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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 4 décembre 1990 - Vol. 31 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 97, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Vingt heures six minutes)

Le Président (M. Gobé): La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Vous me permettrez de...

Bonsoir à tous. La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Vous me permettrez, étant nouveau président ce soir, de vous saluer et de me joindre avec vous. J'espère qu'on aura l'occasion d'étudier ce projet de loi dans la bonne humeur et la bonne collaboration de tous. Le but de la commission ce soir - je rappellerai le mandat - c'est de se réunir afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives. Nous étions rendus à l'article 12...

Y a-t-il des remplacements, ce soir, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudin (Gaspé) sera remplacé par M. Poulin (Chauveau); M. Chevrette (Joliette) par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles); M. Joly (Fabre) par M. Gobé (LaFontaine); Mme Marois (Taillon) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par M. Morin (Dubuc) et M. Williams (Nelligan) par M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon).

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup. Comme je le rappelais, le mandat de la commission est d'étudier le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives. Nous en étions à l'article 12. Y a-t-il des interventions sur l'article 12? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Loi sur les normes du travail

Mme Harel: M. le Président, je suis en train de raconter à ma recherchiste que ça m'énerve d'avoir trop de papiers autour de moi et que j'ai déjà entendu raconter l'histoire d'un député, dans les années soixante-dix, qui, lorsqu'il arrivait à son bureau, ici, et qu'il s'y trouvait un amoncellement de papiers, paniquait et s'en retournait, tellement en désarroi d'avoir trop de papiers. Alors les gens autour de lui avaient pris l'habitude de tout clairer, puis de lui en porter un par un. Vous voyez, là, maintenant, c'est vraiment le contraire, évidemment.

M. Bourbeau: m. le président, je peux raconter l'histoire d'un vieux notaire qui avait plein de papiers sur son bureau. un jour, pour lui faire plaisir, pendant ses vacances, ses assistants ont décidé de nettoyer son bureau. Quand il est arrivé, il a regardé son bureau et il a dit: Oh! Je ne me retrouverai jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Les normes du travail (suite) Le salaire

Mme Harel: Bon, alors, nous en sommes donc à l'article 12 qui traite de l'exclusion des travailleurs agricoles dans des fermes qui embauchent trois salariés et moins. Et sur cette question, M. le Président, j'ai ici copie de la lettre transmise au ministre par le président de l'UPA datée du 29 janvier 1990; d'autre part, un avis du CEGAQ, le Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec, Conseil qui recommande des modifications visant à permettre l'application graduelle de la loi au secteur agricole et jugeant l'avant-projet insuffisant.

Je ne sais pas si le ministre a pris connaissance de ces recommandations du Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que le comité de travail qui a été mis sur pied par le CEGAQ a envisagé divers scénarios et hypothèses d'application de la loi. Les recommandations qu'il fait sont le fruit des délibérations des membres qui se sont rencontrés lors de diverses séances de travail au mois d'août et au mois de septembre. La perspective développée par le Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec, c'est finalement de trouver les modifications qui permettraient de solutionner les problèmes reliés à la main-d'oeuvre agricole.

Je pense que, pour bien comprendre l'objet du débat que nous faisons présentement, il faut d'abord reconnaître qu'il y a un problème. Si on pense qu'il n'y a pas de problème avec la main-d'oeuvre agricole du Québec, alors là, évidemment, on passe à côté du débat de fond parce que nous, de ce côté-ci, on pense qu'il y a un problème. Il y a un problème quand des organismes viennent nous dire, comme ils l'ont fait au moment de l'étude de l'avant-projet de loi, qu'ils sont obligés d'importer de la main-d'oeuvre immigrante saisonnière pour la retourner une fois le travail complété. On pense qu'il y a un problème aussi quand la main-d'oeuvre québécoise s'exile en Ontario. Et comme le révélaient diverses études, notamment celle publiée dans la revue Le marché du travail de mai dernier et intitulée "Le travail agricole saisonnier", qui est une analyse effectuée par un professionnel du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, la

question qui est d'ailleurs posée dès le début de l'article qui donne les résultats de l'étude, c'est simple, c'est la suivante: Pourquoi les gens vont-ils en Ontario? À cette question, pourquoi les gens vont-ils travailler en Ontario dans le secteur agricole, on dit: "À première vue, le mouvement actuel de migration du Québec vers l'Ontario, alors que la demande de la main-d'oeuvre agricole est forte à la même période au Québec, présente un paradoxe qui laisse perplexe. Selon toute probabilité, il s'agit, pour une benne part, de cueilleurs et cueilleuses d'expérience qui auraient à leur actif plusieurs saisons en Ontario alors que des emplois dans le secteur agricole seraient disponibles ici, au Québec, durant la même saison."

Parmi les éléments à considérer, évidemment, M. le Président, il faut constater que plus de la moitié des gens, donc des Québécois qui se déplacent ainsi du Québec vers l'Ontario, bénéficient de subventions de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, dans le cadre d'un programme d'aide à la mobilité géographique. Alors, on les subventionne pour qu'ils aillent cueillir en Ontario pendant qu'il y a une forte demande ici, qui nécessite de faire venir du personnel immigrant.

Mais le chercheur prend bien soin de nous dire que ça n'explique pas totalement la décision de se rendre dans une autre province, la question des subventions, alors qu'il faut, avec armes et bagages, se déplacer pour quelques semaines seulement. Et là, ce sur quoi insiste l'étude, c'est qu'au Québec les emplois sont beaucoup plus précaires, d'abord à cause de l'intempérie; parce qu'on a à peu près les mêmes conditions climatiques qu'en Ontario mais des intempéries plus fréquentes. Alors ça précarise plus l'emploi. Mais, d'autre part, le Québec compterait beaucoup moins d'infrastructures d'accueil et de logement pouvant attirer des gens en provenance de régions éloignées. Et puis, le mode de rémunération se présente sur une base horaire au Québec, sauf dans le cas des petits fruits et des pommes, où il serait plutôt à la pièce.

Et l'étude note que les individus salariés, travaillant en agriculture au Québec, reçoivent généralement le salaire minimum ou son équivalent. Cependant, il est possible que la main-d'oeuvre saisonnière soit en réalité défavorisée puisque les personnes engagées comme surnuméraires, dans le secteur agricole, ou employées pour les productions fruitières ou horticoles, sont exclues des dispositions sur le salaire minimum.

En conséquence, les producteurs du Québec peuvent, en toute légalité, offrir des conditions salariales inférieures au minimum légal ce qui ne peut pas être le cas en Ontario. Et je vous rappelle que, même avec le projet de loi qui est devant nous, est maintenue l'exclusion de l'application du salaire minimum, en vertu soit de la loi ou du règlement, pour les travailleurs sur numéraires ou encore pour les cueilleurs et cueilleuses en saison.

Alors... D'accord. On me souligne justement que les gens salariés travaillant aux récoltes de fruits, de légumes et de tabac en Ontario sont couverts par l'Employment Standards Act. Ces personnes ont donc droit au salaire minimum. Je vous rappelle que ce n'est toujours pas le cas au Québec, et ça ne le sera pas non plus en vertu du projet de loi qui est devant nous. De plus, si, en Ontario, elles effectuent 13 semaines chez le même employeur, elles peuvent bénéficier de certaines autres dispositions touchant les vacances et les jours fériés. Le principal mode de rémunération est celui à la pièce et il a été constaté que, règle générale, les salaires payés pour les récoltes ontarierines se situent légèrement au-dessus des taux minimaux. Donc, c'est un peu plus que le salaire minimum. À cela s'ajoute le fait que 40 % des producteurs ontariens disposent d'un système de primes et, en bout de course, il n'est pas irréaliste, dit l'auteur, de penser que le personnel salarié du secteur agricole saisonnier bénéficie globalement de meilleures conditions en Ontario par rapport à ce qu'offre le Québec. Alors, c'est donc dans la revue Le marché du travail, mai 1990, l'étude étant réalisée par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

C'est donc dire qu'il y a un problème relié à la main-d'oeuvre. Ce n'est pas que l'étude qui le dit. Nous avons, comme je vous le mentionnais tantôt, reçu notamment l'association des producteurs en serres qui est venue nous informer qu'elle faisait venir un peu moins de 1000 travailleurs immigrants, uniquement pour les fins de ses productions saisonnières.

Alors, les recommandations du CEGAQ, Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec, sont les suivantes. D'abord, la volonté de respecter le caractère universel et d'ordre public de la loi. Également, il faut manifester la volonté de réduire le nombre de dispositions discriminatoires à l'égard des salariés agricoles de manière à ce que ça devienne des salariés comme dans n'importe quelle entreprise. C'est comme un vestige des temps anciens de vouloir donner une sorte de caractère particulier au secteur agricole. C'est étonnant. Je me rappelle la commission parlementaire de l'éducation qui, il y a trois ans maintenant je pense, avait entendu le ministre de l'époque recommander une fréquentation scolaire - pour les élèves d'âge où la fréquentation est obligatoire - différente dans les secteurs agricoles, comme à l'époque où les producteurs gardaient les enfants à la maison pour pouvoir les utiliser sur la ferme. Ça, ça fait partie des vestiges du temps passé et puis il me semble que, pour le bénéfice du secteur agricole - qui est un secteur économique important au Québec, moins en termes de création d'emplois que le secteur forestier ou le secteur industriel mais qui est un secteur économique important -

il me semble qu'à l'aube de l'an 2000 il y aurait intérêt à revaloriser ce secteur-là en accordant aux personnes qui y travaillent le statut de salarié, au même titre que les autres salariés du Québec. Et, à cet égard, les recommandations, donc, sont à l'effet d'affirmer clairement la revalorisation du métier agricole en prévoyant une application graduelle de l'ensemble des normes prévues à la loi des normes du travail.

Alors, quant à l'article 12, la recommandation sera la suivante: Considérant la volonté de respecter le caractère universel et d'ordre public de la Loi sur les normes du travail; considérant la nécessité d'assurer à toutes les personnes salariées une égale protection de la loi, à moins de raisons importantes ou urgentes qui se justifient dans le cadre d'une société libre et démocratique; considérant l'intérêt d'éliminer aussitôt toute disposition discriminatoire que contient le projet de loi 97, considérant que la majorité des producteurs agricoles respectent déjà les conditions de travail contenues dans la loi actuelle, tout comme les modifications prévues dans l'avant-projet - au dire même du président de l'UPA dans sa lettre au ministre André Bourbeau, en date du 29 janvier 1990; le président de l'UPA mentionnait que, de toute façon, c'est la majorité des producteurs qui respectent notamment le salaire minimum, en tout cas les clauses concernant le salaire minimum en matière de travail - considérant l'intérêt d'assurer l'assujettissement de l'ensemble des salariés agricoles à la loi sur les normes, parce que ça peut constituer un élément de solution indispensable au problème de main-d'oeuvre que connaît le secteur agricole québécois, nous recommandons, disait le CEGAQ, l'abrogation totale, dès le 1er janvier 1991, de toutes les dispositions discriminatoires contenues dans le projet de loi 97 à l'égard des salariés agricoles, dont notamment les articles 12, celui que l'on étudie présentement, et 16, paragraphe 2, et les articles 54, paragraphes 5 et 7, 77, paragraphe 6, 78, alinéa 2, et 88 de la loi actuelle, et enfin, l'article 2 du règlement 3, paragraphes 5 et 6.

Alors, nous n'avons pas l'intention de reprendre le débat lors de l'étude de chacun de ces articles mais nous souhaitons que le ministre nous indique, à ce moment-ci de nos travaux, dans quel sens il entend se réserver le pouvoir réglementaire qui lui permettrait d'assujettir le secteur agricole à la protection de la loi des normes. Le ministre s'est réservé ce pouvoir. Bon. Le ministre va nous dire qu'il y a une amélioration dans le projet de loi en regard de la loi actuelle puisque, auparavant, c'était l'exclusion globale. Bon. Et là, je le répète parce qu'il y a des nouveaux membres de la commission qui pourraient penser que l'Opposition n'en tient pas compte. Il faut qu'ils sachent que l'Opposition tient compte de ces timides améliorations, mais le projet de loi actuel exclut toujours les entreprises agricoles qui embauchent trois salariés et moins, en ajoutant le propriétaire et son conjoint ou son fils ou son père. C'est donc dire au moins cinq personnes à temps plein. Il y a peu d'entreprises agricoles au Québec qui utilisent plus de cinq personnes. Il y en a très peu d'entreprises agricoles.

On citait hier notre collègue d'Arthabaska qui a une entreprise agricole très importante, qui a nécessité un investissement de millions de dollars, et qui opère avec deux travailleurs parce que tout est automatisé maintenant. Il ne faut pas oublier que ces cinq salariés à temps plein peuvent être rejoints par des surnuméraires en saison. J'invite le député de Saint-Hyacinthe à se rappeler qu'il n'y a pas simplement...

Une voix: De Beauharnois-Huntingdon.

Mme Harel: De Beauharnois-Huntingdon. Donc, il n'y a pas simplement les salariés embauchés sur une base régulière. Il y a aussi, en vertu de la loi, possibilité - en excluant le salaire minimum et des heures de travail régulières de la semaine normale de travail - d'embaucher des surnuméraires. Et il y a la possibilité d'embaucher aussi du personnel pour la cueillette puisqu'on retrouve, à l'article 2 du règlement, la disposition suivante, au paragraphe 5: "Le salarié surnuméraire embauché sur une base occasionnelle pour les récoltes est également exclu." Alors, vous comprenez que ce qui semble, sur papier, être une amélioration pour les travailleurs agricoles, dans la réalité, va bénéficier à bien peu d'entre eux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, Mme la députée. M. le ministre. Je pense que la règle de l'alternance... Vous avez 20 minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis entièrement d'accord, mais entièrement d'accord avec ce que prône l'organisme connu sous le nom du CEGAQ. Je ne sais pas si c'est comme ça qu'on le prononce. La députée de Maisonneuve avait un accent un peu différent du mien, disons le CEGAQ. En fait, on peut résumer la proposition de l'organisme par la toute dernière phrase du mémoire qui dit: Somme toute - c'est comme ça qu'on conclut - une application graduelle et appropriée des normes du travail au secteur agricole bénéficiera, selon nous, à l'agriculture québécoise et à ses différentes composantes.

M. le Président, on ne saurait mieux dire. Et c'est pour ça que nous procédons de la façon dont nous avons rédigé le projet de loi. On aurait pu, dans le projet de loi, changer tout d'un coup le statu quo et insérer dans la loi des règles nouvelles qui auraient assujetti complètement tout le secteur agricole, d'un seul coup, à toutes les prescriptions de la Loi sur les normes du travail. Ça n'aurait pas été une application

graduelle et appropriée. Ça aurait été passer d'un régime dont on peut dire qu'il date un peu à un régime tout à fait avant-gardiste et qui aurait probablement été sujet à mettre en péril bon nombre de nos entreprises agricoles. Et je voudrais signaler que, dans le but justement de faire en sorte de provoquer une application graduelle et appropriée des normes, nous avons convenu de faire un premier pas; un premier pas qui vise à faire en sorte que, dorénavant, les petites fermes soient assujetties à la loi alors qu'elles ne l'étaient pas. C'est quand même un point important. Jusqu'à aujourd'hui, les petites fermes ne sont pas assujetties du tout à la loi.

On peut peut-être résumer en disant qu'une petite ferme, c'est une ferme qui compte trois employés ou moins. Celles qui comptent quatre employés ou plus, elles, sont assujetties à la loi dès maintenant, l'ancienne loi et la nouvelle. Donc, il n'y a pas de changement. Mais pour les petites fermes, dans l'ancienne loi, elles n'étaient pas assujetties à la loi; elles le seront dorénavant. Donc, un pas en avant, mais un pas qui n'est pas complet parce qu'on ne les assujettit pas à toutes les prescriptions de la loi. On ne les assujettit pas, par exemple, aux prescriptions relatives à la semaine de travail et au salaire horaire. (20 h 30)

Donc, deux exceptions. Ça, ça fait partie de ce qu'on considère comme devant devenir, éventuellement, l'objet d'une application graduelle et appropriée. D'ailleurs, je dois dire que nous avons soumis le rapport de l'organisme en question, le CEGAQ, pour considération, ou ministère de l'Agriculture du Québec. C'est quand même le ministère qui est le plus au courant de ce qui se passe au Québec, parmi nos ministères, en tout cas, en matière d'agriculture. Et le ministère de l'Agriculture nous dit ceci: Le ministère, contrairement à l'avis du CEGAQ, croit que l'approche réglementaire contenue dans la loi est plus appropriée à une application souple et graduelle des normes du travail au secteur agricole. Le ministère vous propose la formation d'un comité entre le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, comité ayant pour mandat de faire des recommandations pour une réglementation spécifique concernant certaines normes, avec les consultations qu'ils jugeront nécessaires.

Nous avons donc choisi cette formule qui vise à faire un premier pas dans la loi elle-même et d'autres pas, éventuellement, en ayant recours à une réglementation qui pourra être ajustée, modulée, graduée selon l'évolution de la conjoncture. Et j'aimerais vous dire, par exemple, que nous avons présentement des négociations. Il y a des négociations qui ont lieu présentement à Genève - c'est à Genève, je crois? C'est à

Genève, le GATT? - sur le GATT. Alors, les négociations du GATT portent, entre autres et surtout, sur l'agriculture. On ne peut pas présumer, à ce moment-ci, des résultats de ces négociations-là, mais certainement qu'il y aura des effets sur l'agriculture

Si, aujourd'hui, on coule dans le béton des décisions dans la loi - coulé dans le béton, évidemment, vous avez compris que je veux dire que si on met dans la loi des normes des critères définitifs qui nous lient pour l'avenir - peut-être qu'éventuellement on pourrait le regretter lorsqu'on connaîtra les décisions qui ont été prises au GATT. Il vaut donc mieux en mettre un peu moins dans la loi et se garder la souplesse nécessaire avec la réglementation.

Maintenant, pour ce qui est de l'Ontario. Tout à l'heure, la députée de Maisonneuve faisait l'apologie de l'Ontario, disant que l'Ontario traite beaucoup mieux les travailleurs agricoles du Québec, puisque les travailleurs agricoles du Québec, semble-t-il, s'y dirigeraient en très grand nombre J'aimerais quand même souligner qu'en Ontario - j'allais dire la culture mais on peut peut-être mélanger ça avec la culture maraîchère - les habitudes, disons, sont un peu différentes puisque, selon les études que nous avons faites, il appert que dans 61 % des cas on travaille à la pièce en Ontario, et non pas au salaire horaire. Ça aurait pour effet, semble-t-il, d'attirer davantage la main-d'oeuvre québécoise. Au Québec, on a une culture différente, des habitudes différentes; et semble-t-il qu'au Québec la tradition va dans le sens d'une rémunération horaire plutôt qu'une rémunération à la pièce, rémunération horaire qui tourne autour du salaire minimum.

Maintenant, quels sont les motifs qui expliquent l'intérêt des travailleurs québécois pour le travail en Ontario? Cet intérêt, semble-t-il, tient au genre de travail qui est proposé en Ontario et également au nombre plus grand de semaines proposé. Il y a un plus grand nombre de semaines qu'au Québec. Est-ce que le climat y serait pour quelque chose? Possiblement. Et, finalement, le total des gains accumulés est plus grand, ce qui, évidemment, avait pour effet d'attirer - et je dis bien "avait pour effet d'attirer - un grand nombre de Québécois. Parce qu'on constate une réduction importante du nombre de travailleurs québécois qui s'en vont en Ontario entre l'année 1988, où on en comptait 6000, et l'année 1990, où on en a compté environ 1900. Donc, il y a une réduction importante, depuis deux ans, des travailleurs qui se rendent en Ontario.

