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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 19 novembre 2002 - Vol. 37 N° 92

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales, comme vous le savez, est à sa dernière journée de consultation concernant la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, nous sommes réunis justement pour compléter cette consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'on a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par Mme Mancuso (Viger); M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) par M. Sirros (Laurier-Dorion).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour: 9 h 30, nous rencontrons les représentantes de l'Union des consommateurs; 10 h 15, la Fédération des cégeps; suivie, à 11 heures, par la Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières. Nous rencontrerons, à 11 h 45, la Fédération québécoise des municipalités, pour suspendre nos travaux à 12 h 30, afin de les reprendre à 15 h 30, après les affaires courantes, avec Centraide du Grand Montréal; suivi, à 16 h 15, des remarques finales; et nous ajournerons à 16 h 50.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, j'accueille avec beaucoup de plaisir les représentantes de l'Union des consommateurs. Je cède la parole à Mme Thérèse Richer. Mme Richer, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Union des consommateurs

Mme Richer (Thérèse): Merci. Alors, moi, je suis conseillère budgétaire à l'ACEF Rive-Sud de Québec et présidente de l'Union des consommateurs; à ma droite, France Latreille, qui est analyste en politiques sociales à l'Union des consommateurs et a été conseillère budgétaire pendant 20 ans à l'ACEF du Nord de Montréal; et, à ma gauche, Mme Ghislaine Beaulieu, de l'ACEF Estrie à Sherbrooke, membre aussi de l'Union des consommateurs.

Mme la Présidente, Mmes et MM. membres de cette commission, nous vous remercions de nous donner l'opportunité de vous présenter nos commentaires sur le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, un projet de loi qui revêt pour nous une très grande importance.

Quelques mots pour présenter notre organisme, l'Union des consommateurs. Issue de la fusion de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale et d'Action Réseau Consommateur, l'Union des consommateurs regroupe huit ACEF, le regroupement des consommateurs d'assurance ainsi que des membres individuels.

La mission de l'Union des consommateurs est de représenter et défendre les consommateurs en prenant en compte de façon particulière les intérêts des ménages à revenus modestes. Depuis plus de 35 ans, les ACEF font un travail d'intervention budgétaire, d'éducation et de défense de droits et sont à même de bien connaître la réalité vécue par les personnes à faibles revenus. Depuis une dizaine d'années, l'Union des consommateurs a constaté un appauvrissement de la population et une aggravation de la situation des personnes et des familles les plus pauvres. Ces 10 dernières années, les problèmes se sont accentués avec les compressions budgétaires des différents paliers gouvernementaux qui ont sabré dans les programmes sociaux pour l'atteinte du déficit zéro.

Avec le dépôt de ce projet de loi, le gouvernement reconnaît enfin que la pauvreté est un problème réel qui a des conséquences graves pour les personnes qui la vivent et qui se répercutent sur l'ensemble de la communauté. Quand, au quotidien, les personnes vivent avec un faible revenu, elles se trouvent dans un état d'alerte constant où le moindre imprévu prend des proportions énormes. Ce stress prolongé détériore leur état de santé. En effet, le revenu est le déterminant de la santé le plus important. Un grand nombre d'études démontrent que la santé s'améliore en proportion du revenu et d'une participation accrue à la société.

Outre les problèmes de santé, la pauvreté a des conséquences sur le rendement scolaire de nos jeunes. Pire, elle provoque le décrochage scolaire. Aller à l'école le ventre vide, ne pas avoir le soutien des parents parce que ces derniers sont en situation de survie sont des réalités qui incitent à quitter l'école.

La pauvreté est aussi le lot de plusieurs travailleurs. Au salaire minimum 40 heures par semaine, une personne vit sous le seuil de la pauvreté. Travail autonome, emploi précaire, temps partiel, occasionnel, sur appel, contractuel, voilà le lot de plusieurs travailleurs, travailleuses. Il arrive même que des familles vivent dans la pauvreté même lorsque les deux conjoints ont travaillé toute l'année.

Améliorer les conditions de vie et permettre à toute la population sans condition de recevoir un revenu décent est primordial. Le dépôt de ce projet de loi, que nous attendions depuis longtemps, est un pas dans la bonne direction.

Par ailleurs, nous nous questionnons sur le financement annoncé, soit 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Cela permettra-t-il d'améliorer de façon importante les conditions des personnes vivant la pauvreté, de répondre adéquatement aux différents besoins? Nous souhaitons que le gouvernement agisse concrètement pour améliorer les conditions de vie des personnes vivant dans la pauvreté en adoptant un projet de loi amélioré et en déposant le plus rapidement possible son plan d'action. Il faut que les buts fixés par la loi soient l'objet d'une attention constante et prioritaire de l'appareil gouvernemental. La présente loi devrait avoir préséance sur les autres lois. Étant des gens d'action, nous proposons des moyens concrets que nous aimerions voir inclus dans le plan d'action.

En premier lieu, il est essentiel d'augmenter les revenus. Ces augmentations devraient se faire du côté du salaire minimum, du barème d'assistance-emploi et du seuil d'admissibilité au programme APPORT. Rappelons que, pour l'année 2001, le seuil de faibles revenus préparé par le Conseil national du bien-être social se situait à 18 849 pour une personne. Le salaire annuel d'une personne seule rémunérée au salaire minimum, en février 2003, sera de 15 184 $ à condition que cette personne travaille 40 heures, ce qui est de plus en plus rare. L'Union des consommateurs recommande une augmentation substantielle du salaire minimum et son indexation annuelle.

L'article 8, paragraphe 2°, du projet de loi veut «favoriser le maintien ou l'intégration en emploi des travailleurs à faibles revenus, notamment par des suppléments à leurs revenus de travail». Actuellement, il existe le programme APPORT, mais une famille monoparentale avec un ou plusieurs enfants à charge n'y a pas droit si son revenu brut dépasse 16 000 $. Même si nous privilégions une amélioration des conditions de travail et une hausse du salaire minimum depuis de nombreuses années, nous recommandons une hausse des seuils d'admissibilité du programme APPORT.

Je passe la parole à Mme Latreille.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mme Latreille.

Mme Latreille (France): Concernant l'assistance-emploi, nous estimons primordial que les personnes puissent disposer sans condition de revenus leur permettant de mener une vie digne et de participer pleinement à la vie sociale, comme cela est stipulé à l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne, et je cite: «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.»

Actuellement, le revenu de base mensuel pour un adulte sans contrainte à l'emploi est de 515 $, ce qui représente 42 % du salaire minimum. Il est évident que cette personne ne peut se loger adéquatement, se nourrir et se vêtir convenablement, payer le transport pour faire des recherches d'emploi. Les mesures prévues par la loi ne respectent pas les exigences de l'article 45 de la Charte des droits et libertés. Nous estimons qu'aucune loi visant à lutter contre la pauvreté n'est crédible si elle n'assure pas un niveau de vie décent à tout individu. Nous recommandons de ne plus faire de distinction entre les personnes aptes et inaptes. Nous recommandons que les barèmes de l'assistance-emploi soient haussés de façon à assurer des conditions de vie décentes à l'ensemble des citoyens, et ce, sans condition. Nous recommandons de fixer un barème plancher qui doit couvrir les besoins essentiels, notamment la nourriture, le logement, les médicaments et l'habillement, en dessous duquel aucune coupure de doit être effectuée.

Comme nous venons de le mentionner, les personnes recevant des prestations d'assistance-emploi vivent dans la très grande pauvreté. Elles ont besoin de soutien pour se trouver un emploi ou retourner aux études. Elles ont besoin de temps pour se réorganiser, trouver un service de garde, un moyen de transport, particulièrement si elles habitent en milieu rural. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement s'assure que la formation offerte soit qualifiante, basée sur les besoins individuels et tienne compte des contraintes particulières de chacun.

Nous recommandons que les mesures d'insertion soient instaurées sur une base volontaire; qu'elles soient progressives et à long terme et ne soient pas associées à des pénalités; que les activités de travail effectuées par les bénéficiaires de l'assistance-emploi dans le cadre de mesures de réinsertion soient subordonnées au respect des lois du travail; lorsqu'un prestataire de l'assistance-emploi se trouve un emploi, qu'il puisse continuer à recevoir de ses prestations et les prestations spéciales durant la période de réorganisation.

n(9 h 40)n

Au niveau de la formation, le gouvernement reconnaît dans son énoncé qu'une éducation accessible à toutes et à tous permet une certaine égalité des chances et peut agir de façon efficace sur la prévention de la pauvreté. D'autre part, il y a reconnaissance du lien très clair entre le décrochage scolaire et la pauvreté. Aussi, on ne peut passer sous silence l'endettement engendré par les études postsecondaires. Même s'il est vrai que les jeunes diplômés s'en tirent mieux sur le marché du travail que les jeunes sans diplôme, le taux de chômage ne cesse d'être plus élevé chez les jeunes que chez leurs aînés. Nous assistons à une augmentation très importante du niveau d'endettement des étudiants, et ceux-ci éprouvent plus de difficultés à rembourser leurs prêts étudiants. Pour toutes ces raisons, nous recommandons la poursuite du réengagement financier de l'État dans l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire pour permettre à tous et à toutes l'accès à une éducation qualifiante, et ce, à un coût abordable.

Nous sommes d'accord avec le gouvernement lorsqu'il reconnaît que les emplois ne sont pas une garantie d'accès à des revenus décents. Il y a eu une forte augmentation du travail à temps partiel involontaire et du travail autonome, travail caractérisé par des salaires bas, avec peu d'avantages sociaux, des heures supplémentaires impayées, d'où la très grande nécessité d'améliorer les conditions de travail et de mieux encadrer les entreprises. Le dépôt du projet de loi sur les normes du travail tend à corriger certaines lacunes. L'Union appuie les recommandations de l'organisme Au Bas de l'échelle, dont celles qui visent une amélioration des conditions des personnes qui ont un travail précaire.

Concernant certains services et certains biens, au niveau de la santé, il est essentiel de maintenir les caractéristiques fondamentales et originales de notre système de santé et des services sociaux que sont l'universalité et l'accessibilité. Nous recommandons que soit maintenu un système public de santé universel, accessible et gratuit. Concernant l'assurance médicaments, l'Union des consommateurs recommande de revoir immédiatement ce régime pour assurer que toute personne vivant sous le seuil de faibles revenus de Statistique Canada puisse obtenir les médicaments gratuitement.

Pouvoir vivre dans des conditions décentes signifie, entre autres, pouvoir se loger convenablement. Souvent, c'est plus de la moitié du revenu qui sert à payer le logement, et ce logement n'est pas toujours convenable. Mal isolé, il exige de grosses rénovations et est souvent insalubre. Les gens subissent des coupures d'électricité ou de gaz et, dans plusieurs cas, n'ont plus le téléphone. Nous recommandons d'augmenter le nombre de logements sociaux, de bonifier le Programme d'allocation-logement et de l'élargir aux personnes sans enfants.

Vivre décemment signifie aussi avoir accès au système de justice. Actuellement, les petits salariés, les travailleurs saisonniers et les prestataires de régimes autres que l'assistance-emploi n'ont plus accès à l'aide juridique. La justice n'est pas accessible à tous les citoyens. L'Union des consommateurs recommande au gouvernement d'augmenter les seuils d'admissibilité à l'aide juridique, tant du volet gratuit que du volet contributif, et de réduire le niveau de contribution exigé en fonction du revenu. Je passe maintenant la parole à Ghislaine Beaulieu.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Ghislaine): Bonjour. J'aborderai maintenant la question de la fiscalité. Alors, selon nous, une redistribution de la richesse s'impose. Nous croyons que le gouvernement devrait aller chercher une contribution plus grande chez les entreprises et chez les mieux nantis pour se donner des entrées de fonds supplémentaires qui garantiraient la réalisation de son plan d'action concernant la lutte à la pauvreté. Comme nous l'avons déjà souligné, durant les années quatre-vingt-dix, les divers programmes sociaux ont durement subi des coupures massives et répétitives de leurs budgets, tout ceci pour permettre l'atteinte du déficit zéro.

L'année 1999 marquait une étape importante, celui de l'équilibre budgétaire. Comme ce sont les contribuables à faibles revenus qui ont ressenti le plus brutalement l'effet de ces compressions budgétaires, nous aurions pu croire que l'État québécois allait leur accorder un répit. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, le gouvernement ayant plutôt choisi la voie des réductions d'impôts, imitant ainsi la province voisine, l'Ontario. Sur une période de cinq ans, de 2000-2001 à 2004-2005, le gouvernement se sera privé de 15 milliards de dollars de revenus, mais les ménages les plus pauvres ne profitent pas de ces baisses d'impôts. Les travailleuses et les travailleurs au salaire minimum ou qui sont employés à temps partiel ne paient souvent aucun impôt, leurs revenus étant trop modestes. De plus, les réductions d'impôts sont toujours plus avantageuses pour les contribuables à plus hauts revenus si on considère le montant réel économisé. Ainsi, les baisses d'impôts qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2002 présentaient une réduction de 293 $ pour une famille monoparentale de deux enfants ayant un revenu de 30 000 $ et une économie de 1 128 $ pour un couple avec deux enfants ayant un revenu de 100 000 $.

Depuis 1985, le taux maximum d'imposition a été ramené de 33 % à 26 % et il est maintenant à 24 % depuis juillet 2001. Toutes les personnes qui ont un revenu de plus de 52 000 $ sont maintenant imposées à ce taux de 24 %. Même s'il y a eu une amélioration concernant les exemptions d'impôts pour les personnes et les familles à modestes revenus, nous croyons que les taux d'imposition pour les contribuables à plus hauts revenus devraient être augmentés, d'autant plus que leur situation financière leur permet de profiter des abris fiscaux qui sont mis à leur disposition. Nous recommandons de rendre l'impôt sur le revenu des particuliers plus progressif encore en augmentant le nombre de taux marginaux d'impôts de trois à 10 et en élargissant l'étendue des taux marginaux d'impôts, exemple, une échelle qui varierait entre 10 et 30 %.

La taxe de vente du Québec est aussi fortement régressive. Les ménages à faibles revenus paient un montant plus élevé de taxe de vente, en proportion de leurs revenus, que les mieux nantis sur les produits de base essentiels. Les remboursements de TVQ viennent mitiger l'impact régressif de cette taxe de vente, mais c'est nettement insuffisant, et le nombre de personnes qui y ont droit n'est pas très élevé. De plus, le montant de 100 $ de remboursement accordé en décembre 2001 a servi d'abord à stimuler l'économie plutôt qu'à aider les personnes dans le besoin. Nous demandons que la TVQ soit abolie sur les biens essentiels tels que l'électricité, les combustibles de chauffage, le service téléphonique de base et sur les vêtements d'enfants et le matériel scolaire. Nous demandons d'augmenter les crédits remboursables de TVQ afin qu'ils tiennent compte notamment du nombre d'enfants dans la famille et voir à ce que ces crédits soient récurrents.

La contribution des entreprises. L'énoncé de politique et le projet de loi visent une reconnaissance de la responsabilité sociale des entreprises et de leur association comme partenaires du marché du travail, mais il n'est question nulle part d'une implication financière de celles-ci, sauf l'augmentation du salaire minimum. Pourtant, comme l'indiquent plusieurs études, dont celle de la chaire socioéconomique de l'UQAM, depuis les 20 dernières années, les compagnies contribuent de moins en moins aux recettes fiscales gouvernementales. Elles ont eu droit à de généreuses baisses d'impôts et de taxes, à d'importantes subventions gouvernementales. On dit que, durant la dernière année, les entreprises ont reçu des montants de 5 milliards de subventions provenant des deux paliers de gouvernement. Alors, on sait aussi que les entreprises profitent d'une gamme d'abris fiscaux à chaque année. L'instauration d'un impôt minimum pour les entreprises, comme il en existe un aux États-Unis et dans de nombreux pays occidentaux, générerait des fonds importants pour les deux paliers de gouvernement et pourrait assurer la mise en place et le maintien d'un plan de lutte à la pauvreté et une amélioration importante des programmes sociaux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, Mme Beaulieu, s'il vous plaît.

Mme Beaulieu (Ghislaine): Oui. Alors, nous recommandons un élargissement de l'assiette fiscale pour couvrir l'ensemble des revenus des entreprises, une réduction des avantages fiscaux qui favorisent les personnes à revenus élevés. Nous recommandons que le gouvernement du Québec mette de l'avant une proposition concernant l'instauration d'un impôt minimum pour les entreprises lors des discussions fédérales-provinciales qui se font actuellement concernant le déséquilibre fiscal.

En conclusion, nous croyons que les conséquences du manque de moyens, qu'ils soient financiers ou d'ordre humain, doivent être prises au sérieux par tous les intervenants et toutes les intervenantes de notre société. L'État, bien sûr, en premier lieu, le milieu économique indéniablement, le milieu communautaire, bien sûr, et toutes les communautés. Il faut mettre en place des solutions globales et durables pour assurer à toute personne un niveau de vie décent, et ce, quelles que soient les circonstances auxquelles nous aurons à faire face. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mmes Richer, Latreille et Beaulieu, merci pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bonjour. Je voudrais, dans un premier temps, au nom des membres de cette commission, vous remercier pour la qualité de votre mémoire. Vous l'avez envisagé sur trois angles extrêmement importants. Je voudrais vous poser quelques questions précises par rapport à ce que vous avez ajouté comme éléments de solution qui pourraient être apportés.

D'abord, je voudrais vous indiquer qu'il est évident que nous maintenons... Au niveau de la santé et l'éducation, nous voulons maintenir l'universalité et l'accessibilité. Il est évident que nous avons des défis à relever, mais il n'en demeure pas moins que ces principes-là sont maintenus, et nous travaillons pour que ces choses-là puissent se faire.

Deuxième des choses, vous avez parlé beaucoup, particulièrement Mme Beaulieu, de tout l'aspect de la fiscalité et au niveau d'une fiscalité qui est progressive. Vous savez, on se retrouve au Québec, aujourd'hui, avec près de 44 % des gens qui ne paient pas d'impôts, et vous avez ajouté tout à l'heure que les gens n'ont pas les revenus suffisants pour contribuer. Alors, c'est un choix que nous avons fait aussi comme gouvernement depuis les six, sept dernières années de faire en sorte que, considérant les modestes revenus, que les gens puissent les conserver. Et ça surprend toujours les gens quand on parle de ce chiffre-là, mais c'est un constat des choix qui ont été faits.

n(9 h 50)n

N'en demeure pas moins que vous avez... Et on l'entend souvent, les gens dire: On devrait demander aux entreprises et aux personnes ayant des revenus supplémentaires de contribuer davantage, et là vous l'avez ciblé de façon spécifique au niveau du plan d'action. J'aimerais savoir quels sont... quelques exemples concrets. Lorsque vous dites que nous devrions faire telle chose, est-ce que vous avez une cible, un exemple ou un montant? Ou comment, concrètement, vous souhaiteriez que nous puissions faire cela?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Ghislaine): ...au niveau des personnes à plus hauts revenus, le taux maximal d'imposition a été diminué ces dernières années. Alors, on parlait de 33 % en 1985. Alors, au fil des ans, le taux maximal d'imposition a été diminué et, maintenant, pour les personnes à plus hauts revenus, toutes les personnes qui gagnent plus de 52 000 $ paient seulement un taux d'imposition de 24 %.

On sait aussi que ces personnes-là peuvent profiter d'abris fiscaux importants. Par exemple, c'est certain qu'au niveau des REER le maximum... le plafond maximum, je veux dire, qu'on peut cotiser pour les REER, c'est 13 500 $. Alors, c'est certain qu'une personne ou une famille qui a un revenu de 40 000 $, par exemple, ne pourra jamais cotiser pour un montant aussi élevé. Par contre, une personne seule qui gagne un revenu de 80 000 $ va pouvoir cotiser pour 13 500 $ et là, à ce moment-là, va pouvoir retirer un abri fiscal important. Alors, en plus de payer moins d'impôts, on a conservé des abris fiscaux assez importants pour les personnes à hauts revenus. On a diminué, en plus, le taux d'imposition au niveau des gains en capital qui était de 75 %. Ça a diminué à 66, et maintenant c'est à 50 %. Alors, ce sont ces abris fiscaux là.

Quand on parle de 15 milliards de baisses d'impôts, si on dit qu'il y a 44 % des gens... Bien sûr, dans le 44 % des gens qui ne paient plus d'impôts, ces gens-là payaient des impôts avant, il y a un certain montant qui a été diminué pour ces personnes-là, mais les personnes à hauts revenus, là, ont été assez bien favorisées par les baisses d'impôts. Alors, si on le voit sur plusieurs années, je pense que, de ce côté-là, il y aurait quand même possibilité d'aller chercher des montants d'argent pour aider, parce que ce qu'on s'est dit concernant la lutte à la pauvreté, bon, actuellement, ça va bien, on est en période, on peut dire, de croissance économique ? en tout cas, c'est beaucoup mieux qu'au début des années quatre-vingt-dix, c'est-à-dire de 1990 à 1995 ? mais, si jamais on retrouve des années difficiles, est-ce que le plan de lutte à la pauvreté, est-ce que cette loi-là sera remise en question? Ça, ça nous inquiète beaucoup. Alors, nous, ce qu'on veut, c'est des garanties. On veut que la loi soit une loi qui tienne compte de la réalité, bien sûr, mais aussi que ce ne soit pas seulement des voeux pieux et parce que, à un moment donné, on arrive avec une récession ou un déficit, ah, là on va couper tous les avantages qu'on s'était promis de donner aux personnes à faibles revenus. Je pense que c'est là-dessus, là, qu'on veut intervenir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Beaulieu. Mme la ministre.

Mme Goupil: Quand on regarde dans notre projet de loi, il y a à l'article 14 de façon particulière où on indique que «le plan d'action doit également proposer des modifications au Programme d'assistance-emploi, dans la mesure prévue par la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, afin notamment ? et je prends le deuxième, l'article 14.2 ? de fixer des règles de calcul permettant de verser une prestation minimale lors de l'application des réductions de prestations liées aux sanctions administratives ou à la compensation effectuée pour rembourser un montant dû en vertu de cette loi». Dans la loi que l'on souhaite adopter à l'Assemblée nationale cette session-ci, nous avons l'obligation d'adopter notre plan d'action, dans lequel on y retrouve cette obligation que nous nous sommes donnée.

Alors, tout à l'heure, vous avez exprimé, plusieurs personnes, que vous souhaitiez que, indépendamment de la situation, qu'elle soit économique ou situation des individus, il y aurait un montant d'argent qui ne devrait pas être coupé, quelle que soit la situation de la personne ou quels que soient les événements qui puissent arriver. Vous êtes d'accord avec cela. Et est-ce que vous êtes d'accord aussi avec le fait que, comme nous nous créons cette obligation dans le projet de loi et dans le plan d'action, que les débats ne sont pas tout à fait complétés sur ce que devrait être ce seuil de solidarité, que ce soit pour les personnes seules, que ce soit pour les familles monoparentales, le travailleur ou la travailleuse qui a perdu son emploi à 45 ans puis qui a besoin de formation... Parce que le projet de loi, ce n'est pas uniquement pour les personnes vivant l'aide de dernier recours, c'est pour toute personne se retrouvant dans une situation où ses revenus sont inférieurs à un revenu de solidarité que nous voulons définir ensemble, et nous voulons nous fixer un échéancier bien précis pour atteindre cet objectif-là le plus rapidement possible.

Lorsque vous... D'abord, je sais que vous êtes d'accord avec cet élément que l'on retrouve dans le projet de loi, mais, selon vous, qu'est-ce que nous pourrions faire pour que ce soit davantage compris et partagé par l'ensemble de la société, ce revenu de solidarité? Parce que, vous le savez, quand on l'a présenté avec le projet de loi, on a entendu tellement toutes sortes de choses fausses qui ont pu être véhiculées, mais comment, avec les gens que vous travaillez, nous pourrions réussir à faire en sorte que l'ensemble de la société soit partie prenante de ce qui est proposé? Et, selon vous, comment on pourrait faire justement pour que, le plus rapidement possible, nous en arrivions à ce consensus sur ce revenu de solidarité? Je sais que c'est une question ouverte, là, que je vous pose, mais je sais, d'abord, que vous rencontrez des gens qui vivent des situations extrêmement précaires, vous les aidez à plusieurs égards, que ce soit pour compléter les budgets ou pour connaître les programmes dont ils ont droit. Mais comment on pourrait faire justement pour qu'il y ait cette compréhension de ce qu'est ce revenu de solidarité? Et quel serait, selon vous, le... quand vous parlez de revenu de solidarité que nous devrions convenir et en bas duquel nous ne devrions absolument pas couper quelque montant que ce soit?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richer.

Mme Richer (Thérèse): C'est une moyenne question. Ha, ha, ha! Je pense que c'est le défi de ce projet de loi là que de sensibiliser aussi l'ensemble de la population. C'est certain qu'on vit toutes sortes de préjugés dans la société face aux gens qui vivent au niveau de l'aide sociale, mais aussi, des fois, il y a des gens qui ont une précarité au niveau de la santé qui n'est peut-être pas aussi évidente pour les uns que pour les autres et qui sont aussi pointés du doigt. On a plus de facilité à expliquer aux gens que ceux qui ne travaillent pas leur coûtent cher en prestations. Ce qu'on ne leur dit pas, par exemple, c'est que de ne pas assurer le minimum vital à nos concitoyens, ça aussi, ça coûte énormément cher, et il y en a des données, là, de la reconnaissance, que vous avez mises au niveau de l'énoncé de politique, à savoir les problèmes que ça cause de vivre exclu aussi, pauvre, mais exclu de l'ensemble des débats dans une société, d'une implication sociale quelconque. Donc, il faut davantage insister sur les problèmes de santé.

Bon, parlait justement ce matin... J'entendais au niveau de la radio qu'il faudrait continuer d'investir au niveau de la prévention. Pour 1 $ mis en prévention, on en économise sept. Bien, c'est des choses comme ça qu'il faut faire ressortir. Investir au niveau de prévention au niveau de la pauvreté, ça veut dire assurer un minimum vital à tout le monde. Quelqu'un qui essaie de survivre avec un 500 ou un 700 $ par mois, avec plus que la moitié qui s'en va au niveau du loyer, puis on ne parle pas du chauffage puis du téléphone ? bien, on en parle de moins en moins parce qu'il y a de plus en plus de gens qui n'en n'ont plus; puis pas plus le cellulaire, hein, parce que ça aussi, c'est un préjugé, ils n'ont pas plus de cellulaires que de téléphones traditionnels ? ça aussi, ça coûte cher. Ça coûte cher, ce sont des gens inquiets. Quand on a des enfants à l'école, qu'on n'a pas le téléphone pour savoir s'il leur arrive de quoi puis qu'on reste dans le fond d'un rang, ça coûte cher aussi, là, à l'ensemble de la société, des situations comme celle-là.

C'est beaucoup de travail de sensibilisation, je pense, qui nous attend, mais tout le monde ensemble. Les employeurs aussi, de faire attention à leurs employés. C'est aussi ça que ça veut dire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Il vous reste trois minutes, Mme la ministre.

Mme Goupil: Il me reste trois minutes. Bon, rapidement, une question concernant... Vous avez indiqué qu'il est extrêmement important que nous puissions faire participer les entreprises, la participation sociale des entreprises, et tout ça. Est-ce qu'il y a quelques trucs ou quelques éléments de recommandation que vous pourriez nous donner qui pourraient faire... Parce qu'il y en a plusieurs qui s'investissent puis qui donnent de leur temps et même de leur argent, mais comment pourrions-nous faire en sorte pour favoriser davantage toute l'implication sociale et mieux coordonnée de nos entreprises?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Beaulieu.

n(10 heures)n

Mme Beaulieu (Ghislaine): ...entreprises, je pense que, depuis une quinzaine d'années, on a beaucoup développé l'aspect caritatif. Alors, bon, nous, on pense que c'est nécessaire. Des organismes comme Moisson Estrie, moi, je trouve que c'est très nécessaire et on a besoin de ces organismes-là. On a des gens qui profitent des services de ces organismes-là. On a les petits-déjeuners à l'école, le matin, où les entreprises vont s'impliquer, vont donner de l'argent. Ce sont des activités caritatives, mais ça ne règle pas les problèmes de pauvreté. Et c'est là... Quand on parle de fiscalité, c'est certain que les entreprises, à chaque fois qu'on va leur demander un montant supplémentaire, c'est comme quand on augmente le salaire minimum, il y a un tollé, et on dit: Ah, on ne sera plus concurrentiel. Et voilà, et voilà! Mais les entreprises ont été fortement favorisées ces dernières années. On parle de subventions assez impressionnantes, des entreprises même qui fonctionnent bien, qui font des profits et qui ne paient pas d'impôt. Alors, à ce moment-là, il y aurait un resserrement à faire de ce côté-là.

Concernant la responsabilité sociale des entreprises, ce qu'on voit actuellement, c'est un aspect volontaire, bien sûr. Puisque chaque entreprise se donne un volet de responsabilité sociale, ce qu'on craint, c'est que ça devienne seulement une image et que l'entreprise, d'un autre côté, se préoccupe peu de son milieu. Alors, nous, on pense que, quand on parle de toute la communauté qui doit s'impliquer... À Sherbrooke, il y a quelques années, il y a eu un nombre impressionnant de fermetures d'usines. Là se sont créés des comptoirs vestimentaires, des banques alimentaires, bon, des petits restaurants populaires, et tout ça. Mais je me dis: À ce moment-là, je pense que les entreprises devraient voir aussi que, lorsqu'une famille va magasiner dans un comptoir vestimentaire, elle ne va pas acheter des vêtements neufs. Je veux dire... L'habit de neige pour l'enfant, si elle avait l'argent pour l'acheter, si la famille a de l'argent pour acheter des vêtements neufs, elle va préférer acheter des vêtements neufs pour que les enfants soient habillés comme tous les autres, finalement. Et là ça profite aussi aux entreprises. Alors, c'est peut-être cet aspect-là qu'il faut démontrer, qu'une communauté où il y a une prospérité, une certaine prospérité, c'est avantageux pour tout le monde et aussi pour les commerçants et aussi pour les entreprises.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Beaulieu. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À notre tour également, bienvenue, et ça fait plaisir de vous accueillir ici. On est, comme le disait la ministre, à la dernière journée de nos audiences. C'est donc peut-être le temps d'entamer un certain bilan de tout ce qu'on a entendu puis peut-être de profiter du fait que vous avez une vue d'ensemble sur le territoire québécois, de partir de réalités très concrètes, de revenir sur un certain nombre de choses qu'on a entendu durant les audiences et que vous avez repris également.

