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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 5 novembre 2002 - Vol. 37 N° 86

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Ce matin, comme vous le savez, la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) va être remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Labbé (Masson) par Mme Caron (Terrebonne); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Lamquin-Éthier (Bourassa).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Je vous fais lecture de l'ordre du jour. À 9 h 30, nous rencontrerons les représentants et représentantes du Conseil des aînés; 10 h 15, la Confédération des organismes familiaux du Québec; suivie, à 11 heures, par le Conseil de la famille et de l'enfance; 11 h 45, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre à 15 h 30 avec l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons et Moisson Montréal inc.; 16 h 30, Regroupement des groupes de femmes de la région 03 (Portneuf-Québec-Charlevoix) et Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière; et, à 17 h 30, M. Redouane Hamza, pour ajourner nos travaux à 18 heures.

n (9 h 40) n

Alors, sans plus tarder, nous accueillons avec beaucoup de plaisir ce matin la présidente et membre du personnel du Conseil des aînés, Mme Hélène Wavroch, qui est présidente, et Mme Monique des Rivières. Alors, madame, je vous cède la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Auditions (suite)

Conseil des aînés

Mme Wavroch (Hélène): Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, permettez-moi de vous rappeler un petit peu qui est le Conseil. Le Conseil des aînés est un organisme consultatif représentant les aînés du Québec. Composé d'aînés, il présente une vue d'ensemble de leur situation et conseille le gouvernement sur toute question qui les concerne. Il assure la communication entre les aînés et le gouvernement et travaille à promouvoir les intérêts des aînés, leur droits et leur participation à la vie collective.

En juin dernier, le gouvernement rendait public un énoncé de politique intitulé La volonté d'agir, la force de réussir, Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et déposait le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Les aînés, comme d'autres catégories de la population québécoise, sont représentés parmi les personnes en situation de pauvreté. Le Conseil des aînés a donc analysé à la fois l'énoncé de politique et le projet de loi n° 112 afin de voir s'ils répondront aux besoins des aînés en situation de pauvreté. Ce sont donc ces observations que le Conseil souhaite vous présenter ce matin.

D'entrée de jeu, le Conseil des aînés veut manifester sa déception devant l'absence de prise en considération des aînés dans le projet de loi. Bien que le Conseil ait participé au groupe-conseil qui a accompagné l'élaboration des documents, il retrouve très peu de références à la population aînée dans l'énoncé de politique et le projet de loi. Tout au plus, l'énoncé de politique dresse un tableau de la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent plusieurs personnes âgées seules, dont majoritairement des femmes. Cependant, les orientations et les axes d'intervention définis par la suite ne font plus référence à cette réalité.

Le Conseil rappelle donc que les personnes âgées, qui constituent à l'heure actuelle 13 % de la population, sont des citoyens au même titre que les autres Québécois et Québécoises. Loin d'être uniquement des bénéficiaires de services, comme plusieurs le croient, les aînés ont payé et paient encore des impôts. Également, ils sont nombreux à être bénévoles au sein d'organismes communautaires sur lesquels l'État s'appuie pour offrir certains services à la population. D'ailleurs, la stratégie veut favoriser l'engagement de la société dans la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Les aînés veulent contribuer à la Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, ils veulent également que les plus démunis d'entre eux puissent en bénéficier.

Par le projet de loi, précédé d'un énoncé de politique, le gouvernement se donne un cadre pour le guider dans sa lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le Conseil des aînés salue cette initiative qui a pour but de favoriser la mise en oeuvre d'actions visant à contrer la pauvreté et l'exclusion sociale et amener une plus grande cohérence des actions. La stratégie nationale convie donc l'ensemble de la population du Québec à se fixer une cible, soit celle d'amener le Québec d'ici 10 ans au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres. Toutefois, à l'instar du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, le Conseil des aînés souhaiterait qu'on ajoute à cette cible celle de faire passer le Québec au rang des pays industrialisés comptant le moins d'écart entre le cinquième le plus pauvre et le cinquième le plus riche de la population.

Le Conseil salue aussi les buts et les orientations identifiés par la stratégie nationale, lesquels manifestent un effort d'améliorer la situation des personnes qui vivent dans la pauvreté et qui sont socialement exclues tout en agissant au niveau de la prévention.

En termes de prévention, on souhaite notamment assurer le développement du potentiel des personnes. Le Conseil veut rappeler quelques éléments de la problématique des travailleuses et travailleurs vieillissants, lesquels sont d'ailleurs identifiés dans l'énoncé de politique parmi les groupes vulnérables. Les statistiques indiquent, en effet, que plus du quart des personnes de 45 ans ou plus sur le marché du travail n'ont pas complété leurs études secondaires. Pour cette raison, entre autres, leur situation sur le marché du travail est parfois précaire.

La formation continue des adultes constitue un outil essentiel à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Toutefois, les possibilités d'apprentissage des travailleurs âgés font l'objet de stéréotypes et de préjugés. Les entreprises croient parfois que les travailleurs âgés ne peuvent plus acquérir de connaissances ou bénéficier de formation en raison de leur âge. En corollaire, les travailleurs âgés eux-mêmes croient parfois qu'ils ne peuvent plus apprendre. La stratégie devra donc travailler à éliminer ces préjugés, notamment en adaptant des mesures pour favoriser et faciliter la formation des travailleuses et travailleurs âgés de 45 ans et plus.

La seconde orientation s'engage à renforcer le filet de sécurité social et économique. Or, bien que l'énoncé de politique identifie parmi les clientèles vulnérables les femmes seules âgées, lesquelles disposent généralement de revenus inférieurs à ceux des hommes du même âge, on ne retrouve aucune indication qui pourrait laisser croire qu'on tentera d'améliorer le revenu accordé aux personnes âgées en situation de pauvreté, si ce n'est qu'en demandant au gouvernement fédéral d'harmoniser les seuils d'imposition nulle avec ceux du Québec.

Les personnes seules âgées de 65 ans ou plus disposent d'une somme légèrement supérieure à celle d'un prestataire de l'assistance-emploi avec contraintes sévères à l'emploi. Toutefois, les personnes âgées doivent contribuer pour leurs médicaments, des lunettes, un éventuel déménagement, alors que les prestataires de l'assistance-emploi peuvent obtenir des remboursements pour l'achat de certains biens et services. Les personnes âgées seules, qui sont majoritairement des femmes, devraient donc disposer de revenus supplémentaires.

La seconde orientation prévoit aussi des actions visant à favoriser l'accès à un logement décent à un prix abordable de même que le développement du soutien communautaire aux personnes les plus démunies socialement. Les aînés peuvent d'ailleurs bénéficier de divers programmes à leur intention. Un programme géré par la Société d'habitation du Québec, le Programme d'adaptation du domicile pour les aînés, a cependant dû cesser d'accepter de nouvelles réclamations depuis le 31 mai 2002, faute de fonds. Le Conseil estime que ce programme, compte tenu de son utilité, devait être repris avec des budgets additionnels et suffisants.

Le Conseil souhaite également faire quelques remarques en lien avec l'orientation 3 visant à favoriser l'accès à l'emploi et à valoriser le travail. Ainsi, il croit qu'une attention particulière doit être accordée aux travailleurs vieillissants âgés de 45 ans ou plus. En effet, afin d'en finir avec les retraites anticipées massives, les milieux de travail devraient développer des formules de travail mieux adaptées aux travailleurs vieillissants, formules susceptibles de permettre un travail partiel ainsi qu'un retrait progressif de l'emploi. Une meilleure gestion des travailleurs âgés pourrait éviter des mises à pied, garder les personnes au travail plus longtemps, favorisant ainsi des revenus meilleurs tant pendant la période active qu'à la retraite. Une participation plus soutenue au marché du travail des personnes de 45 ans ou plus pourrait être, de l'avis du Conseil, une façon de lutter contre leur pauvreté et leur exclusion sociale.

Dans le contexte de l'amélioration de la qualité des emplois, il est question de mesures permettant de mieux concilier le travail et la famille. À cause, notamment, du vieillissement de la population, la conciliation travail-famille signifiera de plus en plus souvent s'occuper de parents âgés, dépendants, de grands-parents. Le Conseil des aînés souhaite que les mesures mises en place pour favoriser la conciliation travail-famille privilégient une définition de la famille large plutôt que limitée aux seuls enfants jeunes.

Pour ce qui est de l'orientation 4, qui vise l'engagement de l'ensemble de la société, le Conseil rappelle que de nombreuses personnes aînées sont impliquées dans l'action bénévole et communautaire. Il importe de reconnaître cet engagement social des aînés et de soutenir leur participation.

Enfin, le gouvernement veut s'assurer de la constance et de la cohérence de ses actions en matière de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est d'ailleurs dans la poursuite de cette orientation que seront créés le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'Observatoire et le fonds pour appuyer les initiatives d'inclusion sociale. Toutefois, afin de donner à la loi un caractère prépondérant, le Conseil des aînés estime qu'il y aurait lieu d'y inclure une clause d'impact, c'est-à-dire une clause qui prévoit que toutes les décisions gouvernementales doivent être examinées à la lumière de leur impact sur la pauvreté et la réduction des écarts.

Le gouvernement devrait adopter et rendre public un plan d'action gouvernemental précisant les activités qu'il doit réaliser pour atteindre les buts poursuivis. Le Conseil estime qu'une mesure devrait figurer dans l'énoncé initial du plan d'action, à savoir le retour à la gratuité des médicaments pour les prestataires de l'assistance-emploi et les personnes âgées recevant le supplément du revenu garanti.

En termes de suivi, le projet de loi prévoit que le ministre responsable présente annuellement au gouvernement un rapport des activités dans le cadre du plan d'action. Le Conseil souhaite que ce rapport d'activité soit plutôt déposé devant l'Assemblée nationale afin d'assurer une plus grande transparence du processus.

n (9 h 50) n

L'article 15 du projet de loi prévoit toutefois que «les conditions, modalités et les échéanciers de réalisation des activités prévues au plan d'action, de même que ceux reliés à l'atteinte des cibles d'amélioration du revenu, sont déterminés par le gouvernement ou, le cas échéant, prévus par la loi, en tenant compte des autres priorités nationales, de l'enrichissement collectif et des situations particulières dans lesquelles se trouvent les personnes et les familles concernées». Pour le Conseil, cet article devrait être aboli ou, à tout le moins, rédigé de manière à limiter ou encadrer le pouvoir du gouvernement de se soustraire aux obligations prévues par la loi.

Le projet de loi n° 112 prévoit la mise sur pied de deux instances, un comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et un observatoire. Le mode de composition de ce Comité ainsi que ses fonctions et pouvoirs se rapprochent de ceux d'autres organismes consultatifs. On mentionne, de plus, vouloir assurer une représentation équitable des hommes et des femmes, des régions ainsi que des différents groupes qui composent la société, notamment les jeunes, les immigrants, les minorités visibles. Le Conseil recommande cependant que la clientèle aînée soit mentionnée parmi les groupes dont on doit tenter d'assurer une représentation équitable. L'autre instance créée par la loi est l'Observatoire. Comme le Comité consultatif, il sera dirigé par un comité de direction de membres nommés par le gouvernement. On comprend que l'Observatoire sera avant tout un lieu d'étude et de recherche, alors que le Comité consultatif aura d'abord un rôle conseil auprès du ministre responsable. Toutefois, les deux organismes seront dirigés par des personnes nommées par le gouvernement, provenant sensiblement des mêmes milieux. De plus, les avis donnés par le Comité consultatif devront s'appuyer sur des recherches vraisemblablement réalisées par l'Observatoire. Le Conseil estime donc qu'il serait plus utile et plus efficace de ne créer qu'une seule structure qui pourrait remplir les deux mandats, ceux-ci étant malgré tout assez reliés.

Le projet de loi institue également un fonds affecté au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce fonds pourrait notamment servir à soutenir des initiatives nationales, locales ou régionales ou à financer des activités ou interventions jugées prioritaires. L'efficacité de ce fonds sera toutefois tributaire des sommes qui y seront consacrées.

Le Conseil salue le dépôt d'un projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Toutefois, le projet de loi donne l'impression que la population qui est visée ne comprend pas d'aînés. Pour le Conseil, il s'agit d'un trou majeur du projet de loi et, partant, de la Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. La stratégie ne sera nationale que de nom, puisqu'elle exclut au départ 13 % de la population.

Par ailleurs, des mesures de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale auront aussi des effets à moyen terme et à long terme. Les personnes âgées de demain pourront donc bénéficier des efforts, des actions réalisées maintenant à l'intention des différentes catégories ou groupes de Québécoises et de Québécois. À cet égard, notamment, les travailleuses et les travailleurs vieillissants âgés de 45 ou plus, actuellement dans une position de vulnérabilité, devraient être visés par des mesures susceptibles de leur éviter la pauvreté et l'exclusion, et maintenant et plus tard.

Enfin, la dernière remarque du Conseil a trait au projet de loi lui-même et à son actualisation. Le projet de loi, malgré toutes les bonnes intentions qu'il contient, demeurera au niveau des intentions s'il n'est pas accompagné d'actions énergétiques et efficaces, de budgets et d'une véritable concertation gouvernementale. Il serait malgré tout dommage que la stratégie ne donne pas des résultats à la mesure des espoirs qu'elle soulève. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Wavroch et toute l'équipe qui vous accompagne du Conseil ? je sais qu'il y a des gens aussi qui sont avec vous ? d'abord, merci d'avoir déposé un mémoire. Comme dans tout sujet qui interpelle l'ensemble de notre société, nos aînés sont toujours partie prenante. Vous avez soulevé plusieurs éléments, mais je voudrais juste en rappeler quelques-uns qui sont extrêmement importants puis qui ont fait l'objet, je dirais, d'avis particuliers.

D'abord, il faut reconnaître que globalement, au Québec, depuis de nombreuses années, la situation financière de nos aînés s'est grandement améliorée. Quand on regarde versus les études et les analyses qui ont été mises de l'avant, avec les mesures sociales dont nous nous sommes dotés, des mesures qui ont permis à nos aînés qui, tout au long de leur vie, ont été en mesure, en bénéficiant de certaines mesures... Que ce soient des régimes de retraite ou tout ça, ça a permis, comme société, de faire en sorte que nos aînés aient des moyens financiers qui correspondent mieux à la réalité.

Il n'en demeure pas moins que le Conseil du statut de la femme avait fait un avis intitulé Des nouvelles d'elles où on confirmait hors de tout doute que des femmes aînées, particulièrement, se retrouvaient dans des situations de pauvreté et d'exclusion sociale beaucoup plus grandes qu'un grand pourcentage de gens de notre société. Vous l'avez exprimé à l'intérieur de votre mémoire.

Ce qui a été aussi... Ce qui est reconnu d'emblée... Vous avez soulevé tout le bénévolat que nos aînés donnent, vous avez particulièrement raison. Dans la plupart des conseils d'administration au niveau de nos communautés, nos aînés sont des partenaires extrêmement actifs qui donnent de leur temps, qui partagent leur expérience. Et Jacques Grand'Maison indiquait, entre autres, dans un de ses essais que particulièrement les aînés qui avaient des revenus très modestes, qu'ils donnaient beaucoup, beaucoup, malgré des revenus extrêmement modestes qu'ils avaient. Donc, c'est une reconnaissance que vous avez aujourd'hui, puis nous la reconnaissons d'emblée.

Aussi, vous savez, suite, je dirais, à l'Année internationale des aînés, les aînés du Québec ont pris la parole, ont exprimé clairement qu'ils voulaient être des partenaires dans l'accomplissement de cette société, et vous avez raison de rappeler, parce que, malheureusement, c'est encore trop souvent ce qui est véhiculé, que, lorsqu'on parle des aînés, on fait le lien avec, je dirais, de la consommation au niveau des services, alors que grand nombre de nos aînés sont partie prenante au sein de notre société. Nos aînés sont venus aussi indiquer qu'ils voulaient, lorsque des décisions allaient se prendre dans... Peu importent les endroits où ils se situent au Québec, Mme la Présidente, ils voulaient être partie prenante, partager à l'ensemble de la communauté les préoccupations qu'ils avaient, ce qu'ils vivaient, ce qu'elles vivaient dans leur quotidien. Et nos aînés ont dit: Nous voulons être partie prenante aux endroits où les décisions se prennent. Alors, il y a eu, suite à l'Année internationale, le plan le Québec engagé avec ses aînés où nos aînés ont indiqué qu'ils étaient partie prenante, et ils le sont activement.

Dans le cadre de la Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, nous avons eu l'AQDR aussi qui est venue nous indiquer qu'ils ne se retrouvaient pas dans la stratégie ou dans le projet de loi, parce qu'ils disaient: On ne sent pas les choses nommément. Et c'est un peu sous cet angle-là également que toutes les personnes qui ont exprimé la particularité que les femmes vivent au niveau de la pauvreté ? et ça touche nos femmes aînées ? qu'on nous a recommandé de s'inspirer beaucoup de l'analyse différenciée selon les sexes pour être capable de mesurer quel est l'impact chez les femmes et chez les hommes. Dans ces circonstances-là, nos femmes aînées aussi vont pouvoir bénéficier de cette façon de voir les choses.

Dans le plan d'action, on parle des aînés dans des axes particuliers, que ce soit la participation à la citoyenneté, aussi dans l'axe au niveau des compétences. Je vais vous dire, je voudrais vous informer puis informer tous les membres de la commission que, de façon spécifique, on va faire en sorte que nos aînés soient nommément indiqués. Ça a été... Au moment où la rédaction, elle a été effectuée et elle a été faite, on nous a... Pour nous, c'était très clair que la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, elle s'adresse à toute personne vivant cette situation, qu'elle soit femme, homme ou aîné, mais, considérant qu'il y a des particularités pour les aînés, il sera possible de le faire de façon... nommément.

Je voudrais aussi vous indiquer que, au niveau du Comité consultatif, il est exact aussi qu'au niveau du choix et de la représentation il y aura cette précaution qui sera prise pour faire en sorte justement que les gens qui se retrouvent dans la catégorie des personnes aînées... Je suis toujours, Mme la Présidente, surprise à chaque fois qu'on rappelle que c'est à 50 ans. Aujourd'hui, 50 ans, c'est jeune, on commence notre vie pour bien des gens. On parle de quatrième, cinquième âge au niveau de nos aînés, mais la réalité des aînés aussi, elle nous interpelle pour qu'on soit capable d'apporter, je dirais, des mesures et des particularités dans cette stratégie de lutte à la pauvreté qui se veut englobante.

n (10 heures) n

Ce que j'aimerais, par exemple, puis qu'on n'a pas retrouvé dans votre mémoire... Qu'est-ce qui pourrait être proposé de façon encore plus spécifique? Parce que je vous indique, là, qu'on va ouvrir et on va nommer de façon spécifique les réalités pour les aînés par rapport à la formation, l'accès aux compétences et l'exercice de la citoyenneté, mais j'aimerais ça, si c'était possible, que le Conseil, avec les aînés, les représentants de chacune des régions, puisse nous indiquer de quelle façon on pourrait... nous proposer quelle serait la façon où on pourrait davantage faire en sorte qu'on cible la réalité des personnes qui vivent l'exclusion sociale. Parce qu'on sait qu'il y a plusieurs... Dans le plan concerté des aînés, on nous a indiqué qu'il fallait qu'on trouve des projets pour faire en sorte de sortir les personnes vivant de l'exclusion sociale, parce que tous nos aînés qui vivent au niveau de la vie associative, ces gens-là se retrouvent dans leur communauté, dans leur milieu, donnent de leur temps, mais on sait qu'il y a aussi des personnes aînées qui se retrouvent seules et que c'est extrêmement difficile d'aller les rejoindre, et tout ça.

Alors, j'aimerais ça, peut-être, si vous pouviez nous indiquer qu'est-ce qui pourrait être fait comme proposition qui nous permettrait d'aller plus loin justement pour atteindre ces gens qui vivent l'exclusion sociale?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Merci. Mme la Présidente, permettez-moi tout d'abord de dissiper ce que je crois être une mauvaise compréhension de la richesse, si je peux dire, ou de la pauvreté chez nos personnes âgées. Tout d'abord, on dit que la pauvreté chez les personnes âgées a beaucoup... c'est-à-dire que la richesse ou les avoirs des personnes âgées ont beaucoup amélioré depuis les dernières années, il est vrai, très vrai. On a réussi à augmenter, au niveau des pensions, au niveau de certaines facilités de sommes d'argent, de plus de 21 %, si ma mémoire est correcte. Cependant, ce qui est important à signaler, c'est que nos aînés au Québec sont passés de très pauvres à pauvres, ils ne sont pas passés de pauvres à moins pauvres, ils sont passés de très pauvres à pauvres. Alors, vous savez, 21 % d'une augmentation sur 5 000, ce n'est pas comme 21 % sur 10 000. On se comprend? Donc, je pense qu'il est très important de se rappeler ça en tout temps, parce qu'on a la croyance de dire: Oui, il y a eu énormément d'amélioration. On en convient, on ne discute pas ça du tout. Là où on trouve qu'il est important de très bien cibler, c'est que nos aînés au Québec sont passés de très pauvres à pauvres.

Alors, ceci dit, je suis d'accord avec ce que Mme la ministre a soulevé et puis je trouve qu'il est de plus en plus important de faire justement des analyses différenciées selon le sexe. Et je suis heureuse de constater que les aînés vont être notamment nommés à l'intérieur de la loi de sorte à pouvoir leur donner la place qui leur appartient.

En ce qui concerne les propositions qui seraient plus spécifiques, premièrement, j'aimerais quand même sensibiliser la commission au fait que, au Québec, présentement, il existe au-delà d'une cinquantaine d'organismes communautaires qui s'appellent les centres communautaires pour personnes âgées, et je dois vous dire qu'à chaque mois, à chaque année, il y a une prolifération de plus en plus importante de ces centres communautaires qui, eux, ont pour but d'assurer que nos personnes âgées mangent, que nos personnes âgées sortent de leur isolation, que les personnes âgées aient un lieu où on peut faire en sorte de s'assurer qu'elles ont l'opportunité de pouvoir bien s'alimenter, d'être socialement en contact avec d'autres personnes, etc. Déjà, on en a une cinquantaine, à ma connaissance, et je dis une cinquantaine, je pense que c'est... je pense que c'est plus 80 que 50. Donc, je crois que c'est quand même significatif d'un besoin qui existe dans notre société.

Mme la Présidente, moi, il m'apparaît important... Quand on parle de quels gestes pourrait-on faire pour assurer l'inclusion sociale de nos aînés, une des façons, ce serait de toujours continuer à bien soutenir les centres communautaires pour aînés. Ces centres-là ont les moyens, travaillent dans des quartiers, ont les moyens d'aller chercher les personnes qui sont connues, soit par le facteur, le livreur de la pharmacie ou autres, sont au courant des personnes qui se trouvent en isolation et peuvent, de concert avec le centre, ces personnes-là qui fréquentent les personnes âgées, par des services, peuvent faire valoir auprès des centres communautaires pour aînés les personnes qui se retrouvent en isolation et souvent en désolation aussi. Donc, un des gestes qu'on souhaiterait que le gouvernement ferait, ce serait de bien soutenir les centres communautaires pour aînés au Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Wavroch. Mme la ministre, il vous reste une minute et demie.

Mme Goupil: Mme la Présidente, je vais rencontrer à nouveau Mme Wavroch. Comme ministre responsable des Aînés, il y aura un mandat spécifique qui va être donné justement pour qu'on puisse s'asseoir pour avoir un avis pour être capable, avant que le plan d'action puisse être adopté... quelles sont les mesures que nous pourrions cibler davantage, touchant les aînés, à partir de tous les commentaires qui ont été faits pendant cette commission parlementaire où plusieurs personnes sont venues exprimer des réalités touchant particulièrement nos aînés. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Est-ce que... Il nous reste une minute, le temps d'un commentaire. C'est terminé? Oui. Un commentaire d'une minute.

Mme Léger: Oui. Bonjour, mesdames. Je voulais juste savoir... Ma collègue a parlé du comité consultatif tout à l'heure. Vous avez répondu dans votre mémoire... Sur quelle base le gouvernement devrait-il se reposer pour désigner les représentants des groupes qui peuvent être sur le comité consultatif? Vous avez dit que, vous, le Conseil des aînés devrait y être. Sur quelle base on devrait se baser?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Brièvement.

Mme Wavroch (Hélène): Je dois tout d'abord, Mme la Présidente, dire... On a dit qu'il faudrait que les aînés soient représentés pas nécessairement par le Conseil des aînés. On veut être clair là-dessus. On considère que les aînés font partie de ce qu'on appelle les groupes cibles qui doivent être représentés, que ce soit au niveau des femmes, au niveau des minorités visibles, au niveau des personnes handicapées. Alors, sur quelle base normalement... Vous avez des associations de différents regroupements par ce que j'appelle les catégories cibles qui ont milité longtemps en ce qui concerne des actions pour contrer la pauvreté, qui pourraient être des personnes tout à fait désignées pour pouvoir siéger au comité. Donc, il n'est pas à moi de pouvoir déterminer à proprement dit qui pourraient être ces personnes-là, mais je pense qu'on a des exemples assez imposants dans la société de personnes qui sont des militants pour des causes qui touchent différents groupes et qui pourraient être appelées, eux et elles, à répondre aux besoins du comité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour et à notre tour, bienvenue également. Merci beaucoup pour la qualité et la clarté, je dirais, du mémoire qui aborde toute la question des personnes âgées avec beaucoup de précision.

D'entrée de jeu, moi, un des éléments qui a attiré mon attention, c'est la notion de famille que vous avez apportée. Et la réclamation que vous faites pour un élargissement de la définition de la famille et de la notion de la famille, ça peut avoir des conséquences très réelles, au niveau des conditions de vie des personnes, dans beaucoup d'autres loi dépendant comment on définit quelque chose. Ici, on voit, dans la loi, que la famille est généralement associée. C'est comme ça, la famille est définie comme la cellule parents-enfants. Donc, aussitôt que, en quelque sorte, les parents deviennent adultes... les enfants deviennent adultes et les parents sont tout seuls. Alors, les grands-parents, un moment donné, quand ça arrive, ils sont en dehors de la famille.

Est-ce que vous avez réfléchi un peu plus longtemps sur le genre de changement que ça pourrait vouloir dire, le genre de conséquence que vous aimeriez voir instaurer dans des programmes? Nous, par exemple, on pense à une reconnaissance et on voit ça... Avec le vieillissement de la population, de plus en plus d'enfants auront à prendre soin de leurs parents et d'ailleurs ils le font déjà sans nécessairement une reconnaissance réelle de la part de l'État.

Pouvez-vous élaborer un peu plus sur ça, parce qu'il me semble qu'il y a là une piste intéressante dans un contexte d'une lutte à la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Merci. Alors, avez-vous trois, quatre heures?

M. Sirros: On a 10 minutes. Je sais que j'ai été court dans la question.

Mme Wavroch (Hélène): Je vous dirais, dans un premier temps, que le Conseil n'a pas effectué effectivement d'avis spécifique touchant le rôle des grands-parents à l'intérieur d'une cellule familiale, sauf qu'il va de soi. Les grands-parents font partie d'une famille. Ce que nous savons, par exemple, pour y avoir touché un peu dans notre dossier sur la réalité des aînés québécois, c'est que la réalité veut qu'on fait moins d'enfants puis on a de plus en plus de grands-parents.

Vous savez, il arrive souvent, dans des familles, que des jeunes peuvent avoir quatre, cinq et six grands-parents à la suite de changement, n'est-ce pas, alors la réalité... c'est une réalité et cette réalité fait en sorte que, un moment donné, on a moins d'enfants, on a plus d'adultes vieillissants et, lorsque ces adultes-là développent des capacités... ils ont des capacités qui deviennent de plus en plus limitatives, ils ont recours à leurs enfants pour les aider.

n (10 h 10) n

Et, dans les milieux de travail, si vous voulez vous absenter du travail pour pouvoir aller avoir soin de votre enfant qui fait une crise d'asthme, pas de problème; si vous voulez vous absenter de votre travail pour amener votre vieille mère à l'hôpital pour passer un examen de glaucome ou je ne sais quoi, ah, bien, là, ce n'est pas pareil. Et, donc, on a une orientation, une pensée à changer à l'intérieur de notre mentalité pour faire en sorte, lorsqu'on parle de conciliation travail-famille, qu'on inclue les parents vieillissants, parce que cette réalité-là est là.

J'arrêterais là en vous disant que ça mériterait peut-être dans un autre tantôt qu'on explore davantage, mais ce qui est important, je pense, à retenir dans tout ça, c'est que, à l'intérieur des conventions collectives qui vont se négocier dans un avenir rapproché, à l'intérieur des milieux de travail qui sont en changement, on doive sérieusement penser à l'appui au travailleur qui doit s'occuper d'un parent malade.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Effectivement, madame, je pense que c'est effectivement une piste qu'il faudrait ramener devant nos yeux plus souvent, parce qu'on est sur un vieux réflexe de toujours penser en fonction des enfants en oubliant le fait que, de plus en plus, on s'en va vers une société où le pourcentage de personnes âgées augmente. Donc, les besoins vont venir beaucoup plus de ce côté-là également.

Cela étant dit, vous revenez sur la question de la clause d'impact et vous... à l'instar du collectif et d'autres groupes, vous réclamez une clause d'impact pour pouvoir mesurer les impacts fiscaux. Je sais que vous avez une certaine expérience dans le passé sur les différentes mesures salariales, entre autres, les rémunérations, etc. Comment vous verriez une clause d'impact de façon concrète? Parce que c'est une chose de dire, bon, il faut indiquer les impacts des différentes mesures sur la pauvreté, mais il faut le faire, je pense, et c'est pour être réel, par rapport à des indices précis, et ça, c'est souvent difficile d'identifier au préalable les indices précis sur lesquels on va se fixer pour mesurer les impacts subséquents.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Merci. Dans le passé... Quand on parle d'indices précis, tout d'abord, il faut avoir une case de départ. Et dans le passé, ce qu'on a pu observer dans la législation qui touche le Québec, c'est que, entre autres, lorsqu'on voulait faire voir la nature ethnoculturelle du Québec, expressément et nommément, on disait à l'intérieur de la loi que ça devait tenir compte de certains facteurs ethnoculturels, de certains facteurs au niveau justement des analyses différenciées hommes-femmes. Donc, on était spécifique. Alors, je dirais que le cadre premier dans ce contexte-ci, ce serait, à l'intérieur de la loi, d'être spécifique sur le fait que tous les autres... c'est-à-dire pas nécessairement dans la loi n° 112, mais dans une directive quelconque gouvernementale ou une approche, d'être spécifique lorsqu'on passe n'importe quelle législation, qu'on doit tenir compte de l'impact que cela peut avoir sur la pauvreté au Québec.

Et quant aux indices, au niveau de, si vous permettez, l'Institut de la statistique du Québec, ils sont très bien équipés pour pouvoir aller chercher des indicateurs qui vont permettre de voir l'impact que n'importe quelle action gouvernementale prise dans le cadre d'une loi pourrait avoir sur la pauvreté au Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Et ça, ça a un lien, il me semble, avec l'autre recommandation que vous faites quant à l'Observatoire puis au comité consultatif. Il y a deux éléments dans ce que vous présentez ici. Un premier, c'est de pouvoir nommer, nommément, comme faisant partie du comité consultatif comme groupe interpellé par la lutte à la pauvreté et faisant partie de l'ensemble de ces efforts, donc de voir qu'il y ait des aînés représentés nommément sur le comité consultatif, mais vous voulez aussi fusionner l'Observatoire avec le comité consultatif. Vous venez de mentionner le Bureau de la statistique. Une des autres avenues qui ont été amenées ici, c'est de remettre la responsabilité de l'Observatoire au Bureau de la statistique du Québec, par exemple, et de ne pas effectivement lier le comité consultatif avec l'Observatoire mais d'avoir un comité consultatif qui va peut-être indiquer des pistes sur lesquelles l'Observatoire devrait se pencher, mais d'avoir un observatoire au sein du Bureau de la statistique avec tous les instruments qui sont là, les ressources, etc.

Comment vous voyez ces deux hypothèses? Avant de suggérer de fusionner les deux, avez-vous pensé à la notion d'avoir l'Observatoire au Bureau de la statistique du Québec?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wavroch.

Mme Wavroch (Hélène): Non, on n'a pas pensé avoir l'Observatoire au Bureau de la statistique du Québec, et je dirais, par contre, que je mettrais une mise en garde en ce qui concerne... Pour avoir vécu justement dans une autre vie antérieure, la pauvreté est quand même un sujet qui a autant de facteurs et de prépondérance qu'il y a de monde au Québec, et c'est un sujet qui demande des études très pointues et avec des approches et des considérations très réfléchies.

Alors, au sein du Bureau de la statistique du Québec ou de l'Institut de la statistique du Québec, bien qu'ils ont tous les équipements nécessaires, ils auront besoin quand même, au préalable, des recherches sur différents volets qui touchent le niveau de pauvreté, et je pense vraiment que ça devrait être l'Observatoire ou le volet recherche qui est attaché au comité consultatif qui pourrait s'occuper de ceci de sorte à vraiment cibler et à avoir des études et des recherches très pointues sur la pauvreté, et, par après, peut être pris sur un plan plus statistique, démographique, le travail que pourrait faire l'Institut de la statistique du Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Sirros: Je pense que ma collègue a une question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, il reste deux minutes, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Bonjour, mesdames. Merci de votre mémoire. Permettez-moi de vous demander... À la page 11, le Conseil rappelle que d'autres alternatives en matière de logement ont été développées, qu'il serait utile de les inclure parmi les options en matière de soutien à domicile. Et là vous faites une précision en ce qui a trait aux habitations partagées. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce que c'est? Est-ce que c'est différent des maisons intergénérationnelles?

Mme Wavroch (Hélène): Ah oui, parce que dans la notion de maison intergénérationnelle, on croit... c'est-à-dire que la croyance populaire veut que ce soient des personnes issues d'une même famille. Alors, dans les habitations partagées, c'est souvent des étrangers, c'est-à-dire une personne âgée qui souhaite offrir, moyennant des services en contrepartie, à une personne d'un certain âge, normalement un adulte vacciné et en forme, comme je dis, d'habiter avec elle. Et donc, ce mariage-là, il est quand même régi et contrôlé par certaines municipalités, là, parce qu'il y a quand même des règles de sécurité, des règles... Et voilà. C'est dans cet esprit-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bref commentaire, Mme la députée de Bourassa. Il vous reste une minute.

Mme Lamquin-Éthier: C'est donc des installations, des établissements où il y a des personnes âgées. Et est-ce qu'elles cohabitent avec des personnes qui sont prêtes à leur donner des services contre rémunération?

Mme Wavroch (Hélène): Pas nécessairement contre rémunération, mais peut-être contre habitation, c'est-à-dire... Ça dépend, là, les arrangements sont aussi variés qu'il y a de situations d'habitation partagée, mais c'est souvent... C'est comme si, je ne sais pas, moi, je suis une personne âgée qui a une maison que je ne peux plus continuer à entretenir seule et, donc, je mets une annonce dans le journal pour avoir quelqu'un avec qui je vais partager moyennant certains services. La personne peut payer l'équivalent d'un loyer mais aussi peut m'aider, en tant que personne qui développe des capacités de plus en plus limitées, à voir aux activités de vie quotidienne.

M. Sirros: Il n'y a pas beaucoup d'encadrement, si vous permettez, actuellement. Il n'y a pas beaucoup d'encadrement de ce genre de...