Alors, ce sont des observations additionnelles que je voulais apporter sur le sujet, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez demandé la parole, vous l'avez.

M. Bourdon: oui. m. le président, avant que, de l'autre côté, on me le dise, non, ii n'y a pas de ferme dans lo comté de pointe-aux-trembles, mais il y a une ferme serricole dans le comté de saint-henri, dont la députée est présente ici, et j'ai déjà vu une photo d'elle dans le journal local, dans cette serre qui avait l'air autant d'une serre que n'importe quelle serre. je ne sais pas si c'était avant ou après qu'hydro-québec leur ait donné un grand coup sur les tarifs.

Pour les nouveaux membres de la commission, disons qu'hier on a appris qu'en vertu de la loi une petite ferme pouvait compter, l'été, à la période des récoltes, jusqu'à 606 employés: les 3 personnes propriétaires de la ferme, les 3 employés permanents et réguliers et 600 surnuméraires, ce qui faisait une petite ferme de 606 personnes.

Donc, de la façon dont la loi est constituée, M. le Président, on parle de petites fermes, mais en pratique on parle de choses qui concernent la très grande majorité des fermes agricoles au Québec. Et, à cet égard, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec le document de l'Union des producteurs agricoles qu'on a devant nous. Et, même si nos amis de l'UPA soutiennent généralement des positions avec lesquelles je suis en accord, il me semble que celle-là ne résiste pas à un examen un peu serré. Je pense qu'à la page 4, où on dit qu'appliquer intégralement la loi sur les normes, parmi les effets néfastes - et je cite - "ça éliminera la relation de confiance qui est nécessaire au travail en agriculture" - fin de la citation - M. le Président, c'est y aller un peu fort. À 4,50 $ l'heure, il y aurait une relation de confiance et puis à 5,30 $ l'heure, ça éliminerait la relation de confiance entre les deux.

Et on parle aussi là-dedans de maintenir des relations de type familial. C'est sûr, M. le Président, que sur une ferme les employés - je ne parle pas quand il en a 606 ou 603 mais quand il y en a quelques-uns - habitent habituellement à la ferme. Et à l'heure du souper... Il y a un agriculteur qui me disait que dans les faits - puis il y a un homme politique qui a déjà dit que les faits sont têtus - la plupart des fermes agricoles sont tenues de payer, souven-tefois, plus que le salaire minimum, simplement pour attirer de la main-d'oeuvre et que le congé parental, par exemple, posait comme problème que pendant que la personne était en congé elle resterait à la ferme parce qu'elle s'y loge tout le temps, en plus. Ça, c'est le genre de choses qui peuvent être regardées comme types de problô mes. Mais, M. le Président, je trouve que la façon dont on exclut les 37 000 salariés agricoles qui sont en cause dans la loi, ça équivaut presque à mettre dans la loi que ces personnes pourraient être appelées à financer l'exploitation agricole, à la subventionner par leur travail. Parce que, en fait, soyons un peu pratiques, ça n'a pas de bon sens, je pense, de travailler à moins que 5,30 $ l'heure; la preuve, c'est qu'on a beaucoup de difficultés à trouver de la main-d'oeuvre qui va travailler à ces conditions-là. Et la façon dont c'est mis, c'est comme si les gens qui travaillent sur une ferme devaient subventionner la ferme par leur travail à bon marché. Alors que s'il y a des mesures de subventions - et puis il y en a en agriculture - c'est plutôt à l'ensemble de la population de les consentir, ces subventions, plutôt qu'aux personnes qui travaillent dans une exploitation agricole.

Maintenant, malgré tout le désir sincère du ministre de transformer la condition des travailleurs au salaire minimum, il me permettra d'être un peu sceptique quand il dit que la foi permet, par étapes, graduellement, par réglementation, d'assujettir les exploitations agricoles aux normes minimales. À cet égard, les gouvernements qui se sont succédés - alors, ça veut dire y compris celui issu du Parti québécois - n'ont jamais manifesté un zèle particulier à réglementer dans le sens des intérêts des personnes. Et, à cet égard, je mentionnerai juste un autre article qu'on a vu hier, où le gouvernement se réservait le droit d'établir par réglementation un fonds d'indemnisation pour les employés qui subissent des pertes de salaire à la suite d'une faillite. Alors ça, c'était il y a 11 ans, et il n'y en a pas eu. On ne se contera pas d'histoires. Et il y a quelque chose d'un peu illusoire à dire aux gens qu'on pourrait, par un acte de la princesse ou du prince, un jour, faire quelque chose pour eux. Et, en pratique, ce n'est pas ça.

Qu'on prenne la loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail, par exemple. Il y a 11 ans, encore là, on a adopté des dispositions disant que les travailleurs de la construction auraient droit à des préposés à la prévention et à des comités de chantier. Onze ans plus tard, il n'y en a pas. Alors les travailleuses et travailleurs n'ont pas envie, je pense, de chanter "Un jour mon prince viendra". Le prince sortant d'une réunion du cabinet lance son soulier à la princesse et Cendrillon met son pied dans le soulier parce que le prince a pensé à elle et, là, lui donne quelque chose. Je pense que, si on veut, oui, c'est vrai qu'il y a quelque chose là-dedans.

Une voix: C'est bien plus poétique qu'autre chose.

M. Bourbeau: C'est un poète, le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Absolument.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Pointe-aux-Trembles, si vous voulez continuer.

M. Bourdon: On peut sobrement être poétique. Je suis inspiré par le côté bucolique de

la discussion, le côté campagne, petits oiseaux, et tout et tout. Mais pour revenir à mon propos, M. le Président, on n'a pas, d'aucune manière, trouvé moyen d'indemniser les employés qui perdent du salaire à la suite d'une faillite. Et ça, j'ai une expérience personnelle de comment ça peut être difficile. La loi dit que le salaire est une créance privilégiée sauf que les banques se servent en premier. Je ne sais pas pourquoi mais la loi canadienne des banques a comme des dents et les gens perdent du salaire. Heureusement, le ministre disait, hier soir, que ça pourrait coûter cher d'indemniser les victimes de faillites. Le ministre des Finances nous a rassurés cet après-midi à la période de questions: II n'y en a pas gros de faillites au Québec et il y en a beaucoup en Ontario. Pourtant, en Ontario, ça pourrait être coûteux; ils ont annoncé des mesures pour indemniser les travailleurs victimes de faillites. Donc, la réglementation n'est pas venue là-dessus. Et je pense qu'elle ne viendra pas non plus pour ce qui est des travailleurs agricoles. Et je pense, M. le Président, que les travailleuses et travailleurs n'ont pas plus confiance en la formation d'un comité pour étudier la question. Parce que là, ça fait à peine 14 mois que je suis député et il y a à peu près deux réponses sur trois à la période de questions où on dit: II y a eu un comité de formé et il y eu une rencontre. Tous les ministres semblent être en comité et se rencontrent les uns les autres. C'est fou ce qu'on peut étudier! Sauf l'éducation et la main-d'oeuvre, et ça va venir. Mais s'il y a une dualité d'opinion, on forme un comité, il y a une rencontre, on étudie la question. Et je pense que ce n'est pas comme ça qu'on va venir à bout du problème. Moi, j'estime que le Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec établit assez clairement qu'on doit viser à intégrer la main-d'oeuvre agricole, à lui donner, par étapes, les avantages des normes minimales. Moi, je veux bien qu'il y ait des étapes mais ce qu'on a devant nous, c'est par réglementation, peut-être un jour. Et ça, je pense que ce n'est pas d'avance.

M. le Président, je ne pense pas qu'il faille attendre le bon vouloir du prince. Ce n'est pas la formation d'un comité - qui peut être valorisant pour les fonctionnaires qui en feraient partie à l'Agriculture - mais qui ne donnerait rien, je pense. Si on veut y aller par étapes, que la loi indique les étapes, qu'elle indique le calendrier, les échéances, et qu'on arrive à l'objectif recherché de couvrir, par les normes minimales du travail, 37 000 personnes qui ne le sont pas. Et je pense que ce n'est pas ça qui va rendre notre agriculture moins compétitive. Et je finis avec un propos, M. le Président. Il y a un ancien président de la CSN, Jean Marchand - vous voyez que je cite un libéral, une valeur sûre - qui disait à l'époque: Ce n'est jamais le temps pour les travailleuses et travailleurs parce que, quand il y a une récession, on dit: ce n'est pas le temps d'augmenter les frais des entreprises. et quand il y a de la croissance, on dit: la croissance, d'elle-même, va finir par les aider or, on a eu cinq années de croissance, et rien ne s'est fait à cet égard-là. et je pense qu'on ne créera aucun problème insurmontable - loin de là - à l'agriculture si on met que les normes minimales - qui sont minimales, comme leur nom l'indique - devraient s'appliquer aux travailleurs agricoles. et je finis en disant que je suis parfaitement d'accord avec la députée de hochelaga-maisonneuve pour dire que, dans ça, il y a quelque chose de mythique. quand on touche à l'agriculture, toute mesure de normalisation peut être comme d'introduire un bulldozer dans une église. c'est mythique. et je connais en ville.. parce que, dans mon comté, il y a des restaurants et des dépanneurs, des entreprises, puis il y en a qui sont plus forts que l'entreprise agricole moyenne, il y en a qui sont plus faibles; ils paient le salaire minimum, puis ils n'en meurent pas. (20 h 45)

Le Président (M. Gobé): Est ce que vous avez terminé, M. le député?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Gobé): je vous remercie beaucoup. m. le ministre, vous avez cinq minutes. non? alors mme la députée des chutes-de-la-chaudière, vous avez demandé la parole, si vous voulez procéder.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Écoutez, je n'ai pas les talents poétiques de mon collègue de Pointe-aux-Trembles mais j'aimerais quand même essayer de convaincre le ministre d'intégrer, en tout cas, d'essayer de faire un effort et d'agrandir un peu son petit pas pour essayer d'intégrer les travailleurs agricoles des fermes de trois travailleurs et moins, de façon à ce qu'ils soient couverts par la Loi sur les normes du travail. Je pense que notre rôle ici, en tant qu'Opposition officielle, c'est aussi de prendre la défense des travailleurs qui ne peuvent pas venir s'exprimer ici ce soir. Et on l'a fait pour les gardiennes, on en a parlé. On a parlé aussi pour les cadres supérieurs. On a eu des interventions dans les deux cas, et je pense qu'on est rendus maintenant aux travailleurs agricoles. C'est très important aussi que ces gens-là aient quand même... En tout cas, qu'on s'exprime pour eux. D'autant plus que, comme la députée de Hochelaga-Maisonneuve le disait tout à l'heure, d'après la lettre du président de l'UPA, il semble que les conditions - de toute façon, il n'y a pas de problème - sont remplies.

Disons que quand le ministre, tout à l'heure, nous disait que le CEGAQ... Moi, j'aimerais, sans.. Est-ce que ça va briser mon intervention? J'essaie d'avoir une explication. J'aime-

rais savoir, moi... Parce que le ministre nous disait qu'il avait eu un avis qui allait un petit peu dans le sens contraire, si j'ai bien compris, du ministère de l'Agriculture. Est-ce que j'ai bien compris?

Le Président (M. Gobé): Non, non. On peut le demander. M. le ministre, si vous voulez...

M. Bourbeau: L'avis ne va pas dans le sens contraire. L'avis du ministère de l'Agriculture nous dit que plutôt que d'inclure dans la loi elle-même... Pour ce qui est des objectifs recherchés, on est d'accord avec l'organisme, c'est-à-dire une application graduelle et appropriée des normes. Mais le ministère de l'Agriculture nous suggère de procéder par voie réglementaire, beaucoup plus souple pour effectuer cette application graduelle et appropriée, plutôt que par voie d'insertion dans la loi elle-même où c'est rigide et où on ne peut plus les changer une fois que les normes y sont. Alors, il vaut mieux mettre les normes dans la réglementation. Ça se change facilement, un règlement. On peut le changer à tous les trois mois. Alors qu'une loi, une fois que c'est voté, Dieu sait que ce n'est pas facile à changer! Regardez tout le temps que ça prend pour la changer.

Mme Carrier-Perreault: C'est une réforme importante, de toute façon, M. le Président, et je pense que ça vaut la peine qu'on s'y attarde. Quand on parle du CEGAQ, c'est le Conseil en économie et en gestion agricoles du Québec. J'avoue que je ne connais pas particulièrement l'organisme comme tel mais on dit aussi que c'est aux soins du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ça veut dire que c'est sûrement un comité ou un conseil. En fait, c'est un conseil qui travaille de près avec le ministère, si j'ai bien compris. Pourtant, ici, eux autres, c'est très clair dans leurs recommandations quand ils nous disent: Considérant la volonté de respecter, dans la mesure du possible, le caractère universel et l'ordre public de la loi; considérant la volonté de réduire le nombre de dispositions discriminatoires à l'égard des salariés agricoles que contient cette loi; considérant la volonté de revaloriser, aux yeux du grand public et des travailleurs potentiels, le secteur industriel, agricole, et les employeurs et les métiers agricoles; considérant la volonté de prévoir une application graduelle ou plus appropriée de certaines normes dans un secteur industriel jusqu'à maintenant peu soumis à de telles obligations légales, il nous recommande l'abrogation complète de cette disposition. C'est pour ça que, ici, eux autres, dans leur recommandation, ils ne tiennent pas du tout compte du règlement. Je voyais aussi - et ça, on en a parlé quand on a parlé des gardiennes, effectivement, et tout ça - par rapport à la commission des droits et libertés, ils nous disaient eux autres aussi, par rapport aux travailleurs agricoles, qu'une fois de plus on demeure en deçà de l'universalité. En effet, l'article 3.2 de l'avant-projet de loi prive ces travailleurs du bénéfice des dispositions de la loi relatives au salaire, à la durée du travail, etc. Et ils continuaient: Encore là, le motif d'exclusion est le genre d'emploi occupé, un des critères de la condition sociale. Bien qu'elle s'explique par des motifs économiques légitimes - dans le présent cas, le soutien aux petites entreprises agricoles - la discrimination, même lorsqu'elle n'est qu'indirectement fondée sur un motif illicite, ne devrait pas être cautionnée par la loi.

En fait, le député de Pointe-aux-Trembles vous disait qu'il n'a pas de ferme dans son comté. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve non plus. Je vous disais hier, M. le Président, qu'il y en a quelques-unes chez nous. Et puisque le président de l'UPA nous dit lui-même que ces conditions sont déjà respectées, pourquoi ne pas les garantir par la loi aux 37 000 travailleurs dont il est question présentement? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée. M. le ministre, pas d'intervention? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, vous aviez demandé la parole...

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gobé): II vous reste trois minutes et quelques secondes.

Mme Harel: M. le Président, ça va peut-être vous surprendre que l'on n'ait pas déposé d'amendement. C'est que, voyez-vous, nous souhaitons l'abrogation de cet article. Comme il n'est pas possible, je pense, de déposer un amendement qui supprime un article - parce qu'il ne s'agit pas d'un amendement mais d'une contre-proposition - nous allons donc demander un vote nominal sur l'article 12. Mais je veux, avant que nous procédions à ce vote, vous rappeler que l'avant-projet de loi, lors de sa présentation, le document qui l'accompagnait contenait une citation importante, qui était la suivante: "Par ailleurs, compte tenu de la modernisation des entreprises agricoles et de l'évolution du travail dans les fermes, il n'est plus indiqué de soustraire les personnes salariées des petites fermes de l'ensemble des dispositions et de la Loi sur les. normes du travail. Elles ne devraient être exclues, encore pour un certain temps, que des normes relatives à la durée de la semaine de travail et à la rémunération". Pour un certain temps. Ce que faisait l'avant-projet de loi et ce que reprend le projet de loi 97, c'est, d'une part, abroger l'exclusion générale, n'est-ce pas? Mais cette abrogation, elle est vraiment très très superficielle parce que, des 37 300 employés dans le secteur agricole, il y en

a seulement 3000 qui travaillent dans des entreprises qui comptent plus de 3 salariés. C'est-à dire que 92 %, ce n'est pas peu de chose... Exactement, les chiffres sont les suivants: 34 000 salariés agricoles au Québec travaillent sur des fermes utilisant 3 salariés et moins.

Donc, M. le Président, c'est vraiment comme une coquille législative vide; c'est de la poudre aux yeux, d'une certaine façon. On nous dit: II n'y a plus l'abrogation générale. Par ailleurs, il y a 8 %... C'est exactement 8 % des travailleurs agricoles qui seront couverts par la nouvelle loi sur les normes, sous réserve des exclusions. Qui seront couverts. Mais encore là, sous réserve des autres exclusions aux articles 54 et 78 qu'on verra plus tard. Mais 92 % d'entre eux n'auront, finalement, pas la protection de la Loi sur les normes du travail. Et puis, le seul impact significatif - et je termine là-dessus, M. le Président - et je demande à mes collègues de bien m'écouter parce que même pour les 8 %, ce n'est pas au 1er janvier mais au 1er avril que la mise en vigueur est reportée. Mais, encore là, le seul impact significatif, disent les experts, de l'adoption du projet de loi 97, c'est que dorénavant l'ensemble des employeurs agricoles aura à partir du 1er avril, à cotiser à la Commission des normes du travail. Alors les employeurs agricoles, eux, vont cotiser, mais les salariés agricoles, eux, n'auront pas les bénéfices de la protection de la loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. M. le ministre, vous avez terminé? J'appellerai maintenant l'adoption de l'article 12. Est-ce que...

Mme Harel: S'il vous plaît, un vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): On demande un vote nominal. Alors, nous appellerons donc les noms. Mme la secrétaire, si vous voulez faire l'appel des noms pour le vote.

M. Paradis (Matapédia): Est-ce qu'on vote sur des... ?

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député de Matapédia, le vote est appelé.

La Secrétaire: Alors, Mme la ministre, Mme Trépanier?

Mme Trépanier: Pour.

La Secrétaire: M. le ministre Bourbeau?

M. Bourbeau: En faveur.

La Secrétaire: M. Gobé (LaFontaine)?

M. Gobé: Pour

La Secrétaire: Mme Loiselle (Saint-Henri)?

Mme Loiselle: Pour.

La Secrétaire: M. Paradis (Matapédia)?

M. Paradis (Matapédia): Pour.

La Secrétaire: M. Philibert (Trois-Rivières)?

M. Philibert: Pour.

La Secrétaire: MChenail (Beauharnois-Huntingdon)?

M. Chenail: Pour.

La Secrétaire: Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière)?

Mme Carrier-Perreault: Pour., hum, contre. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Carrier-Perreault: J'étais sûre qu'on l'avait abrogé

Le Président (M. Gobé): Nous avions compris votre position, madame.

La Secrétaire: M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles)?

M. Bourdon: Contre.

La Secrétaire: Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Harel: Contre.

La Secrétaire: M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Atkinson: Pour.

Le Président (M. Gobé): Alors, l'article 12 est maintenant adopté. J'appellerai l'article 13. Mme la députée... M. le ministre, avez-vous des commentaires sur l'article 13.

