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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 13 mars 1997 - Vol. 35 N° 65

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
Mme Monique Simard
M. Russell Copeman
* Mme Jeannelle Bouffard, CODAS HM et CAP
* Mme Claude Cousineau, idem
* M. Jimmy Boucher, idem
* Mme Monique Beaulne, idem
* Mme Claire Lamarche, idem
* M. James Nelson, idem
* M. Pierre Aubry, La Ligue des propriétaires de Montréal
* M. Guy Lavoie, idem
* M. Pierre-Paul Joubert, idem
* M. Jacques Couture, APQ
* Mme Chantal Côté, idem
* M. Martin Messier, idem
* M. Denis Cusson, BAIL
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue aux membres et aux invités. Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Signori (Blainville) sera remplacée par Mme Simard (La Prairie); M. Williams (Nelligan), par M. Laporte (Outremont).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. L'ordre du jour a été remis. À moins d'avis contraire, je le considère comme adopté. Par rapport à ce qui avait été prévu, je vous souligne un petit changement, quoique, à l'ordre du jour, il est là.

Le Comité d'organisation et de la défense des assistés sociaux de Hochelaga-Maisonneuve devait faire une présentation. L'autre heure était pour le Carrefour d'alimentation et de partage Saint-Barnabé inc. Et on a discuté, puis on a convenu que la présentation se ferait ensemble. Au lieu d'avoir 20 minutes chacun, ce serait 40 minutes pour la présentation, pour l'information des membres de la commission. Il y aura 40 minutes de présentation, les deux groupes ensemble, et je ne vous enlève absolument pas de temps, là. Nous, on est cédulés jusqu'à midi.

Alors, on gagne normalement du temps parce que c'est les mêmes questions, puis, d'après ce que vous m'avez dit, ça fait votre affaire de le faire comme ça, étant donné que vous avez tous travaillé ensemble. Alors, je partagerai, moi – j'alterne de toute façon – jusqu'à épuisement des questions, pour que vous soyez, tout le monde, là, très à l'aise.


Auditions

Alors, Mme Bouffard, c'est vous qui allez nous présenter les gens qui vous accompagnent, et je pense que c'est vous qui commencez la présentation.


Comité d'organisation et de la défense des assistés sociaux de Hochelaga-Maisonneuve (CODAS HM) et Carrefour d'alimentation et de partage (CAP) Saint-Barnabé inc.

Mme Bouffard (Jeannelle): C'est bien. Alors, M. le Président, Mme Harel, mesdames, messieurs, ça me fait plaisir, au nom des gens du quartier Hochelaga-Maisonneuve, de venir vous présenter nos mémoires. Tout d'abord, comme porte-parole, nous avons choisi Mme Claire Lamarche, qui est travailleuse au CAP Saint-Barnabé; M. Jimmy Boucher, qui est un membre actif au niveau du CAP Saint-Barnabé; Mme Monique Beaulne, qui est membre du CODAS Hochelaga-Maisonneuve; Mme Claude Cousineau, qui est une personne ressource qui travaille pour le CODAS Hochelaga-Maisonneuve; M. James Nelson, qui est le président du conseil d'administration du CAP Saint-Barnabé. Moi, je suis Jeannelle Bouffard. Je suis présidente du conseil d'administration du CODAS Hochelaga-Maisonneuve et coordonnatrice du CAP Saint-Barnabé.

Et tous les citoyens et citoyennes qui sont venus avec nous ce matin pour signifier leur appui et leur solidarité au mémoire que nous vous avons présenté, parce que c'est un mémoire qui a été fait collectivement et qui a été... Les deux mémoires ont été reportés auprès des gens. Ils ont été consultés aussi avant que nous les rédigions. Nous sommes conscients également que le délai qui nous était donné pour pouvoir le rédiger était très court, compte tenu du fait que le livre vert est sorti en décembre, à la mi-décembre, qu'il y avait la période des fêtes et qu'il fallait que les mémoires soient arrivés ici, à Québec, le 21 janvier.

Mais, malgré ces courts délais là, on peut considérer que nous avons mis beaucoup de temps pour faire en sorte que les gens puissent se prononcer avec nous sur ce qui est écrit à l'intérieur de ces deux mémoires. Nous avons choisi de vous faire nos présentations pas à partir d'experts, pas à partir des philosophies qui entourent la réforme, mais bien à partir de pratiques-terrain et à partir du vécu des hommes et des femmes du milieu qui vont avoir à vivre les impacts de cette réforme-là, cumulée à d'autres réformes que nous devrons absorber durant les prochains mois et qui sont déjà en cours aussi depuis un certain temps.

Alors, ce qui est certain, c'est que nous avons pris le temps de nous répartir les différents aspects qui nous touchent plus particulièrement. Comment nous allons procéder, c'est que chacune des étapes de notre présentation va être précédée d'un témoignage d'une personne qui a un vécu relié à ces différentes phases de notre présentation. On va regarder la réforme à partir des classes de personnes que ça peut concerner. Ensuite, il y aura le témoignage d'un jeune, le témoignage d'une participante à différentes mesures d'employabilité, le témoignage d'une mère chef de famille et de quelqu'un qui a à animer, à coordonner les activités de participants à des mesures d'employabilité. Et enfin, il y aura la conclusion. Alors, je cède la parole à Mme Cousineau, qui va nous tracer un premier portrait de notre réalité.

Mme Cousineau (Claude): La lecture du livre vert nous pose un problème et on va vous le situer d'emblée. Nous ne pouvons pas être d'accord avec le fait que la Loi sur la sécurité du revenu ou sa réforme classe les gens en bons et en mauvais, classe les prestataires de la sécurité du revenu et décide de l'argent qu'ils auront pour subvenir à leurs besoins en tenant compte du fait que c'est des bons pauvres parce que c'est des gens qui ont des ennuis de santé et que tous les autres, bien, ce n'est pas que c'est des mauvais pauvres, mais, comme par hasard, on leur donne beaucoup moins d'argent pour assurer leurs besoins.

Ça relève aussi d'une autre difficulté. C'est qu'il y a certains des bons pauvres, selon cette classification-là, qui ne sont pas dans la bonne catégorie. Je vous parle des personnes qui ont 55 ans et plus, je vous parle des gens qui ont des rapports médicaux mais d'ordre temporaire, ce que, dans la réforme, on appelle maintenant contrainte temporaire à l'emploi. Et je vous rappelle que ces gens-là, qu'on reconnaît comme étant incapables de travailler, on leur donne quand même environ 95 $, 99 $ de moins qu'à ceux qu'on reconnaît comme étant incapables de travailler sur une longue période. Donc, même à l'intérieur des catégories des bons pauvres, auxquels on ne doit pas toucher, et, si on se permet, donc, de faire les économies sur les mauvais pauvres, il y a des bons pauvres, selon cette catégorisation-là, qui sont aussi maltraités que tous les autres.

Ce que, nous, on a à présenter comme témoignage, c'est qu'il n'y a pas de bons pauvres, il n'y a pas de mauvais pauvres; il y a des gens qui ont besoin d'aide, qui ont des besoins et qui ont une richesse à apporter. Et on trouve inconcevable qu'on décide de répartir la pauvreté à petites doses à des gens différents selon toutes sortes de catégorisation: qu'ils soient jeunes, qu'ils soient vieux, qu'ils soient en santé ou qu'ils ne le soient pas. C'est dans cette perspective-là que les témoignages sont amenés et qu'on vous en centre particulièrement. Il est important de dire que ces catégories-là, on les retrouve dans le traitement qui est fait, on les retrouve dans les prestations qui sont accordées et dans, je dirais, les motivations qu'on sous-entend pour les prestataires.

Je vais laisser la parole à un jeune qui va vous parler de ça a été quoi, son expérience, personnellement, à la sécurité du revenu.

M. Boucher (Jimmy): Bonjour. Je suis âgé de 20 ans, je suis prestataire de l'aide sociale. J'ai lâché l'école pour la bonne raison que je ne voulais pas m'endetter, et, la deuxième, c'est que mon orientation était incertaine. Je ne voulais pas m'envoyer dans n'importe quelle branche pour m'endetter, faire comme une de mes amies. Elle a présentement 27 ans, elle est endettée de 25 000 $, puis, au rythme où elle paie cette dette, elle va se retrouver avec 40 000 $ facilement.

(10 h 20)

Je vais vous faire un petit historique de ma vie, des dernières années. O.K. J'habitais ici, à Québec, mais je ne me voyais pas d'avenir. Je me cherchais du travail, mais il n'y avait absolument rien qui débouchait. Ça fait que j'ai décidé de m'en aller à Montréal. À Montréal, je voyais qu'il y avait plus de business, il y avait plus de commerces, il y avait plus d'avenir pour moi. J'ai cherché, j'ai cherché et je n'ai absolument rien trouvé. J'étais toujours sur l'aide sociale. J'ai demandé à mon agent pour des programmes. Je lui en ai proposé une dizaine. Elle me les a toujours refusés. J'ai demandé pour avoir des programmes au CAP Saint-Barnabé. Elle me les a tous refusés.

Enfin, vers la fin de l'été, à peu près six mois après, je me suis trouvé un programme. J'ai dit à mon agent: Veux veux pas, moi, je le fais. Là, je veux faire de quoi. Je suis tanné de rester les bras croisés. Je faisais partie d'un club de recherche d'emploi à emploi-jeunesse, qui eux m'ont donné un tuyau pour aller suivre une formation comme commis de plancher chez Jean Coutu. J'ai fait ma formation. J'ai fait le stage aussi de 10 semaines. Durant mon stage, j'avais 620 $, le maximum, mais je faisais entre 35 et 48 heures par semaine. C'est du «cheap labour», un peu. Après mon stage, l'employeur m'a engagé pour une durée de six semaines. Il n'y a absolument rien qui garantit l'emploi. Là, je me suis senti carrément abandonné.

Je recherche toujours de l'emploi. Mon agent ne veut absolument rien faire. Je l'appelle presque tous les deux jours, et il n'y a absolument rien. Moi et mon frère, on s'est parlé récemment. On aimerait ça se partir une petite entreprise. J'aimerais ça retourner à l'école au point de vue marketing, au point de vue administration. Mais j'essaie de rejoindre mon agent. Je lui en ai glissé un mot. Et elle m'a répondu qu'elle n'avait pas le temps de parler de ça et elle a raccroché. J'essaie de la rejoindre, et il n'y a absolument rien à faire. Je suis carrément laissé à moi-même. Quoi faire? Je laisse la parole à Mme Claude, Me Claude.

Mme Cousineau (Claude): Moi, je veux juste vous poser trois ou quatre questions parce qu'on ne retrouve pas des réponses très claires dans le livre vert. Quant à la question des jeunes, en quoi les CLE vont être outillés, armés et suffisamment nombreux pour pouvoir répondre aux besoins individuels de chaque personne qu'ils vont avoir le devoir de desservir? Quelle va être la qualité de présence des personnes qui vont travailler à l'intérieur des CLE? Comment peut-on utiliser – j'oserais dire exploiter – l'espoir, le dynamisme des jeunes? C'est ce qu'on a fait à Jimmy et on ne voit rien dans le livre vert qui nous permet de penser que le fait de prendre les jeunes comme première clientèle du parcours va servir à autre chose que d'être engagé sur un EXTRA ou un RADE chez Jean Coutu à travailler deux fois plus de temps, à avoir une petite jobine au salaire à peine supérieur au salaire minimum pendant cinq semaines et de se retrouver à la case départ. On n'a pas de réponse à cette question-là dans le livre vert.

D'autre part, l'absence d'une base volontaire pour le parcours pour les jeunes, le niveau des pénalités nous laissent entendre très clairement un niveau de vie tellement dégradé que c'est des coûts importants qui sont en jeu. Parce que ce n'est pas vrai que les gens peuvent vivre correctement avec 236 $ par mois et moins. Le livre vert ne nous parle pas de si on a prévu les coûts sociaux en termes de débrouillardise, de travail au noir, de petite criminalité, de proxénétisme, etc., je vous en passe. Pour ces questions-là, on n'a pas trouvé les réponses dans le livre vert.

Je cède la parole à Monique, qui va vous parler de la problématique des chefs de familles monoparentales.

Mme Beaulne (Monique): Si vous me permettez, je vais parler debout dans tous les sens du terme. La deuxième priorité dans la clientèle, c'est les familles monoparentales. Je conçoit que 92 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, de sorte que la raison pour laquelle on va prioriser cette clientèle-là, c'est que ça va permettre d'épargner au gouvernement plus d'argent que si on allait voir les familles où il y a deux adultes qui ont des enfants à charge.

Moi, je vais vous expliquer mon vécu comme chef de famille monoparentale. Alors, au départ, on vit l'abandon. Le mari part avec le char. Il s'en va, il a une bonne job, puis, lui, il n'est pas achalé le restant de ses jours. Là, moi, je me ramasse avec deux jeunes enfants, puis là on voudrait que j'aille travailler. Deux jeunes enfants... Alors, je vais vous donner les deux aspects de cette dimension-là, c'est d'abord l'épuisement puis ensuite l'insécurité généralisée.

L'épuisement. Deux journées de travail, on n'a pas besoin de faire des dessins pour personne. Il faut travailler huit heures, rajoute à ça, à chaque bout, une heure, une heure et demie de transport. Puis tu arrives à la maison, l'enfant, il est allé à la garderie, il y a eu des problèmes, ou bien il est malade, ou bien c'est ci, c'est ça. Il y a les repas à faire, il y a les leçons puis les devoirs à faire, etc., puis toute la tâche domestique. La femme, elle se couche le soir, elle est épuisée, elle n'a aucune vie sociale, O.K.?

Ensuite, la question des gardiennes. Moi, mon fils, il avait cinq ans quand j'ai essayé d'aller travailler, puis il n'était pas propre, hein? Il réagissait à la situation familiale, il a le droit. C'est un enfant, il a le droit de vivre puis il a le droit de réagir. Alors, ce qui est arrivé, c'est qu'il n'était pas propre, puis les garderies ne voulaient pas le prendre. Alors, il a fallu qu'en même temps que je voulais allé travailler je trouve une gardienne, une garderie qui le prendrait, puis je l'ai envoyé à une garderie d'enfants handicapés, parce que la garderie cherchait des enfants normaux pour stimuler. Alors, ça a été un problème, O.K.? Bon. Puis là, bien, c'est ça.

Après ça, on est tiraillé parce que le conjoint, il paie la pension, il ne la paie pas, puis là notre chèque est coupé. Alors, si notre chèque est coupé parce qu'on reçoit une pension, etc., on vit dans l'anxiété de se faire couper le chèque par rapport au revenu de travail, etc., puis les argents ne rentrent pas de façon régulière. En tout cas, c'est l'enfer parce qu'on a quand même des dépenses. Puis là on rajoute aujourd'hui un certain pourcentage des médicaments à payer. Tu sais, le petit, à un moment donné, là, il va à l'école, il poigne la grippe, puis là tu arrives à la maison puis ça prend des antibiotiques, puis des sirops pour la toux, puis des ci, puis des ça. Puis là, avec, tu sais, 500 $, 600 $ par mois, toi, il faut que tu paies ça. Bon.

Ensuite, l'enfant il a besoin d'avoir un adulte à la maison qui est calme, qui est reposé, qui est capable de faire face à ses problèmes d'enfant. Mais, quand tu as travaillé huit heures, quand tu t'es arraché les cheveux pour fermer ton budget, tu n'es pas calme puis tu n'es pas reposée, puis tu as peur des réactions de l'enfant parce que tu te sens coupable parce que c'est toi, le parent qui est séparé puis tu te sens coupable de ce que ton enfant est en train de vivre à cause de toi.

Alors, tu n'es pas l'adulte... Puis là, en plus de ça, tu t'en vas voir ton agent puis tu te fais traiter avec mépris pour te faire dire: C'est parce que tu ne veux pas t'aider que tu vas travailler... Mais, pendant ce temps-là, il n'y a aucune démarche qui est faite auprès de l'adulte qui est seul, qui gagne un bon salaire, puis qui mène la belle vie.

Moi, mes enfants, ils allaient chez leur père, ils revenaient en me disant: Maman, papa il nous achète du rosbif, puis, toi, tu nous achètes rien que de la balloune. Comment voulez-vous que je vive ça? Puis vous voulez m'envoyer travailler en plus, pour leur acheter du rosbif? Moi, je leur ai donné de l'amour à mes enfants. Ils n'ont peut-être pas eu de rosbif, mais ils ont eu de l'amour. Sauf que j'ai été psychiatrisée, hein? Parce que c'est dur, une vie comme ça. Ce n'est pas évident.

Alors, la femme qui vit ces situations-là, elle souffre. Puis je ne sais pas si, quand vous avez écrit le livre vert, vous avez pensé à ça, la souffrance des femmes qui ont désiré des enfants, qui ont été abandonnées par les maris puis qui se ramassent avec de jeunes enfants, qui ont envie de les faire vivre, ces enfants-là. La façon équilibrée de faire vivre un enfant, ce n'est pas rien que l'argent, c'est aussi la disponibilité du coeur, la disponibilité de l'esprit. Bon.

Alors, moi, ce que je suggère... Il y a des femmes qui ont besoin d'aller travailler quand même, malgré ça. Moi, ce que je suggère, c'est que ce soit sur une base volontaire et puis une base temporaire. Une femme peut décider de dire: Moi, je m'en vais travailler, je suis fatiguée d'être toujours dans un monde d'enfants, j'ai besoin d'aller travailler. Au bout de six mois, elle peut dire: Je n'en peux plus. Puis elle peut pouvoir revenir à la maison sans se faire pénaliser. Pourquoi être pénalisée? Si votre système était si bien organisé vous n'auriez pas besoin de pénalités, on y adhérerait. Mais on n'y adhère pas. Ça, c'est clair.

(10 h 30)

Bon. Qu'est-ce que qui est fait au niveau du conjoint qui est seul, pour le responsabiliser. Moi, mon mari, il est allé en cour. J'ai demandé la garde des enfants, je l'ai eue, mais il a eu son droit de visite. Il a demandé le droit de visite une fois par semaine. Bon. En sortant de la cour, hein, ça n'a pas pris de temps. Il a dit: C'est un droit, ce n'est pas un devoir. Puis là il venait les chercher quand ça lui tentait. Puis, quand j'avais besoin d'une paire de souliers pour les enfants, bien là il fallait que je lui demande puis là je me faisais écoeurer, O.K.? Mais, tu sais, une paire de souliers à 50 $, es-tu capable de payer ça à tes enfants? Je vais dans les friperies pour le reste, mais les souliers, je trouvais ça important pour la colonne vertébrale de mes enfants. Alors, là, il fallait que je m'humilie. Une femme humiliée, quelle sorte de mère elle fait pour ses enfants?

Vous nous faites des beaux discours sur les enfants. Ah! vous voulez vous occuper des enfants. «C'est-u» beau! Bien, laissez-leur un adulte à la maison. Ça, ça va être la première chose à faire. C'est de ça que l'enfant a besoin en priorité. Et un adulte heureux d'être à la maison et de s'occuper de ses enfants.

Et responsabilisez le conjoint qui est seul. Lui, il a l'argent, lui, il a le temps. Qu'est-ce qui est fait pour l'amener à s'occuper davantage de ses enfants au lieu de les abandonner à la mère? Bien souvent, l'enfant qui est malheureux va se retourner contre le parent qui est là et va dire: Papa ne vient jamais me voir, Papa devait venir et il n'est pas venu. Et c'est qui qui va manger le plat? C'est encore la mère. Et on l'envoie travailler, on lui dit qu'elle n'est pas bonne, qu'elle ne s'aide pas et qu'elle est ci, qu'elle est ci et qu'elle est ça. Ça, c'est les injustices. La dévalorisation. T'es sur l'aide sociale... Moi, j'ai étudié. Je suis allée à l'école, et tout ça, et ça a bien été. Ce n'était pas prévu que mon mari m'abandonnerait. Du jour où on tombe...

En fait, l'insécurité est vécue aussi au niveau des emplois. D'abord, il n'y en a pas. Même quand tu es diplômé, il n'y en a pas plus. Quand on nous envoie, on nous oblige... Parce qu'on n'est pas venu chercher nos adhésions, on n'est pas venu chercher notre motivation; on est venu chercher un besoin de sécurité de la société de voir un paquet de monde qui, apparemment, ne travaille pas... Alors, on nous envoie sur des emplois qui sont des sous-emplois, qui sont du «cheap labour». On vit encore de la dévalorisation. Là, on revient à la maison, et il faut encore amener nos enfants à développer en eux le sentiment de leur estime personnelle. On n'en a même pas pour nous autres. Comment vous allez faire, vous autres?

Alors, je voudrais déboucher sur au moins une affirmation: c'est une base volontaire. Je conçois qu'il y a des femmes, sur des bases temporaires, ou des hommes, qui ont la charge des enfants, qui ont besoin d'aller travailler pour s'aérer et pour se sentir utiles à la société autrement que par le biais des enfants. Mais je demande qu'on abolisse la famille monoparentale comme deuxième priorité de mise en parcours pour un emploi. Ça n'a pas de bon sens. Les enfants ont besoin d'un adulte et l'adulte a besoin de respirer.

Mme Cousineau (Claude): De ce témoignage, moi, je pose les questions en vous disant que je n'ai pas trouvé de réponse sur toute la question des chefs de familles monoparentales, mais toute la question de la famille en général. Un Québec fou de ses enfants, est-ce que c'est encore vrai à l'aube du XXIe siècle? Est-ce qu'on enlève des choix au parent, qu'il soit unique ou biparental, parce qu'il est pauvre? Est-ce que c'est ça, le Québec fou de ses enfants? Est-ce que c'est comme ça qu'on doit comprendre, entre autres, l'obligation de la garderie à temps plein quand on est pauvre? Comment peut-on expliquer que la pension alimentaire n'ait prévu une exemption que de 50 $ par mois pour les enfants de deux ans et plus jusqu'à l'âge de 18 ans? Est-ce que c'est parce qu'on est pauvre qu'on n'a pas le droit au même traitement que celui que les grands-parents ont reçu du ministre de la Justice? Est-ce que ce n'est pas la pauvreté des familles qui détermine la richesse des enfants? Je vais laisser la parole à Claire.

Mme Lamarche (Claire): Bonjour. Moi, j'ai 44 ans et ça fait cinq ans que je suis des programmes. De EXTRA, j'ai fait le RADE, j'ai fait le Stages, là je suis sur PAIE. Quand j'ai commencé, voilà cinq ans, on m'a dit: Ça prend un secondaire V si tu veux avoir une job. Je suis partie, j'ai fait mon secondaire V à Portneuf, pour aller chercher mon diplôme. Au bout d'un an, j'avais mon diplôme. J'ai fait le tour, moi aussi, de la province de Québec pour aller chercher de l'emploi, dans les alentours de Québec, et tout ça. Je n'en trouvais pas.

Ça fait que j'ai décidé de m'en aller à Montréal. Mais je me suis aperçue que Montréal, c'était la jungle à côté d'un petit rang de campagne. Rendue à Montréal, j'essayais de voir un peu partout à quelle place on pouvait m'engager. J'avais 40 ans. Là, ils me disaient: T'es trop vieille. J'arrivais à 40 ans. T'es trop vieille, on ne peut pas t'engager. À une autre place: Non, vu ton âge, il faudrait que tu ailles peut-être à une autre place.

Ça fait que la dépression m'a poignée. Là, je ne sortais plus de la maison pantoute là-bas. Arrivée au temps des fêtes, je manquais de nourriture pour mes enfants. Je me ramasse au CAP Saint-Barnabé. C'était la première fois que j'allais demander de la nourriture pour me dépanner. Ça fait qu'ils m'ont reçue, ils ne m'ont pas jugée. J'ai été chercher... Mais c'est là qu'ils m'ont offert, à cette occasion-là, un autre programme, EXTRA. J'avais le droit d'en faire un autre, vu que j'avais suivi mon cours, il fallait que j'aille chercher de la formation.

Après ça, je suis tombée sur RADE. J'ai fait mon stage en milieu de travail. Pour avoir mon stage, j'ai eu de la misère avec mon agent de l'aide sociale. Il disait que je faisais de l'occupationnel au CAP Saint-Barnabé. Ce n'était pas du travail qu'on faisait; on faisait de l'occupationnel. Là, ensuite, il m'a donné mon stage, mais à la condition que je sois assurée d'avoir mon programme PAIE. Présentement, je fais mon programme PAIE, mais, au bout de six mois, mon programme PAIE, mais que je l'aie fini, c'est quoi qui arrive, rendue à mon âge? Je ne suis pas assurée d'avoir de l'ouvrage.

À la page 52 du livre vert, il est mentionné: «Le rythme d'instauration des parcours individualisés pour l'emploi sera fonction des contraintes budgétaires du gouvernement et devra respecter le cadre financier fixé.» On parle beaucoup des jeunes, c'est beau. On parle beaucoup des mères monoparentales. Mais, nous autres, rendus à notre âge, c'est quoi qui va arriver? Où on s'en va après ça? Je vais laisser la parole à Claude.

Mme Bouffard (Jeannelle): C'est Monique qui va vous ramener une autre situation de travail, parce que vous voyez qu'on est plongé dans le coeur du travail, de la dynamique du travail, de l'emploi, c'est une situation particulière aussi, qui n'est pas nécessairement touchée dans le cadre du livre vert.

Mme Beaulne (Monique): Alors, moi, ce que je comprends, c'est qu'on fait des catégories pour se permettre soit de ne pas verser des montants ou de couper les montants qu'on verse. Il y a la question du travail, il y a des catégories. Travailleur autonome. Il y a des montants qu'on a le droit de gagner si c'est un travail salarié. S'il n'est pas salarié, il n'est plus comptabilisable pour le 100 $ par mois qu'on aurait le droit de gagner, etc.

Moi, je suis en train de vivre une situation, dans le moment, où non seulement on me coupe mon chèque, mais on me demande des remboursements sur des montants que j'ai reçus. Moi, je considère que j'ai travaillé pour obtenir ces montants-là. Je suis écrivain, j'ai écrit un livre. Je reçois des redevances pour ce livre-là. Je considère que c'est un travail. Même si ce n'est pas un salaire d'un capitaliste que je reçois, c'est un travail puis j'ai des dépenses associées à ce travail-là. J'ai acheté un traitement de texte. Ça me prend des feuilles de papier, ça me prend des crayons, ça me prend ci, ça me prend ça. Bon, ça me prend des disquettes. Ça coûte de l'argent, ça. Ça me prend des rubans pour mettre dans mon traitement de texte. Mais je ne peux pas les déduire parce que je ne suis plus comptabilisée, je suis dans la catégorie qu'on appelle «autres», comprenez-vous? Alors, «autres», on m'enlève le montant que je reçois, on me dit que ça ne peut pas être comptabilisé dans le 100 $ par mois que j'aurais le droit de gagner, etc. Donc, on peut tout m'enlever.

Puis, moi, j'ai été psychiatrisée, j'ai été alcoolique. Ça fait sept ans que je ne bois pas, puis j'ai essayé de m'adapter à ma situation. J'ai élevé mes enfants toute seule. J'ai essayé de développer en moi des talents, des ressources, à la maison, pour pouvoir être présente à mes enfants. Je me suis rendue utile à ma société. Puis ce qu'on me dit, c'est que, premièrement, élever des enfants, ce n'est pas valable, puis, deuxièmement, écrire, ce n'est pas valable. C'est ça qu'on me dit. Alors, vous aurez beau avoir des beaux discours...

Moi, ce que je dis, c'est que, si vous abolissez les catégories, vous donnez... Le travail, à ce moment-là, devient accessible à tout le monde.

Mme Bouffard (Jeannelle): C'est James Nelson qui va, par la suite, vous parler un peu de notre perspective sur le travail, parce qu'on a déjà un travail, une réflexion faite collectivement, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, sur le parcours d'insertion.

(10 h 40)

M. Nelson (James): Oui, bonjour. C'est ça. Bon, président du CAP Saint-Barnabé, mais aussi ça fait quatre ans et demi que je travaille au chic Resto Pop, comme agent d'animation et de formation. Ça fait quatre ans et demi qu'on travaille au niveau du parcours d'insertion des personnes, puis on est aussi impliqué dans le quartier, comme Jeannelle l'a dit, à instaurer un parcours d'insertion qui va réellement le plus possible placer des personnes à l'emploi.

Nous autres, on s'aperçoit qu'à travers les programmes des personnes, bon, premièrement, on s'est instauré une façon de penser, de dire que, quand on est sur l'aide sociale puis qu'on va participer à une mesure EXTRA ou à une mesure RADE ou «whatsoever» mesure avec laquelle on travaille pour gagner notre chèque, ce n'est pas de l'occupationnel, tu sais. Je veux dire, les personnes qui, bon, je prends l'exemple du chic Resto Pop, nettoient la vaisselle, font des milliers de repas, etc., ce n'est pas de l'occupationnel, vraiment pas; c'est vraiment de la production qu'ils font pour les gens du quartier. Quand les personnes vont dans des haltes-garderies et gardent des enfants, là, ce n'est pas de l'occupationnel; vraiment elles travaillent.

Ça fait que c'est une façon de penser, de se dire: Bon. Il n'y en a pas, de travail. Bien, on va voir ça comme notre travail. Premièrement, c'est plus valorisant de dire que je ne suis pas rien qu'un BS qui reçoit son chèque en regardant la TV et en se grattant le nombril, tu sais, mais je travaille, puis... C'est ça.

Mais, en travaillant avec les personnes à travers les programmes, bon, naturellement, c'est la ronde des programmes, hein, parce qu'il n'y a pas d'emplois de débloqués nulle part. Puis la question, elle reste un peu là. C'est que c'est bien beau, le parcours d'insertion. Je pense que tout le quartier au complet est en super accord avec le parcours d'insertion. Ça fait des années qu'on travaille là-dessus à essayer d'élaborer des façons pour le plus possible intégrer les personnes à l'emploi, mais le problème, c'est que, avec toutes les coupures qui se passent, que ce soit aux divers niveaux, au niveau, bon, des fonctions publiques, des entreprises privées, partout ça tombe comme des mouches, comme on dirait. Bien comment les emplois vont vraiment débloquer?

