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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 2 octobre 2002 - Vol. 37 N° 75

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Organisation des travaux

Auditions (suite)

Intervenants

 
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Denise Carrier-Perreault, vice-présidente
Mme Linda Goupil
Mme Nicole Léger
M. David Payne
M. Christos Sirros
Mme Jocelyne Caron
Mme Françoise Gauthier
Mme Manon Blanchet
M. Rémy Désilets
* Mme Vivian Barbot, CIAFT et FFQ
* Mme France Tardif, idem
* M. Jean Robitaille, Chantier de l'économie sociale
* Mme Céline Charpentier, idem
* M. Patrick Duguay, idem
* M. André Chagnon, Fondation Lucie et André Chagnon
* Mme Louise Perras, idem
* M. Henri Massé, FTQ
* Mme Monique Audet, idem
* M. Marc Bellemare, idem
* M. Émile Vallée, idem
* M. Jérôme Turcq, idem
* Mme Sylvie Tardif, COMSEP
* Mme Marie-Josée Tardif, idem
* Mme Raymonde Cochrane, idem
* M. Myroslaw Smereka, AQDR et section de l'AQDR de la MRC de L'Assomption
* M. Michel Haguette, idem
* Mme Hélène Potvin, CIRCPEQ
* Mme Claudette Pitre-Robin, idem
* M. Charles Fillion, Collectif des entreprises d'insertion du Québec
* M. Richard Foy, idem
* Mme Linda Maziade, RQCC
* Mme Hélène Rhéaume, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue, à tous les membres, le personnel et tous les gens qui viennent nous visiter aujourd'hui. La commission des affaires sociales est réunie, comme vous le savez, afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) par Mme Gauthier (Jonquière); M. Labbé (Masson) par Mme Caron (Terrebonne); et Mme Rochefort (Mercier) par M. Williams (Nelligan). Voilà.

Organisation des travaux

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Oui, M. le député de Vachon, vous avez une question de...

M. Payne: Oui, brièvement, Mme la Présidente, l'impression est donnée, en lisant les journaux ce matin, que l'ADQ doit avoir notre consentement, comme parlementaires membres de la commission, pour participer à cette très importante commission et que, deuxièmement, dépendant quel porte-parole de l'ADQ on entend dans les journaux, qu'ils ne reçoivent pas les convocations du secrétariat pour la commission ou que, en troisième explication, la présidente de l'Assemblée nationale n'a pas annoncé les modifications à la liste des membres des commissions.

Je pense que ce serait pertinent si pouviez enlever cette ambiguïté, cette mauvaise compréhension, parce que c'est notre compréhension, de notre côté ministériel, que tout membre de l'Assemblée nationale, toute formation politique est vraiment la bienvenue, surtout au sein de cette commission qui relève d'une très grande importance pour la société québécoise. Et, nous, du côté ministériel, on est tout à fait d'accord d'accueillir tout membre de l'ADQ au sein de notre commission.

Deuxièmement, nous avons tous remarqué la présence des mémoires des deux principaux partis politiques au sein de la commission. Ils ont soumis les mémoires, ils pourraient en profiter d'apporter les mémoires et même accueillir les mémoires au sein de la commission pour les faire entendre. Pouvez-vous nous éclaircir, s'il vous plaît, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Vachon, je dois vous dire que, au départ, le seul membre du parti adéquiste, actuellement, d'une commission est le chef, M. Mario Dumont, qui est membre de la commission des institutions. Alors donc, ici, en vertu de l'article 132, «le député qui est membre d'une commission peut participer aux délibérations d'une autre commission, avec la permission de cette dernière ? alors, j'ai compris que vous seriez prêt à donner ce consentement ? mais ne peut y voter ni y présenter de motion». Alors, comme il s'agit d'audiences, il s'agit d'écouter, d'entendre.

Cependant, quant aux autres membres... Parce qu'on comprendra que l'Assemblée nationale n'a pas siégé, là, officiellement pour nommer quelque membre que ce soit, mais, quant aux autres membres du parti adéquiste, à ce moment-là, ils peuvent venir comme tout autre membre de l'Assemblée nationale. Même si vous ne faites pas partie d'une commission ou même si vous faites partie d'une autre commission, vous pouvez venir vous asseoir, entendre les gens, vous pouvez les questionner également, mais vous ne pouvez pas voter. Alors, comme vous le savez, on ne vote pas ici, là, pour entendre les gens.

Maintenant, en ce qui concerne le temps de parole, eh bien vous comprendrez que si, par exemple, d'autres représentants de d'autres formations politiques au niveau de l'opposition étaient venus s'asseoir lors des remarques préliminaires, alors je consens à ce moment-là en vertu de l'article 169... Le partage du temps, le côté ministériel conserve son temps, et je partage après ça le temps avec l'opposition. Et, la même chose cependant lorsque, par exemple, les gens veulent questionner, le temps de l'opposition est partagé avec tous les autres membres, quel que soit le parti.

Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question. Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

n (9 h 40) n

M. Sirros: Juste pour qu'on comprenne bien, parce que vous avez dit tantôt qu'on est ici pour étudier cette loi-là, puis c'est effectivement un enjeu très important, puis je lis des journaux, puis il y a un député élu qui aurait pu effectivement venir s'exprimer ici sans qu'on ait à donner notre permission. Si c'est le cas pour donner la permission, soit dit en passant, pour le chef, par exemple, de l'ADQ, M. Dumont, on n'aurait pas de problème non plus qu'il vienne nous expliquer exactement comment ça va fonctionner.

Mais je dois vous dire que je trouve ça un peu dévalorisant pour le travail qu'on fait ici puis le temps que les groupes viennent pour nous présenter leur mémoire de se faire dire que, pendant que les gens étaient en commission parlementaire, quelqu'un d'autre travaillait réellement pour réduire la pauvreté. Ça, je veux le dire tout simplement parce que je trouve que c'est une attitude qui dédaigne l'institution, qui dédaigne le travail qu'on fait ici et qui dédaigne l'intérêt qu'on a tous autour de cette table d'utiliser le poste privilégié que nous avons comme députés afin d'agir sur un ensemble de choses, et de se faire dire que, pendant qu'eux autres discutent, moi, je travaille dans mon comté, la prochaine fois qu'on va se voir, on va se parler dans les yeux, Mme la Présidente. Je vous l'annonce tout de suite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est votre droit, M. le député de Laurier-Dorion, mais, comme je vous le rappelle encore une fois, tous les membres de l'opposition, y compris les chefs d'opposition, peuvent venir s'asseoir et questionner les gens. Oui, M. le député de Vachon.

M. Payne: Alors, sans vouloir... Je vous remercie pour l'explication, et puis le député de Laurier-Dorion a parfaitement raison. Et, sans vouloir formaliser, je voudrais proposer que la commission accueille les membres de l'ADQ à plein titre au sein de notre commission et que nos leaders respectifs des partis politiques s'entendent sur les modalités. J'en fais motion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Écoutez, bon, je pense bien qu'on ne peut pas, là, leur donner le droit de vote à moins qu'ils viennent ici puis qu'ils le demandent, mais, cependant, vous comprenez qu'ils sont tous accueillis, comme je le disais, en vertu de 132, ils peuvent participer pleinement. Alors, toute personne, tout membre de l'Assemblée nationale qui a un intérêt pour le sujet peut venir s'asseoir et vraiment questionner les gens, les entendre surtout. Je pense que... Vous savez, on a reçu au-delà de 150 mémoires, alors... Et je pense que c'est important. C'est parce que c'est un sujet qui est important. Alors, tous les membres de l'Assemblée nationale... Et, je les invite d'ailleurs, j'invite tous les membres de l'Assemblée nationale à venir s'asseoir, et particulièrement, naturellement, toutes les formations politiques pour qu'ils puissent avoir une idée éclairée sur le sujet. Vous comprenez qu'à 150 mémoires les gens ne reviendront pas une deuxième fois ou une troisième fois. Je pense que c'est une chance inouïe que nous avons pour discuter de la pauvreté puis essayer de trouver des solutions avec ces personnes qui viennent ici.

Alors, si vous avez des membres de l'Assemblée nationale qui refusent ou qui trouvent que le sujet n'est pas suffisamment important, il appartiendra à la population d'en juger, mais, quant à moi, vous comprendrez que j'accepte et j'accueille tous les membres qui sont prêts à venir à cette commission.

Alors, je ne sais pas si vous... Oui, parce que... Oui, M. le député...

M. Sirros: ...Mme la Présidente, soit dit en passant, que la députée en question a été effectivement formellement avisée de l'existence et de la tenue de ces audiences de la commission parce qu'elle est sur la liste d'envoi de ceux qui reçoivent l'information. Je veux que ça soit clair aussi, parce que j'ai lu quelque part, semble-t-il, qu'on n'était pas avisé, ce qui est faux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais, vous savez, M. le député de Laurier-Dorion, au-delà des avis formels qui sont envoyés aux membres de la commission, vous comprendrez que c'est une commission qui est quand même... bon, qui est connue, surtout pour les membres de l'Assemblée nationale. On a cette chance. Je pense que quelqu'un qui... un membre de l'Assemblée nationale qui n'est pas au fait qu'une commission siège sur quelque sujet que ce soit, ce serait déplorable, parce que finalement c'est notre premier devoir. Notre premier devoir comme membres, c'est à l'Assemblée nationale. Alors donc, quels que soient les avis, je pense qu'on est tous censés savoir qu'il y a des commissions qui siègent.

Alors, si vous n'avez pas d'autres commentaires... Oui.

M. Payne: Le deuxième volet de ça, c'était très simple ? puis on peut conclure avec cela ? c'est qu'on demanderait le consentement de l'opposition qu'on puisse recevoir leur mémoire si c'est déposé dans les prochains quelques jours puis le faire entendre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je comprends que nous n'avons pas reçu de mémoire cependant, M. le député de Vachon.

M. Payne: C'est qu'on est prêt à accueillir s'ils sont prêts à nous envoyer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors donc, comme vous savez, oui, comme tout organisme, toute personne qui souhaite se faire entendre, à ce moment-là, peut déposer un mémoire. Alors, je comprends que vous souhaitez que l'ADQ dépose un mémoire sur la pauvreté étant donné qu'il n'y a personne, il n'y a pas de présence. Mais, vous comprenez, je ne contrôle pas cette... Je ne peux contrôler, par contre, et je ne peux exiger de qui que ce soit de déposer un mémoire.

Alors, si vous le voulez, je pense que c'est bien compris. À ce moment-ci, nous allons poursuivre, on a déjà un retard. Alors, je vous fais tout simplement, ce matin, l'ordre du jour avant d'accueillir notre premier groupe. Je vous rappelle que nous allons accueillir le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT, et la Fédération des femmes du Québec, la FFQ; à 10 h 15, le Chantier de l'économie sociale; 11 heures, la Fondation Lucie et André Chagnon; 11 h 45, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Nous allons suspendre à 12 h 30, pour reprendre à 14 heures avec le Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire; 14 h 45, Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et section de l'AQDR de la MRC de l'Assomption; 15 h 30, Concertation inter-régionale des centres de la petite enfance du Québec; 16 h 15, Collectif des entreprises d'insertion du Québec; 17 heures, Réseau québécois du crédit communautaire, pour ajourner à 17 h 45.

Alors, sans plus tarder, j'accueille avec beaucoup de plaisir Mme Vivian Barbot, qui est présidente de la FFQ, de même que Mme France Tardif, qui est agente de liaison du CIAFT. Alors, je cède la parole à Mme Barbot. Alors, Mme Barbot à vous la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Auditions (suite)

Conseil d'intervention pour l'accès
des femmes au travail inc. (CIAFT) et
Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Barbot (Vivian): Merci. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes les ministres, MM. et Mmes les députés. Nous vous remercions d'avoir bien voulu nous recevoir aujourd'hui. Nous allons rapidement faire une brève présentation de nos deux organismes et, ensuite, nous vous ferons part de notre position générale en ce qui concerne le projet de loi, pour terminer par nos recommandations.

Donc, depuis sa fondation, le CIAFT revendique l'accès des femmes au travail, l'amélioration de leurs conditions économiques en général, socioéconomiques en général et l'amélioration de leurs conditions comme travailleuses. De son côté, la FFQ réclame depuis plus de cinq ans que le gouvernement québécois prenne des mesures de fond afin d'éliminer la pauvreté au Québec, pauvreté qui touche majoritairement les femmes. À ce titre, elle a activement participé aux travaux du Collectif et se réjouit que la revendication de légiférer en la matière ait été entendue des pouvoirs publics.

Selon le CIAFT et la FFQ, le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale va dans le bon sens dans la mesure où il traduit la volonté du gouvernement québécois de traiter la pauvreté selon une vision globale qui impose une action à caractère permanent pour lutter contre la pauvreté. Le dépôt du projet de loi et la tenue de la présente commission témoignent, selon nous, d'une réelle interaction entre la volonté populaire maintes fois réitérée au cours de la démarche du Collectif et au cours de la tournée menée par la ministre Nicole Léger, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion et, si je me souviens bien, accompagnée de Mme Caron et le souci gouvernemental d'en prendre acte et d'y donner suite. Il s'agit là d'une action démocratique dans le vrai sens du terme, et nous nous en voudrions de ne pas souligner comme il se doit cette initiative qui couronne l'action citoyenne de milliers de Québécoises et de Québécois.

D'entrée de jeu, nous voulons indiquer que nous souscrivons entièrement aux différentes recommandations dont le Collectif a fait part dans le mémoire qu'il a déposé devant vous. Cependant, nous voulons vous faire partager notre analyse et notre propre réflexion et formuler quelques propositions.

Il nous apparaît, tout d'abord, que les préambules du projet de loi ne permettent pas d'ouvrir un véritable débat politique sur les causes structurelles de la pauvreté ni sur les moyens pour les éliminer. Le projet manque également, selon nous, d'objectifs clairs visant à réduire la pauvreté. D'ailleurs, le titre lui-même, qui dit qu'il vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et non pas projet de loi visant à éradiquer ou à éliminer totalement la pauvreté, est, à cet égard, fort éloquent.

Nous regrettons également que la consultation sur le projet de loi n° 112 intervienne avant que ne soit rendue publique la réforme sur la Loi des normes du travail. Vous comprendrez que notre analyse aurait été différente, tout dépend des dispositions de cette réforme-là.

Mme Tardif (France): Je vais enchaîner pour la suite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tardif.

Mme Tardif (France): Oui. Alors, nous aurions également aimé que le plan d'action gouvernemental qui est relié au projet de loi n° 112 soit déposé en même temps que le projet de loi pour qu'on puisse évaluer la cohérence et la direction prise sur le terrain entre les deux instruments d'intervention.

n (9 h 50) n

Nous regrettons aussi que la prise en compte de l'incidence beaucoup plus importante de la pauvreté chez les femmes ne soit pas si claire dans l'énoncé de politique et dans le projet de loi. Je vous donne seulement quelques chiffres, là, pour vous rappeler la différence entre les hommes et les femmes au niveau d'accès au revenu, et tout ça. En 1998 encore, la proportion du salaire hebdomadaire moyen des femmes par rapport à celui des hommes était de 71 %, 71,5 %. En 1998 aussi, les deux tiers des emplois à temps partiel sont occupés par les femmes. Alors, on voit déjà que ça, ça met une différence importante, et on aurait aimé que ce soit plus visible dans l'ensemble du projet de loi. Pourtant, on a plusieurs... Le gouvernement dispose de plusieurs moyens susceptibles d'agir en faveur des femmes s'ils étaient pleinement appliqués. Je vous rappelle seulement la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur l'équité salariale. Et, de plus, si la loi n° 90, la loi qui favorise le développement de la formation de la main-d'oeuvre, était révisée dans le sens que toutes les entreprises soient assujetties d'une façon ou d'une autre, les très petites entreprises où il y a une majorité de femmes ou de non-syndiqués pourraient avoir plus accès à la formation pour améliorer leur accès à l'emploi.

On est inquiètes aussi de l'approche discriminatoire qu'on décèle dans le projet de loi. Pourtant, la pauvreté découle de facteurs économiques et sociaux qui dépassent de beaucoup les caractéristiques individuelles. Donc, en ce sens-là, on aimerait qu'il y ait une approche un peu plus égalitaire.

Et on demande aussi la gratuité des médicaments pour les personnes recevant le supplément de revenu garanti en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Mme Barbot (Vivian): Alors, plus spécifiquement, nous souhaiterions... Nous voulons insister sur le fait que la pauvreté peut être éradiquée. Par conséquent, nous demandons qu'il soit ajouté un considérant dans le préambule:

«Considérant que la pauvreté n'est pas une fatalité et qu'elle peut être éradiquée par des mesures réformant en profondeur les codes et lois actuels, notamment sur les normes du travail, la fiscalité, l'équité salariale.»

Plus loin, nous voulons réclamer une formulation plus claire de l'objectif de la loi. Nous tenons à rappeler que la pauvreté ne s'évalue pas non plus qu'en termes économiques. Et nous faisons quelques propositions sur la clarification des termes et nous voudrions, en particulier, qu'il y ait... en regard de la réduction des inégalités, qu'on parle de réduire toutes les inégalités afin de rehausser le revenu des personnes les plus pauvres et réduire particulièrement leurs écarts de revenus par rapport au cinquième de la population la plus riche.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tardif. Alors, je comprends que vous alternez, là.

Mme Barbot (Vivian): Oui. Nous ne l'avions pas précisé, excusez-moi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): D'accord. Parfait, allez.

Mme Tardif (France): Alors, comme on se base sur tous les instruments de droits, droit au travail, qui sont autant... qui valent autant pour les hommes et pour les femmes, on demande que des mesures plus spécifiques par rapport au droit des femmes au travail, particulièrement aux femmes défavorisées, puissent être incluses dans le projet de loi, par exemple un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle, de mesures d'orientation, d'accueil des personnes peu scolarisées et exclues et de mesures facilitant l'accès marché au travail des femmes responsables des familles monoparentales.

On veut aussi qu'il y ait des mesures de conciliation plus précises et de façon... ne pas laisser libre choix aux employeurs nécessairement par rapport à toutes ces mesures-là. Et on voudrait aussi que le travail des femmes auprès des enfants soit reconnu d'une façon, par exemple, qu'on pourrait financer, au nom du parent ayant la charge principale des enfants, 50 % de la contribution maximale du RRQ pendant les cinq premières années de vie de l'enfant. Ça permettrait aux femmes qui restent à la maison pour élever les enfants d'avoir un meilleur de RRQ par la suite.

On veut souligner aussi que les entreprises doivent participer à l'amélioration de la qualité des emplois et des conditions de travail. Et ça, par ça, on veut dire l'amélioration du revenu d'emploi évidemment permettant aux travailleurs et travailleuses de sortir de la pauvreté. Il y a beaucoup de gens qui travaillent au Québec et qui sont encore au niveau du seuil de pauvreté, et on aimerait que les entreprises collaborent plus à la protection des emplois à l'égard des risques d'abus, de discrimination, de congédiement arbitraire, de recours injustifié à l'emploi précaire et qu'il y ait des mesures législatives et incitatives permettant de mieux concilier la vie personnelle, familiale et le travail.

Donc, toujours dans le sens de l'engagement de l'ensemble de la société, nous aimerions une imposition fiscale progressive des entreprises et des individus en tenant compte des principes de justice, d'équité et de redistribution de la richesse.

M. Barbot (Vivian): Alors, pour nous, il y a des façons de remplir les engagements. Une façon de remplir ces engagements pour l'État est d'assurer à toute personne vivant au Québec un minimum de ressources lui permettant de vivre dignement. À cet égard, nous réclamons un barème plancher à l'aide sociale en dessous duquel aucune ponction, coupure, saisie ou pénalité ne puisse être faite. Le montant du plancher doit être établi de façon à couvrir les besoins essentiels. Nous entendons par là: logement, chauffage, électricité, nourriture, médicaments et habillement. Et nous voulons aussi préciser que le niveau de revenu doit permettre de satisfaire les besoins essentiels, d'accéder à l'alphabétisation, à la formation de base et à la formation qualifiante.

Nous pensons aussi qu'il faudrait augmenter le salaire minimum pour permettre à une personne travaillant 40 heures par semaine d'avoir un salaire annuel se situant au-dessus du seuil de pauvreté pour une personne seule. Et nous voulons rappeler que, selon les calculs des associations de défense des travailleuses et travailleurs, le seuil de pauvreté en salaire horaire était de 9,04 $ en 2001 et il est estimé, en 2002, à 9,27 $.

Enfin, il y a aussi des inégalités qui subsistent dans l'attribution des allocations familiales, et, par conséquent, nous demandons la mise en place d'un régime universel d'allocations familiales et une allocation supplémentaire pour les familles pauvres en fonction des besoins réels des enfants.

Mme Tardif (France): Comme mesures d'urgence aussi à adopter, nous recommandons la gratuité des médicaments pour les personnes les plus pauvres et le maintien de services de santé publics efficaces évidemment, mais aussi accessibles et gratuits pour tous et toutes. Cette exigence est valable aussi pour les services sociaux et les services d'éducation.

Au niveau de l'application, au niveau de l'accès réel des femmes à l'emploi, on aimerait qu'il y ait des moyens concrets pour favoriser cet accès-là aux femmes des communautés ethniques et culturelles, aux femmes des communautés visibles, aux femmes autochtones et aux femmes handicapées. Par rapport au marché du travail, ce n'est pas toujours évident.

Nous demandons aussi, pour soutenir les femmes dans leur recherche d'emploi et leur réorientation ou orientation sur le marché du travail, qu'il y ait un financement de fonctionnement suffisant pour les groupes de femmes, particulièrement pour ceux des communautés culturelles et des minorités visibles, pour favoriser la participation de ces femmes à la société québécoise.

Maintenant, si on revient à la participation de l'ensemble de la société à la lutte à la pauvreté, si on regarde au niveau des initiatives locales et régionales spécifiquement, on aimerait que les organismes locaux et régionaux appliquent l'analyse différenciée selon les sexes dans leur plan d'action et dans l'évaluation des projets qui leur sont soumis aussi pour financement. Dans les projets qui leur sont soumis, on aimerait que les partenaires ajoutent un critère, observent un nouveau critère, soit celui de la prévision différenciée de création d'emplois selon les hommes et les femmes.

On aimerait aussi que les entreprises, qu'il y ait des moyens pour les amener à s'acquitter de leurs responsabilités sociales. Les entreprises, par exemple, qui bénéficient de subventions doivent agir de manière à créer des emplois à temps plein durables et en être imputables face à la collectivité.

On demande aussi d'augmenter le pouvoir de contrôle et d'enquête de la Commission de l'équité salariale afin qu'elle puisse faire respecter le droit des femmes à accéder à l'équité salariale, ce qui n'est pas le cas actuellement, particulièrement dans les petites entreprises où les femmes ne sont pas syndiquées.

On aimerait aussi que la contribution des organismes d'action communautaire autonome soit améliorée par un financement de base durable et suffisant pour leur permettre d'intervenir adéquatement auprès des populations concernées.

M. Barbot (Vivian): En solidarité avec les femmes autochtones, nous demandons qu'elles soient représentées dans toute la discussion concernant la lutte contre la pauvreté afin que les difficultés spécifiques qu'elles rencontrent soient prises en compte par le gouvernement dans l'adaptation des mesures aux populations autochtones.

n(10 heures)n

Nous voulons aussi préciser que l'engagement social ne s'exprime pas seulement par le biais du travail, dans le cadre du travail, et il y a certains types de travail qui ne sont pas pris en compte. C'est le cas du travail domestique non rémunéré, de l'engagement social et bénévole des personnes et de toute autre forme de contribution au développement de la société. Ce que nous voulons souligner, c'est que l'abandon de plus en plus large des services de protection sociale assurés par les services publics a entraîné une charge plus lourde pour les aidantes et les aidants dits naturels ? nous insistons lourdement sur le mot «aidantes» ? donc, aidantes naturelles des personnes âgées, des malades, des jeunes enfants. Ces tâches, évidemment, sont en majorité accomplies par des femmes. Par conséquent, nous demandons l'inclusion dans la loi de la reconnaissance de toutes les formes de contribution à la société qui ne sont pas rémunérées financièrement, mais qui devraient être génératrices de revenus.

Et, en terminant, nous dirons que, plutôt que de prendre des mesures d'ajustement et d'introduire dans une loi des mesures visant à combattre les injustices que vivent de nombreuses personnes dans leur milieu de travail, nous estimons essentiel d'améliorer la qualité des emplois, des revenus et des conditions de travail. Selon nous, une société industrialisée avancée ne peut se comprendre sans une redistribution des richesses qui implique tous les acteurs de la société: entreprises, organismes publics, parapublics et communautaires. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Merci, Mmes Barbot et Tardif, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et...

Mme Goupil: Merci, madame...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...aux Aînés.

Mme Goupil: Oui, visage humain du Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Exactement.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames. Merci beaucoup de votre présence ce matin. Je voudrais d'abord en profiter pour remercier la Fédération des femmes pour leur contribution à ce projet de société, parce que, dans le cadre de la marche Du pain et des roses, quand on regarde la Marche mondiale des femmes également, il y avait deux dossiers qui étaient au coeur de cette marche-là, la violence, bien sûr, et la pauvreté. Alors, je pense que, ce matin, le fait que nous nous retrouvions en commission parlementaire pour un projet de loi qui met au coeur de notre action gouvernementale la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, il y a un coup de chapeau qu'il faut donner à toutes ces femmes qui, depuis de nombreuses années, ont marché et milité.

Alors, mesdames, je voudrais, avant de passer la parole à mes collègues, vous indiquer la raison pour laquelle le plan d'action n'a pas été déposé au préalable. Vous avez été à même de constater, lorsque nous avons déposé le projet de loi, qu'il y a eu beaucoup de... je dirais, beaucoup d'écrits, beaucoup de commentaires où les gens ont, pour la très grande majorité, indiqué qu'ils étaient en accord avec le fait que nous nous dotions d'un projet de loi pour lutter efficacement contre la pauvreté. Au même titre, on l'a fait pour l'équilibre des finances publiques.

Ce que les gens ont exprimé aussi, c'était une incompréhension de de qui parle-t-on quand on parle de la pauvreté, quelles sont les mesures qu'on veut mettre de l'avant. Vous parlez d'une intervention globale, et il est important de prendre acte au sein de cette commission, par le débat que cela va engendrer, pour nous permettre de clarifier certaines choses... Parce que c'est complexe, la pauvreté, et, lorsque l'on en parle, il faut s'assurer que nous avons le plus grand consensus social possible de la compréhension de ce qu'est cette pauvreté vécue aujourd'hui, en 2002, et de qui parle-t-on, à qui va s'adresser ce projet de loi, comment il est nécessaire que l'ensemble de la société y contribue, parce que ce n'est pas l'État à lui seul qui peut réussir. Alors, il a été convenu que nous allions d'abord faire le débat sur ce projet de loi, et, une fois que la loi sera adoptée par le Parlement, si elle est adoptée ? et nous le souhaitons ? il y a l'obligation de le déposer, le plan d'action, dans un délai, pardon, de 60 jours.

Alors, je tenais quand même à vous indiquer et aux membres de la commission la raison pour laquelle nous avons jugé plus sage de ne pas le déposer à ce stade-ci, considérant qu'il nous reste du travail à faire pour être capable d'aller chercher ce plus grand consensus possible. Alors, je vous remercie. Et, Mme la Présidente, je cède la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Mme Barbot, Mme Tardif. Évidemment, moi aussi, je veux reconnaître tout le travail qui a été fait par la Fédération des femmes du Québec au niveau de la lutte à la pauvreté, autant par la marche Du pain et des roses et la Marche mondiale des femmes, mais aussi reconnaître... Au niveau du CIAFT, je pense, vous êtes vraiment reconnus comme le principal défenseur des droits des femmes pour l'accès au travail et vous avez fait un travail extraordinaire dans l'élaboration de la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Je pense qu'il faut saluer ce travail-là qui a été fait dans toutes les régions du Québec. Et je comprends que vous veillez au niveau de l'implantation, et, effectivement, on aura un bilan à faire et regarder comment l'implantation se fait, comment on peut améliorer cette implantation-là.

Je vous remercie de reconnaître que la présente commission, finalement, témoigne d'une réelle interaction entre la volonté populaire qui a été maintes fois réitérée autant par le Collectif, par vous-même dans la tournée de ma collègue Mme Léger, la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion... Je pense que c'est important de le reconnaître, et ça nous permet de faire le débat.

Vous apportez, je pense, de nombreuses recommandations. Et, dans l'élaboration d'un plan d'action, évidemment, je pense que beaucoup de ces mesures-là devront être analysées. Vous avez souligné aussi à juste titre qu'il y a de nombreux projets sur la table qui vont venir toucher la réalité de vie des femmes: d'abord, un bilan sur la Loi pour l'équité salariale ? on devra faire un bilan, regarder les recommandations qu'on devra faire suite à l'évaluation qu'on en fera; toute la question de la réforme des normes du travail à laquelle vous avez participé, au bas de l'échelle aussi, là, participé énormément pour les normes du travail. Le projet de loi devrait être déposé cet automne. Donc, oui, il va y avoir des éléments dans cette réforme-là qui vont toucher directement toute la question de la réalité des femmes au travail.

L'analyse différenciée selon les sexes, évidemment, c'est extrêmement important si on veut pouvoir agir. Vous savez que nous avons actuellement au niveau du gouvernement sept projets-pilotes au niveau de sept ministères. Là aussi, il y aura une évaluation, en 2003, de ces projets-pilotes-là pour s'assurer qu'on puisse d'abord faire une excellente formation au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes, parce que c'est important de faire l'analyse et non d'avoir seulement des données ventilées, parce qu'on peut se nuire si on n'a pas l'analyse réelle. Alors, cet élément-là, il est important si on veut pouvoir agir au niveau de la lutte à la pauvreté.

Vous ? et là ma question va s'adresser là-dessus ? vous parlez aussi de toute la question de l'engagement social et bénévole, les aidantes. J'ajoute toujours «dites naturelles», parce que ce n'est pas si naturel que ça pour les femmes, je pense, d'être des aidantes, là. On nous attribue facilement que c'est naturel, hein, mais ce n'est pas si naturel. Vous demandez une reconnaissance, j'aimerais savoir à quel type de reconnaissance vous pensez pour les personnes aidantes dites naturelles, pour les personnes qui ont un engagement social bénévole. Jusqu'où cette reconnaissance-là doit aller? Comment ça pourrait se traduire concrètement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Barbot.

Mme Barbot (Vivian): Nous avons parlé par ailleurs d'une reconnaissance, par exemple, en ce qui concernait le régime de retraite, de 50 % du montant que gagnerait une personne qui s'occupe des enfants qui serait versé. Ce type de reconnaissance pourrait aussi être appliqué, là, quand il s'agit de garder... par exemple, de s'occuper de personnes âgées ou de personnes malades. C'est un exemple de ce que ça pourrait être. Ça pourrait aussi être dans l'allocation, je ne sais pas, voyons, de mesures... Par exemple, quand on dit que les gens doivent aller travailler absolument, bien quelqu'un qui travaille à la maison pour s'occuper d'autres personnes, c'est un travail en soi. Donc, elle ne peut pas par ailleurs être pénalisée d'allocations auxquelles elle aurait droit si elle travaillait, par exemple, ou encore évidemment que le montant qu'elle reçoive soit coupé parce qu'elle ne serait pas apte au travail à ce moment-là. Donc, c'est vraiment que ce soit adapté à... que cette reconnaissance-là soit reconnue dans les autres mesures incitatives à l'emploi, etc.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Terrebonne. Est-ce que Mme Tardif, vous voulez... Non. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui. Donc, vous, autant, dans le fond, si je comprends bien... Autant au niveau des personnes qui travaillent à la maison qu'au niveau des personnes qui sont des aidantes dites naturelles, on pourrait appliquer à peu près le même genre de mesures.

n(10 h 10)n

Mme Barbot (Vivian): Et, lorsqu'on parle de travail à la maison, on dit bien un travail social, qui est de s'occuper de gens et de s'occuper des services que l'État donnait avant et qu'il ne donne plus. C'est dans ce contexte-là que ça se situe, notre intervention.

Mme Caron: Merci. Ma deuxième question s'adresserait à Mme Tardif. Au niveau de l'implantation, parce que vous en avez parlé, vous nous dites, là, dans les recommandations: Une véritable implantation de la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Vous êtes sur le terrain. Selon vous, quels éléments on devrait mettre en place pour cette véritable implantation là? Elles sont où, les lacunes?

Mme Tardif (France): Bien, je dirais qu'actuellement c'est surtout qu'elle soit très bien connue au niveau régional et particulièrement, au niveau local, à l'intérieur des CLE mêmes. Il est supposé être créé une formation pour les agents de CLE, et ce n'est pas encore chose faite. C'est très difficile de s'entendre sur qu'est-ce qu'on doit leur donner et comment leur donner. Et aussi, par rapport à la consigne d'Emploi-Québec que les agents de CLE reçoivent par rapport à l'accès à l'emploi rapide, cette consigne-là, qui ne fait pas partie de la stratégie d'intervention pour la main-d'oeuvre féminine, qui est une consigne globale, c'est que ça empêche certaines femmes d'améliorer leur situation d'emploi.

Je vous donne seulement un exemple. Une femme qui a un emploi peu rémunéré ou qui a un taux de roulement fréquent, elle est congédiée parce qu'on manque de travail, congédiée aux six mois, par exemple, bon, si elle va dans un CLE et qu'elle veut changer... elle veut accéder à une formation pour changer de travail, s'il y a de l'emploi dans son secteur où elle travaille actuellement, elle ne peut pas accéder à la formation. Donc, ça maintient les femmes dans la pauvreté et dans la précarité d'emploi. Je vous donne seulement cet exemple-là. Peut-être que, si le Comité aviseur femmes en développement de la main-d'oeuvre est entendu à la commission, on pourra détailler plus ce genre d'exemples là, mais c'en est seulement un, là, pour dire...

Alors, l'agent qui est dans un CLE, il a les deux consignes. Il a la stratégie pour la main-d'oeuvre féminine et il a la consigne emploi rapide, et il se trouve pris à décider comment appliquer... Donc, les agents de CLE ont besoin de soutien pour mieux comprendre la situation des femmes, femmes monoparentales, etc., qui n'ont pas accès aux garderies pendant qu'elles vont en formation, bon, tout l'aspect conciliation travail-famille. Même avant de trouver un emploi qui est là quand même, s'il faut accéder à la formation... Donc, en gros, c'est ça.

Mme Caron: Merci beaucoup, Mme Tardif.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il reste une minute, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Une minute? Seulement pour vous remercier et vous... d'abord pour la qualité du mémoire, parce que vous avez énormément de recommandations, et c'est évident que nous allons examiner chacune de ces mesures-là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, j'aimerais accueillir les personnes qui sont devant nous, Mme Barbot et Mme Tardif, et vous remercier pour votre mémoire. Vous soulevez une couple de points qui rejoignent, d'une part, certaines discussions puis recommandations qu'on a faites ici, nous autres aussi, et que d'autres groupes ont soulevées.

J'aimerais peut-être profiter un peu du peu de temps que nous avons pour vous ramener sur une des recommandations que vous faites quand vous parlez des axes d'intervention que le projet de loi prévoit à l'article 6, le troisième, qui parle «de favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail». Et vous suggérez d'être un peu plus précis, qui va dans le sens qu'on préconise également. Et c'est intéressant, parce que vous dites, à la page 3 de votre résumé, d'ajouter, après l'article 6, alinéa 3°, la chose suivante: Assurer la mise en oeuvre d'«un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle comprenant, entre autres, des mesures d'orientation, de formation et d'intégration à l'emploi, des mesures visant l'accueil de personnes peu scolarisées ou exclues, des mesures facilitant l'accès au marché du travail des personnes responsables de familles monoparentales».

Ce que je comprends par ça, c'est que d'abord vous visez une clientèle particulière à partir des besoins individuels qu'ils ont et leur réalité à eux et vous voulez qu'on puisse tailler sur mesure des programmes qui vont faire en sorte que ces personnes-là puissent cheminer finalement de leur situation, qui leur empêche une participation pleine et entière au niveau de la vie en société, jusqu'à ce qu'elles puissent effectivement le faire. Donc, je comprends que votre lecture de la situation actuelle, c'est qu'il n'y a pas de tel programme véritablement. Il y a des programmes qui existent, des cours qui existent, des procédures administratives qui existent pour que les gens essaient de trouver une réponse à leur réalité, mais la conclusion à laquelle vous aussi, vous arrivez, c'est qu'il n'y a pas de véritable programme qui rencontre ces besoins-là. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu plus sur l'analyse que vous avez faite de ce qui est offert présentement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tardif.

Mme Tardif (France): Oui, merci. Bien, quand on dit véritable programme, oui, peut-être, les programmes actuels pourraient être améliorés, mais c'est aussi dans l'application. L'exemple que je viens de donner en réponse à Mme Caron par rapport à la stratégie d'intervention, ça rentre aussi là-dedans. Si Emploi-Québec, par exemple... Si on parle, là, d'accès au travail, l'intervention... Je cherche un mot, là, que je ne trouve pas, mais... C'est que... Excusez, là, j'ai perdu mon idée. Ah, oui, c'est ça, c'est qu'ils doivent donner... Les agents dans les CLE, par exemple, doivent appliquer la bonne mesure à la bonne personne au bon moment, hein? Et, en même temps, il y a l'accès à l'emploi rapide. Alors, quand on regarde la stratégie d'intervention pour la main-d'oeuvre féminine, c'en est une, mais il y en a une aussi qui vient d'être adoptée pour les travailleurs, travailleuses 45 ans et plus, il y en a une pour les personnes handicapées, les personnes immigrantes. Bon, l'agent de CLE, quand il se retrouve dans son bureau devant une personne soit d'une catégorie ou d'une autre, je crois qu'il manque d'information et de formation sur la situation particulière de ces personnes-là pour arriver à appliquer emploi rapide et, en même temps, la bonne mesure à la bonne personne.

Alors, quand on parle de véritable programme, là, c'est qu'il faudrait une cohésion entre tout ça et une possibilité d'appliquer ces programmes-là. Puis l'accès à la formation, là, c'est une autre chose, là. L'exemple que je donnais aussi tantôt parle par lui-même, je pense.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: ...pas lieu, aussi, de regarder la formation des agents aussi?

Mme Tardif (France): Oui.

M. Sirros: Dans le sens que, finalement, si on veut passer d'une approche qui est plus administrative dans le sens d'essayer de faire la jonction entre ce qui existe et la personne, bien ça prend aussi une capacité d'écoute et une intervention un peu plus style assistance sociale, ou travail social, ou... En tout cas, sans formaliser la question au niveau des corporations, etc., mais il me semble qu'il y a un volet de travail social qu'on doit quelque part introduire dans le système actuel plutôt que strictement un genre d'arrimage à faire entre offre et demande administrativement. Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là de...

Mme Tardif (France): Mais, c'est un peu ça que je veux dire, si on regarde... Souvent, dans les organismes de femmes qui sont spécialisés dans l'employabilité des femmes, les femmes qui vont là, souvent c'est parce que, au CLE, elles ont eu des problèmes ou parce qu'elles veulent une formation spécifique. Bon, alors... Puis, quand on a des exemples de ces cas-là, on voit qu'en général, quand un agent CLE reçoit un homme qui vient pour du travail et qui dit: Moi, j'ai des problèmes familiaux, en général, on va dire: Bon, bien, oui, il faut te trouver un travail rapidement, parce que, oui, il faut... Et, quand une femme arrive avec des problèmes familiaux, elle veut se trouver du travail, bien on lui dit: Bien, va régler tes problèmes et puis... Je caricature, là, j'en suis consciente, mais va régler tes problèmes, puis après tu trouveras du travail. Donc, déjà, on voit une différence entre les deux puis on voit qu'il y a une méconnaissance de la situation des femmes par rapport à l'accès au marché du travail. Donc, une approche un peu plus socialisante, oui, on pourrait l'appeler comme ça. Ça pourrait être plus détaillé éventuellement. Ou si la stratégie d'intervention était vraiment, je dirais, appliquée puis les agents CLE recevaient la formation dont ils ont besoin pour l'appliquer, je pense que déjà ça aiderait dans beaucoup de situations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: À un autre endroit, à la page 2, vous parlez d'inclure dans la loi la reconnaissance de toutes les formes de contribution à la société qui ne sont pas rémunérées financièrement, mais qui devraient être génératrices de revenus. Si je le lis, ce que je comprends, c'est qu'on va reconnaître dans la loi, selon vous, les choses qui devraient générer des revenus pour les personnes qui les font, ce qui m'amène à dire donc: Ça, ça doit être associé avec un transfert monétaire quelque part pour ces personnes-là. Vous conviendrez que c'est... Bon, si on parle ici, par exemple, de certaines... D'abord, peut-être vous demander: À quoi vous pensez? Et avez-vous regardé les implications quelque part au niveau de la capacité de l'État, finalement, d'assumer ce genre de droit qu'on mettrait dans la loi?

n(10 h 20)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Barbot.

Mme Barbot (Vivian): Je vous donnerai juste un exemple. Une femme qui suspend son travail pour s'occuper de son mari malade, par exemple, elle perd son revenu et elle remplit une tâche que l'État peut ou devrait fournir. Et, effectivement, si cette femme-là n'est pas disponible, l'État va envoyer quelqu'un pour faire ce travail-là. Mais, quand il s'agit de la femme ou de la mère, etc., qui le font, il n'y a aucune reconnaissance monétaire. Donc, c'est ce genre de choses là.

M. Sirros: Vous voulez dire en termes de soins particuliers...

Mme Barbot (Vivian): Oui, soins à la famille.

M. Sirros: ...ou soins affectifs?

Mme Barbot (Vivian): Non, non, soins à la famille, tout à fait.

M. Sirros: Soins à la famille au niveau de l'équivalent, par exemple, d'un auxiliaire familiale qui aurait été envoyé à la maison, ou une infirmière, ou quelque chose comme ça?

Mme Barbot (Vivian): Tout à fait. Exactement.

M. Sirros: Avez-vous d'autres exemples de cette nature-là qui, selon vous, devraient être inscrits dans la loi? Et là, si je comprends bien, vous pouvez faire face à cette demande plus alourdissante qu'on a mise sur les familles finalement durant les dernières années, surtout avec tout le transfert dans les soins à domicile où finalement les aidantes naturelles, on a fait beaucoup plus appel à eux autres que ce l'État assumait avant, avec la dégradation de notre système de santé, si je comprends bien.

Mme Barbot (Vivian): C'est évident que les soins à domicile sont souvent beaucoup plus intéressants pour les personnes qui les reçoivent, mais il faut admettre que par ailleurs ça crée un fardeau beaucoup plus grand sur les familles, en effet.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: Je pense que je vais laisser ma collègue qui avait une question ou deux sur le mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Jonquière, il vous reste deux minutes et demie.

Mme Gauthier: Est-ce que vous faites allusion aussi aux femmes qui choisiraient de demeurer à la maison pour éduquer leurs enfants?

Mme Barbot (Vivian): Nous parlons du service que les femmes rendent aux enfants. Évidemment, les femmes qui restent à la maison, nous avons maintenant des garderies à 5 $, donc, par rapport à ça, il faut jeter un nouveau regard sur cette dimension-là. Donc, oui, il y a un soin à donner aux enfants, mais l'État a quand même prévu des mécanismes. Les garderies ne sont pas suffisantes, il y a des problèmes. Cependant, nous avons là une mesure sociale qui vient directement pallier cette condition-là des femmes. Donc, nous parlons de quelque chose de différent, oui. On parle de malades, de personnes qui ne sont pas capables de fonctionner toutes seules. Et, où les mesures, disons, habituelles, de nous occuper de nos enfants ne sont pas prises en compte, ça, c'est autre chose, là. On parle vraiment de cas lourds et particuliers.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui. Mme Tardif, vous avez fait allusion à une réforme en profondeur de la Loi sur les normes du travail, et j'attire particulièrement votre attention sur la page 2 du résumé du mémoire où vous dites, vous faites surtout mention ou vous attirez surtout l'attention sur la nature de l'emploi et non pas au statut de salarié. J'aimerais ça si vous pouviez préciser votre pensée. Vous faites allusion...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tardif.

Mme Tardif (France): Bien, c'est par rapport au travail qu'on appelle atypique, là, travail à temps partiel ou irrégulier, occasionnel ou travail autonome quand on parle de statut d'emploi.

Mme Gauthier: En tout cas, je comprends la différence, là, mais je ne comprends mal pourquoi vous ne vous attardez pas davantage au statut de salarié qu'à la nature de l'emploi.

Mme Tardif (France): Bien, parce que la nature de l'emploi... L'ensemble du travail atypique est en hausse depuis plusieurs années au Québec, et, particulièrement, les femmes en font partie. Le tiers du travail à temps partiel est occupé par des femmes au Québec... Le deux tiers, je m'excuse, du travail à temps partiel, ce sont des emplois occupés par des femmes au Québec. Alors, ça a un impact sur... Quand je donnais tantôt l'exemple du salaire hebdomadaire moyen, s'il y a deux tiers des femmes qui travaillent à temps partiel, c'est sûr que leur salaire hebdomadaire va être moins grand que celui des hommes. Et, ce n'est pas par choix que les femmes travaillent à temps partiel, c'est parce qu'elles n'ont pas pu trouver du travail à temps plein. Le Comité aviseur femmes en développement de la main-d'oeuvre a fait une étude en l'an 2000 dont les chiffres démontrent amplement cette situation-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Trente secondes...

Mme Gauthier: ...parce qu'on se comprend mal. Vous dites: Une réforme en profondeur de la Loi sur les normes qui accorde les mêmes droits et conditions à toute personne salariée quel que soit son statut. Au moment où on se parle, la notion de salarié, ça comprend aussi les salariés à temps partiel, ils sont assujettis à la Loi sur les normes s'ils justifient de trois ans de service continu. Et, c'est là que j'ai de la misère à vous suivre, en quoi est-ce qu'une réforme en profondeur va améliorer les conditions d'emploi des femmes?

Mme Tardif (France): Bien, c'est pour que... Là, je continue sur les travailleuses atypiques, là, le statut d'emploi, c'est qu'elles soient considérées aussi comme des salariées. Je sais que, dans les normes du travail, il y a des différences, là, les employeurs... Je m'excuse, parce que ce dossier-là, je le connais moins en profondeur, mais les employeurs, des fois, ne donnent pas le même avantage à quelqu'un qui travaille à temps partiel qu'à quelqu'un qui travaille à temps plein. C'est à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je regrette, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition malheureusement. Alors, Mmes Barbot et Tardif, je vous remercie, au nom de tous les membres, d'avoir participé à cette commission.

J'inviterais maintenant les représentants et représentantes du Chantier de l'économie sociale à bien vouloir prendre place et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

 

(Reprise à 10 h 26)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, voulez-vous prendre place, s'il vous plaît?

Alors, nous accueillons maintenant les représentants et les représentantes de Chantier de l'économie sociale, Mme Nancy Neamtan, qui est présidente-directrice générale.

Une voix: Elle n'est pas là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Elle n'est pas là? Non, et je le regrette, oui. Alors, qui doit prendre la parole pour...

Chantier de l'économie sociale

M. Robitaille (Jean): Jean Robitaille, je suis responsable des communications au Chantier de l'économie sociale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, je vous cède la parole et j'apprécierais que vous puissiez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

M. Robitaille (Jean): Alors, bien, merci beaucoup de nous accueillir. Effectivement, je suis Jean Robitaille, responsable des communications au Chantier de l'économie sociale. Je suis accompagné de deux collègues qui sont membres du conseil d'administration du Chantier. Je vous les présente immédiatement: Mme Céline Charpentier, qui est directrice générale du Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire et membre du conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale à ce titre; et M. Patrick Duguay, qui est directeur général de la Coopérative de développement régional de l'Outaouais et également représentant au conseil d'administration du Comité régional d'économie sociale de l'Outaouais.

Je veux d'abord excuser notre présidente et directrice Nancy Neamtan qui aurait beaucoup souhaité être avec vous aujourd'hui. Malheureusement, son père est décédé hier. Alors, vous comprendrez que, dans les circonstances, elle est avec sa famille, mais elle aurait beaucoup souhaité être avec nous ici.

