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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le lundi 27 mars 1995 - Vol. 34 N° 5

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 60 - Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Denis Lazure, président
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Lyse Leduc
M. Serge Deslières
Mme Solange Charest
Mme Danielle Doyer
Mme Nicole Loiselle
Mme Claire Vaive
M. Claude Boucher
*M. Bernard Fortin, CF
*Mme Ginette Decoste, idem
*M. Jean-Pierre Lamoureux, idem
*Mme Jennie Skene, FIIQ
*Mme Lucie Girard, idem
*Mme Yolande Brousseau, Les Cercles de fermières du Québec
*Mme Suzanne Paquin, idem
*Mme Sophie Gagnon, idem
*M. Claude Gingras, CSD
*M. Louis Tremblay, idem
*M. Michel Philibert jr, CPJ
*Mme Julie Lévesque, idem
*M. Marc-André Dowd, idem
*Mme Chantale Girouard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures neuf minutes)

Le Président (M. Lazure): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de continuer les consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudet (Argenteuil) sera remplacé par Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) et, toujours, M. Pinard (Saint-Maurice) par M. Lelièvre (Gaspé).

(15 h 10)

Le Président (M. Lazure): Alors, l'ordre du jour pour la séance d'aujourd'hui: d'abord, le Conseil de la famille, ensuite la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, Les Cercles de fermières du Québec et, à 20 heures, la Centrale des syndicats démocratiques, suivie du Conseil permanent de la jeunesse.

Alors, je rappelle brièvement... Je devrais d'abord demander si l'ordre du jour, tel que lu, est adopté. Je conclus que oui, en l'absence de... Merci.


Auditions

Et je demanderais au représentant du Conseil de la famille, M. Bernard Fortin, président, avec ses collègues, de bien vouloir prendre place, de nous présenter ses collègues. Je rappelle les règles du jeu: votre groupe a 15 minutes pour la présentation et, ensuite, chacun des deux groupes parlementaires a aussi 15 minutes.

Alors, M. Fortin, je vous cède la parole. Soyez les bienvenus.


Conseil de la famille (CF)

M. Fortin (Bernard): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, je vous remercie de nous accueillir dans cette enceinte pour la commission qui nous fait l'honneur de nous entendre. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui, avec moi, au nom des membres du Conseil de la famille, tenteront de vous sensibiliser aux principales questions que le projet de loi 60 soulève pour nous. Je voudrais d'abord excuser Mme Monique Tessier, vice-présidente du Conseil, qui, pour des raisons professionnelles, a dû demeurer à Montréal. Mais je suis quand même accompagné de Mme Ginette Decoste, qui est analyste au Conseil, et de M. Jean-Pierre Lamoureux, à ma gauche, qui est secrétaire général du Conseil.

Il nous apparaît d'abord important de situer le Conseil, de le situer brièvement, le Conseil de la famille. Organisme d'étude, de recherche et de consultation, le Conseil, par son mandat, veut être attentif aux besoins des familles pour rendre compte au gouvernement de la réalité vécue par les familles québécoises particulièrement au moment de la révision ou de l'adoption de politiques ou de programmes qui ont des incidences sur la famille. C'est pourquoi il prend aujourd'hui le soin de vous livrer sa réflexion sur la question du paiement des pensions alimentaires telle que prévue par le projet de loi 60, déposé le 2 février 1995 par Mme Jeanne Blackburn, ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine.

Le Conseil a déjà signifié publiquement sa préoccupation au sujet des pensions alimentaires, notamment en février 1993 lors de la commission du budget et de l'administration sur le financement des services publics au Québec, et le 30 juin de la même année dans une lettre adressée à M. Gil Rémillard, alors ministre de la Justice. À ces occasions, le Conseil concluait à la nécessité d'instaurer un système de perception automatique des pensions alimentaires basé sur les besoins réels des familles et des enfants, particulièrement les plus vulnérables, ce système devant être suffisamment ferme afin de pouvoir «civiliser» la période suivant la rupture conjugale et assainir les relations hommes-femmes pour le plus grand bien des enfants. En définitive, le Conseil insistait sur la nécessité de signifier aux débiteurs fautifs le caractère obligatoire et essentiel du paiement des pensions alimentaires.

Le projet de loi 60, tel que présenté, facilitera certainement le paiement des pensions alimentaires en donnant des garanties au créancier «en vertu d'un jugement rendu au Québec», selon l'article 1. Aussi contraint-il le débiteur, dans des limites acceptables, puisque ce dernier a la possibilité, d'après l'article 3, d'être exempté et de «demander au ministre l'application d'un autre mode de perception s'il en satisfait les conditions», comme le permet l'article 8.

Après analyse, le Conseil est d'avis que, dans son ensemble, la loi proposée présente des avantages par rapport au système actuel, bien qu'elle ne règle pas tous les problèmes. Elle contribuera certes à amoindrir sensiblement les effets de la pauvreté pour un certain nombre d'enfants et de familles en responsabilisant davantage certains débiteurs. Ce système, placé sous la responsabilité du ministère du Revenu, aura la crédibilité nécessaire pour exprimer clairement qu'on ne peut indûment négliger de payer une pension alimentaire ni se servir de ce paiement pour marchander quoi que ce soit. En ce sens, l'application de la loi permettra de marquer, à l'aide d'une pédagogie de choc, l'obligation de remplir ses responsabilités financières envers les enfants après une rupture conjugale.

Le Conseil voudrait cependant exprimer déjà une inquiétude. Au lendemain de l'instauration de ce système, il y a le risque que les pères se sentent désengagés et réduits encore plus qu'auparavant au rôle de pourvoyeur aveugle. Beaucoup se sentiront culpabilisés à tort. Mais on ne doit pas négliger ce sentiment réel. Aussi le gouvernement et les groupes communautaires devraient-ils avoir le souci d'expliquer les valeurs sous-jacentes à cette loi, de demander aux débiteurs fidèles d'accepter la situation à cause d'un sérieux coup de barre à donner et d'inciter certaines mères à favoriser les droits d'accès des pères à leurs enfants. Le Conseil rappelle que cette loi a comme objectif de faciliter le paiement des pensions alimentaires. Elle ne devrait pas avoir pour effet de distancier encore davantage les pères.

Le Conseil élaborera maintenant des commentaires et des recommandations sur certains articles du projet de loi et sur d'autres questions connexes. Sa démarche s'inspirera des critères familiaux du Conseil, critères qui accompagnent toujours ses réflexions et ses analyses quand il examine des projets de mesures qui auront un impact sur les familles. Ces critères portent sur la nécessité d'encourager et de renforcer l'engagement conjugal et parental; de soutenir et de compléter l'effort des familles; d'encourager la force et la durabilité des liens de parenté ainsi que l'influence que les membres de la famille exercent les uns sur les autres; de considérer les familles comme des partenaires compétents; de tenir compte de la diversité des familles; et, finalement, de donner la priorité aux familles les plus vulnérables.

Le Conseil aurait souhaité que davantage de personnes puissent être assujetties aux dispositions de la future loi. La législation proposée ne rejoindra pas tous les enfants ni toutes les familles, puisque n'y seront soumis que les créanciers détenant un jugement rendu au Québec, selon l'article 1, jugement qui a pour objet de fixer ou de réviser une pension alimentaire. Ainsi, tous les couples parents qui rompent leur union, qu'ils aient été mariés ou non, ayant entre eux une entente privée au sujet de la prise en charge financière des enfants, devront nécessairement entamer des procédures judiciaires s'ils veulent bénéficier des avantages et de la protection de la future loi. Dans ce contexte, le Conseil recommande de permettre que soient soumises à la future législation les ententes privées entre ex-conjoints relatives aux pensions alimentaires et qui ne font pas l'objet d'un litige.

L'article 31, pour sa part, limite le temps et le montant des sommes versées par le ministre au créancier à titre de pension lorsque le débiteur fait défaut de payer à l'échéance pendant, et je cite, «au plus trois mois, jusqu'à concurrence de 1 000 $.» Ce montant proposé n'est pas assez élevé, car il ne correspond pas au versement mensuel moyen des pensions pour une durée de trois mois, qui devrait nous donner un chiffre équivalant à 1 380 $. Dans ce contexte, le Conseil recommande d'augmenter au moins à 1 500 $ le montant prévu à l'article 31 en cas de non-versement de pension à l'échéance.

Le Conseil conçoit qu'un système de perception des pensions alimentaires ne peut suppléer indéfiniment au manque de revenu des familles, particulièrement lorsqu'il est très bas. Par exemple, il s'inquiète des conséquences du non-versement de pension à l'échéance lorsque le recours prévu à l'article 31 sera épuisé ou que les sûretés seront réalisées et versées aux créanciers alimentaires. De même, le paiement ou non d'une pension alimentaire influencera la détermination du montant à l'aide sociale. À cette situation s'ajoute celle de la déclaration de paternité en cas de non-mariage qui a une incidence sur la responsabilité parentale.

Le Conseil n'a pas les ressources ni eu le temps de se pencher sur ces facteurs pourtant très importants dans le contexte de ce projet de loi. Dans ce contexte, le Conseil recommande d'entreprendre une étude de la situation des créanciers qui bénéficient des prestations de dernier recours, en ce qui concerne notamment les points suivants: la flexibilité et l'efficacité du mécanisme d'inscription ou de réinscription au ministère de la Sécurité du revenu lorsque la famille n'a plus de revenu de pension; deuxièmement, la déduction des pensions alimentaires, en tout ou en partie, des prestations de dernier recours; et, finalement, la déclaration de paternité.

(15 h 20)

La mise en application du projet de loi pourra être très lourde pour l'administration gouvernementale de même que pour les personnes appelées à verser aux débiteurs des montants périodiques ou qui auront à effectuer une retenue pour le compte du ministère. Il est à craindre que le contexte de restrictions budgétaires actuel compromette l'actualisation de la nouvelle législation, car elle nécessitera des ressources nouvelles et considérables. Dans ce contexte, le Conseil recommande de consentir les ressources suffisantes pour que la future loi puisse être appliquée rigoureusement et efficacement.

Le projet de loi prévoit, à l'article 87, une clause à l'effet de faire un rapport, au cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi, sur l'application de la présente loi. Concernant cet article, le Conseil recommande d'étendre la portée de l'article 87 afin d'évaluer après cinq ans non seulement l'efficacité du système, mais également les effets relatifs aux changements d'attitude et de comportement des pères et des mères, en termes de responsabilisation envers leurs enfants, et l'impact sur leur pauvreté.

Dans un autre domaine, un certain nombre d'accords nationaux et internationaux existent déjà dans le but de percevoir des pensions alimentaires auprès des débiteurs vivant à l'étranger. Dans le contexte de ces ententes, le Conseil recommande d'augmenter le nombre des accords relatifs aux pensions alimentaires avec les États américains et les autres pays avec lesquels nous n'avons pas encore signé afin de pouvoir y poursuivre les débiteurs fautifs.

Le projet de loi présenté prévoit un ensemble de recours qu'il sera possible de faire valoir à l'encontre des débiteurs récalcitrants. La dénonciation des mauvais payeurs auprès des bureaux de crédit semblerait une autre mesure, simple, peu coûteuse et efficace, mais inapplicable dans le contexte de l'article 63, qui indique que «tout renseignement obtenu en vertu de la présente loi est confidentiel». Le Conseil déplore que ce soient trop souvent les créanciers qui fassent l'objet d'une telle procédure auprès de ces instances, parce qu'ils sont eux-mêmes dans l'obligation de s'endetter par défaut du débiteur d'acquitter des dettes alimentaires. Dans ce contexte, le Conseil recommande d'étudier la possibilité de dénoncer les débiteurs auprès des bureaux de crédit, permettant ainsi de considérer les créances alimentaires au même titre que les autres créances.

Enrichie de l'apport des personnes et des organismes qui feront des représentations en commission parlementaire, la future législation sera bénéfique à plusieurs familles et enfants. Cependant, pour être efficace et atteindre les personnes qui en ont le plus besoin, elle devrait être connue de la population. Dans ce contexte, le Conseil de la famille recommande d'entreprendre une vaste campagne multimédia d'information et de sensibilisation sur les objectifs et les possibilités qu'offre la nouvelle législation de manière à atteindre non seulement les créanciers et les personnes démunies ayant charge d'enfants qui pourraient ignorer leur recours, mais à atteindre aussi les débiteurs pour qu'ils y voient des avantages au-delà des contraintes. Multimédia, parce qu'il nous semble important de pouvoir rejoindre les gens qui, dans notre province, sont des analphabètes, les gens qui sont handicapés visuels et les gens qui sont dans des régions éloignées, qui sont de langue différente de la langue française. Je pense que, si on veut que la loi fasse son bout de chemin, il faut qu'on aille rejoindre tous ces gens-là.

Les motifs qui ont inspiré les prises de position antérieures du Conseil relativement aux pensions alimentaires sont les mêmes qui l'animent aujourd'hui. D'autre part, le Conseil trouve inacceptable l'état de pauvreté d'un trop grand nombre d'enfants et de leur famille et, à l'instar du mouvement familial, il croit que les manquements au paiement des pensions alimentaires sont responsables pour une bonne part de leur dénuement.

D'autre part, le Conseil veut rappeler aux parents qu'ils sont au premier chef responsables des conditions de vie de leurs enfants et qu'ils doivent, après une rupture conjugale si pénible soit-elle, continuer d'assumer à deux leurs responsabilités parentales, comme le leur dicte d'ailleurs le Code civil. En ce sens, le Conseil de la famille considère que le projet de loi 60 répond à ces préoccupations dans les limites de la définition et des possibilités que le législateur lui donnera.

Le Conseil est conscient que la future loi ne sera pas une panacée universelle. Si l'aspect de la perception des pensions alimentaires est une voie de solution, restent entières les difficultés reliées à d'autres questions qui doivent trouver réponse à moyen terme. Ainsi, le Conseil presse le gouvernement de traiter en priorité le dossier de la fixation des pensions alimentaires et d'envisager sérieusement la défiscalisation de cette question. En effet, la collecte et le paiement des pensions alimentaires sont des processus qui interviennent à la fin d'une série d'événements habituellement douloureux dans la vie d'une famille. Pour que l'argent ne puisse être l'objet de discordes permanentes, il faut que les ex-conjoints aient le sentiment d'avoir été traités équitablement devant la cour. Des services de médiation devraient les amener à cela. Des guides de fixation du montant des pensions pour les juges permettraient de rationaliser davantage les besoins des enfants, tout comme le retrait des pensions alimentaires du calcul des impôts éviterait une surenchère inutile.

De plus, au-delà du paiement des pensions alimentaires, le Conseil est d'avis que notre société a encore énormément d'efforts à faire pour résoudre l'ensemble des problèmes de pauvreté des enfants et pour pallier aux difficultés économiques des parents. Bien d'autres secteurs de responsabilités devront continuer à redresser la situation.

Trente secondes, M. le Président?

Le Président (M. Lazure): C'est ça.

M. Fortin (Bernard): Ainsi, les secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux devraient sensibiliser les actuels et futurs parents à la responsabilité parentale en valorisant les rôles de père et de mère.

Le secteur du développement économique devrait mobiliser le responsable afin d'améliorer la situation économique des familles les plus démunies, notamment par un accès plus large aux programmes de formation professionnelle et de rattrapage scolaire et par une augmentation des places en garderie pour les enfants de ces familles.

Le secteur des organismes familiaux, communautaires, ecclésiaux et caritatifs devrait continuer à développer la solidarité sociale en faveur de ceux et celles qui ne sont pas immédiatement touchés par la future législation afin de contrer les effets de la pauvreté, dans un contexte de prévention. Et, dans ce contexte, le Conseil continue de croire qu'un soutien financier accru au mouvement familial et communautaire permettrait de mieux centrer en amont les difficultés familiales et conjugales.

Le Conseil croit que la question des pensions alimentaires, pour conclure, comme toutes les questions touchant le bien-être des familles et des enfants, commande une concertation de plusieurs secteurs d'activité. Celle-ci doit être animée d'un consensus social clair et soutenue par une volonté politique forte pour arriver à solutionner véritablement et de façon durable des situations inacceptables. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lazure): Merci, M. Fortin. Mme la ministre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour et merci d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir enrichir les réflexions de la commission sur le projet de loi. Je voudrais vous remercier de votre appui et rappeler ce que vous dites et ce qu'il faut toujours se rappeler: même si la loi est, je pense, assez satisfaisante – le projet de loi – ce n'est pas une panacée à la pauvreté de tous les enfants du Québec. Effectivement, je pense qu'il faut faire plus et aller plus loin.

J'ai quelques commentaires et ensuite quelques questions. Vous dites, et avec raison – ça nous est revenu à quelques reprises: Il faudrait éviter de distancier davantage les parents débiteurs de leurs enfants par ces mesures-là. Nous, on croit, à l'inverse, que ça devrait avoir comme effet de les responsabiliser, et on s'explique. C'est que ça aurait pu avoir cet effet si on n'avait pris que les mauvais débiteurs, où on aurait fait des catégories. Du moment où tout le monde, dès que la loi entre en vigueur, entre dans le système, évidemment à l'exception des ordonnances actuelles où il y a des habitudes de bon paiement, tout le monde doit être traité sur le même pied, parce que c'est reconnu comme étant une obligation pour tous. On pense que ça peut avoir comme effet de responsabiliser puis d'éviter ces catégories.

(15 h 30)

On a voulu une loi aussi qui laissait de la place un peu à ceux qui voulaient s'entendre, mais à ceux également qui ne souhaitaient pas passer par la retenue à la source. Ce qu'il faut toujours rappeler, c'est: la personne qui ne souhaite pas être retenue à la source peut déposer une sûreté et payer directement au ministre du Revenu. C'est quand même important, là. Ce n'est pas tout le monde qui va le choisir, mais la possibilité est là. Évidemment, il y a toutes les autres possibilités d'entente. Alors, on a voulu une loi suffisamment souple, mais respectueuse des gens qui veulent s'entendre.

Il y a deux choses avec lesquelles j'ai comme un peu de difficultés à voir comment on pourrait améliorer nos performances, c'est dans les déclarations de paternité. J'ai fait sortir des données qui peuvent être intéressantes. C'est à la sécurité du revenu. À la sécurité du revenu, on a un certain nombre de familles monoparentales, et on sait que, celles qu'on qualifie de mères célibataires, il y en a 50 000; il y en a environ la moitié pour lesquels la paternité est inconnue, c'est-à-dire 25 000, à peu près. Ça doit représenter quasiment la totalité, parce qu'elles sont plus souvent qu'autrement, malheureusement, à la sécurité du revenu, ces personnes-là. Alors, ça reste, somme toute, important, mais quand même marginal par rapport à l'ensemble des familles monoparentales.

Mais, vous, si vous aviez une suggestion, comment peut-on, d'abord, un, amener une mère à demander au père biologique d'assumer sa paternité, et comment est-ce qu'on va amener les gars qui ne veulent pas reconnaître leur paternité à le faire?

Le Président (M. Lazure): M. Fortin.

M. Fortin (Bernard): Je n'ai pas, évidemment, de solution magique à ça. Je pense que l'intention des membres du Conseil, c'était de soulever cette question de manière que de plus en plus de pères se responsabilisent. Alors, est-ce que c'est par la promotion de cette responsabilité-là ou de ce rôle-là? Mais il me semble que, là, il faut faire en sorte que les pères se responsabilisent par rapport à leurs enfants.

Mme Blackburn: C'est ce que vous recommandez quand vous parlez de mettre à contribution l'éducation?

M. Fortin (Bernard): C'est un peu dans ce sens-là.

Mme Blackburn: D'accord. À la page 6 de votre mémoire, ça nous est venu à quelques reprises, mais, dans la forme où vous le présentez, c'est la première fois, cette idée qu'il faudrait responsabiliser aussi les débiteurs qui sont à la sécurité du revenu. Actuellement, ils ont leurs prestations, et c'est la mère, plus souvent qu'autrement, le parent gardien qui reçoit les prestations pour l'enfant. Alors, ce que vous me dites, si je comprends, c'est qu'il faudrait prévoir, par exemple, que ça puisse être partagé en deux, moi, je l'imagine, partagé en deux entre le père et la mère et, ensuite, ça serait versé à l'enfant pour responsabiliser le parent non gardien.

M. Fortin (Bernard): Pouvez-vous nous dire de quel endroit vous tirez ça, dans notre mémoire?

Mme Blackburn: C'est à la page 6. Alors, là, je dis à la page 6, mais ce n'est pas ça. C'est dans un autre mémoire que j'ai trouvé ça, parce que j'ai lu tous mes mémoires. C'est pour ça que... Et ça me revient, parce que cette idée-là, c'est de dire... Je pense que c'est M. Bouchard qui me présente ça. C'est de dire: Écoutez, on déresponsabilise le père du moment qu'il est à la sécurité du revenu, à l'aide sociale. Parce que, du moment où il est à l'aide sociale, il n'a pas à contribuer. Alors, au moins, essayons de voir comment on peut le faire contribuer pour qu'il garde au moins un minimum de responsabilité vis-à-vis de l'enfant. Votre réaction là-dessus. Je ne sais pas si c'est faisable, mais j'essaie de voir comment on pourrait rajouter cette règle-là, mais ça devrait se faire, ça pourrait se faire.

Mme Decoste (Ginette): Je pense que tout contact que le père aura, parfois les contacts financiers, ne serait-ce que 20 $ par semaine, je pense que ça peut garder pour certains pères des liens. Mais, évidemment, on n'a pas étudié du tout la question, nous, vraiment.

Mme Blackburn: Vous ne l'avez pas examinée?

Mme Decoste (Ginette): Non.

Mme Blackburn: Oui. Sur la déduction des pensions alimentaires, parce que presque tous les mémoires ont abordé cette question, la possibilité que les prestataires de la sécurité du revenu, les familles monoparentales puissent garder, en totalité ou en partie, les rentes alimentaires.

Alors, l'idée, évidemment, n'est pas sans intérêt. Nous y avons pensé. Mais comment? Si on allait à la totalité, ça m'apparaît difficilement envisageable; on créerait une injustice tout à fait criante dans certains cas, parce que vous avez toute votre prestation de la sécurité du revenu et, ensuite, viendraient s'ajouter 200 $, 300 $ ou 400 $ par mois pour les rentes alimentaires. Alors, là, vous auriez un déséquilibre qui serait dénoncé rapidement par les familles qui ne sont pas à la sécurité du revenu et qui sont au salaire minimum.

Qu'est-ce qu'on devrait conserver, selon vous, comme possibilité de retenue, c'est-à-dire à ne pas être prise en compte dans la prestation de sécurité du revenu? Quelle portion: 40 $, 50 $, 15 $? Je pense qu'en Australie c'est 15 $ par enfant?

M. Fortin (Bernard): C'est ça. Dans le fond, les membres du Conseil se sont posé un peu cette même question-là...

Mme Blackburn: D'accord.

M. Fortin (Bernard): ...mais il ne l'ont pas résolue...

Mme Blackburn: D'accord.

M. Fortin (Bernard): ...parce qu'ils se sont dit: Ça va être quoi qui va être significatif: 10 $, 15 $, 20 $, 25 $, 30 $? On ne le sait pas. Mais, pour nous autres, ça pose un problème que ce soit automatique...

Mme Blackburn: Automatiquement coupé.

M. Fortin (Bernard): ...puis égal à égal, là.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Fortin (Bernard): On voulait réfléchir, mais on n'a pas eu le temps de réfléchir là-dessus.

Mme Blackburn: D'accord. Nous y réfléchissons aujourd'hui. Si vous avez des suggestions, on est très, très attentifs. On n'a fait que des petits calculs. Il est évident que, juste avec 50 $, vous dépassez les 10 000 000 $. Alors, on va chercher 9 000 000 $, à peu près.

M. Fortin (Bernard): Oui, oui.

Mme Blackburn: Évidemment, il faudrait... Bref, je vous dis que ce n'est jamais une question qui est simple à régler, mais elle est actuellement l'objet de réflexion et de recherche chez nous.

Je vous remercie. J'ai des collègues, sûrement, qui...

Le Président (M. Lazure): Du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres questions? Oui, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui, peut-être à la page 5, quand vous dites: Le Conseil recommande «que soient soumises à la future législation les ententes entre ex-conjoints», les ententes privées. Est-ce que, selon les données que vous avez, vous savez à combien de familles ça s'appliquerait? On dit que la loi s'appliquerait à environ 13 000 ordonnances, là, mais, si on incluait les ententes privées, est-ce que, selon les données que vous avez, vous savez à peu près ce que ça voudrait dire, grosso modo?

Mme Decoste (Ginette): En fait, quand on a pensé à ça, on a pensé: Vous savez, les gens se marient, enfin, s'unissent officieusement aujourd'hui. Alors, quand ils rompent leur union, c'est aussi officieusement et, pour avoir fait quelques études, on est toujours pris avec ce problème-là. C'est surtout des gens qui ne sont pas officiellement dans les registres. Alors, c'est difficile de répondre à cette question-là.

Mme Leduc: O.K.

Mme Decoste (Ginette): Mais, nous, ce qu'on pensait, à part ça, en fait, c'est que ce serait sur une base volontaire, évidemment. Ça donnerait du sérieux à des ententes faites entre ex-époux. Ça donnerait une garantie à la créancière, souvent à la mère, et ça éviterait la judiciarisation de cet aspect-là. Il y a des gens qui n'en veulent pas, qui ne veulent pas se lier de façon officielle, mais, des fois, ils font des ententes qui valent quand même la peine, et on tiendrait compte de celles-là. Alors, par mesure volontaire, ils demanderaient au ministre ou, en tout cas, à un tribunal administratif, ça pourrait être ça...

Mme Leduc: Oui, oui.

Mme Decoste (Ginette): ...que ces ententes-là soient homologuées, jusqu'à un certain point, comme on le fait pour d'autres, dans d'autres domaines.

Mme Leduc: Oui.

M. Fortin (Bernard): Un petit complément d'information, si vous me le permettez. C'est aussi, pour nous, croire à la capacité des gens de prendre leurs décisions, de régler les conflits qu'ils vivent ensemble et de trouver ensemble des solutions, sans toujours être obligés de passer par l'appareil judiciaire. Je pense que, pour nous, il y a une question de valeurs derrière cette suggestion-là, de croire à leur capacité de s'entendre.

Mme Leduc: Et, à la page 7... Ça va? À la page 7, c'est l'évaluation au bout de cinq ans. Vous avez parlé d'étendre la portée. Certains groupes nous suggéraient qu'une période de cinq ans, c'était peut-être un peu long pour procéder à une première évaluation. Est-ce que...

M. Fortin (Bernard): Quant à nous, on ne s'est pas arrêtés sur la période du temps, là, des cinq ans, parce qu'on s'est dit: Ça prend un certain temps pour mettre les choses en marche. Évidemment, dans notre esprit, il serait souhaitable que, périodiquement, il y ait des vérifications de choses particulières dans l'évolution de l'application de la loi, mais un rapport général, dans le contexte où on le présente, en l'élargissant, bien, on n'est pas revenu sur la question des cinq ans. Notre intention, c'était d'élargir son contenu, mais on pense qu'en cours de mise en application d'une loi il y a sûrement des points de vérification réguliers. On n'a pas de point de vue sur cette question-là.