Parce que, quand on parle, dans le parcours, d'associer les personnes ou les groupes ou etc. pour venir à trouver des façons pour débloquer des énergies, des fonds, etc., pour créer de l'emploi, c'est ça qu'on fait depuis des années dans le quartier puis ça ne débloque pas nécessairement, le nombre d'emplois dont on a besoin dans le quartier. Quand on regarde l'économie sociale et qu'ils disent: Il faut que vous génériez des profits pour que les groupes puissent être dans le principe de l'économie sociale, bien là on dit: C'est quoi qui se passe? Où c'est que les fonds vont être réellement débloqués? Quelle énergie va être vraiment débloquée? Qui va mettre ses culottes, autant dire, pour faire qu'il y ait réellement de l'emploi?

Voilà deux ans, un an, un an et demie, pour le dixième anniversaire du chic Resto Pop, on a fait le forum de l'employabilité et le parlement des exclus. Dans un effort de quartier, on a proposé des démarches à suivre, selon nos idées, selon nos études, en tant que quartier, des activités à faire pour faire avancer des choses au niveau de l'emploi, mais il n'y a rien qui débloque dans ce sens-là, que ce soit éliminer le temps supplémentaire...

On sait très bien que, quand une entreprise fait faire beaucoup de temps supplémentaire à ses employés, il y a un top, il y a un quota de DAS, de déductions à la source, que l'entreprise doit payer, puis c'est pour ça qu'elle leur fait faire du temps supplémentaire, tu sais. Bon.

Au niveau d'une réforme de la fiscalité, ça serait très bien de regarder pour venir à créer de l'emploi. Mais c'est évident que, s'il y a un parcours d'insertion puis qu'il n'y a pas d'emplois au bout... Bien, je te dis: Cours, cours comme un malade, mais je ne te garantis rien au bout, ce n'est pas évident que ça va te tenter de courir. Je te dis: Viens faire le ménage chez nous, puis peut-être que je vais te payer, là. Viens pelleter la piscine chez nous, puis peut-être que je vais te payer. Je ne garantis pas que tu vas venir pelleter, tu sais. Ce n'est pas évident. Puis que ce soit n'importe qui. Ça fait que je pense que c'est beau, le parcours, mais l'élément motivateur, c'est la carotte au bout, puis le gros manque, c'est la carotte. Merci.

Mme Bouffard (Jeannelle): Pour ramasser un peu nos idées, ce qu'on pressent et ce qu'on commence à vivre beaucoup dans le quartier... Parce qu'il faut se dire que nos deux organismes mis ensemble reçoivent dans leurs locaux et dans le fil de leurs activités au-delà de 6 500 personnes du quartier Hochelaga. Alors, c'est des hommes et des femmes qui sont, d'après nous, des citoyens et des citoyennes à part entière et que nous respectons au plus haut point et qui valent la peine d'être soutenus dans leur marche vers la dignité.

Mais ce qu'on vit à leur contact, c'est qu'on s'aperçoit que ce n'est pas facile de recréer cette estime d'eux qu'ils perdent au fil des coupures qu'on leur fait vivre. Ils n'ont même plus le goût de se battre parce que, finalement, ils n'en ont plus les moyens, ils ne croient plus en leur potentiel, en leur pouvoir. On les voit s'appauvrir de plus en plus.

On lisait, dans la conclusion, dans des annexes du livre vert, le tableau des besoins essentiels reconnus, en 1996, pour les personnes seules. Prenons juste cet exemple-là. On nous dit que ça prend 667 $ par mois. Tout n'est pas compris là-dedans. Les gens reçoivent 500 $ quand ils n'ont pas de coupure. Alors, déjà, en partant, il y a une très grande difficulté pour arriver. Et on s'aperçoit, dans les coupures que les gens ont vécues au niveau de l'assurance-médicaments, qu'ils ne prennent plus leurs médicaments.

Les gens ont de sérieux problèmes au niveau psychologique, et c'est notre clientèle, c'est les gens qui fréquentent nos groupes dans le quotidien, ça. Il y a de plus en plus de gens qui vont fuir dans les drogues, dans les alcools parce qu'ils n'ont plus de but, ils n'ont plus d'espoir, des jeunes qui ont perdu le goût de vivre parce qu'ils n'ont plus la possibilité de rêver dans quelque chose de possible pour eux. Et on se demande dans le fond quelle sorte de pays on peut bâtir... avec des gens qui ne sont pas des minus. Ce sont des êtres humains. Ils valent la peine. Ils sont des citoyens et des citoyennes à part entière.

Puis, en se préparant pour venir ici, on prenait conscience que, finalement, puis dans toutes nos luttes quotidiennes... Parce qu'on est des organismes où on essaie de travailler beaucoup sur la prise en charge des personnes sur leur devenir, sur leur croissance, puis on se disait, dans le fond: Du pouvoir, aie! on en a. Il faut qu'on en ait, du pouvoir, ça ne se peut pas. Si on n'a pas de pouvoir, on n'est pas un citoyen. Si on n'est pas un citoyen, on n'est pas un être humain. Il faut avoir du pouvoir. Bien là on se disait: Bien, si on porte vraiment le nom de citoyen, notre pouvoir premier, on l'exerce quand on vote. Donc, si on vote, c'est qu'on élit des représentants pour qu'ils prennent notre défense, pour qu'ils parlent en notre nom, pour qu'ils se préoccupent de nos besoins, qu'ils nous assurent, dans le fond, une qualité de vie minimale.

Mais notre grande inquiétude actuellement, c'est qu'on se demande si nos élus eux-mêmes ont du pouvoir. Est-ce que leur pouvoir n'est pas remis entre les mains des financiers? Alors, si nos élus n'ont plus de pouvoir, quel pouvoir nous reste-t-il? Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue. Vous venez à Québec par une journée ensoleillée. Je ne sais pas si vous allez rester un peu plus tard après... Avez-vous l'intention de retourner immédiatement après dans le quartier?

Mme Bouffard (Jeannelle): Bien oui, notre autobus nous ramène à Montréal pour 17 heures.

Mme Harel: Vous ramène tout de suite.

Mme Bouffard (Jeannelle): On va dîner à la DDS.

Mme Harel: Bon. Alors, écoutez, il y a bien des choses qui se sont dites. Alors, je vais aller à l'essentiel parce qu'il y a peut-être de mes collègues aussi qui vont vouloir échanger avec vous.

Peut-être un élément important, là, à camper dans tout ça. J'ai lu les deux mémoires. Je sais le travail qui se fait dans le quartier par le CAP Saint-Barnabé. Carole Poirier, qui est ici aujourd'hui, est, je pense, une collaboratrice de tous les instants, n'est-ce pas? Et je sais aussi le travail qui se fait avec la CODAS. D'ailleurs, Me Cousineau est venue nous l'expliquer il y a deux semaines ou trois maintenant. Il y a un mois maintenant? Alors, il y a déjà un mois que vous étiez en commission parlementaire. Vous voyez comme ça fait longtemps que l'on siège, depuis le 29 janvier.

(10 h 50)

Alors, c'est 4 200 000 000 $, 4 000 000 000 $, le budget de l'aide sociale. Quand je lisais les deux mémoires, je me disais que, si on s'inspirait de ce qui se fait chez nos voisins du sud ou d'à côté, que ce soient les Américains ou les Ontariens, s'il fallait s'en inspirer, là, vraiment, ce serait l'enfer à côté de ce que vous décrivez. Parce que, chez nos voisins américains, imaginez-vous que cet été ils ont décidé que l'aide sociale, ça allait durer cinq ans et qu'après ça allait être fini pour le reste de la vie, et puis, après cinq ans, c'était assez. Soyez convaincus que ce n'est pas ça qui va nous inspirer. Les Ontariens... Je ne sais pas si vous avez appris que c'est, finalement, les locataires qui vont payer une grande partie de l'aide sociale, puisque le gouvernement ontarien a décidé de faire financer à 50 % par les municipalités. 50 % par les municipalités, imaginez-vous que ça ne coûterait pas cher à Westmount mais que ça coûterait pas mal cher à Verdun puis que ça coûterait pas mal cher à Montréal.

Alors, on est, avec le livre vert... Ça va peut-être vous surprendre, mais on s'est inspiré de ce qui se fait de plus progressiste dans les pays démocratiques, qui sont des pays comme la Suède, le Danemark, la Norvège, où ces pays, finalement, ont choisi de considérer qu'il fallait qu'ils s'occupent de leurs chômeurs.

Et, moi, je vous dis tout de suite que les catégorisations... Parce que ce que j'ai entendu. Ce que je reçois, ce matin, de ce que vous me dites, c'est que le système actuel ne marche pas. Parce que ce que Jimmy nous a décrit de ce qui s'est passé l'été passé et de ce qui s'est passé avec son agent, c'est dans le système actuel, ça. Puis ce que Monique nous a décrit, c'est dans le système actuel aussi. Puis ce que Claire nous a décrit avec ses cinq tournages en rond dans les mesures d'employabilité, c'est dans le système actuel aussi.

Alors, moi, ce que je vous rappelle, c'est que, dans le système actuel, il y a une catégorie qui est monstrueuse parce que c'est une catégorie qui va chercher des personnes qui n'auraient pas à s'y retrouver, notamment les personnes handicapées et les personnes qui ont une déficience qui ne veulent pas se faire considérer comme inaptes mais qui ont pourtant des contraintes à l'emploi qu'on doit absolument considérer. Et elles sont prises dans une sorte de contradiction, à savoir que, si elles veulent avoir un soutien financier, il faut qu'elles se fassent considérer comme inaptes; si elles se font considérer comme aptes, elles peuvent perdre leur soutien financier et perdre l'avantage que ça peut procurer, qu'on tienne compte de leurs contraintes.

Au minimum, il faut que vous reconnaissiez que, dans ce qui est proposé dans le livre vert... Puis vert, comme je le dis souvent... Pourquoi c'est vert? Vert, c'est différent de blanc. Un livre blanc, au gouvernement, ça veut dire que c'est décidé. Vert, ça veut dire que c'est ouvert au changement. Ça veut dire qu'il y a encore moyen de faire des changements.

Et je vous rappelle que ce qui est proposé, justement, c'est de tenir compte des contraintes à l'emploi des personnes qui peuvent avoir un handicap ou une déficience sans qu'elles soient considérées comme invalides et de faire en sorte que les personnes qui, elles, ont une invalidité... Puis ça, l'invalidité, il y a bien du monde dans notre société qui travaillent et puis, pendant qu'ils travaillent, ils sont aux prises avec une invalidité. Je recevais, il y a deux semaines maintenant, un concierge de la CECM, qui est venu, sur la rue Ontario, me dire: Écoutez, avec toutes les maladies que j'ai, aidez-moi, je veux me faire reconnaître invalide par la Régie des rentes. Il n'y a pas à dire, le mot «invalidité», ça correspond à ce que des gens sentent qu'ils ont besoin de faire reconnaître par l'ensemble de la société parce que c'est ça, leur situation. Ça vaut autant pour des gens qui étaient sur le marché du travail que pour des gens qui n'y étaient pas.

Alors, ce qui est proposé, c'est que les personnes ont le choix de se faire reconnaître invalides, et à partir de là d'être administrées par la Régie des rentes, avec les mêmes besoins spéciaux et avec les mêmes barèmes, mais de se faire reconnaître comme étant en besoin de protection sociale pour le reste de leur vie, quasiment. Elles pourront changer d'idée, mais c'est évident que, à ce moment-là, ce sera exceptionnel. Ça, on le sait bien, parce que, à partir du moment où on se considère invalide ou à partir du moment où on veut que son grand enfant qui est sous sa protection soit reconnu comme invalide, c'est parce qu'on considère que c'est une situation qui a un caractère plus permanent.

Donc, à partir du moment où il y a une allocation pour contraintes à l'emploi, cette allocation va reconnaître qu'il y a des personnes qui sont aptes même si elles ont une déficience ou un handicap. Ça, premier niveau.

Peut-être, l'autre chose que je peux vous dire, c'est qu'il n'y en a pas, de miracle. S'il y avait des solutions faciles, vous savez, elles auraient été trouvées depuis longtemps. Moi, je sais juste une chose: on ne peut pas traîner le système actuel d'employabilité, parce qu'il arrive ce que vous décrivez. Il arrive, finalement, qu'il s'agit de mesures désignées par l'agent. La personne ne fait pas ce qu'elle veut là-dedans. Dans la loi 37, ce n'est pas un parcours. Le parcours, n'oubliez pas, c'est personnel, ça. Le parcours, c'est un projet personnel. Le parcours, c'est, pour Jimmy, de pouvoir, par exemple, dire qu'il voudrait retourner à l'école. Ou il a parlé d'une petite entreprise. Je ne sais pas si Jimmy est allé sur la rue Ontario, au Carrefour jeunesse-emploi, au Parcours, justement, qui s'appelle Le Parcours, je pense que peut-être, Jimmy, que ça vaudrait la peine d'aller voir de ce côté-là. Parce que, justement, l'idée du parcours, elle est en train de se réaliser avec le Carrefour jeunesse-emploi Hochelaga-Maisonneuve.

Et je pense... Simplement, vous dire: Comment imaginer rester dans le statu quo actuel? Il me semble que ce qui peut arriver de mieux, c'est de donner du pouvoir, justement, aux quartiers, du pouvoir avec le CLE. Le CLE, ce n'est pas le centre Travail-Québec avec un nouveau nom. Le CLE, le centre local pour l'économie et l'emploi, c'est à la fois ouvrir, d'abord, avec des nouveaux conseillers... Les agents dont on parle maintenant s'occupent d'aide financière. Puis ce qui était mélangé avec la loi 37, c'était qu'ils faisaient en même temps l'aide financière puis l'employabilité. Vous savez sûrement que, dans le livre vert, c'est complètement séparé. D'un côté, l'aide financière, puis il va y avoir, complètement séparé, distinct, dans un module, un conseiller à l'emploi qui va relever d'Emploi Québec et qui va s'occuper des personnes indépendamment de leur étiquette.

Présentement, vous avez un système juste pour les personnes assistées sociales, puis un autre système pour celles qui sont prestataires de l'assurance-emploi, puis un autre système pour celles qui travaillent. Et celles qui sont sur l'aide sociale n'ont même pas accès aux programmes que les autres peuvent obtenir. Quand, tantôt, Jimmy parlait de son agent qui est débordé, c'est évident que, présentement, les agents font tout en même temps, c'est ça qui n'a pas de bon sens, ça n'a pas d'allure. Et puis, en même temps, vous êtes conscients qu'il y avait une sorte d'exclusion de l'ensemble des autres politiques de main-d'oeuvre, parce que les personnes assistées sociales étaient mises de côté. Les programmes de la SQDM et les programmes qui étaient offerts aux autres chômeurs ne l'étaient pas.

Alors, moi, je pense qu'il faut regarder la réforme pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un moyen de se réorganiser, de donner du pouvoir au niveau des quartiers, des MRC pour les autres régions du Québec, un moyen de se donner un plan local d'action concerté pour l'économie et l'emploi, un moyen, aussi, de rendre les partenaires du milieu décisionnels sur le fonds. Là, présentement, c'est des programmes comme Claire les a décrits. Là, il va y avoir un fonds pour chaque quartier. Alors, à partir du fonds, les gens du milieu vont décider pour quelles priorités ce fonds-là va être dépensé. J'ai l'impression qu'il faut regarder la réforme pas avec les yeux de ce qui se passe présentement dans la loi 37, mais avec ce que ça va changer à partir de maintenant. Je vous laisse réagir à ça.

(11 heures)

Mme Bouffard (Jeannelle): Bien, c'est sûr que le type de programme qu'on vit actuellement, ce n'est pas l'idéal, on en est conscients. Mais notre question demeure quand même parce que, en bout de ligne, on n'entend pas parler de création d'emplois. Et, moi, je me dis: Qu'on prenne le parcours qu'on voudra, s'il n'y a pas plus d'emplois en bout de ligne, ça va donner quoi aux personnes? Je pense que c'est un problème majeur.

On travaille beaucoup dans le milieu. On veut donner un grand pouvoir aux quartiers. C'est vrai. Mais, là encore, il va y avoir... Ce qu'on ressent actuellement, c'est qu'il y a moins d'argent dans les quartiers à se distribuer entre une grande brochette de groupes. Alors, la même part du gâteau ou une plus petite part du gâteau va être à séparer. On risque de vivre de la division entre les groupes pour se répartir ces argents-là à partir des priorités.

Et on sait très bien que les groupes actuellement ont de la difficulté aussi à vivre puis sont des lieux potentiels où il y a des emplois qui peuvent se créer, mais ce n'est pas reconnu comme tel. Ou vous allez me parler d'économie sociale? Oui, mais à la condition qu'on engendre des bénéfices. Puis il y a des types de travail puis d'intervention dans les milieux qui ne pourront jamais engendrer de bénéfices.

Alors, on a le problème de l'emploi qui reste entier. Et puis on a le problème de moins d'argent à se distribuer entre nous, puis ça, on le vit très, très concrètement actuellement, dès maintenant, dans ce qui est après se mettre en place, petit pas à petit pas, dans nos quartiers, autour de toute cette réforme-là. Il y en a quand même des parcelles de déjà appliquées. Alors, on sent un très grand malaise puis on sent un grand danger de division du milieu communautaire, de dénaturation, aussi, du milieu communautaire.

Ensuite, pour ce qui concerne les CLE, en tout cas, je pense que ça peut être bien intéressant que les jeunes puissent rencontrer quelqu'un qui va les recevoir; les jeunes puis les gens de toutes les catégories, mais là on a ciblé prioritairement les jeunes, ensuite les femmes chefs de famille. C'est que, dans le livre vert, c'est bien dit que, après ça, on va voir aux autres catégories de personnes s'il reste de l'argent.

Mais, en attendant, tout ce monde-là va faire quoi? On «va-tu» être capable de rencontrer tous ces gens-là? De leur offrir à tous un travail? C'est comme une illusion. C'est que, quelque part, il y a un paquet de monde qui va être évincé à l'intérieur de cette réforme-là. C'est un des grands malaises, en tout cas, qu'on ressent.

Mme Harel: Mais je pense qu'il y a comme une confusion, là. Il y a un malentendu. Le parcours, c'est un parcours personnel. C'est un projet de vie. Vous ne me direz pas que l'espérance d'emploi, ça ne se travaille pas comme l'espérance de vie, ça.

Vous savez qu'il y a, d'abord, un nouveau régime d'apprentissage qui va au moins corriger une anomalie qui n'a pas de bon sens avec le décrochage scolaire, des garçons en particulier, dans nos quartiers. Le régime d'apprentissage, ça va être une autre manière de se faire diplômer. Parce qu'on va au moins accepter qu'il y a des jeunes qui ne rentrent pas dans le monde des adultes par l'école, qui rentrent dans le monde des adultes en travaillant. Mais on va dorénavant leur permettre de le faire en ayant un métier, en apprenant un métier puis en étant reconnus à part entière par le ministère de l'Éducation. Et puis l'économie sociale, vous savez très bien qu'il va y avoir une politique distincte de reconnaissance de l'action communautaire autonome.

L'action communautaire autonome. Vous parliez tantôt de l'action communautaire autonome. Il y a eu quand même pour 9 000 000 $ de plus, cette année, de financement dans les organismes communautaires autonomes. Je ne parle même pas du communautaire en main-d'oeuvre, employabilité, comme, par exemple, les organismes du développement local, là. Et je ne vous parle pas d'économie sociale. Je ne vous parle pas d'entreprise d'insertion comme Boulot vers. Je vous parle du 9 000 000 $. D'ailleurs, je comprends que même le CAP en a bénéficié avec une permanence qu'il n'aurait pas pu avoir auparavant. Alors, il y a un financement dans l'action communautaire autonome qui est quand même considérable.

Il va y avoir l'économie sociale et les entreprises d'insertion. Vous dites: Il n'y en a pas, d'ouvrage. Mais savez-vous que juste Boulot vers, juste SOS Vélo, dans notre quartier, juste le tourisme Hochelaga-Maisonneuve... Par exemple, Boulot vers, on dit qu'à la sortie 75 % des jeunes qui vont à Boulot vers se trouvent un emploi ou se trouvent une activité de formation qui les remet dans le circuit de manière permanente. Et ça, c'est les dernières études. Puis Boulot vers fait une porte ouverte, d'ailleurs, vendredi et samedi, cette semaine, dans notre quartier.

Alors, moi, je pense sincèrement, Mme Bouffard, qu'il faille un peu secouer cette idée qu'il n'y a rien à faire. Je la trouve très, très dangereuse, cette idée qu'il n'y a rien à faire. De l'alphabétisation, ça en fait partie du parcours. Ce que vous revendiquiez tantôt, là, comme... Notamment, M. Nelson, c'était intéressant ce que vous disiez, ce que vous revendiquez comme reconnaissance comme travail, de ce qui se fait à Resto Pop. Resto, ç'en est, de l'économie sociale. Le CAP, c'est de l'action communautaire autonome. Bon.

Mais, à partir du moment où il y a, finalement, dans l'économie sociale, un financement qui va faire en sorte que ce ne sera plus sur des mesures où les personnes vont garder une étiquette d'assistées, comme c'est le cas maintenant, qu'on va au moins en sortir, de ça, et que les gens vont avoir un statut de travail avec un statut de travailleurs à plein... Comment dire que ça ne vaut pas la peine de changer? Je n'arrive pas à vous suivre là-dessus.

Mme Cousineau (Claude): Si vous me permettez, puis je vais laisser parler Jimmy et du Carrefour jeunesse-emploi et du Boulot vers. Ça fait partie de sa recherche et de son parcours à lui. Je vous rappellerais juste quelques éléments. La loi 37 n'a pas toujours eu juste un agent pour gérer toutes les facettes de la vie d'un prestataire de la sécurité du revenu. Il y a une époque où il y avait un agent d'aide socioéconomique et un agent de développement d'employabilité.

Il y a eu une époque, aussi, où les plans d'action n'étaient pas dactylographiés, préimprimés, ne demandant, n'exigeant que la signature du prestataire. Il y a eu une époque où on lui demandait ce qu'il voulait faire. Donc, on nous dit que ça va peut-être libérer les choses qu'il y ait deux agents, sauf que le danger... La sanction qui est associée au parcours individuel veut dire que, oui, il va y avoir un agent d'aide économique, il va y avoir un conseiller en emploi, mais ce n'est pas clairement défini qui va faire le contrôle de la sanction du parcours, parce que, si c'est le conseiller, on vient encore de confondre un fonctionnaire dans deux rôles, c'est-à-dire un rôle de contrôle puis un rôle de conseiller. Je suis désolée. Alternativement, une mère de famille peut être celle qui chicane et celle qui réconforte, mais ça ne dure pas très longtemps quand on confond les deux rôles.

D'autre part, sur la question du régime d'apprentissage, je vous rappellerais juste – parce que, moi, je vis sur la rive sud... Pratt & Whitney, n'est-ce pas, avait un régime d'apprentissage, c'est-à-dire que... J'ai plein d'amis, moi, qui sont sortis, puis qui sont rentrés en secondaire V dans la fameuse usine puis qui ont eu un cours. Ils ont eu un cours, mais ils avaient une job. Ils étaient salariés.

Bref, il y avait des emplois qui étaient de technologie de pointe, et les employeurs trouvaient suffisamment intéressant d'engager des personnes et de leur donner une formation parce qu'ils avaient besoin d'eux pour le travail. Je me questionne. Ce n'est pas 120 ans plus tard, là; c'est 10, 15 ans plus tard. Ce qu'on nous dit, c'est qu'il va y avoir un régime d'apprentissage. Comme je vous dis, ce n'est pas si nouveau que ça. Les employeurs l'ont fait allégrement, il y a 15 et 20 ans. Sauf que c'est quoi, leur statut?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais en alternance. Alors...

Mme Loiselle: Je pense qu'il y a M. Jimmy qui voulait intervenir avant, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, une courte intervention.

M. Boucher (Jimmy): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte intervention, oui.

M. Boucher (Jimmy): Oui. Oui, oui. Oui, oui. O.K. Le choix personnel étant ce que l'on veut, O.K., mais le cher Boulot vers, moi, j'y ai été. Je l'ai proposé à mon agent. Mon agent me l'a refusé. SOS Vélo aussi, elle me l'a refusé. Pourquoi? Je ne le sais pas. Mais Boulot vers, c'était vraiment la dernière porte, là, une des dernières portes qu'il me restait à ouvrir.

Moi, ça ne me tente pas de scier des planches à longueur de journée. Je ne suis pas habile de mes mains pour ça. Est-ce qu'on va forcer un jeune à faire ça ou on va lui donner une bonne orientation? Mais, comme, moi, l'année passée, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire... Bon, là, aujourd'hui, c'est plus précis. Mais l'orientation, on... Oui?

Mme Harel: Tu as dit que tu as demandé d'y aller, et ils t'ont dit non, mais tu ne voulais pas y aller, en même temps. Ça t'intéressait? En fait...

M. Boucher (Jimmy): Je voulais travailler. Je voulais faire de quoi de ma peau, mais...

Mme Harel: ...tu voulais faire quelque chose? Tu voulais faire quelque chose?

M. Boucher (Jimmy): C'est ça. Je ne voulais plus rester chez moi à ne rien faire. C'est ça. Je ne voulais plus rester chez moi à ne rien faire, à écouter la télévision.

Mme Harel: Hum, hum. Mais là tu me parles du système actuel, là. Tu me parles de la loi 37 actuelle. Tu me parles de ce qu'il faut changer actuellement.

M. Boucher (Jimmy): Bien...

Mme Harel: Le parcours, là, ce n'est pas une mesure d'employabilité, ça. Actuellement, c'est l'agent qui désigne la mesure.

M. Boucher (Jimmy): O.K.

Mme Harel: La preuve, c'est que, quand il dit non, tu ne peux pas le faire. Le parcours, c'est ce que tu fais avec ton agent. Est-ce que tu as lu le livre vert, à la page 42, quand il parle du parcours?

M. Boucher (Jimmy): Ouais, un petit peu. Je l'ai feuilleté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, monsieur. J'y vais quand même en alternance, là. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(11 h 10)

Mme Loiselle: On va essayer l'alternance, M. le Président. Merci. Bonjour, bienvenue. Vous savez, même si on fait des comparaisons... On se compare avec les États-Unis, ce qui se fait aux États-Unis, ce qui se fait en Ontario. Il faut dire qu'aux États-Unis il y a moins de 5 % du taux de chômage, et puis, si on se compare avec le Québec, c'est presque trois fois. Alors, je pense que c'est bien difficile de faire une comparaison qui est justifiable.

Et, même si on fait des comparaisons, ça ne change pas la réalité des gens, ce qui se vit, finalement, la réalité du quotidien des gens au Québec. Et il faut regarder toutes les coupures qui ont eu lieu depuis deux ans, aussi, qui ont appauvri davantage les gens à l'aide sociale au Québec. Je pense qu'on ne peut pas analyser le livre vert sans regarder les impacts, les conséquences, dans la vie de tous les jours, de ces compressions-là qui ont eu lieu. Quand on enlève un barème, quand on l'abaisse, c'est beau en termes. Ce que ça veut dire dans la réalité, c'est que c'est de l'argent de moins dans les poches des gens. Dès qu'on touche aux barèmes, dites-vous le tout de suite, c'est le prestataire qui est perdant. Ça, c'est sûr. Alors, quand on dit: On simplifie les barèmes, quelque part, c'est les prestataires qui vont avoir moins d'argent dans leurs poches.

Quand on parle de parcours, il n'y a personne, ici, qui est venu dénoncer le parcours. Tout le monde, tous les groupes ont dit: Ça semble avoir du sens, le parcours. Ce qui n'a pas de sens, c'est l'obligation, la pénalité, parce qu'il n'y en a pas, de jobs. Parce que ce qui se vit actuellement au Québec, ce sont des pertes d'emplois. Chaque semaine – vous voyez dans les journaux ce qui se passe – il y a des pertes d'emplois, il y a des compagnies qui ferment, il y a des compagnies qui plient bagages puis qui s'en vont, qui quittent le Québec. Mais ça, qui vit cette réalité-là? C'est les gens. Alors, les gens disent: Écoutez, votre parcours, il est bien beau...

Même, hier, il y a un groupe, dans leur mémoire... La Coalition pour la survie des programmes sociaux nous lisait, dans leur mémoire, les objectifs de la loi 37 et le livre vert, et, quand on compare les deux textes, c'est presque la même même chose. Ils nous disaient: Écoutez, vous rebaptisez les choses. D'autres groupes nous ont dit: Vous changez de langage, vous changez les mots, mais, quelque part, c'est la même chose, parce qu'il n'y en a pas, d'emplois. Il y a un monsieur qui est venu nous dire: Combien de parcours, moi, je vais faire avant que, en bout de piste, j'aie une job? On n'a pas eu de réponse à ça.

Alors, la question qu'il faut se poser, c'est: Pourquoi imposer la pénalité et tout le caractère obligatoire et pourquoi cibler les jeunes et cibler les femmes? Les groupes sont venus nous dire: C'est discriminatoire de faire ça. Si vous nous dites: On est maintenant des gens à part entière – vous le dites partout dans votre document – bien, si on est des gens à part entière comme les autres citoyens du Québec, pourquoi cet aspect discriminatoire, de nous cibler, nous, les femmes, ou de nous cibler, nous, les jeunes?

Je veux revenir sur le régime d'apprentissage parce qu'il y a eu un échange entre la ministre et vous. Le gouvernement mise beaucoup sur le régime d'apprentissage dans ses mesures de formation, mais le Conseil du patronat, appuyé par les centrales syndicales et appuyé hier par la Fédération des cégeps du Québec, est venu nous dire que, oui, il y avait eu une entente pour 1 000 stages en régime apprentissage, priorité aux étudiants en troisième année de secondaire. Puis, s'il reste de la place, c'est les travailleurs en emploi qui vont avoir droit à ces stages-là. Et, finalement, la possibilité, pour des prestataires de la sécurité du revenu, de pouvoir aller dans ces stages-là, elle n'est presque pas là. Parce qu'il semblerait que, s'il y a des ouvertures, c'est pour les travailleurs en emploi, puis ça, toutes les centrales syndicales sont venues nous le confirmer également.

Alors... Oui, oui, je peux sortir les galées, puis je vous les ferai parvenir, parce que, ici, des fois, on prend seulement les bouts de phrases qui font notre affaire dans nos échanges.

