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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 29 octobre 1997 - Vol. 35 N° 97

Consultations particulières sur le système du sang au Québec


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Table des matières

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Solange Charest, présidente suppléante
M. Jean-Claude St-André
M. Robert LeSage
M. Rémy Désilets
M. Léandre Dion
Mme Michèle Lamquin-Éthier
*M. Pierre Desmarais, SCHQ
*M. David Page, idem
*M. André Mantha, idem
*Mme Francine Décary, Croix-Rouge canadienne, Services transfusionnels, région de l'Est du Canada
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, bonjour tout le monde. Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude des nouvelles orientations gouvernementales relatives à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec.

Je vous rappelle aussi que nous avons déjà eu une première séance de travail où nous avons reçu l'auteur de l'étude, M. Gélineau, et nous avons reçu Mme Bériau, qui est responsable au ministère de la Santé. L'objectif était de questionner beaucoup ces gens-là par rapport à l'étude, qu'est-ce qui avait emmené ces recommandations-là, et par rapport au ministère, quelles étaient les orientations probables.

Et maintenant, nous allons rencontrer aujourd'hui la Société canadienne de l'hémophilie, section Québec, et la Croix-Rouge canadienne, services transfusionnels, région de l'Est du Canada. Et là nous allons probablement procéder à un échange beaucoup plus, j'imagine, sur le côté technique.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) sera remplacée par Mme Lamquin-Éthier (Bourassa).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Les membres de la commission ont reçu l'ordre du jour. La façon de procéder sera très simple. Chaque groupe aura une heure d'échange: 20 minutes de présentation et 20 minutes pour et le côté ministériel et l'opposition pour échanger avec nos invités.


Auditions

Alors, j'invite tout de suite M. Desmarais, directeur général, à nous présenter les gens qui vous accompagnent, pour fins d'enregistrement. Et vous pourrez procéder à votre présentation de 20 minutes – 20 minutes et plus, on est quand même un petit peu flexible, dans les circonstances – et nous procéderons ensuite à l'échange. Et les gens qui vous accompagnent ont évidemment le droit aussi d'intervenir quand ils le jugent. Allez-y, M. Desmarais.


Société canadienne de l'hémophilie, section Québec (SCHQ)

M. Desmarais (Pierre): Bien, tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à présenter un mémoire lors de la commission parlementaire sur la réforme du système sanguin. La réforme du système sanguin est un sujet qui est très délicat, et je pense qu'on fait bien, en tant que société, de s'arrêter et de regarder l'implication de toutes nos recommandations pour un système sanguin qui devrait être meilleur, à notre sens.

(9 h 10)

Je vais vous présenter les gens qui vont représenter la Société canadienne de l'hémophilie. À ma droite, j'ai M. André Mantha, qui est le père d'un jeune hémophile de trois ans; à ma gauche, c'est M. David Page, qui est le responsable du comité du sang à la Société canadienne de l'hémophilie, section Québec, et ancien président; et moi-même, Pierre Desmarais, directeur général de la Société.

La Société a été mise sur pied pour voir à ce que la condition de vie des hémophiles et de leurs familles et tous ceux qui ont des problèmes de coagulation aient de meilleures conditions de vie. Et on a inclus, depuis 1990, des gens qui ont eu des conséquences suite à des transfusions sanguines, entre autres le VIH et les hépatites. On a voulu aussi se donner comme devoir de développer et de maintenir, dans la mesure de nos capacités, une certaine expertise dans le système sanguin, dans les pratiques transfusionnelles.

On est souvent appelé à recommander certaines pratiques à des gens de la population au Québec. Des gens viennent nous voir et nous demandent: Bon, bien, je dois recevoir telle transfusion, qu'est-ce que vous en pensez? La Société canadienne de l'hémophilie met aussi sur pied certains programmes de prévention et d'éducation au niveau des transfusions et de l'hémophilie. Notre implication dans la réforme du système sanguin ne date pas d'hier; on a participé à une commission parlementaire fédérale du Comité permanent de Santé et Bien-être social en 1992. On a eu une participation constante lors de la commission d'enquête Krever et on a aussi déposé notre mémoire lors du comité Gélineau. Donc, je vais laisser la parole à M. Page.

M. Page (David): Tout d'abord, on voudrait donner nos réactions au rapport du comité Gélineau; on veut donner nos réactions en sept parties: d'abord, la question de l'intégration du système québécois avec celui des autres provinces, la question de l'identification du fournisseur, toute la structure décisionnelle du système proposé et le système de gouvernance, les ressources qui sont allouées, la décentralisation vers les centres hospitaliers, le principe de la gratuité des produits sanguins et, finalement, la question d'un programme d'assurance-responsabilité.

En général, nous et nos membres, nous avons des craintes très importantes face aux réformes proposées par le comité Gélineau puis, en quelque sorte, entérinées par le ministre Rochon. Si on va de l'avant avec la réforme telle que proposée, nous avons la crainte que nous allons finir avec la même sorte de système qu'on avait dans les années quatre-vingt. En plus, on propose un système indépendant des autres provinces, et ça soulève, selon nous, des risques supplémentaires.

D'abord, au niveau de l'intégration du système québécois avec celui des autres provinces, nous, à la Société, si le Québec veut aller de l'avant avec ça, on ne veut pas prendre un côté dans un tel débat. Par contre, si ça va de l'avant, pour nous, ce qui est important, c'est que la population du Québec reçoive des garanties qu'il n'y aura pas une baisse dans la qualité et les quantités des services, des soins donnés, ici, au Québec. Plus spécifiquement, est-ce que le gouvernement du Québec a reçu des garanties des autres provinces par rapport aux libres frontières, disons, du sang entre Québec et les autres provinces? On sait qu'on est en période de pénurie et le sang a toujours traversé ces frontières. On a entendu la semaine passé: Oui, il n'y a pas de problème. Mais, est-ce qu'il y a des garanties écrites de la part des autres provinces? Est-ce qu'il y a une entente formelle? On n'en a pas vue.

De la même façon, on parle de faire fractionner le plasma québécois aux États-Unis avec le plasma des autres provinces. Là aussi on entend des bruits des autres provinces voulant dire que, si le Québec ne fait pas partie du système, est-ce qu'on va permettre ces privilèges? Donc, encore là, est-ce qu'il y a une garantie de la part des autres provinces qu'on va continuer cet arrangement? Un arrangement qui, vous savez, va sauver 30 % à 40 % au Québec pour le coût du plasma et le fractionnement.

Le rapport Gélineau a confirmé que le BBR, le Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques de Santé Canada, a la juridiction au niveau de la réglementation. Si le Québec ne fait pas partie de la Régie canadienne, quels moyens possède-t-il pour vraiment forcer le BBR à bien jouer son rôle? Krever a bien démontré que le BBR ne joue pas son rôle présentement. Qu'est-ce qu'on peut faire comme province pour forcer Santé Canada à jouer ce rôle-là? Si on n'est pas là, on n'a pas de place à la table.

Au niveau des standards, la Régie canadienne du sang va établir des standards pour la médecine transfusionnelle à travers le Canada. Ça va créer des soins optimaux. Est-ce que le ministre peut garantir à la population qu'il va y avoir des standards, ici au Québec, et que ces standards-là seront les mêmes partout au Québec, ou est-ce qu'avec 20 centres désignés on risque d'avoir de meilleurs soins à Montréal, par exemple, qu'en Gaspésie?

Il y a une autre crainte. Présentement, l'Agence canadienne du sang supporte l'Association des directeurs de cliniques de l'hémophilie du Canada dans différents projets de recherche, dans différents projets de communication et d'information. Qu'est-ce qui se passe avec nos quatre centres d'hémophilie au Québec? Est-ce qu'ils vont avoir un appui semblable du système québécois pour participer à ces rencontres, pour participer aux projets de recherche? Donc, ce sont des craintes.

Nos recommandations, c'est que le ministre obtienne des garanties écrites avec le reste du Canada afin de s'assurer que le sang traverse les frontières et qu'il y ait des achats de groupe avec le reste du Canada, qu'on s'entende avec le BBR sur les responsabilités – elles ne sont pas claires, maintenant – et que le service québécois du sang établisse des standards de base au niveau des services et de l'accessibilité au traitement.

Une deuxième grosse question, c'est l'identification du fournisseur. On était étonné, la semaine passée, d'entendre que le gouvernement a entamé des négociations avec la Croix-Rouge pour que la Croix-Rouge reste le fournisseur au Québec. Vous savez que le conseil des gouverneurs de la Croix-Rouge s'est retiré du système sanguin. Donc, ça veut dire qu'il n'y a aucun système de gouvernance à l'intérieur de la Croix-Rouge au niveau des décideurs – je ne parle pas du personnel – mais au niveau de la gouvernance, qui peut prendre les décisions au nom de la Croix-Rouge.

Ça, ça crée un parallèle avec le problème dans les années quatre-vingts. On aura exactement la même structure, un fournisseur qui n'est pas imputable au public, des décisions politiques prises par des bureaucrates et des politiciens qui sont non-experts et une pléiade de comités consultatifs qui ont peu de ressources et encore moins de pouvoirs. Donc, nous nous opposons à un tel arrangement avec la Croix-Rouge. Un petit à-côté: cette position ne met cependant pas en cause l'expertise du personnel de la Croix-Rouge à Montréal, puis à Québec, au niveau des centres de transfusions. Ces gens-là, il faut les garder. Il faut leur donner le message, très vite, qu'on a besoin d'eux autres et qu'on va les récupérer dans le système sanguin québécois.

M. Desmarais (Pierre): Pour être bien clair sur ce point-là, on ne veut pas... Ce dont on a peur, c'est de retrouver encore des gens du siège social d'Ottawa, qui sont gouvernés par des gens qui n'ont aucune expertise en médecine transfusionnelle... Voir à ce que l'approvisionnement se fasse bien au Québec. Il faut éviter ça à tout prix. Je pense qu'on a vu l'expérience des années quatre-vingts, où ça nous a menés. Là, on se retrouve encore dans les mêmes problématiques.

M. Page (David): Donc, la recommandation, c'est que la Croix-Rouge négocie avec la Croix-Rouge, oui, mais qu'elle négocie afin de transférer son mandat de collecte, de traitement, de distribution du sang à un organisme québécois qui serait imputable et dont les responsables seront des experts en médecine transfusionnelle.

(9 h 20)

Peut-être la plus grosse question pour nous, c'est toute la question de structure décisionnelle ou de gouvernance. Le rapport Gélineau nous laisse croire que toutes les décisions importantes seront prises par le BBR au niveau de la réglementation, ou par les centres désignés au niveau de la médecine transfusionnelle, ou par les instances politiques sur recommandation des divers comités. Le passé, malheureusement, nous a appris que, si on prend des décisions comme ça, les décisions cruciales seront prises trop tard ou pas du tout. Par exemple, qui décidera en dedans de 48 heures si on a besoin de faire un retrait? Et le BBR ne donne pas d'ordre, comme c'est souvent le cas. Est-ce que c'est la Croix-Rouge? Est-ce que c'est le comité d'hémovigilance? Est-ce que c'est le ministre lui-même? On ne sait pas. Qui décidera de la nécessité d'introduire de nouveaux tests, par exemple, contre les traitements chimiques – solvant-détergent – du plasma? Qui décidera si le Québec a besoin d'un programme de plasmaphérèse et de donneurs bénévoles rémunérés? Qui décidera du moment d'introduction du facteur IX recombinant? On a vu, en 1994, le facteur VIII recombinant, le Québec a dit: On ne prend pas la même décision que les autres provinces, on réfère ça à nos conseils de pharmacologie, conseils d'évaluation technologique. Ici, au Québec, ça a pris huit mois de plus pour avoir le produit facteur VIII recombinant que dans les autres provinces.

Donc, si on reste avec la même structure, avec les mêmes instances, nous craignons que les décisions seront prises très tard. Donc, notre recommandation – puis c'est à la page 6 de votre document – c'est qu'on crée un service québécois du sang qui aura la gouvernance du système, y compris la collecte, le recrutement, la distribution de sang, les produits sanguins, les substituts. Ce service sera imputable et responsable au public. Les membres du conseil d'administration seront choisis par le ministre de la Santé, et ces gens auraient de l'expertise. Ça serait un service qui agirait à coudées franches. Comme on dit en anglais, «at arm's length». Donc, le ministre ne sera pas impliqué dans les décisions quotidiennes de ce système de sang. Mais ce service québécois du sang, avec un conseil d'administration, avec des experts, avec des comités aviseurs appropriés, aura toute la latitude avec son budget de prendre les décisions au niveau du système sanguin. Ça sera un système intégré. Donc, le comité qu'on propose, il pourrait fonctionner dans une telle structure. Je vous fais grâce de toutes les qualités, les caractéristiques. On les retrouve ici puis aussi en annexe, en détail.

Selon nous, ce service permettrait un point de décision central, efficace et expert, ce qu'on n'a pas maintenant. Ça permettrait le maintien des meilleurs standards de soins à travers le Québec. Ça nous donnerait une solution au problème de fournisseur, parce que le fournisseur ferait partie du service québécois du sang. Ça permettrait le développement d'une stratégie globale afin d'établir un programme efficace de recrutement – un problème, maintenant. Et aussi, ça permettrait une intégration plus facile avec la Régie canadienne du sang; là, on aurait juste un négociateur entre Québec et les autres provinces.

M. Desmarais (Pierre): Juste pour rajouter dans ce point-là. Là, ce qu'on voit avec ce que propose le ministère, c'est qu'on se retrouve avec un comité consultatif aviseur d'hémovigilance. On se retrouve avec un comité consultatif sur les achats. On se retrouve avec un comité consultatif qui est le groupe d'experts-conseils, le groupe croisé. On se retrouve avec un comité consultatif du CCP qui, entre autres, n'a aucune expertise en médecine transfusionnelle et en traitement d'hémophilie.

Donc, finalement, ça va presque prendre un autre comité pour évaluer toutes les recommandations que le ministre va recevoir, et il va finalement prendre une décision qui risque de ne pas du tout tenir compte des recommandations de l'hémovigilance.

M. Page (David): Le point 4, au niveau des ressources. J'étais encore surpris, la semaine passée, d'entendre que le ministère, avec Mme Bériau et M. Gélineau, propose une réforme en profondeur, mais ils ont dit: «On ne change pas de structure, à part le comité d'hémovigilance; on ne change pas le statut légal du système; puis on n'ajoute pas de ressources.» Donc, en fait, on fait un changement sans faire de changements. Si vous connaissez l'histoire du système sanguin, je pense qu'il faut des changements.

Donc, il y a toutes sortes de questions qui sont reliées à cette question des ressources. Peut-être, la plus importante, c'est le troisième paragraphe de la page 8. On n'a pas de système pour retracer du sang veine à veine, du donneur jusqu'au receveur. Et on a appris que seulement 20 % des hôpitaux ont un système informatisé pour vraiment retracer ceux qui ont reçu du sang. Même le système de la Croix-Rouge n'est pas à point. Donc, pour moi, il va falloir ajouter des ressources, puis des ressources très importantes. Donc, quand on parle de faire des changements sans ajouter des ressources et sans faire des changements, je trouve que c'est très irréaliste.

Je vous laisse lire, mais on a peu de temps pour présenter ça. Donc, je vous passe M. Pierre Desmarais qui va continuer la présentation.

M. Desmarais (Pierre): Juste pour continuer sur ce point-là, c'est quand même illusoire de penser que, si on crée notre propre système sanguin, on n'aura pas à rajouter des ressources financières. De faire un système sanguin pour 7 000 000 de personnes, comparativement à 29 000 000 à travers le Canada, c'est évident que ça va nous coûter plus cher, c'est la simple loi d'économie.

Un autre point du système que le ministère propose, c'est la décentralisation des budgets; tout ça pour rendre responsables les médecins en ce qui regarde l'utilisation du sang. Le ministère nous a informés que, de toute façon, il n'y a pas de gaspillage de sang dans le système qu'on vit en ce moment. Il y a aussi la justification pour décentraliser les budgets: c'est de rendre équivalente l'utilisation du sang par rapport à des alternatives. Bien, le médecin, lui, par choix, va vouloir choisir la sécurité pour son patient. Là, si on utilise le sang, on sait que le sang ne sera jamais à 100 % sécuritaire, ça, c'est simple. Là, ce que les médecins veulent utiliser, c'est certaines hormones, l'érythropoïétine, thrombopoïétine, un pour augmenter l'hémoglobuline, l'autre pour les plaquettes. Il y a les équipements chirurgicaux, il y a toute l'idée de penser à des dons autologues, de sensibiliser les chirurgiens et les patients.

