan d'accès à des services aux communautés culturelles dans la région que le gouvernement pourrait désigner? Pourriez-vous un peu élaborer sur ça? Est-ce que c'est finalement de mettre dans la loi ce qui se fait actuellement sur le terrain dans la pratique, ou ce qui est en train de se faire avec les 40 établissements de la région de Montréal et de la Montérégie actuellement? Est-ce que c'est à ça que vous...

Mme Soave: C'est de mettre dans la loi des principes d'accessibilité bien définis. Les moyens viendront par la suite et les moyens, ça pourrait être ce qui se fait maintenant à Montréal et dans la Montérégie: la création de plans... Je ne voudrais pas qu'on se limite à Montréal et à la Montérégie. À Québec il va y avoir un besoin, là aussi, et éventuellement dans d'autres villes ou dans d'autres régions du Québec. Donc, c'est important de ne pas se limiter à une région, à ce qui se fait actuellement à Montréal, mais d'avoir des principes d'accessibilité universelle à des services pour toute la population. Qui engagera les différentes régies régionales, quand il y en aura, à présenter des plans d'accessibilité pour la

population originaire des différentes communautés ethnoculturelles pour s'assurer que les services soient rendus de façon humaine et personnalisée?

M. Delgado: Je veux insister sur le fait que ce n'est pas seulement une question de langue ou d'utilisation d'une langue. Dans le cas des communautés culturelles, ça dépasse la question linguistique. En effet, il y a plusieurs groupes qui, à cause de leur race, à cause de leur religion, de certaines pratiques, de leur vécu quotidien - par exemple, un régime alimentaire, une diète, etc. - rendent nécessaire d'adapter nos hôpitaux, nos cliniques, nos centres d'hébergement à cette nouvelle réalité. Il y en a d'autres qui souffrent de problèmes de santé mentale reliés à la souffrance vécue dans un camp de réfugiés ou reliés à la guerre, ou à la torture, qui demandent une application très qualitative des services psychiatriques et psychologiques et qu'on ne trouve pas aujourd'hui dans nos ressources. Pour donner un exemple, au Canada, il y a seulement un centre de thérapie pour les victimes de torture et ce centre existe à Toronto. Nous aimerions avoir la même chose ici, dans la province de Québec. Alors, ça, c'est pour vous dire que ça dépasse simplement les services dans les langues ethniques, autres que l'anglais ou le français. C'est une question qui touche l'adaptation de soins aux multiculturels, aux interculturels, si vous voulez.

Mme Soave: Quand on parle de différences, on parle de différences de langue et de culture, de façons différentes de percevoir la maladie ou de façons différentes de percevoir les problèmes. M. Lazure se rappellera sûrement, en 1981, lors de la préconsultation sur la politique familiale, les difficultés qu'on avait dans ce temps-là à seulement définir la famille. On n'était pas capables. A ce moment-là, on passait des soirées à chercher à définir qu'est-ce que c'était la famille. Une chose qui peut être tellement banale avec des différentes perceptions culturelles, on n'arrivait pas à avoir une définition qui allait pour tout le monde. Quand on parle de maladies, de soins de santé et de santé mentale, la perception même de la déficience ou du handicap, tout change. C'est très important pour un professionnel de la santé d'être conscient et de respecter aussi les différences.

M. Sinros: Si je comprends bien ce que vous dites, pour qu'on puisse discuter de tout ça d'une façon systématique, sans se baser finalement sur la bonne volonté des gens qui peuvent être là ou ne pas être là, c'est qu'on aimerait voir, dans la loi, une obligation qui serait faite aux régions et que le gouvernement pourrait indiquer.

M. Delgado: C'est pour ça, justement, qu'on demande une modification de l'article 241, pour arriver à cela.

M. Sirros: C'est dans ce sens-là. Vous voulez un instrument, dans la loi, qui ferait ressortir les plans d'accessibilité destinés aux communautés culturelles et qui permettrait, à ce moment-là, de dire autour de quel genre de services. C'est ça?

Mme Soave: On aimerait bien que ça apparaisse dans la loi, pas seulement la phrase qu'on a maintenant "favoriser l'accessibilité pour les communautés culturelles". On trouve que c'est vague. Tout le monde est d'accord avec l'idée, mais comment concrétiser cela? Au moins, qu'on ait un article aussi spécifique, comme on l'a vu aux articles 241 et 13 qui sont des articles spécifiques, clairs et dont découlent après les différents moyens qui peuvent en découler, une fois qu'on a stipulé le droit à l'accessibilité et la nécessité pour les différentes régies de créer et de présenter au gouvernement des plans d'accessibilité. Les plans d'accessibilité vont contenir, éventuellement, l'embauche de personnel, la formation, les banques d'interprètes. Ça, ce sont des moyens qui pourraient entrer dans les plans que les régies présenteraient sur demande du gouvernement, parce que ça serait inscrit dans la loi.

M. Sirros: Si je peux continuer...

Le Président (M. Joly): Quelques minutes, M. le ministre.

M. Sirros: Encore quelques minutes. Si je les décèle bien dans vos propos, vous avez deux objectifs, finalement. D'une part, que le réseau dans son fonctionnement soit représentatif de la population, dans le sens que plus il va y avoir d'intervenants issus des différents milieux qu'on retrouve sur le territoire desservi par le réseau, à ce moment-là, plus on va pouvoir sentir que les services sont vraiment accessibles et adaptés, parce qu'on sera en mesure de faire la jonction entre qui les donne et ceux à qui ils sont destinés. Donc, ce premier objectif serait de rendre le réseau...

M. Delgado: Représentatif.

M. Sirros: ...serait que le réseau reflète un peu la composition de l'ensemble du territoire qu'il dessert. Le deuxième objectif est d'avoir des services adaptés à la réalité ethno-culturelle de certains groupes selon, j'imagine, certains services, et j'aimerais m'expliquer. Je pense surtout à la question des services d'hébergement pour les personnes âgées en perte d'autonomie, dans les CHSP, par exemple, les centres hospitaliers de soins prolongés. Hier, on avait l'Institut canadien polonais du bien-être, Je pense, qui est un institut ou un centre d'hébergement pour les gens d'origine polonaise. Il y a l'hôpital chinois, il y en a encore un autre. Mais ce sont aussi là

des initiatives qui ont été mises sur pied de façon...

Mme Soave: Pour répondre à des besoins spécifiques.

M. Sirros: ...spécifique, selon la bonne volonté des gens.

Mme Soave: Cela peut aller jusqu'à la nourriture, des choses banales.

M. Sirros: Donc, si je vous interprète bien, ce serait de dire que, dans son fonctionnement et dans sa planification, par exemple en matière de besoin en places d'hébergement, le réseau devrait prévoir qu'il y aurait des places adaptées pour différents groupes, dans la mesure où il y aura une demande assez grande pour assurer une certaine masse critique ou assurer qu'à l'intérieur...

Mme Soave: Je ne crois pas tellement à la création d'institutions spécifiques à chacune des communautés culturelles; ça serait utopique de penser d'en créer pour chacun des groupes ethniques. Des Tibétains, à Montréal, on en a peut-être une centaine. Ça va être l'utopie. Mais dans les institutions existantes, avec très peu de ressources supplémentaires, on pourrait, par exemple, offrir un choix de spaghetti pour les Italiens ou de la nourriture chinoise pour les Chinois, avoir la possibilité qu'ils puissent trouver un peu de leur ambiance ou permettre qu'ils soient localisés pas loin d'où ils habitent.

Par exemple, je me rappelle un couple de personnes très âgées qui ont habité toute leur vie dans le quartier Saint-Michel. Quand le monsieur a perdu ses jambes, ils l'ont mis dans un centre d'accueil à Côte-Saint-Luc. La femme n'était pas capable de se rendre là-bas et lui était totalement dépaysé. Il ne pouvait pas communiquer, il avait tout perdu: son milieu, ses amis, sa langue, la nourriture qu'il connaissait. Alors, il était vraiment dépaysé. Il aurait simplement fallu dire que, lui, il avait là tout son entourage et lui trouver une place dans un lieu où il aurait pu se trouver plus à l'aise.

Ça ne coûte pas cher. On ne demande pas la construction de centres d'accueil, d'hôpitaux, de CLSC spécifiques à chacun des groupes ethniques. On demande que chacune des institutions où il y a un tel besoin, prévole l'embauche de personnel, la formation du personnel, voie aussi à la collaboration avec les organismes du quartier. Comme je l'ai dit, ce ne sont pas des solutions qui coûtent des millions. Souvent, ce sont des solutions que, juste une fois qu'on a la volonté politique de le faire, on va en trouver les moyens. (11 h 30)

M. Delgado: Moi, je veux ajouter que, pour le moment, ça se fait de façon sporadique. Il y a certains établissements, en effet, qui ont répondu à certains besoins. Mais comme le ministre délégué le disait tout à l'heure, on aimerait que ce soit cohérent et planifié de façon cohérente dans toutes les différentes régions. Évidemment, des fois, il y a des endroits qui manquent de ressources, il y a d'autres endroits qui ont trop de ressources, il y a des endroits qui "ghettoïsent", si vous voulez, tes services. Nous aimerions qu'il y ait une planification globale qui soit cohérente et des budgets réservés pour pouvoir arriver à donner ces programmes et les rendre accessibles à toute la population.

Mme Soave: Donc, la régie devrait rendre compte au gouvernement une fois que la loi aura prévu cette accessibilité totale. J'aimerais prendre quelques minutes, s'il nous en reste-Le Président (M. Joly): 11 minutes. Mme Soave.

Mme Soave: ...pour ne pas oublier les groupes communautaires. Les groupes, disons, on est très bien conscients que l'avant-projet de loi reconnaît une grande importance aux organismes et, comme on l'a dit dans notre mémoire, nous apprécions beaucoup l'aspect de partenariat où on demanderait aux institutions d'inclure les organismes dans la planification, dans le suivi et dans l'évaluation de chaque projet, de chaque programme des institutions. Cependant, on veut garder notre indépendance quand même, notre façon propre de fonctionner et on voudrait aussi s'assurer que, de la part des institutions, il y ait un partenariat véritable.

Tout dernièrement, il y a eu le dépôt du programme sur la santé mentale et on voit que tout est catégorisé. Les CLSC vont s'occuper de ça, les groupes communautaires vont s'occuper de ça, les CH vont s'occuper d'autre chose. On ne volt plus le partenariat qui est souhaité dans l'avant-projet de loi. On voit un morcellement des responsabilités: là, moi, je prends la grande, tu prends la petite. On aimerait bien que le partenariat se fasse... Moi, personnellement, je crois au partenariat. Les organismes sont proches de la base, sont proches de la clientèle qui vient nous exprimer les premiers besoins. Je crois qu'on devrait être contacté par toutes les institutions du réseau, pas juste celles qui touchent les groupes communautaires, mais qu'on fasse partie vraiment, avec les CH, les CLSC, que les groupes communautaires soient consultés pour chacun des programmes. On aimerait demander des subventions qui nous permettent de vivre sans passer 40 % de notre temps à chercher des sous, à faire des bazars, à faire des courses partout et pour nous permettre, à la fin, d'être de vrais partenaires.

On aimerait souligner aussi ceci. Nous croyons qu'il y a d'autres fédérations et d'autres

regroupements d'organismes qui, comme ACCESSS jouent un rôle très important pour coordonner et pour venir ici, - des groupes locaux n'auraient pas pu préparer de mémoire - défendre les intérêts des organismes. On croit qu'on a le droit d'exister. Si la loi nous enlève le droit aux subventions, ça va rester beaucoup de petits groupes qui vont travailler et l'esprit de partenariat, d'éviter la duplication des services, tout ça va se perdre s'il manque la collaboration des fédérations, des regroupements d'organismes.

Pour nous, c'est très important, c'est déjà là dans la loi, mais qu'on s'assure que ce soit implanté, qu'on nous laisse jouer le rôle pour lequel, je pense, nous sommes assez bons.

Le Président (M. Joly): Merci, Madame. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter l'Alliance pour son mémoire qui est bien bâti. Les recommandations sont bien claires. Je pense que c'est un mémoire qui fait des demandes très raisonnables. L'Opposition appuie ces demandes. Je retrouve, avec plaisir, plusieurs personnes avec qui j'ai travaillé dans le passé. Je voudrais relever deux ou trois des recommandations qui sont contenues dans le mémoire. Celle, peut-être, qui m'apparaît la plus importante, c'est l'embauche de personnel, l'embauche de personnel qui peut communiquer avec les personnes de différents groupes ethniques, en particulier avec les personnes âgées qui n'ont pas eu le temps, l'opportunité ou la chance d'apprendre le français, qui est la langue officielle du Québec. Nous partageons cette demande de l'Alliance concernant l'accès aux services de santé et aux services sociaux pour les personnes handicapées, pour les personnes âgées, en fait, pour que tous les bénéficiaires puissent avoir, surtout dans certains quartiers, du personnel qui peut comprendre un certain nombre de langues et qui peut parler un certain nombre de langues. Ça s'est fait jusqu'à un certain point, mais pas suffisamment.

Quant à la question d'aménager plus particulièrement des centres d'accueil, je pense que ça dépend de chaque communauté culturelle. Il y a certaines communautés, comme la communauté d'origine italienne qui, compte tenu du grand nombre et compte tenu aussi des désirs de cette communauté... Cette communauté désirait, par exemple, un centre d'accueil pour personnes âgées, ça a été fait et je pense que ça rend de grands services. La communauté grecque, peut-être... Elle a désiré une école particulière et elle l'a eue au temps du Parti québécois. Il serait temps que le Parti libéral au pouvoir réponde à certains besoins de ces communautés. La communauté grecque, que je sache, n'a pas de centre d'accueil pour personnes âgées dans la communauté grecque et c'est probablement un besoin.

Nous appuyons totalement cette demande que le personnel dans les CLSC, dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, même s'il ne parie pas un certain nombre de langues, soit au moins sensibilisé aux besoins particuliers de ces clientèles.

Deuxième remarque, sur les médecins venant de différentes communautés culturelles. D'abord, je poserais la question: est-ce que l'Alliance est au courant du nombre approximatif de médecins qui ne travaillent pas comme médecins actuellement? Est-ce que vous êtes au courant?

M. Delgado: Si nos informations sont correctes, nous croyons qu'il en reste encore une centaine, entre 50 et 100, mais je crois qu'à ce moment-ci, il y a des efforts farts pour intégrer ces médecins. Malheureusement, ça n'arrive pas encore à résoudre la situation. Nous croyons qu'il y a un problème d'équité et qu'il y a des citoyens canadiens qui sont diplômés hors du Québec qui devraient pouvoir pratiquer la médecine ici au Québec. Malheureusement, ils ne trouvent pas de place de stage dans les hôpitaux d'éducation. Il y a, là-dedans, un problème systémique qu'il va falloir, à un moment donné, régler.

M. Lazure: II va falloir que le ministre de la Santé et des Services sociaux intervienne parce que les universités, les facultés de médecine ainsi que la Corporation professionnelle des médecins d'elles-mêmes ne vont pas régler le problème, malheureusement.

Le Président (M. Joly): Est-ce que vous permettez, Dr Lazure, que le ministre...

M. Lazure: Je pose la question au ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce qu'il a un plan pour régler à court terme ce problème, qui non seulement cause des iniquités, mais qui prive des régions éloignées en particulier? Beaucoup de ces médecins-là sont prêts à aller travailler en région éloignée pour deux ans, quatre ans, cinq ans. Je sais que ça a été fait dans certains cas, mais pas assez, pas suffisamment en ce qui concerne le nombre et pas assez rapidement non plus. Quel est le plan du ministre à cet égard?

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve le député de La Prairie davantage, dans son costume politique, vindicatif ce matin. Ça ne me dérange pas du tout de répondre à ses questions parce que, dans le cas des... .

M. Lazure: C'est la question qui est soulevée par l'Alliance.

M. Côté (Charlesbourg): Non, mais c'est que vous endossez bien des affaires, ce matin.

Évidemment...

M- Lazure: II se trouve que je suis d'accord avec.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai connu ça moi aussi, j'étais dans l'Opposition. C'est toujours plus facile d'endosser dans l'Opposition qu'au pouvoir.

M. Lazure: Surtout quand les demandes sont raisonnables.

M. Côté (Charlesbourg): II y avait 141 médecins qui avaient un certain nombre de problèmes. Mme Lavoie-Roux avait demandé au sénateur David de faire des recommandations; elles ont été faites. La semaine dernière, j'ai signé une lettre adressée au Dr Augustin Roy lui signifiant que j'avais accepté de confirmer ce que Mme Lavoie-Roux avait fait à l'époque. Nous sommes dans une situation où, effectivement, 25 médecins par année pendant quatre ans vont être acceptés et il y en a maintenant, non plus 141, mais plutôt 128 sur la liste. Sur une période de quatre ans, le problème devrait être résorbé de manière finale, totale, de telle sorte qu'il n'y aura plus de problème après ça. Ce sont des décisions qui sont claires. Elles ont été prises et elles ont été confirmées au Dr Augustin Roy, la semaine dernière, parce que j'ai eu des contacts avec des médecins qui vivaient dans l'attente de cette lettre. Maintenant, tout le phénomène de régularisation est en cours de manière un peu plus accélérée, 25 par année, pendant quatre ans, avec phénomène d'attrition. On sera dans une situation, au bout de trois ans d'ailleurs, où le phénomène sera réglé de manière finale.

M. Lazure: M. le Président.

Le Président (M. Joly): Allez, M. le député!

M. Lazure: M. le Président, pour bien montrer au ministre que je ne suis pas que vindicatif, je le félicite d'avoir réglé si rapidement ce problème-là. Je le félicite. Il me fait plaisir de le féliciter.

M. Côté (Charlesbourg): Je suis pleinement convaincu que vous n'êtes pas uniquement vindicatif. D'ailleurs, j'ai pris le soin de le dire, tantôt, ce matin.

M. Lazure: De temps en temps. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Espérons aussi, tant qu'à y être, pour le vider ce problème-là, que le ministre de la Santé va faire des interventions auprès de sa collègue de l'Immigration pour que cessent d'entrer, malheureusement, parfois, sous de fausses représentations ou ml-fausses représentations - on connaît le problème, on sait comment plusieurs d'entre eux ou d'entre elles entrent - pour que cesse cette entrée plus ou moins clandestine, parce que ça ne rend service à personne, finalement, pas même à ceux et à celles qui entrent clandestinement sous de fausses représentations, et ça ne rend pas service non plus à l'État ni à la population. Il y a moyen de l'arrêter, ce problème-là.

M. Côté (Charlesbourg): II est réglé. En complément d'Information, au terme de ces quatre années, nous serons dans une situation où il y aura dix postes annuels, pour lesquels des examens devront être passés. Les dix premiers qui vont passer seront les dix reçus. Au-delà de tout ça, il n'y en a pas. Donc, c'est parce que les règles n'ont jamais été claires. Alors, les règles vont être très claires maintenant, de telle sorte qu'il va y avoir de la place par la suite, mais pour un nombre limité, très clair, très clairement défini, les règles étant connues aussi pour l'immigration.

M. Delgado: Par rapport à notre intervention, l'année passée, pendant la grève de la faim qui a été faite par les médecins, on avait indiqué clairement qu'il y a un problème juridique qui se pose par rapport à l'égalité de chance pour les citoyens canadiens qui sont médecins diplômés hors du Québec et les citoyens canadiens nés ici qui étudient la médecine. Alors, il faut vraiment voir qu'il y a un problème vraiment juridique là-dedans. On dirait deux poids, deux mesures.

Aussi, il y a une question qui touche les services aux groupes ethniques. À part l'équité et à part la question juridique d'égalité qui se pose par rapport à ça, les professionnels de la santé venant de différents groupes peuvent servir la population d'une communauté culturelle dans sa langue. Un médecin vietnamien, un médecin latino-américain est peut-être un peu plus apte à servir la population de son propre groupe ethnique; il pourrait comprendre un peu plus ce qui se passe. C'est la même chose pour les psychologues, la même chose pour les travailleurs sociaux et travailleuses sociales. Nous croyons que c'est important que les professionnels aient une certaine équité, si vous voulez. Maintenant que le gouvernement a lancé un programme d'accès à l'égalité en emploi, et on vous félicite de l'avoir fait, nous aimerions que les professionnels de la santé soient perçus à l'intérieur du ministère comme étant la cible principale, privilégiée pour ces programmes d'accès à l'égalité.

Mme Soave: En tout cas, nous retenons aussi comme vitale et importante, la formation. Je parle de formation obligatoire pour les actuels Intervenants qui travaillent dans tout le réseau

de la santé et des services sociaux, obligatoire et éventuellement répétée, et aussi la formation obligatoire dans les collèges et les universités pour tous les domaines qui touchent aux services à la clientèle. à ce moment-ci, on donne un cours de quatre heures ou de quatre jours et puis, c'est fini. les gens ne se trouvent pas vraiment face à la réalité. parfois, ça peut sauver des vies. par exemple, dans certaines cultures, on n'exprime pas ses besoins, on les manifeste d'une autre façon. c'est comme l'exemple que je cite un peu tout le temps. la première fois que j'ai entendu une dame qui était enceinte de cinq mois me dire qu'elle avait mal au coeur, je cherchais un téléphone pour appeler l'ambulance, parce que j'ai dit: bon, c'est une femme enceinte, elle a mal au coeur, une crise cardiaque, ambulance, pour découvrir, à la fin, que c'était juste des nausées. il y a des expressions de ce genre dans les différentes communautés et, éventuellement, quelqu'un va te dire qu'il a mal à l'estomac tandis qu'il peut avoir mal au coeur ou avoir mal ailleurs. c'est important. je ne dis pas que les professionnels connaissent toutes les langues et toutes les cultures, mais qu'ils aient une perception générale et globale qu'il existe des différences, qu'il existe des valeurs différentes. je me rappelle qu'il y a quelques années on riait comme des fous des chinois qui utilisaient l'acupuncture. maintenant c'est à la mode. (11 h 45)

Alors, il y a des valeurs que les gens emportent avec eux, comme les Italiens qui plantaient des tomates dans les jardins. C'était un peu bizarre. Maintenant, il y a des jardins communautaires. Alors il y a des valeurs qu'on acquiert, qu'on échange. On s'enrichit et c'est important. Dans la santé et les services sociaux, c'est la même chose. Il faut que les professionnels soient au courant que différent, ça ne veut pas dire nécessairement barbare. Et même si c'était barbare, donnons-lui le temps d'apprendre et de s'intégrer, avec patience et avec respect. Et c'est là la formation... M. Côté n'était pas là quand on a montré l'importance que ce soit enregistré, inclus dans la loi et d'avoir des budgets pour toute cette formation et l'embauche dont on vient de parler.

Le Président (M. Joly): Allez, M. le député.

