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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 27 mai 1998 - Vol. 35 N° 126

Consultations particulières sur le projet de loi n° 186 - Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale


Consultations particulières sur le projet de loi n° 444 - Loi sur le tabac


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Table des matières

Projet de loi n° 186 – Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale

Projet de loi n° 444 – Loi sur le tabac


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Marie Malavoy, présidente suppléante
M. Rémy Désilets
M. Léandre Dion
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Michèle Lamquin-Éthier
Mme Solange Charest
M. André Boulerice
M. Russell Williams
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
*Mme Mariette Cailloux, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Marcel Boulanger, CQTS
*M. Mario Bujold, idem
*Mme Christiane Germain, ARQ
*M. François Meunier, idem
*M. Bernard Minguy, idem
*M. Hans Brouillette, idem
*M. Philippe Gervais, Regroupement de boutiques hors taxes du Québec
*M. Philippe Bachand, idem
*M. André Bergeron, idem
*M. Normand Chalifour, idem
*M. Gilles Girard, Société canadienne du cancer, division du Québec
*Mme Louise Labrie, idem
*M. Marcel Girard, idem
*M. Luc Dumulong, NATCD
*M. Robert Beaudry, idem
*M. Michel Nadeau, CCDA
*M. Michel Fafard, idem
*Mme Diane Hétu, ADA
*M. Serge Larochelle, idem
*M. Ziad Khalil, idem
*M. Yves Servais, AMDEQ
*M. André Jean Lauzon, Association des hôteliers du Québec
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures onze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, bonjour, tout le monde. Nous recommençons nos travaux; c'est la dernière partie sur les auditions.


Projet de loi n° 186

Je vous rappelle le mandat: La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi) et Mme Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Williams (Nelligan).


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Nous allons commencer ce matin par le Protecteur du citoyen. M. Meunier, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre mémoire, s'il vous plaît, tout en vous souhaitant la bienvenue.


Protecteur du citoyen

M. Meunier (Jacques): Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord, au nom du Protecteur du citoyen, vous demander de bien vouloir excuser son absence ce matin. Il n'est entré qu'hier soir d'un voyage outre-mer. Il aurait bien voulu venir, mais les circonstances ne le lui permettaient pas.

Je vous présente les personnes qui m'accompagnent: à mon extrême droite, Me Pierre Alarie, qui est directeur d'enquête; à ma droite toujours, Mme Mariette Cailloux, qui est déléguée du Protecteur du citoyen particulièrement en matière de sécurité du revenu; et à ma gauche, Me Marie-Josée Peloquin, qui est aussi déléguée du Protecteur du citoyen, mais qui travaille particulièrement en matière de perception des pensions alimentaires.

Le projet de loi n° 186 s'inscrit dans la foulée de la publication, en décembre 1996, du document de consultation Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi qui présentait un projet de réforme de la sécurité du revenu. En commentant ce projet de réforme, le 17 mars 1997, le Protecteur du citoyen s'était déclaré favorable aux objectifs poursuivis, à savoir, principalement, d'accroître la réinsertion et le maintien en emploi des prestataires de la sécurité du revenu, de privilégier d'abord les jeunes et les familles et de combattre la pauvreté chez les enfants.

De plus, après avoir mentionné que les moyens proposés à cette fin lui apparaissaient valables, le Protecteur du citoyen avait souligné que, dans le contexte de notre réalité économique, il s'imposait de comprendre et d'accepter que la réforme proposée ne pourrait être pleinement efficace que s'il se créait des emplois stables en nombre suffisant. La responsabilisation individuelle ne parviendrait pas, à elle seule, à réduire la pauvreté.

Sans doute la situation économique s'est-elle améliorée depuis ce temps et y a-t-il eu réduction du taux de chômage, et notons une certaine baisse du nombre des Québécois qui dépendent de la sécurité du revenu, mais, en décembre dernier, on comptait encore 441 085 ménages recevant une prestation d'aide sociale.

Lors de la présentation du projet de loi, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a énuméré un certain nombre de mesures qui, parallèlement au projet de loi n° 186, permettront à plusieurs citoyens d'augmenter leur revenu. Cependant, malgré ces mesures, le revenu d'un trop grand nombre de citoyens demeurera très bas.

Toujours en décembre dernier, 128 233 ménages classés non participants ne recevaient qu'une aide moyenne de 475 $ par mois pour couvrir leurs besoins essentiels. On peut affirmer sans hésitation, je crois, qu'une personne vivant à Montréal ou à Québec et qui ne dispose que de 475 $ par mois pour se loger, se nourrir et se vêtir est évidemment pauvre.

Voilà pourquoi, malgré l'impact positif des diverses mesures proposées par la ministre, le Protecteur du citoyen estime essentiel que certaines améliorations soient encore apportées au projet de loi ou aux règlements qui devront être adoptés par la suite, afin d'accroître les chances d'atteindre des objectifs poursuivis par la réforme entreprise.

Les articles 1 à 7 du projet décrivent de façon générale les objectifs de la loi et énumèrent les moyens dont disposera la ministre pour les atteindre. Favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes, les aider dans leurs démarches d'intégration, de réintégration ou de maintien en emploi, ce sont là des objectifs auxquels le Protecteur du citoyen ne peut qu'adhérer. Quant aux moyens proposés, notamment la possibilité de soutenir financièrement les personnes à toutes les étapes de leurs démarches, ils apparaissent positifs. Ainsi, par le parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi, l'approche centrée sur les besoins des personnes permettra aux agents chargés de l'application de la loi de déterminer les véritables besoins de ces personnes et de leur proposer des mesures adaptées à leur situation.

L'article 8 du projet corrige une lacune majeure du régime actuel de la sécurité du revenu. Les fonctionnaires du ministère seront désormais tenus de prêter à toute personne qui le requiert l'assistance nécessaire pour lui faciliter la compréhension et l'accès aux mesures, programmes et services d'aide à l'emploi que la loi prévoit. Dans le pacte social qu'il proposait en 1994, le Protecteur du citoyen soulignait la nécessité que l'administration publique s'engage notamment à fournir en temps utile une information adéquate et accessible et à s'assurer, le cas échéant, que le citoyen a bien compris l'information. Le projet de loi s'inspire des mêmes principes et l'on doit y voir un pas en avant. Le Protecteur du citoyen tient à rappeler qu'un droit que l'on ne connaît pas ou que l'on ne comprend pas n'est pas un droit.

Parmi les trois programmes d'assistance financière que propose le projet de loi, le Programme d'assistance-emploi s'adresse aux personnes capables de travailler ainsi qu'aux personnes qui ont certaines contraintes temporaires ou sévères à l'emploi. Toutes ces personnes recevront une aide financière. Celles qui le peuvent seront incitées à entreprendre des démarches pour intégrer le marché du travail.

Les articles 12 à 16 établissent des conditions d'admissibilité à ce programme. On y reprend notamment un test d'admissibilité financière existant présentement dans la loi: toute personne possédant des avoirs liquides dont le montant excède le maximum prévu par règlement est inadmissible au programme. L'application actuelle de ce test a pour effet d'exclure de l'aide plusieurs citoyens qui devraient s'y trouver, et ce, malgré des assouplissements apportés à l'application de ce test et les améliorations annoncées par la ministre lors de la présentation de son projet. Pour permettre aux citoyens de conserver un minimum vital réaliste de biens, le Protecteur du citoyen recommande que le test d'admissibilité financière au Programme d'assistance-emploi soit revu pour permettre aux prestataires de la sécurité du revenu de conserver un montant raisonnable d'économies, soit au moins 1 500 $ pour un adulte et 2 500 $ pour une famille, comme le prévoyait d'ailleurs le règlement antérieurement au 1er avril 1996.

Par ailleurs, on se doit de souligner que l'article 14 du projet permet à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité d'accorder des prestations à des personnes qui seraient normalement exclues de l'aide si elle estime que sans ces prestations, ces personnes se trouveraient dans une situation qui risquerait de compromettre leur santé ou leur sécurité ou de les amener au dénuement total. Ce pouvoir lui donne donc un outil essentiel pour agir, le cas échéant, en pure équité lorsque des circonstances exceptionnelles l'exigent.

Les définitions de «conjoint», d'«enfant à charge», de «personne seule» et de «famille» que prévoit le projet sont essentiellement celles que prévoit actuellement la Loi sur la sécurité du revenu. En définissant le mot «conjoint», l'article 17 réfère à la notion de vie maritale. Selon l'interprétation qu'en ont donnée les tribunaux, trois éléments sont désormais considérés essentiels pour conclure à une situation de vie maritale entre des conjoints de fait: la cohabitation, le secours mutuel et la commune renommée. Cependant, si la notion de cohabitation se comprend assez facilement, celle de secours mutuel demeure floue. La loi devrait à tout le moins décrire de façon sommaire ce qui constitue le secours mutuel nécessaire pour conclure à la vie maritale de deux personnes. Les citoyens et citoyennes qui cohabitent et qui mettent de bonne foi certaines ressources en commun auraient ainsi une information complète et claire sur leurs droits et leurs obligations, et une telle précision éviterait de nombreux litiges inutiles. C'est pourquoi le Protecteur du citoyen recommande que le projet précise le contenu de la notion de vie maritale et définisse notamment la notion de secours mutuel.

À l'article 18 du projet, on définit la notion d'enfant à charge. Cependant, le projet modifie la loi actuelle par l'ajout d'un alinéa qui dit: «Toutefois, sous réserve des cas et conditions prévus par règlement, l'enfant majeur qui ne fréquente pas un établissement d'enseignement et qui n'est ni le conjoint d'une personne, ni le père ou la mère d'un enfant à charge est présumé enfant à charge tant qu'une prestation ne lui est pas accordée. Les obligations prévues à la section V du présent chapitre s'appliquent à cet enfant à charge.» Donc, lorsque les parents d'un enfant majeur fréquentant un établissement d'enseignement sont prestataires de la sécurité du revenu, on leur verse une aide supplémentaire car ils ne reçoivent plus d'allocations de la Régie des rentes du Québec pour cet enfant. Toutefois, celui-ci peut décider d'abandonner ses études et se trouver sans revenu. Pour obtenir des revenus, cet enfant majeur pourrait devoir déposer une demande de prestation. S'il refuse de demander de l'aide, le projet de loi prévoit que ses parents continueront de recevoir une certaine somme car cet enfant est présumé demeurer à la charge de ses parents tant qu'une prestation ne lui est pas accordée.

(11 h 20)

Le projet prévoit cependant que les obligations prévues à la section V du présent chapitre s'appliquent alors au jeune adulte. Par conséquent, celui-ci sera assujetti à une série de mesures comme la recherche d'emploi et l'obligation de s'inscrire à un parcours individualisé pour l'emploi, sous peine de sanction.

Doit-on comprendre que, pour conserver leur aide pour cet enfant, les parents n'auront d'autre choix que d'exercer des pressions sur ce dernier et que, en cas de refus de sa part, ils seront pénalisés? Cet article devrait être revu ou, du moins, il s'imposerait que le projet de règlement qu'il prévoit soit rendu public et nous éclaire sur sa portée véritable, c'est-à-dire sur son mode de fonctionnement. Alors, le Protecteur du citoyen recommande que la portée de cet article soit précisée.

L'article 26 du projet établit la méthode de calcul du montant mensuel auquel ont droit les personnes admises au Programme d'assistance-emploi. La méthode de calcul proposée par le projet reprend pour l'essentiel les règles de l'actuel régime de sécurité du revenu sans toutefois corriger quelques problèmes comme la réduction pour le partage du logement ou la contribution parentale.

En ce qui concerne le partage du logement, le paragraphe g du premier alinéa de l'article 26 prévoit une réduction de l'aide financière des prestataires qui partagent leur logement avec une autre personne. Un règlement sera adopté pour en préciser l'application. Je voudrais rappeler ici les propos du professeur Fortin, dans son rapport, à propos de cette pénalité. Il écrit:

«La situation est tout à fait différente pour les personnes de l'aide sociale. Non seulement la perte attachée au partage du logement y est-elle six fois plus importante qu'à l'impôt, mais elle pèse également sur un revenu de prestation qui est, au départ, beaucoup plus bas qu'un revenu qui serait assez élevé pour être imposable. Près du tiers des ménages aptes au travail, c'est-à-dire 45 % parmi les personnes seules, sont présentement soumis à la pénalité du partage de logement, ce qui contribue à augmenter la pauvreté de cette population.

«Les effets de cette clause sur la population assistée sont aussi d'un autre ordre. Premièrement, la pénalité financière attachée au partage du logement peut amener les couples à vivre séparément, ce qui aggrave l'isolement qui est l'une des pires conséquences de la pauvreté. Deuxièmement, elle déresponsabilise les assistés sociaux en décourageant l'économie, l'entraide et la solidarité familiale au bas de l'échelle. Troisièmement, elle peut les inciter à des comportements frauduleux: fausses déclarations, double adresse, faux baux, non-paiement des loyers, vandalisme, etc.»

Le Protecteur du citoyen, comme il a eu à maintes reprises l'occasion de le déclarer depuis 1990, partage entièrement ce point de vue et recommande que l'on abolisse cette pénalité pour tous les prestataires de la sécurité du revenu et non seulement pour les familles monoparentales, comme il est prévu.

En ce qui concerne la contribution parentale, l'article 27 reprend les dispositions de l'article 14 de la loi actuelle et maintient le principe de cette contribution. Il est à noter cependant que l'article 215 oblige la ministre à faire rapport au gouvernement, deux ans après l'entrée en vigueur de cet article, sur les effets des dispositions de cette loi portant sur la contribution parentale. Donc, durant encore au moins deux ans, les parents d'enfants majeurs continueront d'être présumés fournir une aide financière à leur enfant, à moins que ce dernier ne démontre que la loi l'exempte d'exiger cette contribution. La contribution des parents est calculée en fonction du revenu et du nombre d'enfants à charge dans la famille.

En 1995, le Protecteur du citoyen soumettait à la ministre un rapport à ce sujet proposant certaines modifications visant à résoudre les problèmes que des citoyens lui avaient soumis concernant l'application des dispositions portant sur la contribution parentale. L'énumération de ces propositions apparaît à la page 12 du document qui vous a été remis.

Le projet donne suite à deux de ces recommandations. C'est-à-dire que, alors que sous le régime actuel la personne soumise à la contribution parentale doit démontrer que le refus de contribuer des parents est persistant, l'article 27 du projet atténue cette exigence. Un seul refus de parents ne devrait-il pas être suffisant dans ces circonstances?

Par ailleurs, le projet améliore la méthode de calcul par laquelle on établit le montant de la contribution exigée des parents. L'article 27 prévoit que la méthode utilisée sera la même que celle prévue à la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Je vous réfère, encore une fois, au mémoire pour des exemples illustrant l'amélioration apportée par cette mesure.

Le projet ne règle toutefois pas certaines autres questions soumises à l'attention de la ministre. Ainsi, pour l'obtention du statut de personne autonome, seul le diplôme universitaire est reconnu et la durée de présence sur le marché du travail requise des prestataires est de deux ans. Par ailleurs, certains prestataires seront tenus de rembourser au ministère les prestations qu'ils ont reçues lorsque les parents transmettent des informations erronées.

Dans son document de travail sur la contribution parentale, le Protecteur du citoyen, après avoir analysé le profil de la clientèle de la sécurité du revenu, concluait: «À la Sécurité du revenu, l'obtention d'un diplôme permettant l'accès immédiat au marché du travail, tel un diplôme secondaire professionnel ou collégial professionnel, témoigne d'un effort réel pour acquérir l'autonomie. Certes, l'obtention d'un diplôme de premier cycle universitaire augmente les chances d'emploi de son détenteur. Pour la clientèle de la sécurité du revenu, les chances d'emploi seraient quasi aussi bonnes avec un diplôme terminal professionnel qu'elles le sont avec un diplôme universitaire de premier cycle.»

Par conséquent, malgré leurs efforts, certaines personnes n'auront pas accès à un emploi immédiatement et auront besoin d'aide, à moins de bénéficier très rapidement des mesures offertes par Emploi-Québec. Toutefois, ces mesures ne prévoient pas dans tous les cas le versement de frais de subsistance.

Alors, le Protecteur du citoyen recommande qu'en matière de sécurité du revenu le jeune adulte qui détient un diplôme terminal professionnel, de niveau secondaire ou collégial, puisse être considéré comme une personne autonome.

En vertu de l'article 27, l'autonomie par le travail s'acquiert après deux ans d'un travail à temps plein. Comme on le sait, les jeunes adultes subissent des taux de chômage très élevés. La grande majorité des emplois créés dans les 10 ou 15 dernières années sont des emplois précaires, souvent à temps partiel. Dès lors, l'exigence de 24 mois de travail comme critère d'autonomie fait porter sur l'individu une responsabilité exagérée dans le contexte économique actuel. La configuration de l'emploi a changé et les perspectives ne sont guère rassurantes même si la situation du marché du travail s'améliore quelque peu.

Dans ces conditions, le maintien de la norme de deux ans de travail à temps plein fait porter aux seuls parents les conséquences d'une récession prolongée ou encore d'une restructuration économique sur laquelle les jeunes adultes et leur famille n'ont que peu d'emprise. De plus, la dernière réforme de l'assurance-emploi impose des normes très élevées. Pour avoir droit à des prestations, les nouveaux venus sur le marché du travail doivent accumuler 910 heures de travail. Ainsi, 72,5 % des jeunes de 20 à 24 ans seraient exclus.

Par ailleurs, les nouvelles mesures offertes par Emploi-Québec ne seront pas nécessairement disponibles pour tous les jeunes adultes et certains pourraient avoir besoin d'une aide financière temporaire. C'est pourquoi le Protecteur du citoyen recommande qu'en matière de sécurité du revenu soit réduite la durée de la période de travail requise pour l'obtention du statut de personne autonome.

En outre, le calcul du montant de la contribution parentale présumée reçue par le jeune adulte s'effectue, conformément à l'article 74 du règlement, à partir des revenus nets de la dernière année fiscale, ou de ceux de l'année en cours si ces revenus sont inférieurs d'au moins 10 % à ceux de l'année précédente.

Lorsque les revenus nets des parents pour la dernière année fiscale sont semblables à ceux de l'année courante, le montant de la contribution parentale peut être établie de façon exacte. Toutefois, si les parents ne disposent pas de toute l'information nécessaire, la contribution sera calculée à partir des renseignements que les parents sont en mesure de fournir au ministère au moment de la demande d'aide de leur enfant. Or, il peut y avoir un écart entre les renseignements fournis par les parents au moment de la demande et ceux que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité est en mesure de faire confirmer par le ministère du Revenu une fois les déclarations de revenus produites.

Si la vérification permet de constater que les revenus nets des parents sont supérieurs à ceux qui ont été déclarés au moment de la demande, le ministère réclamera du prestataire ce qui lui a été versé en trop. On tient donc ce dernier responsable des données incomplètes que ses parents ont fournies en estimant leurs revenus. Les renseignements sont fournis par les parents et non par le prestataire, qui n'a aucun contrôle sur ceux-ci.

C'est pourquoi le Protecteur du citoyen recommande que le prestataire ne soit pas tenu responsable des sommes versées en trop par le ministère en raison de renseignements incomplets fournis par ses parents quant à leurs revenus.

Au sujet de la saisie des prestations. Bien que les prestations soient en principe incessibles et insaisissables, l'article 31 du projet prévoit que, dans les cas de non-paiement du loyer par un prestataire de la sécurité du revenu, la Régie du logement pourra enjoindre la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de verser au propriétaire d'un logement une partie de la prestation due à son locateur, partie déterminée par règlement.

Les propriétaires soutiennent que ces modifications législatives sont nécessaires pour mettre fin aux abus, alors que les groupes de défense des droits sociaux attribuent à la pauvreté le phénomène du défaut de paiement des loyers par les prestataires de la sécurité du revenu.

(11 h 30)

Rendre saisissables les prestations de sécurité du revenu présente certes certains avantages, mais, comme plusieurs l'ont noté, ne s'attaque pas aux véritables causes. Les rapports Fortin et Bouchard ont reconnu la nécessité de rendre saisissables, dans certaines circonstances exceptionnelles, un certain nombre de prestations sociales, mais, en même temps, ils ont proposé une réforme globale du régime de la sécurité du revenu au chapitre du logement. Une étude réalisée par M. Frédéric Lamothe montre qu'aussi longtemps que le revenu minimum de base alloué au titre de la sécurité du revenu demeurera associé à des conditions de vie relevant de la très grande pauvreté, des difficultés de paiement sont à prévoir. L'amélioration des conditions économiques et une éducation budgétaire accrue sont les meilleures garanties de régler un tel problème de façon durable.

Le Protecteur du citoyen recommande donc qu'avant de permettre la saisie des prestations, et pour tenir compte des positions divergentes des intéressés, un comité indépendant évalue si les montants alloués au titre du logement dans les prestations de la sécurité du revenu sont suffisants. Le Protecteur recommande en outre qu'une allocation-logement, tenant compte des situations économiques particulières, soit versée aux prestataires si le comité indépendant la recommande également.

Les articles 43 à 55 s'inspirent de la Loi fédérale sur l'assurance-emploi et de l'actuelle Loi sur la sécurité du revenu. Ces dispositions prévoient plusieurs obligations auxquelles sera soumis un prestataire: être disponible à l'emploi et en faire la preuve en s'inscrivant auprès d'un organisme de placement, entreprendre des démarches appropriées à sa situation afin de se trouver un emploi convenable et se conformer aux instructions que lui donne la ministre et ne pas refuser ou abandonner sans motif sérieux un emploi convenable ou le perdre par sa faute.

En vertu de l'article 52, le défaut de se conformer à ces obligations donnera ouverture à l'imposition de pénalités: réduction des montants des prestations ou cessation de l'aide financière. Par ailleurs, pour éviter ces pénalités, un prestataire pourra invoquer les dispositions de l'article 46 et démontrer qu'il a entrepris les démarches appropriées pour se trouver un emploi ou que le refus ou l'abandon d'un emploi était justifié puisque cet emploi n'était pas convenable au sens de l'article 47 ou qu'il avait un motif sérieux, prévu à l'article 50, pour l'abandonner.

Cependant, si le projet de loi définit de façon plus précise les obligations et permet d'éviter l'imposition de pénalités, la possibilité de réduire des prestations de manière trop radicale pose un problème. Ainsi, une personne qui reçoit 490 $ par mois et qui verrait son revenu réduit de 150 $ ou de 300 $, comme le permet la loi actuelle, n'aurait certainement pas les ressources suffisantes pour répondre à ses besoins essentiels.

Le Protecteur du citoyen estime donc que l'utilisation des pénalités dans la mesure où elles pourraient être jugées essentielles devrait être revue et que leur application devrait se faire selon une échelle progressive accompagnée d'une révision périodique de la situation du prestataire en cause. C'est pourquoi il recommande justement que, dans la mesure où elles seront jugées essentielles, les pénalités soient établies selon une échelle progressive accompagnée d'une révision périodique de la situation du prestataire en cause.

L'article 54 permet d'imposer une pénalité à la personne qui refuse de s'inscrire à un parcours individualisé ou ne réalise pas les activités prévues. Selon le ministère, ce parcours s'inscrit dans une relation d'aide et doit faire l'objet d'une négociation avec le prestataire. Le Protecteur du citoyen souscrit à cette approche, mais constate que la menace de sanctions cadre mal avec l'esprit qui devrait animer les relations entre un agent et un prestataire.

Le Protecteur du citoyen estime que si une approche volontaire a donné des résultats satisfaisants dans le cadre des mesures financées par le Fonds de lutte contre la pauvreté où les personnes acceptent de plein gré de participer aux activités, pourquoi le volontariat ne produirait-il pas de bons effets également s'il était utilisé par les agents d'Emploi-Québec? C'est pourquoi il recommande que, afin de favoriser l'implantation d'une approche volontaire, il y ait un moratoire sur l'application de pénalités lorsque des personnes âgées de 18 à 25 ans refusent de s'inscrire dans un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi.

Parmi les améliorations apportées par le projet de loi, je m'en voudrais de ne pas souligner le deuxième alinéa de l'article 93 du projet de loi qui étend la notion d'erreur administrative et permettra l'annulation de remboursement réclamé à certaines familles dont la situation financière a fluctué de façon importante au cours d'une année. Plusieurs familles devaient rembourser les prestations reçues car le revenu qu'elles avaient estimé au début de l'année pour recevoir une aide financière avait augmenté de façon imprévisible.

L'article 95 du projet de loi reprend le libellé de l'article 65.1 de la Loi sur la sécurité du revenu. Cet article prévoit que la ministre peut prendre des ententes avec des ministères ou des organisme pour recueillir ou communiquer des renseignements nécessaires à l'application de la loi.

Le Protecteur du citoyen croit opportun de rappeler ici que l'article 65.1 fait présentement l'objet d'un litige. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été autorisée par la Cour supérieure à faire valoir tout argument de fait et de droit pertinent à la détermination de la compatibilité de cet article 65.1 avec les droits fondamentaux garantis par les articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne relatifs à la sauvegarde de la dignité et de l'honneur, de la réputation de gens, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée. Le Protecteur du citoyen recommande donc que la ministre n'applique qu'avec beaucoup de prudence cet article 65.1 actuel et l'éventuel article 95.

En matière de recouvrement de créances dues à la ministre, les articles 97 à 117 du projet reprennent, pour l'essentiel, le texte des articles de la loi actuelle. Parmi les articles qui méritent cependant des commentaires, je soulignerai brièvement l'article 105 du projet qui reprend les dispositions de l'article 35 actuel en matière de garant de personne immigrée. Un rapport spécial du Protecteur du citoyen vient tout récemment d'être rendu public au sujet du dysfonctionnement que l'application de cet article 35 cause à plusieurs familles. Plusieurs des recommandations du Protecteur du citoyen visent précisément la perception des sommes dues en vertu d'un engagement de parrainage souscrit selon la Loi sur l'immigration au Québec.

L'article 109 du projet reconduit les dispositions de l'article 39 de la Loi sur la sécurité du revenu et prévoit la subrogation de la ministre aux droits d'une personne créancière d'une pension alimentaire. Cette subrogation s'opère pour tous les versements de pension échus au moment où cette personne devient admissible à des prestations et pour ceux qui échoient au cours de la période pour laquelle les prestations sont accordées.

Avec l'adoption et l'entrée en vigueur de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, le 1er décembre 1995, le gouvernement a instauré un régime universel et automatique de perception des pensions alimentaires. On peut dès lors s'interroger sur la pertinence de maintenir une subrogation en faveur de la ministre pour des créances antérieures à la demande d'aide sociale. Il nous semble superflu que la ministre soit ainsi subrogée aux droits du créancier pour des versements qui ne l'intéressent pas directement.

Il est à noter qu'à l'époque de l'adoption de la Loi sur la sécurité du revenu, en décembre 1988, le régime de perception des pensions alimentaires en vigueur n'était ni universel ni automatique, d'où alors l'utilité d'une subrogation légale en faveur de la ministre. Cependant, dans le contexte actuel, il n'y a pas lieu d'accorder à la ministre une subrogation pour le recouvrement de sommes entièrement dues au créancier pour une période antérieure à son admission à l'aide sociale. Conséquemment, il serait souhaitable de revoir cet article 109 en tenant compte du caractère universel et automatique du nouveau régime de perception des pensions alimentaires. C'est une des recommandations du Protecteur du citoyen.

En accélérant, je ne veux pas me priver de souligner l'intérêt de la création du Bureau des renseignements et plaintes prévu par le projet. La création de ce Bureau correspond à des demandes du Protecteur du citoyen à l'égard de tous les ministères et organismes, et nous ne pouvons que nous réjouir de l'introduction d'un tel mécanisme dans le projet de loi.

Les articles 127 à 138 du projet de loi prévoient les recours en révision ainsi qu'un appel devant le Tribunal administratif du Québec, comme c'est le cas présentement selon la Loi sur la sécurité du revenu. Toutes les décisions, sauf celles prises en vertu de l'article 14, qui concerne le dénuement total, de l'article 79 concernant les versements anticipés du programme APPORT, de l'article 113 concernant le pouvoir discrétionnaire de la ministre de réduire ou d'annuler une dette, peuvent faire l'objet de recours. De la même façon que la Loi sur la sécurité du revenu ne permettait pas de contester le contenu des plans d'action et des mesures proposées, le projet de loi ne permet pas de contester une décision rendue en vertu du titre I. Doit-on en déduire que le contenu d'un parcours individualisé, visé à l'article 5 du titre I, ne pourra faire l'objet que d'une simple reconsidération administrative? C'est une question que se pose le Protecteur du citoyen.

(11 h 40)

Les articles 142 à 147 reprennent le libellé des articles 70 à 75 de la loi actuelle. Les pouvoirs des vérificateurs et des enquêteurs sont les mêmes que ceux dont ils disposent présentement. La seule modification apportée est la possibilité pour un vérificateur d'exiger d'une personne un renseignement par télécopieur ou un procédé électronique. Les enquêteurs sont autorisés à transmettre par télécopieur un subpoena. Cette procédure serait admise en droit pénal. Si de tels procédés ont été considérés justifiés en matière pénale, on se doit de noter qu'ils peuvent engendrer des problèmes de confidentialité. Un vérificateur qui demande des renseignements à un employeur peut révéler des renseignements nominatifs aux employés de l'entreprise. Des mesures très strictes devraient être prévues, par règlement ou autrement, afin d'encadrer l'exercice de ce pouvoir. Le Protecteur du citoyen aurait d'ailleurs pu en faire une recommandation à la ministre.

Au sujet du pouvoir réglementaire, l'analyse des articles du projet de loi qui habilitent le gouvernement à définir, par règlement, les montants d'allocations, les méthodes de calcul, l'admissibilité aux programmes, etc., ne nécessite pas de commentaire particulier. Cependant, il serait utile de rappeler de nouveau au gouvernement que, par souci de transparence, il devrait rendre publics, lors du dépôt d'un projet de loi, les projets de règlement destinés à le compléter ou à en assurer l'application. Ceci permettrait aux intéressés – et aux parlementaires en tout premier lieu – de commenter en toute connaissance de cause le projet de loi et éviterait des débats inutiles puisque tous les intervenants au débat auraient une compréhension plus complète de la réforme proposée.

Je conclus. Le projet de loi améliore sous plusieurs aspects les dispositions de l'actuelle Loi sur la sécurité du revenu. L'obligation de fournir une information complète aux citoyens et celle de s'assurer qu'ils la comprennent bien, ainsi que la création du Bureau des renseignements et plaintes et d'un nouveau service de révision indépendant favoriseront sûrement le respect des droits des citoyens et citoyennes. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Promouvoir l'autonomie économique et sociale des citoyens et citoyennes est un objectif qui mérite de grands efforts. L'atteinte d'un tel objectif dépendra des moyens dont on disposera et que l'on utilisera pour inciter les intéressés à y parvenir.

Les principes qui ont encadré jusqu'ici la gestion du Fonds de lutte contre la pauvreté, c'est-à-dire une approche fondée sur la solidarité sociale et le volontariat des personnes qui acceptent de plein gré de participer aux activités soutenues par le Fonds, méritent que l'on s'y attarde avec imagination avant d'imposer des obligations et des sanctions aux prestataires qui recourront aux programmes mis de l'avant par le ministère. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous aurez évidemment noté que je vous ai laissé dépasser largement.

M. Meunier (Jacques): J'apprécie beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mes collègues vont l'apprécier moins parce que je vais être obligé de couper les deux côtés à parts égales. Alors, Mme la ministre, si vous voulez commencer.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue. Je suis convaincue que, ce matin, l'échange que nous aurons ne rendra pas justice à ce mémoire que vous nous déposez, étant donné que nous avons pris connaissance de ce mémoire au moment où vous nous le présentiez. Alors, vous comprendrez, Me Meunier, que ça ne facilite pas les choses, n'est-ce pas?

M. Meunier (Jacques): Je le comprends très bien et je vous prie de bien vouloir excuser l'institution que je représente ici ce matin.

Mme Harel: Bon. Ceci dit, peut-être tout de suite juste relever quelques aspects avant de peut-être faire valoir certains changements qui vont être apportés et qui, je pense, vont venir satisfaire les recommandations – certaines, en tout cas – que vous nous faites, là.

À la page 37, quand vous parlez des dispositions pénales, vous considérez que l'amende maximale passe de 1 500 $ à 5 000 $. Ce n'est pas le cas. En fait, c'est tout simplement la reconduction des articles 148 et 149 qui existent déjà. Alors, il n'y a aucun changement à ce niveau-là.

D'autre part, je comprends que c'est avec satisfaction, à la page 31, que le Protecteur reçoit la modification introduite en matière de parrainage dans les problématiques de violence conjugale. Alors, j'en prends bonne note, à la page 31.

Moi, de mon côté, je prends note, pour examen plus approfondi, de vos recommandations concernant les créances alimentaires et la subrogation pour la période antérieure à l'attribution initiale à l'aide sociale, et puis de même que votre recommandation concernant de fausses déclarations qui auraient pu être faites par les parents d'un jeune adulte qui demande de l'aide sociale. Alors, j'en prendrai note. Je vais faire examiner ça aussi.

Vous avez certainement constaté, à ce chapitre de la contribution parentale, qu'il y a une nette amélioration. Elle se chiffre, en tout cas pour le Trésor, à quasi 25 000 000 $ en moins, étant donné l'harmonisation avec le régime des prêts et bourses et les améliorations encore récentes qui ont été introduites au régime des prêts et bourses.

Faut-il que le jeune devienne autonome, au sens de l'aide sociale, tout de suite après le diplôme secondaire? Je recevais aujourd'hui même une lettre, qui m'était adressée, d'une personne qui travaille à l'aide financière aux études, à l'Université de Montréal, et qui disait ceci: «En neuf ans de travail à l'aide financière aux études, j'ai du mal à dormir à chaque fois où une personne me demande de retourner sa bourse à Québec parce qu'elle a choisi d'aller à l'aide sociale, ou d'autres qui me disent qu'elles abandonnent les études pour aller se renflouer à l'aide sociale parce que tout est gratuit. À chaque fois, je me demande toujours comment nous pouvons socialement permettre de tels choix.»

C'est évident que ce que vous nous proposez, si c'est avant le niveau collégial, la tentation serait grande, après le secondaire, pour des jeunes qui le voient faire aussi. C'est parce qu'il y a une contagion parfois dans ces milieux, à 18, 19, 20 ans. Donc, si l'autre voit faire, si vous voulez, cette possibilité de s'en aller se faire payer des études aussi... Parce que la formation professionnelle, donc, peut être ouverte à ce moment-là. Alors, je pense qu'il y a une réflexion à faire. Ça ne va pas de soi automatiquement.

Quant à l'article 65.1, qui est repris à l'article 95, nous en avons parlé beaucoup, hier, lors de la présentation du mémoire de la Commission des droits de la personne. Je leur faisais part de la procédure qui est actuellement en vigueur au ministère de l'Emploi et de la Solidarité et qui consiste, pour tout échange quel qu'il soit, même un échange de renseignements qui ne requiert pas l'avis de la Commission d'accès à l'information... La politique du ministère, c'est d'en informer la Commission d'accès à l'information soit officiellement, par la présentation d'un dossier des rencontres avec des représentants de la Commission d'accès, soit informellement, par des échanges téléphoniques ou la présentation sur demande de la Commission d'accès de tous les échanges de renseignements en cours.

On me faisait part que la Commission d'accès à l'information était informée de tous les échanges de renseignements réalisés par le ministère, sauf d'un seul de ces échanges qui avait été approuvé par le gouvernement, en 1989, et qui est celui de l'échange de renseignements entre les prestations d'assurance-emploi et celles de la sécurité du revenu. Alors, là je fais examiner s'il n'y a pas lieu d'introduire dans le projet de loi le processus qui va au-delà des exigences de la loi d'accès. Mais, comme on les applique déjà, alors on fait un peu comme Cyrano, on se les appliquerait à nous-mêmes, finalement, ces exigences auxquelles non seulement on consent déjà, mais on informe, d'ailleurs, les demandeurs à la sécurité du revenu. Pour une première demande de prestation, dès qu'il y a transmission du formulaire, il y a information qu'il y aurait échange de renseignements soit avec la Société de l'assurance automobile, pour ce qui est de la détention d'un véhicule, soit... bien, en fait, pour les divers couplages de fichiers que vous connaissez.

Le Vérificateur général fait valoir qu'il y a au-delà de 540 000 000 $ en trop-payés qui ont été versés dans le passé. Dans la balance des inconvénients, entre mettre en place a posteriori du contrôle de la vérification avec ce que ça suppose d'enquêteurs, de vérificateurs pour, justement, se faire rembourser ce demi-milliard de trop-payés ou mettre en place des échanges d'information qui font en sorte que ça aide à la précision dans la mesure où tous ces échanges d'information sont approuvés par la Commission d'accès à l'information, sont connus par le bénéficiaire, je pense qu'il n'y a personne qui est pris en souricière.

M. Meunier (Jacques): Bien, c'est-à-dire que, sur ce point-là, ce qu'on voulait particulièrement souligner, c'est la nécessité de porter une attention tout à fait particulière à l'équilibre qu'il doit y avoir entre le respect des droits, notamment le droit à la vie privée des gens, et aussi les exigences d'une saine gestion des fonds publics dans un contexte où il y a une contestation qui est devant les tribunaux.

(11 h 50)

Mme Harel: En fait, je vous remercie. Je pense que c'est de votre mission et de votre mandat de nous rappeler ces exigences-là.

À la page 20, vous faites référence aux rapports Fortin et Bouchard qui reconnaissaient la nécessité de rendre saisissables, dans des circonstances exceptionnelles, un certain nombre de prestations sociales. En fait, on oublie parfois que, dans ces rapports Fortin et Bouchard, il y avait cette question du non-paiement de loyer et, dans les deux cas, on mentionnait que c'était un problème qu'il fallait solutionner. Alors, vous nous dites qu'il devrait y avoir toute une procédure pour le faire. Je crois qu'une de vos recommandations, c'est l'abolition de la coupure du partage du logement. Vous savez qu'on s'engage dans cette voie-là, notamment en commençant avec les monoparentaux; ça s'applique à partir de mardi prochain. Alors, ce que vous nous dites, c'est de continuer dans cette voie-là.

M. Meunier (Jacques): Oui. C'est le discours du Protecteur du citoyen depuis de nombreuses années. Le Protecteur du citoyen partage en somme la vision qu'en ont eue justement MM. Fortin et Bouchard.

Mme Harel: D'autre part, vous nous faites mention de la nécessité d'un moratoire quant à l'application de pénalités dans le cadre d'un parcours. Peut-être tout de suite vous rassurer, oui, le parcours est révisable, révisable à Emploi-Québec et même révisable, par la suite, au niveau du module sécurité du revenu avec le cheminement qui peut amener, d'ailleurs, cette révision jusque devant le nouveau Tribunal administratif du Québec. J'ai même l'intention de présenter un amendement qui va prévoir que le motif valable... Puisque, dans la loi, on prévoit qu'il y a motif valable, il y aura donc même un amendement qui sera apporté à l'effet que le motif valable de refuser ou d'abandonner certaines activités prévues dans le parcours le sera lorsque ces activités ne sont pas appropriées à la situation du jeune adulte.

Alors, non seulement c'est révisable, c'est révisable pas pour des motifs sérieux, ce qui est encore plus exigeant, mais pour des motifs valables, et la loi précisera que «motif valable» inclut aussi le fait que ça n'est pas conforme lorsque les activités ne sont pas appropriées à la situation.

L'idée, vous savez, ce n'est pas de faire faire de la soudure si le jeune veut faire de la coiffure, comme je l'ai dit souvent. L'idée, c'est qu'il fasse quelque chose. Alors, on veut l'accompagner dans sa décision de choisir de faire quelque chose.

M. Meunier (Jacques): Au sujet de cet amendement, quand vous parlez du terme «approprié», comme la loi ne semble pas préciser exactement ce que pourrait être, en fait, un emploi approprié pour quelqu'un, je pense que ça va prendre un certain temps avant que... il va falloir attendre la jurisprudence du tribunal pour savoir exactement la portée de ça. Est-ce qu'il ne serait pas possible que la modification législative soit un peu plus précise et donne au moins une idée du genre de motif approprié?

Mme Harel: Oui. Il faut comprendre que ce n'est pas d'un emploi.

M. Meunier (Jacques): Notamment, comme si...

Mme Harel: Vous avez mentionné «emploi». Ce n'est pas «emploi», c'est «parcours».

M. Meunier (Jacques): Oui, parcours. Excusez-moi.

Mme Harel: C'est différent, parce que, pour l'emploi, il y aura aussi des amendements.

M. Meunier (Jacques): Mais, qu'il s'agisse de parcours ou d'emploi, je pense...

Mme Harel: Je vais vous les mentionner, pour l'emploi, ce dont il va s'agir. Mais, pour le parcours, c'est un élargissement, en fait, de la notion de motif valable.

M. Meunier (Jacques): Mais, si la loi prévoyait – je ne sais pas, moi – notamment pour telle ou telle raison, déjà le tribunal aurait une indication du genre de motif que le législateur avait à l'esprit lorsqu'il... Autrement, vous donnez carte blanche au tribunal soit d'avoir une interprétation large ou d'avoir une interprétation très restrictive du concept d'«approprié».

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste deux minutes, Mme la ministre.

Mme Harel: Oh là là, M. le Président! Alors, vous savez cependant que, habituellement, c'est une interprétation assez large, n'est-ce pas. Mais, en fait, à l'article 50, il y aura également un amendement pour venir préciser, cette fois, les motifs sérieux pour refuser ou abandonner un emploi, alors que ce dont je vous parlais tantôt, c'était de l'article 54 qui concerne les motifs valables pour refuser ou abandonner un parcours.

Bon. Alors, écoutez, le moratoire, vous ne nous précisez pas sa durée. Est-ce que vous avez quelque chose à nous proposer?

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire que, en ne précisant pas la durée, on disait bien, de toute façon, que c'est pour favoriser l'implantation d'une approche volontaire. Autrement dit, on disait: Essayez le plus longtemps possible de voir si ce n'est pas possible de faire comme vous faites pour le Fonds de lutte contre la pauvreté, d'avoir une approche volontaire, et si, en bout de ligne, vous constatez que ça ne porte vraiment pas fruit et que ce n'est pas réaliste, bien, après ça, il sera toujours temps de commencer à introduire des pénalités que, même là, on dit qu'elles devraient peut-être être progressives et qui devraient se faire dans un contexte où il y a révision régulière de la situation de la personne en cause. Les motifs de ne pas participer à un parcours peuvent varier énormément, et une pénalité uniforme pourrait s'avérer non seulement injuste, mais souvent dissuasive de participer. Alors, c'est l'ensemble, en fait, des recommandations sur ce point-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, ça termine le temps de ce côté-ci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à l'adjoint du Protecteur du citoyen et aux gens qui l'accompagnent. Un peu dans le même sens des commentaires initiaux de la ministre, on va prendre le soin nécessaire de regarder vos recommandations de façon plus complète. Il est difficile de réagir à toutes les recommandations, toutes les suggestions et les points que vous amenez sur la table aujourd'hui, mais je voudrais discuter avec vous de quatre points précis.

Question de vie maritale. Vous faites référence, à la page 9, de préciser «vie maritale», qu'on définisse notamment la notion de secours mutuel. Je pense que vous amenez un point très important. Il m'est rapporté souvent, soit dans mon comté même ou dans d'autres comtés, les difficultés d'application présentement. Un cas complètement aberrant m'a été rapporté par le Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles. Un monsieur et une madame d'un certain âge, dans la soixantaine; lui loue une chambre de madame et, quant à moi, tout est assez clair. Je n'ai pas visité les lieux, mais, selon la personne qui m'a rapporté ces faits-là, monsieur a une chambre à coucher à part, madame a sa chambre à coucher; monsieur fait ses propres repas, madame fait les siens; monsieur s'occupe de sa chambre, madame s'occupe de l'appartement. Mais, à cause de deux choses, à la suite de la visite d'un agent, ce couple-là a été déterminé comme vivant une situation de vie maritale.

Dans un premier temps, monsieur a avoué que, de temps en temps, il joue aux cartes avec les amis de madame. Il remplace de temps en temps un des «foursome» au bridge; ils ont pris ça comme un signe de vie maritale. Et l'autre, c'est qu'ils ont trouvé – je ne connais pas le mot en français, là – a «walker»...

Une voix: Marchette.

M. Copeman: ...la marchette de la mère de madame dans la chambre de monsieur, parce que la madame a demandé au monsieur de la garder là pendant un bout de temps. On rit, je comprends, ce n'est pas au détriment de... mais c'est strictement ridicule. On a pris ça comme un exemple de vie maritale, parce qu'il y avait le bien de madame – un bien – dans la chambre de monsieur. Ça peut donner des situations très aberrantes, là, j'avoue. Mme la ministre ne peut pas cautionner ça. Je suis convaincue qu'elle ne le cautionne pas. Il n'y a pas un député qui va cautionner ça, mais ça arrive, malheureusement, dans l'application des lois. Comment on peut éclaircir ça?

M. Meunier (Jacques): Je pense que la meilleure façon dans ce cas-là, ce serait que vous recommandiez à ces personnes-là de s'adresser au Protecteur du citoyen, et j'ai toute raison de penser qu'on réglerait ce dossier-là, ça me semble assez évident.

M. Copeman: Mais, évidemment, moi, je vous amène un cas des échantillons. De un, M. le ministre de la Santé nous dit que ce n'est pas bon, des cas isolés, on n'en tient pas compte. Mais ça indique un problème quant à l'application de la loi. Est-ce qu'il y a moyen de préciser, de façon législative, pour tenter de... Parce que, je comprends, vous avez un service de plaintes, etc., qui fonctionne très bien, mais il y a peut-être moyen de faire de la prévention avant qu'on en arrive là. Avez-vous une suggestion?

(12 heures)

M. Meunier (Jacques): Bien, je pense que, dans un cas, de la manière dont vous l'illustrez, si on s'en tient uniquement à ça, il est certain que ce n'est pas une loi qui peut régler une chose semblable. C'est nettement au niveau de l'application, dans les directives d'application qui peuvent être données à l'intérieur d'un service.

Dans le mémoire, nous soulignons particulièrement une difficulté par rapport à une notion de secours mutuel. Encore là on sait très bien que jamais une loi ne peut aller dans suffisamment de détails pour couvrir toutes, toutes les situations. C'est simplement pour faciliter l'interprétation que parfois il est nécessaire d'ajouter des précisions.

M. Copeman: O.K. Encore une fois, c'est peut-être moi qui ai faussé le débat, M. le Président. J'ai soulevé ce cas comme un exemple. Mais là vous avez une recommandation que le projet de loi précise le contenu de la notion de vie maritale. Avez-vous des exemples un peu plus étoffés à nous donner? On rentre dans l'étude article par article, si on se fie à la ministre. S'il y avait une rédaction ou des suggestions précises, on aimerait bien en prendre connaissance.

Mme Cailloux (Mariette): Non, c'est parce que, nous, on veut que cette notion-là, comme on dit... La vie maritale, d'après la jurisprudence, est constituée de trois critères, qui sont: la cohabitation, le secours mutuel et la commune renommée. Mais le ministère, dans ses propres normes actuelles, indique, pour ce qui a trait au secours mutuel, que c'est du type de ceux qui existent entre mari et femme, rien d'autre. Il nous dit un peu plus loin: «Aucun indice n'est applicable à tous les cas.»

Nous, ce qu'on aimerait, c'est qu'au moins le ministère en détermine certains pour aider les agents à, je pense, mieux l'identifier ou mieux la discerner, cette notion de secours mutuel. La cohabitation, je pense que souvent elle est facile. Ils disent: Bon, on part sur le principe que les gens habitent ensemble. Il faudrait être prudent, parce que ça peut être de l'entraide. Mais celle-là tout au moins est facile à déterminer. Mais le secours mutuel est très flou et trop discrétionnaire, je trouve. Tout le monde peut, justement, peut-être dans l'exemple que vous avez donné... Ils disent: Ils prennent la place au bridge, là. Alors, ça serait au moins de donner des indices qui n'existent pas actuellement.

M. Copeman: Mme la ministre me souffle: Demandez-leur donc de nous envoyer des propositions. Alors, la demande est faite par la ministre et par moi-même.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que, M. le député, vous me permettriez juste une petite intervention? La semaine dernière, oui, c'est la semaine dernière qu'on recevait le président de la Régie des rentes, et la commission lui a fait part de son inquiétude dans... Actuellement, il y a autant de définitions sur des choses qu'il y a de sociétés d'État ou de commissions, que ce soit sur le sujet qu'on traite ou d'autre chose. Est-ce que vous n'auriez pas un rôle, vous autres, comme Protecteur du citoyen, de nous aider à trouver une définition? Parce que la conclusion où on s'en allait, c'était que ça devait aller vers un Code civil amélioré ou modifié.

Ce que vous soulignez ce matin, c'est aussi vrai pour la Commission des accidents du travail. C'est aussi vrai à la Régie des rentes. Autant de régies, de commissions, autant de définitions. Nous, on est très inquiets, comme commission, de voir ça, autant de définitions. Et qui est pénalisé au bout de ça? Bien, ce sont les citoyennes et les citoyens, et très majoritairement ceux et celles qui ont les situations les plus difficiles.

M. Meunier (Jacques): Votre commentaire est très intéressant, et nous en prenons note. Nous essaierons de faire le plus long bout de chemin à ce sujet.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pourriez nous aider beaucoup peut-être en travaillant avec nous pour essayer de trouver une définition qu'on pourrait recommander dans les instances gouvernementales. Si c'est le Code civil, ce sera le Code civil, mais que chacune des institutions ait au moins la même définition quand on rencontre des problèmes. Je m'excuse, M. le député, d'avoir pris de votre temps. Je suis certain que vous l'avez fait généreusement.

M. Copeman: Pas de problème, M. le Président. Dans le même ordre d'idées, sur les échanges de renseignements, vous émettez des réserves à juste égard, je crois. Mais, franchement, j'avoue que je suis un peu embêté par votre proposition que la ministre applique avec beaucoup de prudence l'article 65.1 actuel et l'éventuel article 95, là. Franchement, ça ne m'aide pas beaucoup, comme député de l'opposition, de vous entendre dire qu'il faut que la ministre l'applique avec prudence, là. Évidemment, de ce côté de la table, on ne contrôle pas l'application de la part de la ministre, des lois. N'y a-t-il pas moyen de circonscrire dans la loi de façon plus concrète pour éviter d'arriver à des situations que vous soulevez? Il n'y a aucune façon de le faire... Un texte en droit... Il faut se fier uniquement à l'application, à la bonne volonté?

M. Meunier (Jacques): Il y a la Commission d'accès qui a son rôle à jouer. La ministre a souligné, en fait, le processus qui était suivi par le ministère à cet égard. Il est certain, d'autre part, qu'on ne peut pas présumer des conclusions d'un tribunal par rapport au litige qui existe présentement au sujet de l'application de ces dispositions-là. Alors, tout ce qu'on a voulu faire, c'est de dire: Bien, écoutez, portez une attention encore plus sérieuse, étant donné que la question a été jugée suffisamment importante pour permettre à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d'intervenir dans un débat judiciaire à ce sujet-là. Alors, c'est tout, au fond, le sens de la recommandation présente.

M. Copeman: Vous avez une série de recommandations fort intéressantes quant à la contribution parentale, aux pages 13 à 18. Tout comme la ministre, je pense qu'on va examiner ça de près, on va voir quelle est la réaction de la ministre. Celle qui m'apparaît le plus à l'heure, peut-être, c'est que le prestataire ne soit pas tenu responsable des sommes versées entre autres par le ministère, en raison des informations incomplètes fournies par ses parents.

Il me semble qu'il y a des principes de justice élémentaires là-dedans, s'il y a une fausse déclaration ou une déclaration incomplète d'un parent en ce qui concerne la contribution parentale et les situations réelles des parents, d'exiger le remboursement des trop-versés de la personne qui n'a pas de contrôle, finalement, sur les informations données. Ça frôle un peu, quant à moi, la limite où est-ce qu'on peut imaginer la justice naturelle. On va examiner ça, on va attendre la réponse de la ministre pour s'assurer un suivi là-dessus.

Peut-être un dernier commentaire ou une question sur le parcours. Aux pages 34, 35, vous dites: De la même façon que la Loi sur la sécurité du revenu ne permettait pas de contester le contenu des plans d'action et des mesures proposées, le projet de loi ne permet pas de contester une décision rendue en vertu du titre 1. On a déjà eu un échange avec un autre groupe, je ne me rappelle pas lequel, qui a soulevé à peu près la même chose: la possibilité de réviser les parcours, d'aller en révision des parcours. Mme la ministre prétend que c'est un peu une mauvaise lecture du projet de loi qui nous amène à conclure qu'il n'y a pas de révision possible. Elle prétend que c'est assez clair en raison d'autres dispositions. Là, vous semblez dire que ce n'est pas tout à fait clair, et on s'y attend, nous, de ce côté de la table – je pense que la ministre aussi – à avoir un amendement pour qu'on élimine toute question là-dedans. Il faut que ce soit absolument clair, quant à nous, et s'il faut le clarifier, on va exiger, de ce côté, un amendement en ce sens. Mais, vous, vous semblez dire, effectivement: Ce n'est pas trop clair.

Mme Cailloux (Mariette): Oui. Et, en plus, les gens du propre ministère de Mme Harel, au niveau des bureaux de révision et toutes les instances nous disent que eux prétendent, actuellement, qu'il n'y aura pas de révision et d'appel possibles. Alors, il y a peut-être une incompréhension. Il y a peut-être des précisions qui seraient nécessaires à cet effet.

(12 h 10)

M. Copeman: En terminant, M. le Président, je constate, après trois ans dans l'opposition, trois ans et demi, presque quatre ans, que, de temps en temps, il y a une incompréhension entre... On fait très bien ça, mais on ne veut pas durer longtemps. On fait assez bien qu'on va vous donner la chance d'en faire. De temps en temps, effectivement, il y a une carence entre les orientations d'un ministre ou d'une ministre et le texte législatif. Les légistes, de temps en temps, ne traduisent pas nécessairement toutes les subtilités des politiques en texte législatif. Puis on va suivre ça de près pour assurer une certaine clarté. J'ai l'avantage de ne pas être avocat. Moi, je pose des questions tout simplement et bêtement, puis si on n'est pas capable de me l'expliquer clairement, bien, quant à moi, il y a un problème dans la loi. Mais on va suivre ça de près puis on va s'assurer que la ministre apporte les modifications nécessaires. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, vous semblez être prêt pour faire une conclusion?

M. Copeman: Oui. Je vous remercie, M. l'adjoint au Protecteur et les gens qui vous accompagnent. Comme je vous dis, on n'a pas pu, je pense, donner l'heure juste à la qualité de votre mémoire dans le temps dont on dispose, dans les délais, mais soyez assurés qu'on va en prendre note et on va l'examiner de très près pour s'assurer que le plus grand nombre possible de vos préoccupations soient traduites dans le concret quand on arrive à l'examen du projet de loi, à l'étude article par article.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, pour votre conclusion.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il y a quelque chose qui est une énigme: la loi n'est pas adoptée, le parcours n'est pas appliqué. Alors, il n'y a pas de raison pour que les interlocuteurs de madame je ne sais pas comment, excusez-moi, Me...

Une voix: Mme Cailloux.

Mme Harel: Mme Cailloux. Alors, je ne vois pas en quoi les interlocuteurs de Mme Cailloux, je sais lesquels ils sont... Mais je vérifie auprès des personnes qui ont cette responsabilité et qui m'indiquent que rien ne permettrait de dire ici, devant cette commission parlementaire, à quiconque, qu'il n'y aura pas de révision pour le parcours. Alors...

Une voix: Tant mieux.

Mme Cailloux (Mariette): On est heureux d'apprendre, Mme Harel, que vous avez précisé que...

Mme Harel: Non, mais, moi, je suis malheureuse que le Protecteur du citoyen s'adresse à des personnes qui ne sont pas responsables des dossiers pour se faire communiquer des informations qui ne sont pas exactes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Sur ce, ça conclut cette... Oui, M. le député.

M. Copeman: Si vous me permettez, M. le Président, c'est peut-être assez inusité, c'est peut-être vrai ce que vient de dire la ministre, mais, par contre, nous, comme députés, on a tous reçu une invitation pour aller à une session d'information sur le projet de loi n° 186, qui n'est pas adopté. Mais déjà des informations...

Une voix: ...

M. Copeman: Non, non, je comprends, mais déjà le ministère invite des députés à des séances d'information. Alors, si on invite des députés à des séances d'information sur le projet de loi, ça doit dire à quelque part qu'il y a des fonctionnaires qui sont prêts à expliquer le projet de loi et interpréter le projet de loi. Honnêtement, je ne vois pas comment nécessairement les informations de Mme...

Une voix: Cailloux.

M. Copeman: ...Cailloux sont nécessairement en contradiction avec la réalité. On verra, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur ce, je termine cette audition. Je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission et j'invite les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Malavoy): S'il vous plaît, j'aimerais que les membres de la commission reprennent leur place. On va poursuivre les auditions. Je demanderais à tout le monde de reprendre sa place afin que nous puissions accueillir l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Et je pense que nous avons un représentant de l'Alliance, oui, qui est M. Ponton, président-directeur général. Vous êtes seul, M. Ponton?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): Bien. Écoutez, on est très heureux de vous accueillir. C'est simplement qu'on avait indiqué Mme Nancy Lauzon, mais je vois que vous êtes seul. Alors, on vous laisse toute la place pour une présentation d'une vingtaine de minutes, suivie d'un échange de part et d'autre d'à peu près la même période. M. Ponton, à vous, la parole.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je dois rentrer cependant après-midi à Montréal; j'ai d'autres rencontres. Alors, c'est la raison pour laquelle je suis seul ce matin, mais toute l'équipe a été associée dans la préparation de notre position sur le projet de loi n° 186.

D'abord, l'Alliance vous remercie, Mme la Présidente, de nous avoir invités à communiquer notre point de vue sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

L'AMEQ résulte de la fusion de l'Association des manufacturiers du Québec et de l'Association des exportateurs du Canada. Ses membres participent activement à l'économie québécoise. En fait, depuis 1992, l'importance du secteur manufacturier a connu une hausse de 29 % en ce qui a trait à l'économie québécoise seulement. Cette progression significative, vous en conviendrez, Mme la Présidente, n'est d'ailleurs pas étrangère à la progression de l'exportation. En ce qui concerne l'emploi, en 1997, notre secteur comptait 19 % des emplois au Québec.

Alliance privilégie quatre axes stratégiques d'intervention dans ses programmes. Premièrement, l'exportation et la commercialisation; deuxièmement, la technologie, l'innovation et le design; troisièmement, la formation de la main-d'oeuvre; et, quatrièmement, le développement d'alliances stratégiques. Dans cette perspective, l'Alliance est amenée à participer à de nombreux débats et travaux qui orientent le développement tant économique que social de notre société. Ce faisant, l'Alliance siège à la Commission des partenaires du marché du travail de même qu'au comité de suivi du sommet économique de Montréal, qui s'est tenu en novembre 1996. Elle participe également à différents comités techniques – comité sur les services d'emploi, les jeunes et l'emploi, la formation continue. Elle collabore également aux consultations du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont elle est membre. À ces activités s'ajoutent les différents travaux menés relativement à des problématiques plus précises telles l'intégration des handicapés, la main-d'oeuvre vieillissante et l'équité en emploi. En conséquence, Mme la Présidente, vous serez à même d'apprécier l'intérêt de l'Alliance relativement au projet de loi n° 186.

J'aimerais vous rappeler maintenant brièvement le contexte dans lequel, selon nous, s'inscrit ce projet de loi. Comme on le sait, le projet de loi n° 186 s'inscrit dans un contexte de transformations majeures de notre société, caractérisé entre autres par un ralentissement du taux de croissance, un taux de chômage élevé et un taux de sous-emploi d'une importance considérable. Or, derrière ces statistiques qui témoignent de la situation du marché du travail, se profilent des réalisations sociales inquiétantes, soit la difficulté pour les jeunes d'intégrer le marché du travail, un allongement de la durée du chômage pour plusieurs personnes ainsi qu'une réintégration souvent problématique, compte tenu de la mutation des compétences exigées.

Le présent mémoire ne constitue pas une analyse technique du projet de loi. Il n'en propose pas une analyse exhaustive. Il vise plutôt à expliciter la position de l'Alliance relativement à certains termes particuliers que j'aborderai dans l'ordre suivant. Premièrement, les mesures actives. Ce projet de loi privilégie les mesures actives, ce que nous considérons comme important et positif. Deuxièmement, l'information sur le marché du travail. Il nous apparaît important de s'assurer que l'information véhiculée et les outils qui seront offerts aux entreprises seront adaptés à leurs besoins. Troisièmement, le parcours individualisé. Il importe de communiquer notre point de vue tant à ce qui a trait au concept qu'à l'application du parcours individualisé.

(12 h 20)

Le foyer d'intérêt de ce projet a trait aux mesures actives. L'Alliance ne peut que se réjouir de cette orientation. En effet, il apparaît primordial de privilégier ce type de mesures. Il en va de même quant à la décision de confier à Emploi-Québec la responsabilité de la gestion des mesures offertes aux personnes en emploi et sans emploi. On peut penser que cette décision favorisera les actions concertées et, de là, une allocation judicieuse des ressources tant humaines que financières. L'Alliance est convaincue que les politiques actives du marché du travail peuvent contribuer significativement à développer les compétences requises dans le contexte actuel, faciliter l'intégration des personnes et améliorer le fonctionnement du marché du travail.