Mme Harel: Surtout du côté où vous êtes.

Mme Loiselle: J'aimerais... Ah, Mme la ministre!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, à l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Loiselle: Mme la ministre!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, à l'ordre!

Mme Loiselle: Alors, moi, j'aimerais revenir sur les familles monoparentales, l'obligation pour les familles monoparentales, et la disparition du barème de non-disponibilité. Parce que vous avez raison, Mme Beaulne – vous avez fait un témoignage qui a été très touchant tantôt – progressivement, année après année, si la réforme n'est pas modifiée, on va comme retirer la liberté de choix des femmes d'élever leur enfant jusqu'à l'âge de deux ans. Là, on nous dit: Ah! c'est cinq ans, c'est cinq ans. Mais c'est écrit noir sur blanc que ça va descendre jusqu'à deux ans.

En vous enlevant le barème de non-disponibilité, on dit: Bon, bien, il y a la prestation unifiée pour enfants. Ce qu'on a découvert, avec le Conseil de la famille et avec l'économiste Ruth Rose, qui a pris la situation d'une femme monoparentale avec deux enfants de moins de six ans – parce que tous les tableaux qu'on retrouve dans les documents, c'est pour des enfants de sept à dix ans – c'est que ce sont les familles à l'aide sociale avec de jeunes enfants de moins de six ans qui sont les plus perdantes. Mme Ruth Rose nous a démontré un tableau d'une situation d'une mère monoparentale à l'aide sociale avec deux enfants de moins de six ans: une perte de 1 154 $ par année, avec la prestation unifiée pour enfants telle que déposée actuellement dans la politique familiale, s'il n'y a pas de modification.

Moi, la question que je vous pose: Si le gouvernement ne retire pas le caractère obligatoire, garde les pénalités, abaisse le barème de non-disponibilité, ne modifie pas sa prestation unifiée pour enfants, surtout pour les mères de famille à l'aide sociale avec de jeunes enfants, ça va être quoi, les conséquences? Parce que, vous, vous travaillez... Vous m'avez dit que vous rencontrez 6 500 personnes qui regroupent vos deux organisations. Ça va être quoi, les conséquences que vous prévoyez pour cette famille-là?

Mme Bouffard (Jeannelle): En tout cas, dans un premier temps, on pense que c'est une façon d'appauvrir davantage ou en tout cas de couper davantage, parce que, avec l'allocation unifiée puis avec le fait aussi qu'on veuille retirer les enfants de la sécurité du revenu, c'est comme: Oui, on va accorder l'allocation aux enfants, puis les parents vont être à part puis là les deux pourront être coupés s'ils ne participent pas aux mesures. Donc, on vient appauvrir des familles. Parce qu'on a beau dire que l'argent ne va pas être coupé aux enfants, mais il reste que c'est les parents qui vont les gérer, ces argents-là, puis là on vient d'appauvrir des familles doublement parce qu'il y en a deux qui peuvent être coupés.

Et finalement les conséquences, c'est que je ne suis pas sûre que les enfants vont être mieux servis en bout de ligne. Monique, elle l'a bien explicité tantôt. Elle a dit: Quand on n'est pas heureux dans sa peau, quand on n'est pas bien, on n'a pas de joie de vivre, qu'est-ce qu'on peut donner à nos enfants? Ensuite, moi, je pense que c'est les enfants qui vont y perdre en bout de ligne. Beaucoup. Beaucoup. Ensuite, la qualité de vie familiale. On peut aussi encourager, de cette façon-là, les gens à ne pas être ensemble. C'est la famille qui ne va pas être unifiée.

Moi, j'ai élevé quatre enfants seule, mais j'ai eu le droit de choisir si, mes enfants, je pouvais attendre qu'ils aient un âge où ils soient tous à l'école pour aller travailler. J'ai eu cette possibilité-là. Mais les gens sur la sécurité du revenu, on ne leur donne pas ce choix-là. C'est inacceptable qu'on n'ait pas le droit de choisir. C'est comme si on disait: T'es trop pauvre, toi, pour pouvoir choisir. C'est juste le privilège des riches. Ça, c'est le bout qu'on trouve le plus inacceptable.

Mme Loiselle: Il y a des groupes qui sont venus nous dire – puis, moi, je suis en accord avec eux – qu'il y a des personnes qui se retrouvent à l'aide sociale... Vous l'avez bien dit, Mme Beaulne, tantôt. Vous n'aviez pas imaginé un jour vous retrouver à l'aide sociale. C'est qu'il y a eu abandon, il y a eu rupture, il y a eu peut-être irresponsabilité de l'autre parent qui a fait que des femmes avec des jeunes enfants, ou même des hommes aussi, se retrouvent dans la rue et doivent aller frapper... Ce n'est pas un choix de vie, l'aide sociale. C'est la vie qui nous pousse malheureusement à aller frapper à l'aide sociale.

Et il y a des gens qui nous disaient qu'il y a des personnes qui pourraient être complètement déstabilisées parce qu'elles ont eu tellement de difficultés depuis leur naissance – ça a été échec par-dessus échec, ça a été de la violence à la maison, ça a été des gens qui ont été élevés dans des familles qui étaient dysfonctionnelles – que la plus belle chose qu'elles avaient réalisée dans leur vie, c'était leur enfant et que c'était pour elles, ces personnes-là, comme se faire une place dans notre société et c'était très valorisant, leur rôle de parent.

Et je reviens à l'effet aussi... Se questionner pourquoi, si le gouvernement ne change pas son tir... Quand on sait, quand on regarde les statistiques, même les statistiques du ministère démontrent très bien que les femmes dans les familles monoparentales à l'aide sociale démontrent beaucoup d'efforts pour aller dans les mesures d'employabilité, dans les mesures de rattrapage scolaire. Le Conseil du statut de la femme nous a démontré des statistiques, le Conseil de la famille. Et, quand on regarde les statistiques du ministère de la Sécurité du revenu, les femmes à l'aide sociale, sous une base volontaire, sans aucune obligation, sans aucune pénalité, le font déjà.

Puis, en sachant que le gouvernement n'est même pas capable, au moment où l'on se parle, de répondre à la demande des gens qui veulent s'en sortir, qui veulent participer, il faut se poser la question: Pourquoi avoir choisi la voie obligatoire et pourquoi avoir choisi la voie des pénalités qui s'appliquent au barème de base, hein? N'oubliez pas, là. Moi, je dis qu'on vient de briser le filet de sécurité sociale parce que là, s'il y a pénalité, ça s'applique au barème de base.

Mme Bouffard (Jeannelle): En tout cas, c'est sûr qu'en termes de pédagogie, en tout cas... Bon. J'ai travaillé, j'ai une formation quand même en pédagogie. On nous dit toujours que, dans la vie d'un enfant, tout se joue avant l'âge de six ans et que les personnes qui ont l'influence la plus marquante dans leur vie, ce sont leurs parents. Alors, dans bien des cas, dans le cas des familles monoparentales, c'est la mère qui, dans 92 % des cas, a cette responsabilité-là.

Moi, je pense qu'on serait mieux de mettre des mesures pour la soutenir, elle, dans son vécu individuel plutôt que de la forcer à retourner au travail: comment elle peut être une bonne mère, comment elle a besoin de répit, comment elle peut s'aérer, comment elle peut se consolider dans cette responsabilité-là, puis assumer tout ce qui lui revient. Moi, en tout cas, je pense que ça serait beaucoup plus profitable pour la société, pour l'enfant, pour la femme et pour, en tout cas, l'épanouissement des familles.

(11 h 20)

Mme Loiselle: Pour les jeunes... Ah! Mme Beaulne. Oui.

Mme Beaulne (Monique): C'est ça, dans ce qui a été dit, on nous réfère à la situation actuelle, mais la réforme ne change pas les points que, moi, j'ai amenés. Puis surtout en mettant les chefs de familles monoparentales en deuxième priorité, je veux dire, ça vient comme enfoncer le clou, O.K.? Puis, ici, il y a un article dans La Presse qui explique qu'être mère de famille monoparentale est dangereux pour la santé mentale. C'est déjà dangereux, puis là on veut l'obliger en plus à aller travailler.

Alors, moi, je voudrais insister sur le fait que ça demeure sur une base volontaire, d'une part, et que, d'autre part, on responsabilise le conjoint qui n'a pas la garde des enfants, par rapport à sa charge de l'enfant, pas rien que financièrement. Il n'est question dans cette réforme pratiquement que d'argent. Je comprends que vous administrez des budgets, mais les budgets que vous administrez, ils concernent des êtres humains; ils ne concernent pas des objets, ils ne concernent pas des meubles de la société. Ce sont des êtres humains, qui ont un sens à leur vie à découvrir puis à réaliser. Bon.

Je voudrais qu'on abolisse les catégories de travail: le travail qui est autonome, qui est salarié, qui est comme ci, qui est comme ça, pour permettre à des gens d'aller chercher des compléments à l'aide sociale, qui sont irréguliers, bon; qui peuvent être contrôlés par l'aide sociale, ça, d'accord. Mais, je veux dire, ce n'est pas parce que le travail n'est pas salarié que ce n'est pas un travail. Puis ça, vous n'en avez pas parlé. Bon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée... Oui.

M. Nelson (James): Moi, j'aimerais... O.K. Bon, comme elle disait, c'est sûr qu'il y a des budgets à gérer, mais je pense que l'argent est au service de l'humain et non l'humain au service de l'argent, tu sais, bon.

Moi, j'ai un de mes oncles, souvent, qui disait: Quand il y a eu la construction du Stade olympique dans le quartier, il n'y en avait plus, de voleurs, dans le quartier, il n'y en avait plus, de vols. Ce que j'ai compris là-dedans, c'est que le monde, ça ne lui tentait plus de voler. Ils avaient de bonnes jobs, puis ça arrivait là, tu sais. Ça fait que je pense que c'est la même affaire. Si on offre des bonnes jobs aux gens, ils n'auront pas le goût de travailler au noir, puis ils n'auront plus le goût, etc. Puis, quand j'étais jeune, mes oncles, là, ils n'en n'avaient pas besoin, de parcours d'insertion, ils n'en avaient pas besoin, de tous ces parcours-là, parce qu'il y en avait de la job. Bon.

Tantôt, ce que j'ai compris, juste pour voir si j'ai bien compris, O.K., c'est que dorénavant, quand il va y avoir de la formation ou que les gens vont participer à des mesures quelconques, ça va être reconnu, ça va être reconnu comme des travailleurs. Ça veut dire qu'ils vont recevoir un chèque, qu'ils ne s'appelleront plus assistés sociaux mais qu'ils vont recevoir des chèques comme quoi ils sont en formation, et c'est très valorisant socialement, d'être en formation, et c'est très valorisant socialement, d'être dans un organisme pour faire un parcours.

C'est comme ça que j'ai compris ça, moi. C'est que c'est de même que ça va changer? Si c'est de même que ça change, moi, je suis pour ça, tu sais, quelque part, parce que ça va faire partie intégrante de la société, de se former, de tout le temps rouler, puis ça, c'est juste normal. Le décrochage scolaire, O.K. Bien, c'est sûr qu'il y a un décrochage scolaire quand il y a un décrochage au niveau de l'emploi des parents qui ne travaillent pas, que les enfants, ils n'ont pas d'exemples significatifs.

Bon, l'inspiration des autres provinces. Bon. Si je m'inspire de mon voisin, là, je peux m'inspirer de mon voisin, mais il faut que je fasse attention parce que mon voisin il bat sa femme puis ses enfants, ça fait qu'il faut que je fasse attention à comment je m'inspire, O.K. Ça fait que, bon, tu sais.

J'ai une autonomie, je suis capable de voir. Je peux m'inspirer d'une invention, mais je peux être fier de l'améliorer, je peux être très fier de l'améliorer. Donc, je suis content, oui, qu'on se soit inspiré de pays novateurs, mais je serais encore plus fier de voir qu'on fait mieux qu'eux autres, O.K. Maudit que je serais fier de ça!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, on continue.

Mme Loiselle: Oui. Dans le mémoire du Carrefour du partage de Saint-Barnabé, il y a une phrase qui a attiré mon attention. À la page 5, Mme Bouffard, vous dites: «En amenant les jeunes à retourner dans un processus de formation et à s'inscrire sous le régime des prêts et bourses, nous hypothéquons leur avenir en les endettant.» Avez-vous des craintes qu'on les amène dans leur formation – j'imagine que vous parlez de formation professionnelle – puis qu'il y a un danger qu'on les pousse à s'inscrire dans les prêts et bourses pour les sortir de l'aide sociale ou...

M. Bouffard (Jeannelle): Bien c'est un peu... C'est sûr que c'est ça qui est sous-jacent. C'est parce que je pense que ce qu'on vise – je pense et nous pensons parce qu'on a quand même jasé ensemble – c'est d'éliminer le nombre de personnes. Il y a 800 000 personnes assistées sociales, c'est beaucoup trop. Ce n'est pas beau, ça paraît mal. Donc, il faut qu'on ait... On veut éliminer des personnes assistées sociales. Donc, on va avoir des étudiants, on va avoir des gens en recherche de travail, des futurs travailleurs, mais on n'aura pas de personnes assistées sociales. On va avoir des rentiers, des gens qui vont être sur le Régime des rentes au lieu d'être des personnes assistées sociales.

C'est que, en fait, on a l'impression qu'avec les jeunes, c'est un peu ça qui peut être le risque, c'est que, pour aller se former, ça coûte des sous, et les sous, nos jeunes ne les ont pas nécessairement. Je pense que, actuellement, ils ont droit à un montant annuel de 500 $ pour des formations, mais là ça dépend de leur degré de scolarité. Quelqu'un qui a le moindrement de scolarité et qui voudrait aller se chercher de la formation pour se recycler n'a pas le droit d'aller chercher ces fonds-là. Donc, ça veut dire qu'il faut qu'il aille s'inscrire sur le régime des prêts et bourses pour pouvoir continuer ses études.

Alors, moi, ça me fait peur parce que nos jeunes, déjà, ils ont un pays qui est hypothéqué, ils ont un avenir qui n'est pas très ouvert, puis, en plus, on va les endetter personnellement pour qu'ils aillent se former. Quand on dit que... Il y a une jeune qui travaille chez nous qui a 25 000 $ de dettes, elle a 27 ans, 25 000 $ de dettes d'études. Et le jour où elle va commencer à les payer, au montant qui va lui être exigé, elle en a pour 40 000 $ à débourser.

Ça fait qu'à ce niveau-là... Moi, je ne veux pas plus cibler un gouvernement que l'autre, parce qu'il ne faut pas oublier – puis là je ne veux pas être liée à un parti – que nous héritons actuellement d'un portrait social qui est autant celui qui a été mis en place par le gouvernement prédécesseur que celui que le gouvernement actuel continue à gérer. Ça fait que, moi, je ne veux pas faire de partisanerie. Il reste carrément qu'on a une société malade, puis je trouve ça déplorable. Je n'aurais pas le goût que nos jeunes aient à porter tout le coût de ça. C'est affreux. J'en ai quatre, jeunes dans la vingtaine, puis je trouve ça souffrant de les voir se débattre parce que ce n'est pas facile pour eux autres. Scolarité ou pas scolarité. Tu t'endettes, quand tu es sûr d'avoir un emploi, c'est le fun, mais tu t'endettes puis tu n'es même pas sûr d'avoir un emploi, ça va donner quoi, ça, pour ces jeunes-là? En tout cas, c'est inquiétant.

Mme Loiselle: Il y a des groupes qui travaillent auprès des jeunes qui sont venus nous dire que le caractère obligatoire, les pénalités, le maintien pour la coupure du partage du logement, tout ça ensemble – puis les études le démontrent – c'est contre-productif, c'est démotivant. Tout ce qui est coercitif, finalement, on réagit à ça. Il va y avoir des jeunes, au lieu de les aider, avec une telle approche, on va plutôt les pousser au décrochage complet, à la délinquance, et ça, ça amène à l'itinérance, ça peut amener à d'autres maux.

Avez-vous cette impression-là, parce que vous travaillez aussi avec des jeunes dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, que ça pourrait avoir ces conséquences-là?

Mme Bouffard (Jeannelle): Moi, je pense que, quand... On a un but. Tantôt, James parlait de la carotte, en parlant de l'emploi. Mais, quand tu as un but dans la vie, tu n'as même pas besoin de donner de coups de pied à la personne pour qu'elle l'atteigne. Elle va se lever puis elle va être stimulée puis elle va être heureuse. Mais, quand on est obligé, avant même de mettre en place quelque chose, de parler de punition, c'est parce qu'on n'est pas sûr de notre affaire.

Moi, ce qui me fait mal là-dedans, c'est que, je veux dire, on en voit, on en reçoit, des gens, puis même Mme Harel nous réfère, de son bureau, régulièrement, un paquet de personnes qui ont des problèmes au niveau de l'alimentation et puis qui ont des problèmes avec la sécurité du revenu aussi. Ils sont comme soutenus par le CODAS. Il y a beaucoup de jeunes. Le quart, c'est des jeunes dans la vingtaine. On voit ces gens-là. S'ils doivent subir jusqu'à deux coupures sur leur 500 $, qu'est-ce qu'on attend d'eux autres? C'est bien mentionné, il y a jusqu'à deux coupures possibles dans l'espace d'un an. Donc, c'est 300 $ de moins sur le 500 $. Comment ils vont vivre? Qu'est-ce qu'ils vont devenir? Qu'est-ce qu'ils vont faire? Qu'est-ce qu'on encourage chez eux? En tout cas, c'est tout ça qui est très inquiétant.

(11 h 30)

Mme Loiselle: Tantôt, Me Cousineau, vous avez parlé des pensions alimentaires. Je pense que c'est hier, un groupe nous disait que, bon, le fait qu'on diminue la pension alimentaire sur les revenus de travail permis, pour eux, ça semblait inacceptable et on questionnait aussi la raison qui a amené le gouvernement à aller – c'est décroissant selon l'âge de l'enfant parce que, semble-t-il, c'est un incitatif à se réintégrer sur le marché du travail – comprendre qu'un 20 $, 30 $ pourrait être un incitatif. Mais j'aimerais vous entendre sur ça parce que vous en parlez, je pense, dans un de vos mémoires et je pense que c'est au niveau surtout de la décroissance selon l'âge mais aussi le fait que c'est diminué sur les revenus de travail permis.

Mme Cousineau (Claude): Le Dr Spock va devoir faire une mise à jour maintenant pour les enfants: Tout ce joue à l'âge de deux ans.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Cousineau (Claude): Ça joue pour les parents, ça joue aussi pour les enfants parce que, effectivement, l'exemption d'une portion de la pension alimentaire virtuellement est figée dans le temps, à l'âge de deux ans, et là on va exempter 50 $ du versement de pension alimentaire.

Dans ma pratique, c'est très clair qu'il est extrêmement difficile de convaincre une prestataire de se battre avec acharnement sur un conjoint, père d'enfant mais n'ayant pas la garde, d'aller chercher une pension alimentaire qui serait raisonnable, respectable, qui permettrait un niveau de vie, en tout cas, complémentaire plus intéressant aux enfants quand, clairement, chaque sou qu'elle va aller chercher dans la poche de son conjoint veut dire que c'est des sous qui sont réduits de son chèque. Donc, à la fin du mois, elle se retrouve en termes d'équivalence avec pas un sou de plus dans les poches. C'est comme ça qu'on a vu émerger toute une série d'ententes en termes de pension alimentaire, où c'est: Tu vas payer les vêtements, tu va payer les bottes, tu vas le sortir; tu veux qu'il fasse du hockey, donne-moi pas d'argent pour qu'il fasse du hockey, parce que je ne suis pas capable, parce que l'argent que tu me donnes pour qu'il fasse du hockey, moi, je vais être obligée de payer le loyer avec.

Donc, il y a une exemption. C'est une bonne idée. Malheureusement, en tout cas, moi, je ne saisis pas très bien en quoi un enfant, à partir de deux ans, on gèle l'exemption à 50 $, comme si les petits kits de manteaux, là, ce n'est plus... Sailor Moon, c'est à quatre ans, c'est à cinq ans, c'est à six ans, puis ça dure jusqu'à 15 ans à peu près, coûtent moins cher en fait qu'une paire de couches Pampers quand ils ont six mois.

Nous ne comprenons pas comment se fait le calcul des exemptions. Nous ne comprenons pas qu'elles soient figées dans le temps à partir de l'âge de deux ans. Et nous ne comprenons évidemment pas comment, parce que vous recevez une pension alimentaire, que vous avez droit d'en avoir une portion qui peut devenir facilement et rapidement minimaliste, ça vient diminuer vos revenus de travail. Il faudrait se brancher aussi, décider. Est-ce que, parce que mes enfants ont deux ans, trois ans, quatre ans, je peux être sur le marché du travail et j'ai des gains de travail autorisés à ce titre-là? Bien là pourquoi ma pension alimentaire? Qu'on se décide. Mon rôle, c'est quoi? C'est d'être coupée en tant que mère responsable d'enfants recevant une pension alimentaire en leur nom ou comme travailleur? Il y a une confusion des gens, tout n'est pas des gains de travail. Et je ne comprends pas qu'une pension alimentaire puisse être assimilée à un gain de travail pour la mère quand les pensions alimentaires sont strictement pour les enfants.

Je vous rappellerais juste M. Bégin, ça ne fait pas longtemps qu'il a dit à un moment donné à propos de toute la question des pensions alimentaires qu'il était désastreux d'obliger des grands-parents à verser obligatoirement des pensions alimentaires à des enfants quand, dans ces conditions-là, les enfants étaient dans des familles où les parents étaient prestataires de la sécurité du revenu, parce que les enfants ne bénéficiaient pas d'un seul sou des pensions alimentaires versées. Et, dans cette perspective-là, le Code civil a été modifié et les grands-parents n'ont plus d'obligation alimentaire vis-à-vis de leurs petits-enfants. On ne s'est même pas posé la question à savoir s'il n'y avait pas des grands-parents qui pourraient peut-être y avoir droit malgré tout.

La phrase importante de ça, c'est que les enfants, quand ils sont dans un régime de la sécurité du revenu, ne bénéficient pas d'un seul sou des pensions alimentaires qui sont versées en leur faveur. Le régime est modifié et c'est tant mieux. Mais nous ne comprenons pas comment se fait le calcul des sommes, des montants et des durées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, il s'en est dit, pas mal d'affaires. Alors, je ne vais peut-être pas pouvoir parler de tout, mais en tout cas. Mme Beaulne, c'est Monique, je pense, hein? C'est bien ça. Vous parliez tantôt de responsabiliser le conjoint qui n'a pas la garde justement des enfants. Vous êtes informés, n'est-ce pas, qu'il y a deux lois qui ont été adoptées depuis deux ans: la première, ça a été la loi obligeant la perception automatique des pensions alimentaires. Auparavant, c'était laissé uniquement au défaut. Quand il y avait un défaut, là il pouvait y avoir à ce moment-là une perception. Et il fallait que le défaut soit constaté, puis ça prenait du temps. Tandis que maintenant ce n'est même plus en discussion. Dès qu'il y a un jugement de pension, il peut y avoir perception automatique de la pension alimentaire, première chose.

Deuxième chose. Le 1er mai qui vient... J'ai fait adopter une loi avant Noël, une loi qui va fixer un modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants. Elle va s'appliquer à partir du 1er mai qui s'en vient. Et, en moyenne, les pensions alimentaires vont augmenter de 1 200 $. Parce que cette loi va déterminer un modèle qui, en fonction des revenus, va déterminer quelle est la pension à payer, puis ce ne sera plus laissé au bon jugement variant souvent d'un juge à l'autre, comme c'est le cas maintenant.

Donc, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien, là. Ça faisait combien d'années qu'on en demandait, une loi sur la perception automatique des pensions alimentaires? Elle est appliquée. Ça faisait combien d'années qu'on le voulait, le modèle de fixation? Il s'en vient, et en plus... Je vous remercie au moins, Mme Cousineau, de reconnaître que, dans le livre vert, il y a, finalement, quelque chose d'important par rapport à ce qui se passe présentement. La pension, actuellement, il n'y a pas un sou qui est versé de la pension et qui bénéficie finalement à la famille. Alors que là il y aurait, pour les enfants, pour les moins de deux ans, pendant deux ans, en tout cas, jusqu'à ce que l'enfant ait deux ans... Ce sera 100 $ par mois qui va s'ajouter, en fait qui va s'ajouter au montant et qui ne sera plus enlevé comme maintenant. 100 $. Ensuite, ce sera 80 $, 70 $, 60 $, 50 $.

Ce que vous nous dites, c'est: Révisez ça. Moi, je peux, en tout cas, essayer de voir ce qu'on peut faire en révisant, mais je vous dis tout de suite que juste ces montants-là, c'est 20 000 000 $. Vous savez, ça va vite, hein. Juste faire ce que je vous propose à la page 62 du livre vert, là, ça, ça coûte 20 000 000 $. J'ai essayé d'arracher ça, puis je l'ai eu, là, mais au moins ça introduit l'idée que la pension alimentaire, ça va s'ajouter à ce que les familles reçoivent déjà.

Peut-être un mot aussi pour vous rappeler qu'il y a eu l'indexation. Vous savez, dans tout le Canada, là... Il ne faut pas trop s'inspirer de nos voisins, je vous comprends parfaitement bien, mais en même temps il faut savoir qu'ici on a indexé. Au moins pour la catégorie soutien financier, c'est 116 000 ménages. Ça, ça a coûté 22 000 000 $ au 1er janvier. Même si ce n'est pas beaucoup sur le chèque, ça fait beaucoup, beaucoup d'argent, ça. Puis, dans tout le Canada, il n'y a pas eu une seule indexation de barème en 1997. Vous, vous allez dire: On ne l'a pas fait pour tout le monde, mais, au moins pour la catégorie pour laquelle on l'a fait, on est les seuls à l'avoir fait.

Puis je vous rappelle aussi qu'on a décidé, suite au Sommet, là, de créer le fonds de 250 000 000 $. Vous savez qu'il va y avoir 250 000 000 $ sur trois ans, à raison de 83 000 000 $ par année. Ça commence au 1er avril, ça. 83 000 000 $ par année pendant trois ans que le gouvernement va mettre dans un fonds. Le fonds est même laissé à l'initiative d'un comité aviseur sur lequel Mme David, de la Fédération des cégeps, va siéger, Mme Lemieux, de la Fédération des femmes, Mme Lemieux et d'autres, en fait. C'est plus que la moitié, d'ailleurs, du comité aviseur qui est composé de femmes. Puis ce fonds-là, ça va servir, 83 000 000 $ par année, à l'intégration à l'emploi des personnes qui sont en recherche d'emploi.

Je vous rappelle que l'opposition s'est prononcée contre le fonds. Vous savez, des fois, dans la vie, il y a des minutes de vérité. On ne peut pas être pour, si vous voulez, là... On ne peut pas être contre la pauvreté, puis, quand il s'agit de faire quelque chose... Parce que le fonds voit à répandre l'argent quelque part, puis l'argent de ce fonds-là va être pris sur une heure par semaine. Les gens qui travaillent vont payer une heure par semaine d'ouvrage, puis ensuite les entreprises vont avoir à payer aussi. Bien, l'opposition s'est prononcée, s'est déchirée le linge sur le dos dans l'Assemblée... Pas madame de Saint-Henri–Sainte-Anne, son porte-parole de l'opposition, là. Le député de Laporte, qui est le porte-parole en matière de finances, il a dit qu'il ne voulait rien savoir de ce fonds-là, il a dit que c'était une taxe puis qu'il ne voulait rien savoir de cette taxe-là. Eh bien, c'est un fonds, justement, pour l'insertion des personnes qui sont en recherche d'emploi.

(11 h 40)

Oui, ça a changé, les temps ont changé. Je trouve donc que vous avez du bon sens, M. Nelson, quand vous parliez de quand vous étiez jeune. Oui, puis en même temps ça a changé à peu près partout en même temps. Et on ne peut pas dire: Bien, écoutez, on va regarder ça, là, laissez-nous le temps d'y réfléchir. Parce que les années qui vont passer vont faire qu'après on ne pourra plus jamais se rattraper. C'est difficile à vivre en même temps, c'est quelque chose qu'on n'avait jamais vécu dans aucune société auparavant.

Vous savez ce que ça signifie? C'est une révolution. C'est comme il y a 100 ans, quand il y a eu la révolution industrielle. Le monde était dans les campagnes. Tout à coup, ça s'est mis à bouger et puis là les gens ont dû être affolés comme maintenant, il y a 100 ans. Ils ont dû dire: Qu'est-ce qui se passe? Tout bougeait autour d'eux. Il y avait 84 % des gens qui vivaient dans les campagnes. Du jour au lendemain... C'est ça qui nous est arrivé. Hochelaga-Maisonneuve a été créé comme quartier quand la révolution industrielle est arrivée puis que les gens sont déménagés des campagnes vers les villes et ont commencé à travailler dans les usines.

Et là il nous arrive la même chose, mais à la différence, maintenant, que les gens ne travaillent plus dans les usines, ils sont remplacés par des machines. Puis une petite bande perforée... Vous savez, un bon machiniste, ça gagnait bien sa vie. Ça mettait 20 heures pour faire un bon tour de précision, et là la bande perforée en une heure le remplace. Et là maintenant il faut préparer les gens à être capables de programmer la bande perforée ou être capables de la réparer.

C'est affolant. J'en conviens en même temps que vous. Mais le fait est que c'est un gros défi. Les gros investissements, maintenant, ça ne veut plus dire, comme avant, plus d'ouvrage. Ça peut vouloir dire moins d'ouvrage. Parce qu'un gros investissement, ça peut vouloir dire des technologies qui vont remplacer des gens. Puis ça ne se fait pas juste dans les usines. N'importe lequel d'entre nous qui irait dans une épicerie, dans une pharmacie, aujourd'hui, juste le «bip bip», là, avez-vous idée des milliers d'emplois que ça peut remplacer? Puis, en même temps, si on dit non à ça parce que «un instant, on va y réfléchir», l'écart va être tellement grand avec les autres pays qu'on va se retrouver dans le peloton d'en arrière avec les pays sous-développés et qu'on ne pourra plus jamais revenir. C'est un énorme défi. C'est un énorme défi en même temps, j'en conviens.

