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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 22 février 2005 - Vol. 38 N° 101

Consultation générale sur le projet de loi n° 83 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
M. Camil Bouchard, vice-président
Mme Lucie Charlebois, présidente suppléante
Mme Yolande James, présidente suppléante
M. Philippe Couillard
Mme Louise Harel
Mme Sylvie Roy
* M. Yves Dugré, FMSQ
* M. Gilles Hudon, idem
* M. Sylvain Bellavance, idem
* M. Pierre J. Durand, RUIS des facultés de médecine des universités du Québec
* M. René Rouleau, idem
* M. Henri Salembier, AQDR
* M. Maurice Boucher, idem
* M. Paul Brunet, CPM
* Mme Sarah Trudeau, idem
* Mme Dominique Demers, idem
* M. Jean-Guy Frigon, AERDPQ
* Mme Anne Lauzon, idem
* M. Luc M. Malo, idem
* M. Claude Godbout, Les recteurs des universités du Québec dotées d'une faculté de médecine
* Mme Janyne M. Hodder, idem
* M. Denis Marceau, idem
* Mme Maryse Rinfret-Raynor, idem
* Mme Pauline Champoux-Lesage, Protectrice du citoyen
* Mme Micheline McNicoll, bureau du Protecteur du citoyen
* M. Jean-Claude Paquet, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 
 

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je constate que nous y sommes et que nous avons le quorum. Je vous rappelle que la Commission des affaires sociales, qui reprend ses travaux, est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques concernant le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Je rappelle à toutes les personnes ici présentes de désarmer leurs cellulaires, s'il vous plaît, la sonnerie dérange nos travaux et intimide les personnes qui en sont responsables.

Alors, nous sommes heureux d'accueillir la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Mais auparavant la secrétaire me rappelle qu'il faut que je m'occupe des remplacements. Alors, y a-t-il des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) va être remplacée par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve). Voilà.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, à l'ordre du jour aujourd'hui, nous recevons la Fédération des médecins spécialistes du Québec; et ensuite Les quatre réseaux universitaires intégrés de santé ? les RUIS ? des facultés de médecine des universités du Québec; enfin, à la fin de l'avant-midi, Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées. Je vous fais grâce de l'agenda pour cet après-midi.

Alors, nous accueillons avec plaisir la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je laisse à son président, M Yves Dugré, le soin de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire ? que je compte religieusement ? et ensuite des périodes d'échange avec les deux côtés de la table. Allez-y.

Fédération des médecins spécialistes
du Québec (FMSQ)

M. Dugré (Yves): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, la Fédération des médecins spécialistes du Québec remercie la Commission parlementaire des affaires sociales de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer son opinion sur le projet de loi n° 83. Cette loi modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Louis Morazain, vice-président de la fédération et orthopédiste à l'Hôpital du Haut-Richelieu; du Dr Gilles Hudon, à l'extrême droite, et directeur des politiques de la santé et de l'Office de développement professionnel à la fédération et radiologiste aussi à l'Institut de cardiologie de Montréal; et, à ma gauche, Me Sylvain Bellavance, directeur des affaires juridiques à la fédération.

La fédération, je vous le rappelle, regroupe 34 associations affiliées, représentant près de 8 000 médecins spécialistes de toutes les disciplines médicales, chirurgicales et de laboratoire. La fédération a comme mandat de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, professionnels et scientifiques de ses membres. Au-delà de cette vocation, la fédération est aussi fermement convaincue que son rôle social et politique est de pratiquer activement au maintien d'une accessibilité aux soins pour tous les Québécois.

n (9 h 40) n

D'entrée de jeu, le projet de loi n° 83 est un projet volumineux, et M. le président me rappelle que 20 minutes pour en faire un exposé, c'est presque un tour de force. Nous allons nous concentrer sur neuf thèmes et qui sont: la gouverne; les effectifs médicaux et les privilèges des médecins; le concept de hiérarchisation; les ententes de services; l'organisation du travail en milieu universitaire; l'organisation régionale de la médecine spécialisée; les RUIS ou les réseaux universitaires intégrés de santé; la qualité des services; et enfin la circulation de l'information et l'informatisation.

D'emblée ? je vais aller rapidement ? du côté de la gouverne, le projet de loi nous propose des modifications des responsabilités. On voit que les responsabilités sont diminuées au niveau des agences régionales et elles sont augmentées au niveau des CSSS, des centres de santé et des services sociaux, et on a un nouvel intervenant dans le tableau, les RUIS.

Comme commentaire au sujet du renforcement de la première ligne et du rôle accru des centres de santé, la fédération a déjà exprimé son opinion et est d'accord avec un renforcement de la première ligne. Il s'agit, il faut le reconnaître aussi, d'une norme nationale. On voit qu'à travers le Canada le financement est accru pour renforcer la première ligne, et ça aura certainement pour effet, à moyen et à long terme, de diminuer la pression sur la deuxième ligne et la troisième ligne, ce qui est normal, et de concentrer l'expertise en médecine spécialisée. Donc, dans ce sens-là, c'est un élément important.

Du niveau des agences régionales ? défuntes régies régionales ? force est de constater que, dans plusieurs de ces régions, les plans d'organisation n'ont pas été faits, qu'on les confie maintenant dans un niveau plus bas, et je pense que c'est un élément intéressant, encore restera-t-il à voir comment arrivera le financement nécessaire à cette nouvelle mission. Cependant, il faut quand même garder à l'esprit que ces agences régionales devront garder un rôle d'arbitrage pour ne pas qu'il y ait trop de disparités dans l'offre de service entre les différents centres de santé et de services sociaux. Il est important d'éviter une dérive et qu'il y ait une trop grande inégalité.

Quant au nouvel intervenant que sont les RUIS, il est important d'entrée de jeu de dire qu'il ne faut pas qu'on arrive avec un mélange des genres et de mélanger les divers rôles qui sont déjà tenus par différents groupes, dont les agences régionales, les centres de santé et des services sociaux, les fédérations et le ministère, entre autres, dans la gestion des effectifs. Il faut éviter la confusion dans les rôles et qu'au bout de la ligne ce méli-mélo puisse nuire plutôt et on n'atteint pas les buts visés.

Pour ces trois instances, le libellé du projet de loi fait état souvent de «devoir» et laisse percer, pour la fédération du moins, des lendemains qui pourraient être plus coercitifs qu'il peut apparaître à première vue dans la loi. On fait souvent état que le centre de santé et de services sociaux doit faire ceci, doit faire cela, doit fournir les ressources, doit fournir les plateaux techniques, doit faire les réseaux, doit encourager tout le monde à mettre la main à la pâte. Mais il faut rappeler qu'en pratique dans la vie de tous les jours ? et le projet de loi là-dessus est silencieux ? on ne parle pas des ressources nécessaires et des finances nécessaires pour atteindre les buts. Donc, il est important qu'on tienne compte de la réalité. Et j'ose croire que ce projet devrait s'étaler sur un certain nombre d'années et que la population ne doit pas s'attendre à un changement radical du jour au lendemain seulement parce qu'on a un projet de loi.

Et enfin tout ce ton, et nous le déplorons dans notre mémoire, ce ton qui laisse prévoir qu'on doit faire ci et toute l'instance doit faire ci, doit demander, doit exiger, laisse peut-être présager un retour des méthodes coercitives dans le futur, qui est en apparence plus simple possiblement à imposer et qui dans les faits donne souvent moins de résultats escomptés que les ententes, et la négociation, et une approche avec les partenaires. Je reviendrai sur le rôle des RUIS tantôt et les différentes missions.

Le projet de loi peut avoir un impact sur les effectifs médicaux et les privilèges hospitaliers des médecins. La situation est la suivante. Les centres de santé et de services sociaux sont issus d'une fusion de différents établissements, exemple, un CLSC, un hôpital ? ce qu'on appelle encore un hôpital, nous ? et un CHSLD, et les plans d'effectifs sont faits par installation, ou par établissement, ou par mission. Donc, le projet de loi est muet sur cet élément-là. Mais la fédération demande que la gestion des effectifs médicaux se fasse encore par mission et non pas qu'un médecin spécialiste qui fait partie d'un CSSS où il y a un hôpital soit automatiquement... ait des privilèges dans un CLSC ou dans un CHSLD. Et l'inverse peut arriver aussi effectivement, qu'un omnipraticien, par exemple, qui a un privilège dans un hôpital n'en a pas dans un CLSC et que, le lendemain, à l'inverse, il ait également des privilèges dans un CLSC. Il faut au moins qu'il en fasse la demande.

Donc, dans la gestion des effectifs médicaux, nous demandons qu'un peu le statu quo soit fait ou donc, selon la loi actuelle, que le médecin demande des privilèges dans l'autre mission où il est fusionné. Je reviendrai sur les privilèges des médecins quand je reparlerai des RUIS également parce que, quand on parle du partage des tâches dans les RUIS, le même phénomène peut se présenter.

Concernant le concept de hiérarchisation et de coordination des services médicaux, le projet de loi mentionne que l'instance locale doit créer des conditions favorables pour augmenter l'accessibilité aux soins, augmenter la continuité, faire la mise en réseau, pourvoir des plateaux techniques suffisants pour les patients de première ligne, que ces mêmes patients de nos collègues omnipraticiens aient accès à des médecins spécialistes. Je pense que la fédération est en accord avec ces objectifs.

Je l'ai dit tantôt, le renforcement de la première ligne est un élément important de la réforme du système de santé actuel partout au Canada, et non seulement au Canada, mais partout dans le monde occidental. Cependant, permettez-nous d'ajouter un élément à ce point. C'est que, pour les patients, quand on parle d'expertise pour les patients traités en deuxième ligne ou en troisième ligne soit pour une chirurgie, pour un long traitement oncologique, il est important et il est aussi nécessaire que ce patient-là puisse retourner à un intervenant de première ligne après son épisode de soins, je pense que les deux vont de pair. Le corollaire de ça: je pense qu'il est important que, dans les objectifs de ces centres-là, cet élément-là soit présent.

Le concept de hiérarchisation. Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises dans le passé d'exprimer notre accord sur cet élément-là, et je n'y reviendrai pas davantage, sinon pour dire qu'il y a quand même une certaine limite à la hiérarchisation poussée à l'extrême. Il est loin d'être certain et il est loin d'être prouvé également que c'est toujours une bonne idée d'avoir une duplication et que le patient doit passer nécessairement par un intervenant de première ligne avant de voir un médecin spécialiste. Donc, il faut nuancer cette demande-là compte tenu surtout que les habitudes de consommation de la population ne sont pas d'hier ? on a un historique ici, au Québec. Et, si ça devait se faire, il faudrait que ça se fasse dans une information massive de la population dans ce sujet-là.

Et il y a des spécialités où ce n'est pas vraiment toujours une bonne idée. Je parle, en ophtalmologie, par exemple, ce n'est pas nécessaire, je crois, que le patient qui a vraiment un problème de vue, il passe nécessairement par un intervenant de première ligne. En général, ils ne sont pas équipés, et les patients savent d'emblée qu'à un certain âge c'est peut-être une cataracte, il n'a pas besoin de passer par un omnipraticien. Donc, il y a une espèce de modulation de ce concept-là pour éviter une duplication qui pourrait être coûteuse autant en ressources financières qu'en ressources humaines.

Le projet de loi parle d'organisation de responsabilités aux différentes instances, RUIS, agences, centres de santé, différents intervenants cabinet, et nous sommes dans une période longue, encore pour plusieurs années, de pénurie de médecins. Donc, la solution, c'est d'augmenter la main-d'oeuvre par des réseaux et des corridors de services. Nous sommes entièrement d'accord avec ce concept. Nous l'utilisons déjà d'emblée dans la confection des plans d'effectifs que nous travaillons avec le ministère, au Comité de gestion des effectifs médicaux. Certains postes sont utilisés, appelés réseaux plutôt qu'installations. On connaît le système. Je pense qu'il faut aller dans cette direction-là.

n (9 h 50) n

Mais j'avais une remarque... la fédération a une remarque importante à faire. Parce que ce concept d'entente de services n'est pas un phénomène nouveau dans la loi, il a été introduit au début des années quatre-vingt-dix, dans la loi 120 entre autres, et, depuis ce temps, très peu d'ententes dans les faits ont été signées et ont fonctionné. Compte tenu du nombre d'années que le concept est dans la loi, ça a très peu fonctionné.

Je me permettrais de rappeler que, dans l'esprit de la réforme de la loi 120, telle que je l'ai vécue à cette époque ? je pense que même, M. le ministre, vous avez eu l'occasion de participer dans cette période-là ? il y avait un concept, en tout cas, pour nous, la médecine spécialisée et les omnipraticiens, où le médecin tombait sous l'autorité du D.G. Il y avait comme un concept de dire: Enfin, les médecins vont avoir à être traités comme des employés dans un hôpital. Il y avait ça sous-jacent à cette espèce de tendance là et il y avait cette emprise-là. Donc, ça a donné lieu à des...

Et, selon l'esprit de la loi à l'époque puis trop souvent encore appliqué, ce sont des ententes qu'on appelle ? excusez-moi l'anglicisme ? «top-down», qui peuvent être faites au niveau des D.G., au niveau parfois des DSP mais sans entente réelle avec les médecins qui vont donner des services. Donc, dans ce modèle, la fédération demande de revoir ce modèle-là pour qu'il puisse fonctionner et de mettre l'accent sur le mot «entente» dans l'entente de services. Le mot «entente» veut dire: connaissance de la situation, participation aux données puis entente pour vraiment arriver à une conclusion et que ça fonctionne. Donc, le mot «entente», nous insistons là-dessus, c'est celui-ci qui devrait être souligné dans «entente de services» et de revoir l'esprit. Toute entente... Et on a eu l'occasion récemment de voir dans plusieurs dossiers qu'il faut nécessairement les impliquer, puis pas après coup, d'emblée. À cette fin, dans la présente négociation, la fédération est en train de soumettre et de travailler un projet de plusieurs modèles d'ententes qui pourraient servir autant parfois en télésanté, parfois dans des services avec déplacement entre des corridors de services mais impliquant nécessairement les médecins.

