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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 14 mars 1991 - Vol. 31 N° 63

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document concernant le partage équitable des excédents d'actifs des régimes de retraite


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-et-une minutes)

Le Président (M. Joly): MM. les membres de la commission. Je vous rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document intitulé "Les régimes de retraite: le partage équitable des excédents d'actif. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette (Joliette) sera remplacé par M. Boisclair (Gouin); M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles).

Le Président (M. Joly): Merci, Mme la secrétaire. Je me permets de vous lire l'ordre du jour. Aujourd'hui, nous recevrons l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc, la Centrale de l'enseignement du Québec, le Conseil du patronat du Québec et, finalement, l'Institut canadien des actuaires.

Je vois que les gens de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal ont déjà pris place. J'apprécierais si M. le président pouvait nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association de bienfaisance et de

retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal

M. Perron (Jacques): Je vais vous présenter, à ma gauche, le vice-président de l'Association, M. Pierre Lenoir, et à ma droite, Claude Moses, qui est le secrétaire de l'Association.

Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes environ pour nous livrer votre mémoire, qui a déjà été reçu et lu, et partant de là, après, eh bien, nous permettons un échange entre les parlementaires de cette commission. Alors, à vous, M. Perron.

M. Perron (Jacques): M. le Président, nous désirons tout d'abord remercier le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de permettre aux officiers de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal de faire connaître leur position relativement au partage des excédents d'actif. Je voudrais faire une remarque immédiatement. Le mémoire ou les positions que l'on prend dans le mémoire n'engagent pas nécessairement les autres membres du conseil d'administration qui siègent sur notre conseil d'administration, à savoir les maires de banlieue ainsi que les représentants ou les échevins de la ville de Montréal. Ça n'engage que les officiers élus de l'Association, qui sont des policiers. Ça va?

À titre de représentants élus des participants de la caisse de retraite, nous avons été tentés de vous dire que les excédents d'actif devraient appartenir exclusivement aux participants. Mais, en tant que justiciers de carrière, nous avons poursuivi plus en profondeur notre réflexion, pour essayer de délier des positions parfois difficilement conciliables, en vous proposant des avenues qui nous semblent justes et équitables.

L'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal a été fondée en 1892. Et à ce titre, constitue l'une des plus vieilles caisses de retraite québécoises. Elle représente quelque 4486 policiers actifs et 2879 prestataires, soit des policiers retraités, des conjoints admissibles ainsi que des orphelins. L'Association gère un actif d'une valeur de 1 215 000 000 $ au marché. Elle a versé, au cours de l'année 1990, des prestations et remboursements à ses membres totalisant plus de 53 000 000 $.

De plus, nous voudrions faire remarquer au ministre qu'il a tenu sa promesse faite lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 116, à l'effet qu'il consulterait les personnes et les groupes intéressés par les régimes de retraite relativement au partage équitable des excédents d'actif et qu'il tiendrait une commission parlementaire à cet effet. Aujourd'hui, nous tenons à l'en remercier.

Le document de consultation fait référence à deux principes fondamentaux en regard desquels est bâtie la politique proposée par le gouvernement du Québec, à savoir la sauvegarde de la sécurité financière des régimes de retraite et le respect de la contribution des parties au financement du régime. Aussi, il nous apparaît évident que les améliorations introduites dans la réforme de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite devraient, dans un avenir prochain, limiter l'accumulation des excédents d'actif. C'est dans cet esprit que nous avons élaboré notre approche quant au présent document de consultation.

Surplus dans le cas de l'existence per-

manente du régime. Afin de répondre au premier objectif visé par la réforme proposée, à savoir la sécurité financière à long terme des régimes, les excédents d'actif ne peuvent exister que s'il y a pleine capitalisation du régime de retraite. À cet égard, nous sommes en accord avec la position gouvernementale à l'effet qu'il doit y avoir une marge de sécurité minimale au-delà de la capitalisation pour tenir compte des fluctuations, qui peuvent survenir entre les évaluations actuarielles, occasionnées tant par des facteurs économiques que démographiques.

La marge de sécurité minimale au-delà de laquelle il pourrait - je ne dis pas qu'il devrait - y avoir une distribution des excédents d'actif devrait être fixée telle que formulée dans la proposition gouvernementale, à savoir qu'une réserve de sécurité équivalente au plus élevé des deux montants suivants doit être maintenue: deux années de la quote-part patronale de la cotisation d'exercice ou 25 % du passif établi selon une approche de solvabilité.

D'autre part, dans le contexte de l'existence permanente du régime de retraite, nous croyons qu'il y a peu de chance qu'il y ait des surplus distribuâmes au cours des années. La contribution de l'employeur étant variable et, s'il s'avère qu'une évaluation actuarielle triennale ou intérimaire constate une surcapitalisation, il y aura réduction de la contribution de l'employeur.

Dans ces circonstances et afin d'être juste et équitable envers les participants du régime, il y aurait lieu d'introduire une règle qui permettrait à l'employeur de réduire sa contribution au régime jusqu'à concurrence de la contribution de l'employé. Dans ce sens, s'il y a un surplus dans la caisse et que l'employeur prend une vacance de contribution, sa vacance de contribution ne pourrait aller en deçà de la contribution faite par les employés. Il ne faut quand même pas oublier, lorsqu'il y a surplus dans une caisse de retraite, que ça peut être, soit des facteurs démographiques ou des facteurs de rendement. Et les rendements excédentaires par rapport à ce qui avait été prévu dans l'évaluation actuarielle, ces rendements-là ne sont pas faits juste sur la contribution de l'employeur. Ils sont faits aussi sur la contribution de l'employé et, dans ce contexte-là, on volt mal pourquoi ça serait juste l'employeur qui pourrait prendre une vacance de contribution. On propose que cette vacance de contribution, si l'employeur la prend, ne soit pas moindre que la contribution des employés. En substance, dans le cours ordinaire d'opération d'un régime de retraite, c'est l'essentiel de notre recommandation.

D'autre part, il ne faut quand même pas oublier aussi qu'il y a certains syndicats qui ont négocié avec l'employeur une contribution minimale de chacun d'eux, sachant fort bien à l'avance qu'il y aurait des surplus dans la caisse de retraite et que ces surplus-là seraient utilisés pour fins de bonification du régime de retraite.

Donc, dans ce contexte-là, il ne faudrait pas, s'il y a un projet de loi déposé qui ferait en sorte qu'il y aurait distribution obligatoire des surplus - soit moitié-moitié entre les participants et l'employeur - annihiler effectivement les efforts de négociation qui se sont faits entre le syndicat et l'employeur pour revaloriser les rentes à même les surplus.

L'approche de ne pas distribuer effectivement ou de ne pas permettre à l'employeur de prendre une vacance de plus que la contribution de l'employé s'inscrit dans la même ligne de pensée que celle retrouvée à l'article 60 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, qui édicté que les cotisations salariales ne peuvent servir à acquitter plus de 50 % de la valeur de toute prestation à laquelle le participant acquiert droit. Nous sommes conscients que 50 % de la valeur d'une prestation n'est pas nécessairement égal à 50 % de la contribution de l'employeur; néanmoins, nous ne pouvons pas nier non plus que la philosophie qui sous-tend le contenu de l'article 60 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite est à l'effet de faire participer, à part égale, l'employeur et le participant dans la prestation gagnée par ce dernier.

Quant à la terminaison d'un régime de retraite, la position de l'Association est à l'effet que tout surplus dégagé lors de terminaisons de régimes de retraite devrait obligatoirement appartenir aux employés.

Lorsque les parties se sont assises à la table de négociation pour négocier un régime de retraite, chacune des parties avait conscience des engagements qu'elle prenait lorsqu'elles ont négocié le régime de retraite. Les engagements se formulent nécessairement en termes monétaires pour chacune des parties.

Compte tenu que, dans un régime à prestations déterminées, la loi oblige la capitalisation du régime de retraite, donc la projection des salaires dans le temps, à ce moment-là, c'est à ça que les parties se sont engagées. D'une part, normalement, la contribution des employés est fixe et la contribution de l'employeur est variable, compte tenu des fluctuations qui peuvent arriver d'une évaluation actuarielle à l'autre et des fluctuations qui peuvent arriver sur le plan démographique et sur le plan économique. Mais, substantiellement, les parties connaissaient au départ leurs engagements.

Dans ce contexte-là, s'il y a terminaison de régime, donc évaluation sur base de terminaison, c'est certain qu'il y a des surplus qui se dégagent. Mais ces surplus-là, c'étaient effectivement des engagements que les deux parties avaient contractés et avec lesquels elles étaient d'accord. Ces surplus devraient nécessairement retourner aux employés parce que c'est ça qui avait été mis sur la table par l'employeur. Ce n'est pas sur une base de terminaison que ça a été négocié, c'est sur une base de "going concern" et, dans

ce contexte-là, de projection de salaires. Si le régime se termine, il y a un surplus, et ce surplus-là, les employés ont souvent donné des éléments de leur convention collective pour pouvoir effectivement payer ce régime de retraite là. je vous donne un exemple. chez nous, en 1984, dans le régime de retraite, on a négocié l'indexation pour le service passé dans le cas des policiers d'avant 1972. les policiers ont donné 7,5 jours de leur banque de maladie pour acheter cette indexation-là. ces 7,5 jours de la banque de maladie valaient, et valent encore aujourd'hui, 2,88 % de la masse salariale. dans le régime, c'est marqué 8 % que les policiers cotisent. la banque de maladie qui a été donnée pour racheter ces bénéfices-là, ce n'est pas marqué comme cotisation, mais ça a été donné, et ça équivaut à 2,88 % de la masse salariale.

Donc, dans les faits, les policiers cotisent - si ce n'est que juste ça - 2,88 % plus 8 % inclus dans les dispositions du régime, donc 10,88 %, à part les autres éléments qu'ils ont concédés au cours des années pour pouvoir se payer les bénéfices du régime de retraite. À l'heure actuelle, on est en négociation avec la Communauté au niveau du régime de retraite et la première réflexion que la Communauté a faite, elle nous a dit: Comment avez-vous trouvé l'argent pour vous payer les bénéfices additionnels que vous voulez avoir?

Nécessairement, dans toute négociation, les bénéfices qu'un régime de retraite donne, c'est des bénéfices qui, fondamentalement, sont subventionnés par les employés. L'employeur va concéder des choses. II va dire: Parfait, je vais mettre de l'argent dedans. Mais s'il met de l'argent dedans, c'est parce qu'il ne le donne pas en augmentation de salaire ou sous une autre forme de bénéfice. Donc, dans ce contexte-là, étant obligés de projeter des salaires dans un régime de retraite à prestations déterminées, s'il y a terminaison de régime, on prend comme position de dire que les surplus devraient retourner aux employés parce que c'est eux autres qui les ont financés complètement.

Quant aux autres modalités, au niveau des scissions de régimes, des fusions de régimes, c'est bien évident qu'il peut y avoir, encore là, des surplus. Lorsque deux régimes fusionnent - et c'est un élément que l'on a vu avec la ville de Montréal et la Communauté lorsqu'il y a eu fusion, durant une certaine période, des deux régimes - je pense qu'il serait un peu anormal ou pas correct, effectivement, d'utiliser les surplus provenant d'un régime appartenant à un groupe d'employés pour transférer dans un régime commun ou dans un autre régime. S'il y a des surplus qui sont dégagés lors de fusions de régimes, à ce moment-là, ces surplus-là devraient être utilisés pour bonifier les employés qui proviennent de ce régime et non pas, peut-être, pour essayer de régler le problème de l'autre régime avec lequel il est fusionné. C'est de l'argent qui appartient aux gens qui proviennent de ce régime-là. Dans ce contexte, s'il y a fusion ou scission de régimes, s'il y a des surplus, ils devraient appartenir à ceux qui proviennent, qui font partie du régime où il y a surplus.

Donc, M. le ministre, essentiellement, c'est la position de l'Association, tant dans le cas d'un régime en cours d'opération que dans le cas de terminaison, de scission ou de fusion de régimes. Nous sommes à votre disposition, nécessairement, pour vos questions.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Perron. M. le ministre, je vous reconnais le droit de parole.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, une Association qui a des racines très profondes, qui célébrera l'an prochain son premier centenaire, et qui a produit, au cours des années, des résultats intéressants, tant par les statistiques émanant de ses bilans financiers que par les anciens présidents qui ont évolué en haut de l'échelle de la fonction publique. Vous voyez qu'un fonds de pension, ça mène à tout, même à la présidence de la Régie des rentes.

Dans votre mémoire, vous ne signalez pas, en fait, la levée du moratoire comme telle. L'événement que va constituer la levée du moratoire ne semble pas - si j'ai bien compris votre mémoire - être un événement qui déclencherait ou obligerait à la distribution des excédents d'actif. Vous dites plutôt que vous préconisez une distribution à chaque évaluation triennale, évaluation actuarielle générale. Alors, est-ce que c'est un oubli ou si vraiment vous souhaitez que la première distribution ne se fasse, disons, que trois ans après la levée du moratoire?

M. Perron (Jacques): Effectivement, pour les régimes où il y a eu terminaison, je pense que la position est à l'effet que, s'il y a surplus dans ces régimes-là, ça devrait retourner aux participants à la levée du moratoire, à la terminaison de régime. D'autre part, quand on dit, dans le mémoire, que ça pourrait être à chaque évaluation dans le cas d'un régime en opération, si, effectivement, la position que le gouvernement prend est à l'effet qu'au-delà de la marge de sécurité, les surplus doivent être distribués, on propose qu'ils soient distribués tous les trois ans, lors de l'évaluation actuarielle.

M. Bourbeau: Mais quand vous avez dit que vous étiez d'accord qu'on puisse distribuer à la levée du moratoire, je crois que vous avez ajouté: À la terminaison d'un régime. Il me semble que j'ai entendu ça.

M. Perron (Jacques): Ah oui!

M. Bourbeau: La levée du moratoire, ce n'est pas nécessairement la terminaison d'un régime.

M. Perron (Jacques): Non, non, je suis d'accord. Là, vous voulez dire: À la levée du moratoire sur l'ensemble des surplus. À la levée du moratoire sur l'ensemble des surplus, nécessairement, il y a des cas qui sont pendants à l'heure actuelle. Et dans ce contexte-là, il y a aussi des cas de terminaisons de régimes qui sont pendants à l'heure actuelle. Dans ces cas-là, on dit que les surplus devraient appartenir aux employés. À la levée du moratoire, si le gouvernement prend comme position, dans un régime qui est en cours d'opération, de dire qu'au-delà de la réserve, on va obliger à distribuer les surplus, nous autres, on dit au gouvernement: Si vous prenez cette position, vous devriez obliger à la distribution de surplus à chaque évaluation actuarielle au-delà de la réserve. C'est dans ce sens-là. (10 heures)

D'autre part, la position fondamentale, c'est bien évident qu'au-delà de la réserve, on sait bien que la contribution de l'employeur varie d'année en année ou à chaque évaluation triennale. Moi, je ne suis pas nécessairement en désaccord si la contribution de l'employeur varie. Écoutez, on peut avoir des années comme l'année 1990; au niveau des rendements, ça n'a pas été phénoménal. Donc, si on faisait faire aujourd'hui, nous autres, une évaluation actuarielle du régime, la Communauté serait obligée de contribuer plus.

D'un autre côté, entre 1987 et 1989 - le déficit initial était évalué à 15 000 000 $ en 1987 - il y a eu un surplus d'enregistré, durant ces deux années-là, de 50 000 000 $, ce qui a fait passer le déficit initial à 75 000 000 $. Ainsi, la contribution de la Communauté pour amortir le déficit initial est passée de 13 000 000 $ à 11 000 000 $. Ça, on n'est pas en désaccord là-dessus. Une exception, où on a une réserve, c'est quand il y a absence totale de contribution de l'employeur à cause des surplus; là, on n'est pas d'accord. On dit que sa contribution ne devrait pas être moindre que celle des employés. Comme exemple, si l'employeur cotise 8 % à la caisse de retraite et les employés 5 %, s'il y a un surplus, ce qui permettrait à l'employeur de diminuer sa contribution à 3 %, on dit qu'il ne pourrait pas la diminuer plus qu'à 5 %. Ça va nécessairement générer, peut-être, certains autres surplus. À ce moment-là, il y aurait distribution, après entente entre les parties.

Mais que le gouvernement impose une distribution dans le cours normal d'opération d'un régime de retraite, c'est évident qu'il y a, comme je vous le disais tout à l'heure, des endroits où ils l'ont négociée, cette contribution- là, qui est supérieure à ce dont on aurait normalement besoin, comme contribution, pour assurer la pleine capitalisation, dans le but de revaloriser, après, avec les surplus qui se sont dégagés. D'ailleurs, c'est certain que les régimes qui ont des revalorisations ad hoc tous les deux ans, tous les trois ans ou tous les ans pour dire qu'on va "upgrader" le régime... Prenez un régime à salaire carrière; on va l'"upgrader" au dernier salaire, au cours, disons, de l'année 1990. Fondamentalement, c'est parce que la promesse n'est pas dans le régime pour dire qu'il va être appliqué sur le salaire final. Mais s'ils font ça tous les ans avec les excédents de contribution que chacune des parties, volontairement, a faits, bien c'est comme si c'était un salaire final, excepté qu'il n'est pas capitalisé. Mais ils utilisent ces surplus-là pour bonifier le régime. Puis ça, en tout cas, moi, je trouve ça tout à fait correct.

C'est pour ça que si le gouvernement prend position pour dire: On va obligatoirement distribuer les surplus en cours d'opération d'un régime de retraite, bien tous ceux qui auraient négocié ce genre de clause là dans le régime, en utilisant et en sachant fort bien qu'il pouvaient utiliser les surplus, là ils seraient obligés de les distribuer. Et probablement qu'une des positions, ce serait de distribuer 50 % à l'employeur et 50 % au participant alors qu'aujourd'hui ils utilisent la totalité de ces surplus-là pour bonifier leur régime.

Ecoutez, c'est des situations qui sont particulières dans à peu près chacun des régimes. Moi, je sais bien qu'au niveau de la Fédération des policiers du Québec, c'est ce genre de tendance là qu'ils ont à négocier: des contributions fixes qui sont plus élevées que ce qui serait normalement nécessaire pour pouvoir capitaliser leur régime. Ils utilisent ces excédents-là pour bonifier, d'année en année, leur régime de retraite.

M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'on doit répondre? Qu'est-ce que vous me suggéreriez de répondre aux employeurs qui nous disent: Lorsque le régime est déficitaire, nous, on est seuls requis de contribuer pour faire en sorte que le régime redevienne solvable; c'est également nous qui sommes obligés, nous seuls, de fournir, éventuellement, la rente à la retraite. Et, s'il manque des fonds, on doit faire en sorte que les fonds soient dans le fonds de pension pour être capables de payer ces prestations de retraite là. Alors, en conséquence, s'il y a des surplus, puisque, nous, on est responsables de combler les déficits, on devrait avoir droit aux surplus. Qu'est-ce que je réponds à ça?

M. Perron (Jacques): Bon. En fait, on va distinguer...

M. Bourbeau: Et la contrepartie de ça, c'est

que si vous préconisez que les surplus doivent être distribués exclusivement aux participants, est-ce qu'on ne pourrait pas dire que les déficits aussi devraient être comblés exclusivement par les participants?

M. Perron (Jacques): Écoutez, ce n'est pas une position avec laquelle je serais en désaccord, à l'exception, par exemple, que la représentativité des participants à la caisse de retraite ne serait pas huit-deux. Je veux bien mettre la main à la pâte pour les déficits, mais je veux avoir le plein droit au chapitre des orientations de placements de la caisse de retraite. Ça, je ne pense pas que l'employeur serait d'accord pour faire ça.

Mais si on revient à votre question première, les déficits, si on parle d'un déficit d'amélioration, ça, c'est une autre chose. Un déficit d'amélioration, c'est que les parties, de toute façon, lorsqu'elles ont négocié, savaient combien c'était pour coûter, un déficit d'amélioration du régime de retraite. Donc, cet engagement-là, il est connu. Il peut varier quand même avec le temps, compte tenu des rendements, mais fondamentalement, cet engagement-là est connu. Donc, les déficits d'amélioration, je pense que c'est un événement qui est complètement à part d'un déficit d'opération ou un déficit qui peut arriver d'une évaluation actuarielle à l'autre.

Mais les variations - on sait pertinemment que les actuaires, c'est des gens conservateurs par nature - dans les contributions de l'employeur pour tenir compte des fluctuations de l'économie ne sont quand même pas si énormes que ça. Il ne peut pas se dégager des grands déficits parce que les rendements attendus n'ont pas été effectivement réalisés. Donc, dans ce contexte-là, la caisse, bon an, mal an... C'est pour ça que, nécessairement, comme je vous le disais tout à l'heure, si on faisait faire une évaluation actuarielle du régime aujourd'hui, chez nous, probablement qu'il y aurait un déficit, compte tenu que les rendements attendus dans l'évaluation actuarielle et les rendements réalisés au cours de l'année 1990 ont été moindres. D'autre part, si on regarde ça sur des périodes de 5 ans ou sur des périodes de 10 ans, les variations sont quand même très mineures, ce qui fait qu'il peut se dégager de temps en temps des surplus, de temps en temps des déficits. D'autre part, somme toute, sur une longue période, ce sont des choses qui s'égalisent.

Dans ce contexte-là, l'argument de l'employeur pour dire: Moi, compte tenu que c'est moi qui doit payer les déficits, les surplus devraient m'appartenir, dans le cas de terminaison de régime, là c'est une autre réflexion qu'il faut faire. Dans le cas de terminaison, c'est complètement autre chose. Dans le cas d'opérations courantes d'un régime de retraite, que ce soit l'employeur qui empoche les surplus ou les déficits, ça ne me dérange pas trop trop. Parce que, bon an, mal an, ça va s'équilibrer dans le temps.

M. Bourbeau: Si on parlait maintenant des régimes non contributifs, où seulement l'employeur contribue; la part qui est allouée aux participants dans ces régimes-là, vous suggérez que cette part-là soit établie sur la base de - si j'ai bien compris - la moitié de la moyenne des cotisations patronales établies dans les deux dernières évaluations actuarielles.

M. Perron (Jacques): Oui.

M. Bourbeau: j'ai un peu de difficulté à saisir la technique de calcul que vous proposez. est-ce que ça produirait, ça, une part qui, disons, serait à peu près de 50 %? quel serait le partage...

M. Perron (Jacques): Qui est à peu près 50 %. La contribution de l'employeur au cours d'une évaluation actuarielle... C'est pour ça qu'on a dit que ça pourrait être les trois dernières évaluations actuarielles. Mais si les deux dernières évaluations actuarielles... Parce que si on prenait juste la dernière - et elle est arrivée en 1989 - compte tenu des rendements que la caisse a obtenus, la contribution de l'employeur va avoir normalement diminué, compte tenu des rendements. mais si on prend ça sur une période de six ans, si la contribution de l'employeur, dans un régime non contributif, est de l'ordre de 10 %, je pense qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce que, normalement, les employés ont dû concéder peut-être 5 % d'une rémunération quelconque, pour dire à l'employeur: tu vas contribuer complètement dans mon régime et c'est toi qui vas le capitaliser; moi, je ne paierai pas. mais on dit, nous autres, que l'employé a au moins, par voie de négociations, concédé des choses pour que l'employeur contribue complètement au régime.

Et dans la philosophie que les employés participent sous une forme ou sous une autre à l'enrichissement ou à la contribution à un régime de retraite, on dit que, dans ce contexte-là, on va prendre les deux évaluations actuarielles. Ici, dans un cas, la contribution de l'employeur était de 10 et, dans l'autre cas d'évaluation, elle était de 12. Bien, ça fait 11 divisé par 2, ça fait 5,5 pour chacun des côtés. Parce qu'il faut en déterminer une, si jamais le gouvernement disait qu'on va distribuer les surplus au-delà d'une réserve minimale. Comment fait-on dans le cas des régimes non eontributoires? Les employés ont contribué pareil dans ces régimes-là, même si, effectivement, le règlement du régime dit que les 10 % ne viennent pas de la poche des employés. Mais, dans une certaine mesure, il y en a au moins la moitié qui vient de la poche des employés.

M. Bourbeau: On se demande si les 50 % de la part de l'employeur, en fait, ça ne se trouve pas à être un tiers des cotisations totales, ça.

M. Perron (Jacques): 50 % de la part de l'employeur? Non. Ce n'est pas un tiers. Dans l'exemple que je vous ai donné, prenez deux évaluations actuarielles. Il y a une évaluation actuarielle qui disait qu'effectivement, l'employeur devait contribuer de 10 % au régime de retraite, et l'autre évaluation dit 12 %. On dit qu'on prend ces deux évaluations-là, on en fait la moyenne, ce qui fait 11 %. Les employés, on dit qu'effectivement, ils auraient contribué pour la moitié de ça, donc 5,5 %, et l'employeur,

o,o /o.

M. Bourbeau: Bon. O.K. Maintenant, à la page 3 de votre mémoire, vous suggérez d'introduire une règle qui* permettrait à l'employeur de réduire sa cotisation d'exercice jusqu'à concurrence de la cotisation salariale de l'année. Sur quoi vous appuyez-vous pour suggérer cette méthode-là?

M. Perron (Jacques): Jusqu'à concurrence de la cotisation salariale des policiers, des participants au régime de retraite. Nous autres, bien, fondamentalement, on prend pour acquis que ce sont tous les participants qui financent leur régime de retraite. Dans ce contexte-là, on dit que si la contribution de l'employeur varie dans le temps pour tenir compte des fluctuations de rendement, la vacance de contribution de l'employeur ne pourrait pas être zéro. Pour dire, une année, l'employeur ne va pas contribuer à la caisse de retraite. Les surplus qui ont été générés, ce n'est pas juste sur la contribution que l'employeur aurait faite dans la caisse de retraite, c'est aussi sur la contribution que les employés ont faite dans la caisse de retraite. C'est dans ce contexte-là qu'on dit que l'employeur ne pourrait pas avoir une vacance de contribution moindre que la contribution des participants. Et si les participants contribuent de 5 %, bien l'employeur, lui, ne pourrait pas avoir une vacance totale de contribution, il serait obligé de contribuer de 5 %. Sinon, on prend pour acquis que c'est juste les contributions que l'employeur a faites qui génèrent les surplus. Bien non. Moi, quand je contribue de 8 % dans ma caisse, bien, j'ai mis de l'argent dedans.

M. Bourbeau: Alors, la contrepartie de ça, c'est que vous reconnaissez que les surplus ne proviennent pas non plus exclusivement des contributions des travailleurs. C'est donc un composé des deux, quoi.

M. Perron (Jacques): C'est exact.

M. Bourbeau: Alors, quand on parle de distribuer éventuellement les surplus, si les surplus sont générés par les efforts des deux participants, pourquoi ne pourrait-on pas accepter aussi que les surplus soient partagés entre les deux participants et non pas versés à un seul?

M. Perron (Jacques): Bon. C'est que le risque que l'employeur prend... Et, pour moi, ça limite sa contribution, à l'employeur. En prenant pour acquis qu'effectivement, l'employeur contribue pour la moitié et que, moi, je contribue pour la moitié à la caisse de retraite, ça, je peux prendre ça pour acquis, dans le cas où, effectivement, il y a absence ou il y a vacance de contribution de l'employeur à cause des fluctuations qui peuvent arriver d'une évaluation à l'autre. Quand je vous disais tout à l'heure que, fondamentalement, ce sont les employés seuls qui assument le coût de la caisse de retraite... Parce que, si l'employeur ne mettait pas 10 % dans la caisse de retraite, j'ai l'impression que les employés l'auraient sous une autre forme de bénéfices. Bien, je présume. Parce que je ne pense pas que l'employeur va faire une gratuité comme ça. Ça, c'est venu par voie de négociations.

M. Bourbeau: Quand il y a un syndicat. Mais quand il n'y a pas de syndicat? (10 h 15)

M. Perron (Jacques): Alors quand il n'y a pas de syndicat, probablement que l'employeur a voulu s'attacher certaines personnes aussi, je veux dire, et puis il a fait une caisse de retraite. Et puis, écoutez, si on revient dans le temps... Et puis, d'ailleurs, lorsqu'on va sortir l'historique de la caisse de retraite des policiers de la Communauté, l'histoire nous enseigne qu'effectivement, à l'époque, il y avait énormément de difficultés à recruter des policiers. Et c'est dans ce contexte-là, effectivement, qu'ils ont créé une caisse de retraite pour recruter des policiers.

Ça fait qu'un employeur qui crée une caisse de retraite, si on ne prend que le gouvernement, avec les employés du gouvernement, bien je suis d'accord, il y a un syndicat. Ils ont négocié. Mais, d'un autre côté, un employeur qui crée une caisse de retraite pour ses employés, je ne pense pas qu'il fasse ça purement gratuitement. Quand il donne des augmentations de salaire à ses employés, là où il n'y a pas de syndicat, bien écoutez là, il tient compte aussi de ce qu'il paie dans la caisse de retraite au niveau des augmentations de salaire qu'il peut donner. Généralement, c'est comme ça.

Et c'est dans ce contexte-là que je dis que, lorsqu'il y a terminaison de régime, en prenant comme point de départ que, fondamentalement, ce sont les employés qui ont contribué globalement à leur caisse de retraite et que, de toute façon, les deux parties savaient exactement à quoi elles s'engageaient, dans une continuation permanente d'un régime de retraite, donc projec-

tion de salaires, l'argent a été versé à la caisse pour assurer ces rentes-là dans le temps. Et, à cause d'une terminaison de régime, il y a une partie de ces contributions-là où des surplus dégagés qui s'en iraient à l'employeur. Moi, je trouve ça anormal parce que les parties savaient les engagements qu'elles avaient. Ce n'était pas un engagement de terminer le régime dans trois ans d'ici. C'était un engagement d'une continuation permanente du régime de retraite. Et c'est dans ce contexte-là qu'on dit que les surplus, dans le cas de terminaison, devraient revenir exclusivement aux participants.

Le Président (M. Joly): Merci.

M. Perron (Jacques): Et d'ailleurs, ce n'est pas fait...

Le Président (M. Joly): C'est parce que, de la façon dont on procède, tout le temps que vous prenez dans votre réponse est imputable à la formation qui a posé la question.

M. Perron (Jacques): Je m'excuse.

Le Président (M. Joly): Et comme on a déjà débordé largement, disons, de l'enveloppe de temps qui nous est donnée, on est en train d'empiéter...

M. Bourbeau:... d'hypothéquer...

M. Bourdon:... de faire déborder la mienne.

Le Président (M. Joly): D'empiéter, donc, sur l'opération totale de la commission.

M. Bourdon: Ce sont les vases communicants.

Le Président (M. Joly): Alors, c'est pour ça que j'apprécierais si, au niveau des réponses, on pouvait le faire d'une façon peut-être un peu plus concise, s'il vous plaît. Alors, je vais reconnaître le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux souhaiter la bienvenue à l'Association de bienfaisance qui gère un des plus vieux fonds de retraite du Québec, un des plus gros, et un des plus avantageux pour les membres.

Vous dites dans votre mémoire: "À titre de représentants élus des participants de la caisse de retraite, nous avons été tentés de vous dire que les excédents d'actif devraient appartenir exclusivement aux participants. " J'aurais aimé, puisque vous avez été induits en tentation, que vous succombiez à la tentation. Et à cet égard, je ne peux m'empêcher, M. le Président, de noter qu'il y a peut-être une saveur un peu corporatiste à votre mémoire, dans le sens que, d'évidence, vos talents d'administrateurs et de négociateurs ont donné aux policiers retraités de la Communauté urbaine des avantages appréciables. Mais vous avez une tendance que j'ai connue aussi, je le dis tout de suite au ministre, quand j'étais dans le mouvement ouvrier, là, dans le temps qu'il y avait plus de grèves, comme il le soulignait hier, c'est que les gens qui ont une situation confortable ont une tendance naturelle à s'asseoir sur leur situation confortable.

Et vous ajoutez dans votre mémoire: "Mais en tant que justiciers de carrière, nous avons poursuivi plus en profondeur notre réflexion pour essayer de délier des positions parfois difficilement conciliables, en vous proposant des avenues qui nous semblent justes et équitables. " Je pense que, ce faisant, vous avez agi moins en tant que justiciers de carrière qu'un peu en tant qu'arbitres. Je vois le président de la Fédération des policiers dans la salle; j'imagine qu'il lui est arrivé, en lisant une sentence arbitrale tenant lieu de convention collective pour un syndicat affilié à la Fédération, de ne pas être tellement d'accord avec la décision de l'arbitre. Ça arrive. Et, dans le fond, c'est le même réflexe que j'ai. Je ne suis pas tellement d'accord avec le fait que vous n'ayez pas succombé à la tentation. Et, dans ce sens, je pense que l'usage des excédents d'actif par l'employeur en cours de régime, ça comporte un inconvénient; c'est qu'on n'indexe pas et on ne bonifie pas les régimes de retraite dans la mesure où l'argent est retourné à l'expéditeur, si on veut.

J'ai eu l'occasion de discuter avec M. Perron et les deux personnes qui l'accompagnent du problème des policiers de certaines municipalités de banlieue, dont une me tient à coeur, Montréal-Est, parce qu'ils sont dans mon comté de Pointe-aux-Trembles et qu'ils votent. Et, malgré vos efforts, vous n'avez pas réussi à négocier avec les élus municipaux pour bonifier leur retraite, pour qu'ils aient les mêmes avantages que les autres policiers puisque eux disent - et je pense que c'est vrai - qu'ils ont contribué autant que les autres.

Alors, à cet égard - c'est ma première question - est-ce que les suppléments d'actif, les surplus d'actif, dans le cas des policiers sur l'île de Montréal, ne pourraient pas, au lieu d'être retournés en congés de cotisations ou autrement à l'employeur, servir à bonifier les retraites des policiers de banlieue, par exemple, qui ont été intégrés?

M. Perron (Jacques): Bon, je vais essayer d'être concis dans ma réponse.

M. Bourdon: Non, non, M. le Président, je n'ai pas été concis dans ma question.

Le Président (M. Joly): Vous avez tout le temps qu'il faut parce que, dans le fond, c'est imputé au député comme tel. Sauf que, quand on arrive à la toute fin, c'est difficile de gérer

l'enveloppe de temps.

M. Perron (Jacques): Bon. C'est une question quand même très complexe qui a été posée par le député. C'est évident que, lors de l'intégration des forces policières, il y a eu tout près de 1100 policiers de secteurs qui ont été intégrés aux forces policières de la Communauté urbaine de Montréal, et ces policiers ont gardé le régime qu'ils avaient avant 1972. Et, dans ce contexte-là, c'est probablement chacune de ces municipalités-là qui n'a pas fait en sorte de revaloriser le régime de retraite de ces expoliciers durant le temps qu'elles revalorisaient la rente des autres employés de la municipalité et, souvent, avec des surplus qui étaient dégagés à même les contributions que ces policiers-là avaient faites au régime de retraite.

Ça, c'est un problème juridique. Et vous me dites: Pourquoi ne pas utiliser les surplus de la caisse de retraite du régime de la CUM pour bonifier ces policiers-là? Écoutez, premièrement, la caisse du régime CUM est loin d'être en surplus, elle est déficitaire; elle a presque toujours été en déficit constant. D'un autre côté, si on veut assurer la pleine capitalisation du régime des policiers de la Communauté... Comme je le disais tout à l'heure, le déficit est passé, en 1987, de 125 000 000 $ à 75 000 000 $ et, tant et aussi longtemps que ce déficit-là ne sera pas amorti, il n'y aura pas pleine capitalisation du régime.

Et au delà de ça, s'il y a des surplus, c'est évident que ça va être, à ce moment-là, au syndicat à négocier l'utilisation de ces surplus-là. Mais ça, ça ne règle pas nécessairement le problème de ceux qui ne sont pas représentés par le syndicat. Et, d'autre part, avec la loi 116 où il y a une représentativité au niveau du comité de retraite, je pense qu'un peu tout le monde va pouvoir être un peu plus conscient de la mécanique des régimes de retraite et faire en sorte, même s'ils ne sont pas représentés par un syndicat, de pouvoir au moins s'asseoir avec l'employeur et négocier l'utilisation, dans le cours d'opération d'un régime de retraite, de ces surplus-là.

M. Bourdon: M. le Président, ce que je voudrais d'abord dire, c'est que, dans le cas des policiers de banlieue dont il est question, ils subissent l'injustice suivante, que M. Perron décrit bien: Leur ancienne municipalité, si on peut dire, revalorisait pendant des années les rentes des autres employés, mais comme eux oeuvraient dorénavant pour la Communauté urbaine, on ne revalorisait pas la leur.

Et dans ce sens-là, je pense qu'on peut parler d'une injustice. On m'a mentionné comme ordre de grandeur, qu'à contributions égales, un policier a 24 000 $ de retraite et que son voisin a 32 000 $ de retraite. C'est de cet ordre de grandeur. Et on me signale aussi qu'il y a même, dans la même voiture-patrouille, deux policiers du même âge, donnant la même contribution, et dont les perspectives de retraite sont radicalement différentes.