Mme Leduc: D'accord. Merci.

Le Président (M. Lazure): Mme la ministre, rapidement.

Mme Blackburn: Une question. La note au crédit, pour vous, est-ce que c'est pour tous les débiteurs ou seulement les fautifs?

Mme Decoste (Ginette): Seulement les fautifs.

Mme Blackburn: Parce que ce n'était pas clair, là.

Mme Decoste (Ginette): Ah! non, non, c'est évident que ce serait pour les fautifs.

Mme Blackburn: Oui. D'accord. Ça va.

Le Président (M. Lazure): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Oui. Une courte question, pour référence à la question de ma collègue, dans le sens que vous dites, à la page 7, votre recommandation: Écoutez, faites certaines vérifications, mais avant de faire des vérifications, à la page 8, vous nous dites: Bien, faites-la connaître, cette loi-là, aussi. Trop souvent, le législateur arrête un peu son travail avec l'entrée en vigueur de la loi, puis se commet... Vous nous dites: Faites-la connaître pour que les objectifs de la loi soient atteints et que tout le monde en soit parfaitement informé. Vous insistez...

M. Fortin (Bernard): C'est ça, mais je pense qu'un des objectifs, si on veut que les gens soient responsables et soient capables de prendre leurs décisions, que les hommes et les femmes soient capables de prendre leurs décisions, il faut qu'ils soient informés...

M. Deslières: En connaissance de cause.

(15 h 40)

M. Fortin (Bernard): ...d'abord. Je pense que c'est, pour nous, fondamental. Puis, on a voulu aussi ouvrir cette campagne de multiples façons, parce qu'on ne rejoint pas toujours les gens de la même manière, avec une seule voie, un dépliant au CLSC. Les gens ne lisent pas, lisent peu, ne peuvent pas lire, ils n'en sont pas capables physiquement; en tout cas, il faut aller rejoindre les gens là où ils sont, avec leur manière de recevoir une information. Je pense que c'est l'esprit de ce qu'on voulait mentionner, et de faire en sorte que cette compagne... campagne, pardon – compagne n'est pas si mauvais non plus – rejoigne les pères. Je pense qu'ils ont besoin d'être rejoints, les débiteurs, d'être rejoints.

Mme Blackburn: On pourrait avoir recours à vos bons services.

M. Fortin (Bernard): Ça me fera plaisir, madame.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bonjour. Merci bien, c'est un mémoire qui est intéressant à plusieurs égards. À la page 5, lorsque vous recommandez d'augmenter la sûreté à 1 500 $, ça, je vois ce que vous nous proposez là, parce que les paiements moyens de pension alimentaire sont plus élevés que les 1 000 $, quelque chose comme ça. Cependant, vous ne parlez absolument pas des arrérages qui peuvent être subis dans le paiement des pensions alimentaires par les créanciers, les créancières. Est-ce que vous avez une opinion par rapport à ça? Est-ce que vous avez...

Mme Decoste (Ginette): C'est vrai qu'on a pas parlé des arrérages, à aucun moment de notre mémoire. Pour avoir entendu les autres mémoires, je sais que ça a fait l'objet de beaucoup de préoccupations. Peut-être qu'on pensait que, bon, c'était vraiment quelque chose de nouveau, on repartait à neuf. C'était peut-être notre façon de voir les choses, mais, c'est vrai, on n'a pas parlé vraiment des arrérages.

Mme Doyer: À votre Conseil, ce n'est pas quelque chose qui a retenu votre attention, parce que ce n'est pas quelque chose sur lequel vous avez eu souvent des recommandations ou des débats avec les familles aux prises avec des arrérages de pension alimentaire ou... Ce n'est pas une situation qui est généralisée chez les gens que vous rejoignez ou chez les gens avec qui vous travaillez en partenariat?

M. Lamoureux (Jean-Pierre): Les membres ont abordé cette question-là, mais ils l'ont traitée sous un angle aussi d'équité dans le sens où un arrérage, à un moment donné, c'est comme dans une famille normale, si, à un moment donné, il n'y a plus d'argent, il n'y a plus d'argent. Certains membres ont dit que ce projet de loi là, ce n'était quand même pas l'instauration d'un système d'assurance-divorce, voyez-vous. Et, en ce sens-là, quand il n'y a plus de ressources dans une famille, il n'y en a plus, de ressources, et on doit s'adapter. Alors, ce projet-là, il doit favoriser un paiement de pension alimentaire, et les membres ont dit: Il y a une limite, qui est fixée, à combler, dans le fond, une responsabilisation. Plus que ça, les gens ne sont pas allés plus loin.

Mme Doyer: Merci, monsieur.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission. Moi, j'aimerais tout d'abord vous parler de la page 3 de votre mémoire, quand vous dites «...placé sous la responsabilité du ministère du Revenu, aura la crédibilité nécessaire pour exprimer clairement qu'on ne peut indûment négliger de payer une pension alimentaire...» Et, un peu plus loin, vous dites: «En ce sens, l'application de la loi permettra de marquer, à l'aide d'une pédagogie de choc, l'obligation de remplir ses responsabilités financières...»

La semaine dernière, j'ai posé la question au Protecteur du citoyen. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de regarder, il y a une dizaine de jours, l'émission à Radio-Canada, Le Point , l'émission, justement, sur le ministère du Revenu où on donnait quand même une image très... l'aspect humain du ministère du Revenu est presque inexistant. On disait plutôt qu'on traitait la clientèle avec beaucoup de froideur et presque de l'intransigeance. Moi, j'aimerais vous entendre sur le fait qu'on transfère la gestion du système de perception des pensions alimentaires du ministère de la Justice au ministère du Revenu.

M. Lamoureux (Jean-Pierre): Vous voyez là exactement les arguments qui nous font dire que, ce projet de loi là, c'est une pédagogie de choc. Il faut faire comprendre qu'une créance alimentaire c'est une dette. Et c'est plus qu'une dette, c'est une émanation de sa propre responsabilité. Ce n'est même pas une hypothèque qu'on a à rembourser, ce n'est pas un prêt automobile, c'est les aliments pour les enfants qu'on a mis au monde et dont on est responsable. Alors, évidemment, que ce soit le ministère du Revenu, pour nous, c'est en soi peut-être le meilleur endroit où c'est possible de le faire sans qu'il y ait trop, je dirais, de contestation. C'est vrai que les citoyens sont peut-être mal reçus à quelques reprises au ministère du Revenu, mais, au moins, c'est clair que, si on a un impôt à payer, on n'y échappe pas. Si on a une créance alimentaire, à ce moment-là, on n'y échappera pas. Le message, il est clair.

Mme Doyer: Mais, le fait qu'on s'adresse à des gens qui viennent de traverser une situation très difficile d'éclatement familial, il y a beaucoup d'émotivité, il y a beaucoup de blessures, est-ce que ça ne vous fait pas peur un peu que ça soit des gens qui... Le Protecteur du citoyen, lui, ce qu'il nous suggérait, qui était important et presque essentiel, c'est que les gens soient très bien formés parce que, là, on ne s'adresse pas à des gens qui ont une dette envers le gouvernement. Déjà, l'éclatement familial, les relations père-mère-enfants, c'est deux clientèles bien différentes, là.

M. Lamoureux (Jean-Pierre): Vous avez raison, ici. On n'en a pas parlé dans le mémoire, mais il reste que, effectivement, je pense que, pour quelques années, probablement que le projet de loi a besoin d'être strict et d'être très peu flexible, finalement, parce que c'est une pédagogie de choc qu'on a à donner à des débiteurs qui ne remplissent pas leurs responsabilités. Cependant, c'est sûr que le projet de loi devrait être un peu plus souple dans les modalités de révision, parce que ça peut être lourd. Quand une situation financière d'une part ou de l'autre part des conjoints change, il faudra revenir au tribunal pour qu'on puisse modifier les montants, etc. C'est une démarche qui est assez lourde et, pour certains membres du Conseil, c'était presque nécessaire qu'il y ait très peu de flexibilité. Mais ça devra nous amener à de la flexibilité en peu de temps, parce qu'il faut considérer les gens, quand même, les ex-conjoints; une fois la peine un peu dissipée, je pense qu'ils sont en mesure, à un moment donné, de voir ce qu'ils sont capables de payer et quels sont les vrais besoins des enfants.

Mme Loiselle: M. Fortin?

M. Fortin (Bernard): En complément, c'est sûr que, dans le contexte où vous le situez, il nous apparaît important de mentionner que c'est évident que la formation des intervenants doit être faite dans le sens des valeurs qu'on voudra bien véhiculer dans la promotion qu'on fera de la loi. Si on fait de la loi une loi, dans le fond, qui est une loi coercitive, qu'on est bien obligé de se donner pour un certain temps pour un peu s'ajuster... C'est comme les feux de circulation puis les contraventions qui les accompagnent: on s'est donné des règles pour vivre ensemble, puis, si les gens ne respectent pas les feux de circulation, on dit: Il y a une contravention qui vient avec, parce qu'on a des règles, des responsabilités parentales. C'est une loi coercitive qui, dans le fond, ne devrait pas être nécessaire dans notre société, mais elle l'est à cause des réalités que l'on vit.

Mais la promotion qu'on va faire de cette loi-là ne devrait pas être une promotion d'une loi punitive. Au contraire, elle devrait être positive, transposer ou transporter des valeurs. On aidera les gens à les accepter et à les comprendre et, si c'est au ministère du Revenu, qui a une réputation comme vous la décrivez, bien, il faudra peut-être que les intervenants du ministère du Revenu soient formés pour être capables d'accueillir des gens qui sont dans une situation familiale fort particulière. Mais il y a là une connaissance, il y a là une expertise qu'il faut peut-être ajuster à ce qu'on veut faire de cette loi là.

Mme Loiselle: D'accord, merci. Un autre point que j'aimerais partager avec vous: au niveau des relations employeur-employé, le fait que l'employeur se doit d'implanter un système de gestion indépendant de sa gestion administrative pour les retenues à la source, le fait qu'il devienne solidairement responsable de la pension alimentaire avec le débiteur dans des situations de défaut, est-ce que vous ne pensez pas que ça va créer, dans certaines petites entreprises ou même ailleurs, de la tension entre l'employeur et l'employé? Même au moment d'aller faire une demande d'emploi, lors de l'entrevue ou quoi que ce soit, si on se rend compte... Si, dans la petite compagnie, on n'a pas déjà à faire des retenues pour des employés qui sont séparés, à ce moment-là, vous ne croyez pas que le candidat qui, lui, est en procédure de rupture conjugale va être pénalisé? Les tensions que ça pourrait créer entre l'employeur et l'employé dans des petites compagnies, des PME...

M. Fortin (Bernard): J'ai l'impression que oui, ça peut créer des tensions, mais, je vais vous dire honnêtement, j'aimerais mieux que les employeurs viennent vous dire, vous donner réponse à cette question-là, parce que c'est sûr que ça va demander un processus et une application particulière dans les plus petites entreprises, mais c'est à elles de vous dire comment elles vont réagir à ça. Le Conseil ne s'est pas penché sur cette question-là. On peut anticiper des difficultés.

Mme Loiselle: Oui.

(15 h 50)

Mme Decoste (Ginette): C'est sûr qu'il y a une question de vie privée aussi, que les employeurs, peut-être, prétexteront, parce que c'est la vie privée des gens, qu'ils ne veulent pas s'en mêler, et tout. Parce que, déjà, avec la TVQ et les autres taxes, ils ont une certaine habitude de percevoir des choses. Mais l'aspect de la vie privée pourrait peut-être être un prétexte à ne pas vouloir s'en occuper. J'entendais un témoignage récemment, qui disait: Je sais que dans ma petite entreprise, sur une cinquantaine de personnes, peut-être que j'en ai neuf qui ont divorcé ou se sont séparés. Je ne sais pas s'ils paient une pension alimentaire et je ne veux pas le savoir. C'est le témoignage d'un patron. Ça peut créer des difficultés, effectivement, mais, quand on sait que la loi pourrait peut-être avoir de grands avantages, il faut ces petits inconvénients là, peut-être, pour...

Mme Loiselle: Le fait que l'employeur peut devenir solidairement responsable de la pension alimentaire de son employé, est-ce que, ça, vous ne pensez pas...

Mme Decoste (Ginette): On pense toujours aux plus petits, parce que les grosses compagnies, j'imagine...

Mme Loiselle: C'est ça. Moi, c'est pour les petites, les PME...

Mme Decoste (Ginette): Oui.

Mme Loiselle: ...les petites compagnies, là, qui ont quelques employés et, s'il y a un problème, elles peuvent devenir solidairement responsables de verser le paiement de la pension alimentaire, comme employeurs.

Mme Decoste (Ginette): Je me demande si, entre ça et une mère qui...

Mme Loiselle: Qui est solidairement responsable.

Mme Decoste (Ginette): ...a des arrérages à n'en plus finir, qui a des problèmes à loger ses enfants et à les nourrir, je pense que, dans la société, si on prenait les deux inconvénients, je pense qu'on serait peut-être... Il y a peut-être des inconvénients de la part des employeurs, mais, de la part des familles, il y en a d'énormes, alors...

Mme Loiselle: Oui. J'avais un autre point. Quand vous parlez d'augmenter le nombre des accords relatifs aux pensions alimentaires avec les États américains, il y a déjà des accords avec la Floride, New York, la Californie – et il y en a un autre, là – et avec toutes les provinces. Est-ce que vous avez en tête des États en particulier ou des pays en particulier, pour des raisons... Non?

Mme Decoste (Ginette): Je cherchais...

Mme Loiselle: Juste d'agrandir le réseau.

Mme Decoste (Ginette): ...ces derniers jours la liste des pays avec lesquels on avait des accords, je n'ai pas réussi à l'avoir du ministère de la Justice. Je vais l'avoir dans quelques jours, mais les États américains, c'est sûr que... On en a déjà sept ou huit, je pense bien – j'ai déjà vu ça – avec les pays avec lesquels nos gens sont les plus susceptibles, soit de faire affaire ou d'aller demeurer, évidemment. Mais, plus on en aura, mieux ce sera, effectivement. Ce n'est pas une question qu'on a eu le temps de creuser, justement, parce que j'ai manqué de ces renseignements-là.

M. Fortin (Bernard): Je pense que notre préoccupation était très ouverte sur cette question-là, c'est de dire: Les débiteurs sont mobiles. Avec la mobilité qu'on développe en Amérique du Nord actuellement, les gens peuvent se déplacer. Il faut donc avoir des ententes avec le plus grand nombre possible de lieux juridiques pour qu'on soit capable de se suivre mutuellement. Je pense que l'esprit était là. Et, pour ce qui est de l'Europe, c'est les mêmes raisons. C'était très ouvert, on n'avait pas d'idée particulière.

Mme Decoste (Ginette): On peut le faire dans toutes les provinces du Canada et les territoires, c'est déjà quelque chose. Avec la loi de réciprocité...

Mme Loiselle: Oui.

Mme Decoste (Ginette): ...qu'on a au Québec, alors, déjà, c'est une garantie, quand même; et, avec les principaux États américains qui ont signé, c'est déjà quelque chose.

Mme Loiselle: D'accord. Actuellement, il y a 59 points de services à travers le Québec, pour les régions à travers le Québec. Avec le projet de loi, on en conserve environ une douzaine. J'aimerais vous entendre au niveau... Moi, je vois qu'il y a un désavantage pour les femmes des régions éloignées. Il y a même un regroupement, je pense que c'est L'Intersyndicale des femmes, qui nous disait que, pour les personnes qui sont analphabètes ou non fonctionnelles, ça va créer un problème dans les régions éloignées où il n'y aura pas de contact direct, ça va être seulement une ligne téléphonique. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là, le fait qu'il va y avoir moins de points de services à travers le Québec.

M. Fortin (Bernard): Écoutez, je vous ferais, en raccourci, le même raisonnement que le Conseil a toujours fait par rapport à la situation des services de médiation familiale: on a toujours dit que ce n'était pas assez, Montréal et Québec. Je pense que, si l'objectif, c'est d'aider les gens, d'être proche d'eux ou d'elles, si c'est de rendre accessible un service, plus il y en aura sur le territoire du Québec, mieux ce sera. Est-ce que c'est 21, 34, 42? Je ne le sais pas, là, mais je pense que l'objectif, c'est de rendre disponible aux personnes un service qui est un service qui nous apparaît essentiel. C'est la réponse que je vous ferais là-dessus. Moins il y en a, moins c'est accessible, moins c'est bon, moins c'est efficace. Ce serait peut-être le raisonnement qu'on pourrait faire.

Ici, au Conseil, on demande que des ententes entre couples ou entre personnes qui viennent de se séparer, avec les ententes qu'elles ont faites, des ententes privées, si on veut que, ça, ce soit reconnu, bien, il ne faut pas qu'on ait à se promener pendant 23 heures, payer deux hôtels, pour être capable de les faire reconnaître. Je pense qu'il faut se trouver un système qui soit souple et accessible. Alors, le nombre, je ne le sais pas. Je pense que, l'objectif, c'est de la souplesse et de l'accessibilité.

Mme Loiselle: Vous avez parlé de la médiation familiale. On a eu un échange très intéressant la semaine dernière avec l'association de la sauvegarde des droits des enfants. Ils nous ont vraiment bien exposé les bienfaits et les avantages de la médiation, et Mme la ministre nous a bien précisé qu'elle avait déjà commencé à parler avec le ministre de la Justice et même sa collègue, la présidente du Conseil du trésor, au niveau de la médiation familiale. Alors, on attend des bonnes choses à ce niveau-là. Et merci beaucoup. J'ai ma collègue qui a des questions aussi.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: À la page 3, au dernier paragraphe, vous mentionnez: «Au lendemain de l'instauration de ce système, il y a le risque que les pères se sentent désengagés et réduits, encore plus qu'auparavant, au rôle de pourvoyeurs aveugles.» Justement, si on en est au point où on en est aujourd'hui... On est tous pour la famille, il n'y a personne qui est pour l'éclatement d'un foyer. Et, si on est à ce point-là aujourd'hui, c'est qu'il y a trop de pères qui n'ont pas pris leurs responsabilités, et c'est à cause des enfants qui sont dans la pauvreté que la mère est obligée, souvent, de travailler à des salaires minimes, payer des garderies, et ainsi de suite. On connaît toute l'histoire.

Je vais vous raconter un appel que j'ai fait hier, dans mon comté, puis je pense que, Mme la ministre, le projet de loi que nous étudions dans le moment fait boule. Et, entre autres, c'est drôle à dire à ce moment-ci, mais la personne à qui j'ai parlé a toujours eu des difficultés à percevoir la pension, et il a reconnu la paternité de la petite. Et c'est minime, 150 $ par mois. Je trouve ça aberrant quand elle a eu la responsabilité de voir à cette enfant-là tout le temps depuis six ans, en fait, et puis il ne payait jamais à la même date. Mais, pourtant, on sait que l'enfant a besoin de manger, a besoin d'être habillée, a besoin d'aller chez le dentiste, d'avoir les soins médicaux appropriés. Et, tout d'un coup, la pension du mois prochain est déjà arrivée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaive: C'est quand même drôle, hein. Mais c'est pour vous dire que les gens commencent peut-être à réaliser qu'ils vont prendre leurs responsabilités. Je pense que c'est ce qui est important avec le projet de loi. C'est pour ça que je me dis: Bien, qu'ils se sentent désengagés et réduits, bien, je pense qu'on en a vu assez, vous ne trouvez pas, qui n'ont pas pris leurs responsabilités, et puis je pense qu'avec le projet de loi ça va peut-être les faire réfléchir un petit peu plus, puis peut-être réaliser que, leur paternité, qu'ils la prennent à coeur puis qu'ils remplissent leur rôle.

Il y a un autre endroit aussi, à la page 5. «Tous les couples-parents qui rompent leur union – qu'ils aient été mariés ou non – ayant entre eux une entente privée au sujet de la prise en charge financière des enfants, devront nécessairement entamer des procédures judiciaires s'ils veulent bénéficier des avantages et de la protection de la future loi.» J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. J'aimerais que vous expliquiez ça.

Une voix: Veux-tu y aller, Ginette?

Mme Decoste (Ginette): Oui. En fait, c'est l'article 1 de la loi qui dit que c'est par un jugement au Québec qu'on va être soumis au projet, enfin, à la loi, à la future loi sur la perception des pensions alimentaires. Et, nous, on croyait que ceux qui, effectivement, n'ont pas de rupture officielle entre eux mais qui ont une entente au sujet de la pension alimentaire, ça donnerait une certaine force qu'ils soient soumis à la nouvelle législation.

Alors, ça donne de la force aux ententes. Comme M. Fortin le disait tantôt, on reconnaît, dans le fond, la compétence des parents à se faire des ententes entre eux pour le bien-être des enfants, mais ça donnerait du sérieux et une garantie supplémentaire pour que ces ententes-là... Parce que, après ça, une fois enclenchée, ils seraient soumis à tous les articles de la loi, évidemment. Et, comme c'est volontaire, bien, il me semble que ce serait encore mieux, ce serait encore plus facile.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Saint-Henri, pour conclure.

Mme Loiselle: Je voulais seulement vous remercier des propos intéressants, de l'éclairage que vous nous avez apporté cet après-midi. Merci.

M. Fortin (Bernard): Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Lazure): Mme la ministre, pour conclure.

Mme Blackburn: Merci. J'allais à la quête d'informations. Actuellement, il y a 44 %, si ma mémoire est fidèle, des séparations et des divorces qui contiennent un jugement en ordonnance alimentaire. Alors, les autres, c'est fait sur une base volontaire. C'est 16 points de services qu'il resterait actuellement à travers le Québec, avec le ministère du Revenu.

(16 heures)

Pour le «solidairement responsable», je pense qu'il faut faire un point là-dessus. L'employeur n'est responsable que s'il refuse de faire leurs retenues à la source ou s'il ne retourne pas au ministre du Revenu les sommes retenues. Comme il y en a – on le sait, ça arrive, ce genre de fraude – qui ne retournent pas leurs impôts. Les impôts qu'ils ont retenus à l'employé, ils ne les retournent pas au Revenu. On ne connaît les conséquences que dans ces deux circonstances. Et l'employé peut toujours, je le rappelle, payer directement au ministre du Revenu. Il n'est pas obligé d'accepter de passer obligatoirement par la retenue à la source. Et, pour les naissances où il n'y a pas déclaration de paternité, à la sécurité du revenu, c'est 4 % à 5 %, je vous le dis; je pensais que ça pouvait éclairer votre lanterne.

Je vous remercie infiniment de votre participation. Ça enrichit notre réflexion. Il y a certains des éléments, sûrement, qui vont être pris en compte. On compte aussi sur votre collaboration lorsqu'il s'agira de faire une campagne d'information. Je vous remercie.

Le Président (M. Lazure): Alors, je remercie les représentants et représentantes du Conseil de la famille et je demande maintenant aux représentantes et représentants de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec de se présenter à la table. Merci. Nous allons suspendre pour 30 secondes.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Lazure): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, je souhaite la bienvenue à la présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, Mme Jennie Skene, et à Mme Girard. Mme la présidente, la parole est à vous.


Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ)

Mme Skene (Jennie): Merci, M. le Président, de nous accueillir, et bonjour à Mme la ministre et aux autres participantes et participants de cette commission. Pour débuter, je voudrais vous faire une brève présentation de ce qu'est la Fédération des infirmières. C'est une fédération syndicale qui regroupe 45 000 membres à l'échelle du Québec, dans toutes les régions; 92 % de ses membres sont des femmes et 57 % d'entre elles ont au moins un enfant.

Dans sa déclaration de principe, la FIIQ s'engage à promouvoir une société qui soit à la recherche d'une justice, d'une répartition équitable des richesses, et elle reconnaît que l'avancement de cette société ne peut se faire sans la promotion des droits des femmes. C'est dans cet esprit que la FIIQ appuie le projet de loi qui vise à instaurer au Québec un système de perception automatique des pensions alimentaires. Nos membres se sont déjà prononcés sur un tel sujet et c'est pourquoi, aujourd'hui, nous nous penchons plus particulièrement sur le projet de loi 120... pardon, 60, pour en souligner les lignes de force. Je suis habituée de jouer avec la loi sur la santé, la loi 120...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Skene (Jennie): ...et on sort d'une instance syndicale où il en a été largement question.

Le Président (M. Lazure): ...dirait qu'elle vaut deux fois la loi 60.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Skene (Jennie): Ça déteint. Deux fois 60, ça fait 120.

Le Président (M. Lazure): Je retire mes paroles.

Mme Skene (Jennie): On percevra plutôt deux fois qu'une. Alors, nous allons essayer de vous transmettre ce qui nous apparaît comme étant des lignes de force et des corrections peut-être qui devraient y être apportées pour qu'on atteigne vraiment les objectifs qui sont fixés et qui sont recherchés par ce projet de loi.

Soulignons au départ à quel point la lecture de ce projet de loi nous a réjouies, d'abord, au chapitre de la ténacité, la ténacité dont les femmes ont fait preuve, et les mouvements de femmes qui ont conduit aujourd'hui à ce que le Québec se dote d'un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires. Ce projet marque donc un résultat concret, mais aussi une étape. D'autres pas devront être faits pour que nous puissions parler de réel impact sur la pauvreté des Québécoises, mais, il faut le souligner, nous sommes heureuses de constater que les orientations fermes de ce projet et le parti pris en faveur du bien-être des enfants constituent la trame de fond.

Les lignes de force de ce projet. On va y aller très succinctement pour pouvoir répondre à des questions si c'est nécessaire. Premièrement, quant à nous, le partage des responsabilités parentales, la solidarité familiale au-delà de la rupture, avec une prise en charge des besoins des enfants par les deux parents, nous apparaissent extrêmement importants.

Deuxième point du projet de loi. Quand on parle de pain sur la table, c'est un message d'autant plus important que les versements réguliers doivent permettre que les besoins des enfants soient traduits au quotidien et que les fins de mois difficiles soient éliminées pour la majorité d'entre eux, quand on sait que 66 % des enfants pauvres sont dans des familles monoparentales. Quant à nous, la perception a un lien direct avec des conditions de vie qui peuvent faire la différence entre la pauvreté ou un niveau de vie à tout le moins décent. La création d'un fonds, fonds de stabilisation, comme on pourrait l'appeler, nous apparaît un outil essentiel pour assurer cette régularité des versements. Bien que ce projet ne règle pas tout, les avantages en sont indéniables au plan de la précarité financière des femmes, quand on sait que leur niveau de vie, suite à une rupture, baisse de près de 40 %, d'où son caractère d'urgence.

