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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 28 mars 2000 - Vol. 36 N° 37

Consultation générale sur le document intitulé Évaluation du régime général d'assurance médicaments


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Pauline Marois
M. Yvon Marcoux
Mme Madeleine Bélanger
M. Russell Copeman
*Mme Hélène Wavroch, Conseil des aînés
*M. Daniel Gagnon, idem
*Mme Huguette Martin, RQSS
*Mme Johanne Lavoie, idem
*Mme Francine Tousignant, idem
*M. André Marcheterre, MFCC
*M. Louis-Philippe Boulet, idem
*M. Michel Turgeon, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous rappelle que la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport d' Évaluation du régime général d'assurance médicaments .

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) sera remplacée par M. Marcoux (Vaudreuil), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) par M. Williams (Nelligan).


Auditions

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je souhaite la bienvenue au Conseil des aînés, représenté par Mme Hélène Wavroch, qui est présidente, de même que M. Daniel Gagnon. Alors, vous avez un temps d'environ 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie bien sûr par une période de questions de la part des membres de la commission. Alors, sans plus tarder, Mme Wavroch, je vous laisse la parole pour une quinzaine de minutes.


Conseil des aînés

Mme Wavroch (Hélène): Merci, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, j'aimerais souligner la présence de Daniel Gagnon, qui est agent de recherche au Conseil des aînés.

Alors, je vous rappelle que le Conseil des aînés, qui est un conseil au nombre de 19 membres, est la seule instance gouvernementale composée majoritairement d'aînés, qui possède une vue d'ensemble de leur situation et qui peut conseiller le gouvernement sur toutes les questions qui les concernent.

Interlocuteur privilégié auprès des instances gouvernementales, le Conseil assure la communication entre les aînés et le gouvernement, en présentant des revendications des aînés, en agissant de façon proactive sur l'intégration des politiques actuelles et sur la définition de nouvelles approches mieux adaptées à une population vieillissante.

Le Conseil a pris connaissance du document Évaluation du régime général d'assurance médicaments et les Pistes de révision du régime général d'assurance médicaments et aimerait faire part de ses commentaires.

Tout d'abord, le Conseil a été étonné de l'ampleur du déficit accumulé du régime et consterné devant l'importance de l'évolution des coûts anticipés qui feront plus que doubler entre 1999-2000 et 2004-2005. C'est comme s'il n'y avait eu aucune étude projective d'utilisation et de coûts avant la mise en vigueur du régime.

Pourtant, comme le mentionne M. Jean-Jacques Samson, dans l'éditorial du journal Le Soleil du samedi 5 février, «l'explosion rapide des coûts du régime d'assurance médicaments avait été prévue dès 1996 par le comité Castonguay qui en a conçu le cadre et en a soumis au ministre de la Santé de l'époque, Jean Rochon, différents scénarios de financement. Le gouvernement Bouchard n'a alors pas retenu les éléments qui auraient permis de contrôler l'escalade des déficits et il a lancé le programme en catastrophe, pressé qu'il était d'en retirer les avantages financiers qu'il pouvait procurer à court terme. Le système traverse donc aujourd'hui une crise planifiée.»

Le Conseil des aînés se questionnait également, dans son mémoire sur le projet de loi n° 33, en 1996, sur la précipitation du gouvernement à vouloir implanter rapidement le régime d'assurance médicaments. Il demandait au gouvernement de considérer l'effet négatif d'une implantation rapide du régime à l'égard des personnes âgées, celles-ci devant être bien au fait du programme et en avoir une excellente compréhension. De plus, il importait de permettre aux aînés, dont les sources de revenus sont fixes, de réviser la planification annuelle de leurs disponibilités financières et de prévoir les coûts reliés au nouveau régime.

Lors de la création du régime d'assurance médicaments en 1996, le Conseil des aînés avait déposé un mémoire dans lequel il signalait ne pas s'opposer au principe même du projet de loi qui voulait, d'une part, rendre les médicaments disponibles à l'ensemble de la population et, d'autre part, diminuer les coûts reliés à la consommation de médicaments.

Toutefois, le Conseil des aînés était particulièrement préoccupé par les impacts négatifs que pourrait avoir sur la santé des aînés le faible seuil d'exemption proposé par l'établissement d'une participation à la prime, à la franchise, à la coassurance, de même qu'au montant des plafonds établis.

Aussi, il s'inquiétait du fait qu'exiger une contribution trop élevée aux personnes aînées risquait de les inciter à ne pas respecter les prescriptions requises par leur état de santé ou à voir plusieurs en diminuer les dosages, ce qui aurait pu provoquer des retours au salles d'urgence et à des périodes d'hospitalisation, imposant ainsi des coûts additionnels au système de santé. Certaines personnes auraient pu décider de se traiter elles-mêmes en ayant recours à des médications en vente libre ou en se retournant vers des thérapies alternatives qui ne sont pas toutes reconnues scientifiquement. Il fallait de l'avis du Conseil bien doser le régime afin d'éviter des effets pervers qui pourraient avoir un impact sur la santé et le bien-être des aînés ainsi que des autres groupes d'âge de la population.

Après un peu moins de trois ans de fonctionnement, les présents documents font la preuve que les préoccupations du Conseil étaient fondées, puisque, bien que la couverture du régime ait été étendue à toute la population, le deuxième objectif de contrôle des prix s'avère être un échec lamentable.

De plus, il a été souvent mentionné au cours de ces trois ans les impacts négatifs de ces coûts sur l'usage des médicaments chez des aînés où certains ont dû faire des choix entre une alimentation saine et équilibrée, le logement et l'achat de médicaments prescrits. D'ailleurs, l'étude du Dr Robyn Tamblyn mentionne que «l'introduction de contributions plus élevées a provoqué une baisse de la consommation des médicaments chez les personnes âgées (9 % en moyenne)[...] les médicaments essentiels comme ceux qui le sont moins ont été touchés. La baisse de consommation de médicaments essentiels a entraîné des effets négatifs sur la santé des groupes plus vulnérables et une hausse de la consommation des autres services de santé: visites médicales, visites à l'urgence, hospitalisations et admissions en longue durée.»

Le Conseil des aînés déplore le fardeau financier additionnel que le régime proposé impose aux aînés. La contribution moyenne des personnes aînées lors de l'achat de médicaments est passée de 49 $ en 1995 à 240 $ en 1998, d'autant plus que celle-ci s'ajoute aux nombreuses mesures qu'elles se sont vu imposer dans le dernier budget, diminuant ainsi leur pouvoir d'achat.

(15 h 40)

Si on regarde de près les propositions du document Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments , le Conseil des aînés est en accord avec les propositions concernant la maîtrise de la croissance des coûts et la création du Conseil consultatif des médicaments à partir d'une fusion des mandats du Conseil consultatif de pharmacologie et du Comité de revue de l'utilisation des médicaments.

Cependant, nous proposerions ajouter aux notions du prix le plus bas et du prix de référence une nouvelle notion que nous appelons la notion du prix négocié. En effet, comme le régime d'assurance médicaments du Québec assure en quelque sorte un revenu constant de plus de 2 milliards de dollars à l'industrie pharmaceutique, il serait normal que le coût de chacun des médicaments inscrits sur la liste d'éligibilité soit négocié avec les compagnies pharmaceutiques. Avec un tel pouvoir d'achat et de négociation, il serait pensable que le futur Conseil consultatif des médicaments puisse faire des économies supplémentaires se situant, selon nous, entre 10 % et 15 % et même plus.

Par ailleurs, le critère sociétal entourant l'inscription des médicaments sur la liste a particulièrement retenu notre attention. Il nous apparait que la notion de valeur sociétale est un paramètre pour le moins délicat et interpelle un débat éthique. En effet, la prise en compte de ce critère lors du choix de l'inscription ou non d'un médicament à la liste pourrait défavoriser un groupe de citoyens qui ne serait pas partie prenante dans le débat.

Comme les aînés ne sont à peu près jamais représentés dans ce genre de comité décisionnel, il pourrait arriver qu'ils soient défavorisés lors du processus de décision. Par exemple, le Comité pourrait décider de ne pas inscrire un médicament agissant dans la maladie d'Alzheimer prétextant diverses raisons, dont l'âge avancé des prestataires potentiels, leur situation d'improductivité dans la communauté et leur espérance de vie réduite. C'est pourquoi à notre avis ce critère se devra d'être reconsidéré.

En ce qui concerne les sources de financement proposées dans les sept scénarios retenus, il nous apparait que l'augmentation de la prime d'assurance dévolue aux aînés connaîtra une augmentation de 28 % jusqu'à 214 %, soit de 50 $ à 375 $ par année. De plus, dans le scénario 2, la coassurance passera de 25 % à 30 %, ce qui est nettement excessif. Conséquemment, les aînés feraient les frais d'une grande partie de ces augmentations.

La pauvreté relative des aînés du Québec a été démontrée dans notre document La réalité des aînés québécois où on mentionne que 62,8 % des personnes âgées de 65 ans ou plus ont un revenu de moins de 15 000 $. En considérant uniquement les femmes aînées, ce sont 74,3 % d'entre elles qui ont un revenu moindre que 15 000 $. Seulement 14,9 % des personnes aînées ont un revenu de plus de 25 000 $.

Il parait illusoire de vouloir augmenter les tarifs d'assurance médicaments auprès de ces clientèles comme vous le proposez dans votre document sur les pistes de révision. Même ceux qui vous paraissent un peu mieux nantis – entendons-nous, ceux entre 15 000 $ et 25 000 $ de revenus par année – sont en fait dans une situation économique précaire.

Prenons l'exemple d'une femme seule âgée de plus de 80 ans en perte d'autonomie modérée qui nécessite certains services qu'elle trouve dans une résidence privée d'hébergement pour personnes âgées et ayant 17 000 $ de revenus par année, et là nous sommes généreux. Elle doit consacrer, et ce, uniquement pour se loger, se nourrir et obtenir certains services essentiels à sa condition, près de 14 500 $ par année, soit un tarif de 1 200 $ par mois, ce qui est le tarif moyen en résidence privée d'hébergement pour quelqu'un dans sa condition, lui laissant donc un maigre 2 500 $ par année pour se vêtir et avoir accès à un minimum de qualité de vie. Elle pourrait être réduite à devoir changer de milieu de vie si elle n'a plus les revenus suffisants pour se permettre d'y demeurer. L'angoisse même de cette situation à elle seule pourrait détériorer sa santé et son bien-être.

Plusieurs personnes âgées sont dans cette situation, surtout les femmes seules, et chaque perte de revenu ou chaque augmentation de taxes ou d'impôts les obligent à réévaluer leur capacité de se maintenir dans leur environnement actuel. Elles doivent soit couper sur les services qu'elles nécessitent, soit aller dans une ressource moins dispendieuse qui souvent offre moins de services, ou encore envisager un placement dans un centre d'hébergement du réseau public, cette dernière possibilité entraînant une charge supplémentaire à l'État.

Avec les propositions de la hausse de tarifs de l'assurance médicaments, vous insécurisez une fois de plus une population aînée qui a fait au-delà de sa juste part dans toutes les augmentations de taxes et d'impôts de ces dernières années. Vous ne devez pas oublier que plusieurs aînés actuellement à la retraite ont planifié cette retraite il y a quelques années, et par conséquent un revenu leur permettant un minimum de qualité de vie en fonction du fait que les médicaments, je vous rappelle, étaient gratuits pour les aînés. Comme ce revenu est fixe et généralement non indexé, cela signifie que les tarifs actuellement proposés viennent compromettre ce fragile équilibre.

De plus, comme mentionné dans les documents, c'est surtout l'apparition de nouveaux médicaments qui serait l'élément volatile de la croissance des coûts. Il ne nous apparaît pas évident, mais pas du tout, que c'est la clientèle aînée qui est la plus grande consommatrice de ces nouveaux médicaments dispendieux, à moins qu'on nous en fasse la preuve contraire. Il est donc hors de question que les aînés québécois subissent une nouvelle hausse du coût de leur assurance médicaments.

Le document portant sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments avait identifié trois problèmes majeurs découlant du régime, soit la croissance rapide des coûts et les médicaments couverts, qui nous apparaissent bien considérés dans les pistes de révision. Pour sa part, le troisième élément, concernant l'utilisation maximale des médicaments, nous apparaît beaucoup moins documenté dans les pistes de révision et mériterait, quant à nous, d'être exploré davantage.

À cet effet, les membres du Conseil des aînés considèrent, entre autres: que les médecins ont une méconnaissance des besoins pharmaceutiques des aînés et prescrivent souvent des médicaments non essentiels; que les médecins et les pharmaciens ne donnent pas l'information sur les produits génériques, ce qui aiderait la population à mieux comprendre le système et à mieux analyser les impacts lors de sa prise de décision. On ne dénonce pas suffisamment non plus le coût des médicaments, qui augmente continuellement.

Le gouvernement aurait intérêt, quant à nous, à revoir la stratégie d'action que le ministère de la Santé et des Services sociaux avait formulée dans son rapport de 1994, L'utilisation rationnelle des médicaments chez les personnes âgées . Jusqu'à présent, il apparaît à plusieurs que le gouvernement favorise l'usage des médicaments brevetés pour attirer ici les compagnies pharmaceutiques, ce qui constituerait une forme de subvention déguisée à l'industrie pharmaceutique. Ce faisant, le gouvernement transférerait le coût de ces subventions directement aux consommateurs via le régime d'assurance médicaments et en conséquence du vieillissement de la population.

Il ne faudra absolument pas imputer au coût du régime d'assurance médicaments les coûts attribuables à la stratégie de développement économique du secteur pharmaceutique. Si on le faisait, il faudrait identifier la part des coûts des médicaments, qui sert de subvention et transmettre la facture au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Nous considérons quant à nous que vous avez oublié un scénario dans les propositions, soit celui d'abolir le régime d'assurance médicaments et de prôner le retour au fonctionnement antérieur. Quand on s'est trompé de façon aussi évidente, il n'y a pas de mal à l'avouer et à revenir à un système où on avait un meilleur contrôle, quitte à en revoir certaines fonctionnalités.

En mettant en place un régime universel d'assurance médicaments, le gouvernement voulait favoriser, entre autres, la rationalisation des coûts reliés à la consommation des médicaments. Le Conseil est conscient que le gouvernement est guidé par la préoccupation de diminuer et d'éviter un accroissement du déficit actuel en considérant le maintien de l'équilibre des finances publiques, mais il lui rappelle qu'il ne doit pas perdre de vue le but ultime de sa politique de la santé et du bien-être, à savoir de replacer la santé et le bien-être au coeur du développement social et économique.

Comme mentionné précédemment, le Conseil se questionnait, lors du dépôt de son mémoire en juin 1996 sur le projet de loi n° 33, sur la précipitation du gouvernement à vouloir implanter rapidement le régime d'assurance médicaments. Par exemple, le Conseil avait fait la recommandation de permettre l'étalement de la franchise, recommandation qui n'avait pas été retenue à l'époque et sur laquelle le gouvernement est revenu par la suite.