Quant à l'information sur le marché du travail, l'Alliance tient à souligner l'importance de bien identifier les besoins des employeurs, tant à ce qui a trait au type d'information qu'aux outils à privilégier pour véhiculer cette information. À ce sujet, mentionnons que certains membres favorisent la création de guichets uniques multiservices. Ces guichets pourraient être mis en place à l'aide des nouvelles technologies de communication et de l'information. À ce sujet, la récente tournée de Mission Québec aux États-Unis à laquelle l'Alliance a participé, de même que certains des partenaires du marché du travail, membres de la Commission des partenaires, a révélé des modèles d'arrimage employeurs-clients très intéressants à modéliser chez nous, au Québec. Grâce à ces technologies, les employeurs pourraient avoir rapidement accès à des banques de candidats grâce à des clés déterminées de recherche, connaître les lieux de formation pour différents types d'emplois et pouvoir consulter des sites propres à les aider dans leur activité de recrutement. Cet outil hausserait, sans contredit, la performance du processus de recrutement des entreprises, notamment en termes de délai et de coût. Par voie de conséquence, il faciliterait l'objectif d'Emploi-Québec, soit le placement des personnes.

Les membres de notre Alliance suggèrent également qu'Emploi-Québec mette à leur disposition des conseillers dits stratégiques. L'existence de ces conseillers permettrait à Emploi-Québec d'offrir aux employeurs un service plus performant: connaissance des particularités du secteur d'activité; connaissance et définition adéquate des besoins de l'entreprise; connaissance et information sur les différents programmes, mesures et services d'aide à l'emploi; suivi des interventions. Par la suite, les interventions d'Emploi-Québec pourrait être déléguées à des conseillers dits plus opérationnels. Pour assurer un arrimage performant entre la demande et l'offre ou, comme l'indiquent nos membres, un arrimage performant entre le recrutement, ce que nous visons, et le placement, ce qui est l'objectif d'Emploi-Québec, un travail supplémentaire est donc requis.

Le parcours individualisé. Parmi les mesures identifiées par le projet de loi, l'une d'elles retient l'attention de notre groupe. Il s'agit du «parcours individualisé vers l'insertion à la formation et l'emploi». Et Alliance identifie, à cet effet, plusieurs leviers intéressants à son égard. Premièrement, le parcours individualisé responsabilise l'individu, en ce sens qu'il le considère comme un acteur volontaire et actif. Il permet également à l'usager de participer à l'identification de ses besoins et aux choix quant aux moyens retenus pour intégrer, demeurer ou réintégrer le marché du travail.

Deuxièmement, le parcours vise à intervenir sur la compétence de l'usager, cela, grâce à des activités de préparation à l'emploi, activités d'insertion ou de maintien en emploi ou encore, une activité de création d'emplois. À ce propos, il apparaît, pour l'Alliance, de toute première importance d'investir les énergies et ressources nécessaires afin de permettre aux usagers de développer les compétences requises pour participer réellement au marché du travail. Dans cette perspective, l'Alliance appuie donc les efforts qui sont faits afin de ne pas limiter le développement des compétences à des programmes scolaires structurés et d'offrir d'autres approches, tels le régime d'apprentissage, Alternance travail-études et le stage en entreprise.

Troisièmement, le parcours privilégie une approche orientée sur le support et l'accompagnement. À cela s'ajoute l'évaluation des progrès accomplis avec la collaboration de l'usager. Il est permis de penser que cette approche permettra son seulement d'intervenir rapidement lorsque des problèmes se poseront, mais également de faire le suivi de cette nouvelle mesure afin d'y apporter les ajustements requis.

Une fois ceci dit, il devient pertinent de s'interroger relativement au contexte organisationnel dans lequel s'inscrit le parcours individualisé ainsi que certaines de ses conditions de succès. En effet, les particularités de ce contexte et les conditions de succès incitent l'Alliance à faire certaines recommandations quant aux clientèles cibles et l'application du parcours.

Concernant le contexte organisationnel, il importe, Mme la Présidente, de rappeler qu'Emploi-Québec résulte de la fusion de trois organisations. Cette fusion n'est pas sans équivaloir à des transformations majeures tant en ce qui concerne la mission, la structure et la culture que les systèmes de gestion de ces organisations doivent intégrer. On doit donc laisser le temps à l'organisation, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la Commission des partenaires, de consolider ses activités avant de déterminer des cibles trop strictes.

Deuxièmement, Emploi-Québec dispose de ressources limitées pour mener à bien sa mission. Une attention particulière doit donc être accordée à l'allocation de ces ressources. Certes, Emploi-Québec dispose de sommes non négligeables. Il n'en demeure pas moins que les besoins, notamment en termes d'intégration et de réintégration à l'emploi, sont également élevés. À cela s'ajoute le fait qu'il soit actuellement impossible d'évaluer le coût que la gestion du parcours individualisé peut représenter.

Troisièmement, on doit réaliser que cette nouvelle mesure va exiger des modifications significatives quant aux connaissances et habiletés requises par le personnel en place. Il importe donc de s'assurer que le personnel reçoive, du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et d'Emploi-Québec, non seulement l'information et la formation requises, mais également du support dans l'exercice de son nouveau rôle. Il faut donc lui accorder le temps nécessaire pour maîtriser ce nouveau rôle.

Pour ce qui est des conditions de succès du parcours, rappelons qu'il apparaît fondamental qu'il ait du sens pour l'usager, étant donné l'orientation qu'il privilégie. De fait, la volonté et la persévérance de l'individu comptent au nombre des variables significatives pour le succès du parcours individualisé. Une attention particulière doit donc être accordée au choix des clientèles à qui il sera offert.

Il importe également d'obtenir de réels succès relativement à cette mesure. Elle doit symboliser un levier significatif non seulement auprès des usagers effectifs mais également potentiels. À cet égard, la création d'emplois de qualité et durables apparaît comme une condition de réussite de la mesure. Certes, il serait illusoire de promettre à tout individu qui s'engage dans un parcours individualisé qu'il aura un emploi à la suite des efforts qu'il aura consentis. Toutefois, une réalité s'impose à l'effet que, plus l'offre sera grande et les individus formés adéquatement, plus leurs chances de s'intégrer de façon réelle et durable au marché du travail seront élevées. En conséquence, l'Alliance se permet de rappeler au gouvernement l'importance de promouvoir la création d'emplois au sein de notre société et la mise en place des modifications requises pour ce faire.

Enfin, compte tenu de la situation actuelle, cette mesure ne devrait pas défavoriser un groupe d'usagers au détriment d'un autre. Elle devrait plutôt tenter d'aider le plus grand nombre d'usagers possible. Pour cette raison, l'Alliance incite à la prudence quant au choix de la clientèle. L'article 53 pourrait être reformulé en disant: Tout bénéficiaire de plus de tel âge, au lieu de bénéficiaire de moins de tel âge.

De plus, compte tenu de l'ensemble des éléments cités précédemment, il apparaît important de ne pas rendre obligatoire cette mesure pour un groupe déterminé d'usagers, soit les jeunes de moins de 25 ans, mais de maintenir l'orientation du projet de loi selon l'article 53 à toutes les clientèles visées, selon l'échéancier de mise en vigueur réaliste et assurant le succès du parcours. Il semble plus opportun d'offrir ce levier, qui pourrait s'avérer des plus significatifs à l'ensemble des usagers démontrant un intérêt. Une fois des résultats accomplis avec cette première catégorie, les sommes économisées pourront être investies pour travailler avec des usagers confrontés à des situations plus problématiques. Fait à noter: l'Alliance ne conteste aucunement l'idée de privilégier certains groupes tels que les jeunes ou encore les personnes susceptibles de se retrouver dans une situation de chômage de longue durée. À cet égard, l'Alliance tient à préciser qu'elle est sensibilisée à la condition des jeunes. Quand on sait que 360 000 jeunes de 18 à 24 ans, sans enfants, sans handicap, n'étudient pas, ne travaillent pas et reçoivent des prestations de la sécurité du revenu, on ne peut que favoriser toute mesure qui améliore leur situation.

Mme Harel: C'est 36 000.

M. Ponton (Gérald A.): Excusez-moi, madame, un zéro de trop; beaucoup plus rassurant. Et, non moins important, lorsqu'on constate que 43 % d'entre eux n'ont pas complété leur secondaire III, on ne peut réaliser l'enjeu que représente la formation pour la hausse de leurs chances d'insertion.

Cependant, il apparaît important que les actions posées soient adaptées aux problèmes rencontrés par ce groupe. Pour cette raison, nous sommes d'avis d'attendre les recommandations de la Commission des partenaires du marché du travail qui visent à déterminer des mesures structurantes avant de déterminer les actions à entreprendre. L'Alliance incite également à la prudence relativement à l'application de cette mesure. À cet égard, nous tenons à souligner l'importance primordiale de créer des conditions qui assureront l'application respectant l'usager. De fait, en aucune façon, l'usager ne devrait se voir pénaliser si les conditions de réalisation de son parcours ne sont pas présentes. L'Alliance préfère recommander un parcours dirigé au lieu du parcours obligé. La dynamique en est fort différente.

(12 h 30)

En ce qui a trait à la politique d'allocation aux aînés et d'invalidité et l'allocation unifiée pour les enfants, l'Alliance considère que le projet progresse dans la bonne direction, avec un petit bémol, cependant. En ce qui a trait au rôle que la Régie des rentes est susceptible de jouer quant à l'allocation des aînés et l'invalidité, il serait souhaitable que la structure de coûts du régime soit bien isolée de façon à ce qu'on ne puisse pas prétendre que les fonds versés à la Régie des rentes servent à financer un programme d'encadrement ou de support gouvernemental.

En conclusion, M. le Président, l'Alliance insiste sur le fait que certaines conditions sont nécessaires pour réussir cette réforme. Au nombre de ces conditions s'inscrivent une stratégie gouvernementale de support à la croissance économique et au développement de l'emploi et une entrée progressive des jeunes, des personnes aptes au travail, notamment à l'aide du parcours individualisé. Comme il a été mentionné, ceci n'empêche toutefois pas de privilégier certains groupes, dont les jeunes et les personnes susceptibles de vivre une situation de chômage prolongée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Ponton et...

M. Ponton (Gérald A.): Vous remarquerez que j'aurai été plus discipliné que le Protecteur du citoyen.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne donne surtout pas de commentaires. J'invite Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Ponton, d'être parmi nous. Vous clôturez d'ailleurs avec nous cette étape d'audition des mémoires en commission parlementaire. Nous devrions entreprendre, dès le dépôt du rapport de la commission, son adoption dès la semaine prochaine, l'étude article par article du projet de loi.

Alors, vous êtes un partenaire actif au sein de la Commission des partenaires du marché du travail et vous nous dites que c'est un changement majeur qui résulte de la fusion des trois organisations. Ce sont là, dites-vous à la page 12 de votre mémoire, «des transformations majeures tant en ce qui concerne la mission, la structure, la culture – normes et valeurs véhiculées – que les systèmes de gestion de ces organisations». Et, dans ce que vous appelez la culture, je pense que vous en donnez une définition – toujours à la page 12, le dernier paragraphe – à savoir que ce changement de culture s'incarne principalement dans une offre personnalisée de services à l'usager, et vous nous dites: «Il importe donc de s'assurer que le personnel reçoit non seulement l'information et la formation requises, mais également du support dans l'exercice de ce nouveau rôle. Il faut donc lui accorder le temps nécessaire pour maîtriser ce nouveau rôle.»

Je crois que vous identifiez là un enjeu majeur, y compris pour le parcours individualisé des personnes à risque de chômage prolongé, mais y compris en matière d'arrimage de l'offre et de la demande dans la perspective d'un placement. Je ne sais pas si vous avez des idées là-dessus, j'aimerais ça, en tout cas, vous entendre.

Il y a eu des fusions d'entreprises, il y a une certaine expérience depuis les dernières années compte tenu de tous les bouleversements qui se sont produits dans certains secteurs. Ces changements de culture supposent sans doute des conditions de réussite. Si on peut échanger là-dessus, il me semble que ça peut être enrichissant.

Vous nous dites aussi à la page 14: «Il semble plus opportun d'offrir d'abord ce levier, qui pourrait s'avérer des plus significatifs, à l'ensemble des usagers démontrant un intérêt. Une fois des résultats accomplis avec cette première catégorie d'usagers, les sommes économisées pourront être investies pour travailler avec des usagers confrontés à des situations plus problématiques.» Alors, je comprends que vous proposez que, au départ, ce soit volontaire et que, par la suite, il puisse y avoir un effet d'obligation, c'est-à-dire un effet qui consiste à ne pas pouvoir refuser une proposition qui serait faite. Mais, au départ, ce que vous proposez, c'est qu'on y aille sur la base d'une offre de parcours à l'ensemble des personnes qui pourraient en avoir besoin et qui le demanderaient. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Ponton (Gérald A.): Sur le premier point de votre question, les changements de structure, la fusion des organismes, effectivement, c'est un défi administratif énorme à relever, et la recette pour réussir, je ne l'ai pas, puis, dans le cadre des rencontres avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, votre sous-ministre, entre autres, et ses sous-ministres adjoints, on aura l'occasion, je l'espère, d'en discuter. Il m'apparaît important de forcer la note pour que l'ensemble de la structure devienne des vendeurs et des partisans des mesures actives. En d'autres termes, au niveau de l'OCDE et de tous les pays développés de la planète, on assiste à un transfert important des mesures passives vers des mesures actives. Le Canada, à ce chapitre-là, traîne de la patte, et le Québec, probablement par conséquent, suivant les derniers rapports disponibles de 1994. On en parle dans le mémoire. Donc, d'insuffler cette culture de mesures actives pour sortir de la vieille habitude d'émettre des chèques à des bénéficiaires de la sécurité du revenu avec presque aucune possibilité de les ramener sur le marché du travail. Alors, il faut essayer, il faut faire, contre mauvaise fortune, une nouvelle dynamique pour tenter d'insuffler des nouveaux moyens, des parcours individualisés pour que les bénéficiaires de la sécurité du revenu puissent se prendre en main et essayer de réintégrer le plus possible, ceux qui sont capables, le marché du travail. Ça va être le grand défi. Ça va être votre grand défi de réaliser ça avec nous tous à la Commission des partenaires, on espère qu'on va être capable de livrer la marchandise.

Pour faire ce changement de cap là, la structure d'Emploi-Québec, dans une dynamique de mesures actives, m'apparaît le véhicule idéal, ainsi que l'appui et la place des partenaires. Vous connaissez les valeurs qu'on attache à notre participation. Même si on a seulement un pouvoir de recommandation, on tient beaucoup à avoir les poignées, si vous voulez, sur la voiture pour être capable de contrôler certaines des recommandations qu'on met en place. L'appui des partenaires va vous être aussi... Je le vois comme un troisième élément – mesures actives, Emploi-Québec, l'appui des partenaires – pour réaliser ce changement de cap là.

Troisièmement, je vous dirais, le parcours individualisé, des nouvelles initiatives comme on en a vu lors de la Mission Québec aux États-Unis, des centres de carrière où des rédactions de c.v. sont offertes par des organismes sans but lucratif, dans un pays aussi capitaliste que les États-Unis, c'était un petit peu surprenant, mais il y avait des organismes sans but lucratif qui géraient des centres de carrière au même titre que les entreprises privées dans les villes visitées. Alors, c'est autant de mécaniques que des projets-pilotes, des nouvelles idées qu'on va tester qui vont nous permettre de réaliser cet objectif-là. Mais, avant tout, ça va prendre une volonté ferme de la part des autorités administratives du ministère et de la ministre de pousser dans le sens des mesures actives pour tenter de vaincre... et de réintégrer le plus possible de bénéficiaires de la sécurité du revenu sur le marché du travail.

Quant au parcours, nous, on est à l'aise avec le parcours de 53 rédigé actuellement dans un cadre opérationnel. Actuellement, on ne pense pas que le ministère soit rendu à ce rythme-là. On demande à être convaincu du contraire, vous serez la seule juge, mais, nous, on voit 53 comme un parcours dirigé qui, lorsqu'il est offert à certains individus qui refusent, doivent subir des pénalités. Ça, c'est clair dans notre livre que, si on veut aider le monde, il faut commencer par les encadrer de façon plus serrée. Moi, les enfants, à la maison, c'est volontaire, mais, quand tu tournes à gauche, il y a des choix puis il y a des conséquences, puis, quand tu tournes à droite, il y en a d'autres. Alors, je ne vois pas pourquoi, dans notre société, les prestataires de la sécurité du revenu ne pourraient pas être astreints au même genre de dynamique qu'on vit tous dans l'ensemble de la société québécoise. Et, quand on sort d'un périple américain où on voit que l'allocation moyenne est de 290 $US par mois et où, le 1er mars 1999, juste dans la ville de Philadelphie, il y a 80 000 personnes qui vont frapper le mur parce que le programme d'aide sociale va se terminer puis le gouverneur de l'État ne sait pas ce qu'il va en advenir, je trouve que, au Québec, on a une démarche équitable, qui pourrait être meilleure, mais, avec le temps, je crois qu'on va améliorer notre processus.

Donc, nous, l'article 53, une pénalité en cas de refus d'un parcours, on est à l'aise avec ça puis on pense que ça fait partie des choix que les gens font dans notre société et des conséquences qui y sont rattachés. Ceci étant dit, une fois que la machine sera opérationnelle, mais, dans un premier temps, que la mesure soit offerte au plus de gens possible en fonction de nos moyens, nous, on serait favorables à cette approche-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

(12 h 40)

Mme Harel: Peut-être une dernière question sur le paradoxe de l'époque que l'on vit, où il y a un taux de chômage qui est... Même s'il est diminué, il est autour de 10 %. On espère bien que, le mois prochain ou ce mois-ci, il baissera en bas du 10 %, ce qui n'a pas été le cas depuis plus qu'une décennie, mais, en même temps, il y a une pénurie de travailleurs et de travailleuses qualifiés ou une pénurie, si vous voulez, d'employés, tout court. Je pense à la foire ou au salon, en fait, sur l'emploi que la ville de Drummondville va mener les 12 et 13 juin. Il semble qu'il y ait 1 000 emplois qui soient inoccupés faute de travailleurs pour les occuper. Ça va être des kiosques où les employeurs vont offrir des emplois.

Je lisais, encore aujourd'hui – je crois que c'est dans La Voix , de Granby, je pense, dans la région de Magog peut-être – la situation où il y a plus d'offres d'emplois d'été qu'il y a d'étudiants pour en occuper. Alors, je me disais: Mon Dieu! Il y a peut-être des gens qui pourraient justement occuper ces nouveaux emplois. Il y a des créneaux... On dit que, dans le secteur de l'informatique, dans certains secteurs, il y a des pénuries non pas d'emplois, mais de travailleurs qualifiés. Vous évoluez dans ces milieux-là, vous avez cette conviction aussi qu'on est vraiment dans une sorte de contradiction?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, il n'y a définitivement pas d'arrimage adéquat entre le marché du travail puis ce que produit notre système d'éducation, et Mme Marois, votre collègue, a été sensibilisée avec la mise en place d'un comité de pilotage pour justement arrimer les besoins des entreprises avec des produits du ministère de l'Éducation et mettre en place des dynamiques pour accommoder le plus rapidement possible les entreprises dans les meilleurs délais. Il y a définitivement, au niveau du ministère, soit chez vous ou à l'Industrie et au Commerce, un manque dans ce que... Il n'y a personne qui analyse les besoins de main-d'oeuvre comme, par exemple, un observatoire du marché du travail comme on en trouve dans certaines juridictions, et je pense que ça fait partie des priorités d'Emploi-Québec et de la Commission des partenaires, justement, d'avoir un service d'information du marché du travail qui dépasse le cadre des petites annonces, là, mais qui soit basé sur une information avec les associations sectorielles pour être capable d'évaluer les besoins de main-d'oeuvre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Ponton, président-directeur général de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.

La tendance d'aborder toute la question de cet arrimage, de l'économie est un peu complexe. Vous parlez évidemment avec fierté – et avec raison d'ailleurs – de l'apport des manufacturiers du Québec dans le domaine de l'exportation dû en partie, j'imagine, à la faiblesse du dollar canadien. Mais ça, c'est pour une autre journée. J'imagine que ça aide dans l'exportation, ça.

Je suis un peu perplexe avec votre point de vue sur l'obligation pour les jeunes, mais, en même temps, vous dites que vous êtes à l'aise avec des pénalités pour les gens qui refusent. Là, vous dites à la page 14: «Il apparaît important de ne pas rendre obligatoire cette mesure pour un groupe déterminé d'usagers, soit les jeunes de moins de 25 ans.» Mais vous dites que c'est un peu normal, dans une société comme la nôtre, que, si on refuse un parcours qui est offert, il y ait des pénalités qui s'appliquent. Moi, ça m'a surpris que la ministre n'ait pas répondu, bien, que c'est exactement ça qu'elle propose. Elle propose un parcours obligatoire pour les gens pour lesquels on peut en offrir, et, si jamais il est refusé, il y a une pénalité qui s'applique. Il me semble que vos deux positions sont assez proches l'une de l'autre, là, malgré la déclaration de ne pas rendre obligatoires ces mesures pour un groupe de jeunes. On nous dit qu'on ne peut pas offrir à tous les 36 000 jeunes des places, «anyway». Alors, il ne faut pas s'inquiéter, c'est juste quand le parcours est offert de façon obligatoire que les pénalités vont s'appliquer. Est-ce qu'on est...

M. Ponton (Gérald A.): Bien, c'est la formulation, M. le député, vous permettez, l'approche qui est peut-être un peu différente, c'est que... Je vais vous donner l'exemple de la santé et sécurité au travail où, lors de la mise en oeuvre, on a adopté des groupes prioritaires en fonction des taux d'accident, de sorte qu'on avait le groupe 1, groupe 2, groupe 3, groupe 4. Ça, c'est en 1977, c'était le gouvernement de René Lévesque, dans le temps, qui avait adopté cette loi-là, et c'était un petit peu la même approche, c'est-à-dire tant qu'on ne pourra pas, sur le plan opérationnel, être en mesure d'offrir des parcours puis de donner des raisons ou motifs raisonnables de croire qu'il y a une lumière au bout du tunnel, on ne voit pas comment on peut obliger un jeune à s'embarquer dans un parcours puis que, au bout, il se trouve devant rien même s'il le fait pour ne pas être pénalisé. Par contre, une fois que la mesure sera opérationnelle et que les parcours seront suffisamment organisés, qu'il y aura suffisamment de services offerts aux différentes clientèles pour les parcours individualisés, on trouve que c'est vraiment la bonne façon d'approcher la problématique de réintégration des jeunes ou des moins jeunes sur le marché du travail.

En d'autres termes, ça devrait être une politique générale à l'ensemble des bénéficiaires de la sécurité du revenu qui ont plus que 16 ans. On dit que l'âge pour la fréquentation scolaire, c'est 16 ans. Je ne sais pas à quel âge ça commence, la sécurité du revenu, mais toute personne engagée dans ce processus-là et apte au travail, donc qui ne rencontre pas l'une des conditions de 22 ou de 23 de la loi, devrait être sujette à un parcours individualisé, pas le limiter juste aux 25 et moins, mais, par la suite, le mettre en place en fonction des ressources disponibles suivant un échéancier réaliste, par groupes d'âge prioritaires.

On sait que, plus vous êtes instruit puis plus vous êtes jeune, plus vous avez de chances de vous en sortir. Alors, ce serait peut-être une façon de commencer par ce monde-là pour commencer à leur donner une chance de s'en sortir, puis, avec les économies générées par la sortie, développer des problématiques plus lourdes pour les cas de 45 ans, ou de 48 ans, ou de 50 ans qui ont peut-être besoin de changer plus d'habitudes comme, par exemple, apprendre à manipuler un ordinateur, ce que même, moi, malgré mon niveau d'éducation, je ne réussis pas encore complètement à maîtriser.

Alors, il y a une logique dans l'application de la démarche qui serait beaucoup souhaitable à dire: Si tu n'observes pas le parcours, tu vas être pénalisé. C'est peut-être l'approche qui a fait défaut dans la réaction que les différents groupes sociaux ont manifestée suite à l'article 53, mais, encore une fois, lorsque le parcours est structurant, c'est la meilleure façon pour un jeune ou un moins jeune de réintégrer le marché du travail. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on a un langage qui n'est pas tellement loin de la position de la ministre, mais qui, dans le temps, se distance, dans le sens qu'il faut donner l'opportunité à la structure ministérielle administrative de se mettre en place, puis c'est peut-être deux ans, c'est peut-être trois ans, je ne le sais pas, mais ça prend un certain délai pour amener cette dynamique-là.

Mais il fallait que ça soit clair que c'est ce qui va se passer si les individus refusent. Il fallait que les gens aient le message dès aujourd'hui que c'est ce qui va arriver.

M. Copeman: Vous savez sans doute, M. Ponton, qu'il y a déjà une série d'obligations dans la loi actuelle. Un prestataire, il faut qu'il soit disponible pour le travail. Les prestataires, présentement, à moins qu'ils aient des contraintes sévères à l'emploi ou qu'ils soient non disponibles, il faut qu'ils démontrent qu'ils ont fait des efforts pour chercher du travail. Il y a déjà une assez impressionnante série d'obligations dans la loi actuelle qu'on retrouve quasi intégralement dans la nouvelle loi. La nouveauté, semble-t-il, c'est cette notion de parcours. Et, même là, à quel point est-ce qu'il est nouveau est peut-être discutable. Il y avait, en principe, dans la loi actuelle, des plans d'action individualisés pour les prestataires. À quel point est-ce qu'ils étaient mis en application, ça, c'est une autre chose, mais le cadre législatif n'est pas si différent que ça. Ce qui est différent, je pense, c'est toute la question de la réorganisation des services avec les CLE, les CLD...

M. Ponton (Gérald A.): Emploi-Québec.

(12 h 50)

M. Copeman: ...et ainsi de suite qui découlent du projet de loi n° 150 qui a été adopté il y a un an. Et, j'aimerais bien avoir votre opinion là-dessus – je ne sais pas si l'Alliance fait partie de la Commission des partenaires du marché du travail – ...

M. Ponton (Gérald A.): Oui.

M. Copeman: ...l'opérationalisation de tous ces changements-là, comment vous voyez ça? On a certaines indications que ça va prendre du temps. Il y en a certains qui disent que ça va prendre beaucoup de temps, que la structure est plus simple. Il y en a d'autres qui disent que c'est un peu... En tout cas, la simplicité de la structure n'est pas évidente. J'aimerais vous entendre là-dessus, là.

M. Ponton (Gérald A.): En toute franchise, je pense que la structure, elle est lourde, et c'est tout un défi à relever que d'arrimer les trois cultures: le ministère de la Sécurité du revenu avec la SQDM qui, autrefois, existait comme corporation autonome, de même que les mesures actives de l'assurance-emploi du gouvernement fédéral qui a été transférée au Québec. Alors, d'intégrer tout ça, c'est des sommes importantes, et la structure ministérielle va devoir, à mon avis, mettre les bouchées doubles pour simplifier les processus et être capable d'avoir une organisation qui va être efficace.

Et, nous, comme membres de l'Alliance, membres de la Commission des partenaires du marché du travail, on va donner du temps bénévolement pour tenter d'aider le plus possible soit avec nos régionales ou dans les régions, insuffler une dynamique pour faire en sorte que le ministère puisse rencontrer les préoccupations des entreprises, à titre d'exemple. On les a rencontrés à Québec au mois de mai, tous les représentants patronaux – ils étaient une quarantaine – sur une session de travail de trois heures justement pour leur donner un encadrement des enjeux à débattre à l'intérieur des conseils régionaux des partenaires du marché du travail pour l'élaboration, en vertu de la loi n° 150, des plans d'action locaux pour l'emploi, et tout ça.

Donc, nous, on s'occupe des représentants patronaux, comme les syndicats s'occupent des représentants syndicaux, et le communautaire fait la même chose, comme membres de la Commission des partenaires pour amener notre monde au même diapason de préoccupation que l'ensemble des intervenants de la dynamique emploi. Et, tout le monde ensemble, je pense qu'on va réussir, mais il va falloir, du côté gouvernemental, des changements d'habitudes. Je n'ai pas de doute qu'ils vont réussir à le faire, mais ça prend quand même un certain temps avant d'arrimer trois cultures. Même dans l'entreprise, ça ne se fait pas du jour au lendemain, alors je ne suis pas pour prétendre que le gouvernement va être plus efficace qu'on peut l'être. Mais ça va prendre un certain temps, définitivement.

M. Copeman: Une dernière question, M. le Président, peut-être. Nous avons fait certaines recherches, nous aussi, sur qu'est-ce qui se passe ailleurs avec nos moyens un peu plus modestes que les moyens de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, sur qu'est-ce qui se passe aux États-Unis, en Grande-Bretagne avec le Parti travailliste. Une des conclusions que j'en tire, un peu, de ce survol très modeste que nous avons fait, c'est que, pour faire de l'intégration, de la réinsertion en emploi, ça prend de l'argent. Ça coûte cher. Une société, là... On ne peut pas se leurrer en disant qu'on va faire l'arrimage auquel a fait référence la ministre en termes des postes disponibles et la formation de la main-d'oeuvre, prendre tout un nombre assez impressionnant d'individus au Québec qui, pour une raison ou une autre, manquent de scolarité, manquent de formation et ont des connaissances très limitées du marché du travail... J'arrive à la conclusion, moi, que ça coûte cher, que ça prend des sous.

Vous qui êtes membres de la Commission des partenaires du marché du travail, êtes-vous satisfaits avec le niveau de ressources dont on dispose au Québec pour faire cet immense travail là? C'est vrai qu'on entend parler du 438 000 000 $ d'ajouté de la caisse d'assurance-emploi comme ajout. C'est vrai, c'est un ajout, mais j'ai toujours dit qu'il me semble – puis il n'y a personne qui est capable de me contredire – qu'avec le transfert de cette somme-là d'argent va venir également une nouvelle clientèle. Ce n'est pas 438 000 000 $ – la somme exacte m'échappe, là – pour faire de l'intégration au travail, des mesures actives à la clientèle existante, on prend une partie de la clientèle d'un autre palier, on ajoute à ça les sans-emploi, on ajoute à ça des étudiants qui arrivent et qui vont vouloir avoir des services. Qu'est-ce que vous en pensez, vous? Est-ce que les ressources suffisantes sont là pour avoir un impact positif?

M. Ponton (Gérald A.): Cette année, on parle d'un budget, de mémoire, de 805 000 000 $, si ma mémoire ne me trahit pas.

Une voix: 850 000 000 $.

M. Ponton (Gérald A.): 850 000 000 $ au niveau des mesures actives. Les sommes transférées du fédéral, c'est la clientèle chômeurs et sécurité du revenu de moins de 18 mois, si je ne me trompe pas. Donc, c'est une clientèle ciblée. Vous avez raison de dire qu'il va y avoir des clientèles additionnelles, mais un des atouts qu'on met de l'avant à Emploi-Québec et à la Commission des partenaires, c'est qu'on veut dénormer les programmes. Et ça, même avec la machine gouvernementale à Québec, avec le Conseil du trésor, on a certains problèmes, difficultés à les convaincre de l'approche, mais on voudrait avoir des approches beaucoup plus ouvertes, déréglementées si vous voulez, dénormer dans les programmes pour être capable de s'orienter en fonction d'indicateurs de résultat. On veut faire beaucoup appel à la créativité, à l'intelligence des gens au niveau local et régional puis on pense que c'est possible. Alors, avec cette nouvelle façon de faire là, on peut être en mesure de réussir là où, peut-être, par le passé, les programmes normés avaient moins de succès. Mais ça reste à démontrer, premièrement.

Deuxièmement, dans l'administration des programmes, aux États-Unis – pour faire le survol de notre voisin qui est un modèle plus «amicus», pour nous, que l'Europe qui est beaucoup plus loin et, souvent, qui est dépassée, déphasée – il y a des centres de carrière gérés par des organismes communautaires, à titre d'exemple, même des entreprises privées. On fait des appels d'offres puis on dit: Bon, bien, voici, on a tant d'argent, voici les objectifs qu'on poursuit, quel prix vous nous faites pour gérer un centre de carrière à tel endroit? Voici les objectifs et les montants alloués. Et on a beaucoup de succès. Alors, ça, à mon avis, c'est des dynamiques qui vont, dépendant si les membres syndicaux autour de la table sont ouverts à ces idées-là, parce que, là, on parle de privatisation, entre guillemets, de services rendus à la population... Ça pourrait être une des façons de tester des exemples-pilotes de résultat et de voir c'est quoi, la formule qui marche le mieux. Parce que tous les partenaires à la Commission des partenaires, on a une seule préoccupation, c'est les résultats, et on veut avoir assez de marge de manoeuvre pour changer les programmes en fonction des résultats qu'ils vont nous donner, pas le nombre de gens qu'on va rencontrer puis qu'on va cocher comme quoi on l'a visité, mais les résultats concrets en termes d'emplois. Ça aussi, c'est un exercice emballant, mais en même temps excessivement exigeant.

Alors, moi, la concertation et de dénormer des programmes puis les nouvelles approches auxquelles on va demander aux gens de contribuer vont être des facteurs de succès qui vont nous permettre d'améliorer la situation par rapport au passé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Ça va être très court, M. le Président. J'ai compris pas mal plus avec les échanges depuis le début. Si je comprends bien, vous venez encore de le citer, les résultats, l'ensemble des partenaires du travail, c'est ce qu'on vise. Et vous avez aussi mentionné que ce qui était important, c'est la qualité de l'emploi durable, le résultat, finalement, qui est important.

La plupart des intervenants qui sont venus ici dans les derniers jours, parmi aussi les partenaires, nous disaient que ça prend un moratoire sur l'obligation du parcours parce que, sinon, on démobilise si on oblige un parcours. Vous, vous ne nous dites pas le contraire, vous nous dites aussi, là, que l'obligation tout de suite, ça n'a quasiment pas d'allure parce que l'emploi n'est pas là, mais, où vous faites une différence – et c'est ça que je veux bien comprendre – c'est que, dans le projet de loi, vous tenez à ce qu'il soit indiqué, et, quand l'ensemble de l'appareil gouvernemental sera opérationnel dans toutes les régions du Québec, là, ça deviendra: On applique le livre. C'est bien ça?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, c'est en plein ça, M. le député.

(13 heures)

M. Désilets: Et, en plus, vous nous dites que ce n'est pas à partir de 25 ans, mais à partir du début?

M. Ponton (Gérald A.): Oui.

M. Désilets: Ça me va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Ça va. La question a été très bien posée par mon collègue, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce que je peux me permettre simplement une question avant de terminer? Parce que le fait que vous soyez avec les manufacturiers et que vous soyez dans le comité des partenaires en plus, souvent on dit qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois pour créer un parcours obligatoire, etc. – ça a été répété souvent – avec pénalité. Par contre, nous, en région, on entend souvent qu'il y a une pénurie incroyable d'employés qualifiés ou de main-d'oeuvre qualifiée, et souvent on parle beaucoup plus de gens sur le plan manuel. En région, on le retrouve beaucoup, beaucoup, ça, de façon incroyable. Hier soir, l'UPA est venue et nous a parlé sur le plan de l'UPA, mais c'est aussi vrai sur le plan de la construction, etc. Ce que je veux savoir, c'est: Est-ce que, dans vos travaux à l'heure actuelle, vous en discutez? J'aurais pu poser la question à Mme la ministre. Mais est-ce que vous en discutez dans vos travaux?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, on en discute, M. le Président. Souvent, entre nous, on se taquine, parce qu'une des raisons pourquoi cette main-d'oeuvre là n'est pas rendue accessible, c'est toute une série de normes réglementées d'accession à des corps de métiers...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Absolument. Les cartes...

M. Ponton (Gérald A.): ...qui font que l'individu qui serait capable de manoeuvrer un marteau dans le métier de la construction ou encore ailleurs n'a pas soit sa carte, soit son certificat, ci, ça, puis il n'a pas de travail parce qu'il y a du monde sur la liste de rappel...

Vous savez, on est une société drôlement normée dans beaucoup de domaines. Nous, à l'Alliance – Mme la ministre a souri des fois quand j'ai dit que les règlements tuent l'emploi – on le croit vraiment. La preuve, c'est que, aux États-Unis, à Atlanta entre autres, on manque de main-d'oeuvre. Le secteur manufacturier au Québec, c'est 6,6 % du taux de chômage. À Atlanta – c'est général – c'est 3,4 %. Ils se cherchent de la main-d'oeuvre, ils en ont besoin. Il y en a partout.

Alors, la réglementation a une grande responsabilité et, moi, j'espère que, en en discutant avec l'ensemble des partenaires, on va être capables d'identifier des moyens pour rendre les emplois plus accessibles à ceux qui seront prêts à travailler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie. Si vous voulez rester là, vous avez beau. Nous, nous allons procéder à la conclusion. Je vais vous donner quand même deux minutes pour saluer le représentant.


Mémoires déposés

Alors, nous procédons immédiatement à notre conclusion de tous ces travaux. Je vais me permettre, avant de demander au porte-parole de l'opposition et à Mme la ministre de faire la conclusion, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des organismes suivants: la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, L'Inter-CDEC de Montréal et la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.


Remarques finales

Pour les remarques finales, vous disposez au maximum de 15 minutes chacun. M. le porte-parole de l'opposition, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je tiens immédiatement à remercier les groupes qui ont accepté et qui ont négocié de venir devant cette commission. Je pense qu'il est important, comme législateurs, d'être bien informés, d'avoir les points de vue des gens qui oeuvrent sur le terrain, dans le domaine, pour qu'on puisse prendre des décisions libres et éclairées au moment de l'étude détaillée du projet de loi.

C'est toujours difficile pour des organismes communautaires en particulier, M. le Président – je pense aux organismes communautaires – et pour des représentants d'affaires, etc. Il y a un certain nombre d'organismes gouvernementaux qu'on consulte qui disposent de ressources plus importantes pour la préparation de mémoires, la présentation ici. Ça fait partie de leur mandat et de leurs responsabilités mêmes de le faire. Pour les organismes communautaires, pour des regroupements en entreprise, etc., ils disposent de ressources beaucoup plus limitées et modestes, et je leur suis très reconnaissant du travail qu'ils ont effectué dans des délais courts pour venir nous parler. On a reçu 23 groupes, M. le Président, et c'est important.

M. le Président, une partie du temps devant cette commission, un peu moins que la consultation générale sur le livre vert, mais il n'en demeure pas moins qu'une partie du temps, nous avons eu la triste démonstration du vécu des personnes assistées sociales au Québec. Ce n'est pas une vie facile et le niveau de difficulté, de dépression, de manque d'espoir – moi, je dirais même de misère – démontré souvent ici par des hommes et des femmes, des Québécois et des Québécoises qui vivent des situations difficiles sur l'aide sociale, me touche beaucoup. On voit le visage un peu d'un Québec pas nécessairement caché, mais un peu moins connu qu'il ne devrait l'être, qui est le visage de la pauvreté au Québec.

Quant à moi, M. le Président, il faut aborder ces questions de deux façons. Il faut tenter de traiter les causes de la pauvreté au Québec qui sont, je l'avoue, comme je le fais tout le temps, pas faciles, des questions même très difficiles: le manque de travail, la question des gens qui ont besoin d'un soutien en raison des contraintes sévères à l'emploi, un taux de chômage très élevé. Il faut traiter ces causes-là, mais il faut également considérer les symptômes de la pauvreté. Les symptômes, quant à moi, quand on traite les symptômes, on les traite largement, mais pas exclusivement avec notre système de dernier recours au Québec.

En ce qui concerne le projet de loi, M. le Président, toujours tendance de faire le bilan des audiences d'un côté et de l'autre de la table, on va dire, on va chercher les points positifs, pour le gouvernement, des présentations et, nous, de ce côté, généralement, on cherche les points négatifs. On tente de faire un bilan de qui a la liste plus longue, moins longue, plus importante, moins importante. C'est un exercice normal mais teinté un peu de notre position autour de la table, vous l'avouerez, M. le Président, ce qui est également normal.

Moi, je retiens, M. le Président, les audiences valides, notre opposition ferme à une orientation essentiellement punitive du projet de loi n° 186. Ça valide notre opposition à des aspects punitifs. Où il y a des parcours, il y a presque consensus, c'est unanime, sur la validité des parcours. Il reste à tester, évidemment, des obligations de résultat, l'évaluation faite, etc. Sur la plan théorique, les parcours, le décloisonnement des services demeurent des aspects très positifs, personne ne peut le nier. Même moi, M. le Président, qui suis un chaud partisan des débats à l'Assemblée nationale, je ne peux pas nier une certaine amélioration et des aspects positifs dans les parcours et le décloisonnement. Ça, c'est clair.

L'obligation pour les 18-24, M. le Président, ça, c'est une autre chose. Je réitère notre opposition ferme à l'obligation. Quant à moi, l'argumentation de la ministre ne résiste pas à un examen sérieux. Les justifications d'un parcours obligatoire ne résistent pas à un examen sérieux. On a dit: C'est pour aider les jeunes. Mais les jeunes ne veulent pas de ce type d'aide, M. le Président. Et aider les jeunes, j'ai été frappé ce matin par une manchette dans le journal La Presse : Assurance-emploi: Ottawa a agi pour le bien des jeunes, dit Pettigrew . Semble-t-il que le ministre fédéral et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ont un peu le même discours. Le ministre fédéral Pettigrew prétend que les réformes de l'assurance-chômage aident les jeunes.

(13 h 10)

Presque tout le monde décrie ces réformes-là, comme quoi elles ont un aspect négatif sur les jeunes, incluant la ministre. Les parcours obligatoires, la ministre dit: C'est pour aider les jeunes. Mais, à l'exception d'un groupe, qui est le Conseil du patronat du Québec, sur les 19 groupes qui ont exprimé une opinion, il y en a 18 qui sont contre le parcours obligatoire puis un pour. Ah! moratoire, oui, oui, je veux bien, là. Soit une position ferme pour le retrait ou des moratoires, je mets les deux ensemble. Si on veut faire la distinction, on peut le faire.

M. le Président, la ministre aime les sondages au sujet du parcours obligatoire, on vient d'en avoir un: 95 % des groupes disent soit non catégorique ou veulent un moratoire. On a dit que c'est de la discrimination positive, ça ne résiste pas à un examen sérieux, et on a dit: Le parcours obligatoire est en effet une obligation pour l'État de fournir des parcours. Quant à moi, qui ne résistent pas à un examen sérieux non plus.

Au niveau, M. le Président, de l'efficacité, nous rejetons la notion d'un parcours obligatoire. Les témoins experts, les plus experts dans le domaine au Québec, viennent nous dire: Ce n'est pas efficace, le volontariat est plus efficace. On a fait état du manque de ressources. Comment rendre quelque chose obligatoire quand on ne peut pas l'offrir à tout le monde? Une autre façon d'aborder la question.

Mais, M. le Président, pour moi, un élément très important: la notion de discrimination contre les jeunes. Mme la ministre prétend que ce n'est pas de la discrimination ou que c'est de la discrimination positive. Moi, ce qui m'a frappé le plus à ce sujet de la discrimination, c'est évidemment les conclusions de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec qui indique, à la page 27, et je la cite: «La Commission estime à cet égard que la distinction proposée ne peut être considérée comme répondant aux critères, notamment de rationalité et de proportionnalité, qui permettraient en l'occurrence de porter atteinte au droit à l'égalité.» Au droit à l'égalité, M. le Président, à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

La Commission nous a déjà avertis qu'il y a une possibilité de contestation. Là, on nous dicte noir sur blanc que, selon la Commission, ça permettrait en l'occurrence de porter atteinte au droit à l'égalité de la Charte canadienne. C'est un jugement très sérieux et très sévère de la part de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, M. le Président.

M. le Président, nous assistons, quant à moi, à un bris de dialogue dans le fracas, hier, avec la Coalition nationale sur l'aide sociale, là, ce matin, l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal qui apportent un jugement très sévère sur le projet de loi n° 186 et, malheureusement, un jugement très sévère à l'endroit de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, si on se fie à l'article contenu dans Le Devoir de ce matin, M. le Président.

La Coalition nationale sur l'aide sociale, un petit fracas hier, exige une rencontre. Est-ce qu'il y a eu offre de rencontre ou pas? Tout ce que je peux constater, M. le Président... J'ai un communiqué de presse en main, de la Coalition nationale; je ne peux pas citer le titre du communiqué, c'est antiparlementaire. Je ne peux pas, vous allez me juger hors d'ordre, M. le Président. Mais il dit: «Jamais la Coalition nationale sur l'aide sociale n'a refusé de rencontrer le premier ministre du Québec.» Moi, je ne peux pas porter de jugement, M. le Président, je n'étais pas là. Je ne sais pas s'il y avait une offre de rencontre ou pas. Tout ce que je sais, c'est que j'ai lu, hier, la ministre avait indiqué qu'il y avait une offre le 11, que la Coalition nationale s'est désistée. Là, la Coalition nationale dit: Non, ce n'est pas le cas. «Jamais, non jamais – je cite le communiqué – nous n'avons eu de discussion avec le cabinet du premier ministre relativement à une possibilité de rencontre le 11 mai dernier», a déclaré Jean-Yves Desgagné, porte-parole de la Coalition nationale sur l'aide sociale.

Moi, M. le Président, je constate que, pour le gouvernement, ça va mal, ça va mal. On est rendu que le seul groupe qui appuie la notion sans réserve d'un parcours obligatoire, c'est le Conseil du patronat du Québec.

Quand j'y pense, M. le Président, je pense aux antécédents, il y a un mot en anglais, «firebrand» – M. le Président, j'ai cherché tantôt une traduction, on arrive à «brandon», mais ce n'est pas ça, parce que «brandon», semble-t-il, il y a une connotation très négative; en anglais, il n'y a pas cette connotation – quelqu'un qui s'exprime avec énergie, des idées souvent nouvelles, etc. Moi, j'aurais décrit Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité comme un «firebrand» social-démocrate à l'intérieur de son propre parti.

Là, on voit que le seul groupe qui l'appuie sans réserve, aujourd'hui, c'est le Conseil du patronat du Québec? Oups! Un jugement pour le moins différent de ce qu'on aurait pu croire.

Je termine, M. le Président, en disant qu'on s'attend à une discussion sur les amendements. J'ai cru comprendre qu'il y a une réunion ou une séance de travail – peut-être que, M. le Président, vous pouvez nous éclaircir là-dessus. J'ai cru comprendre qu'il y avait une entente pour une séance de travail sur les amendements pour vendredi. Je m'en réjouis. On va en prendre connaissance et ça va permettre de travailler de façon plus efficace, je pense.

Je réitère, M. le Président, en terminant, la demande que j'ai faite au début, à laquelle la ministre n'a pas répondu, la demande que je fais de déposer les projets de règlement pour l'étude détaillée aussi, parce qu'on fait, dans le projet de loi n° 186, 53 références à des pouvoirs réglementaires qui sont très importants. Il serait très difficile, M. le Président, pour moi et mes collègues de ce côté de la table, d'entreprendre un examen sérieux du projet de loi sans avoir les indications sur les projets de règlement qui font partie intégrante de notre système d'aide sociale au Québec.

Alors, M. le Président, on attend la réponse de la ministre à plusieurs de ces interrogations. Je sais qu'elle attend de nous autres des réponses aussi. Ça va arriver, M. le Président. Elle brûle avec anticipation à savoir comment on va traiter certains dossiers, certaines questions. Des réponses vont venir, je vous l'assure, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre pour la conclusion des travaux de cette commission.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je voudrais que cela soit bref. J'aurai l'occasion, lors de l'ouverture de nos travaux la semaine prochaine, lors de l'examen article par article du projet de loi, de faire un bilan de ce que nous concluons de cette commission et donc, des modifications que nous entendons apporter au projet de loi n° 186.

J'indique immédiatement que, compte tenu des amendements qui devront être examinés suite à ces travaux, je ne pourrai pas, comme je l'avais souhaité, déposer dès l'ouverture de la commission l'ensemble des amendements. La séance de travail que j'ai proposée au député de Notre-Dame-de-Grâce devra donc être reportée de quelques jours, de façon à ce que les propositions que j'ai à faire au Conseil des ministres soient étudiées mercredi prochain, lors du prochain Conseil des ministres.

D'autre part, je comprends que nous pourrons, si c'est le cas, suspendre les articles au fur et à mesure de leur examen, jusqu'au moment où l'ensemble des projets de règlement... Parce que mon intention est toujours de déposer les règlements dans leur entièreté.

(13 h 20)

M. le Président, j'ai fait écho d'une lettre que je recevais ce matin et qui disait ceci, et je cite: «Je ne crois pas qu'il soit social-démocrate de maintenir des populations potentiellement actives en situation de pauvreté. Et la pauvreté engendre la pauvreté générationnelle. Bon courage, car il n'est pas facile de changer les mentalités.» Fin de la citation.

Je prends acte du fait que le député de Notre-Dame-de-Grâce est en opposition avec le chef du Parti libéral sur la question des parcours pour les jeunes de 18-24 ans. Contrairement à ce qu'il a prétendu, M. le Président, c'est fondamentalement différent, le sort qui est fait aux jeunes travailleurs qui n'ont pas accès à l'assurance-emploi du sort qui est proposé aux jeunes chômeurs qui sont sur l'aide sociale. C'est fondamentalement différent pour deux raisons. La première, c'est que les jeunes travailleurs cotisent à une caisse d'assurance. Chaque heure travaillée, maintenant, est cotisée. C'est donc que les étudiants, cet été, vont cotiser à la caisse d'assurance-emploi.

C'est donc dire que les jeunes qui sont évincés – on dit maintenant que 75 % des jeunes n'ont plus accès à l'assurance-emploi – c'est ainsi fait de manière systémique. Les critères d'admissibilité sont ainsi faits que des jeunes qui y ont cotisé n'y ont plus droit, d'une part, et, d'autre part, quand ils n'y ont plus droit, c'est qu'il n'y ont plus droit d'aucune façon, alors que ce qui est proposé dans le cadre du parcours, M. le Président, c'est non pas d'annuler la prestation d'un jeune quand il est chômeur, mais c'est d'ajouter à cette prestation qui est égale à celle de n'importe quel autre prestataire, quel que soit son âge, un montant supplémentaire pour la participation au parcours, un montant qui équivaut à 610 $ par mois, clair. Alors, voilà.

Je pense que la comparaison s'arrête là, mais elle est suffisamment éloquente pour ne pas que le député de Notre-Dame-de-Grâce puisse aller plus loin dans les confusions.

Je voudrais lui relire une déclaration qui est toute récente – c'est en date de décembre dernier – du chef de l'opposition libérale qui disait ceci: «Si j'étais au pouvoir – évidemment, à ce moment-là, il faisait allusion à son ambition de le devenir au Canada – je ne perdrais pas une minute de plus en consultation. Je changerais les règles de façon à ce que les jeunes retournent à l'école, se recyclent ou effectuent des travaux communautaires. Je ne dis pas qu'ils sont nombreux à rester à la maison, mais ce serait cela ou ils n'obtiendraient pas leur chèque de chômage.» Et je vous rappelle que là il y a une inégalité de traitement, parce que la caisse d'assurance-emploi, c'est supposément une caisse où les gens cotisent justement pour se garantir du risque du chômage.

Alors, ces choses étant dites, M. le Président, je pense que le dialogue se poursuit avec de nombreux groupes au Québec. J'en ai la preuve du fait que les regroupements d'organismes jeunesse ont demandé à me rencontrer, ce que je ferai avec ouverture lundi prochain, le 1er juin qui vient. J'aurai l'occasion – est-ce que c'est déjà lundi? Oui. Je pense que oui. Alors, ce serait donc lundi après-midi – de poursuivre le dialogue.

J'ai eu l'occasion aussi, évidemment, cette semaine, de me réjouir du dialogue amorcé avec les carrefours jeunesse-emploi à travers le Québec, qui étaient réunis à Montréal et qui m'ont réservé un accueil qui, évidemment, m'a beaucoup émue, parce que c'était un accueil extrêmement chaleureux.

Je comprends cependant qu'il y a chez un certain nombre d'organismes communautaires, que nous n'allons pas discriminer pour autant, qui vont continuer d'être financés à part entière par les fonds du Secrétariat à l'action communautaire autonome et qui vont continuer d'être financés, puisque nous sommes dans une société qui, démocratiquement, finance sa propre contestation... Je crois que cela est salutaire également, mais je comprends que, chez ces groupes, il y a cette philosophie qui consiste à vouloir faire reconnaître le droit à l'aide sociale comme étant un droit sans contrepartie et inconditionnel, alors que ce qui est introduit, c'est cette idée très simple qu'il y a de plus en plus de chômeurs à l'aide sociale et que le chômeur n'est pas responsable du chômage, et qu'on ne peut pas lui imputer la responsabilité individuelle du chômage qu'il vit – il en est victime, bien évidemment – mais que le chômeur étant involontairement chômeur, dans la mesure où des offres d'emploi convenables, dans la mesure où des offres de parcours valables lui sont proposés pour en sortir, de cette situation qui le rend victime du chômage, alors, le chômeur involontaire, à ce moment-là, se met volontairement dans une situation de non-emploi. C'est là une idée simple qui me semble être acquise dans toutes les sociétés démocratiques avancées.

Alors, ceci étant dit, M. le Président, c'est bien évident que l'autre grande différence entre les jeunes qui n'ont plus accès à l'assurance-emploi et les jeunes qu'on retrouve à l'aide sociale, c'est que, justement, les jeunes qui cotisent à l'assurance-emploi n'y ont plus accès du tout alors que la durée cumulative moyenne d'un jeune de 24 ans est de 44 mois à l'aide sociale, presque quatre ans, c'est-à-dire plus de 50 % de sa vie adulte active.

Alors, nous allons certainement prendre en considération, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, au moment de la commission des affaires sociales qui a entendu une centaine de mémoires portant sur le livre vert... Je rappelle que de très importantes modifications en ont résulté, en tout cas suffisamment importantes pour que le Trésor les chiffre à 80 000 000 $ d'économies potentiellement, économies qui ne seront pas réalisées, n'est-ce pas, puisque l'allocation de non-disponibilité accordée aux personnes ayant la charge d'un enfant va continuer de s'appliquer aux personnes ayant la charge d'un enfant de moins de cinq ans, l'allocation des aînés sera offerte aux personnes âgées de 55 ans et non plus 60 ans, la réduction pour partage du logement est abolie pour les familles monoparentales, des améliorations substantielles sont apportées au calcul de la contribution parentale, ce qui se chiffre à 25 000 000 $, de manière à l'harmoniser avec le régime d'aide financière aux étudiants, ce qui est beaucoup plus avantageux pour les jeunes. La nouvelle exemption va permettre une comptabilisation de l'avoir liquide qui est différente; c'est 6 000 000 $.

Vous savez, dès qu'on parle d'argent, on n'a pas idée de ce que ça représente. Dix dollars, c'est 50 000 000 $. C'est de cet ordre de grandeur là. Je rappelle aussi une des recommandations très importantes qui avaient été faites au moment des auditions du livre vert, à savoir l'exemption pour la résidence familiale, qui était trop basse – à 60 000 $ – qui va passer à 80 000 $, et bien d'autres choses aussi, la pension alimentaire qui va être exemptée au moins jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans, en souhaitant pouvoir continuer, évidemment, et graduellement jusqu'à ce que les enfants en aient 18. Je pense aussi... L'introduction de ce service de révision est dépendant du Bureau des renseignements et plaintes, et l'ensemble des autres dispositions faisant obligation au ministre d'informer les prestataires de leurs droits. C'est une disposition qui avait été retirée en 1987.

(13 h 30)

Donc, nous avons tenu compte, n'est-ce pas – je rappelle tout ça de mémoire – et nous tiendrons compte encore des représentations qui ont été faites devant la commission parlementaire. Moi, je me réjouis qu'il y ait eu quand même une évolution extrêmement importante quant à la validation du parcours individualisé. Il y a un an, c'était le scepticisme dans tous les milieux, quant à ce parcours individualisé. Et je comprends qu'on y est arrivé à bout, de ce scepticisme, parce que c'est, je pense, ce qui a fait l'unanimité de cette commission. Tous les milieux sont favorables à ce parcours individualisé. Je crois qu'il y a là un aspect important. Encore faut-il ne pas pervertir ce qu'est un parcours. Maintenant, il faut travailler sur les conditions de réussite des parcours, conditions de réussite qui ont à voir, bien évidemment, avec la formation des personnels, évidemment.

Et je comprends que nous allons avoir quelques minutes de vérité du côté de l'opposition, parce que nous arrivons au terme de quatre années où l'opposition ne nous a pas encore fait connaître ses orientations en matière non seulement de réforme de l'aide sociale, mais aussi en matière de services publics d'emploi et en matière aussi de lutte à l'exclusion sociale.

J'ai toujours espoir que, lors de leur prochaine rencontre, les 14 et 15 juin, nous puissions en savoir un peu plus. Mais, bien évidemment, au fur et à mesure de l'adoption du projet de loi, eh bien là, cette minute de vérité se concrétisera, s'incarnera dans un vote du côté de l'opposition. Parce qu'à ce moment-là l'opposition a aussi la possibilité de faire des amendements.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce et les membres de cette commission savent à quel point je suis ouverte, en tant que législateur, à bonifier le projet de loi. Alors, moi, ce que je souhaiterais, c'est que, dans la même mesure où on va déposer nos amendements, l'opposition fasse de même aussi, pour que nous puissions les examiner, les regarder et leur donner suite. S'ils veulent participer à la bonification de cette loi, je leur dis immédiatement qu'ils peuvent compter sur ma collaboration pleine et entière. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup au nom de... D'abord, je voudrais vous remercier, tous les collègues. Je voudrais remercier les fonctionnaires. Je voudrais remercier tous ceux de nos collaboratrices et collaborateurs, à quelque niveau que ce soit.

La commission ayant accompli son mandat, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi, afin d'exécuter un autre mandat, c'est-à-dire la Loi sur le tabac, loi n° 444, au salon rouge.

(Suspension de la séance à 13 h 33)

(Reprise à 15 h 18)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue à tout le monde.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.


Projet de loi n° 444

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis (Brome-Missisquoi) sera remplacé par M. Marsan (Robert-Baldwin).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Vous avez tous pris connaissance de l'ordre du jour. Alors, à moins d'avis contraire, l'ordre du jour est adopté. Je sais qu'il y a déjà des députés qui ne sont pas membres de la commission, mais, si vous voulez intervenir, je demanderai simplement le consentement, puis normalement c'est rapide.

Alors, peut-être juste vous rappeler que je vais garder la même procédure que j'adopte dans toutes les commissions, c'est-à-dire que c'est 20 minutes pour les gens qui nous visitent, 20 minutes par groupe parlementaire. Mais je ne procède pas par bloc de 20 minutes mais par intervention, et je comptabilise le temps. Je trouve que ça fait une dynamique plus positive.


Remarques préliminaires

J'invite maintenant M. le ministre à faire ses remarques préliminaires et j'inviterai ensuite le porte-parole de l'opposition. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi dont on entreprend l'étude en commission par une première étape que sont les consultations que l'on fera au cours des quatre prochains jours ouvrables est un élément important du programme de santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, visant à contrôler et à diminuer le plus possible l'usage du tabac.

(15 h 20)

Je vais prendre quelques minutes, M. le Président, pour bien rappeler l'importance du tabac en termes de problème de santé et, deuxièmement, essayer de rappeler l'approche globale qui est proposée, parce que ce projet de loi là contient beaucoup de choses. Mais c'est un élément d'un programme de santé publique, et il faut le voir dans son contexte. Le tabac – et on en dit beaucoup dans les réseaux de santé et de santé publique – quand on vise le tabac, c'est bien du tabac dont on parle. Ce n'est pas une législation qui vise ou, surtout pas, qui est contre les fumeurs et les fumeuses. C'est une législation qui vise le tabac et l'utilisation du tabac, parce que le tabac contient un élément qui est la nicotine, qui est une drogue et une drogue qui cause une accoutumance importante. Et l'utilisation de cette drogue sur un grand nombre d'années est un des risques pour la santé parmi les plus importants qu'on connaisse actuellement, surtout quand on regarde les risques sur lesquels on peut agir et qu'on peut modifier.

Je ne veux pas faire la ronde des grandes statistiques, mais c'est peut-être bon de se rappeler qu'au Québec c'est à peu près 10 000 décès par année qui sont attribuables au tabac, son utilisation étant une cause importante de cancer, de maladies cardiovasculaires, de maladies respiratoires. Et on pourrait penser, pour faire image par exemple, que, si, par hypothèse, on imaginait une société où on ne ferait aucune utilisation du tabac, bien, le cancer du poumon deviendrait une maladie rare, alors qu'aujourd'hui c'est une maladie très importante qui affecte la population.

Ce qui est encore peut-être plus significatif, c'est qu'il est bien démontré aujourd'hui que la consommation, l'habitude acquise de consommer du tabac, de faire l'utilisation du tabac chez les jeunes, surtout dans le créneau d'âge de 12 à 15 ans, c'est la période où l'habitude de l'accoutumance est la plus forte. Il y a des études qui ont été faites sur des populations de personnes adultes qui désiraient volontairement cesser de fumer, des gens qui ont commencé à fumer dans le créneau d'âge de 12 à 15 ans ont une difficulté beaucoup plus grande à se libérer – parce que c'est une accoutumance à une drogue – que des gens qui ont commencé à fumer plus tard. Et je pense qu'on sait très bien aussi que, si on n'a pas contracté l'habitude de fumer dans l'adolescence, l'habitude est beaucoup plus rare. Après, il y a beaucoup moins de gens qui prennent l'habitude de fumer. Donc, c'est un problème de santé. C'est un problème de santé publique qui concerne d'abord les jeunes. Et moins on aura de jeunes qui prendront l'habitude de fumer, plus c'est des gens qui auront une espérance de vie plus longue et une espérance de vie en bonne santé plus longue.