M. Lazure: Pour conclure, M. le Président, je vais relever encore une autre recommandation contenue dans ce mémoire. C'est celle, no 22: "que le montant total destiné aux subventions des organismes communautaires représente 3 % du budget global du ministère de la Santé et des Services sociaux". 3 %! Je vous félicite pour votre audace, vos ambitions. Mais c'est quoi actuellement? Ce n'est même pas 0,5 %?

M. Delgado: C'est 0,6 %.

M. Lazure: Ah oui?

M. Delgado: C'est 0,6 %.

M. Lazure: Bon, 0,6 %. On est loin des 3 %, très loin des 3 %. Et le ministre délégué à la Santé et au Services sociaux et député de Laurier disait tantôt: II y a une volonté gouvernementale de faire avancer les choses. J'ai bien pris soin de le noter, mais est-ce qu'il y aura de l'argent pour faire avancer les choses? Le président du Conseil du trésor, votre collègue - c'est à pleine page dans les journaux d'aujourd'hui - nous dit: Préparez-vous, surtout en matière de santé. Vous allez devoir vous serrer la ceinture. La gratuité mène à la pauvreté, dit-il. Deuxièmement: "Les programmes gratuits et universels - ça, c'est entre guillemets - "sont considérés comme un principe sacré au Canada anglais. Ça nous conduit à la faillite". Qu'est-ce que c'est ça, Canada anglais? C'est aussi sacré pour les Québécois francophones ou les communautés culturelles, le principe de l'accessibilité universelle, la gratuité des soins. Alors moi, je pose ces questions-là à ses deux collègues qui sont ici présents, parce que ce groupe comme bien d'autres groupes demande une augmentation des enveloppes budgétaires, surtout pour les groupes communautaires.

Et, pendant ce temps-là, le gouvernement actuel est en train de nous dire que, non seulement il n'y aura pas de nouvel argent pour les groupes communautaires, mais, mais on va peut-être couper dans les services de santé et les services sociaux. C'est votre collègue qui le dit. Dans Le Soleil de ce matin, on dit: "II laisse, bien sûr, à son collègue de la Santé le soin de trouver des solutions. Ce dernier n'était pas disponible pour commenter hier soir." Il est disponible aujourd'hui. Peut-être qu'il va commenter là-dessus. Ça va être quoi ses façons d'économiser de l'argent?

Alors, M. le Président, je pense que les groupes qui viennent présenter des mémoires ici, qui sont dans le réseau de la santé et des services sociaux, doivent être rassurés par le ministre, s'il est en mesure de le faire, qu'il n'y aura pas d'abolition de la gratuité des soins, que ce principe est aussi sacré pour une personne d'origine italienne ou haïtienne ou urugayenne que pour des gens d'origine anglophone ou francophone. C'est un principe sacré, l'universalité des soins. Et ce n'est pas vrai que la gratuité mène à la pauvreté. Ce n'est pas vrai du tout. Le pourcentage - je conclus, M. le Président - du produit intérieur brut, du PIB, pour les soins de santé, il est le même depuis 10 ans. Il ne bouge pas pratiquement, 9 %. Alors, il faudrait que le ministre de la Santé prenne position là-dessus et nous fasse part de ses commentaires à l'égard des remarques de son collègue du Trésor. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Très, très brièvement. Je pense qu'il y a d'autres forums pour être capable d'exprimer mon opinion sur ce qu'a pu dire mon collègue du Conseil du trésor, dans sa perspective à lui, de Trésor. Je me permettrai, à ce moment-ci, de rappeler au député de La Prairie l'évolution considérable des budgets de 1985-1986 à aujourd'hui au niveau des groupes communautaires. Je ne dis pas que c'est suffisant. Tout ce que je dis, c'est qu'il y a eu une progression très intéressante des budgets dans notre premier terme, puisque nous étions capables de le faire.

Les gens nous demandent 3 %. Il est évident pour moi que, depuis le début de la commission parlementaire, les communautaires sont venus nous faire la démonstration que de l'argent dans le communautaire, c'était de l'argent bien investi et que le communautaire faisait, avec peu d'argent, beaucoup plus que le secteur public avec beaucoup d'argent. Alors, je pense que la démonstration est très claire, très nette à ce niveau-là.

Et lorsque, depuis le début, je parle de réallocation de ressources, ça présuppose qu'il nous faut, dans un premier temps, interpeller l'ensemble du réseau sur l'utilisation des sommes qui lui sont confiées et de faire un questionnement de A à Z sur l'utilisation de ces sommes. On a eu des exemples par centaines, en commission parlementaire, d'utilisation d'argent ou de dépenses qui pouvaient être faites à moindre coût pour donner un meilleur résultat. Donc, ça me paraît être assez important. Oui, nous allons progresser dans la voie du communautaire complémentaire, du bénévolat aussi, avec la réforme, avec des réallocations de ressources. Vous avez pris un engagement, durant la campagne électorale, qui était 1 % du budget; c'était votre objectif, dans la mesure où vous étiez portés au pouvoir. Vous allez prendre l'engagement, nous autres, on va tenter de le livrer. C'est clair qu'on ne sera pas à 3 % parce que, évidemment, sur le plan... Peut-être, on ne sait jamais.

Mais une chose est certaine, c'est que nous avons, depuis le 23 janvier, interpellé le système sur sa capacité d'éliminer ce qui est en double, de faire plus avec ce que nous avons maintenant et il y a des démonstrations de là où on peut le faire. C'est d'abord par là que ça va passer, avant de parler d'éléments qui vont attaquer la gratuité, l'accessibilité et l'universalité. Ça ne veut pas dire que, dans le système, il n'y a pas des abus. Il y en a, des abus. Vous en connaissez, tout le monde en connaît des abus dans le système, à la fois des dispensateurs de services et des consommateurs de services, et c'est davantage ça qu'il faut éliminer, en protégeant de manière tout à fait prioritaire les personnes âgées et les jeunes. C'est à partir de ça que nous allons travailler. Évidemment, on aura l'occasion de discuter éventuellement du fond de tous ces dossiers. Mais le premier ministre a toujours été très clair, il n'y aura pas de ticket modérateur. Donc, à partir du moment où il n'y a pas de ticket modérateur, selon le premier ministre, moi, je suis un ministre, je partage cette idée et je vais m'assurer qu'on puisse la livrer.

Mme Soave: J'aimerais avoir la position du ministre, M. Côté, sur les regroupements ou les fédérations, tel que nous sommes aujourd'hui. Croyez-vous que notre présence est importante? Si oui, pourquoi éventuellement couper les subventions, parce que les regroupements on ne les subventionne plus?

M. Côté (Charlesbourg): Mon opinion a évolué en cours de route. Au début, j'avais beaucoup d'interrogations. J'en ai moins maintenant, mais il ne demeure pas moins qu'il reste encore des interrogations. À la question: est-ce que les regroupements d'organismes communautaires doivent demeurer et être supportés financièrement?, la réponse est oui. Est-ce que tous les organismes regroupant des organismes communautaires doivent demeurer? Là, ma réponse est aussi claire, c'est non. Ils peuvent demeurer, mais ils ne seront pas nécessairement financés. S'il y a autonomie de la part des groupes communautaires et des regroupements de groupes communautaires quant à leur mission, quant à leur objectif, il y a aussi l'autonomie du gouvernement de reconnaître les champs dans lesquels ils veulent exercer et nous devrons effectivement parler de complémentarité des rôles. Et effectivement, le communautaire, ou les regroupements communautaires, devra dans notre perspective à nous être complémentaire au réseau et, à ce moment-là, il n'y a pas de problème. Il n'y en aura pas de problème. Ceux qui ne seront pas complémentaires risquent peut-être d'avoir des problèmes, compte tenu de la mission que nous avons. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Joly): M. le député.

M. Lazure: Sur cette question-là, je pense que l'Opposition a une position qui est pas mal différente de celle du ministre. Nous pensons qu'une fédération... Si je comprends bien, vous êtes une fédération...

Mme Soave: Oui.

M. Lazure: ...de différents groupements. si je comprends bien la réponse du ministre, ça voudrait dire que, selon le nouveau plan, vous ne seriez pas financés.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas ce que j'ai dit du tout.

M. Lazure: Bien, vous avez dit: Une association d'associations ne serait pas financée.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non. M. Lazure: Bien...

M. Côté (Charlesbourg): Au sens large, on parle de regroupements.

M. Lazure: On va sortir les galées.

M. Côté (Charlesbourg): Non, non, on parle de regroupements.

M. Delgado: Si on se réfère, s'il vous plaît, aux orientations de Mme Lavole-Roux et aussi, je crois, à certains articles de l'avant-projet de loi...

M. Lazure: Bien, expliquez-vous!

M. Delgado: ...ceux-ci, justement, parlent du fait que les regroupements d'organismes ne seront pas considérés pour des subventions. Alors, si c'est ça qu'on...

M. Lazure: J'ai bien compris ça, moi aussi. M. le Président, si le ministre veut faire une mise au point...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse... M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Dans mon esprit, ça a toujours été très clair, peut-être que je ne l'ai pas... Les regroupements, c'est oui en principe.

M. Lazure: Qu'est-ce qui est non, d'abord? C'est pour qui le non?

M. Côté (Charlesbourg): C'est non. Non.

M. Lazure: Le non s'applique à qui?

M. Côté (Charlesbourg): Le non s'applique à, mais je ne dis pas à tous les regroupements.

M. Lazure: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): Non.

M. Lazure: m. le président, je pense que le regroupement qui est une fédération d'associations, on ne va pas se mettre à faire une sélection là-dedans. le gouvernement ne va pas se mettre à faire une sélection: cette fédération-ci, je la finance et, celle-là, je ne la finance pas.

M. Côté (Charlesbourg): non, mais vous continuez exactement dans la même veine dans laquelle vous étiez parti ce matin donc, à tenter de trouver des...

M. Lazure: Non, mais je ne suis pas le seul à ne pas vous comprendre, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): ...à tenter de trouver des poux. Non, non, laissez-moi finir.

M. Lazure: Mais allez-y.

M. Côté (Charlesbourg): Laissez-moi finir. Si vous avez bien suivi l'explication, je vous ai dit par après qu'il y avait l'autonomie des groupes communautaires à se constituer avec des missions qu'eux-mêmes se choisissent...

M. Lazure: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...ce que nous reconnaissons et que nous allons clarifier dans la loi en termes de reconnaissance plus clairs que nous ne les avons maintenant. J'ai aussi dit qu'il y avait l'autonomie du gouvernement à accepter de financer des organismes communautaires ou des regroupements d'organismes communautaires, compte tenu de la mission propre du ministère et de la complémentarité de ce qu'ils peuvent offrir. Donc, c'est dans cet esprit-là que ça se passe.

M. Lazure: M. le Président, est-ce que je peux continuer ma phrase?

Le Président (M. Joly): Faudrait voir à ne pas faire un long débat.

M. Lazure: J'avais bien compris. Le ministre répète que c'est l'autonomie du gouvernement de financer ou de ne pas financer. Bon. Alors j'ai bien compris, mais nous, on dît que les fédérations doivent être financées, les fédérations de groupements qui s'occupent du réseau de la santé et des services sociaux. Évidemment, on parle du réseau des services de santé et des services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Dites-moi donc, du temps où vous avez été ministre de la Santé, s'il y a des gens à qui vous avez dit non. Des fédérations ou des regroupements? Est-ce que c'est déjà arrivé?

M. Lazure: Non, pas à ma connaissance.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je vais vérifier.

M. Lazure: Pas à ma connaissance.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Parfait. Je

vais vérifier et je vais revenir.

M. Lazure: Vérifiez. Oui, oui. Vous vérifierez. Pas à ma connaissance. On l'a fait pour des groupes de personnes handicapées en particulier. Alors, M. le Président, je pense qu'une fédération...

Le Président (M. Joly): J'ai été assez permissif. On a déjà donné chacun son point de vue.

M. Lazure: Sauf pour...

Le Président (M. Joly): je dis que le temps est terminé. alors, partant de là, j'apprécierais beaucoup que vous puissiez respecter les règles du jeu...

M. Lazure: Je vais au moins terminer ma phrase, M. te Président.

Le Président (M. Joly): Partant de là, si vous voulez remercier peut-être les gens qui sont là et qui se sont déplacés pour venir nous voir.

M. Lazure: Je termine ma phrase, M. le Président. En tout cas, l'Opposition prend une position qui est beaucoup plus claire que celle du gouvernement et nous disons oui au financement des fédérations. Je remercie l'Alliance pour son excellent mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Laprairie. M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Sirros: J'aimerais tout simplement remercier les gens qui sont venus nous présenter leurs préoccupations quant au dossier de l'accessibilité et peut-être pas tellement assister à un débat politique avec l'Opposition. J'aimerais quand même profiter de ces quelques secondes qui me restent pour faire une mise au point des faits, parce que ce n'est pas le Parti québécois qui a donné les écoles à la communauté grecque. Il faudrait que l'ex-ministre, s'il...

M. Lazure: Le financement.

M. Sirros: Même pas le financement, même pas le financement, M. le Président. Juste pour "the record", pour les galées.

Le Président (M. Joly): Allez! Allez! Allez! Les faits, donnez les faits, monsieur. Je pense que c'est pertinent.

M. Sirros: Le financement des écoles grecques a été entrepris par le gouvernement libéral en 1971 et c'était parce que, en plus, les écoles grecques avaient changé le nom d'École anglo-grecque... C'était l'école grecque, Anglo-

Greek School, et elle avait adopté le programme de langue française comme langue d'enseignement, en 1971 pour être exact. Ça a été reconnu et financé par le gouvernement libéral. Alors il faudrait bien que l'ex-ministre, avant de faire des affirmations comme celle-là, rétablisse au moins les faits. Ce que le Parti québécois a fait en 1978, c'est d'avoir modifié la formule de financement.

M. Lazure: Ah oui! On a assuré le financement sur une base permanente, M. le Président.

M. Sirros: Ha, ha, ha! On peut interpréter les choses comme on le veut, mais les faits sont là.

M. Lazure: Sur une base permanente et non pas temporaire.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Merci pour ces précisions.

M. Sirros: C'était permanent. (12 heures)

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier et je pense que ce qui a été dit est déjà enregistré. Alors partant de là, c'est déjà de bon augure.

Je vais demander aux gens représentant le groupe Auto-Psy provincial de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît!

Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. Vous voyez que c'est un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt. Alors, vous connaissez les règles du jeu. Vous avez une vingtaine de minutes pour pouvoir vous exprimer de façon la plus concise et la plus précise possible. Par après les membres de cette commission se réservent le privilège de vous poser quelques questions. Alors, que la personne responsable du groupe puisse bien s'identifier et aussi nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Groupe Auto-Psy provincial

M. Vaz (Joviano): Alors, moi, je suis Joviano Vaz, président du conseil d'administration. À ma gauche, Mme Lucie Dupré, vice-présidente. À ma droite, M. Pierre Carpentier, agent de développement et, un peu plus loin, M. Paul Morin, membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Joly): Alors, allez, M. Vaz.

M. Vaz: Autonomie-Psychiatrisé-e-s est un organisme provincial de défense et de protection des droits des personnes psychiatrisées. Depuis bientôt dix ans, Autonomie-Psychiatrisé-e-s fait de la défense de droits aussi bien individuels que collectifs, agit à titre de groupe de vigilance et de pression et par les moyens dont il s'est doté

fait un travail d'information, de sensibilisation et de promotion. Il a publié un guide des droits, un guide des médicaments du système nerveux central. Et a produit quatre documents vidéos portant sur les conditions de vie des personnes psychiatrisées. En 1984 et 1987, il a été le maître d'oeuvre des festivals Folie-Culture à Québec et à Montréal. Autonomie-psychiatrisé-e-s opère sur une base régionale en cinq endroits du Québec: l'Annonciation, Shawinigan, Châteauguay, Montréal et Québec.

La Loi sur les services de santé et les services sociaux est le cadre d'un système avec lequel toute la population du Québec a à composer un jour ou l'autre. Cette loi occupe donc une place importante dans la vie de chacun et chacune d'entre nous. Il convient donc d'y poser un regard critique. C'est ce que nous tenterons de faire ici.

En tant que membres d'un organisme communautaire dont l'activité principale est la défense des droits des personnes pyschiatrisées, nous avons cherché à questionner surtout les articles de l'avant-projet de loi qui risquent d'avoir une incidence sur la qualité de vie des personnes dont nous défendons les intérêts. Nous endossons par ailleurs les recommandations contenues dans le mémoire déposé par le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec dont nous sommes membres, un mémoire qui propose une appréciation de l'ensemble de l'avant-projet de loi. Maintenant, Je cède la parole à Lucie.

Mme Dupré (Lucie): Merci. Je vais débuter avec l'article 8 de l'avant-projet de loi sur la santé et les services sociaux qui stipule que: Toute personne a le droit de participer à l'élaboration du plan d'intervention visé à l'article 149." La formulation de cet article est ambiguë en ce qu'elle peut vouloir dire que n'importe qui peut participer à l'élaboration d'un plan d'intervention destiné à une personne donnée alors que, de toute évidence, le législateur voulait par là établir le droit de toute personne à participer à l'élaboration du plan d'intervention qui la concerne.

L'article 8 renvoit à l'article 149 qui établit le devoir qu'a l'établissement d'élaborer un plan d'intervention pour chaque bénéficiaire faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement. Le document "Orientations" du ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaissait, et je cite que "la personne est la raison d'être du système de services. Pourtant elle a souvent plus de prise sur son organisation, son fonctionnement et parfois même sur les décisions qui la concernent directement. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les résultats dépendent, dans une large mesure, de la capacité d'adaptation et du degré d'autonomie de la personne. Il importe donc de définir des modes d'intervention souples, personnalisés qui tiennent compte des besoins et des ressources de chacun".

Dans cette optique, nous croyons qu'il serait judicieux de préciser qu'"un établissement doit élaborer, pour chaque usager et usagère et avec sa participation, un plan d'intervention", de façon à responsabiliser les personnes visées, d'une part, et aussi à prévenir les situations fréquentes où la personne pour qui on a élaboré un plan d'intervention se voit obligée de l'accepter en bloc sans quoi elle est menacée d'être privée des soins auxquels elle consent. Dans bien des cas, c'est la règle du tout ou rien qui fait que la personne n'a pas vraiment le choix d'accepter ou de refuser le plan d'intervention.

Nous recommandons donc que la formulation de l'article 149 tienne compte de la pertinence de la participation de l'usager ou de l'usagère à l'élaboration de son plan d'intervention.

De plus, au deuxième alinéa de l'article 149, il est dit que le plan d'intervention peut être modifié en tout temps. Nous demandons que soit ajouté "sous réserve de l'acceptation de l'usager ou de l'usagère ou de son représentant", et ce, afin de respecter l'esprit de la recommandation précédente.

L'article 14 stipule que rien ne limite les libertés qu'a une personne de choisir le professionnel ou l'établissement dont elle désire recevoir des services. La loi actuelle reconnaît également ce droit. Cependant il s'avère que, dans la pratique, cette liberté est entravée de bien des façons. On nous a souvent rapporté les difficultés auxquelles se heurtent les personnes qui veulent changer de psychiatre dans un établissement. L'expérience démontre que ces professionnels refusent presque systématiquement de traiter une personne qui n'est pas satisfaite des soins prodigués par un confrère. Les psychiatres d'un même établissement font preuve d'une telle "solidarité11 qu'elle constitue en fait une entrave à une liberté inscrite dans la loi.

Nous demandons qu'obligatoirement, dans les cas où une personne cherche à obtenir les services d'un professionnel et que cette demande est refusée, les raisons de ce refus lui soient fournies par écrit. Le choix du professionnel constitue également un problème de taille pour les personnes qui habitent dans les régions éloignées. La pénurie de spécialistes dans ces régions rend problématique la possibilité qu'a une personne de choisir. Malgré les mesures in-citatrices qu'a prises le ministère, la situation est demeurée inchangée, c'est-à-dire que la liberté de choisir le professionnel est très souvent restreinte.

En ce qui a trait au choix de l'établissement, l'expérience démontre que les personnes qui ont reçu des services d'un établissement et qui sont de retour dans la communauté ont beaucoup de mal à obtenir les services d'un autre établissement. Pourtant, il se peut très bien que les besoins de la personne aient changé ou qu'elle ressente le besoin de changer d'air, ce

qui nous apparaît très légitime, compte tenu de la charge dramatique dont est souvent porteuse l'hospitalisation en psychiatrie. Une personne qui a vécu pendant un certain temps dans un centre hospitalier de longue durée et qui est de retour dans la communauté, devrait pouvoir obtenir des services d'une ressource moins lourde, dont le caractère stigmatisant serait moins marqué.

Dans l'état actuel des choses, il s'avère impossible à une personne qui a déjà séjourné au centre hospitalier Robert-Giffard, par exemple, d'être suivie par un professionnel travaillant dans un département de psychiatrie d'un hôpital général. On invoque alors le fait que la personne a déjà un dossier dans un autre établissement et que c'est là qu'elle doit s'adresser. Nous trouvons inadmissible que, pour des raisons administratives, la personne soit privée d'un droit reconnu par la loi. En quoi il nous apparaît que la politique de sectorisation constitue également une entrave à l'exercice du droit de choisir l'établissement.

La récente affaire de la Cité de la santé de Laval illustre bien les résistances qui s'opposent à l'application de l'article 6 de la loi actuelle. On se rappellera que l'affaire en question a été portée devant la Cour supérieure à la suite de la décision de la Cité de la santé de Laval de limiter l'accès aux services d'obstétrique aux femmes de la région. Un médecin et deux de ses clientes ont donc décidé de contester la réglementation de l'hôpital devant un tribunal dont le juge, invoquant les articles 4, 5 et 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, donna raison aux plaignants en invalidant les règlements de l'hôpital qui limitaient l'accès au service. Les deux règlements, a conclu la Cour, portent illégalement atteinte au libre choix du médecin et de l'établissement, de môme qu'au droit du médecin de traiter les patientes qu'il accepte de suivre.

M. Vaz: Je demanderais maintenant à Paul Morin de continuer l'exposé de notre mémoire.

M. Morin (Paul): L'article 16 stipule que l'établissement ne peut refuser l'accès au dossier médical ou social d'un bénéficiaire de 14 ans ou plus que momentanément, et je cite, "si, de l'avis de son médecin traitant, il en résulterait vraisemblablement un préjudice grave à sa santé". Nous croyons, quant à nous, que toute personne doit avoir le contrôle sur son avenir et qu'une meilleure information donne aux usagers et aux usagères une meilleure prise sur le devenir de leur santé. Le fait d'être mieux informés leur permet de prendre une part plus active à leur traitement, favorise la prise en charge du processus de recouvrement de la santé, bref leur permet d'accéder à une plus grande autonomie.

L'exception du "préjudice grave" est surtout invoquée dans le cas de demandes provenant de personnes recevant des soins psychiatriques, alors que c'est là que le risque de dérogation à la règle touchant le consentement éclairé est peut-être le plus élevé. L'expérience montre que l'exception du préjudice grave est beaucoup trop souvent invoquée par les médecins. Nous recommandons que cette exception ne soit plus prévue par la loi. Si le législateur décidait de la maintenir, nous demandons que le médecin soit tenu d'expliquer par écrit son refus et qu'une révision obligatoire soit prévue à tous les cinq jours ouvrables.