On ne peut pas demeurer sous silence que le processus actuellement utilisé de rendre publique l'évaluation du régime général de l'assurance médicaments le 15 décembre, de rendre publiques les pistes de révision le 2 février, de demander un dépôt des mémoires, de les soumettre à cette commission pour le 22 février et de le faire pour le 11 février nous semblait et nous semble toujours encore une fois une démarche précipitée où il ne peut résulter qu'un cumul d'erreurs. Nous vous demandons de ne pas commettre la même erreur qu'en 1996 en voulant précipiter la révision du programme.

(15 h 50)

En tenant compte des éléments énumérés tout au long de son mémoire, le Conseil des aînés considère qu'une telle prise de décision nécessite plus d'éclairage, de précision et de discussion qu'il nous a été permis de le faire lors de ce processus éclair. Le Conseil des aînés ne se prononcera pas en faveur de l'un ou l'autre des scénarios proposés mais vous fait plutôt les recommandations suivantes.

En premier lieu, mettre en place dans les plus brefs délais les mesures du prix le plus bas, du prix de référence et d'analyser la possibilité de mettre de l'avant celle du prix négocié; créer le Conseil consultatif des médicaments, tel que vous le proposez, où un siège serait réservé aux aînés; proposer des actions en regard de l'utilisation maximale des médicaments, entre autres concernant les prescripteurs; réévaluer l'inclusion de la notion de valeur sociétale dans le critère de décision pour l'inscription des médicaments sur la liste; former un comité de réflexion regroupant des représentants des groupes impliqués dans le régime d'assurance médicaments, à savoir des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux, de la Régie de l'assurance maladie du Québec, des groupes d'aînés, du Conseil des aînés, des prestataires de l'assurance emploi, d'adhérents et ceux du secteur de l'assurance collective privée.

Leur mandat serait d'identifier la mesure la plus juste considérant les scénarios proposés et toute autre mesure, incluant la possibilité de l'abolition du régime d'assurance médicaments. Ce temps de réflexion que nous estimons d'une durée de quatre à six mois permettrait de prendre une décision plus éclairée.

Le Conseil des aînés souhaite que la ministre tienne compte de ces réflexions et de ces recommandations dans le processus de modification qu'elle apportera au régime d'assurance médicaments. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme Wavroch, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre. Vous avez, Mme la ministre, une quinzaine de minutes.

Mme Marois: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue au Conseil des aînés. Vous allez comprendre que je sois un peu surprise de certaines de vos recommandations ou de vos commentaires, et un en particulier évidemment, où vous dites... écoutez, il y a des choses que vous n'acceptez pas dans le régime, et vous dites: On devrait dans le fond l'abandonner. Enfin, c'est une des pistes que vous nous suggérez, d'abolir le régime.

Est-ce que vous n'avez pas admis ou est-ce que vous n'êtes pas prêts à admettre, comme beaucoup de personnes qui sont venues depuis le début de nos consultations, que le régime a quand même permis d'abord de couvrir tous les enfants du Québec dont les parents n'avaient pas de régime d'assurance, gratuitement? On n'a pas donc fait payer aux enfants. On a couvert tous les petits salariés, les gens à petits revenus qui n'avaient accès à aucune assurance, en même temps évidemment qu'on introduisait quand même un changement majeur dans la livraison des services.

On se comprend bien, une personne sortant beaucoup plus tôt de l'hôpital maintenant, on comprend bien ça, doit avoir accès à des médicaments pour continuer sa guérison, pour assumer sa guérison et soignée et aidée par des intervenants au niveau des CLSC. Mais, à partir du moment où il n'y a pas de régime, si elle est une personne qui n'a pas autrement de couverture que son petit revenu, ça lui a donné au moins l'accès à des médicaments avec des plafonds, sans donc la contrainte de devoir assumer des coûts considérables.

Alors, en ce sens-là, aussi tous les préretraités qui ne participaient à aucun régime, qui n'avaient pas 65 ans et qui souvent étaient amenés à devoir consommer des sommes importantes... des médicaments qui comportaient des coûts importants, ça les a quand même aidés. Est-ce qu'on ne peut pas dans un sens au moins reconnaître ce plus qu'a apporté le régime, que de l'enlever il faudrait qu'on propose autre chose assez rapidement, finalement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Mme la Présidente, premièrement je pense qu'il faut retenir que le Conseil est d'avis effectivement que ça a été un bon régime puis que ça a servi à... Je pense que c'est ça qu'il faut retenir. Mais le cri d'alarme sur les coûts et le maintien du régime, ce n'est pas nous qui l'avons lancé. C'est vous et l'ensemble du gouvernement, en disant: C'est un régime qui est bien trop coûteux, comment qu'on va faire?

Alors, ce cri d'alarme là, nous, on réagit à ça. On dit: O.K., si c'est un cri d'alarme, une chose est sûre, c'est que, nous, on sait que nos aînés ne peuvent plus se permettre d'assumer une partie de ces frais. Donc, on dit: Il faudrait revoir, quitte – eh oui, on a osé dire – à retourner à ce qu'on avait avant et assurer une certaine modification pour certaine... ce qu'on appelle la fonctionnalité du régime.

Parmi toutes les possibilités, quand on est dans une situation de crise, bien, c'est peut-être revoir ce qu'on avait avant qui, oui, palliait à certains défis. Je suis d'accord avec vous, ça ne palliait pas à tous les défis qu'il y avait à relever en matière de régime d'assurance, mais ce qu'on avait avant était quand même décent et acceptable par tous.

Mais je veux qu'on soit clair sur ça, ce n'est pas dans notre esprit... la solution facile, c'est de dire d'abolir le régime. Et on est conscient aussi que le dernier budget a quand même aidé, si vous voulez, à absorber les déficits par rapport à ce régime-là, en espérant qu'on va pouvoir partir sur un nouveau pied.

Maintenant, je tiens à vous dire quand même certains éléments qui n'apparaissent pas à notre mémoire, mais vous m'avez fait penser à ça lorsque vous avez parlé des préretraités. Vous savez, souvent les gens, juste avant de partir à leur retraite, ont l'option de pouvoir continuer dans le régime qu'ils avaient avec leur employeur, continuer le régime des médicaments. Beaucoup de gens ont laissé tomber ces régimes de médicaments pour aller avec le régime universel du gouvernement, parce que les primes étaient plus intéressantes, parce que... il y avait toutes sortes de facteurs qui faisaient en sorte que le régime gouvernemental était plus avantageux pour eux.

Mais, si on doit retourner ou si les coûts doivent être tellement élevés, c'est que beaucoup de ces gens-là, qui sont maintenant à leur préretraite, sentent qu'ils vont être lésés parce qu'ils ont laissé un régime qui était favorable à eux, sont allés avec le régime gouvernemental parce qu'il était moins coûteux et que finalement ça va leur coûter aussi cher si pas plus cher avec le régime gouvernemental alors qu'ils auraient pu continuer le régime privé.

Donc, je tenais tout simplement à vous le signaler parce que c'est effectivement ce que des gens nous ont informé. Vu que vous l'avez mentionné, j'ai sauté sur l'opportunité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Marois: Je comprends bien, vous avez raison, mais il y avait aussi, on en conviendra – et c'est d'abord et avant tout pour ceux-là qu'on a fait le régime – 1,2 million de personnes qui n'avaient aucune couverture et qui évidemment, en adhérant au régime, ont obtenu une couverture. C'est sûr que pour les personnes âgées, ça, je conviens avec vous, la contribution précédente était moindre que celle qu'on a instaurée.

Là, ça va m'amener à une question à cet égard: En principe, est-ce que vous avez des objections au fait qu'il y ait une contribution de demandée aux personnes âgées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Pas du tout.

Mme Marois: D'accord.

Mme Wavroch (Hélène): Nous n'avons aucune objection. C'est la teneur de cette contribution. Parce qu'on a tendance à croire que les personnes âgées, règle générale, ont accumulé des sommes d'argent incroyables et qu'elles sont plus riches qu'on pense. On oublie souvent que le régime, surtout le régime d'assurance médicaments, va s'appliquer surtout aux femmes, qui ont une espérance de vie plus longue que les hommes et qui se retrouvent seules. Et, rappelons-le, elles n'ont pas contribué à des régimes de retraite privés ou des régimes même publics parce qu'elles n'étaient pas sur le marché du travail. Donc, elles ont des revenus inférieurs à 15 000 $ – puis 15 000 $, je dis même généreux, des fois on parle de 12 000 $ et 10 000 $ – et, si on augmente, pour elles ça représente beaucoup, une augmentation qui pourrait se situer entre 50 $ et 375 $, selon les scénarios qui ont été proposés dans le document.

Mme Marois: C'est évident que, lorsqu'elles sont vraiment à un seuil très bas de revenus, bien là elles n'ont pas à contribuer à la prime, et leur plafond est très, très bas aussi. Mais je pense qu'on a un écart qui est important – puis ça je pense que c'est un problème réel – une demande de contribution qui est plus grande lorsque la personne a une partie du supplément au revenu garanti et que là elle bascule dans une contribution où le plafond est beaucoup plus élevé que la personne qui est avec le supplément au revenu garanti maximum. Alors là on a vraiment un groupe pour lequel d'ailleurs il faut éventuellement appliquer des corrections.

(16 heures)

Je suis d'accord avec vous que les personnes âgées ne sont pas, pour un bon nombre, encore très à l'aise et n'ont pas des revenus nécessairement très élevés, mais heureusement par ailleurs, vous le constatez aussi, que ça s'améliore, la situation des personnes âgées. Je regardais les dernières données; entre 1980 et 1997, il y a eu une amélioration de la situation des revenus des personnes âgées. Et ce qui est peut-être encourageant malgré tout, c'est que l'avantage aux personnes âgées a été beaucoup plus important, avec le régime, que leur contribution, puisque leur contribution a été plutôt de l'ordre de 285 millions, quand on comprend tout, par rapport à la contribution du gouvernement pour les médicaments aux personnes âgées qui, elle, a atteint 466 millions. Donc, la contribution gouvernementale a été beaucoup plus importante que celle qui a été demandée évidemment aux personnes âgées. C'était souhaitable aussi, mais, dans le fond, vous dites: Nous, on aimerait que ce soit encore moins que cela.

Une question que vous soulevez dans votre mémoire, c'est le critère des valeurs sociétales. Vous dites qu'on devrait reconsidérer l'inclusion du critère valeurs sociétales – c'est à la page 5 de votre mémoire – parce que vous craignez qu'il puisse être une base de discrimination en fonction de l'âge. Je cite vos propos. En fait, on propose que les critères de décision soient appliqués par un comité formé de six membres scientifiques et de six autres membres des milieux socioéconomiques et académiques choisis parmi les personnes reconnues pour leur sagesse et leur crédibilité. Est-ce que vous pensez donc... D'abord, un, vos commentaires sur la notion de critère de valeurs sociétales. Puis qu'est-ce que vous pensez de la mise en place du processus où on élargit quand même le nombre et la qualité des personnes, dans le sens où on ouvre un peu et on ne prend pas seulement des personnes qui viennent des milieux scientifiques, médicaux ou pharmaceutiques? Est-ce que, à ce moment-là, ça vous apparaît des choix judicieux et sur le processus et sur les personnes nouvelles qui pourraient être associées à la prise de décision?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Je demanderais peut-être à M. Gagnon de me donner un coup de main à cet égard et je compléterai par après.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel): Oui, effectivement, on l'a mentionné aussi que le fait de créer un nouveau groupe d'étude par rapport aux médicaments, c'est quelque chose auquel nous sommes favorables. Cependant, entre l'action et la décision, il y a souvent une marge. On prend une décision, par exemple, d'inclure des aînés sur divers types de comités un peu plus décisionnels, puis, après quelque temps, on ne retrouve plus d'aînés. Ça, on l'a vécu, entre autres, sur les conseils d'administration des régies régionales de la santé et des services sociaux où, à un moment donné, il y avait un siège pour les aînés, puis oups! il est parti pour un siège pour un autre type de personne, et puis c'est très difficile pour des aînés d'avoir une représentativité. Donc, oui, on est pour si, dans les faits, c'est une chose concrète puis qui est maintenue, d'avoir un poste pour les aînés, comme on aurait un poste pour les personnes assistées sociales ou peu importe le groupe, des femmes ou peu importe. Ça fait qu'on y est favorables si c'est respecté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Gagnon. Mme la ministre.

Mme Marois: Non, je pense que Mme Wavroch...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch, vous voulez ajouter quelque chose.

Mme Wavroch (Hélène): Moi, j'aimerais peut-être compléter, parce que la préoccupation qu'on a sur cette valeur sociétale, c'est que vous n'êtes pas sans savoir qu'on n'a pas fait encore au Québec le débat sur les choix qu'on doit faire au niveau du système de santé et les priorités. Et vous savez qu'il y a eu... je vais appeler ça des moments tristes et gris dans les dernières semaines, les derniers mois, bon, des commentaires où on s'interroge si on devrait remplacer, je ne sais pas, moi, une hanche d'une personne de 80 ans ou faire un autre type de procédé.

Donc, c'est des questions qui interpellent la société en général, et je pense que, pour pouvoir répondre à ces types de questions là, ça demande la société présente alentour d'une même table. Donc, quand on insiste pour avoir des aînés, c'est qu'on est conscients que notre société, en général, a une image négative de ce qu'est le vieillissement. Et, je vous donne à titre d'exemple, si un aîné se suicide, réaction immédiate: Ah bien, il avait 80 ans, il a fait sa vie. Alors, on ne se pose pas la question: Mais pourquoi il s'est suicidé? Pourquoi il a mis fin à sa vie? Alors, pour nous, si on avait des aînés alentour d'une table, ils vous diraient pourquoi il a mis fin à sa vie. C'est les mêmes raisons que le jeune qui a 17 ans.

Donc, il y a une valeur à mettre à ce qu'est la vie et l'espérance et l'accroissement de la vie. Alors, pour nous, on ne voudrait pas que, surtout en matière de médicaments, on décide: Bon, bien, ils sont trop vieux, ça coûte trop cher, pourquoi on devrait... On voudrait au moins avoir une voix au chapitre. Il se peut que les décisions soient prises autrement, mais au moins avoir voix au chapitre pour faire comprendre que la vie, elle est aussi importante à 1 heure qu'elle l'est à 104 ans.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Trente secondes, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, merci, Mme la Présidente. Je suis tout à fait d'accord avec vous. D'ailleurs, on l'a dit à plusieurs reprises, et je pense qu'on ne peut pas faire de discrimination en fonction de l'âge. Et, comme vous dites, la vie, elle est aussi importante à 23 h 55 qu'à 1 h 5. Vous avez mon appui en ce sens. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme la présidente, et merci de votre mémoire et de votre présentation. Peut-être faire quelques commentaires suite aux commentaires de la ministre concernant les contributions qui ont été exigées des personnes âgées. Je pense que depuis 1996, quand même, il faut remettre les pendules à l'heure et indiquer – et ce n'est pas nous qui l'avons dit, ce sont des groupes qui sont venus devant la commission – que le gouvernement, en termes de deniers publics, a économisé 100 millions entre 1996 et 1999 en exigeant des contributions et des primes de deux types de clientèles notamment, les personnes prestataires de l'assistance emploi, qu'on appelle maintenant, et les personnes âgées. Alors, je pense que ça, il faut le mettre en perspective, premièrement.

