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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 12 décembre 1995 - Vol. 34 N° 30

Étude détaillée du projet de loi n° 115 - Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats


(Vingt heures douze minutes)

Le Président (M. Perreault): Si vous me le permettez?

Une voix: Non, on ne vous le permet pas.

Le Président (M. Perreault): Ah bien, ce n'est pas nécessaire que vous me le permettiez. Alors, je me reprends.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Perreault): Puisque je suis le président de cette commission, je constate que nous avons quorum, et nous allons donc commencer. La séance est donc ouverte. Vous rappeler, bien sûr, le mandat de la commission: la commission des affaires sociales se réunit ce soir afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives.

Et je demanderais à la secrétaire d'annoncer les remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudet (Argenteuil) sera remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Cusano (Viau) par Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne); M. Marsan (Robert-Baldwin) par M. Gautrin (Verdun); Mme Vaive (Chapleau) par Mme Houda-Pepin (La Pinière). Voilà.


Remarques préliminaires

Le Président (M. Perreault): C'est complet. Alors, nous sommes à l'étape des remarques préliminaires, et je céderai la parole à Mme la ministre de la Sécurité du revenu.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je pense que je devrais d'abord vous féliciter, c'est votre première séance comme président de la commission.

Le Président (M. Perreault): Attendez à la fin. Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Ça me fait plaisir quand même de vous accueillir. On ne doute pas que les choses se dérouleront dans la plus grande sérénité.

Vous allez me permettre, avant de commencer, de présenter la sous-ministre, Mme Malo, qui est à ma gauche et, de mon cabinet, Sylvain Tanguay.

Alors, M. le Président, nous sommes réunis pour procéder à l'étude article par article du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. Je voudrais ici rappeler – il est important de le garder à l'esprit – que notre régime de sécurité du revenu se situe dans une période de transition, et notre gouvernement a décidé de procéder à une réforme en profondeur du régime de la sécurité du revenu. Nous devons aussi être conscients que la prochaine année financière sera marquée par une accélération dramatique des coupures fédérales dans les paiements de transferts aux provinces. Ces nouvelles coupures se traduiront, pour le Québec, par un manque à gagner de 650 000 000 $, en 1996-1997, et de 1 880 000 000 $, en 1997-1998, au seul chapitre des transferts. À celles-ci s'ajoutent les coupures de l'assurance-chômage annoncées dans le dernier budget. Ces modifications se traduisent par des économies prévues de 1 900 000 000 $ à terme. Il est d'ores et déjà acquis qu'elles auront pour effet de drainer à la sécurité du revenu une clientèle additionnelle. Si l'on ajoute à l'impact des coupures survenues depuis 1982-1983 celui des mesures annoncées dans le dernier budget fédéral, l'impact cumulatif s'élèvera à 24 000 000 000 $ à la fin de 1997-1998, dont 3 100 000 000 $ en 1996-1997. Et que dire de la réforme de l'assurance-chômage qui vient d'être déposée.

Malgré cela, comme je l'ai déjà indiqué, nous n'entendons pas couper aveuglément dans nos programmes, ce qui reviendrait à rejeter sur les épaules des plus démunis de notre société l'incurie du gouvernement fédéral. Les propositions que nous avons soumises à l'Assemblée nationale sont, bien au contraire, marquées par une préoccupation de tous les instants d'agir avec discernement, par une volonté farouche de protéger les prestations de base et même d'améliorer nos programmes.

Le projet de loi n° 115, je le répète brièvement, permettra de rechercher une plus grande équité, de faciliter et de simplifier la gestion et, également, de réduire les coûts.

Pour une plus grande équité, il prévoit l'application, ce projet de loi, de la législation en matière de conditions de travail aux personnes qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure temporaire de soutien à l'emploi ou d'activités communautaires dans le cadre des programmes d'aide de dernier recours.

Cette disposition va de paire avec une révision des mesures de développement de l'employabilité et d'intégration à l'emploi, actuellement en préparation au ministère de la Sécurité du revenu. Cette disposition et cette révision feront en sorte que tous les prestataires qui exécuteront un travail, dans le cadre d'une mesure, seront salariés, donc protégés par la législation en matière de conditions de travail.

Le projet de loi prévoit également que les femmes enceintes qui confient le suivi de leur grossesse à une sage-femme dans le cadre de projets-pilotes pourront présenter une attestation de leur grossesse délivrée par la sage-femme lorsqu'elle serait autrement assujettie à la contribution parentale ou lorsqu'elle désire se prévaloir du barème de non-disponibilité du programme APTE. Ces femmes n'auront donc plus à fournir un rapport de médecin. Il s'agit évidemment d'une concordance avec la loi sur les sages-femmes.

Pour tenir compte de la capacité de payer des débiteurs, il contient également une disposition qui autorise le gouvernement à prévoir, par règlement, la suspension de la charge d'intérêt pour la durée des études à temps complet à l'égard des personnes qui ont accumulé une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu et qui ne sont plus prestataires. La fragilité de la solvabilité des étudiants se trouvera ainsi reconnue dans notre législation, à l'instar du régime d'aide financière aux étudiants, puisque les prêts accordés en vertu de ce régime ne portent pas intérêt pendant la durée des études. C'était une question d'harmonisation mais aussi de rendre le retour aux études à temps complet plus facile.

Il comprend également une disposition qui autorise le gouvernement à prévoir, par règlement, une variation des délais et modalités de recouvrement des sommes recouvrables. Cette modification vise plus particulièrement les adultes hébergés ou placés dans une famille d'accueil, lesquels disposent de ressources financières réduites au strict minimum, parfois 140 $ par mois. Elle nous permet de réduire, par règlement, de 56 $ à 22 $ par mois, dans leur cas, le montant minimum des remboursements d'une somme recouvrable. Aujourd'hui, comme c'était fixé à 56 $, nous n'avions pas le loisir de l'adapter à la situation financière de ces personnes. C'est donc là une autre bonification.

Pour simplifier et faciliter la gestion de programmes, le projet de loi ajoute des moyens de contrôle rigoureux tout en minimisant les exigences posées aux prestataires par l'introduction d'une disposition générale visant à faciliter les ententes d'échanges de renseignements, y compris avec le ministère du Revenu. Cette disposition est conforme à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Elle assure la plus grande transparence, puisque le gouvernement devra dresser et publier à la Gazette officielle du Québec , en plus des ministères et organismes identifiés dans la loi, la liste des ministères ou organismes du gouvernement du Québec ou d'autres gouvernements, des personnes et des entreprises avec lesquelles une entente pourra être prise.

Toutefois, il nous faut être à l'écoute des inquiétudes que cette disposition a suscitées en ce qui concerne la confidentialité des renseignements obtenus dans l'application de la Loi sur la sécurité du revenu. Il est vrai que cette confidentialité est déjà assurée, notamment par la Loi sur la fonction publique et par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Je propose néanmoins d'apporter une modification additionnelle à la Loi sur la sécurité du revenu afin de réaffirmer la confidentialité de tous les renseignements nominatifs obtenus dans l'application de cette loi – nous aurons un papillon. Cette modification est plus qu'un voeu pieux, puisque toute personne contrevenant à l'interdiction prévue de faire usage d'un tel renseignement à des fins autres que celles prévues pour l'application de la Loi sur la sécurité du revenu et/ou de communiquer ou de permettre que soit communiqué un tel renseignement à une personne qui n'y a pas droit sera passible d'une amende n'excédant pas 5 000 $. J'estime que cette modification témoigne de façon éloquente de la volonté du gouvernement de préserver la vie privée des prestataires de la sécurité du revenu. Il est également proposé que les articles concernant les échanges de renseignements entrent en vigueur dès le 1er janvier 1996. Un projet d'amendement sera déposé à cet effet.

(20 h 20)

Pour faciliter le recouvrement des sommes dues, les modifications suivantes sont introduites: obligation est faite pour une personne ayant souscrit à un engagement d'aider un ressortissant étranger et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent de rembourser le montant des prestations accordées à ce ressortissant et à ses personnes à charge. Cette disposition est conforme au Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, lequel stipule qu'un garant doit souscrire à l'engagement à rembourser au gouvernement du Québec toute somme que ce dernier accorderait à titre de prestation d'aide de dernier recours, conformément à la Loi sur la sécurité du revenu, au ressortissant étranger pour lequel il souscrit un engagement ou aux personnes à charge qui l'accompagnent. Une disposition fait porter de trois à cinq ans la prescription d'une somme due. De façon générale, cette prescription de cinq ans sera mieux adaptée à la situation particulière des personnes ayant accumulé une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu, à l'instar de ce qui se fait déjà dans le régime d'aide financière aux étudiants.

Le projet de loi n° 115 prévoit également le transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques et optométriques ainsi que d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu.

Pour réduire les coûts, malheureusement, nous avons donc dû prendre des décisions extrêmement difficiles. Je l'ai dit et je le répète, j'aurais préféré attendre la réforme de la sécurité du revenu, mais il est évident que, pour réaliser des compressions représentant 3 % des dépenses prévues, nous ne pouvions épargner complètement les prestataires ou, du moins, certains d'entre eux. Je tiens à rappeler, par ailleurs, que les modifications au régime ne comptent que pour la moitié de l'objectif de 3 %, et il s'agit des mesures suivantes: pour être admissible à l'aide de dernier recours, un adulte ou une famille devra détenir un montant d'avoirs liquides inférieur au montant des besoins de base reconnus par règlement. Ce montant variera de quelque 690 $ à 1 250 $, selon le type du ménage. Je tiens ici à souligner que seulement 12 % des quelque 100 000 nouveaux arrivants ont des avoirs liquides qui excèdent ce niveau de besoins. Ce sont des besoins de base. Cela ne veut pas dire pour autant que les prestataires ne pourront accumuler aucune épargne pour faire face aux imprévus de la vie. Ainsi, les personnes et les familles qui bénéficient actuellement de la sécurité du revenu, tout comme celles qui pourront en bénéficier dans le futur, si elles sont jugées admissibles, pourront disposer d'un montant d'au moins 1 500 $ dans le cas d'un adulte et d'au moins 2 500 $ dans le cas d'une famille, et ce, sans que leurs prestations ne soient réduites. Je veux être très claire à ce sujet et dissiper tout malentendu.

En outre, la rigueur ne doit pas nous rendre aveugles et nous devons accorder à certaines situations particulières toute l'attention qu'elles méritent. C'est ainsi que le règlement sur la sécurité du revenu prévoit déjà que les montants des avoirs liquides de base exclus aux fins du calcul de la prestation – et c'est un papillon que nous allons apporter – sont majorés de certains montants. C'est le cas notamment de certaines indemnités versées par le gouvernement du Canada et du Québec. Par exemple, les hémophiles ou d'autres personnes affectées par le VIH à la suite d'une transfusion sanguine reçoivent une indemnité en vertu d'un fonds d'aide humanitaire créé par le gouvernement du Québec, et cette indemnité n'est pas comptabilisée aux fins du calcul de la prestation. C'est une modification que nous avons nous-mêmes introduite quand je suis arrivée au ministère.

La réglementation en vigueur prévoit également que certains avoirs liquides sont exclus aux fins du calcul de la prestation soit en totalité, soit jusqu'à concurrence de 60 000 $, ou encore à certaines conditions. C'est le cas, par exemple, des avoirs liquides qu'un enfant à charge accumule par son travail personnel.

J'estime que ces majorations et ces exclusions devraient s'appliquer non seulement aux fins du calcul de la prestation, mais aussi aux fins de ce nouveau critère d'admissibilité introduit par ce projet de loi. C'est pourquoi je dépose un amendement au projet de loi n° 115 à la Loi sur la sécurité du revenu, selon lequel le gouvernement sera autorisé à déterminer, par règlement, des avoirs liquides et des majorations de certains de ces avoirs qui seront exclus du montant d'avoirs liquides considéré aux fins de ce nouveau critère d'admissibilité.

Deuxième mesure de compression: le barème de disponibilité du programme APTE est supprimé. Ce barème s'applique à l'adulte qui a demandé qu'on lui propose une mesure temporaire de soutien à l'emploi, de formation, d'activités de services communautaires. Il est supérieur de 50 $ au barème de non-participation. Les prestataires touchés par la disparition du barème de disponibilité ne seront quand même pas laissés à eux-mêmes. Cependant, à compter de 1996-1997, tous les prestataires non participants qui ont besoin d'un encadrement pour la recherche d'un emploi seront référés au service structuré d'aide à la recherche d'emploi et d'aide au placement, programme appelé AGIR. Les prestataires touchés par l'abolition de ce barème, rappelons-le, auront la possibilité de compenser la réduction de leurs prestations qui s'ensuivra. Les montants que les prestataires peuvent gagner sans que leurs prestations ne soient réduites, que l'on appelle des revenus de travail exclus, seront en effet augmentés de façon équivalente, c'est-à-dire de 50 $ par mois.

J'aimerais ici rappeler que 50 % des prestataires qui recevaient ce barème de participant, au moment où on leur offrait une mesure, refusaient la mesure; ils ne se montraient pas intéressés. Ils s'étaient déclarés disponibles pour obtenir le 50 $, mais, quand vous leur offriez une mesure, ils se disaient non disponibles. Et, par ailleurs, rappeler que c'est un barème qui était difficile à gérer dans le réseau et qui était inégalement administré. Dans certaines régions, on le donnait presque systématiquement, pour ne pas dire systématiquement; dans d'autres régions, il était accordé de façon fort parcimonieuse. Alors, le barème de participant sera aussi réduit de 30 $ par mois, passant de 150 $ à 120 $.

J'aimerais ici rappeler à l'opposition, qui use, à l'occasion, je dois dire, de démagogie sur cette réduction et sur l'abolition du barème de disponibilité, que toute personne qui quitte une mesure voit son barème réduit, actuellement, de toute façon et qu'il en sera toujours de même. Et dire que ces mesures entraînent une diminution de 150 $, c'est tout à fait incorrect. Là-dessus, il y a eu de la confusion créée en Chambre, là, qu'il faut absolument corriger. Quand on prétend qu'on coupe de 150 $, là, c'est faux, parce que c'est mal connaître le programme, et n'importe qui qui connaît la sécurité du revenu le sait.

La situation actuelle, c'est que vous avez un barème de base, il s'ajoute 150 $ de barème de participant. Vous participez à une mesure, la mesure est terminée, vous n'avez plus le barème de participant, qui est de 150 $. C'est la situation actuelle. Aujourd'hui, ça se passe comme ça. Et, à compter du 1er avril, ils vont perdre 120 $, c'est-à-dire – ils vont perdre – ils ne recevront plus le barème de 120 $ lorsque la mesure de participation sera terminée. C'est un barème qui n'est pas donné à vie, il est donné au moment où vous participez. Aujourd'hui, il est de 150 $; en avril, il sera de 120 $. Quand vous avez terminé votre participation, vous n'avez plus, évidemment, le barème de participant. Et là, si vous avez besoin de tableaux – parce que je m'en suis voulu, un peu, de ne pas l'avoir offert en Chambre, ç'aurait aidé tout le monde à comprendre – on pourra vous les fournir, les barèmes, puis à quel moment ils commencent, puis à quel moment ils prennent fin, ainsi de suite.

Alors, je voudrais dire que, pour ces deux mesures, ça représente 44 000 000 $ sur des compressions ou des réaménagements de l'ordre de 180 000 000 $. Ça représente 40 %. Ça représente 44 000 000 $ sur un budget de 4 232 000 000 $. Évidemment, ça fait toujours mal quand on touche les personnes. Mais je pense qu'il faut mettre les choses dans leur perspective, et, en l'occurrence, c'est ce qui nous apparaissait le moins pénalisant.

(20 h 30)

Alors, voilà, pour l'essentiel, le contenu du projet de loi n° 115. Lorsqu'on l'examine dans l'ensemble et à la lumière des décisions prises dans certaines autres provinces canadiennes, il est clair que nous avons fait des choix différents. Nous subissons les mêmes compressions, nous subissons les mêmes transferts de responsabilités et de charges que les autres provinces canadiennes; nous avons fait des choix différents, plus nuancés, plus respectueux des prestataires de la sécurité du revenu. Nous avons protégé intégralement les prestations de base. Nous avons voulu protéger l'essentiel et continuer de soutenir les personnes en difficulté, et je crois très sincèrement que nous y sommes parvenus. Je répète que j'aurais préféré attendre la réforme de la sécurité du revenu pour agir. Néanmoins, les perspectives ouvertes par la réforme de la sécurité du revenu nous permettent d'entrevoir l'avenir avec optimisme. Tel que je l'ai déjà mentionné, cette réforme sera sous-tendue par des valeurs d'équité, de solidarité, de responsabilisation individuelle et collective.

J'aimerais aussi rappeler à ceux qui pensent qu'on peut faire une réforme en un tournemain que la précédente réforme aura pris trois ans à se réaliser. Ça ne se fait pas... On ne change pas tout un système, d'autant qu'on veut l'aborder de façon plus horizontale et y incluant des réformes à la fiscalité, des réformes à la politique familiale, à l'emploi, ça ne se fait pas en six mois. Alors, le rapport sera déposé, comme je l'ai déjà dit, à la fin février et sera l'objet d'une très large consultation, très large consultation, après laquelle consultation nous rédigerons le projet de loi.

Alors, les objectifs qui lui seront assignés, je pense, à ce comité, devraient faire en sorte non seulement de mieux servir nos concitoyens et concitoyennes, mais aussi de contribuer à l'équilibre des finances publiques par une lutte sans merci à l'exclusion sociale. Il faut donc voir le projet de loi n° 115 pour ce qu'il est, c'est-à-dire un ensemble de mesures transitoires destinées à préserver les mailles de notre ultime filet de sécurité. Et j'aimerais rappeler que c'est toujours malheureux, mais je pense à la présidente du conseil consultatif canadien qui interrogeait très fortement le gouvernement fédéral quant à l'effet de ses compressions dans les programmes sociaux en disant que ces mesures auraient comme effet de miner complètement ou d'abolir complètement ce filet de sécurité sociale que le Canada s'était donné. C'est vrai dans les autres provinces canadiennes, c'est déjà apparu dans les autres provinces canadiennes. On a essayé, ici, de limiter les dégâts et, évidemment, avec un succès relatif, étant donné qu'on n'a pas tous les outils. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Ça va. Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Et j'inviterais, j'imagine, la porte-parole officielle de l'opposition, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour ses commentaires.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Tout d'abord, M. le Président, d'entrée de jeu, je veux vous exprimer ma grande déception à l'effet que la ministre n'a pas décidé de reculer avec son projet de loi n° 115 et qu'elle a décidé d'aller de l'avant avec son projet de loi, loi qui s'appelle Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, et que, moi, j'intitule «Le couperet sur les plus vulnérables et les plus démunis».

Je suis profondément contre, M. le Président, le projet de loi n° 115. Je suis profondément contre les coupures, parce que la ministre se plaît à dire qu'il s'agit ici de mesures, et il s'agit ici de coupures, des coupures insensibles, des coupures que je considère irréfléchies. Et tout ça, on retrouve ça dans le projet de loi n° 115.

M. le Président, ce qui est le plus choquant et le plus scandaleux, c'est que ce gouvernement péquiste, qui s'est toujours vanté... Je me souviens, dans mon premier mandat, depuis 1989, ils se sont vantés, ces gens-là, M. le Président... Quand ils étaient dans l'opposition officielle, certains députés péquistes masculins déchiraient leur chemise en Chambre, ils se vantaient d'être les protecteurs et les défenseurs... Oui, parce que les députés de La Prairie et de Sainte-Marie–Saint-Jacques, tout ça, là, ils ont fait des beaux spectacles en Chambre, ces gens-là, les grands défenseurs des plus démunis, des plus vulnérables et des plus fragiles de notre société.

M. le Président, ce qui est encore plus scandaleux, c'est que ce gouvernement péquiste, au cours des 14 derniers mois, a trouvé les argents nécessaires, ils se sont servis dans les argents des contribuables québécois et québécoises, ils ont dilapidé les fonds publics pour préparer... M. le Président, il aura ses remarques préliminaires. Ça, je n'accepterai pas ça, par exemple, qu'on fasse des commentaires. Il n'y a rien qui a été dit ici quand la ministre a parlé.

Le Président (M. Perreault): Vous avez raison, Mme la députée. Vous avez le droit de parole. J'invite les membres à vous écouter...

Mme Loiselle: Exact. Si on n'est pas intéressé, on peut quitter...

Le Président (M. Perreault): ...ou à lire, à faire autre chose. Vous avez la parole.

Mme Loiselle: C'est ça. Alors, je disais donc, M. le Président, que ces gens-là, au cours des 14 derniers mois, ont dilapidé 82 000 000 $ d'argent des contribuables québécois pour essayer d'arriver à leur obsession, à leur aveuglement référendaire, à leur option de séparation.

Laissez-moi vous lire, M. le Président, un article récent du Soleil , du samedi 2 décembre, où on parle justement de cette dilapidation des fonds publics par le gouvernement péquiste. Je vais vous en lire un petit bout: «Entre le 30 octobre et son arrivée au pouvoir, en septembre 1994, le gouvernement du Parti québécois a dépensé plus de 82 000 000 $ pour tenter de convaincre les Québécois d'adhérer à l'idée d'un Québec souverain et pour tenir un référendum sur la question nationale.

«Le gouvernement du Québec a puisé quelque 25 000 000 $ dans les fonds publics, avant l'amorce de la campagne référendaire, pour faire la promotion de son option politique. Quant à la campagne référendaire, le Directeur général des élections, Pierre F. Côté, a prévu qu'elle coûterait 57 800 000 $. On ne saura que dans les prochaines semaines, une fois que le Directeur général des élections aura terminé de comptabiliser toutes les dépenses reliées à cet exercice démocratique, ce que la consultation populaire a véritablement coûté aux contribuables québécois.»

Un peu plus loin dans le même article du Soleil : «Au cours des derniers mois, le Conseil de la souveraineté du Québec, qui a reçu des subventions de près de 4 000 000 $ du gouvernement Parizeau, a scruté à la loupe les activités de l'ennemi. Il refuse toutefois de rendre compte, pour le moment, des constatations faites.» Toujours avec l'argent des contribuables; on ne peut pas savoir ce qui est arrivé.

M. le Président, il y a un charmant tableau qu'on retrouve ici, sur le coût du référendum. On coupe dans le barème de participation, on fait ça, là, aujourd'hui, avec le projet de loi, mais on a été capable de trouver, il y a quelques mois, pour le Secrétariat à la restructuration, les études sur différents thèmes reliés à la souveraineté – qu'on a mis aux poubelles, je vous le rappellerai – 9 400 000 $. On coupe, on abolit, M. le Président, le barème de disponibilité, ce que, moi, je considère qui est une gifle à la motivation pour les prestataires de la sécurité qui veulent s'en sortir, et on a été capable de trouver 8 500 000 $ pour les commissions régionales et nationales sur l'avenir du Québec.