Donc, finalement, qu'est-ce qui va se passer si un centre désigné se retrouve avec un budget moindre par rapport à un autre centre désigné qui a un budget qui est en surplus? Est-ce qu'il va y avoir un mécanisme pour transférer soit des produits de fractionnement ou des budgets? Est-ce qu'il va y avoir un budget, un fonds d'urgence pour... Bon, il nous arrive une grosse catastrophe et on utilise énormément de produits ou de sang; il faut prévoir un budget dans ce cas-là. À quel point le centre désigné est libre de son choix pour les produits ou quelque équipement que ce soit? On pense aussi que les services risquent d'être différents. Donc, finalement, ce qu'on veut, c'est que le gouvernement développe un mécanisme pour s'assurer qu'il va y avoir un transfert, autant de fonds, et développer un fonds d'urgence.

Bon, le comité Gélineau n'a pas inclus dans ses principes directeurs la gratuité des produits sanguins. Par contre, le ministère a dit qu'il n'y a aucun problème, que pour eux c'est évident que des produits dérivés ou substituts allaient être gratuits et non inclus sous la Loi sur l'assurance-médicaments, puis finalement que le Québec inclut ça dans sa réforme comme principe directeur.

On en a parlé à quelques reprises, et même M. Rochon en a parlé lors d'une commission devant vous, la commission des affaires sociales, lors de l'étude des crédits en avril, qu'il serait très enclin à regarder un programme d'assurance-responsabilité. C'est-à-dire que, pour tout problème, un peu comme le système de la SAAQ, comme pour tout problème futur, on va s'assurer d'avoir un programme d'assurances.

Je vais passer la parole à André.

M. Mantha (André): Permettez-moi de lire. Je ne suis pas habitué d'adresser la parole dans des circonstances comme ça.

Il y a quelques semaines, il y a eu une tragédie aux Éboulements.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Soyez à l'aise.

M. Mantha (André): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Soyez à l'aise.

(9 h 30)

M. Mantha (André): O.K. Il y a quelques semaines, il y a eu une tragédie aux Éboulements, 43 morts d'un coup. Le gouvernement a réagi sur le coup. Même Lucien Bouchard était là. Un nouveau trajet va être proposé. Il y a des mesures concrètes qui vont être prises.

Le système sanguin au Québec, c'est comme cette côte-là. Il est dangereux. Il a fait des victimes, puis beaucoup plus que 43, en 20 ans, là – 43... il y a eu quelque chose qui s'est passé en 1974 aux Éboulements – mais on sait que le système sanguin, il va en faire encore. Il y a des gens qui sont en sursis; il y a des vies d'hypothéquées, puis à Québec on s'entête pour dire qu'on n'a pas besoin de rien changer de fondamental. Elle est correcte, la côte. On va continuer de fonctionner comme avant, en faisant un peu plus attention.

Mon garçon, comme des centaines et des milliers d'autres Québécois, prend cette côte-là plusieurs fois par semaine. Excusez-moi. Je suis très inquiet. On installe une couple de pancartes, un peu pour dire aux gens de faire attention, mais le trajet, là, il reste le même. On fait confiance aux mêmes personnes qui ont gaffé, sans leur donner les moyens pour corriger leurs lacunes. On va juste être un peu plus sévère. Je ne veux pas que l'histoire se répète. On n'a pas le droit que l'histoire se répète. Puis, ça, c'est votre job.

Ce qu'il faut, c'est repenser le trajet, écouter les spécialistes, puis faire votre devoir, comme aux Éboulements. Dites-vous que le travail que vous faites aujourd'hui pourrait se retrouver un jour dans vos veines ou dans les veines de vos proches. Croyez-moi, ça fait peur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. Desmarais (Pierre): Merci, André. Juste pour conclure, vous permettez?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui.

M. Desmarais (Pierre): Depuis 10 ans, notre membership, à la Société, a été décimé par le VIH et l'hépatite C. On est impuissant de pouvoir ramener ces gens-là soit à la santé ou à la vie. Cependant, nos membres nous disent qu'il ne faut pas répéter cette catastrophe-là qu'on a eue dans les années quatre-vingts. C'est pour ça qu'on s'est retroussé les manches et on a dit: Écoutez, on va être l'organisme de consommateurs qui va regarder le système sanguin. Pour le moment, on trouve que, comme a dit André, ça fait peur. On se retrouve dans une même structure, comme dans les années quatre-vingts.

On a quand même tout un background. On a suivi la réforme du système sanguin depuis 1992. On a quand même une bonne expertise. Donc, finalement, quelle serait la solution pour éviter les catastrophes futures? Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je rappelle simplement aux parlementaires que c'est 20 minutes de chaque côté. J'ai déjà des manifestations évidentes de plusieurs interventions. Alors, si vous pouvez garder vos questions courtes et les réponses un peu courtes aussi, si on veut en passer le plus possible. J'irai par alternance d'intervention et non 20 minutes. Le 20 minutes sera comptabilisé de façon totale.

Alors, j'ai reconnu, jusqu'à maintenant, M. le député de L'Assomption, M. le député de Nelligan, Mme la députée de Sherbrooke, et je continue. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie d'être ici, avec nous, ce matin. Il va de soi qu'en ce qui me concerne c'est une question extrêmement délicate à laquelle, en tant que parlementaire, on doit apporter une attention toute particulière pour faire en sorte qu'on puisse sauver toutes les vies humaines et particulièrement, bien sûr, la vie des enfants.

Dans votre présentation, il y a un point particulièrement qui m'a fait sursauter. Vous avez dit que, si le Québec mettait en place son propre système en fonction des lois de l'économie, ça coûterait plus cher. La semaine dernière, les représentants du comité Gélineau, justement, qui ont produit le rapport, sont venus nous faire une présentation. Il y a également la responsable de l'implantation du nouveau système de sang, de la nouvelle structure, Mme Bériau, qui est venue nous faire une présentation. Moi, je dois vous avouer d'emblée que j'ai trouvé leurs propos extrêmement rassurants. Je ne sais pas si vous étiez là, je ne sais pas si vous les avez entendus, mais j'aimerais savoir de votre part si vous avez trouvé leurs explications convaincantes.

Notamment à l'égard des coûts dont vous avez parlé, j'aimerais bien comprendre. Lorsque je regarde les recommandations du rapport Gélineau, justement, on parle du fournisseur de la corporation d'achats en commun. Je comprends que, dans les recommandations du rapport Gélineau même, on n'exclut pas la possibilité, et on pourrait favoriser à la rigueur, que le fournisseur, le produit sanguin, soit un fournisseur pour tout le territoire du Canada, et ça pourrait être la même chose à l'égard de la corporation d'achats en commun. Là où on parle d'une structure propre au Québec, on parle surtout de la distribution des produits sanguins dans les établissements hospitaliers, on parle de la désignation spécifique des centres hospitaliers. Bien franchement, je ne vois pas en quoi une telle structure pourrait coûter plus cher, puisqu'au niveau des corporations d'achats en commun je comprends qu'on pourrait faire affaire avec des fournisseurs pancanadiens.

M. Page (David): Bon, il y a deux points dans votre question. Le premier, c'est toute la question de fractionnement et d'achats en commun. Je suis d'accord avec vous autres que, si les autres provinces sont bien prêtes à permettre au Québec de faire fractionner son sang ensemble, à faire partie du club d'achats ensemble, les coûts vont rester sensiblement les mêmes que présentement. Moi, je n'ai pas de réponse finale à cette question et je n'ai pas encore vu d'entente entre le Québec et les autres provinces à cet égard. Je peux faire peut-être une allégorie avec le Club Price. Vous pouvez vous rendre au Club Price demain matin pour dire: Écoutez, je ne suis pas membre, je ne paie pas le membership. Par contre, je veux avoir les mêmes prix que tous les autres. C'est bon pour vous autres parce que, si j'achète, bien ça va coûter moins cher pour tout le monde. Je ne pense pas que les autres membres vont dire oui. Est-ce que ça va arriver? Je ne sais pas, mais nous, comme Québécois, nous avons besoin de la garantie qu'il y a une entente entre le Québec et les autres provinces à cet égard. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est au niveau de la gouvernance. Si on veut laisser les autres provinces avoir un système de gouvernance qui leur coûte des sous, parfait. Nous autres, on n'a pas de système de gouvernance. Moi, je ne l'ai pas vu. En tout cas, j'ai vu un fournisseur non imputable, privé, j'ai vu un paquet de comités aviseurs, je vois un ministre, puis son ministère admet lui-même qu'ils n'ont pas d'expertise en la matière, mais ils vont prendre toutes les décisions. Donc, on peut procéder comme ça. C'est vrai que ça ne coûtera pas plus cher, mais on n'aura pas un fonctionnement efficace et on aura d'autres côtes comme Les Éboulements. Donc, il faut se donner un système de gouvernance. Si on ne fait pas front commun avec les autres provinces, bien, qu'on fasse autre chose, mais qu'on mette en place une structure qui fonctionne. Donc, ça, ça va coûter des sous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Brièvement, M. Desmarais.

M. Desmarais (Pierre): Il y a aussi le coût social, pas seulement le coût financier. Si on décide d'avoir nos chercheurs qui ne font pas d'études multisites à travers le Canada, ça va affecter la qualité des services ici, autant pour les hémophiles que pour la médecine transfusionnelle. S'il n'y a pas d'échange prévu, comme l'Agence canadienne du sang le prévoyait en ce moment entre les associations des directeurs d'hémophilie, ils ne seront pas capables de voir venir certains virus ou certaines problématiques suite à la transfusion sanguine. Donc, il y a tous ces coûts-là qu'on craint.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte intervention.

M. St-André: Très courte intervention, M. le Président. Quand on parle d'établir une corporation d'achats en commun pour les produits sanguins, je comprends que c'est à cet égard-là que vous craignez que les coûts risquent d'augmenter. Mais, si c'est dangereux pour le Québec de faire bande à part en ce domaine-là, c'est dangereux également pour le restant du Canada. On comprend tous que, si un groupe ou un fournisseur... On met en place une corporation d'achats en commun où il y a le plus de membres possible, il y a une économie pour tout le monde. Donc, le Québec a autant intérêt à mettre en place une telle corporation d'achats en commun que le restant du Canada à cet égard-là, parce qu'eux aussi vont pouvoir faire des économies. C'est les règles d'un bon partenariat qu'on a toujours prêché de ce côté-ci, je vous ferai remarquer.

Et, pour le reste, pour ce qui est de la distribution et de l'approvisionnement des hôpitaux, je ne vois pas en quoi le fait de mettre en place notre propre système pourrait générer des coûts supplémentaires. Il va falloir qu'on le fasse de toute façon, il va falloir que les produits sanguins soient acheminés dans les hôpitaux au Québec d'une façon ou d'une autre. Et je ne pense pas que ça soit nécessairement par un organisme pancanadien qu'on puisse atteindre cet objectif, cela le plus efficacement possible.

(9 h 40)

Par contre, pour l'achat des produits sanguins, on comprend qu'il y a un intérêt mutuel, un avantage mutuel à procéder de la sorte. Et, dans ce cas-là, on va réussir, à mon avis, j'en suis convaincu. Puis d'ailleurs c'est ce que les porte-parole du comité Gélineau nous ont dit la semaine dernière, et la représentante de la ministre aussi, qu'il y avait des discussions en ce sens-là. En tout cas, à prime abord, je suis convaincu qu'on va réussir à atteindre les objectifs que vous énoncez d'une façon ou d'une autre. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de L'Assomption. Maintenant le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, bienvenue à la Société canadienne d'hémophilie, section Québec. Merci, M. Pierre Desmarais, M. André Mantha et M. David Page pour votre excellente présentation et pour votre travail comme société. Vous êtes assez souvent devant la commission et présents devant le système de santé et services sociaux, et je pense que vous êtes en train de faire un excellent travail pour vos membres. J'ai lu votre mémoire, vite, ce matin, et je trouve que c'est un excellent mémoire, avec beaucoup de recommandations claires et précises. Je vous recommande d'envoyer ça tout de suite à M. Rochon, parce que je pense qu'il n'a pas compris vos enjeux. M. Mantha, je voudrais vous féliciter pour votre intervention, parce que vous avez humanisé le débat.

Tout de suite, je vois mes collègues devant moi commencer un débat des prix. Çà, c'est une partie, mais on discute de la vie, de la vie des Québécoises et Québécois, on discute de la vie des autres partenaires canadiens, et nous avons un point noir, dans cette histoire, dans ce dossier. Avec ça, comme vous avez dit, nous n'avons pas le droit de faire la même erreur que nous avons faite dans le passé. Ce n'est pas ici que nous allons faire le débat du passé, il y a une autre commission et on attend le rapport final; M. Krever va déposer ça bientôt et nous allons discuter ça. Mais nous allons parler, ici, je l'espère, du futur.

Et je suis tellement mal à l'aise quand ce côté de la Chambre est en train de convaincre la population du Québec qu'il veut créer son propre système. Il est en train de détruire notre système, selon moi, parce qu'il ne met pas de contrôle, il ne met pas de surveillance, et pour la raison que, jusqu'à date – et j'ai écouté quatre heures, la semaine passée, pour savoir la raison – il ne veut pas participer avec la Régie canadienne. Est-ce que c'est pour des questions de coûts, est-ce que c'est des raisons partisanes? Je ne le sais, mais je voudrais avoir vos opinions, claires et précises comme votre mémoire, sur la non-participation, l'exclusion volontaire du Québec de la Régie canadienne.

Parce que, dans mon opinion, nous avons besoin de deux choses. On doit responsabiliser nos interlocuteurs du réseau de la santé; je ne mets pas ça en doute, dans nos hôpitaux et tout ça, et je pense que vous n'avez pas mis ça en doute non plus. Mais nous avons besoin de quelqu'un qui mène, quelqu'un qui contrôle, quelqu'un qui peut sonner l'alarme, quelqu'un qui peut dire tout de suite: On doit agir. Selon moi, la commission Krever a dit que nous avons besoin d'un système sans barrière, «seamless», avec aucune barrière. Mais, selon mon interprétation, la proposition du côté ministériel, de M. Rochon, est de créer des barrières. Je voudrais savoir: Oui ou non, est-ce que nous sommes plus sécures avec un système québécois en dehors du système canadien, ou est-ce que nous sommes plus sécures avec toutes nos responsabilités en place, ici au Québec – je ne mets pas ça en doute – mais comme participation, comme membres de l'Agence ou Régie canadienne, noir sur blanc?

M. Desmarais (Pierre): C'est inquiétant, comme Société canadienne de l'hémophilie et comme population au Québec, de voir que le Parti québécois voit encore les coûts ou met les coûts en premier lieu du système sanguin. Tout d'abord, la première préoccupation, ça a été les coûts. On voit que ça nous mène encore dans les mêmes problématiques qu'il y a eues dans les années quatre-vingts, où ça a été les coûts qui ont dirigé les décisions.

Donc, finalement, où on trouve très inquiétante la réforme proposée par le ministère, c'est de voir que les comités d'experts, comme le comité d'hémovigilance et le comité croisé, se retrouvent aviseurs au ministre. Le ministre va se retrouver avec divers comités aviseurs, puis lui va finalement prendre une décision qui peut être complètement à l'encontre de ces comités d'experts. Et là on voit un très grand problème.

On se retrouve exactement avec le même système qu'on avait avant, de voir la Croix-Rouge comme fournisseur. Et là, entendons-nous bien, je n'inclus pas les personnes ou l'expertise locale qu'on a à Montréal et Québec, loin de là. Mais, pour faire une analogie, ce qu'on veut faire, c'est de couper la tête, qui est le siège national, le siège social à Ottawa, et d'éviter d'avoir des décisions qui sont prises par des gens qui ne connaissent absolument rien en médecine transfusionnelle, contrairement à nos gens à Montréal et à Québec.

Donc, finalement, ce qu'on voit, c'est que le gouvernement est en train de négocier avec la Croix-Rouge pour revoir la Croix-Rouge comme fournisseur, collecteur, distributeur du sang. C'est un gros problème. On a des gros problèmes de recrutement en ce moment. La Croix-Rouge, l'enseigne Croix-Rouge, a une certaine connotation. Je peux vous dire qu'il n'y a pas seulement de l'inquiétude et de la colère au niveau de nos membres qui ont reçu des préjudices, mais il y en a aussi de la population en général. Et on reçoit beaucoup d'appels à ce sujet-là.

Il y a aussi un système de surveillance qui ne sera pas pancanadien. On n'a pas vu aucun mécanisme qui lie le LSPQ au système de surveillance canadien. Qu'est-ce qu'ils vont faire exactement? On sait qu'ils vont faire de la surveillance, mais comment? Comment ils vont s'équiper pour faire ça? On ne le sait pas du tout.

M. Page (David): On a essayé d'éviter de prendre parti dans le débat entre Québec et les autres provinces. On veut rester le plus loin possible de la politique. On n'est pas ici pour faire de la politique. On est ici pour mettre sur pied un système sanguin qui est sécuritaire pour tous les Québécois.