Mme Wavroch (Hélène): Non, parce que ce n'est pas une approche qui est privilégiée au Québec. Il faut quand même comprendre un petit peu, je pense, la culture québécoise. On est pas mal individualiste, hein. On n'aime pas trop, trop ça, vivre en commune ou en communauté, parce que, dans le fond, c'est... c'est-à-dire qu'on vit en communauté, mais avec nos proches, avec des gens qu'on connaît. On n'est pas, à l'exception de quelques sectes religieuses, on n'est pas tellement habitué de vivre avec des personnes qu'on ne connaît pas. Donc, cette notion d'habitation partagée n'a pas fait fureur encore ici, au Québec. À l'extérieur du Québec, oui, mais moins ici, parce que notre mentalité, à ce niveau-là, n'a pas changé encore.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je regrette, c'est tout le temps qui est à notre disposition, malheureusement. Alors, Mme Wavroch et Mme des Rivières, merci d'avoir accepté de participer à cette commission et pour vos recommandations.

Alors, j'inviterais immédiatement les représentants et représentantes de la Confédération des organismes familiaux du Québec à bien vouloir prendre place. Et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

 

(Reprise à 10 h 21)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, s'il vous plaît! Alors, s'il vous plaît, voulez-vous prendre place? Alors, monsieur, mesdames, bonjour, bienvenue à cette commission. Alors, je demanderais à la personne responsable de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura échange.

Confédération des organismes familiaux
du Québec inc. (COFAQ)

M. Tremblay (Paul-André): Alors, bonjour, mon nom est Paul-André Tremblay, je suis le président de la COFAQ, donc, de la Confédération des organismes familiaux du Québec. Je voudrais vous présenter également, à ma droite, Mme Denise Campeau-Blanchette, qui est la directrice générale, assez récente d'ailleurs; et sur ma gauche, Mme Lise Lequin, qui est un membre du conseil d'administration.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, vous pouvez poursuivre. Merci, monsieur.

M. Tremblay (Paul-André): Alors, Mme la Présidente, Mmes, MM. les membres de la commission, je voudrais tout d'abord, au nom de la COFAQ, vous remercier de nous donner ainsi l'opportunité de vous communiquer quelques recommandations suite à l'étude du projet de loi n° 112. Je dois également vous souligner que, malheureusement, pour des questions de régie interne, il ne nous a pas été possible d'étoffer comme nous l'aurions souhaité notre position particulièrement en s'inspirant des nombreuses prises de position que la COFAQ a faites dans le passé.

La COFAQ est née en 1972 du désir des organismes familiaux de se doter d'une structure démocratique de représentation qui puisse être le porte-parole des familles et de leurs projets de société. Axée sur l'esprit communautaire et la prévention, la COFAQ a également comme mandat de travailler à l'amélioration de la qualité de vie des familles québécoises.

La COFAQ regroupe des fédérations provinciales et régionales d'organismes familiaux dans tout le Québec. Nous regroupons aussi des associations familiales locales en absence de structures régionales. Par ses membres, la COFAQ rejoint des dizaines de milliers de familles et plus de 40 organismes familiaux.

Dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n° 112, la COFAQ désire rappeler sa prise de position présentée lors de la consultation du ministère de la Solidarité sociale en janvier dernier. La COFAQ refuse les situations de pauvreté et d'exclusion et souhaite qu'un projet de société qui ne vise pas à les éliminer puisse au moins essayer de les limiter. Des moyens doivent être développés pour enrayer ces situations et faire en sorte que personne ne soit obligé de vivre à la limite, tout en permettant que chacun, chacune puisse se réaliser sans limite.

Est-il nécessaire de rappeler que le revenu moyen après impôts des familles, exprimé en dollars constants de 1997, diminue depuis 1986. En 1997, il se situe à 45 000 $ chez les familles biparentales et à 22 800 chez les familles monoparentales. La proportion des familles à faibles revenus, après impôts, est de 10,2 % chez les familles biparentales et de 43,3 % chez les familles monoparentales. Également, au Québec, un enfant, de moins de 18 ans, sur cinq vit dans la pauvreté. Aussi, que les bébés québécois ne partent pas égaux, 28 % naissent dans la pauvreté; que les personnes seules, de 45 à 64 ans, enregistrent également un des taux de pauvreté les plus élevés. En 1998, il se situe à 36,4 %, et il est en progression par rapport à 1996, où il était de 30,9 %; que les tendances démographiques annoncent une diminution importante de la population en âge de travailler à partir de 2010, donc augmentation importante des personnes du troisième âge. Depuis 10 ans, la proportion des personnes âgées a augmenté de 1,9 % pour se situer aujourd'hui à 12,9 % de l'ensemble de la population. Dans 10 ans, donc, vers 2011, la proportion des personnes âgées aura augmenté de 2,8 % par rapport à aujourd'hui pour se situer à 15,7 %.

La famille ? je pense que tout le monde est d'accord là-dessus ? étant la cellule de base essentielle de la société, doit être reconnue comme un acteur et non pas uniquement une cible, mais comme un acteur important dans son développement individuel et collectif et avoir accès au soutien nécessaire dans la poursuite de sa mission. Ainsi, les stratégies de lutte à la pauvreté et à l'exclusion devront viser l'ensemble des familles parce qu'elles subissent aussi les conséquences de ces dures réalités. C'est une question d'équité et de qualité de vie pour les familles québécoises. Il faudra de plus agir de façon préventive pour enrayer toute possibilité d'appauvrissement et contribuer à la diminution des coûts sociaux liés à ces situations. Le soutien de la famille ou le soutien à la famille doit être vu dans sa globalité et être résolu par l'action sur les différentes problématiques qui confrontent les familles.

Les politiques mises de l'avant devront respecter le choix des parents, entre autres, par rapport à l'insertion à l'emploi et la conciliation famille-travail. De plus, les politiques devront exprimer clairement une volonté réelle de revoir la répartition de la richesse. Le plan d'action, qui doit prévoir des mesures et des programmes visant à améliorer la situation économique et sociale des personnes mais aussi des familles, devra manifester la volonté d'appauvrissement zéro. Dans le choix des mesures à mettre en place, nous demandons de prioriser les mesures qui assureront du soutien à la responsabilité parentale, à l'accès à un système d'éducation respectueux des contraintes liées au projet famille, à l'insertion dans un monde du travail qui permettra la conciliation famille-travail dans le respect du choix des parents.

De façon plus spécifique, en regard du projet de loi n° 112, la COFAQ questionne un des buts poursuivis par la stratégie nationale, soit améliorer la situation économique et sociale des familles qui vivent dans la pauvreté ou qui sont exclues socialement. Cet objectif, bien que fort louable, demeure trop restrictif parce qu'il crée d'autres exclusions. La COFAQ souhaite une politique plus globale qui apporte un réel soutien à toutes les familles afin d'enrayer les effets nocifs de la pauvreté et de l'exclusion et, également, d'éviter l'appauvrissement des familles. Les familles pourront ainsi conserver la maîtrise sur leur pouvoir économique et éviter les dangers, les risques reliés à la mondialisation. En conséquence, nous demandons d'améliorer la situation de toutes les familles. Le projet de loi propose de «reconnaître la famille comme cellule de base du développement des personnes et de la société et de soutenir, dans le respect du rôle des parents, les familles à risque de pauvreté persistante ayant la charge de jeunes enfants en intervenant de manière précoce et intégrée afin de leur rendre accessible une diversité de services et de programmes adaptés à leurs besoins».

n (10 h 30) n

Nous reconnaissons l'importance d'une action concertée auprès des familles les plus démunies, mais nous souhaitons également des actions concertées auprès de toutes les familles à titre d'action préventive. La COFAQ souhaite voir se développer une diversité de services et de programmes en complémentarité avec la fonction de parent, premier éducateur, fondée sur la reconnaissance de la responsabilité familiale et de leur compétence parentale afin d'améliorer la situation de toutes les familles, ce qui permettrait de travailler aussi à la promotion par l'accroissement du mieux-être individuel et collectif en renforçant les facteurs de protection sans minimiser l'importance de travailler sur les facteurs de risque.

Nous demandons également de reconnaître et de soutenir les initiatives du milieu. Le projet de loi propose de «soutenir les activités communautaires qui contribuent à l'inclusion sociale des personnes en situation de pauvreté». La COFAQ demande donc que l'État soit conséquent avec la reconnaissance de l'importance de la famille comme cellule de base et accorde le soutien financier aux initiatives du milieu qui apportent de l'aide aux parents en respectant leurs choix de l'exercice de leur responsabilité parentale.

Nous demandons également de créer un organisme pour la mise en oeuvre de ce projet de loi. La COFAQ questionne la pertinence du Comité consultatif en regard de son autonomie versus son pouvoir d'influence réel. Nous donnons notre appui à la création d'un organisme-conseil pour la mise en oeuvre du projet de loi qui aurait une préoccupation spécifique quant à la lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Nous demandons que le secteur famille soit représenté de façon spécifique au sein de cet organisme parce que la pauvreté et l'exclusion sont des déterminants contraignants en regard de l'obtention d'une politique familiale globale, objet prioritaire de nos interventions, et altèrent la qualité de vie des familles.

Nous vous demandons de prendre en compte l'avis du Conseil de la famille et de l'enfance qui demande de dépasser l'approche individuelle et de savoir agir à titre préventif contre l'appauvrissement. Le Conseil de la famille et de l'enfance demande également de revoir la répartition de la richesse et de viser une politique de développement social et économique tout en ne perdant pas de vue l'importance primordiale de la famille.

Nous avons besoin d'un engagement ferme et d'une volonté politique pour enrayer toute situation de pauvreté, et d'exclusion, et d'appauvrissement. Nous vous demandons d'agir à titre de leaders pour l'avènement d'une société, d'un Québec plus solidaire, plus juste et plus fort. Nous vous remercions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Tremblay. Je cède donc immédiatement la parole à Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Tremblay, Mme Campeau-Blanchette et Mme Lequin, d'abord, dans un premier temps, permettez-moi de vous souhaiter un bon mandat, parce que, effectivement, c'est une équipe renouvelée. J'ai, la semaine dernière, pour... Je m'adressais à vous pour vous féliciter et vous souhaiter... Puis il y avait quelques petits correctifs, alors vous devriez la recevoir incessamment. Mais je tiens à vous féliciter, parce que le travail qui a été fait par la Confédération des organismes familiaux du Québec a toujours contribué à faire en sorte de rappeler constamment toute l'importance de la famille au sein de notre société. Alors, c'est tout en votre honneur, et j'espère que votre mandat vous permettra de vous réaliser pleinement puis qu'on fera encore un bout de chemin dans l'atteinte de ces objectifs communs.

Dans un premier temps, je voudrais aussi vous féliciter, parce que, tout au long de votre mémoire et par les propos, M. Tremblay, que vous venez de mentionner, vous avez indiqué à juste titre toute l'importance de la conciliation famille-travail, le soutien à la responsabilité parentale, parce que les parents demeurent et demeureront toujours les premiers intervenants auprès de la famille et auprès des enfants. Vous avez parlé que le système d'éducation soit respectueux du projet famille. On y reviendra tout à l'heure un peu, parce que j'aimerais ça que vous puissiez m'indiquer davantage quelle est votre vision pour que ce lien puisse être fait.

Vous avez indiqué que vous souhaitiez qu'il y ait une intervention qui soit plus globale dans le cadre de la Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, vous savez que... Et vous avez fait le lien aussi avec toute la prévention, l'importance d'intervenir en amont pour prévenir des choses. La vision globale de la stratégie, vous savez qu'il y a cinq axes. Le premier axe qui a été retenu ? et je sais que la Confédération, elle a été un des organismes qui a soutenu cet axe-là ? c'est prévenir, développer le potentiel des personnes. Puis la première intervention, c'est en soutenant la famille, cellule de base du développement. C'est le premier axe de la stratégie de lutte à la pauvreté et c'est ce que l'on retrouve également dans le projet de loi, parce qu'on reconnaît d'emblée que, pour aider et soutenir la personne qui vit cette pauvreté, il faut aussi intervenir sur la famille globalement. Alors, à cet égard, ça a été bien compris puis ça a été dit par tous les intervenants qui sont venus.

Vous avez indiqué aussi que... Vous êtes revenu à plusieurs reprises sur toute l'action préventive. Nous avons eu plusieurs personnes en commission qui nous ont dit: Le plus tôt possible nous pouvions intervenir, plus les chances de succès et de réussite étaient grandes.

Dans vos propos, vous avez aussi ajouté qu'on doit soutenir davantage toute la compétence parentale, la promotion de la famille. Vous savez, vous avez contribué également à la politique, notre plan concerté Un Québec en amour avec la famille. Les municipalités et les villes sont en train de se doter de politiques familiales pour arrimer l'action pour mieux soutenir les familles. Donc, je sais que vous y avez contribué également, puis on aura des efforts à faire.

Mais, dans le cadre de cette Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, la réalité des familles, vous l'avez mentionné, elle est différente. On se retrouve avec des familles vivant des situations de grandes difficultés dans tous les sens du terme. Les familles monoparentales sont nombreuses ? on sait le stress que ça occasionne pour les chefs de ces familles-là ? les familles reconstituées. Tout à l'heure, on voyait le Conseil des aînés indiquant qu'aujourd'hui ce n'est pas les parents qui ont beaucoup d'enfants, ce sont les enfants qui ont beaucoup de grands-parents. Il faut en convenir qu'on se retrouve dans une situation où intervenir sur la famille, la soutenir en amont et en prévention... Quel est le meilleur arrimage, selon vous, que l'on pourrait faire avec le monde de l'éducation pour faire en sorte que la famille se sente davantage soutenue, et soutenue tant par ses responsabilités parentales, mais aussi... Quand vous parlez de ce respect du ministère de l'Éducation avec le projet famille, qu'est-ce que vous voulez dire de façon spécifique par rapport à cela?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Paul-André): Alors, évidemment, la réponse la plus facile, mais ce n'est pas nécessairement la plus réaliste non plus, c'est d'impliquer la famille dans tout le développement du monde de l'éducation. Je sais qu'il y a quand même des initiatives qui se créent, mais, sur le terrain, quand on regarde la réalité comme telle, on se demande vraiment si... Qui est au service de? Est-ce que c'est les familles qui sont au service de l'éducation ou l'éducation qui est au service des familles et de l'éducation des enfants? Évidemment, il faut quand même reconnaître une normalisation nécessaire à un moment donné dans un système éducatif, mais, à un moment donné, c'est que la normalisation prend tellement de place à un moment donné que les parents se sentent exclus. Même du coté de l'accès, par exemple, uniquement des facilités matérielles, à un moment donné, du système éducatif, vous savez comme moi que ce n'est pas toujours facile d'avoir accès, par exemple, aux écoles, aux cours de récréation, aux gymnases, etc., pour différentes raisons. Ça, c'est l'aspect matériel des choses.

Mais, quand on parle du système éducatif comme tel, quand on parle des contenus, par exemple, des cours, etc., qui est-ce qui, en définitive, décide de ce qui est mieux pour les enfants? Est-ce que ce sont les parents qui sont réellement consultés pour dire: Bien, ce serait peut-être préférable d'avoir telle et telle chose dans les cours ou si ce n'est pas un système, à un moment donné, une machine qui, à partir d'analyses, à partir de comparaisons avec d'autres systèmes éducatifs de d'autres pays, etc., à un moment donné, décide de? Ce qui fait que, bien, je regarde dans ma famille à moi, où j'ai quand même de jeunes parents, à un moment donné, bien, ils démissionnent devant la complexité du système, devant la complexité des méthodes. Alors, je pense que c'est une approche qu'il faut, je crois, revoir. Même si on a essayé, par différentes méthodes, par exemple, d'impliquer les parents avec les conseils d'école, etc., encore là, je pense que les gens se sentent, jusqu'à un certain point, exclus devant la complexité du système.

n (10 h 40) n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Goupil: Est-ce que vous êtes d'accord, M. Tremblay, pour indiquer qu'il est vrai, il est exact que nous avons des forums pour que justement les parents puissent à la fois prendre des décisions, suivre leurs enfants, s'impliquer dans toutes les missions éducatives, et tout ça, mais que le travail est extrêmement exigeant pour les familles, pour concilier famille-travail? Il y a beaucoup de travail qui est effectué justement pour permettre des assouplissements au niveau du travail. Il y a des demandes qui ont été faites dans le cadre de la Loi sur les normes, on demande aussi aux entreprises de tenir compte davantage de la réalité familiale pour permettre aux parents d'avoir un peu plus de temps. Selon vous, est-ce que... Parce que, vous savez, il y a plein de choses qui... il y a plein d'organismes communautaires, il y a plein de gens qui sont pleins de bonne volonté pour laisser la place des parents, mais ce que les parents nous disent, c'est qu'il est extrêmement difficile... On travaille du matin très tôt et le soir très tard, on a de la difficulté. Qu'est-ce qui pourrait être fait justement pour qu'au sein de notre société nous prenions tous ce virage pour faciliter la tâche à celles et ceux qui ont le désir d'enfants puis qui ont une responsabilité extrêmement importante pour leurs enfants?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Paul-André): Je suis d'accord avec vous que c'est tout un défi que nous avons à relever, parce que nous avons l'impression de ne pas contrôler le système. On est un peu à la merci, je pense... Bien, on parle beaucoup du phénomène de la mondialisation, on parle beaucoup, évidemment, de la réorganisation, de la restructuration de l'économie, etc., et je pense que comme société on subit les conséquences de. Est-ce que vraiment on a le contrôle sur ces superpuissances, à un moment donné, économiques qui imposent leurs façons de faire, leurs méthodes de travail, qui imposent, par exemple des horaires de travail atypiques, qui exigent de la part de leurs employés des nouvelles façons de faire, etc.? Mais jusqu'à quel point vous, comme gouvernement, vous avez le pouvoir d'influencer ces superpuissances? À un moment donné, c'est sûr que l'ensemble des familles, si le gouvernement, à un moment donné, ne se décide pas à prendre les mesures pour obliger ou encore pour modifier également ses lois et qui permettraient, à un moment donné, peut-être plus de flexibilité... Je sais qu'il y a un projet de réforme, là, du Code du travail, là, qui doit naître ces jours-ci, je crois, bien, malheureusement, là, je ne suis pas assez familier, mais je pense que c'est tout un système qu'il faut revoir.

Et il n'y a pas seulement le gouvernement. Je parlais du gouvernement, mais tu as aussi tous les syndicats, tu as aussi toutes les associations patronales, etc. qui doivent mettre la main à la pâte. Mais, à partir de ce moment-là, si on ne privilégie pas la famille à l'intérieur de ça, c'est sûr que c'est cause perdue, parce que la famille aura toujours, en réaction, à s'adapter à. Mais je pense que c'est de convaincre tous ces acteurs majeurs ? ce sont des acteurs majeurs, pour moi ? de l'importance de la famille dans la société, parce que, si on veut une société, à un moment donné, qui soit responsable, si on veut une société qui se prenne en main, bien il y a une seule institution qui peut le faire, c'est la famille. Et, à ce moment-là, je pense qu'il va falloir que tout le monde, à un moment donné, se mette la main à la pâte et décide: Bien, oui, ce qu'il faut privilégier, c'est la famille.

Je regardais l'exemple, par exemple, de la Hollande récemment où, à un moment donné, même les employeurs, donc les patrons, permettent à leurs employés d'ajuster leur horaire de travail en fonction de leurs responsabilités familiales et responsabilités parentales. Pour moi, c'est une initiative très heureuse. C'est sûr que ça remet en question bien des façons de faire, ça devient peut-être un petit peu plus compliqué à gérer pour l'entreprise, mais, si d'un autre côté, la qualité de vie de ses employés est positive, bien l'entreprise a également à y gagner à un moment donné.

Mme Goupil: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, M. Tremblay. Je vais laisser la parole à ma collègue. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Mme la ministre déléguée, tout en vous indiquant qu'il reste trois minutes à votre formation politique et que ça inclut la réponse, bien sûr.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Merci d'avoir présenté votre mémoire aujourd'hui devant nous. Vous dites dans votre mémoire que «la réalisation des objectifs poursuivis demande une mobilisation collective des forces vives de la société». On sait que le projet de loi n° 112, celui pour lequel nous sommes ici aujourd'hui, a suscité plus de 160 mémoires, là, que les gens sont venus ou viendront nous les présenter aussi. La pauvreté est un phénomène, bien, qui interpelle beaucoup de personnes ici, au Québec. Comment peut-on mobiliser davantage?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Paul-André): Pardon? Comme peut-on...

Mme Léger: Comment peut-on mobiliser davantage?

M. Tremblay (Paul-André): Mobiliser. Ah, ça, c'est un gros défi, la mobilisation, aujourd'hui. On sait que, dans le monde, par exemple, associatif, on est pris aussi avec un peu ce problème-là. C'est que les gens, à un moment donné, sont tellement sollicités, c'est qu'à un moment donné... Puis ils ont tellement d'obligations de part et d'autre qu'ils ont un peu de difficultés à se mobiliser, donc à s'engager. Mais il faudrait peut-être questionner aussi une approche que nous avons préconisée depuis plusieurs années, une approche davantage individualiste, une approche davantage personnelle. Jusqu'à quel point est-ce que, par exemple, dans le monde de l'éducation, jusqu'à quel point dans le monde de la société, on sensibilise les gens à l'importance de la collectivité, hein? On a travaillé beaucoup... Là, je dis «on», ça exclut évidemment... C'est tout le système, en fin de compte, qui est un peu coupable de ça. C'est toute la... Pour moi, c'est, entre autres, l'approche individualiste qu'on a préconisée, l'importance de la personne, évidemment, qui avait peut-être sa raison d'être, mais où la limite... où doit-on se limiter dans ce programme de donner énormément d'importance à l'individu, de donner énormément d'importance à la personne? Et il ne faut pas se surprendre si par la suite, bon, les gens sont tellement conscients de ce qu'ils sont puis de ce qu'ils voudraient être qu'à un moment donné ils oublient de le faire en relation avec les autres.

Mme Léger: Est-ce que cet individualisme vous amène à penser qu'il y a un manque de compassion peut-être pour tout ce qui touche la pauvreté, d'une part? Et pensez-vous... Il y a des groupes qui sont venus nous dire que peut-être qu'il faudrait faire des campagnes de sensibilisation autant sur les préjugés sociaux que sur vraiment la pauvreté telle quelle.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Tremblay, en 30 secondes.

M. Tremblay (Paul-André): Trente secondes, bien ce que j'allais dire à la ministre, c'est que le mot «compassion» n'est pas un mot très à la mode. Ça, c'est un fait. Il y a eu évidemment beaucoup de changements de valeurs dans notre société, et il faudrait peut-être prendre le temps de redécouvrir certaines valeurs. Mais ce que je dois dire en passant, c'est que la définition que vous avez donnée de la pauvreté dans le projet de loi, évidemment, est très large. Heureusement qu'elle est très large, parce que la pauvreté couvre plusieurs facettes de notre...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc poursuivre, mais avec le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. J'étais parti en réflexion, parce que je trouvais que le sujet que vous amenez, vous l'avez amené... Vous avez amené un sujet sous l'angle de l'individualisme versus une approche de la collectivité, une approche plus collective en quelque sorte, et je sentais un peu le besoin d'intervenir pour rééquilibrer un petit peu, parce que finalement l'individualisme n'est pas mauvais. Il commence à être mauvais au moment où ça devient un genre d'égoïsme qui fait fi de la responsabilité qu'on contracte en tant qu'individus en vivant en société finalement. On contracte des responsabilités parce qu'on vit en société et on acquiert des droits en contrepartie comme individus. Donc, il y a un équilibre entre l'individualisme puis la collectivité, et j'aurais de la difficulté à vivre dans une société où les valeurs collectives priment sur les libertés individuelles. En tout cas, je voulais faire ce... C'est d'ailleurs pour ça qu'on milite dans le Parti libéral, en croyant qu'il y a un juste équilibre à trouver entre les deux, entre la liberté individuelle puis le devoir collectif, et on le fait à travers de la valeur de justice sociale dont on fait la promotion.

Ça étant dit, je voulais revenir sur ce que vous avez dit par rapport aux écoles, et le rôle, et l'objectif de concilier famille et école, conciliation famille-travail. Et vous avez dit que vous avez souvent encore de la difficulté à avoir accès aux ressources des écoles, que ce soit physiques, comme les gymnases, etc., et je cherchais à trouver quelles autres mesures peuvent être mises de l'avant pour faciliter cette conciliation famille-école, famille-travail. Un des éléments qu'on préconise, nous, c'est de mettre plus à la disposition des familles des ressources comme, par exemple, l'aide aux devoirs, de combler le temps, peut-être, entre la fin de la journée pédagogique et le retour à la maison des parents suite au travail par un soutien qui permettrait de faire en sorte que les enfants puissent avoir une aide aux devoirs, ce qui libérerait peut-être plus de temps de qualité, si vous voulez, pour les enfants avec leurs parents. Comment vous... Est-ce qu'il y a d'autres exemples comme ça que vous aimeriez voir? Et comment est-ce que vous réagissez par rapport à ce genre de programmes?

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Paul-André): Bon, d'entrée de jeu, je dois dire que je suis d'accord avec votre lecture, là, concernant l'individualisme. Je ne suis pas pour la collectivité mur à mur, là, tu sais. Il y a quand même le fait que chaque personne doit se réaliser dans la vie, puis c'est un objectif très louable, mais qui doit se faire quand même dans une société, donc en prenant conscience qu'il y a des êtres humains qui vivent aussi autour de nous et qu'il y a des éléments qu'il faut forcément partager.

Concernant l'aspect de l'éducation, par contre, moi, bien, ce que je trouve intéressant dans ce que vous venez de dire, c'est que ça se fait en complémentarité à et non pas à la place de, hein? Ce que l'on constate parfois un peu trop souvent, c'est qu'on a tendance à faire à la place des parents, hein? Non pas que les parents ne sont pas capables, mais on se dit: Peut-être qu'ils sont trop surchargés, peut-être qu'ils n'ont pas le temps, donc on va mettre en place des mesures, des programmes qui vont faire que, nous, on va le faire à la place de. Je pense que ça, c'est une approche qui est très questionnable et qui peut être très néfaste.

Alors, je pense que dans une approche comme celle-là... Donc, comment est-ce que l'école peut être complémentaire, hein, aux responsabilités parentales, peut être complémentaire aux besoins des familles? On sait que le besoin instructif, c'en est un. Le besoin éducatif, c'en est un autre aussi qui doit être partagé entre la famille et les parents, entre les familles et l'école. Mais comment est-ce qu'on peut, à un moment donné, revoir tout un système, hein, revoir tout un système qui permettrait justement d'être complémentaire à la fois des besoins des familles, des besoins des parents? Mais ça, c'est peut-être à réinventer. Je n'ai pas des recettes magiques, si ce n'est...

Je me souviens, quand j'étais jeune... Bien, ça fait quand même un bout de temps, là, mais, quand j'étais jeune, l'école appartenait à la municipalité, appartenait au milieu, hein? C'était très facile à ce moment-là. Oui, il y avait un aspect instructif, mais il y avait aussi un aspect éducatif, en ce sens que l'école réalisait des activités à partir des besoins qui étaient exprimés par la communauté, par la collectivité. C'est peut-être utopique, là, de penser la même chose aujourd'hui, évidemment, quand on vit dans des grands systèmes, mais il y avait définitivement là une complémentarité incroyable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de... Oui, vous aviez... D'accord. Mme Campeau-Blanchette, vous vouliez ajouter quelques précisions?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Bien, je veux bien laisser continuer M. Tremblay, mais c'est juste pour illustrer peut-être un propos en complémentarité et repenser certains éléments. On va prendre comme exemple, bon, les enfants qui ne déjeunent pas le matin et pour qui on va offrir un déjeuner à l'école. C'est tout à fait louable et très correct, là, de le faire, parce que, oui, si on veut être disponible, bon, sur le plan intellectuel, et tout ça, c'est important, la nourriture. Mais on dit: Pourquoi on ne ferait pas davantage pour aider les parents à être capables d'assumer cette responsabilité-là de nourrir leurs enfants? Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: On a jugé que l'enfant avait besoin de manger, et on va suppléer d'une façon directe. Et ce n'est pas que le geste n'est pas correct, là, mais c'est juste de dire: On a peut-être besoin d'un certain recul pour être en mesure de repenser des mesures de soutien aux parents et de le faire en complémentarité. Parce qu'il faut savoir ce que ça veut dire pour un parent de laisser partir son enfant sans manger. Et j'ai déjà vu aussi un enfant qui va chercher son sac à lunch du midi et retourne manger à la maison parce que c'est tout ce que la famille va avoir à manger. Alors, il faut savoir que le parent qui est en responsabilité par rapport à l'enfant n'a pas une notion ou une estime de soi très élevée. L'enfant sert de médium pour être capable de rapporter ce que la famille a besoin de manger.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Il faut repenser, bon, l'accroissement de la richesse et la redistribution d'une certaine façon pour être capable de donner aux parents ce pouvoir qu'ils ont et cette responsabilité qu'ils ont à assumer par rapport aux enfants. Donc, c'est un exemple petit, là, mais c'est juste de dire: Ce n'est pas... On n'est pas en train de dire qu'on est contre les déjeuners à l'école, mais on est sur une recherche de solutions pour être en complémentarité avec la responsabilité du parent, de le consolider, de le renforcer dans ce qu'il a à faire et de développer des mesures qui conviennent, dans le fond, qui est de nourrir les enfants. Mais, il faut qu'ils aient de meilleurs emplois, il faut qu'ils aient des programmes de supplément pour être capables d'assumer une responsabilité pleine et entière. Alors, c'est juste pour illustrer. Il pourrait y avoir aussi toute la partie pour des parents qui veulent retourner aux études, l'accès... bon, les bourses, l'accès à du financement ou être capable d'intégrer ça à une responsabilité familiale qui est temporaire versus un retour progressif aux études. Alors, il y a d'autres champs pour lesquels on n'a pas apporté ici, là, de commentaires, mais qui ont déjà été utilisés dans le cadre d'autres mémoires, là. Mais c'est juste pour illustrer un peu le propos, là.

M. Sirros: O.K. Non, je comprends...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je comprends, et vous avez aussi une... Vous apportez une approche qui... Tout en étant très conscients des problématiques très réelles que vivent les familles pauvres, vous préconisez aussi des actions qui visent plus large et vous dites: Donc, c'est une approche de prévention vis-à-vis ceux qu'on ne peut pas catégoriser comme pauvres, entre guillemets, là ? et j'utilise bien les guillemets ? mais vous ne les mettez pas en opposition... Oui?

Une voix: ...

M. Sirros: Vous ne les mettez pas en opposition les uns par rapport aux autres en disant, tu sais... Mais vous dites finalement: Tout le monde ensemble. Ce qui m'amène à poser la question quant aux mesures qu'on devrait se fixer comme société pour mesurer le progrès qu'on veut faire. Est-ce que... Avez-vous réfléchi à ça? Il y en a qui veulent voir le progrès qu'on fait par rapport à deux indices, par exemple le nombre le plus réduit en termes de personnes pauvres parmi les nations industrialisées et aussi les écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui viennent à votre esprit en termes de mesures?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Tremblay.

M. Tremblay (Paul-André): Personnellement, je voulais revenir sur l'autre élément concernant l'éducation, puis je vais peut-être... Pendant ce temps-là, Denise pourra se préparer à répondre à la question des mesures. Quand on parlait aussi de système préventif, si on regarde aujourd'hui dans la société, où est-ce qu'on apprend à vivre en couple? Où est-ce qu'on apprend à être parents, hein? Autrefois, évidemment, on pouvait se fier sur le milieu familial, hein? Là, on avait des modèles, on avait des exemples. Quand on était mal pris, on pouvait référer à ses parents, on pouvait référer à ses grands-parents même qui, à un moment donné, pouvaient nous accompagner, hein, dans cet apprentissage. Mais, aujourd'hui, on ne peut pas dire que ce phénomène-là d'accompagnage par son milieu naturel est généralisé, au contraire. Souvent, même, les jeunes doivent quitter leur propre région. Parce qu'ils n'ont pas d'emploi, ils viennent s'installer en ville, etc. Ils ont à découvrir par eux-mêmes, avec leurs propres ressources et les influences extérieures, à se faire, hein, à se faire un système de vie. Mais ça, je pense que c'est une chose sur laquelle on pourrait peut-être se pencher en termes de prévention, hein?

Même les adolescents, où est-ce qu'ils apprennent à établir des relations harmonieuses, des relations heureuses avec leurs semblables et avec leurs copains ou leurs copines, hein? C'est sur le tas qu'ils apprennent de le faire. Je ne sais pas si, dans les programmes scolaires, par exemple, il y a à ce moment-là des ressources pouvant guider, pouvant accompagner ces jeunes-là. C'est la même chose quand on décide, à un moment donné, de former un couple, hein, souvent après différentes expériences, mais encore là on a appris sur le tas, plus ou moins heureusement parfois, heureusement dans d'autres cas. Mais je pense qu'il faudrait aussi se questionner là-dessus, se questionner là-dessus, apprendre à vivre en couple, apprendre à être parent, hein? Être parent, ce n'est pas juste être capable de changer des couches, vous le savez comme moi, hein? Il y a beaucoup plus. Et, derrière tout ça, il y a la question aussi de l'engagement. L'engagement, jusqu'à quel point aujourd'hui est-on capable de s'engager? C'est tout un contrat. C'est un contrat, hein, la vie de couple, la vie de parent.

M. Sirros: Vous nous amenez sur un chemin très philosophique, et je ne sais pas si on peut... si on est capable de capter ça dans des articles de loi. Mais en tout cas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En deux minutes.

M. Tremblay (Paul-André): O.K. Mais là il faudrait revenir aux mesures.

M. Sirros: Mais c'est intéressant.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Alors, je ne suis peut-être pas...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Campeau-Blanchette.

n (11 heures) n

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Oui. Alors, je ne suis peut-être pas en mesure de répondre adéquatement à votre question, mais c'est parce que c'est plus de l'ordre de l'intention que de l'outil. Quand on dit que ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une volonté de manifester... d'appauvrissement zéro, alors les indicateurs pour être capable d'aller mesurer, ce n'est pas de savoir si les gens sont un petit peu moins pauvres, un petit peu plus pauvres ou s'ils vont devenir pauvres dans quelques... C'est d'être capable de dire: Ce qu'on vise, c'est qu'il y ait appauvrissement zéro, d'une certaine façon. Et je pense que la COFAQ pourrait se rendre disponible pour continuer la réflexion à ce niveau-là. Mais c'est de dire: Si on veut vivre dans une société où on va respecter effectivement le cheminement individuel et le cheminement collectif des familles et des groupes, dans le fond, il faut s'assurer que chacun bénéficie de l'accroissement collectif, dans le fond, et qu'il va être un plus pour les enfants à venir, dans le fond. Et que, dans notre définition de «famille», parce que tantôt on parlait avec les aînés, que, dans la définition de «famille», que la définition de «famille» ne s'arrête pas uniquement à la famille qui a prise en charge d'enfants, dans le fond, parce que la famille est un lieu, la famille est un lien entre des personnes et il faut être capable d'assurer que ce lien-là persiste, dans le fond. Et, quand on voit un texte qui dit: On va prendre en charge les aînés, je ne sais pas jusqu'où on est respectueux des aînés, ce sont eux qui nous ont pris en charge, et, bien sûr, il faut apprendre à prendre soin des aînés dans le cas où il y a des besoins plus spécifiques. Mais les aînés peuvent aussi continuer de contribuer, etc.