Au sujet de l'article 112, l'article 112 stipule, et je cite, que malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, les dossiers et procès verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sont confidentiels. Nous ne sommes pas d'accord avec cette exception. Le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens est l'instance responsable du contrôle et de l'appréciation des actes médicaux dans ces établissements, c'est-à-dire l'article 110. Les dossiers et procès-verbaux du CMDP sont donc des documents pertinents pour évaluer la qualité des soins et les moyens susceptibles de les améliorer. Pourquoi donc ces grands secrets? Un des objectifs du système de santé n'est-il pas de donner les meilleurs soins possibles?

C'est pourquoi nous recommandons que les dossiers et procès-verbaux du CMDP soient assujettis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Au sujet de l'article 202, nous recommandons que les organismes communautaires bénéficient de la même assurance qu'un permis ou un certificat médical - municipal pardon ne pourra leur être refusé. - Vous avez raison. C'est un cas de curatif. - Au Québec, au nom de la solidarité et de la responsabilité des communautés locales envers les personnes en difficulté, le gouvernement a, en 1977, par le biais de l'article 158 de la Loi sur les services de santé et services sociaux, interdit aux municipalités d'approuver des règlements proscrivant des structures d'accueil. Donc, c'est l'article 158 que vous avez devant vous: Nul permis ou certificat médical - encore - municipal ne peut être refusé... Enfin vous avez l'article devant vous.

Cependant, cette mesure s'est avérée insuffisante à disséminer les ressources et à contrer l'opposition d'un nombre de quartiers voisins potentiels de ressources. Il faut donc mettre l'accent sur la nécessité d'un développement harmonieux des ressources résidentielles, tout en respectant les droits et intérêts des personnes psychiatrisées, considérant: que l'article 158 n'a rien résolu en termes de discrimination; que l'article 158 n'intervient pas au niveau de la concentration des ressources, donc, avec le risque de créer des ghettos - c'est plus qu'un risque, c'est la réalité - qu'il y a nécessité d'une concertation structurée entre la population,

_ les municipalités et les ressources; qu'il faut faciliter le développement harmonieux de ressources résidentielles dans la communauté, tout en assurant le droit de toute personne de vivre dans la communauté.

Pour ce faire, nous recommandons que le législateur s'inspire du modèle de la loi PADAVAN de l'État de New York qui a encadré de façon précise le processus de dissémination des ressources dans la communauté.

À partir du principe qu'aucune communauté ne devrait être "envahie" et que chacun doit faire sa part, le processus d'implantation des ressources résidentielles est régi de façon stricte. Une collectivité locale a 40 jours pour en appeler de la décision de l'État de permettre l'établissement d'une ressource. Cependant, les seuls motifs d'appel sont la concentration de telles ressources dans la communauté ou la possibilité d'une alternative plus adéquate; un commissaire a 90 jours pour rendre sa décision. Depuis l'adoption de la loi, en 1977, 6000 places se sont ajoutées dans les ressources résidentielles.

Article 229. Au sujet des organismes communautaires, la définition proposée par l'avant-projet de loi ne correspond pas à celle formulée dans la politique de santé mentale. La politique précise, d'une part, que la communauté doit être à l'origine de la création de l'organisme et d'autre part, que celui-ci est autonome dans ses orientations et ses pratiques et que son conseil d'administration est composé majoritairement d'usagers et d'usagères de ses services et des personnes de son milieu. L'avant-projet de loi ne dit rien de ce qui doit être à l'origine de leur création et, chose plus grave, ne précise pas qu'ils doivent être autonomes dans leurs orientations et leurs pratiques. Enfin, la composition du conseil d'administration proposée par l'avant-projet de loi ne donne pas l'assurance qu'il y aura des usagers ou des usagères de l'organisme au conseil. En raison de l'imprécision de la définition, une ressource intermédiaire peut prétendre être un organisme communautaire.

Article 230. La formulation de l'article suggère que la régie régionale a le loisir de financer ou de ne pas financer un organisme communautaire selon son bon vouloir: "Une régie régionale peut...". Y a-t-il un recours de prévu, si un organisme se voit refusé tout financement? Et qu'est-ce qui garantit que la régie régionale n'exercera pas un contrôle sur les orientations et les pratiques des organismes communautaires, par le biais du financement?

Article 231. Cet article signe ni plus ni moins l'arrêt de mort du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, ainsi que d'autres regroupements d'organismes communautaires. Nous trouvons inacceptable que l'avenir des regroupements qui ont contribué grandement à l'essor et au développement du mouvement communautaire soit ainsi mis en péril. Nous demandons que cet article soit retiré de l'avant-projet de loi et que la loi prévole le financement des regroupements provinciaux d'organismes communautaires.

Et je passe la parole à Pierre Carpentier. (12 h 15)

M. Carpentier (Pierre): Articles 238 et 239. Le contenu de ces articles mérite que nous nous attardions à l'examen de l'ensemble des mécanismes devant assurer la protection des droits des bénéficiaires. Jusqu'à tout récemment, la promotion, le respect et la protection des droits des personnes vivant des problèmes de santé mentale ne faisaient pas l'objet d'une attention particulière de la part, aussi bien des intervenants que du législateur. Quelques initiatives, par ailleurs isolées, mal concertées, ont peu à peu fourni un éclairage permettant d'identifier un certain nombre de situations où les droits des usagers et des usagères des services de santé et de services sociaux ne sont pas respectés.

Le dépôt récent de la politique de santé mentale est venu confirmer la pertinence et la nécessité de l'instauration d'un système complet de promotion, de respect et de protection des droits. L'imminence de la mise en place d'un tel système invite, dans un premier temps, à considérer l'état actuel des choses et, ensuite, à proposer un cadre d'intervention qui soit opérationnel et indépendant du réseau de services. Il importe qu'en regard aussi bien de la politique de santé mentale que des dispositions législatives que le Parlement s'apprête à étudier, ce cadre assure l'exercice des droits fondamentaux de l'individu aussi bien que le respect de ses droits relatifs à l'utilisation des services.

Dans la loi actuelle, une des fonctions du comité des bénéficiaires est de défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires ou, à la demande d'un bénéficiaire, ses intérêts en tant que bénéficiaire auprès d'un établissement ou de toute autorité compétente. On notera, au passage, qu'il est question, dans le texte de loi, d'"intérêts0 et non de droits. La loi actuelle prévoit la mise en place de comités de bénéficiaires seulement dans les établissements offrant des soins de longue durée et l'hébergement. Selon l'avocat Jean-Pierre Ménard, il s'avère "que la plupart des comités de bénéficiaires sont sous le contrôle effectif du directeur général de rétablissement. Un bon nombre ne s'occupe que des loisirs et très peu sont impliqués dans la défense des droits collectifs ou individuels".

Par ailleurs, l'imprécision du mandat de certains comités est accentuée, dans certains établissements, par la mise en place d'un ombudsman chargé de défendre les droits des bénéficiaires. Le poste d'ombudsman n'est pas inscrit dans la loi et les personnes qui occupent ce poste sont engagées, supervisées et payées par l'établissement qui fournit également les services aux bénéficiaires. Je cite Me Ménard: "En pratique, même si l'établissement l'identifie commodément comme protecteur du bénéficiaire

ou ombudsman, ses pouvoirs ne lui permettent pas de remplir ce rôle adéquatement. Il s'avère qu'il remplit le plus souvent le rôle d'agent de liaison entre les bénéficiaires et l'établissement".

Pour ce qui est des personnes qui ne sont pas hospitalisées dans un centre hospitalier de longue durée, centre hospitalier de courte durée, ressources extérieures, département de psychiatrie, etc., ou vivant dans la communauté, certains organismes communautaires se sont donnés pour mandat d'assurer la promotion et la défense de leurs droits. Ces organismes ne sont pas reconnus par la loi actuelle et ne disposent donc d'aucun pouvoir, ce qui limite forcément leur intervention. Quoique prévu par la politique de santé mentale, leur financement n'est toujours pas assuré.

En ce qui a trait au traitement des plaintes, plusieurs instances peuvent être appelées à Jouer un rôle. En vertu de la Loi sur les commissions d'enquêtes, la Commission des droits de la personne possède les pouvoirs d'enquête et l'immunité attribuée aux commissaires. Je cite: "Elle peut tenter d'amener les parties à régler leur différend ou, à défaut, recommander la cessation de l'acte reproché, l'accomplissement d'un acte ou le paiement d'une indemnité". Cependant, son mandat est très limité. Elle ne peut intervenir que s'il y a discrimination ou exploitation. Par ailleurs, l'Office des personnes handicapées du Québec, tout en fournissant des services, peut faire de la défense et de la promotion des droits. Il apparaît cependant que ces deux mandats sont difficilement conciliâmes.

Pour ce qui est des fautes professionnelles, ce sont les corporations professionnelles qui ont la responsabilité de traiter les plaintes. La justice professionnelle est donc exercée par les pairs. Les usagers ne participent en aucune façon au processus de décision relatif à une plainte, et ce, peu importe l'étape où la plainte est traitée.

Enfin, le recours au CRSSS constitue le premier et le seul recours non judiciaire, général, disponible aux usagers et aux usagères du système de santé du Québec. Le CRSS a le pouvoir de recommander à l'établissement de rectifier la situation qui a fait l'objet d'une plainte ou de s'adresser, par requête, à la Commission des affaires sociales pour obtenir des correctifs à la situation. Il s'avère cependant que les CRSSS n'ont pas, jusqu'à maintenant, démontré la volonté politique d'assumer ce pouvoir face aux établissements.

"L'étude détaillée des plaintes a révélé que, de façon systématique et peu importe les régions, les plaintes qui mettent en cause des politiques et des pratiques institutionnelles, administratives ou professionnelles, étaient soit référées, soit neutralisées au niveau du CRSSS. Dans ce contexte, nous croyons fermement que le CRSSS est en conflit d'intérêt direct lorsqu'il doit traiter les plaintes des usagers qui mettent en cause certaines de ses politiques. Nous croyons donc que les CRSSS ne devraient plus exercer la fonction de recevoir les plaintes des usagers, car ils sont trop associés à la prestation de services pour avoir une indépendance réelle dans le traitement des plaintes des usagers. Présentement, les CRSSS ne remplissent finalement qu'un rôle tampon entre les usagers et les établissements."

Je vais devoir abréger. Je voudrais quand même aborder la question qui, pour nous, est centrale dans notre mémoire, c'est la proposition qu'on fait d'un système régional d'"advocacy", en comparant cette proposition à ce qui découlerait de l'application de l'avant-projet de loi.

Voici, en bref, ce qui découlerait de la mise en application des dispositions contenues dans l'avant-projet de loi. Les comités de bénéficiaires, dont la mise sur pied est dorénavant rendue obligatoire dans les centres hospitaliers psychiatriques, joueraient sensiblement le rôle qui leur était dévolu, l'organisation des loisirs en moins. L'aide et l'accompagnement des personnes admises dans les départements de psychiatrie, dans les ressources intermédiaires, les ressources de type familial ou vivant dans la communauté, seraient assurés par un organisme communautaire. Le recours au CRSSS (Régie régionale) serait maintenu, de même que l'éventualité que le CRSSS adresse une requête à la Commission des affaires sociales, s'il est d'avis que les droits du plaignant risquent d'être mis en péril à cause de l'attitude d'un établissement. Dans la logique de ce cadre d'intervention, le Protecteur du citoyen deviendrait le recours ultime. Nous croyons que ce cadre d'intervention manque d'indépendance à l'égard du réseau et qu'il n'est donc pas apte à assurer la défense et la protection des droits dans le domaine de la santé mentale.

Le modèle que nous proposons, quant à nous, suggère l'implantation d'un système régional d'"advocacy" qui aurait un pouvoir d'enquête et de recommandation. Ce système serait mis en place par un OSBL indépendant du réseau et rendrait caduc le service des plaintes du CRSSS. Ce système régional pourrait intervenir dans les cas de plaintes provenant de personnes vivant dans les établissements et dans la communauté. Les liens étroits qu'il entretiendrait avec les comités de bénéficiaires pourraient résulter en ententes de services qui laisseraient aux comités la latitude nécessaire à l'exercice de la fonction d'aide et d'accompagnement. L'organisme régional disposerait de pouvoirs d'enquête (accès aux dossiers médicaux, circulation libre dans les établissements) et de recommandation. Indépendant du réseau, H serait amené à intervenir tant au niveau des droits individuels que des droits collectifs, dans leurs dimensions légale, sociale et thérapeutique. Selon la nature de la plainte, cet organisme pourrait être amené à faire des représentations auprès d'une cour civile ou criminelle, d'une corporation professionnelle, de

la Commission des droits de la personne ou de la Commission des affaires sociales.

M. Vaz: M. le Président, malgré le temps...

Le Président (M. Joly): Je vous permets quand même de déborder de quelques minutes.

M. Vaz: Merci beaucoup, M. le Président. Je demanderai à Paul de faire une courte Intervention, donc c'est un ajout, concernant le contrôle de la qualité dans les établissements.

M. Morin (Paul): Je siège présentement au comité tripartite de Montréal qui fait le plan d'organisation de services. Le plan est terminé, il est en consultation, présentement, et, depuis ce temps, j'ai commencé à travailler au niveau de la Montérégle à implanter le système d'aide et d'accompagnement en santé mentale prévu par la politique. Au niveau du comité tripartite de Montréal, un des points majeurs, ça a été toute la question de la convergence, de la nécessité qu'il n'y ait plus de réseaux parallèles de services, que les réseaux parallèles de services puissent se fusionner. À ma grande surprise, en travaillant dans la Montérégie, je me suis rendu compte qu'il y a un réseau parallèle effectif en Montéregie, c'est le réseau des ressources clandestines. J'ai appris que le réseau des ressources clandestines en Montéregie était particulièrement vigoureux et assez actif. Ça existe en Montéregie, c'est un réseau parallèle de services, et je pense que le ministère doit agir à ce niveau-là.

Il y a un autre point, aussi, qui pose problème, c'est la question du contrôle de la qualité. J'ai étudié un peu ta question du contrôle de la qualité et H semblerait qu'au niveau du ministère ce service-là est relativement débordé. En Montéregie, effectivement, ça cause des problèmes. Je fais une référence au document "Vieillir en toute liberté" qui fait un bilan du contrôle de la qualité. On dit: "Jusqu'à présent, l'usage qu'a fait le ministère des mesures législatives de contrôle a semblé démontrer que celles-ci sont mal adaptées et ne permettent pas de réaliser la mission du ministère. Bien que l'attribution et l'annulation d'un permis soient réglementés, II s'avère, dans les faits, très difficile de retirer un permis. En effet, les normes inscrites dans les règlements sont très imprécises en matière de qualité des services et l'invocation du seul intérêt public s'est avéré jusqu'à maintenant relativement inefficace." Le rapport sur les abus faits aux personnes âgées recommande: "Que les dispositions pertinentes de la Loi sur la santé et les services sociaux devraient donc être révisés pour permettre la surveillance adéquate des activités sanitaires et la cessation des activités Illégales."

Ce qu'on vous soumet là-dessus, c'est qu'il y a un problème majeur dans ce sens-là. M. le ministre, vous avez agi récemment au niveau des derniers recours; je pense qu'il y a aussi des mesures qui, très bientôt, seront prises au niveau du centre hospitalier Louis-Hippolyte-Lafontaine. Donc, la question de la qualité de vie vous tient à coeur. Et cette question du contrôle de la qualité des permis qui existent présentement et aussi le fait qu'il y a un développement des ressources illégales, au niveau de l'avant-projet de loi, ce n'est pas très clair ce qu'il y a là-dedans. C'est cet ajout important qu'on voulait vous signaler.

M. Vaz: Je terminerai, M. le Président, en vous disant que nous croyons que les recommandations formulées ici, si le législateur veut bien en tenir compte, peuvent contribuer à changer les choses. C'est ce que nous souhaitons.

Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président C'est un mémoire que je considère très intéressant et relevé, qui a comme préoccupation le bénéficiaire. Ça fait différent de notre premier accrochage connu sur la place publique, qui n'était pas la meilleure sortie de moi et de vous. Mais, en tout cas, disons qu'on va tenter de se réajuster avec votre mémoire, qui m'apparaît définitivement centré sur les besoins de la personne, du bénéficiaire. Ça, comme on l'a dit, je le répète, ça doit être la ligne de conduite qu'on doit adopter dans la réforme.

Vous avez évoqué le cas de dernier recours. Oui, effectivement, c'est ça. Je pourrais vous en nommer d'autres qui ne sont pas encore passés, mais qui vont venir aussi, dans la même ligne de pensée, et qui vont brasser le système, demander au système qu'il se réajuste.

Si je tire une première conclusion de votre présentation, c'est le bénéficiaire, l'usager avant tout. Ça a toujours marqué et caractérisé vos défenses, et ce n'est pas différent dans le mémoire que vous présentez ce matin. C'est une approche avec laquelle je suis d'accord. Ça ne veut pas dire que je suis d'accord avec tout ce qu'il y a dans votre présentation, parce que je comprends qu'à l'occasion il faut toujours en demander pas mal plus pour être capable d'en avoir un petit peu. Ça a toujours été la technique dans le passé et le réseau est habitué à ça. Donc, ce sont ces mentalités qu'il faut tenter de changer.

Mes questions porteront davantage sur les intérêts du bénéficiaire, autant que possible, tout le long de la chaîne. En particulier, dans le cas de... Et je commencerai par ça. C'est vrai que la loi actuelle du ministère ne permet pas - ou très difficilement demain matin - de faire la démonstration qu'on puisse révoquer un permis. C'est vrai qu'il faut se donner dans la prochaine loi tout ce qu'il faut pour être capable de le faire

sans être contesté devant les tribunaux. Dans ces cas-là comme dans d'autres, c'est l'exemple qu'il faut finir par être capable de donner. La journée où on va "canceller" un permis, vous allez voir une certaine qualité augmenter. Mais il va falloir finir par y arriver, sans que ça puisse prendre cinq ans devant les tribunaux et sans que ça coûte une fortune pour être capable de le faire. À ce niveau, je partage votre point de vue. Il faut renforcer les mesures qui, sur le plan légal, seront l'assise même de la "cancellation" des permis demain matin.

Ça ne veut pas dire que tous les établissements sont mauvais. Ça ne veut pas dire qu'il ne se dispense pas une bonne qualité de services. Ça ne veut pas dire non plus que certains établissements qui ont créé le poste d'ombudsman l'ont fait pour cacher des choses, je ne pense pas. Il y a peut-être certains établissements, mais ce n'est certainement pas le lot.

Vous avez évoqué l'ombudsman. Qu'est-ce qu'il faudrait donner à l'ombudsman? On les a reçus au début de la commission parlementaire. Ils sont venus nous expliquer leurs forces, leurs faiblesses et leur dépendance, donc qui fait partie des faiblesses. Qu'est ce qu'il faudrait faire de plus - ombudsman? comité des bénéficiaires? - pour être capable de régler certains problèmes? Et je vous donne uniquement un exemple, c'est le comité des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine, qui m'a contacté pour me parler de certains problèmes. Pas des professionnels, le comité des bénéficiaires. Donc, qu'est ce qu'il faut ajouter, dans toute la chaîne qu'on devra faire, pour s'assurer que le bénéficiaire est au centre? Ombudsman, est-ce que ça doit être maintenu? Si c'est maintenu, qu'est-ce qu'on doit lui donner comme pouvoirs pour qu'il puisse remplir son rôle? Qu'est ce qu'on doit donner au comité de bénéficiaires pour faire ça? Et on va monter la chaîne comme ça jusqu'à la Régie régionale, et jusqu'à des pouvoirs additionnels pour être capable d'intervenir au-delà que dans le réseau. Je suis d'accord avec ça. Pas nécessairement avec votre structure, mais où est-ce qu'on se raccroche ou s'attache pour être capable d'aller en dehors des cercles d'initiés pour juger des plaintes? On en a tous les jours au cabinet, mais on n'a pas plus de pouvoirs que n'importe qui pour les régler. On ne fait que questionner. Ça crée un peu de tumulte et d'inquiétude mais, au-delà de tout ça, ça ne veut pas dire qu'on règle tout.

M. Morin (Paul): Moi, ce que je répondrais là-dessus, c'est que ça prend des règles claires et précises. Je vous donnerais deux exemples: l'exemple américain et l'exemple hollandais. (12 h 30)

Aux États-Unis, on a inscrit dans la loi l'advocacy". C'est une loi fédérale. Chaque État américain doit avoir un système d'"advocacy". C'est clair. Ce système d'"advocacy" c'est, soit un organisme sans but lucratif, soit une agence de l'État qui ne fait pas affaire en santé et services sociaux. C'est inscrit. C'est une loi américaine. C'est clair. C'est précis.

En Hollande, ce n'est pas une loi, sauf que c'est beaucoup plus... ça fonctionne à la bonne entente. En Hollande, ils ont des comités de bénéficiaires. Les comités de bénéficiaires en Hollande font uniquement du collectif, et les ombudsmans, qui sont en fédération, une fédération autonome, indépendante, financée par le ministère, eux, font de l'individuel. Donc, là, c'est clair. Chacun connaît sa place.

Ici, au Québec, le problème c'est que tu as des ombudsmans qui ne sont pas dans la loi, tu as le service des plaintes du Conseil régional qui n'a pas beaucoup... qui semble assez peu efficace - enfin, c'est notre analyse - et, finalement, tu as les comités de bénéficiaires dont le mandat est relativement assez large, mais - il faut quand même dire les choses clairement - en santé mentale, il y en a deux qui fonctionnent dans le sens du monde: celui de Louis-Hippolyte-Lafontaine et celui de Robert-Giffard. Mais celui de Robert-Giffard fait l'intervention individuelle et celui de Louis-Hippolyte-Lafontaine est plus centré sur le collectif.