D'entrée de jeu, j'ai l'impression qu'on va d'abord vous faire rougir dans ce salon rouge, parce qu'on a d'abord de grandes félicitations à vous transmettre, à l'équipe ministérielle, l'équipe gouvernementale qui a travaillé, Mme Goupil, Mme Léger, l'ensemble de la députation. Je me permets aussi de... Vous l'avez mentionné, Mme Goupil, hier, mais de féliciter l'équipe au niveau du ministère qui a travaillé, l'équipe de sous-ministres, de professionnels qui ont travaillé sur ce dossier, qui ont travaillé sans filet, sans beaucoup de modèle. Il y en a un qui, je pense, a été bien lu, bien écouté, celui du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. On veut féliciter l'équipe pour le travail qui a été fait. Également l'équipe politique, je pense que les gens à votre cabinet aussi ont très bien travaillé et méritent des félicitations. Puis, dans cet éloge de félicitations, je veux aussi féliciter l'équipe de la députation libérale, en particulier M. Sirros, qui ont, au cours des dernières années, interpellé le gouvernement ? je parle de manière positive ? pour aller dans le sens des propositions du Collectif et des mobilisations citoyennes. Je pense que vous pouvez être fiers de ce que vous avez mis sur la table globalement comme parlementaires.

Sur ce, bien sûr, on va avoir aussi des choses pour bonifier, mais, quand même, vous pouvez rougir un petit peu.

Une voix: ...

M. Robitaille (Jean): Il y a des choses extrêmement importantes dans ce projet de loi. Notre présentation va se faire en trois temps, trois, quatre minutes chacun, relever certains éléments qui sont extrêmement importants dans la proposition gouvernementale. Bien, d'abord, l'idée même de la loi, on veut le souligner, elle permettra d'encadrer l'action gouvernementale et de définir une programmation au cours des prochaines années. On salue ça. Le texte du préambule, ce n'est pas... Permettez-moi l'expression, il y a beaucoup de stock, dans le texte du préambule, basé sur la Charte des droits. Il y a des choses extrêmement importantes à ce titre-là aussi. Ce préambule-là est fondamental et je pense qu'il servira à guider l'action de tous les gouvernements dans le futur.

n(10 h 30)n

La création d'un comité consultatif, d'un observatoire, c'est, à notre avis, des éléments importants, des pièces qui vont permettre la participation citoyenne à ces processus mais qui vont aussi assurer une autonomie de ces instances à l'égard du gouvernement pour être capables de conseiller le gouvernement avec toute la liberté qu'il faut.

Autre élément important qui, cependant, à ce titre, devrait être amélioré, croyons-nous: l'obligation d'examen de chaque loi et règlement en fonction de leur incidence sur la pauvreté. Vous avez dû noter que, dans l'énoncé de politique que vous avez soumis, cette obligation d'examen est assez significative dans sa formulation. Dans le projet de loi, à l'article 18, honnêtement, on est un peu déçu sur cet aspect. L'obligation d'examen a pas mal fondu dans son caractère mordant, et c'est là la cohérence de l'action gouvernementale. Je pense qu'effectivement il y a nécessité que les gouvernements soient tenus, dans l'ensemble de leurs gestes, de soumettre l'ensemble des règlements et décisions qui peuvent avoir une incidence sur la pauvreté à cet examen d'impact sur la situation des personnes en situation de pauvreté. Et on ose même vous dire qu'il nous semble que les traités internationaux... que la signature de traités internationaux, advenant le cas que le Québec puisse en faire un jour, que ces traités devraient être soumis à cette même obligation d'examen.

Finalement, quelques autres éléments. La question de l'obligation de rendre des comptes sur la stratégie cinq ans, 10 ans, obligation importante. Et tout particulièrement, il nous semble, à cet égard, qu'il va falloir fixer des objectifs qui vont permettre d'augmenter les revenus des personnes en situation de pauvreté, mais de toutes les personnes en situation de pauvreté au fil des ans.

L'établissement du revenu de solidarité, élément important. La permission de cumuler des actifs. Vous avez là amené... Il y a un changement de cap eu égard à la gestion du dossier de la pauvreté, qui est significatif ? ce n'est pas le seul que vous opérez ? mais c'est un changement de cap important. Je pense que cet après-midi les gens du Réseau du crédit communautaire vont pouvoir élaborer d'une manière significative là-dessus. Mais c'est un élément essentiel pour le développement des personnes et la possibilité qu'elles élaborent des projets pour se sortir de la pauvreté.

Révision systématique du niveau du salaire minimum. Le fait que l'Observatoire ait le mandat notamment d'examiner ces questions et de faire rapport à la ministre, c'est quelque chose d'extrêmement positif. Puis la question de la reconnaissance du logement social comme pièce maîtresse dans une stratégie de lutte. Et finalement, la création d'un fonds dédié à la lutte à la pauvreté et l'annonce qui a été faite par Mmes les ministres et le premier ministre, le 12 juin, d'un investissement supplémentaire de 1,5 milliard dans la lutte contre la pauvreté au cours des prochaines années. C'est une bonne nouvelle, l'idée d'un fonds. On va y revenir tantôt cependant. Il faudrait s'assurer que, honnêtement, le Fonds de lutte ne devienne pas ce qu'il est rendu actuellement, donc un instrument extrêmement normé, qui a perdu tout son caractère innovant. Mme Charpentier pourra en parler aussi, ayant siégé sur ce comité des débuts jusqu'à récemment.

Donc, ce qu'on pense, c'est que globalement il y a également un travail à faire pour faire reconnaître la valeur de la contribution à la société des personnes en situation de pauvreté. Il y a des débats à faire dans la société sur les différentes catégories de pauvres. On espère que les discussions, au cours de la commission, mais aussi tous les travaux, au cours des prochains mois, permettront de dissiper ces différentes caractéristiques.

Je passe maintenant la parole.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Charpentier.

Mme Charpentier (Céline): Merci. Moi, je vais y aller sur la partie II du mémoire qui est la contribution de l'économie sociale à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. L'économie sociale, ça reste parfois mystérieux. En fait, c'est un mouvement qui veut allier l'économique et le social. Il y a une partie du social, c'est effectivement l'insertion en emploi et, aussi, la capacité d'offrir des emplois.

Le premier point qu'on voulait soulever, c'est qu'on pense que la crédibilité d'une stratégie de lutte contre la pauvreté, ça dépend aussi de la capacité de s'inscrire dans une dynamique sociale et économique qui engage l'ensemble de la société et non seulement les entreprises d'économie sociale ou le mouvement communautaire, mais l'ensemble des entreprises, institutions et organismes dans notre société. L'interpellation faite à la responsabilité sociale des entreprises dans l'énoncé de politique serait probablement plus efficace, à notre avis, si elle était accompagnée de politiques qui la stimuleraient, comme il en existe ailleurs dans le monde, par exemple des politiques d'achats préférentiels envers les entreprises socialement responsables, des politiques pour contrer les licenciements massifs, des chartes sociales et des objectifs sociaux également pour les entreprises. La stratégie gouvernementale proposée est assez réservée sur cette question et on souhaiterait, de ce côté-là, qu'elle soit améliorée.

Comme on a peu de temps, je vais passer rapidement, mais on voulait souligner l'importance de l'inclusion par le local. On sait évidemment que ça prend des politiques globales et générales pour améliorer les choses, mais il y a beaucoup d'études, d'expertises qui nous démontrent également qu'il faut de la marge de manoeuvre. Tantôt, Jean parlait du Fonds de lutte contre la pauvreté. Ça peut être, ces fonds-là, des outils extrêmement importants pour des communautés, pour réussir justement à lier l'économique et le social et à créer des lieux d'appartenance et des lieux de développement et des communautés et de toutes les personnes qui y résident.

Développement social et développement économique: des stratégies à intégrer. On sait que, parfois, les choses sont en saucisson, parfois partagées. On développe des politiques économiques, d'un côté, et des politiques sociales, de l'autre, des politiques de l'emploi. Nous, on pense qu'il faut bien sûr une croissance économique mais pas à n'importe quel prix. Oui, il faut maintenir un système de protection sociale, mais il faut aussi s'attaquer à la résolution des problèmes et non pas seulement compenser les victimes. Pour ce faire, il faut agir d'une manière intégrée sur les enjeux économiques et sociaux. On pense qu'il faut pouvoir compter sur un État remodelé, certes, mais surtout renforcé, un État toujours capable de gouverner et d'agir comme partenaire. Il faut être capable d'articuler le développement d'une économie avec marché plutôt que d'une économie de marché seulement, et, à notre avis, le développement de l'économie sociale s'inscrit pleinement dans cette dynamique.

L'économie sociale, ça change quoi et ça a changé quoi depuis plusieurs années? On voulait quand même vous donner quelques exemples pour illustrer, certains biens connus comme les centres de la petite enfance qui, comme vous le savez, bien sûr, offrent des services aux parents et aux enfants, mais aussi offrent des emplois à 24 000 personnes au Québec; on peut penser aussi à des organismes peut-être un petit peu moins connus encore mais qui se préoccupent des technologies de l'information et des communications, de les rendre accessibles à tout le monde; les ressourceries sur le plan de la récupération et du recyclage; les camps familiaux; les entreprises d'économie sociale dans le champ culturel. On vient de passer, récemment, les Journées de la culture. Et je vous laisserai lire les autres, puisque j'ai peu de temps.

Au niveau de l'engagement, on est engagé, le Chantier de l'économie social, dans la lutte contre la pauvreté, mais on ne veut pas que ni nos projets, ni nos entreprises, ni notre mouvement soient une économie de pauvres. Les entreprises d'économie sociale contribuent à la lutte contre la pauvreté de plusieurs façons, et aussi à l'exclusion sociale, à la fois par les emplois qui sont créés, par les produits et les services d'utilité sociale qu'elles offrent, les réseaux et les communautés qu'elles mobilisent et la démocratisation de l'économie qu'elles amènent.

Cependant, comme je le disais tantôt, on ne veut pas être les seules entreprises à devoir s'y consacrer, à se cantonner à la lutte contre l'exclusion et la pauvreté à titre d'économie des pauvres et des exclus. Depuis sa création, le Chantier de l'économie sociale a toujours refusé que l'on limite l'économie sociale dans un seul corridor dédié essentiellement à l'insertion sociale et professionnelle des citoyens laissés pour compte par l'économie dominante. Cependant, nous le redisons, nous sommes fiers d'y contribuer. Encore faut-il que ceux et celles qui s'y consacrent en aient correctement les moyens et que l'ensemble des acteurs socioéconomiques y soient également associés. L'économie sociale ne se résume pas à cette fonction d'insertion. Cependant, 65 000 personnes travaillent actuellement au Québec dans les entreprises d'économie sociale. Elles y occupent des emplois durables et dont nous souhaitons toujours améliorer la qualité.

Le volet spécifique sur lequel on voulait vous amener, c'était la question des emplois de solidarité. On pense que, dans un entrepreneuriat collectif, on a d'abord à concilier la viabilité financière et les objectifs sociaux. On veut aussi intégrer en emploi les personnes plus démunies, et ça implique des coûts sociaux qu'assume l'entreprise. D'ailleurs, ça ne devrait pas, cette proposition d'emploi de solidarité qui est présente, je crois, dans la stratégie, s'appliquer qu'aux entreprises d'économie sociale, mais à toutes les entreprises du Québec et à tous les organismes qui voudraient faire ce type d'intervention.

n(10 h 40)n

L'accès à l'emploi, je n'apprendrai rien à personne ici, ne suit pas un parcours unique et ne se fait pas à une seule vitesse. Il y a plusieurs problématiques pour intégrer le marché du travail. Les gens qui sont faiblement scolarisés, qui ont peu d'expérience de travail et qui vivent dans la pauvreté sont lourdement désavantagés. Toutes les études de l'OCDE et les études partout dans le monde le démontrent. Pour certaines personnes, un stage d'insertion, un retour aux études, une mise à niveau va suffire pour s'intégrer en emploi, mais, pour de nombreuses autres personnes ? et on n'a qu'à regarder les chiffres de la sécurité du revenu au Québec où un grand pourcentage de personnes y sont depuis plus de deux ans ? on reconnaît aujourd'hui que ces problématiques constituent un handicap social pour s'intégrer au marché du travail et que l'intégration durable en emploi ne sera possible qu'à la condition d'être supportée par des mesures financières qui permettront de compenser un niveau de productivité qui est, pour une période limitée ou indéfinie, inférieur à la norme dans le milieu de travail.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Madame, il vous reste une minute et demie.

Mme Charpentier (Céline): Alors, je crois qu'il va pouvoir y revenir dans les recommandations.

M. Duguay (Patrick): Alors, pour terminer, simplement pour vous rappeler que le Chantier de l'économie sociale parle comme un réseau, un carrefour de différentes entreprises, alors des entreprises qui produisent des choses, qui produisent des biens, qui produisent des services et qui vont parler aussi au niveau de regroupements nationaux et régionaux, dont les coopératives et différentes entreprises à but non lucratif.

Alors, dans les recommandations qu'on souhaite vraiment porter à votre attention et souligner, il y a principalement, on dirait, l'allégement ou l'assouplissement de l'obligation d'examen qui, pour nous, est essentiel. C'est dans cette disposition, l'article 18, que la loi trouve ses dents alors qu'elle permet d'avoir un impact structurant et d'inclure aussi la question des traités internationaux, et non seulement la signature des traités, mais aussi les positions défendues par le gouvernement du Québec lorsqu'on appuie ces traités-là comme on le fait actuellement avec la ZLEA. Alors, il y a des implications pour les personnes en situation plus difficile de précarité économique, et on pense que c'est important.

Deuxièmement, il y a la question aussi de ne pas créer avec ces lois-là, qui vont permettre de renforcer nos stratégies de lutte contre la pauvreté... de renforcer l'écart entre les pauvres et les pauvres.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion.

M. Duguay (Patrick): Alors, on souhaite le faire mais on pense que c'est particulièrement intéressant et important de prendre ça en compte. Et peut-être dans le même ordre d'idées, le Fonds de lutte contre la pauvreté, on souhaite vraiment un Fonds qui va permettre l'innovation. Je pense qu'on est dans une stratégie extrêmement audacieuse, extrêmement intéressante, qui montre notre caractère distinct, la solidarité qui anime la société québécoise, et on souhaite que l'innovation soit au coeur des outils qui vont découler de cette stratégie-là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Je regrette. Nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction vos remerciements et vos applaudissements, sauf que ça a pris trois minutes.

Alors, Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, Mme la Présidente, je voudrais remercier de façon particulière les trois personnes qui sont présentes aujourd'hui, M. Robitaille, Mme Brunelle et M. Duguay, pour la qualité du mémoire que vous avez déposé. Mais aussi, depuis le Sommet de l'économie et de l'emploi de 1996, vous avez toujours été sur toutes les tribunes pour faire avancer, faire connaître toute cette économie sociale. Et on commence à voir des gens recevoir des prix actuellement parce qu'ils sont reconnus dans cette nouvelle réalité.

Il faut en convenir, il nous reste encore du travail à faire. Mais je veux, à mon tour et au nom de mes collègues, vous féliciter pour cet engagement constant que vous faites. La qualité et la teneur de vos interventions sont toujours très appréciées. Alors, je vous remercie beaucoup. Et aussi, particulièrement au sein de la politique familiale, si elle est ce qu'elle est, s'il n'y avait pas eu toute cette vitalité des communautés pour la mettre de l'avant, je suis convaincue que nous ne serions pas rendus au chemin où nous avons maintenant 157 000 enfants qui peuvent en bénéficier, plus de 25 000... 28 000 personnes qui y travaillent. Alors, c'est une réussite de société assez incroyable.

Il y a plusieurs questions que je voudrais vous soumettre, mais le temps nous manque un peu. Mais vous avez parlé de quelque chose tout à l'heure, et j'aimerais que vous puissiez préciser un peu plus, c'est concernant les coûts sociaux que ça engendre justement de soutenir une personne qui fait tous les efforts pour se sortir de la pauvreté et qui se retrouve avec des difficultés de différents ordres. Vous avez indiqué... Bien, ça a des coûts sociaux pour l'entreprise, et vous souhaitez que ce soit l'ensemble des entreprises qui peuvent en bénéficier, parce que, en termes de productivité, il est évident que les gens ne vont pas tous à la même vitesse et ne peuvent pas produire tous de la même façon.

Est-ce que vous pourriez nous indiquer, de façon plus précise encore, qu'est-ce qui est, selon vous, la meilleure mesure pour soutenir justement une entreprise qui veut s'engager socialement pour soutenir des personnes vivant des situations de pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Robitaille? Mme Charpentier?

Mme Charpentier (Céline): Je vais commencer, peut-être. Bien, d'abord il faut dire qu'il y a eu des projets-pilotes, un à Trois-Rivières, entre autres, où il y a eu ce type de mesures, de façon pilote, qui ont été faites. Si on pense à une telle politique de plus grande envergure, on pense qu'il faut satisfaire un minimum de deux conditions par rapport aux deux volets impliqués: d'abord, la personne qui veut s'intégrer en emploi, ça implique, bon, des conditions d'intégration, d'accueil, de formation, etc. pour permettre que ça aille quand même le plus rapidement possible, mais aussi il faut que l'entreprise effectivement soit en confiance que cette mesure-là va demeurer, parce qu'ils veulent bien intégrer des gens en emploi. On sait que parfois les mesures changent de durée, de nature, etc. Donc, je pense que ça prend un engagement à long terme. Et on pense aussi qu'il faudrait que ce soit géré de façon collective, vous savez, avec la communauté et de façon prudente, vraiment s'assurer que cette mesure-là s'applique à des gens qui en ont besoin et que ce sont des entreprises qui vont tenir leur engagement effectivement jusqu'à la fin.

On sait que, souvent, les gens qui ont de grandes difficultés à s'intégrer en emploi vivent des échecs successifs de retour à l'école, de tentatives d'insertion en emploi. L'idée, je pense, c'est de donner les meilleures conditions, quitte à le faire progressivement pour s'assurer des conditions que ça prend pour rétablir ça. Et la mesure, c'est de compenser effectivement la productivité qui n'est pas réalisée par la personne en question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Robitaille.

M. Robitaille (Jean): On peut prendre l'exemple des centres de travail adapté des entreprises donc qui offrent spécifiquement de l'emploi pour les personnes handicapées, des personnes qui ont un handicap physique ou mental. C'est une formule qui connaît un grand succès au fond: il y a plus de 3 000 personnes handicapées qui travaillent dans ces entreprises.

La formule, elle fait... c'est que l'Office des personnes handicapées paie une partie du salaire de la personne. On a reconnu là donc que le niveau de productivité des gens qui travaillent était inférieur à la norme et, donc, l'entreprise est compensée. Ce sont des entreprises qui sont sur le marché, qui ont une production manufacturière dans différents secteurs. Mais, pour l'intégration au travail de ces personnes, il y avait nécessité que l'entreprise soit soutenue financièrement.

Ce qu'on vous propose, et c'est à partir de l'expérience de concept que vous recevrez cet après-midi, c'est qu'on puisse reconnaître le handicap social. Et là c'est sûr qu'on va arriver sur un terrain parfois plus complexe à évaluer, parce que, versus un handicap physique de quelqu'un qui est en chaise roulante et donc pour qui le handicap va être permanent, celui du handicap social pourra évoluer dans le temps. Peut-être qu'une personne sera une première année à 50 % du niveau de productivité et cinq ans plus tard à 90 ou à 100 %. Dans d'autres cas, la vie aura fait que les gens auront un handicap malheureusement pour la vie en termes de productivité.

Ce qu'il faut cependant, c'est permettre aux gens de sortir de la pauvreté, bien sûr, sur une base volontaire, à travers de telles mesures. Mais il faut que les entreprises qui acceptent de faire le choix... et il y en a beaucoup... Par exemple, dans le secteur des ressourceries, c'est un souhait, sauf que, actuellement, elles sont limitées avec des programmes normés un an, des fois deux ans, au mieux, de subventions salariales dans le cadre d'Emploi-Québec. Il faut élargir ça, il faut permettre de reconnaître les besoins à la fois des individus qui participeront à ces programmes et des entreprises qui acceptent de faire ce devoir citoyen.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vous remercie. Je vais céder la parole à ma collègue, Mme Léger.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Oui, bonjour. J'aimerais vous interpeller quelques instants, avant de donner la parole aussi à une de mes collègues, par rapport au Fonds. Vous avez soulevé à deux, trois reprises la suite du Fonds, on pourrait dire. Vous savez que... Bon, le Fonds de lutte à la pauvreté, vous êtes au courant que c'est suite au Sommet de l'économie et de l'emploi qu'il a été institué. Et une première phase, de 1997 à 2000, a été le premier Fonds de lutte à la pauvreté que nous avons connu. Ensuite, au Sommet de la jeunesse, il y a eu la deuxième phase, on pourrait dire, les gens nous ont demandé de continuer le Fonds de lutte à la pauvreté. Donc, le Fonds de lutte à la pauvreté, par les réinsertions au travail, a été poursuivi pour les trois autres années donc qui se terminent en mars 2003. Dans le projet de loi, vous voyez, dans les articles 44 à 55, on parle d'un fonds spécial. Donc, on veut faire la transition entre le Fonds de lutte actuel et celui du fonds spécial.

n(10 h 50)n

Vous avez parlé, monsieur, particulièrement, de pouvoir permettre l'innovation, mais vous avez aussi insisté qu'on pouvait dénormer le Fonds de lutte actuel, que les critères sont peut-être trop rigides, c'est ce que vous apportiez tout à l'heure, dans le sens qu'un des critères importants était que 70 % de ce fonds-là soient alloués aux personnes prestataires de la sécurité du revenu, parce que notre but est de les sortir et de les aider à suivre leur chemin et sortir de l'aide sociale, particulièrement, et un autre des critères était les femmes que... nous avons rencontré la Fédération des femmes tout à l'heure, mais particulièrement pour les femmes. Alors, qu'est-ce que vous voyez, qu'est-ce que vous avez en tête quand vous parlez de permettre l'innovation, de dénormer? Actuellement, on est en train de voir plusieurs scénarios. Alors, j'apprécierais connaître un peu votre opinion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Duguay.

M. Duguay (Patrick): La réponse pourrait être assez complexe, mais, dans un premier temps, je pense qu'on voit... entre les intentions du gouvernement et l'application sur le terrain, il y a tout un écart, hein. Lorsqu'on pouvait saluer la proclamation du Fonds de lutte contre la pauvreté ? et on en était ? et les entreprises d'économie sociale ont beaucoup utilisé ce fonds-là pour démarrer, mais, par exemple, on a connu certains ratés. Par exemple, le Fonds qui, au départ, pouvait supporter la création de nouvelles entreprises en économie sociale, parce qu'on est... Même s'il y a des expériences qui datent et qui sont de plus en plus solides sur le terrain, il reste qu'il y a beaucoup d'émergence dans ce secteur-là.

Alors, lorsqu'on parlait d'un fonds qui, au départ, avait soutenu des entreprises sur une base de trois ans, intégrant des personnes qui étaient relativement loin du marché du travail, et qu'on arrive aujourd'hui avec la difficulté d'aller chercher 12 mois de support financier pour l'intégration des personnes, je pense que c'est un aspect qui est particulièrement difficile et qui ne permet pas de pérenniser les entreprises. Alors, on pense, peut-être, d'une certaine façon, faire des économies ou permettre d'aider plus d'entreprises en réduisant la possibilité ou les années pendant lesquelles les entreprises peuvent recourir au Fonds, mais, d'autre part, on met sérieusement en difficulté ces entreprises-là qui démarrent dans des conditions particulièrement difficiles, alors dans des créneaux souvent d'innovation et avec des personnes qui sont en difficulté également. Je pense que, ça, c'est déjà un aspect important. Donc, c'est non pas l'intention du Fonds qui est remise en question à ce moment-là, mais les normes qui s'appliquent au fur et à mesure qu'on en fait l'usage et qui nous amènent à prendre des distances par rapport à l'intention initiale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Charpentier, vous voulez ajouter un complément de réponse?

Mme Charpentier (Céline): Oui, rapidement. Moi, j'ai siégé sur le comité aviseur du Fonds de lutte contre la pauvreté de l'île de Montréal pendant les trois premières années et je pense qu'il est évident qu'il y avait une différence importante entre l'ouverture, la souplesse, la capacité d'innover, la capacité de financer sur trois ans des projets, par exemple, vraiment d'insertion en emploi pour des clientèles très éloignées du marché du travail ou de développement local dans des milieux très défavorisés, parce que la pauvreté n'est pas répartie également ni au Québec ni à Montréal.

Je pense que, ça, c'étaient les forces de ce programme-là. Ça ne rendait pas les décisions faciles et ce n'est pas facile quand il y a moins de normes, je le comprends bien, sauf que, à la fin ? moi, j'ai quitté après trois ans, quand il a été par la suite renouvelé ? ça ressemblait davantage à une mesure d'insertion en emploi complémentaire aux autres mesures d'Emploi-Québec, normée sur les pourcentages de frais qui pouvaient être attribués. Moi, je pense que, si on souhaite qu'Emploi-Québec ait d'autres mesures à l'insertion en emploi, on devrait lui donner d'autres mesures. Et je pense que, si on veut faire un fonds de lutte contre la pauvreté ou prendre des mesures, il faut que ce soit, oui, innovateur et plus large, qu'on prenne des chances. On va se tromper, mais on va sûrement réussir des choses intéressantes.

Et, à mon avis, il faut que ce soit un fonds qui puisse investir à plus long terme que sur une année, par exemple, et qui ne devrait pas être axé seulement sur l'insertion en emploi. Plusieurs études nous démontrent que, par exemple, quand la pauvreté est concentrée dans un territoire, il faut faire des interventions élargies qui vont toucher beaucoup plus que l'insertion en emploi, comme les services communautaires, oui, les services en emploi, la qualité de vie du quartier, la sensibilisation des entreprises, etc. Et donc, ça devrait ressembler davantage à ça, à notre avis, en plus de ce que M. Duguay a présenté. Si on le prend de façon élargie, il y a beaucoup de choses à faire. Je pense qu'il y a beaucoup de créativité aussi au Québec, et on en voit dans toutes les régions, et je pense qu'on devrait donner la chance à ça puis se retenir à huit mains de ne pas trop normer rapidement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste deux minutes, Mme la ministre. Mme la députée de Crémazie, il vous reste deux minutes.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Ce sera une question très courte. Vous faites référence dans votre mémoire souvent à l'entreprise privée et aussi d'adapter les politiques existantes à l'entrepreneuriat traditionnel pour les rendre compatibles avec l'entrepreneuriat collectif. Vous voudriez une meilleure concertation, je pense, entre les deux secteurs. Comment, selon vous, l'entreprise privée pourrait justement mieux contribuer à l'économie sociale telle qu'on la connaît aujourd'hui et depuis justement l'évolution que l'on a connue depuis le sommet de 1996?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Brève réponse, M. Robitaille.

M. Robitaille (Jean): Oui. En fait, ce qu'on précise sur cette question, c'est qu'il y a nécessité d'adapter, et on le retrouve, d'ailleurs vous l'avez mentionné dans l'énoncé de politique, la nécessité d'adapter les mesures de soutien. Au Québec, l'entrepreneuriat, on le comprend généralement comme l'entrepreneuriat traditionnel, et les mesures de soutien à l'entrepreneuriat, qui sont quand même nombreuses, il y en a au MIC, mais il y en a au ministère des Finances et un peu partout, sont toutes basées pour la plupart sur la fiscalité des entreprises. Donc, ça va à travers les crédits d'impôt. La politique des régions-ressources, par exemple, c'est un bon exemple. Pour 10 ans, une entreprise dans le secteur manufacturier ne paiera pas un sou d'impôt, pas besoin de cotiser à la taxe sur la masse salariale et, après ça, il y a des crédits d'impôt remboursables qui sont possibles: 40 % des salaires, crédit d'impôt remboursable sur la recherche et le développement, crédit d'impôt remboursable sur le fonds de roulement. Une entreprise d'économie sociale, du fait qu'elle ne paie pas d'impôt ? mais, au fond, elle est au même statut que l'autre entreprise privée qui, pendant 10 ans, dans une région-ressource, n'en paiera pas ? elle n'aura pas accès à aucun des autres outils qui sont proposés: 40 % de remboursement des salaires pendant cinq ans ou 10 ans et sur le fonds de roulement, taxe sur la masse salariale. Donc, on parle, nous, dans ce cas-là, carrément de concurrence déloyale faite par l'entreprise privée eu égard à l'entreprise d'économie sociale. Et il nous semble qu'il devrait y avoir adaptation des politiques pour qu'on puisse tous travailler avec les instruments qui nous sont appropriés.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous remercie. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue aux gens qui sont ici. Merci pour l'introduction que vous avez faite. Je pense que c'est beaucoup plus vers les actions que vous faites qu'on devrait tourner les félicitations, au niveau de l'effort que vous faites dans tout ce secteur. Ça vaut la peine, je pense, dans les quelques minutes qu'on a, qu'on puisse essayer, d'une part, de mieux saisir le rôle des entreprises d'économie sociale ? vous en avez parlé ? et je vous avoue que je suis un peu curieux par rapport à cette tentative qui est toujours faite dans mes discussions avec les gens de l'économie sociale et que je retrouve aussi à la page 13 de votre mémoire qui dit: «On a toujours refusé qu'on limite l'économie sociale dans un seul corridor lié essentiellement à l'insertion sociale et professionnelle des citoyens laissés pour compte par l'économie dominante.» Ce qui suppose qu'il y a un autre secteur où vous travaillez dans l'économie du marché, mais j'ai toujours compris, moi, que, si on parle d'économie sociale, c'est parce que le mot «social» vient du fait que c'est la société finalement qui assume une partie des coûts liés, et vous avez donné l'exemple des centres de travail adapté qui sont subventionnés par l'Office des personnes handicapées, qui sont en fait des sommes des impôts. Donc, si vous pouviez clarifier, d'une part, les sommes qui financent les activités des entreprises d'économie sociale. Autres que les programmes gouvernementaux, est-ce qu'il y a d'autres sources de financement?

Et, deuxièmement, si on investit des sommes à partir des impôts, donc le mot «social» vient donc de «société», puis on est autour de la table ici pour se dire que la pauvreté, la lutte à la pauvreté, c'est une priorité de société, est-ce qu'on ne devrait pas voir les entreprises d'économie sociale comme des partenaires privilégiés dans ça et, vous, de votre part, voir votre rôle principalement axé sur cette question-là plutôt que le traiter un peu avec des gants blancs, en disant: Oui, mais? Voilà. C'est ça, la question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Duguay.

n(11 heures)n

M. Duguay (Patrick): L'insertion est une des activités de l'économie sociale. Je suis du mouvement coopératif et je vous dirais que, dans le mouvement coopératif, la plus grande source de revenus pour les entreprises vient de la vente de leurs produits et services. L'économie sociale n'est pas une économie marginale, hors du marché, c'est une économie de solidarité qui est intégrée à la dynamique du marché et qui y amène des valeurs plus humaines. Alors, les coopératives ? puis on en aurait plusieurs exemples ? les coopératives de travailleurs dans le milieu forestier sont des entreprises collectives, des entreprises de l'économie sociale et qui interviennent dans le marché au même titre et qui créent des emplois durables. Alors, leur objectif n'est pas, à ce moment-là, d'accompagner des gens dans leur phase d'insertion pour les envoyer ensuite occuper des emplois dans des entreprises privées plus traditionnelles. L'objectif, c'est de créer des emplois de façon durable, et c'est ce que l'économie sociale fait, de la même façon que les centres de la petite enfance, les emplois qui sont créés là, les gens vont occuper, on l'espère ? et c'est le cas ? ces emplois-là de façon durable pour plusieurs années.

M. Sirros: Si ma compréhension des choses est correcte, les coopératives ne sont pas subventionnées comme telles, ce n'est pas de l'argent de la société qui les supporte.

M. Duguay (Patrick): C'est-à-dire il y a plusieurs mesures d'appui. Si on pense juste au Régime d'investissement coopératif, hein, qui vient favoriser l'investissement des travailleurs dans leur entreprise par des crédits d'impôt, c'est une forme de subvention.

M. Sirros: Oui, mais, je veux dire, on se chicane ici, en Chambre, souvent sur les crédits d'impôt qui sont donnés, par exemple, en millions, puis des millions, puis des millions de dollars pour des entreprises de l'économie dure, si vous voulez. Je pense à la Cité des médias électroniques, etc. Mais c'est de ce genre d'appui que les coopératives reçoivent aussi en reconnaissance fiscale, comme toute autre entreprise finalement. Mais, en termes de subventions, là, vous amenez l'exemple des centres de la petite enfance, je ne sais pas si c'est une entreprise d'économie sociale. O.K. Mais dans le sens c'est une... Oui, effectivement, c'est la société qui la finance en très, très, très grande partie. Ce n'est pas 5 $, le coût des garderies.

Mais l'essentiel de la mission sociale des entreprises d'économie sociale, outre les CPE, qui est une réalité qui découle d'une décision prise ici d'orienter les services de garde de telle façon... Outre ça, ai-je tort de penser que, principalement, votre rôle ou votre créneau pourrait être d'un grand apport dans le rôle d'insertion pour les personnes qui vivent des situations d'exclusion sociale et de pauvreté et que, si on adopte certaines des mesures dont vous parlez dans le cadre d'un réaménagement, d'une réinvention, si vous voulez ? pour prendre un mot qu'on a mis de l'avant ? de la façon de faire quant à l'approche d'insertion, vous avez un rôle important à jouer là-dedans? Et est-ce que vous avez réfléchi sur le comment vous pourriez jouer ce rôle? Quelle est la jonction à être faite entre vous, Emploi-Québec, le gouvernement, les autres instances, etc., l'aide sociale ou les autres sommes d'argent que la société investit également?

Mme Charpentier (Céline): D'abord, sur...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Charpentier.

Mme Charpentier (Céline): Excusez-moi. Sur l'économie sociale, on ne s'appelle pas comme ça parce que le gouvernement finance. Le gouvernement finance parce que les entreprises répondent à des besoins de nos communautés et que le gouvernement les reconnaît et donc y contribue, par exemple les garderies, par exemple l'aide domestique, par exemple l'accès aux nouvelles technologies. Donc, oui, l'État y contribue parce qu'il considère que ça répond également à un besoin important et urgent. Ça a l'avantage de créer des emplois durables et non pas seulement d'insertion et dont on souhaite améliorer la qualité.

Ce que je voulais prendre, c'était la question de l'insertion en emploi. Quand on dit: L'économie sociale a une mission sociale, dans certains cas, cette mission-là va être tournée vers les services à l'enfance et à la famille, dans d'autres cas sur des questions environnementales, comme les ressourceries le font. Là où actuellement, concrètement, les enjeux d'insertion dans le sens des emplois de solidarité se posent, c'est particulièrement dans les entreprises d'économie sociale et dans d'autres secteurs de l'action communautaire, aussi dans des emplois où le niveau de qualification de départ exigé est peu important, par exemple les valoristes ou les recycleurs dans les ressourceries, par exemple les gens qui vont travailler à l'aide domestique. Non pas que ce n'est pas des métiers importants, mais il reste que ce n'est pas le même type de qualification que ce qui va être demandé pour travailler dans une entreprise de technologies de l'information ou même au niveau des CPE où ça prend un niveau de qualification de niveau cégep pour le faire deux fois sur trois.

Les entreprises, actuellement, qui, en particulier, souhaitent de tels emplois de solidarité sont les ressourceries, entre autres, qui se retrouvent dans plusieurs régions du Québec à recevoir et à embaucher des gens qui ont des difficultés d'intégration en emploi importantes, mais qui, par contre, pourraient demeurer en emploi longtemps si on arrive à les intégrer correctement.

Leur défi, ce n'est pas juste l'intégration ? il y a des entreprises d'insertion aussi qui le font ? c'est, eux, d'atteindre leurs objectifs financiers. Parce que les principales sources de revenus des entreprises d'économie sociale au Québec, ce ne sont pas les subventions gouvernementales, ce sont les revenus qu'elles génèrent, ces entreprises-là. Elles vendent des produits, que ce soit en technologie de l'information, en services de garde ou en soins à domicile, même si, bien sûr, la contribution de l'État est fondamentale.

Donc, l'enjeu, il se pose actuellement où il y a des entreprises qui disent: Nous, la main-d'oeuvre dont on a besoin et dont on dispose dans notre région, c'est une main-d'oeuvre qui n'est pas productive. Excusez le mot, j'aime jamais trop ça dire ça, mais c'est la réalité du marché d'une entreprise, qu'elle soit d'économie sociale ou d'économie privée, et donc, cependant, ils disent: Nous, on a aussi une mission sociale et une mission environnementale, et on est prêt à aller faire plus, mais il faut le soutien de l'État pour nous permettre de maintenir en emploi 10, 15, 20, 30 % de notre main-d'oeuvre, qu'on est prêt même à former puis à qualifier, mais qui, actuellement, n'est pas suffisamment productive pour nous permettre de réaliser notre plan d'affaires. Parce que les entreprises d'économie sociale, elles sont en affaires, et elles ont des plans d'affaires, et elles ont des objectifs à atteindre, des objectifs d'ailleurs exigés et par l'État, et par les centres locaux de développement, et par leurs conseils d'administration eux-mêmes. Et c'est ça, le défi principal, et c'est pour ça qu'on dit: Si on veut faire plus en économie sociale sur le plan de l'intégration durable en emploi, particulièrement pour les gens qui ont des besoins importants, ça va prendre cette forme de soutien là qui n'est pas un soutien à l'économie sociale directement, qui est un soutien à l'intégration en emploi durable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Actuellement, vous participez à des programmes d'insertion, etc. Pouvez-vous décrire le niveau de satisfaction que vous avez, à l'heure actuelle, de la façon que ça marche, les améliorations qui pourraient être apportées? Parce que vous avez parlé surtout au niveau de la possibilité d'avoir quelque chose qui est plus durable, à plus long terme. Parce que ça ne donne rien de vous envoyer quelqu'un pendant x semaines pour supposément apprendre comment travailler puis, après ça, le lâcher lousse ? passez-moi l'expression ? dans l'autre économie pour qu'il se retrouve six mois plus tard à refaire le même cycle. Et, je pense, c'est ce qu'on vit. En tout cas, c'est ma compréhension de ce qu'on vit depuis longtemps, qu'on n'a pas vraiment changé, et est-ce que j'ai tort? Et comment est-ce qu'on pourrait voir ça différemment?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Robitaille.

M. Robitaille (Jean): Si vous permettez, dans la grande famille de l'économie sociale, au fond, il y a différents secteurs et différents types d'entreprises. Il y a les entreprises qu'on dit d'insertion. Vous les recevrez, je crois, cet après-midi, ils vont vous parler... Ils vont être capables de vous parler de la qualité du travail d'accompagnement d'insertion sociale et professionnelle offert par les entreprises d'insertion. C'est une partie de la famille de l'économie sociale, et ils sont dédiés, au fond, à ce travail d'accompagnement à l'insertion pour une durée d'un stage de six mois, un an. Et, d'ailleurs, le Collectif des entreprises d'insertion fait la proposition pour que ces stages puissent être de plus longue durée compte tenu de la réalité actuelle des gens qui participent à ces stages-là, et on est tout à fait d'accord avec ces recommandations-là.

Par ailleurs, dans la famille de l'économie sociale, comme Patrick l'a mentionné, il y a les coopératives forestières qui sont là aussi. Il y a 65 000 emplois dans l'ensemble de l'économie sociale, et même ça sans compter le Mouvement Desjardins. Donc, on parle de 65 000 emplois dans le secteur de l'économie sociale ? c'est considérable ? dans le secteur de la culture, dans le secteur du récréotouristique, les camps de vacances, ainsi de suite. Vous avez la liste, là, dans le mémoire.

Donc, ce travail d'insertion, il peut être fait sur une base comme le Collectif d'entreprises d'insertion le fait, il peut être fait à travers l'intégration durable en emploi pour des personnes handicapées, personnes qui ont un handicap physique ou mental, dans les entreprises qui embauchent des personnes qui ont un tel handicap, ou il peut se faire dans le reste des autres entreprises d'économie sociale. Et on souhaite qu'il devrait se faire dans l'ensemble de l'entreprise, d'ailleurs qu'elle soit entreprise privée ou entreprise publique. Il me semble qu'également dans la fonction publique on devrait partager cette même responsabilité. Ce qu'il faut cependant, c'est s'assurer que les entreprises soient appuyées ? qu'elles soient de l'économie sociale ou de l'entrepreneuriat privé traditionnel ? qu'elles soient appuyées pour assumer cette dimension-là, cette dimension sociale.

n(11 h 10)n

Pour le reste, quand on est en affaires, quand on est sur le marché... La ressourcerie, elle négocie son contrat avec la MRC pour assurer la cueillette, le tri, la revente des matières. Ça, elle est capable de le faire, mais ce qu'elle vous dit, c'est: En plus, si vous voulez, je vais juste aller chercher du monde bien performant puis je vais rouler comme Matrec, comme d'autres entreprises multinationales. Si vous voulez, je suis prêt aussi à assumer un rôle d'intégration en emploi durable pour des gens qui ont un handicap social, mais, pour cette partie-là, ça, j'ai besoin de subventions. Et le reste, on roule comme les autres entreprises.

Et, d'ailleurs, je me permets juste de préciser... Parce que, des fois, on a tendance à croire que l'économie sociale est extrêmement subventionnée, puis ce qui ne serait pas le cas du reste de l'entreprise, je veux juste rappeler, Beaver Asphalt, qui fait des contrats d'asphaltage de rues, on ne dit pas qu'ils ont une subvention de l'État pour faire des routes; les pharmacies, on ne dit pas qu'elles sont subventionnés quand elles vendent des médicaments aux personnes âgées ou aux personnes qui sont plus démunies, elles ont un contrat de services. Pour nous, on pense que c'est le moyen également et que, dans certains cas, les entreprises d'économie sociale ont des contrats de services. C'est le cas dans le cas des CPE, dans le cas de l'aide domestique, ils ont des contrats de services avec l'État.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, c'est tout le temps qui était à votre disposition, M. le député. Alors, merci, messieurs dames, pour cette présentation.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants de la Fondation Lucie et André Chagnon à bien vouloir prendre place le plus rapidement possible et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

 

(Reprise à 11 h 12)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Voulez-vous prendre place, s'il vous plaît?

Alors, la commission salue maintenant M. André Chagnon, qui est président du conseil, de même que Mme Louise Perras, qui est présidente-directrice générale de la Fondation Lucie et André Chagnon. Alors, nous vous accueillons avec plaisir. M. Chagnon, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, nous vous poserons les questions en conséquence. À vous la parole.

Fondation Lucie et André Chagnon

M. Chagnon (André): Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le critique de l'opposition officielle, Mme, MM. les députés. Vous m'avez présenté, André Chagnon, je suis le président de la Fondation Lucie et André Chagnon, et Mme Louise A. Perras, qui est présidente-directrice générale de notre Fondation.

Ça fait que, oui, je remercie les membres de la commission de nous offrir une telle tribune parlementaire. Nous souhaitons modestement saluer la vision et le courage du gouvernement, enrichir notre réflexion commune, contribuer au débat, présenter notre modèle d'intervention et échanger avec vous sur des pistes de solution possibles permettant de réduire à long terme les causes de la pauvreté.

Ma famille a décidé de créer une fondation, et je dois indiquer quand même, pour l'importance potentielle de nos interventions dans la société, on retourne à la société 1,4 milliard, qui est la fondation la plus importante au Canada, pour donner le contexte, la qualité des interventions qu'on va pouvoir mettre en place. Mais qu'est-ce qu'on veut apporter à la société? Je vais dire, peut-être notre Fondation, notre famille, les membres, on a fait, nous autres aussi, notre petite commission parlementaire. Notre Fondation est active seulement depuis deux ans, ça fait qu'il a fallu définir nous-mêmes... écouter ceux qui sont déjà sur le terrain, les fondations, les institutions, évaluer les programmes qui sont en place pour nous aider à nous orienter, évaluer beaucoup d'évaluations et de recherches scientifiques qui ont été faites sous les programmes pour voir quelles sont les retombées à long terme, qui était l'objectif pour nous de chercher des programmes. Puis la Fondation a la tâche de préparer des programmes qui auraient des études longitudinales de 25 ans. Ça fait que ce n'est pas des projets à court terme, on regarde les retombées à plus long terme possible pour la société, pour les défis qu'on voulait relever.

Ça fait que déjà, dès le départ, il y avait deux indicateurs importants pour nous qui ont été mis en évidence, que vous avez reconnus. C'est que l'écart entre les riches et les pauvres se creuse toujours. Le deuxième point, c'est que les coûts des soins de santé sont alarmants et toujours en hausse. Ça fait que d'où est devenue, en fin du compte, la définition de notre mission? Prévenir la pauvreté et la maladie en s'attaquant à la source des problèmes pour en diminuer la récurrence. Prévention, vous allez voir, c'est notre focus. J'ai appris dans une autre vie que, si on n'avait pas de focus, c'est difficile de réaliser des objectifs à long terme. Puis, vous voyez d'autres entreprises aujourd'hui qui ont manqué peut-être leur focus, ils sont obligés de revenir à ce qu'ils connaissaient bien auparavant.

Dans les constatations afin de développer une stratégie à long terme, on ne pouvait pas autrement que voir des chiffres. Des fois, les chiffres, quand même, deviennent éloquents. La précision des chiffres, ça varie toujours selon les intervenants, mais que plus de 25 % des enfants est en situation de pauvreté dans une économie comme la nôtre. De 5 à 10 % de ces enfants en situation de pauvreté ont 5 à 10 % moins d'espérance de vie. Plus de 62 % ont besoin de soins de santé parce qu'ils sont toujours, pour le restant de leur vie, à cause de la situation de pauvreté du départ qui persiste... D'autres facteurs aussi importants, en fin du compte, pour menacer cet enfant, c'est que deux fois plus de bébés de petits poids, dont vous connaissez les effets néfastes, chez les personnes en situation de pauvreté.

25 à 30 % des enfants pauvres ont des troubles d'apprentissage. Vous voyez des programmes CFER puis d'autres qui se mettent en place plus tard, on n'a pas solutionné très tôt ces problèmes. 25 à 30 % en moyenne d'abandon scolaire ? on parle toujours de la situation de pauvreté ? certaines écoles, c'est 50 %, puis il y en a une qui n'est pas loin de nos bureaux, c'est 71, 75 %. Vous allez voir, cet abandon scolaire, ce que ça veut dire. Des enfants de familles fortunées, toutefois, ont seulement 3 % d'abandon scolaire. Parce qu'on a parlé d'abord, au départ, l'écart entre les riches puis les pauvres, on vient de voir déjà presque un indicateur que, si l'éducation n'est pas donnée puis aussi longtemps que possible, l'écart va juste s'agrandir tout le temps, et ça va influencer des programmes qu'on veut mettre en place de réduire cet abandon scolaire, permettre aux jeunes une persistance aux études et le plus loin possible ? on voudrait les aider ? et que finalement cet écart devrait disparaître, de 25 à 30 % d'écart d'abandon scolaire versus peut-être 3 % pour les familles plus fortunées.