Souvent, on a entendu dire et réclamer, et vous l'avez repris, cette nécessité d'assurer un minimum vital aux personnes qui vivent des difficultés, etc. Et j'aimerais discuter juste brièvement avec vous le rôle fondamental de l'État dans cette perspective-là, parce que je veux mieux comprendre le sens de cette réclamation. Vous avez dit, je crois, qu'il faut que tout le monde ait un minimum pour vivre. On ne peut pas vivre décemment avec 500 ou 700. Je pense que ce sont vos mots. D'où vient cette possibilité de l'avoir? Est-ce que ce que vous cherchez... Le rôle de l'État, est-ce que ce n'est pas plus de s'assurer que toutes les personnes puissent avoir la possibilité d'aller chercher ce minimum vital par leurs efforts autonomes et dans l'impossibilité de subvenir en termes de protection ou est-ce que c'est plutôt un objectif de redistribution tel que tout le monde est garanti de ce minimum indépendamment des efforts qu'ils sont appelés à faire? Comment est-ce... J'aimerais juste que vous élaboriez davantage sur cette réclamation d'un minimum.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richer...

M. Sirros: Je ne sais pas si vous saisissez ce que je... C'est assez large, mais je pense que vous le saisissez.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Latreille, vous voulez répondre à cette question?

Mme Latreille (France): Oui, je peux tenter d'apporter quelques éléments. On pense qu'au niveau d'une société qui se respecte toutes les personnes devraient avoir droit à un revenu décent, à se loger convenablement, pouvoir permettre aux enfants d'aller à l'école une fois qu'ils ont déjeuné, qu'ils ont des bottes, etc. De toute façon, quand on ne se permet pas ça ? on l'a dit tantôt ? les coûts sont accrus au niveau des soins de santé, il y a décrochage scolaire. Donc, à ce moment-là, la personne qui décroche en secondaire III n'est pas plus avancée pour se trouver de l'emploi. On ne dit pas qu'il faut... L'objectif, ce n'est pas d'assurer un minimum vital à tout le monde, on arrête de travailler demain matin puis... Sauf que, bon, le plein-emploi, tant mieux s'il existait, mais ce n'est pas le cas, le plein-emploi n'existe pas. À tous les jours, on entend des grandes entreprises qui font des mises à pied, donc ce n'est pas évident pour tout le monde de se trouver un emploi. Donc, c'est d'assurer un minimum vital décent pour les personnes qui n'ont pas d'emploi. Ça ne veut pas dire de ne pas améliorer les conditions de ces personnes-là par un retour aux études, par un retour progressif à l'emploi sauf que... Est-ce qu'il y a des emplois pour tout le monde actuellement? Je ne pense pas. Donc, il faut assurer un minimum décent pour les personnes qui ne peuvent pas trouver d'emploi.

Il faut parler de la qualité des emplois aussi. Quand un employeur... Quand des grands commerces qui sont ouverts quasiment 24 heures sur 24, sept jours par semaine, demandent à un employé d'être disponible tous les jours, sept jours par semaine, tout le temps, le soir, et puis ils vont l'employer seulement 15, 20 heures par semaine, parce qu'ils ne veulent pas qu'il devienne permanent, il n'aura pas accès aux avantages sociaux, ça, ça en est un autre problème. Il faut regarder la qualité des emplois aussi. Donc, tout ça pour dire qu'on pense que, oui, c'est primordial d'assurer un minimum vital permettant aux personnes de vivre décemment, c'est-à-dire pouvoir se nourrir trois fois par jour, avoir un logement salubre, pouvoir envoyer les enfants à l'école, etc. Mais, en même temps, il faut aussi voir à l'emploi, voir au retour aux études, tout ça doit se faire.

M. Sirros: Bien, ce que je comprends, vous dites finalement: Assurer ce minimum vital pour ceux qui n'ont pas d'emploi et pour ceux qui ont des emplois qui sont précaires ou... Mais je comprends donc que c'est pour une situation d'intervention que l'État doit faire en termes de protection pour ceux qui ne réussissent pas pour toutes sortes de raisons, ça peut être des raisons d'organisation du système, ça peut être un manque de compétence personnelle par rapport à ce qui est requis sur le marché du travail, etc. Mais je ne vous entends pas remettre en cause le rôle de protection que doit jouer l'État et demander à ce que, au lieu d'une protection, ce soit un rôle ? comment je peux dire, là? ? d'assurer, à la place de l'initiative individuelle, le minimum vital. Donc, la responsabilité première, pour vous, est-ce qu'elle demeure toujours chez l'individu? Est-ce que... Nous, on cherche un équilibre, on cherche l'équilibre entre le rôle de protection que doit assurer l'État et la responsabilité d'initiative que doit entreprendre la personne. Est-ce que vous acceptez aussi qu'il y a un rôle d'initiative personnelle que la personne doit prendre dans une démarche de sortie de la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Latreille.

Mme Latreille (France): C'est certain qu'il peut y avoir... C'est sûr qu'il y a une démarche individuelle à faire, mais il faut regarder que, je ne sais pas, moi, une personne qui vient de perdre son emploi après 25 ans, pour le même employeur, il faut lui donner une chance aussi. Je veux dire, l'État a un rôle de protection à apporter, les gens ont des démarches à faire. Il va falloir... Il faut se dire aussi qu'il y a des personnes pour qui aller travailler à temps plein est impossible pour des questions de santé. Donc, il faut mettre en place des mesures pour que les personnes puissent tenter d'améliorer leur situation, mais il faut aussi comprendre que ce n'est pas pour tout le monde puis il faut assurer une protection pour ces personnes-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: D'accord. Autrement dit, il faut humaniser le système davantage, le rendre plus individualisé par rapport aux besoins des personnes dans ces situations-là et essayer de faire davantage au niveau des seuils de protection que l'État offre. Est-ce que je résume bien? Parce que...

Une voix: Oui, en partie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Richer.

Mme Richer (Thérèse): Merci. Il ne faut pas oublier que, tu sais, des fois... En tout cas, moi, j'ai de la misère quand on remet toujours toute la responsabilité sur la personne. Parce qu'il y a des gens qu'on rencontre, une femme, chef de famille monoparentale, qui n'a pas d'auto, qui est au salaire minimum, elle en fait des efforts, mais c'est impossible à un moment donné de faire, des fois, une ou deux garderies en autobus ? bien là, quand il y a des autobus ? puis de se rendre ensuite à son emploi. Il y a des situations où c'est vraiment impossible, puis ce n'est pas une question de volonté, c'est la situation qui est comme ça. Donc, oui, il y a des efforts à reconnaître à la personne qui est en mesure de le faire mais, pour d'autres... Il ne faut pas la pénaliser, cette dame-là, parce que ce n'est pas possible, c'est une situation intenable.

n(10 h 10)n

M. Sirros: Moi, je suis tout à fait d'accord et je pense que, effectivement, c'est ce que j'essayais de faire ressortir, que ce n'est pas une question de tout ou rien, ce n'est pas une question que toute la responsabilité revient à la personne, c'est un équilibre, il faut chercher et rendre le rôle de protection que l'État doit jouer, le rendre plus efficace dans le sens humain du terme, tenir compte de la réalité de cette personne et du fait qu'elle fait des efforts et s'assurer qu'elle va avoir l'aide appropriée à sa situation. Mais ça ne remet pas en cause le rôle de protection de l'État et ça ne remet pas en cause non plus la responsabilité individuelle que la personne doit avoir.

Et j'étais pour conclure en disant: Si c'est le cas, si on ne remet pas ça en cause, après ça, ce qu'il faut évaluer, c'est quels sont les moyens dont on dispose pour hausser les niveaux de protection et étendre les mesures d'aide à des clientèles encore plus grandes, etc.

Et là on revient à toucher la notion de priorités et des budgets disponibles. Bon, on ne créera pas de la richesse par magie, on va la créer par, bon, un accroissement de l'activité économique, une plus grande productivité, etc., puis ça va nous permettre à ce moment-là d'avoir accès à des sources et des ressources pour redistribuer selon la perception qu'on peut avoir du rôle de l'État, l'étendue de l'aide qu'on doit offrir, etc.

Et là on arrive à la question des priorités. Plusieurs, durant ces cinq, six semaines d'audiences, sont revenus, et vous l'avez fait également, sur la question des besoins essentiels en nous faisant remarquer qu'on est en situation où on n'est pas capable d'assurer le minimum des minimums à l'heure actuelle au niveau du niveau d'aide qu'on donne. On donne 530 $, par exemple, pour une personne seule ? sur l'aide sociale ? sans contrainte à l'emploi. C'est évident que c'est bien en bas, par 200 et quelques dollars, du minimum des besoins essentiels que le ministère évalue lui-même. Et là on nous parle d'investissements dans des fonds de lutte, de toutes sortes d'activités qui sont financées pour toutes sortes de choses.

Dans une situation où il faut quand même choisir à un moment donné, est-ce que je peux vous entendre un peu sur l'ordre des priorités? Est-ce que la couverture, en tout cas, essayer de couvrir les besoins essentiels devrait venir avant, après, en même temps que, si c'était possible, mais il semble que ce n'est pas possible, que, je ne sais pas, moi, la constitution d'un fonds de lutte à la pauvreté qui va servir à financer d'autres mesures?

Vous avez identifié, je crois, la couverture des besoins essentiels comme une mesure de prévention et vous avez dit que la prévention... 1 $ investi vaut 7 $ sauvés, ou quelque chose comme ça. Alors, si je crois à cette perspective-là, je devrais en conclure normalement que, dans le contexte d'une loi qui essaie d'organiser la lutte à la pauvreté, il y aurait des priorités à établir au niveau des investissements qu'on va faire, la façon qu'on va déployer nos forces sur le terrain. Est-ce que je peux vous entendre un peu sur la façon qu'on pourrait déployer nos forces sur le terrain au niveau des ressources? Qu'est-ce qui vient en premier?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Ghislaine): Bien, je pense que ce qu'on disait, je pense que nous avons beaucoup entendu parler du barème plancher au niveau de l'aide sociale, au niveau de l'assistance-emploi. C'est une demande qui chemine depuis très longtemps, et nous appuyons, nous l'avons dit tantôt, cette demande-là parce qu'on trouve vraiment injustifié et assez catastrophique qu'une personne, par exemple, reçoive un montant, si la personne est seule, un montant de 515 $ et qu'il y ait une coupure sur ce montant-là pour toutes sortes de raisons. Alors, à ce moment-là, je veux dire, on sait que le 515 ne couvre pas les besoins essentiels. Si on coupe de 50 $, là ça devient catastrophique parce qu'on sait que la personne, ça va complètement la désorganiser. Alors, je pense qu'une des mesures... Quand on parle de priorités, en tout cas, la question du barème plancher, c'est quand même une priorité.

Aussi, on fait une distinction: apte au travail, inapte au travail. Nous, on considère bien sûr que la personne doit faire des efforts, on l'a dit tantôt. Il faut retourner sur le marché de l'emploi, reprendre une formation, je pense que ça, on ne met pas ça en cause. Par contre, le fait de donner un montant inférieur aux personnes qu'on appelle «aptes au travail» ? en tout cas, on donne un autre nom aujourd'hui, là ? à ce moment-là, c'est comme une punition, hein, c'est comme si on punissait cette personne-là, alors ce n'est peut-être pas la bonne façon. Alors, à ce moment-là, nous, on pense que, si on prive la personne de ses besoins essentiels, ce n'est pas certain que ça va l'encourager à aller chercher une formation ou à revenir sur le marché du travail. Si elle est constamment occupée, préoccupée par ses dettes, stressée et tout ça, alors ça peut causer l'effet contraire. Alors...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...M. le député, il nous reste 30 secondes.

M. Sirros: ...commentaire. Je voudrais reprendre la question de façon précise. Avant de financer les petits-déjeuners, par exemple, si on augmentait vers les besoins essentiels les prestations des personnes qui ont des enfants, qui sont sans contrainte à l'emploi et qui sont sur l'aide sociale, pour qu'eux autres puissent offrir le petit-déjeuner à leurs enfants, avant, lequel entre les deux vous choisiriez? On est dans une situation de choix.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, très brièvement, Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Ghislaine): Pour notre part, la question des petits-déjeuners ou de financer, on dit, bon: Si le privé finance des oeuvres caritatives, si la population veut le financer, ça va. Que le gouvernement le finance, on ne croit pas que c'est une bonne chose, parce qu'on dit, en plus: C'est la responsabilité des parents et c'est leur dignité de prendre soin de leurs enfants. Alors, à ce moment-là, on pense que les parents devraient recevoir un montant suffisant pour pouvoir nourrir leurs enfants convenablement, ne pas avoir, à la fin du mois, à aller quêter à Moisson Estrie, à une banque alimentaire, à aller chercher des petites miettes un peu partout. Nous, on considère que c'est vraiment un manque de dignité à ce moment-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mmes Beaulieu, Richer et Latreille, au nom de tous les membres, merci d'avoir accepté de participer à cette commission et de nous avoir fait partager votre expérience.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants de la Fédération des cégeps de bien vouloir prendre place, et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

 

(Reprise à 10 h 18)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants de la Fédération des cégeps. Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Nicole Boutin. Bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous demanderais, Mme Boutin, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Fédération des cégeps

Mme Boutin (Nicole): Merci, Mme la Présidente. Mmes les ministres, Mmes, MM. les députés, nous sommes ici pour représenter la Fédération des cégeps et ses membres, les quelques 48 collèges publics du Québec, qui accueillent près de 150 000 étudiants en enseignement ordinaire et près de 30 000 adultes en formation continue. Permettez-moi de me présenter, je suis Nicole Boutin, directrice générale du collège Montmorency, à ville de Laval, et membre du conseil d'administration de la Fédération des cégeps, et je suis accompagnée par Mme Dominique Arnaud, conseillère politique, et par Mme Véronique Raymond, conseillère en recherche et développement, toutes deux de la Fédération des cégeps.

Vous avez déjà reçu notre mémoire, donc notre présentation portera aujourd'hui sur les principaux éléments de notre mémoire. D'abord, des commentaires généraux sur la loi n° 112, et par la suite nous traiterons de quelques éléments sur la Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et à l'exclusion en lien avec le plan d'action.

Tout d'abord, vous indiquer que la Fédération des cégeps accueille avec beaucoup d'intérêt le projet de loi n° 112, et les collèges se sentent d'autant plus concernés par la question qu'ils croient fermement que la prévention de la pauvreté et de l'exclusion sociale passe en grande partie par l'éducation. À notre avis, c'est un projet de loi progressiste qui fait appel à une approche concertée des différents partenaires de la société et qui tient compte de l'importance du rôle de l'éducation dans la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale.

Cependant, nous souhaitons que le texte fasse plus clairement référence au rôle premier de l'éducation. Ainsi, la première orientation du projet de loi, à l'alinéa 1 de l'article 6, pourrait plutôt se lire comme suit: «prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel des personnes à travers l'éducation, notamment».

Dans le contexte de la société du savoir, les exigences de qualification sont en hausse constante. Il nous apparaît par ailleurs important, pour prévenir la pauvreté, de ne pas uniquement renforcer la formation de base, mais également de favoriser un plus grand accès à l'enseignement supérieur, notamment celle offerte par les collèges, puisque les collèges constituent un premier seuil d'entrée et de qualification par ces programmes courts, que ce soient ces programmes d'attestation d'études collégiales ou de diplômes d'études collégiales, première voie d'accès à des emplois de qualité et à des salaires bien rémunérés.

n(10 h 20)n

Dans le même esprit, pour les adultes, la formation continue ne doit pas se limiter à la qualification de la main-d'oeuvre, mais bien viser la formation d'êtres complets, de véritables citoyens qui puissent se réaliser pleinement et faire face aux multiples rôles qu'ils auront à jouer comme individus et comme membres d'une collectivité.

C'est pourquoi la Fédération des cégeps recommande que l'alinéa 3 de l'article 7 du projet de loi soit formulé ainsi: améliorer la formation de base... en ajoutant: «favoriser l'accès à l'enseignement supérieur et améliorer l'accès à la formation continue à tous les niveaux d'enseignement afin de permettre aux adultes de compléter et de mettre à jour leurs compétences professionnelles, de faciliter la reconnaissance de leurs acquis et de favoriser l'accès aux technologies de l'information et de la communication».

Par ailleurs, favoriser la réussite éducative et la diplomation des jeunes de même que leur réinsertion sociale, le cas échéant, c'est également s'assurer de leur offrir le soutien financier adéquat. La pauvreté de transition souvent vécue par les étudiants peut être un obstacle non seulement à entreprendre des études collégiales, mais aussi à réussir leurs projets d'études.

Il faut donc en conséquence que l'article 8 du projet de loi, qui traite des actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique, touche également les étudiants et les étudiantes en favorisant notamment l'accès à des logements à coût modique pour ceux et celles qui en ont besoin.

Dans la même perspective, l'article 14 du projet de loi devrait préciser que le plan d'action gouvernemental harmonisera le programme d'assistance-emploi avec le programme d'aide financière aux études pour les personnes qui désirent se réinsérer dans le système scolaire, à l'enseignement ordinaire comme en formation continue.

D'autre part, la Fédération souscrit pleinement à l'orientation du projet de loi qui vise à favoriser l'accès à un emploi et à valoriser le travail. Mais nous croyons que, pour sortir de la pauvreté et de l'exclusion sociale, il ne suffit pas d'occuper un emploi. Il faut que cet emploi soit de qualité. C'est pourquoi l'article 9, et plus particulièrement à l'alinéa 4, devrait porter une attention particulière à l'intervention spécifique auprès des jeunes. Nous soulignons ici que 46 % des jeunes de 15 à 29 ans sont touchés par des emplois atypiques, contrairement à 33 % pour des gens qui ont 30 ans et plus.

Le projet de loi prévoit par ailleurs la mise sur pied d'un comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À nos yeux, c'est une initiative très intéressante. Cependant, nous demandons que, parmi les 15 membres de ce comité, on retrouve un représentant du milieu de l'éducation. Et, dans le même ordre d'idées, nous saluons la mise en place de l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale et nous croyons que son comité de direction, tel que défini à l'alinéa 3 de l'article 34, devrait accorder une place aux chercheurs du réseau collégial au même titre que les chercheurs universitaires. La même remarque s'applique aux fonctions de l'Observatoire décrites à l'article 40. Les établissements du réseau collégial public devraient faire partie des partenaires ciblés pour faciliter le transfert des connaissances au même titre que les universités.

En ce qui concerne l'énoncé de politique qui accompagne le projet de loi, la Fédération souscrit tout à fait à l'approche proposée. L'énoncé établit la prévention comme une priorité d'action, et nous croyons qu'il s'agit là d'une mission qui revient au réseau de l'éducation, puisque la scolarisation est pour plusieurs la seule arme qui leur permet d'enrayer le phénomène de pauvreté de façon durable.

L'approche présentée s'appuie également sur le plein exercice de la citoyenneté, un défi qui relève, à notre avis, du milieu collégial, notamment à travers les nombreux projets mis sur pied dans le cadre des mesures Une école ouverte sur son milieu, soutenus par le Fonds Jeunesse.

Sur la première orientation de l'énoncé: prévenir, favoriser le développement du potentiel des personnes, la Fédération est tout à fait d'accord avec le lien établi par la première orientation de l'énoncé entre la sous-scolarisation et la pauvreté. Il est évident à cet égard que la prévention par l'éducation est un élément incontournable du développement du potentiel des personnes.

Et nous souscrivons par ailleurs aux mesures de l'énoncé qui visent des actions préventives pour favoriser la réussite et prévenir le décrochage, favoriser l'insertion socioprofessionnelle et préparer l'avenir en agissant sur la qualification. Nous souhaitons toutefois que, dans le plan d'action qui découlera de la politique, on reconnaisse plus clairement le rôle de l'enseignement supérieur à cet égard.

La Fédération estime qu'il faut faire un pas de plus pour déterminer les pistes d'intervention pour amener un plus grand nombre de jeunes à atteindre un niveau de qualification supérieur. Dans une économie du savoir, la hausse des exigences de qualification de la main-d'oeuvre et les nouveaux besoins du marché du travail font de la scolarisation une pierre angulaire de l'inclusion économique, sociale et politique.

Compte tenu de cette réalité, la Fédération considère que le niveau d'études collégiales doit être le seuil optimal à atteindre pour le plus grand nombre possible de Québécois et de Québécoises. Et l'énoncé de politique insiste par ailleurs sur la nécessité de favoriser l'accès aux études partout. Et la Fédération souhaite renchérir sur l'importance de maintenir l'accessibilité à l'instruction postsecondaire sur tout le territoire du Québec.

L'énoncé indique également l'importance de la propagation des technologies de l'information et des communications par des personnes en situation de pauvreté. Il ne s'agit pas, pour nous, seulement d'un accès... par câble dans toutes les régions du Québec. En effet, nous croyons qu'une appropriation par les personnes en situation de pauvreté favorise leur utilisation en tant que citoyens et pour développer leurs compétences, et, en ce sens, nous soulignons que les collèges peuvent jouer un rôle important dans les mécanismes d'appropriation qui ne sont pas par ailleurs prévus dans l'énoncé de politique.

De plus, il nous apparaît important qu'il faudrait favoriser le développement de la formation à distance, maintenir un programme... maintenir une offre de programmes diversifiés en région et améliorer l'offre de formation technique, incluant le développement de la formation continue, et cela, même si nous devons composer avec une situation de baisse démographique.

Mais favoriser l'accessibilité à l'enseignement supérieur, cela aussi signifie favoriser l'accessibilité financière et cela devrait notamment se traduire par une bonification du régime de prêts et bourses pour les étudiants et étudiantes qui ont accès au programme d'aide financière aux études du ministère de l'Éducation. Pour ouvrir cet accès au plus grand nombre de jeunes, il faudrait notamment ajuster le niveau des dépenses admissibles et en ajouter de nouvelles, et ajuster le niveau de certaines contributions prises en compte dans le calcul de l'aide financière accordée.

Nous sommes par ailleurs heureux de voir que le plan d'action qui découlera du projet de loi et de l'énoncé de politique accordera une place importante à la formation continue. À travers la formation continue, les collèges soutiennent l'accès des adultes aux compétences et favorisent notamment le développement du potentiel des individus issus des groupes les plus vulnérables.

À notre avis, l'accessibilité à la formation continue doit cependant être renforcée pour rejoindre à la fois les adultes qui veulent se réinsérer dans un parcours scolaire et ceux qui ont déjà une formation mais qui souhaitent se perfectionner et mettre à jour leurs connaissances pour réintégrer le marché du travail. Et, dans cette perspective, la Fédération souhaite que les critères d'admissibilité des programmes de formation de niveau technique financés par Emploi-Québec soient plus souples pour mieux répondre aux besoins individuels des adultes en recherche de formation. Nous pensons également qu'il faut assurer l'accessibilité à la formation continue à temps partiel dans le réseau collégial qui est une réponse bien adaptée aux besoins de certaines clientèles, notamment les personnes qui occupent des emplois atypiques et qui sont plus vulnérables aux fluctuations du marché du travail.

L'énoncé souligne, d'autre part, le rôle essentiel de la reconnaissance d'acquis en lien avec l'intégration sociale et économique des individus et particulièrement les personnes immigrantes. Nous tenons à réaffirmer à cet égard la nécessité de disposer des ressources nécessaires pour développer des services de reconnaissance d'acquis adaptés aux besoins spécifiques de clientèles et des mesures d'accompagnement notamment pour favoriser l'insertion des personnes immigrantes dans un profil de qualification technique.

La deuxième orientation de l'énoncé vise le renforcement du filet de sécurité sociale et économique, et nous considérons, encore là, qu'une plus grande attention devrait être accordée à la pauvreté de transition que connaissent souvent les étudiants, qu'il faudrait s'attaquer aux problèmes rencontrés par ces étudiants qui vivent dans des conditions socioéconomiques difficiles.

Une enquête publiée par le Service régional d'admission de Montréal révélait qu'un peu plus de 19 000 étudiants étaient... que, sur 19 000 étudiants interrogés, 75 % avaient des revenus inférieurs à 5 000 $ par année. Les difficultés économiques poussent bien des étudiants à travailler davantage à l'extérieur pendant leurs études, ce qui, au-delà du seuil de 15 heures par semaine, peut entre autres nuire à leurs chances de réussite et de diplomation.

Et le plan d'action du gouvernement devrait, selon nous, faire en sorte que les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique voient au développement de mesures qui visent spécifiquement les jeunes et les étudiants pour leur assurer des conditions qui leur permettent d'accéder aux études et d'avoir un régime de prêts et bourses, notamment, qui favorise également des mesures d'accès au logement.

Sur la troisième orientation, favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail, nous ne pouvons qu'aborder dans le même sens, évidemment. À nos yeux, il ne fait aucun doute que l'enseignement supérieur joue un rôle de premier plan. Des données diffusées en 2001 par le ministère de l'Éducation le confirment: le taux de chômage des diplômés de moins de 24 ans de la formation technique était de 4,9 % seulement comparativement à 14,2 % pour l'ensemble des jeunes du même âge.

n(10 h 30)n

Pour préparer les jeunes au marché du travail et surtout pour favoriser leur accès à une première expérience de travail, les collèges veulent pouvoir poursuivre et développer des mesures comme l'alternance travail-études et l'offre de stages rémunérés en milieu de travail. Mais, au-delà de ces considérations, il nous apparaît que favoriser les expériences de travail pour les jeunes est une responsabilité collective qui doit interpeller aussi les grands partenaires socioéconomiques, notamment les entreprises et aussi les syndicats qui, souvent, s'opposent à l'intégration des jeunes dans les programmes de stages d'alternance travail-études. Il en va de même pour la réussite éducative, les entreprises devraient se sentir partie prenante. C'est une responsabilité collective et citoyenne. Elles devraient, croyons-nous, se sentir liées par un contrat social et même inciter les jeunes à obtenir leur diplôme.

Sur la quatrième orientation de l'énoncé, favoriser l'engagement de l'ensemble de la société, la Fédération se réjouit que la quatrième orientation de l'énoncé fasse appel aux acteurs sociaux pour qu'ils se mobilisent en ce sens et que les différents projets gouvernementaux soient convergents. La valorisation de la participation citoyenne chez les jeunes est une préoccupation du réseau collégial qui favorise, depuis sa création, l'engagement des étudiants dans la vie communautaire, culturelle et sportive. Et les projets qui ont par ailleurs été mis en place par les collèges dans le cadre de la mesure Une école ouverte sur son milieu découlant du Sommet du Québec et de la jeunesse, financée par le Fonds Jeunesse, sont pour nous des priorités et nous souhaitons que ces mesures soient reconduites pour nous permettre de poursuivre le travail d'insertion citoyenne que nous faisons dans les collèges.

Dans la même perspective, nous accueillons favorablement la création d'un fonds pour appuyer les initiatives d'inclusion sociale et nous souhaitons vivement que les procédures d'attribution des projets soient le plus simple possible. Nous pensons également que le gouvernement devrait s'engager dans ce fonds pour une période de 10 ans au lieu des trois années prévues dans l'énoncé pour multiplier les projets et en mesurer les effets de façon durable.

En conclusion, la Fédération des cégeps reçoit très favorablement le projet de loi n° 112 de même que l'énoncé de politique. C'est un projet mobilisateur qui veut rassembler de nombreux acteurs pour que la lutte contre la pauvreté et l'exclusion devienne un choix de société. Nous nous réjouissons de voir que ce projet de loi insiste sur l'importance de la lutte contre le décrochage scolaire et que ce projet de loi reconnaisse le rôle de la réussite éducative et soutienne la formation continue. Nous espérons cependant qu'il considère davantage l'enseignement supérieur comme un outil de cette lutte et nous exprimons également le souhait qu'on prenne davantage en compte les jeunes et les étudiants et qu'on propose des mesures ciblées en ce sens au moment de la mise en opération de la stratégie et du plan d'action liés au projet.

Enfin, rappelons-nous que, lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, tous les partenaires ont pris l'engagement de qualifier 100 % des jeunes, notamment en valorisant l'éducation et la réussite. Cet engagement prend tout son sens aujourd'hui, puisque cette lutte contre la pauvreté et l'exclusion passe par le maintien de l'accès à l'éducation et à des emplois de qualité et par des mesures qui favorisent la participation citoyenne qui se trouve à la base d'une véritable intégration sociale.

Je vous remercie, et nous sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, le temps est déjà terminé. Est-ce que vous en avez encore pour longtemps ou...

Mme Boutin (Nicole): Ça va.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah, c'est terminé. Alors, je m'excuse, je croyais que vous cédiez la parole à une autre personne. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant à Mme la ministre, en vous remerciant, bien sûr, pour la présentation de votre mémoire.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Boutin, Mme Raymond et Mme Arnaud, d'abord je tiens à vous remercier sincèrement pour la qualité du mémoire. Et vous avez résumé, madame... Vous avez fait le tour de plusieurs éléments en très peu de temps. Je voudrais vous indiquer d'emblée que nous partageons totalement votre point de vue, que, au sein de notre société, la plus grande qualification possible qu'une femme ou un homme peut obtenir, c'est ce qui lui permet bien sûr d'avoir, je dirais... J'appelle ça, moi, la liberté, la liberté de choisir librement ce que cette personne souhaite faire. Et il n'en demeure pas moins que nous nous retrouvons avec des personnes qui, pour toutes sortes de raisons, avant qu'elles puissent accéder à des études supérieures, et tout ça, font en sorte et, même pour certaines, qu'il leur sera impossible de le faire, et aussi par choix, mais aussi par intérêt. Mais il n'en demeure pas moins qu'en aucun cas le projet, l'énoncé et le plan d'action font en sorte de vouloir ne pas reconnaître l'importance d'une plus grande qualification possible.