M. Bourbeau: Et comment, M. le Président! Mme Harel: Juste avant, M. le Président... Le Président (M. Gobé): Mme la députée.

Mme Harel: C'est ça. Juste avant d'aborder l'examen de l'article 13, comme nous en sommes, M. le Président, à modifier la Loi sur les normes du travail par ce projet de loi 97 qui modifie la Loi sur les normes, j'aimerais attirer l'attention de la commission sur un amendement que nous voulons introduira ci l'article 40 do la Loi sur les

normes du travail. L'article 40 porte sur le salaire minimum et se lit comme suit: "Le gouvernement fixe par règlement le salaire minimum payable à un salarié." Le ministre n'a pas cru bon de modifier cet article 40, mais nous pensons qu'à l'occasion de la loi 97, qui modifie la Loi sur les normes, nous aimerions introduire un amendement qui se lirait ainsi: Projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et autres dispositions législatives. Le projet de loi 97 est amendé par l'addition, après l'article 12, de l'article suivant: "12.1 L'article 40 de cette loi est amendé par l'addition, à la fin, des mots suivants: "et le taux d'indexation annuel du salaire. Ce taux ne peut être inférieur à l'IPC." Alors, dorénavant, tel qu'amendé, l'article 40 introduit par l'article 12.1 se lirait comme suit: "Le gouvernement fixe par règlement le salaire minimum payable à un salarié et le taux d'indexation annuel du salaire. Ce taux ne peut être inférieur à l'IPC."

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...est ce que je peux parler sur le...

Le Président (M. Gobé): Oui. J'aimerais avoir l'amendement par écrit, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gobé): On peut toujours le faire distribuer...

Mme Harel: Certainement.

Le Président (M. Gobé): aux membres de cette commission avant de commencer à...

Mme Harel: Ah oui! Tout à fait.

Le Président (M. Gobé): ...pour qu'ils en prennent connaissance.

Mme Harel: Oui. Je suis certaine qu'une fois, en en ayant pris connaissance, nous obtiendrons...

Le Président (M. Gobé): On va suspendre une minute, le temps qu'on nous transmette...

M. Bourbeau: J'aimerais qu'on suspende, M. le Président, pendant quelques minutes, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, c'est ça. Je viens de suspendre, M. le ministre.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

(Reprise à 21 h 14)

Le Président (M. Gobé): La commission des affaires sociales reprend ses travaux. Si vous voulez prendre place. Nous étions à l'amendement à l'article 40, qui introduisait un nouvel article 12.1 ayant pour but de... "Le projet de loi 97 est amendé par l'addition, après l'article 12, de l'article suivant: "12.1 L'article 40 de cette loi est amendé par l'addition à la fin des mots suivants: "et le taux d'indexation annuel du salaire. Ce taux ne peut être inférieur à l'IPC".

Y-a-t-il des gens qui veulent plaider sur la recevabilité? Pour cinq minutes de chaque côté? Mme la députée, vous êtes la proposeure, alors s'il vous plaît, allez-y.

Mme Harel: Sur la recevabilité, M. le Président, je vous dirai simplement que ça concerne évidemment le secteur privé, et c'est là d'ailleurs un bel exemple de dispositions qui ne requièrent pas l'approbation du Conseil du trésor. J'en avais parlé au moment de l'ouverture des travaux de notre commission. Quelle chance, à ce moment-ci, où on connaît une récession économique, de pouvoir distribuer du pouvoir dans la société sans que la dictature de l'intervention du Conseil du trésor ne soit requise! On n'a pas référé, par exemple, il n'y a pas de prélèvement, il n'y a pas de charge, il n'y a pas d'imposition d'une charge par l'État, qui prélèverait à même un mécanisme quelconque des employeurs. Il ne s'agit pas de constituer une caisse, il ne s'agit pas de constituer, de financer une régie, il ne s'agit pas de financer une commission. Il s'agit simplement d'ajuster le salaire minimum que fixe le gouvernement, de l'ajuster annuellement à un taux d'indexation qui ne pourrait pas être en deçà de l'indice des prix à la consommation. L'État n'intervient pas, ni indirectement, ni directement, puisque la relation contractuelle n'existe qu'entre l'employeur et le salarié. Évidemment, au niveau public, il faut comprendre quo les lois qui régissent les employés du secteur public sont toutes conventionnées, notamment par diverses lois d'application. Alors, je ne vois pas comment il serait pensable de ne pas considérer recevable un amendement semblable.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, l'amendement proposé par la députée de Hochelaga-Maisonneuve vise à introduire dans le projet de loi que nous avons devant nous un nouvel article. Un nouvel article qui n'amende aucun des articles de notre projet de loi. Le projet de loi que nous avons devant nous ne traite pas du tout du sujet dont on veut traiter avec le nouvel article que tente d'introduire l'amendement.

Je voudrais attirer votre attention, M. le Président, sur l'article 244 du règlement, les Règles de procédure de l'Assemblée nationale, qui parte justement de l'étude article par article et qui dit que "la commission - des affaires sociales - saisie étudie chaque article du projet de loi et les débats portent sur les détails du projet - du projet de loi. "Les amendements doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise."

Alors, on étudie un projet de loi et on étudie chaque article. Les débats doivent porter sur les articles de ce projet de loi. Et si on amène des amendements, et c'est l'interprétation qu'on en fait de ce côté-ci, ils doivent se rapporter à l'objet visé par le projet et non pas à d'autres objets qui ne sont pas dans le projet de loi. Or, le salaire minimum ne fait partie du projet de loi 97. Il n'en est pas question. C'est un article qui existe dans la loi générale, mais qui n'est pas amendé et qui ne fait pas l'objet d'un amendement en vertu de notre projet de loi. Si nous avions voulu amender ou discourir sur le salaire minimum, on aurait introduit dans le projet de loi 97 un ou des articles traitant du salaire minimum et on aurait pu en discourir et l'amender. L'Opposition aurait pu suggérer des amendements. Le gouvernement a jugé bon de ne pas toucher au salaire minimum et, en conséquence, il n'y a aucun article dans le projet de loi qui s'y réfère. M. le Président, à cause de ça, nous sommes d'avis que l'amendement, bien sûr, est irrecevable. Voilà, M. le Président, les représentations que je voulais vous faire.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée... Mme Harel: Quand vous serez prêt.

Le Président (M. Gobé): ...s'il vous plaît. Vous avez quelques points à faire valoir.

Mme Harel: Oui, certainement. M. le Président, je voudrais invoquer un précédent qui s'est produit durant les travaux de cette commission pas plus tard qu'hier. Le président de la commission a reconnu l'admissibilité d'un amendement que nous avons fait. En fait, il s'agissait du premier amendement que nous avons déposé devant cette commission. Cet amendement consistait à remplacer les mots "l'homme et la femme" qu'on retrouvait dans la loi, et non pas dans le projet de loi, à les remplacer par les mots "les personnes", de façon à assurer aux couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, la protection de la loi. C'est donc dire, M. le Président, que si l'argumentation du ministre valait elle aurait valu à ce moment-là, parce que nous avons introduit un amendement qui modifiait la loi comme telle. Et on l'a introduit, vous vous rappelez la mécanique par laquelle on l'a introduit, on a plaidé la recevabilité et puis le président, député de Fabre, finalement, a acquiescé à l'admissibilité et nous avons modifié la loi. Nous avons modifié la loi.

La prétention du ministre, c'est que notre amendement ne serait pas recevable, parce que nous modifierions la loi et non pas le projet de loi. Mais je vous rappelle que le projet de loi a justement comme objet de modifier la loi. Et puis, quand le ministre me cite 244, je lui dis qu'il se met la corde autour du cou lui-même, parce qu'il cite 244 qui dit: "Les amendements doivent se rapporter à son objet et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise". Alors, je veux le croire là. Si je présentais un amendement sur les régimes supplémentaires de retraite, ou sur le programme APPORT, ou sur la disposition des surplus dans les régimes, je veux bien croire que ça ne porterait ni sur l'objet, ni ne serait conforme à l'esprit, mais l'objet du projet de loi qui est devant nous, quel est-il? C'est de modifier la loi. Et quel est l'objet de mon amendement, M. le Président?

C'est de modifier la loi.

Alors je vous rappelle que je ne pourrais pas imaginer, puis d'ailleurs, je pense qu'il va falloir faire appel certainement - comment dit-on? Il ne faudrait pas faire de précédent ici qui aurait des conséquences pour l'ensemble de tous nos travaux parce que, évidemment, il y a eu un précédent hier Là on reprend, et advenant que ça serait considéré comme non recevable, comme irrecevable..

Le Président (M. Gobé): Le député de Matapédia.

Mme Harel: ...la conséquence que ça aurait, ça serait de considérer que l'avant-projet, que le projet de loi n'a pas comme objet de modifier la loi. Le projet de loi a comme objet de modifier la loi des normes. C'est parce qu'il en est ainsi que le président, hier, a accepté un amendement qui modifiait le projet de loi.

Le Président (M. Gobé): M. le ministre

M. Bourbeau: Deux choses. La première chose, c'est que je dois dire que l'exemple de la députée de Maisonneuve ne vaut pas. Il ne vaut pas parce que, hier, il n'y a pas eu de précédent de créé. Et, aujourd'hui, ce n'est pas vrai, ce n'est pas exact qu'aujourd'hui on pourrait s'autoriser de ce précédent-là. Hier, quand la députée de Maisonneuve a proposé un amendement à l'article 1, nous avions dans le projet de loi un amendement à l'article 1. Donc, c'est un article qui est amendé. Et si vous prenez le premier article de notre projet de loi, c'est l'article 1 de la loi qui est modifié.

Donc, la loi 97 amendait l'article 1, et la députée de Maisonneuve a proposé un amendement à l'article 1. C'est correct. Il n'y a pas de problème avec ça. Ce n'est pas ça qu'on fait maintenant là. Vous ne pouvez pas invoquer un

précédent. Ce qu'on fait maintenant, là, c'est qu'on amende un article, l'article 40 de la loi, qui n'est pas du tout touché par le projet de loi 97. M. le Président, je pense que vous avez bien compris ce point-là.

Deuxièmement, je vous prie de relire l'amendement de la députée de Maisonneuve. Qu'est-ce qu'il dit, 12.1? L'article 40 de cette loi. De quelle loi parle-ton? De la loi 97 ou d'une autre loi? C'est d'une autre loi, M. le Président. Elle ne dit pas l'article 40 du projet de loi devant nous, ce qui serait intéressant et ce qui serait probablement recevable; elle dit l'article 40 d'une autre loi qui n'est pas le projet de loi devant nous. Alors si, M. le Président, vous acceptez cet amendement-là, ça veut dire que, dorénavant, un député peut arriver, n'importe où, lors de l'étude d'un projet de loi, et nous dire: "L'article 78 de la Loi modifiant la Loi sur les affaires municipales est amendé." Ce n'est pas la loi qu'on étudie. Mais si on pousse l'exemple à l'extrême - et je pense que, souvent, c'est important, c'est intéressant, justement, de démontrer une situation par l'absurde - on pourrait arriver avec des amendements qui modifieraient toute une série d'articles qui ne font pas l'objet de notre projet de loi. Elle pourrait arriver avec 75 amendements modifiant l'article 42 de l'autre loi, qui n'est pas notre loi, et des objets qui ne sont pas touchés par notre loi.

M. le Président, je suis convaincu, quant à moi, que cet amendement-là est irrecevable et, si jamais on devait accepter cet amendement-là, on ouvre une porte, M. le Président, qui va être... qui va donner lieu, dans l'avenir, à des abus incommensurables. Et je suis d'accord avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve que si l'amendement est accepté, M. le Président, il faudrait en appeler et aller vers d'autres instances.

Le Président (M. Gobé): merci, m. le ministre. m. le député de pointe-aux-trembles, vous avez demandé la parole. rapidement, s'il vous plaît.

M. Bourdon: Moi, M. le Président, c'est que j'écoute parler le ministre et je me dis que, d'une part, il cite d'une façon incomplète l'amendement qu'on a devant nous. C'est le projet de loi 97 qui est amendé par l'addition, après l'article 12, de l'article suivant et on a un nouvel article différent. Par ailleurs, si je suis le ministre, là où il veut nous entraîner, il dit qu'on n'a pas le droit d'amender, qu'on n'aurait droit que de sous-amender. Parce qu'il dit: II y a la loi, il y a le projet de loi. Nous, dans le projet de loi, on vient amender la loi et l'Opposition ne peut amender que ce que nous-mêmes on amende dans la loi. Donc, il dit que l'Opposition ne peut pas amender, elle ne peut que sous-amender. Alors, l'objet du projet de loi, c'est d'amender certaines dispositions de la loi et nous, on veut amender certaines dispositions que le ministre n'amende pas. Mais c'est notre droit d'amender qui est en cause et on ne se réduira pas qu'à sous-amender. Quant aux conséquences, je pense que le gouvernement garderait sa majorité môme si, M. le Président, vous jugiez l'article recevable.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, en finale, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est évidemment Important de se rappeler que la présente rationalité législative ne consiste pas à prendre le projet de loi comme s'il était un amendement à la Loi sur les normes du travail et, comme le signalait mon collègue, le député de Pointe aux-Trembles, à nous permettre de sous-amender cette loi... à l'amender uniquement lorsque la loi amende elle-même la Loi sur les normes du travail. Bien au contraire, il faut évidemment considérer que la loi qui nous permet d'amender - c'est la loi 97 - contient un certain nombre d'amendements à la Loi sur les normes du travail. Et nous pouvons, nous aussi, introduire d'autres amendements à la Loi sur les normes du travail; sinon, la logique du ministre, c'est qu'il nous resterait juste à sous-amender sa loi qui deviendrait un amendement à la Loi sur les normes du travail. En dehors de ça, on n'aurait pas le droit, nous, de l'amender, la Loi sur les normes du travail. Alors, sur ce, M. le Président, ce que je vous recommande, c'est peut-être de prendre en délibéré, pas nécessairement de suspendre, on pourrait poursuivre les articles suivants. Et on reviendra, quitte à revenir demain, si vous le jugez opportun.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée. C'est en effet ce que la présidence considère devant l'importance de rendre une décision qui soit équitable et qui ne fasse pas une jurisprudence nuisible à la poursuite d'autres débats. J'ai bien reçu toutes vos représentations, je crois qu'on a besoin d'y penser et de faire d'autres discussions ou d'autres consultations. Aussi, je vais prendre la question en délibéré et nous allons donc, de ce fait, suspendre l'étude de l'article 13. Pardon! Nous allons maintenant passer à l'article 13 directement. (21 h 30)

Mme Harel: Oui, juste... M. le Président, je vous demande de prendre en délibéré également le fait que si c'était jugé irrecevable et qu'éventuellement !e ministre veuille ajouter des articles qui ne porteraient pas sur des dispositions déjà comptées dans le projet de loi 97 mais qui seraient de nouveaux articles qu'il voudrait introduire concernant la Loi sur les normes, il faudrait que vous les jugiez irrecevables. Parce que dans la logique développée par le ministre, tout ce qui ne serait pas contenu dans le projet

de loi 97 ne pourrait être à nouveau modifié.

Le Président (M. Gobé): O.K. Merci, Mme la député de Hochelaga-Maisonneuve. J'en prends bonne note. Nous allons prendre ça en délibéré et nous reviendrons un peu plus tard, probablement demain. Donc, nous suspendons l'étude de votre amendement et j'appellerai maintenant l'étude de l'article 13. M. le ministre, si vous voulez intervenir sur l'article 13, vous avez 20 minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, cet article ou l'amendement, si vous voulez, vise à empêcher que les salariés à temps partiel dont le taux de salaire n'excède pas deux fois le salaire minimum reçoivent un taux de salaire moindre que les salariés à temps plein pour le seul motif qu'ils travaillent à temps partiel.

M. le Président, il s'agit évidemment d'un ajout par rapport à l'avant-projet de loi. Nous avions choisi, lors de l'avant-projet de loi, de ne pas proposer d'article traitant de ce sujet, traitant de ce problème du temps partiel et nous avions plutôt choisi de demander, de proposer aux citoyens de nous faire des représentations sur cette problématique du temps partiel. Lors de la commission parlementaire du mois de février 1990, nous avons entendu un grand nombre d'intervenants qui ont fait des représentations à ce sujet, et le gouvernement, subséquemment, a fait l'analyse de toutes ces propositions et décidé de proposer l'article que nous avons devant nous.

M. le Président, c'est un article qui est simple et qui propose que, pour des gens qui font le même travail dans le même endroit, dans le même établissement, c'est-à-dire dans le même lieu, on ne puisse pas les rémunérer selon un taux de salaire différent pour la simple et unique raison qu'ils travaillent moins d'heures par semaine que les travailleurs à temps plein.

Je vous signale, M. le Président, qu'un peu plus loin dans le projet de loi, à l'article 79, nous allons faire en sorte de permettre au gouvernement, par règlement - un règlement qui serait pris avant le premier janvier 1992 - , de déterminer, parmi les salariés qui sont visés aux articles 41.1 et 74.1 de la Loi sur les normes du travail, tel qu'édicté par les articles 13 et 26 de la présente loi, du projet de loi... Le gouvernement pourra déterminer des catégories de salariés auxquelles ces articles s'appliqueront à une date ultérieure.

Nous avons l'intention, M. le Président, d'introduire cet article 79, qui va justement permettre au gouvernement, avant la date du 1er janvier 1992, de faire une analyse de la situation économique, de la situation en général et de voir dans quelle mesure il y aurait lieu ou non de retarder la mise en application de cet article 13 à l'égard de certaines catégories de salariés, si jamais, comme je l'ai dit tout à l'heure, la situation économique faisait en sorte que ça devienne souhaitable.

M. le Président, c'est un sujet qui est très délicat. II est évident qu'un certain nombre d'entreprises, dans certains secteurs, ont une structure salariale qui fait en sorte que les salariés à temps partiel ont des taux de salaire inférieurs à des salariés à temps plein. Est-ce que ces salariés à temps partiel ont exactement le même travail que les salariés à temps plein? Ça reste à voir, mais si tel est le cas, il est évident que l'article 13 s'appliquerait à eux. L'intention est claire. À travail égal, dans des conditions égales, dans un même lieu de travail, il ne devrait pas y avoir deux structures de salaire, deux taux de salaire différents.

Cependant, il est possible que, la conjoncture étant ce qu'elle est, l'application immédiate et rigide de ce principe puisse causer des perturbations dans le marché du travail. C'est la raison pour laquelle - et je le dis dès maintenant pour qu'on voie ça venir à l'article 79, parce que je ne ferais pas adopter l'article 13 s'il n'y avait pas l'article 79 derrière - le gouvernement se gardera la possibilité de faire une analyse de la situation et de moduler l'article 13 en fonction des paramètres économiques du moment. M. le Président, même l'article 79... j'ai l'intention d'apporter des modifications à l'article 79 tel qu'il est édicté présentement, de façon à le modifier légèrement.