Organisation du travail en milieu universitaire. La pratique d'un médecin spécialiste en milieu universitaire est complexe, est plus complexe que dans d'autres milieux parce qu'à la clinique se rajoutent des tâches d'enseignement, des tâches de recherche, des tâches de gestion départementale universitaire ou encore du médicoadministratif, dit-on dans notre jargon. Il est nécessaire, dans une telle situation, de savoir qui fait quoi, je pense que c'est nécessaire d'avoir une gestion. La répartition des tâches donc est nécessaire, est importante. Mais, préalablement à cette situation-là, il faut faire l'inventaire de la situation actuelle. Et c'est pourquoi la fédération, avec d'autres fédérations également, dont les résidents, demande, dans les meilleurs délais, avec célérité, comme il y a des travaux qui se font actuellement, de faire l'inventaire des plans d'effectifs en milieu universitaire pour connaître vraiment la situation de facto et d'avoir des plans d'organisation et des plans d'effectifs crédibles.

Ce partage des tâches, cet avis de nomination ou ce renouvellement de privilèges, incluant des répartitions des tâches, pour la Fédération des médecins spécialistes, ne peut se faire unilatéralement lors du renouvellement des privilèges, ce qui équivaudrait, si c'est fait unilatéralement et de façon obligée, à un avis de non-renouvellement pour le médecin spécialiste. Il y a une façon de faire ? je reviens avec le mot «entente» ? où on doit, dans les milieux universitaires où il n'y a pas encore de plan de carrière ou de plan de pratique... il est nécessaire que cette adhésion à un partage des tâches, ce soit une adhésion volontaire, un plan de pratique, et que les ingrédients nécessaires au rehaussement de la vie universitaire, tel qu'annoncé, pas nécessairement juste dans le béton mais dans les ressources humaines, se fassent également pour avoir une adhésion volontaire. La fédération croit que c'est important qu'il y ait un partage des tâches, mais il y a une façon de procéder pour y arriver de façon harmonieuse.

Organisation régionale de médecine spécialisée. Depuis la création des commissions médicales régionales dans la loi 120 ? suite à la contestation, en 1991-1992, on a eu l'apparition des commissions médicales régionales ? il y a eu une évolution importante dans l'organisation et la représentativité des médecins au niveau des agences ou des régies régionales. Il y a eu, entre autres, l'apparition des départements régionaux de médecine générale. La plupart des médecins... beaucoup de médecins omnipraticiens ou médecins de famille sont en effet en cabinet. Je pense qu'il y avait nécessité d'avoir une départementalisation de cette organisation, puis on était d'accord, et je pense que l'autre fédération également était d'accord. Du côté de la médecine spécialisée, on a eu l'occasion de l'expliquer ici, les médecins spécialistes sont déjà départementalisés, ils font partie d'un département de la radiologie, d'un département de chirurgie, donc il n'y avait pas la nécessité d'organiser un département régional, mais il y avait nécessité d'avoir, maintenant plus qu'autrefois, une assise régionale pour une fédération d'associations. On comprend que partout dans le monde organisé, c'est une approche régionale.

Donc, on convient très bien donc que, les médecins étant déjà départementalisés, il va de soi qu'ils connaissent dans les milieux hospitaliers ce qu'on appelle la table des chefs. C'est une table de consultation réunissant la plupart des chefs de départements. Nous voulons reproduire ce modèle au niveau régional, une table régionale des médecins spécialistes, qui offrirait l'avantage, contrairement à la CMR, la commission médicale régionale, d'avoir un collège électoral assez représentatif, regroupant tous les spécialistes via la reconnaissance qu'ils font au niveau d'un chef de département. Donc, le chef de département a déjà une reconnaissance de ses pairs la plupart du temps, donc il y aura une représentation par des chefs de départements, qui gèrent déjà dans leur milieu ? deux minutes? ? par spécialités, par centres hospitaliers et par familles de spécialistes. Donc, cette table des chefs pourrait être rattachée au conseil d'administration, avec une participation des membres au conseil d'administration; en milieu universitaire, continuer la tradition d'avoir des résidents à ce niveau; et une concertation ponctuelle avec les DRMG.

Au niveau des RUIS, il était souhaitable de réduire la séparation qui existait entre la formation des médecins et la prestation des services. Je pense que c'est un élément qui est intéressant dans les RUIS. Je rappelle qu'il manque 1 000 médecins spécialistes. Nous questionnons ou nous nous interrogeons sur le rôle des RUIS dans la prévention des ruptures. Sachant que les conseils... les CHU sont là pour la deuxième, troisième et quatrième ligne, il est intéressant de penser que les médecins spécialistes ultraspécialisés puissent garder une certaine dose de polyvalence pour faire d'autres tâches, mais est-ce possible? Dans les faits, il manque des médecins, donc il est difficile de penser qu'on va envoyer un médecin ultraspécialisé ailleurs. Il faut plutôt arriver, dans les ententes de services... et l'esprit que j'ai mentionné tantôt, éviter la coercition, respecter ce qui fonctionne dans les réseaux universitaires, éviter également une sectorisation extrême et de découper la province en quatre alors qu'il y a déjà des systèmes qui fonctionnent. La liberté du patient est quand même... fait partie de notre système de santé, il faut que le patient ait accès au médecin de son choix, et ainsi la sectorisation pourrait amener par ailleurs un dédoublement, disons, non pertinent.

Enfin, je rappelle, et je pense que vous en êtes conscients, M. le ministre et M. le Président, que la fédération a joué un rôle important pour éviter des ruptures de services, via son Comité de gestion des effectifs médicaux et le comité terrain. Ce comité terrain là a visité une trentaine de sites, dans les dernières années, pour éviter des ruptures et revoir les modèles d'organisation. Enfin, au niveau des RUIS j'accélère... On a-tu commencé en retard?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous voulez dire que vous concluez maintenant, Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): J'aimerais quand même parler de l'informatisation, si vous me permettez. Je veux dire, au niveau des RUIS ? excusez-moi, M. le Président ? la représentativité des médecins au niveau des RUIS, j'appelle ça plutôt une sous-représentativité. Nous demandons à ce qu'à la table le comité de direction d'un RUIS, le président du CMDP puisse accompagner son D.G. Et je réitère la demande longuement faite qu'à la table de coordination des RUIS il y ait un représentant de la fédération.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie beaucoup pour cet effort louable de synthétiser votre mémoire. Je sais que vous n'avez pas eu le temps de vous exprimer sur une partie importante de votre mémoire, concernant l'informatisation et la circulation des renseignements. Je suis persuadé que les membres de cette commission vous interrogeront là-dessus. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (10 heures) n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Dr Dugré, Me Bellavance, Dr Morazain, Dr Hudon, bienvenue. Effectivement, vous avez touché quelques points, il y en a d'autres également dans votre mémoire qu'on pourra aborder dans nos échanges. Pour ce qui est de vos remarques concernant la gouverne, elles sont bienvenues. Vous nous rappelez la nécessité d'insister sur le rôle d'arbitrage des agences régionales. On en a eu déjà des échanges là-dessus, dans cette commission, et on est d'accord avec cette question-là. Cependant, on demeure convaincus que le plan de services doit originer de la base, doit originer de la première ligne et remonter vers les établissements spécialisés. Et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles dans le passé ces fameuses ententes n'ont pas bien fonctionné, parce qu'elles ne s'ajustaient pas aux besoins exprimés par les gens de proximité, des gens de première ligne, mais arrivaient plutôt du haut pour proposer des choses qui n'étaient pas nécessairement en accord avec les véritables besoins.

Un point sur la question des privilèges des médecins. Vous en avez parlé dans votre présentation. Bien sûr, il y a un seul établissement sur le plan légal maintenant, ce CSS, mais, cependant, comme vous le savez, les privilèges des médecins spécialistes sont en général très détaillés. On a des privilèges de neurochirurgie, ou de radio-oncologie, ou de chirurgie générale, ou de médecine interne, et le type d'acte et le type d'activité clinique est tellement détaillé maintenant, et le sera de plus en plus dans l'avenir, qu'en pratique il me semble que ça revient à l'objectif que vous soulevez. Je pense que, à partir du moment où on a un seul établissement légalement constitué, c'est difficile de dissocier les privilèges en installation, puis on ne voudrait pas revenir à cette philosophie d'installation. Mais, cependant, dans le cas des médecins spécialistes, les privilèges sont en général détaillés de façon suffisante et nécessaire, à mon avis également, de façon à ce que ça en vienne aux résultats que le médecin en fait a des privilèges qui s'établissent dans son milieu hospitalier ou dans son installation hospitalière. Qu'est-ce que vous pensez de cette approche-là?

M. Dugré (Yves): Mais c'est un peu, M. le ministre, c'est un peu dans la même direction, là. Je pense qu'on convient que, si je suis oto-rhino-laryngologiste, j'ai des privilèges en oto-rhino-laryngologie. Donc, le médecin spécialiste ou le médecin omnipraticien aura des privilèges dans son centre soit à l'urgence soit sur l'unité de soins effectivement et pas nécessairement automatiquement au CLSC parce que, comme on a dit tantôt, les deux pourraient avoir un effet pervers.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Oui, merci, M. le Président. Pour ce qui est de l'organisation des effectifs, particulièrement en milieu universitaire, d'abord je dois saluer la collaboration puis la cogestion des effectifs médicaux que le ministère fait avec votre fédération, je crois, avec un certain succès pour le plan d'effectifs et les suivis également. Et vous avez mentionné avec beaucoup de justesse votre rôle dans la prévention des ruptures de services. On en a des exemples presque hebdomadaires où notre collaboration et notre communication directe ont permis d'éviter beaucoup de situations difficiles pour les citoyens du Québec.

On est d'accord effectivement avec la nécessité d'un plan d'effectifs universitaires parce que la pratique en milieu universitaire est différente, sur certains aspects, de la pratique en milieu régional ou en milieu communautaire. Cependant, pour avoir un plan d'effectifs universitaires, ça nous prend un outil pour exactement quantifier les tâches. Il y a des tâches, comme vous avez dit, cliniques: enseignement, recherche, évaluation de technologies ou administratives. Donc, le plan de pratique est un élément essentiel pour faire cette mesure-là. Si on nous dit: Bien, en cardiologie, pour le CHUM, avoir trois cardiologues, si en fait on en a juste un, parce qu'ils sont obligés de faire toutes sortes d'autres tâches, il faut pouvoir le démontrer, hein. Lorsqu'on fait l'exercice difficile d'attribution des effectifs, il faut qu'on ait un outil objectif qui nous permette de calculer cet élément-là. Puis, je dois dire, j'ai une expérience personnelle de la question, ayant, à Sherbrooke, eu le bénéfice de pratiquer sous un plan de pratique. On était capables, nous autres, de quantifier de façon extrêmement précise qu'est-ce que tel médecin faisait au plan administratif, enseignement, recherche clinique. Et je pense que, si on veut un plan d'effectifs universitaires, ça nécessite la mise sur pied de plans de pratique. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est le cas?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Dr Dugré.

M. Dugré (Yves): Disons qu'il y a des discussions actuellement avec le comité des effectifs médicaux, à la fédération, justement pour faire l'inventaire. Et on comprend qu'à Sherbrooke c'est fait. Dans d'autres milieux, on discute de l'unité académique. Tel qu'on parle d'une méthode de mesure, qu'elle s'appelle unité académique ou que sais-je, je pense qu'on convient qu'il y a un certain compte à rendre. Quand on tombe dans une médecine qui est différente à l'acte, dans un mode forfaitaire, il y a un certain nombre de comptes à rendre, d'une certaine façon. Que la méthode soit des unités académiques, comme Sherbrooke, ou une amélioration ou un changement mineur, je pense qu'on convient qu'il faut aller dans cette direction-là.

Mais le point principal, c'est que ces modifications-là devront être faites de façon volontaire. Il y a des individus qui ont fait un rôle dans le milieu universitaire et que leur carrière a modifié avec l'âge ou avec les disponibilités de l'établissement, avec les finances ou les missions de l'établissement qui ont varié. Donc, ils ne devraient pas être tenus responsables ou pénalisés si on arrive avec un plan d'organisation universitaire où chacun doit faire de l'enseignement, de la recherche. Donc, il y a une évolution à faire et une approche, là, disons, humaine par rapport aux droits des médecins qui sont déjà dans ces milieux-là. Il y a moyen d'arriver à des fins intéressantes sans braquer nécessairement des individus dans une répartition de tâches qu'ils n'auront pas négociée. Je reviens sur le mot «entente», ce sont des privilèges imposés, c'est tout à fait à l'opposé de privilèges où les gens s'entendent et il y a un modus vivendi. Je pense qu'on a des exemples où le braquage retarde davantage et nuit vraiment aux objectifs, même s'ils sont désirés. Et la méthode pour y arriver doit être volontaire et avec les ingrédients nécessaires. Je pense qu'une entente et une négociation peuvent résoudre ce problème.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Oui, effectivement, M. le Président. Puis je reviens sur cette nécessité d'outils objectifs de mesure parce que, quand je vais dans les régions où il n'y a pas d'installation universitaire, on me reproche de donner trop de postes en région universitaire, puis, quand je vais en région universitaire, on me reproche le contraire. Alors, vous comprendrez bien que ça nous prend un outil de mesure sur lequel on s'entend pour justifier l'ajout éventuel de postes dans le cas d'un plan d'effectifs universitaires.

Pourriez-vous être plus précis quant à l'organisation régionale que vous souhaitez? La table des chefs de départements, je comprends que c'est un peu ce que vous souhaitez. Est-ce qu'à votre avis la commission médicale régionale garde son utilité, si on a, d'un côté, le DRMG dans la structure de l'administration régionale déjà, plus une table des chefs de départements qui serait à l'extérieur ou en dérivation de cette organisation administrative? Est-ce qu'on n'a pas trop d'organisations, si en plus on conserve la commission médicale régionale?

M. Dugré (Yves): Bien, pour nous, comme nous l'avons exprimé ? j'ai dû passer un peu vite, là, dans les dernières périodes de la présentation ? pour nous, la commission médicale devient obsolète à partir du moment où il y a une représentativité des médecins spécialistes sur tout le territoire, comme j'ai dit, également par centre hospitalier. Ce qu'on présente en annexe dans notre mémoire, un peu la technique de représentativité: chaque centre hospitalier aurait une représentativité au niveau de cette table des chefs là via un chef de département qui serait sélectionné. Il y en aurait un certain nombre qui seraient élus, un certain nombre qui seraient nommés pour être sûr qu'il y ait une représentativité par discipline ou par famille, pour que tout le monde puisse s'y retrouver. Et, dans ce cadre-là, on ne voit pas pourquoi la CMR serait doublée, parce que le Département régional de médecine générale a déjà son type de représentativité. Mais il s'agit de trouver une méthodologie pour qu'il y ait une concertation.