Et, deuxièmement, je pense que vous l'indiquez très bien aussi, l'impact sur les personnes âgées quand vous mentionnez à la page 4 que la contribution moyenne est passée de 49 $, si je lis bien, en 1995, à 240 $ en 1998, probablement un peu plus en 1999 et tout en voyant, pour les personnes âgées, imposer d'autres mesures – il faut en voir la liste, là – qui sont venues réduire le revenu, finalement, dans la plupart des cas, qui est un revenu fixe pour les personnes âgées. Je pense que ça, il faut le remettre en perspective, surtout étant donné qu'auparavant ce qui était exigé pour une certaine catégorie de personnes âgées, c'était 2 $ avec un maximum de 100 $ par année.

Quand vous vous dites: Pour nous... Dans le fond, vous avez une recommandation qui est quand même assez claire à la page 7: Il est hors de question que les aînés québécois subissent une nouvelle hausse du coût de leur assurance médicaments. Pour vous, donc, quelles que soient les modalités qui puissent présider à une augmentation quelconque de contribution – et la ministre m'a déjà indiqué la semaine dernière, il y a une semaine et demie, qu'elle augmenterait, de toute façon, les contributions des primes – vous dites que ça va avoir un impact, si je comprends, sur la consommation de médicaments nécessaires par les personnes âgées. Pourriez-vous nous en parler un petit peu plus? Est-ce que vraiment c'est étayé, vous avez des recherches qui viennent l'établir? Parce que je pense que c'est extrêmement important comme conséquence.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Mme la Présidente. Je vous dirais dans un premier temps, c'est qu'on a tendance... Quand on parle de médicaments, on oublie un élément qui est très important, c'est que je vous rappelle que ce n'est pas les aînés qui prescrivent leurs propres médicaments, d'une part. Alors, ça a l'air bien banal de faire ce commentaire-là, mais c'est toute une réalité. C'est qu'on sait que les prescripteurs, les médecins, souvent, vont prescrire des médicaments qui sont occasionnellement dispendieux et qui ne sont pas nécessairement le meilleur traitement pour leurs patients tout simplement parce qu'ils ignorent un volet qui est très important de la gériatrie et de la gérontologie. On a un bobo tout de suite là, en partant.

Nous, ce qu'on vous demande... C'est qu'il y a une série de choses qu'on devrait regarder en premier lieu avant de penser hausse. On demande qu'on regarde au niveau de la façon dont les prescriptions sont faites. On demande qu'il y ait des efforts pour convaincre les pharmaciens de faire valoir le volet générique. Il y a des choses qu'on n'a pas écrites dans le mémoire, mais je vais vous le dire à haute voix au risque que mes amis des compagnies pharmaceutiques en arrière m'envoient des pointes, on ne parle pas des médicaments gratuits de publicité qu'on donne en quantité industrielle et qui, en quelque part, sont reflétés dans les prix qui sont négociés avec le gouvernement pour les médicaments. Les médicaments gratuits qu'on donne aux médecins en quantité industrielle pour faire passer la publicité et que les médecins donnent à leurs clients, les clients réagissent bien, les aînés réagissent bien, et donc ça devient une prescription dans un autre tantôt. Tu sais, il y a énormément de ce que j'appelle des éléments qui doivent être revus, parce qu'on dit aux aînés: Bien, on va être obligés de vous charger plus parce que vous avez plus de médicaments. Mais on oublie que ce n'est pas eux autres qui prescrivent leurs médicaments, d'une part. On oublie que le système fait en sorte que ça ne facilite pas les diminutions de coûts. Pourquoi leur demander, à eux, d'être obligés de vivre ça? Je ne sais pas si Daniel aurait quelque chose à ajouter.

(16 h 10)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez un ajout?

M. Gagnon (Daniel): Les médicaments par rapport aux personnes âgées, on a mentionné dans notre document que, quand les coûts augmentent, ça peut arriver que les aînés aient des décisions à prendre parce qu'ils n'ont pas d'argent disponible. Il faut qu'ils coupent en quelque part, sur l'alimentation, sur le logement, puis ça a un effet sur leur santé. Mais ça a un effet sur toute leur vie aussi. Quand l'aîné est obligé de couper sur son logement, il est obligé de déménager ou il est obligé d'avoir accès à moins de services. Il faut qu'il coupe, puis ce n'est pas comme un autre qui dit: Bon, je vais faire tant d'heures supplémentaires de plus ou je vais me trouver un moyen pour avoir plus de revenus. Il n'a pas cette possibilité-là, donc il faut qu'il sacrifie quelque chose pour les médicaments. C'est pour ça qu'on dit qu'il faut trouver des moyens.

Puis, des fois, ce sont des situations qui sont dramatiques. À chaque hausse de taxes ou à chaque hausse d'impôts chez les personnes qui vivent dans des résidences privées, par exemple, elles ont un choix à faire. La personne a des besoins, la résidence dit: Moi, c'est tant que je charge, je ne peux pas vous charger moins. Si je vous charge moins, l'autre, je suis obligé de lui charger moins. Donc, trouvez-vous un moyen pour avoir plus d'argent ou bien changez de place. C'est dramatique quand tu es rendu à 82 ans. On l'a mentionné dedans, mais c'est ça, c'est que l'impact n'est pas uniquement sur un aspect qui est les médicaments et la santé, mais sur tout son cycle de vie. Puis ça, c'est grave, puis, surtout quand on est instable à ces âges-là, c'est pire que chez un jeune qui peut toujours se reprendre ailleurs.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Gagnon. Est-ce que les membres de cette commission accepteraient une intervention de Mme la députée de Mégantic-Compton qui est également porte-parole des aînés?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, ça va. Alors, Mme la députée de Mégantic-Compton, je vous cède la parole.

Mme Bélanger: Alors, merci, Mme la Présidente. Nous avons eu l'occasion de rencontrer le Conseil des aînés à deux reprises lors des auditions qu'on a eues sur la Loi sur le Conseil des aînés, et la plupart des groupes qui sont venus nous rencontrer ont déploré le fait que le régime d'assurance maladie était très onéreux et que plusieurs personnes, plusieurs aînés à faibles revenus, avaient de la difficulté à prendre les médicaments qu'on leur prescrivait. On sait que le but visé par le gouvernement lors de l'instauration du régime d'assurance maladie, c'était de diminuer la consommation des médicaments chez les aînés, mais il ne faut pas oublier que les médicaments consommés chez les aînés, ce n'est pas eux qui se font des prescriptions, ce sont les médecins qui leur font les prescriptions. Et, si le médecin prescrit des médicaments, c'est parce qu'ils sont obligés de les prendre.

Et moi, j'ai eu à plusieurs reprises des personnes qui sont venues à mon bureau, surtout au début, quand la franchise était chargée à la première prescription, puis qui disaient: Écoutez, je suis allé chercher mes médicaments puis je ne suis pas capable de les payer. Si je paie ça, je ne serai pas capable de manger cette semaine. Alors, on a toujours dénoncé ça aussi, ce régime-là, parce qu'on sait... Et la ministre se plaît souvent à dire que le régime d'assurance médicaments a favorisé 1,2 millions de personnes qui n'avaient aucun régime et qui profitent de ce régime-là, mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi que ce sont les aînés qui paient pour ces personnes qui n'avaient pas d'assurance médicaments puis qui profitent de ce régime-là?

Parce que, moi, je me souviendrai toujours, quand le gouvernement du Parti libéral a instauré le 2 $ sur les prescriptions des personnes jusqu'à un maximum de 100 $ par année et que les personnes qui recevaient le supplément du revenu au complet, on remboursait le 100 $ à la fin de l'année... je me souviens que la regrettée députée de Johnson, qui était très gentille d'ailleurs, qui était responsable des aînés à ce moment-là, elle avait dénoncé ça d'une façon... tu sais, en déchirant sa chemise sur la place publique, que c'était inconcevable que le gouvernement s'attaque à des personnes les plus démunies que sont les aînés. Et, à ce moment-là, la FADOQ assistait dans les galeries et elle avait fait imprimer des 2 $ avec le visage de M. Bourassa sur le 2 $, et c'était marqué que le gouvernement qui taxait la maladie était un gouvernement malade. Alors, imaginez-vous qu'avec les coûts reliés au nouveau système d'assurance maladie, qu'on veut augmenter aussi et l'assurance et la franchise de 25 % à 30 %, je crois, je n'ai pas tout suivi le débat... Alors, est-ce que vous pensez que le Conseil des aînés, qui est un conseiller du gouvernement... pensez-vous que vous allez avoir une oreille attentive sur le fait que le gouvernement devrait abolir le coût des médicaments pour les personnes âgées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Écoutez, dans le meilleur des mondes, je vous dirais qu'abolir pour les personnes âgées ou retourner à un système qui leur est plus favorable, ça serait définitivement assurer une meilleure qualité de vie pour nos aînés ici, au Québec, sauf que je vous dirais assez ironiquement que les aînés ne veulent pas non plus être taxés de ne pas contribuer, finalement, au développement de la société, et ils ne sont pas réfractaires, loin de là, à contribuer, mais contribuer évidemment selon leurs moyens. C'est ça à quoi ça revient tout le temps, c'est selon leurs moyens, et leurs moyens étant fixes et la possibilité d'aller s'en chercher plus... Vous savez, ce n'est pas à 80 ans qu'on va commencer à trouver une job. C'est ça, l'affaire, et je vous dirais que, dans le meilleur des mondes, ça serait de retourner à des anciens systèmes où on favorisait les plus démunis et ceux qui vivaient sous le seuil de la pauvreté, sauf que je vous dirais dans le même respir que les gens, les aînés, sont prêts à assumer leur quote-part, mais selon leurs moyens.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Mégantic-Compton,

Mme Bélanger: Il y a une chose qui m'a surprise, parce que j'ai eu un cas identique à mon bureau de comté. À la page 7 de votre mémoire, vous dites: «Vous ne devez pas oublier que plusieurs aînés actuellement à la retraite ont planifié cette retraite il y a quelques années et, par conséquent, un revenu leur permettant un minimum de qualité de vie en fonction du fait que les médicaments étaient gratuits pour les aînés.» Alors, imaginez-vous que, la semaine dernière, moi, quelqu'un est venu à mon bureau en déplorant le fait qu'il n'était pas capable d'arriver à payer les médicaments dont il avait besoin parce que, au moment où il a pris sa retraite, les médicaments, à 65 ans, étaient gratuits. Il y avait un régime d'assurance privé là où il travaillait, il l'a abandonné parce que les médicaments étaient gratuits à 65 ans, et là on lui arrive... Sa retraite était planifiée en fonction de son revenu, pas de médicaments à payer, pas de soins hospitaliers à payer, alors il pouvait avoir une retraite avec un confort minimal. Mais là il dit qu'il n'arrive plus à se nourrir convenablement, à se loger convenablement parce qu'il fait du diabète, il a un paquet de médicaments à prendre puis il n'arrive pas dans ses affaires. Alors, il y a plusieurs personnes aînées qui n'ont pas les moyens de payer. Alors, moi, je dis qu'il faut absolument qu'il y ait des catégories qui paient puis d'autres qui ne paient pas. Il y a quand même le rapport d'impôts qui fait qu'on peut déterminer qui peut payer et qui ne peut pas payer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Idéalement, je serais obligée d'être d'accord avec vous, qu'il faudrait peut-être segmenter selon les niveaux de revenus potentiels les différentes... Mais on se rappelle que, même, ce n'est pas juste les aînés qui sont souvent au niveau du seuil de la pauvreté, ça s'applique à l'ensemble de certaines autres personnes aussi, et je pense que, effectivement, le gouvernement va devoir penser aux gens qui sont les plus démunis pour essayer de favoriser... Parce que, vous savez, c'est toujours un cercle vicieux. C'est ce dont on a essayé de vous faire la démonstration, c'est que l'assisté social ou l'aîné qui doit faire des choix par rapport à sa médication et souvent va se priver est souvent la personne qui va se retrouver à la porte de l'urgence dans un autre tantôt et qui va être un fardeau en quelque part. Je n'aime pas l'utilisation de ce mot-là, mais qui va être un coût, si vous voulez, en quelque part pour l'État. Donc, il y a une porte de sortie, qui s'appelle la médication, qui peut éviter de longues hospitalisations ou de l'engorgement dans les urgences, mais faut-il que les gens puissent avoir accès et puissent être capables de payer leurs médicaments. Et donc, oui, idéalement, si on avait des considérations pour différentes catégories de personnes selon le revenu, ça serait une solution potable.

(16 h 20)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, ceci met fin à notre... oui, met fin au temps qui nous était alloué. Alors, je voudrais vous remercier, Mme Wavroch, M. Gagnon, pour votre participation et j'inviterais les représentants du Réseau québécois pour la santé du sein à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous souhaitons bien sûr la bienvenue au Réseau québécois pour la santé du sein. Je demanderais à Mme Huguette Martin, qui est présidente et directrice générale, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Et vous avez une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.


Réseau québécois pour la santé du sein (RQSS)

Mme Martin (Huguette): Bonjour, Mme la ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Huguette Martin. Je suis présidente-directrice générale du Réseau québécois pour la santé du sein. Je tiens tout d'abord à vous remercier, au nom de notre conseil d'administration, pour cette opportunité d'être entendues par la commission parlementaire dans le cadre de la consultation générale sur le rapport d' Évaluation du régime général d'assurance médicaments du Québec .

J'ai eu un cancer du sein en 1986, et c'est par les journaux que j'ai appris sept ans plus tard, en 1994, que mon dossier médical fut falsifié, incluant ceux d'une centaine de femmes. J'ai perdu confiance dans le système de santé et j'ai décidé alors de m'impliquer en fondant le Réseau québécois pour la santé du sein afin que les femmes soient mieux informées. Après la présentation de mes consoeurs, je tenterai de résumer le mémoire présenté que vous avez en main. Johanne.

Mme Lavoie (Johanne): Mon nom est Johanne Lavoie. J'ai 42 ans. On m'a diagnostiqué un cancer du sein en juillet dernier, après en avoir parlé pendant cinq ans à mon médecin qui me disait que j'étais trop jeune pour avoir un cancer du sein. J'ai subi une mastectomie partielle en septembre 1999 et je reviens tout juste des États-Unis où j'ai dû aller pendant cinq semaines avec mon fils de cinq ans pour recevoir les traitements de radiothérapie que j'attendais ici depuis plus de quatre mois. Je suis membre du conseil d'administration du Réseau québécois pour la santé du sein et j'ai décidé de m'impliquer pour la défense des droits des femmes touchées par le cancer du sein.

Mme Tousignant (Francine): Mon nom est Francine Tousignant. J'ai 35 ans. Je suis directrice du volet soutien au Réseau québécois pour la santé du sein et responsable du comité de jeunes. En septembre 1998, on m'a diagnostiqué un cancer du sein, soit un an après l'apparition des premiers symptômes. Un chirurgien oncologue consulté a fait un faux diagnostic en prétextant que j'étais trop jeune, moi aussi, pour développer un cancer du sein. J'ai fait preuve d'une ténacité extrême pour connaître le diagnostic. Conséquence personnelle de cette erreur médicale, ma tumeur étant agressive, on a dû procéder à une mastectomie.