Alors, M. le Président, en gros, c'est ce que je voulais dire. J'aimerais ajouter que, selon une étude effectuée par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, environ 20 % des personnes à temps partiel ayant des profils comparables auraient un taux de salaire horaire sensiblement inférieur à celui offert pour des employés similaires à temps plein. Maintenant, j'aimerais également dire que la loi traite indistinctement les emplois à temps plein et ceux à temps partiel quant aux normes minimales. Au-delà de ces normes, elle n'empêche pas un employeur d'offrir des conditions différentes. C'est donc dire que, par exemple, un employeur qui a une structure de salaire qui excède deux fois le salaire minimum, à ce moment-là, si c'était le cas, n'est pas obligé, en fait, ne serait pas visé par l'article 13, l'article 13 visant les travailleurs dont la rémunération est inférieure à deux fois le salaire minimum. Au-delà de cette norme ou de ce salaire de deux fois le salaire minimum, on n'est plus dans ce qu'on pourrait appeler les standards minimaux, on n'est plus dans les normes minimales. On est quand même dans une catégorie de travailleurs qui gagnent plus que ce qu'on peut appeler des salaires modestes, des bas salaires. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé bon de ne pas faire en sorte que l'article 13 s'applique à des travailleurs dont le taux de salaire excède deux lois le salaire minimum.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, vous avez 20 minutes.

Mme Harel: Oui, alors M. le Président, c'est un bel exemple, finalement, d'une loi qui ne veut rien dire en matière de protection des travailleurs et travailleuses à temps partiel. En définitive, qu'est-ce que le ministre nous dit? Contrairement, notamment aux demandes répétées des organismes qui se sont fait entendre lors de l'étude de l'avant-projet de loi - et je pense en particulier à la Commission jeunesse du Parti libéral qui avait, vous vous en rappellerez, déposé un excellent mémoire sur les normes de travail, que nous avions applaudi d'ailleurs, à ce moment-là, et que nous allons rappeler au ministre ce soir, parce que ce rappel va nous permettre de constater que le message des jeunes du Parti libéral n'a pas été entendu, en tout cas, pas été écouté. Pourquoi je dis que, finalement, c'est un bel exemple? C'est que, dans le fond, il se produit, à l'égard de la protection des travailleurs à temps partiel, à peu près l'équivalent de ce qu'on retrouve à l'égard des salariés agricoles. C'est-à-dire qu'on fait miroiter un grand changement, qu'on abroge l'exclusion générale qui les soustrayait des bénéfices de la loi et puis, après, on réintroduit, mine de rien, un changement qui fait que 92 % d'entre eux n'auront toujours pas le bénéfice de la loi. Mais là on dit que, par règlement, on se donne... 92 % d'entre eux n'auront toujours pas le bénéfice dos dispositions qui concernent le salaire minimum et la semaine normale de travail, et d'autres considérations, y compris les jours fériés. On fait la même chose, là, à l'égard des travailleurs à temps partiel. C'est exactement, à peu près, la même mécanique. C'est-à-dire qu'au départ on donne l'impression qu'on va s'en occuper pour introduire une sorte d'équité dans les statuts d'emploi à temps partiel et à temps plein, et après on retrouve des dispositions réglementaires qui font qu'on ne sait plus ce que le gouvernement va déterminer, comme il veut et quand il veut, quelle sera l'application des protections qui seront introduites dans la loi. Et non seulement quelles seront les protections et selon des catégories, mais aussi quand ces protections s'appliqueront. C'est vraiment l'exemple typique où on en est rendu sur le plan des législations, où finalement on adopte de moins en moins du droit substantif, c'est-à-dire qu'on décide de moins en moins de la réalité des choses. Et ce qu'on décide, c'est de donner au gouvernement le droit de faire ce qu'il veut. Parce que, maintenant, les tribunaux ont décidé que sans support législatif - c'est comme ça qu'ils disent ça en termes savants - on peut attaquer des règlements comme étant inconstitutionnels ou comme étant invalides du fait qu'ils n'ont pas le support législatif. Alors, les lois, à peu près toutes les lois qu'on adopte sont rédigées de façon à ce qu'on donne au gouvernement le droit de faire des règlements. C'est à peu près tout ce qu'on lui donne.

En matière d'emplois à temps partiel, c'est d'autant plus évident que la formulation même de l'article 13 inquiète les organismes de défense des non-syndiqués, pas uniquement pour les répercussions que ça peut avoir sur les travailleurs à temps partiel, mais pour les répercussions que la rédaction, dans sa formulation proposée, peut avoir sur les travailleurs à temps plein en termes de diminution ou de baisse de leurs conditions générales. J'en ai parlé, M. le Président, au début de nos travaux. Ce qui est en cause... J'attire l'attention du ministre sur l'utilisation du mot "seul" dans l'article 13. L'article 13 se lit comme suit: "Un employeur ne peut accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement, pour le seul motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine." Si on lisait qu'un employeur ne peut pas accorder un taux de salaire inférieur, pour le motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine, ça signifierait que l'employeur aurait le fardeau de prouver, si tant est qu'il offre ce salaire inférieur, que c'est pour d'autres motifs, des motifs justes et suffisants, si on me permet l'expression, des motifs raisonnables. Mais là, en ajoutant le mot "seul", "pour Ig seul motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine", il peut facilement être plaidé par l'employeur que c'est pour d'autres motifs que celui-là. Et la présomption va reposer sur le dos du salarié qui est a temps partiel et lui va devoir plaider que ce n'est pas pour les autres motifs, mais que c'est pour ce motif seulement.

Que le ministre ne fasse pas des grands non de la tête. Ça va être ça, l'application concrète de la loi. Voyez, M. le Président, je ne veux pas lui rappeler, parce que lui-même le disait tantôt. Son propre ministère, dans une étude réalisée sur les personnes à temps partiel, considérait que 20 % avaient une rémunération inférieure à celle offerte pour des emplois comparables à temps plein. Bon, c'est un travailleur sur cinq qui a, finalement, pour le simple fait que c'est un emploi à temps partiel, un salaire Inférieur au salaire payé par le travailleur à temps plein. (21 h 45)

M. le Président, la Commission jeunesse du Parti libéral rappelait qu'il y a une augmentation absolument vertigineuse de la proportion d'emplois à temps partiel. Et cette progression s'est encore multipliée du fait que, depuis janvier dernier, les deux tiers des emplois créés au Québec l'ont été à temps partiel. Vous vous rendez compte! Pendant des années, le ministre me répondait que les emplois créés à l'époque du gouvernement précédent l'étaient à temps partiel.

Bien, ils le sont maintenant à temps partiel avec son gouvernement.

Bon, prenons acte, mais la Commission jeunesse, en fait, concluait que si le contexte économique actuel fait que le marché du travail connaît une demande importante pour une main-d'oeuvre souple et flexible et si cette main-d'oeuvre est essentiellement à temps partiel, ce n'est pas à eux d'être les victimes. Il faut s'assurer que ces personnes ne peuvent pas bénéficier d'un travail à temps plein, parce que je rappelle que c'est plus de la moitié des personnes à temps partiel qui souhaiteraient que leur travail se transforme à temps plein, si c'était possible. Donc, le temps partiel, c'est un pis-aller, c'est en souhaitant autre chose, c'est en attendant autre chose et puis, d'ailleurs, ce sont les jeunes. Vous voyez, 42 % des emplois à temps partiel sont occupés par des personnes de 15-24 ans. Alors on voit tout de suite, là, que les premiers emplois qu'on offre à des jeunes de 15-24 ans sont des emplois à temps partiel et, pourtant, ils ne représentent que 23 % de la population active. Alors, c'est presque le double de ce qu'ils représentent dans la population active, c'est presque le double qui occupe, c'est-à-dire... C'est plus que la moitié, c'est presque la moitié des emplois à temps partiel qui sont occupés par cette catégorie de travailleurs Alors, c'est bien bien clair. D'ailleurs, la Commission jeunesse le disait: "Le phénomène de la précarité de l'emploi touche notre génération de manière très importante." Ce que nous deman dons, c'est que les jeunes, ainsi que toutes les personnes employées à temps partiel, soient traités de façon équitable dès leur entrée sur le marché du travail. Et, après, qu'on ne vienne pas se gargariser, là, de beaux discours sur la natalité ou la politique familiale. Ce sont finale ment les jeunes en âge de procréer, là, qui sont en âge de fonder des familles puis d'avoir des enfants, qui ont la situation de travail la plus instable, la plus précaire.

Alors, M. le Président, je crois rappeler au ministre que l'inquiétude est très vive, notamment dans les milieux de travailleurs non syndiqués, puis je lui rappelle la recommandation de l'organisme Au Bas de l'échelle qui, bon an, mal an, rend service à des milliers de bas salariés qui sont l'objet de pratiques interdites par la loi, mais ce n'est pas parce qu'elles sont interdites par la loi qu'elles ne se répandent pas dans les milieux de travail. Alors, Au Bas de l'échelle craint, à cause de la formulation de l'article 13, la possibilité d'un nivellement vers le bas des conditions de travail des salariés à temps plein non syndiqués. Au Bas de l'échelle considère la possibilité qu'on profite du délai d'un an, soit entre le 1er janvier 1991 et le 1er janvier 1992, pour niveler vers le bas les conditions de travail des salariés à temps plein en raison des premiers alinéas des articles 13 et 26.

M. le Président, considérant qu'il est nécessaire d'assurer une présomption en faveur du salarié qui croit être lésé pour le motif qu'il travaille habituellement à temps partiel, ce que nous proposons au ministre, c'est qu'il retire le mot "seul" que l'on retrouve à l'article 13. Moi, je pense que, s'il est de bonne foi, là, comme je le présume, ce qu'il souhaite, c'est que l'employeur ne puisse pas, pour le motif que le salarié travaille à temps partiel, lui accorder, lui consentir un taux de salaire inférieur. Alors, ce sera à l'employeur de justifier que ce salaire inférieur, il est finalement alloué pour des motifs autres. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée J'ai peut-être une précision à vous demander. Quand vous employez "temps partiel", est-ce qu'on ne serait pas mieux d'employer "employé temporaire" ou "employé à temps partiel"? Ce sont deux choses différentes, hein?

Mme Harel: Oui, parce que le temps partiel peut être régulier.

Le Président (M. Gobé): C'est cela.

Mme Harel: Tandis que le temporaire peut être saisonnier, ou occasionnel, mais il peut être à temps plein.

Le Président (M. Gobé): C'est cela. Donc, vous employez à dessein le mot "temps partiel"?

Mme Harel: Oui

Le Président (M. Gobé): Dans l'intégralité de sa signification. M le ministre, cinq minutes.

M. Bourbeau: Oui. M. le Président, il s'agit là de l'introduction d'une nouvelle notion visant le salarié travaillant à temps partiel. On dit qu'un employeur ne peut en effet accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui qui est accordé aux autres salariés effectuant les mêmes tâches, dans le même établissement, pour le seul motif qu'il travaille moins d'heures hebdomadairement. Il est possible que le salarié à temps partiel fasse un travail différent et qu'il y ait d'autres raisons pour lesquelles il soit payé moins cher. Par exemple, si sa tâche est différente. Prenons, par exemple, je ne sais pas, dans une épicerie, où vous avez un caissier ou une caissière qui travaille à temps plein, et qui fait la caisse 20 heures ou 25 heures par semaine, et qui, pendant d'autres heures, fait un autre travail Par exemple, je ne sais pas, on lui demande de faire un peu d'administration, de remplir les tablettes dans les temps morts, etc. Donc, un travail qui est plus varié, et qui peut même, à l'occasion, être plus difficile à accomplir. Si on arrive avec un travailleur à temps partiel, qui fait un travail qui n'est pas le même ou qui est différent, en partie... Evidem-

ment, on ne peut pas comparer deux choses incomparables, qui ne sont pas identiques. et, à ce moment-là, on pourra discuter du salaire et il est possible, à ce moment-là, que le salaire puisse être différent. mais si les deux font exactement et rigoureusement la même chose, on ne voit pas pourquoi il y aurait deux taux de salaire différents.

C'est ça le principe de la loi. Et je pense que c'est, à ce moment-là, évident que le salaire devrait, normalement, en vertu de la loi, être le même. Et si jamais le salaire était différent, eh bien, l'employeur devra prouver que la tâche n'est pas la même; sans quoi, il devra payer le même salaire. Alors, il m'apparaît à moi que, dans ces conditions-là, c'est un article qui est logique.

Et maintenant, est-ce que, vraiment, on protège, avec cet article-là, ceux qu'on veut protéger? J'ai devant moi des statistiques, ici, assez intéressantes, et qui portent sur les personnes qui travaillent à temps partiel, et qui sont visées par le projet de loi. Prenons, par exemple, le sexe: le projet de loi va faire en sorte que 66,1 % des hommes et 58,8 % des femmes qui travaillent à temps partiel seront couverts par la loi, seront protégés, si vous voulez, par la loi.

Si on regarde les jeunes, les jeunes de 16 à 24 ans, il y en aura 83,3 % qui seront couverts par la loi; ceux de 25 ans et plus, là, vous en avez 47,1 %; les syndiqués, 34,8 % seulement. Forcément, parce que, dans le cas des syndiqués, ils sont tellement bien représentés qu'au-delà de 60 % gagnent plus que deux fois le salaire minimum. Donc, évidemment, s'ils ne sont pas couverts par la loi, c'est qu'ils sont en dehors de la loi; donc, ils gagnent plus que deux fois le salaire minimum. Dans le cas des non-syndiqués, c'est 72,8 % des travailleurs qui sont couverts par la loi.

Et regardons, maintenant, dans le secteur de l'hébergement restauration et du commerce au détail. Vous avez 89,4 % des travailleurs du secteur de l'hébergement-restauration qui vont être couverts par le projet de loi. Dans le secteur commerce au détail, c'est 86,5 % des cas. Donc, on peut dire d'une façon générale, M. le Président, qu'avec cette norme-là on rejoint la majorité des travailleurs qu'on voulait protéger, bien sûr.

Le Président (M. Gobé): Très bien. M le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez 20 minutes.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je pense que c'est assez évident, que, si on veut introduire dans la loi quelque chose qui veut dire quelque chose, il faut enlever le mot "seul". Enlever. Ne pas dire "le seul motif", mais mettre "pour le motif. Parce qu'il suffirait que... Je tiens à faire observer au ministre que le texte parie déjà de salariés qui effectuent les mêmes tâches. Les mêmes, c'est les mêmes; les mêmes, c'est pareil. Et si on dit, si on maintient de mettre, "le seul motif l'employeur pourrait dire: Ce n'est pas le seul motif que le salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine. C'est qu'il travaille le jeudi soir, le vendredi soir et le samedi, alors que les autres travaillent du lundi au vendredi. Tu sais, ça se met bien: C'est ça, le motif pour lequel il a un salaire plus bas. Ça, je le mets, là, un employeur qui a une approche "soft", pour parler comme nos adolescentes et adolescents. Un plus dur pourrait dire: C'est parce que c'est une femme puis qu'elle est handicapée...

Une voix: Ça n'arrivera pas ici, certain...

M. Bourdon: ...puis qu'elle est de race noire. Puis il dirait: Comme ce n'est pas mon seul motif, qu'elle est à temps partiel, j'ai d'autres motifs de lui donner moins.

Par ailleurs, M. le Président, ça ne se peut pas qu'on maintienne, dans le projet de loi, la phrase: "Le premier alinéa ne s'applique pas à un salarié qui gagne un taux de plus de deux fois le salaire minimum." C'est absurde! Ça n'a aucune espèce de bon sens! Ça fait injure au sens commun! Ce qu'on introduit dans la loi, c'est une clause de non-discrimination. Puis on dit: À 10,59 $ l'heure...

Une voix: On peut discriminer.

M. Bourdon: ...la discrimination est interdite. À 10,60 $ l'heure, la discrimination est permise. Voyons donc! Eh, vous êtes fous!

Une voix: Aïe!

M. Bourdon: Je vais donner un exemple...

Des voix: C'est ça.

Une voix: Aïe!

Une voix: Qu'est-ce que c'est que çà?

Une voix: M. le Président, est-ce que c'est parlementaire, ça, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Excusez, M. le ministre.

M. Bourdon: Ce texte est fou, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: II a été fait par des gens sains d'esprit, dans un moment d'égarement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Alors, je retire, là. Ils ne sont pas fous...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Pointe-aux-Trembles, s'il vous plaît, conservons le décorum de ce débat.

M. Bourdon: Ah, absolument! Mais, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui

M. Bourdon: Reprenons ça, là, en termes parlementaires. Une personne à temps partiel qui ferait 9, 00 $ pour faire les mêmes tâches qu'une autre à temps complet qui ferait 10, 00 $, çà, ça serait défendu. On ne peut pas, en vertu de ce qui est là - je mets de côté l'élément "seul motif - on ne peut pas donner 9, 00 $ à une femme qui fait 20 heures par semaine, et 10, 00 $ l'heure à un homme qui fait 40 heures par semaine. Fort bien! Mais on pourrait, en vertu de la loi - puis, là, ce n'est même pas la réglementation qui vient nier ce qu'on fait semblant de donner - on pourrait dire: Les femmes qu'on engage à temps partiel vont faire 10, 60 $ l'heure, alors que les hommes a temps complot feront 21, 20 $ l'heure. Et comme la femme qui lait 10, 60 $ l'heure à temps partiel fait - bien, on va mettre 10, 62 $, là - plus de deux fois le salaire minimum, là, ça ne s'applique pas. Et la loi dirait: Quand ça dépasse le salaire magique de 10, 60 $ et que c'est 10, 61 $, à 10, 61 $, l'employeur a le droit de faire de la discrimination.

C'est insensé, M. le Président! Et on pourrait dire, là: Du moment que la travailleuse à temps partiel fait au moins 10, 61 $ l'heure, elle peut gagner la moitié moins qu'un homme à temps complet. À partir de 10, 61 $ l'heure, en les prenant à temps partiel, vous avez deux travailleuses pour le prix d'une! Il y a quelque chose de... Et je pense que, si on avait demandé un avis à n'importe quel juriste, il dirait que c'est parfaitement absurde et que ça n'a pas de sens de dire. On interdit la discrimination salariale sur la base du statut, parce que ça fait partie du statut social d'être à temps partiel, pour toutes les personnes qui ne gagnent pas plus que 10, 60 $ l'heure. Et je ne vois pas, là...

