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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 29 octobre 2002 - Vol. 37 N° 83

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Denise Carrier-Perreault, vice-présidente
Mme Linda Goupil
Mme Nicole Léger
M. Christos Sirros
M. Rémy Désilets
Mme Françoise Gauthier
Mme Manon Blanchet
Mme Marie Grégoire
* M. André Caron, FCSQ
* M. Charles Carrier, idem
* M. Jeannot Bordeleau, idem
* Mme Clémence Fauteux-Lefebvre, FECQ et FEUQ
* M. Benoît Riopel, idem
* Mme France St-Onge, idem
* Mme Thérèse Belley, Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre
* Mme Thérèse Sainte-Marie, Regroupement des CDEC du Québec et CDEC de Trois-Rivières
* Mme Lise Saint-Germain, idem
* Mme Denise Vézina, idem
* Mme Nicole Galarneau, RQuODE et RSSMO
* Mme Sylvie Baillargeon, idem
* Mme Lise Paquet, idem
* Mme Geneviève Baril, COCDMO
* Mme Nancy Roy, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire des affaires sociales qui est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par Mme Gauthier (Jonquière); M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Je vous fais lecture de l'ordre du jour. À 9 h 30, nous rencontrons les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec; à 10 h 15, la Fédération étudiante collégiale du Québec de même que la Fédération étudiante universitaire du Québec; à 11 h 15, le Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre. Nous suspendrons nos travaux à 12 heures pour les reprendre à 15 h 30 avec le Regroupement des corporations de développement économique communautaire du Québec et Corporation de développement économique communautaire de Trois-Rivières, suivi, à 16 h 30, par le Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité et Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, et, à 17 h 15, la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, c'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons ce matin les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Nous vous souhaitons la bienvenue. M. André Caron, qui est président général, je vous cède la parole. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Fédération des commissions
scolaires du Québec (FCSQ)

M. Caron (André): Merci, Mme la Présidente. Mmes les ministres, Mme Goupil, Mme Léger, Mmes, MM. les députés, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent effectivement: à ma gauche, M. Jeannot Bordeleau, conseiller au dossier sur le volet éducatif, et, à ma droite, M. Charles Carrier, économiste, qui va couvrir l'aspect financier. Donc, vous comprendrez que je vais faire la présentation générale et ces deux collègues vont répondre aux questions plus spécifiques.

La Fédération des commissions scolaires du Québec remercie la commission parlementaire des affaires sociales de l'opportunité qu'elle lui offre afin d'exposer ses vues sur la réduction de la pauvreté et de l'exclusion sociale. La Fédération fera tout particulièrement valoir à cet égard l'expertise du réseau des commissions scolaires en ce qui concerne l'offre de services éducatifs adaptés à chacune des clientèles, notamment en milieu défavorisé, et en démontrant la nécessité de réinvestir de façon prioritaire en éducation.

D'entrée de jeu, vous me permettrez de rappeler que la Fédération des commissions scolaires s'intéresse depuis longtemps à la lutte contre la pauvreté. Les commissions scolaires que notre Fédération représente ont mis en place depuis les années soixante-dix des mesures particulières, des programmes adaptés et des plans d'action en lien avec la politique relative aux milieux économiquement faibles. Nous accueillons ce projet de loi comme une suite aux actions que nous avons déjà entreprises et aux démarches que nous avons effectuées et nous nous réjouissons de la volonté gouvernementale de faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale.

Notre présentation se compose de quatre parties. La première fera l'illustration du rôle important des commissions scolaires dans la prévention de la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel de chaque personne. La deuxième partie, nous ferons la démonstration de la nécessité d'investir de façon prioritaire en éducation. Troisièmement, nous vous présenterons notre position au regard des différents objets du présent projet de loi. Et finalement, en quatrième partie, nous y allons de nos recommandations.

n (9 h 40) n

Abordons la première partie sur le rôle important des commissions scolaires dans la prévention de la pauvreté et de l'exclusion sociale. C'est plus particulièrement au regard de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, que ce projet de loi institue, que la Fédération désire soumettre son point de vue en soulignant la prépondérance de la première orientation retenue en vue d'atteindre les objectifs fixés, à savoir: prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel des personnes, soit l'article 6.1°. Le développement du potentiel de chaque jeune, de chaque adulte rejoint le mandat des commissions scolaires d'assurer l'accessibilité à des services éducatifs de qualité à toute la population du Québec et s'inscrit en lien direct avec la mission de l'école, soit instruire, socialiser et qualifier.

Pour la Fédération, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale passe d'abord et avant tout par l'éducation, l'essence même de la mission des commissions scolaires et des établissements scolaires. Ainsi, depuis plus de 25 ans, les commissions scolaires se sont investies avec l'appui financier du ministère de l'Éducation lié à la carte des milieux économiquement faibles dans divers plans d'intervention en tenant compte des situations particulières prévalant dans leur milieu respectif, notamment par des interventions précoces auprès des enfants d'âge préscolaire, soit l'animation passe-partout ou les services de prématernelle quatre ans, et par l'organisation du programme Lait-école.

Au cours de la dernière décennie, la situation économique de plusieurs milieux s'étant aggravée, des ressources additionnelles ont été progressivement allouées à cet égard afin de permettre aux commissions scolaires d'intervenir tout particulièrement à la bonification des services dans les milieux défavorisés, à l'amélioration des services aux enfants de quatre ans, à l'organisation des services de garde en milieu scolaire, à la mise en place des mesures d'aide alimentaire, au soutien particulier d'écoles montréalaises, à la mise en oeuvre du programme au niveau secondaire, programme appelé Agir autrement, pour assurer la persévérance et la réussite scolaire du plus grand nombre, et enfin, le programme Agir tôt pour les élèves en difficulté.

Partout au Québec, à des degrés divers, les commissions scolaires sont de plus en plus confrontées à des problèmes multiples, facteurs de décrochage, d'échecs scolaires, davantage présents dans les milieux économiquement faibles. Il nous paraît essentiel que la lutte au décrochage, l'amélioration de la réussite, la motivation de tous passent par un choix de mesures, d'activités s'inscrivant dans une approche d'école ouverte sur son milieu, mesures et activités initiées par les intervenants du milieu en tenant compte des besoins particuliers des élèves, des attentes des familles et de la contribution de la communauté.

Il importe de rappeler que les commissions scolaires dispensent toute une gamme de services éducatifs à l'ensemble de la population, sans distinction de leurs caractéristiques, par une formation adaptée au préscolaire, primaire, secondaire, en formation de base et en formation professionnelle aux jeunes et aux adultes et des services de formation continue. Elles interviennent sur de multiples problèmes aux facettes de la pauvreté d'ordre social, économique en lien avec la vie scolaire, la vie personnelle ou avec la famille dans les milieux divers. Pensons notamment aux concentrations de pauvreté, aux îlots de pauvreté ou même des individus pauvres dans des milieux mieux nantis.

Mais il y a une nécessité d'en faire davantage. On l'a vu, la pauvreté prend diverses formes, elle résulte d'un ensemble de facteurs, et les plans d'action pour la contrer nécessitent des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes pour en réduire les effets. Ces ressources procureraient la marge de manoeuvre requise pour le développement de services, l'adaptation de programmes, l'innovation dans les façons d'intervenir, le choix de réponses adaptées aux besoins, aux attentes et aux particularités de chaque milieu.

Il y a donc lieu de rendre récurrentes les sommes dévolues au Fonds Jeunesse, notamment au programme École ouverte sur son milieu, qui ont à ce jour généré plus de 1 200 projets particuliers et communautaires initiés par chaque milieu et adaptés à leur réalité respective. Il y a lieu d'assurer une meilleure concertation avec les centres de la petite enfance et les CLSC par des relations plus directes et mieux organisées avec l'école primaire. Il y a lieu d'augmenter les ressources d'accompagnement et de support à l'intervention des équipes-écoles, de soutenir davantage les directions d'établissement, dans leur gestion, dans les milieux les plus pauvres.

Nous insistons, la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion doit s'accompagner d'un important plan d'action afin notamment de mieux soutenir les plans de réussite élaborés par chaque établissement et soutenus par chaque commission scolaire.

En deuxième partie, nous insistons sur la nécessité d'investir de façon prioritaire en éducation. Le moyen le plus sûr de gagner cette lutte à la pauvreté consiste, selon nous, à continuer d'investir de façon prioritaire en éducation. Toutes les études démontrent qu'en investissant davantage en éducation l'État peut réduire ses autres dépenses sociales. L'effet le plus visible de l'éducation est certes le revenu supplémentaire que l'individu peut en obtenir. Plus une personne est scolarisée, plus elle est qualifiée, plus élevés sont ses revenus d'emploi; exemple, une personne scolarisée au secondaire, plus 12 % de salaire; collégial, 26; et universitaire, 97 %. Plus une personne est scolarisée, moins elle est susceptible d'être en chômage ou de dépendre de l'aide sociale. Une personne scolarisée paie plus de taxes et contribue aux entrées fiscales de l'État, de l'ordre de 25 % pour quelqu'un du secondaire. Elle contribue à une diminution significative des dépenses de l'État dont les dépenses sociales, soit l'assurance emploi, l'aide sociale et les soins de santé. Les jeunes sous-scolarisés ont en général davantage de problèmes d'intégration au marché du travail, des périodes de chômage plus longues, des emplois moins intéressants et beaucoup moins stables.

Parlons de l'impact de l'investissement en éducation dans certains pays et au Québec. L'impact de l'investissement en éducation au niveau mondial est vérifiable assez facilement, surtout en ce qui concerne la dynamique du marché du travail. Une étude comparative de deux groupes distincts de pays membres de l'OCDE démontre ? et vous avez ces chiffres-là en page 15 du mémoire ? que, plus un pays investit en éducation, plus le taux de chômage tend à y être faible, notamment chez les jeunes, et plus courte semble être la durée du chômage. À cet égard, il importe de noter que le Québec représente un cas particulier, puisque, nonobstant le fait qu'il investisse un pourcentage élevé, soit 7 % de son PIB, en éducation, le taux de chômage y est néanmoins plus élevé que dans les pays qui investissent peu en éducation.

Plusieurs facteurs peuvent bien sûr expliquer ces faits. Qu'il suffise de mentionner que le pourcentage du PIB investi en éducation au Québec peut être élevé pour au moins trois raisons. La dépense globale d'éducation par élève est en général plus élevée au Québec que dans l'ensemble des pays de l'OCDE, surtout pour l'enseignement postsecondaire où elle est 52 % plus élevée. Le PIB par habitant est inférieur au Québec par rapport à l'ensemble des pays de l'OCDE, ce qui le force à consacrer, pour une même quantité de services... de ressources affectées aux élèves, pardon, une plus grande part de son PIB à l'éducation, environ 1 %. La population du Québec est relativement plus dispersée géographiquement, en plus de connaître une forte décroissance démographique, ce qui occasionne certes des coûts plus élevés pour un même niveau de services éducatifs.

Ceci dit, il est indéniable qu'au Québec l'investissement en éducation depuis les années soixante a permis de mieux se positionner dans la nouvelle économie du savoir. La main-d'oeuvre qualifiée a permis la création d'emplois en haute technologie ainsi que le développement d'industries nouvelles et dynamiques. Enfin, une formation adéquate est toujours requise pour combler les emplois disponibles.

Abordons la troisième partie qui est la position de la Fédération au regard des différents objets du présent projet de loi sur la table. La stratégie nationale. Comme nous venons de le démontrer, la mission même des commissions scolaires et les mandats qui leur incombent les amènent à insister afin que le plan d'action gouvernemental qui assurera la mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté comporte des mesures tangibles en lien avec les recommandations de financement qu'elles formulent.

En ce qui concerne l'institution d'un comité consultatif, la Fédération déplore que l'importance des interventions de formation et d'éducation par le réseau scolaire ne soit pas reconnue de façon spécifique mais sous-entendue, sans la nommer, dans les autres secteurs de la société civile. Le caractère essentiel des activités éducatives dans la lutte contre la pauvreté milite en faveur de la reconnaissance d'une représentation spécifique du milieu de l'éducation au même titre que les milieux patronaux, syndicaux, municipaux et communautaires, et j'insiste là-dessus, afin qu'un siège soit minimalement accordé au secteur de l'éducation, particulièrement au réseau de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire.

n (9 h 50) n

Au regard de l'instauration de l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale, la Fédération entretient certaines réserves relativement à la création d'une nouvelle structure. La Fédération est d'avis que la détermination des orientations stratégiques, des objectifs généraux, des politiques et des plans d'action qui résultera des observations, des recherches et des échanges pourrait être assumée par le ministère responsable de cette stratégie nationale.

Enfin, la Fédération ne dispose d'aucune information structurée émanant d'une évaluation formelle lui permettant d'apprécier avec rigueur les retombées de l'actuel Fonds de lutte contre la pauvreté en lien avec les objectifs fixés et les priorités retenues. En conséquence, elle s'abstient de porter un jugement sur l'institution d'un fonds affecté au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté. Toutefois, nous croyons que toutes les ressources additionnelles consenties afin d'améliorer les services éducatifs et ainsi contribuer à contrer les effets de la pauvreté devraient transiter par le budget destiné à l'éducation.

Finalement, en quatrième partie, qui est une synthèse de nos recommandations que vous retrouvez en page 23 du mémoire: la première, réinvestir de façon prioritaire en éducation afin de prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le plein potentiel des personnes; deuxièmement, accroître le financement de programmes et de mesures en éducation dans les milieux économiquement faibles et l'attribuer également à d'autres milieux affectés par d'importants îlots de pauvreté afin d'améliorer et d'augmenter les services éducatifs et de rejoindre une plus grande partie de cette clientèle dans d'autres milieux; troisième recommandation, rendre récurrentes les sommes dévolues au Fonds Jeunesse pour le programme Une école ouverte sur son milieu, permettant à chaque commission scolaire et permettant à chaque établissement de poursuivre l'initiation de nombreux projets particuliers et communautaires adaptés à leur réalité respective; et finalement, la quatrième, reconnaître explicitement la participation importante du réseau scolaire public par une désignation spécifique au Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

En guise de conclusion, Mme la Présidente, le réseau scolaire décentralisé intervient partout au Québec en fonction de la mission et des programmes qui lui sont propres en collaboration et en complémentarité avec les organismes du milieu. La Fédération estime que la lutte contre la pauvreté, qui doit d'abord s'appuyer sur une formation de base qualifiante, pourra s'effectuer avec le partenariat souhaité et l'approche communautaire requise. C'est tous ensemble que nous devons lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, M. Caron, pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et responsable de la Condition féminine et des Aînés. Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, M. Caron, M. Bordeleau et M. Carrier, d'abord je vous remercie d'avoir déposé ce mémoire et aussi je vous remercie de l'excellent travail que vous faites avec le Fonds Jeunesse, parce que, effectivement, plusieurs d'entre nous sommes à même de constater les réussites de tout cela. Et je vous parlerai un peu tout à l'heure par rapport... Le Fonds Jeunesse, vous le souhaitez. Quant au Fonds de lutte à la pauvreté, pour des raisons différentes, les gens qui ont eu à l'utiliser et à en bénéficier, c'est pour un groupe de personnes qui sont exclues socialement mais qui ne se retrouvent pas nécessairement au niveau du domaine scolaire. Alors, on pourra tout à l'heure y revenir. Je sais qu'il y a de mes collègues qui veulent le faire.

D'abord, je tiens aussi à vous remercier d'avoir fait ressortir toute l'importance d'agir en amont. Vous avez exprimé que plus tôt on peut intervenir, effectivement, cela nous permet de meilleures interventions. D'ailleurs, notre politique familiale, les centres de la petite enfance de zéro à cinq ans, une des priorités de cette politique c'est justement d'être capable, en amont, d'intervenir pour soutenir lorsqu'il y a des enfants qui ont des particularités, et le monde de l'enseignement est aussi partenaire à cela, il y a des protocoles d'entente de signés avec différents CLSC. Et plusieurs personnes sont venus nous témoigner de cette importance. Je pense, par exemple, à la Fondation de M. Chagnon où il a exprimé que, par sa Fondation, ils ont priorisé, eux aussi, la petite enfance pour être capables d'intervenir. Alors, plusieurs personnes ont souligné que, dans le cadre de la stratégie et du projet de loi, il y avait un axe prioritaire pour prévenir en amont.

Vous avez aussi indiqué à juste titre qu'il nous fallait tout faire au Québec pour être capables de donner la qualification, je dirais, la plus importante ou la plus grande, parce que, de par les statistiques que vous avez indiquées tout à l'heure, lorsqu'on est de plus en plus scolarisé, on se retrouve avec des revenus de salaire qui sont d'autant plus élevés.

Vous avez aussi dit à juste titre que, depuis les années 1960, on a investi des sommes importantes dans l'éducation, et on se retrouve aujourd'hui avec, je dirais, un grand nombre de femmes et d'hommes ? puis je me situe dans cette catégorie ? où on a pu bénéficier d'un système d'éducation de qualité permettant à plusieurs personnes aujourd'hui de se réaliser pleinement dans leur métier. C'est tellement vrai que, quand on regarde au niveau des pays de l'OCDE, nos étudiants réussissent parmi les meilleurs au monde, et, quand on regarde de façon plus spécifique les indicateurs du ministère de l'Éducation en 2002, on nous indiquait que le Québec était en peloton de tête de tous les pays quant au taux d'obtention d'un diplôme de fin d'études secondaires en formation générale: 77 % versus 42 %, la moyenne des pays de l'OCDE. Donc, il y a un excellent travail qui est fait, et je pense que, à cet égard, on est à même aussi de constater cependant que ce taux de diplomation est renversé quand on regarde au niveau de la formation professionnelle. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au cours des trois prochaines années nous ferons face à une demande de près de 600 000 emplois ? 600 000 emplois. Seulement dans ma région, Chaudière-Appalaches, dans notre région, c'est près de 35 000 emplois et un taux de chômage qui oscille entre 5 et 6 %, 6,1 %, et ce que les gens viennent nous dire, c'est qu'on a un urgent besoin d'avoir de la formation, des gens qui sont formés.

Vous avez aussi indiqué à juste titre que, pour être capable de soutenir le mieux nos enfants, il faut être capable de les soutenir le plus jeunes possible. Mais il faut en convenir qu'on se retrouve, malgré nos réussites, avec un taux de décrochage scolaire extrêmement élevé, particulièrement dans certaines commissions scolaires, mais, partout au Québec, c'est un constat. Vous avez participé au forum sur Solidarité jeunesse, les deux derniers jours, qu'il y a eu au Mont-Sainte-Anne, où, depuis maintenant deux ans, on a offert autre chose qu'un chèque d'aide sociale à nos jeunes, et des commissions scolaires ont été partie prenante aussi dans certaines régions, et on se retrouve aujourd'hui avec plus de 80 % des jeunes qui sont maintenant en mouvement; certains ont retourné aux études, d'autres sont sur le marché du travail. Il y a des gens qui sont venus nous indiquer que, dans le cadre de cette stratégie de lutte à la pauvreté, il nous fallait tout faire pour soutenir le plus haut taux de scolarisation. Mais, en même temps, on constate que nous avons des gens qui, pour toutes sortes de raisons, se retrouvent avec des problèmes sociaux extrêmement importants et qui ont besoin d'être soutenus et, je dirais, d'avoir des éléments pour qu'ils soient soutenus pour reprendre confiance en elles et en eux puis pour accompagner leurs enfants qui ont besoin du soutien des parents pour la réussite scolaire.

Alors, comment on fait pour justement toujours maintenir l'affirmation que vous faites, que, plus on peut être scolarisé, meilleures sont les chances de s'en sortir, dans tous les sens du terme, mais, en même temps, aussi être capable de répondre à cette demande, qui est nécessaire au sein de notre société, des petites et moyennes entreprises et même des grandes d'avoir des personnes qui sont formées de façon professionnelle? Alors, selon vous, quelle doit être la ligne qu'on doit tracer pour justement continuer à maintenir le discours: Oui, nous devons soutenir nos jeunes et tout le monde pour une scolarisation des plus élevées, mais, en même temps, au niveau de la formation, on a besoin d'hommes et de femmes dans des secteurs de la formation professionnelle? Et j'aimerais ça vous entendre: Comment on fait pour s'assurer de cela, pour ne pas mettre en péril... le fait d'abandonner trop tôt des études, mais, en même temps, être aussi formé pour répondre à ces besoins que nous connaissons même actuellement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): C'est une grande question que vous posez là, Mme Goupil. D'abord, dire qu'il se fait beaucoup de choses au niveau du décrochage scolaire, parce qu'il y a 20 ans on avait un taux de décrochage d'autour de 40 %, O.K.? On est rendu à 27 %. On peut se dire entre nous autres que ce n'est pas suffisant, il faut viser 100 % de qualification. Ce 100 % de qualification, notamment, nous, on prétend que, via la formation professionnelle ? et ça va répondre à l'autre partie de votre question ? on peut y arriver. Notamment avec le défi des 600 000 emplois qui sont devant nous autres, je pense qu'on peut laisser reluire aux jeunes qu'il y a une possibilité d'emplois, ce qui n'était peut-être pas vrai il y a cinq ou 10 ans. Et aussi, avec le gouvernement qui fait actuellement des efforts considérables pour valoriser la formation professionnelle, on réalise que, et ça a été dans les médias dernièrement, par exemple le D.E.P., le Diplôme d'études professionnelles, est en croissance d'une façon importante. Mais ça veut dire qu'il ne faut pas lâcher, il faut continuer à valoriser la formation professionnelle, parce que, on peut se le dire ? on ne le dira pas... on est entre nous autres, là ? il y a une valorisation à faire au niveau des parents. On a ça aussi à abolir comme barrière, parce que beaucoup de parents encore aujourd'hui n'inciteront pas ou n'encourageront pas leurs enfants à aller en formation professionnelle. Pourtant, on le sait, les études le démontrent, il y a des emplois très rémunérateurs en formation professionnelle et, notamment au niveau des garçons où on sait que c'est plus manuel peut-être que les filles, il y a des métiers manuels où les garçons pourraient aller mais, pour toutes sortes de contextes, ils ne sont pas nécessairement encouragés à leur juste valeur d'aller dans ces métiers-là et d'apprendre un métier.

n (10 heures) n

Il y a aussi tout un phénomène de passerelle entre nos niveaux d'enseignement pour que, par exemple, un jeune qui s'en va dans une diplomation professionnelle au secondaire et qui veut poursuivre au collégial ne soit pas pris à reprendre au début du processus au collégial mais qu'il y ait une passerelle qui rentre au collégial, par exemple, à un niveau supérieur pour sauver peut-être les trois quarts d'une année ou 90 % d'une année plutôt que de recommencer. Il y a de l'arrimage à faire. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites mais il y en a encore à faire pour sortir la main-d'oeuvre qualifiée le plus rapidement possible du réseau et répondre au marché qui est en demande au moment où on se parle. On sait que le secteur de la construction, par exemple, va être en pénurie dans quelques années sinon maintenant.

Donc, nous, par la valorisation, par des arrimages au niveau des ordres d'enseignement, on pense qu'on peut y arriver. Et, aussi, ce qu'on a mis sur la table et les travaux qui sont en cours avec le ministère de l'Éducation, c'est de la formation courte pour des choses très spécifiques où les jeunes pourraient, et les jeunes adultes, avoir une qualification puis rentrer sur le marché du travail plus rapidement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Vous avez aussi parlé à juste titre de votre expérience avec le Fonds Jeunesse. Vous êtes à même de constater les réalisations que cela a données. Ce sont des expériences qui ont permis aux commissions scolaires, en partenariat avec les éducatrices et éducateurs, les enseignants et enseignantes, de permettre à des jeunes, par des formules un peu différentes... de leur donner le goût de continuer, et tout ça, puis ça a réussi.

Vous savez que ce Fonds, comme vous l'avez mentionné, va se terminer en 2003. Le Fonds de lutte à la pauvreté qui a aussi permis de créer plus de 28 000 emplois, qui a permis à des gens de se réinsérer socialement parce qu'ils étaient exclus, et ça a fonctionné dans toutes les régions. Tout le monde qui sont venus ici nous ont indiqué qu'il est extrêmement important de maintenir un fonds pour permettre aux localités, aux communautés de pouvoir avoir une souplesse d'intervention pour justement soutenir et accompagner des gens qui vivent l'exclusion sociale.

Selon vous, quelles seraient les nouvelles approches que nous devrions envisager pour justement s'assurer du financement de ce fonds spécial, celui du Fonds Jeunesse, et celui du Fonds de lutte à la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): Vous comprendrez, Mme la Présidente, que je peux beaucoup plus parler du Fonds Jeunesse, étant un membre du conseil d'administration depuis sa fondation, donc je suis vraiment partie prenante, contrairement au Fonds de lutte que je ne suis pas capable d'évaluer et, nous, à la Fédération, on n'a pas été capables. C'est d'ailleurs pour cela que vous nous entendez dire qu'on ne porte pas d'évaluation sur le Fonds de lutte. Mais, par contre, au Fonds Jeunesse, avec la répercussion que ces argents-là ont eu dans chacun des milieux, puisque c'étaient des projets issus des milieux, donc qui répondaient, qui étaient collés vraiment sur leurs besoins avec leurs communautés, cela a porté des fruits extraordinaires et cela a peut-être permis ? on n'est pas capables de l'évaluer en chiffres ? à des jeunes de demeurer à l'école, parce qu'on a rendu l'école plus attrayante, plus motivante par des activités, soit des activités parascolaires, par exemple. Donc, on pense que cela, il faut continuer là-dedans pour que les jeunes, quand ils vont à l'école, le matin, à travers les activités motivantes qu'on va leur avoir offertes, on leur passe des mathématiques, du français et d'autres matières, parce qu'on les garde à l'école avec une activité qu'ils aiment, qu'ils apprécient. Donc, c'est une attraction, et beaucoup de projets du Fonds Jeunesse ont été dans ce sens-là.

C'est pour ça que, nous, on est capables de porter une évaluation assez juste de ce qui s'est passé, surtout dans l'engouement... 1 200 projets en l'espace de 15 mois, c'est quand même beaucoup de projets, des projets à toutes sortes de hauteurs. Moi, j'ai vu passer des projets de 2 000 $; bien, un projet de 2 000 $ pour le milieu, ça veut dire que, pour lui, c'était le Klondike quasiment. C'était suffisant, donc il n'y a pas eu d'exagération, il n'y a pas eu de gaspille. Mais c'était un besoin qu'il fallait combler, le Fonds Jeunesse l'a comblé. Et c'est dans cette optique-là que, nous, on pense que ces sommes-là devraient être récurrentes dans les commissions scolaires pour des projets tels qu'on les a vécus dans le Fonds Jeunesse.

Pour le Fonds de lutte, malheureusement, on n'est pas capables de porter un jugement aussi éclairé qu'on peut le faire dans le Fonds Jeunesse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vais céder la parole à mes collègues. Je vous remercie. Puis je vais vous faire parvenir, le Fonds de lutte à la pauvreté, à la fois les succès que cela a soulevés, quand je vous parlais de 28 000 personnes qui ont réussi aujourd'hui à ne pas être exclues socialement puis qui ont été en mesure d'être accompagnées ? et c'est des emplois qui ont été créés partout au Québec ? et je vais vous les faire parvenir. J'aurais bien d'autres questions, mais je vais céder la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste 30 secondes, madame...

Mme Goupil: 30 secondes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, peut-être aussi bien de les utiliser.

Mme Goupil: Ça va trop vite. Ça va trop vite. Peut-être juste terminer en disant: Vous avez participé au Forum jeunesse, Solidarité jeunesse, deux jours, et vous avez été à même d'entendre ce que tous les partenaires sont venus dire, qu'il fallait que nous ayons une coordination et un partenariat exemplaires. Est-ce que vous pensez que cette formule de Solidarité jeunesse, qui s'adressait aux jeunes de 18 à 24 ans, 25 ans, est-ce que vous pensez que cette formule devrait être adoptée à l'ensemble des personnes vivant des situations de pauvreté pour justement qu'on soit capable d'accompagner ces gens-là pour les suivre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est une véritable... C'est plus qu'un commentaire, c'est une question qui demande une réponse, et, à ce moment-là, j'aurais dû céder la parole au député de Maskinongé. Mais, brièvement, M. Caron, s'il vous plaît.

M. Caron (André): Bien, normalement, oui. La réponse instinctive, ce serait oui, parce que, si la formule répond à un besoin des jeunes, j'ose imaginer que, pour des personnes un petit peu plus âgées, la même formule pourrait être adaptée, parce que la situation ne sera pas pareille, là. Parce que, si on prend quelqu'un, par exemple, qui est dans cette condition-là depuis plusieurs années, on peut s'imaginer facilement que cela va être plus difficile de l'en sortir pour le ramener soit sur le marché du travail ou aux études pour obtenir un emploi permanent. Mais, moi, je pense que la formule n'est pas à laisser de côté. Mais ce que j'ai surtout, moi, apprécié dans ma visite au salon, c'est la concertation qu'il y avait et qu'il faut continuer d'encourager à travers les réseaux, que ce soit les CLSC, que ce soit nous, que ce soit les autres réseaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Caron. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, au nom de l'opposition officielle aussi, bienvenue. Je pense que vous avez fait une très, très bonne présentation au niveau de l'importance qu'on doit accorder à l'éducation. C'est votre rôle. Et non seulement c'est votre rôle, mais c'est très lié aussi avec tout l'objectif qu'on a devant nous: la lutte à la pauvreté; et toutes les études le démontrent, vous les reprenez.

Et vous avez référé au fait qu'il y a 20 ans on avait un taux de décrochage de 40 %. On a réussi, par l'instauration, à ce moment-là, aussi d'un genre d'actions ciblées pour réduire précisément la lutte au décrochage, à le ramener autour de 30 %. Mais, 30 %, c'est encore incroyablement élevé; et, si je ne m'abuse, c'est parmi les plus hauts au pays, si ce n'est pas le plus haut au pays.

Moi, ça m'a toujours comme... Je suis entré en politique il y a 21 ans. Il y a 20 ans, on avait ce taux. Je venais du milieu de l'éducation, et on avait un taux de décrochage de 40 %, ce qui me paraissait effarant: presque un sur deux qui ne terminait pas leur secondaire. Aujourd'hui, c'est presque un sur trois. Qu'est-ce qui l'explique, là? On n'est pas moins intelligents que les autres. On n'est pas moins dépourvus que les autres. Qu'est-ce qui explique qu'au Québec on a le taux de décrochage le plus élevé au pays? Puis je ne cherche pas de blâme nulle part, je cherche à comprendre qu'est-ce qui fait que, tu sais, on vit avec un taux de décrochage de 30 % quasiment en 2002.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): C'est difficile à expliquer, effectivement, parce qu'on pourrait parler à plusieurs experts et on pourrait avoir des réponses différentes. Moi, ce que je peux, peut-être, juste donner comme réponse, c'est plutôt qu'est-ce qu'on est en train de faire pour essayer de le rediminuer encore. Et la réforme de l'éducation, notamment, en rendant l'école secondaire, principalement, plus attrayante, plus motivante, à mon avis et aux avis de plusieurs experts aussi, on a des chances de garder plus longtemps nos jeunes à l'école, que ce soit au niveau régulier.

Et notre formation professionnelle, j'en parlais tout à l'heure, si on la rend plus accessible et si on réussit à briser la barrière de la valorisation puis à vraiment mettre ça comme une des voies d'avenir et non un cul-de-sac, comme on a toujours pensé être, à mon avis, on est capables de lutter contre le décrochage. Parce que les chiffres effectivement sont les plus hauts au Canada, mais il ne faut pas lancer la serviette parce qu'ils sont les plus hauts. Les causes, c'est différentes causes. Et, dépendant des milieux, ça peut être différentes causes aussi. Je ne sais pas si M. Bordeleau...

M. Sirros: C'est sûr qu'il ne faut pas lancer la serviette; au contraire, je pense que c'est un signal qu'il faut prendre la serviette puis s'attaquer au problème de façon très précise et très concrète. Mais là on parle de l'emphase qu'on pourrait mettre sur le niveau professionnel, et je pense qu'il y a là une voie à valoriser également. Ça a une valeur.

n (10 h 10) n

Mais j'essaie de le comprendre dans un contexte nord-américain, dans un contexte où on a des valeurs qu'on partage avec les autres Canadiens également. Fondamentalement, là, on n'est pas si différents que ça au niveau de nos valeurs. Et c'est la même problématique dans les autres endroits également. Là aussi, je pense que la formation professionnelle est dévalorisée aussi, mais ils réussissent quand même à avoir des taux moindres que nous.

