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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 20 mars 1997 - Vol. 35 N° 68

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Lyse Leduc, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
Mme Monique Simard
Mme Claire Vaive
M. Russell Copeman
*Mme Judith Fugère, LASTUSE du Saguenay
*M. Steeve Émond, idem
*Mme Anne Thibault, RCLALQ
*Mme France Brochu, idem
*Mme Suzanne Coziol, idem
*M. Denis Cusson, idem
*M. André Houle, CAPMO
*Mme Vivian Labrie, idem
*Mme Annie Plamondon, idem
*M. Richard Latendresse, CEDA
*M. Stéphane Guillemette, idem
*Mme Denise Audet, idem
*M. Jean-Marc Grenier, idem
*Mme Julie Parent, idem
*M. Daniel Germain, FNACQ
*M. Richard Dagenais, idem
*Mme Louise Roy, Centrale immobilière Mérite inc.
* M. Daniel Lavoie, Regroupement des propriétaires d'habitations locatives en Estrie
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, bonjour aux membres de la commission et bonjour à nos invités. Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est vérifié?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultation particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Signori (Blainville) sera remplacée par Mme Simard (La Prairie).

(9 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous avez l'ordre du jour devant vous. À moins d'avis contraire, l'ordre du jour est adopté.

Nous commençons nos travaux ce matin en recevant LASTUSE (Lieu d'actions et de services travaillant dans l'unité avec les sans-emploi) du Saguenay. Mme Fugère, c'est vous qui nous présentez la personne qui vous accompagne, et vous pouvez débuter votre présentation. Merci.


Auditions


LASTUSE du Saguenay

Mme Fugère (Judith): Merci. Mon nom est Judith Fugère, je vous présente mon collègue, Steeve Émond. Nous sommes heureux de nous présenter aux audiences. Je vais commencer tout de suite.

Nous sommes un organisme communautaire de défense des droits, nous sommes situés à Chicoutimi. Notre mission consiste à maintenir un lieu communautaire pour les personnes sans emploi; offrir aussi des services de formation et d'information par le biais de l'éducation populaire; et regrouper les personnes sans emploi, c'est-à-dire les gens sur l'aide sociale et sur l'assurance-emploi, pour briser leur isolement, favoriser leur prise en charge puis aussi viser à améliorer leurs conditions de vie.

Nous nous présentons aux audiences parce que la réforme nous interpelle directement, étant donné notre implication auprès des personnes sans emploi et les personnes assistées sociales, et aussi parce que la région du Saguenay est particulièrement affectée par la crise de l'emploi, actuellement. On a un taux de chômage qui se situe autour de 16,9 %, ce qui en dit beaucoup.

La présentation de notre mémoire sera assez brève, étant donné le délai très court dont nous disposions pour sa rédaction. Nous avons reçu l'invitation le 7 janvier et nous devions remettre notre mémoire pour le 21 janvier, ce qui donne 14 jours si on inclut les fins de semaine. Nous trouvons que c'est très peu. À ce sujet, justement, nous déplorons le fait que notre gouvernement, qui se dit social- démocrate, impose un échéancier aussi serré aux groupes pour la rédaction de leur mémoire sur un projet de réforme dont les enjeux nous apparaissent cruciaux pour une grande partie de la population. Maintenant, je vais laisser la parole à mon collègue, Steeve Émond.

M. Émond (Steeve): Bonjour. Moi, je vais parler plutôt de la position du groupe par rapport justement au projet de réforme qui est présenté dans le livre vert. Bon, premièrement, en ce qui a trait au parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi, notre premier argument par rapport à ce parcours-là, c'est que notre région offre peu d'emplois. Selon nos statistiques de la SQDM, il y a 2 500 emplois de moins en 1996 qu'en 1995 au cours du dernier trimestre de l'année; au cours des trois derniers mois de l'année, on est déficitaire de 2 500 emplois. Donc, ça dit beaucoup sur la situation par rapport au marché du travail de notre région.

Ça, ça peut amener un exode des jeunes. Étant donné qu'il n'y a pas d'emploi en région, ils vont être portés à aller à l'extérieur. Aussi, au niveau des emplois, il n'y a pas d'emploi satisfaisant pour eux non plus, parce que, bon, soit que les emplois, ils sont précaires, ils sont à mi-temps, bien souvent, ou bien que le salaire ne peut pas couvrir l'ensemble des besoins. Et aussi, bon, au niveau du gouvernement, ça fonctionne à l'envers par rapport qu'il y a des coupures sans garantie de trouver un emploi. Donc, on va couper les gens sans leur garantir un emploi sur la table lors du parcours d'insertion.

Aussi, nous nous questionnons vivement sur la marge de manoeuvre dont disposeront les jeunes dans leur démarche d'insertion. On se demande beaucoup si tout va être réglé à l'avance ou bien s'il va y avoir une implication pertinente de leur part dans l'élaboration de leur parcours. Aussi, de quelle durée va être le parcours?

Nous nous opposons principalement aux coupures des prestations, car nous croyons que cette situation ne peut qu'entraîner une exclusion encore plus grande de leur part. Déjà qu'on tape beaucoup sur le dos des jeunes disant qu'ils ne veulent pas travailler, ou bien qu'ils sont paresseux, ou telle chose comme ça, ça, c'est tous des préjugés et des stéréotypes qui sont véhiculés par une bonne partie de la population, le fait des coupures va entraîner une exclusion plus grande de leur part aussi.

Nous croyons également qu'au lieu d'employer des mesures coercitives à leur égard, on devrait plutôt offrir des mesures d'incitation positives. Au lieu d'employer un renforcement négatif, voire la coupure, on devrait plutôt utiliser des renforcements positifs. Ça fonctionne avec les enfants. Je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionne pas avec les jeunes.

Sur ce point, nous sommes entièrement d'accord avec les membres d'un des comités d'experts sur la réforme, soit Camil Bouchard, Vivian Labrie et Alain Noël, dans un article qui est paru dans Le Devoir du 12 février, où ils dénoncent ces pénalités. Je vais me permettre d'ajouter deux citations, dans leur article, qui soutiennent notre argumentation. «En maintenant les pénalités pour l'ensemble des prestataires et plus spécifiquement pour les jeunes et les familles biparentales, le gouvernement fait fausse route. Il met sa réforme en péril, et ce, pour trois raisons: les pénalités sont contre-productives par le biais du renforcement négatif, incohérentes – comme je disais tout à l'heure, ça fonctionne à l'envers – et dangereuses», au niveau de l'exclusion plus grande dont ils vont probablement être victimes, pas probablement, mais sûrement être victimes.

Et, deuxième citation: «Cependant, en appliquant la pénalité sur le montant même de la prestation de base – parce qu'on touche à la prestation de base par le biais de la pénalité – le livre vert renie le principe fondamental affirmé ailleurs dans le même document de l'accès pour tous les citoyens du Québec à une sécurité du revenu correspondant à la couverture des besoins essentiels – et «besoins essentiels» ne veut pas dire juste logement – reconnue par la fiscalité. De fait, la proposition de pénalité ramène le niveau de la couverture garantie des besoins essentiels à 350 $ par mois, voire à 200 $ pour une personne seule, sans contrainte à l'emploi, au lieu des 500 $ annoncés.» Et on sait aussi que, à partir d'avril, ça va être 490 $ pour les personnes qui demeurent dans un logement privé par rapport à l'abolition de l'impôt foncier.

Ensuite, nous sommes également très inquiets par rapport à l'identification des problèmes psychosociaux, à savoir: Qui va les identifier, parce que dans le livre vert on parle de l'identification des problèmes psychosociaux des personnes, et est-ce que ça sera fait adéquatement et avec consentement de la personne? Là-dessus, le livre vert est quand même ambigu. Ce n'est pas énoncé clairement, comment ça va se passer et qui va identifier ces problèmes psychosociaux.

Un autre point qui nous préoccupe grandement, c'est la perte du barème de non-disponibilité pour les personnes ayant des enfants de trois à six ans. On sait que ça va s'installer graduellement, d'année en année, jusqu'à un plafond de deux ans d'âge pour l'enfant. Spécialement les femmes chefs de famille monoparentale, parce que c'est surtout la condition des femmes qui nous préoccupent premièrement. Une perte de 100 $ par mois, lorsque le budget est très, très, très serré, c'est beaucoup, ça équivaut à une semaine d'épicerie, et même plus. Donc, je pense que ce n'est pas nouveau, le fait que le premier endroit où les gens vont couper, c'est à l'épicerie. Lorsque le budget n'arrive plus, ils ne diront pas au propriétaire: Je vais vous payer la moitié du logement parce que je n'arrive pas, ils vont couper dans l'épicerie.

Nous nous opposons au fait qu'elles soient obligées, ces femmes-là, d'intégrer le marché du travail quand l'enfant aura deux ans. Pour cette raison, nous endossons le point de vue de la Fédération des femmes du Québec à l'effet que ces femmes devraient avoir le libre choix et que, aussi, élever des enfants et tenir maison, c'est du travail, peut-être pas du travail salarié, mais un travail qui devrait être reconnu parce qu'il est indispensable. Si personne tient maison et élève les enfants, où est-ce qu'on s'en va? Leur insertion sur le marché du travail est souvent synonyme d'emploi précaire, peu rémunéré et on ne parlera pas d'équité salariale.

Nous requestionnons surtout le discours du gouvernement par rapport à l'emploi et aux moyens de renforcement négatifs pour retourner les gens sur le marché du travail. Dans notre région, nous avons même une preuve tangible de la volonté des gens de travailler. Si on pense à l'usine Alcan, elle a ouvert 50 postes pour un emploi et ils ont reçu 30 000 c.v. Donc, ça veut dire qu'il y a 30 000 personnes, soit sans emploi ou bien qui avaient un travail et que ça leur permettait peut-être d'améliorer leurs conditions de vie... Parce qu'un travail à l'Alcan, c'est plus qu'un salaire minimum. Ces emplois sont rémunérateurs. Cela peut expliquer et cela explique la vague d'envois de c.v. Donc, les gens veulent travailler, mais à quel prix? Ça justifie justement le fait que, lorsqu'une industrie ou un magasin offre des emplois, il y a une tonne de c.v. qui arrivent à cet endroit-là.

Par rapport à la rémunération, nous, on constate et on dit que le salaire minimum ne peut combler les besoins d'une famille. Parce que travailler, ça coûte de l'argent. Ça coûte des dépenses au niveau du transport, au niveau de la garderie, si les parents doivent faire garder les enfants, et au niveau des vêtements. Alors, le salaire minimum au taux auquel il est placé actuellement, ça ne couvre pas l'ensemble des besoins.

(9 h 30)

Une étude réalisée par Christopher McCall et Jean-Yves Desgagnés, de l'Université de Montréal, démontre que «le principal obstacle au retour au travail, c'est la pauvreté». Ce n'est pas le fait que les gens sont paresseux ou qu'il n'y a pas vraiment d'emploi, c'est la pauvreté. Bon, lorsqu'on n'a pas d'argent pour se chercher du travail, je ne vois pas comment on pourrait faire pour y arriver. Là-dessus, j'utiliserais une autre citation de leur étude, ça se lit comme suit: «Les personnes rencontrées dans le cadre de la recherche – ils ont fait une recherche auprès de personnes assistées sociales – ont toutes des enfants de moins de 18 ans à leur charge. Leur projet prioritaire est de fournir des conditions de vie adéquates à leurs enfants. La majorité des répondants sont des femmes et neuf femmes sur 10 travaillaient avant l'arrivée à l'aide sociale. Donc, le problème, cependant, est que de travailler au salaire minimum ne permet pas de subvenir aux besoins de la famille, surtout lorsqu'on est une femme chef de famille monoparentale.»

Donc, ce n'est quand même pas, là... on n'a pas été chercher ça dans les nuages, le fait que le salaire minimum ne comble pas les besoins d'une famille, surtout par rapport à l'aide sociale, lorsqu'on sait que les gains de travail permis dans le barème ne sont pas suffisamment élevés pour permettre justement une intégration et aussi le fait de sortir de la pauvreté, de la survivance, si on peut appeler ça comme ça. Parce que ce n'est pas de la pauvreté à l'aide sociale, c'est de la survivance.

Dans un autre point, au niveau des coupures annoncées récemment, de l'ordre de 188 600 000 $, dans le budget de l'aide sociale, ces coupures-là vont se rajouter à celles de 15 % du revenu annuel des personnes aptes au travail au cours de la dernière année. Dans l'année 1996, ces personnes-là ont subi une perte de leur revenu de 15 %. C'est quand même considérable.

Toutes ces mesures appauvrissantes sont en contradiction avec la clause d'appauvrissement zéro qui a été recommandée lors du Sommet socioéconomique. On est au courant qu'elle a été adoptée pour les 20 % des plus pauvres, mais, nous, on la veut pour l'ensemble des personnes. Ce n'est pas juste ces personnes-là qui survivent, c'est l'ensemble des prestataires. On s'entend là-dessus.

Je finirais ma partie en parlant du discours du gouvernement par rapport aux enfants. Où est-ce qu'il est allé chercher ce principe-là de sortir les enfants de l'aide sociale? Ça, ça ne veut pas dire qu'on les sort de la pauvreté. C'est complètement illogique, cette affaire-là. Le fait de sortir les enfants de l'aide sociale ne les sort pas de la pauvreté, parce qu'on pousse les parents dans la pauvreté par le biais des coupures annoncées dans la réforme et par le biais justement des maigres prestations qu'ils reçoivent. Comme je le disais tout à l'heure dans les deux citations, le but principal des parents, c'est d'offrir de bonnes conditions de vie aux enfants. Mais comment offrir de bonnes conditions de vie à leurs enfants lorsqu'on tire le diable par la queue au niveau budget?

C'est illogique aussi de penser que les montants non déduits pour la pension alimentaire dans la prestation d'aide sociale diminuent alors que l'âge de l'enfant augmente. Moi, en tout cas, j'ai des enfants. Plus mes enfants grandissent, plus ça coûte cher. Plus les enfants grandissent, plus le montant pour la pension alimentaire va être réduit au niveau de la non-déduction. Alors, je finis ma partie avec ça. Donc, il y a quand même plusieurs points ambigus au niveau de la réforme. Au niveau des questionnements, on en a absolument.

Mme Fugère (Judith): De façon plus générale, nous voudrions attirer votre attention sur nos recommandations par rapport à l'actuelle réforme. Nous pensons qu'il y a des prérequis fondamentaux pour améliorer les conditions de vie des personnes sans emploi. On voudrait vous en citer quelques-uns qui sont en accord avec notre position.

Premièrement, la création d'emplois, où le statut de travailleur est reconnu avec les droits et avantages s'y rattachant, où le revenu tient compte du coût de la vie et permet surtout de sortir les gens de la pauvreté. D'autre part, des emplois aussi qui maintiennent les gens à long terme sur le marché du travail.

Deuxièmement, l'adoption de la clause d'appauvrissement zéro, telle que recommandée lors du dernier Sommet. Cette clause implique donc d'arrêter toutes coupures dans le budget de la sécurité du revenu, non pas seulement pour les 20 % des personnes qu'on a mentionnées tantôt, mais pour l'ensemble des personnes qui sont sur l'aide sociale, pour ne pas justement précipiter encore plus les gens dans la pauvreté et la dégradation de leurs conditions de vie. Parce qu'on constate qu'il y a une dégradation de conditions de vie, et ça, ça amène aussi des coûts supplémentaires pour l'État, ça crée aussi des effets pervers dont il faudrait tenir compte.

Troisièmement, la mise sur pied de formation qualifiante et adaptée aux besoins du marché du travail et des régimes d'apprentissage facilitant le parcours aux études des personnes assistées sociales. Vous savez, quand ça fait longtemps qu'on a été hors circuit au niveau des études, c'est toute une réadaptation. Donc, il faut aussi tenir compte de ça lorsqu'on fait des régimes d'apprentissage.

Il y a aussi de mettre la notion de respect de la personne au coeur de cette réforme, c'est-à-dire que tous les acteurs impliqués dans cette réforme devraient bien connaître les conditions de vie des personnes assistées sociales. À cet égard, nous nous posons la question à savoir: Est-ce que les conseillers à l'emploi seront formés adéquatement pour conseiller les personnes dans leur parcours? Parce qu'on parle bien d'aide à l'emploi, et on aimerait ça savoir de quelle façon ça va se faire. Est-ce que ça va être les actuels agents d'aide sociale qui vont devenir des conseillers à l'emploi?

Cinquièmement, de dissocier complètement l'aide financière de l'aide à l'emploi, c'est-à-dire cesser de menacer de coupures les prestataires pour refus de s'intégrer dans un parcours. Nous considérons que l'aide à l'emploi, c'est un service à la population et l'aide financière, c'est un droit fondamental aussi, tel que défini dans la Charte des droits et libertés.

En conclusion, dans le contexte actuel de pénurie d'emplois, nous demeurons très inquiets quant aux résultats de cette réforme qui vise, entre autres, à faire sortir de l'aide sociale 100 000 ménages, et ce, dans la première année, alors que la reprise économique tarde à venir ou, lorsqu'elle a lieu, cette reprise économique là, elle n'est plus génératrice d'emplois comme auparavant.

Nous voudrions aussi, vous, nos élus, que vous considériez que, derrière nos positions respectives, c'est-à-dire nous des organismes communautaires et vous, les élus, nous considérons qu'il faut tout mettre en oeuvre pour trouver des solutions non pas aux conséquences de la crise actuelle, comme l'augmentation des personnes sans emploi et de la pauvreté, mais bien de s'attarder surtout au niveau des causes et, entre autres, le manque d'emplois. On pense que c'est surtout là que le travail est à faire, sur les causes et non s'attarder sur les conséquences.

Enfin, nous pensons que, pour de véritables changements sociaux, il faut aller au-delà des réformes gouvernementales et redéfinir démocratiquement un projet de société juste et équitable pour tous. Dans ce sens, il faut procéder à un effort de redistribution de la richesse collective et non pas à un simple exercice de redistribution de la pauvreté entre les personnes sans emploi et les travailleurs à faibles revenus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter les échanges.

Mme Harel: Alors, j'accueille LASTUSE. Bienvenue, Mme Fugère et M. Émond. Vous êtes un organisme de défense de droits membre du front commun, je pense, hein?

Mme Fugère (Judith): Oui.

Mme Harel: C'est bien ça. Alors, comme vous êtes notre 80e groupe ce matin. Vous comprendrez que, disons, une partie de tout ce que vous nous présentez l'a déjà été par vos collègues qui sont des organismes de défense qui se sont présentés, qui sont donc membres également du front commun.

On y reviendra peut-être sur l'Alcan, parce qu'il y a une belle expérience qui se mène avec le syndicat de l'Alcan, expérience de temps supplémentaire compensé en congés plutôt qu'en argent, ce qui a permis, n'est-ce pas, d'engager, d'embaucher des travailleurs qui avaient été mis à pied ou encore qui a permis aussi de l'embauche avec la formule 38-40: 40 heures travaillées et 38 heures payées. Alors, les deux heures compensées en temps permettent, comme ça, d'embaucher des gens. Vous savez que cette expérience-là, au gouvernement, on y met pour 1 200 000 $, de manière à pouvoir soutenir, si vous voulez, l'entraide des travailleurs déjà en emploi qui, eux, se partagent pour le tiers les coûts de l'expérience et l'autre tiers, l'employeur, la compagnie elle-même.

(9 h 40)

Mais je comprends qu'il y a de l'inflation verbale dans ce que vous dites. Je vais vous donner tout de suite quelques exemples. Vous dites: 100 000 ménages; sortir 100 000 ménages, et ce, la première année. Vous avez dit ça, Mme Fugère. Je ne sais pas où vous prenez ça, sincèrement. Ça n'a jamais été dit nulle part. Ce qui a été dit, c'est que du jour au lendemain, si on avait un taux de croissance économique qui faisait plus que 3 %, il y au moins 100 000 personnes qui n'ont aucun problème d'employabilité à l'aide sociale. En on ne parle pas de ménages, on parle de personnes. Quand on parle de ménages, on parle quasiment du double, 225 000 personnes. Ça n'a jamais même été mentionné. Il faut faire attention, vous savez, les mots ont quand même un sens.

Alors, les 100 000 personnes dont il s'agit, en fait, ce sont 100 000 personnes qui, depuis 1990... En cinq ans, il y en a eu pour 205 000 nouvelles personnes à l'aide sociale à cause de la récession de 1989, qui, malgré les apparences, a été la plus douloureuse des 60 dernières années. L'économiste Pierre Fortin compare ce qui est arrivé avec la récession de 1989 à ce qui est arrivé dans les années trente. Alors, on comprend que les 100 000 personnes, c'est des personnes qui n'ont pas de problème d'employabilité. Ce ne sont pas des personnes à sortir de l'aide sociale en un an, ce sont finalement des personnes qui pourraient en sortir avec un taux de croissance qui fasse plus que 3 %.

Là, je vous rappelle aussi diverses autres choses qui ont l'air d'être oubliées, notamment Clé en main, les projets des chantiers sur l'économie sociale qui prévoient, pour les trois prochaines années, 20 000 nouveaux emplois. Je vous invite aussi, parce que ça avait l'air de vous intéresser beaucoup, la formation qualifiante... Justement, vous allez vous réjouir de la loi qui va être déposée sur le régime d'apprentissage, qui va permettre maintenant de se qualifier non plus comme avant, seulement de la manière académique habituelle, mais qui va permettre de se qualifier avec un métier reconnu par un diplôme du ministère de l'Éducation de la même façon que si l'apprentissage avait été fait à l'école.

Ensuite, la loi sur la retraite progressive qui va s'adresser à 38 000 personnes dans le secteur privé et qui va leur permettre – ce n'est pas permis maintenant – de pendre une retraite progressive de manière à... Là, présentement, il faut qu'elles choisissent: ou vous travaillez, ou vous êtes retraité, vous ne pouvez pas combiner les deux. Alors, ça aussi, ça va être déposé.

Et carrefour jeunesse-emploi. Vous savez sans doute qu'on en est à notre 55e carrefour jeunesse-emploi. J'ai 15 000 000 $ pour développer le réseau complet cette année. Carrefour jeunesse-emploi, ça s'adresse à des jeunes qui sont accueillis indépendamment de l'étiquette qu'ils portent dans le front.

Également, mon collègue des Finances va déposer un projet de loi pour créer le fonds de 250 000 000 $ sur trois ans pour favoriser l'insertion. Ça, c'est le Fonds de lutte contre la pauvreté qui résulte du Sommet. Le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté, on espère que l'opposition va voter en faveur, parce qu'ils sont contre l'appauvrissement, mais... Ils sont pour les démunis, mais pour qu'ils y restent, en général, parce qu'ils sont contre tout ce qui peut aider, dont ce Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Alors, tantôt, vous disiez: L'aide sociale, c'est un droit fondamental. Je peux vous dire une chose, là, ça aussi, ça fait partie de l'inflation, parce que ça ne fait pas partie des droits fondamentaux. Je vais vous dire quelque chose, je souhaiterais que ça le soit dans l'univers entier, mais je peux vous dire qu'il y a pas mal de monde qui nous envie. Quand vous pensez que, aux États-Unis, l'aide sociale, ça dure cinq ans. Depuis juillet, c'est décidé aux États-Unis. C'est effrayant. C'est cinq ans puis, après, c'est fini pour la vie. Une fois que vos cinq ans sont faits, vous n'en avez plus jamais. Ça fait que, si ça faisait partie, vous comprenez, des droits fondamentaux, ça ferait longtemps que ces clauses-là auraient disparu. Aux États-Unis, même pire encore, c'est seulement les monoparentales qui y ont droit dans plusieurs États, les personnes seules n'y ont même jamais eu droit.

Voyez, par exemple, en Ontario, le gouvernement a annoncé que, dorénavant, 50 % du financement le serait par les municipalités. Alors, ça vous donne une idée que ça ne coûterait pas bien cher à Westmount ou à Beaconsfield, mais pas mal cher à Verdun ou à Montréal, qui est la ville où il y a des locataires. Finalement, en Ontario, ce sont les locataires qui vont finir par autofinancer à 50 % l'aide sociale.

Dans les pays bien évolués sur le plan démocratique, on pense toujours aux pays nordiques, aux pays scandinaves en particulier, la Suède, la Norvège, le Danemark, l'aide sociale, c'est réservé quasi seulement aux personnes invalides; le reste, c'est un programme d'assistance-chômage pour les chômeurs. Alors, il faut faire vraiment attention, vous savez, pour qu'on sache que... Quand on se regarde, on se désole, mais, si on se compare, on peut se consoler.

Et je reviens à ce que vous disiez tantôt, vous, M. Émond, sur le 15 % de perte. Même le front commun ne parle pas de 15 %. Dans leur dernier tableau, je crois que c'était 10 % ou 11 %. Mais, encore là, il faut bien voir que là-dedans il y a toutes sortes de choses. Pensez aux 188 000 000 $. Tantôt, vous disiez 188 000 000 $. 188 000 000 $, ça paraîtrait sur le budget si c'était ça, la réduction. Mais vous savez que le budget de la sécurité du revenu, il est encore à 4 235 000 000 $. Il est même 25 000 000 $ de plus qu'il était en 1994. Vous allez dire: Comment ça se fait? Comment ça se fait? Pourtant, on a été appauvri. Mais comment ça se fait que le budget est resté stable? Le budget est resté à 4 235 000 000 $. Cette année, il va être 25 000 000 $ de plus qu'en 1994. Pourquoi? Parce que le nombre de chômeurs qui avaient droit avant à l'assurance-emploi, lui, a diminué à cause des resserrements et que le fédéral nous a envoyé des chômeurs à l'aide sociale. Mais le budget est resté ce qu'il était. Il n'a pas été coupé.

Le 188 000 000 $... Il faudrait que vous sachiez que les vraies compressions, et c'est déjà beaucoup, c'est assez pour ne pas s'en mettre plus sur le dos, les vraies, comme telles, c'est 46 000 000 $. Le reste, il y a du contrôle de transport ambulancier. Dorénavant, il va falloir avoir une raison médicale. Vous savez que le transport ambulancier avait augmenté de 89 %, et en particulier sur l'île de Montréal. Alors, imaginez-vous un transport ambulancier, ça coûte 275 $, ça, l'ambulance. Ça fait qu'à un moment donné il faut que ça soit pour des raisons médicales. On ne peut pas s'en servir non plus pour se déplacer.

Pour ce qui est du 188 000 000 $, c'est parce que, justement avec le 250 000 000 $ du fonds de lutte pour la réinsertion au travail, les 20 000 emplois dans l'économie sociale, la loi qui va annoncer le régime d'apprentissage qui va commencer, la loi sur la retraite progressive, on espère qu'il n'y aura pas plus de ménages, malgré l'assurance-chômage. Là, il y en a 471 000, ménages. On devrait être beaucoup moins que ça. S'il n'y avait pas eu l'assurance-chômage resserré, normalement on devrait... Voyez, on calcule, depuis le 1er janvier, qu'il va peut-être y avoir 9 000 personnes qui vont venir à l'aide sociale qui auraient eu droit à l'assurance-chômage avant. Vous savez que c'est à peu près 75 000 000 $, ça, que ça va coûter. Alors, l'an prochain, on se dit qu'avec tout ce qu'on fait on peut espérer que, des 471 000 qu'il y a cette année à l'aide sociale, il y en aura 474 000. Il y en aura plus à cause de l'assurance-chômage, mais il y en aura moins parce qu'on fera tout ce qu'on pense qui est nécessaire de faire pour aider des gens à la réinsertion au travail.

Alors, je ne sais pas comment vous voyez ça, mais je pense qu'il faut en même temps être capable de critiquer les affaires critiquables, mais ne pas en mettre au-delà de ce qui est la réalité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vos commentaires.

Mme Fugère (Judith): Moi, j'aimerais revenir par rapport à... C'est parce que Mme la ministre disait: Bon, il y a un genre d'inflation verbale. C'est que, par rapport aux 100 000 ménages, moi, j'ai pris la citation dans le journal Le Devoir qui, je pense, est un journal quand même assez bien. Alors, c'est ça, on n'a pas inventé ça. On n'est pas parti du Saguenay avec cette invention-là, c'est à partir de...

Maintenant, par rapport à l'économie sociale, Mme la ministre a parlé de la création de 20 000 emplois. Bon, c'est bien beau, 20 000 emplois, mais, nous autres, on voudrait savoir: C'est quels genres d'emplois? Parce que, nous autres, on se dit: On parle beaucoup d'emplois, mais «c'est-u» des emplois qui vont justement aider les personnes à sortir de la pauvreté, qui vont être à long terme et aussi où le statut de travailleur va être reconnu? C'est ça, nous autres, qu'on trouve qui est important quand on parle de création d'emplois. Parce que la création d'emplois, présentement il s'en fait quand même, mais souvent c'est des emplois précaires et peu rémunérés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez un commentaire additionnel?

Mme Fugère (Judith): Alors, c'est ça, au niveau des 20 000 emplois dans l'économie sociale, on se dit: Tant mieux. Mais on se dit: Jusqu'à quel point ça va être vraiment des emplois qui vont avoir de l'allure.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

(9 h 50)

Mme Loiselle: Je ne sais pas s'il y avait d'autres commentaires? On vous a accusé tantôt de faire de l'inflation verbale, mais il y a aussi des gens qui oublient ce qui ne fait pas leur affaire, aussi, facilement. Quand on nous dit, là, que, bon, il n'y a pas 188 000 000 $ de compressions cette année, il y a eu le dépôt du livre des crédits il y a deux jours – ça, c'est le budget des dépenses du gouvernement – il y a bien 188 000 000 $ de compressions. On nous dit: Les vrais compressions, c'est 46 000 000 $. Le reste, c'est quoi? Alors, il faut se poser la question: C'est quoi? Des compressions, il y a des vraies puis des fausses? La loi n° 115, ce sont des vraies ou des fausses compressions? Les gens le vivent sur le terrain, là, les vraies ou les fausses compressions de la loi n° 115, de la loi n° 84 aussi. Alors, vous savez, là, on choisit les mots qu'on veut quand ça ne fait pas notre affaire.

J'aimerais revenir à votre mémoire au niveau des jeunes, quand vous dites, dans votre région, 16,9 % de taux de chômage, quand vous avez dit que, pour 50 postes ouverts à Alcan, 30 000 personnes ont fait des demandes. C'est assez troublant de vous entendre. C'est signe que, dans votre région, il n'y a rien qui se passe au niveau de l'emploi. Vous nous avez dit qu'il y avait 2 500 pertes d'emplois en un an, de 1995 à 1996. Il y a des groupes qui nous ont dit finalement que ce qui nous est proposé dans le livre vert, c'est qu'on cible en priorité les jeunes en sachant qu'il n'y a pas d'emplois, en sachant que c'est plus des pertes qui se vivent actuellement au Québec que de la création d'emplois, en sachant que le gouvernement ne fait rien pour créer de l'emploi.

On nous dit aussi, toutes les études l'ont démontré... Je pense que vous y avez fait allusion tantôt, vous avez parlé de Camil Bouchard, M. Noël, Mme Labrie et aussi le Conseil québécois de la recherche sociale qui nous disaient que les études démontrent que tout caractère obligatoire, coercitif avec pénalités, c'est contre-productif, ça a l'effet contraire, ça démotive les gens puis ça les pousse finalement à l'effet contraire de vouloir s'en sortir; ils vont plutôt dans l'effet de décrochage.

Il y a des groupes qui nous ont dit: Finalement, pour le gouvernement, ce qu'on a devant nous, c'est une façon un peu subtile, indirecte de retirer la parité aux jeunes. Est-ce que vous arrivez à la même conclusion?

M. Émond (Steeve): Oui. Pas juste au niveau des prestations, parce que, bon, avant la réforme de 1989, les jeunes étaient dissociés des autres par le biais d'une prestation plus basse. Maintenant, la prestation risque de demeurer la même, sauf que c'est tout au niveau du discours par rapport à l'emploi. Le ciblage est toujours au niveau des jeunes. C'est toujours eux autres. À un moment donné, en février 1996, c'étaient les jeunes qui devaient aller chercher leur chèque en main. Comme là, au niveau de carrefour jeunesse-emploi, ça fait le 55e qui est mis sur pied. Si ça fonctionnait vraiment super bien comme c'est là, il n'y aurait probablement pas 30 000 c.v. qui s'appliquent au niveau de notre région.

Donc, il faut aller région en région. Comme au niveau des places, plan local d'actions concertées pour l'emploi, est-ce qu'ils vont tenir compte justement des disparités régionales? Comme dans notre région, là, pour qu'on atteigne un taux de chômage de 16,9 %, qu'est-ce qui se passe? Je me dis: Il ne faut pas jouer à l'autruche, il ne faut pas se fermer les yeux; il faut voir ça clair, comment faire, justement, pour contrer ce haut taux de chômage là, même en sachant que l'assurance-emploi est resserrée depuis la réforme.

Mais il y a quand même un gros problème de création d'emplois. On a bien beau parler de retraite progressive, tout ça, ça, c'est au niveau du Québec. Mais, nous autres, on parle de notre région. Moi, je ne peux pas parler de la Montérégie, je ne viens pas de là; je viens du Saguenay, je parle de ma région. Et, pour l'instant, dans ma région, il ne se passe rien. À part un déluge, dans l'actualité, il ne s'est rien passé. Donc, c'est pour ça qu'il faudrait se pencher là-dessus.

Mme Loiselle: Pour les jeunes dans votre région, si le gouvernement va de l'avant avec le caractère obligatoire et les pénalités, le fait qu'il maintient aussi la coupure pour le partage du logement, il y a des jeunes qui vont se retrouver avec presque rien en poche. Des groupes qui travaillent auprès des jeunes nous ont dit que ça pourrait amener les jeunes à décrocher complètement et finalement à tomber dans la délinquance. Dans la région de Montréal, il y aurait peut-être une augmentation du taux d'itinérance, de criminalité. Avez-vous les mêmes préoccupations pour votre région, pour les jeunes?

M. Émond (Steeve): Un des principaux impacts par rapport aux jeunes est la relation entre le jeune et son parent. Parce que, bon, vous connaissez sûrement la contribution parentale...

Mme Loiselle: Oui.

M. Émond (Steeve): ...par rapport à l'aide sociale? Les jeunes qui veulent faire une demande d'aide sociale sont soumis à la contribution parentale et, veux veux pas, la pauvreté entraîne une certaine tension entre les personnes. Les parents veulent que le jeune vole de ses propres ailes, soit autonome financièrement, mais, au niveau de l'aide sociale, ce n'est pas accessible. Le jeune est toujours contraint à prouver son indépendance par rapport à ses parents. Bien souvent, on parle de jeunes de 21 et 22 ans, ce n'est pas juste ceux-là de 18 ans.

La contribution parentale s'applique justement pour les parents qui travaillent. Ceux-là à l'aide sociale, ça ne s'applique pas. Mais, pour les parents qui travaillent, tu as beau gagner un revenu de 45 000 $ par année, tu vas vivre selon ton revenu. Ça ne veut pas dire que tu en as plus à donner à ton enfant. Chaque parent la fait, la contribution parentale, avec son enfant, mais, de là à lui donner un montant d'argent pour son logement, et sa nourriture, et tout ça, il y a une marge. Un des principaux impacts par rapport à cette pauvreté-là au niveau des jeunes, c'est qu'il y a une énorme tension entre eux autres et les parents et, bien souvent, les jeunes sont laissés à eux-mêmes parce qu'ils n'ont pas de ressources, ils n'ont pas beaucoup d'amis qui peuvent les aider. Au niveau de la parenté, ce n'est pas toujours évident non plus.

Aussi, au niveau de l'emploi, ce n'est pas encourageant non plus. Ils sont bien prêts, justement, à travailler, mais, comme on dit, à quel prix? Travailler au salaire minimum, à 20 heures-semaine, bien souvent tu n'es pas capable de te payer ce que tu voudrais. La personne veut se payer un logement. Elle ne peut pas se le payer toute seule, donc elle partage le logement et elle est encore coupée. Donc, le jeune ne peut pas s'en sortir. Il est comme dans une espèce de puisard où il a bien beau s'accrocher après n'importe quoi, il n'y a rien, il n'y a pas d'emprise. Donc, le jeune, il baigne toujours dans la même eau, finalement.

Les commentaires qu'on en reçoit, c'est déplorable, c'est vraiment déstabilisant et démotivant pour eux autres. On aurait beau leur parler d'études, de formation, de n'importe quoi, ils ne veulent rien savoir parce qu'ils ne voient pas la lumière au bout du tunnel.

Mme Loiselle: Avec la situation de chômage que vous nous avez démontrée dans votre région, on nous dit qu'avec les besoins essentiels qui sont reconnus dans le livre vert, 667 $ pour une personne seule, il y a la possibilité de combler l'écart entre la prestation et les revenus de travail permis qui ont été indexés, dans ce qu'on nous propose. Mais je ne sais pas, dans votre région... C'est parce que, avec ce que vous nous avez décrit, c'est presque irréalisable de penser qu'une grande majorité de prestataires pourraient combler cet écart-là avec des revenus d'emploi.

M. Émond (Steeve): Oui, mais sauf qu'il y a un message dans ça, il y a une coupure cachée dans ça, dans l'indexation des revenus de travail permis, parce que l'abolition d'impôt foncier. Ça revient au même. Moi, je me dis que la personne ne gagne pas plus au change parce qu'elle est réduite, sur son chèque, de 10 $ par mois lorsqu'elle est seule, si elle a des enfants, c'est 11 $, c'est 1 $ par enfant supplémentaire, et son revenu de travail est indexé. Mais, dans un sens, il faut que tu l'aies, ce cristi de revenu de travail là. Mais, si tu ne l'as pas, tu as bien beau essayer de te chercher n'importe quel emploi, je pense, en tout cas, moi...