Je reviens à mon exemple, M. le Président. Dans un cas où la personne à temps partiel ferait 10, 00 $ l'heure, par hypothèse, celle à plein temps, ça serait permis; et dans l'autre cas, 9, 00 $, 10, 00 $ l'heure, elle ne ferait que 1, 00 $ l'heure de moins que l'autre, et là, ça serait défendu. Et en terminant, M. le Président, essayez de vous mettre dans la peau d'une travailleuse qui serait à 10, 60 $, quand la loi dit: Plus de deux fois le salaire minimum. Elle supplierait son employeur de ne pas l'augmenter de salaire parce que, là, elle cesserait d'être couverte. Voyons donc! Ça n'a pas de bon sens, ça! C'est un non sons absolu de dire, par exemple, que la discrimination sur la base du sexe est interdite jusqu'à 10, 00 $ l'heure mais qu'après on peut. C'est une clause d'équité salariale qui est introduite ici. On dit: On ne doit pas discriminer sur la base du statut de temps partiel C'est une clause de non-discrimination et seriez-vous en train de nous dire qu'on mette dans une loi qu'à partir de tant l'heure la discrimination est permise? Voyons donc! Ça n'a pas de sens, parce qu'il y a beaucoup de travail, de plus en plus de travail à temps partiel qui se fait et le travail à temps partiel... (22 heures)

Je ne mentionnerai que la firme Steinberg où ça s'est négocié, là, que les temps partiel, c'était il y a quatre ans, qui étaient surtout des femmes, évidemment, gagnaient moins l'heure que les temps régulier qui étaient surtout des hommes. Bien, on dirait, chez Steinberg, où les salaires à l'époque - c'était avant les grands changements - étaient sûrement supérieurs au double du salaire minimum, là, c'était permis. Là, on trouve ça correct parce que la personne gagne plus. Et c'est pire qu'hier quand on nous disait que les cadres supérieurs n'avaient plus de recours. Je trouve, M. le Président, qu'il y a quoique chose de proprement aberrant dans ce qui est prévu là. de dire qu'une clause de non discrimination s'applique jusqu'à tel salaire et qu'au-dessus de cette hauteur-là la discrimination peut s'exercer

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, M. le député?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Gobé): O. K. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, nous sommes en train d'étudier une loi qui porte sur des normes de travail qu'on dit minimales. Non pas des normes maximales, des normes minimales de travail, dans le but de protéger les travailleurs qui sont les moins nantis et les moins équipés pour se défendre, dans le fond. Et tout le monde a dit et redit - c'est devenu un cliché - que c'est la convention collective de ceux qui n'en ont pas. Bon! Alors, on est en train d'établir un plancher des normes minimales, un plancher. Et la loi traite indistinctement les emplois à temps plein et ceux à temps partiel quant aux normes minimales. La loi s'applique à tous, ceux qui sont à temps plein et ceux qui sont à temps partiel, jusqu'à un certain niveau. Et après cela, quand on a couvert ce niveau-là, évidemment, la loi ne s'applique plus. Il n'y a donc pas de discrimination parce que ça s'applique équitablement à tout le monde.

S'il y avait de la discrimination, si on disait, par exemple, les femmes, ça s'applique pour les femmes, ça ne s'applique pas pour les hommes. Ça s'applique pour les jeunes, ça no

s'applique pas pour les vieux, etc. Ça, c'est de la discrimination. Ou les handicapés, pas les handicapés, les Noirs, les Blancs, etc., ça c'est de la discrimination. Actuellement, nous avons une loi qui établit les mêmes critères pour tout le monde. Il y a une barre, on a établi la barre à deux fois le salaire minimum et tous ceux qui sont en dessous de la barre sont touchés par la loi, sont couverts par la loi. Et ceux qui sont au-dessus de la barre, ceux-là, on estime qu'on n'a pas besoin d'une loi minimum pour les protéger, ils sont déjà au-dessus du minimum. Et on laisse le marché - nous sommes un gouvernement dit libéral - alors, M. le Président, il ne faudrait pas que l'État se mette le nez partout. On ne verrait pas, par exemple, les députés, ici, couverts par une Loi sur les normes de travail quant à leur salaire, je pense que ça ne serait pas normal que l'État vienne se mettre le nez jusque-là. Donc, M. le Président, il fallait arrêter quelque part. Alors, nous avons décidé d'une norme objective, deux fois le salaire minimum, ça nous semblait suffisant, d'autant plus que ça couvrait et ça couvre, comme je l'ai dit tout à l'heure, la très grande partie des travailleurs qui gagnent les taux de salaire les moins élevés.

M. le Président, donc, à mon avis, il n'y a pas de discrimination. J'aimerais quand même attirer l'attention des membres de la commission. On est en train, de l'autre côté, de nous faire des sermons, M. le Président, de nous faire honte, de tenter de nous faire honte pour être mesquins à ce point, qu'on ne couvre pas tous ceux qui gagnent en haut de 10,50 $ l'heure. Mais saviez-vous, M. le Président, que nous sommes la seule législation en Amérique, la seule Législature en Amérique qui protège, justement, les travailleurs à temps partiel? Il n'y a pas d'autres cas, ni au Canada ni au États-Unis, me dit-on, M. le Président. Et c'est intéressant de voir que le Québec est le seul à légiférer spécifiquement sur les emplois à temps partiel.

Bon, alors, moi, je veux bien, M. le Président, passer pour rétrograde ou pour un dinosaure ou pour un fossile, M. le Président, mais dans ce domaine-là, ici, nous sommes à l'avant-garde du temps, je vous le signale, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Et M. le Président, dans ce sens-là, je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui n'hésite pas à se mouiller, à faire un pas en avant. Et moi, à titre de ministre responsable de ce projet de loi, je suis particulièrement fier de proposer une mesure comme celle là qui met le Québec à l'avant-garde sur le plan social. M. le Président, qui dit mieux?

M. Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. Bourbeau: Je termine là-dessus.

Le Président (M. Gobé): Je passe maintenant la parole à la députée des Chutes-de-la-Chaudiè- re.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. J'entends le ministre dire: On est les seuls en Amérique du Nord à mettre sur pied une règle concernant le travail à temps partiel. C'est bien, mais, quant à faire, je pense qu'il faut faire comme il faut. On a été longtemps les seuls à avoir une règle sur le salaire égal pour un travail équivalent. Disons que ça ne va pas vite non plus. Il va probablement falloir accélérer d'une autre manière.

Quand on regarde ça, M. le Président, par rapport au mot "seul", je suis tout à fait d'accord avec ce que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a dit. Mais, moi, je voudrais surtout m'arrêter au deuxième alinéa et je n'ai pas l'intention, moi, de vous parler des hommes et des femmes et tout ça. Sauf que j'ai un problème aussi avec ce paragraphe-là. Quand le ministre nous dit: "Pourquoi va-t-on faire..." Bon! On protège les gens à faible salaire avec les normes du travail, on dit les normes minimales du travail. Mais, on protège, en fait, les gens qui n'ont pas de convention collective, les travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Puis, en même temps, le ministre nous dit: C'est une base, c'est un plancher, c'est un fait. C'est indéniable que ça sert de base et de plancher. Lors des négociations collectives, mon collègue de Pointe-aux-Trembles a mentionné une convention qui a été signée avec Steinberg tout à l'heure où, justement, il y avait possibilité de faire ça, donner moins cher à des employés à temps partiel. Moi, je trouve... En tout cas, j'aimerais qu'on m'explique de façon plus claire, parce que j'ai beaucoup de difficultés avec ce deuxième alinéa en particulier. C'est qu'on se trouve à approuver, à ce moment-là, le genre de convention qui peut se signer ailleurs. Quand on décide là qu'en bas de 10,60 $ l'heure on peut facilement... C'est comme approuver, effectivement, de la discrimination. En bas de 10,60 $ l'heure, il n'y a pas de problème. Des employés à temps partiel... Il peut y avoir des nuances. S'ils gagnent plus cher que ça, on peut en faire des différences. Ils peuvent gagner moins cher que ceux à temps plein. En bas de 10,60 $, on ne peut pas. Je trouve que ce genre d'article là ou ce genre d'alinéa là, pour moi, dans mon esprit, ça a un effet pervers. C'est comme si on cautionnait quelque chose. En tout cas... Puis je ne voudrais pas, M. le Président, qu'on pense ici que je fais ça pour faire un sermon puis pour m'amuser. J'aimerais comprendre pourquoi on amène cet alinéa-là dans la Loi sur les normes du travail. Parce que, définitivement, je ne suis pas capable de comprendre ça. Je ne suis pas capable d'admettre ça. Et s'il y a des explications plus claires, j'aimerais ça les connaître.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, madame?

Mme Carrier-Perreault: Je ne suis pas longue. J'essaie juste d'avoir des explications C'est tout ce que je veux.

Le Président (M. Gobé): M le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Bourbeau: J'ai donné toutes les explications tout à l'heure. Je demanderais à la députée des Chutes-de-la-Chaudière de relire Le Journal des débats demain. Et tout ce que je pourrais dire, M. le Président, c'est répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Alors, manifestement j'ai prêché dans le désert, M. le Président. Possiblement qu'à la lecture et à la relecture de mes paroles la vérité finira par tranquillement pénétrer la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, vous avez demandé la parole.

Mme Harel: Oui. M. le Président..

Le Président (M. Gobé): Vous avez quatre minutes sur votre temps de vingt minutes.

Mme Harel: II faut constater que le ministre est très vieux jeu dans sa façon d'envisager la discrimination dans le marché du travail. Il est très, très vieux jeu, M. le Président. Et compte tenu de l'argumentation qu'il a développée sur le fait qu'il n'y avait pas de discrimination, parce qu'il n'y avait pas de discrimination, tout le monde était traité de la même façon. Ça, c'était... Je me suis rappelé le cours de droit qu'il a dû suivre dans les années cinquante, peut-être soixante...

M. Bourbeau: Les années trente

Mme Harel: C'était d'ailleurs là l'enseignement juridique qui se faisait à ce moment-là. On présentait l'égalité comme étant un traitement égal d'un groupe donné devant la loi. Par exemple, à cette époque-là, les tribunaux refusaient de considérer qu'il y avait discrimination si la catégorie concernée était toute traitée de la même façon. Ce qui fait que les femmes, disait-on, n'étaient pas discriminées même si elles avaient un salaire inférieur parce que l'application était égale dans le traitement. C'étaient toutes les femmes qui avaient le salaire inférieur. C'était là la pensée juridique de l'époque et c'est celle que vient de nous rappeler - j'allais dire le notaire, non - le ministre responsable de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mais c'a beaucoup évolué, M. le Président. Beaucoup, beaucoup, beaucoup! Au point où, maintenant, ce qui est en cause, c'est de se demander: Est-ce qu'il y a une discrimination systémique? Ça, c'est comme... J'ai l'impression que c'est en dehors, actuellement, du vocabulaire et peut-être aussi du champ de conscience du ministre. Ça va me faire plaisir de lui rappeler qu'en vertu de l'article 46 de la Charte la disposition que l'on retrouve à l'article 13 pourrait être contestée pour les motifs... Et c'est ça, maintenant, le test de la discrimination Ce n'est plus du tout le test de savoir si toute la même catégorie est traitée de la même façon. Ça permettait, avant, de discriminer des femmes, des handicapés, des immigrants. Non! Maintenant, le test, c'est de se demander s'il y a une discrimination qui est introduite du fait du résultat sur certaines catégories, certains groupes. En termes clairs, qui est-ce qui travaille à temps partiel dans notre société? Et même quand le ministre parle des "gras durs" qui gagnent un taux de plus de deux fois le salaire minimum. Ça, ce sont des "gras durs" qui travaillent 20 heures à 10,60 $ l'heure, au maximum. Ça, ça veut dire qu'ils ont un revenu de 220 $ par semaine C'est d'eux dont il s'agit, là. Il ne faut pas penser que ce sont des 10,60 $ à 40 heures par semaine. Et même à ça, n'oubliez pas que même à 40 heures par semaine, 10,60 $, savez-vous combien ça donne, M. le Président? Ça donne à peu près 20 000 $ par année. Savez-vous où on va, quand on a une responsabilité familiale, avec 20 000 $ par année? On va dans les programmes de supplément d'APPORT parce qu'on est considéré comme ayant des revenus insuffisants et ça, c'est à temps plein. Ce n'est pas d'eux dont il s'agit à l'article 13. Il s'agit de gens à temps partiel, qui font 20 heures en moyenne par semaine, et qui peuvent avoir un taux de salaire mirobolant qui consiste en deux fois le salaire minimum. Alors, ce sont des gens qui vont aller chercher un gros montant de 200 $ net... Non pas, un gros montant de 220 $ brut par semaine.

M. Bourdon: 212,20 $

Mme Harel: Voilà! Merci, M le député de Pointe-aux-Trembles. 212,20 $, plus exactement. Et, au-delà de ce montant magique de 212,20 $, il peut y avoir de la discrimination.

Le ministre et son gouvernement, au nom du libéralisme, pensent ne plus avoir de rôle à jouer. Moi, je trouve ça décevant, M. le Président, extrêmement décevant parce que la discrimination, ce n'est pas simplement parce que ça s'applique uniformément à tout le monde qu'il n'y a pas de discrimination. La discrimination, c'est de voir quelles sont les conséquences. Et qui travaille à temps partiel? Essentiellement, les femmes. 72 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes et des jeunes. Ce sont ces deux catégories qui vont être discriminées.

M. le Président, j'ai l'impression que, peut-être, l'équipe juridique du ministre aurait intérêt à se mettre plus au diapason des nouvelles conceptions puisqu'elle a à travailler en matière de normes du travail et, dans ce secteur, comme

le signalait le mémoire soumis au Conseil des ministres, il y a le tiers des bas salariés qui connaissent très mal ou qui n'ont pas le bénéfice des lois qu'on adopte, étant donné qu'ils ne les connaissent même pas. Il me semble que ça pourrait, tout au moins, servir au ministre, pour lui donner un éclairage différent de celui qu'il nous a énoncé.

M. le Président, c'est extrêmement inquiétant parce que, quand on lit l'article, il faut vraiment ne pas être de bonne foi pour..

Le Président (M. Gobé): On ne peut pas présumer de la bonne foi.

M. Bourbeau: Mme la députée aurait intérêt à ménager ses transports.

Mme Harel: Je ne parle de personne. Je dis que, quand quelqu'un lit l'article, il ne faut pas être de bonne foi pour penser qu'il faut ajouter le mot "seul", étant donné que déjà il est prescrit qu'un salarié qui effectue des mêmes tâches, dans le même établissement, doit avoir le même taux de salaire.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée, le ministre et le législateur... Quand vous dites qu'on ne peut pas présumer de la bonne foi, je pense que vous mettez en cause l'intégrité du législateur et je vous demanderais de bien vouloir...

M. Bourbeau: Je vous demanderais de la laisser aller, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Bourbeau: Elle est partie sur une...

Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de bien vouloir, pour le bon déroulement de ces débats...

M. Bourbeau: Tant qu'à nous insulter, M. le Président, elle peut continuer.

Le Président (M. Gobé): ...rectifer, peut-être, ce terme peu flatteur pour le travail du ministre et sa bonne conscience.

Mme Harel: Mon Dieu! Écoutez, M. le Président à ce moment-là, il faut que je consente là à retirer les mots "de bonne foi", mais c'est peut-être alors que je devrais utiliser le mot "ignorer", le mot "ignorant" peut-être? C'est que, puisque...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez continuer, on va reconnaître que vous avez retiré les mots "de bonne foi". Merci, très bien, Mme la députée.

Mme Harel: II est peut-être de bonne foi, il est de bonne foi, mais à ce moment-là il est...

Le Président (M. Gobé): II vous reste deux minutes.

Mme Harel: Alors, je voudrais introduire l'amendement suivant, à l'article 13 de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives. L'article 41.1, introduit par l'article 13 du projet de loi 97, est modifié: I" par la suppression, dans la troisième ligne du premier alinéa, du mot "seul"; 2° par l'addition, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant: "Un salarié qui croit avoir subi une réduction ou une modification de ses conditions de travail en raison du premier alinéa bénéficie d'une présomption en sa faveur et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette mesure à l'égard du salarié pour une cause juste et suffisante".

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez déposer votre projet d'amendement.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Gobé): Alors l'amendement est déposé. Je demanderais de faire une copie, s'il vous plaît, et de la faire distribuer aux membres de cette commission.

Alors, je suspends les travaux pour deux minutes. Si vous voulez vous dépêcher là. Alors, la commission suspend ses travaux pour deux minutes, le temps de faire des copies de l'amendement.

(Suspension de la séance à 22 h 17)

(Reprise à 22 h 21)

Le Président (M. Gobé): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, tout le monde ayant reçu copie du projet d'amendement, présenté par la députée de Hochelaga-Maison-neuve, et je vais en faire lecture. Article 13, projet de loi 97. L'article 41, introduit par l'article 13 du projet de loi 97, est modifié: 1° par la suppression, dans la troisième ligne du premier alinéa, du mot "seul"; 2° par l'addition, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant: "Un salarié qui croit avoir subi une réduction ou une modification de ses conditions de travail en raison du premier alinéa bénéficie d'une présomption en sa faveur et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette mesure à l'égard du salarié pour une" - il y a le mot "autre" vous devriez l'enlever, la députée de Hochelaga-Maisonneuve m'avise de vous demander

de l'enlever - "cause juste et suffisante". Alors le mot "autre" devrait être enlevé. 3° par la suppression du deuxième alinéa.

Y a-t-il des interventions quant à la recevabilité de cet amendement? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: Non. En fait, M. le Président, je crois que la rédaction de cet amendement est conforme à nos règles.

Le Président (M. Gobé): Très bien madame. M. le ministre?

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai rien à dire sur la recevabilité. Je laisse ça à votre bon jugement.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Alors je déclare l'amendement recevable et je demanderai à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve de bien vouloir...

Mme Harel: Le député de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Pointe-aux-Trembles. Pardon, vous m'excuserez. Vous avez 20 minutes et, par la suite, M. le ministre aura lui aussi 20 minutes.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord bien établir qu'il n'y a rien de partisan dans l'exercice qu'on fait et que, par ailleurs, le but de l'Opposition n'est pas de faire des sermons au ministre. On voudrait essayer de le convaincre que la formulation de l'article 13 est totalement inadéquate au moins à deux égards. C'est quand on parle du seul motif et quand on dit que le premier alinéa ne s'applique pas à un salarié qui gagne un taux de plus de deux fois le salaire minimum.

À cet égard, je voudrais attirer l'attention du ministre et des députés ministériels sur l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne qui comporte comme sous-titre "Égalité de traitement pour travail équivalent". On y dit: Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit. C'est de même essence, le texte qu'on a devant nous à l'article 41.1, un peu plus restrictif, je dirais, parce qu'on dit "les mêmes tâches", alors que dans la Charte des droits, on dit "un travail équivalent au même endroit". Et c'est de même esprit. On dit "dans le même établissement" et on dit "les mêmes tâches".

Mais, M. le Président, ce qu'on nous met à l'alinéa d'après, c'est que cet article - qui ne fait que concrétiser dans la Loi sur les normes du travail l'article 19 de la Charte des droits - cesse de s'appliquer sur la base du statut social quand on atteint un salaire qui est le double du salaire minimum Dans un avis que nous avons reçu de la Commission des droits de la personne du Québec, à la page 5, on dit: L'exclusion de certaines catégories d'emplois qu'une loi donne encore à la notion de conditions de travail justes et raisonnables ne pourrait-elle, à certains égards, être considérée comme de la discrimination fondée sur la condition sociale?

M. le Président, je pense que, nettement, le texte qu'on a devant nous introduit une discrimination quant à la condition sociale. La Commission ajoutait: Ces exceptions visent directement l'emploi. Or, avec la scolarité et le revenu, l'occupation est l'un des trois critères qui, selon la Commission des droits de la personne, peuvent être pris en considération pour déterminer la condition sociale d'une personne.

M. le Président, le projet de loi qu'on a devant nous dit qu'en pratique l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui touche l'égalité de traitement pour un travail équivalent, s'applique à toutes les personnes, dans l'article 41 1, qui ont une condition sociale qui se détermine et qui se qualifie par le fait de gagner moins que 10,60 $ l'heure. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'un article qui vise à interdire la discrimination la prévoit expressément. Et pour les personnes qui gagneraient, à temps partiel, plus que 10,60 $, l'article de la loi va à rencontre de l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Il y a une discrimination prévue, permise. Et je pense qu'une loi ne peut pas permettre ce que la Charte interdit. Et il me semble qu'il devrait y avoir moyen de s'entendre là-dessus. Là, on n'est plus dans les cadres supérieurs d'hier, où on se faisait dire par le député de Matapédia Puis après? Cadre supérieur, c'est supérieur.