Nous souhaitons... nous apprécions que le ministère du Revenu ait la responsabilité, au-delà des problèmes qui peuvent être mentionnés, ait la responsabilité d'administrer ce régime dans l'objectif d'en déjudiciariser le processus lors du paiement. Il y a un avantage énorme à mettre fin à l'échange d'argent entre conjoints dans un contexte où, suite à une rupture, on vit souvent des conflits. Cette perception automatique comporte de plus un aspect de prévention de la violence qu'on ne peut passer sous silence. En effet, à l'origine d'une séparation, il y a souvent de la violence conjugale qui est vécue et de la violence à l'égard des enfants. Donc, d'interrompre ce processus où l'échange d'argent se fait directement entre les conjoints ne peut que diminuer cette violence.

Finalement, l'un des impacts majeurs pour nous, c'est celui pour les enfants de voir leurs besoins comblés par leurs deux parents dans un contexte plus serein, cesser de jouer l'enfant contre un ou l'autre de ses parents ou lui demander de servir de huissier entre les deux.

Si on regarde au niveau des points qui nous apparaissent qu'on devrait préciser ou améliorer, le premier, la date d'entrée en vigueur de la loi. Il nous apparaît que cette loi, dans le contexte d'urgence qu'on y voit, d'extrême pauvreté d'un très grand nombre d'enfants et de leur mère, devrait le plus rapidement possible entrer en vigueur. On devrait mettre tous les efforts nécessaires pour qu'elle soit applicable le plus rapidement possible.

Nos préoccupations, ensuite, sur les articles 3 et 4 du projet de loi en ce qui a trait aux exemptions qui, dans bien des cas, risquent de lui faire perdre son caractère universel. Il nous apparaît qu'on demandera au juge d'apprécier le préjudice grave et le consentement libre et éclairé et, là-dessus, on a énormément de restrictions ou de réserves. À partir du moment où on doit évaluer un préjudice grave, on sait qu'on devra s'enclencher dans des mécanismes et des procédures qui risquent de faire en sorte que les délais qu'on s'est fixés à l'intérieur de la loi ne puissent être rencontrés.

On sait aussi que quand on parle de consentement libre et éclairé et qu'on parle de violence conjugale, trop souvent, un consentement est arraché sous peine de menace verbale, psychologique, parfois même physique, et que, dans ce contexte-là, il nous apparaît extrêmement dangereux, là où l'harmonie est difficile, qu'on accroisse encore ces problèmes-là. Donc, au nom de toutes les femmes qui vivent de la violence, nous croyons qu'on doit être extrêmement vigilantes et qu'en conséquence l'alinéa 3° de l'article 3 devrait être biffé si on ne maintient pas l'accès total au caractère universel des pensions alimentaires.

À la partie 2.3, c'est celui sur lequel on a fait des petites corrections, ce qui nous apparaît questionnable jusqu'à maintenant, c'est vraiment que le libellé de l'article, tel qu'il est rédigé, ne nous assure pas que les versements faits par une assurance-invalidité ou par l'assurance-chômage pourront permettre de continuer qu'on prélève de façon automatique les montants d'argent qui sont dus aux enfants dans ce mécanisme-là. Aussi, ce qu'on demande, c'est que, vraiment, on le précise de façon plus pointu au niveau de l'article 10.

(16 h 10)

Quand on en vient à la partie 2.4, la perception par ordre de paiement, nous souscrivons à la proposition faite à l'article 24 qu'une sûreté soit exigée en garantie de paiement. Toutefois, pour nous, il nous apparaît que, trois mois, ce sont des délais extrêmement courts pour réussir, à ceux qui auront la responsabilité de chercher le mauvais payeur, à le retracer, à lui faire verser les arrérages, à lui faire verser l'argent à la mère et aux enfants. Trois mois, c'est un délai extrêmement court. Donc, nous proposons que ce délai soit ramené à quatre mois.

Ce qu'on propose aussi, c'est que les sommes versées, quand on met une limite maximale de 1 000 $, devraient plutôt correspondre à ce qui est prévu à l'ordonnance, c'est-à-dire que, si la personne doit verser 500 $ par mois, ce montant devra être ajusté en conséquence. Parce que, d'après nous, pour certains groupes, je pense que tout le monde n'est pas dans un milieu défavorisé, et les mauvais payeurs non plus, il y a des mauvais payeurs dans des milieux où il y a de l'argent et, donc, ce n'est pas nécessairement 1 000 $ sur trois mois ou sur quatre mois qui vont combler le montant qui devrait être versé à la mère et à ses enfants, que, donc, ce montant-là tienne compte de ce qui avait été, dès le départ, délimité comme étant payable pour les enfants.

Un autre des points qui nous apparaît important et qui a été abordé par nos prédécesseurs succinctement. On sait que les familles monoparentales sont les plus pauvres du Québec, parmi les plus pauvres du Québec. Le taux de pauvreté des mères seules atteindrait 61 %. Il nous apparaît que, pour les mères qui sont sur la sécurité du revenu, la pension alimentaire devrait, plutôt que d'être déduite du montant qu'elles reçoivent, s'ajouter pour faire en sorte que les enfants aient un accroissement de leur qualité de vie. On sait bien que la sécurité du revenu, ce n'est pas fait pour faire des folies. C'est fait pour assurer un minimum vital aux familles qui en ont besoin. Il nous apparaît que, si on déduit ce montant-là, on va maintenir cette espèce d'état de survivance constante qui fait qu'on ne peut jamais dépasser le seuil de la pauvreté. Et, pour nous, il nous apparaît aussi que c'est important dans le sens de redonner au père une responsabilité, mais aussi le sentiment d'avoir fait quelque chose réellement pour ses enfants.

À la partie 2.6, ce qu'on souhaite, c'est que le service qui était assuré jusqu'à maintenant par le ministère de la Justice, qui sera assuré par le ministère du Revenu, puisse se faire au-delà d'une privatisation de ce personnel-là. On pense que ce service doit continuer d'être personnalisé, que ça doit être un service qui doit être disponible et accessible à la grandeur du Québec, si on veut réellement que les femmes aient un accès direct au-delà du téléphone, qu'elles aient un accès direct, qu'elles puissent avoir un contact qui s'établisse avec les gens qui vont les aider à franchir des étapes qui sont difficiles dans leur vie. C'est pour ça que nous souhaitons que ce service ne soit pas privatisé, qu'il demeure personnalisé et accessible à toutes les femmes, quelle que soit leur région d'origine.

Dernière recommandation. On sait que les délais de vérification suite à la mise en application de la loi, on s'est fixé un délai de cinq ans, au projet de loi. Il nous apparaît qu'on devrait, à tout le moins, en cours de route, créer un comité de surveillance qui se chargera de nous conseiller en termes de mécanismes à mettre en place pour que cette application-là se fasse le plus harmonieusement possible et le plus rapidement possible. Mais aussi qu'en cours de route, pendant ce délai de cinq ans, on puisse procéder à des ajustements si on évaluait qu'il y a des choses à corriger, de ne pas attendre cinq ans plus tard pour remettre en place des situations qui pourraient être dommageables pour les enfants et pour leur mère.

On a soulevé, nous aussi, la nécessité qu'une campagne d'information accompagne la mise en application du projet de loi. Nous l'avons centrée, bien sûr, sur les femmes. Sur les femmes particulièrement qui sont défavorisées, qui n'ont pas nécessairement accès à l'information, qui ne lisent pas les journaux, qui écoutent peu les nouvelles. Les femmes aussi des communautés culturelles qui sont souvent extrêmement isolées, parce que ne parlant ni français ni anglais, dans bien des cas, elles se retrouvent donc en marge de la société et auraient les mêmes besoins que les autres dans des situations où elles sont en rupture; elles ont besoin, pour leurs enfants, d'un minimum vital et, donc, il faudra les rejoindre. Je ne pense pas que cette campagne-là, pour nous, doive être faite sur les aspects punitifs de la loi, mais bien sur la nécessité de prendre en charge collectivement, pères et mères, l'avenir de nos enfants et, donc, au-delà des aspects qui sont très impératifs et qui sont très encadrés, faire en sorte que les deux parents sentent qu'ils ont une responsabilité à l'égard de leurs enfants.

En conclusion, ce qui est important pour nous, c'est que ce projet de loi fait justement la preuve que nous espérions. Lorsque l'État assume ses responsabilités et s'engage à rétablir les inégalités, s'opère alors une redistribution des richesses sans laquelle aucune société ne peut se prétendre démocratique. C'est là la marque d'un projet de société.

Si les estimations fournies par la ministre responsable de la Condition féminine, c'est 72 900 000 $ de plus par année qui seront versés aux femmes et à leurs enfants, ce pas est important, mais d'autres doivent suivre. Des dossiers aux enjeux tout aussi cruciaux attendent la ministre pour que nous puissions parler d'une véritable amélioration des conditions socioéconomiques des Québécoises. Seulement au chapitre des pensions alimentaires, la fixation des coûts de la pension et la réforme fiscale sont des questions qui demeurent toujours en suspens. Plus largement, une loi proactive en faveur de l'équité salariale se fait toujours attendre. En ce sens, l'événement de la marche de 10 jours que des milliers de Québécoises entreprendront en mai prochain permet de tracer un bon portrait des mesures nécessaires pour enrayer la pauvreté des femmes. Du pain et des roses, cela signifie le pain sur la table mais aussi les roses pour la qualité de la vie. Merci.

Le Président (M. Lazure): Merci, Mme la présidente de la Fédération. Mme la ministre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Il me fait plaisir au nom de mes collègues de vous accueillir à la commission. C'est un mémoire qui reprend un certain nombre de points particulièrement importants. Je voudrais faire quelques commentaires pour mieux éclairer le projet de loi et, par la suite, quelques questions.

Avec vous, je voudrais féliciter les organismes féminins – je l'ai déjà fait à l'ouverture de la commission – parce que je prétends que, s'ils n'avaient pas fait preuve d'autant de ténacité, on n'aurait pas en Chambre, il y a quelques semaines, adopté à l'unanimité le principe du projet de loi. C'est parce que ça répond à un besoin qui est reconnu par toute la collectivité et des deux côtés de la Chambre.

Je me rappelle toujours... Quand on parle de ce projet de loi, il me revient toujours le titre d'une émission à la télévision: Les parents divorcent, les enfants jamais. Et, dans le fond, ce qu'on a voulu faire, c'est vraiment annoncer un parti pris pour le bien-être des enfants, pour la responsabilisation des parents, mais aussi pour que les enfants développent une perception d'eux-mêmes plus positive, qu'ils sentent qu'on les respecte assez pour assurer leur pain sur la table. Quand vous parlez de 73 000 000 $ qu'on retournerait sur la table pour les enfants, c'est seulement si on va chercher 10 %. Comme on veut viser 20 %, c'est plus proche de 150 000 000 $, ce qu'on devrait être en mesure de retourner aux enfants. Ça commence à ressembler à un début d'amélioration du bien-être des enfants.

Quelques commentaires. Les délais d'entrée en vigueur; on va faire le maximum. D'ailleurs, on a déjà mis ensemble à contribution trois ministères, le ministère du Revenu, le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité du revenu, pour financer le développement du système informatique. Parce que ce qui est long vraiment, c'est le développement du système informatique. J'ai eu beau essayer de passer à travers ça, mais tout le monde me dit: C'est un an. Bon, alors, je suis bien obligée de reconnaître qu'ils doivent savoir de quoi ils parlent. Mais il est sûr qu'on va mettre les ressources et qu'elles apparaîtront déjà au budget, aux crédits, comme vous aurez l'occasion de le voir.

Pour ce qui est du régime... les quatre mois... attendez un peu là... Les exemptions. Les exemptions, ça, je dois vous dire qu'on a voulu un régime qui soit suffisamment ouvert, mais qui permette aussi les accords. Mais c'est aller, aussi, aussi loin que de réfléchir aux possibilités de contestation en vertu de la Charte des droits et libertés, si on n'avait pas laissé la possibilité de se soustraire à l'application du régime. On avait fait des vérifications auprès du Protecteur du citoyen et de la Commission d'accès à l'information. En vertu des droits à la vie privée, on aurait pu être susceptible d'être contesté.

Pour ce qui est de la rente d'invalidité, l'assurance-invalidité, je vais vérifier; je ne l'ai pas encore fait. Pour ce qui est de la sûreté, on estime que, avec le ministère du Revenu, c'est plus efficace. Les autres provinces canadiennes n'ont pas de ministère du Revenu, c'est le gouvernement central qui fait la perception. Alors, on prétend que c'est un avantage qui devrait accélérer le fonctionnement.

Pour ce qui est de l'aide, de verser en totalité les prestations de la sécurité... c'est-à-dire, les pensions alimentaires à ceux qui sont à la sécurité du revenu, on créerait là une injustice importante. Je pense que vous étiez là quand j'en ai parlé, alors je ne rajoute pas, mais on continue d'y réfléchir.

(16 h 20)

Pour le 1 000 $, ça revient souvent, je ne me suis pas donné la peine de l'expliquer parce que, bon... Le 1 000 $, c'est une avance de fonds du gouvernement, c'est au moment où il n'y a pas de constitution de sûreté, et ce 1 000 $ là, ce n'est que pour les personnes, pour les débiteurs qui ont une retenue à la source et qui n'ont pas déposé de sûreté. On dit: En cas de mauvais défaut. Il faudrait au moins qu'on puisse garantir un minimum. Et ça nous semblait... C'est un pas très généreux, là, vous savez, parce que, là-dedans, il y a des risques, on le sait tous. Quand la sûreté est là, la sûreté est là, mais, quand elle n'y est pas puis qu'on avance un 1 000 $, on a pensé que c'était plus sage de ne pas aller plus loin que ça, et ça ne va toucher que les créanciers qui reçoivent par le biais de la retenue à la source. Puis j'aurais dû l'expliquer un peu plus tôt, mais c'est ça. Parce que l'autre, sinon, c'est trois mois. Alors, s'ils ont 600 $ par mois, ça fait 1 800 $. C'est vraiment pour ceux qui sont en retenue à la source.

Alors, moi, j'aimerais que vous élaboriez... Dans votre mémoire, vous dites: On est d'accord avec l'idée du ministère du Revenu comme percepteur. Je pense que c'est à la page 3, l'avant-dernier paragraphe. Alors, pourquoi? Parce qu'il y en a qui craignent le Revenu. Mais pourquoi privilégiez-vous le Revenu à la Justice?

Mme Skene (Jennie): Moi, je pense justement que, quand on parle de déjudiciarisation d'un processus, déjà la loi a des incitatifs assez impérieux qui y sont prévus, et le fait, justement, de le mettre à l'extérieur du ministère de la Justice, quant à nous, peut faire en sorte que le père ne se sente pas comme étant taxé de mauvais payeur, non plus. On le met en marche. C'est une perception de revenu...

Mme Blackburn: Comme une autre.

Mme Skene (Jennie): ...d'une source différente qui va à d'autres personnes que le ministère du Revenu comme tel ou le gouvernement, mais, quant à nous, ça vient l'exclure du processus judiciaire qui est associé au ministère de la Justice.

Mme Blackburn: D'accord. À la page 6, le dernier paragraphe, vous dites: «Pourquoi priver le Fonds de ces garanties quand on sait que celui-ci a le mandat d'avancer...» Quand on dit que ça va être déposé au greffe, le greffe le transfère tout de suite au ministère du Revenu. D'accord? Ça va...

Mme Skene (Jennie): Bon, ça règle notre question.

Mme Blackburn: Oui, ça répond à une autre question.

Mme Skene (Jennie): Oui.

Mme Blackburn: Sur les règlements, parce que, ça, on n'en a pas parlé beaucoup, et c'est revenu à quelques reprises. Il y a toujours prépublication des règlements, 45 jours, et c'est une règle, c'est une loi, d'ailleurs, qui établit ça. Alors, à ce moment-là, les organismes peuvent faire valoir leurs commentaires ou leurs recommandations. Je vous remercie.

Le Président (M. Lazure): M. le député de Johnson.

M. Boucher: Juste un commentaire rapide, là. J'ai beaucoup aimé, à la page 4, la dimension que vous évoquez par rapport à la prévention de la violence. Moi, je suis travailleur social de formation et j'ai oeuvré en CLSC pendant plusieurs années, et je trouve qu'un des problèmes que le projet de loi vient régler, c'est justement ces dialogues de sourds entre les couples, et cette prévention de la violence, et j'en ai connu très près de moi, des hommes, qui n'auraient pas tombé dans cette façon de se comporter là s'ils avaient été obligés dès le départ de payer. Et c'est un des avantages énormes du projet de loi, vous le soulignez. Alors, moi, je tiens à vous le faire remarquer, que je l'ai reçu avec beaucoup d'intérêt.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lazure): Merci. S'il n'y a pas d'autres interventions du côté gouvernemental, nous passons à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour.

Mme Skene (Jennie): Bonjour.

Mme Loiselle: Premièrement, à la page 2 de votre mémoire, on dit: «Cette attention aux besoins des enfants se trouve exprimée par des versements réguliers, à échéance fixe, soit aux deux semaines. Cette échéance doit demeurer indiscutable.» On en a discuté un petit peu la semaine dernière avec la Commission des services juridiques. Parce que, eux, dans leur mémoire, ils disaient que les jugements des pensions alimentaires prévoient une périodicité dans les paiements qui sont très souvent hebdomadaires. Dans le projet de loi du SAPPA, justement, on mentionnait que les versements aux créanciers seraient faits à toutes les périodes de paie. Je me demande, pour éviter justement les conflits entre les décisions du tribunal et l'application de la loi 60, si on ne devrait pas modifier l'article 30 pour indiquer «à toutes les périodes de paie»?

Mme Skene (Jennie): Nous, quand on dit: On est d'accord avec l'échéance du deux semaines, c'est l'échéance minimale. Si les gens sont payés aux semaines ou aux deux semaines, ça ne pose pas de problème. Parce que trop souvent, ce qui arrive, c'est que, quand le versement se fait une seule fois par mois, que ce soit le premier, le 15 ou le 30 – ça n'a pas d'importance, la date comme telle – mais, quand il se fait une fois par mois, ce versement-là, souvent, est dépensé dans les deux, trois premières semaines, et on se ramasse en dernière semaine, comme on le voit avec les mères qui bénéficient de la sécurité du revenu, que, trop souvent, leurs enfants, la dernière semaine du mois, ne mangent pas. Ils ne déjeunent pas, ils ont un petit quelque chose peut-être à l'heure du midi. Donc, l'importance pour nous, elle est sur la régularité, mais à une fréquence qui soit suffisamment rapprochée pour que, cet argent-là, on puisse en bénéficier de façon régulière. Si on est capable de le faire à chaque semaine, tant mieux. Mais on sait que le deux semaines, c'est peut-être ce qui est le plus largement répandu. C'est le minimum pour nous. On ne devrait pas accepter, même si les versements d'une paie se faisaient au mois – ça se vit peu dans nos sociétés; on voit beaucoup ça en Europe, mais ça se vit peu chez nous, sur le continent nord-américain... On devrait faire en sorte que ce soit minimalement aux deux semaines, pour éviter cet écart entre la rentrée d'argent et le fait qu'on doive mettre un peu de bouffe sur la table à toutes les semaines, donc pour répartir de façon plus facile le budget familial.

Mme Loiselle: D'accord. Je vais revenir à l'intervention du député de Johnson au niveau de la violence. On en a parlé; il y a quelques groupes qui nous ont dit que ça pouvait prévenir la violence. Vous le mentionnez un peu, vous dites: Une perception de pension alimentaire, du fait qu'elle soit automatique, comporte un aspect de prévention de violence que nous ne pouvons passer sous silence. Moi, quand on parle d'hommes violents – je veux juste échanger avec vous – dans la réalité, ce qui se passe, dans les familles, quand il y a des hommes violents... Croyez-vous vraiment qu'en imposant... pas en imposant, mais que la retenue à la source, et je suis pour, là... Je veux juste voir ce qui va se passer dans la vie de tous les jours quand on a affaire à un homme violent qui aime contrôler sa conjointe. Le fait que, dorénavant, on lui dise: Bon, bien, on enlève ça sur ta paie ou tu vas déposer une sûreté; ton employeur est au courant maintenant que tu es séparé, que tu paies tant, ça va peut-être créer des tensions. Vous ne croyez pas, à quelque part, de dire de façon assez régulière que ça va prévenir la violence avec des hommes violents, que, dans la réalité de tous les jours, c'est peut-être le contraire qui va se produire?

Mme Skene (Jennie): Je vous dirais qu'à l'usage, comme infirmière... Monsieur parlait tout à l'heure de sa carrière de travailleur social, mais je pense que, comme infirmières, on est confrontées régulièrement à la violence que vivent les femmes et que vivent les enfants. Cette violence-là, elle peut prendre différentes formes. Il y a celui qui est violent physiquement, mais il y a tous ceux, et c'est sans doute le plus grand nombre, qui exercent des violences psychologiques à l'égard de leur femme et de leurs enfants. Le chantage qui s'exerce avant le versement, la menace constante que cet argent-là n'entre pas le 15, mais entre peut-être le 20 ou le 30, cette pression morale là qui est subie par les femmes, quant à moi, elle vient de disparaître. À partir du moment où la pension se prélève directement, que le versement se fait par quelqu'un d'autre, c'est une forme de chantage, sans doute celle qui est la plus utilisée, qui va disparaître. Et ça, je vous dis, c'est vraiment notre vision de ce qu'est le monde des femmes et la vision qu'on en a comme professionnelles de la santé qui les accueillons dans toutes sortes de situations. Trop souvent, c'est un motif de chantage; l'argent, c'est un motif de chantage. Il y a beaucoup de parents qui, de façon régulière, versent leur pension presque à date fixe, mais qui exercent quand même cette forme de menace là, cette forme de chantage là, de façon quasi constante, à l'égard de leur conjointe et même de leurs enfants. Et ça, à partir du moment où c'est quelqu'un d'autre qui reçoit l'argent et qui le verse à la mère pour ses enfants, on pense que, déjà, ça va enlever...

Mme Loiselle: Diminuer.

Mme Skene (Jennie): Oui, ça va enlever une violence. Le bonhomme qui est violent puis qui battait sa femme deux, trois fois par semaine, il va s'essayer d'une autre manière, mais ce n'est pas, heureusement, la totalité des pères. Au contraire, on sait qu'il y a heureusement une majorité de pères qui prennent leur rôle très au sérieux. Mais, si on réussit à faire diminuer cette violence psychologique là qui s'exerce, quant à nous, ça va être déjà une amélioration importante pour le milieu de vie de la famille.

Mme Loiselle: D'accord. Vous me rassurez un peu. J'avais ces craintes-là, parce que je me disais: Étant donné que, bon, ces hommes-là sont violents, le fait qu'à un moment donné on leur impose maintenant une nouvelle forme de paiement, lors des droits de visite, lors des vacances, quand ils vont chercher leurs enfants, quand ils téléphonent... Je me disais: Pour certaines personnes, est-ce que, finalement, ce ne sera peut-être pas pire? On parlait des effets pervers d'une loi quand elle est mise en application...

Mme Skene (Jennie): Je ne crois pas que ça va être pire. Vous savez que, présentement, même... Comme je vous dis, il y a des pères qui paient régulièrement leur pension alimentaire, mais leurs enfants sont là en fin de semaine, le père dit à l'enfant: Tu diras à maman que peut-être le paiement va retarder.

(16 h 30)

Mme Loiselle: Oui.

Mme Skene (Jennie): Hein! Le messager qu'on fait jouer à l'enfant. Nous, on l'appelle l'huissier, entre guillemets. La mère qui passe le message à son petit: N'oublie pas de dire à papa: la pension, c'est mercredi, là! C'est comme ça, continuellement.

On parle de la violence qui est faite aux mères, mais c'est une forme de violence qui s'exerce à l'égard des enfants, quand on les rend témoins des difficultés de couple qu'on a encore, même après la rupture ou la séparation. C'est un peu une prise d'otage continuelle. C'est vrai que les enfants vont demeurer attachés à leurs parents; et c'est tout à fait normal, et on doit favoriser ça. Je pense que c'est une méthode qui peut faire en sorte, justement, d'éliminer des irritants, de faire peser d'un poids trop lourd sur les épaules d'un enfant la responsabilité, soit de la séparation, ou soit du paiement ou de la rentrée de l'argent.

Mme Loiselle: Oui.

Mme Skene (Jennie): Je pense que c'est un plus, quant à nous.

Mme Loiselle: D'accord. Merci. Vous êtes le premier groupe depuis, je pense, le début des consultations, qui avez parlé des femmes des communautés culturelles. Je pense que vous êtes probablement la première personne qui nous en parlez. J'aimerais vous entendre davantage. Parce que je sais que, souvent, ces femmes-là sont isolées, soit par leur langage, leur religion, ou quoi que ce soit. Comment pourrait-on, par le projet de loi ou par la campagne de sensibilisation, aller chercher ces femmes-là?

Mme Skene (Jennie): Je pense qu'il va falloir utiliser, peut-être, des organismes communautaires qui les rejoignent plus facilement. On sait qu'il y a des organismes d'entraide aux communautés culturelles dans différents milieux, pour différents types de communautés. Parce que ce sont des femmes qui sont extrêmement difficiles à rejoindre, très isolées – peu de contacts avec l'ensemble de la communauté québécoise en général – qui partent souvent de pays où les droits des femmes sont bafoués, ne savent pas comment elles pourraient avoir accès à d'autres modes de vie...

Mme Loiselle: Oui.

Mme Skene (Jennie): ...parce qu'elles sont confinées dans leur milieu. Et, qu'est-ce que tu veux? la télévision, c'est en français ou en anglais; tu auras beau pitonner tout le tour, tu n'auras pas grand-chose dans d'autres langues. Donc, pour ces femmes-là, c'est extrêmement important de trouver des moyens qui soient à leur portée. Je pense que, le moyen le plus sûr de les atteindre, c'est par des organismes qui sont implantés dans les communautés culturelles, des organismes d'entraide qui vont trouver des méthodes qui ne seront pas nécessairement celles qu'on va utiliser pour l'ensemble des Québécoises ou des Québécois. Je pense qu'il va falloir innover, qu'il va falloir se mettre à leur portée avec les préoccupations qui sont les leurs. Parce que, souvent, ce sont des femmes aussi qui, bien qu'elles soient en séparation ou divorcées, vont, moins que les autres encore, utiliser les recours qui sont à leur niveau.

Alors, si on ne se préoccupe pas de les intégrer rapidement dans toutes les possibilités qui leur sont offertes, parce que les jugements sont antérieurs, mais que les paiements ne se font pas et qu'elles n'osent pas protester, ou elles ne vont pas protester, je pense qu'on a un effort supplémentaire à faire pour ces communautés-là.

Mme Loiselle: Merci. Il y a ma collègue qui voulait vous poser une question.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. En tant que Fédération des infirmières et infirmiers, est-ce que les enfants que vous avez eu à traiter et à soigner, est-ce que les enfants des familles monoparentales semblent plus mal en point que les autres qui vivent dans un foyer uni, et qui, sûrement, ont plus de nourriture, ne sont pas privés de médicaments, de vitamines? C'est évident que, les soins de santé, ils y ont accès comme les autres, mais il y a tout l'aspect... Est-ce que les cas que vous avez à traiter, des enfants, c'est plus marquant chez les familles monoparentales que les autres?