Qu'est-ce qu'ils ont fait dans les autres provinces? Finalement, après 10 ans d'effort, c'est bien. Ils mettent sur pied une Régie canadienne du sang qui a un conseil d'administration géré par des experts en matière transfusionnelle et dans toutes les autres disciplines importantes. Ils auront un directeur général avec une permanence qui vont travailler. C'est eux, les patrons du système sanguin au Canada, maintenant. Ce n'est plus les ministres de la Santé dans les provinces. On n'a plus besoin d'aller voir 10 ministres de la Santé chaque fois qu'on veut faire entraîner une décision, comme c'était le cas auparavant. Donc, on s'est donné, après maints efforts, quelque chose qui va fonctionner au moins au niveau du système de prises de décisions dans les autres provinces.

Vous pouvez embarquer avec eux autres, c'est votre choix. Ou vous pouvez faire quelque chose aussi bien chez nous, au Québec. On s'en fout complètement. Mais faites une des deux; ne faites pas d'autres choses.

M. Williams: Oui. Sur la question de ce qu'ils ont proposé – pas M. Rochon – encore une fois, nous n'avons pas, pendant quatre heures, répondu à ma question: Comment peut-on s'assurer que le sang est protégé partout au Canada? Là, il n'a pas dit ça. Ton exemple de Club Price est assez intéressant. Chaque fois qu'on veut utiliser les instances fédérales, nous allons les utiliser. Mais on ne veut pas être membre.

Il me semble que, complètement en dehors de la politique, on veut s'assurer qu'il y ait un système de sang protégé. Mais, selon mon évaluation, ce que j'ai entendu la semaine passée et aujourd'hui, c'est que nous n'avons pas une connexion garantie avec le reste du Canada. Et, pire que ça, dans le système québécois que l'on veut établir, c'est tout sous la tutelle du ministre – aucune imputabilité, aucun argent extra – et, pire que ça, ils vont maintenant donner un budget à nos hôpitaux, les 20 désignées, pour les produits sanguins pour trois ans, aucune garantie après. Avec ça, ça met en doute toute la gratuité du système aussi. Je voudrais avoir vos commentaires sur ça.

M. Page (David): On a beaucoup de craintes par rapport à la décentralisation, de façon très concrète. Qu'est-ce qu'il se passe quand on n'utilise plus de produits sanguins dans un centre? Est-ce qu'il y a un transfert des autres? Présentement, ce n'est pas un problème.

(9 h 50)

Qu'est-ce qui se passe quand un budget commence à être épuisé dans un centre? On dit: Mais, écoute, il y a trois choix de produits. Notre budget commence à être pas mal bas. On a, par exemple, le facteur VIII recombinant à quelque 0,60 $. On a le facteur VIII à base de plasma à 0,25 $. Ça coûte le tiers du prix. Ils sont tous les deux licenciés par le BBR. Ils sont tous les deux jugés plus ou moins sécuritaires. Donc, c'est très tentant pour un centre désigné, pour une régie régionale de dire: Écoutez, nous, c'est là qu'on va faire des économies. Et on perd des standards, on perd la qualité des services à travers le Québec. Donc, oui, c'est une crainte, et ce n'est pas juste avec les produits hémophiliques, c'est possible avec toutes sortes de produits. Donc, la décentralisation des budgets, qui permet des économies ici et là dans les régions qui ont plus de misère, il n'y a pas de mécanisme dans le projet Gélineau pour confronter ça.

M. Desmarais (Pierre): Selon M. Gélineau, il a recommandé de protéger les budgets de 81 000 000 $ pour trois ans pour aider à l'implantation du système. Qu'est-ce qui va arriver après? On n'a aucune idée. Selon certaines discussions avec Mme Bériau, la seule possibilité de conserver ces budgets-là serait de les protéger ad vitam aeternam, mais ça serait quelque chose définitivement à inscrire dans le nouveau système sanguin, de le protéger pour plus de trois ans, en tout cas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. J'aimerais réfléchir un peu avec vous sur la question de la structure décisionnelle qui est, je pense, un point majeur de votre rapport. J'avoue que j'ai du mal à comprendre ce que vous dites à la page 6, que vous souhaitez qu'il y ait un service qui ait les coudées franches face au gouvernement, que finalement le ministre de la Santé n'intervienne presque pas. Je vais vous dire pourquoi j'ai du mal à comprendre et après je vais vous demander de m'éclairer un peu plus.

Dans le rapport du groupe présidé par M. Gélineau, la première chose que l'on dit au tout début, quand on pose la problématique, on dit ceci: «Les ministres de la Santé des provinces et des territoires sont responsables des services de santé sur leur territoire.» On ne dit pas «le ministre du Québec», on dit «les ministres de la Santé». C'est une responsabilité qu'ils ont. On dit également dans ce rapport – et ça, c'est la proposition du comité – que ce soit le ministre de la Santé qui mette sur pied un comité d'hémovigilance. Bon, vous y avez fait référence à certains moments. Dans le diagramme que nous avons eu en synthèse, on voit bien que le ministre du Québec a un rôle relativement important. Dans votre proposition à vous, le ministre – je vais le dire en des termes peut-être un peu simplistes – il flotte, c'est-à-dire que ce qui l'entoure, ce sont des pointillés, hein? Or, il me semble à moi – et là je réagis vraiment comme quelqu'un du public, je ne suis absolument pas une spécialiste en la matière et je ne veux pas vous contredire sur des points précis que vous avez apportés, je n'y connais rien – mais il me semble que, pour le public, s'il y a bien une chose qui est importante, c'est que des ministres soient imputables et que, s'il y a bien une chose qu'ils craignent, les gens dans le public, c'est qu'il y ait des organismes qui soient à eux tout seuls responsables, finalement, du bien public.

Moi, j'ai toujours pensé qu'à tout prendre on est mieux protégé si le politique est visible dans la structure décisionnelle et qu'on peut le dénoncer si on a à le dénoncer. Et donc, de ce point de vue là, j'avoue que je suis étonnée que vous disiez: Le ministre, finalement, donnons-lui un rôle; je ne sais pas comment on pourrait l'appeler, mais enfin, quand il est relié par pointillé aux différents organismes, c'est que vraiment il a un rôle mineur. J'aimerais que vous me disiez, quand vous parlez de ce service québécois qui aurait son propre conseil d'administration, quand vous dites «serait imputable au public», ça veut dire quoi, concrètement?

Ce n'est pas si simple que ça pour moi, comme concept, un service qui est imputable au public, alors que le ministre est dans une zone d'ombre où, finalement, il a des rôles dont je ne dirais pas qu'ils ne sont pas importants, c'est important de trouver de l'argent, mais trouver de l'argent et rendre des comptes, c'est deux rôles tout à fait différents. Moi, je suis toujours plus à l'aise quand le politique – même si des fois c'est fatiguant pour nous – est finalement aussi imputable au public des décisions prises, surtout dans un domaine qui est aussi sérieux que celui-ci, aussi inquiétant que celui-ci, et je comprends très bien que les gens que vous représentez soient, par nature, très, très inquiets de ce qui va venir. Je ne remets pas ça en question. Mais votre structure décisionnelle me laisse un peu perplexe, puis j'aimerais comprendre mieux ce que vous nous avez expliqué.

M. Page (David): Bon, nous n'avons pas l'intention de rendre le ministre non imputable, au contraire. On doit un peu définir ses pouvoirs, parce qu'il n'est pas capable... Heureusement, c'est un médecin. Il connaît un peu plus les affaires, maintenant. Mais d'habitude, ce n'est même pas un médecin. On ne peut pas lui donner les décisions quotidiennes. On a vu ça par le passé. Chaque décision se rendait au niveau ministériel, puis ça prenait huit mois pour la prendre. Donc, il faut qu'il soit membre de cette corporation. Il faut qu'il nomme les directeurs. Il faut qu'il établisse les principes directeurs. Il faut qu'il accorde un budget de fonctionnement. Mais, au niveau du fonctionnement quotidien du système du service québécois du sang, c'est le conseil d'administration, avec ses experts, au niveau de la permanence, qui doivent le gérer. Présentement, ça n'existe pas. C'est basé sur le modèle qui est accepté au niveau des neuf autres provinces.

On a les ministres qui sont membres de la corporation, qui nomment le conseil d'administration, qui ont le droit de changer les membres du conseil, qui établissent les principes directeurs et qui établissent le budget de fonctionnement. Mais, après ça, ça fonctionne «at arm's length». Ça fonctionne d'une façon indépendante pour qu'ils puissent faire leur travail. Parce que les décisions dans le système sanguin sont souvent à prendre en-dedans de 24 ou 48 heures. Tu ne peux pas aller convoquer un comité d'hémovigilance, qui est fait de bénévoles qui viennent de partout au Québec, qui se rencontrent de temps en temps, qui après ça reçoivent des informations du ministère qui n'a pas d'expertise, qui étudie ça, il va avoir de la misère à arriver à une recommandation. S'il arrive à une recommandation, il donne ça au ministre. Le ministre va convoquer un autre groupe pour l'étudier. Ça n'a pas de sens et ça ne marchera pas. On va se retrouver avec les mêmes problèmes qu'on a vécus tellement de fois depuis les années quatre-vingt. C'est un système qui ne fonctionne pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Malavoy: Je veux juste demander une précision. Alors, vous vouliez continuer? Je vous en prie.

M. Desmarais (Pierre): Oui. Pour ce qui est de son rôle dans le système sanguin, le ministre de la Santé aura aussi à... Bon, si jamais le service québécois du sang rend une certaine décision et que, lui, ne veux pas aller dans ce sens-là, bien, il peut reprendre cette décision-là. C'est le responsable ultime de la santé des Québécois. Mais il en sera complètement imputable, de cette décision-là. Il aura à vivre avec cette décision-là. Mais effectivement le ministre va rester la personne ultimement imputable de toute la santé des Québécois sauf que, dans le système qui est présenté par le ministère, on se retrouve avec un ministre qui, lui, est décisionnel dans tout, et tous les autres comités se retrouvent consultatifs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Malavoy: Est-ce que j'ai le droit, juste... Je voudrais juste faire préciser ce que vous appelez «le service serait imputable et responsable au public». Ça veut dire quoi, dans votre esprit, le service dont vous parlez? Parce que, là, vous venez de me dire que, finalement, le ministre, il serait quand même responsable en bout de ligne. Mais votre service «serait imputable et responsable au public», ça veut dire quoi? Est-ce que ça veut dire qu'il serait convoqué pour rendre des comptes à intervalles réguliers, en commission parlementaire, mettons? Parce que, moi, j'ai besoin de comprendre comment ça fonctionne, cette imputabilité.

Il n'y a rien de plus, je dirais dangereux, entre guillemets, là – je ne préjuge pas du tout de la qualité des personnes et de leur bonne foi – mais, quand un groupe est imputable, on ne sait pas très bien qui c'est, forcément, qui est imputable. Quand il y a un ministre, c'est assez facile de voir que c'est le ministre qui, lui, a des comptes à rendre à l'Assemblée nationale, devant les médias, régulièrement, bon.

Mais, quand vous me dites que votre service sera imputable et responsable devant le public, je voudrais juste bien comprendre comment vous l'entrevoyez.

(10 heures)

M. Desmarais (Pierre): Je vous renvoie à une question: Comment le ministre de la Santé, qui n'a aucune expertise en médecine transfusionnelle, pourra prendre une telle décision? Ce que l'on veut faire, finalement, c'est de créer un service québécois qui, lui, prend les décisions quotidiennes et qui a une expertise en médecine transfusionnelle et en traitement d'hémophilie.

Mme Malavoy: Vous me répondez par une question. C'est habile, mais ça ne me dit toujours pas comment ce service est imputable. Comment rend-il des comptes? Que vous soyez persuadé qu'il est le mieux placé, je comprends, c'est votre opinion, puis j'ai bien compris cet aspect-là, mais comment rend-il des comptes?

M. Page (David): Mais je pense que vous avez une très bonne idée pour les rendre imputables, devant par exemple une commission des affaires sociales, d'année en année, avoir le Vérificateur général qui fait une vérification de l'efficacité de ce groupe-là au niveau de la santé et au niveau financier. Moi, je pense qu'il y a toutes sortes de façon. L'idée principale, c'est de ramener la prise de décision quotidienne au niveau des experts qui sont habilités à prendre ces décisions-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je comprends bien la crainte de la Société canadienne d'hémophilie quand elle ne veut pas que le ministre de la Santé et des Services sociaux mène ce dossier. C'est le même ministre qui essaie de transférer les greffes pulmonaires de Montréal à Québec. Et je comprends pourquoi elle est mal à l'aise de laisser ça dans les mains politiques, particulièrement ce gouvernement, et tous les gouvernements. Elle veut que nous ayons des décisions apolitiques, pouvoir prendre les décisions vite, pouvoir agir vite. D'abord et avant tout, la priorité, c'est la sécurité de notre système. Je comprends ça et j'espère que vous allez continuer sur ce point.

Sur la question de surveillance et de sécurité, quand je vois votre annexe, que je trouve excellente, et les caractéristiques requises pour le système d'approvisionnement sanguin, c'est excellent, quelques pages et les grands critères. Et, comme j'ai mentionné avant, j'espère que le ministre va lire ça. Vous avez parlé, dans la section 1, Sécurité – je suis heureux que vous ayez commencé avec la sécurité parce que je pense que c'est la base de tous les débats – vous parlez d'un système de surveillance qui suit le sang des donneurs jusqu'aux receveurs. Encore une fois, je le demande, nous avons besoin de ce système qui peut suivre ça, mais ça doit être compatible avec le système pancanadien. Je voudrais avoir vos commentaires sur le système de surveillance.

M. Page (David): C'est absolument essentiel que ça soit compatible avec le système canadien parce que, comme on a dit tantôt, notre plasma québécois va aller aux États-Unis pour fractionnement. Il va être fractionné avec le plasma des autres provinces. Il est en lots, donc 2 000 $ à 20 000 $ par lot. Ça va venir de toutes les provinces. Si jamais il y a un problème, ce n'est pas simplement le plasma québécois qui est concerné, c'est les lots de produits sanguins qui sont fabriqués à partir de tous les donneurs. Donc, quand on rappelle un produit, il faut être capable de retracer non seulement les autres donneurs, mais les donneurs du Québec, puis qui a reçu le plasma qui vient de ces lots-là. Donc, c'est un système qui doit être complètement compatible. Si ce n'est pas le même système, il faut que ça marche ensemble.

M. Williams: Pour être juste clair, pour m'assurer que mes collègues devant moi sont à l'aise: si nous avons le meilleur système, le reste du Canada doit s'adapter à notre système, mais le «bottom line», ça doit être le même système. C'est ça que vous avez dit.

M. Page (David): Que ça soit le même système ou un système qui fonctionne...

M. Williams: Complètement interchangeable.

M. Page (David): ...comme Krever a dit, «seamless», sans aucune barrière.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. J'aimerais quand même vérifier certaines choses avec vous. La Société canadienne d'hémophilie est-elle impliquée dans le nouveau système proposé par le comité Gélineau? Est-ce que vous avez été consultés et sollicités pour avoir une participation dans le futur système du Québec?

Ma deuxième question – je vais vous les poser toutes les deux, et après on pourrait peut-être entendre vos réponses – vous savez, le système d'information qui est proposé par le rapport Gélineau et qui est à l'effet – le système d'information comme tel – d'assurer un suivi des produits sanguins, de la livraison jusqu'au receveur, de gérer les stocks et les inventaires en incluant les produits périmés, transférés et rejetés, de voir à la gestion financière, de voir à l'archivage et à la conservation des informations, de faire la liaison avec le dossier du patient et avec les fournisseurs agréés, de faire la liaison également avec le système de surveillance des risques – c'est ça qui est le système d'information – moi, j'aimerais savoir: Est-ce que cet élément important du système québécois, pour suivre à la trace à la fois les receveurs, les donneurs et ce qui arrive, à votre connaissance, il est présent dans la nouvelle Agence canadienne? Est-ce que ça existe aussi pour l'Agence canadienne, ce système d'information là?

M. Page (David): Bon, première question. Nous avons paru trois fois devant le comité Gélineau...

Mme Charest: Pardon?

M. Page (David): ...nous avons paru trois fois devant le comité Gélineau.

Mme Charest: Oui, mais moi, je veux savoir: Est-ce que vous êtes impliqués dans le nouveau système qui est proposé au Québec pour...

M. Page (David): Au Canada?

Mme Charest: Au Québec. Est-ce que la Société canadienne de l'hémophilie est impliquée dans le nouveau système québécois?

M. Page (David): Mais je réponds à la question: nous avons paru trois fois devant le comité Gélineau pour faire part de nos recommandations; il y a beaucoup de nos recommandations qui n'ont pas paru dans le rapport du comité Gélineau. Donc, nous avons été impliqués de cette façon-là; nous ne sommes aucunement impliqués au niveau de l'implantation du système. Je ne comprends pas vraiment votre question.