Alors, ça veut dire que, même au paradis, il existe des imperfections et des nuages. Et à cet égard, ça me fait un peu penser au système de double rémunération qui existe aux États-Unis. Je veux donner un exemple qui ne scandalisera pas le ministre. Il y a trois ans, dans la revue Fortune, qui n'est pas péquiste ni spécialement social-démocrate, on a mis en première page une photo de deux hôtesses de l'air: une à 1200 $ par mois, embauchée en vertu de la nouvelle échelle, et une à 3600 $ par mois. Et elles se jetaient, pour prendre des termes de romancier français, un regard peu amène; et ce n'était pas une jalousie à cause d'une affaire d'homme. C'est que celle à 1200 $ avait tendance à trouver que les turbulences l'affectaient autant que celle à 3600 $. Et je reviens à la voiture-patrouille. Si j'étais un policier originaire de banlieue et que mon voisin de patrouille avait une espérance de caisse de retraite de 70 % du salaire et moi de 50 % de mon salaire - je donne un chiffre arbitraire, mais on me dit que l'ordre des différences est à ce point-là - eh bien, j'aurais un peu moins le sens de la fraternité avec mon compagnon dans la voiture-patrouille.

Tout ça pour dire au ministre que, si l'Association de bienfaisance ou la Fraternité des policiers me le demande, j'entends déposer une législation pour corriger cette situation-là, dans ce qu'on appelle les projets de loi privés, pour régler des choses. Et comme le ministre de la Sécurité publique est particulièrement généreux, je suis convaincu qu'il va accepter de mettre la trentaine de millions de dollars qui seraient nécessaires pour corriger la situation.

Mais il reste que ces municipalités-là ont utilisé des surplus d'actif pour revaloriser les pensions, les prestations des autres employés, mais pas celles des policiers. Et à cet égard, je me demande même si elles n'ont pas fait quelque chose d'illégal à l'égard de la Charte des droits parce qu'on peut parler de discrimination sur la base du statut social. Peut-être étions-nous devant des maires et des conseillers municipaux qui avaient frappé une contravention un peu douloureuse à un moment donné. Mais ça, je me refuse à le croire du frère du ministre de la Sécurité publique à Montréal-Nord, par exemple, qui a joué un si grand rôle dans le conseil qu'il lui a donné de revenir en vainqueur au congrès libéral de la fin de semaine. La parenthèse étant fermée...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: ...M. le Président...

Le Président (M. Joly): Vous étiez quand même pertinent, M. le député.

M. Bourdon:. ...Oui, je voudrais demander à M. Perron s'il ne pense pas qu'il y a quelque chose d'injuste à permettre à un employeur de mettre fin unilatéralement à un régime de retraite? Je l'ai dit hier, aux États-Unis, dans les années qui ont suivi 1982, ça a été la mode. On disait aux employeurs: Mettez fin à votre caisse de retraite et buvez le fonds de retraite - buvez, je suis tenté par l'exagération une fois ou deux par année - pas le boire, mais s'en servir pour se financer.

J'ai deux questions, dans le fond, ou, comme on dit en Chambre pour être conforme, ma question comporte deux volets. Le premier volet, c'est celui-ci. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre votre position qui dit que, lors de la terminaison d'un régime, tous les surplus vont exclusivement aux participants, mais que vous dites qu'en cours de régime, ça devrait être partagé 50-50? Ça, c'est le premier volet. (10 h 30)

Le deuxième volet: Dans la mesure où le Barreau du Québec, hier - ça, ce ne sont pas des justiciers, mais ce sont souvent des arbitres - disait que c'était inconcevable qu'on permette aux employeurs de décider unilatéralement d'une caisse de retraite... Le Barreau nous disait: Un contrat, c'est entre deux parties, puis pour modifier le contrat ou pour mettre fin au contrat, ça devrait prendre l'accord des deux parties. Ne trouvez-vous pas qu'il est injuste de permettre aux employeurs, comme le ministre s'apprête à le faire s'il n'écoute pas les voix autour de cette table qui vont lui conseiller de faire attention à ça, de permettre aux employeurs de terminer une caisse de retraite? Même quand l'employeur en a décidé tout seul, puis même quand il a décidé d'être généreux, une personne qui pense avoir droit à une retraite et qui a investi 20 années de sa vie dans l'entreprise, à qui on annonce: Bien là, tu as les bénéfices de cette année. Tu as 50 ans, c'est calculé sur ta rente maintenant, sur une rente à laquelle tu aurais droit maintenant, pas sur celle dans 10 ans. C'est ce qu'on appelle des régimes de fin de carrière. Pour l'employeur, ça crée un surplus de donner la rente de maintenant plutôt que celle dans 10 ans, et l'employeur dit: Bien, je me le mets dans la poche, puis au revoir, merci, continue de travailler sans fonds de pension.

Donc, les deux questions. Pourquoi y a-t-il dans votre mémoire une règle de distribution d'actif différente à la terminaison d'un régime de celle pendant l'existence d'un régime? Deuxièmement, trouvez-vous décent qu'on permette aux employeurs de mettre fin à un régime alors que ça veut dire donner à une seule partie le droit de mettre fin à un contrat?

Le Président (M. Joly): Alors et pour le plaidoyer et pour la question, M. Perron.

M. Perron (Jacques): Bon, pour la première question, à savoir la position que l'on prend lors de la terminaison de régime, que l'ensemble des surplus doit retourner aux employés, il est évident que si le gouvernement prenait cette position-là, dans plusieurs cas, du moins, il y a beaucoup d'entreprises qui ne seraient pas incitées à terminer le régime parce qu'il y en a qui sont incitées à terminer le régime dans le but d'aller effectivement chercher des surplus puis de les utiliser pour faire autre chose au niveau de l'entreprise. Pour moi, l'argent qui est dans la caisse de retraite, c'est comme le salaire de l'employé. Tu ne peux pas utiliser le salaire de l'employé pour faire fonctionner l'usine. Pourquoi utiliser l'argent qui est dans la caisse de retraite à d'autres fins que celles qui ont été décidées durant le temps, qui étaient orientées et utilisées pour payer des rentes? Donc, dans ce contexte-là, pour nous autres, ça ne va pas empêcher légalement de le faire, mais ça va faire en sorte qu'il va sûrement y avoir beaucoup moins de terminaisons de régimes, compte tenu qu'ils ne pourraient accaparer les surplus générés lors de la terminaison de régime.

De là, par exempte à dire - puis ça, là, on embarque peut-être dans des considérations légales où je n'ai pas cette formation-là - est-ce qu'un régime de retraite peut se terminer unilatéralement par l'employeur? Moi, je peux vous dire qu'on a une clause dans le régime de retraite, à savoir que le régime de retraite ne peut pas être modifié sans le consentement du syndicat. Donc, dans ce contexte-là, ça empêche effectivement la terminaison du régime.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, on peut penser qu'un employeur, même s'il ne pouvait pas s'approprier les surplus lors de la terminaison d'un régime, pourrait trouver avantage à le terminer parce qu'il arrêterait d'y contribuer.

M. Perron (Jacques): Oui.

M. Bourdon: Et il y a toujours une contradiction entre ce que vous dites: 100 % au participant quand il termine, et c'est louable que vous ayez comme but de dissuader l'employeur de le terminer, mais encore, en anglais, "incentive" à le terminer parce qu'il ne paiera plus, même s'il ne peut pas s'approprier les surplus. Et sur l'autre point...

M. Perron (Jacques): Mais là, si, effectivement, l'employeur ne pouvait terminer son régime de retraite unilatéralement, il est bien évident... En tout cas, moi, je ne connais pas beaucoup d'employés qui diraient oui à ce genre de proposition-là, ce qui ferait qu'il y aurait un contrat perpétuel dans le temps, jusqu'à temps que l'entreprise ferme ses portes. Tu sais, fondamentalement, puis ça, je ne veux pas embarquer...

M. Bourdon: Mais, voyez-vous, M. Perron...

M. Perron (Jacques):... dans un débat juridique où, comme je vous dis, je...

M. Bourdon: Vous me permettrez de dire que le défaut que votre position comporte, c'est de prendre pour acquis que tout le monde est syndiqué et que tout le monde peut se défendre. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'y a que 40 % des travailleuses et travailleurs au Québec qui sont syndiqués, et dans le secteur de la fabrication, c'est 20 %. Alors, ce que je veux dire, c'est que, pour ceux-là et celles-là, l'employeur décide tout seul du régime. Mais le Barreau est venu hier nous dire: II décide tout seul, mais ça devient un contrat, ça fait partie du contrat social. Écoutez, les gens de Simonds, par exemple, CSN, où les gens de Signer, FTQ, Métallos, qui espéraient une pension de 700 $, ils n'espéraient pas le meilleur des mondes. Ils sont en poursuite contre leurs employeurs parce qu'ils se retrouvent avec des retraites de 200 $ par mois, parce que Singer et Simonds sont parties aux États-Unis - il y a ça de bon, on ne les voit plus - mais ils prétendent sortir des millions de dollars pour lesquels les gens ont contribués. Je retiens que, dans votre mémoire, vous dites: Ils n'auraient pas pu s'ils avaient suivi l'Association de bienfaisance des policiers. Sauf que s'ils vous suivent et si le ministre vous suit... Et faites attention, le ministre, sur cette pente-là, il glisse rapidement. Je ne sais pas pourquoi, mais ça glisse du côté des employeurs avec une grande facilité. Bien écoutez, les Singer et les Simonds, il y a une façon bien simple de passer à côté, c'est de se donner des congés de contribution jusqu'à ce que le surplus soit éteint. Au lieu d'enlever le bouchon complètement, tu enlèves le bouchon à moitié: ça gargouille moins, ça fait moins de bruit, mais tu vides le bain. Je vous pose une question...

M. Perron (Jacques): Non. Ils ne peuvent quand même pas se donner des vacances de contribution. Il faut qu'ils assurent la capitalisation du régime.

M. Bourdon: Oui.

M. Perron (Jacques): C'est au-delà de la capitalisation qu'il peut y avoir des surplus. Dans le cas de terminaison, il ne peut pas y avoir... Je veux dire, il est terminé, le régime, et s'il y a des surplus qui sont dégagés... Normalement, il y a des surplus qui sont dégagés et c'est dans ce contexte-là qu'on dit que ça doit revenir aux employés.

M. Bourdon: Mais, M. Perron, vous ne pensez pas qu'un employeur... Supposons, pour un seul instant, un employeur qui n'aurait pas la même bonne foi que l'Alcan, ou la même bonne foi que le Conseil du patronat qui va venir plus tard dans la journée dire la même chose que vous, à certains égards, un employeur qui n'est pas d'une absolue bonne foi, pris devant la décision du ministre de vous donner raison pour les terminaisons de régimes, et qui planifie de fermer dans x années... Parce que, quand on ferme au Québec, c'est gratuit et, quand on ferme en Ontario, ça coûte jusqu'à 26 semaines de salaire qu'on doit verser aux employés. Mais ça, le ministre va y mettre fin; question de mois, 20 mois peut-être. Mais en attendant, M. Perron, vous ne pensez pas qu'un employeur qui ne serait pas d'une absolue bonne foi - et avant que le ministre le dise, j'ai connu des syndiqués qui n'étaient pas d'une absolue bonne foi -...

Le Président (M. Joly): En conclusion, M. le député.

M. Bourdon:... il pourrait, par des congés de contribution, vider les surplus pour le terminer sans surplus, le régime. Vous ne pensez pas que ça pourrait arriver?

M. Perron (Jacques): Ah! Il pourrait y avoir des absences de contribution, mais à concurrence, par exemple... Je veux dire, il ne pourrait pas aller en bas de la capitalisation du régime de retraite. Ça, ça serait juste l'utilisation de ces excédents de surplus là. Mais dans le cas de terminaison, s'il y a des surplus, il ne peut pas y avoir absence de contribution pour tenir compte des surplus au cas où il y aurait terminaison dans deux ans. Là, il ne pourrait pas le faire. En tout cas, la loi ne lui permettrait pas de le faire.

M. Bourdon: Mais, M. le Président, je veux...

M. Perron (Jacques): M. Bourdon... M. Bourdon: Oui.

M. Perron (Jacques):... juste pour terminer, si je vous suis dans votre orientation, il faudrait fondamentalement, effectivement, qu'au Québec, il y ait un régime minimal pour tous les employés. Ça, c'est bien évident qu'on n'est pas contre une position comme ça. Ça, c'est certain.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je voudrais, au nom de l'Opposition officielle, remercier les représentants de l'Association de bienfaisance. Et, pour être conforme à leurs réalités, je leur dis que je conçois cette commission, indépendamment des partis, comme le 911 des victimes des détournements de fonds dans les fonds de retraite par certains employeurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perron (Jacques): Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, le mot de la fin.

M. Bourbeau: Je me permets de remercier les représentants de l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, son président, M. Perron, pour un exposé très succinct et très clair de la position de l'Association, et je peux vous assurer que, compte tenu des liens très étroits qui vous unissent, du moins par la tradition, par l'ancienneté...

M. Bourdon: Pour une fois que le mémoire donne raison au ministre.

M. Bourbeau: ...avec la haute direction de la Régie des rentes, votre mémoire va être lu et relu avec attention. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette commission. à mon tour de vous remercier. alors, je vais maintenant appeler les représentants de la fédération des travailleurs et travailleuses du québec, ftq. s'il vous plaît de bien vouloir vous avancer.

(Suspension de la séance à 10 h 40)

(Reprisée 10 h 54)

Le Président (M. Joly): nous allons reprendre nos travaux. m. le député de pointe-aux-trembles, je vous reconnais sur une question de règlement.

M. Bourdon: M. le Président, le ministre a quitté la salle pour une vingtaine de minutes. Moi, je pense que ça ne devrait pas influencer le temps consacré à chaque organisation qui vient témoigner devant nous. C'est parce qu'il faut ajouter ça à son retard habituel, le matin et, à un moment donné, quand on ne veut pas couper ceux qu'on entend, M. le Président, on coupe sur notre heure et demie de dîner qui est la seule chose qu'on a de comparable aux travailleuses et aux travailleurs.

Le Président (M. Joly): C'était déjà convenu qu'on était pour suggérer aux membres de cette commission de déborder 12 h 30 pour se projeter dans le temps nécessaire justement pour l'audition des mémoires, tel que stipulé par nos règlements. M. le ministre m'avait demandé la possibilité de retourner un appel important. Alors, c'est la raison.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Joly): Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau: ...je voudrais quand même que vous notiez une chose. Je sais que le député de Pointe-aux-Trembles est relativement nouveau dans l'appareil politique. Il devrait savoir que la moitié du temps, quand les séances commencent en retard, c'est l'Opposition qui est en retard, et le ministre a une convention avec l'Opposition qu'on ne fait jamais ce genre de remarques. Quand il y a un retard au niveau de l'Opposition, on le tolère. On comprend très bien qu'il peut y avoir parfois des retards. Maintenant, si le député de Pointe-aux-Trembles veut en faire état, moi, je n'ai pas d'objection, mais disons que, dans le passé, je me suis abstenu de ce genre de remarques à son endroit.

M. Bourdon: M. le Président, pour une bonne raison: le ministre ne pouvait pas dire que j'étais en retard, j'étais à l'heure.

M. Bourbeau: Pour une fois, oui. Pour une fois. Aujourd'hui, je le reconnais.

M. Bourdon: Hier aussi, et il ne pouvait pas le vérifier hier, il était 20 minutes en retard.

M. Bourbeau: Vous avez une bonne semaine. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Le député de Pointe-aux-Trembles a une bonne semaine.

Le Président (M. Joly): Partant de là, compte tenu qu'on s'était entendus sur le principe de déborder sur l'heure qui, normalement, nous est allouée, je vais demander à M. Daoust, qui représente... Bon, je vais demander à M. Daoust, qui représente la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ, de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent et d'excuser ce petit impair.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

M. Oaoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. Je vous présente, à ma droite, Claude Ducharme, président du comité sur les régimes de retraite de la FTQ, vice-président de la FTQ, directeur québécois des travailleurs canadiens de l'automobile; Edmond Gallant, vice-président de la FTQ, vice-président du Syndicat canadien des travailleurs du papier et membre du comité de retraite de la FTQ; Jean-Guy Frenette, à ma gauche, conseiller politique de la FTQ; Louis Ascah, économiste, et Marcel Rivest, avocat, qui, tous deux, agissent comme conseillers de la FTQ dans ce dossier.

Le Président (M. Joly): Vous avez une vingtaine de minutes, M. Daoust, pour nous exposer votre mémoire.

M. Daoust: Merci beaucoup. La FTQ, qui représente plus de 450 000 membres, est intervenue à maintes reprises dans le passé afin de faire valoir le droit des personnes âgées à un revenu décent. Bien que les régimes privés aient un rôle non négligeable à jouer, la FTQ continue donc de revendiquer une véritable politique de retraite fondée sur le régime des rentes du Québec et recommande de hausser graduellement, sur cinq années, le taux de remplacement du salaire assurable de 25 % à 50 % pour la partie du salaire inférieure à la moitié du maximum, et de hausser de 25 % à 50 %, sur une deuxième période de cinq années, le taux de remplacement pour la deuxième partie du salaire moyen, et d'ajuster immédiatement le salaire maximum assurable au niveau du salaire industriel moyen et le maintenir automatiquement à ce niveau, et de le hausser graduellement de 100 % à 150 % du salaire industriel moyen durant la deuxième période de cinq ans.

Voici pour les grandes orientations de la FTQ à l'égard de la dotation de l'ensemble des Québécois et Québécoises de revenus suffisants à la retraite.

Nous allons maintenant aborder le problème plus spécifique de cette commission: les abus dans les régimes de retraite. Certains employeurs ont abusé de leur position de pouvoir pour s'attribuer unilatéralement et sans le consentement des employés les excédents d'actif des régimes de retraite. Le document de consultation fait délicatement référence à ce problème en ces termes: "Par contre, dans certains cas, il est arrivé que l'employeur modifie à discrétion les clauses sur la propriété de l'excédent et, dans d'autres, qu'il utilise l'excédent pour payer des améliorations négociées avec les travailleurs, réduisant ainsi ses versements à la caisse du régime, et ce, bien souvent, à l'insu des travailleurs. " Le ministre lui-même avoue, et nous citons le ministre cette fois-là, que "le gouvernement était conscient que la législation en vigueur n'offrait pas suffisamment de garanties quant aux droits des travailleurs et des travailleuses du Québec".

Ces abus ont été dénoncés par les syndicats. Des affiliés de la FTQ, dont les Métallos, entre autres, sont intervenus pour empêcher les employeurs de s'accaparer des surplus qu'ils revendiquaient suite à des amendements que nous considérons illégaux. Il n'est donc pas surprenant que M. Bob Rae, alors chef du NPD en Ontario, considère ces retraits comme du vol légalisé.

Ce mémoire présente la position de la FTQ concernant l'appartenance des excédents d'actif et les commentaires sur la proposition du document. La position de la FTQ. Elle est simple, claire, logique et équitable. En équité, les surplus des régimes de retraite appartiennent à 100 % aux travailleurs et aux travailleuses. Nous reviendrons sur ce point plus tard. Par conséquent, la loi devrait être amendée pour, dans un premier temps, établir clairement que les participants et les participantes aux régimes de retraite sont les propriétaires exclusifs des excédents d'actif. Dans un deuxième temps, la loi devrait être amendée pour interdire les congés de cotisations à l'employeur. Ceci implique que les employeurs devront remettre dans la caisse des régimes, la valeur présente des congés de cotisations qu'ils ont pris jusqu'à date. En effet, les congés de cotisations de l'employeur ne sont qu'une méthode détournée de retirer les excédents d'actif. Nous n'avons pas à vous rappeler ce que la Cour d'appel de l'Ontario a décidé dans la cause Ontario Hydro. Ainsi, le moratoire sur les excédents d'actif n'a pas été un vrai moratoire. En permettant les congés de cotisations des employeurs, la loi leur a permis de retirer de facto des excédents d'actif des régimes de retraite. Le moratoire gouvernemental, en n'interdisant pas formellement cette pratique, a maintenu une injustice profonde à l'endroit des participants et des participantes aux régimes de retraite. Si la tendance des congés de cotisations s'est maintenue durant le moratoire, on peut présumer que ce sont des centaines de millions de dollars, sinon des milliards, que les employeurs se sont accaparés - nous soulignons le mot - au détriment des participants et des participantes.

La justification de l'attribution des excédents d'actif aux participants et aux participantes. L'attribution de ces excédents aux participants et aux participantes des régimes de retraite est justifiée pour trois raisons distinctes. Chaque raison prise individuellement est suffisante pour justifier cette attribution. La combinaison de toutes ces raisons donne une justification, évidemment, beaucoup plus que suffisante.

Premièrement, à cause du principe du salaire différé, toutes les cotisations au régime de retraite proviennent de la rémunération globale des travailleurs et des travailleuses. Puisqu'un salaire plus petit qu'autrement a été versé - dû aux contributions de l'employeur au régime de retraite - il n'est qu'équitable que tous les surplus générés par le régime soient utilisés au bénéfice des membres.

En deuxième lieu, dans plusieurs cas, la loi et les employeurs ont promis explicitement ou implicitement le surplus aux membres des régimes. Ces promesses doivent être maintenues.

En troisième lieu, les surplus provenant de rendements excédentaires reliés à l'inflation devraient servir à l'indexation des rentes de retraite. Nous allons élaborer quelque peu sur ces justifications.

Salaire différé. Habituellement, la détermination des salaires et autres conditions de travail se fait selon le principe de la rémunération globale. Les employés ne tiennent pas compte seulement de leur salaire mais aussi des vacances, congés, autres bénéfices et du régime

de retraite. L'employeur ne détermine pas les salaires de façon indépendante des coûts des autres bénéfices incluant les régimes de retraite, et vice versa. L'employeur tient compte du coût total de la rémunération globale lors de comparaisons avec des groupes similaires dans la détermination d'une rémunération compétitive. Dans les situations où il y a un syndicat et des négociations, notre expérience démontre abondamment que ce principe s'applique.

Par conséquent, le coût d'une amélioration au régime de retraite se reflète par un salaire ou d'autres bénéfices moins élevés qu'autrement. Aussi, dans la réalité économique, toutes les cotisations au régime de retraite proviennent de la rémunération globale des employés, d'où le vocable largement utilisé de salaire différé, même si on fait parfois la distinction artificielle entre les cotisations de l'employeur et les cotisations des employés. Ainsi, si l'on a tenu compte du coût actuariel du régime, implicitement ou explicitement, dans la détermination des salaires, les participants et les participantes ont accepté un salaire moindre tenant compte du coût total anticipé du régime, ce qui comprend le surplus anticipé.

Excédents d'actif explicitement ou implicitement promis aux participants et aux participantes. L'attribution des excédents d'actif aux participants et aux participantes est justifiée lorsque les employeurs et/ou les lois leur ont promis explicitement ou implicitement les surplus. Cette promesse peut mentionner directement l'utilisation qui doit être faite des excédents d'actif ou indiquer que le régime est au bénéfice exclusif des membres, ou établir que tout le fonds de retraite ne servira pas à des fins autres que le seul bénéfice des membres. Si de telles promesses ont été faites, à l'origine, aux membres d'un régime de retraite, il n'est pas acceptable que l'employeur change unilatéralement cette promesse par la suite. Les modifications subséquentes à ces promesses pour attribuer les surplus aux employeurs sans le consentement des participants ne sont pas acceptables.

Étant donné, premièrement, toutes ces promesses faites aux membres, deuxièmement, que les législations initiales attribuaient les surplus aux membres des régimes et que leur consentement n'a pas été demandé pour changer ces promesses, troisièmement, que, déjà dans les années soixante-dix, l'ambiguïté et la contradiction des clauses relatives à l'excédent d'actif dans les textes des régimes soulevaient l'inquiétude du gouvernement, tel qu'il l'admet lui-même, et que le gouvernement n'a pas pris les moyens suffisants pour régler cette ambiguïté, il est justifié que, maintenant, le gouvernement établisse clairement que les surplus appartiennent aux participants et participantes des régimes.

L'inflation et l'indexation. L'effet de l'inflation sur les rentes de retraite non indexées est dramatique. Si on considère que l'espérance de vie à l'âge de 65 ans est d'environ 15 ans pour les hommes et 19 ans pour les femmes, on peut facilement et clairement réaliser qu'une rente de retraite non indexée va tellement s'amenuiser au cours de la retraite qu'elle ne sera plus adéquate. ainsi, puisque, depuis 15 ans, les prix ont triplé, une rente non indexée débutant à ce moment n'a plus aujourd'hui que le tiers de sa valeur réelle initiale. lorsque les régimes de retraite ont été créés avant 1960, on ne pouvait pas prévoir en aucune façon les taux élevés d'inflation des années soixante-dix et quatre-vingt. de 1951 à 1971, le taux d'inflation au canada était seulement de l'ordre de 2 % par année en moyenne, tandis que, de 1971 à 1988, ces taux d'inflation ont été de 7,5 % en moyenne. les futurs retraités qui prévoyaient une rente d'une certaine valeur réelle ont donc eu la surprise de voir cette anticipation cruellement déçue. il serait difficile d'affirmer que la promesse implicite faite aux retraités était d'avoir une rente qui diminue de 7,5 % par année en termes réels. il y a donc un lien direct entre l'inflation et les excédents d'actif dans le cas de rentes non indexées. une augmentation de l'inflation qui mène à une augmentation du taux de rendement des régimes de retraite résulte en une augmentation des excédents d'actif, toutes choses étant égales, par ailleurs. une indexation indirecte basée sur ces rendements excédentaires, au lieu d'une indexation directe à l'indice des prix à la consommation, élimine les problèmes de risque pour les régimes de retraite car l'indexation se fait seulement si les rendements ont été réalisés. si l'on accepte que l'inflation fait augmenter les excédents d'actif et qu'ils correspondent à l'absence d'indexation, la solution est évidente.

Cependant, la situation actuelle est inéquitable. Plusieurs employeurs s'approprient cet excédent d'actif par ce qu'il est convenu d'appeler des congés de contributions ou en voulant s'approprier le surplus directement à la terminaison du régime. Dans ce cas, le bénéfice des gains inflationnistes va à l'employeur. Ce gain correspond à la perte subie par la personne retraitée qui voit la valeur réelle de sa rente grugée par l'inflation. C'est une redistribution inéquitable du revenu des participants à l'employeur. Cette non-indexation serait aussi inéquitable s'il y avait eu promesse implicite d'une pension réelle qui ne serait pas autant diminuée par l'inflation non anticipée.

L'argument du risque. Le document de consultation présente la position des employeurs à l'effet que les surplus des régimes doivent leur revenir car ils supportent les risques des déficits. Cet argument, selon nous, est fallacieux. Premièrement, la possibilité de surplus et de déficits n'est pas la même. Ainsi, les actuaires utilisent des hypothèses conservatrices de financement qui font en sorte que les surplus sont la norme habituelle. Un exemple simple peut illustrer ce

phénomène. Supposons un jeu de pile ou face où le maître de jeu offre de remettre 2 $ chaque fois que la pièce de monnaie tombe sur le côté face. Chaque lancer coûte 1 $. Dans ce jeu, l'espérance de paiement est de 1 $, soit le 2 $ multiplié par la probabilité qui est de une demie. C'est un jeu équitable où les surplus et les déficits sont équi-probables et où l'espérance de gain est nulle. Cependant, si le maître de jeu exige 1,25 $ pour chaque lancer, le jeu n'est plus du tout équitable. Son espérance de gain est de 0,25 $ - vous pouvez essayer, vous allez voir que ça se démontre mathématiquement - par lancer et la probabilité de déficit sur une longue période est très mince.

Un régime de retraite avec des hypothèses actuarielles conservatrices ressemble à ce jeu. Le régime est capitalisé sur la base d'un coût présumé de 1,25 $, tandis qu'un coût plus réaliste serait 1 $. Il est clair, par conséquent, que révolution normale de la situation mènera à des surplus.

Deuxièmement, les personnes retraitées supportent les plus grands risques dans le système actuel. On aura l'occasion de développer ça probablement par des questions. Troisièmement, même en cas de déficit, il n'est pas évident que l'employeur en sera le responsable ultime. Quatrièmement, l'employeur, ultimement, peut mettre fin au régime. Cinquièmement, en cas de terminaison, plusieurs clauses stipulent explicitement que le régime ne s'engage pas à payer des prestations au-delà des fonds disponibles dans la caisse du régime de retraite. Rappelons-le toujours, ultimement, l'employeur peut mettre fin au régime. Tous ces faits - premièrement à cinquièmement - sont abondamment prouvés et soutenus dans nos documents.

La proposition gouvernementale est un recul par rapport à la situation existante. Les employeurs prétendent que lorsque les engagements du régime sont capitalisés, ils ont honoré leurs promesses, et ils ne voient pas pourquoi ils devraient être plus généreux et allouer aux employés les actifs excédentaires. Comme nous le verrons plus loin, dans tous les régimes commencés avant 1966, la loi obligeait les employeurs à inclure dans le texte du régime que le surplus ou les déficits, à la terminaison du régime, seraient supportés par les participants et les participantes. La question n'est donc pas de savoir si les employeurs doivent être plus généreux ou non, mais plutôt de savoir si la loi et la promesse explicite et implicite doivent être respectées. À la page 14 de la proposition, il est indiqué que "seul l'apport patronal est fonction de l'expérience du régime et de l'anticipation de l'expérience future du régime". Cette citation doit être qualifiée. À l'origine, comme nous le verrons plus bas, la loi obligeait les employeurs à contribuer au moins l'équivalent des contributions des participants. Ainsi, la formule de contribution des employeurs était sous forme résiduelle, mais il était bien compris que la contribution de l'employeur ne pouvait pas être moindre que celle de l'ensemble des participants et des participantes. Il y avait donc une promesse explicite et implicite, à cet égard, que l'employeur cotiserait un montant approximativement connu au départ.

À la page 14 du document, on retrouve l'extrait suivant. "Il est arrivé, ces dernières années, que des travailleurs ont voulu contester la légalité des transactions de l'employeur à l'égard de l'utilisation de l'excédent d'actif. Ils ont donc porté le litige devant les tribunaux. Bien qu'il s'agisse de cas exceptionnels, ils ont le mérite d'avoir mis en lumière le problème de la propriété des excédents. Les quelques jugements rendus par les tribunaux canadiens reflètent les deux courants de pensée et ne permettent pas de dégager une jurisprudence claire." Selon nous - et il faut le dire avec toute la vigueur qui s'impose - le document de consultation a voulu nous induire en erreur - et c'est grave - par cette affirmation. Au contraire de l'affirmation du document de consultation - comme vous le verrez plus loin - il ne s'agit pas de cas exceptionnels. Tous les régimes commencés avant 1966 sont dans la même situation à cause de la législation en vigueur à cette époque. De plus, il y a de plus en plus de jugements rendus par les tribunaux canadiens, et il n'est pas exact de dire qu'il n'est pas permis de dégager une jurisprudence très claire. Au contraire, la nette tendance des tribunaux est en faveur des participants et des participantes. (11 h 15)

Finalement, la proposition gouvernementale prend pour acquis que les congés de contributions sont parfaitement légaux. Nous sommes surpris - surpris, resoulignons-le - d'une telle prémisse lorsqu'on sait que la Cour d'appel de l'Ontario, dans une décision unanime, a jugé que les congés de contributions de l'employeur en question, Hydro Ontario, étaient complètement illégaux. Même si les tribunaux jugeaient que, dans certaines circonstances, les congés de contributions sont légaux, nous continuerons de croire qu'ils sont inéquitables. Je passe quelques pages du document pour arriver aux véritables propriétaires des surplus, à la page 16.

La propriété légale des surplus fait de moins en moins de doute au Canada. En effet, dans le cas des régimes créés avant 1966, les tribunaux ont très majoritairement décidé que les employeurs n'avaient pas le droit de modifier unilatéralement leurs régimes pour s'approprier les surplus. Les tribunaux ont rejeté l'argument des employeurs à l'effet que, lorsque les prestations prévues au régime sont payées, ils auraient droit au surplus. Les tribunaux ont indiqué que les surplus sont un bénéfice additionnel. Les tribunaux ont également considéré que ce sont les participants et non l'employeur, qui supportent le risque de déficit à la terminaison et qu'il est raisonnable qu'ils aient droit aux surplus.

L'argument des employeurs sur le risque financier est sans fondement juridique. Les mêmes principes s'appliquent à tous les régimes de retraite. Le scandale des fonds de pension qui a donné lieu au moratoire, faisait suite à certaines décisions de tribunaux et à certains dossiers chauds qui furent étalés au public.

Le Président (M. Joly): M. Daoust, je vous inviterais à conclure s'il vous plaît.

M. Daoust: Oui. Dans deux ou trois minutes.

Le Président (M. Joly): Parfait, merci.

M. Daoust: II ne faudrait pas que le gouvernement légalise ce que les tribunaux jugent illégal. La proposition gouvernementale, rappelons-le, est un recul par rapport à la situation actuelle parce qu'elle reconnaît moins que ce que la majorité des tribunaux ont octroyé. Elle veut reconnaître les arguments de risque rejeté par les tribunaux. Elle veut légaliser les amendements jugés illégaux et les congés de contributions que la Cour d'appel, entre autres, a jugé illégaux.

Je vais conclure, M. le Président, sur ce problème du pourcentage minimal indéfendable. Juste quelques mots.

La proposition gouvernementale d'un pourcentage minimal correspondant aux contributions effectives des participants à leur régime de retraite en raison des ajustements apportés à leur rémunération est indéfendable. Ce pourcentage suppose que le principe du salaire différé s'applique seulement d'une façon minimale. On serait heureux de poursuivre la discussion là-dessus.

Je vais aller immédiatement à la conclusion. Je n'en ai que pour quelques instants. La position de la FTQ, rappelons-le, est simple, claire, logique et équitable. En équité, les surplus des régimes appartiennent à 100 % aux travailleurs et aux travailleuses. Cette loi, nous le rappelons, devrait être amendée pour établir que les participants et les participantes aux régimes de retraite sont les propriétaires des surplus. La loi devrait interdire les congés de cotisations à l'employeur. Ceci implique que les employeurs devront remettre à la caisse, dans la caisse des régimes, la valeur présente des congés de cotisations qu'ils ont pris jusqu'à date. En effet, les congés de cotisations ne sont qu'une méthode détournée de retirer des surplus. La proposition du document que vous nous avez soumis est illogique, incohérente, indéfendable et inéquitable pour ne pas dire plus, mais vous pouvez corriger ces prises de position là. Le mémoire a démontré, quant à nous, les problèmes de logique et d'incohérence de la proposition. La proposition du pourcentage minimal, nous allons vous le démontrer si vous le souhaitez, elle est indéfendable. Nous estimons que la position de la FTQ est un pas dans la bonne direction pour atteindre une plus grande équité, développer la confiance des travailleurs et des travailleuses dans les régimes de retraite, restaurer des situations inqualifiables ou redresser ces situations dont nous avons été victimes dans le passé. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Daoust. Nous allons maintenant reconnaître, M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous avons écouté avec intérêt les propos du secrétaire général de la FTQ. Je dois dire que je m'étonne un peu de l'affirmation que vous faites à l'effet que le document a tenté d'induire en erreur sur un point précis. Je pense que c'est une accusation qui vaut la peine d'être relevée. Je n'ai pas personnellement écrit le document. Il a été écrit, bien sûr, par la Régie des rentes du Québec, qui s'occupe de ce dossier-là en priorité, et si, tout à l'heure, la commission est d'accord, peut-être qu'on pourrait demander au président de la Régie des rentes de poser une question ou de préciser ce point-là, parce que je pense que ça vaut la peine d'être relevé. Quant à moi, j'ai constaté dans votre mémoire que vous affirmez que la proposition gouvernementale est un recul important pour les travailleurs. Vous soutenez que certains régimes prévoient déjà un partage plus équitable des excédents d'actif que celui proposé dans le document de consultation. Alors, je tiens à vous rappeler que la proposition gouvernementale, là, permettrait quand même aux parties de s'entendre sur un partage plus avantageux pour les participants que celui qui est prévu ou serait prévu dans la loi. Il serait assez étonnant, en ce qui me concerne, connaissant la vigilance que vous exercez sur ce dossier-là, que là où il existe des clauses plus avantageuses que celles qui seraient prévues par la loi, les parties ne pourraient pas s'entendre pour faire appliquer ces clauses-là. Donc, je me demande en quoi la position gouvernementale peut constituer un recul, puisque là où les clauses sont plus avantageuses, elles devraient s'appliquer, et là où il n'y en a pas de clauses, où elles sont moins avantageuses, la loi va venir protéger ceux qui disent qu'ils n'ont pas de protection et, en particulier, ceux qui n'ont pas de syndicat pour les représenter.

M. Daoust: Oui. M. le ministre, pourquoi faut-il toujours laisser au rapport de forces le soin de régler les problèmes tellement évidents à l'examen et à l'analyse? Je dis "tellement évidents", parce que, pour nous, la contribution des employeurs à un régime de retraite, c'est du salaire différé. Bon. Il y a une abondante documentation qu'on pourrait vous citer - vous en avez pris connaissance sans aucun doute - et qui établit fermement ce principe-là. Ce n'est pas

des cadeaux. Il n'y a pas de cadeaux qui se donnent dans ce bas monde et dans les milieux de travail. Pour une prestation de travail, on rémunère les gens, et la rémunération des travailleurs et des travailleuses a de multiples formes, sans aucun doute, c'est inévitable, bon, les avantages sociaux, et je ne veux pas faire une démonstration trop et très longue là-dessus. Mais les contributions de l'employeur au régime de retraite, c'est peut-être pour projeter une image, c'était peut-être dans le passé pour projeter une image de générosité, et je ne dis pas ça plus méchamment qu'il faut, où l'employeur, dans sa générosité, donnait à ses travailleurs, ou contribuait à la création d'un régime de retraite pour leurs vieux jours et disaft: Je contribue, moi, l'employeur. Mais ça fait partie de la rémunération globale, tous les documents l'établissent, toutes les comparaisons internationales l'établissent. Quand on fait des comparaisons sur le coût de la main-d'oeuvre d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, bon, sur le plan international, c'est la rémunération globale qui comprend absolument tous ces aspects-là. Ça appartient aux travailleurs, ça n'appartient pas à l'employeur. Je dis: Pourquoi laisser au rapport de forces le soin d'en disposer, et pourquoi la loi ne viendrait-elle pas rétablir ce qui est d'une évidence en fait, quand à nous, on ne peut plus solide? Bon, si ça appartient aux travailleurs, donc, ça leur appartient. On ne doit pas permettre aux employeurs de piger là-dedans, d'escroquer, on l'a dit dans d'autres lieux, et à d'autres moments, et dans les documents, on le répète un peu partout, en s'emparant des surplus d'actif ou en se donnant des congés généreusement. Alors...