Je tiens aussi à vous remercier, parce que vous avez indiqué à juste titre que vous avez accueilli avec beaucoup d'intérêt... Parce que cette façon d'intervenir, elle est progressiste et elle tient compte de plusieurs éléments globaux, des éléments... Parce que, vous l'avez dit, la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, c'est tous les partenaires qui doivent se sentir interpellés.

J'aimerais... Parce qu'il y a deux choses qui ont attiré mon attention de façon particulière, vous avez soulevé toute l'importance d'une plus grande responsabilité collective des entreprises et des syndicats pour faire en sorte que nous puissions soutenir davantage le partenariat entre l'étudiant qui, bien sûr, pendant qu'il fait ses études, a un stage aussi... Mme Gagnon-Tremblay sera à même de le reconnaître, pensons à la formule coopérative que l'Université de Sherbrooke a développée. Moi, j'ai eu la chance moi-même de pouvoir bénéficier de cela. Mais il n'en demeure pas moins que vous avez raison de constater qu'il y a une certaine résistance, et on se retrouve actuellement où il est extrêmement important de permettre à nos jeunes de se retrouver dans une expérience de stage, à la fois pour vérifier et valider d'abord ses propres intérêts, mais aussi pour être capable de connaître, je dirais, quelles sont les attentes du marché du travail dans un secteur que le jeune n'avait peut-être pas vues ou même... Et, dans ce contexte-là, c'est une piste qui est extrêmement intéressante.

Comment on pourrait faire justement pour qu'on ait, je dirais, cette compréhension et cette lecture commune du bien-fondé de cette expérience, pendant ses études, de pouvoir avoir cette expérience de travail? Et comment on pourrait faire pour que les partenaires n'y voient plus d'embûches, mais soient davantage ouverts à cette formule-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Alors, je vous répondrai, Mme Goupil, sous deux angles. Alors, l'angle des syndicats, je pense qu'il y aura un travail de sensibilisation à faire sur l'importance d'accueillir des stagiaires et faire comprendre aux travailleurs syndiqués qu'il ne s'agit pas là de leur enlever des emplois, mais qu'il s'agit d'un geste de solidarité sociale. Et, je pense qu'on a du travail à faire, je crois que c'est tout à fait possible.

Par ailleurs, auprès des entreprises, je vous proposerais une stratégie qui utilise le personnel des établissements d'enseignement, qu'il soit à l'ordre secondaire ou à l'ordre collégial. Les mesures de réinvestissement en éducation prévoyaient une somme pour soutenir le développement des programmes d'alternance travail?études qui sont l'équivalent des programmes coopératifs tels qu'ils sont appliqués à l'Université de Sherbrooke. Alors, depuis trois ans que ces mesures sont en place, je vous dirais que le réseau collégial a doublé et même triplé le nombre d'étudiants qui sont en stage alternance travail-études. Ces ressources-là permettent aux établissements d'envoyer sur le terrain des formateurs, des personnes responsables qui expliquent aux entreprises leur intérêt d'accueillir ces stagiaires-là et également qui permettent d'encadrer la démarche de stage. Alors, nous souhaitons vivement que ce relais-là pris par le personnel des établissements de formation auprès des entreprises puisse se poursuivre dans la mesure où le réinvestissement sera poursuivi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie. J'aurais également une question précise. Vous savez, nous avons vécu une expérience depuis deux ans au Québec avec le programme Solidarité jeunesse où nous avons proposé aux jeunes qui étaient... pour le plus grand nombre, qui avaient abandonné leurs études, vivant des situations difficiles et tout ça, mais ça a été une réussite extraordinaire collective. Tous les intervenants qui avaient pris l'engagement de faire en sorte que l'on accompagne le jeune, c'est un taux de réussite de près de 85 %. Il y avait 700 intervenants qui se sont rencontrés il y a près de trois semaines, où tout le monde ont demandé que nous puissions poursuivre cette formule.

Cependant, tout le monde est d'accord aussi pour dire que les jeunes que nous accompagnons et que nous aidons sont éloignés du monde scolaire. La plupart, aujourd'hui, se retrouvent en emploi ou aux études. Comment pourrions-nous faire en sorte que nos maisons, nos cégeps soient davantage partie prenante, parce que c'est des groupes de jeunes de 18-24 ans? On sait qu'ils sont extrêmement éloignés, mais, quand ces jeunes-là se sont refait une santé, ont repris, je dirais, confiance en elles-mêmes et en eux-mêmes, on sait qu'ils sont en mouvement. Mais, souvent, l'inquiétude était soulevée qu'on devrait trouver une formule pour les intéresser à avoir également une qualification qui soit encore plus grande. Quelle serait l'entente, ou l'ouverture, ou la façon dont nos cégeps et collèges pourraient être partie prenante? Parce que les jeunes, c'est 18 ans aller jusqu'à 24 ans, puis d'autant plus que vous avez indiqué à juste titre que l'attestation des études collégiales, il y avait 46 % des jeunes de 15 à 29 ans versus 33 % pour les plus de 35 ans en termes d'emploi, et tout ça, donc qu'est-ce qui pourrait être fait de plus?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Alors, nous avons proposé dans notre mémoire d'augmenter l'accès à la formation continue dans le réseau collégial. Alors, je ne sais pas si les membres de la commission connaissent aujourd'hui les contraintes qui sont imposées à l'ordre collégial. L'ordre collégial a des enveloppes fermées en formation continue, alors ça fait en sorte que nous devons restreindre notre offre de formation lorsque nous avons atteint le plafond des enveloppes qui sont prévues en formation continue. Alors, il est malheureux de voir que, lors des inscriptions à l'éducation des adultes dans nos collèges, nous devions fermer certains groupes, fermer l'accès à des programmes faute d'enveloppes. Alors, il me semble que, si on veut donner plus facilement accès aux jeunes pour qu'ils reprennent le chemin de la qualification dans les collèges, il faudrait nous permettre d'avoir de l'ouverture sur les sommes disponibles pour offrir de la formation, notamment des programmes courts aux jeunes, qui est un premier seuil d'accès à la formation continue et qui nous permettrait par la suite de les insérer dans une démarche de qualification plus grande.

n(10 h 40)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjours, mesdames. Merci pour votre mémoire. Pour faire suite de ce que ma collègue a entamé, particulièrement vous avez parlé de l'ouverture sur la formation continue. Vous avez fait beaucoup de commentaires et de recommandations, et tout l'impact de l'éducation particulièrement. On n'a pas eu l'occasion d'avoir beaucoup de maisons d'enseignement qui sont venues, des chercheurs, mais ça nous donne l'occasion, un peu, de parler davantage d'éducation, d'une part, qui est absolument prioritaire. L'éducation, c'est la liberté. Il faut quand même toujours se le rappeler.

Qu'est-ce que les cégeps, en plus de la formation continue, que vous avez apporté de vous soutenir davantage dans cet aspect-là... Qu'est-ce que les cégeps peuvent faire de plus pour lutter contre la pauvreté? Parce que vous faites des recommandations particulièrement au gouvernement, dans l'ensemble de notre démarche, il y a tout un appel à la mobilisation, on parle des entreprises, mais vous, dans votre quotidien de tous les jours, avec l'expertise que vous avez avec les étudiants, avec tout l'accès à l'éducation, d'une part, et la formation de vos étudiants, qu'est-ce que vous penseriez, au niveau de votre quotidien, de faire plus pour lutter contre la pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Alors, une des stratégies importantes que les collèges ont mises en place depuis les dernières années, ce sont les plans de réussite, qui nous ont permis de faire augmenter la réussite scolaire. Alors, on sait que la réussite scolaire, quel que soit le niveau d'enseignement sur lequel on se place, est un moyen puissant de lutter contre l'exclusion. Souvent, l'exclusion sociale commence par les échecs sur le plan scolaire. Alors, ce que nous avons fait et que nous souhaitons désirer poursuivre à travers les mesures de réinvestissement de l'éducation, ce sont nos plans de réussite.

L'autre élément sur lequel nous travaillons comme collèges et que nous souhaitons pouvoir poursuivre, ce sont toutes les mesures d'inclusion à la vie citoyenne, que nous menons dans les collèges à travers les projets du Fonds Jeunesse, qui nous permettent d'inciter les jeunes à s'engager dans leur vie collégiale ou à s'engager dans la communauté. Les programmes du Fonds Jeunesse ont permis à beaucoup de jeunes d'avoir des démarches d'engagement au sein de leur communauté, et nous pensons que nous devons poursuivre cette démarche-là. Et, pour lutter contre la pauvreté, alors, c'est le travail d'accompagnement au quotidien que nous faisons auprès de nos jeunes que nous voyons quotidiennement aux prises avec des difficultés.

L'autre aspect, nous désirons être plus accueillants, parce que nous ne pouvons que témoigner ici des jeunes que nous recevons et qui ont des problèmes, qui ont des difficultés économiques à poursuivre leurs études, qui vivent des situations de pauvreté de transition. Et nous voyons aussi des gens qui, souvent, nous quittent et nous abandonnent à cause de difficultés économiques. Et, notamment, sur l'éducation des adultes, nous rencontrons souvent des personnes qui ont des obstacles à faire le saut entre l'assistance-emploi et le régime de prêts et bourses. Et, même si nous soutenons ces gens-là au quotidien, nous pensons que des mesures d'harmonisation entre la sécurité du revenu et le système de prêts et bourses devraient être renforcées, quitte à ce que nous prenions les relais dans les collèges avec les différents ministères concernés pour assurer ce pont-là et permettre qu'une femme de famille... chef monoparentale ne soit pas privée de revenus pendant deux mois.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Vous avez recommandé que... Le diplôme collégial représente pour vous le seuil minimal de formation à atteindre pour le plus grand nombre de Québécois. Alors, j'aimerais que vous m'en parliez davantage.

Mais, en même temps, j'ai ici des indicateurs qui disent... Des indicateurs de l'Éducation, 2002, du ministère de l'Éducation, révèlent qu'en 1999 le Québec est dans le peloton de tête des pays de l'OCDE quant au taux d'obtention d'un diplôme de fin d'études secondaires en formation générale: 77 % comparativement à 42 % pour la moyenne de l'OCDE. Par contre, la situation est inversée en ce qui a trait à la formation professionnelle: 25 % chez nous, 45 % de moyenne pour les pays de l'OCDE. Alors, dans les contextes des besoins de la main-d'oeuvre, comment vous réagissez à ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Alors, pour nous, le seuil minimal, je pense, c'est pour toutes les personnes qui le veulent et qui en ont les aptitudes. Et on pourrait parler de seuil optimal pour toutes. Alors, il en va d'un enjeu de société. Si on veut augmenter notre compétitivité et si on veut augmenter la productivité des entreprises, il faut travailler collectivement, comme société, à rehausser le seuil d'acquisition de compétences techniques chez nos travailleurs. Bien sûr, pour nous, il ne s'agit pas de dire que toute la population québécoise devrait avoir un diplôme d'études collégiales. Par seuil minimal, on entend travailler dans un effort qui vise à valoriser le diplôme et à valoriser le développement de compétences techniques vraiment plus poussées chez l'ensemble de la population, puisqu'on l'a vu... Actuellement, quand on regarde le taux de chômage des jeunes qui ont un diplôme d'études collégiales, il y a vraiment une démarcation importante, puisqu'on parle actuellement de seulement 4,5 % des jeunes qui sont en chômage lorsqu'ils possèdent un diplôme d'études collégiales.

Alors, il s'agit pour nous vraiment de se mobiliser comme société et d'inciter nos jeunes à poursuivre des études. Alors, si les jeunes ont un diplôme d'études secondaires, on les encourage à poursuivre des études. Quand ils détiennent un diplôme d'études professionnelles, le réseau collégial travaille à établir des passerelles, à reconnaître les compétences acquises à l'ordre secondaire et les incite à poursuivre des études supérieures. De la même façon, nous le faisons avec nos diplômés du collégial où près de 20 % de nos diplômés poursuivent également les études à l'université.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. 30 secondes, Mme la ministre, qu'il nous reste, le temps d'un commentaire.

Mme Léger: Particulièrement, oui, au niveau de la filière professionnelle et technique, là, suite aux pays de l'OCDE et comment est-ce que... Comment vous réagissez à ça, notre moyenne québécoise?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin. Rapidement, Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Il me semble qu'on devrait être capable de convaincre les jeunes, au Québec, qu'il y a de la place pour eux sur le marché du travail, qu'un jeune qui est qualifié, qu'il soit qualifié en formation professionnelle ou en formation technique... On devrait être capable de les convaincre qu'il s'agit là d'un métier qui leur permet de gagner leur vie. On a beaucoup de résistance. On rencontre beaucoup de résistance auprès de la population en général, auprès des parents. Nous travaillons, comme collège, beaucoup avec notre commission scolaire, notamment chez nous, pour inciter des jeunes qui sont en démarche d'orientation à envisager le choix du diplôme d'études professionnelles. Bon, je vais vous citer comme illustration, dans notre collègue, par exemple, on a des jeunes qui viennent en session d'accueil et intégration et on s'aperçoit qu'on retourne à l'ordre secondaire des jeunes qui vont obtenir un diplôme. Il s'agit de près de 7 % de nos étudiants qui ont fréquenté le collège et qui sont retournés aller chercher un diplôme de formation professionnelle.

Alors, je pense qu'il faut continuer à favoriser, dans nos réseaux d'éducation, les chemins qui permettent d'appuyer le choix vocationnel des jeunes. Il est normal qu'à 16 ans, 17 ans on ne sache pas ce qu'on veut faire dans la vie. Et, bon, autant que nous sommes, à ces âges-là, certains, on avait un choix précis d'orientation, mais souvent ça s'est précisé à 18, 19, 20 ans. Alors, il faut soutenir l'accompagnement des choix vocationnels, et soutenir également les groupes ? je pense au projet Solidarité Jeunesse qui accompagne les jeunes vers la précision de leur choix vocationnel ? et permettre de la souplesse dans nos systèmes d'éducation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Boutin. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également et merci pour la présentation de votre mémoire. Et je trouve que vous faites très bien ressortir le lien fondamental qui existe entre éducation et lutte à la pauvreté. Durant toutes les audiences qu'on a eues ici depuis les cinq, six dernières semaines, s'il y a une constatation, je pense, qu'on peut faire sans être contesté, indépendamment de nos lignes de parti, c'est qu'il y a un lien immédiat entre l'éducation et la pauvreté. On constate à travers toutes sortes d'études que ceux qui réussissent à atteindre un niveau d'éducation x ont des possibilités beaucoup améliorées dans le reste de leur vie face à... de pouvoir éviter le piège de la pauvreté, etc. Donc, c'est évident que l'éducation a un rôle primordial, et je pense que ? pour moi, en tout cas ? vous avez fait ressortir le fait qu'il y a peut-être une meilleure jonction à faire entre le projet de loi, les objectifs que ça poursuit et l'éducation comme telle, surtout par rapport à quelques amendements que vous suggérez quant aux axes préventifs, etc., et de faire cette harmonisation entre les deux. Ça, c'est une chose.

L'autre chose que peut-être... On pourrait tirer profit de votre présence ici, c'est de centrer un peu la discussion sur cette nécessité, que vous soulevez aussi dans votre mémoire, d'harmoniser mieux le régime prêts et bourses et le régime d'assistance-emploi. Peut-être qu'on pourrait commencer par regarder d'un peu plus près le régime de prêts et bourses. On parle de bourses, on entend beaucoup parler de prêts. Qui reçoit des bourses? Et est-ce que les deux régimes sont comparables au niveau de ce que ça peut offrir à quelqu'un qui essaie de retourner aux études suite à un cheminement différent de la normale, entre guillemets, qui est celui d'un retour aux études après avoir passé quelques années dans la vie réelle?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

n(10 h 50)n

Mme Boutin (Nicole): Écoutez, sans rentrer dans tous les détails techniques, puisqu'il y a des commissions ou des comités qui s'en occupent, je vous dirais que, à ma connaissance ? et peut-être Véronique pourra me corriger au besoin ? à ma connaissance, c'est un régime uniforme qui prévoit certaines situations. Alors, qu'on revienne aux études ou qu'on y soit... Est-ce que je me trompe ou...

Mme Raymond (Véronique): Non, ça va.

Mme Boutin (Nicole): Ça va? Alors, actuellement, le régime des prêts et bourses a des règles qui sont uniformes, donc, alors qui prévoient que, quand on arrive au réseau collégial, alors tous les gens sont traités de la même façon, et certaines situations sont prises en considération. Nous plaidons pour une bonification de ce régime de prêts et bourses là pour mieux prendre en compte la pauvreté de transition que vivent des personnes qui viennent poursuivre des études. Alors, qu'ils le fassent en cheminement continu ou qu'ils le fassent en retour aux études, ce sont les mêmes standards, les mêmes règles qui s'appliquent. Alors, nous plaidons, oui, pour une bonification du régime de prêts et bourses et pour une harmonisation en vue d'assurer une continuité du revenu pour les personnes qui bénéficient de prestations de sécurité du revenu entre le moment où elles quittent un régime pour s'en aller sur l'autre. Alors, c'est plutôt sous l'angle de l'harmonisation pour assurer une stabilité du revenu entre le passage de la sécurité du revenu au régime de prêts et bourses.

M. Sirros: ...est-ce que je vous entends dire que le régime de prêts et bourses n'est pas très bien adapté à des situations différentes de la grande majorité de personnes qui arrivent sur le cégep? Tout le monde est traité, vous dites, de la même façon, donc on ne tient pas compte des particularités. Et, quand on sait que la grande majorité de votre clientèle sont des jeunes qui ont toujours un lien parental et suivent des études en fonction de ce lien parental, on peut bien voir que, pour un adulte qui revient aux études à partir d'une présence sur l'assistance-emploi, ça peut représenter un régime qui ne correspond pas à ses besoins.

Mme Boutin (Nicole): C'est-à-dire que...

M. Sirros: Et je...

Mme Boutin (Nicole): Pardon.

M. Sirros: Et ce que j'aimerais savoir un peu plus, là, de façon plus spécifique, quel genre de mesures d'harmonisation on pourrait envisager? Comment est-ce qu'on pourrait... Est-ce que c'est un régime particulier qu'il devrait y avoir pour les étudiants qui sont sur l'assistance-emploi, selon certains critères? Ou comment vous l'envisagez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Bon. Alors, première réponse, ça concerne le régime de prêts et bourses lui-même. Alors, quand un étudiant est un étudiant à temps complet, alors, ce régime-là, nous demandons qu'il soit bonifié, notamment pour tenir compte de l'effet important qu'ont les coûts de logement sur les conditions de vie des étudiants.

Et, deuxièmement, des mesures particulières et des harmonisations doivent être faites pour ceux qui passent de la sécurité du revenu au régime de prêts et bourses. Notamment, dans la définition du temps complet, il y a certaines... Bon, je ne voudrais pas prendre tout le temps de la commission. Par exemple, quelqu'un qui passe de la sécurité du revenu... qui étudie à temps partiel, a droit à certaines prestations s'il a deux cours. S'il est à temps complet, il est prévu à temps complet. S'il prend trois cours, alors là il y a comme un trou, un vide.

Alors, je crois que ces mesures d'harmonisation là sont possibles, et ce que nous souhaitons, c'est que... Au sein des comités de travail sur lesquels nous siégeons, la Fédération, nous offrons toute notre disponibilité pour travailler avec les gens de la sécurité du revenu et les gens du ministère de l'Éducation pour éviter que des personnes en situation de pauvreté aient une discontinuité de leurs revenus et ne soient pas touchées par des façons trop restrictives ou un manque d'harmonisation. Par exemple, la sécurité du revenu ne définit pas de la même façon l'étudiant à temps complet que le régime de prêts et bourses et que le régime d'éducation. Alors, ça, c'est un exemple qui pourrait être facilement harmonisé. Alors, ce qu'on entend par étudiant à temps complet pourrait être la même définition d'un ministère à l'autre.

M. Sirros: Est-ce qu'à votre connaissance, à l'heure actuelle, il y a un examen qui est fait de cette nécessaire harmonisation? Est-ce que c'est quelque chose qui est sous étude ou si c'est au niveau des souhaits pour l'instant? On nous rapporte souvent que c'est un problème, mais est-ce qu'on l'attaque, le problème?

Mme Boutin (Nicole): Écoutez, ça fait, à ma connaissance, au moins depuis 15 ans qu'on traite de cette question-là, je vous dirais qu'il y a eu des pas de faits. Il nous semble qu'actuellement, comme le règles évoluent... Il me semble qu'il y a d'autres pas qui doivent être faits et il me semble qu'il s'agit là d'une première mesure qui pourrait être déjà en application avant même que le gouvernement adopte l'ensemble de son plan d'action.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je comprends bien qu'il n'y a pas d'examen actuel qui est fait de cette question-là. Il n'y a pas un comité, quelque part, qui a été créé entre les partenaires que vous êtes, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Solidarité sociale, pour examiner cette question-là et...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Il existe un comité conjoint actuellement qui traite de ces différents aspects, et cette dimension-là fait partie des travaux du comité conjoint. C'est un comité tripartite, Fédération, ministère de l'Éducation... bipartite, ministère de l'Éducation. Nous souhaiterions qu'à ce comité-là soient invités les gens de la sécurité du revenu pour nous permettre une meilleure harmonisation.

M. Sirros: Le message est fait. Je pense que, tu sais, on pourrait inviter la ministre de déléguer quelqu'un à ce comité-là puis parler à son collègue de l'Éducation pour que...

Mme Goupil: ...

M. Sirros: C'est déjà pris en note?

Mme Goupil: Tout à fait.

M. Sirros: C'est bien, on aura accompli quelque chose de concret et de constructif. Parce que, connaissant le fonctionnement des comités, le comité peut exister, puis on peut traiter de cette question-là, mais, s'il n'y a pas de mandat de précis donné avec un échéancier de rapport sur une question précise, ça risque d'être un autre 15 ans qu'on va en reparler de ces questions-là. Alors, c'est à souhaiter.

L'autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est la dispensation des cours de formation par le biais d'Emploi-Québec. Vous êtes un des dispensateurs majeurs des cours de formation, parlez-nous un peu de comment ces cours sont conçus, en fonction de quoi ils sont décidés et est-ce qu'il y en a beaucoup de personnes à l'assistance-emploi qui y participent.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Vous avez une large question, M. Sirros. Je pourrais vous dire que les cours financés par Emploi-Québec sont des cours qui... Les priorités sont établies par Emploi-Québec à partir de l'analyse qui est faite des besoins du marché du travail et des perspectives professionnelles d'emploi. Ces priorités-là sont établies dans chacune des régions, et ce qu'on appelle les achats de formations sont faits à l'intérieur des établissements à partir de ces priorités-là. Donc, ce sont des formations qui sont identifiées pour répondre aux besoins du marché du travail. L'accès à ces formations-là est prévu, à cause des ententes qui lient Emploi-Québec et des contraintes notamment liées aux cibles de résultat imposées à Emploi-Québec... sont réservées aux gens qui bénéficient... c'est-à-dire qui sont prestataires de sécurité du revenu.

M. Sirros: ...de l'assurance chômage.

Mme Boutin (Nicole): Ou de l'assurance chômage.

M. Sirros: Et la sécurité du revenu?

Mme Boutin (Nicole): Oui. Dans certains cas, oui. Dans les deux... Alors, ça dépend des programmes, là.

M. Sirros: Parce que ce que j'essaie de saisir mieux, c'est... J'avais l'impression que ces programmes-là sont surtout destinés à des personnes qui sont sur l'assurance chômage et que très peu de gens qui sont sur l'assistance-emploi y ont vraiment accès.

Mme Boutin (Nicole): Oui. Alors là ça dépend des critères, des critères qui sont fixés, et ça dépend des cibles de résultat qui sont fixées pour chacune des régions, pour chacun des fonds du marché du travail, puisque Emploi-Québec gère également les fonds du fédéral.

Une voix: ...

Mme Boutin (Nicole): Oui.

Mme Arnaud (Dominique): Peut-être rajouter quelque chose.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...réponse, Mme Arnaud.

Mme Arnaud (Dominique): Souvent, la question qui se pose, c'est que les gens qui sont sur la sécurité du revenu n'ont pas tout à fait les préalables et les compétences de base nécessaires pour être capables d'accéder à ces programmes de formation courte de niveau collégial. Alors, c'est une question qu'on est en train de travailler, notamment avec Emploi-Québec, comment faire pour qu'il y ait ce meilleur arrimage entre le type de formation qu'on offre et la qualification des personnes, en particulier celles qui sont sur la sécurité du revenu.

M. Sirros: C'était l'autre aspect que je voulais poursuivre avec vous. Au niveau de la reconnaissance des acquis, est-ce que vous me dites que les acquis minimaux ne sont pas là pour beaucoup de ces personnes-là? Est-ce que vous parlez en termes de secondaire V? C'est un prérequis pour l'accès à des cours de formation technique ou professionnelle indépendamment de l'âge, indépendamment de l'expérience de vie? Est-ce qu'il y a un processus de reconnaissance des acquis autre qu'un certificat de secondaire V?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Boutin.

Mme Boutin (Nicole): Les collèges ont la possibilité, en formation continue, d'admettre dans un programme tout individu qui a la formation jugée suffisante pour entreprendre le programme. Dans certains cas, notamment dans les programmes courts, je dirais, à saveur plus technologique, il y a certains cours de base qui seraient nécessaires. Que ce soit quand on pense à suivre des cours en électronique ou en génie électrique, on va demander certains cours réussis, mais pas nécessairement le Diplôme d'études secondaires.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. C'est terminé. Alors, merci. Merci pour la présentation de votre mémoire et aussi pour la qualité de vos interventions. Alors, je demanderais immédiatement aux représentantes du prochain groupe, Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières, à bien vouloir prendre place, et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 1)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentantes de la Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières. Je cède la parole à Mme Lynn O'Cain. Bon, bien sûr, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, en nous identifiant la personne qui vous accompagne pour les fins d'enregistrement.

Démarche de revitalisation
des premiers quartiers de Trois-Rivières

Mme O'Cain (Lynn): Merci. Alors, la personne qui m'accompagne est Julie Cossette, qui est membre de l'équipe de travail de la Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières.

Alors, bonjour. Bonjour à tous, à tous les membres de la commission, aux représentants du gouvernement. Nous vous remercions de nous donner la possibilité de venir présenter verbalement les propos qui sont présentés dans notre mémoire. La présentation va se faire en trois temps, donc, premièrement, situer la Démarche de revitalisation de quartiers ? cette partie sera faite par ma collègue Julie ? ensuite quelques réactions en vrac face aux orientations présentées dans la stratégie et, en terminant, 10 recommandations que nous avons déposées dans notre mémoire.

Alors, le mémoire qui a été déposé à la commission est basé globalement sur nos actions quotidiennes auprès des personnes vivant dans les quartiers marqués par la pauvreté. Donc, aujourd'hui, ce que nous suggérons, c'est des propositions dans le but de bonifier celles déjà annoncées par le gouvernement.

La Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières salue très positivement l'initiative gouvernementale en matière de lutte contre la pauvreté et elle reconnaît également l'audace du gouvernement du Québec d'aller de l'avant avec un tel projet. Nous voulons également souligner notre solidarité envers les personnes en situation de pauvreté et souligner aussi le travail fait par le Collectif pour l'élimination de la pauvreté qui a contribué à relancer le débat.

Alors, je vais laisser la parole à Julie qui va vous présenter plus en détail la Démarche de revitalisation.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Cossette, à vous la parole.

Mme Cossette (Julie): O.K. Donc, bonjour. Depuis deux ans, un travail de revitalisation est amorcé dans la ville de Trois-Rivières. Éventuellement, ça se fera aussi dans le secteur Cap-de-la-Madeleine qui fait partie maintenant de la grande ville de Trois-Rivières avec la fusion. Ce que nous nommons les premiers quartiers, ce sont les plus vieux quartiers de la ville, soit Sainte-Cécile, Notre-Dame, Saint-François-d'Assise et Saint-Philippe. Ces quartiers regroupent environ 20 000 personnes, dont la très grande majorité vit dans la pauvreté.

Il y a une analyse qui a été réalisée par le CLSC des Forges en 1998 qui révélait différentes constatations justement sur la population de ces quartiers-là. Donc, on y reconnaît que la population y est vieillissante. On y retrouve un fort pourcentage de personnes qui vivent seules et ayant de faibles revenus. On y retrouve également une grande proportion de gens qui ont recours à l'aide sociale depuis plus de cinq ans. On sait aussi que la plupart des gens y sont locataires et que les propriétaires se retrouvent souvent à l'extérieur de la ville. On retrouve également un fort pourcentage de prostitution, de criminalité et de drogue. Donc, comme l'a conclu cette enquête du CLSC, cette situation peut engendrer de l'abus et de la négligence chez les enfants, de l'isolement social, de la toxicomanie, de l'instabilité familiale et des problématiques reliées à la santé mentale.

Nous sommes convaincus qu'un travail soutenu et concerté des différents organismes et institutions qui interviennent justement dans ces quartiers, et ce, en association avec la population des quartiers, peut, avec le temps, transformer cette situation. D'ailleurs, en 1999 a été réalisée une enquête conscientisante dans ces quartiers qui a permis de rencontrer 600 ménages. À la suite des résultats accumulés, des assemblées ont été organisées et ont réuni plus de 300 personnes. De tout ce qui a été dit, on a mis sur pied un plan d'actions qui sont axées sur différents aspects de la vie de quartier, dont le logement, la culture, le développement économique, l'emploi, la formation, l'environnement, la participation citoyenne, les réseaux et la sécurité. Donc, c'est quelque chose de vraiment global.