M. Desmarais (Pierre): On n'est pas impliqués dans les décisions quotidiennes; on est ici, aujourd'hui, on dépose encore un mémoire. J'ai eu plusieurs discussions avec Mme Bériau et le Dr Poulin pour voir...

Mme Charest: Et aucun de vos membres ne fait partie d'aucun comité du nouveau système québécois?

M. Desmarais (Pierre): Bien, il y a le comité d'hémovigilance, David Page, bien sûr. Mais ce n'est pas un représentant de la Société canadienne de l'hémophilie, c'est un représentant du public.

Mme Charest: M. Page, vous, ici, vous êtes membre du comité d'hémovigilance?

M. Page (David): Oui, je suis un représentant du public au comité d'hémovigilance.

Mme Charest: Est-ce que vous croyez au rôle et au mandat du comité d'hémovigilance? Si vous en êtes membre, je prends pour acquis que vous y croyez.

M. Page (David): Que j'y crois? Moi, je suis d'abord ici pour la Société canadienne de l'hémophilie. Je pense que vous devriez poser votre question à la présidente du comité d'hémovigilance. Comme M. Poulin a dit la semaine passée, il y a eu...

Mme Charest: Mais vous en êtes membre.

M. Page (David): ...beaucoup de critiques par rapport au mandat du comité, des ressources. Je répète ses mots: au mandat du comité, le peu de ressources qui leur sont allouées et le problème des recommandations au ministre qui ne seront jamais suivies. Donc, est-ce que personnellement je suis à l'aise? Il n'y avait pas grand-monde de ce comité-là qui était à l'aise, la semaine passée, quand on s'est rencontrés pour la première fois.

M. Desmarais (Pierre): Le mandat du comité d'hémovigilance a été proposé...

Mme Charest: M. Desmarais, ce n'est pas à vous que je pose la question, c'est à M. Page, et il faut s'adresser à la présidence. Alors, M. le Président, j'aimerais que M. Page...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

Mme Charest: S'il vous plaît!

M. Williams: M. le Président, vous avez vous-même dit que, si les autres voulaient compléter la réponse, ils ont le droit.

Mme Charest: Mais moi, je voulais revenir avec M. Page, parce que c'est avec lui que j'ai entrepris la question.

Une voix: Nous autres aussi, on aimerait revenir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'avais compris que M. Desmarais avait un complément de réponse...

M. Desmarais (Pierre): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et on va terminer après avec la dernière question de Mme la députée de Rimouski. Rapidement, parce qu'on écoule le temps du 20 minutes.

M. Desmarais (Pierre): Oui. Le mandat a été donné à la première rencontre du comité d'hémovigilance. Comme M. Page a fait beaucoup de tollés, dire que le mandat est beaucoup trop large et que, pour avoir un tel mandat, il ne faut pas être qu'aviseur mais être plutôt décisionnel, et c'est ce que le Dr Poulin vous a dit la semaine passée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Courte intervention de Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Le système d'information, est-ce qu'il existe au sein du système canadien?

M. Page (David): Malheureusement, il n'existe aucun système informatisé au Canada. C'est l'intention de la nouvelle Régie canadienne du sang de mettre sur pied un système.

Mme Charest: Mais, au moment où on se parle, il n'existe pas.

M. Page (David): Malheureusement, il n'existe pas à la Croix-Rouge, il n'existe pas dans les hôpitaux canadiens, il n'existe pas dans les autres provinces puis il n'existe pas ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, ça termine le 20 minutes du côté ministériel.

Mme Charest: Alors, merci, messieurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Hull.

M. LeSage: Brièvement, M. le Président. La députée de Rimouski semblait s'inquiéter à savoir si la Société canadienne de l'hémophilie avait été impliquée dans l'élaboration du rapport Gélineau. Il me semble que vous avez été assez clairs là-dessus, vous avez comparu à trois reprises devant le comité Gélineau. C'est exact?

M. Page (David): Oui.

M. LeSage: Ce qui m'inquiète, moi, maintenant, c'est: Comment se fait-il que vos recommandations, des recommandations d'experts comme vous êtes, n'ont pas été retenues, ou on n'a pas tenu compte, justement, de certaines de ces recommandations? J'aimerais que vous en élaboriez quelques-unes de ces recommandations-là qui n'apparaissent pas dans le comité Gélineau. Je trouve ça aberrant qu'un comité soit-disant responsable comme le comité Gélineau, qui vient se présenter devant notre commission, ne tienne pas compte de recommandations d'experts comme vous êtes.

M. Page (David): Vous trouverez plusieurs des recommandations dans le même rapport: question de gouvernance, système de gouvernance efficace, principe de gratuité comme principe directeur du système sanguin. Bon, je peux en énumérer d'autres qui ne sont pas ici: question de programme d'assurance-responsabilité...

(10 h 10)

M. Desmarais (Pierre): Il faudrait peut-être reposer la question à M. Gélineau: Pourquoi il n'a pas inclus nos recommandations? Malheureusement, ça n'a pas été fait. Nous, on pense que le système qu'on vous propose ce matin est un système qui devrait se retrouver beaucoup plus sécuritaire pour les Québécois. Et malheureusement M. Gélineau n'a pas inclus toutes nos recommandations.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. LeSage: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Le temps du côté ministériel est épuisé. Il reste environ cinq minutes du côté de l'opposition. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Sur la question du fournisseur, vous avez fait des commentaires sur la Croix-Rouge, et nous allons avoir une chance bientôt de discuter avec la Croix-Rouge. Mais je voudrais vous demander: C'est quoi, les critères les plus importants pour vous dans le choix du fournisseur? Oubliez le débat de la Croix-Rouge ou non, c'est quoi les critères qui sont importants pour vous?

M. Desmarais (Pierre): C'est d'avoir un conseil d'administration qui régit ce fournisseur-là, qui est composé d'experts en médecine transfusionnelle et qui est tout à fait imputable dans ses décisions.

M. Page (David): Parce que, vous savez, un fournisseur peut prendre des décisions qui ne sont pas mandatées par le Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques. Depuis 10 ans, on a vu maintes reprises où le fournisseur est allé de l'avant. Et on le félicite d'aller de l'avant avec une mesure de sécurité qui n'est pas mandatée ni par la FDA ni par le BPBR, mais que le fournisseur trouve importante. Et vous pouvez seulement faire ça si vous avez des gens qui dirigent ce fournisseur-là qui ont une compétence en matière sanguine. Donc, la gouvernance, c'est important, évidemment.

L'autre chose qui est très importante, c'est un Bureau des produits biologiques qui est efficace, ce qui n'est pas le cas maintenant. Et je sais que ce n'est pas de votre domaine, mais je pense que le Québec a un rôle à jouer pour faire en sorte que le BPBR ait toutes les ressources et les compétences nécessaires pour jouer son rôle de régulateur.

M. Williams: O.K. Merci. Et juste pour clarifier: quand nous avons parlé de logiciel et de question de surveillance, tout le monde est en train de le préparer. Ça n'existe pas au Québec, ça n'existe nulle part au Canada, et il me semble que c'est tout à fait logique de faire ça ensemble, de nous assurer que nous avons un système compatible entre nous. Si on peut trouver quelque chose ici, tant mieux! Si ça vient d'une autre place, on veut avoir le meilleur système de surveillance possible, compatible avec les autres voisins pancanadiens.

Vous avez fait quelques commentaires sur la participation du conseil consultatif de pharmacologie. Je voudrais que vous ayez une chance d'expliquer un peu plus vos craintes quant à leur participation.

M. Page (David): Bon. Peut-être que je peux tracer l'historique par un exemple: en 1994, le Facteur VIII recombinant, au mois d'août 1993, a été licencié au Canada et a été étudié en long et en large par le comité canadien du sang; une recommandation disait que, oui, c'est le produit de choix et qu'on va le financer. Le Québec a viré de bord pour dire: Mais attendons, on ne l'a pas fait évaluer encore par notre comité de pharmacologie. Donc, ils ont procédé à l'évaluation; ça a pris huit mois. Finalement, il n'y a jamais eu de réponse.

Le Québec, sous des pressions d'un autre groupe, est finalement allé de l'avant comme les autres provinces. J'ai parlé avec des spécialistes au Québec qui sont en mesure de donner une évaluation de cette technologie, puis on ne leur a jamais demandé leur avis. Donc, comment est-ce que ce conseil de pharmacologie prend ses décisions? Je ne le sais pas. Dans ce cas-là, ça a résulté dans un très long retard.

Là, on a un comité d'hémovigilance, puis ça a l'air que ce n'est pas leur décision non plus. Il faut qu'ils réfèrent ça encore au comité d'évaluation des technologies ou de pharmacologie. Donc, un comité qui réfère à un autre comité qui reçoit une recommandation et qui parle au ministre. Ça ne marchera pas.

M. Williams: Thank you very much, Mr. Page and all the others who presented. We're talking about a fundamental issue here, about the protection of the blood system in Québec and throughout the country. I'd like you, if you could, to summarize – because the time is almost over – your concerns as a society, your concerns about the proposal and very briefly your recommendations on what would make it better. Because we're clear that blood doesn't stop at borders, viruses don't stop at borders, we have to make sure that we have a system that protects everybody. And that's what we're trying to debate here. I'd like to give you a chance to, in english, explain your major concerns very briefly.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste à peu près une minute, une minute et quart.

M. Page (David): O.K. I speak faster in english! Our major concern is one of the governance of the new Québec blood system. The proposal put forth by the Minister of Health proposes no efficient governance system. Decisions will be very difficult to make and difficult to make quickly. In addition, the Québec government seems to be negotiating with the Red Cross which has said that there is no interest in continuing in the blood system, so we don't see how they could continue as a supplier of blood products in Québec. We're also very worried about the lack of resources being dedicated to reform the blood system in Québec. It's been said that the blood system will be reformed without changing structures, without adding any new resources and without changing the law. So, it's a reform which is not a reform.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Merci aux représentants de la Société.

J'invite maintenant les représentantes et le représentant de la Croix-Rouge canadienne, Services transfusionnels, région de l'Est du Canada à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue aux représentantes et au représentant de la Croix-Rouge canadienne, Services transfusionnels, région de l'Est du Canada. Avant que vous commenciez, j'en profiterais – étant donné que cette séance de travail est télévisée – au nom de tous les membres de la commission et au nom de tous les parlementaires, pour inviter les gens qui suivent nos débats à aller faire un don de sang généreusement. Et, à ceux et celles qui ont le goût d'organiser, avec les responsables, de ne pas hésiter à le faire. Alors, ce sont tous les parlementaires qui invitent la population du Québec à faire un don de sang le plus rapidement possible compte tenu des circonstances actuelles.

Alors, Mme Décary, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre présentation de 20 minutes.


Croix-Rouge canadienne, Services transfusionnels, région de l'Est du Canada

Mme Décary (Francine): Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, c'est Mme Suzanne Rémy-Prince, qui est le directeur de l'assurance-qualité pour la région Est du Canada; et à ma droite, M. André Roch, qui est le directeur des services corporatifs pour la région Est des Services transfusionnels de la Croix-Rouge.

Alors, comme vous l'avez dit, je m'appelle Francine Décary. Je suis le directeur général des Services transfusionnels de la Croix-Rouge, région Est du Canada, et ce, depuis 1995. Je suis aux Services transfusionnels depuis 20 ans. J'ai occupé d'abord des fonctions de directeur médical adjoint pendant 10 ans, à la fois successivement à Montréal et à Ottawa et, par la suite, je suis devenue le directeur médical du centre de transfusion de Montréal en 1987. Je suis médecin, diplômée de l'Université de Montréal et hématologue de spécialité. Je détiens également un Ph.D. de l'Université d'Amsterdam aux Pays-Bas et un M.B.A. de l'Université de Sherbrooke.

(10 h 20)

Alors, M. le Président, je vous remercie de l'occasion que vous donnez aux Services transfusionnels de la Croix-Rouge de vous rencontrer. Mon objectif, il est simple, c'est de vous informer sur ce qu'est un fournisseur de produits sanguins, en 1997, un fournisseur de produits sanguins sécuritaires, au Canada et au Québec en particulier. Avec l'objectif que je me suis fixé, j'espère répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées la semaine dernière lors de la commission parlementaire, c'est-à-dire la sécurité du système, l'expertise que l'on y retrouve, les standards et les normes.

L'exercice que nous allons faire aujourd'hui, je crois qu'il est essentiel car, également, comme nous l'avons entendu la semaine dernière, il n'est pas prévu que la nouvelle structure, que ce soit la Croix-Rouge ou autre, soit en place avant septembre 1998. D'ici là, messieurs, dames – c'est 11 mois – ce sont les services transfusionnels de la Croix-Rouge qui assurent aux patients du Québec l'approvisionnement en composants sanguins dont ils ont besoin.

Alors, pour ma présentation, je vais utiliser deux approches. La première, ce sera une explication sur ce que sont les produits sanguins. Je pense que tout le monde en parle, et on n'a jamais l'occasion de les voir de proche, alors je vous les ai apportés. Et deuxièmement, je vais faire avec vous une revue du contexte réglementaire dans lequel un fournisseur de produits sanguins doit maintenant fonctionner au Canada.

Pour les besoins de la discussion, je vais utiliser le terme «produit sanguin» et ce terme va comprendre à la fois les composants du sang dont je vous parle dans quelques instants et les produits de fractionnement. Le sang, c'est un liquide biologique qui ne peut être prélevé que chez un humain, et il est essentiellement composé de deux parties. D'abord, une partie liquide, qu'on appelle le plasma, et une partie cellulaire, donc des particules, des cellules qui sont composées de trois secteurs: d'abord, les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.

Les globules rouges, ce sont les cellules qui donnent la couleur rouge au sang. Le liquide lui-même n'est pas rouge, il est jaune pâle, mais la raison pour laquelle le sang est rouge, comme vous voyez ici, c'est que ce sont les globules rouges qui sont dans le sac qui donnent cette couleur au sang. Et les globules rouges, ils ont une fonction fondamentale, c'est celle de transporter l'oxygène aux tissus. Alors, sans globules rouges, on ne peut pas vivre, puisque ce sont eux qui transportent l'oxygène de l'air ambiant jusqu'à nos tissus. Les globules blancs, ce sont les cellules qui sont là pour nous défendre contre les envahisseurs, les bactéries, les virus, etc. C'est la ligne de défense. Et finalement, les plaquettes, ce sont de toutes petites cellules dont le rôle est d'empêcher le saignement en formant une espèce d'agrégat. Lorsque les parois vasculaires, lorsque nos vaisseaux, que ce soient les artères ou les veines, sont lésées, ce sont les plaquettes qui vont aller s'accoler sur la plaie pour la fermer.

De ces trois composants cellulaires là dont je viens de parler, les produits qui sont distribués régulièrement à tous nos hôpitaux sont les globules rouges et les plaquettes. Les globules blancs sont distribués à l'occasion, mais pour des circonstances tout à fait particulières.

Alors, comment on prépare ces composants? La première chose qui est importante à savoir, c'est d'abord évidemment qu'on prend le sang complet d'un individu, qui est prélevé dans un sac comme celui-ci. Et ce sac, il est attaché de façon stérile et complètement fermée, en usine, à trois autres sacs. Et c'est par cette technologie-là que nous pourrons transférer de façon complètement stérile les composants qui sont dans ce sac-là vers les trois autres.

La technologie que nous utilisons, elle est essentiellement très simple. C'est une technologie de centrifugation. Alors, le principe est le suivant: lorsque vous mettez quelque chose dans une force centrifuge, les particules qui sont plus pesantes vont s'en aller dans le fond du sac ou du contenant que vous avez. Les globules rouges sont les cellules qui sont les plus lourdes, qui sont les plus pesantes. Donc, lorsque vous prenez ce sac-ci avec les trois autres sacs à côté, que vous mettez ça dans la centrifugeuse, il va y avoir à la fin une séparation entre les globules rouges qui seront dans le fond, et sur le dessus vous allez avoir du plasma. Dans ce plasma-là, qui est le liquide, vont flotter les plaquettes. Parce que les plaquettes sont plus légères que les globules rouges, donc elles restent en suspension.

Alors, qu'est-ce qu'on fait? C'est qu'on prend un appareil qui est tout à fait simple. On met le sac sur cet appareil-là, on pousse avec une pression assez grande et on va faire transférer la partie liquide, donc, le plasma, dans un deuxième sac ici et, là, vous coupez le premier. Vous coupez ce sac-ci, qui contient maintenant les globules rouges, et vous l'envoyez au réfrigérateur.