Je suis toujours au quotidien de ces personnes-là, je travaille avec eux autres, puis, quand une personne a la chance d'avoir un emploi, c'est l'enfer au Centre Travail-Québec. Bien souvent, les agents ne sont pas capables de calculer comme du monde au niveau du montant de travail par rapport à la prestation. Les réajustements se font en retard. La personne se retrouve avec de la paperasserie à n'en plus finir. Il faut qu'elle fasse remplir par son employeur une formule. Ça n'en finit plus. Et la personne se dit: Je veux m'en sortir, mais cristi qu'on me foute la paix.

Dans un sens, je suis bien d'accord avec le fait qu'il y ait une limite au niveau du gain de travail, mais, de là à toujours obliger le prestataire à prouver des affaires, à prouver des affaires, moi, je me dis qu'une seule affaire devrait suffire au niveau de prouver que la personne travaille à cet endroit-là, c'est son talon de paie. Ça devrait suffire, mais, pour bien des cas, ce n'est pas suffisant. Donc, ça donne quoi, là?

Mme Loiselle: La cible n° 2 du gouvernement, dans ce qui nous est proposé, ce sont les familles monoparentales. Vous décrivez très bien votre objection et le pourquoi, la liberté de choix des parents, le fait que le gouvernement est en train de faire un x sur la reconnaissance sociale d'élever et d'éduquer leurs enfants. Vous dites à la ministre qui est une femme: Vous savez sûrement toutes les responsabilités que cela implique d'élever de jeunes enfants toute seule et avec de faibles prestations.

Un peu plus loin, durant votre présentation tantôt, vous avez dit que vous étiez contre le nouveau principe gouvernemental de la prestation unifiée, de sortir les enfants de l'aide sociale, parce que, d'un côté, on nous dit qu'on veut sortir les enfants de l'aide sociale, mais, d'un autre côté, on s'acharne à appauvrir les parents. Vous savez aussi, vous êtes sûrement au courant qu'on a eu des groupes qui nous ont fait la démonstration que, dans les familles monoparentales à l'aide sociale avec des enfants de 6 ans et moins, il y aurait une perte, avec la prestation unifiée, qui peut aller jusqu'à 1 154 $ par année. Ça, c'est Ruth Rose qui nous a fait une situation d'une famille, d'une femme monoparentale avec deux enfants à l'aide sociale. Il y aurait une perte annuelle de 1 154 $ pour cette famille-là.

(10 heures)

Finalement, vous, vous dites au gouvernement: Une réforme, c'est supposé améliorer un système. Déjà, il y a eu toutes les mesures dans la loi n° 115, dans la loi n° 84 qui appauvrissent davantage les bénéficiaires à l'aide sociale. Vous avez parlé de survie tantôt pour les bénéficiaires actuellement. Ce n'est pas une question de vivre sous le seuil de la pauvreté, c'est une question d'essayer de survivre avec la prestation. Vous dites au gouvernement: Retirez votre projet de loi – tel que ça a été annoncé cette semaine, il semblait y avoir un report – et revenez-nous avec quelque chose qui va donner de l'espoir et non pas qui va appauvrir davantage. C'est ça, votre message, aujourd'hui?

M. Émond (Steeve): Oui, parce que... O.K.

Mme Fugère (Judith): C'est parce que, nous autres, on trouve que... C'est sûr que, par rapport à la prestation unifiée pour enfant, bon, au niveau des barèmes – parce que, actuellement, la loi est extrêmement compliquée avec sa multitude de barèmes – ça va avoir au moins l'effet qu'il va y avoir moins de barèmes, donc ça va être moins compliqué à gérer, tout ça. Mais, par contre, ce qu'on regrette, c'est que, finalement, comme on le disait, on ne voit pas trop, trop la logique, parce que, dans le fond, c'est bien beau de sortir les enfants de l'aide sociale, mais quand les parents demeurent pauvres, je veux dire, c'est quoi, le rapport?

Dans le fond, nous autres, ce qu'on remarque, c'est qu'au niveau de la réforme, bon, ça repose sur une création d'emplois qui nous apparaît un peu hypothétique, là, c'est encore un peu flou, le cadre. C'est sûr que, bon, tout reste à faire à ce niveau-là. Juste au niveau des centres locaux d'emploi, puis tout le partenariat qu'on veut instaurer au niveau local, bien, ça, ça demande une bonne volonté de beaucoup de monde, puis on ne sait pas trop, trop comment ça va s'articuler.

Il y a aussi le fait que, finalement, cette réforme-là, bon, ça entraîne de l'appauvrissement, puis ça, on trouve ça regrettable, parce qu'on dit: Dans le contexte de crise économique actuel, il nous semble qu'il ne faudrait pas encore taper sur la tête des gens, parce qu'ils sont déjà pas mal à terre. Puis il y a toute la cohésion sociale aussi. Nous autres, de plus en plus, on reçoit des gens qui vivent beaucoup de frustrations puis de colère, qui en ont gros sur le coeur contre le système, puis ça nous inquiète un peu, parce qu'on se dit: À un moment donné, la révolte gronde beaucoup, puis la cohésion sociale, ça commence à la remettre en question. C'est sûr qu'on n'est pas là pour encourager la révolte, parce qu'on est quand même pacifistes, mais ça nous questionne beaucoup. On se dit: Jusqu'à quel point, bon, l'élastique, à un moment donné, ça ne va pas péter?

Ça fait que c'est tout ça. La question de création d'emplois, nous autres, on trouve que c'est fondamental, mais on trouve qu'il n'y a pas beaucoup de précisions, là; puis c'est aussi au niveau de l'appauvrissement, ça, on trouve ça déplorable; puis c'est aussi au niveau de toute la cohésion sociale, parce qu'on est dans une crise économique structurelle, là, ce n'est plus conjoncturel, ce n'est plus pour un bout de temps. Là, toute la game est en train de changer, puis perdurer, malheureusement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Fugère, M. Émond, je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission. J'invite maintenant les représentantes et représentants du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec à se présenter, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentantes et représentants du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. Mme Thibault, c'est vous qui débutez la présentation, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ)

Mme Thibault (Anne): Alors, oui, bonjour. Je suis Anne Thibault, présidente du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. À ma gauche, il y a Denis Cusson; à ma droite, France Brochu; et, à l'extrême droite, Suzanne Coziol. Nous sommes tous membres du conseil d'administration du du Regroupement. Par notre habillement, nous voulons illustrer le verdict qui pèse sur les épaules des personnes assistées sociales advenant l'adoption des deux mesures touchant le non-paiement de loyer, à savoir coupables d'être pauvres dans une société riche.

L'image du petit propriétaire occupant qui entretient une relation étroite avec son ou ses locataires ne représente qu'une partie de la réalité, puisqu'il contrôle 32 % des logements locatifs. À l'opposé, les propriétaires investisseurs représentent 3,8 % et s'accaparent 53 % des logements locatifs. Ces investisseurs sont propriétaires de conciergeries, de tours d'habitation, mais également de duplex et de triplex. Il est évident que ce sont eux qui dictent les règles du jeu en habitation comme il est évident également que les locataires assistés sociaux sont prisonniers de ce marché locatif privé.

Les motivations des propriétaires à investir dans l'immobilier sont variées. Qu'il s'agisse d'un revenu régulier ou d'un revenu d'appoint, d'obtenir un abri fiscal, d'une poursuite de visée spéculative ou simplement d'un bien d'inventaire, il est clair que pour eux l'immobilier est une question d'investissement et de rentabilité. Ils n'ont jamais pu, ni su, ni voulu répondre aux besoins en logement des ménages locataires à faibles et modestes revenus que sont les personnes assistées sociales, les personnes en chômage et les personnes travaillant au salaire minimum. Afin de cacher leur visée mercantile, les associations de propriétaires limitent la notion de rendement à la situation financière annuelle d'un immeuble. Or, présenter le rendement immobilier de cette façon, c'est nous faire oublier qu'il existe de nombreux avantages fiscaux conférés aux propriétaires immobiliers. Afin de rassurer le gouvernement quant à l'avenir du secteur résidentiel locatif, permettez-nous de vous présenter brièvement ces abris fiscaux.

L'abattement fiscal. Le gouvernement autorise les propriétaires à reporter le déficit d'un immeuble et à décider du moment où ils jugent opportun d'utiliser cet abattement fiscal. La marge de manoeuvre est intéressante: la perte de location peut être reportée, si inutilisée en totalité dans l'année d'imposition en cours, aux trois années d'imposition précédentes ou sept années d'imposition subséquentes.

L'exonération du gain en capital, deuxième mesure fiscale. Les profits réalisés lors de la vente d'un immeuble locatif sont exempts d'impôt jusqu'à concurrence de 100 000 $. Même si cette mesure a pris fin à l'année d'imposition 1994, beaucoup de propriétaires bailleurs avaient déjà bénéficié de cette exonération, ou en ont profité en simulant la vente de l'immeuble, ou en ont conservé le privilège en achetant pour eux-mêmes ou leurs enfants l'utilisation de cette exonération dans le futur. L'exonération du gain en capital s'applique également à la résidence principale. Les profits réalisés lors de la vente de cette résidence principale sont exonérés de tout impôt, et ce, quel que soit le profit réalisé.

La Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur les impôts du Québec permettent à tout propriétaire de logements locatifs de déduire de son revenu brut de location les dépenses suivantes: coût de l'aménagement paysager, coût de préparation d'une déclaration de revenus, coût d'entretien et de réparation, coût des services publics, frais d'intérêt sur l'argent emprunté en vue d'acquérir, d'entretenir ou d'améliorer un bien locatif, frais de comptable, de bureau, de publicité, frais de véhicule à moteur, frais juridiques, taxes scolaires et municipales, primes d'assurance, traitements et salaires des personnes affectées à l'entretien ou à l'exploitation du bien immobilier, déduction pour amortissement quand la dépense a pour effet de créer un bien nouveau, d'accroître la valeur normale du bien et de remplacer le bien disparu.

À noter que toutes ces dépenses d'exploitation d'un immeuble, y compris son rendement immobilier, sont comptabilisées dans la méthode de fixation de loyer utilisée par le Régie du logement. La méthode de fixation est très généreuse à l'endroit des propriétaires investisseurs, puisque ceux-ci refilent complètement la variation des dépenses annuelles de l'immeuble aux occupants, en l'occurrence aux locataires. De plus, la méthode de fixation de loyer épouse la logique des propriétaires investisseurs en limitant la notion de rentabilité à la situation financière annuelle d'un immeuble. Chose extrêmement curieuse: la seule mesure fiscale pour les ménages locataires pauvres, le remboursement d'impôts fonciers, risque d'être abolie.

(10 h 10)

Il reste aussi les subventions gouvernementales. Outre le généreux système fiscal, les gouvernements subventionnent abondamment les propriétaires. Seulement pour l'année 1995, les gouvernements fédéral et provincial ont consenti aux propriétaires près de 209 000 000 $ en subventions. Ce chiffre ne comprend pas les subventions consenties aux municipalités dans le cadre de programmes à la restauration.

Les 209 000 000 $ se répartissent comme suit: 26 000 000 $ aux programmes d'accession à la propriété privée, ces programmes ne font que donner un coup de main à des propriétaires qui, de toute façon, accéderaient à la propriété privée; 51 000 000 $ aux programmes d'amélioration de l'habitat, ces programmes favorisent nettement les propriétaires bailleurs car, a, ils augmentent la valeur marchande de l'immeuble sans nécessairement améliorer les conditions de logement des ménages locataires, b, ils ont souvent l'effet pervers de chasser les locataires en place suite à des pressions indues ou suite à l'augmentation exorbitante du loyer lors du renouvellement du bail et, c, ils ne font pas l'objet de contrôles afin de s'assurer du respect des engagements pris par le propriétaire suite à l'obtention des subventions; finalement, 132 000 000 $ aux programmes d'aide à la personne, ces programmes de type Logirente, allocation au logement et supplément au loyer encouragent les hausses abusives des loyers, car les propriétaires se font un devoir d'expliquer aux locataires que l'augmentation va être de toute façon couverte en partie ou en totalité par l'aide gouvernementale.

Les gouvernements engloutissent des sommes considérables dans ces programmes et on propose, dans le document de M. Trudel qu'on a vu, d'y ajouter 60 000 000 $ d'aide à la restauration. Le gouvernement devrait, en bon gestionnaire, exercer un contrôle serré du coût des loyers et de la qualité des rénovations effectuées afin de s'assurer que ces subventions profitent également aux locataires en place et plus particulièrement aux locataires les plus pauvres. Malheureusement, le gouvernement n'impose aucune règle ni condition malgré l'aide substantielle accordée aux propriétaires bailleurs. Au Québec, malheureusement, l'habitation relève toujours d'une activité économique et très lucrative.

Mme Brochu (France): Lorsque nous lisons les propositions du livre vert en ce qui traite du logement, deux petits paragraphes. C'est pour nous l'étonnement. C'est l'étonnement, car ces propositions semblent plus assimilées à un ministère de la Sécurité du revenu des propriétaires que des prestataires d'aide sociale.

Parler du logement au coeur de cette réforme et au sein de cette commission parlementaire en des termes de non-paiement de loyer, de récidive, d'ordonnance de deux ans, c'est s'égarer des réels problèmes. Aucun effort louable n'est entrepris pour améliorer la réalité des locataires prestataires. Que ce soit le maintien de la coupure pour partage de logement, un barème qui ne tient pas compte du prix réel du logement, de cette proposition de saisie déguisée du chèque d'aide sociale, nous plaidons coupables, certes, mais la sentence nous semble nettement disproportionnée. C'est étonnant et renversant que l'on soit si loin de la dynamique inéquitable entre propriétaires et locataires. Ce rapport de force est déterminant quant aux différents problèmes rattachés aux contrats de location.

Sans élaborer trop longuement, permettez-moi quand même de vous rappeler les situations constamment discriminatoires que vivent les locataires prestataires. La première étape est d'arriver à budgéter le montant à allouer au logement. Dans le cadre de la sécurité du revenu, budgéter origine du miracle, un miracle fragile qui peut s'émietter au moindre pépin. La recherche de logement est devenue depuis des années une course à obstacles. À toutes les étapes, la discrimination assaille les locataires prestataires. Cette étape est source d'angoisses et d'appréhensions telles que certains demeureront même dans un logement de moins bonne qualité n'arrivant pas à trouver selon leurs moyens et leurs besoins.

La discrimination tout au long de ce parcours est subtile et insidieuse. Une fois la visite du logement exécutée arrive le doux moment du formulaire de location afin de sélectionner les meilleurs candidats locataires. Les autres, eh bien, ils iront chez le voisin. Certains propriétaires affirment d'ailleurs, et ce, sans remords, refuser carrément de louer aux BS. Dans le cadre de ces enquêtes de prélocation à réclamer de nombreux renseignements personnels au-delà de ce qui est nécessaire afin de démontrer une incapacité financière, on exigera alors du locataire un endosseur. Inutile de vous signaler que, dans l'entourage actuel des prestataires, ça ne traîne pas au coin des rues. S'ajoutera en bonus, avec les propositions du dépôt direct mis déjà en application, l'exigence d'un nouveau mode de paiement, le dépôt direct rattaché au retrait préautorisé.

Si, malgré tout cela, le bail est signé, il ne faut pas passer sous silence le traitement accordé parfois aux locataires prestataires: mépris, refus de travaux, intimidation, insalubrité, menaces à peine déguisées, et j'en passe. Les problèmes de logement sont notoires. Les propriétaires, avec le temps et les crises économiques, se sont construits tout un arsenal de protection. Aujourd'hui ne loue pas qui veut. La discrimination est rendue pratiquement une option au contrat de location.

Je vous entends déjà nous dire que les propositions du livre vert viendraient contrer cette discrimination et permettraient un accès plus facile au logement. Cette pensée magique nous inquiète un peu. Traiter les gens en criminels, en fraudeurs, comme des citoyens de mauvaise foi, de deuxième ordre parce qu'ils doivent chaque jour faire des choix de vie en plus de subir le tollé social ne nous semble pas une voie qui diminuerait les perceptions et les préjugés organisés face aux prestataires. Cela devient odieux, voire même dangereux.

Infantiliser, encadrer au pouce carré ces personnes démunies financièrement, c'est aussi vouloir leur indiquer qu'elles sont démunies à d'autres niveaux. La dignité humaine, c'est un bien collectif qui doit être protégé. L'homme et la femme ne peuvent pas vivre que d'eau fraîche, qu'elle soit privatisée ou non. Ces personnes doivent être considérées à juste titre comme certainement démunies, mais ô combien persévérantes et ingénieuses. Elles en apprendraient au gouvernement, j'en suis convaincue, car faire plus avec si peu est aussi leur devise. Il ne faudrait pas, cependant, que ça devienne: faire plus avec rien pantoute. Avec ces propositions et surtout l'ordonnance à la Régie du logement, plusieurs prestataires ne toucheront plus à une partie de leur chèque et, à peu de chose près, seront comme en tutelle. Le ministère de la Sécurité du revenu a-t-il l'ambition d'être fusionné à la curatelle publique? Nous ne le souhaitons pas.

Le souci d'aider et d'améliorer la qualité de vie des prestataires doit tenir compte du déséquilibre des forces entre locataires et propriétaires. La campagne de dénigrement organisée depuis le début des années quatre-vingt-dix contre les prestataires d'aide sociale ne doit pas venir influencer les décisions de nos élus. Le Parlement devra en tout temps se prémunir d'une protection blindée contre cette manigance déloyale envers les prestataires d'aide sociale. Parfois subtiles et prêtes aux compromis, certaines associations de propriétaires savent bien vous approcher, les stratégies sont réfléchies, mais entrer dans leur jeu, dans leur danse, c'est risquer le déséquilibre social. Ce mouvement est tellement fort qu'il en vient à convaincre les prestataires eux-mêmes.

Pourtant, suite à ces pressions et à l'influence des médias sur l'opinion publique, le gouvernement cède et participe à cette médisance collective. En novembre 1993, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et de la Formation réclame un premier sondage visant à cerner l'ampleur du phénomène «mauvais payeurs» chez l'ensemble des locataires québécois et d'en préciser la proportion qui en revient aux prestataires de la sécurité du revenu. Dès la sortie du sondage, ses résultats sont mis en doute et la méthodologie utilisée fait l'objet de sévères critiques de la part de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Malgré tout, en juin 1995, un comité de travail sur le non-paiement des loyers par certains prestataires de la sécurité du revenu est mis sur pied. La base de l'analyse de ce comité repose essentiellement sur les données controversées de ce sondage et les résultats de ce comité de travail forment les propositions du livre vert.

Dans ce sondage, les pertes estimées par les propriétaires sont gonflées. Si, malgré tout, on prenait ces chiffes douteux, ça représenterait à peine 1,3 % des pertes de revenus annuels pour les propriétaires sur un total de près de 6 500 000 000 $ de revenus de location. Pour nous, les résultats de ce sondage émettent statistiquement l'ampleur des préjugés et de l'intolérance. La pauvreté ne peut pas avoir des impacts que sur le monde appauvri. Les gens, ils sont appauvris nécessairement par quelqu'un ou par quelque chose. Le prix des loyers, actuellement, et des autres besoins essentiels sont, selon nous, des éléments de réponse. Le coupable est identifié, mais la cause de la culpabilité, on n'en parle pas.

Quand Richard Desjardins, auteur-compositeur d'ici, nous dit: En raison de la crise économique, la lumière au bout du tunnel sera fermée jusqu'à nouvel ordre, nous le croyons bien décrire la situation des prestataires d'aide sociale, des hommes et des femmes qui deviennent les boucs émissaires de votre objectif suicidaire: le déficit zéro. Le marché privé du logement locatif ne répond pas aux besoins des locataires appauvris; pourtant, en conservant l'espoir d'avoir un HLM un jour, ils en demeurent prisonniers.

Mme Coziol (Suzanne): En ce qui concerne la possibilité du dépôt direct et du retrait préautorisé, tout d'abord, nous désirons souligner que le dépôt direct et le retrait préautorisé sont deux services financiers distincts. Il est clair que le fort lobby des banques n'est pas étranger à cette rapide mise en vigueur du dépôt direct. Les banques sont discriminantes envers les personnes assistées sociales. Elles imposent des politiques bancaires rigides en matière d'identification et de gel de fonds. Le dépôt direct peut engendrer des problèmes de saisie de la prestation, et ce, même si en principe la prestation est insaisissable. Déjà, le bureau de comté de Mme Louise Harel a dû intervenir d'urgence afin d'éviter la saisie d'une prestation d'aide sociale.

Le dépôt direct est inévitable afin d'ouvrir la voie au retrait préautorisé comme mode de paiement de loyer. Le paiement de loyer par retrait préautorisé deviendra vite pour les personnes assistées sociales une condition, et aussi longtemps que le locataire prestataire habitera le logement, car uniquement le propriétaire peut modifier les conditions du bail lors du renouvellement de celui-ci.

Le paiement préautorisé, comme la remise des chèques postdatés, comporte un nombre important de lacunes lorsque le locataire fait valoir ses droits. Que se passera-t-il lorsque le locataire se verra octroyer une diminution de loyer ou autorisé à déposer son loyer à la Régie du logement? Qu'arrivera-t-il si le locataire doit quitter temporairement son logement suite à un incendie ou suite à un avis de rénovation majeure? Présentement, il existe un flou juridique dangereux face au mode de paiement électronique. Il n'y a pas de cadre juridique, seulement un règlement, la règle H4 de l'Association canadienne des paiements où seuls les banquiers y siègent. Comment arrêter un retrait préautorisé? Quels sont mes droits et responsabilités en cas d'erreur? Quelles sont les conditions nécessaires avant d'autoriser un tel retrait? La règle H4 en fait mention, mais peu de gens la connaissent, et ce, même chez le personnel des institutions financières.

(10 h 20)

Jusqu'ici, le paiement préautorisé a surtout été utilisé pour des petites sommes d'argent: assurance-vie, assurance auto. Nul ne connaît les impacts qu'aura une telle mesure lorsqu'elle sera appliquée sur les montants de loyer qui, eux, peuvent totaliser jusqu'à 70 % des revenus de ménages prestataires de la sécurité du revenu.

En ce qui concerne le pouvoir d'ordonnance de la Régie du logement, Mme Harel se défend bien de proposer la mise en vigueur d'une saisie concernant l'aide de dernier recours. Pourtant, un chèque amputé suite à une ordonnance de la Régie avec une partie émise au nom du propriétaire ressemble étrangement à une saisie. Conférer à la Régie du logement un pouvoir particulier à l'endroit des personnes assistées sociales est contraire à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Il serait indécent de conférer un tel pouvoir à un tribunal, alors que la cause principale du retard ou du non-paiement de loyer est le manque d'argent. Ce faisant, le ministère de la Sécurité du revenu instaurerait un nouveau crime, une nouvelle infraction civile.

D'ailleurs, depuis quelques années, la Régie du logement s'est progressivement transformée en agence de recouvrement pour le propriétaire. Le pouvoir d'ordonnance de saisie viendrait finaliser cette transformation. On assisterait à un taux extrême de judiciarisation de ces demandes. Les propriétaires investisseurs iront, au moindre retard de paiement de la part des locataires prestataires, déposer une demande à la Régie du logement. Devant l'augmentation du nombre de causes en recouvrement de loyer, le traitement n'en sera que plus impersonnel, devenant carrément un travail à la chaîne.

Actuellement, lors d'une audition en recouvrement de loyer, il s'avère impossible pour le régisseur d'exercer la moindre souplesse quant à cette décision. L'obligation de payer son loyer est le seul objet où la bonne foi de la personne ayant manqué à son obligation n'est pas entendue et jugée. Si, de plus, on confère un pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement, le locataire prestataire n'est pas assuré de demeurer dans son logement. Après l'émission d'une ordonnance, une partie du chèque sera versée directement au propriétaire. Cela ne suffira pas à combler le prix réel du loyer; il y aura un manque à gagner pour le propriétaire. Du fait de l'inexécution de l'obligation de payer, les propriétaires investisseurs pourront, en toute légalité, retourner devant la Régie du logement afin de demander la résiliation du bail. Finalement, l'éviction des locataires n'aura été reportée que de quelques mois. D'ailleurs, toutes les associations de propriétaires qui sont venues se faire entendre lors de cette commission vous l'ont dit.

Nous aimerions vous déposer des pétitions et des lettres de mise en demeure d'organismes qui pensent, tout comme nous, que ces mesures ne régleront en rien le problème de non-paiement de loyer.

M. Cusson (Denis): Si être pauvre, c'est un crime, nous nous déclarons coupables. Par contre, nous rejetons l'accusation d'être des fraudeurs, d'être des fraudeuses pour la simple raison qu'on a été en retard dans le paiement de notre loyer. On tient à vous rappeler que la cause du non-paiement de loyer, c'est une question de capacité de payer et non pas une question de mauvaise foi de la part des prestataires. À titre d'exemple, dans les HLM, le taux de non-paiement de loyer ou de retard de paiement est à peine de 0,5 %, comme quoi, lorsque les loyers sont à prix abordable, le paiement se fait quasi sans faute.

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires propose donc les solutions suivantes. Premièrement, l'augmentation des barèmes de l'aide sociale. Les barèmes doivent être majorés à un niveau permettant aux ménages de faire face à leurs obligations, ce qui veut donc dire qu'évidemment on est contre la coupure qui va entrer en vigueur au mois d'avril pour l'impôt foncier. On vous rappelle que les propriétaires immobiliers ont toujours cette déduction fiscale à 100 %.

On demande aussi l'abolition de la coupure pour partage de logement. Là aussi, il a été démontré que, en coupant les prestations, les gens vont se retrouver en plus grande difficulté de payer leur loyer. Les argents nécessaires pour financer l'abolition de la coupure pour partage de logement peuvent être cherchés dans la fiscalité.

On veut un contrôle réel et obligatoire des prix des loyers et un dépôt des baux à la Régie du logement afin de permettre aux nouveaux locataires de pouvoir exercer eux-mêmes un réel contrôle des loyers, étant donné que les propriétaires font défaut en quasi-totalité d'indiquer aux nouveaux locataires quel est le prix le plus bas payé au cours des 12 derniers mois. On sait que, dans la dernière année, il y a eu 260 000 déménagements au Québec, ce qui veut donc dire près du quart des logements où il y a un changement de locataire, et c'est à ce moment-là que les prix des loyers augmentent le plus.

Finalement, lorsque le gouvernement donne des argents dans des programmes d'habitation, qu'il exerce un contrôle obligatoire des loyers de façon à ce que les argents servent bien à maintenir les loyers à bas prix et qu'ils servent pour les personnes les plus démunies.

Nous sommes donc ouverts, à partir de maintenant, pour discuter avec les députés de notre mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue au Regroupement des comités logement, Mme Thibault, Mme Brochu, Mme Coziol. Et M. Cusson, vous êtes venu, vous, là, hein?

M. Cusson (Denis): Bien oui, ça fait une semaine.

Mme Harel: Vous étiez sur un...

M. Cusson (Denis): J'ai apprécié l'expérience et...

Mme Harel: Remarquez que vous n'êtes pas le premier qui vient deux fois. Je pense que ça s'est produit dans une douzaine de cas, sûrement, mais à divers sites.

M. Cusson (Denis): La proportion femmes-hommes au niveau des locataires, c'est vraiment trois quarts-un quart chez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, vous êtes l'homme de service.

M. Cusson (Denis): Presque.

Mme Harel: Bon. Écoutez, il y a deux choses, là, sur lesquelles j'aimerais échanger, parce que le temps, à un moment donné, va nous manquer: La première, dépôt direct, paiement préautorisé; puis, la deuxième, le non-paiement des loyers. Bon.

Alors, sur la première, vous avez raison de dire qu'il faut distinguer le dépôt direct du paiement préautorisé. Il ne faut pas qu'il y ait de confusion entre les deux, puis je pense qu'il faut un papillon pour bien l'expliquer aux prestataires. Le dépôt direct, c'est un mode de paiement comme un autre. On peut l'interrompre en tout temps. Et le dépôt direct, là, il faut faire attention de ne pas retirer aux personnes prestataires ce mode-là. Pensez que les chefs de familles monoparentales, prestataires ou pas, à 80 %, l'avaient déjà choisi en regard des allocations familiales versées par la Régie des rentes. Alors, c'est vrai que le dépôt direct, là, ça élimine les risques de vol, de destruction, de perte de chèques. Ça simplifie la vie des personnes qui ont des problèmes de mobilité, soit parce qu'elles ont des contraintes familiales ou un handicap, en fait. En tout cas, avec toutes les lettres que je reçois de personnes qui me disent: Surtout, enlevez-moi pas ça, là, parce que ça m'est utile, là, je pense que le dépôt direct, c'est quelque chose qui est utile pour les personnes. Bon, ça, c'est la première chose.

La deuxième, c'est celle des paiements préautorisés. Le paiement préautorisé, vous savez que le Code civil prévoit que c'est interdit de l'exiger. Alors, est-ce que c'est assez, ça? Vous nous rappelez qu'il y a absence de cadre juridique face au mode de paiement électronique et que ça relève, en fait, du gouvernement fédéral. Mais, en même temps, est-ce qu'on peut, dans le Code civil, faire des choses? Si ça s'avère utile, comme je le mentionnais au Protecteur du citoyen, on est prêt à regarder ce qu'il serait nécessaire de faire à ce niveau-là. Il faut se rappeler aussi qu'en tout temps, là, on peut interrompre un paiement préautorisé. Ce n'est pas quelque chose, là, qui est un carcan. La veille du jour où on pense que ça doit l'être, interrompu, on peut le faire interrompre. Bon, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Sur la question de l'ordonnance, là, je trouve que vous y allez un peu fort. Je vais vous donner un exemple: 30 000 prestataires ont des ententes avec, par exemple, Hydro-Québec. Sur entente, n'est-ce-pas, il y a un dépôt d'une partie de la prestation, il y a un dépôt direct, là, qui se fait. Ça ne va à l'encontre ni des chartes ni des droits fondamentaux. Je comprends que, si ce n'était pas par ordonnance de la Régie, mais par entente du locataire, ça satisferait complètement l'argumentation que vous développez. Ce n'est pas...

(10 h 30)

Mon Dieu, vous avez prononcé des choses énormes. Ah, mon Dieu, je ne peux pas vous dire tous les noms que vous avez dits. Je vais juste vous dire une chose, ce n'est tout simplement pas autre chose que de la récidive, là. Vous dites que, dans les logements publics, avec les HLM, c'est 0,5 %. Hier, les associations de locataires en HLM sont venus dire que c'est 1 %, et les offices municipaux nous parlent de 2 %, avec chiffres à l'appui, nous disent-ils. Bon. Quoi qu'il en soit, même dans les HLM, il y a du non-paiement de loyer et, même dans les HLM, il y a des ménages qui se font évincer et il y a une résiliation de bail. Ce que les associations de locataires en HLM hier sont venus nous dire, c'est qu'avec l'accord du locataire il devrait être permis de déposer le loyer plutôt que l'éviction. À choisir entre l'éviction et le dépôt du loyer, il y a bien des locataires qui choisiraient le dépôt du loyer.

On peut bien dire – je ne sais pas si c'est ça, votre argument – que c'est parce que les gens ne reçoivent pas assez qu'ils ne paient pas leur loyer. Si c'était ça, l'argument, ça voudrait dire que ça ne serait pas juste 4 %, 5 % qui ne paient pas. Le non-paiement de loyer, c'est 4 %, 5 %. Il y en a donc 96 %, 95 % qui le paient. Alors, ceux-là aussi ont les mêmes barèmes que les autres. Il faut reconnaître que, dans la société, il y a aussi des problèmes multiples de toxicomanie, d'alcoolisme et d'autres problèmes qui font qu'il y a des personnes qui sont plus mal prises que d'autres pour gérer leur budget parce qu'elles ne sont pas à l'abri, d'une certaine façon, de leurs propres problèmes personnels; ça existe, aussi.

Alors, là, dans les HLM, ce qu'on nous a proposé, c'est qu'avec l'accord du locataire, plutôt que la résiliation du bail, plutôt que l'éviction, il y ait dépôt. Bon. J'imagine que vous allez être favorables à ça aussi, au minimum, dans le cas des logements du marché privé, étant donné que, à ce moment-là, c'est, en contrepartie, le fait qu'il n'y ait pas d'éviction et qu'il n'y ait pas de résiliation de bail. Il faut se comprendre, là. Ce qui est proposé, c'est un peu donnant, donnant. Vous ne direz pas que les propriétaires, là-dedans, ne sont pas en quelque part perdants, puisque les loyers échus, il n'en est pas question. C'est donc pour les loyers à échoir à partir de l'ordonnance, c'est ça qui est proposé, et, en plus de ça, c'est la composante logement, c'est-à-dire le montant du chèque qui doit être attribué au logement seulement.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Si vous me dites que, dans le fond, ce que vous préférez, c'est que ça continue comme avant: éviction, résiliation de bail... J'ai fait sortir les chiffres à ce sujet. C'est quoi? 70 % des cas devant la Régie sont des cas de résiliation de bail suite à un non-paiement de loyer? Si je comprends, c'est le statu quo que vous nous proposez.

Mme Thibault (Anne): Est-ce qu'on peut y aller?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Allez-y.

Mme Thibault (Anne): Moi, je vais commencer sur la question du dépôt direct et du paiement préautorisé. Effectivement, c'est deux mesures distinctes. Même si elles sont distinctes, le danger au niveau du marché locatif privé, c'est de les jumeler ensemble. Parce que la forme de paiement préautorisé n'est pas tellement dangereuse s'il n'y a pas de dépôt du chèque d'aide sociale, comme déposer l'argent dans un compte de banque d'un locataire prestataire n'est pas en soi dangereux s'il n'y a pas de mode de paiement préautorisé qui est jumelé avec cette mesure-là.

Alors, un peu la position que, nous, on défend au niveau du Regroupement, c'est de dire que présentement le dépôt direct, indépendamment de s'il est rattaché comme mode de paiement ou pas, a déjà occasionné des problèmes, dans le sens que, quand il y a de l'argent dans un compte de banque, il y a certaines institutions bancaires, si un créancier s'adresse à l'institution bancaire, qui vont prélever l'argent. C'est sûr que le locataire a des recours par après, mais ça peut lui prendre sept mois, huit mois avant de récupérer ses argents, et sept mois, huit mois, avec un chèque qui est déjà mince, c'est impossible à vivre. C'est la première affaire.

Paiement préautorisé. Nous, on dit: Si vous nous assurez que le paiement préautorisé ne sera jamais considéré comme un mode de paiement au niveau du loyer, à ce moment-là, le dépôt direct, pour nous, ça ne nous occasionne aucun problème. Mais, si vous ne pouvez pas nous assurer que le paiement préautorisé n'est pas aboli au niveau du paiement du loyer, on va être obligés de se prononcer à l'effet qu'on ne pourra pas être pour le dépôt direct. Parce qu'on les voit ensemble et qu'on sait déjà, nous, en faisant le lien avec la série de chèques postdatés, que, même si ce n'est pas exigible par la loi, dans les faits, la série de chèques postdatés devient une condition de location au bail et que le locataire, s'il n'accepte pas les conditions du propriétaire, il n'aura pas le bail. On le sait. On vit à tous les jours avec les locataires et on sait que ça prend un locataire culotté, ce qui n'est pas le cas du locataire prestataire de l'aide sociale, pour refuser ce type de proposition là.

Alors, on sait que, dans le concret, ce que ça va donner, c'est que le locataire, s'il veut avoir le logement, il va falloir qu'il accepte le dépôt préautorisé et le dépôt préautorisé va devenir intéressant pour le propriétaire si le locataire a accédé au dépôt direct. Les deux sont extrêmement liés, il faut les combiner ensemble.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Bonjour. Bienvenue. Parce que vous dites dans votre mémoire que, dans le bail, il y a la clause pour le mode de paiement de loyer. Finalement, c'est le propriétaire qui a le contrôle sur ça.

Mme Brochu (France): C'est-à-dire qu'une fois que la clause est installée au bail, comme la clause qui est le prix de loyer, comme les autres clauses, ça devient une clause qu'il doit respecter. Quand on lisait les verbatims dans les galeries, on semblait dire que non, les juristes du gouvernement avaient dit le contraire. Me Jobin, qui est un spécialiste en droit du logement, en louage des choses, il semble tendre que, du moment que la personne accepte de dire: Moi, je remets les chèques postdatés, puis on a associé le préautorisé à un chèque postdaté électronique, du moment que j'accepte, je suis comme pris avec. Il est installé dans mon bail et, pour le défaire, bien, ce n'est pas automatique comme ça, là, que je peux me départir de ma clause.

D'une part, au renouvellement du contrat, ce n'est pas le locataire qui a le contrôle du renouvellement, c'est le propriétaire qui dit: Voici les modifications que, moi, je veux amener. Si, moi, comme locataire, je veux amener des modifications, c'est très difficile de le faire. Même légalement, il n'y a pas d'installation juridique pour le faire. Il faut négocier, et Dieu sait que ce n'est pas facile de le faire. Alors, il y a un danger parce qu'il y a un lien avec l'institution bancaire, mais il y a un danger aussi avec le bail qui est un contrat de location qu'on signe comme locataire aussi. On pourrait être pris avec la clause aussi, tout simplement. Puis, plus loin que ça, si je peux me permettre...