Après deux ans, la Démarche de revitalisation des premiers quartiers de Trois-Rivières compte l'appui de 80 partenaires, que ce soient des groupes communautaires, organismes parapublics et gouvernementaux, des entreprises, etc. C'est un comité de coordination regroupant 18 de ces partenaires, dont le comité logement, la commission scolaire, le centre local d'emploi, les groupes communautaires en alphabétisation, CLSC, des citoyens et des citoyennes aussi qui siègent à ce comité-là, qui coordonne la démarche de revitalisation des premiers quartiers. Dans le fond, le comité fonctionne comme une large coalition.

En plus de ce comité de coordination, il y a quatre comités de quartier qui ont été formés ? donc, un dans chacun des quartiers ? qui travaillent sur leur quartier et est-ce qu'il s'améliore. Et il y a aussi trois petits comités thématiques qui viennent en appui à ces comités de quartier là pour des choses plus spécifiques comme l'habitation ou l'aménagement, la vie de quartier ou l'emploi et le développement économique. Donc, en gros, la démarche, c'est ce qu'elle est.

Mme O'Cain (Lynn): Alors, en deuxième temps, quelques réactions que nous avons à la stratégie qui a été déposée. Globalement, la Démarche de revitalisation appuie le projet de loi qui a été déposé. Cependant, nous avons quelques petits points à préciser, entre autres rappeler que les intentions du gouvernement doivent être appuyées par des ressources financières conséquentes. Donc, pour nous, aucune amélioration ne pourrait être apportée sans l'injection d'argent supplémentaire afin de soutenir les ressources déjà en place. Nous soutenons également l'importance d'élargir l'intervention sur toutes les dimensions de la pauvreté.

Nous croyons aussi que le gouvernement doit, à l'intérieur de la stratégie nationale de lutte à la pauvreté, surtout à l'intérieur du plan d'action à venir, renforcer la dimension d'intervention territoriale. Dans une intervention de ce type-là, une intervention territoriale, il est important d'avoir une approche globale et frontale, ce qu'on tente de développer au quotidien dans les premiers quartiers de Trois-Rivières. Il est également nécessaire de le faire de façon intersectorielle, de le faire en concertation également avec l'ensemble des partenaires, et ceci, en tenant compte de la nature de chacun dans le but de maximiser les forces du milieu et les ressources déjà en place. Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir des ressources pour animer ce travail de concertation et pour parvenir à l'atteinte des objectifs communs. Il est donc nécessaire d'y consacrer du financement.

Nos réactions face, par exemple, à la deuxième et la troisième orientations, qui touchent le filet de sécurité sociale et économique et de favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail, nous émettons des réserves face à la division de catégories de personnes comme aptes ou inaptes en fonction du seul critère du marché du travail. Nous privilégions davantage une approche inclusive, c'est-à-dire qui permet à tous les citoyens et les citoyennes de subvenir à des besoins essentiels.

Pour ce qui est de la quatrième et de la cinquième orientations, nous insistons sur la dimension globale de la participation citoyenne, la participation citoyenne étant souvent réduite à la seule dimension de l'accès aux services ou aux activités. Nous pensons qu'il est nécessaire d'élargir les espaces de participation citoyenne de manière à permettre à toutes les personnes d'y participer, d'y participer à l'analyse des problèmes, à la recherche des solutions et à la mise en oeuvre aussi des initiatives.

En troisième lieu, les recommandations que nous présentons à la commission. Nous en avons 10. Premièrement, pour faire un lien avec la participation citoyenne, nous jugeons que des mesures et des ressources financières doivent être disponibles pour favoriser cette participation des personnes en situation de pauvreté, pour qu'elles participent aux solutions mises de l'avant dans le projet de loi, donc la notion de faire avec les gens plutôt que de faire pour. Cette notion de participation citoyenne devrait s'appliquer tant sur le plan national, régional que local. Nous rappelons aussi la nécessité, à ce point, d'avoir des ressources pour animer ces activités de participation citoyenne. Comme nous visons une approche d'«empowerment», nous devons compter sur des intervenants et des intervenantes qui accompagnent les personnes dans ce processus.

n(11 h 10)n

Deuxièmement, la couverture des besoins essentiels. Nous jugeons qu'il y a une urgence à améliorer la couverture des besoins essentiels. Probablement qu'à court terme cela signifie une augmentation des taux en vigueur à la sécurité du revenu ainsi qu'une fixation d'un barème plancher. Par ailleurs, nous recommandons que soit amorcée une réflexion plus large sur le principe d'un revenu de citoyenneté.

Troisièmement, le logement. Parmi les besoins essentiels, il y a bien évidemment celui d'avoir un toit pour se loger, vivre dans un logement de qualité à un coût acceptable en fonction des revenus dont nous disposons. Cela signifie de poursuivre et d'augmenter l'effort gouvernemental en ce qui concerne le logement social. Par exemple, nous croyons qu'il y aurait des adaptations à réaliser au niveau du programme AccèsLogis de façon à le rendre plus conforme à la réalité des régions situées à l'extérieur de Montréal où la situation se présente différemment.

Quatrièmement, la formation et la scolarisation. Des mesures doivent être prises pour augmenter la scolarisation, particulièrement en milieu scolaire, donc de consacrer des ressources autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des écoles. On donne comme exemple le projet Québec en forme qui est soutenu par le gouvernement du Québec et la Fondation Chagnon. En ce qui concerne les adultes, nous croyons qu'il faut maintenir et augmenter également les formations adaptées pour les personnes peu scolarisées, parce qu'il s'agit d'un enjeu majeur, entre autres la question du cinquième secondaire qui ne doit pas être un frein à l'accès pour ces personnes à des formations.

Cinquièmement, la revitalisation de quartiers. Pris dans son sens large, la revitalisation doit tenir compte du bâti, mais également tenir compte de la revitalisation au niveau de l'amélioration des conditions de vie, et des liens sociaux, et d'une stratégie d'intervention pouvant permettre de faire reculer la pauvreté. Il existe actuellement certains programmes gouvernementaux à cet effet. On prend l'exemple du Programme Renouveau urbain et villageois. Notre recommandation à ce niveau est, entre autres, de bonifier, d'améliorer le volet III qui concerne le financement de projets ou d'activités de concertation. Nous croyons qu'un pourcentage pourrait être attribué à tout projet pour inciter les municipalités à développer des projets en concertation.

Parce que, actuellement, on reconnaît peu le rôle de la société civile dans les processus de revitalisation, à ce titre, le gouvernement pourrait financer des plans d'action concertés de revitalisation de quartiers qui proviennent d'organismes du milieu avec des cibles de réduction de la pauvreté. Cependant, comme nous parlons de travail fait en profondeur, ces plans d'action devraient être réalisés sur un minimum de trois ans, même idéalement cinq ans, pour avoir des résultats significatifs. Nous soulignons également qu'au même titre que le gouvernement s'est donné une politique de la ruralité, nous croyons qu'il pourrait avoir lieu d'avoir une politique de la ville.

Sixièmement, l'économie sociale. Nous croyons que, sans travailler exclusivement sur la pauvreté, l'économie sociale est très sensible à cette dimension. Nous proposons deux éléments qui pourraient être intéressants, soit d'avoir une politique gouvernementale d'achat préférentiel aux entreprises d'économie sociale, ce qui ferait en sorte qu'un pourcentage des achats du gouvernement serait fait auprès d'entreprises d'économie sociale qui s'engagent dans la lutte à la pauvreté; et, deuxièmement, soutenir la création de réseaux d'entreprises sur une base territoriale, car actuellement ce qui se fait, c'est davantage au niveau sectoriel.

Septièmement, le projet Emplois de Solidarité, nous proposons que le gouvernement aille de l'avant dans les meilleurs délais avec l'expérimentation de cette nouvelle initiative qui vise à rendre l'accès à l'emploi aux personnes ayant des limites importantes, mais qui souhaitent travailler.

Huitièmement, l'emploi. D'une façon plus générale, sur la question de l'emploi, nous croyons que les budgets d'Emploi-Québec doivent être augmentés pour permettre l'atteinte d'objectifs plus élevés en insertion à l'emploi. Il serait également intéressant de bonifier les budgets de la mesure concertation qui permet aux bureaux régionaux de s'impliquer dans des projets de concertation visant la lutte à la pauvreté. Dans le même ordre d'idées, nous proposons que les bureaux locaux de la Sécurité du revenu qui travaillent directement avec les personnes en situation de pauvreté puissent disposer davantage de budgets non normés pour favoriser l'expérimentation de nouvelles pistes d'action dans leur milieu.

Neuvièmement, le soutien aux organismes communautaires. Plus largement, le secteur communautaire, sous toutes ses formes, intervient beaucoup avec les personnes en situation de pauvreté. Il est donc important d'actualiser rapidement la politique de reconnaissance et de financement de l'action communautaire en fonction des besoins et des attentes des groupes.

Dixièmement, l'accès aux nouvelles technologies de l'information et des communications. Cette nouvelle dimension a été ajoutée aux différents éléments qui maintiennent les gens en situation de pauvreté, celle du non-accès aux nouvelles technologies, tel l'Internet. Des organismes comme Communautique portent depuis quelques années cette préoccupation de rendre accessibles les nouvelles technologies, entre autres en implantant des accès communautaires et en offrant de la formation. Le gouvernement du Québec doit appuyer davantage ces efforts afin d'éviter cette division qu'on appelle la fracture numérique.

Alors, en conclusion, nous espérons que nos propositions pourront servir à bonifier quelques points du projet de loi. Nous tenons également à mentionner qu'il est important que le gouvernement soit en mesure de présenter rapidement un premier plan d'action. La société québécoise compte sur plusieurs initiatives dynamiques et innovatrices qui ont besoin du soutien du gouvernement pour voir le jour ou poursuivre leur action. Et, concrètement, dans les milieux, pour nous, sur le terrain, ce que les personnes en situation de pauvreté attendent impatiemment au-delà des discours, c'est des actions concrètes pouvant les aider à changer leur situation et à faire d'eux des citoyens et des citoyennes à part entière au sein de notre société, car nous croyons que nous avons tous et toutes à gagner de vivre dans un milieu où il y a peu d'écart entre les riches et les pauvres.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mmes O'Cain et Cossette, merci pour la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme O'Cain, Mme Cossette, merci d'avoir accepté justement de travailler... en plus de tout le travail que vous avez à faire, de présenter le mémoire. On sait qu'il y a des réseaux qui sont mieux soutenus, mais je sais particulièrement que vous êtes une petite équipe qui avez travaillé extrêmement fort pour développer un projet dans lequel on y retrouve toute la participation collective, à la fois de la société, des partenaires, du monde communautaire. Et aussi vous avez exprimé de façon, je dirais... à partir d'un projet micro, pour qu'on puisse y retrouver cette même intervention globale dans le cadre de la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Le projet de loi et le plan d'action sont basés avec cette approche, mais cette fois-ci au niveau national. Alors, je tiens vraiment, d'abord, à vous féliciter d'avoir parti cette propre initiative. Il fallait y croire, il fallait réussir à convaincre les gens et tous les partenaires.

J'aimerais savoir, pour que l'on puisse faire en sorte que ce que vous avez réussi à faire à Trois-Rivières... Cette coalition, quelles sont les conditions essentielles pour que ça fonctionne puis pour que l'on puisse faire en sorte qu'on ait le goût, à l'ensemble du Québec, de s'inspirer de cette approche qui est exigeante, il faut en convenir, parce qu'il faut asseoir plusieurs partenaires? Mais la réussite n'est possible que si tous les partenaires poussent dans la même direction. Alors, selon votre expérience terrain, quelles sont les conditions essentielles pour que ça fonctionne, dans un premier temps? Et, par la suite, bien j'aimerais aussi être capable de vous... que vous puissiez nous partager quelle a été la réaction des entreprises au moment où vous leur avez partagé ce que vous souhaitiez faire et comment elles ont participé. Et est-ce qu'il y aurait des choses qui pourraient être faites davantage pour qu'il y ait un plus grand nombre possible d'entreprises qui se sentent interpellées?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Bien, au niveau des conditions essentielles, c'est sûr que l'avantage de la Démarche de revitalisation des premiers quartiers à Trois-Rivières, c'est de compter sur une autre organisation qui est celle de la CEDEC de Trois-Rivières au niveau de la mobilisation. Parce que c'est sûr, comme vous l'avez dit, une petite équipe ne peut pas mobiliser 300 citoyens et citoyennes des quartiers pour une rencontre d'information et en sortir avec quatre comités, alors une des conditions à la base, c'est de pouvoir compter sur l'appui de d'autres organisations. Cette force-là, qui est la mobilisation, sur laquelle nous misons, je crois que c'est une des conditions également essentielles. C'est-à-dire qu'on met de l'énergie pour mobiliser, on prend le temps de prendre le téléphone puis de faire des appels directement aux organismes, aux citoyens et aux citoyennes, de déposer des tracts dans les boîtes aux lettres, de se présenter dans des lieux de rassemblement. Donc, ce n'est pas seulement des affiches qu'on dépose, là, sur des poteaux dans les quartiers, là, c'est davantage que ça pour faire connaître nos démarches.

C'est sûr qu'une autre condition aussi, c'est d'avoir une visée commune. C'est-à-dire que, une fois qu'on laisse tomber de côté les approches, les orientations qui, des fois, font qu'on peut être un peu tiraillé d'un côté comme de l'autre... Si on met ça de côté et qu'on prend la seule vision qui est d'aider les gens qui sont en situation de pauvreté, bien on arrive à se rassembler vers cet objectif-là et laisser tomber, des fois, les écarts qu'il peut y avoir au niveau des approches entre les groupes communautaires, par exemple, puis les interventions qui sont plus faites au niveau des CLSC qui sont, des fois, rassembleurs et, des fois, qui ne le sont pas. Donc, c'est, je crois, les principales conditions de réussite qu'on... En tout cas, celles qui font que ça fonctionne jusqu'à maintenant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Goupil: Et, au niveau des entreprises, quelles ont été leurs... D'abord, de quelle façon les avez-vous abordées? Et quelles ont été leurs réponses aux invitations que vous leur avez faites? Et comment, concrètement, ces entreprises, elles ont contribué?

n(11 h 20)n

Mme O'Cain (Lynn): Bien, on ne se cachera pas qu'elles sont très peu nombreuses jusqu'à maintenant. C'est plus difficile de ce côté-là. On cible davantage, dans ces quartiers-là, des petites entreprises, c'est-à-dire des entreprises qui ont 10 employés et moins. La grande entreprise est très peu présente dans l'engagement de ces quartiers-là parce qu'il n'y a plus beaucoup de grandes entreprises non plus dans... C'est des anciens quartiers industriels, ce qui fait en sorte qu'elles se sont dévitalisées aussi. Donc, c'est plus difficile de les rassembler. Quelques-unes ont accepté de le faire, mais c'est du porte-à-porte là aussi. On compte sur une agente de développement économique qui collabore parfois à la démarche et qui, à l'intérieur de ses rencontres avec les entreprises comme conseillère, profite de l'occasion pour parler de la démarche de revitalisation de quartiers. Et certaines ont eu l'intérêt de s'engager davantage, mais il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là parce qu'elles sont peu nombreuses comparativement aux autres organisations, les entreprises.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Et qu'est-ce qui pourrait être fait pour qu'il y ait un soutien, selon vous, là, à partir de ce que vous avez constaté? Quand vous dites: C'est difficile, et tout ça, quels seraient, selon vous, les outils que nous devrions développer ou soutenir pour que la réponse ou la réception à ce qui est proposé dans le cadre d'une lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, le plus grand nombre se sente interpellé?

Mme O'Cain (Lynn): Bien, je crois que, pour cibler, pour toucher plus les entreprises, il faudrait arriver avec des succès, il faudrait arriver avec des résultats concrets. Une des activités qu'on a réalisées le 13 septembre dernier, qui est une grande fête de l'entraide, de la formation et de l'emploi, où on a réuni 3 500 personnes dans une ancienne usine qui est la Wabasso, à Trois-Rivières, ça, c'en est un exemple qui a mis la démarche de revitalisation de quartiers visible concrètement, avec des résultats. Ça, ça parle pour les entreprises, on a eu des résultats à ce moment-là. Il y avait une dizaine d'entreprises privées qui se sont déplacées, qui sont venues à cette activité-là offrir des emplois aux gens, et certaines de celles-là ont recruté beaucoup, beaucoup de gens. Et, on voit que le pas est fait, elles ont vu quelque chose de concret, elles ont vu l'ampleur aussi de l'activité qu'on était capable d'organiser avec le peu de ressources qu'on avait. Donc, ça, pour notre crédibilité aussi, c'était un bon exemple.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci. Dans votre mémoire, pour soutenir l'économie sociale, vous avez nommé deux mesures particulières pour inciter peut-être les entreprises à soutenir davantage aux organismes et aux entreprises d'économie sociale par une politique d'achat préférentiel. Quels sont les outils ou les... Quelque chose de facile... Parce qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues exprimer qu'il fallait que l'on soit capable d'inciter les entreprises de soutenir financièrement les entreprises de Chantier d'économie sociale, et tout ça, est-ce qu'il y aurait un secteur qui, selon vous, pourrait être applicable rapidement ou une mesure rapide qui pourrait donner des résultats, en tout cas, plus positifs que l'on connaît actuellement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Bien, le premier exemple qui me vient en tête, je vous dirais, c'est peut-être au niveau des nouvelles technologies. Il y a certaines coopératives qui oeuvrent dans ce domaine-là qui font des sites Internet, des outils promotionnels multimédias. Il y a peut-être un pourcentage qui pourrait être attribué pour favoriser l'achat de services au niveau de la création de sites Web, par exemple, auprès de ces entreprises-là. Parce que ce n'est pas toutes les entreprises d'économie sociale qui peuvent offrir des services qui touchent le gouvernement, mais, des fois, ça peut être aussi, à plus petite échelle, au niveau local, de faire appel à ces entreprises-là. Ou c'est globalement, également, de faire la promotion de ce qu'on appelle l'achat solidaire, ce qu'on tente de faire localement, là, présentement, c'est-à-dire de promouvoir le fait que d'acheter un service ou un produit dans une entreprise d'économie sociale, ce n'est pas simplement de la consommation, c'est solidaire également.

Mme Goupil: Vous avez également soutenu, dans votre mémoire également, le projet Emplois de solidarité, particulièrement faisant référence à Solidarité jeunesse aussi. Vous avez indiqué que vous étiez non seulement d'accord avec ce qui a été fait comme démarche, mais vous avez insisté sur le fait que ça devait demeurer volontaire. J'aimerais que vous puissiez nous indiquer pour quelle raison vous insistez pour que ça demeure volontaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Oui. On juge avec l'expérience que, quand une mesure est obligatoire, l'effet coercitif que ça a sur les gens, ce n'est pas facilitant. Quand c'est les gens qui choisissent, qui, volontairement, s'impliquent dans une démarche de réinsertion, c'est plus facile pour elles de reprendre un certain contrôle sur leur vie que quand elles sont obligées. On arrive rarement à des résultats aussi concluants que quand c'est sur une base volontaire, c'est-à-dire que les gens ont déjà fait un cheminement préalable qui les amène à prendre cette décision-là. Sinon, ils sont trop loin dans le stade de réinsertion pour arriver au même résultat.

Mme Goupil: Ce qui est intéressant ? je vous remercie de clarifier votre pensée à cet égard ? c'est qu'en même temps nous convenons tous que, de temps en temps, il nous faut donner des mesures incitatives pour donner le goût, que ce soit aux entreprises ou aux gens, de s'investir, tout en maintenant cet équilibre, de faire en sorte que ce soit davantage dans un mécanisme ou dans une procédure qui est volontaire. Mais vous n'êtes pas contre les mesures incitatives qui pourraient être mises de l'avant justement pour donner le goût aux gens de s'investir dans une démarche qui leur permettrait justement de se sortir d'une situation de pauvreté et d'exclusion sociale?

Mme O'Cain (Lynn): Ça dépend comment on qualifie l'incitatif, là, c'est plus à ce niveau-là. C'est sûr que parfois ça prend une petite poussée de plus pour inciter les gens, mais c'est la notion d'obligation avec, je dirais, une réprimande en bout de ligne. C'est avec ça qu'on n'est pas en accord, parce que ça ne donne jamais, en tout cas à moins qu'on nous prouve le contraire en quelque part... Mais, chez nous, ça ne donne jamais des bons résultats au même titre parce que les gens ne sont pas prêts à affronter ça.

Mme Goupil: O.K. Vous avez aussi, comme bien d'autres groupes, insisté sur le fait que nous ne devrions pas distinguer les personnes aptes ou inaptes au travail. Dans tout le processus de la stratégie de lutte à la pauvreté, ce que nous proposons, c'est une intervention globale et pas mur à mur pour toutes les personnes parce que les situations de pauvreté ou d'exclusion sociale ne sont pas les mêmes pour différentes personnes. Et l'approche qui a été exprimée puis le fait qu'on la retrouve dans la stratégie, dans le plan d'action et dans le projet de loi n'est pas du hasard, parce que c'est à partir de consultations sur l'ensemble du territoire, d'expériences vécues, et tout ça. On a... C'est unanime, je pense, avec parfois un accent plus prioritaire sur tel secteur ou sur tel groupe de personnes. Mais vous reconnaissez que l'approche n'est pas la même si on se retrouve devant une personne, par exemple, qui est responsable ou chef de famille, si on se retrouve devant une personne qui vient de perdre un emploi, mais qui n'a pas de difficultés au niveau de la santé, que ce soit santé mentale ou santé physique. La réalité des gens n'est pas la même. Quelle serait la bonne façon justement de s'assurer qu'on puisse permettre l'accompagnement aux personnes en fonction de la réalité qu'ils vivent?

Et, je prends comme Solidarité jeunesse, on a pris le jeune à l'endroit où il se situait, puis tous les partenaires se sont mis en mouvement pour l'accompagner dans sa réalité en l'accompagnant en fonction des problématiques particulières que cette personne pouvait vivre. Alors, quelle serait la mesure que, comme société, nous pouvons nous donner qui ne soit pas, je dirais, perçue par les gens comme étant de vouloir les cataloguer, mais qui nous permette justement d'adapter notre réalité pour répondre le plus justement possible aux personnes sans faire du mur-à-mur? Alors, quelle serait l'approche que nous devrions utiliser? Celle qui a été mise sur la table n'est pas parfaite en soi, mais elle a permis quand même, je dirais, un certain soutien à des personnes qui s'en ont sorti, qui, aujourd'hui, ne sont pas prestataires puis qui exercent pleinement leur citoyenneté. Ça ne veut pas dire qu'ils sont riches, ça ne veut pas dire que tous les problèmes sont réglés, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a des gens qui, avec les mesures qui ont été mises de l'avant distinguant leur réalité, ça a donné des résultats dans bien des secteurs.

Alors, j'aimerais vous entendre, qu'est-ce qu'on devrait... Par quelle approche on devrait le faire? Parce que le but n'est pas de pénaliser des gens, mais de se donner des outils qui ne soient pas mur à mur puis qui correspondent aux réalités des personnes qui se retrouvent dans ces situations-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): C'est sûr qu'au niveau de catégoriser les gens inaptes et aptes c'est plus la dimension liée au travail qui faisait en sorte que, pour nous, c'était un peu un aspect qu'on voulait élaborer. Parce qu'on travaille globalement avec les personnes, donc, même si on a un très grand intérêt au niveau de l'emploi et qu'on croit que l'emploi est un des outils pour sortir de la pauvreté, qui est une façon de le faire, de se réinsérer également socialement, on croit qu'il faut travailler davantage sur l'ensemble de la personne et de toutes ses dimensions.

De mesures concrètes, je vous dirais, on n'a pas de réponse toute faite, on n'a pas réfléchi jusqu'à ce point-là, mais ce en quoi on croit beaucoup, c'est l'approche d'«empowerment», une approche de prise en charge. C'est-à-dire qu'une personne qu'on pourrait qualifier d'inapte au travail pour différentes raisons ? ce qu'on juge aussi réaliste, là, on sait qu'il y a des gens qui ne peuvent pas réintégrer le marché du travail pour différentes raisons ? d'avoir des avenues comme les emplois de solidarité, d'avoir des avenues aussi avec les entreprises d'insertion, les centres de travail adapté. Pour nous, ce sont toutes des façons de faire en sorte qu'on tient compte globalement de tous les types de personnes qui existent dans la société.

n(11 h 30)n

Et l'approche d'«empowerment» intervient à ce niveau-là parce que, pour nous, on juge qu'au-delà du travail il faut aussi reprendre du pouvoir sur notre vie, globalement, c'est-à-dire être capable d'assister à une rencontre de citoyens éventuellement, d'être là, d'y participer, de prendre des décisions, de comprendre pourquoi on prend ces décisions-là et d'éventuellement, après ça, peut-être même devenir bénévole dans une activité, d'être engagé socialement.

Donc, c'est globalement. C'est un élément, mais une personne qui pourrait être inapte au travail pourrait aussi très bien participer à toutes ces activités-là pour différentes raisons. C'était là...

Mme Goupil: La nuance.

Mme O'Cain (Lynn): ...la notion d'intervention. C'est la dimension uniquement liée au travail.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme O'Cain, Mme Cossette, bienvenue également. C'est fascinant de vous entendre parler d'une action sur le terrain qui coordonne 18 intervenants, si je comprends bien, autour d'une problématique particulière territoriale où une réalité de pauvreté est évidente.

Comment ça a commencé? Qui a pris l'initiative de la démarche et d'où est venu le besoin de se concerter autour d'une problématique de revitalisation des quartiers? Je constate que vous êtes organisatrice communautaire en développement de l'économie sociale: au CLSC, dans un groupe? Comment ça a pris naissance, cette initiative?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Bien, en fait, l'initiative, elle a débuté, je vous dirais, par la CDEC de Trois-Rivières, là, qui est ECOF ? Économie communautaire de Francheville ? après avoir constaté qu'une telle démarche avait été faite au niveau d'une enquête conscientisante dans des quartiers de Québec, ici. On avait découvert qu'une enquête avait été faite, et c'est à ce niveau-là qu'on a eu l'intérêt d'aller voir qu'est-ce qui se passait dans les quartiers à Trois-Rivières, parce que nos bureaux sont situés dans ces quartiers-là.

On constatait également une très grande dévitalisation de ces quartiers-là suite à la fermeture d'usines, les besoins de plus en plus grandissants. Les gens venaient chez nous dans un objectif de chercher un emploi, mais on s'apercevait que ce n'était pas seulement de chercher un emploi, c'étaient des gens qui vivaient dans des logements qui étaient inconvenables, qui ne pouvaient pas manger à tous les jours, donc on voyait qu'il y avait une problématique qui était beaucoup plus grande.

Donc, par le biais d'une enquête conscientisante, c'est-à-dire qu'il y avait une équipe de huit jeunes qui ont été frapper aux portes de 600 ménages, passer un questionnaire pour évaluer c'était quoi, les besoins des gens, la réalité qu'ils vivaient, qu'est-ce qu'ils feraient pour améliorer leur condition ou leur quartier. Alors, c'est comme ça que tout a commencé.

À partir de ces résultats-là, on a mobilisé un ensemble d'organismes, autant communautaires, gouvernementaux, des entreprises, des citoyens, des citoyennes, et ce qui a donné lieu à un comité de coordination avec lequel on travaille depuis deux ans.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Tout a été conçu par un groupe communautaire, par...

Mme O'Cain (Lynn): Oui, par un groupe communautaire en lien avec le CLSC, entre autres, pour la diffusion, l'analyse des résultats, avec également des gens de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Donc, c'est de cette façon-là que... C'était financé à ce moment-là par le Service Jeunesse Canada.

M. Sirros: Et j'imagine qu'à partir de ces constatations de l'étude vous avez pu attirer la participation d'entreprises de la ville, etc., qui partagent toutes cette préoccupation-là. Les énergies vont dans l'amélioration du quartier sur le plan des infrastructures, au niveau du logement, mais est-ce qu'il y a un volet aussi qui vise la personne au niveau de...

Une voix: Beaucoup.

M. Sirros: Beaucoup. Pouvez-vous le décrire un petit peu? Vous identifiez les besoins des personnes? Vous essayez de faire un travail d'insertion par rapport aux besoins que vous avez identifiés auprès des personnes, en plus de mobiliser les forces de Trois-Rivières pour améliorer le quartier dans son aspect physique?

Mme O'Cain (Lynn): Au niveau des besoins, on s'est basé sur les résultats de l'enquête qui a donné lieu à des comités thématiques dont Julie parlait, au niveau du logement, de la culture, de la formation. C'étaient tous des besoins.

Donc, on travaille en collaboration avec la municipalité au niveau de la revitalisation du bâti, parce qu'il existe déjà des programmes, mais je vous dirais qu'on travaille davantage au niveau des personnes. On a différentes activités. Entre autres, au niveau de la formation, on est à une deuxième formation sur le leadership qui se donne en collaboration avec la commission scolaire, alors c'est six samedis, sur une période de quelques semaines. C'est une formation sur le leadership, sur la participation citoyenne, c'est ouvert à tous les citoyens et citoyennes des quartiers, et ensemble ils élaborent des projets, ils s'approprient ce que c'est, une démarche citoyenne, qu'est-ce que c'est d'avoir du leadership dans sa communauté, qu'est-ce que ça signifie. Donc, on travaille aussi à ces niveaux-là, la formation, l'emploi.

La culture également. On travaille en collaboration avec d'autres organismes, au niveau de l'accès à la culture, pour que les gens en situation de pauvreté puissent avoir accès à des activités culturelles à faible coût ou gratuitement.

On travaille aussi à mettre sur pied des entreprises d'économie sociale à partir de besoins qui ont été identifiés dans cette enquête-là, des services qui ne sont plus ou pas disponibles pour les gens dans les quartiers. On est en train d'évaluer, par des études de marché, le potentiel de certains de ces projets-là, et un devrait voir le jour très bientôt.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député.