Et ça, c'est particulièrement significatif au Québec parce que, au Québec, les jeunes fument plus qu'à peu près partout ailleurs au Canada. Et au cours des dernières années, depuis que, en fait il y a quelques années, à cause d'un contexte qu'on se rappellera de contrebande, on a fait une modification très importante à la taxation sur le tabac. Donc, on a baissé beaucoup le prix de la cigarette et du paquet de cigarettes. Depuis ce temps-là, le pourcentage de jeunes qui fument a augmenté régulièrement, et c'est à peu près le tiers des jeunes qui aujourd'hui consomment la cigarette, et ça commence à l'âge de 12 ans. Et les jeunes filles fument beaucoup plus aussi que les garçons. Ça, c'est des données très bien connues.

Maintenant, au-delà des jeunes, on a aussi démontré, toujours en termes de santé publique, que le tabac cause des problèmes de santé à des gens qui ne consomment pas le tabac, s'ils sont dans un endroit où il y a une consommation régulière de tabac, ce qu'on appelle le fumage passif ou l'exposition au tabac, à la fumée de tabac qui est présente dans l'environnement. Donc, l'intervention de santé publique vise aussi à protéger les jeunes et à protéger les gens qui ne sont pas des fumeurs, de sorte que ceux qui souhaitent fumer puissent le faire mais sans créer un risque pour la santé pour les gens qui ne sont pas des fumeurs, et singulièrement les jeunes.

Alors, voilà donc, là, dans le temps qu'on peut utiliser en ouverture de cette session de la commission, je pense, ce qui peut résumer l'importance que représentent le tabac et cette législation en regard d'un problème, d'une situation de santé très importante où on peut intervenir de façon préventive. C'est dans l'approche. Je vous disais tout à l'heure que, pour être efficace dans ce domaine-là, on ne peut pas avoir qu'une loi, on ne peut pas avoir que d'autres mesures aussi. Il faut penser à l'ensemble des mesures qui sont déjà en cours et qu'on devra continuer à faire et même renforcer dans l'application d'une législation sur le tabac en présumant que, au cours des prochaines semaines, on peut arriver à l'adoption de ce projet de loi.

Il y a d'abord évidemment l'information, les communications, l'éducation dans le domaine de la santé, surtout auprès des jeunes, qui sont très importantes pour que les gens connaissent d'abord ce que représente comme risque l'utilisation du tabac et le connaissent assez pour être motivés en termes de comportements qu'ils vont développer pour faire, comme on dit, des choix différents et faire d'autre chose plutôt que de fumer. On sait aussi qu'une action sur le tabac doit tenir compte des coûts, et, ça aussi, on me dit que c'est assez démontré que l'augmentation du coût du paquet de cigarettes, pour chaque point d'augmentation... Il y a une diminution, si on augmente le prix de la consommation de cigarettes, surtout chez les jeunes, et vice versa. Si on diminue le coût de la cigarette régulièrement, l'augmentation augmente chez les jeunes. On en a eu la démonstration au cours des dernières années au Québec d'ailleurs, quand il y a eu une modification au coût de la cigarette à cause d'une diminution importante de la taxation.

Il y a déjà une action que Québec a prise à cet égard il y a quelques mois, où on a procédé à une augmentation de la taxe sur la cigarette, visant d'abord cet autre élément d'un programme de santé publique à atteindre ce niveau du prix qui ne le rend pas prohibitif pour des gens adultes qui ont fait ce choix et qui souhaitent fumer – encore une fois, on respecte les fumeurs – mais qui met le tabac à un prix où surtout les jeunes ont moins la tentation de faire ce choix, plutôt que d'acheter d'autre chose avec leur argent. Donc, l'information, le coût.

Et aussi, dans un bon programme de santé publique, on va penser avoir des mesures, et ça, on n'en a peut-être pas assez. On n'a peut-être pas soutenu assez jusqu'ici des mesures qui aident ceux qui souhaitent cesser de fumer. Et ça aussi aujourd'hui ça prend d'abord une décision personnelle, ça prend une volonté de vouloir le faire. Mais, comme c'est une accoutumance à une drogue qu'est l'utilisation du tabac, il y a des moyens d'aider aussi des gens qui ont fait ce choix-là et qui veulent cesser de fumer.

La législation vient donc se situer dans un ensemble de mesures, auxquelles je fais référence rapidement, que doit contenir un bon programme de santé publique. Et ce que ça ajoute, cette législation-là, et ce pourquoi on va voir qu'il faut vraiment l'approche législative pour ajouter ces moyens essentiels à un bon programme de santé publique dans ce domaine, c'est qu'on intervient à trois niveaux, se rappelant toujours que les objectifs, c'est la protection d'abord des jeunes et aussi des non-fumeurs dans les endroits publics.

Il y a d'abord des mesures qu'on verra dans ce projet – et je n'entrerai pas dans le détail parce que le projet de loi est disponible et on le verra dans notre discussion et dans la discussion avec ceux qui viennent nous faire des présentations – qui visent à limiter le plus possible l'accès au tabac pour les jeunes, pour les mineurs. Il semble que ce ne soit pas un produit qui soit facilement attrapable sur un bout de comptoir et dont on contrôle le plus possible l'accès, comme d'ailleurs on le fait à cet égard pour l'alcool pour les mineurs. Ça, on connaît déjà ça pour d'autres genres de produits, ce type de mesures, et ça, il faut une législation pour encadrer des mesures qu'on veut avoir dans ce domaine-là.

Autre type de mesures importantes quand on parle de modifier une norme de comportement, c'est évidemment tout le domaine de la publicité. Plus la publicité est faite, fait penser, attire, présente comme étant une chose souhaitable à faire, bien, plus évidemment on incite les gens à le faire, encore là surtout les jeunes qui sont plus facilement impressionnés par la publicité que peut-être des adultes qui ont déjà contracté d'autres genres d'habitudes, s'ils n'ont pas déjà commencé à fumer. Alors, tout le secteur de la publicité est un deuxième élément important de cette loi.

Et, finalement, il y a les mesures qui visent les endroits publics où on verra, à travers ce projet de loi – encore là, toujours dans le respect des choix des gens – que la norme sociale qui s'est développée au Québec... Il y a à peu près 70 % de la population du Québec qui est non-fumeuse. Il y a 85 % des gens, à peu près, dans des sondages faits au cours des dernières années – ce qui est une tendance assez constante, semble-t-il – qui souhaitent que dans les endroits publics la règle de jeu de base soit qu'on ne fume pas, sauf dans des endroits prévus à cet effet, plutôt que la règle de jeu normale soit qu'on fume, sauf dans des endroits si on ne veut pas être incommodé ou s'exposer à la fumée de tabac dans l'environnement, qu'on doive aller dans d'autres endroits. Alors, on verra donc, par rapport à ces trois éléments, l'accès pour les mineurs aux produits de la cigarette, la publicité et la consommation de cigarettes dans les endroits publics. Il y a des mesures qui sont proposées dans le projet de loi.

(15 h 30)

Je termine, M. le Président, en rappelant que la préparation de ce projet de loi là – c'est toujours le cas quand on prépare un projet de loi, mais dans ce cas-ci je pense que ça a été particulièrement la situation – a été faite avec beaucoup de soin et en appliquant un peu cette règle de Boileau, je pense, qui nous disait: Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage . Je pense que c'est à peu près ça qu'on a fait dans ce cas-là. Au cours des deux dernières années, il y a eu plusieurs rédactions du projet de loi, consultations formelles, plus ou moins formelles d'organisées, sondages qui ont été faits auprès de la population, pour bien connaître le pouls de la population, pour voir jusqu'où était rendu notre consensus social et qu'est-ce qu'on souhaitait, au Québec, baliser ou normaliser comme habitudes de vie en regard de ce produit qu'est le tabac dans la société québécoise.

Le travail a voulu dire aussi beaucoup d'analyses de ce qui se fait ailleurs dans le monde. On n'est pas les seuls. Au contraire, je pense que là-dessus le Québec n'a pas ouvert la voie. La plupart des pays avec lesquels on souhaite se comparer en Amérique du Nord, les autres provinces canadiennes, les pays de la Communauté européenne, tous ces pays ont adopté des législations dans le domaine du tabac et ouvert la voie. Et on pouvait donc profiter là d'une expérience qui avait été acquise ailleurs, s'assurer qu'on ne réinventerait pas le bouton à quatre trous, qu'on profiterait de l'expérience des autres, mais que, sur la base de l'expérience des autres, et comme on était peut-être un des derniers qui adopteront une législation complète qui fait tout le tour de la situation, on puisse l'avoir la plus bonifiée possible et peut-être, à certains égards, innover un peu par rapport à d'autres législations ayant pu profiter de l'expérience qui a été faite dans d'autres pays.

Et je pense, M. le Président, en toute sincérité, que l'on présente aujourd'hui un projet de loi qui est significatif, qui a des mesures sérieuses, rigoureuses mais avec le respect des choix des gens et beaucoup de souplesse, je pense, dans l'application des mesures qui sont proposées, pour donner à tout le monde le temps de s'ajuster et le temps de s'adapter à ce qu'on reconnaîtra plus formellement: que cette norme sociale est devenue une réalité au Québec, que dans des endroits publics et pour les jeunes, ce qui est normal, c'est plutôt ne pas fumer que fumer. Alors, c'est dans cet état d'esprit qu'on entreprend ces rencontres, qu'on va écouter avec beaucoup d'attention ce qui nous sera dit, les points de la loi. Je souhaite qu'à plusieurs égards on nous dise qu'on veut vraiment maintenir certaines mesures qu'on voudrait peut-être renforcer, d'autres ajuster. Nous sommes très ouverts à écouter. L'intention politique est très claire, la volonté politique est très claire, et je pense qu'il y a un accord assez fort de bouger dans ce sens-là. S'il y a encore des améliorations qui peuvent être faites, je compte beaucoup que les rencontres qu'on aura au cours des prochains jours vont nous aider à les faire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Robert-Baldwin.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Le Parti libéral du Québec, au fil des ans, a toujours joué un rôle de premier plan dans le domaine de la santé publique. C'est dans ce contexte que notre formation politique maintiendra toujours un préjugé favorable à un projet de loi qui veut vraiment ou qui peut vraiment améliorer la santé de nos concitoyens et nos concitoyennes.

Par contre, nous avons des inquiétudes. La première: nous sommes surpris des délais du ministre à présenter ce projet de loi. Il faut se rappeler qu'il y a plus de deux ans ce projet de loi avait été annoncé en Chambre. D'autres inquiétudes également, surtout quant à certaines modalités. Par exemple, qu'en est-il de l'harmonisation avec la législation fédérale? Quelle loi aura préséance sur l'autre? D'autres inquiétudes: les subventions qui peuvent être accordées par le ministre dans le cadre des commandites, ce qu'on appelle communément «le fonds de substitution», comment cela va fonctionner? Est-ce qu'il va être à l'abri des coupures habituelles, des coupures du ministre des Finances et de ce gouvernement? On sait qu'on était habitué, depuis quatre ans, à des coupures dans les secteurs les plus importants, les plus prioritaires de notre société: la santé, l'éducation. Alors, nous avons des inquiétudes à ce sujet, M. le Président.

Nous voulons également connaître quels seront les impacts économiques et sociaux d'une telle législation. Lorsque nous allons rencontrer les différents groupes, nous aurons en tête trois critères importants. D'abord, nous allons nous demander: Est-ce que les présentations rejoignent l'objectif, c'est-à-dire d'améliorer la santé publique, la santé de nos concitoyens et concitoyennes? Le deuxième critère: nous allons nous assurer si les modalités qui nous sont présentées par le gouvernement atteignent vraiment les objectifs qui sont visés. Et enfin, nous voulons écouter les différents groupes pour bien saisir les avantages et les inconvénients de leurs recommandations quant à ce projet de loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, j'aimerais, tout de suite, au début de la commission, demander à tous ceux et celles qui sont ici, à l'intérieur, de fermer les cellulaires, s'il vous plaît. C'est très dérangeant pour tout le monde. Allez-y.

M. Marsan: Alors, M. le Président, trois critères bien importants. Est-ce que c'est bon pour la santé publique? Est-ce que les modalités vont atteindre les objectifs visés par le projet? Et enfin, lors des présentations des différents groupes, eh bien, saisir les avantages et les inconvénients de ce projet de loi. Pour notre formation politique, il nous apparaît important, à ce moment-ci, de bien écouter ce que les groupes ont à nous dire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Nous sommes prêts à débuter les auditions. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui voudraient faire des remarques préliminaires? Non? Alors, nous sommes prêts à commencer. Nous recevons, pour débuter, le Conseil québécois sur le tabac et la santé. M. Boulanger, avant que je vous cède la parole, je voudrais simplement faire deux, trois petites remarques. S'il y en a qui sont dans la salle ou qui viennent dans les prochains jours, dans les prochaines heures, nous apprécierions, si c'est possible – on sait qu'il y en a qui n'ont pas eu grand temps – de recevoir les mémoires qui sont préparés et nous les remettre, en tout cas, quelques heures avant, si c'est possible. Il y en a qui ont été avertis seulement qu'hier. On est tous au courant de ça. Ça ne nous donne rien de le réentendre. Mais, quand les mémoires sont prêts, au lieu de les garder avec vous autres, venez nous les porter ici ou quelqu'un ira les chercher dans la salle, de façon à ce qu'on puisse les remettre aux députés le plus rapidement possible.

J'ai eu des demandes aussi pour des formes de présentation: une machine, distribution, étagères, etc. Comme président, il m'appartient de m'assurer qu'il y a un décorum, qu'il y a des règlements qui sont suivis, etc. Alors, je refuse toutes ces formes-là de présentation. J'ai refusé au premier groupe une espèce d'étagère, des boîtes pour nous illustrer des choses. Je suis quand même prêt à permettre certaines choses très, très, très limitées. Quand vous arrivez, vous faites une présentation, vous voulez illustrer quelque chose avec vous autres, mais pas plus que ça. Et je vais me permettre d'être très sévère de ce côté-là.


Auditions

M. Boulanger, si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et débuter votre mémoire. Vous avez 20 minutes.


Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

M. Boulanger (Marcel): M. le Président, j'ai avec moi le directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé, qui présentera la deuxième partie de notre mémoire.

M. le Président, d'entrée de jeu, nous, du Conseil québécois sur le tabac et la santé, voulons vous exprimer notre enthousiasme devant ce projet de loi, mais aussi nous voulons vous exprimer notre fierté. Pourquoi exprimer sa fierté devant un projet de loi? Je m'explique. Vous me pardonnerez la comparaison que je vais faire, qui est à peine facétieuse. Alphonse Allais, un humoriste français, a dit: «Après de longues années d'observation, je pus me permettre d'affirmer que les cocus ont régulièrement tendance à épouser des femmes infidèles.» De la même façon, après plus de 50 ans de recherche, nous, les hommes de science, nous pouvons affirmer depuis longtemps que l'usage du tabac produit régulièrement des maladies chez le fumeur. Mais autant le premier truisme ne soulève jamais d'objection, autant le second, tout aussi évident, a eu de la difficulté à s'imposer au point de laisser planer des doutes sur notre capacité collective à appréhender un concept aussi évident. C'est donc avec fierté retrouvée que nous voyons arriver le projet de loi n° 444, qui reconnaît cette évidence et agit en conséquence.

Le Conseil québécois sur le tabac et la santé est un organisme de concertation sans but lucratif qui, avec peu de moyens – a pu fournir davance son mémoire – travaille à réduire le tabagisme depuis 22 ans. Sa mission est de mobiliser les intervenants québécois autour de l'objectif global de réduire la consommation des produits du tabac en situant ses interventions dans le cadre d'une approche de promotion de la santé et de prévention. Notre organisme regroupe une vingtaine d'institutions ou associations qui ont un volet de lutte au tabagisme parmi leurs différentes activités. Parmi nos membres, nous avons le privilège de compter sur le partenariat de la Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du coeur du Québec, l'Association des médecins de langue française, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des pharmaciens, l'Ordre des inhalothérapeutes du Québec et la Fondation québécoise du cancer, pour n'en nommer que quelques-uns.

(15 h 40)

Soulignons au passage que toute notre action ne vise qu'à protéger la santé des Québécois et particulièrement celle des générations futures, contrairement à d'autres qui acceptent de convertir la santé de notre population en scandaleux profit. Si l'on peut dire que certains s'emploient à blanchir l'argent, d'autres s'emploient à le jaunir. Et, pour ce faire, des révélations récentes nous enseignent que tous les moyens sont bons. Il sera utile de s'en souvenir au cours de ces audiences.

Ne sachant jusqu'à quel point vous êtes familiers avec les documents que l'industrie du tabac a été forcée de produire, dans un récent procès du Minnesota, je me permets ici de lire un extrait de l'un d'eux. Dans ce document datant de 1969, presque 30 ans, William Dunn, un scientifique de la compagnie Philip Morris dit, traduction libre: «Je serais hésitant avant d'adopter le modèle pharmacomédical. Voulons-nous vraiment étiqueter la nicotine comme une drogue? C'en est une, bien sûr, mais il y a là de dangereuses implications avec la "Food and Drug Administration", si jamais de tels concepts sortaient de nos murs.» En 1969, document secret de Philip Morris.

L'action de notre Conseil se traduit donc avant tout par un travail d'information et d'éducation que l'on peut résumer ainsi: intervention auprès des jeunes par l'entremise du programme La gang allumée pour une vie sans fumée et du Réseau des jeunes libres de tabac; campagne de sensibilisation auprès de l'ensemble de la population et du milieu de travail, dans le cadre de la Semaine québécoise sans fumer, un événement annuel, présenté en janvier de chaque année; surveillance des médias: la liberté d'expression permettant apparemment le droit à la désinformation, notre organisme veille à neutraliser autant que possible les aberrations souvent télécommandées qui se publient au sujet du tabac dans la grande presse. On le voit, nos activités de sensibilisation sont nombreuses, et d'innombrables programmes d'information, d'éducation et d'aide existent, comme le démontrent les boîtes de documents que nous avons apportées avec nous aujourd'hui. Il y a dans ces boîtes d'innombrables programmes d'aide, d'information, etc., et d'autres programmes ici.

Cependant, ceux qui voudraient vous faire croire qu'une loi est inutile et que la réduction du tabagisme devrait se faire principalement par des campagnes d'information et de prévention vous mentiraient. Les affligeantes statistiques du tabagisme au Québec, surtout chez les jeunes, montrent bien que cela ne suffit pas et qu'il faut une loi. Nous endossons cette affirmation d'Arthur Leichman, un expert scientifique américain qui dit: «Si l'on veut empêcher les enfants d'aujourd'hui de devenir les nicotinomanes de demain, il nous faut reconnaître maintenant que le problème du tabac est à 90 % politique et 10 % médical. Le monde médical et scientifique a fait son travail. Et aujourd'hui nous vous passons la main à vous, les politiques.»

Est-il nécessaire de le rappeler? Le tabagisme chez les jeunes a pris des proportions inquiétantes au cours des dernières années. Le ministre l'a rappelé tout à l'heure. Au Québec, le pourcentage des jeunes qui fument a doublé en cinq ans, passant de 19 % à 38 % entre 1991 et 1996. Et, chez les filles, ce taux atteint même les 43 %. C'est une tragédie de santé publique et une situation inacceptable. De même, il faut se rappeler que cette forte hausse du tabagisme juvénile est survenue alors que les taxes sur le tabac avaient été baissées de façon drastique, suite au phénomène de la contrebande, phénomène pas aussi spontané qu'on voudrait nous le laisser croire. Je réfère ici à une émission diffusée le 15 mai dernier, dans la série Les grands reportages , à RDI, où la collusion entre contrebandiers et cadres importants de l'industrie canadienne du tabac est montrée en technicolor. C'est également au cours de ces années qu'on a pu constater un accroissement considérable des activités de publicité et de promotion à des compagnies de tabac. Le projet de loi n° 444 vise juste au chapitre de la publicité telle qu'elle est faite maintenant.

Soyons clairs, l'industrie du tabac, que l'on pourrait qualifier de cartel de la nicotine, cartel d'esprit sinon de faits, a bien le droit de parler de son produit. Mais on est en droit, dans cette société, d'exiger qu'ils disent la vérité. Or, avec ce que l'on sait aujourd'hui sur la véritable nature du tabac et ce que l'industrie savait d'ailleurs depuis longtemps, comme nous le révèlent les documents mentionnés plus tôt, toute publicité sur le tabac qui dirait la vérité ne peut être que néfaste aux intérêts de l'industrie. Que faut-il donc en conclure? Que la publicité que l'on prétend aujourd'hui avoir le droit de faire ne peut être que mensongère? Pour illustrer davantage mon propos, je pourrais vous présenter des publicités de l'industrie montrant de jeunes et jolies femmes ou de jeunes hommes, beaux comme des demi-dieux, qui, cigarette à la main, s'éclatent de liberté dans un décor de ciel bleu ou de cimes enneigées. Je pourrais même vous montrer une future maman, enceinte de cinq mois, vantant les mérites d'une cigarette légère. D'autre part, je pourrais vous montrer l'envers du décor. Des malades à la porte d'un hôpital, l'un en fauteuil roulant, l'autre soluté au bras, en train de griller une cigarette. C'est cela la vérité que la publicité devrait montrer.

Ces pauvres malades qu'un règlement sur la fumée secondaire obligent à aller fumer dehors, leur plus grand malheur est-il de ne plus pouvoir fumer en tout lieu ou celui d'être condamnés au fumage forcé par leur dépendance? Il ne fait aucun doute dans notre esprit que les fumeurs ont le droit de consommer du tabac, mais ils n'ont que le privilège d'enfumer leur environnement. Et ce privilège, désormais, sera assorti de conditions précises. Il est déplorable que la loi doive s'en mêler, mais l'expérience enseigne qu'elle est nécessaire pour protéger les non-fumeurs, à partir du principe que la liberté que l'on a d'agiter son poing dans l'air s'arrête là où commence le nez du voisin. Nulle part ailleurs dans les activités humaines, ce principe ne s'applique avec autant de vigueur qu'au plan de la fumée involontaire.

Ici encore, le projet a trouvé le ton juste. On ne le dira jamais assez: On naît non-fumeur. Et la majorité de notre population désire le demeurer. On sait maintenant que le tabagisme est une toxicomanie qui afflige le tiers de notre population. Serait-ce vraiment les aider que de laisser libre cours à leur consommation en tout temps et en tout lieu? L'expérience enseigne que la pression sociale est un incitatif important à cesser de fumer, car, ne l'oublions pas, 80 % des fumeurs aimeraient mieux ne pas l'être. Par ailleurs, la majorité non fumeuse doit-elle adapter son quotidien aux besoins de cette minorité ainsi affligée? Poser la question, c'est y répondre. Doit-on voir, dans les dispositions touchant la fumée secondaire, un abus de pouvoir ou une simple règle de sens commun? Les arguments libertaires avancés contre cette loi sous prétexte qu'elle représente une intrusion indue dans la vie privée des gens, le sont – ces protestations – par des gens qui ne sont pas morts de diphtérie ou de typhoïde, parce que leurs parents étaient obligés de les faire vacciner. Ils n'ont pas attrapé la tuberculose parce que la pasteurisation du lait a été rendue obligatoire. Dans la même foulée, il faut inclure des mesures telles que le port obligatoire de la ceinture et l'alcool au volant. Contre toutes ces dispositions aussi, il s'est élevé des protestations libertaires. Le projet de loi n° 444 en est un d'hygiène publique. Nous sommes en présence d'une épidémie; il faut intervenir.

Descartes disait: «Le sens commun est la chose du monde la mieux partagée.» On ne le croirait pas, à entendre les arguties qu'on nous sert et qu'on ne manquera pas de vous servir au cours des prochains jours. Cette loi est bonne, bien conçue, pragmatique et adaptée à notre réalité, ici et maintenant. Avec d'autres organismes, nous vous suggérons des amendements qui contribueront à la bonifier. Je laisserai au directeur général de notre organisme le soin de vous les livrer dans quelques minutes. Cette loi est nécessaire. Il est urgent de l'adopter au cours de cette session. Il faudra, une fois en vigueur, voir à son application car: «Ne pas appliquer une loi, c'est autoriser ce qu'on voulait interdire» disait le cardinal de Richelieu, qui, incidemment, fut le premier homme d'État à imposer une taxe sur le tabac.

Vous voyez, mesdames, messieurs, M. le Président, vous voilà en bonne compagnie, avec Descartes et Richelieu. Nous, du CQTS, nous vous invitons ardemment à y rester. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Bujold (Mario): Je n'ai pas la verve de mon président, malheureusement, mais je vais quand même vous faire état d'un certain nombre de choses.

Avant de vous livrer les amendements qu'on vous propose, je voudrais d'abord vous livrer des témoignages de gens avec qui nous travaillons. Tout d'abord, les jeunes. On l'a mentionné un peu plus tôt: On travaille depuis maintenant plusieurs années avec les jeunes dans le cadre d'un programme, entre autres, La gang allumée pour une vie sans fumée, de même que le Réseau des jeunes libres de tabac.

Avec ce programme-là, on a rejoint, au cours des trois dernières années, pas moins de 100 000 jeunes, adolescents et adolescentes, directement et qui se retrouvent dans 250 écoles et maisons de jeunes à travers le Québec. Ce que cette expérience nous a révélé, c'est que les jeunes s'intéressent aux problèmes du tabagisme, en sont préoccupés et que la majorité de ceux qui fument veulent se libérer de la cigarette. Les jeunes fumeurs se perçoivent aussi souvent comme des victimes de leur habitude plutôt que des personnes qui ont choisi librement de fumer.

(15 h 50)

Je vous cite quelques témoignages. Kim, une jeune journaliste de 15 ans qui participe au journal R libre qu'on a créé et qui est un outil d'information écrit par des jeunes et qui s'adresse à des jeunes, donc, exprime sa pensée en ces termes. Elle dit: «La vente de cigarettes aux adolescents est strictement défendue au Québec. C'est un fait. Pourtant, il y a un grand nombre de commerces qui ne respectent aucunement cette loi destinée à nous protéger. Un lieu tel qu'un dépanneur ne devrait pas être complice de la détérioration de la santé des jeunes qui méconnaissent souvent les dangers reliés à la cigarette.» D'autres jeunes nous ont également écrit pour nous faire part de leurs commentaires. Une jeune de 14 ans de Montréal, Florence, nous dit: «Moi, je fume parce que j'ai commencé à fumer et que maintenant je ne suis plus capable d'arrêter. On a entendu ça souvent et on l'entend encore régulièrement.» «Je trouve que la cigarette pollue et je trouve ça terrible que des jeunes de neuf ou 10 ans commencent à fumer», nous dit Karine, 13 ans, de la région de Dolbeau. «Fumer, c'est se tuer», nous dit Stéphane Blackburn, 13 ans. Et on pourrait ajouter: Ne pas réduire l'accès au tabac chez les jeunes, c'est accepter de les regarder mourir. Une autre, Isabelle, 17 ans, nous dit: «J'aimerais arrêter de fumer, mais j'en suis incapable.» Alors, on retrouve là-dedans un portrait de certains des adolescents, mais il faudrait le multiplier par 100 000 et plus pour vraiment avoir une idée réelle de la situation du tabagisme chez les jeunes au Québec.

D'autre part, notre expérience auprès du milieu de travail nous démontre sans équivoque un appui majoritaire des entreprises québécoises au projet de loi qui est présenté. Au cours des deux dernières années, nous avons eu l'occasion d'intervenir auprès de ce milieu par une action appelée «opération espace sans fumée». Cette démarche visait à offrir aux entreprises de 40 employés et plus un soutien dans leurs activités visant à se doter d'espaces sans fumée. La réponse à cette invitation a été excellente. En effet, sans aucune obligation légale, pas moins de 165 entreprises, qui totalisent 78 000 employés, ont participé activement à cette démarche, ce qui a permis de faire bénéficier d'un environnement plus sain à autant de travailleurs.

Parmi ces entreprises, une se démarque particulièrement par l'ampleur de son action. En effet, la corporation Cadillac Fairview, qui gère plusieurs centres commerciaux parmi les plus importants au Québec a décidé de convertir en lieux entièrement sans fumée cinq des plus grands centres commerciaux de la région de Montréal. Il faut savoir que Cadillac Fairview, c'est, dans les cinq centres concernés... On parle de 1 000 commerces qui sont touchés, 10 000 employés et 6 000 000 de consommateurs qui les fréquentent chaque mois. Donc, on parle de gens, quand même, en grande quantité, d'un grand nombre de personnes qui sont touchées par ces mesures-là. Le bilan de l'opération pour Cadillac Fairview: les félicitations de leurs consommateurs affluent. L'interdiction est totalement respectée, et le chiffre d'affaires des commerçants est à la hausse comparativement à l'an dernier. Bilan plutôt positif. D'ailleurs, les dirigeants de Cadillac Fairview auraient aimé pouvoir vous présenter eux-mêmes le fruit de leur travail, mais des contraintes d'horaires les ont empêchés d'être présents. Ils déposeront tout de même à la commission un mémoire en appui au projet de loi au cours des prochains jours.

Alors, l'expérience d'entreprises comme Cadillac Fairview... Bombardier, SNC-Lavalin et la Société des traversiers du Québec se sont donc ajoutées aux Alcan, Pratt & Whitney, Hydro-Québec, qui sont devenues sans fumée depuis déjà quelques années. Mais il ne faudrait se mettre à penser qu'il n'est nul besoin d'adopter une loi qui réglementerait l'usage du tabac sous prétexte que des entreprises le font déjà d'elles-mêmes, car, pour une corporation, Cadillac Fairview qui prend les devants, il existe 20 entreprises qui reconnaissent le problème de la fumée secondaire pour la santé de leurs employés et de leurs clients mais qui attendent que le gouvernement règle la question par une loi. C'est ce que nous ont dit plusieurs entreprises que nous avons contactées, qui nous ont répété à maintes reprises que cela faciliterait grandement leur tâche si le gouvernement légiférait sur la question. À cet effet, il y a un sondage CROP, réalisé en novembre dernier, qui démontrait que 86 % des Québécois seraient d'accord pour une interdiction de fumer au travail, si le gouvernement le faisait par législation; 86 % de la population appuie la démarche du gouvernement. De plus, une fonctionnaire du gouvernement chargée de répondre aux demandes de renseignements et aux plaintes sur la loi actuelle nous mentionnait la semaine dernière que 60 % des demandes actuellement reçues proviennent d'entreprises privées qui lui demandent ce qu'elles peuvent faire. C'est là un signe évident que le problème de la fumée secondaire en milieu de travail existe et qu'une solution est attendue.

En terminant, voici les amendements que nous vous proposons pour bonifier le présent projet de loi que nous trouvons satisfaisant et que nous appuyons d'emblée.

Premièrement, nous aimerions qu'une date soit établie, une date limite et finale pour l'entrée en vigueur de la loi. C'est assez rare qu'un projet de loi ne prévoie pas de date dans son libellé. Il s'agirait tout simplement de modifier l'article 79 en ajoutant la mention «au plus tard six mois après l'adoption de la loi par l'Assemblée nationale».

Deuxième amendement suggéré: maintenir le pouvoir de règlement des municipalités. La loi actuellement en vigueur, la Loi sur la protection des non-fumeurs, accorde aux municipalités un pouvoir de légiférer qui va au-delà du gouvernement. Ne pas l'inclure dans la future loi serait d'enlever un privilège qui est déjà utilisé par plusieurs municipalités.

Troisième amendement: enlever l'article qui semble permettre au gouvernement de renverser toute disposition interdisant de fumer dans la nouvelle législation. Il s'agirait de supprimer la phrase, à l'article 12: «Le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, conditions et circonstances où il est permis de fumer dans les lieux où il est interdit de le faire en vertu de l'article 2.»

Quatrième amendement: étendre l'interdiction de fumer aux autres lieux fréquentés par les jeunes. On a parlé de l'importance des jeunes. On a dit jusqu'à quel point la loi les visait. Il est surprenant de constater qu'il reste plusieurs aires comme, entre autres, les centres commerciaux, où les jeunes se retrouvent en grand nombre, où on permettra toujours la possibilité d'avoir des aires ouvertes où les gens peuvent fumer. Alors, ce qu'on suggérerait plutôt, c'est de modifier l'article 4 en supprimant les lignes 1, 2 et 3, et en amendant le ligne 5 pour exclure les établissements récréatifs.

Cinquième amendement: permettre l'octroi de commandites santé aux organismes qui ont jusqu'ici refusé la commandite du tabac. Alors, on connaît des organismes comme, entre autres, le Cirque du Soleil qui a toujours refusé l'argent des compagnies de tabac, et on croit qu'on devrait prévoir, en fait, une mention que le gouvernement peut également accorder une subvention à d'autres événements sportifs ou culturels dans le cadre d'un programme gouvernemental de réduction du tabagisme. Ça pourrait tout simplement être ajouté à l'article 74.

Sixièmement: réduire la période de transition pour installer des cloisons dans les restaurants. Nous pensons que cinq ans serait suffisant; 10 ans nous apparaît un peu long. C'est un peu ce qu'on entend également dans les lignes ouvertes, de l'avis d'une partie de la population.

Septièmement: établir un plafond pour les dépenses de l'industrie du tabac en matière de commandites pendant la période de transition. Cette mesure-là viserait à éviter que les compagnies de tabac se mettent tout à coup à accroître la dépendance qu'ont certains événements culturels ou sportifs envers elles.

Finalement, huitième modification suggérée: instaurer une procédure de suivi pour les plaintes, qui nous apparaît très importante aussi dans le cadre de la gestion d'une loi comme celle-là.

Alors, en incluant les amendements recommandés, nous appuyons intégralement l'ensemble de la loi proposée et réclamons son adoption dans les plus brefs délais possibles, c'est-à-dire avant l'été.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je veux d'abord vous remercier beaucoup pour votre présentation et les propositions que vous nous faites qui sont précises, bien ciblées. On va sûrement les considérer avec attention.

Moi, la question qui m'est inspirée, surtout quand vous faites vos commentaires dans la première partie de votre présentation, Dr Boulanger... Vous parlez à juste titre de l'importance d'avoir une loi mais de l'appliquer et de s'assurer de bien l'appliquer, sans que ça soit une loi qui reste sur les tablettes. Avec l'expérience que vous avez, les échanges avec vos membres – il y a plusieurs associations qui font partie de la coalition, qui rejoignent différents groupes dans la société – à quelle résistance, vous pensez, on peut s'attendre dans l'application de la loi? On sent qu'il y a un appui très important à cette législation-là, mais pour être sûrs d'en faire une bonne application... Est-ce qu'on peut s'attendre à certains types de résistance, de faux-fuyants de la part... Je pense toujours surtout aux jeunes quand je dis ça, pas exclusivement mais vu que c'est eux qu'on veut d'abord protéger. S'ils avaient de ces résistances-là sur lesquelles vous pouvez nous prévenir, avez-vous aussi des idées comment on peut les contourner ou les vaincre, ces mêmes résistances?

M. Boulanger (Marcel): Je pense que le gros de la résistance ne viendra pas des jeunes. Sauf peut-être des groupes télécommandés qui vont peut-être manifester, ça m'étonnerait beaucoup que la résistance vienne des jeunes. D'autre part, la très grande majorité de la population est en faveur de cette loi-là. Tous les sondages l'ont révélé. La très grande majorité de la population est en faveur, de sorte que les résistances vont sûrement venir des groupes d'intérêt qui sont plus directement visés.

Lorsqu'on fait du travail dans les écoles, on n'est jamais reçus agressivement par les étudiants, qu'ils soient fumeurs ou non, jamais. On est toujours bienvenus dans nos activités. Je ne penserais pas que du côté des jeunes on ait de l'obstruction systématique. Ça m'étonnerait beaucoup.

(16 heures)

M. Rochon: O.K. J'aurais peut-être une autre question plus spécifique sur votre dernière suggestion, à savoir celle d'instaurer un mécanisme ou une procédure pour suivre les plaintes. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus? Vous pensez à quoi comme types de plaintes? Et quel genre de traitement on pourrait y faire?

M. Bujold (Mario): Bon. On sait jusqu'à quel point l'application d'une loi comme celle-là est importante si on veut qu'elle soit efficace. Puis, étant donné que ça touche à un grand nombre de milieux, on sait jusqu'à quel point ça peut être difficile de contrôler. On a beau avoir un certain nombre d'inspecteurs, il n'en reste pas moins qu'il y a une foule de milieux qui sont touchés – on parle de dizaines de milliers de milieux qui seraient touchés par cette loi-là – et, pour permettre à la population d'avoir un recours qui n'est pas nécessairement la visite de l'inspecteur qui passe par là cette semaine-là, je pense qu'il serait intéressant et important d'avoir des mesures qui permettraient qu'il y ait un endroit, un numéro de téléphone où les gens peuvent appeler pour dire: Bien, dans mon milieu, la loi n'est pas respectée, et j'aimerais qu'elle le soit, qu'est-ce que je peux faire? Ces plaintes-là sont déjà reçues actuellement par plusieurs organismes. Nous, on en reçoit, je sais que les directions de santé publique en reçoivent également, plusieurs organismes en reçoivent avec la présente loi, et, souvent, même pour nous, ce n'est pas évident de dire qui va pouvoir résoudre le problème.

Alors, je vous donne un exemple de plainte qu'on a déjà reçue, nous. Quelqu'un nous appelle, dans sa maison-appartements, dans son immeuble-appartements, il y a des gens qui fument, et ça dérange cette personne-là qui souffre d'asthme. Alors, la personne nous appelle en nous disant: Qu'est-ce que je peux faire? Et, actuellement, malheureusement, la réponse qu'on peut lui dire, c'est: Pas grand-chose. Vous pouvez vous adresser à vos voisins, vous pouvez essayer de les convaincre de ne pas fumer, il n'existe pas de réglementation qui s'applique à votre milieu qui pourrait faire en sorte que vous n'auriez pas ce problème de santé là. Alors, c'est un exemple de cas. Mais il faudrait, je pense, avoir un mécanisme avec un organisme bien identifié qui pourrait sûrement être le ministère de la Santé qui aurait le mandat de gérer ces plaintes-là.

M. Rochon: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Une autre question?

M. Rochon: Oui, peut-être une troisième... Votre deuxième recommandation. À la page 8 de votre mémoire, quand vous nous parlez des municipalités, là, il y a un point, je pense que ce que vous nous soulignez, c'est que la loi actuelle qu'on a, qui est plutôt persuasive et pas très... Certains nous ont dit pas très vigoureuse, mais, quand même, donnait une liberté aux municipalités, et, d'ailleurs, un bon nombre de municipalités au Québec ont déjà agi dans ce sens-là.

M. Bujold (Mario): Effectivement.

M. Rochon: Ça, avez-vous eu des témoignages, des contacts de municipalités qui se sont inquiétées de perdre un peu de marge de manoeuvre de ce côté-là?

M. Bujold (Mario): Pas récemment, sauf qu'on pourrait se retrouver dans la situation suivante. Il y a des municipalités, entre autres Westmount, Montréal aussi qui s'est servi de cette clause-là, et d'autres à travers le Québec qui ont donc établi des lieux sans fumée qui n'étaient pas prévus par la loi, mais pour lesquels la municipalité pouvait utiliser son pouvoir pour faire appliquer cette réglementation-là, et on pourrait donc se retrouver dans la situation où des lieux où c'est actuellement interdit de fumer, au moment de l'adoption de la loi, deviendraient des lieux où c'est permis de le faire, ce qui serait un peu un recul dans une situation comme on vit actuellement.

On sait très bien que la situation n'est pas idéale actuellement, mais, pendant 10 ans, depuis l'adoption de la loi actuelle, il y a eu une grande progression, et différents milieux, dont les municipalités, se sont approprié cette loi-là, puis entre autres aussi les hôpitaux, évidemment tout le service de santé. Les services de santé se sont approprié davantage cette loi-là et l'ont finalement intégrée à leur fonctionnement pour faire en sorte que ça devienne une réalité. Alors, c'est dans cette mesure-là où je pense qu'on ne devrait pas enlever ce privilège-là qui est déjà accordé aux municipalités, et ça devrait être tout simplement ajouté. Je pense que c'est peut-être plus de l'ordre d'un oubli qui a été fait au moment de la rédaction du projet de loi parce que cette clause-là était déjà présente dans la loi actuelle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vous fais déjà remarquer que des courtes questions amènent souvent des courtes réponses, et ça va permettre à beaucoup plus d'échanges. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Et à mon tour de vous remercier, de vous saluer, Dr Boulanger, M. Bujold. Je pense que le mémoire que vous nous présentez est très clair, très pertinent.

Ma première question s'adresserait surtout en termes d'impact auprès des jeunes. Dans le projet de loi, on sait qu'on veut restreindre l'accès du tabac aux mineurs en interdisant, un, qu'il leur soit vendu du tabac; deux, en obligeant que la vente du tabac dans un commerce se fasse avec l'aide d'un préposé; trois, en interdisant l'installation d'appareils distributeurs; et, enfin, en interdisant la vente de paquets contenant moins de 20 cigarettes. Ma question est la suivante: Est-ce que, avec ces articles-là, qui couvrent l'interdiction, l'accès du tabac aux jeunes, les jeunes vont vraiment arrêter de fumer?

M. Boulanger (Marcel): Bien, en rendant le produit plus difficile d'accès, déjà, au départ, on va certainement diminuer le tabagisme, on le croit. Ça ne l'éliminera pas complètement, forcément, parce qu'il y aura toujours des jeunes assez futés qui vont être capables de contourner ça. Ils vont envoyer leur grand frère ou même leurs parents. Ça, évidemment, c'est inévitable, mais, au moins, c'est vraiment une démarche qui est, au départ, très logique en vue de cet objectif-là, et on sait que ça a fonctionné ailleurs, on n'a pas inventé ça. Les machines distributrices, un peu partout, sont maintenant interdites, pas rien qu'ici, un peu dans tous les coins qui se préoccupent un peu de la question.

C'est sûr que juste ça, ça ne serait pas suffisant, il faut d'autres choses. Il faudra sans doute rendre aussi le paquet de cigarettes inaccessible au porte-monnaie du jeune. Lorsque les jeunes auront à hésiter entre acheter un paquet de cigarettes ou le dernier CD qui vient de sortir de leur groupe favori, bon, là, ils vont porter leur choix sur des valeurs qui leur apparaîtront plus grandes que celle que de devenir dépendant au tabac. C'est important de le noter, nous nous engageons dans un processus, mais il faudra aller plus loin, donc toute cette notion-là de rendre le produit plus inaccessible, donc physiquement, plus inaccessible monétairement et aussi, plus, je dirais, impensable par l'éducation. Et cette loi a un rôle d'éducation aussi. Les jeunes vont devenir conscients que, effectivement, voilà, on a un gouvernement responsable qui prend des mesures responsables devant une épidémie. À ce moment-là, c'est une autre forme d'inaccessibilité. Ni plus, ni moins, le jeune, on espère, avec les contrôles que la loi va faire sur la publicité, va cesser de voir dans le tabac une sorte d'exultation de sa jeunesse.

Alors, il y a trois niveaux d'inaccessibilité, là: physiquement, pour mettre la main sur le paquet; deuxièmement, pour le payer; troisièmement, il faut arrêter qu'on le lui représente comme étant quelque chose d'absolument extraordinaire. La moitié des adolescents qui fument aujourd'hui nous disent qu'ils sont incapables d'arrêter, qu'ils ont déjà essayé d'arrêter, et, d'après les calculs qui se font, ce qu'on nous dit, c'est que, dans 20 ans, la moitié d'entre eux seront encore des fumeurs, alors que 95 % prétendent qu'ils vont arrêter demain ou après demain, quand ils voudront. Alors, attention! Ce qui m'amène peut-être à faire la remarque suivante: C'est que, quand on parle de l'impact, on a l'impression que cette loi va arrêter puis que, demain, il n'y aura plus un seul fumeur au Québec. Mon oeil! Il va y avoir encore des fumeurs, et l'industrie devra fournir du tabac à encore deux générations de Québécois. Alors, ce n'est pas la catastrophe appréhendée et la faillite, demain, de l'industrie du tabac. Si, même aujourd'hui, il n'entrait pas un seul nouveau fumeur sur le marché des consommateurs, on en a encore pour deux générations à avoir ça dans les jambes. Alors, attention, il ne faut pas dramatiser ce qui peut arriver au point de vue de l'impact.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Encore une fois, je fais juste vous souligner que, plus les réponses sont longues, plus vous coupez la période de questions, et, moi, j'ai beaucoup, beaucoup de députés qui veulent intervenir, et ça va être comme ça pour quatre jours. Alors, je vais me permettre de revenir souvent. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Alors, je vais terminer rapidement. Deux petites questions. D'abord, je voudrais savoir si ce sont surtout les jeunes filles ou les jeunes hommes qui fument davantage. Et aussi, vous faites référence, dans les amendements que vous suggérez, d'abolir, pour les jeunes, les aires communes, les lieux où sont offerts les jeux de hasard, les salles de quilles. Mais, pour les adultes, il y a un autre article qui dit qu'on peut continuer de fumer, par exemple, dans les casinos, dans les bingos, et vous ne faites pas référence à cet article-là. Pourquoi?

M. Bujold (Mario): La réponse à la première question, elle va être courte, c'est les filles. Les filles fument davantage que les garçons, malheureusement.

M. Marsan: Dans quelle proportion?

M. Bujold (Mario): Bien, en fait, on disait tantôt 43 % des jeunes filles versus 30 % chez les garçons, ce qui nous donne une moyenne de 38 % de jeunes qui fument, entre 12 et 17 ans, actuellement. Pour répondre à votre autre question, effectivement, on l'a regardé surtout du point de vue des jeunes. Non pas que les adultes ne sont pas importants puis que les poumons des adultes valent moins cher que les poumons des jeunes, ce n'est pas ça, mais, peut-être à cause de notre intervention puis de notre expérience auprès des jeunes, on a peut-être davantage un souci d'intervenir auprès des jeunes, et c'est pour ça qu'on n'a pas parlé des casinos et qu'on n'a pas parlé des autres lieux de ce type-là qui sont fréquentés par les adultes.

M. Marsan: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

(16 h 10)

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus votre recommandation 8, c'est-à-dire la question de la procédure pour les plaintes. Vous dites: Il faudrait ajouter un article. Et vous aimeriez que, dans cet article, à la fois on mette sur pied un mécanisme pour surveiller l'application de la loi et aussi qu'on puisse créer un service qui reçoive les plaintes. J'aimerais donc, puisque c'est quelque chose qui est nouveau et qui n'est pas dans le projet de loi à ce moment-ci, que vous me disiez pourquoi c'est si important et que vous m'habilliez un peu votre position.

M. Bujold (Mario): Disons que l'expérience que j'ai eue avec la loi sur la protection des non-fumeurs... J'étais là au moment où elle a été déposée et je me souviens... En fait, j'ai vu le processus puis la progression de cette loi-là. J'ai constaté que, évidemment, étant donné que c'est une loi plutôt de nature à contrôler ou même à forcer les gens à se conformer à un comportement, ce n'est pas quelque chose qui fait nécessairement l'unanimité, et ils ne sont pas si nombreux, les gens qui sont prêts à dire: Oui, oui, je vais aller m'assurer qu'elle est bien respectée et qu'il n'y a pas de problème au niveau de son application. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il serait utile d'identifier un organisme – et, nous, on suggérerait le ministère de la Santé – qui ait la responsabilité de voir à son application, mais qui intègre dans cette démarche-là tout simplement une mesure de gestion des plaintes. Je ne sais pas si c'est assez clair, là.

Mme Malavoy: Je veux simplement préciser. Donc, un endroit qui soit accessible en tout temps et où on puisse faire appel ou même demander un éclairage sur une décision à prendre?

M. Bujold (Mario): Oui, exactement. Concrètement, ça pourrait tout simplement être qu'il y ait un numéro sans frais qui soit disponible à travers le Québec pour les gens qui ont besoin soit d'information sur cette loi-là pour savoir: Bon, effectivement, est-ce que ça s'applique dans mon restaurant, à partir de telle date, et quoi? Ou soit pour des individus qui disent: Bien, moi, dans mon milieu, la loi n'est pas respectée, et je souffre de ça, qu'est-ce que je peux faire?

Alors, je pense que c'est un mécanisme qui est normal. Il faut juste peut-être le prévoir pour s'assurer que ça se fasse. Une fois que c'est écrit, c'est peut-être davantage engageant que si ce n'est pas écrit. C'est tout simplement ça. Je ne doute pas de la volonté du gouvernement de faire appliquer cette loi-là, je pense qu'elle est très claire, mais le fait de le préciser, de le mettre dans la loi, à ce moment-là, c'est aussi clair pour tout le monde.

Mme Malavoy: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Dr Boulanger, M. Bujold, merci pour le mémoire et pour l'éloquence aussi, quasiment de la poésie. J'ai bien aimé l'analogie que vous avez faite, notamment avec le port obligatoire de la ceinture de sécurité et puis l'alcool au volant, c'est très frappant. Il se trouve que je suis aussi mère de jeunes filles de l'âge dont on a parlé, 12-15 ans, c'est-à-dire l'âge de l'accoutumance. Donc, je fréquente les écoles et je reçois chez moi des jeunes à la maison et je vois ce phénomène de cigarette chez les jeunes filles, et, effectivement, c'est assez préoccupant.

Ceci étant dit, au-delà de la législation et de l'interdiction, il y a aussi un travail d'éducation et de sensibilisation qu'il faut faire auprès des jeunes. J'ai assisté à un événement qui a été organisé dans ma région, la Montérégie, rap jeunesse contre le tabac. Il y avait 600 jeunes réunis avec un conférencier – d'ailleurs, je pense qu'il est parmi nous derrière vous – et j'ai trouvé ça extrêmement intéressant d'avoir une activité rassembleuse, dynamique, amusante où les jeunes parlent aussi des dangers du tabac pour leur santé.

Mais, comme je passe aussi devant les écoles, je sais que, à l'intérieur de l'espace école, c'est interdit de fumer. Mais vous ne pouvez pas imaginer – je pense que vous l'avez constaté vous-même – le nombre de jeunes qui fument aux portes des écoles, dans les cours d'écoles. Donc, on n'a rien réglé, là, c'est juste une question de timing, quand est-ce qu'il faut fumer sa cigarette ou ses cigarettes dans la journée.

Est-ce que votre organisme fait de l'éducation dans les écoles? Et quelle importance accordez-vous au volet éducation, sensibilisation sur une base, je dirais, régulière auprès des jeunes, dans les écoles particulièrement?

M. Bujold (Mario): Je vais y aller. Je mentionnais tout à l'heure qu'on a fait, au cours des dernières années – des trois dernières années, en particulier – deux programmes qui s'adressent aux jeunes: un qui s'appelle «La gang allumée pour une vie sans fumée» et l'autre qui s'appelle «Réseau des jeunes libres de tabac». Ces deux actions ont rejoint directement à peu près 100 000 adolescents et adolescentes à travers la province dans plus de 250 écoles et maisons de jeunes. Il y en a 1 000 écoles secondaires au Québec, donc on a atteint le quart des écoles qui peuvent être atteintes.

Bien sûr, ce type d'intervention, qui fonctionne très bien d'ailleurs... On a vu au cours des trois années vraiment un intérêt accru d'année en année de la part à la fois des jeunes et à la fois des intervenants. On croit que ce n'est qu'un début. On a semé quelque chose, on a semé une graine qui est en train de pousser, qui est en train de se développer, qui est en train de prendre forme, et, évidemment, il faut multiplier ces actions-là, évidemment, il faut trouver des façons qui vont rejoindre les jeunes parce que le message n'est pas de dire au jeune que fumer n'est pas bon pour sa santé. Ce message-là auprès d'un adolescent, là, je m'excuse, mais ça ne vaut rien parce que l'adolescent est immortel ou à peu près, et, pour lui, ça n'a aucun sens. Ce n'est pas nécessaire de penser à ce qu'il aura l'air quand il aura 70 ans, la réalité, c'est maintenant et la réalité de maintenant, c'est l'expérimentation, puis la cigarette fait partie de ça. Alors, il faut trouver des façons, puis je pense qu'on y est arrivé assez bien avec nos programmes, qui vont rejoindre les jeunes.

Nous, la façon qu'on a trouvée, c'est qu'on a dit: Nous, les adultes, on est très mal placés pour parler aux jeunes des dangers du tabac pour la santé ou de ce qu'il faut faire et ne pas faire, qui sont les mieux placés? On a demandé ça aux jeunes. Les jeunes nous ont dit: Bien, des jeunes. C'est normal, leur réalité, c'est la réalité des jeunes. Quelqu'un de 15 ans a des amis, dans sa gang, qui ont 15 ans. Et c'est l'approche qu'on a utilisée. Alors, notre programme, c'est des jeunes qui parlent à d'autres jeunes et qui vont aborder la question de la prévention du tabagisme, de la réduction du tabagisme. Et l'approche qu'on a mise sur pied, c'est des fumeurs et des non- fumeurs qui travaillent ensemble, donc ce n'est pas l'un contre l'autre, c'est l'un avec l'autre. Et je pense qu'il est nécessaire de poursuivre, évidemment, une action comme celle-là et, comme je le dis, de l'élargir. Alors, dans quelle mesure... Là, je pense que ça répond un peu à votre question.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que j'aurais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, oui, allez-y.

Mme Houda-Pepin: Nous vous écoutons en ce moment, vous êtes quelqu'un qui défend le point de vue de la santé des jeunes, donc la restriction de l'accès à la cigarette pour les jeunes. On va entendre aussi les autres groupes qui sont de l'autre côté de la clôture. Un des arguments qui est amené souvent par l'industrie, c'est les emplois dans l'industrie du tabac et aussi les investissements, qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Bujold (Mario): Voulez-vous y aller?

M. Boulanger (Marcel): Bon, si on fait un rappel historique, un petit coup d'oeil en perspective historique, on s'aperçoit finalement que le tabac s'est usurpé une place dans nos sociétés à partir de l'ignorance qu'on avait de sa véritable nature. Depuis 75 ans qu'on fait de la recherche médicale, on est arrivé à des conclusions absolument incontournables sur la nature du tabac. Bon. Ça, c'est une chose. La nature du tabac, c'est un problème de santé publique, c'est un problème de toxicomanie pour un individu et c'est un problème environnemental pour un non-fumeur. Ces conclusions-là sont incontournables. Qu'est-ce qu'on fait maintenant avec cette connaissance-là? On a deux choix: on peut agir en connaissance de cause et logiquement ou alors on peut nier la vérité. Renier la vérité parce qu'elle est contraire à nos intérêts est un péché contre la lumière, madame, ne comptez pas sur le CQTS pour le faire.

Donc, on est en présence d'une erreur. C'est une erreur historique que d'avoir la légalité du tabac encore aujourd'hui avec ce que l'on connaît. Qu'est-ce qu'on fait avec? Bien, on fait, je pense, quelque chose qui est très raisonnable comme cette loi qui va... C'est sûr que de proscrire complètement le tabac causerait plus de problèmes qu'il n'en réglerait, de sorte qu'on prend une loi raisonnable, en fin de compte, qui va essayer de gérer ça à l'intérieur d'une société qui, elle-même, est généralement raisonnable. Vous savez, la répartition des individus dans notre société répond à la courbe de Gauss. Il y a des radicaux des deux côtés. Il y a ce que j'appelle, d'un côté, les VRSS, les gens qui ne veulent rien savoir, et rajoutez-y un juron qui commence par s; et, de l'autre côté, ceux qui ne veulent rien tolérer, les VRTT. Bon. Mais, au milieu, la très grande majorité de notre population est une population raisonnable qui va accepter la raisonnabilité de cette loi. Donc, ce qu'on a à faire, je pense, c'est la vieille finesse chinoise qui nous le dit: Quelle que soit la distance qu'on a parcourue dans la mauvaise direction, quand on s'en rend compte, on tourne de bord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Quand on passe un projet de loi, évidemment, c'est pour que ce soit efficace, c'est ce qu'on recherche, et je pense que, pour qu'une loi soit efficace, il faut deux conditions: il faut d'abord un consensus social sur la loi puis il faut, deuxièmement, des moyens efficaces pour régler le problème qu'on vise à régler.

(16 h 20)

Quant au consensus social sur l'ensemble de la loi, je pense qu'il est là, il est démontré par les chiffres, par tous les sondages, mais il peut arriver que des moyens particuliers soient considérés comme abusifs ou inefficaces. On voit que l'article 2 mentionne, par exemple, qu'on ne pourra pas fumer dans les écoles. On ne pourra pas, non plus, vendre de cigarettes aux mineurs, hein? Mais, actuellement, on sait que, même s'il est défendu de vendre de la drogue, il se vend beaucoup de drogue dans les cours d'écoles, alors, est-ce que, dans le contexte actuel, tel que ça se présente, on n'assistera pas à un marché beaucoup plus développé de vente de paquets de cigarettes aux portes des écoles, là où on fume, puisqu'on ne peut pas fumer dedans?

Deuxième question que je me pose, c'est une suggestion qu'on m'a faite, et je voudrais avoir votre évaluation de cette suggestion-là, c'est-à-dire de prohiber la vente de cigarettes en quantité moindre qu'en cartouches contenant moins de 200 cigarettes, cartouches scellées, alors ce qui rendrait plus visible le commerce de cigarettes et rendrait beaucoup plus difficile l'achat de cigarettes par les jeunes. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Boulanger (Marcel): Alors, écoutez, pour la question de vente de tabac sur les campus mêmes ou dans les cours d'écoles mêmes, ça m'étonnerait qu'on doive en venir à ça parce que, de toute façon, les jeunes sont assez futés et ils pourront toujours s'en trouver, ils n'auront pas besoin de les acheter des «pushers» à la porte de l'école, ça m'étonnerait. Bon.

La deuxième question, à savoir est-ce que, au lieu de forcer le fabricant à ne faire des présentations que de 25 cigarettes par paquet et ne jamais vendre un produit en bas de 25 cigarettes ou alors de le forcer à vendre 200 cigarettes à la fois... Bien, là, je laisse ça à l'appréciation, un peu, de mes délégués au gouvernement. C'est sûr que, à 200 cigarettes, ça rend encore le paquet plus inaccessible au porte-monnaie des jeunes. Je serais d'accord avec ça, moi.

M. Bujold (Mario): Je voudrais peut-être ajouter...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Bujold.

M. Bujold (Mario): Si vous me permettez, je voudrais peut-être ajouter un aspect qui concerne le premier volet de votre question, à savoir c'est sûr que les jeunes – puis on le voit très bien dans les sondages, on le voit très bien par leur comportement – sont influencés par l'accessibilité, la facilité d'acheter le produit – évidemment, s'il est disponible partout, c'est facile de s'en procurer – par le prix et également par la promotion qu'on en fait. Ça s'applique à toutes sortes de produits de consommation, mais, dans le cas de la cigarette et des jeunes, c'est particulièrement vrai. C'est sûr que, si on intervient sur ces aspects-là, le prix, on intervient sur l'accessibilité et qu'on intervient sur la promotion et qu'on combine à ça des actions de promotion de la santé, de prévention, d'éducation, on va faire un bon bout de chemin. C'est ce que je prétends.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Dion: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Boulanger. Bonjour, M. Bujold. À la page 3 de votre mémoire, vous exposez... Bon, le tabac, c'est un produit légal, hein, et j'aimerais, si vous me permettez, faire une comparaison. Vous dites que le tabagisme, chez les jeunes, a pris des proportions inquiétantes au cours des dernières années au Québec. Il m'apparaît – je suis mère de trois garçons, de trois adolescents – que, de la même façon, l'alcool ou la consommation de boissons alcooliques semble avoir pris des proportions inquiétantes au cours des dernières années. Est-ce que vous savez si les enfants boivent plus qu'ils ne fument ou fument plus qu'ils ne boivent? Vous êtes-vous déjà arrêtés à faire l'examen de cette préoccupation-là?

M. Bujold (Mario): Premièrement, les enfants fument plus qu'ils ne boivent, en tout cas selon les statistiques, officiellement, puis la difficulté qui se présente avec la cigarette ne se présente pas avec l'alcool. La cigarette, puisqu'elle contient de la nicotine, crée rapidement une dépendance chez les jeunes comme chez toute personne qui commence à consommer ce produit-là, et on le voit dans la progression de la consommation des jeunes. Les jeunes commencent à fumer quelques cigarettes par jour à l'âge d'à peu près 12 ans et, rapidement, dans une période de moins de deux ans, ils deviennent des consommateurs réguliers d'un paquet par jour. Ils sont dépendants et, déjà à partir de ce moment-là, ils disent: J'aimerais ça arrêter de fumer – ce que je vous donnais tantôt comme citation – j'ai essayé et j'en suis incapable.

Donc, on ne peut pas comparer la cigarette et l'alcool. C'est vraiment deux produits qui peuvent créer une dépendance, mais, dans le cas de la cigarette, la dépendance, elle est beaucoup plus efficace et beaucoup plus rapide que dans le cas de l'alcool. Et, c'est le même phénomène à travers la population, on a 30 % de la population qui fume, on n'a pas 30 % des gens qui sont alcooliques. Donc, on parle de deux choses très différentes.

Mme Lamquin-Éthier: Mais qui peuvent le devenir.

M. Boulanger (Marcel): D'ailleurs, on a toutes sortes de représentations statistiques, un peu, face à la consommation d'alcool. En fait, les consommateurs d'alcool, il y en a 15 % qui sont des alcooliques pour qui c'est un véritable problème dévastateur. Il y a un autre 5 % des buveurs qui sont à risque de le devenir. Les autres sont des buveurs sociaux ou des buveurs qui contrôlent très, très bien leur consommation et n'ont aucun problème.