Et, si je vous pousse un peu davantage, c'est parce que, nous, on identifie l'éducation comme l'instrument numéro un, prioritaire, pour faire la lutte à la pauvreté surtout en amont. Parce que, finalement, si on ne réussit pas au niveau des jeunes à créer des conditions d'accès à l'égalité des chances et des possibilités d'envisager un avenir meilleur, bien, dans 15 ans, on va se retrouver ici en commission parlementaire avec la version numéro deux de la Loi visant la lutte à la pauvreté, 15 ans plus tard, puis on va se répéter les mêmes choses. Donc, à un moment donné, il faut bien cibler la bonne cible. Nous croyons que la bonne cible, c'est l'éducation, avec tout le périphérique par la suite. Mais le coeur de l'action doit être mené au niveau de l'éducation, en particulier vis-à-vis des jeunes, et c'est pour ça que je vous pousse à essayer de comprendre un peu cet écart.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): Mme la Présidente, si vous permettez. Puisque vous me poussez, je vais pousser la question à M. Carrier qui va tenter une réponse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Carrier.

M. Carrier (Charles): Écoutez, je ne peux pas répondre au niveau des avenues, des stratégies pour réduire le taux de décrochage. Je voudrais juste préciser quelque chose au niveau du taux lui-même. On mentionne 27 ou 30 %, là, ça, c'est en prenant le taux de décrochage à l'âge le plus élevé, parce que le taux de décrochage varie beaucoup en fonction de l'âge. Par exemple, ici, j'ai des données de 2000-2001: pour les jeunes de 17 ans, le taux de décrochage, c'est 11,4 %; pour les jeunes de 18 ans, c'est 16,6 %; pour les jeunes de 19 ans, c'est 19,3 %; et ça augmente comme ça, là. Alors, ça, c'est systématique. Presque dans tout le pays, on a cette évolution du taux de décrochage en fonction de l'âge.

M. Sirros: ...ce que vous voulez dire par ça, je ne comprends pas le... Moi, le taux de décrochage, dans ma tête, c'est le nombre de jeunes qui ne terminent pas leur secondaire dans une...

M. Carrier (Charles): Le taux de décrochage, c'est la proportion d'une population d'un âge donné qui a quitté d'une façon momentanée ou définitive, qui a quitté le système scolaire. C'est comme ça qu'on mesure le taux de décrochage. Et c'est pour ça donc que cette mesure varie beaucoup en fonction de l'âge. Et quand on prend le 27 ou 30 %, c'est la pire statistique qu'on peut citer. Quand on regarde l'ensemble, ce n'est pas si pire que ça. Ce qui est encourageant de voir, c'est que la courbe d'évolution va en diminuant, puis nettement en diminuant, au Québec puis un peu partout dans le monde.

Puis l'autre chose qu'il est important de bien noter ? je pense que le vrai problème est là ? c'est la différence, l'écart qu'il y a entre le taux de décrochage chez les garçons et les filles, c'est presque du simple au double: par exemple, à 18 ans, c'est 11,8 % chez les filles, 21,1 % chez les garçons. Il y a un écart énorme. Alors, le problème de décrochage, c'est un problème de gars, point... pas point, là, mais principalement.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Cela ouvre la porte à une remise en question d'un certain nombre de choses mais, je veux dire, vous identifiez les gars comme une population cible et vous abordez aussi plusieurs solutions comme des solutions qui doivent être ciblées, donc plus d'efforts dans des milieux spécifiques qui vivent la pauvreté et qui ont en conséquence aussi un taux de décrochage beaucoup plus élevé. Ça, je pense, on vous suit sur ça aussi.

J'aimerais, dans les quelques minutes qui restent, peut-être ramener le regard un peu sur le projet de loi lui-même. Vous n'avez pas beaucoup de commentaires précis par rapport au projet de loi, si ce n'est que sur le comité consultatif où vous sentez que ce qui est mis de l'avant, c'est vraiment très général comme façon de constituer le comité consultatif ? c'est ce que je décèle dans votre requête d'être nommés plus précisément. Et c'est un peu la question... Quand on lit l'article qui constitue le comité consultatif, on dit que 15 membres sont nommés après consultation des organismes ou groupes les plus représentatifs des différents milieux concernés.

Ce qui me frappe toujours, c'est: Comment est-ce qu'on détermine qu'est-ce qui est représentatif et qui le détermine et comment est-ce qu'on le détermine? Vous, vous revenez puis vous dites: Nous estimons que nous sommes représentatifs dans l'implication qu'on doit avoir par rapport à la lutte à la pauvreté, mais on se trouve à être nommés peut-être par la bande en référant à la société civile en général. Est-ce qu'il y aurait une façon que vous pourriez voir afin de rendre plus spécifique le rôle du comité consultatif, sa constitution?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): Mme la Présidente, sur la représentation, nous avons 1 million de jeunes dans nos écoles. Si, ça, ce n'est pas suffisant pour démontrer notre représentativité, je ne sais pas qu'est-ce qu'il faudrait faire. On a 6 ou 7 milliards de budget pour ces humbles services à ce 1 million de jeunes là. Il me semble que, quand on parle d'organisme, ça devrait être un automatisme pour le gouvernement que les commissions scolaires, entre autres... Nous sommes des gouvernements locaux, élus; ça devrait être un automatisme qu'on fasse partie d'à peu près tout ce qui se passe au niveau organisations reconnues au Québec. C'est dans ce sens-là. Avec 1 million d'élèves, entre autres, je pense que c'est suffisant pour justifier notre représentativité.

M. Sirros: Si je gratte un petit peu, ce que je décèle, c'est un peu un... Bon, permettez-moi de transformer ma question. Est-ce que vous sentez que, peut-être, au Québec, de façon générale, on a tendance à passer à côté des structures qu'on s'est données, qui ont des responsabilités concrètes, pour aller chercher l'implication, la participation de groupes plus diffus, qui ont moins de... mais qui parlent au nom de la société civile ? en ayant utilisé le terme de «société civile» comme voulant dire autre chose que les structures officielles?

M. Caron (André): Disons que je ne suis pas capable d'adhérer à vos propos, là, dans le sens que vous le dites. Mais dans le fond, ce qu'on dit, nous autres, là: Il y a des structures au Québec, nous sommes une structure, nous avons 1 million de jeunes, où on nous confie la mission de les éduquer, de les qualifier, de les socialiser, ça nous apparaît suffisant pour être représentatifs au Québec, il me semble. Il me semble qu'on n'a pas besoin... Si le gouvernement ou n'importe quelles autres instances veulent aller consulter, ça, on n'a rien contre ça, là, on n'a rien contre les autres. Mais seulement, ce que je viens de dire, ça devrait être suffisant pour dire: Regarde, il y a un statut, là, qu'on ne peut pas passer à côté.

M. Sirros: Si j'analyse vos propos, ce serait d'abord, de façon générale, de voir la reconnaissance des instances qui ont des responsabilités et qui reçoivent, de surcroît, des sommes publiques pour les mener à bien, et, en extension, d'aller chercher aussi le reste de la société civile.

M. Caron (André): Effectivement, l'un n'empêche pas l'autre.

M. Sirros: Peut-être, en guise de conclusion, un dernier point sur le plan d'action, parce que je pense qu'on constate tous que beaucoup de personnes qui viennent devant nous nous parlent, d'une part, comme vous l'avez fait et à juste titre, également, de leur domaine d'intervention spécifique et, par la suite, proposent des choses, un peu comme vous l'avez fait aussi, qu'on devrait retrouver dans un éventuel plan d'action. Donc, c'est un peu comme si ces consultations viennent à refaire, supposément, ce qui a déjà été fait par rapport à un plan d'action, des consultations pour élucider des points de vue, des opinions. Ce serait-u une mauvaise chose qu'on puisse, une fois qu'on aurait la viande qui viendrait autour de la loi, par la suite, avec le plan d'action, qu'on ait aussi l'opportunité de vous entendre sur le plan d'action par le biais de consultations sur le plan d'action? Parce qu'il me semble que c'est là où on va pouvoir juger où on s'en va.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Caron.

M. Caron (André): Oui, Mme la Présidente. Je veux juste utiliser la tribune, ici ? vous parlez de plan d'action ? pour faire le lien avec la concertation, à mon avis, qu'il devrait y avoir avec les plans de réussite des établissements que nous sommes en train, là, de bonifier et de le structurer dans une démarche de planification stratégique, commissions scolaires et ministère de l'Éducation. Je demanderais peut-être à M. Bordeleau d'enrober un petit peu plus cette réponse-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bordeleau.

M. Bordeleau (Jeannot): Oui. Bien, justement, en lien avec les plans de réussite et la planification stratégique des commissions scolaires, ce qu'il faut reconnaître, c'est qu'actuellement chacune des écoles au Québec, chacun des centres de formation professionnelle et des centres d'éducation des adultes élabore des plans de réussite. Et dans ce sens-là, comme ça se fait dans le milieu, comme ils ont des ressources, comme ils connaissent les caractéristiques de chacun des milieux, ils sont en mesure d'intervenir, je dirais, de façon... peut-être plus efficacement en lien avec la communauté pour choisir les bons moyens, pour trouver les bonnes ressources, adapter les programmes qu'il faut pour mieux intervenir. Et dans ce sens-là, probablement que les chances de succès pour favoriser la persévérance scolaire, favoriser la réussite puis, je dirais, la diplomation et, éventuellement, une bonne qualification professionnelle vont passer par, je dirais, la force de la communauté éducative qui est dirigée et dont le leadership est assuré par l'école puis par la commission scolaire.

n (10 h 20) n

Et dans ce sens-là, si, eux, ils trouvent approprié d'intervenir de façon plus efficace en fonction de l'économie d'un milieu pour développer certains programmes de formation professionnelle ou encore donner un idéal aux jeunes en termes d'avenir, soit par des services d'orientation et d'information bonifiés ou encore par des interventions sur des difficultés majeures, moi, je pense que c'est par les plans de réussite que ça va se faire parce que, dans chacun des milieux, il y aura un diagnostic approprié, avec les forces et les faiblesses de chacun des milieux. Et, dans ce sens-là, moi, je pense que c'est prometteur d'un plus grand succès, d'une plus grande diplomation chez les jeunes puis, en même temps, d'une réduction des difficultés qu'on rencontre. Et je pense qu'il y a des liens effectivement à faire entre ces plans d'action là.

Et, au regard de la question que vous posiez, eh bien, je dirais que ce sont des ressources qui doivent être consenties à la mission même des écoles et des commissions scolaires pour venir faire en sorte qu'on puisse travailler mieux ensemble.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition malheureusement. Alors, MM. Caron, Bordeleau et Carrier, merci, au nom de tous les membres, de nous avoir permis de partager votre expérience.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants des deux fédérations étudiantes, collégiale et universitaire, de bien vouloir prendre place et je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 21)

 

(Reprise à 10 h 22)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant Mme Clémence Fauteux-Lefebvre, qui est présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, de même que M. Benoît Riopel, qui est vice-président de la Fédération étudiante universitaire, et de même que Mme France St-Onge, qui est également présidente du Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec.

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Mme Clémence Fauteux-Lefebvre qui est présidente au niveau collégial. Alors, Mme Lefebvre, vous avez 15... c'est-à-dire... de toute manière, vous vous partagez une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire. Alors, je vous cède la parole.

Fédération étudiante collégiale
du Québec (FECQ) et Fédération
étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): D'accord. Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. et Mmes les membres de la commission, nous sommes bien heureux de venir ici vous présenter notre mémoire sur le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Nous croyons que c'est un problème qui concerne l'ensemble de la société québécoise et que celle-ci est capable de se doter de moyens pour lutter contre cette pauvreté et l'exclusion sociale.

La Fédération étudiante collégiale du Québec regroupe 80 000 étudiants qui sont d'abord et avant tout des jeunes citoyens qui sont visés par cette pauvreté. C'est donc dans cette perspective que nous allons vous présenter plutôt des mesures visant à contrer la pauvreté et l'exclusion sociale en passant par la prévention, donc en agissant tout de suite à la base au niveau de l'éducation, de l'arrivée sur le marché du travail puis au niveau des étudiants.

Nous croyons que le projet de loi, c'est un premier pas; ça permet d'établir... ça a permis d'établir des bases solides qui vont nous permettre d'établir un plan d'action. Donc, nous vous présentons aujourd'hui des pistes de réflexion et de solution pour aider les jeunes, donc les aider tout de suite à lutter puis à pouvoir être inclus dans la société, à un palier adéquat, dès leur jeune âge.

Donc, tout d'abord, ce que nous recommandons, c'est que, dans un plan d'action, il y ait des mesures visant à valoriser l'éducation, à prévenir le décrochage... et la recherche d'emploi à prime abord. Donc, tout d'abord, au niveau de l'éducation, nous croyons que la société québécoise a compris depuis quand même plusieurs années que c'est important d'avoir une base solide. Toutefois, il faut encore continuer à améliorer cette façon d'accéder à cette base. Ça passe tout d'abord par la lutte au décrochage. Donc, on sait que 8 % des gens qui sont sur l'assistance-emploi n'ont pas de diplôme d'études secondaires, tandis que c'est 1 % au niveau des universitaires. Donc, il faut donner tout de suite des moyens aux étudiants d'obtenir tout d'abord au moins un diplôme d'études secondaires, donc, niveler par le haut pour donner des bases. C'est dans cette optique que nous proposons que l'âge minimum pour l'abandon scolaire passe de 16 à 18 ans ou jusqu'à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires.

Ensuite, il y a l'orientation qui entre en ligne de compte. Donc, après avoir obtenu un diplôme d'études secondaires, il est important que l'étudiant sache où s'en aller, où aller étudier. Nous devons donc lui donner l'ensemble des informations pour qu'il puisse faire un choix et éviter d'être mal orienté, ce qui entraîne souvent du décrochage scolaire. À ce niveau-là, il est important que les étudiants aient accès à des orienteurs. C'est pourquoi nous recommandons qu'il y ait un seuil maximal d'étudiants par orienteur qui soit établi et que ce seuil soit respecté dans l'ensemble des établissements secondaires et collégiaux.

Nous croyons aussi que la recherche d'orientation passe par une responsabilisation de l'étudiant. Donc, il faut lui donner les informations disponibles, toute l'information à disponibilité. Donc, nous recommandons que soit produit et publié un guide des carrières par le ministère et que celui-ci soit distribué gratuitement à l'ensemble des étudiants du secondaire puis, sur demande, aux cégépiens.

Finalement, nous croyons que ça passe par la valorisation des études supérieures pour enlever dans l'idée l'attitude défaitiste que peuvent avoir certains étudiants en croyant qu'ils ne peuvent... que leurs aspirations sont inaccessibles. Donc, c'est dans cette optique que nous devons les inciter à poursuivre dans la voie qu'ils voudraient. Nous prônons des séances d'information sur la valorisation des études supérieures.

On rencontre ensuite le marché du travail. Donc, on sait qu'avoir un emploi, c'est une acceptation dans la société puis ensuite ça permet d'avoir le revenu adéquat pour vivre. Toutefois, ce n'est pas évident pour l'ensemble des citoyens de se trouver un emploi ni pour les étudiants qui arrivent sur le marché du travail.

Pour ce qui est de la recherche pour avoir un emploi à la hauteur de leurs ambitions et convenable, souvent les étudiants sont dépourvus, ils ne savent pas par où commencer. C'est sûr que ça prend beaucoup d'efforts, mais parfois ils n'ont même pas les moyens. Donc, il n'ont même pas une ligne de téléphone. On croit aussi qu'ils manquent de formation donc pour savoir... aller chercher un emploi. Donc, ces notions devraient être, selon nous, intégrées à la matière dans les programmes techniques, donc des notions de recherche d'emploi adaptées au programme, intégrées dans le cours d'intégration des acquis en programme technique.

Finalement, au niveau des conditions de travail, c'est sûr que ça passe par là. On sait que beaucoup de faibles revenus constituent la classe la plus pauvre. Les étudiants commencent beaucoup au bas de l'échelle, beaucoup de citoyens aussi travaillent dans des mauvaises conditions. Donc, il est important qu'il y ait un revenu acceptable pour l'ensemble des travailleurs puis que celui-ci soit balisé selon une augmentation à chaque année. C'est pourquoi on demande l'indexation annuelle du revenu minimum dans la loi, à chaque année, et que cette indexation soit faite en fonction du coût de la vie.

Finalement, on sait que beaucoup d'étudiants vivent une situation de pauvreté. Ils sont souvent oubliés parce que ce n'est qu'une situation souvent temporaire. Toutefois, on croit qu'au niveau des prêts et bourses il y a certaines failles qui devraient être améliorées et qu'une réforme s'impose. C'est pourquoi on demande une nationalisation de l'aide financière aux études qui permettrait de faire des économies ainsi qu'un remboursement proportionnel aux revenus qui pourrait être... de permettre de faire une réforme, de faire des économies, de permettre aux étudiants de ne pas s'endetter suite à leurs études.

Finalement, dernier point, donc, le partage de logement. On demande que soient abolies les réductions de prestations d'assurance emploi pour les gens qui partagent le logement. On croit que ces gens-là font un effort pour faire des économies. Donc, il ne faut pas les pénaliser à ce moment-là.

Finalement, on aurait pu vous en dire encore beaucoup plus sur ce projet de loi et sur la pauvreté. Toutefois, on a décidé de se concentrer donc sur les jeunes puis sur des solutions concrètes, donc qui passent par la prévention dès que les étudiants sont encore au secondaire. C'est essentiel toutefois d'amener des mesures à court terme; ça, on en est conscient, bien qu'il faut voir à long terme. Puis on croit aussi que la société québécoise est capable de contrer les inégalités qui existent actuellement. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, il reste trois minutes. Je vous cède la parole, M. Riopel.

n (10 h 30) n

M. Riopel (Benoît): Bon. Alors, comme il nous reste seulement trois minutes, je proposerais peut-être qu'on cède immédiatement la parole à France St-Onge, qui est présidente du Conseil national des cycles supérieurs de la FEUQ et qui va vous parler...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse, il vous reste plus de temps, parce que là... Vous n'avez pas 15 minutes, vous avez 20 minutes étant donné que vous avez accepté de vous regrouper. Alors, je m'excuse, il vous reste huit minutes.

M. Riopel (Benoît): C'est extraordinaire. Donc, je vais revenir avec mon «pitch» initial. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Riopel (Benoît): Donc, bon, en commençant, je tiens à rappeler... Bien, premièrement, je tiens à remercier les gens ici, là, les députés, de nous recevoir.

Tout d'abord, je tiens à préciser que la FEUQ est membre du Collectif pour l'élimination de la pauvreté, et donc, par conséquent, nous avons travaillé avec le Collectif à l'élaboration du mémoire du Collectif. Donc, par conséquent, nous ne voulions pas répéter à l'intérieur de notre mémoire des choses qui vont probablement être répétées tout au long de vos audiences et que vous avez déjà maintes fois entendues. Et on a préconisé une approche un peu différente de celle qui a été proposée par le Collectif, et on préféré vous apporter ici notre expertise sur la question de l'éducation et de l'impact que ça peut avoir sur la qualité de vie des gens, sur leurs revenus et, bien sûr, à moyen et à long terme, sur un moyen d'élimination de la pauvreté, et donc notre mémoire est pratiquement exclusivement consacré à cet aspect.

Cependant, comme je pense qu'on est ici pour discuter de la loi également, si vous nous le permettez, on va quand même vous parler de choses qui ne se retrouvent pas dans notre mémoire, qui est un peu, là, des commentaires par rapport au projet de loi. Et c'est pour ça que, là-dessus, je céderais la parole à France St-Onge puis, par la suite, là, je conclurai sur certains aspects du mémoire dont je voudrais vous faire part. Donc, peut-être France...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Riopel. Mme St-Onge, à vous la parole.

Mme St-Onge (France): Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les membres de la commission, Mme la ministre, il me fait plaisir d'être ici pour discuter avec vous de la lutte contre la pauvreté.

Parler de pauvreté pourrait commencer par l'illustration de la pauvreté. J'ai avec moi quelques statistiques. Une étude qui a été menée par le Conseil national des cycles supérieurs a démontré qu'au moins 40 % des étudiants aux cycles supérieurs disposent d'un financement total inférieur au seuil de faibles revenus tel que déterminé par Statistique Canada, et ce pourcentage s'élève à 70 % pour la catégorie des étudiants des cycles supérieurs âgés de moins de 25 ans. Ce sont des exemples de pauvreté, mais moi, je me suis dit, tant qu'à venir ici et s'arrêter à tout simplement mentionner des statistiques qui démontrent la pauvreté que vivent les étudiants, ce serait faire preuve d'une vision très étroite quant au lien existant et pouvant exister entre les étudiants universitaires et la pauvreté. En effet, ces liens pourraient être qualifiés de synergiques, et j'y reviendrai dans quelques instants.

Cependant, la réalité vécue par les étudiants universitaires est, d'un point de vue financier, suffisamment inquiétante pour que je vous en fasse part, et, évidemment, ces préoccupations-là vont tout droit dans le sens de notre mission qui est de défendre les droits et intérêts des étudiants universitaires.

Ceci dit, et si on se met d'accord pour dire que de meilleures conditions financières et un meilleur accès à l'éducation supérieure permettent d'améliorer directement le bien-être des étudiants et aussi indirectement d'assurer de meilleures chances pour ses enfants, il est encore plus vrai que les retombées des cohortes d'étudiants universitaires sur l'ensemble de la société sont des plus importantes et des plus stratégiques.

Rappelons ici le rôle des universités. Nos universités sont désignées comme un lieu de formation. Or, ce rôle est ni plus ni moins qu'une mission sociale qui permet d'atteindre des objectifs de développement de la société. Pour bien comprendre les retombées des étudiants sur le développement de la société, posons-nous les questions suivantes: Les universités comme lieu de formation de qui et pour qui? Il s'agit de la formation de personnes hautement qualifiées et habilitées à transférer à toute la société le savoir et les connaissances acquis lors de leur formation; habiletées à fournir à la société les outils nécessaires à un développement harmonieux, juste, équitable et durable; habiletées à intervenir dans tous les aspects de la vie des communautés pour y améliorer le bien-être; habiletées à oeuvrer au sein de la fonction publique pour y concevoir les politiques et les moyens d'intervention sociale nécessaires à la préservation et à la promotion du bien public et de la cohésion sociale; habiletées à effectuer des recherches poussées pour arriver à une compréhension fine des problèmes sociaux. Et cette dernière habileté est effectivement plus particulière dans le cas des étudiants de deuxième et troisième cycles.

C'étaient donc des exemples de synergie, de la synergie dont je vous parlais au début pour expliquer le lien qui existe entre les étudiants universitaires et la lutte contre la pauvreté. Et, pour adopter un angle plus positif, je dirais même plus, que, en fait, c'est des exemples de liens entre les étudiants universitaires et la création de possibilités de développement offertes à l'ensemble des membres de la société. Le rôle joué par les étudiants et les diplômés universitaires dans l'identification et l'opérationnalisation des changements et des innovations nécessaires pour permettre le développement social, économique, culturel et technologique du Québec est donc primordial, et puisque les étudiants, tout au long de leur formation et dans le cadre de leurs travaux de recherche, développeront un souci et une capacité, d'une part, à veiller à ce que le développement économique assume une responsabilité sociale et mène ainsi au développement durable et, d'autre part, à conjuguer les impératifs économiques avec un développement respectueux des citoyens, de leurs conditions de vie et de leur environnement. Pour les étudiants universitaires, les trois éléments-clés de la lutte contre la pauvreté sont la formation, la recherche et l'innovation, qu'elles soient scientifiques, technologiques ou sociales. En effet, ces trois éléments conduisent de façon soutenue et continue à améliorer la qualité de vie des citoyens et des citoyennes du Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Riopel.

M. Riopel (Benoît): Oui. Disons que peut-être, en conclusion, je tiens à rappeler, là, que, comme on en fait état modestement dans notre mémoire qu'on vous a remis, il y a un lien direct à faire entre le niveau d'éducation des gens et leur qualité de vie. On en fait état et, en ce sens, on vous soumet, là... Quoique ce n'est pas abordé directement dans la loi, là, on vous soumet cette donnée importante là. On vous la rappelle, parce que probablement vous le savez déjà, cette donnée importante, qui est que par tous les moyens qu'on va pouvoir prendre pour s'assurer que nos jeunes aillent chercher une bonne formation, tous les moyens qu'on peut prendre pour les inciter à aller sur les bancs d'école le plus longtemps possible et également leur démontrer que l'endettement n'est pas un frein ? parce que la peur de l'endettement, ça existe aussi ? donc, que l'endettement n'est pas un frein à aller chercher cette formation-là, bien c'est d'autant plus de moyens qui vont permettre au Québec de se développer adéquatement et donc de travailler à la lutte contre la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Riopel, Mme St-Onge et Mme Fauteux-Lefebvre, d'abord je vous remercie d'avoir pris le temps, parmi tout ce que vous avez à faire, de présenter un mémoire pour, dans un premier temps, témoigner votre solidarité à cette lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est vraiment un appel à l'ensemble de la société. L'État, à lui seul, ne peut résoudre ce défi de société seul, et c'est bien qu'il y ait toutes les personnes qui viennent nous faire part non seulement de la réalité vécue par les gens qu'ils représentent, mais comme individus membres de cette société.

Vous savez que la stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale se veut d'abord et avant tout un carré de sable pour être capable d'intervenir non pas uniquement auprès d'une clientèle ciblée, mais c'est pour être capable de permettre à l'ensemble des personnes vivant cette situation de pauvreté ou d'exclusion sociale de trouver des façons pour qu'on puisse globalement intervenir.

Alors, vous n'êtes pas sans savoir aussi que les personnes qui sont prestataires de l'aide de dernier recours, de l'assistance-emploi, se retrouvent à près de 70 % de ces personnes qui n'ont même pas de diplôme d'études secondaires. Vous savez également que les personnes qui, actuellement... Quand on regarde au niveau des personnes qui ont moins de 15 ans puis qui n'ont pas non plus de diplôme d'études secondaires, parmi le quintile le plus pauvre, c'est plus de 54 % de la population des gens qui se retrouvent dans cette situation.

n (10 h 40) n

Vous avez, à juste titre, indiqué qu'au niveau des étudiants il y avait des situations, je pourrais dire, de... des situations financières qui sont plus difficiles pour certains, moins difficiles pour d'autres, mais le projet de loi s'adresse particulièrement aux personnes qui, effectivement, quand on regarde leur réalité de vie: faible scolarisation, l'exclusion sociale, milieu familial qui vit aussi des difficultés... Dans notre intervention, on a indiqué le premier axe, qui était celui de soutenir la famille, cellule de base au sein de notre société. Selon vous qui... On le sait, aujourd'hui, les études demandent beaucoup plus de temps, et, quand on regarde que l'on se retrouve avec plusieurs personnes qui ont le désir d'enfants puis, en même temps, au niveau des études... Qu'est-ce que vous pensez qui pourrait être fait de plus justement pour soutenir davantage les étudiants et étudiantes qui ont le désir d'enfants pendant leurs études?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, qui souhaiterait répondre à cette question en premier lieu? Alors, Mme St-Onge.

Mme St-Onge (France): Votre question, en fait, renvoie à une problématique que nous étudions depuis déjà un petit bout de temps qui est la conciliation des études et de la famille. Évidemment, il y a des étudiants, comme vous le dites, qui se retrouvent dans une situation que j'appellerais de parentalité et qui, par le fait même, voient leur condition d'étudiant affectée de façon négative par la réalité parentale, par la réalité familiale. Le nombre d'étudiants qui ont des parents actuellement est d'à peu près 20 % aux études supérieures pour les étudiants qui sont à temps plein, et 40 % des étudiants à temps partiel ont des enfants, toujours aux études supérieures. Ça fait à peu près 11 000 étudiants dans tout le Québec qui ont des enfants seulement aux cycles supérieurs, et on ne comprend pas les étudiants de premier cycle, parce que là je n'ai pas des données, pour l'instant, à vous transmettre au niveau des premier cycle.

Une meilleure conciliation des études et de la famille passe, en premier lieu, par un meilleur soutien financier des étudiants. De façon générale, je vous l'ai montré tout à l'heure, les conditions financières des étudiants laissent à désirer. Imaginez quand on est étudiant parent qui a plus d'obligations financières, qui a moins de temps à consacrer à ses études, qui n'est pas éligible, dans la plupart des cas, à des subventions de recherche, à des bourses de recherche et qui voit son éligibilité aux programmes d'aide financière réduite à cause de sa situation à temps partiel. Quoique le problème a été réglé récemment dans ce cas-là, mais il reste que les dépenses admises dans ces programmes-là ne tiennent pas toujours compte de la réalité des étudiants. Donc, d'une part, il y aurait des efforts à faire au niveau de l'amélioration des conditions financières de ces étudiants-là pour que l'accessibilité aux études ne soit pas compromise par le désir ou le fait d'être parent, ce qui est inacceptable dans une société comme la nôtre où est-ce que la liberté d'avoir des enfants ne devrait pas affecter la liberté et le droit à l'éducation.

D'autre part, un autre moyen très important pour assurer aux étudiants parents des conditions de vie acceptables et pour ne pas nuire à leurs études, ce serait d'assurer plus de places pour eux dans les garderies. Je sais que c'est un problème qui vous tient énormément à coeur, vous avez déjà démontré une volonté particulière pour améliorer les situations dans les centres de la petite enfance, quoique, si on regarde pour l'ensemble des CPE, centres de la petite enfance universitaires, il y a seulement à peu près 1 000 places, puis tantôt je vous disais qu'il y a près de 11 000 étudiants parents. Donc, il y a un gros manque à gagner à ce niveau-là. Il y a des problèmes techniques quant à la gestion, entre autres, des listes d'attente, sur les frais qui sont imposés aux étudiants pour inscrire leur enfant dans ces établissements-là.

D'autre part, il y aurait aussi, comme solution très facile à mettre en place à court terme même si les fonds, l'argent n'est pas disponible pour le moment... Ce serait d'inclure les étudiants parents dans le programme d'assurance parentale que vous avez déjà élaboré. On y a inclus les travailleurs autonomes, mais il n'est pas question des étudiants parents encore. Mais, pourtant, tout le monde, tout parent ou toute personne désirant être parent devrait avoir accès à ce programme-là qui se dit universel. Et, d'ailleurs, les CPE aussi se disent un programme universel d'aide aux personnes, aux membres de la société.

Donc, en gros, ce seraient les trois principaux moyens qu'on pourrait mettre en place pour faciliter la conciliation des études et de la famille.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Est-ce que vous désirez compléter, Mme Fauteux-Lefebvre?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non, ça va? Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Bonjour, monsieur. Bonjour, mesdames. Alors, c'est beau de vous voir ici, vous qui représentez des fédérations fort importantes au Québec, autant collégiale qu'universitaire. Vous êtes jeunes, vous êtes beaux, vous êtes fiers et vous êtes surtout engagés, parce que vous représentez des milliers de jeunes et vous êtes les porte-parole, aujourd'hui, de vos Fédérations.

Je regarde dans le mémoire de la FEUQ particulièrement, vous dites, vous affirmez que les changements proposés par le projet de loi ne pourront permettre d'atteindre les objectifs visés que s'il est accompagné d'un changement de regard et de mentalité. Alors, qu'est-ce que vous voulez... Pouvez-vous vous exprimer un peu plus sur ça? Comment vous allez faire ça? Comment on peut faire ça? Puis comment vous, comme Fédérations, vous pouvez vous impliquer à faire ce changement-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Riopel.

M. Riopel (Benoît): Oui. Bien, effectivement, je pense qu'on n'a pas été le seul groupe, là, à vous exprimer cette obligation-là d'aller plus loin qu'avec la loi, c'est-à-dire d'y aller avec une approche beaucoup plus globale. Et moi, ce que je peux vous dire, c'est que nous, ce qu'on constate, c'est qu'on est porté parfois à mettre les gens et les choses dans des cases, on est porté à dire: Bon, il y a le dossier travail ici, il y a le dossier pauvres ici. Et nous, dans le fond, ce qu'on voulait souligner en indiquant cet élément-là, c'est qu'on a beau se doter d'une loi qui va mettre en place des structures pour pouvoir permettre de régler le problème, mais, en bout de ligne, il faut aussi avoir une approche beaucoup plus globale, c'est-à-dire de ne pas se limiter à cette loi-là, mais de voir, dans tout ce qui pourra être fait par l'État dans l'avenir, dans tous les projets de loi qui peuvent avoir un impact de près ou de loin avec des gens qui sont dans des situations de pauvreté, bien, que cette chose-là soit réglée et ne soit pas seulement appliquée dans une case qu'on appelle une loi.

Pour ce qui est des actions que les fédérations étudiantes peuvent poser, bien je pense qu'elles sont énormes. À la FEUQ, on représente 140 000 étudiants; la FECQ, 90 000, je pense, quelque chose comme ça.

Une voix: 80 000.