M. Sirros: En lisant vos chiffres, vous indiquez qu'on constate qu'il y a quand même une majorité, une bonne majorité de personnes et de ménages qui vivent dans ces quartiers-là et qui tirent leurs revenus de façon autonome, non pas des transferts gouvernementaux et encore moins au niveau de l'assistance-emploi. Je pense que vous indiquez que c'est 28 % des ménages qui ont des revenus à partir de l'assistance-emploi et entre 26 et 38 qui sont des transferts gouvernementaux de tous genres, j'imagine, la Régie des rentes, etc. Donc, vous travaillez auprès d'une population qui est ce qu'en anglais on appelle... que les gens appellent souvent les «working poor», les travailleurs à faibles revenus.

Si vous aviez à identifier les besoins les plus criants, les plus immédiats de cette catégorie de personnes, de ce groupe de personnes qui travaillent, qui gagnent des revenus, ne gagnent pas assez pour se sentir au-delà de la pauvreté, ce serait quoi, ces besoins? Si vous aviez à indiquer des pistes d'action pour soutenir davantage ces personnes, ce serait quoi que vous aimeriez voir mis en place à l'intérieur d'une stratégie, d'un plan d'action, etc?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Si on parle des travailleurs et des travailleuses qui sont à faibles revenus, je vous dirais qu'une hausse du salaire minimum, c'est évidemment une des premières actions. Entre autres, pour travailler beaucoup au niveau de l'économie sociale, on prône beaucoup le salaire minimum autour de 8,30 $ de l'heure et peut-être même un peu plus déjà, actuellement, justement pour contrer ce problème-là de petits salariés qui travaillent à temps plein mais à un salaire qui ne permet pas de subvenir à l'ensemble des besoins d'une famille, par exemple.

Ça peut être aussi d'améliorer les conditions de travail pour les gens qui sont travailleurs autonomes ou qui sont des travailleurs atypiques, qu'on appelle, qui travaillent sur appel, à la demande, qui font du télétravail, donc d'améliorer les conditions parce que ces gens-là, quand ils se retrouvent sans emploi du jour au lendemain, n'ont pas accès aux services d'assistance comme l'assurance chômage ou l'aide sociale en tout début. Donc, d'améliorer ces conditions-là, ça favoriserait l'amélioration des conditions de vie des gens qui travaillent, mais avec un plus petit salaire.

M. Sirros: Les besoins de formation, les besoins d'aide pour l'adaptation des compétences, etc., est-ce que c'est une préoccupation de ces personnes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Oui, de permettre l'accès à des formations en cours de travail ou même de permettre l'accès à des formations tout en ayant un revenu minimum pour se permettre une amélioration de ses compétences ou une réactualisation de ses compétences également, oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. le député.

M. Sirros: L'autre élément qui frappe souvent, c'est... Le programme APPORT a souvent de la difficulté ? vous le connaissez, j'imagine, c'est un programme d'aide, de soutien au revenu de travail des travailleurs à faibles revenus ? a souvent des problèmes à rencontrer ses objectifs, dans le sens où tous ceux qui y ont droit n'y font pas appel. Est-ce que vous avez regardé de ce côté-là, pour des personnes, des travailleurs à faibles revenus, s'il y a des simplifications qu'on pourrait envisager ou est-ce que c'est une piste intéressante?

Mme O'Cain (Lynn): C'est sûr qu'on n'a pas élaboré dans les détails comment il pourrait être amélioré, mais c'est sûr qu'on est confrontés régulièrement à des gens qui n'ont pas accès à ces programmes-là qui manquent parfois de souplesse au niveau de l'accessibilité. Donc, c'est certain que, pour des familles monoparentales, pour une mère à faibles revenus, ce serait un soutien qui serait fort bienvenu d'avoir une mesure qui serait plus souple à ce niveau-là parce que, régulièrement, les jeunes n'y ont pas accès pour différentes raisons, là. Mais, je ne maîtrise pas assez la particularité de ce programme-là pour vous dire en détail comment ça pourrait être amélioré.

n(11 h 40)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Finalement, je pense qu'un groupe comme le vôtre qui travaille sur un territoire donné, c'est beaucoup plus au niveau du plan d'action que vous allez voir le résultat réel de cette lutte à la pauvreté qu'on veut envisager ici, mais vous avez quand même pris la peine de parler de la loi, et j'aimerais vous entendre un peu sur la nécessité ou non de définir la pauvreté comme on le fait ici. On le fait à partir d'une notion de durabilité. Je suppose que beaucoup de... Cette définition va permettre quand même d'identifier des populations comme... les populations dans les territoires dans lesquels vous travaillez qui semblent avoir des caractéristiques de durabilité mais au niveau d'une pauvreté durable. Est-ce que vous avez des commentaires sur cette définition puis le rôle qu'elle peut jouer dans l'organisation de la lutte à la pauvreté, des mesures à prendre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn): Bien, c'est ça, vous parlez de durabilité. Pour nous, toute action qu'on tente de poser dans notre propre action, notre plan d'action local, c'est de le faire dans une perspective de développement durable, donc de penser à mettre un projet qui va vivre sur plus que six mois, un an et qui n'aura pas des répercussions négatives non plus pour une prochaine génération, par exemple. Donc, on essaie d'harmoniser toutes les actions dans ce sens-là. Au niveau d'un concept de pauvreté, de définition de pauvreté, la vision qu'on a, c'est vraiment une approche globale de toutes les dimensions, parce qu'on peut être pauvre économiquement, on peut être pauvre socialement, on peut être pauvre culturellement, donc de tenir compte de toutes ces dimensions-là. C'est pour ça qu'on travaille dans une approche globale, une approche frontale aussi, également, qu'on appelle, c'est-à-dire qu'on travaille sur tous les niveaux en même temps. On ne fait pas les choses à la pièce, on les traite systématiquement. Donc, c'est un peu la vision qu'on a. Puis on prend plus l'appellation, chez nous, de parler du cinquième le plus pauvre quand on parle des gens en situation de pauvreté parce qu'on n'élargit pas seulement... on ne tient pas compte des gens pauvres uniquement si ces personnes-là sont à l'aide sociale ou sans revenus. On tient compte de toutes les personnes, peu importe leur situation, qu'elles travaillent ou pas, mais qu'elles se retrouvent en situation de pauvreté et d'exclusion à cause de conditions de vie.

M. Sirros: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mmes O'Cain et Cossette, merci, au nom de tous les membres, d'avoir participé à cette commission. Les échanges vont sûrement permettre d'alimenter la réflexion de tous les membres. Merci.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants de la Fédération québécoise des municipalités à bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

 

(Reprise à 11 h 44)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant M. Michel Belzil, qui est président de la Fédération québécoise des municipalités, de même que Mme Marie-Joëlle Brassard, conseillère en recherche et politique. Alors, sans plus tarder, M. Belzil, je vous cède la parole. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Belzil (Michel): Mme la Présidente, Mme la ministre de la Solidarité sociale, Mmes, MM. les parlementaires, écoutez, c'est avec grand plaisir qu'on constate que vous avez pris le temps de nous entendre, en dernier lieu bien sûr de cette grande commission parlementaire, mais pour vous dire qu'on a des choses importantes à vous mentionner.

Et d'entrée de jeu, je vous dirais que la Fédération québécoise des municipalités accueille favorablement le projet de loi n° 112 sur la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale et félicite le gouvernement de son approche.

Du point de vue de la FQM, la force de ce projet de loi réside dans la reconnaissance du rôle de la collectivité et de tous ses acteurs pour soutenir les personnes démunies dans leur démarche pour transformer leur situation. Ainsi, les groupes communautaires, les entreprises, les élus locaux et la population dans son ensemble sont interpellés pour agir sur les conditions qui pourraient favoriser l'inclusion des personnes. L'approche préconisée dans le projet de loi n° 112 conduit à des mesures qui visent l'appropriation par les collectivités de leur levier de développement comme étant une voie à emprunter pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.

Trois préoccupations sont exprimées dans ce mémoire. La première porte sur le constat qu'il existe au Québec des territoires à forte concentration de pauvreté. Ainsi, plusieurs MRC sont aux prises avec un ensemble de conditions de dévitalisation, ce qui affaiblit d'autant leur capacité d'agir. En deuxième lieu, la Fédération veut attirer l'attention sur les causes de cette exclusion territoriale qui découlent notamment d'une logique de financement des politiques et des programmes sociaux qui perdure depuis bon nombre d'années. Si aucune action n'est entreprise pour redresser cette situation, le déclin de certaines régions du Québec ne peut que s'accentuer. Et une troisième préoccupation porte sur la nécessité, dans le plan d'action gouvernemental, de prendre en compte l'intégration entre les territoires locaux, régionaux et nationaux.

Avant d'élaborer sur ces préoccupations, nous souhaitons rapidement préciser quel rôle jouent actuellement les municipalités en lien avec la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, bien sûr que le monde municipal intervient abondamment sur la qualité de vie et le niveau de vie de l'ensemble des citoyens qu'il représente. Alors, l'engagement du monde municipal et celui des groupes locaux contribuent à maintenir des liens sociaux essentiels à la cohésion, à la solidarité et à l'établissement d'un climat de prise en charge collective. Les intervenants du monde municipal connaissent bien les valeurs qui animent les citoyens, valeurs à la base d'une mobilisation porteuse de développement. Le monde municipal est un milieu à dimension humaine, susceptible de briser l'isolement et de favoriser l'intégration des personnes. En ce sens, le palier municipal s'inscrit parfaitement dans les orientations du projet de loi n° 112, notamment pour développer et renforcer le sentiment de solidarité et la cohésion sociale dans l'ensemble de la société québécoise afin de lutter collectivement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

La problématique de la pauvreté en région. L'approche préconisée par le projet de loi n° 112 reconnaît qu'un ensemble de conditions contribue à accroître la pauvreté et l'exclusion. En effet, il a été démontré, par exemple, que la pauvreté affecte le niveau de santé de la population. L'Organisation mondiale de la santé a bien établi ce lien entre la pauvreté et un mauvais état de santé. C'est la situation de plusieurs régions du Québec où le taux de chômage élevé se double d'un accès plus difficile aux services de santé. En effet, on compte 52 MRC au Québec qui présentent un taux de chômage supérieur à la moyenne québécoise. Sachant que le non-emploi a un effet négatif sur l'état de santé, on peut déduire que la consommation de services de santé dans les MRC en région est plus élevée per capita, alors que le financement public de ces services y est souvent jugé insuffisant. En effet, plusieurs petites municipalités du Québec doivent composer avec des services déficients ou inexistants.

Or, selon Côté et Larouche, la logique qui prévaut dans les différents ministères pour subventionner les services accélère le déclin des régions. Face à un exode continu de leur population, ces régions font face à une baisse persistante des ressources financières qui leur sont attribuées par les instances publiques. La santé et l'éducation sont des exemples éloquents. Cette logique de financement accentue sans cesse les écarts entre les régions des périphéries et les centres plus populeux. Les chercheurs expriment ainsi la situation: d'un côté, des populations régionales manquant chroniquement d'emplois et de revenus, perdant leur population jeune, productive et formée, manifestant un état de santé plus détérioré pour l'ensemble des groupes d'âges et des problématiques de santé; d'un autre côté, des populations régionales présentant pour le moment des caractéristiques inverses. Le phénomène de la concentration démographique autour des grands centres ? depuis longtemps voulu et maintenant réalisé ? entretient et accroît sans cesse ce clivage qui prend de plus en plus l'allure d'un divorce objectif entre les populations qui composent le Québec.

n(11 h 50)n

Les exemples sont nombreux où l'on observe une concentration de la pauvreté sur des territoires entiers. Ainsi, force est de constater que, pour près de la moitié des MRC du Québec, on observe à la fois des niveaux de scolarité et des revenus moyens par ménage plus faibles que la moyenne du Québec, en même temps que le taux de chômage y est plus élevé. Ces trois facteurs sont présents dans 43 MRC sur 96 au Québec.

De plus, toutes les MRC situées dans le Bas-Saint-Laurent, exception faite du centre qu'est Rimouski-Neigette, présentent des taux de scolarité et de revenus par ménage inférieurs à la moyenne québécoise en même temps qu'un taux de chômage plus élevé. Cette situation prévaut aussi dans toutes les MRC de la Mauricie, les MRC du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue et de Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine. Ces conditions de dévitalisation contribuent à affaiblir la capacité d'agir du milieu. Par ailleurs, on observe des localités où les écarts de revenus par ménage, en-dessous de la moyenne québécoise, oscillent entre 5 000 et 10 000 $ annuellement. C'est le cas de 39 MRC qui font face à des écarts de revenus par ménage de l'ordre de 5 000 $.

Des recherches récentes, notamment celle de Polèse et Shearmur, indiquent que la population et l'emploi continuent de se concentrer à l'intérieur et aux abords des grands centres urbains. Les chercheurs ajoutent que rien ne permet de croire que les nouvelles technologies vont modifier cette dynamique, car elles ne contribuent pas à abolir la distance. Des coûts plus élevés en transport contribuent à augmenter les coûts de production des entreprises ainsi que les prix pour la consommation de biens et services courants. Les chercheurs précisent que le départ des plus scolarisés vers les centres contribue à abaisser les initiatives innovantes en région, créant en même temps des pénuries de ressources qualifiées.

À l'instar de Côté et Larouche, Polèse et Shearmur n'annoncent cependant pas la mort des régions et des municipalités moins populeuses. Ils proposent plutôt un ajustement nécessaire des politiques gouvernementales, notamment en matière de services publics, un changement de mentalité à l'égard du développement local et régional et l'adaptation des stratégies de développement aux spécificités régionales.

Suite aux observations soulevées, il est indéniable que des conditions contribuent ensemble à l'appauvrissement et à l'exclusion de territoires entiers. Ces conditions sont les suivantes: un bilan migratoire négatif qui va en s'accentuant, qui a un impact sur le financement des services; un faible niveau de scolarité; une précarité des emplois disponibles; une difficulté à se déplacer sur un territoire; une consommation de services de santé plus élevée que la moyenne nationale, en lien avec des taux élevés de non-emploi; un accès difficile aux services de santé; une difficulté d'accéder aux ressources pour soutenir les collectivités et les individus dans leurs démarches pour maîtriser leurs conditions de vie.

Des mesures plus drastiques devront être prévues dans l'établissement des politiques et programmes pour renverser les tendances observées. C'est pourquoi la FQM souhaite que le gouvernement établisse, dans ses politiques de financement des services aux populations, un ensemble d'indicateurs qui tienne compte des réalités des municipalités moins populeuses.

Par ailleurs, la Fédération croit que l'application d'actions structurantes pour lutter contre la pauvreté devra nécessairement être ciblée localement, sur le plan des moyens comme du financement. C'est l'objet de la prochaine partie.

Finalement, des actions locales dotées de moyens et de ressources. Le projet de loi n° 112 présente un fonctionnement d'ensemble qui repose, entre autres points, sur la constitution d'un fonds affecté au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La Fédération considère ces orientations intéressantes quoiqu'elle se soucie de l'arrimage entre les paliers nationaux, régionaux et locaux, et ce, sans alourdir outre mesure le fonctionnement.

Il est heureux que le projet de loi n° 112 propose une mobilisation et un engagement des citoyens pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Mais, pour ce faire, les localités devront avoir le contrôle de leurs moyens d'action et des ressources pour être en mesure de se mobiliser et d'agir collectivement.

Une structure nouvelle n'est pas souhaitée par la Fédération pour appliquer des mesures de lutte à la pauvreté et à l'exclusion. Il va sans dire que l'application de la politique de la ruralité a permis aux acteurs locaux d'amorcer des démarches de réflexion et de mobilisation des communautés. L'importance de renforcer les liens de cohésion et de solidarité à la base même du développement est donc de plus en plus reconnue. Également, sur le plan de la lutte à la pauvreté, les fonds d'économie sociale sont déjà en opération à l'échelle du territoire d'appartenance des MRC, ce qui ajoute aux réflexions des acteurs terrain sur la maîtrise de leurs conditions de développement.

Le palier municipal est près du citoyen et permet une intervention efficace qui correspond aux besoins particuliers de la population. En ce sens, le plan d'action prévu dans le projet de loi devrait comprendre des moyens concrets qui s'adressent aux localités. Le Fonds de lutte à la pauvreté devrait s'inscrire au sein des MRC, là où une réflexion et une dynamique sont déjà enclenchées depuis l'adoption de la Politique nationale de la ruralité.

Suivant le principe de la subsidiarité, un fonds décentralisé devrait être attribué aux MRC pour subventionner les initiatives qui visent l'intégration sociale et à l'emploi, pour appuyer également la création d'entreprises en avantageant certains territoires déstructurés qui font face à une dévitalisation plus importante. En ce sens, l'article 17 du projet de loi indique que le ministre peut établir des ententes entre les partenaires nationaux, régionaux et locaux. On y lit aussi que: «Le ministre peut, dans le cadre de ces ententes et aux conditions qu'il détermine, verser une aide financière pour soutenir la réalisation d'initiatives spécifiques.» La Fédération suggère que ces soutiens s'adressent aux MRC et ciblent les territoires qui sont aux prises avec une dévitalisation plus importante.

D'autre part, comme les municipalités jouent un rôle fondamental dans la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale de par l'ensemble des services qu'elles rendent aux populations, il y aurait lieu d'accroître substantiellement l'enveloppe de péréquation actuellement consentie aux municipalités pauvres. Cette enveloppe est de l'ordre de 36 millions de dollars par année et elle a été réduite temporairement à 26 millions de dollars, puisqu'une partie sert à financer les mesures de neutralité suite aux fusions municipales. Or, l'ensemble des budgets municipaux totalisent 9 milliards de dollars; c'est donc moins de 0,5 % des budgets totaux.

Je vais sauter immédiatement aux recommandations, comme on m'en fait signe.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Belzil, puisqu'il reste à peine une minute et quelques secondes, alors...

M. Belzil (Michel): J'aurais aimé vous parler d'un observatoire sur les réalités locales. On pourrait... vous pourriez nous lire...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il y aura sûrement lieu de continuer durant les...

M. Belzil (Michel): Alors, les recommandations rapidement. C'est:

Que le gouvernement établisse, dans ses politiques de financement des services publics, un ensemble d'indicateurs qui tient compte des réalités des municipalités moins populeuses pour abaisser le niveau de pauvreté et d'exclusion des collectivités; Que le gouvernement investisse localement pour appliquer des actions structurantes pour lutter contre la pauvreté;

Que le gouvernement inclue la notion de collectivité dans sa définition de pauvreté et d'exclusion, certains territoires pouvant alors faire l'objet d'une attention soutenue et d'interventions ciblées;

Que le gouvernement accroisse de façon significative l'enveloppe de péréquation municipale;

Que le gouvernement priorise, dans son plan d'action, des collectivités déstructurées en tenant compte de certaines orientations qui sont un ensemble d'éléments que je vais passer, mais que vous retrouvez dans le mémoire et qui sont très importants;

Que le gouvernement verse un fonds décentralisé aux MRC pour subventionner des initiatives qui visent l'intégration sociale et à l'emploi, pour appuyer la création d'entreprises, en avantageant certains territoires déstructurés;

Qu'un chantier de recherche au sein de l'Observatoire sur la pauvreté et l'exclusion porte sur une démarche d'intervention collective en impliquant les acteurs des collectivités déstructurées; et

Que le gouvernement intègre dans son plan d'action un élément de prévention qui vise à sensibiliser l'ensemble de la société sur les préjugés relatifs à la pauvreté et à l'exclusion.

n(12 heures)n

En conclusion, c'est au palier local que la pauvreté et l'exclusion se vivent et c'est aussi à ce niveau que les actions se posent. En ce sens, il est primordial que les municipalités, qui connaissent bien leur réalité, soient soutenues financièrement dans leur démarche pour mobiliser tous les groupes de la communauté. C'est aussi dans cette perspective que la Fédération insiste pour que l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion amorce un chantier d'étude adapté aux particularités des municipalités fortement dévitalisées. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, M. Belzil. Nous allons donc immédiatement passer à la période d'échange. Je cède la parole à Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Belzil et Mme Brassard, je tiens à vous remercier pour avoir, d'abord, pris le temps, parce vous êtes affairés. On vient de vivre le sommet des régions, et il y a beaucoup de travail qui est demandé à l'ensemble des partenaires de notre société. Parce que lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, non seulement c'est une priorité, mais une préoccupation, mais les gens qui vivent cette situation-là s'attendent justement à ce que chacun puisse davantage arrimer son action pour que l'on pose des gestes concrets.

Vous avez soulevé plusieurs éléments, et nous les partageons totalement, que, peu importe l'ensemble où les citoyens et les citoyennes se retrouvent, elles s'attendent et ils s'attendent à pouvoir avoir des services qui leur permettent justement de pouvoir bénéficier collectivement des richesses que l'ensemble de la société québécoise nous permet. Et, comme nous venons de vivre le Rendez-vous des régions, vous savez que ça a été deux journées où, effectivement, les gens nous ont interpellés de plein fouet, je dirais, sur ces demandes tout à fait légitimes de permettre aux localités locales, régionales d'être arrimées avec le national pour permettre, je dirais, cette couleur particulière de chacune des régions des régions et des territoires. Alors, d'emblée, nous avons indiqué... Et nous le retrouvons tant dans le projet de loi que dans le plan d'action, que dans l'énoncé de notre politique inspirés par des expériences qui ont fonctionné à différents endroits dans les régions, je dirais, soutenus par des chercheurs qui ont été aussi voir qu'est-ce qui se fait et comment on doit prendre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, je pourrais vous dire que ce que vous avez exprimé légitimement, ça a été dit pendant les près de trois semaines ou un mois que nous sommes en commission parlementaire: Permettez-nous, localement et régionalement, d'établir des plans qui vont nous permettre d'intervenir.

Vous avez soulevé aussi le fait que, sur un territoire ou sur une région, vous pouvez avoir des endroits où il n'y a pas de particularités de la pauvreté, où il n'y a pas de concentration, mais il n'en demeure pas moins que les programmes ou les mesures qui ont été mis de l'avant ont besoin, à certains égards, d'être remodelés de façon différente pour répondre plus particulièrement aux besoins des gens. Dans ce contexte-là, notre gouvernement l'a exprimé clairement que c'est l'approche que nous voulons avoir non seulement dans le dossier de la pauvreté et l'exclusion sociale, mais dans plusieurs dossiers.

Vous avez dit tout à l'heure qu'il est extrêmement important que nous puissions permettre aux localités d'avoir, ce que je dirais, leur prise en charge avec leurs personnes, l'arrimage au niveau régional puis qu'on puisse s'arrimer au niveau national. Quand on a confirmé aux gens que nous allions continuer à travailler avec les CRD et des gens nous ont demandé: Nous voulons que certaines MRC puissent assumer leur leadership, rapidement on a des gens qui se lèvent au bâton, indiquant: Bien, attention, là, nous, on ne veut pas que ce soit la MRC, on veut que ce soit le CRD. On ne veut pas que ce soit le CRD, on veut que ce soit l'organisme communautaire sur le terrain. La réponse que j'ai indiquée aux gens: Le gouvernement du Québec, dans son appui, dans son soutien, ne veut pas faire du mur-à-mur, parce que la réalité n'est pas la même. Mais, au niveau de l'imputabilité des deniers publics puis au niveau de la façon de faire, on a indiqué que les instances qui existaient déjà, nous voulions être capables de les renforcir dans leur rôle pour qu'elles puissent justement mieux s'arrimer.

Comment vous, M. Belzil, à partir de votre connaissance sur le terrain, à partir des commentaires que vous avez entendus... Dans le cadre de la stratégie de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, quelle serait la meilleure façon justement pour permettre à la localité et à la communauté d'avoir, ce que je dirais, la bougie d'allumage qui lui dise: Bien, regarde, ça, ça correspond à ce qu'on a besoin et ça ne met pas en conflit ce que j'appellerais le CRD et la MRC? Parce que, au niveau du CRD, tous les représentants de l'ensemble du territoire se retrouvent, on s'entend là-dessus, ils ont identifié des priorités. Mais ce qu'on a dit aussi, c'est qu'on voulait permettre à chacune des MRC de convenir de plans d'action spécifiques à sa MRC pour être capable d'avoir les outils pour intervenir. Alors, comment on démarque cela et comment on le fait pour nous assurer que les gens soient d'accord avec la façon dont le plan va... Parce qu'on va négocier, avec chacune des régions, chacune des entités locales, des ententes spécifiques, alors quelle est la meilleure façon pour vous pour vous assurer que les gens se sentent interpellés puis que ce ne soit pas éteignoir de la façon dont on va le rédiger? C'est surtout ça qui est important, parce que tout le monde est pour la vertu, mais comment on va faire pour y arriver? Puis les gens s'attendent à ce que rapidement nous soyons dans l'action.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Je vous remercie de la question, elle est bien posée, hein, dès le retour du Rendez-vous national. La position de notre Fédération et, je pense, la position de l'ensemble des CRD aussi, l'ensemble des gens autour des CRD et la société civile qu'on a tenté de nous mettre en opposition, pas nécessairement vous dites... Mais je pense que les gens s'attendent à ce qu'on applique sur l'ensemble du territoire du Québec, dans cette nouvelle mouvance de développement régional et des outils qu'on veut nous donner, un grand principe qui s'appelle la subsidiarité. Et les gens comprennent bien ce principe-là, et il est tout à fait simple, et je pense que c'est ce qui devrait nous orienter autant dans le domaine de la lutte à la pauvreté que dans bien des domaines de la société québécoise. Dans le fond, c'est de réfléchir et de faire une offre, hein, au palier qui rend des services, qui rend des comptes, au palier le plus près des citoyens. Alors, autant comme des fonds de la lutte à la pauvreté ou d'autres outils de développement, je pense qu'on devrait d'abord avoir le concept ou l'automatisme d'aller voir est-ce que ça peut s'appliquer au niveau local, est-ce que les projets qui vont émaner du Fonds de lutte à la pauvreté, c'est des projets régionaux ou nationaux ou s'il n'y en a-t-il pas plusieurs... Et je pense qu'il y en a plusieurs qui sont des projets, là, d'ordre très local.

Alors, à ce moment-là, ma perception et ma vision ? et je pense qu'elle est partagée quand on s'en parle bien franchement, hein ? c'est de se dire: Allons donc à ce niveau-là où les gens connaissent très bien la particularité, hein, les particularités de leur territoire, ce qu'ils peuvent faire comme moyens d'action avec les gens du communautaire, avec leur population. Ils les mobilisent déjà à la façon de la Politique nationale de la ruralité, et c'est toujours faisable à tous les niveaux. Alors, la position, c'est bien sûr: Appliquons donc ce principe-là à la base. Je n'ai rien, moi, contre le fait qu'il y ait des éléments qui sont d'ordre régional, mais, comprenons-nous bien, n'arrêtons pas au niveau régional en disant: On vient de faire la job, puis tout est réglé, parce que le niveau régional, avec tout le respect que je lui dois, ce n'est pas celui qui est près de la population comme les élus municipaux ou même les CLD quand ils rendent des formes d'actions de première ligne. Alors, moi, je me répète, mais l'idée, c'est celle-là.

Et, à un moment donné, s'il y a des choses qui doivent être au niveau régional, ce sera au CRD ou ailleurs. Il y a d'autres organisations aussi, hein? On connaît le Fonds de lutte à la pauvreté qui est au niveau régional, mais par un organisme très indépendant et avec des gens ? comment dirais-je? ? importants qui siègent sur ces comités-là où il n'y a pas personne qui va mettre en cause la crédibilité. Mais, dans ces fonds-là, là, dans une nouvelle approche, peut-on dire qu'il y en a aussi, il y a de la place pour une réflexion locale puis qu'il y a des sous aussi pour susciter toute cette émulation-là. Il y a des sous, et les élus locaux, si vous ne le saviez pas, je pense que c'est le temps de vous occuper de la pauvreté dans vos milieux. Alors, moi, je pense, la majorité en sont conscients, mais de l'exprimer nommément de cette façon-là, je vais vous dire que ça va changer le portrait au Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme la ministre.

n(12 h 10)n

Mme Goupil: M. le président, M. Belzil, je suis contente du dernier commentaire que vous venez de faire, parce que, je vais vous dire, dans le plan d'action et dans le projet de loi, vous savez, on a mis toute l'emphase sur comment l'éducation devait avoir extrêmement sa place pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. On est venu parler, tout au long de cette commission, de toute l'importance de soutenir la famille qui est, bien sûr, le premier endroit où on doit soutenir et accompagner les parents dans leurs responsabilités parentales. On est venu dire aussi par différentes personnes, différentes voix toute l'importance de permettre aux localités et aux régions de se prendre en main et de se prendre en charge, et, je vais vous dire, le monde municipal a un rôle extrêmement important à jouer et à assumer. Plusieurs personnes sont venues nous indiquer qu'il y a ? et comme vous l'avez soumis respectueusement ? il y a des gens qui sont plus sensibles à la réalité de la pauvreté et d'autres qui le sont moins pour différentes raisons. Puis le but n'est pas de faire un blâme, mais vous convenez avec moi que, si on n'a pas une société, au Québec, qui est soutenue par un développement social solide, le développement économique durable, là, ça va être plus difficile à atteindre. Alors, votre présence ici, pour moi et pour notre équipe, là, tient compte du fait que vous voulez être partie prenante, mais vous en convenez aussi qu'on a encore du chemin à faire, parce que ce n'est pas évident pour tout le monde. La pauvreté, l'État, à lui seul, ne peut pas réussir, mais c'est vraiment l'implication de tout le monde.