Et ce défi-là... Je voudrais peut-être juste vous dire un mot sur la question des chefs de familles monoparentales. Vous savez que, présentement, la maternelle plein temps commence à cinq ans et que, pour tout de suite, ça s'arrête à cinq ans. Le 30 septembre, quand l'enfant aura cinq ans, il sera à la maternelle plein temps. Le gouvernement a annoncé des services de garderie à quatre ans aussi, mais on garde ça à cinq ans, parce que, tant que les services ne seront pas disponibles et tant qu'ils ne seront pas accessibles financièrement à la maternelle cinq ans, on sait que ça va se passer à l'école, de toute façon.

Ceci dit, tantôt, moi, là, j'étais assez gênée, Mme Bouffard, de vous entendre parler d'un privilège de riche de choisir. Combien y a-t-il de femmes qui travaillent? Il y a 65 % des femmes qui ont un enfant de moins de six ans qui travaillent présentement. Il y en a combien de femmes qui sont ouvrières, employées, travailleuses et qui, elles, ne se considèrent pas riches et qui auraient les cheveux droits sur la tête de vous entendre parler de leur privilège, de leur obligation de retourner travailler. Si elles ne retournent pas travailler, elles vont perdre leur job. Et on est dans un dilemme.

D'abord, il faut mettre sur pied une vraie caisse de congés de maternité. Là, ce n'est pas rien. Avec les resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi, il n'y a même plus une travailleuse sur deux qui a droit à un congé de maternité parce que les semaines à faire sont tellement importantes maintenant. Les travailleuses en âge d'avoir des bébés, c'est souvent des travailleuses au salaire minimum qui n'ont pas vraiment beaucoup de sécurité d'emploi, et ce sont celles qui ont le moins droit aux congés de maternité. Ce sont celles-là souvent qui se retrouvent sur l'aide sociale.

Je vais juste vous lire ce que disait le rapport Bouchard. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance du rapport de Camil Bouchard. Il n'est pourtant pas considéré comme quelqu'un qui est insensible. Au contraire, c'est lui qui l'a écrit, Un Québec fou de ses enfants . Savez-vous ce qu'il a écrit, là-dessus? Je vais vous lire textuellement son document. Il dit: «Les meilleurs prédicteurs d'une carrière à l'aide sociale sont une sous-scolarisation, un stage prolongé de la mère à l'aide sociale dans ses premières années de vie parentale. La politique actuelle des programmes d'aide consistant à octroyer un barème de non-disponibilité – je lis toujours M. Bouchard, là – aux parents d'enfants de moins de six ans semble avoir un effet direct sur la non-participation à des mesures de scolarisation et de préparation à l'emploi, mesures sans lesquelles ces mères augmentent les risques de se condamner à la pauvreté chronique, et, avec elles, leurs enfants.»

Vous savez, le rôle parental, c'est important et valorisant. Mais, si c'est si important et valorisant, pourquoi ce sont juste des chefs de familles femmes qui restent à la maison sur l'aide sociale pour garder les enfants? Et, lorsqu'elles restent sur l'aide sociale, pourquoi, à ce moment-là, ça les conduit à des vies quasi de pauvreté où, à un moment donné, à 40 ans, elles vont se dire: J'ai perdu mon temps, je suis passée à côté?

Moi, là, je veux insister pour vous dire qu'il n'est pas question de forcer à retourner au travail – j'ai pris ça en note, il y en a une de vous qui l'a dit tantôt – ce n'est pas ça. Ce n'est pas de forcer à retourner au travail. Le parcours, c'est un projet personnel. Ça peut être aussi de se scolariser. Il y a une réalité qui est vraiment importante à vivre, hein, qui est celle que l'enfant, à l'école, pour qu'il aime ça, l'école, il faut que le parent l'aime aussi, l'école. C'est bien difficile, pour un enfant, de trahir son parent puis d'aimer l'école si le parent ne l'aime pas.

Je pense qu'un des services qu'on peut rendre à nos enfants, c'est aussi, en même temps, de l'accompagner dans son cheminement et puis de faire soi-même un projet de vie. Le projet ne consiste pas à aller travailler forcé, là. Mais le projet consiste, par ailleurs, à se faire un parcours personnel pour dire que l'aide sociale, ce n'est pas une vie. Puis je pense que ça ne l'est pas pour personne, de toutes les personnes qui sont avec nous aujourd'hui.

Mme Bouffard (Jeannelle): Mais je ne pense pas qu'on se contredise quand... Moi, quand j'amène cet aspect-là, c'est uniquement pour revendiquer la possibilité de choisir et non pas d'obliger tout le monde à entrer dans le parcours; permettre à ces femmes-là de rester avec leurs enfants, si c'est le choix qu'elles veulent faire, pour les amener à la fin de la petite enfance.

Mme Harel: Est-ce que vous pensez sérieusement, Jeannelle, qu'un des services qu'on peut rendre à nos enfants, quand on en a surtout un – n'importe qui qu'on soit dans la société – c'est de les mettre en contact avec d'autres enfants, de les socialiser avec d'autres enfants?

Mme Bouffard (Jeannelle): Oui, mais il y a une alternance possible, là. Ce n'est pas d'être à la garderie toute la journée ou à la maternelle toute la journée. Il y a comme une alternance qui se fait; il y a une graduation qui se fait des choses. Et puis, moi, je ne suis pas contre le fait qu'on permette à des femmes de se développer à ce niveau-là, si c'est leur choix. Je veux juste qu'on leur permette, qu'on leur laisse le droit, le pouvoir de choisir. Je dis «je», puis je ne dis pas juste «je», là, «nous», parce qu'on en a discuté ensemble. Je vous rappelle qu'on est les porte-parole, aussi.

Il y a une question, aussi, qui me revient. On entend, dans certains réseaux, beaucoup parler de la possibilité, avec le manque d'emploi, le transfert des formes de travail ou d'emploi, la technologie – donc la diminution des postes d'emploi possibles – ensuite, les formes nouvelles de travail... Parce que, pour moi, un emploi, c'est une chose, puis du travail, c'est une autre chose. Un emploi, c'est ce qui te permet de gagner ta vie; par contre, tu peux travailler beaucoup dans ta vie sans que ça... Je veux dire: Je suis bénévole à 35 heures semaine, puis j'ai un emploi à 35 heures semaine. Alors, je travaille et j'ai un emploi. Je fais les deux. Et puis je sais que ce n'est pas pareil.

Mais, dans le milieu puis avec notre monde, je pense qu'avec l'avenir où il va y avoir moins d'emplois disponibles, est-ce qu'on ne pourrait pas penser à la possibilité d'un revenu de citoyen et de citoyenne pour reconnaître justement le travail qui se fait par des personnes et qui n'est pas nécessairement un emploi rémunéré? Et ce revenu-là de citoyen et de citoyenne peut être bonifié par des emplois.

En tout cas, c'est des questions qui se travaillent, puis c'est des préoccupations qui sont portées par des gens avec qui je suis en réseau. Moi, je ne suis pas une analyste, je ne suis pas une économiste, mais je me dis: Il me semble que ça vaudrait la peine de questionner puis de creuser cette dimension-là. Et ça serait peut-être une alternative, finalement, aux pertes d'emploi successives qu'on reçoit d'un bord et de l'autre.

(11 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Vous savez, ce qui est le plus inquiétant, finalement, c'est de savoir qu'au Sommet économique le premier ministre en tête et ses ministres ont refusé de s'engager sur la clause d'appauvrissement zéro pour tous et pour toutes et que, même encore aujourd'hui... Parce que ce n'est pas l'opposition qui fait les choix du gouvernement. C'est le gouvernement en poste qui décide de ses choix, qui décide de ses priorités, et on sait tous que la priorité actuellement, c'est l'obsession du déficit zéro, sans regarder les conséquences que ça peut avoir, les choix que l'on fait.

Moi, j'aimerais vous entendre sur le transfert à la Régie des rentes du Québec. Parce que, au début de nos échanges, au début de la commission, dans les premiers jours, on avait l'impression que l'allocation d'invalidité, ça passait quand même assez bien et que les citoyens se sentaient confortables, étant donné que le gouvernement leur donnait le choix de décider soit de demeurer à la Sécurité du revenu ou d'accepter le transfert à la Régie des rentes du Québec, et qu'ils aient aussi la possibilité de changer d'idée en cours de route, de revenir sur leur décision. Mais plus on entend les groupes, plus on se rend compte que ce n'est pas si unanime que ça. Et il y a même des gens qui sont venus nous dire que c'est la perte d'un droit, que c'était pour accentuer l'exclusion, puis il y a même un monsieur qui est venu nous dire que c'était, pour lui, un parcours vers l'invalidité. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur votre préoccupation ou si, vous, vous êtes confortable avec cette proposition gouvernementale.

Mme Cousineau (Claude): Premièrement, je vous rappellerais que... J'ai l'impression que ça doit être vrai au CAP, mais c'est surtout vrai au CODAS, je vais parler pour mon groupe, que... Je ne vous parle pas des employés ou des gens sur des mesures ou autres. Les militants du CODAS sont principalement des gens qui sont soutiens financiers. Puis ça a une certaine logique, ils ne sont pas poignés pour essayer de se forcer à faire un programme AGIR, de se trouver un emploi, faire des recherches d'emploi à coup de 20 par semaine, etc. C'est effectivement ceux qui, étant sur la sécurité du revenu, ont, à la limite, le plus de liberté de leur temps. Ça existe quand même, mais, pour les soutiens financiers, c'est plus rare, les agents qui les convoquent à trois heures d'avis en leur disant que ça leur prend à peu près leur c.v. au complet. Donc, nos militants, dans les groupes de défense, sont beaucoup des gens qui sont soutiens financiers.

C'est très ambivalent parce qu'on peut regarder ça à un titre très individuel puis on peut regarder ça à un titre plus collectif. Puis on peut regarder ça aussi avec les compréhensions et les incompréhensions qu'on a. Ce que j'en comprends, moi, c'est que ça va être administré par la Régie des rentes du Québec. Les gens, ils ne seront pas sous la loi de la Régie des rentes du Québec. Ils vont en être très déçus. En tout cas, ils sont déçus toutes les fois que je leur dis parce qu'ils étaient sûrs que, là, ils ne se feraient plus jamais écoeurer par personne, ils seraient à la Régie des rentes du Québec comme tout le monde. Hélas! Donc, c'est déjà un motif de déception. Je ne sais pas si ça va relativiser leur point de vue personnel.

Personnellement, dépendant de votre parcours à la sécurité du revenu, de la qualité de vos agents d'accompagnement, etc., il y en a qui veulent faire un choix définitif et très précis de dire: Plus jamais rien pour me faire écoeurer par personne. Effectivement, l'administration par la Régie des rentes, malgré que vous soyez quand même soumis à tous les contrôles de la sécurité du revenu, pourrait sembler une alternative intéressante pour ces personnes-là qui ne veulent plus rien savoir, soit par, je dirais, éclat de ET ou tout simplement parce que leur état de santé leur dit qu'effectivement ils ont beaucoup de temps à y consacrer.

Mais vous avez des gens qui en suivent, des mesures, puis qui se battent avec leur agent pour en suivre, des mesures, parce qu'ils ne sont plus dans les listes de priorité, évidemment, puis que ça devient de l'ordre de la prestation spéciale. Il y a des gens qui nous accompagnent qui sont actifs, «participactifs» dans leur milieu communautaire, dans leur quartier. Effectivement, si le fait d'être administré par la Régie des rentes n'a comme bienfait que de, je dirais, éloigner les tentacules administratives de la sécurité du revenu mais que ça veut aussi, par la même occasion, dire que ça les soustrait au service, bien ça ne correspond pas, effectivement.

Donc, c'est pour ça que vous avez ces deux tendances-là. Je vous dirais que j'ai certains de mes clients qui vont bénir le jour où ils vont être à la Régie des rentes et il y en a d'autres qui vont vous maudire parce qu'ils veulent participer, parce qu'ils le font présentement puis qu'ils sont déjà fâchés parce que des parcours individuels, il n'y en aura pas pour eux, en tout cas, il n'y en a pas pour l'instant pour eux parce que ce n'est pas les plus payants.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Mme Loiselle: Peut-être une petite dernière question au niveau des conseillers en emploi, vous en avez parlé tantôt. Vous avez dit, bon: Il y a des gens qui se battent pour avoir des mesures avec leur agent. On a beaucoup échangé depuis le début de la commission sur ça, le rôle des futurs conseillers en emploi et ce qui se passe actuellement dans le système, parce qu'on a eu des témoignages, des gens qui sont venus nous dire: Actuellement, c'est très rigide, les relations sont très froides, il y a beaucoup d'incompréhension de la part... ce que le prestataire sent face à son agent, et que c'est plus comme une culture de contrôle plus qu'une culture de développement de l'employabilité. Puis il faut admettre que les agents sont tellement débordés qu'ils n'ont pas beaucoup de temps à consacrer, finalement, au développement de l'employabilité des prestataires qu'ils rencontrent.

Là, il faut réaliser que, même si on récupère les fonctionnaires, on rapatrie les fonctionnaires fédéraux, il y a quand même, aussi, l'ensemble de la main-d'oeuvre qui va être rapatriée. Il va y avoir les prestataires de la sécurité du revenu, il va y avoir les chômeurs de l'assurance-emploi, il va y avoir les étudiants, il va y avoir ce qu'on appelle les sans-chèque et aussi ceux et celles qui ne sont pas dans ces catégories-là mais qui se cherchent de l'emploi.

Pensez-vous, vous, que ça va être suffisant, le nombre de personnes qui vont travailler à ça et s'il va falloir, étant donné qu'il faut changer, peut-être, la façon de travailler, les mentalités, une formation plus approfondie pour devenir des vrais conseillers en développement de l'employabilité? Je ne vous parlerai pas du double chapeau de l'obligation puis de celui qui va décider si on doit appliquer une pénalité, mais juste au niveau de la formation des agents, est-ce qu'on ne devrait pas aller vers une formation plus approfondie pour faire de vrais professionnels du développement de l'employabilité?

Mme Cousineau (Claude): Là, je ne voudrais pas faire de farces plates en cette digne Assemblée, mais, juste pour mémoire, je vous rappellerais l'annonce que Pierre Légaré fait, présentement, vantant les pièces d'origine GM. C'est un peu triste, mais, quand vous avez une formation et que vous avez une culture de travail où les desiderata de votre employeur étaient effectivement un contrôle, une conformité de dossiers... Bref, on voit ça, des anciens enquêteurs qui sont rendus agents de la sécurité du revenu, à l'admission, à l'introduction.

Je suis désolée, on les regarde aller, puis ils ont comme quelques principes d'avance, le principe d'avance que la personne qui est devant eux, elle est menteuse, entre autres, et c'est très difficile de briser ces habitudes-là, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Ça devient embêtant, vous me dites: Avec de la formation, oui, mais ce n'est plus juste de la formation. Je vous dirais: Tous nos schémas de valeurs, et c'est peut-être pour ça, je reviens presque à la famille... Ce n'est pas parce que je vais aller 25 ans à l'école, si je suis raciste, je ne suis pas sûre que 25 ans d'études vont m'empêcher de... changer ces attitudes-là. C'est une question d'attitude, ce n'est pas une question de formation nécessairement.

Et malheureusement, je vous dirais, on a contaminé à peu près la totalité de l'administration, puis, quand je dis contaminé, ce n'est pas dans un sens péjoratif, mais on a demandé à peu près à la totalité de l'administration de la sécurité du revenu, un jour ou l'autre, de faire des enquêtes, de faire des vérifications, de faire du contrôle.

Est-ce qu'ils vont être capables de revenir à une attitude pour pouvoir établir un climat de confiance? Bien, en tout cas, nous, on se pose la question. On peut peut-être poser la question à Jimmy, c'est lui qui, parmi nous, a eu le plus de contacts avec son agent. Je ne sais pas s'il aurait été capable de lui dire: Ce matin, j'ai mal à la tête, ça ne me tente pas, et qu'il n'aurait pas eu peur pour son chèque. Je ne sais pas si tu veux répondre là-dessus, mais c'est embêtant.

M. Boucher (Jimmy): J'aurais eu assez peur, oui.

Une voix: Tes relations avec ton agent.

M. Boucher (Jimmy): Oui, bien, mes relations avec mon agent, c'est très froid, mais c'est dans le contexte actuel. Tout à l'heure, M. le Président a passé la parole à quelqu'un d'autre, mais, finalement, vous avez posé exactement la question que je voulais poser, par rapport au deuxième agent, s'il va avoir la formation en counseling et orientation pour bien nous diriger et bien... pour savoir où on va.

Mme Loiselle: Oui, parce que, pour que ça fonctionne, il faut qu'il y ait le lien de confiance entre les deux, que vous sentiez que la personne qui est devant vous veut vraiment vous aider, veut vous soutenir, vous encadrer. C'est pour ça que, nous, on questionne beaucoup le fait que ça va être la même personne qui va décider si, quelque part, il y a une pénalité qui doit s'appliquer. Parce que, automatiquement, si vous savez que c'est la même personne qui tient les deux chapeaux, ça peut développer chez vous un petit peu de méfiance aussi.

M. Boucher (Jimmy): Si ça ne marche pas d'un bord, bien, on peut peut-être se reprendre de l'autre côté. C'est beau.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission, mesdames, messieurs. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 25)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recommençons nos travaux en recevant les représentants de La Ligue des propriétaires de Montréal. M. Aubry, c'est vous qui allez présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre présentation de 20 minutes.


La Ligue des propriétaires de Montréal

M. Aubry (Pierre): Oui. Bonjour, Mme Harel, bonjour, les membres. On profite de l'occasion pour vous remercier, remercier la commission des affaires sociales d'avoir voulu nous entendre. Il nous a fait plaisir d'accepter l'invitation, qui nous permettra de présenter l'opinion de nos membres, opinion qui est riche en volume d'expérience, et on croit que notre intervention pourra aider à améliorer les relations entre propriétaires et locataires et assistés sociaux et tout le groupe.

Tout d'abord, La Ligue des propriétaires, c'est une association qui existe depuis passablement de temps. On a été effectivement fondé en 1921 pour représenter les propriétaires et voir à la sauvegarde de leurs droits et protéger le respect des droits des propriétaires. C'est une association sans but lucratif et dans sa forme légale et, aussi, dans son esprit et dans son opération, par opposition à d'autres groupes qui se réclament du même statut d'association mais qui sont effectivement très souvent des organismes à but lucratif, leur poursuite principale étant le profit.

Maintenant, je vais passer la parole à mes deux compères: M. Pierre-Paul Joubert, qui est à mon extrême droite, qui est membre du conseil d'administration et qui siège au conseil d'administration comme secrétaire; et aussi à M. Guy Lavoie, qui est ex-président de la Ligue et qui est aussi membre du conseil d'administration; moi-même, j'en suis actuellement le président. M. Joubert. M. Lavoie.

M. Lavoie (Guy): Bon. Mme la ministre, madame, messieurs, bonjour. Au départ, il serait peut-être bon de dire – parce que, dans la documentation que j'ai lue sur votre problème, notre opinion sur ce sujet-là ne s'est pas souvent reflétée – que la politique de La Ligue des propriétaires en ce qui concerne la sécurité du revenu est, pour nous, selon nos membres, assez claire, c'est-à-dire que nous ne souhaitons pas un appauvrissement des gens de la sécurité du revenu. Pour employer une phrase qui est déjà bien établie et que vous avez entendue souvent, on fait nôtre la clause de l'appauvrissement zéro en ce qui concerne les assistés sociaux.

Maintenant, ceci étant dit, ça ne veut pas dire que les problèmes ne peuvent pas être corrigés, et, en fait, c'est notre politique. Ce qu'on veut, ce qu'on désire, ce qu'on souhaite et ce qu'on demande, c'est que les abus et les injustices qui parfois sont criants soient corrigés afin que le système puisse fonctionner. Présentement, le programme de la sécurité du revenu crée beaucoup de difficultés entre nos membres, et je dirais même à l'intérieur de la société, en ce qui concerne les assistés sociaux. D'une part, on a voulu tellement les protéger que, en ce qui concerne la société en général, en tout cas, il se fait une espèce de ressac, et on considère pratiquement aujourd'hui ces gens-là, dans bien des endroits, comme des intouchables, avec toutes les conséquences que ça a dans une société comme la nôtre, qui vise quand même une certaine forme d'égalité des chances.

(15 h 30)

Alors, pour entrer plus dans le vif du sujet en ce qui nous concerne, pour parler du problème des propriétaires, on peut dire que, depuis une vingtaine d'années, nous, à la Ligue, on a remarqué que nos membres revenaient continuellement nous exposer des difficultés avec les assistés sociaux. Les difficultés naturellement, cela va de soi, concernent surtout des questions d'argent, la chose est évidente. Mais il y a beaucoup de choses aussi qui sont reliées au comportement de ces personnes, qui, soit dit en passant, n'est pas un comportement que je dirais accidentel. Notre expérience tend à démontrer qu'au contraire le fonctionnement lui-même du système de la sécurité du revenu tend à développer des comportements chez les assistés sociaux, qui, dans bien des cas, les rendent irresponsables et amènent des conséquences aux personnes qui, elles, sont hors du système, qui ont à subir et à payer des frais à cause des gestes posés par ces gens-là.

En ce qui concerne le non-paiement du loyer, c'est notre problème numéro un. Depuis les cinq dernières années – avant ça, il y avait quand même une prospérité relative ici, au Québec – avec l'apparition de l'appauvrissement où la société a de plus en plus de difficultés, dans la région de Montréal, pour nous, ça a été plus qu'extrêmement difficile. Sans être alarmiste, je dirais tout simplement que ça a pris presque des proportions épidémiques. Nos membres viennent à la Ligue et se succèdent avec un pourcentage assez effarant de loyers qui ne sont pas payés. Il y a beaucoup de causes naturellement à ça; il y en a qu'on connaît puis il y en a qu'on ne connaît pas.

La cause principale, c'est qu'il semble maintenant qu'il existe un courant d'opinion parmi les assistés sociaux que «advienne que pourra, ils ne peuvent rien nous faire». Alors donc, si on ne paie pas, ce n'est pas grave, il n'y a rien à faire de toute façon. C'est une opinion qu'ils se passent entre eux, et des gens qui autrefois – puis, moi, je l'ai vu par expérience personnelle – étaient des gens responsables et qui s'acquittaient de leurs responsabilités, bien, maintenant se laissent influencer par d'autres qui sont moins responsables et puis finissent naturellement par ne pas payer le loyer. Alors, ça, c'est le problème numéro un, je dirais.

Pour Montréal, ça représente des chiffres qui sont assez sérieux. Sans me tromper... On n'a pas d'études très scientifiques là-dessus, mais disons une extrapolation, en ce qui concerne notre région, due à nos membres: c'est au moins de 20 000 000 $ par année. Alors, si on prend l'économie montréalaise puis on soustrait 20 000 000 $ chaque année, on peut voir l'impact économique que ça a.

Le deuxième point, c'est les dommages causés à nos immeubles. Les gens devenant de plus en plus irresponsables se conduisent de façon irresponsable aussi à l'intérieur des immeubles. Ils vont avoir tendance à surchauffer l'hiver, à ouvrir les fenêtres et les portes, à briser des équipements, à briser des mûrs, à briser des planchers, etc. sans s'en préoccuper le moins du monde, puisque, comme l'opinion l'a dit, on ne peut rien faire.

S'ajoute à cela le troisième problème, qui est celui des déguerpissements, qui est attaché au problème du non-respect du bail. Le bail est un contrat qui malheureusement, il faut le dire, au Québec, attache le propriétaire puis, de notre point de vue, ça s'arrête là, point. Tout le reste est du côté du locataire. Puis surtout quand on est assisté social, on a encore plus de souplesse. Passer un contrat avec un assisté social, c'est fonctionner sur la bonne volonté. Il n'y a pas grand-chose pour l'obliger à le respecter, ce contrat-là. Puis, s'il ne veut pas le respecter, le système judiciaire est tel... Bon, bien, on gagne toutes nos causes, comme on dit en bon français, mais, dans la pratique, on n'a toujours rien puis on aboutit à rien. Alors, finalement, parmi les propriétaires s'est établie une attitude que ça ne vaut même plus la peine d'aller devant les tribunaux, devant la Régie quand il s'agit des assistés sociaux; on est aussi bien de passer l'éponge puis d'aller à l'étape suivante.

Soit dit en passant, en ce qui concerne les déguerpissements, ça amène le problème du bail aussi. Tout récemment, je pense que la Régie nous a sorti un nouveau bail. Ce que je trouve d'intéressant là-dedans, c'est que, nous, les propriétaires, qui avons à remplir ces baux-là – c'est surtout nous, les gros consommateurs de l'affaire – on n'a jamais été consultés sur la forme ou les modalités ou les choses à inclure dans ce bail-là, alors que je crois que certaines personnes d'autres organismes sociaux ont pu émettre leur mot. Je crois qu'il serait plus juste à l'avenir, en ce qui concerne le bail, en tout cas, qu'on soit consultés, vu que c'est nous, les grands consommateurs.

M. Joubert (Pierre-Paul): Merci. Ce qu'on a constaté à la Ligue, au point 4, avec la réglementation de la Sécurité du revenu, c'est qu'il y a eu la prolifération des organismes de OSBL, de coopératives, de HLM, de paramunicipal qui sont venus chercher dans nos immeubles les prestataires qui respectent leur engagement puis ils nous refilent les prestataires qui, en fin de compte, nous causent des dommages. Parce qu'on sait que, dans les organismes, ils ont des comités de sélection qui choisissent les meilleurs candidats, puis, sur le marché, malheureusement, il reste des candidats qui n'ont pas pu être sélectionnés. Ça, c'est dû, justement, à une réglementation à la Sécurité du revenu, qui encourage ces politiques-là.

Ceci entraîne aussi, en cinquièmement, une politique des gouvernements et des villes. Vu qu'il y a plus d'appauvrissement, plus de gens qui sont sur la sécurité du revenu, eux autres, ils ont décidé de construire et de rénover du logement social. Puis ça, justement, ça a un impact sur le logement privé. C'est que nos taux de vacance augmentent et que notre clientèle se détériore. Ensuite, on a constaté que, quand il y avait de la création de logement social, on créait aussi des coopératives d'entretien oeuvrant dans les logements sociaux, qui s'adressaient encore aux prestataires puis qui étaient subventionnées par des programmes de la Sécurité du revenu, dont EXTRA. Donc, on constate qu'il y a un ensemble qui fait qu'on s'appauvrit. Chez nos propriétaires, la clientèle se détériore et, en plus de ça, nos taux de vacance augmentent. C'est certain que ça va de plus en plus mal.

On a constaté aussi que, chez les prestataires, il y a une passivité. Ce sont des gens qui sont passifs puis qui attendent beaucoup du propriétaire. À notre téléphone puis au téléphone de nos membres... Ça téléphone, ça téléphone puis ça demande tout le temps. En plus, aussi, on a des demandes pour remplir des preuves de résidence. Aussi, on a une clientèle qui est très flottante. Au niveau du bail, on a des documents épais qu'il faut remplir très souvent. Quand on a un document épais qu'on remplit très souvent, ça prend beaucoup de temps. Il faudrait peut-être une formule abrégée pour les prestataires, vu qu'ils déménagent souvent. On perd énormément de temps à ce niveau-là.

M. Lavoie (Guy): Pour la question des HLM, peut-être un petit exemple pour aider à illustrer le sérieux de l'affaire. Si on parle de notre patelin qui est Montréal ou la région, le nombre de logements vacants, à l'heure actuelle, à Montréal, est d'un peu plus de 30 000. Si on met une image là-dessus, c'est à peu près l'équivalent de la ville de Montréal-Nord au complet qui serait inoccupé. Puis, pendant ce temps-là, ce qu'on trouve de curieux, nous, c'est que l'administration municipale parle encore de construire des logements sociaux, alors que tous ces logements-là sont inoccupés. Il faut être drôlement riche, au Québec, pour faire un tel gaspillage de ressources, d'argent puis de richesses.

Maintenant, en ce qui concerne les assistés sociaux, on remarque que – puis ce n'est pas seulement pour nous, les propriétaires – il s'est développé une habitude, qui s'est accrue beaucoup au cours des dernières années, de ne pas respecter leurs obligations et de devenir de plus en plus irresponsables. Naturellement, cela se reflète au niveau du bail. Le bail, tel qu'il est conçu présentement au Québec, est un contrat qui, dû à sa nature et à la façon dont le législateur l'a encadré, est un contrat qui est déjà difficile à faire respecter. Alors, dans le cas de ces gens-là, si on considère les différents privilèges dont ils jouissent et, dans la pratique aussi, l'immunité qu'ils ont en face de la loi, ça rend le bail, à toutes fins pratiques, caduc, sauf pour les gens qui veulent bien le respecter.

(15 h 40)

Naturellement aussi, ce qu'on remarque, c'est que, là comme partout ailleurs, c'est pas mal toujours les mêmes qui font les mêmes difficultés et puis qui font ces difficultés-là de façon assez fréquente et assez répétée que ça a tendance à déteindre sur des gens qui, eux, ont un comportement plus raisonnable et normal, avec le résultat qu'on est rendus, dans notre coin, à toutes fins pratiques, je dirais, à stigmatiser les assistés sociaux. Il y a bien des gens qui ne veulent plus ou qui ne sont pas prêts à louer des logements à des assistés sociaux, puis ils n'en ont jamais eus. On a vu ça à La Ligue des propriétaires. Puis, quand on leur demande pourquoi: Si tu n'en as jamais eu, quelle expérience tu as là-dessus? on nous répète des clichés qui sont véhiculés dans la société. Si ces clichés-là sont véhiculés dans la société, c'est parce que le problème s'est répété tellement souvent que ça passe de bouche à oreille, puis, à un moment donné, ça vient que c'est cru par tout le monde. Une telle situation, ce n'est pas bon pour eux puis ce n'est pas bon pour nous, puis je pense que ce n'est bon pour personne. Je ne sais pas si vous allez être capable, mais j'espère, un jour, en tout cas, que, comme société, on pourra résoudre ce problème-là.