Donc, on en est arrivé à une conception des groupes sociaux, des strates de société, et on en a peut-être martelé un peu la famille. La famille, elle est éclatée, mais pour bien d'autres raisons des fois que la situation au niveau du couple comme tel, là. Donc, au niveau des mesures, je m'engagerais au niveau de la Confédération de poursuive la réflexion et de vous revenir avec un document plus précis.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont disposait la commission. Merci, mesdames, monsieur, de votre participation à nos travaux. Je vais suspendre quelques instants, et j'inviterais le Conseil de la famille et de l'enfance à bien vouloir prendre place immédiatement, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

(Reprise à 11 h 3)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc poursuivre. Mme Boily, bonjour, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et qu'il y aura période d'échange par la suite. S'il vous plaît, avant de commencer, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Boily (Nicole): Certainement. Alors, Mme la Présidente, Mmes les ministres, mesdames, messieurs de la députation, je veux d'abord vous remercier de nous accueillir ce matin pour nous permettre de vous donner quelques-unes de nos réflexions. Alors, je suis accompagnée, ce matin, de Danielle Aubert, qui est analyste au Conseil, et de Jean-Pierre Lamoureux, qui est le secrétaire général du Conseil.

Alors, tout d'abord, je dirais que, à l'instar de nombreux intervenants, c'est un pas dans la bonne direction, alors ça devient presque une lapalissade que d'évoquer cet élément, à savoir qu'à la fois le projet de loi et la stratégie de lutte contre la pauvreté apportent vraiment... constituent vraiment les assises d'un changement qui peut être durable. Donc, le Conseil observe avec plaisir que l'énoncé de politique et le projet de loi cherchent à concilier le développement économique et le développement social par des politiques gouvernementales mieux intégrées et une approche qui intègre la multiplicité des formes que peut prendre la pauvreté, dont celle de la pauvreté transitoire qui n'était pas présente dans le précédent document, et on y reconnaît qu'il est possible, au Québec, de travailler et de demeurer pauvre.

Alors, la lutte contre la pauvreté, elle doit s'appuyer non seulement sur le développement de l'emploi et d'emplois de qualité, ce qui est essentiel et ce qui est nécessaire, mais aussi miser sur un ensemble de leviers majeurs dont la formation, l'aide à l'habitation, le soutien parental. Dans ce sens, les intentions gouvernementales rejoignent les préoccupations du Conseil qui prône des interventions multisectorielles inscrites dans une vision d'ensemble vers une amélioration durable de la situation des démunis.

Le Conseil se montre particulièrement satisfait que cette stratégie fasse une place prépondérante à la famille, ce qui a été évoqué d'ailleurs par de nombreux intervenants, en reconnaissant la nécessité de soutenir par une approche globale et intégrée, respectueuse des rôles parentaux. C'est d'autant plus urgent que les familles avec de jeunes enfants se retrouvent parmi les groupes les plus touchés par la pauvreté. Dans un contexte démographique où la baisse de la population active est appréhendée, il est primordial que l'arrivée d'un enfant ne fasse pas sombrer dans la pauvreté toute la famille.

Alors, ainsi, nous appuyons l'article 7, premier alinéa, du projet de loi qui vise à reconnaître la famille comme cellule de base du développement des personnes et de la société. Le Conseil remarque toutefois que le libellé de l'article dirige davantage les actions vers les familles à risque de pauvreté persistante. Nous croyons qu'il serait déplorable de limiter la portée des interventions en sous-estimant le phénomène de la pauvreté transitoire qui est souvent le lot de jeunes parents qui occupent des emplois atypiques et dont le statut est précaire. En rayant du texte «les familles à risque de pauvreté persistante», nous croyons que la reconnaissance de la famille prendrait, à notre avis, tout son sens.

D'autre part, le Conseil est notamment satisfait du tournant que semble avoir pris le gouvernement à l'égard des interventions auprès de la famille quand il affirme que les actions de prévention qui visent de manière ultime les enfants doivent être menées dans le respect du soutien au rôle parental. Trop souvent ? et je pense que ça a été évoqué chez les intervenants précédents ? nous déplorons que les parents soient exclus des réseaux qui interviennent auprès des enfants, alors que des actions sont prises sans considérer l'ensemble de la dynamique familiale, toute l'action en silo qui est souvent... dont on parle assez souvent. Et il faut bien toujours garder à l'esprit qu'il n'y a pas d'enfants pauvres sans parents pauvres.

Le Conseil, d'autre part, accueille favorablement la démarche gouvernementale de soumettre toute la question du soutien financier des familles à un comité interministériel. La complexité des mesures fiscales, la multiplicité des programmes d'aide à la famille rendent nécessaire un tel exercice. Le Conseil souhaite plus de transparence et de cohérence dans l'aide gouvernementale aux familles, de telle sorte que les parents puissent savoir à quel type d'appui ils peuvent s'attendre. Nous insistons aussi pour que le ministère de la Famille et de l'Enfance exerce son rôle de coordination dans ce dossier, qu'il soit le point d'ancrage s'assurant que cet exercice débouchera sur l'identification de mesures efficaces et substantielles d'aide à la famille qui tiendront compte des diversités et des compositions familiales, des problématiques variées et des situations particulières. Enfin, le Conseil rappelle que le soutien aux familles passe d'abord par la couverture des besoins de base pour tous. Or, le Conseil a maintes fois dénoncé le fait que l'évaluation des besoins essentiels ne correspond plus aux réalités actuelles, que l'on pense aux allocations familiales, au programme d'assistance-emploi ou à l'aide financière pour les études.

Avec ceci, nous sommes amenés à aborder la question du filet économique et social qui est, pour nous, un point majeur dans ce dossier. De l'avis du Conseil, le concept de revenu de solidarité et la notion de contrat de réciprocité apparaissent ambigus et difficilement conciliables avec une approche respectueuse des droits des individus reconnue déjà dans le préambule du projet de loi. Cette démarche suscite chez nous beaucoup de questionnements. En effet, nous voyons une certaine ambiguïté dans les objectifs et le maintien d'une approche qui favorise à la fois la carotte et le bâton.

n (11 h 10) n

Nous croyons par ailleurs que, si le législateur tient à maintenir soit ce qu'on appelle les contraintes sévères à l'emploi ou les distinctions, parce que ça revient au même, les distinctions entre «apte» et «inapte», il doit s'assurer que l'évaluation de la capacité d'intégrer l'emploi reflète la réalité. Ce n'est pas nécessairement le cas actuellement. Compte tenu de l'alourdissement des problématiques des prestataires de l'assistance-emploi, le Conseil veut s'assurer que les personnes dont les caractéristiques psychosociales et un important déficit d'employabilité empêchent de subvenir à leurs besoins, que ces personnes puissent être reconnues admissibles à l'allocation pour contraintes sévères à l'emploi, et ce, même si leur état de santé ne rencontre pas des critères médicaux établis. Le Conseil remarque aussi que l'énoncé de politique est muet sur le niveau de prestations allouées aux personnes dites aptes mais ayant des contraintes temporaires à l'emploi. Par exemple, à quel type de démarche seront tenues une personne, par exemple, de 59 ans, qui n'a pas travaillé depuis plusieurs années, une femme enceinte, une personne malade qui attend son hospitalisation? Quel sera le niveau de revenu de ces personnes dites aptes mais avec des contraintes temporaires à l'emploi?

Si le gouvernement veut conditionner l'allocation d'un revenu convenable aux personnes aptes à un contrat de réciprocité, il doit s'assurer qu'il aura les moyens de le faire et de bien le faire. Dans les circonstances, il est essentiel de proposer une approche réaliste. Or, l'analyse de la situation actuelle nous amène à peut-être douter de cette capacité de disposer des ressources adéquates qui seraient nécessaires pour assurer un accompagnement personnalisé tenant compte du profil de l'individu mais aussi de la complexité des situations familiales. De l'avis du Conseil, un contrat de réciprocité implique une évaluation adéquate de la situation des prestataires et commande des interventions qui soient appropriées. Trop souvent, un encadrement est assimilé à une succession de mesures qui sont souvent de nature occupationnelle et qui tournent en rond, c'est la porte tournante que l'on retrouve trop souvent. Si le gouvernement persiste dans l'approche qu'il propose, il est illusoire de penser que les résultats en termes d'amélioration de la situation des démunis sont supérieurs à ceux d'aujourd'hui. Il nous faut une approche intégrée et multidisciplinaire.

Enfin, il est essentiel que la portée de l'article 4 du projet de loi qui vise à assurer à chaque personne un soutien adéquat ne soit pas annihilée par une approche d'intervention complexe dont des résultats mitigés sont à prévoir.

Comme il ne reste que quelques minutes, je vais surtout faire l'énumération aussi de la nécessité d'un certain nombre d'ajustements dont la révision périodique des besoins essentiels, ce qui est majeur.

Alors, pour couvrir les besoins de base, ça nous amène à aborder la question de la fiscalité, et nous croyons que, dans toute cette notion du partage de la richesse, la difficulté actuelle, c'est d'évaluer si ce partage correspond vraiment aux principes véhiculés de justice sociale et de solidarité. Force nous est de constater que, dans le domaine fiscal, une grande complexité fait en sorte qu'il est difficile de voir exactement là où on peut aller, et même les experts ont des difficultés à établir clairement quelle est l'aide réelle qui est dédiée aux plus démunis. Alors, nous croyons que le projet de loi doit intégrer des dispositions obligeant l'État à procéder périodiquement à l'évaluation des impacts sur la pauvreté des règles relatives à la fiscalité, à la taxation et à l'application des frais directs et indirects.

Nous croyons aussi nécessaire d'inscrire dans le projet de loi un mécanisme périodique d'ajustement du salaire minimum. Le niveau salarial est important, mais il y a aussi les conditions de travail, d'où la nécessité de façon impérative d'intégrer à la révision de la Loi des normes du travail des mesures qui garantiront une plus grande protection sociale des travailleurs et travailleuses du Québec.

Enfin, nous croyons qu'un supplément de revenu au travail est certainement utile pour certains parents, quoique, dans l'application, c'est beaucoup plus complexe. D'une part, les revenus fluctuants rendent difficile l'établissement de l'aide et qui risquent de créer des réclamations en fin d'année financière, ce qui déstabilise la famille. D'autre part, il y aurait aussi le fait que, au moment où les gens en ont besoin, ils ne l'ont pas toujours. Et enfin, nous voudrions aussi souligner que ce sont des mesures qui ne sont pas à effet structurant et que souvent on va vers des subventions plus ou moins déguisées à l'entreprise.

Nous favorisons donc des secteurs et l'intervention dans les secteurs plus structurants dont l'habitation ? on a déjà commencé à faire des actions en ce sens ? mais pour lesquels il faudrait encore développer... La formation, l'éducation, c'est une clé importante dans la lutte pour prévenir et, si on veut parler de prévention, la formation est certainement une des meilleures façons de réussir à s'en sortir d'autant plus qu'il est démontré que le niveau de vie des familles est intimement lié à celui de la scolarité des parents.

Je conclurais en disant que la loi devrait obliger le gouvernement à déposer, à période fixe, un plan d'action, parce que le plan d'action est ce qui concrétisera cette stratégie et aussi la loi, alors un plan d'action, et à préciser davantage son contenu, car il ne faut pas se cacher, toute la crédibilité de la démarche gouvernementale de lutte contre la pauvreté tient dans la consistance à ce plan d'action, après avoir insisté sur la mobilisation des forces dans la société, d'offrir des mesures disparates qui ne s'attaquent pas profondément aux racines de la pauvreté.

En conclusion, le Conseil encourage le gouvernement à poursuivre cette démarche en associant et en misant sur la famille tout en rappelant qu'une politique familiale globale, cohérente et généreuse est un atout de poids pour lutter contre la pauvreté et prévenir l'appauvrissement des familles. Le Conseil croit que l'amélioration des conditions de vie des plus démunis de notre société, c'est un défi collectif qui doit dépasser les luttes partisanes, d'où la nécessité que l'État se dote de leviers législatifs, consultatifs, administratifs qui demeureront au-delà des fluctuations économiques et politiques et qui sont susceptibles d'atteindre les objectifs visés. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Extraordinaire, Mme Boily, vous êtes entrée pile. Alors, je cède donc la parole à Mme la ministre d'État à la Solidarité sociale.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Boily, M. Lamoureux et Mme Aubert, merci d'avoir participé à ce projet de société qui est extrêmement important, mais pas seulement pour la stratégie de lutte à la pauvreté, pour le travail qui se fait, je dirais, particulièrement depuis 1997, bien avant, mais il y a comme, je dirais, des casse-tête qui se sont ajoutés au fur et à mesure pour être capable de soutenir davantage nos familles au Québec par l'adoption de cette politique familiale, par la création du ministère, par le travail que vous avez accompli et que vous accomplissez tous les jours auprès des différents partenaires pour que la famille puisse être au coeur de ces choix de société. Alors, je tiens à vous remercier aujourd'hui pour le faire.

Vous avez soulevé plusieurs éléments, je ne veux pas les reprendre, mais particulièrement, vous savez, au niveau de la fiscalité, il y a des gestes concrets qui ont été posés particulièrement depuis les derniers budgets de Mme Marois, l'énoncé budgétaire, où on a justement félicité cette préoccupation que l'on a retrouvée dans le cadre du budget de Mme Marois, dans le cadre de ses consultations prébudgétaires, d'être capables d'adapter un budget qui soutient davantage les personnes avec le quintile le plus pauvre. Il y a des gestes qui ont été faits, et ça a été salué indiquant qu'il fallait continuer dans cette voie-là, parce qu'il y a du rattrapage qui est à faire.

Quand vous avez aussi soulevé des éléments extrêmement importants, vous avez aussi indiqué que vous aviez certains doutes quant à la capacité ou la possibilité de vouloir répondre à tout cela. Il est évident que, dans une société où on a un taux de natalité de 1,4, où on a l'accélération d'un vieillissement de la population, où on a près de 44 % des gens qui ne paient pas d'impôts parce que, au Québec, on a fait des choix à l'effet que les personnes n'ayant pas suffisamment de revenus ne paient pas d'impôts pour leur laisser, je dirais, les minces revenus qu'ils ont pour être capables justement de répondre à leurs besoins... Cependant, la Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale est une priorité, parce qu'on sait qu'on a besoin... on ne peut pas laisser personne de côté puis il faut être capable justement de permettre aux femmes et aux hommes, avec les moyens qu'ils ont, leurs capacités, d'exercer pleinement cette citoyenneté.

n (11 h 20) n

Et vous avez contribué à nous ajuster sur des gestes qui ont été posés. Je pense au plan concerté, Un Québec en amour avec la famille, où on a reciblé les actions que nous devrions faire prioritairement. Mais on a aussi quelques modèles qui nous permettent de croire qu'il sera possible justement de faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale. Je pense, par exemple, au programme Solidarité jeunesse où, effectivement, on a ciblé le jeune dans sa réalité puis on l'a accompagné non pas par des mesures uniques, mais par un ensemble de mesures, une intervention globale, pour permettre à ces jeunes de se reprendre en main, d'exercer leur citoyenneté. Puis, aujourd'hui, sur près de 8 000 jeunes ? parce que l'expérience a commencé il y a deux ans ? on en a plus de 80 % qui sont en mouvement, qui retournent aux études puis sont à l'emploi. Et, dans ce cadre-là, on a ciblé des projets comme Ma Place au soleil où les jeunes filles qui avaient de jeunes enfants... pour les accompagner à retourner aux études. Ce sont des gestes qui ont été posés et qui ont donné des résultats.

Est-ce que cette formule-là dont on veut s'inspirer pour la suite des choses est gage de succès pour soutenir la famille dans son ensemble? J'aimerais que vous puissiez partager un petit peu, parce que je sais que vous êtes au courant de ce programme-là. Et comment on pourrait faire pour l'adapter encore plus à la famille dans son ensemble?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Boily.

Mme Boily (Nicole): Je pense que ce sont des expériences, des projets-pilotes qui sont extrêmement intéressants et qui peuvent être, dans une certaine mesure, des modèles, sauf que j'ai toujours... je crains toujours, quand on parle de modèles, que ça devienne du mur-à-mur. Et je pense que ça va être... c'est très important que ce soit l'approche qui puisse changer, se dire que c'est l'environnement d'un individu qui doit être touché. Effectivement, on doit regarder à partir de son environnement familial, de sa situation personnelle, de son employabilité, du degré d'employabilité qu'il a. Donc, c'est à travers un environnement, ce que l'on a fait dans un certain nombre de projets-pilotes ou certains programmes particuliers. Mais on n'est jamais arrivé, même si on a eu ces intentions-là aussi dans le passé, il y a eu d'autres expériences, mais ça ne s'est jamais... ça n'a jamais été jusqu'à l'ensemble des... à être offert à l'ensemble de la population concernée. Donc, c'est là où parfois on a des doutes.

Il y a de bonnes intentions, il peut y avoir des projets qui sont très... fort intéressants, mais comment va se faire l'application? Et c'est: Est-ce qu'il y aura les budgets pour faire l'application? Est-ce qu'il y aura la formation des gens à cette approche? Parce que ce n'est pas une approche qui est développée de façon générale à Emploi... si on parle d'Emploi-Québec, ce n'est pas exactement l'approche qui est développée. Donc, cette inquiétude, ce doute que nous avons vient du fait que ça a déjà été présenté. Ça a déjà été peut-être une volonté, mais ça ne s'est jamais concrétisé. Et de voir les choses de façon réaliste et de pouvoir prévoir ce qu'il faut pour mettre en place cette approche qui peut tenir compte de l'ensemble de l'environnement et que ce ne soit pas simplement le fait de vouloir sortir les gens de l'aide sociale, parce que ce n'est pas ça, sortir les gens de la pauvreté. Si on veut avoir une approche qui soit une approche progressiste et une approche aussi qui soit en relation avec la volonté de lutter contre la pauvreté, il ne faut pas que ce soit une volonté de sortir, comme premier objectif, de sortir les gens de l'aide sociale. Donc, c'est cette approche large, intégrée, mais avec une vision réaliste de ce que ça exige au plan de la mise en oeuvre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais vous rassurer, Mme Boily, parce que l'expérience de Solidarité jeunesse, elle s'est terminée par deux jours avec les différents partenaires de toutes les régions du Québec, et, comme c'est un succès, que l'arrimage s'est fait, ils demandent à ce que ça puisse s'instaurer sur l'ensemble des personnes vivant des situations de pauvreté et d'exclusion sociale, et les ajustements qui pouvaient être faits ont fait l'objet de près de 700 personnes qui ont participé justement pour s'assurer qu'on continue dans la bonne direction.

Vous savez, au niveau des personnes... plusieurs groupes de personnes sont venus nous parler de toute l'importance d'agir en prévention en amont, de soutenir au niveau de que ce soit favoriser la réussite scolaire, d'être capable de soutenir par la formation, parce que, oui, c'est vrai que, au Québec, on a réduit de près de 30 % les personnes prestataires de l'aide sociale. Mais la Stratégie de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale ne vise pas uniquement les personnes prestataires; bien au contraire, elle vise les personnes, et vous avez donné deux exemples: un travailleur ou une travailleuse qui perd un emploi puis qui n'a pas de formation, il faut l'accompagner; la jeune mère de famille monoparentale, il faut qu'elle soit soutenue; le travailleur ou travailleuse ou bas salarié doit également être soutenu. Ces groupes de personnes qui se retrouvent actuellement dans les quintiles les plus pauvres ou dans le groupe de personnes qu'on veut aider, tout le monde sont venus nous dire: Il faut être capable d'être mieux soutenu pour concilier famille-travail. Et ce que les gens nous disent: Il faut prioriser, justement, la priorité de la formation de l'emploi, de l'accompagnement, parce que c'est ce qui permet... c'est la plus grande réussite pour quelqu'un pour se sortir de la pauvreté. Vous êtes d'accord avec ces priorités d'action là?

Alors, comment on peut faire pour qu'on puisse mieux soutenir cette conciliation famille-travail? Parce que vous dites: Il ne faut pas juste une mesure, c'est un ensemble de mesures. Dans la stratégie et dans le projet de loi, on a des mesures d'aide directe, on a des mesures de services de garde, on a des mesures de soutien pour le logement. Est-ce que ce sont ces ensembles de mesures que l'on doit retrouver globalement pour la réussite?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Boily.

Mme Boily (Nicole): Oui, je pense que oui. C'est exactement dans cette optique-là, dans cette perspective-là, c'est de savoir... C'est qu'il y a la formation, mais, pour aller vers de la formation, il faut qu'il y ait quand même des conditions générales, que ce soit en termes de logement ou que ce soit en termes de services de garde.

J'aimerais aussi dire qu'il faut tenir compte des gens. On parle de la formation, et ce n'est pas simplement l'accès, par exemple, à la formation de base ou à une formation technique. Il y a en particulier chez des gens qui ont été absents du monde du travail pendant... et ça ne prend pas beaucoup de temps; six mois, un an font en sorte qu'il y a des réflexes, il y a des attitudes qui sont perdues, et plus ça fait longtemps, plus ça prend de temps. Et peut-être qu'il y a des gens qui ne seront jamais capables s'ils ont quitté pendant 10 ans, qui ont quitté pendant 10 ans le marché du travail, donc ce sera pour autre chose. Donc, je pense qu'il faut être... c'est long, et il faut accepter que cet accompagnement-là, il ne commence pas nécessairement par de la formation technique tout de suite, mais qu'il commence par autre chose. Donc, ça, je pense qu'il faut vraiment être... que ce soit très clair, autrement on est dans la porte tournante, on fait une formation, mais on n'arrive pas au bout, et on amène les gens dans des situations d'échec. Donc, pour nous, c'est une des choses importantes dans cet ensemble-là. Le côté d'accompagnement est certainement un élément important.

D'autre part, c'est l'accès, parce qu'on retrouve aussi un certain nombre de travailleurs qui sont déjà en emploi, pas ceux qui sont sur l'aide sociale, qui sont en emploi et qui n'ont pas cette opportunité de pouvoir avoir accès à de la formation qui permettra d'améliorer leur sort. Donc, quand vous dites: Ce n'est pas simplement les gens qui sont sur l'aide sociale mais c'est des bas salariés, c'est donc important. Et actuellement, il y a beaucoup de ces gens qui sont dans cette situation-là parce que les enveloppes étaient fermées, par exemple, à Emploi-Québec, ou dans d'autres situations qui ont fait que les gens n'avaient pas accès pour améliorer leur sort. Donc, ça, ça va être aussi un élément extrêmement important dont il va falloir tenir compte, cet accès à la formation pour améliorer le sort des plus... de ceux qui sont dans le dernier quintile, par exemple, de revenus.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va? Mme la ministre déléguée, il reste environ deux minutes à votre formation, donc très rapidement.

Mme Léger: Merci. Bonjour, Mme Boily. Bonjour, M. Lamoureux. Bonjour, Mme Aubert. Vous visez un développement économique associé évidemment au développement social dans une perspective de développement durable. Vous nous invitez comme gouvernement à revoir notamment nos modes de gestion et la répartition budgétaire entre les ministères et entre les régions administratives. Est-ce que vous introduisez par là la nécessité de tenir compte des disparités régionales? Comment voyez-vous le rôle des instances régionales et locales?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Boily.

n (11 h 30) n

Mme Boily (Nicole): Alors, ce qui nous apparaît important, c'est qu'on a eu tendance très souvent à avoir des politiques qui étaient des politiques mur à mur, qui étaient à partir d'une moyenne ou à partir de la réalité de grands centres. Je pense que nous sommes dans une ère où il faut tenir compte des régions. D'ailleurs, le gouvernement a une politique des régions. Mais nous trouvons qu'il faut que ça s'applique dans chacune des politiques, à savoir qu'il faut tenir compte des spécificités régionales mais aussi des spécificités locales pour répondre véritablement aux besoins des gens, aux besoins de la population, selon son mode de vie, selon la région où il est et les conditions dans lesquelles il peut vivre, et ces conditions qui peuvent être aussi changeantes d'une période à une autre, donc c'est souplesse. Tenir compte aussi de la société civile dans cette répartition, à savoir que la société civile puisse s'exprimer sur les besoins qu'ils ont, selon le niveau régional ou local.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons poursuivre avec le député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci beaucoup. Bienvenue, Mme Boily et tous les autres membres du Conseil. Ça me fait plaisir de m'entretenir brièvement avec vous. Quinze minutes, ce n'est pas long, ça ne donne pas beaucoup de temps d'approfondir les choses.

J'ai deux sujets sur lesquels j'aimerais échanger un peu avec vous. Le premier touche la question de la définition de «pauvreté». Vous avez parlé de pauvreté transitoire. Vous faites référence aussi dans le document au fait que la politique, l'énoncé de politique gouvernemental, elle-même fait la description de différentes facettes de la pauvreté, qui sont des facettes transitoires finalement, des fois conjoncturelles, des fois ça prend un certain temps mais ça se replace. Et on a une définition dans la loi qui, elle, parle de pauvreté pour quelqu'un qui est privé de manière durable. Il y a donc comme une dissonance entre les deux. D'un côté, on a des documents qui découlent de la loi et qui parlent de pauvreté transitoire ou qui découleraient, une fois la loi adoptée... qui parlent de pauvreté transitoire, mais une loi qui assoit la définition de «pauvreté» comme quelque chose de durable. Est-ce que vous y voyez une certaine contradiction? Et comment est-ce que vous vous situez par rapport à la définition de «pauvreté» dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Boily.

Mme Boily (Nicole): Alors, justement, j'ai fait référence à ça tout à l'heure, nous croyons... je pense qu'il y a une... On avait fait dans un premier document... on trouvait que le premier document ne faisait pas suffisamment référence à l'ensemble des situations de pauvreté, parce que toute cette question de la pauvreté transitoire, pour nous, est vraiment importante, et aussi le fait qu'on peut être pauvre et travailler, donc il y a dans la définition de la pauvreté...

Maintenant, par la loi, c'est l'application d'une certaine définition de la pauvreté, et nous trouvons que l'article 7 du projet de loi est trop limitatif par rapport à la pauvreté et à cette application, l'application de la loi à une situation de pauvreté, parce qu'on croit que la loi doit s'appliquer non pas uniquement à des gens qui le sont depuis longtemps. Donc, si on parle de pauvreté persistante, ça veut dire que c'est sur une période longue ou une période qui s'allonge, et nous croyons que l'application de la loi doit se faire aussi pour des gens qui, de façon conjoncturelle, à un moment donné de leur vie, sont dans des situations difficiles... que l'application de la loi doit se faire aussi pour ces gens-là. Alors, est-ce une contradiction ou... En tout cas, il faudrait élargir l'application à l'ensemble des situations de pauvreté.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Si je comprends bien, à partir du moment où on définit la pauvreté comme s'appliquant à des situations durables, la seule autre façon qui nous reste après de rattraper d'autres situations de pauvreté, c'est par le biais de la prévention, et c'est l'article 7 auquel vous faites référence. Et c'est dans ce sens-là que vous dites qu'elle est trop contraignante, c'est-à-dire, elle est très limitée, seulement à des actions préventives? Donc, la conséquence logique de ce genre de prise de position, ce serait soit un amendement à la définition...

Mme Boily (Nicole): C'est ça.

M. Sirros: ...soit sans aucune définition du tout, puis de laisser ça...

Mme Boily (Nicole): Non, nous, ce que nous croyons, c'est qu'il y a moyen de modifier et de rayer du texte, par exemple, «les familles à risque de pauvreté persistante», tout simplement. Si vous avez le projet... alors, ici: «Pour l'application de la présente loi, on entend par "pauvreté" la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé [...] des ressources, des moyens.» Alors, le mot «durable» dans l'article 2, ce n'est pas nécessairement durable, ça peut être momentané, ça peut être conjoncturel, et nous croyons qu'il serait important que cette dimension-là puisse être intégrée dans la loi.

M. Sirros: Donc, votre choix, c'est de maintenir une définition mais d'enlever la notion de durabilité et donc de l'ouvrir à des situations durables ou temporaires, mais tout ce qui touche...

Mme Boily (Nicole): Temporaires, oui. Parce qu'il y en a une quantité de situations temporaires, que ce soit la maladie, que ce soit... par exemple, il peut y avoir des situations de divorce qui mettent pendant un certain temps des gens dans une situation qui est très difficile. Donc, on peut énumérer une série... et c'est vraiment... ça peut être très limité dans le temps, mais il faut que ces gens-là puissent avoir accès à l'application de la loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. L'autre élément, c'était le débat autour de la question des besoins essentiels puis les catégories de personnes avec contraintes et sans contraintes. Vous avez dit quelque chose que je trouve intéressant à creuser davantage parce que ça remet en cause aussi... en tout cas, ça met sur la table le débat sur la place de nos services sociaux dans l'application de cette loi puis la question de l'aide sociale. Vous avez dit à un moment donné que, dans la catégorie des personnes aptes au travail, il y a ceux qui ont un profil psychosocial qui fait en sorte qu'ils sont tellement éloignés du marché du travail qu'on devrait les catégoriser comme ayant des contraintes sévères à l'emploi et leur donner par ce fait même un plus grand montant qui se rapproche aux besoins essentiels à l'heure actuelle.

Ça soulève deux, trois questions: Qu'est-ce que c'est, un profil psychosocial problématique? Qui va le définir? Comment est-ce qu'on va le décider? Et une piste sur laquelle j'aimerais que plus de gens réfléchissent, c'est que nous avons effectivement à l'intérieur de nos services sociaux des professionnels, soit psychologues, travailleurs sociaux, conseillers d'orientation, mais qui oeuvrent souvent en silo effectivement, sans lien direct avec les autres services dans ce cadre-là. Est-ce qu'il y a là une piste à explorer? Est-ce qu'il y a lieu d'envisager une jonction entre les services sociaux par le biais des corporations professionnelles telles que j'ai nommées et la sécurité du revenu dans cette perspective-là?

Et l'autre sous-question, c'est: Puis, une fois qu'on aurait catégorisé, entre guillemets, ces personnes comme ayant des contraintes sévères à l'emploi, est-ce qu'on démissionne par rapport à ces personnes-là? Parce que le profil, par définition, c'est quelque chose qui est changeable, qui n'est pas permanent. Donc, là encore, quel est le rôle de nos services dans ce processus?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Boily.

Mme Boily (Nicole): Je pense qu'on est très marqué par le fonctionnement en silo et que les équipes multidisciplinaires sont extrêmement importantes si on veut avoir une approche qui tienne compte de l'ensemble des dimensions. Donc, quand vous faites référence à: qui va définir? moi, je pense que c'est à travers des équipes multidisciplinaires ? il y en a qui existent dans les services sociaux ? mais aussi en relation soit avec le ministère de la Solidarité, soit avec Emploi-Québec. C'est qu'on agit... Il y a les services sociaux, il y a Emploi-Québec, il y a Solidarité. Il n'y a jamais ou très peu... on commence seulement à savoir ce que c'est que de travailler, apprendre à travailler ensemble. Chacun a son langage, chacun a ses façons de procéder. Or, il y a eu des expériences...

M. Sirros: Je vous interromps parce que ça fait quand même 30 ans qu'on a créé les CLSC puis ils ont été créés précisément pour avoir une approche multidisciplinaire, en équipe, globale, mais on les a gardés un peu comme... en tout cas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Boily.

n (11 h 40) n

Mme Boily (Nicole): Oui. Mais est-ce que... Quand on regarde, par exemple, les politiques de chacun des ministères, il n'y a pas nécessairement ce lien, et c'est en ce sens-là que je dis: Il faut que les politiques, qu'il y ait une coordination à un moment donné entre les politiques des ministères, que ce soient les politiques, que ce soient les règlements, que ce soient les consignes, et que les gens arrivent à se parler et qu'on puisse, au niveau psychosocial, avoir une définition qui puisse correspondre à... que tout le monde parle le même langage et qu'on puisse...

Parce qu'il n'est pas vrai que quelqu'un ? je donnais l'exemple ? quelqu'un de 59 ans ou de 60 ans qui a été absent du travail pendant 10 ans, qu'il n'est pas marqué par ça... qui est encore considéré comme des contraintes temporaires à l'emploi. Je pense qu'il y a aussi ça qu'il va falloir peut-être abolir, ces contraintes temporaires à l'emploi, bien définir qu'est-ce que c'est que des contraintes sévères à l'emploi qui, pour le moment... c'est surtout médicalement qu'on l'établit, mais c'est pour ça qu'on parle de profils psychosociaux qui... finalement, on sait fort bien qu'il va y avoir beaucoup... et ce sera à peu près impossible.

Par ailleurs, vous parliez de démission. Il ne faut pas démissionner non plus. C'est qu'en même temps il faut offrir à ces gens-là... Mais là où on a une divergence de vues, c'est de dire: Ce n'est pas par la contrainte, ce n'est pas par le bâton qu'on va l'avoir. Il faut distinguer ce qui est un objectif de vouloir lutter contre la pauvreté et l'autre objectif qui est de vouloir que les gens s'en sortent. Et il y en a beaucoup plus qu'on pense qui veulent s'en sortir, et ce n'est pas nécessairement par le bâton qu'on va l'obtenir. Donc, il ne faut pas démissionner. Il faut penser qu'il y a des gens, si l'opportunité est là, si l'accès est là, qu'ils vont peut-être y aller d'eux-mêmes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député, en à peu près trois minutes.

M. Sirros: Je peux comprendre par vos dernières remarques que vous n'êtes pas parmi ceux qui préconisent une fin abrupte du soutien du revenu tel que le préconise le CPQ, pour ne pas le nommer, pour la clientèle très multiple...

Mme Boily (Nicole): Certainement pas.

M. Sirros: Mais c'est tout, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Ça va? Alors, Mme Boily, Mme Aubert et M. Lamoureux, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Je vais suspendre les travaux pour quelques instants pour permettre à un autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

 

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Désilets): O.K. On va recommencer. On a la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Mme Rousseau, je vais vous demander de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées
du Québec (FAFMRQ)

Mme Rousseau (Lise): Oui, bonjour. Sylvie Lévesque, directrice de la Fédération, et Lorraine Desjardins, travailleuse aussi à la Fédération.

Le Président (M. Désilets): Merci. Vous pouvez commencer.

Mme Lévesque (Sylvie): Merci. Oui, c'est ça, il y a eu un remplacement, Lorraine Desjardins en remplacement de Roxanne Quenneville, qui est une étudiante, mère monoparentale. Malheureusement, son père est décédé hier, donc les funérailles étaient aujourd'hui, alors elle ne pouvait pas être avec nous. Donc, Lorraine va faire la présentation, tantôt, quand même de Roxanne. Donc, c'est sûr qu'elle va présenter au «je», parce que Roxanne tenait quand même à vous présenter son témoignage. Alors, tantôt, elle pourra le faire en remplacement de Roxanne.

Donc, évidemment, vous avez reçu notre mémoire. Bien sûr, la Fédération, on est très heureuse... Évidemment, on le dit au féminin parce que, bien sûr, on représente la majorité des femmes surtout, sur la monoparentalité, alors c'est pour ça qu'on dit qu'on est très heureuse d'être ici aujourd'hui. C'est des choses qu'on a déjà dites, sûrement, que vous avez vues, qu'on va encore aujourd'hui vous représenter. Donc, ces derniers jours, il y a eu beaucoup de choses, entre autres hier, sur la pauvreté des enfants. Sûrement que vous avez été, en tout cas, sensibilisés à ce qui s'est passé aussi dans les médias hier, sur le fait qu'il y a de plus en plus de pauvreté. Je pense que le gouvernement fédéral, en 1989, avait voté une motion comme quoi il voulait éliminer la pauvreté et, en 2002, on se retrouve avec une situation encore aussi alarmante, sinon plus, qu'en 1989. Alors, on espère que, cette fois-ci, le gouvernement du Québec fera mieux qu'Ottawa et sera en mesure par sa loi d'améliorer la situation.