M. Riopel (Benoît): 80 000, et je pense que c'est un bassin de population important. C'est des étudiants qui, souvent, sont dans des situations précaires, mais c'est aussi parfois des étudiants qui sont dans des situations un peu moins précaires, et notre pouvoir d'information auprès de ces gens-là, de sensibilisation, d'éducation populaire, je pense qu'il n'est pas à négliger. C'est pour ça qu'en tant qu'organisation, là, on vous tend la main, là, et n'hésitez pas à nous inclure dans des comités, dans des groupes de travail où on va pouvoir nommer des étudiants qui vont pouvoir venir rapporter ce que les étudiants pensent, mais ils vont pouvoir aussi prendre de l'information et la redistribuer aux étudiants, qui sont des futurs citoyens, qui sont des gens qui sont appelés à être assis ici, à diriger l'État ou à travailler dans des milieux où ils vont avoir un contact avec ces gens-là. Donc, c'est un bassin de monde qu'on gagnerait à informer adéquatement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Parce qu'on parle quand même du changement de regard et de mentalité, alors c'est quand même important, là, comme notion, là, parce que d'abord il faut savoir de ce qu'on parle quand on parle de mentalité et qu'est-ce que c'est, changer le regard. Alors, est-ce que vous trouvez que le regard qu'il y a actuellement par rapport à la pauvreté n'est pas nécessairement un regard positif? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire particulièrement? On sait qu'il y a beaucoup de préjugés sociaux envers les gens qui vivent dans la pauvreté. Est-ce que c'est cet élément-là que vous voulez comparer?

M. Riopel (Benoît): Bon, je ne sais pas pour vous autres, mais, entre autres, là, oui, parce que souvent les étudiants, lorsqu'ils se retrouvent à l'université, c'est vrai qu'ils ont des... Là, je vais parler pour les étudiants, mais, dans le fond, ça pourrait s'appliquer à d'autres milieux aussi. Bien, les étudiants qui se retrouvent à l'université, souvent ils sont dans une tour d'ivoire, ils sont enfermés dans leur formation. Ils vont passer trois ans un peu en retrait de la société, là, si je vous me le permettez, et puis je pense que c'est très dommage que finalement il n'y ait pas plus de gens qui sont dans des situations comme ça, qui sont isolés, qui soient informés de la réalité, parce que, plus tard, ils vont se retrouver sur le marché du travail, puis, quand ils vont être rendus sur le marché du travail, bien ils vont prendre contact avec cette réalité là, puis, s'ils n'ont pas été bien préparés, s'ils n'ont pas été bien formés à être de bons citoyens, c'est un groupe de plus qu'on perd lorsqu'il s'agit de venir participer à des réunions comme ici ou à s'impliquer dans le milieu communautaire, là. Donc, lorsqu'on parle de regard, on parle de vaincre aussi ces préjugés-là ou cette absence d'information là concernant les gens qui sont dans des situations de pauvreté.

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va? M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais vous féliciter, parce que j'ai bien aimé votre mémoire, la façon de le présenter. Puis, vous parlez aussi de prévention, vous avez insisté sur l'importance de l'obtention d'un diplôme et puis le soutien financier aux étudiants, aux étudiantes. Quand vous parlez de prévention, vous avez parlé tantôt, l'obtention d'un diplôme, de passer l'âge de 16 à 17 ans. Je trouve ça intéressant. Ça nous a déjà été dit d'ailleurs, mais qu'on le répète, ce n'est pas mauvais du tout, là.

Vous avez parlé d'avoir un guide, un guide des emplois. Ça, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que je trouve, au niveau de la prévention, plus vite qu'on va parler jeune à nos... Puis, quand je dis jeune, c'est primaire puis secondaire, qu'on va embarquer nos jeunes sur quel genre d'image ou qu'est-ce qu'ils se font comme métier de... quelle image ils peuvent avoir du métier de demain... Puis, si le prof peut avoir des outils, moi, je pense que c'est important, parce qu'on va commencer... Ils n'arriveront pas aux secondaires IV, V, puis, bon, là, il faut que je décide, puis qu'est-ce que je fais, puis... Il faut commencer plus jeune. Mais, vous, par guide d'emploi, vous voulez savoir, au juste, quoi? Parce que vous avez parlé tantôt d'un guide d'emploi.

Et puis, comme dernière question, c'est: Dans les priorisations, nous devrions prioriser quoi au juste? Quel est l'élément ou les éléments les plus importants? Si on doit prioriser certaines de vos recommandations, si on ne les prend pas toutes, lesquelles on devrait absolument retenir?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En premier lieu, je comprends que c'est Mme Fauteux-Lefebvre qui répondra à la première question.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui. Bon, donc, lorsqu'on parle des guides des carrières, c'est, en fait, un peu comme... Le principe, il en existe déjà un, c'est un guide des carrières qui est publié, mais nous, ce qu'on demande, c'est qu'il soit donné gratuitement à l'ensemble des étudiants du secondaire, donc qu'on leur remette dans les mains, à chaque étudiant, donc, un guide qui explique les carrières qui s'offrent à eux tant de niveau technique que de niveau universitaire et même professionnel aussi. Un guide, donc, sous format... donc, expliquant les professions, la façon d'y parvenir, donc, par les études, puis qu'au niveau collégial, donc, ce guide soit obtenu sur demande de l'étudiant.

Donc, le but, c'est vraiment que ce guide soit gratuit, donc qu'il soit produit aussi par l'État puis qu'il soit distribué pour que les étudiants aient accès facilement à toute l'information dont ils ont besoin pour faire un choix de carrière éclairé, donc savoir vers où s'en aller, prendre les bonnes décisions, puis qu'ils se responsabilisent à ce niveau-là en allant chercher eux-mêmes toute l'information, donc en prenant l'information, en se questionnant puis en l'ayant vraiment à portée de main.

Au niveau d'une priorisation, donc, c'est sûr que, nous, on y va beaucoup par la prévention, donc, pour... Je répondrais pour les collégiens, donc par la prévention. Donc, je crois que la prévention, ça passe beaucoup par une lutte au décrochage scolaire à prime abord. Donc, dès que les étudiants sont au secondaire, les aider à rester à l'école, donc à aller chercher les bases nécessaires pour se trouver un emploi. Puis aussi, au niveau, donc, de l'orientation, dans le décrochage, ça rentre en ligne de compte beaucoup, donc d'offrir à tous les étudiants l'accès à un orienteur. Donc, le seuil maximal d'étudiants par orienteur qui devrait être établi... Je crois que c'est à ce niveau-là qu'il faudrait, à prime abord, au niveau de la prévention, mettre les énergies. Peut-être la parole à la FEUQ.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en complément de réponse, Mme St-Onge.

Mme St-Onge (France): Oui. Je voudrais apporter un autre élément de réponse à ces priorités-là. Dans mon exposé, tout à l'heure, je vous ai parlé d'innovation sociale. Effectivement, comme l'a dit Clémence, l'accès à l'éducation, la possibilité d'être formé, la possibilité d'améliorer ses propres conditions, c'est très important, mais il ne faut pas oublier que, une fois rendus aux deuxième et troisième cycles à l'université ? et on en a des étudiants de deuxième et troisième cycles au Québec, là ? ces gens-là ont effectivement eu accès à l'éducation mais sont en train de développer un savoir qui permet un développement, comme je disais tout à l'heure, plus harmonieux de la société qui permet l'innovation sociale.

Et la politique scientifique du MRST ? feu le MRST, en fait, là ? a déjà mis au centre de son programme l'innovation sociale, et je voudrais juste vous rappeler que cet élément-là est un élément-clé dans la lutte contre la pauvreté, est un élément qui est déjà au coeur d'une politique scientifique et qui fait déjà l'objet d'énormément de recherche de la part de nos étudiants, et il faudrait... Comme disait Benoît tout à l'heure, il y a certaines actions, certains efforts qui sont désordonnés, qui ne sont pas coordonnés, et je voudrais juste ramener l'innovation sociale au coeur de la discussion ici, parce que nos étudiants de deuxième et troisième cycles, ce qu'ils développent, c'est une compréhension et des moyens d'intervention sur le social. Ils identifient et ils opérationnalisent les changements qui sont nécessaires au développement de la société. Donc, dans les priorités, il faudrait continuer à soutenir la recherche qui donne naissance à de l'innovation sociale, faciliter les transferts de connaissance et, je vous dirais, canaliser les efforts des chercheurs, qu'ils soient des professeurs-chercheurs ou des étudiants de deuxième, troisième cycle. Et, sur cet aspect-là, je vous rappelle que les étudiants forment pas moins des deux tiers de l'effectif de recherche dans les universités. On a des solutions, on a des projets, on a des idées, n'oubliez pas de nous solliciter.

Autant, comme disait tout à l'heure Benoît, il y a des étudiants qui se retrouvent dans leur tour d'ivoire, autant il y a des gens, il y a des intervenants, il y a des décideurs qui mettent les universitaires dans une tour d'ivoire aussi. N'oubliez pas la contribution que les étudiants et les chercheurs peuvent avoir dans la lutte contre la pauvreté. L'innovation sociale, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un des trois éléments-clés pour la lutte contre la pauvreté: formation, recherche, innovation sociale qui est le... L'innovation sociale, c'est le résultat, l'aboutissement des trois cycles universitaires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition, M. le député de Maskinongé. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Et c'est intéressant de vous entendre parler de la lutte à la pauvreté, venant d'un milieu qui est probablement celui qui aura le moins de chances de la vivre. Donc, c'est une démonstration, un peu, de solidarité que vous voulez faire envers cette question-là.

S'il y a un aspect de votre réalité qui touche... Et on entend souvent les étudiants dire, tu sais: On est en train de se surendetter, et ça nous amène à vivre des situations, par la suite, difficiles au niveau d'un revenu, etc. Vous avez une recommandation que j'ai de la difficulté à saisir, qui parle de... en tout cas, j'imagine, de l'endettement. Quand vous voulez qu'on mette sur pied un comité d'experts chargé d'étudier l'implantation de la nationalisation de l'aide financière aux études, je ne comprends pas. Pourriez-vous l'expliquer un peu davantage? À quoi vous pensez? C'est quoi, l'idée?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Fauteux-Lefebvre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): En fait, nous, ce qu'on dit, c'est que l'aide financière aux études a besoin d'une réforme complète, donc qu'il y a des failles quand même assez présentes dans le système d'aide financière. Nous, on présentait la nationalisation, donc, comme moyen d'aller chercher les fonds nécessaires pour régler toutes les failles qui existent. On demande donc un comité qui va se pencher sur cette nationalisation-là, donc la façon de la mettre en place afin d'aller chercher l'argent nécessaire pour pouvoir offrir un système de prêts et bourses qui va être plus adapté à la réalité des étudiants. Puis ça passe aussi par l'instauration du remboursement proportionnel au revenu, donc, après les études, éviter que les étudiants se surendettent. C'est dans cette voie-là que nous demandons ce comité d'experts sur la...

M. Sirros: Moi, quand j'entends «nationalisation», normalement on entend par ça la transformation de quelque chose qui est entre les mains du privé en quelque chose qui appartienne à la collectivité. Si je l'applique au niveau de l'endettement des étudiants, ce que je comprendrais, c'est une demande que vous faites à ce que l'ensemble de la société, l'État nationalise la dette ou... C'est pour ça que je ne comprends pas. Est-ce que vous demandez l'effacement de la dette? C'est quoi que... De façon précise.

n (11 heures) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Fauteux-Lefebvre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): En fait, ce que nous demandons, c'est que le système de prêts et bourses... pas la dette actuelle des étudiants, mais bien que le système de l'aide financière aux études soit nationalisé, donc que les prêts...

M. Sirros: Il l'est déjà, non? C'est l'État qui l'administre, le système.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): En fait, la façon dont ça fonctionne, c'est que les prêts qui sont reçus par les étudiants proviennent des institutions financières. Nous, ce qu'on demande, c'est que ça provienne du gouvernement directement. Donc, on croit que, de cette façon-là, on va pouvoir faire des économies qui vont permettre d'adapter le système de l'aide financière aux études aux réalités des étudiants. Donc, on demande donc une réforme de l'aide financière, de l'ajuster mieux, puis on croit que le modèle d'administration devrait passer par une nationalisation pour ces économies-là puis, ensuite, pour permettre aussi un remboursement proportionnel au revenu, que si le système est nationalisé, il pourrait permettre, donc, de passer... de pouvoir éviter que les étudiants se surendettent suite à leurs études.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: O.K. J'ai une meilleure idée. En fait, vous demandez à ce que l'État remplace les banques comme prestateur de fonds, là, réel. Donc, on va avancer les fonds plutôt que d'aller...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...frais d'administration. Il y aura sûrement des frais d'administration aussi qui devront s'y ajouter.

M. Riopel (Benoît): Peut-être en complémentaire...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Riopel.

M. Sirros: Bien, la question que... En tout cas, ça rejoint celle de la présidente, là, qu'est-ce qui vous fait penser que l'État serait plus efficace qu'une institution financière privée quant à l'administration de ces prêts et bourses... des prêts, finalement?

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, en fait, on a fait une étude sur la nationalisation. Donc, c'est sûr que ça passe par beaucoup de calculs. Je ne ferai pas la démonstration ici, pourtant je serais intéressée à vous la faire dans un autre contexte. Toutefois, d'après notre étude, l'État fait des économies, donc, en prêtant lui-même les prêts, en accordant lui-même les prêts. Il y a encore une collaboration avec les institutions financières, donc, sauf que les prêts viennent directement du gouvernement pour les étudiants. Donc, l'étudiant ne passe que par le gouvernement, n'a pas à passer par les caisses et les banques, puis, de cette façon, on croit que l'État va faire des économies, donc, qui permettent d'élargir le système des prêts et bourses.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Je pense, ma collègue de Jonquière va poursuivre les questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Moi, ma question s'adresse à la Fédération étudiante des collèges. Écoutez, moi, je suis députée de Jonquière, mon bureau de comté est dans le même édifice que le groupe de jeunes, là, le carrefour jeunesse-emploi, et à quelques reprises je suis invitée à aller rencontrer les jeunes. Et, à ma dernière rencontre, je parlais avec des jeunes qui, évidemment, ont décroché de leurs études, et certains me disaient que ce qu'ils trouvaient lourd dans le système, c'est de devoir compléter un secondaire V.

Et je me souviens d'un témoignage d'un jeune qui me disait: Écoutez, moi, Mme Gauthier, je veux être boucher. Je veux être boucher, puis là on me force à faire un secondaire V et puis de longues études. Moi, ça ne m'intéresse pas. J'aurais souhaité avoir une meilleure formation primaire, voire secondaire I, II, III, mais pouvoir aller étudier en boucherie et sortir du système scolaire, parce que je n'ai pas beaucoup d'intérêt. Et, généralement, autour, ses collègues disaient la même chose puis trouvaient effectivement que de les astreindre à un secondaire V, à des études, ça ne favorisait pas nécessairement la formation scolaire puis ça favorisait peut-être le décrochage, et je suis un peu surprise de voir que vous recommandez qu'on devrait passer la formation obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans. Est-ce que vous avez effectivement fait des études, en tout cas regardé au niveau des jeunes du secondaire?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Fauteux-Lefevbre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Merci. À ce niveau-là, la façon qu'on recommande ça, c'est pour éviter surtout que les étudiants qui ne savent pas où ils s'en vont, donc, décrochent sans aller se chercher une qualification aucune, donc décrochent après un secondaire III, mais sans aller chercher de qualification. Vous parliez d'un étudiant qui voulait devenir boucher, bien sans aller chercher cette qualification-là. Donc, on parle d'un étudiant qui va décrocher puis qui va aller, comme ça... On ne sait pas s'il va se trouver un emploi ou pas, ou il va aller travailler dans un dépanneur. Nous, c'est ce qu'on veut éviter. Donc, on croit que l'étudiant, qu'il doit aller chercher au moins une formation de base, que c'est très important, puis que, suite à son secondaire V, il doit aussi aller chercher, s'il veut s'orienter vers un profil professionnel, donc, une formation plus professionnelle, peut-être favoriser l'étudiant à aller chercher une formation adéquate, donc mettre en place des mesures qui vont permettre d'aller chercher toute la formation adéquate pour pouvoir faire un métier, donc, tout au long de sa vie, qui va lui permettre, donc, de travailler, de se trouver un emploi. Donc, l'optique de passer de 16 à 18 ans, c'est éviter qu'un étudiant décroche sans avoir aucun outil pour pouvoir travailler, puis n'aille pas sur le marché du travail, puis, automatiquement, vive des conditions de pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée Jonquière.

Mme Gauthier: Oui, Mme la Présidente. Croyez-vous qu'on devrait davantage aider les parents lorsque les enfants sont au primaire? Ne croyez-vous pas que le décrochage vient du fait que c'est au niveau primaire qu'on commence à voir le désintérêt d'un jeune pour les études scolaires?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Fauteux-Lefebvre.

Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Merci. Oui, ça peut arriver, selon nous, dans certains cas. C'est sûr que, au niveau primaire, certains... Donc, tout à l'heure, la Fédération des commissions scolaires parlait justement beaucoup d'encadrement, d'école ouverte sur son milieu, tant au niveau primaire et secondaire, pour intéresser les étudiants aux études. Donc, c'est sûr que ça peut passer par là aussi. Ça peut passer, donc, par l'instauration de mesures.

On croit que les situations de décrochage, toutefois, se vivent au secondaire, donc qu'il faut mettre beaucoup d'énergies aussi... donc, de mettre des énergies au secondaire pour aider les étudiants à s'orienter, à savoir où ils s'en vont, à aller chercher une qualification, puisque c'est à ce moment-là qu'ils vont le faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Jonquière, une autre question?

Mme Gauthier: Vous semblez, dans le mémoire, valoriser beaucoup les études supérieures. Vous parlez, vous dites: «Les jeunes grandissent souvent dans des milieux pauvres, donc ne voient pas l'intérêt de poursuivre leurs études, ce qui les confine à des emplois de second rang, ce qui les empêche de faire décemment... Ce cercle vicieux n'est pas une solution, et c'est ce que nous avons tenté de déterminer.»

Croyez-vous qu'il y ait effectivement beaucoup de jeunes diplômés universitaires qui ne travaillent pas dans leur formation, qui n'ont pas de débouché après leurs études supérieures?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Fauteux-Lefebvre? M. Riopel? Non? Alors, Mme St-Onge.

Mme St-Onge (France): Est-ce que vous pouvez répéter la question? Je n'ai pas...

Mme Gauthier: Croyez-vous qu'effectivement... Au Québec, on a valorisé beaucoup les études supérieures. Avec la Révolution tranquille, on a favorisé l'émergence, là, des universités puis favorisé effectivement les études universitaires. Il y a beaucoup de jeunes que je connais qui ont des diplômes universitaires de premier cycle, voire même de deuxième cycle, et qui se retrouvent à travailler dans des emplois que vous qualifieriez, là, de second rang.

Mme St-Onge (France): Oui. De façon générale, les taux de placement sont excellents, là, avec un diplôme universitaire, que ce soit de premier, deuxième ou troisième cycle. Le CNCS est justement en train de faire une étude sur l'insertion professionnelle des diplômés universitaires, et nous, en fait, ce qui nous préoccupe, c'est non pas le taux de placement, mais l'insertion optimale des diplômés.

Il peut y avoir des diplômés dans un domaine qui décident de travailler dans un autre domaine, et eux ça leur convient, et ils vont avoir une contribution tout aussi importante à la société que s'ils avaient travaillé dans leur domaine, parce que la motivation est un facteur important aussi pour assurer la cohésion sociale, donc l'harmonie entre les différents membres de la société. Par contre, dans certains cas, il y a des étudiants, des diplômés qui se trouvent des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences, effectivement, et qui ne correspondent pas aux motivations ni aux désirs des étudiants. Et ce n'est pas tant par, je dirais, manque d'emplois, mais plutôt par manque d'adéquation entre la nature du travail qui est exigé par les employeurs par rapport aux compétences des diplômés. À ce niveau-là, je ne dirai pas qu'il faudrait qu'il y ait moins d'étudiants diplômés des cycles supérieurs, mais, au contraire, qu'il y ait une meilleure sensibilisation sur les compétences qui sont développées par les étudiants dans les différents domaines universitaires vis-à-vis des employeurs. Donc, il y aurait énormément de... Nous, on a identifié des axes d'intervention sur la sensibilisation qui peut être faite auprès des employeurs par rapport aux qualifications des différents diplômés.

n(11 h 10)n

Mais, de façon générale, il n'y a pas... les taux de placement sont quand même effectivement très, très intéressants. Nous, on s'intéresse davantage, comme je vous disais, au concept d'insertion optimale. Et, là la recherche est actuellement en cours, on pourra en rediscuter dans une autre occasion si vous voulez. Et, de toute façon, je pense que le temps court, mais, si vous êtes intéressés par la question, effectivement on pourra produire un avis supplémentaire si vous le désirez. Mais je ne crois pas que c'est une erreur d'insister pour que plus de personnes aient accès aux études supérieures. On a besoin de diplômés de deuxième et troisième cycles, on a besoin de diplômés universitaires de façon générale pour arriver, comme je vous le disais tout à l'heure, à transférer les connaissances, à transférer le savoir, à opérationnaliser les changements qui sont identifiés suite à la compréhension des problèmes sociaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Laurier-Dorion, est-ce que vous voulez revenir? Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Sirros: Non. Ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va? Alors, Mme la députée de Joliette, vous n'avez pas de questions non plus? Non? Parfait. Alors, il ne me reste qu'à vous féliciter pour la qualité de vos interventions. On vous remercie aussi d'avoir accepté de joindre les deux fédérations étudiantes, c'est-à-dire collégiale et universitaire. Je pense que, malgré tout, ça a porté fruit et ça a été quand même très intéressant. Alors, au nom de tous les membres, merci.

Alors, j'inviterais immédiatement les représentants du Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre de bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

 

(Reprise à 11 h 13)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je demanderais aux représentantes du Comité aviseur des femmes de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Nous reprenons nos travaux.

Alors, nous saluons Mme Thérèse Belley, qui est présidente, de même que Mme France Tardif, qui est coordonnatrice.

Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire qui sera suivie, bien sûr, par une période de questions. Alors, Mme Belley, je vous cède la parole.

Comité aviseur Femmes en développement
de la main-d'oeuvre

Mme Belley (Thérèse): Bonjour. Bonjour, Mme Tremblay. Bonjour, Mme Léger, Mme Goupil, notre ministre de la Condition féminine. Je tiens à saluer aussi ma députée de Jonquière, Mme Françoise Gauthier.

Vous comprendrez que, pour le Comité aviseur main-d'oeuvre féminine, il va de soi que, quand on parle de lutte à la pauvreté, on se sent très interpellé.

Laissez-moi d'abord vous présenter le Comité aviseur main-d'oeuvre féminine. Le Comité aviseur main-d'oeuvre féminine a été créé en 1995 sous l'impulsion du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du travail et d'Emploi-Québec qui voulait se doter d'un comité susceptible de l'aviser, comme son nom l'indique, au sujet de la main-d'oeuvre féminine.

Le Comité aviseur Femmes est composé tout d'abord des représentantes du dossier condition féminine dans chacune des régions du Québec au sein des conseils régionaux des partenaires du marché du travail qui sont les centres privilégiés par Emploi-Québec et le gouvernement pour l'instauration des mesures d'emploi dans chacune des régions au Québec. Donc, il y a une représentante. Il y a aussi les représentantes des grandes centrales syndicales que sont la CSN, la CSQ, la...

Une voix: CSD.

Mme Belley (Thérèse): ...CSD et la FTQ. Il y a une représentante de l'association Femmes regroupées en options non traditionnelles, qu'on appelle communément la FRONT, et il y a aussi une représentante de Femmes associées et partenaires en affaires. Il y a également des personnes qui sont à titre aviseur au Comité aviseur, c'est-à-dire des représentantes d'Emploi-Québec et d'Enfance et Famille.

Quand on a préparé notre mémoire pour la loi n° 112, d'abord on tenait à interpeller la commission au sujet du fait qu'on trouvait dommage que la commission se penche et nous entende avant qu'il y ait la fin des travaux sur la réforme de la loi des normes minimales du travail. Et on trouvait ça triste parce qu'on pense que cette réforme qui s'en vient par rapport aux normes minimales du travail pourrait apporter un éclairage nouveau par rapport aux revendications qu'on va porter ici ce matin. Donc, ça, on trouvait ça triste.

Et on trouvait aussi triste, Mme la Présidente, que, dans son projet de loi, notre gouvernement du Québec, qui a déjà fait de grands efforts par rapport à l'analyse différenciée selon les sexes dans l'analyse des différentes problématiques, n'aille pas assez loin, à notre avis, dans la stratégie de lutte à la pauvreté par rapport à ce regard qui est ce regard sexué sur les problèmes de la pauvreté. Si on veut bien comprendre la pauvreté, il faut la regarder dans toutes ses strates, et une des premières strates à laquelle il faut poser nos yeux, à notre avis, c'est les dimensions différentes entre les hommes et les femmes par rapport à l'intégration au marché du travail, aux conditions de travail et aux conditions par rapport à la pauvreté. Tout à l'heure, nous serions très intéressées à aller plus loin dans les questions par rapport à tout l'aspect différencié, selon le sexe, des causes de la pauvreté.

Le Comité aviseur, aussi, tient aussi à souligner que vous avez eu dépôt d'un mémoire de la Fédération des femmes du Québec et du CIAFT, Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du travail. Nous avons collaboré aux rédactions de ces différents mémoires et nous nous y associons totalement, donc. Nous avons aussi porté un regard attentif au mémoire qui a été déposé par le Conseil du statut de la femme et, effectivement, ce mémoire aussi, nous y adhérons.

Je vais vous faire une énumération assez rapide des points qu'on trouvait important de nommer. Vous avez eu notre avis. On est habitué, nous, de fonctionner avec le gouvernement du Québec sous forme d'avis, donc c'est plus ça qu'on vous a déposé.

Premièrement, on aimerait attirer votre attention sur le fait que, quand on parle de pauvreté, il est important d'avoir un visage plus global et plus social de cette pauvreté-là. Quand on parle de la dimension femme à l'intérieur de la pauvreté, c'est d'autant plus important, parce que, quand on parle de pauvreté et de femmes, on parle d'exclusion sociale et on parle d'une exclusion sociale qui se fait de façon plus globale. Donc, on trouve important d'intégrer le mot «social» à l'intérieur de la lutte à la pauvreté. On trouve important d'intégrer aussi une dimension systémique à cette lutte-là.

C'est-à-dire que les femmes... On a fait, le Comité aviseur Femmes, en 2000, une étude systématique au niveau de l'analyse de la situation des femmes sur le marché de l'emploi au Québec et de ce lien-là avec le lien, justement, de lutte à la pauvreté. Notre étude a porté sur le recensement des statistiques dans les 25 dernières années. On voulait faire le point sur les enjeux relatifs à la main-d'oeuvre féminine au Québec et on a été forcé de constater que, même avec le froideur des chiffres, quelle que soit la catégorie de formation, c'est-à-dire qu'on parle de femmes formées... de niveau professionnel, secondaire, collégial, universitaire, que l'on parle de femmes en emploi ou de femmes à l'extérieur de marché du travail, quel que soit le type d'emploi que les femmes choisissent et surtout quel que soit leur niveau d'âge, elles sont encore majoritairement, massivement défavorisées au niveau du revenu salarial et des conditions de travail qu'elles ont par rapport à leurs confrères masculins, et ça, dans toutes les catégories d'emploi.

Mme la Présidente, nous devons constater qu'en l'an 2002, malgré les différentes réformes qu'on a vécues, les femmes gagnent encore, en moyenne, 71 % du salaire hebdomadaire de leurs confrères masculins, et ça, dans toutes les catégories d'emploi et pour un nombre d'heures similaire. Force nous est de constater que le deux tiers des emplois à temps partiel, au Québec, sont occupés par des femmes. Force nous est de constater que 85 % de la main-d'oeuvre féminine, toutes catégories confondues, se retrouve encore dans des catégories d'emploi tertiaires, de services, sous-payées, précaires, atypiques ? ça nous ferait plaisir de vous faire une démonstration de qu'est-ce que ça veut dire pour la pauvreté; que seulement 15 % des emplois dans le secteur de la production des biens est occupé par les femmes en ce moment au Québec et, encore là, toutes catégories de statut professionnel confondues; et que seulement 37 % de nos collègues femmes vivent avec une convention de travail ou un syndicat comparativement, à peu près, à 42 à 45 % de leurs collègues masculins. Donc, force nous est de constater que les femmes sont pauvres. Elles sont pauvres à l'intérieur du marché du travail et elles sont pauvres à l'extérieur du marché du travail. C'est ce qu'on appelle la discrimination systémique.

n(11 h 20)n

Quand on parle de lutte à la pauvreté, Mme la Présidente, aussi on trouve intéressant que notre gouvernement se soit penché sur la lutte à la pauvreté. On voulait seulement l'interpeller au sujet de différentes réformes qui sont en cours et qui, à notre avis, quand on parle de main-d'oeuvre féminine, seraient très intéressantes. On s'en voudrait de passer sous silence la Loi d'équité salariale, que, si elle atteignait sa pleine vitesse de croisière, surtout dans les très petites entreprises où est massivement la main-d'oeuvre féminine, nous croyons que ça serait déjà un grand pas pour lutter contre la pauvreté des femmes. On parle aussi de la loi n° 90, qui est l'accès à la formation professionnelle, qui, elle aussi, si elle voyait son application dans les plus petites entreprises où sont les femmes, serait, à notre avis, une clé d'envol pour les femmes pour avoir de meilleures conditions salariales.

Dans le projet de loi, on parle aussi de société égalitaire. Nous tenons à dire que, effectivement, on ne peut pas parler d'égalité sans parler d'équité et que l'équité en emploi et l'équité au niveau des revenus est un chemin qui reste à faire pour la main-d'oeuvre féminine.

Quand on parle d'emplois de qualité aussi, les femmes sont défavorisées, principalement par le type d'emplois qu'elles occupent, qui sont dans le secteur des services tertiaires, qui sont atypiques, sous-payés, non syndiqués, précaires, et j'en passe.

Ça devient dramatique quand on parle de tout le filet social qui encourt le travail. Non seulement les femmes ont moins accès au marché du travail, mais, quand elles y ont accès, à cause des domaines d'emploi où elles sont, elles ont parfois moins accès à ce filet de sécurité qu'on s'est donné. Qu'on parle de mesures d'accès par rapport aux congés parentaux, aux congés maladie, au retrait préventif, vous savez que beaucoup de nos jeunes femmes, actuellement, parce qu'elles occupent des emplois précaires, partiels, n'ont pas accès à ces filets de sécurité là.

On parle aussi d'emplois de qualité en termes... On interpelle le gouvernement par rapport de faire attention un petit peu à l'application de certaines mesures. Dans la loi n° 112, on parle beaucoup de mesures qui aideraient les personnes à sortir de la pauvreté, on s'interpelle un petit peu sur l'application de certaines de ces mesures. Entre autres, actuellement, quand on parle de domaines d'emploi des femmes, où les femmes sont concentrées dans des secteurs d'emploi de la très petite entreprise, donc moins syndiqués et atypiques, les femmes ont moins accès à des mesures d'aide et de support de formation à l'intérieur de leur entreprise qui leur donneraient accès à des meilleurs postes.

Il y a aussi toutes les mesures que, nous, on appelle contradictoires. Je vais vous donner un exemple simple de cela. On parle beaucoup d'amélioration de conditions de travail et d'accès à la formation, mais, actuellement, Emploi-Québec a démarré un programme qu'on appelle de réemploi rapide. Pour les femmes, c'est un programme qui peut s'avérer très dangereux, parce que c'est un programme qui couvre des métiers qui sont à réemploi rapide. Je vais vous en nommer les principaux: serveuse de restaurant, caissière, couturière. Très beaux exemples de salaire minimum, précaire. Les femmes qui occupent ces postes-là, quand elles se présentent pour avoir des services d'accès à des formations en non-traditionnel, entre autres, pour diversifier leurs choix professionnels et leur donner de meilleures conditions de travail, se voient, au quotidien, parfois refuser l'accès à ces formations-là parce qu'elles ont un emploi qu'on dit de réemploi rapide et qu'elles ont parfois la chance, elles, de ne pas avoir décroché de leurs études et d'avoir acquis un secondaire V, diplôme professionnel, serveuse de tables. Donc, on pense qu'il y aurait lieu, dans une mesure de lutte à la pauvreté globale, de faire des liens plus grands avec les mesures d'emploi.

On vous a aussi interpellé au niveau de la formation professionnelle à l'intérieur de l'avis qu'on vous a envoyé. Un des problèmes qui est reconnu comme difficulté pour les femmes, c'est les secteurs d'emploi où elles vont. Tout à l'heure, on entendait parler nos consoeurs du monde de l'éducation. Vous savez, nos filles sont très présentes dans toutes les sphères de l'éducation. Malheureusement, les choix professionnels qu'elles font les confinent encore dans des ghettos d'emploi où elles auront des moins bonnes conditions de travail que leurs confrères masculins.