On dit aux gens, M. le Président, que, s'ils veulent obtenir une aide maintenant, les nouveaux demandeurs, il faut qu'ils vident leurs avoirs liquides, il faut qu'ils vident leur compte de banque. Plus un sou. Arrivez tout nu à l'aide sociale et, là, on va vous aider. Mais on a été capable de trouver 4 000 000 $ pour les subventions au Conseil de la souveraineté. On a trouvé de l'argent également, M. le Président, pour des envois postaux à tous les citoyens, dans le cadre du référendum: 2 000 000 $ et 3 000 000 $. On a trouvé de l'argent aussi pour faire de la publicité, Mme la ministre a trouvé 500 000 $ pour sa publicité. Mais aussi, ici, là, pour l'embauche de firmes de lobbyistes: 500 000 $. On a mis en place des lignes téléphoniques, c'était bien important, ça: 300 000 $. Puis, finalement, bon, il y a eu le grand dévoilement pour le préambule: 175 000 $.

M. Julien: C'est pertinent?

Le Président (M. Perreault): Pardon. Vous soulevez une question de règlement?

M. Julien: Oui, une question de pertinence.

Le Président (M. Perreault): Bien, écoutez, j'ai... Ce que j'en...

M. Gautrin: M. le Président, en fonction de quel article, s'il vous plaît?

Le Président (M. Perreault): Si vous me permettez...

M. Gautrin: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Oui, M. le député, si vous me permettez. Ce que je comprends, c'est qu'on soulève la question de la pertinence. Je dois dire que, pour ce que j'entendais, Mme la députée a fait référence quelques fois aux coupures prévues à l'aide sociale et faisait un parallèle avec d'autres choix gouvernementaux. Je pense que, tant qu'elle continue à faire des relations avec le projet de loi, son intervention me semble justifiée. Alors, vous pouvez continuer, Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci.

M. Sirros: Concluez-vous, M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Vous pouvez continuer, Mme la députée. Vous avez la parole.

M. Sirros: Question de directive.

Le Président (M. Perreault): Oui, M. le député.

M. Sirros: Est-ce que je dois interpréter de votre décision que, la députée étant pertinente, vous considérez donc le député de l'autre côté comme impertinent?

Le Président (M. Perreault): Non, je me contente... Ce n'est pas une question de directive, vous le savez très bien, vous connaissez plus que moi la procédure, M. le député. Alors, vous avez la parole, allez-y...

M. Sirros: C'est quand même impertinent.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Perreault): ...mais en vous rappelant quand même que vous devez vous référer, bien sûr, au projet de loi, quitte à faire valoir un certain nombre d'arguments. Allez-y, vous avez la parole.

Mme Loiselle: J'ai parlé du barème...

Le Président (M. Perreault): Vous avez la parole.

Mme Loiselle: ...j'ai parlé de l'abolition...

Le Président (M. Perreault): Vous avez la parole, Mme la députée, allez-y.

Mme Loiselle: Alors, je continue, M. le Président?

Alors, après le beau spectacle au Grand Théâtre de Québec, il y a eu aussi publicité gouvernementale aux clients de l'aide sociale et de la Régie des rentes du Québec. Avec leur chèque, on leur a fait un petit envoi pour s'assurer que la clientèle comprenait bien qu'elle devait voter, et peut-être même dans quel sens elle devait voter.

(20 h 40)

Mais je rappelle aussi, M. le Président, ce qui est encore plus choquant, les paroles de la députée de Chicoutimi au moment de la loi 37, en 1988. Parce qu'on se rend compte que, quand ils sont dans l'opposition, souvent, ces gens-là disent plein de choses, ils ont des beaux discours, ils charment les gens, mais, quand ils arrivent au pouvoir, ces gens-là ont une vision tout à fait différente de qu'est-ce qu'ils ont dit. Les belles paroles, les belles promesses ne vont pas du tout avec le geste et l'action.

Alors, la députée de Chicoutimi, qui est aujourd'hui ministre de la Sécurité du revenu, disait ceci, M. le Président, à l'Assemblée nationale, au sujet de la Loi sur l'aide sociale, en 1988: «M. le Président, lorsqu'un gouvernement, un parti, quel qu'il soit, fait de la démagogie pour s'attirer des votes, mais surtout quand il le fait sur le dos des plus démunis, des plus fragiles et de ceux qui sont très crédules, je pense particulièrement aux jeunes, je trouve ça profondément méprisable.» Ça, M. le Président, c'est la députée de Chicoutimi...

Le Président (M. Perreault): Oui. Un instant, s'il vous plaît, Mme la députée. Oui?

M. Gaulin: Est-ce que c'est possible de demander à la députée, s'il vous plaît, de s'en tenir à ne pas faire de procès d'intention?

Le Président (M. Perreault): Ce que je comprenais, M. le député, c'est que Mme la députée lisait, in extenso, le procès-verbal de travaux de l'Assemblée nationale, à moins que je me trompe.

Mme Loiselle: C'est ça.

Le Président (M. Perreault): Oui. C'est ce que je comprends.

Mme Loiselle: Je citais la ministre.

Le Président (M. Perreault): Vous pouvez...

M. Gaulin: ...c'est ça que je dois comprendre, M. le Président?

Le Président (M. Perreault): Je comprends... Écoutez, à moins que je me trompe, vous citez in extenso les déclarations de la députée de Chicoutimi?

Mme Loiselle: Oui. Exactement.

Le Président (M. Perreault): C'est ça.

Mme Loiselle: Débats de l'Assemblée nationale, 1er décembre 1988, CAS-2350.

Le Président (M. Perreault): Alors, je vous invite à continuer, Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Chicoutimi finissait en disant: «...je pense particulièrement aux jeunes, je trouve ça profondément méprisable.»

C'est assez troublant, M. le Président, de savoir que la députée de Chicoutimi a tenu de tels propos dans cette Chambre, et que des gens l'ont crue, et que des gens, sûrement, ont cru à sa compassion et à sa sensibilité, et qu'aujourd'hui cette même personne, après avoir, par le Conseil des ministres, dilapidé des fonds publics, première réaction après le référendum, passe le couperet sur la tête des plus démunis de notre société, des plus vulnérables et des plus fragiles.

M. le Président, après avoir pris une série de mauvaises décisions, après avoir... On a tous constaté qu'il y a eu une gestion de laisser-aller par la ministre avec son ministère, le laxisme, l'aveuglement, l'aveuglement référendaire, cette obsession référendaire depuis les 14 derniers mois. On se retrouve aujourd'hui devant un projet de loi, projet de loi n° 115 qui modifie la Loi sur la sécurité du revenu, sans qu'il y ait eu aucune consultation, sans qu'il y ait eu aucun échange avec les intervenants du milieu, sans qu'on ait pu échanger, parler et connaître les conséquences réelles, les impacts qu'on apporte, dans ce projet de loi là, sur les plus démunis, sur les prestataires de la sécurité du revenu. Pas un groupe social ne s'est fait entendre, pas un intervenant, aucun groupe communautaire qui travaille auprès et avec les plus démunis de notre société n'a eu la chance de venir s'exprimer en cette commission parlementaire. Et on se retrouve devant une série de coupures – je l'ai dit tantôt – qui sont insensibles et qui sont irréfléchies.

Puis je ne suis pas la seule à le penser, M. le Président. Permettez-moi de vous lire un éditorial qui a paru dans La Presse , qui s'intitule ainsi: «Cafouillage à l'aide sociale». «Nous ne pouvons pas oublier que le premier geste de Mme Blackburn, lorsqu'elle a accédé à la direction de son ministère, a consisté à mettre fin à des mesures de contrôle qui semblaient fort efficaces et qui consistaient à exiger que les bénéficiaires se déplacent pour réclamer leurs chèques mensuels. Pleine de bonnes intentions, la ministre a trouvé la mesure humiliante. Nous ne souhaitons pas une chasse aux sorcières contre les assistés sociaux. Mais il semble évident que chaque dollar qui aurait été économisé en réduisant la fraude et les abus est un dollar qu'on n'aurait pas eu à enlever à un bénéficiaire dans le besoin. En voulant protéger les assistés sociaux, Mme Blackburn leur a nui.

«À ce laxisme dans les rapports avec les bénéficiaires s'est ajouté un laxisme purement administratif, un flottement dans le contrôle des dépenses qui a fait en sorte que le ministère n'a pas réalisé toutes les économies que l'on attendait de lui. Encore là, si la gestion avait été plus serrée, la facture à récupérer aurait été moins importante.

«Enfin, nous ne croyons pas Mme Blackburn quand elle explique que les dépassements de sa clientèle de l'aide sociale ont pris son ministère par surprise. Notamment, le contrecoup des changements à l'assurance-chômage sur les clientèles d'aide sociale était prévisible depuis le budget fédéral de février 1994. Il y a plus d'un an et demi. Le gouvernement québécois avait largement le temps de s'y préparer.

«Ces trois facteurs montrent que, si, depuis le début de l'année financière, le ministère avait été géré de façon compétente, le trou serait moins important et les coupures seraient également moins brutales.» M. le Président, un article de la grosse Presse , comme a bien su le dire le premier ministre du Québec...

Le Président (M. Perreault): Allez-y.

Mme Loiselle: Oui, je continue. J'entends des échos, là. M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Des bruits vides.

Mme Loiselle: Des bruits vides, c'est ça. L'article faisait mention que la ministre, dès son entrée en fonction, a aboli des mesures de recouvrement. Le Vérificateur... On parlait ici aussi, un autre article qui est assez intéressant... Parce que je ne veux pas qu'on dise que c'est la méchante députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui dit des mauvaises choses. Alors, il y avait un projet de loi, un article dans Le Soleil , encore, qui parlait de «Finie la chasse aux mauvais payeurs». Parce que, la ministre, elle a enlevé des mesures de contrôle, elle a enlevé des mesures de recouvrement durant la période préréférendaire, on se comprend bien.

Alors, ici, on retrouve un autre article qui dit: «Sans tambour ni trompette, la ministre, Jeanne Blackburn, a mis fin à un projet-pilote de recouvrement de créances par l'entreprise privée que le précédent gouvernement libéral avait lui-même lancé dans le plus grand secret. Selon les informations obtenues, l'expérience était suivie avec intérêt par d'autres ministères aux prises avec des mauvais payeurs, tels l'Éducation et le ministère du Revenu.»

Et le Vérificateur général en fait mention dans son rapport: «En 1994, dans le cadre d'un projet-pilote, le ministère a confié à une agence – ce qui démontre très bien que ça fonctionnait, M. le Président – privée le recouvrement de 13 500 000 $ de créances radiées depuis plus de deux ans. L'agence a recouvré près de 10 % du montant total de ces créances en six mois d'efforts et elle a obtenu un encaissement moyen de 555 $. Le ministère, pour sa part, ne récupère en 12 mois que 5 % des créances de plus d'un an. L'agence n'a réclamé que 0,20 $ par dollar encaissé, tandis que le coût moyen de recouvrement assumé par le ministère pour l'ensemble de ses créances est supérieur à ce montant. Ces résultats démontrent, malgré un contexte difficile pour effectuer du recouvrement au ministère, qu'il est possible d'augmenter l'efficacité des activités.»

La ministre, M. le Président, dès son entrée en fonction, a aboli ce projet-pilote. Elle a aboli aussi le projet de remise main à main. Mais, pire encore, au mois de mai, lors de l'étude des crédits, mon collègue de Laporte, M. André Bourbeau, député de Laporte, avait mis en garde la ministre que ses chiffres étaient inexacts, que ses prévisions budgétaires étaient inexactes. M. Bourbeau lui avait dit: Madame, je regarde vos chiffres; dans quelques mois, vous allez avoir un trou de 200 000 000 $ à l'aide sociale. Bon, on a ridiculisé M. Bourbeau durant l'étude. Même que, M. le Président, la ministre, au lieu, le lendemain, de se retourner et de dire: C'est quand même l'ancien ministre de la Sécurité du revenu, peut-être que je vais demander à mes analystes de faire une vérification à savoir si, ce qu'il m'a dit en commission parlementaire, ça pourrait avoir du sens, minimum, non, la ministre, ce qu'elle fait, elle sort un communiqué de presse. Le lendemain, elle nous sort un communiqué de presse: M. Bourbeau et ses habituels écarts de prévisions. Ça, c'est le titre. La ministre de la Sécurité du revenu tient à expliquer une fois de plus au député de Laporte les chiffres réels et les prévisions du ministère de la Sécurité du revenu.

Une première explication a déjà été donnée par la ministre et les fonctionnaires lors de la défense des crédits en commission parlementaire, mais il semblerait que M. Bourbeau n'ait pas bien compris. Contrairement aux allégations de M. Bourbeau, il n'y aura pas 200 000 000 $ de déficit à la Sécurité du revenu pour l'année 1995-1996. Alors que des économistes prévoient une croissance moyenne de l'économie de 3,6 %, que le ministre des Finances prévoit, dans ce présent budget, une croissance de 3,3 %, l'opposition officielle entretient délibérément, pour de mesquines raisons partisanes...

Parce que c'est nous qui sommes mesquins d'avoir dit à la madame: Mme la ministre, on vous lance un cri d'alarme: Vos prévisions budgétaires sont inexactes. Mais, nous, les libéraux, nous avons de mesquines raisons partisanes, et on crée de la morosité que l'on a connue pendant les quatre dernières années du gouvernement libéral. Alors, c'est ça qu'elle a fait, la ministre, avec, M. le Président, nos commentaires à la commission. Et ça continue comme ça pendant un certain temps.

(20 h 50)

Mais, encore pire, M. le Président. Malgré tout ça, la ministre, un peu plus tard, devant le Conseil du trésor, elle accepte, sans réagir, sans broncher, sans penser à sa clientèle, une enveloppe budgétaire fermée qui touche toutes mesures d'employabilité. La ministre a été obligée de prendre son budget pour ses mesures d'intégration en emploi, un programme PAIE qui fonctionne très bien, elle a été obligée de prendre ce budget-là et de le diminuer de 101 000 000 $ à 88 000 000 $ parce qu'elle était coincée dans une enveloppe budgétaire fermée.

M. le Président, c'est malheureux de constater que la ministre n'a peut-être pas compris que, pour respecter les prestataires de la sécurité du revenu, il faut déployer tous les efforts inimaginables et offrir tous les outils possibles à ces gens-là afin qu'ils puissent s'en sortir. La ministre ne l'a pas compris. La ministre, elle a perdu toute cette sensibilité-là et cette compassion qu'elle avait quand elle était dans l'opposition officielle. C'est ça qui est malheureux pour les prestataires de la sécurité du revenu, M. le Président.

Puis, très sincèrement, je suis convaincue qu'il y a plusieurs députés ministériels qui pensent exactement comme nous, parce que j'ai vu plein de députés, moi, cet après-midi, lors de l'adoption de l'accord de principe, qui n'ont même pas applaudi leur ministre. Oui.

Une voix: ...

Mme Loiselle: Oui, des distraits, oui.

Le Président (M. Perreault): Je vous inviterais à conclure, Mme la députée. Il vous reste une minute.

Une voix: ...

Mme Loiselle: Non, vous les giflez, vous.

Le Président (M. Perreault): Un instant. Oui, Mme la députée de Chicoutimi, vous avez une...

Mme Loiselle: Non, de Saint-Henri–Sainte-Anne, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): De Rimouski.

Mme Charest: Je n'autorise pas les députés de l'opposition à parler en mon nom, et, quand je voudrai parler sur le projet de loi, je demanderai la parole en ce sens-là.

Le Président (M. Perreault): Alors, vous avez une... S'il vous plaît, Mme la députée, vous avez...

M. Gautrin: Sur une question de règlement...

Le Président (M. Perreault): ...une minute pour terminer votre intervention.

M. Gautrin: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Perreault): Oui.

M. Gautrin: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne ne faisait simplement que rapporter des faits qui s'étaient passés en Chambre, où elle avait remarqué que les députés ministériels n'avaient pas applaudi.

Le Président (M. Perreault): Oui, M. Gautrin – pardon...

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Perreault): ...j'ai de la misère un peu – M. le député de Verdun, je pense qu'on va laisser Mme la députée terminer son intervention. Allez-y.

Mme Loiselle: Oui, finalement, le plus important, c'est de regarder tous les impacts et les conséquences réelles que vont provoquer ces coupures-là. Puis, quand on disait qu'il va y avoir une perte de revenus de 150 $ dans les poches des familles monoparentales, là, il faut bien regarder le barème, M. le Président, le barème. Une personne, famille monoparentale, qui reçoit actuellement dans ses poches, parce qu'elle participe à un barème de participation, à une mesure d'intégration de l'emploi, 900 $ actuellement, au moment où on se parle, à partir du 1er avril, la ministre va lui impliquer une coupure de 30 $, avec ses coupures.

Le Président (M. Perreault): Je vous invite à conclure, votre temps est terminé, Mme la députée.

Mme Loiselle: Bon, je reviendrai, M. le Président, sur ça, parce que c'est trop important.

Le Président (M. Perreault): D'accord.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Perreault): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires à cette étape-ci de nos travaux? Est-ce que... Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Ce n'est pas moi qui...

Le Président (M. Perreault): Bien, je n'ai pas vu, pour l'instant, de gens de la partie ministérielle. Alors, je vous cède la parole, M. le député.

M. Sirros: Merci.

Le Président (M. Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Williams: Est-ce que je peux demander une question?

Le Président (M. Perreault): Bien, vous soulevez... C'est parce que c'est M. le député de Laurier-Dorion. Vous soulevez une question de règlement?

M. Williams: Oui, c'est une question de directive, une question de règlement.

Le Président (M. Perreault): Oui.


Demande de directive concernant l'utilisation d'ordinateurs portatifs en commission


M. Russell Williams

M. Williams: Est-ce qu'il y a ici... Je sais que nous avons eu les discussions et les directives pour l'utilisation des ordinateurs portatifs en Chambre. Est-ce qu'il y a une décision sur l'utilisation des ordinateurs portatifs pendant les études des projets de loi?

Le Président (M. Perreault): Écoutez, je peux prendre votre question un peu en délibéré, je n'ai pas la réponse à cette question. J'avais cru comprendre – mais je ne veux pas induire la commission en erreur – que cette directive s'appliquait pour l'Assemblée nationale et pour les commissions, mais on peut le vérifier et, à moins que le travail du député vous incommode, on pourrait le vérifier, puis, dès qu'on aura la réponse, vous la communiquer.

M. Williams: S'il vous plaît, le plus tôt possible.

Le Président (M. Perreault): Certainement, M. le député. Alors, c'était le député de Laurier-Dorion qui avait la parole.


Remarques préliminaires (suite)


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je suis un peu surpris de voir que les députés ministériels, qui, normalement, en alternance, auraient pris la parole pour expliquer les bienfaits de ce projet de loi et appuyer leur ministre, restent cois, muets, silencieux. Eh bien, c'est peut-être une indication du niveau réel d'appui que ce projet de loi trouve dans le caucus ministériel qui, on sait, est tenu peut-être par cette solidarité de parti, est obligé peut-être d'avaler certains de ses principes, d'essayer de les enrober avec un discours qui...

Le Président (M. Perreault): M. le député, si vous me permettez, quand même. Je pense qu'on n'a pas à imputer à des députés des motifs. Je pense que vous pouvez très bien faire votre intervention sur la base de vos propres positions et laisser le soin aux députés, membres de cette commission, d'exprimer leurs propres motivations.

M. Sirros: M. le Président, je n'imputais aucun motif, je faisais une lecture, ma lecture, de la position des députés ministériels par rapport à ce projet de loi...

Le Président (M. Perreault): Mais, je vous rappelle, M. le député, que je pense que les règlements sont clairs. Nul ne peut imputer – je pense que c'est l'article 35 – ...

M. Sirros: Oui, un motif.

Le Président (M. Perreault): ...à un membre de cette commission un motif quel qu'il soit ou lui imputer une opinion. Écoutez, je vous invite tout simplement à faire votre intervention sans faire appel...

M. Sirros: Mais, je peux quand même exprimer ma surprise, M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Ah! vous pouvez exprimer votre surprise, M. le député.

M. Sirros: ...quant à ce silence dérangeant de la part des ministériels.

Le Président (M. Perreault): Vous pouvez exprimer votre surprise.

M. Gaulin: M. le Président, l'article 36.

Le Président (M. Perreault): Oui, M. le député. L'article 36?

M. Gaulin: Je voudrais tout simplement dire au député de Laurier-Dorion que je suis heureux de le voir surpris. C'est rare. Et c'est l'article 35, volet 6°. On dit d'accepter la parole du député, ce qui comprend aussi son silence.

Le Président (M. Perreault): Oui...

M. Gaulin: Si on veut se taire, il n'a pas de commentaires à faire.

Le Président (M. Perreault): Si vous permettez, M. le député, je pense que j'ai statué sur cette question. Vous êtes d'accord avec moi, si vous voulez me faciliter un peu la vie, que, lorsque le président statue, nul ne peut contester sa décision. Et je vous invite donc, M. le député, à continuer votre intervention...

M. Sirros: Loin de moi...

Le Président (M. Perreault): ...en restant dans les limites de nos règlements. Je suis sûr qu'on aura votre collaboration. Allez-y.

M. Sirros: Loin de moi de contester votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Parfait.

M. Sirros: Je faisais quand même ce contraste entre la situation qui prévaut ici, en cette commission, par rapport à ce projet de loi et les innombrables discours qu'on a entendus, dans le temps de l'opposition de ceux qui sont aujourd'hui au pouvoir, dans le temps de la campagne référendaire, dans le temps de la campagne électorale, qui voyaient plusieurs députés, à ce moment-là, louanger les mérites de cette compassion sociale qui, disaient-ils, caractérisait les membres de l'équipe ministérielle qui, aujourd'hui, nous présentent...

M. Boucher: M. le Président...

M. Sirros: ...le projet de loi qui vise justement...

Le Président (M. Perreault): Oui, un instant, M. le député.

M. Boucher: C'est probablement sa solidarité au peuple québécois qui le fait parler comme ça, notre cher collègue.

Mme Loiselle: C'est quoi, l'article?

Le Président (M. Perreault): M. le député, vous me permettrez de vous rappeler à l'ordre. C'est le député de Laurier-Dorion qui a la parole.

M. Sirros: Non, M. le Président, je veux comprendre la remarque du député. Je serais tout à fait consentant à ce qu'il s'explique.

M. Boucher: Pour un ex-directeur de CLSC, vous êtes assez intelligent pour la comprendre, n'est-ce pas?

Le Président (M. Perreault): Un instant, M. le député! Je m'excuse, M. le député, vous n'avez pas la parole. M. le député de Laurier-Dorion, veuillez, s'il vous plaît, continuer votre intervention.

M. Sirros: Oui. Par consentement, M. le Président, on pourrait...

Mme Loiselle: Oui, on aimerait, parce que...

M. Sirros: Moi, je suis très consentant à comprendre les explications du député. J'apprécierais qu'il ne m'invite pas à sortir dehors pour m'expliquer, mais qu'il s'explique comme il faut.

Le Président (M. Perreault): Oui, je m'excuse. M. le député, si vous me permettez.

Mme Loiselle: Franchement!

Le Président (M. Perreault): Je comprends que vous pouvez donner votre consentement, mais, pour l'instant, c'est moi qui donne les droits de parole. Et vous avez la parole. M. le député n'a pas le droit de parole. Je vous invite donc à continuer votre intervention.

M. Sirros: M. le Président, c'est ce que je faisais. Ce n'est pas moi qui...

Le Président (M. Perreault): Allez-y.

M. Sirros: ...me suis interrompu moi-même. Il y a quelqu'un d'autre qui est intervenu pour m'empêcher de parler. Quant à moi, s'il voulait continuer dans cette voie-là, il pourrait s'expliquer.