Mme Skene (Jennie): Ce qu'on sait, nous – et je pense que les statistiques le confirment – c'est qu'il y a plus de familles monoparentales qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Donc, c'est vraiment la pauvreté qui, quant à nous, dans ces situations-là, est le problème majeur. Que vous soyez en couple sous le seuil de la pauvreté, ou seule avec vos enfants sous le seuil de la pauvreté, vous allez rencontrer des embûches qui sont importantes pour leur apporter le minimum vital.

À partir du moment où on a dit ça, je pense qu'il faut le voir d'une autre perspective aussi. Je pense que, quand les parents sont responsables, quand les parents ne font pas supporter, quel que soit leur milieu social, leur séparation à leurs enfants, après une période d'acclimatation, je vous dirais qu'on ne voit pas beaucoup de différence entre les enfants, les uns par rapport aux autres. C'est vraiment dans les conditions qui sont mises en place pour franchir ça.

Mais dans les endroits où, effectivement, il y a des difficultés, qu'on n'a pas l'argent, que l'argent ne rentre pas, qu'on entend sa mère se plaindre de son père, qu'on entend son père se plaindre de sa mère, je vous dirais que, bien sûr, ça crée des dommages. Mais je ne suis pas certaine que ça en crée plus que pour les parents qui continuent de vivre en couple, mais qui s'engueulent du matin jusqu'au soir. Je pense que ce n'est pas meilleur pour un enfant de voir son père battre sa mère, même s'ils dorment dans le même lit. Je ne pense pas que, à ce niveau-là, comme infirmières, on voie vraiment de changement. Puis je pense que, si on le regarde de façon très large, c'est vraiment le respect.

Quand les parents sont respectueux les uns envers les autres et avec leurs enfants, peu importe qu'ils vivent en couple ou qu'ils soient séparés, je pense que, rapidement, les enfants... Ce n'est plus la situation d'il y a 30 ans, où, en classe, celui dont les parents étaient séparés passait pour la bête noire. Je pense que, aujourd'hui, il y a un équilibre – si on peut appeler ça «équilibre» – mais il y a une pénétration de ce phénomène-là qui fait que, pour les enfants, c'est presque banal d'avoir deux mères, deux pères, trois grands-mères, puis ça devient...

Quand tout le contexte est vécu correctement, quand ça se passe dans des situations de respect, je pense que ça se passe bien et que les enfants s'en sortent aussi bien après coup. Mais ça demande, bien sûr, qu'il y ait un minimum qui soit assuré dès le départ. Et si, en plus, on se bat pour avoir de l'argent, pour mettre du pain sur la table, ça ajoute aux tensions qui sont vécues par les enfants et au niveau de responsabilités qu'ils s'adjoignent, qu'ils prennent sur leurs épaules, alors qu'ils ne sont pas responsables.

Mme Vaive: Moi, si je vous posais cette question-là, c'était beaucoup plus au niveau des soins de la santé.

Mme Skene (Jennie): Au niveau des soins...

Mme Vaive: Parce que, veux veux pas, nous... Je sais bien, moi, que si le médecin me prescrit un médicament qui va me coûter... Là, j'ai un cas, 1 500 $, une petite fille qui fait de la leucémie; 1 500 $, un médicament, par mois. Imaginez-vous si c'est de l'argent! Puis, le père n'a pas d'assurance-maladie; il ne fait pas partie d'une assurance-groupe non plus. C'est des gros montants. Il doit y avoir, chez ces familles-là, sûrement, des problèmes que la maman, ou le papa, dans le cas où c'est le père qui est monoparental... Moi, je le sais, je l'ai fait: j'ai été mariée avec un alcoolique, et puis j'ai eu à me serrer la ceinture. Puis, les enfants, des fois, j'arrivais au médecin, puis je disais: Bien, écoutez, il n'y a pas un autre médicament moins dispendieux que celui-là, là? Moi, il faut que je paie mes médicaments, ensuite les réclamer de mon assurance, et puis... C'est dans ces cas-là que je voulais...

Mme Skene (Jennie): Je vous dirais que les gens ne s'ouvrent pas facilement...

Mme Vaive: Non.

Mme Skene (Jennie): ...sur ces aspects-là. On sait, ils nous disent: Aïe, ça coûte cher, ça va coûter énormément cher! Mais je pense que ce n'est pas du fait qu'on vive avec un conjoint qui soit au salaire minimum qu'il va être plus facile... On ne voit pas vraiment, dans les niveaux de pauvreté, de différence. Quand on est pauvre, en couple ou seul, on est pauvre, et on n'a pas les moyens de se payer ce type de services là.

Et, là, il faut poser la question d'un autre point de vue: Comme société, est-ce qu'on va donner des soins de moins bonne qualité, des services de moins grande qualité à ceux qui sont pauvres par rapport aux autres? Mais, là, c'est tout un autre débat qu'on enclenche. Je ne pense pas que ce soit celui qui soit prévu aujourd'hui, mais on pourrait en parler longuement, effectivement.

Mme Vaive: Au «sommaire des recommandations», la cinquième recommandation: «Que les pensions alimentaires destinées aux mères qui reçoivent des prestations d'aide sociale leur soient versées en totalité en vue de l'amélioration du niveau de vie de leurs enfants.» Ça, je suis d'accord avec vous, et j'irais même plus loin. Je l'ai dit, la semaine dernière: Elle est pénalisée en plus parce qu'elle reçoit une pension alimentaire; elle est obligée de la déclarer sur ses papiers d'impôt. Je trouve ça... Ce n'est plus une pension alimentaire, c'est un besoin et c'est du manger, c'est du pain qu'elle donne à ses enfants. Il y aura toujours des exceptions de mamans qui vont peut-être prendre cet argent-là pour aller – excusez l'expression! – guidouner, mais ce n'est pas dans tous les cas. C'est peut-être des exceptions.

Mme Girard (Lucie): Mais les chiffres qu'on a sur la pauvreté des femmes nous disent que c'est sûrement des cas plus rares.

Mme Vaive: Oui.

Mme Girard (Lucie): Particulièrement, les femmes des familles monoparentales avec leurs enfants sont dans des besoins et des urgences; c'est ce que nous avons essayé de dire. Et il y a des coûts sociaux à la pauvreté: il y a des coûts sur la santé, sur la santé mentale, sur le décrochage scolaire. Je veux dire: On ne peut pas, à long terme, se permettre que ces écarts-là persistent et marginaliser des groupes, et, particulièrement, les femmes et leurs enfants. Bien, on finit par le payer ailleurs en coûts de santé et à d'autres niveaux – à l'éducation – mais en coûts de santé. Il y a des études qui commencent à sortir: Pauvreté, santé, pauvreté, santé mentale...

(16 h 40)

Le Président (M. Lazure): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Pour conclure.

Mme Loiselle: Oui, pour conclure, seulement vous remercier et vous dire que votre recommandation 2.6, au niveau de l'accessibilité des services à toutes les femmes des régions du Québec, je suis bien contente de l'avoir lue. Merci.

Le Président (M. Lazure): Mme la ministre, s'il vous plaît, en conclusion. Mme la ministre.

Mme Blackburn: Mesdames, j'étais... Parce que, voyez-vous, le projet de loi, avec les légistes, on l'a rédigé du premier au dernier article, mais il reste toujours des petits points qui reviennent.

Un qui revient régulièrement, c'est la note au dossier de crédit. Ce qu'on me dit toujours, du côté des juristes, c'est de dire que tous les prêteurs vont vérifier s'il y a des obligations alimentaires. Ça va être un réflexe, du moment où il y a une loi qui fait obligation. Ils ont moins tendance à le faire, actuellement, parce qu'il n'y a pas cette loi qui dit: Ça va être traité comme une créance prioritaire. Alors, il y a gros à parier que ça va rentrer assez rapidement dans Équifax, comme... Alors, c'est ce qui fait dire aux juristes que ce n'est pas évident qu'il faut, en plus, avoir la note de mauvaise créance au dossier de crédit. Je ne le sais pas encore, mais c'était ça que j'étais en train d'essayer de vérifier.

Je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. Vous avez soulevé des points qui sont pertinents, sur lesquels on va avoir à réfléchir. En ce qui a trait à la campagne de sensibilisation et d'information, nous, on a déjà commencé à réfléchir à ce qu'elle serait, à son contenu. Mais, ce qu'il faudrait dire à tous les organismes qui ont prêté leur concours pour enrichir le projet de loi: Vous aurez aussi, on l'espère, pas une responsabilité, mais le souci aussi de bien informer vos membres sur les portées de cette loi. Et, également, dans les milieux qu'on a le plus de difficultés à rejoindre, les milieux plus défavorisés, les milieux multiculturels, parce qu'on sait qu'il y a des infirmières qui travaillent dans tous ces milieux-là; on vous retrouve partout. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Lazure): Merci aux représentantes de la Fédération des infirmières et infirmiers.

Et nous suspendons pour une minute avant de recevoir le groupe: Les Cercles de fermières du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Lazure): Bienvenue aux représentantes des Cercles de fermières du Québec: Mme Suzanne Paquin, présidente, accompagnée de Mme Brousseau, responsable du dossier, et de Mme Sophie Gagnon, rédactrice à L' Actuel , magazine des Cercles de fermières du Québec. À vous, la parole.


Les Cercles de fermières du Québec

Mme Brousseau (Yolande): Alors, Mme Suzanne Paquin est ici; pour moi, c'est ma gauche. Mme Suzanne Paquin est présidente des Cercles de fermières du Québec, un organisme qui comprend 46 000 femmes, soit un certain nombre. Et Mme Sophie Gagnon, qui est rédactrice à L'Actuel , est également notre personne-ressource.

Alors, Mme Paquin, s'il vous plaît.

Mme Paquin (Suzanne): Alors, fondés il y a 80 ans, en 1915, Les Cercles de fermières du Québec comptent plus de 46 000 femmes réparties en 820 cercles locaux et 25 fédérations. Il s'agit du plus important regroupement de femmes en Amérique du Nord et de l'ancêtre des associations féminines au Québec.

De tout temps, Les Cercles de fermières du Québec ont milité en faveur des femmes et de la famille. D'ailleurs, à l'issue du congrès d'orientation, en 1994, cette mission fondamentale a été réaffirmée en ces termes: Que l'association en soit une de femmes bénévoles vouées à l'amélioration des conditions de vie de la femme et de la famille ainsi qu'à la transmission du patrimoine culturel et artisanal.

Au fil des décennies, Les Cercles de fermières ont démontré, plus que toute autre association au Québec, leur engagement concret dans toutes les causes touchant la femme, les enfants, les parents et la famille.

En faveur des femmes. Pour contribuer à l'amélioration des conditions de vie des femmes, Les Cercles de fermières du Québec donnent de multiples cours d'épanouissement des habiletés des femmes. De plus, ils ont fait et continuent de faire des représentations auprès de différentes instances.

Voici quelques exemples de nos récents mémoires, avis et recommandations: avis au Conseil du statut de la femme sur la politique d'ensemble de la condition féminine; enquête scientifique: «Le profil de la Québécoise membre des Cercles de fermières», et trois études spécifiques sur le rapport préliminaire, le régime de rentes et le bénévolat; mémoire sur les femmes au foyer et les régimes de pension; rapport à la commission Rochon sur les soins de santé et services sociaux; avis sur les droits économiques des conjoints; avis sur les régimes complémentaires de retraite; avis sur le projet de loi 156: pratique des sages-femmes; avis sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives; avis sur l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux; recommandation en faveur de l'adoption, dans les meilleurs délais, d'une loi pour qu'à travail équivalent le salaire soit égal; recommandation en faveur de mesures vigoureuses pour s'attaquer à la pauvreté, notamment le développement d'une politique de plein emploi.

En faveur des enfants. Pour contribuer à l'amélioration des conditions de vie des enfants, Les Cercles de fermières du Québec attribuent des bourses qui stimulent les jeunes à poursuivre leurs études. De plus, ils ont fait et continuent de faire des représentations auprès de différentes instances.

Voici quelques exemples de nos récents mémoires, avis et recommandations: avis au Conseil des collèges sur les cégeps et sur les priorités de développement de l'enseignement collégial; avis sur le projet de loi 25, Loi sur l'aide financière aux étudiants; avis sur l'enseignement collégial québécois; recommandation pour la mise en place dans tout le Québec d'un programme de prévention et de surveillance contre les drogues dans nos écoles.

En faveur de la famille. Pour contribuer à l'amélioration des conditions de vie de la famille, Les Cercles de fermières du Québec ont multiplié les actions concrètes depuis 80 ans.

Voici quelques exemples de nos récents mémoires, avis et recommandations: mémoire d'une politique familiale; enquête sur les habitudes alimentaires des familles québécoises et des jeunes Québécois en milieu scolaire; publication du volume «Le jeune qui me suit», des éditions Pénélope; différents avis sur les services de garde à l'enfance; avis sur le rapport du comité de consultation sur la politique familiale; avis sur le projet de loi 106 portant sur les élections scolaires et le projet de loi 107 sur l'instruction publique; mémoire concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le Conseil de la famille; recommandation pour que soit accordé à un parent d'enfants d'âge préscolaire qui demeure à la maison un crédit d'impôt équivalent au montant attribué par le gouvernement provincial pour les frais de garde; recommandation pour la mise en place d'une politique fiscale équitable envers les familles; recommandation pour l'inclusion de tous les enfants de moins de 12 ans d'une même famille dans le prix des forfaits familiaux.

Mme Gagnon (Sophie): Alors, je poursuis. Le présent mémoire a pour but de faire connaître l'approbation de notre association et des 46 000 membres qu'elle représente au projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Il est bon de savoir que Les Cercles de fermières du Québec ont toujours défendu la famille, sous toutes ses formes, en accordant une attention particulière aux familles les plus démunies de notre société: les familles monoparentales dirigées par une femme.

(16 h 50)

Dès 1988, dans son avis sur une politique de sécurité du revenu, l'association arrivait à la conclusion suivante: Il faut que l'État prévoie, de façon juste et rigoureuse, la rupture de la cellule familiale, afin que la séparation ou le divorce ne soient plus laissés à la seule bonne foi des parties et à la compétence des juges. Puis, en 1993, Les Cercles de fermières du Québec se sont prononcés spécifiquement sur le sujet du recouvrement des pensions alimentaires. Voici le texte intégral de cette recommandation, adoptée au congrès provincial de 1993:

«Attendu que la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des pensions alimentaires n'est toujours pas en vigueur;

«Considérant qu'une très grande majorité de femmes se retrouvent dans une situation déplorable à la suite de la rupture de l'union. En effet, 66 % des familles monoparentales dirigées par une femme vivent sous le seuil de la pauvreté. De même, deux familles monoparentales sur cinq doivent bénéficier de l'aide sociale;

«Considérant qu'un faible pourcentage d'ex-conjoints respectent les ordonnances du tribunal en ce qui concerne les paiements desdites pensions alimentaires. En effet, 55 % des ordonnances alimentaires nécessitent l'intervention judiciaire;

«Les Cercles de fermières du Québec recommandent au ministère de la Justice d'assurer la mise en vigueur, dans les meilleurs délais, de la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des pensions alimentaires.»

Il est vrai que le projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, diffère considérablement de la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des pensions alimentaires, dont Les Cercles de fermières du Québec souhaitaient voir la mise en vigueur dans leur recommandation de 1993. Toutefois, nous constatons avec plaisir que le projet de loi faisant l'objet de la présente commission parlementaire, dans la foulée de législations similaires déjà en vigueur dans d'autres provinces canadiennes, s'attaque de façon plus directe et plus efficace encore à l'une des plus grandes injustices de notre société, qui est aussi l'une des préoccupations centrales de notre association: la pauvreté des familles monoparentales dirigées par une femme.

Le rappel de quelques statistiques suffit à montrer l'ampleur du problème de la pauvreté des familles monoparentales: 18,8 % des familles québécoises sont monoparentales; 81,8 % des familles monoparentales québécoises sont dirigées par une femme; 65,2 % des familles monoparentales composées d'une femme et d'enfants de 18 ans et moins vivent sous les seuils de faible revenu. Pour toutes ces raisons, et compte tenu du fait que le pourcentage de familles monoparentales est toujours en hausse dans notre société, Les Cercles de fermières du Québec ne peuvent qu'applaudir certaines dispositions de ce projet de loi instaurant un régime de perception automatique des pensions alimentaires.

En faveur d'une plus grande équité envers les familles monoparentales. «Selon des études, le système d'exécution automatique, administré par l'État, est jugé comme étant la méthode la plus efficace.» Un degré d'efficacité accru dans le paiement des pensions alimentaires au Québec est une bonne nouvelle pour les 109 000 personnes, dont une grande majorité de femmes, qui ont droit à une pension alimentaire en vertu d'une ordonnance émise par un tribunal.

Sans éliminer totalement les mauvais payeurs et la pauvreté des familles monoparentales, le système de perception automatique permettra de diminuer les statistiques effarantes sur la pauvreté des familles monoparentales dirigées par une femme. Actuellement, les pensions impayées sont l'un des facteurs principaux de la pauvreté des familles monoparentales, puisqu'elles constituent la perte d'environ 20 % de leur revenu total.

Nous voyons comme une main tendue aux familles dans le besoin ce projet de loi. Et, s'il est vrai que le système de perception automatique est superflu pour les ex-conjoints n'ayant jamais manqué à leur devoir de débiteur, il apparaît responsable pour un gouvernement de considérer d'abord le mieux-être des défavorisés du système, nommément les familles monoparentales. D'ailleurs, le projet de loi respecte, dans une certaine mesure, l'autonomie des ex-conjoints ayant toujours versé assidûment leur pension.

En faveur des femmes. Avec le projet de loi 60, les femmes recevant une pension alimentaire n'auront plus besoin d'adresser elles-mêmes une demande si l'ex-conjoint ne paie pas sa pension alimentaire. Le ministre du Revenu s'en chargera automatiquement dès qu'il y aura défaut de paiement, plutôt qu'après des semaines ou des mois de retard, comme c'est souvent le cas lorsque la créancière d'une pension doit elle-même faire les démarches. La situation qui prévaut actuellement fait en sorte que bien des femmes s'endettent et s'enlisent encore plus profondément dans la pauvreté pour subvenir aux besoins de leur famille, quand la pension n'est pas versée.

L'association voit un net avantage à l'intervention automatique et immédiate de l'État, qui corrige des lacunes importantes du service de perception présentement en vigueur. Ce dernier est très peu utilisé par les femmes confrontées à un défaut de paiement, principalement pour les raisons suivantes: parce qu'elles en ignorent l'existence; parce qu'elles craignent des représailles de leur ex-conjoint; parce qu'elles doutent de l'efficacité du système dans leur cas.

Un régime de perception automatique des pensions alimentaires réduira aussi les tensions entre les ex-conjoints, puisque le percepteur agira comme intermédiaire. Et, puisque le régime s'adresse à tous les payeurs de pensions alimentaires, qu'ils soient salariés ou non salariés, moins de mauvais payeurs pourront fuir leurs responsabilités.

Un régime de perception automatique des pensions alimentaires favorisera aussi une plus grande équité quant au niveau de vie des ex-conjoints. En effet, bien que les difficultés financières des débiteurs de pension soient le motif le plus souvent évoqué pour justifier l'absence de paiement, il appert que le niveau de vie des Québécois est en hausse pendant l'année qui suit la rupture, alors que celui des Québécoises et de leurs enfants est en chute libre.

C'est donc dire que d'autres facteurs entrent en ligne de compte du côté du conjoint qui n'a pas la garde des enfants, comme le manque d'intérêt envers la vie familiale, de l'animosité résultant du divorce, des droits de visite insatisfaisants, etc. Il est souhaitable qu'un mode de perception automatique empêche que de tels motifs privent des familles monoparentales de la pension alimentaire dont elles ont absolument besoin.

En faveur des enfants. Il ne faut pas oublier que les enfants sont, dans la très grande majorité des cas, les bénéficiaires uniques des pensions alimentaires. Ce sont donc eux les grands gagnants si une nouvelle façon de faire favorise la stabilité et la régularité du versement des pensions alimentaires. Lorsque diminuera la pauvreté des enfants des familles monoparentales, du même coup diminueront les conséquences aussi nombreuses que néfastes de cette pauvreté sur les enfants, telles que soulevées dans le rapport du Groupe de travail pour les jeunes, le rapport Bouchard: ils sont deux fois plus enclins au décrochage scolaire, le quart d'entre eux ne mangent pas à leur faim, ils ont plus de problèmes graves de conduite, etc.

Mme Brousseau (Yolande): En faveur de coûts sociaux moindres. Par ailleurs, s'il est vrai que le gouvernement pourra récupérer auprès des débiteurs un minimum de 72 900 000 $ de plus en pensions alimentaires, et qu'il économisera plus de 9 000 000 $ en aide de dernier recours aux familles monoparentales privées de la pension à laquelle elles ont droit, le projet de loi 60 est également un bienfait pour toute la société dans un contexte de restrictions budgétaires et de difficultés économiques.

En faveur d'un suivi attentif. Il importe que les autorités gouvernementales assurent un suivi attentif à l'application de cette loi. En effet, aucun mode de perception des pensions alimentaires actuellement en vigueur au Canada, avec retenue à la source ou non, n'est aussi efficace que souhaité, comme en témoignent les conclusions de l'étude sur la perception des pensions alimentaires du Conseil du statut de la femme concernant les différents modes de perception dans les provinces canadiennes. Le taux de bons payeurs est de moins de 50 % dans toutes les provinces – 45 % au Québec – sauf le Nouveau-Brunswick – 58 % – ce qui est loin d'une situation idéale. L'exemple de l'Ontario, où l'instauration d'un mode de retenue à la source, en 1992, n'a entraîné qu'une baisse modérée du taux de mauvais payeurs, devrait inciter le gouvernement du Québec à analyser de façon assidue l'efficacité de son propre mode de perception et à s'ajuster rapidement si des lacunes deviennent manifestes.

Autre source de préoccupation des Cercles de fermières du Québec: la disparité des ordonnances alimentaires pour des familles ayant pourtant un profil semblable. Nous croyons que le gouvernement du Québec se doit d'assurer une plus grande équité au moment de la fixation du montant des pensions alimentaires, de façon à ce que moins de femmes et d'enfants vivent la rupture de la cellule familiale sous le signe de la misère. À ce sujet, nous partageons l'avis du Comité sur le droit de la famille: «L'adoption d'une formule de fixation des pensions alimentaires pour les enfants aidera les parents, les avocats et les juges à négocier et à fixer des pensions alimentaires équitables et cohérentes et à amener les parents à mieux accepter leur responsabilité à l'égard des enfants.»

En conclusion. À l'instar du Conseil du statut de la femme et d'une foule d'organismes ayant à coeur la condition féminine, les enfants et la famille, Les Cercles de fermières du Québec revendiquaient une réforme majeure du système de perception des pensions alimentaires, au nom des familles les plus démunies de la société: les familles monoparentales dirigées par une femme. À notre avis, le système mis de l'avant dans le projet de loi 60 constitue un pas en avant pour les femmes et les enfants de familles monoparentales qui, déjà appauvries par la rupture de l'union, le sont encore davantage lorsque l'ex-conjoint ne se conforme pas à son devoir de payer la pension alimentaire. Chaque pourcentage de diminution des mauvais payeurs permettra, nous l'espérons, une diminution équivalente du pourcentage de familles monoparentales vivant dans la pauvreté. Reste à souhaiter que le projet de loi devienne loi dans les meilleurs délais et qu'un suivi approprié, combiné à un mode de fixation des pensions alimentaires plus équitable, permette d'améliorer ce système de façon à ce que les mauvais payeurs de pensions alimentaires deviennent des exceptions toujours plus rares.

(17 heures)

Le Président (M. Lazure): Merci, mesdames. Mme la ministre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme la présidente, mesdames, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission, de vous remercier également d'avoir accepté l'invitation de la commission des affaires sociales.

Vous allez me permettre, avant d'aborder votre mémoire, de souligner la perte d'un ami et ex-député du Parti québécois, Roger Paré, qui a, si je ne m'abuse, présidé cette commission un moment. Il a été vice-président, c'est ça, de cette commission. C'était un ami personnel. Il a été député de Shefford de 1981, je pense, à 1994. Il a démissionné quelque part en 1994. Il y a eu une partielle. Alors, je voulais qu'on puisse dire à cette commission que, de part et d'autre, je pense, Roger Paré a été considéré comme un excellent député, un parlementaire très, très respecté, respectueux de ses concitoyens et de ses électeurs et électrices. Je pense qu'on perd dans Roger Paré quelqu'un qui a su relever et la qualité et la perception que la population a d'un bon député. Roger, c'était un bon député.

Vous nous rappelez ce que nous savions toutes et tous, sans doute, et qu'on oublie trop souvent: Les Cercles de fermières, c'est le regroupement de femmes le plus important en Amérique du Nord. En même temps que vous nous présentiez votre organisme, je me disais combien est-ce qu'il y a d'enfants là-dedans, combien est-ce qu'il y a de filles là-dedans, combien est-ce qu'il y a de brus là-dedans et combien est-ce qu'il y en a aussi qui vivent des situations de séparation difficiles ou de non-paiement des pensions alimentaires. Sans doute que vous nous en parlerez. Je voudrais vous féliciter parce que, tout au long de votre histoire, les fermières se sont toujours intéressées aux femmes, aux familles et aux enfants. Et les fermières, ce que les Québécoises et Québécois ne savent pas, ça a été la première association féminine à prendre ses distances avec le clergé. Généralement, on a plus l'impression plus conservatrice... le clergé se faisait envahissant et les femmes fermières s'étaient distancées du clergé, à l'époque. Alors, le mémoire que vous nous présentez, évidemment, moi, je le reçois comme étant un des mémoires les plus sentis dans le sens que vous représentez des femmes un peu partout sur tout le territoire du Québec. C'est pourquoi les recommandations que vous nous faites, je les reçois avec beaucoup d'attention.

Vous parlez des injustices faites aux femmes, faites aux enfants de façon particulière. Moi, ce que je voudrais qu'on rappelle pour les enfants de façon particulière, c'est l'objectif du projet de loi: 94 % des ordonnances alimentaires sont en faveur des enfants. Alors, je voudrais que vous me parliez un petit peu... À la page 5, vous dites: «En faveur des femmes», et vous dites: «La situation qui prévaut actuellement fait en sorte que bien des femmes s'endettent et s'enlisent encore plus profondément dans la pauvreté pour subvenir aux besoins de leur famille quand la pension n'est pas versée.» Si vous nous parliez un peu de vos expériences, de la connaissance que vous avez de ces choses.