On voudrait interpeller qu'un des bons outils qu'on s'est donnés, qui est la loi n° 90, pourrait être appliqué dans des mesures de formation pour les plus petites entreprises et permettre aux femmes qui travaillent dans la très petite entreprise d'avoir accès à des formations qualifiantes.

Quand on parle des femmes, aussi, souvent les femmes qui sont pauvres actuellement au Québec et qui sont sans emploi le sont parce qu'elles ont quitté l'emploi pour s'occuper de leur famille. Donc, pour ces femmes, le défi au quotidien est un défi de réintégration au marché du travail. Nous pensons qu'il est nécessaire que ces femmes aient droit, comme toutes les personnes, d'ailleurs, sans emploi, à des mesures aidantes et supportantes pour reprendre le chemin du travail. Donc, ça peut vouloir dire des mesures de conciliation travail-famille, accès à des meilleurs services de garde. Vous savez, les garderies à 5 $, c'est extraordinaire, et j'espère de tout mon coeur ? les femmes en ont grand besoin ? qu'elles ne vont pas aller en diminuant, mais en augmentant. Le problème dans une région comme la mienne, par exemple, c'est l'accès à ces services-là qui est encore très difficile.

Les personnes sans emploi ont besoin de mesures comme l'accès au transport. Je ne sais pas si, dernièrement, vous vous êtes cherché un travail. Moi, je travaille avec des gens, au quotidien, qui se cherchent de l'emploi, et ça coûte très cher, se chercher de l'emploi. D'abord, il faut s'habiller convenablement, il faut se transporter convenablement, il faut faire des c.v., il faut aller les porter aux employeurs, il faut parfois se payer une formation d'appoint en informatique ou en secrétariat, et ça coûte cher. Ça coûte cher de faire garder les enfants. Les femmes ont aussi besoin, quand elles sont monoparentales... Et, plus elles sont jeunes, plus elles ont décroché jeune, plus elles ont besoin de mesures longues dans le temps. Vous savez, on prend une femme qui a décroché de l'emploi depuis 10, 12 et 15 ans, et on voudrait qu'elle réintègre le marché du travail en trois semaines. Défi pas mal irréalisable.

Quand on parle également de mesures et d'outils pour les personnes sans emploi, il faut ne pas oublier que ces gens-là ont besoin de services spécialisés. Il y a des ressources sur le terrain, des ressources communautaires qui donnent des services à ces gens-là. Il faut maintenir ces services-là et même les multiplier, parce que les personnes ont parfois difficilement accès à ces services-là.

La lutte à la pauvreté passe par la reconnaissance ? et ça, c'est intéressant dans le projet de loi n° 112 ? la reconnaissance que chaque individu a le droit de se reprendre en main et de refaire le chemin de sa propre lutte contre la pauvreté, mais ça passe aussi par des outils qui tiennent compte des différentes instances et qui tiennent compte des différentes instances de pouvoir, c'est-à-dire les instances régionales et locales. Nous pensons ? et là c'est agréable, parce que Mme Léger est là ? nous pensons qu'entre autres on s'est donné un très bel outil qui s'appelle le Fonds de lutte à la pauvreté. C'est le genre d'exemple d'outil qui est bénéfique pour les personnes sans emploi et qui fait une... Vous savez, ça fait la différence... Moi, je dis toujours: Entre une femme de 42 ans que ça fait 15 ans qu'elle n'a pas travaillé et qui a une huitième année et un jeune homme qui sort de l'école, bien, parfois, l'employeur, la différence, ça va être une aide salariale. Mais on pense que ces aides-là doivent tenir compte des instances qui sont les instances régionales et locales et que le gouvernement du Québec se doit d'interpeller tous les partenaires, c'est-à-dire ses partenaires locaux que sont les CLD et les partenaires régionaux que sont les CRD, pour justement que ces partenaires-là s'impliquent dans la lutte à la pauvreté. Et c'est...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Pardon?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, s'il vous plaît.

Mme Belley (Thérèse): En terminant, nous pensons que la loi n° 112 est un projet de loi intéressant qui mérite d'être retravaillé dans certaines de ses implications, mais nous croyons que le gouvernement du Québec s'est doté de certains outils, la Loi de l'équité salariale, la loi n° 90 qui, si elles étaient appliquées dans leur entière valeur, aideraient énormément les femmes à faire ce chemin-là difficile entre l'acquisition de l'autonomie financière et le sortir de la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Belley, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Belley et Mme Tardif, d'abord je tiens à vous remercier pour avoir en même temps rappelé tout le chemin qui a été parcouru depuis 1994. Parce que, vous savez, il y a un adage qui dit que ce qui n'existe pas n'est pas connu, donc vous avez rapidement, en moins de 10 minutes, réussi à faire un pan de mur pour démontrer comment, comme gouvernement, mais comme membres de cette société, on a été capable de mettre sur la table, je dirais, des projets de loi, des façons de faire qui nous indiquent que tout n'est pas parfait, mais que nous avons pris des directions qui font en sorte qu'on a une connaissance de la situation qui est davantage partagée par le plus grand nombre possible. Ce n'est pas complété encore, il faut le faire.

n(11 h 30)n

Je voudrais vous rassurer aussi quant à l'analyse différenciée selon les sexes parce que, à juste titre, lorsque nous sommes revenus de la conférence aux Nations unies, l'analyse différenciée fait en sorte que... au niveau de près de sept ministères, elle a été mise de l'avant. Et, il y a près de trois semaines, j'ai indiqué ici, en cette commission, que ça allait être aussi un élément extrêmement important dans le cadre de la stratégie de lutte à la pauvreté parce que, à juste titre, il y a cette réalité que vous avez dite tout à l'heure et que les femmes la vivent beaucoup dans le quotidien sur le terrain.

Alors, pour ce qui est de ce que vous avez soulevé aussi au niveau... du travail qui est effectué au niveau de la commission parlementaire sur la révision des lois sur les normes du travail, c'est en complémentarité, parce qu'il y a plusieurs débats qui se font actuellement, qui ont un lien direct avec cette stratégie de lutte à la pauvreté. On la retrouve dans le cadre de la stratégie. Vous savez, les axes d'orientation qui ont été choisis dans le cadre de cette stratégie, il faut qu'ils soient davantage encore partagés et que l'ensemble de la communauté et de la société soit bien au fait, parce que, je me permets de le rappeler, prévenir et développer le potentiel des personnes, ça interpelle qu'on doit soutenir la famille, cellule de base, pour justement être capable, lorsqu'une famille vit cette situation, d'intervenir en amont; renouveler le filet de la société économique et sociale, ce n'est pas uniquement les personnes prestataires de l'aide de dernier recours, mais ce sont aussi les travailleurs et travailleuses à faibles revenus qui se retrouvent aujourd'hui dans des situations d'emploi de précarité avec des revenus qui sont tellement modestes qu'ils ne leur permettent pas de subvenir à des besoins qui sont essentiels; et, finalement, aussi permettre à celles et ceux... vous avez parlé tout à l'heure d'une femme de plus de 40 ans qui a une huitième année ? mais il y en a qui n'ont même pas un secondaire complété ? et qui se retrouve, après avoir consacré une grande partie de sa vie aux enfants, dans des situations difficiles. Donc, la stratégie ? le projet de loi et le plan d'action qui suivra ? touche ces trois groupes de personnes.

Finalement, quand on parle de créer des opportunités d'emplois et de valoriser le travail, vous n'êtes pas sans savoir qu'on a besoin de 600 000 emplois au cours des trois prochaines années. On se retrouve avec... à juste titre, les femmes se retrouvent particulièrement dans des secteurs qui sont plus précaires, et vous avez soulevé qu'il nous faut se donner des outils d'arrimage pour être capables de permettre à celles qui veulent et ceux qui veulent s'en sortir d'avoir une formation qui soit plus complète. On a pris des directions ensemble. Emploi-Québec n'existait même pas il y a moins de quatre ans. Il y a du travail de recensement qui a été fait dans chacune des communautés, dans chacune des régions. Les chiffres que vous avez donné tout à l'heure, si nous ne nous étions pas donné ces outils pour travailler ensemble, nous ne pourrions pas aujourd'hui parler avec autant d'affirmation sur les pourcentages que vous avez soulevés qui touchent particulièrement les femmes. Ça ne se fait pas en une journée, mais il y a un travail qui a été effectué, puis ces chiffres-là ne sont pas contestés, il faut en prendre acte puis il faut cibler nos actions pour être capables d'apporter des correctifs le plus rapidement.

Quand on parle des axes d'orientation, un quatrième, c'est de favoriser l'engagement de l'ensemble de la société. Vous avez dit tout à l'heure qu'il faut que la communauté, la région soit capable d'avoir des outils pour intervenir. Il y a eu des outils qui ont été mis de l'avant par le Fonds de lutte à la pauvreté ? Mme Léger pourra y revenir. On a parlé tout à l'heure du Fonds Jeunesse. On a parlé de Solidarité jeunesse où effectivement une approche était différente pour les jeunes femmes qui sont mères de famille, comme un projet comme Ma place au soleil qui a été pour accompagner des jeunes femmes. Maintenant, il faut essayer de l'instaurer partout au Québec, parce que ce n'est pas dans toutes les régions que ça existe. Mais, en même temps, reconnaissons ces données factuelles sans jamais nier ce qui a été fait depuis 1994, qui pousse dans cette même direction.

Et je terminerais en disant le dernier qui est d'assurer la constance et la cohérence de l'action à tous les niveaux. Vous avez soulevé l'emploi, l'éducation, la réalité du marché du travail, au niveau de la santé... La stratégie fait en sorte que tous ces secteurs gouvernementaux mais aussi extra gouvernementaux doivent se coordonner pour qu'on soit capable de prendre la personne et de l'accompagner une partie de sa vie pour être capable de lui permettre d'avoir un revenu décent lui permettant de sortir de l'exclusion sociale et de la pauvreté.

En terminant, vous avez indiqué aussi qu'il était extrêmement important que l'on tienne compte de cette réalité qui a un visage humain féminin. Alors, comment on peut faire justement pour... Qu'est-ce qui, selon vous, devrait être priorisé pour permettre justement que les femmes qui vivent des situations de précarité puissent... Quelle est, selon vous, la priorité qui doit être mise de l'avant pour permettre justement que l'on considère davantage la réalité des femmes sans que nécessairement il y ait d'autres groupes de personnes qui se sentent soit blessés ou remis en question? Parce que, souvent, vous le savez... parfois, les gens nous disent: Bien, il n'y a pas seulement que les femmes qui vivent cette réalité. C'est vrai. Il y a des hommes, il y a des personnes âgées, il y a des gens... mais c'est une réalité qui est beaucoup féminine. Alors, qu'est-ce qui doit être fait en priorité pour que ce soit partagé davantage, cette connaissance-là de la réalité des femmes vivant en situation de pauvreté? En priorité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): En priorité. Je pense que c'est la connaissance. Je pense qu'on a... Nous, on a l'occasion, France et moi, de se promener actuellement un peu partout au travers le Québec pour faire un brassage d'idées avec différents partenaires impliqués soit dans l'éducation, soit dans le marché du travail, des partenaires qui vont, j'oserais dire, du simple chef d'entreprise qui a six employés, ou de la plus grande entreprise, ou des secteurs d'emplois plus vastes. Et, quand on fait part du fait que, oui, les femmes vivent encore une situation qui leur est propre et qui n'est pas équitable sur le marché de l'emploi, que la reconnaissance de l'emploi au féminin, du type d'emploi qu'elles occupent, du type de travail qu'elles ont et du rôle social que majoritairement nous avons encore à jouer à titre de parents et, de plus en plus, de nos jours, vous le savez, à titre de femmes seules avec des enfants... donc que cette reconnaissance-là fait une iniquité qui fait que, quand elles se présentent sur le marché du travail, elles sont en partant en situation d'inégalité.

Donc, juste de partager les chiffres avec les employeurs, ça fait une différence. De dire aux employeurs: L'accès à la formation... Vous savez, quand on dit que la loi n° 90... Moi, ça m'impressionne tout le temps de simplement dire aux employeurs: Bien, cette année, par rapport à la loi n° 90, qui a bénéficié chez vous de cette loi-là? Est-ce que vous avez déjà pensé à qui en a bénéficié en termes d'hommes et de femmes et en termes de strates aussi d'employés? Vous savez, on s'est rendu compte que, souvent, les employées dites de bureau ou d'emplois subalternes avaient moins accès, dans les entreprises, aux programmes de formation assujettis par la loi n° 90.

Alors, je vous dirais prioritairement: faire connaître la différence systémique, qu'est-ce que ça veut dire au niveau culturel et sociétal, le prix que ça a. Parce que, vous savez, une femme pauvre, c'est très souvent des enfants pauvres. Quand on parle de décrochage scolaire, ça a une incidence. Donc, de faire connaître ça, à mon avis, si j'avais une priorité sociétale à me donner, ce serait celle-là.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup. Mme la Présidente, j'aurais bien d'autres questions, mais je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Bonjour, mesdames. Alors, merci pour votre mémoire. Je vois que vous avez... que la cause des femmes, ça vous tient très à coeur. C'est tout à votre honneur. Je veux revenir, si vous voulez bien, sur le Fonds de lutte, parce que vous m'avez un petit peu interpellée à ce niveau-là. D'abord, vous savez que notre Fonds termine, là, en 2003, en mars 2003. Depuis 1997 qu'on a commencé le Fonds. Dans le projet de loi, on parle d'un fonds spécial, donc ce sera la transition entre ce fonds... le fonds actuel et le futur fonds.

Particulièrement, le nouveau fonds, les scénarios qui sont sur la table sont, entre autres, particulièrement, en tout cas, pour de l'action régionale et locale. Donc, ce que vous m'avez dit d'ailleurs lors des tournées que j'ai faites, les gens veulent vraiment qu'on puisse concrétiser des projets. Ma collègue parle souvent, comme ministre responsable de la région de Chaudière-Appalaches, qu'il y a certaines priorités qui se sont... que la région s'est données, particulièrement le transport collectif, l'analphabétisation, bon, des domaines bien particuliers. Alors, dans l'ensemble du Québec, je pourrais dire que chaque région a fait aussi ses priorités. Donc, le futur fonds devra venir répondre à vos priorités, donc être capable de faire soulever ces projets-là dont vous avez un immense besoin. Comment vous voyez ce nouveau fonds là? Est-ce que ça correspond à ce que vous aimeriez voir dans la suite des choses?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Ce qui nous inquiète un petit peu par rapport à ce nouveau fonds là, c'est qu'on voudrait qu'il garde les qualités que le Fonds de lutte avait. Et vous allez voir, je vais vous les dire très brièvement. D'abord, le Fonds de lutte avait une qualité extraordinaire, il priorisait de façon concrète les personnes exclues du marché du travail. Donc, ça, c'était une de ses plus grandes qualités.

La deuxième qualité, c'est que le Fonds de lutte était une subvention salariale, pour appeler ça comme ça, assez originale, parce que les personnes qui y avaient accès occupaient véritablement un emploi. Pour parler de façon simple, elles faisaient vraiment partie du «payroll» de l'employeur. Souvent, dans les programmes d'aide à l'emploi qu'on s'est donnés au Québec, c'étaient des programmes d'aide à l'emploi qui étaient une subvention à l'employeur et non pas à la personne. Et l'employeur n'avait pas de lien d'imputabilité avec la personne et il n'était pas en situation d'employeur à employé, mais était donneur de subvention à une pauvre personne qui y avait droit. Le Fonds de lutte faisait des gens salariés: ils prenaient des gens loin du marché du travail et ils en faisaient des salariés. Deuxième belle qualité.

n(11 h 40)n

Troisième qualité. Le Fonds de lutte, Mme Léger, je m'excuse de le dire ici, mais il avait une autre belle qualité, il était administré régionalement. Et régionalement... ce n'est pas à vous que je vais dire que l'emploi en Gaspésie puis l'emploi à Montréal, ce n'est pas du tout pareil, puis là je n'ai pas nommé le Saguenay?Lac-Saint-Jean parce que, hein... Donc, le fait qu'on puisse, par de l'aide de subvention salariale à des individus, intégrer, j'oserais dire, un input économique dans des sociétés qui en ont bien besoin, ça faisait que... Je pourrais vous parler de super beaux projets partout à l'intérieur du Québec, je suis impliquée au Fonds de lutte depuis cinq ans. J'y tiens. Des projets qui étaient créateurs non seulement d'espoir, mais qui étaient créateurs de leviers économiques dans une région pour dynamiser cette région-là. Donc, ça, c'était la belle autre qualité.

Ça fait que, je vous dirais, les questions qu'on a ? et on n'est pas tout seuls à les avoir, on les a avec d'autres organismes communautaires ? c'est: On voudrait bien garder les qualités du Fonds de lutte.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, madame, il vous reste une minute et demie.

Mme Léger: Oui, je prends bonne note de ce que vous me dites. Puis, effectivement, je veux dire, il y a des qualités du Fonds de lutte qu'il faut conserver. Mais, en même temps, quand vous me dites... Vous insistez particulièrement sur toute sa dimension régionale et même locale qui est tout aussi importante. Il reste que, quand j'ai rencontré... quelques personnes dans différentes régions me disaient... Je vois, entre autres, celles du Centre-du-Québec où le taux de chômage est à 6 %, 6 point quelque chose pour cent, eux n'ont pas nécessairement la même problématique qu'une région qui a 10, 12 % de chômage. Donc, effectivement, les gens qui sont davantage... qui sont exclus du travail, il y a peut-être un bassin beaucoup plus large dans ces régions-là, donc plus facile d'appliquer le Fonds de lutte tel qu'il est actuellement. Alors, c'est pour ça qu'il faut qu'il s'adapte aussi, d'une façon régionale et locale, dépendant de la situation économique et sociale d'une région, mais qui puisse venir vraiment répondre à des projets qu'en commun vous avez mis sur pied.

Alors, je suis contente de ce que vous nous apportez puis je vais en tenir compte. On va, comme équipe, tenir compte de ce que vous nous avez apporté. Merci. Je vais laisser la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il reste une minute, Mme la députée de Crémazie, le temps de poser votre question.

Mme Blanchet: Oui. Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour. Vous y avez fait référence, comme d'autres groupes aussi qui sont venus nous voir au cours des dernières semaines, vous souhaitez que les entreprises s'impliquent socialement dans cette lutte contre la pauvreté. Alors, quelles idées auriez-vous? Quelles suggestions auriez-vous à faire pour qu'effectivement on ait plus d'entreprises qui s'impliquent autre que par les différents programmes de subvention salariale, le Fonds de lutte, etc.? Est-ce que vous auriez des suggestions précises autres aussi à nous faire?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Premièrement, d'abord on va faire un petit préambule, si vous me le permettez. Ce qu'on disait aussi dans notre avis ? je n'appelle pas ça un mémoire, on est modeste, hein ? c'était le fait qu'on pensait qu'il y a lieu, pour le gouvernement, de mettre en place des mesures qui incitent les entreprises à s'impliquer et à devenir imputables. Entre autres, on a fait mention, quand il y a des subventions salariales, que l'employeur soit imputable de la qualité de l'emploi qu'il procure. Et ça, le Fonds de lutte était garant de ça aussi par son comité régional, c'est-à-dire qu'un employeur, il fallait qu'il développe un emploi qui était à pérennité dans le temps, qui était à temps plein, avec des conditions de travail régulières, c'est-à-dire des congés, etc. Donc, on pense que les entreprises devraient être incitées à faire le lien entre emploi et qualité d'emploi. On croit sincèrement, et les études nous le démontrent, pas seulement les études que, nous, on a menées, qu'on développe de l'emploi, on ne développe pas toujours de la qualité d'emploi. Et ça, les entreprises auraient à être interpellées par rapport à ça.

On pense aussi que les employeurs devraient être interpellés au niveau de la formation en emploi de la main-d'oeuvre. Vous savez, on parle beaucoup ? puis je dois dire, j'ouvre une parenthèse, que ça m'enrage au superlatif ? de la main-d'oeuvre au Québec qui vieillit, comme si à 45 ans on était fini. Les entreprises, pour le faire au quotidien, ne jouent pas ce rôle-là de prendre une main-d'oeuvre en poste Y et de l'amener au fil des ans à se former pour améliorer son accès à la technologie qui change, etc. Donc, les entreprises auraient, en termes de formation de main-d'oeuvre en entreprise, un rôle qui pourrait être plus facilement joué, et ce, même sans des conditions économiques.

Là, je m'en voudrais de ne pas vous parler des métiers non traditionnels...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous pourrez peut-être en parler lors d'une des questions...

Mme Belley (Thérèse): D'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...à moins que j'aie un consentement parce que, malheureusement, on a déjà dépassé le temps. Peut-être que vous aurez l'occasion d'y répondre à partir d'une question qui vous sera posée. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Belley et Mme Tardif. Merci beaucoup pour la précision de votre avis. On n'a pas beaucoup parlé de l'avis comme tel mais, peut-être avant d'y arriver, j'aimerais reprendre quelque chose que vous avez dit dans l'introduction de votre avis, qui était le fait que vous trouvez ça triste que le processus est un peu à l'envers ou partiel. Je dois vous dire que je partage parfaitement avec vous cette façon de voir les choses. Ça fait d'ailleurs déjà plus de deux ans qu'on demandait au gouvernement de s'engager dans la voie d'une loi, perspective qui avait été rejetée, qui avait été reprise seulement au mois de juin de cette année, après avoir rendu publique, déjà, une stratégie sur la lutte à la pauvreté sans avoir un plan d'action... Bon. En tout cas, je partage avec vous qu'on est dans une situation un peu où... bon, on essaie de faire du mieux qu'on peut avec ce que nous avons. Mais on ne voit pas très clair, à l'heure actuelle, au niveau de l'orientation puis de l'engagement réel qu'il va y avoir dans le plan d'action.

Vous réclamez à juste titre, je pense, des audiences, aussi, sur le plan d'action parce que, fondamentalement, une fois que la loi sera adoptée, c'est dans le plan d'action où on va pouvoir juger l'arbre à ses fruits. Donc, je prends pour acquis que vous aimeriez voir, comme vous le répétez ici, des consultations publiques sur le plan d'action pour qu'on puisse au moins juger... J'ai bien compris?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Nous, on pense que, et on n'est pas les seuls à le penser ? en introduction, je pense que je l'ai dit, mais je tiens à le redire ? ce qui est fantastique, dans cette lutte-là à la pauvreté, c'est que je pense que le Québec l'amorce de façon différente, en ce sens que les organisations communautaires l'ont demandé. Je n'ai pas besoin de vous parler... c'était une des revendications principales de la Marche des femmes, en 2000, qu'il y ait une loi contre la pauvreté. Donc, nous sentons que c'est un mouvement qui vient également de la base et également de l'appareil gouvernemental, et ce, à tous les niveaux, que ce soit dans l'opposition ou au gouvernement. Donc, on trouve ça extraordinaire.

Mais, on pense qu'il y aurait lieu et qu'il serait intéressant qu'on soit consulté au niveau du plan d'action, ne serait-ce que pour s'engager aussi, comme mouvement communautaire, à l'intérieur de cette lutte-là à la pauvreté, et que, à d'autres niveaux, on a eu des projets de loi qui étaient de très bonnes idées, de très bons projets de loi, mais au niveau de l'application, des fois, on aurait pu aller un peu plus loin. Et c'est pour ça qu'on pense qu'il y aurait lieu d'être consulté sur le plan d'action. On pense que la lutte à la pauvreté est une chose tellement gigantesque, mais tellement importante et urgente, qu'il y a lieu aussi d'être consulté sur le plan d'action.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Moi, je l'aborderais... ou j'ajouterais, peut-être, dans cette perspective-là, l'élément suivant: Que ce n'est pas seulement une question d'être consulté sur les choix qui seront faits, mais c'est aussi une opportunité puis une obligation, je dirais, d'essayer de mobiliser l'ensemble des acteurs. Et ce n'est pas juste une question d'un dossier qui appartient à un secteur de la société, que ce soient les groupes communautaires ou les groupes qui ont mis de l'avant l'idée d'une loi comme telle, mais, si c'est pour réussir ultimement, ça nous prend une mobilisation réelle, réelle et non pas fictive, au niveau des acteurs de la société.

Et ce qu'on a déploré dans la façon de faire du gouvernement, c'était que... et, bon, il y a évidemment des considérations politiques qu'on a ici, de part et d'autre. Nous, on critique la façon de procéder du gouvernement parce que non seulement on est là pour ça, mais on pense qu'on peut jouer un rôle constructif, ce faisant, qui était de leur dire: Écoutez, choisissez d'engager une voie de consultation, par le biais d'une commission parlementaire spéciale, sur l'idée d'une loi afin qu'on puisse effectivement inclure autour de la table, possiblement, aussi, des groupes représentatifs de la société pour qu'on puisse entamer cette solidarité de tous les acteurs vis-à-vis l'objectif. Ça n'a pas été fait. Au contraire, nous estimons que le choix d'arriver avec une loi a été beaucoup plus dicté par des considérations politiques, à la dernière minute, après avoir vu que c'était impossible de faire autrement et que c'était à la veille des élections partielles, etc. Mais, de toute façon, c'était une décision de dernière minute, après que cela ait été rejeté du revers de la main à peine un an avant la décision de le ramener.

n(11 h 50)n

La stratégie, elle, était déjà prête et elle était déjà partie. On a fait une consultation qui a été beaucoup critiquée également de par sa forme, de par ce qu'elle faisait et du fait que ce n'était pas vraiment une consultation parlementaire en ce qui nous concernait, parce que nous estimons que le Parlement est le lieu privilégié pour effectivement aller rejoindre l'ensemble des acteurs de la société, si on veut véritablement parler d'un plan national où on va impliquer le monde. Alors, je partage parfaitement avec vous l'idée qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire; essayons de reprendre les choses et essayons de s'assurer qu'on puisse avoir une vue d'ensemble, une fois toutes les pièces prêtes, pour qu'on puisse effectivement essayer de se reprendre afin de mobiliser tous les acteurs de la société.

Cela étant dit ? c'est mon commentaire politique de la journée ? vous êtes un des rares groupes qui ont pris la peine de vous adresser spécifiquement à la loi puis aux articles de la loi. Vous faites 18 recommandations précises par rapport à des changements que vous aimeriez voir, et de là, moi, je dégage un sentiment que vous avez ? et j'aimerais vous permettre de le préciser ? que la loi n'est pas assez précise. C'est ce que je dégage des amendements que vous proposez.

Comment vous la voyez, la loi, et pourquoi vous abordez des amendements qui visent à rendre beaucoup plus précis? Est-ce que c'est par le fait qu'on ne connaît pas effectivement quelles sont les actions qui sont proposées? Est-ce que ces amendements que vous proposez ici pourraient être reconsidérés une fois tous les éléments mis sur la table? J'aimerais avoir vos commentaires sur ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Quand on a fait ces recommandations-là, comme vous dites, les 18, on l'a fait à la lumière que nous... Effectivement, nous avons épluché le projet de loi n° 112, puis on l'a épluché d'une façon ADS, c'est-à-dire qu'on l'a regardé avec un regard différencié selon qu'il était appliqué à différentes strates de la population qui vivent la pauvreté. Donc, nos recommandations sont faites sous forme d'une analyse où on doit aller plus loin par rapport à ce qui était dit. Ça, c'est un état de fait.

Nous, on pense que le projet de loi contre la pauvreté, qui est déposé, est un outil fort puissant parce qu'il est un projet de loi, et, ça, on trouve que c'est courageux comme société de dire: Il y a tellement... c'est tellement ? j'oserais dire ? épouvantable, l'étendue des conséquences de la pauvreté que, si on n'agit pas avec vigueur et avec constance par le biais même d'une loi pour contrer cette pauvreté-là, comme société, on n'y arrivera pas. Mais, on pense que le projet de loi, il doit... un projet de loi, à mon avis ? je n'en ai jamais fait, mais j'en ai déjà lu ? souvent, on les fait de façon plus globale. Nous, on dit: Attention! Dans un problème aussi grave que la pauvreté, ça se doit d'aller dans des subtilités qui sont plus que des subtilités, qui sont des éléments de cause à effet. C'est pour ça qu'on est allé dans des choses pointues comme ça.

Pour l'instant, avec les consultations qui ont eu lieu, avec le... Vous savez, sur le terrain, il y a peu de projets de loi qu'on a senti qui faisaient tant cohésion et sur lesquels les gens sont tellement prêts à s'embarquer. Alors, nous, on dit: Avec certaines améliorations qui sont plus que faisables mais qui sont souhaitables, on pense qu'on pourrait atteindre un outil puissant pour le développement. C'est dans ce sens-là qu'on l'a fait, puis c'est avec notre chapeau de Comité aviseur en main-d'oeuvre féminine où on dit: Attention! La pauvreté, ça a un visage, ça a un sexe et ça a une réalité, et il faut tenir compte de tous ces éléments-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Belley (Thérèse): Je ne sais pas si ça répond à votre...

M. Sirros: Oui, effectivement, mais je veux revenir sur un aspect ? c'est un détail plus qu'autre chose ? une des recommandations que vous faites, je pense que c'est par rapport à l'article 6. Vous voulez qu'on remplace le mot «prévenir» par le mot «éliminer», et si on se réfère à l'article 6, c'est l'article qui donne les buts poursuivis par la stratégie nationale, et le premier but, c'est de prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel des personnes.

Vous aimeriez le voir lire «éliminer la pauvreté et l'exclusion sociale». Donc, vous remplacez la notion de prévention par la notion d'élimination. Je vous dis tout simplement: Si on élimine un fait sans s'assurer qu'on ne prévient pas la récurrence de ce fait, eh bien, on n'est pas plus avancés, on va toujours être pris dans l'élimination. Parce qu'un des points intéressants que je trouve qui est mis de l'avant ? on en a parlé ce matin avec les commissions scolaires en particulier ? c'est la notion de la prévention de la pauvreté. Et je ne peux pas croire que vous ne voulez pas qu'on fasse de la prévention tout en voulant éliminer ce qui existe. Ce n'est pas juste un détail plus qu'autre chose, je pense.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Je vais me servir de mon ancien chapeau de travailleuse sociale de CLSC, si ça ne vous fait rien, pour vous répondre. Moi, j'ai vécu les premières campagnes d'élimination de certaines maladies transmises sexuellement. Et ce qu'on disait, c'est: Ce n'est pas suffisant de le prévenir parce que, quand on le prévient, il y a des échappées puis il y a encore des gens qui peuvent l'attraper. Il faut l'éliminer. Et là je ferme la parenthèse.

On a utilisé le mot «éliminer» dans un sens où on pense qu'il est possible... où on pense que la pauvreté n'est pas un mal nécessaire. On pense que la pauvreté, dans nos sociétés industrialisées et même plus, peut être éliminée dans ce qu'elle a de pernicieux et, j'oserais dire, de crasse qui fait que des gens sont exclus de cette société-là parce qu'ils n'ont pas les moyens économiques.

On parle d'éliminer aussi parce qu'il ne faut pas que vous oubliiez qu'on a fait un avis en partant de ce que l'on est, c'est-à-dire le Comité aviseur en main-d'oeuvre féminine pour le marché du travail, et on pense que l'accès au marché du travail dans des conditions d'emploi de qualité peut être un moyen d'éliminer la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je pense que ma collègue de Jonquière a une question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Justement, Mme Belley... D'abord, bonjour. Mme Belley, vous parlez que l'accès à un travail bien rémunéré, à un emploi de qualité est un moyen par excellence pour éliminer la pauvreté. Et, tout au long de votre avis, vous valorisez beaucoup l'emploi. Écoutez, moi, j'en suis. J'ai toujours pensé que le droit au travail devrait être un droit constitutionnel, mais je n'étais pas toute seule de ma... on n'était pas beaucoup de ma gang à penser ça.

Mais, ceci étant dit, j'aimerais vous entendre sur le revenu minimum garanti ou un revenu de solidarité par rapport à l'avis que vous avez déposé.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): D'abord, l'avis qu'on a déposé, je tiens à le redire encore, est un avis qui est du comité aviseur en marché du travail. Donc, c'est pour ça qu'on s'est beaucoup attelé à ça. Et, dans mon préambule, j'ai dit qu'on rejoignait beaucoup le mémoire de la Fédération des femmes du Québec qui, lui, fait appel au revenu de citoyenneté ou au revenu minimum garanti. Donc, on est en accord avec ça.

Maintenant, pour répondre plus précisément à votre question, Mme Gauthier, c'est qu'on pense que, quand on parle des femmes ? et là dans un plus large aspect, c'est-à-dire pas seulement les femmes travailleuses, mais les femmes de façon plus large ? l'accès à un revenu minimum garanti est une des clés de voûte pour éliminer la pauvreté.