Mais, pour revenir à ce que je disais par rapport à ceux qui, aujourd'hui, sont obligés de réagir de façon en dehors du règlement pour s'exprimer... Quand on leur offre la possibilité de parler, ils ne la prennent pas; bien, au moins, qu'ils aient la gentillesse de se taire, à ce moment-là, à moins qu'ils ne veuillent parler.

(21 heures)

Mais, je disais, M. le Président, qu'il y a un contraste quand même surprenant – entre guillemets, évidemment, parce que, la surprise, ce serait si on avait véritablement cru ce qu'on nous vantait comme cette sensibilité sociale qui caractériserait ce gouvernement. Je ne doute pas, M. le Président, de la volonté des gens de l'autre côté de pouvoir être sensibles, mais je dois douter de leur capacité réelle de comprendre le contexte dans lequel ils nous placent, ont placé les Québécois et, par conséquent, ont placé, dans ce cas-ci, les bénéficiaires d'aide sociale. Parce que, ayant été pris à passer en priorité des objectifs qui, nécessairement, entraînaient des conséquences de ralentissement économique, d'une part, de dépenses pour promouvoir d'autres choix gouvernementaux, ça faisait en sorte que les ressources financières, finalement, qui auraient pu être mises à la disposition de la protection des plus démunis et ainsi conduire à un moins urgent besoin de compressions ne l'ont pas été, M. le Président. Avant de tout faire pour protéger ce qu'on appelle le filet de sécurité sociale, les gens de l'autre côté, la ministre en particulier, et d'autres collègues du cabinet ministériel ont pris des décisions qui ont entraîné, tel que l'a très bien décrit ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne, des dépenses de millions de dollars qui auraient pu être mis à la disposition, justement, des personnes qui, aujourd'hui, se voient coupées.

Non, M. le Président, ce n'est pas un projet de loi qui vise à protéger le filet social, c'est un projet de loi qui vise à couper, compresser, comprimer dans le programme d'aide sociale. Disons au moins les choses comme elles sont et appelons les choses par leur vrai nom. C'est un projet de loi transitoire qui réplique à une commande expresse du Conseil du trésor. Ce n'est pas un projet de loi fait en fonction d'un meilleur fonctionnement du programme d'aide sociale, ce n'est pas un projet de loi qui est fait en fonction de la protection du filet de sécurité sociale; c'est un projet de loi qui vise à aller récupérer, sur le dos des bénéficiaires d'aide sociale, à travers les prestations de l'aide sociale, 137 000 000 $.

Une partie de ce 137 000 000 $ est le résultat de compressions non atteintes l'année passée. Si ma mémoire est bonne, je pense que c'est au niveau de 37 000 000 $ ou 47 000 000 $, là, sous toutes réserves sur les chiffres. Mais il y avait une commande aussi l'année passée que la ministre n'a pas livrée, et elle a été obligée, si je comprends bien le processus, d'aller le chercher sur cette année, en plus de la commande de cette année.

Alors, M. le Président, on comprenait et on comprend que, à ce moment-là, avant le référendum évidemment, il fallait garder cette façade de compassion sociale pour pouvoir, même durant la campagne référendaire, parler de la nécessaire protection contre le déferlement de la droite canadienne.

Le Président (M. Perreault): Oui...

M. Gaulin: Article 35.6°, s'il vous plaît. M. le député de Laurier-Dorion nous prête des intentions.

M. Sirros: Bien non!

M. Gaulin: On a gardé une façade de compassion. Je regrette, il peut penser qu'on n'a pas de compassion, c'est son droit, mais il n'a pas le droit de nous prêter des intentions.

M. Sirros: Non, non, là, quand même! M. le Président, non, non.

Le Président (M. Perreault): Alors, M. le député, je vous invite à choisir vos mots...

Une voix: Change de discours.

Le Président (M. Perreault): ...et à continuer votre intervention.

M. Sirros: M. le Président, je les ai bien choisis, et je vous soumets qu'affirmer qu'il y avait une façade n'est pas prêter une intention à quelqu'un; c'est décrire une situation, tel que c'est perçu par celui qui vous parle. Une motivation, ça implique que, tu sais, j'impute des motifs à quelqu'un. Moi, je n'ai pas dit que le député était malhonnête, par exemple.

M. Gaulin: Parlez donc sur le fond.

M. Sirros: Alors...

Mme Loiselle: Bien, là, M. le Président, est-ce que ça va être comme ça tout le temps?

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Écoutez, je comprends, de votre intervention...

M. Sirros: Ce serait plus facile si les gens prenaient la parole pour s'exprimer...

Mme Loiselle: C'est ça.

M. Sirros: ...et affirmer leur point de vue correctement, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Si vous me permettez, M. le député, effectivement, nous sommes actuellement à l'étape des remarques préliminaires, j'inviterais tout le monde peut-être à faire preuve d'un peu d'indulgence. M. le député de Laurier-Dorion vient de dire qu'il n'avait pas l'intention, en utilisant le mot, d'imputer quelque motif, et je l'inviterais à continuer son intervention.

M. Sirros: En constatant que c'est à peu près la quatrième fois que les gens veulent parler, mais refusent de prendre le micro, M. le Président, et se contentent d'interrompre...

Le Président (M. Perreault): Je vous invite à continuer, M. le député.

M. Sirros: ...je continue donc, M. le Président, en disant: Il est clair qu'à ce moment-là, avant le référendum, il y avait la nécessité politique de garder cette façade de compassion sociale quand on savait pourtant, dès ce moment-là, qu'il fallait faire face, à cause de la situation dans les finances publiques, à une gestion beaucoup plus rigoureuse des deniers publics, qu'il fallait absolument regarder et réviser tous les programmes du gouvernement pour, justement, pouvoir choisir, en fonction des priorités, les programmes qu'on voudrait protéger, les programmes qu'on devrait abolir pour faire face à cet impératif de la réduction de la dette, M. le Président. Mais, si on le savait il y a un an, un an et demi, et si on a refusé de faire ces choix, il y a là la démonstration qu'il y avait effectivement une façade, une priorité donnée à l'objectif référendaire plutôt qu'à la gestion réelle des enjeux réels qui touchent les citoyens dans leur quotidien, dans leur vie, dans leur vécu, M. le Président.

Et on le savait il y a un an et demi. Personne n'avait caché qu'il y avait une dette lourde, et personne ne dit aujourd'hui qu'il ne faut pas faire de coupure nulle part, et qu'il faut continuer à dépenser, et qu'il faut même aller emprunter pour étendre les programmes de sécurité du revenu et d'autres programmes sociaux, M. le Président. Mais, ce qu'on dit très clairement, c'est: Identifions donc plutôt les priorités sur lesquelles on veut absolument tout faire avant qu'on commence à les toucher. Identifions les endroits où on peut couper, abolir, plutôt que d'essayer de s'entendre d'abord, par exemple, avec les syndicats avant la campagne référendaire et de coûter certaines dizaines, sinon des centaines de millions par rapport à ce qui avait été prévu avant, M. le Président, parce que, encore une fois, impératif référendaire obligeait. Mais, aujourd'hui, c'est les assistés sociaux, dans ce cas-ci, qui paient la note.

Le problème de la ministre, j'ai l'impression, est souvent cette incapacité qu'elle a de comprendre que les gens comprennent ce qu'elle dit, mais qu'ils ne sont pas d'accord. Ce n'est pas vrai, M. le Président, qu'on ne comprend pas ce qu'elle dit. On n'est pas d'accord avec elle. Ce n'est pas vrai, dans le cas, par exemple, de la coupure de 150 $, qu'il n'y a pas de coupure de 150 $. Il y en a une, très réelle, vécue par les personnes qui la vivent. Et je vais vous la donner encore une fois, M. le Président. C'est très facile, et la ministre, si elle veut bien comprendre, va saisir. Une personne, famille monoparentale avec un enfant, reçoit, à l'heure où on se parle, aujourd'hui, environ 900 $...

Une voix: Qui participe.

M. Sirros: ...qui participe à une mesure, M. le Président. Quand sa participation sera terminée, elle va tomber à 750 $, non plus au barème de disponibilité, parce que ça n'existera plus. Alors, dans le vécu réel de cette personne qui, aujourd'hui, reçoit 900 $ pour se loger, se nourrir, s'habiller, etc., avec son enfant, quand sa participation à des mesures sera terminée, elle va tomber à 750 $ dans le barème de non-participant, M. le Président. Ça fait une différence de 150 $.

Alors, M. le Président, on a beau faire toutes les explications technologistiques qu'on voudrait bien faire pour expliquer que ce n'est pas vraiment 150 $, c'est 120 $, parce que, en fait, on a réduit de 30 $ la mesure qui existait là pendant sa participation, donc il y a 30 $ de différence entre les chiffres de l'opposition et les chiffres de la ministre, mais, dans la vie réelle de tous les jours, la personne qui va, au premier du mois, aller encaisser son chèque va avoir 150 $ de moins. C'est ça qu'elle va vivre dans la réalité. Alors, ce n'est pas tellement important, à ce moment-ci, M. le Président, qu'on comprenne la ministre dans ses explications fines au niveau des technicalités qui feraient en sorte qu'elle pourrait possiblement se dire que, techniquement, elle a raison, mais, réellement, c'est ici que la raison se trouve, M. le Président, parce que, de façon réelle, la personne va vivre avec 150 $ de moins.

M. le Président, j'écoutais attentivement aussi la ministre quand elle parlait – pour la plupart de ce que je pouvais entendre, parce que j'avais un peu de difficultés étant donné que le micro était, semble-t-il, moins élevé – elle nous disait qu'elle a aboli la possibilité pour les personnes d'avoir un avoir liquide avant d'accéder à l'aide sociale, qui était, je pense, à ce moment-ci, de 1 500 $, si ma mémoire est bonne. En tout cas, il y avait un montant que les personnes pouvaient avoir en banque, et elle nous dit que 12 % de la clientèle arrivent avec ce montant avant d'arriver à l'aide sociale. Il faut bien comprendre qu'il s'agit de personnes qui, souventefois, toute leur vie, ont essayé d'épargner un petit peu quelque chose. Ce sont souvent des personnes âgées, avant l'âge de la retraite, qui sont dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins, qui utilisent et dépensent tout ce qu'elles ont jusqu'à un moment où elles gardent en réserve un certain montant qui avait été prévu par la loi pour que les gens ne soient pas obligés, effectivement, de tout dépenser avant d'avoir accès à ce programme de dernier recours, et de garder un certain montant qui leur permettrait de faire face à des imprévus. Pour plusieurs, c'est un peu les derniers montants qui leur permettraient de se tenir à cette corde qui les rattache à leur dignité, si vous voulez, M. le Président.

(21 h 10)

Là, la ministre nous dit: Je l'abolis, mais, par contre, ils vont pouvoir accumuler jusqu'à 1 500 $ pour se rebâtir quelque chose. Bien, c'est un peu difficile d'imaginer que, les prestations d'aide sociale étant ce qu'elles sont, les personnes seront capables, en plus d'essayer de joindre les deux bouts, de pouvoir se mettre de côté des montants d'argent que l'aide sociale, généreusement, ou l'État, généreusement, leur laissera garder par la suite, M. le Président. C'est une impossibilité dans la vie réelle de tous les jours. Je ne sais pas qui a pensé à cette trouvaille, mais, dans les faits, je n'ai pas vu beaucoup d'assistés sociaux qui ont pu faire des épargnes, à partir de leur chèque ou de leur maigre montant, qu'ils vont pouvoir garder pour des montants de revenus de travail, M. le Président.

Toute la notion de chercher ces 137 000 000 $ sur le dos, finalement, pour l'essentiel, des personnes qui, quand même, faisaient des efforts de réintégration, je pense que beaucoup de personnes ont dit beaucoup de choses sur le non-sens de ce genre de message. Comme je disais en Chambre l'autre jour, il n'y a, en fait, que trois catégories de personnes qui sont sur l'aide sociale. Il y a ceux qui ne participent à aucune mesure, n'affichent aucune disponibilité pour participer à aucune mesure et disent: Moi, je me contente de ça, soit parce qu'ils sont découragés, et ils disent: Ça ne vaut, de toute façon, pas la peine de chercher. Ils ont atteint ce niveau de découragement qui fait en sorte qu'ils disent: Je ne suis pas disponible et je ne participe pas. Ces gens-là continueront de recevoir le même montant, M. le Président, et on continuera, nous, de les laisser tels qu'ils sont sans, non plus, faire plus pour les sortir de leur dépendance.

Deuxième catégorie de personnes: ceux qui participent à des mesures d'intégration à l'emploi. Bien, ces gens-là, on leur dit: Parce que vous participez et parce que nous avons mal géré, finalement, les fonds publics pendant une année, parce que nous avons mis nos priorités ailleurs et que, aujourd'hui, il faut aller chercher 137 000 000 $, on va vous couper 30 $ sur votre barème de participation.

Troisième catégorie de personnes: ceux qui disent qu'ils sont disponibles à participer, mais qui ne participent pas parce qu'il n'y a pas de mesures disponibles. Ils disent: En quelque sorte, ce n'est pas de ma faute, je suis disponible, c'est l'État; trouvez-moi quelque chose, je vous affiche ma disponibilité. À ces gens-là, on leur dit: Parce qu'il y a la moitié de vous – et c'est ce que la ministre nous dit – qui, quand on vous offre quelque chose, refuse de le prendre, bien, on va couper le tout pour tout le monde. Belle logique! Il y avait, à un moment donné, un principe qui existait qui faisait en sorte qu'on présumait que tout le monde était de bonne foi ou innocent, dans d'autres cas. Ça supposait aussi qu'on ne pénalise pas ceux qui sont véritablement disponibles parce que, à un moment donné, on identifie qu'il y en a un certain nombre qui ne le sont pas véritablement et on les soupçonne d'avoir dit qu'ils sont disponibles juste pour avoir le 120 $ de plus. Comme conséquence, tous ceux qui sont véritablement disponibles, on leur dit: Vous non plus, vous n'aurez rien.

Alors, M. le Président, tout ça étant pris en compte, on ne peut que conclure que... Au moins, que la ministre ait la décence de nous dire: Écoutez, là, on a été pris pendant un an et demi à essayer de faire autre chose, on a dépensé des millions pour la cause, mais, là, aujourd'hui, il faut qu'on coupe, il faut qu'on coupe sur ces gens-là, et on va pouvoir peut-être continuer notre petite campagne référendaire «on the side», avec ce constant dénigrement, parce que c'est la faute du fédéral, le double langage et le double discours de ceux qui disent: Vous ne pouvez pas toujours crier qu'on doit couper et, en même temps, nous dire que ce n'est pas bon de le faire, et qui font exactement la même chose par rapport à un autre niveau de gouvernement, tandis que d'autres gouvernements ont réussi à faire ce qu'il fallait faire, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion, ça va m'éviter de vous couper.


Décision du président sur la demande de directive

Avant de céder la parole à quelqu'un d'autre, je voudrais peut-être statuer un petit peu sur la question qui m'a été soulevée tantôt, la question de directive concernant l'utilisation des appareils électroniques, ordinateurs, etc., dans la commission. Peut-être pour vous situer par rapport à trois choses.

L'article 32 de notre règlement dit qu'en ce qui concerne le décorum les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée et qu'ils ne doivent pas nuire aux travaux de l'Assemblée. Et l'article 154 dit, d'un autre côté, que, sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée nationale s'appliquent aux commissions. Or, je vous rappelle que le président de l'Assemblée nationale a eu à statuer sur cette question et qu'il a indiqué que l'utilisation était possible dans la mesure où elle ne nuirait pas aux travaux.

Alors, ce que j'en comprends, c'est que, évidemment, si le député jouait au Nintendo, on aurait peut-être quelques problèmes, mais, dans le fond, il est en train de travailler sur ses notes, sans bruit. Donc, si vous me le permettez, dans la situation présente, je pense qu'on peut interpréter la situation comme le président de l'Assemblée nationale l'a interprétée.

M. Boucher: M. le Président, je calculais le déficit des libéraux sur Lotus 3. C'était incroyable. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Perreault): Alors, ceci dit, la question étant entendue, j'aimerais savoir si d'autres... Est-ce qu'il y des députés du côté ministériel qui souhaitent faire des déclarations préliminaires? Non. Est-ce qu'il y a d'autres députés de... Oui. M. le député de Verdun, vous avez la parole.


Remarques préliminaires (suite)


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours préliminaire de la ministre pour présenter son projet de loi. J'en ai été peiné, M. le Président. La ministre, d'habitude, fait partie des parlementaires qui présentent les choses d'une manière des plus véritables. Là, et je comprends un peu la situation dans laquelle elle est, elle essaie de faire passer sur le dos de rationalisations ce qui est, de fait, des coupures budgétaires dans son ministère.

M. le Président, il faut bien comprendre une chose: si on avait été dans une situation de réforme en profondeur du système d'aide sociale, là je comprends qu'on aurait pu avoir un grand débat entre nous. Mais ce n'est pas ça qui se passe, il n'y a pas de réforme en profondeur de l'aide sociale, on n'a pas ça devant nous. La question que je pourrais poser, aujourd'hui, à la ministre, c'est: Pourquoi présenter ce projet de loi aujourd'hui, alors que vous êtes en réflexion pour repenser tout le système de sécurité du revenu et qu'on aura probablement, ici, à débattre des qualités de ce que vous allez mettre sur la table pour retisser le filet de sécurité de nos concitoyens?

Alors que vous êtes en train de repenser tout ce système-là, pourquoi ces mesures à la pièce, si ce n'est que dans un seul but, faire des économies dans votre ministère? Et, à partir du moment où on arrive à la conclusion que votre seul but apparent est d'économiser... Et on pourrait savoir, enfin les calculs préliminaires qu'on peut faire sur les effets des mesures prévues dans le projet de loi n° 115, on peut aller de 130 000 000 $ à 150 000 000 $, à peu près ce qu'on avait estimé comme étant le manque dans les crédits alloués à votre ministère au moment où on a fait la défense des crédits.

M. Copeman: C'est une coïncidence.

M. Gautrin: Non, ce n'est pas une coïncidence du tout, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est une réalité. C'est une réalité. Il manquait aux crédits 150 000 000 $, et, à l'heure actuelle, vous vous trouvez à devoir retrouver 150 000 000 $. Faites bien attention. Vous êtes un ministère, et vous le savez, Mme la ministre, vous êtes un ministère qui...

Le Président (M. Perreault): M. le député, je vous rappelle que vous devez vous adresser au président de l'Assemblée.

M. Gautrin: Oui. La ministre... Vous avez parfaitement raison, vous savez à quel point... Et j'ai beaucoup d'estime pour la ministre. Vous savez à quel point je...

Le Président (M. Perreault): Nous avons tous beaucoup d'estime pour la ministre, mais vous devez vous adresser au président pareil. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Merci. Non, non, mais je m'adresse au président sachant à quel point vous serez capable, M. le Président, de lui transmettre les remarques que je fais actuellement envers elle.

Le Président (M. Perreault): Certainement.

(21 h 20)

M. Gautrin: Le point que je voulais dire, c'est que son ministère, le ministère de la Sécurité du revenu, n'est pas seulement un ministère qui donne des services, qui procure des services aux gens, c'est un ministère qui va donner à ce qu'on appelle les plus démunis, l'aide de dernier recours. Et vous ne pouvez pas appliquer, dans ce ministère, le principe des enveloppes fermées, c'est-à-dire devoir récupérer sur les gens qui sont vos bénéficiaires les manques que vous aviez au moment des crédits. Parce que c'est ça, la réalité que vous avez devant vous: les crédits du ministère de la Sécurité du revenu n'étaient pas suffisants, et, parce que ces crédits n'étaient pas suffisants, on se trouve aujourd'hui devoir diminuer les bénéfices que les prestataires doivent recevoir.

Alors, pourquoi les crédits n'étaient pas suffisants? C'est parce que, évidemment, on avait sous-estimé le nombre de prestataires. Déjà, dans les débats sur les crédits, on avait bien des fois, de ce côté-ci de la Chambre, dit: Le nombre de prestataires que vous mettez habituellement comme bénéficiaires de l'aide sociale est dramatiquement sous-estimé, et vous allez arriver, à mi-terme budgétaire, à une impasse si vous voulez fonctionner dans une enveloppe fermée.

Alors, pour satisfaire les objectifs d'équilibre financier qui, au demeurant, sont louables, le ministère de la Sécurité du revenu se doit de récupérer sur les prestataires le manque à gagner qu'il n'avait pas dans ses crédits compte tenu du fait qu'il avait sous-estimé les bénéficiaires. C'est absolument inique, M. le Président. C'est un peu comme si on disait: Bien, on n'a seulement qu'une certaine quantité de pain à donner et, s'il y a plus de personnes qui sont dans le besoin, qui sont faibles, elles n'ont qu'à simplement se partager des plus petits morceaux du même pain. Parce que c'est à peu près ça qu'on est en train de faire: on n'augmente pas l'enveloppe, mais, parce qu'il y a plus de prestataires, les gens vont être obligés de recevoir moins.

C'est assez malheureux de faire ce débat-là aujourd'hui, alors qu'on sait qu'il peut y avoir toute une réforme, une révision, une repensée du filet de sécurité. C'est inapproprié. Vous voyez, M. le Président, que ce projet de loi va avoir des effets directs sur les prestations. On va y revenir, et je vais échanger avec la ministre, parce que, moi, je n'ai pas honte de dire des fois: Je ne comprends pas. Ça ne me gêne pas de dire: Je ne comprends pas. Et puis je vais dire ce que j'ai compris dans ce qu'elle propose, et on ne va pas faire un long débat de chiffres.

Il est clair qu'à l'heure actuelle il y a un barème de l'aide sociale, il y a un barème de base de l'aide sociale. J'en conviens, de part et d'autre, le barème n'est pas touché. On s'entend, là, on a compris ça, le barème n'est pas touché. Mais, avant, il y avait un escalier avant d'aller à l'étape supérieure, il y avait le barème des gens qui étaient disponibles et il y avait le barème des gens participants. C'est un peu comme si, pour monter en haut d'un étage, il y avait au milieu un petit palier, un escabeau, et là vous retirez l'escabeau, ce qui fait que la personne qui saute du premier étage, elle retombe directement sur le sol d'un coup raide, alors qu'avant la personne qui était participante, lorsqu'elle cessait d'être participante et qu'elle n'avait pas trouvé un emploi, devenait disponible.

Et vous me comprenez parfaitement. Je n'essaie pas de faire un débat, actuellement, sur les coupures, c'est ça que j'ai compris. Mais ce qui fait que, dans la réalité, pour la vraie personne, lorsqu'elle est participante et qu'elle cesse d'être participante, elle ne peut plus tomber sur le palier intermédiaire, qu'on appelle palier des disponibles, parce que vous venez de lui retirer le tapis sous les pieds. Il n'existe plus, ce tapis intermédiaire, donc vous tombez, badang! sur le barème de base. Vous avez la délicatesse de leur dire: Le barème de base n'est pas touché. C'est vrai. Autrement dit, on ne descend pas plus bas. Enfin, on se casse la gueule sur le sol, mais ce n'est pas plus grave que ça. Mais, quand même, avant, le monde avait une étape intermédiaire: on passait de participant à disponible. Clac! On supprime disponible. Alors, vous comprenez avec moi que, quand vous tombez de participant à non-participant, il n'y a plus d'intermédiaire de disponible.

