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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 17 octobre 2002 - Vol. 37 N° 78

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite, en cette Journée internationale sur la pauvreté, une bonne journée, la bienvenue à tous les membres et à tous les participants et participantes. Alors, je vous rappelle que la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Boulet (Laviolette) va être remplacée par Mme Beauchamp (Sauvé); M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Lespérance (Joliette) par Mme Grégoire (Berthier); M. St-André (L'Assomption) par Mme Caron (Terrebonne). Voilà.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour. En premier lieu, 9 h 30, c'est-à-dire immédiatement après ces commentaires, nous rencontrerons les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; à 10 h 15, le Parti québécois; 11 heures, la Confédération des syndicats nationaux; 11 h 45, Maison de Lauberivière, pour suspendre à 12 h 30. Nous reprendrons nos travaux à 16 heures avec l'Association coopérative d'économie familiale, l'ACEF de Québec; 16 h 45, Mme Donna Farmer, une aidante; à 17 h 15, MM. Frédéric Lesemann et Pierre-Joseph Ulysse, pour ajourner à 17 h 45.

Auditions (suite)

Donc, sans plus tarder, au nom de tous les membres de la commission, il nous fait grand plaisir d'accueillir Me Pierre Marois, qui est président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; Me Pierre Bosset, qui est directeur, Direction de la recherche et de la planification; de même que Mme Muriel Garon, qui est coordonnatrice de la recherche sociale.

n (9 h 40) n

Alors, je vous rappelle, Me Marois, que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et je vous cède la parole.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Marois (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Mmes les ministres Goupil et Léger, Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire, je me permettrai de formuler au début quelques remarques d'ordre général pour que soit bien compris le sens des orientations de nos recommandations et remarques que nous allons vous formuler. Par la suite, Mme Garon et Me Bosset interviendront sur un certain nombre ? parce que, en 15 minutes, on ne pourra pas faire le tour de tout ? sur un certain nombre des recommandations qui sont contenues dans notre document. Cela tombe d'autant mieux aujourd'hui que notre présence coïncide, comme vous l'avez évoqué, avec la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté décrétée par les Nations unies.

Le projet de loi qui est devant nous institue une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette stratégie s'actualisera dans un plan d'action dont on peut discuter amplement sur ce qui devrait y être, ne pas y être, etc., et c'est bien une stratégie qui s'actualisera, dis-je, par un plan d'action. Il nous sera alors tous possible, à la lumière du plan, de juger l'arbre à ses fruits. Mais, indéniablement, le projet de loi traduit une volonté d'intégrer dans un tout cohérent un ensemble de programmes, de mesures de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et la Commission salue cette volonté qui lui semble pleinement compatible avec les droits économiques et sociaux, puisque c'est l'angle sous lequel nous nous plaçons, la Charte qui est notre mission fondamentale de veiller au respect de ces principes, donc qui se situe pleinement et est pleinement compatible avec les droits économiques et sociaux, dis-je, reconnus par la Charte ainsi qu'avec l'interdiction de la discrimination fondée en particulier sur la condition sociale.

La pauvreté est le plus grave problème des droits et libertés, disions-nous, la Commission, dans une déclaration publique en octobre 2000. Après 25 ans d'existence, et de constats, et de contacts quotidiens avec des citoyens sur le terrain ? la Commission reçoit chaque année plus de 33 000 appels, demandes, interventions de toutes sortes et de tout genre ? nous sommes à même de constater le lien incontournable dans les faits et sur le terrain entre les droits, les droits lésés et la pauvreté.

La pauvreté et les exclusions qu'elle entraîne sont absolument incompatibles avec l'exercice effectif du droit à l'égalité affirmé dans la Charte des droits et libertés de la personne et elles font également affront aux droits économiques et sociaux que le Québec reconnaît comme des droits de la personne à part entière. La pauvreté est un obstacle majeur à l'exercice des droits et libertés, et pourtant, c'est cette jouissance des droits et libertés qui serait et qui est un moyen ? un moyen ? d'éradication de la pauvreté. Pensez, par exemple, à l'article 45 qui prévoit, dans notre Charte, un niveau de revenu suffisant, décent.

Nous partageons la conviction que la pauvreté constitue un déni de droit. Nos observations et recommandations partent du principe que la lutte à la pauvreté est fondamentalement une lutte pour les droits et libertés de la personne. En situant le projet de loi dès son préambule ? considérant 1, considérant 2 ? dans la perspective de la Charte des droits et libertés de la personne, le législateur fera un pas important que nous voulons soutenir et assurer pour l'action immédiate et long terme. Combattre la pauvreté est, en effet, indispensable pour rester fidèle aux valeurs premières de la société québécoise qui sont inscrites dans une charte qui a été votée à l'unanimité et qui, comme vous le savez, est de nature constitutionnelle.

Rapidement, puisque je parle du préambule, c'est rare qu'on trouve un préambule dans un projet de loi. C'est important, un préambule, dans un projet de loi. Ça a un sens et une portée juridique. Ça nous indique les valeurs sur lesquelles se base le législateur, c'est la base juridique de soutènement de l'ensemble de la pièce juridique. Mais c'est aussi important parce que, comme ça fait partie du projet de loi, ça a des effets juridiques devant les tribunaux, puisque c'est réputé faire partie de la loi et ça peut donc servir à expliquer l'objet et la portée de celle-ci. Nous croyons, à cet égard, que dans les considérants... Déjà, il y a ceux que j'ai évoqués, il nous apparaîtrait important d'expliciter encore plus les rapports entre les droits de la personne et la lutte contre la pauvreté. Il y a 10 articles dans la Charte, hein, qui concernent les droits économiques et sociaux, ce sont les articles 39 à 48. Et, pour nous, nous croyons qu'il y a lieu de situer dans ce contexte de ces dispositions qui donnent suite aux engagements internationaux qui ont été pris par le Québec, puisque le Québec est signataire de la Convention internationale comme le Canada... de la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la Charte québécoise, en plus, interdit spécifiquement la discrimination fondée sur la condition sociale. Donc, elle garantit à tous l'exercice, en pleine égalité, de l'ensemble des droits et libertés de la personne. En conséquence, vous l'avez vu, nous vous recommandons l'insertion, dans le préambule, d'un considérant additionnel qui serait une première pierre dans la foulée de d'autres que nous allons vous recommander, d'un considérant rappelant que la Charte des droits et libertés de la personne reconnaît les droits économiques et sociaux et interdit la discrimination fondée sur la condition sociale. Mme Garon.

Mme Garon (Muriel): Dans cette même foulée, la Commission recommande également que, parmi les grandes finalités qui sont proposées pour la stratégie de lutte contre la pauvreté, soit ajoutée de façon explicite celle de permettre à tous les citoyens d'exercer en pleine égalité l'ensemble des droits qui sont contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne.

La Commission adopte une même perspective d'égalité devant les droits dans son commentaire relatif à la définition de la pauvreté, cette définition étant évidemment centrale au projet de loi. La Commission constate d'abord que, bien que la définition proposée par le projet de loi s'inspire de celle du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, elle s'en distingue en axant les privations qui découlent de la pauvreté et, en conséquence, les objectifs de la lutte qui sont fixés sur l'acquisition et le maintien de l'autonomie économique des personnes. Ainsi orientée, cette définition risque d'exclure de la cible les personnes qui ne pourront atteindre cette autonomie en raison, par exemple, d'incapacité physique, psychique ou sociale, en raison de l'inaptitude du système économique à fournir à tous un emploi qui assure un niveau de vie décent ou en raison des failles inévitables des divers programmes mis en place pour leur apporter un support.

La Commission souhaite rappeler l'importance de ne pas fonder la mise en oeuvre du droit à un niveau de vie décent sur une distinction entre les bons pauvres et les mauvais pauvres. Il y a une grande variété de circonstances de la vie qui peuvent influer sur l'aptitude à la réinsertion, par exemple le nombre d'essais infructueux qui sont effectués, le ravage de l'identité personnelle qu'entraîne la pauvreté, mais aussi tout simplement le fait que les personnes en situation de pauvreté sont souvent écartées du processus d'embauche parce qu'elles ne représentent pas, aux yeux des employeurs, une candidature valable. Il est donc absolument périlleux de s'en tenir à une approche fondée sur le mérite pour établir le droit à un niveau de vie décent. Voilà pourquoi la Commission recommande que l'article 2 du projet de loi, qui présente cette définition, reprenne intégralement la définition proposée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels qui évite cet écueil.

Rapidement, les éléments de la stratégie du plan d'action. La Commission a fait une série de commentaires où elle marque l'intérêt d'un ensemble d'aspects, notamment la réduction des inégalités, la participation citoyenne, le souci de complémentarité et de cohérence des politiques et mesures, l'introduction du logement parmi les dimensions retenues dans la conception du filet de sécurité sociale et économique. Nous en reparlerons demain à la commission de l'aménagement du territoire.

La Commission suggère toutefois qu'il serait opportun que les services de justice soient explicitement mentionnés.

Rapidement, aussi, la Commission recommande l'introduction sans délai des personnes handicapées comme groupe cible dans la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics, puisque cette introduction pourrait constituer un véhicule privilégié pour actualiser dès maintenant une des mesures proposées, à savoir des mesures à l'intention des personnes qui ont des difficultés particulières d'insertion en emploi.

n (9 h 50) n

Et, pour terminer, deux réserves importantes. L'une au sujet de l'article 15 du projet de loi. Cet article détermine les facteurs dont le gouvernement tiendra compte pour élaborer le plan d'action à venir, et ces facteurs, ce sont les autres priorités nationales, l'enrichissement collectif et les situations particulières des familles et personnes. Tel que rédigé, la Commission considère que cet article risque de devenir ou pourrait devenir un échappatoire. Elle recommande donc que, conformément aux obligations qui sont contractées par les États signataires des pactes et conventions internationales, les échéanciers et modalités de ce plan d'action soient déterminés en tenant compte de l'ensemble des ressources pouvant être mobilisées par les autorités et, deuxièmement, qu'il soit établi que l'obligation de protéger les groupes les plus vulnérables s'impose, même en période de pénurie de ressources ou de récession économique.

Finalement, deux mots sur l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Il s'agit d'un organisme extrêmement important qui aura, entre autres, comme mandat d'élaborer et de proposer au ministre une série d'indicateurs devant servir à mesurer la pauvreté et l'exclusion. En raison de leur rôle stratégique, ces indicateurs sont, dans notre société, l'objet de débats publics absolument importants. Or, dans le projet de loi, rien n'indique que les indicateurs proposés par l'Observatoire pourront faire l'objet d'un tel débat. La seule obligation qui est posée, c'est celle, pour le ministre, de publier périodiquement les indicateurs qu'il aura retenus. La Commission recommande donc que l'Observatoire soit tenu de rendre publics les indicateurs qu'il propose au ministre après les avoir transmis à celui-ci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors...

M. Marois (Pierre): ...dernier mot, si on le permet...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...Me Bosset, il vous reste deux minutes et demie.

M. Marois (Pierre): ...sur les droits économiques et sociaux, en terminant, qui sont une partie fondamentale et qui propose des changements qui pourront peut-être paraître fondamentaux, mais qui sont incontournables, à notre avis, pour une véritable lutte contre la pauvreté. Me Pierre Bosset.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): À vous la parole, Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): Il est important pour nous que les droits économiques et sociaux garantis par la Charte soient renforcés parallèlement au projet de loi n° 112. Droits économiques et sociaux dans la Charte, ce sont, par exemple, des droits aussi fondamentaux que le droit à un niveau de vie décent, qui comprend, par exemple, le droit au logement dont on va parler demain dans une autre commission parlementaire, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables comme le salaire minimum, par exemple. Donc, des choses très concrètes, et la Charte québécoise est la seule Charte de sa nature en Amérique du Nord à consacrer les droits économiques et sociaux comme les droits de la personne.

Cependant, l'expérience nous révèle qu'avec le temps les tribunaux ont considéré ces droits comme les parents pauvres de la Charte, en ce sens que, d'après eux, ces droits, bien qu'ils soient fondamentaux, n'auraient qu'une valeur de principe ou de grands énoncés, mais qu'ils n'auraient pas vraiment de portée juridique. C'est un aspect qui est décrit dans notre mémoire. Ce qui nous apparaît fondamental dans le cadre d'un projet de loi qui vise à lutter contre la pauvreté, c'est de consacrer davantage la portée juridique de ces droits économiques et sociaux. Et, pour le faire, nous vous proposons une recommandation qui comprend quatre axes, mais on peut les résumer de la façon suivante.

Nous avons cherché à respecter trois impératifs en vous faisant cette recommandation. D'abord, l'impératif du renforcement des droits économiques et sociaux proprement dits qui passe par la primauté de ces droits sur l'ensemble de la législation. Actuellement, cette primauté existe pour tous les droits reconnus dans la Charte, sauf les droits économiques et sociaux. C'est une lacune à combler. C'est ce que nous vous exposons dans notre mémoire, donc renforcement de la primauté des droits économiques et sociaux. Deuxième impératif, respect de la marge de manoeuvre légitime du législateur dans ce domaine. C'est pourquoi nous reconnaissons que la loi peut fixer la portée, l'exercice de ces droits économiques et sociaux mais devra en respecter le contenu essentiel. Et le troisième impératif que nous avons cherché à maintenir, à préserver, c'est, bien entendu, la stabilité de l'ordre juridique, et nous vous proposons une façon de faire qui ferait en sorte que la primauté des droits économiques et sociaux s'appliquerait dès l'adoption du projet de loi, s'il est adopté, à l'ensemble de la législation postérieure à la loi n° 112 et s'appliquerait, à une date qui serait à déterminer, aux lois déjà existantes, ce qui permettrait de maintenir... de faire l'examen de la législation existante pour voir si elle est ou non conforme aux droits économiques et sociaux.

Et vous signale que c'est une technique qui a déjà été utilisée dans le passé dans le contexte de la Charte quand on a étendu la prépondérance de la Charte à certains articles de ce document. Donc, c'est une façon qui, je pense, permet à la fois de renforcer le statut des droits économiques et sociaux tout en vous ménageant, comme législateurs ainsi qu'aux autorités gouvernementales, une marge de manoeuvre qui doit être la vôtre, bien entendu, dans ce domaine.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance, responsable de la Condition féminine et des Aînés.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors M. Marois, M. Bosset et Mme Garon, merci d'être présent. D'abord, d'avoir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui vient indiquer que ce projet de loi nous apporte une cohérence au niveau de la démocratie dans notre intervention, et tout ça, je vais vous dire que c'est non seulement important que vous l'ayez fait, mais que l'ayez affirmé aussi haut et fort, je pense que ça va aussi permettre à l'ensemble des citoyens et citoyennes qui regardent les projets de loi et qui ont à se poser différentes questions pourquoi faire un projet de loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale...

Et, avec ce qui a été indiqué dans le préambule, à juste titre, vous l'avez souligné, on retrouve cela dans notre Charte des droits et libertés, la Charte de la langue française, et il est évident que les commentaires que vous avez apportés concernant la reconnaisse des droits économiques et sociaux... Vous savez, en soi, que ça a été regardé de façon extrêmement importante avec les législateurs. Il n'en demeure pas moins que les éléments que vous nous apportez nous interpellent encore à aller encore peut-être plus loin voir qu'est-ce qui pourrait être fait, parce que vous avez souligné... Puis ce que je trouve intéressant, c'est effectivement, tout en tenant compte, bien sûr, du législateur, des lois qui sont adoptées par l'Assemblée nationale, l'objectif n'est pas d'aller à l'encontre de tout cela, mais d'essayer de peut-être aller au maximum de ce que nous pourrions faire pour éviter finalement certains éléments pervers que nous ne voulons pas, mais qui pourraient arriver. Alors, on va prendre le temps de le regarder attentivement.

Ce que vous avez apporté comme recommandations, particulièrement à l'article 15... que vous recommandez que l'article 15 du projet de loi prévoie l'obligation de tenir compte, outre les facteurs déjà énoncés, de l'ensemble des ressources pouvant être mobilisées par les autorités publiques dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale ainsi que de la nécessité d'accorder une attention particulière à la situation des groupes les plus vulnérables de la société, je pense que ce n'est pas incompatible du tout avec ce qui a été écrit et que ça mérite grandement que l'on puisse y apporter, je dirais, ce complément. Parce que, à juste titre, vous avez soulevé que le législateur s'est inspiré de ce qui se faisait à l'étranger. Vous savez qu'il n'y a que la France qui a adopté un projet de loi, qui n'a rien à voir avec le projet de loi qui est déposé, qui est devant nous actuellement, et on se compare toujours aux définitions internationales, et on s'est campé, mais il n'en demeure pas moins que c'est un complément qui est extrêmement intéressant.

J'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais nous sommes nombreux et nombreuses, le temps est court. Alors, en terminant, je tiens à vous remercier des précisions que vous avez apportées et d'être en soutien à ce projet de loi. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez réagir, Me Marois, oui?

M. Marois (Pierre): Merci, Mme la ministre. Si vous me permettez, deux petits commentaires. C'est vrai ? et ça doit être dit et redit, je crois, parce que c'est de l'information réelle et objective ? il n'y a que la France qui a un projet de loi... Pas un projet, une loi. Mais, si vous examinez cette loi, on se rend compte que ça n'a absolument rien à voir avec le genre de projet de loi qui est maintenant, aujourd'hui, devant nous. Il s'agirait beaucoup plus d'une loi qui ? comment je dirais? ? est le genre de loi que l'Assemblée nationale, par exemple, vote en fin de session, ce qu'on appelle... où on compile toute une série d'amendements de telle et telle législation. Dans la loi française, il y en a tellement de ces empilades, il faut se référer à tellement de lois qui émargent de tellement de ministères et d'organismes que, finalement, le résultat net... C'est un louable effort du côté de la France, ils ont été les premiers. Le résultat n'est absolument pas concluant, et des experts vous diront qu'en Europe, dans les groupes où il est question des droits de la personne... vous diront que l'approche est fondamentalement celle-là.

n (10 heures) n

Il n'y en a que deux, approches contre la lutte à la pauvreté, une qui est celle: Laissons faire le marché ? c'est un peu court, là, vous m'excuserez, mais je sais que le temps passe vite, il faudrait nuancer ? laissons faire le marché. Et puis le temps intervient et fait... Gouvernement après gouvernement ? il n'y a aucune coloration partisane de quelque nature que ce soit ? fait un petit programme sur ceci, un autre programme sur cela, un autre programme ici, un autre programme là, et ça émarge de différents ministères, organismes, etc., mais la ligne directrice, les principes de fond, la conception même de la pauvreté... Et, on en a parlé tout à l'heure, c'est pourquoi nous insistons, nous, sur la définition réelle de la pauvreté qui est celle des Nations unies, comme c'était évoqué d'ailleurs dans le document sur la stratégie. Mais on voit bien que, sinon, ça risque d'être interprété avec l'effet pervers des bons pauvres puis des mauvais pauvres.

Je conclus là-dessus, les mauvais pauvres, là, les stéréotypes n'arrêtent pas depuis 40 ans, 50 ans. C'est toujours les mêmes, on les entend sur les lignes ouvertes. Le pauvre, hein, c'est, bien, le paresseux qui ne veut rien foutre, qui ne veut absolument pas s'en sortir, qui reste assis chez lui, il attend pour vivre grassement avec son chèque de l'aide sociale. Et puis, quant à celui qui retourne dans le milieu du travail, eh bien il est un salarié qui ne veut travailler, paresseux qu'il est, que le nombre de jours requis pour se qualifier à l'assurance chômage puis obtenir son assurance, ou son assistance emploi ou assurance emploi, et puis, après ça, recommencer le cercle de l'aide sociale. Ces stéréotypes-là doivent être cassés. C'est le concept des bons et des mauvais pauvres. Ce n'est pas comme ça que les choses se déroulent dans la vraie vie. Et toutes les tentatives, à ma connaissance, depuis 50 ans pour tenter de démarquer les aptes au travail, les inaptes au travail, avec cette zone constamment grise de l'entre-deux, là... Il y a des aptes qui deviennent inaptes, des inaptes qui deviennent aptes. Il y a des gens qui seront toujours, pour toutes sortes de raisons indépendantes de leur volonté, incapables de travailler. Ce sont de mauvais pauvres? C'est pour ça qu'on insiste sur, un, dans le préambule; deux, sur la définition de la pauvreté; et, trois, sur la transposition des droits économiques et sociaux, mais de façon responsable, dans les droits fondamentaux. Sinon ? et je termine là-dessus ? sinon, par exemple, le droit à un niveau de vie... à un revenu décent, affaire Gosselin, qui est en Cour suprême présentement, ça va finir toujours comme ça, devant les tribunaux, sept, huit, dix ans pour aboutir... Pour aboutir à quoi? Je ne le sais pas.

Le droit au logement. Le droit au logement, il est implicite, mais il n'est pas explicite dans la Charte. Alors, le droit au logement, à condition qu'on réussisse, comme en juillet dernier, à le combiner avec l'âge. Vous discriminez parce que vous ne voulez pas laisser rentrer une famille monoparentale avec enfant. Même une petite annonce qui dit: Couple sans enfant, tu sais, ce n'est même plus caché, là. Alors, dans ces conditions-là, la personne, entre guillemets, pauvre, ses droits, là, ça signifie quoi? Ça signifie rien quand on a à se battre dans des conditions pareilles.

Je m'excuse, j'ai pris un petit peu de temps, là, je voulais me...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vachon. Il vous reste six minutes, à peu près. Disons cinq et demie.

M. Payne: Oui. Me Marois, depuis le début de nos audiences, on a vu un consensus émerger, je crois qu'il faut investir pour prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale et d'intervenir plutôt que réparer les dommages causés par la suite par la pauvreté. Et la preuve a été déposée également qu'il s'agit d'une stratégie bien moins coûteuse d'investir dans la prévention. Autrement dit, on investirait davantage dans l'exercice des droits, que ce soit la jeune enfance, la formation ou le logement, plutôt qu'avoir le recours... ce que j'appellerais le droit de réparation des droits lésés. N'empêche qu'il existe beaucoup de préjugés à cet égard-là. Vous, vous étiez un élu, on a siégé ici ensemble...

M. Marois (Pierre): ...

Une voix: Dans une autre vie.

M. Payne: ...un progressiste, un catalyseur, un ministre senior, un négociateur, un haut fonctionnaire. J'aimerais piger dans vos expériences. De quelle façon pouvons-nous persuader les sceptiques que cet investissement dans la prévention est rentable?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Marois.

M. Marois (Pierre): Je crois ? et, nous l'évoquons dans notre mémoire, donc je comprends que vous le lirez attentivement, alors je ne vais pas revenir sur ce qui est évoqué dans notre mémoire ? c'est aussi implicite et, en un certain sens, presque explicite dans le troisième considérant et le quatrième considérant en préambule, hein? «Considérant que la lutte contre la pauvreté et l'exclusion [...] est un impératif national s'inscrivant dans un mouvement universel ? je ne suis pas sûr que c'est encore si universel que ça, mais enfin il faut pousser ? visant à favoriser l'épanouissement social, culturel et économique de tous les êtres humains.» Bon.

Il y a... C'est un peu... Encore là, vous m'excuserez si je tranche... si je tourne les coins carré, mais il n'y a pas si longtemps, je dirais dans les années... Bon, même encore dans les années soixante-dix, bien des gens étaient d'avis et le disaient... Et, les stéréotypes dont je parlais tantôt qui aboutissent sur des lignes ouvertes ne font que confirmer cette pensée-là, bien des gens étaient d'avis que les inégalités de revenus ? je pèse mes mots, là, je pourrais citer qui puis d'où ? que ces inégalités de revenus favorisaient la croissance et qu'il existait un conflit entre la croissance économique et la recherche de l'équité.

Deux approches, deux concepts. Occupons-nous du développement économique, créons de la richesse, créons des emplois, et on pourra peut-être redistribuer, ce qui était un concept que je pousse beaucoup plus loin, là. De plus en plus, de plus en plus ? et, moi, je pense que c'est en les mettant à contribution, et d'où l'importance de l'Observatoire soit dit en passant ? de plus en plus, en les mettant à contribution, on s'aperçoit que des économistes ont regardé à nouveau cette problématique-là, et, par exemple, pour ne pas même les prendre chez nous, l'équipe d'économistes de Harvard dirigée par l'économiste Aghion dit: Bien au contraire ? dans le sens de votre remarque ? bien au contraire, c'est en investissant dans la pauvreté... Investir dans la pauvreté, pour ceux et celles qui ne veulent voir que sous le seul angle économique et ne même pas tenir compte des humains qui sont là... Bon, bien, pour ceux-là, là, sous le seul angle économique, c'est rentable d'investir dans la lutte contre la pauvreté, c'est rentable d'investir contre l'iniquité.

Il y a eu des études qui ont été faites. Le gouvernement en a, l'opposition aussi en a. Je pense au programme Apport, je pense antérieurement au programme Supplément au revenu de travail, à toutes les études qui ont mené à ça, d'autres études sûrement encore plus récentes, qui ont toujours démontré que, dans certains cas précis d'intervention, les investissements directs de lutte conte la pauvreté et l'exclusion devenaient rentables en bout de piste. En d'autres termes, ce ne sera pas rentable la première année, mais ça va le devenir. En ce sens-là, s'il y a plus de gens logés, moins de gens discriminés, plus de gens qui ont un revenu décent, plus de gens qui ont un accès à un emploi qui leur convient et qu'ils acceptent, plus de gens qui ont la chance de se former, plus de petits flos, de petits mousses dont les droits sont protégés ? et je pourrais continuer ? plus on a une société qui, sur le plan humain, est apte à décider d'elle-même le genre et la nature de collaboration qu'elle prête à apporter pour construire son coin local ou régional du Québec. Et c'est un investissement qui, dans ce sens-là, est rentable, pour le prendre strictement sur le plan économique puis en me fondant sur les économistes de Harvard, par exemple.

n (10 h 10) n

Et il y a d'autres courants dans d'autres pays où on pourrait transposer, puis on va voir la même chose. On s'aperçoit que, pas loin de chez nous, là, hein, il y a des frontières... Je ne veux pas en nommer, mais on regarde aller ça, les stratégies sont loin d'être évidentes et concluantes. Ils se basent beaucoup plus sur la première approche que j'ai évoquée que sur la deuxième. Quand on regarde des petits pays, à travers le monde, de six, huit, 10 millions et même des plus gros ? je pense à l'Autriche, par exemple, ou à d'autres ? qui ont carrément dit: Nous adhérons au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, en conséquence la lutte contre la pauvreté, c'est une lutte pour les droits et libertés de la personne, en conséquence ça a un effet de prévention, de correction, et la conséquence nette de ça, c'est que les gens peuvent exercer leurs droits. Si on veut ne le regarder que sur le plan économique, la conclusion, c'est que c'est rentable sur le plan économique. Et je pense qu'il ne faudra pas arrêter de le dire si les parlementaires se mettent d'accord sur une approche comme celle-là, d'autant plus que vous comptez ? et ça, c'est un aspect important ? vous comptez sur un appui, sur une mobilisation de ce qu'on appelle dans le jargon d'aujourd'hui ? mais les réalités n'ont pas changé, juste les mots, là ? ce qu'on appelle aujourd'hui la société civile. Bon.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, avant de céder la parole à mon collègue, je voudrais faire seulement qu'un seul commentaire pour votre réflexion. Je trouve tout à fait anormal et aberrant, entre autres, qu'une personne qui reçoit une rente ou une pension... une indemnité, c'est-à-dire, pour acte... victime criminelle et... crime, c'est-à-dire, d'agression, et que, par la suite, se voie... se retrouve sur l'aide sociale et qu'on lui coupe cette indemnité finalement qui, à mon avis, est reliée directement à la personne. Alors, peut-être que vous pourriez réfléchir sur ce cas.

Mon collègue, député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Plaisir de se revoir ici. Je disais à la blague tantôt: Une fois qu'on a dans le sang le salon rouge puis le salon bleu, tu sais, on ne peut pas s'en passer, semble-t-il, M. Marois.

M. Marois (Pierre): ...parce que c'est vous, les parlementaires, qui avez décidé de nous élire, là.

M. Sirros: J'aime mieux ce contexte d'échange, de toute façon, avec vous. Mais le commentaire de la présidente nous remet un peu sur l'approche que vous préconisez qui est finalement un pas assez important, assez de fond, d'inclure dans la loi la reconnaissance des droits sociaux et économiques qui sont mis de l'avant dans la Charte de façon générale et qui sont, selon vous, le parent pauvre, pour reprendre ce terme-là, des droits qui sont dans la Charte. L'exemple qui est donné pourrait très bien en être un, dans le sens que, tu sais, il y a des droits que les gens ont par rapport à des programmes votés pour l'ensemble de la société dont ils sont privés quand ils sont en situation de pauvreté, parce que, finalement, l'État récupère ce privilège ou ce droit qu'ils ont en redonnant de l'autre main. Donc, on voit aussi que ça a des conséquences très réelles de faire ce pas-là.

Et je lisais ce que vous nous rapportez à la page 33 où on parle même de la Cour suprême qui, bon, parlait de la nécessité de trouver un équilibre entre ça. Comment est-ce que vous le voyez? Parce que vous avez effectivement siégé au Conseil des ministres, vous avez même été ministre responsable de la Sécurité du revenu à un moment donné et vous connaissez aussi toutes les autres contraintes qu'un gouvernement puis un État... auxquelles il fait face. Bon, entre accorder des droits qui donnent, qui octroient des droits économiques par le fait même aux citoyens et entre offrir des protections pour les droits économiques et sociaux, il y a une marge, il y a une différence. Vous soulignez quelques exemples de divers pays, et on voit que c'est plus vers le deuxième bout que certains pays vont. Mais j'aimerais vous entendre un peu plus sur cet aspect de l'équilibre à rechercher et comment vous le verriez de façon concrète dans la loi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Marois.