Alors donc, je vais rapidement... La monoparentalité au Québec, évidemment, je pense que je n'ai pas besoin de vous faire de longues discussions là-dessus, c'est effectivement encore très présent, et la monoparentalité est encore beaucoup féminine bien sûr, donc la pauvreté a un sexe dans le sens où il y a encore beaucoup de femmes chefs de familles monoparentales, qui sont en majorité aussi prestataires de l'aide sociale. Heureusement, certaines aussi s'en sortent avec des salaires minimums, mais, malheureusement, beaucoup d'entre elles se retrouvent à l'aide sociale et essaient de s'en sortir, mais c'est très difficile. Donc, les statistiques le démontrent. On n'est pas des statisticiennes, c'est d'autres personnes qui donnent ces statistiques-là, et aujourd'hui on se retrouve encore avec une situation très alarmante, et de plus en plus de familles monoparentales sont encore dans la pauvreté. Bien sûr, il y a beaucoup de gens aussi qui vivent la pauvreté, mais, quand tu es une mère monoparentale avec des enfants, c'est encore pire.

Alors, rapidement, je vais laisser la parole à Lise qui va vous présenter la Fédération et aussi certaines recommandations dans notre mémoire. Ensuite, Lorraine pourra vous présenter la situation de Roxanne. Et je reviendrai après.

Le Président (M. Désilets): Merci. Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Lise): Bonjours, mesdames, bonjour, messieurs. Même si plusieurs d'entre vous connaissez déjà notre Fédération, j'aimerais quand même commencer par vous la présenter.

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec existe depuis bientôt 30 ans. Aujourd'hui, elle compte près de 60 associations provenant de toutes les régions du Québec. Comme Sylvie Lévesque vient de vous le démontrer, ce n'est pas toujours évident d'être à la tête d'une famille monoparentale au Québec. Pour beaucoup de mères monoparentales, ça veut dire trop souvent être pauvre, et qui dit mère pauvre dit nécessairement enfant pauvre. Au fil des ans, notre Fédération a donc toujours cherché à lutter contre la pauvreté et améliorer les conditions de vie des familles monoparentales. C'est pour ça qu'on a déposé un mémoire sur le projet de loi n° 112 et qu'on est ici aussi aujourd'hui pour vous le présenter.

En commençant, nous aimerions saluer le courage politique du gouvernement du Québec d'avoir déposé un tel projet de loi. Je veux aussi ajouter que nous avons participé activement aux travaux du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et que nous appuyons l'ensemble des recommandations du mémoire que le Collectif a déposé à cette commission. On croit, nous aussi, qu'il est extrêmement important que le projet de loi n° 112 soit adopté d'ici les prochaines élections et que, dans la mesure où des améliorations importantes y seront apportées, une telle loi pourrait contribuer à lutter efficacement contre la pauvreté.

Certaines des luttes auxquelles la Fédération a participé depuis sa création ont déjà permis des gains importants pour les familles monoparentales. Depuis 1995, la perception et la fixation automatique des pensions alimentaires pour enfants fait en sorte que, même après une séparation, les deux parents continuent de contribuer de façon équitable au bien-être de leurs enfants. En plus, suite à d'autres actions, depuis 1997, la pension alimentaire pour enfants n'est plus imposable par le ministère du Revenu du Québec. Ces victoires montrent, entre autres, que le gouvernement du Québec a reconnu combien il est important que la pension alimentaire soit versée en totalité aux enfants.

n (11 h 50) n

Pourtant, si je suis un enfant dont le parent est prestataire de la sécurité du revenu ou sur le Programme de prêts et bourses, je ne verrai jamais la couleur de cet argent-là. Pourquoi? Comment ça se fait qu'à chaque fois que le gouvernement donne quelque chose aux familles monoparentales il coupe ailleurs? Pourquoi on juge qu'un enfant dont la mère travaille peut avoir droit à une pension alimentaire et pas un enfant dont la mère est à l'aide sociale? Pouvez-vous nous expliquer votre logique, parce que, nous, on ne la comprend pas?

D'ailleurs, on va faire circuler une lettre ici, qui a été envoyée en août dernier à Sylvain Pagé, député de Labelle, par Danielle Bergeron qui est membre d'une de nos associations. En la lisant, vous vous rendrez compte qu'elle non plus ne comprend pas votre logique. Mme Bergeron est travailleuse autonome et, comme elle n'a plus de contrat depuis quelque temps, elle a dû faire appel à l'aide du dernier recours pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille en raison de sa perte de revenus. Avant de se trouver à l'aide sociale, elle recevait une pension alimentaire de 225 versée par son ex-conjoint pour sa fille, mais, depuis, on déduit ce montant du chèque d'aide sociale qu'elle reçoit. Comme Danielle Bergeron dans sa lettre, je vous demande: Comment est-elle supposée faire pour arriver, avec 363,33 par mois, à payer le loyer, l'épicerie et à payer les dépenses associées à la recherche d'emploi?

Des exemples comme ceux-là, il en existe pourtant des milliers. Si on veut aider les mères monoparentales à se sortir de la pauvreté, pourquoi est-ce qu'on s'acharne sur leur dos en les privant de revenus auxquels leurs enfants ont droit?

Notre première recommandation est donc que la pension alimentaire pour enfants cesse immédiatement d'être considérée comme un revenu du parent responsable de famille monoparentale quel que soit son statut. La pension qui est versée au bénéfice des enfants doit rester aux enfants, et rien au monde ne doit empêcher cela.

Parlant d'acharnement, j'aimerais aussi vous parler de certains programmes qui sont censés venir en aide aux familles et qui ciblent très souvent les mères monoparentales. On voit beaucoup d'articles dans les journaux qui disent, entre autres, que les enfants qui sont élevés par une mère monoparentale sont plus susceptibles d'avoir des problèmes de comportement. Alors, on fait des recherches universitaires et programmes qui visent à prévenir ces problèmes-là et on oblige les mères à rencontrer toute une batterie d'intervenants qui vont décider à leur place de leurs besoins et dire comment éduquer leurs enfants comme du monde. Nous, on trouve que, au lieu d'aider les familles, plusieurs de ces programmes contribuent au contraire à augmenter le sentiment d'incompétence des mères en leur donnant l'impression qu'elles sont la cause des problèmes plutôt que de mettre ça sur le dos de la pauvreté dans laquelle elles vivent avec leurs enfants.

Une autre de nos recommandations réfère donc aux mesures de soutien aux familles et demande qu'elles répondent aux besoins réels des personnes dans le respect des parents et de leurs enfants. En agissant d'abord sur les causes de la pauvreté, nous croyons aussi que les organismes communautaires famille, donc les associations membres de notre Fédération, font déjà un excellent travail auprès des familles et qu'ils devraient être mieux financés pour continuer à améliorer leurs conditions de vie. Moi-même, si je suis ici aujourd'hui en train de vous parler à titre de présidente de la Fédération, c'est parce que je suis devenue membre d'une association de familles monoparentales et que j'ai pu recevoir de l'aide quand j'en avais besoin. Au lieu de me faire sentir comme une incapable dans mon rôle de mère, j'ai appris que je valais quelque chose comme personne et j'ai commencé à défendre mes droits et ceux d'autres femmes comme moi.

Je vais maintenant laisser la parole à Lorraine Desjardins qui remplace Roxanne Quenneville.

Mme Desjardins (Lorraine): Bonjour. Comme on vous a dit au début de cette présentation, comme Sylvie vous l'a dit, Roxanne a perdu son père donc hier. Roxanne Quenneville est une jeune femme qui a commencé à faire des démarches et à militer pour faire changer les choses. Elle regrette énormément de ne pas être ici ce matin. Évidemment, elle est en train d'enterrer son père présentement ? ça, on le comprend ? et elle m'a demandé de parler en son nom. Donc, le texte que je vais vous lire, qu'elle avait préparé, je vais vous le lire au «je» comme si c'était elle qui parlait.

Alors, en vous disant bonjour, ce qui a bien du sens. Elle disait: Je voudrais d'abord commencer par vous présenter un objet symbolique qui représente la pauvreté pour moi. Comme je suis ici pour vous parler de la réalité... Vous savez, le Collectif pour une loi sur la pauvreté a ressorti ça, ce concept-là qui est très intéressant. Alors, comme je suis ici pour vous parler de la réalité des parents étudiants, je vous ai apporté un biberon, mais, au lieu de contenir du lait, un élément nourrissant, il contient un formulaire de demande de dérogation de l'aide financière aux études du ministère de l'Éducation. Alors, en écoutant mon histoire, vous allez comprendre pourquoi.

Je suis mère de trois enfants, deux filles et un garçon, âgés de 5 à 10 ans. Quand je me suis séparée il y a trois ans et demi, j'avais un secondaire V non complété comme éducation. J'ai donc décidé de retourner aux études parce que je croyais que c'était le meilleur moyen d'assurer un meilleur avenir à moi-même et à mes enfants. J'ai donc commencé par terminer mon secondaire et j'ai ensuite fait une demande au cégep. Je n'ai pas le temps ce matin de vous raconter tout mon cheminement en détail, mais laissez-moi vous dire que ça a été du sport.

Au départ, je voulais aller en technique policière au Collège de Sherbrooke, mais je me suis finalement retrouvée, après quelques détours, en éducation spécialisée au collège Marie-Victorin. Je suis présentement en train de compléter ma troisième année dans ce domaine et j'adore vraiment ce que je fais. Depuis notre séparation, le père de mes enfants leur verse une pension alimentaire. Mon ex-conjoint et moi, quand il s'agit du bien-être de mes enfants, on s'entend très bien et il n'a jamais refusé de contribuer financièrement pour répondre à leurs besoins.

Quand je suis entrée au cégep, j'ai fait une demande à l'aide financière aux études pour subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants pendant que j'étudierais à temps plein. Pas besoin de vous dire que, quand je me suis rendu compte qu'on déduisait la pension alimentaire à 100 % dans le calcul du montant de prêts et bourses qu'on m'accordait, je suis tombée en bas de ma chaise, d'autant plus que, dans le cas des revenus de travail, ils ne sont déduits qu'à 50 %. J'ai donc fait pas mal de démarches, à gauche et à droite, pour essayer de faire changer les choses. J'ai envoyé des lettres qui décrivaient ma situation à la Direction de l'aide financière aux études au ministère de l'Éducation et au ministre lui-même. Finalement, on m'a dit que je devais faire une demande de dérogation, et tout ça a débouché sur un montant supplémentaire de bourse. Vous allez peut-être me dire que j'aurais dû être contente. Eh bien, non. La réponse que j'aurais vraiment aimé avoir, c'est que la pension alimentaire cesse définitivement d'être considérée comme un revenu du parent étudiant par les prêts et bourses, pas seulement pour moi, mais pour tout le monde.

Pour le moment, le Programme de prêts et bourses a trop tendance à fonctionner sur le système du cas par cas. Les parents étudiants doivent eux-mêmes faire des démarches afin d'obtenir des montants supplémentaires et, même quand ils les obtiennent, ils suffisent rarement à couvrir l'ensemble de leurs besoins de subsistance. Du côté des frais de garde, par exemple, pour les prêts et bourses, ils sont calculés en fonction du nombre de semaines où le parent est aux études à temps plein. Pourtant, vous le savez, pour obtenir une place à 5 $ en garderie, il faut que l'enfant y soit inscrit à l'année. Et ce n'est pas seulement le jour qu'un parent peut avoir besoin de gardiennage. Les prêts et bourses ne couvrent pas les frais de garde de soir ou de fin de semaine où on peut avoir besoin de faire garder ses enfants pour participer à des travaux d'équipe, à des stages ou faire des recherches en bibliothèque.

Si c'est vrai que le gouvernement veut lutter contre la pauvreté avec le projet de loi n° 112, il faudrait que le Programme de prêts et bourses soit révisé en profondeur. J'ai vu des femmes qui étudiaient avec moi et qui ont été obligées d'abandonner leurs études parce qu'elles n'arrivaient plus à couvrir les dépenses que ça occasionnait. Ça demande déjà beaucoup de courage de retourner aux études à temps plein tout en assumant seule les responsabilités d'élever des enfants. Si, en plus, on doit le faire dans la pauvreté en ne mangeant pas à sa faim ou en se privant de tout, pas étonnant que beaucoup de femmes se découragent avant d'avoir mené leur projet à terme. Il faut que ça change. Si vous voulez lutter contre le décrochage scolaire chez les jeunes, commencez par donner à leurs parents la chance de s'éduquer convenablement.

Il y a présentement une pétition qui circule dans l'ensemble des cégeps du Québec, des universités du Québec et dans d'autres milieux. On l'a ici d'ailleurs, M. le Président, on a une pile de documents, on vous en a apporté une tonne de copies. Ce sont des documents qui ont été déjà distribués dans la plupart des cas et dont vous avez déjà pris connaissance, mais on aimerait s'assurer que les parlementaires puissent en prendre d'autres copies, là, aujourd'hui.

Alors, on a une pétition ici. Roxanne avait préparé une pétition. Elle s'était dit qu'elle profiterait de sa présence ici, à l'Assemblée nationale, pour la faire circuler également parmi vous. Alors, la pétition dit ceci:

«Nous demandons au ministre de l'Éducation du Québec que les modifications suivantes soient apportées au Programme de prêts et bourses actuel:

«Que la pension alimentaire pour enfants cesse immédiatement d'être considérée comme un revenu du parent étudiant dans le calcul de l'aide financière accordée;

«Que des montants suffisants soient alloués afin de permettre une couverture complète de frais de garde de jour, de soir et de fin de semaine, et ce, tout au long de l'année;

«Que des montants de bourses soient également accordés aux étudiantes et aux étudiants inscrits à un programme d'études à temps partiel;

n (12 heures) n

«Que l'aide financière accordée corresponde aux coûts réels des frais de subsistance reliés à la vie étudiante et permette un endettement minimal.»

En terminant, je vais revenir sur mon biberon de tout à l'heure, le formulaire de dérogation qu'il y a dedans, je vous demande de le remplacer par de la vraie nourriture, du vrai lait, c'est-à-dire des actions concrètes qui reconnaissent le droit à l'éducation pour tout le monde et qui permettent aux familles, à toutes les familles de grandir en santé. Merci.

Le Président (M. Désilets): Merci, Mme Desjardins. Votre pétition, on sait que c'est à l'Assemblée nationale que ça se dépose. Votre pétition, c'est à l'Assemblée nationale. Ici, on peut en prendre connaissance, on peut distribuer des documents, de l'information aux membres de la commission, mais pour le dépôt, c'est à l'Assemblée nationale.

Mme la ministre?

Mme Lévesque (Sylvie): On n'avait pas terminé.

Le Président (M. Désilets): Oui, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, c'est parce qu'on avait aussi... Concernant les allocations familiales, dans notre mémoire, on a aussi... on est revenu là-dessus parce qu'on pense que c'est aussi un moyen d'éliminer la pauvreté, en tout cas, de l'ensemble des familles du Québec. Et ça fait plusieurs années, y compris à l'intérieur de la marche, ça faisait partie aussi de nos revendications qui étaient justement de rétablir les allocations familiales universelles. On a l'impression d'être redondant puis de revenir avec nos choses, mais on pense que, par solidarité pour l'ensemble des familles du Québec, on est convaincu que ce serait un moyen, entre autres, pas nécessairement d'éliminer la pauvreté mais, en tout cas, d'améliorer la situation de l'ensemble des familles du Québec.

Alors, c'est pour ça que, dans notre mémoire, on a aussi... on est revenu à la charge là-dessus pour... On sait que ça ne faisait pas partie... Dans la stratégie de lutte puis dans la loi, il y avait des propositions peut-être de mesures de soutien aux familles. Donc, pour nous, c'était important d'ajouter cet élément-là.

Alors, je voulais compléter, parce qu'on avait quatre recommandations dans notre mémoire et celle-là nous apparaît très importante. Mais je pourrais revenir peut-être tantôt dans les questions.

Le Président (M. Désilets): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais, mesdames, vous remercier et j'aimerais, de façon particulière, que vous puissiez transmettre à Mme Quenneville nos sincères sympathies à l'occasion du décès de son père.

Vous savez, vous avez légitimement, depuis déjà de nombreuses années, exprimé des demandes qui sont légitimes. Je pense que notre gouvernement ne les a pas niées, bien au contraire. Mais, il faut rappeler un peu d'où on est parti au sein de cette société parce que, parfois, de faire un petit peu d'histoire, ça nous aide à comprendre les gestes qui ont été posés, qui ont été faits.

Moi, j'ai eu le privilège, pendant de nombreuses années, de pratiquer le droit de la famille puis je vous dirais que, au sein de cette société, on s'est donné des outils et des mesures pour être capable d'accompagner puis de soutenir justement les familles qui faisaient un choix de mettre fin à leur union. Nous nous sommes retrouvés au Québec à instaurer la Loi sur le patrimoine familial pour faire en sorte que, lorsqu'un couple décidait de mettre fin à leur vie, on se retrouvait avec des articles de loi dans lesquels on permettait à cette famille de maintenir certains droits au niveau du patrimoine familial, les meubles, le soutien financier aux familles.

Pendant de nombreuses années, la société a fait en sorte que le mariage a été un choix de société pendant de nombreuses années qui faisait en sorte qu'on avait des lois qui se sont ajustées au fur et à mesure des revendications des citoyens et citoyennes pour s'assurer que, malgré des choix librement consentis, les familles ne se retrouvent pas dans des situations de pauvreté.

La société ayant évolué dans tous les sens du terme, on se retrouve aujourd'hui avec un très grand nombre de familles faisant un autre choix, qui est celui de vivant en union libre, faisant en sorte qu'il y a bien des dispositions de la loi qui ne s'appliquent pas, alors ce qui fait en sorte que ces mesures de calcul des revenus d'une pension alimentaire dans les différents programmes gouvernementaux, à l'époque, il y avait un soutien qui était assumé directement par l'ex-conjoint ou l'ex-conjointe dans un cadre juridique.

Comme la société, elle a changé, on se retrouve aujourd'hui avec des situations faisant en sorte qu'une mère de famille, lorsqu'elle ne vit pas maritalement de par les lois, se retrouve dans une situation... Au moment où ce couple, pour différentes raisons, met fin à cette union, la mère de famille se retrouve... Au Québec, actuellement, une famille sur deux connaît la rupture; 85 % des chefs de familles sont des femmes seules, avec des revenus inférieurs à 20 000 $. C'est ça, la réalité. Ces chiffres-là sont des chiffres qui ne sont pas contestés en soi et qui nous amènent à poser des gestes et à faire des choix différents.

Dans le cadre de ce qui touche la question de la pension alimentaire, nous nous sommes engagés à le regarder. Nous sommes actuellement avec le ministère des Finances, avec le Trésor et notre ministère justement pour voir comment, à la mesure bien sûr de nos moyens mais en fonction des choix qu'on fait... Donc, on a pris l'engagement de le faire puis on va le regarder, et j'ose espérer que les réponses qu'on pourra y donner seront des réponses qui confirmeront que, comme société, on fait des choix qui correspondent à la réalité.

Vous allez me permettre aussi de revenir un peu sur ce qui est véhiculé à chaque fois qu'on sort des statistiques sur la pauvreté et tout ça. Au Québec, nous ne sommes pas en accord avec l'analyse qui a été faite de par les statistiques ou les chiffres. Il y a des constats qu'il faut rappeler. On a fait en sorte qu'au Québec il est exact de dire qu'il y a près de 30 % des gens qui, aujourd'hui, ne sont pas prestataires. Ça ne veut pas dire que les personnes ne se retrouvent pas dans des situations de pauvreté ou d'exclusion sociale, je pense qu'il faut la nuancer au niveau des propos. Faire un constat qu'on a réussi à réduire les gens prestataires parce que certains et certaines occupent des emplois, c'est un gain de société. On a réussi à se donner des outils pour soutenir collectivement la société par des mesures sociales.

Vous savez qu'au Québec, malgré l'équilibre des finances publiques qui était nécessaire, depuis 1994 on l'a fait ensemble, un déficit accumulé de près de 6 milliards qu'il a fallu corriger ensemble comme société, c'était impératif de le faire, mais ça a eu des conséquences aussi, puis on ne les nie pas, ces conséquences-là. Vous savez, le soutien aux familles au Québec, c'est de l'ordre de 3,5 milliards. Par différentes mesures, les hommes et les femmes du Québec démontrent hors de tout doute que, malgré l'équilibre des finances, on a maintenu des programmes sociaux les plus généreux. Quand on regarde dans l'ensemble des autres provinces, puis quand on regarde nos voisins américains, au niveau des États-Unis, on a près de 40 % des gens qui n'exercent pas leur citoyenneté, qui n'ont pas accès à des mesures sociales.

Ceci étant dit, une fois qu'on... Et c'est pourquoi, dans le cadre de la stratégie de lutte à la pauvreté, avec notre projet de loi, on veut avoir des outils typiquement québécois pour être capable de mesurer avec le plus d'exactitude possible les gestes qu'on aura posés collectivement pour réduire le nombre de personnes vivant des situations de pauvreté et d'exclusion sociale.

Quand vous soulevez toute la réalité de ces femmes, aussi, et des hommes, il y a des gens qui se retrouvent dans cette situation, qui, malgré un travail, malgré qu'ils sont au salaire minimum ou un peu plus, se retrouvent avec des revenus modestes pour être capables de payer leur loyer, être capables de subvenir à leurs besoins, puis être capables d'avoir ce qu'il faut comme essentiel. Alors, à partir de ce moment-là, il y a du travail de longue haleine qui a été fait. Vous parliez de la Marche mondiale des femmes, on parle de la marche Du pain et des roses, on parle du travail qui a été effectué par le collectif, puis je pense que l'ensemble de la société québécoise sont d'accord avec le fait qu'on doit lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Puis, on nous a demandé une intervention globale. Dans le cadre de cette stratégie puis du projet de loi, on indique des pans de mur extrêmement importants qui disent: On veut s'attaquer à plusieurs choses. Il y a un budget de 1,5 milliard qui a été réservé pour le plan d'action et il y a une obligation dans la loi de le mettre ici.

Vous savez, on nous demande, en commission, puis j'ai reçu des lettres de gens qui nous disent: Bien, bonne chance, je ne sais pas ce que vous allez faire collectivement pour répondre à toutes les demandes qui ont été légitimement exprimées. Il y a des choix qu'on fait ensemble, et ces choix-là nous indiquent que nous devons concentrer nos énergies pour soutenir les personnes, pour leur permettre de sortir de cette pauvreté et exclusion sociale par des mesures spécifiques. Dans ces choix, on indique qu'on doit prioritairement soutenir la famille et soutenir également en amont la prévention pour s'attaquer non seulement... mais aux causes de la pauvreté. Et, pour les gens qui nous entendent, parfois, ils nous disent: Comment se fait-il qu'on ait tant de mesures sociales puis qu'en même temps il y ait tant de gens qui vivent de la pauvreté? Les gens se disent: À un moment donné, c'est compliqué.

Selon vous... On nous demande particulièrement, vous voyez, au niveau des médicaments, de faire en sorte de donner un coup de barre pour que les médicaments soient maintenant accessibles à l'ensemble des personnes qui vivent des situations de pauvreté. Je vais vous dire, au niveau du collectif, on nous demande cela. Il y a trois groupes de personnes qui se retrouvent au niveau de notre stratégie de lutte à la pauvreté: on a des gens qui sont prestataires de l'aide sociale pour différentes raisons; on a des gens qui sont au salaire minimum ou un peu plus; puis on a aussi ce que l'on appelle les personnes qui perdent leur emploi. Si, demain matin, on répondait à cette demande-là, si ce n'était uniquement que pour les prestataires d'aide sociale, c'est un coût de près de... c'est des dizaines de millions de dollars.

n(12 h 10)n

Est-ce que vous pensez que l'on pourrait donner un coup de barre pour les personnes qui sont prestataires, mais qu'on oublierait les personnes qui sont au salaire minimum, 7 $, 8 $ de l'heure, et même un petit peu plus pour des mères de famille? Et là, si on donne cette mesure-là à tout le monde, bien là on vient de grimper à 45, à 50 millions et peut-être même davantage. Alors, comment peut-on, par mesure d'équité, répondre uniquement à un groupe de personnes puis ne pas le faire pour les autres? Je pense que les gens qui sont à faibles revenus, les mères de familles diraient: Nous, on n'est pas prestataires, mais on se situe dans la catégorie des presque pauvres; on n'est pas assez pauvres pour bénéficier des mesures, mais on n'est pas assez riches non plus pour être capables de payer. Alors, comment on peut faire pour soutenir, je dirais, cette équité-là, faire en sorte que les gens nous disent: Il faut qu'on soutienne un plus grand nombre possible puis il faut qu'on le fasse collectivement avec les moyens que nous avons? Est-ce qu'on peut penser de cibler en priorité un groupe de personnes en faisant en sorte qu'on ne répondrait pas, par exemple, aux personnes qui sont des bas salariés au salaire minimum? Je sais que c'est une question qui est difficile, mais on en est là, parce que, tout au long de la commission, j'ai entendu des gens nous dire: Ceux qui vivent des situations d'extrême pauvreté... Mais la personne qui est au salaire minimum, la mère de famille avec deux, trois enfants puis qu'elle gagne 7, 8 $ de l'heure, est dans une situation d'extrême pauvreté elle aussi. Comment on pourrait justifier d'ouvrir pour ce groupe de personnes puis on ne le ferait pas pour les autres?

Le Président (M. Désilets): Mme Rousseau ou Mme Lévesque? Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Si je peux me permettre, moi, je ne ferais pas de choix en tant que citoyenne, comme groupe extérieur, pas nécessairement décideur du gouvernement. Je pense qu'il y a des choix de société, effectivement, à faire. Et vous parliez du déficit zéro tantôt, vous parliez que, bon, on avait choisi... En tout cas, le «on» n'exclut pas la personne qui parle, bien sûr, mais, pour ma part, oui, dans le sens que, moi, je n'ai pas nécessairement, comme citoyenne, ou l'ensemble des groupes, on n'a pas nécessairement décidé qu'on avait fait ce choix-là, le déficit zéro. Donc, c'est un choix qui a été fait par le gouvernement. Donc, on peut être d'accord ou pas d'accord, effectivement. Je suis plutôt de celles qui ne sont pas d'accord.

Donc, dans ce contexte-là, je pense qu'on a des choix de société à faire, collectifs. La distribution de la richesse, il y a des moyens qu'on se donne, comme collectivité, à faire, et, dans ce sens-là, je pense que les personnes, effectivement, qui sont à faibles revenus, au salaire minimum et tout ça, effectivement, ont autant le droit de bénéficier de revenus décents. On n'est pas ici pour dire que, nous, on devrait plus, les mères monoparentales, que ceux qui sont à faibles revenus puis celles qui ne le sont pas, là. Je pense que l'ensemble de ces personnes-là vivent dans la pauvreté, effectivement, autant celles qui essaient de s'en sortir avec 14 000 piastres par année, quand tu es à salaire minimum à 40 heures par semaine. Et je pense que celles-ci aussi ont le droit de bénéficier et d'être soutenues par la société au même titre que celles qui sont à l'aide sociale, au même titre que... Bon, moi, je pense qu'on n'est pas ici pour donner ces réponses-là, mais, en même temps, comme société, effectivement, vous avez raison de nous lancer la balle aussi parce que l'ensemble des citoyens et citoyennes ont aussi à donner leur opinion là-dessus.

Le Président (M. Désilets): Mme la ministre.

Mme Goupil: C'est parce qu'il y a des choix qui ont été faits. Quand on dit... À l'équilibre des finances publiques, on se retrouvait avec des dettes tellement extrêmement importantes qu'on n'avait plus de marge de manoeuvre pour être capable de réinvestir dans nos mesures sociales, parce que, comme société, on veut être capable de les maintenir. Vous savez, vous avez soutenu la politique familiale, les services de garde à 5 $ pour permettre justement de concilier famille-travail, et ça, ça a été fait en même temps que l'équilibre des finances publiques, on a dit: On veut soutenir, hein, il y a un coup de barre à donner pour aider l'ensemble de notre société.

Bon, il y a des choix que nous avons faits et il y a des choix qui ont donné de bons résultats, parce que, en même temps où on a priorisé l'équilibre des finances, il y a eu aussi... j'appelle... voyons, l'établissement, le déficit zéro, mais de faire en sorte que l'appauvrissement zéro aussi... Pour des personnes qui ont des contraintes, on a fait le choix, avec les moyens qu'on avait, d'indexer toujours leurs mesures, sauf pour les personnes qui n'avaient pas de contraintes sévères. C'est des choix qu'on a dû faire parce que, comme société, à un moment donné, il manque des moyens financiers pour répondre à tout ça.

Mais le but de ma question n'était pas de vouloir vous prendre en défaut, pas du tout, c'est que, comme parlementaires et comme membres de cette société, on a indiqué que, dans le cadre de la stratégie puis d'une loi avec des mesures spécifiques... Puis les gens disent: C'est courageux de le faire. Oui, c'est courageux parce que, comme société, parfois, les préjugés qui existent, la perception des choses, ce n'est pas nécessairement la réalité des femmes et des hommes qui vivent cette pauvreté. Mais là on a dit: Malgré tout ça, malgré qu'il y ait des préjugés qui existent et tout ça, on veut se donner un cadre législatif où on a des priorités d'action et où on veut être capable de soutenir davantage les personnes vivant des situations de pauvreté.

Mais ce qu'on dit aussi, c'est que les personnes vivant des situations de pauvreté, ce ne sont pas juste des personnes prestataires de l'aide sociale, ce sont des personnes à faibles revenus, qui ont des revenus modestes, puis qui veulent être soutenues puis s'en sortir et des personnes qui, par l'emploi, nous ont demandé de les accompagner dans de la formation pour leur permettre justement d'accéder à cette citoyenneté puis d'être capables de travailler.

Mais, il n'en demeure pas moins que les réalités qu'on dit, une famille sur deux connaissant la rupture puis que les chefs de familles sont des femmes seules, ça nous amène comme société à faire des choix pour justement soutenir les personnes qui ont à charge des responsabilités parentales. Alors, c'est pour ça que, quand on a fait la politique familiale, on a soutenu des allocations familiales plus modestes, il faut en convenir, puis plus concentrées pour des groupes de personnes vivant plus de pauvreté. Ce n'est pas assez, vous allez me dire, mais on a le gouvernement fédéral qui, de l'autre côté, fait des surplus au niveau de l'assurance emploi, fait des surplus sur le dos des travailleurs d'ici, puis c'est de l'argent des contribuables que, si nous aurions maintenu puis qu'on aurait entre nos mains, probablement qu'on n'aurait pas fait le choix de diminuer également les allocations familiales, parce qu'on n'a pas pu faire tous les choix.

Le Président (M. Désilets): En conclusion, pour permettre quelques secondes de réponse.

Mme Goupil: Mais, pour moi, j'aimerais ça si vous pourriez nous indiquer si... Considérant les difficultés auxquelles nous vivons, plusieurs personnes sont venues nous dire qu'on doit soutenir la famille et les chefs de familles. Est-ce que, dans ce contexte-là, nous ne devrions pas prioriser justement... on va globalement essayer de couvrir le plus grand, mais prioriser ce groupe de personnes là?

Le Président (M. Désilets): Je vais vous demander de répondre, Mme Lévesque, tantôt, pendant... parce que le temps est écoulé, là. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, j'ai longuement entendu la ministre parler pendant presque la totalité du temps qu'on avait pour questionner les personnes. Je veux tout d'abord corriger quelque chose qu'elle a dit, parce qu'il ne s'agit pas de donner la gratuité des médicaments, il s'agit de la remettre. Elle existait, ça a été enlevé par choix de ce gouvernement qui peut se justifier comme ils veulent. On le justifie supposément parce que c'est une question d'équité avec les faibles travailleurs, où on dit... Je ne peux pas utiliser les mots qui me viennent à l'esprit, mais on dit finalement: Ils paient, ces faibles travailleurs là, que les assistés sociaux paient aussi. En fait, ça revient à ça. Tout à fait. On leur donne une prestation d'aide sociale puis on leur dit: À l'intérieur de ça, quand vous aurez besoin de médicaments, vous allez prendre une partie pour payer je ne sais pas si c'est la prime ou la franchise. Et on le justifie, on dit: Parce qu'il faut être équitable avec tout le monde. Mais l'équité, pour moi, c'est aussi un seuil. Quand on est déjà très en bas de ce que ça prend pour couvrir les besoins essentiels, forcer quelqu'un à choisir davantage entre manger et prendre ses médicaments ? j'ai utilisé le mot «cruel» par le passé et je le répète ? c'est cruel. Donc, parler d'équité dans ce sens-là et de lutte à la pauvreté, etc...

Je comprends peut-être pourquoi la ministre a pris 15 minutes de parler plutôt que de questionner, c'est peut-être parce que, à la page 5 de votre mémoire, vous faites ressortir le fait que, entre 1996 et 1998, la réforme de la sécurité du revenu a entraîné des coupures estimées à 345 millions de dollars, réduisant ainsi de 10 % le revenu des personnes assistées sociales. Vous revenez sur la question d'une autre mesure que la ministre met de l'avant souvent, la question des services de garde où vous faites la démonstration assez évidente que, finalement, ce n'est pas une mesure de lutte à la pauvreté. Ça a sa valeur, mais, je veux dire, qu'on ne la mette pas dans le décor de la lutte à la pauvreté quand on sait qu'elle a vraiment bénéficié surtout à des personnes de hauts revenus. Vous sortez le chiffre de 75 000, etc.

Alors, ces choses-là étant dites, je vais revenir sur votre présentation et vous poser une couple de questions surtout par rapport à la pension alimentaire, parce qu'il me semble qu'il y a là une incongruité qui sort, très frappante. Permettez-moi de voir si j'ai bien compris. Vous avez une situation où une mère est monoparentale avec un enfant dont le père n'est pas vivant, elle est veuve. Elle a une prestation de base pour ses besoins à elle puis elle a un montant qui lui vient pour l'enfant par le biais des allocations familiales. À côté d'elle, vous avez maintenant une personne dont le mari, c'est un ex-mari, il est vivant, il verse une pension alimentaire pour son enfant, le résultat net de la personne qui vit avec l'enfant, c'est qu'elle va avoir un montant de base pour elle, comme la veuve, et l'enfant va avoir l'allocation familiale, et l'État va prendre la pension alimentaire. Donc, en fait, ce qu'on dit au père, on lui dit: Toi, tu es mort. À l'enfant, on dit: Toi, tu n'as pas de père. Puis à la femme, on dit: Toi, tu es veuve. Parce que c'est exactement la même situation.

Je sais que ça soulève des questions par rapport au fait que l'aide sociale, c'est un programme de dernier recours, puis on dit: Il faut que tu épuises toutes les autres possibilités de recours avant qu'on t'aide. Mais, moi, ce que j'entends ? et je vais vous donner l'occasion de revenir sur cette question-là ? c'est que vous faites ressortir une incongruité par rapport à tout le discours qu'on tient quant à l'importance de la famille, quant à l'importance de garder les liens parentaux avec l'enfant, et on agit tout à fait en contraire avec ça. Alors, prenez le plancher vous aussi pendant quelques minutes.

n(12 h 20)n

Mme Rousseau (Lise): Moi, je voulais juste peut-être rajouter...

Le Président (M. Désilets): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Lise): Bon, on parlait tantôt des centres de la petite enfance, du droit de garde à 5 $ par jour. Moi, je peux vous dire que, avant que cette loi-là sorte, je payais 2 $ par jour pour faire garder mon enfant. Je suis montée à 5. Je veux dire que, pour moi, ça n'a pas été quelque chose d'extraordinaire. Je viens d'augmenter de 3 $ par jour, alors que j'en payais 2. Oui, ça a eu du bon pour des gens qui payaient beaucoup plus, qui, eux, sont tombés à 5 $, mais ceux qui payaient 2 $ ont monté à 5, donc une augmentation de 3 $, mais mon revenu n'a pas augmenté.