Alors, la vérité vraie, Mme la ministre, et puis on serait bien prêt...

Le Président (M. Perreault): M. le député, je vous rappelle toujours que vous devez vous adresser au président. Je vous remercie.

M. Gautrin: M. le Président, je sais parfaitement que vous aurez l'extrême amabilité de vouloir transmettre à la ministre en mon nom, s'il vous plaît, les remarques sur la vérité vraie telle que je la perçois, si vous voulez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: La vérité vraie, M. le Président, à ce moment-là, c'est que quelqu'un qui était participant et qui recevait un montant... On a pris comme symbole, et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a pris ça comme symbole, qu'une famille monoparentale avec un enfant recevait un montant de 900 $ par mois lorsqu'elle était participante. Bon, on lui fait une petite coupure, enfin on commence déjà à lui couper un peu, c'est 30 $ – enfin, ça, c'est le début de la «coupillette» – et une fois qu'on lui a retiré ce 30 $ et qu'elle a fini ses mesures de participation, alors on va vous dire: Normalement, dans la stratégie, M. le Président, cette personne devrait pouvoir rentrer sur le marché du travail. Vous savez comme moi qu'on se trouve... Et vous avez un comté, M. le Président, comme le mien, ou comme celui de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, ou comme le comté d'un certain nombre de parlementaires ministériels, où le marché du travail, actuellement, n'est pas en expansion. Lorsque vous avez fini une mesure d'employabilité, ce n'est pas automatique, même si vous avez réellement voulu participer de la meilleure manière possible, ce n'est pas parce que vous avez fini une mesure d'employabilité qu'automatiquement vous trouvez un emploi. Et je pense que c'est probablement la même chose dans le comté de Mercier, comme dans le comté de Saint-Henri–Sainte-Anne, ou dans le comté de Laurier-Dorion, ou dans le comté de Verdun, et même, peut-être, dans le comté de Chicoutimi.

Alors, M. le Président, comprenons bien. La madame vient, ou le monsieur, avec un enfant, enfin une famille monoparentale finit son programme de participation. Avant l'adoption de la loi n° 115, elle continue d'être disponible, donc elle baisse, bien sûr, mais elle tombe au niveau de 800 $ par mois. On s'entend bien, hein? À ce moment-là, elle passe du niveau de participant au niveau de disponible. Là, vous lui retirez sous le pied, le barème de disponible n'existe plus. Alors, la personne – et c'est là tout le débat du 150 $, etc. – puisqu'il n'y a plus de barème de disponible, flac! elle tombe, non pas dans un niveau de 800 $, elle tombe à – attendez, je vais mettre mes lunettes pour bien voir – 750 $. Alors, c'est de là que vient le 150 $, c'est-à-dire...

Mais, non, mais c'est bien beau de dire qu'on ne fait pas de coupures, mais mettez-vous dans les souliers de la personne en question. La personne en question, elle, a fini son programme de participation. Elle a son budget. Un budget de 900 $, ce n'est pas tellement un budget de gens riches, M. le Président. Elle vient de finir son programme de participation et, avant, jusqu'à maintenant, pendant la période intermédiaire où elle continuait à se rechercher un emploi, parce qu'elle restait disponible à ce moment-là, elle pouvait recevoir 800 $. Avec le projet de loi, tel qu'on est en train de faire, elle va tomber à 750 $. Est-ce qu'on se comprend bien, M. le Président? Vous comprenez, évidemment, de quoi je parle, vous qui n'avez pas de difficultés pour bien comprendre les chiffres, parce que vous êtes quelqu'un qui les comprenez. Je sais que vous les comprenez, et je vous demande spécifiquement de pouvoir les transmettre, en mon nom, puisque je dois m'adresser à vous, à Mme la ministre.

Le Président (M. Perreault): Je le ferai.

M. Gautrin: Donc, la personne, en termes de budget, en termes de réalité, en termes de ce qui se passe réellement pour ces gens-là, va passer de 900 $, c'est-à-dire ce qu'elle recevait au moment où elle avait son programme, où elle participait à un programme, elle va tomber à 750 $. Dans la vraie vie, donc des vrais dollars qui sont comptés les uns après les autres, ça fait 150 $ de diminution. Alors, je comprends que, formellement, en termes... Non, non, mais c'est très sérieux, c'est loin d'être risible, parce que, si vous étiez réellement en train de devoir vivre...

Le Président (M. Perreault): Je vous rappelle...

M. Gautrin: M. le Président, je vous rappelle que j'ai remarqué que – et je m'adresse à vous, parce que vous allez aussi être l'interprète des sourires de la part de mes collègues d'en face – si vous deviez faire un budget, à l'heure actuelle, un budget de base de 900 $, avec un seul enfant, d'avoir une coupure de 150 $, ce n'est pas facile. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas automatique qu'on est en train de faire ça. Et c'est ça qu'on est en train de faire.

(21 h 30)

Alors, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, lorsqu'elle dit: Il y a eu coupure réelle sur les plus démunis, sur les familles monoparentales, sur les gens qui ont réellement besoin de cet argent pour vivre, sur les gens qui sont probablement les plus démunis de notre société, elle a parfaitement raison, M. le Président. Et, sans vouloir faire de débat sur savoir si c'est une coupure du barème de base, est-ce qu'on passe... la réalité vraie pour la vraie personne qui vit dans la vraie vie, ça veut dire que l'argent qu'elle va recevoir chaque mois, le 1er du mois, au lieu de 950 $, ça va être... au lieu d'être 900 $ – merci, excusez-moi, mes lunettes sont importantes – ça va être 750 $. Voyez-vous? Vous avez compris. Et c'est ça qu'on appelle, dans notre langage de ce côté-ci, une coupure, même si je comprends l'argument qui dit que vous n'avez pas coupé le barème de non-participant. Alors, M. le Président, peut-être que je ne comprends pas bien, peut-être que je suis un ignorant, et je pense que la ministre pourra peut-être nous expliquer, mais c'est ce que j'avais compris, moi, dans le projet de loi, actuellement. Donc, dans la logique telle que je l'avais vue, ça voulait dire une coupure de 150 $.

Je pourrais reprendre, si vous voulez, d'autres exemples. Lorsqu'on prend un couple, toujours avec un enfant... À l'heure actuelle, un couple avec un enfant, lorsqu'il participe dans une mesure de participation à la recherche... lorsqu'ils sont participants, si je puis dire, ils reçoivent 1 125 $. Lorsqu'ils ont fini leur mesure de participation, ils tombent sur le barème de non-disponibilité qui est de 1 075 $, c'est-à-dire une différence de 50 $. Zouc! On coupe le barème de non-disponibilité. Autrement dit, on retire le tapis sous les pieds, on retire l'escabeau, on retire l'espèce de palier intermédiaire. Pataf! Clac! On tombe sur le barème de non-participant, et, à ce moment-là, cette petite famille, elle tombe à 900 $.

Je reviens donc avec vous. Les mathématiques que j'ai apprises et que j'essaie d'enseigner plus ou moins bien veulent dire que 1 125 $ moins 900 $ font 225 $. Ça, c'est la réalité de la vraie vie. Ça veut dire que ce couple avec un enfant qui est sur l'aide sociale, qui a besoin réellement de cet argent pour être en mesure de subvenir aux besoins les plus fondamentaux de son enfant va avoir une diminution – et on va s'entendre, on ne va pas parler de coupure – de son revenu provenant des programmes de sécurité du revenu de 225 $. Alors, faites attention! 225 $, lorsque vous êtes un couple avec un jeune enfant, que vous avez un loyer à payer, que vous avez un paquet de choses, d'habits pour les enfants à payer et que vous devez vivre sur un budget de 1 125 $ par mois, une coupure de 225 $, M. le Président, ça ne s'absorbe pas facilement. D'ailleurs, même pour ceux qui ont des budgets plus gros, ça ne s'absorbe pas nécessairement facilement. Mais déjà, encore plus pour ce monde-là, ça ne s'absorbe absolument pas facilement.

Alors, c'est ça. Je comprends, moi, à l'heure actuelle, la situation dans laquelle se trouvait ce... la situation inique dans laquelle ils étaient, coincés dans le principe des enveloppes fermées. Ça voulait dire quoi? Ça veut dire qu'on ne peut pas dépasser ce qui a été déposé aux crédits, que, parce que, aux crédits, ils avaient fixé une enveloppe trop courte, parce que, autrement dit, ils sont à l'étroit à l'intérieur des sommes qu'ils peuvent dépenser, ils sont obligés de récupérer sur les gens qui sont les bénéficiaires de l'aide sociale.

Une autre mesure – merci, M. le Président, j'aurai le temps de réintervenir – M. le Président, auriez-vous l'amabilité de la transmettre à la ministre, l'obligation de perdre les avoirs liquides. Et, après, elle nous dit: Je vais l'amender pour qu'ils puissent réaccumuler des avoirs liquides. On y reviendra lorsqu'on débattra cet élément. Est-ce qu'elle est consciente que ça va inciter les gens, naturellement, disons, à ne pas nécessairement suivre de la manière la plus rigide la loi, pour ne pas faire d'euphémisme? Autrement dit, M. le Président, vous avez 1 500 $ dans votre compte de banque à l'heure actuelle, on vous dit de le perdre complètement avant d'avoir droit à l'aide sociale. Je prends mon bon ami, je prends mon ami Christos, je lui donne mon 1 500 $, je vais à l'aide sociale; quand j'ai commencé, je réaccumule mon 1 500 $ exactement, et je reviens au point de départ, et j'ai contourné la loi. Pourquoi forcer les gens, à ce moment-là, à contourner la loi?

Ce sont des mesures qui sont des mesures, je pense, iniques, à l'heure actuelle. Et c'est malheureux, alors qu'il y a une réforme en profondeur nécessaire de notre filet de sécurité sociale qui est en train de se faire, c'est malheureux que, parce qu'il y a des mesures budgétaires qui forcent le ministère à faire des économies de 150 000 000 $, on soit arrivé avec des mesures à la pièce, «morcelaires», qui n'ont vraiment aucun bon sens.

Alors, je suis dans le cas des remarques préliminaires, M. le Président, mais, article par article, quand on y arrivera, j'aurai le temps de faire valoir, à la fois, ces points-là en disant: Les coupures sont iniques, les choix politiques sont même bizarroïdes – enfin, je ne voudrais pas avoir des termes non parlementaires, donc «bizarroïdes» reste dans le parlementarisme accepté.

Alors, M. le Président, vous comprendrez bien qu'on va essayer de bonifier ce projet de loi, si bonifiable il est, parce que, tel qu'il est, il est totalement, mais totalement, totalement inacceptable.

Le Président (M. Perreault): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je reconnaîtrais maintenant le député de Salaberry-Soulanges. Voilà. M. le député.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. Je voudrais brièvement – parce qu'on va avoir le temps au cours de la soirée et dans les prochains jours – relever un des arguments. Je pense que c'est le député de Laurier-Dorion qui a accusé la ministre de mauvaise gérance, d'avoir mal géré les fonds publics. Je voudrais simplement lui rappeler et le renvoyer au rapport du Vérificateur général, au chapitre 16, qui mentionne les activités de recouvrement...

M. Gautrin: Où ça?

M. Deslières: ...à la page 255, et, très brièvement, M. le Président, qui nous dit: «Objectifs et portée de notre vérification. Nous avons – c'est le Vérificateur qui parle, qui écrit – réalisé notre travail de vérification à la Direction du recouvrement et des encaissements ainsi que dans huit centres Travail-Québec – notez bien, M. le Président. Nous avons examiné les activités de l'année financière 1994-1995 jusqu'à la fin de décembre 1994, mais certains commentaires portent sur des situations antérieures.» Donc, le Parti libéral était au pouvoir, donc M. le député de Laurier-Dorion faisait partie du gouvernement, du Conseil des ministres.

Et voilà ce qu'il nous révèle, M. le Président – c'est bien beau de dire n'importe quoi, mais, à un moment donné, il faut arrêter de charrier, je pense: «Les comptes à recevoir relatifs à des sommes versées en trop dans le cadre du programme de sécurité du revenu ont augmenté considérablement – on parle toujours des années antérieures, là, 1994, etc. – au cours des dernières années. S'ils se situaient autour de 255 000 000 $ en 1989 et 1991 – où le Parti libéral était au pouvoir – ils atteindront 358 000 000 $ au 31 mars 1995, soit une augmentation – tenez-vous bien, M. le Président – de 40,5 %.» Je pense que, quand on vient nous dire, de ce côté-ci, que la ministre a mal géré, eh! M. le Président, on va en prendre deux caisses. «Cette progression a été marquée, au cours des trois dernières années, par une augmentation annuelle – c'est pas mal plus fort que le taux d'inflation, regardez bien ça, M. le Président – de 8,2 %, 13,2 % et 11,8 %.» C'est beaucoup, M. le Président.

Alors, je pense que ce genre d'arguments discrédite l'ensemble de l'argumentation de l'opposition officielle. Alors, un simple commentaire pour immédiatement et je reviendrai, M. le Président, sur d'autres arguments que j'ai notés, mais, comme je viens de le dire, la soirée... oui, on a jusqu'à minuit et on va en avoir jusqu'à demain. Merci, M. le...

Le Président (M. Perreault): Je vous rappelle toutefois, M. le député, que...

M. Deslières: ...Président.

Le Président (M. Perreault): Je vous rappelle que, dans le cadre des remarques préliminaires, vous devez faire la totalité de votre intervention en une seule fois. Alors, vous pourrez revenir, bien sûr, à l'occasion de l'étude des articles du projet de loi. Mais, si vous avez d'autres commentaires à faire, vous avez la possibilité de les faire maintenant, sinon je vais passer la parole à...

M. Sirros: J'aimerais peut-être...

Le Président (M. Perreault): ...l'opposition.

M. Sirros: ...demander au député s'il accepterait que je lui pose une question suite à cette intervention, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Le règlement le permet, M. le député.

M. Sirros: Alors, je...

Le Président (M. Perreault): Est-ce que vous acceptez qu'on vous pose une question, M. le député?

M. Deslières: Non.

Le Président (M. Perreault): Alors, il n'accepte pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Perreault): Alors, est-ce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Perreault): Alors, c'est... Le député a... Écoutez, le député a toute la possibilité d'accepter ou de refuser. Est-ce que quelqu'un d'autre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Est-ce que je peux lui donner l'occasion de reconsidérer? Ha, ha, ha!

Le Président (M. Perreault): Est-ce que... Non, vous ne pouvez pas. Est-ce que quelqu'un d'autre... Oui, Mme la députée de La Pinière.

Une voix: Elle est bonne.

M. Sirros: Elle est bonne.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.

(21 h 40)

M. Sirros: Ils ont peur de répondre au discrédit de toute son argumentation. Ha, ha, ha!


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, est un projet de loi qui porte sur deux axes principalement: l'aide de dernier recours et l'aide à l'employabilité. C'est, en fait, le mandat du ministère de la Sécurité du revenu. Lorsqu'on analyse attentivement ce projet de loi, on constate que, tel que formulé, il ne répond ni à l'un ni à l'autre des deux objectifs. Il s'agit donc d'un projet de loi qui a quand même des incidences majeures sur les politiques sociales que le précédent gouvernement avait mises de l'avant en vue de préserver le filet de sécurité tout en s'attaquant à l'objectif prioritaire qui est l'assainissement des finances publiques.

Donc, le projet de loi que nous avons devant nous, force est de le constater, ne répond à aucune de ces exigences, c'est-à-dire la protection du filet de sécurité et l'assainissement des finances publiques. C'est pourquoi nous devons l'analyser très attentivement à la lumière d'un certain nombre d'impératifs socioéconomiques, notamment au chapitre de la gestion des finances publiques, à la lumière de la mission même du ministère de la Sécurité du revenu, surtout en ce qui a trait à l'accessibilité des services d'employabilité aux prestataires qui, comme on le sait, ne demandent pas mieux que de s'engager dans un programme de développement ou de stage en emploi.

L'autre aspect que soulève ce projet de loi touche tout le débat sur le couplage des fichiers et la transmission des renseignements nominatifs. Un autre aspect qui a retenu mon attention, c'est toute la question relative aux mesures de contrôle pour récupérer auprès des garants défaillants les sommes versées aux immigrants parrainés en vertu de la Loi sur l'immigration au Québec.

Alors, au chapitre de la rigueur budgétaire, la ministre a failli à son devoir quand elle a annoncé, le 24 novembre dernier, un manque à gagner de 137 000 000 $. Ce montant correspond, à quelques millions près, aux 130 000 000 $ qui ont été gaspillés par le gouvernement péquiste dans la promotion de son projet de séparation durant la période préréférendaire et référendaire. Quand on regarde tout le contexte dans lequel ce projet de loi a été préparé et amené, force est de constater que la ministre de la Sécurité du revenu a préféré distribuer les largesses du gouvernement aux prestataires du bien-être social et aux groupes sociaux et communautaires qui oeuvrent auprès de ces clientèles pour ne pas se les aliéner durant le référendum, reportant les coupures et les décisions difficiles au lendemain du référendum, des lendemains qui déchantent.

Le projet de loi n° 115 est donc un projet de loi improvisé, introduit en catastrophe. C'est un projet de loi sans vision et, surtout, un projet de loi qui n'a aucune sensibilité envers les plus démunis. Et je tiens à rappeler ici, M. le Président, que l'un des phénomènes sociaux les plus graves et les plus préoccupants de notre société d'aujourd'hui est vraiment l'étalement de la pauvreté – et surtout dans les milieux urbains – qui affecte les personnes les plus démunies et qui touche l'ensemble des catégories sociales: les enfants, les jeunes, les aînés, les adultes, les familles monoparentales, etc. Ce projet de loi n'apporte aucune réponse à cette réalité qui est lourde de conséquences pour la société québécoise. Et on le constate dans cette période des fêtes, même les banques alimentaires n'arrivent même pas à suffire aux besoins. C'est dire que la situation est criante, préoccupante. Ce projet de loi, qui devait porter, entre autres, sur l'aide de dernier recours, n'a absolument rien à offrir à ces personnes et à ces groupes qui sont parmi les plus démunis de notre société.

On le sait, M. le Président, le précédent gouvernement avait mis en place un ensemble de mesures pour favoriser les contrôles et favoriser également une saine gestion des fonds publics. L'une de ces mesures visait à enrayer les abus en exigeant des prestataires de se déplacer en personne pour réclamer leur chèque mensuel. Cette démarche, en plus de l'avantage qu'elle présentait en termes de contrôle, rendait la livraison des services plus humaine car elle permettait un contact plus direct entre les bénéficiaires et les agents qui oeuvrent à leur service. La ministre a décidé, malheureusement, d'abolir cette mesure de contrôle qui permettait pourtant de faire des économies tout en éliminant les fraudes. Ce n'est pas la seule mesure qui a été abolie et cela témoigne justement du peu de sensibilité qui se dégage de ce projet de loi.

En ce qui a trait à la mission du ministère de la Sécurité du revenu, la ministre a la responsabilité de mettre en oeuvre les mesures d'employabilité pour aider les clientèles les plus défavorisées à acquérir une formation professionnelle qualifiante et les encourager à se valoriser par le travail. On sait qu'il y a au-delà de 50 000 personnes qui sont disponibles et qui ne demandent pas mieux que de s'engager dans un programme de formation, un programme d'employabilité, un stage en milieu de travail qui va leur permettre d'acquérir une expérience ou une formation afin d'augmenter leurs chances d'employabilité. Ces personnes, et ces milliers de personnes qui attendent justement cette chance, le projet de loi ne leur donne aucune réponse, surtout pas une réponse favorable dans le sens qu'on l'aurait souhaité, et cela est fort dommage.

Une fois de plus, la ministre a raté la cible en abolissant le barème de disponibilité de 50 $ qui représentait une mesure incitative à l'insertion au marché du travail. J'ai eu l'occasion, M. le Président, par le passé, de travailler avec des clientèles qui bénéficiaient de la sécurité du revenu et qui étaient à la recherche d'une orientation professionnelle. Je peux comprendre et mesurer toute l'importance de cette mesure incitative qui les encourageait, qui les stimulait à s'engager dans des programmes d'employabilité et qui valorisait, entre autres, leur participation au marché du travail.

Alors, voilà, la ministre a décidé de les pénaliser tout simplement parce qu'il y a un trou à combler et que ce trou doit être comblé par tous les moyens, sans se soucier des effets négatifs que cela peut engendrer. Alors, les effets d'une telle décision, celle d'abolir le barème de disponibilité, ne tarderont pas à se faire sentir auprès des 50 000 personnes disponibles qui attendent de se prévaloir d'un programme d'employabilité.

L'article 15 de ce projet de loi n° 115 touche toute la question de la cueillette et de la communication des renseignements nominatifs. Et là, une porte s'ouvre, qui risque de limiter les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information et qui pourrait même aller à l'encontre de la loi d'accès à l'information. En effet, dans son avis relatif à la proposition d'amendement visant à ajouter l'article 65.1 à la Loi sur la sécurité du revenu, avis qui a été transmis à la ministre de la Sécurité du revenu le 8 septembre 1995, la Commission d'accès à l'information a exprimé ses réserves, ses sérieuses réserves quant à la transmission de renseignements personnels par voie d'ententes sans le consentement des personnes concernées. Ces réserves se sont exprimées en ces termes, et je cite: «La Commission d'accès à l'information s'inquiète cependant du fait que la portée de l'article 65.1 dépasse largement la simple communication de renseignements entre ces deux ministères. L'article 65.1 prévoit en effet la conclusion d'ententes avec une personne, une entreprise, un ministère ou un organisme du gouvernement.

(21 h 50)

«La Commission d'accès à l'information peut difficilement donner son aval à une proposition d'amendement qui aurait pour effet d'ouvrir la voie à la communication de renseignements nominatifs entre le ministère de la Sécurité du revenu et des partenaires dont le nombre et l'identité ne peuvent être précisés pour l'instant... Sans vouloir remettre en cause les objectifs poursuivis par le ministère, à savoir l'amélioration du taux de conformité des prestations versées, la Commission s'inquiète des conséquences que pourrait avoir l'article 65.1 sur l'ensemble de la clientèle desservie par le ministère.

«De plus, ajoute la Commission, il faut souligner que l'article 65.1 ne limite pas non plus le type de renseignements qui peut faire l'objet d'une cueillette par le ministère. Seraient donc recueillies certaines informations qui relèvent de la catégorie de renseignements personnels habituellement considérés comme sensibles, à savoir des renseignements de nature financière, fiscale ou médicale. Règle générale, ce type de renseignements jouit d'une protection particulière reconnue par le législateur, entre autres dans la loi sur l'accès, la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou la Loi sur le ministère du Revenu.

«Finalement, ajoute la Commission, puisque le consentement des personnes concernées ne serait pas requis, la Commission considère que la Loi sur la sécurité du revenu devrait prévoir explicitement l'obligation pour le ministère d'informer sa clientèle des échanges d'informations qu'elle met en application. Une telle disposition favoriserait une meilleure connaissance des activités du ministère au chapitre de la cueillette et de la communication des renseignements qui concernent sa clientèle.