M. Marois (Pierre): Je vais faire un premier commentaire, puis après Me Bosset va y aller d'une façon beaucoup plus pointue et détaillée là-dessus.

Lorsque la Charte a été adoptée, une façon retenue à l'unanimité par les parlementaires de l'époque pour son entrée en vigueur a été une entrée en vigueur de façon progressive. Tout n'a pas été mis en place, même sur les droits, ce qu'on appelle les droits fondamentaux, c'est-à-dire les droits auxquels, pour y contrevenir ou pour passer outre, le législateur doit insérer ce qu'on appelle une clause «nonobstant», hein? Ce sont les articles, maintenant, 1 à 38. Au début, ça ne portait pas sur l'ensemble des articles 1 à 38. En d'autres termes, il faut y aller de façon responsable, au fur et à mesure que le législateur, le gouvernement, la société est prête à franchir les étapes concernées. C'est le même type d'approche qu'on propose. Mais, si on ne va pas dans ce sens-là ? ça va être le sens de mon commentaire général ? si on ne va pas dans ce sens-là, eh bien vous avez des droits... Je pense au droit au logement, là, parce qu'on a eu à en plaider devant les tribunaux, qui est implicite, qui est dans les droits socioéconomiques.

Vous avez beau dire: Aïe! Ça suffit, la discrimination, eh bien il faut prendre les cas, puisque ce n'est pas un droit fondamental, mais qui est dans les droits économiques et sociaux... Il faut prendre le droit, il faut le conjuguer avec l'article 10, là, dans les droits fondamentaux, le droit à la pleine égalité, pour faire le joint avec la race, la couleur, l'origine sociale, la condition sociale, l'âge, les enfants, par exemple, et c'est par ce biais-là qu'on réussit à le faire. Ensuite de ça, bien il faudra revenir sur d'autres aspects, mais les tribunaux ont aussi rétréci le champ de compétence de la Commission dans d'autres domaines. Mais, sur les droits fondamentaux, c'est une très belle illustration. Sur le reste, je vais laisser Me Bosset vous donner quelques éléments supplémentaires.

M. Bosset (Pierre): Je pense que la meilleure façon de répondre concrètement à votre question, ça serait de partir d'un exemple vécu. M. Marois parlait tout à l'heure de l'affaire Gosselin qui est une cause actuellement devant la Cour suprême. Indépendamment du jugement qui, un jour, sera rendu, je peux vous expliquer en quoi consiste le problème de façon, je pense, assez neutre. Dans cette affaire-là, dont les faits remontent à une quinzaine d'années, on était face à la distinction, qui existait à l'époque dans la Loi sur l'aide sociale, entre les bénéficiaires de moins de 30 ans et les plus de 30 ans. Mme Gosselin, à l'époque, avait moins de 30 ans et recevait quelque chose comme 180 $ par mois de prestations. Si elle avait eu 30 ans et un jour, elle aurait eu droit à 400 $, donc une énorme différence, et elle a contesté cette différence devant les tribunaux.

La question que pose l'affaire Gosselin, c'est... Une des questions que pose l'affaire Gosselin, c'est: Est-ce que cette différence entre la prestation des moins de 30 ans et celle des plus de 30 ans porte atteinte au droit qui est reconnu à l'article 45 de la Charte? L'article 45 de la Charte, actuellement, dit que «toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales [...] susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent». Ce que la Commission prétend devant la Cour suprême, c'est que l'article 15 comporte un noyau dur de droits, une sorte de plancher en bas duquel on ne devrait pas pouvoir aller, même le législateur ne devrait pas pouvoir aller. C'est la prétention de la Commission. Ce n'est pas la prétention, bien sûr, du Procureur général, et ce sera la Cour suprême qui tranchera.

Mais, vous voyez un peu le genre de question que ça soulève, si l'approche que nous proposons dans notre mémoire était adoptée et retenue pour l'ensemble des droits économiques et sociaux, ce serait le genre de question qui pourrait être tranché éventuellement par les tribunaux. Mais ce que nous proposons, c'est que c'est d'abord la loi, le législateur qui aura le premier mot dans ce genre de débat, mais qu'il ne devrait pas pouvoir porter atteinte au noyau essentiel des droits. Et on a présenté dans notre mémoire des exemples étrangers où des constitutions de pays tout à fait développés, industrialisés reconnaissent également l'importance de protéger le noyau essentiel des droits économiques et sociaux et reconnaissent qu'en dernière analyse il peut arriver que ce soit les tribunaux qui auront à le faire, à trancher, et les tribunaux... Soyons honnêtes, les tribunaux tranchent, mais ils tranchent en toute connaissance de cause et ils tranchent de façon nuancée bien souvent.

Et, dans le mémoire, on a donné des exemples de cas où les tribunaux pourront, bien entendu, annuler une disposition législative, mais ils pourront aussi faire d'autres choses. Ils pourront, par exemple, suspendre l'application d'une disposition dans un cas particulier en attendant que le législateur remédie à la situation. Ils pourront, dans certains cas, même se contenter de constater qu'une disposition est incompatible avec le noyau essentiel tout en laissant au législateur le soin de remédier à la situation plus tard. Donc, je pense qu'il y a une souplesse qui est inhérente à la solution qu'on propose, et c'est cette souplesse qu'on retrouve aussi dans les pays qui ont accepté, comme nous vous le proposons, de consacrer le statut juridique des droits économiques et sociaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: C'est justement l'exemple que vous donnez sur lequel j'aimerais qu'on élabore plus, parce qu'on parle beaucoup des besoins essentiels, et le concept qu'il y a un noyau dur de droits, le droit à une vie décente en bas duquel on ne peut pas y aller, c'est le mot «décent», évidemment, qui est subjectif. Peut-être oui, peut-être non, là, mais quelqu'un doit l'interpréter à un moment donné et remettre aux tribunaux la définition du seuil de ce qui est décent. Il est difficile pour un gouvernement, peu importe qui il sera, d'accepter.

n (10 h 20) n

Par contre, une définition d'un seuil auquel on serait arrivé comme ensemble ou comme société, qui donnerait une indication à la cour, reviendrait à dire finalement: La cour doit s'assurer que ce droit est protégé dans la mesure où c'est prévu par un tel programme, et ce programme ne peut pas avoir d'effets qui vont en bas de ça comme on a, par exemple, à l'heure actuelle. On a des ponctions qui sont faites au niveau de l'assurance médicaments, on a des ponctions qui sont faites pour refus de participer à une mesure quelconque, en bas d'un seuil qui est déjà minimal. Alors là il y a tout le cheminement à faire entre ce que la société peut supporter ou décide de supporter financièrement et le droit qu'on reconnaîtrait. Et, vous avez dit tantôt que c'était graduellement qu'on mettrait ça en application, est-ce que votre «graduellement» inclut également la capacité financière et la volonté politique finalement, tu sais, parce que c'est toujours une question de choix ultimement? Comment vous voyez le «graduellement»? Parce que, une fois qu'on le met, c'est exerçable. Une fois que c'est exerçable, ça devient contraignant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Me Marois.

M. Marois (Pierre): Il faut qu'il y ait un lien. Voyez, il faut faire attention, parce que la proposition que nous formulons se situe bien dans le cadre de l'ensemble du projet de loi dont nous parlons, hein, donc d'une situation différente à partir du moment où les législateurs, vous vous seriez donné, au Québec, un instrument juridique permettant de convenir d'une cohérence dans l'approche et une détermination vraiment de lutter contre la pauvreté. Bon, ça part de là. Premièrement, dans la proposition telle que formulée, le législateur ? c'est bien important de le comprendre ? le législateur et le gouvernement va, lui, déterminer ce qui sera ou ce qui ne sera pas un contenu suffisant ou un minimum décent. Il y aura des débats de société, le gouvernement tranchera. C'est comme ça que les choses se passent en démocratie.

Un élément nouveau, cependant, extrêmement important, c'est qu'il y aurait un observatoire où là un certain nombre de chercheurs, de gens expérimentés, de gens équipés, peu importent les provenances, les horizons socioéconomiques, vont pouvoir en arriver à cerner d'abord la notion même de pauvreté. Vous savez que, sur la notion de pauvreté, il y a des définitions qui varient, il y a des façons de la calculer différentes, etc., et la pauvreté n'a pas qu'une seule et unique dimension économique ou financière. Je pense que vous le savez mieux que moi, je dirais, par votre expérience dans certains milieux.

Puis, alors, l'Observatoire, lui, va formuler des recommandations au gouvernement à partir des constats. C'est pour ça que, nous, on dit: En plus, mobilisez la société, mais que les constats faits par l'Observatoire soient rendus publics dans un délai à convenir une fois que le ministre les a reçus. Mais tous les constats, que les données sortent, que ce soit répandu, que ce soit public. C'est comme ça qu'on va lutter, d'ailleurs, contre les préjugés.

Et aussi, à partir de ce moment-là, rien n'empêche le législateur de déterminer à quel moment les droits économiques et sociaux qui sont présentement... qui n'ont pas besoin d'être ? passez-moi l'expression ? «nonobstantés» deviennent des droits fondamentaux. C'est le législateur qui va décider de l'entrée de ces droits-là, à quel moment il vont entrer. Évidemment, là, toutes les composantes se tiennent, et il y a comme un ordre dans le temps pour les exécuter, les réaliser, sinon ça ne serait pas réaliste. Pierre Bosset.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...

M. Bosset (Pierre): Oui, brièvement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...c'est tout le temps qui est mis à notre disposition, malheureusement.

M. Bosset (Pierre): Oui. Juste pour compléter, il faut tenir compte aussi d'une recommandation que nous faisons par rapport à l'article 15 du projet de loi, un article très important qui semble passer inaperçu, hein? L'article 15, c'est celui qui dit que le gouvernement va tenir compte des autres priorités nationales et de l'enrichissement collectif. On est d'accord avec ça, on ne remet pas en cause ces critères d'enrichissement collectif et de priorités nationales, mais on dit: Tenez compte, comme contrepoids, d'autres facteurs qui sont la nécessité de porter attention aux groupes les plus vulnérables et la nécessité de tenir compte de l'ensemble des ressources qui peuvent être mobilisées. Alors, on reconnaît, même dans nos recommandations, que des facteurs comme la capacité de payer, pour reprendre, je pense, la préoccupation que vous avez, sont pertinents, mais qu'ils doivent être contrebalancés par d'autres facteurs.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Me Marois, Me Bosset et Mme Garon, j'ai l'agréable tâche, au nom de tous les membres, de vous remercier pour avoir participé à cette commission.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants du Parti québécois de bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 26)

 

(Reprise à 10 h 28)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission poursuit ses travaux avec les représentants du Parti québécois. Alors, je crois que c'est M. Jean-François de la Chevrotière, deuxième vice-président, qui fera lecture du mémoire, alors... De toute manière, je vous cède la parole, et veuillez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 15 minutes pour cette présentation de votre mémoire.

Parti québécois (PQ)

M. de la Chevrotière (Jean-François): Merci, Mme la Présidente. Mmes les ministres, distingués membres de la commission, je vais introduire le sujet, donc le mémoire, très rapidement et je vais me faire appuyer, parce qu'on a travaillé... C'est un peu un collectif, en quelque sorte, qu'on vous présente aujourd'hui. Mme Marie Galarneau sera... Et, juste à ma gauche, à mon extrême gauche, Marie Galarneau est présidente du Comité national d'action politique des femmes au Parti québécois et elle nous présentera quelques éléments de recommandation. Et Jonathan Valois, qui est conseiller au programme à l'exécutif national du Parti, qui fait de lui aussi notre président de la commission permanente du parti, lui, est en quelque sorte le maître d'oeuvre de ce qui vous sera présenté aujourd'hui. Donc, il connaît bien son document, et je suis certain que vous allez bénéficier de cette présentation-là. C'est ce que je souhaite de toute façon.

Quel magnifique hasard, 17 octobre, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, M. Marois également l'a mentionné, l'Assemblée générale des Nations unies proclamait donc cette journée-ci Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté, et c'est très bien ainsi.

D'entrée de jeu, donc, j'entends... Je vais me référer au texte, mais pas exclusivement au texte que vous avez sous les yeux, partiellement. Mais il y a des valeurs fondamentales dans ce texte-là que je ne voudrais surtout pas escamoter, donc je vais quand même me référer légèrement au texte.

n (10 h 30) n

Le texte commence par, en introduction: Nous voulons faire du Québec un pays. Je pense que je n'étonne pas personne en disant ça ici, étant du Parti québécois. Mais on ajoute très rapidement: Parce que nous voulons, chaque jour, avoir la capacité de répondre aux défis découlant des réalités sociales, économiques, culturelles, démographiques et politiques qui le caractérisent. La lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale constitue une de ces réalités qui interpellent l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Notre responsabilité individuelle et collective face à ce défi n'est pas que relative au palier de gouvernement qui n'en possède pas les juridictions. Elle ne se limite pas simplement à des considérations bêtement constitutionnelles. Notre responsabilité découle d'une de nos valeurs fortes au Québec, c'est-à-dire la solidarité, valeur qui est bien vivante et bien vibrante au sein du Parti québécois que j'ai l'honneur de représenter ici, ce matin, avec vous.

D'ailleurs, pour les fins de ce mémoire, nous avons fait un court rappel historique des propositions et des actions du Parti québécois sur le dossier de la pauvreté et de l'exclusion sociale. On ne sort pas soudainement ça d'un chapeau au Parti québécois, on a un historique derrière ces valeurs-là. Vous serez à même de constater que cet enjeu se situe au coeur de nos préoccupations. Les militants, militantes du Parti québécois ont sans cesse répété avec cette même conviction qui nous est propre que la souveraineté du Québec et la solidarité des Québécoises et des Québécois se trouvent à la base des solutions que nous devons apporter. Si, par hasard, vous y voyez un lien souveraineté, solidarité, ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'il y en a un.

Également, notre mémoire examine en quoi le projet de loi n° 112 constitue une réponse moderne à des problèmes changeants. La pauvreté et l'exclusion sociale sont des problèmes majeurs des pays industrialisés. Il est donc pertinent d'observer, dans un premier temps, la mondialisation et ses effets, pour ensuite évaluer en quoi la loi québécoise proposée peut devenir une solution adéquate à ces problèmes que nous avons en commun avec les différents États.

De plus, parce que la pauvreté et l'exclusion sociale constituent ici, au Québec, la source principale d'alimentation de plusieurs problématiques sociales, nous avons, toujours au travers ce mémoire-là, examiné quels sont leurs effets sur les différentes catégories sociales qui composent le Québec. Je pense aux femmes, aux aînés, aux communautés culturelles, aux jeunes qui, de toute évidence, ont une relation, disons, particulière avec la pauvreté et l'exclusion. Par conséquent, nous croyons que le plan d'action gouvernemental qui suivra l'adoption de la loi doit, lui aussi, offrir des solutions concrètes aux réalités propres à ces diverses catégories sociales.

Finalement, nous avons examiné comment le projet de loi n° 112 nous invite à réfléchir tous et chacun sur les actions à entreprendre et les solidarités à bâtir dans nos localités et nos communautés.

Je vais maintenant, avec la permission de la présidence, passer la parole à M. Valois qui va nous brosser un tableau du corpus, en quelque sorte, de ce mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. de la Chevrotière. M. Valois, à vous la parole.

M. Valois (Jonathan): Oui, merci. En quatre temps, je vais vous présenter le corpus qui est, de toute façon, le document qui vous a été distribué voilà déjà quelque temps, là. Premier temps, le Parti québécois et la solidarité. Je pense que Jean-François en a très bien fait mention, ce n'est pas d'hier que le Parti québécois s'intéresse à la solidarité. D'ailleurs, le progrès social, l'identité québécoise et la souveraineté du Québec sont les trois grands piliers qui font en sorte qu'on milite au Parti québécois et non pas ailleurs. Et c'est ça qui fait que, moi, je suis membre du Parti québécois, parce que je suis progressiste, parce que je suis souverainiste et parce que je crois en l'identité québécoise, et qu'on doit la développer, la maintenir. Alors, c'est ce qui fait en sorte que je ne me retrouve pas dans aucun autre parti que dans celui-là. O.K.? Alors, lorsque j'ai dit ces trois éléments-là, vous comprenez qu'un élément fort qui est là depuis notre constitution, depuis qu'on existe comme parti, bien c'est celui du progrès social et donc de la solidarité entre le Québécoises et les Québécois.

Cet élément-là est revenu aussi en 2000, lors de notre dernier congrès, Un Québec pour le monde, où on a décidé, tout le monde ensemble ? et je vous en ai donné un extrait ? d'amener une proposition de loi visant à lutter contre la pauvreté. Et, depuis 2000, à chaque conseil national qu'on avait, il y avait toujours des propositions pressant le gouvernement à agir dans ce sens-là parce que ça faisait partie de notre programme, cette idée d'aller de l'avant. Et il y a d'autres éléments qui font partie de notre programme, notamment l'article 1, qu'on aimerait bien voir mettre de l'avant un jour aussi, mais, entre-temps, quand même, il faut comprendre que celui-là était aussi très ambitieux à l'époque, de mettre ça dans notre programme, et qu'on est très fier, aujourd'hui, que le gouvernement aille de l'avant. On est très fier aussi, très fier d'appartenir à un parti où tous les âges peuvent débattre du Québec dans lequel ils veulent vivre.

Et, ici, vous me permettrez un aparté que je trouve très important, un genre de message d'espoir à plein de gens que je côtoie un peu partout lors de mes rencontres ? j'ai la chance de faire un peu le tour du Québec, aller jaser avec les gens, surtout avec mes nouvelles fonctions de responsable du programme ? un message d'espoir du sens que, oui, il y a des jeunes au Parti québécois, il y a des jeunes qui croient en la solidarité au Parti québécois, il y a des jeunes qui, autrement qu'une génération qui a pris la parole depuis quelque temps, ne croient pas en une «flat tax», en des bons d'éducation ou en un système de santé à deux vitesses. Il y a une jeunesse militante, avec qui j'ai milité depuis les années quatre-vingt-dix, qui ont pas mal tous, ou la plupart, fait le choix du Parti québécois et qui, encore aujourd'hui, y militent, parce qu'on le voit bien aujourd'hui, ne serait-ce que parce que nous sommes le seul parti à déposer un mémoire, que tous les gens qui vivent d'exclusion, de pauvreté ou d'isolement trouvent qu'il n'y a un relais qu'à l'intérieur d'un seul parti, le Parti québécois. Je suis très content d'appartenir à cette formation politique.

Autre chose dans notre document, que vous pouvez voir, c'est la mondialisation et la solidarité. La solidarité, ce n'est pas un vieux projet de soixante-huitards en mal de sensations fortes, c'est un projet qui est très actuel, qui est très 2002, qui est très moderne dans sa façon dont on doit la regarder, cette idée d'exclusion, cette idée de pauvreté. Le monde a changé beaucoup, les pays industrialisés ont vu leur structure industrielle se transformer. Nous sommes de plus en plus technologiques, nous sommes de plus en plus mondialisés, et cette idée de l'exclusion, on ne doit pas la regarder de façon aussi homogène qu'avant.

Alors, il y a de multiples façons de regarder l'exclusion, et la pauvreté ne se regarde pas simplement dans le fait d'appartenir à une classe qui s'appelle les assistés sociaux. La pauvreté, maintenant, il y a aussi les gens qui sont les travailleurs à temps partiel, il y a aussi des contractuels, il y a aussi des mères monoparentales. J'aurais pu dire «parent monoparental», mais ça aurait été vraiment de cacher la vraie réalité qui est celle des mères monoparentales. Il aurait été aussi... De comprendre que toutes ces réalités-là font en sorte que cette idée d'exclusion est de plus en plus présente et qu'à des nouveaux défis d'exclusion on doit répondre par une nouvelle architecture de services sociaux, et c'est ça que le gouvernement essaie de mettre en oeuvre. D'ailleurs, dans l'Europe aussi, dans les Europes, c'est un peu les questions qu'on se pose: Comment affronter de façon moderne des défis de pauvreté et d'exclusion qui sont changeants et qui sont de plus en plus... comme je disais, qui sont de moins en moins homogènes? Alors, de ce côté-là, le gouvernement non seulement peut se vanter d'être dans le sens de ce qui se passe dans la mondialisation, mais en plus se vanter que, lorsqu'il sera adopté, ce projet-là, d'être même un porte-parole puis un précurseur d'actions dans ce sens-là. Ça, c'était le deuxième point.

Le troisième point, c'est tout ce qui s'appelle les gens, les militants du parti qui ont voulu regarder d'un oeil vraiment différencié les différentes façons dont la pauvreté peut se vivre. Notre Comité d'action politique des femmes, le Comité de l'intégration pour les communautés culturelles, le Comité national des aînés, le Comité national des jeunes ont chacun une optique qui leur est propre de parler d'exclusion. Les femmes vont nous parler d'exclusion en nous parlant à quel point c'est structurel, l'exclusion des femmes et la pauvreté des femmes. Les communautés culturelles vont nous parler de pauvreté et d'exclusion non pas de façon structurelle, mais à quel point leur communauté est importante. Donc, les actions locales dans les rues, de tous les jours, c'est là que se vit la vie beaucoup chez les communautés culturelles. Les jeunes vont nous parler de l'accès au marché du travail, de la facilitation qu'on doit donner à la syndicalisation, cette idée de précarité qui est tellement rendue présente que, je vous dis bien honnêtement, je pense me présenter député parce que c'est la job qui me donne quatre ans.

Il n'y a plus nulle part qu'on m'offre ça, quatre ans, moi. Quatre ans à plus de 60 000 $ par année, j'y pense. Je vous le dis, j'y pense. C'est une des jobs les plus sécures qu'on ne peut pas avoir comme jeune aujourd'hui. À l'époque, nos parents nous disaient le contraire, aller en politique, hein, ce n'est pas évident. Aujourd'hui, c'est la chose la plus évidente qui ne nous est pas offerte. Alors, les jeunes regardent ça d'un oeil... Je fais des blagues, là, pour ce qui est de me présenter député, là. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Jonathan): Je regardais les autres qui prenaient des notes, j'ai dit: Wo! Attention, je vais... On va regarder ça.

n (10 h 40) n

Les aînés... Et, il faut vraiment comprendre, pour ce qui est du document, les aînés, eux autres, se retrouvent peu ou pas. Le document est beaucoup orienté emploi, et je le comprends, parce que travailler, c'est quelque chose qui, dans les sociétés industrielles, même postindustrielles... On ne nous demande plus c'est quoi, notre nom de famille, hein? Je ne me fais plus demander je suis un petit qui, je me fais demander où c'est que je travaille. Alors, le travail est très important par rapport à notre identité, sauf que les aînés, eux, qui vivent de pauvreté et d'exclusion, ils ne seront pas réinsérés, là, à l'emploi. Alors, de voir qu'un document est si orienté vers l'emploi, eux autres, ils disent: Et nous, là-dedans? Et, nous qui allons vivre ça, vous ne pourrez jamais nous réinsérer ou nous faire rentrer sur le marché du travail, puis on a déjà donné de ce côté-là, alors est-ce qu'on est des oubliés? Alors là les aînés avaient ce questionnement-là. Alors, ça, c'était pour nos comités nationaux avec lesquels on s'est rencontré puis qui ont amené chacun leurs...

Le dernier point, vous ne serez pas surpris, c'est bien beau de parler tout le monde ensemble, tous les acteurs de la société civile, les syndicats, les groupes communautaires, les patrons, le gouvernement, puis même les localités puis dans les régions, cette idée d'être solidaire doit se faire, doit vivre, ça, on en convient, sauf que est-ce que les citoyens et citoyennes du Québec sont conscients que la moitié de leur impôt va à un gouvernement qui ne joue pas le jeu de la société québécoise, qui n'accepte pas de travailler main dans la main avec les autres acteurs de la société québécoise pour finalement régler ce problème d'exclusion et de pauvreté, qui fait cavalier seul, qui préfère, de son côté, sa visibilité à une vision d'ensemble d'une société qui décide de se prendre en main? Et ça aussi, on doit le regarder et vraiment regarder qu'est-ce que le gouvernement fédéral entend faire de ce côté-là. Alors, ça, c'est vraiment les quatre points qui ont été apportés, de réflexion, et de ça ont découlé quelques propositions que...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...une minute, madame.

Mme Galarneau (Marie): Suite à l'analyse de mes confrères, on va présenter... Excusez-moi, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Galarneau.

Mme Galarneau (Marie): ...je manque d'habitude, ça fait que... Suite à l'analyse de mes confrères, je vais vous présenter les recommandations qui sont sorties. La première recommandation concerne que, dans le prélude, on introduise un considérant supplémentaire concernant la pauvreté plus grande des femmes. Le considérant du Collectif pour une loi-cadre sur la pauvreté pourrait satisfaire à cette exigence.

La deuxième recommandation concerne l'article 41. Au premier alinéa, on ajoute, après le mot «d'indicateurs», les mots «différenciés selon les genres».

La recommandation 3, à l'article 7, on ajoute un cinquième point se lisant comme suit: «Reconnaître l'apport des aînés dans notre société et soutenir ceux et celles qui vivent dans la pauvreté et l'isolement social en rendant accessibles une diversité de services et de programmes adaptés à leurs besoins.»

Quatrième recommandation, à l'article 9, on ajoute un cinquième point se lisant comme suit: «De faciliter l'accès à la syndicalisation et améliorer les normes minimales de travail dans le but de sécuriser l'emploi et réduire les risques d'exclusion et permettre aux travailleurs et travailleuses de disposer de meilleurs revenus d'emploi et conditions de travail.»

La recommandation 5 concerne l'article 12. On ajoute l'alinéa suivant: «Afin de s'assurer d'une plus grande cohésion dans la mise en oeuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le gouvernement doit, dans les plus brefs délais, récupérer l'entière responsabilité et le financement afférent des programmes d'employabilité et de formation encore offerts par le gouvernement fédéral.»

Et, la dernière et sixième recommandation, qu'à l'article 60 on ajoute, à la fin du paragraphe: «Mais qu'un rapport d'étape soit remis après trois ans après la date de l'entrée en vigueur de l'article 56.» Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, messieurs dames, pour la présentation de ce mémoire. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je veux remercier, bien sûr, M. le vice-président, M. de la Chevrotière, M. Valois et Mme Galarneau. D'abord, vous savez, depuis 1998, souvent je dis: J'ai le privilège d'être la ministre du visage humain du Québec avec tous mes collègues, et il m'arrive fréquemment de parler de bonheur, que c'est nécessaire au sein de notre vie d'avoir ce bonheur constant. Et je tiens particulièrement à vous dire que je me suis reconnue dans les propos que vous avez tenus et je me permets d'en citer deux, quand vous dites ? et je cite ? dans votre mémoire: «La solidarité est une solution globale regroupant les milliers de coups de pouce effectués quotidiennement. Cette solidarité n'a comme seul objectif que de faire vivre le bonheur. Des petits bonheurs individuels et de gros bonheurs collectifs qui ne sont pas nécessairement liés à l'obtention d'un emploi.»

Deuxième citation: «S'il fait bon vivre dans nos villes, villages et campagnes, si partout nous nous sentons en sécurité ? et, je vais vous dire, je le dis souvent, le climat social que nous avons au Québec, vous dites ? c'est que le Québec a toujours eu un filet de sécurité sociale élémentaire. Éliminer la pauvreté, c'est se donner collectivement un endroit où nos écoles, nos rues et nos lieux publics seront des espaces d'échange fraternel.» Et nous en sortirons tous gagnants. Je ferme la citation. C'est que parler de bonheur, ça a encore sa place aujourd'hui. Puis de faire en sorte que le plus grand nombre possible puisse y avoir accès, je pense que ça, tout le monde peut le comprendre, et c'est un idéal que nous cherchons tous.

Je voudrais vous dire tout de suite qu'il y a deux recommandations, entre autres... Vous en avez fait certaines, mais il y en a deux particulièrement où je voudrais vous indiquer que, après discussion avec nos collègues, avec lesquels nous allons être très ouverts pour modifier cela... D'abord, que le rapport d'étape soit remis après trois ans après la date de l'entrée en vigueur de l'article 56, un délai plus court, on est tout à fait en accord avec cela. Et de mettre l'analyse différenciée selon les sexes, selon les genres à l'intérieur même du projet de loi, il y a eu plusieurs démonstrations ici qui nous ont été... D'abord, le Québec est un des seuls endroits au monde où nous avons fait en sorte de se doter, au sein des ministères, cette analyse. Il y en a sept actuellement. Et de le regarder sous cet angle-là, c'est un élément positif et constructif qu'on va également inclure dans notre projet de loi.

En terminant, je voudrais aussi vous remercier, parce que vous avez souligné quelque chose d'extrêmement important, et je ne peux, Mme la Présidente, passer sous silence... Vous savez, il y a eu un consensus au sein de notre Assemblée nationale avec la société civile la semaine dernière concernant le déséquilibre fiscal. Nous avons tous convenu qu'il était extrêmement important que les Québécois et Québécoises puissent récupérer les deniers publics, les impôts qu'ils paient. Dans certains cas, c'est 60 % au gouvernement fédéral et 40 %... Nous avions tous convenu avec la société civile qu'il fallait que l'on corrige le déséquilibre fiscal. On apprend que le choix qui a été fait actuellement est de mettre les surplus de plusieurs milliards, près de 8, 9 milliards... et de les mettre sur la dette au niveau du gouvernement central.