Et je ne pense pas que, de mon vivant, je vais voir tout ça; les femmes ont encore un rôle sociétal et parental qui est très important qui fait que souvent ce rôle-là va les amener, par toutes sortes de considérants ? et c'est encore une valeur culturellement acceptable et culturellement acceptée ? va les amener à s'exclure du marché du travail par un volontariat. Et le rôle qu'elles jouent en le faisant est un rôle sociétal qui mérite d'être reconnu à sa juste valeur et qui à ce moment-là est un rôle qui... Si on avait la capacité de mettre en branle un régime de revenu minimum garanti, ce serait, à notre avis, un bon moyen d'éliminer certaines conséquences perverses de la pauvreté. Donc, le revenu minimum garanti peut être un élément de réponse.

La pauvreté, aussi, elle a des causes, mais elle a des conséquences, et ces conséquences-là, souvent ? et, dans le mémoire qui a été présenté par la Coalition de lutte à la pauvreté, il y a des éléments intéressants là-dessus ? c'est dans ces conséquences mêmes qu'elle devient pernicieuse. Et il peut y avoir intérêt à ce moment-là d'avoir un revenu minimum garanti parce que ça peut contrer certains des aspects des conséquences de cette pauvreté-là pour des personnes qui, pour toutes sortes de raisons qu'on n'a pas à qualifier, n'ont soit pas accès au marché du travail ou sont temporairement exclues du marché du travail.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en 30 secondes, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui, merci. Vous privilégiez une hausse du taux de salaire minimum. Je comprends difficilement qu'on va réussir la lutte contre la pauvreté en haussant le salaire minimum parce que, même si on le monte à 9,30 $, ça fait un salaire, un revenu par semaine de 372 $ par semaine. Comment on peut vivre décemment si on doit tout assumer, une famille, deux adultes, deux enfants, avec un salaire de 372 $ par semaine? Comment on peut éliminer la pauvreté en haussant seulement le salaire minimum garanti?

n(12 heures)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Belley.

Mme Belley (Thérèse): Je pense que le haussement du salaire minimum garanti est un des éléments parmi tant d'autres qui aident à lutter contre la pauvreté.

Il y a aussi des éléments qui vous ont été présentés dans différents mémoires. Entre autres, je vous interpelle par rapport à celui du Conseil du statut de la femme qui disait: Il faut d'abord s'entendre sur qu'est-ce que c'est que la définition de la pauvreté, là. Il y a peut-être cet élément-là aussi qu'il faut s'entendre là-dessus.

Mais, vous savez, le haussement du salaire minimum garanti ? puis je ne veux pas faire une bataille de chiffres avec vous, loin de là ? nous, on l'a mis à ce montant-là parce que c'est le montant reconnu par Statistique Canada qui est le seuil minimum de ce qu'il faut avoir pour vivre. Donc, c'est pour ça qu'on l'a mis à ce salaire-là.

Mais le haussement du salaire minimum, à notre avis, il est essentiel pour l'accès à certains biens, mais il est encore plus essentiel au niveau, j'oserais dire, de l'accès à des emplois de qualité. C'est une notion. C'est-à-dire que, si l'on qualifie le salaire minimum à un revenu qui est en bas de ce qu'on considère comme le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire que quelqu'un qui travaille actuellement au salaire minimum à 40 heures/semaine... Et vous savez qu'ils sont chanceux, hein, parce que la plupart des gens qui travaillent au salaire minimum n'ont pas accès à des jobs à 40 heures, ils ont accès juste à des jobs à 30 heures/semaine. Donc, si on ne le met même pas au niveau statistiquement reconnu du minimum de revenus pour vivre, ça veut dire qu'on ne qualifie pas tellement bien ces emplois-là. Donc, ce n'est pas seulement en termes qualitatifs de chiffres, mais c'est en termes qualitatifs, point, que c'est important.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition, je regrette, Mme la députée de Joliette. Je vous indique que, si vous voulez intervenir, il faudrait m'indiquer, dès que je cède la parole à l'opposition, à ce moment-là m'indiquer que vous avez l'intention d'intervenir et, à ce moment-là, je vous réserverai le temps. Sinon, j'y vais par ordre de priorité, dépendamment qui lève la main. Alors, vous avez... Naturellement, vous m'avez indiqué que vous vouliez intervenir après la députée de Jonquière.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je regrette, mais... Alors donc, il me reste, au nom de tous les membres, Mmes Belley et Tardif, à vous remercier pour avoir accepté de participer à cette commission. Et je suspends les travaux à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 15 h 38)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons maintenant les représentantes du Regroupement des corporations de développement économique communautaire du Québec de même que de Trois-Rivières ? alors, vous avez accepté gentiment de vous regrouper: Mme Lise Saint-Germain, qui est la coordinatrice du Regroupement de Trois-Rivières; Mme Thérèse Sainte-Marie, qui est de Montréal; et Mme Denise Vézina, qui est membre du conseil d'administration de l'Économie communautaire de Francheville.

Alors, je cède la parole à Mme Saint-Germain?

Regroupement des corporations de développement économique communautaire (CDEC) du Québec
et Corporation de développement économique communautaire (CDEC) de Trois-Rivières

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Sainte-Marie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je m'excuse, Sainte-Marie. Je pense que vous devez peut-être partager le temps, c'est ça? Vous avez 20 minutes de toute manière. Étant donné que vous avez décidé de vous regrouper, vous avez 20 minutes. Je vous cède la parole.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Merci beaucoup, Mme Gagnon-Tremblay. Je ne sais pas si le micro fonctionne bien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui? Alors, merci de nous recevoir et de nous entendre. Nous avons convenu mutuellement d'un temps à partager ensemble. On fait partie du même Regroupement, le Regroupement des CDEC, mais effectivement, comme ECOF avait prévu de faire une présentation, on a décidé de jumeler les nôtres. Alors, merci beaucoup.

Les personnes qui m'accompagnent sont Mme Lise Saint-Germain, comme on le disait tout à l'heure, de ECOF de Trois-Rivières; ainsi que Mme Denise Vézina, citoyenne de Trois-Rivières.

n(15 h 40)n

Alors, en un premier temps, j'aimerais présenter le Regroupement des CDEC du Québec. Effectivement, le Regroupement des CDEC du Québec... Ils sont au nombre de 15, dont 11 sur l'île de Montréal et quatre dans les autres régions du Québec. Je dois préciser aussi que la majorité des CDEC de Montréal portent des mandats ou assument des mandats CLD dans leur arrondissement. Plusieurs CDEC ont vu le jour au milieu des années quatre-vingt, quelques-unes au début des années quatre-vingt-dix, et une dernière génération a émergé a partir de 1995.

Les CDEC, ce sont des outils, des organisations que des communautés en milieu urbain se sont donnés pour favoriser la relance économique et sociale de leurs territoires respectifs. L'action des CDEC témoigne d'une volonté concertée des acteurs locaux et, je dirais, à différents titres. Les CDEC travaillent à allier développement économique et social, développement des entreprises et de l'emploi et développement de la main-d'oeuvre. Les CDEC s'occupent aussi de la valorisation de leur territoire et de la qualité de leur environnement. Elles sont enracinées dans leur communauté et travaillent au développement de la citoyenneté et des populations qu'elles desservent.

Les CDEC connaissent bien leur territoire, les caractéristiques de leur milieu, les potentiels, les défis à surmonter en regard de son développement économique et social et de la réponse qui peut être apportée aux problèmes sociaux vécus. Elles poursuivent trois grandes finalités: l'amélioration des conditions de vie, l'amélioration du milieu de vie ou, si vous voulez, du tissu social et l'amélioration du cadre de vie, soit l'environnement et l'ensemble des dynamismes locaux.

L'action des CDEC se déroule conséquemment dans divers champs d'activité que l'on peut regrouper comme suit: le développement, la valorisation et l'intégration de la main-d'oeuvre; le soutien à l'entrepreneurship privé et social; j'ajoute évidemment le développement de l'économie sociale, le développement de projets structurants et la mise en valeur de son territoire. Dans son action, dans la diversité de ses activités, elle privilégie une stratégie d'intervention qui s'appuie sur la mobilisation des différents milieux, la prise en charge des citoyens et des citoyennes de leur environnement et de leur milieu. Elle s'appuie également sur le développement de projets innovateurs et favorise évidemment la concertation entre les différents intervenants du milieu.

En regard plus particulièrement à ce qui nous intéresse ici aujourd'hui, nous désirons, en premier lieu, souligner la démarche démocratique actuelle en regard du projet de loi contre la pauvreté ainsi que le courage du gouvernement du Québec d'oser de l'avant avec la stratégie de lutte à la pauvreté et la mise en oeuvre d'une loi. Par ce geste, le gouvernement marque sa reconnaissance en regard d'une volonté populaire manifestée par une large adhésion au Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Nous sommes heureuses d'avoir l'occasion de manifester notre solidarité envers les personnes en situation de pauvreté et de contribuer à trouver des solutions à la lutte à l'exclusion. Comme vous le constaterez certainement, les CDEC du Québec jouent un rôle indéniable à cet égard.

Alors, sans plus tarder, je vous présente Mme Saint-Germain qui va donner la suite ou le contenu du mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Saint-Germain, vous avez la parole.

Mme Saint-Germain (Lise): Oui, merci. Bonjour à vous tous et toutes. Peut-être, avant d'aller directement dans le sujet du mémoire, bien, vous dire que les CDEC manifestent un appui certain au fait que le gouvernement du Québec s'engage dans un effort à long terme, là, pour trouver des solutions à la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Et, dans la loi et dans la stratégie, l'approche globale, l'approche intégrée, l'approche concertée, ça se traverse, on la sent, et c'est très cohérent avec ce que nous sommes, les CDEC, et les valeurs que nous portons, donc on appuie grandement. Et, à ce titre, nous comptons que les stratégies qui prendront forme concrètement dans des projets à la fois nationaux, régionaux, locaux ainsi que dans les microterritoires, là où souvent naissent les initiatives qui sont très porteuses de changement social... Le Regroupement des CDEC du Québec, bien qu'avec certaines nuances, se reconnaît à travers un bon nombre de buts, d'orientations et d'axes d'intervention qui sont proposés par la stratégie et dans le projet de loi, et ceux-ci s'inscrivent en accord avec les principes et les valeurs inscrits dans nos missions respectives.

Je ne vous présenterai pas tout en détail, tous les éléments avec lesquels nous sommes très en accord, moins en accord, plus ou moins. Nos mémoires les explicitent grandement, et, dans le fond, on souhaite voir améliorer certains aspects de la loi qui sont bien expliqués. Comme on n'a pas beaucoup de temps, on va tout de suite passer, dans le fond, à notre vision de la stratégie de la lutte à la pauvreté, des solutions qu'on met de l'avant. Pour nous, on croit qu'il y a différents niveaux de stratégie qui doivent être mis de l'avant pour lutter contre la pauvreté et on en a identifié trois: des stratégies qui doivent être prises en compte pour les personnes; des stratégies qui doivent être prises en compte pour les réseaux qui soutiennent les personnes; et des stratégies qui agiront sur les territoires et les microterritoires. C'est vraiment dans une approche globale que nous vous présentons cette vision.

Pour commencer, peut-être aborderons-nous plus la question des stratégies qui permettront aux personnes de sortir de la pauvreté. Et, à ce titre, je vais laisser ma collègue Denise Vézina, qui est aussi une citoyenne membre du conseil d'administration d'ECOF, vous partager, dans le fond, comment on voit les solutions mises de l'avant pour sortir les personnes de la pauvreté, les personnes qui vivent en situation de pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Saint-Germain. Mme Vézina.

Mme Vézina (Denise): Bonjour. Depuis quelques années, je suis impliquée à ECOF, au conseil d'administration, pour représenter les personnes sans emploi. Je suis impliquée dans le comité de quartier et je travaille sur plusieurs projets de démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières. Je participe au bulletin de quartier et je suis bénévole pour des projets pour la population comme la Grande fête de l'entraide et de la formation. Je suis aussi une formation qui s'adresse aux citoyens et citoyennes pour apprendre à faire des projets et mieux participer dans le comité de quartier. Je m'implique aussi dans les entreprises d'économie sociale et d'organismes communautaires. ECOF m'accompagne dans mon cheminement comme citoyenne, et cela me permet de participer à améliorer mon milieu de vie.

Mais je suis une personne qui vit une situation de pauvreté et je voudrais vous faire part de mes besoins et de ceux qui vivent la même situation que moi. Nous, les personnes en situation de pauvreté, nous avons impliqué dans la démarche du Collectif contre la loi à la... à l'élimination de la pauvreté et nous sommes en accord avec plusieurs droits qu'ils revendiquent. Pour les personnes participant pleinement à la vie en société ou... la démarche de formation de l'emploi, nous pensons qu'il faut d'abord les sortir de la pauvreté, et, pour cela, il faut augmenter le revenu de base pour permettre de combler nos besoins essentiels et d'avoir accès à une meilleure qualité de vie. Il faut donc, pour cela, augmenter les revenus des personnes assistées sociales, peu importe leur condition. Il faut aussi qu'aucune personne ne se retrouve avec un revenu au-dessus du minimum permettant d'assurer les besoins essentiels. Nous pensons qu'il est important que toute personne ait accès gratuitement à un système de santé et à l'éducation et que toutes les personnes qui désirent puissent participer à des mesures qui permettent de trouver leur place dans la société. Nous demandons aussi au gouvernement d'enlever la franchise pour les médicaments. Il faut que toutes sortes de personnes qui ont besoin aient accès à un logement social.

Et, pour terminer, même si je n'ai pas un travail salarié, je pense que les personnes qui travaillent au salaire minimum ont aussi besoin de revenu qui leur permet aussi d'avoir une meilleure qualité de vie et répondre à leurs besoins et ceux de leur famille.

Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer et j'ai espoir que nos paroles se retrouvent dans une loi pour l'élimination de la... contre la pauvreté. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Vézina.

Mme Saint-Germain (Lise): Merci, Denise, pour ce témoignage. Et, comme vous l'avez certainement remarqué, dans le fond, les revendications qui sont portées sont celles qui appuient en partie le Collectif en regard des mesures urgentes pour sortir les personnes de la pauvreté. Pour nous, les CDEC, ces mesures, bien entendu, ne doivent pas être utilisées à partir des fonds spéciaux qui seront créés dans le cadre du projet de loi, elles doivent être financées à même les finances publiques par une meilleure répartition de la richesse, et plusieurs pistes, là, sont déjà amenées dans le mémoire du Collectif et de plusieurs autres mémoires qui ont été déposés ici. Il faut donc des sous pour améliorer les revenus, dont les mesures urgentes, et des fonds pour soutenir les projets, l'innovation dans les territoires, les microterritoires et aux organisations qui les soutiennent.

n(15 h 50)n

On croit également qu'il est essentiel que les personnes aient un plus grand accès à différentes mesures d'aide. On parle ici des mesures d'aide à l'alphabétisation, à l'insertion sociale, à l'emploi, à la formation préparatoire à l'emploi dans des cadres adaptés et des processus d'accompagnement, et il est essentiel que ces mesures soient disponibles pour répondre aux besoins exprimés puis que les critères d'accessibilité soient plus flexibles et tiennent compte, là, des besoins et des réalités de certaines populations. Ce que ça veut dire, c'est que ça implique évidemment des sommes supplémentaires pour augmenter le nombre de places disponibles dans le cadre des mesures pour ECOF, pour en gérer quelques-unes, dont un service d'aide à l'emploi dans le cadre des ressources externes en main-d'oeuvre. À chaque année, on doit refuser des dizaines de personnes qu'on ne peut pas accompagner parce qu'il n'y a pas de place dans les programmes. Et c'est la même chose en insertion sociale, en alphabétisation et dans plein d'autres ressources, soit par les ressources externes ou des organismes communautaires qui offrent des programmes adaptés.

D'autre part, on déplore aussi que nos actions ne financent... que les actions et les programmes ne financent qu'une partie des volets qui sont souvent liés à l'employabilité des personnes. Bien sûr, c'est important de travailler sur l'employabilité des personnes, mais il y a tout le reste qui s'ensuit. Il y a le suivi en emploi, il y a le placement en emploi, il y a le maintien en emploi, il y a l'intervention globale. Les personnes n'ont pas qu'un processus d'employabilité. Et, souvent, c'est juste une mise en action, puis une personne qui a un problème de logement social, par exemple, va se retrouver parfois avec des limites importantes d'une démarche à l'emploi. Ce n'est peut-être pas évident de faire le lien, mais, dans l'action, on le voit, le lien et les vases communicants entre les deux. Donc, il y a des conditions pour amener les gens dans des cheminements. Il y a la durée des programmes, il y a le rythme, il y a les processus d'intervention globale et d'accompagnement, auxquels on tient et qui doivent être tenus en compte.

Dans les stratégies aussi... Bon, là, on a beaucoup parlé des stratégies pour les personnes, il y a des réseaux qui soutiennent ces personnes-là, et des réseaux qui sont beaucoup d'organismes communautaires. Ce réseau-là vise à lutter contre les inégalités sociales et la pauvreté. Les organismes communautaires rejoignent des milliers de personnes, des familles et des enfants qui s'impliquent, là, dans des actions, dans des activités concrètes pour améliorer leur condition. On le sait, on sait qu'il y a la politique de l'action communautaire qui va bientôt, nous l'espérons, grandement prendre des voies concrètes. On trouve ça important, on salue ce volet-là même si l'application ne semble pas simple. En tout cas, c'est important que ça atterrisse.

Certains organismes communautaires, aussi, sont de véritables terreaux d'innovation sociale qui contribuent parfois à dénouer des impasses structurelles à l'échelle nationale, et c'est le cas, entre autres, d'une expérience innovante qui a été menée à Trois-Rivières par un groupe qui s'appelle COMSEP, qui sont venus d'ailleurs déposer un mémoire au sujet des emplois de solidarité. Comme vous en avez entendu parler dans leur projet, on ne prendra pas le temps de tout le détailler parce qu'ils vous en ont fait une bonne présentation, mais les CDEC du Québec appuient ce projet, parce qu'on travaille souvent avec des populations qui sont touchées par ce programme et qu'on est en mesure de savoir que ce projet répondrait à un vide structurel qui prévaut depuis plusieurs années pour la population visée. Ce projet, il permettrait aussi, entre autres, d'élargir les paramètres des limites d'intégration qui sont dans les cadres, là, de la Loi de l'aide sociale et d'ajouter, dans le fond, à ceux du handicap physique ou du handicap mental les limites en raison de la condition sociale, qui n'est pas un paramètre pour l'instant. Parfois, certains vont parler de handicap social, nous, on parle de limites en raison de la condition sociale. Ces mesures sont primordiales, car ces populations sont en constant processus de marginalisation, et ça, d'une manière systémique, donc ça prend des réponses structurelles.

Voilà. Voilà pour ce qui est des personnes et du soutien. Maintenant, on va passer plus au volet des actions et des stratégies pour soutenir les territoires et les réseaux qui agissent dans les territoires. Et, sur ce, je vais laisser la parole à Thérèse Sainte-Marie qui va...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste cinq minutes, Mme Sainte-Marie.

Mme Saint-Germain (Lise): Oui. On va y arriver.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Merci de m'avertir. Alors, les CDEC sont des organisations, comme on le disait tout à l'heure, bien enracinées dans leur milieu et qui permettent par leur intervention différentes formes de dynamisation du milieu local. Alors, elles peuvent agir, dans le fond, autant au niveau du réseautage des travailleurs autonomes, de développer des actions aussi avec le milieu des affaires, de vraiment relever le défi, je dirais, d'arrimer les intérêts des citoyens, des communautés avec les intérêts économiques. On dit souvent qu'ils sont en opposition, alors que nous, dans le fond, le défi qu'on relève quotidiennement, c'est de dire que ça peut marcher et ça peut permettre le développement de projets structurants dans le milieu.

Qu'est-ce que c'est que des projets structurants? Finalement, c'est de développer des projets durables, qui n'ont pas une durée de vie qui est sur trois mois, six mois, après ça, on a fini, on recommence avec un autre projet. C'est qu'effectivement ils ont un effet d'enracinement dans le milieu, un effet aussi où est-ce que les gens vont s'y retrouver.

Alors, les problématiques sur lesquelles les CDEC travaillent sont autant, je dirais, au niveau de l'itinérance, de l'intégration des communautés culturelles. On intervient sur les questions de pénurie de logements et de problèmes liés à la désindustrialisation, la toxicomanie, la criminalité et la prostitution, souvent les sujets tabous pour des citoyens, pour des réseaux d'affaires, mais, en se parlant, en développant des projets ensemble, on permet d'intervenir très concrètement sur des projets dans ce sens-là.

On suggère effectivement beaucoup au gouvernement de faire des partenariats, effectivement, avec les CDEC, avec les CLD lorsque, effectivement, il n'y a pas de CDEC sur les territoires, pour faire ces maillages-là qui permettent, je dirais, entre les différents milieux... mais qui permettent effectivement un impact très concret dans les différents milieux.

Recensement après recensement, les statistiques démontrent que certains quartiers s'enlisent dans la pauvreté, deviennent peu à peu des ghettos de pauvreté et d'exclusion. Il faut agir avant qu'il soit trop tard et pendant que le tissu social n'est pas trop détérioré. Je me permettrai encore un autre aparté par rapport à mon texte en disant que la pauvreté, c'est un problème qui est global. On est porté souvent, dans les différents programmes, mesures, à intervenir sur les effets de la pauvreté, mais on n'intervient pas sur les causes véritablement ou, quand on est capable de le faire, on le fait vraiment en fonction de programmes qui font des catégorisations de population, des âges de population, qui fait qu'on a des approches qui sont plus fragmentées. Il faut donc avoir une stratégie qui est globale, qui intervient à différents niveaux et qui implique tous les milieux, parce que, effectivement, la question de la pauvreté ne devrait pas être uniquement une question qui est portée par les organismes communautaires, mais par l'ensemble des collectivités.

Alors, moi, j'aimerais effectivement souligner également que l'État devrait faire preuve d'une certaine patience par rapport aux résultats. Souvent, les projets qui sont issus des milieux, bon, prennent un certain temps avant que tout le monde s'entende autour de ces projets-là, prennent un temps aussi à émerger et, par la suite, à donner des résultats. Mais, souvent, lorsque, effectivement, on met tous ces ingrédients-là pour la réussite des succès des projets, on y gagne. Donc, il faut effectivement que l'État fasse preuve de patience et que, dans les normes qui vont être associées, j'imagine, forcément aux programmes qui vont découler de la stratégie, qu'on soit imaginatif et tolérant et qu'on n'attende pas toujours des résultats au bout de six mois parce que, en quelque part, il y a une petite case qui dit qu'il faut que ça donne des résultats dans six mois. Deux minutes. Ha, ha, ha!

Alors, de la même façon, en ce qui concerne les fonds disponibles, on souhaite effectivement que le gouvernement puisse s'inspirer du Fonds d'initiatives locales qui est géré conjointement par certaines CDEC de Montréal et Emploi-Québec pour soutenir les expériences innovantes. On a effectivement eu énormément de projets intéressants qui ont eu un impact qui est vraiment significatif dans les différents milieux. Je vais vous donner un exemple. Je me rends compte que je n'ai pas suffisamment de temps pour passer à travers mon document, mais, à titre d'exemple, le projet Paradoxe, dans un quartier de Montréal, a mis à contribution ce fonds pour permettre à de jeunes adultes de 18 à 35 ans sans emploi et marginalisés de raccrocher par le biais d'une démarche d'insertion sociale et professionnelle. Ainsi, 12 jeunes bénéficient d'une formation en techniques de scène et vidéo et travaillent à la production d'événements culturels et logistiques. Le projet propose également un lieu de rencontre et de fréquentation qui devient la porte d'entrée pour la démarche de formation et d'insertion.

n(16 heures)n

C'est un exemple parmi d'autres. Et, si j'avais un petit peu plus de temps, peut-être, par la suite, aux questions, je pourrais effectivement en parler davantage, tout comme nos projets en économie sociale qui ont permis effectivement de soutenir des projets qui, finalement, ont donné des résultats fort intéressants en économie sociale. Donc, on pourra y revenir à la période de questions, parce que je pense que mon temps est écoulé.

Mme Saint-Germain (Lise): ...encore du temps.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est exact, Mme Saint-Germain. Alors, nous avons même dépassé d'une minute. Mais, de toute manière, écoutez, je veux vous remercier, Mme Saint-Germain, Mme Sainte-Marie et Mme Vézina, pour la présentation du mémoire. Vous pourrez sûrement avoir l'occasion, durant les échanges, d'y revenir.

Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Alors, merci d'être venues présenter votre mémoire, d'une part, et évidemment aussi d'appuyer la stratégie de lutte dans le sens d'un projet de loi que vous venez discuter avec nous aujourd'hui.

Vous nous demandez d'être patients. Je comprends comment vous l'avez apporté dans le sens qu'on n'aura peut-être pas des résultats demain matin. C'est rare qu'on nous demande, au gouvernement, d'être patients.

Vous dites dans votre mémoire que les 15 corporations de développement économique que vous représentez, il y en a 11 sur l'île de Montréal mais il y en a quatre dans les autres régions du Québec. Où sont-elles?

Mme Saint-Germain (Lise): Il y en a une à Trois-Rivières, qui est la ECOF, la vôtre; il y en a une à Sherbrooke, la CDEC de Sherbrooke; il y en a une à Québec, le CREECQ; il y en a une dans l'Outaouais. C'est ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Merci. Dans votre mission telle quelle, les CDEC sont des outils, comme vous dites dans votre mémoire, des outils que des communautés en milieu urbain se sont donnés pour favoriser la relance économique et sociale de leur territoire respectif, et l'existence et l'action des CDEC témoignent d'une volonté concertée des acteurs locaux, des élus, des gens d'affaires, des intervenants communautaires, syndicalistes, simples citoyens et citoyennes d'imaginer une façon de susciter un développement durable qui tienne compte des besoins des personnes et des collectivités.

Comment arrivez-vous, dans vos objectifs, d'arrimer l'économique et le social? Parce que vous savez très bien que, dans les valeurs que vous portez telles quelles, c'est-à-dire d'aller faire cette concertation-là dans votre milieu pour vraiment soutenir des projets que vous dites qu'on devrait privilégier et qui soient durables, effectivement, vous avez besoin autant des gens d'affaires, comme je vois, que des simples citoyens puis que des groupes communautaires. Comment réussissez-vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Sainte-Marie.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je suis sûre que Lise aura aussi un petit ajout. Alors, c'est sûr que, premièrement, bon, pour ce qui est des CDEC de Montréal, comme je disais, la plupart gèrent des mandats CLD. Donc, la plupart, forcément, en gérant un mandat CLD, ont une instance qui s'appelle le Comité des partenaires locaux, qui permet effectivement de faire en sorte que les gens qui sont issus du milieu des affaires, issus du milieu syndical, communautaire, ainsi que des représentants des citoyens siègent dans une instance, adoptent des plan d'action sur lesquels effectivement ils auront eu la possibilité de se prononcer. Mais ça, effectivement, c'est une instance.

Je vous dirais que, bon, puisque vous êtes de l'est de Montréal, donc vous connaissez très bien, je suis certaine, les CDEC dans l'est de Montréal, on a effectivement... on identifie ensemble des projets autour desquels on peut se mobiliser. Par exemple, vous savez que la rue Notre-Dame a suscité d'énormes débats sur tout ce qui touche à sa modernisation. Alors, c'est sûr que les organismes communautaires, certains organismes communautaires peuvent exprimer des inquiétudes par rapport à la préservation de l'environnement qui est autour de la rue Notre-Dame; les milieux des affaires, eux, sont plus intéressés à la modernisation pour susciter le développement économique; et la CDEST est là, dans le fond, pour assurer et faire en sorte que le projet, qui est une concertation des différents milieux, des différents intérêts qui, parfois, ne sont pas convergents à prime abord, mais on est en mesure de s'entendre pour dire: Bon, peut-être que la modernisation de la rue Notre-Dame, on pourrait aménager des espaces verts davantage, on pourrait les préserver ou les bonifier autour des abords, et on répond aussi en même temps aux besoins des milieux d'affaires qui veulent effectivement une modernisation qui réponde davantage à leurs besoins à eux.

Donc, c'est en s'assoyant, en identifiant quels sont nos intérêts communs, qu'on peut effectivement susciter des projets sur lesquels on a un accord, et, par la suite, on peut faire nos différentes représentations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Saint-Germain, un complément.

Mme Saint-Germain (Lise): On part toujours d'une nécessité. Dans le fond, on se retrouve toujours, quand on fait du travail de concertation puis de mobilisation, sur la base de: Il y a une crise quelque part. À Trois-Rivières, quand on a commencé la démarche de concertation avec plusieurs acteurs ? Trois-Rivières est reconnue comme une ville qui n'arrive jamais à se sortir de la pauvreté ? à un moment donné, ECOF, il dit: Là, on «call la shot» ? excusez-moi l'expression ? on convoque tout le monde, tous les acteurs de tous les milieux, et on verra ce que ça donnera. Ça nous a pris une grosse année pour s'entendre sur le problème. Notre vision, notre lecture du problème, de la réalité, le portrait, dans le fond, de la problématique des quartiers, on est allé consulter la population. Sept cents familles que ECOF a rencontrées dans les quartiers pour connaître comment ils voyaient leur quartier, les problèmes de leur quartier, la pauvreté dans leur quartier, quelles solutions ils pouvaient mettre de l'avant et, un coup tout ça ramassé, on est entré dans un processus de: Ce serait quoi, notre intérêt commun à tout le monde? Et le rôle des CDEC, c'est beaucoup de converger vers l'intérêt commun pour se sortir d'un problème qui est souvent à l'origine d'une crise sociale quelconque.

Donc, c'est à la fois du travail de mobilisation, de concertation, et les CDEC ont le rôle un peu désintéressé dans le sens que leur intérêt, c'est la collectivité. Donc, c'est de ramasser autour des acteurs les intérêts communs qui vont vers un mieux-être de la collectivité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Tout à l'heure vous avez mentionné particulièrement que les programmes gouvernementaux, d'une part, une des parties des volets un peu plus complexe, c'est celui de l'employabilité dans le sens que, vous, vous y voyez parfois des éléments qui devraient être encore plus travaillés, je pourrais dire, celui de la durée. Vous avez parlé du rythme, du suivi, du maintien, à différents autres volets, qui ne tient pas compte, dans le fond, du développement, du cheminement de la personne, qui n'est qu'axé nécessairement juste sur l'employabilité. La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, l'objectif est de garder cette synergie-là, cette cohérence-là à des programmes gouvernementaux particulièrement en matière sociale.

Alors, je vous rejoins quand vous dites de travailler davantage d'autres volets. Comment vous le voyez, vous, dans votre quotidien, quand on parle particulièrement d'employabilité, comment vous voyez qu'on pourrait concrètement davantage avoir cette souplesse-là de travailler sur le cheminement vraiment d'une personne?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Lise): Il faut avoir une souplesse dans les critères et, de un, dans les critères... Je vais partir d'un exemple concret. À ECOF, on gère un programme qui s'appelle le service d'aide à l'emploi. C'est dans le cadre du financement d'Emploi-Québec dans les ressources externes. C'est un service, dans le fond, qui est individuel. La personne arrive... Ça s'adresse à des personnes qui ont plus de 30 ans, qui n'ont pas de secondaire V. Donc, on parle des personnes qui sont plus éloignées du marché du travail, qui ont peu d'expérience et qui sont souvent dans des parcours de métiers peu spécialisés. La personne, elle arrive chez nous, on a six mois pour y trouver une job, parce que, pour avoir notre financement qui va suivre, il faut qu'on place le monde à 80 %. On a six mois pour y trouver une job, mais, là, la personne, elle arrive, et là, exemple très concret, elle vit dans une pièce pas aérée, avec un poêle pas de fan, pas de fenêtre, une personne qui fume. Qu'est-ce que vous pensez qui se passe au niveau de cette personne-là? Une de ses premières limites à l'emploi, là, c'est son environnement.

Alors, O.K., là, il faut travailler sur ces deux affaires-là. Bon, là, tu as un problème de logement. Comment ça que tu vis dans un environnement comme ça? Tu n'as pas d'argent... Elle n'a pas d'argent, la personne, elle n'a pas d'accès aux logements sociaux. O.K. Là, il faut faire une démarche avec elle, mais, ça, là, il faut la sortir du cadre du programme dans lequel on est financé, parce que les heures qu'on accompagne la personne le sont sur la base du développement de l'employabilité, la démarche d'emploi, mais la démarche d'emploi, elle va réussir à aboutir si les autres choses sont réglées autour de son environnement. Alors là il faut décortiquer toutes les interventions, et on va dire à la personne qu'on accompagne à l'emploi: Bien, va finalement ailleurs pour ce bout-là de ton problème puis va aussi ailleurs pour l'autre bout de ton autre problème. Un moment donné, ça ne se peut pas, là, tu sais. Donc...