Mme Loiselle: O.K. Oui, oui.

Mme Brochu (France): ...on voit aussi tous les problèmes quand il y a des réparations qui vont être... Comme pour les chèques postdatés, d'ailleurs, s'il y a des réparations urgentes que le locataire a dû faire, puis il doit se rembourser sur le mois suivant, bon, là il va falloir qu'il fasse le retrait du préautorisé et ci et ça. S'il doit partir du logement pour certaines raisons, pour abandon du logement parce qu'il y a eu insalubrité temporaire, bien, encore là, il faut arrêter le retrait préautorisé. Autant, pour les locataires, c'est du trouble, les chèques postdatés, quand ils le vivent puis qu'ils ont des problèmes, autant le préautorisé va l'être aussi systématiquement.

Mme Loiselle: Alors, c'est erroné de dire qu'on peut l'interrompre en tout temps, le versement préautorisé, si on ne modifie pas le mode de paiement dans le bail, s'il n'y a pas de modification apportée au bail.

M. Cusson (Denis): C'est ça, exactement, parce que ça mettrait le propriétaire, à la limite, dans une certaine incertitude à savoir: Le mois prochain, ça va être quelle forme de paiement que mon locataire va choisir? Y «va-tu» me dire: Maintenant, viens chercher le loyer à la maison, parce que dans le Code civil on dit que le loyer, il est quérable et non pas portable? C'est pour ça qu'on ne peut pas changer à tout moment durant l'année le mode de paiement. Quand on s'entend sur un mode de paiement en juillet, on le continue toute l'année, sinon on vient pénaliser l'autre partie.

Mme Loiselle: O.K. Alors, quelqu'un qui décide d'aller de l'avant avec le paiement préautorisé doit savoir qu'il doit y aller jusqu'à la fin du bail, qu'il ne peut pas l'interrompre aussi facilement qu'on semble le prétendre. O.K.

M. Cusson (Denis): Puis lors du renouvellement, en plus.

Mme Thibault (Anne): La seule façon d'y mettre fin, c'est de déménager...

Mme Loiselle: C'est de déménager?

Mme Thibault (Anne): ...ou de négocier. Mais mettez-vous dans la peau... Le locataire n'a pas la bonne position pour négocier avec son propriétaire. Moi, j'aimerais ça si... Parce que Mme Harel nous avait posé deux questions...

Mme Loiselle: Allez-y, allez-y.

Mme Thibault (Anne): ...une en lien avec le dépôt direct et le paiement préautorisé et l'autre par rapport à l'ordonnance. Moi, j'aimerais beaucoup apporter une précision. Quand on parle du logement privé, pour nous, ça ne sonne pas vraiment les mêmes cloches que quand on parle du logement social, première affaire. Il faut se mettre dans la tête aussi que, au niveau du logement privé, c'est 90 % des ménages locataires qui se retrouvent captifs de ce marché-là. Les locataires du marché social ne représentent que 10 % des ménages locataires au Québec.

Quand on arrive, moi, et qu'on me dit que les problèmes de mauvaises créances dans les HLM varient entre 0,5 % à 2 %, tout dépendant de qui amène les chiffres, moi, je me dis qu'au niveau... Moi, quand j'avais participé, parce que j'ai déjà été sur le comité de Mme Blackburn, à ce moment-là, le monsieur qui représentait la SHQ nous disait que c'était essentiellement dû à des problèmes de santé mentale, psychosociaux, etc., ce qui n'est pas le cas du logement privé. Au niveau du logement HLM, les gens sont assurés de ne pas payer plus que 25 % du coût de leur revenu, alors que, sur le marché privé, les ménages prestataires de la sécurité du revenu, c'est un minimum de 50 % de taux d'effort que les gens doivent consacrer.

(10 h 40)

Dans le marché privé, comme on l'a dit tantôt en introduction, on aimerait ça vous faire comprendre que, sur le montant gonflé par le sondage de M. Bourbeau, qui a été gonflé sur des perceptions et des images que les propriétaires entretiennent par rapport à leurs locataires prestataires, donc par rapport aux préjugés des propriétaires par rapport aux gens sur l'aide sociale... Il en arrive à un chiffre de 86 000 000 $. J'aimerais ça que vous compreniez que ce 86 000 000 $ de pertes de revenus de location pour les propriétaires, ces pertes-là peuvent aller chercher un abattement fiscal, comme je vous l'ai expliqué tantôt dans la présentation, mais, en plus, ça ne représente que 1,3 %, on pourrait dire, des mauvaises créances sur le privé. Parce que les revenus de location des propriétaires sur le privé, par année, c'est 6 500 000 000 $. 86 000 000 $ sur 6 500 000 000 $, ce serait une perte même inférieure au social.

Alors, la question que, nous autres, on soulève et qu'on a vue quand on a lu que les associations de propriétaires... On voit bien qu'avec l'ordonnance ça ne marchera pas, parce que toutes les associations de propriétaires qui sont passées, que ce soit CORPIQ, que ce soit la Ligue des propriétaires de Montréal, que ce soit l'Association des propriétaires du Québec et probablement la CIM cet après-midi, parce que je sais qu'il y a la Centre immobilière Mérite qui passe cet après-midi, elles vont toutes vous dire que l'ordonnance, ça ne marchera pas parce qu'ils perdent déjà sur les arrérages de loyers. Et ils vous disent: Pas question qu'on perde sur la portion à échoir et, si on n'a pas la totalité de notre loyer, nous, on n'accepte pas cette mesure-là. Ça, c'est clair, ils l'ont tous dit, au niveau des associations de propriétaires. Eux autres, quand ils ramènent leur prix du loyer, c'est toujours leur prix du marché à eux.

Nous, ce qu'on dit: Qui doit déterminer le prix payé sur le marché privé? Parce que les locataires sont captifs de ce marché et principalement les locataires prestataires de la sécurité du revenu. Qui doit le déterminer? «C'est-u» les associations de propriétaires et des gros investisseurs, comme c'est le cas actuellement, ou si le gouvernement doit contrôler ce marché-là afin de s'assurer, minimalement, que tout le monde au Québec puisse avoir un toit sur la tête sans que ça devienne un cauchemar à chaque mois?

Mme Brochu (France): Pour régulariser, pour expliquer l'ordonnance, on dit que c'est pour les aider à gérer parce qu'ils sont mal pris puis qu'ils ont de la misère à gérer. On nous dit donc que, nous, ce qu'on veut, c'est le statu quo. On ne veut pas le statu quo, on a des revendications à la fin de notre mémoire. Ce contrôle-là des loyers est une solution pour maintenir un parc de logements locatifs abordables, et c'est ça que le gouvernement doit protéger.

Aller dans le sens des propriétaires, aller dans le sens de la saisie, c'est ouvrir une brèche très clairement, puis, d'ailleurs, on sait que ça va à l'encontre du Code de procédure civile, c'est ouvrir la brèche. D'ailleurs, c'est très clair, une fois qu'on va être rentré dans cette brèche-là... On a juste à voir la réaction des propriétaires. Une fois qu'ils vont être rentrés – d'ailleurs, c'est pour ça que je vous dis qu'ils sont assez pleins de compromis – après, ils vont demander plus. La preuve, c'est qu'ils demandent l'ordonnance de deux ans, c'est qu'ils demandent que cette ordonnance suive la tête du locataire partout où il va aller. Ce n'est pas fini, ces demandes-là, parce qu'ils ne seront jamais satisfaits parce que ce qu'ils cherchent, cette soif d'argent là n'est pas terminée.

Alors, nous, on dit: Pour aider à gérer, aider ces gens qui sont mal pris à gérer, comme on a cité tantôt, pourquoi ordonner, pourquoi avoir un jugement de la Régie du logement, qui est un tribunal, pour les aider, alors qu'on pourrait, par la bande, travailler sur autre chose qui est le parc de logements, peut-être sur autre chose au niveau de l'éducation populaire versus les ACEF? Il y aurait d'autres solutions qui me semblent plus constructives qu'un jugement qui ordonne une saisie. Puis il y a une différence, je pense, entre Hydro-Québec... C'est, d'ailleurs, à ma connaissance, un problème aussi. Mais il y a Hydro-Québec, il y a les propriétaires. Après, ça va être qui? Maxi et compagnie? Puis on ne finira plus, le monde va être ligne pour venir chercher le peu d'argent que les gens ont. Alors, pourquoi un propriétaire serait un créancier privilégié? Je vous le demande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Alors, finalement, pour vous, l'analyse que vous faites, c'est que le pouvoir d'ordonnance égale saisie des prestations, puis ça va à l'encontre de la Charte des droits et libertés, comme le disaient la Commission des droits de la personne et aussi l'Association des juristes en droit social.

Mme Thibault (Anne): Mais c'est parce que ça pourrait aller même plus que ça, parce que, dans ce qui est à l'annexe 12, le montant pour une personne seule qu'on met sur les besoins essentiels au niveau du logement, c'est 325 $, alors que, selon les articles – France est plus bonne que moi là-dedans mais en tout cas – du Code de procédure civile, la saisie comme telle, si on allait versus ça, représenterait un montant de 6 $, 7 $.

Mme Loiselle: O.K. Oui, oui, 120 $ par semaine.

Mme Thibault (Anne): On va plus loin. On va plus loin que...

Mme Brochu (France): Si on applique le 552 puis le 553 du Code de procédure civile.

Mme Loiselle: 120 $ par semaine, oui, 480 $, il n'en reste plus épais.

Mme Brochu (France): C'est ça. On ne pourra pas aller saisir grand-chose, c'est clair.

Mme Loiselle: C'est ça. C'est ça.

Mme Brochu (France): Alors, évidemment, les propriétaires, il y en a certains qui ont plaidé la levée – je ne dirai pas le mot qu'on n'est pas capables de dire – de l'insaisissabilité...

Mme Loiselle: Ha, ha, ha! Vous le dites bien.

Mme Brochu (France): ...mais il y en a, très brillants, qui ne l'ont pas plaidée parce qu'ils savent très bien que ça ne sert à rien de lever ça parce que ce n'est pas là qu'on va aller chercher l'argent. La composante logement et la décision du gouvernement, la proposition du gouvernement – j'espère que ce ne sera pas une décision – est bien plus payante pour les propriétaires, c'est clair, net et précis.

M. Cusson (Denis): La proposition qui est soulevée de la part de la ministre d'y aller sur justement la formule de saisie de la composante logement puis que, si on peut dire, ça devienne comme une obligation où les propriétaires n'auront pas le choix de passer par là, le danger qu'on peut y voir aussi, c'est un danger de discrimination plus grand à la base au niveau de la location. Le propriétaire va se dire: Au bout de la ligne – avec les préjugés qui existent – j'ai des chances de me retrouver avec un locataire qui va utiliser cette passe-passe-là pour justement se retrouver à payer moins de loyer que ce qu'il devrait, et, donc, à ce moment-là, ne pas avoir la totalité de son loyer. On va discriminer encore plus grandement les locataires prestataires de l'aide sociale avec une formule comme ça plutôt que de trouver une solution réelle au problème. Puis est-ce qu'une solution semblable serait associée à un contrôle obligatoire des loyers de ces propriétaires-là pour justement ne pas utiliser cette formule-là pour s'assurer un revenu mensuel dans des logements qui seraient peut-être, de toute façon, vacants, parce que de plus ou moins bonne qualité?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Coziol (Suzanne): Si c'était possible, j'aimerais revenir sur la règle H4 par rapport au paiement préautorisé. Souvent, on va dire que ça s'arrête facilement. Le dépôt direct peut peut-être s'arrêter facilement, mais pas le paiement préautorisé. La règle H4 dit tout simplement que vous devez, si vous désirez mettre fin à ça, en informer votre créancier; dans notre cas, ça serait le propriétaire comme tel. C'est lui qui doit dire à sa banque qu'il n'y a plus de dépôt et sa banque, au propriétaire, doit dire à la banque du locataire: Il n'y a plus de dépôt. Si le locataire va directement à sa banque et dit: O.K., tu m'arrêtes ça, il va être considéré en non-paiement tout simplement et il pourrait même payer des frais comme un chèque sans fonds.

Ils disent aussi, dans la règle H4, que, si, après, votre créancier n'a pas arrêté le dépôt, vous devez aller voir votre créancier pour qu'il vous rembourse. Donc, il faudrait aller voir le propriétaire pour qu'il me rembourse l'argent qu'il m'a pris en trop dans le dépôt comme tel. Si, déjà, je l'ai arrêté, ça ne devait pas aller bien d'avance. Ils disent aussi que j'ai 90 jours pour aller, à ce moment-là, porter plainte si je vois qu'il y a une irrégularité comme ça dans mon compte, 90 jours. Quand il s'agit de somme de loyer qui peut représenter jusqu'à 70 % du revenu, c'est énorme. Alors, tant qu'il ne restera que la règle H4, ça ne sera pas suffisant pour protéger qui que ce soit à l'intérieur de ça. Et ça, je peux vous la déposer, on a plusieurs exemplaires.

Mme Loiselle: C'est la première fois qu'on en entend parler vraiment. Moi, je n'en avais jamais entendu parler. Vous proposez au gouvernement peut-être de mettre en place, justement pour éviter des augmentations de loyer... Quand quelqu'un a terminé un bail puis déménage, il y a souvent peut-être des propriétaires qui augmentent le loyer avant de signer un bail avec un nouveau locataire. Vous dites: Mettons en place un mécanisme de contrôle des loyers qui pourrait répondre peut-être à la recherche du gouvernement de trouver une solution pour le non-paiement des loyers. Voulez-vous nous en parler un petit peu plus, de ce que vous suggérez.

Mme Thibault (Anne): Oui. Moi, je peux y aller. Dans un premier temps, ce qu'on dit aussi, c'est un contrôle au niveau des loyers, parce que ce qu'il faut protéger, c'est les loyers, mais les loyers abordables aussi. Il faut que le gouvernement ait le souci de s'assurer que les ménages locataires au Québec puissent habiter dans des logements convenables à des coûts abordables. Là où on trouve que ça frise un peu l'indécence, c'est quand le gouvernement investit bon an mal an des montants astronomiques qui nous semblent, en tout cas, représentent, si je mets les deux, au niveau des programmes d'amélioration de l'habitat, ce qu'on appelle les programmes de restauration ou les programmes d'amélioration, et les programmes d'aide à la personne, style Logirente, où le gouvernement donne au locataire un montant pour combler la différence, l'écart entre ce que le locataire paie et ce que le loyer vaut au niveau du marché, et ça représente aux alentours de 180 000 000 $, 190 000 000 $ par année... On dit: Minimalement, le gouvernement devrait contrôler ces loyers-là. À l'heure actuelle, il n'y a pas de contrôle par rapport au coût de ces loyers-là.

L'autre affaire, ce qu'on dit et ce qu'on sait, c'est que les propriétaires en profitent pour augmenter les loyers quand il y a déménagement, c'est-à-dire quand un locataire quitte et qu'un nouveau locataire arrive. Juste pour vous donner l'ordre de proportion, en juillet 1996, les déménagements ont touché 260 000 ménages au Québec, ce qui représente environ près de un ménage sur quatre ou sur cinq – j'ai calculé vite – sur 1 080 000 ménages privés au Québec, donc c'est beaucoup de gens qui déménagent. Même si, au niveau légal, au niveau du bail, le propriétaire doit indiquer à l'endos le loyer le plus bas payé au cours des 12 derniers mois, dans la pratique, ça ne se fait pas et, même si ça se fait, ça ne veut pas dire que le loyer inscrit est le bon, parce que le propriétaire ne fournit pas la copie de l'ancien bail au locataire.

(10 h 50)

Alors, nous, ce qu'on demande, pour éviter aux locataires de jouer à Sherlock Holmes et pour s'assurer que les locataires puissent faire réviser le coût de leur loyer parce qu'ils sont nouveaux locataires, que la Régie du logement procède à l'enregistrement des baux au Québec. Et là ce serait un processus simple pour qu'un locataire puisse aller vérifier le prix réellement payé par l'ancien locataire. Nous autres, on avançait même l'idée que... Présentement, la Régie voit à la réimpression du bail obligatoire, en tout cas, que le Regroupement des comités logement a finalement obtenu à partir du 1er septembre 1996...

Une voix: Un très beau bail.

Mme Thibault (Anne): ... – un très beau bail, d'ailleurs – et on se demandait s'il n'était pas possible, en tout cas, on verra techniquement, mais au moins d'en ajouter une copie. Alors, il en resterait une copie au propriétaire, une copie au locataire et une copie qui pourrait être acheminée directement auprès de la Régie du logement. Ce n'est pas une demande qui est nouvelle. Pour le Québec, oui, mais, je veux dire, l'enregistrement des baux ou le dépôt des baux se fait en Ontario et, à ma connaissance, se fait au Manitoba aussi.

Alors, nous, nos demandes, c'est ça, c'est contrôle des loyers accompagné du dépôt des baux. Il faut poigner les propriétaires investisseurs, ceux qui contrôlent le marché locatif, où ils abusent et où ils augmentent les loyers. Sinon, les personnes pauvres vont toujours avoir de la difficulté à payer leur loyer et on va toujours arriver avec des solutions qui ne conviennent pas à la situation ou qui ne règlent pas le problème; on s'attaque juste aux conséquences sans toucher pantoute aux causes.

M. Cusson (Denis): Si les prix des loyers sont contrôlés à la base, ça va faire une pression encore moins grande pour les demandes d'investissement de l'État dans le domaine du logement, étant donné qu'on va pouvoir avoir en place, peut-être, un parc de logements à prix abordables.

Mme Loiselle: D'accord. J'aimerais revenir... Vous avez parlé du nouveau bail, là, mais vous dites, à la page 19, que le propriétaire peut maintenant exiger un cautionneur. Parce que, je pense que c'est cette semaine, on a reçu un groupe de la défense des droits pour les prestataires de l'aide sociale de Bécancour qui nous disait que, dans leur région, on fait cette pratique-là actuellement de demander un cautionneur au moment de la signature du bail. Là, vous dites que ça peut être une exigence dans le nouveau bail?

Mme Brochu (France): C'est-à-dire, le nouveau bail, il est pratiquement parfait.

Une voix: Parfait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Brochu (France): Mme McMurray, pratiquement parfait. Ce qui est passé à travers l'information du nouveau bail, maintenant il y a comme une place d'ajoutée où c'est très facile d'ajouter une demande d'endosseur, ce qui n'était pas là dans l'ancien bail. Alors, pour un propriétaire qui est bien au courant, il va l'écrire peu importe s'il y a des lignes ou pas, mais, pour quelqu'un qui est moins au courant, ça facilite, en tout cas, l'implantation de cette technique de demander un endosseur plus facilement et plus aisément parce que, à la signature, tu as les deux signatures puis tu as de l'espace pour «témoin» et «cautionneur».

Mme Loiselle: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, mesdames et monsieur, seul et unique, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant les représentantes et les représentants du Carrefour de pastorale en monde ouvrier à se présenter.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux gens qui doivent quitter, si vous voulez quitter immédiatement de façon à ce qu'on puisse continuer. À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, bonjour. M. Houle, c'est vous qui faites la première présentation. Je demanderais aux membres de la commission d'être un peu plus attentifs à cause de l'appareil que vous avez, et je vous ferai signe si vous devez avancer ou reculer. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent.


Carrefour de pastorale en monde ouvrier (CAPMO)

M. Houle (André): Voilà. En un mot, vous avez la copie...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On a la copie du document de ce que vous allez prononcer.

M. Houle (André): Alors, simplement, je voudrais sauver du temps à la commission. En un mot, vous avez devant vous la présentation. Alors, sans plus tarder, je vais présenter Mme Vivian Labrie, notre directrice.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Houle.

Mme Labrie (Vivian): Bien. Alors, je vais compléter la présentation. Ce matin, avec nous, il y a Bernard Mongeau, qui est à l'exécutif du CAPMO, André Houle, qui est Montagnais et qui est membre du CAPMO, et Annie Plamondon, qui est membre du CAPMO aussi puis qui a une bonne expérience du côté de la défense des droits des personnes assistées sociales. Quant à moi, j'agis en tant qu'animatrice dans le groupe plutôt que directrice. On a déposé, ce matin, un document en complément à notre mémoire et ça va nous servir de base pour la présentation. Je voudrais juste m'assurer que tout le monde en a eu une copie. Merci beaucoup. O.K.

(11 heures)

Alors donc, on a poursuivi notre réflexion depuis le dépôt de notre mémoire en janvier, c'est pourquoi on dépose aujourd'hui ce complément, il va nous servir de base pour la présentation. Quand on a préparé ce document-là avec le groupe, ce n'est pas tout le monde qui savait lire. Alors, on a utilisé des dessins, tout le monde a compris et les gens du groupe ont dit: Gardez les dessins dans le document, de sorte que vous pourrez suivre la présentation ce matin à partir des dessins, si vous préférez des figures.

Bien sûr, on a examiné ensemble la réforme proposée par le livre vert. On l'a examinée à la mémoire de ce que vivent les gens dans notre groupe et notre milieu. On a fait aussi une centaine d'animations depuis l'an dernier, de sorte qu'on a un peu le pouls de plusieurs milliers de personnes sur la question. On l'a examinée à la lumière des revendications du Jeûne à relais que vous connaissez, qui a eu lieu l'automne dernier, auquel plus de 2 500 ont participé, et aussi à la lumière d'une rencontre qu'on a organisée le 5 mars dernier dans les quartiers centraux de Québec, avec des représentants des personnes assistées sociales, c'est-à-dire l'ADDSQM, du personnel de l'aide sociale, le SFPQ et des futurs partenaires du milieu, la CEDEC de Québec et le CREECQ, et c'était en collaboration avec la direction régionale Travail-Québec qui est venue présenter le projet de réforme. Alors, dans cette rencontre-là, ça a traduit l'unanimité du milieu sur plusieurs points qui vont être repris ici. Mais je vais vous souligner qu'on vous dépose aujourd'hui le compte rendu de cette rencontre. On pense que ça va être intéressant pour vous de le consulter parce qu'on voit ici un milieu, les futurs partenaires de la réforme qui se sont réunis, qui ont fait l'effort de dialogue et qui déposent une position. Je soulignerai aussi que la dernière page de ce compte rendu là comprend un résumé sur deux pages, sur lequel tout le monde s'est entendu, du livre vert. Peut-être que ça peut vous être utile comme instrument pédagogique. On vous l'offre.

Je poursuis donc. Hein, on peut contribuer, nous autres aussi, puis on vous dira que c'est agréé par tout le monde, à la fois la direction régionale et le milieu. Alors, peut-être que ça peut vous servir. On espère qu'il est objectif. On pense aujourd'hui qu'on va émettre un point de vue solide qui est capable de susciter de l'adhésion. Il est préparé en fonction de construire la solution autour d'un principe inaliénable: les personnes au centre.

Il y a quatre sections dans la présentation de ce matin. La première section tourne autour de l'importance d'élargir le cadre, ce qu'on a appelé un système et une société pour tout le monde. Alors, si vous tournez à la page 2, l'obligation d'expliquer en des mots simples à toutes sortes de personnes le concept de sécurité du revenu et les enjeux d'une réforme, ça nous a amenés aux notions de base suivantes. Vous les retrouvez dans la figure 2. Tout d'abord, pour se réaliser pleinement dans sa société, la personne qu'on met au centre, dans son intégrité, sa dignité et ses droits, avec ses forces et ses faiblesses, doit pouvoir répondre à ses besoins et elle doit pouvoir aussi consommer les biens et services nécessaires à sa survie. Elle doit pouvoir avoir des activités pour se sentir utile et autonome et prendre part à l'organisation de la vie en société par l'exercice de sa citoyenneté. Ça, c'est de manière à pouvoir influencer les décisions, à faire corps avec les autres.

Vous remarquerez que ces trois axes-là, qui sont des axes micros, correspondent à trois grands axes de l'économie qu'on peut prendre dans l'ordre suivant: la production, le partage et l'usage de la richesse. L'intermédiaire qui fait le lien de tout ça dans la société, c'est le revenu, qui doit être assuré à tout le monde si on veut que la société fonctionne pour tout le monde, et c'est ça qui donne lieu à divers dispositifs, dont la sécurité du revenu. Ça nous démontre aussi qu'il y a des dispositifs qui existent, mais qu'on peut en imaginer d'autres. Le problème qu'on constate tout le temps et que vous avez sûrement, vous aussi, c'est qu'il y a des irritants partout là-dedans, ça ne marche pas toujours bien et, là où on devrait retrouver la personne, dans notre société, ce n'est pas ça qu'on retrouve, c'est l'échelle sociale, c'est les inégalités et le trou dans la solidarité et les finances publiques. On en a amené un, trou dans les finances publiques, ici. C'est un problème et ça donne lieu à diverses formules qu'on n'arrive pas à solutionner au point de vue de la régulation du revenu. On aboutit, à ce moment-là, à un système qui est injuste parce que les uns n'ont pas leur part au bas de l'échelle alors que les autres ont plus que leur part en haut de l'échelle. C'est la figure 3.

On veut vous faire remarquer ici – on n'ira pas dans les détails tout de suite là-dessus, mais on pourra répondre tout à l'heure, si vous avez des questions – que les cinq zones qui sont identifiées dans ce schéma-là correspondent finalement à toutes les revendications que vous avez reçues, par exemple au niveau du Jeûne à relais du refus de la misère ou de la rencontre qu'on a eue, le 5 mars, avec les différents représentants du milieu. On peut positionner les revendications sur ce schéma. Alors, on pense que c'est un schéma qui peut être utile parce qu'il donne une base théorique pour faire la réflexion.

Je tourne maintenant à la page 4. On pense que le gouvernement, en ce moment, a des problèmes avec la réforme de l'aide sociale parce qu'il mélange l'objectif de faire un bon système de revenus avec l'objectif de déficit zéro, parce qu'il s'en tient au bas de l'échelle sociale pour établir ses normes et ses critères, parce qu'il se soumet à l'opinion publique et aux marchés au lieu de les animer en vue d'une plus grande justice sociale. Alors, ça conduit à des contradictions puis à accepter un système de deux poids, deux mesures qu'on a illustré par deux exemples. Par exemple, grosso modo, à chaque fois que le gouvernement distribue 1 $ d'aide sociale au bas de l'échelle – et là il est très inquiet que la personne n'ait pas travaillé pour mériter le dollar – il donne 2 $ en intérêts sur la dette à quelqu'un en haut de l'échelle qui n'a pas davantage travaillé pour mériter ces dollars, et c'est des dépenses publiques dans les deux cas.

Un autre exemple qu'on pourrait donner, c'est avec la loi n° 115, quand on a fait la coupure de 650 $ à 620 $ au niveau du barème de participant. C'était 30 $ par mois, 360 $ par année. Si on avait fait la même chose avec les 4 700 000 000 contribuables au Québec – et ça se justifie, parce que ce qu'on demande aux plus pauvres au nom de la justice, on doit le demander aux plus riches aussi – c'est 1 700 000 000 $ qu'on serait allé chercher. Il y a donc un problème d'équité. Il est dû au fait qu'on considère la prestation d'aide sociale comme une dépense publique plutôt que comme un revenu personnel lié au pacte social et fiscal. On pense que c'est un point très important de découvrir le respect du revenu personnel de tous les citoyens et citoyennes au Québec. On ne traite pas, en ce moment, les revenus des plus pauvres avec le même respect que les revenus des plus riches. Et, si vous regardez la figure 5 qui était présente dans notre mémoire, vous allez voir que l'évolution de la prestation de base, depuis 10 ans, a suivi une pente descendante et qui continue à descendre, puisqu'on se retrouvera à 490 $ avec l'enlèvement de la partie pour l'impôt foncier, dans les prochains mois.

Il faut élargir le cadre, d'après nous, si on veut un système et une société pour tout le monde. C'est ce qui nous a amenés à demander une clause d'appauvrissement zéro du cinquième le plus pauvre de la population qui soit concomitante à tout objectif de déficit zéro. Mais ce n'est pas assez, puisque, avec l'appauvrissement zéro, on ne couvre pas les besoins essentiels. Si on est sérieux avec cet objectif-là, il faut viser la couverture des besoins et ensuite la sortie de la pauvreté. Et puis, pour ça, il faut admettre la crise de l'emploi mais aussi ce que nous appelons aujourd'hui «la crise de la distribution de la richesse». Il faut la discuter avec la population. C'est dommage que quelque part on ne nous propose pas des alternatives au budget. On nous présente toujours une formule. Mais pourquoi on ne nous proposerait pas cette année un budget équilibré avec la solution appauvrissement zéro? Ça aurait pu être intéressant de voir ce que ça donne.

On est allés voir un certain nombre de chiffres pour réaliser qu'on a les moyens de faire des changements dans notre société. Par exemple, au niveau des salariés, qui sont 3 200 000, leur rémunération totale en 1995 était de 96 000 000 000 $, c'est-à-dire que leur espérance de rémunération était de 29 929 $. Si on prend toute la population, 7 300 000 personnes, après impôts et transferts, leurs revenus étaient de 116 000 000 000 $, ce qui fait un per capita de 15 875 $. Alors, ça permet largement la sortie de la pauvreté. On a le moyen dans notre société. Pourtant, dans la même année, il y avait 816 000 personnes à l'aide sociale qui se sont partagé 3 400 000 000 $, ce qui donne un per capita beaucoup plus bas; en fait, le per capital était 3,8 fois plus bas que l'espérance de rémunération; c'était 4 200 $. Donc, ce n'est pas un problème de sécurité du revenu qu'on a ni un problème de dette; c'est un problème de justice sociale, soit notre capacité, comme société riche, de mettre en priorité un critère de vie décente pour les plus pauvres d'entre nous.

Si vous réexaminez le schéma de la figure 2, vous allez réaliser qu'il y a un deuxième point qu'on est prêts à faire, aujourd'hui. C'est qu'on constate qu'il y a une mission qui est manquante dans la réforme: c'est la mission citoyenneté. Et c'est ce qu'on va développer à la figure 7. Ça pourrait être la mission gagnante, parce qu'on est bien conscients que c'est impossible de réaliser une réforme sans requestionner l'ensemble de l'échelle sociale. On aimerait discuter avec vous aujourd'hui de l'importance d'introduire cette mission dans la réforme, et ça veut dire qu'il faut convenir, premièrement, de la nécessité de négocier la réforme avec les personnes prestataires. On négocie avec bien des gens dans la société; il faut négocier aussi avec ces personnes-là, ce qui veut dire une représentation, un autofinancement de la représentation par une perception à la source, des recours, la défense des droits et des sièges sur les instances décisionnelles.

Deuxièmement, il y a la nécessité de contribuer à un meilleur dialogue entre les classes sociales. On aimerait beaucoup vous parler des expériences qu'on a eues dans notre milieu cette année avec le personnel de l'aide sociale. On pense que c'est possible d'avoir une meilleure collaboration et une meilleure communication. Faut investir dans une meilleure information et dans l'éducation de la population aux problèmes de société. René Lévesque le faisait très bien, on devrait être encore capables de faire ça. Et pourquoi pas une assemblée annuelle des prestataires dans chaque CLE avec le Conseil des partenaires et une animation indépendante? Reconnaissons qu'à l'heure où on discute de ça la majorité des personnes assistées sociales n'est pas au courant du projet qu'il y a dans le livre vert. Il y a un problème.

(11 h 10)

Troisièmement, il y a la nécessité de recourir à l'expertise développée par les personnes qui vivent les situations. À chaque fois qu'on travaille avec les gens appauvris, on apprend, on développe des solutions plus expertes. On pense que vous devez apprendre à faire ça aussi et donc impliquer les personnes prestataires, le personnel et les partenaires dans la mise en place de la solution, évaluer les mécanismes avec les personnes.

Enfin, quatrièmement, la nécessité d'encourager le développement d'une plus grande justice sociale. Vous n'y arriverez pas tout seuls. Faut mettre la population dans le coup. C'est ce qu'on ne fait pas, dans l'émission Des enfants de Duplessis de dimanche dernier, quand on regarde ça. Il y a des gens qui se retrouvent avec un problème de déficit, ils le vivent tout seuls et, au lieu d'avoir recours à la population, qu'est-ce qu'ils font? Ils remplacent les personnes au milieu par un trou dans un budget, et on décide d'aliéner les personnes. Il faut avoir recours à l'ensemble de la société, en ce moment, pour régler les problèmes qu'on a. Vous n'êtes pas pris tout seuls avec ça.

Ça veut dire arrêter d'utiliser à l'envers des mots comme «équité» puis des concepts péjoratifs comme «mesures passives»; ça veut dire fournir aux citoyens et aux citoyennes des outils pour se situer dans l'échelle sociale et mettre en place une institution indépendante qui permettra de donner les seuils nécessaires pour ça; ça veut dire développer de la fierté pour la solidarité sociale plutôt que du dénigrement; ça veut dire mettre la population et les entreprises en face de leurs responsabilités au niveau du partage des richesses; ça veut dire instaurer des mécanismes qui vont assurer l'enrichissement zéro du cinquième le plus riche de la population tant que le cinquième le plus pauvre ne sera pas sorti du trou; ça veut dire servir de rempart et non de portier aux effets néfastes du néolibéralisme. Si vous avez lu notre mémoire, faudra reconnaître que Léopold aussi fait partie de la population, qu'on a besoin d'André, qu'Ernesto a de l'imagination, puis qu'Annie a de l'expérience puis que Marie-Claude aimerait bien ça être fière d'être une citoyenne solidaire.

Ça nous amène à notre troisième point. Tout le monde veut que tout le monde travaille, mais personne ne veut payer pour. Vous allez être d'accord avec nous que c'est ça, le problème. Tout le monde est, en principe, en faveur des parcours vers l'emploi. Tout le monde remarque qu'on a un problème de création d'emplois. En réalité, c'est un problème de financement de l'emploi, qui est en même temps un problème de partage de la richesse, qu'on a. En ce moment, l'équation principale au niveau de la production du partage puis de l'usage de la richesse, c'est encore: un emploi procure un revenu qui permet de répondre à des besoins. Toute la réforme est fondée là-dessus, mais il y a deux problèmes. Premièrement, pour aller vers l'emploi, il faut des emplois au bout et un revenu qui couvre les besoins; deuxièmement, il n'est pas sûr que l'équation connue est la bonne pour le XXIe siècle.

Ceci dit, nous avons fait l'effort d'aller au bout de la logique emploi de la réforme. Voici ce que ça donne. C'est résumé à la figure 8. Si on veut être cohérents avec un objectif de sortie de l'aide sociale et de réussite d'un parcours vers l'emploi et de sortie de la pauvreté, imaginons un emploi décent par ménage apte et disponible. On prend comme date de référence septembre 1996, 253 000 ménages où au moins une personne pourrait être soutien de famille. On aurait là un objectif de création d'emplois qui correspond à l'objectif ultime de succès d'un parcours. Alors, imaginons maintenant – on va être audacieux – une rémunération de 20 000 $ pour ces 250 000 emplois là. Le coût de tout ça, c'est 5 000 000 000 $, mais il y en a 1 900 000 000 $ environ qu'on a estimés, dans le système, en prestations. On a pris comme base la prestation moyenne par ménage de 624 $ à cette date-là, donc il reste à trouver 3 100 000 000 $. On est allés voir, et c'est environ 900 $ par travailleur, travailleuse. C'est environ 600 $ par contribuable, mais c'est 18 % du service total de la dette, c'est 22 % des bénéfices des sociétés avant impôts, c'est 16 % des revenus personnels d'intérêts. Les revenus personnels d'intérêts, c'est des revenus que les gens font sur de l'argent qui leur donne du rendement sans qu'ils aient travaillé pour.

On a des questions à se poser dans notre société. Voyez-vous, la question qu'on se pose, c'est qu'il faut vraiment, vraiment quelque part arrêter d'être obéissant à simplement une partie de la population. Va falloir voir ce qu'on fait pour être équitable, tout le monde ensemble. Le résultat de 250 000 personnes en emploi, c'est 57 000 000 de journées de travail générées ou reconnues. Parce qu'il y a du travail qui est fait et qui n'est pas reconnu. Ce faisant, on améliorerait la vie collective en achetant, entre guillemets, 57 000 000 de journées. C'est un bénéfice de huit jours de plus de biens et services produits pour chaque adulte et enfant qui vit au Québec. Notons qu'on maintient alors de bons services publics, qu'on développe une meilleure qualité de l'éducation, une meilleure santé générale. On développe l'activité économique dans tous les secteurs. On a des activités en garderie, en maintien à domicile, une vraie économie solidaire. On a des travailleurs et travailleuses qui respirent, des exclus qui trouvent leur place, des ménages qui peuvent négocier entre eux un meilleur partage des tâches.

Comment ça se fait qu'on ne va pas dans cette direction-là? Comment ça se fait, si on ne le fait pas, qu'on accable les travailleurs et travailleuses les plus précaires, ceux qui n'arrivent pas à entrer durablement dans le cercle de l'emploi? Il se pourrait, par ailleurs – et c'est le deuxième problème – que la pression du néolibéralisme et l'évolution de la technologie poussent le débat dans une autre direction à laquelle se refuse le livre vert. Quelle nouvelle équation socialement juste inventer au niveau de la production, du partage et de l'usage de la richesse? Ne vaudrait-il pas la peine d'écouter les signaux? Ça vient des experts internationaux, ça vient du milieu, on vous les a résumés à la figure 9. On pourra les discuter avec vous. Peut-être qu'on doit aller vers une autre formule de redistribution de la richesse. C'est ce qui pourrait amener éventuellement à considérer autrement et avec un regard intéressé des formules comme, par exemple, le salaire de citoyenneté ou un revenu garanti.