Alors que c'est l'inverse avec le tabac. Pour peu que vous consommez, comme vient de dire Mario, de façon un peu régulière quand vous avez 9, 10, 12 ans – régulière, ça veut dire autour de cinq cigarettes par semaine, mais consommées de façon régulière – 85 % de ces consommateurs-là vont devenir des fumeurs réguliers. Alors, la nicotine accroche, c'est un accrocheur extrêmement rapide. Alors, il faut éviter ce glissement à dire: Bien, ce que vous faites là avec la nicotine, vous allez le faire ensuite avec l'alcool, ensuite avec le gras dans le beurre, etc. Ça, c'est un glissement sophistique, il ne faut pas se laisser prendre dans ce piège-là, mais c'est toujours ce qu'on entend. La nicotine, c'est une chose et c'est une chose qui a ses caractéristiques très spéciales. Et, quand on... Bon, je me suis encore emporté, M. le Président, je m'excuse, je vais arrêter là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ha, ha, ha! Non, il n'y a pas de problème. Mme la députée, est-ce que ça va?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, et j'aurais une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Lamquin-Éthier: Vous avez énoncé certains facteurs qui semblent influencer les jeunes à consommer. Vous avez parlé de l'accessibilité au produit, du prix, de la promotion. Est-ce qu'il y aurait d'autres facteurs que vous n'avez pas mentionnés? Et pouvez-vous me les donner par ordre d'importance? Par exemple, l'exemple d'un parent, est-ce que c'est déterminant? À quel point? La loi du groupe, l'appartenance à un groupe? Est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous n'auriez pas mentionnés?

M. Bujold (Mario): Écoutez, c'est très complexe, il y a plusieurs facteurs. De façon générale, pour vous résumer, là, c'est que l'environnement du jeune va faire en sorte qu'il va fumer ou qu'il ne fumera pas, l'environnement étant bien sûr la famille immédiate. S'il y a des fumeurs dans la famille, ça a une influence. Les amis, s'il y a des fumeurs, il y a une influence. Mais ça, on parle de contacts directs de personne à personne. Mais là, après ça, on s'élargit un peu avec d'autres aspects qui viennent aussi de l'environnement, mais plus extérieurs, comme le prix, comme l'accessibilité, comme la promotion. Puis c'est sûr qu'on ne règle pas le problème... Encore là, on n'arrivera pas à une consommation zéro de tabac chez les jeunes en réglementant la publicité, l'accessibilité et le prix, sauf qu'on vient de faire un bon bout de chemin. Après ça, le travail d'éducation qui peut se faire auprès des parents, qui peut se faire dans les écoles, qui peut se faire à d'autres niveaux qui vont toucher l'environnement du jeune, bien, là, ça va avoir aussi un effet, et, sur une période de 10 ans, 15 ans, 20 ans, bien, c'est là qu'on va pouvoir mesurer des résultats importants. Mais, actuellement, ce qu'on voit, c'est une progression dans le sens contraire. Il y a une augmentation, puis c'est un problème alarmant de santé publique. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? C'en est une solution, la loi, en prévoyant des mesures, comme je vous le mentionnais.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Oui, M. Boulanger.

M. Boulanger (Marcel): Dans cette veine-là, on a du travail à faire, et les psychologues, et autres, pour voir quels sont les messages qui passent vraiment auprès des jeunes. C'est sûr que la pression du groupe est un élément particulièrement important, mais il faut faire voir aux jeunes que, autant ils s'obstinent avec leurs parents pour avoir la liberté de faire des choix dans leur musique, dans leurs vêtements, dans les sports qu'ils vont pratiquer, etc., alors ils réclament le droit au choix personnel, ils arrivent dans le groupe et ils vont laisser le groupe prendre la décision pour eux sur un élément aussi important que ça. Quand on leur fait voir ça, ça les allume un peu quand même.

Maintenant, pour la question de l'exemple des parents, les adolescents étant ce qu'ils sont, on sait que l'adolescence est une maladie qui guérit toute seule, et le rôle des éducateurs, c'est de voir à ce qu'ils n'attrapent pas des maladies qui vont déborder l'adolescence. Moi, mon expérience, c'est qu'il y a des adolescents qui fument parce que leurs parents fument ou d'autres qui vont fumer parce que leurs parents ne fument pas, juste pour les baver. Alors, bien, voilà, c'est un petit peu... Mais, surtout la pression du groupe, il faut apprendre à l'enfant à développer des habilités à dire non et à s'affirmer lui-même et ne pas laisser le groupe prendre des décisions pour sa part.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Je vous remercie, M. le Président. Deux petites questions. La première, ça concerne le programme La gang allumée pour une vie sans fumée. Vous en parlez un petit peu tantôt, avez-vous des statistiques concernant la réussite du programme jusqu'à présent?

(16 h 30)

M. Bujold (Mario): C'est un programme, comme je vous le mentionnais tantôt, qui s'est fait sur une période de trois ans. Ça fait maintenant trois ans que ça existe. Je peux vous donner des statistiques en termes de participation, en termes de nombre de jeunes touchés, mais pas en termes d'impact sur la réduction du tabagisme chez les jeunes, tout simplement parce que l'évaluation qui a été faite n'est pas une évaluation d'impact. Et, pour faire une évaluation d'impact qui soit scientifiquement valable, il faut vraiment... En fait, il y a toute une procédure, et c'est assez coûteux et ce n'était pas possible de le faire à l'intérieur de la subvention qu'on a eue pour faire ce programme-là.

Mais, de façon générale, ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a eu une progression très intéressante. Je vous donne des chiffres très simples. La première année, il y a eu 65 écoles et maisons de jeunes qui ont participé au programme; la deuxième année, on en a eu 173, donc ça a plus que doublé; la troisième année, qui se termine avec la fin de l'année scolaire, on a 248 écoles et maisons de jeunes qui participent à ce programme-là et qui ont réalisé au moins un projet de réduction du tabagisme. Et globalement, tout ça, ça rejoint directement, vraiment de personne à personne, 100 000 jeunes et, indirectement, plusieurs autres centaines de milliers de jeunes.

Donc, en termes d'effet, c'est clair que ça a un effet. En termes d'impact, on ne veut pas prétendre qu'on a réduit le tabagisme de x pourcentage, là. Notre évaluation n'est pas dans ce sens-là. Mais chose heureuse, par contre, on constate que, dans les écoles où le programme s'est fait, on a des commentaires très positifs des personnes-ressources qui travaillent avec ces jeunes-là et qui disent: Moi, j'ai entendu, j'ai vu un jeune arrêter de fumer, j'ai vu une jeune qui avait l'intention de commencer et qui n'a pas commencé. On a ce genre de témoignage là. Ça, on en a reçu amplement. En termes de données statistiques, on ne s'avance pas sur cette question-là. Mais c'est clair que ça a un effet.

M. Désilets: Oui. Une petite question rapide, M. le Président, si vous me permettez, pour terminer. C'est votre recommandation 6. Quand vous dites d'extensionner, de diminuer de 10 ans à cinq ans, croyez-vous que c'est... Parce que ce qui me chicote un petit peu, c'est la cessation, l'aide qu'on peut accorder aux personnes ou les délais de tolérance qu'on peut accorder. En société, c'est beau de dire... Si, moi, je n'ai jamais fumé, qu'on me dise «tu n'as jamais le droit de fumer», ça ne me dérange pas bien, bien. Mais, si j'ai fumé toute ma vie puis qu'on me dise «tu as six mois, un an, deux ans pour te replacer», quand ça fait des années que j'essaie de me corriger puis que j'ai de la misère... Cinq ans? Moi, je ne suis pas fumeur, mais peut-être que ça peut être court, puis peut-être que dix ans, c'est trop long. Mais je vous laisse intervenir là-dessus, là.

M. Bujold (Mario): Oui. Bien, il faut bien voir que cet amendement-là touche les restaurants puis c'est pour diminuer la période de dix ans prévue pour cinq ans. On ne parle pas d'une interdiction complète et totale de fumer dans les restaurants. Comme c'est prévu dans le projet de loi, il y a la possibilité d'aménager des sections pour fumeurs avec ventilation indépendante. Donc, on dit: Dans une période de cinq ans, il est possible de se conformer à ça.

Moi, personnellement, ça fait plus de 14 ans que je travaille dans le domaine de la prévention et de la réduction du tabagisme. J'ai travaillé à maintes reprises avec des entreprises qui ont implanté des milieux sans fumée, parfois auprès de 10 000 travailleurs, parfois auprès de 5 000 travailleurs, et c'est toute une mécanique qu'il faut mettre en place.

Tout ça pour vous dire que je pense que c'est assez réaliste de penser que, à l'intérieur d'un délai de cinq ans, les restaurateurs peuvent se conformer aux différentes clauses qui sont prévues dans la loi et qui pourraient les toucher. Et je pense que c'est tout à fait logique aussi, d'autant plus que, encore là, dans la société, on a 70 % de gens qui ne fument pas; donc, 70 % des consommateurs d'un restaurateur sont des gens qui ne fument pas. Moi, si j'étais restaurateur, je dirais: Bien, je vais faire plaisir à la majorité de ma clientèle qui ne fume pas, avant tout. Alors, c'est un peu ça.

M. Désilets: Je ne pensais pas spécifiquement aux restaurateurs, mais plus aux clients, pour donner la chance... Parce que je vis en société et il y a eu de mauvaises habitudes d'acquises par la société. Est-ce qu'on lui demande de se conformer, dans les restaurants, en cinq ans ou en six, sept ou 10 ans? Il y a une vision d'avenir un peu plus longue sur 10 que si on me dit: Oups! Tu as cinq ans pour te conformer. C'était simplement dans ce sens-là. Ce n'est pas pour le restaurateur, mais plus vision client.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de La Pinière, une minute, question et réponse, est-ce que c'est possible?

Mme Houda-Pepin: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Si vous permettez un léger commentaire, vous avez dit que 90 % du problème du tabac est politique et 10 % est médical. Vous laissez sous-entendre qu'il y a un consensus dans la communauté médicale, qu'on sait que les 10 000 décès par année au Québec sont reliés au tabac et, donc, il y a un lien de cause à effet et il y a consensus là-dessus.

Ma petite question: Pourquoi les filles fument-elles plus que les garçons?

M. Boulanger (Marcel): Là-dessus, c'est rendu que les femmes maintenant fument plus que les garçons, filles et femmes plus âgées. Ma réponse là-dessus est celle que j'avais déjà entendue, peut-être un peu en facétie, au congrès international, à Paris, en 1994. On disait: Les femmes consolent les hommes et les cigarettes consolent les femmes.

Mme Houda-Pepin: Non, mais, réellement, est-ce que...

M. Boulanger (Marcel): Mais, réellement, il y a quand même du vrai là-dedans. Une des interprétations qu'on donne dans les milieux béhavioraux et psychologiques, c'est que les hommes, dans une situation, par exemple, difficile, vont facilement extérioriser leur stress ou les contraintes, ils vont se battre ouvertement, alors que, pour les femmes, elles vont plutôt «internaliser» ce problème-là, et alors, normalement, les femmes n'ont pas recours immédiatement à des gestes violents, ou alors elles vont plutôt intégrer, et ceci fait une charge émotive intérieure qu'elles ont besoin de libérer, qu'elles auraient besoin de libérer, et elles trouveraient – «trouveraient», je me prends des conditionnels – dans la cigarette, la nicotine le moyen de le faire.

Mme Houda-Pepin: Juste un court commentaire. J'aurais cru que ça serait peut-être quelque chose qui est lié à la publicité faite par les compagnies de tabac.

M. Boulanger (Marcel): Sûrement, il y a des éléments de la publicité là-dedans. Lorsque vous parlez des Virginia Slims, ce que vous insinuez là-dedans, c'est que vous allez rester mince si vous fumez. Ça, c'est très, très évident. Il y a aussi toute cette beauté, cette féminité absolument extraordinaire qui est...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Là-dessus, je vous remercie beaucoup. Nous avons déjà dépassé, nous sommes en retard. Je vous remercie au nom de la commission.

(16 h 40)

J'invite maintenant la représentante et les représentants de l'Association des restaurateurs du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant la représentante et les représentants de l'Association des restaurateurs du Québec. Mme Germain, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre mémoire, tout en vous souhaitant la bienvenue.


Association des restaurateurs du Québec (ARQ)

Mme Germain (Christiane): Merci, M. le Président. Merci, membres de la commission, de nous accueillir. Permettez-moi de vous présenter mes collègues: à mon extrême droite, M. Hans Brouillette, agent d'information à l'ARQ, l'Association des restaurateurs; M. Bernard Minguy, restaurant Papa Luigi, dans les Laurentides, et secrétaire-trésorier de l'Association des restaurateurs; M. François Meunier, directeur des communications à l'Association des restaurateurs du Québec.

Alors, bonjour, tout le monde. Nous souhaitons vous remercier de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de l'industrie de la restauration concernant le projet de loi n° 444, lequel restreindra de façon importante l'usage du tabac dans les endroits publics et, plus particulièrement, dans les restaurants.

Avant d'aborder le vif du sujet, nous croyons tout d'abord approprié de nous présenter brièvement. Fondée en 1938, l'Association des restaurateurs du Québec est le plus important organisme à regrouper les propriétaires de restaurant et les gestionnaires de service alimentaire au Québec. Organisme sans but lucratif, l'ARQ compte dans ses rangs 2 800 membres corporatifs exploitant plus de 4 500 établissements au Québec, et ce, de toutes les catégories, dans toutes les régions. Son mandat est, entre autres, de défendre les intérêts de l'industrie de la restauration, un secteur économique qui génère des recettes de 5 000 000 000 $ annuellement au Québec et qui procure de l'emploi à plus de 140 000 Québécoises et Québécois.

C'est donc à titre de porte-parole de cette importante industrie que nous vous présenterons notre réflexion en regard d'un renforcement législatif visant à contrer le tabagisme au Québec. Ce n'est pas d'hier que l'Association des restaurateurs du Québec s'intéresse à ce dossier, puisqu'il nous touche de très près, et c'est avec énormément d'intérêt que nous participons, depuis 1995, à l'ensemble du processus de consultation et de réflexion qui a précédé le projet de loi que nous commentons aujourd'hui.

À cet effet, l'ARQ tient à souligner sa grande satisfaction face au dialogue établi jusqu'à maintenant avec le ministre de la Santé, M. Rochon. Elle espère poursuivre dans cette voie afin que l'application de la nouvelle législation s'effectue sans heurt, particulièrement eu égard au contexte économique et réglementaire difficile dans lequel se trouve le secteur de la restauration.

Le Québec compte aujourd'hui 16 680 établissements de restauration qui emploient environ 140 000 travailleurs. En 1997, les recettes totales de l'industrie ont été de 5 000 000 000 $, pour des ventes moyennes de 300 000 $ par établissement.

Malgré un chiffre d'affaires impressionnant, la croissance des ventes de la restauration s'est avérée nulle en 1997, si l'on tient compte de l'inflation. Les ventes, qui ont connu une baisse importante en 1991, demeurent stagnantes année après année. Comme si la situation n'était pas assez difficile, le nombre d'établissements a, quant à lui, augmenté de 30 %, faisant du même coup chuter les ventes moyennes par restaurant de 18 %.

La récession économique de 1990 ne saurait justifier à elle seule le marasme qu'a vécu et que vit toujours notre secteur. La surmultiplication du nombre de restaurants et l'entrée en vigueur de la TPS ont eu un impact majeur sur notre industrie qui en souffre d'ailleurs toujours. Plus récemment, les entreprises de restauration ont dû composer avec des nouvelles contraintes importantes. On n'a qu'à penser à la nouvelle politique fiscale sur les pourboires entrée en vigueur il y a seulement cinq mois, à la loi 90 sur le développement de la formation de la main-d'oeuvre ainsi qu'aux restrictions extrêmement sévères en ce qui concerne l'entreposage et le service des boissons alcooliques dans les restaurants.

En conséquence, le Québec a enregistré 775 faillites de restaurants en 1997, faisant suite au record de 900 de l'année précédente. En plus de compter pour la moitié des faillites de restaurants au Canada, le Québec détient également le taux de rentabilité le plus bas. De 8,8 % qu'il était en 1992, ce dernier n'était plus qu'à 4,6 %, en 1994, et à 3,7 %, en 1996. Devant ce constat, on ne peut donc pas s'étonner qu'un projet de loi imposant d'importantes restrictions sur la consommation de tabac dans les restaurants soit, pour bien des propriétaires, la goutte qui fait déborder le vase et une source de grande inquiétude.

Depuis l'adoption de la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics par l'Assemblée nationale, en 1986, un certain nombre de municipalités québécoises se sont prévalues de leur droit d'imposer une réglementation antitabac dans les restaurants. Lorsque adoptés, ces règlements ont pris la forme d'une obligation pour les établissements de réserver un certain pourcentage de places assises aux non-fumeurs.

À ce jour, l'application des règlements municipaux s'est effectuée de façon harmonieuse dans les villes où un tel règlement existe. Même après plusieurs années, la plupart des municipalités disent n'avoir reçu que de très rares plaintes concernant le tabac dans les restaurants, et c'est le cas notamment des villes de Montréal et de Sainte-Foy avec lesquelles l'ARQ a collaboré à l'élaboration d'un règlement, il y a 10 ans, mais aussi de Brossard, Gatineau et Hull, pour ne nommer que celles-là.

En outre, un sondage réalisé ce printemps auprès de nos membres démontre que le nombre de restaurants offrant une section réservée aux non-fumeurs a considérablement augmenté depuis 10 ans, et ce, malgré le fait que la majorité des villes n'aient aucun règlement les y obligeant. En 1988, 21 % des établissements de restauration au Québec disposaient de sections non-fumeurs, alors que le chiffre atteint maintenant 56 %.

C'est aussi pourquoi l'ARQ croit encore aujourd'hui que les lois naturelles du marché demeurent préférables, sinon plus efficaces, à toute forme de législation imposée. Ailleurs en Amérique du Nord, d'autres villes et États ont récemment adopté des règlements antitabac dans les restaurants. Plus ces règlements se sont avérés sévères, plus l'application s'est faite dans la controverse et plus les conséquences ont été désastreuses quant au chiffre d'affaires des entreprises. C'est le cas notamment pour Toronto et Vancouver où non seulement l'interdiction de fumer a été totale, mais où l'entrée en vigueur de la législation est survenue seulement moins d'un an après son adoption. Dans chacun de ces cas, devant les effets sur les ventes et les difficultés d'application parfois insurmontables, les autorités ont dû se résoudre à faire marche arrière quelques mois seulement après l'entrée en vigueur de la nouvelle législation.

Si vous me permettez, compte tenu du délai, je vais passer la partie 3 et m'en aller tout de suite à la partie 4. Dans la partie 3, vous allez voir, il y a des précisions sur des éléments qui reviennent dans la partie 4.

(16 h 50)

Concernant l'usage du tabac dans les lieux publics, l'Association des restaurateurs du Québec a toujours réclamé un cadre réglementaire souple accordant d'importants délais de conformité. Cette démarche est motivée par les effets négatifs potentiels qu'une législation antitabac aurait dans les restaurants. Les coûts importants, les difficultés d'application ainsi que la diminution possible de la clientèle demeurent une préoccupation bien réelle.

Avec le projet de loi n° 444, l'ARQ est soulagée que, dans l'ensemble, son message ait été entendu, et c'est pourquoi elle s'est dite publiquement satisfaite de certains aspects du projet de loi. Cependant – partie 3 – il nous apparaît extrêmement important d'apporter certaines modifications au projet de loi. Pour cette raison, nous vous transmettons les recommandations qui suivent.

Le projet de loi n° 444 propose d'obliger les restaurants à aménager des sections fermées et ventilées afin de permettre aux clients de fumer dans l'établissement. Compte tenu de certains éléments, nous considérons la construction d'une telle section comme étant une contrainte majeure et une obligation extrême. Rappelons-nous que 68 % des restaurateurs se disent actuellement incapables d'aménager des sections fermées et ventilées, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons techniques.

C'est pourquoi nous proposons que soit retenue une alternative permettant d'atteindre les mêmes objectifs de santé publique sans pour autant présenter les mêmes contraintes. Selon nous, il serait tout à fait réaliste d'envisager l'élaboration d'une norme acceptable de qualité de l'air à l'intérieur des établissements de restauration afin d'assurer un environnement exempt de fumée pour toute la clientèle et rendant inutile l'aménagement de coûteuses sections fermées.

Par exemple, cette norme pourrait être basée sur la quantité de dioxyde de carbone présent dans l'air ambiant à l'intérieur des restaurants. Aux États-Unis, la Société américaine des ingénieurs en chauffage, en réfrigération et en climatisation recommande que la concentration de CO2 contenue dans l'air à l'intérieur des bâtiments n'excède pas 1 000 parties par million. À l'extérieur, cette concentration se situe environ entre 350 et 450 ppm.

Des inspecteurs pourraient se rendre dans les restaurants de façon périodique afin de vérifier l'efficacité et le bon fonctionnement des systèmes. L'exploitant aurait pour responsabilité de faire effectuer par une firme spécialisée et de façon périodique des analyses de l'air et en conserver les résultats.

Nous sommes à l'aube de l'an 2000 et la technologie permet aujourd'hui des choses qui pouvaient nous sembler impossibles il y a 10 ans à peine. Ne faisons pas l'erreur d'être aveuglés par certains moyens visant à atteindre un objectif au point d'en oublier l'objectif lui-même, lequel consiste à offrir un air exempt de toxines.

Cette option, déjà préconisée par l'Association des restaurateurs de l'Ontario et des autorités municipales de la ville de Toronto, fait actuellement l'objet d'une étude très poussée afin de trouver une alternative au controversé règlement antitabac dans cette ville.

Par conséquent, l'ARQ recommande qu'à défaut de respecter une norme précise de qualité de l'air – déterminée par le gouvernement – les restaurants devront alors aménager des sections fermées et ventilées s'ils veulent permettre aux clients de fumer.

En raison des coûts importants et de l'impact qu'auraient de telles mesures – respect des normes de qualité de l'air ou l'aménagement de sections fermées – sur les entreprises, nous croyons qu'il serait approprié d'envisager un appui financier à ces dernières.

L'ARQ recommande donc l'octroi d'une compensation financière sous forme de crédit d'impôt ou autres, afin de couvrir les dépenses relatives à l'aménagement d'une section fermée ou à l'installation d'un système répondant à des normes de qualité de l'air.

Tel que nous l'avons mentionné, l'aménagement éventuel d'une pièce fermée nécessitera l'obtention d'un permis d'alcool supplémentaire. Cette situation décriée depuis longtemps atteint son paroxysme avec la présente réglementation.

Nous recommandons dès lors que ces nouvelles pièces fermées ainsi créées soient exemptées de cette obligation et que la Loi sur les permis d'alcool soit modifiée en conséquence.

Le gouvernement déterminera par règlement les normes de construction et d'aménagement des endroits où il sera possible de fumer ainsi que celles concernant le système de ventilation. Il s'agit là d'une étape cruciale en ce qui concerne les modalités d'application de la future législation.

Par conséquent, nous souhaitons vivement être consultés lors de l'élaboration de ces règlements.

Parce qu'il est fréquent de retrouver dans les restaurants un pourcentage de fumeurs plus élevé que celui de la population, parce que le taux de fumeurs varie selon les établissements, parce qu'il faut laisser à l'industrie et aux consommateurs le temps de s'adapter graduellement, il est important pour l'ARQ que le pourcentage de l'espace disponible pour les fumeurs soit réduit de façon progressive. Pour cette raison, l'obligation de réserver dès l'entrée en vigueur de la loi au minimum 60 % de l'espace disponible aux non-fumeurs nous apparaît nettement exagérée.

Choisie par de nombreuses municipalités du Québec, l'approche graduelle a d'ailleurs permis une implantation en douceur de plusieurs règlements antitabac déjà existants.

L'ARQ recommande ainsi que les sections réservées aux non-fumeurs s'établissent dès le départ à un minimum de 25 % de l'espace disponible, pourcentage qui devra augmenter progressivement pour atteindre 60 % d'ici 5 ans.

En outre, afin d'éviter toute ambiguïté relativement à la définition d'«espace disponible», nous aimerions que la proportion de l'espace réservé aux non-fumeurs soit calculée en fonction du nombre de places disponibles et non de la superficie de l'établissement.

En vertu du projet de loi, tous les restaurants du Québec devront réserver 60 % de l'espace aux non-fumeurs. Concrètement, un restaurant de 5 tables – 20 places – devrait réserver au moins trois d'entre elles aux non-fumeurs. Dans ce cas-ci, il est clair qu'une telle obligation n'accorderait aucune flexibilité au restaurateur pour accommoder sa clientèle. Par conséquent, elle se traduirait par une perte de revenus qui prendrait ici des proportions importantes, en plus de poser des problèmes d'application évidents. À ce propos, nous croyons déraisonnable d'assujettir tous les restaurants peu importe leur dimension.

Par ailleurs, il nous apparaît aussi discutable le fait de vouloir assujettir les établissements de 35 à 50 places à l'obligation d'avoir des sections fermées et ventilées. La superficie de ce type de restaurants ne saurait permettre la possibilité d'ériger une cloison au beau milieu de la salle à manger.

Pour ces raisons, l'ARQ recommande de soustraire tous les établissements de moins de 50 places de l'application de la loi.

Tel que nous l'avons amplement exprimé, l'aménagement d'une section fermée et ventilée occasionnera pour les exploitants d'importantes contraintes non seulement financières, mais aussi en termes de réaménagement et de réorganisation du travail. De telles modifications sont trop lourdes pour être imposées rapidement.

C'est pourquoi nous jugerons irrecevable toute proposition visant à réduire le délai de conformité et recommandons expressément de maintenir celui-ci à 120 mois pour l'aménagement d'une section fermée et ventilée dans les restaurants ou éventuellement pour respecter les normes de qualité de l'air.

Compte tenu du fait que la nouvelle législation bouleversera de façon importante l'industrie de la restauration et qu'elle modifiera sans aucun doute le comportement des consommateurs, il nous apparaît essentiel d'accorder une période de transition entre l'entrée en vigueur de la loi et son application. Cette période de transition est aussi souhaitable afin d'informer adéquatement la population et les exploitants des dispositions que prescrira cette future loi.

Nous croyons qu'une politique de santé publique de cette nature et de cet envergure devra faire l'objet d'une campagne médiatique imposante. L'objectif de cette campagne serait non seulement de transmettre les détails des modalités d'application de la loi, mais également de présenter les bénéfices qu'aura celle-ci sur la qualité de vie de toute la population. En bref, nous devrons nous assurer que cette politique progressiste recevra un accueil positif.

Nous recommandons donc que les dispositions prévoyant l'obligation de réserver une certaine proportion de l'espace disponible aux non-fumeurs entrent en vigueur au minimum six mois après l'adoption de la loi, période au cours de laquelle une vaste campagne médiatique serait réalisée.

Compte tenu de la nature même du métier de restaurateur qui doit se surpasser pour satisfaire les besoins de sa clientèle, il est pour nous hors de question que l'on confère à ce dernier le rôle de policier du tabac et qu'il intervienne auprès de sa clientèle.

Nous recommandons à ce propos que la responsabilité des exploitants soit limitée à réserver et à identifier les espaces tel que le prescrira la loi. Nous recommandons aussi au gouvernement de faire preuve de discernement et de modération dans les vérifications entourant le respect de la loi.

(17 heures)

Afin de permettre une plus grande marge de manoeuvre quant à la gestion des places disponibles pour la clientèle, l'ARQ favorise l'utilisation facultative d'affichettes amovibles disposées sur les tables afin de délimiter adéquatement l'espace réservé aux non-fumeurs. Cette alternative a l'avantage de permettre aux exploitants de faire face à tout événement inattendu qui aurait pour conséquence de modifier l'aménagement de la salle à manger. En conséquence, nous recommandons que l'utilisation d'affichettes amovibles disposées sur les tables soient permises dans les restaurants afin de désigner les aires où il est interdit de fumer.

Nous souhaitons aussi que les réunions à caractère privé tenues dans une salle de réception soient exclues de l'application de la loi et que la capacité de cette salle ne soit pas comptabilisée afin de déterminer l'espace disponible.

L'ARQ tient à faire part de sa très grande préoccupation et de son inquiétude face aux dispositions limitant la commandite et la promotion des produits du tabac dans le cadre des grands événements touristiques et festivals au Québec. Les retombées économiques et touristiques de ces activités étant considérables pour notre industrie et pour l'ensemble de l'économie québécoise, il est essentiel d'en assurer la survie. Nous recommandons que soient prises toutes les mesures nécessaires afin de garantir la tenue des grands événements et festivals dans les années futures.

Afin d'éviter un chevauchement de juridiction et un déséquilibre entre les différentes régions et municipalités du Québec, nous croyons indispensable que la nouvelle loi provinciale sur le tabac rende caducs les règlements concernant le tabac dans les lieux publics actuellement en vigueur dans les différentes municipalités et nous recommandons expressément au gouvernement que la loi provinciale soit exclusive et que soit retiré aux municipalités le droit de réglementer en matière d'usage du tabac dans les lieux publics.

Finalement, nous recommandons au gouvernement que les restaurants situés à l'intérieur des casinos soient tenus de se conformer aux mêmes obligations que les autres établissements. Ces derniers temps, l'industrie de la restauration a fait l'objet d'une attention très particulière de la part du législateur. Évidemment, ces interventions ont rendu l'exploitation d'un restaurant au Québec de plus en plus difficile et, disons-le, de moins en moins rentable. La mise en place prochaine de nouvelles réglementations n'est certainement pas pour nous réjouir. C'est pourquoi nous estimons légitime de réclamer au gouvernement bon sens et souplesse dans l'application de la future loi antitabac québécoise. L'adoption d'une loi trop sévère, trop rigide, qui ne tiendra pas compte des problèmes d'application concrets sur le terrain porterait, selon nous, un coup fatal à une industrie où la survie est une bataille de tous les instants.

L'ARQ appuie les efforts du gouvernement visant à réduire le tabagisme dans la population et particulièrement chez les jeunes. Elle estime toutefois raisonnable et réaliste d'envisager des mesures réglementaires qui, tout en permettant d'atteindre cet objectif, ne nuiront pas de façon indue à la croissance et à la vitalité de nos entreprises. En conséquence, nous souhaitons vivement pouvoir poursuivre ces échanges et ce dialogue constructifs tenus dans un esprit de collaboration visant à mettre en place une réglementation applicable et acceptable, le tout en respect des attentes et des besoins de la population du Québec et de tous nos clients. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme Germain. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Alors, merci beaucoup, Mme Germain et ceux qui vous accompagnent. Et je veux aussi souligner de façon particulière la collaboration que vous avez assurée et, tout en protégeant les intérêts de vos membres de façon très correcte, ce souci que vous avez toujours manifesté de collaborer à la poursuite d'objectifs de santé publique. Votre attitude a été vraiment remarquable, et je peux vous assurer qu'on va maintenir, nous aussi, cette collaboration-là avec vous. Et je peux vous assurer à cet égard que, dans la mise en application de la loi, on va bien tenir compte de ce que vous nous recommandez et qu'on a vraiment à coeur, nous aussi, de faire ce qu'il faudra pour bien informer les gens et s'assurer qu'on ne prend personne par surprise et qu'on ne bouscule pas les gens dans une opération comme ça.

Autre commentaire, je voudrais vous rassurer sur un élément et bien s'assurer qu'on se comprend aussi à cet égard. À la page 21 de votre mémoire, vous semblez avoir compris que... Et je me rappelle que c'est une chose qui avait été discutée dans des rencontres avec vous pour bien apprécier les difficultés que vous pourriez rencontrer et s'assurer qu'on aurait quelque chose qui serait viable pour vous. Vous aviez souligné l'obligation, éventuellement, d'obtenir deux permis d'alcool en installant des endroits ventilés pour les gens qui souhaitent fumer. La façon dont on a rédigé le projet de loi – et, au besoin, on va revalider aussi de ce côté-là – on l'a fait en tenant compte de l'information qui nous avait été donnée que, si l'endroit qui est ventilé pour les fumeurs n'a pas une porte fermée, mais qu'il y a une arche seulement qui le sépare de la section non-fumeurs, à ce moment-là, on n'oblige pas un deuxième permis d'alcool. Alors, on va valider ça de notre côté parce qu'on cherchait aussi un moyen de s'assurer que ce n'est pas simplement parce qu'on crée ces deux espaces que ça oblige de façon un peu artificielle à obtenir un deuxième permis. Et ça, il faudra le revoir en faisant référence plus particulièrement à l'article 7 du projet de loi. On reverra ça, on va s'assurer de ça de part et d'autre. On était d'accord avec vous là-dessus que ce n'était pas l'objectif qu'on visait d'obliger de faire les frais d'un deuxième permis d'alcool.

J'aurais quelques questions maintenant où j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus ce que vous nous présentez, et peut-être que... J'ai trois questions essentiellement. Je vous les pose tout de suite, ça vous permettra plus d'organiser votre réponse. D'abord, la question du nombre de places. Je vais plutôt y aller dans la séquence des pages. Revenez à la page 19 de votre mémoire. Ce que vous proposez comme option alternative, c'est que les restaurants pourraient avoir un système de ventilation qui ferait que, dans tout le restaurant, on maintiendrait en fait un air... Si je comprends bien ce que vous dites là, c'est que tout le restaurant serait une section où, même si on fumait à certains endroits, on aurait la même pureté d'air que si les gens ne fumaient pas.

Mme Germain (Christiane): Exactement.

M. Rochon: Ça, est-ce que c'est quelque chose qui est techniquement possible, faisable? Et est-ce que ce n'est pas finalement... Vous êtes surs que ce n'est pas une solution plus coûteuse d'avoir ce système de ventilation si performant? Bon. Ça, c'est ma première question: Jusqu'à quel point ce que vous proposez là réfère à des choses qui existent déjà et ce que ça peut vouloir dire pratiquement. Page 19.

La deuxième question que je voudrais vous poser, c'est à la page 22. Vous demandez d'y aller très progressivement, sur cinq ans, pour avoir une section non-fumeurs de 25 % à 60 % des places ou de l'espace. Ce qui nous avait guidés à faire dès le début la répartition qui est proposée dans le projet de loi, 60-40, c'est en se guidant sur le fait qu'il y a les deux tiers de la population qui sont non-fumeurs. Et on disait un peu que, normalement, les gens qui vont au restaurant, ça devrait un peu refléter ce qui est la répartition des non-fumeurs dans la population et on a mis 60-40 pour avoir plutôt un tampon du côté plutôt sécuritaire à cet égard. Alors, il va peut-être falloir voir aussi pourquoi vous souhaitez y aller si progressivement, en partant quasiment à l'inverse dans les proportions de répartition des places par rapport à la proportion des fumeurs et des non-fumeurs dans la société.

Finalement, la question du nombre de places, le 50 par rapport au 35 places. Là-dessus, on s'est guidé sur des expériences ailleurs. C'est des situations qui existent ailleurs, entre autres New York, je pense, où la règle de jeu est qu'on fait la différence pour les restaurants à partir de 35 places. Quand vous dites 50 places, qu'est-ce que ça fait vraiment de significatif comme différence pour le propriétaire? Est-ce qu'il y a d'autres expériences ailleurs qu'on n'aurait pas vues où la règle générale serait plus de 50 places que de 35 places et que, par hasard, on est tombé sur celui qui avait le moins de nombre de places?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Germain.

(17 h 10)

Mme Germain (Christiane): Oui. Je vais y aller par ordre et j'inviterai peut-être mes collègues à ajouter s'il manque de l'information. Alors, concernant la première question, M. Rochon, effectivement, l'autre alternative que nous vous proposons n'est pas une alternative nécessairement... Elle est effectivement plus coûteuse en termes d'installation, mais, pour certains restaurants, en termes d'opération, par la suite, ça s'avérerait une solution beaucoup moins coûteuse, puisque, quand on parle de restauration, quand on parle d'aménagement, on parle aussi beaucoup de concepts de restaurant. Il y a des concepts de restaurant qui ne se prêtent pas du tout à des sections fermées. Et vous me permettrez de ne pas citer d'exemples ici, mais je pense qu'on en connaît tous où des murs érigés en plein milieu d'un restaurant brisent le concept du restaurant, et une partie du succès de cet établissement repose sur l'ambiance qui est créée. Alors, il est bien évident que ce propriétaire de restaurant choisirait la solution plus coûteuse comme déboursés à court terme, mais plus rentable à long terme. Alors...

M. Rochon: Et sous-question pour bien comprendre votre proposition: Votre suggestion serait que, dans une telle situation, il y aurait une répartition des places, sections fumeurs et non-fumeurs, mais il n'y aurait pas de cloison, c'est le système de ventilation général qui permettrait d'obtenir les mêmes objectifs?

Mme Germain (Christiane): C'est ça, qui ferait en sorte que la... Exactement. Alors, on pense que, de cette façon-là, on ne brise pas l'ambiance et l'atmosphère qu'il y a dans un restaurant, et c'est un élément extrêmement important du succès de certains de ces établissements-là.

Pour ce qui est de la gradation du pourcentage... Juste ajouter une petite chose au niveau des systèmes de ventilation, oui, ça existe et, oui, c'est très performant. On a d'ailleurs de la documentation là-dessus et on pourra...

M. Rochon: On peut aller voir ça au Québec ou il faut voyager très loin pour y aller?

Mme Germain (Christiane): Non, non. Ce n'est pas nécessaire d'aller très loin, je pourrai vous donner une adresse à Alma si vous voulez aller le voir.

M. Rochon: Ah bon!

Mme Germain (Christiane): Et c'est très performant, et on a de la documentation, si vous le souhaitez, à un moment donné qu'on pourra vous faire parvenir.

M. Rochon: Bien, ça, on peut en convenir tout de suite. On voudrait sûrement voir ce qu'il en est.

Mme Germain (Christiane): Deuxièmement, concernant le nombre, le pourcentage, il est bien clair qu'on parle de 33 % de la population qui sont fumeurs. Dans les restaurants, le pourcentage est plus élevé. Expliquez-moi pourquoi, je veux dire, on pourrait toujours faire des études, mais, c'est une réalité, dans les restaurants, il y a plus de 33 % des gens qui fument. Alors, pour s'assurer que... En fait, comme on l'exprime dans le mémoire qu'on a présenté, un des soucis que nous avons, c'est de faciliter l'application de la loi et s'assurer que les choses se passent bien et que le restaurateur, le client n'écopent pas. Alors, on se dit, en faisant une gradation, en y allant graduellement, comme ça s'est fait... Moi, je peux parler de Sainte-Foy parce que je l'ai vécu personnellement. Comme ça s'est fait à Sainte-Foy, on est parti de 20 % et nous sommes aujourd'hui à tout près de 50 %. Alors, ça s'est fait sans heurt, et c'est dans ce sens-là qu'on souhaiterait que la gradation se fasse de la même façon avec votre législation.

Pour ce qui est du 35 à 50 places, effectivement, je veux dire, votre question, elle est... On trouve que 35 places, c'est vraiment très petit. 35 places, ça peut être huit tables, tu sais, c'est vraiment très petit pour, à un moment donné, délimiter. 50 places, ce n'est pas tellement plus grand, mais, à un moment donné, il faut tracer une ligne. Alors, on l'a tracée à 50. Et on l'a tracée à 50 suite aux consultations qu'on a faites auprès de nos membres, O.K.? Ce n'est pas une décision qu'on a prise entre nous, c'est une décision qui a été faite suite aux consultations qu'on a faites auprès de nos membres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier pour votre présentation et d'accepter de venir nous faire part des différentes doléances de vos membres. Je voudrais peut-être poursuivre sur les articles ou les recommandations que vous nous avez faites concernant l'affichage que vous souhaitez. Si je comprends bien, vous souhaiteriez qu'on puisse mettre ça sur les tables et ne pas avoir les recommandations qui lient un restaurant aux aires fermées. Est-ce que c'est exact? Vous choisissez, vous dites: On ne veut pas les aires fermées. Par contre, nous autres, on va faire une nomenclature, on va déposer l'interdiction de fumer sur chacune des tables et on peut, comme ça, avoir une certaine flexibilité. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Germain (Christiane): Je ne pense pas. Je vais laisser M. Minguy...

M. Minguy (Bernard): C'est peut-être dans deux parties. Disons que ce qui est dans 10 ans, c'est dans 10 ans. Concrètement, aujourd'hui, si on doit déterminer physiquement quelle salle sera fumeurs et quelle salle ne le sera pas, avec les fluctuations qu'on a les samedis et les jours de semaines, ça nous empêche toute flexibilité. En ayant des affichettes sur les tables, ça nous permet de pouvoir jouer, toujours en respectant le pourcentage qui sera déterminé. Au moins, ça nous offre de la flexibilité. Si, la fin de semaine, on a 200 places de disponibles, ce sera le pourcentage. Si, la semaine, on en a 50 parce qu'il y a des sections qui sont fermées, bien, ça nous offre une possibilité de pouvoir jouer avec ça. Sinon, si c'est une salle fermée, que c'est celle-là qui est non-fumeurs, elle devra toujours être ouverte.

M. Marsan: D'accord. Je reprends aussi... Vous le mentionnez très bien au début de votre mémoire, les entreprises de restauration ont dû composer avec des nouvelles contraintes très importantes. Vous parlez de la nouvelle politique fiscale sur les pourboires qui est entrée en vigueur il y a seulement cinq mois, de la loi 90 sur le développement de la formation de la main-d'oeuvre – et vous êtes partie prenante, et on va chercher votre argent, là, je pense que c'est ça – ainsi que des restrictions extrêmement sévères en ce qui concerne l'entreposage et le service des boissons alcooliques dans les restaurants. En appliquant la loi telle qu'elle est actuellement, sans amendements, est-ce qu'il y a des restaurants qui vont être mis devant l'hypothèse d'être obligés de fermer ou de faire faillite à cause des coûts engendrés par la loi?

Mme Germain (Christiane): Écoutez, on parle de coûts importants qui sont reliés. On parle de 25 000 $ de moyenne de coûts pour l'aménagement des salles fermées et ventilées. Il est bien évident que c'est difficile pour moi de répondre par l'affirmative. Oui, ces gens-là ont à dépenser 25 000 $, peut-être que c'est la goutte qui va faire déborder le vase, et peut-être que, oui, ils vont être obligés de faire faillite, mais je ne prends pas sous ma responsabilité de dire, comme présidente d'une association: Si les gens ont à débourser 25 000 $, ils vont faire faillite. Je pense que ce serait outrepasser ce que j'ai à faire.

Mais je peux vous dire que, effectivement, d'ajouter encore... Et ce qui est important, c'est les coûts qui sont reliés, et c'est pour ça que je disais: C'est important d'y aller graduellement et c'est important de bien informer les gens pour ne pas faire en sorte que les gens s'empêchent d'aller au restaurant parce qu'ils ne sont pas capables. Et ça, ça ferait probablement plus mal. La perte de revenus à court terme dans les restaurants ferait probablement plus mal que l'aménagement qu'on aurait à faire sur les 10 prochaines années, par exemple, et c'est pour ça que l'application doit être faite en douceur, pour ne pas que les restaurateurs perdent des revenus, parce que, actuellement, tout ce qu'on va chercher, on en a besoin.

M. Marsan: Juste en terminant, c'est un commentaire, ce n'est pas une question: Moi, je reçois bien votre suggestion que les restaurants du casino fassent partie intégrante de la loi au même titre que l'ensemble des restaurants.

Mme Germain (Christiane): Merci.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. J'apprécie votre mémoire. J'aimerais vous ramener à la première page, sinon la page 3 de votre mémoire, où vous nous signifiez que vous avez, depuis de nombreuses années, participé à partir de la rédaction du projet de loi 84, la Loi sur la protection des non-fumeurs dans certains lieux publics... Vous avez collaboré aussi avec la municipalité de Sainte-Foy et avec d'autres municipalités pour toute la réglementation qui peut régir les lieux pour fumeurs et non-fumeurs. Et, à la page 28 de votre mémoire, vous recommandez au gouvernement que la loi provinciale, la loi du Québec, soit exclusive et que soit retiré aux municipalités le droit de réglementer en matière d'usage de tabac dans les lieux publics. J'aimerais avoir un peu plus d'explications parce que, au départ, vous nous dites que ce sont des expériences heureuses, que ça s'est bien passé et vous terminez en nous disant que vous voulez que la loi ne soit que d'ordre du gouvernement québécois et que vous ne voulez pas que les municipalités aient un pouvoir de législation. Par rapport à ça, j'aimerais vous entendre.

Mme Germain (Christiane): Bien, je vous dirais qu'on veut peut-être éviter les chevauchements. Effectivement, on a très bien travaillé, on a eu une très bonne collaboration avec, entre autres, la ville de Sainte-Foy, mais, s'il y avait une loi provinciale, nous pensons que c'est très important que la loi provinciale ait juridiction sur toutes les autres. Je veux dire, on ne voit pas l'utilité d'avoir deux lois antitabac à l'intérieur et d'une municipalité et d'un gouvernement provincial.

Mme Charest: Il n'y a pas d'autre motif qui sous-tend votre recommandation que celui-là.

Mme Germain (Christiane): Peut-être, François, ajouter...

M. Meunier (François): En fait, ce qu'on veut éviter c'est, par exemple, qu'il y ait des disparités dans les réglementations dans différentes régions au Québec, que, par exemple, à Montréal, un règlement x s'applique et que, à Québec, ce soit un différent. On préfère davantage l'option voulant que le gouvernement du Québec adopte une législation qui va couvrir l'ensemble des établissements, donc on évite à ce moment-là de la concurrence déloyale et on évite, par exemple, des chevauchements. Vous savez que, à Montréal, un établissement est sur une rue, et son voisin d'en face, parce qu'il est dans une municipalité différente, n'est pas soumis aux mêmes règles. Alors, c'est ce genre de choses là qu'on veut absolument éviter.

Mme Charest: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de La Pinière.

(17 h 20)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je vous remercie pour le mémoire et la présentation. À la page 9 de votre mémoire, vous avez signalé que, suite à un sondage qui a été réalisé auprès de vos membres, vous avez constaté une augmentation très sensible des sections réservées aux non-fumeurs qui se sont accrues pratiquement de 35 % en 10 ans, passant de 21 % à 56 %, de 1988 à 1997. Et puis vous dites que, selon vous... vous estimez que les lois naturelles du marché demeurent préférables à toute forme de législation imposée. Je présume que vous ne remettez pas en question le projet de loi n° 444, c'est une opinion que vous exprimez. Même si c'est une législation qui va imposer une réglementation, vous êtes d'accord avec ce projet de loi, n'est-ce pas?

Mme Germain (Christiane): Oui, nous sommes d'accord avec le projet de loi même si nous demeurons convaincus, après les résultats que vous voyez ici, que, finalement, les lois naturelles du marché font très bien leur travail aussi.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais probablement que le projet de loi va donner un incitatif de plus, que peut-être ces zones réservées aux non-fumeurs vont s'accroître plus rapidement.

Mme Germain (Christiane): Probablement, oui.

Mme Houda-Pepin: Et, à la page 19, vous soumettez l'idée qu'au lieu d'investir dans les aménagements des espaces pour les zones non-fumeurs... Vous suggérez plutôt l'élaboration d'une norme acceptable de qualité de l'air à l'intérieur des établissements et, plus loin, vous demandez peut-être un crédit d'impôt pour ce genre d'investissement. Qu'est-ce que ça représente comme coûts? On sait ce que ça coûte, l'aménagement de l'espace pour les zones fermées pour les non-fumeurs, qu'est-ce que ça représente comme coûts de se conformer à cette norme de qualité de l'air?

Mme Germain (Christiane): Écoutez, tout est relatif, ça dépend de l'espace qu'il y a à aménager, mais je voudrais juste vous mentionner une chose, c'est que la qualité de l'air dont on parle, c'est une alternative qu'on propose. Ce n'est pas un ou l'autre, c'est une option. On se comprend bien, là, c'est: Ou on donne la possibilité aux gens d'avoir une qualité de l'air avec des normes, des règles établies par le gouvernement, ou, s'ils ne peuvent y arriver, des sections fermées et ventilées. Les sections fermées et ventilées, je vous ai mentionné tout à l'heure le chiffre de 25 000 $ parce que, à l'intérieur de sondages que nous avons faits chez nos membres, c'est une moyenne qu'on est allé chercher. Maintenant, pour ce qui est de l'aménagement au niveau de la ventilation, on n'est pas allé chercher cette information-là auprès de nos membres, et il faut comprendre aussi que ces nouvelles techniques, comme je le mentionnais tout à l'heure, sont assez chères, mais nous n'avons pas l'information. Je ne peux pas vous dire actuellement combien ça coûterait, mais je sais que ça coûte plus cher que de faire un aménagement. Mais j'ai répondu à M. Rochon concernant les coûts qui sont reliés à ça tout à l'heure, à court terme, c'est plus cher, mais, à moyen ou long terme, ça peut être plus rentable pour l'entreprise qui choisit de le faire.

Mme Houda-Pepin: Mais, selon vous, vous connaissez l'industrie, vous connaissez vos membres... Est-ce que vous êtes d'avis que les restaurateurs seraient enclins à accepter cette proposition des normes de qualité de l'air? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être acceptable?

Mme Germain (Christiane): Ah! Bien oui. Mais là on n'a pas fait ça tout seul chacun chez nous, là, on a parlé à nos membres, on a parlé aux restaurateurs. On n'a pas parlé à tous les restaurateurs, mais le mémoire qu'on vous présente est à la suite d'une consultation que nous avons faite auprès de nos membres. C'est pour ça que c'est un choix qu'on veut donner au restaurateur. Ce n'est pas une obligation de respecter des normes de qualité de l'air, on lui donne le choix.

Mme Houda-Pepin: Vous avez suggéré plusieurs recommandations dans votre mémoire. S'il fallait que ce projet de loi soit adopté en tenant compte d'une ou deux recommandations dans votre mémoire, lesquelles vous considéreriez comme presque non négociables de votre point de vue, déterminantes comme recommandations?

Mme Germain (Christiane): Excusez, on va se consulter. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Très bien. Ça arrive, ça arrive.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez le droit. Ha, ha, ha!

Mme Germain (Christiane): Écoutez, je pense qu'il y a une chose qui est très importante, c'est que le délai de 10 ans demeure, O.K.? Ça, là...

Mme Houda-Pepin: Oui.

Mme Germain (Christiane): ...vous avez vu qu'on ne s'est pas consulté trop, trop longtemps là-dessus. Alors, ça, je pense que c'est très important, que le délai demeure. J'irais peut-être plus... Vous m'avez dit deux?

Mme Houda-Pepin: Oui.

Mme Germain (Christiane): On «peut-u» se rendre à trois?

Mme Houda-Pepin: Allez-y, allez-y. Donc, deux ou trois.

Mme Germain (Christiane): O.K. Dans un deuxième point, la gradation au niveau des sections non-fumeurs et, troisièmement, notre recommandation sur les normes de qualité de l'air et les sections fermées et ventilées.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Mme Germain (Christiane): Ce n'est pas trop long, hein? On n'a pas consulté trop longtemps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, ça va bien. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Houda-Pepin: C'est bien.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si vous aurez besoin d'une consultation pour ma première question. En fait, c'est quelque chose qui m'intrigue. Mais, ensuite, j'ai une autre question plus pointue.

Ce qui m'intrigue, c'est cette déclaration que vous faites, qui a l'air d'être une constatation, que les fumeurs consomment et les non-fumeurs moins, même si on dit que, quand on arrête de fumer, on a plus envie de manger. Mais, semble-t-il, pas chez vous, ça doit être ailleurs que chez vous. Mais vous en faites une constatation, et, moi, ça m'intrigue parce que je ne sais pas si c'est quelque chose qui est documenté ou qui est un fait, comme ça, que tout le monde constate, alors j'aimerais que vous me disiez ce que vous savez là-dessus.

Et j'aurais une autre question, un peu plus pointue, sur vos demandes concernant les salles de réception. Vous dites d'ailleurs à la page 28 «salles de réception». Et vous dites: Il y a des gens qui tiennent des réunions. J'aimerais que vous m'éclairiez sur ce que vous appelez «salles de réception ou de réunion». Moi, je sais que j'ai très souvent, par exemple, à tenir des petites réunions dans des restaurants, mais, souvent, c'est simplement une section du restaurant avec une porte fermée pour qu'on ne soit pas dérangé par les bruits environnants. Mais on est dans le restaurant, ce n'est pas vraiment une salle de réception en bonne et due forme. Est-ce que vous faites une distinction entre les différents types de salles de réunion ou de réception? Voilà mes questions.

M. Brouillette (Hans): Alors, si vous permettez, je pourrais peut-être répondre à la première question concernant le pourcentage que dépensent, donc, les fumeurs dans les restaurants. On estime... En fait, c'est selon une étude faite par CCG Consulting Group, qui est une firme qui avait été embauchée pour le faire par l'association ontarienne des restaurateurs dans la région de Toronto, et ils avaient estimé, donc, que, même si les fumeurs représentaient 30 % de la population de la région de Toronto, ces gens-là, en tant que fumeurs, dépensaient 42 % de l'argent des recettes qu'on générait dans l'industrie de la restauration. Alors, ça, c'est une étude qui date d'octobre 1996 et qui avait été faite pour le compte de l'association ontarienne des restaurateurs.

Mme Malavoy: C'est un constat, vous ne savez pas pourquoi. Vous pouvez me dire: C'est comme ça, mais vous ne savez pas vraiment pourquoi.

M. Brouillette (Hans): Écoutez, déjà, il y a eu plusieurs éléments. D'abord, le principal, c'est le fait que les fumeurs restent plus longtemps dans les restaurants. Donc, après chaque plat ou avant le dessert, ils prennent le café, ils vont prendre une cigarette, donc restent plus longtemps. Alors, ça, c'est l'élément, certainement, le plus important.

Mme Germain (Christiane): C'est définitivement celui qui joue le plus.

Mme Malavoy: La durée.

Mme Germain (Christiane): La durée. Donc, la durée fait que la consommation est généralement plus importante. Et, sur le terrain, c'est quelque chose qui se vérifie. Ça saute aux yeux.

Mme Malavoy: Ah, je vous crois. Je vous crois. J'essayais de comprendre le comportement psychologique.

M. Meunier (François): Est-ce que je peux me permettre une parenthèse? Pour nous, c'est important que le débat ne soit pas de démontrer que les non-fumeurs sont des moins bons clients que les fumeurs. Ce n'est absolument pas là le lieu de notre intervention, c'est uniquement pour indiquer que les fumeurs représentent quand même une partie importante de notre clientèle et que l'industrie estime légitime de s'inquiéter de l'impact d'une législation antitabagique sur cette partie de clientèle là.

On ne parle pas, évidemment, qu'il y aurait 30 % des clients de restaurants qui disparaîtraient demain matin. Mais même si c'était quelques pour cent seulement... On regarde l'impact de la TPS dans l'industrie de la restauration, on parle même de l'impact des campagnes contre l'alcool au volant dans l'industrie de la restauration, tout ça a eu un impact en termes de diminution dans les ventes, et il faut être quand même conscient qu'une réglementation comme celle qu'on nous propose va avoir un impact sur les comportements et habitudes de consommation.

Mme Malavoy: Et, sur la deuxième question, réunions, réceptions, les salles?

Une voix: Banquets.

M. Meunier (François): En fait, les salles de réception, on ne parle pas en l'occurrence de salles de congrès, par exemple les salles du Centre de congrès de Québec, nous, on parle d'une salle dans un restaurant qui est à part, qui n'est pas à même la salle à manger. Mais on parle vraiment d'une salle qui est fermée à ce moment-là, qui peut être fermée par une porte. Et cette salle-là n'est pas une salle ouverte au public, ce n'est que des groupes privés, distinctes personnes qui louent, qui réservent cette salle-là, et on croit approprié de laisser au locateur de la salle le soin de déterminer si on va pouvoir laisser les gens fumer dans cette salle-là ou pas, puisque le restaurateur, lui, n'a rien à voir avec ça. Et on n'aménagera très certainement pas une proportion de la salle pour non-fumeurs et fumeurs de façon obligatoire. Mais, si le client souhaite, par exemple, pour un mariage que les gens de la famille qui sont à gauche ne fument pas puis que les gens de la famille à droite fument, ça sera leur choix, mais ce n'est pas au restaurateur à avoir à contrôler ces petites particularités là.

Mme Malavoy: Ça va, merci.

(17 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je me permettrais deux petites questions. Est-ce que je me trompe en pensant que la très grande majorité de ces salles-là, ce sont des petites salles? On ne parle pas de grandes salles dans de grands établissements? Est-ce que je me trompe? Il y en a des grandes?

M. Meunier (François): Il peut y avoir des grandes salles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous diriez quoi, comme proportion?

M. Minguy (Bernard): Ça dépend des établissements. Il y a certains établissements que ça peut être jusqu'à la moitié de leur capacité totale. Souvent, c'est des restaurants où ils ont aménagé ces salles-là dans les sous-sols. Ici, on doit encore tenir compte d'un pourcentage sur l'ensemble de l'espace. Ça vient de réduire.

Mme Germain (Christiane): Il y a des établissements, dans la région de Montréal entre autres, où ce ne sont que des grandes qu'ils louent pour des mariages ou des choses comme ça. Alors, ces gens-là, finalement, ne peuvent pas être assujettis à la même réglementation, parce que ce sont des occasions spéciales et ce n'est pas à nous à...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais, pour fins de législation, si vous aviez à évaluer à peu près? Exemple, est-ce que le tiers ont des salles de 50 personnes ou plus? Parce que, quand on va légiférer, il faut qu'on ait quand même, à mon sens, une information plus précise. En tout cas, vous pouvez peut-être travailler là-dessus et nous le faire parvenir à la commission.

Mme Germain (Christiane): ...c'est ce qu'on va faire, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'apprécierais. Ma deuxième question: Quand vous parlez de sondage auprès de vos membres, pouvez-vous nous donner un indice... Sur 2 800 membres, 4 500 établissements, quel est, à peu près, le pourcentage ou le nombre que vous avez rejoint?

M. Minguy (Bernard): Le sondage a été réalisé du 7 avril au 5 mai 1998 auprès de l'ensemble des 2 800 membres corporatifs de l'Association; 532 membres de l'organisation ont répondu au sondage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ce qui est considéré, j'imagine, un bon pourcentage de réponse, ça, hein?

M. Minguy (Bernard): C'est un taux de réponse normal dans ce type de cueillette de données là. Dans les circonstances, oui, on estime quand même assez valables les données qu'on a pu obtenir. Et d'ailleurs, dans certains cas, je peux vous dire que nos données correspondent sensiblement aux données que le ministère de la Santé a recueillies dans ses études d'impact, sauf évidemment le volet concernant les coûts d'aménagement de salles.

Mais, nous, évidemment on est allés peut-être chercher la totalité des coûts, incluant les coûts reliés au respect des normes d'incendie, par exemple. Vous savez que ça peut être assez problématique, dans le cas d'un restaurant qui va aménager un mur dans le milieu. Il va peut-être avoir aussi la nécessité d'avoir une sortie de secours supplémentaire, etc. Alors, ça, c'est des éléments que, nous, on souhaite quantifier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Votre mémoire est extrêmement intéressant, et les recommandations que j'ai lues dans l'ensemble m'apparaissent bien raisonnables. Je n'ai rien vu de... Au contraire. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que c'est très pratique, c'est collé à la réalité que vous vivez. Et je pense que ça va être très utile au ministre de la Santé pour mesurer l'impact de certaines mesures et mesurer concrètement.

Deux petits commentaires. À la page 28, vous recommandez au gouvernement que les restaurants situés à l'intérieur des casinos soient tenus de se conformer aux mêmes obligations que les autres établissements. Je pense que ça vaut. Pourriez-vous cependant expliciter davantage?

Mme Germain (Christiane): C'est que la loi prévoit une exemption pour les casinos. Et on veut juste s'assurer que les restaurants ne font pas partie du casino comme entité et sont exclus en ce qui regarde la législation.

Mme Lamquin-Éthier: Et maintenant, à l'égard de l'article 11 du projet de loi n° 444, vous avez dit, là, que... Je pense qu'on peut en convenir, mais j'aimerais que vous illustriez les difficultés d'application de l'article tel qu'il est rédigé voulant que l'exploitant devienne un peu une police contrôlant qui fume et...

C'est quoi, les difficultés que ça peut soulever, concrètement, pour les restaurateurs? Dans quelle situation ça les met?

Mme Germain (Christiane): Écoutez, on accepte d'avoir la responsabilité de ne pas servir d'alcool à un mineur. Ça, je pense qu'on vit très bien avec ça, et ça fait partie de nos devoirs, de nos tâches et on s'en acquitte très bien. Mais, si, à un moment donné, il arrivait qu'un client fume dans une section non-fumeurs, je me vois difficilement aller le voir puis lui demander d'arrêter de fumer sous peine d'une amende. Je veux dire, ce n'est pas mon rôle à ce moment-là. Il ne faut pas perdre de vue que le client vient chez nous pour se restaurer, se divertir, s'amuser. C'est un lieu de détente...

Mme Lamquin-Éthier: Et non pas de contrainte.

Mme Germain (Christiane): ...et il vient... Alors, à un moment donné, on peut lui imposer certaines contraintes et on le fait, dans certains cas, quand les gens ont soit trop pris d'alcool, soit... Je pense qu'on est très responsable. Mais, à un moment donné, il y a des limites. Si quelqu'un est mature ou en tout cas, d'après l'âge, devrait l'être et accepte de fumer, sachant les conséquences que ça peut avoir sur sa santé, je me vois difficilement comme opérateur de restaurant avoir à contrôler ça.

Mme Lamquin-Éthier: À le contrôler.

Mme Germain (Christiane): C'est pour ça qu'on ne veut pas... Je ne sais pas si tu veux ajouter quelque chose là-dessus.

M. Minguy (Bernard): Ça fait déjà partie... On a déjà cette responsabilité face aux mineurs, face, comme Christiane l'a dit, aux gens qui, quand, nous, on détermine que, là, finalement la consommation d'alcool est suffisante et que pour la santé et la sécurité de ces gens-là, et surtout les autres, qu'on arrête de leur servir un dernier digestif. Mais d'aller dire à un client qui a choisi de venir dans mon établissement: Non, tu ne fumes pas là, sinon je te fous à la porte ou je te mets une amende de 100 $, je rajoute 100 $ sur la facture. Je ne vois aucun restaurateur jouer ce rôle-là. Aucun.