M. Frenette (Jean-Guy): Je voudrais juste donner un exemple.

M. Daoust: Oui, peut-être que Jean-Guy va vous donner un exemple là-dessus...

M. Frenette: Peut-être, pour enchaîner sur l'exemple qu'on donne d'Hydro Ontario, M. le ministre, où il y avait 400 000 000 $ de surplus, et Hydro Ontario a essayé de prendre un congé de contributions, évidemment, et ça lui a été défendu par la cour. Si on compare la situation, actuellement, avec le régime d'Hydro-Québec, où il y a 300 000 000 $ de surplus à peu près, dans le régime d'Hydro-Québec, Hydro-Québec n'y touche pas, n'a pas le droit d'y toucher, et on soutient qu'elle n'a pas le droit d'y toucher par l'esprit de la loi et par la tradition dans ce régime-là. Si vous accordiez, évidemment, et si vous avanciez avec vos propositions, dorénavant, Hydro-Québec pourrait se partager une partie du surplus et s'emparer d'une partie du surplus qu'elle a dans la caisse, ce qu'elle n'a pas le droit de faire à l'heure actuelle. On sait qu'elle n'a pas le droit de le faire même s'il y avait une ambiguïté dans la loi, mais que l'ambiguïté dans la loi n'autorisait pas légalement les compagnies à le faire. ce qu'on est obligés de faire, évidemment, on est obligés de se battre contre une ambiguïté dans la loi. ce n'est pas tous les employeurs qui le font et ce n'est pas généralisé. c'est ceux qui veulent s'essayer parce qu'il y a un petit trou qui peut être interprété différemment selon les avocats. c'est ça qu'on dit: ça serait un recul. qu'on l'applique à toutes les situations qu'on connaît où il y a des surplus. là où la plupart des entreprises n'osent pas y toucher, le surplus, parce que, par tradition, ça appartient aux régimes, le surplus... on n'a pas le droit de s'en emparer par retrait ou par congé de cotisations, ce qui est la même chose. or, votre proposition ferait qu'hydro-québec pourrait toucher son surplus. elle n'en a pas le droit.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Frenette. Je vais maintenant reconnaître le président de la Régie des rentes du Québec, M. Legault.

M. Legault (Claude): Merci, M. le Président. J'aimerais peut-être vous poser une question, mais surtout clarifier un point que vous avez soulevé et que vous avez traité de façon assez en détail, qui est, entre autres, premièrement, le cas d'Hydro Ontario. Je suis au courant du jugement, tout comme vous d'ailleurs, et vous devez vous rappeler qu'il ne s'agissait pas d'un débat sur le principe, mais que le jugement portait surtout sur le texte même du régime. Alors, de là à prendre le jugement et d'en faire un moyen à porter à l'avant-scène du principe même, je voudrais bien pouvoir vous suivre là-dessus, mais je suis obligé de me référer au jugement. D'ailleurs, plus récemment encore, il y a eu celui qu'on appelle 'The HOOPP" qui est le "Hospital of Ontario Pension Plan". Vous savez sûrement que le jugement est à l'effet contraire et que les congés de cotisations ont été permis par la cour comme ils avaient été antérieurement utilisés par l'employeur. Je n'ai pas ici à me prononcer si c'est bien ou si c'est mauvais, mais simplement vous dire que le jugement d'Hydro Ontario en est un parmi d'autres.

Je voudrais surtout clarifier ce point: lorsque vous dites que le livre blanc est tendancieux dans le sens qu'il donne une fausse information. Le seul endroit dont je peux me souvenir - on a retrouvé l'endroit tout à l'heure - est à la page 14. Je cite le paragraphe: "II est arrivé ces dernières années que des travailleurs ont voulu contester la légalité des transactions de l'employeur à l'égard de l'utilisation de l'excédent d'actif." Donc, j'ouvre une parenthèse, ce qui veut dire autant l'utilisation des congés de cotisations que d'autres formes d'utilisation d'excédents d'actif, fin de la parenthèse. "Ils ont donc porté le litige devant les tribunaux. Bien qu'il s'agisse de cas exceptionnels, ils ont le

mérite d'avoir mis en lumière le problème de la propriété des excédents." Jusque là, je ne trouve rien de tendancieux. Plus loin, on ajoute: "Les quelques jugements rendus par les tribunaux canadiens - et ça dépasse le Québec - reflètent les deux courants de pensée et ne permettent pas de dégager une jurisprudence claire." Or, de là à vouloir en dégager une, je vous accorde le droit de dégager celle qui vous plaira davantage, mais de dire que la jurisprudence est claire, je suis obligé de m'inscrire en faux et de vous dire que je ne trouve rien de tendancieux dans ce paragraphe-là. Lorsque vous faites référence aux régimes qui existent depuis avant 1966, je sais que l'on peut les regarder de façon très différente puisque, à l'époque, les clauses devaient stipuler en faveur des employés, mais on sait très bien que les régimes n'étaient pas capitalisés du tout. Alors, de stipuler en faveur des employés lorsqu'il n'y a aucun surplus, c'est facile. Donc, par la suite, il y a eu obligation de modifier ces régimes-là, et c'est là que les tribunaux essaient de nous indiquer un chemin clair, à savoir: est-ce que les modifications ont été faites à la satisfaction des tribunaux ou non? Je n'en connais pas encore qui se sont prononcés sur le principe même: à qui devraient appartenir les surplus? Je pense que le but de l'exercice du livre blanc du gouvernement et de la commission parlementaire est justement la recherche de cette solution. Merci, M. le Président. (11 h 30)

Le Président (M. Joly): Merci, M. Legault. M. Daoust? M. Frenette?

M. Daoust: Me Marcel Rivest.

Le Président (M. Joly): Me Rivest.

M. Rivest (Marcel): M. Legault, avec le respect pour ce que vous venez de mentionner, il reste quand même que si on regarde la jurisprudence au Canada, d'une part, et au Québec, d'autre part, il n'est pas exact de dire qu'il n'y a pas de tendance des tribunaux. Il y a trois cours d'appel qui ont décidé en faveur des participants: Québec, Ontario et, je pense, Alberta. Mais la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans un jugement, a eu, appelons ça, une dissension avec les autres décisions. Au Québec, toutes les décisions, au moment où on se parie, sont unanimes en faveur des participants. Je pense que tout le monde va reconnaître qu'au moment présent, il y a une nette tendance.

Deuxièmement, sur la question des congés de contributions, il n'en demeure pas moins qu'au moment où la rédaction de cette proposition a été faite, il n'y avait qu'une seule décision de la Cour d'appel de l'Ontario sur la question, et c'était celle d'Hydro Ontario qui déclarait que, dans le cas d'Hydro Ontario, les congés de contributions étaient illégaux. Pourtant, lorsqu'on lit la proposition, à plusieurs endroits, on ne cesse de remarquer que les congés de contributions, selon la proposition gouvernementale, sont tout à fait légaux et normaux, alors qu'il y avait une décision de la Cour d'appel de l'Ontario qui disait le contraire.

C'est vrai qu'il y a eu une décision, le 20 février dernier, que nous rapportons dans notre mémoire, qui est arrivée à une décision contraire. Je pense qu'en regardant les deux décisions l'une à côté de l'autre, il faudrait en venir à la conclusion que, dépendant du texte, dépendant de l'engagement que l'employeur a pris à l'intérieur du régime, il y aura ou non légalité des congés de contributions. Sauf que d'en faire un principe général et de dire que les congés de contribution, il n'y a rien là, c'est légal, il n'y a pas de problème pour les employeurs, je pense qu'il y a un grave problème.

Nous, notre position à cet égard, en regardant la directive du ministère du Revenu que vous connaissez très bien, la 7213-R-8, il est indiqué, dans cette directive, qu'on peut diminuer les surplus, qu'il faut les diminuer. On ne veut pas accumuler, au niveau fiscal, des surplus excédentaires dans les régimes de retraite pour des raisons fiscales. On indique quand même deux méthodes pour diminuer les surplus. Première méthode, congé de contributions à l'employeur; deuxième méthode, augmentation des bénéfices aux participants.

Notre position, c'est que, dépendant qui est propriétaire des surplus en vertu du régime, il y aura droit ou non à un congé de contributions. Si, par exemple, dans des cas, le régime indiquait, à l'origine, que les surplus devaient aller aux participants et que, comme la tendance majoritaire des tribunaux indique que les surplus appartiennent aux participants, à ce moment-là, l'employeur n'aura pas le droit de prendre congé de contributions. Seule, une augmentation des bénéfices pourrait permettre de diminuer les surplus à l'intérieur des régimes. Ça, ce serait notre position.

Le Président (M. Joly): Merci, Me Rivest. M. le ministre. Excusez, vous aimeriez ajouter M. Ducharme.

M. Ducharme (Claude): M. le Président, si vous me le permettez, les cas qui vont devant les tribunaux, c'est les cas où on n'a pas réussi à s'entendre avec l'employeur. Quand on s'assoit devant l'employeur, la proposition qui nous est faite, c'est un partage des surplus. On a refusé ça. Dans le cas Whitefarm, il a été précisé par les tribunaux que tous les surplus et les congés de cotisations, l'employeur a été obligé de remettre ça dans le régime. Après ça, il y a eu un partage, quand ça a été mis dedans, aux retraités et à ceux qui partaient à la retraite, et tout ça. C'est ça qu'on conteste. C'est ça qu'on vient vous dire. Présentement, c'est du vol légalisé. Là, vous êtes en train, à un moment

donné, de laisser miroiter que ce qui nous appartient, ce qu'on a déjà payé, ce qu'on a déjà négocié, où l'employeur a décidé de mettre des montants d'argent là-dedans qui équivalaient à des rentes qu'on devait toucher au moment de la retraite, il va venir en chercher une partie, 50 %. C'est complètement insensé. C'est le plus beau cadeau que vous allez faire aux employeurs. Quand on fait la somme de ça, c'est des centaines de millions dont on parle et quelques milliards qui vont retomber graduellement dans la poche. Le cas de Dominion, pensez-vous que Conrad Black n'aurait pas accepté un partage 50-50 si le syndicat s'était amené, si le syndicat avait dit: Prends-en 30 000 000 $, on va en prendre 30 000 000 $? Qu'est-ce qu'on contestait là-dedans devant les tribunaux? C'est tout le montant qui était là, parce qu'on a toujours prétendu, et c'est ça notre prétention, que ça nous appartient. L'employeur, quand il a versé l'argent là-dedans, ça ne le regarde plus. Êtes-vous en train de nous dire que les endroits où il y a des régimes d'économie mis sur pied par les employeurs où tu mets une piastre, l'employeur met une piastre, que l'employeur va aller chercher 50 % des intérêts générés dans ces comptes-là? L'employeur n'a jamais demandé ça. Pourquoi viendrait-il demander dans nos régimes de retraite d'en prendre 50 %? Pensez-y sérieusement comme gouvernement. À l'heure actuelle, c'est toute la question de la pauvreté des retraités qu'on est en train de débattre. Ce n'est pas une chose facile à faire à la table de négociation d'indexer des régimes privés. Il y a quelque temps, il n'y en avait pas de régimes de retraite privés. Nous, on l'a fait dans le domaine de l'automobile, on a commencé à un moment donné à négocier. Il a fallu se ramasser à New York devant les grands comptables pour nous faire dire que c'était presque impossible d'indexer les régimes. On a l'opportunité, il y a des sommes d'argent dans les régimes de retraite. Les surplus qui ont été générés, il faut les laisser dans ces régimes-là et ça appartient aux participants.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. Ducharme. Je crois que c'est très intéressant, mais ça prend le temps ou l'enveloppe du ministre.

M. Ducharme: J'en suis peiné.

Le Président (M. Joly): Je vois que vous êtes un homme assez enflammé. Ça va quand même assez bien, mais, d'un autre côté, ça permet un échange quand même assez limité, partant de là.

M. Ducharme: Ce n'était pas notre but.

M. Bourbeau: Je ne voulais pas interrompre le conférencier, M. le Président, mais j'avais peut-être encore une question à poser. Quand on a abordé la réforme de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, vous vous souvenez, vous êtes venus nous voir, il y a un an, la loi 116, on a constaté qu'on avait une loi déficiente. J'ai proposé des modifications. Vous êtes venus nous voir, la partie patronale aussi. On s'était entendu sur des changements. Peut-être que, sur tous les aspects, il n'y avait pas unanimité, mais, d'une façon générale, je pense que ça a été assez bien reçu et on a reformé la loi. Je pense que tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire que c'est un grand pas en avant, à moins que vous ne me disiez le contraire et que vous ne me disiez qu'on s'est mis les deux pieds dans les plats.

Là, on a un autre problème. Il y a un moratoire qu'on a mis. Je pense que vous avez applaudi lorsque nous avons mis le moratoire. Je n'ai entendu personne s'objecter à ça. Mais si on n'est pas capable de trouver une solution pour lever le moratoire, il y a une autre solution qui est beaucoup plus facile, c'est celle qu'on a utilisée quand on a maintenu pendant 11 ans le moratoire qui interdisait la conversion des immeubles locatifs en copropriétés. Je me suis amené au bout de 10 ans et j'ai entrepris de lever ce moratoire-là. Je dois dire que ça n'a pas été très facile. On a fini par le faire quand même, mais s'il n'y a pas moyen de s'entendre, est-ce que vous préféreriez qu'on laisse le moratoire puis qu'on laisse le temps aux gens de réfléchir pendant encore 10 ans?

Le Président (M. Joly): M. Frenette.

M. Frenette: M. le ministre, on ne peut pas parce que les employeurs l'ont vu le trou dans le moratoire. Ils l'ont vu qu'il y a un surplus et qu'ils pouvaient s'en emparer. Ils le font allègrement. Ils le font avec la bénédiction, à l'heure actuelle, du ministre, du gouvernement, de la Régie... Tout le monde le fait. On les laisse faire. On ne pensait jamais qu'ils pouvaient aller aussi rapidement que ça. S'ils ont pris des congés de contributions de 250 000 000 $ en 1987, c'était s'emparer des surplus. Probablement, puis la Régie ne veut pas nous fournir les données pour 1988, 1989, 1990 et 1991, mais ils ont dû prendre dans le même ordre, la même valeur, les congés de contributions. C'est probablement 1 000 000 000 $, qu'on estime, de congés de contributions qui ont été pris au cours des quatre dernières années. Ça, M. Legault pourrait nous le dire s'il voulait nous donner les chiffres. On les lui a demandés, on voulait les mettre dans notre mémoire. Évidemment, on n'a pas pu les avoir.

On vous demande, M. le ministre, de nous les sortir ces chiffres-là. Ils doivent quand même être connus. Déjà, le moratoire a duré trop longtemps, parce que ça doit être un quart à un demi-milliard par année de surplus qui sortent

des régimes. On est en train de vider les régimes, alors que... Et on estime toujours que, légalement, ce n'est pas permis de faire ça. Il ne faut pas autoriser cette forme d'élimination des surplus. Si le moratoire dure, le problème de l'utilisation des surplus ne se posera même plus. Il n'y en aura plus.

M. Bourbeau: alors, il y a deux côtés à une médaille. bien sûr vous faites entendre votre côté, mais il y a des gens qui viennent ici et qui ont un point de vue différent.

M. Bourdon: II n'y en a pas gros, M. le Président.

M. Bourbeau: Un instant, là.

Le Président (M. Joly): M. le député.

M. Bourbeau: La journée n'est pas terminée, puis...

M. Bourdon: II va y en avoir, on les connaît, mais il n'y en a pas eu gros jusqu'ici.

M. Bourbeau: M. le Président, on a...

Le Président (M. Joly): M. le député, je serai obligé de couper nécessairement votre enveloppe de temps si vous ne donnez pas la chance au ministre de prendre ses dernières deux minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, on a accepté avec plaisir d'inviter les gens de la FTQ. On a entendu les gens de la CSN, de la CSD. Bien sûr, le langage qu'on entend de ce côté-là est clair, et on s'attendait à ça. Maintenant, on a entendu un organsime patronal qui ne tenait pas le même langage, on va en entendre d'autres aujourd'hui, le Conseil du patronat, et je suis convaincu qu'on va entendre un son de cloche différent. Maintenant, moi, j'ai à prendre une décision: je lève le moratoire ou non. Mais si je ne peux avoir de consensus sur rien, bien, qu'est-ce que je fais? Je ne peux pas lever le moratoire si je n'ai pas de consensus, à moins d'arriver avec une motion de clôture puis de forcer un point de vue. Alors, ce que je dis, c'est: Peut-être qu'il y aurait lieu de s'asseoir puis de commencer à trouver des solutions qui pourraient être acceptables pour tout le monde. Votre point de vue est à une extrémité, c'est: Tout au travailleur, on ne reconnaît aucun des arguments du patronat. Moi, je dis que c'est excessif. C'est vrai que c'est du salaire différé en bonne partie, mais pas en totalité. Enfin, c'est le point de vue que je défends et que d'autres centrales syndicales ont reconnu d'ailleurs. Même la CSN a reconnu ça, d'une certaine façon. La CSN a reconnu que, quand les employeurs doivent...

M. Bourdon: M. le Président, je crois que le ministre ne peut pas dire des choses qui ne sont pas conformes aux faits.

Le Président (M. Joly): je m'excuse, m. le député, vous avez une enveloppe de temps de 20 minutes, vous pourrez débattre du sujet dans votre 20 minutes. s'il vous plaît.

M. Bourbeau: La CSN a reconnu, M. le Président, le droit aux employeurs de prendre des congés de cotisations dans certains cas. Bon. Alors, c'est donc dire que le principe est battu en brèche, qu'il y a des cas où l'employeur est justifié de prendre des congés de cotisations. Donc, je n'ai pas tort quand je dis ça.

Alors, moi, je dis simplement ceci. Je souhaite grandement qu'il y ait un effort qui soit fait de part et d'autre pour tenter de rapprocher les positions des parties, ce qui pourrait nous permettre de lever le moratoire, sans quoi il y a un risque, je dois le dire, qu'on poursuive la discussion ou la réflexion pendant un certain temps encore.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Pointe-aux-Trembles. S'il vous plaît.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord parler de la page 14 du document de consultation où on trouvait l'extrait suivant, et il est cité dans le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec. "Il est arrivé ces dernières années que des travailleurs ont voulu contester la légalité des transactions..." Et on dit, à la fin: "Les quelques jugements rendus par les tribunaux canadiens reflètent les deux courants de pensée et ne permettent pas de dégager une jurisprudence claire."

Alors, M. le Président, si je me laissais aller à un travail de médiateur, je dirais à mes amis de la FTQ, on pourrait dire, au lieu de mettre dans le document de la FTQ que les auteurs "ont voulu induire en erreur", on pourrait le remplacer par "ont induit en erreur", parce que je pense que la jurisprudence qui est citée dans le mémoire - puis on sait tous lire, les membres de la commission - va dans un sens clair que les surplus appartiennent aux participants. À cet égard, M. le Président, je veux, au départ, saluer toutes les personnes de la FTQ qui sont ici et, en particulier, Me Marcel Rivest dont je conviens que les articles dans La Presse m'ont comme initié davantage au problème dont il est question. Et je déplore que le ministre et la Régie ou bien n'aient pas lu les documents de Me Rivest ou bien ne les aient pas bien compris après les avoir lus. Et je partage entièrement l'opinion du premier ministre de l'Ontario qui disait que ce qu'on veut faire dans les caisses de retraite, c'est un vol organisé, légalisé. Je prétends que le ministre qui est devant nous

veut légaliser le vol au Québec et qu'il le légalise déjà en permettant que, par des congés de contributions, les employeurs se soustraient au moratoire. Puis ce matin, M. le Président, qu'il nous menace de lever le moratoire, il ne nous menace de rien du tout. C'est Boileau, je pense, qui disait: Hâtez-vous cent fois sans perdre courage; cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. C'est ça qui permet aux employeurs de se hâter lentement dans le vol de ce qui appartient aux travailleurs dans leurs caisses de retraite.

Je voudrais ajouter, M. le Président, que les gens ici de l'automobile et du papier, puis les Métallos hier, s'occupent de fonds de pension depuis à peu près 50 ans. Je dis ça parce que, hier, le ministre a dit, à plusieurs reprises: C'est récent que les syndicats s'occupent des caisses de retraite. Ce n'est pas récent. Sous le sens commun, la population sait, depuis Singer, Simonds et tous les autres, qu'il s'agit de vol légalisé. Puis le document du gouvernement vient nous dire que ça va être légal et même rétroactif, au cas où la jurisprudence ne serait pas assez claire. (11 h 45)

Elle est claire la jurisprudence, au point que le gouvernement nous propose de changer le sens de la jurisprudence par une législation, ce qui est un déni de justice pour les participants. Je suis d'accord avec M. Ducharme pour dire que ça, c'est de créer de la pauvreté. Ça m'impressionne, moi, le 300 000 000 $ d'Hydro-Québec, puis on ne sait plus combien il reste dans le milliard qu'il y avait il y a deux ans, des surplus d'actif, il en reste, il en reste pas mal. Puis si on détourne 500 000 000 $ à 600 000 000 $ des caisses de retraite, M. le Président, c'est bien plus que 500 000 000 $ à 600 000 000 $ parce que c'est une capitalisation qu'on permet aux employeurs de s'approprier abusivement.

Alors, ça veut dire combien dans 10 ans, dans 15 ans, de retraites qui ne seront pas versées aux ayants droit, et dont le secteur public écopera. Le ministre pourrait consulter son collègue du Trésor. Peut-être qu'il y a une voie là, en permettant aux gens d'avoir une rente juste, on règle peut-être une partie du problème financier du président du Conseil du trésor qui l'amène à répéter une erreur historique, c'est-à-dire mettre ça sur le dos des employés du secteur public, ce qui en passant, et je suis placé pour le savoir, est extrêmement coûteux politiquement.

Alors, M. le Président, je le sais que ça n'a pas la forme d'une question, mais je tiens à dire, dès le départ, que ce mémoire-là de la FTQ qu'on a devant nous est extrêmement bien fait et convaincant. Le ministre devrait le lire attentivement, et puis refaire ses devoirs en fonction de ce qu'il y a là-dedans.

Puis, M. le Président, je pense qu'il y a une illusion. On ne peut pas dire que les contribu- tions aux régimes de retraite sont presque du salaire différé, tout comme une femme ne peut pas être presque enceinte, puis tout comme un parti ne peut pas être presque souverainiste. C'est du salaire différé.

Moi, j'ai une formation de permanent syndical, et puis il y a des juges qui pensent la même chose. Il y a des avocats qui ne pensent pas la même chose. Maintenant, les notaires sont généralement plus conservateurs sur les questions qui émargent à la propriété privée, mais même le Barreau dit que les caisses de retraite sont des contrats et qu'on ne doit pas permettre à une partie à un contrat de le modifier unilatéralement. J'ai des amis notaires qui pensent la même chose, qu'un contrat ne doit pas se modifier unilatéralement par une des deux parties.

Puis l'autre aspect que j'aime dans votre document de la FTQ, c'est que vous faites bien voir que tout le monde n'est pas syndiqué et que les non-syndiqués sont encore plus mal pris. Je dis bien plus mal pris, parce que les syndiqués sont obligés d'aller devant les tribunaux pour réclamer leur dû. Les non-syndiqués, est-ce qu'ils ont les moyens d'aller devant les tribunaux, est-ce qu'ils sont conscients des enjeux?

Le ministre, par la loi 116, a fait faire des pas importants en termes de transparence. Je ne sais pas ce qui est arrivé depuis la loi 116, mais ce qui est devant nous là, ça équivaut à légaliser, je ne parlerai pas de vol comme le premier ministre de l'Ontario, je suis bien plus modéré que lui, une appropriation, tiens je prends les termes dans le mémoire de la FTQ, une appropriation abusive par les employeurs d'argent qui ne leur appartient pas. Ça se dit mieux. Sur ma rue, le monde parle de vol.

À cet égard, une première question à la FTQ: Croyez-vous qu'il est correct de permettre aux employeurs de terminer unilatéralement une caisse de retraite, indépendamment de savoir s'ils pourraient récupérer les surplus ou pas? Nous, on pense qu'ils ne devraient jamais pouvoir récupérer les surplus.

Le Président (M. Joly): M. Daoust, M. Rivest, en fait vous avez le choix là, M. Frenet-te, je pense...

M. Rivest: Non, effectivement, on ne pense pas que ce soit une bonne idée qu'un employeur puisse terminer un régime unilatéralement. Si on parle de contrat, automatiquement il faudrait qu'il y ait une entente sur la terminaison du régime, parce qu'il y a un point assez important sur une terminaison de régime qu'il s'agit de comprendre. Dans un régime à salaire final, il faut être conscient que, lorsque l'employeur termine le régime, à ce moment-là, les rentes des retraités sont calculées non plus sur le salaire final, le salaire projeté, mais sur le salaire à la terminaison du régime. À ce moment-là, il y a automatiquement création de surplus

parce que les contributions qui ont été placées dans la caisse de retraite l'ont été en fonction des salaires finaux. A ce moment-là, si en plus de donner des rentes sur le salaire à la terminaison, on pousse, je dirais, la question à donner le surplus à l'employeur, à ce moment-là, les employés se font avoir par les deux bouts, si vous me permettez l'expression, d'autant plus que ces rentes différées là ne sont pas indexées. Ça fait que c'est certain qu'au niveau de la terminaison du régime, c'est difficile d'être d'accord, de permettre à un employeur unilatéralement de terminer un régime et de créer comme ça un surplus et de se l'approprier parce qu'il aurait des difficultés financières ou quoi que ce soit.

M. Bourdon: M. le Président, j'ai une autre question. La CSN, hier, nous disait qu'il y a très très peu souvent des déficits imprévus d'une caisse de retraite. On donnait des chiffres en Ontario et on disait: Les parties, ou une partie quand il n'y a qu'une partie à l'administration d'une caisse de retraite, conviennent parfois que le fonds peut avoir un déficit pendant un an, deux ans, trois ans, mais les projections des actuaires font qu'à la longue, les choses vont rentrer dans l'ordre. La CSN - d'où ma réaction un peu vive tout à l'heure et je m'en excuse auprès du ministre - ajoutait: Quand il y a un déficit imprévu d'un régime, ce qui est très rare, on pourrait considérer que, lorsque l'employeur le comble, on pourrait considérer ça comme une avance qu'il fait et il pourrait se rembourser cette avance-là à même un congé de cotisations.

Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'était pas question du congé de cotisations que le ministre permet actuellement et que la Régie permet, qui fait que les employeurs sont en train d'obtenir déjà ce que le ministre veut légaliser dans la loi. Je demanderais à M. Daoust: Est-ce que la proposition de la CSN vous apparaît inacceptable à cet égard?

M. Daoust: Non, quant à nous, non, ça ne crée pas de problème. Je pense bien que cette analyse qui a été faite par la CSN, qui est reprise d'une autre façon dans notre document et ses conclusions ne nous créeraient pas de difficulté. Mais substantiellement, ce que nous, on veut dire au ministre, c'est... Je vois bien son inquiétude. Il se dit: Bon, bien qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on maintient le moratoire ou bien je tranche? Nous, on l'invite à trancher, on a le sentiment profond et la conviction qu'il n'y aura pas de commotion incroyable, qu'il n'y aura pas de tremblement de terre... Évidemment, il y a des employeurs qui ont été habitués et qui ont pris de faux plis. Il n'y a rien de pire que de redresser quelque chose qui pousse tout croche, à un moment donné. Mais il faut le faire inévitablement. Il va peut-être y avoir des gens qui vont rouspéter ici. Je ne sais pas ce que M. Ghislain

Dufour va venir vous dire, puis je ne veux pas présumer de ses prises de position et être méchant à son égard, pas une damnée miette. Mais il ne faudrait pas s'émouvoir qu'en certains lieux, puisqu'on a pris des habitudes qui ont été permises par toutes sortes de circonstances, on veuille les maintenir et les voir confirmées par la loi.

Enfin, on invite le ministre à un certain courage. Ce n'est pas le courage du siècle qu'on vous demande, mais un certain courage à l'égard de ce problème-là, pour faire disparaître cette mentalité de bandits de grand chemin. Tout le monde a parié de vol, de vol légalisé et qualifié, bon, et je n'en ferai pas une démonstration très longue. Mais le pauvre monde, quand il se fait prendre les mains dans le sac ou la main dans le sac, on s'en débarrasse et on les mets en prison. Voici que des entreprises, un peu partout ici au Canada ou au Québec, ont littéralement et physiquement, ce n'est pas rien que littéralement mais physiquement, selon nous, volé les travailleurs. Écoutez, il n'y a pas d'autre mot, c'est peut-être un peu brutal comme mot et, parfois, on essaie de le rendre un peu plus doux, mais...

Il ne faudrait pas confirmer cette façon d'agir des employeurs. Quand je dis: Un certain courage... Oui, un certain courage, ce n'est peut-être pas facile, sans aucun doute, mais n'attendez pas qu'il y ait unanimité dans ce domaine-là et qu'il y ait un consensus, des consensus... Je ne veux pas faire allusion à une autre commission mais on verra bien en temps et lieu. Il n'est pas toujours facile de dégager des consensus ou l'unanimité. Moi, je pense qu'il faut écouter la voix de ceux et de celles qui connaissent le problème, qui l'ont vécu et qui en souffrent, et puis trancher de façon définitive pour que ne se répètent plus les abus du passé. Je répondais à votre question un peu longuement, mais...

M. Bourdon: Allez, allez, ce n'est pas un problème. Mais nous, on a intérêt à vous écouter parce que, quand on sera au gouvernement, on aura peut-être intérêt à refaire l'exercice dans un sens différent.

Le Président (M. Joly): Est-ce que vous voulez que je vous reconnaisse, M. le député de Gouin?

M. Boisclair: Oui.

Le Président (M. Joly): Ça va me faire plaisir.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je pense que vous citez d'ailleurs avec beaucoup de pertinence M. Rae, premier ministre de l'Ontario, et rappelez que c'est un peu son élection qui est venue couper l'herbe sous le pied au ministre, parce qu'à l'hiver 1990, lorsqu'on invoquait des

motifs pour prolonger le moratoire, on nous disait à l'époque qu'il fallait consulter l'Ontario. Depuis l'élection du NPD en Ontario, on ne nous parle plus de consultation avec l'Ontario, et, soudainement, c'est le gouvernement du Québec qui a décidé de prendre l'initiative. Alors, c'est quand même... Ce que je vous rappelle tout simplement, M. le ministre, ce sont vos propos de l'hiver 1990, c'est un des arguments que vous avez invoqués pour prolonger le moratoire. Alors, on ne voit pas, si ce n'est que l'élection de M. Rae en Ontario, ce qui pourrait soudainement justifier un changement d'attitude de votre part. Ce que j'aimerais ajouter, à ce moment-ci, c'est de rappeller aussi pour le bénéfice des membres de la FTQ ce que les gens du Barreau - qui sont des gens qui ont une vaste connaissance de la législation autant québécoise qu'ontarienne et canadienne - sont venus nous dire de façon très claire: que la proposition gouvernementale ne respecte pas les ententes contractuelles, qu'elle ne respecte pas le processus judiciaire puis qu'elle va à rencontre des dispositions fiscales. C'était quand même une attaque très sévère, qui ne venait pas d'un groupe d'intéressés dans le débat, qui venait de gens, au contraire, éclairés par leur expérience et par leur pratique.

J'aimerais revenir sur cette question de respect du processus judiciaire et des causes pendantes. Mon collègue, M. le député de Pointeaux-Trembles, a rappelé la citation que vous faites du document de consultation à la page 14. Vous dites: "Les quelques jugements rendus par les tribunaux canadiens reflètent les deux courants de pensée et ne nous permettent pas de dégager une jurisprudence claire." Vous faites une attaque très sévère, votre analyse à vous. Les gens de la CSN sont venus nous dire: On se questionne sur la légalité du geste. Les gens du Barreau sont venus nous dire: Sauf en de très rares occasions, et je cite, "le gouvernement a toujours respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue de respecter ce principe." Est-ce que la FTQ a un point de vue sur la légalité du geste de donner l'amnistie, si on peut s'exprimer ainsi, mais, dans le fond, de suspendre toutes les causes qui sont pendantes devant les tribunaux?

M. Rivest: Bien, on peut se poser des questions sur cette question-là. Mais, essentiellement, ce que la FTQ dit c'est que, compte tenu qu'il y en a déjà suffisamment de décisions des tribunaux, à ce moment-là, inspirez-vous donc des décisions des tribunaux pour appliquer à tout le monde le principe de l'appartenance des surplus et donnez-les aux participants plutôt que, finalement, de perpétuer un certain nombre de causes. Par ailleurs, on pense et on le dit que ce que le gouvernement veut faire, c'est un recul par rapport à ce que les tribunaux, au moment présent, donnent aux participants. Ça, on n'accepte pas ça.

M. Boisclair: Mais est-ce qu'il y a... Et c'est ça que j'essaie de voir... Les gens du Barreau nous ont dit que le "due process of rights", l'accès aux tribunaux n'est pas garanti ici contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. Ce que j'essaie de voir au niveau de la légalité du geste, je ne sais pas si vous avez une opinion sur cette question-là parce que ça va être un sacré problème? Le ministre nous disait, lorsque je posais cette question-là, hier: Oui, mais qu'est-ce qui arrive si, par exemple, les travailleurs et travailleuses de la Simonds perdent leur cause? Vous allez sans doute être bien content de voir qu'il y a un caractère rétroactif qui s'applique dans le cas de la loi. Est-ce que c'est un pari que vous êtes prêt à prendre, vous? Le cas de la Simonds, si je ne me trompe pas, ses employés sont de la CSN? Bon, il y a d'autres causes qui émanent de vos instances, il y a des causes qui ont été gagnées aussi chez les Métallos, si je ne me trompe pas. Mais est-ce que c'est un pari que vous êtes prêt à prendre, chez vous? (12 heures)

M. Rivest: Je pense que la question, ce n'est pas une question de pari. Dans le fond, quelle est l'alternative, pari par rapport à quoi? Je pense que c'est ça 1a question. Actuellement, la proposition gouvernementale semble dire: Écoutez la loi va aller même à rencontre de causes qui seraient pendantes devant les tribunaux. Ça, on pense que ce serait illégal ou, à tout le moins, ce serait, il me semble, contraire aux principes qu'on défend généralement dans une société démocratique. Maintenant, savoir le pari, ce serait le pari par rapport à quoi? Ce qu'on dit, c'est qu'au moment présent, les tribunaux donnent plus dans le cas des régimes où il y a eu des amendements en cours de régime, généralement les régimes d'avant 1966, date d'entrée en vigueur de la Loi sur les régimes supuplémentaires de rentes. On pense que le gouvernement donne moins et peut-être qu'on serait prêts à penser au pari, mais c'est un problème qu'il faut regarder, non seulement pour le passé, mais aussi pour l'avenir. Il me semble que notre proposition, c'est une proposition qui regarde le passé pour qu'on l'applique à l'avenir par loi et qu'il n'y ait pas de cas à la pièce.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): II vous reste une question.

M. Bourdon: M. le Président, combien me reste-t-il de temps?

Le Président (M. Joly): Une minute et 15 secondes.

M. Bourdon: Une minute, c'est en masse.

Le Président (M. Joly): Pour la question et la réponse.

M. Bourdon: Je n'ai pas d'autre question. Je voudrais remercier la FTQ qui, au nom de ses 450 000 membres est venue lancer ici un cri d'alarme, dans le fond, pour dire: Le ministre et la Régie se préparent à légaliser une appropriation abusive des fonds de pension des travailleurs par certains employeurs. Je pense que ça ressemble à mon adolescence, ce qui arrive aux travailleurs des fois, ça ressemble aux terrains en Floride qui étaient supposés comporter des orangeraies, mais qui étaient des "swompes". C'est grave quand on joue ça dans la vie des gens. Les gens ont l'espérance d'une retraite x, et on permet à l'employeur... Me Rivest soulignait les fins de carrière, entre autres, qui dégagent des surplus très considérables, puisqu'on leur donne une retraite maintenant au lieu de la retraite anticipée. Autrement dit, on vole les participants qui ont investi le plus dans le fonds. Alors, dans ce sens-là, je tiens à dire à la Fédération des travailleurs du Québec que nous, de l'Opposition, on a de l'admiration pour ce que la centrale et ses affiliés font pour défendre leurs membres là-dessus. On espère que le ministre a entendu le message et qu'il y aura moyen d'arriver à quelque chose de plus juste que ce qui est devant nous. Ce qui est devant nous, c'est vraiment de permettre au renard d'entrer dans le poulailler et de faire un carnage.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Le mot de la fin, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en déplorant les propos excessifs que j'entends depuis quelques minutes, tendancieux, le vol, le carnage, c'est un langage, M. le Président, qui sied à...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, c'est le mot de la fin, M. le député.