Mme Brousseau (Yolande): La connaissance que nous avons va avec les comités, et les études que nous avons faites. Au départ, je dois vous dire que, selon certains sondages, nous sommes d'une moyenne d'âge de 58 ans. Donc, si nous parlons d'expérience dans ce sens, nous parlons et de nos filles et de nos petites-filles, c'est sûr. C'est à travers ces divers comités où on a parlé de la violence – on a fait des recherches dans ce sens-là – qu'on a réalisé, à un moment donné, ce que vivaient beaucoup de nos femmes, de nos filles et de nos petites-filles à travers ces séparations-là où deux êtres avaient décidé de devenir des couples, faisaient des enfants, puis, à un moment donné, se séparaient puis oubliaient qu'ils étaient encore des parents. Alors, à ce moment-là, c'est souvent la femme, dans la majorité des cas, qui hérite des enfants. Elle est contente de les avoir, c'est sûr, mais elle veut subvenir à leurs besoins. Elle réalise qu'à travers tous ses problèmes, même si elle est sur le marché du travail, il y a les frais de garde, à chaque semaine il y a l'épicerie, il y a les bottes, à un moment donné, il y a les souliers, il y a les manteaux, il y a tout ce dont l'enfant a besoin, il y a certains cours dont il a besoin également, il y a des médicaments. Alors, tout ça, la pauvre femme se sent vraiment débordée et, à travers tout ça, ce qu'elle fait et ce qui se passe, eh bien, ou c'est sa santé qui laisse à désirer, parce qu'elle est vraiment débordée, ou, à un moment donné, c'est ce qu'elle vit vis-à-vis du conjoint parce que quand vraiment... On a parlé des bons payeurs, il n'y a pas de problème du côté de ceux-là parce que, ordinairement, s'ils paient bien leur pension, c'est qu'on a réalisé également qu'il y avait une certaine collaboration de parents vis-à-vis des enfants. Mais si, par contre, ces mêmes personnes, ces mêmes mauvais payeurs, par contre, s'ils sont mauvais payeurs au niveau financier, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils soient très, très bons collaborateurs au niveau éducation et au niveau affectif vis-à-vis de leurs enfants. Et ce qui se passe malheureusement à ce moment-là, c'est que le pauvre petit enfant ou les pauvres petits enfants dans le milieu servent souvent de tampon. Vous parliez tout à l'heure de huissier, moi, il me semble qu'on voit plus tampon, parce que l'enfant, lui, vit intérieurement, en plus des désespérances qu'il vit parce qu'il se sent tiraillé, il se sent déchiré – il n'y a pas d'autre mot – par la séparation de ses parents, en plus de cette absence affective qu'il vit, il vit également les problèmes de sa mère et de son père qui sont réellement en grande difficulté, quand ils ne vivent pas des problèmes de violence. Vous parliez tout à l'heure de violence psychologique, c'est ce qui est ressorti de nos comités, de nos recherches. C'est vraiment que la violence psychologique est très souvent employée dans ces cas-là.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites, en haut de la page, être heureuses de ce projet de loi parce qu'il s'attaque de façon plus directe et plus efficace encore à l'une des plus grandes injustices de notre société. Est-ce que vous estimez que de choisir le ministère du Revenu plutôt que le ministère de la Justice comme percepteur, c'est préférable?

Mme Brousseau (Yolande): C'est une question... Disons que nous ne sommes pas très, très habilitées du côté fiscalité, mais il reste un fait, c'est que, si on parle du ministère du Revenu ou du ministère de la Justice, il y a un côté fiscalité à ne pas négliger, mais il y aurait peut-être à prévoir le ministère qui aurait le plus de facilité du côté humain de voir la façon humaine de traiter les choses. C'est sûr qu'on parle de sous, mais, à travers ces sous-là, il y a un côté humain qui n'est pas à négliger et qu'on trouve très important. Alors, vous dire: On préfère un ministère à un autre, je vous dirai, à ce moment-ci: Nous préférons le ministère qui saura développer davantage l'aspect humain de ces questions.

Mme Blackburn: D'accord. Vous nous invitez à assurer un suivi à la loi pour qu'elle soit plus efficace qu'elle ne l'a été en d'autres Législatures. Est-ce qu'on pourrait... J'imagine que vous êtes bien branchées sur le milieu; 46 000 membres, ça doit parler un peu.

Mme Brousseau (Yolande): Oui, ça parle.

Mme Blackburn: Ha, ha, ha! C'est ça. Est-ce qu'on pourrait compter sur un organisme comme le vôtre pour nous faire savoir un peu ce qui vous apparaît être comme un fonctionnement pas tout à fait efficace, qui s'apparenterait à un manque d'efficacité? On peut compter, j'imagine, sur un organisme comme le vôtre pour nous faire part de vos commentaires là-dessus.

Mme Brousseau (Yolande): C'est dans nos intentions de suivre de près l'évolution de ce projet de loi que nous espérons loi très, très, très bientôt. Vous pouvez être assurée que nous le suivrons de très près également et nous serons heureuses de vous en communiquer nos points de vue.

Mme Blackburn: D'accord. Pour ce qui est de la fixation, vous savez que c'est de juridiction fédérale parce que... C'est compliqué, notre système. Au civil et au criminel: le civil, c'est le Québec et, le criminel, c'est Ottawa; la séparation, c'est le Québec; le divorce, c'est Ottawa. C'est toujours très compliqué, sauf qu'ils ont créé une table pancanadienne de concertation sur la fixation. Je sais que le ministre de la Justice du Québec a déjà commencé à examiner cette question-là et on va entrer en communication avec lui assez rapidement parce que, vous avez raison de le dire, il y a une disparité dans la fixation des pensions alimentaires qui ne sert pas toujours les enfants.

(17 h 10)

Pour ce qui est de l'adoption de la loi, moi, je pense qu'on peut compter sur la collaboration de l'opposition. On va essayer de le faire le plus rapidement possible, le mieux possible, de manière à commencer à déployer rapidement notre système informatique. Parce que plus on l'adoptera rapidement, plus elle pourra rentrer en vigueur rapidement. Mais, comme je le rappelais tout à l'heure, c'est une loi qui a été adoptée à l'unanimité, dont le principe a été adopté à l'unanimité en Chambre. Ça démontre que, sur ces questions-là qui touchent le bien-être des enfants et des femmes, il y a moyen d'être au-dessus des contingences partisanes.

Une voix: Oui.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Mille-Îles, s'il vous plaît.

Mme Leduc: Oui. Bonjour, mesdames. Alors, je voudrais quand même joindre mes félicitations à celles de la ministre envers votre groupe parce que, pour avoir eu l'occasion de collaborer avec votre groupe parmi le mouvement des femmes, on a toujours eu beaucoup de support, de soutien dans l'ensemble des questions de la condition féminine des Cercles de fermières, ce qui m'a surprise moi-même quand je suis arrivée dans le milieu. Alors, je vois que vous continuez d'être dans ce sens-là et c'est fort intéressant.

Maintenant, moi, je voudrais vous parler... À la page 7, au deuxième paragraphe, vous parlez de l'efficacité de la loi et que, même en Ontario, où on a établi un système de perception automatique, bon, ce n'est pas les résultats qu'on en attendait ou, en tout cas, aussi performants qu'on le croirait. Dans notre loi, vu qu'elle s'adresse aux travailleurs autonomes, il va y avoir déjà une amélioration de l'efficacité. Mais d'autres groupes ont parlé de mesures qui pourraient améliorer l'efficacité, comme, par exemple, pas la dénonciation, je n'aime pas le mot, en tout cas...

Une voix: Non, moi non plus.

Mme Leduc: ...dire au bureau de crédit... Quand un mauvais payeur ne paie pas sa dette, en informer le bureau de crédit, donc il devient comme un mauvais... son dossier de crédit est entaché, à ce moment-là. Je voudrais savoir quelle serait votre réaction à ça, ou il y en d'autres qui sont encore plus coercitives, comme le fait de faire perdre une licence, soit un permis de travail ou une licence, ou la licence de conduire aussi. Dans ce type-là, est-ce que vous croyez qu'on pourrait quand même examiner ça? Parce qu'il y a d'autres groupes, surtout pour le bureau de crédit... les autres mesures n'ont pas été nécessairement suggérées par d'autres groupes, mais surtout l'information au bureau de crédit a été souvent suggérée. Est-ce que vous seriez d'accord avec de telles mesures qui pourraient, peut-être, améliorer l'efficacité de la loi?

Mme Brousseau (Yolande): Nous ne nous sommes pas penchées sur ce sujet-là, sur cet aspect-là. Nous sommes conscientes des droits de la personne, de la Commission des droits de la personne. Il nous semble, en tout cas, le départ, c'est de développer le sens du respect et de la responsabilité. Ah, c'est beau à dire, hein! Ce n'est peut-être pas si facile à appliquer, par exemple. Mais il y a une forme d'éducation à donner, c'est sûr. On vient de passer à travers l'Année internationale de la famille. On est sensibilisés, jusqu'à un certain point, aux problèmes de la famille. La société en général l'a été. Mais il faudrait que, dans la pratique, ça paraisse et que... Ces gens-là, peut-être parce qu'ils ont vécu des choses difficiles, en font vivre à d'autres après. Il faudrait que ces gens-là soient sensibilisés. Est-ce que le fait de les dénoncer – j'ose le dire – les aiderait? Je me demande si ça les aiderait ou si ça les révolterait. Je vous avoue que je reste devant un point d'interrogation. Je ne sais pas si mes compagnes le voient du même point, mais je pense... parce que j'essaie de dire, à travers l'opinion des 46 000 femmes qui sont à côté ou en arrière de moi, je crois qu'avant de décider un point comme ça il faudrait vérifier tout ce qui en découle.

Mme Leduc: C'est sûr que c'est pour les vrais mauvais payeurs; ce n'est pas automatiquement que ça se fait...

Mme Brousseau (Yolande): Oui.

Mme Gagnon (Sophie): Pour reprendre les paroles de notre prédécesseur du Conseil de la famille, il parlait de quelque chose choc...

Une voix: Pédagogie-choc.

Mme Gagnon (Sophie): Je pense que c'est déjà assez un choc. Peut-être n'avons-nous pas à aller jusque-là en débutant. Mais je serais d'avis que, et on en a déjà parlé aussi antérieurement, si les ressources humaines sont suffisantes pour faire appliquer la loi, au départ, de façon très stricte, peut-être est-ce que ce sera suffisant pour vraiment endiguer le problème. Si d'autres mesures plus sévères à l'endroit de certaines personnes sont nécessaires, peut-être que ça pourrait faire l'objet d'une révision par la suite, mais l'importance, peut-être, c'est que, au départ, ce soit appliqué avec beaucoup de rigueur puis avec assez de diligence et de personnes-ressources pour que le système fasse ses preuves.

Le Président (M. Lazure): M. le député de Johnson, suivi de Mme la députée de Rimouski.

M. Boucher: Juste de brefs commentaires. J'ai beaucoup apprécié votre mémoire qui approuve largement, évidemment, le projet de loi. Je reviens sur le deuxième paragraphe de la page 6 où vous parlez de la réduction des tensions. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je vais juste vous raconter une expérience que j'ai vécue dans ma vie professionnelle et qui a abouti il y a un mois, où, après 15 ans, un père qui s'est fait poursuivre par ses filles de 18 ans et de 19 ans en cour parce qu'il ne payait pas sa pension alimentaire, et c'était un entêtement de sa part, a revu ses enfants 15 ans après, il y a un mois. Tout ça ne se serait pas produit, toutes ces blessures et ces peines ne se seraient pas produites s'il avait, dès le départ, été mis devant un état de fait comme le prévoit le projet de loi. Je vous fais la remarque parce que vous revenez sur ça comme les personnes qui vous ont précédées.

Autre chose, vous faites rapport à la pauvreté. Dans le rapport Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants», on fait largement état des conséquences de la pauvreté sur, évidemment, le décrochage scolaire, la maladie, la santé mentale des enfants. Je trouve que le projet de loi, vous le soulignez, vient aider sensiblement à réduire ces choses-là et contribue largement au développement social de nos enfants. Je suis étonné et agréablement surpris que... Je viens d'apprendre, d'ailleurs, que vous êtes le groupe féminin le plus important au Québec.

Une voix: En Amérique du Nord.

M. Boucher: En Amérique du Nord. Je pense que je vais faire le tour des Cercles de fermières pendant la campagne référendaire. Ha, ha, ha! J'espère que vous allez nous inviter. Excusez, c'est une remarque inopportune, M. le Président. Alors, merci, mesdames.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Rimouski, rapidement.

Mme Charest: Bonjour, mesdames. Merci beaucoup pour votre mémoire. Pour connaître Les Cercles de fermières depuis de nombreuses années et pour en avoir fait la tournée dans mon comté, en avoir rencontré plusieurs et, même, pour leur avoir présenté le projet de loi 60, elles aussi, dans mon comté, les unités locales, étaient favorables au projet de loi 60 parce que, depuis qu'il a été déposé, j'ai eu l'occasion, dans ma tournée de comté, d'en rencontrer quelques-uns, quelques cercles. Je vois qu'au niveau provincial vous avez fait aussi consensus vis-à-vis du projet de loi.

Je suis heureuse aussi que vous reconnaissiez l'équité, une plus grande équité entre les partenaires d'un problème qui touche une unité familiale, qui est celui du versement de la pension alimentaire. Je reviendrais à la page 5 de votre mémoire où vous dites: «Le projet de loi respecte dans une certaine mesure l'autonomie des ex-conjoints ayant toujours versé assidûment leur pension.» Est-ce que je dois interpréter cette affirmation-là, pour vous, comme quoi vous êtes d'accord avec le fait qu'un débiteur peut être exempté de la retenue à la source, selon certaines conditions dont celle du consentement libre et éclairé? Ça ne vous fait pas peur, cette possibilité d'exemption? J'aimerais avoir vos commentaires. J'aimerais savoir, par rapport... Quand je lis votre phrase, je me dis: Bon, elles sont d'accord. Est-ce que...

Mme Brousseau (Yolande): C'est dans le sens où nous avons apprécié que ces gens-là, qui sont de bons payeurs, soient respectés dans leur façon d'agir.

Mme Charest: O.K.

Mme Brousseau (Yolande): Maintenant, quelle sera la modalité de connaître ces gens-là? Vous dire une exemption, je ne saurais dire quel terme utiliser, mais je pense que le fait de respecter ces gens-là, de respecter leur sens des responsabilités et peut-être, d'une certaine façon, de les faire apprécier parce que ce sont des gens qui sont demeurés des parents, ce sont des gens qui ont continué à se préoccuper de leurs enfants, ce serait peut-être un moyen d'endiguer certains autres qui ont donc de la misère à réaliser qu'ils sont parents ou qui ont voulu l'oublier à un certain moment donné.

Maintenant, est-ce qu'à ce moment-là vous voulez les exempter ou si vous voulez les connaître et savoir qu'ils n'ont pas besoin de la loi 60 pour s'acquitter de ce qui devrait être un devoir pour tout le monde? Parce que, si on cesse de faire partie d'un couple, on ne cesse jamais d'être parent. Mais certains l'oublient, malheureusement.

Le Président (M. Lazure): Merci.

Mme Charest: Merci, madame.

Le Président (M. Lazure): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Mesdames, bonjour.

Une voix: Bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue à ces consultations. Je joins ma voix aux députés ministériels ainsi qu'à la ministre au sujet de l'implication et de la détermination des Cercles de fermières. Au nom de toutes les femmes du Québec qui ont été avant moi et qui me suivront, merci beaucoup.

Pour continuer dans la même veine que la députée de Rimouski, au sujet du consentement mutuel, vous parlez de respect entre les gens, des conjoints qui s'entendent entre eux; est-ce que vous ne croyez pas, dans le consentement mutuel, quand deux conjoints se sont entendus pour se retirer de la loi, qu'on les respecte suffisamment quand on demande au débiteur de déposer une sûreté de trois mois dans le contexte du consentement mutuel?

(17 h 20)

Mme Brousseau (Yolande): C'est une question qui est assez délicate et assez difficile à répondre parce qu'il faut peut-être être dans le problème pour savoir quelle réaction on va avoir vis-à-vis ce point-là. Mais, par contre, je crois que ça dépend de quelle façon ce sera présenté. Si la façon de présenter est positive, si je puis dire, et fait sentir aux gens que ce n'est pas une façon de les obliger mais que c'est une façon de les aider à faire comprendre qu'ils sont prêts à prendre leurs responsabilités et même à prendre une certaine précaution pour ne pas manquer à leurs responsabilités, dans ce sens-là, je pense qu'à ce moment-là les payeurs en question se sentiront respectés dans ce qu'ils sont, respectés dans leur sens des responsabilités, et ce serait peut-être plus facile, à ce moment-là, pour eux d'adhérer à cette demande.

Mme Loiselle: Parce que, dans le consentement mutuel, dès qu'il y a une entente...

Mme Brousseau (Yolande): Oui.

Mme Loiselle: ...et que le juge voit que c'est libre et éclairé, à ce moment-là, ils sont exemptés de la loi, mais, automatiquement, il y a la sûreté, la garantie de trois mois. Pour les couples qui n'ont peut-être pas les moyens de déposer la garantie de trois mois et qui se sont entendus pour s'exempter de la loi, ne croyez-vous pas...

Mme Brousseau (Yolande): Vous prévoyez une difficulté? Je pense, moi, que...

Mme Loiselle: Bien, pour ceux qui n'ont pas les moyens...

Mme Paquin (Suzanne): Je pense que la garantie...

Mme Loiselle: ...de déposer le trois mois.

Mme Paquin (Suzanne): ...de trois mois n'est quand même pas très grande. C'est sûr que, pour certains couples, on pourrait peut-être aller moindre, mais je pense qu'il faut faire un milieu, une juste part. Je pense que la garantie de trois mois n'est quand même pas énorme, excessive.

Mme Loiselle: D'accord, mais c'est juste... Je cherche l'éclairage à ce niveau-là, pour connaître les avis d'un peu tout le monde. J'aimerais revenir à votre mémoire, au tout début, quand vous parlez de la recommandation qui a été adoptée à votre congrès provincial de 1993. Vous parlez beaucoup de la situation déplorable de la rupture de l'union, 66 % des familles monoparentales dirigées par une femme vivent sous le seuil de la pauvreté, et vous faites référence au projet de loi 33, le SAPPA. Et tantôt, dans votre échange avec la ministre, vous disiez que, pour l'entrée en vigueur de la loi, vous espériez que ça soit très, très, très bientôt – je reprends vos mots – et la plupart, la totalité presque des groupes qui sont venus nous voir ont démontré de l'inquiétude quant aux délais pour la mise en vigueur de ce projet de loi.

Étant donné que le projet de loi 33 est presque prêt, que l'implantation du système informatique est presque prête, que la formation des gens est là, ne pensez-vous pas que si on avait bonifié ou amélioré le projet de loi 33, le SAPPA, on aurait pu le mettre en vigueur de façon beaucoup plus rapide que le projet de loi 60?

Mme Brousseau (Yolande): Je pense qu'on est aussi bien de se contenter de ce qu'on a dans le présent et laisser les autres de côté. Actuellement, on a une loi, un projet de loi, et je n'aime pas aller étudier ce qui aurait pu être. Je préfère ce qui est. Et nous le préférons également. Ce qui est actuellement, nous avons un projet de loi qui nous paraît aller plus loin que la loi précédente, qui approche des aspects que l'autre loi n'avait pas abordés et nous croyons en ce projet de loi. Nous l'espérons le plus vite possible effectif et soyez sûre que nous serons très attentives au suivi. C'est là que nous parlerons.

Mme Loiselle: D'accord. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup, beaucoup de la pauvreté, des familles monoparentales. Ça revient très souvent. Vous savez que, pour les familles monoparentales, la sécurité du revenu – la ministre l'a mentionné tantôt – le projet de loi, pour le moment, n'a rien pour ces gens-là, au niveau d'une déduction qu'on pourrait faire de la pension alimentaire qui serait versée aux femmes bénéficiaires de la sécurité du revenu. On cherche des avenues, je l'espère, pour essayer d'inclure... Si le projet de loi a pour but de réduire la pauvreté chez les femmes et les enfants, là on parle des femmes les plus pauvres du Québec et des enfants les plus démunis du Québec, quand on parle des enfants et des femmes sur la sécurité du revenu. J'ai proposé, au début de la semaine passée, de vérifier – si on pouvait faire une étude brève – si on excluait les bons payeurs du projet de loi, si les économies qu'on réaliserait à ce moment-là, on ne pourrait pas, justement, les diriger vers les familles monoparentales sur l'aide de dernier recours. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Brousseau (Yolande): Je pense que, si on pense à un projet de loi qui devient une loi, il faut qu'elle soit d'abord universelle, au départ. Au long de sa mise en application, c'est sûr qu'il va y avoir des réajustements, et il y aura peut-être, à ce moment-là, des choses à vérifier. Mais, au départ, nous pensons qu'elle doit être universelle.

Mme Loiselle: Et qu'est-ce qu'on fait pour les familles monoparentales les plus démunies de notre société avec ce projet de loi?

Mme Brousseau (Yolande): Qu'est-ce qu'on fait? C'est une très bonne question. Financièrement parlant, il faudrait aller voir M. le ministre des Finances, qu'est-ce qu'il pourrait nous en dire.

Mme Loiselle: Ha, ha, ha! Une autre discussion.

Mme Blackburn: Une autre...

Mme Brousseau (Yolande): Non. C'est assez difficile de trouver une solution adéquate. Nous, ce qui nous préoccupe – c'est sûr qu'on n'a pas de solution magique à soumettre – c'est toujours la même chose, ce sont ces familles monoparentales qui sont sous le seuil de la pauvreté, bien souvent sous le seuil de l'essentiel, et qui essaient de s'en sortir. Pour nous, on sait que, de ces familles-là, de cette situation-là, découlent beaucoup de problèmes. Ces problèmes-là coûtent très cher. Qu'on pense à la délinquance, qu'on pense aux crimes juvéniles, qu'on pense au décrochage scolaire et qu'on pense à tous les problèmes que ça amène, et c'est très, très dispendieux. Alors, c'est juste ça que nous osons vous dire. Et là, à partir de ça, qu'est-ce qu'il y a de mieux à faire?

Mme Loiselle: Bonne chance. Une dernière question, peut-être une avant-dernière. L'accessibilité des services pour les femmes; 46 000 femmes. Alors, vous avez des femmes à travers le Québec, un peu partout dans les régions éloignées également.

Mme Brousseau (Yolande): Oui, du nord au sud, de l'est à l'ouest.

Mme Loiselle: C'est ça. Alors, dans le projet de loi, on abolit plusieurs bureaux de services dans certaines régions. On parle de 59 points de services pour une douzaine. J'aimerais vous entendre, à ce niveau-là, parce que, en ce qui me concerne, je l'ai dit à plusieurs reprises depuis le début des audiences, moi, je pense que les femmes des régions éloignées vont être désavantagées. Il y a un groupe qui nous mentionnait aussi, pour un aspect que, moi, j'avais complètement oublié, les personnes analphabètes non fonctionnelles, au niveau du contact direct, qui est très, très important dans les régions. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là pour ces femmes-là.

Mme Brousseau (Yolande): Au départ, si nous voulons que la loi soit effective, il va falloir qu'elle soit connue et il va falloir que les services soient accessibles. Est-ce qu'avec 12 points... On a parlé de 12 et, à un moment donné, j'ai entendu 16. En tout cas, 12 ou 16, nous trouvons que ce n'est pas tellement pour que la loi soit vraiment accessible et que les services puissent être rendus de façon équitable vis-à-vis de toutes celles... ou quelquefois ceux qui en ont besoin. C'est notre point de vue.

Mme Paquin (Suzanne): J'ajouterais aussi...

Mme Loiselle: Oui.

Mme Paquin (Suzanne): ...que, nous, nous sommes regroupées en 25 fédérations. C'est quand même un petit peu plus de points de services, je dirais, et ce n'est pas encore considérable. J'imagine que, peut-être, il y aura des services à donner à peut-être plus de 46 000 membres, qu'à 46 000 femmes peut-être, là. Alors, ce n'est pas beaucoup parce que ce n'est pas facile pour certaines régions d'avoir accès à un service qui est centralisé.

Mme Loiselle: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lazure): Mme la ministre, pour conclure.

Mme Blackburn: Oui, assez brièvement. D'abord, le ministère du Revenu, en collaboration avec la Sécurité du revenu – parce que j'en ai aussi parlé avec le ministre – est en train d'essayer d'établir ce que vont être les services offerts dans les régions et comment... On sait déjà que le ministère du Revenu envisage l'établissement d'une ligne 1-800 avec toujours le même répondant pour un dossier, pour éviter que la personne soit obligée de recommencer toute son histoire; ça, c'est déroutant et pas toujours utile. Deuxième chose, c'est que, à la différence de la situation actuelle, la créancière – parce que c'est plus souvent qu'autrement une créancière – n'aura qu'à écrire au ministre pour signaler le défaut de paiement. Et puis, évidemment, le défaut de paiement, c'est quand il n'y a pas de retenue à la source, quand il n'y a pas d'ordonnance, d'ordre de paiement au ministre du Revenu; ça va être relativement peu de cas, finalement. Parce que, en Ontario, on estime que ceux qui se sont soustraits à l'application de la loi, c'est quelque 500 personnes, ce qui n'est pas beaucoup, finalement. Et c'est seulement dans ces cas-là que la créancière aura besoin du service: c'est dans les cas où il y a eu des ententes de gré à gré entre conjoints et dans les cas où il n'y a pas ordre de paiement au ministre du Revenu et dans les cas où il n'y a pas de retenue à la source. Alors, comme on pense que retenue à la source et ordre de paiement, ça va être la très grande majorité des cas... Et c'est le ministre qui va constater le défaut de paiement, ce n'est pas la créancière.

(17 h 30)

Alors, c'est pour ça que le système n'exige pas la même mise en place de services, c'est vraiment une autre façon de fonctionner. En 10 ans, là, on pense qu'il y aura 130 000 ordonnances de rentrées parce que quand le système va entrer en vigueur... Ceux qui sont à la Justice, il y en a 25 000; à la Sécurité du revenu, 12 000, et, ensuite, c'est 10 000 par année à peu près. Alors, le système va faire le plein, si je peux ainsi m'exprimer, sur 10 ans. Alors, tout ça pour vous dire que ça n'exige pas le même déploiement de services parce que celles qui vont avoir à faire des appels, c'est relativement réduit.

Je termine là-dessus. Je voudrais vous remercier de votre collaboration. Je voudrais vous remercier également de la disponibilité qui est la vôtre. Et évidemment qu'on compte également sur votre vigilance. Merci de votre contribution aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Lazure): Alors, merci aux représentantes des Cercles de fermières du Québec. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 32)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Gaulin): Mesdames et messieurs, la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Est-ce qu'il y a des remplaçants? Non?

La Secrétaire: Non.