On parle aussi, souvent, des allocations familiales. Moi, je voudrais vous amener quelque chose. Heureusement pour moi, l'année passée, quelqu'un à mon travail est tombé malade. J'ai travaillé beaucoup plus, j'ai gagné 23 600. Malheureusement, elle est revenue au travail. Bon. Donc, j'ai dû retourner sur le chômage parce que, moi, je travaille dans un centre hospitalier. Comme vous connaissez les coupures, je suis sur appel, et on ne m'appelle pas souvent.

Ce qu'on m'apprend au niveau du chômage: j'ai gagné 23 600, je n'ai plus droit à la part de famille monoparentale, j'ai trop gagné. Donc, je perds 71 $ par semaine. On m'apprend par ailleurs, de mon gouvernement provincial, que mes allocations familiales sont coupées, j'ai trop gagné. Je pars de 207 $ par mois à 94 $ par mois. Et cette année, je n'avais gagné que 10 000 $. Donc, comment je vais faire pour arriver si, une année, je gagne 23 000, l'année d'après, j'en gagne 10, et on vient tout me couper? 71 par semaine, calculez-le quatre fois, et quelque 100 $ par mois d'allocation familiale. Je pense simplement au provincial, 30 $ au fédéral. Ça fait quelque 100 $ par mois, et je vais gagner 10 000 $ de revenu. Donc, imaginez que je dois faire de la magie pour arriver, continuer à payer le loyer et faire vivre mes trois enfants.

Donc, je pense que, quand on parle aussi de pension alimentaire... et ça, je ne peux pas arriver puis dire, au niveau de la pension... pas de la pension alimentaire, mais des allocations familiales, et leur dire: Cette année, je vais gagner 10 000. Eux autres vont me rajuster l'année prochaine à mon impôt. Donc, qu'est-ce que je fais? Est-ce que je reste plus basse pour pouvoir... tu sais, qu'on ne me coupe pas? Est-ce que je vais continuer à travailler? À un moment donné, on se pose comme question, comme femme: Est-ce que je vais aller gagner 10 $ de plus, parce que... Bon, est-ce qu'ils vont me couper? Qu'est-ce qui m'attend à l'impôt? Est-ce que, l'année prochaine, je vais travailler? Parce qu'on a des métiers précaires et on a du travail précaire aussi. On ne sait pas, d'une année à l'autre, comment on va travailler, et quand on se fait couper comme ça... Et moi, je vis de même, depuis 10 ans bientôt que je suis à l'emploi d'un hôpital et, une année, je gagne beaucoup, l'année d'après, je suis pauvre; l'année d'après, je suis riche; l'année d'après, je suis pauvre.

Mme Lévesque (Sylvie): Je ne sais pas si je peux compléter par rapport justement à l'exemple de la pension alimentaire à l'aide sociale.

Le Président (M. Désilets): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): On n'est pas les seules qui sont venues dire ça aussi, il y a d'autres groupes qui aussi l'ont souligné. Ce qu'on veut dire effectivement, c'est que, quand le gouvernement dit souvent... Effectivement, il y aurait une iniquité, par exemple, pour une mère monoparentale qui n'est pas sur l'aide sociale ? parce qu'on est déjà venu présenter ça dans le cadre de la réforme de Mme Harel. Une mère monoparentale qui n'est pas sur l'aide sociale, elle, peut l'avoir, sa pension alimentaire pour enfant parce qu'elle est maintenant, depuis le cas de Susan Thibaudeau, la défiscalisation de 1997... elle, elle peut l'avoir, sa pension alimentaire. Elle est à salaire minimum, elle n'est pas sur l'aide sociale.

Par contre, une mère monoparentale effectivement qui est sur l'aide sociale, elle, comme elle a l'aide de dernier recours et elle a les allocations familiales, donc, à ce moment-là, si on rajoute la pension alimentaire pour enfant, bien là, ce serait inéquitable par rapport aux mères monoparentales qui sont, elles, à bas revenus.

Là, à un moment donné, nous autres, on se dit: Bien là, peut-être que c'est inéquitable, mais là on parle... est-ce qu'on est en train de faire les niveaux de pauvreté, là? À un moment donné, là, on ne parle pas non plus... Les pensions alimentaires, c'est une moyenne de 400 $ par mois, là. Il ne faut pas penser que c'est énorme non plus, là, et ça touche 17 000 à peu près, là ? je n'ai pas les chiffres, là, il y a d'autre monde ici qui sont meilleurs que moi là-dessus ? à peu près, de familles. En quelque part, ce n'est quand même pas si énorme que ça, là. Quand on me parle d'iniquité entre une mère monoparentale qui aurait plus parce qu'elle est sur l'aide sociale puis que l'autre est à bas revenus, bien là, là, je ne sais pas, là, mais, moi, j'ai un peu de difficultés à saisir ça.

Donc, dans ce sens-là, je me dis: Bien, en quelque part, il nous semble qu'il faudrait au moins rétablir cette discrimination-là. Si on ne la rétablit pas au niveau de la pension alimentaire, bien, nous, ce qu'on dit: Rétablissons-la au niveau des allocations familiales universelles d'abord, parce que, là, si on veut toucher l'ensemble des familles du Québec, même si c'est une famille qui gagne 200 000, qui aurait une allocation familiale universelle, moi, je ne suis pas mal à l'aise, comme famille du Québec, à ça, pantoute. Je veux dire, c'est évident qu'elle n'aurait pas un montant énorme. On peut dire: Oui, une famille de 200 000, comment ça se fait que ça a une allocation familiale? Voyons, elle n'a pas besoin de ça. Sauf que c'est une question de solidarité familiale, à notre point de vue. Par contre, ça n'empêche pas d'avoir des mesures ciblées pour les familles les plus démunies qui en auraient besoin.

Donc, à notre point de vue, si vous voulez réformer au niveau de la fiscalité... à notre point de vue, quand vous parliez du fédéral, tantôt, effectivement, on est d'accord avec ça. Oui, le fédéral empoche l'argent, puis ils ne font rien, c'est sûr, mais en même temps c'est un argument, à notre point de vue, qui fait que le gouvernement, s'il décidait aussi de faire une allocation familiale universelle, comme ils ont déjà fait auparavant, vous auriez peut-être moins besoin aussi de «linker» avec la fiscalité.

Donc, dans ce sens-là, ça réglerait le problème, mais évidemment ça demande des investissements bien sûr gouvernementaux et ça demande des investissements importants, mais c'est des choix de société à faire. Et je pense que les familles du Québec et même les citoyens qui n'ont pas d'enfant, il me semble qu'on est dans un taux de natalité... Si on veut aussi améliorer cette situation-là, il nous semble que ce serait un bon moyen pour améliorer la situation. Alors, voilà.

M. Sirros: Merci beaucoup. Moi, en tout cas, en guise de conclusion...

Le Président (M. Désilets): M. le député de Laurier-Dorion, pour les quatre prochaines minutes.

M. Sirros: ...quand je constate qu'il y a des gens qui ont des problèmes existentiels quant à savoir c'est quoi l'équité entre l'assisté social qui n'a pas ses médicaments puis le travailleur qui, lui, aurait à payer un montant, ajusté en plus en fonction du revenu, et ne se questionnent pas sur l'équité par rapport aux situations que vous nommez ici, je pense qu'on ne peut pas nécessairement parler d'une volonté réelle d'agir dans le concret et dans l'immédiat. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Désilets): Une conclusion?

Mme Lévesque (Sylvie): Je ne sais pas...

Le Président (M. Désilets): Non? Bien, je vais...

Mme Lévesque (Sylvie): Enfin, on souhaite que... On sait qu'on a très peu commenté le projet de loi, et c'était volontaire, comme on l'a dit d'entrée de jeu, parce qu'on considère que le collectif l'a fait, ce travail-là. Nous, on attend impatiemment, évidemment... surtout, évidemment, des retombées très concrètes. Ne serait-ce que juste les pensions alimentaires à l'aide sociale, je pense que déjà ce serait un gain important pour les familles monoparentales.

On vous laisse les documents et on vous remercie.

Le Président (M. Désilets): Merci. Je vais suspendre jusqu'à 15 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

 

(Reprise à 15 h 33)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mesdames et messieurs, la commission va donc reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous poursuivons la consultation générale et que nous tenons évidemment des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Nous accueillons, tel qu'il a été mentionné ce matin... Nous accueillons donc maintenant l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons ainsi que Moisson Montréal inc.

Alors, M. Clément Bergeron, je crois, on me dit que vous allez faire la présentation au nom des deux organismes. Alors, monsieur, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire, que par la suite il y aura période d'échange, mais, au préalable, il serait important que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.

Association québécoise des banques
alimentaires et des Moissons (AQBAM)
et Moisson Montréal inc.

M. Bergeron (Clément): Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Mme Louise Cossette, qui est présidente de l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons, qui est également directrice générale de Moisson Mauricie?Centre-du-Québec; et Mme Maryse Lizotte, qui est administratrice à l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons. Et Maryse est également directrice générale de Moisson Kamouraska, et elle est également une de nos déléguées à l'Association canadienne des banques alimentaires. Il y a peut-être un autre qualificatif que j'aurais besoin de rajouter ? c'est une particularité, parce qu'on innove beaucoup ? Maryse est également coordonnatrice du Regroupement d'entraide des assistés sociaux de Kamouraska. Alors, elle cumule deux fonctions, directeur général de Moisson Kamouraska et coordonnatrice du Regroupement d'entraide des assistés sociaux du Kamouraska.

Alors, nous sommes très heureux de nous présenter devant vous aujourd'hui. On ne connaît pas tout le monde, mais il y a des gens qu'on connaît autour de cette table. Rapidement, pour notre présentation, ce que je vous propose, c'est très rapidement passer sur qui nous sommes, ce qui nous préoccupe au niveau de notre champ d'activité et, après, aller directement dans les recommandations qu'on vous présente au sujet du projet de loi.

Alors, je ne sais pas si vous avez bien... Je peux répéter pour les... Bonjour, ça va bien? Non, il n'y a pas de problème. Alors, juste répéter rapidement, là, ce qu'on aimerait peut-être faire, c'est juste, dans un premier temps, vous présenter qui nous sommes ou qui nous sommes devenus. Parce que je vois Mme Léger, qu'on a rencontrée l'an dernier et qui, je pense, a vu un peu l'évolution qu'on a vécue cette année, alors ce serait peut-être bon juste de le rappeler rapidement. Ensuite de ça, aller sur les questions qui nous préoccupent et, en dernier, sur les recommandations spécifiques au projet de loi. Peut-être aussi, avant d'aller plus loin, rappeler que... Je ne sais pas si tout le monde a reçu la lettre qui m'a été adressée de Moisson Montréal, de mon collègue François Charbonneau qui... Moisson Montréal qui nous confie la responsabilité de représenter...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Effectivement, M. Bergeron, on l'avait bien reçue. C'est pour ça que j'ai pu vous identifier comme le porte-parole.

M. Bergeron (Clément): Alors, nous sommes également les porte-parole de Moisson Montréal. Et une des bonnes nouvelles qu'on veut vous annoncer également, c'est que Moisson Montréal, le 9 octobre dernier, a pris la décision de joindre les rangs de l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons.

Alors, rapidement, l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons, c'est la Fédération des Moissons du Québec, qui a été créée en 1988, qui est transformée depuis le 19 août de cet été Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons. Qu'est-ce qu'il y a de différent? Il y a de différent que les banques régionales, qu'on appelait et qu'on appelle encore les Moissons, qui ont une responsabilité davantage de sollicitation, récupération, distribution au niveau régional, qui desservent des organismes locaux... Ce qu'on a de nouveau, c'est que les organismes locaux, on leur a offert de devenir membres de notre organisation et de leur offrir un forum d'échange, un forum d'évolution, de formation et d'information pour le développement de leur pratique au niveau local dans l'aide alimentaire.

Alors, au moment où je vous parle, aujourd'hui même, nous sommes 302 membres, mais on peut vous confirmer dès maintenant que, d'ici la fin novembre, on va compter dans les alentours de 700 membres à l'Association québécoise des banques alimentaires et, d'ici la fin janvier, nous serons environ 1 000 membres, ce qui va regrouper à peu près toutes les banques alimentaires locales et les banques alimentaires régionales existant actuellement au Québec. On a des démarches qui ont été suivies, là. Je pense qu'on a informé deux ministères, le ministère Santé et Services sociaux et le ministère au niveau de l'Emploi, Solidarité sociale principalement, là, au niveau de programmes d'action communautaire autonome... On a informé les deux ministères en question de l'évolution de notre dossier. Nos 1 000 organismes, nos 16 banques régionales desservent 300 000 bénéficiaires à chaque mois en aide alimentaire. 300 000 bénéficiaires, à chaque mois, reçoivent des denrées à travers notre réseau.

Dans les constats qu'on aimerait vous... Ah, excusez, il y a d'autres choses ici. Dans notre organisation également, avec nos 1 000 organisations qu'on prévoit avoir d'ici la fin de janvier, là, on regroupe 10 000 bénévoles dans l'aide alimentaire au Québec qui agissent pour aider à servir ces 300 000 personnes là qui sont en situation de difficulté. Également, on évalue ce qu'on récupère et qu'on distribue par différents moyens qu'on a développés au cours des années... On évalue à 75 millions de dollars la valeur de nourriture que nous donnons à chaque année. Alors, si vous lisez le mémoire de Moisson Montréal, vous allez voir que Moisson Montréal évalue à eux seuls pour 30 millions en valeur de nourriture redistribuée, mais, lorsqu'on rajoute l'ensemble du territoire du Québec, on parle d'une valeur de 75 millions.

n(15 h 40)n

Maintenant, ce qu'il est important de souligner, c'est que ça paraît des chiffres importants, mais c'est si peu quand on sait qu'il y a au moins 250 millions à plus... qu'on n'est pas encore en mesure d'évaluer précisément en ce moment, donc 250 millions en valeur de denrées actuellement au Québec qui n'est pas récupéré, qu'on n'a pas encore sollicité... qui n'est pas récupéré, qui n'est pas distribué auprès des gens qui sont dans le besoin. C'est majeur. C'est majeur d'autant plus qu'il y a une étude qui a été rendue publique l'année dernière dans laquelle le ministère de la Santé et des Services sociaux était impliqué avec l'Institut national de la recherche scientifique sur la question de la faim, et ce qui est sorti de cette étude-là, c'est qu'actuellement le réseau d'aide alimentaire au Québec rejoint à peu près 22 à 25 % des gens qui sont en situation de demande d'aide alimentaire. Ce qui veut dire qu'il y a un gros 75 % de gens qui ne demandent pas d'aide alimentaire actuellement puis qui sont en situation qu'ils devraient demander. Alors, pour toutes sortes de raisons de... ? ça peut être sur le plan psychologique ou n'importe quelle autre raison, ils n'en trouvent pas la force, ou ils ont entendu mal parler du réseau, ou quoi que ce soit ? n'ont pas fait de demande comme telle au réseau. Mais il y a 25 à 22 %, actuellement, des gens qui sont en situation d'avoir faim au Québec... à peine 25 % qui font de la demande comme telle. Et, sur ce 25 % là, on est à peine capable de rencontrer 50 % des besoins, à peine capable de rencontrer 50 % des gens... 50 % des besoins des gens qui sont en demande.

Alors, si on fait le lien entre les chiffres, on a au moins 250 millions de denrées qu'on ne récupère pas parce qu'on n'en a pas les moyens logistiques en ce moment pour des raisons d'ordre pratique, que, si on récupérait, ça nous donnerait trois fois plus de nourriture à donner à trois fois plus de gens qu'on ne rejoint pas actuellement, juste pour faire rapidement la mathématique. Bon.

Aussi, au niveau des soutiens financiers, ce qu'on pourrait parler, c'est que le bâilleur de fonds principal de l'aide alimentaire au Québec, c'est Centraide. Le bâilleur de fonds principal. Je n'ai pas des chiffres rigoureux. Malheureusement, je n'ai pas des chiffres enregistrés, mais il va me faire grandement plaisir de faire suivre aux membres de la commission, si vous en avez l'intérêt, les chiffres tout à fait vérifiés au cours des prochaines semaines. Mais on évalue grosso modo l'aide financière qu'on reçoit de Centraide actuellement à un million de dollars par année et on évalue l'aide qu'on reçoit du gouvernement du Québec, je parle à travers des programmes qui sont les programmes d'aide Soutien aux organismes communautaires et le programme d'action communautaire autonome... Les deux ensemble qui vont environ dans les 400 000 à 450 000 $ pour l'ensemble des banques alimentaires du Québec actuellement. À ça le cadre de référence en sécurité alimentaire n'est pas inclus. Le cadre de référence qui a été développé par le ministère de la Santé et des Services sociaux de 10 millions de dollars, là, sur deux ans, ce n'est pas inclus. Alors, c'était au niveau des chiffres, en espérant que ça va susciter des questions pour la période d'échange.

Ce qu'on aimerait peut-être aussi apporter à votre attention comme tel, c'est qu'il y a plusieurs régions actuellement au Québec qui ne sont pas structurées à l'intérieur du réseau de banques alimentaires. Bon, il faut comprendre que l'Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons fait partie d'un réseau national où il y a également un organisme qui s'appelle l'Association canadienne des banques alimentaires, organisme, d'ailleurs, que nous avons contribué à créer en 1988, la même année que nous avons mis sur pied la Fédération des Moissons du Québec qui est notre ancêtre à nous. Alors, lorsqu'on a créé l'Association canadienne des banques alimentaires, le but était tout simplement de bâtir un partage national puis d'aller mettre la main finalement sur toute la production alimentaire à l'échelle du pays et de repartager à l'échelle du pays en fonction des besoins des différentes provinces.

On fait partie de ce réseau-là, et les 1 000 organismes dont je vous parlais tantôt font partie de ce réseau-là actuellement. Or, dans ce réseau-là, il y a des régions qui ne sont pas du tout couvertes. Je ne vous dis pas qu'il n'y a aucune aide alimentaire qui existe dans ces régions-là, je pense qu'il y a des députés qui pourraient vous dire: Non, non, non, il y a des efforts qui se font dans les régions qui ne sont pas structurés à l'intérieur de ça. Mais ces régions-là n'ont pas comme telles de banques régionales structurées, des entrepôts et tous les services de soutien qui sont reliés au fonctionnement d'une banque et ne profitent pas du système de sollicitation, récupération, distribution qui pourrait exister sur le territoire du Québec, sur le territoire canadien. Alors, je parle des régions comme ? et c'est très malheureux de le dire ? Gaspésie?Les Îles, l'Outaouais, la Côte-Nord, Manicouagan, cette région-là, tout ce qui dépasse finalement région de Québec, Charlevoix. Et, bon, bien on a le grand Québec, là, passé le territoire de la Baie-James et ces coins-là. Alors, c'est des territoires comme tels, actuellement, où on n'a pas d'intervention directe qui se fait par notre organisation.

Évidemment, avec les chiffres que je vous ai donnés, je pense que vous comprenez que, malgré tous les efforts qu'on y met, évidemment, nos efforts actuels ne répondent pas... On refuse malheureusement... Et, cette année plus que jamais, avec la crise qu'il y a eu dans l'Ouest canadien, le partage national a fait en sorte qu'il a fallu privilégier l'Ouest canadien cette année au niveau de l'aide alimentaire, ce qui a diminué la part, d'ailleurs, de Moisson Montréal, qui vous en parle dans son mémoire, et la part aussi de toutes les banques alimentaires régionales du Québec. Alors, notre part a dû d'autant être baissée qu'il fallait, de façon très urgente, intervenir dans l'Ouest canadien.

Mais aussi on s'est rendu compte que la demande monte ? la demande des banques alimentaires, malheureusement, n'est pas à la baisse ? et que les denrées baissent. On s'est rendu compte que, de plus en plus, les détaillants et les commerces vont davantage se tourner vers des ventes à bas prix, alors qu'auparavant ils donnaient de façon très libre, principalement dans les produits importants comme les fruits et les légumes.

Alors, nos actions concrètes. J'attirerais votre attention à la page 6. Et puis je vais essayer de ne pas vous endormir durant la lecture, mais on tient à lire absolument, absolument les pages 6 et 7 avec vous.

Alors, nos actions concrètes, indispensables et pertinentes. Nous dénonçons farouchement les discours méprisants et démagogiques qui se sont développés au cours des dernières années au Québec au sujet de la nature même de l'action d'aide alimentaire menée par les banques alimentaires. Ces discours dénaturent la réalité de l'aide de pointe et d'urgence qui est apportée jour après jour auprès de Québécois et de Québécoises en situation de crise et de désespoir. Près de 300 000 Québécois et Québécoises reçoivent à chaque mois cette aide qui est synonyme, pour plusieurs d'entre eux, de survie.

Dans ce contexte de besoins criants, prétendre que les banques alimentaires et Moissons du Québec entretiennent volontairement et sciemment la dépendance alimentaire est totalement hérétique. Les Moissons du Québec, rappelons-le, ont mis sur pied, au cours des années, des réseaux de réinsertion sociale des personnes qu'elles dépannent. Les Moissons ont également développé depuis longtemps des activités visant à amener ou ramener les personnes vers leur autonomie alimentaire et leur autonomie complète. L'action menée par les banques alimentaires et les Moissons au Québec les situe en première ligne d'intervention pour les personnes en situation de crise. Nous croyons être un maillon indispensable d'un continuum de services qui conduit la personne en difficulté du choc, de l'état de crise ou de la dépendance vers l'autonomie, la prise en main, l'apprentissage et l'épanouissement.

Il est à souligner que les Moissons du Québec et les banques alimentaires régionales et locales du Québec n'ont pas attendu un énoncé de politique gouvernemental pour prendre place. L'urgence d'agir a pressé les collectivités à se prendre en main il y a longtemps, avec des moyens extrêmement modestes, mais qui sont la démonstration d'une solidarité sociale active, d'une lutte concrète contre l'exclusion sociale.

Alors, on vise à soulager la faim parce qu'il y a des besoins criants, puis on ne rencontre même pas tous les besoins criants qui s'adressent à nous.

On vise le développement de pratiques alternatives, parce que, étant sur la première ligne de feu, on est drôlement bien placé pour faire de la référence de ces gens-là. D'ailleurs, les gens qui font appel chez nous, ce n'est pas des gens qui s'improvisent comme demandeurs. Les gens ont été conduits à travers un réseau de partenariats établi au niveau de chacune des régions avec les institutions publiques et privées spécialisées du domaine qui peuvent nous référer des gens vraiment dans le besoin.

Des lieux de réinsertion sociale et de lutte à l'exclusion, évidemment par tous les bénévoles qu'on implique dans nos organisations, mais également par les portes ouvertes à tous les programmes de création d'emplois et de réinsertion qui peuvent exister pour toutes sortes de types de difficultés qu'on rencontre dans la société d'aujourd'hui. Ces gens-là... Concrètement, ces programmes-là existent depuis des années à l'intérieur de nos cadres, et c'est des tremplins pour reprendre place dans la société.

Et, également, on est des lieux d'organisation et de développement régional. Quand on parle de concertation... Si on parle de Moissons, on parle nécessairement de concertation, parce qu'on ne peut pas faire de réinsertion, on ne peut pas faire de sollicitation, récupération, distribution si on n'est pas concerté avec son milieu, parce qu'on n'a pas la reconnaissance de notre milieu. Alors, toutes ces choses-là, on les fait.

Et Mme la Présidente m'a signifié qu'il me restait peut-être encore quatre minutes ou trois minutes et demie?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Quatre.

M. Bergeron (Clément): Vous êtes bien gentille, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Rôle ingrat, mais il faut que...

n(15 h 50)n

M. Bergeron (Clément): Non, non, ça prend ça. Alors, j'attire votre attention sur nos recommandations spécifiques reliées au projet de loi. Alors, les pages 11, 12, 13 et 14, on souligne évidemment que contrairement à l'opinion populaire où les gens pensent que les banques alimentaires sont en combat contre ceux qui veulent, au contraire, l'affranchissement des gens dans la pauvreté... Mais c'est carrément pas vrai, je veux dire, les banques alimentaires, nous sommes des alliés du Collectif pour l'élimination de la pauvreté, nous sommes des alliés du Front commun des personnes assistées sociales du Québec également. Alors, je ne répéterai pas l'ensemble de leurs positions, qu'on a mises en annexe à notre document, mais que vous connaissez déjà, je pense qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues vous en parler. Mais, pour aller plus spécifiquement sur les choses qu'on veut apporter à votre attention, il y a les pages 12, 13, 14 qui résument en gros notre pensée.

Et, dans le fond, la sécurité alimentaire, on en parle dans l'énoncé de politique, mais il n'y a pas un seul endroit où, dans le projet de loi, on parle de sécurité alimentaire. À notre point de vue, la sécurité alimentaire doit être reconnue absolument comme partie du filet de sécurité sociale dont on parle dans la loi n° 112, doit être nommée et identifiée, à notre point de vue, parce qu'on ne peut pas prétendre attaquer le problème de la pauvreté au Québec sans attaquer le problème de la faim quand on connaît les chiffres qu'on connaît qui, malheureusement, sont des statistiques lorsqu'on parle entre nous, mais c'est absolument... C'est tragique d'entendre parler de ce qu'on entend parler aujourd'hui, de savoir qu'il y a autant de gens qui ont faim actuellement au Québec dans une province et dans un pays évolué comme le nôtre.

Ce qu'on demande également pour arriver à combattre la faim, on demande: S'il vous plaît, aidez-nous à harmoniser les intervenants qui interviennent dans le secteur de la faim. On ne décriera jamais les cuisines collectives, on croit aux cuisines collectives. On ne décriera jamais les groupes d'achat, ni les magasins de partage, ni les petits déjeuners, on croit à tous ces types d'intervention là. Mais on aimerait peut-être attirer votre attention pour vous dire que les banques alimentaires au Québec ont existé avant tous ces mouvements-là et qu'elles ont toujours demeuré, parce que le besoin était là, malgré le peu de moyens qu'on a mis à l'intérieur de ce type de service là.

C'est ce pourquoi on demande l'établissement d'une politique nationale de sécurité alimentaire, on demande l'établissement d'une table de concertation nationale en sécurité alimentaire qui est intersectorielle, donc du secteur public, du secteur privé ? et il y a le secteur privé à but lucratif comme partenaire avec nous autres ? et, évidemment, on demande comme instrument peut-être à envisager la tenue d'un colloque intersectoriel. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Bergeron. Nous allons donc immédiatement passer à la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Alors, bonjour, M. Bergeron. Bonjour, mesdames. Bienvenue à la commission. Et merci de présenter un mémoire.

Dans votre mémoire, vous soulignez effectivement la détresse alimentaire, d'une part, que vivent plusieurs milliers de personnes. Je reconnais comme vous que cette situation est dramatique puis qu'elle ne devrait peut-être pas du tout exister dans une société comme la nôtre. La Stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion de même que le projet de loi qui est sur la table, c'est une occasion, dans le fond, privilégiée que nous avons pour s'attaquer aux causes de la pauvreté telles quelles, vous l'avez mentionné plusieurs fois à plusieurs échanges qu'on a eus ensemble.

La sécurité alimentaire, effectivement, vous le dites, c'est plus que la sécurité alimentaire en soi, c'est une composante du filet de sécurité sociale. Alors, ça, j'en conviens complètement avec vous. Vous dites souvent, M. Bergeron, dans quelques échanges qu'on a eus ? et aussi, avec le ministère, vous avez eu quelques échanges ? vous proposez particulièrement une organisation de services de sécurité alimentaire. Bon, on sait que beaucoup de régions au Québec ne sont peut-être pas nécessairement toutes organisées en matière de sécurité alimentaire, vous nous le mentionnez encore aujourd'hui. D'autres organismes communautaires pensent particulièrement plutôt à davantage inscrire la sécurité alimentaire dans de l'aide d'urgence. Vous savez qu'il y a un débat, là, actuellement entre l'aide d'urgence ou l'organisation des services tels quels.

Pouvez-vous m'expliquer un petit peu plus qu'est-ce que c'est pour vous, vraiment, l'organisation des services alimentaires, dans une région particulièrement, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): D'accord. Alors, dans une région, entre autres, une concertation est faite des forces vives du milieu du secteur communautaire avec les CLSC, les régies régionales, les études sur l'état socioéconomique, sociodémographique de la région. Les cibles sont identifiées, les gens s'entendent sur un plan de match. La Moisson travaille avec des organismes privés qui sont fournisseurs de nourriture, avec l'association canadienne, l'association provinciale. Les groupes se présentent, viennent chercher les aliments, reçoivent les aliments qu'ils distribuent aux gens. Mais, dans ce système-là, les gens se présentent aux organismes. Les gens se présentent souvent aussi directement aux Moissons. Ils nous viennent référés du CLSC, référés de la Maison des femmes, ils nous viennent référés d'une... C'est toujours dans des situations très particulières que les gens vivent ces choses-là de situations... malgré que, malheureusement, il y a des gens qui vivent ce problème-là de façon récurrente et qui est très... Il y a peut-être une partie de la population pour laquelle on peut difficilement parler de complet rétablissement de l'autonomie éventuelle. Entre autres, lorsqu'on parle des gens qui ont été désinstitutionnalisés au cours des 10 dernières années, ce n'est pas évident pour eux. Alors, ce que je veux dire... Oui?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Non, un instant...

M. Bergeron (Clément): Je ne vous sens pas satisfaite, c'était juste mon introduction.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bergeron (Clément): Mais, si vous voulez une question plus précise, allez-y.

Mme Léger: Oui, j'apprécierais.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Mme la ministre.

M. Bergeron (Clément): Allez-y, Mme Léger.

Mme Léger: Oui. Parce qu'un de vos objectifs est l'autonomie alimentaire des personnes, vous venez de le mentionner, là. Vous dites que ce n'est pas... vous ne réussissez pas nécessairement avec toutes les personnes qui viennent vous voir. D'abord, au niveau de ces personnes-là, est-ce que ce sont des personnes habituellement sans emploi? Est-ce que ce sont des personnes seules? C'est des personnes âgées particulièrement? Est-ce qu'elles viennent plus d'une fois? Est-ce que c'est toujours les mêmes? Je pense, au niveau du portrait, ce serait intéressant de le savoir pour les membres de la commission, d'une part.

Et, comme votre objectif est aussi l'autonomie alimentaire, est-ce que vous réussissez à inculquer ou à aider ces gens-là à une prise en charge vraiment d'eux-mêmes ou il y en a vraiment trop, c'est trop difficile, ça impliquerait d'autres efforts ou d'autres soutiens ailleurs?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): Je vais juste donner une partie de réponse. Je vais demander ensuite à Mme Lizotte de vraiment amener, là, des illustrations précises.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, allez-y, M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): Alors, juste rapidement, c'est que... Comme on dit, ce n'est pas tellement le temps d'avoir un blanc de mémoire, là, hein?

Une voix: ...

M. Bergeron (Clément): À savoir...

Mme Lizotte (Maryse): Composition des familles récipiendaires.

M. Bergeron (Clément): J'ai un blanc de mémoire total, vas-y.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, est-ce que, Mme Lizotte, vous voulez commencer?

Mme Lizotte (Maryse): Je prendrai la relève. Merci, Mme la Présidente. Mme Léger, alors, on parle de composition de familles. J'ai ici le portrait que nous avons dessiné avec l'Association canadienne des banques alimentaires, c'est un portrait de statistiques réelles d'utilisation des banques alimentaires canadiennes. Alors, nous avons en statistiques plus précises pour le Québec: 10,7 % des récipiendaires d'aliments sont des couples sans enfant; 24,4 % sont des familles biparentales; 30,4 % ont monoparentales; et célibataires, 34,6 %.

Au niveau d'une banque régionale individuelle, il y a des statistiques encore qui sont plus détaillées à ce point-là, et j'entendais ce matin une allusion faite à Moisson Québec qui nous parlait de 33 % où ce sont des enfants qui sont les récipiendaires de sa banque alimentaire comparativement à chez nous, à Moisson Kamouraska, où on en est rendu à 38,8 %.

Alors, ce qu'on fait avec ces gens-là, certaines banques alimentaires ont le service direct aux clients, certaines banques alimentaires ont le service d'entrepôt et le service direct aux organismes. Pour la première partie des banques alimentaires qui offrent, en fin de compte, le service direct aux clients et le service en entrepôt, moi, je vous dirais que les petites banques alimentaires ? et celles de façon moyenne le font ? nous recevons directement le client chez nous. Nous prenons le temps de le rencontrer, d'évaluer son besoin et de faire avec lui un cheminement vers un point de services qui pourrait l'amener à se prendre en main ou à régler la problématique qu'il vit présentement.

On sait que, pour développer la problématique d'insécurité alimentaire, présentement, à travers le pays et au Québec, on coupe toujours et on ampute toujours sur le budget de l'épicerie, ce qui est dramatique. Alors, c'est toujours le premier morceau qui est amputé à un budget. Ces gens-là deviennent en état d'insécurité et se tournent vers des services sociaux de type CLSC, peuvent se tourner vers les écoles, et on dépiste maintenant, grâce aux petits déjeuners, les écoles où il y a des besoins plus ponctuels et plus pointus.

n(16 heures)n

Alors, ce qu'on fait au niveau des banques alimentaires qui ont le service direct, on rencontre déjà ces gens-là, on évalue et on effectue un suivi. Pour les banques alimentaires qui n'ont pas les deux types de services et qui vont agir en tant qu'entrepôt, à ce moment-là le suivi se fait auprès des organismes aidés. Est-ce que je réponds à votre question, Mme Léger?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Léger: Oui, très bien même. Merci bien. Vous nous avez dressé quand même un portrait sommaire, là, en quelques minutes. Comment, dans une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, on va soutenir particulièrement les planifications stratégiques des régions d'une part avec un soutien pour des actions très locales? Le fonds spécial est là pour venir aider et venir davantage supporter. Comment, dans votre apport et votre expertise sur la sécurité alimentaire d'une part puis l'aide que vous apportez aux familles, puis, dans le fond, à des gens seuls aussi, dans le portrait que vous nous faites, comment ça peut s'inscrire? Parce que, quand on est rendu à aller chercher de la nourriture parce qu'il y a un manque... se loger, se vêtir puis se nourrir, ça fait partie de plus que les besoins essentiels. Comment vous pouvez inscrire ça dans une stratégie locale pour renforcer, dans le fond, les actions locales qu'on pourrait avoir sur le terrain?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): Oui. Là, j'espère que je n'aurai pas de blanc de mémoire ce coup-là, mais ce que je voulais dire tantôt, c'est que c'est un petit peu relié à ça, là. Mais juste pour dire que les banques alimentaires, qui étaient des Moissons depuis, disons-le, 20 ans et même 25 ans... les cuisines collectives se sont développées à l'intérieur de ces pratiques-là. C'est venu naturellement. Les gens qui étaient en besoins de première ligne avaient besoin de réinsertion. Les gens ont inventé des nouvelles façons de faire les choses. Et c'est très heureux aujourd'hui que cette pratique-là soit répandue et qu'il y ait un regroupement provincial qui regroupe ces gens-là pour permettre l'échange d'aller encore plus loin et permettre à des gens de toutes sortes de niveaux d'intérêt de s'impliquer au niveau des cuisines collectives. Je voulais juste le souligner. Puis même les petits-déjeuners, parce que les petits-déjeuners... sans chercher, on a découvert dernièrement que nos collègues d'une banque alimentaire de la région de Longueuil, Groupe Action Nouvelle Vie, étaient à la naissance de la première expérience de petits-déjeuners au Québec, qui, par après, est devenu un modèle qui s'est répandu et, aujourd'hui, bien, on connaît le Club des petits-déjeuners dans lequel le gouvernement du Québec a reconnu les qualités d'intervention. Alors, ça, ça s'est fait dans les laboratoires régionaux autour des banques alimentaires.