Ça fait que nous, ce qu'on dit dans notre mémoire, ce qu'on propose... C'est sûr qu'on va à l'inverse de ce qui est proposé dans le document "Orientations" où on parie du Protecteur du citoyen et des ombudsmans. Nous, ce qu'on propose c'est plutôt de faire une fusion entre... de laisser tomber la question d'extensionner le mandat du Protecteur du citoyen. Nous, ce qu'on propose c'est de fusionner le mandat au niveau des conseils régionaux et au niveau des ombudsmans et de créer des OSBL C'est un peu le modèle américain, finalement. C'est que tu donnes un mandat à un OSBL, dans une région particulière, et cet organisme-là a un mandat, comme aux États-Unis, un mandat de pouvoir et un pouvoir d'enquête et de recommandation. Ce ne sont pas des gens qui sont intégrés dans la fonction publique. Ça a l'avantage de coûter moins cher. Ce sont des gens qui viennent de la communauté. Ça se trouve à moins faire toute une espèce de hiérarchie entre le comité de bénéficiaires, après ça, ça va être le conseil régional, après ça, il va y avoir l'ombudsman au travers de ça et, finalement, en bout de ligne tu as tous les recours judiciaires qui, évidemment, vont rester. C'est ça finalement qu'on propose. Nous on n'est pas d'accord à ce qu'on généralise la fonction d'ombudsman. C'est sûr que ça va à rencontre de certaines idées. Mais on calcule que nous on veut plus miser sur les forces de la communauté. Et c'est un peu ce que vous disait l'AQIS ce matin; quand ils pariaient de système d'"advocacy", c'était plus dans le sens général où on pariait des personnes vulnérables. Mais si, comme dans le document "Orientations" on parie de créer un organisme d'aide accompagnement. Là

déjà, on donne un mandat au communautaire. Pourquoi pas l'extensionner? Pourquoi pas avoir un organisme communautaire qui fait de l'aide et de l'accompagnement et un organisme communautaire, un OSBL, qui a un pouvoir d'enquête? C'est dans ce sens-là que nous allons.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je vous saisis bien? Lorsque vous évoquez votre vécu ou le vécu que vous connaissez, ce n'est pas un jugement négatif sur le comité des bénéficiaires ni de l'ombudsman, mais c'est davantage un constat du peu de pouvoirs qu'ils ont.

M. Morin (Paul): Enfin, les comités de bénéficiaires ont tout simplement un pouvoir de recommandation, enfin, pouvoir c'est un grand mot. Les comités de bénéficiaires dans la réalité et dans beaucoup d'établissements en santé mentale n'existent que sur papier. Nous, on est en train de faire une recherche au niveau du suivi au niveau de la politique de santé mentale par rapport aux comités de bénéficiaires qui sont supposés avoir un pourcentage d'argent. Il y a eu énormément de problèmes. Il y a eu une entente claire entre celui de Robert-Giffard et l'administration. Ailleurs, ça n'a pas été ça. On pourrait même vous donner l'exemple que le ministère avait prévu qu'il y avait un comité de bénéficiaires à la clinique Roy Rousseau. On a appris, à notre grande surprise, que, finalement, H semble qu'il y ait eu une entente entre la clinique Roy Rousseau et le Conseil régional de Québec: vu que c'était du court terme à Roy Rousseau, pas de comité de bénéficiaires à Roy Rousseau.

Nous, on considère que c'est extrêmement important au niveau de la vie démocratique d'avoir des comités de bénéficiaires. Là n'est pas la question. C'est simplement que lorsqu'on parie de pouvoir d'enquête, il ne faut pas confondre. C'est ça qui est intéressant entre le système hollandais et le système... Au niveau du système hollandais, tu as... eux autres ont été... au niveau des ombudsmans qui font de l'individuel... Nous ce qu'on vous dit: Gardez les comités de bénéficiaires. Là où II y a des comités de bénéficalres qui sont très actifs, on peut Imaginer qu'ils font de l'individuel, mais là où ils sont moins actifs, qu'ils s'orientent surtout sur le collectif, et là tu vas avoir un organisme sans but lucratif qui, lui, va vraiment avoir un pouvoir d'enquête. Donc, là c'est clair. Mais le problème au Québec, c'est que tu as une multitude de mandats, ça coûte une fortune et finalement, en bout de ligne, les droits ne sont pas plus respectés. Nous ce qu'on attend finalement de vous, du projet de loi, en bout de ligne, c'est que les droits soient respectés mais avec des mandats très précis, très clairs, comme aux États-Unis ou comme en Hollande et avec un modèle original, ici, au Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que c'est votre voisin de gauche qui a évoqué tantôt qu'H y avait eu une étude détaillée des plaintes. Ça été fait par vous?

M. Carpentler: Non, ça n'a pas été fait par... L'étude détaillée...

Une voix: M. Ménard.

M. Morin (Paul): Vous faites mention de l'étude détaillée au sujet du traitement des plaintes, au niveau du CRSSS, c'est Me Ménard.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Non, c'est parce que vous l'aviez évoqué tantôt et je pensais que c'était peut-être une étude parallèle qui pouvait donner d'autres résultats.

M. Morin (Paul): Non. C'est Me Ménard. C'est l'étude de Me Ménard.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez évoqué tantôt le problème des régions. C'est un problème qui a marqué la commission parlementaire de manière très très évidente du début à la fin: pénurie de ressources professionnelles et spécialisées dans les régions du Québec. Je me souviens que le député de Joliette, M. Chevrette, avait évoqué que lui-même, à une demi-heure de voiture de Montréal, avait énormément de difficulté à avoir les ressources, tout le monde voulant se concentrer à Montréal. Évidemment, nous autres aussi, on l'a fait, il y a eu des mesures incitatives, vous l'avez dit tantôt, et ça n'a pas donné grand-chose. On fait quoi? Comment est-ce qu'on règle le dossier? Si vous étiez ministre, demain matin, qu'est-ce que vous feriez pour régler ce problème-là?

M. Morin (Paul): Au niveau des ressources professionnelles?

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Morin (Paul): Disons que c'est mon avis à moi, ce n'est pas l'avis du groupe. On n'a pas vraiment travaillé là-dessus. Mais je pense que pour les ressources professionnelles, spécifiquement les ressources médicales, ici au Québec, enfin, c'est le système de la libre entreprise. Les médecins peuvent s'établir où ils veulent. Encore récemment, on m'a raconté qu'à Châteauguay qui n'est pas très loin, il y a deux ou trois semaines, pendant toute une nuit, il n'y a pas eu de médecin à l'urgence. On ne parle pas de psychiatrie où on est obligé d'importer des psychiatres d'un peu partout dans le monde parce que les psychiatres ne veulent pas sortir de 111e de Montréal. Je pense que l'État québécois devrait beaucoup, compte tenu que ce sont nos taxes et compte tenu que ce sont des gens dans lesquels on investit beaucoup... Et je pense que la

majorité des citoyens ne pleureraient pas si on encadrait beaucoup plus strictement le travail des médecins et s'ils étaient obligés finalement d'aller travailler dans certains endroits, comme cela se fait dans d'autres pays. Je pense que ça a peut-être l'air dictatorial, mais, bon, s'ils ne sont pas contents, ils iront ailleurs et il va toujours y avoir assez de médecins au Québec de toute façon pour donner des services aux gens. C'est sûr que ça peut sembler une solution simpliste, sauf que, d'un autre côté, le ministère a essayé l'incitation, 80 %, 120 %. Ça donne quoi en bout de ligne?

Spécifiquement au niveau de la santé mentale, il y a un problème majeur finalement. La moyenne d'âge des psychiatres est très élevée; elle est d'environ 55 ans. La profession est très contingentée. Alors, si on dit qu'on veut avoir un modèle biopsychosocial avec une intervention psychiatrique et qu'il n'y a pas de psychiatres, qu'on soit conséquent et qu'on développe de l'information pour les omnipraticiens, ce que fait un peu la politique de santé mentale et que, finalement, les omnipraticiens soient obligés d'aller un peu partout dans ce qu'on appelle les régions périphériques. Parce que ça n'a pas de bon sens de continuer à importer des psychiatres de France, parce qu'en France, il y en a à la pelle, des psychiatres. On trouve ça assez ahurissant, on parie des communautés culturelles qui ont le droit d'avoir des services dans leur langue, mais lorsque vous avez des psychiatres de différentes nationalités qui vont aller travailler dans des hôpitaux de longue durée parce que nos psychiatres francophones ne veulent pas aller travailler là, parce que c'est une clientèle lourde qu'ils n'aiment pas et qu'ils aiment mieux faire du privé et que là, vous avez des gens qui ont de la difficulté à articuler trois mots en français et qui sont supposés comprendre le délire psychotique de la personne quand ils ne sont même pas de la même culture. Je ne voudrais pas m'étendre là-dessus, mais je pense que ça pose problème.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, après des mesures incitatives, c'est la coercition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (paul): je n'ai aucun problème avec ça. je ne sais pas ce que mes collègues et consoeurs en pensent, mais je n'ai aucun problème avec ça.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. C'est intéressant parce que, effectivement, il y a un problème assez important. Je ne suis pas loin de partager à peu près tout ce que vous avez dit.

M. Carpentier: On croirait que vous êtes dans l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Non, pas du tout. Je pense que... Non, c'est parce que je suis originaire d'une région.

Une voix: Vous êtes plus sensible.

M. Côté (Charlesbourg): Ça donne peut-être un autre niveau de compréhension. De toute façon, dans pas grand temps, il y a des mesures qui vont s'appliquer, qui ne feront pas plaisir, mais |e ne suis pas là pour faire plaisir aux professionnels. Je suis là davantage pour m'assurer que les bénéficiaires aient les services qu'il faut.

Vous avez beaucoup parié d'accès aux dossiers, de participation au plan de services. Évidemment, ce que je comprends, c'est que, participation au plan de services, c'est oui, mais on est quand même dans des situations peut-être extrêmes où on a un bénéficiaire qui est en crise et c'est un petit peu plus difficile de le faire participer à son plan de services ou d'avoir son consentement quant au traitement à avoir. Je pense que ce sont ces distinctions qui sont extrêmement importantes.

Quant à l'accès au dossier, c'est très intéressant et ça pourrait éventuellement changer la culture. Effectivement, c'est assez difficile et II faut être culotté un peu de ce temps-là pour être capable d'avoir accès au dossier médical. Il faut être tenace aussi. Est-ce qu'il y a des limites à l'accès au dossier?

M. Vaz: Je crois qu'on doit définitivement l'adopter sans restrictions.

M. Côté (Charlesbourg): Sans restrictions?

M. Vaz: Oui. Parce que, voyez-vous, M. le ministre, chaque fois qu'un usager ou une usagère fait une demande pour avoir accès à son dossier, malheureusement, c'est encore courant qu'on lui réponde: Vous savez, dans votre dossier, il y a des choses que vous n'aimeriez pas savoir, qui vont vous déranger. Je trouve ça curieux, quand même, qu'en 1990 on pense encore comme ça. Il faut se battre pour obtenir un résumé de dossier.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'on a des exemples? Est-ce que vous avez... Tantôt, dans d'autres cas, vous avez donné des exemples des États-Unis, de la Hollande. Est-ce qu'il y a des exemples d'autres pays où l'accès au dossier est total?

M. Morin (Paul): Pas à ma connaissance. Même avec cette loi-là, par rapport à la France, le Québec est à l'avant-garde. Là-dessus, je vous le concède, on est à l'avant-garde. Même si ce n'est pas total comme on le demande, on est à

l'avant-garde sur l'accès au dossier.

M. Vaz: M. le ministre, cela ne nous empêche pas de nous améliorer nous-mêmes.

M. Côté (Charlesbourg): Définitivement. Vous savez, dans la vie, il y a des locomotives et il y a des wagons qui s'ajoutent au train. À l'occasion, tu peux être la locomotive qui va traîner les wagons. Ça va, merci.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci. J'ai hâte de parler parce que c'est un excellent mémoire. J'ai plusieurs questions. Je vais peut-être commencer par les dernières que le ministre a soulevées. C'est vrai qu'au Québec, l'accès au dossier a fait du progrès, pour ainsi dire, depuis quelques années. Mais c'est vrai aussi qu'il y a encore beaucoup d'interférence, de résistance. Moi, j'aime bien la suggestion contenue dans votre mémoire où le médecin, lorsqu'il pense que c'est à rencontre du bien du patient et qu'il refuse, qu'il soit obligé de motiver par écrit, M. le ministre, son refus. Je pense que c'est ça qui est... Motiver par écrit son refus. Je pense que c'est la suggestion que vous faites. Je pense que c'est très pertinent, ça. Ça n'a pas besoin d'être très long. Une note au dossier: Je refuse l'accès du patient à son dossier pour telle ou telle raison, point. C'est une excellente suggestion, quant à mol, en tout cas, et c'est réalisable. Je reviens de la pratique de... J'ai fait de la pratique pendant quatre ans et demi, en psychiatrie, à Charles-LeMoyne, dans la région de M. Morin et je dois dire, en tout cas, que de l'expérience que j'ai vue, depuis quatre ans, à LeMoyne, en psychiatrie, l'accès est plus ouvert au dossier. L'accès est plus ouvert, mais il y a encore du progrès à faire.

La deuxième question, la pratique en région, en particulier pour la psychiatrie. Je pense que le ministre pourrait compter sur l'appui de l'Opposition, en plus des incitatifs qui ont plus ou moins échoué, s'il veut recourir à des méthodes coercltives. Je pense, malheureusement, moi, avec le recul - Je connais cette question-là depuis des années et des années - je suis obligé d'admettre que les seuls endroits où ça fonctionne, c'est par la coercition, où le jeune spécialiste est obligé d'aller, pendant deux ans, trois ans, quatre ans, pratiquer, soit dans une région désignée, dépourvue de spécialistes, soit dans un établissement d'une grande ville, mais qui est dépourvu de spécialistes aussi, que ce soit à Robert-Giffard ou à Louis-Hippolyte... Et conditionner ça à l'obtention du permis et du numéro de paiement par la Régie de l'assurance-maladie. Je pense que c'est la seule façon de régler le problème.

Vos commentaires sur le conflit d'intérêts des CRSSS concernant les plaintes, je les endosse à 100 %. Je pense que, là aussi, avec le recul, maintenant, mol, j'ai la conviction profonde qu'il ne faut pas laisser au CRSSS le traitement des plaintes. Parce que le CRSSS, rappelons-le, est formé, à toutes fins pratiques, de représentants d'établissements. Alors, il a à se juger lui-même lorsqu'il a à étudier une plainte de l'hôpital untel ou du CLSC untel et ça le place dans une position intenable. Alors, je pense que le concept d'"advocacy" qui a été disséminé aux États-Unis est un bon concept. C'est à la fois une personne qui est protecteur du droit de la personne, mais aussi promoteur. Ce n'est pas seulement un protecteur, c'est un promoteur des droits de l'individu. C'est pour ça que le terme "advocacy" est difficile à traduire. C'est plus qu'un avocat, c'est un promoteur en même temps. Et en réalité, il marche très bien aux États-Unis, ce système-là. Moi, je pense qu'il faut regarder de ce côté-là, M. le ministre, et soustraire, enlever aux CRSSS cette obligation qu'ils ne peuvent pas remplir. Même s'ils n'étaient pas en conflit d'intérêts, je pense que la machine est trop lourde, ils ont trop d'autres problèmes à régler et le traitement des plaintes n'est pas du tout dans leurs priorités. (12 h 45)

M. Vaz: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais savoir si M. le ministre endosse cette suggestion de M. le député de Lavaltrie. Ça serait assez important.

M. Lazure: La Prairie.

M. Côté (Charlesbourg): À ce moment-ci, le ministre ne se prononcera pas. Quand il sera parfaitement informé, il va se prononcer, pour ne pas dire n'importe quoi. Une chose est certaine, c'est qu'on va aller davantage aux informations. Ça me paraît une piste intéressante. Si je vous dis oui tout de suite, la réforme est finie. Ce n'est pas parce que je ne veux pas la finir le plus vite possible, mais j'ai une préoccupation très importante quant au traitement des plaintes qui m'apparaît extrêmement important. C'est un volume assez important au niveau d'un cabinet de ministre où on est impuissant devant l'autonomie de tout le système. C'est une piste très très intéressante.

M. Lazure: Puis, elle pourrait, M. le Président, être accrochée, possiblement, au Protecteur du citoyen. Ce n'est peut-être pas nécessaire de constituer toute une autre structure nouvelle, mais peut-être que ça pourrait être accroché, ça, à la fonction du Protecteur du citoyen; je n'en suis pas sûr. Mais chose certaine, c'est que le système actuel ne marche pas.

La sectorisation a été implantée non pas pour exclure du service telle ou telle personne, mais, au contraire, pour donner le droit à la personne d'exiger un service à l'hôpital ou à la clinique de son secteur. Autrement dit, ce n'est

pas un système qui prive les gens d'un service, c'est un système qui assure la personne, qui garantit à la personne: Vous habitez dans le secteur de l'hôpital Notre-Dame; donc, l'hôpital Notre-Dame est obligé de vous donner un service en psychiatrie. En général, il fonctionne assez bien, je dois dire, mais il y a des gens qui sont trop rigides. Prenez l'exemple d'une personne qui est mise en congé de Giffard et qui s'en va résider près de Saint-Sacrement où il y a une clinique de psychiatrie, normalement, elle devrait être suivie à la clinique de Saint-Sacrement, normalement, là. Je sais qu'il y a des problèmes dans l'acceptation des transferts, mais ça, ce n'est pas le système de sectorisation qui est en cause. Ce qui est en cause, à ce moment-là, c'est peut-être la résistance de certains services d'hôpitaux généraux à accepter des patients venant de Giffard, et la même chose à Montréal pour Louis-H.-Lafontaine.

Autre commentaire, le choix du psychiatre. C'est vrai que c'est difficile dans certains cas. Mais, là encore, je ne pense pas que ça soit le système. Je crois que c'est le directeur du département de psychiatrie qui fait mal son boulot. Si un patient n'est pas satisfait du psychiatre traitant et qu'il veut changer, il y a des mécanismes, dans un département bien organisé, dans un hôpital bien organisé, mais c'est vrai qu'il est lent, te mécanisme, c'est vrai que beaucoup de psychiatres résistent à ça. Mais, à ce moment-là, justement, s'il y avait un système d'advocacy ou l'équivalent, à ce moment-là, je pense que les patients auraient plus de satisfaction.

Vous avez parlé d'un réseau parallèle clandestin dans la Montérégie. Et le ministre a répondu en pariant des difficultés juridiques. Il a raison, mais en dehors des difficultés juridiques d'enlever un permis à quelqu'un, il y a des choses non juridiques qui pourraient être offertes et qui seraient efficaces. Parce que beaucoup de ces foyers clandestins sont alimentés par des centres de services sociaux du Montréal métropolitain en particulier, francophones, anglophones et juifs, qui prennent les patients dans une clinique de psychiatrie d'un hôpital général, le Royal Victoria ou le Montreal General, peu importe, et qui, avec le petit réseau de foyers clandestins de la rive sud, viennent placer ces patients-là, indirectement. Ils les dirigent vers là. Autrement dit, ils ne sont pas clandestins aux yeux des CSS; les CSS les connaissent très bien, la plupart du temps, et même les encouragent. Ce qui est cocasse, ce n'est pas le CSS de la Montégérie qui les encourage, ce sont les CSS de Montréal, un peu comme - bon, je n'utiliserai pas la comparaison, parce qu'elle pourrait être odieuse; je n'ai rien dit. Mais le ministre serait en mesure d'intervenir auprès des CSS. C'est difficile, parce que, pour eux, ça devient un débouché. Mais faire en sorte que ces foyers... Parfois, souvent, ce sont des familles d'accueil de moins de 9 patients; souvent ce sont des pavillons, entre 9 et 30 et qui sont littéralement alimentés par des CSS ou des hôpitaux de Montréal.

Dernière remarque, au tout début de votre mémoire, vous dites: Le projet de loi garantit à la personne de langue anglaise des services... "L'article 13 reconnaît le droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé..." Et vous ajoutez: "La reconnaissance de ce droit ne doit pas nous faire oublier qu'il arrive que certaines personnes d'expression française se heurtent à la barrière linguistique..." Et ça, c'est très vrai, M. le ministre, dans la région de Montréal. Je ne sais pas jusqu'à quel point on vous a sensibilisé à ça, mais en psychiatrie, notamment dans les hôpitaux anglophones, Royal Victoria, Montreal General, Douglas, il y a beaucoup de nos patients francophones qui ont de la misère à se faire servir, à être traités en langue française; c'est un problème réel, ça.

M. le Président, moi, je veux remercier les gens d'Auto-psy pour leur excellent mémoire et dire au ministre qu'il est chanceux d'avoir des suggestions aussi constructives, aussi pertinentes.

M. Morin (Paul): En terminant, M. le Président...

Le Président (M. Joly): Oui, allez.

M. Morin (Paul): ...ni M. le ministre ni M. le député de l'Opposition n'ont relevé la question de la dissémination des ressources qui, pour nous, est un point important de notre mémoire. Je rappellerai à M. Lazure que, lorsqu'il était ministre des Affaires sociales, en 1977, il y a eu un conflit à Pointe-aux-Trembles et, d'ailleurs, lui-même, dans un texte qui est cité par M. Henri Dorvil, dans son excellent livre: "Histoire de la folle"... M. Lazure faisait référence à cette question-là, qu'il y avait des points de saturation. Au niveau de notre dernier recours, justement, la municipalité a été sensibilisée à cette question; on a fait un point de fixation, un abcès au niveau de l'espace du centre-ville de Montréal et, justement, les trois ressources, on veut les disséminer un peu partout.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas fermer les yeux. Il existe des concentrations et, à Montréal, la majorité des gens - enfin, une bonne partie, on dit 40 % des ressources, sur l'île de Montréal, externes - sont à Pointe-aux-Trembles. Les gens de Pointe-aux-Trembles passent pour des racistes lorsqu'ils disent qu'ils ne veulent plus d'une autre ressource, sauf qu'il y a des communautés... Curieusement, ce sont toujours les communautés les plus riches qui, elles, n'ont pas de ce type de ressources. Nous, ce qu'on dit, c'est que l'article 158 n'a pas été efficace et que, nous, on est disposés à collaborer en comité, où on pourrait retrouver des

municipalités ou différents acteurs parce qu'on ne peut pas le laisser agir juste en s'appuyant sur l'article 158 qui dit, finalement, les gens peuvent... Il n'y a pas de discrimination faite contre tes familles d'accueil. En réalité, iI y en a une, de facto. Il y a une concentration, II y a des ghettos un peu partout qui se font de détenus, de personnes toxicomanes. On parle de la qualité de vie des personnes, des personnes psychiatrisées, puis des communautés locales. Mais ce n'est pas une vie, ça, finalement, d'être entouré d'ex-détenus, de gens de ta condition; la vie, c'est d'être disséminé un peu partout. Donc, on vous soumet que, nous, on est très disponibles à travailler sur ce dossier-là, en collaboration.

M. Lazure: M. le Président, je l'avais dans mes notes, je n'ai pas eu le temps de tout dire, mais je suis d'accord avec vous. Je pense que le système PADAVAN de l'État de New York me paraît intéressant parce que le seul critère d'exclusion devient la concentration, à ce moment-là, si je comprends bien.