La notion de non-discrimination est, en termes d'emploi, la notion de ne pas être congédié autrement que pour un motif fondé et suffisant. Dans mon champ de conscience, ça n'arrête pas à 50 000 $, à 75 000 $ ou à 100 000 $ par année. De la même façon que l'idée qu'un travail égal donne lieu à un salaire égal, c'est de portée absolue, de portée stricte et qu'on ne peut pas dire, je pense, qu'à partir du double du salaire minimum, ça ne s'applique plus, parce que, ici, je suis d'accord avec le ministre de dire qu'on introduit une notion nouvelle. Peut-être dans les normes minimales du travail. Mais, à cet égard, il faudrait que l'entourage du ministre fasse marcher ses doigts et consulte ce qui s'est fait en termes d'équité salariale, en Ontario par exemple et dans plusieurs États américains qui sont bien en avance sur nous autres.

Là, je parle d'équité salariale homme-femme, par exemple. Or, la députée de Hochelaga-Maisonneuve a expliqué que les temps partiel

dont on parle sont, à 72 %, des femmes et des jeunes. et on ne peut pas, sur une disposition de cette nature, m. le président, dire: c'est un petit pas en avant. il y avait une complète discrimination. là, il y a juste une moitié de discrimination. c'est une pratique interdite, que la charte interdit, de ne pas donner égalité de traitement pour un travail équivalent. alors, ça n'a rien à voir avec le salaire qu'on gagne.

À cet égard, on ne peut pas, M. le Président, retenir aussi l'argument du ministre: Coudon, c'est des normes minimales pour des gens qui ont des conditions de salaire, entre autres, minimales. Ce n'est pas vrai, ça, même avec ce qu'on a adopté hier. Les cadres qui n'ont pas le crime d'être supérieurs et qui gagneraient, par hypothèse, 75 000 $ par année, sans être un cadre supérieur, ont droit, en vertu des normes minimales, à un arbitrage s'ils sont congédiés pour autre chose qu'un motif fondé et suffisant. Bon, c'est comme ça et, dans ce sens-là, on se tue à le répéter depuis le début des travaux de cette commission. Les normes minimales, c'est un ensemble de normes qui ne s'appliquent pas qu'aux gens qui ont le salaire minimum.

À cet égard, ce qui est devant nous voudrait dire que l'interdiction de payer à un taux différent peut toucher des travailleurs syndiqués qui ont des conventions collectives qui leur donnent pas mal plus que le salaire minimum. Là, le souci du ministre d'inscrire dans la loi des dispositions qui combattent la discrimination prévue à l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne... Il dit: Ça, c'est une considération qui est absolue jusqu'à 10,60 $ l'heure, maintenant, et pour tout le temps à deux fois le salaire minimum. Alors, je pense que ça n'a pas de bon sens et qu'il faudrait changer ce texte-là, pour qu'il dise bien ce qu'il dit. Sinon, ce qu'on peut craindre, comme législateurs, si on fait un travail qui vise à éliminer la discrimination et qu'au lieu de l'éliminer on la prévoit... Parce que je soulignerai que l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, pour toutes les personnes qui gagnent plus du double du salaire minimum, il veut dire plus que ce qu'on nous met là.

Et dans ce sens-là, l'article qui est devant nous est contraire à la Charte. Il est ultra vires et un tribunal, un jour - mais ça va prendre des années - va le déclarer ultra vires parce qu'il contredit directement, dans son essence même, l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ce n'est pas comme dire que 5,30 $ l'heure, c'est vivable. comme 6 $ l'heure serait vivable. C'est que, là, on dit que la discrimination fondée sur la condition sociale... Encore là, on va très au bas. On dit qu'il y a une condition sociale autre à partir du double du salaire minimum, ce qui veut dire, à l'heure actuelle, qu'à partir de 212,20 $ on fait partie des gras durs; 212,20 $ pour 20 heures par semaine à 10,60 $. Au-dessus de ça, on est tellement des privilégiés de la société, on est tellement chéris par la vie qu'on n'a pas le droit d'obtenir, pour les mêmes tâches, le même salaire.

Il me semble que ça n'a aucune espèce de bon sens et que, si on laisse l'article inchangé, on fait un travail bâclé et qu'un juge va venir, par-dessus notre épaule, le rédiger selon ce que la Charte des droits et le bon sens même indiquent. Si on a eu des termes un peu durs à l'endroit du ministre, c'est que ça fait offense au sens de la justice de dire qu'une personne victime de discrimination n'a pas de recours, en vertu de la loi, à partir du moment où, pour 20 heures par semaine, elle fait le salaire de 212,20 $. À cet égard, M. le Président, au lieu de nous marmonner dans les oreilles, dans la partie, à ma gauche, de l'autre bord, on devrait peut-être parler dans les caucus, quand c'est le temps, de ces questions-là. Mais je pense que c'est une question qui est importante puisqu'il s'agit de faire en sorte que fa Charte des droits s'applique dans la loi qui est devant nous.

M. le Président, je pense que ça ne suffit pas de se péter les bretelles en disant qu'on fait mieux que le reste de l'Amérique du Nord. Vous savez, il y en a d'autres, en Amérique du Nord, qui font des choses valables, je vais en mentionner quelques-unes. Le discours du trône, en Ontario, annonce un fond pour indemniser les victimes de faillites, ce que le gouvernement du Québec refuse de faire même si la loi lui en donne le pouvoir depuis 11 ans. Et quand on s'est fait dire, hier, que ça, coûterait trop cher, je pense que ça, c'est une attitude d'une infinie mesquinerie. Surtout, dit par un gouvernement qui vient de décider - tant mieux enfin! - que ses employés sont assujettis aux normes minimales, mais que l'État ne paie pas le prélèvement à la Commission des normes minimales. Quand même!

Le projet de loi dans son ensemble constitue un progrès sur les normes minimales actuelles, mais ce n'est pas parce que c'est un progrès qu'il ne faut pas voir un recul, comme à 41.1. Parce que moi, si j'étais une salariée à plus de 10,60 $ de l'heure, je trouverais que la Charte des droits me protège mieux que la loi qui est devant nous. Puis là, il va falloir que j'aille faire une plainte à la Commission des droits de la personne, que la Commission des droits de la personne l'analyse et poursuive pour faire établir par un tribunal que la Charte, ayant préséance sur une loi qui est celle des normes minimales, à moins que le gouvernement ne mette "Nonobstant la Charte des droits" qu'on fait ça là. Mais le ministre actuel de la Sécurité publique et des Affaires municipales nous a déjà dit en Chambre que le "nonobstant", ils veulent faire ça le moins possible. Mais, à moins de le faire, on se prépare dans l'allégresse à adopter, de l'autre bord, une disposition qui est ultra

vires, qui est contraire à la Charte des droits, puis qui établit quelque chose qui est tout à fait insensé.

On discrimine sur la base qu'au-dessus de 212,20 $ par semaine, tu es tellement gras dur que tu n'as pas besoin d'avoir, en plus, une disposition qui empêche la discrimination sur la base de ta condition sociale qui s'exprime en termes que tu es à temps partiel.

Et, à cet égard, M. le Président, je voudrais que le ministre réponde à une question: Qu'est ce qui fait que c'est inacceptable qu'un temps partiel à 9 $ l'heure, gagne 1 $ l'heure de moins qu'un temps complet à 10 $, mais qui ferait qu'un temps partiel à 10,61 $ l'heure - ça c'est juste 1,61 $ l'heure de plus que 9 $ - pourrait gagner la moitié moins qu'un temps complet à 21,22 $ l'heure? Puis ça n'est pas un slogan de dire que, à ce moment-là, on a deux temps partiel pour le prix d'un temps complet. C'est insensé. Je pense qu'il n'y a pas un tribunal qui va maintenir que cette disposition-là est autre chose que discriminatoire dans son essence. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): je vous remercie m. le député de pointe-aux-trembles. m. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, la cause est entendue. Nous venons d'entendre le plaidoyer éloquent du député de Pointe-aux-Trembles, célèbre juriste en la matière, qui nous dit que c'est ultra vires, rien de moins. Contraire à la Charte des droits.

Une voix: II n'est pas juge, encore.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, je suis estomaqué, sans moyen, en entendant ça. D'autant plus que c'est corroboré par la très honorable juriste, députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui nous fait des leçons de droit, M. le Président, qui, dans son style un peu suffisant, doit-on dire, vient... Bon, qu'elle dise..

Mme Harel: C'est antiparlementaire.

Le Président (M. Gobé): Je faisais signe de la tête à M. le ministre afin qu'il rectifie la portée.

Une voix: II faut être parlementaire des deux bords.

M. Bourbeau: "Suffisant" est-il pariemen taire, M. le Président? "Suffisant", est-ce que c'est, enfin, je me...

Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous le mettez dans un sens positif, M. le ministre?

Une voix: C'est...

M. Bourdon: M. le Président, parlant d'expression parlementaire, je n'admets pas d'être traite de juriste non plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourbeau: Si "suffisant", M. le Président, est antiparlementaire, je suis prêt à le retirer, mais...

Le Président (M. Gobé): Non, non, il n'est pas antiparlementaire. Tout dépend de la façon dont vous l'employez.

M. Bourbeau: C'est ça. Elle est suffisante, M. le Président Et son style suffisant, passe encore qu'elle traite de mauvaise foi les autres députés.. Je pense qu'elle l'a retiré, mais bon... Qu'elle dise que le ministre retarde ça peut toujours se dire, mais que les gens qui m'accompagnent, M. le Président, soient déphasés par rapport aux droits, ça, je dois dire que je m'objecte à ça. Je pense que les juristes qui sont avec moi sont, au moins, aussi compétents, et probablement beaucoup plus, que la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui se fait la grande défenderesse des opprimés, des brimés, de ceux qui sont exploités. Enfin, j'ai pris des notes, tout à l'heure, de ceux, M. le Président, qui auraient été l'objet de discrimination, nous dit-elle, et appuyé en ça par le non moins compétent juriste, le député de Pointe-aux-Trembles.

M le Président, si tous ces gens, qui sont des experts en matière de droit constitutionnel et les défenseurs des droits de la personne, ont raison et s'ils menacent de nous traîner devant les cours de justice pour faire déclarer, faire admettre ou faire affirmer que la loi n'est pas conforme aux droits, comment se fait-il, M. le Président, que la Commission des droits de la personne n'allait même pas traiter, dans son rapport, d'aucun paragraphe dans le rapport de la Commission des droits de la personne, sur l'article 13? Comment se fait-il que l'organisme qui est chargé de défendre les droits de la personne ne souligne même pas, ne serait-ce que dans une seule ligne, que l'article 13 va à rencontre des droits de la personne? Alors, ça veut dire que l'organisme qui est chargé, au Québec, de défendre les droits de la personne ne voit pas de problème avec l'article 13, ne dit rien du tout, et que nos célèbres juristes, en face, viennent nous dire, M. le Président, que l'article est ultra vires, contraire aux droits de la personne, et nous menacent, là, de nous traîner devant les tribunaux?

M. le Président, moi, j'ai peine à croire ce que j'entends. Ou bien nous avons une Commission des droits de la personne qui ne connaît rien, et qui est Incompétente, M. le Président, ou

bien les gens d'en face auraient, évidemment, intérêt à s'administrer la même médecine qu'ils ont administrée à mes adjoints.

M. le Président, quant à moi, je me dis que l'article que nous avons proposé n'est pas discriminatoire. Il traite tout le monde sur le même pied et, en ce qui me concerne, M. le Président, je pensé que je suis tout à fait à l'aise avec l'article 13 et je n'ai certainement pas l'intention de le modifier. Maintenant, si on regarde, parce qu'on est toujours sur l'amendement, M. le Président... Si on regarde l'amendement qui est proposé, bon, bien entendu, le premier paragraphe, la suppression du mot "seul" viendrait totalement dénaturer l'article. Si on regarde le deuxième paragraphe, on nous dit, on propose qu'on introduise dans la loi la phrase suivante: Un salarié qui croit avoir subi une réduction.

M. le Président, nous faisons plus que ça dans la loi, nous ne protégeons pas seulement les gens qui ont subi une réduction, nous protégeons les gens qui sont payés à un salaire moindre. Pas besoin de subir une réduction, ils peuvent exercer leur recours, même s'ils ne subissent pas de réduction. Le simple fait qu'on constate que leur taux est différent va leur donner des droits.

L'amendement de l'Opposition enlève ces droits-là en nous disant qu'on doit avoir subi une réduction. Donc, un recul, par rapport à ce que nous proposons ou une modification des conditions de travail. L'article en question porte sur le taux de salaire. Ici, on ouvre davantage, on introduit une notion plus large que le taux de salaire, on parle des conditions de travail.

M. le Président, c'est, évidemment, un changement important, par rapport à l'article en question Et on nous dit que le fardeau de la preuve, bon, incombe au salarié, et qu'on voudrait renverser le fardeau de la preuve. Mais regardons ce qui se passe, en pratique, M. le Président. Un individu prétend que son taux de salaire est différent et qu'il n'y a pas d'autres raisons que le fait qu'il travaille moins d'heures par semaine. Il n'a qu'à se présenter devant le tribunal et affirmer: J'ai un taux de salaire différent et mes tâches sont les mêmes. M. le Président, c'est une preuve qui est très facile à faire. C'est une preuve qui se fait en quelques instants, et là, le fardeau de la preuve devient celui de l'employeur, qui doit faire la preuve à l'effet contraire. Et c'est cette économie-là qui existe partout dans la loi. Et si on devait, à ce moment ici, introduire un amendement semblable, M. le Président, ce serait, à mon avis, très illogique, et certainement pas dans l'intérêt du travailleur. (22 h 45)

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le ministre, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Certainement, M. le Président. Bien, j'ai l'impression que ça va être plus long qu'on n'avait prévu, l'étude de ce projet de loi, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Nous sommes à l'amendement.

Mme Harel: ...parce que, avec l'attitude qu'adopte le ministre... Là, je fais amende honorable. Ce ne sont pas ses conseillers qui le conseillent mal, c'est le ministre lui-même qui s'entête. Alors, M. le Président, là, il nous développe toute une argumentation, à l'effet que si la Commission des droits de la personne n'a pas parlé, c'est que ça devait être bon. Sous l'étiquette que si on ne dit mot, on consent.

Alors, ce qu'on va faire, M. le Président, c'est que je vais recommander à cette commission qu'en tant que commission nous sollicitions un avis de la Commission des droits de la personne. Alors, nous allons... Je ne sais pas, je vous demande de quelle façon nous pouvons... Je peux ainsi proposer à la commission parlementaire des affaires sociales de solliciter un avis à la Commission des droits de la personne. Par une motion?

Le Président (M. Gobé): Par une motion, Mme la députée. Qui pourra être...

Mme Harel: À quel moment puis-je l'introduire?

Le Président (M. Gobé): Alors, avant... C'est pendant l'article débattu, donc, nous allons vérifier.

Alors, c'est ça, Mme la députée. En vertu de l'article 244, une commission parlementaire peut, avant d'entreprendre l'étude détaillée, une commission peut décider de tenir des consultations particulières dans le cadre de son mandat. Par contre, nous sommes déjà à un stade ultérieur, donc, nous ne pouvons pas... nous ne pourrons plus, en vertu de cet article-là, tenir des consultations particulières. Vous pouvez toujours faire une motion et, s'il y avait unanimité et consentement général, nous pourrions à ce moment-là procéder. Sinon, malheureusement, je ne vois pas d'autre avenue. Alors, peut-être pourriez-vous faire une motion, une proposition de consentement général.

M. Bourbeau: On ne peut pas disposer de l'amendement avant, M. le Président? On ne peut pas laisser comme ça...

Le Président (M. Gobé): Mais c'est dans le cadre de l'amendement, dans le cadre de la discussion de l'amendement de l'article 13.

Mme Harel: M. le Président, justement, avant...

M. Bourbeau: ça me paraît irrégulier de faire une motion alors qu'on n'a même pas discuté de l'amendement, on n'a même pas disposé de l'amendement.

Mme Harel: Justement, c'est avant même d'en disposer que nous souhaiterions avoir le point de vue de la Commission des droits de la personne. Il ne s'agit pas, évidemment, nécessairement, de les auditionner, au sens de leur demander de se présenter devant la commission, que de solliciter leur avis, qui pourrait nous être transmis tout simplement par écrit. Alors, M. le Président, compte tenu des explications que le ministre a données, je voudrais modifier l'amendement qui a été déposé devant la commission et biffer le deuxième paragraphe, de façon à ce que l'amendement ne se lise plus...

Le Président (M. Gobé): Mme la députée, vous ne le pouvez pas. Si vous amendez votre propre amendement, nous devrions disposer de celui-ci avant.

Mme Harel: Non, non, on ne sous-amende pas. Mais on peut, de consentement, biffer?

Le Président (M. Gobé): II faut en faire un sous-amendement.

Mme Harel: S'il y a consentement, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Vous devez donc faire un sous-amendement à votre amendement.

Mme Harel: Bon, alors, je n'en ferai pas et le député de Pointe-aux-Trembles va le faire.

M. Bourdon: Je vais le faire, je vais le faire sous forme de sous-amendement.

Le Président (M. Gobé): À ce moment-là, nous allons pouvoir le faire.

Mme Harel: Alors, le sous-amendement consiste à biffer le deuxième paragraphe de l'amendement qui est déposé devant la commission, de façon à ce que le troisième paragraphe devienne le deuxième.

Le Président (M. Gobé): O.K. Alors, l'amendement est recevable.

M. Bourdon: C'est un sous-amendement. Le Président (M. Gobé): Donc, nous allons..

M. Bourbeau: M. le Président, je l'ai proposé. Mol, je n'ai pas d'objection. Je ne tiens pas à faire de débat là-dessus...

Le Président (M. Gobé): L'amendement est recevable. Est-ce qu'il y a des débats? Est-ce que vous allez continuer? Mme la députée

Mme Harel: Oui. M. le Président, compte tenu des explications apportées par le ministre à l'effet que l'article 122 de la Loi sur les normes du travail est modifié par l'article 55, mais que l'article 122 de la Loi sur les normes du travail prévolt déjà l'interdiction, pour un employeur, de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié dans le but d'éviter l'application de la présente loi ou d'un règlement.

Le Président (M. Gobé): Alors, il y a un vote en Chambre et je vais donc suspendre les travaux de la commission, le temps que les parlementaires puissent se rendre au salon bleu pour aller voter. La commission suspend donc ses travaux jusqu'après le vote.

(Suspension de la séance à 22 h 51)

(Reprise à 23 h 5)

Le Président (M. Gobé): La commission des affaires sociales reprend le cours normal de ses travaux. Alors, nous étions en train de discuter du sous-amendement présenté par le député de Pointe-aux-Trembles à son amendement.

Une voix:...