Ça nous amène à notre quatrième proposition. On vous demande d'être particulièrement attentifs parce que, ici, il y a une proposition technique et on pense qu'elle pourrait recevoir de l'adhésion dans notre milieu. C'est ce qu'on a appelé des emplois au lieu du supplément de 120 $. Le supplément de 120 $ a été reconcédé, au début de la commission parlementaire, par la ministre, mais il perpétue la notion de développement d'employabilité et de sous-catégorie de travailleurs. Ces mesures sont dénoncées depuis des années par un milieu qui réclame plutôt de créer de vrais emplois.

La ministre pourrait renoncer à ce supplément contre l'entente suivante: premièrement, abandon de l'idée des pénalités pour refus de parcours. Deuxièmement, reconnaissance explicite des activités suivantes comme faisant partie intégrante des parcours – il y a des flous là-dedans, on aimerait voir les choses précisées: d'abord, l'implication des personnes dans un groupe communautaire, les services psychosociaux liés à l'intégration sociale, des services substantiels à la famille et à la communauté, la recherche autonome d'emploi, l'élaboration et la réalisation d'un projet individuel ou de groupe d'utilité collective, la formation qualifiante à tous les niveaux, les activités d'orientation, d'insertion, de stage, le travail à temps partiel ou occasionnel et la concomitance de ces activités-là parce que très souvent les personnes vivent ça en mixte, en mélange.

Troisièmement, des garanties de parcours pour les personnes présentant des contraintes temporaires ou sévères à l'emploi. Quatrièmement, des garanties de sécurité du revenu pour des personnes qui s'aventureraient à sortir de l'aide sociale pour occuper un emploi. Il faut démontrer aux gens que, s'ils sortent du BS pour aller à l'emploi et qu'ils se retrouvent au chômage et à l'aide sociale, la sécurité du revenu au bout n'est pas pire que celle qu'ils avaient en partant. Il faut aussi des tests d'actifs qui respectent la dignité des personnes. Vous avez dit vous-même dans le livre vert qu'il y a des précarités au niveau du marché de l'emploi. Le test d'actifs, c'est une chose absolument importante, et je vais me permettre de signaler ici qu'il est scandaleux de compter dans le test des liquidités le 5 $ de part sociale à la caisse populaire. Mme Harel pourra nous démentir ça, mais des agents d'aide sociale nous ont dit qu'on calculait la liquidité.

Enfin, cinquièmement, un objectif clair, annoncé, écrit, de création d'une base initiale de nouveaux emplois correspondant minimalement au nombre de personnes recevant un supplément de 120 $. Ils étaient 24 000, en 1996. Alors, ces emplois pourraient être répartis comme suit: transformer des postes liés à des mesures d'employabilité en vrais emplois, ce qui était déjà un peu envisagé dans la loi n° 115 et qui n'a pas été appliqué; ensuite, mettre en place des emplois nouveaux résultant des projets d'économie sociale conformes à la volonté du milieu; aménager et réaménager des emplois dans le secteur public et privé sans substitution d'emplois; des nouveaux emplois en milieu communautaire qui vont être nécessités par la réforme, c'est-à-dire aide, éducation économique, défense des droits et représentation, tout, l'aide à la déclaration fiscale, la contribution à la formation du personnel de l'aide sociale. On pourrait être très bons pour aider là-dedans.

Ensuite, ça pourrait être financé sur une base durable avec le budget alloué au supplément de 120 $, l'équivalent de la prestation, le fonds fiscal des 80 000 000 $ de lutte à la pauvreté, des fonds qui pourraient être négociés dans les secteurs privé et public pour le développement de l'économie sociale, certaines parts d'autofinancement, surtout s'il y a des emplois qui sont créés dans le secteur privé, bien sûr, éventuellement les surplus de la caisse fédérale d'assurance-chômage rapatriée et la fiscalité quand viendra le temps de faire de l'emploi durable avec ça. Parce que, là, ce dont on parle, c'est un point de départ.

Sixièmement, mettre en place un groupe de travail sur le développement de la pleine activité mandaté pour proposer les moyens d'accroître cette base selon des objectifs annuels conduisant à la pleine intégration, en 2010, de la population dans une équation qui serait satisfaisante, activités-revenus-besoins-citoyenneté. Ça implique de faire émerger annuellement des milliers d'emplois, ça implique d'expérimenter des formules nouvelles alliant convenablement revenus et activités, ça implique de concevoir des moyens de financement de ces emplois et activités, alliant coresponsabilité fiscale, partage de l'emploi et du temps de travail, partage de la richesse ajoutée par le travail.

(11 h 20)

Septièmement, il faudrait publier le budget détaillé des mesures actives ainsi que des preuves qu'on investit réellement de ce côté, comparativement au budget antérieur, et aussi une ventilation du budget qui va nous montrer qu'on joint bel et bien les budgets qui étaient prévus antérieurement pour les différentes catégories intégrées dans la main-d'oeuvre.

Huitièmement, une entente de croissance du budget et des mesures actives proportionnelle au nombre de personnes engagées dans des parcours et aller bien impliquer là-dedans la fiscalité, le secteur privé et le secteur financier. Neuvièmement, mettre en place un dispositif responsabilisant les secteurs marchands, financiers ainsi que la fiscalité du nombre de personnes devant avoir recours à l'aide sociale. C'est ce qu'on appelle depuis toujours «l'enveloppe ouverte», et on aimerait bien discuter avec vous, dans le temps de la discussion, de la figure 9 qui démontre que, si on ne responsabilise pas le secteur du marché du travail et le secteur financier, ils vont refiler au gouvernement le problème de la survie des Québécois et des Québécoises, et ce n'est pas ça qu'on veut.

Notre dernière section, c'est: Pensez-y! J'ai presque terminé. Dans le livre vert, on refuse de penser que l'exclusion est inévitable dans notre système social et économique et que la situation est irréversible. On ne peut pas être plus d'accord avec vous que ça. On est d'accord, nous aussi; seulement, on ne va pas se fier seulement à ce qui est dit, mais à ce qui est fait. On propose donc une attitude qui motive toute notre action, cette année: Faisons-le, et ça se fera. Il y a plus de gens qu'on croirait, au Québec – et, on peut vous le dire, ça fait des centaines et des milliers de personnes qu'on rencontre depuis quelques mois – qui hésitent entre la loi du marché et la fierté d'une plus grande humanité. Le Québec a toujours eu une approche différente sur les questions sociales; pourquoi on ne la maintiendrait pas, hein?

La ministre a parlé à quelques reprises, pendant les auditions, de verres à demi pleins et à demi vides. On a senti et dit exactement la même chose, cette année. Comme société, on hésite entre le néolibéralisme et la solidarité. L'État, lui, semble démissionner en optant pour la politique du vide pour réparer un trou, alors qu'on le voudrait fier, maître chez lui économiquement comme politiquement et capable de prendre ses responsabilités au nom d'une plus grande plénitude à laquelle on aspire. La ministre a indiqué plusieurs fois qu'elle attendait une attitude constructive de la part de gens qui se présenteraient devant la commission. C'est ce qu'on a décidé d'adopter comme attitude, aujourd'hui. Vous allez convenir avec nous qu'on a fait un effort pour mettre sur la table aujourd'hui des idées qui soient constructives, substantielles et clairement exprimées, à la fois au plan théorique... Et là je vais me permettre une image. Quand le gilet est trop serré, on n'est pas capable de le mettre. Peut-être qu'il faut agrandir le gilet si on veut que tout le monde puisse le mettre.

Alors donc, ça, c'est un effort sur le plan théorique parce qu'il faut s'entendre sur l'horizon puis, au plan pratique, parce qu'il faut faire le premier pas à partir de la réalité telle qu'elle est. Ça n'évacue pas la question de la commune responsabilité – les Québécois et les Québécoises sont 7 300 000 personnes, on doit être communément responsables du système qu'on se donne – ça la pose autrement. On croit qu'une approche comme ça peut susciter l'adhésion parce qu'elle fait du sens; seulement, ça exige d'avoir le courage de faire face aux inégalités et à ce qui les cause.

Nous aussi, on refuse l'exclusion. Si on nous y conduit davantage, on va être dans la rue. On va aller dans la rue avec les fous et les doux puis on va continuer de résister à l'échelle sociale qui nous divise puis qui nous met dans le trou. Mais on va chercher aussi des chemins nouveaux, puis, croyez-nous, nous, on a essayé. Ce n'est pas évident de réussir à faire des rencontres où les personnes assistées sociales, les agents d'aide sociale, les partenaires du milieu puis la direction régionale sont dans la même salle, puis on réussit à faire un communiqué de presse au bout. Alors, ça, c'est parce qu'on y croit, puis notamment on croit au dialogue de part et d'autre du guichet parce que, au fond d'elle-même, chaque personne aspire à un supplément d'âme. Et maintenant, vous qui dites aussi refuser l'exclusion, allez-vous savoir faire de la place à la place? C'était le titre de notre mémoire. Saurez-vous aménager le projet de réforme de la sécurité du revenu que vous voudriez pour vous-mêmes si vous tombiez dans le trou et animer la société pour qu'elle ouvre son pacte social et fiscal en conséquence?

Alors, les gens de notre groupe, quand on a fait ça, la semaine dernière, puis qu'on a réussi à faire l'exercice avec des gens qui avaient toutes sortes de niveau de scolarité, ils ont dit une chose. J'avais proposé un autre texte pour terminer. Ils ont dit: Non, non, écris ça, ici. Il faut vous dire maintenant, en terminant: Pensez-y, il y a de quoi de bon là-dedans! Puis, en termes populaires, ça voulait dire: Pensez-y, c'est un bon deal.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Houle et les personnes du Carrefour, Mme Labrie, Mme Plamondon et M. Mongeau. Bienvenue. Bon, j'ai vérifié personnellement mardi soir, à la réunion de la direction du ministère de la Sécurité du revenu, la question de la part sociale et je dois vous dire que, depuis mars, la part sociale n'est plus considérée comme de l'avoir liquide. C'est une bonne nouvelle, n'est-ce pas? Il me semble que ça mérite d'être répété, hein, d'autant plus que c'était aberrant et que c'était comme ça, paraît-il, depuis huit ans. Alors, ça faisait partie des directives associées à la loi 37.

D'autre part, c'est intéressant, il y a un effort, effectivement. En même temps, il y a un absent, un gros absent là-dedans. L'absent, c'est finalement la réalité financière des coupures fédérales de 1 200 000 000 $ cette année qui commence. Pour le gouvernement, l'année financière, c'est le 1er avril. Alors, c'est 1 200 000 000 $ de moins à l'aide sociale, à la santé, à l'éducation. Ajoutés à la coupure de l'an passé, là, c'est 1 800 000 000 $ en deux ans. Premier os.

Le deuxième os, ce sont les resserrements d'éligibilité à l'assurance-emploi, ce qui signifie qu'on aura eu, selon le professeur Fortin, que vous avez bien connu, Mme Labrie, 30 000 ménages de plus à l'aide sociale à cause des resserrements d'éligibilité à l'assurance-chômage. Cette année, on aurait pu penser, avec une croissance économique qui est modeste mais qui est constante, en avoir 9 200 de moins, et pourtant le nombre de ménages diminue plus légèrement qu'il devrait, qu'il aurait dû, et les chômeurs se retrouvent à l'aide sociale. J'ai fait tout vérifier, et, voyez, c'est 44 % maintenant des chômeurs au Québec qui sont des prestataires d'assurance-emploi. Il y a à peine six ans, c'était 95 %. Il y en a la moitié moins, de chômeurs, à cause des resserrements. Ils sont où, ces chômeurs-là? Ils sont sur le budget du gouvernement du Québec qui est plafonné au niveau de 1994, n'est-ce pas? Donc, tous les nouveaux arrivants, à 100 %, sont financés par Québec seulement. Ça donne quoi comme réalité? Ça donne ceci qui peut sembler un grand paradoxe: c'est que le budget de l'aide sociale, il n'a pas baissé. Je regardais en comparaison, là. Le budget qui va commencer cette année, il a 25 000 000 $ de plus qu'en 1994. Bien, le monde va dire: Ça n'a pas de bon sens, on a été coupés! Et, malgré qu'ils aient été coupés, c'est à cause de l'augmentation du ménage, parce que le budget, il est de 4 235 000 000 $. Alors, ça, c'est le deuxième os.

Le troisième os, c'est que les taux d'intérêt, les revenus personnels de taux d'intérêts, ce dont vous parlez, là, ça, ça relève, entre autres, de la Banque du Canada, puis on n'a pas un mot à dire. J'ai beau être élue par la population, on a beau être dans un gouvernement, on est une moitié de gouvernement. Et, quand celui qui habite au troisième étage décide de nous verser sur la tête son déficit, eh bien, il faut mettre une écuelle pour recueillir ce qu'il nous verse, parce qu'on le reçoit.

Sur les taux d'intérêt je vous rappelle qu'il y a là finalement un système qui a énormément contribué à augmenter le chômage dans notre société. On a eu des taux d'intérêt artificiellement élevés. Les taux ont baissé, mais, en comparaison avec ceux des États-Unis, c'est évident qu'il y a un système mondial aussi, là. Où est-ce que les prêteurs ou ceux qui en ont, de l'argent... S'ils ne font pas des revenus personnels ici, ils vont aller les déposer ailleurs, et il n'y a pas moyen de les retenir de force. Même les régimes qui un jour ont pensé qu'ils pouvaient le faire y ont renoncé, puis ce qui leur arrive, c'est pire que ce qui nous est arrivés parce que, entre-temps, ils sont passés à du capitalisme sauvage, comme on le voit dans des pays qui pensaient faire des contrôles, avant.

(11 h 30)

Alors, comment on la distribue, la richesse? Bon, vous nous dites, par exemple, que vous appuyez une recommandation du front commun, d'un revenu social garanti de l'ordre de 15 000 $ pour une personne seule. Moi, j'ai fait analyser... Je l'ai remis d'ailleurs à des groupes qui sont venus. Malheureusement, je n'en ai pas copie ce matin, mais je pourrais vous le faire parvenir. Je vais vous garantir que je vous fais parvenir l'analyse que j'ai faite du revenu minimum garanti. Je ne l'ai pas faite moi-même, je l'ai fait faire, en fait, par le ministère en me disant: Bon, qu'est-ce que ça donnerait? Je vais vous dire, là, ce n'est pas 15 000 $, hein? Par individu de plus de 18 ans, c'est le barème d'aide sociale uniquement, APTE, appliqué à la grandeur en enlevant tous les crédits d'impôt, comme un revenu minimum garanti universel, mais on enlève tous les crédits d'impôt personnels, là, fédéral, provincial. Savez-vous combien ça coûte? 19 000 000 000 $. Si je vous dis que tous les impôts payés par les particuliers, les contribuables, ça rapporte 12 000 000 000 $, avez-vous idée qu'on est loin du 15 000 $? 15 000 $, on n'est même plus dans le 19 000 000 000 $, on est rendus dans je ne sais pas combien parce que le revenu minimum garanti appliqué en disant: Tous les citoyens ont droit à un revenu de citoyenneté puis ils n'ont plus la déduction fiscale, ça coûte ça, 19 000 000 000 $.

Si on dit: Bon, commençons par ce que vous proposez, la reconnaissance de la couverture des besoins essentiels de toutes les catégories, pas juste Soutien financier mais APTE, je l'ai fait aussi calculer: 726 000 000 $. Et, comme vous savez, il y a d'autres choses aussi qui devraient s'ajouter: l'avoir liquide, le test d'actifs, la coupure pour le partage du logement. Au minimum, on est à plus que 1 000 000 000 $ de plus que le 4 200 000 000 $. Alors, on voit qu'il y a un os là-dedans. Vous comprenez? Comment faire autrement?

Moi, j'ai fait venir tous les documents qu'il y a eu de rencontres cet automne – c'est récent, là, c'est au mois de novembre – en Europe, n'est-ce pas, des pays qui se rencontraient sur le thème Comment créer de l'emploi . Je dois vous dire que, dans ces pays qui sont ceux, disons, les plus démocratiquement avancés dans le monde, finalement ils tiraient trois conclusions. La première, c'est qu'il fallait absolument cesser d'investir dans le chômage, et c'était mieux d'investir en supplémentant le revenu de travail, c'était mieux d'investir... Vous n'aimez pas l'appellation «mesures actives», mais c'était mieux d'investir là-dedans et c'était ça, leur première conclusion. La deuxième, c'était celle d'introduire beaucoup plus de développement local et la troisième, ils appelaient ça des entreprises de proximité, ce qu'on appelle «l'économie sociale». Et, sans que d'aucune façon j'aie lu avant que le livre vert soit publié, en fait, c'est 25 pays qui sont les plus démocratiquement évolués dans l'univers qui en arrivaient à des pistes de solution comme celles qui sont proposées. Alors, s'il y en avait, des recettes magiques, je vous jure, ça fait longtemps qu'elles seraient appliquées. On l'aurait su, hein? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Labrie (Vivian): Est-ce qu'on peut répondre?

Mme Harel: Bien sûr!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui, allez-y.

Mme Labrie (Vivian): Hein? O.K. Alors, premièrement, c'est un grand plaisir de savoir que la part sociale n'est plus calculée dans le calcul des liquidités, et je pense qu'on devra peut-être être heureux d'avoir insisté depuis plusieurs mois sur cette question, parce que ça nous démontre que parfois, quand on pose les questions, on peut arriver à une solution. Alors, je pense qu'on sera très contents d'informer les gens du CAPMO de ça. Ça fait plusieurs mois qu'on en parle.

Maintenant, je vais prendre dans l'ordre, puis, s'il y a des gens dans le groupe qui veulent ajouter, hein, on continue. Au niveau des trois os, là, des trois premiers os, les coupures fédérales, on est très conscients de ça, et la façon dont on a voulu poser le problème aujourd'hui, c'est de se dire: Il y a bien des niveaux de gouvernement, mais il y a un seul portefeuille dans la poche des citoyens. Et le travail qu'on a fait sur le plan statistique intégrait tout ça, d'une certaine manière. La réflexion qu'on se fait, c'est qu'il faut faire un appel différent à la société. Je pourrais le résumer de la manière suivante: c'est qu'on a un État qui gère un déficit en héritant des irritants, mais pourquoi on n'aurait pas éventuellement un État animateur? Et pourquoi faut-il toujours se soumettre à ce que les autres nous imposent? Ça, c'est une question que, nous autres, on se pose. Et puis, si tout le monde est impuissant, y compris nos dirigeants... Et puis là, dans le fond, si on est impuissants devant les marchés internationaux et qu'on est impuissants devant tout, aussi bien s'asseoir et ne plus rien faire et démissionner de la citoyenneté.

On pense qu'il y a moyen de procéder autrement, et l'exemple qu'on se donne dans notre action quotidienne, c'est qu'un groupe de personnes obstinées qui restent obstinées un petit bout de temps réussissent à ramasser d'autres obstinés autour d'eux autres, puis on pense qu'au Québec, en ce moment, il y a la possibilité de lever une opinion différente, une opinion qui serait prête à faire l'expérience d'une solidarité. Elle doit être progressive, c'est bien évident. Et, peu importe le système politique dans lequel on est, c'est sûr que c'est une aberration pour les gens aussi de ne pas être capables de faire le total de la partie du budget à laquelle ils contribuent sur le plan public. Alors, dans notre mémoire sur la fiscalité, l'automne dernier, on a insisté, l'exerce pédagogique devait impliquer que les Québécois sachent exactement, en intégrant les deux portions, fédérale et provinciale, comment ça fonctionnait. On ne fait pas beaucoup de pédagogie sur le plan des finances publiques avec les Québécois puis les Québécoises. Alors, sur la question des coupures, dans le fond, on repose la même question: Est-ce qu'on est bien conscient que les logiques sont les mêmes à ce niveau-là? Donc, on vous suit là-dedans dans le sens de dire: Oui, c'est vrai, il y a un problème là.

Deuxièmement, si vous regardez la figure 9 qui est à la page 8, on reconnaît aussi le problème de l'assurance-emploi, qui n'est pas un problème isolé. C'est tout le problème du néolibéralisme qui est posé, en ce moment. Dans le fond, il y a une pression épouvantable sur le marché de l'emploi par la technologie qui est accessible, les marchés extérieurs qui sont accessibles, la productivité. Les gouvernements donnent dedans aussi en coupant des emplois. Et puis, en réalité, vous avez bien beau parler que le gouvernement ne doit pas investir dans le chômage, mais qu'est-ce que fait le gouvernement, en ce moment? Il investit dans la coupure d'emplois. Il investit dans quoi? Il investit dans le chômage. On va investir, quoi, autour de 1 600 000 000 $, 800 000 000 $ prochainement pour éteindre des emplois. Qu'est-ce qu'on fait? On ne crée pas des emplois, en ce moment. Alors, on voit bien qu'on est pris dans un cercle vicieux, comme ça. Puis, la couverture du chômage qui est diminuée, on la reconnaît, elle est présente dans le schéma du bas. Les transferts fédéraux diminuent, on les reconnaît aussi, ils sont présents. La question qui se pose ensuite, c'est de se dire: Mais quand est-ce qu'on arrête?

Quand à la question des taux d'intérêt, c'est sûr qu'il y a quelque chose qui bouge là-dessus, mais notre fiscalité, on a un certain contrôle dessus. Qu'est-ce qu'on impose, qu'est-ce qu'on n'impose pas, où est-ce que M. Landry va aller chercher ses revenus, la semaine prochaine? Ces questions-là, ça se pose aussi. Quant à la question... on pense que quelque part on a pris des habitudes, au Québec, puis une habitude qu'on a prise, c'est de ne jamais demander à personne quand on coupe les revenus des plus pauvres – et la preuve, c'est que le 490 $ qui s'en vient, c'est encore une fois une coupure en bas de l'échelle – mais que jamais on ne demande l'équivalent aux gens les plus riches dans notre société. Si, à chaque fois qu'on avait besoin de régler le problème de trou dans les finances publiques qu'on a, on s'obligeait à faire la même cotisation à tout le monde et en proportion des revenus, on n'en aurait pas, de problème. Mais on a démissionné devant les gens qui ont plus de pouvoir et qui prennent plus de place, qui prennent leur place dans la société. Ça, c'est un problème qu'on a, on a pris l'habitude de ça et on est bien conscients que ce matin, dans le fond, on remet en question des habitudes importantes et profondes dans notre société. Mais on pense qu'il faut qu'il y ait des gens qui le fassent puis on constate qu'il y a des gens qui veulent bouger là-dessus.

Quant à la question du revenu minimum garanti, je suis très heureuse de vous entendre là-dessus parce que, en réalité... D'abord, on va rectifier une chose. Je pense que vous faites référence ici au schéma de la page 5, hein, à la figure 6. Ce qu'on a indiqué tout simplement, c'est un calcul statistique. On n'a pas placé une revendication, ici, on a dit: Si on prenait le revenu total de la population, après impôts et transferts, de 116 000 000 000 $ et qu'on le divisait per capita par les 7 300 000 personnes, ce qu'on obtient, c'est un ordre de grandeur – O.K., je m'excuse, je vais aller plus vite. Donc, à ce moment-là, ce n'était pas l'idée de dire: Il faut installer un revenu minimum garanti à cette hauteur-là tout de suite. On est bien conscients qu'il y a des pas à faire.

Ce qu'on dit, c'est qu'en même temps qu'on va créer de l'emploi il faut créer des instances qui vont réfléchir sur l'installation de pas qui vont dans cette direction-là de revenu de citoyenneté. On n'en établit pas la hauteur aujourd'hui, on dit: Il faut aller dans cette direction-là. Et, si vous parlez de supplément de revenu de travail, eh bien, je vais vous référer au rapport Bouchard, Labrie et Noël qui a présenté une formule que personne ne nous a demandé de discuter depuis le printemps, et c'est une formule de prestation ajustée au revenu de travail, justement. Alors, voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et j'aurai Mme la députée de La Prairie qui veut aussi échanger.

Mme Loiselle: Bonjour. Bienvenue à cette commission. Vous êtes le premier groupe qui nous présente une réforme, finalement. Vous dites: Écoutez, la réforme que vous proposez, on est contre, mais on vous propose une réforme qui pourrait créer de l'espoir aux gens. Mais, dans votre réforme – c'est parce que je n'ai pas eu le temps vraiment de toute l'analyser, c'est quand même assez complexe – vous dites: La ministre pourrait renoncer à ce supplément, le 120 $, le barème de participation, en retirant toute l'approche coercitive des pénalités. Mais, un peu plus loin, à votre point 5, moi, j'ai comme l'impression que vous remettez le supplément quand vous parlez de l'objectif clair, énoncé, de création d'une base initiale de nouveaux emplois. Là, vous parlez du supplément de 120 $, puis, un peu plus bas, vous dites: Il serait financé sur une base durable avec le budget alloué au supplément de 120 $. Je veux juste que vous m'éclairiez un peu.

Mme Labrie (Vivian): O.K. C'est très technique. Je vais essayer d'être courte pour qu'on puisse avoir un meilleur échange. Ce qu'on veut dire ici, c'est qu'il y a une prévision budgétaire pour le 120 $ en question. On dit: Prenez cette prévision budgétaire là, mais allouez-la en création d'emplois. C'est ça qu'on dit. Alors, tout simplement on dit: On pense que c'est préférable de s'en aller du côté de la création d'emplois, compte tenu qu'il est annoncé qu'il va y avoir le remboursement des frais de participation.

(11 h 40)

Mme Loiselle: Au moment où tout ça, ça se fait, il y a quand même le 120 $ qui couvre certains besoins essentiels de la personne, que cette personne-là n'aura pas dans ses poches.

Mme Labrie (Vivian): Absolument. Mais là je pense qu'il faut apprendre à faire la différence; enfin, je pense qu'il faudrait voir ce qu'on dit là-dessus. Mais il y a une différence et il y a une erreur quand on utilise les termes de mesures passives et de mesures actives, parce que ça les met au même niveau. Ce qu'il faut avoir dans notre société, c'est des prestations de sécurité du revenu qui couvrent les besoins essentiels et qu'on traite en tant que telles et pour elles-mêmes. Ce que ça prend par à-côté, c'est un système de mesures actives. Les mots sont corrects, c'est les mots «mesures passives» qui ne fonctionnent pas parce qu'ils sont péjoratifs et ils ne recouvrent pas l'idée de sécurité du revenu. C'est une forme de sécurité du revenu après l'assurance-emploi, l'aide sociale. C'est comme ça qu'il faut le comprendre.

Quant aux mesures actives, ce qu'on a avec ça, c'est beaucoup plus un investissement que fait un gouvernement pour faciliter l'intégration des personnes à l'emploi. Donc, à ce moment-là, c'est un budget qui est distinct. Il ne devrait pas servir à couvrir les besoins essentiels; les besoins essentiels devraient être couverts dans la sécurité du revenu. Les mesures actives devraient servir à rendre possible et à faire la transition entre le non-travail et l'accès à l'emploi, entre le non-travail et tout ce qui passe entre, c'est-à-dire l'insertion, l'orientation, la formation. C'est autre chose. Et ce qu'on bonifie là, on ne répond pas aux besoins essentiels, ce qu'on bonifie, c'est l'effort qui est fait par les personnes. C'est la partie qui devient un travail peu à peu dans un stage. C'est le temps dans la formation. Voilà.

Mme Loiselle: Alors, ce qui veut dire que le stage, tout ça, il y aurait une partie qui serait payée par où les personnes feraient un stage, où une personne ferait un emploi temporaire, où... J'essaie d'imager, là.

Mme Labrie (Vivian): O.K. On ne s'est pas impliqués du tout dans la partie de la formation, ici, parce que ce qu'on dit, c'est que c'est une question complexe qui demande à être discutée. Il y a toutes sortes de choses sur la table. Là, ce dont on parle, à l'objectif clair annoncé, c'est d'emplois. On ne parle pas de formation, à cet endroit-là; ce dont on parle, c'est de dire: Donnez-nous plutôt un objectif de création d'un nombre d'emplois qui va faire l'affaire de tout le monde, puis on va aller là-dedans. C'est un peu ça. Je dirai, en passant, que c'est probablement une proposition qu'on vous dépose et qui mériterait d'être vérifiée avec d'autres. On pense qu'il y a possiblement une base d'adhésion possible sur une proposition comme celle-là.

Mme Loiselle: O.K. J'aimerais vous entendre sur l'allocation d'invalidité, le transfert à la Régie des rentes du Québec. Je ne me souviens pas si vous en avez parlé dans votre mémoire, mais il y a des groupes qui sont venus nous dire... Parce que vous parlez beaucoup d'exclusion, surtout à la fin, dans votre conclusion; vous parlez du trou. Il y a des gens qui sont venus nous dire... Avec ce transfert-là, même si les gens ont le choix, même s'ils peuvent revenir sur leur décision, pour eux, ils ne voient aucun avantage. Ça leur fait peur. Ils disent que ça va accentuer leur exclusion. Il y a même des gens qui sont venus nous dire: C'est comme nous offrir un parcours vers l'invalidité. Puis il y a même un monsieur en témoignage qui nous a dit: C'est de m'offrir la voie de la mort sociale, finalement. Puis la COPHAN nous a dit: On veut un moratoire sur ça. Alors, j'aimerais peut-être entendre votre position sur le transfert.

Mme Labrie (Vivian): Écoutez, ce n'est pas un sujet sur lequel on a fait porter tous nos efforts dans le mémoire. On était assez d'accord avec l'analyse qui a été faite par les gens de la Coalition Droit, par exemple. On pense que les groupes experts, comme le mouvement Personne d'abord, les gens qui se sont exprimés, qui ont cette expertise-là, vous ont donné certainement la meilleure expertise possible là-dessus. On peut vous donner un point de vue, mais on n'ira pas plus loin que ça. Moi, je vais juste vous dire une chose: c'est que c'est toujours embêtant, dans un système, d'avoir un choix où les cases sont exactement les mêmes, parce qu'on a toujours peur que dans quelques années on ait oublié les cases en question.

Je vais vous ramener, pour ça, si vous voulez bien – ça serait une façon d'y répondre dans le cadre de ce qu'on fait, puis peut-être qu'Annie peut rajouter quelque chose – à la figure 5, page 4. On a la mémoire courte. C'est ça, le problème. Peut-être que l'inquiétude qu'on peut avoir, c'est que, si on donne le choix aux gens maintenant, dans quelques années, est-ce qu'on aura encore la mémoire de l'équité ou de la base égale qui existait au moment où le choix a été donné?

Si on regarde ce schéma-là, avant la loi 37, le barème adulte était équivalent au barème disponible, si on parle des dollars constants, et tout ça; tout le monde convient de ça. Dans la loi 37, ce barème disponible là, comme par hasard, a été éliminé par la loi n° 115. Voyez-vous, la base d'équité qui existait pour instaurer ce qu'on calculait qui était le barème de base au moment de la loi 37, parce que le barème non-participant est une pénalité, il est oublié après quelques années. Alors, ce qui est à craindre, c'est que, si on instaure un système comme celui-là... Il faut donner les garanties. Mais peut-être qu'Annie veut rajouter quelque chose.

Mme Plamondon (Annie): Bien, non, moi, ce n'était pas à ce niveau-là.

Mme Labrie (Vivian): O.K.

Mme Plamondon (Annie): Je ne sais pas si je peux...

Mme Labrie (Vivian): Vas-y. Mais oui!

Mme Plamondon (Annie): Moi, ce que j'aurais aimé, c'est d'entendre... Bon, d'abord, c'est parce que, moi, j'ai travaillé pendant plusieurs années avec des femmes sans emploi qui ont essayé puis qui continuent d'essayer continuellement de s'insérer sur le marché du travail. Moi, quand je vais aux rencontres du CAPMO puis qu'on parle du projet de réforme d'aide sociale... Quand j'ai lu le document sur le livre vert, j'ai trouvé qu'il y avait des éléments qui étaient très intéressants, mais je suis toujours questionnée. Puis, à chaque fois qu'on rencontre des groupes puis qu'on discute ensemble du livre vert, de la proposition de réforme, ce qui revient continuellement, c'est comme une question, là, tu sais, qui nous tourne dans la tête tout le temps: C'est un parcours vers quoi?

Moi, j'aimerais ça vous entendre sur ça. Comment vous envisagez insérer du monde dans des parcours quand, au bout du compte, il n'y en a pas, d'emploi? Puis, je le sais, je suis probablement la millionième personne à vous poser cette question-là en commission. Mais je trouve qu'elle est essentielle parce que, quand on rencontre les personnes qui continuellement se pètent le nez sur des échecs puis qui en viennent à une estime d'elles-mêmes qui est complètement à terre, à un moment donné, c'est comme si on entendait des cris de détresse. On nous oblige à faire des choses qui... On n'est pas capables. On n'est pas capables parce que ça ne débloque nulle part. Puis on nous dit tout le temps que c'est parce que c'est de notre faute si on ne débloque pas. Mais on essaie, on essaie puis ça ne marche pas. Moi, j'aimerais assez ça vous entendre sur ça, nous dire comment, vous, vous considérez que ces gens-là vont pouvoir, à un moment donné, en sortir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous permettez, Mme la députée?

Mme Loiselle: Bien, si la ministre veut répondre, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, est-ce que vous voulez répondre?

Mme Harel: Bien, je vous remercie de me poser la question. Écoutez, je pense qu'il y a des éléments qui sont comme mis en place, présentement. Je vais vous donner quatre, cinq exemples. D'abord, les carrefours jeunesse-emploi. Vous voyez, pour les carrefours, il y aura 15 000 000 $, cette année, dans une période quand même d'assainissement des finances publiques, 15 000 000 $ pour compléter le réseau des carrefours et pour s'assurer que les carrefours vont devenir des lieux d'accueil des jeunes, là, indépendamment de leur étiquette, hein? Un carrefour, ça s'adresse à tout jeune, et l'idée, c'est de faire faire une démarche de vie aux jeunes.

Vous voyez, hier soir je prenais connaissance d'une entente qui vient d'être signée entre tous les CLSC de la région des Laurentides et les centres Travail-Québec encadrés par la régie régionale, où dorénavant il y aura des parcours psychosociaux. Ils évaluent qu'environ 400 personnes vont avoir besoin de cet accompagnement que les CLSC dorénavant vont offrir, parce que ça en fait partie aussi, du parcours. Vous avez ensuite le fonds de 250 000 000 $, le 250 000 000 $ du Fonds de lutte – la loi est prête, vous savez qu'elle a été déposée – le Fonds de lutte pour la réinsertion au travail. Alors, c'est un fonds avec un comité aviseur assez représentatif des milieux communautaires, notamment, et ce fonds va servir exclusivement à de la réinsertion au travail.

Ensuite, vous avez un document qui est prêt, qui va permettre des contrats d'insertion avec les entreprises d'insertion. Il va y avoir une reconnaissance des entreprises d'insertion. Vous savez, les entreprises d'insertion, on évalue qu'à 75 % les personnes qui passent par les entreprises d'insertion réussissent leur parcours. Il y avait un très bel article d'ailleurs dans, je pense, la revue L'actualité , le mois passé. Vous avez aussi une loi que je vais déposer sur le régime d'apprentissage et qui va vraiment donner son envol à ce nouveau régime qui va permettre de cesser la production d'exclus. Vous savez que c'est les 18-24 ans qui sont sur l'aide sociale, qui ne travaillent pas, qui n'ont pas d'enfant, qui n'ont pas de handicap, qui n'étudient pas; 70 % sont des décrocheurs scolaires et 60 %, un peu plus, sont des garçons. Ça correspond, en fait, au décrochage. Vous allez avoir aussi une autre loi sur la retraite progressive qui va permettre, on me dit, à environ 38 000 personnes qui ont entre 50 et 65 ans, dans le secteur privé, qui souhaiteraient non pas être totalement rentières mais qui souhaiteraient aussi pouvoir partager le travail... Ça va faciliter les choses, beaucoup, beaucoup, beaucoup, ça va tout assouplir ce qui est interdit présentement.

(11 h 50)

Il faut faire attention avec les emplois libérés dans le secteur public. Effectivement, c'est les surplus des caisses de retraite, mais les surplus des surplus, hein? C'est des surplus actuariels accumulés et ce ne sont pas des gens qui s'en vont sur le chômage, c'est des gens qui s'en vont à la retraite. Dans leur caisse de retraite contributoire, ça leur coûte 800 000 000 $, mais en même temps ça va dégager, parce qu'il y a une pression qui est quand même lourde sur les contribuables, sur les entreprises aussi, une pression qui est lourde, vous savez, quand les déficits s'accumulent... Cette pression est très, très, très, très lourde.

Vous avez dû entendre parler – on vit dans la même société – du Nouveau-Brunswick. L'idée, ce n'est pas de s'en inspirer, mais l'idée, à un moment donné, c'est d'arrêter ce courant qui veut que c'est bien mieux au Nouveau-Brunswick parce que finalement ça coûte moins cher de taxes et d'impôts. On ne peut pas vivre en vase clos; on ne peut pas. On voudrait pouvoir s'arrêter en disant: Aïe! c'est affolant, ça va trop vite! Un instant! On veut prendre le temps d'y repenser. On doit être dans la même situation qu'il y a 100 ans, quand tout a changé, puis que les gens des campagnes sont arrivés dans les villes puis qu'ils ont été dans les industries puis dans les usines du jour au lendemain. Mais, en même temps, de dire qu'on arrêterait puis qu'on laisserait passer le train, dans une génération ou deux, on ne serait plus capable de rien rattraper.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Ah, elle n'avait pas terminé? Excusez, je regardais...