Vous avez maintenant trois autres sacs, un qui est plein avec le plasma et les plaquettes, et les deux autres qui sont vides. Vous les remettez, encore une fois, à la centrifugeuse, plus rapide, et maintenant, les plaquettes étant plus pesantes que le liquide, elles vont se retrouver dans le fond. Alors, à la fin, vous allez sortir, donc, le plasma dans le troisième sac, et on peut également faire un autre produit avec le plasma.

Alors, les globules rouges, dont je vous ai parlé tantôt, sont maintenant offerts. Donc, là, on avait le sang total avec les sacs. Vous avez maintenant le globule rouge, ici, qu'on appelle un culot globulaire, et ce culot globulaire là, il est bon – ça, c'est très important – pour 35 jours au réfrigérateur à 4 °C. Après 35 jours, on doit le jeter. C'est comme le lait que nous avons dans notre maison, qui dit: C'est mieux de l'utiliser avant telle date. C'est la même chose pour les produits sanguins.

Le deuxième produit qui est très important, c'est la plaquette. Vous avez ici un sac contenant ce qu'on appelle un concentré plaquettaire et, celui-là, il est crucial, puisqu'il est utilisé pour le traitement des gens qui ont des leucémies, qui ont des transplantations de moelle, qui ont des problèmes de cancer qui sont traités de façon agressive. Ce produit-là, il n'a que cinq jours de temps de péremption, de temps de tablette. Donc, ce produit-là doit constamment être renouvelé par les donneurs.

Enfin, nous avons un sac de plasma que je n'ai pas apporté, puisqu'il était congelé et, finalement, le sac de cryoprécipité. Le cryoprécipité, c'est un produit qui contient du facteur VIII, qui est le facteur antihémophilique, et également une autre molécule qui s'appelle du fibrinogène, qui sont très importants pour la coagulation. Et ce sont avec des sacs comme ça que l'on transfère ça aux patients. Le plasma et le cryoprécipité sont bons, eux, pour un an, congelés.

Vous savez, lorsqu'on utilise, dans notre publicité, qu' Un don de sang, ça peut sauver quatre vies, c'est comme ça que c'est expliqué. C'est qu'avec le même sac vous faites vraiment quatre produits. Alors, c'est un peu des produits, je dirais, qui sont clés en main. On donne des globules rouges pour les gens qui ont besoin d'oxygène. On donne des plaquettes pour les gens qui ont des saignements parce qu'ils n'ont pas de plaquettes. On donne du cryoprécipité pour les gens qui ont des problèmes de coagulation. Alors, ça, ce sont les produits, on va appeler ça les composants sanguins.

Maintenant, on a aussi entendu parler de produits de fractionnement. Alors, il est important de savoir que la plus grande partie du plasma qui est prélevé, c'est-à-dire le plasma qui vient des donneurs, qui est extrait du sang, la grande partie du plasma est envoyée aux États-Unis pour être usiné, pour être fractionné, et il nous revient, à la Croix-Rouge, pour distribution aux hôpitaux sous forme de petites bouteilles. Évidemment, on ressemble beaucoup plus à une pharmacie, à ce moment-là.

Alors, vous avez ici, par exemple, l'albumine. Alors, l'albumine a été extraite du plasma humain et c'est un peu ce dont M. Page parlait tantôt. On fait des immenses pools de milliers de donneurs de sang et on les extrait et on remet la molécule dont on a besoin – ici, l' albumine – dans une bouteille qui est ensuite acheminée aux hôpitaux, selon leurs besoins.

J'ai apporté aussi un facteur antihémophilique, et c'est celui qui est fait à partir du plasma humain. Alors, vous avez, ici, une bouteille. Celui-là, il est en poudre, et l'hémophile, ou à l'hôpital, va reconstituer le produit pour se l'injecter. Finalement, il y a un autre produit qui est utilisé souvent aussi, c'est l'immunoglobuline.

Donc, vous avez ici vraiment la panoplie des produits que nous avons. D'une part, des composants sanguins qui ont un temps de péremption court et des produits de fractionnement qui ont un temps de péremption beaucoup plus long, mais qui, eux, évidemment, sont formés de nombreuses personnes, alors qu'un sac de sang vient d'un individu.

(10 h 30)

Je pense que c'est important aussi de noter, et on y a fait allusion tantôt, que la majorité des hémophiles, à l'heure actuelle, surtout ceux qui ont un déficit en facteur VIII, sont traités par un produit qui n'est plus originaire du plasma humain mais qui est fait en usine et par un principe de biologie moléculaire. Je crois que le Dr Delage y faisait allusion, la semaine dernière, quand il parlait de la molécule recombinante de facteur VIII. Donc, c'est un produit qui n'est plus issu du plasma humain. Mais je pense qu'il faut savoir qu'à l'heure actuelle c'est le seul produit qui est comme ça; tous les autres dépendent d'un humain pour être capables de soigner les patients dans les hôpitaux.

Donner une idée de ce que ça veut dire au Québec. Alors, pour être en mesure de rencontrer les besoins des patients dans les hôpitaux au Québec, les services transfusionnels doivent tenir, à chaque année, 1 850 collectes de sang; donc, ce sont 1 850 événements. Nous devons y accueillir 280 000 personnes pour cueillir, en fait, environ 205 000 sacs de sang. Alors, les composants que nous allons préparer, comme je vous l'ai indiqué, vont être acheminés vers les hôpitaux qui consomment, à l'heure actuelle, 190 000 sacs de globules rouges par année, 97 000 concentrés plaquettaires, 38 000 plasmas et 13 000 cryoprécipités; et ceci, c'est dans les 125 hôpitaux du Québec. Et je veux encore insister sur le fait que, lorsqu'on parle de ces produits-là, on parle vraiment de produits pour lesquels il n'y a aucun substitut, il n'y a pas de sang artificiel. Donc, nous devons compter sur la bonne volonté de nos concitoyens pour que les concitoyens qui sont à l'hôpital puissent être traités.

Peut-être terminer ce volet-là en vous parlant de l'organisation. Alors, en tant que fournisseur de produits sanguins au Québec, nous sommes en charge du recrutement des donneurs, du prélèvement du sang, de faire les analyses nécessaires, de faire la distribution aux hôpitaux, et nous disposons, pour faire ça, au Québec, d'un personnel d'à peu près 600 employés, qui est composé en grande partie d'infirmières, de technologistes de laboratoire, de personnel de soutien et de médecins qui sont gérés par une équipe de gestionnaires. Il est aussi important, dans le contexte du rapport Gélineau dont on a parlé tantôt, de se rappeler que la très grande majorité des produits sanguins que nous distribuons, près de 75 %, est acheminée à peu près vers 20 hôpitaux. Le reste, il est vraiment séparé dans l'ensemble des plus petits hôpitaux de la province. Alors, voilà pour la partie des produits sanguins.

J'aimerais maintenant parler du contexte réglementaire. Et, avant de parler du contexte réglementaire, j'aimerais vous faire une comparaison. J'ai apporté ici une bouteille d'aspirine. Lorsque vous allez acheter une bouteille d'aspirine à la pharmacie, que vous la prenez sur la tablette, je crois que ça doit être très rare que vous vous posiez la question: Est-ce que la bouteille dit qu'il y a 24 comprimés d'aspirine là-dedans? est-ce que la compagnie a vraiment mis 24 comprimés d'aspirine? est-ce qu'il y en a 23? Peut-être qu'il y en a juste 20. Vous vous posez rarement la question, si ça dit qu'il y a 5 mg d'aspirine là-dedans: Est-ce qu'il y en a vraiment 5 mg? ou est-ce que la compagnie, en fait, a juste écrit ça sur son étiquette? Je pense que c'est important de se rappeler que la raison pour laquelle on ne se pose plus de questions au Canada, c'est que les compagnies pharmaceutiques sont surveillées de façon constante par Santé Canada, la Direction des médicaments, et c'est la raison pour laquelle nous avons confiance dans le produit. La raison pour laquelle je fais cette comparaison-là, c'est que vous verrez, dans les minutes qui suivent, que nous sommes, comme fournisseur, réglementés de la même façon.

Alors, je pense que c'est important, pour comprendre comment la sécurité du sang est assurée, il faut savoir que tout établissement, compagnie ou organisme qui désire recueillir du sang en vue d'une distribution aux patients canadiens doit obtenir une licence ou un permis d'exploitation. Et ceci vient du fait que, depuis le 1er septembre 1989, le sang, c'est-à-dire le sang et ses dérivés, s'est ajouté à l'annexe D de la Loi sur les aliments et drogues, et cette loi et son règlement d'application, le règlement sur les aliments et drogues, gouvernent désormais les activités des établissements canadiens de collecte de sang. Le titre IV du règlement décrit les conditions que doivent respecter les fabricants s'ils veulent obtenir une licence, et je cite: «Le sang étant considéré comme un médicament biologique, c'est le Bureau des produits biologiques, Direction des médicaments, Santé et Bien-être social Canada, qui est chargé d'appliquer la loi et le règlement sur les aliments et drogues relativement à la collecte de sang et à la fabrication des composés sanguins.»

Le rôle de la Direction des médicaments de Santé Canada étant d'assurer que les médicaments distribués au Canada ne mettent pas la santé et la vie des citoyens en danger, c'est elle – la Direction des médicaments – qui établit les normes de référence et définit les critères minimaux à l'intention des établissements canadiens qui recueillent le sang et qui fabriquent des composés sanguins. Le Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques – c'est leur nouveau nom – s'assure que le fabricant se conforme aux normes et critères de deux façons: d'une part, en approuvant les procédés de fabrication normalisés qui nous gouvernent et, d'autre part, en inspectant annuellement les fabricants pour maintenir leur permis d'exploitation. Alors, c'est donc à l'intérieur de ce cadre réglementaire que les services transfusionnels et le Centre de transfusion du Québec plus particulièrement fonctionnent.

Alors, qu'est-ce que ça veut dire dans la vie de tous les jours, maintenir un permis d'exploitation? Ça veut d'abord dire avoir un personnel compétent, un personnel qui est formé annuellement aux bonnes pratiques de fabrication et qui est formé annuellement à leur tâche respective. Cela veut dire aussi avoir des normes et des procédures pour le site de collecte de sang. Comme vous le savez, 85 % de nos collectes de sang sont faites à l'extérieur de nos locaux. Nous devons nous assurer, avec les bénévoles qui nous donnent leur temps, qu'ils ont des locaux qui sont aptes à nous recevoir pour collecter du sang et non pas être autour d'une piscine, par exemple. Alors, il y a des normes qui sont très précises pour ça. Ça veut dire aussi avoir des normes et des procédures pour le choix des donneurs. Et je pense que ceci est toujours une question très importante au niveau de la population. D'ailleurs, la partie la plus visible du réglementaire, c'est ce que le donneur doit faire, ce à travers quoi maintenant il doit passer pour être en mesure d'être acceptable comme donneur de sang.

Et on va parler surtout du questionnaire-santé. Brièvement, le questionnaire-santé, il a deux buts: d'abord, assurer que la santé et la vie du donneur ne sont pas mises en danger en venant donner du sang dans une collecte de sang; et, deuxièmement, s'assurer que la santé et la vie du receveur ne soient pas mises en danger. Et c'est la raison pour laquelle toutes ces questions sont là. On aura l'occasion d'y revenir, si vous voulez. Ça prend aussi des systèmes d'information pour garder constamment et de façon indéfinie l'historique de chaque donneur. Au Québec, nous sommes en mesure depuis 1982 de retracer chaque unité de sang qui a été donnée par les donneurs depuis ce temps-là. Nous savons donc l'historique de chaque donneur.

Les normes pour le prélèvement du sang, alors, des normes d'asepsie, des normes du poids du sac, des normes du temps de prélèvement, tout ça est réglementé par le Bureau. Il y aussi des normes et des procédures pour transporter à la bonne température le sang qui est prélevé lors de la collecte de sang et qui va revenir au centre de transfusion pour y être transformé. Il y a aussi des normes et des procédures de production – quand on parle de production, on parle de la transformation des produits comme on l'a mentionné tantôt – et nous avons aussi des normes de contrôle de qualité des produits.

Nous avons évidemment des procédures pour les analyses que nous devons faire sur chacun des sacs de sang. Et c'est très important de se souvenir que ce n'est pas parce que vous avez donné du sang deux fois, 10 fois, 100 fois qu'on ne refera pas sur votre sac de sang les analyses. Nous les refaisons à chaque fois, ceci est réglementaire. Nous avons aussi des normes et des procédures pour s'assurer que seuls les composants sanguins qui rencontrent les critères déjà définis dans notre permis d'exploitation... C'est que ces produits-là, ce sont les seuls qui sont libérés à l'inventaire et à la distribution. Et finalement, nous avons des normes et des procédures de gestion d'inventaire et de distribution du sang vers les hôpitaux.

Ce n'est pas tout d'avoir des procédures, il faut aussi s'assurer que le personnel les suit. Nous possédons un système de documentation de chacune des étapes de la fabrication, et toute déviation à la procédure est analysée par les gestionnaires en accord et en collaboration avec le service d'assurance-qualité. Les mesures correctives, si nécessaire, sont ensuite mises en place. De plus, nous faisons des inspections, ce que nous appelons des «audits-qualités», et elles sont faites par le bureau régional, par le siège social et par le Bureau des produits biologiques.

(10 h 40)

Je pense que c'est important que vous sachiez que les activités que je viens de décrire ont été celles qui ont été constatées par le cabinet d'experts internationaux qui a inspecté pour le compte de la Commission canadienne sur le sang plusieurs sangs de transfusion en 1994, dont celui de Montréal. Les rapports d'inspection ont permis au juge Krever de dire – et je vais citer seulement une des phrases: «Le comité de vérification de la sécurité a conclu que les Canadiens qui ont besoin de sang ou de produits sanguins ne devraient pas avoir à craindre que les risques soient plus élevés chez eux que dans les autres pays développés.»

M. le Président, il est important ici de souligner qu'il y a toujours place à de l'amélioration continue et que c'est dans cet esprit que les services transfusionnels se sont engagés dans la mise en place des recommandations du rapport provisoire de Krever.

J'aimerais peut-être passer seulement à la conclusion. Et c'est que, dans les séquelles de la crise que nous avons vécue et que nous vivons toujours, nous n'avons vraiment pas pu voir tout le progrès qui a été accompli depuis les années quatre-vingts. Je peux dire aujourd'hui que nous disposons au Québec et au Canada d'un système de sang qui n'a rien à envier aux autres. De nombreux témoignages le confirment, à commencer par la commission Krever et la confiance que nous ont accordée les gouvernements du Canada et du Québec pour gérer la période de transition.

Cependant, l'environnement actuel est tel qu'il a déstabilisé la confiance des donneurs dans le système canadien du sang. Et le nombre de donneurs régresse régulièrement au Québec depuis quelques années. Ce n'est pas seulement au Québec, c'est au Canada, et c'est beaucoup, aussi, à l'étranger. Au Canada, cette tendance s'est accentuée à la suite de l'annonce faite par la Croix-Rouge de sa volonté de se retirer du système d'approvisionnement en sang au Canada.

Alors, ce contexte a eu pour effet de tiédir les ardeurs des organismes engagés bénévolement dans la collecte du sang de même que la motivation du personnel et des bénévoles. Et ce sont des organismes, c'est important que vous le sachiez, qui sont le milieu scolaire, les entreprises, les groupes communautaires, les clubs sociaux, entre autres, le secteur hospitalier et les centres commerciaux. Alors, dans ce contexte, l'enjeu auquel nous sommes confrontés est celui de la continuité de l'approvisionnement du sang dans la période de transition, de maintenant jusqu'en septembre 1998.

Et j'aimerais terminer en lisant ce que je disais il y a trois ans au juge Krever, lors de ma présence à la commission le 23 septembre 1994, et vous verrez que c'est toujours d'appoint: «Le système de sang existe d'abord pour les patients et il repose avant tout sur les donneurs. Sans eux donc, sans les donneurs, sans produits sanguins, la médecine canadienne peut retourner plusieurs années en arrière: il n'y a plus de transplantation de moelle osseuse ni d'organes, il n'y a plus de traitement intensif de chimiothérapie. M. le commissaire et M. le Président, la balance est fragile à l'heure actuelle.» Et cette phrase, elle est toujours vraie.

Il est important de se souvenir que nous sommes une courroie de transmission de tout le système entre les donneurs et les patients. Nous nous sommes beaucoup attardés sur ces rouages, et il importe de revenir aujourd'hui à la raison d'être même d'un système de sang, qui est la sauvegarde des patients. M. le Président, ceci complète ma présentation et je suis prête à recevoir vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Pour l'information des membres, il est bien évident que, comme je l'ai fait avec le groupe qui vous a précédés, j'ai permis de dépasser le temps compte tenu de l'importance. Je croyais que... de bien écouter ce que les deux groupes avaient à nous dire avant de procéder à la période des questions.