«Ces mesures, croit la Commission, assureront une meilleure transparence des échanges d'informations et respecteront davantage l'esprit de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.» Voilà un autre aspect qui est préoccupant, M. le Président, en ce qui a trait à la protection de la vie privée.

L'article 9 est une autre disposition de ce projet de loi qui suscite des commentaires. Cet article stipule qu'«une personne ayant souscrit, en vertu de la Loi sur l'immigration au Québec, un engagement d'aider un ressortissant étranger et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent, à s'établir au Québec doit rembourser le montant des prestations accordées, pendant la durée de cet engagement, à ce ressortissant et aux personnes à charge qui l'accompagnent, lorsque cet engagement y pourvoit. Ces sommes sont recouvrables par le ministre, conformément aux dispositions de la présente section.»

Dans mon intervention à l'adoption du principe, j'ai dit qu'à titre de porte-parole de l'aile parlementaire libérale en matière d'immigration et de communautés culturelles, je souscrivais au principe de l'équité qui sous-tend cet article 9 du projet de loi n° 115. D'ailleurs, le précédent gouvernement libéral avait procédé à l'évaluation du problème des garants défaillants et des mesures concrètes ont été prises pour les responsabiliser, pour modifier les conditions du contrat de parrainage et resserrer les contrôles quant aux engagements des garants défaillants.

J'ai également dit, et je souligne ce point-là, qu'il faudrait être très prudent quand on parle des garants défaillants parce que souvent on cite des statistiques hors contexte à l'effet, par exemple, que 5 000 000 $ ont été versés, entre 1987 et 1991, aux personnes parrainées. On ajoute également que 35 % des garants se retrouvent eux-mêmes sur le bien-être social. Cette situation est certes préoccupante. Elle dénote qu'il y a un problème sérieux. Elle appelle des mesures préventives et coercitives pour s'assurer que la loi s'applique également à tous.

Cependant, il ne faudrait surtout pas prendre prétexte de cette situation pour partir en guerre ou faire une chasse aux sorcières aux garants et aux immigrants en général. Ce qu'il faudrait retenir de cette situation préoccupante, c'est qu'effectivement il y a des citoyens canadiens, d'adoption ou de naissance, qui parrainent un membre de leur famille résidant à l'étranger. Par exemple, un citoyen canadien marié à une personne d'origine cubaine décide de parrainer un membre de la famille pour qu'il vienne se joindre ici. Au moment où le parrainage est conclu, au moment où le garant signe le contrat de parrainage, il a un emploi stable, sa situation financière est correcte. Mais, au bout d'un certain temps – on sait très bien que le parrainage varie, selon la catégorie de la personne parrainée, entre trois ans et 10 ans – la personne peut perdre son emploi – c'est des situations qui sont loin d'être l'exception; j'ai vu personnellement plusieurs cas comme ça – et, donc, la personne qui est garante aux yeux de la loi se retrouve elle-même sur le bien-être social. Par conséquent, elle entraîne la personne parrainée avec elle sur le bien-être social.

Donc, il faudrait, dans l'application de ces règlements, s'assurer que l'équité soit respectée, mais aussi la dignité des personnes, et qu'on ne parte pas en peur en associant automatiquement un garant défaillant à un fraudeur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite prendre la parole? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez 20 minutes.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'attendais quelques secondes avant de vous indiquer que j'aimerais prendre la parole; j'attendais de savoir, avec la règle de l'alternance, s'il y avait des députés de l'autre côté de la table qui voulaient suivre l'exemple du député de Salaberry-Soulanges. Vu qu'il n'y en a pas, je vais procéder à mes quelques remarques préliminaires.

M. le Président, depuis mon arrivée ici, à l'Assemblée nationale, j'essaie toujours, quand arrive le moment de faire soit l'adoption du principe, l'adoption finale ou le travail en commission parlementaire, de voir quels sont les principes qui sous-tendent un projet de loi, parce que vous conviendrez avec moi, M. le Président, que nous sommes souvent appelés à voter sur des projets de loi qui sont d'ordre très technique – on en a discuté un à la commission des affaires sociales plus tôt, la semaine passée, je pense – et il n'est pas toujours facile de procéder à l'analyse des projets de loi pour essayer vraiment de comprendre sur quoi on vote. Et c'est sans, d'aucune façon, dénigrer ou, comme on dit en anglais, «to cast aspersions» sur nos collègues qui sont ici depuis de nombreuses années, comme le député de Laurier-Dorion. J'ai tendance, moi, à dire très ouvertement, devant le ministre ou la ministre en question et les collègues membres d'une commission parlementaire, que je n'aime pas voter sur des choses que je ne comprends pas. Un principe de base, quant à moi, comme législateur: il faut comprendre la portée des choses avant qu'on ne vote dessus.

(22 heures)

Alors, un peu plus tard dans notre processus ici, à la commission des affaires sociales – et, en passant, M. le Président, je vous souhaite la bienvenue à notre commission et je vous félicite pour votre nomination en tant que notre président – nous aurons l'occasion d'échanger avec la ministre et ses fonctionnaires sur les détails article par article du projet de loi. Ma lecture – et, je l'avoue avec beaucoup d'humilité, c'est ma lecture du projet de loi – du projet de loi n° 115 me laisse croire que le principe qui sous-tend le projet de loi, le principe de base, est un manque de ressources financières dans le système de la sécurité du revenu. Peut-être que la ministre a une autre analyse, et je serais ravi de l'entendre à un moment ultérieur, mais c'est ma propre analyse de la situation avec la loi n° 115, qui n'est pas évidente, soit dit en passant, M. le Président, qui n'est pas évidente quand on lit le projet de loi d'un bout à l'autre, tel quel.

Je suis venu à cette analyse en grande partie en écoutant la ministre de la Sécurité du revenu attentivement, comme je le fais toujours, parce que la ministre a indiqué, a commencé ses remarques préliminaires en faisant état des compressions qui viennent du fédéral. Quant à moi, M. le Président, on a tendance, ici, à l'Assemblée nationale, trop souvent, à mettre le blâme sur le dos du fédéral. Il fait très froid dehors, aujourd'hui, c'est peut-être la faute d'Ottawa. On verra. Peut-être cette...

Une voix: Environnement Canada.

M. Copeman: C'est ça, Environnement Canada, les prévisions d'Environnement Canada qui font en sorte qu'il fait très froid dehors. Il y a même peut-être un petit refrain: C'est la faute du fédéral. On pourrait jouer avec ça, de l'autre côté de la table et de la Chambre. Mais peu importe, pour l'instant, M. le Président...

Une voix: Ou de l'argent et des ethnies.

M. Copeman: Oui, ça peut être la faute des ethnies aussi, mais, en tout cas, ça c'est autre chose.

Le Président (M. Perreault): Je vous invite, M. le député, à continuer votre intervention.

M. Copeman: Oui, oui, merci. Mais, en écoutant la ministre, j'en suis venu à la conclusion qu'il s'agit d'un manque de ressources financières, soit parce que, selon les prétentions de la ministre, le fédéral a coupé, la clientèle a augmenté. Je pense qu'il faut être réaliste; on voit des crédits supplémentaires déposés en Chambre, il faut avoir des raisons pour tout cela.

Face à ce manque de ressources financières, un gouvernement a des choix. C'est soit d'avaler une augmentation dans l'enveloppe du ministère, d'accepter qu'on va financer plus le ministère, ce qui s'avère difficile à l'intérieur des budgets fermés, politique du gouvernement actuel, malgré le fait que... Et, encore une fois, je ne comprends pas toute la subtilité de qu'est-ce qui se passe avec nos crédits supplémentaires, mais, semble-t-il, malgré les enveloppes fermées qu'on prétend exister de façon très rigoureuse, très stricte, on se trouve avec des crédits supplémentaires dans le domaine de la sécurité du revenu. Ça me laisse un peu perplexe, M. le Président. Comment on peut dire qu'on a des enveloppes fermées, qu'on ne peut pas augmenter les dépenses du ministère et, en même temps, on s'apprête à étudier des crédits supplémentaires déposés par la ministre des Finances pour le ministère de la Sécurité du revenu? Mais ça, j'imagine, à un moment donné, je vais obtenir des éclaircissements là-dessus.

Alors, des choix, M. le Président, soit d'augmenter l'enveloppe, soit de couper dans certains programmes. Il y a peut-être d'autres choix, et c'est là, c'est de cette façon que j'aimerais aborder la question. Quant à moi, M. le Président, face à un choix de s'attaquer aux prestataires, d'une forme ou d'une autre, il y a plusieurs formes proposées dans le projet de loi. Il y a, à l'article 1, une inclusion d'une inadmissibilité de certains prestataires à cause du fait qu'ils ont un certain avoir liquide. Alors, il y a cette possibilité-là.

Dans le projet de loi, il y a d'autres suggestions: d'éliminer les barèmes de disponibilité et les barèmes de participation. La ministre nous dit: Ce n'est pas une coupure parce que, quand la personne tombe à l'extérieur du programme, elle ne recevrait plus le 150 $. Mais là, encore une fois, M. le Président, il va falloir, à un moment donné, article par article, j'espère, obtenir des clarifications parce que, si ce n'est pas une coupure, si ce n'est pas de l'économie, bien là ça ne marche pas, quant à moi. Ces barèmes sont éliminés pour une raison, M. le Président. Il faut que ce soit logique en quelque part, quant à moi, logique d'éliminer ces barèmes-là. C'est parce que, à un moment donné, l'État va sauver de l'argent. Et, si l'État sauve de l'argent, bien, on le prend de quelque part, et, quant à moi, on le prend des prestataires.

On peut discuter. Moi, j'ai essayé de suivre les échanges entre notre critique et la ministre à la période des questions la semaine passée. J'ai toujours de la misère à suivre les réponses de la ministre. Est-ce qu'il s'agit de 150 $? Là, on a parlé de 120 $. Une autre journée, on a parlé de 50 $. Ç'a été révisé à 100 $. Il y a eu une trentaine là-dedans, en quelque part. En tout cas, peut-être que le tableau de la ministre peut m'éclairer. On verra à un moment donné.

Mais, au lieu de s'attaquer aux prestataires, ce que, je prétends, fait le projet de loi n° 115 actuel, il y a d'autres options, d'autres choix. Et là, encore une fois, M. le Président, quant à moi, gouverner, c'est choisir. Il y a d'autres choix et, effectivement, le député de Salaberry-Soulanges a soulevé un autre choix, qui est la voie du recouvrement.

C'est une autre possibilité. On sait que les sommes dues à l'État dans le domaine du recouvrement du ministère de la Sécurité du revenu montent à 355 000 000 $, à peu près. C'est beaucoup d'argent. Je pense que tout le monde conviendra avec moi que c'est beaucoup d'argent et que cette somme-là grimpe année après année, après année.

Il est vrai, M. le Président, que la facturation du ministère augmente année après année. Oui, on facture plus, parce que c'est des trop-payés, c'est des sommes versées à des personnes qui n'y ont pas droit. C'est vrai que la facturation grimpe, progresse. C'est également vrai, M. le Président, il faut le reconnaître, je pense, tout le monde, que les comptes à recevoir, les sommes vraiment collectées augmentent aussi. Le ministère a fait un certain effort, mais il est également vrai, selon le rapport du Vérificateur général, que l'écart entre les deux progresse aussi, l'écart entre les deux.

Autrement dit, c'est vrai qu'on facture un peu plus, c'est vrai qu'on collecte un peu plus, mais il y a toujours un espace entre les deux courbes qui indique que ce sont des sommes non perçues par l'État, incapables d'être perçues par l'État, des sommes légitimement dues à l'État qu'on n'est pas capable d'aller chercher.

Là où je partage un peu moins l'analyse du député de Salaberry-Soulanges, c'est dans sa critique un peu. Quant à moi, M. le Président, le député de Salaberry-Soulanges a tenté de dire: Bien, les libéraux n'étaient pas rigoureux. Si on analyse sur cinq ans, les pourcentages de recouvrement... En tout cas, M. le député me semble laisser croire qu'on n'a pas fait notre part comme gouvernement pour faire tout notre possible sur le recouvrement.

Une voix: Beau travail...

M. Copeman: C'est peut-être vrai. Personnellement, je l'ignore, et je dois vous dire, M. le Président, que, de plus en plus, ça m'impressionne de moins en moins que le parti ministériel, l'autre bord, dise: Bien, vous avez fait la même chose; on est à peu près au même niveau que vous, etc. C'est une explication qui, quant à moi, après un an, bientôt dans la deuxième année, comme on dit en anglais, «holds less water», est de moins en moins valable. En plus, M. le Président, parce que le parti ministériel nous a promis une autre façon de gouverner et de changer tant de choses, bien, qu'il les change.

Mais, dans le cas du recouvrement spécifique de l'aide sociale, ce que le député de Salaberry-Soulanges a oublié de dire, c'est que, effectivement, oui, le gouvernement libéral précédent a constaté une somme importante dans les recouvrements et que la ministre Trépanier a instauré un projet-pilote, projet-pilote auquel fait référence le Vérificateur général dans son rapport annuel, projet-pilote qui visait essentiellement le recouvrement des créances, qui marchait, selon les analyses, assez bien.

(22 h 10)

À la page 259 du rapport du Vérificateur général: «En 1994, dans le cadre d'un projet-pilote, le ministère a confié à une agence privée le recouvrement de 13 500 000 $ de créances radiées depuis plus de deux ans. L'agence a recouvré près de 10 % du montant total de ces créances en six mois d'efforts et elle a obtenu un encaissement moyen de 555 $. Le ministère, pour sa part, ne récupère, en 12 mois, que 5 % des créances de plus d'un an.» Force est de constater, M. le Président, que ce projet-pilote produisait des résultats importants dans le recouvrement des dossiers. J'imagine que ça soulage le député de Salaberry-Soulanges, que ce projet-pilote instauré par le ministre de la Sécurité du revenu ait fonctionné assez bien.

Mais, comme on dit en anglais, M. le Président: Lowing hold! La ministre actuelle arrive et elle met fin au projet-pilote. Flang! Fini, le projet-pilote qui, selon même le Vérificateur général, fonctionnait, produisait des résultats importants. La ministre arrive et c'est fini. La ministre, si les – c'est toujours un grand «si», M. le Président – reportages dans les journaux sont exacts... Je l'avoue, comme législateurs, comme membres de l'Assemblée nationale, on peut toujours être victimes, un peu, de ce qui se passe dans les journaux. On n'est pas tout à fait d'accord, toujours, avec ce qui est écrit. Si c'est erroné, la ministre va avoir l'opportunité de le corriger, mais semble-t-il que le cabinet de la ministre, la ministre a qualifié ça de harcèlement. Elle trouvait que les moyens pris étaient démesurés.

Un article dans Le Soleil , 14 juin 1995, citation: «Comme elle veut cesser de harceler les plus démunis de la société, Mme Blackburn a constaté que les méthodes étaient incompatibles avec les opérations financières de son ministère.» Je trouve curieux qu'un des premiers gestes que la ministre pose, c'est de mettre fin à un projet-pilote qui, selon même le Vérificateur général, auquel faisait référence le député de Salaberry-Soulanges, faisait un travail intéressant dans le recouvrement de certaines dettes, décrit comme quasi impossible. Impossible. Ce qui démontre, quant à moi, M. le Président, l'importance de regarder des mesures de recouvrement et des mesures de contrôle avant de harceler les plus démunis de la société.

Je pense que la ministre aurait pu davantage examiner des mesures de contrôle et de recouvrement avant de toucher aux prestataires directement, soit par le biais de cette notion d'inadmissibilité pour raison d'avoirs liquides, soit par l'élimination des programmes, des barèmes de participation et de disponibilité. Je suis convaincu, M. le Président – changement de président – comme député de Taschereau, que vous êtes sensible à ça, un député qui représente une circonscription, si ma connaissance de la géographie de la ville de Québec est plus ou moins exacte, qui doit représenter une circonscription avec une population importante à faibles revenus, qui ont besoin du soutien de l'État.

Je suis convaincu, j'imagine que ça vous a peiné un peu, M. le Président, de voir les mesures proposées dans la loi n° 115, parce que, en effet, ces mesures s'attaquent aux prestataires. Ça me peine, M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer au député de Johnson en Chambre, parce que le comté de Notre-Dame-de-Grâce est souvent pris comme un comté de riches, un comté de l'ouest de Montréal. Les gens qui pensent comme ça, M. le Président, démontrent un certain manque de compréhension du comté de Notre-Dame-de-Grâce. Il est vrai que le comté a une partie de population aisée, dont la moyenne de revenus est supérieure à la moyenne de la province, mais il y a également beaucoup de familles à très faibles revenus, beaucoup de personnes qui sont obligées de recourir à l'aide sociale pour les faire vivre et leurs proches. M. le Président, vous serez peut-être surpris d'apprendre que 5 000 familles, dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, utilisent les services de dépôts alimentaires. Très souvent, il y a une relation directe entre la fin du mois et l'utilisation du dépôt alimentaire.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je pense que ce gouvernement est sur la mauvaise piste. Le Parti québécois, à un moment donné dans son histoire, M. le Président, était un gouvernement social-démocrate...

Une voix: Était.

M. Copeman: ... – était, oui, était – fier de défendre les plus démunis de la société, fier de protéger et de parler pour cette couche de la société québécoise. Force est de constater, M. le Président, depuis leur arrivée au pouvoir, un changement d'attitude: fermetures d'hôpitaux; les plus démunis de la société; les malades; les personnes handicapées. Attaques contre les prestataires de l'aide sociale, un autre exemple. Ça me déçoit énormément, M. le Président, parce que, en acceptant qu'il y a des difficultés avec le financement de l'État, moi, je pense que la dernière chose qu'il faut faire, c'est de s'attaquer aux plus démunis.

Le Président (M. Perreault): Votre temps est terminé, M. le député. Je vous invite donc... Je vous remercie.

M. Copeman: C'est malheureux, j'avais beaucoup de choses à dire, mais, à l'article par article, j'imagine que j'aurai l'occasion de le faire.

Le Président (M. Perreault): Parfait.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Perreault): Alors, est-ce que quelqu'un d'autre souhaite prendre la parole? M. le député de Taschereau.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Oui, M. le Président, je voulais intervenir sur le fond du débat et sur sa forme, la forme qu'il a prise depuis hier, la nuit passée, puisque nous avons siégé jusqu'à 2 heures. On a entendu beaucoup le même refrain, le même disque.

Bon, les deux dernières interventions sont allées plus au coeur du débat, ont posé des hypothèses, des alternatives, et j'en suis très content. Mais, pour le reste, on connaît l'adage de Voltaire qui disait: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.

M. Sirros: Question de règlement, M. le Président.

M. Gaulin: J'ai simplement cité Voltaire, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): M. le député de Laurier-Dorion, je viens d'entendre le député de Taschereau signaler qu'il citait Voltaire. Mais j'inviterais quand même le député de Taschereau à citer Voltaire moins directement lié à nos débats parce que...

M. Gautrin: Au texte, M. le Président.

Une voix: Il serait mieux de s'inspirer de sa philosophie.

M. Gautrin: M. le Président, sur le plan de la procédure, on ne peut pas dire en citant à partir de rien, etc., n'importe quelle insulte. Il serait important de savoir d'où est tirée la citation, etc.

Une voix: Dépôt de document!

M. Gaulin: De Voltaire, M. le député.

M. Gautrin: Mais de Voltaire... Voltaire a écrit 45 volumes. Enfin, écoutez, franchement, c'est ridicule!

Une voix: Dépôt de document!

Le Président (M. Perreault): Si vous me permettez, M. le député de Taschereau, vous avez la parole. Vous continuez en vous rappelant, n'est-ce pas, que vous devez faire attention à vos propos, compte tenu des coutumes de cette commission et de cette Assemblée.

M. Gaulin: Bien sûr. Bien sûr, loin de moi l'idée de supposer, puisque ce n'est pas parlementaire, que nos amis d'en face disent des mensonges dans cette Assemblée ou dans cette commission.

Des voix: M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Non, mais je pense que le député de Taschereau a souligné – j'ai bien entendu ce qu'il disait – qu'il ne pensait pas et qu'il ne voulait d'aucune façon imputer de tels motifs à l'Opposition.

M. Gaulin: Je voulais laisser entendre... Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Alors, vous continuez votre intervention.

(22 h 20)

M. Gaulin: Je voulais donc laisser entendre qu'à force de répéter la même cassette, d'où mon analogie avec Voltaire qui leur a un peu fait peur, à force de répéter le substrat d'une cassette, on entend depuis hier un certain nombre de choses, dont cette adéquation ou cette équation entre le fait qu'on a dépensé 80 000 000 $ pour le référendum et les coupures à la sécurité du revenu. C'est ce qu'on nous a répété à peu près une partie de la nuit passée.

En fait, je pense que c'est une manière de faire oublier ceux que, dans mon comté qu'évoquait le député de Notre-Dame-de-Grâce, on a appelés, sous l'ancien régime, ceux qui venaient dans les chambres à coucher vérifier des choses, les boubous macoutes ou même, dans mon comté, à Saint-Roch, les bourbeaumaniaques d'un gouvernement qui faisait les chambres à coucher.

Je dirais même que, davantage depuis hier, on tente de faire du député de Laporte un prophète. Le député de Laporte a dit des choses, je pense qu'il y a au moins une vingtaine de députés de l'opposition qui l'ont cité, hier, en disant: Il avait raison; la ministre ne l'a pas écouté, elle avait tort; le ministre avait annoncé, enfin l'ancien ministre avait annoncé qu'il y aurait un manque à gagner, et on veut nous laisser croire que c'est lui qui avait raison. Peut-être. Mais, moi, je voudrais me référer, ici, aux chiffres que nous donnait, tout à l'heure, le député de Salaberry-Soulanges, à savoir que ce n'est pas la première fois que le député de Laporte se trompait, puisque le député de Laporte avait toujours fait ses budgets à la baisse. Alors, le gouvernement antérieur avait fait des figurations qui n'ont jamais correspondu.

On nous a donné des statistiques, ici, qui n'ont jamais correspondu à ce qui est arrivé: 4,4 % de manque à gagner à la sécurité du revenu en 1989-1990; 6 %, en 1990-1991; 4 %, en 1991-1992. Il y a des dépassements sur ce qui avait été prévu. Alors, on voudrait bien suivre le raisonnement, à ce moment-là, des amis d'en face: ou bien on n'avait pas prévu assez d'argent pour la sécurité du revenu, ou bien c'est à cause des 80 000 000 $ qui auraient été dépensés, mais comme les enveloppes, c'est fermé, on voit mal comment cela se peut.

Alors, je pense que ce qui nous arrive n'a rien à voir dans les coupures. Le fait qu'on a fait un référendum n'a rien à voir dans les coupures, parce qu'il ne faudrait pas oublier, en même temps, le 500 000 000 $, qu'on n'évoque pas, qu'on n'évoque jamais, qu'a coûté l'industrie constitutionnelle du fédéralisme dominateur entre 1987 et 1992.

Ça fait sourire nos amis d'en face, mais on pouvait tout autant sourire quand ils nous parlent et qu'ils nous serinent, depuis déjà plusieurs heures, le fait que c'est à cause du référendum que maintenant on est obligé de couper dans la sécurité du revenu. Ça ne tient pas debout. En fait, le référendum a été fait par un État qui voulait être un État. Il voulait l'être à part entière et il voulait contrôler tous ses revenus. Et c'est précisément pour ça...