En ce qui concerne la contribution des bénéficiaires de l'assistance sociale à la société, je suppose qu'on pourrait avoir beaucoup de discussions là-dessus selon le côté de la clôture où on se place. Évidemment, si on regarde strictement l'aspect monétaire ou l'aspect richesse, on sera obligé de conclure qu'ils contribuent, du moins de cet aspect-là, probablement moins un peu que la moyenne des citoyens. Mais, en ce qui nous concerne, par exemple, si on vire ça de l'autre bord, on s'aperçoit que, nous, les propriétaires, on est mis beaucoup trop à contribution pour le support de la sécurité du revenu, beaucoup plus que les autres citoyens.

Pour illustrer ça, bien, c'est très simple. D'abord, on paie nos impôts comme tout le monde. Dans nos impôts, il ne faut pas se le cacher, il y a une grosse tranche de nos impôts qui va pour supporter les gens de la sécurité du revenu. Bon. Pour la majorité des gens, on peut dire que ça s'arrête là. Pour les propriétaires, il y a quelque chose qui se rajoute. C'est qu'on paie des taxes, et puis, sur nos taxes, à même nos taxes, souvent on prend une bonne ponction pour construire des logements sociaux qui ne vont pas à moi, en tout cas, puis qui vont aux assistés sociaux. Donc, encore là, on contribue largement.

Finalement, durant les cinq dernières années, puis ça a toujours existé, quand les assistés sociaux nous créent des problèmes financiers en ne payant pas leur loyer ou en brisant nos choses puis qu'il faut les faire réparer, et puis toutes les autres difficultés, bien, encore là, on contribue à leurs revenus, puis là c'est personne d'autre que nous, les propriétaires, qui fait ce genre de chose, là. On a des assistés sociaux qui restent parfois dans nos logements jusqu'à trois ou quatre mois sans payer puis qui partent après, puis on ne peut pas récupérer les sommes d'argent. On a contribué à leurs revenus. Puis, du point de vue de la justice sociale, ce n'est pas à nous, les propriétaires, de contribuer plus que personne d'autre aux assistés sociaux. Au contraire, le problème des assistés sociaux est un problème de société et puis ça doit reposer sur les épaules de toutes les personnes de la société et non un groupe en particulier.

M. Joubert (Pierre-Paul): En fin de compte, ce qu'on constate aussi, c'est que les droits et les avantages du système de la sécurité sont bénéfiques pour ceux qui sont inscrits à ce programme-là et désavantagent beaucoup le propriétaire. Puis on l'a illustré avec quelques exemples. Ensuite, on constate aussi qu'il y a beaucoup de règlements d'exemption pour les prestataires et qu'il y a un déséquilibre aussi entre les coûts pour le logement social puis les coûts du logement privé. Nous autres, on est autonome puis à côté on a un concurrent déloyal qui, lui, est subventionné. En plus de ça, il demande des sous à l'État. Ça fait que c'est un déséquilibre qui n'a aucun sens.

Ensuite, la poursuite en justice de certains locataires. Ils ne sont pas poursuivables. Puis aussi on a la difficulté qu'on a beaucoup de prestataires qui consomment de l'alcool, des drogues, qui ont toutes sortes de problèmes. Ils ont été refusés dans le logement social, puis, après ça, ils sont sur le marché puis ils viennent dans les immeubles de nos membres. Il y a aussi le coût élevé des assurances habitation. C'est certain, quand on a une clientèle qui est mauvaise, bien, que les risques sont mauvais aussi. Les compagnies d'assurances ont bien compris ça. Il y a aussi des fraudes qui sont fréquentes. Dans ces cas-là, ceux qui sont prestataires, il n'y a jamais d'accusation. Puis ça, c'est important à souligner. Il n'y a jamais d'accusation.

Il y a les pertes de revenus d'entreprises privées. Chaque fois que nos membres ont des loyers non payés, en fin de compte, c'est moins de revenus pour le propriétaire. Le propriétaire, il a moins de revenus, il paie moins d'impôts. Il n'a plus de revenus, c'est qui qui perd en fin de compte? C'est le gouvernement, c'est la société qui perd, c'est tout le monde qui perd. Puis on a un tableau qui démontre ça. En fin de compte, ce qu'on constate, c'est qu'il y a un déséquilibre qui est très grand. Suite à ça, on a des recommandations.

Les recommandations sont que La Ligue des propriétaires de Montréal suggère que les prestations soient saisissables ou payées directement au propriétaire lorsqu'il y a non-paiement de loyer.

M. Lavoie (Guy): On demande également d'obliger les administrateurs de la sécurité du revenu à verser la portion logement des prestations directement au propriétaire, surtout pour les locataires qui ont l'habitude de payer en retard ou qui ne paient pas.

M. Joubert (Pierre-Paul): De modifier les programmes d'employabilité en intégrant les bénéficiaires dans le marché traditionnel de l'emploi.

M. Lavoie (Guy): De décourager et carrément d'abolir les fameux programmes de logements sociaux, vu le parc immobilier, à l'heure actuelle, qui est complètement inoccupé puis qui se perd.

M. Joubert (Pierre-Paul): Encourager des programmes et des ressources via les organismes communautaires pour s'occuper des prestataires exerçant des activités illégales ou éprouvant des difficultés d'ordre mental ou physique, d'alcoolisme, de toxicomanie ou de pyromanie.

M. Lavoie (Guy): De créer des allégements dans la réglementation pour nous permettre, à nous, propriétaires, d'engager plus facilement du personnel puis probablement aussi parmi les assistés sociaux afin de les réintégrer.

M. Joubert (Pierre-Paul): D'encourager les prestataires autonomes et aptes au travail à louer un logement dans le marché locatif privé, on a des beaux logements.

M. Lavoie (Guy): D'encourager les organismes communautaires puis les logements sociaux à s'occuper des prestataires qui représentent les cas lourds, que le fardeau de ces cas-là repose sur la société et non sur un groupe de citoyens en particulier, qui sont nous, en l'occurrence.

M. Joubert (Pierre-Paul): De réviser les lois et règlements actuels en équilibrant les droits et devoirs entre les propriétaires et les prestataires louant un logement dans nos immeubles.

M. Lavoie (Guy): De mieux clarifier les droits que la Loi sur la sécurité du revenu accorde aux locateurs puis de créer de nouveaux mécanismes qui assureraient une protection accrue pour les mauvais payeurs, en ce qui concerne la sécurité du revenu.

M. Joubert (Pierre-Paul): De créer un régime de prestations pour les propriétaires, lequel couvrirait les pertes causées par des prestataires n'ayant pas respecté leurs devoirs, responsabilités du bail face au propriétaire.

M. Lavoie (Guy): De créer un mécanisme par lequel le locateur pourrait faire parvenir au ministère un état de revenu, suivant peut-être la même procédure qu'on utilise pour les impôts, les T4. Cela permettrait d'établir, sans aucune erreur, qui paie puis qui ne paie pas son loyer.

M. Joubert (Pierre-Paul): De modifier les lois de la sécurité du revenu pour que les prestations soient temporaires. Actuellement, les prestations sont de durée permanente et incitent les prestataires à demeurer sur le système de la sécurité du revenu, ça les avantage.

M. Lavoie (Guy): D'encourager les groupes et les intervenants qui sont rentables pour la société de diverses façons, entre autres les propriétaires de logements privés. On ne demande pas de subvention, on est autonomes, mais ce qu'on demande, par exemple, c'est qu'on ait des gens puis qu'on soit égal sur le marché et puis qu'on ne nous crée pas des difficultés, comme on nous en fait présentement, qui nous mettent dans des positions impossibles.

M. Joubert (Pierre-Paul): En ce moment, on a un concurrent qui est vraiment déloyal. Il faudrait justement diminuer ce concurrent-là qui est les organismes sociaux et centres d'hébergement qui volent vraiment notre clientèle, au secteur du privé.

M. Lavoie (Guy): Puis finalement qu'il y ait une nouvelle politique de HLM qui va moins les socialiser, qui va enlever, si on veut, les HLM des mains de l'État puis qui va diriger ça vers le secteur privé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je rappelle aux membres, avant de débuter l'échange avec Mme la ministre, que j'applique la règle de l'alternance et que, sous réserve de l'alternance, chaque député peut parler aussi souvent qu'il le désire, sans excéder 10 minutes consécutives incluant les réponses. Alors, les questions ont avantage à être courtes et les réponses aussi. J'invite Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, dois-je vous dire que le mémoire que vous nous présentez est, en très grande partie, un mémoire qui s'adresse plus à la question du logement dans notre société et, en partie – c'est cette partie-là finalement qui est seulement l'objet de ma compétence et de celle de la commission – à l'égard de la réforme de la sécurité du revenu. Je vais vous souhaiter bienvenue. Je ne sais pas si c'est votre première commission parlementaire. La Ligue vient-elle pour la première fois devant la commission parlementaire?

M. Aubry (Pierre): Pas nécessairement, on est venu à quelques occasions pour des cas particuliers comme le ministère des Affaires municipales et des choses comme ça.

(15 h 50)

Mme Harel: Alors, peut-être juste deux, trois commentaires rapides. D'abord, le bail. Vous nous parliez tantôt de ce nouveau bail mis en place par la Régie du loyer. On m'indique que la Ligue avait été consultée dans le cadre des séances d'information que la Régie du loyer a menées jusqu'à maintenant et qu'elle le sera le 10 avril prochain aussi dans une série de consultations qui se poursuivent.

M. Aubry (Pierre): Oui. Bien, écoutez, ce n'est peut-être pas dans votre sphère de responsabilités. La Ligue avait été consultée pour le bail, pour un bail qui avait été présenté au mois d'avril, je crois. On avait eu beaucoup d'objections, et le bail qui a été finalement présenté est un bail totalement différent et par ses clauses et par la disparition de certaines clauses. Le 10 avril aussi, on sera consulté, mais on sera consulté seulement sur la forme et non pas sur le fond.

Mme Harel: Sur la forme du bail, vous voulez dire, hein?

M. Aubry (Pierre): Oui, vous savez, comme certains, la loi de base. Vous savez, la loi de base, ce n'est pas la sécurité du revenu, mais la loi de base, en ce qui nous concerne, semble inaltérable.

Mme Harel: Vous avez dit, dès le début de la présentation de votre mémoire, que vous étiez un organisme à but non lucratif.

M. Aubry (Pierre): Oui.

Mme Harel: Alors, nous avons entendu à date un organisme, CORPIQ, qui a présenté un mémoire hier. Dois-je comprendre que, en l'occurrence, il s'agit là d'un organisme à but lucratif?

M. Aubry (Pierre): CORPIQ est à but non lucratif aussi.

Mme Harel: Non lucratif également.

M. Aubry (Pierre): Techniquement, ça fait une dizaine d'années qu'il existe, je crois.

Mme Harel: La Ligue est plus ancienne ou la Ligue est plus...

M. Aubry (Pierre): Elle a été fondée en 1921.

Mme Harel: Bon.

M. Aubry (Pierre): Ça fait 75 ans. Je n'étais pas là dans le temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous nous dites dans votre mémoire que ça fait 20 ans. Vous commencez comme ça, je pense, d'ailleurs, aux première pages, vous nous dites: «Depuis plus de 20 ans, nos membres remarquent des difficultés avec certains prestataires de la sécurité du revenu. Ces difficultés s'amplifient continuellement et prennent des proportions immenses.» Et vous nous dites que ça devient épidémique.

Avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de cette étude réalisée en 1993 par la firme Soucy D. Gagné et Associés sur la question du non-paiement, qui faisait voir une réalité qui n'attribuait pas qu'aux personnes assistées sociales le non-paiement de loyer, c'était partagé aussi par d'autres locataires.

M. Aubry (Pierre): Écoutez, il y a eu une enquête qui a été faite, je pense que c'était à la demande de Mme Trépanier, du temps. Mais il y a aussi eu une enquête sous le règne de Mme Blackburn, qui a fait état aussi de beaucoup plus de détails et qui a amené sur la table des choses qui n'avaient pas été enquêtées, comme le fait que dans les HLM aussi ils ont un gros problème de perception de loyers. Ça fait que le problème s'attache un peu plus particulièrement aux assistés sociaux par rapport à la population en général. Le rapport de 1993 était partiel, et puis là, au fur et à mesure, on le considère beaucoup plus grave, comme problème. Et, je crois, les assistés sociaux, il y a des coupures, il y a diminution de leurs revenus. Ils se revengent sur le propriétaire, ils se revengent sur Hydro-Québec. Hydro-Québec nous refile les factures. Ça fait un problème qui nous vient de plusieurs côtés.

Mme Harel: Et vous l'évaluez à quel pourcentage? Hier, CORPIQ nous disait: Peut-être 5 %, 7 %, 8 %.

M. Aubry (Pierre): Bon. CORPIQ a toujours dit 5 %, et ça a été véhiculé à multiples reprises, mais, si vous regardez les études qui sont dans le rapport Blackburn, on ne parle pas de 5 %, on parle beaucoup plus de 20 %, 25 % et 30 %.

Mme Harel: Et ça, donc, ce sont des situations antérieures, parce que, si vous me parlez de l'étude menée dans le cadre du comité que ma collègue Mme Blackburn avait mis en place, c'était donc sur des situations existant avant ces coupures dont vous nous parlez. C'est donc une situation de non-paiement qui existe indépendamment.

M. Aubry (Pierre): C'est ça. Écoutez, ce n'est pas dépendant de vos coupures, c'est indépendant des coupures. C'est une philosophie qui est après s'installer. Quand il y a des coupures de revenus, ça n'améliore pas les choses.

Mme Harel: Mais, à ce moment-là, est-ce que vous considérez que la question des chômeurs, par exemple, parce qu'il y a des chômeurs qui n'ont pas droit à l'aide sociale, qui sont sur l'assurance-emploi et qui ont des revenus qui sont parfois moindres que ceux de l'aide sociale... Les revenus d'aide sociale actuellement sont souvent supérieurs aux revenus que les chômeurs vont chercher avec l'assurance-emploi. Vous savez sans doute que l'assurance-emploi a non seulement resserré l'éligibilité, mais diminué les revenus qui peuvent en résulter, au point où beaucoup de chômeurs maintenant demandent de l'aide sociale même s'ils ont l'assurance-emploi. Ça se multiplie par milliers actuellement.

Alors, j'aimerais savoir: Est-ce que, pour vous, la situation est celle des personnes assistées sociales et non pas celle des chômeurs?

M. Aubry (Pierre): Les personnes assistées sociales se cachent très facilement derrière l'insaisissabilité. C'est qu'ils disent: Fais n'importe quoi, je suis insaisissable. Puis ils déguerpissent facilement. Les cas qu'on nous soumet, nous autres, c'est toujours des cas d'exception, hein. Quand les cas n'ont pas l'air raisonnable, déguerpissement facilement ou des choses comme ça, je vais vous dire que, dans sept cas sur huit, c'est un cas d'assisté social. Ça fait que ça donne un mauvais ton, là. Puis, quand une philosophie comme ça se répand parmi les propriétaires et parmi la population, ça fait boule de neige. Et M. Lavoie, ici, peut vous en dire d'autres aussi.

M. Lavoie (Guy): Là, en quelque sorte, on touche au problème des statistiques. Naturellement, les statistiques, vous le savez peut-être plus que moi, on peut pratiquement leur faire dire ce qu'on veut puis ça dépend de quel côté on regarde. Si on prend l'expérience de nos membres, de nos propriétaires, environ 70 % des pertes de loyer sont dues aux assistés sociaux, donc il en reste un autre 30 % ailleurs.

Le non-paiement du loyer n'est pas nécessairement attaché à la pauvreté de la personne. Il y a beaucoup de personnes très pauvres qui travaillent au salaire minimum, qui font des sacrifices immenses puis qui s'acquittent de leurs responsabilités. Le non-paiement du loyer est attaché à quelque chose d'autre qui est une espèce de comportement délinquant qui se cache derrière certains privilèges que la société accorde à certaines personnes ou certains mécanismes qui sont défaillants dans notre système qui font en sorte qu'ils en profitent puis qu'ils répètent ça, une fois qu'ils ont su qu'ils peuvent le faire. La majorité des gens pauvres sont des gens honorables avec lesquels nous, les propriétaires, on n'a pas de difficulté et on s'entend bien. Où nos difficultés commencent, c'est, quand on frappe quelqu'un qui utilise et exploite le système à fond de train. Puis ce n'est pas par manque d'argent, souvent il y en a beaucoup.

Mme Harel: Bon, vous parlez du mécanisme et puis vous parlez aussi de l'insaisissabilité, n'est-ce pas, et vous le qualifiez de privilège parce que, dans la Loi sur la sécurité du revenu, on rend insaisissables, comme dans la loi des rentes ou de la CSST, les prestations. Cependant, vous connaissez qu'il y a un traitement dans le Code de procédure civile à l'égard de l'insaisissabilité qui prévoit qu'en deçà d'un certain seuil de revenus on ne peut pas saisir. Vous êtes conscients, sûrement que vous connaissez, vous dont c'est le domaine, certainement ces articles du Code de procédure civile qui, notamment, dans le cas d'une personne seule, prévoient, je pense, le revenu de 120 $ par semaine et, donc, l'insaisissabilité en vertu de l'article 553 du Code de procédure civile.

Donc, faire appel à une égalité de traitement, c'est dire: Bon, bien, dorénavant, tout le monde va être traité sur le même pied que ce que prévoit le Code de procédure civile. D'autre part, quand vous dites «mécanisme», tantôt je me demandais comment expliquer que vous puissiez avoir l'impression que les personnes restent dans vos loyers trois, quatre mois sans payer. Il me semble que la loi prévoit déjà qu'après trois semaines un propriétaire peut, à ce moment-là, se rendre devant la Régie des loyers puis demander vraiment que soit le loyer lui soit payé ou soit qu'il y ait éviction.

(16 heures)

M. Aubry (Pierre): Mme McMurray, ici, pourra vous le confirmer, aussi, de la Régie du logement. La procédure, après le 21 du mois, on peut demander, et ensuite il faut attendre l'audition qui aura lieu à peu près un mois plus tard. Et après ça il y aura un délai entre l'audition et le jugement. Et, si le propriétaire n'a pas été très habile, il peut y avoir procédures en appel. Procédures en appel, les procédures ont été modifiées, qui pourraient limiter un peu ça. Mais il y a procédures en rétractation. Et je vais vous dire que, effectivement, les propriétaires, la grande majorité des petits propriétaires, ne comprennent pas bien le système et ils se présentent à nous avec un problème qui est normalement de deux mois ou de trois mois de retard de loyer du début. Ça fait que, si on part avec deux, trois mois de loyer en retard plus les délais d'audition plus la possibilité d'aller en appel ou en rétractation, on peut facilement aller jusqu'à sept mois, et le locataire déguerpit puis il va faire la même chose ailleurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, suivie de Mme la députée de La Prairie.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue. J'étais contente de vous entendre, au début, quand vous avez dit d'entrée de jeu que vous étiez pour la clause d'appauvrissement zéro, parce qu'il y avait certains termes dans votre mémoire qui m'avaient un petit peu ébranlée, quand vous parlez des pyromanes prestataires et des spécialistes – je ne me souviens pas, là, en tout cas, un terme qui m'avait surprise un peu, attendez une petite seconde, dans la même ligne – de dommages, quand vous parlez de certains prestataires, tout ça.

Mais j'aimerais revenir... Parce qu'il y a un point que je ne comprends pas du tout. Vous parlez de la protection abusive des prestataires par des organismes communautaires. Vous faites référence aux organismes là qui... des refuges pour femmes battues, des refuges de jeunes enfants et des organismes qui s'occupent d'alcooliques et de toxicomanes. Ces organismes-là, ils prennent en charge souvent des gens qui sont en graves difficultés. C'est un peu la bouée de sauvetage pour ces personnes-là. Moi, je ne peux pas voir comment il y a une relation entre vous, les propriétaires, et ces organismes-là, et comment il peut y avoir une protection abusive de ces organismes communautaires là qui, finalement, aident ces gens-là dans des situations souvent très, très troublantes et très difficiles pour ces personnes-là. C'est pour ça que je ne vois pas la relation entre les petits propriétaires et ces organismes-là, surtout que vous les décrivez: les femmes battues, les jeunes. J'aimerais peut-être que vous m'éclairiez davantage.

M. Joubert (Pierre-Paul): O.K. Ce qu'il en est, tout d'abord. Il faut considérer deux types de gens: il y a des gens qui sont victimes puis il y a des gens qui jouent à la victime. O.K.? Où le cas se complique, c'est les gens qu'on a, qui sont locataires, qui jouent à la victime. Eux autres vont faire des démarches. Par exemple, ils sont venus dans un logement d'un de nos membres, ils n'ont pas payé, ils font des folies, après ça ils vont se réfugier dans ces organismes-là. Après ça, ces organismes-là reviennent nous voir avec ces gens-là, puis nos membre sont harcelés par ces organismes-là et ces gens-là qui ont joué à la victime. C'est là que ça se complique.

Mme Loiselle: Mais comment des organismes... Moi, «joue à la victime», je ne sais pas, là. Ça doit être des situations très particulières dont vous parlez. On ne peut pas généraliser une...

M. Joubert (Pierre-Paul): O.K. Par exemple, on prend les organismes de femmes battues. Les femmes battues, elles ont des procédures. O.K.? Puis les procédures, que la personne soit victime ou pas victime, ils considèrent tout le monde comme des criminels. Donc, à ce niveau-là, quand ça tombe sur un propriétaire, bien, lui aussi, il est pris avec ce problème-là. Quand on regarde les problèmes de toxicomanie, par exemple, à Montréal, ce sont les organismes aussi qui font la même chose, des organismes de droits des locataires. À un moment donné, on voit retontir le locataire avec les intervenants. Nos membres sont pris avec ces organismes-là, parce que ces gens-là, ce qu'ils...

Mme Loiselle: C'est ça que je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'ils vous demandent? Ils vous demandent que la personne quitte le logement? C'est quoi, le harcèlement que des organismes qui aident des femmes battues peuvent faire aux propriétaires? C'est là que je ne vous rejoins pas du tout, là.

M. Joubert (Pierre-Paul): O.K. À ce niveau-là, les propriétaires sont vulnérables. Souvent, ces gens-là vont essayer d'avoir un côté monétaire ou aller chercher une cause ou créer une cause qui va leur rapporter au niveau du logement. Par exemple, ils vont inscrire une cause à la Régie du logement avec tout ça, là, puis ça fait un dossier très assaisonné.

M. Aubry (Pierre): Un cas qui nous est arrivé la semaine passée, c'est quelqu'un, une dame aménagée depuis le 1er février, ça ne fait pas longtemps, et qui poursuit dans le moment le propriétaire parce qu'il y avait des rats chez eux. Maintenant, avec une recherche rapide avec l'ancien propriétaire et le propriétaire d'avant, c'est la troisième fois qu'elle fait des causes comme ça. Elle transporte probablement son rat avec elle, puis elle poursuit le propriétaire en dommages, et elle se fait aider, elle a des avocats de l'aide juridique, et toute la patente. Vous savez, là, c'est ce côté-là qui nous fait insister un petit peu plus là-dessus. Il y a une emphase qui est faite dans ces organismes-là.

M. Lavoie (Guy): Il y a aussi... Peut-être qu'il faudrait spécifier pour éclairer peut-être un peu le problème. C'est que vous avez à peu près seulement 20 % des cas qui sont responsables de 80 % des problèmes. Mais, quand on le voit de l'extérieur, la majorité des gens ont tendance à tout peinturer ça de la même couleur. Ce n'est pas les assistés sociaux comme tels qui font ça. Mais, il faut se l'avouer puis il faut se le dire, vous avez une catégorie de gens qui se cachent à l'intérieur des assistés sociaux, qui utilisent puis qui écrèment le système autant qu'ils le peuvent. Puis, comme ces gens-là ont déjà un comportement qui est anti-social, tout ce qu'ils peuvent ramasser, si c'est les propriétaires ou quelqu'un d'autre, ils vont se servir de tous les moyens: alors, évidemment, jouer à la victime, aller chercher d'autres témoins ailleurs, apporter quelqu'un qui est un faux témoin, etc.

Puis, quand vient le temps de se défendre, ce n'est pas tous des professeurs d'université. Quand ils sont trop coincés, bien, c'est toujours la même chose qu'on nous dit: Fais tout ce que tu voudras, je suis sur le BS. Naturellement, les propriétaires aussi ne sont pas toujours très sophistiqués. Pour lui, c'est un BS comme les autres BS, puis, quand ça fait trois ou quatre ou cinq de ces cas-là qu'il a, il vient tout de suite catégoriser ces gens-là. Mais pourtant, l'autre 80 % de la population qui sont des gens honorables qui font leur affaire puis qui se débrouillent, puis, il faut l'admettre, c'est vrai qu'ils sont en difficulté, quand ils vont rencontrer cette personne-là, bien là ils frappent un mur. C'est ça qu'on voit qui se développe maintenant à Montréal, puis ça s'en vient de plus en plus généralisé, parce que le fameux 20 %, là, maintenant, la loi est telle que ce 20 % là, il est complètement hors contrôle. Il fait des ravages dans le système puis il est en train de le défaire ou carrément de le détruire.

Mme Loiselle: Il y a mon collègue qui voulait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Excusez. L'alternance. Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Bonjour, messieurs. Alors, je pense que La Ligue des propriétaires, vous êtes surtout implantés à Montréal, si je ne me trompe pas, hein?

Une voix: Oui.

Mme Simard: C'est ça. Vous êtes un organisme essentiel mais surtout montréalais.

M. Aubry (Pierre): La Ligue des propriétaires de Montréal.

Mme Simard: De Montréal. C'est ça.

M. Aubry (Pierre): Mais, vous savez, Montréal c'est grand.

Mme Simard: Ah! c'est de Montréal. Écoutez. Vous savez qu'ici, en commission parlementaire, la majorité ou beaucoup des groupes qui sont venus ici sur la question du logement nous ont manifesté leur inquiétude parce qu'il y a une disposition dans le livre vert qui dit, bon, qu'il pourrait y avoir, donc, préautorisation de prélèvement. Et les gens sont venus nous dire qu'ils craignaient qu'une telle disposition fasse en sorte que sur le terrain, désormais, les propriétaires fassent des pressions telles que... exigent ça pour tout le monde.

Bon. Vous l'avez dit, ce n'est pas tous les prestataires qui sont des mauvais payeurs, mais il y a des préjugés largement répandus, vous venez de l'admettre, là, et que c'est en voulant... Moi, je ne veux pas nécessairement, puis je veux tout de suite vous le dire, là, cautionner les gens qui ne paient pas leur loyer, etc. Je sais que, dans bien des cas, ce sont des petits propriétaires, puis, bon, quand on signe un bail, il faut payer son loyer, effectivement. Mais ce qui est dans les règlements, ce qui est dans les lois, c'est une chose, mais ce qui se passe sur le terrain peut être autre chose. Et les propriétaires souvent vont mettre beaucoup, beaucoup de pression et des pressions telles qu'au fond c'est: Je ne te loue pas le logement si tu ne signes pas ou n'accordes pas l'autorisation de prélèvement.

(16 h 10)

Alors, vous voyez, c'est tout à fait l'envers de la médaille, c'est-à-dire que, pour corriger un certain nombre d'exceptions, ce qui risque de se produire, c'est le contraire. Et je ne veux pas mettre en question votre bonne foi, mais dans votre mémoire je lis vos recommandations et je vous avoue qu'il y en a beaucoup qui me surprennent. Vous dites par exemple, à la recommandation 4: Décourager, abolir les programmes de subvention pour les organismes communautaires et les logements sociaux. Vous dites, à la recommandation 13: Modifier les lois pour que, désormais, les prestations soient temporaires – je ne sais pas si vous voulez dire qu'on soit comme les Américains qui, désormais, limitent à cinq ans, je crois, je pense que c'est cinq ans, l'aide sociale aux États-Unis. Diminuer les organismes sociaux et les centres d'hébergement qui volent la clientèle du secteur privé.

Là, voyez-vous, quand je lis toutes ces recommandations et que je vous écoute, ça m'effraie. Je suis très franche. Ça m'effraie. Je ne sais pas dans quelle mesure ces recommandations ne sont pas issues de préjugés aussi, parce que vous le dites. Vous ne dites pas... sans nuance, vous dites: Il faut que les prestations soient temporaires parce que, actuellement, les prestations sont de durée permanente et incitent les prestataires à demeurer sur le système de la sécurité du revenu. Et bien, ici, vous savez, autour de la table, je pense ne pas me tromper en disant que, de part et d'autre, on croit que la majorité des personnes sur l'aide sociale veulent s'en sortir, que ce n'est pas une question de choix, d'être sur l'aide sociale. Vous ne niez pas qu'il y a une crise de l'emploi. Vous ne niez pas qu'il y a un problème grave et qu'il y a des gens qui se retrouvent sur l'aide sociale. Alors, ça me perturbe. Je vous le dis, ça me perturbe.

Que répondez-vous? Est-ce que vous trouvez que l'école publique fait de la concurrence déloyale à l'école privée? Est-ce que vous trouvez que les hôpitaux et les centres d'accueil font concurrence au secteur privé? J'ai beaucoup de misère à vous suivre, et je veux comprendre. Répondez-moi à ces questions. Pourquoi est-ce que vous voulez... Qu'est-ce que ça veut dire, rendre les prestations temporaires au lieu de permanentes? Qu'est-ce que voulez dire par décourager et abolir les subventions à des organismes? Et j'aimerais ça vous entendre sur la question du vol de clientèle au secteur privé. Vous savez que de tout temps l'État a des obligations d'éducation, de santé, et par rapport au logement et à l'hébergement aussi. Ça fait partie des grandes responsabilités d'une société. Alors, expliquez-moi un petit peu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Trois minutes, maximum.

M. Aubry (Pierre): Quand vous parlez de décourager les programmes de subvention pour les organismes communautaires, tout particulièrement les logements sociaux coûtent terriblement cher à la société, alors qu'il y a, dans le moment, à Montréal, un fort taux de vacance. Pourquoi construire des logements qui coûtent 1 000 $ par mois à l'État, moins le loyer qu'on charge, alors que, dans l'entreprise privée, il se trouve dans le moment des logements vacants qui peuvent se louer à 300 $ et 400 $ par mois? C'est un gaspillage des fonds de l'État auquel nous participons par nos impôts aussi.