L'autre point qui est évident pour nous, c'est que le système est axé sur le curatif. On réagit facilement parce qu'il y a des pressions qui sont exercées. Toutefois, au Québec, on est peut-être parmi les provinces qui consacrent beaucoup, en fin du compte, au curatif. Les montants qui sont accordés, les statistiques qu'on nous donne dernièrement, pour chaque 100 $ de services aux 10 à 14 ans, on ne donne que 69 $ aux zéro à quatre ans, qui est la période la plus importante de développement de l'enfant. Mais, 69 $ semble beaucoup, l'image que je pourrais suggérer des fois, c'est comme si vous auriez 100 silos... Mais ça ne veut pas dire que la personne qui a besoin de ces services va voir accès à tous ces services. Ils ne sont peut-être pas disponibles dans son quartier. Elle ne se rend pas disponible pour les recevoir non plus. Ça fait que ce n'est pas que chaque personne peut avoir accès à tous ces services. Un objectif, pour nous, ce qu'on va vous proposer, c'est que chaque personne ait accès à tous les services possibles pour pouvoir grandir, mais le plus tôt possible.

n(11 h 20)n

L'autre point que j'attire l'attention de nouveau, peu de prévention en santé, que pauvreté et puis santé, ça se retouche pas mal d'une façon importante. Deux chiffres qu'on m'a donnés, parce qu'on a rencontré les gens qui... Coûts des soins des santé au Canada globalement, 110 milliards. En l'an 2020, on nous dit, ça va être 360 milliards. Je ne sais pas, vous autres, ici, comment vous pensez que vous aller financer des montants semblables. Prévention, très peu dans ces montants-là. Ce que je parle, simplement, c'est du curatif, hein, des soins de santé. La recherche, maintenant, qui se fait en santé au Canada, le Fonds de recherche scientifique du Québec, près de 80 millions par année. Santé Canada a un programme qui s'appelle Institut de recherche santé du Canada, 700 millions. Les deux programmes, en prévention, c'est presque zéro. Ça fait que je ne sais pas où est-ce qu'on va aller tout à l'heure si on n'est pas capable de trouver des solutions au départ. Si on avait des problèmes de réparation tout le temps, j'aurais dit: Trouvez-moi une pièce d'équipement qui va fonctionner puis elle va être durable. Je ne peux pas toujours réinvestir puis investir tout le temps dans la même chose.

Peu de prévention en pauvreté. Encore une fois, beaucoup de dépenses dans le curatif. Éliminer la source des problèmes, je parle de façon générale, là. Il y a beaucoup de programmes spécifiques, mais globalement... Et je ne vais pas entrer dans le plus petit détail, mais on parlait tout à l'heure des petits poids, entre autres. Si on ne s'occupe pas, en fin du compte, de cette préoccupation, c'est que l'enfant va devenir adulte, et les preuves, c'est scientifique, les documents qu'on a... Sont à très haut risque de tension artérielle plus élevée que la normale et de beaucoup, maladies pulmonaires, maladies cardiovasculaires. Les ACV, ils ont fait les preuves par les études longitudinales que les petits poids sont tous sujets à ça. Mais vous voyez tous les coûts qui se produisent dans la société de soins de santé et de l'accès au travail et aux études, naturellement.

Ça fait que là, moi, de tout ce que je donnais comme préambule, on dit: Notre philosophie d'intervention, deux points seulement: agir tôt, dès que la mère est enceinte, jusqu'à l'entrée à l'école; et l'autre point, le plus important, ce qu'on nous a appris, prise en charge des décisions par les individus et la communauté. Ce n'est pas nous qui devrions décider pour eux, c'est trop complexe. Il faut qu'ils se prennent en charge, et là on est là, puis on devrait être là pour les assister.

Stratégie d'intervention. Quelques interventions types, ce sont les programmes d'éducation à la petite enfance et formation au rôle parental. Il n'y a pas d'écoles, formation au rôle parental, on l'apprend tous. Premièrement, c'est développement des programmes à la petite enfance pour s'assurer qu'ils aient une chance égale. Puis le développement du cerveau, qui est tellement important, qui est primordial, ça se passe dans le sein de la mère déjà puis les trois premières années de leur vie. Si tous vos programmes débutent dès qu'il arrive à l'école, l'enfant est déjà marqué pour le restant de sa vie. Puis là, ce n'est pas l'expert qui parle là, c'est toutes les recherches scientifiques qui existent dans le domaine, c'est prouvé, c'est établi. Et, naturellement, le problème important de ces premières années, c'est être capable de dépister très tôt les troubles de l'apprentissage et d'apporter des interventions précoces pour que, lorsqu'ils vont arriver à l'école, ces enfants n'ont pas de handicap. S'ils ont un handicap dès le départ, ça va être des insuccès, puis finalement vous voyez l'abandon scolaire qui va suivre plus tard.

Deuxième étape de notre programme d'intervention, c'est la formation au rôle parental. On ne peut pas travailler sur l'enfant seulement, il faut travailler avec les parents étroitement. Ça fait que tous les centres de développement de la petite enfance doivent intégrer d'une façon importante la mère dès qu'elle est enceinte puis toutes les premières années. Puis on veut, dans cette période-là ? on va avoir six ans pour travailler avec cette mère ? lui donner un plan de vie assez important qu'on va pouvoir avoir toutes les chances d'une autonomie économique quelque part dans le temps. Ça fait que c'est six ans qu'on va pouvoir travailler avec une mère et son enfant. C'est notre stratégie.

L'autre point qui est important, ce que j'ai mentionné plus tôt, c'est que les familles et les collectivités doivent prendre les décisions qui leur conviennent. C'est trop complexe, c'est impensable que le même projet... puisse adopter le même programme à tous les membres de la collectivité. Il y a trop de différences au point de vue linguistique, au point de vue social, au point de vue des collectivités et la géographie, il faut qu'ils aient des options, mais c'est eux qui prennent des décisions quelles sont les meilleures options dans leur cas pour aider, en fin de compte, leurs enfants et elles-mêmes.

J'ai deux, trois petites anecdotes, je trouve, qui sont importantes. Mme Viviane Labrie est ici. Elle est venue nous visiter à un moment donné à notre bureau, puis il y a une dame qui était à sa droite, de ce côté-là. Elle se retourne vers moi puis elle dit: M. Chagnon, il n'y a rien de pire que quelqu'un qui veut nous aider. Il ne connaît pas nos besoins, il ne connaît pas nos priorités puis il ne connaît pas les solutions. Puis là, à un moment donné, je me suis rappelé que j'ai été un homme d'affaires ? on est généreux ? qu'il est arrivé, à un Noël, on a dit: On va aller donner des dindes. Puis on arrive à un endroit, puis la personne, elle dit: Je préférerais une perruche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon (André): Une perruche, mais, par contre... Pour elle, la dinde, c'est un repas de plus qu'elle aurait eu dans l'année. Il y a 365 jours, il y a beaucoup de repas qui manquent de dinde. Mais, par contre, la petite perruche aurait été quelque chose, un élément de gaieté pendant peut-être des années de temps. Mais c'est un peu, en fin du compte, que d'en haut on ne peut pas comprendre les besoins qu'ils ont. Ça fait que c'est pour ça que j'ai mentionné le deuxième point qui est important, agir tôt, mais il faut que ce soient les gens qui prennent les décisions eux-mêmes, la collectivité qui prend des décisions.

Je lisais un rapport dernièrement qui était remis à un gouvernement puis je pense que ce serait très bon pour vous autres aussi, penser à l'échelle de la province, mais agir à l'échelle locale. C'est trop facile, d'en haut, de voir... décider pour tous. Mettez... Puis il faut innover. On l'a mentionné ce matin puis on va le mentionner souvent. Mais, donnez-leur la chance, mettez des systèmes d'évaluation en place. Puis, ils sont capables de se prendre en main, ils les connaissent, les problèmes. Mais agir à l'échelle locale... Vous êtes à un niveau... Vous êtes ici pour penser à l'échelle nationale, l'échelle provinciale. Mais, moi-même, je me sens peut-être beaucoup plus bas, sans aucun doute, dans l'échelle, on sent qu'on est encore trop loin pour la complexité, comment aider ces gens à en sortir...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...

M. Chagnon (André): Ah, je prends beaucoup de temps?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Chagnon, il nous reste une minute.

M. Chagnon (André): Je parle toujours trop. Vous connaissez...

Une voix: Faites votre conclusion.

M. Chagnon (André): Non, non, non.

Une voix: Moi, je répondrai aux questions.

M. Chagnon (André): Oui, ça va. Bien, conclusion, c'est que vous avez un projet de loi à mettre en place, ça va être pour des générations futures. Je le dis encore de nouveau, je me répète, agir tôt, puis la prise en charge doit être par la collectivité. Ça fait que ce qui est important pour vous autres, c'est de fixer des objectifs chiffrés de réduction à la pauvreté. Vous l'avez fait dans d'autres projets de loi, budget zéro. À ce moment-là, ça devient une objectif de société, puis tout le monde va travailler sur cet objectif.

Puis l'autre qui est aussi important, c'est de faire revenir le débat aux deux ans devant l'Assemblée nationale. Si vous voulez réellement avoir un projet de société durable, que les gens vont tous souscrire, ayez le courage, excusez l'expression... Revenez à tous les deux ans puis réévaluez est-ce qu'il y a des résultats que vous allez prévoir, est-ce que vous souhaitez des résultats de cette entente. Excusez.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie beaucoup, M. Chagnon, pour la présentation de votre mémoire. Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Chagnon, ça fait plaisir de vous revoir, et on a... Vous avez tenu parole, vous allez être libéré pour partir avec votre conjointe très bientôt, et j'apprécie grandement que vous ayez pris le temps de venir présenter votre mémoire. Malheureusement, nous n'avons pas assez de temps, nous pourrions élaborer très longtemps. Cependant, vous avez dit trois choses qui sont extrêmement importantes: d'abord, agir tôt au niveau des enfants, soutien auprès de la famille et faire en sorte de permettre au milieu de se prendre en main, de ne pas prendre des décisions à sa place.

Vous savez, toute la politique des centres de la petite enfance, que je sais que vous avez saluée et reconnue, elle a été bâtie justement pour prendre les enfants le plus tôt possible, qu'elle soit soutenue par la communauté et que ce soient des parents qui siègent sur les conseils d'administration. Les choix auraient pu être différents, mais ça a été le choix qui a été fait, et pense que c'est un choix qui est reconnu d'emblée par vous-même et la Fondation.

Il y a dans votre mémoire un élément qui est extrêmement intéressant, parce que vous savez qu'il est extrêmement important qu'on ait des fonds décentralisés pour permettre aux communautés locales et régionales de pouvoir soutenir... Plusieurs intervenants sont venus... et c'est important. Vous proposez dans votre mémoire, à la page 20, d'examiner la possibilité de favoriser la création d'un fonds, qui serait décentralisé, de financement de projets-pilotes de capital de risque à l'innovation en prévention et de lutte à la pauvreté. Ce que vous dites, c'est que ces fonds seraient gérés sur une base commune tripartite: entreprise privée, communautaire et gouvernement, et il y aurait comme objectif la prise en charge locale des projets d'intervention issus des communautés et l'attribution des priorités à l'élimination des causes de la pauvreté et à la prévention dans ce domaine. J'aimerais que vous puissiez nous indiquer un peu comment vous voyez cette formule tripartite de façon un petit peu plus précise encore, s'il vous plaît.

M. Chagnon (André): Vous permettez à Mme Perras de répondre?

Mme Goupil: Parfait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, sûrement. Alors, à vous la parole, Mme Perras.

n(11 h 30)n

Mme Perras (Louise): Je savais que les questions viendraient, de toute façon, que j'aurais l'occasion de vous entretenir de ce que je voulais dire. Mais, écoutez, quand on a pensé à ça, on était très sensible au fait que le gouvernement est imputable. Donc, on s'est dit: Le gouvernement est là pour gérer l'argent de l'ensemble de la population, comment on pourrait faire en sorte de, nous, y retrouver notre compte là-dedans? Parce que, comme M. Chagnon le disait, c'est la prévention, et l'expérience des personnes avec qui on a travaillé sur le terrain, ce qui nous est revenu, c'était qu'à notre... Pas à notre surprise, mais on était content d'entendre ça, que les gens sur le terrain, quand on a commencé à la Fondation, il y avait plus de monde qu'on pensait qui pensaient comme nous, donc qui voulaient, eux, aussi aller en prévention, s'attaquer aux causes, puis ils disaient: Bien, les programmes qu'on a ou pour lesquels on a des subventions, ces programmes-là ne s'adressent à aller travailler les causes et aller en profondeur vers la prévention.

Donc, avec cette préoccupation qui était partagée, on s'est dit: Pourquoi ne pas proposer au gouvernement de créer, à partir de son fonds, de garder... Parce qu'on sait que le gouvernement, il faut qu'il réponde à l'ensemble de la problématique. Nous, on a opté pour travailler plus avec les enfants, mais le gouvernement, lui, doit s'attaquer à l'ensemble de la problématique. Il y a des besoins à court terme qui sont urgents, mais on s'est dit: Il faut quand même, en quelque part, trouver le moyen d'aller innover. Donc, dans notre proposition de capital de risque, d'un fonds, c'était de prendre une partie de ce fonds que vous avez mis dans votre stratégie... Il y a un fonds, de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas garder une partie de ces fonds-là voués à l'innovation et à l'innovation particulièrement au niveau de la prévention? On fait l'expérience présentement avec le gouvernement, on travaille avec trois ministères dans un projet à Québec, et ce projet-là, on a créé un conseil d'administration dans lequel il y a des gens du gouvernement, des gens du communautaire et la Fondation, et ces fonds-là, c'est des fonds du gouvernement et c'est des fonds de la Fondation, et ça va être géré... les décisions sont prises en collégialité dans ce conseil d'administration.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vous remercie beaucoup d'avoir élaboré, parce qu'on a eu plusieurs personnes qui sont justement venues nous indiquer qu'il nous faudrait être innovateurs, qu'il nous faudrait justement s'assurer d'avoir plus de souplesse. Et l'imputabilité, comme vous le dites, elle est extrêmement importante. Le Vérificateur général, par rapport au fonds, nous a indiqué que nous devions avoir les balises pour nous assurer exactement de l'utilisation des deniers, mais, en même temps, on reconnaît d'emblée qu'il faut laisser cette souplesse dans les localités, dans les milieux, parce que la réalité n'est pas la même partout et les priorités ne sont pas définies les mêmes d'une région à l'autre. Alors, je vous remercie beaucoup et je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vachon.

Mme Goupil: Merci.

M. Payne: Merci, Mme la ministre. Merci, Mme la Présidente. Et M. Chagnon, c'est un grand plaisir de vous accueillir au sein de la commission, parce que, depuis hier, c'est très évident que la qualité des mémoires est de niveau extrêmement impressionnant, et votre engagement social, avec une fondation capitalisée à 1,4 milliard, est extrêmement impressionnant pour tout le monde.

Quand vous parlez dans le mémoire des partenaires de la Fondation, de votre Fondation, et que vous avez constaté que la très grande majorité de ces personnes, de ces partenaires et des groupes voudraient s'attaquer aux problèmes, aux causes de la pauvreté mais ne le font pas par manque de fonds pour agir et, d'autre part, vous indiquez que... Dans la même discussion, vous dites que soutenir les communautés qui se prennent en charge contre la pauvreté ne doit pas être un signal de désengagement de l'État. Au contraire, le gouvernement québécois doit continuer d'investir dans les missions fondamentales, notamment la santé, l'éducation, et le développement de l'emploi, et l'insertion professionnelle. Bien, on est d'accord. Mais, lorsque vous parlez de ces deux réalités-là, préconisez-vous que les partenaires devraient davantage prendre en charge le dépistage qui puisse apparaître, chez les jeunes, nécessaire? Par exemple, ceux qui ont les troubles d'apprentissage, est-ce que ça devrait être mieux assumé par les partenaires ou par les institutions qui... Dans mon expérience, chez nous, dans Saint-Hubert, par exemple, avec le CLSC, le partenariat qu'ils ont s'est très, très bien acquitté de la tâche de dépistage en communication et liaison avec les commissions scolaires. De quelle façon vous envisagez un rôle amélioré pour ces institutions qui existent, que ce soit le CPE, que ce soit le CLSC, en collaboration avec les partenaires?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Chagnon.

M. Chagnon (André): Bien, le mot «partenaire», pour nous, qui décrirait la stratégie d'intervention sur le terrain, ce serait qu'un facilitateur irait dans un quartier, un territoire donné s'asseoir avec les intervenants. Il y a de nombreux projets qui sont en place, assistés par le gouvernement. D'autres sont peut-être privés, par les CLSC, pour les nommer tous. Mais, par contre, c'est s'asseoir ensemble puis de dire: Maintenant, est-ce qu'on pourrait développer une stratégie globale, cohérente de tous ces programmes? Qu'on parle de l'allaitement naturel, il y a peut-être quatre, cinq programmes qui circulent à Montréal à droite puis à gauche, mais le territoire dans lequel on voudrait travailler, qu'on peut avoir un programme qui est cohérent pour chacune des interventions... Dès que la mère est enceinte, trouver un moyen à ce moment-là de l'assister pour que l'enfant soit de la meilleure qualité possible. Peut-être le mot, là... Mais, par contre, il y a des problèmes, peut-être, de nutrition, il y a peut-être des comportements d'abus, peut-être d'alcool. Le tabac, l'alcool, les drogues peut-être à l'occasion. Il y a peut-être des activités physiques qui seraient peut-être nécessaires à ce moment-là. Il y a neuf mois pendant lesquels on devrait travailler avec la mère. Et, dans la communauté, il y a beaucoup de programmes qui sont dédiés à la mère pendant la période qu'elle est enceinte, préparer l'accouchement qui s'en vient. Après l'accouchement, bien je parlais d'alimentation naturelle.

Maintenant, les trois premières années, il y a toujours les programmes, maintenant, qui sont orientés vers l'enfant. Mais, dans la communauté, ces programmes-là existent, les CPE sont en place. Mais là on parle maintenant le rôle essentiel d'intégrer la mère dans tout le processus. Mais le CPE n'a pas été structuré peut-être complètement, des fois, à la solution globale qu'on recherche. Ça fait que c'est d'essayer, avec le CPE qui est existant... ajouter par un financement supplémentaire d'autres professionnels pour que la mère joue son rôle puis l'apprentissage de son rôle parental simultanément.

Il y a peut-être des programmes simultanément aussi qu'on voudrait mettre en place. C'est être capable de dépister très tôt est-ce que l'enfant a des problèmes potentiels d'apprentissage. Bien là ça prend des orthos, thérapeutes, toute la famille de ce côté-là pour être capable d'agir d'une façon précoce sur le problème, pour que... l'objectif, que tous ces enfants, lorsqu'ils vont arriver au départ, qui est l'arrivée à l'école, soient sur la même ligne de départ que des enfants qui viennent d'un milieu fortuné.

Mais tous les programmes, pour nous, il semble qu'ils existent tous sur le terrain et que les projets qu'on a amorcés... Un projet avec le gouvernement, Québec en forme, à Trois-Rivières, 3 500 enfants, 18 écoles. Ce n'est pas tout à fait celui que je vous mentionnais plus tôt, mais il y a quatre comités d'action locale qui sont mis en place dès le départ. Les comités d'action locale représentent tous les groupes structurés de la région qui, pour la première fois, avaient l'opportunité de s'asseoir ensemble puis de travailler sur un projet commun. Tu sais, des fois, on dit un projet de société, bien il peut être très local, ce projet, parce qu'on ne peut pas réinventer... Les gens le réalisent, les données sont sur la table, les déficiences qui arrivent de l'enfant... C'est pour ça qu'on a le cheminement... et toujours moins neuf, dès que la mère est enceinte jusqu'à l'entrée à l'école, tous sur la même, même ligne d'arrivée, même ligne de départ. Ça fait qu'on veut intégrer tous les programmes qui existent déjà d'une façon cohérente, que chaque personne va avoir accès à tout l'ensemble des programmes et d'une façon cohérente. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Perras (Louise): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste trois minutes, monsieur... Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, Mme Perras? Oui.

Mme Perras (Louise): Principalement au volet de l'institution versus les organismes communautaires, notre expérience, on est allé dans différents quartiers, je vous dirais que ça dépendrait des localités puis ça dépendrait des institutions dans les localités. On a rencontré dans certaines localités des gens qui ne vont pas et qui n'utilisent pas les services, donc il faut aller les chercher chez eux. On a été témoin d'une expérience qui s'est faite dans le Bas-Saint-Laurent où les gens du CLSC se sont déplacés à domicile. Vous savez, les gens qui sont en situation de pauvreté, souvent, n'utilisent pas les services et les institutions qui sont là. Il faut trouver encore là notre créativité et être ingénieux pour aller les chercher où ils sont. Ce qui fait que les enfants peuvent arriver à l'école et ils ont eu des troubles pendant un certain nombre d'années puis ils n'ont pas été dépistés parce que, dans certains quartiers ou dans certaines régions, on ne va pas les chercher s'ils ne viennent pas aux services.

n(11 h 40)n

M. Payne: Nous avons, dans notre comté ? juste pour conclure ? je pense, un regroupement très intéressant, par exemple, entre le CLSC et les groupes communautaires. Ce qui venait à l'esprit tout à l'heure, c'était un qui s'engage pour promouvoir l'allaitement des mères, des jeunes mères avec un succès remarquable, mais je dirais à la ministre... Elle est, bien sûr, au courant, que le sous-financement de ces petits groupes, ça pose problème, parce qu'ils s'insèrent dans la structure socioéconomique de gré à gré, souvent avec l'initiative du CLSC, en l'occurrence, ou de leur propre force de persuasion, mais ils ne sont pas... Ils vivent d'une façon précaire. Leur engagement est là, l'engagement social des principaux acteurs, des leaders de ces groupes communautaires est là, et leur foi est évidente, mais il s'agit de mieux structurer le financement à moyen terme. Et je pense que ça, c'est une des considérations de la commission. Pour moi, c'est une des causes qu'on devrait regarder de plus près pour la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...M. le député de Vachon, c'était un commentaire. Je vais passer immédiatement la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, M. Chagnon, Mme Perras, bienvenue, et il me fait plaisir de vous voir ici. Et je pense que beaucoup a été dit sur l'engagement que... Votre présence ici, d'abord, d'une part, témoigne l'importance de tout ce que vous avez fait au niveau de l'engagement de sommes considérables dans cette question de lutte à la pauvreté finalement.

J'ai un court souhait à exprimer, ce serait que votre situation et votre exemple servent d'exemple finalement à d'autres qui sont peut-être dans... qui ont les mêmes possibilités ou en proportion, et que ça puisse effectivement servir d'exemple, parce que la question de la lutte à la pauvreté n'est pas simplement la question qu'on remet à l'État, c'est aussi quelque chose que la communauté elle-même doit assumer à tous les niveaux, les hommes privés, les hommes d'affaires et les entreprises, etc.

Moi, en vous écoutant tantôt puis en lisant le mémoire, c'est un questionnement qui me vient à l'esprit qui est le suivant. Je regarde votre ? comment on appelle ça? ? analyse, votre schème d'analyse de la question, et des actions, puis des interventions qu'on doit porter, et tout le discours que vous avez au niveau de la prévention puis l'intervention précoce de zéro à six ans, tout est centré autour de l'enfant. Et, autour de l'enfant, on retrouve le milieu de vie des enfants, les parents, la société, la communauté locale, et ça va en agrandissant. Et je me rends compte également que, dans le pays, au pays, au Canada et en Amérique du Nord, en général, il y a une approche qui est de voir la question de la lutte à la pauvreté sous l'optique de l'enfant finalement et je me dis: C'est très intelligent, parce qu'on se lève les yeux puis on regarde un horizon à plus long terme.

Mais, pour voir le long terme, en termes de prévention de la pauvreté, éradication, élimination ? prenez les mots que vous voulez ? il faut agir à partir de ceux qui naissent, parce que ce n'est pas vrai qu'on va toujours intervenir ponctuellement au niveau de la pauvreté pour essayer de l'éradiquer, peu importent les mesures d'urgence qu'on va faire tout de suite. Et on a besoin d'assumer des mesures urgentes tout de suite pour des populations et des clientèles précises ou dans des situations précises, mais, si on veut se donner un regard à long terme, il faut aborder la question à la lutte à la pauvreté à partir des enfants finalement. En tout cas, il me semble que c'est logique, et vous avez retenu cette approche dans les interventions que vous faites à partir de la Fondation.

La loi, c'est un instrument qui va orienter les actions des gouvernements, celui-ci puis les futurs, autour de cette question de lutte à la pauvreté en faisant un enjeu social puis un projet de société finalement, mais on ne retrouve pas dans la loi comme telle, de façon précise, l'optique enfant. On le retrouve de façon plus générale, pauvreté. Est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait examiner pour y introduire, dans la loi, l'approche élimination de la pauvreté à partir de l'optique et le focus sur l'enfant et tout ce qui vient autour? Ça n'élimine pas les interventions autour des autres, mais, si on veut se donner une perspective à long terme d'élimination de la pauvreté, il me semble que c'est intelligent et raisonnable d'agir à partir de ceux qui naissent et qui, demain, seront d'autres parents. Et on sait que souvent que la pauvreté engendre la pauvreté, etc. Alors, vos commentaires sur une possibilité d'introduire dans la loi une perspective, approche enfant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Chagnon.

M. Chagnon (André): Ça peut être exprimé directement, comme vous venez de le souligner, ou que le gouvernement favoriserait des projets avec l'effet durable qui est recherché et non juste le court terme. Mais peut-être une synthèse de tout ça serait: dans la loi, ce sont des objectifs précis, des objectifs recherchés de réduction de la pauvreté, et puis que vous évaluez à tous les deux ans. Vous allez dire à ce moment-là à l'organisation globale qui va régir le dossier: Vous ne réaliserez jamais l'objectif visé, parce que, à ce moment-là, vous n'avez pas attaqué les problèmes à la base, vous n'êtes pas allés à la source des problèmes, vous n'avez pas développé des stratégies à long terme. Ça fait que peut-être ces deux points-là, de s'assurer qu'il y ait un objectif précis de réduction de la pauvreté à un pourcentage ? c'est pour ça que je donnais l'exemple de budget zéro, dans une loi, vous l'avez mis, un objectif précis ? puis mettre un temps, à part de ça, que ça doit arriver dans 10 ans, 20 ans, chiffres qui sont réalistes, mais que les plans d'action qui vont découler, à tous les deux ans, vous pouvez les revoir, leur dire: Vous n'avez pas réalisé l'objectif de notre loi de réduire la pauvreté.

Je regarde en arrière puis je reviens au curatif ? je prends juste peut-être un instant pour répondre un peu à ma pensée ? ce n'est pas que l'argent n'a pas été là. Vous en avez mis des milliards à ce moment-là dans le préventif. Je regarde le curatif. Dans les soins de la santé, c'est quoi? C'est 18 milliards aujourd'hui. Vous permettez une petite image des fois? J'espère que, des fois, une image, on peut s'en rappeler. Les chutes Montmorency sont à côté. Une personne tombe. On fait venir l'ambulance, on déplace la personne à l'hôpital. Il en tombe une autre cet après-midi. On fait venir l'ambulance, on l'amène à l'hôpital. Après cinq, 10 ans, on dit: Aïe! On est intelligent, on va faire un changement, on va construire l'hôpital au pied de la chute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon (André): Bien, c'est ça, le préventif puis le curatif. Le préventif, le type, il dit: Je vais aller en haut, il va arrêter d'en tomber. Bien, vous avez décrit un peu, Mme la ministre et vous-même, la stratégie qu'on essaie, nous, d'élaborer avec nos moyens quand même limités. On va vous faire la preuve que, si on peut agir tôt, il n'en tombera plus dans la chute des gens, vous n'aurez pas besoin de construire un hôpital en bas. Vous allez arrêter de dépenser dans les écoles pour des services de troubles d'apprentissage qui auraient dû être solutionnés d'une façon précoce. Les enfants, à l'adolescence, il n'y aurait plus de délinquance, il n'y aurait plus ? les objectifs sont grands ? de violence puis tout le crime qui va suivre par après. Les personnes en situation fortunée, qui ont les moyens, vous n'avez pas ces grands problèmes là qu'on décrit brièvement dans le moment. Si on donne la même chance à celui qui est en situation de pauvreté, il va arriver à la même place que l'autre.

Puis l'image de mon Bruni Surin, qu'on a financé pendant des années: il arrive sur la ligne du départ du 100 m. Bien, lui, il n'est pas capable de courir son 100 m, mais ceux qui vont venir avec lui, c'est nos jeunes en situation de pauvreté, comme image, qu'on veut qu'ils aient les mêmes qualifications. S'ils ne le courent pas en 10 secondes, ils vont peut-être le courir en 11 ou 12 secondes, mais on veut qu'ils soient tous égaux sur la ligne de départ, les enfants et les parents, qu'on ait préparé un plan de vie pour qu'ils aient une autonomie économique, pour qu'ils se comparent avec les autres par après, parce que je ne peux pas faire autrement que souscrire à ce que vous mentionnez tous les deux, Mme la ministre et vous-même, qu'il faut débuter très tôt puis que peut-être le meilleur objectif, il est peut-être indirect, mais que c'est une loi qui est pour le long terme, pour les générations à venir. Si l'objectif est précis de réduire de 50 % dans une période donnée, puis que vous réévaluez le dossier à tous les deux ans, vous avez le pouvoir de dire à ce moment-là: Vos plans ne sont pas durables parce qu'ils n'apportent pas les résultats. Puis, ce n'est pas les milliards que vous allez dépenser, ils ont été dépensés, les milliards, puis il continue à s'en dépenser. La chute, ça tombe, pour une ambulance puis un hôpital.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Donc, vous mettez beaucoup d'importance, vous placez beaucoup d'importance au niveau des cibles qu'on pourrait identifier. Ce serait comme des objectifs de société à atteindre. Et je reviens un peu, si vous permettez, sur l'élément enfants, parce qu'on va se donner des cibles de réduction de pauvreté, mais toujours avoir des situations où on recrée des situations de création de pauvreté par la suite. Donc, il faut agir à la fois sur ce qui peut conduire à la pauvreté et sur les capacités des plus jeunes, finalement, d'arriver à la ligne de départ avec égalité des chances. Une belle valeur, by the way, d'assurer l'égalité des chances. Je pense que c'est ce qu'on veut faire. Il y en a d'autres qui ont une approche... qui disent: Il faut garantir les droits. Moi, au départ, j'aime ça, garantir l'égalité des chances et laisser les gens, par la suite, avec les moyens... en tout cas, trouver ce qu'ils peuvent trouver dans la société. Il y en certains qui vont réussir plus que d'autres. C'est toujours la situation.

Mais, je reviens à la notion d'identification des objectifs, ça serait donc utile, pour vous, qu'on ait un objectif plus précis par rapport à la réduction de la pauvreté des enfants?

n(11 h 50)n

M. Chagnon (André): Dans le temps.

M. Sirros: Et dans le temps.

M. Chagnon (André): Et pouvoir mesurer dans le temps.

M. Sirros: C'est ça. Pas juste la réduction de la pauvreté en général, mais de cibler, de mesurer... Peut-être général aussi, mais de cibler, d'avoir un oeil particulier auprès des enfants, parce que c'est là la mesure du succès potentiel d'un objectif à plus long terme.

M. Chagnon (André): Si, par l'Observatoire ou d'autres outils, on établit dès le départ la lecture, est-ce que c'est le 25 % des enfants qui sont en situation de pauvreté puis on convient de la méthode d'évaluation, être capable de suivre régulièrement, puis on vous fait rapport, est-ce qu'on a progressé à ce niveau-là, si on a progressé à ce niveau-là, vous n'aurez pas de problème, ça va tout s'éteindre. Ça ne disparaîtra jamais. La Suède a 3 % en situation de pauvreté, les enfants. Pourquoi qu'on a 25 %, nous? En Europe, il y a des pays qui ont 10 %. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais ça prend une volonté politique, et vous êtes les seuls qui peuvent mettre en place une loi qui va donner la base à l'objectif de ce 3 % dans 25 ans. On va tous travailler ensemble, parce que je vous donne le support de ma Fondation. À 100 %, on est en arrière de vous autres pour vous assurer qu'on va cibler juste ce niveau-là.

Les autres problèmes, les gens vous les présentent. Il y a des préoccupations, il faut s'en occuper. Nous, on ne peut pas s'occuper de tout. Ce que j'ai appris, si je peux avoir un focus, je peux avoir des résultats importants. Puis le focus, on va vous le donner dès que la personne est enceinte jusqu'à l'entrée à l'école. On va fournir des enfants et des parents qui sont capables de se battre dans la vie puis sortir du monde de la pauvreté d'une façon permanente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Jonquière, il vous reste trois minutes.

Mme Gauthier: Combien?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Trois minutes.

Mme Gauthier: Trois minutes. Moi, je voudrais vous ramener, M. Chagnon, au problème des régions, parce que, si on y va de façon statistique, on va toujours accentuer le problème de la désintégration dans les régions et on va accentuer le problème de pauvreté aussi.

Est-ce que vous avez une vision de la façon dont on pourrait effectivement fixer des objectifs pour empêcher qu'on accentue le problème des régions?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Chagnon.

M. Chagnon (André): Ah bien, j'ai mentionné tout à l'heure brièvement que les programmes qui sont offerts doivent être sur une base universelle, mais pas obligatoire. C'est que les gens dans les régions, ceux qui doivent prendre les décisions qui leur conviennent, c'est des individus, c'est la collectivité. Eux vont identifier des solutions dans certaines régions qui vont être différentes d'une autre région, puis ça va être la façon à eux de combattre la pauvreté. La pauvreté, ça a différentes significations aussi, qui peut varier d'une personne à d'autres aussi.

Mais on ne veut pas être la solution qu'eux devraient choisir. On va leur offrir des options avec les gens de la communauté. La collectivité en a des programmes. Ce qu'on vous dit, c'est qu'ensemble il y a une cohérence dans les programmes sur l'objectif qu'on veut qu'à six ans ces enfants-là aient eu le maximum d'avantages pour rentrer dans la vie qui est l'école. À l'école, ils ont des programmes qui sont offerts à tous simultanément. Ils vont tous offrir la même chose, mais c'est les parents et la collectivité qui doivent prendre les décisions qui leur conviennent dans leur localité, leur collectivité qui leur est propre.

Mme Gauthier: M. Chagnon, je vais me reprendre différemment. Je veux dire, on dit: Pour donner des chances égales à tous les enfants, c'est l'école. Mais vous savez que, dans les régions, on ne construit plus d'écoles, on les ferme, les écoles. Alors, on accentue le problème. On fait en sorte qu'un enfant, pour pouvoir aller à l'école, doit se taper un 30 km aller-retour à chaque jour, et c'est un problème qui est de plus en plus important dans chacune de nos régions, des régions dites ressources.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Chagnon.

M. Chagnon (André): Je vous mentionne encore une fois que c'est les gens... Rappelez-vous de ma perruche puis ma dinde.

Mme Gauthier: Oui. Ha, ha, ha!

M. Chagnon (André): Non, non, mais je ne dis pas ça pour une farce, parce que, à l'image, des fois on rappelle rapidement. Tu ne peux pas prendre la décision si cette personne-là veut une dinde ou une perruche. Je veux dire, les programmes qui vont être offerts par la collectivité sont universels, mais eux vont décider eux-mêmes qu'est-ce qu'ils veulent mettre en place. Le problème, c'est le transport. Bon, c'est le transport qui va être leur préoccupation. Puis l'autre, à la fin du compte, ça va être d'autres préoccupations qu'ils vont exprimer. Puis on va juste être là, nous et les membres de la collectivité, à les aider à supporter les besoins et les priorités qu'ils vont identifier eux-mêmes, pas nous. Tu sais, l'expression «top-down» ou «bottom-up», là, c'est... En tout cas, nous, on veut complètement laisser aux mains de la collectivité la mise en place des solutions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Chagnon, Mme Perras, au nom de tous les membres de la commission, nous vous remercions. Je vous remercie de nous avoir enrichis de vos commentaires.

Je demanderais maintenant à l'autre groupe, c'est-à-dire aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, de bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

 

(Reprise à 11 h 57)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. Henri Massé, nous vous souhaitons la bienvenue. Alors, je vous cède la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, en vous demandant de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord vous présenter Marc Bellemare, du service de la recherche à la FTQ; Mme Monique Audet, du service de la recherche à la FTQ; Émile Vallée, qui est notre conseiller politique; et Jérôme Turcq, qui est de l'Alliance de la fonction publique et vice-président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter notre point de vue devant cette commission, et on voudrait saluer, d'entrée de jeu, l'initiative de la ministre à la sécurité sociale. Et c'est un projet de loi qui nous sourit, parce qu'il faut d'abord dire que c'est à la demande du Collectif contre la pauvreté et l'exclusion au Québec, dont on a fait partie, la FTQ, et dont on a été très fier de faire partie. Je pourrais vous dire, de notre part, qu'il y a eu des débats dans toutes les régions du Québec, dans tous nos conseils régionaux FTQ du Québec et dans une bonne partie de nos syndicats locaux au Québec. On représente 5 000 syndicats locaux, et il y a plus de la moitié de nos syndicats qui ont participé à ce débat-là. C'était un exercice intéressant, encourageant, pédagogique où on a essayé de vraiment parler de la pauvreté, mais pas juste en termes de: Ah, c'est donc bien effrayant, mais, en même temps, en essayant d'y voir des solutions.

Et plusieurs ont parlé à gauche et à droite, lorsqu'on a parlé de ce projet de loi, de pelletage de nuages, de projet contre la pluie puis souvent en concluant que c'était une mission impossible d'essayer d'éradiquer la pauvreté. Et nous, on pense que c'est du domaine du possible, on pense que c'est du domaine du faisable, et, bon, je pense que M. Chagnon en est la preuve. Quand je vois un gars qui a fait pas mal d'argent avec Vidéotron être en train d'avoir des initiatives personnelles et de s'occuper de ces questions-là, si tout le monde met l'épaule à la roue... Ça fait que je voudrais féliciter M. Chagnon en passant pour son oeuvre, mais je veux lui dire que je suis encore en beau maudit qu'il nous ait laissés dans les mains de Quebecor.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): C'est quoi, le premier mérite du projet de loi? C'est quoi, le premier mérite du projet de loi? Bien, moi, je pense que c'est qu'on en parle de la pauvreté et pas juste, encore une fois, en termes, là, de: C'est terrible, c'est terrifiant, ça n'a pas de bon sens, mais... Parce que je dirais ? puis on se dit ça chez nous des fois en farce, mais c'est sérieux ? c'est bête puis c'est paradoxal, parce que, si les pauvres avaient de l'argent, là, tout le monde s'intéresserait à leur sort, mais ils n'en ont pas. Et c'est là, je pense, moi, que le projet de loi a eu comme... Je dirais, c'est un élément déclencheur pour en parler davantage, mais de façon un peu plus cohérente.

n(12 heures)n

Bon, j'ai vu dans les journaux ce matin qu'il y a du monde qui ne sont pas ici parce qu'ils nous disent qu'eux autres vont s'occuper de ces questions-là sur le terrain, ce n'est pas essentiel d'être ici en commission parlementaire. Moi, je voudrais juste vous dire que nous autres, on a travaillé beaucoup ces questions-là sur le terrain, puis on a l'intention d'y travailler d'arrache-pied dans les prochaines semaines, dans les prochains mois encore plus, et on trouve que c'est essentiel d'être ici pour discuter de ces questions-là.

Coluche disait: Dieu a bien fait les choses en partageant également entre les hommes. Aux riches il a donné la nourriture, puis aux pauvres il a donné l'appétit. Et je pense que ce projet de loi là, ce matin, on est en train de parler de l'appétit des pauvres. Et ce n'est pas... On n'est pas naïf, là, puis on n'est pas complètement sauté, mais on sait que ça ne se réglera pas, le problème de la pauvreté, d'un coup sec, par un coup de baguette magique puis on a l'impression que de la pauvreté, on va toujours en avoir. Mais, en même temps, on dit, là, que ça, ça a le mérite de discuter ça de façon convenable, de façon plus cohérente, puis j'ai l'impression que ça va servir. Quand on monte, on édifie une société, c'est pierre par pierre, puis ça prend du ciment entre les pierres. On a l'impression que le projet de loi peut servir de ciment.

Et on trouve que c'est faisable, je le disais tantôt, mais à une condition, c'est que la future loi de lutte contre la pauvreté puis à l'exclusion soit une loi gouvernementale. Pas ministérielle, gouvernementale, qui lie l'ensemble des ministères par une clause et par des études d'impact. Et là je voudrais vous faire un parallèle avec l'allégement réglementaire. Moi, je me souviens fort bien, au Sommet socioéconomique, il y a eu un grand débat pour dire... Bien, là, là, les entreprises disaient: Il y a trop de réglementation ou il y a certaines réglementations qui sont un peu trop lourdes, tatillonnes, bureaucratiques. Et on est de ceux-là à la FTQ de dire: Il faut regarder. Quand une réglementation ne vise pas le but puis fait juste être nuisible à l'économie, puis tout ça, ce n'est pas bon. Ça fait qu'on a regardé ça.

Mais, lors du Sommet, il a été décidé que chaque ministère, avant qu'il y ait chaque petit bout de réglementation au Québec ? puis Dieu sait que les syndicats, on est concerné par ça, parce qu'on se le fait dire à chaque fois ? qu'il y aurait un étude d'impact réglementaire chaque fois qu'il se prendrait une décision sur de la réglementation au Québec. Vous avez envoyé le message dans tous les ministères, vous avez fait faire le ménage dans tous les ministères, il n'y a pas un ministère qui peut bouger sans que ça passe par l'ensemble du Conseil des ministres, sans que ça passe par le gouvernement. On est obligé de présenter des projets, des projets puis de dire qu'est-ce qu'on va faire dans la prochaine année, les deux puis les trois prochaines années. Et, au Sommet, je vous rappellerai que nous, de la FTQ, on était d'accord avec ça, mais on demandait un petit bout de plus, on demandait qu'il y ait aussi une étude d'impact social, pas juste une étude d'impact économique. Ça nous a été refusé.

Bien, je trouve qu'aujourd'hui on est sur le bout d'impact social et, si on est sérieux ? puis on a été sérieux, puis on en a fait beaucoup dans l'allégement réglementaire avec ça ? avec une politique comme ça puis une politique musclée, on devrait être capable de faire la même chose sur les questions de pauvreté puis d'exclusion. Qu'il n'y ait pas un sacrifice de ministère qui prenne une décision sans se préoccuper de ces questions-là, puis que ce soit cohérent, puis vraiment tous les ministères ensemble, puis moi, je suis convaincu qu'on va faire avancer les choses. Puis on pense que le projet de loi, c'est là, là, qu'il est fort utile. Si on l'a fait là, on devrait être capable pour le faire.

Et, je me rappelle aussi au Sommet sur la jeunesse, nous, à la FTQ, on avait suggéré aux jeunes... Parce que là il est arrivé avec une affaire, c'était large, puis on a dit: Écoutez, essayez donc de partir avec des études, avec des questions d'impact, puis que chaque ministère, quand ils prennent des décisions puis que ça regarde la jeunesse, puis tout ça, puis les jeunes aujourd'hui... C'est la politique gouvernementale qui en est sortie. Puis les jeunes ne nous disent pas qu'ils sont parfaitement heureux, mais que ça a beaucoup changé puis que, vraiment, ça a apporté des choses assez importantes dans les politiques gouvernementales. Ça fait que c'est comme ça qu'on voit ça.

Nous, on pense que le champ, là, il est grand et, tant qu'on ne saura pas y semer ou qu'on n'a pas semé, on ne sait pas exactement ce qu'on va récolter. Et là je parle ici du plan d'action. Bon, sur le plan d'action, nous, on demande un débat public à ce niveau-là, mais, encore une fois, là, quand on dit débat public, là, on ne veut pas réinventer la roue, là, on ne voudrait pas passer encore un an puis deux ans à faire une grande consultation. Il me semble qu'on s'est passablement parlé des problèmes qui existaient. Il y a plusieurs questions qui ont été mises sur la table, on devrait être capable d'arriver avec un programme, puis assez rapidement, puis reconsulter le monde et aller de l'avant.

Dans votre projet de loi, on a quelques bémols. Moi, je vais juste en citer quelques-uns et, ensuite, je céderai la parole à Mme Audet. D'abord, il y a toute la question de l'emploi. On pense que... Puis on voudrait que l'emploi soit au centre de la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté. Nous, on est convaincus puis persuadés que, sans une politique d'emploi, et d'emplois de qualité, on va arriver de peine et de misère, à la pièce, à améliorer peut-être le niveau de vie de certaines personnes, mais ce n'est pas ce qui va leur donner le statut de citoyens à part entière et avec ce qui l'accompagne. Ça fait qu'on pense que l'accès aux ressources, aux droits, aux biens et services... Puis il faut dépasser le cadre de l'aide à la personne et passer à des mesures plus sociales, globales puis avec de l'horizon.

On dit souvent chez nous: Le filet de sécurité sociale, là, on ne devrait pas s'en servir juste pour ne pas tomber plus bas, mais il me semble qu'on devrait s'en servir comme une véritable trampoline puis être capable d'arriver à des véritables programmes d'insertion. Il va falloir qu'on parle de l'accès à la propriété, les maisons. Nous, on vient de mettre un programme, par exemple, là, dans le taxi, avec le Syndicat des métallos, pour que les chauffeurs de taxi deviennent de plus en plus propriétaires de leur véhicule, de leur permis. On pourrait pousser cet exemple-là un peu plus loin.

On peut parler des Décrets de convention collective, qui ont déjà existé au Québec, qu'on a malheureusement fait sauter à gauche et à droite, qui permettaient, dans des régions données, de maintenir des conditions de travail qui n'étaient pas extraordinaires, mais pas juste maintenir du salaire, maintenir des régimes d'assurance, maintenir un régime de retraite. Et, depuis que c'est sauté, ça, ces travailleurs-là, la concurrence est tellement féroce, on n'a plus de régimes de retraite, on n'a plus de régimes d'assurance, puis les niveaux de salaire sont rendus pratiquement au salaire minimum dans plusieurs cas.

Et on pense qu'il faudrait revoir, par exemple, la loi des fermetures d'entreprises. On n'empêchera jamais les fermetures d'entreprises ? on sait que c'est un phénomène qu'on va continuer à vivre ? ou les mises à pied, des fois, parfois massives, mais, dans d'autres pays puis même dans certains États des États-Unis, c'est plus contraignant. Les entreprises ont une responsabilité sociale, quand elles flanquent des milliers de personnes ou des centaines de personnes à la rue, pour s'en occuper puis éviter qu'elles tombent dans la question de la pauvreté.

Le dernier point que je voudrais soulever, c'est... Bon, je parlais de la question des décrets tantôt, je ne voudrais pas oublier le décret du vêtement pour dames qui, là... C'est sur la respiration artificielle, là, il est maintenu dans les normes, là, mais qu'on parle d'année en année de faire sauter. Ça, c'est des travailleuses principalement immigrantes, et une soixantaine de mille emplois au Québec, puis ça a toujours très bien fonctionné malgré les décrets, et qu'on s'apprête à retourner de plus en plus dans la pauvreté. Et, je vous inviterais juste à aller vous promener à Montréal, là, sur la rue du Parc, Parc-Extension, la rue Saint-Laurent, on en voit, là, des boutiques, là, à plus finir où ils louent des machines à coudre là. Ça, ils ne louent pas ça aux entreprises, là, ils louent ça aux travailleuses, là, qui font le travail, mais qui sont à 2, 3 $ de l'heure, nettement en dessous du décret, nettement en dessous du salaire minimum, et on pense, ces questions-là, il faut qu'on s'en préoccupe.

Je finirai avec toute la question des ressources. Quand on regarde, par exemple, le bien-être social comme dernière ressource, là, si quelqu'un a une maison, il est obligé de... qui vaut plus que tant ? je pense que c'est 80 000 $ ? il faut la vendre, là. En bas de 80 000, là, c'est quasiment un shack, ce n'est pas une maison, et là on est obligé de la vendre. Si on a de l'argent dans un REER... Si on est riche, parfait. On tombe sur le bien-être, on peut prendre une partie du bas de laine. Mais, si on a un peu d'argent dans notre REER puis c'est notre régime de retraite, puis là on est obligé de le vider parce que... Et ça, je trouve ça effrayant qu'on ne soit pas capable d'amender ça plus rapidement. Dans une de nos priorités, là, nous, là, c'est de faire ça disparaître au P.C. On a, nous autres, passablement de travailleurs... Moins aujourd'hui, là, mais, à la FTQ, on a eu beaucoup de travailleurs puis de travailleuses qui ont tombé sur le bien-être pendant deux, trois ans, au plus fort de la crise économique, au plus fort de la crise économique dans le bâtiment, qui ont été obligés de vendre leur maison, puis vendre leurs biens, puis tout dépenser leur REER. Quand on les ramène dans le système, là, moi, je trouve qu'ils sont dans le coma, ils sont vraiment durs à réinsérer. On a quelques autres...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste trois minutes, madame.