Je vais vous dire, c'est au quotidien que les femmes et les hommes du Québec ont des besoins, santé, éducation, soutien à la famille, et ça touche et ça interpelle directement notre stratégie de lutte à la pauvreté, et si... Et nous avons clairement indiqué qu'indépendamment des choix que le fédéral ferait c'est un choix que notre gouvernement a fait de déposer un projet de loi, de se donner un plan d'action avec une enveloppe budgétaire de plus de 1,5 milliard pour lutter contre la pauvreté, mais il est évident que si, au niveau du déséquilibre fiscal, les Québécois et Québécoises ne sont pas respectés dans leurs choix et dans leurs droits, je vais vous dire, je pense sincèrement qu'il va nous falloir, comme société, aller encore plus loin ensemble, parce qu'on ne pourra pas continuer de cette façon-là. Et je vous remercie de l'avoir soulevé parce que ça a un lien direct avec notre action pour lutter contre la pauvreté, mais aussi toutes ces mesures sociales auxquelles nous tenons tous et toutes. Alors, je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Alors, je suis fière de mon parti aujourd'hui. Je suis fière d'être souverainiste et d'être sociale-démocrate. Je suis fière d'être une militante et, encore une fois, aujourd'hui encore plus. Je salue l'initiative du parti d'avoir réalisé un colloque sur la mondialisation, d'une part, car il y a un lien, dans le fond, très étroit entre la mondialisation, la solidarité, comme vous avez dit, mais, évidemment, la pauvreté.

Alors, ma question est telle que... Quelle devrait être l'attitude du gouvernement du Québec face à cette mondialisation et particulièrement au plan de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valois.

M. de la Chevrotière (Jean-François): Oui, je pense que Jonathan va voir à cette question.

M. Valois (Jonathan): Je l'ai un peu... Parce qu'il y a vraiment une grosse section, là, qui porte sur cette mondialisation-là dans notre document, parce qu'on ne peut pas faire fi de ça, que c'est vraiment... Maintenant, de plus en plus, là, la précarité, qui est à la source de l'exclusion et de la pauvreté, ne se vit pas seulement au Québec, mais c'est l'ensemble des pays industrialisés, maintenant, qui vivent avec cette nouvelle réalité là et qui doivent y faire face, là où on commence à regarder... où ce n'est plus simplement non plus de détenir un emploi qui est gage du fait qu'on va arrêter d'être pauvre ou de vivre dans une certaine pauvreté.

n(10 h 50)n

Alors, ça, il y a ces réalités-là, et ça, lorsqu'on commence à réfléchir, on doit se dire: Là, on vit avec réellement des problèmes qui ne seront pas des problèmes de masse, mais qui sont des problèmes vraiment, là, de... Quand je parle de problèmes de masse, là, c'est qu'il faut comprendre que, pas mal depuis les années soixante, cette idée-là, là, de mobilité sociale dans la masse, elle vit au Québec. Il y a moyen, lorsqu'on vient d'un milieu, à cause de notre système d'éducation, un système de santé accessible... C'est ça aussi, la solidarité. Avec l'aide aux familles, là, qui est de plus en plus efficace ? c'est ça aussi, la solidarité ? on peut avoir une possibilité de réussir sa vie puis de faire ce qu'on veut dans la vie pour la masse, sauf qu'il y a des réalités qui font en sorte qu'il y a des gens qui... Ce n'est pas pour tout le monde, et on doit vraiment, maintenant, se concentrer là-dessus. Autant les années soixante, les années soixante-dix ont été de l'éducation de masse, la santé de masse puis l'enrichissement de la masse, là ce n'est plus ça. Là, c'est la masse qui se regarde puis qui se dit: Aïe! On est un gros morceau à vivre ça, mais il y a des bouts qui n'en vivent pas. Il y a des bouts de décrocheurs, il y a des bouts de gens qui... Le système de santé, il est toujours perfectible, et il y a aussi... Du côté de l'exclusion puis de la pauvreté, il y a des gens qui y échappent, à cette richesse-là.

Alors, autant la mondialisation va nous permettre de créer des richesses comme jamais on n'a pu en voir créer, le problème, c'est qu'elles se distribuent mal. Alors là c'est de revenir vraiment à l'essentiel qui est de dire: Bon, bien, là, l'État-nation a un rôle à jouer là-dedans, et on a un rôle très important à jouer. Et, lorsqu'on regarde les autres sociétés industrialisées qui ont les mêmes problèmes, là, de pays riches, qu'on peut dire, ou de pays industrialisés, là, avec leur exclusion, puis tout ça, ils se donnent des moyens pour réagir à ça, pour répondre à ça, et on doit s'en inspirer. Puis, en plus, le Québec ? et c'est là que je suis très heureux du gouvernement du Québec dans ce sens-là ? pas juste s'en inspirer, mais devenir nous autres mêmes une inspiration pour les autres pays. C'est ça aussi, la mondialisation. C'est ça aussi, se comporter en État. On n'est pas des provinciaux ici, là, tu sais, puis le gouvernement du Québec issu du Parti québécois, j'espère qu'ils n'ont pas juste une mentalité provinciale de gestion de services, qui est très important d'ailleurs, mais on a une idée d'un collectif, de vivre ensemble, on a une idée de où on veut aller comme Québécois dans le monde, on n'a pas juste une idée de entre nous, qui est très fondamentale... Mais le «entre nous», où est-ce qu'on veut se déplacer avec ça?

Et ça, présentement il y a juste le Parti québécois qui a cette idée-là, hein, qui a une idée vraiment, là, qui sort du cadre de sa province. Ce n'est pas juste d'aller en Ontario faire un beau discours, là, c'est d'être partout sur les scènes du monde pour essayer de montrer comment nous, depuis les années soixante jusqu'à aujourd'hui, on l'a revirée, la crêpe, puis comment on a réussi à se donner des outils, et ça, ça peut être source de beaucoup de motivation pour d'autres pays qui cherchent, eux autres aussi, à trouver les voies du succès. Alors, c'est cette attitude très, très ouverte. Et certains pourraient nous dire: Oui, mais la mondialisation, écoutez, ce n'est pas de votre domaine de juridiction. Bon, on empiétera.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il nous reste trois minutes, Mme le député de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Galarneau, MM. Valois et de la Chevrotière. M. Valois, vous parliez tantôt de précarité d'emploi chez les jeunes. Effectivement, il y a quelque temps, on savait qu'il y avait des endroits où on pouvait travailler très longtemps, les sociétés d'État, la fonction publique. Vous savez que notre collègue le président du Conseil du trésor annonçait récemment un nouveau plan d'embauche dans la fonction publique pour les jeunes plus précisément, entre autres, mais, moi, je voudrais vous entendre. Vous parlez de précarité d'emploi, il n'y a pas un lien qu'on pourrait faire justement entre cette précarité d'emploi pour les jeunes et la volonté de l'Action démocratique qui veut justement abolir cette précarité d'emploi? Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valois.

M. Valois (Jonathan): Oui, merci. Pour ce qui est de la précarité, comprenons-nous bien, là, c'est bien de se donner des mesures pour aider les gens pour qu'ils puissent finir par non seulement insérer le milieu de l'emploi, mais sortir de l'exclusion, participer au développement pas seulement économique, mais au développement aussi social et culturel de la société québécoise, hein? On parle non pas seulement d'insertion, mais de participation au sens plus large, et c'est ça qui est important.

Mais, avant ça, avant qu'une personne se trouve dans cette situation-là, il y a des facteurs qui poussent plus facilement vers l'exclusion et la pauvreté, et ça, c'est la précarité en emploi qui va faire en sorte que, année après année, contrat après contrat, une personne va se retrouver à devoir se rechercher de l'emploi. La sécurité d'emploi, là, c'est ça qui fait en sorte qu'à moment donné tu penses à une famille, c'est ça qui fait, à un moment donné, que tu penses t'acheter une maison, que tu t'installes, puis c'est ça aussi qu'à un moment donné, plutôt que de survivre tous les jours, tu commences à t'impliquer dans ta communauté puis à donner du temps. Moi, j'ai milité dans le mouvement étudiant, là, à l'université, puis on se demandait pourquoi les étudiants ne militaient pas avec nous autres, comment ça se faisait qu'on était juste 1 000, 2 000, 5 000 dans les rues alors qu'on voulait être des dizaines de milliers. Bien, c'est parce qu'on était tous en guerre les uns contre les autres pour essayer de savoir c'est qui qui allait avoir la meilleure note sortis de l'université.

Parce qu'on est tous présentement dans cette réalité-là, alors, pendant qu'on s'occupe de nous autres, comment qu'on va réussir individuellement... Ce qui est très sain, sauf qu'on oublie de dire: Oui, mais on a aussi une collectivité dans laquelle on doit s'impliquer. Sauf que moi, présentement, lorsque je travaille dans un cégep, que je ne sais même pas si, l'année d'après, je suis professeur de sociologie au cégep, je ne sais même pas si, l'année d'après, je vais être encore enseignant, comment voulez-vous que je m'implique à faire vivre la vie étudiante dans mon campus, puis à m'impliquer dans les comités de programmes, puis à m'impliquer dans les comités d'études? Alors, j'ai toute une perte de potentialité qui est liée à cette précarité. La stabilité d'emploi, là, c'est ça qui aide à fonder les familles, alors comment est-ce qu'on peut avoir un discours pro-famille et contre stabilité d'emploi? Je ne connais pas le lien, moi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Je me sens interpellée, hein, je pense, avec raison. Ha, ha, ha! Premièrement, merci d'être là, parce que, moi, je pense que... J'ai beaucoup de respect pour le militantisme dans son ensemble puis je pense qu'une société est forte quand elle a des débats. Et je pense que, là-dessus, on contribue tous à amener le débat puis à faire en sorte que notre société avance. Je pense qu'on partage tous notre amour du Québec. On a des façons différentes de l'exprimer, puis ça, je pense que c'est correct aussi.

Une chose qui est certaine, je n'aime pas beaucoup les étiquettes. Alors, j'essaie de ne pas en donner aux autres et j'aime bien quand on ne m'en donne pas. Et, pour moi, la solidarité, ça s'exprime différemment. Ça peut s'exprimer de la façon que vous nous l'avez présenté, puis je suis à l'aise avec ça, mais, pour moi, ça peut aussi s'exprimer par un partage de responsabilités entre l'État, la communauté puis le citoyen. Ce matin, on était tous là, je pense, on a entendu des gens qui vivent en pauvreté, qui n'ont pas le goût d'avoir des étiquettes, et, pour moi, une des façons de vaincre ça, c'est d'instaurer un revenu minimum du citoyen. Je pense qu'au Québec, si on veut investir... On entendait tantôt monsieur... le précédent intervenant qui disait que d'investir dans notre capital humain, ça avait des répercussions hyperimportantes sur notre économie, et ça, j'y crois fondamentalement.

Par ailleurs, je crois aussi à la reconnaissance du travail des organismes dans le milieu. Je pense que dans nos communautés on a des organismes qui travaillent, qui ont des solutions et qui n'ont pas besoin d'avoir des enveloppes gouvernementales encadrées, blindées, qui font en sorte qu'ils n'ont pas de financement stable et qui les empêchent donc de jouir de fonds suffisants pour avoir une mission et mettre en place des solutions qui ressemblent grandement à leur communauté, aux besoins de leur communauté.

Ça fait que ma question est un peu simple. Alors, moi, j'ai le goût de savoir puis j'ai le goût de vous entendre là-dessus, est-ce que pour vous universalité représente équité?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valois.

M. Valois (Jonathan): C'est d'autant plus paradoxal comme question... De toute façon...

Mme Grégoire: ...d'autres participants aussi, pas juste de moi.

M. Valois (Jonathan): C'est cette question-là qui fait en sorte que justement ce revenu de citoyenneté est une mesure universelle de laquelle justement le parti, le gouvernement, après plusieurs réflexions... Ce n'est pas qu'on l'écarte, hein, loin de là, cette idée-là. Je pense qu'elle est très intéressante et que ça aurait été intéressant aussi, là, que les gens qui l'ont déjà apportée sous un projet de loi ou un autre l'amènent ici pour qu'on puisse en débattre. C'est bien beau, les débats, mais encore faut-il être présent aussi, là.

Mais toute cette idée, là, d'universalité, ce qu'il faut comprendre, c'est que l'universalité genre, du sens revenu de citoyenneté, l'université du genre «flat tax», l'universalité du genre tout le monde pareil, bien c'est une universalité qui est un peu... qui a un aspect magique, mais qui ne prend pas en compte certaines réalités qu'il faut vraiment faire attention.

Alors, l'universalité, c'est... Dans l'égalité, je la vois vraiment plus comme étant: Est-ce que les gens vont avoir des chances égales de participer? Et, en ce sens-là, il y a des gens qui, par le travail, vont avoir un déficit de participation aussi social à côté. Alors, ça, il faut aider ça aussi. Et il y a des gens qui... Le fait de ne pas avoir de travail ne fait pas en sorte qu'ils sont exclus de la société. Regardez les aînés, regardez les étudiants, les parents qui demeurent à la maison, pour ne nommer que ces personnes-là, ce n'est pas des gens qui sont exclus, et pourtant ils ne sont pas sur le marché du travail. Et, de l'autre côté, il y a des gens qui sont sur le marché du travail, mais qui vivent de pauvreté.

Alors là il faut vraiment, maintenant, proposer des actions qui, oui, vont prendre ancrage beaucoup plus dans les communautés, les lieux premiers où les gens, avec toutes ces réalités-là qui sont rendues multiformes, vont pouvoir agir dessus et non pas proposer quelque chose, là, de simple, simple dans le sens simpliste du terme: On envoie ça dans le champ, puis on le donne à tout le monde, puis ça finit là, puis les gens s'arrangeront. Parce que de le faire, c'est comme de dire: On reconnaît qu'il va toujours y avoir des gens exclus, et des gens pauvres, et du monde qui vont être inclus et riches, et ces deux catégories de citoyens, bien, peuvent bien vivre les uns aux côtés des autres, et on envoie simplement un revenu de citoyenneté, parce que, nous autres, on ne veut pas que les gens puissent participer d'une façon ou d'une autre.

Alors, cette idée, qui est beaucoup plus complexe parce qu'elle s'attaque à une réalité beaucoup plus multiforme, qui est celle du gouvernement, je pense qu'elle est beaucoup plus adéquate et va faire en sorte que, la journée où est-ce que dans nos localités on pourra vivre de ces choses-là, on va pouvoir passer et répondre à des besoins, comme je dis, qui sont beaucoup plus changeants et multiformes.

n(11 heures)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je regrette, Mme la députée de Berthier, je ne peux contrôler ni le temps de la question ni celui de la réponse, je ne peux que contrôler le temps dans son ensemble. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Mais, de toute façon, je pense qu'on va poursuivre un peu sur l'ensemble de ces sujets-là. D'abord, bienvenue. C'est toujours un peu cocasse quand il y a des gens d'un parti politique qui viennent parler à leurs confrères autour de la table ici, et je me dis des fois... C'est parce que, tu sais, je m'attendais, en tout cas, à ce qu'on voie un certain nombre de choses que vous vouliez voir faites ou réussies, qui n'ont pas encore été réussies et faites, et je vous ai écouté parler de... C'est normal. Vous venez ici, vous voulez reprendre la place pour reparler de souveraineté puis tout et tout, de cette nécessaire souveraineté, selon vous. D'ailleurs, c'est à ce moment-là que ça devient passionnant pour vous.

Je m'attendais à voir un peu la même passion quant à un certain nombre de choses très concrètes par rapport au dossier de la pauvreté. Par exemple, avant que votre gouvernement vienne au pouvoir, toutes les personnes en situation de pauvreté sur l'aide sociale avaient la gratuité des médicaments. Nous, on trouve toujours que c'est une aberration. Êtes-vous d'accord à ce qu'on rétablisse la gratuité des médicaments immédiatement?

Même chose pour ce qui est de... Vous dites que vous êtes d'accord avec l'idée d'un minimum. Mais on sait qu'actuellement le minimum qui est donné, qui est déjà en bas du seuil nécessaire pour couvrir l'ensemble des besoins essentiels, il est, entre guillemets, coupable, dans le sens: On peut le couper davantage. Nous, on croit que ça aussi, c'est une aberration, puis on s'est engagés, dans un cas et dans l'autre cas, à changer ça dès la prise du pouvoir. Au lieu de revenir sur les vieux débats qu'on fait depuis 30 ans au niveau de la souveraineté, le fédéral, etc., on va se mettre... Et ce n'est pas être provincialiste, parce qu'on peut bien aimer le Québec et avoir la passion de son peuple dans son ensemble, puis croire qu'il y a des choses qu'on peut faire puis qu'on doit faire, qu'on peut évoluer à l'intérieur d'un système qui nous sert bien et sur lequel les gens se sont prononcés. Ça, c'est dans le passé.

Dans l'avenir, est-ce qu'on peut s'entendre... J'ai refait cette tentative en vous envoyant une lettre à un moment donné à un Conseil national que vous aviez. Est-ce qu'on peut s'entendre que, minimalement, tout de suite, dans l'immédiat: gratuité des médicaments, abolition des coupures supplémentaires au niveau des barèmes d'aide sociale actuels?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Valois...

Des voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je demanderais de fermer vos téléphones cellulaires aussi, s'il vous plaît. En commission parlementaire, on l'oublie trop souvent, mais je ne voudrais pas avoir à le répéter régulièrement. Alors, M. Valois.

M. Valois (Jonathan): Je vais juste donner un élément de réponse, il y a aussi mon collègue Jean-François qui aimerait répondre.

Pour ce qui est de mes passions, je peux très bien comprendre, oui, que la souveraineté fait naître en moi certaines passions, parce que, notamment, elle est la réponse à un déficit social, un déficit de solidarité. Maintenant, mes premiers engagements, moi, n'étaient pas au niveau de la solidarité, j'ai commencé à militer à la fin des années quatre-vingt dans un groupe qui s'appelait SCRAP-Paradis. C'est une question de boubous macoutes, et tout ça, sur l'aide sociale, mais c'est une autre époque.

Maintenant, si je pouvais continuer, s'entendre, moi, je veux bien. Je crois que le Parti québécois a déjà, sur les médicaments, le Parti québécois a déjà, sur les coupures, des positions très fermes, et on chauffe les oreilles de notre gouvernement. C'est pour ça que, nous, on peut se présenter ici et revendiquer ces choses-là. Maintenant, le jeu ne se fait pas tout le temps devant les caméras. Lorsque j'ai accès à quelqu'un...

M. Sirros: C'est comme à Toronto, ça.

M. Valois (Jonathan): Oui. Lorsque j'ai... Ha, ha, ha! Lorsque j'ai accès à quelqu'un et que je peux le rencontrer, puis lorsque ces gens-là viennent à nos conseils nationaux et qu'on peut discuter, pourquoi est-ce que je ferais des grandes sorties puis que je ferais des crocs-en-jambe devant les médias? Tu sais, il y a aussi cette façon-là de fonctionner qui n'est pas unique. Ici, on vient dire des choses. Ça n'empêche pas que, dans d'autres lieux, on va continuer aussi à faire le travail sur un paquet de choses.

M. Sirros: Il me semble que c'est un argument que j'ai entendu par rapport à des gens qui vont à un endroit puis oublient de parler de, supposément, ce qui les préoccupe. Je fais référence au chef de l'ADQ qui est allé à Toronto, puis il n'a pas parlé de la nécessité de défendre les intérêts du Québec devant cet auditoire-là parce que c'était devant les caméras. Bon. On croit ou on ne croit pas.

Ça, je ne veux pas insister puis je ne veux pas non plus vous tordre dans ce sens-là. Je comprends. Puis la passion que vous avez pour votre cause, je la trouve très correcte, j'en ai une pour la mienne, et c'est sur la mienne que je... je la mets de l'avant en vous disant: Ma passion pour l'instant, ici, dans cette commission, ce serait de voir le rétablissement de cette gratuité des médicaments. Est-ce qu'on peut compter sur votre appui public? Est-ce que vous trouvez que c'est normal que, à quelqu'un à qui on donne 530 $ par mois pour vivre, en plus on lui demande de payer pour ses médicaments?

Ce matin, on nous répétait ces choses-là, où ça nous met devant une situation où les gens doivent choisir entre manger ou prendre leurs médicaments. C'est-u normal, pour les gens du Parti québécois, et pouvez-vous le dire publiquement, en chauffant les oreilles à votre ministre ici, que ce n'est pas normal? Je ne crois pas que vous trouvez que c'est normal.

M. de la Chevrotière (Jean-François): Alors, M. le député de Laurier...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. de la Chevrotière.

M. de la Chevrotière (Jean-François): Oui. Je m'excuse, Mme la Présidente. Je vis la même frustration que vous, mais on ne voit pas les problèmes ou les solutions aux mêmes endroits. La députée de Berthier nous parlait de frustration de voir des enveloppes qui sont étiquetées parfois puis qui manquent de flexibilité: Puis c'est-u tannant, puis on pourrait être plus flexible... Moi, je veux récupérer toutes, toutes, toutes mes enveloppes. Quand j'aurai toutes, toutes, toutes mes enveloppes, ce sera plus facile d'étiqueter. Non, mais vous refusez de voir cet aspect concret des choses, et c'est fondamental.

Moi, je vous dis: le plan médicament qu'on a à l'heure actuelle, j'aimerais bien pouvoir annoncer aux gens ou faire en sorte que mon gouvernement annonce, que notre gouvernement annonce que c'est un plan d'assurance qui a de l'allure, mais j'ai besoin concrètement qu'il se passe des choses ailleurs sur lesquelles je n'ai pas de contrôle. Je peux le prendre, le contrôle, mais vous savez autant que moi de quoi je parle présentement. Je parle de prendre une décision pour régler des choses d'une façon concrète. Je veux toutes les enveloppes, moi. Je les veux toutes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la discussion est bien engagée. Malheureusement, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition.

M. Sirros: Juste un dernier commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste 30 secondes.

M. Sirros: Mes 30 secondes, je vais les prendre, parce qu'une chose que je trouve... en tout cas, prendre les gens en otage parce qu'on n'a pas tout, tout, tout... On peut faire les choix parce qu'on peut les faire, ces choix-là. Et deuxièmement, la seule chose que je trouve plus lourde que prendre les gens en otage, c'est faire leurrer des choses au monde, promettre ? et je vais le dire ici comme ça ? comme le fait l'ADQ, un revenu minimum garanti sans aucune indication d'étude, sans aucun impact, en sachant que c'est impossible de l'appliquer avant 10, 15 ans, c'est leurrer le monde.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...parce que, malheureusement, il ne peut pas y avoir de réponse. Alors, il ne me reste qu'à vous remercier, M. Valois, M. de la Chevrotière et Mme Galarneau, d'avoir participé à cette commission. Les échanges peuvent se poursuivre, bien sûr, à l'extérieur.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir prendre place. Et je suspends quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 9)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): La commission poursuit ses travaux avec Mme Claudette Carbonneau, qui est présidente de la Confédération des syndicats nationaux, de même que M. François Lamarche, qui est conseiller à la recherche au Service des relations de travail. Au nom des membres, nous vous saluons. Et je vous avise que vous avez, Mme Carbonneau et monsieur, 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vous cède la parole.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je vous dirais d'entrée de jeu qu'à la CSN on est très heureux d'être présents à cette commission parlementaire, et ce, particulièrement en ce 17 octobre qui est la Journée internationale d'élimination de la pauvreté.

D'entrée de jeu aussi, nous voulons souligner au gouvernement du Québec et à la ministre responsable notre satisfaction de voir enfin mis en débat un projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le projet de loi n° 112 propose un engagement à la fois des pouvoirs publics et de l'ensemble de la société québécoise à lutter contre la pauvreté dans un esprit de solidarité et de cohésion sociale. Cette proposition est certes perfectible en termes d'engagement, mais elle constitue, il faut le dire, une avancée réelle sur le plan du progrès social.

n(11 h 10)n

Comme ailleurs dans le monde, le Québec a connu, au cours des dernières années, une réelle prise de conscience et une importante mobilisation autour de la question de la pauvreté et des inégalités sociales. J'en veux pour preuve la Marche mondiale des femmes de l'an 2000 qui a fait de la lutte contre la pauvreté un de ses principaux thèmes de revendication. Il en va également de même pour le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, collectif auquel la CSN adhère. De toute évidence, c'est à cette mobilisation que tend à répondre aujourd'hui le gouvernement du Québec avec le dépôt du projet de loi n° 112.

Cette initiative est primordiale parce que la pauvreté et l'exclusion ne sont pas des phénomènes naturels inévitables. Elles sont la résultante d'un système fondé sur la primauté des lois du marché ainsi que sur le laisser-faire qui caractérise trop souvent les politiques des divers niveaux de gouvernement. Les femmes particulièrement en subissent durement les effets. La croissance économique, qui est, somme toute, le fruit d'un travail collectif, produit certes la richesse, mais encore faut-il que cette richesse soit équitablement partagée.

Contrairement à une opinion trop répandue, l'insertion sur le marché du travail ou l'exercice d'un emploi rémunéré n'est pas l'antidote automatique contre la pauvreté. Par exemple, 25 % des salariés québécois, en majorité des femmes, détiennent un emploi à temps partiel ou encore à statut précaire, et plusieurs d'entre elles se retrouvent en situation de pauvreté. Toujours au Québec, près de 264 000 personnes travaillent aux environs du salaire minimum, et, selon le Conseil national du bien-être social, la majorité des familles et des personnes pauvres au Canada touchent un revenu de travail, que celui-ci soit occasionnel, à temps partiel ou même à temps complet.

Le développement de l'emploi est certes une condition essentielle pour combattre la pauvreté, mais ce n'est pas une condition suffisante. Encore faut-il que les emplois soient réellement accessibles et que les politiques publiques assurent à la fois une protection adéquate pour les salariés à statut précaire et une distribution plus équitable des revenus de travail.

Mais la pauvreté ne s'exprime pas seulement par un manque de revenu. Comme le gouvernement l'indique dans son énoncé de politique qui accompagne le projet de loi, elle entraîne aussi des problèmes de santé, des difficultés en matière d'éducation, et se traduit trop souvent par des situations d'isolement social intolérables. En fait, nous croyons, à la CSN, que la pauvreté constitue un obstacle majeur à la réalisation des droits reconnus par une société démocratique. Dans cette perspective, on se réjouit que le gouvernement du Québec déclare dans son énoncé de politique que le projet de loi présentement en discussion, comme la stratégie que le projet institue, repose sur la reconnaissance des droits économiques et sociaux, conformément à la Charte québécoise des droits et libertés, et s'inscrit dans un mouvement international qui fait de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale une lutte pour les droits humains. C'est, à notre avis, cette direction qui doit être maintenue.

Maintenant, quant à ce qui est aux principales améliorations que nous voulons voir apporter au projet de loi n° 112, je les énumère rapidement. Étant donné les dispositions du projet de loi proposant une approche globale pour lutter contre la pauvreté, ce qui suppose la cohérence des mesures et des politiques gouvernementales, il nous semble essentiel que soit introduite dans le projet de loi une clause d'impact stipulant que les décisions des ministères, comme celles du gouvernement, sont évaluées, notamment en fonction de leurs effets sur la pauvreté, et que ces décisions ne peuvent aller à l'encontre des objectifs poursuivis par la loi. Une telle disposition consoliderait le caractère de cohérence et de complémentarité que doivent avoir les actions gouvernementales.

Deuxième grande recommandation. Afin de renforcer l'engagement et la volonté d'agir que représente le projet de loi, nous jugeons important que les buts généraux poursuivis par la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale se concrétisent dans deux cibles à atteindre sur une période de 10 ans, à savoir que le Québec rejoigne, durant cette période, les rangs des nations industrialisées qui comptent à la fois le moins de personnes en situation de pauvreté et où on peut constater que l'écart entre le quintile des personnes les plus pauvres et le quintile des personnes les plus riches dans notre société soit le moins marqué.

Troisième recommandation. Pour faire écho au préambule du projet de loi qui reconnaît que les personnes en situation de pauvreté sont les premières à agir pour transformer leur situation, il nous semble important que soit spécifié dans les dispositions portant sur la stratégie nationale que les personnes en situation de pauvreté et les organismes qui les représentent soient associés aux actions et aux mesures prises dans le cadre de cette stratégie de lutte.

Quatrième recommandation. Dans l'orientation de la stratégie nationale portant sur le renforcement du filet de sécurité sociale et économique, il devrait être précisé que les dispositions de la sécurité du revenu doivent viser à assurer la couverture des besoins essentiels de toute personne compte tenu de sa situation. C'est là une orientation qui nous apparaît tout à fait incontournable dans un projet de loi qui vise à éliminer la pauvreté et à combattre l'exclusion sociale.

Cinquième recommandation. Dans les dispositions relatives au plan d'action gouvernemental, lequel doit être adopté et rendu public dans les 60 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi, nous proposons un certain nombre de spécifications, à savoir qu'en aucun cas les décisions gouvernementales ne peuvent avoir pour effet d'appauvrir davantage le cinquième le plus pauvre de la population. Un tel engagement nous semble aller de soi compte tenu des autres dispositions du projet de loi.