En même temps, cette concurrence qui affiche des loyers beaucoup inférieurs aux loyers que nous devons payer à cause de nos impôts et de nos taxes, ça dérange, ça déplace le système. Dans le moment, vous avez pu remarquer que la construction d'édifices pour des logements à louer est beaucoup en bas de ce qu'elle était il y a quelques années. Il y a une douzaine d'années, on parlait de 17 000 nouveaux logements à Montréal chaque année, et ces années-ci, l'an passé, on parlait de 450. Les propriétaires sont en train d'évacuer le logement privé parce qu'il y a trop de problèmes.

Quand on parle de voler les clients, c'est effectivement vrai. Un organisme HLM peut directement contacter un de nos locataires et le faire déménager après un avis au propriétaire actuel de trois mois, sans aucune pénalité, et il va évacuer le logement. Ils choisissent leurs logements, ils choisissent les bons locataires et ils viennent nous les enlever.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est terminé?

M. Aubry (Pierre): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un commentaire additionnel? Très court.

M. Lavoie (Guy): Oui. En ce qui concerne la question de Mme la députée pour les allocations temporaires, c'est ça, je crois? Notre idée derrière ça, c'est que le système actuel crée une dépendance qui se renforce puis qui se maintient, puis il faut trouver un moyen de faire cesser cette dépendance-là. L'idée qu'on poursuit, ce n'est pas de mettre les gens dans la rue, c'est tout simplement de dire au gouvernement: Il faut trouver un moyen, même s'il faut qu'il soit drastique, pour faire en sorte que les gens vont devenir des membres à part entière de la société et non des gens qui vont passer leur vie à se faire survivre par la société.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie...

Mme Simard: Je veux juste faire une remarque...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...M. le député de...

Mme Simard: ...juste une petite remarque. On pourrait faire attention parce que, vous savez, en faisant ça, on risque de mettre les gens au trottoir. Et ça va faire pas mal moins de locataires, ça va juste faire plus de sans-abri.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs, j'aurais quelques questions qui portent directement sur vos recommandations, quelques-unes que je comprends mal. On pourrait commencer par le début, si on manque de temps, on ne s'y rendra pas. Recommandations 1 et 2: La Ligue des propriétaires suggère que les prestations soient saisissables. Ouvrir une parenthèse: je pense que la démonstration a été faite, hier, que le fait que ce soit non saisissable ou saisissable est peut-être un faux débat, à cause des règles dans le Code de procédure civile qui indiquent que, mettons, pour une personne vivant seule, dont la prestation est d'à peu près 500 $, il y a 480 $ de ça qui est non saisissable, même selon le Code de procédure civile. Alors, je ne suis pas personnellement convaincu que ça va régler des problèmes, de dire que c'est saisissable ou non saisissable.

Il y a l'autre: que les prestations soient payées directement au propriétaire lorsqu'il y a non-paiement de loyer. Entre 1 et 2, il y a une nuance, là, que je... Peut-être que c'est mal compris, là. Est-ce que vous suggérez que c'est la portion logement qui est payable directement ou est-ce que c'est le tout? Parce que, dans la recommandation 2, vous dites que ça devrait être, les prestations, la portion logement qui devrait être payée. Dans la recommandation 1, vous ne précisez pas si c'est la portion logement ou pas. Je voulais juste que vous me précisiez ça, si possible.

M. Lavoie (Guy): M. le député, en ce qui concerne la saisissabilité des prestations, on réalise très bien que ce n'est pas avec ça qu'on va faire de l'argent. Mais là, par contre, il faut regarder l'autre côté de la clôture. Moi, personnellement, en tant que personne, j'ai perdu au moins 100 000 $ à cause des assistés sociaux, puis je ne suis pas riche, là. Puis pourquoi? Parce que, quand je me présente devant les tribunaux, je gagne toujours mon affaire. Il y a apparence de droits, mais, dans les faits, il n'y a pas de droits, j'ai des droits illusoires. Parce que, quand je me vire de bord puis que je dis aux assistés sociaux: Bien, c'est très bien, maintenant il faut payer votre loyer, je ne peux absolument rien faire. Je ne peux pas saisir, je ne peux pas l'obliger. Je ne peux quand même pas aller le battre, on vit dans une société civilisée.

Alors, qu'est-ce que je peux faire? Je suis obligé de faire comme tout le monde, de dire: Bon, bien, là, j'ai dépensé 50 $, 100 $ ou 200 $ pour aller à la Régie du logement, me voilà Gros-Jean-comme-devant devant rien. Puis on répète ça, puis on répète ça. Puis ne vous faites pas d'illusions, l'autre côté de la clôture, lui aussi, il le sait. Quand les gens sont honorables, il n'y a pas de problèmes, on s'entend. Mais je vous parlais, tantôt, de l'autre 20 % qui, lui, n'est pas honorable.

M. Copeman: Oui.

M. Lavoie (Guy): Bien, là, ils se promènent de l'un à l'autre, puis c'est nous autres qui payons.

M. Copeman: Oui. Je comprends tout ça, je ne veux pas refaire le débat. L'observation que je vous faisais, c'est que, si, déjà, dans le Code de procédure civile, 480 $ par mois est non saisissable pour tout le monde, tous les Québécois et Québécoises, peu importe qu'ils soient prestataires de sécurité du revenu ou pas, moi, je ne comprends pas nécessairement comment... Ça ne va avantager personne si on lève la saisie sur les bénéficiaires, vu que la prestation minimale pour une personne commence à 500 $. La marge est mince, là. Il s'agit de 20 $ par mois.

M. Lavoie (Guy): Oui.

M. Copeman: Mais je ne veux pas tout refaire, je comprends les doléances. Mais la question est un peu plus précise, là: Dans votre recommandation 1, vous dites: Que les prestations soient payées directement. Est-ce que vous prétendez que ça devrait être la portion logement qui est payable directement ou toutes les prestations? Parce que, dans 1, vous dites: Que les prestations soient payées directement au propriétaire, dans 2, vous dites – c'est votre document, là – que c'est la partie logement qui devrait être payable directement. C'est la nuance que j'essaie de comprendre, là.

(16 h 20)

M. Joubert (Pierre-Paul): O.K. Dans le numéro 1, c'est qu'on a des propriétaires qui ont des maisons de chambre ou des petites unités, des un et demi, qui sont très abordables. Il y a des propriétaires, à Montréal, qui ont des logements à partir de 150 $ par mois. À ce niveau-là, si le loyer était payable directement par la Sécurité du revenu, dans ce cas-là, ce serait... C'est ce qu'on demande à ce niveau-là. Dans d'autres cas, quand il y a toujours une portion logement, aussi, en 2, c'est uniquement pour ceux qui ont l'habitude de payer en retard.

M. Copeman: O.K. Mais là on parle de la portion logement, là.

M. Joubert (Pierre-Paul): Oui.

M. Copeman: Dans les deux cas.

M. Joubert (Pierre-Paul): Pour ceux qui paient en retard.

M. Copeman: O.K.

M. Joubert (Pierre-Paul): C'est bien spécifié.

M. Copeman: O.K. La recommandation 9: Réviser les lois et les règlements actuels en équilibrant les droits et devoirs entre les propriétaires, les prestataires louant un logement dans nos immeubles. Qu'est-ce que ça veut dire dans le quotidien, là, selon vous? Qu'est-ce que vous souhaitez par ça? Moi, je suis un gars pratique.

M. Joubert (Pierre-Paul): Bon, O.K.

M. Copeman: Dites-moi, pratico-pratique, là.

M. Joubert (Pierre-Paul): Bon. Pratico-pratique, ce qu'on veut dire, c'est qu'il y ait un bail puis que ce soit un vrai bail. Que ce soit un vrai contrat. La situation actuelle, là, c'est que, moi, j'ai un contrat, j'ai les deux mains attachées, puis je suis obligé de le respecter. Le droit au logement, là, c'est à perpétuité. Point à la ligne. Qu'on s'aime ou qu'on ne s'aime pas, il faut vivre ensemble.

Mais, par contre, quand un locataire décide de déménager, il déguerpit, puis il n'y en a plus, de bail, dans les faits. Puis il y a d'autres trucs comme ça qui se produisent continuellement. Puis ça, c'est beaucoup plus vrai du côté des gens irresponsables – on en revient toujours au fameux 20 % – qui se cachent dans la sécurité du revenu.

Alors, c'en est un, des exemples que je vous disais tantôt, là, de ces gens-là qui sont en train de démolir un système. À force de répéter des trucs comme ça, il vient qu'il se produit chez nous, les gens dans la société, qu'on n'a plus confiance au système. On sait que le système ne travaille pas pour nous. C'est une source d'embêtements, puis des pertes d'argent qui nous créent d'immenses problèmes. Puis l'autre côté, c'est le contraire. C'est un moyen de faire une piastre, pour parler français.

M. Copeman: Je comprends. Mais, quand vous dites «un vrai bail», encore une fois, qu'est-ce que ça veut dire? Je comprends que vous voulez que les gens respectent les baux.

M. Joubert (Pierre-Paul): En fin de compte, le propriétaire, lui, a à le respecter à la lettre, tandis que la personne qui est sur la sécurité du revenu, elle, n'a rien à perdre, elle ne suit rien à la lettre, elle ne respecte rien.

M. Copeman: Oui.

M. Joubert (Pierre-Paul): Puis c'est ce déséquilibre-là qu'on a mis en évidence, qu'il faudrait avoir un mécanisme, justement, qui rétablisse un équilibre entre les deux.

M. Copeman: Oui. Moi, je vous comprends. La difficulté que j'ai, c'est comment est-ce que l'État peut responsabiliser le citoyen? Puis, honnêtement, je ne veux pas être méchant, mais je n'ai pas entendu beaucoup, beaucoup de solutions pratiques de votre part. Je comprends la problématique. Mais comment est-ce que l'État responsabilise? Est-ce qu'on responsabilise par les lois? Est-ce qu'on adopte une loi qui dise que les prestataires de la sécurité du revenu doivent payer leur loyer? Oui. Mais après ça qu'est-ce qu'on fait?

M. Aubry (Pierre): Oui, mais c'est ça, quand on parle de saisissabilité, on revient à ça.

M. Copeman: O.K. Alors, ça revient à ça, plutôt. Oui.

M. Aubry (Pierre): Vous savez, quand il peut ne pas respecter ses obligations et toujours s'en tirer sans qu'il y ait même une cenne qui soit déduite de sa prochaine prestation, ça le déconnecte de ses responsabilités. S'il pouvait y avoir une partie... Écoutez, là, on a peut-être un contexte juridique et légal qui ne permet pas ça, mais il faut s'en aller à ça pour que celui qui est fautif réalise qu'il aura une pénalité à rencontrer parce qu'il n'a pas respecté ses obligations. C'est ce qu'on a abordé dans le comité Blackburn puis qui a mené à des impasses, des problèmes. Mais il faut trouver une solution à ça. On ne parle pas nécessairement du loyer au complet, mais il faut qu'il y ait...

M. Copeman: Une portion.

M. Aubry (Pierre): Il faut que ça fasse un petit peu mal.

M. Copeman: Alors, 1, 2 et 9 se ressemblent beaucoup, autrement dit.

M. Aubry (Pierre): Oui, c'est ça.

M. Copeman: O.K. La 12, s'il reste un peu de temps: Créer un mécanisme par lequel le locateur ferait parvenir au locataire un état de revenu. J'ai lu les deux paragraphes, là, puis il va falloir que vous m'expliquiez ça un peu plus clair.

M. Lavoie (Guy): Prenons, par exemple, le formulaire que le propriétaire doit préparer sur les impôts fonciers, qu'on donne à nos locataires, qui leur permet de déduire ça de leurs revenus.

M. Copeman: Oui.

M. Lavoie (Guy): On pourrait avoir un système qui ressemblerait à ça, qui dirait: Bon, bien, cette personne-là a payé 12 mois de loyer dans son année. Parfait, ça veut dire 100 %. Cette personne-là en a payé six mois. Bon, sur le coup, ça, ça ne veut rien dire. Mais, si, pendant 10 ans, cette personne-là a payé six mois de loyer, l'autre six mois, il était où? Ça va permettre d'identifier nos fauteurs de troubles. Puis là, à ce moment-là, du point de vue de la gestion, en ce qui concerne la sécurité du revenu, vous aurez certainement de meilleurs outils pour être capable d'identifier ces gens-là puis de voir quoi faire.

Présentement, le problème, c'est qu'ils se cachent à l'intérieur du système. On n'a aucun mécanisme pour les sortir, les débusquer du système. Puis on met tout le monde dans la même poche, puis ça donne ce que ça donne.

M. Copeman: Alors, c'est pour identifier les mauvais payeurs? Dans ce contexte-là? Parce que vous dites: Un état de revenu. C'est là où je boguais, personnellement, là.

M. Lavoie (Guy): Bien, on a utilisé ces termes-là, là, faute de mieux.

M. Copeman: Oui, mais l'exemple que vous avez donné, c'est que c'est pour tenter d'identifier un prestataire qui n'a pas payé ses loyers, ce qui n'a pas de rapport nécessairement, vous l'avouez, avec le revenu de la personne, là.

M. Joubert (Pierre-Paul): Oui, rapport avec le revenu aussi. C'est qu'à un moment donné ce montant-là, le propriétaire ne l'a pas. Donc, c'est quelqu'un d'autre qui l'a. Donc, le prestataire devrait être imposé sur ce montant-là, vu qu'il a effectivement reçu ce montant-là.

M. Aubry (Pierre): Regardez, le prestataire reçoit une prestation qui comprend une partie pour qu'il puisse payer son loyer et une partie pour qu'il puisse payer sa nourriture, ses vêtements et ses choses. S'il ne paye pas son loyer, il arrive quoi? Donc, il a eu un revenu venant du propriétaire. Le propriétaire a effacé une dette. C'est un revenu additionnel pour lui. On devrait l'imposer là-dessus. Il a reçu l'argent pour... On lui a accordé un revenu additionnel, puisqu'il l'a dans ses poches, l'argent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Messieurs, au nom de la commission et des membres de la commission, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant les représentants de l'Association des propriétaires du Québec à prendre place.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Couture, je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer votre présentation.


Association des propriétaires du Québec (APQ)

M. Couture (Jacques): Mme la ministre, M. le directeur, membres du comité, l'Association des propriétaires regroupe environ 4 500 membres dans la grande région métropolitaine de Montréal. Donc, je vous présente Me Chantal Côté, notaire à l'Association des propriétaires, et je vous présente aussi Me Martin Messier, avocat à l'Association des propriétaires.

Nous n'avons apporté que des solutions au problème du non-paiement du loyer dans un parcours vers l'insertion, à la page 63. Donc, notre rapport ne concerne que ce qui est indiqué ici. Et je vais énumérer ce paragraphe: «Depuis quelques années, des propriétaires se plaignent du fait que certains prestataires de la sécurité du revenu, bien qu'ils ne soient qu'une minorité, négligent d'acquitter leur loyer. Ce problème a été corroboré par un sondage réalisé en 1994 qui a permis de constater que les pertes en non-paiement de loyer étaient de l'ordre de 123 000 000 $, dont près de 70 %, c'est-à-dire 87 000 000 $, étaient attribuables à des prestataires de la sécurité du revenu.»

Je vais sauter l'autre paragraphe où on parle du dépôt direct, qui est une bonne mesure mise de l'avant. Donc, je laisse la parole à Me Chantal Côté qui va faire un sommaire de notre mémoire.

(16 h 30)

Mme Côté (Chantal): Merci beaucoup de votre invitation. Ça nous laisse l'opportunité d'essayer de régler les problèmes de notre société. Dans un premier temps, je n'aborderai pas toute la problématique des non-payeurs des prestataires de la sécurité du revenu parce que je crois que, si on est ici, c'est pour trouver des solutions, parce qu'on est, dans un premier temps, au courant du problème qui a été, évidemment, commenté largement dans un sondage commandé par le gouvernement.

Donc, aux termes du livre vert, la solution envisagée est de conférer un pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement du Québec lui permettant d'enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu de verser aux propriétaires la composante logement de la prestation destinée à couvrir le logement pour les loyers à échoir. Donc, notre mémoire porte sur les commentaires qu'on désire apporter à cette mesure-là.

À l'Association des propriétaires, on croit que cette mesure devrait être conditionnelle à ce que soit identifié clairement, à l'intérieur de la prestation de la sécurité du revenu, la portion destinée au logement. Donc, cette portion de la composante logement devrait refléter le coût réel du logement. L'avantage de cette solution serait de permettre au prestataire de savoir exactement le montant qu'il peut allouer à son logement, et, évidemment, ça faciliterait la gestion de son budget, tout en permettant de limiter le cas des prestataires qui louent un logement à un montant supérieur à ce qu'ils peuvent réellement payer.

La composante logement devrait refléter le marché immobilier, sinon le propriétaire se verrait dans l'obligation d'assumer la différence entre le prix stipulé au bail et celui de la composante logement dans le cas d'un non-paiement de loyer, et ça pourrait nuire davantage aux relations de paiement entre les prestataires et le propriétaire. Donc, en cas de non-paiement, si la portion allouée au logement est inférieure au prix du loyer, le propriétaire devra assumer les arrérages de loyer de trois mois plus la différence entre la composante logement et le prix réel stipulé au bail.

Donc, ça favoriserait, évidemment, l'éviction du locataire parce qu'un propriétaire qui obtient un jugement et qui se voit verser la composante logement et qui n'est pas capable de récupérer la différence parce que non saisissable, à ce moment-là, serait porté, un jour ou l'autre, à retourner à la Régie du logement et à demander l'éviction du locataire parce qu'il subit une perte, chaque mois, irrécupérable. Ça ne favoriserait pas le principe du maintien dans les lieux, qui est un critère retenu par les solutions élaborées par le gouvernement de concert avec le comité qui avait été mis sur pied par l'ex-ministre, Mme Jeanne Blackburn, auquel on a participé.

De plus, si le propriétaire ne réclame pas cette différence puisqu'elle n'est pas saisissable et qu'il tolère le prestataire pendant une certaine période, ce qu'on craint, c'est que l'augmentation du loyer, pour les années futures, devra courir à partir de la prestation qui a été versée, si on le tolère trop longtemps. C'est le même principe lorsqu'on répartit... Exemple, à la Régie du logement, on considère que, quand on tolère une situation trop longtemps, on est pris avec ça. Donc, si on tolère trop longtemps la composante logement et qu'on n'exige jamais la différence, bien, l'année d'après, pour augmenter, on devra partir de la composante logement et non du prix réellement stipulé au bail. Ça, c'est une de nos craintes, si la composante logement ne reflète pas vraiment le coût du loyer. Cette perte-là serait irrécupérable dans les années futures, et le logement ne pourrait pas être rétabli au prix du marché.

En ce qui concerne les arrérages, la solution présentée dans le livre vert ne fait aucunement mention des arrérages de loyer. Donc, on ne semble pas vouloir apporter un remède quant aux arrérages dus parce qu'on parle seulement des loyers à échoir. Le propriétaire, en principe, devra assumer trois mois de perte de loyer à cause des délais judiciaires. On doit attendre le 21e jour avant de se présenter à la Régie du logement. On comparaît un mois plus tard et on obtient un jugement. Le locataire peut rester dans les lieux jusqu'à un mois. Donc, en tout et partout, même si on veut agir le plus rapidement possible, on assume quand même une perte de loyer de trois mois.

Selon nous, si la solution à envisager par le gouvernement ne prévoit aucun mécanisme pour récupérer les arrérages et si la composante logement versée au propriétaire ne reflète pas le prix stipulé au bail, quant à nous, on trouve que c'est inacceptable comme mesure, puisque le propriétaire devra assumer les arrérages plus la différence entre la composante logement et le prix réellement stipulé au bail. Et, évidemment, on ne facilite pas le droit au maintien dans les lieux pour les locataires.

La solution apportée au livre vert ne fait pas mention des conditions auxquelles seraient soumis les propriétaires pour que leur soit versée la composante logement. Donc, on avait déjà parlé, dans un premier temps, avec le comité de: Est-ce qu'on a besoin de prouver une récidive ou au premier défaut on peut s'adresser à la Régie du logement et se faire verser directement la composante logement? Donc, si ça prend une récidive, ça voudrait dire qu'il faudrait prouver, dans un premier temps, la récidive, ce qui complique les choses et ce qui donne encore une opportunité au locataire de ne pas payer son loyer.

Donc, nous, ce qu'on suggère, c'est que, dès qu'il y a défaut, on puisse se voir verser la composante logement si on n'exige pas la résiliation du bail. C'est parce que, si on ne demande pas la résiliation du bail et qu'il y a déguerpissement du locataire, à ce moment-là, il faudrait enjoindre la Régie du logement de verser le chèque au prochain propriétaire parce que, sinon, on ne limite pas le stratagème de déguerpissement. Le locataire qui a un jugement contre lui, qui se voit se faire enlever sa composante logement et la verser au propriétaire, n'aurait qu'à déguerpir pour éviter de se faire saisir la composante logement. Donc, selon nous, à ce moment-là, dans le jugement de la Régie du logement, on devrait prévoir que, s'il y a déguerpissement, la portion logement serait versée directement au propriétaire subséquent pour éviter le déguerpissement à répétition, pour régler une fois pour toutes le problème à répétition de non-paiement des loyers. Évidemment, on est tous conscients que c'est seulement une petite, petite partie des prestataires qui jouent ce jeu-là, qui déguerpissent à répétition sans payer.

Ensuite, l'ordonnance devra être maintenue pour une période de deux ans suite à un jugement en non-paiement de loyer, et ce, à l'égard du propriétaire actuel ou de tout autre propriétaire subséquent. La prestation devrait être libellée à l'ordre du propriétaire uniquement. Autrement, le propriétaire risque d'avoir des difficultés de perception de loyer et devra encore une fois courir après son dû. Ainsi, la période pour laquelle le propriétaire aura à recevoir la composante logement devrait être d'au moins deux ans, et ce, à compter du premier jugement en non-paiement de loyer.

Les solutions proposées. Nous croyons que la composante logement devrait refléter, dans un premier temps, le coût réel du logement, soit le prix du loyer indiqué au bail entre les parties. Ce qu'on propose – vous avez nos propositions à la page 5 de notre mémoire: sur preuve de non-paiement de loyer, si le locateur renonce à demander la résiliation de bail et l'expulsion du locataire, que le tribunal puisse, par ordonnance, enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu d'émettre, pour le versement de la prestation, deux chèques: un, la totalité du prix du loyer stipulé au bail, qui serait libellé à l'ordre du locateur actuel ou du futur propriétaire, si le locataire déguerpit du logement, et l'autre partie, évidemment, pour la différence, serait libellée à l'ordre uniquement du locataire.

Dans un deuxième temps, notre deuxième solution prévoit que, sur preuve de non-paiement, si le locateur demande la résiliation du bail... Dans un premier temps, notre solution prévoit lorsque le locateur renonce à demander la résiliation du bail. Dans un deuxième temps, c'est si le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, à ce moment-là, que le tribunal puisse, par ordonnance, enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu d'émettre, pour le versement de la prestation, deux chèques dont l'un, évidemment, qui équivaut au prix du loyer, serait libellé à l'ordre du ou des futurs propriétaires pour le paiement du futur loyer, et l'autre, pour la différence, serait libellé à l'ordre du locataire uniquement, et ce, pour une période de deux ans.

(16 h 40)

L'avantage de nos solutions. Nous croyons que ces solutions permettraient évidemment au prestataire de la sécurité du revenu de connaître précisément la part de l'aide qu'il reçoit pour se loger et seraient susceptibles de faciliter la gestion de son budget. Ça aurait pour conséquence de décourager les prestataires de louer un logement supérieur à leur capacité de payer, car, en cas de défaut de paiement, le prix total du loyer serait versé au propriétaire.

Ça permettrait au propriétaire de recevoir la totalité du prix du loyer à échoir et non seulement une partie. Ça assurerait que la prestation serve pour les fins pour lesquelles elle est versée, du moins pour l'avenir parce qu'on ne parle pas des arrérages.

Ça ne viserait que les prestataires en défaut et ne porterait pas préjudice aux prestataires qui s'acquittent de leurs obligations, parce que ça serait seulement sur ordonnance et sur jugement de la Régie du logement. Ça serait susceptible de faciliter l'accès au logement pour les prestataires grâce à cette sûreté, tout en prévenant des attitudes discriminatoires et tensions sociales entre le propriétaire et le locataire, qui existent actuellement.

Ça aurait un effet dissuasif certain au comportement de non-paiement en réduisant ainsi l'impunité actuelle. Ça répondrait au principe du maintien dans les lieux. Ça réduirait les risques de déguerpissement suite à un jugement de non-paiement, alors que le loyer serait payable directement au prochain propriétaire, et ce, pour une période de deux ans. Ça aurait un effet de générer une sanction en relation directe et proportionnelle avec le manquement.

Les inconvénients de nos solutions. Ça n'apporte aucun remède quant aux arrérages dus, ce qui signifierait que, dans la plupart des cas, le propriétaire devra assumer une perte d'environ trois mois de loyer.

Et les conditions de réalisation, ça prend la volonté du gouvernement, et il faudrait que la portion destinée au logement, à l'intérieur de la prestation, soit clairement identifiée et soit établie en fonction du coût réel du logement. Et, évidemment, il y a des modifications informatiques qu'il faudrait voir à apporter et des changements législatifs.

Rencontrer tous les objectifs que je viens d'énumérer simultanément, c'est une tâche assez difficile, mais souhaitable. Nos propositions visent donc à diminuer le phénomène de non-paiement de loyer par certains bénéficiaires de la sécurité du revenu. Les solutions sont essentiellement conçues pour redresser une injustice qui frappe aussi bien les propriétaires que les assistés sociaux bons payeurs. Elles ne s'appliquent que dans les cas de prestataires qui ont négligé de respecter leurs engagements et seulement lorsque cela aura été prouvé.

L'Association des propriétaires du Québec considère que les solutions qu'elle propose ne permettraient pas de solutionner intégralement et définitivement le problème de non-paiement, puisque le propriétaire assumerait les arrérages de loyer, mais qu'elles seraient tout de même susceptibles d'améliorer grandement la situation. Je vous remercie de votre attention, et on est disponibles pour répondre à toutes questions.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, Me Côté. Je donne la parole à la ministre de la Sécurité du revenu.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue. Bienvenue à l'Association des propriétaires du Québec. Vous êtes aussi installés à Montréal?

Mme Côté (Chantal): Oui.

Mme Harel: N'est-ce-pas? Et je souhaiterais peut-être que vous nous présentiez l'Association des propriétaires, là, en débutant. On nous dit que vous êtes une association à but lucratif?

M. Couture (Jacques): Oui, nous sommes un organisme à but lucratif. Nous sommes une compagnie de services. Donc, nous avons des professionnels qui travaillent à l'Association des propriétaires, aidant les propriétaires dans leurs problèmes quotidiens dans la gestion de leurs immeubles.

Mme Harel: En fait, vous avez des membres?

M. Couture (Jacques): Nous avons 4 500 membres dans la grande région métropolitaine.

Mme Harel: Qui versent une contribution?

M. Couture (Jacques): Qui versent une cotisation annuelle.

Mme Harel: Annuelle?

M. Couture (Jacques): C'est ça. Et, à partir de ça, bien, on offre une gamme de services aux propriétaires qui sont plutôt des petits propriétaires d'immeubles à revenus.

Mme Harel: Par exemple, pouvez-vous nous décrire rapidement, là, la nature des services le plus souvent offerts?

M. Couture (Jacques): Oui. Donc, on offre des services de consultation juridique, offerts par Me Messier, Me Chantal Côté, aussi Me Audet et Me Groulx qui sont à l'Association. Nous offrons aussi différents services de... exemple, prélocation, donc enquêtes de prélocation, si on peut employer ce mot, ainsi que tous autres services de consultation directement rattachés à l'immeuble, offerts par les avocats et les notaires.

Mme Harel: Je reviendrai sur l'enquête de prélocation. Peut-être échanger avec vous sur une situation qui n'est pas, si vous voulez, écrite, là, dans aucun des mémoires qu'on a reçus jusqu'à maintenant des associations, ligues ou autres organismes représentant les propriétaires, mais qui est connue comme étant une réalité qui s'est répandue beaucoup dans les milieux de propriétaires, et qui consiste, souvent, à engager soit des concierges au noir ou à faire faire de l'entretien de bâtiments ou de logements, en fait de le faire faire par des locataires, personnes assistées sociales, au noir et les mettre en situation d'accepter ou d'être évincés. Est-ce que c'est des faits qui sont portés, à l'occasion, à votre connaissance?

M. Couture (Jacques): Non.

Mme Côté (Chantal): Si je peux me permettre de répondre. Souvent les gens m'appellent pour savoir ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils engagent un concierge. Et, dans tous les cas, ce qu'on leur répond, c'est de déclarer les revenus parce que, après ça, ils vont être pris avec la CSST, etc., les normes du travail. Donc, on leur dit de faire ça comme si on embauchait un employé et de tout faire les déclarations nécessaires, comme un employeur. Donc, c'est ça qu'on véhicule comme information chez nous pour ne pas leur causer des problèmes puis des préjudices par la suite.

Mme Harel: Alors, bon, j'apprécie que ce soit le message que l'Association leur transmet. Mais vous savez que, dans la pratique, il y a des immeubles qui sont entretenus par des locataires qui sont appointés, si vous voulez, à cet effet-là.

Mme Côté (Chantal): Sauf que la plupart de nos propriétaires sont des petits propriétaires, donc des triplex, des quadruplex. Ce n'est pas des gens qui engagent souvent des concierges. Souvent, ils sont propriétaires occupants. Donc, on n'a pas vraiment affaire à cette clientèle-là. La majorité de nos membres, ce sont des petits propriétaires à revenus.

Mme Harel: Sur les 4 500 membres, vous établiriez les petits propriétaires de «plex», triplex, duplex, à combien en pourcentage?

M. Couture (Jacques): Duplex, c'est dans les «plex» qui vont jusqu'à cinq logements. On pourrait dire que nous avons au moins 40 % de nos membres. Et, ensuite de ça, ce sont encore des petits propriétaires. Ceux qui détiennent un ou deux six logements ou un huit logements, on qualifie ça de petit propriétaire. Donc, les conciergeries ne sont pas membres de l'Association des propriétaires, et, comme Me Chantal Côté le disait tantôt, on n'offre même pas, nous, de services de conciergerie ou d'engagement de concierges.