Dans les faits, la CMR est élue par les gens, mais ils n'ont pas de retour, il manque cet élément de retour vers le collège électoral, si on veut, ils n'ont pas de comptes à rendre à personne. Donc, dans un cadre de table des chefs, il y aurait un certain retour au niveau des chefs de départements, il y a plus de chances d'améliorer la représentativité et d'atteindre les objectifs qu'on recherche. Et c'est pourquoi, et d'ailleurs en accord avec la Fédération des omnipraticiens, dans un cadre où il y aurait une table des chefs régionale, on ne voit pas la nécessité de poursuivre la commission médicale régionale.

M. Couillard: Vous vous ajoutez à la liste des personnes qui veulent siéger à la table des RUIS; il y en a plusieurs depuis le début de cette commission-là. Vous avez quand même eu l'occasion d'assister à titre d'invité à quelques rencontres de cette table-là. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une façon correcte pour vous de participer à ces travaux-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le président.

M. Dugré (Yves): Participer, c'est le mot. Évidemment, je veux dire, si... Pour nous, participer, c'est participer à part entière. Et, dans ce cadre-là, c'est pourquoi, les interventions qu'on a eu l'occasion de faire à cette table, on est... Il y a des dossiers qui regardent la Fédération des médecins spécialistes. Quand on parle d'organisation universitaire, quand on parle d'effectifs médicaux, quand on parle de réseau universitaire pour éviter des ruptures de services, quand on regarde les rôles des RUIS ? c'est là que je vais parler un peu de confusion des genres ? je pense qu'il est important qu'on y soit, à cette table-là, ce sont des sujets qu'on délibère quotidiennement et avec toutes les instances. Et, dans ce sens-là, je pense que, pour cette table, cette auguste table, la présence de la fédération et de la Fédération des omnipraticiens également... et je ne pense pas que nous détonnons parmi toutes ces grandes personnes universitaires.

M. Couillard: Bien, je pense qu'à cette table-là où les RUIS doivent être vus comme un partenaire et non pas comme un rival, là, il ne s'agit pas en aucun cas de diminuer le rôle de la fédération dans des questions comme le plan d'effectifs ou les corridors de services, mais c'est une façon de coordonner encore mieux ce qui se fait. Et, pour revenir à une de vos remarques également, il ne s'agit en aucun cas, dans ce projet, de limiter la liberté de choix du patient pour son médecin. Le patient peut toujours aller consulter ailleurs. D'ailleurs, vous avez à votre droite le Dr Morazain qui est de Saint-Jean-sur-Richelieu. Techniquement, il peut être dans le RUIS de Sherbrooke. Mais, si quelqu'un veut aller se faire traiter au CHUM, il n'y a aucune disposition qui va l'empêcher de le faire, puis il n'y a certainement rien pour limiter ce choix du patient. Cependant, on ajoute, de la même façon qu'on ajoute une garantie de services de proximité au niveau des CSS, pour les RUIS, bien on ajoute également le fait que chaque citoyen du Québec maintenant est couvert d'une façon quelconque par ces coordinations, ces corridors de services surspécialisés.

n (10 h 10) n

Moi, j'ai connu très bien ? puis certainement vous également avez connu ça ? ces épisodes où je recevais des téléphones de médecins omnipraticiens pour me référer des malades souvent gravement atteints, dans des situations d'urgence, puis ils en étaient rendus à leur sixième ou septième téléphone parce qu'ils n'avaient pas aucune entente, ils n'avaient pas aucun corridor de services prédéterminé pour dire: Bien, s'il y a un patient qui a un problème cérébral aigu à tel endroit, bien il doit aller à cet hôpital-là. Ça se négociait à la pièce: Est-ce que, oui ou non, on va le prendre ce soir pour telle ou telle raison puis on ne le prendra pas demain pour telle ou telle autre raison? Je pense que la qualité des soins ici en a souffert énormément pendant des années. Et, s'il y a moyen d'améliorer ça, puis sur le plan de l'entente également... Votre mot, votre incidence sur l'entente est importante. Mais je pense que c'est le minimum qu'on peut faire pour les citoyens du Québec de leur offrir au moins cette garantie d'avoir accès à ces services surspécialisés sans qu'on ait besoin de faire ce marchandage, là ? c'est un mot un peu inélégant, mais c'est ce qui se produit souvent ? dans des situations qui sont parfois très graves dans les salles d'urgence.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. le président, s'il vous plaît.

M. Dugré (Yves): Je suis parfaitement d'accord. Et j'ai eu l'occasion de vivre ou d'entendre que des gens ont vécu cette expérience d'avoir à faire plusieurs appels pour être capables de transférer un malade. On convient que c'est inacceptable. Ce que nous disons, c'est qu'il faut faire attention, quand même.

Je voudrais rappeler une expérience d'une entente de services qui devait être conclue entre Gaspé, pour la pédiatrie, avec le CHUL, par exemple. La question que j'ai demandée aux gens qui voulaient faire cette entente-là: Qu'est-ce qui arrive avec les patients, les enfants de Chandler? Eux autres, mettons, quand ils vont arriver, là, est-ce que quelqu'un à l'urgence va dire: Vous, vous n'avez pas une entente avec Chandler? Donc, il faut faire attention, dans un réseau comme ça, que les signaux soient cohérents. Si Gaspé se vante: Moi, j'ai une entente de services, les enfants peuvent aller directement au CHUL, tous les enfants du réseau de Laval devraient aller là, comme celui de La Malbaie également. Donc, c'est les signaux, au bout de la ligne, là, comment c'est analysé et celui qui prend la décision à l'urgence. Donc, il faut que la cohérence parte de haut jusqu'en bas. Et des ententes comme ça, on en convient, mais on parle de sectorisation et de danger par rapport au signal à la population que Gaspé a un privilège parce qu'elle peut avoir ses enfants rapidement au CHUL.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre, vous avez une autre question?

M. Couillard: Moi, je suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire, là, sur la philosophie qui doit nous animer. Vous n'avez pas eu le temps de parler beaucoup de vos commentaires sur l'informatisation, puis c'est un point majeur pour les soins à la population que l'information circule plus rapidement ou facilement qu'elle le fait actuellement. En gros ? puis on est limités un peu dans le temps ? quelles bonifications nous recommanderiez-vous dans le domaine de l'informatisation, dans le projet de loi actuel?

M. Dugré (Yves): Disons que, pour le médecin spécialiste ou tout médecin, le dossier médical est primordial. L'examen physique fait partie du diagnostic, mais la connaissance des antécédents est aussi primordiale. Donc, tout doit être fait pour maximiser le transport de l'information. Et on ne comprendrait pas que le dossier électronique ou le dossier patient électronique soit plus compliqué à mettre sur pied que le dossier papier. En résumé, on demande une gestion simple, que le patient soit inscrit d'emblée et qu'il puisse se révoquer s'il croit, selon ses connaissances ou son information, que son dossier est trop sensible et risque des bris de confidentialité; d'autre part, que le médecin soit habilité automatiquement s'il fait partie du Collège des médecins, qu'on n'ait pas une procédure complexe pour être un intervenant habilité. Donc, c'est une gestion simple: inscription automatique, révocation du patient, s'il le désire, et le médecin habilité automatiquement.

On s'interroge toujours, on s'est posé des questions sur la question des sanctions. On voyait mal que le médecin, dans certaines circonstances, puisse être pénalisé s'il ne transmet pas l'information. Et enfin, si on veut ? brièvement ? que ça fonctionne également en cabinet, il faut également penser à investir du côté des ressources financières ou cléricales pour qu'on ait les résultats qu'on cherche. Donc, dans ce domaine-là, ça ne devrait pas être à la charge du médecin d'augmenter... que sa charge soit augmentée pour que le réseau fonctionne, mais il faut penser à combler les lacunes dans ce système-là.

M. Couillard: Je voudrais juste vous demander de clarifier votre position sur la question du consentement. Je crois avoir compris que ce que vous recommandez, c'est que, pour les données, les bases de conservation de données, le consentement soit implicite, qu'il n'y ait pas de consentement explicite du patient pour que les dossiers soient constitués?

M. Dugré (Yves): Oui, consentement implicite. Mais ça demande une vaste campagne, massive, à grande échelle, pour expliquer à la population le bien, qu'il n'y a pas de changement majeur par rapport à ce qui se fait actuellement, là, je veux dire, dans le dossier médical, pour qu'il soit transportable.

Il y a déjà des difficultés actuellement par rapport à l'information. Un médecin, par exemple, qui pratique à Sept-Îles et puis qui a un patient d'Havre-Saint-Pierre qui s'en va passer un examen de microbiologie à Sept-Îles et puis est référé par son omnipraticien, mais le médecin spécialiste, lui, qui est consulté par téléphone, il n'a pas droit à l'accès du rapport de microbiologie parce que ce n'est pas son malade. Donc, il y a des inconvénients, actuellement. Il faut faciliter le transport de l'information pertinente, que ce soient les médicaments, les examens, la radiologie et éventuellement le dossier patient. Donc, on demande une gestion simple. On ne voudrait pas que... Sous le sceau de la confidentialité, oui, nous en sommes, mais il ne faudrait pas qu'on ait à rencontrer un barrage juridique qui nuirait au transport de l'information.

M. Couillard: On est actuellement dans la première phase de déploiement de ces réseaux-là, là, de l'informatisation dans nos CSS, dans nos centres de santé et de services sociaux, où on veut constituer d'abord un index patients, la fonction recherche-résultat pour les examens de laboratoire et de radiologie et, une fois le projet de loi adopté, les dispositions législatives là.

La question du profil pharmacologique, est-ce que vous ne pensez pas que c'est un aspect essentiel du dossier pour éviter des duplications, des erreurs, des effets secondaires de médicaments, cette question du profil pharmacologique dans le dossier médical informatisé, électronique?

M. Dugré (Yves): ...je demanderais au Dr Hudon de...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Dr Hudon, s'il vous plaît.

M. Hudon (Gilles): Merci. Oui, M. le ministre, je pense que oui. D'ailleurs, on l'a bien dit que ce qui est contenu à l'article 520.9, on a dit que ces renseignements-là à notre avis étaient tout à fait pertinents et même constituent probablement la pierre angulaire de la création éventuelle du dossier patient informatisé partageable, universel. Le profil pharmacologique fait partie à coup sûr des informations qu'on devrait trouver en priorité dans le dossier du patient.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, merci. Je cède la parole maintenant à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Dr Dugré, bienvenue de la part de l'opposition officielle, Dr Morazain, Dr Hudon ainsi que Me Bellavance. Alors, Dr Dugré, il ne faut pas vous en vouloir de ne pas avoir eu le temps de présenter votre mémoire au complet, à peu près tous les organismes qui vous ont précédés ont dit la même chose. Et la raison en est que ce projet de loi porte sur des sujets qui auraient dû faire l'objet de plusieurs lois, notamment ce sujet que vous venez d'aborder, à savoir l'informatisation et la circulation de l'information clinique. Si vous permettez, on y reviendra.

Moi, j'aurais une question à vous poser. D'une certaine façon, le mémoire que vous nous présentez est assez sibyllin sur certains aspects, c'est-à-dire qu'il faut quasi être initié, là, pour en comprendre, si vous voulez... pour lire entre les lignes, hein? Alors, moi, je vous pose simplement la question parce que, depuis le début, disons, depuis deux ans, il n'y a pas un seul projet de loi qui a été adopté, en santé, sans que ce soit sous bâillon, avec toujours moins de 10 heures d'examen en commission article par article: Tel que rédigé, est-ce que vous recommandez de l'adopter?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la question est simple. M. Dugré, s'il vous plaît.

M. Dugré (Yves): C'est vrai qu'il faut lire entre les lignes, mais c'est parce qu'on a enlevé des lignes, hein, parce qu'il était très long ? je n'ai même pas eu le temps de toutes les lire. Mais, je vais vous dire, sibyllin, je ne sais pas jusqu'où vous allez dans votre interprétation de «sibyllin», mais, pour l'organisation, nous sommes plutôt pour; pour l'informatisation, on veut une gestion plus simple; pour les RUIS et l'organisation, on a des questions sur la méthodologie. Donc, en résumé, avec les améliorations qu'on propose, moi, je proposerais qu'il soit adopté.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme la députée.

Mme Harel: Vous savez que... On y reviendra, sur la question de l'informatisation, parce que votre proposition heurte en fait le point de vue exprimé depuis le début de la commission et certainement également celui qu'on entendra au cours de la journée de la part du Protecteur du citoyen. Je comprends que vous recommandez que dorénavant il n'y a plus besoin d'un consentement explicite, là, du patient et que ce soit par défaut, c'est-à-dire que, s'il ne dit pas non, il est tout de suite inscrit au registre. Il faudrait que ce soit par exception finalement qu'il ne soit pas inscrit. C'est ce qu'on doit comprendre?

M. Dugré (Yves): Oui.

n (10 h 20) n

Mme Harel: Bon. C'est clair, ça a le mérite d'être clair, même si, évidemment, comme vous le savez, il n'y a pas que... Il y aura énormément de garanties à donner parce que, là, ce n'est pas que le médecin traitant, c'est l'ensemble des intervenants habilités qui pourraient dorénavant avoir accès. C'est ce qu'on doit comprendre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Bellavance.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Bellavance, s'il vous plaît.

M. Bellavance (Sylvain): Bien, oui, effectivement le projet de loi définit les intervenants habilités comme comprenant des professionnels autres que les médecins.

Mme Harel: Alors, revenons sur la question de rupture de services. À la page 8 de votre mémoire, on y lit en fait que vous craignez «une sectorisation extrême», et là vous la décrivez, «un découpage d'autorité de la province en quatre portions». Puis vous nous donnez l'exemple Gaspésie-Montréal. Parce que vous dites: Il faut faire attention si on ne tient pas compte des voies de communication aériennes, terrestres, ferroviaires et si on ne tient pas compte des déplacements de population. Est-ce que c'est l'exemple que vous nous donniez tantôt, concernant l'hôpital de Gaspé versus Chandler et le CHUM, ou y a-t-il d'autres exemples?