Mme Loiselle: Non. Je vais laisser répondre Mme Labrie, oui.

Mme Labrie (Vivian): Ah! c'est très gentil, merci beaucoup.

Mme Harel: Je vais terminer en vous disant: Surtout, n'oubliez pas les obstacles que ça pose présentement, l'éparpillement des mesures d'emploi, 110 mesures d'emploi, un cloisonnement selon l'étiquette que vous portez, trois réseaux. Imaginez-vous une population de 7 000 000, 248 points de services, un réseau centres Travail-Québec, un réseau SQDM, un réseau centres d'emploi. Tout ça, c'est des facteurs qui créent des obstacles à la réorganisation des services publics, à l'accompagnement des personnes et au développement des emplois.

La Présidente (Mme Leduc): Bon, alors est-ce que... Oui, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je donne la parole à Mme Labrie.

La Présidente (Mme Leduc): Bon. D'accord.

Mme Labrie (Vivian): Merci beaucoup, c'est gentil.

Mme Loiselle: C'est Mme la ministre que... Je voulais un peu récupérer de mon temps.

Mme Labrie (Vivian): On ne vit pas en vase clos, c'est certain. Maintenant, si on acceptait toujours les contraintes de l'environnement, on ne changerait jamais rien. L'exemple qu'on pourrait vous donner, c'est ce qu'on a vécu justement – je veux revenir un petit peu là-dessus – dans notre milieu avec des personnes assistées sociales puis des agents d'aide sociale, l'automne dernier, dans le cadre du Jeûne à relais, le 25 octobre dernier, puis plus récemment avec les gens du milieu, le 5 mars. Vous allez convenir avec nous que le vase plus large dans lequel on est perpétue énormément de peurs. Tout le monde a peur les uns des autres. Les personnes assistées sociales ont peur de leurs agents, les agents ont peur des personnes assistées sociales, les cadres ont peur de ce que les gens vont pouvoir dire, puis, au total, finalement on se retrouve qu'on a beaucoup de mauvaises communications.

Il y a peut-être deux gros leviers sur lesquels on peut travailler. Il y a toute la question de l'évolution de notre coresponsabilité sur le plan financier. Je pense qu'on va vous accorder que ça prend des années pour y arriver, mais on peut accepter d'avoir un projet de société différent. Sans ça, devenons un seul grand pays à la grandeur de la planète puis on oubliera ça. Tu sais, à quelque part, on a le droit d'être qui on est, hein, et de définir une identité selon nos valeurs. Alors, sur le plan de l'argent et sur le plan de la communication, la journée qu'on pense comme ça, on fait un effort pour changer des choses et on se heurte à des portes fermées, puis on les ouvre peu à peu. C'est comme ça, je pense, qu'on a appris à le faire. Et, si on s'était arrêtés à la tendance du milieu, on n'aurait jamais pu faire se rencontrer des agents et des personnes assistées sociales dans le fond d'une église, l'automne dernier. Mais ce qui est arrivé, la journée que ces gens-là se sont rencontrés, c'est qu'ils ont réalisé qu'ils avaient tellement en commun qu'il étaient capables d'émettre un communiqué de presse ensemble.

Dernièrement, on a fait le même exercice. C'était un petit peu osé, c'était un petit peu difficile, puis on a eu beaucoup de collaboration. Le ministère a accepté, entre autres, d'envoyer quelqu'un pour présenter le projet de réforme, et, le soir, les trois groupes qui étaient là, donc l'ADDSQM, le SFPQ et le CREECQ, on s'est retrouvés unanimes. Sur quels points? Appauvrissement zéro du cinquième le plus pauvre – je vais référence à la page 3 – de la population, couverture des besoins essentiels, non aux pénalités. De part et d'autre du guichet, les gens disaient la même chose: Oui à l'intégration des services de main-d'oeuvre, à du personnel d'accompagnement en nombre suffisant et suffisamment formé, à un effort réel de création d'emplois, à des mécanismes locaux décisionnels avec du recours et du financement pour la représentation des personnes assistées sociales, à des agents d'aide sociale, à des gens qui représentent. Les agents d'aide sociale disent: Oui, on veut un meilleur financement pour les personnes assistées sociales. Vous allez dire: C'est du vase clos. Plus maintenant. Je pense que là on est sortis de notre vase clos avec ça. Reconnaissance de la crise de l'emploi et de la distribution de la richesse, pacte social et fiscal qui mette à contribution toute l'échelle sociale dans un système de sécurité du revenu comme du monde. Les trois groupes, on a émis un communiqué de presse commun sur ça.

Quand la réforme va arriver, ces trois groupes-là, on va être là ensemble. La réforme, il faut la faire avec le milieu, vous le dites, mais le milieu, il a une opinion aussi. Quelque part, on a essayé de défaire un peu – ce n'est pas facile, puis on ne réussira pas toujours – des cloisonnements qu'il y avait entre les gens, puis on se rend compte que, quand on ose ça, on a des surprises. Bien, peut-être qu'au Québec on pourra avoir des surprises. Hein, si on n'avait jamais osé ça, il n'y aurait jamais eu de syndicat, les femmes n'auraient jamais voté.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, Mme Labrie. Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Pour continuer sur les conseillers en emploi, à date, la plupart des gens qui sont venus nous voir nous ont dit qu'actuellement ce qui se vit sur le terrain, c'est qu'il y a un mur entre le prestataire et l'agent dans les CTQ, que c'est plus une culture de contrôle qui a été développée au cours des ans par les agents de CTQ qu'une culture d'entraide et de vouloir aider les gens parce qu'ils n'ont pas le temps – un, ils sont surchargés, deux, ils ne font pas beaucoup de développement en employabilité – qu'il y a beaucoup de rigidité, d'incompréhension, qu'il n'y a pas vraiment de lien, disons, chaleureux qui s'est créé, puis là vous nous dites puis les gens nous disent: Bien, finalement... Parce que, là, on leur dit: Bon, bien, avec la réforme, il va y a voir le conseiller en emploi puis il va y avoir aussi le conseiller d'aide financière. Mais c'est quand même le conseiller en emploi qui va être celui qui va aviser de la pénalité.

Moi, je vous entends... Parce que, là, l'expérience que vous avez vécue et dont vous nous parlez, j'imagine que c'est avec quelques personnes du personnel du CTQ de Québec. Puis là vous avez vu que, finalement, en se parlant, ils ont découvert qu'ils avaient peut-être plus d'affinités ensemble que ce qui se vivait quand ils étaient dans les CTQ. Qu'est-ce qu'on devrait faire si on va de l'avant avec la réforme telle que proposée? Les conseillers en emploi, est-ce qu'il faut qu'ils soient formés davantage? Parce qu'il faut changer la culture pour créer le lien d'entraide et de soutien.

Mme Labrie (Vivian): C'est ce qu'on a appelé «la mission citoyenneté». Il faut absolument, dans notre société, apprendre à se parler à travers l'échelle sociale. D'ailleurs, on découvre qu'il y a beaucoup de personnes qui font partie du personnel de l'aide sociale, qui vivent des difficultés importantes, d'abord parce qu'elles sont occasionnelles, que c'était un deuxième salaire et c'est devenu un premier salaire. Les gens vivent l'appauvrissement de part et d'autre du guichet, en ce moment. Ça, c'est assez impressionnant, les gens le remarquent. Ils ont des gens dans leur famille qui vivent de l'aide sociale. Il y a même des agents qui ont été sur l'aide sociale. Donc, il y a une base sociale et sociologique pour qu'il y ait un meilleur dialogue.

Ce qu'on pense que le ministère doit faire dans un cas comme ça, c'est effectivement aller chercher l'expertise des groupes de défense de droits des personnes assistées sociales pour pouvoir aider les agents à comprendre ce que vivent les gens d'un bord puis de l'autre puis qu'on ait des expériences de dialogue, des expériences de communication. On est formés à des techniques d'éducation populaire, on réussit des choses dans nos milieux, on travaille avec les gens. Ça «serait-u» possible éventuellement de contribuer à la formation des agents d'aide sociale? Ça «serait-u» possible au moins d'essayer de diminuer la pression? Évidemment, il y a des conditions à ça. Les conditions qu'il y a, c'est que le système soit vivable. Faut que vous réussissiez à obtenir la collaboration du milieu, puis c'est sûr que, si la loi est impossible, vous ne l'aurez pas, la collaboration. Mais, dans la mesure où il y a un effort, dans la mesure où on commence à transformer les choses dans l'autre direction, vous allez trouver des aides de la part des gens. On travaille en milieu populaire. Notre boulot, c'est de l'éducation populaire. Si on est capables de travailler avec les gens de notre milieu, on doit être capables de travailler avec des agents aussi.

Pour la question de l'alphabétisation, c'est la même chose, il y a un regroupement de groupes populaires en alphabétisation, au Québec. Vous pouvez être assurée qu'une grande partie des personnes assistées sociales ont de la misère à lire et à écrire. Si vous leur présentez un règlement écrit, si vous leur demandez d'appeler pour prendre un rendez-vous puis que la seule façon pour eux autres d'être à l'aise, c'est en personne au bureau... Il y a des questions de cultures différentes. Les gens arrivent une demi-heure plus tôt quand ils ont un rendez-vous. Ils veulent être là. Il y a toutes sortes de choses comme ça qui se passent. Il faut apprendre à connaître la culture des gens. Mais demandez-nous-le, puis on va vous le dire, on va l'explorer ensemble avec vous autres. On est là, on a une expertise. L'expertise au bas de l'échelle sociale, elle est réelle, elle existe et c'est parce que souvent on n'y recourt pas qu'on a un système avec des trous ensuite.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, brièvement, Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: Oui, très brièvement. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Leduc): Très brièvement, oui, de part et d'autre. Ha, ha, ha!

Mme Simard: Oui, de part et d'autre. Ha, ha, ha! Écoutez, moi, je voulais vous remercier beaucoup pour la présentation de votre mémoire. On voit qu'il y a une recherche. C'est une présentation très, très originale, là, par des... Vraiment. Mais je voulais juste vous souligner une chose. Je partage votre préoccupation sur le volume d'emplois. Vous parlez de création d'emplois. Je pense qu'il n'y a personne ici, autour de cette table, même des deux côtés, qui nie ce problème-là, que le coeur du problème est là et qu'il y a des conséquences. Vous avez dit: Regardez donc les causes et non pas les conséquences. Bon. Juste vous dire quand même que, dans le secteur public, s'il y a une entente, il y a des gens qui vont partir à la retraite, puis, vous savez, l'excédent des 15 000, s'il y a des départs, sera remplacé, donc ça fera des possibilités d'emploi pour des gens qui actuellement sont soit occasionnels, précaires ou encore qui n'ont pas d'emploi. Alors, ça ne sera jamais en nombre assez suffisant, mais au moins ça. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Est-ce qu'il y a un commentaire? Madame, oui. Mme Annie, mais je ne me souviens pas de son nom.

(12 heures)

Mme Plamondon (Annie): C'est juste pour finir.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Plamondon.

Mme Plamondon (Annie): Bien, je ne sais pas comment vous réagissez à la proposition qui a été faite par rapport aux 120 $. Moi, en tout cas, je trouvais ça intéressant comme alternative puis je me demande si... Est-ce que vous avez l'intention de regarder ça de plus près? «C'est-u» quelque chose qui pourrait être une éventuelle piste par rapport à la création d'emplois?

La Présidente (Mme Leduc): Très brièvement.

Mme Harel: Vous êtes le 82e groupe qui vient nous voir, aujourd'hui; vous êtes le premier qui nous parle dans cette direction-là. À l'inverse, il a dû y en avoir 60 qui nous ont dit: À tout prix, maintenez le barème de participation de 120 $, et pas juste comme une allocation, comme un barème. Alors, vous voyez que vous avez encore à prêcher beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup parce que c'est vraiment un point de vue totalement contraire qu'on a systématiquement présenté devant la commission.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie. La commission est suspendue jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 45)

La Présidente (Mme Leduc): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission va reprendre ses travaux. Nous recevons le Comité d'éducation aux adultes de la Petite Bourgogne et de Saint-Henri. M. Richard Latendresse va nous présenter ses invités. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Ensuite, il y a des échanges, en temps égal, avec la partie ministérielle et l'opposition. Bonjour, M. Latendresse.


Comité d'éducation aux adultes de la Petite Bourgogne et de Saint-Henri inc. (CEDA)

M. Latendresse (Richard): Bonjour. Avant de commencer, je voulais dire, pour la secrétaire de la commission, que Nicole Girardot ne sera pas là et va être remplacée par Jean-Marc Grenier. Pour la présentation, c'est Stéphane Guillemette qui va présenter les gens, les représentants du CEDA. Après ça, je vais reprendre la parole pour présenter l'ensemble de notre présentation.

La Présidente (Mme Leduc): M. Guillemette.

M. Guillemette (Stéphane): Bonjour. Stéphane Guillemette, participant pendant deux ans; Jean-Marc Grenier, participant pendant un an; Julie Parent, participante pendant un an; Denise Audet, depuis trois ans; Richard Latendresse, depuis neuf ans; et six autres personnes et bénévoles dans la salle.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. M. Latendresse.

M. Latendresse (Richard): Pour la présentation, en gros, je voulais dire qu'on est un centre d'éducation populaire. Il y a 300 membres au CEDA et l'alphabétisation est un secteur d'activité parmi tant d'autres, parmi plusieurs autres. Le mémoire qu'on présente a été travaillé avec les participants de nos groupes d'alphabétisation. Pour les trois qui sont là, c'est la première fois qu'ils parlent en public. On se prononce sur certaines choses, mais, s'il y a d'autres sujets sur lesquels on ne se prononce pas, ça ne veut pas dire qu'on est d'accord, ça ne veut pas dire qu'on est contre. Mais il y a certains points qui sont ressortis de façon majeure par les participants, et c'est ça qu'on a décidé d'aborder aujourd'hui.

Au niveau de la présentation, ce qu'on va faire, c'est qu'on va présenter le CEDA, quel genre d'organisme c'est. Après ça, on va présenter la démarche qu'on a faite avec les participants en atelier, et je vais présenter tel quel le plan général du mémoire. Ça va être ça en gros, et je reviendrai tantôt pour le reste.

Mme Audet (Denise): On va demander à Jean-Marc Grenier de nous dire un petit peu ce que c'est le CEDA.

M. Grenier (Jean-Marc): Bonjour. Le CEDA, c'est pour apprendre à lire et à écrire. Il y a 30 participants en alphabétisation. La majorité a travaillé, de l'aide sociale, au CEDA.

M. Latendresse (Richard): Il y a combien de membres au CEDA?

M. Grenier (Jean-Marc): Il y a 30 participants.

M. Latendresse (Richard): En alphabétisation?

M. Grenier (Jean-Marc): Oui.

M. Latendresse (Richard): Et, au CEDA, il y a combien de membres?

M. Grenier (Jean-Marc): Il y en a 300.

M. Latendresse (Richard): Trois cents membres. O.K. Dans quel quartier on est, nous autres?

M. Grenier (Jean-Marc): On est dans le quartier Petite Bourgogne, Saint-Henri, Côte-Saint-Paul et ville Émard.

M. Latendresse (Richard): Merci.

Mme Audet (Denise): Juste pour compléter un peu ce que Jean-Marc nous a dit, au CEDA, en plus de l'alphabétisation, il y a aussi des activités de francisation. Il y a un secteur intervention par le loisir, un comptoir de linge et un projet de rapprochement interculturel. C'est donc un centre où il se fait plusieurs choses en plus de l'alphabétisation. Je voudrais ajouter, au sujet du quartier où est situé le CEDA, que c'est un quartier où il y a un taux élevé d'analphabétisme et de pauvreté, qui sont deux phénomènes très liés. Maintenant, Julie va vous parler un peu de comment on a travaillé sur la réforme de l'aide sociale dans l'atelier d'alphabétisation.

Mme Parent (Julie): La démarche, c'est un objectif qu'on prend pouvoir sur nous, citoyens, à se prononcer. Comment? Une première personne-ressource donne des informations. Il y a des discussions en gros groupes puis des questions d'animation pour pousser plus loin, en petits groupes ou en plus gros. On discute de plusieurs choses et on apprend l'apprentissage du travail en équipe, le calcul de son budget mensuel, jeux de rôles pour se mettre dans la peau d'un agent d'aide sociale, d'une personne qui est mise à pied, et des jeunes décrocheurs.

Mme Audet (Denise): Merci. Je voudrais rajouter que ça fait deux mois qu'on travaille sur la réforme, dans les ateliers d'alphabétisation, par les moyens dont Julie nous a parlé. Pour nous, les animateurs, c'était bien important de travailler là-dessus parce qu'on se disait qu'un des buts en alphabétisation, c'est de leur apprendre à prendre du pouvoir sur leur vie. Puis, comme ce sont des citoyens, on trouve qu'ils avaient à se prononcer sur des mesures qui les touchent. Maintenant, je vais repasser la parole à Richard Latendresse, qui va nous présenter le mémoire proprement dit.

M. Latendresse (Richard): Oui, j'arrive. Le mémoire finalement c'est ça, ça va être des aspects un petit peu décrochés les uns des autres parce qu'il n'y a pas nécessairement une continuité entre tout ça, là. C'est certaines questions qu'on a abordées.

(15 h 50)

Donc, le premier point qu'on va aborder, c'est: Être sur le BS, qu'est-ce que c'est? Quelles sont les conditions de vie des gens sur l'aide sociale? Qu'est-ce que ça veut dire d'être prestataire au lieu d'être citoyen? Les conditions de participation à différents programmes, l'attitude de certains agents aussi, puis l'attitude qu'on a vis-à-vis les personnes sur l'aide sociale, en général. Un autre élément important qui a été ressorti au niveau des gens de notre groupe, c'est l'obligation des jeunes mères de faire garder leurs enfants puis d'aller travailler. L'autre élément aussi, c'est tout dans la perspective d'être utile socialement, soit par le retour sur le marché du travail ou soit par le bénévolat. On aborde aussi des questions par rapport à l'aide sociale et l'alphabétisation; il y a des choses pour nous autres où il y a des incongruités, des incohérences entre les différents ministères.

Puis on finit par une conclusion, puis des propositions. Dans notre mémoire, on retrouve aussi une annexe qui est le plan national d'alphabétisation du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation, dont on fait partie.

Mme Audet (Denise): Nous autres, on va commencer par parler des conditions de vie de nos participants quand ils sont sur l'aide sociale. Alors, je vais demander à Julie, en premier, comment elle s'organise pour vivre avec si peu d'argent.

Mme Parent (Julie): Je m'organise avec si peu d'argent au départ seulement pour les besoins les plus essentiels. On partage les dépenses, on coupe les sorties, on fait aussi des sorties gratuites, on planifie les achats.

Mme Audet (Denise): Merci. Stéphane, as-tu quelque chose à rajouter?

M. Guillemette (Stéphane): Non.

Mme Audet (Denise): Non. O.K. La deuxième question que je leur pose, et qu'on leur a posée à tous dans la classe: Comment vous faites pour économiser de l'argent? Stéphane avait un moyen, entre autres.

M. Guillemette (Stéphane): Oui. Bien moi, je vais manger chez ma mère.

Mme Audet (Denise): Et Julie, est-ce que tu veux compléter, toi? Il y avait plein d'autres moyens qui étaient sortis dans la classe.

Mme Parent (Julie): J'utilise des coupons-rabais, j'achète la nourriture et les vêtements quand il y a des ventes, j'achète les pains au magasin d'écoulement, j'achète pour le mois dans les magasins de grandes surfaces, j'achète aussi le 1er du mois puis au début de la semaine quand il y a encore des produits de réduction. Puis je consulte les petites annonces, je vais dans les bazars, les ventes trottoir, les marchés aux puces, les ventes de garage. Puis j'achète aussi à la fin de la saison, je vais dans les magasins d'échange d'articles de sport, je magasine les électroménagers dans les magasins de seconde main, je consulte les bottins de quartier pour trouver les ressources, j'achète dans un groupe d'achat, je ramasse mes cennes, je vais dans des activités gratuites, on ramasse des cannettes.

Mme Audet (Denise): Merci. Puis pour économiser, en particulier sur la nourriture, comment tu fais, Julie?

Mme Parent (Julie): Comment est-ce que je fais pour économiser sur ma nourriture? J'achète la viande en plus grosses quantités; j'achète la viande en gros, tu sais, les gros paquets de viande, et tout ça. Et puis je cuisine en grande quantité; je rallonge les quantités. Et j'achète les marques maison. J'achète en vrac. J'achète au marché Jean-Talon en fin de journée. J'achète chez les commerçants multiculturels. Merci.

Mme Audet (Denise): Nous autres, on leur a posé ces questions-là puis ce que ça nous a fait réaliser, c'est combien nos participants ont toutes sortes de compétences, en particulier la capacité de vivre sous pression. Vous savez quand on a un budget serré, on fait face à une grande pression. Ils sont très débrouillards; ils ont un grand sens de l'organisation pratique. Ils connaissent bien leur milieu. Ils sont solidaires, persévérants. Ils ont de la facilité à tirer leçon de l'expérience puis ils ont le sens des responsabilités.

Toutes ces compétences-là, nous autres, on trouve qu'elles sont transférables puis que nos participants pourraient les utiliser pour faire quelque chose d'utile à la société, à condition que leurs compétences soient reconnues officiellement. C'est pour ça que, nous autres, on est d'accord avec la reconnaissance des acquis pour les personnes peu scolarisées. On en entend parler depuis quelques années pour les gens diplômés, mais on trouve que ça devrait aussi se retrouver pour les gens peu scolarisés.

M. Latendresse (Richard): Il y a un autre aspect aussi de vivre sur l'aide sociale, c'est la difficulté de vivre sur l'aide sociale. Je voulais savoir Jean-Marc, pour toi, c'est quoi qui est important pour vivre?

M. Grenier (Jean-Marc): Bien, moi, pour moi, pour vivre, ça prendrait la santé, la nourriture, les médicaments et avoir de l'argent pour vivre.

M. Latendresse (Richard): O.K., c'est beau. Julie, aurais-tu d'autre chose aussi pour compléter?

Mme Parent (Julie): Payer mes comptes, économiser. Si j'ai 1 $, 2 $ dans mes poches, bien là, tu sais, je le sers dans ma banque, puis pour économiser plus.

M. Latendresse (Richard): O.K. Je voulais savoir Jean-Marc, parce que vivre sur l'aide sociale aussi c'est insécurisant, c'est angoissant, c'est stressant, c'est quoi que tu trouves de stressant, toi, là-dedans?

M. Grenier (Jean-Marc): De stressant?

M. Latendresse (Richard): Oui, on le retrouve sur l'autre page. Par rapport, par exemple, à l'aide sociale, qu'est-ce qui peut être stressant?

M. Grenier (Jean-Marc): Les coupures dans les programmes m'insécurisent, recevoir une lettre de mon agent et être coupé sans raison. Le stress... Je me sens contrôlé, je ne me sens pas libre.

M. Latendresse (Richard): O.K. Avais-tu d'autre chose Julie pour compléter ou si c'était correct?

Mme Parent (Julie): C'est que les agents de l'aide sociale, ça n'arrête pas de nous achaler pour aller travailler, quand il n'y a pas de jobs; il n'y a pas absolument rien. On va voir pour les jobs, oui, mais ils nous disent qu'ils vont nous appeler dans une semaine, deux semaines ou trois semaines, tu sais, puis nous autres on est à la maison puis on regarde la télévision puis c'est comme tannant pour nous autres, là, tu sais.

Puis là on a vu dans le journal comme de quoi au CEDA il y avait une programmation pour ceux qui avaient de la misère à lire et à écrire ou compter, ça fait que je me suis inscrite. Puis je suis contente aussi d'être en alphabétisation parce que ça apprend à compter puis à lire ou à écrire. Puis c'est comme ça qu'on peut aller plus loin dans notre vie.

M. Latendresse (Richard): Ce qu'on remarque, nous autres, dans nos ateliers, parce que la majorité des gens – 27 sur 30 – sont des personnes qui vivent sur l'aide sociale, c'est que les problèmes de survie nuisent carrément à l'apprentissage. Les gens sont absents parce qu'ils ont des problèmes de santé, et on sait que l'espérance de vie des gens en santé dans les quartiers populaires est beaucoup moins longue que dans les quartiers aisés.

Il y a aussi des gens qui doivent faire des démarches pour trouver de la nourriture, donc il y en a souvent qui manquent parce que les rendez-vous pour la nourriture, ça tombe durant la période d'atelier.

Les gens sont aussi des fois physiquement présents mais psychologiquement absents à cause de tous les problèmes liés à leur famille ou à eux autres mêmes: des problèmes de santé, des problèmes financiers, des problèmes de dettes, puis d'autres sortes de problèmes aussi. Puis on se dit que, si les gens qui participent à des programmes comme le rattrapage scolaire ont de la misère aussi à être présents et à être disponibles compte tenu des conditions de vie dans lesquelles ils vivent, on se dit que, dans un parcours individualisé, comme les conditions, en tout cas comme les intentions ne sont pas de modifier les barèmes d'aide sociale et les conditions générales, les gens vont avoir de la misère à suivre un parcours individualisé parce qu'ils vont se retrouver dans les mêmes conditions de stress, puis de se préoccuper avant tout de leur survie.

Mme Audet (Denise): Moi, j'aimerais ça demander à Jean-Marc: Comment te traite ton agent?

(16 heures)

M. Grenier (Jean-Marc): Mal. Il est bête avec moi, très, très bête. À chaque fois que je vais là, il n'a pas de sourire, c'est bête. La dernière fois que j'ai été là, moi, j'ai dit: Je veux retourner à l'école. Il dit: Pourquoi tu veux retourner à l'école? J'ai dit: Je ne sais pas lire, je ne sais pas bien écrire. Puis ils m'ont dit à moi: Pourquoi tu ne vas pas au travail? J'ai dit: Je viens de te le dire, je ne sais pas lire puis je ne sais pas écrire. Puis je ne peux pas aller sur le travail si je ne sais pas lire et si je ne sais pas écrire; ça prend lire puis écrire si tu veux aller sur le marché du travail. S'ils t'envoient à une place, tu ne seras pas capable de lire tes boîtes dans le shipping en arrière, tu sais. C'est pour ça.

Je n'aime pas mon agent; j'ai changé pour mon autre agent. Celui-là, il est moins bête; il est bête un peu encore, mais on peut s'arranger. Merci beaucoup, là.

Mme Audet (Denise): Nous autres, ce qu'on voulait faire ressortir en vous disant ça, c'est qu'il y a une valeur qui est bien, bien importante pour les gens des classes populaires, puis c'est la relation de confiance de personne à personne. Cette relation-là remplace pour eux la relation que, nous, on peut avoir avec l'information puis avec l'écrit. Donc, on se dit qu'il est primordial qu'il y ait une démarche d'accompagnement qui soit faite par les agents puis que le gouvernement doit tenir compte de ça à tous les niveaux.

M. Latendresse (Richard): Dans le fond, c'est ça. Ce qu'on s'aperçoit, par les attitudes gouvernementales puis par les préjugés qui sont entretenus depuis des années de toute façon, c'est que, quand tu es prestataire, tu n'es pas un citoyen, tu es un prestataire; tu es quelqu'un qui est à la remorque de la société, quelqu'un qui doit rendre des comptes à la société. Alors que bien souvent les gens qui se trouvent sur l'aide sociale, c'est des anciens travailleurs ou, de toute façon, c'est des gens qui sont utiles à la société parce qu'ils sont mères de famille, parce qu'ils ont des responsabilités sociales également. Ce qu'on sait, en tout cas ce que je me souviens de mes cours à l'université, moi, quand on parlait de l'aide sociale, c'est que la Loi d'aide sociale, dans les années soixante, l'objectif, c'était: La société ne peut pas répondre aux besoins de tout le monde parce qu'il n'y a pas des emplois disponibles pour tout le monde, donc la société va aider les gens qui n'ont pas d'emploi à avoir une vie... c'est ça, à avoir des revenus qui correspondent à leurs besoins.

Maintenant, depuis la loi 37 avec le ministre Bourbeau, on se retrouve dans un mouvement totalement inverse où les gens sont rendus responsables dans le fond du problème d'être sans emploi, alors qu'on sait bien que le problème d'employabilité puis d'emploi au Québec, puis au Canada, puis dans le monde en général, c'est parce qu'il n'y a pas de jobs avant tout. C'est vrai qu'il y a des problèmes de formation professionnelle, mais il n'y a pas de jobs pour tout le monde, veux veux pas.

Mme Audet (Denise): Il y a un des points qu'on a traité en atelier, qui est l'obligation des mères de jeunes enfants à aller travailler. On imagine que vous en avez entendu parler beaucoup, donc on ne s'étendra pas là-dessus aujourd'hui. Mais il y a un point qu'on voulait souligner à ce sujet-là, c'est qu'il va falloir établir la confiance des mères sur l'aide sociale envers le réseau des garderies. C'est une question de culture puis on trouvait ça important de vous en parler aujourd'hui. La culture des milieux populaires est très différente de celle des classes moyennes et aisées. La famille occupe une place très importante – c'est la valeur d'ailleurs qui a été indiquée en tête de liste par nos participants quand on leur a posé la question – la proximité physique des membres de la famille est très importante puis les gens des milieux populaires ne s'identifient pas aux institutions comme l'école, la bibliothèque. Donc, on pense que la garderie peut représenter pour eux un lieu étranger. La mère occupe une place centrale dans la famille puis c'est souvent elle le chef de famille puis, pour bien des femmes des quartiers populaires, la maternité, c'est le moyen de se valoriser. Donc, nous autres, on pense que de vouloir les éloigner de façon brutale de leurs enfants, ça constitue une atteinte à leur intégrité.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, si vous voulez profiter... Il vous reste à peu près deux, trois minutes, sur les points plus précis que vous voulez faire valoir.

Mme Audet (Denise): Ça fait que c'est Julie qui va commencer en vous parlant de ce qui a été constaté par les participants.

Mme Parent (Julie): O.K. La conclusion, ce que disent les participants. Nos constatations. D'après nous, le but de la réforme est de faire diminuer le déficit en tentant de retourner les gens sur le marché du travail, de responsabiliser les gens, de sortir les gens de l'aide sociale afin d'en faire des payeurs de taxes.

Nos propositions. Nous sommes d'accord pour retourner sur le marché du travail en autant qu'il y ait des emplois durables, qu'on nous offre des conditions de travail décentes, que l'aide sociale serve de soutien aux démarches préalables. Nous voulons que les frais de participation aux programmes soient ajustés à la hausse pour tenir compte des frais réels et reliés aux programmes.

Une voix: C'est beau.

Mme Audet (Denise): Maintenant, on va arriver à ce que, nous, on en pense, les animateurs. Nous autres, ce qu'on a constaté, c'est que le gouvernement se désengage de ce qui constitue pour nous ses responsabilités. On trouve que le gouvernement met la charrue devant les boeufs quand il pousse les gens à se chercher des emplois qui n'existent pas au lieu de favoriser d'abord, ou en même temps, la création d'emplois. Puis, à cause de la réalité du monde du travail, le nombre de personnes sur l'aide sociale, on ne pense pas qu'il va diminuer significativement.

Nous autres, on est parfois horrifiés par les écarts de revenus scandaleux qui existent entre diverses classes de la société. On pense qu'il y a des choix politiques gouvernementaux qui privent la société d'une partie de la richesse qui pourrait être utilisée pour de la création d'emplois.

M. Latendresse (Richard): Alors, ce qu'on propose, c'est différentes choses. D'abord, je pense que la proposition principale, c'est que la réforme de l'aide sociale doit s'inscrire dans une politique globale qui touche, entre autres, la pauvreté, l'alphabétisation, la formation professionnelle puis la création d'emplois durables.

Au niveau de la fiscalité – parce qu'on trouve que finalement il y a un problème de répartition de la richesse et ça fait que les gouvernements nous disent: On n'a plus d'argent – ce serait d'imposer l'argent déposé à l'étranger, qui profite d'évasion fiscale, d'éliminer l'impôt reporté – on sait qu'il y a 40 000 000 000 $ d'impôts qui sont reportés ou non payés par les différentes compagnies – on voudrait limiter les abris fiscaux en fonction des revenus, parce qu'on sait que la dette au Canada, depuis 1975, il n'y a pas loin de la moitié de la dette qui est due finalement aux abris fiscaux.

Au niveau des mesures sociales, c'est qu'on voudrait qu'il y ait un revenu minimum garanti pour éliminer la marginalisation. Parce que ce qu'on considère à l'heure actuelle, c'est que, quand tu es sur l'aide sociale, quand tu es sur l'assurance-chômage, quand tu es prestataire, tu es considéré comme un prestataire et non pas comme un citoyen à part entière. On voudrait que les barèmes de l'aide sociale soit ramenés au-dessus du seuil de pauvreté. On sait qu'il y a des gens qui gagnent 200 000 $ par année, ou plusieurs millions même par année, alors qu'il y a des gens qui se retrouvent avec 7 000 $ de revenus par année.

Au niveau de l'emploi, on voudrait que le gouvernement du Québec soit responsable de la création d'emplois du Québec, au Québec. On voudrait, entre autres... Au niveau du travail, il y a diverses formules qui existent, entre autres – et ce n'est pas des formules magiques non plus, mais c'est de petits moyens qui permettent de réduire aussi puis de faire partager un peu le travail – il y aurait le partage du temps de travail, il y aurait l'élimination du travail au noir. Ce qu'on entend souvent de ce temps-ci par rapport au travail au noir, c'est que c'est les individus qui font du travail au noir, mais il y a des compagnies qui font du travail au noir, et ça, on n'en parle pas. Ce qu'on voudrait aussi, c'est qu'au niveau de l'emploi – c'est un problème complexe, puis ça ne peut pas être traité avec des solutions simples et rapides – les personnes qui vivent ces problèmes-là soient impliquées dans des démarches puis dans les solutions au niveau local et national.

Au niveau de l'aide sociale, on voudrait que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu ait une politique de communication qui rende l'information accessible aux gens peu scolarisés. Parce que, quand les gens reçoivent des décisions par écrit, c'est un langage technocratique où les gens ne comprennent rien. Ils se sentent diminués parce qu'ils ne comprennent rien et en même temps on veut leur faire faire des démarches pour retourner sur le marché du travail, pour les valoriser alors que déjà, à prime abord, il y a des problèmes de fonctionnement au niveau du ministère pour valoriser les gens.

On voudrait qu'au niveau de l'aide sociale la tâche de l'aide financière de l'employabilité soit séparée, que ce ne soit pas les mêmes agents qui s'occupent de tout. On voudrait aussi que les agents aient moins de dossiers à traiter. On sait qu'il y en a entre 500, 600 ou 700 dossiers à traiter. Donc, c'est sûr que les agents ne sont pas disponibles, en partant. Ils ont souvent aussi eu une formation où ils sont plus des inquisiteurs que des accompagnateurs. Ça aussi ça demanderait un changement d'attitude de la part des agents. Naturellement, ce n'est pas tous les agents qui sont bêtes, mais ça se retrouve. Et surtout quand on a une surcharge de travail.

On voudrait aussi que le ministère de la Main-d'oeuvre tienne compte que dans le milieu populaire la culture est différente de celle des classes moyennes et des classes aisées. Et, si on veut avoir des démarches qui réussissent, il faut commencer par prendre les gens où ils sont rendus puis aussi d'être capable de travailler avec les gens.

On voudrait aussi que l'aide sociale soit un soutien réel aux gens pour s'en sortir, parce que, si les participants à nos ateliers sont d'accord pour retourner sur le marché du travail, c'est parce qu'en dessous de ça ce qu'ils veulent avant tout, c'est sortir de la pauvreté puis avoir la liberté.

Au niveau de l'alphabétisation, on voudrait que les groupes populaires d'alphabétisation aient un financement adéquat, parce que ce dont on parle à un moment donné, c'est qu'il faut qu'ils aient les ressources suffisantes en formation, tant au niveau des formateurs que des groupes.

(16 h 10)

On voudrait aussi que le ministère de la Main-d'oeuvre travaille en collaboration avec le ministère de l'Éducation pour établir une politique globale en matière d'alphabétisation. On voudrait aussi que le ministère de la Main-d'oeuvre révise sa politique de 2 000 heures. Actuellement, une personne qui est analphabète a 2 000 heures pour s'alphabétiser. C'est le ministère de l'Éducation qui reconnaît ça et l'aide sociale. Les gens peuvent participer au rattrapage scolaire pour une période de 2 000 heures. Deux mille heures ça représente à trois ans et demi à 20 heures par semaine durant 30 semaines. Ce 2 000 heures là, il vient du ministère de l'Éducation qui calcule que pour un enfant ça prend 2 000 heures à apprendre à lire et à écrire. Pour un adulte, surtout pour un adulte qui a vécu des échecs scolaires et qui commence une démarche d'alphabétisation, qui vit des stress par rapport à l'aide sociale, par rapport à des problèmes de survie, on considère que 2 000 heures, c'est vraiment insuffisant.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, M. Latendresse.

M. Latendresse (Richard): C'était ma conclusion.

La Présidente (Mme Leduc): C'était votre conclusion. Alors, Mme la ministre.

Mme Parent (Julie): Aussi, ce que je voulais dire...