Mme Lamquin-Éthier: Ça dépasse les bornes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant les représentants du Regroupement de boutiques hors taxes du Québec à s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons le Regroupement de boutiques hors taxes du Québec. M. Gervais, j'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent. Je ne sais pas si c'est vous qui débutez la présentation ou quelqu'un d'autre. Et bienvenue à tout le groupe.


Regroupement de boutiques hors taxes du Québec

M. Gervais (Philippe): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter, en commençant par ma droite, M. Normand Chalifour, qui est vice-président finance et administration chez les Importations Guay ltée, qui sont les opérateurs des boutiques hors taxes aux postes frontières, à Stanstead et Saint-Bernard-de-Lacolle. À côté, on a M. Philippe Bachand, qui est le président de l'Association frontière hors taxes et directeur général de la boutique hors taxes de Philipsburg. À côté de moi, ici, il y a M. André Bergeron, qui est le vice-président de l'Association canadienne des boutiques hors taxes en aéroport et le vice-président du Groupe UCS, qui sont les opérateurs des boutiques hors taxes à Mirabel et Dorval.

J'aimerais premièrement, dans un premier temps, avant de donner la parole à M. Bachand, souligner que le Regroupement de boutiques hors taxes du Québec appuie le gouvernement et le ministre de la Santé, M. Rochon, dans leurs objectifs de santé publique, face à l'utilisation des produits du tabac et surtout, et plus particulièrement, dans le but d'enrayer la consommation des produits chez les jeunes Québécoises et Québécois.

(17 h 40)

Dernièrement, le gouvernement du Canada a procédé à sa propre révision de sa propre loi sur le tabac, et, à ce moment, les boutiques hors taxes du Canada demandaient certaines exemptions dans l'application de la loi à leur égard, plus particulièrement en ce qui a trait à la vente libre des produits du tabac. Le gouvernement fédéral, à ce moment-là, a reconnu l'environnement unique et a répondu favorablement à la demande des boutiques hors taxes en les excluant de l'article 11 de sa propre loi, article qui traite de la vente en libre-service des produits du tabac. Ce que le Regroupement demande, ou ce qu'il aimerait vous exposer aujourd'hui, le pourquoi de sa demande... Ce qu'il demande, dans le fond, c'est d'être exclu des articles 15 et 25.2 du projet de loi n° 444.

Juste avant de passer... Un dernier mot: c'est que le gouvernement du Canada n'est pas le seul à reconnaître, je ne voudrais pas dire le caractère unique ou le caractère distinct, mais l'environnement unique et distinct des boutiques hors taxes. Le gouvernement du Québec fait la même chose, entre autres à travers la SAQ, en permettant la vente de spiritueux aux boutiques hors taxes. Philippe? M. Bachand?

M. Bachand (Philippe): M. le Président, M. le ministre, chers membres. Le gouvernement du Canada, en collaboration avec le gouvernement du Québec et la Société des alcools du Québec, a créé en 1980 un programme de boutiques hors taxes frontalières dont l'objectif est d'accroître l'activité économique canadienne et québécoise. Ce programme venait ajouter une nouvelle gamme de services qui n'existaient que dans les aéroports internationaux à ce moment.

Les buts précis du programme hors taxes sont de garder les ventes dans le marché local, d'augmenter les revenus des gouvernements et d'agir sur l'économie locale, particulièrement par la création d'emplois. Jusqu'à maintenant, le programme s'est avéré un succès économique. En 1997, cette industrie a généré des revenus d'approximativement 58 600 000 $ en ventes au Québec. On retrouve huit boutiques hors taxes frontalières situées le long des frontières du Québec et trois boutiques situées dans les aéroports de Dorval, Mirabel et Jean-Lesage, qui emploient plus de 300 Québécois.

Au moment de l'implantation de ce programme, on prévoyait qu'il procurerait les bénéfices additionnels suivants, soit: la vente et l'exportation de produits locaux aux États-Unis et dans d'autres pays; la création d'une vitrine d'exportation des produits fabriqués localement; et l'amélioration de l'industrie touristique, en fournissant un service d'information essentiel aux voyageurs.

Plus de 70 % des ventes sont constituées de produits fabriqués localement. En atteignant, voire même en dépassant les attentes, le programme des boutiques hors taxes a prouvé qu'il était l'un des programmes les mieux réussis jamais mis en place. Tous les produits vendus dans une boutique hors taxes sont réservés à l'exportation. Les clients des boutiques hors taxes ont généralement plus de 19 ans. Les statistiques récoltées par Le Groupe UCS aux aéroports de Mirabel et de Dorval indiquent que moins de 3 % des clients ont moins de 19 ans, et la situation est similaire aux boutiques frontalières.

Toutes les boutiques hors taxes au Québec vendent des produits du tabac dans des aires de libre-service. Chaque boutique a investi des sommes importantes dans la présentation, la construction et les aménagements intérieurs ainsi que dans la formation du personnel devant gérer et contrôler les aires de libre-service. Limiter l'accès accordé à ces espaces de libre-service aurait des effets négatifs sur notre entreprise. On explique cette baisse de ventes par plusieurs raisons, dont la principale est que les boutiques hors taxes doivent traiter avec de très hauts niveaux de passagers durant de courtes périodes de temps. Considérant que l'objectif du voyageur est d'être à temps pour son vol, son autobus ou pour atteindre la destination finale, il n'est pas surprenant que le client ne passe que quelques minutes dans une boutique. En aéroport, le voyageur consacre en moyenne moins de 10 minutes à sa visite dans une boutique. Cette particularité du client type fait que les boutiques hors taxes sont conçues en libre-service afin de minimiser le temps requis pour faire un achat.

En résumé, certaines contraintes du projet de loi auront un effet négatif sur l'exploitation des boutiques hors taxes au Québec en réduisant le nombre d'emplois, en augmentant les coûts d'exploitation, en diminuant les ventes brutes, tout en mettant notre industrie en désavantage concurrentiel face aux magasins américains. De plus, les objectifs visés lors de la mise sur pied de ce programme seront directement touchés, puisqu'on peut certainement prévoir une réduction des revenus retournés au gouvernement, de même que des pertes d'emplois ainsi qu'une image négative de l'industrie touristique.

Le partenariat existant entre les gouvernements et les boutiques hors taxes en est un de collaboration étroite. Historiquement, les boutiques hors taxes ont collaboré avec les gouvernements dans plusieurs projets, dont celui de la mise sur pied du programme de remboursement de taxes aux voyageurs, c'est-à-dire le remboursement de la TPS et de la TVQ.

J'aimerais laisser la parole à M. Chalifour, maintenant, qui peut vous expliquer un peu le fonctionnement d'une boutique hors taxes. Merci.

M. Chalifour (Normand): Alors, M. le Président, M. le ministre, de façon pratique, voici comment ça fonctionne, une boutique hors taxes, lorsqu'un voyageur arrive chez nous. Premièrement, toutes les boutiques hors taxes sont situées dans une zone dite «stérile», au sens que les boutiques sont toujours situées dans un point de non-retour vers le Québec et sont très réglementées.

Deuxièmement, il y a une formation continue auprès du personnel concernant principalement les points suivants, à savoir: les âges minimums pour acheter les produits du tabac et de l'alcool; les allocations permises quant aux quantités, à savoir, par exemple, le tabac, on le vend uniquement au carton, et c'est un carton par voyageur; également, concernant les alcools, par exemple, il s'agit d'une bouteille par voyageur; également la formation concernant les exemptions de douanes, donc, tout le personnel est formé pour connaître à fond les exemptions de douanes, en franchises de droits et de taxes, autant pour les résidents américains que les résidents canadiens. Également, dans la boutique, il y a des affiches un peu partout sur l'âge, les allocations et les exemptions auxquelles ont droit les voyageurs, notre clientèle, finalement.

Donc, lorsque le client se présente à la boutique dans cette zone stérile et qu'il a vu les affiches, il a pris sa marchandise, il connaît les limites, lorsqu'il arrive à la caisse, il n'y a aucune transaction qui peut s'effectuer dans une boutique hors taxes, autant à l'aéroport, que frontalière, sans qu'il y ait soit le numéro de plaque du véhicule, donc, de l'acheteur ou de la carte d'embarquement de l'avion. Il y a déjà un point de contrôle additionnel qui se situe à ce moment-là. Il y a également la vérification de l'âge et des quantités qui est effectuée par le personnel à la caisse. Donc, lorsque cette vérification-là est effectuée, la transaction est complétée, et on peut dire que la marchandise est remise au client pour fins d'exportation seulement. Il y a également un contrôle additionnel qui s'effectue soit par le service de douanes américain ou le service de douanes canadien, lors du retour du voyageur, s'il s'agit d'un citoyen canadien, qui doit vérifier également les allocations et les exemptions.

Alors, compte tenu de la situation particulière des boutiques hors taxes, nous croyons fermement continuer de rencontrer les objectifs de contrôle et de restriction sur l'usage du tabac établis par le ministère. Il nous apparaît donc que les normes proposées aux articles 15 et 25, petit alinéa 2, ne devraient pas être appliquées aux boutiques hors taxes.

Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue M. André Bergeron, des aéroports, qui va vous entretenir sur l'essentiel de l'argumentation qui se retrouve dans votre document, essentiellement à la section 4.

(17 h 50)

M. Bergeron (André): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, en fait, cet argumentaire-là se retrouve sous la rubrique: Pourquoi exclure les boutiques hors taxes des articles 15 et 25.2 du projet de loi n° 444? Comme nous l'avons revu, toutes les boutiques hors taxes au Québec vendent des produits de tabac, spiritueux et autres dans des aires de libre-service. L'élimination des espaces de libre-service aura des effets négatifs sur notre type d'entreprises et, à notre avis, non requis dans notre industrie pour les raisons suivantes. Premièrement, à cause de l'environnement sécuritaire. Comme il vous a été mentionné tantôt, l'accès aux boutiques hors taxes ainsi que le processus d'achat sont hautement contrôlés. Ces contrôles sont exigés par Revenu Canada mais aussi par d'autres ministères et organismes, dont la Société des alcools du Québec et les douanes américaines, entre autres.

Aux aéroports, une carte d'embarquement pour une destination étrangère est nécessaire pour avoir accès à la boutique. De plus, sans cette carte d'embarquement pour une destination étrangère, une vente ne sera pas permise. Au moment de la vente, le personnel de la boutique aéroportuaire fait une vérification de l'âge du client. Aux boutiques frontalières, l'accès est limité physiquement à des véhicules qui, immédiatement après avoir quitté la boutique, ne peuvent que se rendre au poste des douanes américaines. Aussi, le personnel de la boutique hors taxes exige l'immatriculation du véhicule et fait une vérification de l'âge du client. Donc, on retrouve un environnement physique contrôlé et une vérification de l'âge du client. En fait, on peut dire aussi que les contrôles existant à l'intérieur des boutiques hors taxes tranchent nettement avec l'environnement moins réglementé qu'est l'environnement du marché domestique. Situation d'ailleurs déjà reconnue par le gouvernement du Québec et de la Société des alcools du Québec.

Le deuxième ensemble de raisons de notre argumentaire, c'est que c'est une clientèle presque exclusivement adulte. La population acheteuse en milieu hors taxes est principalement et presque exclusivement adulte. Les jeunes sont habituellement accompagnés de parents ou de gardiens, et des statistiques en aéroport – d'ailleurs, ces statistiques-là avaient été compilées non pas par nous mais par l'aéroport de Montréal – indiquent que moins de 3 % des clients ont moins de 19 ans. Une situation similaire, comme il vous a été expliqué tantôt, s'applique aux boutiques frontalières. Donc, ce qui nous permettait de se poser comme question: Pourquoi il pourrait y avoir des exemptions dans le cas de publicité à des revues qui s'adressent 85 % à une clientèle adulte, alors que notre marché est vraiment extrêmement limité au niveau de la clientèle de jeunes.

Le troisième poids de notre argumentaire est que chaque vente est une exportation. Toutes les ventes sont pour exportation seulement, et ce, par réglementation émise par Revenu Canada. Cette réglementation fait partie du permis d'exploitation d'une boutique hors taxes et est l'élément primordial au renouvellement de ce permis. En fait, sur les cartouches de cigarettes, sur les paquets de cigarettes, vous pouvez voir une affiche particulière qui dit: Produit pour exportation seulement. Nous ne pouvons que vendre ces produits. Nous ne pouvons pas prendre le même type de paquet de cigarettes qui est disponible sur le marché domestique. La vente pour exportation est aussi restreinte par la réglementation du pays de destination qui, dans la plupart des cas, permet seulement l'importation d'une cartouche de 200 cigarettes. De plus en plus de pays limitent l'âge de consommation des produits du tabac ou d'alcool. Donc, en fait, ce que l'on essaie de dire, c'est que notre environnement nous force à opérer de façon quotidienne dans un environnement qui est très contrôlé et très restrictif, jusqu'à un certain point, et qui nous permet d'évoluer à l'aise à l'intérieur de ce genre d'environnement, et qui vous assure que nous offrons déjà les contrôles requis par le projet de loi au point de vue de contrôle, de vérification d'âge afin d'empêcher les jeunes d'acheter de la cigarette.

Le quatrièmement point de notre argumentaire, c'est une clientèle en déplacement rapide. Les boutiques hors taxes doivent traiter avec de très hauts niveaux de passagers durant de courtes périodes de temps. Considérant que l'objectif du voyageur est d'être à temps pour son vol, son autobus ou pour atteindre sa destination finale, il n'est pas surprenant que le client ne passe que quelques minutes dans une boutique. En aéroport, le voyageur consacre en moyenne moins de 10 minutes à sa visite dans une boutique. À cet effet, le dernier relevé que nous avons effectué nous-mêmes dans la boutique transfrontalière à l'aéroport de Dorval indiquait que le client passait 9,1 minutes. Cette particularité du client type fait que les boutiques hors taxes sont conçues afin de minimiser le temps requis pour faire un achat. Les mesures proposées à l'article 15, restreignant l'accès à la marchandise, modifieront l'environnement de façon fondamentale sans pour autant augmenter le contrôle de la vente de cigarettes aux jeunes. Ce changement d'environnement augmentera le temps requis pour effectuer le processus d'achat et n'affectera pas seulement les ventes de produits du tabac mais de tous les produits. Des revenus en seront affectés négativement.

Le cinquième point de notre argumentaire est que cette loi est davantage punitive pour les boutiques hors taxes. Les produits à hauts niveaux de taxation, tels le tabac et les produits alcoolisés, représentent un ratio important des ventes de tout détaillant hors taxes. Comme telle, toute restriction sur l'accès et l'étalage de la marchandise est plus punitive envers les opérateurs de boutiques hors taxes que n'importe quel autre détaillant de produits du tabac. La mise en place des mesures préconisées par le projet de loi entraînerait une diminution des ventes et des pertes d'emplois directes.

Sixièmement, difficulté d'administrer des lois et règlements non harmonisés. Les boutiques hors taxes opèrent donc à l'intérieur d'un cadre bien défini de lois et de réglementations qui proviennent de plusieurs gouvernements, ministères et sociétés de la couronne. Les boutiques hors taxes du Québec ont toujours fait la promotion de l'harmonisation des lois et règlements. Donc, il serait désirable que le gouvernement du Québec adopte les mêmes exceptions que le gouvernement du Canada. Le 20 mars dernier, Santé Canada exemptait les boutiques hors taxes de la section XI de la Loi sur le tabac. À cet effet, vous avez une copie de la lettre en annexe à votre document. La section XI est l'article qui interdit la vente de produits du tabac par libre-service. Dans sa décision, le gouvernement du Canada souligne la situation historique unique des boutiques hors taxes, de leur clientèle particulière et que les ventes sont faites dans des circonstances qui sont très sécuritaires.

Finalement, le septième point, le coût des rénovations. Actuellement, toutes les boutiques hors taxes sont aménagées pour offrir les produits du tabac en libre-service. Chaque commerçant investit des sommes importantes au niveau de la conception, de la construction et de l'aménagement de sa boutique ainsi que dans la formation du personnel devant gérer et surveiller ces emplacements libre-service. Les sommes qui devraient être investies dans la reconstruction, le réaménagement des boutiques pour satisfaire aux exigences du projet de loi sont énormes. Nous estimons à un coût total approximatif pour les boutiques hors taxes du Québec 500 000 $, ce qui porterait un dur coup à la rentabilité de l'industrie des boutiques hors taxes, pourrait même nuire à la viabilité de certaines d'entre elles.

En conclusion, nous disons que les articles 15, le libre accès, et 25.2, normes d'étalage, proposés auront un impact négatif sur le commerce hors taxes au Québec en entraînant des pertes d'emplois, en augmentant les coûts d'opération, en diminuant les ventes et en affaiblissant l'industrie des boutiques hors taxes québécoises par rapport à sa concurrence américaine et étrangère. Les objectifs du programme des boutiques hors taxes seront également touchés, puisque les revenus des gouvernements baisseront et qu'il y aura augmentation du chômage. Et tout ceci sera réalisé sans augmenter le niveau de contrôle vis-à-vis de la vente de cigarettes aux jeunes.

Nous souhaitons que le gouvernement du Québec s'inspire de la décision de Santé Canada et que les boutiques hors taxes du Québec soient exemptées des provisions de la loi qui empêchent le libre-service des produits du tabac, article 15, et qui régissent la façon de présenter la marchandise ou les étalages, qui est l'article 25. Les boutiques hors taxes du Québec se surpassent toujours pour donner un service de qualité à sa clientèle de voyageurs et désirent continuer de jouer le rôle de dernier ambassadeur pour les touristes quittant le Québec. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Il n'y a pas d'autres interventions? M. le ministre, je vous invite à débuter l'échange.

M. Rochon: Merci beaucoup d'avoir préparé ce mémoire et de venir nous rencontrer. Je pense bien saisir le point que vous nous démontrez. Ce que vous nous dites, en fait, c'est que 3 % de votre clientèle, c'est essentiellement des adultes qui sont là. J'aurais une première question: Votre statistique repose sur quoi? Un sondage, une série de sondages?

M. Bergeron (André): Le sondage avait été effectué par ADM, Aéroports de Montréal, à l'intérieur de ses aéroports de Dorval et de Mirabel juste avant le transfert des vols internationaux de Mirabel vers Dorval.

M. Rochon: C'est ça. Mais c'est un sondage qui a été fait?

M. Bergeron (André): C'est un sondage. Nous effectuons aussi d'autres sondages à l'intérieur de nos boutiques, mais les chiffres que nous vous donnons, nous nous reposons sur ceux d'ADM afin d'éliminer le lien de satisfaction personnelle qui pourrait biaiser nos résultats.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est possible d'envoyer à la commission une copie de ce sondage-là, s'il vous plaît?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre.

M. Rochon: Maintenant, j'essaie juste de bien comprendre. Dans les zones frontalières où les gens passent en auto, les gens arrêtent, descendent pour aller à la boutique. Il y a des familles dans l'auto, ce n'est pas seulement des adultes, à ce moment-là. Il doit y avoir un plus grand pourcentage de jeunes ou de mineurs, à ce moment-là. Parce que votre sondage reposait seulement sur les boutiques d'aéroports.

M. Bergeron (André): Le sondage auquel on réfère, il repose sur les aéroports, oui. Par contre...

M. Rochon: Est-ce que ça se peut qu'on ait une situation différente quant à la proportion de mineurs qui peut être plus importante dans les zones frontalières?

M. Chalifour (Normand): Il pourrait y avoir une situation différente, uniquement à quelques occasions durant l'année, par exemple en juillet où il y a beaucoup plus de familles qui voyagent vers les États-Unis. Par contre, c'est une faible proportion, puisque, de toute façon, il n'y a aucune transaction qui s'effectue sans avoir un permis de conduire, sans avoir une plaque d'immatriculation. Donc, il n'y a aucun jeune qui peut acheter un produit chez nous sans avoir un véhicule, en principe.

M. Rochon: O.K.

(18 heures)

M. Chalifour (Normand): C'est parce que les caisses enregistreuses fonctionnent uniquement sur l'obtention d'un numéro de plaque. Il n'y a pas de transaction qui s'effectue sans ça.

M. Rochon: Je comprends ça. O.K. Donc, s'il y a des enfants dans la famille, ils ne peuvent pas acheter, passer à la caisse eux-mêmes...

M. Chalifour (Normand): Non. Impossible.

M. Rochon: ...il faut qu'ils demandent à leurs parents de le mettre dans leur panier à eux.

M. Chalifour (Normand): Exact.

M. Rochon: O.K. Ça, ça va. Alors, supposons qu'on suit cette argumentation-là puis on dit: De toute façon, pas besoin d'appliquer la loi, les jeunes ne peuvent pas acheter, les mineurs ne peuvent pas acheter – c'est ce que vous nous dites, en fait. Maintenant, jusqu'à quel point – juste pour voir les deux côtés de la question – si les cigarettes pouvaient être obtenues à la fin du circuit, quand les gens se présentent à la caisse et que c'est à ce moment-là qu'ils devraient prendre le carton de cigarettes, ça imposerait de gros réaménagements puis de grosses installations dans vos boutiques?

M. Bergeron (André): Oui. En fait, pour vous donner l'exemple de la dernière boutique que nous avons réaménagée à l'aéroport de Dorval, où les clients doivent utiliser leur chariot à cause des contrôles ou de la séquence de contrôle, ils passent d'abord à la billetterie, par la suite ils pénètrent à l'intérieur d'une zone contrôlée où ils ont dû montrer leur carte d'embarquement, et ils n'ont pas encore déposé leurs bagages à ce moment-là, à l'inverse des vols internationaux. Donc, la boutique a été aménagée de telle sorte que ce que l'on peut appeler les produits type épicerie – c'est-à-dire les produits de consommation courante tels que cigarettes et spiritueux – sont placés en début, afin que le client par la suite continue à sélectionner d'autres produits à l'intérieur de la boutique.

La raison de ceci – je vais vous épargner un peu une grande partie de nos recherches là-dessus – c'est que les produits à haut niveau de taxation, finalement, pour rendre l'industrie hors taxes très simple, ce sont des marques et ce sont des économies, et dans un environnement de ce qu'on appelle «travel retail». Mais ce qui fait que les produits à haut niveau de taxation sont plus portés à avoir de grandes économies, donc les clients décident davantage d'acheter ces produits-là en boutique hors taxes, et c'est aussi dans leurs ordres de priorité. Ce seront les premiers produits que les clients voudront se sécuriser... Et chose intéressante, si vous voulez comparer avec l'industrie hors taxes américaine où c'est un produit – sans entrer dans la politique, ici – des produits quand même des pays les moins taxés... C'est aussi une population qui a un moins grand éveil à l'industrie du hors taxes ou à des boutiques hors taxes à cause d'un moins haut niveau de taxation sur certains produits de consommation courante.

Ça fait que c'est tout simplement... C'est juste pour parler ici de comportements de consommateurs. Alors que nous avons dépensé énormément d'argent déjà dans des boutiques, il s'agira de réaménager au complet un magasin, dans un cas comme vous venez de dire, où le client aurait tendance à vouloir aller acheter ces produits-là qui se retrouvent à la fin de circuit et dans un environnement tel que dans la boutique de Dorval, transfrontalière, où le client a déjà son chariot et n'est pas en mesure vraiment de recommencer au début, de revenir au début de la filée parce que ça crée une difficulté de circuler à l'intérieur de la boutique.

M. Rochon: O.K. Supposons qu'on accepte votre argumentation puis qu'on dise: Bon, à toutes fins pratiques, donc, pas besoin de faire un contrôle additionnel, c'est tout comme, là je vois que la même argumentation nous amènerait à une exemption du deuxième paragraphe de l'article 15 et du 2° de l'article 25, c'est-à-dire, pourquoi l'étalage ne pourrait pas quand même être fait pour que le message soit aussi porté là? Parce qu'il y a quand même des jeunes qui circulent, puis ce serait une contribution à l'éducation sanitaire que vous pourriez faire. Est-ce que c'est pensable, ça?

M. Bergeron (André): Je ne sais pas si je perçois très bien votre point, mais laissez-moi peut-être essayer d'éclaircir votre position de la façon suivante. C'est que nous avons, en fait, relié le point 25.2 à l'article 15. Parce que l'article 15, en fait, directement, a un impact sur la façon d'étaler le produit. Donc, si la réglementation ou la loi prend place telle quelle et qu'à ce moment-là nous sommes encore sujets à la façon d'étaler le produit selon 25.2, elles pourraient entrer en conflit parce que ces réglementations-là d'étalage seront probablement davantage orientées pour un étalage non pas sur le libre-service, mais un étalage qui aurait besoin ou qui requerrait l'intervention d'un préposé pour chaque vente qui serait effectuée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: O.K. Je vois votre point. Maintenant, vous me permettez un dernier essai. Le deuxième paragraphe de l'article 15, ça nous dit: «Il doit également afficher à la vue du public l'interdiction de vendre du tabac à des mineurs ainsi que la mise en garde attribuée au ministre et portant sur les effets nocifs du tabac sur la santé dès que celui-ci la lui fournit.»

Une voix: Vas-y.

M. Chalifour (Normand): Je peux répondre sur ça. Il y a déjà des affiches dans toutes les boutiques hors taxes, suite au projet de loi fédéral, entre autres, où il est exigé d'avoir une affiche, si je ne me trompe pas, de 20 cm par 30 cm minimum, qui est affichée dans toutes les sections où il se trouve...

M. Rochon: Donc, ce bout-là, vous le faites déjà.

M. Chalifour (Normand): Oui, on fait déjà ce contrôle-là.

M. Rochon: On n'aura pas tout perdu. Ha, ha, ha!

M. Bergeron (André): Non. Au contraire, je crois, en fait, qu'on est un peu au-devant à l'heure actuelle. Le principe, comme il a été dit au début, M. Rochon, est que nous n'avons rien contre le principe...

M. Rochon: Non, non. J'avais compris ça.

M. Bergeron (André): ...de vouloir empêcher la vente aux mineurs. Nous le mettons déjà en application parce que la loi fédérale là-dessus...

M. Rochon: Votre démonstration est très bonne. Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord? Ça va?

M. Rochon: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Gervais et votre équipe aussi, pour nous sensibiliser... En tout cas, c'est une partie du dossier qui nous était peut-être davantage inconnue.

Moi, je voudrais revenir avec l'harmonisation des lois fédérales et provinciales. On n'a aucune raison de croire qu'il pourrait y avoir, à très court terme en tout cas, une harmonisation de ces deux lois-là. Peut-être qu'on peut le souhaiter, et je suis certain qu'il doit sûrement y avoir des démarches qui sont faites, mais il n'y a eu aucune indication claire à ce jour qu'il y aura harmonisation. Moi, j'aimerais ça vous entendre. En supposant qu'il n'y ait pas harmonisation, comment vous allez oeuvrer ou travailler dans le secteur des boutiques hors taxes? Comment ça va se faire? Quelle loi va s'appliquer? Laquelle sera prépondérante? Et pouvez-vous nous parler aussi des ennuis que ça va vous causer?

M. Bergeron (André): En fait, si je peux me permettre, nous ne sommes pas attachés énormément, à ce point-ci, d'avoir une opinion juridique. Je vais vous avouer quand même que j'ai demandé une opinion juridique, pour laquelle je n'ai pas reçu de réponse à date: Laquelle des lois serait applicable?

Mais l'objectif ici, nous reconnaissons qu'il y a différentes réglementations, différentes lois entre le niveau fédéral et le niveau provincial, et nous ne sommes pas ici à dire que, dans tout, il doit quand même y avoir la même réglementation. La réglementation fédérale prévoit un certain âge pour l'achat de produits du tabac; certaines provinces ont augmenté cet âge-là, d'autres l'ont mis plus bas à travers le pays, étant donné que nous opérons aussi des boutiques hors taxes dans différents aéroports à travers le pays.

À ce point-ci, et sans parler en bravade, nous ne nous sommes pas comme tels attachés à dire: Regardons en détail chacune des boutiques, ce que ça voudra dire au point de vue de réaménager les boutiques. Cependant, lors de l'émission du projet de loi qui a mené au bill C-71, nous avions regardé à ce moment-là un coût qui aurait été requis pour réaménager ces boutiques et c'est de cette façon-là que nous avons déterminé ici que le coût total pourrait atteindre environ 500 000 $ pour les 11 boutiques hors taxes localisées à l'intérieur de la province de Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous dites 11 boutiques hors taxes?

M. Bergeron (André): Onze boutiques, oui, trois en aéroport.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Excusez-moi.

M. Bergeron (André): Non, non. D'accord. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question, mais le reste serait beaucoup de conjonctures, à l'heure actuelle, à essayer de vous répondre plus spécifiquement.

M. Marsan: Actuellement, avec la loi fédérale, vous êtes exemptés en vertu de la section XI sur le tabac. C'est ça?

M. Bergeron (André): Oui.

M. Marsan: O.K. Moi, je voudrais poursuivre le questionnement en demandant... Vous affirmiez un peu plus tôt – je n'ai pas de page – que l'application de la loi aurait un effet négatif sur le nombre d'emplois. Aussi – deuxième question – vous affirmez que vous avez besoin d'un investissement d'à peu près 500 000 $. Pouvez-vous nous quantifier combien d'emplois seraient perdus? Ensuite, le 500 000 $, ça comprend quoi comme investissement?

M. Bergeron (André): Au niveau du 500 000 $, ce que nous avions regardé à ce moment-là était dans un contexte un peu différent, mais, disons, quand même assez similaire: les frais de design pour reconstruire les différentes boutiques, fermer l'aire ou l'accessibilité de l'aire allouée au tabac à l'intérieur des différentes boutiques. Dans certains cas...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On parle toujours des 11.

(18 h 10)

M. Bergeron (André): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On parle toujours de 500 000 $ pour les 11?

M. Bergeron (André): Oui, 500 000 $ pour les 11. Si c'était un chiffre exact, là il y aurait probablement des cents aussi autour, mais disons, grosso modo, que c'est pour les 11.

Nous avions aussi regardé la façon d'avoir à maintenir quand même une circulation des clientèles à l'intérieur du restant de la boutique, ce qui nous avait amenés finalement au coût de 500 000 $. Le coût de fabrication, de réaménagement, de design, de concept et ces choses-là.

Au niveau des ventes, lorsque nous parlons de réduction des ventes, c'est pour les raisons suivantes. La commodité, si je peux utiliser l'expression suivante, avec laquelle nous traitons, c'est le temps. Si le client passe, selon la dernière étude documentée, 9,8 minutes à la boutique transfrontalière, 9,1 minutes du temps qu'il pénètre à l'intérieur de la boutique au temps où il est sorti de cette boutique-là, c'est parce que c'est le temps qu'il a de disponible aussi. Ce n'est pas seulement parce qu'il n'y avait rien d'autre d'intéressant, je l'espère, à voir à l'intérieur de cette boutique-là. Si un client va passer une minute à l'intérieur de la boutique, à l'intérieur de cette même recherche, et qu'il a dépensé 25,99 $ qui était une bouteille de spiritueux, c'est qu'il était très pressé. Je pense que beaucoup d'entre vous qui avez voyagé avez aussi reconnu que certaines personnes arrivent très tôt à l'aéroport, mais beaucoup de gens, surtout les gens d'affaires, sont notoires pour être à la dernière minute.

Donc, si les gens qui fument reconnaissent qu'il y aura une plus grande économie au niveau des produits à haute taxation tels que les cigarettes et que vous augmentez le temps requis pour faire l'achat de cigarettes, vous avez aussi automatiquement réduit la période de temps qui est disponible pour le restant des achats. C'est aussi l'autre côté de la médaille. C'est que certains clients ne se bâdreront pas de rentrer dans la boutique hors taxes, à cause du temps trop long, et d'autres clients, qui voudront quand même sécuriser leurs achats de tabac parce que ce sont des produits à plus haut niveau de taxation d'abord, par la suite auront moins de temps disponible pour faire le restant de leurs achats.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vais vous demander peut-être d'être un petit peu plus vite sur les réponses parce que, à 18 h 30 pile, je dois terminer et j'ai d'autres interventions. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais d'abord et avant tout remercier mes collègues qui me permettent d'intervenir à cette commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai oublié le consentement, mais je présume qu'il y a consentement.

M. Boulerice: Ils sont tous gentilshommes et gentes dames, donc je ne doutais pas de l'accueil qu'ils me feraient. M. le ministre, chers collègues et néanmoins cher ami, je suis bien prêt à faire contre mauvaise fortune bon coeur, mais faut-il encore qu'il y ait bonne volonté. J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit. Écoutez, je n'ai pas la prétention d'être l'inspecteur général de toutes les boutiques hors taxes des cinq continents, mais je crois en avoir fréquenté quelques-unes.

Vous avez effectivement raison, on y séjourne en moyenne neuf, 10 minutes au maximum, on y arrive avec le sac en bandoulière, et vous comprenez l'expression du terroir «à l'épouvante». Neuf fois sur 10, c'est qu'on a oublié cette fichue bouteille d'after-shave dont on se dit qu'il y aura peut-être une bonne occase pour en acheter.

C'est un fait que les pellicules pour les appareils photo sont moins chères. Donc, on va les trouver là, et bien d'autres objets.

Mais je n'ai jamais – à moins que je n'aie peut-être raté un aéroport en particulier; c'est peut-être possible, mais ça m'étonnerait – mais jamais vu un hors taxes où il y avait d'immenses panneaux d'affichage dans le style réclame Fumez du Maurier , Achetez Export A , Winston is the best . Je n'en ai jamais vu. J'ai vu des cartouches de tabac avec un prix affiché, mais je n'ai jamais vu de promotion. Alors, qu'est-ce qu'on veut? Que les jeunes ne les achètent pas? Est-ce qu'on veut que les jeunes ne voient pas leur parents les acheter? Remarquez que, pour leur éducation, il y a des choses que les parents font et qu'ils devraient voir, mais il paraît que ça, c'est tabou.

Moi, je ne crois pas que ce que vous demandez – c'est une opinion que j'émets, chers collègues – vise à atténuer les effets de la loi comme telle et d'un certain bien-fondé auquel je consens, ne vise pas du tout à cela. Ça m'apparaît, somme toute, très raisonnable de dire: Écoutez, ils sont là, et il n'y a pas de promotion, il n'y a pas d'affichage extravagant dans un style vraiment très commercial, etc. J'ai toujours trouvé que c'était très sobre. Autant les aéroports américains qu'européens, c'est exactement la même chose. Alors, ça ne m'apparaît pas tout à fait exceptionnel comme demande. Vous leur avez tendu une perche, tantôt, en disant: Est-ce que vous accepteriez de marquer «Ce n'est pas bon pour la santé»? «It's dangerous to your health»? «No es bueno por la salud»? À ce moment-là, moi, je souhaiterais peut-être également...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On aura compris que... J'ai deux autres interventions, M. le député. On finit à 18 h 30, alors...

M. Boulerice: Oui, ça va. Je suis persuadé que l'alcool qui se vend à côté aura bientôt une petite étiquette qui marquera «Dangereuse pour la cirrhose du foie».

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. On aura tous compris que c'était une intervention, uniquement. Alors, Mme la députée de Bourassa. C'était une expression d'opinion.

M. Boulerice: ...émettre son opinion, M. le Président.

Mme Lamquin-Éthier: Merci de votre mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous l'avez émise de façon très correcte. Il n'y a aucun problème avec ça. Tout le monde aura compris.

Mme Lamquin-Éthier: C'est à la sixième page, vers la fin, ou à la deuxième page du point 3.8. Je ne sais pas ce qui va être plus simple pour vos... Vous dites: «Comme nous l'avons déjà mentionné, l'ensemble des ventes de produits du tabac fait par les boutiques hors taxes frontalières a diminué de près de 20 % depuis la mise en place de la mesure volontaire de limite de vente.» Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, nous expliquer ce que c'est, «la mise en place de la mesure volontaire de limite de vente»?

M. Chalifour (Normand): Alors, il y a quelques années, lors de la problématique du contrôle de la vente du tabac, dans les territoires autochtones ou autres, le gouvernement fédéral a mis de l'avant certaines mesures. De façon volontaire, les boutiques hors taxes se sont autocontrôlées et ont exigé de leur clientèle d'acheter uniquement une seule cartouche – ce qui est la limite acceptée en franchise de droits et taxes – contrairement à ce qui existait autrefois, où un voyageur pouvait acheter plus d'une cartouche. Toutefois, en n'ayant qu'une seule cartouche exempte de droits et taxes, il pouvait en acheter plus d'une et payer les droits et taxes à la douane. Or, maintenant, ce qu'on fait depuis cette époque-là, c'est que la limite est d'une cartouche. Quelles que soient les possibilités légales, si on veut, d'achat, on le limite à une cartouche. Donc, ça a occasionné une baisse des ventes.

Mme Lamquin-Éthier: Dans la même page, vous dites: «Imposer aux boutiques hors taxes québécoises d'adhérer au projet de limiter le libre-service de vente sans imposer une mesure semblable aux boutiques de la chaîne AMMEX entraînera nécessairement une perte de revenus pour les commerçants locaux au profit des commerçants américains sans pouvoir atteindre les objectifs visés par le projet d'entente.» Pourriez-vous expliciter davantage ce que ça causerait comme impact?

M. Chalifour (Normand): Ah! Définitivement, autant au niveau frontalier qu'au niveau aéroportuaire, si notre compétiteur, donc, américain, le voyageur a le choix de l'acheter avant d'entrer au pays ou de l'acheter en sortant du pays. Or, à ce moment-là, si le temps limite qui lui est disponible est plus court du côté américain, chez AMMEX, par exemple, il est évident qu'il va préférer faire son achat là, étant donné qu'il va avoir suffisamment de temps, croira-t-il, pour faire ses achats, plutôt que d'attendre à une ligne d'attente devant un comptoir et un préposé, dans les boutiques hors taxes québécoises.

Donc, je pense que c'est assez évident de voir le désavantage concurrentiel que l'on aurait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Lamquin-Éthier: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre, vous avez une ou deux questions, je crois.

M. Rochon: Deux petites questions aussi, pour bien faire le tour de la question.

Vous nous avez remis avec votre mémoire la lettre que vous avez reçue du gouvernement fédéral, de la Direction générale de la protection de la santé, qui vous confirme que, à la suite de votre présentation, il y a une réglementation qui a été déposée, qui n'est pas encore adoptée, qui, effectivement, comme vous le dites, donnerait une exemption quant à la... C'est bien vous qui nous avez remis ça avec votre mémoire. Vous auriez une exemption pour protéger la partie de libre-service et vous ne seriez pas obligés de mettre derrière le comptoir ou d'obliger le contact direct entre le vendeur. Ça, ça va.

(18 h 20)

Mais est-ce que c'est juste – je reviens à mon autre question sur l'étalage – en termes d'harmonisation éventuelle avec la loi fédérale, qu'il y a un autre article de la loi fédérale – je pense que c'est l'article 30, me dit-on – qui prévoit une réglementation, éventuellement, sur l'étalage? Et ça, il pourrait y avoir quelque chose qui vous viserait aussi strictement sur l'étalage. C'est ma première question, pour être sûr qu'il n'y a pas d'autre chose aussi qui a évolué de ce côté-là.

L'autre chose, un peu par curiosité: Selon l'information que l'on a, la Nouvelle-Écosse aurait interdit le type d'étalage et peut-être aussi l'accès direct aux produits du tabac? Est-ce que c'est votre expérience? Êtes-vous au courant de ça? Puis est-ce que ça a posé problème?

M. Bergeron (André): Malheureusement, nous n'opérons pas en Nouvelle-Écosse. Nous opérons dans quatre provinces canadiennes où, dans tous les cas, l'étalage en libre-service est permis. Nous pouvons nous informer au niveau de la Nouvelle-Écosse et répondre à ce niveau-là.

M. Rochon: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quelles sont les quatre provinces?

M. Bergeron (André): Nous opérons dans la province de Québec, en Ontario, au Manitoba et en Alberta.

M. Rochon: O.K. Ça va.

M. Bergeron (André): Et au niveau des frontières...

M. Bachand (Philippe): Il n'y a pas de boutiques frontalières en Nouvelle-Écosse.

Une voix: Il n'y a pas de frontières physiques...

M. Bachand (Philippe): Non, il n'y a pas de frontières physiques avec les États-Unis. Il peut y avoir des boutiques hors taxes sur les traversiers et dans l'aéroport.

M. Rochon: Puis l'aéroport?

M. Bergeron (André): Je vais vérifier, comme je vous ai mentionné.

M. Rochon: En tout cas... Non. C'est correct. Non. Si vous n'avez pas l'information, ça va. Je ne veux pas...

M. Bergeron (André): C'est nos compétiteurs principaux, mais...

M. Rochon: O.K.

M. Bergeron (André): ...ça nous fait toujours plaisir de vérifier ce qui se passe chez eux aussi.

M. Rochon: O.K. La question de l'étalage, ça, c'est une autre question, par exemple, dans la réglementation fédérale.

M. Bergeron (André): La réglementation, vous dites, l'article 30. Pouvez-vous me donner 30 secondes?

M. Gervais (Philippe): Juste aussi peut-être pour une précision. On avait mis la lettre qu'on avait reçue de Santé Canada, mais la même décision a été publiée dans la Gazette du Canada, suivant...

M. Rochon: O.K. Mais est-ce que la réglementation a été adoptée? Parce qu'elle a été déposée, là.

M. Gervais (Philippe): Oui, elle est publiée dans la Gazette du Canada.

M. Rochon: O.K., elle est publiée.

M. Gervais (Philippe): Publiée dans la Gazette du Canada.

(Consultation)

M. Rochon: Alors, l'article, je l'ai ici. Je ne sais pas si vous l'avez?

Une voix: Non. C'était...

M. Rochon: On dit: Sous réserve des règlements – c'est la loi fédérale, ça – il est possible, dans un établissement de vente au détail, d'exposer des produits du tabac et des accessoires portant un élément de marque d'un produit du tabac. Il est possible pour un détaillant, sous réserve des règlements, de signaler dans son établissement que les produits du tabac y sont vendus et indiquer les prix. Donc, autrement dit, il y a une possibilité de réglementation...

M. Bergeron (André): Au point de vue de l'affichage.

M. Rochon: ...d'affichage, et certains aspects de l'étalage.

M. Bergeron (André): J'aimerais prendre ça en délibéré, M. le ministre, mais je crois que vous devriez interpréter ça comme étant au niveau de l'affichage seulement, à l'époque.

M. Rochon: O.K. En tout cas, on vérifiera au niveau de l'harmonisation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions? Pas d'autres questions et pas d'autres interventions? Alors, compte tenu de l'heure, au nom de la commission, je tiens à vous remercier au nom de tous les membres, et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir, dans la même salle. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 23)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, pour l'information d'un peu tout le monde, je rappelle le mandat. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac. Et ce soir, nous reprenons nos travaux en recevant les représentants et la représentante de la Société canadienne du cancer, division du Québec.

M. Girard, je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre mémoire. On vous souhaite la bienvenue.


Société canadienne du cancer, division du Québec

M. Girard (Gilles): Merci beaucoup. M. le Président, j'aimerais vous signaler que je suis un bénévole, résident de Gatineau, et président de la division du Québec de la Société. Je vous présente Mme Louise Labrie, qui est également bénévole, présidente de Sainte-Rose de Laval et présidente du comité provincial des questions d'intérêt public, et M. Marcel Girard – aucun lien de parenté – bénévole également, président de Saint-Romuald, président du comité provincial d'éducation.

Devant vous, ce soir, nous sommes forts de représenter les 30 000 bénévoles associés de près ou de loin à la lutte contre le cancer au Québec. C'est en leur nom que je voudrais d'abord exprimer la satisfaction que nous éprouvons tous à la suite du dépôt de ce projet de loi sur le tabac. Au cours des deux dernières années, les membres de la Société, réunis en assemblée générale comprenant entre 250 et 300 personnes en provenance de tous les coins du Québec, ont, à deux reprises, réclamé à l'unanimité une loi québécoise sur le tabac. Le dépôt de ce projet de loi vient donc répondre à leur attente.

Le dépôt de ce projet de loi touche la réduction de la consommation de tabac qui est, depuis longtemps, une de nos priorités puisqu'elle est reliée au cancer le plus meurtrier, celui du poumon. La Société partage pleinement la philosophie qui sous-tend cette loi et qui veut qu'on ne fume nulle part, sauf aux endroits où c'est permis, alors que nous vivons présentement dans un environnement où on peut fumer partout, sauf aux endroits où c'est interdit.

Afin de mieux saisir la motivation qui nous porte, permettez-nous de vous décrire notre organisation. La Société canadienne du cancer est un organisme bénévole, national, à caractère communautaire, dont la mission est l'éradication du cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes touchées par le cancer. Elle oeuvre sur quatre grands fronts: la recherche sur le cancer dont elle assure le financement, le soutien aux personnes touchées par le cancer, l'éducation du public à la prévention et l'influence qu'elle peut exercer sur les décideurs, comme vous, en faveur de toute mesure menant à l'éradication du cancer.

Alliée à son partenaire scientifique, l'Institut national du cancer du Canada, la Société est le plus grand bailleur de fonds pour la recherche sur le cancer au Canada. La Société est aussi en contact avec des milliers de personnes touchées par le cancer à qui elle offre une grande variété de services allant de l'aide matérielle et technique à l'hébergement, en passant par le volet principal qui est le soutien émotif.

De par ses nombreuses activités d'éducation publique à la prévention et au dépistage précoce, la Société est également intégrée au tissu social des 250 communautés québécoises dans lesquelles les bénévoles sont actifs. Outre le support qu'elle procure aux individus désireux d'arrêter de fumer, la Société offre également des outils d'intervention à différents milieux: jeux éducatifs pour la petite enfance, stratégies et outils d'intervention pour les éducateurs des 10-13 ans, âge d'initiation au tabagisme, stratégies et outils d'intervention sur la fumée environnementale à l'usage des municipalités, des entreprises, des commerces. Dans ce dernier cas, depuis deux ans, la mise en oeuvre de notre programme Air pur a permis de constater à quel point les gestionnaires des lieux collectifs sont prêts à passer à l'action et, du même souffle, ils ont manifesté le besoin évident, selon eux, d'être supportés par les autres autorités.

La Société fête cette année son 60e anniversaire d'existence et, dès le début des années quarante, elle a mis le public en garde contre les effets nocifs du tabagisme en le reliant au cancer du poumon. Les recherches subséquentes ont confirmé, hors de tout doute, les liens entre le tabagisme et plusieurs cancers. Au Québec, chaque jour, 27 personnes apprennent qu'elles sont atteintes d'un cancer relié à la consommation de tabac, 10 000 personnes meurent de maladies reliées au tabac tous les ans, 30 % de tous les cancers sont reliés au tabac. Actuellement, 10 cancers connus et fréquents sont des conséquences directes de la consommation de tabac, 85 %, des cancers du poumon, de la trachée et des bronches, 50 %, des cancers de la bouche, du pharynx, du larynx et de l'oesophage, 33 %, des cancers du pancréas, du rein et de la vessie.

(20 h 10)

Au-delà des statistiques, M. le Président, il demeure que le cancer est une tragédie humaine, et nous sommes très conscients de l'importance de la qualité de vie des personnes atteintes. Les cancers liés au tabagisme sont en hausse depuis les années cinquante. On estime leur progression à 3 % ou 4 % par année. Parmi tous les cancers, le cancer du poumon est toujours celui qui cause le plus grand nombre de décès chez les hommes. Bien au-delà du cancer de la prostate qui est pourtant plus fréquent, le cancer du poumon ne pardonne pas. Son taux après cinq ans est de 10 % des personnes atteintes.

Chez les femmes, depuis 1993, la mortalité due au cancer du poumon a dépassé celle causée par le cancer du sein. Ceci est une conséquence directe de la consommation de tabac par les femmes depuis 30 ans. Vous me direz que le nombre de fumeurs au Québec a diminué depuis cinq ans, qu'il est passé du tiers de la population adulte, en 1992, à 30 %, en 1997. Cette bonne nouvelle n'est qu'en apparence seulement. Elle est contrecarrée par la tendance inverse et alarmante observée chez les jeunes de 12 à 17 ans dont le pourcentage de fumeurs est passé de 19 % à 38 % en cinq ans, de 1991 à 1996. C'est une calamité pour l'avenir. Et, bien sûr, les filles sont maintenant les plus nombreuses à fumer: 43 % d'entre elles.

Bref, au Québec, le tabagisme est le problème de santé publique numéro un, comme ailleurs au Canada. Quand toute la population d'un pays est à risque, il ne peut plus être question de choix et de responsabilité individuels. Les enjeux sont aussi trop importants pour compter seulement sur les campagnes de sensibilisation aux méfaits du tabac telles que la Société en pratique depuis sa fondation. C'est un ensemble de moyens qui fera réussir la lutte au tabagisme et cette loi d'encadrement en est la partie essentielle.

En gros, il faut diminuer le nombre des fumeurs en agissant surtout sur les jeunes qui sont les fumeurs de demain; deuxièmement, protéger la santé de la population des effets de la fumée des autres. Le projet de loi, tel que présenté, prévoit des mesures pour atteindre ces deux objectifs. Nous nous permettrons tout de même de vous proposer quelques amendements qui contribueraient à faire de cette loi l'outil tant attendu pour le contrôle du tabac.

J'aimerais maintenant inviter Mme Labrie, présidente du comité provincial des questions d'intérêt public, à aborder la question de la diminution du nombre des fumeurs en ciblant sur les jeunes. Mme Labrie.

Mme Labrie (Louise): Bonsoir, mesdames, messieurs, M. le Président, M. le ministre. Depuis plusieurs années, la Société canadienne du cancer travaille sur plusieurs fronts à la réduction du tabagisme en multipliant ses efforts d'éducation et d'information. Notre engagement se poursuit. Nous venons aujourd'hui même, ce matin, lancer un nouveau programme associé à notre ligne d'information sur le cancer pour encourager et soutenir les personnes qui désirent relever le défi de cesser de fumer. Je crois que le mot «défi» est bien choisi, car il faut en moyenne cinq à sept tentatives pour réussir à se libérer de cette dépendance à la nicotine.

Les campagnes d'information et les programmes de cessation de fumer seront toujours nécessaires, mais nous croyons qu'il faut mettre en oeuvre un ensemble de mesures pour réduire à la fois le nombre de fumeurs et prévenir le tabagisme chez les jeunes. Seule une loi réussira à encadrer tous les aspects que constitue le tabagisme et ainsi créer un environnement et une norme sociale favorables au non-usage du tabac.

Nous, citoyens, contribuables et bénévoles de la Société canadienne du cancer, considérons que le moyen le plus logique, le plus économique et sûrement le plus efficace pour freiner ce qu'il est convenu d'appeler l'épidémie du tabagisme est d'enrayer le problème à la source en l'envisageant sous l'angle de la prévention, faire en sorte que les jeunes ne commencent pas à fumer en créant un environnement où le tabac n'est plus la norme, mais est considéré pour ce qu'il est: une toxicomanie, un produit qui crée une dépendance dont il est très difficile de se défaire.

Pour les personnes qui désirent cesser de fumer, nous souhaitons qu'elles aient accès aux traitements médicaux par l'entremise de la Loi sur l'assurance-médicaments. Il existe maintenant plusieurs traitements médicaux efficaces qui contribuent à atténuer les effets du sevrage. J'attire votre attention sur la vulnérabilité des jeunes à l'attrait du tabac. Chaque jour, au Québec, une centaine de jeunes de 13 à 14 ans commencent à fumer. C'est l'équivalent de deux à trois autobus scolaires pleins d'enfants. Après l'âge de 20 ans, le recrutement de nouveaux fumeurs est quasi nul. Presque tous les fumeurs ont pris le chemin de la dépendance à l'adolescence. Les jeunes, nos enfants et petits-enfants, sont moins conscients que des adultes des risques à long terme de consommer du tabac. Ils sont une proie facile pour les vendeurs d'images. Si l'on associe trop longtemps la cigarette à des activités agréables, il devient très difficile pour ces jeunes d'entendre notre message santé. Ils l'entendent avec les oreilles, mais le message ne se rend malheureusement pas au coeur.

L'éducation des jeunes sur les risques associés au tabac n'est pas à proscrire, mais elle est insuffisante. Face à cet attrait des cigarettes, à la facilité de s'en procurer, à la présence visible de la fumée dans les milieux fréquentés par les jeunes, à la pression des amis, à la notoriété des modèles pour ces jeunes – on parle ici des parents, des héros, des vedettes à la télévision, dans les films, qui sont eux-mêmes des fumeurs – il est illusoire de croire que les campagnes épisodiques d'éducation que nous menons soient de taille à décourager les jeunes de fumer.

La tabagisme des jeunes a doublé en cinq ans. Ce n'est pas parce que fumer devient une mode chez les jeunes qu'il faut rester impuissant à constater ce phénomène. Nous pouvons faire beaucoup en agissant sur les facteurs qui encouragent les jeunes à fumer. La norme ou l'acceptation que véhicule la société, face au tabagisme, a beaucoup d'importance. Les adolescents présentement croient qu'il y a plus de fumeurs qu'en réalité. Face à ce constat, nous souhaitons qu'on traite le tabac à la mesure de sa nocivité, tel que prévu dans cette loi.

Prévenir le tabagisme chez les jeunes. Nous demandons de limiter la visibilité du tabac, de rendre les produits du tabac moins accessibles, tel que prévu dans la loi, en interdisant de vendre du tabac aux mineurs, appuyé par un système de permis de vente, d'inspections et de sanctions pour les contrevenants. Encore aujourd'hui, près de la moitié des détaillants vendent du tabac aux jeunes.

Une autre façon de rendre le produit moins accessible est d'en augmenter le prix progressivement, ce que vient de faire le gouvernement en mars dernier.

Nous demandons de contrôler la publicité, car l'utilisation de personnages ou d'images représentant un style de vie valorisé par les jeunes est un moyen qui contribue à conférer au tabagisme un pouvoir d'attrait; d'interdire la commandite d'événements, car ils sont associés à un style de vie valorisé dans notre société et ils contribuent à notre identité culturelle et sociale. L'association du tabagisme à cette identité fait en sorte que fumer devient un comportement idéalisé surtout chez les jeunes dont l'identité est en pleine formation. De même, la commandite, par l'industrie du tabac, de personnes qui sont des modèles pour les jeunes dans notre société n'est pas acceptable. Finalement, nous demandons de créer des environnements sans fumée dans tous les lieux publics fréquentés par les jeunes, de sorte qu'ils ne puissent développer la croyance que fumer est la norme sociale.

Nous croyons que toutes ces mesures contribueront à renforcer les messages d'éducation que les enfants et les jeunes reçoivent à l'école, à la maison et dans les différentes campagnes médiatiques.

J'inviterais M. Girard à nous parler de la question des environnements sans fumée.

M. Girard (Marcel): Alors, bonsoir, MM. les parlementaires. Je suis un bénévole, je suis un retraité, et ma façon de m'occuper, c'est de faire de l'éducation. Je suis un type qui ai fait une partie de ma vie en formation. Alors, le choix que j'ai fait, c'est justement d'être un bénévole et, depuis trois ans, je me préoccupe davantage du tabagisme. Je travaille surtout sur le domaine de la fumée des autres et tout le débat, par rapport à moi, la dimension et aussi l'expérience du terrain que j'ai dans la région de Québec, c'est le fameux débat entre les fumeurs et les non-fumeurs.

La réalité est la suivante. C'est toujours les deux pôles. Retenons comme principe de base qu'au Québec il y a environ un tiers des gens qui fument puis l'autre deux tiers qui ne fument pas. Lorsque là on a à bâtir une loi, on est obligés de tenir compte de ces deux contraintes. C'est deux pôles tout à fait importants.

(20 h 20)

La deuxième variable sur laquelle on doit travailler, c'est la population et ses catégories d'âge. En gros, la loi fait la distinction, à ce moment-là, entre les jeunes, d'un côté – pour nous, c'est les jeunes de moins de 18 ans – et tout le reste de la population. Alors, c'est pour ça que Mme Labrie vous a parlé davantage de cette dimension des jeunes. Par rapport à moi, bien, je suis allé sur le terrain et j'ai parlé davantage avec des gens qui veulent se donner des politiques de lieux sans fumée. C'est dans ce cadre-là que je vais faire des interventions, davantage sur le chapitre II où nous avons quelques remarques plus pointues et quelques corrections à faire.

Alors, on dit que la population a besoin d'être protégée des effets de la fumée des autres, et l'État à prendre des responsabilités pour protéger la santé des Québécois des risques d'épidémie, d'intoxication alimentaire, de pollution menaçant la santé de la population. Il a donc la même responsabilité face à la première source de pollution de l'air intérieur. La fumée de tabac est le produit qui est le plus dommageable dans tous les lieux publics en général, à part certains lieux où, à ce moment-là, il y a le produit de base qui va créer davantage des problèmes de santé. Mais, en général, la fumée de tabac est un produit très dommageable.

Donc, la question de la fumée de tabac dans l'environnement ne doit pas être débattue en laissant au soin d'individus la décision de permettre de fumer ou non. Et là c'est tout le droit des non-fumeurs et des fumeurs qu'on doit opposer pour établir un équilibre. C'est de situer le problème au niveau des valeurs personnelles, et cela ne peut qu'engendrer des conflits interpersonnels. Et Dieu sait si, à un moment donné, on est tous conscients dans nos milieux, travail, famille, social, toujours deux pôles qui s'opposent pour différentes raisons. C'est pour protéger la santé de la population que la Société canadienne, tout ce qu'elle fait, elle vise une chose: la qualité de vie des gens. Alors, trop souvent nous rencontrons des employeurs qui essaient de mettre des mesures et rencontrent certaines difficultés.

Alors, il faut tenir compte des éléments suivants: les risques pour la santé s'accroissent avec le niveau d'exposition à la fumée; les enfants exposés à la fumée des autres risquent d'avoir une fonction respiratoire perturbée de façon irrémédiable; toutes les personnes souffrant de troubles cardiaques ou respiratoires, une crise peut être déclenchée par la fumée; et finalement, l'incommodation que subissent les non-fumeurs n'est pas imaginaire, mais est causée par la présence de contaminants dégagés par le tabac qui brûle. En fait, tout le problème du tabac... Vous remarquerez que le tabac a deux éléments: le papier et le tabac comme tel. C'est 4 000 produits chimiques et 43 d'entre eux sont cancérigènes, entre autres le plomb. Et le plomb a, entre autres, beaucoup d'influence sur le système nerveux de l'être humain.

Alors, je vais passer davantage à la population par rapport au chapitre II et quels seront mes commentaires par rapport à ça. Alors, nous traitons plus particulièrement de ce chapitre et, dans ce sens-là, le gouvernement, par rapport à ce chapitre, a donné quelques exclusions et ça nous concerne quelque peu.

Par exemple, on était surpris de voir que les employés, les clients des bars, des casinos, des bingos n'ont pas été exclus dans ce groupe-là, et on comprend qu'on ne peut pas tout avoir au début. La Société le regrette, mais on ne vous demande pas de l'inclure pour l'instant dans la loi. On comprend qu'on ne peut pas tout faire, puis il faut commencer quelque part.

L'article 2, l'alinéa 9°, un des problèmes qu'on va vivre, c'est l'application suivante: les travailleurs utilisant un véhicule dans le cadre de leur fonction seront particulièrement à plaindre s'ils subissent des pressions pour tolérer la fumée en vase clos. Là, c'est tout le fameux problème des gens fumeurs et non-fumeurs dans un même véhicule. Comment on va être capable de gérer ça? Souvent, pour avoir travaillé avec les gens du milieu, je peux vous garantir que c'est toujours les non-fumeurs, à un moment donné, qui rencontrent la tolérance des fumeurs.

Alors, si, nous autres, nous avions une remarque à faire par rapport à cet article-là, ce serait qu'on oblige – par rapport à l'alinéa 9° – que les mots «et, sauf si tous les passagers y consentent»... On aurait «les moyens de transports», et ainsi de suite, tels quels et il n'y aurait pas à arbitrer les conflits interpersonnels. Ça, c'est un des problèmes.

À l'article 4, alinéa 1°, les centres commerciaux, nous aimerions que les centres commerciaux, au même titre que tous les autres, à ce moment-là soient exclus, et la raison est la suivante: il y a 500 000 personnes au Québec qui souffrent d'asthme et ces gens-là sont affectés comme tels par l'air ambiant. Et comment peut-on régler, avec l'article 6, 40 % d'un espace dans les centres d'achats? Comment on va être capable de gérer ça? Il y a certains centres d'achats dans la région de Montréal, Cadillac Fairview, qui ont réglé le problème. À Lévis, déjà, ils s'en vont dans une politique avec restrictions et, dans la région de Québec, il y a des débats qui se font par rapport à ça.

Nous notons aussi un risque de confusion et de recul dans l'article 4, alinéa 5°, où on dit: «les espaces d'attente, de repos et de services des établissements où sont présentés des activités sportives ou de loisirs». À ce moment-là, il y a déjà des entreprises qui sont plus avancées que ça. Donc, ça peut poser des problèmes.

Finalement, l'article 12. Nous voudrions que la première phrase de l'article 12 disparaisse, pour éviter qu'à un moment donné des gens qui ne croient pas comme tel à la protection face à la fumée secondaire se disent: On va réviser certains éléments de l'article 2. Nous aimerions plutôt que, s'il y avait des modifications à faire, ce soient des avantages des articles 3 à 9. S'ils posent un problème, il y aurait une modification là-dessus et non pas une réglementation pour tout remettre en question. Alors, en gros, c'est ce que je voulais vous dire.

M. Girard (Gilles): Pourquoi faire une loi maintenant, M. le Président? Parce que la population québécoise est prête pour une législation. Les sondages le démontrent, ainsi que les efforts que les individus font pour changer de comportement, et cela, dans toutes les couches de la société. Il y a des lois provinciales dans huit provinces. Le Québec sera la neuvième à se doter d'une telle loi et l'Alberta ne devrait pas tarder. La tendance internationale va dans ce sens. Nos voisins du Sud sont plus que résolus maintenant et ils ont pris les devants sur bien des aspects.