M. Massé (Henri): Oh! Excusez, madame.

Mme Audet (Monique): Bon, je vais essayer de faire brièvement le tour de nos recommandations pour expliquer le sens le plus rapidement possible.

Alors, la première de nos recommandations, c'est de tenir un débat public sur le plan d'action, comme M. Massé l'a dit.

Deuxième recommandation, c'est de modifier la définition de la pauvreté. Vous dites vous inspirer largement de la définition des Nations unies, sauf qu'on a échappé toute la notion de droits dans cette définition-là. Et, donc, on propose de réinsérer la notion de droits, puisque la privation des droits est un des visages de la pauvreté. On propose aussi d'ajouter un deuxième paragraphe qui est tiré à même l'énoncé politique que vous avez publié en juin et qui explique que la pauvreté peut être aussi une situation transitoire et qui peut conduire à des situations, comme M. Massé vient de mentionner, qui, finalement, sont transitoires mais finissent par l'exclusion de ces personnes-là; de modifier le deuxième paragraphe de l'article 4 sur le but des actions à mener. On parle de faire en sorte que la personne pauvre puisse cheminer elle-même vers l'atteinte de son autonomie. Alors, on trouve que c'est un peu trop responsabiliser la personne elle-même, et donc de biffer le mot «elle-même» de cette phrase-là et d'ajouter «vers l'atteinte de son autonomie et sortir de la pauvreté». On trouve que, dans le projet de loi, le but, qui est l'éradication de la pauvreté, est insuffisamment mentionné et on trouve qu'il devrait être présent dans cet article-là.

n(12 h 10)n

À l'article 5, c'est d'ajouter comme premier objectif la question de l'emploi, et donc l'objectif poursuivi par la stratégie serait d'abord de promouvoir l'accès à l'emploi et l'accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et aux services. On voudrait aussi ajouter à cet article 5 un deuxième paragraphe qui... Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que l'objectif, c'est, d'ici 10 ans, de diminuer de moitié le taux de pauvreté. On trouve que ça devrait être inclus dans la loi.

Sur le renforcement du filet de sécurité sociale, on voudrait que soient développées des mesures économiques qui s'inscrivent dans une dynamique de développement plus structurante, notamment par l'encouragement à l'acquisition d'actifs, M. Massé l'a expliqué. On voudrait aussi que le gouvernement privilégie une approche qui rende plus attrayant le revenu potentiel à tirer du marché du travail, qu'il s'agisse au niveau des salaires, des avantages sociaux ou des mécanismes institutionnels. On voudrait aussi que la politique du logement social ne soit pas une politique isolée, mais qu'elle soit ancrée aux autres politiques sociales afin de faciliter le processus d'intégration dans toutes ses dimensions.

On propose aussi de modifier l'alinéa 1° de l'article 10 de manière à ce que non seulement on favorise la participation citoyenne des personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale, mais on doit s'assurer de cette participation-là.

Ensuite, on propose... Bon, toute la politique d'impact qu'on demande, là, je ne répéterai pas.

Et, finalement, on voudrait que les rapports prévus dans le projet de loi soient soumis à une consultation publique par la commission parlementaire compétente de l'Assemblée nationale afin qu'il y ait un retour régulier à la population.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Audet, M. Massé, merci pour la présentation de votre mémoire. Sans plus tarder, je cède la parole à Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci beaucoup à M. Massé ainsi qu'à tous ceux et celles qui vous accompagnent. D'abord, je tiens à vous remercier aussi pour tout le travail que vous avez accompli sur le terrain, parce que parfois on a entendu des gens indiquer que c'était spontané, que l'on décide subitement de faire une loi, alors qu'il y a un travail de longue haleine qui a été amorcé par différents groupes de personnes qui ont travaillé, des gens qui ont signé au niveau du Collectif, mais il y a eu du travail qui a été fait dans chacune des régions. Puis il y a du travail qui a été fait en partenariat avec les membres du ministère, mais vous avez collaboré ainsi que de nombreux, nombreuses... de vos membres, et je tiens à vous remercier, parce que c'est vraiment un débat de société.

Je voudrais aussi vous remercier pour ce que vous avez exprimé comme étant quelque chose d'extrêmement important, le projet de loi nous permet de parler de la pauvreté puis d'en parler avec la réalité telle qu'elle existe aujourd'hui et telle qu'elle est comprise aussi par l'ensemble des personnes qui vivent cette pauvreté, puis aussi pour se dire que cette pauvreté-là, elle a différents visages aujourd'hui.

Vous avez aussi indiqué que le travail qui a été fait... Cette loi va nous permettre justement de mesurer le chemin qu'on a parcouru. Vous savez, j'ai derrière moi un tableau qui nous donne une perspective d'avenir, réduire de moitié la pauvreté. Il est évident que c'est un défi ambitieux. C'est un défi qui nous interpelle, chacun et chacune, et, aujourd'hui, on a eu la chance, comme hier d'ailleurs, d'avoir des gens qui sont venus nous déposer des mémoires extrêmement importants. Le vôtre l'est tout autant, vous apportez des éléments de modification qu'on va regarder. Ça ne veut pas dire qu'on peut tout faire, mais, à entendre pendant cette commission, ça nous permettra de bonifier bien sûr encore notre loi, mais aussi ça va nous permettre de bonifier aussi le plan d'action qu'on s'oblige dans le cadre de cette loi-là.

Nous avons eu hier différentes représentants, mais, entre autres, au niveau de la CSQ où ils sont venus nous indiquer qu'on semblait trop vouloir miser sur l'emploi pour faire en sorte de sortir les gens de la pauvreté. Bien sûr, l'emploi est aujourd'hui exigeant, exige une qualification qui soit continue, exige de faire en sorte qu'on soit capable d'offrir aux gens des outils pour leur permettre justement d'être formés à la réalité d'aujourd'hui, mais comment pensez-vous qu'on peut concilier, je dirais, deux organisations qui, effectivement... Une nous indique qu'on est trop du côté de l'emploi, puis vous exprimez que l'emploi est un facteur extrêmement important ? et, je le partage, ce point de vue, nous le partageons aussi, des emplois de qualité bien sûr ? et comment on peut faire pour concilier ces deux présentations? Je ne sais pas si vous avez eu le temps, là, de lire le mémoire qui a été présenté par la CSQ, entre autres. Vous n'avez pas pu le faire, je pense.

M. Massé (Henri): Ah, pas lu, mais d'abord la CSQ, ce sont de bons amis, ça fait qu'on peut se permettre, des fois, de les rabrouer un petit peu, et je pense qu'on a les pieds un peu plus dans le réel que la CSQ sur ces questions-là. Tu sais, nous, on est dans le secteur privé et on représente passablement de travailleurs puis de travailleuses qui sont pauvres, qui sont pauvres, ce qui n'est pas nécessairement le cas de la CSQ. Puis, je ne le dis pas de façon péjorative, on a les deux pieds dedans, les deux mains dedans, puis c'est notre réalité, ça, nous, à toutes les semaines.

Mais, en même temps, je ne donne pas complètement tort... Il n'y a pas juste la CSQ qui dit ça, il y a d'autres groupes de défense des pauvres qui le disent, des groupes communautaires, parce que, des fois, ils ont l'impression de se faire embarquer dans une politique d'emploi, mais qu'on va négliger le reste. Moi, je pense, c'est une question de dosage, c'est une question de... Dans votre discours gouvernemental, dans vos positions comme gouvernement, dans vos débats en commission parlementaire, je pense qu'il faut prendre les deux aspects, pas essayer d'en éluder un en prenant juste l'autre. Mais, nous, à la FTQ, on est très préoccupés par la question de l'emploi, parce que moi, j'ai bien de la misère à comprendre comment on peut arriver à des programmes de réinsertion puis des programmes valables, valables, quand on a du monde qui travaille 40, 45, 50 puis 60 heures par semaine puis ils sont raide pauvres. Ça ne donne pas bien, bien l'exemple aux autres, ça, puis dire comment on va travailler pour, tu sais.

Ça fait que, nous, on pense que, dans les politiques d'emploi, ça prend une politique d'emploi... Ce n'est d'avoir des emplois, ça prend des emplois bien payés, ça prend des emplois où on a minimum de régimes sociaux autour, d'assurance, puis tout ça. Je ne dis pas que c'est nécessairement facile, mais on en connaît des exemples où on a réussi à bâtir des affaires. Puis on pense qu'il faut d'abord s'attaquer... Il faut que ce soit au centre de la politique, parce qu'on peut bien bonifier puis arriver avec beaucoup de mesures pour ceux qui sont hors emploi puis qui sont pauvres, mais, si on continue à appauvrir ceux qui sont au travail, on va avoir un régime qui ne fonctionnera pas. Y a-tu quelqu'un qui veut ajouter?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemare.

M. Bellemare (Marc): Merci, madame. La question de l'emploi, elle est plus que majeure. La question de l'emploi, c'est aussi une question de valorisation. C'est une question de faire en sorte qu'un travailleur, qu'une travailleuse, qu'un citoyen ou une citoyenne se sente réellement à part entière, et la meilleure façon de ne pas être exclu, la meilleure façon de ne pas se sentir exclu, bien c'est de payer des impôts. Quand tu paies des impôts, tu as ton mot à dire, et on te reconnaît le droit de le dire. La meilleure façon de se sentir apprécié et de se sentir utile, c'est par le travail. Mais, comme mon président l'a dit, pas n'importe quoi, pas n'importe comment, puis pas n'importe où, puis pas à n'importe quelles conditions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Est-ce que, au niveau de... Quand vous avez, tout à l'heure, parlé de toute l'importance au niveau de se donner des outils pour nous permettre que ce soit une loi gouvernementale et non pas uniquement ministérielle... Parce que la stratégie nationale de lutte à la pauvreté et le projet de loi interpellent plusieurs ministères, pensons à la Santé et Services sociaux, au ministère de l'Éducation, au niveau de l'Emploi, et tout ça. Vous avez fait part que vous souhaitiez que l'on fasse un peu comme on a fait pour l'allégement réglementaire, est-ce que vous pensez que le fait... Est-ce que je comprends bien que ce que vous souhaitez vraiment, c'est qu'on puisse s'assurer que, dans l'application de cette loi-là et du plan d'action, qu'on ait une façon de s'assurer que ce soit l'ensemble du gouvernement, dans tous les gestes qu'il ait à poser, qu'il ait à se préoccuper quel sera l'impact chez les personnes vivant une situation de pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

M. Massé (Henri): Exactement. Regardez le modèle qui a été pris sur l'allégement réglementaire, ça partait du bureau du premier ministre, qui présidait lui-même un comité, puis, tu sais, tout le monde était dans le moule. Ça fait qu'on n'a pas affaire à réinventer la roue, je pense qu'on a déjà un instrument là. Il s'agit de changer les titres.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.

n(12 h 20)n

Mme Léger: Oui. Bonjour, messieurs. Bonjour, madame. Je veux revenir, moi, à l'intégration sur le marché du travail. Effectivement, l'emploi est plus qu'important, et notre gouvernement y a mis, je pourrais dire, beaucoup d'emphase et continue à le faire, parce que c'est un défi qu'on se donne pour Horizon 2005, plein emploi et souveraineté bien évidemment. Au niveau du plein emploi, on a une moyenne, à peu près, de quelque 8 point quelque chose actuellement pour le chômage au Québec, de le descendre à un niveau beaucoup plus bas pour qu'on arrive à un plein emploi. Bon, on parle de 4, 5 %, là, pour arriver au plein emploi.

Lorsqu'on regarde un petit peu les solutions qu'on peut apporter dans la lutte contre la pauvreté, il y a des gens, effectivement, la plupart des gens, qu'il faut réussir à ce qu'ils puissent intégrer le marché du travail, et c'est un objectif des plus importants. Il y en a qui peuvent réussir, mais avec un petit peu plus de difficultés. Alors, ceux-là, on a à s'y attaquer un peu plus, de trouver... les soutenir davantage pour être capable aussi qu'ils puissent intégrer le marché du travail soit par de la formation, des stages, bon, toutes formes que vous connaissez aussi, vous, à la FTQ particulièrement. Les gens nous disent aussi qu'ils ont beau vouloir intégrer le marché du travail, mais ce n'est pas nécessairement évident de l'intégrer, le marché du travail. Ils ont besoin de plus de temps, plus de soutien, plus d'encadrement, plus de formation, etc.

Comment on peut, lorsqu'on demande aux entreprises... d'une part, que les entreprises puissent avoir davantage cette solidarité sociale là, davantage être capables d'aider pour soutenir des gens qui en ont plus besoin, donc qui nous disent: «Bien, on a besoin d'encadrement, on a besoin de ressources, on a besoin de monde pour nous aider dans l'entreprise, parce que, si la productivité nous demande tant d'heures pour réussir à sortir un produit, avec une personne plus lourde, plus hypothéquée, elle demande encore plus de temps, donc ce n'est pas six heures, ça va être 15 heures»? Donc, ça met en cause un peu toute la productivité de l'entreprise. Donc, il y a une conscience sociale à développer chez l'entreprise de comment elle peut collaborer davantage dans cette lutte à la pauvreté.

Mais, au niveau du monde syndical particulièrement, j'ai eu des rencontres avec plusieurs d'entre vous et j'essayais de voir un peu ? c'est pour ça que je vous pose cette question-là ? comment, au niveau du milieu syndical, ils ont pu demander une structure d'accueil particulièrement dans une entreprise, mais comment aussi, au niveau du travailleur qui a son travail dans l'entreprise, peut davantage aider une personne qui doit s'intégrer au marché du travail et qui doit se confronter, dans le fond, au code de l'entreprise, mais au code aussi syndical?

Alors, comment vous voyez, vous, votre... Comment vous pouvez apporter davantage à ce niveau-là pour aider un futur travailleur, là, qui pourra gagner sa vie, lui aussi, d'une façon digne, honnête, et qu'il puisse retrouver, comme disait tout à l'heure monsieur, une estime de lui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

M. Massé (Henri): On a déjà collaboré en bonne partie à des programmes. Maintenant, on se fait dire, des fois, qu'on ne collabore pas assez, que nos travailleurs et nos travailleuses, nos syndicats dans les syndicats locaux, des fois, refusent ces programmes-là. Bon, la première chose, là, si vous voulez qu'on travaille bien là-dedans, c'est lorsque l'employeur dit: Bien, c'est de la faute du syndicat, ça prendrait quelqu'un qui communique avec nous pour nous en parler. Moi, j'ai vu souvent... Ça, c'est une réponse facile, ça, de dire: Ah, on ne pourra pas embarquer là-dedans, le syndicat ne veut pas. Puis on en a déjà parlé au syndicat, puis ça ne marchera pas. J'étais avec M. Chagnon la semaine passée, puis on s'en parlait justement. On va en partir, là, deux, trois projets avec M. Chagnon, puis on reviendra vous revoir. Puis ils vont marcher parce que M. Chagnon va travailler avec nous autres, puis on va rencontrer les syndicats.

Ce qu'on ne veut pas, comme syndicat... Il y en a des bons programmes, mais, malheureusement, vous avez des programmes qui ne valent pas cher. Moi, là, quand on passe, là... C'est des «batches», là, de trois, quatre mois, puis on les flanque dehors, puis on en rentre une autre «batch», là. Puis il y a des entreprises dans le «cheap labor» qui se servent de ça pour produire à bas coûts, et qu'on ne forme pas le monde, puis qu'on ne les intègre pas vraiment. Ça, là, ne venez pas nous voir avec des projets de même, on ne marchera pas là-dedans, nous autres. Mais on est conscient, on est conscient que, dans plusieurs programmes, s'ils sont bien montés... D'abord, il faut que notre monde, nous, n'ait pas l'impression que leur emploi est en danger parce qu'on va marcher avec ces programmes-là. Puis, si on le fait comme il faut, on est capable. Moi, je suis convaincu que notre monde vont collaborer, puis on l'a déjà fait. Et là ce qu'on veut faire avec M. Chagnon, c'est qu'au lieu d'en faire une mesure générale on va partir avec deux, trois projets limités puis on va travailler ensemble. L'exemple a toujours meilleur goût, moi, je trouve. Tu sais, celui-là, il y en a d'autres qui voient aller ça, puis, dans nos rangs, ça va se parler, un bon programme puis... Mais, souvent, c'est un mauvais programme, et on a de la misère avec ça. Et moi, je pense que, si les syndicats sont plus dans le coup pour vraiment travailler sur ces questions-là, on va en faire pas mal plus.

On n'en fera jamais assez. Ça, je suis convaincu de ça, on n'en fera jamais assez. Moi, je suis très préoccupé par ces questions-là. J'étais très préoccupé, entre autres, au niveau des questions des handicapés. Par exemple, je me suis promené dans plusieurs entreprises, Fonds de solidarité ? oups, bon ? un peu partout, et j'ai... On a de la difficulté, il faut le dire, là, mais on en a réussi. Ça fait qu'on est capable d'aller plus loin, mais il faut que ce soit sérieux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste deux minutes, Mme la ministre.

Mme Léger: Bon. Alors, je vais le laisser à ma collègue d'abord, s'il vous plaît, des Chutes-de-la-Chaudière.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: ...deux minutes, ce ne sera pas très long. Effectivement, j'ai apprécié le réalisme, si on veut, des recommandations qui nous sont soumises par le biais de votre mémoire. Mais, par ailleurs, j'aurais eu quelques commentaires, mais je vais me limiter à une seule question. Je remarque que vous n'avez aucun commentaire sur la mise en place de l'Observatoire, et tout ça, des moyens qu'on essaie de se donner pour suivre de façon plus régulière, si on veut, ce dossier-là. Alors, je me posais la question: Est-ce que c'est parce que vous n'avez pas réfléchi à ce moyen-là ou si... Parce qu'on a eu d'autres commentaires, il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre, il y en a qui nous disent: Donnez donc ça au ministère. Alors, pour la FTQ, ce serait quoi, la position?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, brièvement, M. Massé.

M. Massé (Henri): On va laisser ça aux intellectuels, et je vais demander à Marc de...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, brièvement M. Bellemare.

M. Bellemare (Marc): Merci, confrère président, je vous en dois une. Écoutez, c'est un projet de loi spécial, c'est un projet de loi différent. C'est une approche différente, c'est une vision différente, donc il lui faut des instruments différents. Il lui faut surtout des instruments différents et indépendants. L'Observatoire, ce sera, quant à nous, l'instrument de vigilance, l'instrument qui va permettre de mieux cadrer ou de mieux établir ce qui devra être fait dans le plan d'action. Oui, on est d'accord avec le maintien de l'Observatoire pour les motifs que je viens de vous donner.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Bellemare. Merci, Mme la députée. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à M. Massé ainsi qu'à ceux qui vous accompagnent. En guise de remarque d'ouverture, si vous voulez, vous disiez tantôt que vous en voulez à M. Chagnon de vous avoir laissés entre les mains de Quebecor, il me semble que vous avez un petit mot pour la Caisse de dépôt qui vous a livrés à Quebecor?

M. Massé (Henri): ...

M. Sirros: Et la Caisse de dépôt qui vous a livrés à Quebecor?

M. Massé (Henri): La même chose, je vous remercie.

M. Sirros: Je voulais juste qu'on soit clair.

M. Massé (Henri): Je vous remercie, parce que je suis convaincu que les membres de Vidéotron vont, tout à l'heure, être en maudit après moi.

M. Sirros: En tout cas, ceci étant dit, revenons...

M. Massé (Henri): Ça fait longtemps que je n'ai pas été sauvé par un libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Ça fait longtemps. Je vous remercie.

M. Sirros: Moi, je ne perds jamais espoir de vous convaincre que vous pouvez l'être. On a eu des bonnes collaborations dans le passé.

M. Massé (Henri): Oui, monsieur.

M. Sirros: Oui, monsieur. Cela étant dit, là, revenons à nos moutons ici. Il y a deux points sur lesquels j'aimerais qu'on échange: la question de la définition de la pauvreté et la clause d'impact par la suite. Vous, vous optez pour une définition dans la loi de la pauvreté en suggérant même un ajout, qui est la notion des droits, que vous voulez voir dans la définition de pauvreté. On a tout un débat autour du fait qu'on devrait être capable de mesurer la pauvreté à un moment donné pour qu'on puisse savoir si on progresse ou non. Et, normalement, si on veut mesurer quelque chose, c'est à partir d'une définition de ce que c'est qu'on le mesure. Quand je lis la définition à la fois dans la loi et celle que vous apportez, j'ai de la difficulté à saisir comment est-ce qu'on va le mesurer. Ça, c'est une partie de ma question, sur cette notion de définition.

L'autre partie, c'est: C'est quoi au juste qu'on devrait mesurer? Vous parlez de mesurer le nombre de personnes à un moment donné. Est-ce que ce ne serait pas plus approprié de mesurer le progrès qu'on fait, plutôt que d'aborder ça en termes absolus, de l'aborder au niveau du taux de réussite, si, aujourd'hui, on est à tel niveau puis on arrive à un autre, bien on a progressé ou non, donc de mesurer le progrès plutôt que la quantité comme telle? Je voudrais vous entendre un peu sur la question de la place d'une définition dans la loi et la mesure de quoi au juste.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

M. Massé (Henri): Mme Audet.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Audet.

Mme Audet (Monique): Je vais commencer, puis mon collègue va continuer, Mme la Présidente. Bien, enfin, moi, ce que vous dites, je ne vois pas du tout, là, de contradiction entre les trois choses, entre la définition, une définition de pauvreté... Enfin, pour nous, ce n'est pas, a priori, quelque chose dans la définition qu'on doit mesurer par rapport à la définition elle-même. Quand nous, on propose d'ajouter des droits, les droits, évidemment, c'est un état de fait, c'est un état d'accès à la culture, aux droits économiques, aux droits politiques, etc., aux droits sociaux. On ne mesure pas... En dehors d'une situation de pauvreté, on ne mesure pas ces droits-là, donc il n'y a pas lieu, ici, d'ajouter une notion de mesure à notre avis.

n(12 h 30)n

Toute la question de mesure de taux de réussite versus progrès, moi, je ne vois pas de contradiction non plus entre les deux. Nous, comme vous avez pu le constater dans le mémoire, on ne discute pas de mesure de taux de pauvreté, on trouvait que c'était précipité de le faire à ce moment-ci. On pense que l'Observatoire va pouvoir se pencher sur ces questions-là et arriver à des propositions intéressantes là-dessus. Et c'est évident pour nous qu'il va falloir mesurer effectivement les progrès réalisés, et je pense qu'il y a des mesures de ces progrès-là qui peuvent être chiffrées, mais aussi il y a des observations et des constatations sociales qui sont faciles à faire autrement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, avant de passer la... M. Bellemare, est-ce que vous voulez intervenir? Avant de passer la parole à M. Bellemare, est-ce que je pourrais avoir le consentement des membres pour dépasser... étant donné qu'il est midi trente? Oui? Alors, on peut dépasser le temps prévu. M. Bellemare.

M. Bellemare (Marc): Merci, Mme la Présidente. On ne pense pas que ce soit la place ici pour débattre des cibles, des objectifs ou de la mesure du progrès. Le projet de loi vise à éradiquer. Parfait, on tend pour ça. Le Conseil et l'Observatoire, ça fait partie de leur mandat d'établir des cibles, des objectifs et, bien entendu, des mesures de progrès. Avoir une définition de la pauvreté puis avoir des cibles, ce n'est pas contradictoire. On s'entend sur qu'est-ce que la pauvreté, puis maintenant on conviendra de quelle façon on va pouvoir mesurer les progrès.

Écoutez, ce serait comme vouloir faire un débat: Est-ce que c'est un panier de provision, ou est-ce que c'est ci, ou est-ce que c'est ça? Ce n'est pas la place, laissons le Conseil et l'Observatoire déterminer quelles sont les cibles et les objectifs à partir du plan d'action que le gouvernement devra faire connaître incessamment après l'adoption de la loi. Mais, où je donne raison à M. le député, c'est bien certain qu'il faut se donner des cibles mesurables, qualitatives et quantitatives. Ça, c'est certain.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je suis très conscient de ça et je pense que c'est pour ça aussi que la mesure qu'on va utiliser, peu importe laquelle elle sera... Moi non plus, ne je pense pas que ce soit ici la place pour le faire, mais il faut qu'elle soit une mesure qui soit la même aujourd'hui puis après pour qu'on puisse effectivement mesurer les pommes avec les pommes, hein? Donc, quand je parle en termes de progrès, je pense que c'est ça qu'il faut viser aussi, de voir c'est quoi, l'évolution.

Mais là deux choses. Vous dites que, selon vous, c'est à l'Observatoire puis au comité consultatif d'établir les cibles. Moi, je pensais plutôt que ce serait une décision de société, finalement, de dire: Bien, nous sommes ici aujourd'hui, nous estimons que c'est là où on devrait être dans 10 ans et ne pas laisser ça à des organes qui sont créés par le gouvernement.

Maintenant, sur l'Observatoire lui-même, je suis d'accord également qu'il faut avoir une façon de mesurer les éléments qui se rattachent à la pauvreté pour qu'on puisse effectivement les mesurer par la suite, mais est-ce que ça prend véritablement un organisme indépendant, une nouvelle structure spécifique avec ses... On voyait, par exemple, qu'il y avait le Conseil de la santé et du bien-être qui se disait pourrait le faire, le Bureau de statistique pourrait avoir le mandat précis de faire des choses aussi. Pourquoi ça prendrait un organisme supplémentaire, une autre structure? Ou est-ce que ça en prend une absolument pour...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bellemare? Mme Audet? M. Bellemare.

M. Bellemare (Marc): Est-ce que c'est... Je ne suis pas prêt à appeler ça, moi, une nouvelle structure. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas énormément de gouvernements, il n'y a pas énormément de sociétés qui tentent actuellement de se donner une loi-cadre de cette nature-là. Moi, je crois, comme je l'ai dit tout à l'heure, vision nouvelle, outils nouveaux et, surtout, beaucoup plus indépendants. Moi, je pense que le Conseil et l'Observatoire, sans parler de structures nouvelles, la loi leur donne des rôles bien spécifiques et un fonctionnement. Bien entendu, ce qui sera établi ou ce qui sera recommandé par un et par l'autre devra avoir l'aval de l'Assemblée, l'aval du gouvernement.

M. Massé (Henri): ...nos structures, Marc, n'existent pas à l'heure actuelle, donc c'est nouveau.

M. Bellemare (Marc): C'est une structure qui n'existe pas, c'est une nouvelle structure. Le fait de mettre en place un conseil et un observatoire dans le projet de loi, c'est nouveau. Le seul observatoire concernait, je crois, je pense, la mondialisation, je pense, qui avait été mis en place. C'est une nouvelle, mais c'est préférable de le faire de cette façon-là à cause justement du caractère bien spécifique de ce projet de loi là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion. Oui, M. Massé.

M. Massé (Henri): Dans tous les débats au niveau du Collectif, on trouvait que c'était important, parce que, d'abord, juste établir, là, les véritables notions, c'est quoi, la pauvreté, notre taux de... Comment on appelle ça, là%, de... Le seuil de la pauvreté, là, comment qu'il y a de galvaudage là-dessus, puis là, finalement, on ne sait plus si on parle de la même chose, et ça, on trouvait ça important. Maintenant, on verra les structures après, mais c'est le genre de débat qu'il faut tenir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée... Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Deuxième point que j'aurais, c'était la clause d'impact qu'on a discutée tantôt, et je vois que vous avez une suggestion, même, de genre de clause d'impact et d'article qui pourrait référer à une clause d'impact. On a déjà, dans les mémoires présentés au Conseil des ministres, des clauses d'impact, par exemple, sur l'environnement de façon standard. Je ne sais pas si la réglementation est toujours là, mais il y a aussi des clauses d'impact qui prévoyaient quels sont les impacts sur l'environnement, entre autres. Mais ça, à ma connaissance, n'était pas parce que c'était dans une loi, c'est parce qu'il y a eu décision administrative de requérir de tous les ministères une analyse de l'impact de leurs gestes sur l'environnement, entre autres, et je pense qu'il y a d'autres éléments.

Est-ce que c'est essentiel que ça soit dans la loi? Je n'ai pas de... C'est vraiment un questionnement que je fais, qu'il y ait une telle clause ou... Parce qu'on n'a pas choisi de le présenter comme tel dans le projet de loi n° 112, et on semble dire, du côté gouvernemental, que c'est quelque chose qui pourrait peut-être être fait sans que ça soit dans la loi. Vos réactions sur ça. Puis, c'est ma dernière question, ma collègue en a une aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vallée.

M. Vallée (Émile): Bien, c'est clair que ça pourrait être fait sans la loi, donc par voie de décret, là. Bien, c'est qui se fait dans le cas de l'allégement réglementaire, c'est un décret des ministres, là, bon, là-dessus. Maintenant, c'est que le projet de loi donne la responsabilité du dossier de la pauvreté au ministre, c'est le ministre qui doit courir après les autres ministres. Si on regarde comme il faut l'article 18, c'est le ministre qui «donne aux autres ministres tout avis qu'il estime opportun pour améliorer», etc. Ce qu'on dit, c'est que c'est un projet de loi qui... Une loi-cadre sur la lutte à la pauvreté touche, dans le fond, les actions d'un grand nombre de ministères et organismes, et puis, à ce moment-là, ça veut dire qu'il doit y avoir une responsabilité dans l'ensemble des ministères et organismes de se préoccuper de la question de la pauvreté, puis on pense que la seule façon de le faire, c'est de donner la responsabilité aux ministères et organismes de faire rapport des... qu'on parle d'études d'impact ou de rapports précis sur la pauvreté lorsqu'ils présentent des projets de loi ou des projets de nouvelle réglementation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci. Bonjour.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Deux minutes et demie.

Mme Gauthier: Pardon?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Deux minutes et demie.

Mme Gauthier: Deux minutes et demie. Alors, moi, j'en ai immédiatement... Bonjour, M. Massé. Pour comble, il y a un an passé, j'étais avocate puis je travaillais avec des syndicats affiliés à la FTQ, pour dire, hein? M. Massé, je...

M. Massé (Henri): On vous connaît très bien, madame, vous avez très bonne réputation.

Mme Gauthier: Merci. À l'article 7, M. Massé, on dit: «Chaque ministre doit, à l'égard des mesures de nature législative ou réglementaire qu'il propose et qui sont susceptibles d'affecter de façon significative les personnes ou les familles en situation de pauvreté...» Moi, j'aurais pensé que vous iriez plus loin et j'ai en tête, entre autres, des discussions qu'on entend au moment où on se parle, où certains partis politiques veulent abolir la sécurité d'emploi dans la fonction publique et les règles d'ancienneté, qui, à mon sens à moi, va entraîner encore... va engendrer de la pauvreté chez les travailleurs de la fonction publique. Vous ne pensez pas qu'on devrait aller plus loin, non pas prévoir seulement ceux qui sont en situation de pauvreté ou en devenir de l'être?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Massé.

M. Massé (Henri): On est parfaitement d'accord avec ce que vous dites, c'est ça qu'on disait... Dans le plan d'action... C'est pour ça qu'on veut un peu un débat public, on sait que c'est urgent. Mais, en même temps, encore une fois, ceux et celles qui sont au travail, il faudrait s'organiser pour ne pas les verser dans la pauvreté.

Je ne sais pas si Jérôme peut ajouter quelque chose. Il est de l'Alliance de la fonction publique, il a vu des situations semblables un peu au fédéral quand on a privatisé à tour de bras puis on a enlevé de la sécurité d'emploi. Il y a beaucoup de fonctionnaires qui se sont ramassés dans des situations économiques assez difficiles.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Turcq.

n(12 h 40)n

M. Turcq (Jérôme): Exact. Et, plus près de chez vous même, vous avez une base militaire à Bagotville qu'ils sont menacés présentement de la privatisation des services d'approvisionnement. Comme vous savez, au gouvernement fédéral ? et on espère que ça ne se passera de la même façon au gouvernement provincial, les choses ? les privatisations se sont faites de façon sauvage, et les gens ont perdu des avantages importants. Et c'est sûrement des actions comme ça qui ont apporté... Comment je pourrais dire? Qui ont mis plus de gens encore en situation de pauvreté malheureusement. Et, non, c'est sûr et certain que, nous, on va faire tout en notre possible pour se battre pour garder notre droit à l'emploi et surtout la sécurité d'emploi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement, le temps est écoulé, Mme la députée de Jonquière. Il faudrait peut-être poursuivre la discussion hors session.

Alors, il ne me reste qu'à vous remercier au nom de tous les membres, messieurs, madame, et je suspends les travaux à 14 heures dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 41)

 

(Reprise à 14 h 4)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis pour poursuivre la consultation générale sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Cet après-midi, nous rencontrons donc plusieurs groupes. Je remarque que le premier groupe a pris place. Il s'agit du Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire.

Alors, avant de commencer, je demanderais à tous ceux qui ont des appareils cellulaires de bien vouloir fermer ces appareils pour que nous puissions travailler dans le calme et la paix.

Alors, mesdames, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je demanderais à la personne responsable de s'identifier et de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et que par la suite il y aura période d'échange. Voilà.

Centre d'organisation mauricien de services
et d'éducation populaire (COMSEP)

Mme Tardif (Sylvie): Alors, bonjour. On est très, très heureux d'être ici aujourd'hui. Je veux juste vous faire part, là, qu'on n'est pas venu tout seul, on a monté en autobus de Trois-Rivières ? Rémi nous reconnaît bien, et on est... ? parce que c'est une démarche citoyenne, qu'on a travaillé ensemble, et on voulait venir vous voir ensemble. Ça fait que c'est... Vous nous souhaitez la bienvenue, mais vous souhaitez la bienvenue à nos membres qui sont là, derrière, et qui nous envoient plein d'ondes positives.

Je vous présente, ici, Raymonde Cochrane, qui est sur notre conseil d'administration, à COMSEP, et qui est une personne qui vit en situation de pauvreté; et vous avez Marie-Josée Tardif, qui est ma soeur et qui est aussi coordonnatrice adjointe de COMSEP. Et, moi-même, Sylvie Tardif, coordonnatrice de COMSEP.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Merci, madame.

Mme Tardif (Sylvie): Merci de nous recevoir. On va essayer de vous faire ça en 15 minutes.

Alors, bien, dans un premier temps, on voudrait souligner qu'on apprécie énormément d'être ici aujourd'hui, puis d'être ici, aujourd'hui pour une démarche de stratégie de lutte contre la pauvreté, pour une démarche de loi contre la pauvreté. Alors, on apprécie énormément que le gouvernement aille de l'avant avec cette loi-là. Nous, on est ici pour la bonifier et amener nos commentaires pour l'améliorer, mais déjà on a un grand pas de réalisé en tant que société de voir déjà la possibilité de la mise en place de cette loi-là.

Vous comprendrez bien qu'on ne vous lira pas l'ensemble de notre mémoire, parce qu'il a une trentaine de pages. Vous l'avez sûrement tous et toutes lu puis vous le savez par coeur, et on va quand même vous faire une petite synthèse. Pour nous, ce qu'on dit, l'important dans une stratégie de lutte à la pauvreté, l'important dans une loi, c'est de privilégier deux voies importantes. Il y a deux voies importantes à privilégier qui, pour nous, sont aussi importantes l'une que l'autre, soit la voie de conditions de vie décentes et soit l'autre voie qui est la voie d'intégration à l'emploi. Pour nous, les deux ne se dissocient pas, elles sont aussi importantes l'une que l'autre.

Avant d'aller dans le coeur de notre mémoire, je vais donner la parole à Marie-Josée qui va vous présenter rapidement notre organisme en quelques mots pour, un peu, situer quel organisme nous sommes.

Mme Tardif (Marie-Josée): En quelques mots, ce n'est pas simple, mais je vais essayer de vous faire un portrait assez juste. COMSEP est un organisme qui existe depuis 16 ans. On rejoint, par année, 4 000 personnes dans Trois-Rivières et un peu plus large en Mauricie. On a plus de 400 membres actifs qui viennent à COMSEP sur une base hebdomadaire. Le conseil d'administration de COMSEP est formé de 18 personnes qui sont majoritairement issues des milieux de pauvreté. Et, pour essayer d'enrayer la pauvreté, COMSEP travaille sur quatre formes d'exclusion. On travaille sur l'exclusion sociale, l'exclusion culturelle, l'exclusion économique et territoriale.

La mission de COMSEP, c'est de regrouper les gens en situation de pauvreté et les accompagner dans la mise en place de solutions pour améliorer leur situation. C'est, en gros, la mission de COMSEP. Et, pour y arriver, on met en place des activités d'éducation populaire comme des collectifs, le théâtre, des cuisines collectives, un comité jeunes, des ateliers d'alphabétisation, de la formation préparatoire adaptée pour les personnes peu scolarisées, des entreprises d'économie sociale, on dépose des mémoires puis on mène des luttes pour contrer la pauvreté. En gros, là, j'espère que j'ai fait tout le tour du portrait de COMSEP.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Tardif.

Mme Tardif (Sylvie): Alors, je reviens avec le mémoire comme tel. Là, vous savez un peu qui s'adresse à vous. Deux voies importantes: la voie de l'emploi, la voie du revenu décent. Quand on parle de la voie du revenu décent, si on veut créer de l'emploi, si on veut que les gens intègrent l'emploi, ça prend du temps. Et, avant d'y arriver, il ne faut pas laisser les personnes qui sont en situation de pauvreté... ne pas les laisser en situation de pauvreté extrême. Et là c'est ça qui est là présentement. Alors, ça prend un revenu décent. On parle de mesures urgentes. Je pense qu'il y a d'autres personnes, sûrement, avant nous qui en ont parlé, je vous en glisse quelques-unes: le barème plancher, la gratuité des médicaments, une allocation familiale régime universel, des logements sociaux et une hausse du salaire minimum. C'est, à notre avis, des mesures urgentes, importantes à mettre de l'avant pour la première voie.

n(14 h 10)n

Concernant la deuxième voie, qui est aussi importante, selon nous, que la deuxième, on parle d'outils innovateurs d'intégration à l'emploi. On a un de nos projets qu'on travaille sur ce projet-là depuis trois ans et qu'on a la chance qu'il est dans l'énoncé politique, à la page 45, qui est un projet qui s'appelle Emplois de solidarité, et c'est un projet qui permet à des personnes qui sont extrêmement éloignées du marché de l'emploi et qui sont peu scolarisées, qui sont à l'aide sociale depuis des années, qui ont 45 ans et plus... Et toutes les recherches disent que ces gens-là ont un potentiel d'intégration en emploi très faible ou presque nul. Ça va à l'encontre de ce que la population pense, que qui veut peut. Plein de ces personnes-là veulent travailler, veulent intégrer l'emploi, mais elles ont des limites en raison de leur condition sociale.

Alors, nous, on a proposé au gouvernement un projet, qui s'appelle Emplois de solidarité, qui interpelle l'État à offrir des subventions sur du long terme à des entreprises privées, communautaires ou d'économie sociale, qui va comme offrir un pourcentage du salaire à l'employeur. Et, même en payant 60 % du salaire, on a été capable de prouver que l'État faisait des bénéfices à chaque mois en offrant 60 % du salaire aux personnes sur une longue période. Si on prend comme prémisse que ces gens-là sont à l'aide sociale pour presque toute leur vie, c'est un gain important non seulement pour les personnes, mais aussi pour l'État. Ça fait que, pour nous, c'est une grande fierté puis une reconnaissance de COMSEP que ça se retrouve dans l'énoncé. Alors, on espère que ça se retrouvera dans le plan d'action.

Un autre outil important, c'est la formation préparatoire à l'emploi. C'est une formation qui... Présentement, il existe des formations professionnelles, il existe des formations préparatoires à l'emploi, mais ces formations-là ne sont pas adaptées nécessairement aux besoins des personnes qui sont exclues. La politique de la formation continue est en train d'avoir un impact majeur sur toute la question de la formation professionnelle, et, nous autres, on interpelle le gouvernement, on interpelle la loi et la stratégie de lutte à avoir une pensée par rapport à toute la question de la formation continue et l'impact que ça a chez les personnes peu scolarisées par rapport à la formation professionnelle. Nous, ça fait 10, 12 ans qu'on donne cette formation professionnelle là adaptée avec accompagnement, soutien, et on trouve des emplois, puis on soutient les gens en emploi, et ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'à partir de l'année prochaine on n'aura plus le droit de donner cette formation-là, ça va être uniquement offert par les commissions scolaires. Ça fait que c'est quand même un glissement. Peut-être que les gens ne l'avaient pas vu dans la politique de formation continue, mais c'est un appel qu'on vous lance par rapport à ça, de faire attention aux outils de formation préparatoire à l'emploi, qui doivent être adaptés.

Un autre outil d'intégration à l'emploi qui est important, c'est l'économie sociale. On fait, nous, non seulement de l'intégration à l'emploi, on fait non seulement des cuisines collectives, mais on on crée aussi des microentreprises. Et l'économie sociale, c'est sûr que ce n'est pas uniquement de la lutte à la pauvreté, mais ça fait partie de ces principes d'avoir une faveur par rapport aux personnes en situation de pauvreté. Il y a des organisations comme la nôtre qui ont ça comme priorité d'intégrer à l'emploi des personnes en situation de pauvreté, des personnes peu scolarisées, et on crée des microentreprises où on a besoin d'un soutien supplémentaire pour réaliser notre mission.

Alors, j'aimerais, parce que là je ne dois pas être loin de ma fin, hein...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oh! Il vous reste trois minutes, madame...

Mme Tardif (Sylvie): Ah, mon Dieu! Alors, j'ai de la place en masse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, non, plus que ça. Ça va, vous avez du temps.

Mme Tardif (Sylvie): Je vais plus vite que ce matin, alors. Alors, il y a d'autres options qu'on trouve important de mettre de l'avant en plus des deux voies qu'on vous a parlé, la voie du revenu décent et la voie de l'emploi, c'est le droit à l'éducation, le droit à l'éducation gratuite. De plus en plus, les gens se présentent dans les écoles, et il y a des coûts énormes pour l'entrée scolaire. Mais il y a aussi une nouvelle dynamique qui est en train de se déplacer, c'est qu'il y a des sports-études, musique-études, langues-études, plein air-études. Ça fait que ce que ça fait, c'est que les personnes qui sont à faibles revenus se ramassent dans des groupes réguliers. Ça fait que c'est des ghettos, les groupes réguliers qui n'ont pas accès à aucune autre forme d'activités de plein air parce qu'ils n'ont pas d'argent. Moi, j'ai mon filleul qui est au Mont-Washington en plein air-études présentement, ça a coûté 300 $. Bien, une personne à faibles revenus ne peut pas envoyer son enfant au mont Washington. Ça fait que ça fait des ghettos de classes de... réguliers qui ne peuvent pas participer dans des programmes d'études spécifiques.

C'est important aussi, par rapport au droit à l'éducation, le droit à l'alphabétisation et de choisir son lieu de formation. Présentement, sur le terrain, il y a les commissions scolaires et les groupes communautaires. Alors, nous, on aimerait qu'il y ait un soutien financier aux organisations communautaires, bonifier le soutien financier. Il y a quand même eu des grands pas qui ont été faits, là, les dernières années, mais que ces grands pas là continuent. Et ce qu'on espère, c'est de ne pas lier uniquement l'alphabétisation à l'intégration à l'emploi. On a souvent tendance à lier l'apprentissage de la lecture et de l'écriture pour intégrer l'emploi, mais l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, c'est aussi pour être un citoyen et une citoyenne dans la société. Ça fait que de ne pas uniquement lier l'alphabétisation...

Quatre minutes, puis là trois minutes. J'arrive. L'accès à la culture et aux loisirs. On vient de faire un gros colloque à Trois-Rivières sur la culture et pauvreté. Ce serait bon qu'il y ait des ministères, l'Éducation, Culture et Communications, Loisir et Sport se penchent, fassent une réflexion sur comment rendre accessible la culture à des populations qui sont exclues et comment réaliser des actions concrètes. Bien sûr qu'on appuie le mémoire du Collectif. Vous l'avez d'ailleurs dans... On appuie aussi le mémoire du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, on est un groupe porteur dans la région.

Et, avant de terminer, je vais passer la parole à Raymonde Cochrane, qui est une personne qui vit en situation de pauvreté, qui aimerait vous parler de ce que ça lui apporte, l'emploi de solidarité, l'implication sociale, et par rapport à ses conditions de vie. Alors, Raymonde, la parole est à vous.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Cochrane.

Mme Cochrane (Raymonde): Bonjour à vous tous et toutes. Excusez ma voix, j'ai la grippe, ça fait que... Tout d'abord, permettez-moi d'exprimer mon grand espoir pour la mise en place de notre projet Emplois de solidarité dans la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale du gouvernement. Je participe à ce projet de recherche, un projet-pilote mené par COMSEP depuis plus de trois ans.

Aujourd'hui, j'aimerais vous expliquer un peu mon cheminement depuis mon arrivée à COMSEP en 1993. Quelle quantité d'eau a coulé sous les ponts depuis ce temps! Je suis entrée en alphabétisation en étant regroupée avec d'autres personnes participantes. Et, avec l'équipe de travail, j'ai senti qu'il y avait beaucoup de respect et d'écoute puis qu'on se donnait les moyens pour s'en sortir. Je me sentais grandir et de plus en plus épanouie. Je prenais part aux activités de mobilisation. J'ai commencé à m'impliquer de plus en plus à COMSEP. Partout où on avait besoin de quelqu'un, je me portais volontaire pour prêter main-forte. C'est encore ainsi aujourd'hui, je réalise les tâches de soutien au secrétariat, je participe au comité collectif femmes, au comptoir vestimentaire, je mets la main à la pâte à Buffets Bouff'elles. Comme plusieurs autres membres de COMSEP, je ne compte pas mes heures.

Je siège aussi sur les conseils d'administration, quatre. Je siège sur celui de COMSEP depuis quatre ans et je suis très heureuse. Je suis également présente sur le conseil d'administration d'ECOF pour une troisième année. Je siège aussi sur le conseil d'administration d'une entreprise d'économie sociale en aide domestique, Ménagez-vous, et ça me tient à coeur. Un autre dossier qui me tient vraiment à coeur, c'est celui du projet de loi sur l'élimination de la pauvreté. Croyez-le ou non, mais je siège en plus sur le conseil d'administration du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté du Québec et sur celui de notre région. Je suis impliquée dans cette cause depuis quatre ans et j'ai fait beaucoup de témoignages à titre de porte-parole nationale des personnes vivant en situation de pauvreté.

Dans mon cheminement, je suis passée du programme Alphabétisation sociale à la mesure Insertion sociale tout en continuant d'être impliquée dans tous les dossiers que je vous ai mentionnés tantôt. Présentement, je fais de l'ensachage de café équitable dans une entreprise d'économie sociale depuis les débuts et je considère ce projet comme étant mon bébé. Avec ma collègue Linda, nous formons une très belle équipe. D'ailleurs, nous désirons que notre entreprise prenne de l'ampleur et que nous puissions être engagées avec le projet Emplois de solidarité. Je fais régulièrement près de 35 heures par semaine depuis des années parce que j'adore ce que je fais. Je trouve ça important de m'impliquer. Cela nous permet de développer des connaissances et des aptitudes de travail.

n(14 h 20)n

COMSEP a changé ma vie. Je participe, je me sens utile et je suis fière de ce que je suis devenue. C'est une grande fierté pour moi de me rendre à COMSEP tous les matins, à 8 heures, pour travailler. Ce n'est pas du travail salarié, mais j'ai retrouvé ma dignité même si je suis en situation de survie financièrement. Je gagne présentement 600 $ par mois. Cela représente autour de 140 $ par semaine. Avec ce budget, je me retrouve continuellement dans l'obligation de faire face à des choix douloureux entre me nourrir ou me soigner. Lorsque le loyer, l'électricité, le chauffage et le téléphone ont été payés, sans compter les imprévus, vous devinerez que je suis bien loin de pouvoir me permettre de combler ces deux besoins fondamentaux en même temps. Je coupe donc dans mes soins de santé ou dans mon alimentation quand ce n'est pas dans les deux. Je ne devrais pas être obligée de faire ces choix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Madame, s'il vous plaît, c'est sûr que le temps est terminé. J'aurais besoin d'un consentement. Si les membres de la commission veulent bien me le donner...