Nous souhaitons aussi qu'il soit prévu que ce plan comporte des mesures immédiates et urgentes visant l'amélioration de la situation des prestataires de la sécurité du revenu comme des salariés et des familles à faibles revenus. Des dispositions sont déjà prévues concernant le programme d'assistance-emploi, mais rien n'est dit à cet égard dans le projet de loi concernant la Loi des normes du travail.

Troisièmement, qu'il soit stipulé que ce plan d'action est non seulement rendu public, mais aussi déposé à l'Assemblée nationale et permette d'ouvrir avec l'Assemblée nationale un débat. Je rappelle d'ailleurs que nous souhaitons que le plan d'action fasse l'objet d'un rapport étape après une période de trois ans et qu'on puisse, dans ce délai-là, corriger le tir bien avant l'échéancier de cinq ans qui est annoncé dans le projet de loi.

Alors, le plan d'action gouvernemental, étant donné l'importance du premier plan d'action dans l'application des orientations définies par le projet de loi, nous jugeons important de présenter succinctement les éléments qui, à notre avis, devraient se retrouver dans ce premier plan suite à l'adoption de la loi. Il ne s'agit pas ici d'un énoncé exhaustif de ce que devrait comporter ce premier plan, mais d'indications sur des éléments que nous jugeons prioritaires.

Alors, à cet égard, le premier plan d'action doit prévoir l'application de mesures immédiates et urgentes. Ces mesures doivent notamment viser l'augmentation des prestations de la sécurité du revenu et l'instauration d'un barème plancher en deçà duquel aucune coupure ou pénalité ne devrait pouvoir s'appliquer. Nous souhaitons aussi que des dispositions prévoient l'augmentation du salaire minimum et surtout l'introduction d'un mécanisme d'indexation automatique en fonction de l'évolution du salaire horaire moyen; une meilleure protection des normes du travail des salariés à temps partiel ou à statut précaire, y compris des travailleuses et des travailleurs en situation de travail autonome dépendants; le respect des droits des personnes à bénéficier de programmes d'orientation, de formation et d'intégration à l'emploi dans un cheminement continu et adapté à leurs besoins.

Il est aussi urgent que le plan prévoie un retour à la gratuité des médicaments pour les prestataires de la sécurité du revenu de même que pour les personnes âgées touchant le supplément de revenu garanti. De plus, compte tenu de l'effet de la hausse vertigineuse du prix des médicaments sur les primes des régimes d'assurance, en particulier pour les salariés à faibles revenus, la CSN réitère une de ses vieilles revendications, à savoir que le gouvernement adopte une véritable politique de médicaments.

Comme l'indique l'énoncé de politique, nous croyons que le premier plan d'action doit aussi améliorer les mesures de soutien destinées aux familles à faibles revenus compte tenu de leur situation familiale. Ce premier plan doit aussi considérer la responsabilité des entreprises dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Des mesures incitatives sont certes souhaitables, mais des mesures législatives ou réglementaires sont également nécessaires pour assurer cette prise de responsabilité. C'est notamment le cas quand il s'agit des normes minimales de travail.

n(11 h 20)n

Des mesures sont aussi nécessaires afin de concilier les exigences du travail et des obligations familiales. Par ailleurs, nous croyons que la réglementation sur les licenciements collectifs doit être revue afin de contraindre les entreprises à rendre compte de leur décision, particulièrement lorsque celles-ci recourent à des mises à pied alors qu'elles sont dans un contexte de rentabilité.

En matière de prévention, nous souscrivons pour l'essentiel aux pistes d'action développées dans l'énoncé de politique. Nous croyons que, pour lutter contre la pauvreté, il faut combattre l'analphabétisme, accroître le taux de diplomation à tous les niveaux d'enseignement; il faut aussi collectivement assurer un soutien aux parents dans la prise en charge de leurs responsabilités familiales, et, à ce chapitre, nous croyons nécessaire de développer et d'intensifier le réseau des CPE. Il est primordial de poursuivre son développement afin d'en consolider l'accessibilité. Par ailleurs, l'accès à la formation pour les adultes est devenu un enjeu de société compte tenu des bouleversements que connaît le marché du travail.

Le développement de l'emploi doit constituer un élément central dans un plan d'action contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et, dans cette optique, une politique d'emploi passe nécessairement par des mesures pour contrer le sous-développement des territoires constituant de véritables poches de pauvreté. À ce chapitre, nous voulons insister particulièrement sur deux points. Premièrement, il est impérieux que les politiques gouvernementales s'adaptent aux réalités locales et renforcent leur soutien aux initiatives venant du milieu. Deuxièmement, il faut renforcer l'appui aux entreprises collectives, lesquelles s'inscrivent, règle générale, dans la dynamique sociale de leur milieu d'appartenance. À notre avis, celles-ci doivent bénéficier d'un soutien au moins équivalent à celui accordé à l'entreprise privée.

Alors, je m'arrêterai là pour faciliter l'échange avec la commission.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Carbonneau, pour la présentation de votre mémoire, et je cède immédiatement la parole à Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Carbonneau et M. Lamarche, je veux vous remercier d'avoir pris le temps de faire la lecture à la fois de la stratégie et du projet de loi. Je sais qu'il y a déjà un certain temps que la CSN s'intéresse de très près au dossier de la pauvreté. Vous avez fait référence à certains forums que la CSN a mis de l'avant justement pour être capable d'avoir, je dirais, une meilleure connaissance de ce qu'est la pauvreté, comment on peut efficacement y lutter. Et ce que je trouve extrêmement aussi important et intéressant, c'est l'appui que donne la CSN du fait que nous avons, dans cette stratégie et ce projet de loi, une vision globale d'intervention et non pas des mesures à la pièce.

Aussi, ce que je me réjouis, c'est le fait que vous signalez, à juste titre, que la pauvreté touche différentes personnes à différents moments de leur vie. Vous avez bien sûr des personnes qui, malgré tous les efforts qu'elles peuvent faire, ne réussiront jamais à atteindre ces revenus nécessaires pour leur permettre d'atteindre, je dirais, un revenu décent sans l'aide de l'État, directe. Vous avez parlé également des travailleurs et travailleuses à faibles revenus qui, effectivement, malgré le fait qu'ils occupent et qu'elles occupent un emploi, se retrouvent dans des situations de pauvreté. Et finalement, vous avez aussi, à juste titre, indiqué qu'il y a des personnes qui, à un moment donné de leur vie, perdent un emploi. Elles ont besoin d'avoir une formation qui correspond bien sûr à leur réalité et à leurs besoins pour être capables d'occuper ces emplois disponibles.

Ce qui est difficile, c'est que l'on convienne ensemble quel est ce revenu de solidarité ou ce revenu qui nous permet justement d'intervenir de différentes façons et non pas mur à mur. Quand on parle du revenu de solidarité, vous savez, dans notre tableau que l'on retrouve tant dans la stratégie... on veut être capable de donner un coup de barre plus rapidement pour justement des personnes qui en ont besoin aujourd'hui même. Il y a des choix que nous devrons faire, parce qu'on ne peut pas faire tout en même temps, mais, dans la stratégie, vous avez reconnu aussi l'importance d'intervenir en amont: soutien à la famille, la politique de la formation et aussi au niveau des interventions pour la santé.

Dans le cadre de la stratégie, c'est un arrimage que l'on fait avec les politiques qui ont été adoptées, gouvernementales, et qui interpellent aussi, je dirais... Au niveau du travail, vous avez parlé de l'augmentation du salaire minimum. Vous savez qu'on l'a fait. Ce n'est pas facile de le faire, parce qu'on a bien sûr des personnes qui nous indiquent qu'à chaque fois qu'on augmente le salaire minimum, c'est dangereux pour nos entreprises, c'est dangereux pour les emplois. Et on sait finalement que ce n'est pas ce qui arrive, bien au contraire.

Le mécanisme que vous avez parlé tout à l'heure avec mon collègue M. Rochon, lorsque nous avons... lors de la dernière augmentation du salaire minimum, ce mécanisme, avec un comité qui est en train de compléter le travail pour qu'on ait ce mécanisme, pour qu'il y ait une augmentation où on aura tenu compte de certains facteurs, où différents partenaires y travaillent, pour justement nous permettre d'avoir annuellement une augmentation qui ne mettra pas en péril l'économie du Québec mais qui permettra à des femmes et à des hommes d'avoir des revenus plus décents.

Dans votre mémoire, ce que je trouve extrêmement aussi intéressant, c'est quand vous dites, à la page 11 de votre mémoire, que le projet de loi n° 112 constitue une avancée réelle en matière d'engagement public. Vous ajoutez percevoir les espoirs et les attentes que soulève le projet.

Pourquoi ce projet de loi est si porteur d'espoir pour un aussi grand nombre de personnes? 150 personnes sont venues déposer des mémoires, et on sent la volonté des gens de vouloir justement qu'on aille dans une même direction. Mais, j'aimerais que vous puissiez nous partager comment, au sein de votre organisation, vous sentez l'importance de ce projet-là pour vos membres et pour l'ensemble de la société que vous représentez.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien. Alors, je vous dirais qu'il y a effectivement fort longtemps que la CSN se sent interpellée par les questions de pauvreté et elle n'a pas, avec cette question-là, un rapport d'extériorité. Nous sommes conscients qu'à l'intérieur même du membership de la CSN il y a des personnes qui vivent des situations de pauvreté. J'en veux pour preuve la grande proportion de nos membres qui, malheureusement, doivent se contenter d'emplois précaires.

Je dirais que l'implication de la CSN a été une implication assez bien enracinée à la base. On a été partie prenante d'abord de la première marche des femmes au Québec en 1995, Du pain et des roses, où la grande priorité portait sur la nécessité de lutter contre la pauvreté.

Il y a eu beaucoup d'activités impliquant les syndicats de base, là, les membres tout à fait à la base de la CSN, autour de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000. De la même façon, nous sommes présents dans toutes les régions du Québec et dans toutes les organisations à caractère régional du collectif pour obtenir une loi pour l'élimination de la pauvreté. La CSN est présente de façon significative.

Je peux vous dire aussi que, au mois de décembre l'année dernière, on a eu un fort taux de réponse de nos syndicats qui ont appuyé une campagne de pression à l'égard de l'ensemble des parlementaires pour vous demander de presser le pas et d'aller dans la direction d'une telle loi. Ce qui, à mon sens, est probablement le plus...

Et, tout récemment, la semaine dernière, nous étions en Conseil confédéral, qui est pour nous l'instance suprême entre les congrès de la CSN, pour arrêter les grandes priorités de l'année qu'on se donnait comme centrale et, forcément, la patinoire peut être large, et on doit faire entre nous un certain nombre d'arbitrages, et j'étais très heureuse de constater l'adhésion très forte du Conseil confédéral à mettre cette question d'obtenir rapidement une loi pour éliminer la pauvreté en tête des priorités qu'on se donne cette année avec une volonté de continuer à travailler: le travail de soutien et de mobilisation avec notre participation dans le collectif pour l'élimination... une loi sur la pauvreté.

Je vous dirais que ce qui est porteur d'espoir, c'est précisément cette approche très large qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi et qui n'a pas une vision, là, disons, saucissonnée des situations de pauvreté. Ça, pour nous, c'est absolument majeur. Évidemment, on parle encore d'espoirs, d'espoirs qui sont appelés à se concrétiser. Et c'est évident qu'il y a des attentes extrêmement importantes à l'égard du contenu du programme d'action.

Or, c'est pourquoi nous avons consacré à notre mémoire, là, une section importante vous indiquant quelles étaient les priorités que la CSN mettait de l'avant. Parce que, malheureusement, si nous nous retrouvions en situation où ce plan d'action n'était pas à la hauteur des attentes, eh bien, malheureusement, le projet de loi apparaîtrait rapidement comme une vaste supercherie où il y a énoncé de voeux pieux mais très peu de mesures concrètes.

Ça me permet aussi de faire le lien avec une autre recommandation, sur laquelle nous voulons être particulièrement insistants, qui est celle de la clause d'impact. Je pense qu'on ne peut pas se permettre de garder une grande crédibilité au projet de loi en ne se donnant pas les mécanismes pour s'assurer que, quelque part, non seulement on avance, mais que dans cette avancée on ne recule pas pour des personnes qui vivent des situations de pauvreté.

n(11 h 30)n

Et, à mon sens, le mécanisme qu'on vise comme clause d'impact, on ne se prononce pas sur ses pourtours, sur toute la mécanique devant entourer cette clause d'impact. Je pense qu'il y a moyen de faire preuve d'imagination, de ne pas tomber dans la très haute bureaucratie et de développer un réflexe dans tous les ministères pour vraiment se poser les bonnes questions au moment où on vient pour légiférer. À mon sens, ça n'appelle pas une bureaucratie très lourde. Il y a de longues pratiques dans votre milieu de fonctionner avec des comités interministériels, c'est tous des mécanismes qui sont déjà en place, mais, pour moi, l'essentiel, c'est vraiment de développer ce réflexe et de se poser les bonnes questions au moment où on vient pour légiférer. Ce n'est pas vrai qu'on peut se donner comme illusion, comme société, qu'on avance, alors qu'on ne se prémunit pas contre des reculs éventuels.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre.

Mme Goupil: Mme la Présidente... je vous remercie, Mme Carbonneau, mais je voudrais ajouter qu'il y a dans la loi l'obligation d'adopter le plan d'action et, indépendamment des partis politiques qui suivront après l'adoption de ce projet de loi là, il y a des engagements contraignants pour un gouvernement. La loi, elle indique clairement tant dans son préambule que par les articles qui s'y retrouvent qu'il y a une obligation de résultat, que l'on doit ensemble réussir à réduire de 50 % la pauvreté au Québec en s'inspirant bien sûr de ce qui se fait de mieux dans des comparables. Et aussi, cette loi-là, elle se veut avec un mécanisme pour être capable de se donner les meilleurs outils possible, que ce soit au niveau de l'Observatoire ou du Comité consultatif... On n'en est pas à la forme exacte. Ce qui est recommandé, c'est d'être capable d'avoir un outil indépendant pour nous permettre justement de nous assurer que la direction que nous allons prendre, elle va être suivie et qu'on pourra la corriger. Alors, c'est pour ça que je peux vous rassurer tout de suite, parce que ce projet de loi avec bien sûr toutes les recommandations qui sont faites... l'objectif de la commission parlementaire, c'est d'être capable de le bonifier au maximum de ce que nous pouvons faire comme société, ce que nous voulons faire, mais je peux vous assurer que, si l'Assemblée nationale, démocratiquement, accepte ce projet de loi, c'est tous les gouvernements qui suivront par la suite... auront des obligations de résultat et d'imputabilité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carbonneau. Oui, alors M. Lamarche.

Mme Carbonneau (Claudette): Je suis heureuse d'entendre cette déclaration de la part de la ministre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie. Alors, un commentaire.

Mme Léger: Bonjour, Mme Carbonneau, bonjour, M. Lamarche. On va aller direct à la question, Vous applaudissez, à la page 14 de votre mémoire, la proposition de la création d'un fonds spécial affecté aux initiatives, au financement d'initiatives. Particulièrement, vous insistez dans un même souffle à l'importance de soutenir adéquatement les initiatives locales et régionales. C'est de notre intention d'aller dans ce sens pour faire, dans le fond, la transition entre le fonds qui existe, qui va terminer au mois de mars 2003, et la suite de ce fonds, la transition avec le fonds spécial. Avez-vous des suggestions par rapport à la suite de ce fonds?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lamarche.

M. Lamarche (François): Bien, une des préoccupations qui est exprimée d'ailleurs dans notre mémoire, c'est que ce fonds-là, dans son administration, ait suffisamment de souplesse pour pouvoir répondre adéquatement à des initiatives qui peuvent être variées, qui peuvent être diversifiées, qui viennent des milieux locaux. Il y a des critiques, vous le savez possiblement, qui ont été faites sur l'administration du Fonds de lutte avec des normes rigides qui empêchent le fonds de jouer réellement son rôle, et c'est sur cet aspect-là qu'on insiste, que le fonds réponde réellement à des besoins exprimés en matière de développement, en matière d'initiatives locales, des milieux. Je pense que c'est... L'autre aspect sur lequel on insiste dans le mémoire, c'est que ce fonds-là ne peut pas être la panacée à l'ensemble des actions gouvernementales sur la question de la pauvreté. Ça ne remplace pas la responsabilité des ministères, des organismes gouvernementaux à jouer leur rôle en fonction des objectifs et des orientations spécifiées par la loi. Ça, il me semble que ça doit être clair aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Carbonneau, et je cherche le nom, mais...

Une voix: Lamarche.

M. Sirros: M. Lamarche, excusez-moi. J'aurais le goût de commencer en lisant les recommandations que vous faites face à des mesures urgentes. J'en lis une qui me fait spontanément... c'était comme: La CSN, PLQ, même combat. Sur l'assurance médicaments, tout au moins. C'est une blague, mais en tout cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Il n'y a pas beaucoup de monde qui ont ri, hein.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ça étant dit, je l'apporte parce que ça puis un autre point au niveau des coupures par rapport au barème actuel tout au moins... vous avez très bien fait ressortir le fait que, si le plan d'action n'engage pas des actions véritables, ça aurait été une supercherie de se donner une loi juste pour se donner une loi. Et, moi, je vais un pas plus loin, je me dis: Si on réserve des choses comme la gratuité des médicaments, l'abolition des coupures au niveau du barème de l'aide sociale actuel pour les soi-disant aptes au travail pour les mettre dans le plan d'action, ça aussi, c'est une supercherie. Parce que c'est des choses qui, depuis l'adoption de cette façon de faire, au niveau de l'assurance médicaments par exemple, sont des aberrations. C'est quelque chose qui n'existait pas avant, a été introduit avec l'adoption de la Loi sur l'assurance médicaments. Et on le soulève et on le souligne tout le temps, et, chaque fois que je peux, je vais le faire, parce que je trouve que, si on le réserve comme une annonce dans le plan d'action pour donner une crédibilité au plan d'action, c'est vraiment utiliser ce processus pour juste repousser les choses.

Alors, ça étant dit, c'était un commentaire, ce n'est pas vraiment une question. Sentez-vous libres de commenter, si vous voulez, à votre tour. Mais j'aurai une question sur la clause d'impact par la suite, si vous voulez profiter de cette opportunité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, moi, je dois vous dire que la CSN, elle est d'abord à la recherche de résultats concrets. Et, pour nous, que ça se fasse maintenant, que ça se fasse dans le plan d'action, mais que ça se fasse rapidement, nous souhaitons que les corrections que nous mettons de l'avant au régime d'assurance médicaments deviennent une réalité. Et ça, ce serait, qu'on le veuille ou non, un changement concret pour les personnes qui sont en situation de pauvreté. Elle est d'abord là, notre préoccupation, et nous accordons une très grande priorité à cette mesure-là.

Je dirais, par ailleurs, que cette seule mesure ne nous apparaît pas suffisante et, pour nous, il est absolument essentiel que le gouvernement, quel qu'il soit, quel que soit le parti au pouvoir, se dote d'une véritable politique de gestion du médicament. C'est très englobant, cette politique-là, mais on ne peut pas couper, encore une fois, au couteau les réalités. Oui, il y a un coup de barre à donner pour les personnes particulièrement vulnérables, celles qui sont à l'aide sociale, les personnes âgées qui touchent le revenu minimum garanti. Cependant, il y a plein de petits salariés dans les entreprises qui sont aux prises avec des régimes collectifs qui sont de plus en plus coûteux.

La place du médicament dans les traitements, dans une société moderne, devient de plus en plus grande, et il faut agir sur le médicament, sur ses prix, sur les mesures d'éducation, sur une formation indépendante des médecins. Bref, il y a toute une série de mesures qui ne sont pas des mesures budgétaires mais qui auraient un impact de soulager fortement la population et de mieux contenir ce qui est devenu un élément incontournable de tout système de santé: le médicament dans la médecine moderne.

M. Sirros: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne voudrais pas laisser l'impression non plus que c'est la seule mesure, que la gratuité du médicament est une panacée ou quoi que ce soit par rapport à cette question de lutte à la pauvreté. Si je le répète constamment, c'est parce que je trouve que c'est celle qui illustre le mieux un certain nombre d'aberrations dans le système qu'on ne doit plus accepter. Et je disais tout simplement: Essayer de le retarder... Déjà, ça fait plusieurs années. Donc, c'est déjà très en retard. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, et c'est pour ça d'ailleurs que c'est un engagement ferme qu'on a pris aussi, dans le plan que nous avons déposé, de stabiliser le régime d'assurance médicaments et d'avoir une politique du médicament, parce que c'est un élément incontournable dans le système de santé, qui, elle aussi, est un instrument important par rapport à toute la question de la lutte à la pauvreté, parce qu'on voit les effets réels que la pauvreté a sur la santé des gens et sur leur espérance de vie, etc. Même chose du côté de l'éducation; on parlait avec vos confrères de la CSQ la semaine passée.

Mais, ça étant dit et ce point ayant été fait, j'aimerais revenir brièvement, avant de passer la parole à ma collègue à ma gauche, sur la clause d'impact. Vous mentionnez que vous voulez une clause d'impact, et je tenais à le citer parce que je trouvais ça... «...une clause d'impact stipulant que les décisions des ministères comme celles du gouvernement sont évaluées notamment en fonction de leurs effets sur la pauvreté ? et c'est le dernier bout que j'aimerais vous entendre ? et que ces décisions ne peuvent aller à l'encontre des objectifs poursuivis par la loi.»

n(11 h 40)n

Quand on dit ça, ça implique aussi une... quelqu'un doit interpréter qu'est-ce qui va à l'encontre des objectifs de la loi. À l'heure actuelle, à ma connaissance, on a des clauses d'impact, par exemple, au niveau de l'environnement ? c'est celle que je retiens le plus ? où tous les mémoires au Conseil des ministres... il y a une clause qui dit: Analysez les impacts sur l'environnement. Et il y a une loi de l'Environnement en référence qui a des étapes très précises au niveau des obligations par rapport à des projets de développement, etc. Donc, il y a une référence par rapport à des choses concrètes. Quand il y a une référence par rapport à des objectifs généraux, ultimement qui va décider que c'est à l'encontre des objectifs? Et est-ce que vous voyez aussi un mécanisme de décision? Ou est-ce que c'est quelque chose qui est soumis devant le Conseil des ministres, et on laisse aux gens autour de la table le soin de juger finalement de ces impacts et de si, oui ou non, ça va à l'encontre des objectifs? Parce que vous pouvez avoir une appréciation différente de celle de la ministre, ou de la mienne, ou de l'ex-président du Conseil du trésor, par exemple, par rapport à ce qui va à l'encontre de l'objectif de la loi par le... en tout cas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, je pense qu'il y a quand même dans le projet de loi des dispositions suffisamment claires. Quand on parle de ne pas appauvrir les personnes qui sont les plus vulnérables, il me semble que ça se mesure quand même assez facilement et assez bien. Et je reprends un de vos exemples préférés, celui du médicament et de l'impact sur les personnes, par exemple, à la sécurité du revenu. Il me semble que c'était très facile de voir venir l'impact que ça aurait sur les personnes les plus pauvres de la société. Alors, en ce sens-là, y compris quand vous me référez à des exemples en environnement, je ne crois pas qu'il y ait quelque clause d'impact qui puisse prétendre à un tel caractère d'objectivité, qu'elle ne prête pas quelque part à interprétation.

Vous me dites: Est-ce que, pour la CSN, tout ça doit se vivre uniquement au Conseil des ministres? Je vous dirais d'abord au Conseil des ministres, je vous dirais d'abord: intégrer dans les pratiques aussi des ministères. Quand je parlais tantôt de développer un réflexe, pour moi, ça, c'est fondamental. Mais je rappelle aussi qu'il n'y a pas qu'un rôle pour le gouvernement à cet égard-là, ça devient le rôle de l'ensemble des parlementaires qui ont à disposer d'un projet de loi qui est en débat, de pouvoir aussi alimenter le débat public, alerter, jouer leur rôle d'opposition et faire valoir pourquoi on ne devrait pas aller dans telle direction parce que, collectivement, comme société, on s'interdit de détériorer la situation des personnes les plus pauvres de notre société. Alors, c'est un peu comme ça que nous voyons les choses.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. D'entrée de jeu, je veux juste souligner que, en page 25, vous parlez de «l'attitude dérisoire qu'affichent certains opposants à votre projet de loi». Puis un peu plus haut, vous dites... vous tenez à préciser que «la pauvreté et l'exclusion ne sont pas des phénomènes naturels inévitables». Et je pense, entre vous et moi, que sûrement vous faites allusion à un article de journal où on mentionnait qu'autour de la table du Conseil des ministres certains avaient réagi au dépôt du projet de loi, en disant que c'était un peu comme un projet de loi pour lutter contre la pluie. Et, si je lis bien entre les lignes de ce que vous dites, j'ai l'impression que vous faites directement référence à cela.

Maintenant, je voudrais vous entendre, parce que je connais votre engagement personnel, Mme Carbonneau, puis également l'engagement de la CSN quant à la cause des femmes. Vous avez fait allusion, si je ne me trompe pas, à la marche qu'il y a eu pour la cause des femmes. Et j'aimerais vous entendre, parce que votre mémoire n'aborde pas cette dimension que plusieurs autres organismes ont abordée, sur la nécessité d'avoir des indicateurs différenciés pour analyser la situation de la pauvreté au Québec. Certains ont demandé à ce qu'on précise dans la loi qu'il y ait des indicateurs différenciés selon le genre. On pourrait penser à d'autres indicateurs différenciés: selon la race, si quelqu'un est membre d'une minorité visible ou pas, si une personne est handicapée ou pas, même, à la limite, selon qu'une personne est un salarié à bas revenus ou une personne sur l'aide sociale. Enfin, il y a de multiples indicateurs différenciés auxquels on peut penser. Est-ce que, vous, vous croyez qu'à l'intérieur du projet de loi on devrait aborder la question de préciser la nécessité d'avoir des indicateurs différenciés?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette) Bon. Alors, je voudrais vous rappeler que, quand même, dans la présentation qu'on a faite devant cette commission, nous avons insisté sur le fait que, oui, malheureusement, la pauvreté a encore un sexe et qu'il y a majoritairement des femmes qui se retrouvent en situation de pauvreté. Alors, c'est évident que cette caractéristique-là n'en est pas une qui a échappé à la réflexion de la CSN.

Quand vous posez la question des indicateurs, je vous dirais qu'on n'a pas senti le besoin de revenir avec une recommandation spécifique à l'intérieur de notre mémoire à cet égard-là parce que, pour nous, dans plusieurs forums, nous avons insisté pour que le Québec se dote effectivement d'une politique d'analyse différenciée en fonction des sexes, O.K.? et je ne voudrais pas qu'on limite ça strictement à la question de la pauvreté. À mon sens, c'est une donnée qui devrait être intégrée dans l'ensemble de l'activité gouvernementale. Alors, c'est la raison pour laquelle on n'a pas senti le besoin d'en faire une recommandation spécifique à cet égard-là dans notre mémoire.

Je rappelle que le gouvernement du Québec, le gouvernement canadien ont participé notamment à la grande Conférence internationale sur les femmes à Beijing où une des recommandations fondamentales ? et je crois, de mémoire, que ça faisait partie de la déclaration finale ? était la nécessité de se doter, comme gouvernement, d'une politique d'étude différenciée en fonction des sexes. Alors, nous croyons que c'est dans cette foulée-là plutôt que par une recommandation spécifique à l'intérieur d'un projet de loi, à l'exclusion de tous les autres, qu'il faut trouver le moyen d'avancer.

Quant à votre autre remarque, je vous dirais que notre volonté, c'est d'abord et avant tout de s'assurer qu'on mène une bataille efficace pour combattre des préjugés têtus qui nous font reculer plutôt qu'avancer. Alors, en ce sens-là, ce n'était pas un ou deux individus, mais l'ensemble des personnes qui, dans notre société, placent le débat de la pauvreté comme si c'était une fatalité avec laquelle il fallait vivre... c'est l'ensemble de ces personnes-là que nous visions par nos remarques, et, surtout, nous souhaitons qu'il y ait une réplique à la hauteur et que, oui, on fasse une véritable lutte contre la prévalence, dans notre société, de préjugés de cet ordre-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est déjà le temps qui est mis à notre disposition. Il ne me reste, au nom de tous les membres, Mme Carbonneau et M. Lamarche, qu'à vous remercier pour cette participation à notre commission des affaires sociales.

Alors, j'inviterais immédiatement les représentants de la Maison de Lauberivière à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

 

(Reprise à 11 h 48)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il me fait plaisir d'accueillir maintenant les représentants et représentantes de la Maison de Lauberivière. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à M. Hugo Lépine, qui est le directeur général. M. Lépine, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Maison de Lauberivière

M. Lépine (Hugo): Bien. Alors, à ma droite, vous avez M. Éric Boulay, qui est coordonnateur de l'accueil-hébergement à la Maison de Lauberivière; vous avez également Me Daniel Blouin, qui est coordonnateur des ressources humaines et matérielles de la Maison. À ma gauche, vous avez M. Claude Pednault, qui est coordonnateur des services à la clientèle; vous avez également Mme Julie-Christine Villeneuve, qui est coordonnatrice des services alimentaires; et M. Pierre Lemieux, coordonnateur des services de soutien.