M. Dugré (Yves): Ce n'est pas tout à fait le même exemple, mais, pour avoir discuté justement, dans le dossier de Gaspé, avec le D.G., par exemple, du CHUQ, il est bien conscient que, par habitude, les Gaspésiens consultent vers Montréal parce que les voies aériennes sont plus faciles puis la famille des Gaspésiens, semble-t-il, est plus à Montréal puis à Québec. Mais ça, c'est une réalité démographique. Ce qu'on dit dans ce sens-là: Il ne faut pas nécessairement heurter des situations qui fonctionnent, il faut la regarder, la lire, en faire l'inventaire puis prendre des décisions. Moi, je conviens que, dans un premier temps, on va regarder les situations qui fonctionnent puis que l'investissement pourrait être, dans une situation, pour les faire infléchir ou changer, si ça ne va pas bien. Mais je pense qu'il faut le regarder dans ce sens-là. C'est exactement ça.

Ça, c'est un exemple, mais il y en a beaucoup d'autres ? je veux dire, je ne reviendrai pas sur le dossier parce qu'on a eu des représentations également des gens du Nord-Ouest, de l'Abitibi, par rapport à leurs habitudes de consommation, l'habitude de services avec les gens plutôt de l'Université de Montréal plutôt que McGill. Donc, il y a une transition à faire, il faut que les gens s'acclimatent et il faut que les deux côtés... du côté du RUIS, que les gens se rendent sur place également. Et j'ai entendu M. le ministre tantôt dire justement qu'un des échecs de ces ententes-là dans le passé, quand c'était fait d'en haut et non pas sur place... Il faut y aller sur place. Il faut se rendre dans les régions également pour que les gens puissent se faire comprendre, se faire entendre et que les besoins soient identifiés sur place et non pas dans des tours à bureaux, là, à Montréal ou à Québec. Donc, c'est la clé du succès, il faut que ce soit fait comme ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Bon. D'autres qui vous ont précédés nous ont dit que finalement, sur papier, comme le ministre nous l'a indiqué d'ailleurs tantôt, les objectifs peuvent apparaître les mêmes, mais, dans la vraie vie, ça dépendra des budgets. Ça dépendra du temps opératoire aussi. Et tout ça sera lié finalement pas simplement à la volonté du patient, mais à la réalité pratique du soin à dispenser. Je ne sais pas, vous avez l'air à vouloir intervenir tout de suite.

M. Dugré (Yves): Oui.

Mme Harel: Tout va bien?

M. Dugré (Yves): Non, non, je suis prêt à intervenir, j'ai...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, non, mais allez-y, occupez-vous pas de moi.

M. Dugré (Yves): Non, non, O.K. J'attends toujours la...

Une voix: La lumière rouge.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, vous voulez continuer?

M. Dugré (Yves): Non, non, mais...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le président, allez-y donc.

M. Dugré (Yves): On va revenir sur le cas de Gaspé et puis sur le cas de La Malbaie. C'est que la limite par rapport aux ruptures de services et la mission de ces établissements-là de fournir des soins à la population, il faut également qu'ils aient la capacité de remplir... Parce qu'on est déjà, souvent, dans beaucoup de milieux, au bout de la corde, les budgets sont déjà défoncés, donc il y a des restrictions, il y a des pénuries de médecins. Donc, c'est le signal que je veux donner, que la fédération veut donner, qu'on a beau changer les structures, ce n'est pas instantané. Je veux dire, il y a une pénurie. On a vu dans le rapport du collège, cette semaine encore, que ce n'est pas demain qu'on va régler le problème de pénurie en médecine spécialisée, donc il faut tenir compte de ça. Tout simplement, c'est qu'il ne faut pas que ce soit de la... il n'y a pas de magie dans ça, mais que, des ententes, oui, mais qu'elles soient faites avec la réalité du terrain également.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 9, vous insistez sur la nécessité d'introduire le quotidien, en fait la fonctionnalité quotidienne, comme vous dites, là, dans votre présence au sein notamment des RUIS. Mais vous vous interrogez aussi sur l'intervention des universités dans ce qui semble être actuellement en place, là, entre la FMSQ, les régions, les établissements. Vous dites même qu'il y a du personnel de soutien dont la seule fonction est de recevoir quotidiennement des demandes de remplacement dans les établissements, tant du ministère que des régions. Alors, j'aimerais ça que vous nous expliquiez là-dessus. M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Dugré.

M. Dugré (Yves): Ça faisait partie du mélange des rôles qu'il faut éviter. J'ai dit: La fédération pense, et elle l'exprime dans son mémoire, que c'est une bonne idée de rapprocher les universités qui sont habituellement... dont le rôle est la formation académique, qui sont historiquement loin de la prestation des soins. On a vu un certain nombre de dérives, donc c'est important que ce soit rapproché, et les RUIS le font. Cependant, les gens qui sont dans les RUIS actuellement n'ont pas et n'ont jamais eu à régler, ou à réglementer, ou à parvenir à régler des ruptures de services. Ils n'ont pas l'expérience, disons, à date, là, donc, alors que c'est de l'expertise parce que c'est fait par... à la fédération, on investit des gens qui ne font que ça actuellement, informer les associations, les milieux des disponibilités. Donc, il ne faut pas désengager ceux qui font déjà un travail. Donc, il faut une prudence et ne pas mélanger les genres.

C'est pourquoi je réitère qu'à la table de coordination des RUIS je pense que la fédération a sa place, dans ce niveau-là, pour informer, participer à cette mission-là que les RUIS veulent se donner d'éviter les ruptures de services, mais ça doit se faire, d'une certaine façon, avec l'expérience déjà en place. Le comité terrain, je le rappelle, a déjà fait plus de 30 visites dans différents centres, que ce soit de Notre-Dame-du-Lac à Sept-Îles, en Abitibi, à Mégantic, les quatre coins de la province, pour essayer d'organiser les services avec les gens sur place et en compagnie du ministère. Donc, cet élément-là, il ne faudrait pas qu'on désamorce des gens qui sont prêts et qui le font, y compris dans des associations, que ce soient les radiologistes, les chirurgiens, les anesthésiologistes.

Mme Harel: M. le Président. Je comprends, Dr Dugré, que vous ne voulez pas que les plans de pratique soient imposés. C'est ce qu'il faut comprendre du mémoire? Êtes-vous prêts à les favoriser, à la fédération?

M. Dugré (Yves): Oui, mais ce qu'on dit dans... et ça fait partie peut-être un peu de la négociation, pas un peu mais beaucoup, de mettre un rehaussement de la vie universitaire. Et c'est le langage que nous entendons et que les Québécois et Québécoises ont entendu du gouvernement, qu'il voulait rehausser la vie universitaire. Donc, il faut que les tâches qui sont non rémunérées actuellement en enseignement, en recherche et en médicoadministratif le soient pour trouver une rémunération adéquate pour ces gens-là et investir non seulement dans le béton, mais également dans les ressources humaines, que ce soient les médecins, les infirmières, ou autres.

Donc, oui, on est prêts à le favoriser, mais ça prend une approche volontaire. Il y a des gens qui ont oeuvré depuis plusieurs décennies dans ces milieux-là. Donc, il y a un certain respect par rapport à ce qu'on appelle dans... comme droits acquis, donc il y a une espèce de respect à avoir et d'avancer progressivement et de façon volontaire. Puis il y a moyen de le faire. D'ailleurs, le plan de pratique de Sherbrooke, il a commencé d'une façon volontaire. Il y a des gens qui se sont mis ensemble, puis il y a eu des balbutiements, il y a eu des erreurs, il y a eu des réajustements. Donc, il faut le faire dans cet esprit-là.

Oui, la fédération reconnaît que ça prend un plan d'organisation universitaire, et c'est notre plus cher désir de le faire pour avoir des plans d'effectifs crédibles. Pour rappeler ce que le ministre disait tantôt, il faut que ce soit crédible, un plan d'effectifs, autant en région qu'en milieu universitaire, pour éviter l'emphase ou l'exagération autant d'un côté ou de l'autre. Dans une période de pénurie, ça prend des plans de pratique, des plans d'effectifs crédibles.

Mme Harel: M. le Président. Dans votre mémoire, on retrouve en fait ces phrases, telles à la page 5: «Le projet de loi est silencieux au sujet des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires pour atteindre les cibles fixées.» Ou encore, à la page 9, on y retrouve ceci: «...la prévention de ruptures de services doit s'inscrire dans le contexte du financement actuel des établissements[...], avec une loi qui rappelle que les établissements doivent donner des services en fonction de leurs ressources et ne peuvent dépenser au-delà du budget...» Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question-là.

n (10 h 30) n

M. Dugré (Yves): Mais, madame, quand on demande à un hôpital ou un centre hospitalier de fournir des services dans sa région de desserte alors que lui-même est en difficulté, donc il y a une incompatibilité actuellement. C'est pourquoi on dit: Le projet de loi est intéressant, l'entente de services doit se faire avec une emphase sur le mot «entente», avec connaissance des ressources du milieu, on parle des ressources humaines mais des ressources aussi de disponibilité opératoire, ou de plateau technique, ou de la mission de l'établissement. On voit qu'avec l'approche populationnelle, à laquelle nous adhérons, il faut le faire progressivement. Historiquement, les hôpitaux ont fonctionné par leur mission qu'ils se donnaient, propre. Je conviens qu'il est important de l'élargir par une approche plus populationnelle, mais il y a un intervalle de temps, il y a une gestion par rapport... parce que tout le monde est serré. Les budgets d'hôpitaux sont déjà en déficit malgré une loi antidéficit. Donc, il y a une compression. Il serait anormal d'imposer ? et, le mot «imposer», j'insiste ? des tâches supplémentaires à des milieux qui sont déjà... dont l'élastique est étiré.

Donc, ça prend une entente. Et je reviens, parce que ça revient tout au long du mémoire: entente de services, corridor de services, c'est la solution actuellement, mais entente d'abord. Et malheureusement on a trop d'exemples où ça a été... ça a voulu être imposé parce que ça paraît être plus simple. Ça paraît tellement simple de dire: On va les obliger à faire ça. C'est malheureux, mais ce n'est pas comme ça, la vie. Il y a des échecs là-dedans, puis on obtient le contraire de l'objectif cherché.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. D'autres questions de votre côté?

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je remercie M. Dugré, M. Morazain, M. Hudon et M. Bellavance de leur participation à la commission.

Et j'invite les prochains porte-parole à prendre place à la table. La commission ne suspend pas ses travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Je demande aux porte-parole de s'installer à la table, s'il vous plaît.

Alors, les salutations entre collègues étant faites, je demande donc aux porte-parole des RUIS de présenter leur mémoire. Alors, il s'agit de M. Pierre Durand, doyen de la Faculté de médecine et président du RUIS de l'Université Laval, et de M. René Rouleau, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Québec.

Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons des échanges de chaque côté de la table avec vous. Alors, vous êtes les très bienvenus à cette commission. Nous vous écoutons.

Les quatre réseaux universitaires intégrés
de santé (RUIS) des facultés de médecine
des universités du Québec

M. Durand (Pierre J.): Merci beaucoup, M. le Président. Au nom des présidents des quatre RUIS, il nous fait plaisir de vous présenter notre mémoire conjoint, résultant d'une fusion du mémoire du RUIS de l'Université Laval et du mémoire conjoint des RUIS de l'Université McGill, Montréal et Sherbrooke. Nous avons préparé ce nouveau mémoire lorsque nous avons constaté que les deux mémoires que nous vous avons fait parvenir présentaient beaucoup d'éléments en commun et aucun élément de divergence. Par ailleurs, nous vous prions d'excuser nos collègues de Montréal, McGill et Sherbrooke qui n'ont pu se joindre à nous, ce matin.

Les agences de développement des réseaux locaux de services. Le premier point que nous voulons faire ressortir est l'importance que nous attachons à développer un partenariat très étroit avec les agences régionales. Cela nous semble essentiel pour concilier de façon optimale les besoins cliniques et académiques et éviter autant que possible toute rupture de services cliniques ou académiques.

Dans cet esprit de partenariat, nous croyons que le projet de loi n° 83 devrait confier aux agences régionales la responsabilité de tenir compte des besoins spécifiques des établissements universitaires de leur région pour appuyer leur mission académique et qu'à cette fin les agences régionales devraient disposer, pour le financement des services spécialisés, d'enveloppes budgétaires spécifiques déterminées par le ministère.

Enfin, nous proposons de préciser que les avis que les RUIS produiront, selon l'article 340.1, sur les questions relatives aux plateaux techniques, aux effectifs médicaux et aux corridors de services devraient concerner principalement les services tertiaires et les ressources spécialisées. Nous proposons que l'article 340.1 soit réécrit de la façon suivante:

«Dans l'exercice de ses responsabilités, une agence doit tenir compte des besoins spécifiques des établissements universitaires de sa région pour appuyer leurs missions d'enseignement, de recherche et d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé.

«À cette fin, une agence exerce ses responsabilités en prenant en considération les propositions d'un réseau universitaire intégré de santé.

«Sur toute question relative aux plateaux techniques spécialisés, aux effectifs médicaux et aux corridors de services tertiaires, une agence doit demander l'avis du Réseau universitaire intégré de santé qui dessert son territoire.»

Les RUIS et le réseau de la santé et des services sociaux. À notre avis, la mise en place des RUIS est devenue une priorité si l'on veut améliorer l'accessibilité aux services pour toute la population québécoise tout en assurant la formation de la relève des professionnels de la santé. Il est bon que l'existence des RUIS sorte de l'informel et trouve assise dans la loi. Ainsi, les motifs qui justifiaient la création du comité Carignan et les recommandations de ce dernier trouvent ici une suite, une réalisation concrète.

Dans un esprit de partenariat, l'objectif des RUIS est de favoriser la concertation entre les agences régionales, les universités et les hôpitaux universitaires afin de mieux coordonner les activités de soins, d'enseignement, de recherche et d'évaluation des technologies. Cependant, les articles 436.1 à 436.8 ne reflètent pas l'esprit original qui a mené à l'instauration des RUIS, soit celui du Comité sur la vision du réseau universitaire du Dr Raymond Carignan.