M. Morin (Paul): Oui, tout à fait.

M. Lazare: On avait en 1977, justement, amendé la loi pour qu'une municipalité ne puisse pas refuser un permis sur la base que c'étaient des anciens patients psychiatriques. Mais, moi, je suis d'accord avec votre suggestion. Je pense que c'est pertinent et le milieu aurait à démontrer qu'il y a une trop grande concentration. Ça me paraîtrait, très équitable.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je l'avais noté dans mon petit calepin vert qui va me suivre; c'est ce que je garde de la commission parlementaire. Comme premier point, ça me paraissait l'évidence môme. J'ai vécu dans Charlesbourg un problème qui a fait l'objet des manchettes de Journaux, mais qui n'a réglé aucun problème... Dans ce sens-là, ça me paraissait être un élément assez intéressant. Par contre, M. m'a indiqué qu'on a réussi à régler certains problèmes à Pointe-au-Père avec une certaine prise de loi que nous avons maintenant, mais ça ne veut pas nécessairement dire que ça pourrait se régler ailleurs. Les tribunaux ont tranché, mais évidemment je pense qu'il faut être là-dessus bien conscients des limites des tribunaux et qu'on a avantage à renforcer notre base légale pour être capables de faire un certain nombre de choses. Je vais y regarder de très près. Alors, je vous remercie. Je trouve que notre deuxième contact est plus intéressant que le premier.

M. Vaz: J'espère qu'ils vont se continuer.

M. Côté (Charlesbourg): D'autant plus qu'il est visuel et non pas uniquement par écrit. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. À mon tour, au nom des membres de cette commission, je tiens à remercier le groupe Auto-psy provincial. Merci beaucoup. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 55) (Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Joly): Bon après-midi. Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je demanderais aux gens représentant la Commission d'accès à l'information de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission, officiellement. Vous connaissez la procédure, mais au cas où... Je vous fais mention que vous avez environ une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire de la façon la plus concise possible. Par après, les parlementaires des deux formations se réservent le privilège, le plaisir de vous poser quelques questions. J'apprécierais que la personne responsable du groupe s'Identifie et nous présente les gens qui l'accompagnent.

Commission d'accès à l'information

M. O'Bready (Jacques): Merci. M. le Président. Jacques O'Bready, président de la Commission d'accès. M'accompagnant, ici, à ma gauche, M. Clarence White, responsable de la recherche et des analyses; Me Yves Dussault, qui a travaillé à la rédaction de notre avis et Me André Ouimet, directeur des services juridiques. Comme vous l'avez mentionné, M. le Président, je vais faire lecture de l'avis que nous avions adressé, en date du 18 décembre 1989, à la commission et, par après, les gens qui m'accompagnent pourront répondre à des questions d'ordre un peu plus technique.

Mesdames et messieurs, le présent avis expose sommairement les éléments de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux qui ont retenu l'attention de la Commission d'accès à l'information, dans un contexte où celle-ci souhaite intervenir pour faire valoir les principes et les droits reconnus par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Nous verrons dans un premier temps les conséquences virtuelles qu'a perçues la Commission derrière les grands principes de la réforme envisagée par cet avant-projet de loi. Ensuite, nous examinerons les dispositions relatives au droit d'accès au dossier médical, social et administratif détenu par un établissement. Enfin, nous traiterons de l'impact des changements

institutionnels prévus par la réforme eu égard à la portée de la loi sur l'accès.

Les grands principes de l'avant-projet de loi versus les grands principes de la loi sur l'accès. Les principales idées motrices qui rassortent de cet avant-projet de loi se résument en deux mots clés, soient coordination et concertation. En effet, suivant l'article 3 de l'avant-projet de loi, le nouveau régime que l'on veut instituer a pour objet, notamment: 1e d'assurer un partage adéquat des responsabilités entre les organismes publics, les organismes communautaires et les autres intervenants du domaine de la santé et des services sociaux; 2° de favoriser une répartition des ressources humaines, matérielles et financières entre les services, les établissements et les régions qui soit la plus juste et la plus rationnelle possible, et 3° de favoriser la participation de tous les intervenants des différents secteurs d'activité de la vie collective dont l'action peut avoir un impact sur la santé et le bien-être de la population.

Les moyens institutionnels choisis pour arriver à une meilleure coordination et concertation ont été de diminuer le nombre d'autorités à la base en assujettissant plusieurs types d'établissements sur un même territoire à un seul conseil d'administration et en renforçant le sommet de la hiérarchie en créant des supra-organismes appelés les régies régionales de la santé et des services sociaux.

Sans entrer dans les détails de ces nouvelles structures, il convient de mentionner que dorénavant, les établissements ne pourront plus fonctionner en vase clos, mais plutôt dans de multiples interrelations. A titre d'exemple, mentionnons d'abord que certaines personnes qui requièrent l'intervention de plusieurs ressources auront droit à un plan de services individualisé. C'est l'article 9. On prévoit que ce plan de services individualisé est élaboré par l'établissement qui dispense la majeure partie des services en cause et que ce plan doit indiquer les différents établissements ou organismes concernés, les services qui seront dispensés par chacun d'entre eux, ainsi que le nom de la personne responsable de la coordination de l'ensemble de ces services.

D'autres illustrations de cette intention d'augmenter les relations entre établissements peuvent être choisies à même les fonctions attribuées aux régies régionales comme, par exemple, celle d'élaborer des programmes interétablissements en vue de répondre à certains besoins de la population que la Régie juge prioritaires. Et c'est l'article 240.

Cet accent prononcé de l'avant-projet de loi en faveur d'une coordination interétablissements, même s'il peut être louable, évoque tout de suite la problématique des transferts de renseignements nominatifs. En effet, on ne peut imaginer une plus grande collaboration et concertation entre les établissements de santé et de services sociaux sans que cela n'entraîne davantage d'échanges de renseignements nominatifs. Or, l'avant-projet de loi recèle déjà quelques cas expressément envisagés. Par exemple, je cite: "La Régie régionale peut, pour l'exercice de ses fonctions, requérir des établissements et des organismes communautaires de santé et de services sociaux de sa région les renseignements nécessaires sur les clientèles, les services demandés et dispensés et les ressources utilisées." C'est l'article 243.

Aussi, on attribue plus particulièrement à la Régie régionale de Montréal la fonction, dans le but de répartir les cas d'urgence, de concevoir et d'implanter un système d'information régionale pour connaître de façon quotidienne la situation dans les centres exploités par ces établissements en regard du nombre et de la nature des Inscriptions et des admissions de bénéficiaires et de leur transfert et transport en ambulance. C'est l'article 250.

Il est à prévoir que les échanges de renseignements nominatifs entre établissements seront d'une ampleur encore plus considérable selon le document d'orientation expliquant la réforme envisagée, document qui est intitulé "Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec". En effet, dans ce document, on propose de cumuler sur une carte électronique à microprocesseur intégré des renseignements sur l'état de santé d'un bénéficiaire pour améliorer le suivi du bénéficiaire. C'est à la page 51 de ce rapport. Il est aussi question de créer un dossier unique par bénéficiaire. On retrouve ça à la page 133 du même rapport.

Bien qu'il soit indéniable que ces différentes mesures représentent des atouts pour une gestion efficace, il est à craindre que ce soit le droit au respect de la vie privée qui en paie le prix. De plus, on se questionnera sur les effets de ces mesures, sur la liberté d'une personne de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des soins de santé ou des services sociaux, une liberté qui est par ailleurs reconnue par cet avant-projet de loi à l'article 14.

Face à ces différents projets, la Commission d'accès à l'information souhaiterait d'abord être associée de près aux différentes étapes de leur cheminement et, dès à présent, elle sent le besoin de faire quelques mises en garde à leur sujet.

Un dossier unique par bénéficiaire. La Commission veut attirer l'attention des parlementaires concernant le désir exprimé par le ministère d'implanter un dossier unique par bénéficiaire. La constitution d'un dossier unique comporte, croyons-nous, de grands risques pour la protection des renseignements personnels, l'un des .aspects importants du respect de la vie

privée, et pour les droits et libertés de la personne. Tous les établissements de santé recueillent actuellement une foule de renseignements personnels plutôt sensibles concernant les bénéficiaires et leurs proches. À chaque visite ou séjour dans un établissement, un grand nombre de renseignements sont ajoutés dans le dossier du bénéficiaire. La Commission ose espérer qu'il n'est pas de l'intention du ministère d'emmagasiner tous ces renseignements dans une banque centrale de données. Le document d'orientation du ministère n'Indique pas quelles sont les Informations minimales qui constitueraient le sommaire du dossier unique. À ce sujet, la Commission rappelle qu'un organisme public ne peut recueillir que les renseignements nécessaires à ses attributions ou à la mise en oeuvre d'un programme dont H a la gestion.

L'expérience nous démontre que plus une banque de données est bien garnie, plus elle suscite de l'intérêt et plus les finalités de sa création risquent d'être détournées. On voudra se servir de cette banque d'information pour mie et une raisons d'apparence toutes valables, mais, au départ insoupçonnées. Par ailleurs, où seraient détenues ces informations? Qui contrôlerait ce dossier unique et y donnerait accès, et selon quelles modalités? La détention de tels renseignements ne devrait être permise, croyons-nous, que pour un organisme assujetti à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Aussi, toute intervention dans ce dossier unique devrait être assujettie au consentement de la personne concernée.

La carte-santé. Il est aussi question dans le document d'orientation d'une carte électonlque à microprocesseur intégré permettant de mémoriser des Informations relatives à un individu, en l'occurrence le porteur. La lecture et l'écriture des informations peuvent faire l'objet de divers niveaux de protection. Jusqu'à maintenant, l'utilisation d'une telle carte comme un dossier portable n'est pas très répandue. Certaines expériences font présentement l'objet d'évaluation en France, pour des clientèles spécifiques dans certaines villes. Ces expériences, autorisées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, permettront à l'organisme français voué à la protection des renseignements personnels d'analyser les aspects éthiques et juridiques reliés à l'introduction de cette carte à mémoire dans le secteur de la santé.

Déjà la CNIL a fixé des limites sur le contenu de cette carte en s'opposant, par exemple, à l'enregistrement d'une mention relative aux interruptions volontaires de grossesse. On a prévu, sauf exception, que le droit d'accès pour les personnes concernées peut s'exercer sur l'ensemble du contenu de la carte par l'intermédiaire d'un médecin disposant d'un matériel de lecture. Ces cartes, en fait, ne sont attribuées qu'aux personnes ayant manifesté leur accord par écrit et elles ne sont jamais exigibles par le médecin.

Si on introduit cette innovation technologique chez nous, II nous apparaît évident que l'utilisation de cette carte, l'Information qu'elle contiendra, les mesures de sécurité requises et les autres mesures nécessaires devront être encadrées strictement par des dispositions législatives appropriées. On devra alors établir les types de renseignements pouvant être consignés sur cette carte, les catégories de personnes qui auront le pouvoir d'y faire des inscriptions, celles qui pourront les lire. On devra préciser en outre les moyens dont disposera la personne concernée pour prendre connaissance des informations qui y sont contenues.

Certains prétendront que les renseignements inscrits sur ce genre de carte jouiront d'une confidentialité à toute épreuve, puisque la personne concernée en aura la garde et en disposera à son gré. Toutefois, les risques de bris de confidentialité pourraient, par exemple, être plus élevés si le maniement de cette carte entraînait l'utilisation de la télématique. En réalité, cela dépendra grandement des moyens techniques, organisationnels et législatifs qui encadreront cette nouvelle technologie. De plus, le législateur devrait intervenir pour empêcher que cette carte ne devienne une autre carte d'identité, comme le sont devenus la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire et la carte d'assurance sociale.

Si elle était implantée, la carte à microprocesseur contiendrait tellement de renseignements sensibles qu'il faudrait prévenir législativement toute utilisation non conforme à sa finalité première. Il faudrait prévoir une utilisation dédiée aux professionnels de la santé exerçant des soins auprès de ia personne concernée et de fortes pénalités pour toute personne qui exigerait sans droit la production de cette carte ou qui, illégalement, réussirait à s'introduire dans ce fichier pour consulter ou pour modifier des renseignements.

Nous n'avons pas la prétention de penser que ces quelques lignes font le tour complet d'une question aussi technique qu'inquiétante. Cependant, elles indiquent un certain nombre de préoccupations de la Commission d'accès à l'information à propos de l'éventuelle Introduction d'une carte à microprocesseur dans le domaine de la santé. La Commission a fait savoir au ministère, il y a plusieurs mois, que ce dossier l'intéressait au plus haut point et qu'elle voulait connaître son évolution. Il me fait plaisir d'ajouter, M. le Président, et ce n'est pas dans l'avis, qu'au cours des dernières semaines, plus précisément il y a une dizaine de jours, des rencontres ont eu lieu entre les hautes autorités du ministère, de la Régie de l'assurance-maladie, moi-même et mes collaborateurs, et que des mécanismes de dialogue sont déjà en place. Des rencontres ont déjà eu lieu et d'autres auront

lieu dans les prochains jours pour étudier tous les tenants et aboutissants de ce système de carte à microprocesseur.

L'accès au dossier médical, social ou administratif d'un établissement. On constate que les dispositions de l'avant-projet de loi relatives à l'accessibilité des dossiers médicaux ou sociaux sont sensiblement les mêmes que celles de la loi existante à ce sujet si ce n'est qu'on a apporté certaines améliorations de forme et de fond. En ce qui a trait aux améliorations de forme, la Commission prend note que, dorénavant, les personnes à qui on accorde un droit d'accès au dossier d'un bénéficiaire, pourront, à l'instar du bénéficiaire lui-même, s'adresser aux tribunaux judiciaires et quasi judiciaires pour mettre en oeuvre leur droit.

Plus globalement, cependant, la Commission met en question l'opportunité de prévoir un recours pour la personne qui s'est vu refuser l'accès à un dossier médical ou social devant plusieurs types de tribunaux: la Cour du Québec, la Commission des affaires sociales et la Commission d'accès à l'information. Cette panoplie de tribunaux compétents en la matière risque, croyons-nous, d'entraîner non seulement des décisions contradictoires, mais aussi du magasinage de la part du justiciable. L'administration de la justice et l'uniformité du régime d'accès à l'information gagneraient en confiant ce recours uniquement à la Commission d'accès à l'information. Aussi, les articles 15 à 20 sur la confidentialité du dossier médical ou social mériteraient d'être revus sur le plan strictement technique en ce qui a trait aux dérogations à la loi sur l'accès. Les représentants du service juridique de la Commission sont incidemment à la disposition du ministère à cet effet.

Quant aux améliorations de fond, la Commission constate que les personnes liées par le sang à un bénéficiaire décédé peuvent recevoir des renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. De plus, le conjoint, les ascendants, les descendants directs du bénéficiaire décédé peuvent recevoir communication des renseignements relatifs à la cause du décès de ce bénéficiaire. La Commission ne peut qu'approuver ces initiatives.

Par ailleurs, la Commission constate aussi qu'on étend quelque peu la notion de représentant en matière d'accès au dossier médical ou social lorsqu'on lit en conjonction les articles 19.1 et 23 de l'avant-projet de loi. Toutefois, II semble que ces ajouts à la liste des personnes ayant droit d'accès au dossier médical d'un bénéficiaire soient justifiés.

La Commission constate aussi que le ministère de la Santé et des Services sociaux entend ériger un régime particulier en ce qui a trait aux informations relatives au don de gamètes suivant le document d'orientation. On retrouve ça à la page 60. Ici encore, la Commission souhaite être associée de près à la création de ce régime afin de faire prévaloir le droit au respect de la vie privée de toutes les personnes concernées.

Quant à l'accès aux documents administratifs, signalons que l'article 76 de l'avant-projet de loi prévoit que les séances d'un conseil d'administration sont publiques et que, toutefois, le conseil peut décréter le huis clos pour étudier tout sujet qui peut causer préjudice à une personne, sans régler le sort des documents relatant les propos de ces séances. Or, par souci de cohérence, la Commission suggère que les documents et archives authentiques d'un conseil d'administration et les documents faisant état de ces séances soient déclarés accessibles sous réserve de la protection des renseignements personnels.

Les changements institutionnels et la portée de la loi sur l'accès. Dans un autre ordre de préoccupations, il convient de signaler que cet avant-projet de loi amènera la Commission à se pencher sur une reformulation de l'article 7 de la Loi sur l'accès assujettissant les établissements de santé ou de services sociaux considérant les nouveaux types d'organismes qui s'ajoutent à la structure du régime des services de santé et de services sociaux que l'on veut instaurer, tels les régies régionales - article 234 - les collèges régionaux - article 276 - ou, enfin, les établissements qui peuvent se composer d'une seule personne - article 25.

À première vue on peut penser que cette préoccupation relève simplement de la technique de rédaction législative, mais en étudiant plus en profondeur ce chapitre, on découvrira que le défi est beaucoup plus grand. En effet, dans l'optique de la concertation, il ressort clairement de l'avant-projet de loi et du document d'orientation qu'on veut davantage faire appel aux intervenants du secteur privé qu'on qualifie par exemple de ressources intermédiaires - l'article 201 - ou d'organismes communautaires - l'article 228. (17 heures)

Devant cet état de fait, la Commission ne peut que prôner une extension de la portée de la loi sur l'accès. En effet, suivant le personnel professionnel de la Commission qui agit parfois à titre d'agent d'information, il semble que celui-ci soit fréquemment confronté à la désolation de devoir expliquer à un concitoyen que le droit d'accès à son dossier médical ou social prévu par la loi ne s'étend pas aux cliniques privées ni aux centres d'accueil privés conventionnés. Non seulement la Commission ne tient-elle pas à ce que d'autres types d'organismes s'ajoutent à ceux-ci, mais elle souhaite aussi que le régime de protection et d'accès au dossier médical ou social prévu par la loi soit applicable à tout organisme public ou privé susceptible de détenir un tel

dossier.

Vous me permettrez donc de vous réciter maintenant les six recommandations qui émergent de ce dossIeNà. Premièrement, face aux différents projets du ministère de la Santé et des Services sociaux visant à faciliter la circulation des renseignements nominatifs entre les établissements, la Commission souhaite être associée de près aux différentes étapes de leur cheminement. Deuxièmement, la Commission recommande que ces différents projets tiennent compte des mises en garde exprimées dans le présent avis afin que soit mieux protégé le respect de la vie privée des personnes concernées. Troisièmement, la Commission suggère qu'elle soit le seul tribunal compétent en matière d'accès au dossier médical ou social. Quatrièmement, la Commission signale que les articles 15 à 20 sur la confidentialité du dossier médical ou social devraient être revus sur le plan technique en ce qui a trait aux dérogations à la loi sur l'accès. Cinquièmement, la Commission recommande que soit prévu dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux un droit d'accès clair aux mémoires de délibérations d'un conseil d'administration des établissements ainsi qu'aux archives et documents techniques d'un tel conseil, sous réserve toutefois de la protection des renseignements personnels. Enfin, sixièmement, la Commission souhaite que le régime d'accès au dossier médical ou social prévu par la loi soit applicable dans tout organisme public ou privé susceptible de détenir un tel dossier.

Voilà, M. le Président, mesdames et messieurs les députés, les remarques que la Commission d'accès souhaitait formuler sur cet avant-projet de loi. Je vous indique, évidemment, que nous les avons formulées à l'intérieur des limites de nos connaissances et de la juridiction de la Commission et, comme je l'ai dit, avant la lecture de ce mémoire, les personnes qui m'accompagnent sont à votre disposition pour vous fournir des précisions de nature juridique ou technique. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Joly): Merci, M. O'Bready. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. ShTOs: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter la bienvenue, en mon nom et au nom du ministre Côté, qui a malheureusement dû s'absenter pour aller au Conseil des ministres, aux membres de la Commission d'accès à l'information. Je voudrais peut-être commencer en disant que je constate que votre mémoire date du 18 décembre, si je ne m'abuse. L'élément majeur sur lequel vous vous attardez beaucoup, c'est toute la question de l'interrelation qu'il va y avoir entre les établissements, surtout dans le contexte de la notion des conseils d'administration unifiés, où il pourrait y avoir un échange d'informations peut-être accru avec un seul conseil qui chapeaute.

Comme on sait que, depuis ce temps-là, la pensée a évolué de ce côté-ci et que les conseils d'administration unifiés n'ont pas été retenus, est-ce qu'on peut aussi vous poser la question, à savoir si votre pensée, depuis ce temps-là, a évolué également et si vous avez peut-être regardé la question dans le contexte de ce changement, et plus particulièrement par rapport au plan de services, d'une part? On pourra parler, par la suite, quant à la carte à puce. Par rapport aux plans de services pour les individus et au dossier unique dans le contexte nouveau, est-ce que, depuis la rédaction de votre mémoire, il y a d'autres éléments que vous voulez apporter?

M. O'Bready: Évidemment, on n'a pas eu de documents à notre disposition, si vous voulez, pour prendre connaissance du changement de cap qui a pu s'effectuer. On en a pris connaissance, peut-être, par des moyens tels que les médias. Je suis tout à fait d'accord que si on voulait nous donner les nouvelles orientations avec un peu plus de précisions et un peu plus de nuances, bien sûr que la Commission se ferait un plaisir de réajuster son tir en conséquence. Je l'ai dit, la préoccupation qui a présidé à la rédaction de ce mémoire, comme c'était basé sur une plus grande concertation et un plus grand réseau Interétablissements et des conseils comme ça... Si vous changez cette philosophie ou cette approche et qu'on en est saisis, il nous fera plaisir de donner notre avis sur ça comme sur les autres questions que j'ai soulevées.

M. Sirros: Indépendamment du changement de structure administrative, le fonctionnement, disons, au moyen d'un plan de services pour les individus devrait normalement se retrouver dans un système qui fonctionnerait dorénavant par programmes. Vous dites que vous voudriez être associés de plus près à l'élaboration des règles d'échange d'informations nominatives entre les établissements. Est-ce que, depuis ce temps-là, vous avez pu regarder un peu plus cette question-là? Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer sur certains paramètres dont on pourrait tenir compte dans le contexte d'un plan de services...

M. O'Bready: Si vous le permettez, je vais demander à Me Ouimet de vous faire certains commentaires sur le sujet.

M. Ouimet (André): On sait qu'à l'heure actuelle, il existe des plans de services un peu individualisés, de sorte qu'un individu peut recevoir des services médicaux ou sociaux de la part de différents organismes publics. La Commission ne s'est jamais opposée formellement à ça, à ce type d'intervention par de multiples intervenants. Cependant, ce sur quoi la Commis-

sion alerte le législateur ici, c'est sur le fait que si ces interventions deviennent formelles au niveau d'un individu, il risque d'y avoir un échange d'informations et la constitution d'un dossier unique pour cet individu. en sol, ce n'est pas une chose à laquelle la commission d'accès à l'information s'oppose, mais si ça devait amener la création d'un dossier... et là, c'est là-dessus je pense que vous vouliez nous amener tranquillement, pour chacun des individus, chacun des citoyens du québec, la commission dit: ii y a peut-être des règles différentes qui devraient s'appliquer.

M. Sirros: On me signale... Il existe déjà un fonctionnement par plan de service, par exemple, au niveau de l'Office des personnes handicapées, par rapport aux personnes qui demandent un service vis-à-vis un handicap qu'elles peuvent avoir. Est-ce que vous avez eu des cas qui sont venus à votre attention qui poseraient problème? Ça fonctionne, je pense que ça doit faire un bon sept ou huit ans que ça doit fonctionner. Est-ce qu'il y a eu des problèmes par rapport à la confidentialité de ces dossiers qui vous ont été soumis ou qui sont venus à votre attention?