Le Réseau québécois pour la santé du sein est l'unique réseau communautaire à l'échelle provinciale dirigé et administré par des femmes atteintes de cancer du sein. Fondé en 1995, le RQSS est un organisme autonome à but non lucratif qui présente une expertise unique, celle des femmes qui ont lutté et qui luttent encore aujourd'hui contre cette maladie. Le Réseau permet la mise en commun des expériences par le soutien et l'entraide, la prise en charge de la santé des femmes par la prévention, l'information et l'éducation et s'implique dans les débats pour la défense des droits des personnes touchées par le cancer du sein.

Notre organisation comprend 29 groupes affiliés répartis dans toutes les régions du Québec et occupe la première place à titre d'intervenant. Nous voulons participer à tous les comités où se prennent les décisions concernant la santé des femmes. Compte tenu des statistiques sur le cancer du sein, à savoir qu'on estime à environ 5 000 le nombre de nouveaux cas diagnostiqués et près de 1 700 décès au Québec, qu'il y a une recrudescence alarmante du cancer du sein chez les femmes, particulièrement de plus en plus jeunes – 5 % des femmes nouvellement diagnostiquées ont moins de 39 ans, et son taux d'incidence chez les femmes de plus de 30 ans progresse au rythme de 1,5 % par année – que le cancer du sein du sein demeure la première cause de décès chez les femmes âgées entre 35 et 54 ans, le gouvernement doit non seulement réagir, mais agir. Que vaut un système de santé quand un médecin conclut son diagnostic en vous disant que vous êtes tout simplement trop jeune pour un cancer du sein? Le devoir et le rôle premier du médecin est de bien soigner ses patients.

En 1999, une formation continue sur le cancer du sein a été offerte à environ 2 200 omnipraticiens de Montréal. Seulement 200 y ont participé. Devant leur indifférence face à la première cause de mortalité chez les Québécoises, nous exigeons que la formation continue soit obligatoire pour les professionnels de la santé, et ce, sous peine de sanction. Nous devons tous continuer à nous battre, car il en va de la santé et de la vie de chaque Québécoise.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Martin.

Mme Martin (Huguette): Nous demandons au gouvernement de ne pas perdre de vue que la santé est un droit fondamental. Puis, comme la santé est de juridiction provinciale, nous avons actuellement à faire un choix important concernant l'accès aux médicaments. J'appellerais même ça un choix de société. Le Réseau québécois pour la santé du sein demande – je devrais dire exige – l'universalité des soins, médicaments et traitements et l'équité dans l'accès étendu à toutes les Québécoises, qu'importe si la personne détient une assurance privée ou publique.

Depuis l'adoption de cette loi en 1996, il y a eu quelques modifications depuis pour aider les plus démunis, puis une exigence fut ajoutée en 1997 concernant le rapport coûts-efficacité, ce que vous appelez pharmaco-économie. L'efficacité et la réduction des coûts dans la gestion des soins de santé, tout en étant des buts importants et même éthiquement requis, ne doivent pas toujours être la seule priorité quand il s'agit de conflit avec les soins offerts aux patients. Le gouvernement est donc confronté à une double obligation de qualité et de contrôle des coûts. Il doit viser à aider les femmes à vivre une vie plus active, plus longue et en meilleure santé. Nous demandons également au gouvernement de tenir compte de la capacité de payer des femmes. Le cancer du sein est le tueur numéro un pour les femmes âgées de 35 à 54 ans, période de la vie productive des femmes. Nous sommes des femmes touchées par une maladie mortelle et nous demandons l'accès aux meilleurs traitements requis par notre condition afin de ne pas compromettre les chances de succès des traitements.

Selon les règles d'éthique et de loi, le médecin a comme obligation première de bien soigner les patients. Selon la Dre Margaret Somerville, de McGill, il doit informer le patient du meilleur traitement pour lui, incluant ceux qui ne sont pas disponibles dans sa province. Le médecin qui croit qu'un certain traitement est meilleur qu'un autre et n'en avise pas son patient va à l'encontre de son obligation première. Nous avons droit à la santé, à la vie et aux meilleurs médicaments et traitements pour ne pas compromettre nos chances de guérison.

Le gouvernement doit prendre des décisions importantes, et c'est votre responsabilité à tous, vous les élus, de prendre soin des personnes les plus vulnérables, de prendre les bonnes décisions. Nous demandons au gouvernement de prendre en considération la capacité de payer des femmes. On rencontre chez les femmes atteintes du cancer du sein des pertes de revenus quand ce n'est pas la perte d'emploi. Les femmes risquent davantage que les hommes de sombrer dans la pauvreté. Elles gagnent moins en général, travaillent à temps partiel, donc moins d'avantages sociaux. Chose certaine, le cancer du sein a un effet profond sur tous les aspects de la vie d'une femme dans ses relations personnelles, son image de soi, voire même sa perception de la vie.

Leur démarche vise la guérison ou, dans les cas les plus difficiles, le maintien du respect, de la dignité et d'une certaine qualité de vie tout au long du parcours. Les femmes atteintes éprouvent souvent à différents stades de la maladie des problèmes d'anxiété, de dépression, de désespoir. D'autres maladies nous guettent également: l'ostéoporose, maladies cardio-vasculaires, etc.

(16 h 30)

Maintenant, concernant l'information, nous désirons obtenir plus d'information sur les traitements et sur les médicaments d'ordonnance. Et ces derniers, les médicaments d'ordonnance, prennent beaucoup plus d'importance dans un contexte de transition entre les soins hospitaliers et les soins ambulatoires. Au Québec, nous n'avons pas d'agence de contrôle en cancer. On dit que les soins et les traitements varient selon le dynamisme des différentes régions. Même à Montréal, l'accès aux traitements et aux médicaments peut différer d'une institution à l'autre. Je pourrai vous donner des exemples.

Les femmes se demandent qui prend les décisions sur les médicaments et comment ces décisions sont prises. Nous demandons plus d'information pour les consommateurs. De passif, le consommateur est devenu actif et averti, il veut faire des choix éclairés en fonction de ses besoins. Ce patient est mieux éduqué, plus exigeant, méfiant puis plus intéressé. À cet effet, l'interdiction totale imposée aux compagnies pharmaceutiques n'a plus de sens à une époque où la technologie permet aux individus d'avoir accès à un nombre impressionnant de sites Internet dans le domaine de la santé. Les besoins en information sont réels.

À titre d'exemple, nous avons tenu un colloque en octobre dernier – j'ai des feuillets pour ceux que ça intéresse. Ce colloque était commandité par toutes les compagnies pharmaceutiques. Suite aux informations reçues par les oncologues conférenciers, nous aurions apprécié que les compagnies pharmaceutiques puissent offrir des dépliants sur les médicaments dont il était question lors du colloque. Le gouvernement, les professionnels de la santé et l'industrie pharmaceutique doivent travailler ensemble afin de développer des solutions à cette question pressante et inclure des femmes atteintes également sur le comité.

La suite logique, après l'information, c'est l'implication des femmes. Nous sommes concernés par les soins offerts en oncologie. Les décisions sont prises sans la moindre implication des utilisateurs de soins et de traitements. Nous désirons être impliquées là où les décisions sont prises concernant notre santé et notre vie. Selon le rapport d'évaluation, les médicaments d'ordonnance ne représentent que 5 % des dépenses totales en santé. Les autres dépenses seraient reliées à l'hospitalisation et à l'administration. Plutôt que de couper dans les médicaments, serait-ce un endroit pour couper des frais? J'aimerais laisser ma consoeur Johanne vous parler du Conseil de lutte contre le cancer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Lavoie.

Mme Lavoie (Johanne): Nous aimerions qu'il existe un vrai conseil de lutte contre le cancer. Il y a bien eu deux publications du Conseil québécois de lutte contre le cancer, mais il ne semble pas y avoir eu d'autres actions prises par la suite. Les oncologues mais aussi des femmes atteintes de cancer devraient siéger sur un tel comité. Qui croire quand des recommandations, par exemple, en matière de délais d'attente sur les traitements de radiothérapie diffèrent d'une autorité médicale à une autre, d'un rapport à un rapport, d'une région à une autre?

Des exemples. Dans son rapport au gouvernement, le comité Freeman disait que des traitements de radiothérapie de haute qualité devraient se faire à l'intérieur d'un délai de quatre semaines à partir du diagnostic. Un radio-oncologue des États-Unis, de Caroline du Nord, disait que ça ne devrait jamais dépasser deux semaines, alors que, dans un document de concertation canadien publié dans le journal de l'Association médicale canadienne, on dit qu'un intervalle de quatre à huit semaines serait raisonnable, mais qu'on ne devrait jamais excéder 12 semaines. Alors, ce document fait aussi état d'un risque de récidive plus élevé si un intervalle de plus de sept semaines sépare la radiothérapie de la chirurgie, donc 14 %, que si la patiente est irradiée plus tôt, les risques sont diminués à 5 %. Alors, qui doit-on croire? Le gouvernement doit nous assurer de prendre tous les moyens afin que les traitements de haute qualité soient donnés dans les meilleurs délais.

Alors, le Réseau québécois pour la santé du sein demande l'universalité des soins, médicaments, traitements et l'équité dans l'accès, c'est-à-dire étendus à toutes les Québécoises, qu'importe si la personne détient une assurance privée ou publique; demande de prendre en considération la capacité de payer des femmes; demande que l'information soit donnée aux patientes de façon uniforme pour tous les traitements, pour tous les médicaments; et demande qu'un comité de lutte, encore une fois, soit formé de plusieurs professionnels en oncologie et d'autres intervenants mais incluant aussi la participation des femmes touchées par le cancer du sein.

La conclusion importante qu'on doit tirer de tout ça, c'est qu'il y a des coûts sociaux énormes pour l'État lorsque les patientes n'ont pas les soins et les traitements requis en temps opportun.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mmes Martin, Lavoie et Tousignant, merci pour vos commentaires qui nous laissent bien sûr à réfléchir. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux. Je suis persuadée que ça prend un certain courage, quand même, pour venir témoigner de ce genre de problèmes qu'on a vécus, mais en même temps ça prend aussi de la grande générosité pour vous être engagées comme vous l'avez fait auprès de votre association et pour faire ainsi, si je comprends bien, de l'éducation, de l'information et aussi de la représentation comme celle que vous faites aujourd'hui. Alors, je vous remercie pour cet engagement à l'égard de gens qui en ont bien sûr besoin, vous le savez très bien et aussi bien sinon mieux que nous.

Peut-être quelques commentaires avant d'arriver à des questions un petit peu plus précises. D'abord, effectivement, vous l'avez mentionné, on a un programme québécois de lutte au cancer qui, soit dit en passant, reste assez unique à travers l'Amérique, avec une approche aussi structurée sur l'ensemble des cas de cancer, sur l'ensemble des situations de cancer. Et il y a différentes mesures qui concernent plus spécifiquement évidemment le cancer du sein aussi. On a un programme québécois de dépistage du cancer du sein qui est géré par les équipes régionales de santé publique. C'est vrai qu'il s'adresse cependant à des femmes de 50 ans et plus, parce que la prévalence, selon les données scientifiques, évidemment est beaucoup plus grande à compter de 50 ans. Ça n'empêche pas, et vous l'avez illustré tout à l'heure, que des femmes aient des cancers du sein plus tôt, bien sûr. Donc, ça n'enlève pas les obligations, au plan personnel mais aussi au plan médical, d'être sensible à ces situations-là puis d'exercer son jugement comme professionnel, si je comprends.

Vous indiquez qu'il y a peut-être eu, dans certaines des situations que vous avez vécues, un problème de ce côté-là. Mais ça, je pense que vous l'avez noté, c'est peut-être du côté du Collège des médecins et d'autres organisations de professionnels de la santé qu'il faut pouvoir faire des représentations pour s'assurer, vous le suggérez d'ailleurs, qu'il y ait de la formation continue et qu'il y ait une sensibilisation à cette réalité-là. Mais je voulais dire que le Québec avait quand même fait des pas assez importants à cet égard. Entre autres, toutes les femmes de 50 ans et plus reçoivent une information à l'effet qu'il serait nécessaire et souhaitable qu'elles aient une mammographie pour être capable justement de dépister. Et c'est un pas important à cet égard par rapport à ce qui se faisait dans le passé.

Il existe aussi un comité québécois de lutte contre le cancer. Vous y faisiez référence. Il y a des personnes qui représentent des utilisateurs ou des patients sur ce groupe. Alors, peut-être qu'il y aurait matière à regarder comment l'améliorer, comment améliorer la composition du conseil. Mais il y a des gens qui représentent des bénévoles ou des intervenants qui sont membres de ce groupe.

Je suis d'accord avec vous qu'il faut absolument mettre en place toutes les mesures pour assurer un traitement de qualité. On a fait un travail considérable, depuis quelques années, depuis un an et demi en particulier, avec le Dr Freeman – vous en parliez – pour justement établir des temps d'attentes qui sont prescrits et qui ne devraient pas être dépassés. Je peux vous dire qu'on travaille d'arrache-pied à augmenter le nombre de cas traités au Québec dans ces délais d'attente. On les dépasse encore, il faut être franc aussi. On les dépasse encore, mais par ailleurs les cas déclarés les plus urgents... et puis j'ai vu suffisamment d'expériences, puis on m'a fait suffisamment de démonstrations pour constater que les cas urgents passent toujours en avant de la liste, ça, c'est clair.

Mais il reste qu'on n'est pas à huit semaines pour tous les cas, il y a un dépassement. Et c'est ce à quoi on travaille. On ajoute des équipements, on ajoute du personnel, on va même aux États-Unis – vous y avez fait référence – pour permettre au plus grand nombre d'être traité dans le délai de huit semaines. C'est ça, notre objectif. On ne l'a pas atteint encore, il faut être franc sur cette question. Mais, comme je vous dis, je ne relâche pas la tension à cet égard sur tous les gestes qui peuvent être posés – j'en ai encore discuté avec mes sous-ministres ce matin – pour qu'on s'assure que tous les gestes annoncés soient posés.

(16 h 40)

Je veux revenir sur un élément que vous développez beaucoup dans votre mémoire, et c'est la question d'information sur les médicaments qui peuvent avoir un effet pour soigner, guérir ou éviter une détérioration. Vous faites référence au fait que vous souhaiteriez que les compagnies pharmaceutiques puissent faire de l'information sur des produits d'ordonnance. Or, c'est prévu effectivement dans nos lois qu'il n'est pas permis que ce soit le cas. Puis je vous explique un peu pourquoi, puis j'aimerais ça que vous m'en reparliez un peu.

En fait, les compagnies pharmaceutiques demeurent des entreprises dont l'objectif est quand même de faire des profits, hein. Bon, c'est normal aussi, ce n'est pas malsain. Je ne dis pas que c'est malsain, je dis que c'est ça. Donc, ils vont pousser un peu sur la vente de leurs produits, et c'est normal aussi. Et c'est pour ça que notre loi prévoit qu'on puisse faire de la promotion auprès des professionnels de la santé, donc des médecins, des spécialistes, qui, eux, sont plus à même d'avoir de la distance, un petit peu, avec ces professionnels des compagnies pharmaceutiques pour être capables ensuite d'exercer un jugement médical. Et c'est pour ça, dans le fond, qu'on a empêché qu'une promotion puisse se faire auprès des consommateurs.