Deuxièmement, parce que légiférer sur le tabac concerne les bénéfices de la prévention sur la qualité de vie des individus. On observe de plus en plus la tendance sociale à prendre soin de sa santé, cette loi la favorise.

Finalement, parce que l'accroissement des coûts de traitement du cancer en font une des dépenses les plus importantes du gouvernement. La loi devrait, à long terme, permettre de diminuer les dépenses associées au traitement du cancer.

La Société canadienne du cancer appuie le projet de loi n° 444 et appuiera le gouvernement dans sa démarche de contrôle de ce fléau qu'est le tabagisme, mais elle restera vigilante, car, pour crier victoire, il faudra que l'action suive l'intention, en d'autres mots, que la loi soit non seulement adoptée, mais appliquée. Nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je vous souligne que nous avons quatre groupes à recevoir ce soir. Si on veut terminer à minuit en ayant reçu tous les groupes et en vous ayant surtout permis de vous exprimer au maximum, j'apprécierais, de la part de mes collègues, que les questions soient très courtes, mais j'apprécierais davantage, évidemment, si vous voulez qu'on vous en pose le plus possible, que les réponses soient aussi très courtes.

Alors, M. le ministre, si vous voulez débuter l'échange.

M. Rochon: Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour la préparation et la présentation de votre mémoire. Les suggestions que vous faites sont très bien ciblées et c'est sûrement des éléments qu'on va prendre en considération.

Il y a une question que je voudrais vous poser qui n'est pas directement sur les recommandations que vous faites, c'est assez clair, mais, vu votre expérience et un peu à l'exemple du premier groupe qu'on a rencontré au début de cette commission – le Conseil québécois sur le tabac et la santé – vous avez une expérience d'application de mesures, comme vous avez très bien expliqué, de prévention et de travailler avec les gens qui veulent cesser de fumer ou pour prévenir le début de cette habitude de consommer la cigarette.

Dans l'application de cette loi – et c'est ce qui va être très important – en présumant qu'on l'adopte dans les prochaines semaines, à quel genre de résistance on peut s'attendre surtout? Et qu'est-ce que votre expérience vous suggérerait de nous donner comme conseil de bien s'assurer qu'on prépare comme interventions – parce que, comme vous l'avez dit vous-même, ça fait partie d'un ensemble d'interventions, une loi comme ça – les points de résistance auxquels on peut s'attendre et les approches que vous...

M. Girard (Marcel): Mon expérience de terrain, depuis trois ans, les milieux industriels, c'est incroyable comment ils sont avancés, pour un certain nombre. Les restaurateurs, j'ai vu une ville, ici, dans la région de Québec, où la société est observatrice; cette ville-là a eu des problèmes avec les restaurateurs, puis la raison était la suivante. Quand on travaille le dossier des restaurateurs, la crainte que les gens des municipalités ont sur cette question-là, c'est le cannibalisme des restaurateurs d'une municipalité à l'autre qui fait que, finalement, tout le problème des restaurateurs, on n'a presque pas le choix, il va falloir qu'à ce moment-là on ait un cadre législatif à la grandeur du Québec qui fasse que les fameux restaurateurs ne pourront pas nous répondre que, si la ville X ou la ville Y a des réglementations différentes, à ce moment-là les gens vont... Ça, c'est une des difficultés, moi, qui m'ont été signifiées. Ça, c'est le deuxième élément – d'accord? – surtout.

J'ai travaillé avec des ministères aussi. Entre autres, j'ai travaillé avec le ministère des Transports – c'est surtout les travaux publics. Une des difficultés que j'ai vécues... Il y avait 225 personnes, il y en avait 80 qui étaient fumeurs. Le gros problème que j'ai eu à surmonter avec eux autres – parce que j'ai fait quatre jours de succession – c'est comment gérer le fumeur et le non-fumeur dans le même camion? Ça, je vous le dis honnêtement, il y en a quelques-uns qui se disaient... Bien, à un moment donné, le patron a décidé d'avoir deux non-fumeurs ensemble puis, une autre équipe, deux fumeurs ensemble, pour régler certains problèmes. C'est dans ce sens-là que je vous disais que cette partie-là est difficile.

(20 h 30)

Un autre problème qui se pose aussi, toujours par rapport aux taxis... Prenez l'exemple des taxis. Il y a des chauffeurs de taxi, c'est la semaine dernière, sans qu'il y ait un cadre législatif, qui ont dit la chose suivante: Moi, non-fumeurs, dans mon taxi, je perds des clients parce que je ne veux pas que personne fume. Son confrère a dit la chose suivante: Moi, je suis tolérant. La situation est la suivante. La fumée de cigarette est un produit toxique, les taxis fonctionnent 24 heures par jour, deux équipes: une équipe de 8 heures à 4 heures et une équipe de 4 heures à minuit. Celui de 8 à 4, c'est un non-fumeur, celui de 4 à minuit, c'est un fumeur. La même auto à ce moment-là est dans une aire polluée. Alors, vous voyez, ça, c'est le type de difficulté que les gens vivent à ce moment-là par rapport à cette question-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Ça va pour tout de suite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. D'abord vous remercier bien sincèrement pour la qualité de votre présentation et aussi d'être avec nous ce soir, M. Girard et toute votre équipe, souligner le travail des bénévoles de la Société canadienne du cancer. Je pense que, à plusieurs reprises, on a eu l'occasion de vous voir à l'oeuvre, et c'est hautement apprécié par tous les gens dans la société.

Je voudrais vous faire une demande. Au début, vous avez, M. Girard, je pense, donné un certain nombre d'amendements. Est-ce que ce serait possible de les déposer par écrit? Ou à moins qu'on les ait déjà déposés, mais...

M. Girard (Marcel): Ils sont à l'intérieur du mémoire, si je ne me trompe pas. S'ils ne sont pas assez précis, on pourra peut-être les préciser avec quelqu'un tout à l'heure.

Une voix: Ils se retrouvent à l'intérieur du document.

M. Girard (Marcel): Ils se retrouvent à l'intérieur du document, M. le Président.

M. Marsan: Moi, j'ai trois pages blanches en tout cas quelque part. Je ne sais pas si c'est là qu'ils devaient aller. Juste s'assurer que c'est bien arrimé. Je comprends que vous acceptez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...dans le texte.

M. Marsan: O.K. en tout cas, juste pour être certains. On vient juste d'avoir votre texte, alors, ce serait très apprécié. Et la première question, c'est celle qui touche davantage les jeunes, vous savez jusqu'à quel point ça peut être important. Est-ce que le projet de loi qui est devant nous fait en sorte que les jeunes ne commenceront pas à fumer, d'après vous?

Mme Labrie (Louise): Nous croyons que c'est l'ensemble des mesures qui sont prévues dans le projet de loi qui vont avoir un incitatif positif pour créer surtout cet environnement-là, social, qui n'encourage pas le tabagisme, parce que présentement on voit beaucoup de tabagisme dans les endroits... Les gens fument un peu partout dans les environnements des jeunes aussi. Et il faut dire aussi que les jeunes sont très sensibles au prix des produits du tabac; un paquet de cigarettes coûte le prix de trois, quatre paquets de gomme. On pense que l'ensemble des mesures qui seraient prévues pourrait avoir vraiment un poids positif pour aider les jeunes à ne pas commencer à fumer.

M. Marsan: Est-ce que vous seriez favorables d'associer avec le projet de loi une augmentation des prix des cigarettes, par exemple?

M. Girard (Gilles): Absolument. L'augmentation du prix de la cigarette est l'arme la plus efficace pour arrêter le tabagisme chez les jeunes, qui n'ont pas les moyens. Je pense que la preuve en est faite. La moindre augmentation a un effet direct.

M. Marsan: Malgré les incidences qu'il pourrait y avoir sur la contrebande ou ces choses-là?

M. Girard (Gilles): Absolument.

M. Marsan: Ça, vraiment, c'est votre opinion. Je voudrais aussi... Vous avez mentionné – et je pense que c'est reconnu scientifiquement maintenant – le lien de cause à effet entre certains cancers et la consommation de tabac. Vous parlez de la fumée des autres et vous dites que ça peut jusqu'à tuer 100 personnes. Est-ce que c'est documenté scientifiquement?

M. Girard (Marcel): Les recherches scientifiques... Dans nos documents, on a une référence par rapport à ça. Est-ce que quelqu'un pourrait nous donner la référence? Mais c'est documenté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si vous les avez à vos bureaux ou autre, on apprécierait les recevoir à la commission.

M. Girard (Marcel): Oui, on les fera parvenir.

M. Marsan: Puis, en terminant, si vous êtes d'accord, M. le Président... Vous nous parlez des tendances internationales qui vont vers des mesures pour limiter l'accessibilité du tabac aux jeunes. Vous pouvez nous en parler un peu de ces grandes tendances-là dans la société aujourd'hui?

M. Girard (Marcel): Au niveau des références, vous voulez dire?

M. Marsan: Ce qui se passe un peu ailleurs, aux États-Unis, en Europe, toujours pour les jeunes, l'interdiction d'accès aux jeunes.

M. Girard (Marcel): Aux jeunes. O.K.

M. Marsan: Alors, ce qui se passe et les résultats. Est-ce qu'on a du succès avec les moyens qui sont pris?

Mme Labrie (Louise): Oui. Bien, on peut regarder l'État d'Illinois où ils ont restreint, presque éliminé la vente de tabac aux mineurs et ont réduit la prévalence de beaucoup. On a ces données-là, si vous les voulez. Mais certains États ont très bien réussi, puis ça n'a pas créé de contrebande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonsoir, et merci de votre présence. Merci aussi des efforts que vous faites pour cette lutte contre le cancer. Je comprends que vous êtes des bénévoles et que, donc, vous faites ça vraiment parce que vous y croyez.

Moi, je veux vous poser une question d'ordre peut-être un peu général, mais en prenant appui sur des choses que vous dites dans votre mémoire.

Ma question est la suivante. Est-ce que, à vouloir être trop sévère, finalement, on n'a pas un résultat inverse? Quand vous dites: Limitons dans les bars, dans les casinos, dans les bingos, dans tous les endroits que fréquentent les jeunes, est-ce que ce n'est pas trop, de telle sorte qu'une trop grande sévérité incite à la déviance?

Et je pense que l'enlignement du projet de loi tel qu'il est, c'est d'essayer de trouver un juste milieu entre des interdictions nécessaires, souhaitables, mais en même temps que les gens vont respecter, parce qu'elles ont une certaine dose de raison. Et une interdiction qui serait trop grande et qui pousserait les gens à essayer de s'en sauver autrement... Alors, je vous pose la question, parce que, dans ce qu'on a entendu jusqu'ici, vous êtes probablement le groupe qui est le plus radical et vous reconnaissez des choses qui sont bonnes dans le projet de loi, mais en même temps, vous voulez aller beaucoup plus loin. Je vous pose la question: Est-ce qu'aller vraiment très loin, ça n'est pas aller trop loin et avoir un effet contraire à ce que l'on recherche?

M. Girard (Gilles): Premièrement, Mme la députée, le projet de loi va beaucoup moins loin que bien d'autres au Canada et aux États-Unis.

Effectivement, il y a une balance et sans compter que les périodes de transition, soit 10 ans pour les restaurants, 18 mois pour les lieux de travail, cinq ans pour les installations portant la marque de tabac, sont des périodes qui feront en sorte que la population qui déjà est prête, à notre avis, aura le temps de s'ajuster.

Le projet de loi évidemment contient aussi un article pour compenser la perte de la commandite. Et finalement, je pense que les sondages nous donnent nettement l'impression que la population est prête quant à la sévérité de certaines clauses, encore une fois, comparativement à d'autres États, si on se compare aux États-Unis où des villes entières, des municipalités entières ont banni le tabac. Je pense que le projet de loi qui est proposé mérite d'être évalué à sa juste mesure, dans le contexte actuel.

Mme Malavoy: J'aurais envie de la reposer, mais autrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, Mme la députée.

Mme Malavoy: Je ne doute pas du sérieux des expériences que vous relatez ou des données que vous avez en main. Je vais le prendre par un biais très personnel mais que vivent beaucoup de gens.

Moi, j'ai une fille de 22 ans à qui je peux très bien dire: Dans l'appartement, la cigarette me dérange, dans la voiture, la cigarette me dérange. Elle fait partie de cette génération de jeunes qui ne fument pas, honnêtement, beaucoup, mais qui fument un peu pour des raisons essentiellement sociales, parce qu'à l'époque où, moi, je fumais – ça remonte à il y a une dizaine d'années – elle me dessinait des têtes de mort sur mes paquets de cigarettes, vous voyez, aussi, probablement comme faisaient les enfants de son âge à cette époque-là. Mais ma propre fille, si elle ne peut pas aller fumer dans un bar sur la Grande Allée, elle va le faire ailleurs.

Si on interdit complètement dans certains lieux publics que fréquentent les jeunes, toute fumée... Vous pouvez me dire: La population en général est prête à ça, mais je me demande si certains jeunes – et je pense que ma fille est un exemple qui en vaut bien d'autres – vont, pour le moment, vouloir conserver une certaine liberté de fumer. Et, moi, je me dis que peut-être il vaut mieux leur permettre en certains lieux où, moi, je n'irai pas si ça ne m'intéresse pas. Je n'ai pas besoin d'aller veiller dans les bars, moi, j'ai pas mal d'autres choses à faire que ça, mais pour ces jeunes-là, ça représente, malgré tout, bon, quelque chose d'intéressant. Et je crains que, si on interdit trop, ils recréent ailleurs ce qu'on aura essayé d'éviter à ces endroits-là.

(20 h 40)

Une voix: M. Girard me dit qu'il a la réponse.

M. Girard (Gilles): Oui. On ne veut pas demander des amendements concernant les bars, concernant les salles de bingo et concernant le casino. On dit: On n'est pas contents. D'accord? Mais on ne veut pas... Puis on comprend, pour les mêmes raisons que vous, on ne peut pas tout faire. Mais soyez conscients qu'il y aura toujours une partie de la population, peu importe l'information que vous leur donnez... Il y a à peu près 20 % de gens qui sont des irréductibles. Toutes les statistiques le prouvent. Comme dans toute société, t'as x % qui sont pour puis t'as x, y % qui sont contre, puis c'est une réalité. Alors, c'est pour ça que, nous, on ne demande pas cette partie-là. Mais, par contre, on vous donne quelques problèmes que l'on vit.

C'est pour ça que je vous ai donné l'exemple de l'article 9, par contre, où c'est très concret. Puis ça, c'est des adultes qui vivent ça. Mais, pour les jeunes, je suis d'accord avec vous que... Même moi, j'ai rencontré des jeunes, des jeunes filles entre autres, puis je peux vous dire la chose suivante: Les gars puis les filles, une des façons de contester l'autorité des parents, c'est de faire le contraire de ce que les parents pensent. Ça, c'est ce que certains jeunes m'ont dit.

Mme Malavoy: Mais ça, c'est de toute éternité, hein.

M. Girard (Marcel): Oui, mais c'est vrai. Mais c'est vrai plus particulièrement par rapport à ces jeunes-là lorsqu'on leur parle de la cigarette. Pour avoir été en contact avec eux, là, c'est ça qu'ils me donnent comme réponse, les filles et les garçons. C'est une façon pour eux de s'affirmer. Ils ont le droit. Mais ce qui est important, c'est que la décision qu'ils prennent, qu'ils soient conscients des conséquences. Puis ils vont vivre avec leur décision, puis c'est le mieux qu'on peut faire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la députée de... Oui?

M. Girard (Marcel): Si vous permettez, M. le Président, Mme...

Mme Labrie (Louise): Peut-être juste ajouter un commentaire. Si on parle beaucoup des irréductibles, on parle beaucoup des jeunes aussi. Les jeunes ont des campagnes d'alcool au volant. Bon, on a fait beaucoup de progrès par rapport à ce comportement-là. Donc, avec des bonnes campagnes, on pense que les jeunes sont assez intelligents pour suivre.

Mais j'aimerais parler aussi de... Lorsqu'on crée comme ça des incitatifs positifs, des mesures, ça a de l'effet aussi sur les 85 % de fumeurs qui désirent arrêter de fumer et qui attendent juste d'être dans des environnements puis d'avoir des incitatifs puis d'avoir des programmes pour leur donner un coup de pouce. Donc, c'est sûr qu'il y en aura toujours qui vont être à contre-courant, mais, moi, j'en entends beaucoup, lorsque je donne des conférences, des gens qui se confient puis qui me disent: Amenez-la, la loi, ça va nous aider, ça va nous donner un coup de pouce pour arrêter de fumer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. C'est mon tour, finalement. Madame, messieurs, merci pour le mémoire et pour l'éloquente présentation que vous nous avez faite. Ça se voit que vous êtes des gens très convaincus.

Je dois vous dire qu'il y a de l'espoir. Je peux parler de mon expérience personnelle. J'ai été une fumeuse invétérée et j'ai vu, en fait, un film sur le cancer du poumon. J'ai écrasé ma cigarette, et c'était la dernière fois que j'ai touché à une cigarette parce que j'ai trouvé ça épouvantable, en effet, les dommages que ça cause au niveau de la santé. Mais je trouve quand même vos propos au niveau du tabac qu'il faut traiter comme un problème de toxicomanie, un problème à la mesure de sa nocivité... Ça veut tout dire. Vous avez aussi parlé de la vulnérabilité des jeunes de 13 à 14 ans. Il va sans dire que ce projet de loi ne va pas éliminer la cigarette. Il va limiter l'usage de la cigarette; on l'espère, en tout cas. Il va limiter l'usage surtout chez les jeunes. Et comme mère ayant des jeunes aussi, je suis très préoccupée par ça.

Ceci étant dit, vous avez également touché la question de la commandite des événements spéciaux et vous avez dit que c'était à vos yeux inacceptable que ce procédé-là puisse être utilisé, surtout parce qu'on associait la publicité dans ces événements à des modèles qui signifient quelque chose pour les jeunes. Mais vous comprendrez aussi que les événements spéciaux, que ça soit dans le domaine culturel ou que ça soit dans le domaine sportif, c'est également des activités grand public qui ont un impact économique important, surtout dans le domaine de l'industrie touristique. On n'a rien qu'à penser au Grand prix, au Festival du jazz, et tout ça. Quelles sont les solutions de rechange que vous envisagez, s'il faut à tout prix bannir la commandite par les compagnies de cigarettes?

M. Girard (Gilles): Laissez-moi vous dire que nous partageons avec vous le problème économique que ça pose chez ces organisations culturelles, sportives et autres. Nous sommes pour ainsi dire les porte-parole de ceux qui sont affectés par la maladie. On est beaucoup impressionnés par ce que nous côtoyons quotidiennement et nous sommes effarés de l'envergure. Comme je le disais tantôt, le nombre de mortalités dépasse l'entendement, si vous voulez, quand on peut l'attribuer à la cigarette et à un cancer spécifique, qui est celui du poumon.

Alors, dans ce contexte, les gouvernements ont des choix. Nous sommes fort heureux de la création de fonds spéciaux pour effectuer une transition qui permettra aux organismes de récupérer dans le temps. La solution idéale, je crains ne pas la posséder. Par contre, c'est une question de choix et nous espérons que, dans la décision finale, cette loi pourra inclure des modalités qui permettront une transition qui facilitera les choses pour assurer la survie de ces organismes.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Dans votre mémoire – je ne sais pas la page, parce que ce n'est pas paginé – mais sous le chapitre intitulé «Pour diminuer le nombre de fumeurs», vous dites: «Le moyen le plus efficace pour diminuer le nombre de fumeurs dans la population, c'est de prévenir l'adoption du tabagisme chez des fumeurs potentiels.» La prévention, donc.

Quel est le meilleur moyen de faire une prévention efficace chez les jeunes? Parce qu'on a entendu des groupes qui se sont présentés avant vous. On vous entend. Il y a une multitude d'organismes gouvernementaux, paragouvernementaux, d'ONG qui s'impliquent dans cette lutte au tabagisme, qui font de la prévention. Mais j'ai comme l'impression que c'est des efforts qui sont trop éparpillés et que ce n'est pas bien ciblé. Est-ce que vous voyez un moyen de faire une prévention systématique, bien organisée, qui cible les jeunes sur une base, je dirais, permanente et non pas de façon ponctuelle? Est-ce qu'il y a un moyen que vous envisagez dans ce sens?

M. Girard (Gilles): Le moyen que nous voyons à l'heure actuelle, c'est cette loi que nous n'avons pas à l'heure actuelle. Elle comprend plusieurs moyens, notamment l'abolition du fumage dans les établissements, dans les écoles primaires, secondaires et nous aimerions que ça s'étende au niveau universitaire, même, et l'interdiction dans les lieux publics que sont les centres d'achats, où les jeunes se rassemblent. Cet ensemble de moyens, à notre avis, dans une loi, font en sorte que la prévention aura une chance meilleure qu'elle a eue dans le passé. Ça fait 40 ans ou plus; ça fait depuis les années quarante. La prévention a toujours été partie des programmes de la société, et les résultats sont mitigés. Je suis d'accord avec vous. Et nous espérons, pour une première fois, qu'une loi qui comporte plusieurs aspects qui touchent le tabagisme permettra à la prévention d'agir comme on espère qu'elle agira.

Une voix: M. Girard.

(20 h 50)

M. Girard (Marcel): J'aurais un petit commentaire additionnel concernant votre question. Je fais partie de la Coalition régionale Québec–Chaudière-Appalaches où, alentour de la table, nous avons 12 personnes. Il y a un représentant du sport étudiant qui va vous présenter un mémoire cette semaine. Il y a une expérience très intéressante, dans la région de Québec, où on a associé le sport, d'accord, à l'activité physique, à l'éducation et aussi, comme telle, à ce moment-là, à l'information des jeunes sur la cessation de fumer. Je peux vous dire que, moi-même, j'ai reçu des appels. Les professeurs d'éducation physique ont reçu une demi-journée de formation sur le tabagisme. Les ressources du milieu, dont la Société canadienne du cancer... J'ai été sollicité pour regarder le Guide pédagogique. Ils utilisent nos vidéos, ils utilisent nos dépliants, ils utilisent nos brochures, ils utilisent nos affiches. J'ai reçu, la semaine dernière, de la part des jeunes, les fameuses maisons de jeunes... Les maisons de jeunes, actuellement, elles ont bâti une vidéo de 15 minutes qui a été véhiculée dans 90 centres de jeunesse au Québec. Là, la demande est tellement forte pour ces centres de jeunes là qu'ils ont appelé à la Société canadienne du cancer puis ils ont dit: Pourriez-vous nous fournir 100 affiches qu'on va présenter dans un guide pédagogique où ce document-là va être véhiculé à la grandeur du Québec pour centrer comme telle cette dimension-là par rapport à ces jeunes-là qui ont des besoins par rapport à ça?

Alors, voyez-vous, ma réponse à moi, il va y avoir différentes interrelations selon la capacité des gens du milieu de se prendre en charge. Il y a 14 régions au Québec pour la Société canadienne du cancer. Moi, ce que je souhaite, c'est que les 14 milieux produisent des programmes adaptés à leur réalité. Bravo s'il se fait des choses sur le plan provincial, comme le groupe des jeunes qui veulent diffuser ça. Ils vont nous envoyer un guide pédagogique et, nous, la Société canadienne du cancer, on s'est engagés à le faire connaître dans les autres milieux. Alors, la réponse, pour moi, c'est la concertation après la loi. Il faut que ça se continue. Une loi, c'est une chose; l'application, c'est une autre affaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Labrie, un court commentaire additionnel.

Mme Labrie (Louise): Oui, un court commentaire. Qu'est-ce qui est documenté dans la littérature? Et, quand on parle à nos autres bénévoles qui font de la prévention, de la promotion... C'est prévu, dans la loi actuellement, qu'il y a des mesures qui vont vraiment aider à ce que les jeunes ne commencent pas à fumer. On parle de créer les écoles sans fumée. On parle aussi d'aider les jeunes à arrêter de fumer, puis aussi moins de publicité, moins de commandite, parce que ça rend le produit, les marques de cigarettes tellement visibles. Questionnez vos enfants. Demandez-leur quelles cigarettes ils fument. Ils fument les marques de cigarettes qui sont les plus commanditées, les plus visibles. Aussi, c'est très important de prévoir, dans le curriculum scolaire des enfants, une continuité dans l'éducation puis dans l'information. Naturellement, on pense aussi que, vous, en étant parents, grands-parents, vous contribuez aussi à informer vos enfants et vos petits-enfants.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier pour votre mémoire et puis pour vos convictions tout à fait contagieuses. Je voudrais cependant que vous me rassuriez sur une chose. Je vois que l'article 13 prévoit que l'on ne peut vendre de tabac à un mineur. Si je comprends bien, on a déjà un tel article dans la loi. C'est déjà défendu de vendre du tabac aux mineurs, et pourtant on sait que nos dépanneurs comptent là-dessus en partie pour pouvoir survivre.

Alors, première question, parce que j'en ai deux: Qu'est-ce qui vous permet de croire que cette loi-ci va être plus efficace que ce qu'on a présentement? Deuxièmement, vous avez parlé tout à l'heure que, évidemment parmi les choses qui rendent la cigarette moins accessible aux jeunes, c'est le prix, ce qu'il en coûte. Alors, qu'est-ce que vous pensez de la suggestion qui m'a déjà été faite d'autoriser la vente de cigarettes qu'en cartouches d'au moins 200 cigarettes? Est-ce que vous pensez que c'est une suggestion qui est réaliste, qui permettrait d'améliorer ou tout simplement qui conduirait à des effets tels ceux qui ont été mentionnés par ma collègue tout à l'heure?

M. Girard (Gilles): C'est une première, M. le député. C'est la première fois qu'on entend cette suggestion. Je manque de mots, là. C'est certainement une chose... On joue sur le volume plutôt que de jouer sur l'unité. Dans un carton, il y a huit paquets de cigarettes, si je comprends bien.

M. Dion: Je crois, oui.

M. Girard (Gilles): Oui, c'est ça. Mais je reviens à votre question. La loi fédérale, à l'heure actuelle, qui interdit la vente aux mineurs n'est pas réellement appliquée. On me dit qu'il y a à peine cinq inspecteurs pour donner suite à cette loi. Alors, je pense que, dans la réglementation et dans l'application de la loi, le gouvernement verrait à s'assurer que l'interdiction de vente aux mineurs fasse l'objet d'examen soutenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre deuxième question, M. le député.

M. Dion: C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ça.

M. Dion: Dans quelle mesure vraiment... Qu'est-ce qui permet de croire que cette loi-là va être plus appliquée que l'autre? Vous vous en remettez au gouvernement pour faire des règlements qui seront appliqués, quoi?

M. Girard (Marcel): Bien, disons pas au gouvernement, parce que nous sommes des acteurs dans le milieu et inévitablement... Moi, je peux vous prédire la chose suivante. Cette loi-là, lorsqu'elle sera appliquée, les besoins de support que la Société canadienne du cancer va avoir entre autres par rapport à la cessation... Je vais vous donner un exemple: Ce matin, on a présenté à Montréal une brochure pour cesser de fumer, les hommes et les femmes. Je suis allé à TVA parler de ça pendant trois minutes. Je leur ai dit: Vous avez accès à ce document-là par le 1-888-939-3333. Une heure plus tard, au centre de documentation, il y a eu 45 personnes qui ont appelé pour avoir ce document-là, parce que j'ai donné une capsule d'information de trois minutes à TVA ce matin, avec M. Bruneau. Vous voyez que déjà il y a des gens qui attendent des outils accessibles, pas coûteux. C'est l'ensemble des mesures. Et le cadre législatif, lui, savez-vous ce qu'il va faire? Il établit une patinoire entre les fumeurs et les non-fumeurs; il établit une patinoire entre les catégories de jeunes de 18 ans et moins et les plus âgés; il établit une patinoire pour les centres commerciaux et pour les centres industriels.

Il y a combien d'employeurs qui aimeraient avoir une loi! Combien de municipalités nous disent: Nous autres, on devrait avoir une loi unique, pour les raisons que je vous ai mentionnées tout à l'heure. C'est dans ce sens-là qu'il y a de plus en plus de concertation. Le gouvernement, ce qu'il fait, il établit les bornes, les grandes lignes. Mais c'est le milieu, finalement, à travers, à ce moment-là, sa pratique, à travers des organismes comme l'Association pulmonaire, la Fondation des maladies du coeur, la Société canadienne du cancer, qui est dans la région depuis trois ans, et on travaille ensemble.

Je vais vous donner un exemple de concertation qu'on a eue ici, et on parlé des parents tout à l'heure. C'est assez incroyable. Moi, de la Société canadienne du cancer, j'ai fait connaître à ma coalition un petit document qui s'appelle Parlez-en franchement , qui s'adresse aux parents. C'est un document qui originait du ministère de l'Ontario. J'avais pris ça dans un congrès à Ottawa, il y a deux ans. Bien, croyez-moi pas, on avait 3 500 copies à Montréal – et c'était gratuit, ça venait de la Santé de l'Ontario – et, dans l'espace d'une semaine, j'ai eu 3 000 commandes de ce dépliant-là qui a été diffusé dans la région de Québec, d'accord, et j'en ai eu 500 commandes qui ont été diffusées du côté de la région 12, pour donner la chance aux parents d'avoir des arguments pour répondre à leurs enfants.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé, vous avez la dernière intervention de cette audition.

M. Girard (Gilles): M. le Président, avant cette dernière intervention, permettriez-vous à madame...

Mme Labrie (Louise): Quinze secondes. Pour répondre précisément...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Labrie (Louise): ...à votre question, d'autres provinces l'ont fait. Ce que ça prend pour la vente de tabac aux mineurs, c'est des mesures de renforcement: que les détaillants sachent qu'ils pourraient perdre leur permis de vendre du tabac. Ça prend des sanctions. Et là je peux vous assurer qu'on aurait du progrès dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, M. le Président. Ça va être un peu en conclusion, à ce que je comprends, et puis en même temps, ça tombe bien, parce que j'ai apprécié, beaucoup même, votre mémoire, parce que je le trouve... Malgré que je m'attendais à avoir un mémoire un peu plus choc, je vous trouve très ouverts à la population, en tenant compte des fumeurs, pour protéger aussi les travailleurs et le droit des non-fumeurs et des jeunes. Vous faites le tour de vraiment toute la problématique, et puis je me disais comme ça, en réflexion, suite à la question de ma collègue de Sherbrooke, qu'on reconnaît le degré de civilisation ou d'évolution d'une population avec le degré de tolérance à nos exclus. Et puis les fumeurs, ça se trouve quasiment à être des exclus de plus en plus. Et le degré de tolérance est important dans une société. Vous êtes les premiers au front et vous avez beaucoup de tolérance, malgré des fois ce qu'on entend dire, et c'est tout à votre honneur.

L'article 2, alinéa 9, quand vous parlez des transporteurs, dont entre autres les taxis, celui-là de même que l'article 4 et l'alinéa 5, concernant les aires de repos dans les attentes dans les lieux d'établissements où il y a des endroits culturels et sportifs, on parle d'aménagement d'aires. En lisant l'article, je crois, et il faudrait le vérifier, peut-être bien avec le ministre, mais possiblement que ces aires de repos-là ne sont pas ventilées, comme dans certains autres endroits. Est-ce que c'est ça ou ce n'est pas ça?

(21 heures)

M. Girard (Marcel): En fait, le fameux problème qu'on oppose entre les fumeurs et les non-fumeurs par rapport à ces lieux-là, c'est que, déjà dans la pratique... Il y a certaines arénas, par exemple, qui sont déjà non-fumeurs, comprenez-vous, parce que la loi permet d'arbitrer entre les fumeurs et les non-fumeurs, parce qu'il y a certaines entreprises, au moment où on se parle, qui sont plus avancées que ce qui est dit là.

Je vais vous donner un exemple: le camion d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a une politique très claire: Pas de fumage dans les camions. La nouvelle loi dit... Maintenant, s'il y a un bon contact entre deux individus dans le même camion, un fume, l'autre ne fume pas, il va se passer quoi, par rapport à l'article 9, s'il y a un arbitrage entre les deux? C'est là, la question. Comprenez-vous? C'est là, la question. On fait quoi? Je me dis: Moi, fumeur, une plainte. Ils vont invoquer ça. On fait quoi?

M. Désilets: Mais l'article 9, moi, je l'avais plus vu dans le sens, au niveau de la ventilation.

M. Girard (Marcel): Moi, ce que je décode... Moi, écoutez, le problème de l'article 9... Prenez-le tel quel, là. L'article 9, oui, c'est bien ça? L'alinéa 9, pas l'article. On se comprend bien, là? Le paragraphe 9° de l'article 2, c'est de ça que vous parlez?

M. Désilets: O.K. Non, c'est correct, moi, j'étais rendu à l'article 4, alinéa 5...

M. Girard (Marcel): Ah! L'article 4. Oui, O.K. Ça va.

M. Désilets: ...les aires de repos.

M. Girard (Marcel): Pardon? Le numéro 5 en bas.

M. Désilets: L'aménagement des aires.

M. Girard (Marcel): O.K. Alors, votre question, c'est...

M. Désilets: Si on aménage des aires avec une ventilation...

M. Girard (Marcel): On dit ici: «L'exploitant d'un lieu ou d'un commerce peut aménager des aires où il est permis de fumer dans les lieux suivants.» Oui?

Une voix: ...

M. Girard (Marcel): La mécanique...

M. Désilets: C'est ça qu'on n'a pas.

M. Girard (Gilles): Si vous me permettez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...intervention.

M. Girard (Gilles): ...prenons l'aire commune d'un centre commercial. On pourrait dire: Un côté de l'aire commune est pour les fumeurs, l'autre côté pour les non-fumeurs. Or, la fumée circule partout. Ce que nous suggérons, c'est qu'il y ait interdiction de fumer dans les aires communes et que l'on aménage un endroit spécifique où on pourrait le ventiler et permettre aux fumeurs de fumer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup et j'invite les représentants de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie et Conseil canadien de la distribution alimentaire. C'est long.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentants de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie et Conseil canadien de la distribution alimentaire. M. Dumulong, c'est vous qui présentez les gens et, j'imagine, vous présentez le mémoire. Et vous nous expliquerez avec votre collègue si on a quelque chose à faire de particulier. Allez-y.


Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie (NATCD) et Conseil canadien de la distribution alimentaire (CCDA)

M. Dumulong (Luc): Merci beaucoup. Premièrement, on voudrait remercier la commission des affaires sociales de nous donner l'opportunité de présenter nos vues et aussi de donner des explications sur les impacts qu'on voit au niveau de ce projet de loi là sur les entreprises, donc sur le plancher des vaches, comme on dit. Mais, avant de passer à ce sujet-là, je vais présenter mes collègues. Michel.

M. Nadeau (Michel): Bonjour, mon nom est Michel Nadeau. Je suis vice-président du Conseil canadien de la distribution alimentaire. Je suis accompagné ce soir par un de mes membres, M. Michel Fafard, qui est directeur de l'exploitation au détail pour la compagnie des marchands d'alimentation Agora à Montréal.

(21 h 10)

M. Beaudry (Robert): Je me présente, Robert Beaudry. Je suis distributeur en gros en alimentation et en tabac.

M. Dumulong (Luc): Et je suis Luc Dumulong, vice-président exécutif de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que c'est vous qui commencez?

M. Dumulong (Luc): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Dumulong (Luc): Oui. Au Canada, le tabac est donc un produit légal, et seuls les adultes devraient l'utiliser. Notre Association ne fait pas la promotion de la consommation du tabac et encourage l'éducation auprès des jeunes. Comme membres de la Coalition canadienne pour une pratique responsable du commerce du tabac, nous avons lancé une campagne nationale afin d'aider les détaillants à observer les lois en vigueur. Notre but était de faire clairement comprendre aux jeunes et aux détaillants aussi qu'une preuve d'âge valide était désormais requise pour acheter les produits du tabac, et nos membres ont rejoint plus de 35 000 détaillants à travers le Canada.

La taxation excessive des produits du tabac adoptée par les gouvernements dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix a entraîné la création d'un réseau de distribution parallèle bien structuré et qui reste encore à être démantelé. Contrairement à ce qu'on croirait, après l'indispensable réduction des taxes de février 1994, le canal de distribution du crime organisé n'a pas disparu. Afin de réduire l'évasion fiscale et la contrebande toujours existante sur les produits du tabac, nous avons récemment présenté aux gouvernements provinciaux touchés ainsi qu'au fédéral une modification de perception de taxes au niveau du tabac. Cette méthode, qui a fait déjà ses preuves en 1995 en Nouvelle-Écosse, consiste simplement à ramener à zéro le taux des taxes de vente – TPS et TVQ – qui sont prélevées au niveau du détail et de compenser pour le manque à gagner en augmentant de façon équivalente l'impôt spécifique provincial perçu au niveau des distributeurs. Ceci ferait en sorte que tous les produits du tabac achetés par les détaillants seraient ainsi toutes taxes incluses. On a une annexe là-dessus, à cet effet-là, qu'on a présenté au gouvernement ici.

Au sujet du projet de loi proprement dit, notre Association approuve et appuie les principes du projet de loi ainsi que plusieurs de ses mesures. Cependant, certains articles sont rédigés d'une façon qui pourrait amener des impacts économiques indésirables, tandis que certaines parties sont superflues.

Les petites entreprises seront les plus durement touchées par le projet de loi n° 444. Les entreprises familiales de distribution constituent la majeure partie de nos membres et desservent la majorité des petits détaillants indépendants au Québec. Pour votre information, c'est au Québec, per capita, qu'on retrouve le plus grand nombre de détaillants indépendants au Canada. La fermeture de plusieurs commerces que pourrait entraîner ce projet de loi, bien sûr, causerait des pertes d'emplois tant au niveau du détail qu'à celui de la distribution. Nous exprimons donc notre inquiétude face aux aspects inconnus du projet de loi.

Le pouvoir réglementaire laissé aux fonctionnaires est, à notre avis, beaucoup trop important. Nous proposons que soit ajoutée à la loi une clause stipulant que, en prévision de l'adoption de règlements accompagnant la loi, ceux-ci soient soumis à un examen parlementaire et incluant un processus de consultation. De plus, il nous est difficile de fournir toutes les suggestions pertinentes requises quand on ne nous donne que 15 jours pour présenter nos commentaires.

Nous croyons que toutes les ventes de produits du tabac devraient être supervisées. Donc, au niveau des machines distributrices, seules celles équipées de contrôle à distance ou n'acceptant que des jetons devraient être permises. Ainsi, le contrôle de qui achète des produits du tabac dans une distributrice est assuré, respectant ainsi l'esprit de la loi et contrôlant l'accessibilité aux produits. Étant donné que le contrôle est donc offert par ce genre de mécanisme, il devient donc inutile d'interdire ces machines distributrices dans les lieux autres que les bars et les tavernes. Si acceptée, cette mesure punitive et arbitraire entraînera des pertes d'emplois non négligeables.

L'article 18 interdisant la vente dans les pharmacies, nous, on croit que ça n'a aucun impact sur la décision de consommer les produits du tabac ou de réduire la consommation. Tout ce que ça fera, ça fera changer l'endroit où on achète les produits du tabac. Cependant, les entreprises qui seront les plus durement affectées seront les pharmacies en région qui génèrent un achalandage appréciable avec la vente de ces produits.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 444 stipule que le gouvernement peut déterminer par règlement les normes de fabrication à l'article 29. Nous tenons à mettre en garde le gouvernement que, dans le cas d'une différence marquée entre les produits permis selon les normes encore inconnues et le goût des consommateurs, le gouvernement remettra entre les mains du réseau de contrebande opéré par le crime organisé le marché québécois du commerce du tabac, résultant en des milliers de pertes d'emplois. Les contrebandiers, eux, auront vite fait de mettre en marché des produits au goût des clients, et ce, sans verser une cenne de taxe.

Selon la forme actuelle du présent projet de loi, les distributeurs pourront avoir à fournir de volumineux mais encore inconnus rapports, créant ainsi inutilement une charge administrative et des coûts afférents considérables non seulement pour le réseau de la distribution, mais nécessitera aussi une armée de fonctionnaires pour faire quelconque analyse de ces données. Nous ne comprenons pas en quoi forcer les distributeurs à faire des rapports de vente pouvant être aussi détaillés que ventes par magasin, par marque aura d'autre effet que d'ajouter à la paperasse déjà abondante imposée aux petites entreprises. Si adopté dans sa forme actuelle, l'article 21 aura des conséquences désastreuses pour le réseau de distribution et résultera aussi en des fermetures d'entreprises.

Des programmes de mise en marché retrouvés aussi dans d'autres industries pourraient ainsi se retrouver bannis. Si l'intention du gouvernement n'est pas de fermer des entreprises, une précision importante devrait être apportée au projet de loi. Les rabais pour paiement comptant sont pratique courante entre manufacturiers et distributeurs et entre distributeurs et détaillants. Ceci équivaut à des économies substantielles pour ces derniers, et ils n'ont pas à être mis de côté comme ça, du revers de la main. Donc, interdire cette pratique commerciale à l'intérieur du réseau de distribution se traduirait par des pertes financières considérables pour toutes ces entreprises. L'article 21 nécessite donc qu'on y apporte des précisions. La mesure devrait cibler le consommateur et non pas les entreprises à l'intérieur du réseau de distribution.

L'interdiction de commandites, bien entendu, résultera en l'interdiction en magasin de matériel promotionnel d'événements commandités – l'article 22. Cette interdiction aura cependant un impact financier sérieux sur les détaillants et les distributeurs. Encore une fois, les plus durement frappés seront les petits commerces familiaux qui dépendent de chaque dollar généré par cette pratique commerciale commune à d'autres lignes de produits.

Les étalages en magasin seront déterminés par règlement – à l'article 25.2 – règlement encore inconnu. Le potentiel négatif d'un étalage restreint est très sérieux pour les détaillants et les distributeurs. Ici aussi, les petits opérateurs indépendants en souffriront le plus. Les 15 000 000 $ versés en location aux détaillants par les manufacturiers représentent une source importante de revenus. Pour beaucoup de ces petits détaillants, la perte de ces revenus affectera considérablement leur rentabilité et placera plusieurs dans une situation financière intenable, tout ceci, sans aucune assurance que les objectifs du gouvernement soient rencontrés.

À l'article 28, on dit que, par règlement, on pourra édicter des normes relatives aux emballages, aux contenants et à la présentation du tabac. Nous tenons aussi, encore une fois, à mettre en garde le gouvernement du fait que les types d'emballages dits neutres qui pourraient être imposés présentent un risque très élevé de relancer une contrebande qu'on a déjà connue dans les années passées. Si on se souvient, 70 % du commerce du tabac au Québec était de la contrebande en 1993. Un emballage facilement imitable, donc, rendrait à la portée de n'importe quelle organisation illégale la production des produits du tabac. On peut acheter une cartouche de cigarettes sur le marché international à 1 $ pour 200 cigarettes. Très facile, quand on peut reproduire des paquets, de mettre ça en marché. Bon, dans de tels cas, les conséquences financières pour les entreprises sont évidentes, et les contribuables seront aussi très sévèrement affectés au niveau des revenus pour le gouvernement.

À l'article 38, les pouvoirs accordés aux inspecteurs – ça, c'est très inquiétant, à notre avis – d'entrer dans tout entrepôt, magasin entreposant des produits du tabac, de fouiller les lieux, de saisir des produits, documents commerciaux ou toute autre chose sans mandat sont inacceptables et anticonstitutionnels. Le projet de loi n° 444 doit respecter les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés.

En conclusion, le gouvernement a le devoir de prendre toutes les précautions nécessaires en étudiant l'impact financier sur les entreprises ainsi que l'efficacité des mesures proposées pour diminuer la consommation chez les jeunes avant d'approuver le présent projet de loi. Ces aspects essentiels, à notre avis, n'ont pas tous été couverts. Il est primordial que, pour le gagne-pain de milliers de Québécois, le gouvernement prenne le temps d'examiner attentivement les problèmes soulevés dans notre présentation. Au cours du débat actuel, peu a été dit ou présenté sur l'impact du projet de loi sur les petits entrepreneurs. Il y a quelques années, nos membres ont subi les conséquences désastreuses d'une politique de surtaxation irréaliste poussée par l'industrie antitabac. Alors que plusieurs de nos membres ont fait faillite, les autres se remettent encore durement de la contrebande sur les produits du tabac.

M. le Président, honorables membres du comité, nous vous prions respectueusement de vous allouer le temps nécessaire au juste examen des réelles inquiétudes que nous venons de soulever. Merci.

(21 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter l'échange. Nous allons faire une petite expérience, s'il y a quelque chose de pas correct, vous nous le dites.

M. Dumulong (Luc): ...ici mon collègue Michel...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah! Allez-y.

M. Nadeau (Michel): Si vous le permettez on va faire les deux interventions puis, après ça, on va ouvrir la période de questions pour les...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez y aller, il reste environ...

M. Dumulong (Luc): C'est parce que, vous voyez, on représente des organismes qui sont, en fait, compétiteurs. C'est qu'on est assis à la même table, mais, eux, c'est la compétition de nos membres, alors c'est un peu...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il nous reste environ neuf minutes.

M. Nadeau (Michel): Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, quelques mots tout d'abord pour vous situer par rapport à notre association. Le Conseil canadien de la distribution alimentaire est une association sans but lucratif qui représente les grossistes et les détaillants en alimentation de toutes tailles. Ces derniers distribuent des produits d'épicerie aux quelque 27 000 épiceries à travers le Canada et représentent plus de 80 % des ventes au détail et de l'industrie au pays, soit 45 000 000 000 $. Au Québec, pour vous donner un autre ordre de grandeur, c'est plus de 90 % des ventes au détail qui sont réalisées par nos membres à travers les quelque 9 700 épiceries et dépanneurs au Québec qui génèrent un volume de 14 000 000 000 $ de vente au détail. Le secteur de la distribution alimentaire est le deuxième en importance dans le commerce de détail au Canada et procure de l'emploi à quelque 430 000 Canadiens au niveau du gros et du détail. Au Québec, cela représente plus de 110 000 emplois dans toutes les régions du Québec.

D'entrée de jeu, mesdames, messieurs, permettez-moi de vous indiquer que nous tenons à souligner que notre association, le CCDA, souscrit à l'objectif de réduire le tabagisme chez les jeunes. Nos membres ont d'ailleurs, dans le passé, participé à de multiples campagnes nationales pour viser à faire respecter la loi de l'âge minimum pour la vente du tabac. Donc, M. Rochon, vous pouvez compter sur notre association pour vous appuyer dans la poursuite de vos efforts afin de réduire le tabagisme chez les jeunes au Québec. Le CCDA supporte donc le principe de votre projet de loi, et nous aimerions, ce soir, vous faire part de quelques suggestions sur des modifications, ou des amendements, ou des ajouts à certains articles afin de permettre au ministre de mettre en fonction une loi encore plus efficace pour le consommateur québécois.

Alors, nos préoccupations, en quelques mots, se présentent comme ceci. Nous sommes d'accord avec la plupart des mesures formulées, cependant un certain nombre d'articles demandent des clarifications ou des modifications. À cet effet, nous proposons que des suggestions pour aider le ministre de la Santé, dont nous allons vous faire part, vont aider à restreindre la vente des produits du tabac aux mineurs et à préserver, nous l'espérons, leur santé.

On part du principe que le mineur qui achète des cigarettes est aussi coupable que celui qui les lui vend. Donc, selon nous, le gouvernement devrait prévoir des sanctions pour les mineurs qui contreviennent à la Loi sur le tabac. On donne souvent des exemples où on décerne des amendes soit directement ou indirectement au mineur trouvé dans un bar, par exemple, ou au mineur qui se fait prendre au volant d'une voiture alors qu'il n'a pas l'âge requis pour avoir son permis, ou encore au mineur à bicyclette pour avoir enfreint le Code de la route. Alors, selon nous, il y a un anachronisme qu'on invite le gouvernement à corriger.

Nous souhaitons que les efforts du ministère soient orientés vers l'éducation à long terme des jeunes dès l'âge scolaire à propos des dangers du tabagisme. Il pourrait, par exemple, y avoir du matériel didactique développé en collaboration avec le ministère de l'Éducation pour informer les jeunes sur les risques qu'ils encourent à commencer à fumer.

Alors, selon nous, ça doit se situer dans deux temps: des actions immédiates qui pénalisent d'une certaine façon, qui responsabilisent le jeune et des actions à long terme qui sont beaucoup plus axées sur les programmes d'éducation, de sensibilisation pour immuniser les jeunes, pour faire en sorte que, lorsqu'ils vont arriver à l'âge critique de l'adolescence, on va avoir supposément réussi à les immuniser contre le tabac.

Nous proposons également la création d'un fonds collectif à même les taxes sur le tabac pour financer des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes dans le but de les convaincre de ne plus fumer.

Nous recommandons également que le ministre de la Santé du Québec et son homologue du Canada harmonisent la réglementation à venir afin d'éviter toute duplication, chevauchement ou dédoublement entre les deux lois. Nous exprimons à cet effet notre insatisfaction face au peu de temps qui nous a été alloué pour réagir au projet de loi et demandons d'être consultés avant que la réglementation soit rédigée. De plus, nous demandons qu'un délai de 45 jours nous soit accordé après publication afin de nous donner le temps de consulter nos membres.

De façon plus spécifique, MM. et Mmes les membres de la commission, nous recommandons entre autres, au chapitre III, l'article 13, que l'ajout suivant soit incorporé: Un mineur ne peut acheter ou recevoir gratuitement d'une autre personne des produits du tabac. De cette façon-là, on ne met pas tout le fardeau de la responsabilité sur le détaillant, mais également sur le jeune qui est très conscient... Entre vous et moi, à l'âge de 12, 13 ans, lorsqu'il se présente dans un dépanneur et demande un paquet de cigarettes, la personne, le jeune sait qu'il enfreint un règlement ou une loi. De toute façon, donc, nous responsabilisons le mineur de même que ses parents et amis qui, souvent, par leur comportement, n'aident pas la cause. Il faut bien le comprendre.

Une autre modification. Au chapitre III, à l'article 14, nous recommandons, pour faciliter l'application de cet article, que le gouvernement permette au détaillant de vérifier l'âge de l'acheteur à l'aide d'une pièce d'identité reconnue, soit la carte d'identité d'assurance-maladie, soit le permis de conduire, et ça, sans contrainte légale. On sait les difficultés auxquelles sont exposés les détaillants avec les contraintes actuelles.

Une autre précision au chapitre III, à l'article 20, où nous avons demandé au ministère de la Santé de statuer sur la mise en marché de nouveaux types de produits qui pourraient être introduits sur le marché comme, par exemple, la cigaretterie.

Et, enfin, au chapitre IV, sur l'article 25, la loi prévoit d'édicter par règlement des normes sur l'étalage du tabac dans les points de vente. Selon nous, toute réglementation qui vise à diminuer de quelque façon que ce soit l'espace occupé par les produits du tabac à l'arrière du comptoir du magasin nous semble illusoire. Pourquoi? Parce que les personnes qui pénètrent dans un établissement de détail ont déjà pris la décision de se procurer un paquet de cigarettes. Entre vous et moi, qu'il y ait un étalage de cigarettes ça de large ou ça de large, ça ne change absolument rien. La personne, elle a pris sa décision d'acheter son paquet et, à ce moment-là, elle va se le procurer. Donc, une telle mesure passe à côté, selon nous, M. le ministre, du principal objectif que vous poursuivez avec votre projet de loi.

Au chapitre IV, sur l'article 28. Cet article permet, par règlement, d'édicter des normes relatives à l'emballage, au contenant et à la présentation des produits du tabac. Nous tenons à vous rappeler que la banalisation des emballages faciliterait l'imitation et ouvrirait encore une fois toute grande la porte à la contrefaçon. MM., Mmes les membres de la commission, nous savons tous qu'il y a suffisamment de problèmes actuellement avec le marché noir au Québec. De grâce, ne facilitons pas la venue d'un nouveau marché dans ce sens-là. De plus, il n'est pas impossible de penser qu'un emballage neutre pourrait produire l'effet contraire recherché auprès des jeunes. On connaît trop souvent les réactions de nos adolescents, il s'agit de dire «blanc» pour qu'ils disent «noir». Alors, on arrive avec un emballage neutre, ils vont trouver ça cool et puis ils vont se mettre à en acheter. On va avoir accompli quoi exactement?

Au chapitre IV, à l'article 30, pour terminer. Cet article permet, par règlement, de déterminer des normes relatives au rapport que le ministre peut exiger des fabricants et des distributeurs de produits du tabac. Selon nous, encore une fois, c'est une information qui est déjà compilée par nos membres, et nous faisons une mise en garde au ministère de ne pas inventer une nouvelle tracasserie administrative, lourde et inutile dans ce contexte.

En conclusion, le CCDA supporte la mise en place de mesures pour réduire et mieux contrôler le tabagisme chez les jeunes. Ces mesures doivent, d'une part, respecter les droits et libertés des individus – et mon collègue a fait part, tout à l'heure, d'une partie de la réglementation qui nous semble abusive – et, d'autre part, c'est harmoniser avec la loi fédérale. Nous avons proposé des actions concrètes pour prendre une part plus efficace au projet de loi n° 444 et nous espérons que vous pourrez les refléter dans votre version finale.

Enfin, nous tenons à remercier la commission de nous avoir invités à soumettre notre point de vue sur cette importante question et nous sommes maintenant disponibles à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et j'inviterais M. le ministre à débuter l'échange. Et nous allons tenter l'expérience, là, pour pouvoir communiquer avec vous. On va voir. M. le ministre.

M. Rochon: Bien, merci beaucoup, M. le président. Ça s'entend bien?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, M. le ministre.

M. Rochon: Merci beaucoup. Merci pour votre mémoire. C'est agréable de voir qu'on poursuit les mêmes objectifs et qu'on s'entend sur les objectifs. Il reste à voir comment on peut s'entendre sur les moyens.

(21 h 30)

Est-ce que je comprends bien votre présentation, là, en retenant comme première impression que vous ne croyez pas que toutes les actions qui visent à limiter la publicité aient un effet important et que vous tablez tout sur l'éducation du jeune, du mineur, et l'interdiction de vente, mais en faisant porter beaucoup sur les épaules du mineur, plus que sur ceux qui vendent au mineur. Parce que je comprends bien que c'est un peu ça qui est votre message, là, de mettre le poids sur le jeune, en l'informant, bien sûr, puis en ayant des sanctions s'il veut quand même acheter des cigarettes. J'aimerais vous donner la chance de clarifier ça, là.

M. Beaudry (Robert): D'accord. Nous ne voulons pas enlever la responsabilité au détaillant. C'est illégal et nous n'endosserons pas nos membres, nos clients qui vendent aux mineurs. Nous ne sommes pas contre les pénalités qui sont attachées. On ne vous en a pas parlé. Par contre, on aimerait bien aussi que les jeunes aient une responsabilité. Si vous voulez les éduquer, il faut qu'eux aussi aient une comptabilité et une certaine responsabilité. On ne veut pas tout donner non plus au détaillant, mais le détaillant – c'est bien stipulé dans la loi et on a toujours supporté ça, et on fait des mémos à nos membres régulièrement, les grossistes vis-à-vis de leurs membres – c'est interdit de vendre aux 18 ans. C'est clair. C'est clair. Si vous vous faites poigner et que vous avez l'amende, vous la méritez, ne nous demandez pas de vous défendre. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Rochon: En partie, oui. Mais est-ce qu'il n'y a pas... Ce n'est peut-être pas complètement contradictoire, parce que je comprends qu'il faut responsabiliser les jeunes aussi. Mais eux sont dans une période de formation où ils développent leurs habitudes. Ils voient un peu l'exemple qu'on leur donne, les incitations qui leur sont faites à développer différentes habitudes. Qu'ils aient beaucoup d'information et d'éducation à ce sujet, ça va. Mais avez-vous des expériences qui réfèrent à d'autres pays, d'autres endroits où on est allé assez loin dans la pénalisation du mineur s'il veut quand même consommer des cigarettes, et un peu une évaluation de l'efficacité de cette mesure?

M. Dumulong (Luc): Au niveau des effets ou des mesures répressives qui ont été peut-être envisagées dans d'autres pays, on n'est pas présentement en mesure de vous donner ces informations-là. Mais peut-être à titre d'information, on peut se souvenir qu'entre 1989 et 1995, si je ne m'abuse, il y avait interdiction de publicité au Canada puis on a quand même assisté à une augmentation de la consommation chez les jeunes.

Il faut faire attention quand on parle de cacher les produits dans l'espoir que ça va réduire la consommation. Une chose qu'on remarque dans le projet de loi, c'est que des mesures éducatives en tant que telles ne sont pas incluses dans le projet de loi et il me semble que c'est ça qui fonctionne avant tout. La répression, ça ne fonctionne pas, on l'a vu. On a voulu taxer le produit «out of existence», comme on dit en anglais, et on connaît les résultats que ça nous a donné. Ça nous a vraiment mal servis, et c'est durant cette période de contrebande effarante qu'on a vécue dans le début des années quatre-vingt-dix... c'est là où on a vu l'augmentation de consommation chez les jeunes, beaucoup plus qu'après ça. Parce que, après ça, on a vu quand même un genre de stabilisation. Il y a peut-être eu un petit blitz, à un moment donné, chez une certaine catégorie, mais, grosso modo, on a assisté à une augmentation de la consommation chez les jeunes quand on n'avait aucun contrôle sur qui achetait et qui vendait les produits du tabac.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Nadeau, vous voulez ajouter?

M. Nadeau (Michel): Pour répondre à votre question, M. le ministre, on ne met pas tout le fardeau effectivement sur le jeune, mais on dit, dans l'amendement qu'on propose, à l'article 13, qu'un mineur ne peut acheter ou recevoir gratuitement d'une autre personne et non pas d'un détaillant. Alors, pour reprendre le point que vous souligniez tout à l'heure, oui, il est vrai que le jeune est dans une période d'apprentissage et dans une période de formation. Donc, on compte sur l'appui des adultes et des amis en général du jeune qui souvent... On l'a tous vécu. On est parents. J'ai eu deux adolescents à la maison et j'ai été peut-être le premier coupable d'aller acheter des cigarettes à ma fille qui n'avait pas 18 ans. Je pense que ça doit commencer par là aussi. Les parents et les amis du jeune doivent prendre conscience qu'on ne leur rend pas service en allant acheter le paquet de cigarettes à leur place. C'est dans ce sens-là qu'on se dit: Bien, on partage la responsabilité entre les intervenants, pas juste le détaillant, mais tous ceux aussi qui entourent le jeune et puis qui peuvent contribuer à le sensibiliser au tabagisme, en plus, lui-même, de dire: Bien, moi aussi, je vais prendre une part de responsabilité parce que je suis conscient, à 12, 13 ou 14 ans, d'un acte que je pose qui est illégal et je devrais en quelque sorte avoir une forme de punition, entre guillemets, pour m'assurer que je vais y repenser une deuxième fois avant de recommencer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Peut-être une autre question, M. le Président. Ça va toujours? À la page 7 du premier mémoire que vous avez présenté, le mémoire de l'Association nationale, vous faites référence, vous affirmez, en fait, que l'application des mesures – et vous faites référence plus particulièrement à l'article 21 – pourrait avoir des effets très néfastes ou négatifs, financièrement, sur vos membres. J'aimerais peut-être que vous me parliez un peu de ça. Ça s'établit sur quelle observation? Avez-vous des études d'impact?

Comme vous le dites, dans votre mémoire, comme ça, c'est affirmé sans être démontré d'aucune façon. Votre mémoire, à la page 7, deuxième paragraphe: «Interdire cette pratique...» Alors, l'article 21, c'est où on interdit de donner ou de distribuer gratuitement du tabac ou d'en donner à des fins promotionnelles, d'offrir des rabais ou d'offrir des cadeaux. Vous dites: Si on interdit ça, ça va se traduire en des pertes considérables pour les entreprises.

M. Dumulong (Luc): Oui, oui.

M. Rochon: Je ne vois pas trop le lien. Avez-vous une démonstration un peu de ça?

M. Dumulong (Luc): Bien, nous, on ne voit pas le lien avec le choix de consommer, premièrement. Ça n'a rien à voir, parce que c'est une pratique intra-industrie. Ça n'a rien à voir avec le consommateur. Ce que l'on dit, c'est que les pratiques, à l'intérieur même du réseau de distribution, entre manufacturiers-distributeurs, distributeurs-détaillants, donc qui excluent le consommateur, on ne voit pas pourquoi ça devrait être illégalisé, ces pratiques-là, alors que ça représente quand même des sommes considérables pour les distributeurs. On a des distributeurs, ici, qui peuvent vous en parler, et des détaillants aussi. Je ne vois pas en quoi, on ne voit pas en quoi ça viendrait accomplir quelque chose dans l'objectif du gouvernement de réduire la consommation chez les jeunes, entre autres. C'est une intrusion, presqu'à la limite, gratuite, au niveau du réseau de distribution. Ça ne sert aucune fin, en fait, aucun but en tant que tel, sauf de pénaliser les entreprises, à notre avis, parce que ça n'a rien à voir avec la décision de fumer. Ça n'a rien à voir avec l'accessibilité au produit.

M. Rochon: Est-ce que ça se peut qu'il y ait un lien, qu'on puisse penser que, si un fabricant peut livrer de grandes quantités de cigarettes à des exploitants, à vos membres gratuitement, en cadeau, ou à des prix très, très bas, ça peut mettre l'exploitant dans une position où il peut faire des rabais importants sur le prix de la cigarette? Et est-ce que vous acceptez autant que le prix qui deviendrait trop élevé? On a vu, ça peut créer de grandes difficultés pour contrôler les réseaux de contrebande. Quoique là on peut se demander jusqu'à quel point on utilise bien tous nos moyens pour contrôler la contrebande, par ailleurs. Mais est-ce que vous êtes d'accord qu'il y a beaucoup d'études qui démontrent qu'il y a quand même un rapport très direct, surtout pour les jeunes, entre le prix et la consommation de cigarettes par les jeunes?