Le Président (M. Gobé): C'est ça. Et l'amendement avait pour but de supprimer le deuxième alinéa de l'amendement qui était: "Un salarié qui croit avoir subi une réduction ou une modification de ses conditions de travail en raison du premier alinéa bénéficie d'une présomption en sa faveur et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette mesure à l'égard du salarié pour une cause juste et suffisante" L'alinéa 2 serait remplacé par l'alinéa 3. Est-ce que le sous-amendement est adopté?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Gobé): Consentement. Alors, si l'amendement est adopté, l'amendement se lit de la façon suivante. L'alinéa 1. L'article 13 du projet de loi 97 est modifié par la suppression, dans la troisième ligne du premier alinéa, du mot "seul", 2°, par la suppression du deuxième alinéa. Est-ce que...

Mme Harel: Est ce que c'est le seul amen dément, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Oui, Mme la députôo

Mme Harel: Alors, une dernière intervention, pour souligner que déjà à l'article 122.1 de

la loi des normes nous retrouvons une semblable disposition mais, cette fois, à l'égard de la pratique interdite de mise à la retraite obligatoire. Et ce que nous en lisons, c'est la formule suivante: "II est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, suspendre ou mettre à la retraite un salarié pour le motif qu'il a atteint ou dépassé l'âge ou le nombre d'années de service, etc." On ne dit pas "pour le seul motif'. On dit "pour le motif. C'est le motif qui est interdit. Le motif qui est Interdit, c'est celui de la mise à la retraite, en l'occurrence, à l'article 13, le motif qui est interdit, c'est le fait que le salarié travaille actuellement moins d'heures par semaine.

Et je ne comprends pas pourquoi là, plutôt que de s'en tenir à une rédaction harmonisée de la loi, le législateur ait choisi d'ajouter le mot "seul" parce que, quand on retrouve dans la loi des normes des pratiques qui sont interdites pour des motifs, bien, ces motifs-là sont exprimés sans qu'il soit jugé nécessaire d'ajouter le mot "seul". Et moi, je vous dis que lorsqu'il y aura une interprétation...

Les dispositions se lisent les unes par rapport aux autres et un arbitre ou un commissaire du travail aura à évaluer pourquoi, par exemple, à l'article 122.1, le législateur a jugé qu'il était suffisant d'énoncer l'interdiction d'une mise à la retraite pour le motif que le salarié a dépassé l'âge, et puis qu'en matière de temps partiel le législateur a préféré indiquer que ça devait être pour le seul motif. Si les mots ont un sens, M. le Président, bien, ils en ont un de plus en droit qu'ailleurs. Et puis, habituellement, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Puis, quand ça ajoute des mots, c'est parce qu'ils devraient trouver application.

Et je trouve ça extrêmement regrettable que ce mot-là ait été ajouté dans cette disposition qui venait, en quelque sorte, offrir une protection, mais cette protection est assez éludée, finalement, par l'introduction du mot "seul", parce qu'il y aura toujours possibilité pour l'employeur de plaider que c'était pour d'autres motifs beaucoup plus facilement avec l'Introduction du mot "seul", parce qu'il va toujours pouvoir plaider que c'était non pas pour ce motif là, mais pour d'autres motifs. Parce que, dès qu'il y aura d'autres motifs, l'arbitre ou le commissaire du travail devra juger que c'est une cause juste et suffisante, même si le salarié effectue les mêmes tâches dans le même établissement. Je comprendrais, moi, si les mots "les mêmes tâches" n'avaient pas été introduits dans l'article. L'argumentation du ministre aurait pu se tenir si on avait dit: Un employeur ne peut accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux autres salariés dans le même établissement pour le seul motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures. Mais ce n'est pas ça. On a ajouté: Ça ne peut pas être consenti quand ce sont pour les mêmes tâches dans le même établissement. Alors, ça va être pour quoi d'autres? C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, Mme la députée? Est-ce que l'amendement à l'article 13, sous-amendé tel que mentionné, est adopté?

Mme Harel: Un vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): vote nominal. est-ce que l'amendement à l'article 13 est adopté? mme la secrétaire, si vous voulez appeler le vote.

La Secrétaire: C'est bien, M. le Président. Alors, quels sont ceux qui sont pour l'amendement tel que sous-amende? M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Contre.

La Secrétaire: M. Gobé (LaFontaine)?

Le Président (M. Gobé): Contre.

La Secrétaire: Mme Loiselle (Saint-Henri)?

Mme Loiselle: Contre.

La Secrétaire: M. Paradis (Matapédia)?

M. Paradis (Matapédia): Contre.

La Secrétaire: M. Philibert (Trois-Rivières)?

M. Philibert: Contre.

La Secrétaire: M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles)?

M. Bourdon: Pour.

La Secrétaire: Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)?

Mme Harel: Pour.

La Secrétaire: M. Atklnson (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Atkinson: Contre.

La Secrétaire: Alors, l'amendement...

M. Atkinson: Est-ce que ce serait possible, pour moi, de parler un petit moment, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Oui, certainement. Je pense qu'il y a consentement. On va donner les résultats du vote parce que nous sommes

pendant le vote, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mais dès que le vote aura été annoncé, de consentement, nous allons vous accorder quelques minutes de droit de parole. O.K.

La Secrétaire: L'amendement est rejeté.

Le Président (M. Gobé): L'amendement à l'article 13 est rejeté. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, nous vous reconnaissons.

M. Atkinson: merci, m. le président. je parle en anglais parce qu'en français c'est trop... too hard on the ears. i would just like to comment here. i have been srtting here now for three hours - two and a half hours or whatever the hell it is - and we are nit-picking on things that frankly do not mean a damn at all. in section 41.1, "seul motif - en anglais, c'est le môme alinéa - "sole reason" and i do not understand. i think it is very clear in the law as it is tabled. it makes it quite clear what the motive is and i do not see a purpose for modi-fying, or changing, or deleting words that merely give a depth in the reason for the law to become understandable and i am afraid that what is happening is that we are gettlng into the realm of change for the sake of change. i am totally opposed to this because i am firmly very much in the free enterprise, "entrepreneurial" spirit, and we cannot wrap the people of québec in cotton batting and then hold them from a wound to the tomb and have them interpret laws on the basis of one or two words. i am sorry. i just sit... c'est désagréable pour moi. je ne comprends pas le changement sur le mot "seul" ou sur le mot "sole reason". je ne comprends pas. c'est incroyable! and we are wasting time. i am sorry, and i have wasted time now. merci, m. le président.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous sommes toujours à l'étude de l'article 13.

Mme Harel: Nous n'en étions pas à l'article, M. le Président. Nous en étions à une remarque qui, par consentement...

Le Président (M. Gobé): Dans le cadre de l'article...

Mme Harel: C'est ça.

M. Bourbeau: c'est un peu hors d'ordre, mais, enfin, disons que le député aurait pu faire son intervention avant le vote et il l'a fait après.

Mme Harel: C'est ça.

M. Bourbeau: Disons qu'on revient, M. le Président, sur l'article.

Mme Harel: Disons qu'on comprend qu'il ne comprenne pas.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que l'article 13...

M. Bourdon: ...j'aurais une petite chose à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de Pointe-aux-Trembles. (23 h 15)

M. Bourdon: Oui, c'est parce que le député qui m'a précédé ne comprend pas pourquoi on veut changer un seul mot. Mais c'est que, parfois, dans un texte, un ou deux mots peuvent faire un grand problème. Dans le passé, par exemple, il y a eu les deux mots "société distincte" qui ont posé un certain nombre de problèmes. Je voudrais attirer l'attention, M. le Président, sur l'article 122.1 des normes minimales actuelles où il s'agit de la retraite. On dit "pour le motif" au lieu de "pour le seul motif". Et les juristes qui m'ont enseigné à écrire des conventions collectives disaient que, dans un contrat comme dans une loi, il est préférable d'utiliser les mêmes termes partout.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Nous avons compris le sens de votre intervention. J'appellerai maintenant l'adoption de l'article 13. Est-ce que l'article est adopté?

Mme Harel: Un même vote, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Même vote. L'article...

M. Bourdon: Un même vote que quoi au juste?

Le Président (M. Gobé): Que l'amendement. M. Bourbeau: Non, M. le Président. Mme Harel: Non, inversé. Le Président (M. Gobé): Inversé, oui.

M. Bourbeau: M. le Président, il a beau être 11 h 15 du soir, on n'est pas encore totalement endormis!

Le Président (M. Gobé): L'article 13 est adopté, vote inversé.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Gobé): Sur division. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Atkinson: Adopté...

Le Président (M. Gobé): J'appelle l'article 14. M. le ministre.

M. Bourbeau: Cette modification vise à assouplir la loi en permettant que le temps supplémentaire, les commissions ou les primes gagnés au cours de la semaine précédant le versement du salaire puissent être payés lors de la paie subséquente ou au moment prévu par la convention collective ou le décret. Je rappelle ou je souligne, plutôt, que la loi actuelle ne laisse pas assez de délai aux employeurs pour leur permettre de préparer la paie quant à ce qui est survenu quelques jours plus tôt. Et je souligne que lavant-projet de loi était muet quant au contenu des conventions collectives et des décrets.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: On se trouve donc, M. le Président, au chapitre IV, section I, sur le salaire. C'est bien le cas. Et nous avons donc devant nous une modification à cette section I concernant les salaires. M. le Président, j'aimerais qu'à ce stade-ci vous puissiez nous faire part de votre décision, parce que je vous rappelle que nous avons, à l'article 14, une modification introduite à la section I, sur les salaires, de la loi des normes du travail. Je sais que vous avez pris connaissance d'une décision. Est-ce qu'on peut avoir copie de la décision antérieure?

Une voix: Elle est à la photocopie.

Mme Harel: Ah bon! Elle est à la photocopie. Préférez-vous attendre que nous en ayons copie?

Le Président (M. Gobé): Oui, mais je n'ai pas encore rendu ma décision. Ma décision est toujours en délibéré et, comme j'avais informé la commission lors de la prise en délibéré que je la rendrai d'ici demain, vous comprendrez que je n'ai pas eu le temps de consulter le service juridique.

Mme Harel: Très bien.

Le Président (M. Gobé): Et vu que vous avez fait valoir l'extrême importance d'une décision juste pour la jurisprudence et l'avenir des fonctionnements des commissions parlementaires, vous comprendrez que je préfère ne pas me hâter et prendre le maximum de précautions afin de rendre justice et de rendre la décision la plus juste possible.

M. Bourbeau: Pour l'avenir du Québec?

Le Président (M. Gobé): Surtout que ce seraient des Implications très graves ou importantes pour les prochains projets de loi dans toutes les commissions et dans tous les projets de loi qui seront soumis dans les Législatures, celle-ci et les suivantes. Mme la députée, si vous voulez passer à l'article 14.

Mme Harel: Oui, certainement. On va disposer de l'article 14. Adopté.

Le Président (M. Gobé): L'article 14 est adopté. J'appellerai l'article 15.

M. Bourbeau: M. le Président, le changement proposé vise à préciser que l'employeur est dispensé d'inscrire une ou des mentions sur le bulletin de paie, lorsqu'elles ne s'appliquent pas à son personnel. En fait, il n'y a aucun changement par rapport à l'avant-projet de loi. En fait, les remarques que je viens de faire portaient sur le premier paragraphe, M. le Président. Est-ce que vous voulez que je les commente un par un?

Le Président (M. Gobé): Tant qu'à faire, allez-y, M. le ministre. Ça permettra peut-être de vider la question.

M. Bourbeau: Alors, voilà les remarques concernant le premier paragraphe. En ce qui concerne le deuxième paragraphe, cet amendement est prévu pour apporter une correction de concordance avec la modification proposée à l'article 17 qui permet le remplacement du paiement des heures supplémentaires par un congé payé. Encore là, il n'y a aucun changement par rapport à l'avant-projet de loi.

S'agissant du troisième paragraphe, cette modification vise à rendre conforme la version anglaise à la version française qui ne fait pas référence à un taux horaire. Encore là, il n'y a aucun changement par rapport à l'avant-projet de loi.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que le ministre peut me rappeler les dispositions du projet de loi concernant le congé payé à la place du versement du temps supplémentaire?

M. Bourbeau: C'est l'article 17 du projet de loi qui modifie l'article 55 de la Loi sur les normes du travail qui dit: "Malgré le premier alinéa, l'employeur peut, à la demande du salarié ou dans les cas prévus par une convention collective ou un décret, remplacer le paiement des heures supplémentaires par un congé payé d'une durée équivalente aux heures supplémentaires effectuées, majorée de 50 %."

Le Président (M. Gobé): Est-ce que cela vous satisfait, madame?

Mme Harel: Oui, tout à fait.

Le Président (M. Gobé): Alors, est-ce que l'article 15 est adopté?

Mme Harel: II y a le troisième paragraphe également dont on dispose avec l'article 15.

Le Président (M. Gobé): Ça y ressemble Mme Harel: Adopté.

Le Président (M. Gobé): O.K. L'article 15 est maintenant adopté. J'appelle donc l'article 16.

Mme Harel: M. le Président, avant que nous abordions l'article 16, pour réserver nos droits Jusqu'à ce que vous procédiez à une décision à l'égard de la recevabilité de notre amendement à l'article 12.1, je voudrais introduire un amendement qui deviendrait l'article 15.1 Alors, je vous en fais lecture.

Le Président (M. Gobé): Faites-en lecture, allez-y!

Mme Harel: Le projet de loi 97 est amendé par l'addition, après l'article 15, des articles suivants: 15.1. L'article 52 de cette loi est modifié, au premier paragraphe, par le remplacement, dans la deuxième ligne, du mot "44" par "40"; au deuxième paragraphe, par l'addition, dans la deuxième ligne, après le mot "heures" des mots "et la journée normale de travail est de huit heures"; au troisième paragraphe, par l'addition à la fin des alinéas suivants: "Un salarié a le droit de refuser de continuer de travailler après 48 heures de travail dans une semaine et après 8 heures de travail dans une journée. "Malgré le deuxième alinéa, un salarié ne peut refuser de continuer de travailler si ce refus met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l'intégrité physique d'une autre personne ou si ce refus a pour effet d'entraîner la destruction ou la détérioration grave des biens, meubles ou immeubles de l'employeur."

Le Président (M. Gobé): Est-ce que votre amendement est déposé, Mme la députée? Je vais en faire faire des copies et les distribuer à l'ensemble des membres de la commission et je le prends en délibéré jusqu'à demain.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai exactement la même plaidoirie.

Le Président (M. Gobé): Je présume que c'est la même plaidoirie, c'est le même cas.

M. Bourbeau: Les mêmes arguments.

Le Président (M. Gobé): N'ayant pas statué sur le premier, je ne peux donc pas statuer sur celui-ci. Donc, je le répète, je le prends en délibéré jusqu'à demain, dans le courant de la journée. Nous allons donc, maintenant, passer à l'article 16. M le ministre, si vous voulez.

La durée du travail

M. Bourbeau: Oui. Cette modification vise à traiter les colonies de vacances sur le même pied, qu'elles soient à but lucratif ou pas, quant à la durée du travail. Je vous rappelle que les colonies de vacances à but lucratif pour enfants - pour enfants, là - de l'Ontario et de l'état de New York bénéficient d'une telle exemption. Il n'y a aucun changement par rapport à l'avant-projet de loi, M. le Président.

M. le Président, j'aimerais attirer l'attention de la commission sur cet article-là, où on dit que dans la loi actuelle... Je reviens à la loi actuelle qui dit que la durée de la semaine normale ne s'applique pas à un étudiant employé dans un organisme à but non lucratif. Je raccourcis un peu pour les fins de la compréhension: L'objet de l'amendement est d'étendre cet article-là, les effets de cet article-là, à un étudiant qui est employé, qui serait employé dans un organisme à but lucratif. Mais je souligne que ça ne concerne que la semaine normale, et non pas les autres objets de la loi. Uniquement, là, l'article 51 ou 54?

Une voix: L'article 54.

M. Bourbeau: L'article 54 de la loi sur les normes dit bien que la durée de la semaine normale ne s'applique pas. Bien sûr, on parle toujours de colonies de vacances. Alors, la durée de la semaine, et c'est restreint à cet objet-là, dans une colonie de vacances ne s'applique pas aux étudiants, à un étudiant qui est employé par ou qui travaille pour un organisme à but non lucratif, pour, à, dans ou pour, dans un organisme ou pour un organisme à but lucratif. Alors, évidemment, ça, c'est, M. le Président, le paragraphe 1. Dans le deuxième paragraphe...

M. le Président, le deuxième paragraphe vise, ou l'amendement qui y est contenu vise à exclure les salariés des petites fermes de la semaine normale de travail, sous réserve de l'amendement prévu au paragraphe troisième qui pourrait permettre de déterminer une durée particulière à leur égard Je rappelle que l'article 3, premièrement, au premier paragraphe, au premier alinéa de la loi actuelle, exclut les salariés des petites fermes de toute la loi. Et, finalement, le troisième paragraphe, M. le Président, a pour objet de permettre au gouvernement de déterminer une semaine régulière de travail pour des salariés qui, auparavant, n'avaient pas droit à du temps supplémentaire.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de

Hochelaga-Maisonneuve. (23 h 30)

Mme Harel: Oui, alors M. te ministre nous dit donc que l'article 16 ne trouve application que dans le cadre de l'article 54 de la loi des normes, qui traite de la durée de la semaine de travail. Cependant, à l'article 2, paragraphe 1 du règlement concernant le salaire minimum, il est dit que, et je lis: L'étudiant employé dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel une colonie de vacances ou un organisme de loisirs, ne bénéficie pas de la protection de la disposition traitant du salaire minimum. Est-ce que le ministre a l'intention d'élargir aux organismes à but lucratif la disposition qui, actuellement, ne s'applique qu'aux organismes à but non lucratif et les dispense de payer le salaire minimum?

M. Bourbeau: M. le Président, j'attire l'attention... Vous permettez, M le Président, oui.

Le Président (M. Gobé): Allez, M le ministre. La parole est à vous.

M. Bourbeau: J'attire l'attention des membres de la commission sur l'article 39 du projet de loi, qui fait en sorte d'amender l'article 88 de la loi et qui indique que le gouvernement peut faire des règlements pour exempter de l'application totale ou partielle, etc. On notera que, dans le premier paragraphe de l'article 39, on modifie l'article 88 par l'insertion, dans la neuvième ligne du premier alinéa, après le mot "employé", des mots "dans une colonie de vacances". C'est donc l'intention du gouvernement de faire en sorte que les colonies de vacances à but lucratif soient traitées de la môme façon que les colonies de vacances à but non lucratif.

Mme Harel: Au salaire minimum.

M. Bourbeau: Oui, étant entendu que le gouvernement pourra toujours, par règlement, tel qu'il est prévu, apporter éventuellement les modifications qui pourraient être jugées souhaitables ou de concordance.