Le Président (M. Gaulin): Je suis membre de la commission. Alors, j'annonce: ce soir, nous entendrons deux groupes. Il y en a déjà un qui est en place, la Centrale des syndicats démocratiques – bonsoir – et le Conseil permanent de la jeunesse. Alors, j'inviterais M. Claude Gingras, président, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous aurez un quart d'heure pour vous exprimer – nous avons lu vos mémoires – et il y aura un quart d'heure à chacun des partis qui sont ici en présence pour parler avec vous. Bonsoir.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent pour cette présentation. Il s'agit, à mon extrême droite, de Mme Marielle Thibault, qui est responsable, à la CSD, de la condition féminine; à ma droite immédiate, de Mme Andrée Corriveau, qui est au Service des communications à la CSD; et, à ma gauche, de M. Louis Tremblay, du Service de la recherche de la CSD.

M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission parlementaire, le soutien financier aux familles, pour nous, à la CSD, comme pour la société, constitue un enjeu prioritaire et un sujet qui est fort préoccupant, je pense, en cette période d'instabilité, de difficultés économiques et dans un contexte où trop souvent on a à déplorer que de nombreux enfants, actuellement, ont à subir les effets de la rupture de leurs parents ou de la dislocation de certaines familles au Québec. Mais il semble que ça fait partie quand même des réalités de notre société avec lesquelles nous devons composer.

En plus du drame humain qui perturbe l'univers des enfants en ces moments pénibles, il faut considérer qu'une partie du soutien financier pour leurs besoins provient, bien sûr, des pensions alimentaires versées par l'un des ex-conjoints au parent qui en a la garde. Malheureusement, une trop forte proportion de ces pourvoyeurs n'assument pas ces obligations ou le font d'une façon très irrégulière, ce qui laisse souvent les enfants, leur mère particulièrement, dans l'insécurité et la précarité financières. Bien sûr, l'irresponsabilité de nombreux parents est inacceptable. Je pense qu'on ne peut pas cautionner ça, en termes de société.

Le gouvernement du Québec a instauré un système de perception pour ceux et celles qui ne s'acquittent pas de leurs obligations, mais nous devons admettre qu'il connaît de sérieux problèmes. Dans un tel contexte et en considérant les relations souvent tumultueuses entre les ex-conjoints, il y a lieu que le gouvernement du Québec intervienne efficacement comme percepteur des pensions alimentaires en utilisant tous les moyens dont il dispose pour corriger ce fléau qui n'a que trop duré, en ce qui nous concerne.

La Centrale des syndicats démocratiques appuie sans réserve le projet de loi 60 qui facilitera le versement et le recouvrement des sommes prévues à titre de pension alimentaire pour le bénéfice des enfants qui sont trop souvent victimes de ces épisodes malheureux.

La situation financière des familles monoparentales est précaire, et nous voulons tout particulièrement le souligner. En 1991, il fallait déplorer que 70 % des familles prestataires de la sécurité du revenu avec enfants étaient monoparentales. Ces données doivent être sérieusement prises en considération, puisque 22 % des familles avec enfants au Québec ont à leur tête un seul parent, la mère dans 82 % de ces cas. Il est d'autant plus important de cibler ces familles avec une femme à leur tête que celle-ci compte sur un revenu annuel moyen de 25 141 $ contre 39 398 $ pour les familles monoparentales dirigées par un homme. Il y a un écart, quand même, qui est assez substantiel entre le niveau de revenu moyen des familles monoparentales dirigées par un homme et celui des familles monoparentales dirigées par les femmes. Je pense que c'est un indicateur important qui doit guider les choix qu'on doit faire comme société.

(20 h 10)

Dans une étude réalisée par le ministère de la Sécurité du revenu, les familles monoparentales sont les grandes championnes de la pauvreté au Québec. Le Québec est la région canadienne la plus pauvre au Canada. C'est un triste championnat, bien sûr, et je pense qu'il n'y a personne qui le revendique, mais cependant c'est la dure réalité avec laquelle nous devons composer.

La proportion des ménages vivant sous le seuil de la pauvreté en 1992 au Québec et au Canada, selon un tableau qui est cité à notre mémoire, nous indique quand même que les couples sans enfants ici, au Québec, constituent 12,6 %, les «biparentales», 9,1 % comparativement à des taux de 9,5 % au Canada; les monoparentales constituent 43,7 % comparativement à 43,5 % au Canada. Donc, on voit partout, au niveau de la statistique, que la pauvreté au Québec est quand même plus sentie que dans le reste du Canada. Je pense que c'est également un indicateur important qui doit sous-tendre les projets de société qu'on se donne, parce que, dans la répartition de la richesse, il est important qu'on tienne compte justement de ces statistiques qui sont importantes dans le choix des décisions et dans le choix des modèles qu'on veut se donner.

En plus de l'incidence importante de la pauvreté chez les familles monoparentales, tel que nous venons de le démontrer, la persistance également de ce phénomène doit être prise en considération. Dans la même étude, on stipule que, parmi 65 % des familles monoparentales au Québec qui ont vécu au-dessous du seuil de la pauvreté entre 1982 et 1986, plus de 33 % sont demeurées pauvres durant toute la période. Ces indicateurs sont encore plus élevés chez les familles monoparentales qui sont dirigées par des femmes: 70 % des mères seules au Québec furent touchées par la pauvreté durant ces années et 40 % d'entre elles le furent durant toutes ces années. L'incidence et la persistance de la pauvreté chez les familles monoparentales dirigées par des femmes résultent certainement, pour une bonne part, du défaut de verser les pensions alimentaires. Selon le ministère de la Justice du Québec, 55 % des femmes doivent recourir à des procédures pour toucher leur pension et 8,4 % d'entre elles ne réussissent pas à toucher un sou même si le gouvernement a mis sur pied, en 1981, un service de perception.

De nombreuses ruptures se vivent dans un contexte de guérilla également, et la pension devient un sujet de chantage. Tous les moyens sont utilisés par certains ex-conjoints pour se soustraire à l'ordonnance d'une pension alimentaire. Il existe bien un système de perception des pensions pour les cas où le débiteur fait défaut. Cependant, ce système souffre de plusieurs carences qui rendent difficile le recouvrement des sommes dues par les personnes visées par des ordonnances de pension alimentaire. Le fait, pour une femme, de s'adresser au percepteur contribue à détériorer les relations entre les parties au détriment du bien-être des enfants. Le Conseil du statut de la femme, entre autres, indiquait: «Le percepteur manque de personnel et de moyens techniques. Il a trop peu de pouvoirs. De plus, il ne recouvre pas les arrérages. Enfin, les délais sont beaucoup trop longs. Le délai minimal est de cinq mois. Il s'ajoute à la période sans pension qui précède l'ouverture du dossier et qui est en moyenne de près de quatre mois.»

Ces constats militent en faveur d'une réforme du système de la perception des pensions alimentaires pour contribuer à l'amélioration de la condition des enfants. Les délégués à la 26e réunion plénière de la Centrale des syndicats démocratiques qui s'est tenue en juin 1994 dans le cadre de l'Année internationale de la famille ont adopté la position suivante: ils demandaient que la CSD revendique la mise en place d'un système de perception automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source afin de s'assurer du respect des responsabilités financières des parents à l'égard des enfants en cas de rupture d'union.

Vous voyez qu'on était probablement, à l'époque, dans le filon que vous avez choisi de suivre, soit celui de vraiment donner l'outil nécessaire aux personnes qui doivent bénéficier de ces pensions-là pour qu'on puisse adéquatement s'occuper du sort des enfants qui sont, en fait, pris en otage dans ces situations-là.

Le projet de loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, déposé le 2 février à l'Assemblée nationale par la ministre, Mme Blackburn, prévoit l'établissement d'un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires qui sera administré par le ministère du Revenu. Ce mécanisme vise à favoriser la stabilité et la régularité des paiements. Dans le régime proposé, l'ordonnance de pension alimentaire prévue pour les enfants sera automatiquement enregistrée et le montant de la pension prélevé à même les salaires de l'ex-conjoint concerné, comme toute autre déduction à la source. Le ministre du Revenu fera parvenir ce montant à celui qui en a la garde.

Si l'ex-conjoint devant verser la pension est un non-salarié, dans ce cas-là, on prévoit un système qui est différent un peu, alors qu'il aura à verser quand même un montant de trois mois de cette pension et à le verser également au ministre du Revenu. Dans le cas de l'ex-conjoint qui ne ferait pas parvenir au ministre du Revenu le montant de la pension, ce dernier utilisera le dépôt et engagera immédiatement les procédures de recouvrement. Lorsque prendront fin les obligations alimentaires, ce dépôt sera remis à celui des ex-conjoints qui en a effectué le versement.

Le projet de loi, quant à la CSD, prévoit également la possibilité de s'exclure du régime, ce qui est tout à fait correct, notamment par le consentement mutuel et moyennant un dépôt d'un montant équivalant à trois mois de pension alimentaire. Quant aux jugements rendus avant l'adoption du projet de loi, les personnes qui auraient négligé de verser la pension alimentaire se verraient incluses dans le nouveau régime, ce qui est, en fait, souhaité et souhaitable. Il en sera de même lorsque les deux parties concernées en feront conjointement la demande.

Lorsque la pension alimentaire n'est pas versée à l'échéance, le projet de loi prévoit qu'à certaines conditions qui seront fixées par règlement le ministre du Revenu versera au créancier des sommes à titre de pension alimentaire pendant au plus trois mois jusqu'à concurrence de 1 000 $. Le ministère verra à recouvrer ces sommes du débiteur.

En conclusion, la CSD considère que ce projet de loi contribuera à établir de meilleures relations entre les ex-conjoints et à améliorer la condition des enfants, qui ne seront plus les otages des batailles entre parents concernant le versement des pensions alimentaires. Ce projet de loi, s'il est adopté, redressera la situation financière de plusieurs familles monoparentales, ce qui devrait assurer également un meilleur développement des enfants. Cependant, il est urgent que le gouvernement adopte d'autres mesures pour améliorer le sort des femmes, notamment par la promulgation d'une loi proactive sur l'équité salariale, par de meilleurs programmes d'équité en matière d'emploi, par un accès amélioré à des services de garde à l'enfance et également par une fiscalité plus équitable pour les familles.

Nous aimerions également vous soulever ceci, malgré l'article 62 qui est prévu au projet de loi et qui prévoit qu'une personne qui essuie un refus d'embauche à cause du fait qu'elle est astreinte à payer une pension alimentaire ou à la retenue de cette pension alimentaire pourrait avoir un recours contre l'absence d'un emploi. Nous aimerions quand même que vous songiez à la possibilité de bonifier cette disposition-là parce que, avec l'expérience qu'on a dans les milieux de travail, quand même, ça peut devenir difficile de faire la preuve de ces choses-là.

Est-ce que vous n'avez pas songé à la possibilité d'une espèce de clause qui énoncerait une présomption favorable en faveur de la personne qui est astreinte au paiement d'une pension alimentaire de façon à ce que, bon, le fardeau de la preuve soit inversé et que l'employeur doive énoncer les motifs pour lesquels il n'a pas procédé à l'embauche d'une personne qui est astreinte à une pension alimentaire, plutôt que de nécessairement laisser le fardeau de la preuve sur le dos de la personne qui est appelée à verser une pension alimentaire par le biais d'une retenue sur son salaire? Ça, ce n'est pas évident de faire cette preuve-là, puis ce n'est pas évident non plus de reconnaître ce droit-là dans une législation qui ne donne pas, quand même, à une personne qui a essuyé un refus d'embauche, la présomption à l'effet qu'il puisse, au départ, s'agir de cette raison-là. On vous le soulève comme problème qu'on a remarqué à l'article 62. Parce que ça existe pour un travailleur qui veut se syndiquer, vous savez. Un travailleur qui veut se syndiquer puis qui est congédié, qui perd son emploi ou qui, à un moment donné, a un refus d'obtenir une promotion, il est possible d'invoquer que c'est à cause du fait qu'il se soit syndiqué, puis il existe, à ce moment-là, une obligation pour l'employeur de démontrer qu'il ne l'a pas fait ou qu'il n'a pas fait ce geste-là à cause d'autres raisons qui ont fait qu'il n'a pas donné de suite à cette décision-là.

(20 h 20)

Le Président (M. Gaulin): M. le président, merci, et j'invite Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Blackburn: M. le Président, M. Gingras, mesdames, M. Tremblay, ça me fait plaisir. Merci d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir enrichir notre réflexion sur le projet de loi. Je voudrais vous remercier de l'appui – avec quelques petites réserves – important que vous nous accordez. J'aimerais vous dire que le projet de loi, en première lecture, a été adopté à l'unanimité de la Chambre et que ça semble être un projet de loi attendu.

J'ai quelques commentaires et une question. Les commentaires, c'est sur la page 8, le dernier paragraphe, vos attentes quant à des mesures plus proactives pour améliorer les conditions de vie des femmes, les conditions salariales. Nous avons déjà formé un comité qui travaille à préparer un projet de loi qu'on ne pense pas beaucoup être en mesure de déposer avant l'automne, mais qu'on devrait être en mesure de déposer à l'automne, sur l'équité salariale. J'espère qu'on aura aussi, à cette occasion – ha, ha, ha! – la même collaboration de l'opposition, mais on va travailler de façon à sortir ce qu'il y a de mieux actuellement, c'est-à-dire qui respecte aussi la culture du Québec et sa structure d'emploi également et d'entreprises.

En ce qui a trait à la fiscalité, évidemment par rapport à la fiscalité en rapport avec les pensions alimentaires, il faut attendre le jugement de la Cour suprême, le cas Thibaudeau qui est en Cour suprême. Mais, dès qu'on envisage une réforme de la fiscalité, évidemment qu'elle s'envisage dans la perspective d'une plus grande équité à l'endroit des familles et des femmes de façon particulière.

Le projet de loi, c'est un préjugé qu'on a voulu annoncer de façon claire et ferme à l'endroit des enfants, et la sûreté qu'on demande à tous ceux qui ne sont pas assujettis à la retenue à la source, c'est une assurance qu'on veut donner à l'enfant, ou aux enfants, que, s'il y a des tensions entre les parents, ils n'en feront pas les frais et que le pain va être sur la table quand même.

Moi, j'aimerais savoir de vous... J'apprécie qu'un syndicat comme le vôtre nous accorde son appui. J'aimerais que vous me parliez de votre «membership». C'est majoritairement des hommes?

M. Gingras (Claude): Écoutez, oui, à la CSD, actuellement, majoritairement, c'est des hommes. Dans certains secteurs, c'est...

Mme Blackburn: Mixte?

M. Gingras (Claude): ...on peut dire que c'est majoritairement des femmes, mais, dans d'autres secteurs, c'est majoritairement des hommes parce qu'on représente des travailleurs et des travailleuses dans tous les secteurs d'activité de l'économie au Québec. Il est bien sûr que, quand on parle des mineurs au Québec, des mineuses, il n'y en a pas beaucoup.

Mme Blackburn: Non. Ha, ha, ha!

M. Gingras (Claude): Alors quand on parle des employés, par exemple, du secteur des affaires sociales, on en retrouve en plus grand nombre parmi les personnes de sexe féminin. Dans le commerce et les institutions financières, où on est très présents aussi, on en retrouve également des deux sexes et, dans le secteur des pâtes et papiers, qui est un secteur pratiquement réservé exclusivement aux hommes – ha, ha, ha! – bien, on retrouve beaucoup d'hommes. Alors, on est présents dans l'ensemble de ces secteurs-là. Et on peut dire que la composition majoritaire de notre «membership», actuellement, est une composition majoritairement d'hommes.

Mme Blackburn: Dans quelle proportion à peu près? Est-ce que vous avez des...

M. Gingras (Claude): Selon les dernières études qu'on avait faites chez nous, c'est que ça représente 60 % d'hommes et 40 % de femmes environ.

Mme Blackburn: D'accord. Et ma question était la suivante: Donc, ça n'a pas posé de problème d'adopter une position comme ça en congrès en 1994?

M. Gingras (Claude): Mme la ministre, c'est une position qui a été adoptée à l'unanimité des membres qui participaient à l'assemblée plénière de la CSD. Puis ça s'est fait à la suite d'un exercice, quand même, d'une journée de réflexion à l'intérieur d'une commission qui traitait exclusivement des conditions relatives à l'amélioration de la condition des familles. Et je pense que ce sujet, incluant le sujet des garderies, le sujet des pensions alimentaires et également, bien sûr, la fiscalité des familles, c'est un sujet sur lequel les membres ont fait l'unanimité chez nous, parce que c'est des questions fort importantes, puis je pense que, comme projet de société, on n'a pas le droit de ne pas reconnaître les failles et les déficiences qui existent et de répartir justement la richesse qu'on peut répartir de façon à combler ces lacunes-là.

Mme Blackburn: Si vous aviez des suggestions à faire pour qu'on rejoigne, c'est-à-dire qu'on réussisse – ça reste quand même un défi – à bien faire passer ou camper le message qui est le nôtre, c'est-à-dire que c'est une loi pour les enfants – 94 % des pensions alimentaires, c'est en faveur des enfants – sans que ça vienne heurter trop les débiteurs qui sont surtout les hommes, pour qu'on puisse ensemble et avec eux établir que c'est sans doute la mesure de responsabilisation qui ne veut pas discriminer, est-ce que vous avez des idées, des suggestions à nous faire là-dessus?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, au départ, on a regardé l'essence du projet de loi. C'est qu'il prévoit que, pour ceux qui sont sujets à des jugements actuellement, ces personnes-là ne seront pas automatiquement couvertes, dans la mesure où elles respectent leurs obligations, leurs engagements et que, bon, elles versent ce qu'elles doivent verser et puis qu'elles se conforment au jugement sur les pensions alimentaires. Bien sûr, le projet de loi vise ceux qui vont éventuellement faire fi de ces obligations et vise également pour l'avenir l'ensemble des personnes qui vont être sujettes à des pensions alimentaires, avec la possibilité qu'elles puissent de consentement mutuel quand même se soustraire.

Bien sûr qu'au départ ça nous a posé un problème, dans le sens que, écoutez, il y a toute la question particulière et sentimentale qu'au moment d'une rupture comme celle-là souvent il y a l'esprit de vengeance qui anime les personnes, et puis malheureusement les décisions qui sont prises à ce moment-là sont des décisions, souvent, qui ont plus l'allure d'une vengeance que de la raison. Alors, il y a des hommes chez nous qui nous disent: Écoutez, pourquoi ça prend le consentement des deux pour avoir un «opting out»? Si, moi, je remplis les obligations du jugement et que je souscris à mes engagements de façon régulière, pourquoi je serais nécessairement assujetti au projet de loi? Alors, ça prend le consentement des deux.

Là-dessus, ce n'est pas nécessairement l'unanimité, en tout cas chez nous, et puis il y a des gens qui préféreraient que le régime de perception prévoie qu'on fasse un essai loyal du versement des pensions et puis que, dans les cas où il n'y aurait pas respect, évidemment, et moyennant le dépôt de trois mois à l'avance, si l'expérience prouve que la personne n'a pas souscrit à ses obligations, bien, à ce moment-là, on l'intègre de façon automatique à la loi. J'ai l'impression que, sur ça, ça permettrait une plus grande flexibilité, puis ça n'obligerait pas le consentement des deux. Et ça permettrait peut-être aux hommes de mieux accepter le projet de loi. Mais, en définitive, ça ne doit pas être une condition pour bloquer l'essentiel de ce projet de loi.

Mme Blackburn: Sur votre proposition, votre recommandation à l'effet d'ajouter à l'article 62 un élément de présomption favorable, je vais y réfléchir. Ce n'est pas complètement... Je ne sais pas si ça peut rentrer, mais on va certainement examiner votre recommandation. Mais est-ce que vous savez qu'actuellement, par rapport aux employeurs – parce que vous avez soulevé la question que je voulais vous poser – l'employé peut, moyennant une sûreté de trois mois, payer directement, celui qui est salarié, au Revenu? Et là il n'a pas besoin de consentement. C'est une décision qu'il prend, lui, plutôt que d'être retenu à la source, de verser directement au ministère du Revenu par ordonnance. Alors, est-ce que vous pensez qu'une disposition comme ça pourrait être utilisée, du moins dans les cas où l'employeur se montre réticent? Il n'a pas besoin de consentement.

(20 h 30)

M. Gingras (Claude): C'est parce que le problème que ça va occasionner, c'est surtout pour les chômeurs. Ceux qui sont des chômeurs au moment où ces situations-là arrivent, vous comprendrez que faire le dépôt, ce n'est pas évident dans leur cas. Ça peut en partie régler le problème pour ceux qui détiennent un emploi, mais, dans le cas des chômeurs, ce n'est pas nécessairement évident que ça rencontre leurs possibilités et leur situation.

Mme Blackburn: Vous savez que la sûreté peut être constituée de différentes manières, évidemment, en argent, en sommes, en obligations, des lettres négociables, en bons de garantie, en lettres de garantie d'une institution financière, pas juste de l'argent qui pourrait... Tout ce qui est négociable rapidement, dans le fond, peut servir à constituer la garantie. Il est également prévu – j'en profite pour le dire parce que, des fois, ça sert ensuite à l'information – que le ministère du Revenu pourra donner un délai pour constituer la sûreté. Il ne pourra pas donner de délai pour le paiement de la pension parce que, ça, il faut que ça rentre, mais il pourra donner un délai pour constituer la sûreté. Alors, on a voulu un projet de loi qui respecte le monde, qui essaie de tenir compte des situations plus particulières. C'était juste en guise d'information. Je vous remercie, M. Gingras.

M. Gingras (Claude): Alors, on a senti, Mme Blackburn, en réponse justement à ce que vous venez d'énoncer, on a senti que ce projet de loi là avait quand même été réfléchi puis qu'il contenait beaucoup d'avenues et de possibilités pour essayer de répondre à plus de besoins qu'il est possible à l'intérieur de cet objectif. Et, ça, je pense que c'est tout à l'honneur du projet de loi, parce qu'on voit que ça a été réfléchi quand même en fonction de la réalité des personnes au Québec. Mais, comme je vous expliquais tout à l'heure, il y a peut-être encore certaines zones où on devra faire des ajustements.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président, mais Mme la ministre a posé ma question en dernier...

M. Gingras (Claude): Ça va plus vite comme ça.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme la porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir. Mesdames, messieurs, bonsoir et bienvenue. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de la situation des familles monoparentales et vous donnez des statistiques qui sont assez désolantes au niveau du taux de pauvreté. Vous précisez aussi que les familles monoparentales au Québec sont les championnes de la pauvreté. Et, à la page 3, vous dites aussi: «En plus de l'incidence importante de la pauvreté chez les familles monoparentales telle que démontrée ci-haut, sa persistance doit être prise en considération.» Alors, l'urgence d'agir là, on la voit ici.

Dans le projet de loi, les familles monoparentales de la sécurité du revenu, de l'aide de dernier recours, ne sont pas exclues. Ces familles-là, on n'en parle pas dans le projet de loi. Je me demande si vous avez des suggestions à nous donner. Moi, j'en ai fait une. Je ne sais pas, peut-être qu'on pourrait en discuter ensemble. J'ai offert à la ministre de peut-être voir si son ministère pouvait calculer, si on excluait les bons payeurs du projet de loi, les économies qui seraient réalisées. On pourrait, à ce moment-là, les verser aux familles monoparentales de la sécurité du revenu. Je ne sais pas, étant donné qu'on veut contrer la pauvreté par ce projet de loi auprès des familles les plus démunies, des enfants et des femmes les plus démunies de notre société, c'est vraiment ces gens-là de la sécurité du revenu. Alors, j'aimerais vous entendre, parce que, dans le projet de loi, il n'y a rien pour ces familles-là.

M. Gingras (Claude): Oui, bien, écoutez, je ne suis pas en mesure beaucoup de discuter de la proposition que vous formulez. Je ne connais pas beaucoup l'ordre des économies qu'on pourrait réaliser dans le cadre de...

Mme Loiselle: Mais la ministre disait que, pour une déduction de 50 $, ça pourrait être un coût de 10 000 000 $.

M. Gingras (Claude): 10 000 000 $!

Mme Blackburn: Ça, c'est 16 000 000 $. 10 000 000 $, c'est conservateur. Peut-être juste pour expliquer à madame; je n'ai jamais répliqué là-dessus. Mais, en rythme de croisière, le système devrait nous coûter 1 300 000 $ par année. Vous comprendrez que votre hypothèse...

Mme Loiselle: Non, ce n'est pas ça. C'est parce qu'on répète que c'est pour contrer la pauvreté chez les enfants. Les enfants les plus démunis sont ceux de la sécurité du revenu. Alors, je me dis: Il faudrait peut-être trouver une avenue pour inclure dans ce projet de loi ces enfants-là. Alors, j'aimerais savoir si, de votre côté, vous avez des avenues à nous suggérer.

M. Gingras (Claude): Écoutez, à brûle-pourpoint comme ça, là, j'ai de la difficulté à trouver une réponse adéquate à la problématique que vous soulevez. Il est bien sûr que quand on soulève la problématique dans notre mémoire, que les familles monoparentales et principalement, bien sûr, les familles qui bénéficient de la sécurité du revenu constituent une clientèle sur laquelle il faut se pencher d'une façon particulière, c'est qu'on soulève la problématique de l'inégalité des chances à l'intérieur de tout ça. Alors, je pense que, sur le principe, il faut peut-être trouver des formules pour améliorer la condition des prestataires de l'aide sociale, des familles qui sont prestataires de l'aide sociale dans le cadre de ce projet de loi là. C'est qu'il faut trouver des solutions au problème d'appauvrissement de ces clientèles-là, bien sûr, mais comment le faire? Bon, je ne suis pas en mesure actuellement de vous faire de proposition formelle là-dessus, mais peut-être que Louis Tremblay, qui est un gars qui est assez familier chez nous quand même avec toute cette question, peut vous apporter certaines propositions.

M. Tremblay (Louis): Les solutions pour réduire la pauvreté chez les familles monoparentales qui sont à la sécurité du revenu viennent peut-être, sont peut-être plus... le potentiel est plus grand à la sécurité du revenu que des économies possibles dans le système de perception automatique des pensions alimentaires. Si on prend la réforme de la Loi sur l'aide sociale, qui est maintenant la Loi sur la sécurité du revenu, qui a été faite par le précédent gouvernement, je pense qu'il y a un potentiel là en révisant cette loi-là pour améliorer le sort des prestataires de la sécurité du revenu, chefs de familles monoparentales comme autres prestataires de la sécurité du revenu. Il y a une dignité qu'on peut redonner à ces gens-là qui leur permettrait de sortir de la trappe de pauvreté dans laquelle ils sont.

Mme Loiselle: La plupart des organismes qui sont venus en commission, à date, sur ces consultations-là ont recommandé à la ministre de déduire un montant de la pension alimentaire et de le diriger... Il y a des gens qui ont dit: 50 % de la pension alimentaire, et le diriger vers ces familles-là. D'autres ont laissé le taux, le pourcentage à la discrétion du gouvernement. C'est plus dans ce sens-là que la loi 37 que je faisais allusion au niveau de la perception des pensions alimentaires.

M. Tremblay (Louis): Ah! bien, si vous réduisez le taux, ça va donner plus d'argent aux familles. Ça, il n'y a aucun doute. La même chose pourrait être faite aussi avec les revenus de travail. Quand elles ont des revenus de travail...