Maintenant, pour répondre spécifiquement à la question: Pourquoi une politique d'intervention nationale? Une politique d'intervention nationale parce que, actuellement, on vit des problèmes dans le manque de reconnaissance, je dirais, du gouvernement ? je ne veux pas être trop dur, là, mais je dois le dire ? de qui nous sommes. Il y a un créneau, il y a une philosophie qui s'est développée au cours des dernières années comme de quoi que les banques alimentaires, c'était une façon de faire qui était dépassée. C'est clair que les banques alimentaires, ce n'est pas la façon de faire qui résout tous les problèmes, c'est clair qu'il y a d'autres types d'interventions, de pratiques alternatives qui doivent être développées pour assurer la reprise de l'autonomie.

Mais le besoin de la faim n'est pas encore rencontré, et les banques alimentaires actuellement étouffent du peu de moyens qu'ils ont à leur disposition pour rencontrer les besoins qu'ils ont à faire face. Et, en plus de vivre cette situation-là, justement parce qu'il n'y a pas de politique nationale où on reconnaît le rôle de chacun des intervenants dans un continuum de services et dans une... Si on prend une région particulière, on regarde son développement, on regarde ses forces au niveau production alimentaire, industrielle, puis production maraîchère, on voit si elle est dépendante de l'extérieur ou si elle ne l'est pas, on voit si le partage se fait en fonction des gens qui sont identifiés comme étant des gens en besoin. Parce qu'il y a des gens qui récupèrent la nourriture, qui donnent de la nourriture à des organismes qui ne sont pas nécessairement des organismes ou des gens qui sont en besoin absolu de recevoir des aliments. Alors, une politique nationale permettrait, premièrement, aux acteurs de s'asseoir ensemble, de se parler ? déjà ça, ce serait beaucoup au niveau national ? de reconnaître le rôle de chacun, les uns les autres, de se faire aussi une image claire de la situation actuelle de la faim au Québec et de la situation ou des moyens qui sont apportés au niveau des pratiques alternatives avec les paliers de gouvernement intéressés et de s'entendre sur une stratégie d'action qui est ajustée à chacune des régions pour faire en sorte qu'on reconnaît non seulement le rôle de chacun, mais on orchestre les ressources en conséquence.

Actuellement, on ne veut pas décrier personne, comme on le disait, mais on donne davantage de moyens à certains types d'interventions qui, à notre point de vue, sont des interventions en aval de l'aide alimentaire, alors que nous, qui sommes en amont, ne sommes même pas capables de faire face aux besoins criants. Il y a comme quelque chose qui ne marche pas. Il me semble que et c'est important de donner d'abord à manger à tous ceux qui ont faim avant d'investir à un autre niveau. Maintenant, il serait bon d'investir aux deux niveaux parallèlement, mais nous sommes en perte... on a moins d'investissement à notre niveau qu'au niveau de la prise en main de l'autonomie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Bien. Alors, je prends bonne note d'inscrire en tout cas l'importance de la sécurité alimentaire dans notre projet de loi et dans notre stratégie nationale. Mais je vais laisser la parole à ma collègue de Marie-Victorin qui veut, elle aussi, intervenir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'était donc un commentaire. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Alors, je vous remercie, Mme la Présidente. Je connais très bien en fait les banques alimentaires. En 1988, Moisson Montréal, j'étais députée, mais je m'occupais déjà... et j'étais allée visiter, parce que j'ai parti avec plusieurs autres de la Montérégie, et tout particulièrement des gens de Longueuil, la banque alimentaire CDARS, à Longueuil. Donc, je connais très bien en fait le milieu et je connais très bien ici l'implication.

Je voudrais juste... Tantôt, je vous écoutais puis j'essaie de comprendre votre logique parce que, en fait, effectivement, il y a plusieurs façons d'arriver à combler les besoins alimentaires de la population ou à apporter une sécurité alimentaire, je pense. Et tantôt, vous disiez: Nous, on travaille en amont, mais il y en a d'autres qui travaillent en aval, mais ça dépend où sont rendus les gens dans leur développement. Et vous avez dit très bien: C'est important autant de... d'essayer de faire les deux en même temps.

En 1988, je me souviens très bien, en tout cas quand j'étais allée visiter... ça a changé, vous avez déménagé de place depuis ce temps-là, mais c'était temporaire. C'était surtout que les banques alimentaires étaient pour être du temporaire parce qu'on était dans une période creuse, l'économie n'allait pas bien et il fallait vraiment aider des gens, et ça s'est accru d'une façon phénoménale en fait et c'est sans arrêt.

Moi, je voudrais savoir: À partir de ça, comment vous vous voyez? Parce que j'ai comme l'impression qu'actuellement par rapport à cette politique-là qu'on veut mettre de l'avant, j'avais l'impression que vous vouliez être le maître d'oeuvre ou, en tout cas, centraliser l'ensemble de tous les services. C'est un petit peu centraliser l'ensemble et de faire répertorier, en fait, l'ensemble des services qui peuvent exister et que, finalement, vous auriez un rôle de maître d'oeuvre un peu. Non, ce n'est pas ça.

M. Bergeron (Clément): Non.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): Oui. Définitivement, c'est le contraire. C'est qu'on désirerait que le gouvernement du Québec, à qui appartient le pouvoir d'assurer la sécurité des citoyens du Québec, assume le leadership de regrouper tous les intervenants qui agissent en sécurité alimentaire pour simplement harmoniser les rapports entre nous, assurer la reconnaissance les uns des autres et assurer une coordination dans l'ensemble des groupes au niveau national parce que, au niveau national, on établit des politiques et on peut appliquer tout simplement ces choses-là au niveau régional et au niveau local.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: En partant d'une reconnaissance, le milieu peut se prendre en main et le faire, ça. Je regarde notamment sur la Rive-Sud, en tout cas, c'est un peu comme ça que ça se passe actuellement, les gens travaillent en concertation. Il y a différents aspects. Vous avez parlé du Club des petits-déjeuners, les Popotes roulantes chez les personnes âgées. Il y a beaucoup de groupes. Nous, on a La Croisée qui donne... ils font des repas à prix modique, ils vont les porter chez les... Même l'hôpital Charles-Lemoyne s'est impliqué avec leurs cuisines pour aider et faire des petits repas qui ne coûtent pas cher, aller porter des choses un peu partout. Là où les gens... Le problème, la problématique, c'est l'approvisionnement. Et là où, je pense, vous jouez un rôle important et majeur, c'est au niveau de l'approvisionnement.

Mais, au niveau de l'approvisionnement, en fait, il y a des... je fais des distinctions parce qu'il y a des individus puis il y a des groupes qui vont chez vous. En fait, une bonne partie des groupes, en tout cas, vont s'approvisionner ou, en tout cas, essaient, tentent de s'approvisionner chez vous et, notamment, ce que je reçois, il y a beaucoup de listes d'attente en tout cas, parce qu'il y a des organismes qui ne peuvent pas parce qu'ils sont sur une liste d'attente, parce qu'on priorise en tout cas. Et Action Nouvelle Vie, c'est des gens qui sont sur une liste d'attente, qui aimerait bien être reconnue d'ailleurs.

Mais ceci étant, ce que je voulais vous dire, c'est que les gens travaillent en étroite collaboration, mais, chez nous, la politique en tout cas, je savais que c'était de moins en moins aux individus mais de plus en plus aux organismes. Est-ce que vous voyez ça plus comme ça, de donner davantage à des organismes qui sont constitués, qui sont habilités à avoir directement avec des gens... Il y a le Repas du passant, il y en a plein, il y en a là, et je pourrais vous en nommer. Chez moi, il y a 350 groupes communautaires, ça fait que je vous dis qu'il y en a pas mal qui s'occupent aussi de ces aspects-là, de faire manger le monde. C'est une de mes préoccupations aussi dans mon comté.

n(16 h 10)n

Mais, moi, je voudrais savoir plus explicitement, à travers tout ça... parce que, oui, une politique, c'est... on reconnaît qu'il y a des besoins, on reconnaît... mais il faut mettre un main-d'oeuvre quelque part. Ce n'est pas le gouvernement qui va être le main-d'oeuvre. Il va penser la politique, mais, après ça, il va désigner une personne qui aura un rôle majeur à faire, à jouer. Alors, qui voyez-vous là-dedans? Je veux dire, une fois que la politique sera faite, qui voyez-vous? Qui devra... Est-ce que c'est les CLSC? Est-ce que c'est vous autres? Et-ce que c'est une table de concertation? Comment ça devrait s'articuler, ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en deux minutes, M. Bergeron, puisque c'est tout le temps qui reste.

M. Bergeron (Clément): Bien, en fait, c'est écrit dans notre document très clairement, l'articulation de ça, c'est qu'on propose la mise sur pied d'une table de concertation intersectorielle nationale. Ce qui veut dire que tous les ministères concernés... je prends, entre autres, le ministère des Pêcheries, par exemple... qui sont en relation avec des producteurs, je pense à des ministères comme Industrie et Commerce, en plus de Santé et Services sociaux, parce qu'on parle de sollicitation et récupération, on parle de ministères comme ceux-là... Mais, nous, on croit qu'une table de concertation intersectorielle nationale regroupant les représentants des organismes communautaires intervenant en sécurité alimentaire, les ministères concernés ou qui devraient être concernés par la sécurité alimentaire de par leur réseau, plus les groupes provenant du secteur privé purement, les gens d'affaires... peuvent voir à l'application d'une telle politique un coup qu'on l'aura élaborée, d'ailleurs tous ensemble, et voir à son application concrète pour aller chercher le 250 millions de dollars de denrées à récupérer puis pour se donner un moyen de les distribuer en région, mais de façon complémentaire, dans le respect du rôle de chacun des intervenants au niveau régional.

Il y a Mme Cossette qui aimerait aussi intervenir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme Cossette. Rapidement, s'il vous plaît, madame.

Mme Cossette (Louise): Oui. J'aimerais rajouter un petit mot sur ce que la députée de Verchères a dit à l'effet que, dans la région de Montréal, et je suis d'accord avec elle, il y a une bonne concertation des groupes au niveau de l'aide alimentaire. Il y a une bonne concertation des groupes parce que les groupes sont très structurés. Mais je dois dire que ce n'est pas le portrait qu'on en fait dans toutes les régions du Québec, particulièrement je peux parler de la mienne... les deux miennes parce que, disons, on est la banque alimentaire de la Mauricie et du Centre-du-Québec, donc c'est un immense territoire, où il y a beaucoup de ruralité, il y a beaucoup de petits organismes. Et je pense que, comme Moisson, moi, je me sens un petit peu la responsabilité d'essayer de travailler à faire de l'intervention sociale avec les nombreux groupes d'aide alimentaire. Je me sens un petit peu cette responsabilité-là tout en n'ayant pas les moyens de le faire parce que c'est grand, parce que les distances sont immenses, parce que les groupes ne sont pas organisés, c'est des groupes souvent qui reposent sur du bénévolat, donc il faut énormément d'énergie pour le faire, puis des sous; malheureusement, c'est ça aussi, c'est les sous.

Je voulais dire aussi, pour rajouter à ce que Clément a dit tout à l'heure... c'est que, cet été, j'ai eu une offre de la Corporation de la gestion du bassin du réservoir Gouin, en Haut-Saint-Maurice, où on faisait de la pêche et on jetait les poissons parce que les gens du secteur, les autochtones du territoire n'étaient pas intéressés à avoir toutes les sortes de poisson. Puis là on me demandait de prendre en charge tout ça, comme ça là, d'aller ramasser les poissons, d'envoyer un camion réfrigéré, d'envoyer des bénévoles pour un mois. Bien, vous comprendrez que c'est pété. C'est une offre, pour moi, qui est démesurée par rapport aux moyens que j'ai. Et puis, là, moi, je pensais à toute cette source de protéines là qui se perd, et donc, ça me faisait de la peine parce que, en fin de compte, on manque de ce type d'aliment là que sont les viandes, les produits laitiers et de plus en plus les fruits et légumes, malheureusement. Donc, je trouve ça...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, madame, on va poursuivre quand même, il y a probablement d'autres questions qui vont suivre. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bergeron, mesdames, bienvenue également. Moi, j'écoute depuis un certain temps puis je dois vous dire que, s'il y a un constat qu'on peut faire et que peut-être on doit faire, c'est que votre succès, c'est un peu le constat de notre échec, dans le sens que succès, entre guillemets... vous parlez de 300 000 personnes qui vous visitent, des millions de dollars que vous distribuez en besoins alimentaires, le besoin d'une politique de sécurité alimentaire dans le Québec de 2002-2003, puis on voit que c'est une montée en flèche depuis bon nombre d'années que vous avez, selon les statistiques que vous avez ici. On ne peut qu'arriver à la conclusion qu'il y a quelque chose qui ne marche pas rondement là, chez nous, et le chez nous, c'est collectif, dans le sens du Québec et des gouvernements, l'État, etc. Est-ce qu'on peut s'entendre que votre objectif à vous aussi c'est de vous voir disparaître?

M. Bergeron (Clément): Oui.

M. Sirros: Ce serait le mien en tout cas, de... Ha, ha, ha! Je vous le dis très gentiment là, d'ailleurs, aussi. Et, si c'est le cas, je me dis: Ce n'est pas par le biais de l'instauration d'une politique alimentaire permanente, là, qui incorpore dans le processus la notion de banque alimentaire. Il faut qu'on trouve une autre façon d'assurer la sécurité alimentaire. Et je vous écoute militer pour la mise sur pied d'une table nationale et permanente de concertation intersectorielle. Je vous dis que c'est peut-être une bonne mesure transitoire, parce que, de toute évidence, nous sommes dans une situation où il y a une réalité qui est là et qu'on ne peut pas ignorer. Il ne faut pas essayer de changer les statistiques quand on ne les aime pas, pour faire une petite référence à autre chose ? ils savent de quoi je parle ? mais... Bon, il y a une réalité. Peut-être une façon transitoire, c'est d'aborder cette question-là. Mais, une fois cette mesure, entre guillemets, transitoire mise sur pied, comment vous voyez votre disparition par la suite? C'est quoi, les mesures que vous aimeriez voir instaurer pour que, dans 10 ans, vous ne reveniez pas devant nous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Bergeron.

M. Bergeron (Clément): Alors, c'est ce qu'on appuie ici même, dans notre mémoire, lorsqu'on vous dit qu'on appuie entièrement la position du Collectif pour l'élimination de la pauvreté ? il y a huit points très, très spécifiques que le Collectif a développés devant la commission ? et lorsqu'on dit également qu'on appuie le Front commun des personnes assistées sociales du Québec qui reprennent d'ailleurs les points du Collectif et en rajoutent, je crois, un ou deux points. Eux autres, finalement, parlent de... comment est-ce qu'on appelle... le plancher? Je vais demander à Mme Lizotte de répondre à cette question-là, parce qu'elle maîtrise très bien tout ce dossier-là au niveau de l'aide sociale.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme Lizotte.

Mme Lizotte (Maryse): Merci, Mme la Présidente. Alors, vous allez sûrement rencontrer M. Jean-Yves Desgagnés, du Regroupement des personnes assistées sociales du Québec. Alors, bien sûr, ce qui est attendu au niveau des mesures à adopter pour les gens qui vivent de prestations de la sécurité du revenu, c'est un barème plancher. C'est une chose qui est primordiale. C'est une chose qui doit se faire de façon minutieuse. C'est une chose qui doit arriver à point. Vous savez que bon nombre de Québécois ne pourront jamais intégrer le marché du travail. On ne se cache pas non plus que des gens vont demeurer chez eux, des gens sont malades, des gens ont, je dirais, des moyens précaires afin de retourner sur le marché du travail. Alors, un barème de base est quelque chose d'important, et le droit de manger est universel.

Vous me parliez tout à l'heure, M. Sirros, de pourcentage de fréquentation des banques alimentaires. J'ai ici aussi une statistique qui est très intéressante. La fréquentation des banques alimentaires au Québec s'est accrue cette année de 4,6 % et de 11,6 % comparativement à 1997. Alors, oui, il y a un besoin criant. Oui, des gens ont faim. Et j'ai eu récemment à prendre la parole, à Ottawa, lors de la sortie du Bilan-Faim 2002, qui est la compilation des statistiques d'utilisation des banques alimentaires canadiennes, et j'étais fière d'être Québécoise et de dire au reste de la nation que le Québec a un projet de loi sur la table qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et que le Québec a un pas d'avance en cette matière.

Je vous dirais aussi que les banques alimentaires crient, crient des besoins. Nous avons des besoins au niveau de la main-d'oeuvre, nous avons des besoins au niveau du support matériel et nous avons des besoins au niveau de la récupération des aliments. Mais il y a un besoin encore plus nominal que ceux-ci, c'est le besoin d'être entendu et que les gens comprennent que ce n'est pas une situation normale ? on arrive à tout près de l'année 2003 ? qu'il y ait des Québécois qui, chaque matin, se lèvent et ne mangent pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Vous parlez de besoin de main-d'oeuvre et vous avez fait aussi des références à un travail que vous voulez faire au niveau d'un processus d'insertion pour aider les gens. On a souvent l'impression qu'une banque alimentaire, la personne vient, cherche quelque chose, s'en va, et que vous n'avez pas de relation permanente. Est-ce que, dans ce besoin que vous avez de main-d'oeuvre, est-ce que vous avez pensé à la création de postes de type d'économie sociale ou des entreprises d'économie sociale? Est-ce que ça existe? Qu'est-ce que ça... Est-ce que... Bon, allez-y.

n(16 h 20)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Lizotte.

Mme Lizotte (Maryse): Merci, Mme la Présidente. Effectivement, M. Sirros, nous sommes des plateaux de travail, nous sommes des plateaux d'insertion sociale, de réinsertion aussi. Nous travaillons avec des gens qui ont des travaux communautaires compensatoires, des jeunes... des travaux juvéniles. Nous travaillons avec des gens qui ont des programmes d'insertion à l'emploi d'Emploi-Québec, mais qui, malheureusement... ces bons programmes sont toujours rationnés d'année en année. Et les moyens pour maintenir ces gens en poste, nous ne les avons pas, nous n'avons pas les moyens financiers.

M. Sirros: Si vous me permettez, c'est à ça que je voulais en venir. Est-ce que, par exemple, vous avez créé des entreprises d'économie sociale pour opérer les banques alimentaires ou les besoins des banques alimentaires qui permettent à des gens qui étaient sur l'aide sociale peut-être de travailler à l'intérieur de ces entreprises-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cossette.

Mme Cossette (Louise): Pour créer une entreprise d'économie sociale, il faut absolument créer de l'argent, créer une rentrée d'argent, donc ce qui n'est pas évident dans le domaine des banques alimentaires où on ne peut pas faire monnayer la nourriture.

Il y a peut-être des projets au niveau des ressourceries qui pourraient se faire, dans le sens qu'on pourrait avoir, par exemple, des fermes, où on pourrait avoir des jardins collectifs, des projets d'empochage de compost, des choses comme ça. Mais les banques alimentaires sont tellement... très peu financées qu'elles ont peine à fonctionner minimalement présentement. Donc, pour développer des projets comme ça, aussi il faut avoir du temps, des ressources, pas continuellement fonctionner avec de la main-d'oeuvre en rotation.

Par exemple, je disais à mon collègue que, nous autres, à Moisson Mauricie?Centre-du-Québec, par exemple, on a 10 personnes qui travaillent 20 heures-semaine puis qui font 20 heures de bénévolat, qui pourraient travailler chez nous parce qu'il y a du travail pour ces personnes-là. Mais le problème, c'est qu'on ne peut pas les garder, ces gens-là. Ils viennent chez nous parce que... disons qu'ils se sentent en famille, on leur donne un sentiment d'appartenance, et, comme on fait affaire souvent avec les gens qui sont les plus démunis finalement, qui sont vraiment dans les besoins de base tout à fait, on les prend au début. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens qu'on reçoit en situation de crise, on les amène jusqu'au bout du processus. Il faut les référer à d'autres organismes. Donc, je pense qu'on fait un bout de chemin, compte tenu qu'on est un organisme de première ligne où les gens arrivent en situation de très grande urgence. Mais, pour ce qui est des projets d'économie sociale, on parle toujours d'économie marchande, et c'est là que le problème se pose: Comment arriver dans une banque alimentaire à faire de l'économie marchande?

Pour ce qui est de la récupération d'aliments, on en fait, et puis souvent ? j'aimerais ça rajouter ça parce que la question ne m'a pas été posée ? mais les aliments qu'on récupère, je voulais le mentionner à tout le monde ici, c'est des aliments qui sont jetés et qui sont très bons. Souvent, c'est des aliments qui ne répondent pas aux normes de marketing, ou des cannes qui sont bossées dans un processus de manutention. Et ça, quand on pense à tout ce qui est gaspillé en fonction des besoins, je pense qu'il faut récupérer au maximum ces denrées-là. Ça, je tenais à le dire même si on n'a pas posé la question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, M. le député de Laurier-Dorion? Alors, Mme la députée de Laviolette, et j'ai la députée de Berthier aussi qui aura besoin d'un consentement, mais je vais lui garder quelques minutes.

Mme Boulet: Une ou deux brèves questions. Vous dites que votre objectif ultime, c'est l'autonomie alimentaire. Quelle proportion, quel pourcentage de gens atteignent cette autonomie-là? Ça ne doit pas être évident. J'imagine qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui réussissent à atteindre ce niveau-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Lizotte.

Mme Lizotte (Maryse): Merci, Mme la Présidente. Il est évident que l'autonomie ne peut pas s'acquérir du jour au lendemain. Comme le disait Mme Cossette tout à l'heure, les gens arrivent en situation de crise et c'est des gens pour qui la crise perdure depuis des mois et va perdurer encore pour quelques mois. Ce que nous devons faire et ce que nous faisons présentement, c'est de leur donner de l'information et d'entreprendre avec eux un processus de démarche vers l'autonomie, processus qui n'est pas toujours facile. Il faut d'abord cibler la problématique de cette personne et faire en sorte que la personne accepte sa problématique. Suite à ça, nous référons à d'autres points de services. Et je vous dirais ? je prendrai mon cas, parce que ce n'est pas une étude que j'ai ici, en ce moment ? je vous dirais que 4 à 5 % ont réussi.

Mais, par contre, nous avons un phénomène qui vient tout juste de se produire, c'est que nous avons des gens qui se retrouvent monoparental et de plus en plus des pères monoparental qui doivent quitter leur emploi pour assurer la gestion de leur nouvelle vie de chef de famille et qui se retrouvent sans ressources, ont un petit bout d'assurance chômage, vont se retrouver à la sécurité du revenu, ont à prendre le leadership familial et à essayer de se bâtir une vie avec tout ça. Alors, on les rencontre, ces gens-là aussi, et ce sont les références que nous faisons, je pense, aux cuisines collectives. Chez moi, c'est une nécessité de prononcer ces mots «cuisines collectives» et d'inciter les gens à y participer. C'est pour moi, à mon avis, un moyen de briser l'isolement que vivent les personnes qui sont en situation de crise et de prendre contact avec des gens qui vivent les crises similaires à ce que eux vivent eux autres mêmes.

Mme Boulet: Une autre question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui, Mme la députée de Laviolette, rapidement.

Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous avez l'impression, comme avec beaucoup d'autres organismes communautaires, que vos bénévoles sur le terrain sont essoufflés, qu'ils sont à bout de souffle, à bout d'énergie et que, à quelque part, il manque un maillon, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cossette.

Mme Cossette (Louise): Oui, oui, puis, comme vous êtes dans ma région, vous êtes à même de juger. Donc, dans nos organisations, c'est ça. Puis nos bénévoles se désespèrent aussi de voir que la relève qui a le coeur à l'ouvrage comme eux autres l'ont eu n'est pas là pour leur succéder. Donc, ça, c'est un problème évidemment, puis, nous autres, on le vit beaucoup en Mauricie, comme on dit, dans Laviolette aussi. Donc, on sait que c'est aussi le fait qu'il y a des organisations... même j'ai vu tomber des organisations d'aide alimentaire dans certains secteurs parce que le bénévole était tellement fatigué puis il n'y avait plus personne qui pouvait prendre sa place, donc il a laissé tomber complètement.

Puis, dans d'autres régions, pour parler du comté de Laviolette, vous savez qu'à Saint-Tite notamment, là ? vous êtes de Saint-Tite, Mme Boulet ? donc, à Saint-Tite notamment, il y a des coins ruraux, dans le coin de Notre-Dame-de-Montauban où il y avait des grosses problématiques de pauvreté, et, nous autres, comme banque alimentaire, on a essayé d'aider l'organisation de Saint-Tite, qui est le Carrefour Normandie, à fonctionner, à dépanner cette paroisse-là. Donc, en plus de faire l'aide alimentaire, on doit aider des secteurs où il y a des problèmes majeurs, parce que les bénévoles laissent tomber l'organisation, ou essayer d'autres ressources qui vont dépanner; notamment, c'est une communauté religieuse dans ce coin-là qui a pris un peu la relève. Donc, c'est très lourd par bout.

Dans le coin de Yamachiche, on a eu le même problème il y a deux ans, où l'organisme... la crédibilité de l'organisme mettait en question..., il a fallu remettre sur pied une autre ressource, fonctionner de façon un petit peu plus démocratique sur terrain avec les ressources des municipalités notamment. Donc, on nous demande ça en plus quand, déjà, c'est très lourd de fonctionner à l'intérieur de la banque alimentaire. On essaie de soutenir les organismes du territoire. En passant, il y en a 27 sur 63 en Mauricie qui sont gérés seulement par des bénévoles.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, il reste quatre minutes à l'opposition officielle. Alors, la députée de Berthier m'avait demandé aussi la parole. Est-ce qu'il y a consentement, puisque Mme la députée n'était pas en remplacement officiel?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il y a consentement. Alors, Mme la députée de Berthier.

Mme Grégoire: Bien, merci beaucoup d'être là. Mon questionnement va venir par rapport au financement que vous disiez à 1,5 million de dollars que vous recevez par rapport à Centraide et à d'autres programmes. C'est pour toutes les Moissons? C'est ça que je comprends? J'aimerais savoir c'est quoi, parce qu'on voit ? je veux faire peut-être la différence ? on voit beaucoup, à l'arrivée des Fêtes, toutes les contributions, les banques, le Noël du pauvre, les collectes. Alors, c'est quoi, cette entrée de fonds-là pour vous? Et est-ce que cette générosité-là se poursuit dans le milieu par la suite ou c'est seulement très localisé à la période des fêtes?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Cossette.

n(16 h 30)n

Mme Cossette (Louise): Oui. Disons que les Noël du pauvre, donc toutes les activités de grandes guignolées, c'est sûr que ça paraît énorme, les quantités d'argent puis de nourriture qui sont ramassées. Mais, pour faire un panier de Noël... Donc, un panier de Noël, c'est une aide très, très ponctuelle. Il faut dire que les Québécois, durant la période du mois de décembre, sont particulièrement généreux, mais disons que c'est vraiment très pointu, c'est pour la période de Noël.Après ça, le reste de l'année, c'est qui qui s'occupe de soutenir les gens? Quand on a 490 par mois de chèque, c'est bien évident que les familles ont besoin d'aide, surtout les fins de mois. Nous autres, on s'en rend compte dans les banques alimentaires que la période de pointe, c'est vraiment la fin du mois pour les personnes seules. Pour les personnes avec famille, ça arrive, je vous dirais, plutôt vers le 15 du mois, parce qu'on sait que maintenant, là, il y a comme deux périodes où les gens reçoivent des montants d'argent. Donc, on voit que là c'est plutôt vers le 15, 18 du mois, là, que les gens, là, commencent à être essoufflés, de telle sorte qu'il y a des familles qui ne demandent de l'aide qu'une fois par mois, hein? Ce n'est pas... Les familles ne vont pas là... Les personnes ne vont pas là toutes les semaines nécessairement, dans les services d'aide alimentaire.

Et, quand on a parlé du bilan faim tantôt, c'est un moment dans l'année où on prend le profil dans tous, tous les services d'aide alimentaire et c'est 300 000 personnes différentes qui ont reçu de l'aide alimentaire au mois de mars 2002. Donc, c'est vraiment des statistiques terrains, là, qui nous viennent de nos groupes. On le fait une fois par année ? au mois de mars, cette année, 2002 ? où on va voir dans tous les groupes d'aide alimentaire combien de personnes se sont pointées là. Donc, c'est sûr que ce n'est pas juste la personne, c'est sa famille aussi, là. Donc, s'il y a une famille de quatre, c'est quatre personnes, c'est évident, mais ce n'est pas répété trois fois, quatre fois dans le mois, là. Donc, c'est important, ça. On ne l'a pas dit tout à l'heure.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Vous auriez à peine une minute, Mme la députée de Berthier...

Mme Grégoire: Bien, écoutez, ce que je comprends, c'est que les Québécois...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): ...le temps d'un commentaire, peut-être.

Mme Grégoire: ... ? oui, c'est ça ? c'est que les Québécois ont besoin d'être rappelés une fois de temps en temps à la générosité, parce qu'il n'y a pas qu'à Noël qu'on a faim. Ça, je pense que c'est la première chose. Puis, l'autre chose, bien c'est plus un souhait, je souhaite qu'effectivement on puisse se concerter davantage au niveau local. Je le vois chez moi, j'ai vu des beaux succès, mais, par ailleurs, je pense qu'il y a encore du travail à faire à tisser l'expertise et le support de façon à ce que justement cette quête de l'autonomie là soit faite. De l'épicerie jusqu'à l'autonomie, il y a encore du travail à faire, à ce qu'on travaille plus ensemble dans les missions de chacun.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, c'est malheureusement tout le temps dont disposait la commission pour cette rencontre. M. Bergeron, Mme Lizotte, Mme Cossette, merci de votre participation à nos travaux, et je vais suspendre quelques instants tout en demandant au groupe suivant de bien vouloir prendre place immédiatement, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. St-André): Excusez-moi, mais, si nous ne voulons pas prendre du retard sur notre horaire, j'inviterais tous les membres de la commission à reprendre place et j'inviterais les porte-parole du prochain groupe à prendre place à la table d'audiences, s'il vous plaît.

Alors, nous accueillons maintenant les porte-parole du Regroupement des groupes de femmes de la région 03 et de la Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière. Alors, vous avez la parole pour une période de 20 minutes. Et, avant de débuter votre présentation, j'aimerais que vous vous présentiez pour les fins de l'enregistrement.

Regroupement des groupes de femmes
de la région 03 (Portneuf-Québec-Charlevoix)
(RGF-03) et Table de concertation des groupes
de femmes de Lanaudière (TCGFL)

Mme Bergevin (Ginette): Oui, très bien. Merci, M. le Président. Mon nom est Ginette Bergevin. Je suis la coordonnatrice du Regroupement des groupes de femmes de la région 03, à Québec. Effectivement, comme nous avons été convoquées en même temps, nous nous sommes entendues avec la Table de concertation de Lanaudière pour faire une présentation, chacune, de 10 minutes. Donc, je vais aussi prendre quelques minutes... Je suis accompagnée par Mme Lyne Boissinot, qui est coordonnatrice au Centre des femmes de la basse-ville à Québec, donc, qui m'accompagne. Également, pour la Table des groupes de femmes de Lanaudière, Mme Lorraine Riopel, qui est agente de liaison; et Mme Francine Rivest, qui est la coordonnatrice.

Donc, je vais commencer tout de suite pour qu'on puisse rentrer dans notre temps. En quelques secondes, le Regroupement des groupes de femmes de la région 03 est une table de concertation de groupes de femmes. On a 39 groupes membres et on travaille à la défense des droits, intérêts des femmes de notre région ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de vie. On a deux dossiers majeurs, la place des femmes dans le développement régional et local et la santé des femmes.

Notre mémoire a plusieurs parties. Je ne reviendrai pas sur les revendications de la Marche mondiale des femmes, ce qui est en annexe de notre mémoire, qu'on vous a redéposé et que vous connaissez déjà très bien. Et, non plus, je ne reviendrai pas sur les positions du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, puisque le Collectif est déjà venu vous présenter ses positions, je n'en doute pas.

Donc, je vais commencer ma présentation. En premier lieu, le Regroupement des groupes de femmes a tenu à signifier au gouvernement du Québec combien c'était un geste important, ce projet de loi de lutte à la pauvreté. Et que cette loi veuille combattre et prévenir les causes de la pauvreté, on a trouvé ça extrêmement important que ce soit intégré au projet de loi et que ce projet de loi existe, puisque les groupes de femmes travaillent au quotidien à lutter contre les causes de la pauvreté. On trouve important de ne pas juste travailler sur les effets, même si c'est extrêmement important, mais s'attaquer aux causes. C'est essentiel. Donc, on encourage le gouvernement à continuer en ce sens.

Dans ce contexte, par exemple, on veut rappeler au gouvernement que nous sommes dans un système capitaliste et patriarcal et que, dans ce sens-là, notre système génère des inégalités, et c'est important que, collectivement, on se sente responsable de lutter face à la pauvreté, puisque c'est aussi un produit de notre société. Nous rappelons également que les femmes sont les plus pauvres dans la société québécoise, donc il est important que les mesures qui viendront au niveau du plan d'action permettent de rééquilibrer la situation au niveau des hommes et des femmes.

Un deuxième point qu'on trouvait important de faire valoir, c'est: une philosophie s'impose dans l'action. Trop souvent, les mesures ou actions qui sont mises de l'avant ne permettent pas aux personnes de rehausser leur dignité ou leur capacité d'agir. Donc, on encourage le gouvernement à mettre en place des actions qui vont permettre aux personnes de prendre confiance en elles, et c'est ça qui va leur permettre de dépasser leurs limites. Donc, d'avoir des visions au niveau mesures et des actions qui sont accompagnantes, soutenantes, renforçantes auprès des personnes pour s'assurer qu'on permette aux personnes de dépasser leurs limites, parce qu'on dit souvent que, si on est en situation de pauvreté, c'est parce qu'il y a des limites. Les limites peuvent être sociales, peuvent être individuelles. Alors, faisons des efforts pour aller dans ce sens-là. Les groupes de femmes, les groupes communautaires, les groupes populaires travaillent là-dessus pour permettre aux personnes de devenir des citoyens et des citoyennes actifs. Alors, on voulait soulever: Pourquoi pas un gouvernement épris de citoyenneté qui miserait sur cette philosophie d'action dans le but de contaminer l'ensemble de l'appareil gouvernemental? C'est un peu un défi qu'on soulève finalement.

n(16 h 40)n

Ce qu'on voulait rappeler également, c'est l'importance de la place des femmes et des groupes de femmes dans les différentes structures et différents processus qui vont être mis en place par le gouvernement du Québec. On doit rétablir la situation de la parité hommes-femmes dans les instances et rétablir une injustice historique. Donc, il nous apparaît important que le projet de loi mise sur la parité ? et pas juste tenter de s'y rendre, là, mais qu'on mise sur la parité ? et également qu'on réserve des postes pour les groupes de femmes, parce que la parité, ça rétablit la possibilité de l'ensemble des femmes d'être représentées dans les instances, donc l'ensemble des visions, des préoccupations des femmes, qui n'est pas un bloc monolithique, on le sait, de la même façon que les hommes. Bon, on a le droit à cette situation-là, nous aussi. Mais il est important d'avoir des postes pour les groupes de femmes qui, elles, sont les expertes en conditions de vie des femmes, qui peuvent refléter des visions plus larges de l'ensemble des conditions de vie des femmes et de l'importance des éléments à mettre de l'avant dans les structures. Donc, on rappelle au gouvernement que ce serait important de se préoccuper de cette question-là.