Une voix: ...

M. Gaulin: ...en fait, que les amis d'en face comprennent mal ce qu'on appelle des enveloppes fermées qui leur font peur...

Une voix: ...

M. Gaulin: ...parce que ça oblige...

Le Président (M. Perreault): S'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! C'est le député de Taschereau qui a la parole. M. le député de Taschereau, veuillez continuer, s'il vous plaît.

M. Gaulin: M. le Président...

Une voix: C'est quoi, son problème, lui?

M. Sirros: M. le Président, le député d'Iberville, je pense...

Une voix: De Johnson.

M. Sirros: ...non, de Johnson, répète ici ce qu'il a déjà fait en Chambre, c'est-à-dire injurier...

Le Président (M. Perreault): M. le député...

M. Sirros: Non, M. le Président...

Le Président (M. Perreault): M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît, le député de Taschereau avait la parole.

M. Sirros: J'en appelle à votre...

Le Président (M. Perreault): Est-ce que vous soulevez une question de règlement?

M. Sirros: Oui, question de règlement par rapport au bon déroulement de nos travaux. M. le Président, je vous demanderais de bien veiller à ce que les députés... Même si ce sont des propos privés, ça peut, des fois, déranger. Le député de Johnson, en particulier – et je vais le dire dans le micro – répète ici ce qu'il a déjà fait en Chambre, c'est-à-dire prononcer des propos hors micro, qu'il refuse de reconnaître, entre autres, par exemple, les affirmations...

Le Président (M. Perreault): M. le député...

M. Sirros: ...qu'il fait à mon égard...

Le Président (M. Perreault): M. le député...

M. Sirros: ...et je vous demanderais, M. le Président, de veiller à ce que ce genre de choses ne se fasse pas, parce que c'est dérangeant.

Le Président (M. Perreault): D'accord. Alors, je n'ai pas entendu les propos du...

Une voix: C'est dégueulasse, en plus.

Une voix: C'est peureux; c'est agir en peureux.

Le Président (M. Perreault): Je n'ai pas entendu les propos du député de Johnson, mais, effectivement, j'inviterais tout le monde à respecter le décorum. C'est le député de Taschereau qui a la parole. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Alors, comme je le disais, M. le Président, les enveloppes fermées nous obligent à beaucoup de rigueur, et je pense que c'est une manière de gouverner que d'avoir des enveloppes fermées et de s'obliger à faire des compressions là où elles doivent se faire.

Je voudrais rappeler ici que nous avons fait campagne, nous, pour dire que le fédéralisme nous appauvrissait. On n'était pas obligés de nous croire, en avant, mais nous le prétendons toujours, que le fédéralisme nous appauvrit et que c'est en partie pour ça qu'il y a des interférences qui se font de ce régime au nôtre, qui font que la prospérité n'a pas été celle que nous avions estimée à partir des évaluations les plus conservatrices. Alors, je pense que nous sommes devant un manque à gagner et, à partir de ça, nous savons que nous aurons à gérer de manière rigoureuse et la ministre de la Sécurité du revenu comme toutes les ministres et tous les ministres du gouvernement vont avoir à gérer de manière serrée. Et là où la ministre de la Sécurité du revenu a des coupures minimales de 3 %, d'autres ministères vont avoir des coupures qui vont jusqu'à 10 %. Alors, si on le fait maintenant, il y a des raisons très précises, qui sont techniques, et il ne faudrait pas laisser croire que nous le faisons parce que nous nous en prenons d'abord à des gens pour lesquels nous avons toujours eu beaucoup de considération.

On pourrait toujours faire ce type de débat, qu'on entend depuis hier, à savoir qui a le plus de compassion parmi nous. Est-ce que ce sont les rouges, est-ce que ce sont les bleus qui sont les plus compatissants? Je pourrais ici citer Brel, et là je peux donner au moins le texte au député de Verdun. C'est de Jacques Brel: «Pour être une bonne dame patronnesse», c'est le titre de la chanson. «Tricoter tout en couleur caca d'oie afin, le dimanche, à la grand-messe, de reconnaître ses pauvres à soi.» En fait, les pauvres de la société québécoise sont les pauvres de la société québécoise; ils n'appartiennent ni aux libéraux ni aux péquistes, et c'est une honte qu'il y ait des pauvres, qu'il y ait des poches de pauvreté et que nous encouragions un système qui favorise cette pauvreté et ces poches de pauvreté.

Et, dans ce sens-là, ce que fait la ministre de la Sécurité du revenu réduit au minimum ce qui pourrait être inhumain dans les coupures que nous sommes obligés de faire, de 3 %, comme je le rappelle. Alors... Oui, je m'adresse au président. Je vois le député de Verdun qui a un visage tellement attirant. Alors, je pense que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Oui. Il a un jeu de masque exceptionnel.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Alors, je pense que la ministre de la Sécurité du revenu a voulu réduire au minimum les inconvénients de ces coupures et la ministre... Il faut le rappeler, que très peu de gens, enfin un minimum de gens vont être touchés par les mesures qui sont annoncées. Les mesures anciennes, qui ont été enlevées, étaient et sont les mesures les plus improductives, et c'est dans ce sens-là que la ministre les a supprimées.

Alors, finalement, on a fait état de familles monoparentales tout à l'heure, comme si tout le monde était touché, comme si, tout à coup, le gouvernement du Parti québécois n'avait plus de considération, hein, pour les gens qui sont démunis dans cette société, pour les moins bien nantis qu'un système, d'ailleurs, fait augmenter. Ce n'est pas le cas. Il y a 93,6 % des familles monoparentales qui ne sont pas touchées par les mesures que la ministre annonce par la loi n° 115, par le barème de disponibilité. Il y a 85,8 % des familles monoparentales qui ne sont pas touchées par les compressions annoncées pour le barème des participants.

(22 h 30)

Le 50 $ qui a été supprimé l'a été parce qu'il était improductif et qu'il donnait lieu, finalement, à des échappatoires. Alors, je pense qu'on aurait intérêt, nous qui formons ensemble le pouvoir québécois, à essayer de voir, de manière la moins partisane possible, d'arrêter de se crier des noms, puis d'essayer d'améliorer une loi qui pourrait l'être. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autre intervenants? M. le député de Nelligan.

M. Gautrin: C'est une question de règlement.

Le Président (M. Perreault): Oui, une question de règlement, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: En fonction de l'article 213, est-ce que le député de Taschereau me permettrait de lui poser une brève question?

Le Président (M. Perreault): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Non, je pense qu'on est dans les remarques préliminaires, et je n'ai pas l'intention de répondre.

Le Président (M. Perreault): Merci. Alors, je reconnais le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Je suis heureux que le député de Taschereau ait pris la parole un peu. Peut-être les autres députés ministériels, entre la lecture des quotidiens, peuvent aussi suivre le débat que nous sommes en train de faire ce soir.

Avant de faire quelques remarques préliminaires, M. le Président, je voudrais faire juste quelques commentaires à partir de l'intervention du député de Taschereau. Il a effectivement cité Voltaire. Il me semble que cette citation vient directement du cahier stratégique du camp du Oui pendant le dernier référendum. Je pense qu'il peut utiliser... Il me semble qu'ils ont utilisé cette citation souvent pendant leur stratégie.

Il a aussi parlé des boubous macoutes. Il a dit que c'est dégueulasse. Si on veut chercher l'équilibre des faits, là, je voudrais aussi citer un article qui dit: «Plus bête que ça, tu meurs. D'une main, la coprésidente du groupe de travail du Parti québécois sur l'avenir de la communauté anglophone, Mme Jeanne Blackburn, invite aimablement nos compatriotes de langue anglaise à lui confier leurs angoisses dans le Québec souverain; de l'autre, la chère âme du comté de Chicoutimi subventionne, à même les fonds de son comité, les vigilantes d'Action-Québec, groupe de jeunes Montréalais qui jouent aux espions, vidéocaméra à l'affût, pour dénoncer ceux des commerçants qui contreviennent à la loi 178 sur l'affichage.» Voilà, M. le Président, un peu le style des députés de ce côté ministériel.

M. le Président, je suis tellement déçu de ce projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Je me souviens, pendant la dernière campagne électorale, le Parti québécois a promis le soleil, la lune, les étoiles, tout. Ils ont promis tout. Oui. Aussi, pendant le référendum, ils ont promis toutes les choses avec une baguette magique. Mais qu'est-ce que nous avons devant nous avec la loi n° 115 qui est actuellement pleine de coupures? Aucune bonne chose pour ceux et celles qui en ont besoin.

Comme le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné, moi aussi, j'ai cherché à comprendre la loi n° 115. Je l'ai lue et je l'ai relue, et il me semble que les notes explicatives ne disent pas assez clairement que, effectivement, la ministre est en train d'essayer de couper au moins 137 000 000 $ ou peut-être plus. Ce n'est pas un projet de loi qui est en train de faire une réforme de notre système d'aide sociale, notre aide sociale. Ce n'est pas un projet de loi qui est, dans mon opinion, basé sur de grands principes. C'est une façon aveugle de couper dans un secteur très vulnérable. C'est pourquoi j'ai voulu avoir plus d'interventions des députés ministériels. Peut-être qu'ils peuvent aussi ajouter une clarification à ce qui se passe. De notre côté, on essaie d'explorer le débat. On essaie d'arriver avec les solutions, mais on doit aussi savoir pourquoi on arrive avec un projet de loi aussi mal fait que ça.

La ministre, quand elle a commencé avec ses remarques préliminaires, a fait le discours classique des péquistes; elle a blâmé le fédéral. Moi, là, je trouve ça assez bizarre, franchement, quand les autres provinces peuvent trouver la solution. Juste le Parti québécois arrive tout le temps avec la réponse, la cassette, il veut blâmer le fédéral. C'est un peu comme mes enfants, M. le Président, quand ils ne veulent pas accepter la responsabilité, ils disent toujours: It is not my fault. It is not my fault, it is somebody else's.

Avec ça, il me semble que c'est le temps, après un bon 14 mois au pouvoir – je sais que le gouvernement n'a pas vraiment gouverné, il était pas mal obsédé avec son obsession de séparation – d'accepter leurs responsabilités et d'avancer les causes pour les plus vulnérables dans notre société.

Selon mon information, M. le Président, la mission du ministère est vraiment de lutter contre la pauvreté, de favoriser le retour au travail. Je ne retrouve pas ça dans le projet de loi; je ne le retrouve pas du tout dans le projet de loi. Quand je vois les chiffres et que j'essaie de comprendre les chiffres – eh oui, M. le député de Taschereau, je vais peut-être citer quelques députés du passé, pour s'assurer que nous avons toutes les informations devant nous – nous avons vu un gouvernement qui a dépensé plusieurs centaines de millions de dollars pour les choses préréférendaires et référendaires; nous avons vu une ministre qui a dépensé 500 000 $ juste pour la publicité.

M. le Président, quand nous avons étudié les crédits, l'année passée, le député de Laporte a dit qu'il y aurait une lacune de 200 000 000 $, et je voudrais citer ça: «Et, s'agissant des dépenses, on ne peut pas passer sous silence le trou de 200 000 000 $ à l'aide sociale qui jette un discrédit sur l'ensemble des prévisions budgétaires du gouvernement. En effet, comment expliquer qu'avec une clientèle qui se situe, en avril 1995, à 480 407 ménages, soit près de 10 000 ménages au-dessus de celle observée à la même date l'an dernier, on prévoie non pas une augmentation des crédits de 77 000 000 $, mais une diminution de 127 000 000 $, d'où l'écart de 204 000 000 $? À qui ferons-nous croire que les coûts de l'aide sociale vont diminuer avec une clientèle en hausse? Va-t-on réduire les barèmes, les chèques mensuels? La ministre de la Sécurité du revenu nous a dit que non. Et ce n'est pas en annonçant qu'on va relaxer les contrôles, comme elle l'a si imprudemment annoncé, qu'on va trouver les 200 000 000 $ manquants. Il n'y a pas de miracle là-dedans. On ne peut pas voir la clientèle augmenter et les budgets diminuer. Ce manque à gagner de 200 000 000 $ jette un discrédit sur l'ensemble des opérations budgétaires du gouvernement.» Fin de la citation, M. le Président.

Vous avez tous vu la réaction de la ministre de la Sécurité du revenu. Et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a déjà discuté de ça. Mais, comme plusieurs autres députés l'ont déjà dit, le député de Laporte a eu raison, et j'essaie de comprendre aussi... Nous allons avoir, pendant cette semaine, une autre chance de discuter les crédits supplémentaires, mais je trouve un ajout de 172 000 000 $ dans les crédits de la sécurité du revenu et de la condition féminine.

Il me semble que, dans l'élément Actions positives pour le travail et l'emploi, on trouve un ajout de 141 174 000 $. Il me semble que la ministre est clairement en train de dire qu'elle fait de la planification ad hoc. Elle n'a pas pris les mesures nécessaires de budgétiser pour ses besoins réels, et, dans mon opinion, M. le Président, le projet de loi n° 115 est la façon pour le gouvernement d'essayer de corriger l'incompétence dans ce dossier.

N'oubliez pas, M. le Président, que la ministre de la Sécurité du revenu a déjà accepté les enveloppes fermées, nonobstant qu'il y a un ajout de participation. Avec ça, ça oblige la ministre à couper dans les programmes d'employabilité tels que nous sommes en train de discuter.

(22 h 40)

M. le Président, le projet de loi, et je ne veux pas répéter tous les commentaires de mes collègues, mais il me semble qu'il y a quatre... Je voudrais mentionner quatre grands points dans ce projet de loi. Un – et j'espère que la ministre va corriger ce problème – quand on voit, à l'article 1, qu'elle abolit les avoirs liquides. Moi, je ne comprends pas comment on peut dire aux prestataires, qui cherchent de l'aide, qu'ils doivent vider tout leur compte de banque. Je ne comprends pas comment on peut penser que, à ce niveau de revenus, on puisse demander à M. et Mme Tout-le-Monde de vider le compte de banque et d'essayer de vivre sans d'autres revenus. Je trouve ça inacceptable comme concept, et j'espère, pendant l'étude article par article, qu'on va pouvoir trouver une autre façon d'approcher cette question.

M. le Président, je voudrais juste mentionner que c'est dommage, le niveau d'intérêt du côté ministériel dans ça. Il y a plus de membres de l'opposition ici, ce soir. Et je voudrais juste m'assurer que, pendant les discussions, j'espère, nous allons avoir devant nous les chaises avec les députés qui vont écouter notre débat. Parce que n'oubliez pas que, s'il y a un vote maintenant, le gouvernement va perdre le vote. Voilà une démonstration...

Le Président (M. Perreault): Oui, il y a une question, si vous permettez, s'il vous plaît, on va laisser... Question de règlement, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. Je ne sais pas quel article, mais le député n'a pas à dire qui est là, s'il y a peu de monde ou beaucoup de monde.

Le Président (M. Perreault): Bien, écoutez, M. le député, je pense qu'il est effectivement d'usage qu'on ne mentionne pas l'absence d'un député en particulier. La remarque du député de l'opposition était une remarque d'ordre général.

M. Williams: Oui, effectivement, M. le Président, je n'ai pas nommé les personnes. J'ai juste dit qu'il y a plus de membres de l'opposition que de membres du côté ministériel, ici, ce soir, étudiant le projet de loi n° 115.

Le Président (M. Perreault): C'est parce que, si vous me permettez, si on fait le décompte et dans la mesure où le président est également un membre de la partie ministérielle, on est à égalité, au moment où on se parle.

Une voix: ...

Le Président (M. Perreault): Oui, pas dans le débat pour l'instant, mais je suis présent, je suis présent. Je peux vous assurer que je suis présent. Je vous laisse continuer, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je suis certain, M. le Président, que vous êtes présent. Merci beaucoup, M. le Président. But I must insist on this last point which is to ask people to come for services with their pockets and their bank accounts empty. To me, is a concept that I cannot understand and I find completely unacceptable. It is a concept that it will encourage, in my opinion, the possibility of people hiding resources, fraudulent request or people finding a way to liquidate their assets in a time, Mr. President... This is probably the worst time in their experience to be doing that. So I sincerely... During the discussion, I hope the minister will explain what is going on in her thinking, there. And I hope that the minister does not come up with the answer that there were some problems. Because as she already said – and I will get to that later on – because there are some problems in some of the participants, it is unacceptable to blame all participants and to come up with the solution that adversely affects all participants.

C'est un peu le deuxième point que je voudrais mentionner, les questions de barème de disponibilité. Si j'ai bien compris la ministre – et je pense que le député de Laurier-Dorion a entendu la même chose – elle a dit que 50 % des personnes qui ont le droit d'avoir un barème de disponibilité, 50 % n'étaient pas disponibles. Mais est-ce que c'est à moitié plein ou à moitié vide? Effectivement, 50 % étaient disponibles, avec une bonne volonté et prêts à travailler. Avec ça, M. le Président, il me semble que c'est complètement illogique de trouver un système qui corrige un problème... Effectivement, peut-être qu'il y a un problème; on peut trouver d'autres solutions, mais pas d'une façon qui va freiner la motivation et qui peut pénaliser ceux et celles qui veulent briser ce cercle vicieux de la pauvreté. J'essaie de faire ça vite, M. le Président, parce que je sais que le temps avance.

L'article 15, sur toute la question de confidentialité. Je tiens compte des commentaires de la ministre sur cette question, je pense qu'elle a ouvert la discussion, je respecte les commentaires de la ministre sur ça. Mais, à l'article 15, il y a plusieurs sous-articles, et on peut prendre des ententes pour des raisons assez nombreuses: vérifier l'admissibilité; identifier pour les fichiers; vérifier la solvabilité d'une personne; vérifier la survenance d'un événement ou l'existence d'un droit visés, etc. Et je peux continuer: «Le ministre peut également prendre une telle entente avec le ministère du Développement des ressources humaines du Canada, ainsi qu'avec les ministères et organismes suivants du gouvernement du Québec: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Affaires internationales, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec.» Avec toute cette information-là, il me semble qu'on peut juste afficher toute cette information sur un panneau sur Décarie. Avec ça, on doit tenir compte de toute la question de confidentialité avant qu'on embarque sur ces questions-là.

M. le Président, le temps avance très vite et, sur cette question et sur toutes les autres questions, j'espère que nous allons avoir une chance de profiter de l'expérience des personnes qui ont plus d'expérience que nous dans ce domaine. Et j'espère qu'on peut inviter ceux et celles qui protègent cette information pour le peuple québécois.

Finalement, j'ai vu dans le projet de loi, M. le Président – et nous n'avons pas eu la chance de discuter de ça beaucoup – qu'effectivement il y a un transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques, optométriques et d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu. Il me semble que c'est juste une autre façon de transférer les responsabilités, de mettre le fardeau dans un autre ministère. C'est un peu la stratégie de l'autruche, de mettre la tête dans le sable. Mais, M. le Président, les problèmes restent, et on doit s'assurer que, si on transfère ça, il va y avoir quand même la garantie de ces programmes à un autre niveau. Peut-être qu'il y a des réponses, mais j'attends d'avoir les réponses un peu plus tard.

Avec ça, M. le Président, je voudrais juste terminer... Il me semble, avec toutes les questions que nous avons entendues ce soir, avec tous les commentaires au moins des députés de l'opposition... Et je voudrais d'abord féliciter l'excellente intervention de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je pense qu'elle a représenté les personnes touchées par cette loi d'une façon impeccable. Mais il me semble que nous avons un peu tous profiter d'écouter les groupes, les associations, les établissements, les organismes pour bonifier notre analyse de ce projet de loi. Il me semble qu'un projet de loi aussi important que ça, M. le Président, on ne peut pas embarquer tout de suite sans avoir une consultation avec ces groupes parce que, effectivement, M. le Président, pendant nos discussions, j'ai appris beaucoup de choses. Mais j'espère que nous allons profiter bientôt de l'expérience des autres, avant qu'on commence à passer à l'adoption de la loi. Parce que, dernier avis, M. le Président, on doit être tellement prudents. Avant de passer cette loi, on doit être assurés qu'on fait quelque chose de bon pour les Québécoises et les Québécois et qu'on ne fait pas juste quelque chose pour le ministre des Finances. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Alors, je vous remercie, M. le député de Nelligan. Le temps dévolu aux députés de l'opposition est terminé au niveau des remarques préliminaires. Je ne sais pas si d'autres personnes du parti ministériel avaient des remarques à faire.

Mme Blackburn: Peut-être avec le consentement, j'aimerais apporter quelques précisions.

Une voix: ...

Le Président (M. Perreault): Oui, bien je pense que la ministre...

Mme Blackburn: C'est ça que je vous dis, là.

Le Président (M. Perreault): On peut, peut-être, entendre la ministre, voir ce qu'elle nous propose, et je vous cède...

(22 h 50)

Mme Blackburn: Oui, c'est ça. On ne s'énerve pas, on est calme. Je dis que, avec le consentement, je pourrais répondre à quelques informations particulièrement sur le rapport de la Commission d'accès à l'information. Des informations complémentaires, je pense que ça pourrait être utile pour tout le monde.

Le Président (M. Perreault): Est-ce que l'opposition donne son consentement? Ça prend le consentement de l'opposition à cette étape-ci.

M. Sirros: Je suis certain qu'on aura l'occasion de discuter, surtout sur la question de la Commission d'accès à l'information, et je pense que ce n'est pas à propos, à ce moment-ci, qu'on augmente le temps du parti ministériel.

Le Président (M. Perreault): Alors, le consentement n'est pas accordé. Est-ce que d'autres personnes du côté ministériel ont des commentaires à faire? S'il n'y a pas de commentaires à faire, à moins qu'il y ait des motions...

Mme Loiselle: M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Vous avez des motions?

Mme Loiselle: Oui.

Le Président (M. Perreault): Oui. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Motion proposant d'entendre la Commission d'accès à l'information

Mme Loiselle: Oui, merci, M. le Président. «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, des consultations générales sur tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission d'accès à l'information.»

Le Président (M. Perreault): Est-ce que votre motion est écrite?

Mme Loiselle: Oui.

Le Président (M. Perreault): On pourra la distribuer. Alors, la motion de la députée est reçue; elle est recevable à ce moment-ci. Est-ce que...

Une voix: ...

Le Président (M. Perreault): Oui, je pense que des...

Une voix: ...

Le Président (M. Perreault): M. le député, on peut, si on nous permet, peut-être le temps d'avoir la copie, suspendre pour 10 minutes. Il est 22 h 55, alors je suspends les travaux jusqu'à 23 h 5.

(Suspension de la séance à 22 h 52)

(Reprise à 23 h 6)

Le Président (M. Perreault): Nous avons une motion déposée par Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne et que, je pense, tout le monde a reçue. Oui? Alors, Mme la députée, vous avez 30 minutes.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Alors, la raison pourquoi nous présentons cette motion: afin d'avoir des consultations générales avant de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 115 et de rencontrer les membres de la Commission d'accès à l'information. Vu l'importance, M. le Président, des coupures, des conséquences que ces coupures, dans la vie de tous les jours, vont créer chez les prestataires de la sécurité du revenu, il nous semble très important que les groupes sociaux, communautaires, les intervenants du milieu aient la chance de venir en commission parlementaire pour venir exprimer leurs inquiétudes, leurs appréhensions et nous dire les conséquences réelles des mesures et des coupures que nous annonce ce gouvernement envers les assistés sociaux.