Encore une fois, je demande aux membres de la commission, 20 minutes, c'est vite passé, de part et d'autre, et si on veut poser le plus de questions possible, que les questions soient le plus court possible et les réponses le plus vite possible.

J'ai actuellement MM. les députés de Maskinongé, Nelligan et Saint-Hyacinthe. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci, M. le Président. Moi, d'abord, ce que je voudrais vous dire, c'est vous féliciter pour votre présentation, parce que c'était très intéressant, c'était vulgarisé, c'était visuel. Je vous félicite parce que ça m'a accroché puis j'ai vraiment apprécié votre présentation. Je dois aussi vous féliciter, la Société de la Croix-Rouge, pour avoir tenu le fort depuis les années quatre-vingts, parce qu'il a venté fort chez vous, et ça a été difficile. Vous avez réussi quand même à maintenir le cap, et de là ma première question, c'est: Qu'avez-vous fait pour protéger la population depuis qu'il vente? Je vais poser mes questions et vous répondrez d'un bloc pour essayer de sauver un peu de temps. Une question qui m'intéresse également particulièrement: Peut-on attraper des maladies en donnant du sang? Et peut-on en attraper en en recevant? La dernière: Que pensez-vous également du système de gestion du sang que le gouvernement du Québec veut mettre en place? Est-il sécuritaire pour le public? et pourquoi?

Mme Décary (Francine): Je répondrai d'abord à votre première question, monsieur, en ce qui a trait à ce que nous avons fait depuis, comme vous dites, la tempête. Alors, disons que je vais noter que la tempête, elle est très forte depuis 1992. Alors, il est important de se souvenir, pour que ça soit plus facile à comprendre, qu'il y a eu d'innombrables mesures qui ont été mises en place, mais je vais m'accrocher aux recommandations que le juge Krever avait faites lors de son rapport provisoire en 1995.

Une des premières recommandations qu'il avait faite à la Croix-Rouge, c'était de s'assurer que le test pour l'hépatite C de troisième génération soit mis en place le plus rapidement possible. Alors, on était en février 1995 à ce moment-là, et le test de l'hépatite C de troisième génération – la troisième génération, c'est un jargon qui veut dire une amélioration sur la formule précédente – n'avait pas été encore homologué par la FDA et le Bureau des produits biologiques, mais, dès qu'il l'a été, en mai 1996, il a été mis immédiatement en place dans les 17 centres de transfusion au Canada. Donc, c'est une des réponses qui a été rapide. Mais entre-temps, en mars 1996, il y avait eu aussi la mise en place de l'antigène pour le p-24, ce qu'on appelle l'antigène pour le sida. Jusqu'à maintenant, on ne faisait que l'anticorps et on l'a mis en place très rapidement aussi, dans les jours qui ont suivi l'homologation du test par le FDA, dans les 17 centres de transfusion.

Au point de vue de la formation du personnel dont j'ai parlé, il y a eu une énorme progression depuis 1992. Comme je vous le disais, notre personnel est formé à toutes les procédures et notre personnel doit être reformé constamment à ces procédures-là. Les gens qui sont à l'assurance-qualité ont un contrôle beaucoup plus important maintenant sur les activités. C'est, en gros, si vous voulez, les mesures qui ont été mises en place.

Le questionnaire-santé a été très changé dans les derniers mois. Pour ceux d'entre vous qui êtes donneurs de sang, vous vous êtes rendu compte sûrement que le questionnaire-santé qui, avant, était fait seulement par écrit par le donneur, a changé au mois de mars 1997, pour avoir une partie écrite et une partie verbale. La raison pour laquelle cette partie verbale là a été installée, c'est qu'il a été très bien démontré par des études aux États-Unis qu'un questionnaire verbal à une personne suscite beaucoup plus d'honnêteté qu'un questionnaire écrit qui est fait dans une alcôve, et c'est dans ce contexte-là que nous avons mis ça sur pied. Je pense qu'il faut toujours se souvenir que nous avons un mandat très précis, c'est d'assurer la sécurité du receveur en bout de ligne, et toutes ces méthodes-là sont mises en place pour assurer que le sang, en bout de ligne, il est le plus sécuritaire possible.

La deuxième question que vous avez posée, c'est: Est-ce qu'on peut attraper une maladie en donnant du sang? Alors, la réponse à ça, c'est: Absolument pas. En général, en tant de médecin, on peut rarement parler de choses qui sont noir et blanc, mais celle-ci, elle l'est, puisque les sacs – là, vous en voyez un – alors, les sacs que nous achetons de la compagnie ont été complètement stérilisés en usine; et, évidemment, malheureusement, pour prélever du sang, on a besoin d'une aiguille, et cette aiguille-là, elle a été stérilisée. Elle est complètement scellée à l'heure actuelle et elle n'est ouverte que pour rentrer dans la veine du donneur lors du don de sang. Par la suite, cette aiguille-là, elle est jetée dans les contenants de contaminants biologiques et elle est incinérée. Donc, elle n'est jamais réutilisée. Donc, la réponse à votre question: Il n'y a aucune maladie qui est transmise en donnant du sang.

En recevant du sang, nous parlons d'un risque extrêmement minime. Le sang, c'est un liquide biologique. Ce n'est pas un produit usiné, et il reste des risques qui sont minimes. Si on veut les illustrer, à l'heure actuelle, on estime que le risque de contracter le virus du sida par transfusion est de l'ordre d'environ un sur 700 000. Je vais vous comparer ça avec le risque d'avoir une réaction très sévère, sinon de mourir, en recevant de la pénicilline chez votre médecin, et ce risque-là est de l'ordre de 1 sur 30 000. Alors, bon, évidemment, on est dans un environnement où on parle de risque. Donc, le risque, à l'heure actuelle, de recevoir du sang, il est extrêmement petit.

(10 h 50)

Finalement, vous me demandez de vous donner une opinion sur le système de gestion du sang qui est proposé. Je ne vous répondrai pas directement puisque je pense qu'il y a – et c'est important de le considérer – deux choses: il y a la réglementation et il y a la gestion d'un système. La réglementation du système, elle est canadienne. Elle existe par Santé Canada, Bien-être social du Canada, et elle est réglementée par le Bureau des produits biologiques. Comme je vous ai dit tantôt, pour être en mesure, pour n'importe quel organisme... Vous ne pouvez pas décider demain matin d'ouvrir une petite banque de sang sur le coin de la rue, vous allez vous faire fermer par les inspecteurs du Bureau puisque vous n'avez pas de permis d'exploitation. L'obtention d'un permis d'exploitation est quelque chose qui est complexe, qui prend de nombreux mois et qui n'est pas donnée avant que les inspecteurs de Santé Canada viennent faire une visite et s'assurent eux-mêmes que vous remplissez les normes.

Que ce système-là soit gros, moyen ou petit, d'après moi, on parle de gestion à ce moment-là, mais qu'il soit gros, moyen ou petit, il répondra aux normes de sécurité qui vont assurer la santé du receveur au bout de la ligne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup à la Croix-Rouge canadienne, Services transfusionnels, région de l'Est du Canada, pour votre présentation, particulièrement à Mme Décary, mais bienvenue aux autres intervenants, particulièrement M. Roch qui vient de mon comté de Nelligan.

D'abord, avant tout, je voudrais dire que, dans mon évaluation de la Croix-Rouge, comme citoyen, j'ai une bonne évaluation de la Croix-Rouge, en général. Je sais que nous avons eu tout un débat sur le système sanguin. Mais je voudrais juste tenir compte du rôle important que la Croix-Rouge a joué dans notre histoire, pendant des années. Je voudrais juste prendre l'opportunité, ici, de dire ça. Ils ont fait, dans plusieurs dossiers, en dehors du sang, un excellent travail. J'ai voulu juste mentionner ça.

Aussi, je voudrais mentionner que j'essaie d'être un donneur régulier, M. le Président. Ma carte est pas mal pleine. Je vois que, chaque fois que je donne, il y a plus de questions de sécurité. Ça prend un peu plus de temps, malheureusement; mais ça ne me dérange pas, personnellement, si nous sommes plus protégés. Avec ça, je voudrais juste tenir compte qu'ils ont fait les efforts de répondre à certaines questions que la population a eues. Quand même, comme vous avez dit, on peut améliorer le système.

Je voudrais juste commencer avec la question de mieux comprendre vos chiffres. Vous avez dit qu'il y a 280 000 personnes qui donnent du sang au Québec, mais qu'il y a 205 000 sacs de sang. C'est 75 000 de différence. Je voudrais juste mieux comprendre ça; et, en même temps, juste pour vous donner le temps de répondre, est-ce que, per capita, les Québécois donnent plus ou moins que les autres provinces?

Mme Décary (Francine): Pour répondre à votre première question, le chiffre de 280 000, c'est l'objectif que nous nous donnons, à chaque année, pour être en mesure de rencontrer le 205 000 sacs de sang, qui va être le point de départ pour la fabrication des autres.

Il y a deux chiffres qui sont importants là-dedans. D'abord, lorsque nous avons comme objectif, nous, d'attirer à nos collectes de sang 280 000 donneurs, nous savons en général que nous attirons environ 85 % de ce chiffre-là, d'une part, et, deuxièmement, de ce 85 % qui vont se présenter aux collectes de sang, environ 15 % des donneurs vont être exclus après être passés au questionnaire-santé, après avoir pris leur pression artérielle, après avoir pris leur température ou après avoir pris leur pouls. Parce que, vous savez, le donneur qui se présente doit rencontrer les critères dans toutes ces choses-là. Donc, il y a une perte, si vous voulez, de 15 % des donneurs qui se sont présentés...

M. Williams: O.K.

Mme Décary (Francine): ...en plus, sur la collecte de sang.

M. Williams: Sur le pourcentage de donneurs?

Mme Décary (Francine): Malheureusement, je ne connais pas la réponse à cette question-là. Il faudrait que je vous revienne là-dessus. Je n'ai pas de données.

M. Williams: Bon. O.K. Si vous pouvez fournir ça à la commission...

Mme Décary (Francine): Oui.

M. Williams: ...ça va être une information intéressante. Je voudrais savoir: Est-ce que la Croix-Rouge, région de l'Est du Canada, section Québec est en train de négocier avec le ministre de la Santé et des Services sociaux pour être le fournisseur de sang à partir de septembre 1998?

Mme Décary (Francine): Non, monsieur. Je suis directeur général de la région de l'Est du Canada mais je ne suis pas dans le système de gouvernance. Cette fonction-là appartient au Conseil des gouverneurs de la Société canadienne de la Croix-Rouge qui, en fait, sont les garants de la Corporation canadienne de la Croix-Rouge. Alors, je ne suis pas partie prenante de ces discussions.

M. Williams: Pas vous-même, mais est-ce que, à la Croix-Rouge, quelqu'un, un représentant officiel, est en train de négocier qu'au Québec ça va être la Croix-Rouge qui va être le fournisseur pour le sang à partir de septembre 1998?

Mme Décary (Francine): Cette question-là doit être adressée vraiment directement au Conseil des gouverneurs de la Société canadienne de la Croix-Rouge.

M. Williams: Vous n'avez aucune idée?

Mme Décary (Francine): Non.

M. Williams: Bon. Je passe la parole et je vais poser d'autres questions plus tard.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, M. le Président. Je suis un admirateur de ce que la Croix-Rouge fait depuis longtemps tout en convenant, comme tout le monde, qu'il y a eu des erreurs dans le passé – tout ce qui est humain peut faillir à un moment donné – et qu'il faut prendre les décisions nécessaires pour éviter que ça se produise à l'avenir. Il reste que je pense qu'il ne faut pas oublier le travail extraordinaire qui a été fait par la Croix-Rouge, les millions de donneurs, les milliers de bénévoles qui ont travaillé.

Je pense qu'il serait malheureux, en voulant corriger les erreurs du passé, de jeter le bébé avec l'eau du bain. C'est-à-dire que la Croix-Rouge a fait tellement plus de choses positives que ce qui a été négatif. Quoique c'est bien sûr que, si j'avais un fils qui avait été affecté par ces erreurs-là, je serais probablement porté à être plus sévère. Mais ma position fait que je peux peut-être être plus objectif et considérer la situation telle qu'elle est.

Je souhaite que, pour l'avenir, on tienne compte de cette expertise et qu'on réussisse à faire en sorte que les donneurs reprennent vraiment la confiance qu'ils ont eu traditionnellement. On a un système extraordinaire de collecte du sang et de disposition du sang à titre gratuit et qui n'existe pas partout dans le monde. La plupart des pays du monde n'ont pas cette chance-là et on n'évalue peut-être pas à sa juste valeur cette chance qu'on a.

Moi, j'aurais quand même quelques questions à poser. Dans les produits qui viennent du sang, d'abord, il y a deux choses. Ce qu'on nous a dit, c'est que l'orientation qui était prise, c'est que, dans la mesure où c'est possible, où il y a des produits absolument sans aucun risque qui peuvent se substituer au sang, c'est ça qui sera utilisé à l'avenir dans les hôpitaux. Donc, il y a certains produits, comme le facteur VIII, tout ça, qui seraient utilisés. Donc, à ce moment-là, on diminue d'autant le risque et, dans la mesure où il faut utiliser des produits sanguins, on le fera selon les normes et les standards internationaux qui sont les mêmes au Québec et au Canada qu'ailleurs dans le monde occidental.

La question que je me pose est la suivante: On pose beaucoup de questions aux gens quand ils vont donner du sang – parce que je vais en donner, moi aussi, quand c'est possible. La question est la suivante: Le sang de toute personne, vous l'avez dit, est analysé. Ce que je voudrais savoir, c'est le délai qu'il y a entre le moment où le sang est donné et le moment où l'analyse est faite. Première question.

Deuxième question: Vous avez dit que le risque pouvait être, au pire, de un sur 700 000, si j'ai bien compris. Dans quelle mesure ces questions-là font reculer le risque, dans quelle proportion?

Mme Décary (Francine): Alors, pour répondre à votre première question: Quel est le délai entre le moment du prélèvement et le moment où le sang est analysé? le délai est au maximum de 12 heures. Alors, tout le sang qui est prélevé chez tous les donneurs de sang est acheminé soit à notre centre à Québec ou à notre centre à Montréal et, dans les 12 heures qui suivent, chaque sac de sang, chaque unité de sang, est analysé pour les virus dont je vous ai parlé tantôt, que ce soit le VIH 1, 2, l'hépatite C, l'hépatite B, HTLV-I et la syphilis. Donc, tout ça est analysé, et il est ensuite libéré. Les produits qui sont complètement négatifs sont à ce moment-là libérés à l'inventaire.

(11 heures)

Je pense qu'il est important de se rappeler que la raison pour laquelle nous procédons avec cette rapidité-là, c'est que nous avons un produit, la plaquette, qui n'a que cinq jours de temps de péremption. Donc, on ne peut pas prendre quatre jours pour faire les analyses puisqu'on n'aurait pas de produit en bout de ligne. Alors, nous sommes pressés constamment de faire tous les tests puisque ce produit-là n'a que cinq jours de vie, si vous voulez.

À la deuxième question, effectivement la raison pour laquelle le risque pour le sida, en particulier, est de l'ordre de un sur 700 000, c'est à cause de la combinaison du questionnaire-santé et des analyses. Le questionnaire-santé, comme je vous l'ai dit, il est là pour d'une part protéger le donneur, mais d'autre part protéger le receveur. Si vous êtes un donneur de sang, vous vous êtes rendu compte que l'infirmière, maintenant, va vous poser énormément de questions sur les habitudes de vie. On sait qu'il y a un certain nombre d'habitudes de vie qui ont pour objet, de temps en temps, ou qui ont comme risque inhérent à ces habitudes d'attraper un certain nombre de maladies, surtout le sida, l'hépatite B et l'hépatite C; c'est la raison pour laquelle les questions sont précises par rapport à ces habitudes de vie.

Donc, lorsque tantôt je parlais du 15 % de donneurs qui sont exclus de la collecte, il y a un certain nombre de donneurs qui sont exclus parce que, bon, ils ont de la haute pression, ils ont un pouls qui n'est pas régulier, etc. Mais par ailleurs il y a un certain pourcentage des donneurs qui répondent oui aux questions qui sont posées, par exemple: Est-ce que vous avez respiré de la cocaïne dans les dernières années? Si la personne répond oui, la personne est exclue de donner du sang pendant un certain temps ou de façon permanente. Donc, c'est après qu'on ait fait la première ligne de défense qu'est le questionnaire et la deuxième ligne de défense que sont les tests qu'on a un risque qui est minime comme ça.

M. Dion: Est-ce que le fait qu'à l'avenir on ait une organisation, un système québécois qui soit différent au plan administratif du système canadien, ça change quelque chose au risque de...