À la lecture du projet de loi, on note: une absence de mandat général des RUIS afin de bien percevoir leur valeur ajoutée dans le réseau; une composition suggérée du RUIS et du comité de direction qui est rigide, qui impose une pointure à bas unique pour chaque RUIS et qui ne laisse place à aucune flexibilité; la rigidité des périodes d'alternance entre le doyen de la Faculté de médecine et le D.G. du CHU comme président; des contradictions entre certaines formulations des sujets sur lesquels les RUIS devraient faire des propositions à l'agence ou au ministre, inscrits dans le projet de loi, et les consensus qui ont été établis en avril 2004 entre les quatre RUIS et la Direction générale des services de santé et de la médecine universitaire du ministère dans un document intitulé Responsabilités des RUIS; les nombreuses responsabilités confiées aux réseaux universitaires intégrés de santé sans toujours leur accorder les leviers requis pour les assumer.

Proposition privilégiée par les quatre RUIS. Les RUIS sont avant tout des comités composés d'organisations autonomes. Ce ne sont ni des personnes morales ni des établissements. Les RUIS ne gèrent pas d'actifs, n'ont pas de lettres patentes et ne produisent pas de services. Ils n'ont pas de conseil d'administration. Leur seule légitimité repose sur leur capacité d'amener les dirigeants des établissements ayant une désignation universitaire, ceux de l'université et ceux de leur agence respective à se concerter en vue de faire émerger la complémentarité et l'intégration de la mission des soins des établissements de santé à désignation universitaire d'un même réseau avec leur mission académique et de soutenir les régions de desserte dans le maintien de la compétence professionnelle de leurs membres et leur mission de services, les corridors de services.

Les résultats attendus des RUIS dépendent de leur capacité à mobiliser les établissements membres, dépendent du leadership exercé par les universités, de leur flexibilité dans leur composition et dans leurs mécanismes de fonctionnement. L'analyse de l'expérimentation du fonctionnement en réseau nous apprend que le fonctionnement en réseau repose d'abord et avant tout sur des projets et non sur des structures et des obligations.

Lorsqu'un projet est choisi, il doit être un projet commun entre les partenaires. Il doit posséder certaines caractéristiques, dont: l'engagement des directions générales des établissements au-delà du court terme; placer le projet sous le signe de l'avenir; sans être maximale, une certaine compatibilité avec les valeurs des organisations; une perception élevée d'intérêts communs; des compétences distinctives complémentaires; la détermination conjointe des objectifs stratégiques; le respect de l'identité de l'autre; l'ouverture des partenaires à l'apprentissage graduel.

n(10 h 40)n

Les personnes impliquées dans l'organisation du réseau qui traite du projet devraient posséder les caractéristiques suivantes: des champions capables d'instaurer rapidement un climat de confiance et d'action entre partenaires; des parrains clairement identifiés; un partage équilibré du pouvoir au sein du réseau; une attitude d'ouverture critique; et l'habilitation et la mobilisation des personnels impliqués.

Les processus avec lesquels devraient être traités les projets dans le réseau devraient être basés sur: le partage clair des rôles et responsabilités entre les partenaires; des détenteurs d'intérêts qui supportent, ou «stakeholders»; un processus décisionnel souple et rapide; la disponibilité de ressources; la transparence de l'information partagée; des mécanismes de communication continue; le partage équitable des retombées du projet réseau; la présence d'un mécanisme de gestion des différends ou des désaccords; et l'évaluation continue d'un projet réseau.

Dans le contexte des RUIS, les projets peuvent être remplacés par des mandats. Tout comme dans le contexte des réseaux locaux de services, aucun mandat ne pourra être imposé à un réseau universitaire si les caractéristiques que nous venons d'énoncer ne sont pas respectées. C'est pourquoi nous croyons fermement que l'approche législative détaillée devrait faire place à une approche plus administrative. Aucun projet de loi ne peut forcer une organisation autonome à coopérer avec une autre.

D'ailleurs, dans les suites du comité Carignan, le mandat des RUIS a constamment évolué. Profitant de l'expérience acquise, deux mandats différents ont été définis par lettre d'un ministre de la Santé et des Services sociaux jusqu'à l'adoption par les quatre RUIS, en avril 2004, d'un document consensuel qui précise des responsabilités, une composition et un fonctionnement des RUIS. Les RUIS sont donc des organisations en construction et en évolution. Leur fonctionnement et leur composition ne peuvent être coulés dans le béton par une loi qui impose et fige une composition et un fonctionnement rigides.

Au cours des deux dernières années, les quatre RUIS ont fonctionné efficacement, sans encadrement législatif, dans l'idée d'atteindre les résultats. Il nous apparaît souhaitable de bien doser l'encadrement législatif qui doit fournir les assises juridiques des RUIS et les mécanismes administratifs plus flexibles qui permettront aux quatre RUIS de s'ajuster afin d'atteindre leurs résultats escomptés.

Les articles 436.1 à 436.6 pourraient ainsi être abolis et remplacés par un énoncé général qui annonce la création des RUIS ainsi que son mandat général. Les responsabilités spécifiques des RUIS, proposées dans l'énumération très explicite et détaillée de l'article 436.6 ? en droit, qui énumère exclut ? pourraient alors être définies par le ministère en consultation avec les partenaires des RUIS. Cet énoncé général pourrait se lire de la façon suivante:

«De concert avec le ministre de l'Éducation, est institué un réseau universitaire intégré de santé pour l'ensemble des établissements de santé ayant une désignation universitaire affiliés à une même université, pour les agences sur lesquelles se trouvent ces établissements et pour cette université.

«Le ministre détermine pour chaque RUIS un territoire de desserte.

«Un RUIS vise à faire émerger la concertation, la complémentarité et l'intégration des missions de soins, enseignement et de recherche des établissements de santé ayant une désignation universitaire d'un même réseau et à soutenir les régions de son territoire de desserte dans le maintien de la compétence des professionnels qui y oeuvrent et dans la mission de services à leur population.

«Chacun des RUIS doit informer le ministère de sa composition et de ses mécanismes de fonctionnement en tenant compte des orientations du ministre.»

Utilisation de la voie législative. Cependant, malgré cette argumentation, si le ministre désirait maintenir l'utilisation de la voie législative pour préciser le mandat, la composition et les rôles et responsabilités des RUIS, nous désirons faire certaines propositions.

Mandat général des RUIS et leur composition. Nous croyons que l'article 436.1 devrait de toute façon comporter un énoncé général du mandat des RUIS, tel que recommandé plus haut.

Comité de direction des RUIS. Compte tenu de la taille et des caractéristiques différentes des quatre RUIS, nous croyons que le comité de direction d'un RUIS, prévu à l'article 436.2, devrait comprendre un nombre limité de membres de base qui auraient la latitude de compléter la composition du comité selon les spécificités de leur réseau.

Fonctionnement des RUIS. Nous sommes très satisfaits que le projet de loi laisse aux RUIS le soin de décider de leur mode de fonctionnement. Cependant, l'article 436.3 limite la capacité d'un président d'un RUIS de demeurer en fonction pour un autre mandat consécutif de deux ans. Dans le cadre de l'expérimentation d'un nouveau mode de fonctionnement dans le réseau de la santé et des services sociaux, cette rigidité pourrait entraîner des modifications dans une dynamique de fonctionnement qui ne seraient pas souhaitables. Si le principe d'alternance entre le directeur général du CHU et le doyen de la faculté de médecine nous apparaît approprié, les membres d'un RUIS devraient cependant être en mesure de déterminer eux-mêmes la durée et le renouvellement du mandat de leur président.

Mandats spécifiques des RUIS. Nous sommes d'accord qu'il faut absolument éviter de confier au RUIS une autorité parallèle à celle de l'agence, ce qui aurait inévitablement engendré des confusions et des conflits, en plus de confier au RUIS des responsabilités qu'il n'est pas en mesure d'exercer. Toutefois, dans un esprit de partenariat, formuler des avis doit impliquer une recherche de consensus. À notre avis, des partenaires devraient constamment chercher à convenir de solutions optimales. Au-delà du choix de la formulation qui devrait caractériser les relations entre les RUIS et les agences régionales, nos principaux commentaires qui concernent les mandats des RUIS sont les suivants.

Au niveau de la mission de soins. Les RUIS devraient convenir ou faire des propositions sur l'instauration des corridors de services uniquement en réponse aux demandes des agences de leur territoire de desserte et non en réponse aux demandes des établissements. Leur opinion devrait aussi être sollicitée lors du partage des plateaux techniques ultraspécialisés et sur l'organisation de la télésanté sur leurs territoires de desserte respectifs. Les RUIS ne possèdent pas actuellement les infrastructures, les leviers nécessaires et la légitimité pour répondre à des demandes de bris de services à court terme. De plus, ils ne devraient être impliqués que dans la recherche de solutions aux problèmes de rupture de services pour les services spécialisés et ultraspécialisés des établissements de leur territoire de desserte.

Au niveau de la mission enseignement et recherche. Il y aurait d'abord lieu d'ajouter un autre mandat aux RUIS en leur confiant le rôle de faire des recommandations aux agences concernées et au ministère quant aux ressources humaines, matérielles et financières requises pour assurer les missions de soins ultraspécialisés, d'enseignement et de recherche, et d'évaluation des technologies. Les alinéas qui traitent des RUIS et de la mission d'enseignement et recherche confient indirectement à l'agence ou au ministère de la Santé et des Services sociaux, par l'intermédiaire du RUIS, un mandat qui est celui de l'université; il y aurait lieu de les réécrire pour éliminer cette ambiguïté. Les problématiques des plateaux techniques et de dédoublement ne concernent que les établissements ayant une désignation universitaire qui possèdent des centres de recherche; il y aurait lieu de ne limiter cette proposition qu'à ces seuls établissements. Le huitième alinéa suggère la mise sur pied d'équipes de recherche en région. Nous croyons plutôt que l'objectif est de les associer aux activités de recherche en réseau de nos centres de recherche actuels.

Obligations des membres du RUIS. Le projet de loi définit, à l'article 436. 7, les obligations des établissements membres d'un RUIS à l'égard de certains services qu'ils doivent rendre. Il y aurait lieu à notre avis d'ajouter certaines obligations des établissements membres à l'égard même de leur RUIS et de leur université, telles que: convenir avec le RUIS de ses domaines d'expertise; favoriser le développement de l'enseignement et de la recherche dans ses domaines d'expertise reconnus; développer ses services en complémentarité avec les autres établissements du RUIS; soumettre ses projets de développement de services surspécialisés au RUIS.

Il y a enfin un ensemble de recommandations pour lesquelles je donnerai maintenant la parole à M. René Rouleau, directeur général du CHUQ, et qui concernent plusieurs éléments précis de la loi n° 83.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rouleau.

M. Rouleau (René): Merci, M. le Président. Je vais aller au plus percutant et au plus important pour les besoins de l'exercice. On pourra par la suite répondre à des questions. Deux éléments qui nous sont apparus assez importants de porter à l'attention du législateur, c'est la composition du conseil d'administration des CH à désignation universitaire. La loi prévoit selon le cas entre trois et quatre sièges au conseil d'administration pour les personnes désignées par les fondations et les personnes morales actuellement, et le projet de loi n° 83 veut réduire ce nombre à deux personnes.

n(10 h 50)n

Pour nous, nous souhaiterions vous recommander le statu quo. Nous croyons que les corporations propriétaires reconnues comme des personnes morales sont les représentantes des fondateurs de nos établissements actuels. Nos institutions ont su, à travers les époques et les différents projets de loi, maintenir l'intérêt de la communauté envers les hôpitaux qu'elles avaient créés en faisant preuve d'un solide engagement et d'apports financiers tangibles. Les fondateurs de nos hôpitaux méritent le respect et leur place au conseil d'administration, et cette place témoigne de la reconnaissance de leur engagement passé et actuel.

Quant aux fondations hospitalières, elles se sont développées en complémentarité à l'action des personnes morales dans le même objectif d'améliorer la prestation des services de santé et des services sociaux pour la population québécoise. La contribution financière des fondations hospitalières est importante et reconnue comme essentielle pour appuyer les projets de développement de nos institutions dans le contexte de fonds publics insuffisants pour répondre aux besoins, notamment en matière de technologies et d'immobilisations. De plus, la participation des fondations aux projets des nouvelles installations du CHUM et du Centre de santé McGill fait partie des conditions sine qua non imposées par le gouvernement pour la réalisation de ces deux projets. Pour toutes ces raisons, la réduction du nombre de sièges réservés tant aux représentants de la personne morale qu'à ceux des fondations nous apparaît difficilement recevable.

Le deuxième volet de notre mémoire, qui est assez spécifique, c'est toute la question bien sûr du financement des services spécialisés, ultraspécialisés, mais aussi le financement des missions académiques des établissements membres des RUIS. Nous savons combien il est difficile de bien illustrer le poids budgétaire généré par le volet de l'enseignement, de la recherche et de l'évaluation des technologies et des modes d'intervention. Ailleurs dans le monde, on a fait des travaux, on a fait des études à ce niveau-là et on a statué sur un budget pro forma, mais ici, au Québec, on a encore de la difficulté à bien mesurer le coût d'impact financier de ces missions, et selon nous elles sont sous-financées.

Je voudrais juste, en conclusion, vous rappeler les principaux propos du Dr Durand. Nous croyons que le leadership que doivent prendre les RUIS nécessite une meilleure coordination et une meilleure recherche de complémentarité entre les établissements et leurs réseaux respectifs.

Le mandat, la composition et les activités des RUIS, tels qu'inscrits dans le projet de loi, ne permettront pas aux RUIS de continuer à progresser dans l'esprit du mandat que nous avait confié le ministre Couillard en juin 2003. Les objectifs visant la création des RUIS nous apparaissent imprécis, le projet de loi introduit la rigidité où il devrait y avoir de la flexibilité et, entre autres, il confie aux RUIS des mandats qui appartiennent à l'université.

Les RUIS préfèrent que le ministre introduise les RUIS et leur mandat général dans le réseau par un article du projet de loi et qu'il utilise des mécanismes administratifs, comme ceux qui sont actuellement utilisés, pour lui permettre d'atteindre les résultats attendus, en permettant une concertation entre le milieu universitaire et celui de la santé. Il nous apparaît que la voie administrative devrait être privilégiée à la voie législative. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie de votre collaboration et je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Durand, M. Rouleau, merci pour votre visite et votre présentation. Je vais commencer par vous amener sur un terrain qui va être repris dans la commission parlementaire sur le CHUM dans quelques jours, quant à la réalité et ce qui se passe réellement dans un centre hospitalier universitaire par rapport au réseau de santé, la place dans le réseau de santé d'un hôpital universitaire.