Alors, c'est avec un grand honneur et un immense plaisir que nous vous présentons ce mémoire sur la pauvreté et l'exclusion sociale. D'entrée de jeu, je voudrais, en tout cas, profiter du temps qui nous est réservé pour résumer le mémoire, pour expliquer que le contenu du mémoire est un peu le reflet de ce que la Maison de Lauberivière vit au jour le jour depuis bientôt 20 ans, et les propositions que nous y apportons sont fonction de l'expérience que nous y vivons. C'est la raison pour laquelle nous avons cru pertinent de résumer, au début du mémoire... de tracer, d'abord, un historique de notre organisme, de même que de définir assez clairement sa mission, ses services et la clientèle de Lauberivière qui, je dois le souligner, est la clientèle des plus pauvres des pauvres, si tant qu'il est qu'il existe des plus pauvres des pauvres. À Lauberivière, en tout cas, on a travaillé avec une clientèle qui vit d'énormes difficultés, qui vit avec des problématiques qui sont multiples, et, malheureusement, on doit dire que ça va en s'accentuant.

n(11 h 50)n

Certains savent probablement que nous avions publié un article en début d'année sur la question de savoir est-ce qu'il était pertinent que le Québec se dote d'une loi pour lutter contre la pauvreté. Je pense que Lauberivière a fait la démonstration depuis 20 ans qu'il y avait des façons d'agir, des façons concrètes et pragmatiques à la lutte à la pauvreté sans qu'il soit absolument nécessaire qu'on se dote d'une loi. Par contre, nous avons cheminé au niveau de notre réflexion et, lorsque nous avons fait lecture et analyse du projet de loi n° 112, nous l'avons trouvé fort intéressant, et ça a été suffisant pour nous rallier à cette idée de se doter d'une loi-cadre qui guiderait l'ensemble de la collectivité dans ce que j'appellerais un chantier ou ce grand plan d'action que nous voulons nous donner pour lutter contre la pauvreté.

Au niveau des commentaires généraux, nous avons cru bon faire une mise en garde, parce que vous devez savoir qu'au niveau de l'aide pour les sans-abri le gouvernement fédéral, depuis 1999, a lancé l'Initiative nationale des sans-abri. C'est une initiative qui a conduit à l'octroi d'importantes sommes d'argent vouées à la lutte contre la pauvreté. Nous pensons que, en regard de ce qui s'en vient, de ce qui se présente au Québec, il serait pertinent que Québec et Ottawa s'entendent sur, en fait, la façon dont les investissements devraient être faits pour lutter contre la pauvreté. Nous poussons même l'audace jusqu'à suggérer qu'on puisse définir clairement qui a ou aura la compétence d'organiser en fait les stratégies de lutte contre la pauvreté. Mais il faut voir là qu'il y a un danger, à notre avis, de dédoublement, là, au niveau des investissements sociaux qui seront faits dans la lutte à la pauvreté.

De façon générale, on doit dire que Lauberivière est particulièrement heureuse de l'approche qui est préconisée dans le projet de loi, une approche qui vraiment va favoriser une centralisation vers les besoins de la personne qui vit une situation de pauvreté. Nous apprécions également ce désir de vouloir concerter l'ensemble des groupes de la société. On le dit depuis fort longtemps à Lauberivière, la lutte à la pauvreté n'est pas la responsabilité du gouvernement provincial, n'est pas la responsabilité du fédéral uniquement, n'est pas la responsabilité des organismes communautaires. La pauvreté, c'est une question qui doit interpeller chaque individu, et de là la nécessité d'une grande concertation. Nous osons suggérer la tenue d'un sommet qui réunirait à la fois le gouvernement, à la fois les groupes communautaires, mais aussi le milieu des affaires et le milieu financier. Il est grand temps particulièrement que le milieu des affaires et le milieu financier se sentent concernés, prennent conscience de ses responsabilités sociales à l'égard des plus démunis de notre société, et nous pensons que la tenue d'un sommet permettrait à tous les intervenants concernés de pouvoir se parler et de discuter surtout de mesures concrètes et très pragmatiques qui vont venir toucher les gens.

L'autre point qui nous a ralliés à l'idée d'un projet de loi, c'était la façon dont on aborde la lutte à la pauvreté. Nous avions d'énormes réserves sur l'idée d'aborder cette question-là en disant: comme société, on va éliminer la pauvreté. Malheureusement, on doit dire que la pauvreté, c'est un problème de tous les temps. C'est un problème qui est pratiquement impossible à résoudre. Il y aura malheureusement, de par notre structure sociale, de par la structure de nos sociétés, il y aura toujours inévitablement des inégalités. Tout au plus, nous pensons que, socialement, nous pouvons faire des efforts pour la réduire, pour en réduire les effets et garantir à tout le moins une aide de base pour les gens qui, malheureusement, vont vivre ce genre de difficultés au cours de leur vie.

Nous avons aussi fait un certain nombre de remarques sur la nécessité d'accorder plus d'importance dans le projet de loi à l'aide qui doit être apportée aux gens qui vivent déjà la pauvreté. Ce qui apparaît comme évident et clair dans le projet de loi, c'est qu'on va se doter d'une structure qui va nous permettre d'agir en amont de la pauvreté. Mais il ne faudrait pas oublier qu'actuellement il y a des gens qui la vivent, la pauvreté. Très concrètement, il y a tout près d'une centaine de personnes actuellement à Québec qui n'ont tout simplement pas de logis et qui couchent dans une boîte de carton en dessous d'un pont qui traverse la rivière Saint-Charles. C'est absolument aberrant que, dans notre société, il y ait encore des gens qui soient obligés de vivre ce genre de chose là. Et il ne faudrait pas les oublier, ces gens-là. Il y a des gens qui vivent déjà la pauvreté et qui nécessitent... en tout cas, qui ont besoin d'une aide immédiate, des gens qui vivent des problématiques très multiples reliées à leur santé mentale et qui vivent des problématiques d'ordre économique, d'ordre matériel, puis des problématiques reliées à l'alcoolisme et aux toxicomanies. Je pense que... Il nous apparaît en tout cas très important qu'il y ait des actions, si ce n'est dans le projet de loi, à tout le moins dans le plan d'action gouvernemental pour agir en aval, malheureusement, auprès des gens qui vivent déjà de plein fouet la pauvreté.

Enfin, nous soulignons que la pièce maîtresse de tout cet exercice, ce sera le plan d'action. Tous les efforts qu'on fait actuellement, tous les principes que l'on se donne à travers le projet de loi, à travers la stratégie nationale seront vains si le plan d'action ne vient pas concrétiser de façon la plus pragmatique possible ce qu'on se donne comme volonté d'aider des gens qui vivent la pauvreté. Et nous prenons d'ailleurs la peine de le souligner.

Peut-être une dernière remarque, pour donner plus de temps possible pour favoriser les échanges. On a remarqué qu'il y avait une définition très courageuse de la pauvreté à l'article 2. Nous pensons qu'il devrait peut-être y avoir une définition de l'exclusion sociale, parce qu'on en parle comme de phénomènes qui sont concomitants. Nous pensons qu'il devrait y avoir une définition de l'exclusion sociale. Nous en suggérons une dans notre mémoire. Mais on pense qu'il serait important de définir cela. Parce que, au niveau de l'exclusion sociale, il y a sûrement une possibilité, pour ce qui est de l'exclusion, de l'éliminer. Il y a toujours eu de la pauvreté, mais il n'y a pas forcément toujours eu le phénomène de l'exclusion sociale. Alors, on fait la suggestion d'inclure dans le projet de loi une définition de l'exclusion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Non?

M. Lépine (Hugo): Pas à ce stade-ci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la ministre. Merci pour votre présentation.

Mme Goupil: Merci beaucoup. Alors, M. Lépine ainsi que tous les membres qui vous accompagnent, je veux vous saluer. Dans un premier temps, je voudrais vous féliciter pour l'excellent travail que vous apportez avec la Maison de Lauberivière depuis de nombreuses années. On n'a pas toujours l'occasion de le faire, mais je tiens à vous le témoigner au nom de notre équipe ministérielle et tous les membres de cette commission.

Je voudrais aussi vous rassurer, parce que je n'étais pas convaincue, moi non plus, personnellement, de la nécessité d'une loi, comme plusieurs personnes. Cependant, c'est un travail de longue haleine qui a été fait et ça a été un travail, je dirais, de société. Vous savez, 150 mémoires sont déposés ici; la société civile, plus de 200 000 personnes l'ont signé, différentes instances. Et il est évident que, comme équipe ministérielle, quand nous avons eu à discuter longuement pour le partager avec le Conseil des ministres et avoir l'adhésion de tout le caucus, il y a eu un cheminement qui s'est fait. Et, je vais vous dire, je pense que c'est sain que nous ne soyons pas convaincus nécessairement, mais le jour où nous décidons de le faire, c'est parce qu'on a mesuré tous les avantages et les inconvénients, alors c'est un sens de responsabilité très élevé, je tenais à vous le dire également.

Je voudrais vous dire aussi que, à juste titre, vous avez dit: Nous aimerions que Québec et Ottawa s'entendent. Moi, je vais vous dire, M. Lépine, si vous avez des secrets pour nous... je vous invite à me les partager.

n(12 heures)n

Au niveau du congé d'assurance parentale, les trois partis politiques au sein de cette Assemblée nationale, unanimement, ont convenu qu'il fallait qu'on se dote d'un régime d'assurance parentale pour soutenir ceux et celles qui ont un désir d'enfants. Nous l'avons fait démocratiquement, la société civile y a adhéré.

Nous avons convenu d'un consensus social également sur le déséquilibre fiscal qui existe actuellement et nous l'avons fait de façon responsable et sensée. Je vais vous dire, je ne sais plus comment nous allons le dire, comment nous allons faire les choses, et, indépendamment des allégeances politiques, il n'en demeure pas moins que vous avez raison, qu'actuellement, avec le dédoublement qui se fait et les sommes d'argent qui sont versées dans des champs de compétence qui ne regardent pas un palier de gouvernement autre, ce que ça a pour effet, c'est diviser pour mieux régner, et cette coordination... Surtout dans un secteur comme celui de la pauvreté et l'exclusion sociale, il ne devrait pas y avoir de perte d'énergie à essayer de voir comment on peut rattacher tout ça. Et ce que vous avez témoigné est tellement vrai, parce que combien de personnes siégeant au niveau des organismes communautaires qui voudraient passer davantage de temps auprès des femmes et des hommes qui ont besoin et qui doivent perdre des heures et des heures pour compléter les programmes, faire l'arrimage, et tout ça? Alors, je vais vous dire, moi, je suis médiatrice de formation, je suis... Le langage, le ton utilisé, et quand on parle unanimement... Je ne sais plus ce que nous allons faire. J'interpelle l'ensemble de notre société pour prendre acte de cela, parce que la démocratie, elle est durement amochée.

Vous avez indiqué qu'il serait peut-être intéressant d'avoir un sommet. Moi, je vais vous dire respectueusement, M. Lépine, le travail qui a été fait depuis de nombreuses années, mais particulièrement depuis 1998 où il y a eu cette tournée régionale ? Mme Léger l'a faite ? tournées au niveau de marches de la société civile qui ont campé au coeur de l'action gouvernementale et prioritaire la pauvreté, les chercheurs qui se sont penchés sur ce dossier jusqu'à maintenant... Je pense en toute humilité qu'il nous faut maintenant vraiment aller dans l'action. Il n'en demeure pas moins que vous avez raison, qu'il faut qu'il y ait un lieu pour que l'on puisse à la fois observer la direction que nous allons prendre, corriger le tir s'il est nécessaire. Mais, je vais vous dire, je pense que là on a assez de littérature sur le sujet et tellement de témoignages de gens qui le vivent dans leur quotidien, et vous le savez qu'il nous faut aller de l'avant.

Vous avez également indiqué qu'il nous fallait intervenir sur la pauvreté aussi immédiatement. Je sais qu'au ministère de la Solidarité sociale on a convenu certaines ententes, particulièrement avec des organismes communautaires, pour être capable de donner l'aide de dernier recours aux gens qui n'ont pas de domicile fixe. Alors, on essaie par différentes mesures. Les intervenants, lorsqu'ils reçoivent des gens, essaient de les mettre en contact avec tout ce qui existe comme organismes pour qu'on en arrive à une réponse. Plusieurs députés de l'Assemblée nationale nous écrivent parce qu'ils rencontrent, à juste titre, des gens dans leur circonscription qui vivent des difficultés et qui les amènent à nous sensibiliser davantage pour qu'on intervienne, et il faut aller plus loin.

La définition de l'exclusion sociale que vous nous suggérez, elle est extrêmement intéressante. Et, je vais vous dire, si on peut bonifier le projet pour qu'on... on est tout à fait à l'aise avec cela.

Vous avez soulevé quelque chose d'extrêmement important, vous avez dit: La pauvreté n'est pas l'affaire d'un gouvernement seul, c'est l'affaire de l'ensemble de notre société. Pour qu'on ait cette meilleure coordination ensemble, qu'est-ce que vous considérez qui doit être priorisé, une fois qu'on aura adopté cette loi et le plan d'action, pour nous assurer cette coordination essentielle de tous les acteurs de notre société?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lépine.

M. Lépine (Hugo): Je vous dirais, en premier lieu, que la suggestion de tenir un sommet était une des façons d'y arriver. Je pense également qu'au niveau de la représentation dans les différentes structures qui seront créées dans le projet de loi n° 112 devrait refléter cette nécessité de faire en sorte qu'il y ait une diversité, là, au niveau de la représentation, que ce soit au niveau du Comité consultatif, que ce soit également au niveau de l'Observatoire, que ce soit également au niveau du fonds spécial. Il faut, en tout cas, tout faire pour éviter... Et, c'est un peu le danger qu'on soulignait, nous, au début, lorsqu'on était un peu réfractaire à l'idée d'une loi, c'était d'envoyer le message à la population que maintenant le gouvernement prend à sa charge la lutte contre la pauvreté. Et il y avait un effet secondaire que l'on craignait, nous. Parce que vous savez qu'on ne vit pas que de l'argent gouvernemental, mais on a à organiser nos campagnes, et la crainte qu'on avait, c'est que la journée où il y aurait un projet de loi qui serait adopté, bien, qu'au moment où on irait frapper aux portes des gens, leur dire: Bien, encouragez-nous, on se ferait dire: Bien, maintenant allez voir le gouvernement, le gouvernement a pris ça à sa charge, puis c'est notre contribution sociale à ça. Alors, c'est un peu la raison pour laquelle on se disait: Bien, il faut être prudent.

Maintenant, si, à travers les mécanismes que l'on se donne, on réussit à interpeller d'une façon ou d'une autre les différents groupes d'intérêts de la société, je pense qu'on devrait être en mesure, là, d'atteindre cet objectif-là d'en faire, en fait, une stratégie collective, une stratégie qui est sociale et que le gouvernement, là-dedans, agisse comme un catalyseur des efforts que l'on fait tous ensemble. Et le fait également d'accorder énormément d'importance à l'action des organismes communautaires... Je pense que c'est la première fois, moi, que je vois de façon aussi claire, nette et précise une reconnaissance de l'importance des organismes communautaires dans la lutte à la pauvreté. Je pense que c'est aussi une façon, là, de montrer à la population, de montrer à la société qu'il n'y a pas que le gouvernement qui doit se préoccuper du problème de la pauvreté, mais il y a le milieu communautaire, mais il y a aussi le milieu des affaires, comme je vous disais tout à l'heure, qui doit être interpellé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie. J'aurais bien d'autres questions, mais je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée, à vous la parole.

Mme Léger: Oui. Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue ici, madame. La mission de la Maison de Lauberivière ? je vais le lire ? est d'accueillir, dans un esprit évangélique, avec respect, amour et compréhension, toute personne dans le besoin, quelle que soit la raison qui l'amène à frapper à sa porte, et de lui offrir les services qui lui permettraient de trouver une solution à sa situation et, si possible, l'aider à retrouver son autonomie. Toute une mission, parce que, dans l'espoir que tout citoyen puisse participer à la vie active et dont l'emploi est, je pourrais dire, un élément plus qu'essentiel, il reste que les gens qui frappent à votre porte, ça me donne l'impression qu'ils sont très éloignés du marché du travail, d'une part, ou de la possibilité d'avoir un emploi et qu'ils, peut-être, n'auront jamais un emploi parce que peut-être ils ne sont pas, je pourrais dire, en situation d'avoir un emploi tel quel.

Alors, dans le fond, ce que je voudrais vous demander, c'est: Comment, dans votre quotidien, concrètement, les gens qui frappent à votre porte... Et, quand on regarde ce qu'on met de l'avant, une loi, d'une part, puis que la loi est un outil, dans le fond, dans toute une stratégie de lutte contre la pauvreté, elle se veut effectivement globale, intersectorielle... Vous nous le dites, je pense, que c'est un élément majeur, mais concrètement, pour la personne qui arrive chez vous, comment vous voyez... Avec une stratégie, avec un gouvernement qui assume son leadership par rapport à cette lutte contre la pauvreté, comment vous voyez, concrètement, que cela puisse aider les personnes qui viennent frapper à votre porte?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lépine.

M. Lépine (Hugo): Je pense que, dès le départ, pour la personne qui arrive à Lauberivière, on repart du début. Mais il y a quelque chose qui est fondamental chez la personne et qu'on doit absolument redonner à la personne qui arrive chez nous, c'est de l'espoir, parce que la personne qui arrive à Lauberivière, elle est désespérée, elle est souvent au bout du rouleau, et je pense que c'est ça, l'élément. C'est vraiment celui-là, c'est de redonner espoir, que la personne puisse, à un moment donné, revenir, sortir de ce bourbier-là, sortir du syndrome de la porte tournante, qu'on appelle, nous autres, dans notre jargon à nous. Je pense que c'est ça, c'est le mot de l'espoir. Quand la personne arrive chez nous, elle est vraiment au bout du rouleau, elle ne sait plus où aller, elle ne sait plus qui va l'aider. Elle vit l'exclusion, elle n'a plus de liens naturels, elle est souvent rejetée par sa propre famille. Alors, c'est ça, l'espoir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre... Vous vouliez ajouter, M...

M. Pednault (Claude): Pednault.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...Blouin.

M. Pednault (Claude): M. Pednault.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse. M. Pednault.

n(12 h 10)n

M. Pednault (Claude): Moi, ce que j'aimerais ajouter en complément à la réponse à Mme Léger, c'est que les personnes qui arrivent à Lauberivière, il y en a un certain nombre qui ont des problématiques tellement graves, qui ont connu un désinvestissement social, professionnel, familial tellement considérable qu'on fonctionne avec eux selon l'approche dite de réduction des méfaits. Alors, on leur donne un bon repas, on les met au chaud, ils se lavent, on lave leurs vêtements.

Mais il y a toute une série de gens qui vivent une situation précaire, une situation d'exclusion à cause d'une problématique, puis ça, je pense que c'est bien important de le savoir. Nous, à Lauberivière, compte tenu du fait qu'au Québec on n'a pas de ressources... on est comme n'importe quelle société, on n'a pas de ressources illimitées, il faut faire des choix. Nous, ce qu'on craint, ce serait l'unilatéralisme, genre, bien on augmente l'ensemble des bénéfices sociaux, etc., puis qu'on oublie... Je vais vous donner un exemple très concret. Quel bien peut-il sortir du fait que, par exemple, un joueur reçoive 400 $ de plus par mois? Il faut d'abord s'attaquer à sa problématique de jeu, sinon c'est un investissement complètement improductif. Puis ce qu'on craint, c'est que dans une société où la richesse... Il y a une limite à la richesse collective, c'est qu'il n'y ait plus d'argent pour faire face à la racine des problèmes.

Nous, à Lauberivière, il a été ce que dans l'industrie on appelle une intégration verticale de services, c'est qu'il y a eu éventuellement la création d'un secteur de thérapie pour répondre à cette problématique-là. Il y a un secteur de réinsertion sociale où, par exemple, tous les ans il y a un taux de diplomation chez nous. On est en lien avec un sous-centre de formation aux adultes. On est en train de créer du logement social parce qu'on voit bien que la problématique des gens qui sortent après une thérapie ou quelques mois de réinsertion, ou bien ils investissent énormément dans le logement, mais ils n'ont plus d'argent pour les loisirs, puis la vie est plate, puis ils rechutent, ils retombent ou l'inverse, ils mettent beaucoup dans le loisir puis ils se retrouvent dans des taudis, voisins de piqueries, etc.

Alors, c'est un peu la problématique, c'est qu'il faudrait ne pas oublier de mettre des sommes au niveau des programmes de réinsertion, qui est de l'aide à l'individu, de répondre à sa problématique à cette personne-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, un bref commentaire de 30 secondes.

Mme Léger: Trente secondes. Vous avez parlé d'un sommet, là. Ma collègue l'a glissé un petit peu, il y a eu quand même beaucoup de consultations pour arriver aujourd'hui à une stratégie puis à un projet de loi qui est sur la table. Vous aimeriez en faire d'autres consultations? Quelle est l'idée d'un sommet?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lépine.

M. Lépine (Hugo): On aura toujours besoin de se concerter. Même après l'adoption d'une loi, il faudra poursuivre ces mécanismes-là, parce que la situation changera éventuellement et, j'espère, pour le mieux, mais il y a aura toujours une nécessité ? puis, lorsqu'on parle de concertation, il faut forcément se parler ? il y aura toujours une nécessité de s'assurer que tout le monde est sur le même aiguillage, là, qu'on est tous sur la même longueur d'onde lorsqu'on parle de lutte à la pauvreté, et ça devra être constant. Il y aura peut-être éventuellement, au gré de l'évolution de la situation, des changements à apporter éventuellement au plan d'action, à la stratégie elle-même qui vont nécessiter une communication qui est constante, et pas nécessairement à travers les mécanismes comme le Comité consultatif ou l'Observatoire, mais qui font en sorte qu'on s'assure, là, de la plénitude de la contribution des organismes, ou des intervenants, ou des différents groupes sociaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Et ça s'adonne bien que... Dans le peu de temps, j'aimerais poursuivre un peu sur l'idée de cette consultation. Personnellement, je trouve que ? je l'avais déjà dit ? il a manqué une étape à où on est aujourd'hui. Il y a eu une consultation organisée par le gouvernement par le biais des CRD, etc., mais on n'a pas réussi à faire en sorte à ce que... L'implication de l'ensemble de la société dans le dossier ferait en sorte que tout le monde se sentirait déjà engagé. Les Anglais appellent ça un «buy in». Je ne suis pas certain, moi, que le «buy in» est fait par rapport à l'ensemble des groupes sociaux. Parce que, s'il y a un dossier où on ne pourra pas aller plus loin si on ne réussit pas à s'assurer que tout le monde va suivre ensemble et que tout le monde puisse effectivement sentir ce lien de solidarité par rapport à un objectif socialement très louable... Mais, il faut que chacun y trouve son compte, il faut que chacun aussi soit amené à comprendre que ce n'est pas juste une question de bienfaisance, c'est une question aussi d'intérêt économique pour certains, de bienfaisance pour d'autres. Chacun a ses raisons, mais il faut qu'on réussisse, à un moment donné, de s'assurer qu'on fasse ça.

On aurait souhaité voir une commission parlementaire spéciale, élargie, indépendante qui aurait pris le temps, avant même le dépôt d'un projet de loi, de cheminer comme, semble-t-il, la ministre l'a fait. Elle nous dit qu'elle n'était pas d'accord avec l'idée d'un projet de loi, mais elle a cheminé. Moi, je pense qu'elle a cheminé pour des raisons politiques ? et je le dis sans méchanceté ? parce que, effectivement, je pense qu'ils étaient placés devant une situation où c'était évident qu'il fallait déposer un projet de loi. Tant par le travail du Collectif, tant par le travail qu'on a fait en Chambre où on réclamait ce genre de chose, c'était devenu une conséquence naturelle, à ce que le gouvernement dise à un moment donné: On va le déposer, le projet de loi, puis on va trouver une façon de le faire avec laquelle on pourra vivre. Et comme je le disais... En tout cas. Mais ça aurait été intéressant qu'on puisse tous, dans la société, cheminer ensemble pour qu'on arrive à déposer un projet de loi pour une consultation plus pointillée, si vous voulez, ici, sur un projet qui aurait été le fruit de cette démarche-là.

Ça n'a pas été fait. Bon, on va essayer de se reprendre. Et, dans ce sens-là, je pense que, bon, une première étape, c'est la consultation qu'on fait aujourd'hui. Vous, vous venez avec l'idée d'un sommet comme idée supplémentaire, je présume, et j'aimerais juste vous entendre, si votre réclamation d'un sommet vient du même genre de lecture que je vous expose ici en disant que je ne suis pas certain, moi, encore que tout le «buy in» de tout le monde avec lequel il va falloir qu'on chemine ensemble est fait. Donc, l'objectif poursuivi dans votre sommet, c'est quoi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lépine.

M. Lépine (Hugo): Je vous dirais que c'est une idée qui découle surtout de l'exemple que, nous, on suit entre organismes communautaires. Il y a une table de concertation permanente sur l'itinérance, à Québec, qui existe depuis plus de 10 ans, et qui a démontré, et qui a donné des résultats remarquables dans la région de Québec, spécialement au niveau de la coordination des actions qui sont posées par chacun des organismes. On en a fait un outil qui est permanent et on a même créé un regroupement, dont je suis le président, qui a pour charge de voir à continuer à organiser ces tables de concertation qu'on tient à deux ou trois reprises par année.

Maintenant, on le fait à l'échelle des organismes communautaires et à l'échelle de la région de Québec. Alors, nous, on a dit: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'utiliser ce modèle-là à l'échelle de l'ensemble de la province en y réunissant tous les groupes d'intérêts et pas seulement le milieu communautaire. Donc, je vous parlais tout à l'heure du milieu des affaires entre autres choses, milieux syndicaux, les groupes de femmes, etc., et l'idée d'un sommet nous est apparue comme étant celle qui était la plus appropriée dans les circonstances, même plus loin qu'une commission parlementaire spéciale, parce que le sommet ? puis, on l'a vu, il y en a eu des sommets, il y a eu le Sommet socioéconomique, il y a eu le Sommet du Québec sur la jeunesse ? ça a un impact, ça attire énormément l'attention du public, ça a un effet qui permet de réaliser une sensibilisation. Parce qu'il faut continuer aussi à travailler là-dedans, hein, sensibiliser la population en général à l'existence des problématiques reliées à la pauvreté. On a fait une partie du travail, on a progressé socialement là-dessus, mais il y a encore du travail à faire, et on pense que l'idée de tenir un sommet serait celle qui viendrait répondre, là, à toutes ces considérations-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: L'autre volet que je voulais, parce que je pense que je vais laisser un peu de temps, c'était ce que M. Pednault avait amené tantôt en parlant de la nécessité de garder un genre de différenciation dans le traitement des gens. Je vous comprends très bien, j'ai de la difficulté à voir comment est-ce qu'on peut le faire sans contrevenir, si vous voulez, à l'idée du droit que tous les individus ont d'être traités de façon égale devant la loi. S'ils ont des problèmes, il faut qu'on trouve une façon de régler le problème par la suite. Mais, en tout cas, je pense que monsieur sait ce que je veux dire, là, il y a comme une opposition entre une approche qui dit: On va agir comme s'ils n'ont pas des droits, puis, si on réussit à régler des problèmes qu'on a identifiés, on va les aider parce que ça va être plus efficace... En tout cas, j'aimerais juste vous donner l'occasion d'élaborer davantage, parce que, je pense, ça soulève un débat de fond important.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Pednault.

n(12 h 20)n

M. Pednault (Claude): Loin de moi l'idée qu'il faille abandonner des droits vis-à-vis les plus pauvres et les plus démunis. Non, c'est que s'il doit y avoir des choix compte tenu de la richesse collective du Québec, c'est qu'il ne faudrait pas oublier... C'est qu'il ne faut pas faire d'angélisme. Nous, à la fin, on a l'opinion, comme disait M. Lépine... l'opinion de la pauvreté des pauvres qu'on reçoit. Alors, ce qu'on voit, c'est que les gens n'ont pas la même chance face à la vie. Quelqu'un qui a une problématique de santé mentale, bien il faut faire face à cette problématique-là.

Vous savez que Lauberivière est la famille substitut pour toute une série de gens. Alors, c'est qu'il tombe sous notre sens qu'on a bien beau avoir des bons principes, mais les gens n'ont pas l'égalité de chances, et c'est ce à quoi il faut tendre. Et puis, dans un organisme comme nous, tendre vers l'égalité de chances d'avoir éventuellement un niveau de vie décent, etc., ça passe souvent par des mesures de réadaptation et de réinsertion. Ce que je voulais tout simplement dire, c'est qu'il ne faudrait pas faire de l'unilatéralisme puis dire: Bien, là, on augmente le salaire minium, on augmente les barèmes de l'aide sociale puis on oublie toute mesure de réinsertion sociale. C'est ça que je veux dire, c'est qu'à ce moment-là on oublierait les plus pauvres des pauvres.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Pednault. Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Oui. Bien, merci beaucoup, premièrement. Je trouve que vous avez apporté des éclairages différents, en tout cas, qui ont amené des nouveaux questionnements ou des nouvelles pistes, puis ça, je trouve ça fort intéressant. J'ai deux choses. En fait, j'en aurais eu plein, comme Mme Goupil. J'en ai plein, mais là il faut que je fasse un choix. Alors, il y a... Par rapport au sommet, vous avez parlé d'une concertation au niveau régional, et moi, je me demande, entre justement une concertation continue au niveau régional et un sommet qui arrive ponctuellement... Je sais qu'il faut partager nos succès entre les régions, mais le visage de la pauvreté, pour moi, est très différent d'une région à l'autre et entre l'urbanité puis la ruralité. Alors, je me demande: Est-ce qu'on n'est pas mieux de mettre les outils au niveau régional et d'assurer une concertation à un niveau peut-être plus humain, en fait, que je dirais, plus local, plus régional? Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Puis, dans le même ordre d'idées, vous parlez de retirer au SACA tout pouvoir d'allocation de subventions puis de mettre ça dans le fonds, et je trouve ça fort intéressant. Par ailleurs, on a eu plusieurs groupes qui sont venus nous parler de régionaliser le fonds ou de permettre au fonds d'être plus local pour des actions qui ressemblent aux besoins des milieux. Alors, là-dessus aussi, j'aimerais ça vous entendre, comment vous verriez le fonds et comment vous voyez, donc, la perspective régionale et locale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lépine.