Un autre point qui nous préoccupe beaucoup également, c'est une loi qui permet la constance et la cohérence. Une loi qui va lutter contre la pauvreté doit permettre, s'il y a des actions pour lutter contre la pauvreté, qu'ailleurs dans le système il n'y ait pas le retrait de certaines choses qui fasse que ça ne s'équilibre plus à un moment donné, c'est-à-dire que tu gagnes d'une main, mais tu perds de l'autre et, donc, que ta situation ne s'améliore pas. On peut donner 10, 20 $ de plus sur un chèque d'aide sociale, mais, si on retire la gratuité des médicaments ou ce qu'on paie, eh bien les personnes ne sont pas en meilleure situation après. Donc, c'est important que, dans cette loi-là, un élément soit présent... Que ce soit loi-cadre ou loi... Vous utiliserez le terme qu'il faut pour ça, mais ce qui est important, c'est d'assurer que, dans les actions gouvernementales, il y aura de la constance et de la cohérence pour vraiment améliorer la situation des personnes.

Donc, je vous remercie et je vais passer la parole à Mme Lorraine Riopel.

Mme Riopel (Lorraine): Bonjour. Alors, la Table est très heureuse d'avoir reçu cette invitation. On n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer, alors je vais lire une partie du mémoire. Je vais essayer de faire une lecture pas trop... assez dynamique.

Alors, depuis 11 ans, la Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière travaille à établir une solidarité de base entre les différents groupes de femmes oeuvrant à l'amélioration de la condition féminine et elle est devenue au fil des ans une instance très sollicitée étant donné l'ampleur des politiques de régionalisation qui les touchent particulièrement, soit le développement régional, et la santé, et les services sociaux.

Les membres de la Table accueillent favorablement l'action du gouvernement. Il s'agit d'une réponse positive à l'une des revendications québécoises du mouvement national des femmes qui, depuis la marche Du pain et des roses, en 1995, réclame l'établissement d'une loi sur l'élimination de la pauvreté.

La Table s'interroge quant à la stratégie accompagnant le projet de loi n° 112 ainsi que sur l'absence d'objectifs clairs et mesurables quant à la réduction réelle de la pauvreté. Considérant les orientations gouvernementales déjà en oeuvre à l'égard des femmes, la politique québécoise en matière de condition féminine appelée Un avenir à partager, la cinquième orientation de cette politique visant à assurer une représentation plus importante des femmes dans les instances locales et régionales, le programme gouvernemental À égalité pour décider et le programme d'action L'égalité pour toutes les Québécoises, la Table est très inquiète et surprise de constater, dans le projet de loi gouvernemental, l'absence de mesures d'urgence qui pourraient améliorer les conditions de vie des personnes actuellement en situation de pauvreté, des femmes et des enfants en grande majorité.

Depuis 1997, dans le but de mettre en place des mesures spécifiques visant à développer l'autonomie économique et accroître la place des femmes dans le développement de la région, des priorités ont été identifiées par le comité consultatif en condition féminine du Conseil régional de développement de Lanaudière pour une future entente spécifique en condition féminine dans Lanaudière. La première priorité consiste à développer l'employabilité des femmes en créant les conditions favorables à l'intégration et au maintien des femmes sur le marché du travail. La deuxième priorité est de supporter le développement de l'entrepreneuriat féminin dans la région. La troisième consiste à favoriser une représentation équitable des femmes au sein des instances décisionnelles.

Au printemps 2000, un programme gouvernemental a permis, dans Lanaudière, d'initier un projet, Ma place au soleil, pour aider les jeunes chefs de famille à solutionner leurs problèmes de transport et de garde. Ce projet est très pertinent compte tenu qu'on trouve dans Lanaudière deux fois plus de ménages pauvres à chef féminin que masculin que la moyenne du Québec, 35 % contre 18 %, compte tenu aussi qu'on remarque une augmentation du taux de grossesse chez les moins de 18 ans, qui est passé de 16 pour 1 000 en 1990 à 19 pour 1 000 en 1997, et compte tenu que Lanaudière est un grand territoire. Malheureusement, on ne trouve qu'un seul centre local d'emploi, soit Terrebonne, où le projet est présentement en opération.

En juin 2001, un avis du Conseil du statut de la femme a été présenté sur les conditions de vie des femmes et le développement régional et local dans Lanaudière. On y proposait cinq cibles d'intervention: alors, recueillir des données ventilées selon les sexes; documenter la situation des jeunes femmes de façon à être en mesure de mettre en place des moyens pour soutenir leur intégration professionnelle et leur participation sociale; prendre les mesures pour éliminer les écarts entre les femmes et les hommes sur le marché du travail; tenir compte des caractéristiques des femmes défavorisées lors de la détermination et de la mise en oeuvre des moyens pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion; et adopter des mesures pour mieux comprendre et agir plus efficacement sur la santé mentale des femmes et pour contrer la violence qu'elles subissent.

En octobre 2001 a eu lieu une consultation régionale de la secrétaire d'État en Condition féminine sur les préoccupations des groupes de femmes de Lanaudière, présentées par la Table. Ces préoccupations touchaient les obstacles à l'employabilité et à l'accès des femmes au marché du travail. Il n'y a malheureusement pas eu de suivi sur cette préoccupation. Entre autres obstacles, on notait l'absence d'un réseau de transport en commun sur le territoire de Lanaudière, les problèmes de conciliation travail-famille et le soutien financier quasi inexistant pour les femmes désireuses de démarrer une entreprise de services, de même qu'un financement insuffisant des groupes de femmes.

En novembre 2001, une consultation régionale a été faite dans le cadre de la proposition gouvernementale Ne laisser personne de côté, à laquelle nous avons collaboré. Réalisé par le comité de travail pour une stratégie de lutte contre la pauvreté du CRDL, le document Au-delà des mots, passons maintenant à l'action présente les enjeux régionaux en matière de lutte contre la pauvreté. Une série d'actions à accomplir est ressortie de cette consultation, dont favoriser la création, le maintien et l'intégration à l'emploi en tenant compte de la diversité régionale, garantir l'accès à des logements de qualité et en nombre suffisant pour l'ensemble de la population lanaudoise et garantir l'accessibilité à un réseau de garderies pour l'ensemble de la population.

Donc, suite à la lecture du projet de loi n° 112 et considérant le travail qu'il reste à faire pour améliorer les conditions de vie des femmes de Lanaudière, la Table présente ses principales revendications.

Concernant la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, nous demandons:

Que soient reconnus le potentiel et la capacité des collectivités locales et régionales, notamment les nombreux groupes communautaires venant en aide aux femmes, d'identifier leurs forces, leurs faiblesses et les moyens à prendre pour modifier la situation;

Nous demandons que le gouvernement précise le financement qui sera accordé aux groupes de femmes et que ce financement soit adéquat;

Que soit accordé un soutien aux familles par le retour à la gratuité scolaire pour tous et par l'établissement d'un régime universel d'allocations familiales et une allocation supplémentaire pour les familles pauvres en fonction des besoins réels des enfants;

Que l'accès aux soins de santé gratuits et universels soit rétabli;

Que soit améliorée la qualité des emplois par l'augmentation du salaire minimum pour permettre à une personne travaillant 40 heures par semaine d'avoir un salaire annuel se situant au-dessus du seuil de pauvreté établi pour une personne seule;

Que soient instaurées des mesures entraînant pour les employeurs l'obligation de faciliter la conciliation entre la famille et le travail;

n(16 h 50)n

Que soit établi un barème plancher à l'aide sociale en dessous duquel aucune ponction, coupure, saisie ou pénalité ne puisse être faite;

Que la pension alimentaire pour enfants ne soit pas considérée comme un revenu déductible de la prestation d'assurance emploi;

Que des actions soient mises en place pour sensibiliser les jeunes à la réalité parentale et pour prévenir les grossesses précoces;

Que des services d'interruption volontaire de grossesse soient disponibles sur l'ensemble du territoire.

Concernant le plan d'action gouvernemental, nous demandons:

Que des données ventilées selon les sexes soient recueillies de façon à ce que des mesures appropriées pour les hommes et les femmes soient inscrites dans le plan d'action gouvernemental accompagnant le projet de loi;

Que soient déterminés des objectifs clairs et mesurables quant à la réduction réelle de la pauvreté.

Et, concernant le fonds spécial, nous demandons de préciser que ce fonds sera affecté à supporter des actions déterminées et initiées par le milieu local et régional et géré en concertation avec les instances régionales et organismes déjà en place. Il faudrait aussi donner l'heure juste sur ce fonds spécial. L'argent est-il déjà consenti aux diverses mesures des ministères? Si oui, il faudrait peut-être enlever le terme «spécial». Alors, voilà.

Le Président (M. St-André): Alors, votre présentation est-elle terminée?

Une voix: Oui.

Le Président (M. St-André): Alors, Mme Riopel, Mme Bergevin, je vous remercie infiniment et je vais donc passer la parole à la ministre déléguée contre la pauvreté et l'exclusion. Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là pour venir faire cette présentation-là aujourd'hui, de vous êtes regroupées. D'abord, je vois que vous soulignez toute l'importance que vous accordez au projet de loi n° 112, d'une part, et que c'est vital dans notre société pour une meilleure justice sociale.

Je voyais... En vous écoutant, je me remémorais aussi les 20 dernières années au Québec au niveau de l'évolution des femmes, toute son évolution. Je pense à tout l'apport des femmes, la syndicalisation des femmes, les femmes chefs de famille, beaucoup de femmes chefs de famille. Bon, il y a une situation moins confortable qui est celle de la monoparentalité, dans le sens où on touche particulièrement la pauvreté, d'une part. Je vois tout ce qu'on a fait, l'équité salariale, le régime de perception des pensions alimentaires, les garderies à 5 $, des programmes, des politiques. Grâce aux femmes, au Québec, qu'on a pu aboutir à plusieurs de ces politiques-là. Je vois toute la mobilisation civile, la mobilisation des femmes, la Marche des femmes.

On a quand même fait beaucoup de chemin, mais comme on est femmes aussi... Parce qu'on remarque aussi de plus en plus de femmes politiciennes. On voit, juste à l'Assemblée nationale, on a un haut de femmes aujourd'hui. Je pense qu'on est quand même plusieurs ici, autour de la table. On voudrait que ce ne soit pas nécessairement juste des questions sociales, mais que... Les questions économiques aussi nous préoccupent toutes au niveau des femmes. Alors, je vois les deux thèmes, particulièrement, de la Marche des femmes, violence et pauvreté. Alors, je vois toute la partie pauvreté qui nous concerne aujourd'hui même si parfois les deux sont liés. Mais il reste que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté vient, je pourrais dire, circonscrire particulièrement toute la partie d'une approche globale, intersectorielle, ce que les femmes ont beaucoup demandé, qu'on soit cohérentes dans toutes ces actions-là et ces politiques-là qu'on met de l'avant, et qu'on peut encore faire plus. Parce que, quand on regarde les luttes qui ont eu lieu, il y en a encore d'autres qu'on peut dire qu'il y a à venir, parce que la condition des femmes est toujours... parfois, en tout cas, est précaire, et on se retrouve dans des situations parfois pas nécessairement faciles.

Vous allez me permettre de laisser la parole à ma collègue, mais juste avant... Parce que ma collègue est secrétaire d'État à la Condition féminine, je pense qu'elle a beaucoup de questions à vous poser. Je pense qu'on voudrait toutes vous en poser, mais je vais quand même lui laisser ce privilège-là, là.

Vous avez bénéficié, particulièrement les groupes de femmes de Lanaudière, d'un fonds de lutte que j'ai... les dernières que vous avez eues. Vous savez que, dans le projet de loi, on parle d'un fonds spécial qui va être la transition entre le Fonds de lutte, qui va terminer en 2003, et la suite, dans le fond, du Fonds de lutte qui va être dans le fonds spécial qu'on a là, qui est dans le projet de loi. Vous l'avez bénéficié. Qu'est-ce que vous voyez particulièrement des forces et des faiblesses du fonds actuel et que vous verriez... Parce que ça fait quand même six ans qu'il existe, il a beaucoup évolué malgré tout. Si on regarde la deuxième phase de trois ans, on a particulièrement axé sur les femmes, d'une part, et l'insertion, je pourrais dire, mais particulièrement les gens qui sont prestataires de la sécurité du revenu, à 70 %, de leur donner cette possibilité-là d'utiliser le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Mais comment vous voyez, là, cette suite-là aujourd'hui, cette transition-là par les forces et les faiblesses que vous pouvez noter aujourd'hui et que vous aimeriez, dans cette enceinte, nous dire? Qu'est-ce qu'on pourrait améliorer?

Le Président (M. St-André): Mme Rivest.

Mme Rivest (Francine): Oui. Je voudrais vous spécifier que Mme Riopel, qui est ici, bénéficie du programme Fonds de lutte. C'est elle qui est dans Lanaudière. Et puis, pour avoir eu plusieurs personnes qui ont travaillé sur un fonds de lutte dans Lanaudière, bien, vous savez, la plupart qui bénéficient... C'est souvent les groupes communautaires qui demandent des fonds de lutte, parce que, dans le fond, on manque de financement. Souvent, c'est notre préoccupation. On est très, très heureux quand on a un fonds de lutte, parce que c'est quand même difficile, là, au niveau des étapes, à passer les présentations. Ce qu'il y aurait... Bon, la force, c'est que pour nous, au niveau du groupe, c'est un soutien. C'est un soutien, par contre, ponctuel d'un an. C'est sûr que nous, quand on travaille, c'est toujours un projet de... On travaille en développement, alors c'est très difficile de se dire: Bien, on va développer des projets quand la personne, peut-être, ne sera pas là dans un an, parce que c'est difficile d'avoir de la... Bon, on ne peut pas avoir du financement récurrent à ce niveau-là, puis trouver des sources de financement, c'est drôlement difficile dans le communautaire, surtout en concertation.

Et la faiblesse, je pourrais vous dire... Bon, il y a cet aspect-là qui est difficile pour nous en tant que groupe. Et, pour les participantes qui sont venues, c'est au niveau des critères de... Je trouve qu'il manque de souplesse au niveau de critères, parce que c'est difficile d'avoir, mettons... Les personnes doivent avoir des critères assez serrés, très, très, très pauvres, je vous dirais, et souvent ces personnes-là très, très, très pauvres, souvent, ce n'est pas nécessairement le marché du travail avec les exigences qu'on demande qui font l'affaire au niveau du travail. Alors, ça demande beaucoup. Je trouve qu'il manque comme une étape entre les deux, là. Ces gens-là qui sont en pauvreté assez sévère ne sont peut-être pas nécessairement prêts à retourner sur le marché du travail à temps plein. Moi, je trouve qu'il y aurait une étape à passer, puis nous... Comme chez nous, les organismes communautaires qui bénéficions, on est content, mais, en même temps, on a besoin... On a des projets avec des critères assez... On a des exigences aussi, puis ça peut être difficile pour les participantes. On l'a vécu, puis c'est... Ça fait que c'est... Je vous dirais, c'est au niveau des critères, l'assouplissement des critères.

Le Président (M. St-André): Mme la ministre.

Mme Léger: Merci. Effectivement, il y a plusieurs aspects. Vous parlez de souplesse. Ça, c'est une chose. Je veux quand même dire que le financement du Fonds de lutte est particulièrement pour la personne et non nécessairement pour l'organisme. Alors, c'est sûr que ça n'enlève pas le financement à l'organisme, là, mais c'est fait pour la personne, parce que notre but est de les réinsérer au travail, en ce qui concerne l'intégration au travail.

Alors, je vais laisser la parole à ma collègue, là...

Le Président (M. St-André): Mme Bergevin, vous vouliez rajouter quelque chose?

Mme Bergevin (Ginette): Oui, juste une petite minute. Je siège au comité régional du Fonds de lutte contre la pauvreté à Québec et je dirais qu'effectivement je crois que le Fonds de lutte contre la pauvreté a atteint ses objectifs dans les six dernières années. On est rendu à l'étape d'élargir les possibilités. C'est-à-dire que, si on veut être plus créateur dans les projets d'insertion, il faut élargir les possibilités et il faut permettre la possibilité d'avoir... Même si c'est encore lié à la personne ? nous verrons, là, je ne sais pas comment vous pensez le fonds ? il faut permettre aux groupes de déposer des projets créateurs, imaginatifs et nouveaux.

Donc, dans ce sens-là, il faut laisser cet espace-là de possibilité, parce que là on s'aperçoit, nous, à Québec, qu'on plafonne. On plafonne parce qu'on a fait pas mal le tour de ce que pouvait faire le Fonds de lutte. Donc, en ce sens-là, n'ayez pas peur de lui laisser de l'espace pour que les groupes qui ont de l'imagination, et des possibilités, et différentes idées puissent rentrer dans ce fonds-là. Et ne vous gênez pas non plus pour permettre des projets sur deux, trois ans parce qu'il y a des personnes... Quand on s'adresse à des personnes très éloignées du marché du travail, ce n'est pas en l'espace d'un an qu'on réussit à faire les choses, hein, puis c'est... À Québec, en tout cas, c'est cette catégorie-là de personnes où on est rendu, là, des gens très, très éloignés du marché du travail, et des projets d'un an, on fait comme: Hum! On va avoir de la misère à rentrer là-dedans.

Le Président (M. St-André): Merci beaucoup, madame. Alors, Mme la secrétaire d'État à la Condition féminine et députée de Terrebonne.

n(17 heures)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, mesdames, pour vos présentations. Merci pour la reconnaissance du geste important qui est posé par ce projet de loi là. L'importance de prévenir les causes, vous l'avez bien soulignée, Mme Bergevin. Merci aussi, Mme Riopel, au niveau de l'accueil favorable, une réponse positive finalement aux différentes demandes qui ont été présentées.

J'aimerais préciser certains petits points au niveau des mesures comme telles, que vous ne retrouvez pas au niveau du projet de loi, je pense que c'est important de dire que les mesures vont se retrouver dans le plan d'action. Alors, les recommandations que vous faites, qui sont des mesures, dans le cas des deux groupes, ce sont des éléments qui vont être étudiés, analysés au niveau du plan d'action. Donc, c'est un travail important que vous avez fait, même s'il ne se retrouvera pas dans le projet de loi comme tel, mais c'est utilisé pour le plan d'action.

Au niveau des données ventilées, vous êtes revenues dans les deux cas là-dessus, l'importance d'avoir des données différenciées selon les sexes, c'est important. Du côté du gouvernement, on s'est engagé à ce qu'on retrouve ces éléments-là au niveau du projet de loi, au niveau, par exemple, du comité consultatif, au niveau de l'Observatoire, mais je pense qu'on se dit aussi qu'il faut aller plus loin. On ne peut se limiter au niveau de données, il faut une analyse différenciée de ces données, parce que, si on se limite au niveau des données, dans certains cas, on n'apportera pas les bonnes solutions et on risque de prendre une tangente qui va être biaisée, faussée, si on se limite uniquement en termes de chiffres, de données qui vont cacher une réalité de vie qui est différente du côté des hommes et des femmes. Donc, il faut pousser ? et je sais que vous soutenez l'analyse différenciée ? donc il faut aussi qu'on pousse du côté de l'analyse différenciée.

Avant d'arriver aux questions, je vais me permettre ? vous allez bien comprendre ? de ramener un petit élément, au niveau du mémoire de Lanaudière, concernant la tournée, évidemment, que j'ai faite dans toutes les régions du Québec. Préciser que cette tournée-là, ce qu'elle nous a d'abord permis, ça a été de créer des liens dans un premier temps, mais ça nous a aussi permis d'apporter des éléments pour soutenir le projet de loi qu'on retrouve devant nous, pour soutenir la stratégie de lutte à la pauvreté qui doit avoir une cohérence ? vous l'avez bien rappelé à juste titre ? les éléments qui avaient été apportés là-dessus, c'était l'importance de la cohérence aussi. Ça nous a aussi permis de travailler au niveau du projet de loi qui doit être déposé, au niveau des normes du travail qui étaient des éléments importants que vous resoulevez dans le mémoire.

Plus spécifiquement, concernant toute la difficulté du transport en commun sur le territoire de Lanaudière, bien, ça a permis un décret du gouvernement qui est venu créer un conseil régional de transport, donc c'est nouveau, et c'est ce qui va nous permettre effectivement de se donner un transport en commun régional, ce qu'on n'avait jamais eu.

Problèmes de conciliation famille-travail. Les éléments présentés ont été utilisés par la ministre de l'Emploi, de la Solidarité et de la Famille pour son plan d'action concerté pour les familles qui a été déposé au printemps dernier.

Et, du côté des entreprises, du démarrage d'entreprise dans les régions-ressources, il y a le fonds d'entrepreneurship au féminin. Mais, de notre côté, bien, nous, on le dépose, on le présente dans le spécifique.

Et, du côté du financement des groupes de femmes, je reconnais tout à fait avec vous l'importance d'augmenter ce financement. Et nous avons enfin franchi une première étape, l'an dernier, en ajoutant des budgets, autant du côté des CALAS, autant du côté des centres de femmes, et c'est évident que l'objectif est de réussir à continuer à augmenter. Il y a eu une augmentation aussi du côté des maisons d'hébergement, suite à la Marche, mais l'objectif évidemment est de continuer à augmenter le financement. Question. Du côté de Mme Bergevin, vous avez bien présenté au niveau du fonds... Ma question était supposée être là-dessus, donc je vais vous poser une autre question. Vous parlez dans votre mémoire de la reconnaissance de la valeur sociale et économique du travail non rémunéré puis de l'impact positif, s'il y avait une telle reconnaissance, sur la pauvreté des femmes. Selon vous, parce que vous êtes vraiment sur le terrain, vous travaillez avec elles, quelles seraient les meilleures façons d'assurer cette reconnaissance du travail non rémunéré chez les femmes?

Le Président (M. St-André): Mme Bergevin.

Mme Bergevin (Ginette): Il y a différentes façons où on peut reconnaître le travail invisible des femmes. C'est sur plusieurs terrains parce qu'on pense... parfois, quand on dit ça, on pense aux femmes à la maison, mais ce n'est pas uniquement le travail des femmes à la maison dont on parle ici. On parle des doubles et triples tâches, on parle de tout cet espace-là. Moi, je pense qu'il faut intervenir... Pour pouvoir vraiment faire un travail de fond, il va falloir pouvoir intervenir sur plusieurs terrains.

Un, discipliner le marché du travail. Et je sais que c'est gros quand je dis ça, là, j'en suis consciente, mais il va falloir le discipliner, le marché du travail, pour qu'il arrête de demander aux travailleurs et travailleuses d'être disponibles 50, 60 heures-semaine, 80 heures-semaine dans certains cas. Ce n'est pas possible. Et donc, il faut reconnaître que les individus qui sont sur le marché du travail, hommes et femmes, mais particulièrement les femmes, ont besoin de temps pour s'occuper des enfants, ont besoin de temps pour avoir des loisirs, ont besoin de temps pour vivre et être autre chose qu'un travailleur ou une travailleuse.

Donc, cette reconnaissance-là de ces autres tâches-là va permettre d'équilibrer l'existence des personnes, parce qu'un des problèmes majeurs que les femmes vivent en général, c'est l'épuisement, c'est les burnouts, et c'est lié à tout ça. La réforme de la santé et des services sociaux a mis sur le dos des femmes le rôle d'aidante. Donc, là, il y a quelque chose là. Il faut qu'au niveau du virage ambulatoire il y ait des services dans les collectivités, parce que sinon, c'est sur le dos des femmes. Il y a une chercheuse qui qualifiait ça d'économie de l'affection. C'est qu'on met nos proches dans la rue puis on nous dit: Vous, les femmes, bien, occupez-vous-en pas, tu sais. Mais non, on va en prendre soin de nos proches, on les aime. On ne les abandonnera pas dans la rue. Donc, ça prend une série de mesures. Il y a sur cette question-là, il y a sur évidemment continuer le déploiement des services de garde, il y a à continuer les interventions en travail-famille, mais il va falloir intervenir sur le marché du travail.

Il va falloir que les normes du travail permettent de meilleures protections pour les femmes à différents niveaux pour permettre que toute cette... Dans la région de Québec, on parle beaucoup de conciliation travail-famille-vie citoyenne. On veut que les femmes s'impliquent dans les instances. On veut que les femmes viennent en politique, on se plaint qu'on n'en a pas. Mais non! Elles sont épuisées, les femmes, hein. Elles s'occupent des enfants, elles s'occupent de leurs parents, elles s'occupent de leur conjoint, elles travaillent. Bien, en bout de ligne, qu'est-ce qui reste, là? Elles aimeraient mieux écouter un petit disque, bien tranquilles à la maison, les pieds sur un pouf plutôt qu'être poignées, je ne sais pas, aujourd'hui, en commission parlementaire peut-être, là. Elles voudraient peut-être se reposer à un moment donné, là. J'illustre, là, mais je comprends aussi que, nous, comme Table, on travaille beaucoup là-dessus, sur la place des femmes dans les instances décisionnelles. Mais, quand les femmes me disent non, je les comprends, elles en ont plein leurs chaussures.

Donc, une panoplie d'interventions qui permettent justement de reconnaître ça. Et, moi, je pense que, si on le reconnaît, ça va être un grand gain pour les femmes mais ça va être un gain pour les hommes, parce qu'ils vont, eux aussi, avoir du temps à passer avec leurs enfants, avec leur conjointe, à faire autre chose que travailler, parce que la vie, ce n'est pas juste être sur le marché du travail, et ils vont découvrir d'autres plaisirs eux aussi. Donc, je pense qu'on va tous et toutes être gagnants là-dedans.

Le Président (M. St-André): Merci beaucoup. Mme la secrétaire d'État.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. St-André): Deux minutes.

Mme Caron: Parfait. Ma prochaine question va être du côté de la Table de Lanaudière. Vous avez souligné, à juste titre, l'importance de pouvoir permettre une meilleure intégration des personnes en situation de pauvreté, donc, pour mieux en tenir compte dans l'élaboration de nos programmes, dans les stratégies. On avait mis sur pied... On a mis sur pied la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Quelles sont, à votre avis, les conditions qu'on devrait ajouter dans ces programmes pour mieux faciliter l'intégration? On a dit: Du côté du Fonds, d'avoir plus de souplesse, plus de temps au niveau de la durée. Mais, est-ce qu'il y a d'autres éléments, en dehors du Fonds, qui pourraient permettre d'améliorer la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine?

Mme Rivest (Francine): Bien, je vous dirais que, oui, entre autres, dans Lanaudière, étant donné qu'on travaille depuis trois ans au niveau d'une entente spécifique en condition féminine, je pense que c'est une façon aussi d'aider au niveau de l'employabilité des femmes. Puis j'y crois fermement, ça fait longtemps qu'on y travaille. Je pense qu'on est dans les derniers milles pour avoir une réponse positive des différents ministères. Mais, moi, vraiment, ce serait vraiment une façon de faire qu'au niveau du gouvernement il y ait un encouragement puis que les fonds descendent, au niveau des ententes spécifiques dans la région, pour trois ans. C'est une façon que je crois beaucoup.

n(17 h 10)n

Mme Caron: C'est une façon qui, à ce moment-là, répondrait selon les différents besoins des différentes régions qui peuvent mettre dans leur entente les points qu'ils trouvent les plus importants au niveau de leur région.

Mme Rivest (Francine): Oui. Puis, effectivement, de toute façon, c'est au niveau... quand on regarde le développement économique de la région, c'est un plus pour la région, là. C'est un projet, je veux dire. Dans Lanaudière, c'est 52 % des femmes. Je veux dire, tout le monde en bénéficie, là, ce n'est pas juste nous, le mouvement des femmes. C'est vraiment... C'est structurant et c'est concerté...

Le Président (M. St-André): Merci beaucoup, Mme Rivest. Le temps alloué à la formation ministérielle est maintenant écoulé. Je vais donc passer la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Bien, on va pouvoir continuer à jaser. Vous êtes notre 88e groupe. Ça fait... 88e.

Une voix: ...

M. Sirros: Hein? C'est ça. Alors donc, on a un bon échantillon, je pense, de ce qui est sur le terrain au niveau de la réaction face au projet de loi. Et on voit un certain nombre de choses déjà se dessiner. Par exemple, beaucoup des groupes qui font la promotion de... bien, les groupes de femmes, le Collectif et d'autres groupes viennent puis ils disent que c'est une bonne chose, la loi, et, effectivement, on partage ce point de vue de ce côté-ci aussi. Mais ils ajoutent tout de suite après que c'est une bonne chose, mais pas nécessairement dans sa forme actuelle. On fait un pas en avant, mais ça nous prend des mesures urgentes, ça nous prend une clause d'impact, ça nous prend des instruments pour mesurer le progrès... Bon, en gros, c'est ça. Et, après ça, on part souvent sur des discussions par rapport à la réalité précise que les différents groupes qui font des présentations vivent, un peu comme on vient de le faire tantôt. Et on a tendance ? peut-être que c'est parce que c'est la cinquième semaine qu'on fait ça ? à laisser de côté un peu le projet de loi.

Moi, j'aimerais, face à ces discussions puis cette notion que c'est un pas en avant, qu'on regarde ensemble un peu le chapitre sur le fonds spécial ? et je pense qu'on a parlé tantôt aussi du Fonds ? et le situer dans le contexte suivant. On a un projet de loi qui veut instaurer une approche pour faire une lutte à la pauvreté, donc une loi donne une certaine permanence à cette notion de lutte à la pauvreté. Un des instruments pour faire la lutte à la pauvreté, c'est un plan d'action qui va être financé ni plus ni moins par le Fonds. En tout cas, le Fonds va être constitué de sommes d'argent qui vont venir du ministère des Finances, des ministères qui seront affectés à des activités. Et on peut lire que le Fonds... en tout cas, sont prises sur le Fonds les sommes requises pour différents versements afin de financer des activités de lutte à la pauvreté.

Après ça, vous avez un autre article, l'article 55 ? j'aimerais que vous le regardiez avec moi ? où on dit: «Le gouvernement détermine la date de cessation d'effet du présent chapitre.» Donc, on a une loi qui donne une permanence, disons, à la lutte à la pauvreté et, dans la loi même, on présume que le gouvernement va cesser les activités du présent chapitre à un moment que lui seul va déterminer.

Vous ne voyez pas une certaine contradiction quant à l'approche de lutte à la pauvreté permanente qui veut mobiliser toute la société, quand on crée, d'une part, une loi, on crée un fonds à l'intérieur de cette loi puis on donne le pouvoir au gouvernement de l'abolir du jour au lendemain sans parler à personne? Est-ce que c'est une des choses que vous accepteriez ou que vous voudriez voir changer?

Mme Bergevin (Ginette): On n'a pas réfléchi à cette question-là. J'aurais tendance à vous répondre que je crois que la lutte à la pauvreté... J'espère qu'un jour il y aura une fin à la lutte à la pauvreté parce qu'on aura vraiment réussi à l'abolir, mais je ne verrai probablement pas cette fin-là.

Quant à la date de fin, bien, j'imagine qu'il faut faire une évaluation des actions qu'on pose, le Fonds étant une action plus... L'Observatoire va permettre de suivre dans le temps, le comité va surveiller un certain nombre de choses, tandis que le Fonds, au bout d'un certain temps, il va falloir l'évaluer à savoir s'il fonctionne toujours aussi bien. Donc, peut-être qu'il faut mettre une date, regarder... Écoutez, je n'ai pas de...

M. Sirros: Je vous pose la question parce que, moi, je pense que, si on ne peut pas avoir une lutte à la pauvreté sans avoir un fonds qui va financer les activités de lutte, alors il me semble que normalement on devrait minimalement avoir une façon de retourner à l'Assemblée nationale pour mettre fin à quelque chose, tandis qu'ici ça va être par simple décret. Je comprends que vous ne l'avez pas regardé comme tel, mais vous avez regardé d'autres éléments que vous apportez, la question des mesures d'urgence.

Moi, j'aimerais avoir votre opinion sur l'argument qui nous est servi de l'autre côté à l'effet qu'on ne peut pas accorder ou rétablir la gratuité des médicaments par mesure d'équité envers les travailleurs à faibles revenus. Ce ne serait pas équitable pour les travailleurs à faibles revenus, nous a dit la ministre ce matin, si on accordait la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales... si on la rétablissait pour les personnes assistées sociales et on l'accordait pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti. Que pensez-vous de l'argument de l'équité pour refuser le rétablissement de la gratuité des médicaments?

Mme Bergevin (Ginette): Je ne suis jamais très chaude à faire l'équité vers le bas, mais la question des médicaments est un problème plus large qu'uniquement: Qui est-ce qui les a gratuitement ou pas? Je crois que le gouvernement pourrait réfléchir à des questions comme: Comment ça se fait que le prix des médicaments est à la hausse continuellement et pose un certain nombre de problèmes? On ne s'est pas prononcé sur cette question-là mais le problème doit être pris à partir de ce bout-là, à mon avis, sur la question des médicaments. C'est également un problème de hausse de coûts dans les hôpitaux, actuellement, la question des médicaments. Donc, c'est un problème beaucoup plus large même que juste celui-là des personnes. Mais, pour moi, c'est clair qu'il faut effectivement qu'il y ait un rétablissement de la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales parce qu'à plusieurs niveaux, c'est une catastrophe.

Je vais céder la parole à Mme Boissinot, qui travaille au Centre des femmes de la basse-ville, à Québec, dans le quartier Saint-Sauveur, qui est le quartier le plus pauvre au Canada actuellement.

Mme Boissinot (Lyne): Oui, d'après la régie régionale de la région 03, il y a à peu près 80 femmes qui fréquentent le Centre par semaine, en moyenne. Il y a des femmes qui vont venir pour de la distribution alimentaire, on en a entendu parler tout à l'heure; il y a d'autres femmes qui viennent pour des démarches de groupe; il y a d'autres femmes qui viennent pour s'informer; il y a d'autres femmes qui viennent pour avoir des ressources, qui font partie de comités aussi. Puis plus ça va, plus on se rend compte que les femmes vivent de l'appauvrissement à cause justement des coupures qu'elles subissent au sein du gouvernement.

Puis, aussi, ce qui est très triste et très pénible à voir, c'est que les femmes sont de plus en plus malades, les femmes sont stressées. Elles sont tellement pauvres qu'elles se disent: Bien, comment je vais faire pour arriver à la fin du mois, encore nourrir mes enfants? Puis ce stress-là qu'elles vivent, les femmes, les rend malades. Il y a aussi la violence qui les rend malades.

C'est beau. Il fallait que je le dise aujourd'hui. Je vous l'ai dit et ça m'a fait plaisir. Il y a tellement d'épuisement dans notre milieu de travail en plus à cause de tout ce qu'on voit, de toute la pauvreté qu'on voit, de toute la misère des femmes qu'on voit et la violence qu'elles subissent, à un moment donné on n'a plus de frontières. Voilà.

M. Sirros: Je pense qu'il y a d'autres collègues...

Le Président (M. St-André): Est-ce qu'il y a d'autres collègues du côté de l'opposition officielle? Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, merci, M. le Président. Mesdames, bonjour à toutes et chacune de vous. J'aimerais revenir sur une question qui a été soulevée dans le mémoire du Regroupement des groupes de femmes de la région 03 où vous parlez de reconnaître ? d'ailleurs, vous en avez parlé ? de reconnaître la valeur sociale et économique du travail non rémunéré assumé auprès des enfants et des personnes en perte d'autonomie. Et, oui, vous avez raison, les femmes étaient, au départ, les aidantes naturelles, elles sont devenues un petit peu par la force des choses, parce qu'on a tablé sur leur générosité, des soignantes naturelles.