Mme Harel: Alors, M. le Président, il faut bien constater, là, que la Commission jeunesse du Parti libéral a été défaite sur toute la ligne. Aucune des recommandations qu'elle est venue défendre devant cette commission n'a finalement été retenue par le ministre. Et je me rappelle la véhémence du propos, et du président et des personnes qui l'accompagnaient, faisant valoir au ministre que si la rationalité, là, de la non-application du salaire minimum pouvait se justifier dans les colonies de vacances à but non lucratif, puisque le profit réalisé, finalement, sur le dos des étudiants moins bien payés l'était pour des fins communautaires, si vous voulez, ou celles auxquelles les étudiants eux-mêmes adhéraient en acceptant de travailler en deçà du salaire minimum pour les fins d'opérer ces colonies de vacances ou ces organismes de loisirs communautaires... Ils rappelaient que c'était bien différent en ce qui concerne les colonies de vacances à but lucratif, parce que le profit réalisé allait être directement celui réalisé en ne payant pas le juste salaire aux étudiants, et que si ça se comprenait que les organismes à but non lucratif puissent bénéficier de la contribution de l'étudiant, ça ne se comprenait pas, ça ne pouvait pas se justifier, ce n'était pas justifiable que les organismes à but lucratif, ceux qui opèrent pour faire des profits, puissent finalement obtenir un sort équivalent qui, comme ça, de prime abord, peut avoir l'air d'être un traitement égal là - le ministre va peut-être nous dire qu'il y aura de la discrimination - mais qui dans le fond, va discriminer les étudiants qui vont être, finalement, du "cheap labour" pour ces organismes qui sont des entreprises, là. Il faut bien voir que ce sont des entreprises qui sont incorporées pour réaliser des profits.

À cet effet, la Commission jeunesse - puis je vais les citer parce que c'était, mon Dieu, très convaincant... Elle disait: La présente législation exclut les organismes à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire des normes concernant le salaire minimum et la durée de la semaine de travail. Sur cette question, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec a deux revendications à formuler. D'abord, une proposition de l'avant-projet consiste à exempter, également, les colonies de vacances à but lucratif - et là, on constate que le projet de loi 97, également, exempte les colonies de vacances à but lucratif. Je poursuis: ...des dispositions de la loi concernant la durée du travail et le salaire minimum. Cette suggestion est inacceptable, tout autant que les arguments évoqués pour la soutenir. En effet, l'Association des camps du Québec soulève la concurrence des colonies de vacances de l'Ontario et de l'État de New York pour justifier cette demande à laquelle s'apprête à répondre le gouvernement. Toutefois, faut-il rappeler que la concurrence n'est pas le propre des colonies de vacances. De nombreuses industries québécoises font face à la compétition ontarienne et américaine. Par exemple, dans le secteur manufacturier, il n'est pas du tout question de les soustraire à l'application de la loi. La Commission jeunesse désapprouve profondément cette idée et demande le retrait de cette proposition, qui est fondée sur un principe dont l'extension mènerait à l'annihilation des effets de la loi sur les normes du travail. Cette réponse à l'argument de la concurrence ouvre la porte à bon nombre d'autres exceptions, allant ainsi à i'encontre des objectifs fondamentaux de la loi. Une libération de certaines dispositions de la loi est justifiée, dans le cas des organismes à but non lucratif, puisque ceux-ci n'ont pas pour but ultime le

profit, mais bien le service de la communauté. Quiconque accepte de travailler en deçà des conditions prescrites par la loi, au sein d'une colonie de vacances à but non lucratif, concourt donc, exclusivement, à servir la communauté, et d'aucune façon à augmenter les bénéfices de l'entreprise.

Notre deuxième remarque concerne le deuxième alinéa de l'article 54 de la Loi sur les normes du travail, ainsi que le premier alinéa de l'article 2 des règlements sur les normes du travail, ce dont on vient, justement, de parler. Ces deux parties du texte de loi visent à soustraire de l'application des dispositions sur la durée de la semaine et sur le salaire minimum, un étudiant employé dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel une colonie de vacances ou un organisme de loisir. Nous avons expliqué précédemment pourquoi nous reconnaissons la légitimité de laisser un peu de latitude aux organismes sans but lucratif, mais nous ne comprenons pas pourquoi ce ne sont que les étudiants qui sont soustraits à certaines dispositions. Puisque nous ne voyons vraiment pas en vertu de quel principe une personne salariée effectuant le même travail qu'une autre, dans les mêmes conditions, ne serait pas protégée par la loi du seul fait qu'elle soit aux études, nous réclamons que le mot "étudiant" soit remplacé par un terme plus large, qui inclurait tous les salariés.

Alors, M. le Président, en définitive, là, non seulement le ministre nous dit-il qu'il va maintenir le règlement qui soustrait du salaire minimum les étudiants qui travaillent dans des colonies de vacances à but non lucratif, mais il nous dit qu'il va élargir, finalement, tout cela, de façon à ce que les colonies de vacances à but lucratif aussi bénéficient d'étudiants qui vont être payés en deçà du salaire minimum. Le Conseil permanent de la jeunesse faisait parvenir, en date du 26 novembre, donc la semaine dernière, un avis concernant le projet de loi qui est devant nous, et je le cite: Le Conseil comprend mal que les étudiants et étudiantes travaillant dans une colonie de vacances ou dans un organisme à but non lucratif, à vocation sociale ou communautaire, soient exclus du champ d'application de la loi. Comment peut-on justifier qu'en raison de leur statut ces jeunes n'aient pas les mêmes droits que les travailleurs non étudiants employés dans les mêmes organismes? Faut-il rappeler qu'avec l'augmentation des frais de scolarité à l'université, les jeunes étudiants et étudiantes doivent désormais assumer une part croissante du financement de leurs études.

Alors, M. le Président, si je comprends bien, ce n'est pas que l'Opposition n'en a pas parlé, la Commission jeunesse, de son propre parti, est venue plaider, et plaider vraiment de façon éloquente. Je me rappelle les applaudissements presque chaleureux qui avaient suivi la présentation du mémoire devant la commission

Et le mifiistre n'a rien modifié de l'avant-projet de loi. Rien de ce qui a été énoncé par la Commission jeunesse n'a été utilisé pour quoi que ce soit, pour servir en quoi que ce soit à modifier le projet de loi

Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous avez terminé, Mme la députée?

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est évidemment très, très décevant. À ce compte-là, si le ministre est toujours prêt à s'inspirer de la concurrence ontarienne et américaine pour nous niveler par le bas, alors on va lui proposer de s'inspirer aussi de la concurrence ontarienne pour niveler par le haut et ajuster le salaire minimum à ce qu'il sera bientôt en Ontario.

Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la députée. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, les arguments de la députée de Hochelaga-Maisonneuve ne sont pas dépourvus de sens, d'autant plus qu'elle reprenait mot à mot les arguments de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, et c'est ça qui donne évidemment un peu plus de poids à ses arguments. J'aimerais bien, quant à moi aussi, pouvoir faire en sorte de proposer immédiatement l'assujettissement des colonies de vacances à but lucratif au salaire minimum, mais nous avons rencontré des problèmes dans notre tentative de le faire et je dois dire qu'on a manqué un peu de temps pour être en mesure d'arriver avec une solution qui serait équitable, compte tenu de la situation qui prévaut dans les colonies de vacances en Ontario, par exemple, ou dans les États américains limitrophes. il y a un argument, quand même, qui est difficile à accepter c'est quand on nous dit que c'est du "cheap labour", on nous dit: quand ils travaillent dans une colonie de vacances à but lucratif, c'est du "cheap labour", mais quand ils travaillent au même salaire dans une colonie de vacances à but non lucratif, là, ce n'est pas du "cheap labour". pourtant, le "cheap labour", il vient - excusez l'expression, m. le président, c'est une expression consacrée - du salaire qu'on retire. alors, pourquoi ce serait du "cheap labour" quand on gagne, je ne sais pas, moi, 4,75 $ l'heure dans une colonie de vacances à but lucratif et que ce ne serait plus du "cheap labour" quand on gagne la même chose dans une colonie de vacances à but non lucratif?

Maintenant, on nous évoque le fait que dans un cas, c'est lucratif, donc on fait des profits, et dans l'autre cas, on ne fait pas de profits. Les indications qu'on a, nous, c'est qu'on ne fait de profits nulle part. Ce n'est certainement pas un domaine où les gens font des profits importants, les colonies de vacances, puisque ça ne dure que quelques semaines par été et qu'il y a des investissements importants et que, souvent,

les gens qui sont soi-disant à but lucratif ne le sont que parce que ce sont des familles ou des gens qui ne veulent pas voir des étrangers venir se mettre le nez dans leur organisation.

Nous sommes en train d'étudier encore, de pousser davantage nos études sur ce sujet-là, et il n'est pas impossible qu'éventuellement nous puissions en arriver avec des propositions plus concrètes. C'est pour ça que nous nous sommes gardé le pouvoir d'assujettir ou de modifier ces normes-là par la réglementation. Alors, espérons que nous pourrons, par règlement, et c'est prévu, d'ailleurs, éventuellement déterminer une semaine normale de travail à l'égard de certaines catégories de salariés qui, auparavant, avaient été exclus du temps supplémentaire, soit les étudiants employés par une colonie de vacances ou un organisme sans but lucratif. Les salariés affectés aux récoltes, même chose aux conserveries. Nous nous sommes gardé la possibilité d'intervenir par règlement à une date ultérieure.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme la députée, il vous reste quelques minutes. Vous en avez terminé?

Mme Harel: Combien? Non, non.

Le Président (M. Gobé): Trois minutes.

Mme Harel: Ce sont quelques minutes quand même substantielles, M. le Président. Mon Dieu, M. le ministre n'a rien à proposer. Il a juste à laisser les choses dans l'état où elles sont présentement. Alors, c'est lui qui vient bouleverser la situation. La Commission jeunesse du Parti libéral ne lui demandait pas de mofifier la loi; au contraire, elle lui demandait de ne pas la modifier dans le sens qu'il s'engageait à le faire dans son avant-projet de loi et qu'il maintient dans l'actuel projet de loi. Il a juste à laisser les choses dans cet état. (23 h 45)

Vous voyez, M. le Président, ce qui est embarrassant là, c'est que présentement tous les experts, les spécialistes ou, enfin, les gens intéressés aux opérations des colonies de vacances, des camps d'été, s'accordent à dire que le recrutement va être très difficile l'année prochaine. Je fais état d'un article paru dans La Presse au printemps dernier ot qui faisait état d'une plus grande difficulté de recrutement, compte tenu des conditions salariales des employés des camps d'été qui sont toujours assez précaires et compte tenu aussi de la hausse des frais de scolarité. Il y a une sorte de découragement, là, chez plusieurs jeunes qui étaient, auparavant, intéressés pour toutes sortes de raisons, y compris parce qu'il y avait défi au niveau des responsabilités à assumer. Il y a une sorte de découragement qui a fait que, cette année, le recrutement a été encore plus difficile.

Et, M. le Président, ce qui est assez inquiétant, c'est de prendre connaissance des propos du directeur de l'Association des camps à but lucratif du Québec qui, de toute façon, considère que la plupart des moniteurs ne recevaient pas, effectivement, le salaire minimum. Donc, la Commission ne faisait même pas appliquer sa propre loi. Et, finalement, ce que le ministre propose, c'est comme un ajustement pour que la loi vienne se mettre au diapason d'une réalité qui était celle de transgresser la loi. Le directeur, M. Louis Jean, estime, et je cite, que "dans les faits, la plupart des moniteurs ne reçoivent effectivement pas le salaire minimum." Il reconnaît également que "la hausse des frais universitaires risque d'avoir un impact sur le recrutement des moniteurs. Il faut que l'étudiant maintienne son niveau de vie. Si on veut garder la qualité, il va falloir réagir", a-t-il confié. C'est quoi réagir, si ce n'est pas améliorer les conditions de salaire et de travail des moniteurs dans les camps d'été.

D'autre part, M. le Président, on apprend dans cet article l'impatience des directeurs de camps à but lucratif de voir adopter au plus tôt les modifications à la loi qui les soustrait à l'application du salaire minimum et l'un d'entre eux, M. Paquin, directeur du camp La Perdrière à Saint-Donat, invoque être impatient du fait que deux de ses ex-employés contestent le montant de leur rémunération auprès de la Commission des normes du travail. Alors là, il y a une contestation devant la Commission de la part de moniteurs de colonies à but lucratif. D'autre part, les directeurs de ces organismes reconnaissent que, dans la majorité des cas, effectivement, ils n'offraient pas le salaire minimum. Et là, le ministre vient, par une législation, basculer dans le camp de ceux qui disent qu'il faut que les conditions précaires, les conditions instables demeurent et se renforcent et soient élargies à un plus grand nombre d'organismes que ça n'était le cas auparavant.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous avez terminé, madame?

Mme Harel: Le ministre s'étonnait tantôt que les jeunes de son parti aient manifesté beaucoup d'enthousiasme ou de motivation à travailler même à salaire moindre pour des organismes à but non lucratif que pour des organismes... Mais, je lui rappelle que c'est là une attitude qui est assez fréquente. Dans les organismes communautaires, il y a une sorte de bénévolat qui se fait. Ce n'est pas du "cheap labour", à moins que le ministre ne considère comme du "cheap labour" la participation aux travaux communautaires, les stages en milieu de travail, les programmes RAD, tous ces programmes qu'il autorise aux fins de considérer comme participants les bénéficiaires d'aide sociale et qui sont, évidemment, payés bien en de çà des

conditions de travail que l'on discute maintenant, mais qui le font parce que c'est là une implication bénévole à la communauté. Alors, si le ministre ne comprend pas ce que la Commission jeunesse de son parti est venue lui expliquer, à savoir qu'ils acceptaient de faire du bénévolat dans des organismes à but non lucratif, mais qu'ils n'accepteraient pas de faire du bénévolat dans des entreprises à but lucratif, je ne sais pas, si elle n'a pas réussi à lui faire comprendre, je ne vois pas comment, moi, je réussirais à lui faire comprendre. Malheureusement, je vols qu'il n'a pas non plus l'intention de comprendre.

Est-ce qu'on a un amendement? Au deuxième paragraphe, puisque nous en sommes au deuxième paragraphe de l'article 16..

Le Président (M. Gobé): Voulez-vous lire votre amendement?

Mme Harel: Oui. M. le Président, tout compte fait, c'est au moment de l'étude de l'article 39 du projet de loi...

Le Président (M. Gobé): Très bien.

Mme Harel: ...que nous reviendrons avec un projet d'amendement.

Le Président (M. Gobé): Alors, il n'y a pas d'amendement. M. le ministre, avez-vous des commentaires à faire suite à l'intervention de la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

M. Bourbeau: Non, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, j'appellerai...

Mme Harel: Le paragraphe 2.

Le Président (M. Gobé): ...l'adoption de l'article 16.

Mme Harel: On a simplement discuté du paragraphe 1, M. le Président. Là, je voudrais aborder, évidemment, le paragraphe 2 qui traite tout à fait d'autre chose, mais qui traite de salariés, d'employés à l'exploitation d'une ferme.

Le Président (M. Gobé): Alors, allez y, madame. Vous avez droit à un temps de parole sur chacun des paragraphes du projet de loi. Nous sommes article par...

Mme Harel: Est-ce qu'on peut clarifier cette question du temps de parole, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): oui. selon l'article 245, le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous amendement ou chaque article qu'on propose de modifier Ce temps de parole peut être utilisé en une ou plusieurs interventions.

M. Bourbeau: Je croyais que c'était 20 minutes par article.

Le Président (M. Gobé): Bien entendu, il faut que l'intervenante se prévale de ce droit, chaque article ou chaque alinéa...

M. Bourbeau: Je vous fais confiance, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve est dans son droit le plus strict lorsqu'elle a l'intention d'intervenir pour une période de temps maximum de 20 minutes à chaque article, paragraphe ou alinéa de l'article du projet de loi étudié. Ceci étant dit, il reste quatre minutes, Mme la députée, avant que nous levions...

Mme Harel: La séance

Le Président (M. Gobé): . ajournions les travaux à demain matin. Alors, est-ce que vous avez encore des commentaires ou si nous devons ajourner?

Mme Harel: Oui. J'ai surtout une question en regard du dernier alinéa de l'article 16 qui se lit ainsi: "Le gouvernement peut toutefois, par règlement, assujettir les catégories de salariés visées aux paragraphes 2 et 5 à 8 à la durée de la semaine normale qu'il détermine."

Alors, le paragraphe 2 de l'article 54 renvoie aux étudiants employés dans un organisme à but non lucratif dont nous venons de parler et les paragraphes 5 à 8 concernent les salariés affectés à la récolte, à la mise en conserve, à l'empaquetage, à la congélation des fruits et légumes pendant la période des récoltes, concernent les salariés dans un établissement de pêche, de transformation ou de mise en conserve du poisson et concernent également les travailleurs agricoles. Et je n'ai pas le 8e

Le Président (M. Gobé): ...un salarié employé à l'exploitation d'une ferme mise en valeur.

Mme Harel: Donc, ce serait le nouveau paragraphe qui précède.

M. Bourbeau: C'est ça.

Mme Harel: Un salarié employé à l'exploitation d'une ferme.

Le Président (M. Gobé): D'une ferme mise on valeur.

Mme Harel: Quand le ministre indique que

le gouvernement peut assujettir les catégories de salariés ainsi définies à la durée de la semaine normale qu'il détermine, qu'est-ce qu'il entend faire précisément? Il entend déterminer une semaine normale pour ces catégories? Actuellement, qu'en est-il au niveau de la réglementation de la semaine normale pour ces catégories?

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Bourbeau: Dans l'état actuel de la législation, M. le Président, ces catégories-là ne sont pas assujetties à une semaine normale de travail. La notion ne s'applique pas à eux. Ce que nous voulons faire, c'est que, quand nous aurons complété les études que nous menons sur ces sujets, nous verrons dans quelle mesure nous pourrions déterminer une semaine normale ou des semaines normales pour ces travailleurs-là, en tenant compte, bien sûr, des particularités propres à chacune de ces catégories de travailleurs.

Mme Harel: Alors, c'est donc dire qu'on donne au gouvernement, par l'article 16, le pouvoir de décider de la semaine normale. Alors, la loi lui donne le pouvoir de faire un règlement, mais on ne sait pas ce qu'il va y avoir dedans. C'est ça?

M. Bourbeau: Mais ça risque d'être une amélioration sur la situation actuelle où il n'y a pas du tout de semaine normale.

Mme Harel: C'est-à-dire que l'article... Dans le règlement actuel, aux articles 8, 9 et suivants, le règlement prévoit, à la section IV, un certain nombre de dispositions concernant la semaine normale, entre autres pour les salariés occupés dans une exploitation forestière, occupés dans une scierie, etc.

M. Bourbeau: Ce ne sont pas des catégories... Ce ne sont pas celles visées par l'article 54.

Mme Harel: Oui.

M. Bourbeau: Ce sont d'autres catégories.

Mme Harel: Est-ce que le ministre a l'intention de revoir ces catégories qu'on prévoit aux articles 8, 9, 10 et suivants du règlement?

M. Bourbeau: Ça ne fait pas partie de nos priorités pour l'instant, M. le Président. Mais il n'y a rien qui dit qu'on ne pourrait pas, au cours des prochains mois, s'attarder à regarder également ces articles-là.

Le Président (M. Gobé): Très bien, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, M. le ministre, étant donné qu'il est maintenant minuit ot que l'ordre de la Chambre nous a demandé de siéger et de faire l'étude du projet de loi 97 jusqu'à minuit, je vais maintenant devoir ajourner les travaux de cette commission à demain matin, 10 heures, en cette même salle.

L'horaire de la session intensive est 10 heures. Alors, demain matin, à 10 heures, en cette salle et la commission ajourne ses travaux. Je rappellerai aux membres de cette commission que la Chambre continue à siéger et que vous êtes cordialement invités à vous y rendre.

(Fin de la séance à minuit)

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