M. Boisclair: Le ministre n'a pas le droit de nous prêter des propos, vous le savez très bien. Je vous demanderais tout simplement de faire respecter le règlement. Vous savez très bien que le vocabulaire que le ministre vient d'utiliser est un vocabulaire antiparlementaire.

Le Président (M. Joly): M. le ministre. S'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, vous auriez dû l'interdire dans la bouche du député de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Joly): Non, mais je vous ai laissé aller. J'ai été...

M. Bourdon: M. le Président, j'ai cité le premier ministre de l'Ontario, ce n'est pas antiparlementaire.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse là.

M. Bourbeau: Moi, j'ai cité le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: II s'agit d'un premier ministre d'une province du pays que vous voulez garder.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, j'ai cité le député de Pointe-aux-Trembles. M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. M. le ministre.

M. Bourbeau: Si le député veut retirer la citation, je vais retirer la mienne. M. le Président, tout en déplorant les propos excessifs...

M. Bourdon: M. le Président, le ministre dit qu'on avait dit des choses excessives et tendancieuses. Il n'a pas à nous prêter d'intentions. On a décrit ce qu'on pensait être, nous, la réalité.

M. Boisclair: II y a une question de règlement.

M. Bourbeau: Alors, l'aveu, c'est la meilleure preuve.

Le Président (M. Joly): Quel règlement, monsieur?

M. Boisclair: Je vous demanderais de trancher, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Quel règlement, M. le député?

M. Boisclair; Vous savez très...

Le Président (M. Joly): En vertu de quel règlement?

M. Boisclair: Je peux sortir l'article exact et vous le dire. Vous savez très bien, M. le Président, comme moi...

M. Bourbeau: Écoutez, on va s'entendre là...

M. Boisclair: ...qu'un parlementaire n'a pas le droit...

M. Bourbeau: ...on a prononcé les mêmes mots. Alors, s'il les retire, je vais les retirer. Je n'ai fait que répéter ce qu'il a dit. M. le Prési-

dent...

M. Bourdon: M. le Président, ce qui n'est pas parlementaire, c'est que le ministre dit qu'on avait tenu des propos excessifs et tendancieux, et ça, ce n'est pas parlementaire...

Le Président (M. Joly): À ce que je sache...

M. Bourdon: ...et je veux que vous le rappeliez à l'ordre. Pour ce qui est du vol, on le sait...

Le Président (M. Joly): Moi, j'apprécierais...

M. Bourdon: ...c'est le premier ministre de l'Ontario qui l'a dit et c'est ce que le monde pense.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Joly): J'apprécierais que vous baissiez le ton, au départ, parce qu'on peut quand même, entre gens civilisés, s'entendre. Je ne crois pas que le ministre vous ait traité de quoi que ce soit. Donc, il n'y a rien d'antiparlementaire à ce moment-là. M. le ministre, s'il vous plaît, en conclusion finale.

M. Bourbeau: M. le Président, une conclusion, c'est toujours un peu final. Disons ceci...

Le Président (M. Joly): Non, mais c'est parce que des fois ça traîne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: M. le Président, tout en soulignant que tout à l'heure on a affirmé qu'une femme ne peut pas être à moitié enceinte - et je le reconnais - ce que je déplore, c'est le sophisme qu'on a utilisé à l'égard de cette comparaison-là. On dit: Une femme ne peut pas être à moitié enceinte, donc, on ne peut pas trouver une solution qui serait mitoyenne, qui tiendrait compte de tous les points de vue. Il faut trancher dans une direction qui est à l'extrême: un point ou un autre. On a même fait des comparaisons avec le parti politique que je représente en disant: Ça doit être ci, ça doit être ça. M. le Président, ce que je dis, c'est que...

M. Bourdon: M. le Président, est-ce que la conclusion va venir?

Le Président (M. Joly): C'est ce que je...

M. Bourdon: On va faire une nouvelle conclusion, nous autres aussi.

Le Président (M. Joly): C'est ce que je souhaite, moi aussi. D'une seconde à l'autre...

M. Bourbeau: Alors, en souhaitant...

Le Président (M. Joly): ...je m'attends toujours que c'est la fin.

M. Bourbeau: oui, m. le président, en souhaitant que la solution qui va sortir soit une solution qui ne soit pas absolue, mais qui soit empreinte de nuances, de mesure et de pragmatisme...

Une voix: Et de justice.

M. Bourbeau: ...parce qu'il faut parler de pragmatisme et de justice, oui, à l'image des Québécois qui aiment ce genre de solution-là et qui savent faire la différence quand vient le temps des élections. Je remercie la FTQ pour son mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Moi-même, au nom des membres de cette commission, je remercie aussi les membres de la FTQ. Merci beaucoup. Bon voyage de retour.

J'apprécierais que les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes prennent place rapidement, s'il vous plaît.

S'il vous plaît! Pourriez-vous libérer...

Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais si vous pouviez vous identifier, s'il vous plaît.

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.

M. Millette (Yves): Je suis Yves Millette, le vice-président principal aux affaires québécoises de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Claude Garcia qui est vice-président et chef de l'exploitation de la Compagnie Standard Life. M. Garcia va faire la présentation du mémoire de l'Association.

Le Président (M. Joly): Vous savez que vous avez une vingtaine de minutes, plus ou moins. Le mémoire a déjà été lu, sauf que ce qui est intéressant, c'est souvent les commentaires que vous y ajoutez. Merci.

M. Garcia (Claude): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir évidemment de présenter le mémoire de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

Alors, je pense qu'il s'agit évidemment d'un document important sur un sujet qui a donné lieu à bien des débats. De façon globale, l'Association est d'accord avec la proposition du gouvernement puisqu'elle établit, selon nous, un cadre raisonnable et pratique dans lequel traiter un projet fort litigieux. Il reste que certains aspects des modalités d'application proposées ont besoin d'un

complément d'examen parce qu'on n'est pas certain de l'effet des propositions sur certaines pratiques à l'heure actuelle que nous considérons souhaitables.

Alors, en d'autres termes, nous sommes d'accord que le moratoire actuel sur l'utilisation des excédents des régimes constitue une entrave au développement et à la croissance de ce genre de régime. Évidemment, vous savez sans doute que les employeurs ont le choix d'avoir ou de ne pas avoir à mettre sur pied un régime de retraite. S'ils décident de mettre sur pied un régime de retraite, ils peuvent choisir un éventail de solutions. Comme le moratoire a de l'impact sur les régimes à prestations définies exclusivement, évidemment ça crée certains empêchements au développement de ces régimes.

Nous sommes d'accord également que les principes fondamentaux qui régissent la répartition des excédents devraient être, d'abord et avant tout, la protection de la sécurité financière des régimes et, en second lieu, le respect de la contribution des participants et des responsables du régime.

Finalement, les commanditaires de régimes devraient continuer d'avoir le droit de suspendre le paiement des cotisations si une évaluation actuarielle montre que le régime est surcapitalisé et solvable et que le texte du régime n'interdit pas cette suspension.

Nous acceptons toutefois, comme compromis nécessaires, les vues suivantes. Premièrement, en cas de distribution de l'excédent, celui-ci doit être réparti entre les participants et le commanditaire ou le responsable du régime. Deuxièmement, il y a lieu de prescrire un pourcentage minimal de cette distribution en faveur des participants du régime, même dans les cas de régimes non contributoires. Troisièmement, que la répartition de l'excédent devrait être obligatoire dans certaines circonstances. Nous croyons, toutefois, qu'un certain nombre de propositions auraient intérêt à être réexaminées ou au moins explicitées. D'abord, les modalités d'application devraient être harmonisées avec les règles fiscales pour faire en sorte qu'elles ne débouchent pas sur un traitement fiscal défavorable pour les participants ou les responsables. Ce qui m'a frappé dans le débat qui a précédé, c'est que tous les cas qu'on a cités, c'étaient des cas du secteur public. Des entreprises, donc, qui ne sont pas taxables, qui ne sont pas imposables. Alors, évidemment, dans le secteur prive, nous avons des partenaires importants qui s'appellent le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial qui viennent chercher une partie importante de nos profits, et il est certain que les règles fiscales pour nous ont une importance considérable, qu'elles n'ont peut-être pas dans le cas du secteur public. Hydro Ontario, Hydro-Québec ne sont pas des corporations taxables.

Deuxièmement, une distribution des excédents d'actif ne devrait pas être exigée lors de la levée du moratoire. Je ne vois pas la pertinence de distribuer l'actif, les surplus actuels, lors de la levée du moratoire.

Troisièmement, en ce qui concerne une modification au régime visant à utiliser en totalité ou en partie les excédents d'actif pour augmenter les prestations de certains participants, que ce soit, par exemple, indexer les rentes des retraités, permettre à certains participants de prendre une retraite anticipée ou augmenter les prestations de services passés, une distribution... On ne devrait pas exiger une distribution des actifs dans ces circonstances-là. Une des raisons principales qui fait que les employeurs veulent avoir des régimes de retraite à prestations définies, c'est d'avoir une certaine flexibilité dans l'utilisation de leur main-d'oeuvre. Et on sait maintenant avec toutes les exigences des gouvernements que les coûts, si on veut, encourus par les entreprises pour maintenir de tels régimes ont augmenté de façon sensible, ce qui fait qu'ils ont découragé un certain nombre de petites entreprises à limiter, à changer, à modifier leur régime. Je n'apprendrai rien à M. Legault certainement là-dessus, et l'expérience en Ontario est exactement la même. Il y a eu une réduction considérable du nombre de petits régimes à prestations définies à cause des exigences légales. Si nous n'avons pas la possibilité de permettre à des employés qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont peut-être plus la volonté ou l'habileté de continuer à travailler dans nos entreprises, il est évident que pour nous, c'est un outil important de gestion des ressources humaines. On constate tous les jours que les employés ne vieillissent pas tous au même rythme. Il y en a qui ont 55 ans et qui ont beaucoup de réticence à accepter les changements technologiques ou qui ont toutes sortes de problèmes. Il y en a d'autres qui ont 65 ans, 68 ans, qui veulent continuer à travailler et qui sont capables d'apporter encore une contribution importante. Alors, ces règles-là, que nous avons, de retraites anticipées nous sont d'une grande utilité pour nous permettre d'arriver à des solutions honorables avec les employés qui vieillissent prématurément pour toutes sortes de raisons. Alors, on tient évidemment à garder ça, et on n'est pas certains que les modalités qui ont été prescrites par le ministre nous permettraient de continuer à le faire sans être obligés de distribuer le surplus.

Quatrièmement, le pourcentage minimal de l'excédent qui peut être distribué aux participants du régime ne devrait pas dépasser le tiers pour les régimes contributifs et la moitié de ce pourcentage pour les régimes non contributifs.

Cinquièmement, il ne devrait pas être exigé que la part de la distribution de l'excédent qui revient au responsable du régime soit encaissée immédiatement en espèces. Je pense que vous allez comprendre pourquoi, c'est question fiscale entre autres, c'est taxable, ça, et, évidemment, à

l'occasion, si on a des bonnes années, on a eu tendance dans le passé à essayer de mettre le plus d'argent possible dans notre caisse de retraite pour pouvoir en disposer lorsqu'on aura de mauvaises années. Et on ne voudrait certainement pas être obligés de sortir de l'argent de la caisse. Il ne faudrait pas prescrire d'hypothèses ou de méthodes actuarielles. Si on juge nécessaire de le faire - parce qu'il y en a déjà beaucoup de prescriptions d'hypothèses différentes et encore là, dans un souci d'économie... Vous savez, dans le milieu, il y a une farce qui circule, mais qui a quand même... C'est que toute la législation qui entoure les régimes de retraite, c'est quasiment une loi assurant le revenu des actuaires-conseils. Alors, on exhorte le ministre, s'il vous plaît, de bien y songer avant de prescrire des choses additionnelles. Je sais que les actuaires-conseils cette année ont un peu plus de misère, parce que, justement, l'activité gouvernementale a diminué, mais je pense que ça ne devrait pas être le but de la législation de bâtir des lois qui visent à assurer le revenu d'une profession en particulier. (12 h 15)

Et septièmement, il devrait être déclaré ici clairement que les régimes à cotisations déterminées ne tombent pas sous le coup des règles de distribution. Il faudrait également examiner de plus près la question de savoir si la part de l'excédent attribuée aux participants du régime doit être basée sur les prestations des seuls participants actifs ou s'il faut tenir compte des prestations des participants avec droits acquis à une rente différée ou qui sont retraités.

Il y aura lieu également, selon nous, de fournir des précisions quant à la façon dont les règles de distribution de l'excédent s'appliqueraient aux régimes ayant des participants au Québec et dans d'autres provinces. Là-dessus, M. le ministre, M. le Président, nous sommes très inquiets des tendances qui ont pris forme dans ce domaine-là. Lorsqu'on est une entreprise, par exemple - et, évidemment, la plupart des membres de l'ACCAP sont dans cette situation-là. On vous parle peut-être plus en tant qu'employeurs, à ce moment-ci - mais lorsqu'on a des employés dans toutes les provinces, le fait qu'il y ait des différences entre les provinces nous oblige, dans nos régimes, à avoir des règles particulières pour les employés de certaines provinces. Et ça devient assez compliqué d'expliquer à nos employés pourquoi les règles seraient différentes d'une province à l'autre. Et tout le monde s'entendrait facilement pour accepter une règle de réciprocité qui voudrait que la province où se situe une majorité des employés d'entreprises soit celle qui réglemente le régime. Et c'est malheureux qu'on s'éloigne de cette tendance-là dans la réglementation, ce n'est pas le seul domaine, remarquez, mais dans la réglementation d'un régime de retraite, ça complique drôlement la vie des entreprises qui ont des employés dans plusieurs provinces, ce genre de situation là. Or, il faudrait que les règles précisent que l'affectation de l'excédent aux cotisations patronales au titre de services futurs ne constitue pas une distribution de l'excédent d'actif, et ne constitue pas un événement exigeant la distribution de l'excédent et qu'elle ne soit pas visée par les règles de distribution de l'excédent. Peut-être, avant de terminer, j'aimerais rappeler que l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est une association professionnelle d'adhésion libre, représentant 108 sociétés d'assurances de personnes qui exercent leurs activités au Canada. Les membres de l'Association détiennent 99 % des assurances de personnes en vigueur au Canada. Nos membres administrent 73 % des caisses de retraite canadiennes, mais couvrent 14 % des participants. Notre part de marché est très forte dans les régimes moins importants, dans les plus petits régimes. Elle offre des services de gestion de caisses de placements également pour 18 % de l'actif des régimes de retraite au Canada.

Alors, avant de terminer, peut-être qu'on pourrait lire à la page 3: La question de la propriété des excédents d'actif des régimes de retraite a fait l'objet d'amples débats ces dernières années. Les vues des responsables de régimes et des participants de ces régimes, habituellement exprimées par le truchement d'organismes syndicaux, sont diamétralement opposées, chaque partie revendiquant la propriété des excédents. Les deux côtés ont vigoureusement fait valoir leur point de vue. À la suite de ça, le gouvernement a imposé un moratoire touchant les distributions d'excédents pendant qu'il examine la question. Comme indiqué dans le document de consultation, le moratoire s'avère un obstacle imprévu dans la libre négociation des ententes en matière de régimes de retraite. Il a créé un climat d'incertitude autant pour les commanditaires que les participants, et dans certains cas, il a conduit au report à plus tard d'améliorations aux régimes. Nous croyons souhaitable une levée du moratoire à brève échéance. Nous souhaitons que la responsabilité prédominante du gouvernement en matière de réglementation des régimes, est de sauvegarder la sécurité financière de ce régime. Aucune distribution des excédents ne saurait être permise ou imposée si elle mettait en péril cette sécurité. Ce principe, ainsi que le principe voulant que l'on tienne compte de la contribution de chaque partie au régime, doivent inspirer toute proposition visant la distribution des excédents d'actif, comme le gouvernement l'a déclaré dans le document de consultation.

Il faudrait également reconnaître que, s'ils jugent qu'ils sont lésés, les responsables risquent de prendre les mesures nécessaires à l'avenir pour réduire les possibilités d'un excédent. Résultat: des régimes de retraite moins bien capitalisés et une sécurité réduite pour les

participants. À notre avis, l'un des problèmes inhérents au débat sur la propriété des excédents est que les tenants d'un point de vue particulier ont tendance à poser en principe que les circonstances qui leur sont familières s'appliquent à tous les régimes, alors qu'en fait, ce n'est pas le cas. Par exemple, il est raisonnable de penser que l'entente implicite ou explicite entre employeurs et employés dans le cas d'un régime négocié à prestations uniformes est différente de celle qui concerne un régime de retraite non contributif instauré unilatéralement par l'employeur. Cela peut déboucher sur des approches différentes concernant le financement du régime et à des vues différentes quant à la propriété des excédents.

Le gouvernement semble être arrivé avec sagesse, dirions-nous, à la conclusion qu'il y a une part de vérité dans chaque camp, aussi a-t-il recherché une façon de partager équitablement les excédents d'actif. Nous croyons qu'en termes généraux, la proposition exposée dans le document de consultation est un grand pas en avant vers la réalisation de cet objectif.

Nous admettons que, si cette proposition doit être largement accueillie, il doit être prévu qu'une partie au moins modique de toute distribution d'excédent soit attribuée aux participants du régime, et ce, dans tous les cas. Nous admettons aussi que, dans certaines circonstances, il y a lieu de distribuer la tranche d'excédent d'actif qui dépasse la "marge de solvabilité" aux participants et au responsable du régime en vue d'un traitement équitable.

Nous croyons que le gouvernement a raison de conclure qu'un commanditaire de régime devrait continuer d'avoir le droit de suspendre sa quote-part de la cotisation d'exercice lorsqu'une évaluation actuarielle montre que le régime est surcapitalisé et solvable et que le texte du régime n'interdit pas la suspension. L'utilisation des fonds excédentaires de cette façon ne met pas en danger la sécurité financière du régime et serait plus avantageuse pour les participants que l'éventualité de la discontinuation du régime.

Nous avons des préoccupations concernant certaines modalités, mais j'en ai déjà parlé.

Alors, nous croyons que le document établit, en conclusion, M. le Président, un compromis raisonnable et acceptable pour traiter d'une question qui a donné lieu à bien des débats. Dans le délai très court qui nous a été imparti pour l'étude de ce document, nous avons remarqué certains aspects de la proposition qui nous préoccupent. Nous sommes convaincus qu'une étude approfondie donnera lieu à de nouvelles perspectives que nous aimerions partager alors avec le gouvernement. Nous serions heureux de rencontrer des membres du gouvernement ou des fonctionnaires pour nous entretenir avec eux de n'importe quel point de notre mémoire, si cela peut vous être utile. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le ministre. À moins que vous ayez d'autres choses à ajouter. Non?

M. Garcia: Non.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais poser une question à nos amis de l'Association canadienne des compagnies d'assurances - j'avais le sigle, mais je ne me souvenais pas du nom exact - et vous demander sur quels critères vous vous basez pour affirmer que le pourcentage maximal qu'on pourrait utiliser pour distribuer des excédents d'actif aux participants devrait être de 33 1/3 % pour les régimes contributifs et de la moitié de ça pour les régimes non contributifs? Sur quels critères vous basez-vous pour avancer ces chiffres-là?

M. Garcia: Écoutez, M. le Président, je pense que c'est un peu arbitraire. On reconnaît que vous devez poser un geste dans ce sens-là. Comme je vous l'ai dit, le moratoire, pour nous, on considère que ça nuit au développement des régimes et on souhaite que le moratoire soit levé le plus rapidement possible. Alors, pourquoi le tiers? C'est parce que, de façon générale, au moins au début quand on installe un régime de retraite, c'est souvent arrivé qu'il y a eu des partages 50-50. Alors, évidemment, peut-être... On nous dit que le niveau des cotisations est établi à un niveau tel, avec des hypothèses assez conservatrices, qu'effectivement, il y a eu des surplus. Alors, on se dit: Bien, il faut que ça soit quelque part entre 50 % et 0 %. Alors, on a choisi le tiers, mais écoutez...

M. Bourbeau: Mais, en fait...

M. Garcia: Je ne veux pas prétendre qu'on a fait une étude scientifique, ça serait faux. Dans le cas des régimes non contributoires, comme l'argent vient exclusivement de l'employeur, on pense qu'à ce moment-là, le niveau devrait être un peu plus bas.

J'aimerais aussi rappeler qu'il y a déjà des régimes qui sont très généreux. Vous avez des régimes non contributoires. Il y en a beaucoup dans le secteur privé, dans le secteur imposable, par rapport au secteur public, si on veut. Il y a beaucoup de régimes non contributoires dans le secteur privé, c'est-à-dire où tout est versé par l'employeur. Il y a beaucoup de ces régimes-là qui sont déjà très généreux, qui offrent déjà des prestations élevées, des prestations qui sont à peu près des maximums ou au maximum permis par les lois fiscales. Je connais aussi plusieurs entreprises qui, de façon périodique, indexent les prestations des retraités même si elles ne s'y engagent pas par règlement. Elles le font de

façon... Chaque année, elles examinent la situation. Alors, quand on dit dans ces régimes que l'on doit retourner les surplus aux employés, comme les entreprises qui gèrent ces régimes ont déjà satisfait une obligation de résultat qui m'apparaît très pertinente et très correcte, je vois mal que ça serait équitable de retourner une proportion importante ou la totalité du surplus aux participants, surtout si le régime est non contributoire. C'est dans cet esprit-là, évidemment, que nous avons soumis le minimum et que nous avons prévu un minimum assez faible, parce qu'on connaît, nous, des régimes où... Vous savez, tantôt, on parlait, on employait des mots qui ressortissent au Code criminel. Je prends l'occasion qui m'est présentée pour dire que je ne pense pas que toutes les entreprises satisfassent nécessairement aux exigences du Code pour se faire accuser des mots qu'on a utilisés tantôt.

M. Bourbeau: J'ai dit ce que je pensais de ça. Écoutez, il y a une chose qui m'étonne un peu dans votre proposition. Nous, on a un système qui existe depuis 25 ans au Québec ou à peu près, peut-être plus même, enfin au moins 25 ans, où se sont accumulés des surplus. On dit qu'il y a pour 900 000 000 $ de surplus accumulés. Il y a eu quelques excès de zèle de certaines compagnies, il y a quelques années, qui ont amené le gouvernement à imposer un moratoire pour éviter que des situations malheureuses ne surviennent. Là, vous nous dites: Vous avez très bien fait, on vous encourage, levez le moratoire, mais on ne pense pas que vous devriez permettre de distribuer les actifs à la levée du moratoire. Je trouve un peu étonnant que vous nous disiez ça, parce qu'il me semble qu'à cause de l'imprécision des clauses dans de nombreux régimes qui existent présentement, imprécision sur les excédents à cause des différents changements qui se sont produits dans les régimes, les clauses qui ont été modifiées au cours des années relativement, justement, à la propriété des excédents, etc., est-ce qu'il ne faudrait pas établir une date précise, une date claire en ce qui concerne la propriété des excédents et aussi en ce qui concerne le partage de ces excédents? Pourquoi continuer à laisser traîner et pourrir peut-être une situation que l'on déplore?

M. Garcia: Si vous me le permettez, M. le Président, je peux parler peut-être de façon plus particulière de l'entreprise à laquelle je suis associé, mais qui reflète, je pense bien, la situation de plusieurs des entreprises membres de l'ACCAP, parce que nous avons des régimes de retraite dans l'industrie de l'assurance qui sont assez généreux.

Nous avons, chez nous, un régime de retraite généreux, qui se compare avantageusement avec les régimes les plus généreux dans le secteur public. Nous avons également un surplus substantiel dans notre caisse de retraite, de l'ordre de 30 %. les chiffres sont publics et sont publiés dans notre rapport annuel, conformément aux exigences de la régie. il est de l'ordre de 30 %. nous avons l'habitude d'indexer les rentes des employés retraités au coût de la vie, de façon ad hoc, chaque année. nous le faisons chaque année depuis très longtemps. je n'ai pas vérifié avant de venir ici, je n'avais pas prévu la question à savoir quand on a commencé, mais ça fait très longtemps qu'on fait ça. nous ne voulons pas le faire de façon automatique parce que ceci aurait comme résultat de nous obliger à le faire, et on pense que si jamais la solvabilité de l'entreprise était en danger, on préférerait, à ce moment-là, passer peut-être une année ou deux d'indexation. mais c'est certain que ce n'est pas une décision qu'on prendrait à la légère, de ne pas indexer.

Le fait que nous ayons un surplus important, par ailleurs, nous permet de nous assurer que nous serons en mesure de continuer à indexer. Nous payons d'ailleurs cette indexation à même le surplus de la caisse. Avec ce surplus important, nous sommes en mesure de poursuivre une politique de placement qui est beaucoup plus agressive. C'est l'autre raison pour laquelle on ne veut pas indexer nos rentes. C'est que, si on indexait nos rentes de façon automatique, on serait obligés d'utiliser des instruments financiers dans la caisse qui seraient différents, des instruments comme des obligations indexées, par exemple, pour garantir l'indexation. Le rendement de ce genre d'instruments financiers est inférieur au rendement qu'on peut obtenir avec la politique de placement qu'on poursuit dans le moment et qui est une politique de placement qui nous a très bien servis.

C'est un régime qui est non contributoire, d'accord, et le surplus que nous avons a très bien servi nos employés. Nous leur avons payé de très bonnes rentes. Nous les indexons chaque année. Nous satisfaisons donc à une obligation de résultat qui m'apparaît exemplaire. Notre régime d'indexation est plus généreux que celui du secteur public parce que, nous, on indexe le premier dollar d'inflation et non pas en haut. Si vous nous obligez à distribuer notre surplus, ce n'est pas sûr qu'on pourra se permettre d'indexer chaque année et ce n'est pas certain non plus qu'on pourra poursuivre la politique de placement aussi agressive que nous avons poursuivie dans le passé, mais qui nous a apporté de bons résultats. Mais qui dit politique de placement agressive dit également volatilité des résultats. De là l'importance, enfin, de là l'utilité d'avoir un surplus, un certain coussin si on veut. Alors, c'est ça que vous allez mettre en cause avec ces règles-là. Vous savez, c'est trop facile de prendre un tapis et de dire: Les employeurs du Québec, c'est tous des Simonds. O.K.? Ce qui s'est passé chez Simonds, on le déplore autant que vous, mais c'est une situation bien particulière. Vous avez là

un surplus qui origine, non pas, d'abord et avant tout, d'un résultat de bons placements, qui résulte de mises à pied massives chez les employés; ce que nous ne faisons pas non plus chez nous. (12 h 30)

Vous voyez, on part de situations qui sont des cas d'espèce bien particuliers et on dit: Tout le monde est comme ça dans le secteur privé. Je prends exception, c'est faux. Il y a dans le secteur privé des entreprises et je ne prétends pas dire ici que notre entreprise est la seule à faire ça. Je connais des tonnes d'entreprises qui, de façon annuelle, réexaminent les prestations, mais les entreprises sont très réticentes à se compromettre pour toutes les raisons que je vous ai données, parce que ça obligerait à poursuivre des politiques de placement qui sont moins rentables a long terme. Alors, quand on paie toutes les prestations, nous voulons maintenir, nous voulons conserver, nous croyons que c'est dans l'intérêt de nos employés, de notre entreprise, de maintenir cette liberté d'action que nous avons jusqu'à maintenant et qu'on pense que votre proposition met en danger jusqu'à un certain point.

M. Bourbeau: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Allez. Vous avez le temps, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en déplorant comme vous les prises de position excessives et les mots qui parfois dépassent largement la pensée, enfin peut-être pas de celui qui les prononce, mais de celui qui les reçoit, j'aimerais vous demander ceci. Certains des intervenants nous ont suggéré d'interdire, à toutes fins pratiques, à des employeurs de mettre fin au régime en disant: On devrait interdire la pratique ou le droit de mettre fin au régime. Je vous pose la question: Quel serait l'effet d'une disposition qui interdirait de mettre fin au régime? Quelles seraient les conséquences de ça?

M. Garcia: Écoutez, je pense que ce genre de proposition... Vous savez, il ne faut jamais perdre de vue qu'établir un régime de retraite, ce n'est pas obligatoire. Ce n'est pas toutes les entreprises qui en ont. Je pense que si on interdisait de mettre fin au régime, il faudrait en même temps interdire aux entreprises de faire faillite.

M. Bourbeau: Oui, je comprends très bien. En fait, ce que vous me dites, c'est que si on introduit une interdiction de fermer les régimes, on risque d'avoir des employeurs qui ne voudront plus mettre sur pied des régimes, parce qu'ils ne pourront plus y mettre fin.

M. Garcia: Oui. Écoutez, dans une entreprise, M. Bourbeau, pensez-vous que c'est de gaieté de coeur qu'un chef d'entreprise va mettre fin à un régime de retraite?

M. Bourbeau: Non, non. Je ne partage pas le point de vue. Je vous pose la question, parce que...

M. Garcia: Ce que je dis, c'est que, quand vous avez un régime de retraite, vous avez des employés... Vous savez, aujourd'hui, on parle de plus en plus de qualité totale, de gestion des ressources humaines. L'ère où on faisait travailler les gens avec des ordres puis avec des fouets est révolue. On parle d'adhésion aujourd'hui et de mobilisation des ressources humaines, mobilisation des cerveaux au service de l'entreprise. Les entreprises qui réussissent aujourd'hui sont des entreprises qui sont en mesure, par leur technique de gestion, de mobiliser leurs ressources. Alors, ces entreprises-là, quand elles mettent sur pied des régimes de retraite, c'est justement pour les aider à poursuivre leur objectif de mobilisation des ressources humaines. Alors, si elles mettent fin à un régime, le signal qu'on envoie aux employés c'est que l'entreprise va très mal financièrement, puis on dit aux employés: Vous êtes bons, mais dépêchez-vous de vous trouver une autre job avant qu'on fasse faillite, et les pas bons, bien ils restent là. Alors, évidemment, c'est le début de la fin d'une entreprise lorsqu'on fait ça. Ce sont des propositions, à mon avis, qui découlent de l'utopie.

Le Président (M. Joly): M. le ministre. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: M. le Président, M. Garcia et M. Millette. On se retrouve aujourd'hui, M. Millette, dans un autre contexte que celui où on s'est retrouvés il y a deux jours. Vous comprenez que toutes les sensibilités qui existent alentour de cette question-là peuvent être parfois très différentes de celles qui existent lorsqu'on parle des institutions financières. Et je fais référence, au bénéfice de M. Garcia, aux discussions qui avaient lieu avant-hier à la commission du budget et de l'administration sur la question du financement des compagnies mutuelles d'assurances.

Je me permettrai cependant quelques remarques pour dire que j'ai déjà, à quelques reprises, eu l'occasion de travailler avec les gens de l'ACCAP, de prendre connaissance des mémoires qui sont présentés par l'Association, et j'avais été habitué à lire des mémoires où, à tout le moins, il y avait plus d'argumentation et de matière alentour de l'os. Je trouve que certaines affirmations qui sont faites dans ce mémoire, malgré les quelques explications que vous nous avez apportées à l'occasion de votre présentation, sont faites un peu de façon rapide, à tout

le moins. Je pourrais en souligner quelques-unes, lorsque vous dites... Le ministre en a soulevé une, d'ailleurs, sur la règle du 33 1/3 %, en page 2, lorsque - le pourcentage minimal de l'équivalent qui peut être distribué au participant du régime ne devrait pas dépasser 33 1/3 % pour les régimes contributifs - le ministre vous demande sur quoi vous vous basez pour en arriver à ce chiffre-là, vous nous avez répondu qu'il n'y avait pas d'étude qui avait été faite à ce moment-là. Lorsque vous pariez aussi de... Là, j'aimerais bien le retrouver. Ah! oui, en page 4: "Nous admettons que, si cette proposition doit être largement accueillie, il doit être prévu qu'une partie au moins modique de toute distribution d'excédent soit attribuée aux participants du régime." Je trouve que c'est un peu surprenant de retrouver des choses semblables à celle-là dans le mémoire.

Ceci étant dit, je pense qu'on peut vivre avec chacun nos opinions et qu'on se respecte autant pour les positions qu'on défend. Moi, j'admettrai cependant que j'ai un problème de fond avec la présentation, la position - finalement, c'est la question qui nous divise - qui est celle du salaire différé. Vous tentez de faire une distinction entre les différents types de régime. J'aimerais retrouver votre citation exacte lorsque vous parlez... Si vous me donnez quelques instants, je vais la retrouver.

M. Garcia: Oui, à la page 2, chapitre 7, les régimes à cotisations déterminées.

M. Boisclair: Oui. C'est ça.

M. Garcia: Mais chacun des points est explicité en annexe.

M. Boisclair: Oui. C'est ça. Je veux juste le retrouver. Essentiellement, vous dites que vous reconnaissez que, dans le cas de certains régimes, il y ait une négociation et qu'à tout le moins, vous êtes prêt à la reconnaître. Mais peu importe, à mon avis, le type de régime, il faut quand même comprendre que l'employeur ne décrète pas, de façon unilatérale, les conditions de travail. Lorsqu'un individu, un homme ou une femme décide, de bon titre et de juste foi, de participer au développement d'une entreprise, il le fait connaissant l'ensemble des conditions de travail qui sont offertes dans le cadre d'une entreprise, et c'est un échange. Il y a quelqu'un qui a un service à offrir, des compétences à offrir. En retour, vous lui offrez une rémunération qui lui apparaîtra juste. Il y aura transaction dans la mesure où les deux parties sont satisfaites des propositions qui sont sur la table.

Alors, a mon avis, même s'il n'y a pas de négociations formelles qui se font dans le cadre de négociations au sens où on l'entend souvent avec partie patronale et partie syndicale, il y a quand même un consentement. Alors je vous dis, moi, que je serais d'accord avec votre point de vue si l'employeur décrétait unilatéralement les conditions de travail, mais je pense que l'expérience nous montre bien que ce n'est pas vraiment le cas, et je suis forcé de conclure qu'il s'agit là, effectivement, de salaire différé. À moins que vous me fassiez la démonstration du contraire, ça, c'est une objection de fond que je soulève, que j'ai beaucoup de difficultés à accepter.

M. Millette: J'aimerais répondre un peu à vos critiques concernant notre mémoire. Je pense qu'on a eu, finalement, peu de temps pour préparer notre position et, comme vous l'avez vu par les chiffres qu'on vous a cités au début, les compagnies membres de notre association administrent 73 % des régimes et ça ne représentent que 14 % des participants. C'est donc dire que nous administrons de petits régimes. Et le secteur privé administre presque autant de régimes non contributifs que de régimes contributifs. Si on prend des statistiques qui sont de Statistique Canada pour 1988, celles que j'ai sous la main, dans le secteur public, il y a 908 régimes contributifs au Canada contre 55 qui sont non contributifs. Par ailleurs, dans le secteur privé, c'est presque à égalité: 10 496 qui sont contributifs et 9780 qui ne le sont pas.

Si on regarde maintenant le nombre de travailleurs impliqués, dans le secteur public, il y a 2 164 187 participants qui contribuent à des régimes, alors qu'il y en a 8212 qui jouissent de régimes non contributifs. 8212 employés, c'est très marginal. Alors que dans le secteur privé vous avez 1 217 370 personnes qui participent à des régimes contributifs, contre 1 405 338 qui participent à des régimes non contributifs. Donc, quand on parle de question de salaire différé, dans notre industrie, les régimes qu'on fait sont carrément, je pense en tout cas, différents. C'est vraiment des politiques de l'employeur qui décide et, souvent, c'est dans des PME, là, de petites entreprises où il y a 100 employés et moins, et ce sont les employeurs qui décident la plupart du temps, dans des entreprises non syndiquées, unilatéralement de mettre en place des régimes de retraite.

Donc, peut-être que pour notre entreprise...

M. Boisclair: Mais il a des intérêts aussi, il a un certain nombre d'intérêts à le faire aussi, parce qu'il sait fort bien...

M. Millette: M. Garcia l'a dit tantôt.

M. Boisclair: ...que s'il veut recruter des gestionnaires compétents, s'il veut recruter du personnel qu'il va motiver, M. Garcia l'a effectivement dit, il le fait aussi dans son intérêt, parce qu'il sait très bien aussi que l'employé aura le choix d'aller dans une entreprise qui, elle, peut-être l'offrira.

M. Millette: Je ne vous dis pas que ce n'est pas dans son intérêt, mais, contrairement à ce qui se passe dans le cas des régimes publics où ce sont des régimes négociés la plupart du temps, ce n'est vraiment pas le cas dans le cas des PME. Ils le font pour des raisons concurrentielles, ils le font, comme on le disait tantôt, pour accorder des avantages à leurs employés, mais ils le font sur une base purement volontaire.

Et, l'autre statistique qu'on pourrait ajouter, c'est que les régimes non contributifs couvraient 500 000 personnes en 1970, ils en couvrent 1 500 000 aujourd'hui. C'est donc dire que les régimes non contributifs, au cours des 20 dernières années, ont triplé, alors que les régimes contributifs, je parle toujours du secteur privé là, sont restés à peu près équivalents.

Donc, il y a eu un changement assez substantiel dans notre industrie, et on ne peut pas dire que les genres de régime qui sont administrés par notre industrie sont des régimes qui ont généré des surplus énormes et qui ont contribué à créer la situation qu'on connaît aujourd'hui dans le domaine des fonds de pension. Donc, ça je pense que c'est une situation qui est moins connue, premièrement.