Et il y avait un groupe que nous avons entendu ce matin, et j'aimerais vous ramener peut-être à la définition de l'article 7 du projet de loi qui est sous étude, en ce qui a trait à la définition de famille. Et je voulais voir si vous partagiez un souhait qui a été formulé précédemment par le Conseil des aînés notamment. Il disait ? et permettez-moi de vous en faire lecture: «Le Conseil des aînés souhaite donc que les mesures qui seront mises en place pour favoriser la conciliation travail-famille privilégient une définition de la famille large plutôt que limitée aux seuls enfants.»

n(17 h 20)n

Alors, si vous... J'imagine, là, que... Bon. Nous regardons la définition qui est faite du terme «famille» à l'article 7. Est-ce que vous privilégieriez vous-mêmes, étant donné que vous soulevez des réalités actuelles, les femmes qui s'investissent beaucoup auprès d'enfants mais également auprès d'un conjoint, d'une mère ou d'un père malade, donc ce volet aidante, soignante naturelle qui représente un apport sociale important, est-ce que vous incluriez, vous également, une recommandation pour avoir une notion plus large de la famille, une définition plus large qu'aux seuls enfants?

Mme Rivest (Francine): Nous, dans Lanaudière, quand on parle d'intensification travail-famille, c'est sûr que ça englobe autant, ce n'est pas juste les enfants, c'est vraiment père, mère, surtout que la population, on est tous appelés à s'occuper de nos parents, la population vieillit. Ça fait que c'est une notion, ça va de soi, qu'on inclut la famille proche, mais aussi ça peut être notre frère, notre soeur. Ça fait que, pour nous, on travaille de cette façon-là en tout cas dans notre région.

Mme Lamquin-Éthier: Donc, vous privilégieriez une définition beaucoup plus large.

Mme Rivest (Francine): Oui, oui.

Mme Lamquin-Éthier: Une autre question en ce qui a trait à l'article 50 du projet de loi où on explique: «Sont prises sur le fonds les sommes requises pour...» Alors, le premier alinéa, et je vous en fait lecture: «1° les versements à effectuer dans le cadre des ententes conclues par le ministre pour soutenir les initiatives nationales, régionales et locales...», et le texte se poursuit. Et ça, ça rejoint le mémoire de la Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière où vous parlez que soit précisé que le fonds spécial sera affecté à supporter des actions déterminées et initiées par le milieu local et régional et gérées en concertation avec les instances régionales et les organismes communautaires déjà en place.

Et je comprends que vous portiez un intérêt à votre région et que vous la défendiez de façon extraordinaire. On parle de la pauvreté, c'est une situation qui déborde un caractère strictement local et régional. Est-ce que vous seriez... Un autre groupe ce matin, le Conseil de la famille et de l'enfance, souhaitait que le gouvernement mette en place un conseil pour qu'il soit réservé à des projets qui favorisent davantage des interventions intersectorielles en fonction de l'ensemble des dynamiques familiales. Donc, peut-être un petit peu plus large, selon ma compréhension, peut-être que je me trompe également, là.

Mme Rivest (Francine): Bien oui, c'est sûr, on travaille au niveau de la région puis, nous, quand on parlait que les fonds soient gérés par la région, on trouvait ça important parce que, c'est sûr, la pauvreté, elle couvre toutes les régions, mais la réalité est tellement différente d'une région à l'autre, ce n'est pas comparable. Nous, on a six MRC puis on regarde le nord et le sud, c'est deux régions différentes. Alors, moi, je suis plus d'accord... en faveur que, oui, ce soit... on veut que ce soit géré régionalement. On est les mieux placées dans la région... Quand on travaille en concertation, on est les mieux placées pour savoir ce qui se passe dans notre région. Puis je pense que le gérer régionalement, avec toutes les instances de concertation qu'on a dans chaque région, je pense que le gouvernement peut faire confiance à ces instances-là facilement. Je ne pense pas que ça va à l'encontre de ce que dit le Conseil de la famille.

Le Président (M. St-André): Merci, Mme Rivest.

Mme Lamquin-Éthier: L'important, c'est de répondre à des problématiques qui sont importantes, de prendre des moyens.

Mme Rivest (Francine): Oui, puis vraiment avec une réalité vraiment régionale et locale.

Le Président (M. St-André): Est-ce que vous avez terminé, Mme la députée de Bourassa?

Mme Lamquin-Éthier: Oui, M. le Président, merci.

Le Président (M. St-André): Alors, je vais reconnaître, à ce moment-là...

Une voix: ...

Le Président (M. St-André): Je m'excuse, Mme Bergevin. Mme Bergevin.

Mme Bergevin (Ginette): Une petite minute...

Le Président (M. St-André): Oui, bien sûr.

Mme Bergevin (Ginette): ...sur la question de la gestion des fonds aux niveaux régional et local. Moi aussi, je crois que c'est important que ce soit géré soit aux niveaux régional et local en tenant compte de la réalité de l'ensemble des régions, mais ce serait important de s'assurer que l'ensemble des acteurs... Au comité régional du fonds de lutte, actuellement, il y a des représentants du communautaire, il y a des représentants gouvernementaux. Ça pourrait même être un petit peu plus élargi, mais c'est important de garder des comités qui représentent différentes réalités de la région pour permettre l'échange, la discussion et les choix de projets.

Parce que je suis sûre que les centres locaux de développement, par exemple, se sont dits intéressés à gérer ces fonds-là, etc., mais le communautaire n'a pas nécessairement beaucoup de place dans ce genre de lieu là. Je ne veux pas dire que les centres locaux de développement ne sont pas des organisations très intéressantes, ils le sont sur leur terrain en entrepreneuriat, en économie sociale, et je n'ai pas de critique à poser là-dessus. Mais, pour les projets de lutte à pauvreté, ce serait important de s'assurer... S'il y a un groupe de défense des droits des personnes assistées sociales puis qu'il veut participer, lui, à ces comités-là, bien, ça peut être intéressant qu'il soit là. Il ne sera peut-être pas, par exemple, dans le CLD. Alors, en tout cas, j'aurais une préoccupation dans ce sens-là. C'est ça que je voulais dire sur la gestion des fonds.

Le Président (M. St-André): Alors, merci beaucoup, Mme Bergevin. Je vais maintenant laisser la parole à Mme la députée de Berthier en rappelant qu'il reste environ cinq minutes.

Mme Grégoire: C'est beau. Bien, merci beaucoup. Merci d'être là. Effectivement, je viens de Lanaudière puis, de l'autre côté, j'ai une collègue qui vient de Lanaudière, puis on vit deux réalités dans des comtés qui sont très différents. Moi, je dis toujours qu'on est le pont entre l'urbanité et la ruralité, puis ça fait que la pauvreté a un visage différent, puis les moyens d'action donc sont aussi différents.

Hier, si on feuilletait... hier puis ce matin, si on feuilletait les journaux, il y avait comme deux antipodes ? puis je vais vous demander de régler les problèmes du monde et de faire le pont entre ça: on parlait des emplois cachés, des possibilités d'emploi, de la pénurie de main-d'oeuvre, de la disponibilité puis, en même temps, on parlait d'une croissance de la pauvreté chez les enfants. Puis, moi, ça m'a comme marquée; j'étais là... Ça n'a pas de bon sens. Comment ça se fait? D'un côté, on dit: Grande ébullition, il y a des choses qui se passent, puis la pauvreté continue de prendre de plus en plus de place puis davantage chez les enfants.

Puis j'écoutais Mme Bergevin qui disait qu'on a besoin de mettre des mesures accompagnantes pour la confiance en soi, puis je pense que c'est là peut-être une piste. Mais j'aimerais ça que vous me parliez de façon concrète. Ça peut ressembler à quoi, ça, dans une communauté? Parce qu'on sait qu'il y a plusieurs organismes qui sont là, on en a entendu plusieurs. C'est quoi, qu'est-ce qu'on peut... Qu'est-ce que les milieux ont besoin, quels outils on peut donner aux milieux pour qu'ils soient capables de mettre en place justement des mesures comme celle-là? Puis quel type de mesures ça peut être? Vous parliez d'innover, là. Si on se laisse l'imagination aller, là, ça peut ressembler à quoi?

Mme Bergevin (Ginette): Bien, en premier lieu, il y a des lieux où il y a des services, etc. Pour moi, quand on parlait d'une philosophie, c'est: Contaminons les milieux qui existent. O.K. Il y en a plein de programmes, Naître égaux?Grandir en santé, Fluppy. En tout cas, il y a différentes façons d'intervenir, que ce soit au niveau de la santé, au niveau de l'emploi, à différents niveaux. La philosophie voulait dire contaminer l'ensemble de l'appareil gouvernemental pour avoir des approches qui ne sont pas incapacitantes pour les personnes. Parce que, des fois, on veut bien faire. On s'assoit devant quelqu'un, on dit: Ah! Elle n'est pas bonne là-dedans. Je lui dis: Tu n'es pas bonne là-dedans, je vais t'aider, je vais te le montrer. Mais tu viens... Au lieu de dire ? et ça, c'est un exemple... C'est sûr que la personne ne fera pas ça de même, mais on peut laisser le message que c'est ça. D'une autre façon, on peut regarder la personne en disant: Oui, elle est bonne là-dedans, là-dedans, là-dedans. Eh bien, on va miser là-dessus. On va partir de ça. Aïe! Tu es bonne là-dedans, là-dedans, là-dedans; je vais travailler avec toi là-dessus, on va regarder qu'est-ce qu'on peut faire. Puis, à travers le renforcement des capacités, la personne est prête à dépasser ses limites et, les limites, bien, on va pouvoir...

Donc, c'est de cette façon-là que je souhaiterais, par exemple, que les agents d'aide sociale agissent avec les personnes assistées sociales qui viennent les voir, parce que tomber à l'aide sociale, là, c'est exactement ça, c'est tomber. Les gens débarquent devant leur agent d'aide sociale et ils sont en crise, hein, parce qu'il n'y a pas personne au Québec que ça lui fait plaisir de se retrouver à l'aide sociale. Il n'y en a pas. Ça fait qu'ils se retrouvent en crise, et, des fois, j'aimerais que les agents d'aide sociale soient accompagnants, soutenants, compréhensifs et qu'ils renforcent les capacités. Je sais que j'en demande peut-être beaucoup mais, si, partout dans l'appareil gouvernemental, on avait cette façon d'aborder les choses, je crois qu'on obtiendrait des résultats plus rapidement avec les personnes et qu'on améliorerait la citoyenneté de chaque individu, chaque femme et chaque homme au Québec.

Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on a voulu lancer un appel au gouvernement en disant: Préconisons cette philosophie-là dans ce qu'on va faire. Ce n'est pas simple de changer un appareil gouvernemental, et je ne dis pas que c'est...

Mme Vermette: Pas juste le gouvernement, là. C'est l'ensemble de la société.

Mme Bergevin (Ginette): Non, c'est ça. Il y a sûrement... Je le sais, c'est l'ensemble de la société, mais c'est quoi? C'est peut-être utopique.

Mme Grégoire: Oui, mais ça vaut la peine.

Mme Bergevin (Ginette): Mais je ne sais plus qui disait: L'utopie, c'est quelque chose qu'on n'a pas encore essayé. Ça fait qu'on peut peut-être en essayer des bouts, là.

Mme Grégoire: Vous savez, dans notre société mobilisante, en tout cas, d'avoir une approche, puis ça revient à ce qu'on a entendu chez plusieurs intervenants, d'enlever les étiquettes, parce que c'est très difficile de vivre avec des étiquettes puis de se faire une place puis d'être reconnu. Alors, on a des gens qui sont venus nous dire que, justement, dans la reconnaissance des acquis, là, les gens qui militent dans des organismes communautaires, qui prennent une expérience, mais qui n'est reconnue nulle part... Tu sais, ça peut être comme aidant aussi au niveau de la famille, de la famille agrandie, mais aussi dans des organismes.

Tantôt, il y avait des gens des banques alimentaires. Moi, j'ai vu chez nous des gens utilisateurs de la banque alimentaire qui sont devenus des bénévoles aujourd'hui dans cette même banque alimentaire. Ils en ont fait du chemin, puis c'est extraordinaire, puis je dis toujours aux gens de mes organismes: Vous ne le dites pas assez qu'il y a des gens comme ça. Tu n'es pas obligé de dire qui. Il y a des gens des gens comme ça qui ont fait ce millage-là vers l'autonomie puis qui l'ont atteinte, puis aujourd'hui c'est devenu des contributeurs, en plus, qui en prennent d'autres par la main. Alors, c'est de partager aussi les succès puis de travailler ensemble pour... Je pense, on parlait de concertation, justement de partager les bons coups entre les régions, puis je trouve intéressant de vous voir là. Merci.

n(17 h 30)n

Le Président (M. St-André): Alors, je m'excuse, mais le temps qui nous était alloué est maintenant terminé. Alors, je veux remercier les porte-parole du Regroupement des groupes de femmes de la région 03 et de la Table de concertation des groupes de femmes de Lanaudière et j'invite M. Redouane Hamza à prendre place. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission va donc reprendre ses travaux.

M. Hamza, bonjour. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura la période d'échange habituelle. Alors, vous pouvez procéder, M. Hamza.

M. Redouane Hamza

M. Hamza (Redouane): Merci, Mme la Présidente. J'interviens en tant que personne indépendante, un immigrant reçu qui est là depuis trois ans, trois ans et demi. Je vous remercie de me donner cette chance de vous parler de cette communauté fragile et fragilisée qui est constituée de ces nouveaux immigrants.

Faut-il le rappeler, au Québec, l'année dernière, on recevait jusqu'à 30 000 nouveaux arrivants. À partir de cette année, je pense que le chiffre a largement dépassé ce cap pour atteindre les 40 000. Or, dans ce groupe de personnes, les statistiques canadiennes, sur lesquelles je me suis basé, démontrent que le groupe des immigrants récents est parmi les plus défavorisés en matière d'accès à l'emploi: deux fois plus de chômeurs que la moyenne nationale. Et, ce qui me semble encore plus grave, la proportion de personnes sous le seuil de faibles revenus culmine à 31 %, alors que la moyenne nationale est de 4 %, c'est-à-dire huit fois plus. Avec de tels résultats, les immigrants constituent un handicap réel et dangereux, et être immigrant constitue aussi une proie destinée à tomber très facilement entre les griffes de la pauvreté.

Pourtant, ces immigrants sont choisis selon des critères stricts, rigoureux qui sont basés sur les compétences, sur l'âge, sur le niveau d'établissement, l'expérience professionnelle et la langue. Malgré ces critères de choix qui font que la sélection est très dure et on espérait que les gens qui allaient passer cette sélection pouvaient avoir plus de chances de réussite dans leur nouveau pays, ils constituent malheureusement un groupe à fort risque de devenir un groupe de pauvres.

Devant un tel constat, ma petite proposition est de classer ce groupe dans le groupe à risque de pauvreté persistante et, de ce fait, orienter, ou proposer, ou mettre au point un programme d'aide spécifique à ce groupe de personnes, à cette communauté pour ne pas les mettre en compétition avec d'autres groupes vivant les mêmes difficultés, mais qui, pour différentes raisons, peuvent passer... Cette disposition, donc, de les classer comme groupe de pauvreté persistante et devant bénéficier d'un programme spécifique est une nécessité sociale, puisque les chiffres sont là, il y aura de plus en plus de nouveaux arrivants. Si on prend une date donnée, je pense ? mes calculs, purement personnels, ne sont pas basés sur des statistiques ? il y a à peu près dans les 200 000 immigrants nouveaux, oui, ici, au Québec, qui sont là entre la date de leur arrivée et la période où ils ont accès à la citoyenneté.

Les programmes et méthodes actuels d'intégration socioprofessionnelle des immigrants présentent des lacunes. Les immigrants demandeurs d'emplois se retrouvent parfois dans des actions financées sur le budget public en vue de les aider à accéder à l'emploi, mais sans grande chance de réussite, et on a même vu des gens y aller un peu comme on va chez le dentiste, contraints et forcés, sans grand espoir de leur côté. Je peux vous citer, si j'ai un peu plus de temps tout à l'heure, un exemple personnel que j'ai vécu.

Pourtant, ces immigrants, pour certains et pour beaucoup, ils proviennent, j'allais dire, de la crème de leur pays. Ils ont des niveaux universitaires, ils parlent parfois plusieurs langues, ils ont une expérience internationale dans le commerce international, dans l'expertise internationale. Ils sont âgés, pour certains, de 45 ans et plus et ils savent qu'ils n'ont pas de chance d'accéder à un emploi. Ils vont vers ce qui est tout naturel, vers la création d'entreprises, et là ils se heurtent à un mur réel, concret, qui fait que cette compétence qu'ils détiennent, cette richesse qu'ils détiennent, ils ne peuvent pas l'utiliser pour, d'une part, sortir de leur situation de pauvreté et, d'autre part, aussi créer de la richesse et participer au développement du pays. La grande question est de savoir s'il est plus judicieux de garder dans l'aide sociale des gens qui ont ce background, cette qualité ou s'il faut les aider à créer leur propre entité pour pouvoir en sortir. Et je suis convaincu que ces gens-là peuvent constituer et être des ambassadeurs en matière de commerce international, en matière d'exportation des biens et services et de savoir-faire du Québec en direction de leur pays.

Le mode de financement d'un tel programme, à mon avis, peut provenir aussi bien du Fonds de lutte contre la pauvreté que d'autres sources, et je pense surtout à une autre source très spécifique qui est celle qui est la richesse qui est créée par le Programme des investisseurs immigrants. Vous savez que les immigrants investisseurs viennent avec un acquis minimum de 800 000 $. Ils mettent 400 000 $ en banque pendant cinq ans, les retombées de ces 400 000 $ alimentent un fonds pour aider l'entreprise, l'entrepreneuriat d'une manière générale et l'investissement d'une manière générale ici, au Québec. Il serait bon peut-être qu'une partie de cette richesse soit réorientée vers ce groupe, donc, d'immigrants.

Les autres pistes, je les ai retrouvées un peu dans la Stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Je rajouterai uniquement un petit point, il faut que la reconnaissance des acquis, des expériences et des formations hors Québec, hors Canada puisse être bonifiée pour pouvoir accéder à la fonction publique, notamment, et aux entreprises publiques.

Et le dernier point concerne un problème extrêmement important à mon sens, celui de la retraite des immigrants. Les gens qui sont venus, comme moi, à mon âge, ont travaillé dans leur pays, vont très peu travailler ici et ils vont alimenter automatiquement un nouveau groupe de pauvres. Il n'est pire désespoir que de savoir qu'on va vers la pauvreté. C'est plus grave que quand on y est, à mon sens. J'ai été plus rapide, Mme la Présidente...

n(17 h 40)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste deux minutes.

M. Hamza (Redouane): ...j'ai passé un peu...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. De toute façon, on va pouvoir poursuivre avec les échanges, M. Hamza. Est-ce que... Il va y avoir des questionnements, alors je céderais donc immédiatement la parole à la ministre déléguée. Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Hamza. Bienvenue. Je lisais votre mémoire. Oui, effectivement, il est court, mais il est aussi important que n'importe quel autre mémoire. J'apprécie que vous soyez ici, que vous venez à titre personnel. Et, d'ailleurs, ça va être ma première question, si vous le permettez et si vous avez le goût de vous exprimer à cet effet-là: Qu'est-ce qui vous a interpellé pour venir ici, en Chambre... au Parlement, à venir présenter un mémoire et à venir vous exprimer sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamza.

M. Hamza (Redouane): Premièrement, je me sens concerné en tant que futur citoyen de ce pays. J'ai choisi ce pays, il m'a accepté. Mes enfants vont vivre, j'espère, toute leur vie ici, et moi avec eux, donc je suis concerné par tout ce qui se passe dans ce pays, par la politique de ce pays, d'une part.

D'autre part, j'apprécie ? là, je m'excuse pour l'opposition ? j'apprécie ce que fait le gouvernement, que j'estime être un gouvernement de gauche. Moi, je suis de formation de gauche, j'ai beaucoup apprécié, donc, ses actions dans le domaine de la petite enfance. Parce que ma femme étudie dans ce domaine, et je lis avec elle ses travaux. Je suis très heureux de voir ce qui s'est fait et je suis tombé en amour de cette politique qui est très sociale, et c'est pour ça que je me suis dit: Essayons d'apporter une petite pierre pour faire connaître notre problème en tant qu'immigrants. Et, je n'espérais pas venir, entre parenthèses, je ne savais pas que... J'ai beaucoup insisté en disant: Je ne suis pas citoyen, ai-je le droit de parler face à un tel parterre, qui m'honore? Voilà.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Léger: Merci bien. Mais, en même temps, je vais vous dire que c'est effectivement... Nous sommes un gouvernement social-démocrate, mais il reste quand même que cette lutte contre la pauvreté, toutes les sociétés, aujourd'hui, sont particulièrement aux prises avec cette problématique-là. Et, évidemment, on sollicite l'opposition, les partis de l'opposition pour être capable de l'adopter avant Noël, évidemment, parce que c'est la volonté de beaucoup de groupes qui sont venus nous le dire pendant les cinq semaines. Le député de l'opposition nous parlait... Le critique de l'opposition nous parlait de... Puis on est rendu à notre 80 et quelques mémoires, là, effectivement, je pense que les gens sont venus exprimer leur volonté de vouloir aller encore plus loin et d'adopter ce projet de loi là.

Dans l'énoncé politique, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion... Vous l'avez un petit peu mentionné tout à l'heure dans la stratégie, dans l'énoncé politique qui a été mis de l'avant, il y a un pan particulier à la situation des personnes immigrantes récentes ou celle des minorités visibles, d'une part. On dit trois facteurs particuliers qu'on veut s'y attaquer, particulièrement pour l'intégration à l'emploi, et tout, que plusieurs personnes immigrantes risquent de ne pas vivre avec autant de succès ce processus d'insertion à l'emploi compte tenu des handicaps plus importants lors de l'arrivée au Québec. On parle de trois handicaps particulièrement: d'une part, la méconnaissance du français, des codes culturels propres à la société québécoise et du fonctionnement du marché de travail; deuxièmement, la difficulté de faire reconnaître par les employeurs et les organismes de réglementation les acquis de formation et d'expérience ? vous venez de le dire tout à l'heure; et la troisième, l'exclusion, le racisme et toute forme de discrimination que les immigrants peuvent vivre.

Et donc, dans la stratégie nationale, on cible particulièrement dans le cadre de mesures plus adaptées pour être capable de répondre aux difficultés que peuvent avoir les gens qui vivent avec ces problématiques-là. Mais vous apportez quand même l'idée que les personnes immigrantes créent leur propre emploi, leur propre entreprise et que l'État les soutienne par l'entremise d'un programme d'aide financière. Vous l'avez glissé tout à l'heure, mais j'aimerais ça que vous m'en disiez plus un petit peu sur ce sujet-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamza.

M. Hamza (Redouane): Ce que j'ai dit, c'est qu'il existe des programmes pour tout le monde. Pour tout créateur d'entreprise, il existe des programmes communautaires, il existe des programmes pour les gens qui sont dans l'aide sociale ? je crois que ça s'appelle le soutien au travail autonome ? mais ces programmes-là, tout le monde veut y accéder. Tout le monde, ceux qui sont entrepreneurs veulent y accéder. La concurrence est telle que ce groupe d'immigrants est fragile, et peut-être qu'il n'arrive pas à expliquer son projet.

Je cite un exemple que j'ai vécu personnellement. À une époque où Bernard Landry est parti en Algérie avec 60 entreprises dans la même semaine, une semaine après partait Pettigrew avec une délégation aussi importante. À cette période-là, j'ai demandé une assistance financière à une institution qui est supposée aider à la création d'entreprises, on n'a pas cru à mon projet d'exportation vers ce pays. Je venais avec les articles de presse algériens et je suis allé en Algérie. J'étais présent pendant la présence de M. Bernard Landry. J'étais même avec le ministre de l'Environnement ce jour-là, au moment où il le recevait. Je mets ça sur la table avec une lettre du ministre algérien, on m'a dit: Ce n'est pas très... C'est un projet qui n'est pas durable, qui n'est pas faisable, qui n'est pas ceci, qui n'est pas cela. Je dis: Expliquez-moi alors pourquoi Bernard Landry, que je respecte énormément, et le ministre fédéral du commerce, Pettigrew, eux y croient.

Non, là, c'est plus facile... C'est pour ça que je dis qu'il faudrait un programme spécifique aux immigrants. Là, on sait, s'il y a 10 millions de dollars, 5 millions de dollars, 1 million de dollars ou plus... On sait que c'est destiné à des immigrants. À ce moment-là, ce sont des concurrences de dossiers d'immigrants qui... Je vous le garantis que chaque dollar qui sera prêté selon certaines conditions ne peut que rapporter beaucoup plus. On parle de un pour cinq en matière de coopération dans ce domaine. Un pour cinq, c'est le minimum que cela peut rapporter en matière d'exportation. Je suis actuellement sur un projet d'exportation, qui va débuter au début de l'année prochaine, avec une institution algérienne, j'ai énormément de difficultés à faire le montage financier. Je ne voulais pas parler de cas, mais c'était pour répondre un peu à votre question. Je m'en excuse si j'ai parlé de ma petite personne.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): C'était pour illustrer. Alors, Mme la ministre, vous avez d'autres questions?

Mme Léger: Ah oui. Il me reste combien de temps, là? J'ai l'habitude d'en avoir un petit peu.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Il reste trois minutes. En fait, 2 min 30 s.

Mme Léger: Ils nous diminuent tout le temps. Ha, ha, ha! Vous savez, dans le contexte du ralentissement de la croissance démographique, le vieillissement de la population, évidemment l'immigration va être appelée à jouer un rôle encore plus important sur nos plans culturel, économique, social, à tous niveaux. Comment vous voyez, même avec ce que vous savez qui existe déjà... Comment on pourrait davantage intégrer les personnes immigrantes? Qu'est-ce qu'on peut faire plus encore?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamza.

M. Hamza (Redouane): Certainement, il faut une plus grande organisation. Ce sont des gens qui viennent en tant qu'individus, en tant que familles. Ils ne viennent pas en tant que groupes, ils rejoignent parfois des membres de familles, des amis déjà implantés. Ils peuvent constituer des petits groupes, deux, trois familles, quatre, cinq familles. Il faut peut-être les organiser, mettre en place des mécanismes pour les aider à s'organiser, comme on a vu l'organisation des femmes, l'organisation d'autres groupes de la société. On a vu l'organisation des Italiens qui est magnifique, des Haïtiens qui est magnifique, mais il y a d'autres groupes d'immigrants qui ne sont pas organisés du tout, qui commencent à être importants.

Pour prendre ma communauté, maghrébine, où on est peut-être 50 000 actuellement, 30 000 Marocains, 20 000 Algériens et puis quelques milliers de Tunisiens, c'est une communauté assez homogène. On peut l'aider à s'organiser à travers le culturel, ça se fait. Moi, j'assiste... Je sors ma famille pour les Francofolies où il y a des chanteurs de ces pays. Croyez-moi, l'ambiance est extraordinaire. Il suffit d'utiliser le mot du pays pour que les gens crient. C'est une facilité extraordinaire. Donc, il y a un besoin d'organisation autour de ces communautés. Comment les aider? C'est vous, les gens politiques...

Mme Léger: Merci. Merci de votre implication ici, en commission.

n(17 h 50)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vais donc céder la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également M. Hamza. Et, faites-vous-en pas, je n'ai pas pris ça personnel tantôt sur l'opposition. Vous êtes ici depuis trois ans et demi, c'est tout ce que vous avez connu. Nous, on le connaît depuis neuf ans, le gouvernement. Ha, ha, ha! Une petite blague. Rions ensemble, c'est la fin de la journée. Quand même...

Mais, cela étant dit, à mon tour également, merci pour la participation et d'avoir pris la peine de démontrer votre future citoyenneté par une participation active à un débat, effectivement, important.

Et vous soulevez toute la question de l'immigration, et, étant moi-même d'une famille immigrante arrivée ici très jeune, mes parents étaient peut-être d'une autre catégorie d'immigrants qui arrivaient tout de suite après la guerre et qui n'étaient pas dans la catégorie des gens scolarisés, etc. On est peut-être à un stade où il y a effectivement des strates différentes d'immigrants qui arrivent et des besoins différents, et vous soulevez à juste titre la situation que beaucoup vivent quand ils arrivent ici instruits, éduqués, avec une expérience très valable souvent. Souvent, ce sont des immigrants qui fuient leur pays ou qui quittent leur pays pour des raisons sociopolitiques plutôt qu'économiques dans plusieurs cas; économiques aussi.

Et vous mettez sur la table la question: Comment est-ce que mettre à profit pour la société ici, pour le pays, pour le Québec, pour le Canada, pour tout ça ces expériences de ces personnes-là? Et je décèle une frustration à travers les expériences que vous avez vécues et la réalité que vous connaissez qui est que vous vous sentez un peu perdu dans l'administration générale de la chose, et on n'est pas capable de tenir compte de la spécificité de votre situation ? et le «votre» étant plus large que le «votre» personnel ? et vous concluez que ça prend donc un programme spécifique d'aide aux immigrants qui... J'imagine, vous le voyez comme plus large que juste une question d'intégration au début, je comprends, et peut-être que vous pouvez élaborer davantage sur comment vous le verriez, ce programme spécifique. Quel genre de facettes? Est-ce que c'est une prise en charge à partir de l'arrivée? Pour combien de temps? Est-ce que c'est du côté linguistique? Parce qu'on fait des efforts du côté de linguistique surtout. Il y a aussi des efforts d'intégration qui sont faits par le biais de groupes communautaires issus des différents milieux des communautés culturelles qui essaient d'appuyer leurs compatriotes d'origine. Vous y mettriez quoi davantage dans le système?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Hamza.

M. Hamza (Redouane): Merci. J'avoue que c'est une question tellement large.

M. Sirros: Large, oui.

M. Hamza (Redouane): Moi, je me suis intéressé aux problèmes spécifiques du jour. Mais, effectivement, vous savez, l'immigrant, quand il arrive, il est sur un nuage. On l'accueille avec un mot qui, personnellement, m'a frappé ? quand j'ai posé la question à d'autres amis, ça a été identique ? on vous dit: Bienvenue, vous avez tous les droits des Canadiens, à l'exclusion du vote. Et ça, ça nous touche énormément. Donc, on est sur un nuage.

Les premiers mois, ce sont des vacances, on est en vacances. Sauf que, moi, j'ai eu un problème, c'est que j'avais une fille qui devait rentrer au cégep et que je n'arrivais pas à inscrire, et elle me disait: Comment, papa, en Algérie, on était en guerre et j'allais à l'école, et, ici, je ne vais à l'école? Mais, en réagissant, en téléphonant au député ? je ne suis pas arrivé au ministre ? on a pu trouver des solutions intermédiaires. C'est une question extrêmement importante, l'accès au cégep, et, quand on vient de l'extérieur, on ne sait pas qu'il faut s'inscrire six mois à l'avance. On peut rentrer à l'université, on peut rentrer au collège et à l'école, mais pas au cégep, et vous vous retrouvez avec une coupure de six mois.

Ça, pour la formation, c'est extrêmement important pour les enfants. Les enfants, c'est le premier contact qu'ils ont avec leur nouveau pays. Moi, mon fils, à l'école primaire, était heureux. Il a eu un ami comme enseignant et non plus un maître. Ma fille, à l'université, arabophone à 100 % en dehors du français que nous parlions à la maison, à l'époque, était première en mathématiques à l'université. Elle avait 17 ans et demi. Ce contact est très valorisant. Ma femme, sur le tard, elle est maintenant à reprendre ses études à l'université. Ça la revalorise aussi.

Donc, au début, tout est beau, la vie est... On ne pense à rien, sauf qu'il faut se reconstituer tout. De la petite cuillère à la chaussette, il faut tout acheter, il faut tout reconstituer. Ça, c'est un... C'est du matériel, ça se fait, ça se réalise, et les gens arrivent à le prendre en charge. Et, au bout d'un an, quand on n'arrive pas à travailler... Quand on est ingénieur informaticien et qu'on n'arrive pas à trouver du travail alors qu'on a été sélectionné parce qu'on est ingénieur informaticien... Et ça, c'est l'exemple d'un couple d'amis dont la femme était chirurgienne et qui s'est retrouvée sur une manufacture à 7 $ de l'heure, donc qui est repartie en Algérie parce qu'elle ne pouvait pas tenir longtemps. Elle a pris ses trois enfants, même la famille s'est coupée. Le mari est resté, la femme est partie avec ses trois enfants.

Les exemples comme ça existent, et on a l'impression, au bout d'un an, qu'on aura plus de chances si on prend une licence de taxi, parce qu'il y a des filières d'immigrants, c'est un bon job, on est son propre patron, on gagne un salaire correct. On peut ouvrir une pizzeria, ça ne demande pas beaucoup d'investissement, ça ne demande pas... Mais, quand on a été universitaire, quand on a été haut fonctionnaire dans son pays, quand on a été dans des entreprises... Jusqu'à l'exemple... Je citerai l'exemple d'un ami. Sachant que je venais, il m'a cité son exemple. En tant qu'investisseur immigrant, c'est-à-dire qu'il venait avec un actif minimum de 800 000 $ et 400 000 $ qui sont toujours, donc, gelés en banque, il dit: Je m'appauvris chaque jour. Ça fait quatre ans et demi qu'il est là, il a consommé l'essentiel de son actif, il lui reste qu'est-ce qu'il a en banque. C'était un exportateur, l'un des rares exportateurs de mon pays, privé, vers la Russie. Il exportait 1 million de dollars sur ce pays-là et, ici, il a toutes les difficultés du monde à...

M. Sirros: Vous soulevez...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Vous soulevez la problématique de la reconnaissance des compétences et des expériences, des équivalences. Bon, le cas des médecins est un cas particulier, et on en a parlé souvent à l'Assemblée nationale, puis effectivement il y a quelque chose à faire là.

Mais j'ai le net sentiment que vous dites finalement: On nous accueille, on dit: Bienvenue, débrouillez-vous. C'est le sentiment que j'ai, que vous ne trouvez pas qu'il y a vraiment un effort structuré, réel d'intégration et de chercher à mettre à profit les expériences puis les compétences des personnes et que plusieurs, finalement, prennent le chemin que vous décrivez. Et j'en connais plein de monde qui ont des maîtrises puis des doctorats qui font du taxi. Je vous avoue que je ne sais pas comment... Vous soulignez une défaillance du système. Je ne sais pas si c'est facile de la mettre sur pied, mais je retiens de votre intervention la nécessité, peut-être, de cibler davantage un programme plus spécifique en axant des interventions spécifiquement sur la question de l'intégration par le biais de la reconnaissance des compétences en particulier. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, si vous avez un commentaire, très rapidement, M. Hamza.

M. Hamza (Redouane): Moi, j'ai été honoré de vous présenter mes quelques petites idées, et mon honneur est grand que vous m'ayez écouté avec autant d'attention. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, nous vous remercions pour votre participation à cette commission. Vous aurez aussi le mot de la fin pour aujourd'hui, puisque j'ajourne les travaux à demain, mercredi, le 16 octobre, à la salle du Conseil législatif, à 9 h 30.

Une voix: 6 novembre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): 6 novembre, excusez-moi, j'ai fait une erreur de presque un mois.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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