Mme Léger: Je comprends très bien ce que vous dites, parce que le but de la stratégie est d'assouplir, puis les gens nous parlent de dénormer. On veut garder les programmes, parce qu'il y a des programmes qui fonctionnent très bien. Mais, en même temps, il y a, je pourrais dire, des vides entre les programmes puis, si on part de la stratégie, au départ, pour la personne au lieu de pour les programmes, dans le fond, par les programmes, on peut réussir à faire un cheminement avec la personne et l'aider dans cette approche-là globale. C'est le but de la stratégie. Alors, je voulais voir auprès de vous, là, comment vous le voyez. Mais je veux laisser du temps à ma collègue députée de Crémazie, si vous voulez bien, puis elle pourrait peut-être vous répondre, elle pourrait peut-être répondre à...

n(16 h 10)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Sainte-Marie veut, je pense, intervenir à votre question.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je voulais juste... Peut-être un autre petit exemple pour illustrer. Parfois, la logique dans laquelle on doit travailler lorsqu'on a affaire avec des normes très particulières, ici, on est toujours comme, si vous me passez l'expression, «by the book» au niveau de l'application de ces normes-là. Je peux vous donner un exemple d'une femme de 35 ans qui avait une formation, qui avait un diplôme d'études secondaires avec une spécialisation en secrétariat mais qui ne pouvait dire qu'elle avait un diplôme d'études professionnelles en secrétariat, donc pas tout à fait qualifiée pour être secrétaire, mais elle avait une option secrétariat. Cette personne-là, 10 ans sur l'assistance emploi, elle a participé à des programmes de fonds de lutte à la pauvreté dans un centre pour la petite enfance... se découvre finalement son orientation professionnelle en disant: Moi, ce que je veux finalement, c'est être technicienne en garderie, et fait ses démarches pour retourner aux études et, finalement, parce qu'elle avait l'option secrétariat dans son DES, on disait: Là, vous, on pourrait vous payer le perfectionnement en secrétariat, mais pas aller en garderie. Il faut faire toujours des démarches spécifiques. Et heureusement qu'elle nous connaît ? dans le fond, c'est ça que ça veut dire ? puis que, nous, on est en mesure de parler avec les gens pour dire: Écoutez, il y aurait peut-être quelque chose qu'on pourrait faire parce que, cette personne-là, ça fait quatre ans qu'elle travaille de façon bénévole ou dans des programmes d'employabilité dans les centres de la petite enfance. Peut-on reconnaître que c'est là sa voie et qu'on ne doit pas toujours comme la confiner dans un chemin qu'elle a peut-être choisi quand elle avait 16 ans mais qui ne correspond plus à sa vie d'aujourd'hui, à ses intérêts d'aujourd'hui à 35 ans?

Alors, c'est pour ça, quand on dit les normes, le moins possible de normes, c'est qu'effectivement, souvent, les gens, ils sont comme cannés dans un corridor dont ils ne peuvent plus se sortir parce qu'un moment donné, dans leur vie, ils ont fait un choix dont ils ne peuvent plus se sortir par la suite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Dans votre mémoire, les CDEC, vous nous incitez à être plus explicites sur le rôle social que l'on devrait donner aux entreprises et aux différents partenaires du marché du travail pour justement les inciter davantage à s'impliquer dans la lutte contre la pauvreté, à mener des actions particulières.

Ce matin, le groupe, le Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre nous faisait part... surtout d'insister sur... de bien faire le lien entre la qualité de l'emploi, mais la qualité de l'emploi qui pourrait être donné à toute personne vivant une situation de pauvreté et qui, par différents programmes gouvernementaux, pourrait être appelée à réintégrer le marché du travail.

D'après vous, quel pourrait être votre rôle comme CDEC, comme organisme de développement communautaire, pour justement essayer d'inciter ces différentes entreprises là, que vous avez sur vos territoires, dans cette lutte-là que l'on veut engager avec toute la société québécoise?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Sainte-Marie.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je pourrais peut-être effectivement répondre par rapport à ça. Effectivement, ça, ça fait partie peut-être des difficultés, ce que vous nommez là, des difficultés, ou plutôt du défi qu'on a comme CDEC d'essayer de faire en sorte que les gens du milieu des affaires et les gens qui représentent les citoyens, le milieu communautaire puissent trouver un intérêt à travailler ensemble. Nous, la façon dont on aborde cette question-là, c'est de dire: L'amélioration des conditions de vie des personnes, y compris les conditions de leur rémunération, c'est effectivement des coûts, peut-être, pour les entreprises qui ont à l'absorber, mais c'est une injection qui se fait dans les économies locales qui permettent effectivement de dynamiser le milieu économique. Donc, en ce sens-là, si je reprends, je vais donner l'exemple de la CDEST, donc, qui travaille dans Hochelaga-Maisonneuve très, je dirais, connu pour la pauvreté de ce milieu-là. C'est certain qu'à partir du moment où est-ce qu'on permet d'améliorer les conditions de travail, les conditions de vie des gens qui l'habitent, ça va favoriser les commerçants du milieu. Alors, en ce sens-là, on y gagne, tout le monde, à faire en sorte qu'on puisse améliorer les conditions ambiantes, les conditions de travail des gens parce que, effectivement, on y gagne tous collectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En complément de réponse, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Lise): Oui. Peut-être pour ajouter aux éléments de Thérèse. Bon, oui, les CDEC peuvent jouer un rôle. Je pense qu'il y a aussi des approches, dans différentes CDEC du Québec, d'accompagnement des personnes dans l'entreprise, carrément. Ça, ça veut dire beaucoup de démarchages préalablement, ça veut dire beaucoup de rencontres avec les entreprises pour briser un peu une approche qui pourrait en premier lieu paraître comme de l'ingérence, mais il y a des expériences qui se font de compagnonnage, je dirais, entre les personnes et l'entreprise. Mais, au-delà du rôle des CDEC, on pense aussi que, de manière très générale au Québec, souvent on confie aux organismes communautaires ou aux entreprises d'économie sociale ou aux CDEC le rôle d'intégrer les personnes les plus éloignées du marché du travail.

Et, nous, ce qu'on voulait aussi signifier dans le mémoire, c'est de dire: Peut-être qu'on pourrait penser, comme société, peut-être avec l'État qui pourrait insister auprès des entreprises privées, avec des mesures incitatives pour favoriser, dans le fond... à ce que les entreprises aient du soutien pour intégrer à l'emploi des gens qui sont plus éloignés. Oui, on le sait qu'il y a un délai, puis il faut donner le temps à la personne d'apprivoiser l'environnement de travail et tout ça, puis c'est de l'argent. Puis, si on calcule tous les coûts de rentabilité, oui, ce n'est pas tout le temps alléchant pour les entreprises, mais, si on décide que, socialement, on fait le pari que c'est l'affaire de tout le monde, ce que ça veut dire, c'est qu'on met en place des mesures incitatives qui favorisent à la fois des processus d'accompagnement et à la fois qui tiennent compte, pour l'entreprise, de ce que ça veut dire, faire de la place à.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste trois minutes et demie.

M. Désilets: Trois minutes et demie?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est ça. Question, réponse.

M. Désilets: Merci beaucoup. D'abord, Mme Vézina, Mme Saint-Germain et Mme Sainte-Marie ? au moins pour ceux de Trois-Rivières, Saint-Germain et Vézina ? moi, je peux témoigner que c'est payant d'être patient avec vous autres, ECOF et la CDEC, je peux le témoigner, ça, que c'est payant, on est gagnant avec vous autres.

Trois petites questions que je vais vous envoyer en rafale, vous répondrez ? parce que je veux rentrer dans mon délai. La première, c'est la suite de la question, tantôt, de notre ministre concernant l'augmentation des mesures d'aide. Vous en avez combien à Trois-Rivières? Et il y en a que vous refusez tous les ans. Donc, le besoin est de combien pour répondre à la problématique chez nous?

Le nouveau projet qu'on voit à la page 23, je pense, de votre mémoire, à la page 23, l'innovation avec l'Internet et puis l'entrée dans les maisons pour expliquer aux gens la problématique. Le besoin est de combien pour répondre... Le besoin financier est de combien?

Mme Saint-Germain (Lise): ...ce projet-là?

M. Désilets: Pour réaliser ce projet-là. Et la dernière, concernant la lutte à la pauvreté, vous savez où le projet se situe présentement, on écoute la commission parlementaire. Et puis je sais aussi, parce qu'il y a des gens qui m'appellent au bureau pour me dire: Faites pas les caves, le gouvernement! Arrêtez d'en donner à la pauvreté, on a assez de monde... ils ont assez d'argent comme ça. Ça fait qu'arrêtez d'investir dans la pauvreté. On a aussi ces téléphones-là aussi au bureau. Il faut dire les vraies choses pendant que c'est le temps, pendant qu'on se rencontre. Puis je vais vous dire, même si je ne partage pas tout ce que j'entends, mais tantôt on va avoir besoin d'expliquer à la population puis de vendre notre projet de lutte à la pauvreté. Je sais que, quand vous avez un dossier, vous vous en occupez aussi d'une façon correcte et puis avec beaucoup de courage, dans le sens... Avez-vous... Comment, vous autres, vous pourriez nous aider à vendre notre projet de lutte à la pauvreté à la population? Avez-vous des idées là-dessus? Parce qu'on vient aussi, là... on ne sait pas comment faire. On sait que le projet a du sens, mais comment réussir à le faire progresser davantage?

Mme Saint-Germain (Lise): Je vais commencer par la dernière question. Au même titre que les femmes ont réussi, par négociation, par stratégie, à faire en sorte qu'il y ait des campagnes massives, publicitaires pour faire que la violence devienne un acte criminel, on pourrait faire que les préjugés deviennent un acte criminel en regard de la pauvreté. C'est des campagnes publiques de grande échelle qui impliquent plusieurs acteurs. Parce que, si c'est juste le social, tout le temps, qui fait valoir ça... Entre nous, on le sait, on est d'accord avec l'idée qu'il y a plein de préjugés, mais il faut réussir à embarquer les autres acteurs et en faire un pacte social, un contrat social, et on réussit à faire changer des idées à la population par des grandes campagnes ? on l'a fait pour l'alcool au volant, on l'a fait dernièrement pour la violence faite aux femmes, il y a des annonces publicitaires chocs, je pense qu'on peut s'y mettre pour la lutte aux préjugés et à la pauvreté.

n(16 h 20)n

On peut mettre en place des comités de travail via les structures qui sont déjà proposées par le projet de loi, des comités de travail visant à avoir un axe important de lutte à la pauvreté et de lutter contre les préjugés. C'est l'obstacle le plus grand, je dirais, là. Mais, en tout cas, il me semble que passer par des grosses campagnes médiatiques importantes, ce serait un début.

Toi, as-tu des choses?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui, j'ajouterais peut-être juste un petit mot.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): De façon très brève.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): C'est parce que, effectivement, oui, Lise dit que... Quand on fait des remarques comme celle-là, qu'il y a déjà beaucoup d'argent qui est investi pour lutter contre la pauvreté, je pense que la société québécoise y gagnerait de toute manière à faire en sorte que les écarts entre les mieux nantis et les moins nantis soient réduits et qu'on y gagne tous collectivement à améliorer sensiblement le niveau de vie de tout le monde. Et, en ce sens-là, je ne crois pas que c'est du gaspillage, c'est de faire en sorte qu'on soutienne les gens.

Et il ne faut pas non plus penser que, si les gens sont pauvres, c'est parce qu'ils l'ont bien voulu. Moi, je pense qu'il y a toutes sortes de circonstances qui ont conduit à cette situation-là et qu'ils ont besoin d'un support pour faire en sorte qu'ils puissent sortir de leur situation de pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Saint-Germain (Lise): Pour le projet, pour l'innovation, en recrutement, dans le fond, ce qu'on a regardé à ECOF, c'est qu'il y a des ressources dans une communauté, il y a des gens qui en sont exclus, qui n'y ont même pas accès, qui ne connaissent pas l'existence des ressources. On pense que, par le biais des nouvelles technologies, avec de l'animation, ce qu'on pourrait faire, dans les maisons des personnes, on pourrait arrimer les ressources et les personnes et briser les situations d'exclusion. C'est un projet très innovant en recrutement, qui allie l'accès aux nouvelles technologies, à la mise en action des gens vers les ressources du milieu. C'est un projet d'autour de 50 000 $ qui permettrait à la fois de créer de l'emploi, à la fois de briser le vice de l'exclusion sociale et de favoriser l'accès aux nouvelles technologies.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps... Est-ce que... Très brièvement, parce que le temps est déjà... vous avez déjà dépassé...

Mme Saint-Germain (Lise): Oui, très brièvement. Au niveau des programmes d'aide à l'emploi, je vous dirais, plus les programmes de formation préparatoire à l'emploi, actuellement, ils sont en pénurie parce qu'ils sont transférés d'Emploi-Québec vers le ministère de l'Éducation, ça fait en sorte que les gens n'ont plus accès au programme. Et au niveau des places disponibles dans les ressources externes, chez nous, on parle d'une trentaine de places supplémentaires qu'on aurait besoin annuellement sur un volume de déjà 85.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Moi, d'entrée de jeu, je dois vous avouer que les CDEC, je ne sais pas pourquoi, mais c'est le groupe avec lequel j'ai le plus de difficultés conceptuelles à comprendre. Je ne sais pas si je suis le seul, mais les CDEC, les CLD, les CRD et tout ce qui bouge dans le quartier ? puis il y en a une dans mon district électoral, une CDEC Centre-Nord, je suis convaincu que les gens font du bon travail, je suis convaincu que c'est des gens convaincus ? mais j'ai de la difficulté à saisir l'impact réel de l'implication des CDEC dans la vie communautaire par rapport à un problème comme la lutte à la pauvreté. Pourtant, ça devrait sauter aux yeux.

Ça saute aux yeux. Quand j'ai visité Trois-Rivières, ça a sauté aux yeux, quand on a visité le COMSEP qui, en fait, est né de ça, non seulement est né, mais c'est ça.

Mme Saint-Germain (Lise): Oui, la CDEC d'ECOF est née d'un groupe qui s'appelle COMSEP. C'est deux entités maintenant, mais on travaille ensemble.

M. Sirros: O.K. Oui. Donc, ma compréhension, c'est que les CDEC sont des lieux de concertation de tout ce qui bouge dans le quartier, ou dans le district, ou dans le village, ou dans le... c'est surtout à Montréal d'ailleurs, au niveau des groupes communautaires, et vous êtes là pour susciter de l'émergence aussi de groupes pour faire face à des problématiques particulières.

Et vous avez un budget d'opération de 15 millions, ce qui n'est pas négligeable, 230 personnes en permanence, c'est donc un budget de fonctionnement de 15 millions. Vous parlez de bénévoles qui siègent sur vos conseils d'administration, et ce sont surtout, je pense, des personnes qui travaillent pour d'autres groupes communautaires qui, de façon bénévole, viennent sur vos conseils d'administration, donc c'est des bénévoles des groupes communautaires qui sont souvent des bénévoles dans leur groupe communautaire aussi. Et je me dis: Toute la problématique de l'économie sociale, par exemple, les entreprises d'économie sociale, les corporations de développement économique et social, entreprises d'économie sociale, il me semble que je devrais voir un lien beaucoup plus évident de la part de l'action des CDEC avec, plus précisément, des entreprises d'économie sociale. Non?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui, tout à fait, il y en a un, lien.

M. Sirros: Peut-être que la défaillance est chez moi, parce que je ne connais pas beaucoup, assez ou de façon assez pertinente le travail que font l'ensemble des CDEC, mais j'ai souvent cette perception conceptuelle où j'ai de la difficulté à voir comment ça se situe, qui finance, qui travaille, comment sont décidées les priorités, qui les décide, quel est le lien avec les priorités qui sont établies au niveau du gouvernement du Québec. Vous avez parlé tantôt du transfert des programmes d'employabilité au ministère de l'Éducation, ça semble soulever des problèmes. Êtes-vous impliqués dans la conceptualisation des différents programmes? Alors, faites mon éducation un petit peu.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): D'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Sainte-Marie.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): J'espère que j'aurai un petit peu plus que 30 secondes pour vous répondre.

M. Sirros: Vous avez 15 minutes.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ah, peu de temps, quand même. Bon. Alors, écoutez, c'est sûr que je connais un petit peu la CDEC Centre-Nord, mais comme ce n'est pas l'arrondissement sur lequel, moi, je travaille, je peux être moins en mesure, mais toutes les CDEC sont, je dirais, construites, entre guillemets, à partir de différents collèges. Alors, il y a le collège des citoyens, le collège communautaire, le collège des affaires, il va y avoir le collège syndical et évidemment, aussi, le collège des milieux institutionnels. Alors, déjà, de par sa structure, elle permet de rejoindre l'ensemble des différents milieux qui peuvent être concernés dans un arrondissement en particulier.

Ce qui est peut-être difficile des fois, quand on dit: On a de la difficulté à cerner ce que c'est, une CDEC, bien, oui, parce que, effectivement, elle fait beaucoup de choses, c'est-à-dire qu'elle a une approche globale. Elle va faire en sorte que, oui, il y aura des services individuels, par exemple, en entrepreneurship. Alors, elle va soutenir l'entrepreneurship individuel, elle va gérer des fonds de prêts, de capital de risque, pour faire en sorte que les personnes puissent d'abord structurer leur projet d'entreprise et, par la suite, accéder à différentes formes de financement. Il y a tout un travail de soutien qui est fait à l'individu pour faire en sorte que son projet d'entreprise, qu'il a pensé seul, chez lui, puisse prendre forme et finalement aboutir à quelque chose de très concret. Ça, c'est pour ce qui est, je dirais, de l'entrepreneurship traditionnel.

Mais il y a aussi des projets d'économie sociale qu'on se trouve à soutenir, développer, et aussi on gère, parce qu'on est mandataire CLD, on gère des fonds d'économie sociale, donc des prêts qui sont consentis aux entreprises d'économie sociale.

On a des volets aussi en service d'employabilité. Alors, il y a des individus qui viennent nous voir effectivement pour faire en sorte qu'on puisse les aider à réintégrer le marché du travail.

Vous m'écoutez toujours?

M. Sirros: Je vous écoute, mais... Je vous écoute parce que vous me confirmez dans ma difficulté, dans le sens que vous parlez de collèges électoraux, de différents acteurs. Mais un collège...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ça, je vous parle de la structure démocratique d'une CDEC. C'est comme ça qu'on est construit, là.

M. Sirros: Je sais. Oui, je sais que c'est comme ça que vous êtes construits puis je connais le rôle de soutenir l'entrepreneurship. Ça soulève des questions dans mon esprit, les différents collèges. Vous parlez des collèges des entrepreneurs, des acteurs sociaux, etc., mais on sait qu'il n'existe pas vraiment de collèges. C'est un concept théorique qui regroupe des gens issus de ces milieux. Mais ces gens parlent au nom de qui finalement? Est-ce que c'est vraiment des... Et je ne veux pas que ça prenne une tangente de remise en question des CDEC, je veux que ça prenne une tangente de compréhension de l'impact que les CDEC peuvent avoir et d'essayer de situer ça dans le contexte de ce qu'on fait ici pour juger de l'efficacité des différents instruments.

Est-ce que c'est des structures comme les chambres de commerce qui vous délèguent des personnes qui, supposément, théoriquement, peuvent parler au nom d'un collège commercial, si vous voulez? Est-ce que c'est des corporations professionnelles qui vous délèguent des personnes? Ou est-ce que c'est des gens qui, dans leur milieu, sont impliqués, qui représentent des courants de pensée ou soi-même ou, je ne sais pas trop, qui viennent vers vous ou qui se regroupent ensemble et qui orientent certaines actions d'une façon ou d'une autre? Allez-y.

n(16 h 30)n

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Regardez, là, on a des représentants, par exemple, sur notre CDEC. On a des représentants de sociétés de développement, là, d'artères commerciaux. O.K.? Alors, on a du travail qu'on peut faire en collaboration avec l'association des commerçants, par exemple, de la rue Ontario, de la rue Sainte-Catherine pour développer des projets ensemble. On va également développer différents projets en lien avec, bon, les organismes communautaires s'il s'agit de mettre sur pied une entreprise d'économie sociale. On va mettre sur pied également des projets avec des représentants d'entreprises en tant que telles. Un de ceux qu'on est en train de mettre sur pied et qui devrait commencer au mois de novembre, c'est un exemple de partenariat entre Emploi-Québec, nous-mêmes et les pharmacies Jean Coutu pour faire de la formation en assistance technique en pharmacie qui permet d'identifier effectivement qu'on aura 15 personnes qui vont pouvoir suivre cette formation-là, faire un travail, en alternance travail-études, dans les pharmacies Jean Coutu pour, par la suite, obtenir un diplôme en études professionnelles. Ça, c'est un travail qui se fait conjointement, effectivement, avec les différents milieux dans notre arrondissement. Ça, ça ne peut pas être, à mon sens, plus concret que ça, là.

M. Sirros: Parfait. Quel est le lien, à ce moment-là, entre des actions comme ça puis les programmes d'Emploi-Québec?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Premièrement, parce que Emploi-Québec finance ce projet de loi, reçoit, évalue la faisabilité de ce projet de loi. Ils sont effectivement aussi présents comme membres institutionnels au comité des partenaires locaux, puisque, effectivement, dans un CLD, il y a les représentants d'Emploi-Québec qui sont là. On identifie un besoin ensemble. C'est-à-dire qu'on sait qu'il y a des personnes qui sont exclues du marché du travail, on essaie de favoriser la mise en place de formations pour permettre un maillage entre un besoin identifié d'une entreprise en termes de main-d'oeuvre spécialisée ou semi-spécialisée... Nous, on est en contact avec un bassin de population qui pourrait être admissible, il y a des sélections qui se font, on a une entreprise qui est associée, et effectivement ça fait en sorte qu'on est en mesure de présenter un projet. Je ne dis pas que c'est juste la CDEC, là, qui est en maîtrise d'oeuvre. Tout au long, ça prend effectivement une action concertée entre le milieu des entreprises, entre Emploi-Québec, l'organisme qui est la CDEC pour faire ces maillages-là pour s'assurer que le projet va arriver à bon port, qu'on va pouvoir trouver des lieux de stage pour nos étudiants et éventuellement créer 15 emplois, parce que, effectivement, c'est le but ultime.

M. Sirros: Le besoin a été identifié par qui?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Par les pharmacies Jean Coutu. Ils nous ont dit: Nous, on aurait un besoin en particulier par rapport à ça. Les pharmaciens ont un manque de main-d'oeuvre semi-spécialisée pour leur venir en aide.

M. Sirros: Ils se tournent vers Emploi-Québec, puis Emploi-Québec le contracte à vous?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ou, inversement, ils peuvent nous contacter, puis nous, on en parle avec Emploi-Québec.

M. Sirros: Bon, à ce moment-là, la question qui se pose: Est-ce qu'on a besoin de deux entités? Est-ce que ce n'est peut-être pas une voie d'examiner si vous pourriez être effectivement les maîtres d'oeuvre du développement local de la main-d'oeuvre sur le territoire avec des populations cibles particulières plutôt que de...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Écoutez, c'est parce que là on n'a pas nécessairement les budgets nécessaires. C'est sûr qu'avec Emploi-Québec eux autres ont une mission au niveau de l'intégration de la main-d'oeuvre. Nous, effectivement...

Mme Saint-Germain (Lise): Nous, on a une mission plus large.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Plus large de l'emploi.

Mme Saint-Germain (Lise): On ne vise pas seulement l'emploi, on vise la participation citoyenne, on vise le développement de l'économie sociale, on vise... Il y a quatre champs, là.

M. Sirros: C'est probablement ça, ma difficulté. On dit souvent: Celui qui... Comme on dit, trop embrasse mal étreint. En tout cas, je soumets cette problématique. Je suis convaincu que je ne suis pas le seul qui... parce que, en plus des CDEC, il y a souvent, à l'intérieur des CDEC, des carrefours jeunesse-emploi qui, eux aussi, font du placement puis du... Alors...

Mme Saint-Germain (Lise): ...la réalité de toutes les CDEC, cependant, de... Par exemple, chez nous, à ECOF, à Trois-Rivières, la CDEC, on a ni le mandat CLD, on a ni le mandat d'un carrefour jeunesse-emploi, on est une organisation absolument... une entité autonome sur laquelle on a un conseil d'administration multisectoriel...

M. Sirros: ...financement?

Mme Saint-Germain (Lise): Pardon?

M. Sirros: Le 15 millions dont on parle, de fonctionnement, ça vient d'où?

Mme Saint-Germain (Lise): Ça vient de... Bien, premièrement, toutes les CDEC n'ont pas la même base de financement. Ça, c'est déjà une réalité. Il y a des écarts importants entre chacune des CDEC. Si on a un mandat CLD, on a probablement des gros fonds qui vont avec et qui font que l'enveloppe globale se grossit. C'est des montages financiers, les budgets des CDEC, qui sont... dépendamment de l'action que tu fais, des projets que tu mets en oeuvre, ont leur propre réalité, puis à la fois il y a comme... C'est souvent des montages tripartites, fédéral, provincial et municipaux, en gros, et des projets qui sont innovés, des projets sur la base de l'innovation.

M. Sirros: C'est des fonds publics?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui, tout à fait, mais il y a... Ce que j'ajouterais, quand vous parlez du 15 millions, c'est qu'il y a aussi des fonds qui sont dédiés au démarrage d'entreprises. Alors, ce n'est pas uniquement, là, pour payer le personnel des CDEC en tant que telles, il y a des fonds qu'on gère et qui, effectivement, servent au démarrage d'entreprises, des fonds à différents niveaux qui partent des cercles d'emprunt jusqu'aux SOLIDE, là.

M. Sirros: 15 millions, parce que j'ai pris ça dans votre document qui parlait d'un fonctionnement de 130 employés. Fonctionnement de 15 millions, puis j'ai compris que c'était le budget de fonctionnement et qu'il y avait... à part de ça, il y avait des fonds pour le démarrage d'entreprises puis des activités, etc.

Mme Saint-Germain (Lise): C'est inclus.

M. Sirros: C'est inclus là-dedans. O.K. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont des questions, mais...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Pardon? Est-ce que vous avez une question?

Mme Grégoire: Est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste trois minutes. Avec le consentement des membres, puisque Mme la députée de Berthier n'est pas membre de cette commission. D'accord. Alors, il vous reste trois minutes Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Alors, moi, je veux vous remercier ? puis là je me sens un peu pressée par le temps ? parce que je pense qu'il y avait quelque chose qui était intéressant dans votre présentation par rapport aux programmes. Et, là-dessus, on n'est peut-être pas tout à fait en ligne, moi, je pense que les programmes, on parle de dénormer, on parle... Alors, je me demande comment vous, vous vivriez si, par exemple, vous aviez une enveloppe avec des indicateurs de performance à rencontrer plutôt que des enveloppes normées avec des programmes pour dire justement: Ça fait cinq ans que tu es sorti du milieu du travail, tu as 30 ans et plus, pas de secondaire. Alors, on est... Je trouve qu'on catégorise beaucoup le citoyen, il faut être... Des fois, je dis: Il faut être vert, carreauté bleu, avec des manches courtes pour fitter dans la boîte. Alors, je me dis: Pour un organisme comme le vôtre qui accompagnez des personnes dans une démarche... Puis, j'aimais bien votre approche sur les conditions, le milieu et le cadre de vie, je trouve qu'effectivement c'est ce qui peut faire que tout le monde peut sortir gagnant, autant les entreprises que les autres.

Alors, quel type d'indicateurs de performance vous verriez, vous, pour dire... Une entente tripartite entre le citoyen, le gouvernement et la communauté, comment on fait pour mesurer le succès de l'intervention d'une communauté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très brièvement, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Lise): Je vais vous dire que les CDEC, on est habitué à des mesures de rendement, ainsi que beaucoup d'autres organisations que nous. C'est n'est pas ça qui nous fait peur dans la vie. Ce qu'on dit cependant, c'est que s'il doit y avoir des mesures de rendement, des indicateurs de rendement, participons à ce processus-là, impliquons les personnes qui sont concernées dans le processus. Il n'y a rien de mieux que les personnes qui vivent une situation pour dire de quelle façon pour eux... c'est quoi, les indicateurs de l'amélioration de leurs conditions de vie. C'est quoi, les indicateurs d'un quartier plus fin? C'est quoi, les indicateurs d'un travail de qualité? C'est les personnes qui sont concernées qui sont en mesure de le dire, et nous, comme groupe qui les accompagnons, qui développons des projets, bien on est aussi bien placé pour dire qu'est-ce qui fait qu'on trouve qu'on a fait du bon travail puis qu'on a réussi un travail.

Donc, ça doit être là, des mesures de rendement, parce que c'est des fonds publics, puis il faut savoir qu'est-ce qu'on fait avec ces fonds-là, puis comment on les dépenses, puis si on réussit, mais soyons partie prenante des processus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. Il ne me reste qu'à vous remercier, mesdames, au nom de tous les membres de cette commission. J'inviterais maintenant les représentants du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité et Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, le plus rapidement possible. Je suspens pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 16 h 40)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, nous accueillons maintenant... Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît, le groupe suivant, parce que nous avons malheureusement déjà du retard. Je m'excuse de vous bousculer. Alors, nous accueillons maintenant les représentants du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité et le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Je cède la parole à Mme Lise Paquet qui...

Regroupement québécois des organismes pour
le développement de l'employabilité (RQuODE)
et Réseau des services spécialisés
de main-d'oeuvre (RSSMO)

Mme Galarneau (Nicole): ...prendre la parole. Je suis Nicole Galarneau. À ma gauche, Mme Lise Paquet, qui est administratrice au RQUODE ainsi que directrice générale du Centre Étape qui est un organisme qui intervient auprès des femmes; et, à ma droite, il y a Mme Sylvie Baillargeon, qui est administratrice pour le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre et également directrice générale d'Intégration jeunesse du Québec qui est un organisme qui intervient auprès des jeunes avec un bureau à Montréal et un point de services à Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Mme Galarneau (Nicole): Merci. Alors, je commencerai notre présentation par les thèmes qu'on a mis dès l'introduction, à savoir que, depuis des années, on parle d'appauvrissement zéro, de ne laisser personne de côté, la volonté d'agir, la force de réussir. Le projet de loi n° 112, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, nous, ce qu'on dit, c'est l'urgence d'agir, la nécessité, l'obligation de réussir.

Alors, la lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales et l'exclusion sociale constituent des préoccupations importantes pour les organismes membres du Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité et du Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Elles sont au coeur des missions respectives de ces organismes. Les organismes membres de nos regroupements ont développé une expertise et des pratiques caractérisées par le développement de services spécialisés de main-d'oeuvre et en développement de l'employabilité auprès de personnes aux prises avec des contraintes souvent sévères à l'intégration à l'emploi. Elles vivent inévitablement des situations de pauvreté.

Nos deux réseaux respectifs regroupent 116 organismes issus du milieu qui, au cours des 15 dernières années, ont rejoint un peu plus de 500 000 personnes par leurs interventions. Qui sont ces personnes? Ce sont des personnes que nous accompagnons quotidiennement vers le marché du travail, qui en sont exclues, et une majorité d'entre elles font face à des contraintes à l'emploi et/ou possèdent un faible niveau d'employabilité. Au fil de leur évolution, nos organismes ont développé une expertise spécifique pour intervenir auprès de ces clientèles cibles, soit les personnes handicapées, les personnes vivant une problématique reliée à la santé mentale, les jeunes en difficulté, les femmes en difficulté, les personnes judiciarisées, les personnes immigrantes, les personnes ayant vécu une absence prolongée du marché du travail, les personnes aux prises avec un problème de toxicomanie, d'alcoolisme ou de jeu compulsif, les travailleurs âgés.

Il nous apparaît important de préciser que la qualification de nos participants en termes de groupes cibles est tout à fait réductrice. Nos participants n'ont pas recours à nous seulement en raison de leur appartenance à ces groupes sociaux ciblés, mais bien parce qu'ils vivent des difficultés d'intégration socioprofessionnelle. À titre d'illustration, ce n'est pas parce qu'une femme est chef de famille monoparentale qu'elle fréquente un organisme comme les nôtres, mais plutôt en raison des difficultés et des problématiques auxquelles elle est confrontée dans son parcours vers l'emploi.

Il faut le dire, pour un certain nombre de nos organismes, nous intervenons auprès des personnes avec lesquelles plusieurs autres intervenants se sentent dépourvus et mal à l'aise. Ce sont d'ailleurs nos organismes qui ont suscité et contribué à la mise en place des comités aviseurs, des comités d'adaptation de la main-d'oeuvre à Emploi-Québec, de même qu'aux diverses stratégies nationales d'intervention à leurs égards. Nous devrons donc être considérés comme des interlocuteurs incontournables pour le gouvernement en matière de lutte à la pauvreté, et c'est dans cette perspective que nos deux regroupements ont convenu de présenter ce mémoire en guise de contribution au projet de loi n° 112, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme Baillargeon (Sylvie): Alors, c'est moi qui vais continuer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous en prie, Mme Baillargeon

Mme Baillargeon (Sylvie): Merci. Alors, les organismes spécialisés en employabilité du RQUODE et du RSSMO constatent et se réjouissent que la lutte contre la pauvreté soit une préoccupation suffisamment importante pour que le gouvernement du Québec présente le projet de loi n° 112.