Pour éclairer ceux qui nous écoutent, on a classifié les soins en trois niveaux: niveau 1, qui est des soins vraiment de première ligne; niveau 2, qui sont les soins spécialisés généraux, essentiels; et niveau 3, on pourrait dire les soins surspécialisés, ce qu'on associe en général à un hôpital universitaire. Or, dans la réalité des choses, et on a les chiffres pour le démontrer, 75 % des activités d'un centre hospitalier universitaire sont de niveau 1 et 2 et 25 % de niveau 3. Parfois, on laisse véhiculer l'idée qu'un centre hospitalier universitaire est uniquement composé d'activités surspécialisées de niveau 3; ce n'est pas le cas. C'est le contraire, la majorité des activités sont de niveau 1 et 2. Donc, essentiel qu'il y ait une partie de cette mission du centre hospitalier universitaire, qu'on pourrait appeler la mission de proximité, qui soit bien définie.

Et je pense que, dans votre mémoire, vous demandez de préciser que ces responsabilités de services de proximité doivent être mieux établies ou mieux coordonnées avec l'agence. Dans une région comme Montréal, c'est particulièrement important parce que, sur 12 réseaux intégrés, il y en sept qui n'ont pas le bénéfice d'avoir un centre hospitalier général sur leur territoire. Donc, ces réseaux doivent avoir le soutien des centres hospitaliers universitaires pour leurs soins de proximité. Comment est-ce que vous faites le partage entre ces activités de niveau surspécialisé et la responsabilité de proximité d'un hôpital universitaire?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Durand, vous avez le privilège d'entamer une très longue discussion qui se poursuivra durant des jours sur la mission des hôpitaux universitaires.

M. Durand (Pierre J.): M. le Président, je suis très honoré du privilège que vous me donnez, mais je pense que la personne la mieux placée, c'est M. Rouleau, qui connaît bien au quotidien le vécu d'un centre hospitalier universitaire. Avant de lui... Si vous permettez quand même, il s'agit d'une question, je pense, qui est extrêmement importante. Le RUIS de la région de Québec a bien voulu mettre l'emphase sur la notion que vous amenez, M. le ministre, en prévoyant des ententes de services très claires avec les réseaux locaux, en particulier le partage des unités de médecine de famille, qui étaient, pour la majorité, associées à nos centres hospitaliers universitaires, centres hospitaliers affiliés universitaires, etc. L'esprit de la loi, je pense, est respecté dans la région de Québec. Mais je laisserais, si vous permettez, la parole à M. Rouleau, qui connaît bien le vécu d'un centre hospitalier universitaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Rouleau, le privilège vous est transféré.

M. Rouleau (René): Merci, M. le Président. Je pense que le ministre de la Santé connaît bien la réalité des hôpitaux au Québec, des hôpitaux universitaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre, le privilège vous est transféré.

M. Rouleau (René): C'est vrai que le ratio ressemble à 75-25, activités de niveau 1 et de niveau 2, 25 % pour les activités spécialisées et surspécialisées. Tout n'est pas universitaire dans les hôpitaux universitaires, il faut quand même faire des activités régulières d'enseignement. Pour donner la chance d'apprendre la profession, il faut commencer par des activités de base et évoluer progressivement. Sauf que le poids du 25 % d'activités spécialisées et surspécialisées est très lourd à supporter compte tenu, je vous dirais, des principales évolutions technologiques, que vous connaissez bien, de la pression qui nous est soumise pour suivre le développement technologique, former les grands médecins de demain avec des hautes technologies.

Et, en plus, quand on donne, via le RUIS, la responsabilité aux hôpitaux universitaires de desservir, dans des bassins de desserte, les hôpitaux régionaux à même leurs ressources, ça rend encore plus complexe l'exercice de couverture de notre rôle. Mais il ne faut jamais perdre de vue que 75 % de la population vient pour des activités régulières, et il faut donner accès aux services, même à Montréal et même à Québec, à la population qui va chercher des services de base tous les jours, à l'hôpital.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre, est-ce vous avez compris que le pourcentage augmentait à 85 % avec la proposition d'une desserte plus large?

M. Couillard: Mais non, pas vraiment.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Allez-y.

M. Couillard: Donnez-nous un exemple. Parce que c'est un point excessivement important, puis je ne veux pas empiéter dans nos conversations de la semaine prochaine, mais ça va être un point central dans la compréhension des citoyens de ce qui se produit dans un hôpital universitaire puis de la mission réelle et de la réalité d'un hôpital universitaire.

Vous êtes en train, à Québec, de faire votre projet d'organisation. Comment est-ce que vous articulez votre relation entre votre institution puis, disons, le réseau, le CSS de Québec-Sud ou de Québec-Nord? Comment est-ce que vous articulez ça?

M. Rouleau (René): Nous, on a pris en compte...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rouleau.

M. Rouleau (René): Excusez, M. le Président. Nous, on a pris en compte que 85 % de notre clientèle venait nous fréquenter dans nos hôpitaux, nos trois hôpitaux, au CHUQ, pour cinq grandes problématiques à peu près, hein: les personnes âgées, la santé mentale, les problèmes jeunesse, périnatalité, etc., et les problèmes de maladie chronique, hein, MPOC, des choses comme ça. Donc, qu'est-ce qu'on a essayé de faire avec les CSS Québec-Sud et Québec-Nord, c'est de développer des corridors de services naturels dans ces cinq grands programmes clientèles, de façon à améliorer la fluidité pour le patient, pour le citoyen, à toutes les étapes, qu'il n'y ait pas de rupture dans l'offre de services. Et on a essayé de trouver un dénominateur commun qui nous permettrait d'assurer qu'une personne qui rentre dans le système soit capable d'avoir accès très rapidement aux différents niveaux, 1, 2 et 3, de services, et on a simplifié le modèle d'organisation autour de cinq grands programmes clientèles. Et ça correspond très bien aux besoins de la population et au plan ? on l'appelle le projet clinique, hein ? des centres locaux, des CSSS. Donc, ça a été notre réponse, à Québec, à cette évolution-là, et ça correspond très bien, je pense, aux orientations régionales, et même, je vous dirais, ça inspire un peu les autres régions du Québec pour un modèle à peu près similaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Pour passer à un autre sujet maintenant, M. le Président, effectivement, vous avez raison, on est parti du rapport Carignan ? pour les gens qui nous écoutent, c'est un rapport important que le précédent gouvernement avait demandé à M. Carignan, qui est un ancien directeur général de l'Institut de cardiologie et d'autres institutions ? pour essayer de nous préciser comment est-ce qu'on pourrait mieux intégrer puis organiser la médecine académique ou la médecine universitaire au Québec. Et ça avait donné lieu à ce rapport, donc le rapport Carignan, où effectivement le concept des réseaux universitaires intégrés de santé était introduit ? donc, il a été introduit dans le rapport de M. Carignan ? mais effectivement on le limitait, dans son origine, au volet enseignement-recherche.

n(11 heures)n

Mais je vais assumer pleinement la transition qu'on a faite, c'est de donner une valeur ajoutée à ce type d'organisation et de placer le Réseau universitaire intégré de santé au coeur du réseau de services également. Parce que je vous poserais la question, là: Si ce n'est pas le RUIS, c'est qui qui va soutenir les régions? C'est bien d'avoir la référence des patients puis après de justifier nos demandes budgétaires parce qu'on reçoit des patients de Gaspésie ou de la Côte-Nord, c'est compréhensible et c'est normal. Mais qu'est-ce qu'en échange on offre aux régions en termes de soutien, soutien des professionnels ou soutien des organisations de soins? Donc, la question est: Est-ce que ce n'est pas important d'ajouter une valeur ajoutée ? excusez-moi de la répétition ? à la suggestion de M. Carignan en introduisant la dimension de services et du réseau de santé dans le concept de réseau universitaire intégré de santé?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Durand.

M. Durand (Pierre J.): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, vous avez tout à fait raison, M. le ministre. On a bien compris que, dans un partenariat, c'est donnant, donnant. Si, du point de vue des universités, on a besoin d'un réseau d'enseignement clinique pour la formation clinique des professionnels de la santé, il va de soi que ces mêmes professionnels qui ont l'immense privilège de travailler dans un réseau universitaire ont certaines obligations vis-à-vis la société en général et vis-à-vis les partenaires des régions et qu'ils doivent être solidaires des difficultés de services, des ruptures appréhendées de services. Et je pense que les quatre RUIS travaillent dans cet esprit-là de partenariat.

Il ne faudrait pas faire cependant des RUIS qu'une structure de réponse aux besoins de soins, mais il faut rappeler les préoccupations de départ, qui étaient de concilier les défis à relever tant dans la couverture des services que dans la formation d'une relève en santé pour laquelle on nous indique actuellement des besoins extrêmement importants. On nous signifie des augmentations de cohortes qui sont à la limite de ce qu'on est capables de prendre. Et tout ça ne peut se faire qu'à travers une coordination parfaite, des engrenages parfaitement lubrifiés entre un réseau de distribution de services de première, deuxième et troisième ligne, et un réseau d'enseignement, et un réseau d'évaluation des technologies.

J'en profiterais, M. le ministre, pour rappeler peut-être... soulever une ambiguïté. Les soins de premier et de deuxième niveau, les soins spécialisés, c'est une matrice qui n'est pas la même que celle universitaire ou non universitaire. Je vous rappellerai qu'on a des centres de santé et de services sociaux, des CSS, qui sont très universitaires, dans lesquels l'enseignement de la première ligne... le souci de l'excellence et un niveau d'académisme très élevé. Incidemment, nos CHU ne sont pas 25 % universitaires et 75 % non universitaires, ils sont universitaires à 100 %. Il y a un esprit, une culture et une obligation implicite d'être solidaire des objectifs de formation de la relève pour tous ceux qui y oeuvrent et qui sont invités à y oeuvrer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui.

M. Couillard: Mais vous remarquerez que ce n'est pas ce qui a été dit. Je n'ai pas dit que c'était 75 % universitaire, j'ai juste rappelé la réalité, qui est importante dans le contexte universitaire de formation, qui fait que 75 % des activités cliniques d'un centre hospitalier universitaire sont en fait des activités de niveau 1 et 2, ce qui est excessivement important pour la mission universitaire. Alors, c'est tout universitaire, je suis d'accord avec vous, ça concourt à l'enseignement, mais c'est une réalité qu'il est important de rappeler, parce que le centre hospitalier universitaire n'est pas une organisation désincarnée qui lévite au-dessus du réseau de la santé sans en être solidaire. C'est le contraire, un centre hospitalier universitaire est profondément ancré dans la proximité autant que dans la desserte suprarégionale et spécialisée, mais l'ensemble de ça fait la mission universitaire. Je pense que là-dessus on va s'entendre très bien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre, je pense que M. Rouleau a quelque chose à ajouter.

M. Couillard: Oui.

M. Rouleau (René): Je voudrais apporter un complément à votre avancée sur la complémentarité de la mission de l'organisation des services surspécialisés et spécialisés via le RUIS. Je pense que c'est le lieu effectivement de coordination et de concertation le plus approprié parce que tous les acteurs y sont réunis, sauf que les leviers dont on dispose actuellement sont un peu diffus. Parfois, il faut passer via les fédérations médicales ? j'ai écouté le Dr Dugré tout à l'heure pour trouver la clé de l'énigme pour aller couvrir, par exemple, les soins en radiologie aux Îles-de-la-Madeleine ou à Rimouski. Parfois, il faut passer par différentes structures pour réussir à trouver la formule, hein, sur une base ad hoc, là, pour réussir à éviter les ruptures de services.

Quand vous donnez aux RUIS la responsabilité de coordonner tout ça avec des leviers un peu... juste, je dirais, de concertation ou des approches bona fide, c'est une lourde tâche que vous leur confiez, parce qu'on n'a pas le mandat d'allocation des ressources, on n'a pas... On peut donner des avis. Bien sûr, il faut que ce soient des bons avis, bien suivis, pour qu'ils soient crédibles. Mais, au bout de la course, c'est l'allocateur des ressources qui fait la différence dans la capacité de couvrir des territoires. Et ça, je vous dirais, ça mériterait un peu de raffinement pour être capables de savoir où commence puis où finit notre responsabilité dans ces matières parce qu'il y a des journées c'est très ambigu puis ça devient un peu difficile à l'exercice de réussir à répondre à l'esprit de la loi puis à l'esprit de ce que vous avancez.

M. Couillard: Effectivement, si c'est un moyen d'améliorer ça puis de lever une ambiguïté, on veut certainement le faire, puis vos remarques sont les bienvenues. Je fais quand même une remarque. Il ne s'agit pas d'un rôle qui est exclusivement donné aux RUIS, il y a d'autres partenaires. Il y en a un qui vous a précédés à votre table uniquement auparavant puis qui un peu craignait de voir son rôle se diluer, la Fédération des médecins spécialistes, qui a un rôle important. C'est un partenaire de plus. Alors, il s'agit de bien coordonner tout ça.

Mais une façon également de se coordonner à l'intérieur des RUIS, c'est de réaliser que, dans la loi actuelle, que vous connaissez très bien, il y a d'autres institutions que des universités qui se font donner une mission propre d'enseignement et de recherche, comme les centres hospitaliers à désignation universitaire. Que ce soient des CHU, des centres hospitaliers affiliés ou des instituts universitaires, ces gens-là ont une mission propre d'enseignement et de recherche qui leur est reconnue dans la loi actuelle. Alors, est-ce que le RUIS, ce n'est pas une façon également de réunir ces deux endroits ou ces deux lieux où l'enseignement et la recherche se font, l'université, d'une part, et les établissements à vocation... à désignation universitaire, d'autre part?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rouleau.

M. Rouleau (René): C'est la première fois que c'est aussi bien énoncé, je dirais. C'est clair, la valorisation des missions académiques, c'est avec l'apparition du rapport Carignan, avec les efforts qui ont été faits par différentes personnes au ministère, le Dr Bureau, que, pour la première fois, on a nommé, hein, dans la loi, la valorisation de la mission de l'enseignement, la mission de recherche, la mission d'évaluation qui n'est pas encore assez développée au Québec, pas seulement des technologies et des modes d'intervention. C'est la première fois que c'est au moins bien compris, bien précisé dans une loi que cette responsabilité-là est importante.