Et je vous prends aux mots en vous disant que nous comptons sur vous également pour faire en sorte que ça puisse être à toutes les rencontres que vous avez sur vos ordres du jour, de faire en sorte qu'à partir de tout ce qui a été véhiculé ici... Et, c'est ce que nous avons dit aussi au Rendez-vous des régions, ce dossier est un projet de société mobilisateur, et il ne faut pas que ce soient les structures qui deviennent des conflits entre les personnes, mais qu'on soit capable de soutenir le mieux possible l'instance et les personnes humaines qui ont un bout de chemin important à faire pour faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, je compte sur vous pour vraiment faire en sorte que nous puissions aller de l'avant, et aussi au niveau des ententes spécifiques que nous avons déjà. Il y a plusieurs ententes spécifiques. Je prends particulièrement celle avec nos services de garde, notre politique familiale, vous savez que chacune des régions, actuellement, va s'asseoir pour regarder comment on pourrait l'élargir pour y inclure toutes les facettes du visage humain de la famille, quel que soit le... et toute l'importance qu'on peut y apporter, et aussi, avec les ententes avec les municipalités, que l'on soit capable davantage de mettre à l'ordre du jour le développement social même si c'est à la fois... Les gens ne s'y retrouvent pas tout de suite, mais quand on creuse un petit peu puis on voit que la pauvreté et l'exclusion sociale... C'est ce qui va nous permettre justement d'habiter nos régions encore davantage puis de faire en sorte que les gens vont avoir le goût puis les capacités d'y demeurer. Alors, nous comptons beaucoup sur les municipalités pour qu'elles soient partie prenante au niveau local également, pour s'assurer du suivi quand le plan d'action va être adopté. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Masson. Très rapidement, il reste trois minutes.

M. Labbé: Il nous reste trois minutes, Mme la Présidente? Merci, M. Belzil, Mme Brassard, pour la présentation de votre mémoire. Avoir eu plus de temps, je vous aurais donné la possibilité de parler de l'Observatoire. Je pense que vous aviez des choses à nous dire là-dessus.

Moi, je voulais vous poser une question sur toute la notion de la gestion des préjugés au niveau des municipalités, hein? Vous le savez comment ce n'est pas toujours évident. Juste en termes des logements sociaux, par exemple, hein, il y avait des municipalités qui disaient: Nous autres, on n'en veut pas, on a peur que ça crée des ghettos, toute la gestion de la pauvreté en termes de services de transport, de ci, de ça, de parcs, etc. Alors, il y a des municipalités qui, carrément, disaient: Nous autres, on n'en veut pas.

Et, dans un stade où, à un moment donné, on dit: Non, non, là, c'est fini, ce temps-là, là, ça a été un temps, à un moment donné il y a peut-être moyen de faire d'autres choses ensemble en termes de partenariat gouvernement puis les municipalités pour dire comment on pourrait éliminer ces fameux préjugés là face à la pauvreté. Je ne sais pas si vous avez des idées par rapport à ça pour dire: Écoutez, finalement, là, c'est un plus pour une municipalité d'avoir justement tous les types d'échantillonnage. Y a-tu quelque chose qu'on peut faire ensemble en termes de partenariat? Avez-vous des idées pour éliminer ces fameux préjugés là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Bien, moi, je suis 100 % d'accord avec votre énoncé. Je ne suis pas là pour prendre les décisions dans chacune des municipalités. On en connaît même ici, à Québec, anciennement des grandes municipalités qui avaient pris le pari inverse à la création de logements sociaux. Écoutez, dans le fond, là, ce que je voudrais dire aussi et que je voulais dire tantôt, c'est qu'il manque aussi au Québec, quand on arrive au niveau local, des municipalités, une certaine clarification des mandats, hein? Quand les mandats sont clairs, qu'on sait ce qu'on attend de nous, et qu'on est d'accord, puis on a fait une entente avec le gouvernement, eh bien on s'en va dans la bonne direction et on y va tête baissée.

C'est la même chose un peu dans le logement social. Ce qu'on préconise souvent, c'est que des actions dans ce domaine-là devraient peut-être être discutées au niveau du supralocal. O.K.? Quand on amène une discussion au niveau du supralocal, qui s'appelle la MRC bien souvent, je pense que c'est là que les gens convergent dans certains objectifs. Et, s'il y a des municipalités ou des villes qui s'investissent beaucoup dans le logement social et d'autres moins, je pense que le forum de discussion... Et là on pourra arriver à une meilleure distribution, hein, de cette préoccupation-là. C'est au niveau du supralocal. Alors, souvent on parle de MRC et de municipalités. Oui, pour les municipalités quand ça s'applique à elles, mais, à un moment donné, il faut élever le débat, il faut élever la discussion, et c'est au niveau supralocal, souvent, qu'on trouve des solutions.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous allons donc poursuivre les échanges avec M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue M. Belzil, Mme Brassard. C'était très intéressant de vous avoir ici aujourd'hui, surtout, comme vous l'avez souligné vous-même et la ministre, tout de suite après le sommet de la semaine passée sur les régions et toute cette discussion au niveau de la décentralisation, et il me semble qu'il y a une certaine dissonance entre un discours qui parle de décentralisation puis certaines actions, tout au moins quand il s'agit de... le projet de loi qui me préoccupe ici, lutte à la pauvreté. Quand on l'examine et si vous l'examinez... Et je pense que vous l'avez vu de cette façon-là en réclamant ni plus ni moins un plus grand rôle des élus locaux dans leur milieu, parce que, effectivement, ce sont des gens qui vivent de près ces situations-là, et il me semble... Et nous partageons avec vous la nécessité, dans une perspective de décentralisation, d'identifier les élus locaux ou les élus tout au moins comme l'instance première de responsabilité, parce qu'il faut que ce soient des gens... S'il y a des pouvoirs qui seront conférés, il faut qu'il y ait des gens qui sont redevables devant la population de façon directe par rapport aux responsabilités qu'ils assumeront.

Nous avons ici un projet de loi qui parle de... qui est une loi visant à la lutte à la pauvreté, à l'exclusion sociale. Ni plus ni moins, le projet de loi établit les grands paramètres de cette lutte, établit les axes d'intervention, encadre, en quelque sorte, cette lutte. Donc, ça aurait pu être normal de s'attendre, dans un contexte d'un discours de décentralisation, que la suite des choses vienne au niveau local, ou régional, ou supralocal, comme vous l'avez indiqué vous-même. Or, quand on regarde la substance éventuelle qui va en découler de la loi, il s'agit du plan d'action. Parce que la loi elle-même, comme je disais, établit les grands principes, mais le plan d'action, lui, va être adopté par le gouvernement, décidé par le gouvernement à Québec.

Donc, ma question spontanée, c'est: Pourquoi on n'aurait pas pu envisager une situation où, à Québec, on adopte effectivement la loi, qui donne les orientations, mais qu'on délègue réellement au niveau supralocal, par exemple, la confection des plans d'action, et les fonds qui vont avec, et la responsabilité de l'appliquer en vous rendant redevables devant vos citoyens? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu là une réelle façon d'envisager une décentralisation et faire une lutte à la pauvreté probablement plus efficace parce qu'il s'agirait de mettre à profit les personnes le plus directement au contact avec la réalité locale? Qu'en pensez-vous de cette notion d'avoir à Québec la décision sur le plan d'action, que c'est un plan d'action gouvernemental et non pas des plans d'action en région?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Bien, écoutez, votre propos est juste quand vous parlez de décentralisation vers les niveaux locaux, supralocaux. C'est comme dans toute chose actuellement, on attend du gouvernement, hein, des précisions en matière de décentralisation. O.K.? Le Rendez-vous national, la semaine passée, je m'attendais à ce qu'on clarifie certaines choses en matière de décentralisation, les grands principes, qu'on parle de démocratie, d'imputabilité, de subsidiarité, près des citoyens, etc. Bien sûr qu'on en parle, mais je vous dirais que ça a été un peu entremêlé, entrechoqué, hein, et finalement on en arrive avec... Finalement, on en arrive à dire: Définissons-la région par région, faisons des expériences-pilotes, et on verra. Bien sûr que le message du premier ministre, c'est de décentraliser dans les instances qui rendent des comptes, mais ce n'était pas tout à fait toujours clair.

n(12 h 20)n

Alors, vous avez raison que cet énoncé-là n'est pas sur la table, et nous, à la Fédération, quand on parle de décentralisation, on s'attend à ce que ça aille dans le sens de vos propos et on voudrait, bien sûr, qu'il y ait un énoncé clair, clair là-dessus. Et je pense qu'il y a quelque chose qui... Il y a un suivi, hein, il y a une commission parlementaire qui fait acte de suivi au Rendez-vous national, et c'est à ce niveau-là, ce sont les ministres régionaux qui vont discuter de la suite des choses en matière de régionalisation, décentralisation, etc., et moi, je pense que là c'est à ce niveau-là qu'on va intervenir, on va tenter d'intervenir. Je pense que Mme la ministre comprend ? comment je dirais ça? ? nos doléances, hein, historiques, nos préoccupations, puis je pense qu'il faudrait absolument sortir de cette commission-là avec un énoncé clair, comme vous le dites.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Si je pousse un peu plus loin, donc, dans le contexte de l'adoption de cette loi, je présume que vous souhaiteriez voir des amendements apportés pour refléter cette décentralisation réelle au niveau de l'objectif de lutte à la pauvreté. Et est-ce que j'ai tort de penser que ce serait plus au niveau du plan d'action que vous aimeriez voir ce pouvoir entre les mains de l'instance supralocale ou locale avec les fonds qui vont avec plutôt... Et dans un sens de subsidiarité, comme vous avez dit, parce que subsidiarité, c'est donner la responsabilité au niveau du gouvernement qui est le mieux adapté, le mieux capable de répondre de façon naturelle à cette question-là. Donc, est-ce que c'est à ce niveau-là que vous souhaiteriez voir des changements réels, immédiats, concrets par rapport à la loi?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil...

M. Sirros: Parce qu'on peut discuter, mais on va aboutir, à un moment donné, au niveau de l'étude article par article.

M. Belzil (Michel): Nous, ce qu'on dit, là, c'est que l'approche est intéressante, on ne va pas contre l'approche. Quand on parle de décentralisation, à ce moment-ci, ce qu'on parle particulièrement, c'est de fonds, hein? On n'est pas nécessairement à revendiquer la grande responsabilité, hein, de lutte à la pauvreté. Je pense qu'on l'a dit, il y a le niveau national, régional. Mais, quand on parle particulièrement de fonds ? et ça, ça fait partie de notre discours ? décentraliser des fonds aussi. Et, souvent, nos gens qu'on représente aiment mieux qu'on dise: Décentralisons des fonds, la responsabilité ira avec, que de décentraliser des responsabilités pas de fonds. Alors, on parle de plus en plus de décentraliser des fonds. Donc, ce qu'on dit, nous, là-dedans, c'est que les fonds qui vont être mis en place suite à l'adoption du projet de loi, bien, qu'il faut qu'il y en ait particulièrement dans les milieux locaux, là où l'action se passe, là où les projets sont de dimension humaine, dimension... Alors, ça s'applique particulièrement aux fonds. Décentralisons les fonds.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Parce que j'ai l'impression, il s'agit de décentraliser les fonds au niveau qui va correspondre aux responsabilités aussi. Je ne crois pas que personne va dire, par exemple: Les grandes responsabilités qui sont panquébécoises, si vous voulez, santé, éducation, formation de la main-d'oeuvre comme telle, soient des responsabilités qui soient décentralisées. Par contre, quand je reviens sur le projet de loi de façon précise et je regarde le fait qu'il va y avoir un plan d'action pour donner suite à la stratégie, il doit donc y avoir probablement des éléments qui vont relever des grandes responsabilités, mais il va y en avoir un bon paquet qui seront des activités et des actions qui vont opérer sur le plan local, mais qui seront financées à partir du fonds central en fonction de la responsabilité que se garde le gouvernement central ici, à Québec, de décider de l'ensemble du plan d'action et de l'adopter dans son ensemble plutôt que de déléguer de façon réelle une responsabilité quant aux actions locales tout en se gardant les grandes orientations au niveau des grands enjeux. Donc, si j'interprète, vous souhaiteriez donc voir des amendements apportés à la loi qui vont permettre d'aller dans ce sens-là, si je comprends bien.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Écoutez, dans la perspective où est-ce qu'on saisit un peu mieux, là, votre propos... Écoutez, nous, tout à fait. Dans le plan d'action, hein, quand viendra le temps d'attribuer des fonds ou des responsabilités, on pourra en discuter, mais on plaide pour la décentralisation vers les milieux locaux. Alors, on ne demande pas tout vers les milieux locaux, mais les choses qui sont d'application locale, on souhaite que ça s'en aille vers ce réceptacle-là pour décider des projets et des responsabilités tout en prenant soin de clarifier quelles sont-elles, ces responsabilités.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Et je veux juste, pour qu'on clarifie ça... pour qu'on s'entende que décentralisation, ce n'est pas la même chose que délégation.

M. Belzil (Michel): Tant qu'à moi, écoutez, quand on parle de décentralisation, on se comprend, ce n'est pas de la régionalisation de fonds, c'est des gens qui prennent acte des particularités de leur territoire et qui, en fonction de ces particularités-là, utilisent les fonds pour le mieux de leur collectivité. Ça pourrait être quelque chose de différent en Gaspésie comme en Estrie, c'est évident. Il n'y a pas de mur-à-mur. Alors, le mot «décentralisation» fait appel, oui, à une possibilité de décider par le milieu, avec des critères du milieu, bien sûr.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: On sait qu'il y a aussi, du côté du ministère des Affaires municipales, la démarche des contrats de villes. Comment vous le voyez, ça? Et est-ce qu'il y a un lien à faire avec ce dont on discute ici? Ce n'est pas tout à fait une décentralisation, mais comment est-ce que vous réagissez face à ça? Et comment est-ce que vous placez... Où est-ce que vous placez la question de la lutte à la pauvreté à l'intérieur de ces contrats de villes si vous l'aviez placée?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil.

M. Belzil (Michel): Bien, écoutez, si j'ai bien saisi le gouvernement la semaine passée, c'est la forme où il veut placer la décentralisation. Finalement, on réfléchit sur les éléments qui seraient intéressants à prendre comme responsabilités avec les sous qui sont afférents et on fait une entente avec le gouvernement sur ces éléments-là, divers éléments. Alors, dans les mois qui viennent, les municipalités, les MRC sont conviées à pousser la réflexion sur les éléments qu'ils voudraient voir décentraliser dans leur milieu. Suite à ça, une entente avec le gouvernement négociée, bien sûr, là-dessus.

Alors, dans ce sens-là, c'est un peu la même chose que des contrats de villes où ce sont des ententes avec le gouvernement négociées sur des éléments que les villes veulent se voir décentraliser comme décisions avec les fonds. Bien sûr que là il y a peut-être des... Je vous dirais, c'est subtil, mais il y a sûrement des critères nationaux à respecter, là, dans les contrats de villes. C'est peut-être là qu'est la différence, mais il faut toujours voir dans ces éléments-là l'ampleur aussi des fonds, hein? Si c'est des fonds, là, très, très, très importants, il faut voir comment on peut négocier ça avec le gouvernement. On ne s'attend pas nécessairement à des fonds de cette importance-là, mais à des fonds pour, bien sûr, s'entendre dans nos territoires.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, ça va, M. le député de Laurier-Dorion?

M. Sirros: Merci beaucoup. Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Belzil, Mme Brassard. merci pour votre participation aux travaux de cette commission. Là-dessus, je vais donc suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30, cet après-midi, dans cette même salle où nous allons poursuivre et terminer nos consultations.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 15 h 28)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant notre dernier groupe, non le moindre bien sûr, Centraide du Grand Montréal. Comme vous le savez, nous avons entendu des représentants de 132 groupes ou personnes qui ont déposé des mémoires. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Mme Michèle Thibodeau-DeGuire. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous demanderais, bien sûr, de nous faire connaître les personnes qui vous accompagnent, d'identifier les personnes qui vous accompagnent et je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Alors, je vous cède la parole, Mme Thibodeau-DeGuire.

Centraide du Grand Montréal

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Merci, Mme la Présidente. Alors, nous sommes très heureux d'être ici. Avec moi, c'est deux membres du conseil d'administration de Centraide, le vice-président du conseil et le trésorier. M. Jacques Régis, qui est le vice-président du conseil, est aussi président d'Hydro-Québec TransÉnergie et il a aussi, cette année, présidé le chantier sur le développement philanthropique avec M. Jacques Bougie, autrefois d'Alcan. Dans le cas de M. Jean-Jacques Bourgeault, qui est le trésorier, comme je vous disais, il est directeur de l'Institut de formation et de perfectionnement de l'IATA, et M. Bourgeault, lui, a coprésidé avec Pierre Paquette le chantier sur les enjeux sociaux qu'on a mené en 2000 et 2001. Et moi-même, j'ai eu l'honneur de participer aux travaux du groupe-conseil de la stratégie de la lutte à la pauvreté. Nous prendrons la parole tous les trois, Mme la Présidente, si vous permettez.

n(15 h 30)n

Alors, dans un premier temps, je veux remercier la commission des affaires sociales de nous permettre de présenter les grandes lignes de notre mémoire. D'entrée de jeu, je veux vous dire que nous appuyons avec enthousiasme la décision de doter le Québec d'une loi pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale. Elle aura, en effet, la chance d'optimiser les leviers gouvernementaux et de créer des conditions favorables à la mobilisation de tous pour faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale.

Je dirais, d'entrée de jeu, que nous souhaitons attirer votre attention sur un aspect fort important du préambule du projet de loi, soit la nécessité de mobiliser l'ensemble de la société québécoise dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. On n'a pas l'intention d'élaborer sur le sujet de lutte à la pauvreté, et cela, même si nous avons plus de 25 ans d'expérience dans ce domaine. Le sujet a été largement débattu lors des présentations de vos 132 mémoires, j'en suis certaine. Au lieu de renchérir là-dessus, on va plutôt se concentrer sur un autre aspect que nous connaissons bien, soit la mobilisation des donateurs et des bénévoles de la société civile du Grand Montréal pour les faire participer à un vaste mouvement de solidarité qui réunit des centaines de milliers de personnes.

J'aimerais commencer avec une anecdote peut-être pour illustrer mon propos. Chaque année, nous avons, dans le Grand Montréal, l'opportunité de faire des présentations dans les milieux de travail pour faire comprendre aux gens la profondeur des problèmes de la pauvreté. Lors d'un de ces lancements de campagne, pour ne pas le nommer, à Radio-Canada, je rencontrais une centaine de solliciteurs et, lors de ma présentation sur l'importance de supporter Centraide, j'ai terminé ma présentation en leur disant que, dans le fond, c'est une chance que de pouvoir donner, on ne réalise pas que c'est une chance. Suite à moi, une jeune fille qui a été aidée par un de nos organismes à Saint-Constant est venue faire un témoignage. Cet organisme, Benado, aide les jeunes qui sont aux prises avec la violence, avec la toxicomanie. Une très belle jeune fille de 17 ans qui est venue dire que, elle, elle s'injectait de la drogue par les yeux et que son père abusait d'elle. Bien sûr, ça a secoué les gens qui écoutaient, et, quand ils l'ont vue, ils se sont dit: Oui, il y a moyen de s'en sortir. Mais je pense que ce qu'il y a de plus important, c'est ce qui s'est passé par la suite. Alors que je ramassais mes papiers, elle est venue à côté de moi et elle m'a apporté ceci, 5 $. Elle voulait faire sa part, elle aussi, pour Centraide. La société civile, c'est tout le monde.

M. Régis (Jacques): Alors, je vais poursuivre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, je vous en prie, M. Régis.

M. Régis (Jacques): Alors, c'est un bel exemple, je pense, qui illustre bien tout le sens de la mission de Centraide. Créé en 1976, Centraide Grand Montréal est l'un des 18 Centraide du Québec. Notre mission est de rassembler le plus de ressources financières et bénévoles possible dans le but de promouvoir l'entraide, l'engagement social et la prise en charge comme autant de moyens d'améliorer la qualité de vie de notre collectivité et de ses membres les plus vulnérables. Notre action couvre un vaste territoire où résident 3 millions de personnes comprenant, entre autres, Montréal, Laval et la Rive-Sud. On retrouve dans ces régions d'importantes concentrations de personnes défavorisées matériellement et socialement.

Il est normal que l'on mesure le succès d'un organisme philanthropique aux résultats de ses campagnes de souscription. À cet égard, la campagne de souscription 2001 de Centraide du Grand Montréal a permis de recueillir 39 millions de dollars. En 10 ans, les donateurs nous ont confié près de 250 millions de dollars pour aider des personnes dans la pauvreté.

Toutefois, les montants recueillis sont une chose, mais il y a un autre facteur qui est encore, à notre avis, aussi important, c'est l'effet mobilisation des citoyens et citoyennes qui désirent s'impliquer. Alors donc, il faut regarder aussi le nombre de personnes bénévoles qui manifestent concrètement leur engagement envers les plus démunis de notre société dans le cadre de nos activités et qui donnent tout son sens à notre signature institutionnelle, Des gens qui aident des gens qui aident des gens.

Sur une base annuelle, bien entendu, la campagne annuelle de Centraide est un moment fort, un temps de mobilisation et de sensibilisation. On n'a qu'à se rappeler: deux coprésidents de campagne qui s'associent à 35 dirigeants d'entreprises et d'organismes syndicaux, publics et communautaires pour former le cabinet de la campagne annuelle; 1 800 directeurs de campagne et 22 000 bénévoles dans quelque 1 500 milieux de travail; 200 porte-parole issus d'organismes communautaires qui sensibilisent des milliers de personnes dans le cadre des 750 témoignages en milieu de travail; 200 000 donateurs qui décident volontairement de contribuer financièrement.

Mais, au-delà de la campagne annuelle, la mobilisation aussi se passe à tous les jours. Et, jour après jour, des bénévoles travaillent à faire la différence. On a 85 bénévoles au sein de Centraide, à Montréal, qui s'occupent des comités d'allocation des fonds, 46 000 bénévoles qui oeuvrent au sein des 325 organismes et projets soutenus par les dons de Centraide Grand Montréal et qui viennent en aide à quelque 500 000 personnes, ce vaste mouvement de solidarité réunissant des centaines de milliers de personnes qui donnent temps et argent et contribuent à développer une conscience accrue de la pauvreté. Nous savons aussi que le financement partiel des organismes communautaires par une source philanthropique non gouvernementale contribue à leur vitalité et à leur autonomie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bourgeault.

M. Bourgeault (Jean-Jacques): Merci. Bonjour. Alors, je vais vous parler de Centraide acteur du développement social. En tant qu'acteur du développement social, Centraide du Grand Montréal soutient l'action communautaire et promouvoit la prise en charge, la prévention, l'entraide et le bénévolat. En 2000-2001, j'ai eu l'occasion ? je devrais dire le privilège ? de coprésider un important chantier sur les enjeux sociaux auquel ont participé une centaine d'experts, de praticiens et de représentants de l'ensemble de la communauté. On a apporté avec nous quelques copies des résultats du chantier, puis je vous assure que c'est une lecture passionnante. Ce chantier a permis d'identifier les enjeux prioritaires suivants: soutenir les familles et les jeunes en difficulté; améliorer les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté, de fragilité ou d'isolement; favoriser l'intégration sociale des personnes qui vivent des situations d'exclusion; et soutenir le développement des communautés. Ces orientations découlent de notre vision de bâtir des communautés d'entraide, c'est-à-dire de créer des liens entre tous les milieux pour faire du Grand Montréal un lieu où les personnes les plus vulnérables pourront vivre dignement. Merci.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Enfin, j'aimerais maintenant faire quelques commentaires sur la création de l'Observatoire. La pertinence de notre action sera toujours tributaire de notre connaissance et de notre compréhension des enjeux de la pauvreté, qui est d'une très grande complexité, comme vous le savez, et des multiples solutions éprouvées. En ce sens, nous nous réjouissons particulièrement de la création prévue au projet de loi d'un observatoire de la pauvreté et de l'exclusion. Nous sommes convaincus que les travaux d'un tel observatoire viendront étayer la lecture des enjeux et des meilleures pratiques de même qu'ils enrichiront l'expérience des personnes directement engagées dans les organismes et les projets de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Ces travaux, cependant, devront rester proches des réalités régionales et locales.

Quelques mots sur la société civile. Pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale, nous devons compter sur tous les secteurs de la société, les secteurs public, privé, mais aussi la société civile. Pour ma part, je côtoie des milliers de donateurs et de bénévoles qui expriment de multiples façons leurs valeurs d'entraide, de solidarité et de générosité. Il me semble fondamental que de tels lieux d'expression et de mobilisation de solidarité soient soutenus par tous les moyens possibles.

n(15 h 40)n

Maintenant, à propos des sources du fonds spécial. Le projet de loi n° 112 prévoit un fonds spécial affecté au financement d'initiatives de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Nous sommes évidemment heureux de constater qu'il y aura des sommes disponibles pour la mise en oeuvre d'initiatives dans le cadre de cette stratégie nationale. Nous attirons toutefois votre attention sur l'alinéa 3 de article 46 qui prévoit que le fonds spécial pourrait aussi être constitué de dons, de legs et d'autres contributions versées pour aider à la réalisation des objets du fonds. Le gouvernement ne doit pas se substituer aux organismes philanthropiques pour recueillir des dons ou des legs destinés à la lutte contre la pauvreté. À notre avis, cette situation entraînera inévitablement une confusion des rôles et mettra en péril une culture philanthropique et bénévole en pleine émergence qui représente pourtant l'une des pierres angulaires de la mobilisation de l'ensemble de la société. Nous réclamons donc instamment le retrait de l'alinéa 3 de l'article 46 du projet de loi.

En conclusion, Mme la Présidente, c'est un bon projet. On est fier que le Québec se dote d'une telle loi, mais il y a un irritant important, celui dont je viens de vous faire part. Mais je vous dirais que je demanderais au gouvernement: Aidez-nous. Le gouvernement peut faire des choses que le secteur philanthropique ne peut pas faire. Mais le secteur philanthropique peut faire des choses que le gouvernement ne peut pas faire. Et, finalement, vous savez, vous pouvez compter sur nous, Centraide, pour contribuer à bâtir des communautés d'entraide dont, un jour, nous serons tous très fiers. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme Thibodeau-DeGuire de même que MM. Régis et Bourgeault. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la ministre.

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Dans un premier temps, je voudrais vous remercier pour avoir non seulement accepté le défi qui avait été lancé à l'époque par mon collègue M. Rochon ainsi que Mme Léger pour votre contribution aux travaux comme membres de cette équipe de gens, disons... J'utilise le terme avec beaucoup d'humilité, ayant une certaine expertise sur le terrain depuis de nombreuses années. Et je tiens aussi à vous remercier pour tout le travail qui est effectué par Centraide sur l'ensemble du territoire québécois. Vous avez raison d'en être fiers, parce que les femmes et les hommes, que ce soit de la fonction publique, de la société civile, de partout, les gens, les Québécois et Québécoises ont le coeur à la bonne place. Et le projet de loi sur la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale n'est pas de vouloir se substituer, bien au contraire, mais se donner un arrimage ensemble pour que les différents partenaires soient capables de mieux arrimer leur action pour que le défi que nous prenons ensemble de faire reculer la pauvreté et l'exclusion sociale, nous soyons capables d'arriver avec des objectifs précis et clairs, mais avec des résultats aussi.

Je voudrais aussi vous rassurer quant à ce que vous avez soulevé à juste titre concernant les dons, legs et autres contributions. L'objectif de la loi, lorsqu'on y retrouve cette référence, n'est pas de se substituer aux organismes comme Centraide, mais, par exemple, c'est plutôt de faire référence à l'appui et au soutien qu'on peut avoir de certains fonds qui existent. Et, on m'en a énuméré, là, quelques-uns, pensons le Fonds forestier, le Fonds de partenariat touristique. Il y a des fonds qui existent dans chacune des régions du Québec et qui permettent une certaine synergie, et qui est structurant dans un milieu. Alors, l'objectif n'est pas de créer en parallèle un autre organisme qui ferait ce que Centraide fait. Alors, ça, je veux vraiment, là... Mais on aura sûrement une façon, peut-être, de l'écrire de façon plus claire pour rassurer l'ensemble des gens qui pourraient... dans lequel les gens pourraient être confus à la lecture du document.

Je voudrais aussi vous indiquer que... Vous avez fait référence tout à l'heure, M. Bourgeault, par rapport à bâtir des communautés d'entraide et soutenir leur capacité d'agir. Ce matin, il y a eu des gens de Trois-Rivières qui sont venus, une coalition qui s'est formée, puis, quand on regarde tout le travail qu'ils ont réussi à faire, ils se sont inspirés des grands principes qu'on y retrouve, et je dirais en toute humilité que le projet de loi, pour des grands pans de mur, s'est inspiré du travail qui a été fait en amont par plusieurs, je dirais, mais particulièrement par le travail de Centraide.

Le défi que nous avons, vous avez soulevé à juste titre que le secteur public, privé, la société civile, les valeurs d'entraide et de générosité, il faut vraiment les mettre... soient soutenues par tous les moyens. Depuis le début, on a été à même de constater que les gens sont venus nous indiquer qu'ils étaient heureux de voir qu'on voulait se donner un encadrement, mais, en même temps, ils ont priorisé beaucoup... certains ont priorisé beaucoup à la fois l'éducation, à la fois le soutien à la famille et, à la fois, aussi toute cette particularité de permettre aux localités régionales et locales d'être partie prenante de ce plan d'action.

Vous avez dit aussi que, dans le cadre de l'Observatoire, qu'on soit capable justement de se donner des mesures pour mesurer et des outils, puis vous avez dit: Il faut surtout s'assurer qu'on y retrouve la couleur locale et régionale, au niveau de l'Observatoire. Selon vous, quelle est la meilleure façon de nous assurer qu'on va tenir compte de ces réalités locales et régionales dans le cadre du mandat qui va être confié à l'Observatoire et au Comité consultatif?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Bien, c'est d'avoir... Je suis certaine que vous avez l'intention d'avoir des oreilles locales, d'impliquer des gens locaux. Vous avez déjà des organismes... Je n'irai pas dans ce côté-là trop, mais je suis certaine que vous avez déjà des moyens, de par les institutions que vous avez déjà en place, locales, qui pourraient nous aider.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Comment aussi on fait pour s'assurer de cet équilibre-là entre l'apport du privé et l'apport des communautés locales? Vous avez fait référence beaucoup aux entreprises, qu'elles doivent s'investir, et on doit s'assurer dans nos nouvelles formules qu'on va développer qu'il puisse y avoir cet équilibre. Quelle est la meilleure façon de nous assurer, dans des projets structurants, d'avoir cet équilibre entre à la fois l'État, qui a à assumer des responsabilités, et l'entreprise privée? Quelle est, selon vous, la meilleure façon dont l'entreprise privée peut participer à un projet de société comme celui de la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale?