Mme Cochrane (Raymonde): Il me reste une petite affaire...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, il y a consentement. Donc, dans quelques minutes par ailleurs, s'il vous plaît, madame.

Mme Cochrane (Raymonde): O.K. J'achève. Nous voulons une loi améliorée de la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale du gouvernement, particulièrement avec la mise en place du projet Emplois de solidarité. Cela me permettrait d'avoir accès à de bien meilleures conditions de vie, et ce serait la même chose pour bien des gens ici qui s'impliquent sans compter. Je voudrais aussi que la loi permette à toute personne de vivre dans la dignité, de combler ses besoins essentiels même si leur démarche n'est pas liée à l'emploi.

Pour terminer, mon plus grand désir est de quitter l'aide sociale. Lorsque je serai salariée, je n'oublierai jamais d'où je suis partie et je tiens à demeurer solidaire dans nos luttes contre la pauvreté et les injustices. Merci à COMSEP d'avoir cru en nous et de continuer à travailler pour améliorer nos conditions de vie. Merci pour avoir prolongé mon temps.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, on ne peut vraiment pas permettre de manifestation, parce que, effectivement, ça fait couler le temps, et il y a moins de temps pour les échanges par la suite. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État pour pouvoir échanger avec les gens du groupe qui sont venus témoigner ici.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, bien sûr, féliciter Mme Cochrane. D'abord, la façon dont vous avez résumé les choses, c'est clair, c'est précis. Et, vous nous avez fait part du chemin parcouru, alors vous pouvez être fière de vous, madame, parce que ce chemin a été un chemin qui vous a permis justement, comme vous le dites, d'exercer pleinement votre citoyenneté.

Mmes Tardif, deux soeurs, je suis... D'abord, je vous félicite d'avoir, avec vous, amené tous les gens qui travaillent avec vous et avec COMSEP, de faire en sorte pour la plupart des gens... Certains disaient que c'est la première fois qu'ils se retrouvaient ici, à l'Assemblée nationale. C'est la maison du peuple, qu'on appelle, la démocratie s'y exerce, et ce qui est extraordinaire, c'est que les femmes et les hommes, indépendamment de leur coin, où ils habitent au Québec, c'est l'endroit, effectivement, où les gens sont entendus, et nous donnons...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Tardif. Pardon? Vous vouliez... Est-ce que vous aviez terminé votre question, Mme la ministre?

Mme Goupil: Non, mais je vais juste compléter. Ce que je voulais juste vous dire, c'est qu'au niveau de cette maison, justement, elle est là pour vous permettre de vous exprimer. Je sais que vous vouliez compléter avec certaines petites connaissances de COMSEP, je vais vous donner tout de suite l'opportunité de le faire. Je sais qu'il vous a manqué un petit peu de temps pour compléter, alors, si vous voulez y aller, Mme Tardif, le temps est à vous.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Tardif.

Mme Tardif (Sylvie): Oui. Juste dire que quand on entre nouvellement dans une maison... Quand les gens sont entrés à l'Assemblée nationale... Effectivement, la grande majorité des gens qui sont ici n'y ont jamais mis les pieds, et tu fais un voeu. Nous, chez nous, dans notre région, on fait un voeu quand on rentre nouvellement à une place, et les gens, ici, en entrant, ont fait le voeu que la lutte à la pauvreté, on arrive à faire atterrir des choses intéressantes. Ça fait que les gens, en entrant, c'est le voeu qu'ils ont...

Moi, je voudrais peut-être prendre la perche que la ministre me donne pour faire un lien avec ce que Raymonde a apporté. Vous avez vu, par toutes les implications que Raymonde a amenées, qu'elle est une «workaholic» du travail non salarié. C'est son implication. Et, nous, quand on dit un revenu décent pour des personnes qui sont sans emploi, c'est ça aussi. En attendant que Raymonde obtienne son emploi, il faut qu'elle soit en mesure de vivre sainement. Et Raymonde nous l'a démontré comment elle espère éventuellement, mais présentement ça fait plusieurs années qu'elle est sur l'aide sociale, mais elle s'implique puis elle a quand même un revenu qui est insuffisant.

Juste vous dire que notre mémoire est inspiré des commentaires de nos membres ? ce n'est pas nous qui avons créé ça ? à partir des commentaires de nos membres. Ça fait 16 ans qu'on a de l'expérience de lutte à la pauvreté et que, nous, on considère que les plus grandes expertes en lutte à la pauvreté sont les personnes en situation de pauvreté. Ça fait que de ne pas oublier de les associer dans toutes les démarches.

Peut-être un dernier petit point avant de recevoir vos questions. Nous, on espère que vous, la commission parlementaire, puis que les gens au gouvernement, les gens de la population s'inspirent de notre stratégie. Notre stratégie à nous, c'est la stratégie des maringouins. Et, Rémy a déjà reçu l'Ordre du maringouin, la ministre aussi, qui est décerné à des personnes qui nous accompagnent dans notre démarche. Et juste vous dire que la stratégie des maringouins... Un maringouin, c'est inutile, tu l'écrases puis tu t'en débarrasses. Mais, si tu es une nuée de maringouins, comme on est là aujourd'hui, puis qu'on avance pour faire changer les choses, bien on risque de faire changer les choses. Alors, aujourd'hui, on est venu vous donner des piqûres de maringouin. Juste vous dire que, peut-être, ça a l'air insignifiant, mais, avec le virus du Nil, on nous prend un peu plus au sérieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tardif (Sylvie): Alors, on vient de vous donner la piqûre de la solidarité et la piqûre que vous deveniez des maringouins, puis que vous embarquiez aussi dans la stratégie des maringouins. Vous savez qu'en Mauricie c'est une ressource naturelle, où on a beaucoup, beaucoup de maringouins. Merci, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme Tardif. Alors, nous allons initier d'autres membres à la technique du maringouin. J'aimerais que vous...

Mme Tardif (Sylvie): Chez nous, vous en aurez tous chacun un. Ha, ha, ha!

Mme Goupil: Merci. Mme Tardif, j'aimerais ça, s'il vous plaît, si vous pourriez nous expliquer davantage le concept que vous avez qualifié de handicap social, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Tardif.

Mme Tardif (Sylvie): Nous, on aime mieux l'appellation «limite en raison des conditions sociales», c'est moins péjoratif. Mais, effectivement, le mot «handicap social» existe à travers le monde, c'est un concept universel, et ce que ça dit, c'est que présentement il y a des personnes, à cause de leurs conditions de vie, à cause du concept du marché du travail, ces personnes-là ont des limites d'intégration à l'emploi. Et, même si elles le désirent du plus profond de leur coeur, c'est difficile pour elles de trouver de l'emploi. C'est difficile, parce que, on s'entend, avec toute la mondialisation, la concurrence, la compétitivité, il y a des personnes, à cause de leur vécu qui est tellement lourd ? d'inceste, de violence, de pauvreté extrême ? qui sont marquées et qui ont des difficultés d'intégrer l'emploi même si ces personnes-là le désirent.

Alors, nous, on crée des microentreprises. Depuis des années, on a créé... Avec un organisme qui nous accompagne là-dedans, qui s'appelle ECOF, on a créé 150 emplois depuis à peu près une dizaine d'années dans différentes microentreprises. Puis ce qu'on s'est aperçu, c'est que même nous, en économie sociale, il y avait des personnes qu'on avait de la difficulté à engager parce que leur rythme est un petit peu plus lent, parce qu'ils ont des vécus difficiles. Alors, on s'est dit: Il faut trouver une solution, des mesures incitatives pour aider ces personnes-là à intégrer l'emploi.

Alors, on a pensé un projet. Ça fait trois ans qu'on travaille sur ce projet-là. On a fait une expérience-pilote, on a fait une recherche évaluative, une recherche action évaluative avec l'UQAM, et ce qui ressort de cette recherche-là, c'est très positif. Et l'idée, c'est de permettre au gouvernement d'offrir une subvention salariale sur du long terme à des personnes qui sont très éloignées du marché de l'emploi. Nous autres, on identifie cinq caractéristiques limitatives à l'emploi. On parle de: être à l'aide sociale depuis plus de quatre ans; avoir une sous-scolarisation, en bas d'un secondaire IV; avoir 45 ans et plus; être éloigné du marché de l'emploi depuis longtemps; et d'être monoparental. Toutes les recherches de littérature disent que, si tu as quatre de ces cinq caractéristiques-là, ton potentiel d'intégration à l'emploi, il est nul, les employeurs ne t'engageront pas. Alors, nous, on dit: Si ces gens-là sont à l'aide sociale à vie, pourquoi ne pas offrir des subventions salariales ? le gouvernement aux entreprises, que ce soit le privé, le communautaire ou l'économie sociale ? pour permettre d'intégrer les personnes qui ont ces caractéristiques-là à l'emploi? Parce que, sinon, par elles-mêmes, elles auront de la difficulté à y arriver.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie, je vais laisser la parole à mes collègues.

n(14 h 30)n

Mme Tardif (Sylvie): ...sinon, par elles-mêmes, elles auront de la difficulté à y arriver.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie, je vais laisser la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Bonjour. Bonjour à toute l'équipe de COMSEP et tous les gens qui sont ici aujourd'hui. Alors, ça nous fait plaisir d'écouter vos propos. Vous parlez d'une approche gagnant-gagnant, je pense que vous avez une formule gagnante. Alors, vous l'avez souligné, moi, quand je suis allée vous voir aussi, lors de mon passage chez vous, aussi on m'a donné la piqûre du maringouin. Ha, ha, ha!

Alors, j'ai une question, à savoir comment... Vous parlez que le gouvernement devrait consulter les personnes, particulièrement, qui vivent en situation de pauvreté ainsi que leur organisation qui les représente, quel cadre on doit mettre en place tel quel? Quelle est votre idée derrière ce que vous apportez? Et est-ce que ça a un lien particulièrement avec l'établissement d'un comité consultatif? Est-ce que c'est parce que vous êtes en désaccord avec le Comité consultatif qu'on a dans le projet de loi ou vous voyez une forme différente?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Tardif.

Mme Tardif (Sylvie): Oui, merci. On est d'accord avec le Comité consultatif, on est d'accord aussi avec l'Observatoire puis avec le fonds aussi, là. C'est une des façons de consulter, il s'agit que, dans le Comité consultatif, il y ait suffisamment de place pour des personnes en situation de pauvreté pour qu'il y ait un poids suffisant pour influencer. Il y a d'autres méthodes aussi, il y a des méthodes... des consultations dans les régions, dans les groupes pour se servir, dans le fond, des groupes d'éducation populaire, des groupes de femmes, des groupes communautaires pour aller consulter dans les régions.

Par contre, par rapport au Comité consultatif, on est d'accord. C'est sûr que... Puis, on le voit avec Emploi-Québec, le comité des partenaires, quand il donne des avis, en général, il est écouté. Alors, on espère que ce Comité consultatif là va avoir suffisamment de poids justement pour être écouté. Parce qu'il relève de la ministre ou du ministre, là, mais on espère qu'il aura suffisamment d'écoute et de poids pour que ce qu'il va amener soit pris en compte. Mais on le voit avec le comité des partenaires à Emploi-Québec, autant au niveau... Parce que ça, c'est intéressant, c'est au niveau régional et au niveau national aussi. Ça fait qu'il y a des partenaires qui donnent des avis, puis habituellement c'est assez écouté. En tout cas, ce qu'on en sait.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, M. le député de Maskinongé.

Mme Tardif (Sylvie): Que nous connaissons très bien.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Je vais vous appeler par vos noms de famille. Ça a l'air plus solennel, mais c'est surtout pour l'enregistrement, pour qu'on sache à qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Tardif (Sylvie): ...depuis tantôt, là, mais excuse-moi, M. Désilets. Allez-y.

M. Désilets: Mme Cochrane, Mmes Tardif. Moi, d'abord, je voudrais vous dire d'abord merci pour tout le travail que vous faites dans le milieu. Merci en mon nom puis au nom du caucus régional, mais de vous occuper des gens, parce que vous les prenez comme ils sont, sans préjugé, et vous travaillez à améliorer leur sort. Vous vous battez comme des diables dans l'eau bénite pour essayer d'inventer même des programmes, pas juste pour les placer, mais pour faire du long terme avec eux. Et ça, là, c'est... Sérieusement, là, vous connaissez... Vous savez ce que je pense, puis je veux vous le dire d'une façon officielle également. Ça fait que merci, et ne lâchez pas.

Plus spécifiquement, à la page 9 de votre mémoire, vous parlez de l'importance d'impliquer des partenaires. Vous en avez parlé un petit mot tantôt, mais quel pourrait être l'engagement plus spécifique, là, des partenaires tant au niveau privé ou syndical? Je voudrais vous poser ça, parce que je sais que le temps court.

Et l'autre petit bout de question que j'aimerais qu'on discute, c'est les programmes qui sont supposément trop normés tout le temps puis comment est-ce qu'on peut faire sauter ça, comment est-ce qu'on pourrait faciliter, là, l'avancement des programmes, l'avancement des projets si on a moins de normes. Ça en prend, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire?

Mme Tardif (Sylvie): Moi, je vais répondre aux partenaires puis tu...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en deux minutes, Mme Tardif.

Mme Tardif (Sylvie): Oui. Alors, une minute, moi; une minute, toi. Par rapport aux partenaires, dans le fond, le message qu'on passait, nous, c'est que la responsabilité de la lutte à la pauvreté, ça ne s'adresse pas uniquement aux organismes communautaires, à l'économie sociale ou au gouvernement, ça s'adresse à l'ensemble de la société civile. Alors, il faut interpeller le privé aussi, il faut interpeller les gens des institutions, il faut interpeller... Alors, c'est pour ça que nous, on disait tout à l'heure: Bon, le Comité consultatif, mais peut-être qu'il pourrait y avoir des tables dans chaque région où les partenaires seront consultés. Avec le projet Emplois de solidarité, nous, on a sensibilisé le CLD, on a sensibilisé la chambre de commerce, on a... Et, il y avait une ouverture, il s'agit juste de les interpeller et de les asseoir ensemble avec d'autres partenaires sociaux pour que le socioéconomique soit ensemble, justement pour ne pas que le poids de cette lutte à la pauvreté soit uniquement porté par les organismes communautaires.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Maskinongé, très rapidement.

M. Désilets: Oui. Je te résume-tu bien en disant, là: C'est se servir des tables ou fabriquer... se servir des tables régionales pour impliquer le monde dans tous les sens, à toutes les sauces?

Mme Tardif (Sylvie):Il faut que la table régionale existe, mais que ce soient des tables multi, pas que ce soient juste des tables où c'est juste le communautaire...

M. Désilets: Gouvernemental.

Mme Tardif (Sylvie): ...ou juste l'économique sur un bord, puis qu'on travaille ensemble, parce que là la tendance présentement, c'est de vraiment travailler chacun de notre côté. Ça fait que c'est important d'interpeller l'ensemble des partenaires socioéconomiques.

M. Désilets: Ça va.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. C'est tout le temps dont disposait le parti ministériel. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. On s'est déjà vu à Trois-Rivières. Je suis venu vous voir et j'ai été effectivement très impressionné par le travail que vous avez fait et l'approche surtout. Et je dois vous dire que vous venez de résumer parfaitement bien, je dirais, le programme qu'on souhaite et qu'on s'est engagé à mettre sur pied une fois au pouvoir dans le sens de la notion d'emploi de solidarité, je pense, que vous l'appelez.

Vous parlez de subventions à l'emploi, et l'idée fondamentale derrière ce qu'on propose, c'est effectivement de faire cheminer les gens vers l'autonomie financière en faisant en sorte qu'ils puissent avoir de l'aide financière de l'État qui fera en sorte que le travail va être toujours valorisé, reconnu, et récompensé, et faire en sorte aussi que les gens trouveront toujours un intérêt plus grand à être au travail que de ne pas être sur le travail sur le plan financier, et d'essayer de leur donner les outils. Les valeurs et les principes qui sous-tendent l'action, vous les avez résumés, on les identifie comme protection, assistance et soutien. Ce sont les trois axes qui définiront les actions qu'on veut entreprendre. Et vous allez plus loin même, parce que j'ai vu dans votre mémoire une tentative de preuve que c'est payant, même, pour l'État d'agir de cette façon-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...Mme Tardif.

M. Sirros: Non, je pense que vous l'avez souligné très bien dans l'annexe. Vous avez une annexe, vous avez des scénarios, et j'aimerais juste que vous étaliez un peu plus ces données pour le bénéfice de tous les membres de la commission et pour qu'on puisse saisir comment est-ce que ça pourrait fonctionner dans votre esprit.

Mme Tardif (Sylvie): Parfait. On a fait justement avec des économistes de notre... On a des économistes dans notre groupe et on a fait vérifier ces chiffres-là avec les économistes du ministère. Alors, je pense que les chiffres qu'on amène par rapport aux bénéfices de l'État, ils ont été regardés par le ministère aussi. Ce qu'on s'est aperçu, c'est, en donnant une subvention de 60 % pour les 14... Nous, il y a 14 personnes qui ont fait toute la recherche, toute l'expérimentation du début jusqu'à la fin, l'État sauvait, par mois... 2 000 à 3 000 $ par mois, dépendamment du scénario, en donnant cette subvention-là, en permettant... Mais c'est des subventions sur du long terme. On s'entend, là, que ce n'est pas des subventions une année, deux années, c'est sur du long terme, parce que, si vous ne partez pas avec la prémisse que ces gens-là risquent d'être à l'aide sociale à vie, notre projet, il n'est pas bon. Mais, si vous reconnaissez cette prémisse-là, vous reconnaissez les recherches de littérature qui sont là-dessus et nos constatations dans notre recherche, alors là c'est un bon programme, parce que l'État va sauver de l'argent, il va y avoir des bienfaits pour les personnes, puis des bénéfices économiques aussi pour les personnes. Puis on n'a pas calculé tous les coûts, tous les bénéfices sociaux. On n'a pas calculé ça, parce que c'est les gens qui consomment moins de médicaments, qui consomment moins de services sociaux. On n'a pas calculé ça, mais c'est facile de faire le lien. Même juste par rapport à... Les enfants que leurs parents sont en emploi, ils sont intégrés.

M. Sirros: Les personnes qui sont dans les entreprises d'économie sociale, par exemple, donc...

Mme Tardif (Sylvie): Ça pourrait être le privé aussi.

M. Sirros: ...ça pourrait être pour que, finalement, il y ait une partie de leurs revenus qui viennent du travail qu'ils font auprès de ces entreprises-là...

Mme Tardif (Sylvie): C'est ça, 40 %.

M. Sirros: ...puis une subvention à l'emploi qui vienne soutenir...

Mme Tardif (Sylvie): Voilà. Puis, nous, on dit...

M. Sirros: Parce que vous avez introduit le concept de handicap social qui, je trouve, aussi résume très bien la façon qu'il faut aborder le dossier, parce que, effectivement, il y a des handicaps sociaux que les gens ont, qui les empêchent d'être, entre guillemets, productifs. Entre guillemets. Et il y a donc une responsabilité sociale, comme on fait...

Mme Tardif (Sylvie): Tout à fait, pour les personnes handicapées.

M. Sirros: ...dans les centres de travail adapté ? et c'est l'exemple qui nous avait été donné ce matin par les groupes d'économie sociale ? où, finalement, il y a une partie de production qui est assumée par la personne, pas suffisant pour être compétitif, si vous voulez, sur le marché, mais le reste est comblé par l'État, et la personne est ainsi en dehors du circuit de l'aide sociale finalement. Et ils se sentent valorisés et productifs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Tardif.

n(14 h 40)n

Mme Tardif (Sylvie): Oui. La différence avec les centres de travail adapté... Parce que, effectivement, on s'était inspiré de ce qui se fait chez les personnes handicapées, la différence, c'est que, nous, on met un barème 60 %-40 % pour ne pas que les personnes soient évaluées constamment, évaluées sur leur productivité constamment, parce qu'on l'a fait pendant la recherche, parce que c'est une démarche qui n'est pas facile, se faire évaluer, là, ta productivité, si tu es plus rapide ou non, c'est assez difficile pour les personnes à vivre. Là, on l'a fait une fois, et nous, on dit: Ça coûterait à l'État peut-être plus cher aussi, parce que là il faudrait avoir des fonctionnaires qui évaluent, et tout. Nous autres, on dit: Pourquoi ne pas mettre un barème 60 %-40 % plus la part de l'employeur pour l'entreprise? Ça fait que ça fait environ 50-50, puis tout le monde gagne.

M. Sirros: On ne pourra régler les modalités de fonctionnement dans les 10 ou 15 minutes que nous avons, mais je voulais au moins qu'on mette cette façon de faire sur la table parce que je trouve qu'elle concorde très bien avec ce qu'on propose.

Deuxième chose, Mme Cochrane, vous avez parlé de la situation dans laquelle vous êtes placée souvent durant les mois où vous devez choisir entre vous soigner et vous nourrir, et je ne crois pas que ça prend une loi ? et là je vais revenir ? je ne crois pas que ça prend une loi sur l'élimination de la pauvreté ou quoi que ce soit pour régler cette question, tout au moins au niveau de l'assurance médicaments. Et, je répète, je disais hier que je souhaite qu'on puisse rapidement établir un consensus qu'il faut rétablir la gratuité des médicaments pour les personnes qui sont dans ce genre de situation. Et il n'y a rien, Mme la ministre, qui nous empêche de le faire aujourd'hui même avec une décision gouvernementale qui viendrait vraiment renforcer la parole par des gestes concrets, et je souhaite qu'on puisse le faire. Sans vouloir faire de la partisanerie ici, je trouve que c'est inacceptable au niveau des barèmes actuels de, en plus de ça, avoir une ponction au niveau des médicaments ou des coupures supplémentaires par rapport aux barèmes actuels. Alors, là aussi, je pense, c'est un principe qui rejoint la notion de barème plancher. On peut évaluer là où on va le mettre, mais il y a un minimum qu'il faut qu'on établisse. Et, pour nous, le minimum est au moins au niveau actuel des barèmes, et que tout le reste doit être volontaire au niveau de la participation de la personne et une reconnaissance pour ses acceptations d'assistance qui sont offertes pour que les gens puissent cheminer.

Je ne sais pas combien de temps il reste, probablement pas beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça passe vite.

M. Sirros: Vous avez mentionné qu'il y a un programme ? je pense, c'est à la page 15 de votre mémoire ? un programme de formation continue qui risque de disparaître, qui risque de voir votre implication mise de côté parce que Emploi-Québec négocie avec le ministère de l'Éducation ou les commissions scolaires pour que tout soit donné à partir des institutions publiques en quelque sorte. Au contraire, moi, je pense que c'est plus vers les groupes communautaires qu'il faut qu'on se tourne pour ce genre de programme et je veux juste vous entendre sur où est ce programme à l'heure actuelle et est-ce que c'est un risque réel, immédiat, et est-ce que vous avez entrepris des démarches pour peut-être changer cette décision-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Tardif.

Mme Tardif (Marie-Josée): La formation préparatoire à l'emploi à COMSEP, c'est dû au transfert, entre autres, de l'argent qui a transféré pour la formation continue, mais aussi les coupures à Emploi-Québec qui ont été faites, là, dans les dernières années. Ce que ça a comme impact concret, c'est de l'expertise qu'on a depuis 10 ans à COMSEP de former les gens peu scolarisés, puis là on parle des 45 ans et moins pour un majorité. Cette année... On avait six formations l'an passé qu'ils nous avaient transférées dans le Fonds de lutte à la pauvreté. On avait bien avisé que, s'ils nous mettaient dans le Fonds de lutte à la pauvreté, il ne resterait plus d'argent pour nous, ils ne seraient plus capables de nous recaser l'année suivante. C'est ce qui est arrivé. Cette année, ils nous ont accordé, parce qu'ils nous avaient donné leur parole l'an passé, trois formations préparatoires à l'emploi. On a un taux de placement de 82 % avec des gens qui ont en bas d'un secondaire IV, puis souvent avec une neuvième année, autour d'une neuvième année.

Et, l'an prochain, ils nous ont avisés que les projets de formation n'existeraient plus, qu'il faudrait négocier avec les commissions scolaires pour avoir des volets accompagnement aux personnes, mais avec les commissions scolaires. On n'a rien contre les formations qualifiantes. Au contraire, ça en prend. Mais, pour les gens avec qui ont rejoint, le diplôme n'a pas nécessairement d'importance, c'est une attestation d'un métier, la connaissance d'un métier puis aussi toute la revalorisation de la personne, leur redonner une culture de travail, une estime de soi, les accompagner pendant des années. Parce que c'est quelque chose qu'on fait, on a des gens qui nous reviennent. Ça fait quatre ans qu'ils sont à l'emploi, ça recrash, on recommence, parce que, bon, là ils sont rendus plus vieux. On garde les personnes à vie. On a des subventions pour un an, mais les personnes peuvent revenir à vie en formation préparation à l'emploi. Et c'est des budgets majeurs que COMSEP va perdre, qui va avoir impact, là, sur... Parce que dans les voies... Pour les personnes analphabètes, il y a plusieurs voies où on peut les transférer. On avait trouvé l'emploi de solidarité qui était... Bon, on pensait que tout était comblé, et là il y a une de nos voies, qui est la formation préparatoire à l'emploi, qui va être coupée maintenant pour ces personnes-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Il me reste à peu près deux minutes, moi, j'aimerais vous les donner pour que vous ayez le dernier mot en guise de conclusion si vous avez des choses finales à nous dire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Tardif, on a été un petit peu tannantes, hein? C'est uniquement pour les besoins de la transcription, madame, que je suis obligée de donner la parole comme ça.

Mme Tardif (Sylvie): Tout à fait. Alors, bien, on veut vous remercier de nous avoir reçues. Dans les points qu'on n'a pas amenés tout à l'heure parce qu'il fallait sauver du temps, on considère qu'un de nos plus grands défis en tant que société par rapport à la lutte à l'exclusion, c'est de convaincre la population de l'importance de la stratégie de lutte à la pauvreté. Et ça, c'est un défi qui est majeur, parce que présentement on n'a pas la population de notre côté. Il faut convaincre la population de l'importance de mettre en place des moyens concrets pour lutter contre la pauvreté, et on espère justement que toute cette démarche-là qu'on est en train de faire, la commission parlementaire ? on en parle, on en parle dans les médias, on en parle ? bien, que ça, ça va aider pour justement changer l'opinion, changer les préjugés. C'est le pire handicap qu'on a présentement dans notre travail, les préjugés de la population.

Alors, en terminant, bien, vous remercier et de vous refaire encore le petit souhait que vous deveniez tous et toutes des maringouins pour améliorer la société au niveau de la pauvreté. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, mesdames, au nom des membres de la commission, c'est à mon tour de vous remercier de votre participation à nos travaux, de vous remercier aussi de nous avoir amené beaucoup de gens pour voir qu'on se préoccupe tous ici d'un sujet qui vous intéresse beaucoup. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

 

(Reprise à 14 h 49)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons...

Des voix: ...

n(14 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): S'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et section de l'AQDR de la MRC de L'Assomption. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Myroslaw Smereka, qui est directeur général de l'AQDR provinciale, de même que M. Michel Haguette, qui est président de l'AQDR Assomption. Alors, je vous cède la parole, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Association québécoise de défense des droits
des personnes retraitées et préretraitées (AQDR)
et section de l'AQDR de la MRC de L'Assomption

M. Smereka (Myroslaw): D'accord. Merci infiniment. L'AQDR tient à remercier les membres de la commission permanente justement pour pouvoir exprimer notre opinion sur le projet de loi. Je suis accompagné, avec M. Michel Haguette, qui est un peu l'instigateur de notre mémoire conjoint. Et je tiens particulièrement à remercier d'avoir la présence aussi de notre ministre responsable des Aînés, Mme Goupil.

Alors, fondée en 1979, l'AQDR compte maintenant, à travers la plupart des régions du Québec, une quarantaine de sections dont la mission est la défense des droits économiques, culturels et sociaux de l'ensemble des personnes retraitées et préretraitées, et une de nos sections, c'est justement même la plus récente, celle de L'Assomption, celle de M. Haguette.

Depuis 23 ans, des milliers de membres de l'AQDR, femmes, hommes de toutes origines et provenances, luttent pour faire respecter leurs droits et améliorer les conditions de vie de celles et ceux qui vieillissent. L'AQDR poursuit un objectif principal: transformer les conditions de vie des personnes à la retraite. On a plusieurs revendications, tel que mentionné dans notre mémoire, différentes causes aussi dans lesquelles on s'est impliqué.

Et, je passe déjà à la page 3, quoique le projet de loi n° 112 veuille instituer une stratégie nationale, le mémoire de l'AQDR développera trois volets. Et je présenterai le premier, c'est-à-dire une réflexion sur le vieillissement de la population du Québec. Et, ensuite, M. Haguette présentera le reste du document, soit des commentaires sur le projet de loi n° 112 et, en conclusion, des recommandations à la commission.

Au niveau d'une réflexion sur le vieillissement de la population, il faut comprendre que ? et tout le monde le dit ? ce vieillissement s'accélère depuis le début des années soixante. La proportion des gens de 65 ans et plus est passée de 5,8 % à, en 2001, 13 %, donc soit plus du double en 40 ans. Mais les experts prévoient qu'elle sera de 15,9 % en 2011 et 25 % en 2026, c'est-à-dire qu'elle aura de nouveau doublé, mais, cette fois-ci, en seulement 25 ans. La rapidité de cette progression nous situe entre le Japon, qui l'a déjà fait en 20 ans, et le Canada, sans le Québec, qui le fera en 35 ans. Voilà une différence qui impose des mesures particulières et immédiates.

Cette tranche importante de la population vit des situations différentes selon qu'on parle de femmes ou d'hommes, de travailleurs ou de personnes retraitées, de milieu urbain ou de milieu rural. Plusieurs de ces situations sont pénibles, voire douloureuses à vivre. Aussi, le gouvernement du Québec a publié, en septembre 2001, un document pour les personnes de 65 ans et plus intitulé Le Québec et ses aînés: engagés dans l'action. Il reconnaissait, et je cite: «l'apport exceptionnel de nos aînés à l'évolution du peuple québécois». Il s'agit d'un premier pas qui est encore très bien accueilli par les membres des organismes communautaires et par les personnes qui représentent les personnes âgées ou retraitées.

À ce phénomène des personnes âgées, il faut ajouter la problématique des gens de 55 à 64 ans, puisque l'AQDR recrute ses membres dès l'âge de 55 ans. Ces personnes étaient de 10,4 % de la population en 2001, ils seront 14,2 en 2011 et 14,6 en 2026.

Emploi-Québec a publié, en mai 2002, un document intitulé Agir en matière de vieillissement de la main-d'oeuvre: investissement stratégique. Il s'agit d'une stratégie nationale pour les personnes qui travaillent et qui sont âgées de 45 à 64 ans. Parmi ces personnes, 75 % des 55 à 64 ans occupent des emplois à temps partiel, et les auteurs ne peuvent prédire l'attrait des conditions offertes pour prendre sa retraite. On y trouve plusieurs autres situations qui fragilisent leur qualité de vie comme le faible taux d'éducation et les emplois moins bien rémunérés qu'ils occupent.

Il est donc question maintenant de 23,4 % de la population en 2001, 30,1 en 2011, et 39,6 en 2026 quand on prend les 55 ans et plus. Voilà le vrai portrait qu'il faut avoir pour aborder l'étude du projet de loi n° 112 et y découvrir si leur importance numérique et leurs faibles revenus sont pris en compte. Les 54,6 % des 65 ans et plus verront-ils leur pauvreté et leur exclusion trouver au moins un soulagement? Il faut rappeler ici que le pouvoir d'achat d'un grand nombre des 55-65 ans diminue. M. Haguette.

M. Haguette (Michel): Au niveau des impressions générales, c'est: Après une étude attentive du projet de loi n° 112, le premier commentaire qui se dégage est l'absence des personnes âgées de 55 ans et plus. Même, les personnes âgées de 65 ans et plus ne sont pas nommées. Sans tomber dans le clientélisme, ne pas être nommé donne l'impression que cette population a été oubliée au profit des jeunes, des travailleurs, des familles et des autochtones, qui peuvent encore contribuer activement au développement de la société, particulièrement au progrès économique. C'est un peu comme si on s'entendait dire: Vous avez été de bons travailleurs, vous avez élevé votre famille, maintenant c'est fini, salut, bonjour. On regarde ailleurs maintenant. Le fait de ne pas être nommé signifie peut-être que l'on a été oublié, que notre tour est passé, et cela a atteint notre dignité humaine. Oublier les 55 ans et plus, représentant 23,4 % de la population actuelle, cela mérite d'être corrigé.

Tout en donnant une définition de la pauvreté, le projet de loi ne donne pas de définition d'exclusion sociale. Je rappelle ici que l'on croit fortement que l'exclusion sociale frappe beaucoup des 55 ans et plus, et il y a beaucoup d'organismes communautaires qui vont les chercher là où ils sont, seuls, pour avoir des activités communautaires.

La présence d'un préambule, fait rare dans une loi, indique pour l'AQDR que le gouvernement attache de l'importance à ce projet de loi n° 112. On sent une volonté politique certaine. Nous osons croire qu'elle se manifestera d'une façon toute évidente dans le plan d'action qui sera rendu public dans les 60 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi.

À la fin du quatrième considérant, il y a peut-être place pour ajouter, après ? et je cite: «Tous les êtres humains», les mots «, notamment les 55 ans et plus». Est-ce le meilleur endroit pour le faire? Peut-être pas. L'AQDR laisse à la ministre et au gouvernement le choix de la meilleure place pour manifester l'importance qu'a pour eux ces personnes malgré ce paragraphe. Vous allez voir, on a ajouté une recommandation là-dessus.

À l'article 3, l'AQDR se demande si le fait de distribuer une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale n'est pas une habile reconfiguration de morceaux de casse-tête qui représentent une belle image, une nouvelle image, sans rien de nouveau, pour faire plus avec moins.

Aux articles 5, 6, les cinq orientations et les trois buts nous apparaissent adéquats et suffisants pour une première loi, car qui trop embrasse mal étreint et, pire, qui saupoudre ses efforts et ses ressources à tout vent inutilement est inefficace et irresponsable.

Aux articles 7 à 11, nous trouvons souplesse pour que la stratégie s'ajuste aux différentes situations et précision pour évaluer sa progression. L'AQDR est d'accord avec les 17 actions énumérées, notamment sur l'importance donnée à la famille, la réussite scolaire, la formation continue, la hausse du revenu, l'accessibilité aux soins de santé et, surtout, à domicile et à un logement décent à prix abordable et le soutien des initiatives locales et régionales.

L'Association encourage très fortement le gouvernement à rendre complémentaires et cohérentes les politiques mises de l'avant pour éviter les doubles emplois et à soutenir de manière durable les innovations tout en mettant sur pied des mécanismes rigoureux et simples ? je le répète, rigoureux et simples ? de reddition de comptes. Il est bon de discuter avec les autochtones sur l'adaptabilité des actions à leurs besoins.

Aux articles 12 à 19, les mesures décrites sont timides et n'indiquent rien du caractère de prépondérance des actions. Pour rendre la gestion du plan plus transparente, le gouvernement devrait déposer à l'Assemblée nationale le plan d'action et agir de la même façon avec ? et je cite: «Le rapport annuel des activités réalisées dans le cadre du plan d'action que le ministre présente au gouvernement.» Réfère à... cf. à l'article 19.

L'AQDR invite le gouvernement à mettre en marche immédiatement le processus législatif pour hâter l'entrée en vigueur des modifications prévues au Programme d'assistance-emploi. Les mesures et les programmes de ce plan devront tenir compte des besoins des régions rurales et urbaines, particulièrement des services aux personnes de 55 ans et plus souffrant d'exclusion sociale.

Les chapitres IV et V constituent-ils un monstre à deux têtes, soit le Comité consultatif et l'Observatoire, qui permettra de passer à côté des vrais problèmes et ainsi de noyer le poisson quant à la responsabilité de l'atteinte des objectifs?

n(15 heures)n

À l'article 21, l'AQDR trouve que les organismes ou groupes les plus représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale sont sous-représentés.

À l'article 39, pourquoi créer cet Observatoire qui semble être une composante de l'Institut de la statistique du Québec? Cette dernière pourrait exécuter toutes les fonctions et tous les mandats confiés à ce nouvel organisme avec les mêmes pouvoirs. Ainsi, on éviterait une nouvelle création et on laisserait le personnel bénéficier vraiment du climat de recherche de l'Institut.

Aux articles 44 à 55, un fonds spécial est institué. L'AQDR se demande s'il s'agit de sommes nouvelles ou d'une reconfiguration de crédits déjà présentés dans des programmes particuliers ou antérieurs.

À l'article 60, il faudrait que l'obligation de produire un premier rapport soit réduite de cinq à trois pour assurer une garantie de résultat et une garantie de stabilité des sommes disponibles pour permettre à la stratégie de s'implanter correctement.

En conclusion, le projet de loi n° 112, visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, propose des interventions dans des domaines qui sont les lieux de lutte pour tous les membres de l'AQDR. Il mobilise les forces vives du peuple québécois pour que la pauvreté et l'exclusion sociale soient réduites à leur plus simple expression.

L'AQDR présente le point de vue des gens de 55 ans et plus, mais elle se réjouit que les femmes, les hommes, les jeunes et les aînés, les travailleurs, les retraités, les communautés culturelles et les autochtones y trouvent leur compte. L'AQDR revendique aussi la jouissance pleine et entière des droits de chaque être humain sans aucune discrimination mais de façon équitable pour les 55 ans et plus.

Recommandations:

1° Que l'on ajoute un cinquième point à l'article 7, ce que l'on ajoute se lisant comme suit: «Reconnaître l'apport des personnes de plus de 55 ans dans notre société et soutenir ceux et celles qui vivent dans la pauvreté et l'isolement social en rendant accessible une diversité de services et de programmes adaptés à leurs besoins.»

2° Que l'Observatoire soit une constituante à part entière de l'Institut de la statistique du Québec.

3° Que les membres du comité consultatif soient choisis de la même façon que ceux du comité aviseur de la SACA ou du moins que 10 soient issus d'organismes ou de groupes représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion et les cinq autres des milieux patronaux, syndicaux, municipaux, communautaires et des autres secteurs de la société.

4° Que l'on ajoute à la fin du premier paragraphe de l'article 60: «mais qu'un rapport d'étape soit remis après trois ans après la date de l'entrée en vigueur».

5° Que le gouvernement déclenche immédiatement le processus législatif pour hâter l'entrée en vigueur des modifications prévues au programme d'assurance emploi.

Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, MM. Haguette et Smereka. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Smereka et M. Haguette, je tiens d'abord à vous souhaiter une bonne Journée internationale des personnes âgées qui avait lieu le 1er octobre. J'ose espérer qu'avec vos associations respectives vous avez pu souligner cette journée et je tiens à vous remercier d'avoir présenté un mémoire à la commission parlementaire. Je tiens à vous remercier aussi pour ce que vous avez pris la peine d'écrire, et je le cite, à la page 5 de votre mémoire, vous avez indiqué que c'est un projet de loi qui était une avancée pour le mieux-être des personnes démunies et l'amélioration de la société. Vous avez ajouté qu'il s'agissait d'un geste courageux du gouvernement du Québec, une première en Amérique et au Canada qui, bien sûr, donnera beaucoup de fruits, car le gouvernement a écouté les femmes et les hommes réunis dans des organismes communautaires et des groupes de défense des droits qui luttent pour l'élimination de la pauvreté.

Vous avez également souligné que c'était un projet où vous vous inquiétiez peut-être du fait que l'on n'ait pas nommé les personnes âgées de façon spécifique, mais c'est un projet qui se veut inclusif. C'est un projet qui veut soutenir toutes les personnes se situant dans cette situation de pauvreté. La pauvreté, on l'a dit, elle n'a pas de sexe, elle n'a pas de couleur ou elle n'a pas d'âge. C'est faire en sorte que, comme société, il nous faut être solidaires des personnes qui vivent une situation de pauvreté à l'endroit où elles se situent.

Et je pourrais même ajouter que c'est un peu en hommage aussi à nos aînés qui ont construit ce Québec, qui ont fait en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui avec des réussites extraordinaires, on se retrouve avec un système d'éducation extraordinaire, des soins de santé également extraordinaires qui ont été, je dirais, soutenus et bâtis par des femmes et des hommes qui, à un moment donné, étaient un peu plus jeunes mais qui espéraient que l'on puisse se réaliser comme société.

Et, que nos aînés soient partie prenante de ce projet de société, il était tout à fait clair pour nous que nos aînés étaient partie prenante non seulement pour ceux et celles qui vivent cette situation de pauvreté, mais aussi comme étant partenaires pour justement soutenir et accompagner les personnes qui vivent dans la pauvreté. Alors, ça, je veux vraiment vous le redire et vous rassurer à cet égard, car il est clair pour nous que nos aînés, ceux qui sont victimes de la pauvreté, sont touchés par ce projet, mais aussi que nos aînés sont des partenaires pour lutter efficacement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

J'aimerais savoir, cependant... parce que vous avez indiqué aussi, dans le projet de loi, que la définition de la pauvreté ne donnait pas la définition de l'exclusion sociale. Quelle serait, selon vous, la définition ou à tout le moins les critères qui devraient nous guider pour que vous considériez que l'on parle vraiment de l'exclusion sociale?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Smereka.

M. Smereka (Myroslaw): D'accord. Premièrement, je veux aussi excuser l'absence de notre présidente, parce que, cette semaine, c'est la semaine des AQDR...

Mme Goupil: Tout à fait.

M. Smereka (Myroslaw): ...elle était avec la présidente du Conseil des aînés, Mme Wavroch, justement hier. Alors, ça tombe à une semaine très chargée, mais elle voulait nécessairement qu'on y soit.

Pour vous répondre, la première chose que je dois dire, c'est vous rappeler que, avant le projet de loi et avant l'énoncé de politique, il y avait un document qui disait: Mettre personne de côté, et on a dit à M. Rochon, à Mme Léger aussi, qu'on ne retrouvait pas les aînés là-dedans.

Nous avons aussi, comme vous le savez, une expérience qui s'appelle le Parlement des sages, et, l'année passée, et grâce entre autres à votre soutien, on avait un projet de loi qui parlait de l'âgisme. Alors, dans ce sens-là, si on prend que ce sont des préjugés ? comme le Collectif pour l'élimination de la pauvreté souligne toute la question des préjugés auxquels on doit s'adresser ? eh bien, il y a ce qu'on appelle l'«âgisme» ou la discrimination selon l'âge qui fait que le mot «retraite», très souvent, signifie «exclusion sociale».

Donc, c'est dans ce sens-là que, si on n'a pas un mécanisme par lequel on cherche à justement corriger les préjugés des gens, on ne peut pas vraiment s'adresser à la question de l'exclusion sociale, parce que, souvent, dans le cas particulier du groupe qui nous intéresse, les 55 ans et plus, l'âgisme, pour nous, c'est le générateur de beaucoup d'exclusions sociales; ils sont comme à leur retraite, ils se sont retirés. Le projet de loi aussi, dans sa dynamique, c'est soit qu'on aide ceux sur l'aide sociale ou on aide ceux dans le marché du travail. Mais la retraite, c'est se retirer en fait à 65 ans des deux. Alors, socialement, c'est comme un manque, c'est comme... on évacue les personnes de 65 ans et plus. Ils ne sont pas dedans, c'est comme... Ils sont partout. Alors, lorsque Mme Tardif, tout à l'heure, parlait de handicap social, 45 ans et plus, c'était un des cinq éléments; monoparentales, bien, très souvent, ce sont les femmes âgées qui sont plus souvent du nombre de ceux qui sont pauvres et exclus socialement.

Alors, c'est dans ce sens-là que, en ce qui a trait au moins à ce qu'on appelle les «aînés», je dirais, pour essayer d'aller vers une définition, c'est de s'attaquer à la question des préjugés qui génèrent l'exclusion sociale. Il y a des préjugés face aux personnes handicapées et il y a des préjugés à l'égard des personnes de 55 ans et plus qu'on appelle, nous, l'«âgisme».

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vous remercie. Je vais céder la parole à mon collègue le député de Vachon. Merci, M. Smereka.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, Mme la ministre. Moi aussi, je remarquais vos commentaires dans le mémoire, qu'il s'agit ? le projet de loi ? d'un geste courageux du gouvernement du Québec et qu'il s'agissait en l'occurrence d'une première en Amérique du Nord et, bien sûr, qui donnera beaucoup de fruits parce que le gouvernement, que vous dites, a écouté les femmes et les hommes réunis dans les organismes communautaires et les groupes de défense des droits.

n(15 h 10)n

Je voudrais regarder plus particulièrement la question des 55 ans et plus, parce que tout gouvernement, parti politique et parlementaire doit bien sûr regarder tous les aspects de la justice sociale et la redistribution de la richesse d'une façon équitable pour chaque groupe de la société. Vous, vous dites ? et ce n'est pas une critique, c'est une observation que je fais ? vous revendiquez aussi la jouissance pleine et entière des droits de chaque être humain sans aucune discrimination mais de façon équitable pour les 55 ans et plus. On est d'accord. Mais là vous proposez qu'on devrait agir d'une façon prioritaire pour les 55 ans et plus. Pouvez-vous, pour les fins du public, expliquer de quelle façon un gouvernement peut agir d'une façon prioritaire?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Haguette.

M. Haguette (Michel): Merci, Mme la Présidente. Le premier élément qu'il faut retenir, c'est que... avoir pris sa retraite... parce qu'on a pris l'option, nous autres, de parler des gens de 55 ans et plus comme les retraités parce que, quand on parle que c'est des personnes âgées, hein, ceux qui ont 89, là, ils sont plus âgés que ceux qui ont 85, hein, puis ils le disent. O.K.? Le jeune, il vient de mourir là, lui. O.K.? Alors, il ne faut pas... Alors, il y a toujours quelqu'un de plus âgé que soit puis il y a toujours quelqu'un de plus aîné que soit, etc. Alors, c'est pour ça qu'on a... En tout cas, moi, j'aborde le thème des retraités parce que... ou ils vont le devenir, puis, en général, c'est intéressant d'avoir la retraite. Alors, c'est pour ça qu'on parle de ça.

Alors, ce qu'il faut bien mentionner, c'est qu'on ne demande pas nécessairement d'avoir des actions prioritaires. On demande de le dire et de le redire pour que les gens soient... enlever la perception ou les préjugés qu'ils sont oubliés. C'est ça qu'il ne faut pas. C'est ça, si vous voulez, l'élément. C'est pour ça qu'on suggérait simplement un petit «notamment» à un moment donné. O.K.?

Écoutez, là, vous parlez déjà de catégories de gens pour qui vous allez avoir des gestes prioritaires, mais l'isolement aussi, là, les personnes qui sont toutes seules dans leur logement, même s'il y a 10 étages, là, il y a de l'isolement chez ces gens-là. Alors, c'est ça que... Et, à travers le bénévolat, il y a beaucoup de personnes retraitées qui font du bénévolat, mais elles se sentent obligées de faire du bénévolat pour des personnes plus démunies et des personnes seules.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Smereka, un complément.