Mme Loiselle: C'est ça.

M. Tremblay (Louis): ...il y a un certain montant qui est permis. Mais, au-delà de ce montant-là, c'est 1 $ pour 1 $ qu'on donne.

Mme Loiselle: Actuellement, c'est ça. On déduit.

M. Tremblay (Louis): Mais comme je vous dis, en révisant la Loi sur la sécurité du revenu, il y a un potentiel là pour les aider.

Mme Loiselle: Tantôt, vous avez fait allusion, vous avez parlé... Je vais revenir, parce que, tantôt, vous avez discuté avec la ministre au sujet du consentement mutuel. Moi, je me dis – vous avez de vos membres qui se questionnaient à ce niveau-là – quand on respecte et on dit que les parties ont le droit de s'entendre et qu'on reconnaît ça, ne croyez-vous pas que le fait de dire, une fois qu'il y a eu consentement mutuel entre les deux parties, de dire que la garantie de trois mois de pension alimentaire s'applique, est-ce que vous ne croyez pas que cette mesure-là est un peu restrictive?

M. Gingras (Claude): Pouvez-vous reformuler un peu?

Mme Loiselle: Dans le consentement mutuel, on dit que, s'il y a consentement mutuel et que c'est accepté par le juge de façon claire, éclairée et libre, à ce moment-là il y a exemption de la loi. Mais, quand même, le débiteur doit verser une garantie de trois mois. Je me demandais si cette mesure-là, vu qu'on parle ici du droit et du respect des parties de pouvoir s'entendre entre elles, si cette mesure-là, vous ne la trouvez pas restrictive, ou si ça ne manque pas de souplesse.

M. Gingras (Claude): On la trouve restrictive et, comme vous le dites, on trouve que c'est peut-être difficile, mais c'est peut-être le prix à payer aussi pour baliser un peu l'engagement que prend le prestataire qui désire se soustraire à l'application de la loi. Mais, dans le cadre de ce que je disais tout à l'heure, si on prend une personne qui est parmi les moins biens nanties puis qu'à ce moment-là elle est sur l'assurance-chômage – on va prendre un exemple – quand la situation se présente, puis qu'elle a une obligation à rencontrer puis à faire un dépôt pour se soustraire à la loi, un dépôt de trois mois de garantie, ce n'est pas évident que, dans son cas, elle est en mesure de le faire à ce moment-ci, puis c'est peut-être... Mais, si on me dit qu'il y a une possibilité de souplesse, d'entente et de flexibilité pour peut-être accumuler ça sur la base de garanties différentes, puis qu'on va l'appliquer, non pas avec rigueur, mais qu'on va permettre selon l'évaluation de certaines situations quand même d'accumuler ce capital-là sur une période un peu plus longue, c'est que ça pourrait être une soupape pour ces cas-là qu'on devrait prévoir. Mais, bien sûr, au départ, comme je vous disais, on a peut-être analysé qu'il s'agissait d'une condition non flexible, mais on a également convenu à la fin que c'était peut-être un minimum souhaitable en termes de réserve qu'on doit se donner pour faire en sorte que l'obligation soit maintenue par la suite et, également, que ça signifie quelque chose comme engagement matériel.

(20 h 40)

Mme Loiselle: D'accord. Dans les relations employeur-employé, il y a les recours, il y a certains recours, mais on dit aussi que l'employeur doit implanter une gestion distincte en ce qui concerne la retenue à la source pour ses employés et, aussi, quand on parle qu'il devient solidairement responsable, à l'article 18... s'il néglige ou refuse de retenir la somme déterminée par le ministre, alors, l'employeur devient solidairement débiteur de cette somme. J'aimerais vous entendre. Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait dans certaines entreprises, surtout des petites entreprises, des PME, créer des tensions entre employeur et employé?

M. Gingras (Claude): Écoutez, on n'est pas sans s'imaginer que ça peut, à l'occasion, créer des pressions. D'ailleurs, le souci qu'on a de renverser le fardeau de la preuve dans certaines petites entreprises où l'employeur, parce qu'il est tenu personnellement de payer les sommes si, éventuellement, elles ne sont pas payables... on ne sait pas jusqu'où ça peut mener en termes de mesures qui seront prises à l'endroit des salariés. On a des expériences pénibles, quand même. Dans les milieux de travail, on s'aperçoit que certaines PME, que, entre guillemets, on qualifie de chaudrons, souvent, chez nous, parce que c'est des entreprises qui se gouvernent à la petite journée...

Mme Loiselle: Oui.

M. Gingras (Claude): ...sans nécessairement avoir des politiques sociales assez bien ancrées... C'est que, bon, on agit spontanément, selon les situations qui se présentent. À ce moment-là, si l'entreprise n'a pas souscrit à ses obligations en vertu de la loi, qu'elle n'a pas fait les retenues à la source qu'elle est, à ce moment-là, tenue de payer, il est possible qu'il y ait un sentiment de vengeance de l'entreprise à l'endroit des salariés concernés et qu'on cherche toutes les raisons imaginables pour s'en départir éventuellement. Alors, de là notre proposition de demander que, sur l'article 62, on accorde quand même au travailleur le bénéfice, c'est-à-dire la présomption à l'effet qu'il puisse avoir été congédié, remercié dans certains cas...

Mme Loiselle: Non engagé.

M. Gingras (Claude): ...ou non engagé dans certains cas, parce que, justement... Ça peut être dû à l'application de la loi, dans son cas. Et ce sera à l'employeur de démontrer qu'il l'a fait pour d'autres motifs. Comprenez-vous?

Mme Loiselle: Oui.

M. Gingras (Claude): Alors, c'est dans ce sens-là qu'on fait notre proposition là-dessus, parce qu'on est conscients des problèmes que ça peut causer.

Cependant, il s'agit d'un virage à faire, il s'agit d'une responsabilité collective qu'on doit se donner, puis j'ai l'impression que tous ceux qui sont appelés à jouer un rôle là-dedans doivent le jouer et puis qu'on doit faire ce qu'il faut. Alors, comment le faire autrement? Bien, on a cherché des solutions autres, nous autres aussi, mais je vous assure que ce n'est pas nécessairement facile à trouver.

Alors, si on permet, si on reconnaît, en fait, que le bénéfice du doute dans le cas d'une mesure disciplinaire prise, ou un congédiement pris à l'endroit d'un travailleur, ou le refus d'embauche peut provenir du fait qu'il soit astreint à une pension alimentaire, de la part de l'employeur, si, ça, c'est reconnu, j'ai l'impression que ça peut diminuer la zone d'intervention ou la possibilité d'intervention des employeurs à ce niveau-là. Et l'appel pour un travailleur sera probablement plus facile également, parce que l'employeur aura à faire une démonstration claire et hors de tout doute qu'il a agi pour d'autres motifs que celui-là.

Mme Loiselle: M. Tremblay.

M. Tremblay (Louis): Oui, sur le patrimoine d'affectation autonome des sommes qui sont prévues pour les pensions alimentaires, on aimerait, si le fédéral avait autant d'ouverture sur les salaires des travailleurs et des travailleuses dans les cas de faillite... Parce que, quand ils ont réformé la loi de la faillite, on aurait souhaité qu'ils mettent comme créance privilégiée les salaires, parce que les travailleurs, eux autres, ils ne diversifient pas leur travail parmi plusieurs entreprises, ce que les banques font, parce que les banques prêtent à plusieurs entreprises, donc sont affectées par certains risques de faillite. Les travailleurs, quand ils perdent leur emploi, ils perdent tout. Donc, la ministre privilégie les sommes prévues pour les pensions alimentaires à titre de patrimoine d'affectation distincte, et je pense que c'est une bonne chose. On souhaiterait que le fédéral fasse la même chose dans la loi de la faillite pour les salaires des travailleuses et des travailleurs.

Mme Loiselle: Merci. Un autre point. L'article 87 dit que le ministre du Revenu doit, au cinquième anniversaire du jour de l'entrée en vigueur de la loi, faire un rapport au gouvernement. Il y a l'Association des familles monoparentales qui suggère, qui recommande que le ministre du Revenu doit, à chaque année, rendre public un rapport faisant état des indices de performance du système de perception automatique des pensions alimentaires et puis, entre autres, le pourcentage d'ordonnances payées régulièrement, le pourcentage d'ordonnances soumises à la retenue à la source, les économies réalisées à l'aide sociale, les millions versés aux familles, les coûts reliés à la gestion du système. J'aimerais vous entendre un peu à cet égard-là. Est-ce que vous trouvez que, cinq ans après l'application de la loi, c'est insuffisant, c'est trop loin, ou si vous préférez cette recommandation au niveau de la première année, à chaque année?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, si on avait un portrait de l'application de la loi qui serait à intervalles beaucoup plus courts que celui qui est prévu, je pense que toute information permettant de recibler le projet de loi, c'est important qu'on la connaisse le plus rapidement possible. Bien sûr, sur l'ensemble des recommandations que vous venez d'énoncer, on n'a pas d'objection, au contraire. Je pense que les informations doivent être disponibles le plus tôt possible.

Mme Loiselle: Cinq ans, c'est peut-être un peu loin.

M. Gingras (Claude): Cinq ans, c'est un peu loin.

Mme Loiselle: O.K.

M. Gingras (Claude): On pourrait peut-être penser au moins en termes de deux ans.

Mme Loiselle: D'accord. Merci. Une petite dernière question. La même fédération a suggéré la création d'un conseil de vigilance, composé, entre autres, des membres d'organismes communautaires, des syndicats, pour jouer un rôle de chien de garde, de vérificateur des dispositions et des directives émises dans l'application de la loi. Vous sentez-vous confortables avec ce conseil de vigilance?

M. Gingras (Claude): On n'a pas de problème. Mais, si on demande notre collaboration pour agir à ce niveau-là, c'est un peu comme un comité aviseur.

Mme Loiselle: Oui.

M. Gingras (Claude): Si on décidait de se doter d'un comité aviseur au niveau de cette loi, bien, je pense que... Écoutez, je peux vous dire carrément ici... Je ne peux pas évaluer si ce serait nécessaire à ce moment-ci de le faire, mais je peux vous dire que, si la ministre songeait, à un moment donné, à nous confier ce rôle-là ou confier ce rôle-là à un comité aviseur, c'est que nous songerions sérieusement à y participer de façon à émettre notre point de vue et puis, peut-être, permettre par les commentaires, comme ça se fait ailleurs dans d'autres secteurs, permettre par les commentaires d'améliorer ou de bonifier un projet de loi comme celui-là.

Mme Loiselle: D'accord. Merci beaucoup pour cet échange.

Le Président (M. Gaulin): Il reste une minute. Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Oui, juste une petite question. On a répondu à la question de Mme la ministre qui m'a éclairée sur ce qu'était le conseil des syndicats démocratiques. Je suis contente de voir les différentes catégories de vos membres. J'aimerais savoir: Combien de membres avez-vous?

M. Gingras (Claude): On a actuellement, à la CSD, 58 671 membres, au dernier recensement.

Mme Vaive: C'est quand même... c'est gros, hein!

M. Gingras (Claude): Alors, c'est assez précis. C'est parce que ça ne fait pas longtemps qu'on l'a fait. On l'a fait pour le gouvernement fédéral...

Mme Vaive: Ah bon!

M. Gingras (Claude): ...le service de la statistique. Alors, dans ce sens-là, ça me permet de vous donner un chiffre assez exact de la situation de notre membership qui a légèrement diminué au cours des dernières années à cause de la situation de la crise économique et, bien sûr, de la mutation qui s'opère actuellement dans les milieux de travail. Vous savez sans doute que la situation de l'emploi n'est pas nécessairement dans ses plus belles années. Alors, on a perdu un peu de membres à cause de situations de faillite et de rationalisation dans les entreprises au cours des dernières années. Mais, actuellement, la CSD est positionnée, je pense, dans une période de relance, et la syndicalisation chez nous reprend de la vigueur dans le sens qu'on s'aperçoit que... L'an passé, on a recruté 2 800 nouveaux membres qui sont venus s'ajouter à notre membership et la période d'accroissement de nos effectifs est reprise. Bien sûr, on pense qu'on va devenir au Québec la plus grande centrale du Québec.

Mme Vaive: J'ai une autre petite question. Dans votre conclusion, tout ce qui a trait à l'équité salariale, l'équité en emploi, ça ne m'embête pas, parce que j'ai siégé au Conseil du statut de la femme, et les services de garde à l'enfance, bon, c'est comprenable qu'il y a des difficultés du côté monoparental. Mais qu'est-ce que vous entendez par «une fiscalité plus équitable pour les familles»? C'est «les familles», là. «Les familles», que voulez-vous... Qu'est-ce que vous entendez par «les familles»?

(20 h 50)

M. Gingras (Claude): On entend par «familles», bien sûr, c'est toutes les cellules familiales, quelle que soit leur composition, qui contiennent au moins un enfant avec un parent. Ça commence à être une famille, ça, là. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit... Une fiscalité pour les familles, c'est qu'on ajuste, selon la situation des divers genres de familles qui peuvent exister, on ajuste les mesures de façon à rendre ça plus équitable selon le niveau de responsabilités qui peut exister et la différence de familles qui peut exister. Parce qu'on a l'impression qu'actuellement l'absence d'équité et de reconnaissance de ces divers niveaux de familles fait en sorte de provoquer des éclatements encore plus grands que ceux qui devraient exister si on avait une véritable reconnaissance de la situation des familles et qu'on ajustait nos programmes pour reconnaître leurs différentes réalités puis, également, les soutenir de façon efficace. Quand on parle d'équité, c'est de ça qu'on parle. On parle également, en même temps, d'une équité fiscale qui mise sur la répartition de la richesse en fonction de la situation des personnes et des différentes familles.

Mme Vaive: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Thibault, Mme Corriveau, M. Gingras, M. Tremblay, merci de votre participation, de votre contribution aux travaux de cette commission. Merci également de votre offre de services. Évidemment, je l'ai dit à quelques reprises, toute l'information touchant le projet de loi, parce que c'est du droit nouveau, alors, ça va demander une solide campagne d'information. On aura sans doute besoin de la contribution de tous et de toutes pour bien faire passer les informations utiles lorsque le projet de loi sera adopté et mis en vigueur.

Madame nous revient souvent, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, sur les coûts du système qui seraient diminués si on n'entrait pas les bons payeurs. Ce n'est pas les bons payeurs qui vont coûter cher au système, parce que, eux, ils versent, et puis c'est tout; c'est un chèque qui s'en va dans une direction pour payer à la créancière. Mais ce qui va nous coûter cher, ce sont les mauvais payeurs. C'est pour ça que les économies ne pourraient pas être très grandes, même si on excluait les bons payeurs. Ça a été aussi...

Mme Loiselle: Mais ce serait intéressant de faire une analyse quand même.

Mme Blackburn: Oui, mais là, on dit qu'il y a 45 % de bons payeurs. Ça, ça veut dire, ce serait comme la moitié du... Ce n'est pas quelque chose de significatif lorsqu'on a fait les tableaux sur les économies. Parce qu'on pourra vous les fournir.

Mme Loiselle: Ah oui? J'aimerais bien, oui.

Mme Blackburn: Ah! Ça a tout été fait, ça.

Mme Loiselle: Ah bon! Bien là, vous...

Mme Blackburn: Oui, oui.

Mme Loiselle: J'aimerais ça les recevoir.

Mme Blackburn: À terme, avec les économies réalisées, on estime qu'à la dixième année, sur les 10 ans, étalées sur 10 ans, c'est 1 300 000 $ par année, les coûts. Et, ça, c'est si on va chercher 10 % de plus de payeurs. Si on va chercher 20 %, là, évidemment, ce n'est plus des coûts, c'est des économies. Ça, on pourra vous montrer ça. Ils ont tout fait les calculs, en long et en large. Vous comprendrez qu'un tel projet de loi...

Mme Loiselle: Il va falloir trouver d'autres avenues pour aider les personnes les plus démunies.

Mme Blackburn: Oui, les plus démunies, c'est par modification réglementaire. La sécurité du revenu, c'est une modification aux règlements de la sécurité du revenu.

Je vous remercie. Bonne fin de soirée.

M. Gingras (Claude): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Gaulin): M. le président, Mmes et MM. de la Centrale, merci. Une minute de pause pour permettre au groupe suivant, le Conseil permanent de la jeunesse, de venir prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 53)

(Reprise à 20 h 55)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons entendre maintenant le Conseil permanent de la jeunesse. J'invite M. Michel Philibert jr, président, à nous présenter celles et celui qui l'accompagnent. Bonsoir.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

M. Philibert (Michel jr): Mme la ministre, M. le Président, chers membres de la commission des affaires sociales, bonsoir. Laissez-moi vous présenter justement les membres de mon équipe. Tout d'abord, à ma droite, Mme Julie Lévesque, qui est vice-présidente du Conseil permanent de la jeunesse et responsable du dossier; Mme Chantale Girouard, qui est agente de recherche au Conseil; M. Marc-André Dowd, à ma gauche, qui est vice-président du Conseil; puis, moi, Michel Philibert, je suis président du Conseil permanent de la jeunesse.

Avant de débuter, j'aimerais vous rappeler que le Conseil permanent de la jeunesse est un organisme du gouvernement du Québec dirigé par des jeunes – en fait, c'est le seul organisme gouvernemental dirigé par un jeune – qui a pour mandat de conseiller le premier ministre sur toute question relative à la jeunesse. Le Conseil s'est particulièrement intéressé ces dernières années au phénomène de la pauvreté des jeunes. Nous avons d'ailleurs publié en 1993 un avis intitulé «Dites à tout le monde qu'on existe...», dans lequel le Conseil s'était penché sur le versement des pensions alimentaires. Si nous avons accepté l'invitation de Mme la ministre, c'est que le Conseil se sent directement concerné par les objectifs avancés dans le projet de loi, en particulier celui visant à réduire la pauvreté.

On sait que les jeunes familles sont celles qui subissent plus gravement la pauvreté et, quand on parle de pauvreté, ce n'est pas que manquer d'argent. La pauvreté, c'est aussi l'isolement, c'est aussi absence de perspective et atrophie de l'autonomie et, surtout, la pauvreté s'accompagne d'un moins-être. Le projet de loi prévoit un ensemble de mesures qui pourront aider les familles monoparentales à sortir de la pauvreté et aux chefs de ces familles d'acquérir plus d'autonomie.

Un autre point important, c'est qu'au-delà de l'argent on peut redonner la dignité aux mères, car on ne parle plus de charité, mais, désormais, on parle de droit. Par contre, le Conseil est surpris de constater qu'à l'analyse du projet de loi les jeunes chefs de familles monoparentales sont celles qui bénéficieront le moins des effets du projet de loi, et c'est ce qu'on vous expliquera ce soir dans notre présentation. Nous tenons quand même à souligner qu'en général le projet est positif et que la présente génération bénéficiera à plus long terme de l'implantation de ce système.

Mme Lévesque (Julie): Bonjour. Pour débuter, nous aimerions vous parler brièvement de l'origine de la monoparentalité et de la pauvreté des jeunes femmes chefs de familles monoparentales. Alors, l'origine de la monoparentalité est un élément intéressant, car elle permet de déterminer certaines situations où les pensions alimentaires sont pratiquement inexistantes. Premièrement, si les ruptures d'union, séparation ou divorce, sont à l'origine de la majorité des situations de monoparentalité, la tendance à avoir seule un enfant est à la hausse, et plus particulièrement chez les jeunes femmes. Les résultats de certaines études montrent que le tiers des femmes monoparentales de 18 ans à 34 ans se retrouve dans une situation de monoparentalité à la suite d'une naissance hors union. Aussi, depuis un certain nombre d'années, de plus en plus de jeunes adolescentes deviennent enceintes, et ce, de plus en plus jeunes. Dans 31 % des déclarations de naissance, le nom du père était inconnu; les recours pour obtenir un jugement de pension alimentaire sont donc bien difficiles.

Comme Michel l'a déjà mentionné, pour les femmes chefs de familles monoparentales, la probabilité de vivre une situation de pauvreté est extrêmement forte. Les jeunes familles monoparentales sont les plus pauvres de toutes, soit 84,5 % des cas, et les jeunes mères ont un revenu moyen qui s'écarte de façon importante du seuil de la pauvreté. Pourquoi deviennent-elles si pauvres? Eh bien, lorsqu'elles travaillent, elles le font souvent à temps partiel et souvent au salaire minimum. Parfois, les responsabilités personnelles et familiales les empêchent même d'être actives sur le marché du travail. Les ruptures de couple engendrent aussi une détérioration du niveau de vie des femmes et des enfants. Les prestations de la sécurité du revenu deviennent alors la principale source de revenu. En 1993, sur environ 85 000 familles monoparentales recevant l'aide sociale, le tiers était des femmes de moins de 30 ans.

(21 heures)

M. Philibert (Michel jr): Donc, une autre raison pour affirmer que les jeunes chefs de familles vont moins bénéficier des effets du projet de loi, c'est qu'on observe au Conseil que les données fiscales montrent que les pensions alimentaires reçues par les femmes de 30 ans et moins sont les plus faibles. On note que le montant croît avec l'âge. Ainsi, on remarque que les femmes de 55 ans et plus reçoivent les montants les plus élevés. Nous, on comprend que les femmes de cet âge sont moins actives sur le marché du travail et que les tribunaux ont davantage considéré leur contribution au ménage.

Si les jeunes chefs de famille monoparentale reçoivent les pensions alimentaires les plus faibles, on ne peut passer sous silence la situation des jeunes pères sur le marché du travail, qui est, comme celle des femmes, empreinte de précarité. Dois-je vous rappeler que les jeunes de moins de 30 ans forment 49 % des travailleurs et travailleuses à temps partiel et 72 % des personnes qui travaillent au salaire minimum? De plus, les jeunes ont, historiquement, un taux de chômage qui est plus élevé que la moyenne. C'est là qu'on voit qu'il est impératif d'axer la politique du gouvernement sur l'emploi et la nécessité d'une bonne politique familiale qui pourrait venir en aide à ces jeunes, qui sont les plus pauvres parmi les plus pauvres.

M. Dowd (Marc-André): Quelques mots maintenant sur le principe même du projet de loi qui nous est présenté. On y prévoit l'instauration d'un système de perception automatique des pensions alimentaires. L'à-propos de ce projet de loi se justifie amplement, notamment par deux facteurs. D'abord, la hausse importante des taux de monoparentalité depuis quelques années. Déjà en 1990, on estimait que plus de 39 % des femmes vivraient au moins un épisode de monoparentalité dans leur vie. De plus, il faut également considérer le fait que le niveau de vie moyen des familles est affecté à la baisse depuis plusieurs années.

La solution proposée par le gouvernement règle un grand nombre d'inconvénients actuellement rencontrés par les ex-conjoints lorsqu'il y a paiement d'une pension alimentaire. La régularité du paiement de la pension est assurée, on élimine une occasion de chantage émotif et financier avec les enfants comme victimes et, surtout, on respecte le libre choix des parties, qui peuvent mutuellement décider de s'exclure du régime.

Les moyens adéquats sont mis en oeuvre pour assurer une perception des pensions. À cet égard, le choix du ministère du Revenu comme responsable de la perception apparaît très judicieux, d'abord, pour sa facilité à aller chercher des renseignements de nature financière sur un individu, puis, aussi, à cause de sa main-d'oeuvre déjà formée à l'enquête et à la perception, enfin, d'une façon plus symbolique, parce que le nom «ministère du Revenu» sur une enveloppe a de quoi faire réfléchir celui qui aurait des intentions de ne pas verser son dû.

Le système fait preuve d'une certaine souplesse dans les modalités de perception, compte tenu de la situation de travail du débiteur. Ainsi, la retenue à la source est présentée comme modèle général, avec possibilité, pour les travailleurs autonomes, par exemple, de déposer une sûreté en lieu et place de cette retenue. Le Conseil tient à souligner que, pour les jeunes, il s'agit d'un élément intéressant, car le travail autonome est à la hausse pour ce groupe d'âge.

Toutes ces raisons incitent le Conseil permanent de la jeunesse à recommander à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi 60, facilitant le paiement des pensions alimentaires. Cependant, selon nous, le projet de loi ne règle qu'une partie du problème et il faut absolument regarder d'autres aspects entourant les pensions alimentaires si on veut arriver à établir un régime cohérent qui permet véritablement d'améliorer le niveau de vie des familles monoparentales.

Par exemple, en ce qui concerne la fixation des pensions alimentaires, nous avons constaté une disparité dans les sommes accordées en diverses occasions. Nous reconnaissons que le critère primordial à respecter est l'intérêt de l'enfant et qu'une discrétion doit être laissée aux juges à cet effet. Cependant, nous sommes convaincus qu'un barème de fixation des pensions pour enfants, avec des critères préétablis et souples, servirait mieux la justice. On faciliterait un traitement plus uniforme des demandes de pension. Il est évident que les besoins de l'enfant et les ressources du parent débiteur seraient examinés au premier chef. L'utilisation de ce barème simplifierait également beaucoup les demandes de révision de pension, puisqu'on pourrait identifier plus facilement l'élément qui a changé dans la situation d'une des parties. En clair, nous désirons mieux outiller les juges en leur fournissant des bases de modèles économiques qui pourraient être adaptées selon les circonstances.

De plus, lorsqu'un parent gardien doit entreprendre, au bénéfice de son enfant, des procédures judiciaires concernant le paiement d'une pension alimentaire, nous sommes d'avis que le seuil d'accès à l'aide juridique soit élevé au niveau du seuil de pauvreté défini par Statistique Canada. L'intérêt de l'enfant doit primer, et il nous semble illusoire de croire qu'une mère vivant sous le seuil de la pauvreté mais au-dessus du seuil d'accès à l'aide juridique ait les moyens financiers de donner un mandat à un avocat pour faire valoir les droits alimentaires de son enfant devant la cour. Encore une fois, le droit aux aliments appartient à l'enfant et on doit faciliter au maximum l'exercice de ce droit par le parent gardien.

Enfin, la délicate question de la fiscalité. La situation actuelle comporte de sérieux désavantages. D'abord, le calcul du coût fiscal dans la fixation de la pension n'est pas uniforme pour tous les juges. De plus, dans presque tous les cas, la différence de taux d'imposition entre la créancière et le débiteur entraîne soit un manque à gagner pour le gouvernement, ou soit ce qu'on appelle communément l'effet adverse, où le gouvernement se retrouve avec une somme d'argent qu'il conviendrait mieux de laisser à la famille monoparentale.

Donc, des situations inéquitables se présentent, et c'est sans parler des aberrations. Par exemple, si le revenu de la créancière augmente, son taux d'imposition augmente également et la pension alimentaire versée doit augmenter elle aussi, compte tenu de ce nouveau taux. Mais personne ne profite de la hausse de pension. Le traitement fiscal de la pension alimentaire a été, à l'origine, conçu pour inciter les hommes à verser la pension. Compte tenu des faibles taux de paiement de la part des débiteurs, on peut avancer que la mesure fiscale a échoué dans son objectif. De plus, elle perd toute utilité vu l'instauration d'un système de perception automatique des pensions alimentaires. Pour toutes ces raisons, le Conseil recommande que les pensions alimentaires ne soient plus soumises à l'impôt.