Mme Décary (Francine): Je vais vous expliquer encore une fois. La partie dont il est important de se souvenir, c'est que c'est réglementé. Pour être capable d'opérer, pour être capable de fonctionner, pour être capable d'avoir un service de transfusion, il faut que n'importe quel organisme qui va prendre ça ait son permis d'exploitation, ait sa licence du Bureau des produits biologiques, et c'est le Bureau des produits biologiques de Santé Canada qui est le garant de la sécurité du sang par ses normes.

L'exemple, je pense, qui peut-être vous aidera à comprendre... Il y a quelques mois, il y a une compagnie qui s'appelle la Canadian Blood Bank qui a ouvert ses portes à Saint-Jean de Terre-Neuve. Cette compagnie-là a un service de don pour soi, de don autologue. Cette compagnie-là a pris plusieurs années à préparer sa demande de permis d'exploitation, et ils sont entrés en fonction seulement le lendemain, si vous voulez, où ils ont reçu en main leur permis d'exploitation. S'ils avaient ouvert leurs portes avant, ils auraient été fermés puisque la loi empêche de faire une telle chose. Donc, la sécurité du sang, vraiment, elle dépend de normes qui sont dictées par le Bureau des produits biologiques, Santé Canada; et ce sont des normes, finalement, qui sont les mêmes aux États-Unis, qui sont dictées par la FDA et, souvent aussi, par l'Organisation mondiale de la santé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Hull, qui sera suivi de Mme la députée de Bourassa.

M. LeSage: Merci, M. le Président. M. le Président, la semaine dernière, on avait le rapport du comité québécois sur l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang, et ça nous a été présenté par M. Gélineau. Tantôt, nous avons eu un groupe qui nous a exprimé certaines réserves sur le rapport Gélineau, certaines réserves à l'effet, d'abord, qu'il avait participé au comité Gélineau et que certaines recommandations n'avaient pas été retenues.

C'est la Société canadienne d'hémophilie qui nous disait, entre autres, que l'origine d'approvisionnement, si elle était étendue... C'est-à-dire que, si les collectes de sang étaient contrôlées au Québec, l'origine des donneurs serait difficile à retracer. Alors, ma question à Mme Décary: Est-ce que, d'abord, vous assistiez à la rencontre de tantôt? Est-ce que les inquiétudes de la Société canadienne d'hémophilie sont valables? Est-ce qu'elles sont réelles? Selon vous, est-ce qu'il y a des inquiétudes à y avoir suite, à la présentation de la Société canadienne d'hémophilie?

Mme Décary (Francine): Je pense qu'il est important de se souvenir que nous avons, à l'heure actuelle, aux Services transfusionnels, un système informatique qui gère la banque de données de tous les donneurs. Nous pouvons retracer jusqu'à 1982 tous les sacs de sang qui ont été donnés par les donneurs au Québec. Donc, nous avons un système de retraçage des donneurs. Avant 1982, nous n'avions vraiment pas de système. Donc, nous sommes de 1982 jusqu'à 1997.

Je pense qu'il est important de se souvenir que, lorsqu'on parle d'être capable de faire le lien entre le donneur et le receveur, il y a une partie extrêmement importante qu'il ne faut jamais oublier: c'est la partie de l'hôpital. Comme vous avez aussi entendu la semaine dernière, il y a, semble-t-il, 20 % seulement des hôpitaux qui sont complètement informatisés, de telle sorte que c'est souvent à l'hôpital que nous allons rencontrer un problème de lien entre le sac de sang qui a été distribué, disons en 1987, et la capacité de l'hôpital à retracer ce qui est arrivé à ce sac-là. La plupart des hôpitaux font un travail monumental, et je dirais même un travail de moine, puisque, comme on a vu, très peu sont informatisés. Mais, par ailleurs, il y a toujours eu des standards dans les banques de sang dans les hôpitaux, et plusieurs d'entre eux ont des cahiers dans lesquels on va retracer à la mitaine qui a bien pu ou qu'est-ce qui a bien pu arriver avec un sac de sang qui a été distribué par la Croix-Rouge en 1987 dans mon hôpital. Donc, le système, à l'heure actuelle, à la Croix-Rouge, il est étanche, je dirais, jusqu'en 1982, et, dans les hôpitaux, bien, il est un petit peu plus difficile à gérer.

M. LeSage: Alors, M. le Président, je ne crois pas que la Société canadienne de l'hémophilie s'inquiète à savoir si on peut retracer quelque chose ou un donneur de 1982. Ce dont elle s'inquiète, c'est est-ce qu'elle va pouvoir retracer quelqu'un en 2002? Et c'est là ma question: Est-ce que vous êtes d'accord, à savoir, si on a un comité ou une gestion qui est uniquement québécoise, est-ce qu'on va pouvoir continuer à retracer les donneurs, éventuellement?

Mme Décary (Francine): Le réglementaire exige que vous soyez, à tout moment, en mesure de faire le lien entre le donneur et ce qui est arrivé avec le sac de sang. Un exemple: lorsqu'un inspecteur du Bureau des produits biologiques vient, il va, au début de sa semaine – parce qu'ils viennent, une semaine, faire une visite d'inspection – il va prendre un certain nombre de sacs de sang au hasard et il va prendre les numéros des sacs. Et, par exemple, à la fin de la semaine, il va nous demander: Qu'est-ce qui est arrivé, pendant la semaine, à ces sacs-là? Et il va retourner voir ce que nous avons fait et comment, ces sacs-là, on en a disposé. Est-ce qu'ils ont été distribués, est-ce qu'ils ont été jetés parce qu'ils ne répondaient pas aux critères?

Quand je parle de la banque de données qui est capable, en rétrospective, d'aller jusqu'à 1982, évidemment, elle regarde en avant. Et, si vous parlez des années 2002, en parlant du problème de tous les ordinateurs de l'année 2000, à l'heure actuelle, il y a un comité qui est à regarder comment faire le transfert des données que nous avons à l'heure actuelle dans un ordinateur qui va gérer les années 2000.

M. LeSage: M. le Président, j'aimerais demander à Mme Décary si elle est d'accord, elle, avec les conclusions du rapport Gélineau, à savoir formation d'un organisme québécois?

Mme Décary (Francine): Pour avoir fait partie de ce comité-là, je ne crois pas que les conclusions du rapport Gélineau sont à l'effet que ça doive être un système québécois. Les conclusions du rapport Gélineau sont que le système va être réorganisé et qu'il y aura une responsabilité accrue au niveau de l'hôpital; qu'il y aurait un système d'hémovigilance qui, lui, serait imputable au ministre de la Santé; et, finalement, qu'il y aurait un fournisseur qui doit avoir son permis d'exploitation. Je pense que le système d'hémovigilance – évidemment, l'hôpital, c'est provincial – mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'opinion et de recommandation données sur le fournisseur à l'effet qu'il soit local. Je vais répéter encore une fois que l'important, c'est de s'assurer que ce fournisseur-là ait son permis d'exploitation. Qu'il soit petit, moyen, gros, ce n'est pas nécessairement ajouté à la sécurité du produit.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

Une voix: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, Mme la députée de Bourassa.

(11 h 10)

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. L'exercice que nous faisons aujourd'hui est essentiel, et ma préoccupation se range du côté de la sécurité du public. Ma question, M. le Président, s'adresse à Mme Décary. À la page 2 de votre mémoire, vous dites: «Il n'est pas prévu que la nouvelle structure – Croix-Rouge ou autre – soit mise en place avant septembre 1998.» J'aimerais savoir, dans cette optique-là, compte tenu de la nécessité d'assurer la protection du public, si la Croix-Rouge est en mesure d'assurer, en termes de volume, l'approvisionnement en sang, et, deux, la sécurité des donneurs, d'autant qu'elle a déjà à composer avec une diminution en nombre et une perte de confiance du public?

Mme Décary (Francine): M. le Président, j'aimerais répondre à cette question-là en disant que les ministres de la Santé du Canada et le ministre fédéral ont confié à la Croix-Rouge canadienne la période de transition entre maintenant et la date à laquelle le nouveau système sera mis en place. Je peux vous assurer que nous avons en place tous les mécanismes nécessaires pour assurer la sécurité, tant en termes de volume d'approvisionnement qu'en termes de sécurité et en termes de qualité des produits sanguins. Il n'y a rien de changé en ce qui nous concerne depuis le mois de juillet, si vous voulez. Nous avons toujours notre permis d'exploitation, nous sommes toujours surveillés par Santé Canada, et je crois que ceci est une garantie pour le public québécois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que ça va, Mme la députée?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est une question d'équilibre du temps.

M. Williams: Merci. J'ai pensé... Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Question d'équilibrer le temps.

M. Williams: Ah! merci beaucoup. Je voudrais demander à la Croix-Rouge: Est-ce qu'il y a quelques commentaires sur les commentaires de la Société canadienne de l'hémophilie sur les questions d'imputabilité dans l'avenir? Le ministre a dit qu'il veut avoir un comité aviseur d'hémovigilance, mais sous la responsabilité du ministre. Il y a la Société et quelques autres groupes qui disent: Non, nous avons besoin de quelque chose «arm's length», au parapublic, imputable, mais aussi, plus important, je pense, quelqu'un qui peut agir vite et d'une façon décisive. Est-ce que vous pouvez faire vos commentaires sur ce point?

Mme Décary (Francine): En tant que Société canadienne de la Croix-Rouge, je pense que nous voyons d'un très bon oeil la mise sur pied d'un système de surveillance au Québec, que le reste du système soit changé ou non, puisque c'est très important pour la population qu'il y ait un comité d'hémovigilance. Comme vous le savez, le mot «hémovigilance» vient du système français qui, lui, a eu aussi à passer à travers des difficultés et le mot «vigie» est très là. Il s'agit, pour le ministre, d'être imputable sur les décisions qui auront à être prises s'il y a un danger qui vient et qui se présente. Je pense qu'il est important de remarquer que, depuis quelques années, le fournisseur qui est la Croix-Rouge a déjà pris des avances et a souvent suggéré au Bureau des produits biologiques, en tant que fournisseur, qu'un certain nombre de mesures pourraient être mises de l'avant. Il y a les questions, par exemple, sur les variantes du virus du sida. Le type O, qui est un type qui est surtout en Afrique, a été mis en place. Donc, le fournisseur... Je pense qu'on ne doit pas penser à ce système-là comme étant un système en vase clos, c'est un système qui est de vases communicants, et il est important que le fournisseur prenne ses responsabilités autant que le comité d'hémovigilance qui doit, lui, en fait, faire la vigie sur ce qui se passe non seulement au Québec, au Canada, mais dans le monde entier.

M. Williams: Merci. Mais, la semaine passée, nous avons vu mettre beaucoup d'importance sur le fait qu'on veut responsabiliser nos hôpitaux. Je suis d'accord, et on peut aller dans cette direction. Mais, selon mon interprétation, le problème n'était pas là. Le problème, c'était tout au début. Nous avons eu le sang contaminé et nous n'avons pas un «checking balance». Nous n'avons pas une façon d'agir assez vite. Nous n'avons pas de système de surveillance. Moi, je pense qu'on doit mettre nos efforts là. Je n'ai rien contre responsabiliser nos hôpitaux mais, selon tous mes contacts, ce n'était pas là... Peut-être que c'est une question budgétaire; on peut avoir ce débat avec le ministre sur ça.

C'est pourquoi je voudrais insister encore sur la surveillance. Je vous demande: Est-ce que vous croyez encore que nous avons besoin d'avoir un système, appelez ça comme vous voulez, mais qui peut assurer que nous avons le même standard, les mêmes normes, les mêmes critères, les mêmes systèmes de surveillance, on peut dire, que les 30 000 000 de Canadiens, que nous allons savoir, au-dessus de tout doute, que nous avons fait tout le possible pour ne pas faire la même erreur que dans le passé? Est-ce que vous, comme professionnels dans ça, dans vos interventions privées et publiques... un privilège qu'on doit avoir au moins, et pas juste de la bonne foi, mais une garantie que nous allons avoir les mêmes critères partout?

Mme Décary (Francine): M. le Président, les critères, les standards, les normes sont dictés par Santé Canada, ne sont pas dictés par un comité d'hémovigilance. Je pense que c'est important de faire cette distinction-là. Santé Canada a le mandat d'assurer la santé et la vie des Canadiens par les médicaments qui sont distribués sur le territoire, et c'est pour ça qu'il y a des standards, des normes que les fournisseurs doivent rencontrer.

M. Williams: Et la surveillance?

Mme Décary (Francine): La surveillance? Eux font une surveillance, mais sur les normes. Lorsqu'on parle d'un comité d'hémovigilance, on s'en va plutôt du côté de la santé publique, c'est-à-dire que, en santé publique, nous avons des méthodes pour surveiller ce qui se passe. Alors, c'est la raison pour laquelle, lorsque vous lisez le rapport Gélineau, vous voyez qu'on recommande qu'à la fois le fournisseur et à la fois les utilisateurs, donc les hôpitaux, soient reliés de façon quelconque – et, évidemment, on privilégie la façon informatique – au système d'hémovigilance pour que ces gens-là soient en mesure de faire une analyse des effets secondaires, par exemple, des transfusions dans les hôpitaux. Ce n'est pas nécessairement une fonction qui appartient à Santé Canada; disons qu'ils ont une partie qui leur appartient, mais il y a une partie aussi qui doit être locale.

M. Williams: Mais ne voyez-vous pas un problème – et on ne souhaite pas ça, et tout le monde va faire son possible pour ne jamais arriver avec ce problème – mais s'il y a un produit sanguin contaminé qui arrive dans un de nos hôpitaux désignés, ne voyez-vous pas un problème de communication avec le reste du Canada si nous sommes partis d'un réseau attaché où on peut agir vite? Parce que, selon moi, au moins, on retarde la communication, si nous sommes isolés d'eux autres, et c'est pourquoi j'insiste encore pour mieux comprendre. Parce que, selon mon information, un des problèmes du passé, c'est qu'ils ont eu plein de comités, plein de discussions, mais il n'y a personne qui a agi. Et je voudrais m'assurer que, avec notre système local, dans les hôpitaux, plus le comité provincial d'hémovigilance, il peut y avoir pas juste une... oui, certainement, une logique, nous allons communiquer, mais moi, je voudrais avoir une garantie, une obligation légale qu'on doive communiquer ces affaires-là. Avez-vous des commentaires sur ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous pouvez répondre en deux minutes maximum? Ça terminera le 20 minutes.

Mme Décary (Francine): Oui, sûrement, ha, ha, ha! M. le Président, je pense que la question qui est faite, en fait, est une excellente recommandation. Je fais partie du comité d'hémovigilance, mais comme observateur. Comme vous le savez, je ne peux pas être juge et partie – et je pense que c'est parfait – de telle sorte que je crois qu'il revient au comité d'hémovigilance de vraiment introduire dans son mandat le contact avec tout le monde entier pour savoir ce qui se passe au niveau de la transfusion sanguine. Parce nous avons tous seulement un objectif, c'est de s'assurer que la vie des patients soit conservée en recevant du sang.

(11 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de l'Assomption, il vous reste cinq minutes.

M. St-André: Je vous remercie, M. le Président. Je retiens de votre mémoire que, dans un système de sang, on a absolument besoin de donneurs. Et, pour avoir des donneurs, le lien de confiance entre le fournisseur et le donneur est absolument essentiel. Depuis quelques temps déjà, il semble que ce lien de confiance ait été quelque peu terni. Cependant, je retiens également, dans une des réponses que vous avez données tantôt, que, pour les donneurs, la réponse est claire: Il n'y en a pas, de risque. Alors, s'il n'y a pas de risque de donner du sang, il doit peut-être y avoir un problème ailleurs. Et je me dis: Peut-être que ce problème-là se trouve du côté du questionnaire, par exemple. J'ai entendu certains citoyens dans mon comté, entre autres – je le dis bien franchement, bien candidement – se plaindre de la longueur du questionnaire. Alors, ma première question: Est-ce qu'il est absolument essentiel que le questionnaire soit aussi long? Et, dans un deuxième temps, il faut reconnaître que, pour certains citoyens également, il y a, dans ce questionnaire-là, des éléments de questions que certains jugent embarrassants. Quelle garantie pouvez-vous donner quant au caractère confidentiel des réponses que les donneurs vont donner?

Mme Décary (Francine): Il faut revenir à l'essentiel. Le questionnaire-santé, il est là pour assurer la sécurité du produit en bout de ligne. Les gens, effectivement, le trouvent long. Je pense que souvent on a un petit peu de difficulté à faire la différence entre la longueur du processus à partir du moment où on entre sur la collecte et où on prend son beigne et son café, ou la partie du questionnaire comme tel. Nous avons fait beaucoup d'études de temps et mouvement, et nous savons que le questionnaire comme tel, lorsque vous êtes assis avec l'infirmière, ce temps-là est d'environ au maximum 15 minutes. Donc, le questionnaire lui-même, peut-être que certaines vont trouver que 15 minutes, c'est long, avec une infirmière, mais toujours est-il qu'à l'heure actuelle on estime que le temps total pour un don de sang est d'environ une heure à une heure et quart. Oui, c'est plus long qu'il y a plusieurs années quand ça pouvait prendre un petit peu moins qu'une demi-heure. Mais tout ça est fait dans un contexte d'améliorer la sécurité.