M. Smereka (Myroslaw): Pour compléter cette réponse, c'est qu'en focussant sur les groupes sur lesquels on focusse dans le projet de loi, on vise à réduire leur pauvreté, mais c'est en même temps oublier mais qu'est-ce qui se passe chez les 65 ans et plus pendant ce temps-là. Et je veux juste citer une statistique de Statistique Canada: Personnes ayant un faible revenu après impôt, il y a le concept de prévalence, c'est-à-dire le pourcentage, la proportion de personnes d'un groupe donné vivant sous le seuil de faible revenu par rapport à l'ensemble des personnes de ce groupe, c'est un pourcentage. Or, leur statistique de 1995 à 1999 pour le Canada, c'est: les moins de 18 ans, ça a baissé, ce taux de prévalence, de 17 %; pour les 18 à 64, de 9,2 %, parce qu'effectivement on prend des mesures. Mais, pendant ce temps-là, les 65 ans et plus, leur taux de prévalence, c'est-à-dire d'être sous le seuil de faible revenu, a augmenté de 6,5 %. Donc, ne pas se préoccuper... de catégoriser puis de cibler améliore effectivement ceux qui sont ciblés, mais ne pas être mentionnés, comme le disait M. Haguette, il se passe quelque chose pendant ce temps-là. Et ça, c'est un exemple concret qu'il y a détérioration de la situation des aînés, d'où on dit: Est-ce qu'on peut élever notre voix pour dire: Pendant que, oui, vous ciblez ceux vraiment, oui, qui ont besoin, mais en oubliant les aînés, il y a peut-être quelque chose qui est en train de se détruire. C'est tout.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vachon.

M. Payne: Et il y a aussi l'élément, si je comprends bien, que la société devrait regarder davantage les personnes âgées au-delà de 55 ans, qui ne sont pas nécessairement âgées, mais aussi redresser la balance, si vous voulez, et aussi travailler à diminuer les préjudices qui existent au sein de la société.

Ce qui m'amène à une dernière question, très rapidement. Vous parlez de taux, vous parlez de niveaux, on parle de barèmes, de catégories, d'améliorer le sort. Tout cela évoque nécessairement un besoin évident pour avoir un système, une façon d'évaluer le progrès qu'on fait, disons, dans les prochains deux, ou trois, ou cinq ans. Vous avez indiqué une certaine nuance à l'égard de l'Observatoire, vous voulez qu'il soit intégré au sein de l'Institut de la statistique du Québec qui... je pense que... l'orientation du projet de loi, de toute manière. Mais je voudrais avoir vos impressions là-dessus, parce que, pour nous, pour moi, au moins, c'est très important. Parce que d'avoir un indicateur économique que la population puisse voir et critiquer en l'occurrence, évalué par les universités, par les partenaires de la société, je pense que c'est absolument essentiel. Et peut-être que ça demanderait des ressources additionnelles parce que, dans une façon très complexe, dans une opération très complexe qui est la lutte à la pauvreté, il faut avoir des évaluateurs, des indicateurs économiques qui puissent nous indiquer le progrès ou l'absence de progrès. N'êtes-vous pas d'accord?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Smereka.

M. Smereka (Myroslaw): Je suis d'accord. Pour vous répondre, je vais d'abord référer à un document, le rapport du comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, qui justement a fait, puisqu'on sait... Depuis 1976, avec le gouvernement de M. Lévesque, le Québec s'était attaché au Pacte sur les droits sociaux, économiques et culturels, et les Nations unies évaluent périodiquement. Dans leur dernière évaluation, par rapport au Canada et au Québec, il y a un paragraphe qui s'adresse directement à votre question, le paragraphe qu'on appelle l'article 13: «Bien qu'il ait toujours utilisé le seuil de faible revenu de Statistique Canada comme mesure de la pauvreté au pays, lorsqu'il a fourni au Comité des renseignements à ce sujet, le gouvernement du Canada a avisé le Comité qu'il n'accepte pas les seuils de faible revenu comme un seuil de pauvreté, même si les experts s'en servent pour examiner l'étendue et l'ampleur de la pauvreté au Canada.» Ce qui s'applique aussi au Québec. Il termine en disant ceci: «Sans seuil de pauvreté officiel, il est difficile de tenir les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des obligations qu'ils doivent remplir en vertu du pacte.» Donc, si c'est vrai pour le pacte, c'est vrai pour une stratégie nationale qui se traduirait, si on veut, par le pacte.

Or, quand on connaît le débat qu'il y a sur le sujet, on sait que, fondamentalement, on ne s'entend pas sur, d'un côté, des mesures, ce qu'on appelle, relatives puis des mesures absolues, c'est-à-dire... relatives, vous êtes pauvre si vos moyens sont modestes comparativement à ceux d'autres au sein de la population, puis, absolues, vous êtes pauvre si vous n'avez pas les moyens d'acheter un panier particulier de biens et de services jugés essentiels. C'est les deux grandes écoles qui s'affrontent. En quelque part, ce que ça dit en même temps ? même Statistique Canada le dit ? la réponse à cette question ? je cite un de leurs documents sur le concept de pauvreté: «C'est le processus politique qui permet aux sociétés démocratiques d'obtenir des consensus sociaux sur des questions de nature intrinsèquement subjectives» et, par conséquent, c'est... En fait, la notion même de pauvreté, ça prend un consensus social à un moment donné dans notre société que c'est ça qu'on va avoir. Ce qu'on voit dans le projet de loi, il y a une définition très large qu'on peut appeler qualitative, de l'Organisation mondiale de la santé, et on indique que ça prend des indicateurs. Et c'est dans ce sens-là que vous n'aurez jamais un consensus à moins que le consensus s'impose par le courage politique. Donc, de la même manière, si, au moins, vous réussissez à en avoir deux ou trois sur lesquels les gens disent: Bien, je suis plus ou moins d'accord, vous avez déjà fait un pas. Mais ça prend une volonté politique qui obtient un consensus social sur... c'est comme ça, ou bien relative comme mesure ou bien absolue. Est-ce que c'est un panier de biens que je veux acheter ou est-ce que, par rapport... Par exemple, le collectif dit: Focussez sur 20 % les plus pauvres par rapport à 20 % les plus riches et jaugez votre succès sur le fait que l'écart entre ces deux-là se réduit.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Smereka... Peut-être que M. Haguette pourrait tout à l'heure compléter la réponse à une des questions de mon collègue le député de Laurier-Dorion.

n(15 h 20)n

M. Sirros: Bonjour, MM. Smereka et Haguette. Moi, je veux m'accrocher à une des principales revendications que vous avez, comme AQDR, qui sont mises de l'avant dans la partie du mémoire qui vous décrit. Et je veux m'accrocher à ça parce que je trouve que c'est un élément important dans la panoplie des choses qu'on a comme société pour lutter contre la pauvreté et protéger aussi contre les effets de la pauvreté, c'est notre système de santé. Vous, une de vos principales recommandations comme organisme, c'est de vous assurer de l'accessibilité universelle et gratuite des services de santé et des services sociaux, et j'imagine que c'est aussi dans le sens d'une qualité de soin équitable, équivalente pour tout le monde. Je saisis ça parce que je trouve que c'est effectivement un enjeu majeur dans le dossier qu'on regarde. Surtout sous l'angle de la protection quant aux conséquences de la pauvreté, on a établi un lien immédiat et direct entre le niveau de vie, pauvreté et santé.

Il y a un parti politique dans cette Assemblée qui propose la création d'un système de santé à deux vitesses. Ils sont en Chambre, ils ne sont malheureusement pas ici autour de cette table pour qu'on puisse questionner directement. Et, même j'aimerais savoir, vous, comme organisation, comme organisme de défense des droits des personnes retraitées, êtes-vous d'accord à l'instauration d'un système à deux vitesses et allez-vous en parler à vos membres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Smereka.

M. Smereka (Myroslaw): Je vais d'abord laisser M. le président de la section de l'AQDR de L'Assomption parler, ensuite j'interviendrai.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Haguette.

M. Haguette (Michel): Je dois vous dire que, dans la région de Lanaudière, parce que je suis à la Table des aînés de Lanaudière, j'en suis le vice-président, pour nous, on en a discuté à l'occasion de la Loi sur l'assurance médicaments, etc., il n'est pas question d'avoir ce qu'on appelle un service de santé à deux vitesses. Puis, s'il y en a qui disent que ça doit... que ça existe, il faudrait trouver les moyens, aller les chercher où ils sont, comme il y en a qui disent que c'est à Ottawa, avoir les moyens de donner les services à tout le monde pour ne pas que quelqu'un qui a plus d'argent passe avant quelqu'un qui a des difficultés mais qui est aussi malade, parce que, qu'on ait de l'argent ou pas, on est malade, point. Alors là on a besoin d'un médecin. Alors, on a besoin des services de santé. Alors, là-dessus... Et c'est la même chose dans l'AQDR de la MRC de L'Assomption. Là-dessus, pour nous autres, là, on est unanimes là-dessus.

M. Sirros: C'est fondamental pour vous aussi?

M. Haguette (Michel): Ah! c'est fondamental pour nous.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...d'accord.

M. Smereka (Myroslaw): Oui. Alors, pour pouvoir vous répondre, nous, à l'AQDR provinciale, nous avons soumis l'année passé deux mémoires: un mémoire au comité sénatorial Kirby et au comité Romanow. Dans les deux cas, il était très clair que notre opinion, c'était d'étendre la couverture de la loi canadienne sur la santé à l'assurance médicaments et aux soins à domicile. Donc, ça trace très clairement la position de l'AQDR au niveau provincial. Et, en plus, notre Parlement des sages qu'on vient de tenir au début du mois, l'autre projet de... on en a eu deux, le logement social mais aussi la mise en oeuvre d'un régime d'assurance médicaments universel public. Donc, ça dit déjà notre orientation.

On a été subtilement politique en ne précisant pas ou en donnant deux ans pour le concevoir à notre ministre de la Santé et pour débattre la question du contributif là-dedans. Mais, en même temps, nous sommes toujours devant la difficulté de... Artificiellement, on se fait déclarer soit riche ou soit pauvre. Et c'est dans ce sens-là où il semble qu'on devrait, puisqu'on est riche, être capable de se le payer. Mais, dans le fond, on dit souvent, et on l'a mentionné dans nos deux rapports qu'on vous invite... ? si vous voulez, on peut même vous en donner des copies, fournir les copies... On donne l'exemple: Bien, si vous gagnez un voyage puis vous avez un an pour l'effectuer, vous êtes très heureux. Mais vous gagnez, par exemple, une intervention chirurgicale. Allez-vous l'utiliser? Pour nous, la santé n'est pas un bien comme un autre. D'abord, c'est des professionnels de la santé qui vont prescrire. La personne ne sait même pas, elle va voir quelqu'un. Ce n'est pas lui qui s'en va acheter une automobile. Alors, dans ce sens-là, c'est clair que ce n'est pas un bien comme un autre et c'est l'étendue... étendre aux médicaments et au maintien à domicile.

J'attire aussi votre attention pour compléter cette chose-là. Quand on parle de seuil de revenu, ou de pauvreté, ou d'accessibilité, ou des vitesses, etc., on peut aussi facilement changer de vitesse. J'attire votre attention à une lettre que le Protecteur du citoyen, le 1er août 1996, a écrit à l'ex-ministre de la Santé, M. Rochon, lorsque le 1er août le nouveau régime s'est appliqué d'abord aux aînés, le 1er août, et, pour tous les autres, le 1er janvier 1997. Petit paragraphe sur les seuils de revenus: «Les seuils de revenus établis aux fins de calcul de la prime sont bien en deçà des seuils de pauvreté reconnus. Ce faisant, les pauvres d'hier sont riches aujourd'hui, et ce, sans un sou de plus. Le fait de diminuer les seuils de pauvreté revient à créer artificiellement de nouveaux riches.»

Alors, il est facile par des gestes, qu'ils soient petits ou autres, de faire de certains qui étaient avant justement, entre guillemets, fragiles, parce que les aînés, de 1977 à au moins 1992, ne payaient rien, ensuite 2 $ jusqu'au régime... là, tout d'un coup, le supplément de revenu garanti maximum, si vous l'avez, ça va. Mais c'est 60 % à peu près du seuil de pauvreté. Donc, les décisions qu'on prend... C'est pourquoi on met l'accent sur... Ne pas oublier les aînés. On dirait que vu qu'ils ne travaillent plus, ils doivent être assez riches. Mais ce n'est pas ça, là. Ils sont à leur retraite. Ils ont contribué à bâtir, et on dirait que c'est facile de, entre guillemets, tout en... ne mettre personne de côté et les oublier, faire une stratégie nationale de lutte à l'exclusion, puis ils ne sont pas là. Et on se dit: Bien... Juste en passant, les aînés ont bâti, le peuple aîné a bâti, ils aimeraient tout simplement qu'on s'en souvienne. C'est des fois des cris d'alarme.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: Très bien. Puis, quand on est conscient aussi qu'avec l'âge le besoin de protection en santé augmente aussi, je pense que je suis heureux de constater que vous êtes sur la même longueur d'onde. Je tiens tout simplement à vous assurer que c'est possible, à l'intérieur de nos ressources, à nous, à l'heure actuelle, de s'assurer qu'il n'y aura pas de système à deux vitesses. Tant mieux s'il faut, et il le faut, aller chercher davantage. On pourra donc faire davantage par la suite. Mais garantissons d'abord qu'on maintient cet acquis qui, je pense, est partagé par une grande majorité de Québécois et qu'on clarifie les conséquences réelles d'instaurer un système de santé à deux vitesses. Dans un contexte de pénurie de médecins, ça veut juste dire: déplacer et drainer les compétences et faire en sorte que ceux qui n'ont pas les moyens financiers vont se voir sur des listes d'attente plus longues, avec des soins médicaux de moins bonne qualité.

Ça étant dit, je reprends votre... je souligne une autre communauté d'idées quant à l'Observatoire sur la pauvreté. Vous aussi, vous semblez dire que ça serait mieux d'avoir ça dans un autre organisme qui existe déjà plutôt que de créer une autre structure. Vous suggérez le Bureau de la statistique, et c'est peut-être quelque chose de très convenable.

Dernier point: les rapports. Vous parlez de faire un rapport intérimaire, plutôt que d'attendre cinq ans quant au suivi qui serait fait. J'aimerais vous entendre un peu sur: À qui ce rapport est fait? Le projet de loi fait le rapport au gouvernement. Une autre possibilité, c'est de le faire à l'Assemblée nationale pour qu'il y ait un débat public transparent à l'Assemblée nationale même, et j'aimerais juste vous entendre sur ça. Êtes-vous réfractaire à un débat plus transparent, plus large? Préférez-vous l'Assemblée nationale comme endroit plutôt que le gouvernement comme place où on dépose les rapports ou peut-être les deux?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Haguette.

M. Haguette (Michel): J'en profite pour répondre que le fait que ce soit à l'Institut de la statistique, ça n'empêche pas de donner des ressources pour des mandats, des ressources supplémentaires pour avoir d'excellentes définitions et de profiter à l'Institut d'un climat de recherche.

n(15 h 30)n

Maintenant, pour nous, il est clair que c'est l'Assemblée nationale. Pourquoi? Pour lui donner une large diffusion, pour que ce soit transparent. O.K.? On l'a mentionné, tous les rapports devraient être déposés et, particulièrement, ce rapport intérimaire là, parce que c'est une longue période, cinq ans, il y a plusieurs choses qui peuvent se passer pendant cinq ans. Et, c'est un rapport intérimaire, ce n'est pas le rapport global, c'est un rapport qui dit vers quoi on s'en va. Parce que l'implantation, ça doit être ailleurs que... Ou s'il y a une implantation de programmes scolaires, puisque j'ai fait un mémoire de maîtrise là-dessus, ça prend un certain temps non seulement pour faire l'implantation, mais pour suivre en cours de route et faire des ajustements. Et c'est ça que permettrait un rapport intérimaire de trois ans et, je reprécise, déposé à l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Une minute et demie, M. le député. Il vous reste une minute et demie.

M. Sirros: Ah, bien, je pense que, dans une minute et demie, il me reste le temps de remercier les personnes pour leur présentation et vous encourager à continuer à suivre de très près ce dossier. Et, effectivement, je prends bonne note de l'aspect que vous apportez à l'effet que vous aimeriez retrouver dans la loi une référence aux personnes de plus de 55 ans pour que, effectivement, vous n'ayez pas le sentiment d'avoir été exclus. Et soyez assurés qu'on va continuer à suivre vos interventions publiques dans toutes ces matières avec intérêt également. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, MM. Smereka et Haguette, au nom de tous les membres, nous tenons à vous remercier pour votre participation à cette commission. Alors, j'invite maintenant les représentantes de Concertaction inter-régionale des centres de la petite enfance du Québec à bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 15 h 32)

(Reprise à 15 h 34)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission accueille maintenant les représentantes de Concertaction inter-régionale des centres de la petite enfance du Québec. Je salue Mme Hélène Potvin, qui est la présidente, de même que Mme Claude Pitre-Robin, la directrice générale, qui oeuvre, bien sûr, dans le réseau des services de garde depuis fort longtemps. Alors, bienvenue à cette commission. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, nous vous écoutons.

Concertaction inter-régionale des centres
de la petite enfance du Québec (CIRCPEQ)

Mme Potvin (Hélène): Alors, merci beaucoup de nous accorder ce temps. D'entrée de jeu, j'aimerais peut-être dire que CIRCPEQ, Concertaction inter-régionale des centres de la petite enfance, CIRCPEQ... Alors, CIRCPEQ déplore que le sujet que nous abordons aujourd'hui ne soit pas à la mode, et nous souhaitons que le gouvernement aura une vision sociale qui dépasse les commentaires populaires. En effet, dans notre société, nous avons un problème, la pauvreté est non pas vue comme un problème collectif, mais un problème individuel. Qui d'entre nous n'a pas eu des commentaires de gens autour de soi négatifs à l'endroit... que les personnes, si elles sont pauvres, c'est de leur propre faute? Alors, c'est tout un défi actuellement qui est sur la table.

Notre présence ici est justifiée parce que nous nous sentons interpellées via les centres de la petite enfance. Donc, la petite enfance et la pauvreté, ce sont deux éléments sur lesquels nous voulons intervenir. Évidemment, nous ne porterons pas une vision globale sur tout l'ensemble des mesures, d'autres groupes le feront.

La pauvreté est reconnue comme un facteur de risque pour l'enfant. Lorsqu'elle se conjugue à d'autres facteurs de risque, cela augmente le caractère problématique pour l'enfant. Vous savez, le réseau québécois des centres de la petite enfance croit que la lutte à la pauvreté devrait constituer une priorité politique indépendamment des partis au pouvoir. Ainsi, le dépôt récent de l'énoncé politique ainsi que le projet de loi, qui viennent soutenir cette action, doivent être une volonté réelle d'agir en ce sens.

Dans la foulée du Sommet socioéconomique de l'automne 1996, le gouvernement de Lucien Bouchard et sa ministre de l'époque, Pauline Marois, annonçaient, de concert avec le Chantier de l'économie sociale ainsi que Concertaction, la création d'une politique familiale visionnaire. Je vous rappelle que cette politique-là est née, est issue, je dirais, du coeur du milieu, est venue des gens du réseau, des gens de l'interne, et le gouvernement a su écouter le milieu et a pu joindre ses objectifs à l'appel des gens sur le terrain. Cette politique s'articule autour de plusieurs préoccupations importantes, dont celle de la pauvreté matérielle et sociale des familles québécoises. Ses axes d'intervention avaient alors été établis, entre autres, autour de la mise en place d'un réseau de centres intégrés de services à la petite enfance déployé à partir du réseau des garderies sans but lucratif et des agences de garde existantes.

Les CPE se voyaient mandatés pour participer activement à favoriser le développement des enfants, l'égalité des chances, faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles et assurer l'équité entre les familles. C'est pourquoi Concertaction recommande, en lien avec l'article 4 du projet de loi, que les centres de la petite enfance soient reconnus comme des services essentiels dans la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale et qu'ils soient clairement identifiés dans les actions mises en place dans la stratégie nationale.

Concertaction s'est toujours fixé les mêmes buts que ceux prévus dans la stratégie nationale pour lutter contre la pauvreté, soit, en résumé, améliorer la situation économique et sociale des personnes qui vivent dans la pauvreté, réduire les inégalités qui affectent plus particulièrement les personnes en situation de pauvreté et intervenir de façon globale.

Je pense qu'il importe, à ce moment-ci, de se rappeler qu'une approche préventive est non seulement moins coûteuse sur le plan économique, mais a des gains sur le plan humain très importants, et rarement on en parle. Très souvent, on va parler finances, on va parler économie par rapport à la prévention, mais on parle peu de l'effet humain. À long terme, la pauvreté infantile entrave la possibilité qu'ont les enfants de grandir en santé et de devenir des adultes autosuffisants. Parce qu'ils ne disposent de fonds suffisants, les parents ont peine à nourrir leurs enfants, à leur donner un gîte sûr, à leur fournir des activités stimulantes pour leur développement. CIRCPEQ appuie donc le gouvernement dans la définition des buts poursuivis par la stratégie nationale telle que présentée à l'article 5 du projet de loi mais réclame également que le plan d'action de la stratégie comporte les moyens suffisants pour atteindre réellement et effectivement les buts fixés.

CIRCPEQ se réjouit que le gouvernement ait inscrit dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale la notion de la prévention. Prévenir, favoriser le développement du potentiel des personnes comme première orientation dans les orientations et les axes d'intervention d'une stratégie pour le Québec, pour nous, nous trouvons que c'est un élément important. Évidemment, la prévention fait partie d'un des champs d'activité des centres de la petite enfance. À notre avis, les centres de la petite enfance font partie d'un ensemble de partenaires où on peut voir des mesures préventives. Comment? Par un travail éducatif de qualité que les professionnelles de la petite enfance... a un effet sur les enfants dont elles ont la responsabilité, et ça permet d'éliminer certains facteurs reconnus comme des indices de pauvreté.

n(15 h 40)n

Je vais me permettre de citer Mme Mary Gordon qui... On a fait plusieurs citations dans notre texte, parce que celui-là particulièrement, je pense qu'il faut en prendre compte. «Les premières années offrent une occasion unique de favoriser le développement optimal de tous les enfants. La plasticité du cerveau durant les trois premières années de la vie le rend extrêmement réceptif à l'environnement. Tous les enfants ont besoin de soins, de stimulation et d'une bonne alimentation pour que leur cerveau atteigne un développement optimal. Les premières années déterminent pour une très large part la capacité de l'enfant sur le plan de l'apprentissage, du comportement et de la santé. La capacité des enfants de relever le défi de la réussite en milieu scolaire est largement fonction du genre d'expériences qu'ils ont vécu avant la maternelle.»

Donc, l'axe de prévention des centres de la petite enfance est donc important. En soutenant les enfants lors de leurs premières années de leur vie, on peut voir augmenter leurs chances de réussite et, je vous dirais, particulièrement lorsqu'ils sont issus d'une famille de milieu défavorisé, celle qu'on appelle à risque, famille de milieu défavorisé, à faibles revenus, dysfonctionnelle ou autre. Évidemment, vous allez me dire: L'investissement est majeur. Oui, l'investissement est majeur dans les centres de la petite enfance, mais c'est un investissement sûr, c'est un investissement durable autant pour l'enfant en tant que citoyen à part entière, mais également pour la société qui verra à long terme ces investissements porter fruit.

Et je me permettrais de citer M. Camil Bouchard qui, tout dernièrement, a un peu imagé ce que je viens de vous dire: Dans 25 ans, lorsque les gens demanderont pourquoi le Québec connaît une diminution du taux de décrochage scolaire, de troubles d'adaptation, de taxes d'investissement des services de rééducation, lorsque le monde se demandera pourquoi les enfants du Québec sont si souvent les premiers de classe, nous serons obligés de tourner vers le dossier du développement durable des centres de la petite enfance où l'on trouvera certainement la réponse.

CIRCPEQ est donc heureux de constater que le développement du potentiel des personnes est aussi inscrit comme première des cinq orientations pour atteindre les buts poursuivis par la stratégie nationale à l'article 6 du projet de loi. De plus, on s'inscrit tout à fait dans l'approche du projet de loi qui reconnaît l'importance du soutien parental ainsi que dans l'axe 1 de la première orientation de la stratégie nationale, la famille comme cellule de base au développement des personnes et de la société.

L'importance de l'accessibilité des services de garde. C'est sûr, c'est important, mais il faut aussi souligner qu'actuellement les enfants des familles admissibles à l'exemption de la contribution réduite, ce qu'on appelle, nous, le ECP ? c'est des familles prestataires d'aide sociale ? ne le sont que pour 23 h 30 min semaine. Si on fait un rappel, c'était en lien, lors de la mise en place de la politique... pour faire un arrimage avec le réseau de la maternelle en milieu défavorisé et l'organisation d'un centre de la petite enfance. Et l'organisation... comment on fonctionne en milieu de vie versus l'école sont deux mondes.

Quand on sait que toutes les recherches démontrent que les enfants en milieu défavorisé sont ceux qui bénéficient le plus de la fréquentation d'un service de garde éducatif, l'offre de 23 h 30 min par semaine ne fait que limiter d'autant ces enfants. L'accessibilité est nécessaire pour eux, particulièrement pour eux. C'est pourquoi nous avons fait une recommandation dans notre mémoire, que je me permets de modifier ici, parce que nous avons fait une consultation et, lorsque nous avons rédigé notre mémoire, nous n'avions pas réussi à avoir tout. Suite à la consultation que nous avons faite auprès de l'ensemble de nos membres, nous demandons que, finalement, on donne accès aux ECP ? ce qu'on appelle exemption de la contribution parentale ? cinq jours semaine et non plus 23,5 heures. De plus, nous recommandons au gouvernement de développer des places en milieu défavorisé supplémentaires, des places en installation, parce que le milieu collectif répond très bien aux besoins des enfants.

Vous n'avez pas compris quelle partie? Ha, ha, ha! Je vais recommencer peut-être les deux demandes, alors, la première étant qu'on fasse en sorte que les exemptions de contribution parentale ne soient plus de 23,5 heures, mais de cinq jours, donc à temps plein, donc selon le besoin et le désir du parent, ainsi qu'un développement de places en installation en milieu défavorisé, précisément dans les milieux défavorisés.

La question de la conciliation famille-travail a été aussi abordée dans les documents, ce sur quoi nous sommes en accord. Outre le fait de mentionner qu'il s'agit là d'une mesure nécessaire, aucun plan d'action, toutefois, ou d'orientation ne vient assurer le développement de ces mesures, programmes ou pratiques pour assurer la conciliation famille-travail. La conciliation, évidemment, l'apport des CPE... La conciliation famille-travail, l'apport des CPE... On en fait partie. Non seulement elle assure à l'enfant un milieu de vie sain, sécuritaire et éducatif, mais elle permet également au parent, quelle que soit sa condition, de vivre dans la dignité.

CIRCPEQ recommande donc que soit modifié l'article 10 afin de retirer l'alinéa 4° ? la terminologie, c'est «de même que de mesures permettant de mieux concilier la famille et le travail» ? et, plutôt, d'en créer, un, un cinquième spécifiquement sur ce sujet et d'élaborer une plan d'action précis assorti de mesures concrètes.

Vous le savez, les centres de la petite enfance sont des entreprises d'économie sociale, sont probablement la plus grosse masse, d'ailleurs, d'économie sociale. Le centre de la petite enfance permet de lutter contre la pauvreté économique grâce à l'insertion sociale vécue notamment par le retour au travail des familles ainsi que les étudiants. Mais il n'y a pas que les parents qui bénéficient du réseau et de l'inclusion sociale que permettent les centres de la petite enfance. Vous savez, il y a près de 25 000 personnes qui travaillent au sein de nos centres de la petite enfance, principalement des femmes ? c'est réjouissant de savoir, d'ailleurs, qu'on est dans les gros employeurs du Québec ? majoritairement des femmes, et vous savez qu'il est démontré dans l'ensemble de la littérature que les femmes sont plus susceptibles d'être victimes de la pauvreté et de l'exclusion sociale. CIRCPEQ demande donc au gouvernement d'ajouter les centres de la petite enfance dans la liste des secteurs présentant un potentiel de développement au paragraphe sous le titre La contribution de l'économie sociale, en page 46 de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Évidemment, on veut aussi aborder la question de l'équité entre les familles, la portion d'utilisation. Le fait de pouvoir utiliser les centres de la petite enfance de façon universelle est une façon d'atteindre l'équité entre les familles. Donc, le réseau est un outil pour assurer cette équité.

Également, dans notre mandat, nous avions aussi le mandat de réseautage, parce que vous savez qu'un centre de la petite enfance seul ne pourra pas bien soutenir les familles de milieux défavorisés. Et c'est une portion très importante dans notre travail, donc, le réseautage avec les organismes communautaires, les organismes communautaires qui, eux, par leur action, leur expertise oeuvrent pour le mieux-être de la famille. Ensemble, ces deux réseaux conjugués ensemble, c'est une grande force pour le Québec.

Concertaction appuie l'axe 4, donc de renforcer la contribution à l'action communautaire, mais on réclame également que les ressources financières nécessaires pour accomplir pleinement leur mandat comme organismes communautaires dans le respect de leur mission puissent...

En conclusion, j'aimerais vous dire que c'est indéniable que les centres de la petite enfance sont un des outils à la lutte à la pauvreté. Nous continuons également à dire que c'est très important, c'est un projet, grand projet, porteur, visionnaire, encore un projet visionnaire qui ne sera pas facile à passer, pas facile à défendre, mais il faut regarder vers l'avant. Il faut donc également, pour nous, poursuivre le développement d'un réseau. Parce qu'on pourrait s'asseoir, hein? Les bilans positifs de développement commencent à ressortir par rapport aux places qui ont été accordées, il serait facile pour d'aucuns de s'asseoir sur cette réussite d'envergure et de stopper. Alors, il faut donc poursuivre le développement et même, comme je le disais tout à l'heure, voir à développer de façon précise des places en milieu défavorisé en installation.

Également, nous croyons qu'il devrait y avoir une priorité. Nous sommes en amont. Évidemment, nous sommes après le groupe de personnes retraitées, les personnes âgées, ça ne dénie pas ce que... nous ne nions pas ce qui a été dit. Toutefois, nous croyons que c'est gagnant d'y aller en amont et que justement d'intervenir auprès des 0-4 ans partout où sont leurs milieux de vie est une formule qui, à long terme, permet une réussite. Mais une vision à long terme, évidemment. Nous vous remercions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Potvin. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, Mme Potvin. Bonjour, Mme Pitre-Robin. Je tiens à vous remercier pour le mémoire et aussi pour tout ce que vous faites pour nos services de garde au Québec. Vous comprendrez sans doute que j'apprécie particulièrement qu'on puisse rappeler tout l'historique de la mise en place aussi de ces services de garde dans le cadre de leur mission éducative. Le chemin qui a été parcouru depuis de nombreuses années, mais particulièrement depuis cinq ans, est aussi d'être à même de constater toute l'importance de nos réseaux de centres de la petite enfance dans l'élaboration d'une lutte à la pauvreté aussi.

Ce matin, la Fondation Chagnon, par l'entremise de M. Chagnon... Il est venu rappeler tant dans son mémoire que dans ses propos de toute l'importance accordée à la prévention, à l'intervention en amont et la petite enfance, comment il était important... Et il reconnaissait toute l'importance de nos services de garde. En même temps, il nous a aussi indiqué toute l'importance que les services de garde devraient assumer aussi comme soutien au rôle parental, pour accompagner et soutenir les parents.

J'aimerais vous entendre de façon un petit peu plus particulière comment vous voyez... Parce qu'on arrivera bientôt à compléter notre réseau ? à près de 157 000 places, on arrive plus vers la fin que le début ? et j'aimerais aussi savoir quels sont les gestes que vous pouvez poser ou que vous avez l'intention de poser en regard d'un dossier plus spécifique qui est celui intitulé Ma place au soleil. Ma Place au soleil, justement, c'est, je dirais, la combinaison d'un travail de différents organismes gouvernementaux, ministères, mais aussi des gens sur le terrain. Et Ma Place au soleil, c'est: on réserve des espaces de garde à des jeunes femmes qui, pour la plupart, sont soit mineures ou deviennent majeures et qui ont un jeune enfant. Et on sait que le ministère ne veut pas s'ingérer dans les décisions au niveau des régions, parce que le choix politique qui a été fait, ça a été de décentraliser les pouvoirs, faisant en sorte que ça appartient aux communautés, aux régions de définir le nombre de places, les projets, et qu'ils soient soutenus. Alors, comment pouvez-vous soutenir davantage ce genre d'initiative comme Ma place au soleil?

n(15 h 50)n

Et, troisièmement, j'aimerais savoir aussi comment vous réagissez à ce qui vient d'être proposé, de faire payer des gens qui gagneraient plus cher des frais plus élevés versus la contribution de 5 $.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Potvin.

Mme Potvin (Hélène): Je commencerais peut-être par votre question concernant le rôle des centres de la petite enfance au niveau du soutien du rôle parental. Je vais y aller avec trois niveaux de réponse. Le soutien aux parents prend, et va prendre, et devra prendre différents volets. C'est-à-dire que le soutien parental, c'est, un, briser l'isolement que les gens vivent. Et, très souvent, la fréquentation d'un centre de la petite enfance leur permet d'entrer en contact avec d'autres parents qui vivent les mêmes situations et qui les rassurent. Également, ça leur permet de rencontrer des gens pour échanger, faire des liens. Ça leur permet aussi de prendre une place, je dirais, humaine en s'impliquant dans un comité, ou au conseil d'administration, ou dans le milieu de vie de l'enfant qui leur donne une estime de soi ou qu'ils s'aperçoivent qu'il y a une valorisation même à s'impliquer, et on le voit et on le constate très souvent. Vous savez, en milieu défavorisé, il y a des conseils d'administration également, il y a des comités, et des gens participent activement. Et notre constat que nous faisons, c'est que les gens en ressortent souvent plus forts. Ils disent: Ah, je suis capable de faire ça. Donc, c'est une façon de faire le soutien au rôle parental.

Également, vous savez, le support, le conseil, les rencontres, les discussions, les échanges quotidiens avec une éducatrice formée en petite enfance sont aussi une façon pour nous d'apporter un support au développement des compétences parentales. Il y a d'autres actions qui peuvent être faites, et on le voit beaucoup se développer dans les différents milieux où on voit des projets de concertation, où les gens viennent, exemple, que ce soit ou non des utilisateurs du service, le soir, faire des rencontres où tu as des éducatrices, des intervenants communautaires et ils viennent aborder avec les parents certains sujets qui les préoccupent. C'est une façon, donc, de faire un support que nous appelons le rôle parental.

Également, ce que j'ai parlé tout à l'heure dans la présentation, tout le réseautage avec les organismes communautaires qui est à faire, qui n'est pas fait, on s'entend. On avait plein les bras avec le développement, nous étions très heureux de le faire. Nous allons maintenant devoir également continuer à remplir nos mandats, et le réseautage va faire partie des éléments de travail que les centres de la petite enfance vont avoir à faire. Mais, pour le moment, il y a plein de milieux qui l'ont fait, et nous, le constat qu'on fait terrain, c'est quelque chose de très intéressant.

À la question concernant évidemment le fait de faire payer plus cher, en fait de faire payer... de ne plus avoir l'accès à 5 $ pour une certaine catégorie de citoyens, Concertaction a déjà réagi là-dessus il y a presque un an, je crois, où, pour nous, c'est un glissement, à notre avis, très dangereux. C'est un programme universel comme l'est l'école. C'est jeune comme projet, et, souvent, le projet étant jeune, ce n'est pas encore intégré dans la tête de tous, ce n'est pas encore... Et ça fait en sorte qu'on le met souvent en cause, et c'est très dangereux. C'est un réseau universel. Quand on décide, comme société, comme groupe, comme gouvernement, qu'on met des argents, qu'on investit en prévention, en amont d'un problème, la notion de l'universalité est quelque chose qu'il ne faut pas toucher. Est-ce qu'au Québec, après ça, on va regarder les écoles puis on va commencer à dire: X milliers de dollars, on n'aura pas accès ou on paiera? Et on pourrait faire ça avec tous les services où l'État investit. Également... J'ai perdu ce que je voulais dire. On parlait de l'accessibilité de tous les parents...

Mme Goupil: Ma Place au soleil.

Mme Potvin (Hélène): ...la place des parents...

Mme Goupil: Excusez-moi.

Mme Potvin (Hélène): Ma Place au soleil, donc je reviendrai.

Mme Pitre-Robin (Claudette): C'est ça. Si on revient, je pense qu'il faut se rappeler... On a souvent la mémoire courte, il faut se rappeler que ça fait à peine cinq ans que les parents ont accès au 5 $, et on voit finalement la popularité de cette mesure-là dans tous les secteurs, tous les niveaux, finalement, de revenu des familles. C'est parce que ça répondait à un besoin. On n'a pas eu à faire de publicité, hein, on n'a pas eu à vendre l'idée que c'était un service intéressant, les familles ont rapidement demandé d'y avoir accès, et même on a eu beaucoup de critiques parce qu'on ne développait pas assez vite puis qu'il n'y avait pas, souvent, tant de places. On oublie trop facilement que cette démarche-là, l'accessibilité, est issue, dans le fond, de revendications de plus de 30 ans avant de familles pour avoir accès. Et, avant l'instauration des places à 5 $, on se retrouvait dans les services de garde avec des familles ou à niveau de revenu très élevé ou les plus bas niveaux, et tout l'ensemble des familles moyennes, ou juste un petit peu, là, dès qu'on dépassait l'aide financière, le programme... qu'il y avait, ces familles-là n'avaient pas accès, donc se retrouvaient dans de la garde non régie.

Et, c'est tout le risque, dès qu'on se remet à retoucher à ce programme d'accessibilité là, comment on peut mesurer vraiment les capacités? Et c'est tout le risque qu'on retourne en arrière dans toute cette démarche-là qui, actuellement, est si importante. Et, c'est aussi qu'on ne veut pas reconnaître, on ne reconnaît pas que ce sont des services éducatifs qui s'adressent aux enfants du Québec. Et, c'est ce qui est assez étrange, c'est que dans d'autres politiques qui s'adressent à l'ensemble de la population ? puis Hélène le mentionnait ? les écoles, jamais on ne remettrait en... On ne remet pas en question les maternelles à temps plein. Pourtant, il y a à peine cinq ans que les maternelles sont à temps plein. Il y a une économie à faire là aussi, parce qu'il y a des enfants de familles favorisées qui sont dans ces maternelles à temps plein cinq ans.

On ne remet pas en question quand c'est l'école, etc., mais on remet en question quand c'est la petite enfance comme si à cet âge-là... Pourtant, ce n'est pas l'âge le plus important pour justement permettre à ces enfants d'avoir accès à des services éducatifs qui vont leur permettre à la fois de se socialiser... Parce qu'on peut être dans une famille aisée, mais, si on est tout seul, c'est difficile de socialiser avec la télévision ou bien le chat, tu sais. Donc, ils ont besoin, même dans des familles à revenus plus élevés, d'être avec d'autres enfants. Ce n'est pas la taille de nos familles qui permet ça. Ils ont besoin d'apprendre à gérer les difficultés, développer des solutions. C'est tout l'acquis de la garde collective, et pourquoi remet-on ça si facilement en question quand il s'agit de nos plus jeunes citoyens, alors que l'ensemble des recherches, des études prouvent que, finalement, fréquenter des services de garde de qualité, c'est vraiment un facteur de réussite scolaire, de diplomation, c'est des gains à long terme? Je pense que ça, c'est indéniable, et c'est dommage d'encore entendre des aspects qui voudraient faire le recul là-dedans alors que le Québec se situe vraiment, là, parmi les plus progressistes en cette matière-là.

Quant à Ma Place au soleil, c'est un excellent programme. Moi, je peux parler particulièrement... On n'a pas fait une étude à travers la province, mais je sais que c'est un programme dont les CPE ont très bien embarqué, et ils ont fait de la place malgré les critiques, qu'ils devaient souvent... ça se comprend, là, des parents que, oui, ils restaient sur la liste d'attente encore quelques mois, parce qu'on laissait place à, finalement, des enfants des familles qui avaient de très grands besoins. Et, tant que notre développement ne sera pas terminé, c'est à ça, dans le fond, qu'on a toujours la difficulté, parce qu'il y a des parents en liste d'attente qui sont des travailleurs qui disent: Bien, pourquoi je donnerais de la place à des familles dont ce n'est pas d'un service de garde qu'ils ont besoin? Et notre défi est encore, là, pour encore un an ou deux. Tant que nous n'aurons pas de places suffisantes, c'est comme, souvent, on se bat sur un choix de clientèle.

Mais on pense que Ma Place au soleil a été bien compris. Je sais que, dans ma région, toutes les places qui étaient prévues ont été tout à fait... Les enfants étaient intégrés dans les centres de petite enfance, et même plusieurs centres de la petite enfance qui avaient posé leur candidature pour obtenir ce type de projet là n'y ont pas eu accès et ont été très déçus de ne pas avoir été privilégiés parmi les centres de la petite enfance pour participer à tel programme. Alors, je pense que c'en est un exemple, le milieu est prêt, est ouvert. Il faut permettre quand même qu'on finisse le développement, il ne faudrait pas entacher ce développement-là.

n(16 heures)n

Si vous permettez, j'ajouterais juste un point important. On m'apprenait avant-hier... Je parlais avec Camil Bouchard, puis on me disait qu'en Angleterre ? parce que Camil, il vient de revenir d'un séjour en Angleterre ? ils ont, au mois de mai dernier, réajusté un programme qu'ils ont depuis quelques années qui s'appelle ? excusez mon anglais, là ?  «Sure Start» et, évidemment donc, qui existait depuis quelques années. Ils viennent de réinvestir un montant de 2,5 milliards de dollars pour finalement faire la promotion des services à l'ensemble des 0-4 ans, avec le prénatal jusqu'au 4 ans, et ils font le défi, eux aussi, que, dans 20 ans, il n'y aura plus d'enfants pauvres en Angleterre, alors que c'est déjà un programme dont ils avaient investi énormément d'argent. Et ils vont à l'intérieur de ce programme-là... Ils prévoient aussi développer encore 200 000 places ? la population est plus grande le Québec ? alors, ils ont encore en développement 200 000 places en services de garde pour les enfants. Alors, comment se fait-il qu'au Québec qu'on se mette à vouloir reculer quand on voit qu'ailleurs les gens, au contraire, vont dans le même sens, dans le sens que toutes les recherches nous indiquent?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Pitre-Robin. Madame...

Mme Goupil: C'était un collègue...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. le député de...

M. Payne: Vachon.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...de Vachon, il vous reste deux minutes et demie.

M. Payne: Combien?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Deux minutes et demie, question, réponse.

M. Payne: ...je ne sais pas. Vous recommandez d'augmenter à cinq ou au moins à trois jours par semaine l'exemption de la contribution réduite qui est actuellement... Je pense que c'est à peu près, quoi, 25 heures par semaine, deux jours et demi, à peu près. Pourriez-vous expliquer c'est quoi, la problématique et quels sont les coûts que ça peut engendrer, une expansion de cela? Parce que, moi aussi, je suis inquiet quand je vois, dans les discussions publiques, les tentatives à peine voilées d'augmenter les... ou rendre plus difficile l'accès aux CPE pour une certaine catégorie de personnes. Je pense que, dans les prochains quelques mois, on va avoir un grand débat de société là-dessus. C'est dommage que d'autres partis politiques ne sont pas présents aujourd'hui pour en participer. Mais pouvez-vous expliquer c'est quoi, le problème du trois à cinq jours?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très rapidement, Mme Pitre-Robin. En peu de mots.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Oui. Alors, il y a d'abord un problème d'accessibilité, c'est compte tenu, justement, la grande demande de places. Et, administrativement, les CPE ont le devoir de finalement administrer les places, l'ensemble des places d'un CPE de la façon à ce qu'elles soient occupés à temps plein. O.K.? Alors, quand on arrive avec des enfants qui ont accès uniquement pour deux jours, deux jours et demi, alors le CPE, lui, il ne peut pas laisser la place libre l'autre deux jours et demi. Alors, il faut trouver des aménagements, il faut trouver deux enfants du même âge qui seraient dans le même groupe, qui pourraient faire, un, deux jours une semaine, trois jours, l'autre; puis l'autre fait l'inverse. Il faut aménager administrativement, ce qui fait que ça devient très complexe. Et, très souvent, malheureusement, ils n'y ont pas accès. Quand on est allé vérifier au niveau des enfants inscrits dans les CPE, on s'est rendu compte qu'ils étaient actuellement de beaucoup dans plusieurs milieux où ils n'ont pas cette accessibilité-là, parce que la demande de places à temps plein, elle est tellement grande qu'on n'arrive pas, là, à permettre... Et, administrativement, on ne peut pas laisser des places vacantes. Et, on le reconnaît, ça, c'est des fonds publics, on ne peut pas laisser des places vacantes dans les CPE alors que tant d'enfants en ont besoin.

Donc, cette mesure-là ne permet pas l'accès aux enfants, parce que, actuellement, ils ne pourraient prendre place à temps plein. Mais l'ensemble des recherches prouvent que c'est dans la continuité, le suivi, le lien avec l'enfant... La famille, si on veut qu'elle ait des liens avec l'ensemble du CPE, elle doit venir régulièrement. Si elle vient deux jours et demi, deux jours éparpillés, elle ne s'intègre jamais à l'intérieur de l'ensemble du CPE. Donc, c'est important pour cette clientèle-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Pitre-Robin. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Mme la Présidente, la question de la ministre de tantôt nous amène peut-être à ouvrir un petit débat qui a été relevé ici sur la façon d'envisager les centres de petite enfance dans un contexte de lutte à la pauvreté. Il a été établi assez clairement que ceux qui ont bénéficié beaucoup sur le plan financier de l'installation des garderies à 5 $ pour tout le monde, auxquelles vous tenez parce que vous dites: C'est un droit universel qui doit être accessible à tous et au même montant pour tout le monde... On a vu des études qui ont démontré clairement que ceux qui ont bénéficié... Par exemple, on donne l'exemple d'une famille qui a un revenu familial de 100 000 $, qui a eu un bénéfice de quelque chose comme... Je peux me tromper sur le chiffre, mais, si ma mémoire est bonne, autour de 2 000 $ net, amélioration de sa situation de revenus personnels comme famille. Et le corollaire, c'est évidemment que les ressources de l'État sont allées pour subventionner ce gain net. Ce faisant, on s'est limité d'autant quant à notre façon et notre capacité d'agir de façon plus ciblée au niveau des familles à faibles revenus, des personnes en situation de dénuement qui ont peut-être plus besoin d'une aide pour le rôle premier des centres de la petite enfance qui est de permettre aux personnes de chercher un emploi ou, en tout cas... et d'offrir une socialisation à l'enfant.

Vous allez aussi plus loin et vous dites que le parallèle, c'est l'école. Mais l'école, à ma connaissance, c'est un instrument que la société se donne pour transmettre le savoir, et ce savoir est transmis par des spécialistes parce qu'on estime que les parents ne sont pas capables de transmettre tout le savoir. Alors, si vous faites le parallèle... Et j'ajouterais que la société, en plus, a décidé que c'est tellement important que non seulement c'est universellement accessible à tous et on a assez de places dans les écoles pour que tout le monde y aillent, en plus on a décidé que c'est obligatoire, la fréquentation.

Alors, si vous prenez le parallèle de l'école, est-ce que vous envisagez une fréquentation obligatoire pour tous les enfants de 0-4 ans ou de 1-4 ans aux centres de la petite enfance? Et, sinon, il semble que votre parallèle a une certaine difficulté à être vraiment tenu.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Pitre-Robin.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Bien, d'une part, je répondrais tout de suite, où, entre autres, la maternelle n'est pas obligatoire et pourtant au-delà de 80... Non, elle n'est pas obligatoire, la maternelle, et pourtant il y a au-delà de 90 %... 99 quelque chose pour cent des parents, finalement, envoient leurs enfants à la maternelle, et vous ne parlez pas de taxer ces parents-là alors que ce n'est pas un service obligatoire. O.K.? Donc, c'est... Et, quand vous faites le décompte où il y a des parents qui économisent beaucoup, là, O.K., il faut se rappeler que, s'il y a des parents qui économisent davantage, c'est qu'avant la charge financière des services de garde, avant la politique, était vraiment au-delà... Ça coûtait plus cher d'avoir un enfant en services de garde que de payer ses études universitaires ou toute sa formation au cégep. On est en train de défaire... Oui, on est dans une situation tellement grave, tellement critique que finalement on a amené une mesure qui est universelle, et là on redit: Bien, regarde, il y a peut-être une personne là, une personne là... Même quand vous parlez des écoles, est-ce que vous avez pensé à retaxer aussi au niveau des écoles privées? Or, là c'est les familles les mieux nanties qui envoient les enfants. Et, il y a un réseau public pour enfants, pourquoi finalement, à ce moment-là, subventionne-t-on un réseau privé à côté du... Il y a de la place dans le réseau public pour accueillir les enfants. Puis on ne remet pas en question cette démarche-là. Dans le réseau privé, vous allez me dire: Oui, les parents paient. Oui, comme parent, j'y ai accès et j'ai payé, mais je... de payer le coût de l'école.