Mme Lévesque (Julie): Malgré ces recommandations, le Conseil constate malheureusement que les jeunes familles monoparentales ne bénéficieront pas beaucoup, à l'heure actuelle, de ce projet de loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Premièrement, la tendance récente chez les jeunes à avoir des enfants hors union rend difficile le paiement des pensions alimentaires, puisque le père est souvent non reconnu. Deuxièmement, lorsqu'il y a paiement des pensions alimentaires, il s'agit de faibles montants. La situation économique difficile que vivent les jeunes pères constitue, par ailleurs, un élément que l'on doit absolument considérer. Finalement, lorsque les jeunes mères se retrouvent prestataires de la sécurité du revenu, le montant de la pension alimentaire est entièrement amputé. Ainsi, ces familles ne bénéficient aucunement des pensions alimentaires, perception automatique ou non.

Le Conseil recommande donc que le ministère de la Sécurité du revenu exempte totalement les revenus de pension alimentaire que reçoit pour ses enfants un parent prestataire de la sécurité du revenu. L'argent des pensions alimentaires ne doit-il pas servir avant tout à améliorer le niveau de vie des familles?

Pour terminer, pour toutes les raisons mentionnées précédemment, le Conseil pense qu'une insertion au marché du travail reste le cheminement le plus approprié pour la majorité des jeunes. Même si leur statut de chef de famille monoparentale fait en sorte que ces jeunes femmes ne se considèrent pas exclues socialement, leur pauvreté affecte sans aucun doute leurs démarches vers une pleine autonomie. C'est pourquoi le Conseil souligne l'importance d'offrir des mesures pouvant éliminer les obstacles que rencontrent ces jeunes femmes lorsqu'elles veulent entrer sur le marché du travail.

Des mesures d'employabilité pertinente, des services de garde accessibles, une politique familiale adéquate et des emplois disponibles sont des conditions préalables au développement de l'autonomie de tout individu. Dans le cas des jeunes chefs de famille monoparentale, les services d'employabilité doivent offrir la poursuite d'une démarche cohérente avec leurs besoins qui les conduiront vers un emploi. Les services de garde, de leur côté, doivent permettre une flexibilité en accord avec ce que le marché du travail exige de ses travailleuses. Une politique familiale doit soutenir le revenu de la famille.

Le Conseil ne réitérera pas ici les 80 recommandations contenues dans notre avis sur la pauvreté des jeunes, «Dites à tout le monde qu'on existe...» Il fera toutefois les recommandations suivantes, c'est-à-dire que le gouvernement s'engage à concrétiser son projet de société de plein emploi et que le gouvernement mette sur pied une politique familiale plus soutenante qui reconnaisse le travail des femmes au foyer et qui tienne compte des difficultés auxquelles doivent faire face les jeunes familles. Et, pour terminer, que le ministère de la Sécurité du revenu mette de l'avant une politique d'insertion qui offre aux femmes, chefs de famille monoparentale, une démarche d'insertion qui tienne compte de leurs besoins. Pour ce point particulier, vous pouvez référer au document du Comité de travail sur les mesures de développement de l'employabilité et d'insertion en emploi de décembre 1994, auquel votre ministère participait. Alors, je vous remercie beaucoup et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de la commission et de participer aux travaux de cette commission et à notre réflexion sur le projet de loi. C'est un mémoire bien fouillé et bien articulé. Je vois les signes d'approbation du côté de mes collègues des deux côtés. C'est bien fait. Évidemment, je dis que le projet de loi ne règle pas tous les problèmes, et vous soulevez une série de questions extrêmement pertinentes.

(21 h 10)

Moi, je voudrais vous dire quelques petites choses ce soir que vous connaissez déjà un peu. À la Sécurité du revenu, ma grande préoccupation, c'est la situation des familles monoparentales et des jeunes. J'ai fait sortir toutes les données imaginables là-dessus. Et il est évident que nous allons mettre l'accent et la priorité sur ces deux cibles. Nous visons les cibles prioritaires. Les jeunes... j'ai commencé à dire de moins de 30 ans, on m'a dit qu'il faudrait regarder 35, là. Mais, vous savez, quand on sait que j'ai 36 000 familles monoparentales dont le chef a moins de 30 ans – il y a 46 000 enfants là-dedans – ça n'a pas de bon sens. On n'a pas besoin de grosses réflexions pour vous dire que vous avez tout à fait raison et qu'il y a une urgence, et c'est là-dessus qu'on va mettre l'essentiel de nos priorités, mais une bonne partie de notre action également.

Sur deux, trois réponses à vos inquiétudes. La première, vous dites, sur la possibilité d'exempter une partie de la pension alimentaire, qu'elle ne soit pas complètement enlevée; à la Sécurité du revenu, on l'examine. C'est aussi une des premières questions que j'ai posées, à savoir combien ça nous coûterait, comment on pourrait fonctionner. Ça laisse quand même, puis je pense qu'il faut le dire, une difficulté – c'est fragile l'équilibre qu'on s'est donné – c'est que, si on fait ça avec nos prestataires, il va falloir augmenter aussi pour ceux qui sont dans le programme APPORT pour ne pas créer de disparités trop grandes, pour ne pas que tout le monde s'en vienne à la sécurité, pas tout le monde, mais quelques-uns auraient tendance à privilégier la sécurité du revenu. Alors, on joue avec ça, c'est-à-dire qu'on examine cette hypothèse-là, et ça appelle des modifications réglementaires et non pas législatives.

Sur la grille de fixation, la Sécurité du revenu et la Justice ont déjà élaboré des choses, sauf que, ici, si on l'adopte, ce n'est qu'à titre indicatif, parce que c'est de juridiction fédérale. Mais, quand même, ça ne veut pas dire qu'on ne travaille pas là-dessus, c'est une... Sur la fiscalité, évidemment vous savez que le cas Thibaudeau est devant la Cour suprême; ça, je pense qu'il faut attendre. Pour ce qui est de la possibilité d'une... Oui, vous abordez une question sur une politique de la famille. On est en train d'examiner un peu l'hypothèse d'une prestation unifiée pour enfants.

Alors, tout ça pour vous dire que j'ai mis un certain nombre de choses dans la machine. Évidemment, tout ça, ça ne peut pas sortir demain matin, mais le premier geste que je trouvais le plus urgent, c'était d'aller chercher les pensions alimentaires.

Vous nous dites, dans votre mémoire, des vérités frappantes. Quand vous dites que les jeunes femmes ne seront plus en train de quêter la charité, qu'on va leur redonner de la dignité, bien, on va aussi leur donner de la confiance, de la fierté et de l'estime de soi pour les enfants. Je reviens beaucoup aux enfants parce que je me dis: On n'a pas le droit de faire ce qu'on est en train...

On a un problème que vous avez bien soulevé et bien identifié, c'est les pères qui sont non reconnus, non connus ou... la non-reconnaissance de la paternité. Est-ce que vous pourriez nous aider à trouver des solutions? Et l'examen qu'on a fait, nous, à la Sécurité du revenu, c'est que, annuellement, on en a 4 % à 5 % des familles qui viennent à la Sécurité du revenu, dont le père est inconnu. Est-ce que vous auriez des suggestions à nous faire pour essayer d'améliorer ce taux?

M. Philibert (Michel jr): C'est un problème qu'on a soulevé. On n'a pas vraiment trouvé de solution à ça. C'est quand même un problème qui est assez difficile.

M. Dowd (Marc-André): Je pourrais peut-être risquer quelque chose. Au moment de l'inscription, dans les registres, du nom du père, on pourrait peut-être bien faire comprendre à la mère qui inscrit son enfant l'importance que ça a, d'inscrire le nom d'un père ou non, et puis les incidences que ça peut avoir. Parce que je pense que, dans le cas, par exemple, des adolescentes enceintes ou des jeunes femmes enceintes, la décision de ne pas inscrire le père peut être plus ou moins réfléchie. Alors, à ce moment-là, juste en informant les mères des conséquences de la paternité comme telle, de l'inscription d'une paternité, on pourrait peut-être aller en chercher quelques-unes comme ça. C'est un premier pas, là.

Mme Blackburn: Des interventions, des incitations à déclarer le nom du père de la part des travailleurs sociaux ou à l'occasion de la naissance à l'hôpital?

M. Dowd (Marc-André): En expliquant, par exemple, justement, les droits qui découleraient de ça, le droit à la pension alimentaire, entre autres, éventuellement.

Mme Blackburn: Moi, je ne suis jamais vraiment en faveur de ce genre de législation, mais le ministère... Il y a une pratique aux États-Unis: ils ont réglementé sur l'obligation de déclarer le père. Moi, là-dessus, ce genre de mesure là, je ne suis jamais sûre qu'on doive imiter de trop, trop près les Américains.

M. Dowd (Marc-André): Ça m'apparaît difficile aussi.

Mme Blackburn: D'accord. Dans la grille de fixation, je me demandais comment vous recevriez une suggestion. C'est le comité fédéral qui réfléchit à cette question et qui non seulement veut évaluer les besoins de l'enfant, mais il irait plus loin en disant que les enfants doivent maintenir le même niveau de vie qu'ils auraient s'ils restaient avec leur père... bien, leur père, avec les parents débiteurs. Qu'est-ce que vous diriez d'une hypothèse comme ça? Ça veut dire qu'un des problèmes des jeunes mères, c'est que, souvent, le conjoint n'a pas des salaires très élevés. Mais, dans l'hypothèse où c'est quelqu'un qui a des... J'allais nommer quelqu'un, parce que je sais qu'il se fait des revenus de plus de 200 000 $ par année. Mais, à ce moment-là, ce qu'on examine du côté fédéral, c'est l'hypothèse que la pension alimentaire serait équivalente pour lui permettre de maintenir son même niveau de vie.

M. Dowd (Marc-André): Je pense que ce serait dans l'intérêt de l'enfant, de prime abord, sauf que ça me semble quelque part peut-être un peu utopique.

Mme Blackburn: Utopique, oui. Bien. Je vous remercie. Je vous dis qu'on compte sur votre collaboration, lorsqu'on aura adopté le projet de loi, à la fois pour le faire connaître... On a l'intention de tenir une campagne d'information et on aura besoin de tous les organismes, parce que c'est du droit nouveau. On va avoir besoin de le faire connaître, mais besoin rapidement aussi de connaître un peu ses difficultés d'application ou les problèmes que ça pourrait générer éventuellement. Alors, on vous remercie. J'ai des collègues qui veulent intervenir.

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Mme la ministre m'a soufflé ma question. C'était sur le statut des pères non reconnus. Alors, je ne reviendrai pas là-dessus. Cependant, je trouve ça très, très pertinent et intéressant que vous ayez mis l'accent sur les jeunes femmes de 30 ans et moins. Il me semble qu'il y a là des situations particulières et vous avez très bien ciblé et «contextualisé» les situations vécues par les femmes de 30 ans. Alors, je réitère mes remerciements pour un mémoire aussi bien étoffé, et, compte tenu que la question a été posée, eh bien, je vais passer. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de l'opposition officielle... Mme la porte-parole, pardon, de l'opposition officielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Excusez-moi, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Et voici les trois chapeaux.

Le Président (M. Gaulin): Ça va trop vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir, bienvenue à cette commission. J'aimerais revenir au tout début de votre mémoire, à l'introduction, quand vous dites: «La situation économique difficile que vivent les jeunes pères constitue, par ailleurs, un élément que l'on doit absolument considérer», puis, un petit peu plus loin, à la page 14, quand vous mentionnez que les jeunes de moins de 30 ans forment 49 % des travailleurs et que 72 % de ces personnes travaillent au salaire minimum. Dans des situations où des jeunes pères à faibles revenus, à des salaires quand même pas exorbitants, doivent payer le dépôt de la garantie de trois mois, est-ce que vous ne pensez pas que, dans certaines situations, étant donné qu'ils se sentiraient coincés avec ce dépôt-là, ça pourrait les amener à se décourager, puis à décrocher, puis peut-être à se dire que, finalement, ils seraient peut-être mieux de s'en aller sur l'aide sociale, puis travailler un petit peu au noir, que ce serait peut-être plus payant au bout de la ligne, dans certaines situations?

Mme Girouard (Chantale): Ils peuvent utiliser la retenue à la source. Dans le cas de la...

Mme Loiselle: Non, les travailleurs autonomes...

Mme Girouard (Chantale): Oui. Alors, dans le cas de la réserve, vous mentionniez tout à l'heure, je crois, la ministre mentionnait la possibilité d'avoir un emprunt bancaire, d'avoir une garantie. Alors...

Mme Loiselle: Quand on n'a pas beaucoup de revenus, faire un emprunt, au bout de la ligne, il faut payer cet emprunt-là.

Mme Girouard (Chantale): Oui, mais, en même temps, l'idée d'une réserve est quand même intéressante, parce que ceux qui veulent se soustraire peuvent quand même se soustraire lors d'une retenue à la source hebdomadaire. Ils ont quand même la possibilité. Trois mois, bon, il y a quatre mois qui existent en Ontario, je crois. Alors, trois mois...

Mme Loiselle: Il y a plusieurs organismes qui ont suggéré le quatre mois.

(21 h 20)

Mme Girouard (Chantale): Oui, mais trois mois ici, ça m'apparaît plus possible que quatre mois, dans ce sens-là.

Mme Loiselle: Mais, dans les situations où c'est des jeunes travailleurs qui n'ont pas beaucoup de revenus, vous ne pensez pas que, pour certains, il y aurait un peu un phénomène de décrochage qui pourrait apparaître?

Mme Girouard (Chantale): De là à provoquer du décrochage, c'est quand...

Mme Loiselle: Bien, du découragement.

Mme Girouard (Chantale): Oui. Je ne crois pas. Ça peut être difficile, mais de là à provoquer le découragement...

Mme Loiselle: Vous ne pensez nullement que, dans le projet de loi, il y a certains aspects qui pourraient encourager le travail au noir, nullement?

Mme Girouard (Chantale): Des effets pervers?

Mme Lévesque (Julie): On ne s'est pas réellement penchés...

Mme Loiselle: C'est ça, les effets pervers d'une loi.

Mme Lévesque (Julie): ...sur la question, mais... Non, on ne s'est pas...

Mme Loiselle: D'accord.

M. Philibert (Michel jr): On a jugé un projet de loi dans son ensemble et ce que ça allait apporter aux Québécois, et aux Québécoises surtout. C'est sûr que, comme dans tout projet de loi voté, il peut y avoir des effets pervers, on ne le nie pas. La preuve, c'est qu'on le dit que les jeunes familles monoparentales vont moins bénéficier de ce projet de loi là. Mais, dans l'ensemble, nous, on l'a jugé positif, dans l'ensemble...

Mme Loiselle: Ah! nous aussi...

M. Philibert (Michel jr): ...dans les principes.

Mme Loiselle: ...on a voté pour. Ce n'est pas ça. Nous, on est ici, là, pour essayer de trouver, justement, quand l'application de la loi...

M. Philibert (Michel jr): Oui.

Mme Loiselle: ...dans la vie de tous les jours, on voudrait éviter... Si on peut trouver tous ces effets pervers là tout de suite, on pourrait, à ce moment-là, bonifier et améliorer le projet de loi pour, justement, les éviter, pour que personne ne paie au bout de la ligne pour ces choses-là.

M. Philibert (Michel jr): Je suis bien d'accord avec vous, mais, comme je vous le dis, on n'est peut-être pas, nous, allés dans les détails, dans les très petits détails. On a porté un jugement d'ensemble sur tout le projet de loi.

Mme Loiselle: D'accord. J'aimerais vous entendre, on n'en a pas beaucoup parlé, sur la médiation familiale, le rapprochement que ça peut provoquer – on dit souvent aussi que ça se fait beaucoup avec la conciliation – et les bienfaits, les avantages de la médiation familiale dans des situations de rupture. J'aimerais avoir un peu votre opinion sur la médiation familiale.

M. Dowd (Marc-André): Je trouve que c'est une avenue qui est extrêmement intéressante, qui gagne de plus en plus en popularité. Je vois juste des bienfaits à la médiation familiale comme telle et à l'ouverture aussi, de plus en plus, à la médiation.

Mme Loiselle: O.K. Vous faites mention, dans votre mémoire, de l'accessibilité des services. On en a discuté à plusieurs reprises. Moi, je crois beaucoup que... Parce que, actuellement, il y a 59 points de services et, avec le projet de loi, on va se retrouver avec 16 points de services à travers le Québec. Moi, je crois beaucoup au contact direct entre les gens dans des situations de rupture, d'éclatement familial. Je trouve que c'est très important. On nous faisait mention aussi que, pour les personnes analphabètes et non fonctionnelles, dans différentes régions du Québec, une ligne téléphonique 1-800... Même si c'est des dossiers personnalisés, chaque personne qui va appeler va avoir un agent qui va s'occuper de son dossier de façon continue, régulière, moi, je me demande, au niveau des régions éloignées, si ce n'est pas un désavantage pour certaines femmes d'avoir seulement la ligne téléphonique.

M. Dowd (Marc-André): J'aimerais juste avoir un complément d'information. Vous parlez de points de services?

Mme Loiselle: Oui.

M. Dowd (Marc-André): De quoi?

Mme Loiselle: Points de services d'information, où aller chercher de l'information. Actuellement, il y en a 59 au Québec.

M. Dowd (Marc-André): O.K.

Mme Loiselle: Et, avec le projet de loi, on va centraliser plus à Montréal et Québec et il va y avoir seulement 16 points de services d'information, où les gens peuvent aussi aller, parce qu'il y a des recours, à un moment donné, où il faut compléter des documents, tout ça.

Mme Girouard (Chantale): On n'a pas fouillé cette question-là, au niveau de l'accessibilité.

Mme Loiselle: C'est parce que vous en parlez quelque part, c'est pour ça.

Mme Girouard (Chantale): Mais pas au niveau du nombre de...

Mme Loiselle: Ah, O.K.!

Mme Girouard (Chantale): ...points de services.

Mme Loiselle: O.K. Mais vous croyez que c'est important que, dans chaque région...

Mme Girouard (Chantale): Il faut améliorer l'accessibilité. À l'heure actuelle, semble-t-il, les lignes téléphoniques sont bondées. On a de la difficulté à rejoindre le service de perception. Est-ce que c'est de ça que vous parlez?

Mme Loiselle: Oui, c'est ça.

Mme Girouard (Chantale): Alors, c'est sûr qu'il y a amélioration de ce côté-là au niveau du service de perception. Quant aux points de services comme tels, on n'a pas fouillé le nombre de points de services.

Mme Loiselle: O.K. Une dernière question au niveau du ministère du Revenu. Quand le Protecteur du citoyen est venu, il y avait eu l'émission à Radio-Canada, Le Point . Vous l'avez écoutée?

Une voix: Oui.

Mme Loiselle: O.K. On donnait quand même un caractère assez inhumain et froid au ministère du Revenu. J'avais posé la question au Protecteur du citoyen et il m'avait dit qu'il avait eu, oui, des inquiétudes, lui-même, face à ça, mais que l'important, pour lui, c'était de bien former les gens qui vont travailler au ministère du Revenu. Alors, j'aimerais vous entendre un peu plus au niveau du transfert de la gestion et de l'implantation du nouveau système qui va être créé au ministère du Revenu, au niveau de la formation des gens et tout ça, là.

M. Dowd (Marc-André): Comme je le disais, je voyais, personnellement... on voyait – c'est-à-dire, pas personnellement – au niveau de l'organisme, trois avantages. Un premier avantage en termes d'accessibilité à l'information. Je pense que le ministère du Revenu est le ministère qui peut le plus facilement avoir accès rapidement à des informations de nature financière qui peuvent être utiles dans un contexte comme celui-là.

Un autre avantage aussi au niveau de la main-d'oeuvre qui est formée à la perception et à l'enquête. Et c'est là que, à ce moment-là, il faudrait peut-être prévoir une formation additionnelle pour rentrer le contexte de pension alimentaire, c'est-à-dire, on est dans un contexte de relations humaines, on est dans un contexte de crise de couple qui est brisé. Il y a une formation à donner aux agents qui vont être affectés à ce service-là, je pense que oui, d'une autre part.

Puis, symboliquement, ça n'a l'air de rien, mais c'était, à mon avis, quand même assez fort. C'est que le ministère du Revenu a une, je ne sais pas si on doit dire une crédibilité, mais on sait que, quand on reçoit un papier du ministère du Revenu, c'est sérieux puis on ne peut pas passer à côté. Puis ça, pour un citoyen ordinaire, pour aller chercher l'adhésion d'un citoyen ordinaire, je ne sais pas si on peut parler de chercher l'adhésion, mais, en tout cas, ce qu'on veut, c'est que la perception se fasse, c'est un argument qui est assez important aussi. Mais je suis d'accord avec vous, il y a définitivement une formation qui va devoir être donnée aux personnes qui vont travailler sur ce système-là, compte tenu du caractère particulier de relations humaines de cette loi-là.

Mme Loiselle: Seriez-vous confortable, dans certaines situations, que le ministère du Revenu, que la section qui s'occupe des perceptions des pensions alimentaires puisse aller chercher de l'information confidentielle dans les dossiers d'ordre plus fiscal de certains débiteurs? Parce que la loi ne le permet pas actuellement, d'après le projet de loi.

Mme Girouard (Chantale): Ce n'est pas un aspect comme tel que nous avons abordé, mais disons que...

Mme Loiselle: Je ne suis pas chanceuse!

Mme Girouard (Chantale): ...le seul fait que le ministère du Revenu, même s'il n'a pas accès au niveau de la loi... Les gens qui reçoivent une sommation, disons, du ministère du Revenu vont peut-être la prendre plus au sérieux, étant donné qu'ils pourraient peut-être être au courant...

M. Dowd (Marc-André): D'autre part, je rajouterai peut-être que, dans une mesure raisonnable, si ça peut nous permettre d'éviter des mauvais payeurs, des fraudeurs, je n'ai pas de problème comme tel, tant que ça reste dans une mesure raisonnable.

Mme Loiselle: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Moi, je vous félicite pour votre document. Pour avoir travaillé au-delà de 34 ans avec des jeunes de 18-35, je peux vous dire que ça me fait plaisir de voir le contenu de votre document et la grandeur que vous y apportez.

Et il y a un paragraphe, entre autres, qui me tient à coeur, moi. C'est à la page 18, lorsque vous dites: «Les juges devraient considérer la fixation des montants des pensions alimentaires, mais ce n'est pas toujours le cas.» Puis ce qui arrive, c'est que la bénéficiaire est doublement pénalisée. Elle paie ses impôts parce qu'elle reçoit une pension alimentaire, et, en plus de ça, si elle est à l'aide sociale, bien, elle en a encore moins. Ça fait qu'elle est pénalisée trois fois. Moi, je pense que cet aspect-là... Je suis de très près le dossier Thibaudeau à la Cour suprême et j'espère qu'on va arriver à quelque chose, parce que c'est injuste pour la bénéficiaire ou le bénéficiaire. Je dis toujours «le», mais ils sont plutôt rares.

Félicitations encore une fois et puis continuez votre beau travail! Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Alors... Ça va, Mme la porte-parole?

Mme Loiselle: Merci beaucoup pour cet échange et d'être venus à cette heure tardive. Merci. C'est apprécié.

M. Deslières: Ils sont jeunes.

Mme Loiselle: Pardon?

M. Deslières: Ils sont jeunes.

Mme Loiselle: Oui, ils sont jeunes. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Mme la ministre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Sur les points de services, quelques petites informations. Dès le prononcé du jugement, le juge doit recueillir les informations nécessaires à l'application de la loi. Là, évidemment, on va élaborer là-dessus pour savoir ce que ça doit contenir, pas seulement les noms et les adresses puis l'âge des enfants, c'est plus complet que ça ce qui devra être transmis au ministre du Revenu qui, lui, pourra le compléter. Mais il va compléter ces informations auprès du créancier au moment où il va établir les modalités de paiement ou de versement de la sûreté.

(21 h 30)

Les points de services, à ce moment-là, c'est vraiment une autre approche. Actuellement, c'est la créancière qui doit porter plainte et puis elle doit signaler le défaut de payer. Donc, c'est beaucoup plus complexe. Là, il va s'agir d'écrire une lettre enregistrée au ministre du Revenu pour déclarer le défaut de paiement et c'est le ministre du Revenu qui entreprend toutes les démarches. Comme il y a eu normalement constitution d'une sûreté, le ministre du Revenu peut commencer à verser tout de suite la pension.

Alors, c'est l'assurance qu'on a voulu donner aux enfants, ce qui fait que les points de services, comme c'est une lettre, le point de services sera utile s'il n'y avait pas retenue à la source ou s'il n'y a pas ordre de paiement directement au ministre. Dans ces deux cas-là, ordre de paiement et retenue à la source, c'est le ministre qui va constater le défaut de paiement. Le ministre va continuer à envoyer, parce qu'il y a déjà une sûreté. Il va envoyer les... Alors, on n'a plus besoin des mêmes points de services à travers le Québec. Quelqu'un me faisait remarquer que peut-être que, oui, on aurait besoin de points de services plus... Au moins, là, on va en garder 18, ça va être pour les débiteurs, pas les créancières.

Mme Loiselle: C'est 16.

Mme Blackburn: C'est 16. C'est 14 plus deux.

Mme Loiselle: ...à 12. Ça va bien, notre affaire.

Mme Blackburn: Il faudrait que je vérifie. Est-ce que c'est 16, qu'on a de bureaux? Combien a-t-on de bureaux régionaux?

(Consultation)

Mme Blackburn: C'est ça, 16.

Mme Loiselle: Ha! Ha! Vous êtes généreuse. Ça monte à chaque jour.

Mme Blackburn: Comme ça descend toujours à 12, moi, je dis... C'est pour ça que je suis rendue à 18.

Mais, alors, tout ça pour dire que, les points de services, ça ne revêt pas... Ce n'est pas le même système. Donc, ça n'a pas le même impact. Ça ne crée pas les mêmes obligations auprès de la créancière. En tout cas, on le souhaite, là. Tout ça restera à roder.

Alors, on a basé notre estimation, je dirais, du retour de pain sur la table pour les enfants à 73 000 000 $ par année; c'est si on va chercher seulement 10 % de plus. Si on va chercher 20 %, évidemment, le montant double. Alors, on vise davantage 20 %, mais on a voulu être conservateurs dans nos évaluations.

J'espère que, pour vous, pour votre jeune génération, votre génération à vous, ce sera un des premiers éléments, évidemment, c'est... Mais on souhaite que ça se fasse rapidement.

Je vous remercie de votre contribution, et bravo pour la qualité de votre réflexion!

Une voix: Merci...

Le Président (M. Gaulin): Messieurs dames du Conseil permanent de la jeunesse, merci. J'avise que les travaux de la commission des affaires sociales sont ajournés jusqu'à demain, 10 heures, dans la même salle.

(Fin de la séance à 21 h 33)


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