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Je vous dirais que, de par notre expérience, les entreprises, c'est du monde, ce sont des individus, et effectivement il y a des employés qui travaillent dans ces entreprises-là. Il y a des mobilisations qui se font justement... Au moment de la campagne Centraide, on le voit quotidiennement, et, justement, il y a des entreprises qui veulent agir dans le milieu où elles travaillent. Et, justement, dernièrement, on amenait des employés d'une entreprise à faire des visites de l'autre Montréal pour bien comprendre la dynamique qu'il y avait, le problème, et montrer qu'il y avait des solutions. Le bénévolat qui va être suscité chez ces employés-là peut être une valeur qui est encore bien plus grande que tout l'argent qu'on pourrait ramasser. Alors, dans ma conception de la société civile, ce sont les gens qui vont donner, oui, des sous, mais aussi qui vont apporter leur temps, leur expertise, leurs réseaux d'influence et de toutes les façons, et, à ce moment-là, ça peut se faire d'une façon concertée quand il y a des projets qui émanent de la base. Je pense aux tables de quartier où justement on peut encourager des entreprises à y participer. Ça se fait déjà dans plusieurs quartiers de Montréal.

Mme Goupil: Alors, je vais laisser...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je vous remercie. Je veux laisser le temps à mes collègues qui sont... Mais je tiens vraiment à vous remercier pour tout le... je dirais non seulement la contribution, mais la lecture que vous faites à la fois du Grand Montréal, mais, sur l'ensemble du territoire, d'avoir cette préoccupation locale et régionale. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Très contente. Vous venez faire presque la fin, la conclusion, dans le fond, de nos travaux après plusieurs semaines de travaux pour ce projet de loi là de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Vous avez une expertise extraordinaire. Vous avez dit tout à l'heure 25 ans, là. Il me semble que ça passe vite, mais ça fait 25 ans d'expérience, d'une part. Je regarde ce que Centraide Grand Montréal fait, mais aussi tous les Centraide, dans le fond, et tout le Centraide Québec, là, tout ce qui se fait partout au Québec, vous avez une expertise, que je disais tout à l'heure, mais une expertise aussi qui est grande, autant parce que vous êtes un acteur de développement social, d'une part, mais aussi toute la partie du bénévolat que vous avez mentionnée dans le début de votre présentation. Le bénévolat, ce n'est pas juste d'avoir les bénévoles, c'est aussi la promotion du bénévolat, c'est aussi toute la reconnaissance des bénévoles, donc il y a des actions concrètes que Centraide fait aussi.

Votre désir de bâtir des communautés d'entraide, vous l'avez encore mentionné tout à l'heure, et particulièrement aussi toute la sensibilisation que vous avez auprès des entreprises, de leur implication sociale. Je sais le travail que vous faites, Centraide, particulièrement aller chercher ces partenaires-là, avoir une collaboration plus grande des entreprises. Mme Thibodeau-DeGuire, je vous vois souvent dans différents événements, soit des forums, soit des cocktails qui ont rapport vraiment pour aller chercher du financement et je sais que vous avez et une belle expérience, mais aussi la main pour aller réussir à faire de votre slogan, là, Des gens qui aident des gens qui aident des gens.

n(15 h 50)n

À travers tout ça, j'aimerais ça qu'on puisse... On ne l'a pas beaucoup abordé, mais j'imagine que vous serez peut-être capable de me répondre à la question qui n'est peut-être pas simple, là, par rapport, je pourrais dire, à l'ensemble de ce qu'on peut vivre, mais à travers le monde, notre comparaison du Québec avec ce qui se passe à travers le monde dans cette lutte contre la pauvreté. Vous êtes à même de côtoyer des chercheurs. Je vois Un, deux, trois, go avec M. Bouchard, tout l'apport qu'il a fourni puis qu'il a aidé, et puis vous avez réalisé quand même beaucoup de choses, vous avez fait des comparaisons. Je sais que vous avez des études et des comparaisons qui se font aussi de la pauvreté à travers d'autres populations. C'est unique, assez unique d'avoir une loi sur la lutte contre la pauvreté inspirée ? on voit Mme Labrie à l'arrière de vous ? inspirée aussi du Collectif. Les gens sont venus nous parler aussi de tout cet apport-là.

Comment vous nous voyez au Québec, par rapport à l'ensemble des autres nations dans le monde, de vouloir instituer vraiment une loi contre la pauvreté, de se donner un plan d'action pour lutter contre la pauvreté, de se donner une stratégie nationale, d'avoir une approche globale, intersectorielle, cohérente, qu'il y ait de la cohésion à travers tout ça, parce qu'on sait que c'est le noeud, je pourrais dire, de lutter vraiment contre la pauvreté? Alors, est-ce que vous pouvez nous aider un petit peu dans les comparatifs qu'on peut faire et comment on pourrait encore faire mieux?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Oui. Alors, comment on pourrait faire mieux? Je pense que déjà on est en avance. Je ne pourrais pas vous parler au niveau mondial, je n'ai pas cette prétention. Mais je vous dirais que je suis en lien avec mes collègues et des grandes villes canadiennes et de certaines villes américaines, et je peux vous dire que, au niveau du mouvement United Way, Centraide, on est vraiment très en avance. On est dans un environnement, au Québec, qui n'a pas son pareil ailleurs. C'est ce que j'entends de mes collègues, et on fait probablement un peu leur envie. Je pense que ça répond à votre question.

Quand je vois mes collègues de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis, eh bien la différence est encore plus frappante. Et je commence à me réconforter, parce qu'il semblerait qu'alors qu'on était peut-être, nous... comme Centraide, on n'avait pas les mêmes pratiques que les autres du mouvement, bien il semblerait que tout le restant du mouvement commence à nous regarder, nous, au Québec, pour peut-être essayer de dire: Bien, pourquoi on n'arrive pas, nous aussi, à bâtir des communautés d'entraide? En d'autres mots, les gens nous font confiance pour réinjecter, pour investir leur argent de façon à avoir le plus d'impact possible, mais ce n'est pas seulement l'argent, c'est aussi toute la démarche de mobilisation des gens à donner à quelque chose qui va devenir un outil avec une valeur ajoutée absolument incroyable. Et c'est ça qu'on a et qui s'ajoute à ce que le Québec comme tel s'est donné comme outil pour la société. On n'est pas parfait, mais je sais une chose, c'est que je suis drôlement fière de ce qu'on a ici, tout à fait. Alors, on est sur le bon chemin, mais encore, c'est comme n'importe quoi, quand on est en avance, c'est un peu plus... Il faut avoir un peu de courage, ce n'est pas facile. Et puis je pense que, quand on sent que ça fait du sens, bien il faut y aller.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée... Mme la ministre, pardon.

Mme Léger: Merci. Vous avez peut-être entendu la Fondation Lucie et André Chagnon qui sont venus. Dans leur mémoire, ils ont proposé la création d'un fonds décentralisé de financement de projets-pilotes. Ils disent particulièrement un fonds de capital de risque à l'innovation, en prévention et de lutte à la pauvreté. Ils disent que ces fonds seraient administrés sur une base commune tripartite ? entreprise privée, organismes communautaires et gouvernement ? et auraient comme objectif la prise en charge locale des projets d'intervention issus des communautés et l'attribution des priorités à l'élimination des causes de la pauvreté et la prévention en ce domaine. Comment vous réagissez à ce genre de fonds?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Je vous dirais, dans un premier temps, que des projets-pilotes, à Centraide, on en fait depuis au moins huit, neuf ans. Vous avez mentionné le projet Un, deux, trois, go, qui est un financement, dans ce cas-ci, privé, mais, quand même, Un, deux, trois, go n'aurait pas pu fonctionner si les différentes instances parapubliques ne s'étaient pas investies. Je pense aux écoles, je pense aux CLSC, je pense aux gens locaux qui ont fait partie de ce projet de mobilisation.

Donc, on a déjà une longue expérience. Je pense aux tables de concertation, je pense, vous savez, au projet Accessibilité qu'on a déjà dans six quartiers à Montréal. Il y a de ces projets à financement multiple qui ne sont... pour moi, qui sont l'avenir. Et, bon, chacun, probablement, dépendant de son environnement... Nous, à Centraide, du fait que nous devons convaincre des donateurs de donner à Centraide, ceci nous amène dans une dynamique qui est très, très spéciale et qui fait qu'on ne va pas seulement faire de l'éducation en faisant comprendre aux gens qu'est-ce qui se passe dans la communauté, mais aussi on leur montre les solutions et de là on va aller susciter leur engagement. Et ce n'est pas seulement du temps bénévole, mais c'est toute leur expertise, le réseau d'influence qu'ils vont mettre à la disposition de Centraide.

Je veux vous dire que les deux messieurs qui m'accompagnent et qui passent la journée entière avec moi aujourd'hui, ce sont ce qu'on appelle des bénévoles. Moi, ça m'épate toujours de voir comment des gens, quand ils veulent montrer l'importance de quelque chose, ils vont passer du temps. Je pense que je vais... Et il y a de toutes sortes de façons.

Alors, je n'ai pas examiné la proposition dont vous me parlez, mais je peux vous dire que des projets-pilotes où on va rassembler et l'argent et l'expertise des individus de la société civile et du gouvernement ? parce qu'il y a de l'expertise énormément du côté du gouvernement ? c'est ça qui va amener probablement les projets les meilleurs. Mais, il ne faut pas oublier, il faut que ce soit à long terme, il faut que les engagements soient continus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également de notre part. Je pense que c'est peut-être très à propos que Centraide Montréal vienne terminer le cycle des audiences en quelque sorte. Vous êtes le 132e groupe et vous faites votre intervention sous le signe de la mobilisation de la société quant à l'objectif de lutte à la pauvreté.

Et, bon, vous soulevez le point précis par rapport aux dons et legs, on suivra de près les amendements. Si j'ai bien compris, la ministre proposera des amendements pour clarifier cette question-là afin que vous ne le viviez pas comme un empêchement dans votre mobilisation par rapport à la recherche de fonds.

J'aimerais qu'on puisse échanger un peu plus à fond sur ce partage des rôles et des responsabilités entre l'État dans son rôle de protection des individus dans le besoin et le mouvement de philanthropie que vous incarnez, parce que, des fois, ce n'est pas clair, et j'aimerais essayer de voir avec vous s'il y a des lignes directrices autour desquelles les choix pourraient être faits. Est-ce que, par exemple, l'État devrait plus se concentrer au niveau des actions structurantes pour les personnes, vis-à-vis, par exemple, leur formation, l'insertion vers le marché du travail, laisser une plus grande place à des organismes comme le vôtre pour le soutien des organismes communautaires? Vous représentez, en quelque sorte, la communauté, et un organisme communautaire qui est issu de la communauté trouve des appuis dans la communauté. Aidez-nous à mieux définir un peu comment est-ce qu'on pourrait faire ce partage entre les deux instances.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Oui, merci. M. Sirros, je vous dirais: S'il y a quelque chose qui est compliqué, c'est bien ça. C'est très difficile de rendre ça simple. Je vous dirais qu'il n'y a pas un organisme dans lequel on investit de l'argent où le gouvernement ne donne pas au moins deux fois plus que ce qu'on donne, nous, comme don de Centraide. En gros, les organismes qui sont supportés par Centraide reçoivent 25 % de Centraide et 50 % par les différentes instances du gouvernement. Déjà, c'est des financements qui sont multiples.

n(16 heures)n

Mais je vous dirais que l'État a un rôle d'équité, de redistribution. Votre rôle, comme gouvernement, en est un qui est très différent de ce qu'est celui de la philanthropie qui peut se permettre de faire des interventions ou des essais qui peuvent par la suite être repris peut-être à plus grande échelle. Je pense qu'on a des expériences comme ça dans notre histoire au Québec. Mais, par contre, le gouvernement joue des rôles importants... je pense aux entreprises de réinsertion sociale et autres. Donc, à quelque part, c'est quelque chose où sûrement, je vous dirais... Entre autres, ma collègue Lise Brunet, qui est vice-présidente au développement social, pourrait probablement vous entretenir à un moment donné en dehors de ces assises.

M. Sirros: Ça me ferait plaisir. Mais je veux revenir sur un exemple que je donnais plus tôt aujourd'hui, où l'État finance, par exemple, les petits-déjeuners, et, du même coup, on est dans une situation où beaucoup de personnes nous ont dit: Écoutez, le niveau auquel vous maintenez le filet de sécurité, il est tellement bas que les personnes ne sont pas capables de subvenir à leurs besoins essentiels, et, de l'autre côté, vous avez des organismes comme Centraide, etc., qui peuvent financer ce genre d'activités. Mais, est-ce qu'il n'y a pas là un genre de filon quelque part qu'on peut trouver par rapport à la responsabilité première de l'État vis-à-vis les organismes comme le vôtre? Est-ce que, par exemple, ce ne serait pas plus logique pour l'État de dire: Je vais mettre mes énergies puis mes ressources à assurer ? vous avez appelé ça une équité au niveau des personnes ? de rehausser le filet et de permettre à la communauté du côté philanthropique de venir suppléer pour autre chose? Parce que, quand vous me dites que tous les organismes que vous financez sont également financés par l'État, ce n'est pas mauvais en soi mais, je veux dire, quand, du même coup, on a des situations qui sont criantes, est-ce qu'il n'y a pas là des questions à se poser sur la façon qu'on utilise les ressources que nous avons?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Moi, je pense qu'on est... Quand on pense au dossier dont vous parlez, justement, il y a des questions. Quand on est rendu à ce niveau-là comme société, on a des problèmes importants. Il y a des choses qui ne font pas sens. Et il faut à ce moment-là, je pense, être très à l'écoute du milieu pour voir quelles sont les meilleures solutions. Il y a des solutions de dépannage, de base, mais on sait que ça ne peut pas être ça qui va être la solution à temps plein, ça n'a pas de sens. Il ne faut pas demander à la philanthropie de faire ce que le gouvernement doit faire. Il y a des responsabilités qui ne peuvent pas être celles de la société civile. La mobilisation de la société civile peut faire arriver des choses. Enfin, le seul fait que les gens vont se sentir partie prenante de la société et qu'ils vont prendre le temps de venir dire qu'il y a des choses importantes, autres que ce qu'ils ont comme responsabilité première de travail, déjà, c'est beaucoup, vous comprenez? Alors, le genre de choix que nous aurons à faire dans nos investissements stratégiques de philanthropie, bien sûr on veut contribuer à bâtir des communautés d'entraide. On n'a pas l'impression qu'on va tout faire, mais on sait qu'en mettant des sous, c'est plus que des sous qu'on va mettre dans un projet, on va amener de l'expertise, voir s'il n'y a pas des meilleures façons de faire les choses et de les faire d'une façon plus efficiente. Et je vous dirais que c'est tranquillement qu'on va apprendre. On ne peut pas avoir... Je ne pense pas qu'on ait une réponse claire maintenant. Mais déjà qu'il y ait une volonté du gouvernement de regarder du côté du secteur de la société civile pour dire: Qu'est-ce qu'on peut faire pour régler les problèmes de pauvreté et d'exclusion? Pour moi, c'est un pas extraordinaire. Et je souhaite qu'on puisse continuer à réfléchir autour de ces questions très importantes que vous mettez de l'avant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Sirros: L'autre élément qui fait partie de la discussion, je pense c'est le choix des investissements. Bon. Vous avez un processus à partir de l'implication des bénévoles bien enracinés dans leur milieu, et vous établissez vos choix, vos interventions, puis vous identifiez par la suite les véhicules que vous allez subventionner pour tel ou tel objectif. Vous venez de me dire tantôt que le gouvernement, l'État investit dans les mêmes véhicules. Mais le gouvernement, l'État, a donc aussi un processus d'analyse, d'examen des véhicules qu'il va financer, etc. que vous faites déjà. Et est-ce qu'il n'y a pas là un genre de dédoublement qu'on pourrait peut-être mieux arrimer et peut-être dégager davantage de ressources pour le vrai travail? Je ne sais pas si je suis clair, mais... Vous comprenez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Oui. Je ne suis pas certaine que les demandes que le gouvernement fait aux organismes est du même ordre que celui que Centraide va faire. Entre autres, je vous dirai que Centraide, souvent, dans les organismes, on finance le côté du bénévolat, ce qui n'est peut-être pas le cas dans le cadre du gouvernement, le genre de service que vous pourriez demander aux organismes.

Je n'entrerai pas trop longtemps là-dedans, mais je vous dirai que, vous savez, les choix des organismes... Centraide finance un nombre quand même assez restreint. Il faut être bien conscient que, par rapport au nombre d'organismes qui sont actuellement sur le terrain dans notre région du Grand Montréal, c'est à peu près le tiers qu'on arrive à financer.

La philanthropie ne peut pas tout faire. Et il faut bien comprendre que, si on y va par argent, c'est minime par rapport à ce que probablement un gouvernement peut faire. Et vous avez, de ce côté-là, une action très importante, ne serait-ce que par la régie régionale, localement, où on a un partenariat dans bien des projets qu'on mène ensemble.

Bien sûr que ce que vous me posez comme question, à savoir: Est-ce qu'il serait possible de voir... Enfin, vous me parlez d'évaluation. Est-ce que c'est des choses qui peuvent être faites de façon à simplifier la tâche? Il y a peut-être du pour et du contre. Il y a peut-être des lieux où il y a des choses qui peuvent se faire plus simplement puis, dans le fond, tout ce qu'on peut faire pour se simplifier la vie, ce serait bien.

Mais je pense qu'il y a une place pour chacun. Puis il faut faire attention qu'en simplifiant on n'aille pas perdre quelque chose qu'on a qui est précieux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Vous soulevez la question du financement que font, par exemple, les régies régionales, et ça m'amène la réflexion suivante. Il y a eu aussi un genre de désengagement de l'État par rapport à certaines missions qui a été pallié par l'émergence de groupes communautaires qui sont repris par l'État par la suite au niveau d'un financement, ce qui amène certains syndicats, par exemple, à parler de «cheap labor», d'une façon de se désengager et de mettre sur pied des services pour pallier à notre propre désengagement comme État.

Est-ce que c'est quelque chose que vous constatez également sur le terrain ou...

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Je pense que c'est quelque chose sur lequel il faut se pencher, et il faut regarder qu'est-ce que c'est qu'on est en train de créer. À vouloir bien faire, des fois, on peut créer un problème plus grave que celui qu'on essaie de résoudre.

Alors, je pense que ce sont des points que vous soulevez qui sont très importants à regarder quel va être leur impact à long terme.

M. Sirros: Parce que l'autre problème de ça, c'est que, en essayant de trop faire, aussi, on réussit mal à faire ce qu'on fait. Des fois, en essayant d'étendre le champ de service tellement grand, on réduit le niveau d'appui qu'on donne véritablement et des fois c'est peut-être mieux de resserrer les choses autour de certaines missions essentielles, les bien faire et agrandir le champ d'activité à mesure que nos ressources nous permettent de continuellement bien faire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): C'est pour ça qu'il ne faut pas que ce soit un puits sans fond. Quand on investit, nous, c'est pour donner aux gens les moyens de s'en sortir, c'est pour qu'ils fassent partie de la solution. L'idée, ce n'est pas de toujours pallier aux problèmes. Mais les gens qui vivent les problèmes ont les solutions. Et je vais vous dire, ce que je constate dans notre capacité de rallier des gens qui ont des ressources ? puis des ressources de toutes sortes, là, je ne pense pas seulement à l'argent, mais beaucoup d'influence, beaucoup de réseaux, de «brain power» ? c'est de les mettre en lien avec ceux qui vivent les problèmes et qui connaissent les solutions. Et le truc, ça va être de pouvoir faire le lien entre ces gens-là pour pouvoir faire que les investissements en temps soient les plus efficaces possible.

n(16 h 10)n

Vous comprenez, c'est que ce n'est pas quelque chose... ce n'est pas toujours de venir en aide. Il y a un moment donné où il faut venir en aide. Les gens doivent manger, doivent s'habiller, doivent se loger, bon, c'est bien sûr. Mais après ça, c'est qu'ils ont des forces, ils sont capables de se prendre en charge. Mais ce qu'il y a, c'est que ce n'est pas quelque chose qui va arriver du jour au lendemain. Donc, les organismes communautaires sont là tous les jours ? chez nous, c'est un demi-million de personnes qui sont aidées jour après jour après jour, bien au-delà de la campagne Centraide ? mais ils vont faire que ces gens-là vont reprendre confiance et eux-mêmes un jour devenir quelqu'un qui va aider les autres. Alors, dans l'expérience que j'ai, ce n'est pas un puits sans fond, là. On voit effectivement des cas de plus en plus nombreux de gens qui deviennent des aidants eux-mêmes. Alors, la société civile, c'est celle justement qui va faire en sorte que quelqu'un va prendre le temps de prendre la main de quelqu'un puis de dire: Je t'accompagne puis je vais être là, tu peux compter sur moi.

Alors, le gouvernement a un rôle, c'est de mettre peut-être en place certaines... une infrastructure pour des choses importantes, et le secteur bénévole, lui, a un autre apport.

M. Sirros: Est-ce qu'il y a d'autres mesures que vous pouvez suggérer qui feraient en sorte qu'on pourrait renforcer cette volonté de mobilisation, de participation du secteur privé philanthropique ? appelez-le comme vous voulez ? mais est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait faire pour encourager cette implication de la part de la communauté en dehors des structures de l'État?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il s'agissait de la dernière question. Mme Thibodeau-DeGuire.

Mme Thibodeau-DeGuire (Michèle): Bon, j'oserais dire peut-être... Les mesures fiscales, bien sûr, encouragent les gens à faire des dons, mais, je vais vous dire, la valorisation qu'on peut faire des gens qui s'impliquent bénévolement... Et, je dirais... J'ai entendu un commentaire dernièrement qui disait qu'au Québec il y a beaucoup moins de bénévoles, puis, savez-vous, ce n'est pas vrai. Quand vous demandez aux gens est-ce qu'ils font du bénévolat, ils vont vous dire: Non, moi, je fais juste donner un coup de main.

M. Sirros: Merci pour votre coup de main dans ce processus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres, Mme Thibodeau-DeGuire, M. Régis et M. Bourgeault, merci d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

 

(Reprise à 16 h 15)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous poursuivons nos travaux.

Mémoires déposés

Nous en sommes maintenant au dépôt de mémoires. Je vais procéder maintenant au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus pour les rendre publics et valoir comme s'ils avaient été présentés devant cette commission.

Il s'agit d'AbriBec; Action des nouvelles conjointes du Québec; Association coopérative d'économie familiale; l'ACEF de l'est de Montréal; l'Association des groupes d'éducation populaire autonomes du Centre-du-Québec et Corporation de développement communautaire des Bois-Francs; l'Association des groupes d'éducation populaire autonomes du Centre-du-Québec et Corporation de développement communautaire Drummond; Association des groupes d'éducation populaire autonomes du Centre-du-Québec; Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées; centre Action travail; Chambre de commerce de Lévis; Chambre de commerce du Montréal métropolitain; Collectif régional des Laurentides pour une loi pour l'élimination de la pauvreté; Comité de pastorale sociale, paroisse Saint-Dominique; Commission des services juridiques; Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval; Conseil pour le développement local et communautaire d'Hochelaga-Maisonneuve; Équipe intersectorielle du programme Naître égaux ? Grandir en santé du CLSC Le Partage des eaux; Fédération des infirmières et infirmiers du Québec; M. Gaëtan Gravel; Groupe d'échange et de réflexion de Montréal; Groupement d'entraide des assistés sociaux de Kamouraska; Inclusion; Ligue des Noirs du Québec; Mouvement national des Québécois et Québécoises; Organisation d'aide aux sans-emploi, région Montréal; M. Daniel Pelletier; Rassemblement pour un pays souverain, section capitale nationale; M. François Arsenault; Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec inc.; Regroupement des organismes communautaires de la région 03, Portneuf, Québec, Charlevoix; Religieuses de Jésus-Marie; M. Robert Rivard et Mme Francine Desjardins; Souveraineté, la solution inc.; Syndicat du personnel enseignant du collège de Sherbrooke, CSN; Table ronde des organismes volontaires d'éducation populaire ? les OVEP ? de l'Estrie; et Mme Linda Tremblay.

Document déposé

Alors, je vais maintenant procéder également au dépôt de la liste des lettres d'appui aux mémoires qui ont été reçus, c'est-à-dire celui du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté; de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec; du Front commun des personnes assistées sociales du Québec; et de l'Association des groupes d'éducation populaire autonomes du Centre-du-Québec. Alors, nous remettons immédiatement copie de ces lettres d'appui.

Remarques finales

Alors, maintenant, nous en sommes maintenant rendus, bien sûr, aux remarques finales. Alors, il s'agit de cinq minutes pour les représentants de l'ADQ, 15 minutes pour le groupe parlementaire formant l'opposition officielle et 15 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement. Alors, Mme la députée de Berthier, vous m'avez indiqué que vous vouliez prendre la parole. Cependant, comme votre formation politique n'avait pas mentionné ce matin de remplacements, j'aurais besoin du consentement des membres de cette commission pour vous céder la parole. Est-ce que j'ai le consentement?

M. Sirros: Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

M. Sirros: Il s'agit de cinq minutes, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Cinq minutes.

M. Sirros: ...et la députée pourrait avoir le consentement pour débuter ses remarques finales.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Est-ce que j'ai le consentement de tous les membres? Oui. Alors, vous avez cinq minutes, Mme la députée de Berthier.

Mme Marie Grégoire

Mme Grégoire: Bien, merci. Alors, on est ici et on a rencontré beaucoup de gens qui sont venus nous parler de cette loi qui vise à jeter les bases d'un Québec sans pauvreté. C'est sûr qu'une loi, ce n'est pas magique, ça ne fait pas disparaître la pauvreté, sauf qu'on a vu à quel point les Québécois et les Québécoises travaillaient à l'inclusion, travaillaient et étaient innovateurs dans leurs façons d'intervenir sur le terrain, à chaque jour, de façon à ce qu'on puisse inclure plus de Québécois et de Québécoises à cette nouvelle prospérité qu'on va devoir développer. Parce que c'est une chose de partager la richesse, mais c'en est une autre de continuer à développer la prospérité pour que puissent y avoir accès encore plus de gens.

On me demandait, pour moi, c'était quoi, la pauvreté, et pour moi, c'est une quête d'autonomie. Des fois, c'est une quête d'autonomie financière qu'on a perdue, une autonomie financière qu'on a perdue pour un instant; des fois, c'est une quête d'autonomie aussi parce qu'on a une détresse morale et on a besoin que quelqu'un nous prenne par la main. Alors, dans cette quête-là, on a besoin de gens, l'État a un rôle à jouer; les organismes communautaires... le milieu a un rôle à jouer. Et nous, comme citoyens, on a aussi chacun un rôle à jouer.

Je pense que là où on a le plus été interpellés, comme citoyens et non pas comme législateurs, c'est pour éliminer les préjugés. Parce que je pense que la première façon qu'on aurait d'inclure les gens dans cette prospérité qu'on a le goût de développer pour le Québec, c'est en justement les accueillant, en enlevant les étiquettes.

n(16 h 20)n

Alors, c'est un projet de loi qui, je pense, lance un message d'espoir au Québec, qui donc a permis aux gens qui oeuvrent auprès des personnes démunies de venir s'exprimer, de venir nous partager comment donc elles s'y prennent au jour le jour. On a vu les gens de Lauberivière, entre autres, qui, elles, sont vraiment au dernier recours, donc l'alimentation et les besoins de base. Or, je me souviens toujours de ce que j'ai appris: quand on parle de la pyramide de Maslow, on dit toujours qu'il y a les besoins de base, puis le but ultime de l'être humain, c'est de se réaliser. Bien, je pense que c'est là où on veut amener le plus grand nombre de Québécois et de Québécoises, à leur capacité de se réaliser.

Je pense que, dans le projet de loi, on dit qu'on veut reconnaître la famille, favoriser la réussite scolaire. Je pense que l'éducation, c'est... à la base même, il va falloir y travailler tout le monde. C'est un défi, c'est un défi de société. Il faut mettre du dynamisme dans l'école, il faut inventer des nouveaux modèles qui vont s'adapter aux nouvelles réalités changeantes des nouveaux apprenants qui apprennent avec plus de boutons, avec plus de multimédia qu'avant, avec des intérêts donc que, nous, on n'avait pas auparavant.

Il faut soutenir les activités communautaires, on en a parlé, on a vu les gens de Centraide qui étaient ici tantôt. Alors, je pense que, en principe, l'ADQ sera là pour le travail, pour appuyer donc le projet de loi n° 112. Il y aura beaucoup de vigilance à y avoir parce que c'est souvent dans l'action... On peut s'entendre sur les objectifs. C'est souvent dans l'action, des fois, qu'on voit la différence. Donc, au niveau du plan d'action, au niveau de l'étude article par article, on va regarder ça ensemble. Mais je pense que ça ne peut être qu'un objectif très louable, le fait de renforcer le filet de sécurité, de favoriser l'accès à l'emploi, de faire en sorte que la population se mobilise pour que tous puissent contribuer, je pense, à la prospérité du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme la députée de Berthier. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, j'aimerais, moi, commencer en remerciant les centaines de personnes qui sont venues témoigner devant nous en nous apportant leurs observations, leurs points de vue, leurs suggestions, les milliers de personnes qui, derrière eux, ont contribué avec eux à préparer ces mémoires et à nous les présenter ici. Nous avons passé tout près de six semaines d'audience, 132 groupes, 160 mémoires. C'est une des commissions qui a entendu le plus grand nombre de groupes en commission parlementaire et c'est à l'honneur de ceux qui ont participé à cet appel.