Mme Harel: C'est Julie, je pense?

La Présidente (Mme Leduc): Alors, rapidement.

Mme Parent (Julie): Ce que je voulais dire au sujet des coupures: On est tanné de vivre ça, des coupures sur l'aide sociale. C'est tannant. Aussitôt qu'on a un petit 100 $ de plus pour manger ou pour acheter du linge – des fois on est pauvre, on a de la misère à acheter quelque chose – puis là on demande à l'aide sociale: bien, là, si on trouve quelque chose en alphabétisation ou autre chose, y «vont-u» nous remonter ou s'ils vont nous recouper. Bien, nous autres, on a de la misère à survivre là-dessus.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue au Comité d'éducation aux adultes de la Petite Bourgogne et de Saint-Henri et félicitations, en fait, d'abord aux participants. Je crois que c'est vraiment une présentation qui tranche – vous êtes le 83e groupe – mais on peut vous dire que vous êtes hors de l'ordinaire. Je crois que dans le mémoire vous nous présentez toujours le point de vue des participants, le point de vue des intervenants; alors ça permet, je pense bien, de comprendre les différences de culture, et on le voit dans le langage même, si vous voulez, peut-être plus concrètes d'une certaine façon, qui est d'ailleurs repris dans le mémoire lui-même.

Alors, le revenu minimum garanti. Je ne sais si vous avez été informé des calculs qui ont été faits... Étant donné que vous êtes le 83e groupe, vous êtes conscients qu'on s'en était fait parler avant, et je l'avais fait chiffrer pensant aussi que ça allait être un sujet de discussion en commission. Voyez, par exemple, si on mettait sur pied une allocation universelle dont le montant était égal à celui versé par l'aide sociale, donc pas plus que l'aide sociale actuelle, c'est une allocation universelle qui éliminerait tous les crédits personnels de l'impôt et, étant donné qu'il y aurait une allocation universelle, il n'y aurait plus les crédits personnels au fédéral et au provincial parce que ça deviendrait inutile vu que tout le monde aurait l'allocation universelle de base. Alors, le coût, voyez, net se situe à 19 000 000 000 $. Il y a neuf zéro après le 19, hein? En comparaison, le total de tout ce que les contribuables paient comme impôts sur le revenu, c'est 13 000 000 000 $.

Alors, vous voyez que l'ordre de grandeur en quelque part, c'est comme quelque chose de magique mais comme pas à la porté de ce qui est du possible. D'autre part, il y a peut-être des choses qu'on peut faire comme... Tout de suite, je voulais vous indiquer dans votre mémoire, il y a une recommandation à l'effet que les tâches reliées à l'aide financière, celles reliées à l'employabilité ou au support à l'emploi, soient confiées à des agents différents – c'est à la page 12 de votre mémoire – alors, ça, ça va de soi. C'est déjà à la page 39 du livre vert où on dit «qu'il ne doit pas y avoir d'ambiguïté, que l'offre de service de préparation, d'orientation, d'intégration à l'emploi sera faite différemment de celle qui a trait au service d'ajustement du revenu et du contrôle». Le fait que ça ait été mélangé les deux depuis huit ans, ça fait partie d'une certaine façon des problèmes, parce que c'est comme si la fonction contrôle, et enquête de crédit quasi, avait pris le dessus sur la fonction accompagnement, soutien, conseil. Il faut que ça soit non seulement dans des modules distincts, mais rattachés à des organisations, des directions distinctes.

Ceci dit, il y a un paradoxe incroyable à l'aide sociale. Vous savez que le budget qu'on met dans l'aide sociale n'a pas diminué au Québec même si les gens ont été coupés, parce qu'ils l'ont été. Mais le budget lui-même, il a même augmenté légèrement depuis 1994, à chaque année. Ça peut sembler surprenant, hein? Là, vous voyez, il est rendu à 4 000 000 000 $ et il était l'équivalent, à peu près. C'est parce qu'il y a plus de ménages et il y a plus de ménages parce qu'il y a plus de gens qui auparavant avaient accès à l'assurance-emploi puis qui n'y ont plus droit. Ce n'est pas parce qu'ils ne cotisent pas, ils paient leur assurance-emploi. Ça porte le mot «assurance» puis ils ne peuvent pas finalement en profiter parce que l'assurance-emploi a resserré son admissibilité puis c'est rendu bien compliqué de pouvoir finalement en avoir.

Alors, peut-être, il y a une chose que vous avez très bien développée – c'est une question dont d'autres mémoires ont parlé, mais jamais sans la présenter comme vous l'avez présentée – c'est vraiment la question de la culture, celle de l'incompréhension et quasiment du mépris qui résultent du fait de ne pas accepter qu'il n'y ait pas juste une culture, une manière de faire les choses dans la vie, qu'il peut y en avoir plusieurs. Ça, c'est quelque chose de très, très, très important. J'aimerais en tout cas que votre mémoire... Puis je vais essayer d'en faire faire juste un résumé dans le journal du ministère, sur la question de la culture. Il y a quelque chose qui est vrai dans ce que vous dites.

Puis dans votre mémoire aussi – vous n'en avez pas reparlé dans votre présentation – vous nous parlez du plan – vous nous l'avez d'ailleurs mis en annexe – le plan national d'alphabétisation. Peut-être, tant qu'à profiter de votre présence là, nous demander où c'en est, ce qui principalement vous semble devoir être corrigé. Vous avez dit le 2 000 heures. Pour ce qui est du financement adéquat, je comprends que les groupes populaires d'alpha ont reçu une augmentation – c'est ce que m'a dit le ministère de l'Éducation – assez considérable depuis deux ans. Vous nous direz ce qu'il en est. Si tant est que ce n'est pas suffisant, est-ce que le SACA est venu à la rescousse? J'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Leduc): M. Latendresse.

M. Latendresse (Richard): Oui. O.K. C'est vrai qu'il y a eu une augmentation au niveau du budget des groupes populaires en alphabétisation – ça faisait une dizaine d'années qu'on l'avait demandée de toute façon – sauf que pour les nouveaux groupes existants la subvention est de 25 000 $ par année. Et 25 000 $ par année, ça paie, mettons, un salaire. Ça ne paie pas les locaux, ça ne paie rien du tout.

Mme Harel: Il y a combien de groupes au total au Québec, des anciens et des nouveaux aussi?

M. Latendresse (Richard): Il y a une centaine de groupes populaires en alphabétisation.

Mme Harel: Une centaine.

M. Latendresse (Richard): Je ne sais pas combien il va y en avoir avec les nouvellement créés, mais... D'abord, une des affaires, c'est ça, c'est que les groupes nouvellement créés dans les régions où il n'y en avait pas reçoivent 25 000 $ par année. Ce que ça finance, c'est les activités, mais on n'a pas de financement pour l'infrastructure, c'est-à-dire – c'est ça – payer le local, le téléphone, l'administration, et tout ça.

Mme Harel: Vous, vous recevez combien?

M. Latendresse (Richard): Nous, on reçoit 50 000 $ environ du PSAPA, mais là-dedans il y a d'autres subventions qui sont données à l'organisme, qui permettent de se débrouiller pour financer l'infrastructure.

Mme Harel: Mais vous recevez au total du ministère de l'Éducation seulement ou de d'autres...

M. Latendresse (Richard): Non. On reçoit de d'autres ministères parce qu'on a des activités, d'autres activités.

Mme Harel: Ça vient d'où, mettons, là? Mettons un financement adéquat, ça veut dire quoi? Vous recevez combien grosso modo?

M. Latendresse (Richard): Nous autres, on reçoit 56 000 $; ce qui permet de payer deux animateurs en alphabétisation, ce qui permet de donner des ateliers, mais là-dessus on n'est pas équipé pour en même temps faire du recrutement, en même temps faire de la sensibilisation, en même temps développer d'autres types de forme d'alphabétisation que celle qu'on a, qui est une formation mur à mur. On sait qu'il y aurait des formes possibles d'alphabétisation davantage axées pour répondre à des besoins concrets, mais à deux animateurs à temps plein, responsables du secteur et animant des ateliers, on n'a pas le temps de tout faire.

Mme Harel: Julie, par exemple, Jean-Marc et puis Stéphane, vous, vous y êtes allés de votre propre chef ou si c'est quelqu'un... Qui vous l'avait conseillé? Comment vous l'avez su? Est-ce que ça vous a été imposé?

(16 h 20)

M. Grenier (Jean-Marc): Bien, moi, j'ai vu comme une annonce par le Bien-être, tu sais. C'était pour retourner à l'école ou si tu veux aller au travail. J'ai choisi aller à l'école à cause je ne savais pas bien, bien lire puis écrire. Je me suis engagé pour aller au CEDA puis c'est là que... Ça fait un an que je suis là puis je commence à aller pas pire, mais je prie le bon Dieu de savoir lire un petit peu plus tard.

Mme Harel: Ça va bien.

M. Grenier (Jean-Marc): Oui.

Mme Harel: Mais c'est au bureau du BS que vous avez vu ça?

M. Grenier (Jean-Marc): Oui.

Mme Harel: C'était comme affiché sur un mur?

M. Grenier (Jean-Marc): Oui, sur le mur.

Mme Harel: O.K.

Mme Parent (Julie): Puis à l'aide sociale aussi, comme Jean-Marc disait, bien, moi, elle m'a proposé si je voulais aller travailler ou aller à l'école. Bien, moi, je lui ai dit: Je ne veux pas aller travailler tout de suite. Je veux en apprendre plus, parce que, étant jeune, je n'ai pas appris plus que ce que j'apprends aujourd'hui.

Mme Harel: Mais Julie vous êtes allée à l'école, vous?

Mme Parent (Julie): Oui.

Mme Harel: Puis comment ça s'est passé à l'école? J'aimerais ça t'entendre tantôt, Jean-Marc, si c'est possible, aussi. Parce que vous n'avez pas appris à l'école?

Mme Parent (Julie): À l'école, ils nous apprenaient une couple d'affaires mais pas grand-chose, tu sais, juste pour dire: Bien, là, on t'explique une petite affaire. Mais là, tu sais, on est là, on était tout poignés, puis on ne savait pas comment le faire.

Mme Harel: Combien d'années vous êtes allée à l'école, Julie?

Mme Parent (Julie): Bien, j'y ai été jusqu'à l'âge de 16 ans.

Mme Harel: Puis vous, Jean-Marc?

M. Grenier (Jean-Marc): Moi, à l'âge de 15 ans, j'ai lâché l'école.

Mme Harel: Donc, le primaire vous l'avez fait?

M. Grenier (Jean-Marc): Oui, j'ai fait le primaire, mais rendu au secondaire I j'ai lâché à cause que j'apprenais rien, là, tu sais. Ils te donnaient ça, puis tu n'avais pas d'explications au tableau, tu n'avais rien. Ils te donnaient un crayon puis un papier, puis arrange-toi avec ça, débrouille-toi.

Mme Harel: Puis Stéphane, c'est quoi la différence, alors, d'aller... Là, vous étiez capable de lire dans une commission parlementaire, bon, dans un environnement qui déjà impressionne. Donc, ça veut dire qu'en temps ordinaire c'est encore mieux. Qu'est-ce qui a fait le changement entre l'école puis l'alpha?

M. Guillemette (Stéphane): Moi, je ne fais rien. C'est parce que j'ai vu l'annonce dans le journal. J'ai demandé à mon agent pour retourner à l'école, là il m'a dit non, puis là...

Mme Harel: Il vous a dit non?

M. Guillemette (Stéphane): Non, parce que mes 2 000 heures étaient finies à peu près, puis là il y a ceux-là qui m'ont repris.

Mme Harel: Puis vous, vous y allez sans avoir le barème de participant?

M. Guillemette (Stéphane): Oui, oui. Je l'ai.

Mme Harel: Ah, vous l'avez eu finalement?

M. Guillemette (Stéphane): Oui, oui.

Mme Harel: Parce que les... C'est vous, les animateurs, qui êtes intervenus? Comment?

M. Latendresse (Richard): Ce qui arrive, c'est que Stéphane était à la CECM avant, à la Commission des écoles catholiques de Montréal, et ils ont calculé qu'il avait 2 000 heures, que ses 2 000 heures étaient faites et, bon, dans les groupes populaires en alpha, on fonctionne différemment. Donc, nous, on l'a accepté pareil. Pourquoi l'aide sociale paye son barème de participant? Le calcul des 2 000 heures, c'est eux autres qui le font, et on ne sait pas trop comment ça marche puis à partir de quoi ils comptent, là. En tout cas, ça a passé et tant mieux pour lui.

Mais je voulais revenir sur un aspect que je trouvais important tantôt quand on a dit que les gens étaient d'accord pour retourner sur le marché du travail. Le piège qu'on voit un peu avec cette formule-là, c'est que, O.K., les gens vont avoir de la formation, vont avoir des parcours individualisés pour retourner sur le marché du travail, mais le problème principal, c'est qu'il n'y en a pas d'emplois et il n'y en a pas d'emplois pour les gens peu scolarisés. On exige toujours comme base minimum en général un secondaire V, alors que dans bien des emplois le secondaire V n'est pas nécessaire. Puis les critères par rapport au marché du travail, c'est les employeurs qui les déterminent: il faut avoir l'âge nécessaire, l'âge juste qu'il faut, l'expérience pertinente, souvent être surqualifié pour travailler, souvent être aussi polyvalent. Donc, le marché du travail en lui-même, les employeurs ne permettent pas aux gens d'aller sur le marché du travail.

Mme Harel: Ce matin, je regardais Formétal...

La Présidente (Mme Leduc): Rapidement, Mme la ministre. Rapidement.

Mme Harel: Oui. L'entreprise Formétal, vous devez connaître?

M. Latendresse (Richard): Oui.

Mme Harel: Il y avait un reportage dans un magazine ce mois-ci, et on disait qu'un participant à Formétal avait 75 % des chances en sortant, si vous voulez, de trouver à travailler. Alors, il y a donc... On peut mettre des chances de son côté. Comme Jean-Marc, ou Julie, ou Stéphane, savoir lire puis écrire, ça met des chances de son côté.

M. Latendresse (Richard): Tout à fait.

Mme Harel: Avoir un métier, ça met des chances de son côté. Donc, une formation professionnelle dans un métier, ça peut ouvrir une porte au travail.

M. Latendresse (Richard): Tout à fait, sauf que l'affaire, c'est que, oui, mais il faut aussi qu'il y ait une création d'emplois. Nous autres, ce qu'on a l'impression, c'est que finalement les gens peu scolarisés, sur l'aide sociale vont se trouver un emploi précaire, puis après ça vont revenir sur l'aide sociale. Ça va être un cycle infernal dans lequel les gens ne sortiront pas. Parce que les entreprises aussi ont besoin de gens rapidement pour des rushs – ça se voit aussi beaucoup de ce temps-ci – après ça les mettent à pied. Comme les emplois permanents, il n'y en a plus, il y a beaucoup d'emplois précaires, des emplois non syndiqués, des emplois à contrats. Donc, le scénario qu'on peut facilement imaginer, c'est que finalement, il va y avoir un bassin de main-d'oeuvre qui est déjà très important, qu'on sait plus ou moins utiliser, puis que, selon les besoins, on va utiliser après ça quand on va retourner sur l'aide sociale.

L'autre chose aussi, c'est que par rapport à la formation professionnelle, ce qui a l'air de sortir en général, c'est que la formation professionnelle qui est donnée par les entreprises s'adresse davantage aux cadres qu'aux employés subalternes, aussi. Ça fait que, moi, ce dont j'ai peur aussi, c'est qu'il y ait très peu de formation professionnelle qui soit donnée et que les gens soient plus utilisés pour combler les besoins du marché, les besoins – comment je pourrais dire ça? – de pointe du marché, que les gens soient retournés après sur le marché du travail, ce qui fait qu'on engage les gens dans une démarche de formation, en tout cas d'une certaine formation et d'encouragement à retourner aux emplois, mais qu'au bout du compte finalement... Un peu comme il se passe à l'heure actuelle. La majorité des gens ne se trouvent pas d'emploi. C'est vrai qu'il y a des gens qui peuvent s'en trouver, on ne peut pas nier ça, sauf que, quand on regarde le phénomène de masse du nombre de personnes sans emploi, la réalité, c'est que tout le monde ne se trouvera pas un emploi.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour.

M. Latendresse (Richard): Bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue. Il me fait plaisir de vous revoir. J'aimerais revenir sur les conseillers en emploi, parce que c'est vrai ce qu'on nous propose dans le livre vert: il y a le conseiller à l'aide financière et le conseiller en emploi. Mais le hic, ce n'est pas tellement qu'il y ait deux conseillers, le hic, c'est la pénalité.

M. Latendresse (Richard): Aussi.

Mme Loiselle: C'est le caractère obligatoire associé d'une pénalité, parce qu'il va de soi que c'est le conseiller en emploi qui va décider si la personne devant lui va avoir une pénalité. Ce n'est peut-être pas lui qui va signer le formulaire, là – je ne sais pas comment ça va fonctionner – mais c'est lui qui va décider de la pénalité. Et tout le monde qui est venu nous voir, les études qui nous ont été démontrées nous disent que c'est contre-productif, que c'est démotivant. Et même Camil Bouchard nous a dit que, si le gouvernement allait dans ce sens-là, ça serait voué à l'échec, la réforme telle que proposée, surtout avec toutes les mesures appauvrissantes qu'on retrouve dans la réforme et les coupures qui, depuis deux ans – la loi n° 115, et tout ça – ont fait que les barèmes, les prestations, ont beaucoup, beaucoup diminué. Parce que, quand on dit qu'on simplifie les barèmes... quand on joue dans les barèmes, la réalité, c'est que les gens ont moins d'argent sur leurs prestations et dans leurs poches. C'est ça, de jouer avec les barèmes.

Je veux vous entendre davantage, parce que les conseillers en emploi, on a beaucoup échangé sur ça. Les gens nous ont dit, comme vous l'avez démontré tantôt dans votre témoignage, vous avez dit: Je me sens contrôlé, je ne me sens pas libre. Mon agent, il est bête. Le nouveau est un petit peu moins bête, mais il reste encore bête. On a eu beaucoup de témoignages comme ça qu'il y avait beaucoup de rigidité, qu'il n'y avait pas de lien de confiance qui s'était créé entre l'agent et le prestataire – actuellement, c'est ce qui se vit sur le terrain – et qu'il va falloir qu'il y ait un changement de mentalité et de culture complètement, si on veut arriver à faire des conseillers en emploi actuels des vrais conseillers professionnels du développement à l'emploi.

Je ne sais pas comment on va pouvoir le faire s'ils conservent les deux chapeaux, celui qui est supposé d'aider puis de donner l'entraide et le soutien et de créer un lien de confiance en même temps que c'est le même qui va aussi avoir le chapeau de décider de donner le coup au niveau de la pénalité. Mais je veux vous entendre davantage parce que les gens nous ont dit: Il va falloir qu'il y ait une formation, là, adéquate qui soit donnée aux nouveaux conseillers pour faire des vrais professionnels du développement de l'emploi. On nous dit qu'il faut retirer la pénalité. Je pense que ça, vous joignez votre voix à tous les groupes qui l'ont dit à date. Et il faut peut-être mettre aussi des ressources financières et additionnelles au niveau des conseillers à l'aide à l'emploi. J'aimerais vous entendre parce que vous travaillez de près avec des gens qui vont de façon presque hebdomadaire dans les CTQ, alors...

M. Latendresse (Richard): Non, je pense que vous avez fait un bon portrait. Je ne sais pas si Jean-Marc ou Julie, Stéphane...

Mme Parent (Julie): Dans la pénalité... Nous autres, on n'aime pas ça, le barème de disponibilité, parce que, nous, on a reçu une lettre comme de quoi que les participants non participants puis un participant sont supposés être coupés de tel, tel, tel montant. Mais nous, on ne sera jamais capable non plus d'arriver. On va à l'école. On essaie de trouver quelque chose qu'on aime faire, mais des fois il n'y en a pas. On ferme les usines, puis on ferme tout. Puis, nous autres, on n'a rien. Tu sais, on est là, puis on est à l'école, tout ce qu'on fait, c'est aller à l'école.

Mme Loiselle: Oui.

Mme Parent (Julie): Tu sais, on n'a pas grand chose à vivre, là, tu sais, puis on a de la difficulté. On est dans la pauvreté, pareil comme Jean-Marc l'a dit. Son agent, tu sais, est impoli avec. Même la mienne des fois est impolie avec moi, mais j'essaie de la comprendre pareil.

Mme Loiselle: C'est ça qu'il va falloir arriver à changer avec la réforme, parce que, si on veut que cette personne-là, vous ayez confiance en elle quand vous allez la voir, puis que vous sentez qu'elle veut vraiment vous aider à vous en sortir, il faut que ce lien-là soit fait entre les deux. Puis, si vous avez ce sentiment-là actuellement, c'est ça qu'il faut changer parce que sinon ça ne réussira jamais.

(16 h 30)

Mme Parent (Julie): C'est ça. Ça fait que, moi, l'agente de l'aide sociale, elle m'a proposé un emploi dans une usine pour faire de l'emballage, mais cette usine-là, elle a fermé à cause des mises à pied, puis tout ça. Là, moi, ça ne faisait même pas quatre jours que j'étais là. Ça fait que, moi, j'étais déçue pour moi, là, j'ai dit: Ah non! Pas vrai, pas une autre fois, tu sais. Ça fait que j'ai dit: Il va falloir que je retourne à l'école encore, en apprendre plus. C'est comme ça que je vais pouvoir remonter la pente un peu.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Chapleau.

Mme Loiselle: Non, il y a madame qui voulait intervenir.

La Présidente (Mme Leduc): Ah, excusez, je ne vous ai pas vue.

Mme Audet (Denise): Moi, il y a trois points sur lesquels j'aimerais revenir, puis je vois qu'il reste 15 minutes, c'est à la suite de choses que Mme la ministre a dit. Est-ce que c'est le moment?

Mme Loiselle: Allez-y. Allez-y, oui, oui.

Mme Audet (Denise): O.K. Une chose vite. Mme la ministre se demandait ou, en tout cas, j'ai compris qu'elle se demandait comment les gens perdent la lecture et l'écriture quand ils sont allés à l'école et que, effectivement, ils ont probablement appris. Nous, ce qu'on a constaté, c'est que, quand les capacités en lecture et écriture ne sont pas utilisées, les gens les perdent. Alors, ils arrivent dans nos groupes. Il y en a beaucoup... Il y en a même qui sont allés jusqu'au secondaire puis qui ont carrément perdu la lecture et l'écriture. Pour nous, les plus scolarisés, c'est surprenant parce qu'on s'en sert tellement tous les jours, mais pour quelqu'un qui ne s'en sert pas, ça se perd.

Les autres points dont je voulais parler. Mme la ministre, quand il a été question du revenu minimum garanti, vous disiez que ça coûte trop cher. Nous autres, on en est conscients, puis c'est pour ça qu'on trouve qu'à la base il faudrait qu'il y a une certaine répartition de la richesse. On sait que, bon, ce n'est certainement pas une suggestion populaire auprès de ceux qui ont cette richesse-là, mais on pense qu'il va falloir en arriver à ça à un moment donné, jusqu'à un certain point. Une autre chose qui, dans le fond, revient à ça, c'est quand vous disiez que le nombre de ménages sur l'aide sociale augmente. Oui, il augmente, parce que le monde du travail doit être changé, puis, nous, on pense que la manière de changer la structure du monde du travail, bien, c'est, au point de départ, redistribuer mieux la richesse. Voilà, c'est mes trois points.

La Présidente (Mme Leduc): Oui, Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, Mme la Présidente. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous mentionnez dans votre mémoire que 2 000 heures en alphabétisation, ce n'est pas assez. J'ai enseigné en enseignement professionnel durant plusieurs années et c'était du postsecondaire, mais, par contre, il y avait même de mes étudiants qui n'arrivaient pas dans le temps des heures fixées pour certains cours. La bureautique, ça change à tous les jours, les logiciels changent à tous les deux, trois mois. Je comprends parfaitement que certains d'entre vous, vous avez de la difficulté, et je trouve ça vraiment malheureux. Pour avoir vécu 34 ans dans l'enseignement, je suis en mesure de vous comprendre.

J'aimerais ça savoir de votre part les tâches, les métiers que vous pouvez faire sans un secondaire V. Est-ce que vous pouvez m'en énumérer? Vous mentionnez ici que vous avez une liste.

M. Latendresse (Richard): Pendant que Julie va les trouver, nous, ce qu'on a déjà mis sur pied en collaboration avec un autre groupe populaire en alphabétisation puis une corporation de développement économique communautaire, c'est une formation professionnelle comme cuisinier d'établissement pour des personnes analphabètes, sauf qu'on a toujours le problème que le programme n'est pas reconnu, parce que les gens n'ont pas un secondaire V. C'est possible d'être analphabètes, de suivre une formation professionnelle, et tout ça, sauf qu'avec les contraintes du ministère de l'Éducation et du marché du travail ça rend comme difficile aussi ces programmes-là à mettre sur pied.

Mme Parent (Julie): O.K. Des métiers pour lesquels on ne devrait pas exiger le secondaire V, c'est: commis à l'épicerie, préposé à la garderie, plongeur, une gardienne à la maison, entretien ménager, coiffeuse, préposé aux bénéficiaires, caissière, boulangère, boucher, commis éducateur, gardien de sécurité, masseuse – ça, on a des petits points de vue, là – couturière, cordonnier, nettoyeur, concierge, laveur de vitres, brigadière, emballeuse, décharger des vans, cuisinier, serveuse, dépanneur, commis chauffeur d'écoliers, livreur de pizza, livreur de dépanneur qui livre des commandes, distributeur de liqueurs, distributeur de journaux.

M. Grenier (Jean-Marc): Laveur de vitres aussi.

La Présidente (Mme Leduc): Laveur de vitres aussi. Vous parlez d'expérience. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, j'aimerais revenir, parce que ce matin Mme Labrie, du Carrefour de la pastorale en monde ouvrier, est venue nous dire qu'il y a un plus grand nombre de bénéficiaires qu'on pense qui ont de la difficulté à lire et à comprendre tout ce que le ministère leur envoie. Vous en parlez, vous dites que le ministère devrait mettre en place une politique de communication justement pour aider les gens peu scolarisés. Ça me fait penser aussi que la politique familiale va faire que les bénéficiaires de l'aide sociale vont être obligés de produire un rapport d'impôts. Alors, je veux vous entendre. Quel genre de politique de communication? Est-ce que c'est plus au niveau téléphonique ou... Qu'est-ce que vous aviez en tête?

M. Latendresse (Richard): Il y a plusieurs aspects. Il y a, entre autres, bien, juste les communications écrites, les décisions qui sont rendues dans un langage technocratique pourraient être simplifiées. En tout cas, il y a tout l'aspect de simplification du vocabulaire. Il y a au moins la simplification du vocabulaire, d'utiliser un vocabulaire courant. Il pourrait peut-être y avoir un lexique simple, en tout cas, à ce niveau-là. C'est entre autres à ça que je pensais.

Mme Audet (Denise): Il y a aussi écrire gros.

M. Latendresse (Richard): Oui.

Mme Audet (Denise): Ça a l'air peut-être niaiseux pour nous autres. Nous autres, on met nos lunettes, puis on lit même quand c'est écrit petit. Mais, nous autres, tout ce qu'on écrit pour nos participants, on fait toujours attention à quelle grosseur on va l'écrire, essayer de ne pas avoir trop d'information sur la même page, faire des textes aérés, des phrases courtes.

M. Latendresse (Richard): Il y a sûrement d'autres choses, mais ça ne me vient pas.

Mme Loiselle: La production de rapports d'impôts, avec la nouvelle politique familiale, est-ce que vous voyez qu'il va y avoir des problèmes avec ça? Est-ce que ça va amener une surcharge dans des groupes comme le CEDA, dans les groupes communautaires? Parce que les gens vont devoir produire un rapport d'impôts...

M. Latendresse (Richard): Un rapport d'impôts?

Mme Loiselle: ... – oui – avec la nouvelle politique familiale.

M. Latendresse (Richard): Oui, les rapports d'impôts risquent d'être pas mal plus épais parce que c'est écrit pas mal petit. Il y aurait ça. En tout cas, je ne sais pas, je le fais, mon rapport d'impôts, mais il y a toute une organisation...

Mme Loiselle: Mais pour les personnes peu scolarisées, à le compléter, tout ça, là? C'est surtout à ça que je pense.

M. Latendresse (Richard): Oui, il y a ça.

Mme Audet (Denise): Moi, je pense que c'est impossible pour eux de le remplir tout seuls. Ils vont dans des centres. Comme justement, au CEDA, on a des bénévoles de l'impôt qui viennent pour aider les gens, pour remplir les rapports d'impôts pour les gens.

Mme Parent (Julie): Parce qu'il y en a qui ont de la difficulté à lire et à écrire, ça fait qu'ils vont voir des personnes qui sont responsables de ça pour faire remplir leurs papiers.

Mme Loiselle: Vous demandez aussi la reconnaissance du bénévolat, les gens qui font du bénévolat. Vous dites qu'en alpha il y a des gens qui aident aux repas, tout ça. Est-ce que vous proposez au gouvernement de peut-être mettre en place une mesure où il y aurait la reconnaissance de l'implication sociale du bénévolat? Associée avec le barème de participant, une mesure finalement qui ferait partie du parcours, est-ce que ça serait intéressant pour vous?

M. Latendresse (Richard): Bien, il faut faire attention. On ne voudrait pas que le bénévolat soit une façon d'accéder au marché du travail, parce que c'est rendu un peu ça, puis l'étape suivante, c'est qu'on va être obligé de payer pour être bénévole, pour pouvoir avoir accès au marché du travail. Ce qu'on dit, c'est que le marché du travail ne peut pas absorber tout le monde à cause des critères qu'ils ont à l'heure actuelle, les gens plus âgés, de 50 ans, et tout ça.

Ce qu'on veut, dans le fond, l'intention qu'on a derrière ça, c'est de dire: Tous les gens sont une richesse humaine pour la société et le gouvernement devrait être capable de faire en sorte que les gens réalisent non seulement leur potentiel, mais le développent, leur potentiel. Et c'est dans ce but-là qu'on trouve que le bénévolat peut être intéressant. Au lieu que les gens restent à la maison, qu'ils aient cette possibilité-là, que ce soit volontaire et que ce soit aussi dans des domaines qui les intéressent ou à partir d'une démarche d'orientation aussi, puis que ce ne soit pas un moyen indirect d'accéder au marché du travail.

Mme Loiselle: O.K.

M. Latendresse (Richard): Puis que ce soit reconnu socialement, oui, aussi, parce que, avant ça, c'étaient souvent les femmes des familles riches ou aisées qui pouvaient faire du bénévolat. Maintenant, c'est rendu, parce qu'il n'y a pas de travail, les gens, c'est une façon de s'occuper. Ça fait que ça change aussi la perspective, tout ça.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je remercie le Comité d'éducation aux adultes et des participants, particulièrement Jean-Marc, Stéphane et Julie qui nous ont présenté... et les féliciter, dans le fond, d'avoir finalement assumé la situation dans laquelle ils étaient et pris les moyens pour essayer d'améliorer leur situation. Je pense que le témoignage qu'ils nous ont donné nous montre qu'ils sont sur la bonne voie. Merci aux animateurs aussi.

M. Latendresse (Richard): Merci beaucoup.

(16 h 40)

La Présidente (Mme Leduc): J'inviterais la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec est prête? Alors, M. Germain? Oui. Vous êtes prêt? Alors, bonjour. Vous allez présenter la personne qui vous accompagne.


Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (FNACQ)

M. Germain (Daniel): Oui, certainement. Alors, Richard Dagenais, économiste et membre très actif à l'ACEF de Québec; et moi-même, Daniel Germain, analyste à l'Association coopérative d'économie familiale et porte-parole de la FNACQ, Fédération nationale des associations de consommateurs.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, on vous écoute pendant 20 minutes ou moins, si vous le souhaitez.

M. Germain (Daniel): Alors, très bien. Comme préambule à la présentation, la Fédération représente quatre ACEF membres dans les grandes régions du Québec: il y a une ACEF à la Rive-Sud de Montréal, une autre dans l'Estrie, une à Québec et une à Granby. Alors, nous, on est aux premières lignes. Nous ne représentons pas directement des assistés sociaux, mais nous sommes aux premières lignes de deux façons. Premièrement, la plupart des ACEF membres offrent un service de consultation budgétaire à l'ensemble des citoyens et une bonne partie de la clientèle que nous rencontrons, ce sont des gens sur l'aide sociale, notamment. Donc, on est aux premières lignes pour constater les problèmes que les gens ont à résoudre quotidiennement. D'autre part, on est conscients que les conditions socioéconomiques des gens dépendent aussi de conjonctures plus larges, et c'est pour ça que nous faisons des représentations politiques. Alors, c'est un peu notre mission.

Alors, évidemment on pourrait titrer notre mémoire Variations sur un même thème . Nous sommes très contents de constater que beaucoup de gens avant nous ont dit des choses qui vont ressembler à ce qu'on va dire aujourd'hui. Ça confirme qu'il y a une sorte de consensus quant à certains, on pourrait dire, irritants, mais aussi sur des aspects positifs de la réforme.

Nous, on a traité la question du livre vert à partir de trois questions. La première, d'abord, c'est: La réforme est-elle adaptée à la réalité socioéconomique dans laquelle vivent les ménages à faibles revenus? Deuxième question: Peut-on compter sur l'initiative individuelle et locale pour créer l'emploi et intégrer les assistés sociaux sur le marché du travail? Troisième question: L'aide financière est-elle suffisante pour combler les besoins essentiels des familles et faciliter l'intégration et le maintien à l'emploi? Alors, on a relevé ce défi-là. Autrement dit, on a épluché le livre d'un couvert à l'autre.

Alors, premier constat au niveau de: Est-ce que la réforme est compatible avec la réalité socioéconomique? Alors, la réforme de la sécurité du revenu s'inscrit dans une conjoncture difficile pour les ménages à faibles revenus. Ces ménages sont frappés de plein fouet par la lutte au déficit et la restructuration économique, qui se traduisent par des coupures dans les programmes et les services publics ainsi que par une reprise économique sans nouveaux emplois. Ces ménages ont subi, depuis 1996, d'importantes pressions qui les ont plongés encore davantage dans l'insécurité économique. J'insiste sur les mots «insécurité économique» parce que, nous, quand on reçoit les gens à l'ACEF, c'est souvent dans cet état-là qu'ils sont, très insécures.

Alors, l'assurance-médicaments, le déclin du logement social, une tarification à la hausse des services de base essentiels tels le téléphone et l'électricité, les coupures subies en 1986 dans l'aide sociale et le dépôt des crédits de mardi dernier contribuent à accroître cette insécurité économique des familles à faibles revenus. Notre gouvernement nous dit notamment que nous n'avons pas le choix, que c'est le prix à payer pour s'intégrer à l'économie mondiale, pour prospérer, devenir concurrentiel et revenir à des jours meilleurs. C'est la dure loi de l'adaptation.

Cependant, il n'y a pas que les politiques de restructuration proposées par la Banque mondiale que nous devons appliquer. Alors, nous, on a abordé la question d'abord en se disant: Est-ce que la réforme s'adapte à la conjoncture internationale et nationale? Dans le fond, c'est ça qui dicte un peu les politiques que notre gouvernement adopte: rationaliser, restructurer, etc. Nous, on se dit et on est convaincus qu'une partie de nos problèmes doivent se résoudre au niveau international. C'est clair que, sur un plan local, on est contraint à couper jusqu'à l'os. C'est pour ça, nous autres, qu'on demande que dans les accords internationaux de commerce soit incluse une clause sociale. On n'est pas les premiers à la demander, mais je pense qu'il va falloir se poser sérieusement la question. On ne la demande pas pour demain matin, c'est clair, il y a un gros travail de représentation à faire. Mais, si on ne s'assoit pas pour regarder ces aspects-là, c'est évident qu'on court de graves problèmes.

Alors, notamment sur la question de la concurrence déloyale qui existe entre des pays. Bon. Comme on sait, il y a bien des pays où, dans le fond, leur concurrence est principalement basée sur une exploitation honteuse de la main-d'oeuvre bon marché et des mesures sociales anémiques. Alors, si c'est ça pour être dans le concert des nations au niveau de l'économie mondiale, d'ajuster nos politiques sociales en fonction de la réalité de pays qui ont des pratiques dignes de l'âge préhistorique, alors, nous, on se pose de sérieuses questions. Donc, c'est pour ça qu'il faut en discuter au niveau international.

Ceci dit, l'autre question aussi, c'est concernant l'initiative individuelle et locale comme moyen de créer des emplois et d'intégrer les assistés sociaux. Bon. Dans le fond, la question qu'on se pose, c'est: La création d'emplois à l'heure d'une économie sans travail, parce que c'est un peu ça qui se dessine à l'horizon, sans vouloir être pessimiste. Alors, nous sommes d'accord avec les constats que vous faites concernant la situation dramatique de l'emploi et l'augmentation des coûts des programmes de sécurité sociale telles l'assurance-chômage et l'aide sociale. Bon. Le fait que les coûts de l'aide sociale ont augmenté de 600 % depuis 1975 témoigne de l'échec lamentable du plein-emploi. Alors, là, les gouvernements ne sont pas les seuls à blâmer là-dedans, je pense qu'au niveau national il y a des gros problèmes là-dessus.