Deuxièmement, quel est l'effet sur les fonds de pension? C'est moins certain. Mais le message qu'on voulait vous passer, finalement, à l'intérieur de ça, c'était que les régimes, et c'est 73 % des régimes en vigueur aujourd'hui, que les régimes administrés par les compagnies d'assurances sont des régimes qui couvrent surtout de petits employeurs, et qui, très souvent, sont non contributifs. Donc, ça explique un peu une différence dans les positions qu'on peut prendre.

M. Boisclair: Oui, ça je... Mais sauf que...

M. Garcia: À part ça, pourquoi nous obliger à distribuer le surplus si... Parce que si vous avez une caisse avec un surplus de 25 % à 30 %, avez-vous pensé au rendement de ce surplus-là chaque année? Ça paie. On parlait tantôt d'enlever les congés de cotisation, mais si on a un surplus de 25 % dans la caisse, seulement le rendement du surplus chaque année est souvent supérieur au coût du régime de retraite. O.K.?

Puis chez nous, je me souviens, quand est arrivé octobre 1987, il y a trois ou quatre employés qui nous ont demandé: Est-ce que ma caisse de retraite est encore solvable? C'a été la réaction des employés. Ils étaient inquiets parce que la Bourse avait baissé de 22 %, puis les employés, chez nous - c'est connu qu'on a énormément d'actions dans notre portefeuille dans la caisse de retraite - les gens se sont inquiétés de la solvabilité de la caisse de retraite. Alors, quand on parie de surplus là, c'est un surplus aujourd'hui, mais demain, est-ce que c'est encore un surplus? Ce sont des choses qui arrivent ça.

M. Boisclair: mais parmi les fonds que les membres de votre association gèrent, est-ce que vous connaissez bien des régimes qui sont déficitaires?

M. Garcia: Non, pas tellement, non.

M. Boisclair: Et lorsqu'il y a un déficit aussi, on s'apercevra que c'est souvent dû aux mesures rétroactives qui sont adoptées.

M. Garcia: Ah! mais une des raisons...

M. Boisclair: II pourrait y avoir un certain nombre de déficits imprévus...

M. Garcia: Une des raisons pour lesquelles il y a des surplus dans le moment...

M. Boisclair: Mais, si on me permet de terminer, il pourrait y avoir des déficits imprévus, et la CSN même le reconnaît, elle dit que les employeurs devraient avoir droit d'aller compenser pour les déficits imprévus. Mais à ma connaissance, et puis les statistiques qu'on nous présente, puis ce qu'on est venu nous dire à ce jour, c'est que la question du déficit est sans doute un faux problème.

M. Garcia: Non, mais c'est parce qu'il ne faut pas oublier une chose à l'heure actuelle, c'est que nous connaissons depuis 10 ans une période où les taux d'intérêt réels sont très élevés au Canada. Ça, c'est à cause, en bonne partie, du déficit du gouvernement fédéral et de ceux des provinces dans une certaine mesure, qui ont fait que nous vivons des taux d'intérêt réels, sur une si longue période que ça ne s'est jamais vu. Alors, quand les taux d'intérêt sont le double des taux d'augmentation des salaires, il est certain que les actifs augmentent plus vite que les passifs, parce que les passifs, eux, ont tendance à suivre l'évolution des salaires, mais les actifs suivent l'évolution des taux d'intérêt actuels. Évidemment, ça augmente au rythme de l'augmentation du taux d'intérêt. Si on avait des gouvernements qui étaient plus responsables dans leur politique fiscale, il y aurait moins de surplus dans les caisses de retraite. Et un jour, au Canada, il va falloir qu'on soit plus responsables, parce qu'on ne peut pas continuellement avoir des déficits. Alors...

M. Boisclair: Vous connaissez... M. Garcia: ...ce n'est pas certain...

M. Boisclair: II me reste une minute, M. Garcia, je voudrais pouvoir en profiter. Vous connaissez notre position sur cette question-là. Qu'est-ce que vous faites... Je vous parlais de la situation, du problème du déficit canadien, et je pense qu'on sait tous qu'on paie 28 sous du

dollar pour payer l'intérêt sur la dette.

J'aimerais revenir, moi, sur la question qui est celle des causes pendantes ou peut-être même vous demander... Tiens, non, puisqu'il me reste seulement une minute. Est-ce que vous êtes allés déposer un mémoire devant la commission Friedland, en Ontario?

M. Millette: II faudrait que je vérifie, là, mais j'imagine que si on ne l'a pas fait, on va le faire.

M. Boisclair: Je pense que la commission Friedland a terminé ses travaux sur la question d'indexation des régimes de retraite.

M. Millette: Oui, on a soumis nos rapports, effectivement.

M. Boisclair: Parce que le gouvernement ontarien a déjà pris un certain nombre de mesures. On a même - comme je le disais tout à l'heure et puis vous étiez présent dans la salle - invoqué, en 13)90, une... On attendait de consulter l'Ontario pour voir ce qu'on allait faire, et là, soudainement, depuis l'élection du gouvernement NPD en Ontario qui est venue modifier complètement le paysage politique, soudainement, c'est le gouvernement du Québec qui prend l'initiative.

Ceci étant dit, j'aimerais vous demander, sur la question des causes pendantes, compte tenu de la jurisprudence qui existe, particulièrement, en Ontario ou en "common law", où la tendance lourde est venue reconnaître que les surplus appartenaient aux travailleurs et travailleuses, j'aurais le goût de reprendre la même interrogation que les gens de la FTQ nous faisaient tout à l'heure: N'y a-t-il pas danger - et je les cite - de légaliser ce que les tribunaux jugent illégal? et là, ce n'est ni le ministre ni un membre de l'opposition, je me base sur des jugements qui ont été rendus. la liste est nombreuse, de ces jugements-là. le récent jugement, d'ailleurs, du règlement des métallos de la ftq en est une autre démonstration. on ne peut pas, à mon avis, du revers de la main, par une législation, renverser une tendance qui est en train de se dessiner. et puis les travailleurs sont même prêts, les travailleurs sont prêts à prendre le ' risque de perdre devant les tribunaux. ils nous l'ont dit, les gars de la simonds et d'autres, ils m'ont même dit, cet avant-midi: ce n'est pas un pari qu'on prend, compte tenu de la jurisprudence, compte tenu des informations qu'on a, on est convaincus de gagner. est-ce que, comme législateur, je me sentirais responsable d'agir de façon contraire à ce que les tribunaux sont en train de décider?

M. Garcia: Comme je l'ai dit tantôt, si vous avez une entreprise qui a satisfait à son obliga- tion de résultat, qui a donné des prestations maximales permises en vertu de la loi sur l'impôt, qui indexe chaque année des rentes au coût de la vie et qui, un jour, sera obligée de mettre fin à son régime de retraite après avoir satisfait aux mêmes obligations, pourquoi est-ce que le surplus appartiendrait aux employés?

Le Président (M. Joly): En conclusion...

M. Garcia: Qu'est-ce qu'on veut, dans un régime de retraite? Est-ce que le régime de retraite est un mécanisme pour payer des rentes de retraite ou bien si c'est un mécanisme pour donner de l'argent aux employés? Si on satisfait à l'obligation de résultat, l'objectif d'un régime de retraite, à mon avis, c'est de payer des rentes, O.K.? Si, en plus, ces rentes-là respectent les exigences, gardent leur valeur, est-ce que le surplus appartient vraiment, à ce moment-là, aux membres de la caisse ou s'il appartient à celui qui a fourni tout l'argent pour faire ça?

Le Président (M. Joly): Alors, le mot de la fin, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir d'avoir eu l'occasion de discuter avec les gens des associations...

M. Boisclair: Je voudrais juste demander, si vous permettez une petite question très rapide, combien de régimes, à votre connaissance, prévoient une indexation?

M. Garcia: II y en a très peu qui prévoient une indexation annuelle. Il y en a énormément qui font...

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: Comme je le disais, M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer les dirigeants des associations canadiennes des compagnies d'assurances de personnes. Nous avons entendu un point de vue différent de ceux que nous avions entendus précédemment, c'est bon, de temps à autre, d'entendre d'autres points de vue que les points de vue qui vont dans le même sens. Je pense qu'une nouvelle tendance se dégage devant la commission, avec l'arrivée de i'ACCAP. Alors on va réfléchir à tout ça et éventuellement, on prendra nos décisions. Merci.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, au nom des membres de cette commission, il me fait plaisir de vous avoir reçu. Bon voyage de retour. Alors, nous ajournons nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprisée 15 h 37)

Le Président (M. Gautrin): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la commission des affaires sociales ouverte. La commission des affaires sociales se réunit aujourd'hui afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document intitulé "Les régimes de retraite: Le partage équitable des excédents d'actif. Les remplacements, on les a donnés ce matin. Alors, on est rendus maintenant à recevoir la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec. Je souhaite la bienvenue à M. Johnston, Mme Pronovost et M. Duval. Vous avez une heure devant vous. J'imagine que, d'habitude, on répartit le temps: 20 minutes pour votre présentation - vous êtes des professionnels des présentations - 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. Vous avez, madame, le plancher...

Centrale de l'enseignement du Québec

Mme Pronovost (Solange): Merci.

Le Président (M. Gautrin): ...en cette fin de jeudi après-midi.

Mme Pronovost: Alors, on va essayer de faire ça dans les temps requis.

Le Président (M. Gautrin): J'en suis sûr.

Mme Pronovost: D'abord, en commençant, on tiendrait à vous préciser que la majorité, évidemment, des membres de la Centrale de l'enseignement du Québec sont couverts par des régimes complémentaires légaux, mais que, cependant, il y a plusieurs milliers des membres de la Centrale qui ont accès soit à des régimes enregistrés de retraite ou encore à des REER.

À la Centrale, l'objectif principal qu'on vise toujours en matière de retraite, c'est de faire en sorte qu'une fois que les gens sont à la retraite, ces gens-là disposent d'un revenu garanti qui leur permet de vivre de façon décente et qui leur évite surtout de sombrer progressivement dans la pauvreté. C'est donc pourquoi nous privilégions toujours deux conditions qui nous semblent véritablement les plus prometteuses pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire des régimes à prestations déterminées et l'indexation' des rentes de retraite, bien sûr. Avec cette orientation, vous comprendrez que la question des surplus d'excédents d'actif nous intéresse au plus haut point.

Lorsqu'on lit l'introduction de la proposition gouvernementale, on semble dégager une préoccupation qui rejoint sensiblement la nôtre et qui laisse présager une solution qui va être en conformité avec cette orientation-là, d'autant plus que, dans le document, on évoque, par ailleurs, les contraintes budgétaires des différents gouvernements, l'accroissement des coûts des programmes généraux de sécurité de revenu et de santé pour les personnes âgées. On évoque également la croissance rapide du nombre de retraités. À la lumière de ces données, on semble afficher une volonté pour soulager effectivement les programmes sociaux en faisant appel à la responsabilisation des travailleuses et des travailleurs dans une meilleure planification de leur revenu de retraite, en mettant l'accent, bien sûr, sur les régimes complémentaires de retraite qui, nous dit-on, ont le mérite de faire participer les employeurs à la planification de la retraite.

Or, la proposition qui, effectivement, nous est présentée ne nous semble pas aller véritablement dans ce sens-là. Au contraire, elle nous semble évacuer la question de fond et s'attarder plutôt à l'aspect technique de la question.

Alors, cette proposition met de l'avant l'obligation de partager les excédents d'actif entre les parties une fois qu'on a assuré la sécurité financière des régimes par une capitalisation suffisante et après avoir garanti une certaine marge de sécurité par le maintien de la solvabilité des régimes.

Vous compendrez certainement qu'on ne peut pas accepter qu'une partie des surplus engendrés vers les régimes de retraite soit octroyée aux employeurs. Pour nous, ça signifie que ça nie carrément que la contribution patronale n'est autre chose finalement que du salaire différé et ça nie également que le rendement positif de ce salaire différé doit revenir à celles et ceux qui l'ont généré.

C'est largement démontré au moment d'une négociation que le facteur retraite est toujours considéré par les employeurs lorsqu'ils déposent des offres. Il n'y a pas de doute pour nous que la partie de contribution patronale au régime de retraite, ça fait partie intégrante de la rémunération globale. Et cette contribution patronale au régime de retraite, ça influence toujours la fixation des augmentations de salaire et/ou les améliorations aux différents avantages sociaux.

Alors, lorsque des employeurs par le passé ont assumé des déficits, entre autres au niveau des caisses de retraite, ils se sont largement rattrapés par les autres facteurs composant la rémunération globale. Quand on invoque que le risque est assumé par les employeurs, le risque d'éventuels déficits, à notre avis, c'est un leurre, parce que la situation qui prévalait avant le milieu des années soixante, c'est-à-dire la situation où la capitalisation par les employeurs était insuffisante à l'égard des engagements des régimes et où les rendements connaissaient des écarts négatifs importants par rapport à la progression des salaires, cette situation-là n'est vraiment pas celle qu'on connaît aujourd'hui, et on risque fort peu de retrouver intégralement cette situation-là. D'une part, parce que le cadre légal a largement évolué, est venu préciser certaines règles relatives à la capitalisation, et,

d'autre part, parce que la loi 116 est venue déterminer des exigences additionnelles quant à la santé financière des régimes de retraite.

La conjoncture économique, en plus, qui prévaut à ce moment-ci entraîne, tout le monde le sait, des rendements des caisses de retraite qui dépassent très largement la croissance des gains salariaux. Alors, les taux intéressants de rendement sur l'investissement, les taux d'intérêt élevés conjugués à la pratique habituelle d'évaluation actuarielle très prudente, ça génère inévitablement et automatiquement des surplus d'actif. Et il n'y a rien qui nous laisse présager, à ce moment-ci, à moins que vous n'ayez des choses intéressantes à nous annoncer là-dessus, mais il n'y a rien qui laisse présager qu'il va y avoir un revirement de situation à brève échéance à ce niveau-là.

Si dans un tel contexte un employeur pouvait s'approprier une partie des surplus d'actif de la caisse de retraite, ça équivaudrait à l'autoriser à réduire rétroactivement sa contribution à la caisse de retraite, donc sa contribution à la rémunération globale des travailleuses et des travailleurs concernés, en application d'une correction à une sous-évaluation initiale du rendement de la caisse de retraite. Et même dans l'éventualité où des employeurs auraient à supporter un fardeau financier accru, l'entreprise aura toujours la possibilité de le faire transférer, en tout ou en partie, vers les travailleuses et les travailleurs, soit par la détermination des autres composantes de la rémunération globable ou encore par une augmentation des cotisations au régime de retraite.

Alors, pour nous, c'est inacceptable que les employeurs aussi puissent s'accorder des congés de contributions à même les excédents d'actif des régimes de retraite. Ce qu'on retrouve dans le document de présentation du gouvernement, c'est que le gouvernement lui-même fait du respect de la contribution des parties une des conditions à la levée du moratoire. Dans le document, il précise sa pensée en disant: "Un régime de retraite constitue un contrat entre un employeur et des employés. Chaque partie prend des engagements à l'égard du financement du régime. C'est pendant la période où un régime se capitalise que chacune des parties contractantes honore son engagement en contribuant au régime conformément à ce qui a été implicitement ou explicitement convenu entre elles." Et un peu plus loin, il ajoute même: "De l'avis du gouvernement, lorsqu'un régime devient excédentaire, il n'existe pas de raison valable pour modifier le partage de la responsabilité des parties contractantes à l'égard du financement du régime." Alors, vous comprendrez qu'avec de tels énoncés, on arrive difficilement à comprendre comment le gouvernement propose encore, à ce moment-ci, de maintenir la possibilité pour les employeurs de suspendre leur quote-part de cotisations d'exercice qui, nous tenons à le répéter, pour nous, constitue du salaire différé.

On veut préciser également qu'on est en désaccord avec cette pratique. Ce qu'on revendique, c'est que tout l'argent qui est investi dans un régime de retraite et les rendements que ça génère, ça serve uniquement à des fins de retraite. C'est pour ça que c'est prévu, et c'est à ça que ça doit servir. Et ça doit servir exclusivement à deux choses en particulier: consolider les régimes de retraite par le maintien de la solvabilité d'une marge de sécurité pertinente, et ça doit servir à améliorer les bénéfices qui vont aux gens qui participent à ce régime de retraite, et particulièrement par l'indexation des rentes de retraite.

Alors, quand les employeurs ont la prétention de croire qu'ils assument des risques importants à l'égard de la retraite de leurs employés, nous, on regarde du côté des travailleuses et des travailleurs qui, à cause de la non-indexation, subissent une dévalorisation très importante de leur revenu de retraite. Pour ces gens-là, ce n'est pas un danger appréhendé, c'est une réalité, c'est une perte réelle. Quand on calcule ça, par exemple, une rente de retraite non indexée aujourd'hui, une rente mensuelle de 500 $, dans 5 ans d'ici, en dollars constants, elle ne vaudra plus que 411 $. Et dans 10 ans d'ici, cette même rente va valoir 338 $. Alors, c'est donc dire que dans 10 ans, la valeur de cette rente-là ne sera environ que de 67 % par rapport à sa valeur actuelle. Alors, ça, c'est une réalité pour les gens qui reçoivent des prestations de retraite.

En plus de préconiser que les régimes de retraite ne soient pas des véhicules d'investissements pour les employeurs, on croit fondamentalement qu'il est plus que temps que ces régimes-là cessent d'être considérés comme des régimes d'employeurs et deviennent véritablement des régimes d'employés. Là-dessus, on pense que le ministre lui-même, dans l'avant-propos de la proposition présentée, semblait d'accord pour inverser cette tendance-là, parce qu'il disait qu'il considérait comme essentiel que les salariés aient pleinement confiance dans ces régimes-là et qu'il souhaitait qu'au terme de la consultation, cette confiance soit raffermie. Alors, vous comprendrez certainement que pour les travailleuses et les travailleurs, pour que ces gens-là démontrent leur foi dans les régimes de retraite et prennent véritablement en charge leur régime de retraite et la planification de leur retraite comme la loi 116 le laissait espérer, encore faudrait-il que ces personnes-là puissent gérer et contrôler totalement leur régime de retraite. Alors, quand, dans le document, on utilise, par exemple, les termes "régime d'employeurs", "régimes d'entreprises", "actuaires des milieux d'affaires", on perçoit là la mentalité du gouvernement et, dans une certaine mesure, son manque de confiance quant à l'intérêt et à la capacité des travailleuses et des travailleurs et de leurs organisa-

tions syndicales à s'occuper correctement de leurs affaires.

Nous, ce qu'on pense, c'est qu'au contraire de ça, le gouvernement devrait faciliter et soutenir cette appropriation de la gestion des régimes de retraite pour les gens concernés. On pense que ce n'est certainement pas en les soustrayant des décisions qui concernent une part importante des excédents d'actif qu'on va atteindre cet objectif-là. On ne pense pas non plus que c'est en excluant les actuaires et les économistes du milieu syndical de la détermination des hypothèses et méthodes actuarielles quant aux engagements des régimes et, par voie de conséquence, quant à la détermination du montant d'excédents d'actif qu'on va concrétiser un tel voeu. On ne pense pas non plus que c'est en complexifiant et en alourdissant l'administration et en créant potentiellement une précarité quant à une politique de placement lorsqu'il y a des sorties massives de fonds qu'il va, par ce biais-là, intéresser les cotisantes et les cotisants à mieux planifier leur revenu de retraite.

Pour nous, on pense qu'une proposition, par exemple, qui pourrait permettre le regroupement de certains régimes de retraite, ça pourrait faciliter la mise en place de tels régimes et ça pourrait faciliter l'administration et, possiblement, susciter une meilleure performance de ces régimes-là.

Un autre élément qu'on examine, c'est la détermination d'un régime cible, à peu près comme celui établi lors de la réforme fiscale au niveau fédéral. Un tel régime cible, pour nous, ça pourrait constituer véritablement une base pour atteindre ce que devrait viser tout régime de retraite, c'est-à-dire la protection du revenu et un revenu décent à la retraite.

Il y a un autre élément sur lequel on voudrait attirer votre attention, et on avait évoqué ça au moment de présenter notre mémoire sur la loi 116, c'est la possibilité éventuelle de mettre sur pied un régime complémentaire public de retraite. On pense que cet élément-là devrait faire l'objet d'un examen très attentif.

Alors, ce qu'on recherche d'abord et avant tout, et ce, au moment même où la population du Québec est appelée à redéfinir son avenir politique et économique, ce qu'on recherche, c'est que les travailleuses et les travailleurs possèdent véritablement tous les instruments qui leur sont nécessaires pour continuer de se prendre en main et assumer leur part de responsabilité quant à la protection et à la planification de leur revenu de retraite.

Alors, puisque le gouvernement a fait le choix de privilégier les régimes complémentaires de retraite, ce qu'on lui demande, c'est d'être conséquent avec ce choix et véritablement de faciliter la mise en place d'un régime complémentaire de retraite à prestations déterminées, et qui soit performant, et de considérer que les leviers économiques, les leviers financiers que constituent les excédents d'actif, ça revient de droit à celles et ceux qui les ont générés. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme Pronovost. M. le ministre, vous avez quelques questions?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Vous avez parlé tout à l'heure du contrat... Je crois que vous avez parlé des engagements des partis; c'est l'expression que vous avez employée. Alors, je vous pose la question suivante. Pour vous, quel est l'engagement que prend un employeur lorsqu'il met sur pied un régime à prestations déterminées?

Mme Pronovost: Si vous le permettez... M. Bourbeau: Pardon?

Mme Pronovost: Si vous le permettez, M. le ministre, M. Johnston va répondre.

M. Bourbeau: Oui, oui, sûrement. Je n'y vois pas de problème. Vous pouvez répondre.

Le Président (M. Gautrin): M. Johnston.

M. Johnston (Raymond): II y a effectivement des situations différentes. Des régimes à prestations déterminées, il y en a qui ne comprennent que la prédétermination des prestations; il y en a d'autres qui comprennent aussi la prédétermination des cotisations.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai de la difficulté à entrendre.

Le Président (M. Gautrin): II y a un problème actuellement d'audition. Les gens ici, du bout de la table, ont du mal à entendre. Peut-être est-ce au niveau de la technique?

Une voix: Je ne peux pas lever tellement plus.

Le Président (M. Gautrin): Si vous pouviez approcher les micros ou vous rapprocher des micros. On a quelques difficultés.

Une voix: Ou parler un peu plus fort.

Le Président (M. Gautrin): Peut-être le lever, le micro?

M. Johnston: Je vais essayer de me réchauffer la voix.

Le Président (M. Gautrin): C'est ça, c'est ça. Un bon orateur comme vous.

M. Johnston: Je disais donc, M. le ministre, qu'il faut faire des distinctions entre les régimes,

et il y a deux distinctions qu'il faut faire, à mon avis: premièrement, il existe des régimes où seules les prestations sont déterminées; il existe des régimes où les prestations sont déterminées et les cotisations sont déterminées. Vous voulez parler de façon plus spécifique des régimes à prestations déterminées où il n'y a pas, de façon complémentaire, de cotisations déterminées.

M. Bourbeau: Oui, parce que l'autre type de régime est quand mâme assez rare.

M. Johnston: De façon générale, quand le régime est négocié, l'employeur prend à sa charge, à partir de l'évaluation du coût potentiel du régime, de couvrir les frais supplémentaires qui dépassent les cotisations des salariés pour assurer les prestations. Mais ces discussions-là, bien sûr, pour déterminer à la fois le niveau de prestations qui va être accessible à la retraite et qui sert aussi, dans certains cas, à déterminer le niveau de cotisations des salariés, ça part d'une certaine évaluation du coût potentiel du régime à partir du rendement possible sur les cotisations. Donc, il y a déjà là une forme d'engagement implicite à un certain niveau de contribution patronale. Même si, dans les faits, l'employeur ne s'engage qu'à couvrir ce qui manque pour assurer la solvabilité du régime, dans les faits, le contrat implicite est à l'effet que l'employeur prend un engagement de tel ordre à l'égard du régime. Il peut faire des évaluations sur les coûts du régime, sur le rendement des cotisations, sur le rendement de la caisse qui vont avoir pour effet de diminuer son engagement et de créer des déficits. Il peut faire des évaluations aussi qui vont générer des excédents, mais, tacitement, quand le régime est négocié, il y a un engagement d'un ordre à peu près déterminé.

M. Bourbeau: Je comprends, moi, que la différence qu'il y a entre un régime à prestations déterminées et un régime à cotisations déterminées, c'est que dans un régime à cotisations déterminées, chacune des parties s'engage à investir dans le fonds régulièrement une somme d'argent ou un pourcentage égal, et ce, quelle que soit la situation du fonds, et, à la fin, quand vient le moment de la retraite, l'employé retire une retraite qui est le fruit de la gestion de ces fonds-là pendant toute la période. Ça donne ce que ça donne. Si ça a été une bonne gestion et que ça a bien fonctionné, il a une bonne retraite, mais il y a toujours des sommes d'argent qui sont investies par les deux parties continuellement tout le long de la période, selon des proportions identiques, enfin identiques aux ententes qui ont été convenues au début. Ça peut être moitié-molté, ça peut être 60-40, mais c'est toujours la même chose.

Dans un fonds à prestations déterminées, c'est de ça qu'on parle, selon ma compréhension, c'est que l'employeur s'engage et garantit une prestation à la fin, garantit que M. Untel qui travaille pour lui aura, lors de sa retraite, une pension qui sera égale à, disons, 70 % de son salaire final ou selon le nombre d'années qu'il a travaillées et ne s'engage pas, contrairement à l'autre système dont on parlait tantôt, à investir chaque mois ou chaque année une somme précise. Ça va dépendre de la situation du fonds. Et régulièrement, on va évaluer le fonds, les actuaires vont dire si le fonds est capitalisé suffisamment ou non. S'il ne l'est pas, on va dire: M. le patron, vous devez mettre plus d'argent parce qu'il en manque dans la caisse. Et si, à une époque donnée, il y a un surplus, on va dire: M. le patron, vous n'avez rien à mettre cette fois-ci parce que, là, on est en situation de surplus. C'est ça, le contrat avec les parties. C'est ça le contrat. On ne peut pas en sortir. C'est ça un contrat. Alors, à partir de là, pourquoi est-ce que vous me dites que s'il y a un surplus, le patron doit continuer quand même à mettre de l'argent et ne peut pas ne pas en mettre, alors que, s'il y a un déficit, il doit en mettre et ne peut pas refuser d'en mettre?

M. Johnston: Je pense, M. le ministre, que vous pouvez aborder le problème par la petite lunette, comme ça. Mais quand vous faites comme ça, vous prétendez que l'employeur, quand il négocie son régime de retraite à une table de négociation, il n'a pas déjà évalué le coût de l'investissement qu'il devra faire à l'intérieur du régime de retraite. Il ne fait pas d'engagement. L'employeur ne prend pas d'engagement à l'aveuglette quand il décide de s'engager à couvrir ce qui est nécessaire pour assurer des prestations déterminées. Il fait une certaine forme d'évaluation des coûts de ces affaires-là. Donc, il ne joue pas à la roulette russe. Il y a une certaine forme d'évaluation. S'il n'était pas capable de supporter ces coûts-là, il négocierait un niveau de prestations inférieur, de façon générale. Ça, ça entre dans la dynamique naturelle d'une négociation. Ce n'est pas aussi mécanique et détaché que vous le dites. (16 heures)

Le problème avec l'approche que vous présentez, c'est de découper la question des excédents d'actif des caisses de retraite de la problématique d'ensemble des régimes de retraite. C'est comme si vous preniez la pointe d'un iceberg sans regarder l'ensemble de cette même pièce-là. Et je pense que c'est là le problème. Nous, ce qu'on dit, c'est: Réglons le passé en considérant que les gens qui ont pris des engagements les ont pris de bonne foi, de façon claire, précise... Les employeurs qui prenaient des engagements de financer un régime, ils prenaient implicitement un type d'engagement de participation financière à ce régime qui était déjà connu. Ce qu'on dit, pour fermer le passé: L'argent qui est dans les caisses de retraite, que le gouvernement dise donc clairement qu'il y a un moyen

d'utiliser cet argent-là et un seul, c'est l'amélioration des régimes de retraite après avoir assuré la marge de sécurité fondamentale. Et ouvrons sur l'avenir. Pas en essayant de déployer des approches qui vont permettre plus facilement aux institutions financières de venir- jouer dans les régimes de retraite et d'organiser un marché des régimes de retraite, mais de fixer des objectifs de retraite. On parle d'un régime cible de retraite, un régime cible complémentaire dans notre approche et, d'après nous, dès le moment où le gouvernement aurait fixé un horizon de régime cible de retraite, on devrait faire en sorte que les parties concourent à ce que l'argent versé aille toujours dans le sens d'améliorer le régime pour se rapprocher du régime cible. Parce que l'objectif d'un régime de retraite, M. le ministre, ce n'est pas de ramasser de l'argent d'une caisse, c'est de s'assurer que les gens, quand ils vont prendre leur retraite, vont avoir un revenu de remplacement de leur salaire qui va leur permettre de vivre décemment.

Mais quand on part avec des seuils même assez élevés, parce que, dans les beaux régimes de retraite, c'est autour de 70 % du salaire moyen des cinq dernières années qui est assuré après 35 ans, mais 70 % du salaire moyen des cinq dernières années, ça donne quelque chose qui se rapproche déjà de 60 % du salaire final et si ça se dévalorise pendant 10, 15 ans, parce que ce n'est pas indexé, ça revient à quelque chose qui se rapproche d'à peu près 40 % du salaire final. Il faut voir qu'il y a un phénomène d'appauvrissement là-dedans. On ne peut pas dire en même temps: On va créer des caisses pour assurer des régimes de retraite et on va permettre à du monde de venir ou bien avec une grosse chaudière écumer le régime ou bien venir à la petite tasse, par des congés de cotisations, vider aussi la caisse et faire en sorte qu'en bout de course, l'objectif qui était visé par la constitution du régime soit en quelque sorte détourné. C'est devant ça qu'on se retrouve. C'est un détournement des objectifs convenus, même à l'intérieur de régimes qui ne sont que des régimes à prestations déterminées.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Bourbeau: L'objectif qui était convenu, est-ce que ce n'était pas de garantir une prestation à la retraite, prestation qui était convenue dans un contrat? C'est ça l'objectif. Quand il y a un surplus ou qu'il y a un déficit, ça, c'est un ajustement qui n'avait pas été prévu au départ. Quand c'est un déficit, on dit: L'employeur qui a mis sur pied le régime doit le combler. Et quand il y a un surplus, vous me dites: L'employeur qui est responsable du déficit n'a pas le droit de toucher du tout, du tout, au surplus. Il me semble que ce n'est pas très logique, tout ça. Et c'est ce que les employeurs nous disent. J'ai de la difficulté à vivre avec une réponse comme la vôtre qui est intransigeante. Vous ne cédez pas d'un pouce sur votre position, et, mol, je vous dis ceci: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu plutôt de tenter de trouver un compromis là-dedans quelque part? Ou est-ce que vous allez m'obligez à poursuivre ma réflexion encore pendant très longtemps, ce qui ne serait peut-être pas non plus dans l'intérêt des travailleurs?

Le Président (M. Gautrin): M. Johnston.

M. Johnston: Nous, on ne veut pas vous forcer à prolonger votre réflexion très longtemps. On aimerait cependant que vous compreniez que la voie qui doit être prise pour préserver les objectifs des régimes de retraite, pour préserver la possibilité pour les travailleuses et les travailleurs actuels d'avoir droit à un revenu de remplacement raisonnable à leur retraite, ce n'est pas la voie que vous proposez. On espère pouvoir vous convaincre de ça. Et nous, on croit que ce n'est pas de notre côté que se situe l'intransigeance sur cette question-là.

M. Bourbeau: M. le Président veut exercer son droit de député...

Le Président (M. Gautrin): J'ai une question...

M. Bourdon: II en a bien le droit. Il y a assez qu'au congrès, on ne vous a pas écouté.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Je vois que vous avez beaucoup d'intérêt pour notre congrès. Là, je voudrais que vous m'expliquiez mieux ce que vous entendez par régime cible de retraite. Ça a l'air d'être un élément important pour vous. C'est quoi, pour vous, un régime cible? Vous faites référence aux scissions fédérales. Qu'est-ce que ça aurait comme effet d'établir un régime cible? Et qu'est-ce que vous suggérez que nous fassions lorsque vous parlez de détermination d'un régime cible de retraite?

M. Johnston: Si vous permettez, très rapidement. Si on a fait référence au régime cible du fédéral, c'est que le document même du gouvernement y faisait référence. Qu'est-ce que c'est l'objectif d'avoir ce type de régime cible? Il est utilisé actuellement à des fins purement fiscales. Nous, on croit que la définition d'un régime cible du type de celui qui sert à des fins fiscales pourrait comme établir des objectifs à atteindre à travers les régimes de retraite, vers quoi le monde devrait se diriger quand ils négocient, quand ils aménagent, quand ils revoient même l'utilisation des excédents, le cas échéant. Dans quelle direction ça doit aller. Il y aurait là des paramètres qui permettraient aux gens de dire: Voilà une direction qui est accep-

tée, proposée par le gouvernement à l'ensemble des forces sociales au Québec et qui pourrait, le cas échéant, devenir un levier qui compenserait pour le refus de regarder du côté d'une bonification très importante du Régime de rentes du Québec.

Le Président (M. Gautrin): Un régime cible, pour vous, ça serait essentiellement au niveau des prestations qui seraient dévolues au travailleur au moment où il prendrait sa retraite. C'est ça qui serait important pour vous. Est-ce que ça va jusqu'aux éléments de capitalisation?

M. Johnston: Peut-être que Pierre pourrait y revenir, mais ce qu'on vous suggère en référant au régime cible, c'est de définir des objectifs, essayer de définir des objectifs proposés. Le gouvernement propose à l'ensemble des forces sociales au Québec que les régimes de retraite qui permettraient d'assurer une véritable sécurité du revenu, ça devrait comprendre tels et tels éléments. Et tant et aussi longtemps qu'on n'a pas atteint ce type de régime cible, il n'y a aucune discussion qui peut arriver sur ce qu'on fait avec les excédents, parce que les excédents seraient utilisés pour aller dans cette direction.

Le Président (M. Gautrin): Qu'est-ce que ce serait pour vous, les objectifs qui devraient être dans un régime cible?

M. Johnston: Nous, on n'a pas d'objection à ce que le régime cible qui est utilisé à des fins fiscales par le gouvernement fédéral puisse être repris par le gouvernement. Ce qu'on croit, c'est qu'il faut se diriger vers des régimes. Et ça, on pense que c'est un aspect qui devrait être regardé attentivement. Quand on a réglé le passé, on devrait essayer de favoriser le plus possible l'émergence d'un régime de retraite à prestations déterminées et à cotisations déterminées où là, on mettrait les deux parties en présence pour agir sur le régime de retraite.

Le Président (M. Gautrin): Qu'est-ce qui arriverait des surplus dans un cas comme ça? Prestations déterminées et cotisations déterminées garantissent des surplus pour vous?

M. Johnston: Dans un cas comme celui-là, les surplus seraient utilisés pour l'amélioration du régime de retraite, tant et aussi longtemps que le régime cible n'aurait pas été atteint.

Le Président (M. Gautrin): Et si jamais le régime cible était atteint, qu'est-ce qui arriverait à ce moment-là?

M. Johnston: On s'en reparlera à ce moment-là, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Bon. Il reste un peu de temps en réserve, MM. les députés de l'Opposition, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui. M. le Président, je veux d'abord dire aux gens de la CEQ que leur mémoire est solide, bien structuré, et pourra peut-être contribuer à ce que le ministre ne s'entête pas dans les positions qu'il a mises de l'avant quant à la disposition des surplus de caisses de retraite. À cet égard, comme on achève, je voudrais vous dire que ce que nous, on appelle dans le jargon le décaissement, non seulement à la terminaison d'un régime mais pendant, de se l'approprier, il y a eu contre, jusqu'ici, l'Alcan, la CSN, la FTQ, la CSD, et vous autres de la CEQ. Le prochain intervenant, le Conseil du patronat du Québec, a une position qui est mitigée à cet égard-là mais qui, comme d'habitude, quand on connaît M. Dufour, est nuancée. C'est une position qui est intéressante, je pense, et que j'ai hâte de discuter. Mais à cet égard-là, il me semble que ça devrait faire pour ce qui est du décaissement.