À plusieurs reprises, M. le Président, nous l'avons fait, nous avons demandé à la ministre d'avoir des consultations générales sur son projet de loi n° 115. On l'a fait par le biais de notre leader en Chambre, lors du dépôt du projet de loi n° 115. On a reçu un refus catégorique, autant de la part de la ministre que du leader du gouvernement. Mais on est tenaces. On a réitéré notre demande de façon répétée afin d'avoir une consultation générale, afin que tous ces groupes intéressés puissent venir ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, et on a toujours reçu un refus.

Lors de l'accord de principe, M. le Président, lors du débat de l'accord de principe, hier, pendant plusieurs heures, nous avons, mes collègues et moi, demandé à la ministre, de façon répétée également, qu'elle change d'idée et qu'elle accepte d'avoir une consultation générale. Malheureusement, étant donné que c'est seulement les députés, ou presque, de l'opposition qui ont parlé sur l'accord de principe... Il y a environ seulement, peut-être, cinq ou six ministériels qui ont eu le courage de parler sur l'accord de principe du projet de loi n° 115. M. le Président, je dois vous dire qu'il y a une rumeur présentement, à l'Assemblée nationale, qui circule, mais on a eu la réponse ce soir. Parce qu'il y a une rumeur qui circule à l'effet que les députés ministériels auraient avalé leur langue, soit le 30 octobre, quand leur chef a insulté les communautés culturelles. Mais on réalise ce soir, d'après les propos du député de Johnson envers le député de Laurier-Dorion, que ce n'est pas le cas.

Le Président (M. Perreault): Mme la députée, je vous rappelle à l'ordre. J'ai tantôt statué sur cette question. Je n'ai pas entendu les propos du député de Johnson et je pense que vous ne pouvez pas les invoquer comme ça, là, dans le cadre de nos travaux.

Mme Loiselle: Oui, monsieur. Je comprends, M. le Président, mais c'est tellement facile de parler à côté du micro.

Mme Charest: Question de règlement.

Le Président (M. Perreault): Oui, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Je ne vois pas en quoi les propos de Mme la députée sont en lien avec la motion. Alors, je ne pense pas qu'il y ait lieu de retenir ce qu'elle vient de nous dire, et, si elle veut intervenir, qu'elle intervienne sur la motion.

Le Président (M. Perreault): Alors...

M. Gaulin: M. le Président...

Le Président (M. Perreault): Oui, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Article 35.6°. Mme la députée, porte-parole de l'opposition officielle, dit que les gens qui n'ont pas parlé de ce côté-ci, ce soir, manquent de courage.

Une voix: Oui.

M. Gaulin: Article 35, verset 6°. Elle impute des motifs indignes à un député.

(23 h 10)

Le Président (M. Perreault): D'accord. Alors, M. le député, vous avez raison. Je pense que Mme la députée doit tenter, bien sûr, même si elle peut en partie étendre un peu tout ça, les raisons pour lesquelles elle souhaite entendre la Commission d'accès à l'information, essayer quand même de s'en tenir à ça. Et je pense que...

M. Sirros: Quel empressement à protéger le député de Johnson!

Le Président (M. Perreault): ...jusqu'à maintenant, ça a bien été. J'en appelle à votre collaboration pour éviter que, rendu à 23 h 10, on tourne mal. Alors, je vous laisse la parole.

Mme Loiselle: Alors, je parlais de l'accord de principe, M. le Président, et non pas de cette soirée. Mais, pour revenir à la rumeur, j'ai constaté ce soir que les députés ministériels, finalement, avaient avalé leur langue lors de leur caucus, quand la ministre de la Sécurité du revenu leur a fait part de ses compressions budgétaires et de ses coupures insensibles envers les prestataires de la sécurité du revenu.

M. le Président, nous croyons qu'il est essentiel que la ministre et ses députés ministériels puissent rencontrer, et échanger, et entendre, et écouter ce que les groupes, les intervenants, les organismes sociaux et communautaires ont à dire sur le projet de loi n° 115. Même la ministre nous a donné des bonnes raisons d'avoir été si persistants et d'avoir demandé de façon répétée à la ministre de les entendre. En commission, dans le cadre des engagements financiers, le 9 décembre 1994 – permettez-moi, M. le Président, de citer la ministre de la Sécurité du revenu – elle nous disait donc: «Pour aider les groupes démunis à se libérer des trappes de pauvreté, encore faut-il être en mesure d'identifier les vrais problèmes et les correctifs appropriés. C'est à un effort colossal de solidarité communautaire, avec les groupes, les quartiers, les régions, que nous sommes conviés pour briser le cercle vicieux de la pauvreté et refaire l'unité du tissu social québécois.»

Toujours la ministre qui parle: «C'est dans cette perspective que j'ai annoncé la création de la Conférence permanente sur la sécurité du revenu, conférence regroupant des organismes communautaires, des milieux de vie et des représentants du ministère.» Et la ministre y va, M. le Président: «L'absence de sensibilité dont a fait preuve l'ancien gouvernement face aux réalités des plus défavorisés a rompu le dialogue essentiel avec les organismes intervenant auprès des personnes assistées sociales, se privant ainsi de l'apport des forces vives du milieu.» Et la ministre enchaîne, M. le Président: «Les travaux de la Conférence devraient permettre de trouver des solutions quant aux outils à développer, dans le cadre de la sécurité de revenu, pour mieux lutter contre la pauvreté et d'échanger avec les organismes du milieu sur les différentes problématiques vécues par les prestataires et sur les solutions possibles.» Alors, ça, c'est le langage de la ministre, le beau discours de la ministre du 9 décembre 1994.

La ministre écoute tellement et échange tellement avec ces groupes-là que, la semaine dernière, on a reçu un communiqué qui... Permettez-moi de vous le lire, M. le Président: «Une dizaine de groupes sociaux et communautaires claquent la porte de la Conférence permanente de la sécurité du revenu. Ce comité consultatif a été mis en place il y a exactement un an par la ministre Jeanne Blackburn pour développer des outils de lutte à la pauvreté. Claudette Champagne, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, a déploré le fait que les représentants se retrouvaient souvent au comité alors que les décisions des fonctionnaires et de la ministre étaient déjà prises. Elle a fait allusion à la convocation des membres de la Conférence une heure après l'annonce des compressions à l'aide sociale, il y a une dizaine de jours. Mme Champagne a indiqué que les membres des groupes ne veulent plus jouer le rôle de figurants au sein de la Conférence. À l'avenir, ils vont privilégier les échanges directs avec la ministre et son cabinet.»

Il y a même un autre groupe, M. le Président, qui a déclaré, lors de cette sortie des groupes de la Conférence: «Partout dans les politiques sociales, les bénéficiaires deviennent de plus en plus des punaises à écraser, a lancé, pour sa part, Lucie Lemieux-Brassard, présidente de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.»

Alors, il est peut-être temps pour la ministre de prouver qu'elle veut échanger avec les groupes, qu'elle veut les entendre, qu'elle veut au moins essayer de faire l'effort de les comprendre et de les écouter, et de démontrer aujourd'hui que, oui, elle veut échanger avec ces groupes-là et que, même s'ils ont claqué la porte de sa fameuse Conférence, elle peut au moins leur tendre la main et leur dire: Oui, j'aimerais vous entendre.

Mais, monsieur...

Le Président (M. Perreault): Écoutez, je ne voudrais pas être trop sévère, mais je vous rappelle que votre motion porte sur le fait d'entendre la Commission d'accès à l'information.

Mme Loiselle: J'y arrivais.

Le Président (M. Perreault): D'accord.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président.

M. Sirros: Bien, ça portait aussi, M. le Président... Question de règlement.

Le Président (M. Perreault): Oui, M. le député.

M. Sirros: Il me semble que ça portait aussi sur la nécessité d'entendre, de faire des consultations générales...

Le Président (M. Perreault): Et qui...

M. Sirros: ...et, à cette fin, parler de la Commission. Donc, il y a, dans l'argumentation de la députée, un préalable qui parle aussi de la nécessité d'entendre, de façon générale, des groupes. Donc, on pourrait, je pense, avec une certaine compréhension, s'étendre à des références plus larges que juste la Commission.

Mme Blackburn: Alors, ou c'est général, ou c'est particulier.

Le Président (M. Perreault): C'est ça. Je pense que, dans le cadre de ce que je comprends de la motion, c'est pour entendre un groupe bien spécifique, qui s'appelle... Puisqu'il n'y a pas d'autre groupe de mentionné, alors je comprends que l'objectif d'avoir des avis généraux se concrétise dans la motion par la volonté d'en entendre un en particulier, et c'est la Commission d'accès à l'information. Alors, je ne veux pas être trop sévère, mais je voudrais juste qu'on parle quand même un peu de la Commission d'accès à l'information. Continuez, madame, vous avez la parole.

Mme Loiselle: Oui, merci, M. le Président. J'arrivais justement à notre motion au niveau, justement, de la Commission d'accès à l'information. Je vous amène à l'article 15 du projet de loi n° 115, cette loi qui modifie puis qui apporte l'insertion de l'article 65. Et ça, c'est là d'où vient l'importance d'entendre la Commission d'accès à l'information, parce qu'on parle ici d'avoir du couplage de fichiers. Peut-être, pour les députés ministériels, je vais le lire un peu, l'article 15, pour leur bonne compréhension. Alors, on lit, à l'article 65.1, M. le Président, qu'on insère à l'article 15: «Sous réserve du deuxième alinéa, le ministre peut prendre entente avec un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement, une personne ou une entreprise, dont le nom apparaît dans la liste dressée par le gouvernement et publiée à la Gazette officielle du Québec , pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements...»

Là, on donne les... «1° pour vérifier l'admissibilité d'une personne ou de sa famille à un programme ou à une mesure et établir le montant des prestations – et on continue;

«2° pour identifier, y compris par un appariement de fichiers, une situation non déclarée par un prestataire;

«3° pour vérifier la solvabilité d'une personne qui doit rembourser une somme au ministre en vertu de la section V du chapitre II;

«4° pour vérifier la survenance d'un événement ou l'existence d'un droit visés à l'article 35, la date et les modalités de réalisation de ce droit.»

Et on continue, parce que c'est très large, M. le Président, l'article 15. En quelque part, là, si ça reste libellé tel quel, là, c'est pour ça qu'on veut rencontrer les membres de la Commission d'accès à l'information, parce qu'on a plein de questions à leur poser au niveau, là, de limiter peut-être cet article-là, à savoir aussi si ça ne remet pas en cause, en quelque part, justement, la loi qui a été votée à l'unanimité dans cette Assemblée en 1992, la loi sur la Commission d'accès à l'information.

Et on va même plus loin, M. le Président, au niveau de donner les informations à tout le monde: «Le ministre peut également prendre une telle entente avec le ministère du Développement des ressources humaines du Canada – c'est beau d'entendre ça dans un projet de loi de la ministre – ainsi qu'avec les ministères et organismes suivants du gouvernement du Québec: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Affaires internationales, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec.» Ça en fait, ça, monsieur, de l'information qui va se promener, des renseignements personnels, confidentiels et privés sur les gens.

«Le ministre peut, aux fins d'identifier des personnes visées par une entente mentionnée au présent article, communiquer – et, là, on donne toutes les informations – leur nom, date de naissance, sexe, adresse, numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale et numéro de dossier – il y a seulement le pointage de chaussures qui n'est pas là. Le ministère, l'organisme, la personne ou l'entreprise qui reçoit ces renseignements doit les détruire lorsque les fins pour lesquelles ils ont été communiqués sont accomplies à moins qu'il n'y ait légalement droit.»

(23 h 20)

M. le Président, j'aimerais peut-être vous ramener au rapport annuel qu'a déposé le président, M. Comeau, de la Commission d'accès à l'information, parce que, dans son rapport, le président nous a soulevé plusieurs inquiétudes à cet égard-là. Je vais prendre les inquiétudes qu'il a soulevées, surtout en ce qui concerne l'article 15, les échanges de renseignements personnels.

Alors, le président disait ceci: «De positif, mon propos se fait maintenant inquiet, en ce qui concerne les échanges de renseignements personnels sans consentement de la personne concernée entre organismes publics, au sein de l'administration publique du Québec.

«Ces échanges de renseignements personnels se traduisent habituellement par la comparaison ou la communication de fichiers entre deux ou plusieurs administrations. Ces fichiers contiennent évidemment des renseignements personnels qui sont confrontés, comparés et, bien sûr, corrigés ou complétés.»

Mais le président, M. Comeau, va encore beaucoup plus loin dans ses inquiétudes qu'il a soulevées dans son rapport annuel, et ça, là, j'attire votre attention: «Évitons la langue du sorcier et appelons les choses par leur nom. Depuis quelques mois – et c'est ça, là, qui se vit actuellement à l'Assemblée nationale depuis l'arrivée de ce gouvernement – on note une tendance inquiétante à la banalisation. Procéder à l'appariement de fichiers – c'est là le terme technique qui désigne la comparaison électronique de plusieurs fichiers – devrait, dit-on ouvertement, être considéré comme un geste administratif normal. L'on s'empresse d'invoquer une foule de raisons à l'appui de cette pétition de principe. L'efficacité administrative sert de justification première.»

M. Comeau continue: «Pourquoi se compliquer la vie, se demande-t-on, quand il est si simple de procéder à une démarche que l'informatique se fait un jeu de réussir. D'autres avancent aussi des raisons d'économies – ça, c'est le gouvernement d'en face: il en coûte évidemment nettement moins cher de procéder ainsi plutôt que d'aller cueillir l'information souhaitée auprès des personnes concernées. Enfin, et cet argument est de taille dans le contexte actuel, l'état des finances publiques justifie le recours à cette technique. Et ce, même si elle implique une violation – M. le Président, j'attire votre attention, c'est le président de la Commission d'accès à l'information – des droits reconnus aux citoyens par la Charte des droits et libertés de la personne et par le Code civil du Québec. Car c'est de ça qu'il s'agit avant tout.»

Encore plus loin, M. Comeau nous dit... C'est important, tout ce qu'il dit; c'est pour ça que c'est tellement important de le rencontrer, parce qu'on a plein de questions à lui poser, parce que l'article de Mme la ministre sur son projet de loi, l'article 15, est extrêmement délicat quant à la préservation des renseignements privés, confidentiels et personnels. On touche à la loi d'accès à l'information, alors, avant d'appliquer cet article-là, il faut être bien sûr qu'on est dans la bonne voie. M. Comeau continue: «Il s'agit de la volonté ferme et affirmée d'empêcher la constitution de banques de données géantes, de super-fichiers qui enlèveraient tout son sens à la notion de vie privée. En écartant ce principe et cette obligation, on en arriverait rapidement à permettre à l'État de tout savoir, et du même coup, sur chacun de nous: notre dossier médical, y compris le traitement de nos maladies, nos succès et faiblesses durant nos années d'études, nos démêlés avec le ministère du Revenu, nos problèmes avec la Société de l'assurance automobile, nos démarches pour obtenir un permis d'armes à feu, nos requêtes en vue d'avoir droit à la sécurité du revenu et que sais-je encore.» Le président, quand il a déposé son rapport annuel, je pense qu'il sentait que le gouvernement du Parti québécois s'en venait avec ça, parce qu'il en parle: «nos requêtes en vue d'avoir droit à la sécurité du revenu».

Et il continue, M. Comeau dit: «Un citoyen accepte de confier ces données à une fin précise. Il ne consent pas à ce que ces données fassent le tour de l'appareil de l'État ni que ces dernières soient éventuellement communiquées au secteur privé. Toute cueillette de renseignements personnels vise et doit viser un objectif précis et celui-là seulement. Au-delà du respect de ce contrat, c'est la confiance envers l'État qui est remise en cause, qui est sapée par ceux qui ont mandat de faire fonctionner l'État.»

Et, en terminant, M. le Président, M. Comeau attire notre attention: «Il y a là une inquiétante érosion du nécessaire lien de confiance entre les citoyens et l'administration publique, précisément en ce qui a trait à la cueillette et au transfert de renseignements personnels. Nier cette évidence, c'est s'engager sur une voie dangereuse – j'attire l'attention de la ministre sur ça, M. le Président: "nier cette évidence, c'est s'engager sur une voie dangereuse". C'est aussi faire peu de cas du caractère de prépondérance accordé à cette loi par l'Assemblée nationale; cette loi a préséance sur toutes les autres législations antérieures ou postérieures. Le choix du législateur est éloquent: il est peu de lois qui se sont vu conférer un tel statut dans l'ensemble législatif du Québec.

«D'où ce rappel au respect des principes qui fondent notre régime démocratique. Il n'y a pas de petits accrocs à la vie privée. Aussi faut-il corriger le tir et éviter de s'écarter de la ligne tracée par l'Assemblée nationale», M. le Président, notre Assemblée nationale, notre institution parlementaire. M. Comeau nous dit, là: «Aussi faut-il corriger le tir et éviter de s'écarter de la ligne tracée par l'Assemblée nationale en vue d'assurer aux Québécoises et aux Québécois, le respect de certains de leurs droits les plus fondamentaux.» Le président de la Commission d'accès à l'information du Québec, dans son rapport annuel 1994-1995, qui avait déjà des craintes face à certaines appréhensions qui, sûrement, ont été... Tu veux l'avoir? O.K., je te le prête. Excusez.

M. le Président, ce matin, à la période de questions, la ministre nous a déposé, nous a-t-elle dit, l'avis de la Commission d'accès à l'information. J'aimerais être bien certaine qu'il s'agit ici de l'avis et non pas du préavis qu'on nous a déposé à l'Assemblée nationale. Pardon?

Le Président (M. Perreault): Écoutez, vous êtes en période d'intervention sur votre motion. Mme la ministre pourra répondre...

Mme Loiselle: C'est ça. Je vais expliquer pourquoi, M. le Président. Parce qu'on nous a parlé depuis une semaine, 10 jours, que la ministre n'avait entre les mains qu'un préavis. Et, le 30 novembre, à l'Assemblée nationale, quand je lui ai posé la question si elle pouvait nous déposer en cette Chambre l'avis de la Commission d'accès à l'information et aussi celui de la Commission des droits de la personne, la ministre nous a répondu: «Oui. Je n'ai pas les pièces ici, en main; dès que je les aurai, je les déposerai.»

Le lendemain, étant donné qu'on n'avait pas déposé le document, l'avis en question, mon leader a posé la question et a dit: «Oui, simplement, Mme la ministre de la Sécurité du revenu s'est engagée à déposer en cette Chambre, hier, à l'occasion de la période des questions, des rapports émanant de la Commission d'accès à l'information ainsi que de la Commission des droits de la personne. Est-ce que la ministre entend s'exécuter?» La ministre nous a répondu, M. le Président, le 1er décembre, à l'Assemblée nationale, qu'«après vérification, on a un avis préalable, mais l'avis officiel ne peut nous parvenir qu'au moment du dépôt du projet de loi. Alors, c'est à ce moment-là que nous le rendrons public.»

Parce que, quand la ministre nous a déposé cet avis ce matin et qu'elle venait nous dire qu'elle avait un avis préalable et que l'avis officiel ne pouvait parvenir qu'au moment du dépôt du projet de loi, on a réalisé que l'avis en tant que tel avait été télécopié à Mme Malo le 8 septembre 1995. Alors, c'est pour ça que je posais la question, M. le Président, si ce qu'on m'a remis ce matin, c'était bien l'avis officiel ou si c'était le préavis. Parce que, là, les dates et la déclaration de la ministre, ça ne coïncide pas. Alors, c'était seulement ça. Mais la ministre pourra répondre un peu plus tard à cet égard si elle ne veut pas répondre tout de suite.

(23 h 30)

Mais, dans cet avis ou préavis qu'on nous a remis ce matin à l'Assemblée nationale, c'est quand même très intéressant, ce que M. Comeau ou ce que la Commission, les membres de la Commission d'accès à l'information nous disent en ce qui a trait aux impacts, aux conséquences et aux inquiétudes que peut soulever l'article 65.1. J'avoue, à la page 4, M. le Président, qu'on nous dit que «la Commission d'accès à l'information n'entend pas s'opposer aux échanges de renseignements projetés entre le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère du Revenu». Mais ça ne s'arrête pas là, M. le Président, il faut tourner la page. Il faut tourner la page, M. le Président.

Une voix: Tournez, tournez!

Mme Loiselle: Je tourne, cher ami, je tourne. Et là on dit bien que la Commission... Permettez-moi de vous lire quelques lignes, M. le Président: «La Commission s'inquiète cependant du fait que la portée – c'est de là que viennent toutes nos questions, M. le Président – de l'article 65.1 dépasse largement la simple communication de renseignements entre ces deux ministères. L'article 65.1 prévoit, en effet, la conclusion d'ententes avec une personne, une entreprise, un ministère ou un organisme du gouvernement.

«La Commission d'accès à l'information peut difficilement – peut difficilement – donner son aval à une proposition d'amendement qui aurait pour effet d'ouvrir la voie à la communication de renseignements nominatifs entre le ministère de la Sécurité du revenu et des partenaires dont le nombre et l'identité ne peuvent être précisés pour l'instant.»

Et, dans ces inquiétudes, M. le Président, les membres de la Commission soulèvent à notre attention que, «sans vouloir remettre en cause les objectifs poursuivis par le ministère, à savoir l'amélioration du taux de conformité des prestations versées, la Commission s'inquiète des conséquences que pourrait avoir l'article 65.1 sur l'ensemble de la clientèle desservie par le ministère. À cet égard, la proposition d'amendement ne limite aucunement le nombre de personnes qui pourraient faire l'objet d'un échange d'informations. Or, la documentation fournie par le ministère indique qu'une étude conduite par le ministère du Revenu a permis d'identifier un potentiel de 42 200 000 $ d'aide qui auraient été versés en trop en 1992 à environ 27 000 prestataires d'aide de dernier recours.»

Un petit peu plus loin, M. le Président, dans son avis ou son préavis, la Commission nous dit, les membres de la Commission: «Il faut souligner que l'article 65.1 ne limite pas non plus le type de renseignements qui peuvent faire l'objet d'une cueillette par le ministère. Seraient donc recueillies certaines informations qui relèvent de la catégorie de renseignements personnels habituellement considérés comme sensibles, à savoir des renseignements de nature fiscale, ou financière, ou médicale. Règle générale, ce type de renseignements jouit d'une protection particulière reconnue par le législateur, entre autres dans la loi sur l'accès, la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou la Loi sur le ministère du Revenu.»

Alors, là, M. le Président, on nous dit de faire bien attention: Selon la Commission, «ces faits justifient la nécessité de prévoir une disposition législative qui précise de façon exhaustive les personnes, entreprises, ministères ou organismes du gouvernement qui peuvent conclure une entente d'échange de renseignements avec le ministère de la Sécurité du revenu. Tout en permettant au ministère d'atteindre ses objectifs, une telle disposition assurerait une meilleure protection de la vie privée d'une large section de la population qui se voit contrainte de demander une aide de dernier recours. Dans ces circonstances, la Commission estime que le législateur devrait avoir voix au chapitre lors de la détermination des partenaires avec lesquels le ministère de la Sécurité du revenu peut échanger des renseignements nominatifs.»