Est-ce que l'intervention, par exemple, de médecins ou de pharmaciens qui viennent des réseaux publics ou d'autres professionnels de la santé qui ne sont pas liés à des entreprises pharmaceutiques ne serait pas plus à même de pouvoir vous donner cette information-là sans avoir évidemment le même intérêt que pourrait avoir une compagnie pharmaceutique? Et je ne les blâme pas, là. C'est normal, c'est ça, leur métier et leur affaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Martin.

Mme Marois: Parce que vous semblez souffrir, vous, de ne pas avoir accès à cette information-là directement.

Mme Martin (Huguette): Bien, disons que je n'en ai pas souffert personnellement. De toute façon, il y a 14 ans, lorsque j'ai eu un cancer du sein, l'information existait très, très peu. Par contre, sur ce sujet, c'est bien entendu que toutes les compagnies existent pour faire de l'argent. Puis les compagnies pharmaceutiques, on le sait, sont là pour faire de l'argent aussi, c'est leur raison d'être. Par contre, vous savez, on peut quand même juger. Il ne s'agit pas ici de publicité à outrance, là. Mais, dans le cas de notre colloque, entre autres, vous savez, il y avait d'excellents conférenciers...

Mme Marois: J'ai bien lu votre mémoire...

Mme Martin (Huguette): J'aimerais vous donner un dépliant, après. Il y avait une dizaine de conférenciers, et puis on nous parlait de nouveaux traitements, de traitements adjuvants, ainsi de suite, puis on aurait aimé avoir plus d'information sur ce qui a été discuté.

Mme Marois: Sur les produits eux-mêmes, là, de façon un petit peu plus concrète, c'est ça?

Mme Martin (Huguette): Oui, c'est ça, parce que les femmes aujourd'hui veulent avoir plus d'information. Elles viennent nous consulter, puis, nous, parfois on a un peu d'information qui nous vient à gauche et à droite de la part des médecins, mais... C'est sûr que nous avons de bons médecins au Québec, mais je pense qu'aujourd'hui on ne fait plus confiance d'une façon aveugle, vous savez, nous voulons de l'information. Puis, sur l'Internet, d'ailleurs il y a beaucoup d'information. Alors, ce serait bien si le gouvernement, les compagnies pharmaceutiques peut-être et la communauté médicale établissaient un processus pour que ce soit disponible pour les femmes.

Et, à ce sujet, nous avions fait une petite étude, on avait pris un produit au hasard, là, on voulait... Et puis on a fait un rapport qui s'appelle Une enquête nationale , ça a été fait au niveau du Canada et ça soulève vraiment plus de questions que ça ne soulève de réponses. C'est qu'il y avait un certain produit, et on ne peut pas l'avoir ici, au Québec. Moi, je connais une femme atteinte qui a eu ce produit. Et ce traitement est jugé standard aux États-Unis. Ce n'est pas parce que ça vient des États-Unis que c'est meilleur, mais quand même il faut garder les yeux ouverts.

Vous savez, concernant le sang contaminé, les États-Unis étaient avisés, ils ont pris les précautions nécessaires, puis, nous, au Canada, on a fermé les yeux. Alors, il faut regarder ce qui se fait ailleurs. Puis c'est bien entendu que la science avance à petits pas, puis il y aura toujours quelque chose de meilleur. Ça prend des études sérieuses avec beaucoup de population. Mais, nous, on se fie, quand même, on n'a pas la formation médicale, alors...

Mme Marois: Mais vous accepteriez cependant... Je veux juste revenir sur le processus peut-être de prise de décision pour inscrire des médicaments, pour les reconnaître. C'est d'abord Ottawa...

Mme Martin (Huguette): Oui, en premier.

Mme Marois: ...qui, par son agence, évalue le médicament et le reconnaît. Ensuite, nous, on décide, une fois qu'il est reconnu scientifiquement comme ayant des effets thérapeutiques valables et n'ayant pas d'effets secondaires, supposément – en tout cas, évidemment, on fait les études correctement, là, je n'en doute pas – n'ayant pas d'effets secondaires négatifs trop importants, en tout cas, pour l'empêcher, il est reconnu. Et, après ça, nous, on peut prendre une décision bien sûr si on l'inscrit sur la liste des médicaments assurés. Et ça, ça devient une décision du gouvernement du Québec qui lui est recommandée par le Conseil consultatif de pharmacologie. C'est celui-là d'ailleurs qu'on veut changer, où on veut pouvoir retrouver un nombre de personnes peut-être un peu plus grand. Enfin, c'est une des hypothèses qu'on évalue. Alors donc, c'est comme ça qu'est le processus: Canada d'abord, sur la qualité du médicament, et nous, sur la possibilité de l'inscrire à la liste s'il apporte une valeur thérapeutique plus grande que ce qu'on a déjà. Bon. Je simplifie un peu, mais c'est la règle générale.

Par ailleurs, vous êtes plus critiques, dans le fond, puis vous voulez vous-même avoir de l'information. Puis c'est normal que vous posiez beaucoup de questions aussi, autant aux médecins qu'à d'autres professionnels. Si justement on rendait cette information disponible, non pas directement par la compagnie pharmaceutique – la compagnie pharmaceutique doit rendre ces informations disponibles aux professionnels de la santé – mais qu'on ait des gens qui soient soit des pharmacologues, soit des médecins, soit des spécialistes du médicament ou du traitement, qui puissent, eux, ensuite donner l'information pour justement créer la distance entre l'entreprise commerciale et le soin thérapeutique, est-ce que, pour vous, ce serait satisfaisant, à ce moment-là, si on allait davantage dans ce sens-là? Remarquez que c'est le mandat de certains de nos professionnels, mais on pourrait l'amplifier.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Martin

Mme Martin (Huguette): Vous savez, lorsque nous parlons de notre implication sur tous les comités, là où les décisions sont prises, c'est bien entendu que, sur ce comité, on ne serait pas là à titre d'experts. Mais, par contre, on serait là pour voir ce qui se passe: Est-ce qu'on décide, un médicament, de le refuser ou de l'accepter uniquement à cause des coûts? Est-ce que les études sont valables? Est-ce que ça pourrait sauver des vies si on l'offrait ici, au Québec? Puis, encore là, pour ce qui est du coût des médicaments, ça, c'est à un autre niveau, c'est au gouvernement et avec les compagnies pharmaceutiques et le comité d'experts, si vous voulez, de discuter des coûts. C'est sûr que les compagnies pharmaceutiques doivent faire preuve aussi de bons citoyens.

Mme Marois: C'est sûr.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Marois: Je vous remercie. Je pense que mon temps est malheureusement écoulé, à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la ministre. Avant de céder la parole au député de Vaudreuil, j'aurais peut-être un commentaire et une question. Tout à l'heure, vous avez parlé des compagnies pharmaceutiques et vous avez fait une remarque qui est peut-être un peu sévère en parlant qu'elles sont là pour faire de l'argent. Bon.

Mme Martin (Huguette): Toutes les...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, je pense que c'est tout à fait normal, toute entreprise a aussi un objectif de bénéfice, un objectif de gain. Cependant, c'est que les compagnies pharmaceutiques font aussi de la recherche, essaient de développer des médicaments pour une maladie quelconque en ayant des effets secondaires le moins possible, finalement.

La question du cancer du sein – comment pourrais-je dire – c'est très sournois, finalement, parce que ce n'est pas uniquement des femmes qui prennent des hormones lors de la ménopause qui sont plus susceptibles d'avoir le cancer du sein, mais on voit que même des jeunes femmes peuvent avoir le cancer du sein. Et finalement, à moins que je me trompe, et là je n'ai aucune connaissance médicale, mais il m'apparaît que ce n'est pas nécessairement avec des pilules qu'on traite le cancer, c'est davantage avec des traitements thérapeutiques, soit, par exemple, l'ablation – puis on ne souhaite jamais l'ablation, personne – mais plus la chimio, la radiothérapie.

Mais, par contre, comme je ne m'y connais pas, est-ce qu'il y a une quantité par la suite de médicaments également qui peuvent traiter le cancer du sein ou bien si c'est davantage par la radiothérapie, la chimiothérapie ou encore tout simplement l'ablation?

Mme Martin (Huguette): Oui. Il y a également l'hormonothérapie, le produit, le tamoxifène, qui est offert aux femmes dont la tumeur est hormono-dépendante, c'est-à-dire que la tumeur se nourrit d'hormones pour profiter. Alors, personnellement, il y a 14 ans, lorsque j'ai eu le cancer du sein, mon cas ne nécessitait pas de chimiothérapie. Mais aujourd'hui il semble qu'on ait de meilleurs résultats en étant plus agressif dans les traitements. Dans l'Ouest canadien et aux États-Unis, on a réduit le taux de mortalité, et c'est cette partie-là qui m'inquiète un peu. Remarquez, la chimio, c'est du poison, là, je veux dire, je ne suis pas en faveur de ça. Mais, quand il s'agit de sauver des vies, on fait quoi, vous savez?

(16 h 50)

Puis, pour répondre à votre question, madame, personnellement, j'ai dû prendre le tamoxifène pendant les cinq premières années et je ne prends aucun médicament depuis – et je vais toucher du bois, bien sûr. Mais, par contre, il y a d'autres femmes qui ont toutes sortes de problèmes aussi entourant la maladie du cancer du sein, qui sont sujettes à avoir d'autres maladies aussi. La femme qui vieillit, bien sûr il y a l'ostéoporose qui vous guette, certaines, le diabète, enfin comme la population en général. Mais la femme dont le système immunitaire est déjà à la baisse, elle aura besoin, vous savez, de médication.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Martin. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Mmes Martin, Lavoie et Tousignant, merci de votre présentation et de votre mémoire. Et peut-être pour aller au-delà de ce que vous avez mentionné, moi, je voudrais vous dire que vous êtes des exemples, je pense, d'espoir pour les femmes et pour plusieurs maintenant, comme vous le mentionnez, qui sont atteintes du cancer du sein. Je pense que vous êtes un témoignage vivant de ce qu'on peut faire. On peut passer à travers avec du courage et de la détermination. Et, moi, je vous en félicite très sincèrement et je pense que vous avez droit à toute notre admiration.

Peut-être faire certains commentaires. Vous savez, vous mentionniez que de plus en plus les femmes sont atteintes à un âge plus jeune que c'était le cas il y a un certain nombre d'années. On mentionne une femme sur neuf, peut-être une sur huit maintenant qui est atteinte du cancer du sein, d'où l'importance de pouvoir avoir des diagnostics qui sont les plus précoces possible, avec des traitements qui sont également rapides et les plus adéquats possible.

Il est sûr, dans le contexte actuel, je pense, qu'il est dommage de constater qu'il y a beaucoup de retard. Évidemment, lorsqu'on parle de radiothérapie, il faut attendre au-delà de quatre semaines, c'est, à mon avis, inacceptable. Et on dit qu'on ajoute des équipements. Écoutez, ça prend un an et demi ici, au Québec, et on n'a pas encore un équipement; ailleurs, on peut le faire en trois, quatre mois. On ajoute du personnel. Trente-deux finissants en technologie, technologues en radio-oncologie, au mois de juin prochain; semble-t-il, on prévoit que 27 % vont s'en aller à l'extérieur. Donc, je dois vous dire que c'est très, très inquiétant.

Se double à ça également le fait que présentement il y a des délais aussi au niveau du diagnostic en raison des retards dans l'analyse des spécimens. Hier, un cas que j'ai eu, où une jeune femme de 39 ans a dû attendre quatre semaines après une biopsie pour avoir son résultat, je pense que ça n'a pas de bon sens, je vous dis bien honnêtement et de façon humaine, lorsqu'on sait l'angoisse et l'inquiétude que peuvent vivre des personnes dans des conditions comme celle-là. Et, si la situation ne se rétablit pas, je pense que ça n'ira pas en s'améliorant de ce côté-là.

Vous parlez de l'accès aux traitements et aux médicaments et vous donnez des exemples, notamment à l'item 3, sur des médicaments comme le Zofran l'Aredia, l'Herceptin, qui n'est pas encore disponible, je pense, le Xeloda. Est-ce que, selon votre expérience, l'accessibilité à ces médicaments-là varie vraiment d'une institution hospitalière à l'autre et de quelle façon? Parce qu'il me semble que ça devrait normalement être la même politique, j'imagine, qui s'applique un peu partout. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre à ce sujet-là.

Mme Martin (Huguette): Mais ce sont des questions que l'on se pose. À titre d'exemple, je vais parler du Zofran. Alors, le Zofran. c'est un produit antinausée, si vous voulez. Lorsque la femme prend de la chimiothérapie, elle a bien souvent des nausées. Et ici j'ai le cas en tête d'une personne, Line, pour la nommer. Il s'agit, dans son cas, d'un cancer du sein héréditaire; les deux soeurs sont touchées par le cancer du sein. L'une est suivie en Californie, elle habite la Californie, alors elle a eu accès au Zofran. Puis ici, au Québec, nous avons accès à ce produit aussi mais pas dans tous les hôpitaux. Alors, à l'Hôtel-Dieu de Montréal, je parlais au Dr André Robidoux, je lui ai posé la question le 6 mars dernier parce que je voulais absolument vérifier ça, puis il m'a dit: Ici, on offre tel et tel produits. Alors, je me demande: Qui décide des médicaments? Vous savez, ce n'est pas que je suis en faveur d'une marque plus que d'une autre marque, mais on veut avoir ce qui est le mieux pour la patiente. Apparemment, selon cette personne, sa soeur, vraiment, n'avait presque pas de nausées, avec la même chimiothérapie, parce qu'elle prenait le Zofran. Bien sûr, vous allez dire: Il y a peut-être le système qui réagit différemment. C'est une possibilité aussi. Mais c'est un fait que, je me dis, il devrait y avoir un consensus quelque part, là, c'est: ce que nous utilisons au Québec, ce sont les meilleurs produits et c'est accessible à toutes les femmes.

Bien sûr, on dérive un petit peu des médicaments, mais je vais penser aussi au traitement des femmes, des femmes en région. Je pense à Louise, qui vient de la Côte-Nord. Imaginez-vous, elle avait un ganglion de touché il y a cinq ans, lorsqu'elle a eu un cancer du sein; on ne lui a offert ni de chimio ni de radio. Vous savez, lorsque Francine parlait tout à l'heure de formation continue... C'est une maladie de femmes. Il faut intéresser les médecins à la formation continue. Ils ne sont pas suffisamment sensibles à cette maladie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Martin. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui. Merci, Mme la Présidente. Il y a une autre question que vous posez évidemment sans y répondre et qui, moi, me trouble profondément, quand vous dites: Combien de femmes venant des régions ont subi des mastectomies à cause de la non-disponibilité de traitements de radiothérapie? Je me dis, aujourd'hui, dans le contexte médical qui a évolué beaucoup depuis 20 ans et, comme vous le mentionniez, avec les traitements adjuvants, il n'y a aucune raison d'avoir des mastectomies, à moins d'un cas extrême.