Notre seule petite nuance, notre problème, c'est, quand on la met à côté ou en même temps que la mission d'organisation des soins et services, bien, l'acuité des besoins dans le volet des soins et services risque de faire un peu d'ombrage. Vous avez vu un peu, c'est paradoxal. C'est nommé puis on veut l'assumer; en même temps, c'est doublé de l'autre mission qui est très énergivore. Donc, il y aura un équilibre, là, à faire pour faire évoluer toutes ces missions-là ensemble.

M. Couillard: Vous avez raison, c'est une mission qui est parfois énergivore. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Lorsque vous recommandez une approche purement administrative plutôt que législative, je pense qu'il faudrait éviter de créer une perception ? puis ce n'est certainement pas ça que vous voulez, ce matin ? auprès des citoyens qui nous écoutent où vous voudriez ne pas être imputables de rien. Vous voulez certainement exercer votre imputabilité puis qu'elle soit reconnue. Donc, est-ce qu'il n'y a pas nécessité d'utiliser l'outil législatif pour ça?

Je pense que, comme tous les acteurs du réseau ? et c'est un défaut de notre réseau de santé historiquement ? c'est que les lignes d'imputabilité n'ont jamais été clairement définies: qui est responsable de quoi par rapport à qui ou quelle autre organisation. Lorsque vous dites, par exemple, qu'on ne peut pas, entre guillemets, forcer ? puis le mot «forcer», je ne l'aime pas non plus, là ? une organisation autonome à coopérer avec une autre organisation autonome, sur le plan du principe, je comprends ce que vous dites, sur le plan de la pratique, ça m'inquiète un peu d'entendre ça. Alors, comment est-ce que vous pourriez nous rassurer sur cette question?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, allez-y. M. Durand, s'il vous plaît.

M. Durand (Pierre J.): Merci, M. le Président. Je vous rappelle que, comme université, on est une organisation imputable; comme faculté de médecine, on est imputable; devant un ensemble de structures, de partenaires, le bâilleur de fonds, comme hôpital, on est une organisation aussi imputable, avec un conseil d'administration, avec des résultats qui doivent être documentés devant une agence, devant le ministère. Nous sommes donc une mosaïque d'organisations imputables. Est-ce qu'il faut rendre la Table de coordination et de concertation imputable devant... Devant quoi? Devant qui? Parce qu'on est déjà tous imputables. Est-ce que... Point d'interrogation, je vous pose la question.

C'était un peu le sens de notre intervention. Il nous apparaissait qu'on était tous des citoyens responsables, très soucieux du bien supérieur des Québécois vu sous l'angle de la dispensation des services de santé, vu sous l'angle de la formation d'une relève en mesure de répondre aux besoins de la population et d'effectifs qui, en recherche, ne demandent pas mieux que de s'attaquer aux problèmes de l'heure et de répondre encore une fois aux besoins de la population québécoise. Est-ce qu'il faut rajouter encore de l'imputabilité là-dessus? Personnellement, je trouve qu'il y en a déjà pas mal.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Rouleau.

M. Rouleau (René): Je compléterais, M. le ministre, en vous disant qu'on souhaite que le RUIS soit inscrit dans la loi par un article à portée générale. Puis, pour éviter le diable dans les détails, là, on souhaite qu'il y ait des assouplissements sur les modes d'intervention, les modes d'organisation du RUIS, nos modes d'opération. Parce que, vous savez, le RUIS de Sherbrooke n'est pas tout à fait pareil comme le RUIS de l'Université Laval et le RUIS McGill. C'est un peu asymétrique, là, compte tenu des différents défis, des territoires à desservir, etc. Donc, on souhaite avoir plus de flexibilité dans notre mise en opération. C'est à peu près l'esprit de notre mémoire.

n(11 h 10)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, dans votre réponse, vous ouvrez un autre front de discussion sur l'asymétrie, mais je vais laisser faire, et je vais passer... laisser la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'opposition officielle, M. le doyen de la Faculté de médecine et président du RUIS de l'Université Laval, Dr Durand, et M. Rouleau, directeur général du Centre hospitalier universitaire de Québec.

À la fin de votre réponse, vous ouvriez finalement une nouvelle réflexion, à savoir: Est-ce que c'est le modèle du RUIS de Sherbrooke qui est imposé à tous les autres dans le projet de loi qui est devant nous? Mais en fait je poserais la question au ministre.

Écoutez, j'ai beaucoup apprécié l'échange que vous avez eu avec le ministre sur les missions d'un centre hospitalier universitaire, d'autant plus que ça me semble assez méconnu ce que vous décriviez, en fait cet enseignement qui doit se faire et qui évolue, n'est-ce pas, de l'enseignement de base, première et deuxième ligne, jusqu'à l'enseignement spécialisé, ultraspécialisé. Je crois que c'est un élément extrêmement important et stratégique préalable à ces quatre journées de commission parlementaire que nous aurons la semaine prochaine.

Alors, cela étant dit, j'aimerais revenir au mémoire qui est devant nous, que vous nous présentez. Alors, je comprends que la table de coordination... le RUIS devient la table de coordination, c'est ce qui explique que tout le monde veut en être, hein. Puisque c'est la coordination, chacun dit: Pourquoi je n'y suis pas? Alors, vous, ce que je retiens ? et vous me confirmerez si j'ai tort ou raison ? ce que je retiens, c'est que vous dites: Il faut que ça se passe avec l'agence, pas simplement avec les établissements. Alors, c'est une table de coordination, mais les propositions de corridors de services doivent venir de... ça doit être à la demande des agences régionales. Vous introduisez la notion d'agence régionale, qui est pas mal en perte... disons, dans l'oubli, là, au niveau du projet de loi. Est-ce que je comprends que c'est ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Durand, s'il vous plaît.

M. Durand (Pierre J.): Merci, M. le Président. Il nous apparaît que, pour les bassins de desserte des RUIS, ces bassins de desserte sont composés de différents territoires, eux-mêmes organisés en réseaux locaux de services, en établissements avec une mission de services spécialisés, et qu'il y a une dynamique propre à chacun de ces territoires-là, dont la coordination, dont la vie fonctionnelle doit être assumée par une agence qui a un rôle d'organisation de services. C'est ainsi qu'il nous apparaît que les dossiers d'organisation de services et les demandes de services spécialisés au RUIS doivent déjà avoir fait l'objet d'une certaine analyse, d'une certaine documentation avant d'être amenés directement aux partenaires du RUIS.

Incidemment, dans la région de Québec, les établissements avec le RUIS de l'Université Laval, nous avons convenu ensemble de convier les agences de l'ensemble de nos territoires de desserte à nos travaux. Et, pour ce faire, on a, trois fois par année, des rencontres avec l'ensemble des agences régionales, où sont abordés les dossiers de ruptures de services et les demandes de soutien ? soutien professionnel, formation continue ? avec nos établissements, et ce, bien entendu, en fonction des forces de notre RUIS associé à l'Université Laval, le cadre de partage des services spécialisés que nous avons déjà établi. Il nous apparaît que l'agence, oui, continue d'avoir un rôle important dans l'organisation régionale des services, dans l'analyse des services, à l'écoute des besoins de ses réseaux locaux et avec un premier niveau d'organisation qui doit être assumé par les agences.

Mme Harel: Merci. En fait, là, je conclus donc qu'à défaut de cette présence forte de l'agence le RUIS pourrait être... la table de coordination que devient le RUIS pourrait être l'objet d'arbitrages entre établissements, ce qui compliquerait le fonctionnement. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rouleau, s'il vous plaît.

M. Rouleau (René): M. le Président, je peux vous donner un exemple concret, là, pour illustrer. Prenons, par exemple, la région du Bas-Saint-Laurent, où l'Hôpital de Rivière-du-Loup, l'Hôpital de Rimouski ou l'Hôpital de Matane pourrait rentrer directement au RUIS de l'Université Laval pour avoir, par exemple, un dépannage ou anticiper une rupture de services, puis, nous, on serait obligés de fournir le service sans avoir l'avis de l'agence. On pourrait, à ce moment-là, rentrer dans l'organisation des services du territoire malencontreusement, en voulant régler une problématique à Rivière-du-Loup, et générer des problèmes ailleurs. Et c'est pour ça que, nous, on compte beaucoup sur le rôle des agences de nos bassins de desserte pour assurer la coordination des services et que ce soient les agences qui nous passent les commandes. Comprenez-vous? Si on le fait d'établissement à établissement, on va générer une inflation, là, dans l'ordre des besoins.

Mme Harel: M. Rouleau, vous avez parlé d'allocataire de ressources, vous avez dit: Finalement, c'est l'allocataire de ressources qui devrait être imputable. C'est ce que je comprends, là, de vos propos. Bon. Pouvez-vous nous préciser qui est l'allocataire de ressources?

M. Rouleau (René): Bien, le premier allocateur des ressources, c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux avec le Conseil du trésor, je pense que c'est la base de notre structure politique, notre structure de gestion gouvernementale. Par ailleurs, il y a des organismes qui sont, par mandat délégué, qui sont responsables de l'allocation des ressources d'une façon plus fine avec des programmations préparées par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Quand je disais l'allocateur, c'est sûr que la table de concertation, pour nous, elle a les bons offices puis la bonne gouverne de l'allocateur. L'allocateur de ressources, il est inclus dans le RUIS, donc il participe à la table de concertation. On lui donne les meilleurs avis possible; c'est notre rôle. On souhaite bien sûr qu'il les suive. Et là, à ce moment-là, on fait ça ensemble, en équipe. Et l'allocateur a un rôle difficile parfois, un peu ingrat. D'ailleurs, nous, on souhaiterait que l'allocateur pour les fonctions académiques soit le ministère de la Santé et des Services sociaux, et on voudrait que l'allocateur pour l'organisation des soins soit l'agence parce qu'on trouve qu'il y a un risque, là, de chevauchement puis on aimerait que l'enveloppe soit protégée pour protéger les fonctions académiques. Ça, c'est un débat qui est important pour nous, puis que c'est un peu difficile dans l'administration. Mais, soyez sans crainte, l'allocateur fait partie dans notre modèle du RUIS, contribue à la fabrication réaliste des avis, au montage réaliste des avis, mais à la fin il prend ses décisions.

Mme Harel: Si vous me permettez...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Certainement.

Mme Harel: Oui. Merci, M. le Président. Dans le mémoire, à la page 7 de votre mémoire, vous parlez de la nécessité d'éliminer l'ambiguïté à l'égard du mandat qui est celui de l'université en regard de la mission d'enseignement et de recherche: «Les alinéas qui traitent des RUIS et de la mission enseignement et recherche confient indirectement ? dites-vous ? à l'agence [et] au ministre de la Santé[...], par l'intermédiaire du RUIS, un mandat qui est celui de l'université; il y aurait lieu de les réécrire pour éliminer cette ambiguïté.» J'aimerais vous entendre là-dessus, également sur le rôle du ministère de l'Éducation, vous en parlez également dans votre mémoire. Également sur ce que vous dénonciez tantôt, c'est-à-dire une augmentation de cohortes d'étudiants à la limite de ce que l'université peut faire, j'aimerais vous entendre également là-dessus.

Bon. Vous savez bien que c'est dans l'actualité d'aujourd'hui, le maire de Québec qui dit que le réseau universitaire hors Montréal peut se trouver dans le dénuement dépendamment des décisions et des investissements qui seront faits. Je sais qu'à Trois-Rivières la population se lamente présentement qu'il n'y a pas de décision annoncée, du moins d'investissement pour accueillir les étudiants de la première année de la Faculté de médecine l'été prochain, tout ça ayant été annoncé en conférence de presse, puis le ministère de l'Éducation qui ne débloque pas les fonds pour que les locaux soient prêts à temps. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ces questions-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Durand, s'il vous plaît.

M. Durand (Pierre J.): Merci, M. le Président. Alors, il y aura un mémoire des universités qui va être présenté cet après-midi, puis vous avez reçu aussi une lettre de la Conférence des doyens de médecine qui rappelle essentiellement que, dans la société québécoise, le mandat d'éducation supérieure relève encore des universités d'abord et, par contrat d'affiliation, en partenariat avec les établissements universitaires. Mais c'est d'abord un mandat qui est donné aux universités et partagé, par contrat d'affiliation, par entente, avec les établissements, surtout pour ce qui est de la formation clinique, la formation dans les programmes cliniques pour tous les professionnels de la santé. Et ça déborde la médecine. Je pense aux sciences infirmières, l'ergo, la physio, l'orthophonie, la réadaptation, le service social, la psychologie, etc. Donc, il nous apparaît... la diplomation, ça relève des universités.

La qualité de l'encadrement clinique, ça relève ultimement aussi des universités, mais, par entente avec nos partenaires hospitaliers, évidemment il y a une partie de la fonction qui est déléguée, mais ultimement c'est nous qui sommes imputables devant les organismes d'agrément, devant les universités de la qualité des diplômes qui sont octroyés.

n(11 h 20)n

Je ne voudrais pas faire de guerre de pouvoir, mais on est tous dans la même marmite. Je ne peux pas former des étudiants si je n'ai pas de bons cliniciens enseignants dédiés, attentifs aux besoins des étudiants, si je n'ai pas les infrastructures, les locaux, les bureaux pour qu'on puisse y recevoir les malades et, en présence des étudiants, passer les contenus de formation pour que les objectifs d'apprentissage soient atteints. Donc, on est tous dans la même marmite et solidaires des défis que, comme société, nous devons relever dans la formation de nos professionnels de la santé.

Pour ce qui est de l'autre volet de votre intervention, qui touche le CHUM ou l'intervention du maire L'Allier, je me tairai là-dessus, ce matin. Je n'ai pas pris connaissance de l'intervention du maire L'Allier. Je peux comprendre cependant qu'on est tous inquiets devant les ressources qui sont rares actuellement au Québec, autant pour l'éducation que pour la santé, et on est tous inquiets de la capacité que nous avons, comme société, à soutenir les infrastructures dont nous avons besoin pour la formation et pour les services de santé à la population du Québec.

Il nous apparaît ? et puis on est solidaires de ce défi-là ? il nous apparaît que c'est en étant très solidaires les uns des autres et en utilisant au maximum toutes les infrastructures dont on dispose qu'on pourra peut-être arriver à relever ce grand défi de la formation de la relève, relever aussi ce défi d'une certaine équité dans l'accès aux services de base, équité dans l'accès aux services spécialisés et surspécialisés pour toute la population du Québec, sachant qu'on ne pourra peut-être pas se permettre la Cadillac, et en termes d'infrastructures de locaux de formation, mais, à tout le moins, si on peut avoir ce qui est au moins requis par les organismes d'agrément pour que nos formations au Québec soient de la même qualité que celle qui est dispensée ailleurs en Amérique du Nord et que nos professionnels de la santé puissent offrir à la population du Québec des soins et services de qualité selon les plus hauts standards nord-américains.