Par ailleurs, sur les terminaisons de régimes, le Barreau nous a dit qu'un régime de retraite, c'est un contrat et qu'un contrat, c'est entre plusieurs parties, et qu'en conséquence, on ne devrait pas permettre à une partie de modifier unilatéralement le contrat, et à plus forte raison de mettre fin au contrat. Et sur la terminaison des régimes de retraite, c'est sûr qu'on a des exemples en tête, comme Simonds, Singer, Kik-Cola, la mine Bell, la mine du Lac d'amiante. La liste est longue. Mais je voudrais attirer l'attention du ministre sur le fait que, pour prendre un terme anglais - je n'aime pas ça parce que mon parti est identifié avec raison à la langue française - la possibilité pour une partie de mettre fin au contrat de façon unilatérale, c'est ce qu'on appelle en anglais le "monkey wrench", c'est l'arme nucléaire entre deux parties, parce que c'est une partie qui dit à l'autre: Ah! si tu ne joues pas à mon goût, je mets fin à tout ça. Papa est fâché, papa va te couper les allocations et, bon, etc. Alors, à cet égard-là, il faut regarder. l'autre aspect, m. le président, c'est qu'est-ce qui a fait les surplus d'à peu près 1 000 000 000 $ qu'il y avait? mais ce n'est plus 1 000 000 000 $ parce que le ministre a laissé le bouchon du bain par les congés de contributions faire qu'il y en a moins dans la baignoire. mais on parle d'un enjeu avec la proposition du ministre d'à peu près 300 000 000 $, qui pourraient être appropriés par les employeurs. et ce matin, la ftq nous a dit qu'hydro-québec pourrait s'approprier un autre montant de 300 000 000 $, ce qui commence à faire 600 000 000 $. comme il vient des actuaires un peu plus tard, on leur demandera: 600 000 000 $ de capitalisation, qu'est-ce que ça représente comme rente? et j'en viens à ma question, les

retraités québécois émargent des régimes publics de sécurité du revenu, Régie des rentes, RREGOP, oui, et autres régimes du secteur public, mais aussi pension de vieillesse, supplément du revenu du fédéral, et un autre domaine que le ministre connaît bien et qui dépend de son ministère, l'aide sociale. Or, dans la population active, les gens ne retirent pas seulement 24 % de leurs revenus de leur travail directement. Et je sais que le chiffre a une certaine distorsion du fait qu'il y a dans les 76 % des gens qui reçoivent une retraite du secteur public, à laquelle ils ont contribué. Mais ce que je veux dire, c'est que malgré ça, il n'est pas normal que les trois quarts des revenus des retraités leur proviennent du secteur public et qu'à cet égard, comme beaucoup de gens sont préoccupés de l'ampleur de la dette du Québec et du Canada, et tout ça, et de l'ampleur des déficits des gouvernements, quand on n'assure pas un filet de sécurité plus appréciable pour les personnes à la retraite, eh bien, ça coûte cher aux contribuables et au trésor public. (16 h 15) je pense que, dans votre mémoire, quand vous parlez d'une retraite cible, c'est ce à quoi vous faites allusion. en suisse, on a donné six ans aux intervenants pour s'entendre, à défaut de quoi le gouvernement suisse disait: je vais intervenir. on avait fixé, je pense, à quelque chose comme 60 % du revenu, ce qui n'est pas le meilleur régime, mais qui est bien bien au-dessus du québec, et, en six ans, ça s'est réalisé. mais j'ai peur qu'on n'ait pas, comme les suisses, cette discipline, et je suis frappé par le fait que la régie des rentes, depuis 25 ans, ait un plafond qui, toutes proportions gardées, n'a pas été modifié. autrement dit, le régime public garantit 25 % des revenus assurables et le revenu assurable est maintenu artificiellement bas. j'en ai conscience parce que, quand je travaillais à la ctcc, maintenant appelée csn, et comme député, je m'aperçois que je ne cotise pas à la régie des rentes du québec presque six mois par année. d'ailleurs, la dernière fois que je m'en suis aperçu, ça a enfin voulu dire que l'augmentation de 3000 $ qui venait d'être décidée ne représentait plus une diminution de salaire pour moi, ma contribution à la régie étant exemptée.

Donc, il y a deux volets à ma question. Trouvez-vous normal qu'on maintienne le droit pour un employeur de terminer un régime de retraite? Deuxièmement, quelles étapes devraient être franchies, selon vous, à même la Régie des rentes pour atteindre un niveau de prestations de retraite décent et acceptable au Québec? Et je m'excuse de la longueur du préambule.

Le Président (M. Gautrin): Mme Pronovost. Mme Pronovost: Pierre, tu veux répondre? Le Président (M. Gautrin): M. Duval?

M. Duval (Pierre): Oui.

Le Président (M. Gautrin): Alors, à vous.

M. Duval: Sur le premier point, qu'un employeur ait le droit de terminer en tout temps, il est évident que... On a répété tantôt que l'objectif, pour nous, était de faire en sorte que les travailleuses et travailleurs puissent avoir droit à une retraite décente, et c'est pour ça, dans le document, qu'on essaie de tourner la tendance qui est de dire que des régimes d'employeurs, ça devrait être des régimes d'employés aux fins de retraite. Dans ce sens-là, on est absolument contre le fait qu'il y ait une terminaison semblable.

Mais je voudrais revenir sur la question du contrat tantôt. Quand on parle d'un contrat entre les parties, le ministre a fait allusion à ça tantôt, ce qu'on trouve un peu disproportionné, c'est qu'on aborde cette question-là de façon technique ou de façon juridique en disant: Ce sont des contrats. Mais à quoi ça sert de redistribuer des excédents d'actif lorsque le régime en soi ne vaut rien? C'est pour ça qu'on ramène le débat sur l'objectif en tant que tel en disant: Si un régime cible était déterminé au Québec, on pourrait réinvestir cet argent-là pour augmenter le fameux régime, le bonifier pour faire en sorte que tout le monde s'entende sur l'objectif de faire en sorte que les Québécoises puissent avoir droit à une retraite décente. C'est dans ce sens-là qu'on le prend différemment en termes de logique.

M. Bourdon: Est-ce que vous iriez jusqu'à convenir de congés de cotisations ou autre lorsque le régime serait au-dessus d'un niveau cible acceptable? Je pense aux policiers de Montréal qui, apparemment, nous ont dit ce matin qu'ils sont prêts à laisser des excédents à leurs employeurs.

M. Duval: Dans notre document, on a parlé comme exemple du régime fiscal fédéral. Il faut penser qu'en termes de pourcentage, il équivaut à 18 %. Donc, c'est pour ça qu'on disait tantôt qu'on pourrait se reparler lorsqu'on aurait atteint ce niveau-là, l'idée n'étant pas de faire de l'argent au-delà... C'est un revenu de retraite dont on parle, mais, quand on entre l'indexation là-dedans, on peut supposer que les congés de contributions pourraient être retardés de façon assez importante parce que le régime cible, pour nous, y inclurait évidemment des protections contre le coût de la vie.

Mais si on parle en haut de 18 %, certainement qu'on pourrait reparler de modalités à être entendues entre les parties, et, encore une fois, on pense que le principe de dire que c'est de la rémunération différée tiendrait toujours.

M. Bourdon: Maintenant, il y a une autre

chose qui me frappe. C'est que les motifs pour lesquels il y a des excédents appréciables qui se sont constitués au début des années quatre-vingt - et le document du ministre le souligne - c'est d'abord l'inflation qui a causé des taux d'intérêt littéralement usuraires et dont les travailleurs ont eu à souffrir. Mais l'envers de la médaille, c'était que leurs caisses de retraite avaient des rendements plus élevés que prévu. Il y a aussi la crise de 1982 dont tout le monde se rappelle, en particulier de ce côté-ci de la Chambre parce que c'est une crise qui a été coûteuse et qu'on a payée, à cause d'une erreur entre autres, assez longtemps merci, mais qui a causé des mises à pied et, comme avant la loi 116 que le ministre a eu la bonne idée de faire adopter, les travailleurs récupéraient un taux d'intérêt minime sur leur contribution et très très souvent, non pas la part de l'employeur et la faible progression salariale aussi qui cause des surplus au régime. À cet égard-là, le ministre conviendra que le président du Conseil du trésor a plusieurs projets dans le cas du secteur public pour limiter la progression des salaires. J'espère que, dans ce cas-là, ce n'est pas un régime à cotisations déterminées, mais on sent qu'il y a des économies qui se préparent à cet égard-là. Ne trouvez-vous pas que, d'une certaine façon, l'enlignement du ministre sur la thèse que ça n'est pas de la rémunération différée, ça équivaut à dire que les travailleurs sont bons juste pour payer, souffrir de l'inflation, souffrir des mises à pied, avoir des salaires qui progressent faiblement et que mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade et que l'inflation, si elle a un aspect de bon rendement d'un régime de retraite, les travailleurs ne sont pas pour en profiter? Est-ce que vous seriez d'accord avec cette analyse?

Le Président (M. Gautrin): Mme Pronovost.

Mme Pronovost: On est en mesure de constater les effets très concrets de ces choses-là qu'on avance, le type de propositions que nous mettons dans notre mémoire et la préoccupation fondamentale qu'on a de dire que les investissements en matière de retraite, ça doit être là effectivement et utilisés à des fins de retraite et ça ne doit pas servir à autre chose qu'à ça. Comme la situation que vous décrivez est à peu près celle qu'on vit actuellement et celle qu'on risque de vivre aussi demain et après-demain, on pense qu'il y a effectivement une préoccupation très importante que le gouvernement doit avoir par rapport à la protection du revenu à la retraite. Ce qu'on n'arrive pas à comprendre dans sa mentalité et sa philosophie, c'est que, d'une part, il dit que les programmes sociaux coûtent cher, que ça crée des pressions financières importantes et que, d'autre part, il veut responsabiliser les travailleuses et les travailleurs, mais il ne leur donne pas les outils dont ils ont besoin pour justement prendre cette responsabilité qu'ils veulent assumer.

M. Bourdon: Ce que j'ajouterais à cet égard-là... Même si du côté ministériel il y en a que ça achale, je veux reparler ici de Jeanne qui est venue me voir à mon bureau de comté et qui a un problème de retraite - de l'autre côté, c'est bien effrayant quand on parie d'êtres de chair qui existent et qui se rapportent à un député pour confier un problème - elle, elle voulait un HLM qui coûte à l'État dans les 600 $ ou 700 $ par mois. Mais son problème est d'une nature autre. Ça se résume succinctement et ça illustre ce que vous dites dans le mémoire. Elle s'attendait, avec son RREGOP et la Régie des rentes, à une retraite de 900 $ par mois; elle va n'en avoir que 800 $ parce que le fait qu'elle a la Régie des rentes, ça lui diminue son RREGOP parce que c'est complémentaire. Je vous dis ce que cette femme m'a dit. C'est que si elle était restée à la maison toute sa vie, elle aurait 800 $ pareil comme avec ses 25 ans de contribution à la Régie des rentes et ses 15 années de contribution au RREGOP. Je ne me suis pas senti capable de la chicaner. Je trouve qu'elle a raison et que même dans le secteur public, quand, comme elle, on fait 17 000 $ par année, on se retrouve avec une retraite insuffisante. Pour le HLM, je lui ai dit: Vous pouvez être la 401e sur la liste d'attente mais... Et elle paye un loyer de 365 $ par mois pour un deuxième étage de duplex, un cinq pièces. Alors, son problème n'est pas un problème de logement. Son problème, c'est qu'après 15 ans dans un CLSC et 25 ans de contribution à la Régie des rentes, elle obtient une retraite de 800 $ par mois, ce qui est en dessous du seuil de pauvreté. Et elle, si elle n'a pas un HLM, il faut qu'elle renonce à son auto. Alors, quand je dis ça, c'est que, de l'autre bord, ils me disent: Voulez-vous nous faire pleurer? Non. Je voudrais juste qu'on ait un peu de compassion pour les gens qui, après avoir travaillé 25 ans, se retrouvent avec à peu près rien, avec une retraite très très minime, 70 %...

Le Président (M. Gautrin): Mais est-ce que vous avez une question?

M. Bourdon: Oui.

M. Bourbeau: On peut remercier le conférencier.

Le Président (M. Gautrin): Alors, vous allez peut-être arriver à votre question.

M. Bourdon: M. le Président, je demanderais au ministre qu'il prenne son temps de parole. Lui aussi, il fait des interventions...

Le Président (M. Gautrin): Non, non, mais...

M. Bourdon: ...longues. Moi, si ça ne lui fait rien, je vais prendre le mien pour dire ce que j'ai à dire, même s'il n'aime pas ça quand on parle de Jeanne, vu que Jeanne ne joue pas au polo. Bon, elle ne joue pas au polo, mais elle existe pareil et elle a des droits pareil, et je plaide pour elle. Ceci dit, M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Gautrin): Mais par respect pour nos invités, vous aviez une question peut-être?

M. Bourdon: Non, je n'en avais pas.

Le Président (M. Gautrin): Pas de question. C'est le temps de la CEQ, en principe. M. le député de Gouin, vous avez peut-être une question à la CEQ.

M. Bourdon: M. le Président, c'est le temps accordé à l'Opposition, égal au ministériel pour s'entretenir avec la CEQ.

Le Président (M. Gautrin): Exactement, et pas pour...

M. Bourdon: Et si je n'ai pas beaucoup de questions, il y a une bonne raison, c'est que je suis parfaitement d'accord avec eux...

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

M. Bourdon: ...et je concours à leurs propos, ce qui est mon droit, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Laissez donc la chance au député de Gouin de poser sa question.

M. Boisclair: Je n'avais pas besoin, M. le Président...

Le Président (M. Gautrin): Merci.

M. Boisclair: ...de votre intervention pour poser la question. J'y arrivais. M. Johnston, merci de cette présentation, et aussi aux gens qui vous accompagnent. Il y a une question que j'ai posée à l'ensemble des groupes qui sont venus témoigner devant cette commission sur la question des causes pendantes. J'entends le ministre, dès le départ, s'esclaffer, mais à ma connaissance - il me corrigera - il n'y a pas un groupe qui s'est prononcé pour le caractère rétroactif du projet du ministre. Peut-être pour des raisons différentes. Mais je crois que la présentation de la FTQ était on ne peut plus claire à cet égard, à ce qu'elle disait: II ne faut pas légaliser ce que les tribunaux jugent illégal. Le Conseil du patronat aussi tout à l'heure disait: Non au principe de rétroactivité implicite dans le document. Le Barreau nous dit: Sauf en de très rares occasions, le gouvernement a toujours respecté le principe de la non-application d'un nouveau texte de loi aux causes pendantes. Nous croyons qu'il est important que le gouvernement continue de respecter ce principe. Et le seul argument que j'ai entendu de la part du ministre depuis le début de ces travaux, c'est: Oui, mais qu'est-ce qui va arriver si, par exemple, dans le cas de la Simonds, dans un autre cas, les travailleurs perdaient? Et tous les représentants de ces travailleurs et travailleuses sont venus nous dire: Ce n'est pas un pari que nous prenons. Nous sommes convaincus que, compte tenu de la jurisprudence qui existe, compte tenu des faits et des avis juridiques que nous avons, nous allons gagner et que nous allons avoir un règlement plus intéressant que celui qui est proposé dans le document de consultation du ministre. Donc, j'aimerais avoir votre point de vue sur cette question de rétroactivité et des causes pendantes pour savoir si vous êtes de ceux qui allez joindre votre voix à l'ensemble des groupes qui sont venus témoigner et dire que c'était une situation qui était rejetée par, à date, tous ceux et celles qui sont venus se présenter.

Le Président (M. Gautrin): M. Johnston, vous voulez répondre?

M. Johnston: Je pense que la portée de nos propos antérieurs répond, assez largement à votre question. Nous, on pense qu'il n'y a pas vraiment d'autre choix. Si on veut respecter les objectifs des régimes de retraite, il n'y a pas vraiment d'autre choix que d'aller dans la direction que nous proposions, c'est-à-dire une décision claire du gouvernement de proposer une législation qui assurerait que tous les excédents d'actif serviraient à l'amélioration des régimes de retraite. Je ne me prononcerai pas sur les causes pendantes, mais je veux dire tout de même que, compte tenu de ce que je répondais au ministre tantôt sur la nature des engagements implicites qui se prennent quand les gens négocient des régimes de retraite, que le gouvernement dise aujourd'hui: Vous pouvez aller écrémer les excédents d'actif, ça, ça serait vraiment une disposition à caractère rétroactif et très odieuse.

M. Boisclair: Je m'excuse, M. Johnston, mais il y a aussi une question de temps qui fait qu'on... (16 h 30)

Le Président (M. Gautrin): Brièvement, sans vouloir s'étendre. Je pense qu'on a consensus pour vous laisser poser votre dernière question, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Merci. Un dernier élément. Il y a une analyse aussi qui a été reprise pratiquement par l'ensemble des gens qui sont venus témoigner parce que, là, il va falloir commencer à tirer des conclusions, hein? Ce ne sera pas

long, on va avoir achevé d'étudier cette question-là en commission parlementaire.

Sur la question du risque, bien des gens sont venus nous parier d'une gestion responsable des risques financiers. Je pense que la représentation que madame a faite... Je regrette, j'ai oublié votre nom.

Une voix: Mme Pronovost.

M. Boisclair: Mme Pronovost. Elle était tout à fait pertinente parce qu'elle disait: Compte tenu des critères actuariels utilisés, compte tenu aussi du fait qu'à l'heure actuelle, ce dont on s'aperçoit, c'est lorsqu'il y a déficit c'est à cause de certaines dispositions rétroactives qui font qu'à un moment donné il y a un déficit qui va se retrouver, mais il n'y a pas de risque disons, il n'y a pas de déficit - ça arrive rarement - imprévu. Ce sont, dans la majorité des cas, des surplus qui, comme vous le dites, sont un peu inévitables, ce qui fait qu'aujourd'hui on ne se retrouve plus avec un problème comme celui-là. Ce n'est pas essentiellement dû à des taux d'intérêt et à la situation dont on a discuté.

Le ministre non plus n'a pas discuté de cette question-là. J'aimerais vous poser une question: Est-ce que vous seriez prêts, par exemple, à convenir, comme d'autres groupes l'ont fait, qu'en cas de risque imprévu l'employeur puisse se compenser à même les surplus?

Le Président (M. Gautrin): Brièvement, Mme Pronovost, parce que le temps est écoulé pour la formation...

M. Boisclair: Parce qu'il y a des gens qui ont fait la distinction entre ces risques prévus et imprévus. Peut-être que c'est une distinction qui ne vous convient pas.

Mme Pronovost: Bien, écoutez, je vous avoue...

Le Président (M. Gautrin): Brièvement.

Mme Pronovost: ...qu'avec la philosophie qu'on a et qui dit qu'il y a des évaluations actuarielles qui sont faites... Quand un employeur met un régime sur pied, il ne le fait pas sans y penser et sans évaluer et sans prévoir, d'autant plus qu'on préconise effectivement que les travailleuses et les travailleurs s'approprient leur régime de retraite et regardent ça de façon très serrée. Je vous avoue que j'ai de la difficulté à m'imaginer c'est quoi le véritable risque imprévu parce que les évaluations qui sont faites... Il faudrait qu'il y ait un krach boursier, j'imagine, important.

Le Président (M. Gautrin): M. Johnston voudrait ajouter quelque chose. Brièvement, parce que le temps était terminé.

M. Johnston: Très rapidement. Si le gouvernement et l'Assemblée nationale prenaient les dispositions pour privilégier le développement de régimes de retraite à prestations déterminées et à cotisations déterminées pour l'avenir, ce genre de problème s'éliminerait naturellement. Et je pense qu'à cet égard, il y aurait lieu de confier peut-être à un organisme comme la Régie des rentes du Québec l'examen de certaines affaires qui pourraient aider le monde à mettre en place des régimes de cette nature.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Je pense qu'il reste une minute et demie au parti ministériel pour conclure.

M. Bourbeau: Le député de Gouin tantôt faisait allusion au fait qu'il va falloir bientôt commencer à tirer des conclusions. Effectivement, comme on achève, il reste deux... Ne me regardez pas comme ça, vous là. Je ne vous ai pas insulté. Et puis, je me dis que les conclusions, il va falloir les tirer, bien sûr.

Ce que je constate, c'est que, dans le fond, si je comprends ce qu'on me dit, la jurisprudence serait en train d'évoluer dans le sens de l'intérêt des travailleurs. C'est ce qu'on me dit, que certains jugements récents - on va vérifier ça - seraient portés à interpréter les contrats plutôt en faveur des travailleurs. Donc, il ne devrait pas y avoir chez les travailleurs un grand grand désir de régler le dossier rapidement, puisque le temps semble jouer, si j'en comprends ce que j'entends, en faveur des travailleurs.

D'autre part, les patrons non plus ne semblent pas très pressés de régler le dossier. Je me demande, dans le fond, est-ce que je suis le seul qui veux régler ce problème-là, qui veux lever le moratoire? S'il n'y a pas d'intérêt chez personne, je vais poursuivre ma réflexion encore un petit bout de temps.

Le Président (M. Gautrin): Mme Pronovost.

M. Bourdon: m. le président, j'en fais une question de privilège. le ministre, depuis ce matin, menace chaque groupe de laisser traîner la situation, et on sait qu'il y a des congés de contributions qui se font. .

Le Président (M. Gautrin): Monsieur.. Je m'excuse. Je m'excuse...

M. Bourdon: M. le Président, je vais le dire ici.

Le Président (M. Gautrin): Je m'excuse. Vous n'avez pas la parole là-dessus ici.

M. Bourdon: Je souhaiterais que le ministre cesse de menacer les personnes qui viennent dire

qu'elles ne sont pas d'accord avec lui.

Le Président (M. Gautrin): Monsieur, ce n'est pas une question de privilège. Un privilège de parlementaire n'est pas...

M. Bourdon: Mais, M. le Président, attendez que j'aie fini de le dire avant de donner raison au ministre, sinon c'est un peu aveugle.

Le Président (M. Gautrin): Je m'excuse, quand vous dites ça, ce n'est pas une question de privilège. Mme Pronovost.

M. Bourdon: M. le Président...

Mme Pronovost: Moi, je pense que les travailleuses et les travailleurs, contrairement à ce que vous dites, M. le ministre, sont sans doute très pressés que cette question-là se règle parce que, pendant qu'on est en train de tergiverser, il y a des gens qui, effectivement, sont à la retraite et ont des revenus de retraite extrêmement dévalorisés et il y a des gens qui n'ont, au moment où on se parle, à peu près pas de véhicule ou de protection de retraite. Alors nous, on pense qu'il faut absolument que le gouvernement statue de façon très claire sur les objectifs que doivent rencontrer normalement un régime de retraite et qu'il le fasse dans un délai relativement court pour que les gens puissent effectivement y avoir accès et obtenir des revenus de retraite qui soient décents. Pendant, effectivement, qu'on tergiverse, je ne veux pas reprendre les propos de M. Bourdon, mais il y a quand même des congés de contributions qui ont cours.

Le Président (M. Gautrin): Très brièvement, M. le ministre, vous ajoutez un tout petit peu quelque chose. On est réellement hors du temps, mais on a été libéral avec l'Opposition, alors on pourrait être libéral...

M. Bourbeau: Je suis content de vous entendre dire ça parce que ça fait quelques reprises que j'entends l'Opposition me dire de ne pas me presser, que le temps joue en faveur des travailleurs et...

M. Bourdon: M. le Président, une question de privilège.

M. Bourbeau: Ah bien là! vous, avec vos questions de privilège...

Le Président (M. Gautrin): Monsieur...

M. Bourdon: Je n'ai jamais dit qu'on demandait au gouvernement de...

M. Bourbeau: Ce n'est pas des questions de privilège.

M. Bourdon:... la bonne décision mais vite.

Le Président (M. Gautrin): Oui. Monsieur, je viens de vérifier. On ne pose pas de question de privilège en commission.

M. Bourbeau: Alors, je suis content de vous entendre...

M. Bourdon: Le ministre n'a pas le droit de...

M. Bourbeau: M. le Président, y a-t-il moyen d'arrêter le député de Pointe-aux-Trembles?

Le Président (M. Gautrin): Chut! S'il vous plaît! Laissez donc parler chacun son temps. M. le ministre.

M. Bourbeau: On n'est pas dans une assemblée de...

Le Président (M. Gautrin): Chut! M. le ministre, pouvez-vous répéter...

M. Bourdon: Une assemblée syndicale.

Le Président (M. Gautrin): Chut! On s'adresse...

M. Bourbeau: On n'est pas à la CSN dans les...

M. Bourdon: Ah! Les injures volent M. Bourbeau: A la CSN-Construction.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi, on reçoit des invités, alors écoutons et adressez-vous à la CEQ.

M. Bourbeau: II y a un certain décorum, il me semble, qui devrait prévaloir...

Le Président (M. Gautrin): Et je voudrais qu'il soit maintenu.

M. Bourbeau:... dans une assemblée comme celle-ci.

Le Président (M. Gautrin): Absolument.

M. Bourbeau: M. le Président, alors je suis content qu'on me confirme que, quand même, il y a un grand désir qu'on en vienne rapidement à une solution, parce que ce n'est pas facile de trancher dans un débat comme celui-là. Ce que j'entends depuis un certain temps - enfin là, je suis content que vous me le confirmiez - c'est que l'urgence n'était peut-être pas aussi grande que ce que j'avais cru. Mais là, vous me rassurez en me disant que, oui, il y a une urgence. Alors,

je ne fais aucune menace, contrairement à ce qu'on dit, sauf que, cependant, je me dois de trouver une solution juste et équitable, équitable pour toutes les parties, tant les travailleurs que les employeurs. Je ne veux pas être celui qui va brimer les droits de qui que ce soit. Je veux qu'on le comprenne.

M. le Président, j'ai bien pris note des propos de la CEQ, comme d'ailleurs de tous les autres qui l'ont précédée, et je peux vous assurer que dans les jours qui viennent et dans les semaines qui viennent, on va pousser la réflexion au fond pour voir dans quelle mesure on peut trouver une solution qui sera soit celle qui est dans le document, soit une solution amendée. Mais on va tenter de rallier le plus possible le consensus de tous ceux qui ont des intérêts dans la chose.

Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous remercie, Mme Pronovost, M. Johnston et M. Duval, de votre présentation. Soyez sûrs que la commission vous remercie de vous être déplacés.

Avant d'entendre les prochains, on va suspendre cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

(Reprise à 16 h 46)

Le Président (M. Gautrin): on est prêts à reprendre nos travaux, et nous invitons le conseil du patronat à profiter des 20 minutes pour présenter son mémoire. m. dufour.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): II va présenter... C'est un professionnel des présentations.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, M. Bourdon, madame, messieurs, je vous présente d'abord mes collègues. À ma gauche M. Robert Blais, qui est vice-président de TPF & C Itée; à ma toute gauche, M. Marcel Le Houillier qui est président de MLH A inc; à ma première droite, M. Michel Saint-Germain, qui est associé principal chez Mercer; et à ma toute droite, M. Jacques Garon qui est directeur de la recherche socio-économique au CPQ.

Alors, M. le Président rapidement, notre mémoire, vous l'avez lu, commenté, analysé, je le résume très brièvement. D'abord, on vous remercie M. le ministre d'être parmi les groupes que vous avez invités à venir commenter votre document de travail. Nous avions déjà réagi positivement au moratoire que vous aviez décrété en novembre 1988 parce qu'à ce moment-là, il y avait un certain nombre de problèmes qui se présentaient dans le champ, et que tout le monde connaît, et on pense que cette initiative a été opportune parce qu'elle a permis vraiment de débattre la pertinence pour l'employeur de récupérer une partie des excédents d'un fonds de pension dans le cas de ce qu'on appelle les trop-versés.

Par ailleurs, et c'est le lien qu'on fait avec les derniers intervenants, de nombreux employeurs se trouvent handicapés actuellement à cause du moratoire, et, en ce qui nous concerne, évidemment, nous voulons que le moratoire soit levé le plus tôt possible, et j'y reviendrai en conclusion.

Les points qu'on aborde, le premier, c'est bien sûr la rétroactivité, et nous disons non au principe de rétroactivité qu'on retrouve implicitement dans le document. C'est la question la plus fondamentale pour nous dans ce document-là. Ce n'est pas tout à fait clair, mais, quant à nous, on va changer rétroactivement les règles du jeu. Cela fait des décennies que les entreprises capitalisent, dans la majorité des cas, un régime de retraite de façon prudente, de manière à assurer la sécurité des travailleurs, et à permettre d'y apporter des améliorations éventuelles. Et voilà qu'à la levée du moratoire, de nouvelles règles vont dicter une certaine distribution d'excédents éventuels à des employés qui partiront dans un an ou deux. Si les employeurs, bien sûr, avaient su cela il y a, par exemple, 20 ans, il y aurait beaucoup moins de régimes de retraite complémentaires aujourd'hui; à tout le moins ils seraient très différents et n'auraient pas été capitalisés de la même façon. En fait, à la levée du moratoire, il n'y a aucune raison valable de distribuer des surplus qui ont été accumulés au cours des ans, puisque les participants du régime ont droit exactement à ce que l'employeur leur a promis. Ces contributions ont été versées à 100 % par l'employeur, s'il y a des excédents, ils sont quant à nous la propriété de l'employeur. Selon nous, il ne faut pas oublier que beaucoup d'employeurs qui se trouveraient dans une situation où il y aurait excédent et possibilité de distribution ne seraient pas enclins a toucher à l'excédent étant donné les problèmes potentiels d'image que cela pourrait leur créer. Et la phrase suivante, M. le Président, est importante: Lorsqu'il s'agit d'un régime non contributif, la rétroactivité nous apparaît comme une aberration. Pour le CPQ, donc, toute loi qui vient rétroactivement mettre en question le droit établi sans équivoque d'un employeur - mais, n'oubliez pas, aussi d'un employé souvent, parce que souvent ce sont des employés qui sont propriétaires des excédents -à la propriété, donc, d'un surplus est en principe, quant à nous, inacceptable.

Ne serait-il pas plus judicieux - parce qu'on est à la recherche de solutions dans cette commission parlementaire - de laisser aux employeurs et aux employés le soin de décider de

la répartition d'un surplus? La loi 116 elle-même stipule qu'un régime de retraite est un contrat entre les parties concernées. Ainsi, à titre d'exemple, il pourrait y avoir un partage équitable des excédents d'actif aux conditions suivantes, et c'est trois exemples, il pourrait y en avoir d'autres. En ce qui concerne les employés, les sommes ainsi identifiées pourraient être réinvesties dans les régimes de retraite afin de leur permettre éventuellement d'obtenir des prestations plus élevées. En ce qui concerne les entreprises, les sommes ainsi identifiées pourraient être retirées à cause d'un contexte économique difficile. Ce que nous favoriserons toujours, M. le Président, c'est toute entente mutuelle à quelque règlement ou législation que ce soit surtout, bien sûr, lorsqu'ils ont un caractère rétroactif.

La deuxième question que soulève chez nous le document, c'est: Est-ce que les évaluations actuarielles sont nécessaires? À la levée du moratoire, les entreprises devront faire toutes les évaluations actuarielles, et tout surplus excédent un certain coussin devra être distribué selon les règles prescrites au lieu de laisser à l'employeur la possibilité de prendre un congé de cotisation. C'est du moins - et on nous corrigera - notre interprétation du document. C'est tout à fait contraire à la logique d'une saine capitalisation des régimes de retraite, sans compter les coûts superflus que devront encourir les entreprises.

Par ailleurs, la politique de capitalisation varie énormément d'une entreprise à l'autre en fonction de la situation financière de l'entreprise, du régime, du type de régime. L'imposition d'une norme aura un impact néfaste sur la conception des prestations de retraite puisque l'employeur évitera d'adopter des prestations qui nécessiteront une capitalisation d'avance. Comme exemple, c'est évidemment les prestations basées sur le salaire final. Pourquoi doit-on refaire une évaluation actuarielle à la levée du moratoire pour déterminer s'il y a un excédent d'actif, alors qu'on se propose de sortir l'argent de la caisse de retraite? Est-ce là une logique de règlement à tout prix quelles qu'en soient les conséquences?

Or, selon le CPQ les conséquences de la proposition gouvernementale seront, en pratique, une moindre capitalisation, moins de possibilités de revaloriser les rentes des retraités, des prestations moins élevées pour les employés. Ces nouvelles règles vont certainement décourager la mise en place de régimes à prestations déterminées, alors que les tendances démographiques se traduisent par un vieillissement progressif et constant de la population et que, par ailleurs, le gouvernement lui-même, aux prises avec un problème de dette, devrait plutôt encourager l'instauration de tels régimes.

De plus, la complexité exagérée résultant de la multitude de lois fédérales et provinciales a engendré l'annulation d'un grand nombre de régimes à prestations déterminées, et ces nouvelles règles vont ajouter aux pressions dans ce sens.

La troisième question que soulève le document: Les nouvelles règles du jeu sont-elles opportunes? Il y a bien des avantages à maintenir une surcapitalisation lorsqu'elle est possible et voulue, comme de prévoir un bon coussin pour des périodes futures de conjoncture économique difficile.

Dans un régime non contributif, par exemple, alors que des règles très claires établies il y a quelques années prévoient le retour de l'excédent à l'employeur, ce dernier, qui a seul mis de l'argent dans ce régime, sera forcé, à la levée du moratoire, de distribuer une partie de l'excédent. Pourquoi changer les règles du jeu pour cet employeur? Cet employeur devrait, tout au moins, avoir la possibilité de recourir aux tribunaux pour défendre ses intérêts légitimes même si l'intention du législateur est de déjudi-ciariser le système. Quoi qu'il en soit un élément important ressort du document de consultation, à savoir qu'on impose des règles plus strictes pour le passé, en exigeant la distribution immédiate du surplus à la levée du moratoire, que pour le futur, où l'on impose la distribution de surplus uniquement si l'employeur fait une demande de remboursement des excédents. Ajoutons encore que le provisionnement des prestations vise à assurer la sécurité de ces dernières quelle que soit l'évolution future de la situation de l'employeur.

Dans l'ensemble, le provisionnement des régimes de retraite a été guidé par la prudence en vue d'accroître cette sécurité. Lorsqu'il choisit de provisionner prudemment, l'employeur le fait pour mieux protéger les prestations constituées. Ceci ne change en rien son droit de propriété sur les excédents d'actifs une fois que la sécurité des prestations est obtenue. Si les excédents résultant d'une expérience favorable sont unilatéralement expropriés, l'employeur se verra contraint de réviser, bien sûr, sa stratégie de provisionnement. Cela ne servirait pas les intérêts des parties en cause, certainement pas ceux des salariés participants, ni des responsables des régimes, ni des organismes de réglementation.

Quatrième question, M. le Président, la question des déficits. Le chapitre 4 du document traite uniquement de la distribution d'un excédent d'actif d'une caisse de retraite et ne dit strictement rien sur les déficits que ces mêmes caisses peuvent encourir dans le futur. La situation financière d'un régime dépend en grande partie de son histoire et de sa maturité ainsi que du genre de prestations offertes.

Il n'y a rien de surprenant à ce que, tout au long des années soixante-dix, période où ils étaient au stade du développement, les régimes aient été majoritairement déficitaires et que peu d'entre eux aient enregistré un excédent. À noter

également que personne, y compris l'État, ne mettait alors en doute le fait que ces déficits revenaient bien aux employeurs et que ces derniers assumaient l'obligation de les liquider.

La volatilité des facteurs économiques conjoncturels, comme le rendement des placements, l'inflation des salaires, peut entraîner de profondes répercussions à court terme sur la situation financière d'un régime de retraite. Ainsi, prenons, par exemple, les années soixante-dix. Les augmentations de salaire ont atteint des sommets inégalés. Simultanément, survenait un revers boursier en 1974. La montée des taux d'intérêt a réduit la valeur marchande des titres obligataires qui constituent une tranche significative de la plupart des portefeuilles des caisses de retraite. L'effet cumulatif, on s'en rappelle, fut dévastateur, entraînant des pertes actuarielles massives à cause de rendements de l'actif très en deçà des niveaux prévus, tandis que les régimes assumaient des engagements dont l'ampleur dépassait les prévisions.

Les employeurs ont dû verser d'importantes sommes pour se conformer à la réglementation sur les régimes de retraite exigeant que soient comblées les pertes actuarielles à court terme, bien que les engagements contractés au titre des régimes l'aient été à long terme et que cette règle ne tienne pas compte du caractère cyclique de l'économie.

Dans la conjoncture actuelle et après le revers boursier de 1987, de nombreux régimes de retraite vont de nouveau, M. le Président, faire face à des difficultés. Le document lui-même reconnaît que ces circonstances vont, à tout le moins, continuer à atténuer la croissance des excédents d'actifs. Il serait donc logique de prévoir que les règles applicables aux excédents s'appliquent également au déficit. En d'autres termes, si le législateur veut rendre obligatoire le partage des excédents, il devrait, à tout le moins, permettre à l'employeur de récupérer ou de mettre de côté l'argent versé dans le passé pour combler des déficits avant de répartir un excédent.

Dernière question que nous abordons dans notre mémoire, M. le ministre, la fameuse question dont on a parlé avant nous, celle du salaire différé. Selon certains, la cotisation à un régime de retraite, incluant la quote-part patronale, constitue du salaire différé aux fins de la retraite. Même si l'employeur est en déficit, ce sont des travailleurs qui ont payé la facture par des augmentations de salaire moindres, nous dit-on. La responsabilité du déficit appartient donc strictement à l'employeur.

C'est là, semble-t-il, le raisonnement qui a conduit les rédacteurs du document à ne pas parler du problème des déficits, prenant implicitement pour acquis qu'un déficit doit être comblé par l'employeur. Dans bon nombre de régimes, le concept d'équivalence entre salaire différé et contribution à un régime de retraite est difficilement conciliable avec la nature de l'objectif d'un régime de retraite. L'examen de cette question doit répondre à l'interrogation suivante: La valeur d'un régime de retraite est-elle déterminée en fonction de ce que certains considèrent comme des salaires différés afin de garantir une retraite aux employés ou bien est-elle déterminée par la prestation actuelle promise selon les stipulations du régime de retraite?