M. O'Bready: M. White, avec votre permission.

M. White (Clarence): Pas au niveau, M. le ministre, de l'OPHQ, des personnes handicapées, on n'a pas eu de problème sur ça. On a eu des problèmes entre établissements. On a eu des enquêtes et on a été amenés à aller vérifier des transferts de renseignements entre établissements, entre travailleurs sociaux d'établissements, entre médecins d'établissements, où on est allés vérifier la nécessité du transfert. Et on est arrivés à la conclusion, dans un cas entre autres, que la nécessité du transfert n'était pas là parce que ce n'était pas pour des soins. C'était au cas où... On dit: On connaît ce bonhomme ou cette madame et on sait que c'est quelqu'un à problème dans le coin. Alors, le dossier se communique entre établissements et ce n'est pas pour des soins. Nous, on dit: La loi permet... Dans le fond, la loi actuelle permet les communications si c'est dans un but de soins. Mais ce qu'on se rend compte, c'est qu'il y a des communications qui ne se font pas pour ça pantoute.

Notre autre problème qu'on a, c'est qu'on a de la difficulté à établir qui est vraiment le détenteur du document. On a ce problème aux endroits où on a un travailleur social. Si le travailleur social est un employé du CSS qui travaille en établissement, la grosse discussion, c'est: Est-ce que c'est un dossier de l'établissement ou si c'est un dossier du CSS? Naturellement, s'il y a eu bris de confidentialité, là on va dire: Ce n'est pas le dossier du CSS certain, c'est le dossier de l'établissement. L'établissement dit: Bien non, je ne suis pas sûr que c'est mon dossier, c'est un travailleur du CSS. C'est qui? Alors, II y a tous ces problèmes de communication. Nous autres, ce qu'on voudrait, c'est qu'on puisse dire: Bien, le législateur a prévu que c'est telle personne, que c'est tel établissement. C'est clair que c'est un dossier de l'établissement, c'est clair que c'est un dossier du CSS. Mais là, jusqu'à maintenant, ce n'est pas ça, ce n'est pas clair. Et il y a des communications qui se font. Qui est responsable? Nous, on a une idée. O.K. On a dit: Dans ce cas, c'est un dossier de l'établissement. Si c'est un prêt de service, le CSS, c'est un prêt de service. L'employé qui est là travaille dans l'établissement Sauf que...

M. Sirros: Ce matin, on a eu un échange au niveau de l'accès que peuvent avoir les patients à leur propre dossier.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: II semble que je soulève des rires. Je vous demanderais peut-être d'expliquer la réaction. Mais, indépendamment de ça, j'allais enchaîner sur la question de la carte à puce et le lien à cette discussion qu'on a eue, en vous posant la question suivante: Indépendamment des autres difficultés, qu'il faudrait prendre une grande attention par rapport à l'accessibilité à l'information... Et comme vous l'avez souligné, les pourparlers ont commencé entre le ministère et la Commission. C'est dans cette voie qu'on veut arriver avec des projets pilotes, d'une part, et avec une évaluation très serrée, etc. Mais indépendamment de ça, sur un plan plus théorique, est-ce que le fait qu'un patient, un bénéficiaire aurait toujours avec lui son propre dossier médical ne lui donnerait pas un accès plus immédiat à ce moment-là à ce qui le concerne? Si oui, jusqu'à quel point est-ce que ça devrait être accessible? Il y a des médecins qui prétendent, en tout cas...

M. O'Bready: C'est que le système actuel prévoit qu'un patient a accès à son dossier sauf si ça peut lui causer un préjudice grave. Mais le simple fait... Remarquez qu'on a peu de données techniques, comment ça va fonctionner ces cartes à microprocesseur. Le simple fait qu'un patient ait sa carte sur laquelle il y a évidemment le contenu de son dossier, il faudrait voir est-ce qu'il peut avoir accès à ça, lui? Est-ce qu'il dispose du matériel qui peut lui donner accès à ça? Là, je ne veux pas jouer au technicien mais je lisais un article dans les journaux qui dit: Bon, ça peut tout être mis dans des tiroirs différents. C'était l'expression qu'on prenait dans le journal, des tiroirs différents, parce qu'ils parlent de la carte à puce et il y aurait un code d'accès ou une clé d'accès à chacun de ces tiroirs.

Techniquement, j'imagine que les possibilités

sont illimitées. Mais encore ià, II faudrait voir si le fait qu'un patient détienne cette carte lui donne un accès plus grand à son dossier sans le protéger contre, justement, des plus grands dommages que la connaissance d'un dossier qui pourrait lui apporter... Autrement dit, est-ce qu'on devrait trouver la façon de maintenir la protection qui existe dans le système actuel, môme au niveau d'une carte à microprocesseur? Très honnêtement, je veux dire, on n'est pas rendu à ce stade dans nos réflexions. Je vous le précise, les pourparlers débutent à peine avec les autorités du ministère ou de la RAMQ.

M. Simm: Juste une dernière question pour les deux ou trois minutes qui restent. Vous dites à un moment donné... Vous suggérez que vous soyez le seul tribunal compétent en matière d'accès au dossier médical ou social, donc, en quelque sorte, créer un genre de statut spécial par rapport aux autres tribunaux administratifs, ne pas permettre un recours à la Cour supérieure. J'imagine que derrière ça, il y a le désir de voir évoluer vers une certaine direction toute la notion du dossier de l'accès à l'information. Je reviendrai avec la question qui a fait rire une de vos collègues. Est-ce que vous avez donc une opinion par rapport à cette accessibilité que doivent avoir les personnes par rapport à leur propre dossier médical?

M. O'Bready: Une opinion quant au tribunal qui pourrait statuer sur ça ou... Nous, dans le fond, ce qu'on dit, M. le ministre, c'est que c'est la multiplication des recours qui crée des problèmes et qui risque d'entraîner un certain marchandage, d'une part. D'autre part, je veux dire, et ceci étant dit en toute déférence pour les tribunaux de droit commun... Évidemment, je n'ai pas exclu bien sûr les évocations devant la Cour supérieure ou des choses comme ça. On n'aurait pas le pouvoir de faire ça mais... En toute déférence, je pense qu'un recours devant les tribunaux de droit commun est beaucoup plus coûteux, beaucoup moins rapide et beaucoup plus laborieux pour un justiciable alors que la Commission a déjà développé une expertise en matière d'accès à des dossiers médicaux, en matière de rectification de dossiers médicaux. Pourquoi avoir la Cour du Québec, la Commission des affaires sociales, la Commission d'accès? Et encore en toute déférence pour le mémoire du Barreau dont j'ai rapidement pris connaissance, je ne partage pas nécessairement l'opinion du Barreau à l'effet que la Commission d'accès n'est pas suffisamment compétente pour avoir juridiction en semblable matière.

Dans le fond, nous, c'est dans un contexte de simplification et c'est toute la problématique des tribunaux administratifs. Pourquoi multiplier les recours? Pourquoi les alourdir, les rendre plus coûteux, moins expéditifs et tout ce que vous voudrez? C'est un peu la philosophie qui est à la base. Si on est capables de le faire actuellement... Parce qu'il y a quand môme bien des gens qui s'adressent à nous pour avoir accès à leur dossier médical dans les établissements assujettis. On est capables de faire la job. Alors, je ne vois pas pourquoi on serait moins capables de le faire si on était le seul organisme.

M. Sirros: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamlngue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie au nom de l'Opposition de cette présentation. C'est très important que la Commission d'accès à l'information nous donne son avis sur différents mécanismes apparents ou non apparents qui sont dans l'avant-projet de loi et quant aux écueils possibles que nous pourrons retrouver lorsque seront éventuellement mises en vigueur un certain nombre de réformes, à l'intérieur de l'organisation des services de santé et des services sociaux au Québec.

On s'est donné, au Québec... votre Commission, la Commission d'accès à l'Information, vous êtes un peu beaucoup le chien de garde, en particulier, de tout ce qui concerne cette question des renseignements à caractère nominatif. Je souhaite, dès lors que nous aurons le véritable projet de loi sur la véritable réforme envisagée, que l'on oblige en quelque sorte la Commission d'accès à l'Information de donner un avis formel à l'État sur les implications du contenu des éléments retenus par le ministre responsable au moment où on s'engagera dans cette éventuelle réforme si nous y arrivons un jour. (17 h 15)

À cet égard, je pense qu'il faut reconnaître que d'avoir créé cet organisme au Québec, il faut maintenant s'en servir et c'est par là que je voudrais commencer, pas tellement sur le cas en soi, mais sur l'exemple. Cette expérience pilote, qui se déroule en particulier dans la région de Québec, de mise en commun de dossiers et d'informatisation de dossiers d'un certain nombre de bénéficiaires, si j'ai bien compris, l'expérience a été déclenchée au ministère de la Santé et des Services sociaux sans aucune consultation au départ de la Commission d'accès à l'information.

M. O'Bready: C'est exact de dire qu'actuellement... sauf pour les développements, il y a environ dix jours où nous avons rencontré, comme je l'ai mentionné, les autorités du ministère, le ministre en tête, nous serons maintenant partie prenante dans ce dossier-là. On pourra en tout cas au moins examiner ce qui se fait et faire notre propre opinion sur certains paramètres, mais à ce jour, il est vrai de dire qu'à l'exception d'une seule rencontre ou peut-

être une deuxième qui a eu lieu, on n'a pas été associés à la démarche comme telle. Il ne m'appartient pas de dire pourquoi, je ne le sais pas, mais c'est ça.

M. Trudel: Je ne veux pas charger en disant: Le ministère a voulu faire ça en dehors de l'avis de la Commission d'accès à l'information, mais ça nous révèle quand môme une situation qu'on vit tous un jour ou l'autre. On est au coeur d'une organisation ou d'une réorganisation de services et si ce n'est pas inscrit formellement quelque part dans un texte législatif, on risque de passer à côté et dire: On veut tellement arriver à la meilleure solution qu'on néglige certains sentiers, certains aspects d'une réglementation. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le projet de loi devrait contenir un article spécifique disant que dés le moment où dans le processus d'organisation ou de réorganisation des services de santé et de services sociaux au Québec, on touche au dossier individuel, au dossier d'un bénéficiaire, on devrait obligatoirement consulter, pour avis, la Commission d'accès à l'information, de façon à éviter que la trop bonne volonté nous amène à des dangers ou à des difficultés qui n'étaient pas apparents à prime abord?

M. O'Bready: Sous toute réserve, je ne veux pas vous donner d'avis juridique séance tenante, mais comme notre loi est une loi qui a préséance sur toutes les autres lois, à moins qu'il y ait une clause disant: nonobstant les dispositions de la loi d'accès à l'information etc, je pense qu'on n'aurait même pas besoin d'inscrire ça dans une éventuelle loi sur la réorganisation. Nous avons juridiction et c'est notre droit de nous prononcer sur ça et même de sanctionner si quelque chose se faisait en contravention avec notre propre loi. Alors, je vous dis ça sous toute resserve, mais sur le plan de l'esprit de la disposition, c'est bien sûr qu'on souhaite être associés, puis donner notre avis, pas nécessairement empêcher des projets de se réaliser, mais de permettre que ces projets-là se réalisent à l'intérieur des paramètres de notre loi. C'est ce qu'on souhaite.

M. Trudel: Je peux dire de ce côté-ci que je pense qu'il faut aller plus loin que le souhait de donner votre avis. Il faut le rappel et l'obligation de l'avis, parce que vous êtes la Commission, le groupe qui a été créé par l'État pour surveiller les droits en matière d'accès, en particulier, les renseignements à caractère nominatif. Si la loi d'accès à l'information a préséance pour modérer cette information-là, je pense qu'il serait utile d'avoir ce rappel qu'en tout ce qui concerne les renseignements à caractère nominatif et toute initiative qui touche au dossier du bénéficiaire, on devrait formellement avoir recours à un avis de la Commission d'accès à l'information.

Je voudrais toucher un autre aspect que vous n'avez pas touché dans votre avis. Tous les conseils d'administration des établissements publics, peu importe s'ils sont unifiés ou pas - je ne parle pas des conventionnés et des privés subventionnés, on décrit tout - évidemment, la composition de ces conseils-là, on leur fait obligation de tenir une réunion annuelle d'information auprès de la population concernée sur le territoire concerné, y compris d'autres réunions si le territoire est trop grand. Est-ce qu'une réunion du conseil d'administration d'une régie régionale, c'est une réunion publique?

M. O'Bready: Écoutez, il faudrait vérifier s'il y a des dispositions dans la loi. Je ne sais pas si... On me dit que, dans le projet de loi, il y a des dispositions qui disent que les réunions du conseil d'administration sont publiques. Donc, c'est pour ça que, nous autres, on disait que, par esprit de cohérence, avec les documents des organismes dont les réunions sont publiques, par exemple, les conseils de ville ou les conseils de commmissalres. On disait que les documents devraient être publics. Mais, là, si vous me posez... pour la régie régionale, il faudrait peut-être vérifier le point particulier.

On me dit que, sous toute réserve à vérifier, que c'est prévu dans le projet de loi que les réunions seraient publiques. Donc, c'est au même exemple que je vous dis que les conseils d'une ville, les réunions étant publiques, les documents qui sont déposés là seraient des documents publics. C'est ce qu'on demande, de faire cette espèce de cohérence dans le projet de loi.

M. Trudel: Et là-dessus, juste une remarque. C'est que si on précise qu'il doit y avoir au moins une réunion générale d'information par année au public sur les plans et les services offerts par une régie régionale ou par un établissement, il arrive souvent que, dans la pratique, les conseils d'administration d'établissements publics en viennent à considérer leur réunion comme étant privée. Et, à cet égard, les droits des bénéficiaires sont souvent... En tout cas, dans un bureau de député, on en entend souvent de telles sortes... On empêche... d'assister, parce qu'on dit: Ce n'est pas réunion largement ouverte au public. Et, à cet égard, je souhaiterais que l'on puisse examiner toutes les dispositions semblables qui existent au Code municipal qui oblige un conseil de toute municipalité ou cité et ville au Québec à avoir, nommément, à l'ordre du jour une période qui s'appelle les questions verbales.

Alors, là-dessus, je fais cette remarque-là en vérifiant... Je vais vérifier l'article 76... mais d'indiquer nommément que, pour l'accès à l'information et permettre la discussion du public et le droit à demander de l'information sur l'organisation, qu'on puisse inscrire formellement,

comme dans la Loi sur les cités et villes, pour les établissements et pour la régie?

M. Sirros: ...établissements ou les... Un* voix: Les deux sortes...

M. Trudel: Là-dessus, peut-être une dernière question, parce que vous y aviez partiellement répondu. Quant aux droits des bénéficiaires, quant aux droits de recours, soit pour l'accès aux dossiers ou pour un établissement ou pour un professionnel, je veux juste vous appuyer en disant qu'il faudra simplifier les mécanismes de recours. Ce qui existe actuellement et ce que vous nous décrivez comme pouvant possiblement exister comme processus d'appels auprès de différents types de tribunaux, ça fait en sorte qu'on est encore en train de développer une hyper ou une super judiciaiisation pour l'exercice du droit d'accès à l'Information. Et je veux dire que ça me semble très sage, la recommandation que vous nous faites de bien mentionner que le tribunal de première instance, le lieu de première instance pour faire appel d'une décision ou pour en appeler quant aux droits qu'on prétend avoir, que ça peut se centraliser à la Commission d'accès à l'information. Il me semble que ça pourra peut-être être plus léger, d'ailleurs, en termes de mécanismes que d'aller devant les tribunaux de droit commun ou d'autres commissions qui, par ailleurs, ont d'autres responsabilités en d'autres matières aussi, ce qui fait que ça allonge le processus.

Dernière petite question. Est-ce que vous pensez qu'il serait utile, au moment ou elle sera mise en application, cette réforme, et que l'on aura déterminé des objectifs de santé et des objectifs de bien-être pour la population du Québec, que nous puissions, d'une part, examiner annuellement - ça ne porte pas sur vous, cette question-là, c'est la deuxième partie seulement - on pourrait, d'une part, en commission parlementaire, largement examiner l'état de réalisation de ces objectifs. Est-ce que ce serait une bonne idée, également, que, annuellement, nous puissions entendre la Commission d'accès à l'information en commission parlementaire sur l'état du dossier d'accès aux renseignements à caractère nominatif et de tout ce qui a pu se présenter en cours d'année, faire un état de situation? En commission parlementaire, nous pourrions en débattre largement.

M. O'Bready: Je dois vous dire que la loi prévoit déjà que le rapport annuel de la Commission d'accès à l'information doit être débattu en commission parlementaire, sur la commission de la culture, à chaque année. Et dans notre rapport annuel apparaissent une quantité importante de données de ce qu'on a fait au cours de l'année, la nature des dossiers traités, les plaintes reçues, ce qui veut dire que le débat qui se fait, à chaque année, sur notre rapport annuel pourrait, évidemment, porter non seulement sur les dossiers qui ont trait au réseau de la santé, mais sur tous les autres dossiers. Alors, je pense qu'on pourrait remplir cet objectif-là.

Je voudrais aussi juste ajouter - ça ne regarde pas cette question, mais si vous me le permettez - quand j'ai parlé, tantôt, des mécanismes d'accès à un dossier médical ou de rectifications, j'aurais aussi voulu mentionner l'importance d'avoir de la cohérence dans les décisions. La multiplication des instances risque d'entraîner, parfois, de l'Incohérence dans certaines décisions. Il faut quand même se rappeler que les décisions de la Commission d'accès, ce n'est pas juste du "wishful thinking", ce sont de véritables décisions et que nous sommes appelâmes devant trois juges de la Cour du Québec. Il y a toujours, évidemment, aussi cette possibilité d'évocation devant la Cour supérieure. Alors, quand même, je veux dire, le risque n'est pas grand. Un justiciable qui sentirait ses droits brimés par une décision de la Commission, il peut toujours aller en appel devant la Cour du Québec et, éventuellement, en Cour supérieure s'H pense qu'il y a excès de juridiction. Alors, je ne pense pas que notre demande risquerait de priver quelqu'un de quelque droit que ce soit.

M. Trudel: Très bien, merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Sirros: C'est simplement pour remercier les gens de la commission pour leur présentation et peut-être, en guise de conclusion, je voudrais simplement dire que la réforme n'a aucunement comme but d'aller chercher de l'information dans la vie privée des gens, mais de mieux servir les gens qui ont besoin des services du réseau. Tous les changements dont on a fart référence avant l'entrée en vigueur seront faits en consultation et en collaboration avec la Commission d'accès comme, d'ailleurs, le constate la commission avec la rencontre récente et simplement quant au dossier, comme tel, de la carte à puce, le dossier est encore à la phase préliminaire de préparation d'un projet de loi. Donc, on est en bonne position pour prendre tous les moyens nécessaires pour s'assurer de la confidentialité de l'information.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. C'est à mon tour. Au nom des membres de cette commission, merci d'avoir été présents. Je demanderais, maintenant, aux gens représentant la Commission des droits de la personne, s'il vous plaît, de bien vouloir prendre place. Bonjour madame, bonjour messieurs, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez

une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et, par après, les membres des deux formations se réservent le privilège de vous poser quelques questions. alors, j'imagine que c'est m. lachapelle qui est le porte-parole.

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Joly): Alors, veuillez juste nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, M. Lachapelle.

Commission des droits de la personne

M. Lachapelle (Jacques): Merci, M. le Président, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir d'être ici avec vous cet après-midi à cette commission parlementaire. J'aimerais, bien sûr, tout d'abord, comme on m'a invité à le faire, vous présenter Mme Murielle Garon, directrice de la recherche à la section recherche socio-économique à la Commission des droits de la personne.

Comme vous le savez, la Commission des droits de la personne a un mandat très vaste, presque aussi vaste que la Charte des droits et libertés qui regroupe un nombre important et très généreux de droits. Nous aurions pu vous adresser un très large mémoire sur tout l'éventail des droits qui sont dans la Charte des droits et libertés, à partir de l'accès à l'information en passant par les personnes handicapées et autres services. Nous avons voulu nous restreindre à certains secteurs étant bien entendu que si vous vouliez nous poser des questions sur d'autres aspects de la Charte, par exemple: la Commission des droits de la personne, comme vous le savez, a un mandat de faire enquête concernant l'exploitation de personnes âgées. La Commission a, également, eu des mandats d'enquête pour enquêter dans le cas d'enfants trisomiques où nous avions reçu... Nous avons encore, à la Commission des droits de la personne, des plaintes dans ce secteur d'activités. Alors, nous nous restreignons, si vous voulez, à un secteur bien particulier qui est l'accès aux services de santé d'une partie de la clientèle québécoise que sont les minorités visibles et ethniques. (17 h 30)

Alors, dans une étude que nous avions déjà faite en novembre 1987 et portant sur l'accès des minorités visibles aux services publics, la Commission a souligné la nécessité d'une définition du rôle des établissements appuyée sur une conception élargie de la notion d'accessibilité. Ainsi, dans le secteur de la santé et des services sociaux, bien que l'accessibilité universelle et gratuite à ces services soit acquise, on constate des lacunes importantes dans la distribution des services. Certains services sont inadaptés en raison de barrières linguistiques mais ils sont surtout susceptibles d'être affectés par un manque de sensibilité aux particularités des groupes minoritaires et sous-groupes au sein de ceux-ci, les jeunes, les personnes âgées, les personnes qui présentent une déficience ou une limitation. Cela est vrai tant au plan de la santé physique, de la santé mentale, que des problèmes sociaux. Ces lacunes constituent autant d'obstacles à l'accès égalitaire à ces services pour divers groupes de la population, notamment les autochtones, les minorités visibles et ethniques. Dans ce contexte, l'interrogation sur les mécanismes de distribution de services qui soient les plus aptes à permettre un accès égalitaire demeure donc entièrement pertinente.

La question qui se pose est celle de la prise en charge effective des besoins divers. Dans le domaine de la santé, cette variation dans les besoins est considérable non seulement d'un individu mais d'un groupe à l'autre. On ne saurait traiter de façon identique les besoins des femmes enceintes, des personnes âgées, des personnes qui présentent une déficience physique ou intellectuelle et ceux des autochtones. Dans une société pluraliste, la satisfaction des besoins de santé et des services sociaux comporte également une dimension ethno culturelle importante. Si nous insistons sur cette notion d'accessibilité et sur sa prise en charge effective, c'est qu'elle constitue le versant positif d'une réalité à laquelle la Commission a pour mandat primordial de s'attaquer, à savoir la discrimination. En effet, l'absence d'accessibilité et d'adaptation des services a pour résultat de compromettre, pour des groupes entiers, un accès égalitaire aux services. Ce résultat est généralement produit par un ensemble de pratiques qui ont trait soit à l'information sur les services disponibles, la langue, contenu, diffusion, etc., soit au mode de distribution des services, soit aux caractéristiques des services offerts, par exemple la nourriture, le loisir, etc. De telles situations renvoient aux éléments de base de la discrimination indirecte.