Donc, quand vous posez la question, est-ce que c'est parce que vous pensez que, oui, ça s'est produit, qu'il y a des femmes qui ont subi des mastectomies, alors que normalement, si les traitements adéquats de radiothérapie et de chimiothérapie avaient été disponibles, ça n'aurait pas été nécessaire?

Mme Martin (Huguette): Ça s'est produit dans le passé. Je pense que c'est moins fréquent maintenant, mais ça s'est définitivement produit. Parce que, lorsque l'on se rencontre une fois l'an avec les femmes venant de l'extérieur, on constate qu'il y a beaucoup plus de femmes qui ont des mastectomies que celles autour de Montréal ou de Québec. C'est un fait. Alors, c'est très important, la radiothérapie, définitivement, parce qu'on n'a pas le choix, si on conserve le sein, on a besoin de radiothérapie.

M. Marcoux: Vous parlez d'une agence de contrôle en cancer.

Mme Martin (Huguette): Oui.

M. Marcoux: Est-ce que vous vous basez sur des expériences que vous connaissez ailleurs?

Mme Martin (Huguette): Oui. Nous sommes en communication aussi avec des femmes qui sont coordonnatrices de groupes d'entraide comme nous, de l'extérieur du Québec, et puis on veut voir ce qui se fait ailleurs, etc. Et je sais que, dans les autres provinces, sauf le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard – je pense qu'il y en a peut-être une troisième dans l'Est – nous n'avons pas d'agence de contrôle en cancer. Alors, on se demande si ce n'est pas à cause de ça que ça varie, vous savez, selon les régions, les soins et les traitements. Peut-être. Est-ce que le médecin...

En tout cas, moi, pour le cancer du sein, je sais que j'irais dans un endroit où on en fait beaucoup. Puis il devrait y avoir des médecins, vous savez, qui ont la formation dans les régions éloignées également. Bien sûr, on ne peut pas avoir des centres de radiothérapie partout, et je le comprends aussi, mais... En tout cas, ils sont commandés, les...

Mme Marois: Certains sont en opération. Certains centres sont déjà en opération.

Mme Martin (Huguette): Alors, il faut vraiment...

Mme Marois: Nouveaux.

Mme Martin (Huguette): Ça, c'est un gros manque. Et puis je pense qu'il n'y a pas juste une question d'argent, je crois, là-dessous, il y a également un manque de planification de part et d'autre. Vous savez, c'était prévu. Puis, avec la population vieillissante, une personne sur trois aura un cancer. Dans les prochains 10 ans, lorsque les baby-boomers auront 65 ans, une personne sur trois aura un cancer, alors on aura vraiment besoin de ces appareils.

M. Marcoux: Peut-être juste un...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, une très courte question, M. le député.

(17 heures)

M. Marcoux: Simplement un commentaire. Je vous encourage certainement à continuer votre travail, surtout sur le plan de l'information. Je pense que ça, c'est extrêmement important.

Mme Martin (Huguette): Je vous remercie. Puis j'espère que vous allez nous comprendre puis agir en conséquence.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mmes Martin, Lavoie et Tousignant. Vos commentaires vont sûrement alimenter toute notre réflexion.

Mme Martin (Huguette): Merci, madame.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je demanderais aux représentants de Merck Frosst Canada & cie de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, sans plus tarder, nous recevons maintenant les représentants de Merck Frosst Canada & cie. Je demanderais à M. André Marcheterre, qui est président, de bien sûr nous présenter, pour les fins de la transcription, les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.


Merck Frosst Canada & cie (MFCC)

M. Marcheterre (André): Très bien, je vous remercie. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, bonjour. Je m'appelle André Marcheterre et je m'adresse à vous, cette fois-ci, en tant que président de Merck Frosst Canada. Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Louis-Philippe Boulet, à ma gauche, qui est professeur titulaire de médecine à l'Université Laval et directeur médical du Centre de pneumologie de l'hôpital Laval, et, à ma droite, le Dr Michel Turgeon, qui est médecin omnipraticien en pratique dans la région de Québec, ainsi que M. Richard Garant, encore une fois à ma gauche, qui est directeur des politiques de santé chez Merck Frosst et principal rédacteur du mémoire que nous avons soumis à la commission.

Je tiens d'abord à remercier la commission des affaires sociales de l'occasion qui nous est donnée, encore une fois, de contribuer à cet examen du régime général d'assurance médicaments du Québec. J'ai eu le plaisir de comparaître devant la commission il y a environ un mois à titre de président du conseil d'administration des compagnies de recherche pharmaceutiques du Canada.

Notre objectif aujourd'hui n'est certes pas de répéter les messages qui ont déjà été transmis à la commission par notre association, mais plutôt, avec l'aide des Drs Boulet et Turgeon, nous aimerions approfondir l'une des pistes de solution que nous vous avons présentée à cette occasion, soit la gestion thérapeutique. Comme cette approche nous apparaît comme étant non seulement novatrice mais aussi prometteuse, nous lui consacrons tout le temps qui a été mis à notre disposition.

Donc, pour ce faire, je céderai sans plus tarder la parole au Dr Boulet, qui vous rappellera ce qu'est ce concept et vous en donnera un exemple concret. Par la suite, le Dr Turgeon vous indiquera comment de tels programmes peuvent concrètement améliorer non seulement la santé des soins dispensés à la population, mais le faire aussi d'une façon coûts efficaces. Je vous précise que le Dr Boulet est président du comité exécutif de VESPA, un important programme de gestion thérapeutique axé sur l'asthme auquel notre société est associée. Et le Dr Turgeon, quant à lui, possède une vaste expérience des problèmes qui confrontent les patients asthmatiques. Donc, Dr Boulet.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Dr Boulet.

M. Boulet (Louis-Philippe): Merci, M. Marcheterre. En quelques mots, en fait, tel que mentionné, je vais, dans un premier temps, revoir brièvement le concept de la gestion thérapeutique afin de vous la faire voir sous un jour plus concret...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse. Je m'excuse.

M. Boulet (Louis-Philippe): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Boulet, avant de vous laisser aller avec votre exposé, les membres de la commission doivent malheureusement suspendre quelques instants pour un vote en Chambre. Alors, vous allez nous excuser, on va revenir dans quelques minutes. Alors, si vous voulez être patients et attendre notre retour.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 32)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Alors, je vais céder la parole à M. Boulet. On s'excuse pour ce temps, mais vous avez la parole, M. Boulet, et on vous accorde encore le 15 minutes de présentation.

M. Boulet (Louis-Philippe): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, tel que j'avais mentionné il y a quelques minutes, je vais dans un premier temps revoir brièvement le concept de la gestion thérapeutique afin de vous le faire voir sous un jour plus concret. Je vais vous présenter plus spécifiquement le projet VESPA, qui est un acronyme pour «Vers l'excellence dans les soins aux personnes asthmatiques», un projet du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme, qui est effectué en partenariat avec de multiples intervenants du réseau de santé, en collaboration avec Merck Frosst. J'aimerais ainsi illustrer comment la gestion thérapeutique peut s'intégrer au système de santé québécois et bonifier notre régime d'assurance médicaments.

En quelques mots, la gestion thérapeutique est une approche d'amélioration continue de la qualité des soins, qui cible prioritairement les champs thérapeutiques qui posent les plus grands défis pour le système de santé, tels les maladies cardio-vasculaires, l'ostéoporose, le diabète et l'asthme. Toutes les maladies chroniques en fait qui sont coûteuses pour notre système de santé.

Vous avez, dans le premier des deux schémas qui vous ont été remis, une illustration succincte du concept de la gestion thérapeutique qui est utilisé dans le programme VESPA. Tout programme de gestion thérapeutique suppose à la base une structure de partenariat qui regroupe vraiment toutes les parties prenantes qui ont un intérêt et qui participent aux soins justement pour une maladie donnée, à savoir les patients, les professionnels de la santé, les gouvernements, le secteur privé, dont les sociétés pharmaceutiques également. Le fait de regrouper tous les partenaires dans un même plan d'action est vraiment une caractéristique essentielle de l'approche de la gestion thérapeutique pour bien articuler nos interventions, et ceci lui permet vraiment d'être efficace là où d'autres tentatives ont échoué dans le passé.

Une autre caractéristique de la gestion thérapeutique, c'est qu'elle s'appuie sur des données probantes, c'est-à-dire des données qui sont mesurables, et on peut justement vérifier les effets positifs ou parfois négatifs de telles interventions. Dans une première étape, on établit une base de comparaison qui inclut la description précise de patients souffrant d'une maladie donnée, on fait l'inventaire des pratiques médicales en usage, donc quels sont les soins qui sont donnés présentement à ces patients, et on mesure les résultats thérapeutiques qu'on obtient lors justement de l'étude. On a évalué également les coûts associés à ces soins.

Parallèlement, on identifie dans la littérature médicale, et on se base de plus en plus sur les plus récents guides thérapeutiques qui sont basés sur l'évidence et sur les preuves scientifiques, c'est-à-dire celles qui livrent les meilleurs résultats thérapeutiques aux meilleurs coûts et on les compare aux pratiques courantes afin d'identifier l'écart entre les soins optimaux et ce qui est fait présentement. L'étape suivante consiste à déployer des mesures qui visent à corriger les écarts afin de rendre les soins dispensés le plus conforme possible aux pratiques jugées les meilleures. Voici pour le concept.

Alors, regardons maintenant concrètement comment il s'applique dans le cas de VESPA et comment il pourrait aider à solutionner certains des problèmes de notre régime général d'assurance médicaments. Soulignons d'abord que l'asthme est une maladie très importante, tant en termes d'incidence que de coûts sur le système de santé et la société en général. D'après les plus récents estimés, l'asthme peut affecter jusqu'à 10 % de la population québécoise, et c'est un fardeau socioéconomique énorme.

Présentement, on est à la veille d'avoir des chiffres pour l'année qui vient de se terminer, mais à date on estimait globalement que l'asthme au Québec coûtait environ 150 millions de dollars par année, principalement en raison des visites chez le médecin, des visites à l'urgence et des hospitalisations, qui étaient vraiment les principaux coûts. Plus de 300 000 journées de travail sont perdues annuellement à cause de l'asthme, et environ 150 décès sont attribuables à la maladie, décès qui pourtant auraient pu être prévenus.

En fait, ce qui est encore plus préoccupant, c'est que l'asthme est une maladie de l'environnement, et sa prévalence va en augmentant sans cesse au Québec comme dans toutes les sociétés occidentales. En dépit des progrès réalisés dans le traitement de l'asthme, force est de constater que c'est une maladie qui n'est pas traitée encore de façon optimale, et de nombreux asthmatiques n'obtiennent pas encore une maîtrise satisfaisante de leur condition.

Ceci est attribuable à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, on note que la gravité de la maladie est souvent sous-estimée. Les gens acceptent de vivre avec un handicap, avec certains problèmes justement qui pourraient être évités par un meilleur traitement. Également, on a un problème au niveau de la connaissance des lignes de conduite thérapeutiques établies par les consensus de traitement. Et ça, les médecins parfois ne connaissent pas suffisamment les tout nouveaux développements dans le domaine de ces maladies. La science évolue rapidement. La charge de travail est énorme bien sûr. Il y a de multiples guides thérapeutiques qui paraissent régulièrement, et les méthodes pour faire connaître aux médecins le plus rapidement et le plus efficacement possible ces guides sont encore déficientes.

Du côté des patients, on note également une mauvaise utilisation des médicaments. On a souvent une observance inadéquate des traitements, et non seulement des traitements pharmaceutiques, mais également de ce qui est très important pour l'asthme, c'est-à-dire les mesures d'assainissement de l'environnement, tabagisme, etc., donc, chez un grand nombre de personnes.

Le plus souvent cette insuffisance et cette mauvaise compliance aux traitements ou aux mesures environnementales sont associées à une mauvaise ou à une compréhension insuffisante de la maladie et de son traitement. Une étude récente du Comité de revue d'utilisation des médicaments a fait ressortir de façon assez flagrante la mauvaise utilisation des médicaments antiasthmatiques au Québec. Il y avait vraiment un abus de ce qu'on appelle des bronchodilatateurs à courte action, qui sont des médicaments qui soulagent temporairement, des petits inhalateurs qui soulagent temporairement, mais qui n'ont pas d'effet sur la maladie comme telle, alors qu'il y avait vraiment une sous-utilisation, entre autres, d'une autre catégorie de médicaments utilisée celle-là pour prévenir justement les crises d'asthme et bien maîtriser la maladie.

Il y avait également d'autres déficiences qui avaient été rapportées dans des études, par exemple, au niveau de l'environnement particulièrement domestique et d'autres raisons, mais ce serait un peu long d'élaborer tout ça aujourd'hui. Donc, ces problèmes entraînent bien sûr une consommation accrue des services de santé, et c'est loin d'être idéal. Il y a vraiment beaucoup trop de visites à l'urgence et d'hospitalisations qui vraiment ne seraient pas nécessaires si la maladie était bien contrôlée.

Le projet VESPA est né à la fin de 1997 du désir de nombreux intervenants regroupés au sein du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme – notre Réseau existe depuis environ cinq ans – afin d'optimiser le traitement de la maladie au Québec. Au nombre des partenaires du Réseau, citons l'Association pulmonaire du Québec, la plupart des associations médicales et paramédicales, les universités, le FRSQ, le réseau de la santé et trois grandes sociétés pharmaceutiques.

Les objectifs du projet VESPA sont de réduire la morbidité associée à l'asthme et d'augmenter la qualité de vie des personnes asthmatiques, et ce, tout en optimisant justement l'utilisation des ressources affectées à l'asthme. Ceci pourra certainement se faire grâce à une amélioration de la gestion clinique de la maladie et une meilleure autogestion ou cogestion de la maladie par les asthmatiques eux-mêmes, ce qui est absolument nécessaire. En l'an 2000, il est surprenant de voir comment les jeunes ne savent pas suffisamment comment traiter, utiliser leurs médicaments et évidemment bien gérer leur santé respiratoire alors qu'ils le pourraient si bien.

VESPA comprend quatre étapes illustrées dans le second schéma que je vous ai remis. La première est quasi terminée. Elle a consisté, comme ça avait été fait pour le cancer, à cartographier l'asthme au Québec, à trouver les endroits où il y avait le plus de besoins, le plus de morbidité, où on devait justement concentrer nos efforts pour réduire les conséquences de la maladie. Ce document est maintenant disponible.

(17 h 40)

La deuxième étape, qui est en marche, recueille les données sur différents paramètres, comme par exemple, quel est l'état des pratiques médicales, quelle est la conformité aux traitements par les patients, donc compliance thérapeutique, quelles sont les déterminants justement des modifications comportementales par les patients qui les amèneraient à avoir des attitudes plus bénéfiques au niveau santé. Et ceci est fait, dans VESPA, sur un échantillon de quelque 500 médecins et d'une cohorte de base d'environ 6 000 patients.

Au cours de la troisième étape, qui devrait débuter en septembre 2000, un premier programme d'intervention sera établi – on a commencé déjà à le rédiger – et ça, bien sûr, c'est basé sur les plus récentes recommandations du Consensus canadien sur le traitement de l'asthme, de l'expérience également et de l'expertise des experts qui sont au niveau du Réseau de l'enseignement. Ce programme d'intervention sera exécuté, puis on va mesurer les résultats obtenus par la suite pour essayer justement de refaire d'autres interventions qui seront devenues de plus en plus performantes. Ça sera donc les troisième et quatrième étapes du programme VESPA.