Mme Harel: Je reprends votre mémoire, à la page 4, sur le déguerpissement à répétition. Vous nous dites... Vous soulevez un problème d'application, si tant est que la solution telle que préconisée à l'intérieur du livre vert se trouvât à être appliquée. Vous nous dites: Ça pourrait avoir comme effet pervers que le locateur qui n'a pas demandé l'éviction mais qui pense pouvoir obtenir une ordonnance de la Régie pour paiement de la composante logement la perdrait s'il y avait déguerpissement, puisque le prestataire fautif, en l'occurrence, n'aurait qu'à quitter pour que cette ordonnance ne s'applique pas. Et vous nous dites: L'ordonnance, donc, l'ordonnance suite à un jugement en non-paiement... Des jugements en non-paiement, c'est public, n'est-ce pas? Les jugements en non-paiement présentement sont publics.

Dans le cadre de ce que vous nous indiquez comme problèmes, c'est qu'il y a du déguerpissement, vous nous dites, à répétition. La plupart du temps, ça fait suite à une ordonnance de paiement, à un jugement en non-paiement, donc à une ordonnance de paiement qui n'a pas été respectée. Mais je comprends que les propriétaires connaissent, parce que c'est public, ces ordonnances de paiement non respectées, ces jugements en non-paiement de loyer et préfèrent quand même signer un bail avec un locataire qui a fait défaut précédemment, qui a une ordonnance contre lui qu'il n'a pas respectée et qui a déguerpi. Ils connaissent, en fait, l'existence du déguerpissement.

Pouvez-vous nous indiquer comment il est possible qu'à répétition un propriétaire et un autre et successivement un troisième et successivement mis devant, pourtant, un jugement public continuent la même série, si vous voulez, de situations?

Le Président (M. Gaulin): Me Messier...

M. Messier (Martin): Merci.

Le Président (M. Gaulin): ...pour les registres.

(16 h 50)

M. Messier (Martin): Ce sont effectivement, Mme la ministre, des données qui sont publiques. Toutefois, elles sont difficiles d'accès. Il y a évidemment des démarches qui sont en marche à la Régie du logement, et notamment un accès via Internet qui permettrait de consulter les banques de données de jugements, de décisions rendues, plutôt, par la Régie du logement, qui devait être mis sur pied, m'avait-on dit, pour la fin janvier et le tout a été reporté pour des questions budgétaires.

Maintenant, actuellement, le propriétaire, pour consulter ces décisions-là, doit se présenter dans un bureau de la Régie du logement, sinon dans plusieurs bureaux de la Régie du logement, puisqu'il n'y a pas de registre central des décisions, et c'est donc très difficile pour un propriétaire de consulter ces décisions. Dans de rares cas, les propriétaires feront acheminer, par l'intermédiaire d'une association ou s'ils sont membres auprès d'un bureau de crédit comme Équifax, la décision qui, elle, sera classée, sera répertoriée dans le dossier de crédit du locataire, et à ce moment-là cette information devient plus facilement accessible. Mais, dans la situation actuelle, la consultation de ces décisions-là est très difficile et très peu connue, même, du public.

Mme Harel: Vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous considériez le dépôt direct – attendez, je l'ai – comme une bonne mesure mise de l'avant. Quel est l'usage que vous croyez que les propriétaires vont faire du dépôt direct?

Mme Côté (Chantal): Il est disponible depuis le 1er janvier 1997?

M. Couture (Jacques): Il faudrait préciser une chose. On s'est adressé à la banque, celle qui est en bas de chez nous, à la Banque Royale, pour ne pas la nommer, et ils nous ont dit: Non, ce n'est pas faisable, cette mesure-là entre deux individus, M. le locataire ou Mme la locataire et M. le propriétaire, ce n'est pas faisable. Si M. le propriétaire est une corporation, compagnie, oui, ça peut être fait, mais ils n'étaient aucunement d'accord, eux, de faire ça entre deux individus.

Mme Harel: De faire quoi?

M. Couture (Jacques): Nous l'avons proposé à nos membres par notre média, le journal des propriétaires. Je ne serais pas en mesure de vous dire si vraiment beaucoup de propriétaires l'ont mis en application, mais, nous, on a vérifié et ça semble difficile, mais je n'ai pas vérifié dans toutes les institutions financières.

Mme Harel: M. Couture, pouvez-vous, pour les fins et le bénéfice de la compréhension des membres de la commission, nous dire ce que vous avez précisé auprès de votre institution financière?

M. Couture (Jacques): On est allé les voir avec ceci, on a dit: Écoutez, si un propriétaire veut prendre une entente avec un locataire par laquelle le locataire s'engage à donner l'autorisation à la banque de prendre l'argent dans son compte, dans le compte du locataire, et de le verser dans le compte du propriétaire, est-ce faisable et comment et quel document doit-il signer?

Dans un premier temps, on nous a dit: Le locataire et le propriétaire se présentent ensemble. Puis ça semblait nébuleux, j'ai dit: Précisez-nous comment ça fonctionne. Est-ce qu'il y a des frais? On a dit: Oui, il peut y avoir des frais de 5 $ à 8 $. Par après, on nous a dit: Non, ça ne fonctionne pas.

Là, je suis allé voir plus haut dans la structure de la banque, et on nous a dit: Ça ne fonctionne pas, ça ne se fait pas. La banque, enfin, cette banque a dit: Non, on ne veut pas faire ça entre deux individus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: La proposition qui est ici, là, on parle du retrait préautorisé sur une base volontaire entre un locataire et son locateur, vous nous dites que l'institution bancaire à qui vous avez parlé vous a dit que, si c'est entre deux individus, ça ne se fait pas; si c'est une corporation, il y aurait possibilité de s'entendre.

M. Couture (Jacques): Oui.

Mme Loiselle: Pourquoi ça ne se fait pas s'il y a deux personnes qui s'entendent. On signe un papier, je ne sais pas.

M. Couture (Jacques): Je ne sais pas pourquoi ça ne se fait pas. C'est dans les règles de la banque, de cette banque, et je ne suis pas allé plus loin. Il faut dire que la mesure est là depuis le 1er janvier...

Mme Côté (Chantal): Et même les assistés sociaux ne sont pas au courant. Moi, j'ai reçu un appel cette semaine d'une prestataire de la sécurité du revenu qui me demandait... qui était intéressée à ce qu'il y ait un dépôt direct parce qu'elle me disait qu'il y avait fraude du concierge. Ça fait qu'elle n'était plus intéressée de payer au concierge pour se faire dire qu'elle n'avait pas payé. Elle a dit: Moi, le dépôt direct, ça m'intéresse, comment je m'y prends? Bien, là, je lui ai dit: Allez voir votre institution financière, etc.

Mais, même toi, en tant que bénéficiaire de la sécurité du revenu... Je ne le sais pas, mais ils n'ont pas l'air d'être du tout au courant du mécanisme, eux non plus. Donc, il n'y a pas l'air d'avoir personne qui est au courant de ce mécanisme-là, puis, les banques, on a appelé deux succursales puis c'était très nébuleux comme information qu'on a obtenue. Ça fait qu'on n'est pas capable d'obtenir de réponse puis chaque institution financière est différente, semble-t-il. Puis les assistés sociaux ne sont pas plus au courant que les banques. Ça fait qu'il faudrait peut-être les informer sur la procédure à suivre pour mettre cette mesure puis qu'elle soit efficace.

Mme Loiselle: Ce serait à vérifier avec le ministère, peut-être. Mais hier la CORPIQ nous disait justement, pour le versement pré-autorisé: Oui, il y a peut-être possibilité d'un danger que certains propriétaires, lors de la signature du bail, exigent l'entente pour le retrait préautorisé. On nous a même suggéré, aux membres de la commission, de peut-être mettre en place une campagne d'éducation et de sensibilisation pour que les prestataires de la sécurité du revenu soient bien au courant que c'est sur une base volontaire et que ça ne peut pas être obligatoire au moment de la signature du bail. Pensez-vous que ça pourrait, vous... C'est peut-être plus un abus, dont les gens nous ont beaucoup parlé... Les groupes qui sont venus nous voir, ils ont dit: Il y a un risque d'abus à cet égard-là avec le retrait préautorisé pour la composante logement. Pensez-vous, avec les membres que vous connaissez, qu'il y aurait ce danger-là, ou, pour vous, vous ne pensez pas que ça pourrait arriver?

M. Messier (Martin): À l'heure actuelle, on peut comparer tout ce système de paiement direct un peu avec une série de chèques postdatés qu'on remet à son propriétaire. Et donc, l'institution financière, sur simple demande de la personne qui autorise ce paiement direct là, un peu comme quand vous autorisez le versement de votre hypothèque ou de vos assurances, l'institution financière, donc, sur instruction de son client, cesserait de verser au propriétaire directement le montant. Donc, on peut vraiment comparer ça avec un chèque, finalement, qu'on remet au propriétaire et qui est annulable, dont on peut demander l'arrêt de paiement.

À l'heure actuelle, il est possible de demander au locataire de remettre une série de chèques. S'il est d'accord, ça va. Il est toutefois interdit, illégal d'en faire une condition de location. Alors, c'est ce qu'on dit à nos membres. Je n'ai pas le droit de dire à un prestataire: Il faut que tu me signes ça pour que je te signe ton bail, mais, si le prestataire est d'accord, à ce moment-là il n'y a pas de problème. Mais tu signes le bail, et ensuite on voit si la prestation peut être payée de façon directe. Mais il est tout aussi illégal d'exiger la remise d'une série de chèques postdatés. Et donc, au niveau de cette instruction du public, je pense que c'est vraiment la même notion, là.

Mme Loiselle: Ah! oui.

M. Messier (Martin): Tout à fait, sauf que c'est des chèques postdatés électroniques, tout simplement.

Mme Côté (Chantal): Et j'aimerais ajouter que, dans le nouveau bail de la Régie du logement, on précise en noir et blanc qu'il est strictement illégal de demander 12 chèques postdatés. Donc, ça se fait seulement s'il y a accord entre les parties, et c'est écrit. Par le passé, ce n'était pas écrit, mais là on l'écrit en toutes lettres, juste avant le mode de paiement. À partir de là, comment voulez-vous qu'on les informe encore plus quand c'est écrit, là? Et nul n'est censé ignorer la loi, et en plus on l'indique strictement dans le bail. Je ne sais pas ce qu'on pourrait avoir de plus que ça.

Mme Loiselle: Oui. C'était surtout parce que, nous, on a eu beaucoup de gens qui sont venus nous dire qu'il y aurait peut-être ce risque de danger là, où le propriétaire exigerait du prestataire le retrait préautorisé. Alors, c'est pour ça que... De plus, la CORPIQ l'a avoué. Elle a dit: Oui, il y a un danger qui peut exister avec la venue de cette possibilité-là.

Mme Côté (Chantal): Bien, c'est comme Me Messier le disait. Avec les 12 chèques postdatés, c'est le même problème.

Mme Loiselle: Oui.

Mme Côté (Chantal): C'est une autre sorte de mode de paiement.

M. Couture (Jacques): Pour conclure sur ce point, peut-être que je pourrais rajouter que je n'en vois pas, de danger. La mesure, elle vient d'être... On commence sur la mesure. Donc, essayons la mesure pendant un certain temps avant de voir s'il y a un danger. Ça fait seulement deux mois, les gens ne sont pas au courant, le mécanisme n'est pas vraiment établi. Et c'est une mesure qui peut alléger les relations entre les propriétaires et les locataires. Donc, laissons-la faire son chemin et précisons-la davantage.

Mme Côté (Chantal): Je pense qu'on n'est pas ici pour élaborer sur cette mesure-là. Si elle a été adoptée, c'est parce qu'on s'est déjà penché sur cette mesure auparavant. Là, je pense qu'on est plus ici pour régler le problème de non-paiement à l'heure actuelle. Cette mesure-là a déjà été adoptée. Parce que je pense que ça ne vaut pas...

Mme Loiselle: Oui, mais elle est dans le livre vert, quand même. On ne peut pas l'ignorer, elle est là.

Mme Côté (Chantal): Oui, mais elle est déjà en branle, on peut déjà l'utiliser. Ça fait que je pense qu'on aimerait mieux qu'on s'explique sur les solutions qu'on a élaborées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour terminer cette période-là.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Association des propriétaires du Québec. Il y a quelque chose qui m'a frappé dans votre mémoire. La Ligue des propriétaires de Montréal, qui vous a précédés, et hier la CORPIQ ont mis un peu d'accent sur la notion de saisissabilité et de non-saisissabilité. Vous, vous n'en parlez pas.

Mme Côté (Chantal): Non.

M. Copeman: Pourquoi?

(17 heures)

Mme Côté (Chantal): On n'en parle pas parce qu'à ce moment-là il faudrait prendre des mesures législatives au niveau du Code de procédure civile et il faudrait que ça s'applique à toutes, toutes, toutes les prestations que tout le monde reçoit du gouvernement. Et le problème, selon nous, le 5 % à 7 % qui est le problème qu'on a, c'est avec les prestataires de la sécurité du revenu, cette infime partie-là qui ne paient pas leur loyer. Ce n'est pas les chômeurs. Moi, quand je reçois des téléphones, je dirais, à 99 % des cas, c'est des prestataires de la sécurité du revenu. Les gens ne me parlent pas des gens qui sont sur le chômage. Quand tu es sur le chômage, tu as un petit peu de revenu, tu as du chômage, tu te cherches un emploi, et le chômage dure une certaine période, hein, ça ne dure pas indéfiniment. Tandis que l'aide sociale, ça, c'est illimité dans le temps. Ça fait que le problème qu'on veut régler, c'est celui-là, ce n'est pas un autre parce qu'on ne voit pas d'autres problèmes que celui-là. C'est pour ça qu'on ne parle pas de saisissabilité.

M. Copeman: Autrement dit, si j'ai bien capté votre première phrase, vous reconnaissez que, pour que ce soit utile d'enlever la non-saisissabilité des prestations, il faut également aller chercher un amendement au Code de procédure civile.

Mme Côté (Chantal): Oui, ça prendrait un amendement.

M. Copeman: O.K. Je pense que le noeud de votre mémoire est au niveau de cette possibilité de faire que, sur ordonnance, la portion logement, ce soit payable directement au propriétaire. La difficulté que, moi, je vois... Et vous faites état, entre autres, du fait que cette portion logement doit être le prix réel du logement.

Mme Côté (Chantal): Ça doit refléter le prix du marché.

M. Copeman: Ce que je comprends de votre point de vue... La difficulté que je vois avec ça, c'est que les barèmes actuels sont, au départ, en dessous de ce que le ministère de la Sécurité du revenu reconnaît comme des besoins essentiels pour la personne. On a, dans le livre vert, l'indication que, pour une personne seule, les besoins essentiels reconnus par le même ministère sont de l'ordre de 667 $. Pour la même personne seule avec aucune contrainte, le barème mensuel intégré est de 500 $. On comble la différence, en partie peut-être, avec une allocation de participant, on ne sait pas trop, plus des revenus de travail permis. Mais vous allez convenir avec moi que le barème de base de 500 $ est en dessous, même selon le ministère de la Sécurité du revenu, des besoins essentiels. Si on allait dans la partie logement qui est de 325 $ reconnus par le ministère, enlève 325 $ de 500 $, il n'en reste pas gros. Il n'en reste pas gros.

Moi, je vous comprends, que le souci des propriétaires, c'est d'être capables de récupérer le prix réel des logements. Mais, quand les barèmes ne reflètent pas le coût réel de la vie, il me semble que c'est un peu difficile d'exiger que... Si les barèmes ne reflètent pas le coût réel de l'alimentation, s'ils ne reflètent pas le coût réel du transport, s'ils ne reflètent pas le coût réel d'autres choses, des vêtements, comment voulez-vous que ça reflète nécessairement le coût réel du logement?

Mme Côté (Chantal): Mais, à 325 $, si vous prenez une personne seule, 325 $ alloués pour le logement, à Montréal, on en trouve des loyers de ce prix-là. Notre mesure...

M. Copeman: Ça, c'est le barème. Et le total est de 667 $ pour les besoins essentiels, tandis que le barème est de 500 $. Il y a un écart, déjà. C'est là où je vois une difficulté.

Mme Côté (Chantal): Ça, c'est ce qu'on souhaite, ce qui serait souhaitable. Sauf que les solutions qu'on apporte, c'est pour qu'il y ait une mesure punitive attachée au fait de ne pas payer son logement. Parce que j'aimerais vous faire part d'une chose, c'est que ces gens-là ne paient même pas un minimum pour montrer leur bonne foi, souvent. Supposons qu'ils doivent 400 $ et qu'il y a un jugement contre eux, ils pourraient montrer leur bonne foi et en donner un petit peu pour prouver qu'au moins ils font l'effort de s'organiser pour payer un minimum. Ce qu'ils ne font pas, en pratique. Donc, au moins, on aurait une mesure coercitive qui dissuaderait les gens de ne pas payer. Si ça ne reflète pas nécessairement le prix du loyer, au moins on va avoir une mesure de dissuasion. On est prêt à faire un bout de chemin. Mais, d'un autre côté, le propriétaire n'acceptera pas de louer à ces gens-là indéfiniment, s'il doit assumer la différence. Donc, le principe du maintien dans les lieux ne sera pas appliqué à ce moment-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, madame, messieurs, de la part des membres de la commission. J'invite maintenant les représentantes et représentants du Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, M. Cusson, c'est vous qui présentez madame qui vous accompagne et vous pouvez commencer votre présentation.


Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain inc. (BAIL)

M. Cusson (Denis): À ma droite, Mme Nicole Dionne, qui travaille tout comme moi au Bureau d'animation et information logement. Mme Dionne travaille particulièrement sur la formation au niveau juridique des bénévoles et aussi à l'intervention auprès des personnes locataires. Mon nom est Denis Cusson, je suis coordonnateur au Bureau d'animation et information logement.

(17 h 10)

Nous remercions la commission d'avoir accepté de nous recevoir, de recevoir le BAIL, qui est la plus vieille association de locataires au Québec, créée en 1970 à partir de problèmes très précis dans le domaine du logement, à savoir les hausses de loyers. On voit que ces problèmes-là se continuent encore jusqu'à aujourd'hui, ce qui amène des situations très difficiles pour les personnes à faibles revenus pour pouvoir acquitter la totalité du prix de leur loyer sans devoir amputer une partie de leur budget au niveau soit de l'habillement ou même de la nourriture.

Le document de réforme de Mme la ministre nous présente assez bien les causes de la situation économique. Comme on peut voir, un certain nombre de conséquences, de constats sont établis, par exemple un chômage élevé et persistant, une durée moyenne du chômage qui passe de 16 à 28 semaines actuellement, de nouvelles exigences en termes de compétence pour occuper des emplois, une prestation moyenne qui n'a augmenté que de 5 $ entre 1975-1976 et 1995-1996, une croissance du PIB qui crée moins d'emplois qu'avant et la récession du début des années quatre-vingt qui a provoqué une arrivée massive de personnes à la sécurité du revenu, particulièrement les moins de 30 ans. On parle aussi de précarisation des emplois. On a de moins en moins d'emplois à temps plein. On se retrouve beaucoup avec du temps partiel ou des emplois à durée indéterminée.

Par contre, à cette analyse que nous présente la ministre les solutions qu'on apporte sont tout autres. À des problèmes collectifs on ne nous apporte que des solutions individuelles. Même que, dans les solutions, on s'en prend directement aux victimes plutôt qu'à ceux qui en sont la cause, de cette situation-là. Aux victimes, on exige une obligation de se chercher un emploi, emplois dont on sait qu'ils n'existent peu ou pas. Si ce n'est pas fait ou si on échoue à ce niveau-là, on se retrouve avec des coupures dans les prestations, et cette logique-là elle est tant au fédéral qu'au provincial. Au fédéral, on coupe dans l'assurance-emploi; au provincial, on coupe à l'aide sociale.

Le parcours vers l'emploi est une démarche purement individuelle, alors que le problème, on le sait, il est social et il est même mondial. Le parcours qu'on pourrait qualifier de PIFE, parcours individuel vers la formation et l'emploi, c'est à peu près un parcours qu'on a qualifié, nous, de «au pifomètre», à savoir qu'on ne sait pas trop, trop où ça va nous conduire, mais il y a un parcours obligatoire à suivre. Ce parcours-là ou cette démarche-là qu'on propose, elle se fait dans un esprit de coercition plutôt que dans un esprit de démarche libre et sereine pour le prestataire. Elle se fait dans une démarche de coercition parce que la personne, le jeune ou la jeune qui la refuse se retrouve avec une coupure, tout simplement.

Donc, comment on peut faire une démarche sereine quand au moindre échec, au moindre découragement on peut se retrouver avec une coupure? Ce qui est même grave, c'est qu'avant même qu'on en fasse l'évaluation, de cette démarche-là, on propose qu'il y aura des coupures, s'il y a manquement de la part des jeunes. On pense qu'il devrait y avoir de la part du ministère une évaluation avant de procéder à quelque coupure que ce soit, parce que c'est considérer les gens comme étant coupables avant même de voir si le système qu'on met en place est un système valable.

On se rend compte que la réforme passe complètement à côté de ce que sont les besoins essentiels à combler. Je m'interroge un peu à savoir pourquoi la ministre a mis, en annexe 12, un tableau dont tous les participants se servent pour démolir le bien-fondé d'avoir une prestation à 500 $. Le tableau nous montre bien que la prestation à 500 $, elle est ridicule étant donné que les besoins qui sont indiqués sont beaucoup plus importants. Par contre, même ce tableau-là, il est en deçà de la situation réelle qu'a pu même établir la Société canadienne d'hypothèques et de logement dans la région de Québec, où on établit, par exemple, que, pour un logement de deux chambres à coucher dans la basse-ville, le loyer est de 492 $; si on est dans la haute-ville, c'est 743 $.

On est très loin de ce que le tableau, l'annexe 12, nous présente. Ce qui fait que, si on regarde comment les personnes pourraient réussir à arriver avec le barème qu'on a entre les mains, le 500 $, dans le cas, par exemple, qu'on a dans notre mémoire d'un couple avec deux enfants où on aurait un barème de 775 $, on pourrait se retrouver, par exemple, pour un logement de trois chambres à coucher dans Limoilou, avec un loyer de 596 $, ce qui ferait que notre taux d'effort serait de 76,9 %. Ce qu'on voit, c'est que, bien qu'un des objectifs de la réforme soit de sortir les enfants de la pauvreté et de l'aide sociale les parents devront prendre les allocations pour les enfants et l'aide fédérale pour les enfants pour pouvoir payer le loyer. Donc, on ne sort absolument pas les enfants de l'aide sociale. Au contraire, les parents devront finalement demander pension à leurs enfants pour pouvoir payer le loyer.

C'est pour ça qu'on vous a distribué un petit tableau qui donne le profil de la population au niveau de différents quartiers dans la ville de Québec. Et on a associé cette situation-là à ce que la situation économique nous apporte comme difficultés. Le fait d'avoir des prestations insuffisantes, ça amène le fait que les gens doivent se retrouver de plus en plus nombreux dans des soupes populaires. Mais on se retrouve aussi devant une nouvelle économie qui se développe à pas de géant, ce sont les prêteurs sur gage. On peut constater que les prêteurs sur gage dans la région de Québec, ce n'est pas à Cap-Rouge, à Charlesbourg, à Beauport, à Sainte-Foy qu'ils se retrouvent; ils se retrouvent dans quatre quartiers à Québec: Saint-Roch, Saint-Sauveur, Limoilou, Saint-Jean-Baptiste.

Vous avez, sur vos tableaux, par secteur de recensement, un aperçu du profil de la population qui se retrouve autour d'un Argent comptant, d'un Urgent comptant, d'un Instant comptant, d'un Consigne plus, etc., d'un Johnny Cash, même, dans le quartier Saint-Roch. On peut voir que la population qui se retrouve autour des prêteurs sur gage, c'est une population très pauvre et dont l'effort au logement est assez important. Donc, les gens, pour pouvoir payer leur loyer, doivent mettre au clou leur TV, leur système de son, mais, rendu au deuxième mois ou au troisième mois, il n'y en a plus, de TV pour mettre au clou. Ce qui peut se produire, auprès des personnes qui se retrouvent en difficulté financière, ça va être peut-être des vols. Puis ça va être les TV de Cap-Rouge peut-être qui vont se retrouver chez les prêteurs sur gage du centre-ville.

Cette situation de pauvreté amène des conséquences sociales importantes non négligeables, d'où l'importance que le niveau de prestation soit revu non pas sur le plus bas niveau existant, mais à un niveau qui répond aux besoins essentiels qu'un ménage a à rencontrer. Puis, nous, au niveau du bail, ce qu'on constate, à ce niveau-là aussi, c'est que les gens, pour trouver moyen de pouvoir payer leur loyer, ils vont, évidemment, se retrouver dans des logements de moins bonne qualité pour pouvoir trouver des logements moins cher. Donc, à ce moment-là, le paiement du loyer se fait vraiment au détriment de la santé et de l'avancement des personnes.

(17 h 20)

Concernant la problématique du non-paiement de loyer, on l'a toujours dit, cette question-là repose sur la difficulté financière des personnes. Ce n'est pas pour une raison de bonne ou de mauvaise foi, parce que cette question-là n'a jamais été jugée. La Régie du logement, quand elle entend une cause en non-paiement de loyer, elle ne demande jamais à la personne: Pourquoi vous êtes en non-paiement de loyer? Jamais, jamais, jamais. Tandis que, pour toute autre cause, on demande des explications: Pourquoi vous n'avez pas fait les réparations, qu'est-ce qui vous a retardé à faire ci, etc.? Par contre, sur le non-paiement de loyer, on ne fait qu'un constat: Le loyer n'est pas payé, tant pis, c'est soit la résiliation ou soit l'ordonnance de paiement.

On peut voir, d'après les statistiques de la Régie du logement, que, pour les années 1993-1994 jusqu'à 1995-1996, le pourcentage de logements qui se retrouvent dans une situation de résiliation ou de recouvrement de loyer, c'est 3,4 % à 3,6 % des logements au Québec. Le nombre est important, on ne nie pas ce nombre-là. Le fait que 42 000 ménages se soient retrouvés dans une situation d'une demande de recouvrement puis 30 000 autres dans une demande de résiliation, c'est déjà trop. Ce n'est pas plaisant pour la personne qui se retrouve dans une situation semblable. Sauf qu'il faut mettre des bémols. Il y a 1 200 000 logements locatifs au Québec, puis qu'il y en ait 73 000 où il y a eu une situation de difficulté de payer, ce n'est quand même pas la fin du monde.

Au niveau de l'étude ministérielle, on a beaucoup mentionné cette étude-là, mais j'ai comme l'impression que les gens ne l'ont pas lue. Les gens ne l'ont pas lue parce qu'on n'a pas constaté ou on n'a jamais constaté les erreurs énormes qu'il y a dans cette étude-là. Au niveau de la méthodologie, elle est complètement boiteuse. Je pense qu'on ne parle même pas du pourcentage d'erreur, alors que dans tout sondage il y a au moins une notion de pourcentage d'erreur. Ici, il n'en est pas fait mention, du pourcentage d'erreur.

L'étude démontre bien – pour faire peut-être une référence à certaines orientations gouvernementales de transférer en sous-contrats beaucoup de services publics... Le fait de passer par l'entreprise privée, ici, peut-être, pour faire cette étude-là démontre que, des fois, les services gouvernementaux donnent de meilleurs rendements que l'entreprise privée, parce que, dans l'ensemble, les erreurs de cette étude-là sont grandes. Au niveau du sondage, il est fait sur des impressions et non pas sur des données réelles. On a demandé aux propriétaires: Selon vous, quel pourcentage, combien pensez-vous avoir perdu? Combien pensez-vous? De faire demander à des personnes, à partir de leur mémoire, pour une période, aussi... Au moment où le sondage a été fait, on vous demande «dans les 12 derniers mois», puis ça couvrait deux périodes de bail. Donc, les 12 derniers mois, «c'est-u» dans le bail de l'année passée ou dans le bail de cette année?

Donc, on se retrouve avec des chiffres qui sont nettement démesurés par rapport à la réalité. Même que, si on regarde, encore là, les chiffres... Prenons le chiffre de 86 000 000 $, 87 000 000 $ qu'on prétend que les prestataires de l'aide sociale doivent aux propriétaires. Même si ce chiffre-là était vrai, qu'est-ce que ça représenterait sur l'ensemble des revenus de location des propriétaires? Ça représenterait, d'après un calcul très rapide qu'on a fait, 1,2 % de leurs revenus seulement. Pourquoi? On se base sur des chiffres du recensement de 1991 qui établit le loyer brut moyen au Québec à 507 $. Il y a 1 200 000 logements locatifs, ça fait 7 300 000 000 $ de revenus de location. Puis on se plaint que 86 000 000 $ n'a pas été payé. Puis ce 86 000 000 $ là, même la Commission des droits de la personne et de la protection de la jeunesse le considère deux fois trop élevé en raison de la méthodologie. Ça fait qu'on se plaint pour pas grand-chose, vraiment.

Par contre, les gens qui vivent cette situation-là, oui, c'est une situation, tant pour le petit propriétaire, on en convient, que pour l'ensemble des locataires qui vivent cette situation-là, difficile. Parce que ce n'est jamais plaisant de se retrouver dans une situation où on n'est pas capable de payer. Quand on se retrouve à faire l'épicerie et qu'il nous manque un peu d'argent puis qu'il faut qu'on remette des matières sur le comptoir, ce n'est pas plaisant pantoute.

Une des grosses contradictions, dans ce document-là, c'est quand on dit, en page 16, que les propriétaires qui déclarent le moins de difficultés attribuables à leurs prestataires, c'est les petits propriétaires. Par contre, en page 43: «Nous remarquons, par ailleurs, que les petits propriétaires seraient davantage affectés que toute autre catégorie.» Ce n'est pas sérieux, quand même, comme étude, ce qui fait que je pense que dès maintenant il faudrait que Mme la ministre mette ce document-là aux poubelles parce que ça ne vaut vraiment pas grand-chose. Puis qu'on arrête de l'utiliser comme étant une base de référence.