M. Sirros: Mais, entendons-nous bien, on ne parle pas de fermer les services de garde ou de diminuer les places, etc. Là, je veux dire, ce n'est pas ça, la question. Je ne suis pas sûr que vous avez saisi ce que je cherchais à savoir de vous.

Mais, pour revenir sur le dossier de la lutte à la pauvreté, si on s'entend qu'il y a aussi un rôle de socialisation que les centres de la petite enfance peuvent jouer, que normalement dans la société actuellement, là, c'est a priori à la famille que cette socialisation est donnée comme responsabilité, on ne la donne pas, je veux dire, la famille l'a. Ce n'est pas la société qui donne la responsabilité de socialisation à la famille, la famille l'a par le fait qu'elle se constitue en famille. Il y a une ressource qui s'appelle centre de la petite enfance qui peut venir renforcer cette socialisation afin de faire en sorte que les enfants, dans leur fonctionnement ultérieur dans la société, peuvent mieux fonctionner. Parfait. Là, il y a une possibilité d'envisager que ceux qui ont les moyens puissent contribuer davantage pour ce choix qu'ils feront que ceux qui n'ont pas les moyens. Ce faisant, ça nous permettrait d'aller rejoindre beaucoup plus d'enfants, par exemple, de familles plus démunies afin qu'eux aussi puissent bénéficier davantage de cette bonne chose que les centres de la petite enfance font.

n(16 h 10)n

Alors, dans un contexte où on est en pénurie, insister qu'on puisse bénéficier aux plus favorisés et se priver ainsi de la possibilité d'ouvrir plus large les bienfaits des centres de la petite enfance pour les personnes en situation défavorisée, je ne vois pas pourquoi on dirait non à ça. À moins que vous faites une question idéologique et vous dites: C'est un service qui doit exister comme les écoles, pour tout le monde, financé par l'État, pour tout le monde. Et, à ce moment-là, viendrait l'autre étape. Et, c'est sur ça que je vous questionnais tantôt, est-ce que vous iriez aussi loin que d'envisager, comme on le fait pour l'école, une fréquentation obligatoire à ce moment-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Potvin.

Mme Potvin (Hélène): Dans la discussion, je crois qu'il y a certains éléments que j'aimerais peut-être apporter. Premièrement, le rôle des CPE, effectivement, c'est en soutien aux parents qui étudient, aux parents qui, finalement, sont en emploi, sont en recherche d'emploi, aux parents qui ont besoin de répit. La liste est longue. Mais également je pense qu'il faut porter un regard sur pas juste le parent, mais également le rôle, qui est son plus gros rôle également, qui est celui de le voir selon le besoin de l'enfant. Et, pour nous, les centres de la petite enfance, par une mesure universelle, un développement continu, comme nous sommes partis et qu'on ne lâche pas, là ? on continue et on déploie finalement à la mesure des besoins ? on va répondre finalement à la multiplicité des besoins.

La difficulté que nous vivons, elle est vraiment... Ce qui est souvent remis en cause, c'est vraiment parce que nous avions 20 ans de retard et nous ouvrons un réseau universel avec 20 ans de retard. Donc, nous n'avions pas suffisamment de places disponibles, et ça a fait en sorte que, tranquillement pas vite, arrive un jeu de qui a droit, qui n'a pas droit, que ce soit une place réservée ou que ce soit une place pour une famille favorisée. Ou même on a entendu parler à un moment donné ? c'est effrayant, puis excusez mon mot: C'est plein de BS, quand on sait que ce n'est pas le cas et, de plus, que finalement ces familles-là, ces enfants-là en ont besoin. Donc, on entend de tout dans ce débat-là. Il faut donc regarder le besoin de l'enfant. Et, quel que soit le parent ? puis quand il y en a ? quel que soit le parent, il y a le besoin de l'enfant, et c'est de ce besoin-là que nous trouvons que la mesure doit continuer à être universelle et pour toutes les familles.

J'ai un peu peur du recul aussi pour avoir ce que j'appellerais... Je n'aime pas beaucoup le mot, mais, bon, deux sortes de service de garde: le service de garde des riches, le service de garde des pauvres et des moins pauvres. Ça, ça m'inquiète énormément. Et, également, là où je me questionne, c'est quand je porte un regard sur l'histoire. Avant, nous avions l'aide financière, l'aide financière qui aidait les familles les plus pauvres. Je ne sais pas si vous vous souvenez ceux qui y étaient ? je sais qu'il y a des gens ici qui y étaient ? l'aide financière, les familles qui avaient... C'était 25 000 $, là. Quand tu avais 25 000 $, c'était considéré être capable de te payer des frais de garde de 20, 20 quelques dollars. Alors, la notion aussi de richesse et de capacité de famille à payer, pour nous, crée également une difficulté.

Autre glissement, quand on parle du glissement sur la mesure universelle, qui nous inquiète grandement, c'est le fait de... Cette année, peut-être que le chiffre... Je donne un chiffre aléatoire entendu dans les médias, exemple, une famille de 100 000; l'année d'après, 80 000; l'année d'après, 70 000; l'année d'après, 50 000. Il y a un grand risque. Quand on touche à un concept qui est une universalité, par la suite on ouvre une porte à un glissement. C'est quelque chose qui nous inquiète, et donc je ramène le débat sur le besoin de tous les enfants et de la nécessité que toutes les familles au Québec... Tout comme l'école, tout comme la maternelle, maternelle qui est non obligatoire, mais reconnue par les parents et utilisée par les parents, que les services de garde aient finalement... que les 0-4 y aient un accès. On n'a pas besoin de l'obligation. Offrez les places, offrez-les universelles, les familles vont venir. Et, les familles vont venir parfois sporadiquement, il y a peut-être des moments où elles ne viendront pas, mais, dans la vie d'une femme, dans la vie d'une famille, je pense que ça va être extrêmement rare qu'au Québec les enfants, dans un futur, n'auront pas pu avoir la chance... auront eu la chance de vivre finalement avec d'autres tout-petits. Les familles ne sont plus les mêmes, les besoins ne sont plus les mêmes.

Pour avoir été moi-même... Je suis encore mère, mais mes filles étant adolescentes, je suis à un autre niveau de préoccupation. Je me souviens très bien d'être toute seule dans mon quartier et je me souviens très bien d'être toute seule à 11 heures dans le parc et que mes enfants étaient seuls, et ça, je me souviens très bien de mon état à l'époque et de cette nécessité-là que j'avais, même si je ne travaillais pas, que mes enfants aient accès aussi à un service. Alors, je crois qu'il faut beaucoup ramener le débat. Et, je sais que ce n'est pas facile, c'est pour ça, tantôt, que je parlais... Souvent, on va regarder l'approche préventive... C'est pour ça que j'ai tenu... Je voulais citer, là... L'approche préventive, on la voit souvent sous l'ordre économique, et l'approche préventive, il faut la voir sous l'ordre humain. Et ça, je pense qu'il faut le garder dans notre lorgnette.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Potvin. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Peut-être qu'on pourrait terminer sur une note qui nous mettrait en accord. Est-ce qu'on peut être d'accord, à ce moment-là, qu'à l'intérieur des ressources limitées qui existent, on devrait faire tout ce qu'on peut faire pour augmenter le nombre de places?

Mme Potvin (Hélène): Tout à fait. On doit augmenter...

M. Sirros: Parce qu'on ne peut pas parler d'un système universel quand ce n'est pas universellement accessible. Donc, ce n'est pas un système universel. On peut parler d'un système de santé universel parce que tout le monde peut y aller. On peut se parler d'un système d'éducation universel parce que tout le monde peut y aller. Si on veut parler d'un objectif de rendre ça universel, là je pense qu'on peut se mettre d'accord qu'il faut qu'on trouve les moyens pour qu'on augmente le nombre de places disponibles. Et universalité et gratuité ou minimum à tout le monde, ce n'est pas nécessairement la même chose aussi. On peut s'entendre au moins sur ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Potvin.

Mme Potvin (Hélène): L'universalité, c'est une chose; l'accessibilité est une chose. Donc, ce que vous dites, monsieur, c'est que vous dites: Il manque des places, donc ce n'est pas universel. L'universalité, c'est: quel que soit mon revenu, quelle que soit ma situation parentale, je peux y aller...

M. Sirros: Non.

Mme Potvin (Hélène): ...ça me coûte 5 $ ou j'ai une exemption. Tandis que l'accessibilité... Évidemment, il y a des parents qui n'ont pas accès. On parle d'accessibilité, et il faut faire attention, parce que ce n'est pas la même chose. Actuellement, il y a un manque de places. Je l'ai dit, on a 20 ans de retard. En quelques années, on a réussi à mettre des places disponibles, mais on n'a pas terminé. C'est dommage parce qu'il y a beaucoup de parents qui en ont besoin. Mais il y a vraiment une différence entre la terminologie d'accessibilité... Actuellement, au Québec, les parents qui ont une place... Je ne dis pas que c'est tous les parents, mais ceux qui ont accès, ils ont un accès universel parce qu'ils ont tous un prix à 5 $, et certains d'entre eux ont une exemption de contribution.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Potvin, Mme Pitre-Robin, pour ces bons mots ainsi que pour votre présentation. Et je recevrai immédiatement les représentants du Collectif des entreprises d'insertion du Québec. Je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 19)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants du Collectif des entreprises d'insertion du Québec, c'est-à-dire M. Charles Fillion, qui est le directeur général, de même que M. Richard Roy, directeur général du Pignon Bleu et membre du Collectif. Alors, je vous cède la parole. Je cède la parole à M. Fillion?

Collectif des entreprises
d'insertion du Québec

M. Fillion (Charles): Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, d'accord. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

M. Fillion (Charles): Merci. C'est M. Richard Foy.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Foy.

M. Fillion (Charles): Donc, bonjour et merci à la commission de recevoir le Collectif des entreprises d'insertion du Québec pour entendre nos recommandations dans le but d'améliorer le projet de loi n° 112.

Notre présentation va se diviser en trois parties: la première, c'est le qui sommes-nous, ce que sont les entreprises d'insertion et à qui elles viennent en aide ? on passera à peu près cinq ou six minutes là-dessus, parce qu'il y a des gens qui nous écoutent à travers le Québec aujourd'hui; nos propositions prioritaires de modifications ou de commentaires quant à la loi n° 112; et notre conclusion sur les dangers et les opportunités que présentent la loi et l'énoncé de politique.

n(16 h 20)n

Le Collectif, comme vous le savez, est le regroupement provincial des entreprises d'insertion. Nous en comptons 38 qui sont membres du Collectif dans neuf régions du Québec. Elles accompagnent et forment plus de 2 500 personnes par année et elles les forment dans 66 domaines d'apprentissage à travers le Québec. Elles emploient de manière permanente et durable 572 employés qui forment et accompagnent ces gens-là. C'est, au cours des trois dernières années, une moyenne de 80 % de gens qui retournent à l'emploi et aux études après leur passage dans une entreprise d'insertion. Nous estimons que, seulement depuis la création du Collectif, en 1996, c'est plus de 15 000 personnes qui ont été formées par les entreprises d'insertion, qui ont bénéficié des services d'une entreprise d'insertion. Imaginez maintenant le nombre, puisque les entreprises existent au Québec depuis plus de 20 ans. Elles sont à la fois des organismes communautaires et des entreprises d'économie sociale. Elles génèrent annuellement plus de 18 millions de revenus autogénérés par la vente de leurs produits et services à des clients, des entreprises, des consommateurs. Donc, depuis toujours, le Collectif et ses membres s'investissent dans la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est d'ailleurs pour cette raison que les entreprises d'insertion et le Collectif existent.

Donc, pour être membre, et reconnue, et accréditée par le gouvernement du Québec comme entreprise d'insertion, l'entreprise doit répondre à sept critères fondamentaux. Ces sept critères-là ont été définis collectivement par les entreprises d'insertion elles-mêmes et reconnus par la suite à 100 % par le gouvernement du Québec. C'est en quelque sorte un ISO de l'insertion sociale par une activité économique. Ces critères sont: une mission d'insertion sociale, c'est s'adresser à des personnes qui sont très éloignées du marché du travail; la formation, une approche globale; l'accompagnement de ces personnes; le partenariat; le statut de salarié, parce que les gens sont traités comme des travailleurs au sein des entreprises d'insertion; le suivi de ces personnes-là; et la notion d'entreprise authentique. Donc, par définition, l'entreprise d'insertion propose aux personnes une démarche qui intègre des apprentissages axés sur la formation et l'insertion sociale, et de production. C'est là que réside toute leur originalité, c'est la cohabitation entre insertion, formation et activité économique.

Donc, notre mémoire contient des témoignages, aux pages 18 et 19, de personnes qui ont vu, selon eux, transformer leur vie par leur passage dans une entreprise d'insertion que je vous invite à vous y référer.

Quelques caractéristiques des personnes à qui elles viennent en aide: globalement, 54 % d'hommes, 46 % de femmes; 65 % de jeunes âgés de moins de 29 ans; 40 % de personnes qui ont décroché l'école bien avant le secondaire III; 60 % de personnes sur l'assistance-emploi; et 38 % de personnes sans soutien de revenu. Cette donnée a augmenté depuis les trois dernières années. Un profil, cependant, qui a changé, toujours dans les trois dernières années, aux yeux des intervenants qui accompagnent au quotidien les personnes, il apparaît de nouvelles problématiques. Je vous en nomme quelques-unes: la détresse psychologique, l'endettement et la dépendance liés au jeu, les problèmes psychiatriques, les troubles d'apprentissage et de comportement, les problèmes liés à l'immigration, l'absence de projet de vie. L'annexe B du mémoire détaille en profondeur l'ensemble de ces problématiques-là et l'impact sur nos organisations.

Donc, des nouvelles problématiques qui ont des impacts sur nos organisations, mais qui aussi nous commandent un partenariat nouveau, un partenariat nouveau avec différents ministères qui sont concernés par ces problématiques-là, mais également avec l'entreprise privée. La formation de l'adulte, de l'adulte qui a décroché, qui a décroché parfois en sixième année, en secondaire I, et qui raccroche chez nous ensuite... Bien, pour lui, la formation continue, tout au long de sa vie, ce n'est pas la même chose que vous et moi, là. Ce n'est pas des gens qui ont été à l'école et que la formation continue, on va aller suivre un cours de temps en temps à l'université ou au collège. L'accessibilité à la formation continue, il faut vraiment qu'il y ait des passerelles pour ces personnes-là. Donc, il faut qu'il y ait une véritable reconnaissance de la formation acquise extrascolaire. L'énoncé en parle, on souhaite que la loi soit plus précise à cet élément-là.

D'ailleurs, lors de nos consultations directement auprès des travailleurs en formation, des gens que nous formons, les gens nous ont dit que les employeurs revoient l'exigence du secondaire V pour des postes qui, pour eux, n'en nécessitent pas, et là on se demande si on ne pourrait pas voir apparaître des contrats de poursuite de scolarisation entre l'employé et l'employeur où chacune des personnes, des parties reconnaît sa responsabilité et les conditions pour y arriver. Nous voyons cela comme une course à relais, finalement, entre les entreprises d'insertion, les personnes, l'entreprise privée et le monde de l'éducation. Parce que la formation continue, si on ne se donne pas de telles conditions ou d'autres choses, ça ne voudra absolument rien dire pour ces gens-là. Donc, on propose une espèce de pont d'emploi pour les personnes dans la poursuite de leur formation continue et de leur scolarisation vers de la diplomation.

Nous avons intitulé notre mémoire Investir maintenant dans le capital humain. Les personnes représentent pour nous une force de travail. C'est l'actif de notre société sur lequel on doit investir. C'est un investissement d'avenir pour faire face ? et plusieurs l'ont dit en commission ? à l'enjeu du vieillissement de la population et la pénurie de main-d'oeuvre, aux listes d'attente au sein des entreprises d'insertion, au lien entre sous-scolarisation et pauvreté que l'énoncé parle largement, que les personnes apprennent tout au long de leur vie, puis pas seulement à l'école. Et que l'économie va bien, c'est le temps à l'heure actuelle de s'y attarder. Et que les personnes sont volontaires. Pour nous, les personnes sont en mouvement. C'est l'accessibilité aux mesures qui pose problème en nombre et les critères de sélection qui limitent ou empêchent l'accès de certaines personnes à ces mesures-là, notamment, entre autres... Bon, nous, on a, comme je vous disais tout à l'heure, 38 % de personnes sans revenus, mais on sait que, pour d'autres mesures, les gens sans revenus, c'est plus limité, et notamment la question des jeunes de 16 à 17 ans.

Aussi, l'énoncé parle, à la page 45, de faciliter l'accès aux entreprises d'insertion, mais cela, ça doit se traduire, pour nous, de manière plus concrète, plus précise. Par exemple, on l'a détaillé largement dans notre mémoire, mais on croit qu'il y a des actions qui sont à notre portée, notamment éliminer les listes d'attente en augmentant le nombre de personnes formées par les entreprises d'insertion, soutenir le démarrage et la création de nouvelles entreprises d'insertion et, là où on insiste, là où le milieu identifie le besoin, en reconnaissant les acquis des personnes formées, notamment par le MEQ, en prolongeant les parcours des personnes au sein des entreprises jusqu'à deux ans et en favorisant les liens directs entre les jeunes de Solidarité jeunesse et les entreprises d'insertion notamment.

Quant à la loi, l'article 11.1 quant aux propositions de modification à la loi... Le 11.1 stipule «de faire en sorte que les politiques et mesures pouvant contribuer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale soient complémentaires et cohérentes». C'est un élément extrêmement important, puis on souhaite que ce soit complémentaire et cohérent, et pour l'ensemble du gouvernement et pas juste au niveau des lois, des articles qui vont toucher sur la lutte à la pauvreté, mais que ce soit un élément qui soit pour tout le gouvernement et que cette cohérence-là puisse se vivre entre la vision, les cibles à atteindre, la volonté puis les instruments financiers à mettre en place.

On a divisé nos priorités quant à la loi n° 112 en regard des mesures générales et des mesures spécifiques. Donc, vous avez dans notre mémoire où ça réfère à chacun des articles.

Le premier élément, conserver et définir la notion d'exclusion sociale afin d'étendre l'objet de la loi aux personnes qui ne sont pas admissibles au Programme d'assistance-emploi et leur permettre d'avoir accès aux mesures et programmes qui seront précisés ultérieurement dans le plan d'action du gouvernement.

La définition de «pauvreté» devrait être revue afin de permettre à toute personne privée de ressources, de moyens et non seulement à celles qui sont privées de manière durable. Notre mémoire contient quelques définitions de «pauvreté» vues du coeur par les personnes. Nous vous invitons à vous y référer à la page 8.

Un autre élément, le troisième, c'est d'inscrire des cibles à atteindre dans la loi, de renforcer le filet de sécurité sociale et économique, tel que proposé par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, d'ailleurs proposition que nous appuyons et mémoire aussi, à l'exception de deux éléments sur lesquels on ajoute des précisions et qui sont loin d'être de l'opposition, notamment la question de la gratuité des médicaments pour les personnes qui sont en processus de formation.

Le cinquième élément, favoriser l'implication de tous les partenaires, qu'ils soient privés, publics, institutions, syndicats, organismes communautaires, et sensibiliser la population à l'état actuel de la pauvreté. Vous l'avez déjà entendu hier largement, on croit que ce n'est pas seulement le lot des organismes communautaires.

Introduire une clause d'impact permettant d'assurer que toute décision gouvernementale soit examinée à la lumière de son effet sur la pauvreté; que le fonds spécial soit suffisant pour financer les mesures urgentes identifiées par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et celles prévues par la loi; que le premier ministre soit responsable de la loi; d'assurer l'autonomie de pensée et d'action de l'Observatoire et le Comité consultatif; et que le gouvernement consulte les personnes et acteurs concernés dans l'élaboration du plan d'action gouvernemental.

Six, mesures spécifiques. Reconnaître que l'accès à des mesures d'insertion... et professionnelle sur une base volontaire est un droit. Donc, on propose d'ajouter une notion d'assurer un droit d'accès à des mesures d'insertion sociale et professionnelle à toute personne désirant s'inscrire dans un parcours d'insertion, peu importe son statut et son âge.

n(16 h 30)n

M. Fillion (Charles): ...c'est un droit. Donc, on propose d'ajouter une notion d'assurer un droit d'accès à des mesures d'insertion sociale et professionnelle à toute personne désirant s'inscrire dans un parcours d'insertion, peu importe son statut et son âge; favoriser la reconnaissance par le MEQ des acquis extrascolaires ? le mot «extra» est extrêmement important pour nous ? des travailleurs en formation et qui mènerait vers la diplomation; revoir l'exigence de détenir un secondaire V pour occuper des postes qui ne le nécessiteraient pas; et aussi l'accès à des programmes de formation.

Le quatrième élément. Différentes avenues pourraient être envisagées, enfin, pour nous, d'impliquer l'entreprise privée. On a parlé tout à l'heure de la notion de pont d'emploi, mais on croit à la notion d'accroître les stages d'insertion de personnes n'ayant pas présentement accès au marché du travail. Puis un projet finalement qui permettrait aussi au personnel en place dans les entreprises privées de recevoir davantage des gens en processus d'insertion et de formation. On pourrait qualifier et parler de l'entreprise socialement responsable, celle qui encourage la poursuite de la formation continue des personnes et qui signe de tels contrats de pont d'emploi, comme on le disait tout à l'heure. Puis on pense que le Fonds national de formation de la main-d'oeuvre pourrait être un instrument qu'on pourrait utiliser dans cette avenue-là.

Donc, l'avant-dernier élément: avoir le droit d'en appeler d'une décision concernant les parcours individualisés d'une personne. Et, effectivement, comme on le disait tout à l'heure, assurer une réelle accessibilité aux entreprises d'une façon tel qu'on le présentait.

Aussi, les pages 16 à 19 de notre mémoire contiennent des recommandations et, on tient à le dire, des recommandations qui ont été tirées auprès des personnes en formation, à l'heure actuelle, dans les entreprises d'insertion, qui nous ont dit: Pour améliorer les choses au niveau des entreprises d'insertion, on vous demande de faire ça, à l'égard du gouvernement, de faire ça, à l'égard de l'entreprise privée, de faire ça, et moi, comme personne en processus de formation, je m'engage aussi à faire des choses. Parce que les gens sont prêts, ils sont en mouvement, comme on vous dit. Ils sont prêts à s'engager dans quelque chose. Donc, vous y référerez aux pages 16 à 19. Et je cède maintenant la parole à M. Richard Foy.

M. Foy (Richard): Alors, en conclusion...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Fillion.

M. Foy (Richard): Oui, en conclusion...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous en prie, allez.

M. Foy (Richard): Merci. Alors, en conclusion, on aimerait insister sur les éléments suivants. Alors, selon nous, la loi n° 112, le projet de loi n° 112 et l'énoncé de politique présentent tous deux des opportunités, beaucoup d'opportunités et aussi quelques dangers dont on aimerait souligner auprès des membres de la commission, à la fois dangers et opportunités pour les personnes et pour les entreprises d'insertion. On compte plus d'opportunités que de dangers.

Parmi les dangers ou les menaces, notons particulièrement la question liée au ciblage de clientèle. Ça nous inquiète un peu qu'on commence à faire de la distinction entre les bons pauvres, les mauvais pauvres, qu'on se permette d'en cibler certains où ce serait pertinent mais que, par ailleurs, on en oublie d'autres, pour qui ce serait aussi pertinent.

D'autre part aussi, une autre consisterait à établir... On s'inquiète, on demande d'avoir des précisions sur toute la question qui touche le régime d'incitation au travail, ce avec quoi on est généralement d'accord. Toutefois, si cette dimension-là d'incitatif au travail vise essentiellement à amener la notion de parcours obligatoire, là, on va être un peu moins d'accord avec le gouvernement par rapport à cet aspect-là. Alors, on souhaiterait que ça puisse être précisé.

Il y a un aspect aussi qui touche à la question du financement de l'ensemble des mesures ou orientations du projet de loi, qui nous apparaît important, notamment au niveau du financement fédéral. Alors, si les fonds qui sont au gouvernement fédéral, ces fonds-là ne sont pas consentis, quel sera l'impact sur le Fonds de développement du marché du travail et sur la mise en place des mesures concrètes de la loi? Il nous apparaît là y avoir un enjeu majeur.

Au niveau maintenant des opportunités ou des perspectives, l'énoncé prévoit favoriser toute forme de reconnaissance officielle, les efforts de formation continue qui sont faits auprès des adultes, diversifier ces voies de formation, faciliter l'accès à une première expérience de travail aux groupes qui sont davantage menacés d'exclusion, soutenir l'innovation en faveur des plus démunis et venir aux jeunes les plus mal pris dont notamment les jeunes qui sont issus du réseau des centres jeunesse. À ces éléments-là, nous disons: Oui, ça nous apparaît des mesures qui sont très importantes et nécessaires. De plus, vouloir associer les entreprises privées à l'insertion et au développement des compétences des personnes démunies nous apparaît une opportunité d'avenir qui serait à renforcir dans les orientations gouvernementales et dans les mesures qui seront mises de l'avant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous demanderais de conclure, M. Foy, malheureusement, le temps....

M. Foy (Richard): J'y arrivais, merci, oui. Alors, la société québécoise, en terminant, ce qu'on veut vous dire, c'est que les entreprises d'insertion du Québec sont déjà en place. Nous sommes déjà à l'oeuvre et sachez que nous serons présents et disponibles pour en faire davantage avec vous pour lutter contre la pauvreté et sortir le plus grand nombre de personnes de cette situation. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Foy, M. Fillion, merci pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Fillion, il me fait plaisir de vous revoir. M. Foy, je peux vous rassurer tout de suite, il est évident que, pour lutter efficacement contre la pauvreté et l'exclusion sociale, il y a bien sûr des organismes gouvernementaux qui sont au service des personnes pour leur permettre d'accéder le mieux possible à un emploi le plus qualifiant possible et un emploi qui soit le plus qualifiant possible, mais il est important aussi de compter sur des organismes de réinsertion sociale, sinon nous ne pourrions pas répondre non seulement à la demande, mais à la réalité des femmes et des hommes où elle se retrouve.

Alors, c'est évident que, pour moi et pour notre gouvernement, notre équipe ministérielle, tout le travail qui a été fait jusqu'à maintenant par tout le Collectif des entreprises d'insertion, on m'a fait part de certaines difficultés qui pouvaient être vécues plus particulièrement sur l'île de Montréal, mais il est extrêmement important que vous sachiez que tout ce que vous avez fait comme travail jusqu'à maintenant pour permettre à des gens de se retrouver un travail pour leur permettre d'exercer leur citoyenneté ne doit être qu'encouragé. Les moyens financiers, parfois, on n'a pas tous les moyens qu'on voudrait, mais le maximum de moyens que nous pourrons mettre de l'avant... Soyez assurés que nous prenons acte aussi de votre offre de vouloir être partenaires et continuer pour en faire davantage.

Ce qui m'a particulièrement intéressée aussi dans votre mémoire, qui est un excellent mémoire, parce que vous soulevez des questions extrêmement pertinentes, vous avez parlé à plusieurs reprises d'une sorte d'ISO de l'insertion sociale. Vous l'avez fait à la page 4 de votre mémoire pour... Vous soulignez que le Collectif des entreprises sociales utilise sept critères qui constituent, en quelque sorte, cette notion d'ISO de l'insertion sociale. Vous l'avez fait aussi à la page 13 lorsque vous proposez un programme permanent au personnel en place d'encadrer les personnes en insertion. Vous parlez toujours d'une nouvelle norme de type ISO qualifiant les entreprises de socialement responsables. J'aimerais ça que vous puissiez m'indiquer quels sont... comment on peut mettre en place cette norme ISO. Quelle serait l'architecture qu'on devrait penser pour mettre en place cette norme-là qui est extrêmement intéressante, de la façon dont vous la présentez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Oui, merci. Écoutez, c'est vraiment une volonté qui est claire pour non seulement les travailleurs en formation qui nous le disent, mais les gens dans les entreprises d'insertion qui travaillent auprès d'elles, ça nous prend des... il faut passer le bâton à l'entreprise privée. Il faut que l'entreprise privée, ensuite, puisse être en mesure de consolider les acquis sur lesquels on aura travaillé avec la personne pendant six mois, sept mois, huit mois, mais on ne peut pas tout faire sur une période de temps aussi courte que ça. Et on pense, parce que les entreprises travaillent au quotidien avec l'entreprise privée pour placer ces gens-là, ces gens-là intègrent des emplois, et valoriser la contribution humaine de travailleurs syndiqués, de travailleurs non syndiqués, parce qu'on pense que le syndicat... J'ai entendu, ce matin, la FTQ, M. Massé, en parler. Oui, eux aussi, ils veulent faire des efforts en ce sens-là. Il y a cinq ans, on avait travaillé quelque chose de très bien avec la CSN pour justement aussi permettre aux travailleurs syndiqués de transmettre la culture syndicale et les luttes qu'ils ont menées à travers le passé à ces gens-là, de voir ça comme une opportunité de transmettre une culture.

Je n'ai pas en tête, là, de... je veux dire, comment on pourrait y arriver, mais je sais qu'on peut y arriver. Je pense qu'on peut mettre très bien les gens ensemble. Ce matin, la FTQ parlait d'une collaboration avec la Fondation Chagnon, on travaille avec la Fondation Chagnon. Je pense qu'il y a un momentum à l'heure actuelle d'acteurs, et les leaders de ces associations-là, je pense qu'ils sont prêts à entendre.

Vous avez créé, à l'heure actuelle, un moment d'arrêt sur plusieurs enjeux de société, et nous, en tout cas, comme l'a dit Richard, on est prêts à mettre la main à la pâte. On a travaillé, nous-mêmes, à développer ces sept critères là à la base, et ensuite, vous les avez reconnus. Donc, je me dis qu'on peut faire la même démarche en travaillant avec l'entreprise privée, le monde de l'éducation. Et les entreprises sont... puis d'autres, là, si on peut les voir... Pour être qualifiés de socialement responsables au niveau de la formation continue des personnes, quel genre de critères on pourrait se donner, puis là d'ouvrir vraiment, à bâton rompu, et de discuter de ça, comme il a été fait il y a six ans. Les entreprises se sont rencontrées pour dire: Quelles sont nos pratiques? Comment on les définit, nos pratiques? Comment on se reconnaît? Puis, une fois qu'ils ont fait ça entre eux, ils sont partis, ils ont rencontré le gouvernement pour dire: C'est ça qu'on fait, puis changez-nous pas. C'est ça qu'on va faire. Et c'est ça que vous avez reconnu. Donc, c'est la prise en charge par la base.

n(16 h 40)n

On pense que ce n'est pas sur quelque chose... On nomme quelque chose de normes ISO parce qu'on sait que c'est accrocheur, hein, c'est ça, c'est... Mais j'y crois, on y croit d'y arriver, à ça, puis je pense que l'entreprise privée est prête. Il y a des enjeux, elle va y voir son intérêt aussi, puis il faut poursuivre vers la scolarisation des personnes qui sont faiblement scolarisées parce que, s'il y a un ralentissement économique dans trois, quatre ans puis on ne fait pas ces efforts de scolarisation là, bien, les premiers à quitter vont être les gens qui ont été... Bon, oui, on dit, en même temps: Abaissez les règles de secondaire V là où ça ne le nécessite pas. Mais il faut qu'il y ait quelque chose, un engagement, que ce soit dans un horizon court, que, vraiment, les gens poursuivent leur scolarisation pour ne pas qu'ils soient les premiers à sortir de l'entreprise parce que là il y a des mises à pied parce qu'ils n'ont pas la scolarisation qu'il faut, là.

Mme Goupil: Je vous remercie, M. Fillion. Je vais laisser la parole à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui, merci. Oui, bonjour. Alors, merci d'avoir déposé votre mémoire et d'être venus ici nous le présenter, d'une part. Vous dites dans votre mémoire que: «L'action globale des entreprises d'insertion auprès des personnes génère des résultats à court, moyen et long terme aux niveaux personnel, social et professionnel.» Et vos formateurs disent que: «Nos plus beaux succès ne sont pas nécessairement ceux qui se placent en emploi dès leur fin de parcours, mais ceux ou celles qui auront réglé de sérieuses difficultés qui faisaient obstacle à leur insertion sociale et professionnelle de manière durable.»

Vous avez dit tout à l'heure, M. Foy, que votre plus grand objectif est de sortir le plus grand nombre de personnes à la pauvreté, d'une part, de les sortir pour faire cette insertion-là à l'emploi. Mais il y a toute la partie aussi d'intégration à l'emploi. C'est M. Fillion qui en a parlé tout à l'heure. Et là vous venez de le glisser, là ? c'était sur ça que je voulais vous poser la question ? vous dites que, pour lutter vraiment contre la pauvreté, les entreprises privées devraient maintenant ne pas exiger un secondaire V pour des postes qui ne le nécessitent pas. Ça, vous me faites sauter un peu. Qu'est-ce que vous voulez dire particulièrement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Comme je l'ai répondu à Mme Goupil, c'est les gens, les travailleurs en formation dans les entreprises, on les a consultés, ils nous ont dit: Moi, je suis capable de faire ce travail-là, je sais que je suis capable de le faire, mais quand je me présente à l'entreprise, là, parce que je n'ai pas le secondaire V, bien, je suis dehors. Puis l'école, pour moi, ça a été un lieu d'échec très important, donc, ce n'est pas vrai que je vais y mettre les pieds de cette façon-là. Donc, on dit... il y a une opportunité qui est là. L'opportunité, il y a des emplois, il y a une force de travail, des gens qui sont prêts à occuper des emplois. Mais on associe ça à une condition, une condition qui mènerait les gens vers une scolarisation. Ce n'est pas de dire: On embauche les gens, fais la job. Dans deux ans, on a une mise à pied: Bien, écoute, là, on te met dehors parce que là on retient les gens. Une fois que les gens sont en chômage, là ils vont retrouver le même problème qu'ils avaient il y a deux ans. Donc, on attache ça, Mme Léger, à un contrat entre l'entreprise privée et la personne, sans quoi on ne rend service à personne. On associe très bien ces deux éléments-là, sans quoi on n'embarquerait pas dans ça, là.

Mme Léger: Mais l'éducation, là, c'est aussi une liberté puis c'est aussi de l'autonomie, alors c'est pour ça qu'il faut faire le lien.

M. Fillion (Charles): Absolument. Il faut retenir les gens dans l'école.

Mme Léger: C'est beau, on se comprend.

M. Fillion (Charles): Oui. Absolument.

Mme Léger: Je laisse la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Vachon.

M. Payne: J'aime beaucoup le mémoire présenté aujourd'hui, surtout à l'égard de la formation des travailleurs dans les entreprises, et vos réponses pour le stage d'insertion. Vous évoquez une intéressante hypothèse qui peut-être n'est pas aussi impossible que ça puisse apparaître à première vue, à savoir le modèle des normes de type ISO. Je voudrais vous poser la question, parce qu'il faut reconnaître haut et fort le travail et les résultats des entreprises d'insertion, avec votre expérience, qui sont... vous êtes incontestablement la véritable entreprise d'économie sociale. Mais, est-ce que cette norme-là peut être appliquée aux entreprises à l'extérieur, c'est-à-dire les entreprises privées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Oui. Au niveau de la poursuite de la formation des gens, oui. Je pense qu'on peut y réfléchir en ce sens-là, parce que, nous, on ne va porter notre expertise que là-dessus. Puis je pense que l'idée derrière des normes d'encadrement sur une période plus longue pour consolider les acquis des gens qui sortent de nos organisations et de poursuivre avec l'entreprise privée, avec un poteau dans l'entreprise, moi, je pense que c'est faisable, et c'est faisable de reconnaître, comme la loi le vise, de reconnaître les entreprises socialement responsables, celles qui effectivement s'engagent dans une démarche de formation continue de leur main-d'oeuvre, qu'elle soit nouvelle ou ancienne, et que notamment les gens qui ont une faible scolarisation s'engagent aussi à y mettre les conditions nécessaires pour libérer les gens afin qu'ils puissent terminer leur scolarisation. Et là tout le monde est gagnant, tout le monde.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Brièvement, pour finir, quel genre d'entreprise, quelle taille? Si on commençait un programme sur l'initiative des entreprises privées de se donner un programme ISO socialement responsable, quelle taille d'entreprise, quel type d'entreprise et de quelle façon vous vous engageriez dans cette voie-là si vous étiez un des promoteurs de ce projet?

M. Foy (Richard): Si vous me permettez de répondre, on va faire atterrir ça dans la réalité, un petit peu. Je pense que ce qui est important de mentionner, la majorité des gens qu'on reçoit en entreprises d'insertion sont des gens qui vont se placer dans des types d'emploi non spécialisés ou semi-spécialisés. Ce sont des secteurs d'emploi qui sont, en général, relativement peu syndiqués, où il n'y a peut-être pas des efforts de formation dans la main-d'oeuvre comme on peut retrouver dans de plus gros ensembles ou de plus grandes entreprises. Et je pense que par le...

Prenons un exemple. Il y a quelques années, le gouvernement a mis en place un régime d'apprentissage. Nous, notre entreprise d'insertion, Pignon Bleu, on offre un parcours de formation dans le domaine de la cuisine d'établissement, c'est un des secteurs qui a fait l'objet de travaux très élaborés au niveau du régime d'apprentissage mais qui n'a malheureusement pas levé autant qu'on aurait pu le souhaiter faute de la participation des entreprises qui, à quelque part, n'étaient peut-être pas équipées pour prendre en charge des programmes de formation de main-d'oeuvre aussi élaborés que le prévoit un régime d'apprentissage.

L'expérience acquise en entreprise d'insertion, qu'est-ce qu'on fait, hein, on fait de l'apprentissage. On prend des travailleurs que le marché n'emploie pas, des personnes sans emploi que le marché n'emploie pas. Le premier geste qu'ils posent, c'est de quitter l'aide sociale, c'est de devenir des travailleurs au sein d'une entreprise d'insertion durant lequel ils vont, d'une part, travailler, mettre la main à la pâte dans des activités réelles de production et, d'autre part, recevoir un bagage assez important de formation professionnelle et technique. C'est ce qu'on fait avec un accompagnement psychosocial puis un service de placement vers le marché du travail régulier, c'est notre travail.

À l'intérieur de ce travail-là, on pourrait assez facilement imaginer que les entreprises d'insertion du Québec vont faire le relais du compagnonnage, si je peux dire, en collaboration avec les entreprises où, d'une manière ou d'une autre, on place notre main-d'oeuvre, et assurer le prolongement et la finalité de ça, ce qui permettrait notamment d'insérer des gens en emploi, mais d'augmenter la scolarisation de ces personnes-là et d'éventuellement pouvoir rendre possible la diplomation de ces jeunes travailleurs.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il reste une minute, M. le député de Vachon, pour les commentaires. Ça va? Alors, merci infiniment, monsieur...

Mme Goupil: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui?

Mme Goupil: ...une minute?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, une minute.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Goupil: Je voudrais juste vous donner l'occasion également de témoigner des expériences que vous avez vécues, là, des gens qui ont passé par toute cette période de réinsertion là, le taux, je dirais, de personnes qui, aujourd'hui, ont toujours maintenu leur emploi. Est-ce que vous pourriez nous indiquer le taux de réussite? J'aimerais ça que vous puissiez témoigner un peu de cela.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Très brièvement.

M. Fillion (Charles): On n'a pas de données malheureusement, mais c'est notre préoccupation d'y aller par une étude longitudinale sur cet élément-là.

Mais les entreprises suivent les gens pendant deux ans après et elles établissent ce contact-là. Mais on n'a pas de données vérifiées dans un cadre scientifique pour arriver à dire... sauf que les gens, concrètement, dans les entreprises, ils ont plus de données que nous. Mais c'est dans nos volontés de le faire effectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue de ma part également.

Moi, je vais avouer, au départ, que je m'en veux un peu parce que je ne connais pas votre organisme aussi bien que je devrais le connaître et j'aimerais donc profiter de l'opportunité qui m'est donnée... j'ai lu le mémoire, j'ai lu l'introduction brève que vous avez dans le mémoire, mais j'aimerais profiter des quelques minutes que nous avons pour que, par l'éducation que vous pouvez faire à moi, peut-être que vous allez en faire aussi à ceux qui nous écoutent par rapport au travail que vous faites...

Je comprends très bien le travail que vous faites ? je l'ai vu, j'ai visité des organismes, peut-être même quelques-uns qui sont membres de votre Collectif ? mais quand je dis que je ne le connais pas beaucoup, c'est parce que je constate qu'il n'y en a que 38, par exemple, à travers le Québec. Le travail qu'on pourrait faire avec ce genre d'organismes, on l'a soulevé également plus tôt, aujourd'hui, avec l'économie sociale, le Chantier de l'économie sociale. Les gens qui sont venus de Trois-Rivières avaient aussi des activités semblables d'insertion.

n(16 h 50)n

Et peut-être qu'on pourrait juste en profiter pour qu'on regarde plus précisément qu'est-ce qui pourrait être fait pour supporter l'émergence d'autres organismes, peut-être en commençant par nous expliquer qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens qui s'engagent dans le genre d'entreprise que vous êtes, et nous expliquer un peu qui est à l'initiation de ces groupes-là et qu'est-ce que ça prend pour les soutenir et qu'est-ce qui peut être fait pour accroître leur présence sur le territoire québécois. C'est parce que ça nous permettra ultimement de faire la jonction entre l'objectif de lutte à la pauvreté et les programmes étatiques, si vous voulez, les sommes d'argent qu'on veut investir et le véhicule que vous offrez pour une insertion vers l'emploi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Sur la question de l'émergence, j'y répondrai après que Richard parlera de plus de... Pourquoi les gens s'investissent dans ça? Parce qu'ils gèrent une entreprise d'insertion que je ne fais pas, puis je trouve qu'il faut donner à Jacques ce qui appartient à Jacques, puis je trouve que ce sont les entrepreneurs sociaux de demain. Puis je demanderais un peu: Pourquoi les gens s'engagent dans une telle démarche?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Foy.

M. Foy (Richard): Bien, si je me fie un peu sur l'expérience que je connais le mieux, qui est celle du Pignon Bleu, le Pignon Bleu est né de la participation de citoyens et de citoyennes qui se sont impliqués bénévolement dans une action de lutte contre la pauvreté, dans un milieu qui s'appelle la basse-ville de Québec, pour intervenir sur une problématique qui s'appelait l'alimentation des enfants en milieu démuni, par la mise en place d'un programme de collation-école.

Et une des façons d'y répondre a été justement ce programme-là, et ça a pris une brigade de cuisines pour produire et, graduellement, s'est mise en place une entreprise-école ou une entreprise d'insertion pour aussi intervenir auprès des parents, des parents sans emploi, pour travailler à leur insertion sociale et professionnelle. C'est un exemple. Chaque organisation a son histoire. Nous sommes tous des corporations sans but lucratif, donc on est tous dirigés par des personnes bénévoles, des gens de notre communauté. Dans notre cas, nous, c'est majoritairement des gens d'affaires, mais aussi avec des gens des écoles, du CLSC et tous ceux qui s'impliquent pour lutter contre la pauvreté dans nos milieux.

Chaque organisme a son histoire, toutefois, toutes les organisations reposent sur une histoire de développement local où des besoins dans des milieux ont été identifiés et que des gens étaient soit tellement sensibilisés par ces problèmes-là ou désireux de participer qu'ils se sont donné le fardeau de faire du bénévolat, après le travail et tout ça, pour mettre sur pied des organisations d'intervention pour que les choses aillent mieux. Et je soulignerai la présence dans la salle, ici, de M. Mignault qui est un des membres fondateurs, un des bénévoles à l'origine de la mise en place de l'organisme Pignon Bleu. Alors, c'est l'engagement social et cette dimension-là d'initiative locale.

Et ça, c'est important parce que, jusqu'à présent, le réseau des entreprises d'insertion a pu éviter le traitement mur à mur qu'on reconnaît parfois de certaines politiques publiques. Et peut-être le noter quelque part de prendre en note que... sur des questions aussi complexes que la lutte à la pauvreté ou d'interventions sur des clientèles qui sont particulièrement touchées par la pauvreté, mobilisons-nous ou que l'État se mobilise avec ceux qui se mobilisent déjà, qu'il soutienne les initiatives provenant des milieux spécifiques. Et si, dans un milieu, on constate que c'est des personnes qui se mobilisent pour des personnes âgées, c'est à cause qu'il y a des besoins ou des problèmes par rapport à cette problématique-là et c'est pour ça qu'il y a des gens qui se mobilisent, et soutenons-les. Peut-être que, dans la région ou dans la sous-région voisine, ce sera à l'égard des jeunes ou des femmes, etc. Plutôt que d'arriver avec les grands programmes normés où on impose un peu le même modèle à tout le monde dans toutes les régions et toutes les sous-régions du Québec.

Donc, il doit y avoir cette dimension-là d'engagement quelque part. On pense que c'est une bonne façon d'investir, pour l'État, pour soutenir des initiatives du milieu et, d'autre part, aussi, puisque nous sommes des entreprises, on produit, on vend des produits, des vrais produits, on ne joue pas au travail dans une entreprise d'insertion, on produit des vraies choses qu'on vend, alors il faut aussi que ça tienne compte de la réalité économique d'un milieu, de ses possibilités économiques et qu'il y ait, à ce titre-là, des collaborations avec le secteur privé.

L'expérience française au niveau des entreprises d'insertion nous enseigne que la mise en place d'une entreprise d'insertion se fait en étroite collaboration avec les chambres de commerce, les syndicats locaux où il y a des créneaux de développement économique qui sont identifiés et dans lesquels les gens vont dire: Bien là il y a un créneau là puis, oui, ça peut se prêter à des activités de formation de la main-d'oeuvre parce qu'il y aura des débouchés éventuels pour nos travailleurs et ça implique une concertation locale et régionale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, un complément de réponse, M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Quant aux 38, M. Sirros, auxquelles vous faites référence, aux 38 entreprises d'insertion, c'est 38 qui sont membres du Collectif. Emploi-Québec en soutient à l'heure actuelle ? et vous pourrez me corriger ? ...c'est 45 ou 47 à travers le Québec, pour à peu près 11 régions. Cependant... Pardon?

M. Sirros: Combien?

M. Fillion (Charles): 45 ou 47 à travers le Québec, mais il y a des entreprises parmi celles-là qui, pour nous, ne répondent pas aux sept critères de définition d'une entreprise d'insertion.

On croit qu'il y a des régions où il y a une volonté qui est portée par leur milieu, parce qu'un des critères pour nous, c'est la notion de partenariat. Une entreprise d'insertion née dans un milieu pour répondre à des besoins identifiés par le milieu, donc c'est une série d'acteurs dans une communauté. On s'opposerait à ce que le gouvernement dise: On va développer du mur-à-mur des entreprises d'insertion, voilà. Il faut vraiment que ce soit une prise en charge du milieu, d'identification de problématiques et qu'on mette toujours l'activité économique au service du développement du potentiel des personnes, et jamais l'inverse. Et c'est pour ça que leur histoire est toute différente d'une entreprise à l'autre mais qu'ils se reconnaissent dans des valeurs, des pratiques et des principes.

Et je pense que c'est le plus grand gain qu'on a fait de partenariat avec le gouvernement du Québec, c'est d'avoir été capables de se comprendre et de s'entendre sur le respect de la spécificité des entreprises d'insertion et que chaque milieu, dans chaque entreprise d'insertion ? même si elle est sur un même territoire ? c'est différent. Mais il y a des principes qui sont les mêmes, il y a des critères qui sont les mêmes.