Alors, si une partie du problème s'explique par des causes conjoncturelles, le noeud du problème, quant à nous, est davantage de nature structurelle. Alors, notamment les gains de productivité ne dépendent plus d'une main-d'oeuvre abondante, et ça, c'est un constat qui est fait dans l'ensemble des pays du G 7. Et quiconque suit un peu la presse internationale là-dessus et les grands débats d'idées actuellement, beaucoup d'économistes, même des économies très conservateurs, reconnaissent actuellement que les gains de productivité continuent de progresser, mais l'emploi, lui, est en chute libre.

À titre d'exemple – et je cite des chiffres du Conseil du bien-être, notamment – alors que le PIB du Canada a augmenté en moyenne de 2,6 % entre 1983 et 1993, l'emploi, lui, augmentait de 1,7 %. Donc, on voit qu'il y a un écart qui se crée. Puis ce n'est pas de la faute d'une personne en particulier. C'est une réalité, il va falloir apprendre à vivre avec et la transcender, je dirais. La raison de cet écart réside notamment dans le fait que les gains de productivité découlent davantage maintenant de l'automatisation, de la restructuration et de la délocalisation des moyens de production. Canadelle et Kenworth sont des exemples québécois de cette situation. Cette situation nous met en face d'une nouvelle réalité qui découle de la mondialisation du capital et de la troisième révolution industrielle. Je peux citer... Il y a un paquet d'ouvrages qui sont sortis depuis quelques années là-dessus, notamment l'ouvrage de M. Rifkin, entre autres. Alors, cette réalité, dans le fond, bien, c'est une économie sans travail. C'est dans ça qu'on s'en va actuellement.

(16 h 50)

Dans ce contexte, nous comprenons mal que le constat posé par le gouvernement sur la situation de l'emploi conduit à un projet de réforme qui veut intégrer les assistés sociaux sur le marché du travail alors que les effectifs de l'armée de réserve des travailleurs et travailleuses ne cessent de croître chaque jour. La dualisation de la société fait son oeuvre insidieuse. Certes, cela n'est pas une raison de baisser les bras et de ne rien faire pour remettre les gens au travail. On en convient avec vous.

Certes, la motivation, la confiance, le niveau d'éducation et la mobilité de la main-d'oeuvre, l'initiative individuelle et locale sont des facteurs importants sur lesquels votre réforme mise avec raison. S'en remettre à l'initiative locale et individuelle pour remettre les assistés sociaux au travail serait une stratégie porteuse dans une économie qui vise le plein-emploi, mais tel n'est pas le cas. Les individus, les communautés locales auront à porter l'odieux de remettre les gens au travail dans un marché local où la demande de biens et services est plafonnée, voire en décroissance, un marché où les disparités régionales se creusent davantage en cette ère de restructuration.

Il importe donc que nous tournions également notre réflexion et notre action sur l'emploi au niveau macroéconomique et international. Le partage de l'emploi, le revenu de citoyenneté sont des avenues prometteuses dans un contexte où la croissance économique amplifie le déficit d'emploi. Ceci dit, il va falloir réfléchir longuement à cette question, parce que c'est sûr que, dans le contexte actuel, avec les chiffres que vous nous avez cités tout à l'heure, Mme la ministre, et qu'on connaissait aussi, nous, on parle d'un changement de paradigme, alors ce n'est pas pour demain matin.

Ceci dit, revenons à nos moutons et à la chose concrète de la réforme. Nous, dans le fond, suite à ce constat-là de chute dramatique de l'emploi, on répète ce que bien des gens ont répété avant nous, c'est qu'on voit mal comment les parcours vers l'emploi vont fonctionner. C'est pour ça que, nous, on demande – et je pense que, déjà, il y a des assouplissements qui se dessinent là-dessus – le parcours volontaire et non pas le parcours obligatoire. Dans ce sens-là, je pense que ce serait une manière, à tout le moins, de ne pas mettre les gens dans une situation impossible.

Sur ce, je vais céder la parole à Richard Dagenais qui vous présentera notre réponse à notre troisième question, parce que c'est une question cruciale aussi, dont beaucoup de gens ont traité. Dans le fond, c'est: L'aide financière est-elle suffisante pour combler les besoins essentiels et permettre aux individus et aux familles de vivre décemment et de s'intégrer à l'emploi? Richard, vas-y.

M. Dagenais (Richard): Oui. Je commencerai par une définition que donnait un avocat de la région de Québec à la radio, de l'assisté social. Pour lui, l'assisté social, c'est une personne qui ne s'appartient plus. Je pense que, lorsqu'on voit les contraintes exigées par l'aide sociale, par exemple, en termes d'actifs qu'elle peut posséder, en termes de conditions qu'elle a à remplir pour pouvoir bénéficier d'un chèque de l'aide sociale, on voit effectivement que, dans notre société, c'est une définition qui correspond assez bien à la réalité.

Dans le livre vert, on indique que, de 1975 à 1995, la prestation moyenne au Québec a augmenté un peu plus que le niveau d'inflation au Québec, que l'indice des prix. Par contre, ce qu'il faut voir, c'est que cette réalité-là, elle est due à deux choses au départ. C'est que, d'une part, les prestations pour les ménages, les familles monoparentales sur le soutien du revenu ou encore jugées inaptes au travail et ensuite aussi les personnes aptes au travail de moins de 30 ans ont augmenté plus vite que l'inflation. Mais, pour les autres catégories, par exemple, les ménages biparentaux sur le soutien du revenu ou encore les personnes aptes au travail de plus de 30 ans, leur prestation a augmenté moins vite que le taux d'inflation, de 1975 à 1995. Dans le cas, par exemple, des moins de 30 ans, l'ajustement est dû en fait à l'abandon en 1989 de la discrimination négative à leur endroit qui faisait qu'ils avaient droit à un barème moins élevé que les autres prestataires jugés aptes.

D'une part, au niveau de l'évaluation des besoins essentiels. Dans le livre vert, à la toute fin, on donne un tableau donnant l'évaluation des besoins essentiels reconnus par le ministère de la Sécurité du revenu. Par contre, il existe diverses méthodes, somme toute, pour évaluer les seuils de pauvreté et déterminer les budgets de subsistance. Entre autres, pour nous, il y a une approche qui est plus intéressante, c'est l'approche budgétaire du Dispensaire diététique de Montréal qui propose, depuis 1989, un budget de confort minimum qui, somme toute, est comparable au panier de biens essentiels reconnu par le gouvernement du Québec, mais qui donne des évaluations supérieures de 8 % à 20 % aux données qui sont présentées dans le livre vert. L'écart est principalement dû au coût plus élevé du logement, selon le Dispensaire. Par contre, la réalité fait que, si les gens ont à assumer des frais de logement plus élevés, ils ont à couper sur d'autres besoins essentiels.

L'autre élément important du problème, après la question d'évaluation des besoins essentiels, c'est l'exigence pour les personnes aptes au travail de contribuer à leurs besoins essentiels par des revenus de travail. Le problème, c'est que, comme il n'y a pas de test des revenus de travail, un ménage qui ne retire pas les revenus de travail permis doit se priver finalement au niveau de ses besoins essentiels, parce que le barème ne couvre pas exactement les besoins essentiels reconnus. Cette personne-là doit se priver, doit quêter de l'argent, de la nourriture ou des vêtements ou encore accumuler des dettes et risquer la faillite. Enfin, une minorité décide de contourner ces contraintes par le travail au noir ou, plus rarement, par la criminalité.

Alors, la réalité fait que, lorsqu'on ne couvre pas les besoins essentiels, les gens s'organisent autrement pour couvrir ces besoins essentiels là. Je fais partie d'un organisme de loisirs pour personnes qui sont issues de milieux psychiatriques et la réalité, c'est que, depuis quelques années, les gens ont de plus en plus de difficulté à arriver à la fin du mois, par exemple. J'ai ma fille, par exemple, dont une amie vient chez nous pour chercher de temps en temps de la nourriture et pour faire son lavage, et elle est sur l'aide sociale. À mon sens, ça décrit un symptôme à l'effet que ces gens-là n'ont pas les moyens suffisants pour couvrir les besoins essentiels. Est-ce que c'est aux autres citoyens de suffire à ces besoins-là?

C'est la question qu'on peut se poser en tant que citoyens et dans une démocratie, je pense. Mais la réalité fait, à mon sens, que les besoins essentiels ne sont pas couverts, à tout le moins pour les gens qui sont aptes au travail. J'ai vérifié, par exemple, au ministère de la Sécurité du revenu. En décembre 1996, 3 % des prestataires ont déclaré des revenus de travail. Donc, pour nous, une majorité de gens qui sont jugés aptes au travail – dans ce cas-là, ça incluait l'ensemble des prestataires – ne reçoivent pas les revenus de travail suffisants, à notre sens, pour couvrir les besoins essentiels. Alors, le problème est là. S'ils n'ont pas les moyens pour couvrir les besoins essentiels, que font-ils, que faisons-nous, somme toute, comme personnes participant dans une société démocratique?

Un autre point, c'est qu'on constate aussi que les réductions dans l'aide, finalement, pour la santé, pour les services sociaux, ne sont pas nécessairement ajustées au niveau des besoins essentiels reconnus. Par exemple, on a imposé, en septembre dernier, le régime d'assurance-médicaments pour les personnes sur l'aide sociale. Ça équivaut à une dépense maximale de 25 $ par mois, par exemple, pour les gens sur l'aide sociale, et on n'a pas ajusté, à ce moment-là, les barèmes d'aide sociale. Ça équivaut, pour nous, à une baisse de l'aide effective pour ces personnes-là. Elles doivent donc, si elles veulent s'acheter des médicaments, soit diminuer au niveau d'autres besoins essentiels, soit finalement se priver de médicaments, ce qu'on observe. Il y a des gens qui font des représentations chez nous à l'effet qu'ils n'ont pas les moyens de se payer leurs médicaments. Alors, c'est une réalité. Qu'est-ce qu'on fait avec ça?

À la page 52 du livre vert, on dit que les participants auront droit à la prestation de base d'aide à l'emploi, plus le remboursement des frais de participation et de démarches. Pourtant, à la page 55, le tableau des nouveaux barèmes proposés n'identifie pas cette prestation d'aide à l'emploi, ce qui a détourné notre attention du fait que la volonté cachée était d'offrir aux participants le barème de base qui est en fait le barème correspondant à aucune contrainte à l'emploi, et tout le monde était mis, à ce moment-là, sur le même pied d'égalité: ceux qui étaient disponibles, ceux qui étaient non disponibles, etc., ce qui est pour nous inacceptable. Il faut, dans une société, à mon sens, démocratique, que les efforts de chacun soient récompensés en fonction de leur utilité sociale.

Comme recommandation, je pense qu'il faut qu'il y ait une réévaluation des besoins essentiels qui doit tenir compte des dépenses nouvelles que les ménages doivent assumer en santé et en services sociaux. Il faut réévaluer la notion de besoins essentiels et la mettre à jour de façon régulière pour tenir compte des réalités et des vrais besoins des personnes et non pas uniquement des contraintes budgétaires du gouvernement.

Un autre aspect aussi, c'est que le gouvernement doit annoncer au moins six mois à l'avance, avec prise d'effet en juillet de l'année – parce que c'est le renouvellement du bail – tout changement de barème et d'aide accordée aux prestataires pour leur permettre de planifier et non pas d'avoir à assumer un loyer et, en même temps, d'avoir à couper au niveau des autres besoins essentiels comme on a fait dans les deux dernières années. On a fait des coupures, par exemple, en avril ou en septembre, une fois que les gens s'étaient déjà engagés au niveau d'un loyer, ce qui leur impose de couper au niveau d'autres besoins essentiels.

Il faut indexer aussi les barèmes et les aides diverses, par exemple les allocations pour enfant handicapé ou pour les étudiants, en fonction du coût de la vie. Pour nous, je rappelle que l'évaluation des besoins essentiels devrait correspondre au budget du confort minimum du Dispensaire. Enfin, il faut développer des mécanismes pour s'assurer que les prestataires aptes au travail disposent des ressources nécessaires pour couvrir leurs besoins essentiels, même pour les mois où ils ne travaillent pas.

(17 heures)

Concernant la réforme de la sécurité du revenu, il faut adopter une approche positive, préventive et incitative, plutôt qu'une approche coercitive, d'exclusion et de discrimination, pour amener les prestataires aptes au travail à se trouver du travail ou à persister dans leur emploi. Il faut assurer aux personnes qui participent à des mesures d'insertion au travail ou à des programmes d'employabilité un revenu décent qui leur permette de subvenir à leurs besoins essentiels tout en leur permettant d'assumer les coûts additionnels liés au travail et aux études. Alors, les personnes qui travaillent devraient avoir droit à un taux de salaire comparable au taux de salaire minimum et aussi au supplément APPORT, par exemple. Enfin, je pense qu'il faut rétablir le barème de disponibilité pour ne pas pénaliser ceux qui vraiment cherchent de l'emploi. Concernant les programmes d'insertion, je pense que, nous, notre constat, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de moyens d'investis, 90 000 000 $ par année, ce qui correspond à environ 2 % des fonds sur la sécurité du revenu, pour nous, c'est insuffisant.

Je vais parler rapidement de l'allocation unifiée. Donc, il est proposé, dans le livre vert, un nouveau régime d'allocation unifiée pour les enfants. À la base, je pense que l'idée, elle est valable, c'est-à-dire d'intégrer l'ensemble des programmes d'aide pour les enfants, de mettre de l'ordre, somme toute. Ce dont on s'aperçoit, c'est que, dans le fond, il y a, avec ce programme-là, un transfert et on va aider les familles dont le revenu principal est le travail en réduisant celles qui ont un revenu plus faible, par exemple, un revenu modeste, en diminuant l'aide qui va être fournie aux familles à revenus plus élevés et moyens.

Donc, nous, ce qu'on a évalué finalement dans notre document, c'est que l'aide directe et fiscale va être réduite de l'ordre de 264 000 000 $ par année pour les familles. Alors, si on compare les allocations actuelles, les exemptions fiscales, etc., et aussi les exemptions accordées pour les taxes, par exemple, municipales, etc., donc il y a une perte pour les familles. Donc, en plus du transfert des familles plus riches vers les familles plus pauvres, il y a une réduction globale nette de l'aide accordée aux familles. Je pense que le gouvernement doit être conséquent et le dire honnêtement à la population. Je pense que, si c'est l'objectif, si c'est vraiment une réduction nette qu'on veut des programmes d'aide à la famille, il faut le dire clairement.

Ce qu'on propose aussi, c'est que le taux de réduction des allocations en fonction du revenu soit abaissé. Au lieu de 50 %, on propose plutôt de l'ordre de 20 %, ce qui permettrait finalement aux familles à revenus modestes de toucher un peu plus que l'aide actuelle, alors que, autrement, si on utilise le taux actuel, les familles entre 20 000 $ et 30 000 $ vont avoir une aide inférieure à ce qu'elles recevaient avant dans l'ancien régime.

Pour terminer cet aspect-là, je dirais qu'il faut compenser, par exemple, pour l'abandon des allocations à la naissance et pour les enfants en bas âge, les familles. Il faut aussi faire en sorte que les familles à revenus modestes et moyens ne soient pas pénalisées dans la réforme des allocations pour enfants et il faut faire en sorte aussi que les personnes sur l'aide sociale ne soient pas pénalisées. Parce que, actuellement, si on compare ce qui est proposé, effectivement pour les familles sur l'aide sociale, les familles monoparentales seraient pénalisées de 8 $ ou 30 $, dépendamment si c'est un ou deux enfants, alors que les familles de trois enfants et plus, par contre, pourraient y gagner. Mais, dans le cas des familles de un et deux enfants, elles seraient pénalisées et, à terme, on ne pense pas ajuster.

Alors donc, on pense qu'il faut qu'il y ait des ajustements au programme d'allocation unifiée qui tiennent compte aussi... Idéalement, il faut financer finalement des allocations plus généreuses à l'endroit des ménages plus pauvres, à revenus modestes, à partir de la fiscalité générale plutôt qu'en réduisant les avantages fiscaux des familles. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange. Il y a du stock.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez raison, M. le Président, il y a du stock. C'est un mémoire qui est très fouillé. Je voudrais en féliciter la Fédération nationale des associations de consommateurs. M. Germain... Je comprends que l'on parle à M. Beaulieu?

M. Dagenais (Richard): Dagenais.

Mme Harel: M. Dagenais. D'accord. Alors, vous êtes tous les deux de l'ACEF de Québec?

M. Dagenais (Richard): Oui.

Mme Harel: Alors, M. Dagenais, à titre d'intervenants d'animateurs? Vous êtes porte-parole, mais je ne sais pas quels postes vous occupez l'un et l'autre.

M. Germain (Daniel): Moi, je me trouve à être permanent, si ça veut dire quelque chose encore de nos jours...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Germain (Daniel): ...et puis M. Dagenais, lui, il est tout simplement un membre bénévole actif et économiste de formation qui milite depuis plusieurs années.

Mme Harel: D'accord. Vous dites permanent, pourquoi? Parce que vos...

M. Germain (Daniel): Parce que je suis employé de l'ACEF de Québec.

Mme Harel: Et vos sources de financement sont aléatoires? Vous dites «de nos jours», vous êtes inquiet?

M. Germain (Daniel): De nos jours dans le sens où, moi, je suis passé par ce que beaucoup de gens passent actuellement, et non pas dans le sens de notre financement, mais c'est mon premier emploi stable, et j'ai 38 ans.

Mme Harel: Et le financement de l'ACEF vient d'où, l'ACEF de Québec? On a reçu les ACEF hier, aussi.

M. Germain (Daniel): Bon. Alors, nous, à l'ACEF de Québec, c'est Centraide, notre principal bailleur de fonds, et l'Office de la protection du consommateur aussi qui donne un pourcentage.

Mme Harel: Oui. Justement, on a eu un très, très bon mémoire de la Fédération des ACEF. C'est étrange, c'était trois femmes qui représentaient la Fédération des ACEF, et là, finalement, vous êtes deux hommes, en fait.

Ceci dit, c'est un mémoire qui est fouillé par beaucoup de ses aspects. Peut-être un élément important: les dépenses maximales pour l'assurance-médicaments, ce n'est pas 25,00 $ par mois.

M. Dagenais (Richard): C'est 75,00 $ pour trois mois. C'est parce que je l'ai ramené...

Mme Harel: C'est 16,00 $, 16,66 $ par mois.

M. Dagenais (Richard): Par mois, mais plus le...

Mme Harel: En fait, c'est déjà beaucoup, là.

M. Dagenais (Richard): ...25,00 $, je pense – comment on appelle ça? – ...

M. Germain (Daniel): La franchise.

M. Dagenais (Richard): ...pour la franchise.

Mme Harel: Non, c'est tout compris. Le maximum à verser, c'est 16,66 $.

M. Dagenais (Richard): Incluant la franchise, vous dites?

Mme Harel: Oui. Ah oui! Ah oui! Absolument.

M. Dagenais (Richard): Monsieur dit non, mais je...

Mme Harel: C'est 50,00 $ à tous les trois mois. Alors, 12 mois, c'est 200,00 $; 200,00 $ divisé par 12.

M. Germain (Daniel): C'est 25,00 $ pour trois, plus la coassurance. Moi, à moins que j'aie mal compris, mais il me semble que les gens doivent payer 25,00 $ par tranche de trois mois par franchise, plus évidemment la coassurance. Il me semble, nous, quand on a fait nos représentations à l'assurance-médicaments...

Mme Harel: En fait, c'est 25,00 $ de franchise, 25,00 $ de coassurance...

M. Germain (Daniel): 25 %.

Mme Harel: ...donc un total de 50,00 $ pour trois mois.

M. Germain (Daniel): C'est ça.

Mme Harel: Alors, trois mois, ça signifie: quatre fois trois, n'est-ce pas, pour faire les 12 mois dans une année, ça fait 200,00 $, divisé par 12, ça fait 16,66 $. Bon. Écoutez, je pense que...

M. Germain (Daniel): Tout de même, les gens ont des problèmes, malgré...

Mme Harel: C'est déjà beaucoup, 16,66 $, mais, je veux dire, entre 25,00 $ et 16,66 $, il y a 9,00 $ de différence. Écoutez, je ne veux pas qu'on...

M. Germain (Daniel): Non, non.

Mme Harel: ...prenne tout notre temps là-dessus, mais...

M. Germain (Daniel): Mais l'effet est le même, parce qu'on a des gens, nous, qui se présentent assez régulièrement. Moi, j'ai eu un cas, notamment, il y a à peu près un mois: le monsieur, son lithium, il l'a laissé sur le comptoir du pharmacien et sa dame – je ne veux pas tomber dans le pathos, mais – est atteinte de sclérose en plaques. Le monsieur se cherche du travail depuis deux ans, maniaco-dépressif. Bien, là, quand il est venu me voir, ça faisait trois ou quatre jours qu'il n'avait pas pris sa médication, puis ça commençait à se sentir, puis il s'inquiétait pour sa femme qui ne bénéficie pas du médicament dispendieux parce que ce n'est pas efficace pour elle, mais au moins elle avait un relaxant musculaire, et ça tombait à échéance le mois suivant. Alors, le monsieur était assez désespéré. Puis on a des cas réguliers au téléphone, là. Ceci dit, malgré l'erreur de calcul, l'effet est le même pour les gens.

Mme Harel: En tout cas, écoutez, moi, la sclérose en plaques, j'en connais un peu à cause de quelqu'un dans ma famille...

M. Germain (Daniel): Oui.

Mme Harel: ...et je peux vous dire qu'il y a des centaines de gens atteints qui sont infiniment contents d'avoir accès à un médicament qui coûte 14 000 $ par année, auquel ils n'avaient pas accès auparavant, et c'est grâce à l'assurance-médicaments. Alors, il y a du pour puis il y a du contre.

M. Germain (Daniel): Oui, effectivement.

Mme Harel: Ça, il faut être capable de faire la part des choses.

M. Germain (Daniel): Oui, et nous la faisons.

Mme Harel: Sinon, je ne sais pas où on s'en va.

M. Germain (Daniel): Mais nous la faisons.

Mme Harel: Il y a un problème vraisemblablement certain pour les personnes désinstitutionnalisées, en particulier...

M. Germain (Daniel): C'est ça.

Mme Harel: ...et pour celles qui, dans le mois, peuvent avoir à acheter des médicaments à un moment où, finalement, elles n'ont pas mis de côté, n'en ayant pas assez, pour prévoir qu'elles en auraient besoin. Ça, je pense qu'il faut le reconnaître. En même temps, il faut reconnaître cependant que, pour des milliers de personnes, y compris pour des enfants, l'assurance-médicaments, présentement, c'est une joie, une grande joie.

(17 h 10)

Ceci dit, tantôt vous parliez aussi de la réduction globale nette de l'aide accordée à la famille. En fait, ça non plus, ce n'est pas exact. La réduction globale nette, ce n'est pas le cas. On peut ne pas aimer la manière dont c'est redistribué, on peut la critiquer, ce n'est pas de ça dont je parle maintenant, ce que je vous dis, c'est que le total de ce qui était consacré aux familles va non seulement l'être intégralement, mais il faut que le gouvernement ajoute un autre 50 000 000 $ cette année, là, pour y arriver. Alors donc, c'est finalement l'argent qui est redistribué autrement, plus un 50 000 000 $. Tantôt, vous parliez, ma foi, de 248 000 000 $, je pense, c'est bien ça, de moins dans l'ensemble de l'aide globale à la famille. Ça va coûter 50 000 000 $ de plus, l'aide globale à la famille.

M. Germain (Daniel): Il y a une réalité tout de même, je pense, qu'il faut reconnaître, c'est que, notamment pour l'allocation unifiée, il est clair que les ménages qui sont plus de la classe moyenne financent le programme. Dans le fond, c'est qu'il y a un principe en fiscalité qui dit qu'élever des enfants, faire des enfants, bien la société en bénéficie puis, en conséquence, on le reconnaît sur un plan fiscal. Au Québec, c'est clair. Or, avec l'allocation unifiée, ce qui se produit, du moins ce qu'on croit avoir compris, c'est qu'il y a une partie de ça... Dans le fond, on demande un effort supplémentaire aux gens de la classe moyenne qui ont des enfants et les gens de la classe moyenne qui n'ont pas d'enfants, eux, n'ont pas de charge supplémentaire. Alors, si on fait de l'interfinancement comme ça à l'intérieur de catégories sociales, nous, on a des craintes par rapport à ça, là.

Mme Harel: Ils n'ont pas de charge supplémentaire, mais, en même temps, n'ont pas non plus le même barème fiscal. Vous savez très bien que les personnes seules ont finalement beaucoup plus à payer sur le plan de la fiscalité, objectivement, que les personnes qui ont des enfants. Ce n'est pas la même application. Ceci dit, il y a cependant une redistribution, mais il n'y a pas d'économie. Non seulement il n'y a pas d'économie, il faut en remettre dedans, il faut réinjecter un 50 000 000 $. Ça donne un 6 % de plus. Le budget global des politiques familiales, il va être 6 % de plus que ce qu'on dépensait l'an dernier.

Et l'autre paradoxe aussi, c'est celui de... Et ça, c'était dans le livre des crédits de mardi, là. On peut regarder ça, il n'y a pas de cachette là comme il n'y a pas de cachette sur le budget global. Ça va peut-être vous surprendre, hein, mais, en proportion, jamais l'État aura tant dépensé pour le budget de sécurité du revenu. On atteindra 12 % du budget global qui s'en va à la sécurité du revenu. Parce que, finalement, le budget, lui, s'est maintenu. Comme je l'ai expliqué à d'autres qui vous sont précédés, il n'y a pas eu de coupure dans le budget, c'est toujours un 4 235 000 000 $. Il y a même 25 000 000 $ de plus qu'en 1994, alors le budget global. Et la proportion de ce que l'État consacre est encore plus importante qu'elle l'était. Vous voyez, en 1994, c'était 11 %, là c'est rendu 12 %.

M. Germain (Daniel): Mais la croissance est exponentielle.

Mme Harel: C'est à cause du nombre de ménages.

M. Germain (Daniel): C'est ça. Il y a de plus en plus de ménages.

Mme Harel: Exactement. Et c'est pour ça que ce n'est pas 188 000 000 $ de compressions cette année. Il y en a, des compressions, il y en a assez pour ne pas qu'on s'en mettre d'autres sur le dos, il y en a pour 56 000 000 $. Parce qu'une compression, c'est ce qui réduit un chèque ou un barème, c'est qui réduit ce que les gens reçoivent. Dans ce qui va réduire ce que les gens reçoivent, il va y en avoir pour 56 000 000 $. Là-dessus, il y a le contrôle du transport ambulancier et du transport par taxi pour raisons médicales.

Le reste, ce n'est pas des baisses de chèque ou de barème, etc.; le reste, c'est de dire ceci: On a 471 000 ménages présentement, l'an prochain, on a eu du Trésor, là, le budget pour 474 000. Parce que l'augmentation qu'on peut appréhender en anticipant les resserrements à l'assurance-emploi, bien, avec une combinaison de fonds de lutte pour l'insertion au travail, 250 000 000 $, avec une combinaison de diverses mesures, y compris le nouveau programme d'apprentissage, y compris les chantiers d'économie avec tous les projets du Sommet qui totalisaient sur trois ans 20 000 emplois, on va essayer de garder le nombre de ménages à 474 000, donc d'en augmenter de 3 000 et non pas d'en augmenter de 15 000. On a réussi à faire accepter par le Conseil du trésor que ce qu'on allait faire collectivement, ça allait avoir un impact sur le nombre de ménages parce qu'on allait pouvoir mettre du monde à l'ouvrage.

Alors, on ne peut pas parler de 188 000 000 $ de compressions comme si ça baissait le barème ou le chèque des gens. C'est déjà assez, 56 000 000 $. Vous voyez, l'impact que ça a, c'est déjà beaucoup. Alors, imaginez-vous s'il avait fallu en faire plus. On en a fait pour 56 000 000 $.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vos commentaires, s'il vous plaît.

M. Dagenais (Richard): Oui, en fait, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est que, concernant le Régime d'allocations familiales versus l'unifiée et aussi considérant l'aide fiscale accordée à la famille, excluant l'aide pour les frais de garde, en fin de compte, nous, ce qu'on observe, c'est qu'il y a une réduction de 264 000 000 $. Effectivement, il y a une partie de ça qui va être déplacée vers d'autres fins. Mais, si on compare le régime d'allocations aux enfants et l'aide fiscale aux enfants, dans le fond, ce qu'on observe, c'est qu'il y a une réduction. Il y a un transfert là, mais les autres aspects de la question, on ne les a pas regardés. On n'a pas évalué effectivement l'impact des changements au niveau de l'exemption pour frais de garde, par exemple, ou des choses du genre. Est-ce qu'ils mériteraient d'être évalués, là? Mais, pour nous, le constat qu'on fait, c'est qu'au niveau de l'aide directe aux enfants et de l'aide fiscale, celle qui est ciblée là, il y a une réduction de 264 000 000 $ qui est déplacée à d'autres fins.

Mme Harel: Les autres frais, c'est pour les enfants aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Dagenais (Richard): Oui, mais, comme l'éducation, est-ce que c'est aux familles à financer ça directement ou à la fiscalité générale, par exemple? C'est une question qu'on peut se poser, ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Une journée occupée pour la FNACQ. Ce matin, j'ai assisté à la commission de la culture où la FNACQ et l'ACEF-Centre présentaient un mémoire sur la carte d'identité dans le cadre du mandat d'initiative. Alors, je peux apprécier à quel point votre organisme travaille fort ces temps-ci pour présenter des mémoires, des prises de position à diverses commissions parlementaires.

Je voulais faire un petit commentaire, M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de le faire, quelques petits mots sur le programme assurance-médicaments. C'est vrai, il y a des gagnants dans le programme. C'est clair. Nous, de notre côté, on n'a jamais nié qu'il y a certaines catégories de personnes qui sortent gagnantes avec ce régime-là. Il y en a d'autres qui sortent perdantes, par contre. L'évaluation est très simple. Je pense qu'il ne faut pas se leurrer, là. Les deux catégories de personnes qui sortent perdantes, c'est les personnes bénéficiaires d'aide sociale et les personnes de 65 ans et plus.

Une bonne partie de ces deux groupes-là, les bénéficiaires d'aide sociale, se trouve être la clientèle de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Demander une augmentation importante dans le coût des médicaments des personnes qui vivent seules, 7 000 $, nous, de notre côté, on l'a dénoncé pendant toutes les commissions parlementaires, la commission parlementaire sur l'assurance-médicaments. Une personne avec 7 000 $ de revenus par année, avec les plafonds qu'on connaît – eh oui, c'est 200 $ par année – consacre 3 % de son budget, 3 %. On parle d'équité, hein, c'est un mot que le gouvernement aime beaucoup utiliser. Quelqu'un qui gagne 75 000 $ par année, avec tous les plafonds et la prime, tous les frais afférents, va consacrer à peu près 1,5 % de son salaire. Où est l'équité? C'est une question qui se pose: 3 % pour un bénéficiaire d'aide sociale, 1,5 % pour quelqu'un qui gagne 75 000 $. Ce n'est pas évident dans mon esprit, en tout cas.

La ministre n'a pas le don d'ubiquité, elle ne peut pas être à plusieurs places en même temps, mais, pendant les commissions parlementaires de cette commission sur le régime d'assurance-médicaments, on a eu groupe après groupe après groupe de gens qui travaillent dans le domaine de l'aide aux personnes de l'aide sociale, des personnes handicapées, des personnes âgées qui nous disaient que les personnes vont être obligées de faire le choix entre se nourrir adéquatement et prendre des médicaments. Ça s'avère exact. On connaît, dans la région de Montréal, l'organisation Soleil Jeunesse, ils ont monté un fonds pour les personnes âgées qui ne sont pas capables d'acheter leurs médicaments. Il faut le faire, hein, il faut le faire. C'est une drôle de façon de procéder, en tout cas.

(17 h 20)

M. le Président, messieurs du FNACQ, votre mémoire est, comme la ministre l'a déjà indiqué, très étoffé. Il y a beaucoup de stock là-dedans. J'aurais quelques questions précises pour vous. Une recommandation qui m'a frappé à la page 37: réévaluer la méthodologie des calculs des besoins essentiels et des barèmes. Là, vous dites: Il faut aller voir des experts, une équipe de recherche, etc. Moi, je trouve ça curieux, parce que vous faites la démonstration, je crois, dans les pages qui suivent, que les besoins essentiels ne sont pas couverts et que les barèmes ne sont pas suffisants. Quant à moi, cette recommandation est légèrement redondante, parce que même le livre vert reconnaît que les barèmes de prestation de la sécurité du revenu ne couvrent pas les besoins essentiels. Quant à moi, je ne vois pas beaucoup d'utilité à réévaluer ça. On sait les résultats, on les connaît. Il ne s'agit pas d'aller revoir les besoins essentiels, mais il s'agit de tenter de les couvrir de façon adéquate.

M. Germain (Daniel): Alors, agissons dans ce sens-là.

M. Copeman: Oui. Tout à fait.

M. Germain (Daniel): C'est ce qu'on attend, nous autres, de ce côté-là. Là-dessus, Richard pourra compléter. Je pense que la méthode d'évaluation apportée par le Dispensaire diététique de Montréal, c'est une méthode de calcul qui est plus réaliste. On parle de budget de confort minimum. C'est très différent. Vous pourrez en parler à nos consultants budgétaires, ils ont le problème. À chaque fois qu'il y a une rencontre, quelqu'un t'arrive et: C'est quoi votre budget, monsieur? C'est quoi votre budget, madame? Et on essaie de tout faire entrer avec un maigre chèque. C'est là qu'on voit, sur le terrain, c'est quoi les besoins essentiels. C'est sûr qu'on peut faire des évaluations comptables, mais... Oui, Richard.

M. Dagenais (Richard): Je pense que, dans ça, il y a deux points. D'une part, l'évaluation des besoins essentiels. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a différentes méthodes pour évaluer ces besoins-là. Il y en a d'autres qui, pour nous, sont plus valables, parce que plus réalistes, plus près des besoins des gens plutôt qu'en fonction de contraintes au niveau de la création d'emplois, etc. Parce que la méthodologie utilisée par le gouvernement tient compte du panier de dépenses des gens qui sont sur le travail, à plus faibles revenus, le premier décile de revenu. Pour nous, donc, c'est une méthode indirecte. Ça ne correspond pas aux besoins des personnes qui sont sur l'aide sociale, dont l'état de santé, dont l'état des revenus et dépenses et les épargnes, par exemple, peuvent être différents, etc. Donc, il y a des situations qui peuvent être différentes.

Pour nous, une méthodologie basée sur les besoins et sur les dépenses effectives est plus réaliste, est plus valable. C'est pour ça qu'on dit: Idéalement, ça serait de réévaluer la méthodologie étudiée par le gouvernement pour voir la différence que peuvent apporter d'autres méthodologies et celles qui sont les plus valables finalement pour les personnes en fonction des besoins à couvrir.

L'autre aspect, c'est: Comment déterminer les barèmes? Parce que, une fois qu'on a déterminé les besoins essentiels, comment on détermine les barèmes? Ce qu'on voit, c'est que le gouvernement, depuis le livre blanc de 1985, par exemple, exige une contribution des aptes au travail. Et là la tendance est d'augmenter cette contribution par rapport aux vrais besoins et aux barèmes qu'on peut donner. De plus en plus, l'écart se creuse entre les besoins et les barèmes que les gens peuvent toucher. Et là il y a un problème, parce que les gens doivent utiliser toutes sortes de ressources et développer d'autres mécanismes, finalement, pour subvenir à leurs besoins essentiels.

M. Germain (Daniel): À la rigueur, ça peut être même un incitatif au travail au noir, ce que, entre autres, la réforme veut combattre. Parce que les gens ne vont pas toujours se trouver le travail qui va leur permettre d'aller chercher les 204 $ admissibles, je crois, pour quelqu'un qui a le barème à 500 $. Donc, d'une certaine façon, je ne veux pas faire d'ironie, mais, lorsqu'on est placé devant la nécessité, c'est le système D qui embarque. Donc, on va aller se chercher...

Même, ça a été très généreux de votre part de l'indiquer aussi, donc vous le reconnaissez vous-même, au niveau des barèmes à l'annexe 12, il y a un manque à gagner de 186 $ pour la personne qui a le revenu de base. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Chez ces gens-là, pourquoi on constate une augmentation de la prostitution, de la criminalité, etc.? Il y a des raisons. La pauvreté aussi force les gens à employer des moyens pour gagner leur vie. On ne veut pas dramatiser. Le Québec, ce n'est pas Bogota, mais quand même.

M. Dagenais (Richard): Ce dont on s'aperçoit aussi, c'est que ce qui est proposé pour avril 1997, par exemple, c'est que, considérant que les besoins essentiels sont de l'ordre, pour une personne seule, de 678 $, indexant de 1,5 %, le barème plus le travail permis ne couvrent même plus ces besoins essentiels là. Il y a un manque à gagner de 13 $ pour cette personne-là, alors qu'avant le travail permis couvrait au moins ça.

M. Copeman: Vous avez indiqué tantôt que vous avez fait une vérification auprès du ministère, j'imagine, pour en venir à la conclusion, à la constatation que juste 3 % des prestataires...

M. Dagenais (Richard): Déclaraient des revenus de travail. Oui, c'est ça.

M. Germain (Daniel): Il y en a plus que 3 %, sûrement, qui vont chercher des revenus, mais les gens, c'est clair que...

M. Dagenais (Richard): Je pense que la réalité, c'est que la plupart ne travaillent pas, n'ont pas accès à des revenus de travail, donc ils ne peuvent pas couvrir leurs besoins essentiels.