M. Lépine (Hugo): Bien, au niveau de la concertation, évidemment, l'idée de tenir un sommet sur le plan, je dirais, plus à l'échelle de la province verrait là des discussions sur des enjeux qui concernent... en tout cas, qui pourraient regrouper ceux de l'ensemble des régions. Il n'est pas à exclure qu'on puisse avoir... je vous dirais, de reproduire le modèle de la table qu'on a, nous autres, dans la région de Québec, parce que la table de concertation, nous, regroupe non seulement les organismes communautaires, elle regroupe aussi le milieu institutionnel, elle regroupe également même des gens d'affaires que l'on s'efforce d'inviter à toutes les occasions qu'on a. Moi, je pense que ça devrait également être un modèle qui soit reproduit dans les diverses régions du Québec.

Pour ce qui est de SACA, bon, on doit quand même l'avouer un petit peu, on est un petit peu fâché après le Secrétariat à l'action communautaire autonome pas seulement à l'échelle de Lauberivière, mais, je vous disais tout à l'heure, je préside un regroupement de différents organismes communautaires qui viennent en aide, là, aux itinérants et itinérantes, puis on se dit, quand on regarde tout ça dans la perspective d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté puis avec l'idée, là, comme on en parlait tout à l'heure, de dupliquer le moins possible les sphères d'intervention dans le domaine de la lutte à la pauvreté, est-ce qu'on n'aurait pas là le moment approprié pour concentrer nos ressources vers les structures qui seront appelées à se spécialiser, là, à s'assurer que ce qui va se faire le sera en fonction de ce que nous adopterons comme stratégie nationale, de ce que sera le plan d'action?

Alors, est-ce que le SACA sera l'organe approprié pour analyser ou évaluer l'impact de ces engagements d'ordre financier eu égard à la lutte à la pauvreté alors que ce n'est pas forcément sa spécialité? Le SACA a été créé pour appliquer la politique de l'action communautaire autonome, et on a quelques démonstrations à l'heure actuelle concernant le SACA qui nous font douter un peu de sa capacité d'avoir une perspective, d'adopter une approche globale dans ses actions, là, dans ses investissements, là, auprès des organismes qui sont voués à la lutte contre la pauvreté.

Alors, nous, on se dit et on fait la suggestion: Est-ce qu'il ne serait pas approprié, à défaut de changer ses mécanismes de fonctionnement, bien, de transférer la partie des fonds qui est vouée aux organismes qui viennent en aide aux plus démunis de notre société puis de les envoyer, par exemple, sous administration du fonds spécial qui est créé en vertu du projet de loi? C'est un petit peu l'idée qu'on propose. Et puis, bien, il faudrait voir, au niveau de la mécanique, là, du fonds spécial, comment ça va se concrétiser à l'intérieur du plan d'action. Est-ce que ces fonds-là seront plutôt régionalisés plutôt que mis en place sur une base nationale? En tout cas, ça, ce serait une autre excellente occasion, justement, de s'assurer d'une réponse qui est encore plus adéquate aux besoins, comme vous le disiez, qui sont particuliers d'une région à l'autre, aux réalités qui sont particulières d'une région à l'autre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Il vous reste deux minutes, Mme la députée de Berthier, si vous voulez les utiliser.

Mme Grégoire: Mais est-ce que donc... C'est juste un complément. Ce que j'entends, c'est que vous préféreriez avoir une enveloppe régionalisée dans le plan d'action, c'est ça? Je veux juste être bien certaine, là.

M. Lépine (Hugo): Définitivement.

Mme Grégoire: O.K. Et, bien, comme j'ai un peu plus de temps, il y a des choix de société qu'on a faits ? mon Dieu! ça fait presque 20 ans, peut-être un peu moins ? un choix de désinstitutionnalisation. Et, par rapport à la clientèle que vous avez puis par rapport à ce que M. Pednault disait sur l'investissement, comme c'est de la prévention, hein, de prendre soin de la santé mentale des gens, c'est de la prévention, pour moi, contre la pauvreté, j'aimerais ça que vous nous parliez un peu des effets et peut-être de ce qu'on pourrait faire pour peut-être améliorer la situation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, dans une minute et demie, M. Lépine. Je vous cède la parole.

M. Lépine (Hugo): Je vais essayer. Ha, ha, ha! C'est que la réalité de la désinstitutionnalisation, des organismes comme Lauberivière la vivent tous les jours. On a souvent parlé des institutions de manière fort péjorative, comme... On a souvent insisté sur l'aspect négatif dans tout ça, mais on semble avoir oublié que, pour plusieurs de ces personnes-là, le milieu psychiatrique, quoi qu'on en pense, était un milieu de vie pour ces gens-là et que, du jour au lendemain, ces gens-là se sont retrouvés avec le devoir d'organiser leur propre vie, avec le devoir de tenter de se refaire une espèce de groupe, un groupe d'appartenance ? ça devient un groupe d'appartenance ? d'essayer de s'organiser, alors que je ne suis pas certain qu'on leur a vraiment donné les moyens. Puis la plus belle preuve de ça, c'est que ces gens-là, quand ils sont sortis des milieux psychiatriques, se sont mis à la recherche d'un autre milieu de vie et, très souvent, ils l'ont trouvé dans des endroits comme la Maison de Lauberivière.

Alors, ce qu'il faut comprendre, c'est que pour un organisme comme nous ça amène une complexification de notre tâche qui est assez importante. Nos intervenants, évidemment, sont formés, sont habilités à agir pour... en tout cas, pour aider des gens qui ont des problèmes sur le plan psychologique. On n'a pas de psychiatre, on n'a pas les moyens d'engager un psychiatre à Lauberivière. Pourtant, on en aurait bien besoin d'un à temps plein, je peux vous le dire. C'est pratiquement 50 % de la clientèle qui se présente à Lauberivière qui souffre d'une problématique d'ordre psychiatrique à un niveau ou l'autre. Alors, le gros problème de la désins, c'est qu'on n'a pas évalué, on n'a jamais vraiment évalué les impacts de ça. On l'a lancée comme étant une mesure administrative. Ce n'était peut-être pas mauvais, mais on l'a peut-être fait aussi pour les mauvaises raisons aussi, là. Et on ne s'est pas peut-être posé la question de savoir est-ce que, pour certaines personnes, le milieu institutionnel n'était pas justement un milieu qui était approprié.

M. Sirros: ...un juste milieu. Si le milieu de l'institution n'était pas approprié, ce n'est pas certain que le milieu général est approprié.

M. Lépine (Hugo): En fait, nous autres, ce qu'on prétendait, c'est que...

M. Sirros: Ça aurait pris peut-être une ressource transitoire surveillée, en tout cas quelque chose.

M. Lépine (Hugo): C'est ça. C'est qu'il faut avoir une approche qui est centrée sur la personne, centrée sur les besoins de la personne, qu'est-ce qui est le mieux pour la personne...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres, il ne me reste, madame, messieurs, qu'à vous remercier pour nous avoir fait partager l'expérience de votre Maison, vous souhaiter bonne chance. Alors, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 16 h 4)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales continue ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, nous recevons maintenant les représentants de l'Association coopérative d'économie familiale, l'ACEF de Québec: M. Denis Falardeau, qui est responsable du dossier fiscalité, budgets gouvernementaux et programmes sociaux à l'ACEF de Québec, de même que M. Richard Dagenais, économiste-recherchiste. Nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs. Alors, M. Falardeau, je vous cède la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Association coopérative d'économie familiale
de Québec (ACEF de Québec)

M. Falardeau (Denis): Je vous remercie. Dans un premier temps, je pourrais rapidement présenter qui est l'ACEF de Québec, Association coopérative d'économie familiale. Nous sommes un groupe de défense des droits des consommateurs qui existe depuis plus d'une trentaine d'années. Nos activités sont à deux niveaux, deux champs d'intervention, si je puis dire. Le premier, c'est la consultation budgétaire, c'est-à-dire que nous offrons un service d'information et de consultation pour les personnes qui ont des problèmes relatifs au budget, d'une part, et, d'autre part, nous intervenons concernant tout ce qui concerne les conditions de vie de la population en général. Nous avons intervenu par le passé en ce qui concerne les soins et les services de santé, la fiscalité, etc.

La façon dont nous allons procéder pour présenter notre intervention, c'est de la façon suivante: dans un premier temps, M. Dagenais va vous présenter une analyse critique du texte de stratégie nationale de lutte à la pauvreté, dans un premier temps; deuxièmement, nous allons faire une analyse critique du projet de loi, pour finalement, pour ma part, y aller avec les recommandations que nous considérons comme étant nécessaires pour bonifier le projet de loi.

Ceci étant dit, je céderais la parole à M. Dagenais pour la facette analyse critique.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Dagenais.

M. Dagenais (Richard): Alors, je remercie d'une part la commission d'avoir bien voulu nous entendre cet après-midi. Nous allons d'abord procéder par une analyse critique de la stratégie nationale de lutte à la pauvreté. Il me semble que c'est la base, finalement l'assise sur laquelle repose la loi.

Je voudrais juste rajouter qu'on a soumis aussi une feuille d'addendum de corrections, je ne sais pas si tout le monde l'a obtenue. Il y a peut-être une correction supplémentaire qui s'ajoute pour ma part, qui est en page 7, dans le cas du tableau, où on compare différentes mesures de faibles revenus. À la dernière ligne, c'est marqué «adulte disponible 1 enfant»; c'est plutôt «couple adulte disponible 1 enfant». Il s'agit donc de trois personnes, deux adultes et un enfant, dans ce cas-là.

Dans la stratégie nationale, on indique que la mondialisation ne crée pas automatiquement de la richesse. Pour nous, finalement, il y a des pays, des entreprises, des personnes qui peuvent sortir perdantes du phénomène de mondialisation. Ainsi, on observe depuis le milieu des années quatre-vingt que l'inégalité des revenus de marché va croissante au Canada et au Québec, alors que les transferts et les impôts n'ont que partiellement compensé cette réalité. Nous pensons aussi que la relation entre création de la richesse et distribution n'est pas à sens unique. Ainsi, de meilleures conditions de travail de justice et de redistribution de la richesse peuvent être instaurées préalablement pour favoriser une croissance économique plus durable et équitable où les personnes participeront plus activement dans un esprit de collaboration. Autrement dit, la perception d'inéquité et d'injustice peuvent démobiliser une partie de la population et nuire au progrès économique. Nous pensons donc qu'il faille prendre en compte la diversité des causes pouvant entraîner la pauvreté, que ce soient les causes économiques, que ce soient les causes personnelles, les causes systémiques, et en tenir compte dans les moyens de lutte à la pauvreté.

Concernant la finalité de la lutte à la pauvreté. Dans la stratégie, on indique qu'il faut prioriser l'amélioration des conditions de vie des pauvres afin de résorber le problème de vieillissement de la population, de réduction de la main-d'oeuvre dans certains secteurs. Nous pensons que les considérations économiques et budgétaires ne sont pas à négliger, mais qu'elles ne doivent pas dominer le débat ni supplanter les dimensions de solidarité et de respect de la personne.

Nous pensons que la définition de la pauvreté doit être élargie pour tenir compte des personnes avec des incapacités permanentes, pour tenir compte des cas transitoires, par exemple, de pauvreté qui appellent à des modes d'intervention adaptés aux différentes causes et conditions particulières, qui seraient nécessaires, selon nous, dans une approche de prévention qui n'est pas discriminatoire afin d'éviter que les nouveaux pauvres tombent dans le cercle vicieux de la pauvreté.

Concernant la mesure de la pauvreté. Il faut tenir compte, selon nous, du caractère multidimensionnel de la pauvreté: à la fois les aspects sociaux, économiques, personnels, et, dans le cas de la dimension économique, on doit tenir compte à la fois des besoins physiques, vitaux autant que ceux psychologiques et sociaux et aussi de la dimension redistributive, c'est-à-dire du partage de la qualité de vie dans une société développée. À notre sens, ces trois dimensions sont nécessaires pour arriver à mesurer la pauvreté d'une manière satisfaisante et acceptable pour l'ensemble de la société. On ne peut ramener la pauvreté strictement à la dimension de privation de la consommation de biens et services essentiels, car il faut aussi s'assurer que les gens s'intègrent à la société moderne, c'est-à-dire qu'ils aient à la fois une qualité de vie satisfaisante, des moyens suffisants pour s'intégrer aussi dans la société sous les différentes dimensions, non pas strictement économique.

n(16 h 10)n

Le Conseil du bien-être social considère d'ailleurs que les seuils de faibles revenus avant impôts de Statistique Canada sont des seuils minimaux pour évaluer la pauvreté, considérant que divers problèmes sociaux chez les enfants sont amplifiés à des seuils de revenus qui dépassent les seuils de faibles revenus avant impôts de Statistique Canada. Alors, des problèmes comme l'abandon scolaire, des problèmes de santé, des problèmes de comportement finalement chez les enfants peuvent être amplifiés à des seuils de revenus qui dépassent les seuils de faibles revenus de Statistique Canada, et on doit tenir compte de cette réalité-là. C'est une dimension donc complexe et multiple à prendre en compte.

En page 7, on compare cinq mesures de faibles revenus dans le cas d'un adulte ou encore d'un couple avec ou sans enfants. Ce qu'on observe finalement, c'est qu'il y a des écarts importants entre les différentes mesures. L'aide sociale ne couvre pas les besoins essentiels évalués, par exemple, par la mesure de panier de consommation ou, encore, évalués par le budget de confort minimum du Dispensaire de Montréal.

On peut souligner aussi que la sécurité de la vieillesse du Canada assure, pour une personne seule, un revenu de 11 800 $ par année, alors que, pour une personne qui a une rente d'invalidité, par exemple, elle peut toucher 11 472 $, alors que l'aide sociale assure un revenu entre 6 180 $ à 9 038 $ et que le Dispensaire de Montréal, par exemple, évalue le seuil de confort minimum à 11 000 $, par exemple, pour 2002. Pour un couple sur la sécurité de la vieillesse, il peut toucher 19 132 $, alors que l'aide sociale assure un revenu entre 9 564 $ et 13 524 $, versus un seuil de confort minimum du Dispensaire de l'ordre de 18 000 $. Alors, il faudrait assurer une cohérence finalement entre les différents soutiens du revenu des ménages en fonction des besoins véritables des personnes.

Il faudrait aussi mesurer les conséquences de la pauvreté. Alors, pour certains chercheurs, la pauvreté a des coûts personnels, mais aussi génère des coûts sociaux importants en termes d'inconvénients pour la société finalement, sur le système de santé, sur le système de justice, etc., qui sont, pour plusieurs, supérieurs, finalement, aux coûts personnels de la pauvreté. Alors, je pense qu'il faudrait évaluer cet aspect-là aussi pour décider des investissements qu'on va faire pour lutter contre la pauvreté.

Il y a différentes études qui ont montré, par exemple, que soutenir, par divers programmes, la réinsertion à l'emploi des femmes monoparentales et des autres personnes qui sont aptes au travail... sont largement rentables pour l'État et la société. Alors, il y a des études qui ont été faites pour le Québec, entre autres, pour l'Ontario. Et différents programmes donc, que ce soit au niveau du soutien des familles pour les frais de garde, pour la formation continue, et ainsi de suite. Alors, je pense que c'est des éléments qui montrent la rentabilité sociale finalement du soutien à des personnes qui sont dans l'état de pauvreté. Il faut donc garantir aux personnes visées des conditions satisfaisantes lorsqu'elles s'intègrent dans le marché du travail, lorsqu'elles suivent de la formation pour s'assurer qu'elles améliorent leur situation et non pas qu'elles perdent en termes de capacité de soutenir leurs besoins essentiels de leur propre personne et de leurs enfants.

Nous pensons aussi, comme le pense l'universitaire Hector Ouellet, qu'il faille non seulement améliorer le revenu des personnes pauvres, mais aussi améliorer l'accessibilité et la qualité des services qui sont offerts à ces personnes. Une clause d'impact sur les pauvres évitera dans le futur d'effectuer des modifications ou des coupures dans les services et les programmes qui frapperont au premier chef les personnes pauvres.

Par exemple, selon la Direction de la santé publique de Montréal, qui a déjà documenté les écarts de santé liés à la pauvreté, l'écart se creuse entre les riches et les pauvres concernant certaines interventions chirurgicales. En 1999-2000, les gens à faibles revenus ont bénéficié de moins d'interventions que les gens à revenus élevés, alors qu'en 1991 le taux d'interventions était similaire. On indique que les chirurgies d'un jour ont baissé dans les hôpitaux de Montréal depuis 1997, probablement à cause du départ massif à la retraite, et que cela a eu plus d'impact finalement chez les pauvres. D'autres études indiquent que les pauvres ont moins facilement accès à certains types de services médicaux qui pourraient pourtant accélérer leur rétablissement. En matière d'éducation, ici, au Québec, on a coupé, en premier lieu, les services professionnels qui viennent en support aux jeunes en difficulté qui sont plus souvent issus des milieux pauvres. Alors, il faudrait donc, à partir d'une clause d'impact, évaluer les effets finalement de certaines mesures, de certaines coupures de services.

Nous pensons qu'une approche positive et incitative fondée sur le respect intégral des personnes est nécessaire pour motiver les personnes à travailler, mieux se former et mieux s'intégrer à la société. Mais nous pensons qu'il faille apporter des avantages suffisants aux personnes qui s'intègrent au marché du travail ou suivent une formation afin de compenser leurs efforts et couvrir tous les coûts supplémentaires que les diverses activités entraînent.

La modification et la réduction dans les transferts fédéraux expliquent une partie des coupures opérées à l'aide sociale au Québec et dans d'autres provinces dans les années quatre-vingt-dix. Cela a amplifié le problème de l'appauvrissement, a accru l'usage des banques alimentaires. Selon Statistique Canada, 10,4 % de la population canadienne et 57,6 % des personnes sur l'aide sociale ont vécu l'insécurité alimentaire à la fin des années quatre-vingt-dix. 53 % des personnes sur l'aide sociale ont dit avoir un apport alimentaire compromis. L'étude de Statistique Canada indique aussi un lien entre l'insécurité alimentaire et la prévalence des maladies physiques et psychiques.

Il nous apparaît important pour l'avenir que le gouvernement garantisse la satisfaction des besoins, autant physiques que sociétaux de la personne, et garantisse le maintien du pouvoir d'achat pour les personnes, entre autres, en indexant pleinement les différents paramètres de la fiscalité et les programmes de transfert. On pense, entre autres, à l'allocation au logement dont les paramètres sont gelés depuis 1997.

On vous passe la parole sur ça. Denis Falardeau.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, alors M. Dagenais... M. Falardeau, pardon.

M. Falardeau (Denis): Merci. Dans un premier temps, je dois vous avouer que, lorsque j'ai lu pour la première fois le projet de loi, j'ai été déçu. Je me suis dit: Bon, on fait du neuf avec du vieux, il y a de la redite, on regroupe dans un texte des programmes déjà existants, etc. Vous allez peut-être me dire que je suis un tenant de Salvador Dalí, que je pratique la paranoïa critique, je ne sais pas. Je dois vous avouer que ma position est tout de même nuancée aujourd'hui. Il y a, à mon avis, des choses qui sont agréablement acceptées, si je peux dire. Il y a quand même du neuf. Je crois que nous devons accueillir favorablement la position de principe à l'effet qu'un gouvernement veuille lutter contre la pauvreté. Cette loi-là est quand même d'un apport positif, mais il y a quand même une série soit d'ajouts ou de modifications que nous pensons nécessaires pour que cet objectif soit atteint. Et c'est pour cette raison que nous avons lié au texte d'analyse que M. Dagenais vous a présenté tout à l'heure une série de recommandations. Je prends pour acquis que vous avez tous et toutes pris connaissance de notre document, donc je vais y aller par mots-clés, pour ensuite y aller avec d'autres recommandations, et, cette fois-là, je vous demanderais d'utiliser votre stylo, car elles ne font pas partie de notre document.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste deux minutes, monsieur.

M. Falardeau (Denis): Deux minutes. Bon. O.K. Dans ce cas-ci, s'il nous reste deux minutes, je vais y aller...

Une voix: ...

M. Falardeau (Denis): Bon, bien, O.K. sortons nos stylos. Bon. O.K. Ce qui se produit, comme je vous le disais, il y a quand même... C'est un projet intéressant. Les modifications donc, je n'en parlerai pas parce que j'imagine que vous allez nous poser des questions tout à l'heure là-dessus.

Il y a cependant un élément qui serait important à intégrer et dont nous n'avons pas parlé dans notre document. Nous pensons que le premier mandat soit du Conseil consultatif ou de l'Observatoire, et même, peut-être, les deux, ce serait de mener vraiment une analyse en profondeur de tout ce qui s'appelle programmes, lois, recours juridiques concernant des droits sociaux, ainsi de suite, pour évaluer ? comment dire? ? les accrocs, là où il peut y avoir des situations susceptibles d'entraîner soit la pauvreté ou l'aggravation de celle-ci.

n(16 h 20)n

Je donne à titre d'exemple le mécanisme de révision d'une décision de la sécurité du revenu. Actuellement, la mécanique est à l'effet qu'il y a un premier palier de révision, ça s'appelle l'agent de révision. C'est un fonctionnaire seul qui révise la décision. À notre avis, pour faire en sorte qu'il y ait, en vertu d'un principe ? comment dire? ? de droit naturel, qu'il y ait vraiment le sentiment pour le prestataire, ou la prestataire, d'être bien entendu et d'avoir bien fait valoir sa preuve, ce serait peut-être intéressant de s'inspirer du conseil arbitral qui est déjà établi en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, maintenant l'assurance-emploi. Premièrement, c'est un tribunal qui est indépendant, qui n'a pas de lien organique ou quoi que ce soit avec l'application de la loi. C'est un comité qui est paritaire, il y a à la fois des représentants de l'employeur et des employés qui sont là. Bref, en termes de ? comment dire? ? solution pour faire en sorte qu'il y ait une façon rapide que les prestataires puissent être entendus et finalement avoir gain de cause, il reste des mécaniques de ce genre-là.

Il y aurait aussi une autre mécanique peut-être à évaluer ? j'imagine que ça a déjà été fait mention ? la possibilité pour des locataires d'obtenir une résiliation de bail pour des raisons économiques, mais des raisons économiques inattendues, soudaines, et là je fais référence, par exemple, à une perte d'emploi, faillite, ainsi de suite. Ce n'est pas quelque chose qui, à mon avis, serait si extraordinaire que ça. Le Code civil prévoit déjà actuellement la possibilité de résilier un bail pour des raisons de santé. Je ne dis pas d'ouvrir la porte à son extrême, c'est-à-dire que, dès l'instant où quelqu'un a des difficultés financières, entre guillemets, normales, il y aurait motif à résiliation de bail. Mais, dans des cas où il y a vraiment une perte subite de revenus, divorce, fermeture d'usine, chômage structurel, ainsi de suite, cette possibilité-là pourrait permettre aux personnes de ne pas s'entraîner dans une espèce de cercle vicieux. Car, comme vous le savez, lorsqu'il y a incapacité de payer un logement et qu'il y a résiliation de bail pour non-paiement de loyer, automatiquement s'ensuit une responsabilité de ce locataire-là pour la perte à gagner du propriétaire jusqu'à la fin du bail ou jusqu'à l'arrivée d'un nouveau locataire. En d'autres termes, il y aurait au travers de tous ces programmes et de toutes ces lois-là un processus d'examen pour éviter justement des espèces de cercle vicieux, si je puis dire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...

M. Falardeau (Denis): On a terminé, c'est ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, MM. Falardeau et Dagenais, merci pour la présentation de votre mémoire. Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, MM. Falardeau et Dagenais, d'abord, dans un premier temps, permettez-moi de vous féliciter en termes d'association. Moi qui ai pratiqué le droit de la famille pendant un certain nombre d'années, je sais qu'il y a eu beaucoup de personnes avec qui j'ai travaillé, avec qui on a référé, particulièrement avec l'ACEF de Lévis. Parce que, pour aider des gens justement à être en mesure de mieux budgéter puis de faire face à cette réalité extrêmement difficile, parce que, souvent... parce que je le disais ce matin, deux familles qui vivaient modestement se retrouvent, une fois en rupture, avec deux familles qui ont des problématiques pour combler les fins de mois, très souvent, malheureusement.

Il y a plusieurs éléments que j'aimerais vous parler. Vous savez, le temps est court, je vais laisser également la parole à mes collègues. Mais, entre autres, dans votre mémoire ? il y a trois questions que j'aurais à vous poser ? vous avez soulevé comme élément pour attirer notre attention, vous disiez: «Poser certaines exigences à l'endroit des entreprises afin de rendre plus efficaces et équitables les mesures d'insertion à l'emploi.» Vous avez indiqué aussi, comme commentaires et recommandations: «L'équité verticale commande de prendre en compte la capacité de payer de tous, les besoins de chaque clientèle et d'effectuer une juste redistribution des revenus et de la richesse.» Alors, j'aimerais savoir ce que vous voulez dire un peu plus par ça.

Et finalement, vous avez indiqué, à juste titre, dans votre mémoire que vous étiez en accord avec le fait que nous puissions permettre à des gens d'acquérir certains acquis, que ce soit au niveau physique ou financier, avant de perdre tout ce qu'ils ont, avant que ces personnes puissent être aidées. J'aimerais savoir quels sont les principaux moyens qui devraient être privilégiés justement afin d'accroître le développement d'actifs de certaines personnes pour les aider et mieux les accompagner. Alors, peut-être vous entendre sur ces trois commentaires, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. Falardeau.

M. Falardeau (Denis): Peut-être M. l'économiste?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Dagenais.

M. Dagenais (Richard): Alors, concernant les exigences aux entreprises, je pense qu'effectivement la pauvreté est un problème global dans la société puis tous les intervenants doivent agir. Et ce n'est pas juste un problème gouvernemental ou un problème personnel. Je pense, tous les intervenants doivent être impliqués. Dans la stratégie, on pose des exigences aux entreprises, alors que, dans la loi, à mon sens, on est beaucoup plus souple et moins exigeant. Et je pense qu'il faut ramener un certain nombre d'exigences. Entre autres, je pense, lorsqu'on a des programmes d'insertion, lorsqu'on fournit des argents aux entreprises pour qu'elles maintiennent en emploi les personnes, si elles ne respectent pas les contrats, je pense que les entreprises devraient normalement rembourser l'État. C'est une exigence, entre autres, qu'on devrait poser, minimale.

Il y a toute la question des conditions de travail, de faciliter finalement la vie familiale aux travailleurs, etc., de maintenir un certain niveau de travail, d'éviter de trop longues heures, par exemple supplémentaires, etc., qui sont à développer, à mon sens, à encourager. Et, à savoir s'il faut y aller de façon coercitive ou de façon positive, je pense qu'il y a un équilibre à maintenir. Aux États-Unis, on exige à certains endroits, par exemple, que les entreprises engagent des gens qui ont des handicaps. Et c'est une possible façon d'intervenir, par exemple, de demander aux entreprises de contribuer finalement à résoudre le problème de la pauvreté. Au niveau de la formation, par exemple, il y a des efforts qui sont faits pour la formation en entreprise, par exemple. Il faudrait s'assurer que cette formation-là, elle est suffisante et suffisamment de qualité, par exemple pour assurer finalement des acquis aux travailleurs, que ce n'est pas juste finalement des façons d'offrir aux gens une compensation, etc., là, et puis...

Donc, il faut travailler aux divers niveaux, finalement, avec les entreprises, il faut exiger des choses et aussi leur demander de collaborer au problème de résolution de la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Dagenais (Richard): Concernant le deuxième...

Une voix: L'équité verticale.

M. Dagenais (Richard): Concernant l'équité verticale. Alors, je pense que c'est toute la problématique là de l'allégement fiscal, de la tarification des services qui se pose par rapport à cela, de la non-universalité des services de santé, par exemple, des services d'éducation. Alors, nous, on voit la chose dans sa globalité, de façon intégrée. On pense qu'il doit y avoir une fiscalité progressive, que des riches paient plus que les moyens revenus et que les pauvres idéalement ne paient pas d'impôts, par exemple, alors qu'au fédéral on sait qu'ils en paient encore jusqu'à un certain niveau de revenu inférieur à... ou au Québec, par exemple.

Et la question de l'équité verticale, pour nous, elle est aussi importante que la question de l'équité horizontale. Elle doit assurer finalement à la fois à l'État les ressources nécessaires pour avoir les moyens de ses ambitions et de ses objectifs, c'est-à-dire d'assurer une plus grande répartition de la richesse, mais aussi d'assurer les moyens nécessaires aux personnes qui sont dans le besoin... justement de subvenir à leurs besoins essentiels, et aussi de s'intégrer à la société. Et, pour nous, c'est essentiel qu'il y ait une fiscalité progressive, sans ça, on ne pourra pas à long terme maintenir des programmes de soutien du revenu qui sont satisfaisants et suffisants pour les personnes.