Vous savez, le système canadien est sur la place publique parce qu'on n'a pas fait suffisamment de choses il y a 15 ans. Je trouve difficile maintenant de revenir en arrière puisque nous sommes convaincus que nous sommes sur la bonne voie et que la sécurité n'a jamais été aussi grande. Que les questions soient embarrassantes, soit, puisque malheureusement les façons de contracter le sida, l'hépatite B, et l'hépatite C sont dans des habitudes de vie dont on ne veut pas nécessairement discuter sur la place publique.

Par ailleurs, pour répondre à votre question de confidentialité, nous avons un système qui est extrêmement efficace, et je parle de l'ensemble du Canada où nous avons des données qui sont cumulées depuis des années sur des milliers de donneurs. Il n'y a aucun bris de confidentialité puisqu'à la fois notre personnel est éduqué en fonction de cette confidentialité-là, et notre système informatique, il est complètement fermé, il n'est pas relié à aucun autre système informatique.

M. St-André: Juste une précision, M. le Président. Le questionnaire en question, est-ce qu'on l'administre une fois? Par exemple, aujourd'hui, je fais un don de sang, j'ai complété le questionnaire; mais, si je retourne dans six mois donner de mon sang, est-ce que je vais encore une fois compléter le questionnaire? Est-ce que c'est à chaque fois?

Mme Décary (Francine): Absolument. C'est à chaque fois. Je pense que c'est important de se souvenir que, que vous veniez donner une fois, huit fois, 10 fois, 25 fois, 150 fois, on va vous refaire le questionnaire. Pourquoi? Parce que, entre le moment A et le moment B, vous avez pu faire d'autres choses.

M. St-André: Nos habitudes peuvent changer. Tout à fait. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je me permettrais une question.

Mme Décary (Francine): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Qu'est-ce qui arrive entre le moment où le donneur a donné son sang et où le receveur reçoit le sang? Qu'est-ce qui arrive entre les deux? Qui fait le choix de la qualité? Vous avez parlé des tests, tout à l'heure, qu'est-ce qui arrive entre ça?

Mme Décary (Francine): On peut peut-être marcher avec le processus. Alors, le sac, donc, il est prélevé, il est acheminé par camion, avec des procédures, des normes, au centre, soit à Montréal ou à Québec. Là, il y a une équipe de personnes qui vont prendre ces sacs-là, s'assurer qu'ils sont bien étiquetés, qu'ils correspondent bien à un questionnaire-santé. Donc, on peut toujours faire le lien. Et le lien – peut-être que ça serait important de savoir comment le lien est fait – il est fait par des étiquettes de codes à barre, et chaque étiquette de code à barres est unique pour chaque donneur, de telle sorte que ça, c'est vraiment le lien fondamental qui existe entre le sac de sang, le questionnaire-santé, le questionnaire d'auto-exclusion et l'hôpital, aussi. Alors, ce sac-là, il est donc apporté au laboratoire de production, on va le mettre dans la centrifugeuse. Dépendant de nos besoins, nous allons décider de faire des plaquettes, des cryoprécipités, etc. Lorsque les produits sont prêts, ils sont mis en quarantaine.

Pendant ce temps-là, dans d'autres pièces, il y a des technologistes de laboratoire qui procèdent aux analyses dont nous avons parlé tantôt – que ce soit le VIH, l'hépatite B, l'hépatite C, HTLV-I et la syphilis. Ces analyses-là sont faites en dedans de 12 heures. Et donc, 12 heures après, nous avons une équipe qui appartient à l'assurance-qualité qui, elle, va regarder chaque sac un par un et va décider, compte tenu des analyses qui ont été faites, des critères de sélection, si le sang doit être jeté ou acheminé à l'inventaire.

Quand il est en inventaire... et quand on parle d'inventaire c'est ce dont on parle à la radio de ce temps-là quand on dit: Bon bien notre inventaire est à 40 %, 50 %. Pour votre information, aujourd'hui, il est à 92 % à Montréal; alors, je pense que les gens ont bien répondu à nos besoins et surtout aux besoins des patients dans les hôpitaux. Donc, ils sont en inventaire. Et, à ce moment-là, c'est facile à imaginer, c'est comme un centre de distribution. Les hôpitaux nous appellent ou nous envoient un télécopieur nous demandant: Bon, j'ai besoin de tant de globules rouges de groupe O positif, etc. Là, on devient un centre de distribution et nous distribuons dans les hôpitaux.

Quand ça arrive dans les hôpitaux, il y a un système un peu semblable, ou plus petit. Vous avez, là aussi, quelqu'un qui va s'assurer qu'il a bien les sacs de sang qui viennent de la Croix-Rouge qu'il a demandés; il va les mettre dans son inventaire, et c'est maintenant à l'hôpital de gérer l'inventaire dans sa banque de sang. C'est comme s'ils étaient les consommateurs, un particulier, si vous voulez, à l'autre bout de la ligne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie pour cette présentation. Je vous invite à rester, le temps qu'on fait, nous, notre conclusion. Mais, avant de procéder à la conclusion, je répète ce que j'ai dit au début: Au nom de tous les parlementaires, nous invitons toute la population à donner généreusement de leur sang et à ne pas hésiter. On a vu ce matin que la question de sécurité est extrêmement importante. Mais, même si ça prend un petit peu plus de temps, ça en vaut la peine, selon tous les parlementaires, sans exception.


Remarques finales

J'invite maintenant M. le député de Nelligan à procéder à une conclusion, Mme la députée de Sherbrooke fera la même chose, et j'apprécierais à peu près quatre minutes chacun.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci à la Croix-Rouge canadienne pour votre présentation et toutes les autres personnes qui ont participé au premier échange, à la première étape de ce mandat d'initiative sur le système sanguin québécois.

Nous avons toujours posé les questions pour mieux comprendre le système, toujours dans le but d'assurer que les citoyens et citoyennes seront protégés. Je vais continuer de questionner encore dans cette direction parce que, comme M. Mantha l'a dit tout à l'heure, nous n'avons pas le droit de faire la même erreur que nous avons faite dans le passé.

Le député de Saint-Hyacinthe a essayé de dire que tout est beau, tout est correct, que c'est un système extraordinaire. Je pense qu'il va avoir de la misère à convaincre les 1 500 personnes, partout au Canada, qui ont eu le sida, ou les 500 Québécois qui ont eu ça à cause du sang contaminé, les 3 000 ou 4 000 Québécois ou les 20 000 personnes qui ont eu l'hépatite C. Avec ça, oui, nous avons un bon système, mais on doit améliorer notre système. On doit prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que nous avons répondu à toutes les questions sur la surveillance et le contrôle.

Je pense, M. le Président, que nous avons rendu, nous, comme commission des affaires sociales, un service à la population en obligeant le gouvernement à rendre ses intentions publiques. J'ai apprécié la participation des autres groupes, les intervenants, parce que, comme Mme Décary l'a mentionné, c'est une question assez compliquée et on doit mieux comprendre tous les enjeux de ça.

Je suis loin d'être convaincu que notre exclusion volontaire de communication avec nos partenaires pancanadiens, ce soit une bonne décision. Je suis heureux que nous soyons en train d'essayer de responsabiliser nos interlocuteurs dans les hôpitaux. Mais je pense que nous avons besoin d'un système de surveillance imputable qui réponde aux besoins du système de santé du Québec, mais aussi, d'abord et avant tout, aux citoyens. C'est pourquoi je pense que nous avons besoin d'un système qui est en dehors de la structure gouvernementale, qui peut agir vite et d'une façon décisive, prendre des décisions vite.

(11 h 30)

M. le Président, nous allons avoir, comme tout le monde est au courant, 11 mois avant que nous ayons un nouveau système de sang. J'espère que la commission des affaires sociales va continuer de participer à ces débats pour s'assurer que le gouvernement québécois prend les bonnes décisions. Parce que la fin de l'exercice – c'est complètement au-dessus de toutes les autres questions politiques – on doit assurer les 125 députés ici que nous avons un système de sang qui est protégé.

Je voudrais, M. le Président, engager notre prochaine séance de travail et je vais proposer une continuation de ce mandat d'initiative. Nous avons déjà reçu des lettres de quelques interlocuteurs qui veulent se présenter et dont, malheureusement, nous n'avons pas eu la chance de discuter. Je voudrais aussi insister, cette fois-là, pour que le ministre de la Santé et des Services sociaux soit présent. Je trouve ça déplorable que, pendant deux jours, nous ayons eu un débat sur le système de sang aussi important que ça et que le ministre ne soit pas ici. Je trouve ça complètement inacceptable, et j'espère que le ministre va être présent la prochaine fois. On peut toujours trouver des excuses, d'autres rendez-vous, mais je n'accepte pas ça, M. le Président.

I'm profoundly concerned about the blood system of Québec. I'm profoundly concerned that we are making decisions that do not respond to all of our concerns. I'm impressed with the quality of professionals and the quality of community groups working in this area, but I do believe that we have to, first and foremost, make sure that, within Québec, a blood system is responsive and responds to all the concerns we've had. But I also believe that we must attach ourselves to a larger network that ensures that the blood of Quebeckers and the blood of all Canadians is put into a system that is protective, that is safe, so that we can rebuild the confidence in our system, that we can rebuild the level of giving that we've had before, but, first and foremost, that we can know, when we receive blood during an operation, it is, for all intensive purposes, safe and have been verified.

C'est ça que je voulais faire avec ce mandat d'initiative, M. le Président. J'ai apprécié votre flexibilité pendant les débats, parce qu'il me semble qu'on doive donner la chance de commencer à informer la population, et j'espère que, bientôt, nous allons continuer ce mandat d'initiative. Et, avec nos recommandations qui, j'espère, pourront sortir dans les plus brefs délais, on pourra aider le ministre de la Santé et des Services sociaux dans ses réflexions et dans ses discussions avec ses interlocuteurs. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez le même temps, cinq minutes.

Mme Malavoy: C'était quatre...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps est dépassé. Vous prenez le temps que vous voulez, mais...


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Je vous remercie. Je vais essayer, de toute façon, d'être concise. D'abord, j'aimerais dire que je trouve que c'est vraiment dans notre rôle de parlementaires, indépendamment de la présence du ministre responsable, de nous pencher sur la question du système du sang au Québec. Et, quant à moi, je pense que c'est ça qui est important. Quand on a un mandat de surveillance, on doit s'en acquitter d'abord entre parlementaires, et je ne pense pas qu'il soit exigé dans ces cas-là que le ministre soit présent à toutes les séances. Je pense que le ministre actuel, le Dr Rochon, a déjà eu bien des occasions de discuter de ces questions-là. Et je pense que c'était notre tour, comme parlementaires, de prendre peut-être un peu plus de temps pour nous informer.

Pour ma part, ce que je retiens du système qu'on nous propose, c'est qu'il répond aux trois grandes questions que les gens vont se poser. La population que nous représentons, elle se pose essentiellement trois questions. Et je trouve que le système qu'on nous propose, qu'on nous a expliqué – je remercie d'ailleurs les gens qui sont venus nous l'expliquer – répond, je pense, fort bien à ces questions.

La première question qu'on se pose, c'est: Comment ça va se passer là où vont avoir lieu des transfusions? Parce que les gens ne se préoccupent pas d'abord d'une grande structure sur un tableau, ils se préoccupent d'abord des lieux où les transfusions se font et de la sécurité des activités transfusionnelles. Moi, je retiens que, dans le système proposé, le comité de médecine transfusionnelle, est sur place, est dans les hôpitaux désignés – un hôpital désigné par région du Québec, en lien avec des hôpitaux qui seront associés – donc, sur place, un comité qui contrôle les activités transfusionnelles. En ce sens-là, je pense qu'on peut être rassuré qu'il y a déjà quelque chose qui est à la base et qui est sous haute surveillance, si je peux dire.

Deuxième question qu'on se pose, ce sont des grandes questions qu'on se pose à travers tout le territoire. Quels sont les risques, globalement, des transfusions sanguines? Comment ça va se passer pour le contrôle de la qualité des donneurs? Comment ça va se passer du point de vue du receveur pour qu'il y ait le moins de risques possible? Et, pour répondre à cette question-là, ce qu'on nous propose, c'est un système intégré de surveillance et, plus précisément, on met sur pied un comité d'hémovigilance, c'est-à-dire qui va surveiller, qui va être vigilant pour tout ce qui est la question des transfusions, mais là, vue dans son ensemble parce que, bien évidemment, ce n'est pas sur chaque territoire, dans chaque région du Québec qu'on va régler toutes les questions qui se posent pour l'ensemble du Québec. C'est important qu'il y ait un comité qui ait cette mission.

Puis, la troisième question qu'on se pose, c'est: Est-ce que l'approvisionnement va être fiable? On vient d'écouter avec beaucoup d'intérêt les gens de la Croix-Rouge nous redire ce que nous savions, qu'il y a eu des périodes de notre histoire où on n'avait pas les moyens de bien contrôler l'approvisionnement. Je pense que vous nous avez expliqué également qu'il y a maintenant un certain nombre de mesures très strictes qui nous permettent de croire que nous avons les meilleurs garanties possible tout en sachant qu'en matière de transfusions sanguines il y a un facteur de risque, que vous avez évalué à très peu, mais qui demeure peut-être.

Il reste que la Croix-Rouge est actuellement dans une situation de grande prudence et de grande surveillance de ses activités de transfusion, et ce que le système de sang qu'on nous propose veut mettre sur pied, c'est une corporation d'achats en commun pour s'assurer que l'approvisionnement soit suffisant en quantité. Il y a actuellement un problème de quantité. Malheureusement, il y a des gens qui craignent de donner leur sang, et c'est dommage. Et, moi, je peux redire ce que vous disiez, M. le Président: Souhaitons que, dans la population du Québec, on entende cet appel d'un besoin de sang. En même temps, à partir du moment où on a une corporation d'achats en commun, on a des règles du jeu aussi en commun, et rien n'empêche qu'on se joigne à d'autres provinces du Canada pour avoir les meilleurs prix possible, sachant qu'au-delà de la question du prix il y a bien évidemment la question de la qualité.

Ce que je retiens surtout, au-delà de ces trois questions qui sont celles qu'on se pose – comment ça va marcher sur le terrain, qui va surveiller les grandes questions et comment on va s'approvisionner en sang – ce que je retiens surtout, c'est que le système qui nous est proposé, au lieu de coller quelque chose qui s'ajouterait à la structure de la santé au Québec, essaie de s'intégrer à cette structure. Au lieu d'avoir quelque chose de parallèle sur le modèle canadien, qu'on essaie tout simplement d'utiliser le réseau que nous avons mis sur pied et qui fonctionne bien, c'est-à-dire une structure relativement simple, avec un ministre responsable et un ministère qui l'aide à faire son travail, des régies régionales qui ont acquis beaucoup d'expertise dans toutes les régions du Québec, et greffés à cela, des centres hospitaliers qui seront désignés et qui vont faire le travail dont on a parlé.

Moi, je suis à l'aise personnellement avec l'idée que nous nous servions de nos structures, que nous ayons quelque chose de décentralisé qui va vraiment se poser les questions là où les problèmes risquent de se poser, plutôt que d'avoir un système centralisé et qui risquerait, en bout de ligne, d'avoir peut-être une approche très intéressante mais probablement un peu loin du terrain. Alors, je voudrais remercier les gens qui sont venus nous expliquer ces grandes questions et je repars pour ma part avec des réponses qui me semblent satisfaisantes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Avant d'ajourner, je voudrais simplement quand même peut-être faire un rappel du mandat. La commission des affaires sociales, son mandat, c'était de se réunir afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude des nouvelles orientations gouvernementales relatives à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec. Et, parce que c'est télévisé, parce que je veux être sûr que c'est bien compris et qu'il n'y ait pas de place à l'interprétation, j'ai pris la responsabilité, comme président de la commission, de ne pas inviter le ministre de la Santé, pour une raison qui est très simple: dans un mandat d'initiative, je crois personnellement – et j'en prends la responsabilité personnelle – que ça donne beaucoup plus de place aux députés des deux côtés, dégagés de toute la politique. Parce que le sang, pour moi, c'est vraiment une question... On est en politique, c'est difficile de ne pas faire de politique, mais il reste que, dans un débat aussi important que ça, je croyais personnellement qu'on devait faire ce débat-là sans la présence du ministre.

Sur ce, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 40)


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