Si les contributions à un régime de retraite étaient, en fait, reconnues comme équivalentes à des salaires différés, il serait certainement logique de mettre en place un type de régime d'accumulation de capital où les salaires différés prédéterminés de même que les contributions de l'employé seraient investis pour permettre ultimement d'offrir à l'employé une somme globale. (17 heures)

II semble évident que les bénéfices des régimes de retraite sont difficilement conciliâmes avec le concept des salaires différés. Bien qu'un régime de retraite donné fasse partie de la rémunération globale d'un groupe d'employés, sa valeur repose sur les avantages promis ultimement plutôt que sur les salaires que certains considèrent différés afin d'obtenir ces avantages. Par ailleurs, la caractéristique fondamentale d'un régime de retraite dont l'employeur est garant, c'est que, contrairement à un régime de retraite à contributions définies ou à un régime d'accumulation de capital, les risques financiers qu'il comporte, et qui sont substantiels, sont assumés par l'employeur et non par les employés. Ce type de régime comporte un risque pour les employés, à savoir qu'ils se retrouvent dans une position déficitaire. Les risques financiers ont traditionnellement mené les employeurs à surcapitaliser afin d'éliminer les déficits éventuels ou ils les ont comblés, comme l'ont démontré de nombreux exemples durant les années soixante-dix.

Nous terminons notre mémoire, M. le Président, par toute une série de questions d'ordre technique sur lesquelles je ne reviendrai pas. Ma conclusion n'est pas incluse au mémoire. Elle est à peu près la suivante. J'ai dit que nous avions été d'accord avec le moratoire, mais depuis ce temps-là, M. le ministre, il y a eu la loi 116, une loi que nous vous avons dit être très exigeante, mais qui a quand même des volets très intéressants par rapport au débat qu'on fait aujourd'hui. Cette loi-là a permis la mise sur pied de comités de retraite. Donc, les travailleurs maintenant sont carrément impliqués dans ce dossier-là, ce qui n'était peut-être pas le cas avant. Vous avez assuré la transparence de l'information quant aux régimes de retraite. Donc, c'est des éléments nouveaux dans tout ce débat-là.

Nous souhaitons vivement que vous leviez le moratoire. Mais en levant le moratoire, nous ne vous demandons pas nécessairement de légiférer.

On voudrait peut-être vivre davantage la loi 116 plutôt que d'embarquer encore dans un système qui est excessivement complexe, ce qui fait peut-être l'affaire des actuaires - et je le dis facilement parce que ce sont mes collègues de travail - mais qui rend toujours de plus en plus difficile la gestion des régimes de retraite.

Un peu comme notre intervenant antérieur - et là, vous allez dire qu'un front commun patronal-syndical, ça existe - nous aussi, on voudrait davantage peut-être laisser à la Régie le soin d'établir des règles vivables, laisser aux tribunaux le soin de juger les cas qui pourraient se présenter. Et je termine en disant que nous favoriserons toujours, M. le Président, des ententes employeurs-travailleurs plutôt que toute loi ou toute réglementation, surtout si elle se devait d'être rétroactive. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le président. M. le ministre, est-ce que vous avez quelques questions pour le parti ministériel?

M. Bourbeau: Oui. Je commence où vous finissez. Vous me dites que vous préféreriez toujours des ententes employeurs-travailleurs. J'ai le député de Pointe-aux-Trembles qui, plus tôt, citait le cas de la Suisse où, nous disait-il, on a laissé les parties négocier, on leur a donné un certain temps pour négocier en disant: Si vous ne vous entendez pas, on s'entendra pour vous. Je voyais dans le journal La Presse, il y a une dizaine de jours, une nouvelle à l'effet que les employés syndiqués d'une usine d'acier de Lachine ont réussi à négocier avec leur employeur, la compagnie Drummond McCall, un partage de l'excédent d'actif. Ça m'apparattrait une possibilité. Qu'est-ce que vous en pensez si on disait: On va poursuivre le moratoire un certain temps, peut-être pas tellement longtemps, en voyant dans quelle mesure les travailleurs et les employeurs ne pourraient pas régler ces problèmes-là entre eux avant que le gouvernement intervienne. On sait que la jurisprudence est très active de ce temps-là. Il y a des jugements qui sortent. Comment verriez-vous une approche comme celle-là?

M. Dufour (Ghislain): D'abord, ça m'inquiète toujours quand un homme politique dit: Pour un certain temps. Je me rappelle lorsqu'on a institué ce moratoire-là que c'était "pour un certain temps". Il dure depuis déjà très longtemps. Mais vous avez parfaitement raison de poser cette question-là parce que c'est une approche, finalement, au lieu d'une législation, au lieu d'une réglementation. Je vais demander à Robert Blais de chez TPF & C de réagir dans le concret à cette hypothèse-là.

Le Président (M. Gautrin): M. Blais.

M. Blais (Robert): Le problème un petit peu avec votre commentaire, c'est le terme "poursuite du moratoire". Si on poursuit le moratoire, on continue, au cours des prochaines années, à avoir des problèmes lors de transactions financières, etc. Si vous me dites: On donne quelques années aux gens pour s'entendre, mais lorsque ces gens s'entendent là, selon des choses qui sont acceptables, par exemple, à la Régie des rentes ou aux tribunaux, et qu'on regarde la situation quelques années plus tard, avec ça, je n'ai pas de problème, tant qu'on laisse la porte ouverte pour les gens qui s'entendent vraiment entre eux.

M. Bourbeau: Oui, bien là, je ne peux pas retourner au statu quo ante. On a mis un moratoire parce qu'il y avait des excès. Je ne peux pas enlever le moratoire, probablement donnant lieu encore à des excès, en disant: Entendez-vous. Les gens ne se sont pas entendus pendant 20 ans avant. Pourquoi les gens s'entendraient-ils maintenant?

M. Blais (Robert): II y a des choses...

M. Bourbeau: II faut maintenir quand même le moratoire. Je devrais maintenir le moratoire certainement.

M. Blais (Robert): II y a des choses qui sont vraiment changées.

Le Président (M. Gautrin): M. Blais.

M. Blais (Robert): Ghisiain a mentionné ces choses-là, et ça, on le vit en pratique, la question des comités de retraite, la question des assemblées annuelles. Je peux vous féliciter, ça fonctionne. Ça fonctionne vraiment en pratique pour ceux qui les ont mis en place. Les employeurs qui prennent des congés de cotisations présentement expliquent à leurs employés pourquoi. Les employeurs, avant d'arriver et de faire une terminaison partielle, totale, une fusion, vont devoir expliquer à leurs participants pourquoi, ce qui va se passer, etc. Alors, l'environnement comme tel ne fait que commencer.

Je crois sincèrement que les éléments sont en place pour qu'on arrive au cours des prochaines années à une bien meilleure entente. Ce qui est dit là-dedans, c'est que, et il y a des situations comme ça, si on s'entend pour que les excédents soient partagés moitié-moitié, eh bien, tant mieux. Si on s'entend pour que ça aille tout aux employés, tant mieux. Et, si on s'entend pour que ça aille aux employeurs, tant mieux.

Le Président (M. Gautrin): M. Saint-Germain.

M. Saint-Germain (Michel): Merci. J'aimerais réagir au mot que vous avez utilisé, les "excès" qui se sont produits dans le passé. Dans la situation actuelle, j'ai beaucoup de difficulté à conce-

voir comment un employeur pourrait s'approprier un surplus qui ne lui appartiendrait pas. Je pense que toutes les plates-bandes, toutes les mesures de sauvegarde sont présentes, soit imposées par la Régie des rentes, soit par les représentants des employés, soit par la jurisprudence qui s'est créée. Je ne peux pas concevoir comment un employeur s'approprierait un surplus qui ne lui appartiendrait pas.

Quant au passé, on a parlé beaucoup de cas d'excès, mais j'aimerais encore qu'on me donne un exemple d'un employeur qui a pris un surplus qui ne lui aurait pas appartenu. Les cas de conflits sont maintenant où ils devraient être, c'est-à-dire devant un tribunal, et il me semble qu'on devrait faire confiance aux tribunaux pour établir la jurisprudence et pour établir à qui appartiennent les surplus. Dans notre société, lorsqu'il y a un conflit sur la propriété des surplus ou de n'importe quel bien, on s'en remet aux parties qui font leurs propres représentations légales et aux tribunaux pour trancher. Il me semble qu'on devrait traiter cette question-là de la même façon.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, justement, c'est là que le problème se pose. Vous me dites que les parties vont aller devant les tribunaux et que les tribunaux trancheront. Ce n'est jamais toujours toujours la meilleure façon de régler des problèmes. C'est sûr que, quand on va devant les tribunaux, ça fait surtout l'affaire des avocats et peut-être des actuaires aussi, mais ce n'est pas la façon idéale de régler des problèmes. Si je disais: Bon, eh bien, alors, on va tout renvoyer les problèmes devant les tribunaux, on se reverra dans cinq, six ou sept ans, quand la Cour d'appel ou la Cour suprême aura rendu un jugement, mais les travailleurs, pendant ce temps-là, ils vont vieillir et la retraite va arriver et peut-être le décès avant qu'ils aient touché leur pension. Moi, je ne peux pas accepter, disons, une solution, faire un peu comme Ponce Pilate, me laver les mains et dire: Je vais laisser les tribunaux régler tous les problèmes de pensions au Canada et au Québec.

Je reviens sur la question du salaire différé, parce que c'est là qu'est le point. Si on prend une approche légaliste, contractuelle, le contrat dit que les surplus vont à l'employeur ou que les surplus, il n'en est pas question. Ça, c'est une approche. D'autre part, les centrales syndicales qui sont venues ici depuis deux jours nous disent: Écoutez, dans la vraie vie, ça ne se passe pas comme ça. Quand les négociations ont lieu sur un renouvellement de contrat, on discute de ça, du fonds de pension et, très souvent, les travailleurs acceptent de réduire leurs exigences salariales parce que l'employeur fait un effort particulier du côté du fonds de pension. Et dans ce sens-là, ça fait partie de la rémunération globale, et, si ça dégage des surplus, c'est parce que les travailleurs se sont serré la ceinture et ont été moins exigeants. Est-ce qu'on doit vraiment ne pas tenir compte du tout de ce point de vue à votre esprit?

Le Président (M. Gautrin): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, pour la question du salaire différé, je vais demander à M. Le Houillier, mais vous allez me permettre de revenir à votre dilemme de législation versus décision des tribunaux. On a bien fait la distinction, je pense, dans notre mémoire entre les problèmes passés et les problèmes futurs. Ça, je pense qu'il faut d'abord s'entendre là-dessus.

On dit que, dans le futur, il y aura beaucoup moins de problèmes que par le passé à cause de votre loi 116. Les travailleurs sont maintenant impliqués; ils sont sur le comité de retraite, il y a une transparence. Je dois dire que les syndicats aussi, et je pense que M. Bourdon va être d'accord avec moi, sont beaucoup plus sensibilisés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a 5 ou 10 ans quand on négociait les régimes de retraite, parce qu'on peut dire que, s'il y a des problèmes qui se sont passés, c'est souvent parce que des syndicats n'étaient pas assez impliqués, n'ont pas assez embarqué dans le dossier. Ça, c'est le futur.

Quant au passé, je pense que de façon unanime, pour des raisons différentes, et vous l'avez mentionné, il n'y a personne qui accepte ce genre de loi rétroactive. Alors, j'ai même entendu un intervenant antérieur, et ça m'a surpris, dire que, jusqu'à un certain point, il faisait confiance aux tribunaux dans un certain nombre de dossiers, et c'était l'intervention aussi du député de Gouin. Si l'on fait bien cette distinction-là, nous, on est capables de vivre avec les tribunaux parce qu'on sait que le futur va être réglé ou à peu près par la loi 116.

L'autre débat qui est fondamental, c'est celui auquel vous vous référez aussi. Ça, c'est un problème patronal-syndical plus qu'un problème politique, de la définition du régime de retraite comme étant du salaire différé. Et là, je demande à Marcel de vous répondre.

Le Président (M. Gautrin): M. Le Houillier.

M. Le Houillier (Marcel): M. le Président, dans les régimes de retraite, quand on fait cet énoncé-là qu'un régime de retraite, c'est du salaire différé, c'est parce qu'on fait une déclaration globale. Je pense que ce n'est pas l'ensemble des régimes de retraite qui sont des salaires différés. Il est évident que, lorsque deux parties négocient un régime de retraite où il est convenu que les deux parties mettent un certain montant et qu'on dit spécifiquement, soit que ceci provient d'une réduction de salaire, soit que

c'est par écrit qu'une contribution fixe est déterminée, on peut relier ça à du salaire différé. Mais dans la plupart des régimes de retraite, on convient qu'il y a une rente de retraite qui est promise à la retraite et qu'il y aura une contribution fixe de la part de l'employé et une contribution variable de la part de l'employeur. C'est là que la notion de salaire différé fait défaut. La promesse, l'engagement de l'entreprise, c'est une prestation à la retraite; ce n'est pas un montant de contribution, celle-ci varie dans le temps, alors que la partie de l'employé est constante. Alors, la notion de salaire différé est dangereuse. On ne peut pas l'appliquer de façon globale à l'ensemble des régimes de retraite. Dans les régimes que je connais, où j'ai été impliqué, dans les cas où les cotisations, les engagements ont été effectivement fixés, dans la grande majorité de ces cas-là, il n'y en a pas de problème. Le régime de retraite va prévoir spécifiquement que le surplus appartient aux participants. Si vous prenez tous les cas de régimes multiemployeurs ou de régimes vraiment négociés, la plupart du temps la clause est claire, elle est précise: les surplus, les excédents, en cas de terminaison ou autres moments, appartiennent aux participants.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Bourbeau: Oui, je voudrais poser une question à M. Dufour. Quand un fonds de pension dégage un surplus important à cause des rendements extraordinaires qu'on a connus depuis quelques années, c'est arrivé dans bien des cas, et que l'employeur prend des congés de cotisations - d'ailleurs, je pense qu'il n'a même pas le loisir, je pense que la fiscalité l'oblige d'une certaine façon à ne pas cotiser - avez-vous déjà pensé d'offrir aux travailleurs aussi de prendre des congés de cotisations? Est-ce que ça s'est déjà fait, ça?

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que ça se fait? Je suis obligé de retourner la question aux firmes d'actuaires? Est-ce que ça se fait?

M. Saint-Germain: Pour répondre à la question, la façon dont on l'aborde, on regarde le texte de la convention collective. C'est pour ça que lorsqu'il y a une entente dans une convention collective, on la met par écrit. Il y a certains textes qui indiquent que le coût du régime est partagé moitié-moitié. C'est d'ailleurs le cas des régimes gouvernementaux. Mais dans d'autres secteurs privés, le texte de la convention collective est très clair. Les employés cotisent x % de leur salaire, l'employeur cotise le solde du coût. Il y a des gens qui se sont donné la peine de mettre par écrit ces conditions-là. Il me semble que si le régime de retraite est un contrat, comme la loi 116 le stipule, on devrait respecter ce sur quoi les parties se sont entendues dans le contrat. (17 h 15)

M. Bourbeau: Une dernière question. À l'instar de plusieurs autres intervenants, en tout cas certains autres, vous proposez un genre de récupération des déficits que l'employeur a amortis contre des gains actuariels, avant toute distribution. À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez l'idée suivante: "Si le législateur veut rendre obligatoire le partage des excédents, il devrait à tout le moins permettre à l'employeur de récupérer ou de mettre de côté l'argent versé dans le passé pour combler des déficits avant de répartir un excédent." Cette idée-là a été avancée par la CSN, si je me souviens bien. Si je me trompe, je sais que le député de Pointe-aux-Trembles va me sauter sur le dos. Mais non, je pense qu'il est d'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Non, non, pas de présomption.

M. Bourbeau: Alors, c'est bien cité, j'ai bien cité. La CSN a proposé exactement la même chose. Elle m'a dit: On n'est pas d'accord avec les congés de cotisations sauf dans des cas comme ça. Si l'employeur avait été obligé de combler des déficits, on serait d'accord qu'il prenne des congés de cotisations équivalents aux sommes d'argent. Peut-être que là on voit le début, tiens, d'un compromis qu'on pourrait peut-être trouver quelque part. Enfin, deux points de vue qui se ressemblent, venant de deux groupes qui, manifestement, n'ont pas toujours des positions qui sont les mêmes. Comment verriez-vous l'application de cette récupération-là? Quel type de déficit visez-vous quand vous parlez de ça? Et une récupération comme celle-là, elle pourrait s'étendre sur quelle période de temps, par exemple?

M. Dufour (Ghislain): En fait, M. le ministre, je suis content que cette phrase-là ait attiré votre attention. C'est pour mettre plus d'impact sur notre position en rétroactivité. Parce que, en fait, ce qu'on dit, c'est: Vous demandez de séparer ou de diviser ou de remettre les excédents, s'il y en a au moment de la levée du moratoire. Et on vous pose la question: Mais qu'est-ce que vous faites des déficits? Et là, à ce moment-là on dit: II faudrait au moins regarder quelque chose face aux déficits. Mais ce n'est pas une proposition de notre part. C'est parce qu'on s'oppose à la redistribution et on oppose ça au fait que ça nous paraît, en tout cas, tout à fait pas correct de la part du législateur de ne vouloir aborder que le dossier des excédents sans aborder le dossier des déficits. Vous avez remarqué d'ailleurs que c'était interrogatif. Mais ça vous démontre un argument additionnel pour vous

dire que la rétroactivité sur des excédents, ça n'a pas de bon sens, surtout si c'a été payé à 100 % par les employeurs. Alors, on fait cette démonstration-là, mais pas pour qu'on commence à faire la grille: voici, il y a eu trois années de déficit à tant et il y a eu une année de congé de cotisations, etc. Je pense qu'on ne s'en sortirait pas. Il faut prendre l'argument de façon globale, M. le ministre.

M. Bourbeau: Bon alors, moi qui avais vu une lueur d'espoir au fond du tunnel, si je comprends bien, c'est plutôt un mur de briques.

M. Dufour (Ghislaln): Voyez-vous, on voit les lueurs d'espoir où on peut, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Alors, c'est plutôt un mur de briques au fond du tunnel qu'une lueur d'espoir, si je comprends bien.

M. Dufour (Ghislain): Non, mais je suis content que vous l'ayez soulevé, parce que ça nous permet de faire l'argument que, quand tu regardes l'un, il faut que tu regardes l'autre. Et voyez-vous les problèmes où ça nous conduirait si on regardait les déficits?

M. Bourbeau: Comme disait mon collègue, le président du Conseil du trésor, il y a une lueur au fond du tunnel, c'est une locomotive qui s'en vient en sens inverse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Bon, M. le député de Pointe-aux-Trembles, quelques remarques. Quelques petites questions brèves.

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter le Conseil du patronat pour le sérieux et la haute tenue du mémoire qu'il nous a soumis. Et comme je commence à être habitué d'être assis à une table où j'entends des présentations du Conseil du patronat, disons que c'est un haut niveau de qualité comme d'habitude.

Une première question qui serait celle-ci: Est-ce que, d'après vous, Simonds et Singer ont abusé un peu? Ce qui a amené le gouvernement à décréter un moratoire. Et, s'ils ont abusé, dans quel sens et dans quelle mesure?

M. Dufour (Ghislain): Moi, dans ce genre de question là, étant au Conseil du patronat, je réfère toujours les questions à mes consultants. Alors, M. Saint-Germain, est-ce qu'en principe, parce que je pense qu'on ne doit pas viser les entreprises... Vous parlez de Singer, vous parlez de... Je pense qu'il faut dire: Est-ce qu'il y a eu le genre de situation qui a conduit le législateur à établir ce document-là?

M. Saint-Germain: Moi, je ne voudrais pas commenter...

Le Président (M. Gautrin): M. Saint-Germain.

M. Saint-Germain: Oui. Je ne voudrais pas commenter sur des cas précis. Ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a effectivement des régimes qui ont des clauses ambiguës au niveau de la propriété des surplus, pour toutes sortes de raisons historiques. Ces causes-là sont maintenant où elles devraient être, c'est-à-dire devant les tribunaux. Je n'ai pas la prétention de savoir ce que le juge va décider, mais j'ai confiance en sa décision et j'ai confiance au processus qui est suivi.

J'aimerais aussi rajouter qu'il y a très peu de ces cas-là. Moi, j'ai beaucoup de clients et il y a beaucoup d'employeurs, qui sont membres du Conseil du patronat, qui n'ont absolument aucune intention de terminer le régime ou de retirer les surplus. Ce dont ils ont l'intention, c'est de continuer leurs régimes et de continuer à les améliorer. Ce que je trouve dommage, c'est qu'on vise et on sort continuellement ces quelques cas d'exception là pour aller faire des règles compliquées qui viennent décourager la très très grande majorité des employeurs qui veulent simplement continuer à améliorer leurs régimes.

Le Président (M. Gautrin): M. le député.

M. Bourdon: M. le Président, ce que j'ajouterais à cet égard, c'est que j'ai eu l'occasion de dire à l'Alcan qui est venue devant nous et qui nous expliquait comment ils administrent la caisse de retraite de leurs employés, qui est très considérable et qui fait l'objet de négociations avec les syndicats, et je leur ai dit: Si ce n'était que de l'Alcan, on ne serait pas assis ici.

Je comprends la prudence du Conseil du patronat à parler de Simonds ou de Singer. Quand j'étais dans le milieu syndical et qu'un employeur me mettait sur le nez - si vous me pardonnez l'expression - qu'un syndiqué avait ton", bon, si dans l'hypothèse il avait tort, je n'étais pas très disert pour en parler. Mais il y a eu un moratoire parce qu'il y avait eu un certain nombre de situations problématiques.

J'ai une autre question. Revenu Canada a, en quelque sorte, par ses décisions, obligé les entreprises à recourir à des congés de cotisations - vous me direz si je me trompe - en disant: Écoutez, vos contributions aux régimes de retraite, c'est déductible des revenus de l'entreprise à condition que ça serve à faire des contributions, et, si ça ne le fait pas, ah bien! là, il y a un problème. Et c'est M. Dufour que j'aimerais questionner là-dessus, pas pour confondre cette commission-ci avec une autre, mais simplement parce qu'il y a des occasions où le fédéral ne manque pas de compliquer un problème

qui n'est déjà pas simple dans le sens où, d'une certaine manière, Revenu Canada disait à l'entreprise: Liquidez-moi ça, ces surplus-là, sinon je vais les imposer. Je ne sais pas si le Conseil du patronat a étudié cet aspect particulier de la question.

M. Dufour (Ghislain): Sur les deux commissions que vous mettez en parallèle, je vais vous dire que je suis totalement d'accord avec vous que, dans bon nombre de dossiers, le fédéral nous complique la vie.

Sur l'aspect particulier ou technique de Revenu Canada et la façon dont vous faites la démarche, moi, je ne sais pas si j'ai de mes collègues qui peuvent en parler.

Une voix: 92, la solution.

M. Dufour (Ghislain): M. Saint-Germain va en parier.

M. Saint-Germain: Oui. Bon. Vous avez raison sur le point que vous avez mentionné qu'il y a un maximum au-dessus duquel les employeurs ne peuvent pas prendre de déductions. Mais je pense que ce serait fausser le débat que de croire que les employeurs ont suspendu leurs contributions à cause du maximum de Revenu Canada. Les employeurs ont faussé leurs contributions parce qu'ils ont jugé qu'il y avait trop d'argent dans la caisse, qu'ils avaient cotisé des montants excédentaires aux caisses de retraite et qu'ils avaient le droit de prendre un congé de contributions, tel que le règlement du régime le prévoyait. Je pense que l'effet du maximum du ministère du Revenu national n'est pas pertinent dans le débat qu'on a maintenant.

M. Bourdon: O.K. À la page 3 du...

M. Dufour (Ghislain): SI vous me permettez...

M. Bourdon: Excusez.

M. Dufour (Ghislain): ...M. Bourdon, juste pour ajouter. Nous, on ne veut pas en faire un problème de gouvernement, mais je renchéris sur ce que je disais tout à l'heure. Les règles sont devenues excessivement difficiles, excessivement complexes. La loi 116 n'est pas facile, ni pour les syndicats ni pour les entreprises. La nouvelle législation fédérale est venue encore compliquer le dossier de façon extraordinaire. Il n'y a pas grand PME, comme moi, qui a été capable de faire son FE sur les derniers T4 du fédéral. On a toutes été obligées de donner ça à l'extérieur. Il n'y a plus de PME comme telle qui peut gérer ses régimes de retraite. Ce que l'on dit, c'est qu'en ajoutant cette procédure qu'on nous propose ici, on vient encore rendre beaucoup plus complexe, beaucoup plus difficile, la gestion des régimes de retraite, alors que les entreprises, face à ça, vont plutôt aller dans les REER collectifs, vont plutôt aller dans les régimes de retraite à cotisations déterminées, alors que c'est au désavantage, quant à nous, des travailleurs.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Ce que je voudrais ajouter là-dessus, c'est que 40 % des travailleurs en gros sont syndiqués, 60 % ne le sont pas. Et je sais d'expérience que les travailleurs syndiques ne réussissent pas toujours à négocier leur caisse de retraite. Ils tendent à ça. Et dans certains secteurs depuis très longtemps: La Fédération du vêtement de la CSD gère elle-même sa caisse de retraite depuis une cinquantaine d'années. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas simple, l'application de ça, parce que j'ai déjà négocié avec des employeurs que, pour la durée de la convention, la caisse de retraite ne serait pas modifiée et que l'employeur ne pourrait pas prendre les surplus, et votre voisin a raison de dire que ça se fait, ça. Mais dans le secteur de la fabrication où les Métallos sont actifs, entre autres, il y a à peine 20 % des gens qui sont syndiqués. Et donc, y a-t-il un vrai rapport contractuel entre les parties qui, dorénavant et grâce au ministre, en vertu de la loi 116 constituent deux parties à un contrat? Et, à cet égard, il y a des facettes multiples à cette question-là. Vous dites dans le mémoire, à la page 3: "Ne serait-il pas plus judicieux de laisser aux employeurs et aux employés le soin de décider de la répartition d'un surplus." Est-ce que ça irait jusqu'à dire que ça prend l'accord des deux parties pour disposer d'un surplus? Ça, c'est ma première question. J'en ai une série qui gravitent autour de ça.

M. Dufour (Ghislain): Robert.

M. Blais (Robert): Par rapport à si ça prendrait l'accord des deux parties, encore une fois, je reviens sur la notion des comités de retraite qui ont été mis en place, où la grande différence entre la situation qu'on vit présentement et celle qu'on a vécue qui a amené le moratoire, et tout le reste, c'est que ces situations se faisaient, existaient, sans la connaissance des employés. Maintenant, je ne ferai pas la liste des choses que la loi 116 a apportées là-dessus. Les gens de la Régie des rentes qui sont là pourraient vous les nommer l'une après l'autre. C'est vraiment totalement impossible à ce moment-là pour un employeur de changer les règles du jeu sans en aviser d'abord ses employés, sans en discuter avec eux. Alors, les employeurs, même dans des groupes non syndiqués, n'ont pas l'intention de se mettre leurs employés à dos, n'ont pas l'intention de faire ce genre de choses là. Comme Michel le disait, la

grande majorité veut que leur régime de retraite soit apprécié et les comités de retraite font le travail.

M. Bourdon: Et à cet égard-là, vous ne pensez pas que ce rapport-là est comme plus compliqué quand, comme dans le cas de Singer et Slmonds, l'entreprise quitte et s'en va à l'extérieur. Ce que je veux dire par là, c'est que les bonnes relations, on tient à les entretenir quand on est en relations, mais quand un employeur quitte parce que, par hypothèse, ça ne coûte rien de fermer une entreprise à Montréal - bien que le ministre nous ait dit hier, je vous en avise, que ça va changer - puis que ça coûte jusqu'à 26 semaines de salaire en Ontario, bien c'est sûr que... Oui, oui c'est ça, il l'a dit hier et j'ai bien pris note de ça.

M. Bourbeau: Je ne voudrais pas que mes paroles soient interprétées. Je me réserve le droit de qualifier ça tantôt, là.

Le Président (M. Gautrin): Ne recommencez pas cette guerre.

M. Bourdon: M. le Président, ne permettez pas une discussion de taverne comme on a connue...

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Pointe-aux-Trembles...

M. Bourdon:... surtout que je lançais des fleurs au ministre. S'il se fâche même des fleurs, notre couple est vraiment en danger.

Le Président (M. Gautrin): II se méfiait des fleurs empoisonnées. Continuez.

M. Bourdon: Comment disait-il ça: Je me méfie des Grecs et de leurs cadeaux.

M. Bourbeau: Timeo Danaos et dona feren-tes.

M. Bourdon: ah bon, bon! puis moi, dans mon quartier c'était habeum meum cristum itineris, puis ça ne serait pas parlementaire de traduire.

Le Président (M. Gautrin): Écoutez, chers amis, ce n'est pas parlementaire, continuez vos questions. (17 h 30)

M. Bourdon: Et vous dites également dans votre mémoire, en page 6: "En d'autres termes, si le législateur veut rendre obligatoire le partage des excédents... " Je note au passage que, comme l'Alcan et d'autres intervenants, vous hésitez pour le moins à la notion d'un partage annuel des excédents à cause des problèmes considérables que ça poserait en termes de capitalisation.

Et l'Alcan mentionnait que ça inciterait une caisse à faire des placements à très court terme et à ne pas aller en bourse avec des placements qui, à long terme, pourraient s'avérer bons. Et il y a une dimension du débat qui est la suivante. On ne peut pas être manichéen là-dedans, et je pense que je mettrais trois sortes de réaction du côté des employeurs. Des entreprises qui quittent et qui n'ont pas un sentiment fort d'appartenance à la société qu'elles quittent. Des employeurs en difficulté - et, malgré ce que pense le ministre, j'en ai rencontré, dans mon rôle précédent, et on ne s'empressait pas de dire: Si on pouvait fermer ça et perdre nos emplois, on "serait-u" assez heureux, on cherchait des moyens d'éviter le problème - donc, des employeurs qui éprouvent de réelles difficultés économiques. Ce que j'ajoute, M. le Président, c'est que vous dites donc dans le mémoire, en page 6, en d'autres termes: "Si le législateur veut rendre obligatoire le partage des excédents - et je viens de dire que, pour vous, ce n'est pas une chose qu'il faut faire quasiment tous les mois, il y a de l'argent qui traîne, "chlac"! on se le donne - il devrait à tout le moins permettre à l'employeur de récupérer ou de mettre de côté l'argent versé dans le passé pour combler les déficits avant de répartir un excédent. "

Là-dessus, la CSN nous disait hier: Écoutez, s'il y a un déficit non prévu - et dans les paragraphes avant, vous expliquez qu'un krach boursier, ça ne dépend pas nécessairement de M. Le Houillier, qui est l'actuaire de mon propre régime de retraite à moi, et qu'à cause de ça, je lui dois un grand respect et que c'est un bon régime. Je dirais qu'il coûte assez cher à l'employeur, à ce niveau-là - donc, s'il y a un déficit imprévu - parce que ce n'est pas la faute de l'employeur s'il y a un krach boursier, parce qu'il y a eu une guerre ou je ne sais pas quoi - la CSN disait: On pourrait considérer que ce que l'employeur a mis pour combler un déficit, c'est une avance qu'il peut récupérer par des congés de cotisations. Bon, on est des grandes personnes, un congé de cotisations ou bien prendre une part d'un excédent qui survient après, ça se ressemble. Il y en a un qui est de prendre un excédent à tempérament et de se rembourser, et l'autre, de prendre comme un bloc et de se rembourser avec. Et il y avait une ouverture.

Maintenant, le ministre a exprimé ça à la FTQ, d'une façon que j'ai trouvée un peu malhabile et pas susceptible de maintenir les bonnes relations entre la CSN et la FTQ. Et quand j'ai donné à la FTQ la même explication que celle que je viens de donner, M. Dufour, ils ont dit: En principe, on n'est pas contre. Donc, il n'y a peut-être pas un si grand péril en la demeure si on regarde l'avis des intéressés. Et je répète, M. Dufour, que moi aussi, j'aime mieux une entente entre les parties qu'une sentence arbitrale. Puis ce n'est pas parce que je peux

arbitrer ici - tout est relatif, on est moins nombreux qu'eux autres et, à l'occasion, ils nous le font sentir - mais est-ce que la proposition de la CSN vous apparaît matière à discussion puis ouvre un champ?

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, M. le député...

Le Président (M. Gautrin): Monsieur...

M. Dufour (Ghislain): M. le député, il y a deux volets dans votre intervention. Il y a le problème global des entreprises qui quittent, et on revient toujours aux fameux cas de Singer et de Simonds. Nous, on voudrait que ces cas-là, on les oublie. C'est des cas de passés, ce n'est pas des cas qui pourraient être possibles avec la nouvelle loi 116. On peut en prendre gros aussi sur les bras dans le cas de ces compagnies-là, mais là, on peut dire aussi que les syndicats n'ont pas fait leur job. C'était des entreprises syndiquées, ça, on se rappelle, sûrement pas avec la CSN, mais elles étaient syndiquées.

M. Bourdon: Une avec la CSN, une avec la FTQ, c'est juste dans ce sens-là.

M. Dufour (Ghislain): C'est 50-50. Parce qu'à ce moment-là, les travailleurs n'avaient pas les outils que leur donne la loi 116. Alors, il n'y en aura plus de ces cas-là, quant à nous. Il faut faire attention aussi dans l'image qu'on donne. Ça ne veut pas dire que ces deux compagnies-là ne respectent pas leurs engagements face aux obligations du contrat. On parle des excédents, on ne parle pas des obligations du contrat comme tel. Pour la deuxième question, moi, je n'ai pas lu le texte de la CSN et, vous comme moi, on se refuse toujours de commenter des textes qu'on n'a pas vus. Alors je voudrais le voir, mais je répète ce que j'ai dit tout à l'heure que, quand nous on abordait le problème du déficit, c'était pour camper le dossier du déficit qu'on absorbe face aux excédents qu'on doit remettre. Alors, cette phrase-là se situe dans ce contexte-là.

Mais je vous dis, M. Bourdon, moi, je n'ai aucun problème. On regardera ça avec nos collègues, quitte à envoyer une réaction au ministre et à vous-même sur ce volet-là du mémoire de la CSN.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Ce que j'ajouterais, M. le Président, c'est que, supposons un cas très hypothétique où un employeur aurait assumé un déficit de 200 000 $ et où, un an après, la loi lui permettrait de s'approprier un surplus de 2 000 000 $, on pourrait trouver qu'il y a disproportion entre le tort subi et la réparation reçue. Ça m'amène à vous poser une autre question. Le cadre législatif actuel permet à un employeur de terminer une caisse de retraite - bien, en respectant les crédits de rente accumulés dedans, la loi protège les adhérents - et pour les fins de carrière, ça peut avoir une incidence très considérable. Et c'est pour ça que je regarde M. Le Houillier, mais votre autre voisin aussi est actuaire, en tout cas, je m'adresse à tous les actuaires, parce qu'à 47 ans, le terme "fin de carrière", ça commence à avoir quelque chose qui va devenir évocateur dans quelques années. Et la CSN expliquait hier que, lorsqu'on liquide une caisse de retraite, même si l'entreprise est encore active, parce que c'est permis, les gens qui ont un régime fin de carrière se voient rétribués selon le revenu actuel et non pas le revenu projeté dans 10 ans. Par exemple, une personne de 50 ans, qui est un participant pour une somme appréciable dans le fonds, à son nom et au nom de l'employeur, mais en tout cas une somme considérable, va recevoir un pourcentage de retraite sur son salaire actuel et non le salaire projeté dans 10 ans. Et ça, ça peut être source de surplus considérables.

Alors ça, c'est un aspect de la question que je vous pose. Et l'autre aspect, c'est que, dans la mesure où le Barreau hier m'a convaincu que c'est un contrat, et donc qu'il faut être deux pour modifier ou mettre fin à un contrat, est-ce qu'il est correct que l'employeur, sans raison là, puisse terminer le contrat, diminuer la fonction d'actuaire à presque rien, parce que sans caisse de retraite il n'y a plus d'actuaire... Et aux États-Unis, vous savez sans doute qu'après la crise économique de 1982, il y a des centaines d'entreprises qui ont terminé des caisses de retraite, avec des situations assez problématiques pour les personnes en cause. Alors, j'aimerais savoir vos...

M. Dufour (Ghislain): C'est quoi votre question exactement?

Le Président (M. Gautrin): II reste peu de temps...

M. Dufour (Ghislain): C'est quoi votre question exactement?

M. Bourdon: êtes-vous d'accord qu'un employeur reste doté du pouvoir de terminer une caisse de retraite, alors qu'il continue ses opérations? je veux être bien clair, parce que, quand ça ferme...

M. Dufour (Ghislain): M. Le Houillier.

Le Président (M. Gautrin): M. Le Houillier. Brièvement, il reste deux minutes.

M. Le Houillier: Bon, la plupart des régimes de retraite ont des clauses, comme vous avez dit

tout à l'heure, qui sont unilatérales. À savoir si on est d'accord avec ça ou non... Remarquez qu'on a dit que le régime de retraite en vertu de la loi 116 est devenu un contrat. Dans bien des cas, dans le passé, les régimes de retraite étaient établis par l'employeur, et dans ces cas-là l'employeur se réservait le privilège de terminer le régime. Dans les autres cas, où ils ont fait partie des négociations, on ne retrouve pas cette clause-là. Moi, ceux que je connais où les deux parties ont réellement négocié le régime de retraite, la clause ne se négocie pas. Quant à savoir ceux qui mettent la clause s'ils peuvent le terminer unilatéralement ou non, je pense qu'on pourrait trouver une moitié d'employeurs qui sont d'accord et une moitié qui sont contre. Alors ça, je n'aimerais pas me prononcer pour eux.