Concernant le troisième point...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, M. Falardeau.

M. Falardeau (Denis): Oui. Concernant la question de l'actif, je vous répondrais par la négative, si je puis dire. Dans le projet de loi, on parle de permettre à des adultes d'avoir des actifs, mais c'est quand même ? comment dire? ? orienté là... c'est afin d'encourager l'expérimentation de l'approche centrée sur l'utilisation de ces actifs pour favoriser le développement, ainsi de suite.

Quand on lit ? comment dire? ? la présentation de cette mécanique-là, quand on la lit dans la stratégie, et ça, c'est à la page 37, et c'est pour cette raison que je vous disais que j'allais vous répondre par la négative, ce que je n'aimerais pas voir lorsqu'on parle de permettre à des personnes d'avoir de l'épargne tout en étant, par exemple, prestataire de la sécurité du revenu, c'est de permettre une épargne mais seulement en fonction d'un projet qui est déjà orienté. Et, là-dessus, je voudrais apporter votre attention surtout sur l'exemple que vous donnez, c'est-à-dire la formule des comptes individuels. Ce que je n'aimerais pas voir, ce serait en fin de compte, de façon déguisée, une espèce de contribution, un passage obligé qu'une personne devrait faire, c'est-à-dire qu'elle devrait payer pour payer, par exemple, sa formation professionnelle. Il me semble qu'il y a comme une contradiction. Le projet dit: Bon, il faut absolument et principalement pour les personnes qui ont un certain âge leur permettre de se resituer sur le marché du travail, refaire leur qualification, mais, en même temps, lorsqu'on parle des actifs, dans un premier temps, on dit... Avant, jusqu'à dernièrement, les prestations de sécurité du revenu, c'est du dernier recours, et on allait même, jusqu'à dernièrement, jusqu'à exiger de la personne d'avoir tout dépensé ses revenus pour se qualifier pour la sécurité du revenu, et automatiquement, après, on arrivait avec: O.K., vous allez avoir le droit à de l'épargne, mais en même temps on l'oriente. C'est pour ça que je vous disais que j'allais vous répondre par la négative. Si c'est permettre de l'épargne simplement pour la réinvestir, alors que, à mon avis, surtout pour les personnes qui ont des difficultés pour se trouver de l'emploi à cause de disqualification professionnelle, ainsi de suite, il me semble que, déjà, l'État devrait leur donner les coudées franches et non pas leur exiger une espèce de contribution indirecte par un compte spécial.

n(16 h 30)n

Et, si vous me permettez, là-dessus, malheureusement, je ne me souviens plus de l'article particulier, mais c'est celui, dans le plan d'action, où il est stipulé permettre aux travailleurs, aux petits travailleurs d'avoir un revenu décent. C'est bien, mais la crainte que j'ai, c'est que le tout est assorti d'une limite en considérant les revenus de la population en général. Vous constatez vous-mêmes, dans votre document de stratégie, que les travailleurs au salaire minimum n'ont pas bénéficié, si je puis dire, de la richesse collective, en tout cas du moins durant plusieurs années. N'y a-t-il pas un frein à votre intention de permettre aux travailleurs au salaire minimum de participer ou de bénéficier d'une espèce de reprise de retard en atténuant le principe d'un revenu décent, en l'atténuant par ce critère-là, cette condition-là selon le revenu de la moyenne des travailleurs?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: D'abord, je voudrais, si vous me permettez, juste pouvoir vous rassurer tout de suite que l'objectif dont vous avez adhéré, à la page 9 de votre mémoire, était de permettre à des gens de pouvoir conserver certains actifs et de ne pas avoir justement à épuiser tout l'actif qu'il pouvait y avoir avant de pouvoir avoir de l'aide. Justement, c'est une nouvelle façon pour être capable de faire une analyse du cas par cas, pour permettre à des gens justement de ne pas attendre qu'ils soient suffisamment bas pour n'être jamais capables de s'en remettre. Alors, ça, je voudrais vous rassurer.

L'autre élément que je voudrais ajouter ? et je suis contente que vous l'ayez exprimé, c'est monsieur, excusez-moi, Dagenais ? la fiscalité progressiste, c'est celle que nous avons choisie justement depuis 1994. Quand on parle de près de 15 milliards de baisse d'impôts, la façon dont ça a été fait, ça a été justement de s'assurer une fiscalité progressiste. Vous savez qu'on a près de 44 % des gens qui ne paient pas d'impôt au Québec parce qu'ils n'ont pas les revenus suffisants, à l'exception de certains groupes de personnes, par des mesures fiscales. Mais il n'en demeure pas moins que ce que vous venez nous dire, c'est qu'il faut continuer à avoir justement une fiscalité qui soit progressiste pour tenir compte de cette réalité de personnes qui ont des revenus plus modestes. Donc, on exige moins de contribution au niveau de l'impôt de leur part. C'est bien cela?

M. Dagenais (Richard): Oui, mais il faut reconnaître aussi que le gouvernement a effectué des baisses d'impôts ces dernières années, et ce qui affecte, à mon sens, la progressivité aussi de l'impôt au Québec, là. Et si on s'en va sous un régime à taux unique, par exemple, je pense qu'il est clair que ça aura un impact aussi à long terme, sérieux.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste une minute et demie, Mme la ministre déléguée, le temps d'un commentaire.

Mme Léger: Oui. Bien, d'abord, je vais y aller directement. Vous avez utilisé l'expression «exclusion socioéconomique ou exclusion sociale ou économique» plutôt que l'exclusion sociale telle quelle, afin de démontrer, en fin de compte, ce que c'est... que l'exclusion économique, d'une part, existe bel et bien. Par contre, quand on parle d'exclusion sociale, c'est dans un terme beaucoup plus sociétal, je dirais, social dans le sens en marge de la société, la partie exclusion vraiment de la société telle quelle. Alors, quelle est votre opinion à ce niveau-là? Parce que, de toute façon, quand on parle d'exclusion, si on commence à jouer sur ces mots-là, on pourrait parler d'exclusion parentale, familiale, territoriale. L'exclusion elle-même sociale, il me semble qu'elle englobe encore plus l'idée derrière l'exclusion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Dagenais.

M. Dagenais (Richard): En fait, l'idée, c'est de faire ressortir qu'il existe, dans notre économie, des systèmes finalement qui ne tiennent pas compte des capacités de payer des gens à faible revenu. Alors, dans certaines banques, par exemple, on va avoir suffisamment d'exigences pour faire en sorte que les gens à faible revenu ne pourront pas avoir accès à certains services. Alors, je pense que, ça, ce sont des exclusions économiques, et on voulait insister sur cet aspect-là.

Au niveau international, par exemple, on s'est aperçu qu'il fallait rendre disponible le crédit aux femmes pour favoriser leur prise en charge, le développement de certaines activités finalement plus de terrain, etc. Alors, je pense que ce sont des considérations à l'effet qu'il y a des contraintes économiques aussi à la fois issues d'exigences par les entreprises qui basent finalement leurs conditions sur les gens qui ont des revenus moyens ou élevés, par exemple, et qu'il faut tenir compte aussi de cette réalité-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Je veux, à mon tour, aussi reconnaître le travail que vous faites en tant qu'ACEF auprès des familles dans la budgétisation, aider les gens à sortir de l'endettement qu'ils ont, et c'est peut-être de ça que j'aimerais que vous parliez un peu, parce que vous ne travaillez pas seulement avec les personnes qui sont sur l'aide sociale, vous travaillez également avec les familles à faibles revenus qui se trouvent, un moment donné, endettées.

Alors, moi, j'ai deux curiosités. Qu'est-ce que vous dites à quelqu'un qui arrive chez vous, qui est sur l'aide sociale, sans contrainte à l'emploi? Comment est-ce qu'il réussit ou comment est-ce que les gens font avec 500 et quelques par mois? Qu'est-ce que vous leur dites quand ils viennent chez vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Falardeau.

M. Falardeau (Denis): Je vais vous dire... Je vais vous répondre un peu à la blague. On ne leur dit rien, parce que, lorsqu'une personne est prestataire de la sécurité du revenu, elle a tellement peu d'argent que ce n'est pas possible de faire un budget. Vous avez 500 $, 500 $ et quelques par mois, il n'est pas question de faire un budget, là. On paie le loyer. On arrive à peine à payer l'alimentation, le téléphone, et c'est tout. Il n'y a pas vraiment, là, comment dire, de balancement entre l'actif et le passif. D'ailleurs, à cet effet, depuis au moins 10 ans, les consultants budgétaires, car nous avons deux consultants budgétaires à l'ACEF de Québec, ont développé l'expression «nouveaux pauvres». Actuellement, les personnes qui viennent nous voir principalement, pour ne pas dire majoritairement, ce sont des personnes qui étaient issues de la classe moyenne, avec les obligations économiques de la classe moyenne, de maison, paiement d'auto, etc., et qui se retrouvent, du jour au lendemain, en difficulté financière pour perte d'emploi, les coupures, l'ingénierie qu'on a connue un peu partout dans les grandes entreprises, ainsi de suite. Et c'est pour ça que, comme je vous le disais, j'ai répondu un peu à la blague quand je vous disais qu'on ne leur dit rien; il n'y a presque personne, assisté social, qui vient nous voir, parce que c'est difficilement gérable. Il y aurait quand même des possibilités, mais on gère des 10 $, des 20 $, là.

Il y a une chose cependant que je pourrais vous donner à titre d'information, et ça, ça n'a rien à voir avec votre question, mais ça m'amène à vous donner cette information-là. Comme vous avez pu le constater, nous faisons référence, entre autres, à une étude qui a été menée par Mme Lise Pilon conjointement avec l'ACEF de Québec concernant les banques alimentaires et, justement, ce sont principalement des prestataires de la sécurité du revenu qui font appel à ces banques alimentaires là. Et la conclusion, pour en revenir justement à des moyens pour solutionner et permettre à des personnes de reprendre les rails et d'aller vers le marché de l'emploi, nous avons constaté que, malheureusement, si nous maintenons l'existence de ces banques alimentaires là, ça en est fini. Il y a beaucoup de personnes qui sont détruites psychologiquement simplement du fait qu'elles doivent piler sur leur orgueil, si je puis dire, pour utiliser ces banques alimentaires là. Pour faire le parallèle avec votre question, c'est un peu la même chose; faire un budget, lorsqu'on n'a presque rien, c'est peine perdue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député. Vous voulez ajouter autre chose?

M. Falardeau (Denis): Non. Ça va.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: O.K. Mais, je m'en doutais un peu de la réponse. C'est sûr. Mais vous avez mentionné une correction tantôt au tableau, si j'ai bien compris, à la page 7. Est-ce que j'ai bien compris qu'au lieu d'être «adulte», ça aurait dû être «couple»?

M. Dagenais (Richard): La dernière ligne, effectivement, c'est «couple disponible, un enfant».

M. Sirros: Donc, c'est «couple disponible, un enfant».

M. Dagenais (Richard): Oui. C'est ça.

M. Sirros: Parce que j'essayais de voir où est-ce que les budgets se rejoignent au niveau des besoins essentiels. Donc, la loi, c'est vraiment criant, c'est évidemment la personne seule. Et donc, ce que vous rencontrez, c'est que finalement plus la famille grandit, mieux les besoins sont couverts, d'après ce que je peux voir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Dagenais.

M. Dagenais (Richard): Oui. Effectivement, l'écart des besoins qui ne sont pas couverts diminue finalement, parce qu'on a, comme société, choisi d'encourager la famille avant les individus et les couples, par exemple, ici, au Québec. Alors, je pense que ça paraît finalement dans les données, là.

M. Sirros: Et dans les barèmes.

M. Dagenais (Richard): Effectivement, avec l'allocation familiale, etc., ça comble une partie des besoins, une bonne partie des besoins, mais pas nécessairement l'ensemble des besoins.

n(16 h 40)n

M. Sirros: L'autre élément. On parle de pauvreté et puis on dit souvent qu'il ne faut pas se restreindre strictement à la clientèle de l'assistance sociale, parce que c'est plus large que ça, la pauvreté. Vous en voyez aussi, des exemples et des situations, surtout des gens pris. Quel genre d'endettement vous rencontrez? Et où est-ce? C'est dans quels groupes, quels niveaux, quels quintiles, quels niveaux de revenus que des gens viennent vous voir surtout?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Falardeau.

M. Falardeau (Denis): D'une part, je ne pourrai pas vous répondre de façon précise, car je dois vous avouer que ce n'est pas mon champ d'intervention, je ne fais pas de consultation budgétaire. Cependant, lors de discussions de corridor, si vous me permettez, je crois en conclure que ça revient un peu à l'expression que je vous ai soumise tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de personnes qui sont dans la strate de revenus qu'on pourrait considérer comme étant la classe moyenne inférieure. Il y a aussi des petits salariés. Mais, bien souvent, il y a la question du surendettement qui est quand même présente. Je ne voudrais pas vous induire en erreur en disant que c'est automatiquement des personnes qui ont perdu leur emploi, il y a aussi le phénomène de la surconsommation et ainsi de suite. Cependant, il y a quand même beaucoup de personnes qui se retrouvent du jour au lendemain dans des situations qu'elles n'avaient pas prévues, et c'est là... Tout à l'heure, dans notre mémoire, nous n'en avons pas fait mention de façon détaillée, mais la notion que nous voulions porter à votre attention, la notion de «pauvreté transitoire», que nous considérons comme étant un peu soit absente ou silencieuse dans le projet de loi, pour nous, c'est important, car, bien souvent, si une personne devient momentanément pauvre ou en difficulté financière, il s'ensuit une espèce de cercle vicieux.

Si vous me permettez, je voudrais compléter une suggestion que j'avais faite tout à l'heure quand je parlais de revoir, entre autres, la mécanique de révision concernant l'aide sociale. Avant d'être à l'ACEF de Québec, j'ai pratiqué le droit social durant de nombreuses années, plus particulièrement tout ce qui concerne les programmes de sécurité du revenu. Entre autres, ce qui m'a frappé souvent, c'est ce que j'appelais les «pièges à plusieurs panneaux», c'est-à-dire que vous perdez votre emploi ? par votre faute ou non, peu importe ? et là l'assurance chômage vous dit: Monsieur, c'est bien de valeur, vous avez couru après le trouble, on ne vous donne pas d'assurance chômage. Vous cognez à la porte de la sécurité du revenu, la sécurité du revenu vous dit: Monsieur, c'est bien de valeur, vous avez couru après le trouble, vous aussi. On vous coupe ? là, dépendant des époques ? de 100 $ ou 120, 150, peu importe. Ce qui se produit ensuite: comme vous n'aviez pas prévu perdre votre emploi, vous n'êtes plus capable de payer votre logement, vous êtes évincé, faisant en sorte que... Je n'ai pas de chiffres, bien entendu, à vous donner, mais j'ai vu souvent des personnes qui, dans une période transitoire, ont vu tout leur équilibre dégringoler, et là il y a un danger de tomber dans le cercle vicieux de l'aide sociale, le découragement. J'ai entendu souvent des personnes me dire: Je n'ai pas d'emploi, mais... C'est à la mode, la simplicité volontaire aujourd'hui. J'y vais de façon un peu caricaturale, là, mais il y a aussi ce danger-là: on se contente de peu et on se sent nous-même marginal, et ensuite, après, revenir sur la route et sur le chemin de l'emploi, ainsi de suite, c'est quelque chose.

C'est pour ça, tantôt, que je vous parlais tout à l'heure d'y aller peut-être avec un tribunal un peu plus impartial au niveau de l'aide sociale. Au moins, il pourrait y avoir dans certains cas une évaluation des dossiers non pas d'un point de vue légal ou judiciaire, mais d'un point de vue d'équité, un peu comme ça fonctionne du côté des conseils arbitraux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Merci. Premièrement, je vous remercie d'être là. C'est bien certain que la politique fiscale de l'ADQ pose beaucoup d'interrogations, c'est un modèle qui est différent. Cependant, il n'inclut pas que le taux unique d'imposition ? puis la raison pour laquelle j'en parle, c'est que vous avez un ton de discussion et non de confrontation, puis c'est pour ça que j'ai le goût d'en parler avec vous ? il inclut un revenu minimum du citoyen, un taux unique d'imposition et un ménage dans les abris fiscaux. J'ai vu que, dans votre proposition, vous parlez d'un revenu minimum garanti. J'aimerais ça vous demander comment vous voyez ce revenu minimum garanti et à quel seuil vous voyez ce revenu minimum garanti.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Dagenais.

M. Dagenais (Richard): Dans ma compréhension des choses, relativement au taux unique, c'est qu'il faut le voir dans une globalité. À mon sens, il y a des taxes qui sont régressives. Les taxes à la consommation le sont; on corrige en partie par des crédits à la taxe à la consommation, etc. Mais, pour moi, globalement, on ne peut pas s'en sortir si on a un taux unique. On redistribue la charge fiscale entre les différentes classes de revenu, on avantage les ménages à plus haut revenu. Pour moi, on ne peut pas s'en sortir; ça, j'en suis convaincu.

Concernant le revenu minimum garanti, à mon sens, il faut cheminer dans ça puis établir, à partir des différents besoins qu'on va reconnaître finalement, les seuils de revenu nécessaires pour assurer les besoins des personnes et des familles. À mon sens, on doit partir de cette position-là. Je pense que, au Québec, on ne doit pas descendre, par exemple, en bas des seuils de confort minimum. Les dispensaires de Montréal, par exemple, pour moi, c'est un seuil minimal, mais je pense qu'il faut aller au-delà de ça dans une société riche où il faut assurer aussi une redistribution de la richesse et des revenus. Donc, il y a deux aspects: tenir compte des besoins essentiels des personnes et, aussi, assurer une redistribution de la richesse. Et, pour moi, le revenu minimum garanti doit assurer ça.

Si on compare, par exemple... Je donnais les seuils de revenu, par exemple, pour une personne sur la sécurité du revenu ou une personne sur la sécurité de la vieillesse au Canada. Par exemple, il y a des écarts importants. Pourtant, les besoins, à la base, des personnes sont sensiblement les mêmes, par exemple. Ils peuvent augmenter un petit peu avec l'âge pour les besoins de santé, etc., mais je pense qu'à la base ils ne sont pas tellement éloignés. Pourtant, les revenus qu'on leur rend disponibles sont quand même assez éloignés dans certains cas. Et je pense qu'on a voulu au Canada, finalement, aider les personnes âgées à avoir un niveau de vie, finalement, meilleur pour assurer une redistribution de la qualité de vie aussi au Canada, pas juste les maintenir dans un seuil de subsistance. Dans le fond, on a voulu améliorer leur niveau de vie, et je pense qu'un système de revenu minimum garanti doit avoir cette préoccupation-là. À mon sens, c'est essentiel.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour ce groupe. Alors, il me reste, au nom de tous les membres, MM. Falardeau et Dagenais, à vous remercier pour avoir participé à cette commission.

Alors, je demanderais immédiatement à Mme Donna Farmer de bien vouloir prendre place, et je suspends les travaux pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

 

(Reprise à 16 h 48)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant, avec beaucoup de plaisir, une aidante, Mme Donna Farmer. Alors, comme nous avons une demi-heure, Mme Farmer, je vous laisse... Vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, nous poursuivrons avec les échanges avec les membres. Je vous cède la parole.

Mme Donna Farmer

Mme Farmer (Donna): Merci. Mme la Présidente, Mme la ministre, les députés, les parlementaires, je vous remercie de m'accueillir à cette commission. Si vous me le permettez, je m'adresserais à vous en anglais.

Leave no one out. Ne laissez personne à côté. Well, I am left out, and more and more persons like me are being left out simply because we have chosen to look after family members or loved ones who suffer a loss of autonomy within an unresponsive health care system. Although our social exclusion pales in comparison to the handicapped, many of the same constraints are shared by this population. And the scope of social exclusion goes unrecognized within this bill as many families and intimate social networks break apart with the advent of chronic conditions.

Caregivers and social exclusion is a phenomenon that is real, that is growing and that should be dealt with. Furthermore, poverty and negative health implications on this population cannot help but grow. According to Statistics Canada, there are 2,8 million Canadians providing care to people with long-term health problems, and that number may not account for those caregivers who do not self-identify.

n(16 h 50)n

Last May, during the Week of the Family, I attended a conference entitled À bout de souffle, initiated by l'Institut de gériatrie de Montréal. It was a conference about caregiving, and its inclusion in Family Week provided a long-overdue acknowledgement that families are not just about young children and families in difficulty are not just about young children and that the future belongs to everyone.

My goal here is predominantly to encourage reflection so that social inclusion and poverty for this population, which we know is growing because of demographic trends, will be addressed in social policy so that, truly indeed, we will leave no one out.

For the caregiver to participate in society, you must understand that, like the single parent, most must find someone else to watch over our loved ones for each «sortie». Each «sortie» engenders sitter costs and those on social assistance erode all of it for minimum participation. As a consequence, basic needs compete or stress rises if debt is incurred. Older caregivers who are no longer working erode their life savings at a phenomenal rate for a minimum participation in society and/or simply fulfilling basic needs such as addressing our own health concerns. Some caregivers'«quotidien» may allow for employment if we explore creative possibilities while others' days remain so full. For them, we must address poverty and social exclusion issues which threaten their health and dignity.

Therefore, I propose you consider reinstating, with modifications suitable, to really render accessible the current program Brancher les familles sur Internet to low income caregivers, the handicapped and any others where mobility is constrained. For this population, it will help to counter the isolation experience, truly foster participation in society, improving the intrinsic right of self representation. It can facilitate access to timely information for such important and fundamental rights as health care. It can be used as a tool to improve and continue education and may even provide a way for some to be employed from home.

Emphasis on community program initiatives very often cannot help these groups because of their lack of mobility, and, until handicapped transport and adequate respite is addressed which favors the all-time favorite eye-to-eye communion, it may provide an effective way to liberate these groups and include same in society.

Lest you dismiss this alternative, then I would ask you to consider extending the distribution of recycled government computers beyond schools to these parties; failing that, donate a percentage of the used computers and encourage companies to do the same to reBOOT Québec, so they may continue their good work and be in a position to minimize costs to these parties. It is imperative to reduce the inequalities experienced by this population. To that end, it might be interesting if a cross-category in on-line job banks be developed where jobs from home might be more easily researched.

I applaud your creative efforts at designing programs such as subsidized day care, after-school programs, experimentation with a variety of models to meet unconventional daycare needs. However, I wish to point out that, much like the single mothers' difficulties that you appreciate, caregivers and the handicapped population too must be attended to with creative endeavors as their constraints are similar. And you must not be dissuaded by the complexity of where they differ to the single parent, in that, while restrictions diminish over time for single mothers as their charges reach school age, very often it's the opposite as age works its ravages and dependencies increase for the caregiver.

To this end, I would suggest that you examine the following possibilities: in-home respite must be furnished to all who require same, as well as be increased to a functional level. Day-center programs for those suffering a loss of autonomy must be expanded and conceived with some attention to normal work hours, whether for part- time or full-time employment possibilities for caregivers, and it must be made more responsive to the needs of all the users so that indeed they will be used, effective for the «clientèle» proper and for their caregivers. Caregivers healthcare needs should be attended by the Homecare Program, either in the rendering of those services that can be performed by their staff or by the allocation of respite when displacement is required. It is unreasonable to bring those they care for to hospitals with the delays of the present time and unequitable that this sector of the population should have to pay to go to the hospital.

Staffing of long-term facilities must be made adequate. Many caregivers who work must spend most of their non-working hours compensating for shortages and attending to basics such as feeding their loved ones.

Homecare workers' competence must be increased as well as their job security and handicapped transport improved. To explain, permit me to illustrate. I know someone who depends upon someone from the CLSC coming into her home each morning and each night to dress her and move her, bed to wheelchair. They send someone who couldn't cope and left my friend in pyjamas. She then missed her handicapped transport, inflexible beast that it is, and, as a consequence, missed the committee meeting she volunteers her time for ? a loss for society, I might add ? and exclusion for her.

We must consider expanding the mandate of CREP in the Department of Education to service caregivers. For example, computer courses offered to the handicapped may be helpful to the caregivers, at the same time minimizing displacements and its ramifications. Programs such as at Lucie Bruneault, Viomax, offer gym and personal training to the handicapped and a discount for caregivers, once again servicing two intimately affected groups simultaneously. Caregiver health is fundamental to what they do and who they are. My community center waives fees for leisure and recreation courses for companions, although it is not well publicized and the fees are still high for seniors with limited funds. Taoist Tai Chi of Montréal has the right idea by asking for a low membership fee and a donation «selon vos moyens» for those with special needs as well as their caregivers. Sensitizing and promoting to both private enterprises and community organizations, these concepts should occur as this can address health concerns, possible educational advancement, community involvement and community advancement from contributions these populations bring to society.

The development of programs of self-development by community groups, of courses by computer, even for computers, should be initiated. The Aurora Project had a wonderful intensive program for women but its very intensity presents an obstacle financially or physically for participation by these populations.

Expanding the mandate of not-for-profit organizations like Adaptech and RAAP that provide renovations to the home for increased safety to include critical repairs or lower the minimum expenditure requirements for access to grants that already exist for low-income seniors or this population.

Facilitating community groups' ability to be effective by providing more recurrent funding and recognizing that continuity and lack of insecurity are essential to performance, and that facilitating the attraction and retention of competent staff must be made possible.

Providing incentives to doctors for renovating their clinics to provide handicapped access is imperative, long overdue, and as well as encouraging cities to increase handicapped parking to organizations that accommodate this clientele.

Encouraging transportation companies who provide companion rates to be more flexible in modalities of application. They must appreciate the dynamics of extended families and caregiving.

Due to time's constraints, I must limit my reflection to the aforementioned populations and proceed to the structure and modalities of operation of this bill.

I would suggest imposing a percentage ratio between the complementary task of reflection and action in the setup of your bill committees. I would also suggest that coordinating elections for health care and for representation to the advisory committee and «observatoire» be considered, not only with this increased transparency, but it would serve to truly implicate all of society in the fight against poverty and bring solidarity to its full meaning.

In conclusion, solidarity must include promoting sensitization and reflection upon the causes of poverty if indeed we want to eradicate it. Perhaps it is time to consider minimizing the percentage of income disparity permitted in corporations from the public to the private sector, between management and all others, in order to make work incompatible with poverty. I don't recall if it is Norway that imposes the maximum ratio of income disparity.

I believe fear makes poverty worsen. Fear born of insidious misunderstood attachments perpetuates a scarcity mentality as it fosters greed, competition, self-absorption, etc. Compassion can never be legislated for legislation creates itself a fear of non-compliance.

However, if we can, each of us, observe vigilantly our attachments and fears, we may better respect ourselves, our environment and each other. In the interim, we can perhaps level the playing field. Thank you.

n(17 heures)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, thank you, Mrs. Farmer, for the presentation of your document. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Mme Farmer, I appreciate your presence here, and thank you for the good presentation. Je voudrais vous... Do you speak French? O.K. You understand French. O.K.

Vous illustrez très bien les propos de toutes les personnes qui ont, dans leur quotidien, à s'occuper des personnes vivant des difficultés. On parle bien sûr de toutes les personnes qui, au long de leur vie... parfois leur condition s'alourdit, et il y a de plus en plus de femmes, et d'hommes aussi, mais de plus en plus de femmes qui ont à donner de leur temps justement pour faire en sorte de soutenir les personnes vivant ces dépendances. Alors, je tiens à vous féliciter pour la façon dont vous l'avez résumé.

Et, parmi les solutions empreintes d'initiative, vous avez indiqué qu'il fallait avoir de l'imagination, de la créativité, et vous avez souligné, entre autres, que le programme Brancher les familles était un outil qui permettait justement de répondre à un certain isolement. Est-ce que vous pourriez nous indiquer de façon plus particulière en quoi cette mesure, par exemple, a permis à quelqu'un de votre entourage ou à des gens que vous connaissez de sortir de l'isolement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Farmer.

Mme Farmer (Donna): Oui. C'est que, moi, récemment, je suis réception d'un ordinateur grâce aux compagnies reBOOT Québec. Ça m'a aidé beaucoup, parce que, I'm with a lot of organizations. So it helps the communication of things, unless you send it to junk mail or ... Ha, ha, ha! But also in terms of isolation, this lady who I was telling you about, who needs help to get up, to get dressed, we communicate on the computer together. It's a lovely kind of friendship, apart from the fact that you can participate in parliamentary commissions, I believe now, on the Internet. They're doing all sorts of things with SOGIC for making healthcare services available, and that access should be made available to the public and that's a tool for this population who can't displace themselves easily, I think. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je voudrais également que vous puissiez m'indiquer un peu davantage quels seraient les meilleurs services de répit qui sont les plus propices ou qui seraient les mieux appréciés pour permettre justement à des gens de prendre un peu plus de repos lorsqu'ils s'occupent, bien sûr, à temps plein particulièrement ou même à temps partiel de personnes vivant des difficultés. Est-ce que vous avez des modèles à l'esprit?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Farmer.

Mme Farmer (Donna): Du répit. Un de mes favoris, c'est que I would like to see... Very often, a respite is afforded outside of the home into a CHSLD of institutions. I would like to see, for some people who have difficulty going to a strange and often frightening environment for them, the staff being able to come into their house. There's a not-for-profit organization like Baluchon Alzheimer. Although there's a fee there, you have qualified personnel coming into your home 24 hours a day. This would be for a respite, for a vacation period, for example, or a week off a few times a year.