Alors, nous sommes vraiment convaincus qu'un programme comme VESPA pourra entraîner une réduction de la morbidité et de la mortalité associées à l'asthme, pourra améliorer la qualité de vie des personnes asthmatiques, alléger le fardeau socioéconomique lié à la maladie et surtout bien articuler les différentes interventions qui sont faites dans la province de Québec au niveau de l'asthme. Compte tenu des importants problèmes d'utilisation non optimale des médicaments antiasthmatiques observés au Québec par le CRUM, il est donc également à anticiper que VESPA aura un impact positif majeur sur cette composante des soins aux asthmatiques et sur les retombées du régime d'assurance médicaments.

Sur ce, permettez-moi de céder la parole au Dr Michel Turgeon, mon collègue, qui vous donnera le point de vue du médecin de famille sur les impacts d'un programme comme VESPA sur sa pratique.

M. Turgeon (Michel): Alors, merci beaucoup, Dr Boulet.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Dr Boulet. Est-ce que quelqu'un d'autre veut s'exprimer? Oui, je m'excuse.

Une voix: Dr Turgeon.

M. Turgeon (Michel): S'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Dr Turgeon, hein?

M. Turgeon (Michel): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Parfait.

M. Turgeon (Michel): Merci infiniment.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À vous la parole.

M. Turgeon (Michel): Donc, de mon côté j'aimerais partager avec la commission comment un tel programme peut aider un médecin de famille comme moi à mieux maîtriser l'asthme chez ses patients.

Mentionnons d'entrée de jeu que le rôle du médecin de famille est fondamental dans le cas d'une maladie répandue comme l'asthme. Il est probablement juste d'affirmer que la majorité des médecins de famille au Québec ont, dans leur pratique, des patients asthmatiques et que, compte tenu du grand nombre de malades touchés par cette maladie, notre intervention reste essentielle afin de compléter celle de nos collègues spécialistes, notamment dans le suivi effectué auprès du malade.

La prise en charge d'un asthmatique est multifactorielle et peut s'avérer complexe. Le diagnostic n'est pas toujours évident, et une fois posé le traitement est lui aussi fort complexe. Plusieurs mesures pharmacologiques et non pharmacologiques doivent habituellement être employées afin de maîtriser les crises et de prévenir leur déclenchement. Cette responsabilité doit absolument être partagée avec le patient, dont la compréhension et la motivation face au traitement seront critiques à son succès.

Or, de nombreux malades éprouvent beaucoup de difficulté à comprendre et à suivre leur traitement. Le mode d'administration de plusieurs des médicaments antiasthmatiques disponibles en inhalation requiert des précautions et une technique particulière. Enfin, tout l'aspect observance à la thérapie revêt une importance capitale.

Pour toutes ces raisons, les besoins en information du malade asthmatique sont considérables et dépassent les possibilités qui s'offrent au médecin de famille dans son cabinet privé. Pour obtenir des résultats optimaux, il faut des programmes structurés d'enseignement aux asthmatiques. C'est précisément la raison d'être du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme en général et d'un programme comme VESPA en particulier. L'effet principal de ce programme sera justement de permettre d'offrir à un plus grand nombre de malades l'accès à cette information, qui est la pierre angulaire de leur capacité à prendre en charge leur propre maladie, sous la supervision du médecin traitant et des autres professionnels de la santé.

VESPA comporte par ailleurs beaucoup d'avantages pour un médecin de famille: une formation continue plus intensive à propos des meilleures pratiques dans l'asthme, une rétroinformation sur l'état du traitement de la maladie dans sa région et des échanges plus soutenus avec les autres médecins et professionnels de la santé impliqués dans le programme dans sa région. De plus, une information plus complète sur les autres traitements reçus par le malade et la possibilité d'utiliser des ressources éducatives plus élaborées sont autant de cordes ajoutées à l'arc du médecin de famille dans le but de mieux servir son patient.

L'asthme, répétons-le, est l'exemple typique d'une maladie pour laquelle des traitements efficaces existent mais dont la prise en charge demeure suboptimale. En fournissant à des médecins de famille comme moi des outils qui nous font actuellement défaut, un projet comme VESPA permet d'intervenir à la source des problèmes d'utilisation non optimale des médicaments. C'est ce qui me rend optimiste quant à sa capacité d'influencer positivement sur la qualité des soins dispensés à nos malades et sur l'utilisation efficiente des ressources mises à notre disposition par des programmes de santé comme le régime d'assurance médicaments.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, messieurs, pour la présentation de votre mémoire.

M. Marcheterre (André): J'aurais aimé conclure sur les présentations qui ont été faites. Je crois qu'il nous reste quelques minutes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, il vous reste encore quelques minutes. Je vous cède la parole, M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Très bien. En fait, Mme la Présidente, je voulais vous dire que nous espérons que les témoignages médicaux qui ont été présentés vont permettre aujourd'hui aux membres de la commission d'envisager sous un jour plus concret une notion, celle de la gestion thérapeutique, qui est peut-être demeurée jusqu'à maintenant un peu abstraite. Mais, comme vous pouvez le constater, les possibilités qu'elle offre dans des programmes comme VESPA sont au contraire elles bien réelles et elles se traduisent rapidement par une amélioration tangible parfois même radicale de l'efficience et de l'efficacité des soins dispensés en termes médicaux et aussi en termes économiques.

Donc, VESPA, le projet, représente un investissement éventuel de l'ordre de 4,5 millions de dollars dans le système de santé québécois, ce qui n'est pas négligeable. Mais le mérite premier d'un programme comme VESPA est qu'il s'adresse au principal problème de fond qui confronte le régime d'assurance médicaments et le système de santé dans son ensemble. Comme nous l'avons déjà mentionné devant cette commission, la croissance des coûts de ce régime est inévitable. Quel que soit le mécanisme de contrôle qui va être utilisé, il y a trois raisons principales pourquoi, c'est inévitable, cette augmentation des coûts: le vieillissement de la population, les progrès technologiques et le recours de plus en plus aux traitements ambulatoires au lieu de traitements en institution.

L'augmentation constante du volume d'utilisation des médicaments d'ordonnance est une tendance structurelle des systèmes de santé des pays industrialisés qui représente l'évolution normale de la thérapeutique. Au cours des dernières années, aucun des pays du G 7 n'a été en mesure de réduire cette progression de façon soutenue sans aussi obtenir des effets pervers. Aucune des stratégies gouvernementales de contrôle des coûts et de l'utilisation des médicaments, comme le prix de référence ou le prix le plus bas, n'a permis d'atteindre des résultats satisfaisants sur le plan économique et sur le plan médical en même temps.

En contrepartie, l'approche de gestion thérapeutique que nous vous proposons permet elle de s'attaquer à une démarche de partenariat aux coûts qui résultent de la surutilisation aussi bien que de la sous-utilisation des médicaments et d'amenuiser ainsi les pressions financières qu'elle crée pour le système de santé dans son ensemble. Dans le cas concret du programme VESPA, cette approche permet de s'attaquer aux divers problèmes qui sont rencontrés par les médecins, comme le Dr Boulet et le Dr Turgeon, sur le terrain.

Cette initiative cible directement le problème de la surutilisation d'une catégorie de médicaments, les bêta-agonites, diminuant ainsi les frais qui en découlent pour le régime général d'assurance médicaments. Elle permettra aussi de réduire le recours aux urgences toujours fréquent de la part des patients asthmatiques ainsi que des visites médicales rendues moins nécessaires par une meilleure compréhension du traitement de la part des malades.

Le système de santé dans son ensemble en bénéficie sur le plan économique. Et, ce qui est encore plus important, une approche comme celle que nous suggérons rehausse la qualité des soins qui sont prodigués aux asthmatiques de façon coefficace en prévenant des décès évitables et en améliorant de façon radicale la qualité de vie de ces personnes.

Donc, en conclusion le temps est venu de concrétiser les partenariats qui permettront de mettre l'approche de la gestion thérapeutique au service de la population québécoise dans des initiatives comme VESPA, car, si, comme je l'espère, nous vous avons convaincus, vous, les membres de la commission, de la viabilité de cette solution, je souhaite vivement qu'un groupe de travail composé de délégués du ministère de la Santé et des Services sociaux, des corps professionnels et de l'industrie pharmaceutique innovatrice soient appelés au cours des prochaines semaines à préciser ces questions et à conseiller la ministre de la Santé sur la façon la plus appropriée d'intégrer le concept de gestion thérapeutique au sein des programmes québécois de santé.

Donc, au nom de Merck Frosst Canada ainsi que des personnes qui m'accompagnent je voudrais vous remercier du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Nous sommes disponibles pour répondre aux questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Marcheterre. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, on s'excuse du retard, mais nous n'avions pas le choix de faire autrement. Merci pour votre mémoire, je pense que ça ouvre des perspectives intéressantes. On a déjà abordé un peu ces questions-là avec d'autres groupes, et je vais revenir sur le modèle de gestion thérapeutique.

(17 h 50)

Simplement une ou deux remarques d'abord. Dans votre mémoire, vous mentionnez à différents moments la tendance à restreindre l'utilisation des nouveaux médicaments par un mécanisme administratif, comme la liste d'exception, qui s'est accentué. Or, par comparaison, je dois vous dire qu'on reste encore assez ouvert au Québec, parce qu'on a regardé ce qui s'est passé du côté de l'Ontario et on constate que, entre septembre 1997 et août 1999, 21 % des nouveaux produits inscrits ici, au Québec, ont été comme médicaments d'exception alors que, en Ontario, c'était 79 %. Donc, leur taux d'inscription comme médicaments d'exception était beaucoup plus élevé que le nôtre.

Mais c'est évident que c'est une stratégie que nous avons utilisée quand notre Conseil consultatif de pharmacologie n'est pas convaincu que les autres médicaments en fait sont satisfaisants... c'est-à-dire quand il reste convaincu que les autres médicaments sont satisfaisants pour venir à bout du problème, sauf évidemment dans des cas particuliers, et là on l'inscrit sur la liste d'exception.

Alors, c'est important, parce que c'est venu à plusieurs reprises où on regarde le régime québécois puis on dit: Bien, on n'inscrit pas suffisamment vite, on ne tient pas compte de ci, on ne tient pas compte de ça. Et, quand on compare notre façon d'inscrire, le rythme d'inscription, le type d'inscription auquel on procède, on constate qu'on a vraiment, par rapport à ce qui se passe ailleurs, une performance qui est plus positive, en tout cas du point de vue où vous le présentez. Alors, je pense que c'est important qu'on puisse se le dire, bien sûr. Bon.

Sur la gestion thérapeutique, je pense que c'est intéressant évidemment ce que vous présentez et l'expérience que vous décrivez. Je vais revenir, M. Marcheterre va sûrement reconnaître quelques questions que j'ai posées précédemment à cet égard. Est-ce que, dans une approche comme celle-ci, on accepterait que d'autres sociétés pharmaceutiques puissent participer au même projet? Parce qu'il y a des produits comparables, hein, il faut bien en convenir. Il y a certains produits qui peuvent être tout à fait exceptionnels pour certaines entreprises, mais d'autres ce sont des produits complètement comparables ou du moins qui ont des effets similaires. Donc, vous accepteriez de contribuer dans une perspective, comme l'expérience VESPA le fait apparaître, que d'autres entreprises puissent être associées dans des projets, les mêmes projets?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): C'est la base même, Mme la ministre, de tels projets, que d'inclure tous les intervenants. Lorsqu'une plateforme existe pour que les compagnies puissent travailler ensemble, elles le font. Par exemple, dans le réseau québécois de l'asthme, c'est non seulement Merck Frosst qui est impliquée, mais c'est aussi Glaxo Wellcome et c'est aussi Astra Zeneca. Et je suis tout à fait convaincu que, lorsqu'on va créer une plateforme de partenariat à l'échelle de la province, qui va inclure la gestion de l'asthme dans son ensemble, les différentes compagnies pharmaceutiques vont avoir intérêt et aussi la volonté de travailler ensemble.

J'aimerais revenir sur la première remarque que vous avez faite, Mme la ministre, pour vous dire qu'on est tout à fait conscient que, lorsqu'il y a plusieurs choix, on devrait utiliser les meilleurs médicaments ou les meilleures interventions en termes de résultats thérapeutiques et de coût-efficacité. Notre solution se différencie en offrant une base pour faire cette comparaison pour pouvoir découvrir, avec des données probantes, quelles sont justement dans certaines circonstances les meilleures interventions au meilleur coût. Et ça diffère d'un formulaire qui établit cette différence-là sur une base qui n'est pas toujours celle de faits probants mais surtout souvent sur une base de disponibilité budgétaire.

Mme Marois: Quand vous disiez, dans votre conclusion que, peu importe les sociétés, lorsqu'on a voulu contrôler les coûts en utilisant certains mécanismes, on a eu des effets pervers. C'est sûr qu'il n'y a jamais un mode de contrôle qui n'a aucun effet secondaire ou non souhaité. Il y en a toujours. Mais le problème qu'on a, c'est que, là, on a des coûts qui croissent à un rythme inacceptable et c'est le citoyen qu'on est amené à presser et à pressuriser, je dirais, pour qu'il puisse contribuer.

Et vous les avez vus, les intervenants qui sont venus ici: On ne veut pas payer plus, on ne veut pas payer plus d'impôts, on ne veut pas payer plus de médicaments. À un moment donné, il faut que quelqu'un paie, et rien ne se perd, rien ne se crée. Alors donc, il faut aussi être en mesure d'essayer de contrôler au mieux nos coûts.

C'est vrai que l'utilisation optimale du médicament a un impact dans ce sens-là et sur la santé et sur les coûts, donc ce qui est intéressant. Mais en même temps je ne peux pas non plus négliger le fait que j'ai un problème de coût, et il est sérieux, hein, bon, 15 % par année, c'est plus que sérieux.

Là, je voudrais m'adresser aux médecins qui participent à l'expérience et qui sont convaincus, je pense, du bien-fondé de l'approche qui est là, puis je pense qu'elle est intéressante aussi.

D'abord, j'imagine que ça doit demander, du moins la perspective qu'on a actuellement au ministère et que j'ai à cet égard-là, une coordination très étroite aussi avec les autres professionnels de la santé, qu'on pense à ceux qui sont dans les CLSC, dans les cabinets privées, dans les institutions, et cela vous pensez que ça reste quand même assez facile à faire ou que ça présente certaines difficultés.

L'autre élément évidemment, c'est la distance qui est nécessaire entre vous comme médecins et, par exemple, des sociétés pharmaceutiques, et où, là, vous pourriez dans le fond être à même aussi d'avoir à exercer un sens critique un peu plus grand à l'égard de certaines entreprises. Alors, je vous pose la question, c'est peut-être plus difficile pour vous d'y répondre aujourd'hui, mais en même temps je pense qu'il faut être au clair pour essayer de s'assurer que le paysage est le même et sa compréhension est la même pour tout le monde.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Boulet.