Le Président (M. Gautrin): Alors, pour conclure brièvement, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui, selon le temps qui m'est imparti, je voudrais remercier le Conseil du patronat de cet échange qui m'est apparu très vivifiant et dire qu'il y a quand même un problème de fond qui fait qu'on est ici, c'est comment interpréter la notion de la contribution versée, du salaire concédé ou du salaire différé. Et, à cet égard-là, je ne ferai pas que M. Dufour soit renversé sur son siège en lui disant que moi, personnellement, je pense que toutes les contributions d'un régime, mises dans un régime de retraite, devraient donner des bénéfices de retraite. Et les distributions aux participants, même du côté des employés, j'y suis réticent parce que les syndiqués, qui ne sont pas parfaits, parfois voient un peu trop le court terme, et ça m'est arrivé de dire: Écoutez, une retraite, ça se prépare et se bâtit. Mais je suis heureux de voir votre ouverture et j'espère qu'elle va déterminer chez le ministre une ouverture aussi grande qui nous permettra, en séance de travail... Parce que je vais demander qu'il y en ait une à la présidente de la commission pour qu'on essaie de resserrer les conclusions et de refaire les devoirs pour que ça marche mieux, pour qu'on mette fin au moratoire le plus tôt possible, dans le respect des droits de chacun, et c'est la grâce que je nous souhaite de tout coeur. Voilà.

Le Président (M. Gautrin): Merci, merci. M. le ministre, pour conclure, il vous reste trois minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'en prendrai pas tant...

Le Président (M. Gautrin): Merci, merci.

M. Bourbeau: ...mais je n'ai pas dit que je n'en prendrais pas.

Le Président (M. Gautrin): Non, non, allez-y, allez-y.

M. Bourbeau: Je tiens à remercier le Conseil du patronat pour une prestation encore bien au-delà de la moyenne et dire que j'espère moi aussi qu'on pourra bientôt déposer une législation qui sera de nature à rallier tous les esprits raisonnables, et là-dedans, j'inclus, bien sûr, le député de Pointe-aux-Trembles. Et je formule le voeu que le Conseil du patronat viendra dans quelques mois nous dire que, comme pour les comités de retraite et les assemblées annuelles, on aura eu raison de déposer la nouvelle législation. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, on a dit que le projet de loi 116 était moins pire qu'on pensait, on n'a pas dit que c'était un bon projet.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Je tiens à vous remercier pour votre prestation et je vais appeler maintenant...

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je voudrais, moi aussi, vous remercier, votre présidence et les membres de la commission. Je voudrais aussi dire au ministre que si la Régie des rentes, dans la rédaction de tout projet réglementaire ou autrement, veut bénéficier des services du secteur privé, mes collègues sont tout à fait disponibles pour bien s'assurer que ce qui en sortira sera le moins complexe possible.

M. Legault: S'il y a des problèmes qu'on ne peut pas surmonter, on y fera appel sûrement.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors nous sommes prêts à passer... On ne suspend pas, on ne suspend pas. L'Institut canadien des actuaires. Alors, je pense que, de facto, on va suspendre pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Repriseà17h46)

Le Président (M. Gautrin): La commission reprend ses travaux et nous sommes heureux d'accueillir l'Institut canadien des actuaires. Vous êtes M. McCrossan?

Institut canadien des actuaires M. McCrossan (Paul): Oui. Le Président (M. Gautrin): Et c'est vous qui

allez faire la présentation?

M. McCrossan: Oui. Je vais commencer.

Le Président (M. Gautrin): Voulez-vous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

M. McCrossan: Merci, M. le Président. Il me fait grand plaisir d'assister aujourd'hui à cette réunion de la commission parlementaire des affaires sociales comme président désigné de l'Institut canadien des actuaires. D'abord, je voudrais introduire mes collègues, Danielle Morin, membre du conseil de l'Institut, Marc Fernet, vice-président de l'ICA, et Pierre Courcy, membre de notre Commission de liaison avec les pouvoirs publics en matière de régimes de retraite. L'Institut canadien des actuaires est l'organisation professionnelle de tous les actuaires au Canada, c'est-à-dire plus de 1600 "fellows"; plus de 400 de ces actuaires sont actifs dans le domaine des régimes de retraite incluant, notamment, la conception, l'administration, l'évaluation et le financement. Je voudrais aussi présenter nos priorités formant la base de notre mémoire. Nous pensons que le premier objectif d'un projet de loi concernant les régimes de retraite devrait être de protéger les droits des participants en s'assurant que les actifs du régime seront suffisants pour acquitter ces droits. Deuxièmement, nous cherchons l'encouragement de la création et du maintien des régimes de retraite. Troisièmement, il reste les autres "issues" comme la propriété des excédents d'actif. Notre conclusion est que la proposition gouvernementale ne respecte pas suffisamment les deux premiers objectifs. Bref, beaucoup de provinces étudient et la propriété et l'utilisation des excédents d'actif aujourd'hui. Il y aura une grande conférence de l'Institut canadien des actuaires, de l'Association canadienne des organismes de réglementation et de l'Institut canadien de la retraite cet automne sur ce sujet. Nous souhaitons qu'on cherche un consensus national en ce qui concerne la propriété des excédents et même l'utilisation des excédents d'actif. Sans un tel consensus, nous avons peur que l'avenir des régimes de retraite à prestations déterminées soit diminué. Maintenant, Marc Fernet va faire des commentaires généraux sur la proposition.

Le Président (M. Gautrin): M. Fernet.

M. Fernet (Marc): Merci. Premièrement, M. le ministre sera heureux d'apprendre que nous sommes tout à fait derrière lui en ce qui a trait à la levée du moratoire. Nous croyons que c'est une excellente initiative du gouvernement. Pas nécessairement la semaine prochaine ou dans deux semaines, mais c'est le temps de se pencher sur la question. Cependant, comme Paul l'a indiqué, nous croyons que la proposition comme telle aurait des effets négatifs sur les régimes de retraite en deux points. Premièrement, sur la capitalisation des régimes, il nous apparaît évident que ça aurait un impact négatif. Du moment que vous distribuez un excédent d'actif, ça baisse évidemment le niveau de sécurité des prestations immédiatement, mais à plus long terme, nous croyons que ça amènera les parrains de régimes à diminuer beaucoup le conservatisme du provisionnement. Et ce n'est pas au bénéfice des participants. Et deuxièmement, nous croyons qu'en intervenant dans les arrangements contractuels entre parties, la proposition ne favorisera pas la création ou le maintien des régimes de retraite. Il y a un nombre non négligeable de régimes où les arrangements contractuels sur la propriété du surplus sont très bien définis. Le surplus appartient soit à l'employeur, soit aux participants et c'est clairement établi, et en intervenant, ça ne favorise pas la compréhension entre les parties qui va favoriser la création et le maintien des régimes. Et surtout, ça suscite, nous croyons, la crainte d'interventions ultérieures.

Ceci dit, il y a deux points sur lesquels j'aimerais insister. C'est, premièrement, le principe de l'application universelle de la proposition. Les remboursements d'excédents d'actif au Québec, présentement, ne sont pas permis, et, dans le document de consultation, nous ne voyons rien qui nous indique la nécessité de changer cet état de chose. Alors, nous croyons que ce principe-là devrait être préservé. Et, finalement, nous croyons que toute solution, pour qu'elle soit harmonieuse à long terme, devrait comprendre l'accord des parties. Et nous croyons que le problème, fondamentalement, devrait être réglé entre les parties, par négociation ou de quelque façon que ce soit. Nous avons, dans notre mémoire, proposé deux, approches distinctes. Et sur ça, je laisse la parole à Danielle qui va traiter de certains commentaires techniques sur la proposition.

Le Président (M. Gautrin): Mme Morin.

Mme Morin (Danielle G.): Oui. Mon intervention se limitera à deux points techniques du document de consultation. Premièrement, l'uniformisation des hypothèses et des méthodes actuarielles et, deuxièmement, la contribution des parties. Le premier point. La capitalisation d'un régime est effectuée selon des méthodes et des hypothèses qui tiennent compte des circonstances particulières de chaque régime. Ces hypothèses-là sont déterminées en tenant compte de l'expérience démographique anticipée pour le groupe, de l'expérience économique, du désir de conservatisme ainsi que du désir de faire des provisions pour des améliorations possibles futures au régime. Et, finalement, la prescription d'une base actuarielle uniforme pour la déter-

mination de l'excédent d'actif peut avoir des conséquences indésirables. Par exemple, si l'expérience du régime est moins favorable que celle de la base uniforme, la distribution peut donner lieu à un déficit qui doit être remboursé ultérieurement par les responsables du régime. Deuxièmement, la marge de capitalisation pour amélioration future des prestations peut être distribuée à des participants qui ne sont pas visés par ces améliorations-là. Un dernier exemple: elle peut donner lieu à une distribution, alors que le régime est en déficit sur une base de capitalisation.

Mon deuxième point, la contribution des parties. La contribution des parties devrait être déterminée en tenant compte de toutes les cotisations qui ont été versées depuis la création du régime. Deuxièmement, les cotisations des participants actifs, au moment d'une distribution, ne sont pas nécessairement représentatives des contributions de toutes les parties au régime. Exemple ici encore: la contribution des retraités au financement de leurs prestations est normalement moindre que celle des participants actifs, ou encore la contribution des participants actifs peut varier matériellement pendant la période du régime. Et, finalement, attribuer une part de l'excédent d'actif aux participants d'un régime non contributif n'est pas toujours justifiable ou justifié.

Alors ça, ce sont les deux points techniques que je voulais faire. Maintenant, je vais passer la parole à Pierre pour terminer notre présentation.

M. Courcy (Pierre): Donc, j'aimerais vous souligner quelques points ou quelques questions pratiques qui, disons, sont soulevés par la proposition. La première, c'est la fréquence des événements qui vont produire ou mener éventuellement à des distributions. Donc, on a des complications administratives importantes qui peuvent survenir. Entre autres, si on parie du point de vue actuariel, des évaluations actuarielles peuvent survenir, disons, dans le temps, dans certains cas, à beaucoup de reprises. Donc, c'est un élément important à considérer.

L'autre élément, étant donné qu'il faut faire des évaluations dans le temps, il y- a une question de données, des informations qui vont devoir être requises ou disponibles à ces moments-là. Donc, encore une fois, si ce n'est pas toujours facile de les récupérer, il peut y, avoir, encore une fois, des approximations qui vont devoir être utilisées, donc, problème. L'autre élément de la fréquence, c'est qu'on pourrait, entre autres, parier aussi de flexibilité, de dire que, quand les régimes sont capitalisés, on a une flexibilité, on peut dire, intrinsèque dans le développement, une flexibilité utile d'avoir des montants, donc la distribution vient un peu s'immiscer dans ce genre de situation là également. En l'absence de consensus, on peut aussi se poser la question suivante: un régime dans lequel il y a des participants dans différentes provinces, ou dans une province autre que le Québec, qu'est-ce qui advient de la mécanique, finalement, qu'on va vouloir amener pour la distribution? Encore une fois, je pense que c'est un élément important à soulever.

Un autre point important, c'est les règles fiscales. On a souligné dans les interventions précédentes, que les surplus, entre autres, sont un peu limités par ce qu'on appelle Revenu Canada. Donc, encore une fois, lorsqu'on a un surplus, actuellement, on ne peut pas le transférer dans un régime enregistré d'épargne-retraite d'un employé. Les règles fiscales actuelles nous l'interdisent. Encore là, est-ce que la proposition va devoir tenir compte de cette situation-là?

L'autre élément aussi, c'est que l'attribution d'un surplus, encore une fois, toujours dans la réforme des pensions qui s'est installée au Canada depuis 1991, va devoir nous créer ce qu'on appelle des facteurs d'équivalences pour services passés. Donc, c'est une complication, administrative, encore une fois, imprévue. Si on recule en arrière, ce n'était pas quelque chose qu'on devait peut-être penser, mais, aujourd'hui, c'est une interrogation qu'on doit se poser au niveau de la proposition. Un élément très important, peut-être non quantifiable, mais qui va prendre une part importante, c'est la communication avec les participants. Lorsqu'on va avoir des distributions à faire, il va falloir expliquer aux participants comment ça fonctionne, ces choses-là. Est-ce que ça va être simple? Je pense qu'on va avoir justement un gros élément d'information à donner à ce niveau-là, et on peut avoir des régimes quasi identiques, dans lesquels il y a des distributions, alors que dans d'autres, il n'y en a pas. Donc, encore là, ça va amener des situations un peu, disons, embarrassantes ou interrogeantes pour le moins. Le processus administratif de la proposition est également, de prime abord, assez lourd, compte tenu qu'il va falloir faire des transferts à des régimes de retraite immobilisés ou tenir en registre, dans les dossiers du régime, pour ceux qui n'auront pas transféré, des informations à ce niveau-là.

Et enfin, un élément qui va apparaître, c'est les coûts administratifs supérieurs; ça n'apportera pas de sécurité aux participants, ces choses-là, d'amener une enveloppe administrative plus importante. Donc, pour une entreprise spécialement, qui a plusieurs régimes ou avec des employés dans plusieurs provinces, c'est des complications auxquelles les employeurs devront faire face. C'est un certain point concernant les questions pratiques, ce n'est pas des solutions, c'est plutôt des interrogations.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Courcy. M. le ministre, êtes-vous en mesure de

faire quelques commentaires, quelques questions?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Ce qui revient fréquemment là-dedans, les témoignages des gens qui se présentent devant nous, c'est qu'on nous dit, de plus en plus, si je ne m'abuse. Laissez donc les parties s'entendre. Vous nous avez dit ça, hier. Laissons donc les parties s'entendre. Moi, il n'y a rien de mieux que je préférerais que de laisser les parties s'entendre. En fait, il n'y a rien de pire pour nous que d'intervenir dans des dossiers comme ça. De toute façon, on est toujours perdants. La Presse disait hier que j'avais fait l'unanimité. Mais remarquez que j'aurais pu écrire l'article il y a une semaine, parce que j'étais convaincu que je ferais l'unanimité contre la solution qu'on propose, bien sûr. D'un côté, j'ai les syndicats qui nous disent que ce n'est pas assez, et, de l'autre côté, j'ai des employeurs qui nous disent que c'est trop. Bon. Alors... Mais ça...

Le Président (M. Gautrin): Vous êtes dans le juste milieu.

M. Bourbeau: Ça, M. le Président, avec quelques années de recul et l'expérience que j'ai, j'aurais pu écrire cet article-là avant, sauf que ça ne règle pas le problème. Et moi aussi, je serais bien tenté de dire: Laissons donc les parties s'entendre. Le problème, c'est que si on dit: Très bien, on ne bouge pas, on ne légifère pas, on laisse les parties s'entendre. Pendant le temps que les parties vont s'asseoir pour s'entendre, ça peut prendre un mois, six mois, un an, trois ans, il y a des employeurs qui prennent des congés de cotisations. Et s'il y a des surplus, avec le temps, les discussions, il n'y en aura même plus, parce qu'il n'y aura plus de surplus parce qu'on parle de s'entendre sur le partage d'un surplus. Encore faut-il qu'il y ait un surplus pour s'entendre? Comment est-ce que je peux raisonnablement dire: Très bien, entendez-vous, on va suspendre toute action gouvernementale ou législative, et m'assurer que les ententes vont survenir dans un laps de temps raisonnable pour éviter que, comme dirait le député de Pointeaux-Trembles, on vide la baignoire à la petite cuiller pendant ce temps-là. (18 heures)

Le Président (M. Gautrin): Qui veut répondre? M. Fernet

M. Fernet: Nous ne suggérons pas nécessairement que le gouvernement ne fasse rien. Nous suggérons que le fond du problème soit réglé par les parties. Mais il y a des domaines où le gouvernement peut intervenir et d'ailleurs est déjà intervenu. On parle de la question des congés de cotisations, par exemple. Il y a des dispositions légales sur ça présentement. La loi 95 a confirmé le droit d'un employeur de prendre un congé de cotisations. Donc, il y a des dispo- sitions légales. Ça ne veut pas dire que le gouvernement ne peut pas regarder à nouveau ces dispositions légales là sur les questions de congé de cotisations. Et dans cet ordre d'idées là, le gouvernement pourrait regarder les solutions qui font un certain parallèle entre ce qui est requis par la loi dans le cas d'un déficit et ce qui sera permis dans le cas d'un congé de cotisation.

M. Bourbeau: Est-ce que je dois comprendre de ce que vous me dites que le gouvernement pourrait dire: On n'intervient pas, mais on prolonge le moratoire et on ajoute au moratoire l'interdiction, par exemple, de congé de cotisations. C'est ce que vous me dites. On dirait: A partir de maintenant, le gouvernement ne fera rien, ne légiférera pas, on maintient ie moratoire pour un certain temps pendant que les parties discutent et on interdit les congés de cotisations. C'est ça que vous me dites?

M. Fernet: Je ne vous parie pas d'interdire les congés de cotisations. Je parle de les mettre peut-être - et c'est une solution parmi d'autres à regarder - sur le même pied que les déficits, parce que, quand il y a un déficit, l'employeur n'a pas à combler immédiatement le déficit, il y a une période d'amortissement. Alors, dans le cas des congés de cotisations, ça pourrait être quelque chose de similaire qui pourrait être... En d'autres termes, présentement, s'il y a 10 $ de surplus, l'employeur peut réduire sa cotisation de 10 $. S'il y a 1 000 000 $, il peut réduire sa cotisation de 1 000 000 $.

M. Bourbeau: Oui, mais s'il fait ça pendant qu'on discute sur le partage du surplus, bien, au moment où on va s'entendre, il n'y en aura plus de surplus, parce qu'il va avoir pris les 1 000 000 $ en congé de cotisations. Comment puis-je éviter que ça se produise ça?

M. Fernet: II y a quand même une différence entre un remboursement de surplus et un congé de cotisations. La différence étant que, dans le cas d'un remboursement de surplus, malgré que dans la proposition on parle d'une marge de sécurité, ça peut vider une partie non négligeable de la caisse. Vous avez des régimes où l'excédent d'actif peut être égal à la moitié de la caisse, autant que ça. Alors, même avec une marge de sécurité, ça peut enlever un bon montant. Dans un cas de même, un congé de cotisations va prendre pas mal plus de temps pour vider la caisse.

M. Bourbeau: Oui, mais ça, ce n'est pas la norme, des excédents d'actif aussi importants.

M. Fernet: Mais, en tout cas, il y a un point que je voudrais rendre clair. Ce que j'entends par appareiller le traitement des congés

et des cotisations au traitement des déficits, c'est que, dans le cas d'un déficit, l'employeur bénéficie d'une période pour combler le déficit. Est-ce que, dans le cas d'un congé de cotisations, il pourrait y avoir aussi une période pour prendre le congé de cotisation sur la même base, c'est-à-dire qu'il ne pourrait pas utiliser plus que la partie du surplus amorti sur la même période qu'un déficit?

M. Bourbeau: Donc, ce ne serait pas un... Mais un congé de cotisations, en général, un employeur peut le prendre tant qu'il y a un surplus, puis quand il n'y a plus de surplus, il n'a plus le droit de prendre des congés de cotisations.

M. Femet: Exact.

M. Bourbeau: Vous me dites que, là, on pourrait se contenter d'un congé de cotisations qui durerait moins longtemps ou qui ne viderait pas tout le surplus. C'est ça que vous me dites?

M. Fernet: En fait, qui aurait pour effet de contrebalancer, si vous voulez, le traitement des déficits, c'est-à-dire, oui, d'étirer le congé de cotisations. Si on regarde la capitalisation à long terme d'un régime, dans le meilleur des mondes, II n'y a jamais de surplus ou de déficit. En pratique, n'importe quel actuaire va vous dire qu'il va y avoir soit des surplus, soit des déficits, parce que jamais l'expérience du régime ne sera conforme aux hypothèses.

Alors, qu'est-ce qui se passe quand on a un déficit? On prend une période pour le combler. Est-ce que, de la même façon, on ne devra pas prendre une période pour éliminer le surplus? Appelons ça "éliminer", parce qu'effectivement, le congé de cotisations va avoir pour effet à long terme d'éliminer le surplus.

M. Bourbeau: Mais c'est là qu'est le problème. Les travailleurs, ils ne veulent pas l'éliminer, le surplus, ils disent que ce surplus-là, ça leur appartient. Et nous autres, on vous dit: On ne sait pas si ça appartient aux travailleurs ou aux employeurs, mais peut-être qu'on pense que ça appartient peut-être aux deux, et on voudrait que les parties s'entendent pour partager ce surplus-là. Mais il ne peut pas être partagé si les employeurs le retirent petit à petit avec des congés de cotisations. C'est ça, là, on ne peut pas avoir son gâteau et le manger en même temps.

Dans votre rapport, en page 8, vous demandez plus de flexibilité et vous allez même jusqu'à suggérer la prolongation du moratoire pour donner le temps aux parties, comme vous dites, de redéfinir leurs responsabilités financières respectives. Et une fois qu'une entente serait intervenue, le moratoire pourrait être levé à l'égard de ce régime-là, c'est-à-dire que le moratoire pourrait être levé régime par régime après qu'il y aurait eu une entente. Ça m'ap-paraît une solution qui pourrait être intéressante. Pourriez-vous élaborer un peu sur cette proposition-là?

M. Fernet: Bien, quand vous avez mentionné tantôt que vous ne pouvez pas attendre que tous les surplus soient vidés pour agir, c'est une façon d'agir du gouvernement qui laisserait aux parties la possibilité de régler entre elles, non pas la question des surplus, mais la question des responsabilités financières vis-à-vis du régime. Parce que les surplus, ce n'est qu'un des éléments de toute la capitalisation du régime. Alors, ça laisserait aux parties la possibilité de convenir entre elles comment elles vont partager la responsabilité financière pour le régime.

Le Président (M. Gautrin): Moi, j'aurais une question. Allez-y, M. Fernet.

M. Fernet: Et dans cet ordre d'idées là, rien n'empêcherait les parties de convenir par exemple que le financement du régime va se faire selon un taux, une répartition prédéfinie entre l'employeur et les participants de telle sorte que, s'il y a un déficit, il va être comblé par les deux parties et, s'il y a un surplus, les deux parties vont en bénéficier. Et moi, je me suis occupé d'un régime qui marchait sur cette base-là. On avait convenu, entre l'employeur et les employés, quelle partie des cotisations était versée par les employés et quelle partie était versée par les employeurs, et si un surplus survenait, on ajustait les cotisations des deux.

Et ça, c'est le genre d'entente qui est de loin préférable à toute intervention arbitraire dans ce qui est essentiellement un contrat. Je pense que ce n'est pas la première fois que ça se dit, on l'a entendu dans les témoignages précédents. C'est un contrat entre les parties et les parties devraient s'entendre, mais s'entendre non pas uniquement sur le partage des déficits, mais surtout sur la responsabilité financière, idéalement, en tout cas. Et en laissant le moratoire en place pour le lever régime par régime à mesure que les parties s'entendent, bien ça donne une pression pour qu'elles s'entendent. Autrement, dans 10 ans, elles ne se seront pas entendues.

Le Président (M. Gautrin): Moi, j'ai une question à poser. Et je voudrais la poser à Mme Morin. Vous vous êtes prononcée contre l'uniformisation des paramètres actuariels. Dans votre argumentation, vous avez dit, bien sûr, que, si on uniformisait les paramètres actuariels, on ne tiendrait pas compte de l'histoire de chacun des groupes en termes d'histoire économique, ou d'histoire démographique de chacun des groupes, ni de l'histoire de la caisse. Ça, je comprends tout à fait.

Vous avez rajouté un point que je n'ai pas compris, et je voudrais que vous me l'expliquiez. Vous avez dit aussi qu'il ne faut pas uniformiser des paramètres actuariels parce que la caisse peut varier suivant les volontés des gens d'utiliser les surplus pour bonifier les prestations. Ça, je n'ai pas compris quel lien il y a à ça avec la détermination des paramètres actuariels.

Mme Morin: O.K. Le point qu'on veut faire ici, c'est tout simplement de pouvoir dire: On améliore les rentes des retraités.

Le Président (M. Gautrin): Oui.

Mme Morin: C'est un désir que l'employeur peut avoir d'améliorer les rentes des retraités. Dans un autre groupe, ce qu'ils vont vouloir faire, c'est d'améliorer les bénéfices des gens qui sont actifs en améliorant leurs prestations ou en changeant la formule de paiement. Si on donne des hypothèses uniformes, ça enlève la flexibilité à l'employeur de dire...

Le Président (M. Gautrin): Pourquoi les bénéfices que vous en tirez, ça a un lien avec la fixation des paramètres actuariels que vous déterminez au départ? Ça, je ne comprends pas.

Mme Morin: Parce que, des fois, le conservatisme est pris dans le taux d'intérêt pour les retraités.

Le Président (M. Gautrin): Ça, je comprends, madame.

Mme Morin: Alors, à ce moment-là, ce qui arrive, c'est que, quand vous fixez vos hypothèses actuarielles, vous pouvez dire: Une des choses que je veux faire, c'est améliorer les bénéfices à mes retraités, et on utilise un taux d'intérêt plus bas pour se créer une marge. Si vous établissez une règle uniforme pour tous les régimes, vous enlevez cette possibilité-là de varier d'un régime à l'autre, la possibilité de faire des améliorations, dans ce cas-ci, pour les retraités.

Le Président (M. Gautrin): Je ne suis pas sûr que je vous comprends, mais enfin, je vais passer la parole à... Parce que je ne vois pas le lien qu'il y a entre les bénéfices que vous retirez et la manière dont vous pouvez éventuellement utiliser un surplus actuariel avec la détermination des paramètres qui vous permettent justement de déterminer ces surplus. C'est ça que je ne comprends pas.

Excusez-moi, M. Fernet.

M. Fernet: Si on mettait ça en chiffres, peut-être que ça serait plus facile à comprendre.

Le Président (M. Gautrin): Allez-y.

M. Fernet: Alors, disons qu'un régime aurait normalement un passif, c'est-à-dire que la valeur de toutes les prestations serait normalement de 10 000 000 $. Et sur ça, vous avez des retraités qui représentent 4 000 000 $. L'employeur peut consciemment dire: Pour mes retraités, au lieu d'évaluer mon passif de façon habituelle, je vais être plus conservateur. Et au lieu d'évaluer à 4 000 000 $, je vais évaluer à 5 000 000 $. Et le 1 000 000 $ additionnel, c'est une réserve pour indexer les prestations. L'employeur le fait comme ça parce qu'il ne veut pas, contractuelle-ment, indexer les prestations, mais il le fait en se bâtissant une réserve.

Alors, si vous voulez mettre des hypothèses uniformes, les 1 000 000 $, ils retombent en excédents d'actif et ils peuvent être distribués aux employés...

Le Président (M. Gautrin): Pour les autres raisons, je comprenais pourquoi vous étiez contre les paramètres uniformes, mais je n'avais pas compris ce point de vue là.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, il est assez rare qu'on règle un problème quand on ne convient pas que le problème existe. Alors, s'il n'y avait pas eu Simonds, Singer et les autres, on ne serait pas ici. Ce qui me frappe dans tous les exposés qu'on a entendus, c'est que l'Alcan, la CSN, la FTQ, la CSD, la CEQ et l'Institut canadien des actuaires qui est devant nous, tous sont contre le décaissement, l'appropriation de surplus d'actif en existence de régime. J'espère que le ministre va en prendre acte et en tenir compte et qu'il ne dira pas: La preuve que j'ai raison, c'est que tout le monde est contre moi. Ça, c'est une logique qui est infernale. Dans nos villes, ça amène des gens à se barricader avec une 30-30, et puis ils pensent qu'ils ont raison vu que tout le monde est contre eux autres.

Les congés de cotisations, par la loi 95, le ministre les a permis abusivement, ce qui a permis le décaissement qui est déjà commencé. Et c'est notre formule de dire qu'il a permis que le bouchon dans la baignoire soit partiellement levé. Donc, il est urgent de resserrer les congés de cotisations. Puis une des bonnes pistes de réflexion pourrait être la proposition de la CSN qui a été jugée recevable par la FTQ, et que le Conseil du patronat regarde et est prêt à examiner. C'est déjà ça. Donc, le décaissement, le ministre le permet déjà et puis il faudrait qu'il l'arrête.

Et j'ajoute, M. le Président, que je suis un peu las d'entendre le ministre dire: Je suis las et comme j'ai tout donné au patron à terme, j'ai juste à laisser aller et les travailleurs vont en manger une. Il faut qu'il se secoue, qu'il devienne positif et qu'il ne permette pas les détournements de fonds qui se font à l'heure actuelle. C'est de ça qu'il est question, de détournements

de fonds. De l'argent placé dans des caisses de retraite et qui, quant à nous de l'Opposition officielle, ne doit servir qu'à des prestations de retraite est actuellement retiré par le biais des congés de cotisations. Et le ministre, dans son document, dit: Ah! puis en paquet, aussi, pas juste à tempérament. Donc, il est urgent de modifier la loi 95 pour resserrer considérablement la notion des congés de cotisations.

Le décaissement: l'Institut canadien des actuaires nous dit qu'il est contre, comme l'Alcan, comme tous les autres. Bien, ça devrait faire et ça devrait suffire. Il resterait quoi comme problème à résoudre? Donc, après avoir limité les abus qui se commettent actuellement en termes de congés de cotisations, après avoir laissé l'interdit actuel quant à l'appropriation des surplus d'actif... Et ça, ça fait l'unanimité des partis, y compris du Conseil du patronat, bien que plus nuancé quelque peu. Et la notion de à qui appartient l'argent lors de la terminaison, pour nous, de l'Opposition, elle est double. On ne devrait pas permettre à une entreprise en opération de cesser sa caisse de retraite. Et si une entreprise ferme, on pense que tout l'argent devrait aller aux participants, parce que c'est pour ça que l'argent a été placé là. Je ne reprends pas la longue digression sur les salaires différés. On n'a pas assez de caisses de retraite privées au Québec, et il ne faut pas en enlever des milliards pour les donner aux entreprises qui ferment et qui quittent. Il faut donc les donner aux participants. Il y en a eu dans la salle tout le temps de nos audiences, pas n'importe qui, des gens qui sont déjà à la retraite et pour des entreprises pas minimes, comme Hydro-Québec, par exemple, et qui estiment que les excédents accumulés devraient servir à valoriser leur retraite plutôt que d'être appropriés par l'employeur. Nous, on pense que c'est ça qui doit se faire.

Maintenant, sur la notion de contrat, on me permettra d'être un peu sceptique d'entendre tout le monde dire soudainement: Oui, oui, c'est un contrat. D'abord, la loi 116 ne permet que depuis le 1er janvier 1990 aux salariés, syndiqués ou pas, de participer à un comité de retraite et d'avoir une information complète sur leur retraite. Et le président de la Régie est issu d'une organisation où le fonds de bienfaisance a été quitté en 1892. Donc, ça a pris presque un siècle pour l'avoir. Grâce à qui? Grâce au ministre qui est là. Sauf que le même ministre nous propose, dans son document, d'aller à rencontre de toutes les tendances observées et de décaisser, d'enlever l'argent des fonds. Nous, notre position est assez simple. On pense comme la population, que Simonds et Singer volaient de l'argent du fonds de pension pour s'en aller à l'étranger avec. "C'est-u" assez clair? Et, en ça, on est en bonne compagnie. Ce phénomène-là, le premier ministre actuel de l'Ontario appelait ça du vol légalisé. Alors, il ne faut pas que la loi vienne le permettre et il faut même enlever le trou qu'il y a dans la loi 95 actuelle qui prend la forme de congés de cotisations sans justification.

Comme nos amis de l'Institut canadien des actuaires n'étaient pas là lors de la présentation du mémoire de la CSN, je répète ce qu'elle disait, c'est que, si l'employeur finance un déficit non prévu, on pourrait considérer ça comme des avances que les congés de cotisations rembourseraient à l'employeur. Donc, ce n'est pas absolu. Mais actuellement, le ministre le disait avec raison, s'il se sert de sa lassitude et qu'il laisse aller, il y a un certain nombre d'entreprises qui sont en train de vider les fonds qui sont prévus là.

En conclusion, M. le Président, je voudrais, d'une part, remercier l'Institut canadien des actuaires de nous avoir déposé un mémoire. Je voudrais donner avis qu'en vertu de l'article 176 du règlement...

Le Président (M. Gautrin): Après. Là, on est dans...

M. Bourdon: Après. O.K.

Le Président (M. Gautrin): Attendez un instant.

M. Bourdon: Pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Conserve ça, dans un instant.

M. Bourdon: II n'y a pas plus discipliné que moi.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le ministre, voulez-vous remercier l'Institut canadien des actuaires.

M. Bourbeau: Oui. Avec une certaine réserve sur la dernière phrase du député de Pointe-aux-Trembles, M. le Président, il me fait plaisir de remercier les gens de l'Institut canadien des actuaires pour leur contribution, tout en les assurant que nous allons prendre en bonne considération les propos qu'ils nous ont tenus. Merci.

Le Président (M. Gautrin): je vous remercie de l'information que vous avez eu la gentillesse de nous donner. est-ce que vous avez des remarques à faire avant de quitter?

M. Fernet: Pardon?

Le Président (M. Gautrin): Avez-vous quelques remarques à faire avant de nous quitter?

M. Fernet: Oui. Une remarque que nous

tenons à faire, c'est que, premièrement, nous voulons vous remercier de nous avoir donné l'opportunité de nous exprimer ici. Et, deuxièmement, nous croyons que la question des excédents d'actif n'est qu'un des problèmes des régimes de retraite et nous espérons qu'on regardera les autres problèmes aussi, et non pas seulement celui-là.

Le Président (M. Gautrin): Je tiens à vous remercier. Maintenant, nous sommes à l'étape des remarques finales et vous pouvez faire votre remarque finale.

M. Bourdon: M. le Président, je ne voudrais pas que l'ensemble des mémoires d'une grande qualité et des échanges fructueux qu'on a eus avec les intéressés, pendant ces deux jours de commission parlementaire, restent sans suite. En conséquence, je vous prierais de demander à la secrétaire de la commission de transmettre à la présidente de la commission, la députée de Taillon, une demande expresse que je formule d'avoir une séance de travail pour discuter des suites à donner à ce qu'on a entendu. Je suggère que ce soit inscrit à la séance de travail déjà prévue le 20 mars 1991 et, en conséquence, que la présidente de la commission donne avis à tous les membres de la commission qu'on va revenir là-dessus. Moi, je suis optimiste. Même si le ministre et moi avons des tempéraments fougueux à l'occasion, je pense qu'on va s'entendre. Je pense qu'on va finir par trouver un moyen de bonifier les régimes de retraite, de les indexer plutôt que de permettre à d'aucuns de piger dedans.

Le Président (M. Gautrin): Écoutez, je prends acte de votre demande en vertu de l'article...

M. Bourdon: 176.

Le Président (M. Gautrin): ...176. Je comprends que cette demande est consignée au procès-verbal et je comprends aussi qu'un mandat est donné à la secrétaire de la commission de prendre contact avec la présidente de la commission, la députée de Taillon, comme vous l'avez fait remarquer, pour qu'elle statue quant à l'opportunité de convoquer une séance de travail de la commission.

M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques de clôture?

M. Bourbeau: Oui. Je tiens à remercier tous les membres de la commission pour leur assiduité, l'Opposition, les membres de la partie ministérielle, M. le Président, vous-même, pour la sagesse avec laquelle vous avez présidé à nos travaux, de même que votre prédécesseur - vous lui ferez part de nos remerciements...

Le Président (M. Gautrin): Avec plaisir.

M. Bourbeau: ...Mme la secrétaire de la commission, tous les autres membres de la commission, les gens de la Régie, le président de la Régie, M. Legault, ses adjoints qui sont avec nous. Je pense qu'ensemble nous avons fait quelques pas en avant. Est-ce que ça sera suffisant? L'avenir nous le dira, mais je pense que ça va certainement aider à augmenter sensiblement notre compréhension du dossier et certainement éclairer nos lanternes sur les divers points qui ont été soulevés. Maintenant, l'avenir dira si ce sera suffisant pour enclencher le dépôt d'un projet de loi. Quant à moi, je réserve mes commentaires, et je veux, M. le Président, dans les prochains jours, de même que mes adjoints, mettre sur papier mes réflexions et tenter de voir dans quelle mesure on pourra en arriver à une solution le plus rapidement possible. Alors, merci à tout le monde.

Dépôt de mémoires

Le Président (M. Gautrin): Merci. Avant d'ajourner la séance, je vais procéder au dépôt de mémoires qui ont été produits par des personnes ou des organismes qui n'ont pas pu être entendus dans le cadre du présent mandat. Je veux donc déposer un certain nombre de mémoires qui vont être rendus publics au même titre que s'ils avaient été entendus.

Je veux donc déposer le mémoire de l'Association des industries forestières du Québec Itée, le mémoire de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, le mémoire de l'Association des manufacturiers du Québec, le mémoire de l'Association des pompiers de Montréal, le mémoire de l'Association provinciale des retraités d'Hydro-Québec, le mémoire de BCE inc, le mémoire de René Cantin, le mémoire de COGENA (1980) inc., le mémoire du comité de retraite du régime de rentes pour le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal, le mémoire du Comité intersyndical des régimes de retraite et d'assurances collectives, le mémoire de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, le mémoire de la Fédération des policiers du Québec, le mémoire de Gaz Métropolitain, le mémoire du groupe Sobeco inc, le mémoire d'Impérial Tobacco Itée, le mémoire de Johnson & Higgins Willis Faber, le mémoire de Lac d'amiante du Québec Itée, le mémoire de MLH + A inc, le mémoire de Pratt et Whitney Canada inc, le mémoire de TPF et C, le mémoire de l'Union des municipalités du Québec, le mémoire de l'Université McGill et le mémoire de William M. Mercer Itée.

La commission, ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 26)

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