Il y a eu la série de sommets, de chantiers, de politiques, des lois, des programmes, des mesures et règlements qui ont été mis de l'avant par le gouvernement du Québec depuis 1994, plus particulièrement les actions qui ont été entreprises depuis le Sommet sur l'économie et l'emploi en 1996. Ça a été des moyens qui témoignent d'une volonté d'agir. Par contre, il y a eu aussi de l'action gouvernementale qui a été peut-être un peu plus liée, là, à l'atteinte du déficit zéro que de l'appauvrissement zéro.

n(16 h 50)n

On est aussi... On veut saluer, là, la réflexion qui a été soutenue, la mobilisation des citoyens qui a été animée par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, qui a rallié, là, 1 700 organisations puis recueilli l'adhésion de 215 000 personnes. On salue également le fait que le gouvernement démontre sa sensibilité au phénomène de la pauvreté en s'engageant dans un processus de lutte à la pauvreté encadré par une loi. Le sens de notre intervention dans le débat consiste à bonifier le projet de loi dans la perspective qu'il puisse être adopté et mis en oeuvre le plus rapidement possible. Donc, c'est un appui, là, réel que les deux associations manifestent aujourd'hui au gouvernement dans l'exercice qui est fait, là, de l'adoption de ce projet de loi.

Nos pratiques auprès des personnes vulnérables face à l'emploi depuis souvent plus deux décennies nous confortent dans la conviction de la nécessité de légiférer pour éliminer la pauvreté, et nos organismes membres s'engagent dans la mobilisation nécessaire pour une application efficiente d'une loi pour éliminer la pauvreté. La lutte contre la pauvreté, ça passe par l'emploi, mais aussi par l'aide structurée et le professionnalisme du secteur des organismes spécialisés en employabilité ainsi que par le financement adéquat de cette aide. Notre intervention vise donc à éclairer le débat dans le processus actuel de la consultation, et notre contribution va être d'ordre général et sur certains aspects de la loi qui nous interpellent davantage.

Donc, on veut saluer, là, la volonté gouvernementale d'agir et nous voulons contribuer activement à la force de réussir. Nous avons la conviction qu'en visant la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale il y a la possibilité d'atteindre la cible, mais également il y a un risque de ne pas l'atteindre. Un libellé de loi pour l'élimination de la pauvreté et de l'exclusion sociale comporte un engagement plus ferme. Cet engagement, jumelé à une clause d'impact, permettrait davantage de fixer des impératifs de résultat. En fait, comme disait ma collègue, il y a urgence d'agir, la nécessité, l'obligation de réussir.

Mme Galarneau (Nicole): Alors, concernant le projet de loi n° 112, plus spécifiquement au niveau du préambule. Le fait de légiférer dans le domaine confère un caractère tout à fait structurant et durable puis une mesure d'avant-garde dans le monde occidental. Le préambule projet de loi, en se fondant sur le respect des droits et de la dignité des personnes, constitue une approche que nos regroupements accueillent avec beaucoup de satisfaction.

On reconnaît que les personnes... Ce qui nous a particulièrement intéressé, c'est qu'on reconnaît que les personnes en situation de pauvreté sont les premières à agir sur leur condition puis qu'elles ne sont surtout pas les seules responsables de leur condition. C'est un discours qu'on a tenu à plusieurs endroits, à plusieurs égards, et de se le voir réaffirmer dans le préambule du projet de loi, on a été réconforté de le voir.

Au niveau du chapitre I, portant sur les objets et les définitions, on pourrait vous dire qu'on est tout à fait d'accord avec ce qui est mentionné et de la définition de la pauvreté qui y est avancée. Et on tient à saluer l'approche globale puis intégrée qui vise la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté.

Mme Baillargeon (Sylvie): Au niveau du chapitre II, concernant la stratégie nationale, évidemment, pour nous, le projet de loi, il est intimement lié à la stratégie nationale. Alors, dans ce sens-là, on convient qu'il est nécessaire d'intervenir à la fois sur les causes et les conséquences de la pauvreté. Nos organismes ont développé une vaste expertise de support et d'appui en employabilité aux personnes en situation de pauvreté qu'ils côtoient quotidiennement.

Le cheminement vers l'atteinte de leur autonomie et leur participation active, selon leurs capacités, à la vie sociale et au progrès collectif se doit d'être volontaire. Dans ce sens-là, c'est un discours qu'on a toujours tenu, nous, les organismes en employabilité, que la participation des personnes, que ce soit à des mesures où à différents projets visant à les aider, doit être faite sur une base volontaire et comporter le moins de mesures contraignantes ou surtout coercitives. Bon.

Du côté du soutien du revenu, il y avait été question, dans l'énoncé de politique, d'instaurer un revenu de solidarité. Finalement, on n'en précise pas, là, les modalités, mais nous, on considère que, au niveau de la loi, il devrait peut-être, là, avoir des améliorations au niveau de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi en instaurant peut-être un barème plancher ou, en tout cas, regarder la question de la hausse du salaire minimum ainsi que les conditions de travail.

Ensuite, du côté de l'aspect préventif, si je puis dire, là, le caractère structurant du travail de prévention de la pauvreté, bon, nous, on dit que c'est important de ne pas perdre de vue le fait que l'éloignement ou l'exclusion prolongée du marché du travail des individus commande très souvent des interventions spécialisées en employabilité, et il s'agit là de notre expertise spécifique.

Nos pratiques quotidiennes auprès des personnes éloignées du marché du travail vivant une situation de pauvreté reposent sur une approche globale et intégrée au niveau de l'insertion sociale et professionnelle et qui dépasse largement la simple notion de placement ou de retour aux études. Les ententes conclues avec l'État et nos organismes membres, à titre de ressources externes, reposent trop souvent sur cette seule reconnaissance du placement pour évaluer la réussite de notre travail.

C'est très intéressant dans ce sens-là, la stratégie de lutte contre la pauvreté, parce que, comme ça fait bien longtemps qu'on existe, on a vu toutes sortes d'orientations gouvernementales, et, jusqu'à il n'y a pas très longtemps, toute la dimension d'insertion sociale qu'on faisait au niveau de l'intervention par rapport aux clientèles, c'était présent. En tout cas, on dirait que parfois ça l'est de moins en moins, la dimension insertion sociale, et que les résultats pour lesquels on nous finance, c'est souvent des objectifs très spécifiques au niveau de l'emploi. Et, dans ce sens-là, on salue puis on est content de voir que, dans le projet de loi, on élargit la notion d'intervention et de prévention dans la dimension d'insertion sociale. Autrement dit, on se reconnaît dans cette dimension-là aussi.

Au niveau de l'orientation 5, lorsqu'on parle de constance et cohérence, bien sûr, on est ? comment dirais-je? ? tout à fait conscient de l'importance du travail d'harmonisation, là, des différentes politiques et programmes de façon à ce que ce soit cohérent partout.

Lorsqu'on parle, dans l'article 7, de soutenir les activités communautaires qui contribuent à une inclusion sociale des personnes en situation de pauvreté, encore là, on dit: C'est la pratique quotidienne de nos organismes membres. Par souci de cohérence, il faudra retenir ce fait et, en assurant l'arrimage avec la politique de reconnaissance et de soutien de l'action communautaire qui a été adoptée récemment par le gouvernement, il faudrait faire la distinction entre les organismes d'action communautaire autonomes. Et on trouve important de reconnaître, là, la liberté d'orientation des ressources communautaires et leur approche holistique.

Lorsqu'on parle, à l'article 8, du renforcement du filet de sécurité sociale, économique, il faut se rappeler, là, qu'évidemment quelqu'un qui vit en situation de pauvreté et d'exclusion sociale, lorsqu'il est aux prises avec des problèmes de logement ou des problèmes d'alimentation, évidemment, il n'a pas les ressources de base pour se concentrer dans sa recherche d'emploi ou dans ses actions pour retourner au marché du travail. Dans ce sens-là, on va appuyer, là, les actions du gouvernement qui vont renforcer, je dirais, le filet de sécurité sociale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Paquet...

Mme Paquet (Lise): Oui. Alors, concernant l'ensemble de l'article 9...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...il vous reste trois minutes et demie.

Mme Paquet (Lise): ...trois minutes, parfait ? alors, traitant de l'accès à un emploi et à la valorisation du travail, nous vous rappelons que nos deux regroupements d'organismes entretiennent des relations soutenues avec le gouvernement, particulièrement depuis la création d'Emploi-Québec qui a instauré une série de mécanismes visant à la mise en place de partenariats.

Ainsi, à ce titre d'organismes dispensant des services spécialisés complémentaires au réseau public, nous sommes des partenaires qui sont, entre autres, formellement reconnus, depuis mars 1999, dans le cadre de l'énoncé d'orientations sur le recours aux ressources externes du ministère d'État au Travail et à l'Emploi. Depuis plus de 20 ans, notre vaste expertise et nos résultats plus que probants auprès des personnes sans emploi, et en particulier pour celles qui éprouvent des difficultés d'insertion socioprofessionnelle, font de nos organismes des acteurs incontournables dont l'État a tout intérêt à tenir compte.

Cette notion de partenariat est donc au coeur de nos relations avec l'État, et nous y avons investi, de plein gré et avec enthousiasme, beaucoup d'énergie et d'espoir. Or, au fil du temps, du renouvellement de nos contrats, nous constatons une fragilisation de nos ressources et nous sommes inquiets face à la volonté réelle de l'État de nous considérer comme des partenaires à part entière. Les conditions dans lesquelles nous exerçons notre mission auprès des populations démunies sont remises en cause. Pourtant, dans le contexte actuel, où le gouvernement se donne comme priorité la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, notre rôle est pourtant essentiel, puisqu'il contribue directement aux orientations de la présente politique.

Concernant l'article 10, qui souligne la volonté gouvernementale de favoriser la participation des organismes qui représentent les personnes en situation de pauvreté, par contre le financement des organismes qui les représentent ou qui viennent en aide demeure précaire.

Concernant le deuxième alinéa, nous convenons qu'il est important de supporter de nouvelles initiatives tout en évitant les dédoublements. Il importe également de maintenir et de consolider les expertises et les pratiques des organismes spécialisés en employabilité déjà existants qui se sont développés en intervenant auprès des personnes les plus vulnérables de notre société.

Alors, les mots d'ordre de ce chapitre, c'est vraiment reconnaissance, consolidation, stabilisation des organismes qui, avec l'État, ont développé un partenariat, et ça, depuis plus de 20 ans et qui contribuent largement à éliminer la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en terminant.

Mme Galarneau (Nicole): En terminant, on voudrait juste saluer la question du fonds spécial et dire que, par souci de cohérence avec les diverses politiques déjà existantes, on privilégie le fait que le volet emploi de la loi, puis de la stratégie, puis du plan d'action soit opérationnalisé et géré par Emploi-Québec. Ça éviterait toute la question du dédoublement et ça maintiendrait la cohérence sur le terrain dans les objectifs qui sont poursuivis.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est terminé? Oui? Alors, Mmes Paquet, Galarneau et Baillargeon, merci pour la présentation de ce mémoire. Alors, je cède la parole immédiatement à la ministre déléguée.

Mme Léger: Bonjour, mesdames. Merci d'avoir déposé un mémoire, de vous être regroupées. J'ai en tête le service d'aide à l'emploi de l'Est, là, qui est dans mon secteur comme députée de Pointe-aux-Trembles, alors ils font du travail extraordinaire. Je sais qu'ils font partie de vos regroupements. Un des deux peut-être, pas nécessairement... C'est ça.

Je vois que vous saluez la voie législative, là, qu'on prenne pour... Et la stratégie nationale, mais aussi la voie législative qui constitue pour vous un caractère structurant et durable, là. Alors, j'apprécie que vous en faites mention particulièrement.

Si je regarde un petit peu, vous avez dit tout à l'heure que vous vous inquiétez de votre situation fragile. Je sais qu'il y a eu beaucoup de discussions avec Emploi-Québec depuis... en tout cas, particulièrement voilà deux ans, de tout votre apport dans les ressources externes, etc. On me remettait un tableau, particulièrement, du financement que vous avez eu. Si je regardais 1998-1999, il y avait... Pour les ententes de services avec les groupes, c'est 101 millions qui a été mis à contribution pour 1998-1999 et une augmentation de près de 18 % en 2001-2002. Vous vous retrouvez à 119 %. Probablement que vous vous inquiétez pour 2002-2003. Je vois qu'à chaque année vous vous inquiétez toujours de la fragilisation, là, des services que vous faites, mais moi, je crois pertinemment... le travail que vous faites qui est extraordinaire et qui est très, très utile, parfois jumelé avec le carrefour jeunesse. C'est ce qui se retrouve chez moi, dans mon secteur.

Il y a une particularité, j'aimerais ça que vous... J'étais contente que vous veniez déposer un mémoire, et en discutant avec l'association dans mon comté, me disant puis me remettant à jour aussi sur toute la clientèle... Vous avez, dans votre mémoire, des clientèles très spécifiques, là, entre autres les personnes judiciarisées, le travailleur plus âgé, les personnes ayant des problématiques liées à l'alcoolisme, la toxicomanie. Bon, vous en avez énuméré plusieurs personnes qui sont là. Donc, vous touchez vraiment à ce que j'appelle toute la partie de l'exclusion sociale. On n'a pas vraiment eu beaucoup de groupes qui sont venus nous présenter... que leur association travaille plus directement, donne des ressources plus directement à cette clientèle-là. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus, comment vous vous retrouvez dans la stratégie nationale et dans la loi. Est-ce que vous vous retrouvez bien dedans? Est-ce que vous trouvez que les gens que vous desservez, c'est vraiment eux qui sont ciblés?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Paquet.

Mme Paquet (Lise): Peut-être pas suffisamment, à mon avis. Je considère qu'on ne fait pas nécessairement mention... Vous savez, on est souvent soumis plus aux mesures, dans des organismes en employabilité, qu'aux besoins spécifiques des personnes. Je m'explique. Souvent, c'est des programmes qui sont d'une durée très définie dans le temps, alors que, lorsqu'on fait affaire avec une personne qui a de multiples problématiques, c'est... dans une mesure de 10 semaines, qu'on sait à l'avance que cette personne-là, oui, elle va réussir à se réintégrer sur le marché du travail. Chaque personne est un peu différente puis réagit différemment à ces différentes problématiques, que ce soient des femmes qui ont vécu des situations de violence, que ce soient des judiciarisées, comme vous faites mention. Alors, il y a toute une portion de travail psychosocial qui est plus ou moins reconnue et d'accompagnement à la personne qui, souvent, crée des obstacles majeurs pour se maintenir en emploi, être accepté en emploi. La situation de pauvreté aussi, vous savez. Alors, pour une personne, aller se présenter devant un employeur, alors que, souvent, elle a peu d'estime d'elle-même, c'est quelque chose qu'on nie souvent dans notre société et qui est à la base même d'entrée... c'est le premier pas à faire pour réussir à entrer chez un employeur.

n(17 heures)n

Mme Léger: Mais vous le faites déjà, ça, hein?

Mme Paquet (Lise): Oui.

Mme Léger: Parce que, évidemment, quand on parlait tout à l'heure avec le groupe qui est venu précédemment, ce n'est pas tout nécessairement d'avoir un programme, mais aussi d'accompagner la personne dans son cheminement. Et parfois, le temps, si c'est un six mois, il aurait peut-être besoin de plus de temps, comme il y en a d'autres, c'est peut-être moins. Alors donc, dans le fond, vous voulez dire de vraiment l'assouplir en fonction du cheminement de la personne. Mais vous le faites déjà, ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Paquet.

Mme Paquet (Lise): On le fait, mais on est soumis à des mesures, alors ces mesures-là nous limitent dans notre action et parfois, même si nos organismes ont une mission très bien définie qui va avec le caractère psychosocial de notre intervention, on est soumis aux mesures de l'État pour rentrer la personne dans la mesure, non pas nécessairement suivre le cheminement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous voulez ajouter quelque chose, Mme Baillargeon?

Mme Baillargeon (Sylvie): Oui. Dans le fond, c'est un peu la reconnaissance, hein. C'est vrai qu'au niveau de la stratégie puis au niveau du projet de loi les clientèles qu'on dessert sont visées. Moi, je suis très contente de ça. Où on est plus resté un peu inquiet, c'est sur le rôle qu'on peut jouer et la reconnaissance de l'expertise qu'on a au-delà de la mesure. Nous, on se considère comme des organismes qui ont des missions spécifiques, mais qui peuvent aider les clientèles dans une approche globale. Le problème qu'on a, ce n'est pas juste l'argent comme tel, c'est l'argent pour faire quoi avec la personne. Comme dit madame, souvent on est classé dans une mesure. Au lieu d'être reconnu pour notre mission globale dans ce qu'on fait réellement avec un ensemble d'outils, on est reconnu dans une case spécifique, ce qui fait que ça limite l'intervention qu'on peut avoir. Et c'est ça qui n'est pas, comment dirais-je... À la fois dans la stratégie, on parle de soutien et d'organisation, mais, dans la stratégie, on mentionne quelques réseaux, mais on ne mentionne pas tous les réseaux, on fait état de quelques «success stories». Je donne l'exemple d'un regroupement, mettons, je ne sais pas, moi, les carrefours jeunesse ou le collectif des entreprises d'insertion, on en parle dans la stratégie, mais, oups! on ne parle pas des autres associations. Ça fait que, nous, c'est comme nos deux réseaux qui travaillent depuis très longtemps avec ces clientèles-là, on voit que nos clientèles sont visées, mais, nous, on n'est plus sûrs si on va pouvoir continuer à le faire de façon à rendre les services selon la globalité de la personne et non pas seulement à la pièce.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Il y a des questionnements sur cet aspect-là parce que. D'une part, je vais vous revenir un petit peu avec la politique de reconnaissance de l'action communautaire où, fondamentalement, ce qui est important dans la politique, ce que les organismes depuis 30 ans réclament et que, dans la politique, on le retrouve, toute la particularité de respecter la mission globale et l'autonomie de l'organisme. En même temps, vous êtes des organismes assez particuliers parce que vous oeuvrez dans l'employabilité, donc vous faites un lien direct avec Emploi-Québec, donc vous êtes une ressource externe, dans le fond, comme on les appelle, à ce niveau-là. Vous voulez vous faire reconnaître comme organisme communautaire, donc avoir cette reconnaissance-là qui parle de son tout, de sa mission globale, de son autonomie, d'avoir le soutien financier qui va avec cette reconnaissance-là. Avez-vous des discussions que vous avez eues récemment, avec particulièrement Emploi-Québec?

Mme Baillargeon (Sylvie): Bien, disons, par rapport à la politique de reconnaissance de l'action communautaire, on est mentionné, hein, les organismes en employabilité sont en principe inclus dans la politique de reconnaissance de l'action communautaire, sauf qu'il n'y a pas de financement qui va avec ça du tout. Ce qui est dit, c'est que c'est Emploi-Québec, sauf que, avec Emploi-Québec, il n'y a pas... Emploi-Québec, nous sommes en situation, oui, de ressources externes et d'entente de services. Emploi-Québec signe une entente de services spécifique avec chaque organisation en fonction d'un certain choix qui, en fin de compte, peut varier beaucoup, d'une région à l'autre, d'une localité à l'autre, d'un type de clientèle à l'autre. Alors, dans ce sens-là... Et on est en discussion actuellement sur cette question-là de la reconnaissance. En tout cas, pour nos deux regroupements en particulier, c'est très d'actualité, si je puis dire, et ce n'est pas attaché du tout, la question de la reconnaissance.

Mme Léger: Je me suis engagée, comme ministre responsable de l'action communautaire, d'une part, à tout ce travail-là et cette approche-là. Autant j'ai mes devoirs aussi à faire comme ministre, c'est-à-dire au niveau de tout l'appareil gouvernemental, de faire cette reconnaissance-là de l'action communautaire dans chacun des ministères. Il y a des ministères qui ont la structure d'accueil, qui ont les habitudes avec l'action communautaire, d'autres plus ou moins, qui ne connaissent pas nécessairement tout ce que fait l'action communautaire et toute la mission de l'action communautaire. Donc, la politique de reconnaissance, c'est ça. On s'est donné trois ans de mise en oeuvre. On commence la deuxième année. C'est un objectif.

Ceux de vos organismes, je pense qu'on part de pas mal plus loin, je vous dirais. Alors, pour réussir à faire, je pourrais dire, ce lien-là avec particulièrement Emploi-Québec, selon la mission que vous avez aussi à travers ça, parce que, effectivement, vous avez une clientèle qui est là, parce que c'est de l'employabilité, c'est directement, là... vous faites directement le lien avec son cheminement et le milieu de l'insertion par après, soit au marché du travail ou selon le degré, je pourrais dire, de cheminement que les personnes ont fait.

Mais je comprends très bien votre problématique. Il y a du cheminement à faire, mais je pense qu'il faut le faire de part et d'autre pour avancer, pour que la politique... que vous ne soyez pas les derniers reconnus nécessairement dans la politique. Mais vous êtes là, vous êtes mentionnés, puis je vais vous dire que ça me préoccupe, puis je suis très, très sensible à votre situation. Mais, en même temps, c'est tout un... une politique de reconnaissance comme ça qui n'existe pas à travers le monde. Il n'y en a pas, une équivalente comme ça. On apprend, à travers tout ça, à cheminer avec le milieu communautaire et l'appareil gouvernemental pour établir une relation la plus harmonieuse possible dans les prochaines années qui viendront.

Alors, je ne sais pas combien de temps il nous reste, parce que je veux laisser ma collègue...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes.

Mme Léger: Deux minutes? Bon. Alors, je vais laisser un de mes collègues...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je ne sais pas si nos invités veulent réagir ou bien s'ils préfèrent une question.

Mme Galarneau (Nicole): Je voudrais juste dire un petit mot. On est ici pour discuter notamment du projet de loi qui vise la pauvreté, et j'ai comme l'impression qu'on bifurque très rapidement sur la politique de reconnaissance de l'action communautaire. Donc, ça doit être très lié. Et je voudrais vous dire que, dans les organismes d'employabilité, on se reconnaît un caractère communautaire. On n'est peut-être pas communautaire autonome. Et on salue, par contre, dans la politique de reconnaissance de l'action communautaire, qu'elle a eu justement, cette politique-là, la largesse de considérer le communautaire pour ce qu'il est, en tant que communautaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Oui, Mme Paquet.

Mme Paquet (Lise): Je voudrais réagir un peu, Mme la ministre. Vous savez, c'est un très beau projet de loi. Moi, je vis plutôt avec la clientèle qu'avec les projets de loi. Mais je m'inquiète quand je vois, par exemple, le Fonds de lutte à la pauvreté et tout ce qu'on a fait autour de ça ? comment je dirais? ? comme publicité pour changer la situation des gens qui vivaient de la pauvreté. J'ai vu de nombreux projets. Il y a des gens qui sont restés au même niveau de pauvreté actuellement avec ces projets-là. Alors, je m'inquiète si vraiment la situation va changer, puis particulièrement pour les femmes que j'accompagne dans leur intégration au marché du travail. Quand je vois des femmes qui, à 35, 40 ans, retournent apprendre le métier de soudeuse dans l'espérance de changer leurs conditions de vie, monoparentale avec... pauvres, qui doivent aller aux soupes populaires, je... Voyez-vous, je pense que c'est des contextes vraiment difficiles pour ces clientèles-là. Est-ce que vraiment ce projet de loi va avoir des retombées sur le terrain pour les clientèles ou si on va uniquement encore utiliser des beaux projets mais qui, finalement, passent dans les structures?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Paquet. M. le député de Laurier-Dorion.

n(17 h 10)n

M. Sirros: Bien, je disais: Est-ce qu'on va donc avoir les mots mais pas nécessairement les oeuvres? Je revenais sur ce thème en Chambre cet après-midi, parce que, souvent, on a une façon, au Québec, de vraiment, tu sais, avoir un discours qui est parfait. On ne peut pas être contre les choses vertuelles... la vertu, tout le monde en prend note. Et on vit des réalités qui nous prennent dans nos tripes finalement, et on cherche une façon de... en tout cas, de faire avancer la société sur un certain nombre d'enjeux comme celui de la pauvreté. Et je ressens dans ce que vous dites une frustration par rapport au fait que, souvent, les petits pas qui sont faits de façon quotidienne et concrète ne sont pas valorisés, ne sont pas reconnus et que vous sentez que votre expertise n'est pas mise à profit dans la démarche qu'on a de lutte à la pauvreté. Je me rappelle, et corrigez-moi si j'ai tort, mais il me semble que, quand on a transféré la main-d'oeuvre au Québec, on l'a centralisée au Québec suite à l'entente avec le fédéral, il y a eu des moments difficiles que vous avez vécus. Vous avez ni plus ni moins été ciblés par les syndicats qui vous ont accusés de faire de la sous-traitance et, aujourd'hui, si les informations que j'ai sont exactes, il y a presque un droit de veto syndical sur les contrats d'externes à la main-d'oeuvre qui sont donnés.

Mme Baillargeon (Sylvie): Un droit de regard.

M. Sirros: Un droit de regard. Bon. On ne sait pas trop ce que ça veut dire, un droit de regard. Dans tout ça, je ressens que, vous, vous dites: On se voit comme des groupes communautaires, dans le sens qu'on travaille auprès des problématiques directes dans la communauté, auprès des populations précises, mais on n'est pas vus comme contribuant comme les groupes communautaires.

Mme Baillargeon (Sylvie): Ce qu'on dit, c'est qu'on veut être consolidés. On veut que la stratégie de lutte et le projet de loi utilisent au maximum les ressources que nous sommes...

M. Sirros: Et vous avez évoqué...

Mme Baillargeon (Sylvie): ...en nous consolidant, et ça, ça veut dire... puis c'est sûr que ça déborde le cadre de l'adoption du projet de loi, on en est conscients, mais il y a quelque chose au niveau de la mécanique dans notre relation partenariale au niveau de la reconnaissance qui nous préoccupe. Ceci dit, on se considère partie prenante de la stratégie dans la mesure où on intervient quotidiennement avec ces clientèles-là. Et même si, effectivement, ça n'a pas nécessairement été facile, la mise en place, là, du rapatriement de la main-d'oeuvre, tout le kit, c'est quand même ? comment dirais-je? ? ça s'est beaucoup amélioré...

Une voix: Chose du passé.

Mme Baillargeon (Sylvie): Chose du passé. Tu sais, on ne remet pas en question ce rapatriement-là, au contraire. Mais il reste qu'il y a des éléments qui nous précarisent ou qui nous fragilisent, et, dans le fond, on a voulu profiter de l'occasion aujourd'hui pour passer ce message-là que... Comme on trouve ça super qu'il y ait ce projet de loi là, puis que c'est nos clientèles qui sont visées, on dit: Oubliez-nous pas, puis attachons-nous ensemble pour vraiment faire du bon travail, là.

M. Sirros: Pouvez-vous les identifier, ces éléments qui vous fragilisent, ces gestes qui vous fragilisent? Parce que, il me semble, encore une fois, que vous êtes tout indiqués comme ressources ou comme lieu d'implication directe dans une lutte à la pauvreté qui est axée sur l'emploi. On parle de clientèles difficiles, loin du marché du travail, c'est vos clientèles. On parle d'une approche qui vise à valoriser le travail et permettre l'insertion au travail de ces personnes-là. C'est ce que vous faites. Et vous me dites que vous vous sentez fragilisés. Dites-moi: Qu'est-ce qui vous fragilise de façon concrète, précise, pour qu'on puisse avoir une idée dans quoi on opère?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon (Sylvie): Deux exemples. Un premier exemple qui est plus global par rapport à un certain nombre d'organismes. Quand, par exemple, je ne sais pas, on a un certain nombre de clients qui viennent nous voir, je donne l'exemple... en tout cas, c'est assez technique ce que je vais dire, mais enfin je pense que vous pouvez peut-être comprendre. On a un financement qui est dans l'enveloppe ou dans la mesure qu'on appelle SAE, ça veut dire Services d'aide à l'emploi. Cette mesure-là, mettons, pour des organismes qui reçoivent des gens qui sont sur l'aide sociale, quand ils sont dans la mesure SAE, ils n'ont pas accès au même soutien du revenu que lorsqu'ils sont dans une autre mesure qui s'appelle PPE. C'est très technique ce que je vais dire. Mais, quand il y a des clientèles qui viennent dans des services, ils ne peuvent pas nécessairement avoir accès au même soutien du revenu ou, encore pire, ils ne sont pas référés à la bonne ressource parce que la ressource PPE, en termes de soutien du revenu, elle coûte plus cher. Ça fait qu'on n'enverra pas le client à tel endroit, parce que les PPE, ça n'a pas le même impact financier. C'est un exemple pour vous dire que, dans le fond, on est parfois limité dans l'intervention qu'on peut faire où les clients n'ont pas nécessairement accès à nos ressources parce qu'on n'a pas tout à fait la bonne case.

L'autre exemple que je peux vous donner, il me touche personnellement, O.K.? Nous, à Intégration jeunesse, on a un bureau à Montréal et un à Québec, et là, actuellement, à Québec, on est dans une case x, et cette case-là... en tout cas, ce qu'on fait dans cette case-là pour la direction régionale Emploi-Québec, ça ne les intéresse plus, ils nous considèrent comme une ressource x, et ça ne les intéresse plus, et c'est fini, tout simplement. Alors, dans ce sens-là, on est très fragilisé dans la mesure où l'entente de services, l'achat de services qui peut être fait peut, comment dire, être terminé lorsque ça ne convient plus. Comprenez-vous? Dans ce sens-là, oui, ce qu'on fait, ça aide les clients, mais il faut aussi que ça corresponde à l'offre de services, et là notre lien de partenaire de négociation, ce n'est pas toujours facile.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je pense qu'il y a un complément de réponse de la part de Mme Paquet.

Mme Paquet (Lise): Oui, un complément. Un exemple aussi de fragilisation, c'est tout le pouvoir que se donnent les agents d'aide dans les centres locaux d'emploi sur les références des clientèles et sur leur acceptation. Par exemple, quelqu'un se présente et a besoin d'un service. Si, nous, on considère que la personne a vraiment besoin du service qu'on offre, l'agent dit non pour telle ou telle raison: parce que cette personne-là a déjà bénéficié de mesures, parce que cette personne-là n'a pas besoin nécessairement d'un service. Alors, c'est une raison qui fragilise également les organismes. Alors, il y a un pouvoir qui s'exerce d'organismes à l'État, aux agents d'aide dans les centres locaux d'emploi, qui, à mon avis, fragilise énormément toute l'intervention qu'on peut faire avec la clientèle. Alors, on est soumis à des règles, on ne peut pas prendre la cliente ou le client si le centre local d'emploi décide pour nous si on doit le prendre ou pas, alors qu'il correspond à notre mission, qu'il peut très bien rentrer dans nos services. Alors, c'est des irritants majeurs qui font que... Bon, on a des cibles à atteindre aussi. Si on a 300 clients par année, si on n'atteint pas cette cible-là, qu'importe le travail de réussite qu'on a fait... si on a 250 clients puis on a réussi avec ces 250 clients là, on nous menace d'une coupure parce qu'on n'a pas reçu nos 300 clients. Alors, ça, c'est la fragilisation.

M. Sirros: Je vous écoute parler, puis, en fait, on ne peut pas parler de partenaires. Vous n'êtes pas des partenaires, vous êtes des ressources qui sont là, et on vous réfère des clientèles si on estime que, pour la personne et pour d'autres considérations administratives, ça peut être utile de vous référer. Mais on peut du jour au lendemain décider que vous n'êtes plus utiles.

Moi, la question qui me vient à l'esprit, c'est: Pourquoi vous n'êtes pas impliqués, et est-ce que vous pourriez être impliqués dans la conceptualisation des mesures? Parce que vous avez dit tantôt que, souvent, on constate qu'on essaie de fitter la personne dans la mesure, et ça, c'est un thème qu'on a vu à d'autres moments et sur lequel on est intervenu encore avec le même genre de questions: Pourquoi il semble y avoir une lourdeur, une rigidité, une approche très normative par rapport à une problématique qui, elle, ne répond pas à des critères aussi rigides? Alors, est-ce que vous ne pourriez pas participer à la conception des mesures? En fait, vous aimeriez voir quoi comme solution au problème de fragilisation que vous identifiez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Galarneau.