La discrimination indirecte est celle qui découle d'une règle ou d'une pratique en apparence neutre qui, quoiqu'appliquée également à tous, exclut ou désavantage de façon significative les personnes appartenant à un groupe défini selon un critère mentionné à l'article 10 de la Charte. De telles situations peuvent se présenter, par exemple, à l'occasion de l'hospitalisation dans une grande ville d'un autochtone qui n'a jamais quitté sa région éloignée. Lors du placement dans un centre d'accueil de personnes immigrantes âgées qui n'ont jamais appris le français ni l'anglais et qui ne sont pas habituées à la nourriture de type nord-américain, à l'occasion de soins psychiatriques donnés à des personnes originaires de pays ayant un milieu culturel et social différent de celui qui prévaut ici ou qui ont vécu des traumatismes importants, guerre, menace, fuite, torture, etc. Dans cette perspective, la notion d'accessibilité doit faire l'objet d'un examen sérieux. Ce dont il faut s'assurer, c'est que ces services sont véritablement accessibles, c'est-à-dire non seulement disponibles

mais consommables pour tous. Des barrières commencent à s'ériger quand les services offerts ne tiennent pas compte des besoins diversifiés, de la capacité de les exprimer, des écarts entre les attitudes de bénéficiaires et celles des dispensateurs de services, entre les attentes de chacun, leur comportement, etc.

Il nous apparaît que pour qu'un service réponde adéquatement au besoin pour lequel il a été établi, la notion d'accessibilité qui lui est attachée doit être doublée de celle d'adaptation. Cette notion nous paraît pour apte à conférer un sens vraiment dynamique à l'approche des services plus qu'à une simple virtualité. Cette notion renvoie, par définition, à une action d'accommodement.

Il paraît Important de noter Ici une limite qui s'oppose, toutefois, du point de vue de la Charte des droits et des libertés, à cette exigence d'adaptation. C'est celle des préférences discriminatoires de la clientèle. À cet égard, la Commission des droits de la personne a déjà émis des accommodements fondés sur le sexe des préposés au service, dans le domaine de la santé, pour des raisons fondées sur le respect de la pudeur et, par la suite, de la dignité des bénéficiaires. Cependant, elle ne saurait souscrire à des exigences d'accommodement en fonction de préférences fondées sur d'autres motifs illicites, notamment des préférences ethniques ou raciales, dans la mesure ou de telles exigences pourraient entraîner des atteintes à la dignité des préposés et à leur droit à des conditions de travail non discriminatoires. Ainsi, par exemple, la Commission des droits de la personne a reçu une demande par un établissement offrant des services de santé et des services sociaux, le CSSMM de Montréal. Le problème est le suivant.

Dans le cadre des travaux du comité du plan d'action "Accessibilité des CLSC aux groupes linguistiques et ethnoculturels minoritaires du Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal métropolitain", un fait a été porté à leur attention. Le fait est le suivant: le comité désire savoir jusqu'où s'exerce le droit des bénéficiaires à recevoir des services personnalisés tels que définis dans la Loi sur les services de santé. Autrement dit, le droit du bénéficiaire de refuser des services lui semblant incompatibles avec sa définition de services personnalisés et de qualité. Le cas porté à notre attention concerne le refus de recevoir des services intimes à domicile, services dispensés par une personne dite de minorité visible à une personne dite du groupe majoritaire. Ce refus provient d'une personne âgée et est appuyé par des membres de sa famille. La Commission des droits de la personne a conclu, au sujet de la mise sur pied d'une politique d'accommodement à cet égard, fondée sur un refus discriminatoire, qu'une telle politique ne peut manquer d'avoir un impact discriminatoire sur les conditions de travail du personnel concerné. En effet, les salariés éconduits sur la base de leur race et affectés à d'autres tâches, alors qu'un collègue racialement acceptable aux yeux du bénéficiaire accomplit la tâche initiale, sont victimes d'une grave humiliation et d'une atteinte discriminatoire à leur dignité. À cet égard, l'article 14 du projet de loi situe la liberté de choix du professionnel à l'intérieur de certaines limites par l'expression "sous réserve de toute autre disposition législative applicable". Nous déplorons qu'une telle réserve face aux préférences discriminatoires exprimées par les bénéficiaires soit limitée seulement au choix du professionnel et ne s'étende pas, par exemple, à celui du préposé aux bénéficiaires.

Dans le bilan évaluatif de la Commission des droits de la personne sur l'étendue et la qualité des services offerts aux minorités visibles, présenté à l'automne 1987, la Commission proposait un cadre général devant présider à la définition et à la mise en place de mesures d'accommodement qui pourraient permettre au service de répondre aux besoins de ses diverses clientèles. Les orientations qui sont contenues dans ce document peuvent se résumer ainsi: 1. réaffirmation, au plus haut niveau décisionnel, de cette volonté de développer des réponses adéquates aux besoins diversifiés des clientèles. 2. sensibilisation des responsables et des intervenants, à tous les niveaux, aux diversités culturelles. 3. planification des ressources et des services en ce sens. 4. représentation des minorités à tous les paliers de décision. 5. reconnaissance des organisations communautaires comme partenaires et reconnaissance de leur rôle de dispensateurs de services.

La Commission des droits de la personne situe ces orientations dans le cadre de l'obligation de corriger les effets discriminatoires de pratique, en apparence neutres, mais qui résultent dans des inégalités face à l'accès aux services de santé et services sociaux, en raison des critères inscrits à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne dont je vous dispense de la lecture.

L'article 86.1 de la Charte des droits et libertés définit le cadre à l'intérieur duquel pourrait être corrigée la situation de personnes faisant partie de groupes victimes de discrimination, notamment dans le secteur de l'emploi, de la santé, de l'éducation et dans tout autre service ordinairement offert au public. Ce cadre peut, bien sûr, s'appliquer à l'embauche du personnel dans différents établissements et centres. La présence, aux divers paliers des organismes dispensateurs de services, de membres des groupes pour lesquels se pose un problème d'accès a l'égalité à ces services paraît essentielle pour au moins deux raisons. Premièrement, pour qu'une sensibilité aux problèmes à résoudre

soit véhiculée à tous les niveaux. Deuxièmement, pour que les populations desservies soient à même de constater qu'elles ont une place à part entière dans l'institution qui les dessert et soient, de ce fait, incitées à avoir recours à ces services.

On reconnaît ici, donc, deux types de fonctions à cette représentation: l'une, instrumentale, rendre les services les plus appropriés; l'autre, d'image, permettre aux individus de se reconnaître dans' les services qui sont offerts. Toutefois, dans le secteur de la santé et des services sociaux, l'approche des programmes d'accès à l'égalité ne saurait, on s'en rend bien compte, se limiter seulement aux questions d'embauché. Elle renvoie plus largement à une analyse des besoins spécifiques des clientèles à desservir et à une évaluation, dans cette perspective, des services offerts. Elle nécessite une adaptation de l'offre de services aux besoins de la clientèle dans les termes que nous avons décrits plus hauts. Une telle approche exige que des objectifs de rattrapage soient fixés là où ils sont requis. En bout de ligne, une évaluation de ce rattrapage devra être faite par une comparaison des clientèles rejointes par rapport à celles visées lors de la définition des objectifs.

Dans ce cadre, la Commission des droits de la personne aimerait situer ses recommandations en regard des objectifs de l'avant-projet de loi relatifs à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et leur mode de réalisation. Nous aimerions, tout d'abord, vous signaler la disparition de l'article 5, qui était dans la loi actuelle et qui énonce le principe de non discrimination dans l'octroi des services de santé et des services sociaux mais qui ne figure plus dans l'avant-projet de loi actuel. L'article 5 se lit comme suit: "Les services de santé et les services sociaux doivent être accordés sans distinction ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les moeurs ou les convictions politiques de la personne qui les demande ou les membres de sa famille". Bien sûr, avec la promulgation de la Charte des droits et libertés en 1976, cet article était devenu, en grande partie, superflu. Il y aurait lieu, toutefois, de noter que rénumération des motifs interdits de discrimination diffère de celle de la Charte des droits et libertés. Elle inclut, par exemple, les moeurs d'une personne parmi les motifs interdits. Or, nous estimons que l'absence de toute référence à l'interdiction de discrimination fondée sur les moeurs dans l'avant-projet de loi enlèverait la protection dont peuvent jouir certaines personnes susceptibles d'être victimes de discrimination comme, par exemple, les toxicomanes, les alcooliques invétérés, les sidéens, etc. Aussi, nous aimerions proposer, en vue de combler une telle lacune, d'amender le deuxième paragraphe de l'article 2 comme suit: Rendre accessible à toute personne, quelles que soient les causes de sa maladie, de manière continue, etc.

La Commission des droits de la personne souscrit aux objectifs définis à l'article 2. Elle soumet toutefois que, pour être atteints, ces objectifs doivent être traduits dans des impératifs organisationnels. Une réponse aux besoins dans une perspective du "cas par cas" ne peut que faire surgir très rapidement les limites évoquées par l'article 4 de l'avant-projet de loi qui se lit comme suit: Toute personne a droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois, scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources humaines, matérielles et financières des établissements qui dispensent ces services". Comme on vient de le voir, ces limites pourraient difficilement être invoquées si l'on n'a pas développé les mesures organisationnelles nécessaires pour éviter les effets discriminatoires dans la distribution des services sur certains groupes de personnes. Compte tenu de ces exigences, il nous apparaît important que l'article 21, qui précise le rôle des établissements et de leurs centres, reprenne le plus explicitement possible les caractéristiques des services définis à l'article 2. À savoir: leur accessibilité et leur continuité, leur adaptation aux besoins et aux caractéristiques de la population, leur accessibilité linguistique. Ainsi, la Commission recom-mande-t-elle la modification de l'article 21 dans les termes suivants: Les établissements ont pour mission de fournir aux bénéficiaires des services de santé et des services sociaux de qualité qui soient continus, accessibles et adaptés aux besoins des individus et aux particularités de la population, tels que précisés aux paragraphes 2°, 3° et 4° de l'article 2 de la présente loi et à cette fin, de gérer avec efficience les ressources humaines, matérielles et financières et de collaborer avec les autres intervenants du domaine de la santé et des services sociaux. (17 h 45)

Comme, par ailleurs, les mesures devant faciliter l'accès aux services devront être définies en fonction de la clientèle précise, la Commission s'inquiète de l'absence de définition, dans l'avant-projet de loi, de la notion de communauté culturelle qui apparaît au paragraphe 4 de l'article 2. Certes, il ne s'agit pas d'une situation nouvelle, puisque la notion n'a reçu à ce jour aucune définition législative. Toutefois, son utilisation dans divers énoncés de politiques ou législations, et plus spécifiquement en référence à des organismes créés à l'Intention des communautés culturelles, réfère clairement aux communautés distinctes des Amérindiens, des communautés d'origine française ou britannique. Par contraste, l'utilisation de la formule "pour les différentes communautés culturelles du Québec", au paragraphe 4 de l'article 2 de l'actuel avant-projet de loi, ouvre la voie à une

définition beaucoup plus large, chaque citoyen pouvant se réclamer membre d'une communauté culturelle. Divers groupes représentant des communautés minoritaires nous ont confirmé qu'une telle interprétation leur avait été donnée en milieu autorisé. En conséquence, la Commission recommande l'insertion dans la loi d'une définition de la notion de communauté culturelle qui soit conforme au sens de ce terme dans les politiques et programmes développés à l'intention de ces communautés. Elle devrait, de ce fait, viser minimalement la minorité ethnoculturelle et raciale dans la société.

De plus, la Commission considère que le fait d'assurer, dans le texte de l'avant-projet de loi, une représentation adéquate des diverses composantes de la population à desservir au plus haut niveau administratif constitue une garantie de base pour la réalisation des objectifs visés par l'avant-projet de loi. À cet égard, les objectifs de représentation dans les conseils d'administration des établissements publics explicités à l'avant-projet de loi lui paraissent tout à fait adéquats. Quoique... Pardon, inadéquats. Quoique louable que puisse paraître la volonté d'y voir représentés premièrement, les personnes âgées au sein des conseils d'administration des établissements de chaque territoire de Centre local de services communautaires et deuxièmement, les parents des bénéficiaires d'un établissement au sein du conseil d'administration des établissements de chaque territoire de centre de services sociaux, une telle approche énuméra-tive ne lui paraît pas servir les objectifs souhaités d'une telle représentation. La Commission recommande plutôt l'insertion d'un article chapeau, au deuxième paragraphe de la première section du chapitre, qui préciserait cette obligation de représentation. Cet article pourrait être stipulé comme suit: La composition des conseils d'administration décrite aux article 49 et 50 devra refléter adéquatement les particularités des populations desservies.

Le Président (M. Joly): M. Lachapelle. M. Lachapelle: Ce même type d'article...

Le Président (M. Joly): Excusez, M. Lachapelle, je vous inviterais peut-être à conclure.

M. Lachapelle: J'en ai encore pour quatre secondes.

Le Président (M. Joly): Parfait, merci.

M. Lachapelle: Ce même type d'article devrait se retrouver au chapitre I du titre IV qui institue les régies régionales de la santé et des services sociaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Lachapelle. Vous aviez bien minuté votre...

M. Lachapelle: Mais je n'avais pas la même montre que vous, probablement.

Le Président (M. Joly): ...présentation. Merci. M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Sirros: Oui, moi, je suis encore dans le texte.

Le Président (M. Joly): Ce n'est pas le même texte.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais remercier la Commission des droits de la personne pour leur présentation. Tout le mémoire est caractérisé par un souci évident d'assurer le respect des droits des personnes à l'intérieur de la dispensation des services, avec une attention plus particulière accordée aux membres de communautés culturelles. Je disais ici que ce serait un peu difficile de vous questionner, parce que je trouve que, finalement, vous venez beaucoup... Il y a comme une convergence de points de vue, finalement. Parce que si on reprend le document "Oritentations", ainsi que plusieurs autres projets qui ont été mis de l'avant par le ministère, on y retrouve beaucoup d'objectifs en commun, en ce qui concerne l'adaptation des services du réseau aux différents membres des différentes communautés culturelles. Je pense qu'on peut prendre votre présentation un peu comme un appui à cette démarche, un appui important. Vous rejoignez beaucoup les éléments qui ont été énumérés à la page 46, par exemple, du document "Orientations", pages 46 et 47, où on parie de cette nécessité d'adapter le réseau, même au niveau des autochtones, de la nécessité d'uautochtoniser", en quelque sorte, les services, en incitant les membres des communautés autochtones à s'intégrer au sein des différentes professions, pour pouvoir, par la présence du personnel dans les établissements, être en mesure d'offrir des services adaptés. Et je pense que c'est au niveau de cette possibilité d'envisager un véritable programme d'accès à l'égalité en emploi dans le réseau qu'on pourrait assurer, à moyen et à long terme, je dirais, la pérennité, en quelque sorte, des services adaptés. Moi, j'aimerais revenir peut-être sur deux choses. D'une part, vous mentionnez la nécessité de trouver une définition des membres des communautés culturelles. C'est une question que l'on a commencé à traiter. Est-ce que vous pouvez aller plus loin que la simple suggestion de trouver une définition? Est-ce que vous avez, à la Commission, regardé différentes possibilités en termes de définition? Et si oui, pouvez-vous nous en faire part? Sinon, accepteriez-vous peut-être de nous soumettre une suggestion?

M. Lachapelle: Justement. Mme Garon, alors qu'on regardait ensemble le mémoire, me disait:

Et si on vous demandait une définition...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lachapelle: ...qu'est-ce que vous pourriez donner? Oui. Effectivement, ce n'est pas une question facile. Vous savez peut-être qu'aux Nations Unies, pendant de nombreuses années, le comité de la Commission des droits de l'homme s'est penché sur cette question. Deux savants juristes ont remis des documents sur cette question. Le dernier en liste, c'était le juge Deschênes, qui a remis une définition qui est encore sur la table des Nations Unies, à savoir ce qu'est une minorité ethnique, une minorité culturelle... Bon. Cela dit, il reste qu'on peut tout de même arriver à avoir une définition qui soit convenable, qui soit, je dirais, québécoise des minorités culturelles. Et la Commission des droits de la personne a fait une étude assez vaste sur ce sujet, ces derniers temps. Je n'ai pas évidemment une définition, comme ça, en poche, mais on pourrait sûrement, à partir des études et des consultations que nous avons faites, vous fournir une telle définition des communautés culturelles. Parce qu'encore une fois, telle qu'elle est dans le texte actuellement, elle pourrait être un peu embêtante, tout le monde pouvant revendiquer d'être d'une communauté culturelle. Je viens d'une communauté culturelle; vous aussi... Chacun des citoyens appartient à une communauté culturelle. Et on imagine bien que l'objectif du texte de loi n'était pas de marquer chacune des personnes des communautés culturelles qui a droit à un service, ça me semble assez évident. On voulait donc cibler probablement des communautés culturelles minoritaires; mais le mot "minoritaires" n'est pas là. Je ne sais pas si Mme Garon peut ajouter... Si elle a elle-même une définition qu'elle pourrait nous proposer, comme ça, tout de go?

Mme Garon (Murielle): Non. Je pense que, toutefois, à l'occasion de la publicisation de la recherche qui est à peu près terminée, à peu près prête à être dévoilée, nous pourrons tenter de suggérer.

M. Sirros: On attendra...

Mme Garon: En tout cas, c'est un objectif à très court terme. C'est d'ici un mois ou deux.

M. Sirros: On attendra avec intérêt, et hâte, d'avoir la recherche et la définition.

Mme Garon: Oui. Mais quand même, je pense qu'il est très important de souligner, de rappeler que l'intention qui vous semble partagée - vous le signaliez - entre les rédacteurs du projet de loi et la Commission des droits de la personne nous paraît très diluée et même prête à disparaître, du fait de cette homogénéi- sation, finalement, du statut d'appartenant à une communauté culturelle, d'une part, et d'autre part, d'une certaine faiblesse que nous avons voulu signaler à l'effet qu'à l'article 21, qui définit très précisément le rôle des établissements, on ne retrouve pas très spécifiquement... Alors que quant à un établissement à définir son rôle, c'est l'article 21 qu'il regarde. Et nous voudrions que l'intention qui est définie à l'article 2 paragraphe 2 se trouve à l'article 21 et donc, qu'il y ait une référence. C'est-à-dire que les services au milieu de l'article 21...

M. Sirros: Donc, ils auraient la mission d'offrir des services qui seraient adaptés...

Mme Garon: Exactement.

M. Sirros: ...aux réalités socioculturelles et linguistiques.

Mme Garon: Ça me paraît important, parce qu'une loi ne parle pas pour rien dire.

M. Sirros: On a, dans la loi actuelle des dispositions, par exemple - ce qui a été reconduit dans l'avant-projet de loi - qui prévoient qu'un conseil régional doit soumettre, pour approbation au gouvernement, un plan de service pour des personnes d'expression anglaise. C'est suite à la loi 142 que ça a été mis là-dedans. Quelle serait la réaction de la commission, s'il y avait en plus un article de loi qui prévoierait, par exemple, qu'une régie régionale soumettrait, pour approbation au gouvernement, un plan régional de services pour les communautés culturelles. Sur le plan légal, d'une part, ou sur le plan de... Votre mémoire, finalement, dit: Nous voulons nous assurer que cette question de l'accessibilité pour les membres des différentes communautés culturelles dans le réseau de la santé et des services sociaux soit prise en compte à l'intérieur même du fonctionnement du système, dans sa planification, dans sa distribution des services, dans l'engagement de son personnel, pour que "accessibilité" veuille aussi dire "consommation possible de services". Comment réagissez-vous à l'idée d'introduire, dans la loi même, un article qui appelle la préparation d'un pian de services. D'une façon prévue dans la loi?

M. Lachapelle: Et sous une forme, d'une certaine façon, obligatoire, plus que laisser seulement...

M. Sirros: Une obligation de soumettre au gouvernement, pour approbation, un plan d'accessibilité à des services, dans lequel serait spécifiée la nature de ces services, et à qui ils seraient disponibles, à quelles communautés. Un peu comme le parallèle qui existe actuellement

pour les services en langue anglaise.

M. Lachapelle: Oui. Vous savez... D'abord, une première remarque. Dans la Charte des droits et libertés, on prévolt déjà, à l'article 86.1, qu'un programme d'accès à l'égalité peut être prévu en emploi dans les services de santé, dans les services sociaux et dans tout autre service offert au public. Donc, on a là une ouverture qui vient de mettre à l'abri, si vous voulez, des questions de chartes. Donc, c'est déjà inscrit dans la Charte des droits et libertés. Il n'y a donc pas de difficulté à ce que, dans une autre loi, on puisse aller inscrire, de façon spécifique, la prévision de plans et de programmes d'accès à l'égalité, en matière d'accès à la santé.

D'autre part, nous croyons, à la commission - et l'étude nous l'a démontré - qu'il y a beaucoup de travaux qui ont été faits en matière d'accès à l'égalité. Je pense que, M. le député, vous avez été à même de le constater, en faisant une étude sur ce sujet-là que dans beaucoup d'hôpitaux, dans beaucoup de centres, dans beaucoup de centres d'accueil, on a fait des travaux à ce sujet-là. Et qu'il y a beaucoup de travail qui se fait, actuellement. Mais nous croyons qu'il doit y avoir un incitatif un peu plus puissant pour faire décoller, de façon plus vivante, ces programmes d'accès à l'égalité en matière de services de santé. Donc, nous venions d'un très bon oeil l'insertion, avec obligation de produire de tels plans.

Mme Garon: J'ajouterais même qu'il est très important de se rendre compte que des programmes d'accès à l'égalité, dans le domaine des services sociaux et services de santé, ça ne peut pas se limiter à des programmes d'accès à légalité en emploi. Quand vous avez parié de programmes d'accès à l'égalité, tout à l'heure, vous avez dit "programmes d'accès à l'égalité en emploi". Ce qui renverrait à cette idée que, pour répondre à des besoins des communautés culturelles, par exemple, ou des personnes âgées, ou des handicapés, ça prend des personnes des communautés culturelles dans la main-d'oeuvre qui dessert une certaine population.

Nous croyons qu'effectivement, ça doit se faire, et qu'un programme d'accès à l'égalité en emploi, c'est une possibilité d'une représentation parmi le personnel d'un établissement, une entreprise ou d'un centre de services sociaux, une représentation qui corresponde à la disponibilité de la main-d'oeuvre sur le marché du travail. Pour nous, les programmes d'accès à l'égalité dans le domaine de la santé, ça ne veut pas dire uniquement programmes d'accès à l'emploi. Le programme d'accès à l'emploi, c'est permettre à des gens, qui ont une certaine compétence et qui appartiennent à des minorités qui sont victimes de discrimination, d'accéder à l'emploi.