Le grand nombre aussi est, je pense, un témoignage de l'action concertée et très efficace qu'a exercée le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Nous avons constaté qu'il y avait effectivement un relais qui a été fait de façon constante, tous les jours, des points de vue, des suggestions, des positions qui ont été mis de l'avant par le Collectif qui a servi à mobiliser un très, très grand nombre de personnes. Il faut se rappeler de cette pétition qu'on a déposée en cette Chambre avec au-delà de 200 000 noms réclamant une telle loi. Et je pense que c'est l'aboutissement d'un processus qui trouve des racines dans le milieu local et communautaire, Mme la Présidente.

Ces audiences nous ont permis également d'avoir une sensibilisation accrue à la réalité de la pauvreté. Ce n'est pas le cas, je pense, seulement des députés. J'espère que ça a aussi été le cas de tous ceux qui nous écoutent et nous ont suivis par l'entremise de la magie de la télévision parce que ça a permis effectivement d'être saisis d'une réalité que vivent nos concitoyens qui sont trop souvent l'objet, comme on l'a mentionné souvent, de préjugés, d'analyses faciles, et ça a permis de dévoiler un peu plus humainement le visage réel de la pauvreté.

Ça nous a donc interpellés, Mme la Présidente, tous ici, à chercher et à trouver des voies d'action réalistes, humaines et d'inclusion. Il faut en tirer quelques constats après toutes ces audiences et tous ces mémoires. Quelques-uns brièvement, parce que ce n'est pas en 15 minutes qu'on peut tout étaler ici. Mais, en tête de liste, je placerais, Mme la Présidente, un constat qui saute aux yeux: c'est l'inadéquation entre le niveau où se situe le filet de sécurité de revenu actuel pour un grand nombre des personnes qui dépendent totalement, pour l'instant, des transferts de l'État et la réalité des besoins essentiels. Je pense que la démonstration a été amplement faite que le niveau de prestations actuel, pour les personnes sans contrainte à l'emploi, ne peut répondre aux besoins essentiels tels que définis par le ministère, par l'État, par le gouvernement lui-même. Et je vous fais penser à cet exercice auquel on nous conviait d'essayer de remplir un budget pour couvrir les besoins avec les 130 $ qui sont destinés à une personne seule sans contrainte à l'emploi. C'était clair que c'était impossible.

C'est donc le premier item qu'il faut retenir quand viendra le temps de parler de mesures concrètes et de choix quant aux priorités d'action à établir. Parce que c'est un peu comme si on nous conviait, Mme la Présidente, à un grand voyage tout en constatant que le bateau prend de l'eau. Avant de partir, ne faudrait-il pas d'abord penser à réparer la coque? Je pense que poser la question, c'est y répondre.

Un deuxième constat, c'est que les programmes d'insertion et d'aide pour cette même clientèle répondent de façon boiteuse à leurs besoins. Les témoignages à l'effet que le système est rigide, lourd, conçu d'en haut vers le bas, etc., ont été très nombreux, trop nombreux, je dirais, pour l'ignorer. Il y a un coup de pouce, plus qu'un coup de pouce, un grand coup à donner en repensant nos façons de faire quand il s'agit d'insertion à l'emploi pour la clientèle dite apte au travail.

Le troisième point touche précisément cette classification apte-inapte. Conçue au départ pour adapter l'aide sociale qui, elle, a été conçue au début des années soixante, l'adapter à la nouvelle réalité 20 ans plus tard, dans les années quatre-vingt, force est de constater qu'il y a probablement lieu de se poser des questions sur cette aptitude. Sommes-nous trop rigides dans cette évaluation? Parce que, quand on regarde attentivement cette clientèle, nous voyons diverses couches de populations avec des besoins différents qui nécessitent qu'on leur offre une aide différente. L'analyse psychosociale, par exemple, des capacités n'a-t-elle pas un rôle à jouer pour certaines à côté de celles qui relèvent de leur niveau d'éducation ou de leur niveau de formation?

La loi n° 112, après toutes ces audiences, et on l'a dit au départ, trouve, je pense, les deux grands partis, sur l'essentiel, plus ou moins en accord. L'objectif de se donner un instrument qui permettra d'orienter les actions de l'État en fonction d'une lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale est un objectif que nous partageons. Pour nous, du Parti libéral du Québec, il s'agit d'une loi basée essentiellement sur des valeurs issues d'une philosophie libérale: équité à chercher entre le rôle de protection que doit jouer l'État et la responsabilité individuelle... l'équilibre, devrais-je dire. La valorisation du travail et de l'emploi est un instrument principal de l'amélioration de la condition personnelle, une valeur à assurer à la prévention et au développement du potentiel des personnes, et ces valeurs reposent sur la conception de l'organisation de la société à partir des règles d'une économie de marché et visent à apporter une humanisation au fonctionnement de cet économie de marché.

Ceci étant dit, il importe, je crois, d'interpeller quand même le gouvernement sur sa façon de procéder. En appelant une lutte à la pauvreté et à l'exclusion, le gouvernement ne peut passer par-dessus la réalité d'aujourd'hui. Ce n'est pas en promettant des jours meilleurs qu'on peut esquiver notre responsabilité aujourd'hui. Il y a donc lieu, à notre point de vue, de tirer au clair minimalement deux choses. Premièrement, il faut reconnaître le principe qu'il y a un minimum que l'État, dans son rôle de protection envers les individus dans le besoin, se doit d'établir. S'entendre sur ce principe implique que nous nous donnons comme objectif premier la réparation du filet de sécurité du revenu actuel et que nous entamerons par la suite les étapes menant à son rehaussement.

La voie menant à ce rehaussement peut et doit faire l'objet d'un examen approfondi de nos moyens financiers, des choix que nous exercerons à l'intérieur de ces moyens et, pourquoi pas, en réexamen des principes sur lesquels repose ce filet. Il n'est pas illogique de vouloir, par exemple, revisiter le concept d'un programme de dernier recours pour redéfinir le comment du filet de sécurité que nous nous donnons. Les témoignages ont été trop nombreux d'ailleurs à soulever ce point. Le temps est peut-être venu pour un véritable examen de l'ensemble des programmes que nous offrons et un redéploiement de nos ressources.

Deux mots sur les gestes concrets que le gouvernement se doit de poser immédiatement dans ce contexte. Ça a été repris et je les ai ramenés constamment; ils ont été également ramenés par les groupes que nous avons entendus, Mme la Présidente, assez souvent. Premièrement, la question de la gratuité des médicaments est incontournable. On ne peut pas continuer à prétendre que nous avons un filet de sécurité sociale quand, déjà, les gens vivent en bas des besoins essentiels, et nous le savons, nous le constatons, c'est évident, et, du même coup, leur demander d'assumer en plus la question d'une partie de leur franchise pour l'assurance médicaments. La ministre, à un moment donné de lucidité, en Chambre, avait reconnu que c'était une erreur et qu'il manquait de l'argent pour la réparer. Elle s'est reprise ? et c'est le mauvais mot ? mais elle est revenue en commission parlementaire à un moment donné en reposant la justification de cette mesure sur la question de l'équité qui doit exister entre les assistés sociaux qui vivent dans la situation que je décrivais puis les travailleurs de faibles revenus. Je ne veux pas croire que nous avons une équité, au Québec, qui est une équité vers le bas, je veux croire que nous sommes capables... Et nous, de notre côté, on s'est engagé formellement et fermement sur cette question que les personnes qui dépendent totalement de l'État quant à leur sécurité de revenu doivent aussi retrouver ce qui existait avant la venue de l'assurance médicaments, la gratuité des médicaments.

n(16 h 30)n

Deuxième geste, j'en ai référé tantôt, je pense qu'il faut établir minimalement le niveau des barèmes actuels comme non compressibles, exception faite pour les cas de fraude. Mais ce serait un pas de fait vers la reconnaissance du plancher minimal. Nous pourrions par la suite faire le débat sur la capacité de l'État de financer davantage. Nous pourrions faire le débat sur le comment on va financer et comment est-ce qu'on va livrer cette mesure de sécurité sociale. Mais, minimalement, sortons d'ici, au moment où on va adopter la loi, avec le consensus qu'il y a un minimum à établir. Arrêtons donc des coupures supplémentaires. Il y a un projet de loi qui va être devant nous probablement demain, d'après ce que je sais, qui va abolir une partie de ces coupures. Quand on parle du partage du logement, la ministre nous a dit qu'il s'agissait de très petits montants. Pour ce qui est des coupures supplémentaires, une raison de plus d'établir le principe en les abolissant, ces autres coupures là pour non-participation, etc.

Les autres éléments sur lesquels on pourrait parler également touchent plus concrètement la loi elle-même, les éléments de la loi qui ont aussi été amenés ici. Par exemple, la définition de pauvreté, plusieurs nous ont amené le fait que, en définissant la pauvreté avec l'élément de sa durabilité, en visant les personnes qui, de manière durable, sont privées des moyens de rencontrer leurs besoins, on limite les actions de l'État vis-à-vis une clientèle précise, et il pourrait agir comme éteignoir, si vous voulez, sur les mesures à envisager. Il faudrait que le gouvernement réfléchisse à ça: Est-ce qu'on a vraiment quelque chose à gagner à ce moment-ci avec l'inclusion d'une définition dans la loi de la pauvreté telle qu'on la définit? Est-ce qu'il faut en avoir une différente? Est-ce qu'on peut s'en passer totalement? Ça ajoute quoi à la loi? Et quelle est la raison de l'existence de cette définition dans la loi? Normalement, quand on définit quelque chose, c'est pour baser la suite des choses sur cette définition. Alors, si on définit la pauvreté de la façon qu'elle est définie, ça voudra dire que, par la suite, les actions qui seront amenées seront amenées en fonction de cette définition, donc orientées vers une conception étroite de la pauvreté. Et, pourtant, tant du côté ministériel que les groupes et tout le monde qui est venu devant nous, on nous a parlé de cette nécessité d'envisager la pauvreté de façon plus large. Alors, il y a un exercice de cohérence à faire de ce côté-là.

Les structures. On nous propose dans la loi la création de deux nouvelles structures. Un comité consultatif, ce avec quoi, je pense, tout le monde va être d'accord, parce que la consultation, elle est toujours très bonne en autant qu'elle se fait de façon indépendante et autonome et que les personnes qui sont associées à cette consultation sont associées à partir de cette autonomie qui doit les caractériser si leurs suggestions et conseils auront une réelle valeur. Sinon, si on nomme ceux qui font notre affaire à des comités consultatifs, bien on a les conseils qu'on veut bien avoir puis on n'est pas vraiment plus avancé.

Pour ce qui est de l'Observatoire, je pense, il y a lieu de revoir la création d'un observatoire indépendant et autonome. Indépendant, oui, et autonome, oui, mais est-ce que c'est nécessaire d'avoir une structure parallèle? Est-ce que, par exemple, le Bureau de la statistique ne pourrait pas jouer ce rôle en recevant des mandats du Comité consultatif?

Plusieurs autres éléments ? vous m'indiquez qu'il me reste à peine deux minutes. La question de la clause d'impact a beaucoup fait l'objet d'attention ici de la part de groupes, il faudrait voir comment est-ce qu'on va traiter cette question-là dans l'étude article par article.

Les cibles qu'on va se donner, elles ne sont pas dans la loi. Est-ce qu'il ne faudrait pas envisager que l'on se donne des cibles précises dans la loi? Et est-ce qu'il ne faudrait pas, de plus, envisager que le débat qui va suivre la loi se fasse à partir de l'Assemblée nationale plutôt que le gouvernement, Mme la Présidente?

Et, après ça, il y a toute la question de la décentralisation qui a aussi fait l'objet de plusieurs points de vue très intéressants. On parle d'une décentralisation, on parle de donner le pouvoir aux régions ou aux localités. Dans la loi, sur un principe, sur un enjeu fondamental, il n'y a aucune décentralisation d'envisagée, tout est centralisé. Le plan d'action va être décidé par le gouvernement, le plan d'action sera publié par le gouvernement, le plan d'action pourrait être changé... Et, quand on sait que c'est le plan d'action qui est le coeur, finalement, de toutes les actions... Parce que, si la loi donne un squelette, c'est le plan d'action, éventuellement, qui va venir donner un sens à l'action réelle.

Finalement, un dernier commentaire, Mme la Présidente. Nous sommes à la veille d'une élection, je ne voudrais pas voir l'enjeu devenir un enjeu partisan dans le sens de: Nous sommes meilleurs que les autres par rapport à l'appréciation que nous faisons de la réalité, mais nous avons effectivement, chacun, des moyens concrets à proposer, et je déplore un peu ? pas un peu, pas mal ? le fait que la véritable consultation aurait pu être faite autour du plan d'action, parce que c'est le plan d'action qui va décider les orientations qu'on va se donner comme société. La loi nous donne un cadre d'orientation, mais, si on veut vraiment avoir le pouls de la population sur qu'est-ce qu'on doit faire et comment, c'est au niveau du plan d'action qu'on aurait dû consulter. Et je ne peux que souhaiter que les gestes qui seront retenus à la fin sont des gestes qui émaneront du bas vers le haut et non pas du haut vers le bas. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Maintenant, je sais que Mmes les ministres, vous allez partager le temps, alors je commence par la ministre déléguée. À vous la parole.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais d'abord remercier et féliciter tous les membres de cette commission pour la qualité des travaux qui se sont déroulés dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 112, la présidence, le secrétariat de la commission, les députés ministériels, l'ensemble des membres, le ministère, l'équipe de la Direction des politiques et les autres équipes gouvernementales qui sont venues soutenir les travaux, les équipes régionales aussi d'Emploi-Québec et de la Sécurité du revenu qui se sont relayées presque à tous les jours, mon équipe de cabinet qui a été extraordinaire, mes collègues et leurs équipes, l'équipe du leader, du whip.

Alors, ces travaux ont permis encore une fois de prouver que le Québec est une société où la démocratie est très vivante et où l'institution de l'Assemblée nationale joue un rôle primordial. En outre ? et c'est ce qui me fait particulièrement plaisir ? le rôle de la société civile en aura été un de premier plan tout au long des consultations générales. En effet, un grand nombre de femmes et d'hommes représentant plus de 130 organisations issues de la société sont venus témoigner dans un geste de solidarité des actions à poser et des préoccupations à considérer dans notre lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Merci d'être venus présenter votre point de vue.

Je dis «notre», car, je le rappelle, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale n'est pas que l'affaire de l'État, mais bien de tous les acteurs qui composent la société. C'est pourquoi il est important, pour bâtir une société plus juste et plus équitable, que les efforts du gouvernement, mais également ceux des citoyennes et des citoyens se conjuguent. C'est ce que cette commission aura permis de faire et c'est d'ailleurs ce que Centraide du Grand Montréal nous a rappelé cet après-midi ici même, au salon rouge.

Au terme de plus de sept semaines d'audiences, des consensus se sont dégagés. Le plus important, sans aucun doute, est celui de faire de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion une priorité nationale, c'est-à-dire un seul et même objectif vers lequel toutes les Québécoises et tous les Québécois doivent tendre afin de faire du Québec une société où personne n'est laissé de côté.

Un nombre considérable de personnes et de groupes entendus dans cette enceinte ont aussi applaudi la concertation et la cohérence des actions en faveur de la lutte contre la pauvreté sur lesquelles la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale misent. Ces personnes et ces groupes ont jugé de première importance la prise en charge par les collectivités elles-mêmes, particulièrement sur le plan local, des mesures et des actions visant à faire reculer la pauvreté et l'exclusion dans leur communauté. À cet égard, je préciserai que le fonds spécial que la stratégie propose d'instituer a fait l'objet de discussions et de propositions multiples. Le gouvernement entend faire preuve de souplesse face aux utilisateurs du fonds.

J'en profite pour vous rappeler que le Rendez-vous national des régions a été l'occasion, pour le gouvernement du Québec, de confirmer son désir de soutenir les régions et les localités dans la mobilisation entreprise autour de la lutte contre la pauvreté. Ces engagements vont dans le sens des préoccupations des différents groupes entendus ici même, en commission. Le gouvernement entend donc confier aux régions la détermination des priorités d'action régionales en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'établissement de consensus autour des territoires d'intervention prioritaires et la gestion d'une enveloppe destinée à soutenir les actions à l'échelle de la région.

n(16 h 40)n

Sur les territoires d'intervention prioritaires identifiés par les CRD, les MRC concernées et leurs propres partenaires élaboreront des stratégies locales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Selon les scénarios envisagés actuellement, une enveloppe financière sera attribuée à la mise en oeuvre des ententes qui seront signées avec les partenaires, ce qui leur laissera la souplesse voulue pour en disposer. Dans le cas des grandes villes, des stratégies locales dans les arrondissements prioritaires seront élaborées et viendront s'inscrire dans les contrats de villes.

L'architecture financière du fonds sera dévoilée dans le plan d'action à venir. Ceci démontre clairement, Mme la Présidente, toute l'importance que le gouvernement du Québec accorde à la prise en charge des collectivités et au soutien d'initiatives locales et régionales.

Autre élément très important, la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale prévoit un axe qui vise à favoriser la participation citoyenne afin que les personnes concernées par la pauvreté ou celles qui les représentent trouvent leur place dans les mécanismes qui seront conçus pour développer les actions et les mesures à mettre en oeuvre dans le cadre de la stratégie. Le projet de loi n° 112 sera donc renforcé pour y inclure de façon plus évidente l'importance de la participation citoyenne. Le plein exercice de la citoyenneté de toutes les Québécoises et de tous les Québécois est primordial dans une société moderne comme la nôtre. La participation citoyenne des Québécoises et des Québécois s'effectue également à travers l'action communautaire, dont l'importance a été reconnue dans la politique de reconnaissance et de soutien à l'action communautaire. La participation citoyenne s'effectue aussi par l'entremise de l'action bénévole des Québécoises et des Québécois qui oeuvrent auprès des plus démunis de notre société.

À cet égard et afin de répondre à de nombreuses préoccupations qui ont été exprimées lors des consultations générales, le texte de loi sera enrichi afin de mettre en évidence l'importance que le gouvernement et toute la société accordent à la valeur de l'action bénévole. En effet, des dizaines et des dizaines de femmes et d'hommes qui ne comptent plus leurs heures de bénévolat dans l'action contre la pauvreté sont venus témoigner de leur vécu auprès des personnes en situation de pauvreté et des préjugés auxquels ils sont confrontés. À titre de ministre responsable de l'action bénévole, cette générosité et cette solidarité qui caractérisent ces personnes m'ont particulièrement touchée.

Enfin, je profite de l'occasion pour remercier les personnes, les groupes et les organisations qui sont venus donner leur appui à l'adoption de ce projet de loi et à la stratégie qu'il institue. Nous allons maintenant regarder de plus près toutes les recommandations pour mieux enrichir le projet de loi. La fin de la commission parlementaire, dans le cadre des consultations, est primordiale. Une étape vient de se terminer. La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est prioritaire, mais, encore plus, elle est essentielle. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la ministre déléguée. Mme la ministre d'État.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je vais joindre ma voix à ma collègue pour les remerciements, au préalable, qu'elle a pu exprimer, également au nom de notre collègue Mme Caron, qui est la secrétaire d'État à la Condition féminine, qui ne pouvait pas être ici.

Bien, je vais vous dire, c'est un élément de fierté, que nous pouvons aujourd'hui, je pense... collectivement, que nous ayons réussi, au cours des sept dernières semaines, à faire en sorte que nous puissions faire un pas de plus dans la bonne direction, comme plusieurs personnes sont venues l'exprimer. Unanimement, les femmes et les hommes qui sont venus ici, en commission, sont venus nous indiquer que ce projet de loi était un projet de loi qui était courageux et un projet de loi qui allait marquer dans le temps, justement, cette nécessité, comme membres de notre société, au sein de l'Assemblée nationale, mais au sein de la collectivité québécoise, de se doter d'outils qui soient mieux arrimés, qui soient, je dirais, mieux coordonnés pour faire en sorte que tous les gestes qui ont pu être faits dans le passé, qui ont donné des résultats à certains égards... Mais il était essentiel que nous puissions nous donner, je dirais, cette colonne vertébrale, comme on l'a dit à plusieurs reprises.

Vous savez, cette commission parlementaire, au moment où on a déposé le projet de loi, l'énoncé de politique, les gens sont venus nous indiquer qu'ils étaient partie prenante de cet appel à la collectivité. On l'a dit, c'est plus de sept semaines. On se retrouve actuellement avec des centaines de personnes, plusieurs mémoires qui ont été déposés, et ce que les gens sont venus nous indiquer, c'est que malgré le fait que nous ne pourrons pas répondre à toutes les demandes légitimes... Mais, pour une première fois, nous nous donnons un carré de sable où il y a une intervention globale, où on est tous conscients, les uns et les autres, que ce n'est pas une ou deux mesures qui doivent être utilisées, mais c'est vraiment une vision d'ensemble que nous devons nous donner.

Il faut rappeler aussi que ce projet de loi n° 112 constitue une première. Parce que souvent on oublie, parfois, de se comparer avec ce qui se fait à l'étranger et, pour une des premières fois, nous avons pris le temps, comme membres de ce gouvernement, mais comme société aussi, d'aller voir qu'est-ce qui se faisait ailleurs. Et, à part la France, on est à même de constater que c'est la première fois qu'on se dote d'une loi d'orientation relative à la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Malgré les nombreux pays qui se sont penchés sur, je dirais, cette problématique qui est grande, aucun ne l'a inscrite de manière aussi formelle et aussi durable dans le temps, comme nous l'avons fait au moyen de cette loi. Ce qui a été indiqué, c'est qu'indépendamment des gouvernements qui seront en place ce projet de loi crée des obligations, et des obligations de résultat.

Alors, il est évident que nous aurons, au cours des prochains mois et semaines, à interpeller l'ensemble de la population sur qui seront les meilleurs pour les représenter, mais ça n'a pas été l'objet de ce projet de loi. Ce projet de loi est venu camper des mesures bien précises, avec des gestes précis, avec des obligations nous donnant collectivement l'obligation de résultat, quelles seront les mesures, le plan d'action. Et, avec l'Observatoire, on pourra y revenir, mais il n'en demeure pas moins qu'indépendamment des partis politiques ce que les membres de la société sont venus nous indiquer, que la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale nous interpelle tous pour que nous trouvions des solutions et que nous posions des gestes concrets pour que nous soyons tous plus fiers individuellement et collectivement.

Je voudrais rappeler les nombreux témoignages de gens qui sont venus dire ici non seulement que cette loi, elle devait nous imposer encore plus de rigueur et plus d'intentions, mais aussi du caractère permanent que nous allons donner, par l'adoption de cette loi, à cette préoccupation qui est de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette loi va donner également, je dirais, une volonté de cohérence de l'action gouvernementale, mais aussi de toute l'action locale et régionale qui est sur le terrain, et il est évident que... On a parlé de l'Observatoire. L'Observatoire et le Comité consultatif, ce que les gens sont venus nous dire: Il fallait que nous nous donnions en toute objectivité des outils de mesure, et avec des mandats spécifiques que nous allons donner aussi aux gens pour nous aider à choisir les meilleures choses. Je vous dirais qu'il y a plusieurs témoignages qui sont venus nous indiquer toute la complexité des mesures pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, mais, pour une fois, unanimement, au Québec, on se dit que ce que l'on retrouve dans le projet de loi va nous permettre de le cibler davantage.

On manque de temps, je sais qu'il ne nous reste que cinq minutes. Il y a plusieurs suggestions qui ont été soumises ici, et je peux vous assurer que je pense que la population, dans son ensemble, nous indique clairement que nous devons passer à l'action, à l'action d'abord par l'adoption du projet de loi puis par le plan d'action. Il est évident que plusieurs personnes sont venues nous indiquer clairement quelles étaient les mesures que nous devions aller de l'avant. Unanimement, les gens nous ont dit: Il faut soutenir la famille, il faut être capable de soutenir au niveau de l'emploi puis il faut être capable aussi de redonner la chance à différentes personnes, et pas uniquement aux personnes prestataires, mais aussi aux personnes à faibles revenus et aux personnes qui perdent un emploi. Je vous dirais que les suggestions qui ont été émises, plusieurs vont être prises en compte. Plusieurs vont le faire.

Et je n'aurai pas le temps de les nommer parce qu'on manque de temps, mais je vous expose brièvement certaines suggestions. L'analyse différenciée selon les sexes, ça peut paraître peut-être très peu en soi, mais c'est extrêmement important. Ce que les gens sont venus nous dire, c'est que la façon dont les femmes et les hommes vivent la pauvreté et l'exclusion sociale, ce n'est pas la même façon pour les femmes que pour les hommes. Dans ce contexte-là, nous avons indiqué clairement que non seulement notre plan d'action va s'en être inspiré, mais c'est une obligation que nous nous donnons avant même que le projet de loi puisse être adopté. Je vous dirais que, aussi, les gens sont venus nous indiquer que parfois ils ne se retrouvaient pas dans notre projet de loi, particulièrement au niveau de nos aînés. Alors, il est évident que ce qui est important, c'est que les gens se retrouvent dans le projet de loi et qu'on soit capable de les cibler davantage tout en conservant notre vision globale d'intervention.

Le plan d'action, on y a fait référence. Et plusieurs mémoires ont indiqué des choses bien précises qu'ils voulaient que nous retrouvions dans le plan d'action, et nous allons les retrouver. Ce qu'on peut convenir tout de suite, c'est que l'intensité avec laquelle nous allons y travailler, il faut que tous les partenaires soient partie prenante. Il est évident que nous ne pourrons pas tout faire, et je pense que la population s'attend à ce que nous ne soyons pas en mesure de répondre à toutes les demandes qui sont légitimes. Et, vous avez soulevé tout à l'heure, cher collègue, que j'ai eu un moment de lucidité, bien, moi, je pense que je vous invite et je nous invite tous à en avoir de très grands moments de lucidité, parce qu'on a une obligation de résultat. Et, indépendamment des partis politiques, ce que les gens sont venus nous indiquer, ils s'attendent à ce que, unanimement, les législateurs soient capables de reconnaître que... d'avoir une loi-cadre dans laquelle on y retrouve une intervention globale avec un plan d'action, ils s'attendent à ce que nous poussions tous dans la même direction.

n(16 h 50)n

Il y a beaucoup de personnes qui sont venues nous parler des préjugés. C'est vrai qu'il en existe des préjugés, mais grâce à la collaboration de tous et de toutes les personnes... Et, j'en profite parce qu'il y a des journalistes qui sont ici aujourd'hui, ils nous ont aidés à faire avancer les choses pour que l'on puisse tenir compte de la réalité des femmes et des hommes qui, aujourd'hui, font des efforts pour s'en sortir. Malgré nos réussites au niveau du Québec, on a des gens qui, actuellement, se retrouvent exclus socialement et nous avons besoin les uns des autres pour être capables de continuer à convaincre l'ensemble de la population que, oui, ils sont généreux, oui, il nous faut intervenir, mais ce qui a été dit ici, c'est que l'État, à lui seul, ne peut pas réussir. C'est vraiment la collaboration de chacun et de chacune.

Il est évident que nous ne pourrons pas satisfaire toutes les demandes, mais je tiens, en terminant, Mme la Présidente, à remercier, au nom de tous mes collègues, les membres du Collectif aussi. Il y a des gens qui nous disent parfois: Les membres du Collectif, Mme Goupil, ils ne diront jamais que tout est parfait. Bien non, ils ne le diront pas, parce que, dans le quotidien, ils ont des gens qui vivent de la pauvreté. Mais nous, comme législateurs, on a l'obligation de s'assurer que notre projet de loi peut aller le plus loin possible ? et c'est ce que nous avons fait ? que nous puissions y consacrer le maximum des ressources, parce que notre société, elle est prête à trouver et à poser des gestes concrets pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce qu'ils nous demandent, c'est de nous arrimer et d'être dans l'action.

Mme la Présidente, je suis convaincue que les membres de cette commission parlementaire, convaincus du bien-fondé, feront en sorte que nous pourrons aller le plus loin possible, mais déjà reconnaissons que ce qui a été fait a été fait avec des gens courageux, avec des gens convaincus du bien-fondé de tout le monde et je suis convaincue que, article par article, nous pourrons aussi bonifier. Mais je nous interpelle à être solidaires les uns des autres pour que ce projet de loi là soit un élément de fierté pour les trois partis politiques. Et, quand viendra le temps d'aller sur terrain, bien nous serons fiers de dire qu'on a été le maximum de cette loi-là et qu'on soit capable comme société de développer des ressources pour nous permettre de répondre le plus rapidement possible aux femmes et aux hommes qui ont besoin que nous donnions un coup de barre. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, Mme la ministre. Alors, ici prend fin un vaste exercice non seulement de sensibilisation, mais aussi riche en recommandations. Alors, bien sûr que cet exercice ne doit pas être futile, les gens attendent énormément. On a entendu des cris du coeur, on ne peut pas se fermer les yeux sur les problèmes criants de la pauvreté. Je constate que plusieurs personnes et groupes sont venus nous parler, bon, du projet de loi, mais aussi du plan d'action. Les attentes sont très élevées, donc je pense qu'on attend des mesures efficaces qui sauront satisfaire le plus grand nombre, bien sûr, étant donné que la pauvreté est présente et qu'on essaie d'améliorer le sort de chacun.

Alors, il ne me reste qu'à remercier, bien sûr, tous les membres de cette commission pour votre présence, votre participation, aussi votre patience, je dirais, après 90 heures ensemble, votre excellente collaboration aussi, vous m'avez facilité la tâche. Je voudrais vous remercier, Mmes les ministres, le personnel de vos cabinets respectifs, des ministères aussi qui ont passé plusieurs heures avec nous.

Je voudrais remercier aussi le porte-parole de l'opposition officielle qui s'est prêté à cet exercice avec beaucoup de générosité, votre recherchiste, M. le député de Laurier-Dorion.

Alors, j'ai parlé de tous les membres tout à l'heure, bien sûr Mme la secrétaire, tout le personnel qui vous accompagne de l'Assemblée nationale, alors, encore une fois, merci.

Tous les participants aussi, les participantes. Je sais que... J'ai reconnu dans la salle des personnes qui, sans avoir pris la parole, ont été ici presque de façon quotidienne, alors on l'apprécie énormément. Alors, merci infiniment.

Et, le mandat de la commission étant complété, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 54)


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