Au niveau des solutions comme le dépôt direct ou le pouvoir d'ordonnance à la Régie. Le dépôt direct, c'est une mesure que l'on considère qui devrait seulement être occasionnelle, exceptionnelle, et non pas une mesure qui devrait être encouragée pour devenir une habitude. Le dépôt direct devrait remédier à des problèmes de mobilité de personnes et non pas pour en faire un usage à grande échelle, en raison du danger que ça peut amener au niveau du paiement préautorisé. Puis d'ailleurs, tantôt, l'association précédente des propriétaires faisait... je ne sais pas si c'est un lapsus, mais on ne parlait vraiment pas de paiement préautorisé, on parlait de dépôt direct dans le compte du propriétaire. Donc, c'est rendu que, quand on parle de dépôt direct, ce n'est plus dans le compte du locataire, mais c'est un dépôt direct dans le compte du propriétaire. Il y a le glissement qui se fait facilement du dépôt direct au préautorisé.

Le préautorisé a toutes ces lacunes: Si le locataire va à la Régie en diminution de loyer, est-ce que la diminution va s'appliquer sur le préautorisé? Comment le contrôler? Comment faire en sorte que, si le propriétaire continue à retirer du compte le montant de loyer de base, moi, je puisse retourner faire une poursuite contre le propriétaire au civil pour dire «t'en as perçu trop sur mon compte»? C'est là qu'il y a un problème.

Si, pour des raisons légales, le locataire déguerpit... Par exemple, pour raisons de dégât d'eau, la loi prévoit que le locataire, quand le logement devient inapte à l'habitation, a le droit de quitter ce logement-là. Mais, s'il y a le paiement préautorisé, il y a de grosses chances que le propriétaire passe un mois puis peut-être deux mois puis peut-être trois mois. Ça s'est vu au niveau de certaines pratiques commerciales d'entreprise. Pourquoi pas ici?

Au niveau de la demande d'enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu de verser aux propriétaires la composante logement via un pouvoir d'ordonnance de la Régie, nous trouvons cette demande ou cette pratique – si elle devait se réaliser – comme étant entièrement discriminatoire et contraire à la Charte des droits et libertés de la personne, en vertu des articles 10, 13 et 52. Parce qu'il est bien clair que, à ce moment-là, la Régie aurait un pouvoir d'ordonnance à l'endroit d'une clientèle très particulière, ce qui viendrait vraiment faire une discrimination pour la raison de condition sociale. Il n'y a pas d'autres conditions sociales qui se retrouveraient dans cette situation.

(17 h 30)

Ce qui fait que, pour nous, les recommandations que nous faisons, c'est que, d'abord, on abandonne la coupure pour partage de logement. C'est une situation qui est complètement illogique que deux personnes, parce qu'elles ont décidé de partager leur logement pour boucler les fins de mois, partager les frais, se retrouvent pénalisées. On demande aussi un contrôle obligatoire et universel de tous les loyers et l'enregistrement d'impôts. C'est une mesure qui permettrait aux locataires de pouvoir contrôler leur effort au logement et même de pouvoir contrôler plus facilement les abus des propriétaires. On demande aussi un contrôle obligatoire des loyers lorsque le propriétaire obtient des subventions ou lors d'une allocation-logement, que, quand, aussi, le propriétaire reçoit un supplément au loyer, on ait un contrôle de qualité des logements dans lesquels les personnes se retrouvent. Parce que trop souvent on a vu du tape-à-l'oeil au niveau du logement, puis les locataires se retrouvaient dans des logements avec de nombreux vices.

Il y a un manque flagrant de logements à prix modique. À peine 10 % des logements au Québec sont des logements à loyer modique. Ce n'est vraiment pas une concurrence déloyale au marché privé. S'il y avait un plus grand nombre de logements à loyer modique, ça aurait probablement un effet diminutif sur les loyers sur le marché privé.

On demande que le dépôt direct ne soit limité que pour des situations particulières et que les prestations soient versées pleines et entières au locataire et non pas au propriétaire.

Nous vous rappelons dans notre mémoire, en page 19, l'ensemble des mesures que les propriétaires immobiliers possèdent au niveau fiscal et dont les locataires ne bénéficient même pas. Pour donner un exemple: le remboursement des frais juridiques, les locataires le perdent avec la réforme de l'aide juridique.

Et puis, pour terminer, dans le document de Mme Harel, on fait mention que le secteur de l'économie sociale pourrait être davantage soutenu grâce à la consolidation des emplois existants au sein des organismes à but non lucratif. Cette consolidation pourrait être assurée grâce à une meilleure canalisation du soutien financier gouvernemental sur la base d'offres de service. Nous vous offrons aujourd'hui notre offre de service et vous soumettons une réclamation de 2 390 $ pour le travail effectué dans le cadre de ce mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, M. le Président, peut-être commencer... Je comprends que c'est M. Cusson, hein. C'est bien ça?

M. Cusson (Denis): Oui.

Mme Harel: Qui est accompagné de Mme Dionne. Alors, bienvenue, là. Est-ce que c'est votre première présentation d'un mémoire en commission parlementaire?

M. Cusson (Denis): Non.

Mme Harel: Vous l'avez fait fréquemment?

M. Cusson (Denis): Mettons, quand l'occasion se présente, réforme de l'aide juridique ou..

Mme Harel: Avez-vous essayé chaque fois de pousser des factures?

M. Cusson (Denis): Non, le fait que vous ayez payé si grassement M. Fortin pour le peu de contribution qu'il a apporté, je pense que la modique facture que j'apporte est équitable.

Mme Harel: Écoutez, je vous laisse l'appréciation du travail qui s'est fait au sein du comité Bouchard-Fortin. Je dirai que l'ensemble de votre mémoire est écrit avec en tête le procès de la situation actuelle, là, quand vous parlez de l'annexe 12. Vous savez que l'annexe 12, c'est la situation actuelle, c'est la situation telle qu'elle prévaut en 1996.

Alors, encore faut-il évidemment y ajouter quelques besoins spéciaux qui sont, par exemple: 500 $ par année pour livres et frais d'étude; 250 $ qui peuvent couvrir des frais de transport et de repas dans le cadre d'une démarche effectuée dans le but d'obtenir un emploi; 120 $ par mois pour un montant total qui peut aller à 1 400 $ par année pour les barèmes de participation. Ça peut aussi être 200 $ par année pour les déménagements, s'il y a des raisons de santé ou de salubrité, par exemple, qui le motivent. Ça peut être 200 $ aussi par année pour déménagement, lorsqu'il y a séparation entre conjoints. Ça peut être, dans les cas où il y a de jeunes enfants, 32 $ par caisse de 24 boîtes de préparation lactée, 50 $ par mois pour l'allaitement d'un enfant. Ça peut être aussi 250 $ pour le transport pour être traité par un médecin ou un dentiste; après 12 mois, c'est l'assurance des services dentaires gratuits. En fait, c'est diverses autres choses, là, qui doivent s'ajouter à cette annexe 12 et qui font qu'autour de 700 $, 800 $ de services connexes par année, si vous voulez, doivent s'additionner, et c'est la moyenne, vous savez, des dépenses qui sont effectuées dans les services.

Certainement que vous trouvez que c'est l'ensemble des besoins essentiels. Effectivement, ça pourrait être intéressant. J'ai fait faire l'évaluation de ce que ça coûterait, cette année, si, par exemple, on pouvait combler totalement, et indépendamment de la participation ou du barème de participation, les besoins essentiels sans tenir compte, même, des revenus qui peuvent rester théoriques. Ça coûterait 765 000 000 $. C'est le chiffre tout calculé de ce que ça pourrait occasionner à partir du nombre de ménages cette année-là, 765 000 000 $. Je me suis dit: Comme on n'a pas cet argent-là, essayons de voir à quoi ça se chiffrerait, l'abolition du partage du logement, à la grandeur, si vous voulez. Ce serait 127 000 000 $. Comme je pourrai, avec mes collègues, compter sur un budget qui va faire encore cette année autour de 4 236 000 000 $ et qu'il ne s'en est pas ajouté, des centaines de millions, alors on a une situation où on peut se résigner en disant: Si c'est comme ça, il n'y a rien qu'on peut faire, ou se dire: Il y a quelque chose à faire.

Et, contrairement à ce que vous disiez tantôt, je vous inviterais à refaire une lecture, pages 31 et 40 du livre vert. Peut-être que parfois on lit vite. Je voudrais juste vous rappeler que, contrairement à ce que vous prétendez, je ne dis pas qu'il y a des solutions individuelles qui doivent répondre aux problèmes collectifs, je dis, au contraire, et je vous en lis quatre lignes: «Les leçons tirées des interventions publiques en matière d'emploi au Québec et dans les autres pays nous amènent à conclure que les solutions individuelles sont insuffisantes. Les nouvelles réalités du marché du travail, les transformations sociales et familiales exigent des solutions collectives.»

Et, à la page 40, je voudrais juste vous inviter – et je termine là-dessus, je vous laisserai commenter – à relire ce qu'on y retrouve qui est ceci: «Le principal outil est le Parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi qui trace les éléments d'un itinéraire personnel selon les intérêts et les choix. La personne est appuyée dans son cheminement par un conseiller en emploi. Les services d'emploi lui assurent un accompagnement dans la définition et la réalisation de son parcours vers l'emploi, en tenant compte à la fois du Plan local d'action concerté pour l'emploi et des plans régionaux et sectoriels. Chaque personne peut bénéficier, tout au long de son itinéraire, d'un suivi et d'un encadrement.»

Je prends bonne note que vous omettez complètement de parler de la réorganisation des services publics d'emploi, du fait qu'on met fin à l'exclusion des prestataires en dehors de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre, du fait qu'on réorganise pour qu'un service d'emploi puisse à la fois répondre aux besoins des personnes, quelle que soit leur étiquette. Je prends note aussi que vous omettez la mise en place des CLE, des centres locaux, et des Conseils des partenaires et des plans locaux. Alors, si tout ça n'est pas collectif, je ne sais pas ce que c'est.

M. Cusson (Denis): Qu'est-ce que vous faites face à la fermeture d'usine de Canadelle? On se retrouve continuellement avec des fermetures importantes, et vous allez proposer à ces femmes-là un parcours individualisé pour retrouver un emploi? Il y a un problème. La cause de leur chômage, ce n'est pas leur compétence; c'est le départ d'une compagnie pour s'enrichir. Et même que son intention, c'est de s'en aller au Mexique. C'est là que la mesure proposée ne correspond pas à la cause à partir de laquelle on se retrouve dans une situation de non-emploi. Si la personne perdait...

(17 h 40)

Mme Harel: C'est un bon exemple, M. Cusson, c'est un bon exemple, Canadelle, justement. Parce que Canadelle, il y en a une, usine, qui a fermé aussi à Matane, comme vous le savez, et elle vient de rouvrir parce qu'il y a des gens... Elle n'a pas rouvert avec Canadelle, elle a rouvert avec d'autres. Et, justement, il y a un programme spécial qui va permettre de contribuer à la formation des travailleuses qui vont pouvoir, comme ça, avoir une nouvelle technologie puis avoir une nouvelle production.

Parce que, oui, le milieu de Québec va devoir bouger, comme dans le cas du Bas-du-Fleuve, et puis faire en sorte qu'il puisse y avoir un nouveau propriétaire qui ouvre. Mais vous ne me direz pas, là, que le Québec est un Canadelle au grand complet? Ce n'est pas vrai. Il y a eu 10 000 nouveaux emplois en février, même en comprenant tous ceux qu'on avait perdus, il y en a eu 10 000 de plus. Puis on en a ramassé 30 000 de plus depuis trois mois. Pendant qu'au reste du Canada ils en perdaient, on en gagnait. Alors, à un moment donné, il va falloir secouer la déprime, puis se dire: Non, ce n'est pas vrai. Il faut se relever les manches puis il n'y a pas à attendre que d'autres viennent nous trouver des solutions, il va falloir se les trouver.

M. Cusson (Denis): Je ne contredirais pas le fait qu'une personne qui se retrouve sans emploi, de toute façon, fait déjà des démarches. Il n'y a personne qui se plaît et se complaît à rester dans une situation de pauvreté. Ça, c'est bien clair. Avec tout ce que ça amène comme privations et avec l'image de richesse que nous projette notre société, c'est bien clair que toute personne qui se retrouve sans emploi a une volonté de vouloir se retrouver quelque chose.

Sauf que, d'associer cette chose-là à une démarche qui va être punitive, c'est là qu'il y a quelque chose qui cloche. Si on se retrouvait avec un très bas taux de chômage et que des personnes délibérément faisaient en sorte de ne pas vouloir se trouver de l'emploi, je pourrais comprendre qu'on fasse des mesures punitives. Mais faire des mesures punitives quand la situation des sans-emploi est aussi élevée, ça ne tient pas debout, parce que la personne qui refuse peut être facilement remplacée par une personne qui est intéressée. Donc, avant que son tour revienne... Surtout avec les objectifs du Sommet, de créer une trentaine de milliers d'emplois par année. Au nombre de ménages sur l'aide sociale, il y a considérablement de ménages qui sont prêts à sauter sur le 30 000 qui va être offert. Donc, on n'a pas besoin de passer par des mesures punitives à l'endroit d'une personne qui dirait non. Bien, qu'elle passe son tour, puis elle attendra, elle reviendra l'année suivante, je veux dire, ce n'est pas catastrophique à ce compte-là.

Puis, pour...

Mme Harel: J'ai l'impression qu'on a un malentendu, ce n'est pas une obligation, de se chercher un emploi. Là, il y a comme un malentendu.

M. Cusson (Denis): Bien....

Mme Harel: Vous l'avez dit tantôt, «obligation de se chercher un emploi».

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Harel: Non, c'est celle de participer à un parcours, ce n'est pas la même chose, ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Bonjour.

M. Cusson (Denis): Bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue. Peut-être continuer, parce que ça m'a frappé dans votre mémoire, quand vous parlez du parcours. Parce qu'on nous dit beaucoup, beaucoup: C'est un projet personnel de cheminement, la personne va choisir, bon. Mais, vous, vous dites que le parcours, finalement, c'est un peu de la poudre aux yeux, parce que la personne, elle ne fera pas le choix, elle va être obligée de... Vous dites, même: En fait, ce sont des parcours tout faits d'avance, dans lesquels la personne devra choisir à cause du Plan local d'action. J'aimerais que vous élaboriez davantage, parce que, nous, depuis le début, c'est l'impression qu'on avait, que la personne, là, avait la place centrale dans son parcours. Mais, vous, vous dites que ce n'est pas ça.

M. Cusson (Denis): Non, parce que... D'ailleurs, c'est cité directement du document, où on nous dit qu'il y a le plan local d'emploi, puis, si la personne ne s'inscrit pas dans le plan local... Parce que son plan à elle, il faut qu'elle rentre là-dedans. C'est là où ça nous démontre, plus que toute autre chose, que la personne est au service d'une économie et non pas l'économie qui est service des personnes.

Mme Loiselle: De la personne.

M. Cusson (Denis): Parce que, moi, je dois m'intégrer sur ce que la région aura décidé au niveau de l'orientation économique. Par exemple, si la région de Québec tripe tourisme, le parcours qu'ils vont nous imposer, ça «va-tu» être un parcours de tourisme, de travailler dans le secteur touristique? Alors que, moi, si ça ne me tente pas de faire le guide touristique ou de laver la vaisselle, parce que j'ai d'autres compétences, est-ce que mon parcours va être reconnu dans les plans?

Si je regarde les priorités du CRCDQ, du Conseil régional de concertation et de développement de Québec, je veux dire, si c'était ça qui était les orientations régionales, bien, il y a bien du monde qui aurait de la misère à trouver un parcours là-dedans. Les seules qui y trouvent un parcours, c'est les municipalités, parce que, dans le fond, c'est presque une subvention détournée, des argents qui devraient aller vers la grande communauté, mais ils se retrouvent dans différentes municipalités, au niveau de leurs priorités de municipalités.

Mme Loiselle: Je vais tout de suite changer de sujet parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, puis j'avais trois, quatre points que je voulais... Le dépôt direct – vous en avez parlé tantôt – c'est vrai, la plupart des groupes sont venus nous dire qu'il y avait un danger avec le retrait préautorisé. Je dois dire que les gens de la CORPIQ hier ont été très honnêtes, parce qu'ils ont dit: Oui, il peut y avoir un danger, il va y avoir de l'abus, peut-être, de la part des propriétaires. Ils nous suggéraient même de mettre en place, peut-être, une campagne d'éducation et de sensibilisation pour que les prestataires soient au courant que c'est sur une base volontaire et non pas que, dès que tu signes un bail, tu signes le retrait, en tout cas, la demande pour le retrait préautorisé.

Tantôt, le groupe avant vous nous disait que les bénéficiaires n'étaient presque pas au courant que, bon, il y avait, un, le dépôt direct, deux, cette possibilité-là du retrait. Et, vous, dans votre mémoire, vous dites: Cessez de harceler les prestataires, que le ministère cesse de harceler les prestataires, un, pour la promotion du dépôt direct et, deux, justement, pour le paiement, je pense. Alors, vous, finalement, suggérez-vous au gouvernement, étant donné que vous voyez des risques au dépôt direct, de peut-être le retirer ou de l'encadrer davantage?

M. Cusson (Denis): Non, on n'est pas pour le retrait, parce que ça a certains avantages, le dépôt direct dans le compte d'une personne, entre autres pour les personnes qui ont certaines difficultés. Puis la difficulté peut être temporaire. Par exemple, une personne a une opération. Temporairement, se déplacer pour aller encaisser son chèque, c'est compliqué. Ça peut durer un mois, deux mois, par exemple. Par contre, de le faire à grande échelle, à ce moment-là, on se retrouve avec tous les dangers, les travers de cette situation-là.

Mais, nous, on est en faveur qu'elle existe, que ce soit une mesure qui existe, mais qu'elle soit à la demande de la personne, dans le sens... pour des besoins puis que, même à ce moment-là, je dirais presque que le ministère demande: Pourquoi vous le voulez? Si la personne nous dit: Bien, moi, je suis en chaise roulante, vous voyez bien, ou bien j'ai de la misère à me déplacer, je me promène en béquilles, bon. Oui, c'est un excellent motif, quant à moi, en tout cas.

Tandis que l'autre façon de le demander ou de l'inciter... Parce que l'incitation, elle se fait, au niveau des allocations familiales, d'avoir le dépôt direct, au niveau des régimes des rentes. Il y a une incitation puis même des pénalités, dans le sens que, si vous le recevez par chèque, vous allez le recevoir aux trois mois ou aux quatre mois.

Mme Loiselle: O.K.

M. Cusson (Denis): O.K.? Le fait qu'une personne dise: Oui, je veux le dépôt direct puis qu'il n'y a pas nécessairement de restriction en termes de déplacement pour cette personne-là, ça peut être aussi parce que cette personne-là a des pressions d'une tierce personne pour dire: Bien, écoute, ton argent, là, il faut qu'il rentre directement dans ton compte à chaque mois, je ne veux pas que tu te sauves avec ton argent.

Mme Loiselle: Comment vérifier que, finalement, la signature du bail, elle s'est faite de façon libre, que le paiement préautorisé s'est fait sur une base volontaire? C'est assez difficile.

M. Cusson (Denis): Comme il n'y a aucune façon de le contrôler, le mieux, c'est de l'interdire.

Mme Loiselle: O.K.

M. Cusson (Denis): C'est pour ça que, dans les représentations qu'on a faites concernant l'établissement du bail obligatoire, on a été très clairs pour que la question de l'identification de chèques postdatés ou de toute autre forme de paiement autre que le paiement en argent ou par remise mensuelle ne soit pas signifiée sur le bail. Parce que le fait de signifier sur le bail: Vous n'avez qu'à cocher ici, paiement préautorisé; cocher ici, chèque postdaté, si le propriétaire prépare le bail d'avance puis qu'il le coche, lui, le locataire se retrouve avec un formulaire déjà tout rempli. Ça va être quoi, sa mesure pour dire: Aie! Ici là tu vas initialer qu'on l'enlève, tu sais. Le locataire n'est pas en position de pouvoir quand il va négocier un bail, à moins que ce locataire-là soit à revenus moyens puis moyens élevés parce qu'il peut, lui, jouir du taux de vacance. Mais le locataire qui est à faibles revenus, à revenus moyens faibles, bien, il n'a pas ce pouvoir de négociation parce qu'il n'y en a pas, de logement... de bas prix en termes de taux de vacance, là.

Mme Loiselle: J'aimerais peut-être aborder... Je dois vous dire aussi que j'ai été très, très surprise quand j'ai lu que le CTQ de Saint-Roch, il remet à tout nouveau demandeur de prestation la liste des soupes populaires. Ça, c'est récent ou...

(17 h 50)

M. Cusson (Denis): Bien, ça date au moins de l'année passée que des gens nous ont fait mention que, quand ils ont été pour s'inscrire, on leur a dit: Bien, écoute, tu prends un rendez-vous puis tu vas passer dans quelques semaines pour l'entrevue, pour la rencontre. Et la personne, au bureau de Travail-Québec, elle, elle dit: Bien, écoute, il faut que je mange, tu sais... Étant donné qu'on va faire une demande à l'aide sociale quand on est à bout de nos ressources, ça fait que, si la rencontre avec l'agent se passe deux, trois semaines après qu'on s'est pointé au bureau, bien, pendant ce temps-là, on fait quoi pour manger? Et on lui a dit: Bien, je peux te donner la liste des soupes populaires: l'Auberivière, etc.

Mme Loiselle: Est-ce que c'est une suggestion qui a été faite par un organisme communautaire pour aider ces gens-là ou une initiative du CTQ?

M. Cusson (Denis): Je ne le sais pas. Ou c'est une initiative de l'agent ou c'est une initiative du bureau. On n'a pas été vérifier pourquoi cette situation-là s'est produite. Mais ce n'est certainement pas de l'autopromotion que l'Auberivière fait.

Mme Loiselle: Pardon?

M. Cusson (Denis): Ce n'est certainement pas de l'autopromotion que l'Auberivière, Centre-Vie font pour aller se chercher de la clientèle. Ils sont déjà débordés.

Mme Loiselle: Ils sont déjà débordés, ouais, c'est ça. Vous faites des suggestions, je trouve ça intéressant, des solutions pour régler le problème, là, des retards ou des paiements de loyers non payés, parce que vous êtes en désaccord avec celles qu'on retrouve dans le livre vert. Vous dites, un: retirer la coupure pour le partage du logement. Et, de deux, vous parlez de mettre en place un mécanisme de contrôle obligatoire des loyers en établissant aussi un enregistrement des baux. Mais ça, c'est pour l'ensemble des locataires, hein?

M. Cusson (Denis): Oui.

Mme Loiselle: Parlez-moi de ça. Comment on mettrait ça en place?

M. Cusson (Denis): Bon, la mécanique, c'est que déjà on a un bail. Bon, il est en deux copies. C'est vrai qu'il a sept pages, mais peut-être que, s'il y en avait une troisième copie qui pouvait être envoyée dans les bureaux de la Régie du logement, on se retrouverait avec un dépôt des baux qui se ferait. Et, au niveau des nouveaux locataires, particulièrement, ça serait un outil pour pouvoir contrôler le prix de loyer que le nouveau propriétaire lui offre.

Parce qu'on sait qu'au niveau de la loi un nouveau locataire a une possibilité de contester le prix du loyer, s'il considère l'augmentation trop élevée. Mais toujours faut-il que le propriétaire lui indique c'était quoi, l'ancien prix. Et systématiquement les propriétaires n'indiquent pas quel est l'ancien prix le plus bas payé pour le logement qui est remis en location. Donc, le nouveau locataire se retrouve privé de son droit de contestation parce qu'il est incapable de faire la preuve de ce que l'ancien locataire payait.

Donc, si le bail de l'ancien locataire, je peux le retrouver à la Régie du logement, à ce moment-là je peux avoir ma preuve et faire réajuster le prix du loyer en fonction des critères fixés par la Régie du logement. Pour les dernières années, c'était environ 1 % que la Régie fixait comme montant d'augmentation selon les critères. Donc, déjà, on se retrouverait dans une situation où on contrôle les abus. Parce que les plus grosses augmentations se situent au moment d'un changement de locataire et non pas lors du renouvellement du bail.

Mais, au niveau du renouvellement du bail, il y a des situations d'abus qui existent, particulièrement par rapport aux personnes qui sont les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées puis les personnes à faibles revenus. À savoir que, par contre, pour les personnes âgées particulièrement, on va utiliser beaucoup d'intimidation pour forcer la personne à accepter l'augmentation proposée. Souvent, on ne lui laisse pas le mois de réflexion pour dire si elle accepte ou pas le loyer, l'augmentation proposée.

Donc, s'il y a un contrôle obligatoire, à savoir même un taux d'ajustement maximal auquel on ne peut pas déroger, la personne aurait, à ce moment-là, une protection pour revenir en disant: On m'a demandé 3 % d'augmentation, alors que le taux d'ajustement maximal était de 0,5 %. J'ai un recours, à ce moment-là, contre des abus. Mais, sinon, entre une négociation difficile et serrée puis une situation de harcèlement, la marge n'est pas grande, et on se retrouve beaucoup dans des situations de harcèlement.

Mme Loiselle: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Taschereau, c'est vous qui avez la conclusion.

M. Gaulin: Oui. Juste quelques mots, d'abord, pour saluer le BAIL, qui a son siège social dans mon comté, et les remercier de l'action qu'ils font depuis déjà plus de 25 ans, comme le soulignait tout à l'heure M. Cusson. Et, grâce à eux, d'ailleurs, il y a une amélioration de la qualité des logements des locataires et des droits des locataires aussi non seulement dans le centre-ville de Québec, mais dans les villes en particulier, c'est-à-dire que c'est une action qui se démultiplie et qui est contagieuse. Alors, merci beaucoup.

Je voulais juste, comme le temps est presque terminé, vous poser une question. Parce qu'hier on a reçu deux groupes populaires, des gens qui travaillent auprès des groupes populaires, et je pense que c'était la Coalition pour la survie des programmes sociaux, ensuite il y a eu le FRAPRU, qui nous ont dit qu'ils étaient contre le dépôt direct. C'est sûr qu'il y a des dangers au dépôt direct. Mais j'aimerais ça avoir votre avis. Est-ce que vous voulez toujours que les gens qui sont bénéficiaires de la sécurité du revenu aillent faire la queue à la caisse Saint-Jean-Baptiste, à la caisse Saint-Sauveur, à la caisse de Québec, à la caisse de Québec-Est, parce qu'il y a une question de dignité aussi, quel est votre avis là-dessus?

M. Cusson (Denis): Cette situation-là peut se régler très facilement, par exemple en émettant les chèques durant toute une semaine plutôt qu'une seule journée. À ce moment-là, on répartit le nombre de personnes qui se présentent à un guichet pour recevoir leur argent. Le fait de tout mettre ça sur une seule journée, on s'attire des problèmes, c'est bien sûr. Mais, aussi, les caisses puis les banques, le fait d'engager peut-être une personne ou deux en surnuméraire une fois par mois, ce ne serait pas mauvais, en termes de création d'emplois. Non? Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Donc, vous seriez... Non, mais, si je comprends bien, vous êtes contre le dépôt direct.

M. Cusson (Denis): Le dépôt direct, pour nous, doit être une mesure vraiment...

M. Gaulin: Ponctuelle.

M. Cusson (Denis): ...en tout cas ciblée. Ponctuelle pour certaines catégories de personnes et non pas une mesure...

M. Gaulin: Oui. Mais je croyais comprendre, par beaucoup de gens qui viennent dans mon bureau de comté – c'est pour ça que je voulais votre point de vue – que c'était une nette amélioration pour beaucoup de gens mais pour les raisons que je vous donne, pas pour une raison d'impossibilité de se rendre à la caisse.

M. Cusson (Denis): Non, non, mais pour, par exemple, le fait... La question de la dignité, c'est vrai que le fait de se retrouver à faire la file, puis, évidemment, les gens qui ne sont pas... qui arrivent à la caisse puis qui disent: Ah! tiens, c'est vrai, aujourd'hui c'est le chèque de BS qui sort. Mais c'est drôle, ils ne disent pas: Ah! oui, c'est le chèque de TPS qui sort, quand il y a la même file, au milieu d'un mois, puis que c'est le chèque de TPS qui sort. Parce que, quand le chèque de TPS sort, la file est là aussi. Mais c'est drôle, il n'y a pas de problème de dignité à ce moment-là, parce qu'on a un retour d'argent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte...

M. Gaulin: Mais, dans le cas de la TPS...

M. Cusson (Denis): Mais on peut régler le problème de la file d'attente en répartissant le chèque sur deux, trois, quatre jours.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte mise au point par Mme la ministre, et on termine là-dessus.

Mme Harel: Oui. Bien, ce n'est pas un problème de file, là, c'est surtout le fait que toutes les prestations sont offertes actuellement par ce mode de paiement qui en est un parmi d'autres. Et pourquoi ne pas l'offrir? Ça aurait été exclure, ça aurait été stigmatiser les personnes assistées sociales en ne leur donnant pas, finalement, le choix du mode de paiement que les rentiers à la Régie des rentes, que la CSST, que tous les autres, finalement, prestataires ont.

Moi, je voudrais insister sur une chose parce que je l'ai fait vérifier par des juristes, et, vérification faite, à n'importe quel moment le locataire peut retirer son autorisation préautorisée, peut retirer son retrait. Voilà, à n'importe quel moment. C'est un mode de paiement comme d'autres. Un locataire peut aussi décider d'appeler pour que le chèque ne vienne pas, ne soit pas retiré de son compte, et il peut faire la même chose avec son retrait préautorisé.

M. Cusson (Denis): Oui, mais, si c'est inscrit...

Mme Harel: Faites très attention, surtout vous qui donnez des conseils, faites attention.

M. Cusson (Denis): Non, non, mais, Mme Harel, si c'est inscrit au bail que le mode de paiement, c'est par mode préautorisé, ça devient une clause au bail, et la seule personne qui peut modifier une clause au bail, c'est le propriétaire, lors de la reconduction du bail.

Mme Harel: On me dit que non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Cusson, Mme Dionne, au nom de la commission, je vous remercie beaucoup. La commission ajourne ses travaux au mardi 18 mars, 9 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)


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