Là, le problème doit être vu d'une façon différente. Et c'est un peu le visage nouveau qu'on a voulu donner, l'extension nouvelle à une notion de programme d'accès à l'égalité. Pour nous, dans ce cas-là, ce qu'il s'agit de faire, c'est d'assurer aux personnes qui font partie de la population et qui ont besoin de services de santé d'avoir des services qui correspondent à leurs besoins. Ce n'est plus de l'emploi, ce sont des services de santé. Voilà. (18 heures)

On a essayé d'analyser comment on pourrait transposer aux situations des services de santé ce regard sur les programmes d'accès à l'égalité en emploi. Alors, on se dit: Comment on fait ça? On a un canevas pour analyser les emplois qui nous amène à évaluer, d'une part, la représentation du groupe et d'autre part, à la comparer à la représentation de ce groupe dans la main-d'?uvre, en général. Actuellement, nous considérons que, pour les questions de santé, transposer cette préoccupation, c'est examiner des besoins dans la population et voir comment on y répond dans les services de santé. Pour définir une programmation qui permette de répondre à ces besoins, d'une part, il faut qu'il y ait une sensibilisation des personnes qui sont au plus haut niveau - c'est une exigence que nous croyons absolument nécessaire - et d'autre part, il faut évaluer ces besoins-là, il faut faire des études de besoins et de ressources nécessaires. Éventuellement, l'embauche de personnel de ces communautés-là peut être une des ressources qui permette de répondre aux besoins; mais on n'aura pas nécessairement des Portugais pour répondre aux besoins des Portugais, des Grecs pour répondre aux besoins des Grecs et des Chinois pour répondre aux besoins des Chinois. Ce qu'il faut, c'est qu'on ait un service qui soit adapté. Ça demande beaucoup plus. Ça demande, au-delà de l'embauche de personnel de communautés culturelles, une sensibilisation de l'ensemble du personnel à des problèmes qui peuvent se présenter.

M. Sirros: Je suis tout à fait d'accord, mais il y a deux choses... Je ne sais pas si j'ai encore le temps...

Le Président (M. Joly): Encore quelques minutes, M. le ministre.

M. Sirros: II y a deux choses. D'une part, n'y aurait-il pas, par contre, certains services où ce serait souhaitable que ce soit culturellement adapté? Par exemple, je reviens avec la question des personnes placées pour soins chroniques en centre d'accueil ou en centre hospitalier, en centre de soins prolongés, issues d'une communauté culturelle x, qui voudraient se retrouver dans un milieu qui leur est familier et dans lequel elles pourraient se sentir un peu à l'aise, étant donné que, de toute façon, il y a une perte d'autonomie importante qui les amène à

être placées, etc. est-ce que ce serait un problème, à ce moment-là, d'avoir des services dispensés, par exemple, par des chinois pour des chinois, par des grecs pour des grecs, selon la charte et tout ça?

Mme Garon: Nous pensons, au contraire, qu'il y a une économie d'échelle. Prenez la question des personnes âgées, des immigrantes qui sont venues avec leur famille, qui sont restées dans des familles très refermées, qui n'ont pas appris la langue de la majorité et qui ont gardé leurs coutumes de base - par exemple, les coutumes autour de la nourriture - des coutumes de base qui font partie de la vie quotidienne...

M. Sirros: Nourriture, moeurs, culture, religion, etc.

Mme Garon: Exactement. Si elles ont à être placées en maison d'hébergement ou en centre d'accueil, plutôt que de les placer au hasard, effectivement, l'Idée de les réunir amène la possibilité de répondre à des besoins, de centraliser la réponse à leurs besoins. Au contraire, ça nous paraît une réponse tout à fait adéquate à ce genre de besoin. C'est pour ça qu'il est important de les définir, ces besoins. Ils sont diversifiés.

M. Sirros: S'il y avait une telle approche, il y aurait une protection par rapport à des accusations de discrimination. Par exemple, en disant qu'on exige que quelqu'un soit sensibilisé à cette réalité pour pouvoir travailler dans un tel centre.

Ce qui amène ma deuxième question. Vous avez mentionné tout à l'heure que, dans toute la question de l'accès à l'égalité en emploi pour des membres des différentes minorités, souvent, ça dépend aussi de la disponibilité sur le marché. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, ou même si je la pose au bon endroit. Le problème, c'est comme un cercle vicieux, un peu. Souvent, il n'y a pas assez de gens formés pour accéder aux emplois; donc il n'y a pas assez de gens dans les endroits pour pouvoir adapter les services. Jusqu'à quel point, par exemple, est-ce qu'un programme d'accès à l'égalité pourrait même venir changer les règles du jeu mêmes, en quelque sorte des conventions collectives?

Je m'explique. Souvent, les gens sont dans la situation qu'ils ne peuvent pas engager quelqu'un qui n'a pas les compétences requises selon la description de poste. Même si cette personne-là acceptait d'aller les chercher, les compétences requises, de peur de créer un précédent dans l'application des conventions collectives, qui aurait des effets bien au-delà de l'effet recherché, c'est-à-dire compenser pour le manque d'un certain type de personne dans le cadre d'emploi concerné... Est-ce qu'il pourrait y avoir une façon de protéger ce genre de programme qui permettrait, par exemple, l'embauche de personnes ayant certaines compétences pratiques qui accepteraient d'aller chercher les compétences académiques requises selon les conventions collectives, par exemple?

Est-ce que les programmes d'accès à l'égalité pourraient venir protéger contre la création de précédents à l'intérieur de l'application des conventions collectives?

M. Lachapelle: Je pense qu'on peut parler d'un autre aspect des programmes d'accès à l'égalité. Parce que l'on parle souvent des programmes d'accès à l'égalité en emploi et, dans ce cas-là, comme vous dites, souvent, on retombe dans le cercle vicieux. Quoique, en matière de programmes d'accès à l'égalité, on essaie d'aller chercher dans ces groupes disponibles, comme vous dites, des personnes qui ont des compétences, celles qui sont aptes, donc celles qui, dans un délai raisonnable, dans un délai relativement court, pourraient occuper des fonctions de personnes compétentes. Donc, il y a là une espèce de soupape dans les programmes d'accès à l'égalité mêmes, où on peut aller recruter des personnes aptes à...

L'autre aspect que vous mentionnez, et qui se rattache, justement, au programme d'accès à l'égalité - un autre genre de programme d'accès à l'égalité, en matière d'éducation - est extrêmement important. Justement, les études de la Commission des droits de la personne, dont Mme Garon vous parlait tantôt, se sont penchées sur cette question-là: Quel est le bassin potentiel, quels sont les éléments discriminatoires dans le système d'éducation, par rapport aux communautés culturelles? Parce que, là, cette fols, on renvoie au système d'éducation vis-à-vis les communautés culturelles. Je pense bien qu'on ne pourrait pas dire qu'un programme d'accès à l'égalité en emploi au niveau de l'embauche puisse faire fi des compétences des gens et des exigences minimales qui, encore une fois, doivent être révisées dans un programme d'accès à l'égalité, pour être bien sûrs que les compétences que l'on requiert ne sont pas exagérées. Mais on ne pourrait pas faire fi des compétences des personnes, dans un programme d'accès à l'égalité à l'embauche. Mais, par ailleurs, II faut intervenir au niveau du système d'éducation.

Mme Garon: Mais, d'autre part, pour ce qui est de l'embauche des femmes, par exemple, la question s'est déjà posée. Et la question d'avoir la possibilité d'obtenir de la formation en cours d'emploi peut être définie comme une façon de contrer un effet discriminatoire; et toute la notion de formation en cours d'emploi peut être examinée. Mais, si on se rend compte effectivement, dans une convention collective, d'une exigence qui paraît exorbitante par rapport à un groupe, il y a toujours possibilité d'intervenir à

ce niveau-là. Et, dans un programme d'accès à l'égalité, l'examen de l'ensemble des conditions, des situations d'emploi, du système d'embauché, et la convention collective font partie, sont en fait périphériques au système d'embauché. Donc, c'est un élément qui peut être examiné.

Le Président (M. Joly): Merci. Dernière question, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Sirrot: J'ai une dernière question. À la page 3 de votre mémoire, vous soulevez la question de la disparition de l'article 5 de l'ancien projet de loi, qui est l'article qui parle des services de santé qui sont donnés sans discrimination; effectivement, on ne retrouve pas cet article-là dans l'avant-projet de loi. La raison, c'est qu'il a été estimé que, étant donné que la Charte est venue en quelque sorte offrir cette protection à l'ensemble des citoyens, on n'enlevait rien à la question en laissant tomber l'article. Vous ne semblez pas être tout à fait d'accord avec ça et j'aimerais vous entendre brièvement sur ça.

M. Lachapelle: Très brièvement, on y retrouve là les principaux motifs qu'on retrouve à l'article 10. Il n'en manque seulement qu'un: la discrimination fondée sur les moeurs. Et à cet égard, nous disons que celui-là, n'étant pas dans la Charte, ne couvrira peut-être pas certaines personnes sidéennes... Et c'est là qu'on dit qu'on pourrait amender l'article, l'article 2, pour qu'il se lise: Le rendre accessible à toute personne, quelles que soient les causes de sa maladie. Alors, à ce moment-là...

M. Slrros: Question très rapide

M. Lachapelle: ...il me semble que ça couvrirait l'ensemble, et ça couvrirait la question des moeurs.

M. Sirros: question très rapide. à ce moment-là, ça voudrait dire que cette loi-ci, la loi sur les services de santé et les services sociaux, irait plus loin que la charte?

M. Lachapelle: Sur cet aspect-là, oui. M. Sirros: Et, avec ça ...

Mme Garon: Elle allait plus loin que la Charte.

M. Lachapelle: Elle allait plus loin que la Charte, évidemment, avec "moeurs" qui n'est pas dans la Charte.

M. Sirros: O.K., c'est dans ce sens-là que vous dites que, en le retranchant, on diminue...

Mme Garon: On recule.

M. Sirros: ...ce qui existait. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. te Président. Il y a un bon nombre de questions qui vous ont été posées à la suite de votre contribution dans le document que vous avez déposé aujourd'hui, document extrêmement intéressant, sur l'exercice des droits des bénéficiaires. J'ai envie d'aborder la question d'une autre minorité ou d'autres minorités qui sont rendues invisibles, parce qu'elles ressemblent trop à la majorité. Je trouve absolument intéressante la partie de votre mémoire qui concerne l'accommodement des services, et le rappel que vous faites ici au législateur que la notion d'accessibilité doit donc faire l'objet d'un examen sérieux et que, ce dont il faut s'assurer, c'est que ces services sont véritablement accessibles, c'est-à-dire non seulement disponibles, mais consommables par tous. Est-ce que vous considérez - et ce n'est pas un jugement de la Commission des droits que je veux avoir, mais plutôt une opinion, un avis -que dans le cas d'un résidant d'une région périphérique qui, par manque d'effectifs, par manque de ressources humaines, par manque de tout ce que vous voudrez bien énumérer n'a pas accès à un certain nombre de services, et qui souffre donc d'un préjudice suite à cela, qu'il y a là une question de discrimination vis-à-vis cette personne? Par exemple, les personnes habitant les régions périphériques. Parce que vous vous intéressez, et à juste titre d'ailleurs, aux communautés culturelles, à tout l'imbroglio de la définition et de l'éclaircissement à obtenir; mais il y a de nombreuses communautés géographiques - il faut aussi mettre ça entre guillemets - qui ont des problèmes d'accès au niveau du consommable. L'universalité, la gratuité, l'accessibilité me semblent en prendre un coup très sérieux pour bon nombre de régions. Est-ce une cause de discrimination, à votre avis, le fait de ne pas avoir accès à un certain nombre de services, à un seuil de services dans une région périphérique donnée, par exemple?

M. Lachapelle: Sur la base de l'article 10 - pas de l'article 10, mais de la charte - si on parle spécifiquement de discrimination et si on voulait s'en tenir à une question strictement juridique, les motifs de discrimination sont inscrits dans l'article 10: L'exclusion préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, les convictions religieuses, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour y pallier. Donc, techniquement, sur la base de l'article 10, on ne

pourra pas dire que les personnes en milieux périphériques ou loin de centres hospitaliers qui peuvent donner des services convenables sont victimes de discrimination. Donc, une personne ne pourrait pas venir à la commission comme ça, techniquement, porter une plainte.

Toutefois, je peux peut-être vous rappeler l'article 45 de la Charte - et là, on n'est plus dans le domaine de la discrimination... Mais quand on lit, à l'article 45: Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et des mesures sociales prévues par la loi susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. " Nous, on pense qu'un niveau de vie décent, c'est bien sûr un niveau de vie où sa santé est protégée et où il reçoit les mêmes services que tout le monde à travers toute la province.

Sous ce chapitre-là, ça irait à l'encontre de la Charte. Même si on dit "des mesures prévues par la loi", les mesures prévues par la loi doivent être égales pour tout le monde. Elles ne doivent pas être différentes pour tout le monde. Dans ce sens-là, il y a évidemment, selon nous, une entrave à la Charte, s'il n'y a pas de service adéquat ailleurs.

M. Trudel: Est-ce qu'on vous a déjà soumis, à la Commission, des cas d'apparente discrimination, compte tenu de l'absence de services ou encore souvent -je le mentionne dans la même question - compte tenu des coûts qui sont entraînés pour pouvoir jouir d'un service, pour qu'il soit consommable. Par exemple, un résidant d'une région périphérique - je peux vous parler ici d'une région comme l'Abitibi-Témiscamingue ou le Bas-du-Fleuve - qui demande d'aller consommer des services ultraspécialisés dans une région plus centrale. Et je ne parle pas d'un transfert établissement-établissement pour un diagnostic ou pour qu'il puisse bénéficier d'un traitement unique, qui ne demanderait qu'une visite.

L'universalité et l'accessibilité me semblent drôlement mises en cause quant à ce que l'usager doit débourser, lui, contrairement à d'autres résidants, pour aller consommer ce service-là. Est-ce que ça vous apparaît aussi être un motif de discrimination et croyez-vous qu'il devrait y avoir des mentions spécifiques dans la loi pour prévoir cette espèce d'universalité? J'appellerais ça comme ça - on trouverait les définitions plus tard - l'universalité minimum d'accessibilité.

M. Lachapelle: Encore une fois, ce n'est pas discriminatoire. Bien sûr, tout le monde est au courant, et chaque fois que je rencontre des groupes de personnes handicapées, en régions ou ailleurs, on me parle toujours de la difficulté d'avoir des services sur place pour ne pas être obligé de prendre l'avion ou des moyens de transport extrêmement coûteux pour se rendre dans un hôpital de Montréal ou de Québec. Or, ce problème-là nous est soumis régulièrement. Bien sûr, encore une fois, sur la base de l'article 10 de la Charte, ce n'est pas une question discriminatoire. Mais encore une fois, en termes du respect intégral de l'article 45 et de son principe, bien sûr, ce n'est pas là assurer un niveau de vie décent à une personne, si effectivement elle ne peut pas avoir des services adéquats et de qualité dans une région immédiate. (18 h 15)

M. Trudel: Toujours quant à l'exercice des droits des personnes, des bénéficiaires, des usagers, de la population, est-ce que vous avez examiné la question du traitement - qu'on appelle vraiment le traitement des plaintes -d'un bénéficiaire ou d'un usager ou usagère qui pense avoir été lésé dans l'accès des services qui lui ont été fournis, ou par l'absence de ces services, selon le cas? Est-ce que vous avez regardé ça, le mécanisme des plaintes actuelles et prévues dans la loi?

M. Lachapelle: Non, nous n'avons pas examiné cette question-là. La Commission des droits de la personne, comme vous le savez peut-être, a le mandat de faire enquête dans les cas où les personnes subissent de l'exploitation, soit par leurs proches, soit même par des centres d'accueil, des services d'hébergement. La Commission n'a jamais examiné cette dimension, si vous voulez, de la protection accordée aux personnes par rapport aux services qu'elles peuvent recevoir.

Nous avons une petite étude, à la Commission, qui date déjà de plusieurs années, mais qui est probablement encore vraie. On ne pense pas qu'on ait remédié à ces questions-là, mais je crois que ces questions sont souvent référées, soit au Protecteur du citoyen, soit à l'Office des personnes handicapées. Et peut-être que sous ce chapitre, ce qui était suggéré par le Protecteur du citoyen devrait être mis de l'avant, c'est-à-dire essayer d'avoir, dans chacun des établissements, des ombudsmen; peut-être même devrait-on élargir leur pouvoir, leur donner davantage de prérogatives et de force dans l'organisation.

Mais on comprend que, de la façon qu'ils sont placés actuellement, les pouvoirs qu'ils ont reçus sont passablement faibles. Bien sûr, la Commission des droits de la personne a eu à faire des recommandations, à l'époque de cette enquête à Rivière-des-Prairies. Et la Commission avait suggéré, là aussi, la mise en place de certains services de protection ou de certains services de plaintes à l'intérieur de cette institution.

Mais on constate, encore une fois, actuellement - je veux dire, ce n'est pas l'objet d'une enquête mais, au moins, l'objet de discussions avec certains groupes de personnes - que ces services d'ombudsman dans ces institutions ne sont pas adéquats. Pour toutes sortes de raisons,

je pense, qui sont bien exposées dans le mémoire du Protecteur du citoyen.

M. Trudel: Notez, en passant, que le Protecteur du citoyen n'a pas mandat.

M. Lachapelle: II n'a pas mandat.

M. Trudel: II n'a pas mandat, il n'a pas juridiction auprès de ses clientèles, de ces personnes, parce qu'elles ne dépendent pas directement de l'administration publique gouvernementale. Donc, il y a une espèce de vide à quelque part qui fait en sorte que, actuellement, ce sont les Conseils régionaux de la santé et des services sociaux qui sont chargés de recevoir les plaintes. Et ce qui nous apparaît le plus important, ce n'est pas tellement de recevoir les plaintes, mais c'est le traitement de ces plaintes.

J'ai répété, à une couple d'occasions... Mais il faut que je le redise, ici, devant vous, pour... J'espère que ça peut vous chatouiller un peu, cette histoire-là. En matière d'exercice des droits, la pratique générale, usuelle d'un bénéficiaire qui pense avoir été lésé en termes de droit de services veut qu'il se présente à son Conseil régional de la santé et des services sociaux. La première chose qu'on va lui demander, bien sûr, c'est de décrire de façon détaillée en quoi il a été lésé.

Or, 20 % de la population québécoise ne sait pas écrire, sont analphabètes ou sont Incapables de s'exprimer. Alors, il y a là un droit fondamental de traitement. Il n'y a pas d'assistance à la personne pour le traitement de son droit pour lequel il aurait été lésé.

Deux questions, deux avis - pas des décisions. Deux avis à la Commission des droits de la personne. L'article du projet de loi qui prévoit que toute personne salariée, toute personne rémunérée par le système de santé et des services sociaux est exclue des conseils d'administration de tout établissement vous apparaît-il discriminatoire pour ces personnes pour lesquelles la loi interdirait d'exercer leurs droits fondamentaux - en termes de questions - dans le système de santé et de services sociaux, en siégeant à un conseil d'administration? Est-ce que ça vous apparaît discriminatoire?

M. Lachapelle: Est-ce que c'est discriminatoire, ou tout simplement... Parce que je fais une distinction entre être discriminatoire - c'est-à-dire, encore une fois, sur les bases de l'article 10 de ta Charte - et pouvant aller à rencontre de certains principes de la Charte; principes de démocratie, par exemple, que toute personne peut être élue ou être nommée à des postes.

M. Trudel: Est-ce que ça va à rencontre de la Charte?

M. Lachapelle: D'après moi, oui. Ça m'ap- paraîl. Nous avons déjà fait des représentations dans d'autres secteurs d'activités. Dans le monde scolaire, par exemple, où on ne permet pas, si ma mémoire est bonne, au gérant d'une municipalité, par exemple, de se présenter un jour à un poste de conseiller. À ce moment-là, nous avions dit que ça allait à rencontre des principes de la Charte.

Écoutez, on pourrait peut-être pousser plus loin l'Investigation et vous répondre plus précisément à ce sujet-là. Je ne voudrais pas... Vous m'avez dit que vous ne vouliez pas avoir d'opinion juridique. Je vous donne un petit déblayage sur la question, mais on pourrait peut-être aller plus loin, si cette commission désire qu'on regarde davantage la question.

M. Trudel: Toujours dans la même veine, est-ce que l'article prévoyait une limite dans l'exercice des mandats de direction d'établissement ou d'institution? Deux mandats... Deux mandats de quatre ans. Est-ce que ça aussi, eu égard à la Charte, ça vous apparaît une discrimination, par rapport à ces personnes, de limiter les mandats que l'on peut exercer à la direction d'un établissement dans les systèmes de santé et les services sociaux? Eu égard à la Charte, là.

M. Lachapelle: Une réponse rapide: j'en douterais beaucoup. Ce serait la même chose pour le président de la Commission des droits de la personne, qui a un mandat limité par l'Assemblée nationale à un maximum de 10 ans. Est-ce qu'il pourrait se plaindre de discrimination à la Commission des droits de la personne? J'en douterais beaucoup.

M. Trudel: Ça ferait partie des conditions d'emploi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lachapelle: Ça fait partie des conditions d'emploi.

M. Trudel: Merci. Je n'ai plus d'autres questions. Sur la question de la participation des employés et des salariés dans les systèmes de santé et les services sociaux, si jamais vous avez de la documentation, je souhaite vraiment que vous me la fassiez parvenir. Faites-là parvenir au ministre, et envoyez-moi une copie conforme. On sera plus rassurés quant aux possibilités; si le ministre refuse de l'examiner, bien, on sera là pour poser les questions là-dessus. Alors, merci beaucoup de votre contribution. Je souhaiterais recevoir cette documentation. C'est un avis, en termes de contenu, qui est extrêmement intéressant. Je le redis, en terminant et en vous remerciant: cette notion d'accessibilité, à partir de la définition du consommable, c'est un aspect extrêmement important de ce que nous avons à

faire comme examen de ce projet de réforme des services de santé et des services sociaux au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Lachapelle: Merci.

M. Sirros: Simplement vous remercier et aller dans la même veine. Ce fut très apprécié. Merci.

Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette commission, moi aussi, je tiens à vous remercier.

Je voudrais aussi aviser les membres de cette commission de quelques modifications apportées à l'ordre du jour du jeudi 29 mars. Le CLSC de Bellechasse sera entendu à 17 h 30 au lieu de 20 heures; le centre Cardinal-Villeneuve, le centre François-Charron, le centre Louis-Hébert et l'Institut des sourds de Charlesbourg seront entendus à 18 heures au lieu de 20 heures; l'ajournement est prévu pour 18 h 30; et en ce qui concerne le centre hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis, l'audition a été reportée.

Alors, nous allons maintenant ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures, à la salle du Conseil législatif. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 23)

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