La logique de l'article 21, je pense, était que, si on laisse s'installer des pratiques comme ça s'est vu dans différents types d'entreprises où on veut vraiment pousser le marché, pousser la vente, on peut passer des périodes de temps où on va baisser le prix. Alors, si ça part du fabricant qui donne des rabais très importants, ça amène l'exploitant à pouvoir faire un rabais, on baisse le prix. Donc, les jeunes vont consommer plus de cigarettes ou vont être plus incités. Et ça fera autant de jeunes qu'une fois qu'ils ont pris l'habitude ils vont continuer à consommer. Je pense que c'est ça qui est la logique derrière l'article 21.

M. Beaudry (Robert): M. le ministre, vous m'excuserez, je ne suis pas un interlocuteur, je ne suis pas habitué à parler à des chambres comme ici, à des gens distingués. La dernière fois que j'étais ici, c'était en 1993 où j'étais venu parler à la commission pour la contrebande de tabac alors que le tabac était entre 75 % et 80 % du marché.

Il y a beaucoup de règlements dans votre loi. Nous ne réfutons pas de... On veut qu'il y ait des règlements pour baisser le tabagisme chez les jeunes. On vous accote à 100 %. Ça, je veux que vous en soyez conscient. Par contre, il y a une contrepartie à tout ça si vous ouvrez la porte à la contrebande, encore, et que vous passez des règlements facilitant la contrebande et allant contre votre loi, parce que là vous ne contrôlez pas la contrebande, vous ne contrôlez pas qui l'achète, vous ne contrôlez pas qui fait, avec les règlements de produits du tabac. Ils sont superorganisés. Ça m'a pris de 1990 jusqu'en 1993 pour faire comprendre à notre système gouvernemental que la contrebande grandissait. On a mis notre tête dans le sable. On n'a pas pris de décision, et il a fallu que les gens honnêtes aillent dans la rue en vendre avant que notre gouvernement prenne une décision.

(21 h 40)

Le prix, oui, c'est un facteur. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais, si vous ne contrôlez pas la contrebande, montez-le tant que vous voulez, il va y avoir autant de fumeurs et ça va peut-être avoir un effet néfaste. Vous n'aurez plus de revenus pour l'éducation de nos jeunes, pour la santé, et Dieu sait qu'on a besoin, dans notre système, de l'argent pour balancer nos budgets.

On vous demande simplement: Si vous voulez monter le prix des cigarettes, c'est parfait, mais, s'il vous plaît, passez des lois en contrepartie pour protéger les commerçants qui sont honnêtes, qui vendent des produits légalement et qui font tout pour survivre. On vous appuie.

M. Rochon: Non, non. Je comprends.

M. Beaudry (Robert): Vous êtes peut-être surpris qu'on vous appuie, mais on vous appuie. Sauf que... N'allumez pas un feu de forêt pour essayer de l'éteindre après.

M. Rochon: Non, non.

M. Beaudry (Robert): Parce que vous allez peut-être avoir un feu de forêt qui va tout détruire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Fafard.

M. Fafard (Michel): Il reste qu'il y a une perception aussi, possiblement, au niveau des membres du comité ici ce soir, puis peut-être des détaillants aussi, c'est que, lorsqu'on parle de cartouches de cigarettes, c'est-à-dire du manufacturier, livrées à nos entrepôts, de nos entrepôts à nos détaillants et du détaillant au consommateur, il n'y a pas un grossiste dans la province de Québec qui peut parler de dollars par cartouche. On parle de sous, des cents. Pas des 0,75 $, des 0,80 $. C'est des sous dont on parle et ce sont de petites, petites marges parce que c'est un marché extrêmement compétitif.

On ne parle pas de dollars, en tant que grossiste ou au niveau de détaillant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Une dernière question, puis je laisse la chance à d'autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Allez-y, M. le ministre.

M. Rochon: Mais, comprenons-nous bien, mes questions veulent m'assurer qu'on comprend bien, d'une part, ce que vous nous proposez et qu'on essaie de s'expliquer, nous autres aussi, sur ce qu'il y avait derrière l'intention des lois.

M. Beaudry (Robert): On veut que vous compreniez ce qu'on veut vous dire aussi.

M. Rochon: Oui, oui, oui. Parfait. Une dernière question – je veux laisser la chance à d'autres – là aussi pour bien comprendre ce que vous nous suggérez. À la page 5 toujours du premier mémoire qui a été présenté, celui de l'Association, vous êtes un peu sévère sur le pouvoir réglementaire. Au deuxième paragraphe, vous dites: «Le pouvoir réglementaire laissé aux fonctionnaires est à notre avis trop important.» Je ne pense pas que c'était l'intention que, pour cette loi-là, pas plus que pour les autres, les règlements soient adoptés par les fonctionnaires. Ça reste toujours le gouvernement, le Conseil des ministres qui adopte les règlements. Il y a une procédure assez rigoureuse pour l'adoption d'un règlement. En général, il y a une consultation qui se fait, il y a une publication qui se fait aussi, et le règlement est finalement adopté après un processus assez long.

Pourquoi vous pensez que, dans le cas d'une loi comme celle-ci, on devrait avoir... Vous parlez d'un examen parlementaire. Vous semblez suggérer que le processus réglementaire soit différent dans le cadre d'une législation comme celle-ci par rapport au contrôle démocratique qui existe déjà sur le...

M. Dumulong (Luc): Pour faire un parallèle avec C-71, en fait, du fédéral, qui donne aussi beaucoup d'espace aux fonctionnaires pour présenter toutes sortes de trucs sans vraiment qu'on ait une vérification au niveau parlementaire de ces règlements-là. C'est ce qu'on ne veut pas parce qu'on veut être en mesure de présenter et de partager l'expertise qu'on a, nous, avec les parlementaires, pour mettre en place une réglementation qui ira dans le sens du projet de loi du ministre, bien entendu, mais aussi qui tiendra compte de la réalité du marché. Parce qu'on ne peut pas procéder en vase clos, toujours avec la soi-disant tour d'ivoire, retirés un peu de la réalité du plancher des vaches des distributeurs et des détaillants.

C'est important. C'est un aspect très important qu'il ne faudra pas laisser de côté quand on pensera à finaliser le projet de loi avec la réglementation qui va venir supporter le projet de loi.

M. Rochon: Mais, encore une fois, on se comprend bien qu'un règlement, ce n'est pas des fonctionnaires qui approuvent ça, c'est le gouvernement. C'est le Conseil des ministres qui approuve un règlement et il y a un processus de consultation qui est prévu dans le processus réglementaire.

M. Dumulong (Luc): J'en conviens. Mais ce qu'on s'explique mal – peut-être pour faire une petite digression par rapport à ce dont on parle en ce moment – c'est difficile de comprendre comment les parlementaires peuvent investir des inspecteurs de pouvoirs de saisie, et tout ça, sans mandat. On trouve...

M. Rochon: ...parler d'autre chose, là.

M. Dumulong (Luc): Oui, oui, mais c'est vous qui éditez nos lois. O.K.? Alors, quand on voit des parlementaires, comme vous, qui mettent dans un projet de loi et qui permettent d'investir des fonctionnaires qui peuvent être nommés par à peu près n'importe qui au niveau municipal de même qu'au niveau provincial, on investit ces gens-là des pouvoirs de saisie et de fouille et compagnie, sans mandat de perquisition aucun, on trouve ça très, très inquiétant, bien entendu.

Écoutez, il n'y a personne qui le droit de faire ça. C'est un État policier qu'on veut mettre en place? C'est quoi, là? Ça n'a pas de sens. À ce niveau-là, ça n'a aucun sens qu'on investisse des gens de tels pouvoirs.

M. Rochon: Écoutez, je vais juste au moins vous rassurer d'une chose, cette loi-là, comme elle est faite – puis, au besoin, on va vérifier – comme toutes les lois où il y a des sanctions pénales, ça va s'appliquer selon le Code de procédure pénale du Québec. Vous pouvez être assurés de ça. Ce n'est pas des mesures d'exception.

M. Dumulong (Luc): Ce n'est pas clair.

M. Rochon: Bien, faites-les voir par vos avocats puis on va les faire relire par les nôtres aussi, mais je peux vous assurer que l'intention, c'est simplement de faire comme toutes les lois où il y a des sanctions pénales, que c'est le Code de procédure pénale du Québec qui s'applique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie bien, M. le Président. Je voudrais d'abord vous remercier de vous présenter ici, de nous donner un mémoire et des suggestions bien importantes. J'aimerais mentionner, en tout cas, l'appréciation que je fais de votre introduction au projet de loi n° 444: «Notre Association approuve et appuie les principes du projet de loi.» Je pense que c'est quand même important à ce moment-ci de recevoir ou de vous écouter appuyer les grands principes. Vous continuez et vous mentionnez: «Cependant, certains articles sont rédigés d'une façon qui pourrait amener des impacts économiques indésirables, tandis que certaines parties sont superflues.»

Ma première question serait de connaître mieux les impacts économiques indésirables et les parties superflues.

Je voudrais, si vous me permettez, M. le Président, poser tout de suite ma deuxième question. J'ai vu dans les documents que vous venez de nous présenter une lettre qui est adressée à M. Bernard Landry, qui est signée par M. Dumulong. Vous parlez d'une proposition «de ramener à zéro le taux de la TVQ et de la TPS sur les produits du tabac et de compenser pour le manque à gagner en augmentant d'autant l'impôt provincial sur le tabac, perçu par les distributeurs». Moi, j'aimerais bien comprendre cette mécanique que vous suggérez. Vous parlez de plusieurs effets bénéfiques, aussi bien pour le gouvernement que pour le réseau de distribution. Alors, j'aimerais commencer par ces deux questions.

M. Dumulong (Luc): Si vous me permettez, je pourrais commencer par la deuxième qui, à notre avis, est relativement simple. Il faut comprendre qu'au niveau de la taxation des produits du tabac, donc au niveau de la distribution, il y a trois niveaux de distribution. Il y a les manufacturiers, les distributeurs, les détaillants et, enfin, les consommateurs. Il y a des impôts fédéraux qui sont prélevés au niveau du manufacturier: taxe d'accise, droit d'accise. Au niveau du distributeur, il y a l'impôt spécifique provincial, la taxe provinciale sur les produits du tabac qui sont perçus. Et, bien entendu, TPS et TVQ qui sont perçues au niveau du détaillant.

Le problème qui se pose avec la TPS et la TVQ au niveau du détaillant, c'est que ça ouvre la porte à de l'évasion fiscale généralisée qu'on voit souvent, qu'on retrouve un peu partout au niveau des commerces de détail; tout le monde le connaît, je pense, je n'ai pas à élaborer là-dessus. Ça ouvre aussi la porte à des abus d'exemption fiscale de la part de certains groupes qui bénéficient d'exemption fiscale, bon, les premières nations, pour ne pas les nommer. Et on a des problèmes assez importants avec ça.

On a vécu les mêmes problèmes en Nouvelle-Écosse. Ce qu'on a réussi à faire en partenariat avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, on a réussi à modifier la perception de la taxation sur les produits du tabac. Ce qu'on a fait, c'est que le gouvernement a procédé de la façon suivante: il a réduit le taux de la taxe de vente perçue au niveau des produits du tabac au détail à zéro et il a compensé pour le manque à gagner par une augmentation équivalente de la taxe provinciale, l'impôt spécifique sur les produits du tabac collecté au niveau du distributeur. Ce que ça a donné comme résultat, après un an de mise en application de cette mesure-là sans augmenter d'une cenne les taxes sur les produits du tabac en Nouvelle-Écosse, ce qui représente 4 % du marché canadien, une augmentation de revenus de 10 700 000 $ tout en stabilisant, si on veut, l'équilibre au niveau du marché de la compétition au détail, et ça a enrayé le marché noir, de toute façon.

(21 h 50)

Parce que ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'au niveau des réserves, entre autres – et je peux prendre cet exemple-là – quand on achète 500 caisses de 50 cartouches de cigarettes par semaine, on ne paie pas de TPS ni de TVQ. On paie ça cash. Il n'y a aucun lien administratif, si on veut, «paper trail», qui est fait à ce niveau-là. On retourne ces produits-là sur le marché domestique local, le paquet avec la bande d'identification blanche, on revend ces produits-là à un coût moindre aux détaillants qui peuvent les remettre sur leur mur de cigarettes en arrière, ni plus ni moins – et, s'il y a des inspecteurs qui entrent, c'est indifférenciable, le produit – revendent le produit aux consommateurs en percevant, bien entendu, la TPS et la TVQ, mais l'empochant. Quelqu'un qui vend une centaine de cartouches par semaine, c'est 18 200 $ par année cash dans ses poches. En Ontario, ils ont des problèmes terribles avec ça. On parle de 8 000 caisses de 50 cartouches par semaine qui passent sur la réserve. En Ontario, le fédéral et le provincial vont perdre 100 000 000 $ par année, minimum, si on ne compte pas les impôts sur le revenu, et tout ça.

Alors, au Québec, on a aussi un problème à ce niveau-là. Ce que ça a aussi comme retombée, c'est une stabilisation au niveau des prix, parce que ce qui arrive, c'est que, quand on peut vendre les produits moins cher sur le marché, on crée une pression à la baisse sur les prix. Monsieur le compétiteur détaillant qui est de l'autre bord de la rue, qui n'achète pas de la réserve, lui, il doit aussi ajuster son prix. Alors, ça force une baisse du prix du marché artificielle qui se répercute aussi au niveau du distributeur, parce que le détaillant dit à son distributeur: Aïe! Écoute, moi, je ne peux plus compétitionner. Il faut que tu me baisses le prix, ça n'a pas de sens.

Alors, si on remonte ça et on perçoit ça à ce niveau-là, on prend soin de tout ça et on récupère toute l'évasion fiscale générale qu'on retrouve aussi sur les produits du tabac.

M. Marsan: Juste avant de revenir à la première question...

M. Dumulong (Luc): Oui.

M. Marsan: ... – parce que je ne voudrais pas qu'on l'oublie – est-ce que vous avez eu une réponse du ministre Landry? Et, deuxièmement, combien ça rapporte au gouvernement du Québec, les taxes qui sont prélevées?

M. Dumulong (Luc): Si on fait une règle de trois, avec l'expérience, très grossière... on prend une règle de trois, avec l'expérience de la Nouvelle-Écosse, au bas mot, on parle d'à peu près 55 000 000 $ qui est là. Il y a juste à se pencher et à le ramasser, juste en faisant cette modification-là.

On a rencontré des gens au ministère des Finances à ce niveau-là. Je pense qu'on nous a exprimé, quand même, un intérêt certain. On attendait une déclaration ministérielle jusqu'à tout récemment. Avec les combats extrêmes sur la réserve et les saisies, avec l'histoire du Club Rez et compagnie, je pense, et toutes les discussions avec d'autres ministères font en sorte que la pression avait monté beaucoup à ce niveau-là, je pense que le gouvernement a pris un peu de recul. Mais on s'attend – je pense que Michel peut en parler – à peut-être avoir une bonne nouvelle à cet effet-là bientôt. Je pense que c'est important de travailler sur le fédéral aussi, parce que, pour avoir un règlement complet à ce niveau-là, il faut que ce soit une initiative fédérale-provinciale.

M. Marsan: Vous savez combien ça rapporte globalement au gouvernement du Québec, les taxes sur le tabac? Est-ce que vous avez...

M. Dumulong (Luc): Oui. Ça rapporte... En fait, le provincial et le fédéral, c'est à peu près 1 000 000 000 $. J'ai une étude d'impact économique là-dessus, de KPMG, étude d'impact économique sur laquelle, nous, cependant, on a été consultés. Contrairement à l'étude d'impact économique qui avait été pilotée par le Dr Pierre-Yves Crémieux, on voit, en page 25 – et on le dit juste en passant, comme ça – qu'on a trois lignes sur le réseau de distribution là-dessus; on parle d'impact minimum, on parle de 7 000 emplois au Canada. Dans l'étude d'impact économique de KPMG, qui a consulté tout le monde, on parle de 12 300 jobs au Québec seulement pour l'industrie du tabac. Je pense qu'il faut faire attention et qu'il faut contrebalancer à ce niveau-là.

M. Marsan: Alors, je reviens à ma première question: les impacts économiques indésirables et ceux qui sont superflus dans le projet de loi.

M. Dumulong (Luc): Ils se retrouvent, à plusieurs égards, au niveau des étalages, les espaces qui sont loués par les manufacturiers. On parle de 15 000 000 $ qui vont être sortis carrément du réseau, et, encore là, c'est les petits, les indépendants qui vont être les plus durement touchés. Il y a une compétition féroce sur le marché en ce moment et c'est très difficile pour les indépendants. M. Tremblay, du coin de la rue, c'est très difficile pour lui en ce moment et il a besoin de toutes ses sources de revenus; même chose au niveau des événements commandités pour lesquels, quand on a des publicités à cet effet-là, lui, il reçoit des compensations financières pour un poster, peu importe ce que ça peut être, au niveau de la promotion de l'événement commandité.

Mon Dieu, qu'est-ce qu'on avait aussi? J'en ai plein. Au niveau des emballages, on parle, bien entendu, de la contrebande; au niveau des normes au niveau des produits, on parle encore de la contrebande. Si on met sur le marché des produits que les gens ne veulent pas fumer, c'est sûr qu'il y a quelqu'un qui va en mettre, et il y a une manne énorme. Le gouvernement comprend ce que ça veut dire, une manne, parce que le produit du tabac, on sait très bien à quel point c'est taxé: 383 000 000 $, je pense, l'an passé, que le gouvernement du Québec est allé chercher, si je souviens bien, sauf erreur, et juste sur les taxes spécifiques sur les produits du tabac. À part ça – on parlait des étalages, des commandites – il y a aussi, bien entendu, les rabais pour les achats payés comptant. Ça aussi, c'est une pratique qui se retrouve dans toutes les industries et ça va pénaliser les gens qui font commerce de ce produit légal là, qui perçoivent des taxes substantielles pour le gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Dumulong (Luc) Alors, il y a ceux-là, entre autres, mais il y a toujours un effet d'onde de choc aussi qui va...

M. Marsan: Un commentaire en terminant. C'est quand même un peu paradoxal d'avoir un projet de loi d'un côté, puis d'avoir, de l'autre côté, des revenus aussi importants pour le gouvernement.

M. Dumulong (Luc): Oui.

M. Marsan: Il me semble qu'il y a peut-être quelque chose qui pourrait être amélioré, en tout cas, entre les deux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Marsan: Je vous remercie beaucoup pour vos réponses.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski, tout en vous faisant remarquer que vous avez trois minutes à votre formation politique.

Mme Charest: Eh! Moi qui aurais une couple de questions à poser... Je vous remercie, messieurs, de vos mémoires. Je suis très heureuse, en tant que parlementaire, de constater que l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie appuie les principes du projet de loi, ainsi que l'autre association qui est le Conseil canadien de la distribution alimentaire, qui, également, se prononce en faveur des principes du projet de loi sur le tabac du ministre de la Santé. Je vous en remercie, messieurs.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais avoir quand même quelques précisions. Vous nous dites que vous appuyez les principes du projet de loi et que, par ailleurs, à la page – elle n'est pas numérotée, mais quand même – le Conseil canadien de la distribution alimentaire déclare que vous avez demandé de statuer sur la mise en marché prochaine d'un nouveau concept qui s'appelle la cigaretterie. J'aimerais que vous me parliez de ce concept et que vous m'expliquiez en quoi le concept de la cigaretterie est cohérent avec votre appui aux principes du projet de loi n° 444.

Une voix: M. Fafard va répondre à la question.

M. Fafard (Michel): Lorsqu'il a été mention de la cigaretterie, ça se situait dans le même ensemble au niveau des machines distributrices, lorsqu'on disait: Les machines distributrices ne sont plus permises. Après les machines distributrices, il y a les pharmacies. Après ça, on dit: On va arrêter où? Au niveau de la cigaretterie, c'en était tout simplement un... de dire que, dans un des paragraphes de la loi, vous demandiez qu'il y ait une personne physique qui soit là pour faire la transaction...

Mme Charest: Oui, à l'article 20.

M. Fafard (Michel): ...et c'en était un concept qui, aujourd'hui, n'est pas encore en fonction, qui pourrait l'être éventuellement, mais ce n'est pas là-dessus qu'on en ferait un cheval de bataille ou quoi que ce soit là-dessus. Ce n'est pas un problème comme tel. C'est quelque chose qui n'existe pas, actuellement.

Ce qui nous inquiétait beaucoup plus, c'était au niveau de dire: Vous allez arrêter où?

Mme Charest: Vous allez arrêter?

M. Fafard (Michel): Vous allez arrêter où, dans les demandes que vous faites? Quand vous dites qu'il y a les distributrices que vous voulez bannir, il y a les pharmacies que vous allez bannir, est-ce que, après ça, ça pourrait être un dépanneur qui va être situé à 500 pieds d'une école ou 1 000 pieds d'une école? Ça va arrêter où? C'est ce qu'on ne sait pas au moment où on se parle. La cigaretterie ne devient pas un problème comme tel, parce que c'est un nouveau concept qui a été lancé, pas par le CCDA. C'est tout simplement un manufacturier qui a lancé un nouveau produit dans lequel je crois que le gouvernement investit énormément d'argent. C'est SNC-Lavalin qui a ce concept-là au niveau des machines à tabac et à cigarettes. C'est quelque chose qui, peut-être, va être en vigueur dans quelques mois, dans six mois. Ce ne serait peut-être pas rentable.

Mme Charest: Mais c'est quoi, le concept de la cigaretterie?

M. Fafard (Michel): C'est tout simplement une machine qui fabrique la cigarette, ou une machine distributrice où vous mettez le tabac dedans et la cigarette se fabrique par elle-même, puis vous...

Mme Charest: Donc, ça va à l'encontre...

M. Fafard (Michel): Oui, ça va à l'encontre, parce qu'il n'y a pas besoin d'avoir personne, parce qu'ils doivent payer à la caisse, puis ils vont recevoir un reçu de caisse, au même titre que si vous alliez dans un lave-auto, puis vous avez un reçu de caisse, puis que vous avez à pitonner des numéros. De là, si la machine est située à l'autre bout de la salle, il y a quelqu'un qui pourrait dire: Je peux donner le papier à un mineur, puis ça s'enlèverait... Le projet comme tel est comme mort-né. Il ne sera pas en vigueur dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. On l'oublie tout simplement.

Mme Charest: Donc...

M. Fafard (Michel): C'est un commentaire plus que d'autre chose. Ce n'est pas de quoi qui existe actuellement. Vous n'en avez pas et vous n'en voyez pas au Québec, au moment où on se parle. Mais c'est un projet qui a été lancé, je pense, dans le dernier Super Salon de l'alimentation. Il avait été présenté; il y avait une machine qui était... C'était juste dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça termine le 20 minutes de ce côté-ci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mme Houda-Pepin: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de La Pinière.

(22 heures)

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Alors, étant donné qu'on est à court de temps, je voudrais vous demander, parce que, dans votre mémoire – je fais référence au mémoire de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie – vous êtes revenus souvent sur la question de la contrebande et vous faites une relation entre la contrebande et le projet de loi, comme si ce projet de loi, s'il était adopté, allait encourager la contrebande, si j'ai bien compris. Je voudrais que vous puissiez nous dire en quoi est-ce que l'adoption de ce projet de loi pourrait encourager la contrebande, d'une part, et, très brièvement, comment fonctionne le réseau de la contrebande des cigarettes.

M. Dumulong (Luc): Bon, au niveau du marché de la contrebande, il y a différents types de contrebande: il y a l'évasion fiscale et la contrebande proprement dite. La contrebande proprement dite, c'est le produit qui soit est sorti du pays et revient, ou produit à l'extérieur du pays et rentre illégalement au pays; et l'évasion fiscale, c'est ce qu'on a décrit un peu plus tôt au niveau de ce qui se passait sur les réserves où les gouvernements ne perçoivent pas toutes les taxes qui devraient être perçues sur les produits du tabac. Au niveau de la contrebande, bien entendu, chat échaudé craint l'eau froide , comme dit le dicton, et, nous, du réseau de distribution, on a été durement frappés par l'épisode de contrebande qui a sévi.

M. Beaudry (Robert): Et le gouvernement aussi, pas juste les...

M. Dumulong (Luc): Oui, en fait, parce que c'est le gouvernement qui est le grand perdant dans tout ça, c'est lui qui fait le plus d'argent avec le tabac, avant tout, il ne faut pas l'oublier. C'est nous, comme payeurs de taxes, en fait, qui avons été les premières victimes de cette contrebande-là.

Au niveau de la contrebande et des dangers de relance de la contrebande, qui est encore existante, soit dit en passant, on parle bien entendu des paquets facilement imitables. On peut parler, à la limite, des paquets génériques, mais ça peut être toutes sortes de paquets qui pourraient être facilement imitables. Comme je disais tantôt, on peut acheter une cartouche de cigarettes sur le marché international à 1 $ la cartouche, alors qu'ici, au Canada, je pense, le prix du manufacturier est 9,69 $ ou quelque chose du genre. Alors, ça va même mettre les manufacturiers, n'en déplaise à certains en arrière de moi, hors circuit, si on veut. Donc, les paquets génériques et les paquets qu'on peut reproduire facilement, c'est évidemment une menace, et ça ouvre la porte toute grande à la contrebande.

Mettre en marché des produits qui ne sont pas au goût, qui ne satisfont pas aux goûts des consommateurs, c'est, encore une fois, une façon pour les contrebandiers de relancer leurs opérations facilement. Si on dit aux manufacturiers, je prends un exemple: Vous augmentez votre pH, si on veut, ou peu importe ce que c'est. Vous mettez x produits dans votre tabac, votre cigarette devient fumable, les gens ne sont pas dupes, les gens n'en achèteront pas, les gens ne verseront pas de taxes non plus. La demande va rester là cependant et la demande restera quand même à être remplie par quelqu'un, quelque part. Comme on l'a vu à l'époque de la contrebande de 1993-1994, les gens n'étaient pas prêts à payer le prix, ils se sentaient bernés par le gouvernement. La réaction a été très normale, puis le gouvernement avait atteint le niveau «diminution returns», comme on dit en anglais, plus on taxait, moins on avait d'argent, et les consommateurs ont dit: Non, moi je ne veux pas payer ce prix-là. Mais il y a des gens qui se sont dit: Aie! On a une opportunité d'affaires, on va...

M. Beaudry (Robert): En tant que représentants du peuple, vous avez la responsabilité de vous assurer que les gens honnêtes jouent sur un terrain égal. Il ne faut pas que la loi, quelle que soit la loi, que ce soit celle-là ou d'autres, donne avantage à des criminels ou à des à-côtés pour contourner l'évasion fiscale, que les gens honnêtes paient leurs taxes et que... Vous, vous avez besoin... Pour le système de santé, entre autres, vous avez été obligés de faire des coupures énormes. Si vous perdez encore des fonds à cause de la contrebande, ça ne réglera pas votre problème, vous allez juste l'empirer. Ça, c'est...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Pas d'autres questions? Alors, au nom de la commission, nous vous remercions beaucoup. Et nous invitons maintenant l'Association des détaillants en alimentation du Québec et l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Est-ce que tout le monde peut se préparer? Notre avant-dernier groupe, à 22 heures, ce n'est quand même pas si pire.

(22 h 10)

Alors, nous recevons les représentants et la représentante de l'Association des détaillants en alimentation du Québec et l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec. Mme Hétu, c'est vous qui allez nous présenter les gens qui vous accompagnent? Et vous pouvez débuter votre mémoire tout de suite après.


Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) et Association des marchands détaillants de l'Est du Québec (AMDEQ)

Mme Hétu (Diane): Merci, M. le Président, merci de nous avoir invités pour nous permettre de présenter notre point de vue. À ma droite, MM. Yves Servais, de l'AMDEQ; Ziad Khalil, qui est un détaillant propriétaire, Gestion Khalil Mini-prix; et Serge Larochelle, propriétaire d'IGA Larochelle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez y aller.

Mme Hétu (Diane): Alors, je vais présenter l'Association des détaillants en alimentation. Nous représentons les 10 000 détaillants en alimentation de la province, et ce, quelle que soit leur bannière ou leur surface. Alors, ça comprend vraiment tous les détaillants qui vendent de l'alimentation. De par leur rayonnement, familles et employés, les détaillants touchent plus de 500 000 personnes réparties dans toutes les régions du Québec. Nous représentons vraiment beaucoup de gens, et je veux dire là-dedans beaucoup d'entreprises familiales aussi.

Strictement au niveau de l'emploi, les détaillants indépendants en alimentation génèrent 91 700 emplois à temps plein, à temps partiel, ce qui en fait le plus important groupe du secteur de détail, et je vais dire que ce sont des emplois de qualité, c'est des gens qui sont bien rémunérés, et, des emplois stables, c'est quand même une chose importante à souligner. Et, finalement, ces mêmes détaillants sont responsables du quart de la valeur ajoutée dans l'économie québécoise pour tout le secteur du détail, soit 2 030 000 000 $, et ils contribuent pour plus de 1 200 000 000 $ en revenus aux gouvernements provincial et fédéral en taxes et permis. En ce qui a trait aux produits du tabac – on en a parlé tout à l'heure, on a entendu les gens qui nous ont précédés – ils assument près de 70 % des ventes au Québec, qui rapportent annuellement pour le Québec 410 000 000 $. Donc, on est bien conscients que c'est une grande, grande source de revenus pour les gouvernements.

Je voudrais dire que nous appuyons les mesures de ce projet de loi, des mesures qui doivent être efficaces pour contrer le tabagisme chez les jeunes. On est très conscients du problème que ça représente. On n'est pas du tout pour le tabagisme chez les jeunes. Par contre, nous sommes les seuls à contrôler l'achat des produits du tabac chez les mineurs. Cette responsabilité implique que nous sommes aussi les seuls intervenants à être passibles d'amendes importantes pour la vente de produits du tabac aux mineurs. Donc, c'est une responsabilité qui est extrêmement lourde, et nous sommes les seuls à l'assumer en ce moment.

L'ADA désire, par le présent document, faire valoir que nous appuyons le projet de loi sur le tabac du ministre de la Santé, M. Jean Rochon, à la condition toutefois que l'on y apporte des modifications sur certains aspects. À l'instar de la loi fédérale sur le tabac, qui a été adoptée il y a un an, déjà en application, le projet de loi fait craindre à l'ADA des effets néfastes pour les commerces de détail. Nous proposons donc ce soir des moyens qui pourraient être mis en place afin de faciliter pour les détaillants le contrôle qu'on leur impose pour la vente aux mineurs et atteindre les objectifs visés par le ministre Rochon disant agir pour la santé des jeunes. Donc, ce que nous voulons, c'est d'arriver avec quand même des solutions très concrètes puis voir qu'elles soient sûrement applicables quelque part pour aider le détaillant qui ne refuse pas sa responsabilité mais qui veut avoir un support pour pouvoir le faire de façon un peu moins difficile.

En tout premier lieu, nous désirons souligner notre étonnement sur la nature du projet de loi, puisqu'il existe déjà une loi fédérale qui a été contestée, puisqu'elle vise à criminaliser des activités de vente et de promotion reliées à un produit légal. Lors de son jugement dans l'affaire de RJR-McDonald en 1995, le juge Brossard, de la Cour d'appel du Québec, a décrété que le Parlement ne peut rendre criminels les aspects secondaires de l'activité principale s'il n'a pas criminalisé cette activité. En d'autres termes, en ce qui nous concerne, au niveau de ce projet, on ne peut pas criminaliser la vente de produits du tabac à des mineurs, si ceux-ci ne sont pas reconnus criminels de les acheter ou de les consommer. Et c'est beaucoup là-dessus que porte notre mémoire. Notre analyse du projet de loi nous a permis de dégager une grande problématique sur laquelle s'articulent nos propositions en ce qui a trait à la vente de tabac: la responsabilité non partagée du contrôle de l'âge par les détaillants.

Alors, je vais me rapporter principalement au chapitre 3, au numéro 13, l'article 13: «L'exploitant d'un commerce ne peut vendre ou donner du tabac à un mineur.» Selon cet article, les détaillants en alimentation sont les seuls responsables du contrôle du tabagisme chez les jeunes, alors que les milliers d'intervenants auprès des jeunes – et ça comprend les parents, professeurs, policiers, restaurateurs, et il y en a beaucoup d'autres – ne sont pas assujettis à ces mesures, comme c'est le cas pour les boissons alcooliques. Vous savez qu'il y a le projet de loi LIMBA, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques. Cette loi québécoise interdit aussi aux mineurs d'acheter, de posséder et de consommer de l'alcool. Donc, ça, c'est une loi qui fonctionne au niveau de l'alcool pour éviter que les jeunes aient un accès ou puissent en acheter. On propose qu'il y ait une loi similaire pour le tabac. Je ne sais pas dans quelle mesure ça peut être applicable, mais je dis: C'est deux produits qui, dans le fond, devraient avoir le même statut d'illégalité pour les jeunes mineurs. Conséquemment, nous recommandons l'amendement suivant: L'exploitant d'un commerce et toute autre personne ne peuvent vendre ou donner du tabac à un mineur. Cet amendement a pour but d'éviter que des personnes, parents ou autres, achètent ou donnent des cigarettes aux jeunes au vu et au su du détaillant, qui ne peut pas intervenir, bien qu'il sache pertinemment ce qui se passe.

Sans cet amendement important, le gouvernement n'aura aucun contrôle sur la contrebande de cigarettes dans les milieux de jeunes. On a vu tout à l'heure que la contrebande se porte assez bien. C'est sûr que, si la contrebande fonctionne bien, elle va bien fonctionner dans les cours d'école ou auprès des jeunes. Je veux dire, si tous les détaillants... Si aucun jeune ne peut acheter de cigarettes et ceux qui veulent absolument fumer, bien, là, il va y avoir un réseau qui va être très important, si le produit n'est pas illégal pour le contrebandier. Donc, cet amendement que nous demandons, où toute autre personne va permettre au gouvernement d'intervenir auprès des contrebandiers... Parce que, là, en ce moment, n'importe qui peut donner des cigarettes à un jeune. Donc, c'est de là l'importance de cet amendement-là. De plus, afin que l'article 13 soit applicable de façon logique, nous recommandons l'ajout suivant: Un mineur ne peut consommer, posséder ni acheter pour lui-même ou pour autrui des produits du tabac. Et, tant que ça ne sera pas inclus dans le projet de loi, je ne vois pas comment on peut... Je sais qu'on a parlé de sensibiliser les jeunes pour les convaincre de ne pas commencer à fumer, mais ceux qui veulent absolument le faire – et on en voit énormément qui fument, parce qu'ils le font des fois par bravade – de grâce, il faut aussi les responsabiliser quelque part pour que ce soit, en tout cas, un petit peu plus difficile que c'est maintenant. Parce qu'en ce moment c'est une vétille. Ils achètent des cigarettes, absolument facilement, par n'importe qui. Donc, ça, ça me semble être un ajout extrêmement important.

(22 h 20)

Au chapitre III, l'article 14. À cet article, nous désirons apporter un amendement: «14. Dans une poursuite intentée pour une contravention à l'article 13, l'exploitant n'encourt aucune peine s'il prouve qu'il a agi avec diligence raisonnable pour constater l'âge de la personne et qu'il avait un motif raisonnable de croire que celle-ci était majeure.» On préférerait que ce soit: «ou qu'il avait un motif raisonnable de croire que celle-ci était majeure», parce qu'il y a toutes sortes de circonstances qui se passent dans un magasin. Et mes collègues vont pouvoir en parler tout à l'heure de la difficulté d'identifier des jeunes. Il y a beaucoup de jeunes qui ont 16 ans et qui ont des attributs d'adultes et qui ont un physique de personne adulte. En période d'achalandage, en tout cas, ça pose énormément de difficultés. Le marchand peut, de toute bonne foi, ou son vendeur, sa vendeuse, être absolument convaincu et ne pas avoir vraiment le temps de vérifier tout ça. Il peut avoir un motif raisonnable et, à ce moment-là, prouver que... O.K.

Et maintenant, je vais parler aussi de la carte d'identité. Je sais que vous faites référence à une carte conforme. On a déjà fait une demande au niveau de la commission de la culture pour avoir une carte d'identité. Vous savez qu'il n'y a aucune carte légale à part le passeport, à peu près. Donc, ce serait un outil qui aiderait grandement. On ne parle pas d'une carte obligatoire évidemment pour tout le monde mais pour des jeunes, pour permettre aux détaillants de dire: Ça, c'est une carte officielle, je n'ai pas besoin de prendre ma loupe et de vérifier que ça n'a pas été falsifié. Alors, ça, ce serait vraiment un outil très important pour le détaillant, pour faciliter sa tâche, parce qu'en ce moment il ne peut pas nommer, la carte. Il va dire: Bien, montre-moi ta carte. Mais il ne peut pas dire laquelle. Alors, il y a une espèce de flou au niveau de la carte d'identité. Ce serait très important qu'on puisse avoir cet outil pour nous supporter.

Mon dernier point est au niveau des règlements. Comme plusieurs règlements du projet de loi sont susceptibles d'être mis en application subséquemment, nous demandons que ces règlements soient soumis à la Loi sur les règlements, c'est-à-dire qu'ils soient publiés dans la Gazette officielle du Québec, avec un délai de 45 jours. Ces dispositions, qui pourraient être appliquées suite à l'adoption du projet de loi, pourraient avoir de graves conséquences qui méritent des consultations auprès des intervenants directement mis en cause. Alors, c'est une parenthèse au niveau des règlements. Habituellement, c'est fait, mais ce n'est pas tout le temps fait, et on a des appréhensions par rapport à ça. C'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je pense que c'est M. Servais qui prend la deuxième partie. Il vous reste huit minutes.

M. Servais (Yves): Ce que je vais faire, je vais tout simplement lire l'introduction, parce que sur plusieurs points on se recoupe. Donc, ce serait peut-être...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord.

M. Servais (Yves): ...à ce moment-là, on pourrait en reparler par après lors de la période de questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va donner plus de temps pour les questions. Allez-y.

M. Servais (Yves): Le présent document a pour but de vous faire part de nos préoccupations et recommandations au sujet du projet de loi n° 444 sur le tabac que votre gouvernement vient de déposer. D'abord, laissez-nous vous présenter ce qu'est l'AMDEQ. L'Association existe depuis maintenant 15 ans. Toujours en évolution, on y regroupe actuellement près de 900 membres, principalement des tabagies et dépanneurs indépendants répartis dans l'Est du Québec.

C'est principalement dans les tabagies et dépanneurs que s'effectue la vente des produits du tabac. Ces ventes constituent une partie important du chiffre d'affaires des dépanneurs. Il va sans dire que toutes les législations cherchant à réglementer la vente de ces produits ont une incidence importante pour le propriétaire du dépanneur. De plus, nous nous questionnons sur la pertinence qu'a votre gouvernement à vouloir absolument légiférer dans le domaine du tabac. Il existe une loi fédérale sur le tabac depuis le printemps 1997. Cette loi réglemente déjà fortement le secteur de la vente au détail. Inévitablement, il y aura un chevauchement entre les deux lois. Puis on pourrait peut-être y revenir un peu plus tard.

Depuis l'adoption de la loi fédérale sur le tabac, nos membres essaient d'en appliquer les règlements le plus adéquatement possible. À noter également que l'AMDEQ a multiplié, au cours de la dernière année, les démarches en vue de sensibiliser ses membres au respect et aux conséquences de négligences en ce qui a trait à cette loi. Nous sommes prêts à continuer ici, avec la loi provinciale, en autant que le gouvernement nous facilite la tâche en adoptant une loi juste, équitable et raisonnable, et c'est dans ce sens que vont nos recommandations.

Peut-être rajouter que, si on tombe tout de suite dans l'autre part, les autres intervenants pourraient peut-être aussi en rajouter. Lorsqu'on parle de la responsabilisation du propriétaire de dépanneur, on est d'accord avec ça. On sensibilise nos membres avec ça. Maintenant, moi, fréquemment, je vais dans les dépanneurs pour y rencontrer mes membres. Régulièrement, je me fais solliciter par des jeunes adolescents de 14, 15, 16 ans à la porte du dépanneur, pour acheter un paquet de tabac aux jeunes. Ça fait que je me dis, si nous responsabilisons le propriétaire du dépanneur, bien, on vous demanderait peut-être aussi de responsabiliser l'adulte qui fournit du tabac aux jeunes, aux adolescents. Je veux dire que ça n'a pas de bon sens d'être les seuls dans tout ça. Le parent qui a un jeune de 16, 17 ans qui fume, je peux mal comprendre que lui rejette la responsabilité sur le dos du propriétaire de dépanneur quand lui permet tout simplement à son jeune de 16 ans, 17 ans de fumer. Ça fait que c'est pour ça qu'on ne veut pas être les seuls à avoir la responsabilité d'appliquer cette loi-là.

Encore ce soir, aux nouvelles, je ne sais pas si vous avez pris les nouvelles, il y avait une nouvelle sur les jeunes au primaire qui fumaient, qui débutaient aussi jeunes que le primaire. Moi, j'ai de la misère à voir où ces jeunes-là se sont procuré le tabac, les cigarettes. C'est sûr que nos membres peuvent avoir des problèmes entre l'âge de 16 ans ou 17 ans, parce que des fois ces jeunes-là ont l'air plus de 19 ou 20 ans. Mais un jeune de 12, 13 ans qui a une cigarette en main, où est-ce qu'il se l'est procurée? Je me dis, moi, que ce n'est peut-être pas le propriétaire du dépanneur. C'est peut-être un autre adulte ou un autre adolescent. C'est pour ça qu'on ne veut pas être les seuls à ce niveau-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. Alors, M. le ministre, vous débutez l'échange, s'il vous plaît.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je veux d'abord vous remercier d'avoir fait l'effort de préparer une bonne synthèse de vos commentaires et de venir en discuter avec nous. Je voudrais faire rapidement trois commentaires et vous soulever une ou deux questions. Trois commentaires comme échange d'information. Dans le premier mémoire que vous nous avez présenté, Mme Hétu, je voudrais d'abord vous rassurer. Dans la conclusion de votre mémoire, quand vous parlez des règlements, ce qui est prévu comme pouvoir réglementaire dans cette loi, c'est selon les procédures normales d'adoption d'un règlement. Et je pense que, de toute façon, mon expérience n'est pas tellement longue dans le domaine, mais pour pouvoir adopter un règlement sans la période de 45 jours de publication et de consultations, il faut que le Conseil des ministres puisse conclure qu'il y a raison d'urgence. Autrement, on ne peut pas faire ça. Alors, il n'y a pas de mesures spéciales dans cette loi-là pour réglementer autrement que ça se fait normalement.

Deuxième chose. J'apprécie vos commentaires sur la carte d'identité. Bien sûr, vous comprenez que ce n'est pas dans ce projet de loi là qu'on peut faire avancer ce sujet, mais je pense qu'il y a un autre dossier qui est en marche là-dessus, et on en arrivera peut-être avant longtemps au Québec avec une carte. Je pense que beaucoup de gens souhaitent effectivement qu'il y ait une carte plus reconnue qui facilite l'identification qu'on doit faire, que ça soit pour les élections ou toute autre activité dans notre vie. Alors, je crois qu'il y a un assez bon consensus au Québec maintenant là-dessus, et tout le monde travaille pour que ça devienne techniquement et logistiquement possible, ça. Alors, on se suit bien là-dessus.

Mon troisième commentaire vient plus aux commentaires que vous avez faits dans la présentation du deuxième mémoire quant à la pertinence pour le gouvernement du Québec de légiférer dans ce domaine-là. Bien sûr, on s'est posé la question, parce que devant une loi fédérale... La loi fédérale déjà intervenait dans un domaine de juridiction provinciale. Maintenant, ça s'est déjà vu, ça s'est déjà fait, on peut vivre avec ça. C'est déjà une première raison, mais ce n'était peut-être pas la raison seule et suffisante. Il y a plus que ça aussi. En plus de cette raison, on souhaitait déjà depuis quelques années... Il y a un travail important qui était fait au ministère, une collaboration avec beaucoup de groupes sur le terrain, pour en arriver à avoir une législation qui serait plus complète, ce que n'est pas la loi fédérale par rapport à celle-ci. Et cette loi, comme vous le savez, vous l'avez vu, vise trois grands aspects, si on veut la résumer: Des mesures pour l'accès du tabac pour les jeunes, tout ce qui regarde la publicité, qui est un volet important qu'on retrouve en correspondance, à certains égards, dans la loi fédérale, mais aussi des mesures de protection pour les non-fumeurs dans les endroits publics fermés. On ne retrouve pas ça non plus dans la loi fédérale de façon aussi complète et bien cohérente. On avait une loi un peu là-dessus au Québec, mais qui était très timide comme loi, qui a permis de faire avancer les choses pendant certaines années et il semblait que, là, on était prêts à faire un pas de plus.

Donc, d'avoir une loi qui serait complète et qui ferait le tour de la question comme mesures de santé publique et que cette loi-là, la troisième raison, vienne bien s'ajuster et s'arrimer dans le programme de la santé publique, qui vise le tabac. Parce qu'il y a d'autres éléments qu'on ne retrouve pas dans la loi, qui n'ont pas besoin d'être dans la loi. Tout ce qui se fait comme information et qui devra continuer à se faire comme formation, éducation et programmes de cessation pour ceux qui veulent cesser de fumer.

(22 h 30)

Alors, il y a un certain nombre d'autres mesures. Ça nous permettait, au titre de la cohérence, d'avoir un programme complet avec sa partie législative qui, elle aussi, serait plus complète que ce qui existait. Mais je peux vous rassurer, ceci dit – c'est un peu plus notre logique qui est arrivée à ça – on est conscient qu'il faut qu'il y ait une harmonisation avec la loi fédérale, et il y a des moyens pour ça. Ce n'est pas la première fois que les deux gouvernements légifèrent sur un même sujet. Soit dans d'autres circonstances où le gouvernement fédéral est venu légiférer dans une juridiction provinciale ou dans certains secteurs de juridiction partagée, ça s'est déjà vu. Alors, il y a des mesures. Ça serait un peu long de rentrer là-dedans ce soir, mais même la loi fédérale prévoit dans un de ses articles l'harmonisation avec les lois des provinces si les lois devaient harmoniser à cet égard. Il y a déjà des contacts qui sont établis entre les fonctionnaires au ministère et ceux d'Ottawa, et, quand on aura notre loi qui sera éventuellement adoptée, qu'on saura ce que le fédéral fait, est-ce qu'il fait des ajustements ou pas à sa loi, bien, c'est sûr qu'il va falloir faire une harmonisation pour l'appliquer, pour ne pas que ça devienne plus compliqué pour les gens. Alors, c'étaient les commentaires, M. le Président, que je voulais faire pour compléter cet échange d'informations.

Une question que j'aimerais poser: Dans vos recommandations que vous faites sur l'article 13, je comprends bien votre commentaire et votre suggestion qui est de dire que ce n'est pas seulement l'exploitant d'un commerce, c'est toute personne, mais je ne peux pas voir quelle autre personne pourrait exister qui serait un vendeur légal de cigarettes aux jeunes si ce n'est pas quelqu'un qui a un permis d'exploitation d'un commerce et d'un type de commerce qui peut vendre de la cigarette. Moi, par exemple, si je décide d'acheter un camion de cigarettes et de me mettre à vendre ça demain matin, ça serait illégal, je ne pourrais pas faire ça. Alors, on pensait que l'article 13, tel que rédigé, vise tous ceux qui peuvent vendre des cigarettes au détail à tout le monde, y compris à des mineurs. Alors, je ne sais pas s'il y a quelque chose qu'on a manqué, mais on n'avait pas l'impression d'échapper personne. Parce que, votre point est bon, ça ne vise pas seulement, par exemple, un dépanneur, ça. On ne voulait pas prendre...

M. Servais (Yves): Non, moi, tout simplement, ce que je veux dire, c'est que, actuellement, la responsabilité est sur le dos du dépanneur. Puis on veut bien en prendre...

M. Rochon: De tout exploitant de commerce qui peut vendre des cigarettes.

M. Servais (Yves): Mais ce n'est pas juste le dépanneur qui procure des cigarettes aux jeunes. Vous avez un adulte, comme je vous disais, mon exemple, tout à l'heure... Je vous dis, je me fais souvent achaler par des jeunes ados aux portes de dépanneurs pour que je leur procure un paquet de cigarettes. Donc, moi, je peux rentrer dans le dépanneur, dire: Je viens acheter un paquet de cigarettes, puis ressortir, puis le donner au jeune parce qu'il me l'a demandé. Mais là j'aimerais ça que, au niveau des adultes ou de toute autre personne, bien, eux aussi, également, soient pénalisés s'ils sont pris sur le fait d'avoir acheté un paquet de cigarettes pour un jeune.

M. Rochon: Ou de quelqu'un qui ferait simplement... Si, moi, je me mets à distribuer puis à donner des cigarettes aux jeunes. O.K.

M. Larochelle (Serge): Est-ce que je peux émettre un commentaire là-dessus?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

M. Larochelle (Serge): Ce qu'on veut laisser sous-entendre, c'est que le détaillant achète un produit qui est considéré à risque. C'est un peu ça.

M. Rochon: Considéré à risque.

M. Larochelle (Serge): Considéré à risque.

M. Rochon: Oui, O.K.

M. Larochelle (Serge): Et on nous dit: O.K., on vous laisse le droit de le vendre, mais à certaines conditions que vous devez respecter en tout temps. Et là on peut être passible d'un geste qui aura pu être commis par erreur. Et, comme monsieur le disait tout à l'heure, il y a un adulte qui se présente, l'achète, sort sur le stationnement d'un dépanneur, d'un supermarché...

M. Rochon: O.K. Je vois ce que vous voulez dire, oui.

M. Larochelle (Serge): Donc, il faut qu'il y ait un geste, là, une prise de conscience très sérieuse qui doit être véhiculée. D'ailleurs, s'il y a peut-être une chose, une recommandation qui n'est pas faite dans notre mémoire, c'est qu'on espère grandement que, si le gouvernement adopte la loi, il dépense beaucoup d'énergie et d'argent dans une publicité qui devra atteindre le côté gros bon sens des parents. Je ne sais pas, ça «peut-u» vouloir dire: Voici ce qu'un adulte a l'air après 25 ans de fumage? Et est-ce que vous voulez que vos enfants ou que vos petits enfants ressemblent à ça? Si on ne fait pas prendre conscience à quelqu'un puis on dit: Le propriétaire du supermarché va être passible d'une amende importante, je veux dire, il y a un gros, gros geste qui... Ça ne marche pas, là, d'une façon importante.

M. Rochon: Je vois plus le point que vous voulez dire, là.

M. Larochelle (Serge): D'ailleurs, c'est pour ça qu'on demande une carte d'identité, une facilité. Le commerce de détail, actuellement, vit un bouleversement depuis quelques années parce que le monde boursier est rentré d'un façon importante dans les venues de fonds des grosses entreprises pour venir concurrencer les dépanneurs et les supermarchés indépendants, puis là... Comme le mien, moi, je suis ouvert 24 heures – j'ai un supermarché – je «peux-tu» vous dire que, s'il y a un individu qui se présente le soir, qui a 16 ans et qui dit à ma caissière: «Si tu ne m'en donnes pas un, aimerais-tu ça avoir une claque sur la gueule?», je ne le sais pas, ce qu'elle va faire. Ça fait que, tu sais, on va vivre des contraintes qui sont importantes, qui sont du vécu de tous les jours. Et je peux vous dire qu'il s'en passe de toutes les sortes. Ça fait que, si on a des moyens assez faciles et simples qui sont très bien véhiculés, ça va nous faciliter la tâche grandement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre, est-ce que ça va?

M. Rochon: Une dernière question. L'article 14, l'article qui suit, parce que, là aussi, je ne suis pas sûr que je comprends. Comme l'article est rédigé, il me semble que c'est un «et» qu'il faut, ça ne peut pas être un «ou» parce que c'est deux idées complémentaires, parce qu'on dit que l'exploitant n'encourt pas de peine s'il prouve qu'il a agi avec diligence raisonnable pour constater l'âge et qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'il avait affaire à un majeur. Ce n'est pas l'un ou l'autre si... Il ne peut pas avoir juste agi avec diligence pour constater l'âge. S'il a fait ça, le complément de son action, c'est que ça l'a amené à conclure que, oui, il avait affaire à un majeur.

Mme Hétu (Diane): ...qu'il faut qu'on demande une carte. De façon générale, un jeune qui arrive puis qui a 15 ans, on voit bien qu'il a 15 ans et on va demander une carte. Donc, à ce moment-là, on a agi avec diligence raisonnable pour constater l'âge. On a demandé une carte, c'est évident. Ou qu'on avait un motif raisonnable de croire... Puis, à ce moment-là, c'est peut-être une certaine tolérance de dire: C'était tellement évident, le jeune il avait l'air de 24 ans. Je veux dire, il ne faut pas...

En tout cas, je sais que, aux États-Unis, il y a de très nombreux États où la carte doit être demandée en bas de 30 ans. Imaginez, 30 ans... Je veux dire, pour moi, un homme de 30 ans, c'est quelque chose!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hétu (Diane): Alors, il y a quand même des côtés flottants. Un jeune de 17 ans qui mesure 6 pi 5 po, avec la barbe, et tout ça, on peut... Une jeune caissière qui n'a pas tout à fait, en tout cas, l'oeil aguerri comme un détaillant que ça fait longtemps puis qu'il le sait... Ou elle est nouvelle, elle ne connaît pas les clients, elle va peut-être être tellement certaine, elle, que c'était comme ça... Il faut quand même qu'il y ait une certaine... Bon, c'est le bénéfice du doute, là, je veux dire. Et c'est pour ça que j'ai changé à un «ou», pour des cas où vraiment... S'il a 12 ans, l'enfant, on ne peut pas dire: Bien, je n'ai pas pensé qu'il avait... Bien, là, c'est évident que le détaillant... Écoute-bien, à 12 ans, tu ne peux pas te tromper, mais, 17 ans, là, en tout cas, moi-même, j'aurais de la misère à...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le ministre, ça va?

M. Rochon: Ça va. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier pour votre présentation. Je voudrais peut-être tout de suite... Au début du premier mémoire qui nous a été présenté, vous faites une recommandation, l'ajout à l'article 13: «Un mineur ne peut consommer ni acheter lui-même ou pour autrui des produits du tabac.» À partir du moment où on ajouterait cet article, j'essaie de voir l'impact que ça peut avoir à partir... Si un mineur est pris en flagrant délit d'acheter du tabac, eh bien, est-ce qu'il va y avoir des mesures pénales ou coercitives par la suite? Est-ce qu'il va y avoir d'autres articles qui vont prévoir, s'il fait un délit... Est-ce que c'est ce que vous souhaitez?

Mme Hétu (Diane): C'est ce que nous souhaitons. Je ne sais pas de quelle manière ça peut être appliqué, je sais que ça se fait au niveau de l'alcool. Évidemment, il y a de la tolérance qui se fait, mais il reste que ça se fait pour l'alcool. Alors, je me dis qu'on pourrait prendre les mêmes mesures qui sont faites au niveau de l'alcool et dire: Bon, on transfère la même chose au niveau de la cigarette. Ça serait exactement le même genre de loi qu'on retrouve, la LIMBA pour les cigarettes.

M. Marsan: O.K. Mais vous voulez aller jusqu'à ce niveau-là de responsabilisation?

M. Larochelle (Serge): La question est peut-être: Si on est passible d'une amende, passible d'une amende de quoi si la personne qui achète, elle n'est passible de rien? Je veux dire, la question, elle se pose par elle-même. Si la personne... Est-ce que c'est un produit criminel? Je veux dire...

M. Marsan: J'essaie juste de voir si on ne créera pas un autre problème. À partir du moment où un mineur est pris, bon, on va l'accuser, on va lui faire des procédures, et, s'il est reconnu coupable, eh bien... Je ne sais pas si on ne rentre pas dans un cercle...

(22 h 40)

M. Larochelle (Serge): La porte est déjà ouverte. La porte, elle ne va que s'élargir plus grande. Elle est déjà commencée. Automatiquement, en bannissant les jeunes, il ne faut pas se leurrer, c'est comme j'ai dit tout à l'heure, les messieurs en ont parlé, il va se créer un marché noir. Ce qui est défendu, il faut... Si on se met terre-à-terre, lorsqu'on était plus jeune... Les produits défendus, à bien des niveaux, on est tenté. Parce que, si ce n'est pas conscientisé d'une façon très importante que c'est un produit très dommageable, je veux dire, pourquoi les jeunes, ils n'en fumeraient pas? Et c'est juste marqué «interdit». Interdit pourquoi? C'est large, ça, là. C'est un débat qui est très, très large.

Ça fait que, nous, ce qu'on défend, notre point, c'est que, si effectivement... On imagine que, après des études très saines et très bonnes qui démontrent que c'est très, très nocif pour ces jeunes-là, donc, on nous demande de vous aider. Alors, à ce moment-là, on dit: Est-ce que vous pourriez nous fournir des outils clairs, nets et précis pour nous aider et nous faciliter la tâche et non pas qu'on soit les seuls qui pourraient payer pour des gestes très anodins de notre part qui pourraient être, comme Mme Hétu a dit tout à l'heure...

Je vais vous donner juste un exemple, voilà à peu près six mois, des agents du fédéral se présentaient dans nos magasins avec un jeune d'âge mineur et essayaient d'acheter du tabac, et c'est allé même que si les gens n'avaient pas le coupon de caisse pour prouver qu'ils l'avaient vendu, ils poursuivaient le marchand. Ça s'est fait.

M. Marsan: Vous me permettez juste une autre question. Je crois que vous êtes un des propriétaires, un marchand propriétaire?

M. Larochelle (Serge): Oui.

M. Marsan: IGA, je crois. Comment vous faites pour savoir si un jeune est mineur ou est majeur? Quels moyens vous avez à votre disposition pour le savoir?

M. Larochelle (Serge): Actuellement? On n'en a pas. Même que je ne suis pas certain, mais je crois que la loi ne nous permet même pas de demander une carte d'identité actuellement.

M. Khalil (Ziad): Je peux répondre aussi à la question.

M. Larochelle (Serge): Oui, vas-y, Ziad.

M. Khalil (Ziad): On va surtout avec la logique, surtout avec le physique. Des fois, même, on demande des cartes à des gens qui sont vraiment des majeurs, qui ont un «baby face», entre parenthèses, qui ont 25, 26 puis ils sont très insultés, à part ça. Puis il y a beaucoup de gens qui nous quittent, puis, vraiment, ils sont fâchés. Puis c'est de cette façon-là parce que, l'âge, ce n'est pas écrit sur le front, hein? Alors, il faut être logique.

Puis, en plus, je vais rajouter sur ce qu'ils ont fait, le fédéral, voilà quelques mois, quand ils sont venus avec dix mineurs. Ils sont venus avec des mineurs qui, vraiment, ressemblent à des majeurs, des gens costauds qui ont une barbe, puis ils leur ont fait demander un produit du tabac. Alors, la caissière ou le caissier, il était déjà pris dans une période d'achalandage, il n'a pas demandé parce que c'était évident que la personne était majeure. Puis, après ça, le monsieur, l'inspecteur a présenté sa carte puis il a dit: Bien, là, vous venez de vendre des cigarettes à une personne qui est mineure. Bien, tu sais, nous autres, on veut coopérer, là, mais, par contre, ça va un petit peu avec la logique. Ça va avec la logique.

M. Marsan: Vous mentionnez – et là je pense que c'est l'Association des marchands détaillants de l'Est: «Si, à l'adoption de la loi provinciale, nous nous retrouvons avec deux lois et des règlements similaires, laquelle primera sur l'autre?» C'est une question qu'on a posée, nous, aux différents groupes que nous avons commencé à écouter, vous la posez aussi, qu'est-ce que vous en pensez? Laquelle des deux lois va primer, va avoir préséance, la loi fédérale ou la loi du Québec?

M. Servais (Yves): Dernièrement, j'avais des échanges avec un fonctionnaire de Santé Canada, et puis, lui, il me confirmait – mais là c'est entre guillemets – que, si la loi provinciale était plus contraignante ou plus sévère, normalement, ce serait la loi provinciale qui devrait s'appliquer. La loi du Québec qui devrait s'appliquer. Mais là je ne peux pas vous en dire plus parce que je ne suis pas un constitutionnaliste, donc... Mais on aimerait bien ça qu'il y ait une harmonisation parce que, actuellement, on est visité par des inspecteurs de Santé Canada, du fédéral, et puis, si votre loi passe, bien, à ce moment-là, vous allez avoir un autre inspecteur du provincial qui va passer nous voir et pour les mêmes règlements. Donc, ça fonctionne très mal. On est déjà soumis à beaucoup de réglementations, je veux dire, on pourrait bien s'en passer d'une.

Juste à titre d'exemple, j'ai amené avec moi l'avis qu'on retrouve dans les dépanneurs. C'est l'avis du fédéral. Elle est rouge et blanche. Je ne sais pas si la vôtre va être bleue et blanche, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Servais (Yves): ...on voudrait peut-être éviter, pour une même loi, d'avoir deux affiches. Puis, d'ailleurs, ces affiches-là sont soumises à des amendes. Si on ne les retrouve pas dans le dépanneur, bien, le propriétaire peut être pénalisé. Ça fait que, là, si le fédéral passe et ne voit pas son affiche, bien, on pourrait être pénalisé. Si le provincial passe, ne voit pas son affiche... En tout cas, c'est toute cette question-là sur laquelle on aimerait avoir des réponses si vous allez de l'avant avec ce projet de loi là.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le ministre.