Mme Galarneau (Nicole): Je vais tenter une réponse. Je pense que notre questionnement, il vient également... Comme vous avez mentionné, on n'est pas des partenaires. Il faudrait se poser des questions: Jusqu'où vont les services publics d'emploi? Et où commençons-nous à être en complémentarité? Aujourd'hui, les services publics d'emploi peuvent desservir de A à D ou à F, et, nous, on va faire de G à Z. Mais, la journée où les services publics d'emploi décideront d'aller jusqu'à O, bien, on... à récupérer... C'est un des questionnements qu'on a et qui n'est pas juste un débat que, nous, on peut dire... C'est un débat qu'on doit faire ensemble comme société. Je compare toujours ça aux services de la santé. Les CLSC, ils n'offrent pas tous les services, il en reste encore pour des complémentaires dans le privé ou chez les médecins dans les bureaux. Les CLE, ils ne peuvent pas offrir tous les services. Je me demande qu'est-ce qu'un agent d'aide dans un CLE peut faire quand il voit arriver... tantôt, Mme Grégoire mentionnait un carreauté avec les cheveux verts. Bien, on vous l'a dit, c'est généralement des clientèles avec lesquelles on traite, ce sont des gens où est-ce qu'il n'y a plus d'alternatives. On est le service... le service alternatives, on est la médecine alternative de la santé au travail.

M. Sirros: ...comme le médecin traite, ceux qui font de la médecine alternative.

n(17 h 20)n

Mme Galarneau (Nicole): Tout à fait, tout à fait.

Mme Baillargeon (Sylvie): Enfin, j'ai participé à l'élaboration des mesures. Je ne sais pas, je ne me prononcerai pas là-dessus aujourd'hui, mais certainement en tout cas que, quand on parle de partenariat, nous, on a répondu à l'appel du gouvernement à l'effet de participer aux structures partenariales. Nous en sommes. Et on ne rejette pas cette question-là actuellement, au contraire on veut s'asseoir avec Emploi-Québec, et c'est le sens des démarches qui se font actuellement de nos regroupements à l'effet de circonscrire, si vous voulez, les grands paramètres de cette relation partenariale là de façon à ce que nous puissions avoir la reconnaissance qui va nous permettre d'agir ensemble, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps, malheureusement, qui est mis à notre disposition. Je veux vous remercier, Mmes Paquet, Galarneau et Baillargeon, d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement les représentantes de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Et je suspends pour une ou deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

 

(Reprise à 17 h 23)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc reprendre nos travaux. Nous accueillons donc notre dernier groupe pour aujourd'hui. Il s'agit de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Alors, Mme Baril, Mme Roy, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, nous procéderons aux échanges.

Oui, vous pouvez... Est-ce que c'est Mme Baril qui... Oui. Alors, allez-y, Mme Baril.

Coalition des organismes communautaires
pour le développement
de la main-d'oeuvre (COCDMO)

Mme Baril (Geneviève): Bonjour. Ça fait deux fois que je vous vois en l'espace de moins de sept jours. Je suis très contente d'être ici encore une fois. J'ai mon chapeau Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre aujourd'hui.

Donc, voilà, nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui exprimer nos commentaires sur le projet de loi n° 112 qui ouvre une perspective différente puis une conception plus généreuse basée sur la personne. La Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre est engagée depuis près de 10 ans à travers ses organismes communautaires à combattre l'exclusion sociale et professionnelle des personnes marginalisées en situation de vulnérabilité. Le coeur de notre mission est la pleine reconnaissance du droit à la formation et du droit au travail pour toutes et tous. La Coalition regroupe près de 400 organismes communautaires qui oeuvrent auprès des personnes en démarche de réinsertion sociale et professionnelle, et nous sommes bien placés pour voir les ravages de la pauvreté d'un côté et, de l'autre, les efforts de ces personnes à se sortir de cette pauvreté.

Ce projet de loi vient donner à nos organisations et à toutes les personnes avec qui nous travaillons quotidiennement une reconnaissance au droit des personnes de pouvoir s'en sortir, mais il faut que cette volonté s'applique concrètement dans les mesures destinées aux personnes marginalisées et en situation de vulnérabilité. Si le premier «attendu» fait référence à la Charte des droits, il faut que l'application des mesures d'insertion sociale et professionnelle soit congruente et respecte le droit des personnes dans leur choix de cheminement et que la personne soit placée au centre de toutes les volontés et les actions qui seront posées.

Donc, pour la Coalition, le projet de loi n° 112 est un projet de loi solide qui permet au Québec d'être à l'avant-scène en matière de lutte à la pauvreté. Au Québec, comme vous le savez, plusieurs organismes luttent pour l'élimination de la pauvreté tant au niveau local que national. Ces organismes-là travaillent pour endiguer le problème de la pauvreté, transformer les mentalités ainsi qu'éliminer les préjugés; on n'a qu'à penser à la Marche mondiale des femmes à l'automne 2000 ou des marches qui ont été initiées par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. La Coalition que nous représentons s'inscrit dans ce mouvement-là; elle cherche à combattre l'exclusion et la pauvreté par l'accès à l'éducation, la formation et l'emploi. Par conséquent, la Coalition accueille donc de façon favorable le projet de loi et la stratégie de lutte qui l'accompagne. La Coalition salue également la démarche du Collectif. On peut constater que le projet de loi n° 112 contient plusieurs éléments qui ont été mis de l'avant par le Collectif; qu'on pense à l'idée même d'une loi, qu'on pense aussi à l'idée d'un conseil ou un observatoire sur la pauvreté.

La Coalition salue aussi l'approche globale du phénomène de la pauvreté que l'on retrouve dans le projet de loi en misant sur la prévention puis le renforcement du filet de sécurité sociale et économique ainsi que sur l'accès à l'emploi. Le gouvernement a une approche structurante et durable. De plus, nous accueillons très favorablement également que la lutte à la pauvreté, bien, ce soit un engagement et une mobilisation de tous les acteurs de la société.

Donc, je cède maintenant la parole à ma collègue Nancy.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Roy.

Mme Roy (Nancy): Merci. Nous avons concentré principalement nos commentaires sur les articles 8 et 9 du projet de loi n° 112, c'est-à-dire les articles concernant le filet de sécurité sociale et économique et l'accès à l'emploi qui sont, pour nous, indissociables. Il est très intéressant de voir qu'enfin un projet de loi vise à augmenter le filet de sécurité sociale et économique des personnes les plus vulnérables de notre société. Mais la Coalition propose que le plan d'action vise la levée des obstacles par l'assurance d'un revenu décent et des mesures facilitantes adaptées à la réalité de ces personnes-là. Il faut pouvoir offrir aux personnes les plus éloignées du marché du travail un accompagnement réel, basé sur des mesures de longue durée, un soutien financier et des mesures volontaires et incitatives. La politique de formation continue reconnaît l'importance d'accompagner ces personnes qui partent souvent de très loin, mais on doit leur donner les outils et valoriser le retour à la formation et aux études, et pas seulement le retour à l'emploi, sinon on ne fait que déplacer le problème. Que l'on incite une personne très peu formée et sous-scolarisée à retourner à l'emploi ne fait qu'engendrer un cercle vicieux de demandes répétitives d'aide de dernier recours. Il faut penser long terme et réinsérer ces personnes de façon définitive.

Il est question d'éléments très positifs, que ce soit dans le projet de loi, ou de la politique de formation continue, ou celle de la jeunesse, mais il faut que ça atterrisse dans la machine gouvernementale. Trop souvent, les volontés ne trouvent pas d'application et les mesures sont imposées sans que les personnes concernées n'aient fait un choix. Il faut rappeler que c'est la vie de cette personne-là qu'il est question. Ou sinon l'on voit trop souvent le financement de mesures de courte durée. Mais les personnes qui ont besoin de démarche de longue durée sont oubliées. On n'a qu'à penser également aux personnes sans chèque. Comment peut-on penser à une réinsertion sociale réussie si l'on ne pense qu'à survivre et que les mesures de courte durée ne répondent absolument pas aux besoins réels de ces personnes-là? Il faut mettre l'emphase sur les mesures de formation qualifiante de longue durée, hausser le niveau de scolarité des personnes et donner les moyens aux organismes communautaires de pouvoir accompagner ces personnes tout au long de leur parcours avec des conditions de réussite et qu'ils ne se voient pas contraints à passer d'une mesure à une autre, sinon on va perdre des personnes qu'on n'a pas les moyens de perdre.

Je passe maintenant la parole à...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baril.

Mme Baril (Geneviève): Oui. Toutefois, pour assurer une insertion sociale et professionnelle qui est réussie puis pour combattre aussi efficacement le problème de pauvreté, le gouvernement devra remédier, là, de façon, là... en tout cas rapidement, finalement, c'est ça que je veux dire... le gouvernement devra remédier au manque de congruence qui existe actuellement entre les volontés législatives qui sont inscrites dans le projet de loi n° 112 puis le... je sais que vous n'allez pas m'aimer, je vais encore vous parler des parcours, puis les mesures qui ont été récemment instaurées par le gouvernement. Rappelons que la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre a dénoncé vertement l'imposition des parcours obligatoires pour les jeunes de moins de 24 ans. Pour nous, une des conditions de réussite d'une démarche d'insertion est de prendre en compte qu'apprendre à l'âge adulte, c'est une action qui est volontaire. Intervenants terrains que nous sommes, on sait que c'est dans cette optique qu'on risque d'avoir de meilleurs résultats, et plusieurs intervenants vous le diront sur le terrain.

Or, le 1er novembre 2000, sont entrées en vigueur les dispositions législatives qui ont permis l'application des parcours obligatoires pour les jeunes prestataires de l'assistance-emploi. Le règlement prévoit des sanctions importantes au niveau financier, de 50 à 300 $ par mois, lorsqu'un prestataire refuse de participer à un parcours. À notre avis, c'est illusoire de penser qu'une approche coercitive de cette façon-là, injustifiée et discriminante, et, de surcroît, qui a des effets de priver financièrement des jeunes d'un revenu minimum pour une couverture des besoins essentiels... bien, pour nous, c'est illusoire de penser que ça peut se solder par des parcours de qualité avec une formation qualifiante et de longue durée.

n(17 h 30)n

Pourtant, on comprend mal pourquoi ces parcours-là ont été instaurés par le gouvernement, parce que les statistiques d'Emploi-Québec démontrent que les jeunes participaient déjà en grand nombre, sur une base volontaire, aux diverses mesures d'intégration en emploi. Je vous donne des chiffres. En 1999-2000, 152 328 adultes ont participé à ces mesures-là de façon volontaire et, là-dessus, 32 926 étaient âgés de moins de 24 ans. C'est donc dire que 22 % des utilisateurs, à ce moment-là, étaient des jeunes de moins de 24 ans. Ça marche, les jeunes y participent. On n'a pas besoin de les contraindre.

Néanmoins, bon, le projet de loi, dans son préambule, reconnaît cette volonté des personnes en situation de pauvreté, qu'elles sont capables de changer leur propre situation par elles-mêmes. Et là je vous cite le préambule: «Considérant que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion [...] sont les premières à agir, selon leurs capacités, pour transformer leur situation et celle des leurs...» La Coalition appuie fermement cet énoncé de principe là, mais croit que, dans le projet de loi, on devrait clarifier davantage la question de l'ambiguïté entourant toute la question de la participation volontaire et sans entrave aux mesures d'insertion sociale et professionnelle, et ça, sans compter que le projet de loi lui-même est fondé sur le droit des personnes. Donc, vous trouverez, à la page 8 de notre mémoire, le détail technique de notre recommandation à cet égard-là.

Toujours dans un esprit de congruence, la reconnaissance de l'action communautaire doit être arrimée et complémentaire aux orientations et aux interventions du gouvernement, particulièrement avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Pour la Coalition, la reconnaissance de la contribution des organismes communautaires dans le développement de la main-d'oeuvre doit trouver ses assises dans le projet de loi.

Il importe de rappeler que, par sa philosophie et ses pratiques, le milieu communautaire a toujours été un lieu d'émergence de nouvelles pratiques et de nouveaux champs d'intervention, et ça, il faudra en tenir compte lorsqu'on tombera dans le concret. C'est pourquoi il importe pour nous de consolider les actions et les expertises qui ont déjà fait leurs preuves et d'en prendre en considération en matière de réinsertion sociale et professionnelle et, évidemment, de travailler en partenariat avec les organismes en employabilité. Puis il ne faut pas oublier que ces organismes-là travaillent avec les clientèles qui sont directement ciblées dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Par ailleurs, bien, si on reconnaît le rôle des organismes communautaires dans le développement de la main-d'oeuvre, bien, il faut aussi leur reconnaître un financement qui est adéquat pour que ceux-ci puissent justement offrir des programmes de réinsertion de longue durée répondant aux besoins des personnes qui sont dans le besoin, qui vivent des situations de pauvreté.

Une autre affaire aussi qui me fait sourire. C'est toujours surprenant, le gouvernement, il développe plein de politiques qui sont bien intéressantes au niveau de la formation, au niveau de la reconnaissance du milieu communautaire, au niveau jeunesse, mais il semble qu'ils sont toujours traités de façon... en silo, séparément. Donc, pour nous, il est très important qu'il y ait justement... que ce soit transversal, le traitement de tout ça, surtout avec tout le lien avec la reconnaissance... avec la politique, c'est-à-dire, de l'action communautaire, qui devrait se retrouver dans le projet de loi. Il est aussi temps d'associer les autres acteurs aussi de la société à la lutte à la pauvreté. On pense aux entreprises, aux grandes institutions publiques.

Par ailleurs ? puis là je vais vite parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps ? la clause d'impact. Donc, toutes les recommandations stipulées plus haut conduisent à une recommandation centrale incontournable. Nous avons mis en lumière de nombreux exemples du manque de congruence entre les volontés législatives du gouvernement et plusieurs politiques gouvernementales déjà en place. C'est pourquoi, pour renforcer le caractère-cadre et le programme de la loi n° 112, nous exigeons qu'une clause d'impact soit introduite. Cette clause assurera que toute décision gouvernementale sera congruente avec les fins poursuivies par le projet de loi. Et cette loi devra avoir prépondérance sur les autres lois.

Par ailleurs, on est en appui avec le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté en ce qui concerne la fusion du Comité consultatif ainsi que de l'Observatoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Roy, en conclusion.

Mme Roy (Nancy): Oui. Donc, si l'on veut réellement vaincre la pauvreté, il faut se donner des outils d'insertion sociale et professionnelle réussis et non pas déplacer le problème avec des mesures de trop courte durée et que l'on voit trop souvent financées par le gouvernement. Il faut investir dans les personnes les plus vulnérables pour qu'elles puissent trouver leur place dans notre société qui se veut innovatrice et porteuse de solidarité. Il faut que ce projet de loi nous donne des outils, la portée, les moyens de réalisation pour que, enfin, la personne soit une priorité sociale. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Je vous remercie, mesdames. Je cède donc immédiatement la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bonjour, Mme Baril, encore une fois. Vous êtes une femme engagée. Et, aujourd'hui, c'est drôle, mais il y a juste des femmes qui viennent aujourd'hui. Alors, c'est des groupes, dans le fond, qui travaillent avec des tables de concertation, d'employabilité, communautaires. Je ne sais pas si c'est un réseau particulièrement pour les femmes, mais, en tout cas, on a une belle représentativité féminine cet après-midi.

Je vois que vous saluez le projet de loi que vous considérez un projet de loi solide qui met le Québec à l'avant-scène en matière de lutte à la pauvreté, d'une part. Vous accueillez aussi favorablement l'idée voulant que la lutte à la pauvreté, dans le fond, doit reposer sur un engagement et une mobilisation de l'ensemble de la société québécoise ? Mme Baril, vous avez eu à le dire assez souvent.

Vous allez me permettre avant d'aller plus loin, dans votre mémoire, de rectifier certaines allégations qui se sont faites un petit peu avant avec le groupe précédemment. D'abord, sur le Fonds de lutte, on a dit qu'on ne comprenait pas, dans le Regroupement avant, particulièrement que les réussites du Fonds de lutte... Je dois vous dire que le Fonds de lutte, à date, depuis six ans, de 1997 à 2002, c'est 376 millions qui ont été investis, c'est plus de 38 000 postes qui ont été créés, c'est plus de 5 000 projets qui ont été mis de l'avant. Il y a un taux de réussite de la première phase, les premiers trois ans, de 70 %, de taux de réussite, dans le fond, de taux d'intégration. Donc, c'est une belle réussite, le Fonds de lutte, assez que le Sommet de la jeunesse nous a demandé de le reconduire pour la deuxième phase qui a été de 2000 à 2003, et actuellement, comme on s'en va dans un fonds spécial, donc qui termine le Fonds de lutte, on doit aussi faire cette transition-là avec un fonds spécial, et les gens veulent le reconduire, ce fonds spécial là. Donc, alors, j'imagine que ça doit être une réussite si on veut aller plus loin mais malgré qu'on a des améliorations à faire, puis on est en train de travailler sur différents scénarios à ce niveau-là.

On a dit tout à l'heure aussi... Je voulais rectifier au niveau des organismes communautaires, particulièrement les organismes d'employabilité qui sont des organismes communautaires, pas nécessairement des organismes communautaires autonomes, et je sais que ça fait un peu de jargon pour les gens qui ne connaissent pas vraiment toute cette appellation-là. Mais le soutien financier qu'on peut donner comme gouvernement à ces organismes-là, il y a d'abord un financement qu'ils souhaitent pour leur mission globale, un financement qui peut se faire par projet et un financement qui peut se faire par entente de services. Les organismes d'employabilité, c'est surtout des ententes de services. Entente de services, ça veut dire qu'il y a une relation directe avec le gouvernement d'une entente très spécifique, très... je pourrais dire, très précise, et ces ententes-là font affaire avec particulièrement Emploi-Québec, pour les organismes d'employabilité.

Et on disait tout à l'heure qu'il y avait des agents des CLE qui n'avaient pas nécessairement toute cette perception puis toute cette approche-là. Il y a un travail immense qui se fait de nos agents actuellement de probation, des agents dans nos CLE du Québec, qui font un travail extraordinaire, d'une part, et on a renforci dans leur formation l'accueil. Ce n'est pas évident, une personne qui arrive, puis qui est très éloignée du marché de travail, d'une part, ou très éloignée de l'appareil ? je vais dire ? de l'État... se retrouver à rentrer dans un CLE, c'est sûr que ce n'est pas évident. Elle voit l'État derrière un CLE, un centre local d'emploi, si on veut bien le nommer ainsi. Donc, il y a du travail immense qui se fait. Alors, j'aimerais qu'on fasse attention à pas généraliser... je veux dire, surtout généraliser, mais pas rendre des cas plus spécifiques de situations qui peuvent intervenir. Et Emploi-Québec doit jouer son rôle aussi. Alors, c'est elle qui, aussi, doit se soumettre à certaines décisions qu'ils doivent faire, et les organismes d'employabilité, bon, parfois n'ont pas nécessairement toujours cette facilité-là avec Emploi-Québec. Mais on est en train de remédier puis à vouloir faire avancer les choses. Et j'étais contente d'entendre les regroupements nous dire que, dans la définition des mesures, ils participent, puis effectivement ils participent à des conseils régionaux des partenaires du marché du travail avec la Commission des partenaires du marché du travail. Alors, permettez-moi de refaire cette correction-là.

n(17 h 40)n

Moi, je veux revenir avec... Vous avez dit particulièrement que... dans votre mémoire, qu'on devrait reconnaître spécifiquement la contribution des organismes communautaires qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion sociale et professionnelle. Pourquoi une telle reconnaissance spécifique à ces organismes et pas aux autres?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Roy.

Mme Roy (Nancy): Pourquoi pas aux autres? Parce que la Coalition regroupe des réseaux d'organismes voués au développement de la main-d'oeuvre et regroupe sous quatre volets, donc la formation, l'éducation, l'insertion et la réinsertion et, également, la défense des droits et au développement local. Donc, pour nous, tous ces organismes-là font de l'insertion sociale et professionnelle de leur clientèle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Léger: O.K. Mais vous voulez que ce soit spécifiquement... Vous dites: «devraient être reconnus spécifiquement», donc ça n'enlève pas nécessairement les autres, spécifiquement à votre...

Mme Roy (Nancy): Non, c'est ça.

Mme Léger: O.K. D'accord. C'est sûr que, Mme Baril, vous disiez tout à l'heure: tout le parcours obligatoire, les discussions. Je ne peux pas laisser passer ça nécessairement. Moi, j'ai bien de la misère, je vous le dis là, j'ai bien de la misère à voir un jeune de 20 ans qui est un prestataire de la sécurité du revenu, qui est sur l'aide sociale, quand il y a des immenses possibilités. C'est notre jeunesse de demain. Alors, c'est sûr qu'il y a peut-être un raffinement dans la façon d'appeler les choses. Parce que, quand on regarde tout Solidarité jeunesse, le programme Solidarité jeunesse, les gens nous disent que, même après, une fois qu'ils sont impliqués dans le cheminement de ce programme-là, ils sont contents qu'on les ait un petit peu bousculés à travers ça. Donc, c'est peut-être, je pourrais dire, le raffinement de ces approches-là. Mais, moi, je reste convaincue qu'un jeune qui a 18, 20 ans, 22 ans, 24 ans ne peut pas se retrouver sur l'aide sociale quand il a toutes les capacités pour intégrer le marché du travail, ou se former, ou s'intégrer de n'importe quelle forme qui pourrait être, qui va être à sa mesure à lui puis à ce qu'il veut. Alors, c'est sûr que je ne veux pas repartir un débat avec vous, parce que je sais que c'est bien important, mais, en même temps, je pense à tous les Québécoises et Québécois qui nous écoutent puis qui disent: Aïe! ça n'a pas de bon sens qu'un jeune de 20 ans, on ne le sort pas de là, puis on ne l'aide pas, puis on ne provoque pas la situation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Baril.

Mme Baril (Geneviève): Si je peux me permettre. Premièrement, je pense que personne n'aime ça être sur l'aide sociale. Première chose. Deuxième chose, je suis d'accord avec vous que ce n'est pas normal, si la personne est capable justement de travailler puis qu'elle a les habilités pour le faire, qu'elle soit sur ce programme-là. Par contre, je ne sais pas si vous avez des enfants, mais, en tout cas, à toutes les fois que ma mère me disait, moi, de ne pas faire de quoi, bien je le faisais, tu sais. Je pense que c'est souvent la réaction des ados, puis c'est souvent une réaction qui est normale aussi. Par contre, à cet âge-là, ils sont rendus des adultes, et tout ça, mais il reste que, quand même, je pense que ce n'est pas en ayant une démarche où est-ce qu'on leur oblige de faire un parcours ou quoi que ce soit qu'ils vont comprendre pourquoi qu'il faut qu'ils fassent cette démarche-là. Je pense que tous les psychologues vont vous dire la même affaire là-dessus. Donc, c'est un peu l'idée qu'on a.

Puis, actuellement, les parcours... en tout cas, des focus groupes ont été faits. Comme je vous l'ai dit la dernière fois, le Comité aviseur-jeunes d'Emploi-Québec est en train de faire une étude. Les résultats préliminaires nous démontrent que les jeunes ne sont pas satisfaits des parcours obligatoires, ça ne répond pas à leurs attentes, que les approches qui sont préconisées là-dedans, c'est des approches très rebutantes pour ces jeunes-là. Donc, la philosophie de Solidarité jeunesse, elle est certes intéressante. On ne voit pas pourquoi à ce moment-là on est obligé d'avoir des parcours pour obliger les jeunes à s'engager là-dedans. Si on prend plus de temps avec ces jeunes-là, avec un accompagnement de plus longue durée, parce qu'ils sont peut-être très loin du marché du travail, on se dit qu'on va peut-être réussir justement à les insérer puis que ce soit une insertion qui soit réussie. Mais, en les obligeant de cette façon-là, j'ai des gros doutes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Léger: Par contre, Mme Baril, c'est sûr qu'au niveau de la durée il y a des discussions qu'on peut avoir, vous dites... Bon, parfois c'est trop court, parfois on pourrait le faire plus long. Il faut que ce soit davantage plus personnalisé. Solidarité jeunesse est un exemple bien concret quand on parle du vécu du jeune. Je vois Ma Place au soleil aussi. Il faut quand même que ces programmes-là existent pour qu'un carrefour jeunesse-emploi, ou qu'un service d'aide à l'emploi, ou certains organismes qui sont là aussi pour donner un coup de main à ces jeunes-là puissent avoir sur la table différentes avenues, puis discuter avec le jeune, puis voir avec le jeune. Je veux dire, il y a des jeunes... En faisant toutes les tournées puis tous les groupes que j'ai pu rencontrer, je veux dire, c'est extraordinaire, le travail qui se fait dans ces organismes communautaires là ou les organismes d'employabilité. Mais, en même temps, je veux dire, moi, j'ai une obligation morale, je pourrais dire, de ne pas laisser le jeune dans une situation qu'on ne peut intervenir, puis l'aider, puis l'accompagner. Alors, je pense que c'est peut-être une question de... Je comprends, vous parlez de l'adolescent particulièrement. Oui, j'ai une fille de 17 ans et, évidemment, je veux dire, c'est sûr que c'est toujours l'idée de ne pas... de toute la démarche mais à l'encontre des fois de l'autorité, puis qu'on ne veut pas... Je comprends toute la psychologie du jeune que vous apportez. Mais il reste que, pour moi, il y a une obligation morale qui doit être là, mais on pourrait en discuter longtemps. Je vais laisser mon collègue, là, s'il y a quelques minutes, s'il veut poursuivre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, oui, il reste quelques minutes, M. le député de Maskinongé, tout en vous précisant qu'il reste trois minutes.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Tantôt, vous avez parlé, là, de l'accès à des programmes de formation et d'insertion de longue durée. Je voudrais revenir un peu là-dessus. Je ne sais pas si vous connaissez effectivement la politique gouvernementale d'éducation des adultes puis de formation continue. D'après vous, si vous la connaissez, est-ce que ça répond à la demande ou si ça ne répond pas? Si ça ne répond pas, qu'est-ce qu'il faut faire? Puis, si ça répond, comment est-ce qu'on peut l'intégrer?

Mme Roy (Nancy): Oui, je vais répondre. La politique de formation continue et la politique d'éducation des adultes viennent pour la première fois dire: Oui, il y a des personnes qui semblent très loin qui ont besoin de mesures de longue durée. Mais, souvent, on ne voit pas ça atterrir dans les programmes. Souvent, les mesures d'Emploi-Québec... bon, il y a de très bonnes mesures, que ce soit Solidarité jeunesse ou encore Ma Place au soleil, on ne vient pas remettre ça en question parce que c'est des bonnes mesures, mais ce qu'on vient dire aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas assez de mesures de longue durée.

Il y a des clientèles qui partent de très loin, qui ne peuvent pas en six mois retourner sur le marché du travail parce qu'elles vont revenir sur l'assistance-emploi. Elles ont besoin... souvent, ces personnes-là ne savent ni écrire ni lire, donc il y a une insertion sociale qui est assez longue, une insertion professionnelle ensuite avec des mesures qui sont adaptées à cette personne-là. Mais il faut l'équiper au niveau de la formation, il faut pouvoir que cette personne-là puisse réintégrer un emploi de qualité ensuite, de ne pas mettre la pauvreté au travail.

Donc, ce qu'on vient dire, c'est: Oui, la politique de formation continue répond à un besoin des personnes, vient reconnaître que des personnes ont besoin d'accompagnement puis de mesures de longue durée, mais il faudrait que ça atterrisse dans la machine, puis il faudrait que les personnes puissent y avoir droit. Parce qu'on a vu trop souvent des gens à qui il restait un mois ou deux d'aide financière et, finalement, on leur coupait le programme: Bien, c'est fini, ce n'était pas une longue durée. Donc, pour nous, on vient dire aujourd'hui clairement: Offrez, investissez dans la personne, offrez-lui des mesures de longue durée et qualifiantes, pas juste des formations qui ne répondent pas à son besoin. Il faut écouter la personne, il faut investir dans cette personne-là et en la formant avec des mesures qualifiantes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste une minute à peine, même pas une minute, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: O.K., on fait ça vite, vite.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, courez.

M. Désilets: Ce que je comprends, c'est qu'il y a certaines mesures qui sont bonnes, mais est-ce que je comprends également qu'il faut les diversifier, il faut en avoir plus et revenir avec des mesures que le communautaire pourrait contrôler?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Roy.

Mme Roy (Nancy): Je n'aime pas le mot «contrôler».

M. Désilets: Bien, contrôler dans le sens de donner, prendre en charge.

Mme Roy (Nancy): Oui, il y a le communautaire, oui, qui accompagne souvent. Je peux vous donner un exemple...

Une voix: ...

Mme Roy (Nancy): Oui. Je peux vous donner un exemple d'un organisme comme le RESO, à Montréal, qui accompagne les gens à partir du moment de l'accueil jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école, il les accompagne. Ces personnes-là ne peuvent souvent pas faire 40 heures par semaine d'école, ils ont des enfants, ils ont des problématiques sociales, familiales, donc il leur faut un accompagnement avec un niveau de confiance, donc, jusqu'à la fin de l'insertion. Parce que, si on veut que ce soit réussi, il faut aller jusqu'à la fin, mais avec un accompagnement réussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, on va poursuivre avec M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue également. Je constate que beaucoup... d'ailleurs, rebienvenue une deuxième fois. Et je constate également que beaucoup de vos membres sont venus ou vont venir nous dire ou nous ont déjà dit plusieurs de ces éléments-là. Quand vous êtes venus vous asseoir à la barre des témoins au début, j'avais comme une question qui me venait à l'esprit: C'est quoi, la différence entre la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre et ceux qui vous ont précédés, qui étaient le Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité? J'ai eu ma réponse en regardant un peu qui constitue la Coalition: c'est une coalition de regroupement, donc en quelque sorte... Oui?

n(17 h 50)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Roy.

Mme Roy (Nancy): Si je peux juste vous éclairer.

M. Sirros: Pour l'essentiel.

Mme Roy (Nancy): Oui, on regroupe les réseaux qui sont les réseaux nationaux...

M. Sirros: Mais pas juste les réseaux, vous avez aussi d'autres membres, comme le Conseil permanent de la jeunesse, le Conseil...

Mme Roy (Nancy): Oui, c'est ça, exactement, et sous quatre volets, comme je vous ai expliqué tantôt. Et nous avons trois représentants à la Coalition qui sont sur la Commission des partenaires du marché du travail et ainsi que deux représentants également communautaires qui sont sur chacun des conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Et les candidatures passent, pour les nominations, par la Coalition.

M. Sirros: O.K. Mais donc il y a aussi... il y a des réseaux, mais il y a aussi des groupes particuliers...

Mme Roy (Nancy): Comme l'Association des CLD du Québec.

M. Sirros: Comme l'Association des CLD, la Table L'Inter-CDEC de Montréal. Alors, il y a souvent des choses qui se regroupent. Et, dans ce sens-là, je prends bonne note de vos commentaires. Je n'ai, honnêtement, pas d'autres questions supplémentaires à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous avez terminé. Est-ce qu'il y a consentement? Mme la députée de Berthier... D'accord. Mme la députée.

Mme Grégoire: Merci. Alors, juste pour faire suite peut-être à ce que le député de Maskinongé demandait, parce que là-dessus je ne pense pas qu'on soit en ligne. Il demandait: Est-ce que vous avez besoin de plus de mesures? Moi, je pense que la question, c'est: Est-ce que vous avez besoin de plus de moyens? Mais est-ce qu'on a besoin encore de plus de mesures pour segmenter le marché? Je pense que c'était la question qu'il vous posait. Puis je serais curieuse... je n'ai pas entendu... ce n'était pas clair. La réponse, ce n'était pas clair pour moi ou je pense qu'elle n'est pas venue parce qu'il manquait de temps. Je repasse... je reprends la pôle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Roy.

Mme Roy (Nancy): Ce n'est pas la quantité de mesures, je pense, qui est importante pour les gens mais qu'une mesure réponde à leurs besoins. Et souvent, elles sont tellement compartimentées, ces mesures-là, que, si tu ne rentres pas dans cette coche-là, bien, c'est bien de valeur, mais tu n'en as pas. Donc, je pense que les mesures doivent être souples et diversifiées et s'arrimer avec les partenaires de la société. Je pense qu'on ne doit pas réinventer toutes sortes de mesures, on ne doit pas réinventer non plus ce qui existe déjà, mais de s'arrimer avec tout ça et d'offrir aux personnes l'opportunité de pouvoir se qualifier, de pouvoir trouver leur place dans la société pour enfin s'en sortir. Parce qu'il ne faut pas oublier que c'est des cycles générationnels après, on hypothèque la génération qui suit. Donc, je pense qu'il faut investir dans la personne avec une mesure qui est peut-être plus souple, mais pas une augmentation de mesures.

Mme Grégoire: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va, Mme la députée de Mercier? Alors, Mme Baril, Mme Roy, merci de votre participation aux travaux de notre commission. Là-dessus, j'ajourne les travaux à demain, mercredi le 30 octobre, à 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 53)


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