M. le Président, hier, lors de l'accord de principe du projet de loi n° 115 où très peu de députés ministériels sont intervenus, mon collègue, le député de Jeanne-Mance, qui est aussi porte-parole en matière d'accès à l'information pour la loi sur l'accès à l'information, a lui aussi soulevé certaines inquiétudes et appréhensions en ce qui a trait à l'article 15 de la ministre dans son projet de loi n° 115. Il disait, mon collègue de Jeanne-Mance... Il parlait justement, quand nous avons adopté à l'unanimité, en 1982, cette loi, que c'était enfin une volonté ferme d'empêcher la constitution de banques de données géantes. Et lui aussi rappelle, M. le Président, qu'on pourrait enlever les super-fichiers touchant à la notion de «vie privée», que finalement l'article 15 est tellement large, de la façon qu'il est libellé, qu'il pourrait justement aller à l'encontre de la loi d'accès à l'information et donner de l'information très personnelle, très confidentielle sur la vie privée des gens.

Mon collègue continue. Il dit qu'un tel objectif doit continuer d'être poursuivi: «En écartant un tel principe, on arriverait rapidement à permettre à l'État de tout savoir sur chacun de nous et de remettre finalement en cause la confiance des Québécois et des Québécoises face à cette protection des renseignements personnels.»

Le Président (M. Perreault): Je vais vous inviter, Mme la députée, à conclure, il vous reste quelques secondes.

Mme Loiselle: Seulement! Ah! ça passe très vite. Alors, M. le Président... Ha, ha, ha! Je vous ai entendu, M. le député de Taschereau.

Le Président (M. Perreault): Moi, je ne l'ai pas entendu; je ne l'ai pas entendu.

Mme Loiselle: Il voulait que je continue, mais je vais m'interrompre, étant donné que mon temps est écoulé.

Une voix: C'était mieux que le député de Johnson.

Mme Loiselle: Mais, M. le Président, les groupes, la Commission d'accès à l'information, d'autres groupes, les groupes communautaires... Il s'agit ici d'un projet de loi qui va avoir des conséquences néfastes et réelles sur la vie des prestataires de la sécurité du revenu. Il est impératif que la ministre recule sur son refus de vouloir entendre ces gens-là et qu'elle comprenne qu'elle doit les écouter, qu'elle doit accepter qu'ils viennent en commission parlementaire...

Le Président (M. Perreault): Je vous rappelle quand même à votre motion, c'est la Commission d'accès à l'information.

Mme Loiselle: Oui, oui, d'accord. Et ça, je l'ai mentionné il y a quelques secondes. Alors, je souhaite que la ministre, M. le Président, ait un peu plus de souplesse et qu'elle accepte de rencontrer et d'échanger avec les membres de la Commission d'accès à l'information sur le projet de loi n° 115.

Le Président (M. Perreault): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. C'est maintenant au tour de Mme la ministre de la Sécurité du revenu.

Mme Blackburn: Et de la Condition féminine.

Le Président (M. Perreault): Vous avez 30 minutes, mais disons que, pour ce soir, vous en avez 25. Vous avez la parole.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Alors, je reprendrai mon cinq demain, parce que je suis certaine qu'on va être sur le même sujet, M. le Président.

Je vais un peu reprendre où la porte-parole de l'opposition a débuté, savoir la démission de la Conférence permanente. Je dis toujours, en ces circonstances, que les absents ont tort, parce que c'est la solution la plus facile de se retirer. Je sais que les mesures qu'on a dû prendre, pour les raisons qu'on sait – on y reviendra – on ne s'attendait pas à ce qu'elles soient populaires.

Cependant, j'aimerais corriger quelques points quant à la déclaration de la Conférence. Nos partenaires communautaires ont toujours fait partie de la démarche. Le comité Fortin-Bouchard les a consultés, de même qu'un groupe de recherche, McAll et White, qui a effectué une consultation auprès de nombreux prestataires, à travers tout le Québec. Ils l'ont fait aussi à notre demande, parce qu'on a ajouté des questions à la recherche de ce groupe de travail.

J'ai demandé au Comité sur la réforme que ça soit une réforme en profondeur, et je fais confiance à l'expertise et à la sensibilité de ces personnes, ceux et celles qui connaissent le passé, l'expérience qui est accumulée au sein de ce Comité composé de cinq personnes, au Québec; ce sont les experts les plus compétents et les plus qualifiés pour faire ce genre de démarche là. Ils sont restés et ils sont toujours en contact assez étroit avec tous ceux et celles qui défendent les intérêts des prestataires. C'est une démarche transparente, ouverte et respectueuse.

Je déplore qu'ils se soient retirés. Nous avons mis beaucoup d'énergie à informer la Conférence, mais vous comprendrez que, sur des questions comme celles qui étaient sur la table, les modifications à apporter à la Loi sur la sécurité du revenu, pour des raisons budgétaires, il faut le dire, raisons budgétaires et situation qui ne permettaient pas d'attendre la réforme de la sécurité du revenu, si la Conférence n'a pas été consultée, mes collègues non plus. Ce n'est pas quelque chose que vous mettez, là... Ils le sont, mais ils le sont de façon plus spécifique. Vous réunissez cinq, six ministres, sept, huit députés, vous examinez l'ensemble de la question et, ensuite, vous l'apportez à vos collègues. Ce n'est pas quelque chose que vous négociez sur la place publique, c'est connu.

(23 h 40)

Alors, à présent, sur la demande d'entendre la Commission d'accès à l'information, ce matin, par souci de transparence, j'ai déposé trois documents. Malheureusement, il semble que la députée se soit arrêtée à la lecture d'un seul. Ils étaient attachés ensemble avec un trombone. On a déposé le préavis du 8 septembre, que la députée a lu avec beaucoup d'attention. On a appris qu'elle savait bien lire. Bravo! Cependant, si elle s'était donné la peine d'aller à l'avis, elle aurait compris que tous les commentaires de la Commission d'accès à l'information sans exception ont été intégrés dans la version du projet de loi pour répondre précisément à ces préoccupations.

Et, d'ailleurs, vous retrouverez, dans les documents qui ont été déposés ce matin, il y en avait deux: Proposition d'amendement à la Loi sur la sécurité du revenu, 951181. J'imagine que c'est leur numéro d'avis. «Chers collègues, à votre demande, les membres de la Commission d'accès à l'information ont pris connaissance de la nouvelle version de l'article 65.1 de la Loi sur la sécurité du revenu. Cet article se lirait maintenant comme suit:

«"65.1 Sous réserve du deuxième alinéa le ministre peut prendre entente avec un ministère ou organisme du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement, une personne ou une entreprise dont le nom apparaît dans la liste dressée par le gouvernement et publiée dans la Gazette officielle du Québec , pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements, notamment:

«"a) pour vérifier l'admissibilité d'une personne ou de sa famille à un programme ou à une mesure et établir le montant des prestations ou des versements anticipés;

«"b) pour identifier, y compris par un appariement de fichiers, une situation non déclarée par un prestataire conformément au paragraphe 1° de l'article 65..."»

Le Président (M. Perreault): Mme la ministre, une seconde. M. le député de Verdun soulève une question de règlement.

M. Gautrin: Mme la ministre – et je suis sûr qu'elle va en convenir, sinon je pourrai le faire par voie réglementaire; ça serait à l'article 214 que je voudrais faire référence – est-ce qu'elle aurait l'amabilité de le déposer? Parce qu'elle prétend l'avoir déposé en Chambre. Moi, personnellement, j'ai seulement eu le préavis. Peut-être qu'il y a eu une espèce de mauvaise communication. Si elle avait l'amabilité de bien vouloir le déposer et si vous étiez prêt à recevoir ce dépôt, ça faciliterait. Sinon...

Mme Blackburn: Vous allez me permettre de terminer la lecture...

M. Gautrin: Bien sûr.

Mme Blackburn: ...ensuite, on fera faire la distribution...

M. Gautrin: Vous êtes prêts à le déposer après?

Mme Blackburn: ...en vous disant que les trois documents étaient attachés les uns après les autres et qu'on n'a lu que...

Mme Loiselle: On ne l'a pas eu, Mme la ministre. Je vous le dis.

Mme Blackburn: Alors, une transmission probablement qui ne s'est pas faite, là.

Le Président (M. Perreault): Alors, vous terminez la lecture et vous allez en faire la distribution.

Mme Blackburn: Alors, je termine la lecture.

Le Président (M. Perreault): Ça sera déposé, d'accord.

Mme Blackburn: Alors, «"b) pour identifier, y compris par un appariement de fichiers, une situation non déclarée par un prestataire conformément au paragraphe 1° de l'article 65;

«"c) pour vérifier la solvabilité d'une personne qui doit rembourser une somme au ministre en vertu d'une section V du chapitre II ou d'identifier son lieu de résidence;

«"d) pour vérifier la survenance d'un événement ou l'existence d'un droit visés à l'article 35, la date et les modalités de réalisation de ce droit – voilà, tel que libellé, l'article qui apparaît dans le projet de loi.

«"La ministre peut également prendre une telle entente avec le ministère du Développement des ressources humaines du Canada ainsi qu'avec les – rappelons, pour fins de mémoire, qu'il s'agit essentiellement de l'assurance-chômage – ministères et organismes suivants du gouvernement du Québec: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec.

«"La ministre peut, aux fins d'identifier les personnes visées par une entente mentionnée au présent article, communiquer leur nom, date de naissance, sexe, adresse, numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale et numéro de dossier. Le ministère, l'organisme, la personne ou l'entreprise qui reçoit ces renseignements doit les détruire lorsque les fins pour lesquelles ils ont été communiqués sont accomplies, à moins qu'ils n'y aient légalement droit."

«Les membres de la Commission d'accès à l'information me prient de vous informer qu'ils n'entendent pas émettre d'avis défavorable au sujet de ce nouveau libellé.»

M. Sirros: Ça, c'est un avis de?

Mme Blackburn: Alors, voilà. Par souci de transparence, nous avons voulu vous communiquer ces trois documents. C'est regrettable, là, s'il y a eu une mauvaise communication des dossiers, nous allons pouvoir vous les remettre.


Documents déposés

Le Président (M. Perreault): Alors, vous déposez ces documents, Mme la ministre?

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Perreault): Oui.

Mme Blackburn: Nous avons également voulu ajouter aux articles 65.2 et 85.1, à la Loi sur la sécurité du revenu, les papillons que je vous ai annoncés tout à l'heure.

Alors: «À votre demande, les membres de la Commission d'accès à l'information ont pris connaissance d'une proposition d'amendement à la Loi sur la sécurité du revenu que le ministère souhaiterait introduire sous forme de papillon lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi n° 115. Cette proposition d'amendement se lit comme suit».

Alors, ce serait: «65.2 Sont confidentiels tous renseignements nominatifs au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels obtenus dans l'application de la présente loi. Il est interdit à tout fonctionnaire du ministère de la Sécurité du revenu et à tout membre du personnel de la ville de Montréal affecté à l'administration de la présente loi de faire usage d'un tel renseignement à des fins autres que celles prévues pour l'application de la présente loi.

«Il est également interdit aux personnes visées au premier alinéa de communiquer ou de permettre que soit communiqué à une personne qui n'y a pas légalement droit un renseignement obtenu dans l'application de la présente loi ou de permettre à une telle personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement ou d'y avoir accès.

«Quiconque contrevient à l'article 65.2 commet une infraction et est passible d'une amende n'excédant pas 5 000 $.

«Les membres de la Commission me prient de vous aviser qu'ils sont favorables à l'ajout de l'article 65.2 et de la disposition pénale qui s'y rattache. Veuillez agréer», etc.

L'avis de la Commission a été demandé par souci de transparence. Je regrette encore que ça ne se soit pas rendu à vous. Nous avons voulu vous communiquer les trois documents. Non seulement le préavis, l'avis après correction, mais, qui plus est, l'avis qui porte sur un papillon que je n'ai pas encore distribué à mes collègues. Ça, ça s'appelle le souci de la transparence.

Alors, ce que je voudrais vous dire... Il s'est dit... Tout à l'heure, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui reproche aux députés de la partie gouvernementale d'être...

M. Gautrin: Est-ce que vous déposez aussi le troisième document?

Mme Blackburn: Si vous permettez. On va tout faire ça. La députée reproche à la partie gouvernementale d'être plus silencieuse. Moi, je pourrais faire un reproche équivalent: même s'il y en a 10 qui parlent pour dire exactement la même chose, il y a des fois que ça vaudrait peut-être mieux d'être silencieux, parce qu'on a entendu exactement la même chose sur trois thèmes précis, plus une citation, pendant plusieurs heures, hier, en Chambre. Je ne pense pas que ça ait enrichi beaucoup le débat.

Cependant, ce soir, il y a une chose qui a été dite et que j'ai trouvée intéressante: le député de Verdun a enfin compris – en tout cas, lui a compris; j'aimerais bien qu'il en fasse part à ses collègues – que jamais il n'a été question d'une coupure de 150 $. Ça n'existe pas, et qui vise particulièrement...

Des voix: ...

Mme Blackburn: ...et qui vise particulièrement les familles monoparentales. C'est de la démagogie. C'est de la démagogie, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): Oui.

Mme Blackburn: C'est de la démagogie et c'est malheureux, parce que ça donne l'impression que, ou elle fait exprès, ou elle ne comprend pas. Bon. Alors, de deux choses l'une: si elle ne comprend pas, ce n'est pas très glorieux et, si elle fait exprès, ce n'est pas très glorieux non plus. Alors, on va...

Le Président (M. Perreault): En essayant, Mme la ministre, quand même, de rester sur la motion d'entendre...

Mme Blackburn: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Perreault): ...la Commission d'accès à l'information.

(23 h 50)

Mme Blackburn: Parce que probablement que le président de la Commission d'accès à l'information viendrait nous dire qu'il n'y a pas de coupure de 150 $ différente de la situation qui existait antérieurement. La situation actuelle: lorsque vous avez terminé une participation, vous perdez le barème de participation. C'est ça qu'il se passe actuellement. Il n'y a, à cet égard, aucune différence, aucune différence avec ce qui se passe aujourd'hui. Ce que le député de Verdun a compris et qui semble que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne n'ait pas compris, c'est qu'il y a 50 $...

M. Copeman: J'aurais...

Le Président (M. Perreault): Question de règlement, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: L'article 211 de nos règlements, la pertinence. Je vois mal comment les propos de la ministre sont pertinents à la motion qui est devant la commission.

Le Président (M. Perreault): J'imagine que Mme la ministre va nous ramener ça en nous expliquant en quoi ils sont pertinents.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président, on va vous ramener ça à la pertinence. Le président de la Commission d'accès à l'information aurait pu expliquer à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne que la loi actuelle, quant au barème de participant qui touche tous les participants indépendamment de leur statut familial, c'est la même loi qui va s'appliquer le 1er avril. Quand vous avez terminé votre barème de participant, vous n'avez plus de barème de participant. Point à la ligne. Et c'est la loi actuelle. À la différence qu'aujourd'hui, quand ils terminent une participation, ils n'ont plus le barème de participant de 150 $, au 1er avril, quand ils auront terminé leur participation, ils n'auront plus le barème de 120 $.

Voilà, tout le monde est d'accord là-dessus, sauf si... Et c'est ça, la situation. Vous aurez beau essayer d'inventer n'importe quel scénario pour essayer de faire peur à tout le monde, ça n'a pas de bon sens. Je suis très heureuse d'entendre le député de Verdun. La différence, cependant, et je la leur accorde, si la personne qui vient de terminer sa participation à une mesure demande d'être à nouveau reconnue disponible aujourd'hui, elle aurait un 50 $. Alors, si on veut parler de compression, on parlera de 50 $ et non pas de 150 $. Alors, il faut appeler les choses comme elles sont. Parce qu'on aurait pu utiliser ce 150 $ qu'ils utilisent pour essayer de faire peur au monde de la même manière avec la loi actuelle. C'est ça, la loi actuelle, on ne peut pas faire semblant.

Le Président (M. Perreault): Mme la ministre, je dois vous rappeler qu'il vous reste six minutes pour nous expliquer si nous devons ou pas entendre la Commission d'accès à l'information.

Mme Blackburn: Oui, ça va. Oui, M. le Président, et il m'en restera cinq demain matin.

Le Président (M. Perreault): C'est exact.

Mme Blackburn: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Perreault): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président...

Mme Blackburn: Mais, un instant. M. le Président, j'ai essayé de ne pas interrompre les autres lorsqu'ils ont parlé.

M. Gautrin: Non, mais simplement parce que...

Le Président (M. Perreault): Mais sur une question de règlement ou quoi? C'est une question de règlement ou...

M. Gautrin: Oui, je pourrais le faire en fonction de l'article 214, mais je voudrais qu'avant la fin de l'intervention on puisse avoir les documents, qu'elle puisse les déposer, parce qu'on risque d'ajourner la commission avant que le dépôt ne soit accepté, et je pense que ce serait important de l'avoir.


Documents déposés

Le Président (M. Perreault): Est-ce que vous êtes d'accord, Mme la ministre, pour déposer les deux documents?

Mme Blackburn: Oui, M. le Président, nous allons à nouveau les redéposer, le temps de faire faire les photocopies.

Le Président (M. Perreault): Alors, vous pouvez continuer votre intervention, madame.

Mme Blackburn: Alors, ce que le président de la Commission d'accès à l'information pourrait venir nous dire, parce que son personnel connaît assez bien la loi, c'est les informations qu'on vient de livrer à l'effet que, quand vous avez fini une participation, vous n'avez plus le barème de participant. C'est vrai aujourd'hui et ça va être vrai au 1er avril.

Pour ce qui est d'entendre le président de la Commission d'accès à l'information, il nous a livré la totalité de sa réflexion dans un premier document que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne nous a lu quasiment de bout en bout, et nous avons totalement tenu compte de cet avis, et nous sommes allés plus loin. Comme nous sommes allés plus loin encore que ce que nous demandait le président de la Commission d'accès à l'information, je ne doute pas qu'il se demanderait pourquoi il faut le convoquer ici en plus. Parce qu'on a ajouté, par souci d'éviter qu'effectivement ces informations puissent être utilisées autrement ou à mauvais escient. Et nous avons, même si ce n'était pas obligé, rapporté dans la Loi sur la sécurité du revenu une disposition qui apparaît dans la loi du revenu pour s'assurer que les fonctionnaires, les employés du ministère de la Sécurité du revenu n'utilisent pas à mauvais escient les informations ainsi détenues. Nous sommes, à cet égard – vous auriez beau chercher des bebites partout – parfaitement en conformité avec ce qu'il y a dans le... ce que nous a demandé le président de la Commission d'accès à l'information. Nous en avons totalement tenu compte et nous sommes même allés plus loin.

À présent, nous nous étions appuyés sur la disposition qui apparaît dans la Loi sur l'aide financière aux étudiants. La Loi sur l'aide financière aux étudiants fait obligation à un demandeur de déposer son rapport d'impôts, celui de ses parents ou de son conjoint, le cas échéant.

Cependant, ce qu'on nous apprend, c'est que cette disposition, si elle revenait devant la Commission d'accès à l'information, comme le document est obligatoire si vous voulez obtenir de l'aide, il n'est plus facultatif. S'il était facultatif, vous pourriez obtenir de l'aide sans le présenter. Il est obligatoire. Et, comme il est obligatoire, vous ne pouvez pas parler de latitude, votre seule latitude étant de dire: Nous ne demandons pas d'aide financière. Quand nous avons voulu réutiliser la même disposition, c'est qu'on nous a dit qu'à l'avenir, cette disposition-là, elle serait contestée. Elle serait contestée.

À présent, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne lisait tout à l'heure avec beaucoup d'attention le rapport annuel de la Commission d'accès à l'information, d'ailleurs rapport annuel qui, faut-il le rappeler, portait sur l'année financière couverte par le précédent gouvernement, en très grande partie. Et ce qu'elle disait, elle disait: Probablement que le président de la Commission d'accès à l'information avait eu vent d'une volonté d'aller dans cette direction-là. Bien, j'ai des petites nouvelles pour vous autres, là: deux de mes prédécesseurs, deux de mes prédécesseurs, M. le Président, avaient déposé la même demande, exactement la même demande. Il s'agissait de M. Paradis, qui a toujours le sourire très large quand vous abordez ce genre de questions là, et de M. Bourbeau lui-même. Sauf que la façon de procéder, nous, ç'a été de façon plus... plus... plus fine, mieux encadrée, qui laisse moins de place à la dispersion de l'information, et c'est pourquoi ç'a été accepté.

Mais disons tout de suite, disons tout de suite que nous préférons, et de beaucoup, ce moyen de contrôle à celui des boubous macoutes. Et je me permets juste de lire, parce que vous vous êtes payés tout à l'heure la lecture... J'ai entendu au moins 10 fois parler de l'éditorial d'Alain Dubuc. Alors, c'était, le dimanche 16 octobre 1988: «Le projet du gouvernement Bourassa de réformer l'aide sociale est en train de créer une véritable psychose chez une partie de la population. Sortez des chambres. Les méthodes répressives employées par certains fonctionnaires du ministère du Revenu, apparemment avec la bénédiction des autorités, sont telles qu'on en vient à complètement oublier le pourquoi de la réforme. La faille de la présente réforme, c'est qu'on a resserré les mesures de contrôle à un point tel que, dans certains cas, il y a eu harcèlement, pour ne pas dire persécution.

«Quand la nouvelle présidente du Conseil du statut de la femme, Marie Lavigne, et Mme Gagnon-Tremblay disent s'opposer à ce que les enquêteurs du gouvernement poussent leurs investigations jusqu'à dans les chambres à coucher, c'est qu'il y a abus. On continue d'aller dans les chambres à coucher où on s'assure de faire un meilleur contrôle.»

Je pense que personne là-dessus ne va contester que, à tout prendre, c'est une façon peu respectueuse des gens d'assurer un contrôle et de la conformité. On ne peut pas, du même souffle, demander de faire des contrôles puis s'opposer aux mesures de contrôle. On ne peut pas, du même souffle, demander qu'on équilibre les finances publiques, qu'on assainisse les finances publiques et, en même temps, refuser toute coupure. On ne peut pas, du même souffle, prétendre qu'on puisse aider les gens et puis, en même temps, dire: Ce n'est pas vrai que vous l'avez fait.

Je me dis, il y a comme une cohérence. Moi, je comprends le jeu que vous faites, j'ai déjà joué dans ce film-là. J'ai déjà joué dans ce film-là. Cependant, il faut garder...

Une voix: Il est minuit, M. le Président!

Le Président (M. Perreault): Oui, mais...

Mme Blackburn: Il faut essayer de conserver...

Le Président (M. Perreault): Mme la ministre, vous allez devoir terminer d'ici quelques secondes.

Mme Blackburn: Il faut essayer de conserver, chaque fois qu'on prend la parole, un minimum de crédibilité puis de cohérence.

Le Président (M. Perreault): Alors, nous arrivons à la fin de nos travaux. Mme la ministre...

Des voix: Bravo!

Le Président (M. Perreault): Si vous me permettez, Mme la ministre aura encore quelques minutes demain, et nous ajournons sine die. Et je vous rappelle à tous, ceci dit, que nous avons une commission de travail demain, la commission des affaires sociales, à 13 h 30, à la salle RC-161.

(Fin de la séance à 23 h 55)


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