Then you have the respite that is needed on a regular basis, I believe, and there's just not enough of that; not everybody gets it, and a lot of people need it. And I think of the staff and the job insecurities, those are all factors that have to be looked at when you're trying to provide adequate respite.

Then you have the day-center programs which they classify as respite. When... some will go take exercise or art at the Foyers or CHSLD's, and they often don't meet the needs of the clientele, and, as a consequence, the clientele isn't serviced and neither is the caregiver, nor the hours perhaps... Perhaps the hours could be modified to permit some partial employment of the caregiver.

Mme Goupil: Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va? Alors, Mme la ministre déléguée, il vous reste deux minutes et demie.

Mme Léger: Bonjour, Mme Farmer. Welcome here. On page 4, you clearly suggest that we have to make people understand the importance of battling poverty and understanding also its causes. To make people more sensitive and more aware of these facts, what do you suggest that we should do?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Farmer.

Mme Léger: Many things?

Mme Farmer (Donna): Pardon me?

Mme Léger: Many things? Ha, ha, ha!

Mme Farmer (Donna): Well, I'm not coming out with any, right now. Ha, ha, ha! Well, I think we have to look at... I know myself, before I was on social assistance, I used to think: Oh! And you see somebody on social assistance on TV, they have beer, they have cigarettes, you know. Why? And I think we've got to examine the fact that the tennis courts, the squash clubs, the yacht clubs, they're all forms of attachments also that can be... And they're no less... They're just as insidious an attachment. And just discussion like that or, in terms of poverty, to make people more sensitive, I guess it just starts with self-reflection. I can't think of anything else, right now.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Thank you. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. Mrs Farmer, on behalf of the official opposition, I'd also like to congratulate you for the depth of analysis in your presentation; it's quite helpful for the committee.

I'd like to be able to go over a couple of issues that you raised with us. One of them, you made a reference in passing to the fact that there's a possibility that you have to pay to go to the hospital. Could you elaborate on that for us?

Mme Farmer (Donna): Well, anytime a caregiver goes out ? a lot of caregivers ? you have to get someone to come in the house to watch over your loved ones. And I remember once when I was sick, I gave up with my doctor and ended up going to the hospital to seek a solution. And I brought my mother, which I would rather not have done, you know, and, if I didn't do that, then I would have to incur... I would have to pay for, sometimes, seven, eight-hour waits for a sitter. So it was in that context that I meant it.

M. Mulcair: So, if I interpret you correctly, you're telling us that, when we're putting together programs and we're convincing ourselves that everything is free, we better think of the people on who's shoulders we're dumping all these responsibilities, on the caregivers, what they're sometimes called «les aidants naturels», the people in the immediate environment; that it's not enough to say that we have free hospital care, but we've also got to realize that, if we're taking them away from the people for whom they're caring for for a whole day, we've got to do something. It's not just respite that's required in terms of assistance but on a punctual basis like that as well.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Farmer.

Mme Farmer (Donna): Yes.

M. Mulcair: One of the references you made towards the end was to a percentage ratio income disparity. I'm not sure I understood the notion that you're referring to. Perhaps you could help us out with that.

Mme Farmer (Donna): Percentage ratio? I made two...

M. Mulcair: Yes. Towards... Well, towards the end of your presentation, you were talking... You said that we shouldn't be relying on a percentage ratio. Was it in terms of a government program that supplies aid? Is that the way it is currently?

n(17 h 10)n

Mme Farmer (Donna): O.K. I made two references. The first was when percentage ratio... When you're setting up your committees' funding, you're going to disburse money for research and studies and research to fight... the fund and to fight poverty. And in that capacity like... Very often, we spend so much money on studies, and studies, and studies, and studies, and we never really do get to action. So, that was one reference I made.

The other reference, that wasn't it?

M. Mulcair: Yes, it was it, and I am just trying to make... So, that's a point simply that if there are government dollars to be spent, in your view, they'd be better spent on direct service to the population as opposed to further analysis; you'd give priority to that.

Mme Farmer (Donna): Well, I think some analysis is in order probably, but I would say your priority is, as you say, in action.

M. Mulcair: You've obviously, with a great deal of wherewithal, become... made yourself familiar with a lot of different government programs. You talked about reBOOT, which is were you got your computer. But you said that the program to help families get onto the Internet should also be available. What are the rules now? What's the barrier now?

Mme Farmer (Donna): For Brancher les familles?

M. Mulcair: Right.

Mme Farmer (Donna): I believe that's only for families with young children.

M. Mulcair: O.K.

Mme Farmer (Donna): I believe. And it's no longer accepting applications, furthermore. And even at that, the price still may be unaccessible to the handicapped, those on social assistance because I believe you had to buy... have a minimum... the purchase of the computer at a certain value, you know. While at reBOOT, there's varying levels of... kinds of computers and, «selon les moyens», you can perhaps find one for yourself.

M. Mulcair: Thank you very much.

Mme Farmer (Donna): Thank you.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, thank you, Mrs. Farmer, for your participation at this commission in the name of all the members. Thank you.

Mme Farmer (Donna): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Je demanderais immédiatement à M. Pierre-Joseph Ulysse de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

 

(Reprise à 17 h 13)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il me fait plaisir maintenant d'accueillir M. Pierre-Joseph Ulysse, qui est chercheur, et qui, en collaboration avec M. Frédéric Lesemann, a produit le document qui nous est soumis. Alors, M. Ulysse, je vous cède la parole pour 10 minutes.

MM. Frédéric Lesemann
et Pierre-Joseph Ulysse

M. Ulysse (Pierre-Joseph): Merci. Bonjour. Mon nom est Pierre-Joseph Ulysse, je suis chercheur au Groupe de transformations sur les politiques et les âges, TRANSPOL, et je suis également chercheur postdoctoral au Centre interdisciplinaire sur la citoyenneté et les minorités de l'Université d'Ottawa.

Malheureusement, M. Lesemann, qui est auteur de ce mémoire, coauteur de ce mémoire, est pris en dehors du Québec et ne peut pas être là aujourd'hui.

Mais, vraiment, pour moi, il me fait plaisir d'être ici ce soir pour présenter ce mémoire et surtout pour participer à ce qui semble être comme une priorité de société sur la question de la pauvreté, entre autres sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion.

En fait, je dis «débat de société», c'est un problème de société, mais aussi en vue d'un projet de société. Vraiment, pour moi, c'est le débat d'une société, d'une société québécoise qui, à la lumière de sensibilités qui la caractérisent et de sa propre vision du monde, perçoit la pauvreté comme une entrave à la justice et comme une entrave à la liberté. C'est-à-dire, l'augmentation et la persistance de la pauvreté chez les femmes, les enfants, les jeunes, les immigrants et les minorités apparaît comme contraire aux valeurs de base et aux valeurs fondamentales de la société québécoise. Alors, c'est aussi dans cette optique aussi que notre mémoire recommande l'adoption du projet de loi n° 112, bien sûr après bonification, comme un cadre nouveau de réflexion, de réflexion globale, mais surtout d'actions permanentes sur la pauvreté.

Nous croyons sincèrement, comme nous l'exprimons dans notre mémoire, que l'adoption d'une loi contre la pauvreté est susceptible non seulement de renforcer la société démocratique, c'est-à-dire une société québécoise dont les valeurs et les pratiques continuent d'être fondées sur ce que nous appelons la justice, la solidarité sociale et la lutte contre les inégalités. En d'autres mots, nous recommandons l'adoption du projet de loi au nom même de la citoyenneté communément partagée.

Mais il est vrai que la raison d'être d'une loi contre la pauvreté, c'est d'améliorer la situation de vie des personnes qui vivent en pauvreté, mais aussi c'est les traiter de manière équitable, c'est leur permettre d'exercer et de participer dans la société comme des citoyens à part entière, et, pour moi, cela est un enjeu important. Mais, pour que ces objectifs soient viables, il faut qu'ils soient ancrés dans un consensus social large. Et, pour moi, c'est là la force du projet de loi n° 112 quand on réfère au processus démocratique qui est à sa base et aussi à son fondement. En d'autres mots, on sait, et ça, je l'ai fait au travail du Collectif... en fait, c'est le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, avec d'autres organismes, qui a, disons, a mené le dossier sur l'élimination de la loi. En réponse, le gouvernement actuel, à la lumière d'une consultation publique et d'une tournée des 17 régions administratives du Québec, ont proposé une réponse qui encore témoigne du caractère démocratique de ce processus. Et, pour moi, c'est important, ce caractère démocratique, en d'autres mots ce consensus social autour d'un objectif viable.

Dès lors, moi, je dirais que cette mobilisation autour de la société civile et avec la société civile fait en sorte que, même si, au nom de la cohésion sociale, on parle de réduction des inégalités, mais aussi il s'agit de restaurer l'égalité des droits et de citoyenneté comme une exigence fondamentale de la démocratie québécoise. En d'autres mots, comme l'idée même, la question de justice sociale, comme l'idée même, comme la base même du fait qu'on vit ensemble en société et qu'on soit ensemble.

Dès lors, je dirais, la proposition du projet de loi peut être une démarche gouvernementale, mais la signification ne peut réduire à une démarche gouvernementale dans la mesure qu'elle traduise un engagement de la société québécoise en fonction de ses valeurs fondamentales, mais aussi en fonction de son choix d'avenir. Et pour ça, il est important que l'adoption de la loi n° 112 marque le sceau qualitatif, que ce soit dans la manière de regarder, dans la manière de percevoir et dans la manière d'intervenir sur la pauvreté. Et c'est à la lumière de cette dernière remarque que je vais faire, que je vais lire les commentaires et les recommandations.

Premièrement, je dirais que la loi n° 112 ? on l'appelle la loi n° 112 ? parce qu'on considère qu'il offre le cadre indispensable et détermine les conditions nécessaires pour une action structurée sur la pauvreté. Cependant, il doit tout aussi permettre un changement de perspective et un changement de regard, surtout dans les actions qui seront menées en initiative avec les organismes de la société civile.

Deuxièmement, le préambule de la loi n° 112 présente la pauvreté comme une atteinte aux droits et à la dignité de la personne. Toutefois, ce ne sont pas des grands principes, ce sont pour moi des réalités quotidiennes, de la vie quotidienne de bon nombre d'hommes et de femmes, de citoyens et de citoyennes de cette société. Et c'est pourquoi, dans cette perspective, nous nous inquiétons que cette référence fondamentale aux droits et à la dignité ne soit pas davantage présente dans le cadre de la loi.

n(17 h 20)n

Troisièmement, on prévoit l'implication de beaucoup d'acteurs. On sait qu'il y a le risque que l'application soit complexe et qu'il y ait une démultiplication des mécanismes, des mécanismes de coordination entre les ministères ou entre les instances politiques. Or, le problème se pose dans l'approche intégrée globale qui fait l'originalité de la loi et, voire même, sa force et peut-être son efficacité. Alors, dès lors, nous nous posons la question: Comment concilier cette nécessité de concertation avec l'objectif d'efficacité? Peut-être, pensons-nous, une partie de la solution serait qu'il y ait beaucoup... qu'on octroie beaucoup plus de place aux organismes de la société civile et aux groupes de base qui travailleraient avec les personnes pauvres.

Troisièmement, la loi se donne des objectifs et des buts louables. À preuve, si on regardait ce qu'est son intention, qui sont la prévention, amélioration du filet de sécurité, approche travail, mobilisation et cohérence, ce sont tous à applaudir. Mais, toutefois, on est aussi étonné que la loi ne traite pas l'enjeu de la fiscalité, c'est-à-dire, c'est même comme un mécanisme de réduction des inégalités parce qu'on sait que la fiscalité est, par essence, un mécanisme de distribution. Et quels sont les impacts recherchés? La cohésion sociale ne saurait être garantie s'il n'y a pas des gestes concrets, s'il n'y a pas des actions concrètes qui se posent en fonction de la réduction des inégalités entre les 7 % des personnes les plus riches et les 7 % des personnes les plus pauvres.

Et enfin, nous comprenons la loi n° 112 comme l'expression, vraiment comme l'expression, comme l'aboutissement d'un processus démocratique d'élaboration des stratégies sur une question centrale. Mais c'est aussi pour nous l'ouverture d'une autre phase. Ça nous amène dans une autre phase, qu'on tente peut-être à aller plus loin. Alors, de ces forces, nous croyons qu'il est indispensable que le processus de la politique d'adoption de la loi soit mené avec diligence et cohérence à l'Assemblée nationale du Québec et que le mode d'application de la loi suive sans délai l'adoption de la loi, et je dirais, et comme c'est écrit dans notre mémoire, même avant les élections. Il paraît important qu'on passe sans tarder à l'application de la loi en ayant réservé les budgets nécessaires pour la compléter. Ceci, c'est pour éviter en fait une application seulement partielle des différentes mesures qu'elle comprend.

En d'autres mots, je ne peux terminer sans saluer, je dirais, l'audace et le courage en arrière de cette loi. L'audace de la politique non seulement du gouvernement, mais de la société québécoise tout entière qui prend une position en fonction de ses valeurs. Pour reprendre une expression du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, je dirais que cette loi, si elle est adoptée, va nous amener... constitue une avancée majeure et place le Québec à un tournant décisif dans sa quête d'une société inclusive, ouverte, solidaire, juste et équitable. C'est pourquoi je vous exhorte, mesdames et messieurs, à adopter, après bonification, la loi, comme un tournant historique, comme un moment historique sans précédent ni équivalent nulle part ailleurs. Je vous remercie bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie au nom de tous les membres, M. Ulysse. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, M. Ulysse, c'est un beau témoignage que vous donnez aujourd'hui en cette Journée internationale, un beau témoignage à l'égard de l'ensemble de la société québécoise, et je tiens à vous remercier, parce que, dans votre mémoire... La qualité de votre mémoire est assez exceptionnelle, puisque vous avez été à même, en tant que spécialiste des politiques sociales, d'évaluer et d'étudier ce qui se fait ailleurs. Particulièrement, vous faites référence aux États-Unis, à la France.

Vous avez un mémoire qui, dans ses éléments positifs, indique que ce projet de loi vient ancrer l'exceptionnalité culturelle du Québec par rapport à ce qui peut se faire au Canada anglais ou encore aux États-Unis où vous avez été à même d'étudier ce qui s'est fait. Et vous indiquez à juste titre que les Québécois et Québécoises adhèrent massivement à cette réalité importante que, par les impôts payés par l'ensemble des contribuables, on les utilise pour être capable au Québec de se doter de services qui sont admissibles à l'ensemble des femmes et des hommes du Québec.

Vous avez indiqué aussi dans vos commentaires et recommandations qu'il fallait faire l'octroi d'un rôle accru aux organismes de la société civile pour aider à décentraliser et déconcentrer l'action gouvernementale. Vous avez dit: Comment pouvons-nous bénéficier de cette concertation tout en ayant à l'esprit l'efficacité? Et là vous indiquez comme solution: Plus de place à la société civile. J'aimerais vous entendre sur comment pourrait être faite davantage cette place à la société civile.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Ulysse.

M. Ulysse (Pierre-Joseph): Oui. D'abord, oui, c'est vrai, on a étudié des politiques sociales ailleurs, et particulièrement aux États-Unis, dans d'autres pays de l'Amérique latine, au Mexique, et puis actuellement on est quand même sur l'Argentine. Je vous dirais sans aucune hésitation que les politiques dites sociales du Québec, peut-être pas aux États-Unis mais dans les autres pays, font l'envie des autres pays, c'est-à-dire qu'il y a des gens d'autres pays qui veulent savoir ce qui se fait au Québec, qui veulent profiter de l'expertise du Québec pour répondre à des problèmes cruciaux, à des problèmes sociaux importants de leur société. C'est pourquoi je pense, comme je l'ai dit, que l'adoption d'une loi sur la pauvreté, c'est une étape plus en avance, c'est-à-dire, c'est une avancée.

Mais, pour revenir sur la question, je pense que ma remarque se situe dans une tradition déjà bien ancrée aussi au Québec, c'est-à-dire, je peux citer d'autres initiatives gouvernementales qui ont été prises dans ce domaine, et elles impliquent de renforcer les mécanismes, c'est-à-dire les différents mécanismes de partenariat et de concertation qui sont déjà en place avec la société civile. Entre autres, quand je dis que je peux citer d'autres exemples, il y a bien sûr la politique de l'action communautaire qui, je dirais, est un modèle assez exceptionnel... je ne dirais pas «exceptionnel», mais assez performatif quand même, assez performatif. On sait aussi que plusieurs organismes communautaires interviennent avec des personnes qui sont sur le terrain. Par exemple, on a fait une recherche sur la pauvreté au centre-ville de Montréal, sur les profils de pauvreté au centre-ville de Montréal, et l'une des choses que les gens citent comme l'une des causes de la pauvreté, c'est le manque d'instituts intermédiaires entre la grande société et les gens qui vivent dans la pauvreté. En d'autres mots, j'ai lu le projet de loi, j'ai vu les mécanismes qui sont mis en place. Pour moi, ce serait accorder une participation beaucoup plus grande aussi bien dans les mécanismes de prise de décision. Cela dit, c'est écouter, c'est-à-dire, c'est arriver à un gouvernement qui écoute les gens qui sont sur le terrain et qui prennent en considération leur... C'est parce que, eux autres, ils ont l'expérience de ce que c'est vivre la pauvreté quotidiennement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Rapidement. Vous avez évoqué aussi le principe de la réciprocité, la réciprocité qui vise à conditionner l'octroi de l'aide publique à un certain nombre d'exigences, et vous semblez d'accord avec ce principe. Cependant, vous avez associé l'approche américaine du «workfare», qu'on a entendue ici au sein de la commission, à un modèle à ne pas suivre. Alors, selon vous, qu'est-ce qui peut être exigé et qui fait reposer la responsabilité de la pauvreté sur les individus... Mais quelle est la ligne? Comment pouvons-nous justement exiger cette réciprocité sans utiliser le modèle américain?

M. Ulysse (Pierre-Joseph): C'est-à-dire que, je trouve, l'un des travers du modèle américain, c'est l'humiliation, c'est-à-dire que c'est un modèle punitif qui humilie les gens parce qu'ils sont pauvres. Et, pour moi, c'est-à-dire, ce qui est le... disons, le niveau de base, ce serait vraiment la dignité de la personne, la dignité du citoyen, c'est-à-dire qu'on ne peut pas arriver dans une société où la qualité entière et pleine du citoyen est conditionnée par sa condition de consommateur, c'est-à-dire par la capacité de consommer, ou bien de producteur. On est dans une société... Et le concept de base qui est au centre de toute cette politique et d'un ensemble de politiques québécoises, c'est la notion de cohésion sociale. Et, pour moi, la cohésion sociale, c'est au prix du partage, de la solidarité, pour que...

n(17 h 30)n

Cela dit, je ne veux pas être dans un modèle normatif, mais il faut aussi reconnaître qu'il y a des dynamiques non seulement au niveau des personnes qui vivent dans la pauvreté, il y a d'autres dynamiques qui conditionnent ces personnes à vivre dans la pauvreté. En d'autres mots, il y a aussi tout un ensemble de règles du jeu à changer et que ces personnes ne soient pas... Quand on parle de modèle américain, ne soient pas seulement... non pas seulement d'obligation mais qu'elles ont aussi des droits. Et, si je me réfère à la stratégie, l'une des choses ? parce que, moi, je travaille sur la citoyenneté ? l'une des choses qui m'attire dans la stratégie et dans la politique, c'est le maintien de la notion de citoyen. Et, pour moi, c'est considérer les gens qui sont là comme des citoyens à part entière mais qui sont dans des situations beaucoup plus difficiles que les autres.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup, M. Ulysse, et je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Maskinongé, il vous reste deux minutes et demie.

M. Désilets: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Deux petites questions; je vais essayer de les envoyer un peu plus rapidement. Vous parlez, à la page 3, d'un modèle québécois. Mais le modèle québécois qui pourrait se distinguer, d'après vous, de quelle manière? D'après vous, qu'est-ce qui identifie le modèle québécois aux autres modèles: la France, les États-Unis ou ailleurs, ce que vous proposez? Ça, c'est la première question.

La deuxième, c'est, à la page 9, votre commentaire, le commentaire 2. Vous dites: «L'application de la loi, compte tenu du grand nombre d'acteurs impliqués, risque d'être complexe et d'entraîner la nécessité d'une démultiplication des mécanismes de coordination technique entre les divers ministères et les diverses instances impliquées. C'est pourtant l'approche globale et intégrée que promeut la loi qui en fait l'originalité et, en principe, l'efficacité.» Comment concilier tout ça? Quelle stratégie ou quelle hypothèse? Vous nous lancez vers quelle piste, tout d'abord?

M. Ulysse (Pierre-Joseph): Je vais répondre à la première question. Moi, je dirais... Vous m'avez demandé qu'est-ce qui identifie le modèle québécois à d'autres systèmes. Moi, je pourrais tourner la question: Qu'est-ce qui différencie le modèle québécois des autres systèmes? En d'autres mots, ce qui identifie le modèle québécois, bien sûr, il y a des points communs, il y a des points convergents. En d'autres mots, ces points convergents... Parce que, en fait, nous sommes et nous nous considérons être dans une société qu'on appelle la société de droits. Et, une fois que tu es dans la société de droits, il y a des minimums décents et des minimums vitaux, et des minimums vitaux à établir, c'est-à-dire, dans la mesure où vous ne pouvez pas considérer les droits comme des principes, mais ce sont des choses, ce sont des éléments, des mécanismes que la société se donne qui doivent avoir emprise sur le quotidien.

Et c'est là aussi que je situerais la différence du modèle québécois par rapport à d'autres modèles que je connais. Parce qu'il faut reconnaître qu'il y a quand même des traditions, je dirais, spécifiquement québécoises. En d'autres mots, je parlais de la question de la culture des coopératives et la culture de solidarité. Ce sont des éléments qui sont... et qui distinguent le Québec des autres sociétés ou du moins qui placent le Québec sur... C'est tellement poussé, ça fait tellement partie, disons, des mentalités culturelles, des mentalités des gens que ça distingue le Québec des autres communautés, des autres nations puis des autres entités nationales.

Pour passer à la deuxième question, bien sûr que l'histoire ou bien l'expérience nous montre que, quand il y a beaucoup plus d'acteurs, quand il y a beaucoup d'acteurs autour d'une loi, c'est complexe. Mais cependant, quand il y a aussi... quand on voit toute la force du partenaire, quand on voit l'implication de la société civile qui nous mène aujourd'hui à défendre, à faire ce débat, on dit qu'ils ont un rôle à jouer. Et, moi, je dirais que la question, je peux parler pour... parce que ce n'était pas une question simple. Je ne peux pas dire ce que vous faites parce que, en fait, en matière de lutte contre la pauvreté, il ne saurait y avoir de stratégie simple et il ne saurait y avoir en plus des stratégies idéales. Il n'y a seulement que des stratégies qui peuvent être efficaces les unes plus que les autres et des stratégies applicables. En d'autres mots, pour parler de la complexité... la complexité, on doit vivre avec. C'est-à-dire, c'est le prix à payer pour avoir une entreprise sociétale. Qu'est-ce qu'il faut faire? Mais, comme je l'ai dit, ça va faire partie des débats qui vont être tenus au niveau de la société et de la place qu'on voudrait bien donner à ces organismes de la société civile.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Ulysse. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Ulysse, pour une présentation intéressante. Je dois dire que j'ai particulièrement aimé le cheminement ou la recherche historique que vous avez faite en quelque sorte pour trouver les ancrages de la présente loi. Je partage avec vous le fait qu'effectivement, si nous sommes ici aujourd'hui, ce n'est pas parce que c'est quelque chose qui est arrivé soudainement, depuis l'avènement d'un gouvernement ou d'un nôtre, mais c'est effectivement un cheminement qui, selon vous, trouve... je vais le lire: «Nous l'avons dit, la loi n° 112 est le produit d'un cheminement dont on pourrait sans doute déjà retracer les origines administratives dans les propositions de la commission Castonguay relativement au développement social, en 1971.» Je partage avec vous le fait qu'effectivement le Québec a évolué depuis les 30 dernières années, surtout en ce qui concerne le modèle de cohésion sociale qui permet d'offrir des appuis puis des efforts particuliers autour des valeurs de justice sociale et d'équité pour les gens.

Ce que j'aimerais peut-être faire avec vous et profiter de l'opportunité qui m'est donnée en vous ayant ici, c'est de vous demander de nous parler un peu plus de la notion de cohésion sociale, les éléments qui rentrent dans cette cohésion sociale pour la maintenir. On est dans une situation où, pour la première fois, je pense, depuis au moins ces 30 ou 40 dernières années, le modèle québécois auquel vous faites référence et les valeurs qui ont amené le Québec d'aujourd'hui à proposer cette loi sont aussi attaqués par un courant qui veut remettre en cause cette solidarité en quelque sorte en faisant en sorte qu'il y a des oppositions: ceux qui ont par rapport à ceux qui n'ont pas, des droits que certains devraient avoir selon leur capacité de payer pour. Tandis que, jusqu'à maintenant, on a développé un modèle surtout dans le domaine de la santé, dans le domaine de la taxation également, on a une taxation progressive plutôt qu'un taux unique de taxation ou... Et, pour moi, ce sont là des éléments qui vont jouer sur la cohésion sociale au bout de la ligne. Mais j'aimerais vous entendre un peu sur cette notion de cohésion sociale et les éléments dont on doit tenir compte si on veut garder cette cohésion sociale pour qu'on puisse cheminer vers une plus grande justice sociale, tout en s'assurant qu'on ait un niveau de développement économique qui nous permette de s'enrichir comme société dans son ensemble.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Ulysse.

M. Ulysse (Pierre-Joseph): Merci pour la question. Je dirais que la notion de cohésion sociale, et je pense que vous avez aussi déjà donné la réponse, plusieurs éléments de réponse dans la question même... Ce qui pourrait entrer dans la notion de cohésion sociale, c'est-à-dire qu'une société... c'est-à-dire, on reconnaît qu'une société est plus forte et est plus cohésive quand il y a beaucoup moins d'inégalités. C'est-à-dire, les inégalités sont les ennemis premiers de la cohésion sociale comme telle. Quand on parle d'inégalités, en fait on ne parle pas de cohésion sociale seulement comme principe, mais on parle de cohésion sociale comme règle de vie et comme réalité dans le quotidien. En d'autres mots, vous venez de mentionner l'idée de santé, c'est-à-dire, l'idée de santé, un peuple en bonne santé. L'idée de la fiscalité, c'est-à-dire une fiscalité qui s'égalise à un niveau, pour moi, ce serait un désastre pour la cohésion sociale, en d'autres mots parce qu'il y aurait comme conséquence de bénéficier une portion et de pénaliser une autre portion. En d'autres mots, une cohésion, disons... un taux de fiscalité qui se situe, disons, à 25 % et de manière égalitaire... Écoutez, on sait très bien qu'il y a des gens qui ne votent pas, qui vont être pénalisés.

n(17 h 40)n

En plus, deuxièmement, si on prenait toujours l'élément de fiscalité, toute la politique... on est bien sûr dans une des fiscalités les plus lourdes en Amérique du Nord, mais aussi dans une des fiscalités les plus redistributives. En d'autres mots, c'est comme il y a une certaine compensation, c'est comme il y a une certaine compensation, et, moi, je dirais, au nom même, parce que j'ai parlé quand même de la notion d'être ensemble, de vivre ensemble... d'être ensemble et de vivre ensemble a son prix, et le prix, c'est justement les notions de solidarité sociale et de justice sociale qui sont inséparables de la notion de cohésion sociale. Et si on veut de manière... de manière à créer pareille cohésion sociale, on peut prendre des exemples des pays qui sont en crise. On peut voir les pays qui sont en crise. En d'autres mots, on peut voir avec les crises qui se sont passées pourquoi il y a des crises qui se sont faites, parce que, à un moment donné, la tension est tellement telle, les inégalités sociales sont tellement telles que ça a éclaté.

Et, en fait, pour ramener au modèle québécois, il y a toute la question que vous n'avez pas... toute la question de l'éducation, toute la question de l'accès au travail, c'est-à-dire l'accès au travail, et l'accès au travail non pas seulement en termes de revenu, mais en termes de valorisation de l'individu, c'est-à-dire de valorisation du citoyen. Il y a toute la question de l'insertion sociale, il y a toute la question de l'insertion dans les réseaux, il y a toute la question que les réseaux doivent être accessibles et ouverts. Cela dit, ce sont des éléments de la cohésion sociale qui demandent bien sûr des mesures concrètes et ces mesures concrètes ne peuvent être mises à jour qu'autour de la question de la fiscalité, parce que... Entre autres, vous avez parlé des courants contraires, et je suis d'accord, des courants contraires qui viennent faire en sorte que... qui reposent la question de l'État comme instrument justement... comme mécanisme de cohésion sociale. Et, pour moi, c'est là que je trouve ? je suis la politique depuis des années, disons 1990, 1994, 1995 ? pour moi, s'il y a quand même avec ? ça peut être un débat quand même ? avec un débat de l'État québécois... de donner à la politique sa place dans une société cohésive.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Ça va?

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Ulysse, au nom de tous les membres, il ne me reste qu'à vous remercier pour nous avoir fait participer votre vaste expérience... partager, c'est-à-dire, votre vaste expérience.

Alors, j'ajourne les travaux de cette commission à mardi le 22 octobre 2002, à 9 h 30, dans cette même salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 43)


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