Pour être conformes à l'énoncé de politique qui dit: «Faciliter l'accès aux entreprises d'insertion», il y a des régions où il n'y en a pas. Il y a des régions où il y a des promoteurs qui veulent en démarrer, puis des promoteurs organisés dans leur milieu, puis qui se font dire non. Donc, ça, c'est sûr que ça pourrait augmenter dans des régions là où il n'y en a pas. Ça, c'est évident.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: Mais ça m'amène à la deuxième partie. Qu'est-ce qui peut être fait pour faciliter et encourager et soutenir l'émergence de tels organismes par l'État?

Et permettez-moi de sortir une idée qui me passe par la tête. Dans chaque territoire de CLSC, par exemple, dans toutes les régions du Québec, on a ? et là je ne veux pas ouvrir nécessairement un tout autre débat ? ...mais on a des CLSC qui offrent aussi des services d'organisation communautaire. Souvent, des organisations communautaires vont agir au niveau de la communauté locale afin de regrouper, faciliter le regroupement de personnes autour d'une problématique qu'ils auraient identifiée. Et ça fait la promotion, si vous voulez, de l'émergence de groupes de personnes qui partagent les principes, les valeurs et le désir d'agir autour de ça, et c'est souvent un peu dans toutes sortes de champs d'activité.

Est-ce qu'il y a là une façon d'aiguiller davantage, de focusser davantage les interventions de ce genre de ressource que l'État soutient pour faciliter l'émergence plus spécifique de groupes comme les vôtres ou, en tout cas, qui ont comme cible la participation à l'insertion des couches de population qui ont besoin d'une prise en main plus encadrée, si vous voulez? Je ne sais pas si je m'exprime... Vous avez compris, je pense.

M. Fillion (Charles): Oui. Je répondrai par deux choses. Les entreprises d'insertion jouissent, avec le gouvernement du Québec, d'un cadre de reconnaissance et de financement des entreprises d'insertion qui est sous la responsabilité du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et d'Emploi-Québec. À l'intérieur de ce cadre-là, on prévoit entre autres, pour le prédémarrage, le démarrage d'entreprises d'insertion, que les gens s'adressent à Emploi-Québec de leur région et qu'ils fassent connaître leur projet. Donc, ça, c'est une première démarche. Donc, il faudrait que les gens sachent que cela... qu'ils s'adressent à ces personnes-là.

Évidemment, il y a un... et les gens sont... les promoteurs, lorsqu'ils nous appellent puis qu'ils veulent avoir un peu plus d'informations, ils savent maintenant quels sont les principes, les valeurs et les critères de définition d'une entreprise, ils le savent. Ils ont visité des entreprises d'insertion à travers le Québec. Ce n'est pas comme il y a 20 ans ou il y a 10 ans. Par le Collectif, par le cadre de reconnaissance, par le fait qu'il y ait plus d'entreprises d'insertion, bien, les gens savent plus maintenant comment ça opère puis comment ça ne doit pas opérer aussi.

Pour qu'il y en ait plus, il faut qu'il y ait des fonds de plus auprès d'Emploi-Québec dans les régions. Il faut que les fonds soient là pour que les régions puissent pouvoir soutenir le démarrage et une entreprise d'insertion.

M. Sirros: Donc, ce que vous dites, l'offre est là, sauf qu'elle n'est pas actualisée parce qu'il n'y a pas de possibilité qu'elle voie le jour par le soutien financier entre autres.

n(17 heures)n

M. Fillion (Charles): Oui, oui. Et ailleurs, dans d'autres régions, M. Sirros ? je prendrais l'exemple de Montréal ? on est plus dans une démarche de consolidation des entreprises d'insertion plutôt que de développement de nouvelles entreprises d'insertion. Mais il y a des régions où il n'y en a pas puis il y a des promoteurs qui sont là, et je pense qu'il faut, à l'égard de la stratégie de lutte à la pauvreté, dire oui à ces promoteurs-là qui sont organisés. Ce n'est pas des individus qui sont isolés sur des territoires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Jonquière, vous avez une question? Vous avez deux minutes et demie.

Mme Gauthier: Oui, en complément à la réponse que vous donnez. Est-ce que dans les régions où il y avait de la grande entreprise il n'y a pas une espèce de non-volonté, là, des travailleurs de travailler dans ce genre d'entreprises là à des salaires moindres qu'ils ont connus? Vous savez, chez nous, au Saguenay particulièrement, on a connu la grande entreprise, et le taux horaire était très élevé. On avait des gens qui gagnaient 55, 60, 70 000 $ par année, qui ont perdu leur emploi pour toutes sortes de raisons. Et il y a des projets de réinsertion qui pourraient exister, mais on frappe toujours comme un noeud, si vous me permettez l'expression, à savoir qu'on ne sent pas la volonté de revenir sur le marché du travail pour gagner le tiers de ce qu'on gagnait dans la grande entreprise. Comment on fait pour dépasser cette barrière-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Fillion.

M. Fillion (Charles): Probablement... Je connais bien cette région-là, je viens de Chicoutimi-Nord, madame.

Mme Gauthier: L'arrondissement. Arrondissement.

M. Fillion (Charles): Oui. Ha, ha, ha! C'est parce que probablement que ça ne s'adresse pas à ces personnes-là. L'entreprise d'insertion s'adresse à des gens qui sont, comme je le disais tout à l'heure, la plupart avec un niveau de secondaire III et moins, qui sont très éloignés... une présence à l'assistance emploi depuis longtemps, qui sont sans expérience de travail significative, qui ont beaucoup de difficultés à maintenir un emploi. Donc, ce n'est pas des gens qui travaillaient dans l'entreprise privée depuis plusieurs années à des salaires dont vous venez nommer. Ce n'est pas l'entreprise d'insertion que ça leur prend à eux, ça prend autre chose.

Il y a trois entreprises, d'ailleurs, d'insertion au Lac-Saint-Jean, il n'y en a pas au Saguenay. Vous...

Mme Gauthier: Il n'y en a pas au Saguenay.

M. Fillion (Charles): Mais vraiment c'est un instrument, l'entreprise d'insertion, pour les personnes qui sont exclues du marché du travail. Et on entend par exclus des gens avec le profil qu'on a énuméré tout à l'heure.

Mme Gauthier: Juste une...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est terminé, Mme la députée, je regrette.

Alors, il ne me reste qu'à vous remercier au nom de tous les membres, M. Fillion et M. Foy. Je pense que tous les membres ont beaucoup profité de votre expérience, on vous remercie. Alors, je suspends les travaux pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

 

(Reprise à 17 h 4)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): S'il vous plaît! Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Je demanderais aux représentants du Réseau québécois du crédit communautaire de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, nous accueillons maintenant les représentantes du Réseau québécois du crédit communautaire. Mme Linda Maziade, qui est présidente, je vous cède la parole. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et je vous avise que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Réseau québécois du crédit
communautaire (RQCC)

Mme Maziade (Linda): Merci beaucoup. Bonjour. Ça nous fait plaisir de vous rencontrer. On vous remercie de nous avoir invités à cette commission. Je suis accompagnée par Lucie Villeneuve, qui est la coordonnatrice du Réseau québécois du crédit communautaire, et par Hélène Rhéaume, qui est une administratrice du Réseau québécois aussi et qui est à Rimouski, au Réseau Accès Crédit, un fonds communautaire.

Alors, on va vous présenter, bien sûr, assez rapidement notre mémoire pour passer aux questions par la suite. Alors, on va vous repréciser au départ, le Réseau québécois du crédit communautaire a été fondé en 2000. Il réunit 17 organisations dans 11 régions administratives du Québec. Les pratiques du crédit communautaire existent au Québec depuis le début des années quatre-vingt-dix. Elles sont portées par les fonds communautaires d'emprunt et les cercles d'emprunt et ces pratiques visent à donner accès au crédit et à de l'accompagnement de proximité à des populations appauvries, en marge des réseaux conventionnels de financement.

On vise, en fait, en crédit communautaire deux objectifs précis, alors, celui de la lutte à la pauvreté et à l'exclusion et celui du développement endogène, c'est-à-dire un développement appuyé sur l'engagement des communautés. Les personnes avec lesquelles on travaille qui veulent démarrer une activité économique ont besoin d'un accompagnement serré, suivi, régulier, et c'est ce que... Le crédit communautaire, c'est une des distinctions du travail qu'on fait. C'est d'ailleurs cette approche-là d'accompagnement de proximité qu'on offre qui nous permet, sur l'ensemble du réseau, d'atteindre un taux de remboursement moyen de l'ordre de 95 % auprès de populations dites à très haut risque. Alors, on fait du prêt, et ces prêts-là sont honorés amplement. On constitue donc, en crédit communautaire, le premier échelon de financement par l'émission de prêts modestes à des populations exclues, hors des réseaux de financement conventionnels.

Alors, le crédit communautaire, à notre avis, s'inscrit dans les troisième et quatrième orientations de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Nous offrons un lieu qui instrumente ou qui actualise tant l'accès à l'emploi et la valorisation au travail que l'engagement des communautés locales et la participation citoyenne.

Sur la question de la lutte à la pauvreté, du développement endogène et l'engagement des communautés, on vous précise dans notre mémoire que le crédit communautaire n'existerait pas sans la mobilisation des ressources financières locales. Les capitaux de prêt qu'on prête, donc, proviennent des communautés où sont localisés les organismes de microcrédit. Ce lieu de placement éthique... On est donc un lieu de placement éthique via ce qu'on appelle l'investissement à vocation communautaire. C'est donc la communauté qui va prêter à la communauté localement. Ces sommes éthiques servent à financer les projets des personnes exclues des réseaux conventionnels afin qu'elles créent et développent leur petite entreprise ou leur emploi autonome. Ce n'est donc pas ? et je le précise ? du crédit aux particuliers, c'est du crédit qui est accordé et qui est lié à un projet économique.

Dans la plupart de nos interventions, on constate l'effet de levier. Alors, on est rarement seul dans un projet. Avec les promoteurs, on va travailler les montages financiers pour associer à ces montages financiers là d'autres bailleurs de fonds. On travaille donc dans une communauté. Ce mouvement-là, cette façon de faire là impose donc un mouvement dans la communauté. La synergie qui se crée autour d'une initiative de crédit communautaire est bien réelle. On parle d'investisseurs responsables, d'emprunteurs déterminés à réussir et accompagnés par des ressources techniques qui interviennent en complémentarité avec les réseaux locaux de développement social et économique. C'est donc à titre d'organisations fortement enracinées dans leur milieu que les organisations du crédit communautaire doivent être reconnues et soutenues. À ce titre, il est également essentiel qu'elles puissent conserver leur autonomie tant sur le plan de la gestion que de leur pratique.

Parce que le crédit communautaire permet à des personnes et à des groupes de personnes qui vivent l'exclusion de démarrer leur activité économique génératrice de revenus autonomes, c'est donc pour nous une voie permanente de sortie de la pauvreté. Les personnes vont graduellement quitter les paiements de transfert sociaux qu'ils reçoivent. En ce sens-là, nous considérons que le rendement financier des projets soutenus par le crédit communautaire est aussi important que son rendement social. Les impacts sur ces plans-là peuvent s'évaluer, et le Réseau québécois travaille, cette année, à la définition et à la mise en place d'indicateurs de performance qui permettront d'illustrer le rendement économique et le rendement social de nos pratiques.

n(17 h 10)n

Les organisations membres du Réseau ont développé au fil des ans, donc, une expertise spécifique afin d'intervenir adéquatement dans un contexte de pauvreté. Vous le mentionnez dans votre document de consultation, et je vous cite: «La pauvreté comporte de multiples dimensions d'avoir, de savoir et de pouvoir qui limitent la possibilité de se développer.» C'est donc dire que l'intervention en contexte de pauvreté va exiger nécessairement une action qui couvre ces multiples dimensions et qui doit allier soutien technique, intervention et soutien psychosocial. Dans le cadre d'un plan d'action lié à la stratégie de lutte contre la pauvreté, nous recommandons que le gouvernement reconnaisse le crédit communautaire comme une voie pertinente de sortie de la pauvreté. Nous souhaitons également que soit reconnue l'expertise spécifique développée par les membres du Réseau afin d'intervenir en contexte de pauvreté.

Un autre trait ? et, on le souligne, on trouve ça important ? un autre trait, qui détermine tant les pratiques de crédit communautaire que ses résultats, nous apparaît essentiel, et il s'agit du caractère volontaire de la démarche. Nous croyons fortement que toute action visant l'éradication de la pauvreté, de l'exclusion, pour être efficace, doit être volontaire et reposer sur le libre choix des personnes.

Nous attirons également votre attention sur l'importance de favoriser et de soutenir l'entrepreneurship, y compris pour les personnes appauvries. Nous croyons, en effet, que c'est un des moyens concrets pour s'attaquer aux causes profondes de la pauvreté et d'en enrayer les effets à long terme. Nous trouvons donc essentiel que le gouvernement appuie les initiatives, tel le crédit communautaire, qui agissent sur les causes fondamentales de la pauvreté, de l'exclusion et non seulement sur ses effets.

Soulignons par ailleurs que ça ne réduit aucunement l'importance qui doit être accordée à d'autres types d'interventions et d'actions. Nous reconnaissons d'emblée que l'entrepreneurship n'est pas une panacée, n'est pas la seule solution et nous sommes conscients que cette voie ne saurait convenir à tous. D'ailleurs, en crédit communautaire, c'est la démarche de l'exclusion vers l'inclusion qui importe et non la mise en place ou la consolidation d'un projet d'affaires réalisé à n'importe quel prix. Le crédit communautaire doit être reconnu non seulement sur la base du nombre d'emplois maintenus ou créés, mais également sur la qualité du processus d'accompagnement et du soutien qu'il offre aux personnes, c'est-à-dire le processus de l'exclusion vers l'inclusion.

Disons qu'on vous le répète donc que le crédit communautaire offre une voie de solution aux personnes qui, sans actif et ne pouvant offrir aucune garantie, n'ont pas d'accès ou un accès fort limité aux réseaux conventionnels de financement. Les pratiques du crédit communautaire, au Québec, sont innovantes. Bien sûr, on s'est inspiré de pratiques de microcrédit qui existent depuis les années quatre-vingt dans les pays en voie de développement et, depuis plus récemment, dans les pays en voie de développement. Ces pratiques-là, on vous le rappelle aussi, se sont développées suite aux problèmes majeurs de pauvreté dans les quartiers défavorisés, dans les régions défavorisées et suite au désengagement des institutions financières, hein, par rapport aux besoins des populations appauvries. On demande donc, à l'instar d'autres pays, que le gouvernement du Québec supporte de façon durable la consolidation et le développement des pratiques du crédit communautaire.

Un mot peut-être sur la pauvreté, là, de ceux et de celles qui travaillent. Nous avons été très sensibles, là, à ces questions-là qui sont soulevées dans votre document. On pense que la précarisation de l'emploi et le développement du travail autonome et des très petites entreprises exigent que soient mises en place des mesures de support visant à consolider ces formes de travail. On dit: Le crédit communautaire, bien sûr, va donner accès à du financement à des personnes. Cependant, des personnes pauvres qui n'ont pas les revenus pour pouvoir développer leur projet d'entreprise, c'est un obstacle important. On doit donc consolider cette question-là également. On souhaite donc que le gouvernement du Québec soutienne davantage les travailleurs autonomes et s'engage à contrer la précarisation du marché de l'emploi en mettant des mesures, tels un régime adéquat et accessible d'assurance travail, des mesures de formation, des mesures minimales de sécurité sociale, et d'autres. On souhaite également que le législateur s'assure que l'accès aux mesures d'appoint, tel APPORT, soit réel et universel plutôt que d'être laissé à la discrétion de l'agent d'Emploi-Québec, ce qui arrive malheureusement trop souvent.

Nous proposons donc qu'un groupe de travail, composé des ministères concernés et de représentants des milieux sociaux et économiques, travaille à l'élaboration d'une couverture de sécurité sociale minimale à l'adresse des travailleurs à statut précaire, et incluant le travail autonome. Ce comité devrait se donner des objectifs clairs, des moyens appropriés et un échéancier de travail précis.

Sur les instances qui étaient proposées dans le projet de loi et dans la stratégie, alors, dans l'ensemble, nous sommes en accord avec la mise en place du Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion et d'un observatoire de la pauvreté. Nous tenons cependant à souligner l'importance d'une représentation équitable des divers milieux sur ces instances-là et du respect des pratiques démocratiques quant à la représentation des personnes. Il nous semble aussi essentiel que... On croit, en tout cas, qu'il est important que l'Observatoire gagne en sensibilité sur ses analyses et sur la précision de ses observations en accueillant plus de deux personnes ayant des pratiques en milieu appauvri. L'intérêt certain, là, de l'Observatoire, c'est de pouvoir documenter la question, hein, pour les personnes qui vont penser des programmes.

On dit donc que les gens qui vivent les problèmes de pauvreté sont les mieux placés pour en comprendre le sens et la source comme pour en décrire les tenants et les aboutissants et proposer des solutions. Les acteurs de l'économie sociale, dont nous faisons nous-mêmes partie, ont aussi beaucoup réfléchi et travaillé sur les question d'analyse et d'évaluation des interventions en contexte de pauvreté, et on se dit que le gouvernement du Québec aurait tout intérêt à utiliser ces compétences-là.

Le fonds spécial, pour nous, est, bien sûr, un élément charnière de la stratégie, c'est l'endroit où... On le dit, hein, l'argent étant le nerf de la guerre, soyons francs, alors le fonds spécial a un rôle important. Si on souhaite que ce fonds soit efficace et connaisse le succès escompté, il faudrait tirer profit de l'expérience du Fonds de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui a démontré les difficultés inhérentes à une gestion très normée de telles enveloppes. On pense donc qu'il importe d'assurer certains mécanismes afin d'adapter le fonds spécial aux besoins des initiatives locales, régionales ou nationales et aux besoins des populations à qui ces argents sont destinés. Une certaine latitude est également nécessaire au niveau de la durée des programmes et de la stabilité d'emploi des personnes qui y seront embauchées.

Sur le rôle de l'État, on va y aller rapidement. On vous dit dans notre mémoire: Nous avons participé à d'autres auditions publiques organisées par la commission des finances publiques sur l'investissement responsable des entreprises, on considère que le travail qui est fait ici doit être en lien avec cette commission-là. On est d'accord avec l'idée selon laquelle les actions gouvernementales doivent se développer de façon transversale, touchant, bon, ainsi les préoccupations et les plans d'action propres aux divers ministères québécois. Nous sommes convaincus que la constance et la cohérence de l'action gouvernementale seront déterminantes dans les décisions qui seront prises, notamment à l'égard de l'investissement communautaire.

La formule des comptes individuels de développement, que vous citez dans votre document, s'avère pour nous un moyen fort intéressant pour inciter les personnes, effectivement, à contribuer et à participer à leur propre devenir. L'épargne solidaire de proximité et l'investissement local de ces comptes individuels de développement pourraient être développés et ainsi participer, par exemple, à la capitalisation du crédit communautaire, qui sont des argents dédiés au développement des communautés. Pour nous, il y a là des enjeux d'équité, de citoyenneté active et d'accès à des capitaux de développement. Nous proposons donc que le gouvernement du Québec, dans le but d'assurer la constance et la cohérence de ses actions et l'engagement de la société dans la lutte contre la pauvreté, soutienne et stimule l'investissement communautaire par la mise en place des outils fiscaux appropriés. C'est d'ailleurs une recommandation qu'on a faite à l'autre commission.

Toujours par souci de cohérence et afin d'assurer la complémentarité des différentes actions, nous souhaitons que l'État légifère afin de soutenir et d'encourager davantage le développement local et le développement durable. En effet, il serait vain de faire la lutte aux effets de la pauvreté et de l'exclusion sans s'attaquer aux fondements économiques et législatifs qui les génèrent. La multiplication des emplois précaires, l'avènement des commerces à grande surface qui tuent les petits commerces locaux québécois, la détérioration des ressources naturelles et la globalisation des marchés sont autant de phénomènes qui interpellent l'intervention du gouvernement et commandent une réglementation et une législation adéquates. Nous croyons, dans ce sens-là, que le gouvernement du Québec, que l'État a un rôle de leader et de régulateur en matière de lutte à la pauvreté et l'exclusion. Ce rôle-là doit être fait en concertation avec les différents acteurs des milieux économiques et des milieux communautaires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, Mme Maziade, s'il vous plaît.

Mme Maziade (Linda): Pour conclure, on pense qu'il faut... Pour lutter contre la pauvreté, on doit considérer divers moyens pour répondre à diverses problématiques, on ne peut pas y aller de façon mur à mur. La stratégie gouvernementale de lutte à la pauvreté doit faire montre de souplesse et d'imagination, et nous sommes persuadés que l'investissement de l'État, aux côtés des investissements de la communauté, peut être porteur d'impacts positifs considérables sur les plans sociaux et économiques.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Terminé? Alors, je vous remercie, madame. Merci pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Alors, Mme Maziade, je vous remercie ainsi que les dames qui vous accompagnent pour la rédaction du mémoire et je vais céder la parole à ma collègue, Mme Léger.

n(17 h 20)n

Auparavant, je voudrais juste vous indiquer... Vous avez fait référence dans votre mémoire pour la mise en place d'un groupe de travail composé des différents ministères concernés pour l'élaboration ou une couverture de sécurité sociale minimale pour les travailleurs à statut précaire. Notre collègue le ministre Jean Rochon a mandaté une équipe, qui s'appelle comité Bernier, justement pour faire rapport sur toute la problématique qui est reliée au travail atypique, que ce soit au niveau des travailleurs, travailleuses autonomes, à temps partiel, etc., et le rapport du comité Bernier devrait être soumis à l'automne. Alors, je voulais vous le partager pour que vous soyez au fait.

Alors, je vous remercie beaucoup et je cède la parole à ma collègue, Mme Léger.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Merci. Bonjour, Mme Maziade. Bonjour, les membres de votre équipe. Alors, ça me fait très plaisir de vous voir ici pour déposer le mémoire que... Vous avez mis, en tout cas, le temps de faire ce mémoire-là même si on sait que votre temps aussi est beaucoup à la lutte contre la pauvreté.

Vous avez expliqué un peu ce que vous faites, mais vous en faites encore plus, là, et on n'a pas le temps nécessairement, dans tout le mémoire, en tout cas toute votre présentation, de... Vous dites, entre autres, de reconnaître ce que vous êtes et que vous êtes une voix pertinente dans la lutte à la pauvreté. Effectivement, je pense qu'on ne peut renier tout l'apport que vous faites, il est plus qu'important. Votre démarche, d'ailleurs, est très intéressante dans le processus que vous faites pour développer les pratiques d'accès, dans le fond, au crédit à des populations appauvries et qui est en marge évidemment des réseaux conventionnels. Alors, c'est de trouver, là, notre voie de passage à travers tout ça. Mais, vous savez, la porte d'entrée, en général, pour tous les entrepreneurs potentiels ou qui sont déjà en activité, c'est nos CLD, notre centre local de développement, et Emploi-Québec, évidemment, pour le soutien au travail autonome par un soutien technique et financier qu'il donne particulièrement à ces gens-là. On a aussi évidemment les commissions scolaires, les cégeps qui offrent certains modules de sensibilisation à l'entrepreneurship, que vous êtes tous au courant de ça.

Maintenant, comment on peut assurer la constance et la cohérence de l'aide pour soutenir les personnes sans emploi à créer une entreprise ou à devenir un travailleur autonome? Et quelle pourrait être, pour vous, votre collaboration avec les CLD puis avec Emploi-Québec? Comment on peut faire tout cet arrimage-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maziade.

Mme Maziade (Linda): Bien, je vous dirais qu'on collabore déjà avec les CLD. Le Réseau québécois est en entente avec l'association des CLD du Québec. Bon, ça, c'est plus au niveau des regroupements. Très localement, les organismes de crédit communautaire travaillent, je dirais, pour beaucoup en complémentarité avec les CLD. Ce qu'on constate dans la vraie vie, les personnes avec lesquelles on travaille, qui sont en retrait du marché de l'emploi depuis quelque temps, ont besoin d'une démarche préalable, et souvent on prépare ces personnes-là, on prépare une clientèle, en d'autres termes, pour les CLD. Régulièrement, on va travailler avec ces personnes-là qui vont venir nous voir en premier, avec lesquelles on va travailler un plan d'affaires ou qui vont faire une démarche dans le cadre d'un cercle d'emprunt. Et ces personnes-là, lorsqu'elles sont arrivées à, je dirais, un second degré de développement, vont souvent avoir recours aux CLD par le biais du FLI ou des fonds, là, liés aux CLD.

L'autre lien extrêmement important qu'on a avec les CLD, c'est beaucoup lié à la mesure soutien au travail autonome. Alors, on sait que les personnes qui arrivent ou qui ont accès au soutien au travail autonome, lorsqu'elles arrivent à l'étape du financement, ce sont des personnes à l'aide sociale, comme on le disait, sans actif, sans garantie, hors tout réseau. Ces personnes-là nous sont acheminées très souvent de manière à ce qu'on puisse les accueillir, leur offrir le crédit et l'accompagnement.

Avec les CLD, ce qu'on convient, le type d'accompagnement... Ce n'est pas pour rien qu'on parle d'accompagnement de proximité en crédit communautaire. L'accompagnement qui est fait dans les CLD est à un autre niveau. Les personnes, nous, on part beaucoup... On dit: Le métier d'entrepreneur, il s'acquiert, ce n'est pas génétique. Tant mieux s'il y en a qui naissent avec, mais nous, on part du principe que ce n'est pas tout le monde qui naissent avec et que ce n'est pas grave, on peut l'apprendre comme on apprend à être plombier. Le CLD n'aura pas nécessairement cette démarche-là. Pas parce qu'il ne le veut pas nécessairement, mais parce que c'est une autre approche tout simplement, et c'est dans ce sens-là qu'on dit que nos approches sont complémentaires. Alors, on va travailler sur des comités ensemble, il va y avoir des références de clientèle, je vous dirais, et de projets. Donc, je pense qu'avec les CLD on a une collaboration assez importante.

Avec Emploi-Québec, je vous dirais, les réalités sont un peu différentes. Et, je vais vous citer une chose, d'ailleurs, que j'ai trouvée assez scandaleuse et je me permets de le dire aujourd'hui, j'ai participé à une rencontre avec des gens d'Emploi-Québec tout récemment, et on m'a servi le discours que l'entrepreneurship ? et là, je suis très sérieuse, je le dis publiquement, je ne le... ? l'entrepreneurship, ce n'était pas du tout une solution pour les personnes exclues et pauvres. Alors, quand on entend un discours comme ça, on dit: Oups! Il vient de se passer quelque chose.

Je vous conte ça, parce qu'il y a une différence entre des orientations, des grandes stratégies qu'on veut se donner... Et, quand on arrive dans la pratique, dans le concret, avec des intervenants terrains, il y a un travail de sensibilisation extrêmement important à faire avec ces personnes-là. Donc, avec Emploi-Québec, je vous dirais, ce qu'on rencontre parfois et souvent hélas, c'est certains obstacles malheureusement, là, soit des obstacles rencontrés par les personnes avec lesquelles on travaille qui vont, d'une certaine façon, se faire un petit peu suivre de très, très près par l'agent d'aide sociale et, à un moment donné, ça devient un peu de l'acharnement... Donc, si tu as des problèmes par rapport à ta survie, bien c'est bien difficile d'être disponible à ton projet de développement d'entreprise. Donc, on va souvent plus essayer, encore là, de sensibiliser et de faire comprendre aux programmes d'Emploi-Québec et à ceux qui les appliquent qu'il faut peut-être se donner une petite chance dans la vie puis respirer par le nez, comme on dit parfois, pour essayer de développer les choses. Hélène, je pense...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, il y avait un complément de réponse, Mme Rhéaume?

Mme Rhéaume (Hélène): Oui. Peut-être juste un complément d'information, là, sur la complémentarité avec les centres locaux de développement. Je pense, en termes de services financiers puis de services d'accompagnement, on travaille, oui, effectivement en collaboration avec les centres locaux de développement, mais on essaie de se situer ? puis on réussit assez bien d'ailleurs ? en complémentarité avec l'ensemble des acteurs. C'est-à-dire que, bien concrètement, les promoteurs qu'on accompagne font affaire parfois avec un CLD mais peuvent faire affaire également avec une caisse populaire du quartier, ou du village, ou de la ville. Donc, il y a les caisses pop, il y a les sociétés d'aide au développement des collectivités, il y a les CLD et il y en a d'autres. Là, il y a Filaction qui s'est mis en place, il y a le RISQ. Donc, tous les outils, on se connaît mutuellement, puis, quand il y a un fonds ou un cercle d'emprunt qui s'enracine dans un milieu, bien la première chose, c'est de faire le tour de ce qui existe pour que justement le promoteur qui frappe à une porte ou à l'autre soit bien dirigé puis qu'on ne dédouble pas les services. Je peux vous dire que c'est un souci qu'on a puis qu'on suit avec rigueur.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Bon, je reviens à ce que vous avez dit tout à l'heure par rapport à Emploi-Québec, c'est absolument important de vous dire que ce n'est pas le discours d'Emploi-Québec, là. Il y a des préjugés qui peuvent... Nos préjugés sociaux qu'on essaie d'abolir, c'est de partout, c'est des citoyens et des citoyennes du Québec qui se retrouvent partout. Alors, ça n'est pas le discours d'ici, c'est tout le contraire, et on travaille étroitement avec Emploi-Québec, vous savez, parce que toute la stratégie nationale de lutte à la pauvreté, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, c'est le ministère porteur, je dirais, de toute la stratégie. Alors, évidemment, ce n'est absolument pas dans les objectifs du ministère, c'est tout le contraire. Alors, on ira en savoir un petit peu plus pour corriger la situation, là, ce n'est pas nos intentions. Pas du tout, c'est tout le contraire, puis c'est pour ça qu'on se retrouve ici aujourd'hui. Je veux laisser... Je ne sais pas comment qu'il reste de temps.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez terminé, Mme la ministre?

Mme Léger: Je vais laisser la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Non, ça va être mon collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non? Vous préférez votre collègue. M. le député Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Denise. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, moi, je voyais dans vos documentations que le Réseau est jeune. Le Réseau date de mai 2000, donc tout récent. Vous êtes quand même assez bien répartis sur le territoire, 11 régions administratives sur 17. C'est quand même bien en peu de temps. Je constate aussi que la pauvreté, même au niveau des finances, ça se fait avec des femmes. C'est dans le sens que je vous vois, là, c'est trois femmes qui sont en avant, mais on parle de donner un coup de main à des gens qui sont dans la misère.

Une voix: ...qu'on gagne. Ha, ha, ha!

M. Désilets: Bien, c'est ça, je constate encore ça, là. Qu'on travaille dans le communautaire, qu'on travaille... Peu importe à quel niveau qu'on se trouve, règle générale, on a affaire, plus souvent qu'autrement, à des femmes. Voici comme préambule.

n(17 h 30)n

Ma question. Vous parlez, à la page 7 de votre mémoire, d'investir... Ou vous aimeriez que le gouvernement mette en place des outils fiscaux, pourriez-vous les décrire? Pourriez-vous nous expliquer quel genre d'outils fiscaux que vous aimeriez avoir?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maziade.

Mme Maziade (Linda): Oui. Peut-être juste pour revenir sur votre préambule, le Réseau québécois n'existe que depuis deux ans. Par contre, les pratiques de crédit communautaire, au Québec, et de microcrédit existent depuis 1990. Alors, on parle de 12 ans d'expérience terrain. Les organisations se sont regroupées officiellement en 1990, parce que c'est quand même une différence importante par rapport aux pratiques.

Sur les outils fiscaux, on fait référence au discours qu'on a tenu avec la commission des finances publiques où on disait: Par rapport à l'investissement communautaire, si on veut que le crédit communautaire se développe, c'est important... On dit: La capitalisation qu'on a dans les organisations, ce sont des prêts ou des dons qu'on reçoit de citoyens comme vous et comme les gens ici, d'institutions, de syndicats, d'entreprises privées, et tout. La difficulté qu'on rencontre, si on veut effectivement pérenniser les fonds et s'organiser pour que ça fonctionne encore davantage, et qu'on ait des capitaux pour répondre aux besoins, ça nous prendrait des outils fiscaux qui permettent d'offrir à des investisseurs éthiques, un, des avantages fiscaux, comme on en a... Si vous prenez un REER, si vous investissez un montant au Fonds de solidarité de la FTQ, bon, dans des caisses de retraite, dans les fonds de travailleurs, on vous offre un incitatif fiscal, vous avez des avantages fiscaux, les outils fiscaux appropriés. Alors, on dit: Par rapport à l'investissement communautaire, par rapport à la capitalisation de ces outils-là, on devrait pouvoir avoir accès à ce même type d'instruments là pour des investissements communautaires, hein, gérés par la communauté. Alors, on se disait: C'est important. C'est pour ça qu'on faisait le lien entre la commission ici et la commission des finances publiques où on a des objectifs, dans les deux cas, liés à la lutte à la pauvreté, à développer le Québec de façon équitable.

Alors, on disait: Ce serait important que la commission ici soit bien au courant de ce qui se passe là et qu'on puisse effectivement développer des outils appropriés pour que l'investissement communautaire puisse se développer au Québec.

M. Désilets: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps d'un commentaire, une minute et demie.

M. Désilets: Non, c'est...

Mme Carrier-Perreault: Oui. Bien, écoutez, moi, je vais le faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous... Oui, je vous donne le droit.

Mme Carrier-Perreault: On était sur la même question, alors...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, il n'y a pas de problème, Mme la députée de Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Alors, ce que vous nous dites en fin de compte, c'est que par rapport à ces outils fiscaux là... C'est que vous avez déposé un mémoire à la commission des finances publiques dans lequel vous avez élaboré une série de moyens concrets, là.

Mme Maziade (Linda): Oui, mais on demande... Effectivement, mais on demande à votre commission ici... Parce que vous parlez de travailler de façon transversale, alors on dit: Appliquons-le immédiatement. Alors, on demande à votre commission de supporter les recommandations que l'on a faites là. Je ne sais pas si ça se fait, mais...

Mme Carrier-Perreault: Alors, il s'agit, pour les membres de la commission, d'aller chercher une copie, finalement, de votre mémoire. C'est ce que vous nous dites en clair. Merci, madame.

Mme Maziade (Linda): Oui, mais on pourrait vous en envoyer une si vous le voulez. Ce serait peut-être plus pratique.

Mme Carrier-Perreault: Ce serait intéressant peut-être de déposer au Secrétariat des commissions une copie de ce mémoire-là.

Mme Maziade (Linda): Effectivement, vous avez raison.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps alloué. Maintenant, je cède la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également. Mais juste pour... Si je comprends bien, donc, ce que vous avez soumis dans le mémoire auquel vous faites référence, c'est les moyens que vous préconiserez pour que l'État reconnaisse ce que vous faites, parce que souvent, ici, dans votre mémoire, vous parlez de la nécessité de reconnaissance, hein? Vous dites, par exemple: «Nous souhaitons que le gouvernement du Québec reconnaisse la rentabilité financière et sociale de nos pratiques et reconnaisse le crédit communautaire comme une voie pertinente de sortie de la pauvreté.»

J'avais une question d'abord qui est de vous demander: Comment est-ce que cette reconnaissance pourrait s'opérationnaliser dans le concret? Mais, avant d'arriver là, je regarde la page 2 de votre mémoire où vous parlez des montants que vous avez prêtés. Vous dites que vous avez 2 millions de dollars en capitalisation, vous avez des prêts de 2,28 émis ? millions ? dont 986 sont actuellement en cours de remboursement, et vous faites référence à 822 emplois créés et maintenus. Je me rappelle que le chiffre normalement utilisé au gouvernement pour comptabiliser les emplois créés pour chaque million investi est de six. Donc, normalement, le gouvernement calcule en disant: Bon, on investit 200 millions dans un projet x, ça va donner 1 200 emplois. Vous, vous avez investi 2 millions de dollars et créé 822 emplois. Alors, si vous réclamez la reconnaissance et un rôle et si c'est... J'aimerais que vous m'expliquiez les chiffres. J'ai reçu... C'est ça, on vient de monter par 10, plus quasiment, l'effet de levier que le dollar investi peut avoir, et ça devient drôlement intéressant.

Alors, parlez-nous un peu de comment vous arrivez à 822 emplois. C'est quoi? Qu'est-ce que ça représente? Parce que vous dites «créés ou maintenus».

Mme Maziade (Linda): Exactement, créés et maintenus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Maziade.

M. Sirros: C'est important.

Mme Maziade (Linda): On travaille avec soit des personnes qui arrivent, qui sont en démarrage d'entreprise ou des petites entreprises qui existent déjà et qui ont besoin de... qui sont en développement.

Mais, effectivement, je veux dire, on peut vous sortir notre cahier de statistiques, et c'est la réalité. On regarde, nous, ce qu'on a investi à partir de nos propres capitaux, hein, qui sont des capitaux qui ne sont pas publics dans la forte majorité des cas, et, si on regarde, bien, effectivement, c'est des petites entreprises qu'on accompagne. C'est deux emplois, c'est huit emplois, c'est un emploi, mais sur... On parle au cumulatif effectivement, et c'est ce que ça donne. Nous-mêmes, on trouve qu'on a d'excellents résultats, c'est le cas de le dire.

M. Sirros: ...vous avez mis en circulation 2,28 millions...

Mme Maziade (Linda): Exactement.

M. Sirros: ...et ça a donné 800 quelques emplois créés ou maintenus.

Mme Maziade (Linda): Exactement. On travaille en microcrédit, hein? On parle de petites entreprises, on parle d'artistes, d'artisans, des gens très ancrés dans leur communauté. Une petite fabrique artisanale, c'est le mari et la femme, deux jeunes associés qui démarrent une petite entreprise de dessin sur des verres, Kettö Design, par exemple, en basse-ville, à Québec. C'est ce genre-là, c'est de très petites unités, mais très ancrées dans leur communauté. C'est des gens qui démarrent leur petite entreprise à partir de leur propre expertise. Moi, je suis bonne en couture... Je ne sais pas, je n'ai pas nécessairement de formation en couture, mais je suis bonne en couture et je décide, un bon matin, d'essayer de partir ma petite business en couture. On va nous dire que ça n'a pas de bon sens puis que c'est donc mauvais, puis que ce n'est pas porteur, puis ce n'est pas à haut rendement, puis c'est vrai que ce n'est pas à haut rendement. Ce n'est pas à haut rendement si on le regarde sur une échelle macro. Vous me trouvez drôle, mais, dans le fond, c'est parce que c'est les principes, c'est les préjugés qu'on rencontre constamment. Mais cette dame-là qui va finir par avoir sa petite jobine, là, qui va sortir de l'aide sociale, elle ne sera pas nécessairement beaucoup plus riche. Elle va avoir eu besoin peut-être de, je ne sais pas, moi, 600 $ pour s'acheter sa machine à coudre industrielle, là. Je ne sais pas comment ça s'appelle. Bon.

Mais, partant de ça, comme je vous dis, l'objectif n'est pas de rendre les personnes millionnaires. Et, les personnes qui viennent nous voir, elles ne veulent pas être millionnaires non plus, elles veulent avoir de la dignité, elles veulent avoir leur propre emploi puis elles veulent avoir le contrôle sur leur condition, et c'est ce que le crédit communautaire va leur permettre. Je pense que...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Hélène): Bien, peut-être, je peux quand même vous donner une petite recette qu'on a, là, parce que, quand même, il faut partager nos bons trucs. Mais, non, sans farce, c'est qu'une des caractéristiques aussi du crédit communautaire, c'est l'accompagnement de proximité, et pour vous donner... À titre d'exemple, avant d'accompagner un promoteur et d'émettre un prêt, la durée, là, de la démarche peut durer environ un an avant d'émettre le prêt. Et, après ça, on va travailler avec le promoteur jusqu'à temps qu'il ait terminé son remboursement. Donc, on peut compter une moyenne de trois ans, à peu près, par projet qu'on accompagne.

Évidemment, ça, c'est un autre élément très important dans la recette, parce que ce que ça fait, c'est qu'on connaît très bien les projets avant de décider de prêter. Le promoteur a passé à travers tout un processus et une démarche d'élaboration, de consolidation de son projet qui fait que, avant même de lui prêter, on est presque certain, et lui aussi, que le projet va fonctionner. Autrement dit, quand on voit que le projet ne fonctionnera pas, on ne prête pas. On réoriente, on retravaille le projet jusqu'à temps qu'il soit viable. Bon, c'est ce qui explique aussi notre gros taux de succès, c'est que finalement on accompagne et on travaille avec le promoteur jusqu'à temps que son projet soit solide, assez solide pour lui permettre de vivre décemment. Ça fait que c'est comme ça que ça fonctionne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): O.K. M. le député de Laurier-Dorion, ça me rappelle le programme que j'avais créé à l'Immigration, qui s'appelait Mathieu da Costa, pour la communauté noire ? vous vous souviendrez sûrement ? pour la communauté noire anglophone et francophone dans le but de leur permettre soit de démarrer une entreprise ou encore de conserver une petite entreprise, puisqu'ils avaient énormément de difficultés à obtenir du crédit auprès des institutions financières. Alors, c'est un peu ce genre...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, madame.

M. Sirros: Mathieu da Costa.

n(17 h 40)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mathieu da Costa, le premier Noir qui est arrivé en même temps que Samuel de Champlain au Québec.

Mme Maziade (Linda): Peut-être pour compléter la réponse à monsieur sur la reconnaissance, comment la reconnaissance peut-elle se traduire. Et, on en parle beaucoup dans ça, ça fait très longtemps ? Mme Léger est bien au courant aussi ? la reconnaissance, elle se traduit... La reconnaissance du crédit communautaire, elle va se traduire par un support financier du gouvernement du Québec aux opérations des organismes de crédit communautaire. Et, quand on dit ça, on parle d'une responsabilité partagée en termes de développement pour des populations appauvries. En crédit communautaire, on dit: Les communautés capitalisent, hein? Ce n'est pas des argents... C'est des argents privés, c'est des argents... Donc, les communautés contribuent très directement, là, en mettant de l'argent là. À Québec, on a 600 000 $, là, qu'on a ramassés comme ça.

M. Sirros: Dites-moi juste d'où ça vient, cet argent-là.

Mme Maziade (Linda): Ce sont des prêts et des dons que l'on reçoit de sources extrêmement diversifiées. Alors, ce sont des individus, des entreprises, des syndicats, des institutions financières locales. On a quelques ententes avec des institutions financières, des fondations. C'est toutes sortes de monde, en fait des organismes à but non lucratif. On va chercher de l'argent comme ça, et c'est la synergie. Quand on dit: Une initiative de crédit communautaire, elle existe parce que son milieu le veut bien, il n'y en aura pas qui va naître si on n'arrive pas à capitaliser.

Alors, on dit: Il y a un bout de la responsabilité du développement pour combler les vides de financement qui est pris par la communauté qui y investit très concrètement de l'argent. Les personnes appauvries, si on parle d'elles, bien elles ont un prêt et elles paient de l'intérêt sur leur prêt, hein? Ça fait que... Puis elles ont la responsabilité de mener à bien leur projet d'entreprise. Donc, elles aussi, elles ont une responsabilité très concrète. Et on dit, par rapport à la livraison du service comme tel d'accompagnement, c'est de la ressource humaine bien sûr, ça prend des sous, ça prend un local, ça prend un téléphone, ça prend... Et là on demande à l'État de prendre sa part de responsabilité, et c'est ce bout-là de reconnaissance des pratiques, on dit: Si le gouvernement, si l'État prend son bout de responsabilité sur ça, bien ça va bien, parce que chacun, on fait notre bout à l'intérieur de ça puis on réussit à effectivement sortir des gens de la pauvreté, puis on réussit à faire quelque chose dans la vie. Alors, la reconnaissance, elle passe essentiellement, je vous dirais, par un support au fonctionnement des organisations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: O.K. Hier, Centraide nous a fait remarquer que, dans le projet de loi, il y aurait un fonds qui serait constitué des sommes suivantes, entre autres les dons, les legs et autres contributions versées pour aider à la réalisation des objets du fonds, et Centraide a soulevé ce sentiment un peu comme si l'État allait concurrencer la possibilité de recevoir des dons. Est-ce que vous y voyez le même genre de danger?

Mme Maziade (Linda): Je vais vous dire, non pas vraiment. En crédit communautaire, ce fonds... Quand vous visez des organisations extrêmement ancrées dans la communauté, les gens qui investissent... Et, là je vais parler pour le fonds où je suis, les gens ou les organisations qui investissent au fonds communautaire de Québec, ils le savent très bien pourquoi ils le font. Ils le font parce qu'ils savent très bien que l'argent qui est mis là, il sert directement la cause, ça va aller à une petite entreprise qui va faire quelque chose dans la vie. Les objectifs sont très clairs, les gens font un choix de leur don, hein, de leur... Et, moi, je parle... Ça, c'est notre job à nous de mobiliser les gens. Je pense, ça fait partie des pratiques du crédit communautaire et je pense que ça va bien sur ce plan-là. Les objectifs aussi ne sont pas... Écoutez, on travaille en microcrédit, on fait des prêts... Peut-être qu'on ne l'a pas souligné dans ça, dans le... on vous le soulignait, là, 25 000 $ et moins dans le cas d'un fonds communautaire. Dans les cas des cercles d'emprunt, on parle de 5 000 et moins. On n'a donc pas besoin localement de fonds de 22 millions, hein? Ce n'est pas ça, on est à petite échelle. Nous, pour autant qu'on répond aux besoins... Mais on en a besoin, par contre, suffisamment pour pouvoir travailler comme du monde, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Les emprunts dont on parlait tantôt, c'est sur quelle période de temps que vos statistiques sont tenues?

Mme Maziade (Linda): Ça, c'est un cumulatif qu'on a depuis les cinq dernières années, depuis qu'on a commencé à faire des statistiques. À peu près, c'est sur les cinq dernières années.

M. Sirros: Finalement, aussi je prends bonne note de la frustration que vous avez exprimée par rapport à la différence entre le discours officiel et la réalité que vous rencontrez. La ministre nous a rassurés que ce n'est pas le discours d'Emploi-Québec. Moi, je fais remarquer à la ministre par contre que, si elle regarde bien les statistiques quant à l'accès des personnes assistés sociales au programme soutien au travail autonome, il y a très peu qui y accèdent, très, très peu qui y accèdent au niveau des statistiques réelles. Donc, je suis d'accord avec la ministre quand elle dit que ce n'est pas le discours qu'on doit véhiculer et que ce n'est pas le discours que personne, je suis convaincu, ne veuille qu'il soit véhiculé, mais, dans les faits, c'est ce qui arrive, parce qu'il y a très peu de gens de l'assistance sociale qui ont accès au programme de soutien au travail autonome, c'est surtout les chômeurs, qui sont, comme on sait, l'autre groupe de personnes qui sont à Emploi-Québec, qui ne sont pas nécessairement la clientèle dont on parle ici. Donc, quand cette clientèle fait des demandes, peut-être, elle se fait répondre: Ce n'est pas vous. On peut leur répondre gentiment ou pas, mais le but ultime, le résultat réel, c'est qu'ils n'ont pas accès. Alors, merci beaucoup. À moins que vous avez d'autres commentaires...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, est-ce que vous avez un commentaire, Mme Maziade?

Mme Maziade (Linda): Bien, oui, un dernier commentaire. C'est parce que, en fait, nous, ce qu'on dit... Mais, on parle de ça, on pourrait, hein, l'extrapoler à beaucoup plus large, en fait, c'est de la sensibilisation qu'on a besoin de faire, et il faut qu'on... On a tout un travail de défaire certains préjugés.

Mais, on parle d'Emploi-Québec, écoutez, on pourrait en parler de bien d'autres. Et on peut parler aussi politiquement, et, il faut le dire entre nous, on rencontre des obstacles aussi. Ce n'est pas juste sur le plan administratif qu'on rencontre des obstacles, on peut aussi en rencontrer à différents niveaux. Et, moi, je pense qu'il faut le voir comme ça, de façon globale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, mesdames, au nom de tous les membres, nous vous remercions pour votre participation à cette commission. J'ajourne sine die la commission en vous remerciant toutes et tous pour votre participation et collaboration.

(Fin de la séance à 17 h 47)


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