M. Rochon: Très brièvement, je pense que je peux vous dire sans me tromper, là – ou on me corrigera – que l'harmonisation entre les deux lois, ça veut aussi dire ça, qu'il y a déjà des exemples d'ententes qui existent...

M. Servais (Yves): Bien, j'espère.

M. Rochon: ...que, si le gouvernement assure le suivi, la vérification que la loi est appliquée, l'autre ne repasse pas derrière. Alors, vous allez voir quelqu'un du gouvernement du Québec au lieu du fédéral. Ha, ha, ha!

Mme Hétu (Diane): Ça va présenter l'avantage que ça va être en français, parce que Santé Canada, ça m'a pris une semaine pour exiger qu'ils aient une ligne d'information en français pour les détaillants en alimentation qui sont, en très grande majorité, francophones. Ça a pris une grosse semaine.

M. Rochon: Enfin, un autre problème de réglé en même temps, voyez-vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'étais bien content d'entendre le ministre quand il a plaidé la cause de la participation du gouvernement fédéral dans ce dossier et je peux vous dire, comme porte-parole de revenu, que, quand le gouvernement québécois veut faire les choses pour fouiller dans les poches des Québécois, il peut faire des harmonisations avec le fédéral pas mal vite. Avec ça, s'il veut vraiment travailler ensemble, il peut travailler ensemble. Quand il veut avoir la chicane, il peut avoir la chicane. Mais, avec ça, s'il veut vraiment protéger les Québécois et Québécoises, s'il veut vraiment avancer la cause des non-fumeurs, s'il veut protéger nos jeunes, là, il peut. Ou il peut décider de faire une chicane provinciale-fédérale comme il aime faire. Mais je ne commence pas ce débat ce soir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'ai bien compris.

M. Williams: Et, aussi, j'ai juste un petit commentaire, parce que vous avez recommandé les programmes de publicité. Le ministre aime les programmes de publicité, et, avec ça, je pense qu'il partage pas mal votre opinion.

Mais je voudrais retourner sur le terrain parce que tout le monde dit que c'est la responsabilité de tout le monde. C'est la responsabilité des parents, c'est la responsabilité de l'État, c'est la responsabilité des propriétaires. C'est la responsabilité de tout le monde, mais le problème, quand c'est la responsabilité de tout le monde, c'est la responsabilité de personne. Tout le monde fait comme ça. Et je sais que c'est difficile, au Québec, de faire un profit maintenant. Je comprends les PME, les dépanneurs, les tabagies. C'est difficile de faire un profit avec toute cette avalanche de taxes que nous avons eues jusqu'à maintenant. C'est difficile. Dans le vrai monde, on doit vendre les produits et, souvent, malgré les bonnes intentions, nous sommes ouverts à vendre les cigarettes aux mineurs, et je comprends. Et les chiffres que j'ai lus, là, viennent d'une étude pancanadienne qui dit que, malheureusement, Québec est loin d'être le premier qui respecte la «compliance» de ne pas vendre aux mineurs. Je ne cite pas tous les chiffres, mais, effectivement, en comparaison des autres provinces, on vend aux mineurs. Je ne dis pas que vous vendez vous-mêmes, mais comme État on vend. Et il y a une différence entre Montréal et Jonquière, Sherbrooke et la ville de Québec. Il y a toute une différence, les chiffres. Je peux déposer, M. le Président, si vous voulez. Ça vient des études de Health Canada, Health Protection Branch, Office of Tobacco Control, décembre 1997.

(22 h 50)

Avec ça, je voudrais vraiment savoir: Selon vous, qu'est-ce qu'on peut faire pour le vrai pour arrêter la vente des cigarettes aux mineurs? À la fin de l'exercice de cette étude, je voudrais voter pour quelque chose qui assure qu'on ne vende pas de cigarettes aux mineurs. Et c'est bien beau ici, au salon rouge, là, de faire des grands discours, mais c'est vous qui êtes sur le terrain, et je voudrais vraiment savoir. Avec la loi fédérale, la loi provinciale, je ne veux pas créer une autre lourde administration non plus parce que vous en avez déjà assez, merci, mais aussi je ne veux pas passer une loi qui dit les bonnes choses sur papier, mais qui ne met pas, en réalité, ce qu'on veut. Avec ça, dans le vrai monde, qu'est-ce que vous avez besoin de faire... Non, qu'est-ce que nous avons besoin de faire pour vous donner les outils, que vous puissiez, clair et net, ne pas vendre aux mineurs, que votre compétiteur, dans l'autre coin du village, ne vende pas non plus, les pharmacies ne vendent pas non plus, etc., pour les minorités... Pas les minorités, pour les «minors». Pour les jeunes. Ha, ha, ha!

Une voix: Mineurs.

M. Williams: Mineurs, merci. Après qu'on aura passé la loi, qu'est-ce que vous avez besoin pour assurer qu'on ne vende pas de cigarettes aux mineurs?

M. Larochelle (Serge): Pour faire une synthèse assez simple du mémoire que nous avons présenté, on pourrait avoir une carte d'identité avec une affiche clairement définie qui dirait: Voici le processus dans les magasins de détail pour acheter du tabac. Puis la carte, qui pourrait s'appeler la carte-soleil ou peu importe, là... Il y aurait une affiche, et, dans le magasin, ça serait bien simple, sur le comptoir de cigarettes, il y aurait la même affiche, et tous les gens seraient mis au courant d'une façon massive, et les jeunes sauraient que, s'ils veulent acheter des cigarettes, voici ce qu'il faut qu'ils fassent.

Il n'y en a pas d'autre parce que, si on nous demande le bon jugement, il peut y avoir des erreurs, donc, si elle n'est pas clairement identifiée. Qu'ils facilitent la tâche au commerçant et qu'ils facilitent la tâche aussi au consommateur, parce que, lui, il ne se fera pas insulter, il le sait en rentrant parce que c'est clairement affiché. C'est affiché dans les journaux, à la télévision, aux portes des supermarchés, des dépanneurs et aux points de vente au détail qui dit: Voici la façon de se comporter pour acheter des cigarettes si vous avez une allure qui paraît assez jeune. Donc, lorsqu'ils rentrent, ils sont très à l'aise, ils ont une pièce d'identification dans leurs poches, ils se présentent et ils en achètent avec la pièce justificative. Si vous en avez d'autres, ça va nous faire plaisir de les appliquer.

M. Williams: Oui...

M. Khalil (Ziad): Excusez-moi, je veux rajouter quelque chose, M. le député.

M. Williams: Oui, oui, allez-y.

M. Khalil (Ziad): O.K. Puis ça rejoint exactement les recommandations qu'on vient de faire, c'est au niveau, vraiment, aussi de la responsabilité. Si un mineur, il y a un de ses amis qui a 18 ans, c'est trop facile, il va dire: Va-t-en. Même, si son ami a une carte d'identité, c'est légal, il va l'acheter. Alors, c'est au niveau de la responsabilité. Il faut que la personne qui achète des cigarettes puis qui les donne à un mineur soit responsable. On n'est pas les seuls, puis qu'il soit clair dans la loi et avec la publicité que chaque personne qui procure des produits du tabac à un mineur est responsable. Il me semble que c'est bien logique. Alors, quelqu'un, avant d'acheter un produit du tabac pour un mineur, il va y penser à deux fois. Alors, ça rejoint exactement ce qu'on vient de recommander.

M. Williams: Mais, selon l'étude nationale, il y a toute une différence entre la moyenne nationale qui était 69 % des détaillants qui acceptent de pas vendre aux jeunes. Ici, à Québec, la moyenne, c'est 51 %; Jonquière, c'est 40 %; Sherbrooke, c'est au-dessus de la moyenne canadienne, c'est 75 %, mais les autres sont moins. Si je peux sortir... Manitoba, 63 %; Saskatchewan, 70 % ou 71 %; Medicine Hat, c'est 90 %.

Une voix: ...

M. Williams: Non, qui ne vendent pas. Avec ça, on vend plus aux mineurs ici, au Québec. Avec ça, ce n'est pas une carte d'identité dans les autres provinces qui empêche. Et, franchement, une carte d'identité, c'est tout un autre débat parce que, une fois qu'on commence l'utilisation d'une carte d'identité... Je ne commence pas un débat politique ce soir, moi, c'est tout un autre débat. Je pense qu'on doit être prudent avec ça.

Mais je voudrais mieux comprendre c'est quoi, la différence entre ici, au Québec... Ou peut-être que les chiffres ne sont pas bons, mais ça vient d'une étude nationale. Je voudrais savoir c'est quoi, la différence entre le comportement de nos détaillants ici, au Québec, et dans le reste du pays et pourquoi ici, on vend plus souvent à nos jeunes que partout, dans les autres pays. Et il n'y a pas de carte d'identité là, dans les autres provinces. Je voudrais mieux comprendre la situation, c'est tout.

M. Larochelle (Serge): Vous posez la question à l'effet de savoir pourquoi les détaillants se comporteraient d'une façon beaucoup plus large que dans les autres provinces? C'est ça que je comprends?

M. Williams: Oui. Pourquoi on vend...

M. Larochelle (Serge): Pourquoi la société du Québec est différente du reste du Canada à bien des points de vue? Et je ne fais pas un débat politique en posant cette question.

M. Williams: Non, non, mais là on parle des jeunes, on parle de...

M. Larochelle (Serge): Bien, la question, elle est comme ça.

M. Williams: J'essaie de comprendre. C'est les chiffres qui viennent d'une étude, là, je voudrais mieux comprendre.

M. Larochelle (Serge): Si vous dites qu'on n'a pas besoin de carte d'identité, moi, je n'ai pas de problème avec ça, chez nous, les gens, ils seront très bien avertis. Il y en a d'autres, est-ce qu'ils le seront aussi bien? Je ne le sais pas, je ne peux pas être dans chacun des commerces. Il y a une chose qui est certaine, c'est que, si quelqu'un se présente chez moi, et un autre adulte achète des cigarettes pour un jeune et les donne à la porte, il y a un agent, et là on dit: IGA Larochelle, ah oui, le gars qui est venu parler qui disait qu'il n'en vendait pas. C'est ça que ça dit, là. La loi, elle dit que, si elle est appliquée, je peux être passible... C'est là-dessus qu'on se défend. Nous, on ne vient pas dire... Si vous voulez ouvrir un débat sur le point que les détaillants du Québec auraient une moralité sur le tabagisme beaucoup plus large qu'ailleurs, ça, je pense que c'est un tout autre débat.

M. Williams: Je demande la clarification des chiffres, c'est tout, là.

M. Larochelle (Serge): Non, je ne conteste pas ce que vous dites. Ce que l'on dit, c'est que ça nous prend des moyens parce que des contraintes dans notre société, dans l'est entre autres, où le terme «large» a été longtemps employé dans des façons, entre guillemets... C'est toute une culture, là, ce n'est pas juste pour le tabac que c'est très différent. Puis je ne dis pas un débat politique quand je dis ça, là. C'est pour ça que c'est la façon qu'on dit... Ou bien, demain matin, donnez-nous un support médiatique qui va dire: Go, rendons-nous responsables de nos jeunes. Et on va continuer de faire le même travail, et ceux qui seront passibles paieront, et ceux qui ne le seront pas... Sauf que la carte d'identité va nous faciliter la tâche, mais elle rouvre une autre polémique.

M. Williams: O.K. Mais je comprends, là, parce que vous êtes coincés, souvent, entre...

M. Larochelle (Serge): Oui, entre l'arbre et l'écorce.

M. Williams: On cherche la solution ensemble.

M. Larochelle (Serge): Oui, oui.

M. Williams: C'est quoi, le pourcentage des ventes? Les ventes de cigarettes, de tabac représentent quel pourcentage des ventes dans les dépanneurs, en général?

M. Larochelle (Serge): Ziad va répondre pour sa partie.

M. Khalil (Ziad): Bien, dans les dépanneurs, c'est très élevé. Ça peut aller de 35 % à 40 % du chiffre d'affaires, alors c'est énorme.

M. Williams: Oui, énorme.

M. Khalil (Ziad): Pour un dépanneur, si on enlève les cigarettes, bien, cigarettes et bière, c'est ça qui constitue son chiffre d'affaires. Puis, Dieu le sait, là, c'est partagé partout. On sait que même il y a des pharmacies qui vendent aussi des cigarettes, alors elles viennent aussi nous enlever un autre marché. Je n'ouvre pas un autre débat, mais j'ouvre la parenthèse, là.

M. Williams: On touche beaucoup de débats ce soir, hein, je pense.

M. Khalil (Ziad): Bien, c'est pas mal intéressant, on va vider le sac. Ha, ha, ha!

M. Williams: Et de ces 30 % ou 40 %, quel pourcentage de ces 30 % ou 40 % est la taxe qui est aux coffres de l'État?

M. Khalil (Ziad): Bien, c'est 7,5 %. Là, Diane a donné déjà des chiffres en milliards.

M. Larochelle (Serge): La partie du détail ou bien la partie de la taxe d'accise?

Une voix: C'est 55 %.

M. Williams: C'est 55 %?

M. Larochelle (Serge): Parce que, nous, on paie 14,49 %. Les deux cumulées ensemble, c'est ce que ça donne. Mais la principale raison d'acquisition de tabac, c'est la proximité. Et on sait tous que le dépanneur, en premier lieu, est le plus près dans le quartier, donc c'est la raison pourquoi il vend encore plus de tabac. Maintenant, les supermarchés de surface moyenne, surtout avec l'élargissement des heures d'ouverture, ils ont eu une croissance, eux aussi. Mais, lorsque les gens vont dans de très grosses surfaces, là, c'est une autre chose. C'est toujours en décroissant, plus la surface grossit, parce que le rayonnement est extrêmement loin. Les gens ne vont pas chercher du tabac dans un grand centre.

M. Williams: Merci beaucoup pour votre question, parce que je sais que le dépanneur, souvent, est une place centrale dans un village. Et, si on ne peut pas trouver les solutions là, on peut faire tous les débats ici et nous n'allons changer rien. Avec ça, quand je vous ai questionné, c'était pour mieux comprendre la vraie réalité, comment on peut faire qu'est-ce qu'on veut ici, mais aussi de changer quelque chose sur le terrain. C'est pourquoi j'ai questionné un peu. Et, pour moi, la carte d'identité, ce n'est pas la solution. Moi-même, je comprends que peut-être ça va faciliter les choses, mais peut-être, ensemble, on peut trouver une autre solution.

Mme Hétu (Diane): J'aimerais peut-être juste ajouter qu'il y a plusieurs magasins qui ont entré, dans leur politique d'embauche et au niveau de leur personnel, une clause qui dit: Tu n'as pas le droit de vendre des produits de tabac. Et l'employé peut être congédié. Alors, je sais que Couche-Tard, qui est une très grande chaîne de dépanneurs, c'est dans sa politique. Quand je vais chez un Couche-Tard, notamment – puis là il y en a plusieurs autres – je sais que cette chaîne-là, elle n'en vend pas. En tout cas, s'ils en vendent, c'est que vraiment elle n'a pas du tout pensé... Donc, ça, c'est quand même un effort que les dépanneurs et les grandes chaînes appliquent, qui est quand même assez nouveau, je dirais depuis un an. Et je pense que ça va être une solution aussi qui aide au niveau de sensibiliser l'employé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, madame et messieurs, nous voulons vous remercier d'être venus et de la qualité de votre mémoire.

(23 heures)

J'invite maintenant les représentants de l'Association des hôteliers du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, compte tenu de l'heure, 23 heures... et nous voulons prendre le temps, M. Lauzon, de vous écouter et d'échanger avec vous. Alors, je ne vous demanderai pas de présenter les gens qui vous accompagnent, mais je vais vous souhaiter la bienvenue et vous inviter à débuter votre mémoire.


Association des hôteliers du Québec

M. Lauzon (André Jean): Vous allez me permettre, M. le Président, d'excuser notre président, M. Jean Authier, que vous connaissez bien puisqu'il est dans le comté de Charlevoix, qui devait être ici. Comme ça arrive souvent dans la profession hôtelière, il a dû rester au bercail pour assumer ses fonctions d'hôtelier.

Alors, bonsoir, M. le Président. Bonsoir, M. le ministre. Bonsoir, MM. et Mmes les députés, les membres de la commission. Permettez-moi d'abord de présenter notre organisme. Fondée en 1949, l'Association des hôteliers du Québec a comme mission de regrouper des établissements hôteliers pour les représenter, défendre leurs intérêts et leur fournir des services, tout en collaborant au développement de la qualité de la profession hôtelière et de l'industrie touristique en général.

L'Association des hôteliers du Québec compte quelque 500 établissements membres répartis dans toutes les régions du Québec. Il s'agit d'établissements hôteliers de diverses catégories, de la petite auberge opérée par les propriétaires à l'hôtel de grande capacité offrant tous les services. Les trois quarts – c'est-à-dire 76 % – de nos établissements membres offrent des services de restauration, dont 46 % pour les trois repas, l'autre 20 % uniquement pour le petit déjeuner.

Le conseil d'administration de l'organisme est composé de gestionnaires et propriétaires d'établissements hôteliers provenant des diverses régions du Québec, reflétant ainsi la composition du membership de l'Association. Le siège social de l'Association est situé à Montréal, rue Sherbrooke Est.

Permettez-moi de vous parler un petit peu du secteur de l'hôtellerie dans l'industrie touristique. Le Québec compte quelque 2 000 détenteurs de permis d'hébergement, ce qui fait, au total, quelque chose comme à peu près 72 000 chambres. L'industrie hôtelière québécoise est caractérisée par la petite hôtellerie – et j'attire votre attention sur ce point-là. En effet, 81 % des établissements hôteliers, au Québec, sont des établissements qui comptent moins de 40 chambres, 17 % se situent entre 40 et 200 chambres, et il y a seulement 2 % des établissements qui comptent plus de 200 chambres. Ils sont situés principalement à Montréal et à Québec. La seule exception est le Manoir Richelieu, dans Charlevoix.

Selon les dernières données disponibles, les revenus générés par l'hôtellerie, au Québec, étaient de l'ordre de 1 500 000 000 $ par année, en 1995. La moitié de la clientèle, soit 54 %, est composée de gens se déplaçant pour des fins d'agrément. La clientèle d'affaires compte pour 30 % des revenus. Le reste est réparti entre la visite de parents et d'amis, proportion de 9,8 %, ou pour des raisons personnelles, 5,5 %.

En ce qui a trait aux dépenses du secteur de l'hôtellerie, elles s'élevaient à 1 423 000 000 $, en 1995, et il est à souligner que le contenu québécois des dépenses d'exploitation des entreprises du secteur de l'hôtellerie est très élevé, soit de l'ordre de 78,5 %. Seulement 28 des 74 secteurs économiques du Québec ont un contenu québécois plus élevé. Enfin, le secteur de l'hôtellerie génère près de 30 000 emplois sur une base annuelle de 12 mois.

L'Association des hôteliers du Québec tient à féliciter le gouvernement du Québec, et plus particulièrement son ministre de la Santé et des Services sociaux, pour son approche mesurée et réaliste dans le traitement de la question du tabac. Nous voudrions également féliciter le gouvernement pour avoir fait preuve de prévoyance en tenant des audiences publiques sur le projet de loi n° 444 avant de le soumettre en première lecture à l'Assemblée nationale. Voilà un signe que le gouvernement est ouvert aux suggestions et améliorations pouvant être apportées à ce projet de loi.

Comme nous, le ministre de la Santé et des Services sociaux réalise qu'on peut se défaire de la fumée, mais non des fumeurs. Ceux-ci constituent une partie de notre clientèle et, tout en étant ouverts à une approche positive en matière de restriction de la fumée, nous devons quand même respecter ces clients.

Le projet de loi n° 444 nous préoccupe à deux niveaux: d'une part, les dispositions touchant les chambres et les aires communes dans l'établissement et, d'autre part, les dispositions ayant trait à la restauration, compte tenu que les trois quarts de nos établissements offrent un service de restauration. Si vous le permettez, nous allons traiter chacune de ces dimensions séparément.

D'abord, les chambres et les aires communes. Nous distinguons trois aspects de cette dimension: les aires communes, les chambres et les salles de réunion. De manière générale, les aires communes dans un établissement hôtelier peuvent être définies comme le lobby et la réception, qui sont en général attenants, le foyer ou l'espace attenant à des salles de réunion ou salles de bal, et enfin les corridors qu'on retrouve dans un établissement hôtelier.

(23 h 10)

On comprendra qu'il est difficile de définir un espace où la fumée est tolérée dans un lobby ou une réception d'hôtel. Ces espaces sont d'ailleurs généralement attenants l'un et l'autre. Il sera surtout difficile de faire respecter le droit de faire usage de tabac dans seulement 40 % de l'espace, compte tenu qu'il s'agit d'aires où les clients sont continuellement en mouvement. Deux options peuvent être considérées: qu'il soit totalement interdit de fumer dans ces aires, ce qui serait, à notre avis, trop restrictif, ou que cet espace soit inclus dans le 40 % des aires communes où il est permis de fumer. Il importe donc d'apporter des précisions à ce niveau dans le projet de loi et surtout de dissocier les aires communes des chambres. Ce sont deux choses pour nous.

En ce qui a trait aux salles de réunion ou salles de bal, nous estimons que la décision d'y tolérer la fumée ou pas revient au client qui a loué ces salles pour un temps déterminé. Dès qu'une salle est louée pour une fonction, cet espace devient en quelque sorte privé. Dans l'article 2, alinéa 7° du projet de loi, il est précisé que «les aires communes des immeubles comportant plus de 12 unités de logements, à l'exception de celles qui sont temporairement mises à la disposition d'un locataire ou d'un propriétaire pour ses fins personnelles»... Cette précision pourrait inclure les salles de réunion ou salles de bal d'un établissement hôtelier louées à des clients pour une période déterminée.

Maintenant, la dimension des chambres. Bien que le projet de loi ne soit pas clair à ce propos, nous en déduisons que le gouvernement imposera que 60 % des chambres d'hôtes soient des chambres non-fumeurs. Actuellement, les établissements hôteliers de moyenne et de grande capacité – alors, je rappelle que moyenne capacité, c'est de 40 à 200 chambres, et grande capacité, 200 et plus – réservent environ 50 % de leurs chambres comme non-fumeurs. Cette politique est établie selon les établissements, en fonction des besoins du marché.

Pour les motifs évoqués précédemment, on comprendra que les chambres – espaces occupés par un seul locataire – doivent être traitées de façon distincte des aires communes, ce qui n'est pas le cas dans le projet de loi, comme en témoigne l'article 6 où les deux sont traitées globalement. Si les chambres sont traitées à part, nous estimons que l'établissement d'un pourcentage fixe de 60 % de chambres non-fumeurs ne correspond pas aux besoins du marché actuel.

De plus, un établissement comptant moins de 40 chambres, ce qui est le cas de 81 % des établissements hôteliers, pourrait difficilement opérer avec un ratio de 60 % de chambres non-fumeurs sans s'exposer à une situation où, dans certains cas, l'établissement devra refuser des clients tout en ayant quand même des chambres disponibles. Nous recommandons que les établissements de petite capacité, soit moins de 40 chambres, soient exclus de la loi en ce qui a trait aux dispositions relatives aux aires communes et aux chambres. Pour ce qui est des établissements de moyenne capacité et de grande capacité, nous proposons que le ratio de chambres non-fumeurs soit établi sur une base progressive au cours des 10 prochaines années pour en arriver à 60 % à la fin de ce terme. Enfin, il nous apparaît important de maintenir la tradition actuelle d'identifier les chambres non-fumeurs plutôt que les chambres fumeurs pour la simple et bonne raison que, dans la majorité des cas, les chambres n'étant pas explicitement identifiées comme non-fumeurs, elles peuvent être louées autant à des clients fumeurs que non-fumeurs quand la clientèle ne fait pas expressément mention de son choix.

Maintenant, en ce qui a trait à la restauration. Rappelons que les trois quarts des établissements hôteliers offrent des services de restauration. Déjà, la majorité des établissements hôteliers identifient des espaces fumeurs et non-fumeurs dans leurs salles à manger.

L'aménagement d'aires avec des cloisons ne nous semble pas une solution appropriée, compte tenu que la majorité des salles à manger dans les établissements hôteliers sont des aires ouvertes attenantes à d'autres services de l'établissement hôtelier. Souvent, la salle à manger est attenante au bar ou à la réception et le client n'a pas nécessairement à traverser une porte pour y avoir accès. Donc, ce n'est pas un espace fermé, contrairement à un restaurant, si on veut. Comment pourrions-nous alors aménager des cloisons sans nuire à l'aménagement général et à la décoration de l'établissement hôtelier? De plus, la disposition des cloisons risque de gêner plutôt que d'aider la circulation de l'air dans l'établissement.

Le projet de loi admet qu'une bonne technologie de ventilation peut évacuer efficacement la fumée hors des lieux visés. Nous estimons qu'un bon système de ventilation utilisant des courants d'air dirigés peut être aussi efficace sinon plus que l'aménagement d'espaces cloisonnés. Un système de ventilation où l'air pénètre dans une pièce par la section non-fumeurs pour ensuite passer à la section fumeurs d'où il est finalement évacué fait en sorte que la section fumeurs se retrouvant en aval, les non-fumeurs ne sont nullement exposés à la fumée. Il y a un système qui est mis en place, qui s'appelle la politesse de choix, qui est l'étude d'un système de ventilation dans les hôtels permettant ce système de ventilation dont on parle. Certains de nos établissements ont déjà mis ça en pratique.

L'idée même d'une section fumeurs séparée et fermée suppose que les non-fumeurs ne se mêlent pas les uns aux autres. Plusieurs non-fumeurs partagent la section fumeurs avec d'autres personnes, compte tenu qu'une partie du groupe fume. Imposer une zone distincte et séparée physiquement où l'on permettrait de fumer complique le choix des groupes où l'on trouve des fumeurs aussi bien que des non-fumeurs. Le recours à l'alternative de courant d'air dirigé, tout en réservant des espaces fumeurs et non-fumeurs, améliore la qualité de l'air aussi bien dans la section fumeurs que dans la section non-fumeurs.

Enfin, le législateur devra tenir compte que beaucoup d'établissements hôteliers sont aménagés dans des édifices à caractère patrimonial. L'érection de cloisons est souvent impossible dans de tels lieux et, dans certains cas, il se peut que cela soit interdit par d'autres lois. L'exploitant ne doit nullement être pénalisé parce que, tout en exploitant une entreprise hôtelière, il contribue également à la protection du patrimoine bâti.

En ce qui a trait à l'affichage. En référence à l'article 10 du projet de loi faisant référence à l'affichage, nous proposons que le mode d'affichage soit laissé à la discrétion de l'établissement. Ainsi, l'établissement pourra se servir de tentes de tables, dans la partie salle à manger, plutôt que d'affiches. Dans les aires communes, l'affichage pourra être en conformité avec la signalisation prévue pour les divers services de l'établissement hôtelier tout en étant aussi efficace. L'hôtellerie est un service et l'information dispensée aux clients de l'établissement doit être en conformité avec l'aménagement et la décoration des lieux.

Dispositions pénales. Nous trouvons abusive la disposition prévoyant de tenir l'exploitation d'un établissement hôtelier responsable et passible de fortes amendes pouvant aller jusqu'à 4 000 $ et, dans le cas de récidive, jusqu'à 10 000 $, tel que stipulé à l'article 43 du projet de loi – je vais avoir des précisions à vous demander là-dessus tout à l'heure, de toute façon. Est-ce que l'exploitant d'un établissement hôtelier devra faire office de surveillant auprès de sa clientèle? Comment pourra-t-il contrôler le fait qu'un client fume une cigarette dans une chambre prévue pour non-fumeurs? On veut surtout savoir si c'est ça que ça veut dire. C'est ce qu'on en a compris.

Enfin, un établissement hôtelier ne doit pas être considéré au même titre qu'un établissement public. Hormis les aires communes que sont la réception et le lobby, la majorité de l'espace d'un établissement hôtelier est utilisée uniquement par les clients de l'établissement, qu'ils y séjournent pour quelques heures, dans le cas de réunions ou de réceptions, ou pour un ou plusieurs jours, lorsqu'ils occupent une chambre. On ne peut considérer cette clientèle au même titre qu'une personne qui circule dans un édifice public. On ne saurait demander à l'exploitant d'effectuer une surveillance des lieux qui ont été loués à des clients pour une durée déterminée et qui deviennent alors des lieux privés pour la durée de la location.

Voilà, M. le Président, l'essentiel de nos réflexions sur le projet de loi n° 444. Comme vous avez pu le constater, il s'agit davantage d'interrogations que nous soulevons afin de nous assurer que le projet de loi tienne compte des particularités du secteur que nous représentons. Ces interrogations sont surtout d'ordre technique.

Nous sommes d'accord globalement avec l'esprit du projet de loi. Cependant, nous voulons nous assurer que celui-ci ne fasse pas en sorte que nous devions procéder à des modifications qui, en plus d'être coûteuses, nuiraient à l'aménagement et à la décoration des lieux que nous exploitons.

Comme en témoigne le projet de loi, le ministre de la Santé et des Services sociaux comprend fort bien l'importance de la clientèle pour l'hôtellerie qui, par définition, est une entreprise de services. L'Association des hôteliers du Québec reçoit positivement le fait que le gouvernement du Québec soit attentif aux préoccupations de ce secteur de l'activité économique. Nous sommes confiants qu'il saura rechercher une solution qui élimine la fumée sans pour autant nous priver d'une partie de notre clientèle.

Nous sommes naturellement à la disposition de la commission parlementaire des affaires sociales ainsi que du ministère de la Santé et des Services sociaux pour répondre à toute question ou préciser certains points soulevés dans le présent mémoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et j'invite tout de suite M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon: Oui. Merci beaucoup, M. Lauzon. C'est un mémoire qui est très bien ciblé. Je reconnais là... Vous soulevez de bonnes questions au sujet de l'article 6 où on aura peut-être à faire un effort de précision, de clarification. Vous soulevez la question à savoir si on traite séparément les aires et les chambres ou si c'est global. Je ne saurais pas vous donner de réponse ce soir. Il va falloir qu'on y réfléchisse et qu'on en discute. Mais vous soulevez une bonne question.

M. Lauzon (André Jean): Vous comprendrez pourquoi on posait la question.

M. Rochon: Premièrement, vous posez une question, quand vous parlez des chambres. Vous dites qu'il y a une pratique d'établie des grands hôtels de plus de 200 chambres?

M. Lauzon (André Jean): Non. Les moyens et les grands.

M. Rochon: Les moyens et les grands qui réservent 50-50.

M. Lauzon (André Jean): Même dans les petits, mais c'est moins courant dans les petits. En général, les sondages qu'on a faits, nous, c'est à peu près de l'ordre de 50-50. Ça va en croissance, naturellement, parce qu'il y a de moins en moins de gens qui fument.

M. Rochon: C'est ça.

M. Lauzon (André Jean): Il y a de plus en plus de gens qui demandent des chambres non-fumeurs.

(23 h 20)

M. Rochon: O.K. Puis là vous référez à ce que vous appelez les besoins du marché. Il est à peu près établi qu'il y a à peu près 30 % de la population qui fume. C'est allé de 33 % à 30 %, et ça continue. C'est sur cette base-là qu'on avait établi qu'une répartition 60-40, on jouait du côté sûr un peu, en n'étant pas nécessairement exactement la répartition de la population entre fumeurs et non-fumeurs.

Je peux reconnaître que la pratique qui s'est établie, c'est de mettre ça à peu près à 50-50. Mais vous pensez vraiment, ou vous avez quoi qui vous fait dire que, si on allait de 50-50 à 60-40, alors que la proportion, dans la population, c'est 70-30, on ne respecte pas ce qui est la réalité, en fait?

M. Lauzon (André Jean): Alors, on pense que ça la respecte. Quand on parle des besoins du marché, c'est la clientèle qui exige ce type de chambre là. Bien des gens vont réserver une chambre sans mentionner fumeurs ou non-fumeurs. S'il y a un bon système de ventilation, s'il y a une bonne aération qui est faite des chambres, en général, ça passe, ça ne sent pas trop; des fois, ça peut. Moi-même qui suis non-fumeur, ça m'arrive de demander de changer de chambre. Donc, ce n'est pas systématiquement les 70 % de non-fumeurs qui demandent une chambre non-fumeurs.

M. Rochon: Mais, si ça leur est offert, on peut penser qu'un non-fumeur va préférer une chambre de non-fumeurs parce que, en général, assez souvent, il reste un peu d'odeur dans une chambre de fumeurs.

M. Lauzon (André Jean): Normalement, oui. Oui, oui, ça, c'est sûr. Mais ce qui va se passer aussi, c'est que souvent ça va être deux personnes, par exemple, ça peut être un couple dont un fume et l'autre ne fume pas, donc... Nous, ce qu'on constate...

M. Rochon: Là il faudrait voir qui s'accommode à qui.

M. Lauzon (André Jean): C'est ça. Nous, on constate que 50 % des gens nous demandent une chambre non-fumeurs. Alors, on est conscients que... Il y a 10 ans, c'était moins que ça. Il y a 20 ans, c'était moins que ça. Je ne sais pas si ça existait, même, il y a 20 ans. Alors, on est confiants que, dans les années à venir, ça va aller en croissance. C'est pour ça qu'on ne s'objecte pas. On dit: Allons-y progressivement. Où on en a plus, c'est d'identifier des chambres fumeurs. Ça fait comme des ghettos. Et, compte tenu du fait qu'on peut louer des chambres non identifiées autant à des fumeurs qu'à des non-fumeurs sans que ça pose trop de problèmes en général, on se dit: On est peut-être mieux de continuer. Et on comprend l'esprit du projet qui est plus de dire: C'est interdit de fumer, sauf dans 40 % des cas ou au maximum 40 %. Mais on se dit: Actuellement, la pratique, il y a des chambres identifiées non-fumeurs. Là on sait qu'il n'y a jamais personne qui a fumé là-dedans, à moins d'avoir triché, donc le client est confiant. Si on identifie des chambres fumeurs, c'est évident que ces chambres-là, ça va être plus difficile de les louer à des gens qui sont non-fumeurs, alors qu'actuellement, quand ce n'est pas identifié, bien, il y a des clientèles qui s'accommodent avec ça tant bien que mal. On ne veut pas se retrouver dans une situation où on doit refuser de la clientèle quand il y a des chambres de disponibles.

M. Rochon: Non, non. Ça, je comprends ça. C'est ça. Mais est-ce qu'on peut penser que, indépendamment de ce sur quoi on conclut quant à la répartition en termes de pourcentage, vous gardiez une petite zone tampon? Même si c'était, disons, 60-40, que vous gardez un certain nombre de chambres non-fumeurs en tout temps, quitte à avoir un tampon ou vous ajuster, quitte à ce que ce soit plus désagréable pour le client s'il va dans une chambre fumeurs parce qu'il n'y en a pas d'autre.

M. Lauzon (André Jean): C'est ça. Mais c'est une question de rentabilité surtout.

M. Rochon: Non, non. Ça, on comprend ça. Puis je pense que vous l'avez souligné, on a vraiment un souci de ne pas causer de problème aux gens.

M. Lauzon (André Jean): On se dit que la demande du marché va faire en sorte que, d'ici 10 ans, on va arriver...

M. Rochon: Alors, votre point en est plus sur choisir la bonne période de temps pour arriver à cette répartition de 60-40 que de contester le 60-40. C'est plus ça qui est votre point.

M. Lauzon (André Jean): De le faire progressivement, d'une part. L'autre point, c'est qu'on ne sait pas quel effet négatif ça peut avoir, d'identifier des chambres fumeurs plutôt qu'actuellement identifier des chambres non-fumeurs. Ça, on ne le sait pas parce que ça n'a pas été fait. Ce n'est pas comme ça actuellement.

M. Rochon: Mais est-ce que un ne suit pas l'autre, de toute façon? Si vous identifiez la proportion qu'il vous faut de chambres non-fumeurs, vous n'avez pas besoin d'identifier les autres. Automatiquement, elles sont des chambres libres, fumeurs ou non-fumeurs.

M. Lauzon (André Jean): Je pense que la mentalité va changer puis ça va arriver à ça.

M. Rochon: O.K. Moi, c'est plus sur le temps que vous en êtes pour mettre ça en application.

M. Lauzon (André Jean): Faire en sorte qu'on ne soit pas pénalisés, que nos clients ne soient pas pénalités, qu'on ne soit pas pénalisés parce qu'on doit refuser des chambres qui sont disponibles. Mais on est confiants que, d'ici 10 ans, la proportion va être ça sinon plus.

M. Rochon: Avec un peu de chance, ça va peut-être prendre moins de temps.

M. Lauzon (André Jean): Peut-être.

M. Rochon: O.K. Je vais laisser la chance à d'autres, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Alors, à mon tour de vous remercier, M. Lauzon. C'est très bien, le mémoire que vous nous présentez. Je voudrais tout de suite aller aux dispositions pénales. Vous nous mentionnez que c'est un peu abusif, en tout cas, en termes de pénalités.

Habituellement, lorsqu'on a un projet de loi et qu'on veut mettre en application la loi, c'est mieux qu'elle puisse avoir un peu d'expression et avoir des dents. Qu'est-ce que vous suggéreriez à la place des montants, des fortes amendes que vous mentionnez, qui pourrait être raisonnable pour vous?

M. Lauzon (André Jean): Ce n'est pas en termes de montant, c'est en termes qu'on n'a pas... Bien, c'est un peu comme les gens qui m'ont précédé, on n'a pas de contrôle là-dessus. Mais, nous, on n'a pas compris, parce qu'il y a des dispositions pénales différentes entre une personne qui fume dans un lieu interdit – ça, ça va, là – et un exploitant qui opère un de ces lieux. Bon, les dispositions pénales, pour ne pas se conformer à la réglementation, je pense que ça va. On se dit juste: Est-ce que ça, ça comprend... Quand on parle des articles 3 à 8, est-ce que ça touche la partie des chambres? En d'autres mots, ce qu'on se pose comme question, c'est: Ça «veut-u» dire que, s'il y a plus de 60 % de gens qui fument dans des chambres, il y a plus de... vous comprenez ce que je veux dire...

M. Marsan: Oui.

M. Lauzon (André Jean): ...l'exploitant est pénalisé? Il a loué la chambre; en principe, on n'a pas le droit de fumer là, mais les individus trichent, ça arrive, là. Est-il pénalisé? Il n'ira pas checker dans la chambre si les gens fument. C'est ça qu'on veut dire, là. Ce n'est pas par rapport à l'aménagement des lieux. Ça, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je permettrais tout de suite à M. le ministre, justement en fonction de la question et de la réponse, de donner sa version.

M. Rochon: Je m'excuse, ça m'a échappé tout à l'heure. J'aurais dû commencer en vous apportant une clarification là-dessus. L'intention de l'article 43, comme de toutes les dispositions pénales, c'est vraiment que la pénalité soit imposée à la personne qui est responsable. Alors, la pénalité serait imposée. Si on laissait ça à 60-40 et si un établissement n'a pas 60 % de chambres...

M. Lauzon (André Jean): Ah oui! Ça, ça va.

M. Rochon: ...non-fumeurs, là il est en infraction.

M. Lauzon (André Jean): Ça va, ça.

M. Rochon: Mais, s'il loue une chambre non-fumeurs à quelqu'un qui dit être non-fumeur mais que la personne triche, ce n'est pas l'exploitant qui a fait une infraction, à ce moment-là.

M. Lauzon (André Jean): O.K.

M. Rochon: Ça serait le client, éventuellement.

M. Marsan: Je comprends le point de vue, mais la loi, est-ce qu'elle est claire dans le sens qu'on vient de mentionner?

M. Rochon: Bien, c'est l'intention. On va s'assurer de ça, que...

M. Lauzon (André Jean): Bien, c'est ça, on veut s'assurer que ce soit clair. Parce que ce n'est pas par rapport à respecter les dispositions. Une fois qu'elles ont été votées, c'est évident que les gens doivent les respecter. C'est plus ce que M. le ministre puis ce que vous avez mentionné.

M. Rochon: Mais, quand on lit – en fait, on pourra le revérifier, là – la loi dit: «L'exploitant d'un lieu ou d'un commerce visé [...] est passible d'une amende [...] s'il:

«1° contrevient aux normes d'installation, de construction ou d'aménagement prévues aux articles 3 à 8 ou aux dispositions d'un règlement pris en application [...] – donc, c'est vraiment les normes, s'il ne respecte pas les normes d'installation, de construction ou d'aménagement;

«2° néglige d'apposer l'affiche...

M. Lauzon (André Jean): Ça, ça va.

M. Rochon: ...requise...»

«3° contrevient aux dispositions de l'article 11.»

L'article 11 dit: «L'exploitant d'un lieu ou d'un commerce visé au présent chapitre ne doit pas tolérer qu'une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire.»

M. Lauzon (André Jean): C'est ce qu'on veut dire.

M. Rochon: C'est là-dessus que vous posez votre question?

M. Lauzon (André Jean): Exactement.

M. Rochon: O.K.

M. Lauzon (André Jean): Il suffit juste de préciser ça, que, dans les cas où on n'a pas contrôle... C'est sûr que, sur l'aménagement, on a le contrôle, sur l'affichage, on a le contrôle...

M. Rochon: O.K.

M. Lauzon (André Jean): ...mais ce qui se passe dans la chambre à coucher, ça ne nous regarde pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, M. le ministre note ce point-là. Si vous voulez continuer.

M. Marsan: Avec les nuances que vient d'apporter M. le ministre, à ce moment-là votre remarque devient un peu moins pertinente.

M. Lauzon (André Jean): C'est ça.

M. Marsan: C'est exact?

M. Lauzon (André Jean): Bien, si c'est précisé dans la loi pour être sûr que ce soit clair, ça va.

M. Marsan: O.K. Oui. Merci, M. Lauzon. Une autre question sur l'harmonisation de la législation fédérale et provinciale: Est-ce que ça cause des problèmes aux hôteliers s'il n'y a pas d'harmonisation à court terme et qu'on est face à deux lois, une fédérale et une provinciale, une du Québec? Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que les deux lois peuvent se juxtaposer? Et laquelle allez-vous préférer?

M. Lauzon (André Jean): Honnêtement, on n'a pas étudié cette question-là parce que, pour nous, on comprenait que la loi fédérale était plus reliée à la notion de commandite, tout ce qui a trait à la commandite dans le sport, l'affichage et des trucs comme ça. On n'a pas fouillé la question en ce qui a trait aux lieux publics. Honnêtement, je ne sais pas s'il est fait mention des hôtels dans la loi fédérale. La grosse partie du projet, de toute façon, touche à la commandite et à la publicité, et ça, naturellement, on ne s'est pas penchés là-dessus. Pour nous, la loi fédérale, c'était plus ça. Si c'est le cas, honnêtement, on n'est pas au courant.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

(23 h 30)

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation, ce soir, pour l'Association des hôteliers du Québec. J'apprécie beaucoup la franchise de votre présentation, mais il y a une contradiction qui me frappe pas mal. Il y a, sur les paquets de cigarettes, une citation qui dit: La fumée du tabac cause chez les non-fumeurs des maladies pulmonaires mortelles. Je ne suis pas, maintenant, un non-fumeur, là. Je ne peux pas dire que j'ai été toujours non-fumeur, mais je suis un non-fumeur.

Selon votre mémoire... Et je comprends que c'est difficile pour le secteur hôtelier avec ce gouvernement. Je comprends que ça fait mal, ce gouvernement, avec l'augmentation de taxes et le 2 $. Je comprends tous les problèmes de pourboires. Je comprends que, avec l'augmentation de la TVQ et de la TPS, ça fait mal. Je ne mets pas ça en doute dans votre présentation. Mais, comme non-fumeurs, si on accepte toutes les nuances que vous avez proposées de bonne foi... Je ne mets pas ça, la bonne foi, en doute, mais, s'il y a une association qui loue toutes les salles de bal qui veut fumer, dans vos restaurants, à cause du patrimoine, on ne peut pas faire les changements. S'il n'y a pas assez grand, on n'accepte pas le 60 %. J'arrive comme non-fumeur dans votre hôtel, et là je vais certainement avoir beaucoup de fumée dans l'air. J'essaie de comprendre comment vous allez balancer tout ça. Je ne mets pas en doute la bonne foi de votre présentation, mais, en réalité, avec toutes les nuances que vous allez recommander, je voudrais savoir comment un non-fumeur peut avoir de l'air frais dans les hôtels.

M. Lauzon (André Jean): Premièrement, par rapport aux salles – je vais commencer par ça parce que c'est le plus simple – quand une salle est louée pour une fonction, peu importe à qui elle est louée, elle appartient à ces gens-là. Si eux décident de ne pas fumer dans la salle, entre eux autres, ils décident qu'ils ne fument pas. Mais, si les gens décident de fumer dans la salle, ça les regarde. On ne peut pas interdire. La même chose que, si vous louez un appartement, vous faites ce que vous voulez là-dedans, on ne peut pas vous interdire. Et c'est entre eux autres qu'ils doivent s'entendre. Parce que la salle est louée, elle devient un espace privé pour le locateur. Donc, nous, on se dit qu'on ne peut pas légiférer là-dedans. On dit: On «peut-u» dissocier ça? Parce qu'on ne pourra pas compter chaque fois dans les salles, si vous avez 10 salles en fonction dans un hôtel, lesquelles qui fument puis lesquelles qui ne fument pas, ça va prendre quelqu'un pour tenir ça. On se dit: Dissocions ça des chambres, et on est d'accord avec l'idée que les chambres, progressivement, on aille à 40 % de chambres fumeurs...

M. Williams: Pendant 10 ans.

M. Lauzon (André Jean): ...ou 60 %. Dans un espace de 10 ans, progressivement. Puis, à notre avis, selon le marché, ça va aller plus vite que ça. Bon, là, il y a 60 % des chambres qui sont non-fumeurs.

Pour ce qui est des aires communes, tout ce qu'on soulève, c'est: Est-ce qu'on peut préciser? Parce que, pour nous, ça nous semble difficile, dans un lobby d'hôtel, de définir 40 % d'espace où on a le droit de fumer parce que, dans un lobby d'hôtel – puis vous tous en fréquentez beaucoup – vous savez qu'il n'y a personne qui est stationnaire là-dedans, ça circule. C'est des gens qui se donnent des rendez-vous, c'est des gens qui viennent à la réception, qui repartent, donc comment on peut définir un espace? Ou bien donc, on l'interdit totalement, et là on laisse les gens fumer dans les salles ou dans les chambres permises. Ou bien donc, on se dit: Est-ce qu'on peut l'aménager autrement et dissocier cet espace-là? Parce que, ça, ça devient un espace d'entrée.

Pour le reste, on n'est pas d'accord. Quand vous me parlez des bâtisses à caractère patrimonial, c'est que certains de nos membres ont soulevé la question. On ne dit pas qu'on est contre l'idée qu'il y ait 40 % de l'espace réservé aux fumeurs et 60 % aux non-fumeurs, on dit simplement que l'aménagement cloison, dans certains cas, est impossible. La même chose que, dans certains établissements, c'est difficile d'aménager des normes relatives à la clientèle à mobilité réduite pour des raisons... Je dois prendre le cas de notre président, à Pinsonnière, dans Charlevoix, il ne peut pas y avoir des rampes d'accès, et tout, c'est difficile d'aménager. Alors, les cas qui ont été soulevés, c'est dans les petites auberges où aménager des cloisons... Souvent, l'espace de la salle à manger, c'est en rentrant dans l'auberge, et il y a des chambres en haut, alors comment est-ce qu'on peut aménager un espace là-dedans sans détruire l'aspect de la maison? C'est tout ce qu'on dit, on n'a pas d'objection. Alors, ce que les gens m'ont dit à ce niveau-là, ils ont dit: Bien, il va falloir qu'on interdise totalement, point. On veut juste soulever ça comme étant un problème. On n'est pas contre l'idée du tout. On n'est pas contre l'idée que 60 % des gens... qu'il y ait seulement 40 % d'espace réservé aux fumeurs.

M. Williams: Oui. Et je comprends que vous avez bien défendu les problèmes, mais tout le monde est pour la vertu, et on doit décider comment nous allons vraiment faire quelque chose, parce que, avec les nuances dans les couloirs, les nuances dans les lobbys, les exceptions pour les restaurants, les salles de bal louées, plus le couloir – parce que tout le monde va sortir – à la fin de l'exercice, est-ce que nous avons vraiment établi les règles qu'on veut? Je ne sais pas, et c'est pourquoi j'ai voulu vous demander cette question.

Mais j'ai une autre question. Est-ce que l'Association des hôteliers a fait une analyse des coûts que vous pouvez sauver s'il y a une bonne partie de vos chambres protégées non-fumeurs pour les nettoyages, pour les tapis, etc.? Parce que Air Canada, quand elle a commencé les vols non-fumeurs, selon ma mémoire, je pense qu'elle sauve maintenant 1 000 000 $ par année, plus ou moins. C'est ça qu'ils disent, au moins, et nous avons tous vu les profits d'Air Canada. Est-ce que vous avez fait cette analyse? Est-ce que l'Association peut sauver de l'argent? Et, sinon, est-ce que vous êtes prêts à faire cette analyse?

M. Lauzon (André Jean): On n'en est pas à ce stade-là parce que, tout simplement, s'il y a des chambres où il est permis de fumer dans les hôtels, c'est parce qu'il y a encore des gens qui fument. Et est-ce qu'on restreindrait ces gens-là, quand ils louent un espace qui devient privé au même titre que quand quelqu'un loue un appartement, à les empêcher de fumer? C'est tout ce qu'on dit.

Ce qu'on a analysé, par contre, c'est le système de ventilation dont j'ai parlé. Il y a un système qui existe, qui a été développé par l'Hotel Association of Canada, qui est l'association qui regroupe toutes les associations hôtelières de chacune de provinces, qui s'appelle «Courtesy of Choice» ou «Politesse de choix», en français, qui fait en sorte que, en analysant le système de ventilation dans un établissement, on peut faire en sorte que l'air rentre, passe par la section non-fumeurs, se dirige vers les fumeurs et sorte après. Donc, il n'y a pas d'air vicié qui vient chez... Et c'est beaucoup plus simple et beaucoup moins coûteux qu'ériger des cloisons et ça réglerait notre problème pour les établissements qui ont un caractère qu'on a dit patrimonial.

Bien, on a su hier qu'on passait en commission parlementaire ce soir, autrement j'aurais pu emmener le technicien. C'est un ingénieur qui vous aurait fait toutes sortes de présentations techniques que j'ai eu le plaisir d'entendre et que je ne comprends pas complètement, mais que je trouve très intelligent comme système parce que ça fait que tout le monde est heureux. Parce que l'idée d'avoir une section fumeurs, non-fumeurs dans les restaurants, ce n'est pas juste de mettre une petite carte sur la table – on sait tous ça parce que, dans certains restaurants, la fumée de la personne à côté vient à ma table non-fumeurs – c'est d'avoir une ventilation appropriée pour faire en sorte que la partie des fumeurs ne se répande pas chez les non-fumeurs. Et on dit simplement: Est-ce qu'on peut explorer ce système-là? Le but, c'est de protéger les gens qui ne fument pas. C'est ce que vous soulevez, M. Williams. Donc, s'il y a d'autres moyens de le faire qui sont moins coûteux – parce que vous parliez de coûts dans le cas du nettoyage, et tout ça – bien, pourquoi pas si on arrive aux mêmes fins.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous en connaissez des établissements qui ont le système?

M. Lauzon (André Jean): Oui, oui, il y a certains de nos membres qui ont ce système-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que ce serait possible d'informer la commission de cinq ou six établissements potentiels...

M. Lauzon (André Jean): Oui, je pourrai vous transmettre la liste.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je sais que, cet après- midi, il en a été question, et M. le ministre avait l'air d'être intéressé à savoir où... Si on veut faire...

M. Williams: Et de notre côté aussi, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'en suis convaincu. Ce serait important qu'on... En tout cas, si vous pouvez nous informer.

M. Lauzon (André Jean): Ah oui, je peux vous amener les établissements. C'est, en général, des grands établissements, pour le moment, qui ont adhéré à ce programme-là qui est peu dispendieux. Et il y a tout un programme de formation, d'ailleurs, à l'égard du personnel sur vidéo. C'est très, très bien fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

(23 h 40)

M. Williams: Oui. Je comprends une crainte de l'industrie qui dit: Si on fait ça, on peut faire mal pour les propriétaires. C'est difficile, je comprends, mais nous sommes loin d'être la seule juridiction qui est en train d'étudier ça. C'est partout au Canada, partout aux États-Unis. Avec ça, je voudrais savoir qu'est-ce qui se passe... On n'a pas assez de temps pour faire le tour de chaque État, mais, selon la lecture que j'ai faite sur Internet, il y a beaucoup d'autres États et d'autres provinces qui sont en train de faire la même chose. Je voudrais savoir: Est-ce que c'est vrai, selon les contacts avec votre association et les autres... Est-ce que, effectivement, il va recommander plus ou moins les mêmes choses? Et, si c'est vrai, c'est quoi, le danger si tout le secteur des hôtels fait la même chose? C'est quoi, le danger pour l'industrie? Le danger vient quand un secteur fait ça et l'autre secteur ne le fait pas. Je comprends. Mais, si tout le monde est en train d'aller dans cette direction, je voudrais mieux comprendre c'est quoi, le danger.

M. Lauzon (André Jean): Bien, je comprends par votre interrogation que vous semblez croire qu'on est en désaccord avec le projet de loi. Ce n'est pas le cas, je pense qu'on est même très positif par rapport à ça. On a simplement soulevé des interrogations par rapport à des difficultés d'aménagement, tout en respectant notre clientèle. Bon, nous, notre fonction dans la vie, c'est de servir des clients. On ne les laisse pas faire n'importe quoi, naturellement. On se dit: Il faut respecter notre clientèle, il faut progresser avec elle tout en respectant les non-fumeurs et les fumeurs. Et on est prêt à faire les dispositions qu'il faut dans le temps pour y arriver. On dit simplement: Donnons-nous le temps de le faire de façon appropriée de façon à ce que les gens ne soient pas pénalisés, d'une part, et de façon à ce que, nous, on n'ait pas de pertes de revenus, d'autre part. Parce que la marge bénéficiaire du secteur hôtelier, vous savez qu'elle n'est pas si large que ça.

Pour ce qui est des autres provinces, malheureusement, on a eu le projet de loi quelque part comme à la fin de la semaine dernière. On a été convoqué hier, on était déjà en C.A., en conseil d'administration ici, à Québec et on a su hier matin qu'on passait ce soir, donc le mémoire a été préparé aujourd'hui. Si j'avais eu le temps, j'aurais pu fouiller avec mes collègues des autres provinces pour voir ce qu'il en est. C'est le genre de questions qu'on discute. On se rencontre deux fois par année et on discute de ces questions-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière question, M. le député.

M. Williams: Oui. Merci pour cette clarification de votre position. Et, si, sans demander trop, on peut avoir le feed-back des autres provinces... Je comprends que le temps presse. C'est dommage que ce gouvernement ait pris trois ans avant de proposer ce projet de loi, mais, si on peut avoir le feed-back sur ça selon votre capacité, ça va être tellement prisé par cette commission. Et merci beaucoup de dire que l'industrie hôtelière est plus ou moins d'accord avec les grands principes que vous retrouvez dans ce projet de loi. On cherche toujours comment on peut améliorer ça. Merci. Mais si on peut avoir cette information...

M. Lauzon (André Jean): Oui. Bien, je retiens que vous voulez savoir deux choses, c'est-à-dire les hôtels qui ont le programme de ventilation puis qu'est-ce qui se passe dans les autres provinces ou ce qu'on en sait. Nous, nos interrogations, comme je l'ai dit – et je tiens à le répéter – c'est plus du niveau d'interrogations à caractère technique pour éviter qu'on se retrouve dans une situation où c'est plus difficile, quand le règlement est voté, de faire changer des choses – on l'a vu dans d'autres cas – qu'avant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai trouvé très intéressant votre mémoire pour quelqu'un comme moi qui ne suis pas du tout un spécialiste de l'hôtellerie. Ça me révèle, en tout cas, des problèmes qu'on n'aurait peut-être pas vus au premier abord.

J'aurais deux questions à vous poser. La première c'est: Vous, vous êtes de l'Association des hôteliers du Québec, vous avez sans doute des données sur l'achalandage des hôtels au Québec dans les années, je ne sais pas, 1990, 1991, 1992, 1993 jusqu'à nos jours, est-ce que ça serait possible de fournir ça à la commission? Ça serait très utile pour nous. Ça permettrait, entre autres, au député de Nelligan non seulement de ne pas lancer des affirmations gratuites sur l'effet de l'activité de ce gouvernement par rapport à la fréquentation des hôtels, mais d'avoir des choses plus précises, plus étoffées. Alors, on pourrait voir si, vraiment, l'action de ce gouvernement a été si nuisible à l'activité hôtelière.

M. Lauzon (André Jean): Vous parlez de taux d'occupation, si je comprends bien.

M. Dion: Pardon?

M. Lauzon (André Jean): Vous parlez de taux d'occupation?

M. Dion: Oui, c'est ça. C'est de ces choses-là.

M. Lauzon (André Jean): J'ai pensé mettre dans le mémoire le taux d'occupation, mais je ne voyais pas le rapport parce que...

M. Dion: Non, mais c'est pour l'utilité de notre collègue qui aime ça lancer des informations gratuites. Là, il aurait tout ce qu'il faut pour avoir des affirmations un peu plus étoffées. Ça serait pour lui rendre service.

M. Lauzon (André Jean): Ah oui, ça, on a tout ça. C'est publié.

M. Dion: Mais ma véritable question... J'en ai une deuxième qui est quand même d'un autre ordre. Étant donné que vous parlez à la page... Il n'y a pas de page, mais enfin... Vous dites, quand il s'agit de restauration, qu'une bonne technologie de ventilation, que vous venez d'expliquer, peut évacuer efficacement la fumée hors des lieux visés. Donc, pour la question des secteurs de restauration, vous suggérez, étant donné la difficulté dans beaucoup de cas d'aménager des espaces séparés, plutôt de travailler sur la ventilation, donc, plutôt que de travailler sur les espaces disponibles pour les fumeurs et les non-fumeurs, travailler plutôt sur la qualité de l'air indispensable que vous seriez obligés de fournir à vos gens. Est-ce que...

M. Lauzon (André Jean): Si vous me permettez, pour deux raisons. Premièrement, parce que la salle à manger, dans un établissement hôtelier, contrairement à un restaurant, n'est pas un espace fermé, en général, elle est attenante au reste, donc ça «embarque-tu» dans le 40 %? Et comment on gère ça? Deuxième raison, c'est beaucoup de petits établissements; 81 % des établissements hôteliers au Québec – les gens sont toujours surpris d'entendre ça – ont moins de 40 chambres. C'est une caractéristique du secteur hôtelier au Québec. Donc, ça nous apparaît plus difficile pour ce type d'établissement.

Et on se dit que le système de ventilation, c'est un moyen, parce que, si vous avez 20 places dans une salle à manger d'hôtel, s'il faut faire une cloison pour – ça veut dire quoi, ça? – huit personnes, à peu près, ça nous semble quasiment impossible et ça veut dire, à ce moment-là, à toutes fins pratiques, d'interdire totalement. La place la plus difficile, c'est dans une salle à manger parce que les gens qui fument, après avoir mangé, c'est la première chose qu'ils font, vous le savez. Donc, si vous avez 20 places de salle à manger dans une petite auberge, qui est la caractéristique de l'hôtellerie québécoise, ça veut dire que vous auriez huit places, donc quelque chose comme trois tables dans une petite cloison. On a de la misère à imaginer ça.

M. Dion: Oui, mais je pense que ça ne s'appliquerait pas dans le cas où il y a moins de 35 places, je pense, là, hein? Mais, en tout cas, de toute façon...

M. Lauzon (André Jean): C'est vrai, vous avez raison.

M. Dion: ...je comprends. Votre raisonnement peut quand même s'appliquer dans des cas...

M. Lauzon (André Jean): Mais, vous avez raison, 35 places, ça ne touche pas...

M. Dion: Mais, quant aux aires communes, vous soulevez une difficulté réelle quand vous mentionnez que, quand une salle est louée, elle est louée. Alors, une fois qu'elle est louée, bien, celui qui l'a louée peut faire à peu près... C'est difficile de restreindre, en tout cas, l'usage qu'il en fait par rapport à la fumée. Mais est-ce que, à ce moment-là, vous proposeriez quelque chose d'équivalent à ce que vous proposez pour les espaces de restauration quant à la ventilation? Est-ce que c'est quelque chose qui est pensable?

M. Lauzon (André Jean): Je crois que oui. Je crois que ça peut s'aménager. Encore une fois, si j'avais mon spécialiste, il pourrait vous le dire, mais, nous, on se dit: On ne peut pas restreindre parce que vous pourriez avoir, une journée, 10 pièces où personne ne fume, le lendemain, 10 pièces où tout le monde fume. Ça dépend de la clientèle. Et on se dit: Une fois qu'une salle est louée à quelqu'un, ça ne nous regarde pas, là, si les gens veulent s'emboucaner entre eux autres, ça les regarde. Ce n'est pas à nous... Sauf que, dans une salle, c'est plus grand qu'une chambre, et la ventilation fait en sorte qu'on ne le sent pas le lendemain. C'est plus simple. On ne peut pas dire, par exemple, s'il y a 10 salles, il y en aurait six où c'est non permis puis quatre où c'est permis, on ne peut pas gérer comme ça.

M. Dion: Mais vous seriez favorables à l'obligation de fournir un air d'une certaine qualité par rapport à la fumée dans ces salles-là?

M. Lauzon (André Jean): Bien, ça va de soi, d'après le projet de loi, il me semble.

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, au nom de la commission, M. Lauzon, on vous remercie beaucoup. La commission ajourne ses travaux au jeudi 28 mai, à 11 heures, au salon LaFontaine.

(Fin de la séance à 23 h 48)


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