M. Copeman: Ça veut dire que, selon les chiffres fournis par le ministère, 97 % des prestataires ne sont pas capables de couvrir les besoins essentiels parce qu'ils n'ont pas de revenus de travail déclarés, en principe.

M. Dagenais (Richard): À tout le moins, ils ne déclarent pas de revenus de travail. Donc, on peut supposer qu'une très grosse majorité n'ont effectivement pas les revenus de travail suffisants pour couvrir leurs besoins essentiels.

M. Copeman: Oui. Question au niveau de l'allocation unifiée pour enfant. Concept intéressant. Il y a plusieurs difficultés quant à nous; une, entre autres, peut-être la majeure, le Conseil de la famille, économiste Ruth Rose et d'autres ont constaté que, telle que conçue, l'allocation unifiée pour enfant, les familles monoparentales avec jeunes enfants, enfants en bas de six ans, sont perdantes, mais très perdantes dans le système. C'est une préoccupation de notre part. Moi, je suis de très près le débat sur la politique familiale, beaucoup de questions là aussi.

M. Germain (Daniel): C'est le taux de réduction qui fait mal là-dedans. C'est vraiment un des problèmes majeurs. Aussi, on se pose la question à savoir si... Nous, on trouve le principe bon, l'allocation unifiée. Ceci dit, nous, ce qu'on voudrait, dans le fond, c'est plus la voir dans une forme initiale, telle qu'elle a été présentée notamment par le groupe de travail Bouchard, parce que, là, à ce moment-là, les taux de réduction sont beaucoup plus intéressants, etc. Évidemment, nous, on le voit du point de vue des consommateurs.

Le gouvernement aura à calculer pour savoir s'il a les moyens, et tout ça, mais on pense qu'il faut aller dans ce sens-là, parce qu'il faut garder une plus grande composante universelle. Aussi, un des buts de cette allocation unifiée là, comme on dit, c'est de sortir les enfants de l'aide sociale, mais, quelque part, c'est plus une sortie sémantique qu'une sortie réelle. Bon, c'est la Régie des rentes qui va s'en occuper. Par contre, on dit aussi que ça va permettre justement aux femmes monoparentales, notamment, de les encourager davantage à aller sur le marché du travail.

Alors, moi, hier soir, je me suis amusé à faire un calcul. Bon, j'ai imaginé Mme Gauthier qui a un enfant de sept ans, monoparentale, et qui se pose la question. Un propriétaire de dépanneur lui offre un emploi à 11 000 $. Madame est sur l'aide sociale, gagne 6 000 $ – ça, je parle dans le régime actuel – elle a en tout, comme aide, et je prends les chiffres qu'il y avait dans le livre vert, 3 996 $ d'aide financière. Donc, elle a un revenu annuel de 9 996 $ par année. Alors, bon, elle dit: 11 000 $.

Mme Gauthier, quand même, c'est une personne avisée puis qui est capable de s'y reconnaître dans les chiffres. Elle prend sa calculatrice puis elle compte les affaires pour se demander, dans le fond: Ça «vaut-u» la peine d'aller travailler? Au premier calcul, oui, effectivement. On regarde l'aide, même dans le régime actuel, la dame, elle se trouve à avoir 5 712 $ d'aide. Ajouté avec son 11 000 $, on prend APPORT là-dedans aussi, donc ça lui fait un revenu brut de 16 712 $, donc 6 716 $ de plus que si elle restait sur l'aide sociale. Tout le monde va dire: Vas-y, Mme Gauthier.

Sauf que, là, Mme Gauthier, en personne avisée, se dit: Qu'est-ce que ça va me coûter pour aller travailler? Alors, là – et j'ai des calculs très, très conservateurs, je ne tiens pas compte de toutes les dépenses – madame va avoir des frais de garderie de 2 800 $ par année, dont une gardienne qui va venir à raison de deux soirs par semaine, le reste, c'est la garderie scolaire, donc, au niveau des subventions, c'est plus ambigu; ajouté à ça 552 $ de transport en commun qu'elle ne dépensait pas avant, elle restait à la maison; 685 $ de dépenses supplémentaires pour le vêtement, les soins corporels et l'alimentation, ça, c'est à partir des chiffres du Dispensaire diététique de Montréal; évidemment, il y a 175 $ de prime pour l'assurance-médicaments et puis 544 $ de charges sociales prélevées sur son chèque, on s'entend. Bien, la dame, finalement, elle revient avec un revenu de 11 956 $. Elle décide de rester à la maison.

Avec le régime d'allocation unifiée – on refait le même calcul, je vous passe les détails – madame va avoir seulement 588 $ de plus qu'actuellement. Alors, oui, il y a un effort du côté de l'incitation au travail. Là, madame a un emploi offert, mais là c'est 588 $ de plus que le régime actuel. Déjà, au départ, elle se demandait, en tenant compte des dépenses imprévues et des services qu'elle aura à assumer vu qu'elle n'est plus sur l'aide sociale, il y a quand même... Même si c'est plus tentant un peu, elle a un grave dilemme à régler, d'autant plus que madame, ça fait peut-être sept ou huit ans qu'elle n'a pas été sur le marché du travail. Donc, il y a un facteur de stress important, il faut qu'elle se réintègre, et ça, il faut lui donner toutes les chances.

M. Dagenais (Richard): Peut-être juste pour compléter. Dans le cas des familles avec enfants en bas âge, effectivement le retrait de l'allocation à la naissance et de l'allocation pour enfant en bas âge, finalement, font effectivement que les familles avec des enfants, les premières années, les cinq ou six premières années, vont être pénalisées par rapport au régime actuel.

(17 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Germain et M. Dagenais. J'invite maintenant les représentants de la Centrale immobilière Mérite inc. et Regroupement des propriétaires d'habitations locatives à se présenter.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Roy, c'est vous qui, j'imagine, débutez?


Centrale immobilière Mérite inc. et Regroupement des propriétaires d'habitations locatives en Estrie

Mme Roy (Louise): Oui, je vais débuter.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et débuter votre présentation.

Mme Roy (Louise): Oui, merci. Bien, c'est M. Daniel Lavoie, du Regroupement des propriétaires d'habitations locatives en Estrie.

M. Lavoie (Daniel): Bonjour.

Mme Roy (Louise): Alors, peut-être, Daniel, si tu veux expliquer la raison de ta présence avec moi.

M. Lavoie (Daniel): Oui, peut-être juste un petit aparté avant de commencer, M. le Président, si vous le permettez. Regroupement des propriétaires d'habitations locatives en Estrie, ce n'est peut-être pas connu, c'est un peu spécial. On a dû passer par Montréal pour arriver à Québec aujourd'hui, mais on en est bien contents quand même, M. le Président.

Mme Roy (Louise): Merci. Alors, nous saluons l'initiative du ministère de la Sécurité du revenu de procéder à une redéfinition du régime québécois de la sécurité du revenu. En tant que représentants de regroupements de propriétaires immobiliers, nous vous exposerons un état clair et concis de la situation du non-paiement de loyers par des prestataires de la sécurité du revenu. Nous commenterons également la solution proposée dans le livre vert, solution préalablement élaborée à travers les travaux du comité de travail formé par Mme Jeanne Blackburn en juin 1995. Malgré que seule une demi-page du livre vert explique notre présence à cette vaste consultation, nous croyons que la réforme responsabilisera et motivera ceux et celles qui ont perdu l'espoir.

Afin de faire un court historique, en 1993, la Centrale immobilière Mérite présentait au ministère de la Sécurité du revenu les résultats d'une étude évaluant, entre autres, les pertes subies par les propriétaires immobiliers en dommages matériels, indemnités de relocation et non-paiement de loyers par des prestataires de la sécurité du revenu. Sceptique face à l'ampleur des résultats obtenus suite à cette étude dite non scientifique, le ministère commandait quelques mois plus tard un sondage afin de cerner le volume de prestataires touchés par cette question-là et quantifier l'ampleur du phénomène. Ce sondage fut effectué à l'automne 1993 par la firme Soucy D. Gagné auprès de 809 propriétaires et 768 locataires prestataires.

Alors, l'exposé sur la situation du non-paiement de loyers telle que décrite à la page 63 du livre vert laisse croire que le problème est petit. Il y est écrit notamment: «Depuis quelques années, des propriétaires se plaignent du fait que certains prestataires de la sécurité du revenu, bien qu'ils ne soient qu'une minorité, négligent d'acquitter leur loyer.» Pour la bonne compréhension de tous, nous avons finalement reproduit les tableaux 2 et 3 à l'annexe 1, soit les résultats obtenus par la firme de sondages Soucy D. Gagné, à la fin.

En consultant le tableau 2, vous constatez que: 41 % des propriétaires sont touchés par des prestataires ayant quitté sans payer et sans donner d'avis, ce qui concerne 32,6 % des prestataires; 22 % des propriétaires sont touchés par 16,1 % des prestataires qui sont demeurés plus de trois mois sans payer; 45,5 % des prestataires concernés sont partis avant le moment prévu, avec l'accord du propriétaire. Remarquez qu'un propriétaire laisse rarement partir un locataire qui paie bien et dont les revenus sont saisissables.

Le tableau 3 fait état de pertes moyennes de 394 $ par unité de logement occupée par un locataire prestataire comparativement à 35 $ pour un logement occupé par un autre locataire, soit une perte 10 fois plus élevée. Notez que la perte de 35 $ est généralement récupérée.

Autres points saillants: 35 % des prestataires interrogés connaissent des prestataires qui ont des difficultés de paiement de loyer; 28 % des prestataires assurent avoir eux-mêmes ce genre de difficulté; 5 % des prestataires avouent spontanément être restés dans leur logement plus de trois mois sans payer leur loyer, 2 %, ou être partis sans l'accord du propriétaire.

Les résultats du sondage scientifique ne doivent pas être sous-estimés. Pensons, d'ailleurs, qu'ils datent de 1993. Quatre ans plus tard, le quotidien avec les propriétaires immobiliers nous force à conclure que la situation n'a fait que s'aggraver et que l'impunité face au non-paiement de loyers est omniprésente.

Le taux d'inoccupation diminue, donc ce qui veut dire moins de logements privés accessibles pour les prestataires. En consultant l'annexe 2, vous constatez que, déjà en 1993, les propriétaires faisaient preuve de discrimination à l'égard des personnes assistées sociales. Les prestataires peuvent, avec raison, se plaindre de la difficulté d'accès aux logements privés. Le taux d'inoccupation diminue depuis deux ans dans la majorité des villes du Québec, permettant ainsi aux propriétaires d'attendre le locataire de leur choix. Et, permettez-nous une petite visite au ministère des Affaires municipales, ce n'est pas en augmentant le nombre de logements sociaux que nous éliminerons le problème de discrimination basée sur la condition sociale. Ces ghettos HLM pour des gens à faibles revenus marginalisent encore davantage les prestataires de la sécurité du revenu.

Un des motifs majeurs de refuser de louer à un prestataire réside dans la difficulté d'effectuer des vérifications valables sur un candidat locataire. Évidemment, un locataire qui est sur le point d'être expulsé de son logement, de déguerpir ou qui est en défaut de paiement fournira au futur propriétaire de faux renseignements.

Sans avoir effectué un sondage d'opinion sur cet aspect, nous sommes étonnés et perplexes face aux justifications émises par les intervenants du milieu pour expliquer la grande dépression qui secoue le secteur de l'immeuble locatif. En effet, comptables, évaluateurs, courtiers, agents immobiliers et gestionnaires, promoteurs, prêteurs et autres experts du milieu considèrent le non-paiement de loyers par des prestataires comme un des grands responsables de la morosité immobilière. Nous devons admettre qu'une solution permettant d'enrayer de façon notable le non-paiement de loyers donnera un nouvel essor à l'investissement immobilier et engendrera de nouveaux emplois.

M. Lavoie (Daniel): En point 3, le Comité de travail sur le non-paiement de loyers, extraits du rapport final. C'est à la suite d'échanges avec des représentants de diverses associations de propriétaires et dans l'optique de trouver un règlement à ce problème qu'a été créé par la ministre Jeanne Blackburn le Comité de travail sur le non-paiement de loyers.

Le mandat de ce comité. Au cours de la première rencontre du comité, l'unanimité s'est faite autour du mandat suivant: trouver une ou des solutions concrètes au phénomène du non-paiement de loyers, particulièrement dans les cas de récidive, par certains prestataires de la sécurité du revenu, permettant de s'attaquer aux sources du problème, en concertation avec les partenaires concernés par la problématique et en tenant compte des principes généraux du droit ainsi que des chartes. Le comité s'est rencontré à six reprises entre le 16 juin 1995 et la fin de 1995.

La vision du problème. Selon la Régie du logement, le fait que le créancier, en vertu d'une décision rendue en sa faveur, ne puisse la faire exécuter constitue un problème sérieux qui compromet l'harmonie dans les relations locateur-locataire. Ce phénomène entache la crédibilité de l'ensemble des prestataires et risque d'être générateur de discrimination et de conflits. Cette situation peut aussi affecter à long terme la qualité des logements.

Les directeurs des offices municipaux d'habitation comprennent difficilement pourquoi certains prestataires ne paient pas leur loyer – dans les habitations à loyer modique, les HLM, les arriérés de loyers ont doublé en deux ans, passant de 500 000 $ à 1 000 000 $ – puisque celui-ci ne dépasse pas 25 % du revenu et déplorent, par ailleurs, qu'aucune action ne puisse être entreprise pour récupérer ce dû et maintenir dans leur logement les prestataires locataires.

Pour sa part, le ministère de la Sécurité du revenu est préoccupé de cette situation où le comportement d'un prestataire fait en sorte que la prestation n'est pas utilisée aux fins pour lesquelles elle est versée. De plus, le discrédit que le comportement de quelques personnes peut jeter sur l'ensemble des prestataires, provoquant à leur égard une possible discrimination, limitant leur accès au logement désiré, inquiète le ministère.

(17 h 40)

Lors de ces discussions, tous les participants ont admis que le problème du non-paiement était réel et allait en grandissant et que, sans essayer de quantifier davantage cette délinquance, des mesures devaient être prises pour l'enrayer.

Les causes du non-paiement. Plusieurs causes au non-paiement ont été invoquées par les représentants lors de cette rencontre et appartiennent à l'un des énoncés suivants: l'insuffisance du revenu et le taux d'effort, variable selon les régions; les difficultés de gestion budgétaire de certains prestataires pour des causes hors de leur contrôle; l'irresponsabilité ou la malhonnêteté chez certains; l'absence de sanctions efficaces et suffisantes, c'est-à-dire l'insaisissabilité des prestations; le coût des loyers trop élevé et l'insuffisance des contrôles exercés par l'État sur les hausses; la situation économique et l'insuffisance des politiques d'emploi.

Du côté des propriétaires, on reconnaît que les prestations sont peu élevées, mais on n'admet pas qu'une hausse de l'aide de l'État réglerait de façon significative le problème. On en veut pour preuve le fait que même dans les logements sociaux, il existe un problème sérieux de délinquance et on insiste sur le fait que les loyers ne sont jamais acquittés en partie. Si le problème était uniquement lié à l'insuffisance des revenus des locataires prestataires, ceux-ci paieraient au moins une partie de leur loyer.

La solution proposée. Plusieurs solutions ont été proposées et étudiées par les membres du comité de travail. Nous ne referons pas cet exercice aujourd'hui. La solution 5.3 du rapport final a été retenue par le comité, mais a été appuyée avec réserves par l'ensemble des représentants des propriétaires.

La solution proposée: que, sur preuve de non-paiement de loyer, si le locateur, de manière à protéger le droit au maintien dans les lieux du locataire, renonce à demander la résiliation du bail et l'expulsion du locataire ou si preuve de récidive de même nature depuis moins de deux ans est faite, le tribunal, par ordonnance, enjoigne le ministère de la Sécurité du revenu d'émettre, pour le versement de la prestation, deux chèques, dont l'un, portion logement, serait fait conjointement au locataire actuel ou futur pour le paiement du loyer à échoir et l'autre, pour la différence, serait libellé à l'ordre du locataire seulement, et ce, pour une période maximale de deux ans.

Les préalables à la solution proposée. Deux conditions préalables à toute solution ont été retenues par le comité: que soit levé le principe de l'insaisi... – ça, j'ai toujours de la difficulté...

Mme Roy (Louise): L'insaisissabilité.

M. Lavoie (Daniel): ...merci, Mme Roy – absolue des prestations de sécurité du revenu, permettant ainsi de rendre possible la saisie d'une partie de ces dernières, advenant un non-paiement de loyers de la part d'un prestataire, ou d'en fixer les modalités de versement. Deuxième préalable: que soit identifiée clairement, à l'intérieur de la prestation de sécurité du revenu, la portion destinée au logement et que celle-ci soit fondée sur le coût réel du logement jusqu'à un maximum. À vous, Mme Roy, allez-y.

Mme Roy (Louise): Merci, M. Lavoie. Alors, on s'est arrêté un peu sur l'aspect technique si on envisage l'application de cette solution qui a été retenue. Alors, malgré la condition préalable retenue par le comité de travail, les besoins en logement reconnus actuellement par le ministère – à votre annexe 12 du livre vert – tout en étant minimaux, serait acceptables pour l'établissement officiel de la portion logement à être versée au locateur lors d'une ordonnance émise par la Régie du logement.

Au niveau du maintien dans les lieux. Pour bénéficier de la solution proposée, le propriétaire devra renoncer à demander la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, et ceci, afin de protéger le droit au maintien dans les lieux. L'objectif est louable. Toutefois, malgré la plus grande vigilance du propriétaire, dans la plupart des cas, le propriétaire devrait encore assumer de deux à trois mois de perte de loyers. Nous avons la prétention de croire que le ministère, de concert avec la Régie du logement, pourrait réduire substantiellement cette perte évidente.

À titre d'exemple, lors d'un loyer toujours impayé au 5 du mois, le propriétaire déposerait une demande en non-paiement auprès de la Régie. Cette dernière aviserait immédiatement le ministère de la saisie de cette demande, qui suspendrait le versement de la portion logement au prestataire.

D'une part, un non-paiement complet d'un loyer représente un lourd problème financier pour beaucoup de propriétaires. D'autre part, ce même non-paiement complet par le prestataire justifie amplement la mise en place rapide de la solution et assurerait au ministère que la partie de la prestation de l'État versée pour subvenir au besoin de logement serait à l'avenir utilisée à cette fin. Nous craignons qu'une perte moyenne de trois mois de loyers devienne, aux yeux de certains prestataires, une franchise annuelle qui serait assumée par le propriétaire.

Au niveau du déguerpissement. Certains prestataires, désirant se soustraire à une éventuelle ordonnance, déguerpiront du logement au cours des procédures. Si le ministère ne se dote pas de mécanismes pouvant empêcher le déguerpissement durant les procédures, la Régie du logement devrait pouvoir ordonner l'application immédiate de la solution au bénéfice du nouveau propriétaire.

Afin de faciliter le suivi sur les ordonnances qui seraient émises par la Régie du logement, nous suggérons que la portion logement soit versée au propriétaire par dépôt direct à son compte de banque. Nous recommandons également au ministère de se doter de pouvoirs lui permettant de reprendre à même ce compte tous les trop-perçus par le propriétaire. À titre d'exemple, au cours d'une ordonnance, un prestataire déguerpit et n'en informe pas le ministère dans les délais requis. Le propriétaire pourrait, dans ce cas-là, percevoir un versement de trop qu'il serait peut-être tenté de conserver à titre de compensation légitime pour les premiers loyers perdus.

Au niveau de la durée de l'ordonnance. Considérant l'importance de la mise en oeuvre d'une telle ordonnance, il nous apparaît minimal qu'elle soit effective pour une période de deux ans.

En conclusion. L'adoption d'une telle solution assurera un toit plus stable aux enfants prestataires du Québec, donnera un second souffle à l'investissement immobilier, mettra un frein à la discrimination basée sur la condition sociale, améliorera les relations locateur-prestataire et permettra une gestion plus équitable des fonds publics.

Dans l'intérêt de tous, nous demandons à Mme Louise Harel de donner une suite concrète et positive dans ce dossier et nous assurons son ministère ainsi que le ministère des Affaires municipales de notre entière collaboration en cette matière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Mme Roy. Vous êtes la présidente de la Centrale immobilière Mérite et du Regroupement – c'est bien ça? – des propriétaires d'habitations locatives ou c'est M. Lavoie qui est directeur général du Regroupement...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): De Sherbrooke, oui.

Mme Harel: ...de Sherbrooke. Et vous, Mme Roy, êtes-vous à Sherbrooke aussi?

Mme Roy (Louise): Non, non, non, à Montréal, la région de Montréal métropolitain.

Mme Harel: Bon. Puis quels sont les liens entre le Regroupement et la Centrale immobilière?

Mme Roy (Louise): Des liens d'amitié. Ha, ha, ha! C'est que nous avons offert de partager notre temps étant donné que le RPHL n'a pas été admis.

Mme Harel: Deux organismes distincts...

Mme Roy (Louise): Oui.

Mme Harel: ...et finalement tout simplement une présentation commune.

Mme Roy (Louise): C'est ça. Nous les avons invités.

M. Lavoie (Daniel): Exact.

Mme Harel: D'accord. Bon. Écoutez. Vous nous citez le sondage de la firme Soucy D. Gagné de 1993. On a eu beaucoup de commentaires très sévères contre ce sondage en disant qu'il avait un effet, là, de boursouflure du nombre de délinquants. C'est difficile de dire si c'est le cas ou pas. Je ne vous demanderai pas de l'apprécier. Vraisemblablement, les vérifications que j'ai pu faire auprès du ministère des Affaires municipales, la Société d'habitation, sont à l'effet que ce serait autour de 5 %, bon, du nombre de ménages prestataires.

Vous savez, 5 %, il faut comprendre que c'est quand même 25 000 ménages par année, minimum, parce qu'il y a beaucoup plus de va-et-vient qu'on croit à l'aide sociale. Vous savez sans doute qu'on imagine habituellement que c'est pour la vie, mais ce n'est pas le cas. La moitié des ménages, ils viennent pour moins d'un an, c'est bien ça, et le tiers pour moins de six mois. Alors, vraisemblablement, dans une année, il peut y avoir quand même du mouvement entrée-sortie. Donc, on est autour de 25 000 à 30 000 ménages, vraisemblablement, qui vont chercher autour de 5 %, et il est possible que ce soit souvent des cas de récidive, donc les mêmes ménages qui, à deux ou trois occasions, successivement, font défaut de paiement.

(17 h 50)

Alors, vous avez raison quand vous citez le chiffre des arriérés de loyers dans les HLM. C'est exactement ce que les offices municipaux m'ont transmis comme information. Finalement, une augmentation en deux ans de 100 %. Ça a passé de 500 00 $0 à 1 000 000 $. Pourtant, comme vous le mentionnez, c'est toujours seulement 25 % du revenu. Alors, indépendamment de ce qui s'est passé dans le revenu du ménage, ça ne peut pas être l'explication, parce que le loyer aurait diminué en conséquence. Donc, l'explication, il faut plus peut-être aller la chercher du côté de la désinstitutionnalisation, des difficultés de gestion parfois des locataires, des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie ou multiples problèmes auxquels on a fait référence quand j'ai demandé des explications. Vous mentionniez également que l'insuffisance des revenus n'est pas un élément suffisant étant donné qu'il pourrait y avoir le paiement d'une partie du loyer à défaut que ça soit la totalité, ce n'est pas le cas.

Ceci dit, qu'est-ce qu'il faut faire? Voyez, dans le fond, vous nous dites: Il y a une impunité, n'est-ce pas? C'est un peu ce que vous répétez depuis des années. Il y a une impunité. C'est cette impunité-là qui fait que ça se répand comme si c'était une situation acceptable. D'où peut venir la sanction? Vraisemblablement, sans que le ministère de la Sécurité du revenu, le gouvernement et les fonctionnaires aient à intervenir, la sanction, ça peut venir du fait qu'il n'y a personne qui veut vous louer, normalement. Si vous ne payez pas votre loyer et qu'une deuxième fois vous ne le payez pas, il est possible que la troisième fois il n'y ait pas un propriétaire qui veuille s'essayer. Mais il arrive que cette sanction-là n'ait pas l'air d'être applicable, parce qu'elle pourrait, dans le fond, jouer comme mécanisme d'autorégulation sans qu'on ait besoin de faire intervenir un règlement par ci, un fonctionnaire par là, une ordonnance, etc. C'est l'autorégulation du marché.

Vous nous dites, dans votre mémoire – je pense que... attendez, je trouvais ça important d'échanger avec vous là-dessus – à la page 5, les vérifications de prélocation. Moi, la première chose que j'ai faite, c'est de m'informer. Oui, c'est bien beau de toujours vouloir que ça soit le gouvernement qui règle tout, mais pourquoi il ne règle pas ça finalement en s'informant, tout simplement? Vous nous dites: Un locataire qui est sur le point d'être expulsé de son logement, de déguerpir ou qui est en défaut de paiement fournira au futur propriétaire de faux renseignements. Mais vous, par exemple, Mme Roy, ou vous, M. Lavoie, vos membres, s'ils appellent à la Régie, ils vont savoir s'il y a eu une ordonnance, si vous voulez, de résiliation de bail.

Mme Roy (Louise): Non, pas du tout. Déjà, actuellement, il y a trop peu de propriétaires qui utilisent les services de la Régie du logement parce que, de un, on vit beaucoup de déguerpissements de la part des prestataires...

Mme Harel: Attendez. Je comprends que, quand il y a déguerpissement, le propriétaire ne va pas devant la Régie.

Mme Roy (Louise): Ça va lui donner quoi? Payer 42 $, bientôt un peu plus. Alors, on ne peut pas se fier à ces données que nous avons accès à la Régie du logement. D'une part, ils sont régionalisés. Alors, si j'ai un candidat locataire qui arrive de Sherbrooke pour venir louer à Longueuil, je n'irai pas à Sherbrooke à la Régie voir s'il y a eu une décision de rendue contre le locataire.

Mme Harel: Mais vous pouvez appeler.

Mme Roy (Louise): Appeler à la Régie? On va nous donner ça par téléphone? Est-ce que c'est nouveau, Me McMurray?

Mme Harel: Non, mais est-ce que vous pouvez?

Mme Roy (Louise): Non, ça ne se fait pas par téléphone.

Mme Harel: Ça ne se fait pas par téléphone.

Mme Roy (Louise): Le service n'est pas disponible par téléphone.

Mme Harel: Donc, il faut se déplacer.

Mme Roy (Louise): Il faut se déplacer. D'autre part, évidemment, lorsqu'un prestataire ou tout autre locataire qui se prépare soit à déguerpir, soit qu'il y a eu des conflits en cours de bail avec son propriétaire, ça peut être des problèmes de bruit – on ne parle pas seulement de problèmes de non-paiement, malgré que c'est le plus fréquent qu'on rencontre – de comportement, prostitution dans le logement, trafic de drogue, piquerie, etc., soyez assurée que le candidat locataire ne divulgue pas le nom véritable de son propriétaire. Il serait vraiment fou de le faire. Alors, on parle à un ami, à un copain qui nous dit: Oui, c'est un excellent locataire. Ça me fait de la peine qu'il déménage. Oui, il est propre. Non, il n'a pas de chien. Il est numéro un. Oui, son bail se termine ce mois-ci. Et là le propriétaire tout heureux et convaincu d'avoir le meilleur candidat prépare le bail, et le signe, et désenchante au bout d'un mois ou deux.

Évidemment, on n'a pas tous les propriétaires comme membres. Ceux qui sont membres chez nous et qui utilisent nos services de vérification, on fait de véritables enquêtes de police. La première chose, on vérifie qui est le vrai propriétaire de l'adresse que le locataire nous donne comme adresse où il habite actuellement. On vérifie dans chacune des municipalités. Là, on va appeler la ville de Sherbrooke, la ville de Québec, partout, à la municipalité, à l'évaluation pour connaître le nom du propriétaire. Toutefois, ils ne nous donnent pas le numéro de téléphone. Et il arrive que les locataires – certains deviennent ratoureux – nous donnent le vrai nom du propriétaire, mais avec un faux numéro de téléphone. Alors, c'est rendu vraiment extrêmement difficile. Et, en dehors de la période de pointe du 1er juillet, on constate, au niveau des locations pour novembre, décembre, janvier, février, les autres mois, qu'il y a près de 50 % de faux renseignements qui nous sont donnés au niveau de la demande de location.

Mme Harel: Mettons qu'il se fait de la prostitution dans un logement.

Mme Roy (Louise): Qu'il se fait de la prostitution?

Mme Harel: Oui.

Une voix: Mettons.

Mme Harel: Admettons.

Mme Roy (Louise): Ah! Admettons. O.K.

Mme Harel: Prenons un exemple, là. La personne peut payer son loyer, puis, à ce moment-là, continuer de...

Mme Roy (Louise): Oui. Le problème de non-paiement, c'est à peu près le problème le plus facile à régler, dans le temps, là, de se débarrasser de cette personne-là. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que le propriétaire a une très grande obligation qui est d'assurer la jouissance paisible des lieux à tous les occupants. Alors, s'il se fait de la prostitution, on parle d'un va-et-vient; même chose quand c'est du trafic de drogue, O.K, il y a beaucoup de va-et-vient, cheveux longs, «tatoos», ce sont, à un moment donné, les autres locataires qui nous en parlent. Le propriétaire ne vit pas là, généralement. Ça le dérange plus ou moins. Mais tout ce qui est problème de comportement, bruit, prostitution, coquerelles, etc., c'est vite fait que le propriétaire, si c'est un huit-logements, a les sept autres locataires sur le dos, puis il doit agir. C'est sa responsabilité que tout le monde soit heureux dans sa bâtisse.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Bonjour.

Mme Roy (Louise): Bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue. Je pense que c'est l'Association des propriétaires du Québec qui nous a dit, au niveau du versement préautorisé: Il a fait une vérification. Il est allé à la banque – de bonne mémoire, je pense que c'est la Banque Royale – pour aller vérifier si c'était possible de faire un arrangement entre un propriétaire et un locataire pour le versement préautorisé. On lui a dit: Non, seulement une corporation ou une entreprise, mais pas sur une base individuelle. Ils ont refusé.

Ce matin, on rencontrait un groupe qui nous a remis la formule H4. Moi, je n'en avais jamais entendu parler. C'est produit par l'Association canadienne des banquiers. Quand on pose la question, dans ce document-là: «Qui peut effectuer des retraits, là, dans des comptes?», c'est bien écrit: «Seule une entreprise qui a un contrat avec une institution financière pour le traitement d'un retrait préautorisé.»

Mme Roy (Louise): On parle d'une entreprise, une incorporation ou un enregistrement?

Mme Loiselle: Oui, mais ça ne serait pas sur une base individuelle...

M. Lavoie (Daniel): Individuelle.

Mme Loiselle: ...entre deux personnes. Alors, ce qu'on suggère dans le livre vert, finalement, je pense que ça ne serait pas applicable. Est-ce que vous l'avez fait vérifier, ça?

Mme Roy (Louise): Non, on ne l'a pas fait vérifier. Je ne sais pas l'opinion de M. Lavoie là-dessus. Personnellement, le fait que les prestations soient déposées, que le prestataire puisse bénéficier du dépôt direct, bon, c'est tant mieux pour lui parce que ça lui évite d'aller à la banque, tout ça, mais on ne l'a pas vu comme étant une solution au non-paiement de loyers. Du tout. Du tout, du tout.

Mme Loiselle: Parce que la CORPIQ nous disait que la solution qui était proposée dans le livre vert, sur une base volontaire, là, de faire une entente avec le propriétaire pour le versement préautorisé: Oui, il peut y avoir des dangers où certains propriétaires pourraient, lors de la signature du bail, dire: Écoute, je te loue mon logement, mais tu signes le formulaire du... Ils nous ont même suggéré de mettre en place une campagne d'information pour que les bénéficiaires de l'aide sociale sachent que c'est sur une base volontaire et non pas au moment où tu signes ton bail.

Mme Roy (Louise): C'est certain que le propriétaire d'aujourd'hui s'est donné, au cours des dernières années, certains moyens, certaines façons d'essayer de repérer, chez les assistés sociaux, celui qui serait le bon assisté social pour son logement, parce qu'on ne peut pas tous les mettre dans le même panier. Il y en a qui paient très bien le loyer. Ceux qui paient le loyer le premier paient généralement mieux que le travailleur qui est payé aux deux semaines, puis qui nous paie en deux chèques, puis nous paie le 10, le 8. Bon.

Une des façons pour les propriétaires d'essayer de reconnaître le bon prestataire, c'est soit d'exiger un endosseur. On se dit: Bon, celui qui est reconnu dans son milieu comme étant un bon payeur devrait avoir quelqu'un qui accepte de l'endosser. Mais celui qui est reconnu dans sa famille, dans son milieu comme quelqu'un qui snife son chèque au lieu de payer son loyer ou qui va à gauche, à droite, va au casino, celui-là, bien il n'aura pas d'ami ou quelqu'un de la famille qui va vouloir l'endosser.

Et on remarque vraiment de façon très claire que le propriétaire dont les immeubles sont situés dans un secteur où il y a un taux d'occupation d'assistés sociaux plus élevé que dans d'autres secteurs utilise cette façon-là et a de meilleurs résultats, depuis quelques années, où il refuse systématiquement. Si la personne n'a pas d'endosseur, c'est: Non, je regrette, tu n'es pas solvable. Il ne lui dit pas: Je te refuse parce que t'es sur l'aide sociale. Je te refuse parce que tu n'es pas solvable. Alors, il dit: Emmène-moi un endosseur qui travaille et qui est solvable. Puis on peut difficilement blâmer le propriétaire de vouloir se protéger de cette façon-là.

(18 heures)

Depuis qu'il y a le dépôt direct, la possibilité du dépôt direct, les propriétaires commencent à nous demander, à nous en parler: Est-ce que je peux exiger qu'ils me paient par dépôt direct? Mais, comme on leur explique, bon, ce n'est pas fort comme argument parce que, en tout temps, le prestataire pourra y mettre fin, comme on peut mettre fin, nous, à un versement préautorisé de notre hypothèque, ou de notre assurance-vie, ou des formes de dépôt comme ça. Alors, c'est la même chose pour tout le monde. Ça ne sera pas plus rigide parce que c'est un prestataire. Alors, un mois, il peut décider, parce qu'il a vu passer deux coquerelles, d'arrêter son versement préautorisé. Mais les propriétaires se posent définitivement la question: Est-ce que je peux me servir de ça pour dire: Bien, écoute, si tu ne veux pas le préautorisé, je ne te loue pas? Non. On se doit de leur donner l'heure juste...

Mme Loiselle: Bien, je pense qu'il va falloir qu'il y ait une recherche...

Mme Roy (Louise): ...mais les propriétaires s'interrogent.

Mme Loiselle: ...plus approfondie sur ça, parce que ce qu'on entend, c'est que, finalement, ça ne se fait pas. Les institutions financières, bancaires n'accepteraient pas de le faire parce que c'est entre deux individus.

Mme Roy (Louise): O.K. Si, en plus, elles ne veulent pas!

Mme Loiselle: Alors, il faudrait que le ministère vérifie davantage si c'est possible de le faire parce que ce qu'on entend ce matin... Et l'Association des propriétaires du Québec nous disait: Il a même vérifié, il est allé à la banque. Ils ont dit: Non, ça ne se fait pas entre deux individus, ça se fait si c'est une entreprise ou une corporation.

Mme Roy (Louise): Une autre question, aussi: depuis qu'il y a la possibilité de dépôt direct, les propriétaires pensent que ça devient saisissable dès que ça a été déposé dans le compte, ce qui n'est pas le cas. Il y avait eu une certaine petite rumeur qui avait circulé par des groupes de prestataires à l'effet que: N'acceptez pas le dépôt direct, ça va devenir saisissable une fois que c'est déposé. Mais ce n'est pas le cas. La prestation demeure insaisissable, malheureusement.

Mme Loiselle: La CORPIQ était d'accord avec la proposition gouvernementale, était prête à perdre les arrérages. Vous, vous allez un peu plus loin, vous dites: Nous recommandons également au ministère de se doter de pouvoirs lui permettant de reprendre à même ce compte – le compte du prestataire, j'imagine...

Mme Roy (Louise): Non, non, non. Le compte du propriétaire. C'est que, dans la mise en application d'une solution semblable, on dit: Payez-nous la portion logement par dépôt direct, mais on ne voudrait pas que cette solution-là soit une espèce de panier percé et qu'à un moment donné il y ait des risques de fraude de la part de certains propriétaires. On ne veut pas qu'une solution soit mise en application puis qu'au bout de six mois on se rende compte que c'est le bordel total. Le propriétaire, de connivence avec un prestataire, fournit des baux, j'ai un prestataire. C'est facile aller à la Régie puis faire croire qu'il ne paie pas, etc. Il pourrait y avoir des moyens faciles de contourner. Alors, on dit: Faites-le par dépôt direct, donnez-vous une réglementation vous permettant d'aller le rechercher si, à un moment donné, vous êtes en mesure de faire la preuve que ça a été versé en trop, tout simplement, mais dans le compte du propriétaire.

Mme Loiselle: O.K.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, ça va?

Mme Loiselle: Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, M. Lavoie, Mme Roy. La commission ajourne ses travaux au mardi 25, à 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 3)


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