M. Boulet (Louis-Philippe): Je vous remercie beaucoup de votre question. Finalement, j'espérais que vous me la posiez. Parce que, voyez-vous...

Mme Marois: On ne s'était pas entendu d'avance quand même.

M. Boulet (Louis-Philippe): Non, non, ce n'était pas arrangé.

Mme Marois: D'accord.

M. Boulet (Louis-Philippe): Je pense que votre question est tout à fait pertinente et je pense qu'il y a bien des gens qui peuvent se la poser aussi quand ils voient la collaboration qui existe entre des regroupements de professionnels et l'industrie justement. Je pense qu'au Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme, on a toujours eu comme principe que tout le monde devait participer à l'amélioration des soins y compris justement ceux qui font des médicaments. Ce n'est pas tout de les faire, mais il faudrait justement qu'ils contribuent ou aident justement à ce qu'ils soient bien utilisés. Bien sûr, qu'au niveau du Réseau québécois toutes nos interventions sont basées sur les principes de base des guides thérapeutiques consensuels adaptés au Québec et au Canada, donc qui sont faits par des professionnels strictement indépendants justement des compagnies pharmaceutiques.

Toutes nos interventions également sont basées sur ces mêmes modèles. Et, même si on a des partenaires parfois qui peuvent s'intéresser à certains aspects plus que d'autres, bien sûr tout se fait dans la stricte objectivité, et le seul but que nous avons, c'est de tenter d'améliorer la situation au niveau du patient. Donc, je n'ai strictement aucun problème et je suis au contraire très satisfait. Présentement, nous avons trois partenaires majeurs au niveau du Réseau d'enseignement; j'aimerais en avoir 20, parce que je pense qu'à ce moment-là tout le monde mettrait la main à la pâte. Il y a tellement de besoins actuellement au niveau du réseau de santé, Mon Dieu! tant mieux si on peut avoir des collaborateurs qui nous amènent des éléments de solutions fantastiques qui comblent certains besoins.

Alors, de ce côté-là je n'ai aucun problème et je pense qu'au contraire ça nous prend des plateformes justement comme le Réseau québécois où on a des regroupements d'experts qui nous viennent des universités, du réseau de santé, tout le monde ensemble qui collabore de façon strictement partenariale avec l'industrie pour améliorer le sort des personnes asthmatiques.

Lorsque vous disiez tout à l'heure, on parlait de l'augmentation des médicaments, et tout ça, je voulais mentionner que, dans l'asthme en particulier, un des meilleurs moyens de réduire les besoins en médicaments, c'est par, premièrement, leur bonne utilisation, parce que présentement il y a des problèmes majeurs d'utilisation, deuxièmement, c'est par les modifications comportementales au niveau de l'environnement, au niveau du tabac, au niveau de ces choses-là.

Et des programmes comme VESPA... L'élément pharmaceutique à travers ça, il est là, mais il y a beaucoup d'autres éléments qui sont considérés. On essaie d'influencer les familles, les parents d'enfants asthmatiques, le tabagisme, l'environnement, les allergènes domestiques, une foule de choses. Et ça, un programme comme VESPA, c'est complet. On essaie de toucher tous les aspects, y compris bien sûr pharmaceutiques mais tous les autres aspects. Et je pense qu'un des avantages d'un programme semblable, c'est qu'il est articulé: ça va du spécialiste au patient à sa famille au public en général pour essayer de régler le problème.

Mme Marois: Oui. D'accord. Voulez-vous compléter sur les professionnels?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Dr Turgeon.

M. Turgeon (Michel): Oui, j'aimerais pouvoir rajouter peut-être deux choses, peut-être un peu renchérir sur ce que le Dr Boulet vient de dire. Essentiellement, des programmes comme VESPA permettent de disséminer des guides thérapeutiques qui sont issus de ce que, moi, j'appelle de sociétés savantes ou de regroupements d'experts qui ne sont évidemment absolument pas partisans. Alors, ça nous permet de disséminer ces guides-là auprès des omnipraticiens. Je pense que c'est un avantage intéressant.

Et l'autre chose, Dr Boulet en a touché un point, c'est qu'on ne parle pas que d'une seule molécule, on ne parle pas que d'une seule classe de molécules, mais on parle de l'ensemble de toute l'évaluation et le traitement du suivi des asthmatiques. Donc, on parle autant de la pharmacothérapie bien sûr mais de toute l'intervention sur l'environnement, toute l'observance à la thérapie, tout le fait d'agir sur le tabagisme. Alors, compte tenu que c'est très, très large, je pense que ça peut nous donner des garanties en ce sens-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Merci, Dr Turgeon. Alors, M. le député de Vaudreuil.

(18 heures)

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue à nouveau, M. Marcheterre. Je voudrais poser quelques questions sur ce programme fort intéressant dans le fond qui prévoyait quatre étapes. Sur quelle période s'échelonne ce programme pour dire qu'il est complété selon vos objectifs initiaux de mise en place?

M. Boulet (Louis-Philippe): Bien, écoutez, le programme s'étale sur cinq ans, et on espère que par la suite... l'habitude étant prise et par le biais des interventions du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme, qui est en train de se fusionner pour devenir bientôt le nouveau Réseau d'éducation en santé respiratoire du Québec – on élargit notre mandat, espérons-le, que ça va bien fonctionner – je pense qu'à ce moment-là ça sera un processus récurrent d'amélioration continuelle des soins.

On a des études qui sont faites, on a une réévaluation constante de l'efficacité des interventions et on répète continuellement. Je vous invite à regarder la cartographie de l'asthme au Québec qui est un petit bijou en soi, qui a été faite par la Direction de la santé publique. Maintenant, on sait très bien où cibler dans la province de Québec justement les endroits où ils ont le plus besoin de l'enseignement tant au niveau bien sûr du patient que du perfectionnement des médecins et des autres professionnels de la santé.

On a la phase II, qui est celle de toutes les études de base pour voir comment améliorer nos interventions, tester les interventions. On a un très gros programme en salle d'urgence présentement pour lequel on avait eu une subvention du programme du Fonds d'adaptation des services de santé. Tout ça, on va pouvoir l'appliquer à partir de l'automne, cet automne, sur le terrain via nos 107 centres d'enseignement dans la province de Québec, les bureaux d'éducation médicale continue, nos partenaires. On répète le processus dans deux ans, en fait dans un an, et ensuite on complète la boucle en cinq ans. Et on espère que par la suite, donc, le processus continuera par lui-même.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Mais à ce moment-là est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer dans le fond l'impact sur le plan de la réduction de la consommation des médicaments? Est-ce que ça va vous permettre de pouvoir dire: Écoutez, voici ce que ça pouvait représenter, et puis finalement, avec ce programme mis en place, on a une meilleure consommation et une réduction du coût de l'ensemble des médicaments qui sont prescrits et qui sont utilisés par des personnes, là, qui ont ce problème de l'asthme?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dr Boulet.

M. Boulet (Louis-Philippe): Oui. En fait, vous savez, l'asthme est une maladie un peu particulière. C'est que c'est une maladie inflammatoire bronchique. Comme je dis souvent aux patients: Le feu est pris, il faut l'éteindre. Alors, c'est certain que, lorsqu'on attrape nos gens qui sont complètement déstabilisés puis toujours en train de consulter à l'urgence, il faut les stabiliser. Alors, c'est sûr qu'initialement on peut avoir une petite augmentation de consommation des médicaments anti-inflammatoires bronchiques, par exemple – pour dire quelque chose – ceci dans le but justement d'arriver à maîtriser la maladie et à long terme diminuer leur consommation de médicaments.

Donc, si je vous réponds... Je pense que, si tous les asthmatiques de la province de Québec étaient bien maîtrisés présentement, puis que les gens arrêtaient de courir les urgences, puis de ne pas dormir la nuit, puis être capables de faire leurs activités normales, il y aurait sûrement une petite augmentation de la consommation des médicaments, même s'il y en a d'autres qui pourraient baisser. Comme on disait, les bronchodilatateurs pourraient diminuer, mais probablement qu'il y aurait une petite augmentation mais temporaire, puisque à ce moment-là, une fois que l'asthme serait bien maîtrisé, je suis persuadé qu'avec le temps on aura une réduction justement du besoin ou certainement une réduction importante des autres coûts associés aux services de santé.

Et ça, je pense que le problème majeur... Quand vous regardez les coûts associés à l'asthme, les médicaments ne sont pas en tête de liste, c'est les urgences, c'est les hospitalisations, c'est tous les frais associés à l'absentéisme au travail, à la mère dont son enfant est malade et qui ne peut pas aller au travail, etc. Il y a des problèmes humains énormes dont on ne parle pas assez souvent encore une fois. J'entendais les gens qui parlaient du cancer du sein, mais pour l'asthme, c'est absolument parfois épouvantable de voir son enfant étouffer ou d'étouffer soi-même. Je pense que ce n'est pas terrible comme expérience.

Alors, je pense que tout ça on veut le prévenir. Et, si c'est au coût d'une transitoire augmentation de consommation de certains médicaments, dont j'ai de la misère à chiffrer le chiffre, mais certainement qu'il ne serait pas énorme, je suis persuadé qu'avec le temps on arriverait à éteindre le feu inflammatoire justement, avoir de moins en moins besoin de médicaments, comme ça a déjà été démontré, et à ce moment-là on pourrait également sauver des sous au niveau de l'utilisation des médicaments autant que les autres aspects.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Pour satisfaire par contre le genre de prémisse que le Dr Boulet a établie, il faut qu'on ait une vision globale du système de santé et non pas regarder seulement dans chacun des silos. Si on veut qu'un investissement, par exemple, dans des nouvelles technologies nous rapporte au niveau du nombre d'hospitalisations ou d'admissions à l'urgence, bien il faut vraiment mesurer le tout et non pas seulement un des éléments. Et en fait les projets de gestion thérapeutique offrent cette base de prise de décision pour non seulement les professionnels de la santé et les patients, mais aussi pour le gouvernement, laquelle base de décision – j'aimerais noter – n'existe pas maintenant.

Et c'est pour ça que plusieurs des décisions sont prises un peu sur une référence d'opinion ou sur un objectif autre que nécessairement l'ensemble de la gestion de la santé mais plutôt peut-être de sauver quelques millions de dollars à un certain endroit, qui, quelquefois, peut avoir un effet incroyable ailleurs dans le système. Et c'est pour ça qu'on suggère une revue de l'ensemble du système de santé et non pas seulement de l'aspect médicaments.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Vous mentionnez, à la page 28, évidemment que vous avez reçu l'endossement de tous les milieux concernés à l'exception du ministère de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que c'est encore le cas ou c'est parce qu'il n'y a pas eu de demande de faite auprès du ministère?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Oui. Je veux vous dire qu'on est en train de soumettre notre projet pour justement évaluation et surtout pour amener le ministère en tant que partenaire dans ce projet. Et c'est un processus qui suit son cours normal.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Je suis très content de vous retrouver parmi nous, M. Marcheterre. Ça va me permettre de poser une question qui est demeurée sans réponse lors de votre dernière visite.

Vous n'êtes pas sans savoir que la question des politiques de marketing des compagnies pharmaceutiques a fait l'objet de plusieurs observations et interrogations des groupes qui sont venus présenter devant nous. J'écoutais hier soir, par hasard, PBS. Il y avait le sénateur républicain James Jeffords, du Vermont, qui s'interrogeait sur la pratique des compagnies pharmaceutiques, les politiques de marketing.

Lors de votre présentation au nom des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, la ministre vous a posé une série de questions, questions un peu omnibus, pour lesquelles vous avez répondu à beaucoup d'éléments, mais, faute de temps, vous n'avez pas pu répondre à l'élément qui m'intéresse.

Pouvez-vous me dire de façon plus... en tout cas la plus précise possible quel est le pourcentage ou le chiffre que Merck Frosst investit dans les politiques de marketing comparé à votre chiffre d'affaires global? Est-ce que c'est une part importante, est-ce que ça représente x nombre de pourcentage, et, si possible, la valeur dollar de ces politiques-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Je peux vous dire que les chiffres précis de nos investissements en termes de différents éléments de dépenses sont des chiffres qui ne sont pas disponibles. Mais je peux vous dire par contre que la principale source de nos coûts est souvent pour faire la promotion de nos produits auprès de, ici, au Canada, quelque 50 000 médecins et plusieurs milliers d'hôpitaux, plusieurs milliers de pharmaciens, si bien que nous procédons par soit des visites de nos visiteurs médicaux aux professionnels de la santé ou aux institutions de même que par des envois postaux de la publication de littérature et aussi par l'organisation d'activités soit de promotion ou d'éducation continue, dépendamment du type d'activités qu'on organise. Donc, il y a une grande partie de l'argent qu'on dépense qui va à ces activités.

Je dois vous dire que le jour où on a un nouveau médicament qui est approuvé par Santé Canada, surtout s'il s'agit d'un médicament qui crée une nouvelle classe thérapeutique, la grande majorité des intervenants ne seront pas au courant de cette disponibilité-là à moins que nous fassions les démarches pour expliquer la disponibilité de ce médicament.

On se régit nous-mêmes de façon très sérieuse au niveau de nos pratiques commerciales parce que justement étant donné l'observation, les caméras qui sont sur nous toujours au niveau de nos pratiques commerciales, on se doit souvent d'être, comme je pourrais dire, plus catholique que le pape. Je ne peux pas vous dire que 100 % de nos gens à tous moments suivent toutes les pratiques idéales, mais je peux vous dire qu'une grande majorité des gens le font sur une base régulière.

(18 h 10)

On s'est doté, comme association, en 1988 d'un code de pratique de commercialisation auquel doivent adhérer tous les membres de l'Association des compagnies pharmaceutiques canadiennes. C'est un code qui énonce les bonnes pratiques et c'est un code aussi qui permet, lorsqu'un compétiteur voit qu'une autre compagnie ne suit pas le code, de faire une plainte, et on a un comité qui révise cette plainte-là. Et, lorsqu'on trouve qu'une compagnie est en infraction, on va avoir un système d'amendes qui peuvent aller de 1 000 $ et même jusqu'à 15 000 $ pour les gens qui sont pris à faire une pratique qui est inacceptable. Et, s'il y a trop de récidives, on peut même complètement envoyer de notre association la compagnie qui serait en cause.

Lors de notre dernière comparution, vous aviez demandé au Dr Lamontagne, qui présentait avant nous, la même question, et le Dr Lamontagne vous a dit qu'on devait se rencontrer. Ce qu'on a fait depuis. Et puis évidemment le but est de s'assurer que nous n'ayons pas, nous, dans l'Association de gens qui vont dévier et faire des choses, ou demander, ou offrir des choses à des médecins. Et on veut être sûr aussi, d'un point de vue de l'Association des médecins, qu'il n'y ait pas de médecins qui demandent à des représentants des choses qui seraient inacceptables et qui mettraient une pression indue sur ces représentants-là. Donc, on va établir ce dialogue-là de façon continue avec la corporation pour s'assurer justement que tout le monde ait des pratiques commerciales qui soient acceptables.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Merci infiniment pour votre contribution, messieurs, et j'ajourne sine die les travaux de la commission.

(Fin de la séance à 18 h 12)


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