Les défis sont énormes, les ressources sont rares. Comment bien les utiliser pour le mieux de la population et la formation de la relève, tout est là. Le RUIS est un instrument parmi tant d'autres. Maintenant, les ressources sont rares, et on ne peut pas tout faire avec des ressources trop limitées. Alors, nous, on est des bons citoyens, comme université, on veut mettre l'épaule à la roue et travailler très fort. Il faut cependant se rappeler que c'est ultimement l'université qui va être imputable de la qualité de la formation d'abord, et ensuite, par contrats de services, par ententes avec ses cliniciens enseignants, avec ses milieux hospitaliers, avec les conseils d'administration sur la rédaction des privilèges des médecins, il y a là un outil dont on a besoin aussi comme université. On ne peut pas se permettre, dans un CHU, qu'il y ait des médecins qui ne veulent pas enseigner puis qui lèvent le nez sur l'enseignement. Il doit y avoir une adhésion, il doit y avoir un énoncé d'engagement très fort de la part de l'ensemble du corps médical à mettre l'épaule à la roue de la formation si on veut être capables de relever les défis qui nous ont été signifiés par le gouvernement du Québec de former une relève professionnelle en santé en quantité suffisante et en qualité adéquate.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Écoutez, je...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): J'aurais une petite intervention à faire, si vous permettez, M. le ministre ? vous y allez un peu vite. Lors de l'audition sur la loi n° 25, nous avons entendu et nous avons eu l'impression à ce moment, et je... enfin, moi, l'impression que j'en ai retirée de votre intervention, c'est que vous disiez: Écoutez, là, vous en mettez un peu trop pour le genre de ressources que nous avons, vous nous demandez de remplir un rôle pour lequel nous ne sommes pas encore préparés et pour lequel nous n'avons pas des ressources suffisantes.

Ce matin, j'entends un peu le même discours. Nous étions alors en automne 2003; nous sommes un petit peu plus tard dans le temps. Et, en deux mots, là... Je viens d'entendre votre discours et votre réponse qui m'apparaît assez éclairante, mais, si vous aviez une recommandation percutante à faire en deux lignes concernant votre capacité de vous rallier avec enthousiasme et efficacité à la mission à laquelle cette loi vous invite, quelles lignes, quelles deux lignes pourriez-vous nous offrir?

M. Durand (Pierre J.): M. le Président, le message qu'il faut retenir, c'est que vos établissements de santé, vos réseaux locaux, vos agences, vos universités ou facultés de médecine sont tous solidaires des défis que, comme société québécoise, on a à relever. On ne peut pas tirer sur la salade trop vite, elle va arracher. Laissez-nous le temps de fonctionner en véritable réseau et de mettre en place une nouvelle culture de fonctionnement à l'intérieur de ce réseau-là. Ne nous demandez pas de livrer là où on n'est pas capables de livrer. On a déjà livré énormément, on est capables de livrer encore pas mal.

Soyez attentifs aux besoins, soyez attentifs à une juste distribution des ressources pour répondre à ces besoins-là, et c'est très délicat et c'est très difficile. Ayez une sensibilité toute particulière aux défis de formation; les étudiants sont souvent les oubliés dans le système. Puis je me sens un peu valide dans la défense de la qualité de la formation de nos étudiants. Donnons le temps au système et aux RUIS de livrer ce qu'ils sont capables de livrer. Je pense qu'ils vont être capables de livrer beaucoup de choses et, sous l'angle des corridors de services, sous l'angle d'une solidarité sociale de l'ensemble des établissements, répondre aux besoins de la santé de la population, mais sous l'angle aussi de la formation d'une relève dont le Québec a besoin, de professionnels de la santé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, j'ai entendu: Donnez-nous le temps et donnez-nous les ressources. Alors, je termine cette séance... non pas cette séance, mais ce témoignage.

La commission poursuit ses travaux. Je demande aux prochains intervenants de s'approcher de la table, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission poursuit ses travaux. J'accueille avec plaisir... S'il vous plaît, dans la salle. Il y a de vieilles connaissances qui ont de la difficulté à se quitter. Merci.

Alors, j'accueille avec plaisir à cette commission l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l'AQDR. Je reconnais son président, M. Henri Salembier, et la personne qui l'accompagne, M. Maurice Boucher. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire aux membres de la commission, suite à quoi nous aurons deux blocs d'échange avec vous. Alors, bienvenue à cette commission. La parole est à vous, M. Salembier.

Association québécoise
de défense des droits des personnes
retraitées et préretraitées (AQDR)

M. Salembier (Henri): Alors, merci. En fait, l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées du Québec, plus simplement l'AQDR, où nous sommes... en fait, comme notre nom l'indique, ça fait déjà depuis maintenant 25 ans que nous sommes le défenseur, le protecteur, le gardien des droits des personnes âgées au Québec, c'est-à-dire pour nous, les aînés, tous les aînés. Nous sommes donc très heureux d'avoir l'occasion de faire valoir notre point de vue sur cet important projet de loi. Nous tenons à remercier la Commission des affaires sociales de nous accueillir.

n(11 h 30)n

Les responsables et bénévoles de maintenant 41 sections de notre organisme réparties à travers le Québec, supportées par nos 10 000 membres cotisants, et également d'associations, de cinq associations, entre autres, qui font partie également de l'association, qui représentent également 25 000 membres, alors nous sommes un peu partout sur le territoire québécois et nous nous occupons, si vous voulez, des soins de santé et des conditions économiques de logement, de transport et l'ensemble de leur mieux-être pour les aînés.

La priorité de l'AQDR. Nous avons pris connaissance du contenu du projet de loi n° 83. Compte tenu des orientations en matière d'hébergement des personnes âgées, axées sur la création et le maintien du milieu de vie dans les résidences privées avec services pour personnes âgées, avec le peu de temps qui nous est réparti pour la présentation de ce mémoire et notre intention de profiter pleinement de notre opportunité, nous insisterons particulièrement sur cette dimension du projet de loi.

La prolifération au Québec de résidences privées pour personnes âgées depuis plus d'une décade, la concentration de ces résidences à but lucratif dans de grands consortiums, l'existence de près de 50 % de ces résidences ayant neuf places et moins opérant sans aucun permis, la croissance rapide du nombre de personnes en perte d'autonomie accueillies par ces établissements, les nombreux cas d'abus et d'exploitation retrouvés dans ces résidences, l'absence de réglementation par l'État, voilà autant de facteurs qui ont préoccupé l'AQDR au point de l'amener à faire de l'hébergement des personnes âgées sa priorité et d'y consacrer beaucoup d'énergie.

Il y a une autre partie de la loi n° 83 que nous avons travaillée également, que vous n'avez pas dans notre mémoire, que nous ferons connaître quand même au ministre. Ça a été un manque parce que, l'étude, la partie qui concerne la santé et les services sociaux était beaucoup plus grande. Le dossier comme tel des résidents ou des foyers d'hébergement, pour nous, est un dossier très, très important. Et présentement on doit vous dire qu'on travaille sur la mise sur pied de comités de résidents à travers le Québec et en collaboration avec les regroupements de CHSLD privés, et également de résidences privées, et d'autres, même de regroupements au niveau de Montréal, par exemple pour des foyers d'hébergement qui sont de neuf personnes et moins, la SPAR entre autres.

Alors, je vais maintenant laisser la parole à Maurice, qui est la personne qui a le dossier, chez nous, de l'hébergement, du logement et du maintien à domicile et est également responsable de la mise sur pied des fameux comités de résidents que nous sommes en train de travailler également avec l'Université du Québec, qui va nous donner un coup de main.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Alors, M. Boucher, s'il vous plaît.

M. Boucher (Maurice): Oui. M. le Président, compte tenu de ce que vient d'expliquer M. Salembier, personne ne sera surpris de constater que nos représentations sur le projet de loi n° 83 porteront d'abord et avant tout sur l'article 128, qui modifie l'article 346, spécifiquement concernant les personnes âgées qui vivent en hébergement, en résidence privée avec services, et ça aura l'avantage d'abréger notre mémoire d'autant plus.

Précisons d'abord que l'AQDR préconise et souhaite ardemment, comme les personnes concernées elles-mêmes d'ailleurs, que les personnes âgées habitent leur domicile traditionnel ou familial le plus longtemps possible. C'est là et nulle part ailleurs d'ailleurs qu'elles veulent demeurer, c'est là leur désir le plus cher. En ce sens, nous ne pouvons nous désintéresser de la réforme et de la réorganisation des services de santé et services sociaux qui fait l'objet de ce projet de loi. En effet, il faut se réjouir de la création de ces agences de services de santé et services sociaux et de la réorganisation qu'elle entraîne, puisqu'elles sont susceptibles d'améliorer la qualité des soins cliniques et des services offerts particulièrement aux personnes âgées à domicile. Nous nous permettons cependant de rappeler que les constantes revendications que nous avons faites dans le passé pour un financement plus adéquat des CLSC du temps pour le maintien, le soutien et les soins à domicile des personnes âgées portaient beaucoup plus sur la quantité de ces services que sur leur qualité.

Avant de livrer notre jugement sur le projet de loi en ce qui a trait aux personnes âgées qui vivent en résidence, nous voudrions, M. le Président, signaler à cette commission un fait qui nous apparaît peut-être inquiétant mais, à tout le moins, significatif et qui nous interroge. Nous avons pris connaissance des notes explicatives qui précèdent le projet de loi et nous avons découvert qu'elles ne soufflent mot, aucun mot, et ne font aucunement allusion à cette partie du projet de loi qui concerne les personnes âgées qui vivent en résidence privée avec services. On s'est demandé si ce projet de loi accordait toute l'importance qu'il fallait à cette question de l'hébergement des personnes âgées. En tout cas, la question nous est venue à l'esprit.

Les positions de l'AQDR sur le sort des personnes âgées qui vivent en situation d'hébergement tant public que privé ont toujours été axées sur un objectif de satisfaction des premiers concernés, c'est-à-dire celles et ceux qui y habitent, les personnes âgées elles-mêmes.

Nombreuses énergies et ressources considérables ont été jusqu'ici dépensées par les organismes communautaires voués aux intérêts des aînés. Le programme Roses d'or de la FADOQ, pour apprécier la qualité des résidences, les démarches des sections de l'AQDR dans leurs régions respectives, en partenariat avec les municipalités et les CLSC, pour une réglementation minimale des résidences ou une surveillance minimale, toutes ces actions aussi intéressantes les unes que les autres, quoique rejoignant un petit nombre de résidences, visaient une meilleure qualité de vie des résidents mais avec peu d'impacts sur l'ensemble du réseau, laissé à lui-même, sans réglementation gouvernementale.

Mis à part quelques recherches universitaires, telles que cette recherche-action menée ici, dans la région de Québec, en 2001, qu'on a appelée Implication des aînés dans les résidences privées dans la région de Québec, les recherches effectuées par Mme Michèle Charpentier de l'UQAM sur cette question de l'hébergement, très peu de démarches ont mis l'accent sur le point de vue, la participation des principaux intéressés, qui sont les résidents, en s'efforçant de connaître leur degré de satisfaction à eux des conditions de vie qui leur sont offertes.

À l'AQDR, tout en étant bien conscients du degré variable de vulnérabilité d'une proportion de ces personnes, nous estimons que la plupart d'entre elles sont dotées d'un potentiel psychologique qui les rend capables d'apprécier le milieu de vie dans lequel elles exercent leurs activités quotidiennes et de participer à la détermination des conditions de vie qui leur sont offertes et qui sont les leurs.

On aura beau mettre au point toutes les mesures de sécurité dans les établissements concernés, élaborer toute la gamme des services de qualité, décerner tous les certificats de conformité à toutes les résidences, mettre à la disposition des résidents et résidentes les mécanismes de plaintes les plus efficaces, toutes ces dispositions, élaborées sans la participation des personnes âgées concernées au premier chef, n'apportent aucune garantie de satisfaction de cette clientèle. Il n'est pas dans nos intentions de dramatiser à outrance la situation générale des personnes âgées vivant en résidence privée, mais force nous est d'admettre que de nombreux problèmes affectent quotidiennement un certain nombre de ces personnes.

n(11 h 40)n

À nos yeux et à ceux des gestionnaires et du personnel de ces établissements, ces questions soulevées par celles et ceux des résidents et résidentes qui ont le courage de le faire apparaissent parfois bénignes, banales et sans importance. Il faut cependant prendre conscience que tout dérangement dans la quiétude de la plupart de ces aînés prend souvent, dans leur esprit, des proportions dramatiques qui leur causent d'importants traumatismes physiques ou psychiques. Il arrive également que la plus simple décision administrative de la direction de la résidence produise un effet d'angoisse sur l'ensemble des résidents et résidentes. Voilà autant de petits détails qui, ajoutés aux autres situations relationnelles et aux cas d'abus, militent en faveur de mesures visant l'établissement d'un climat favorable à faire de ces résidences un milieu de vie agréable bien mérité par les personnes âgées qui y habitent.

L'AQDR considère qu'il n'y a pas lieu de se demander si l'État doit intervenir dans la régulation de ces résidences pour personnes âgées où le secteur privé est en pleine expansion. Il faut plutôt s'interroger sur la façon dont il doit le faire. Le consensus à l'effet que les trois quarts des personnes âgées vivant en résidence privée sont âgées de 75 ans et plus et qu'environ la moitié sont en perte d'autonomie à divers degrés n'est plus à démontrer. Ce consensus, relié à la notion que s'en font les divers acteurs du réseau, va de pair avec celui de la vulnérabilité. Mais cette vulnérabilité qui est invoquée régulièrement et qui rend dépendant, tout comme l'autonomie, se réfère rarement à la situation économique qui est un déterminant de la qualité des soins et des services et par conséquent la qualité de vie de ces personnes, ce qui nous amène à un autre consensus que personne ne peut nier, à l'effet qu'il existe des résidences pour les riches et d'autres pour les pauvres.

Le développement du secteur privé dans l'hébergement des personnes âgées menace donc le principe du régime sociosanitaire qui caractérise le Québec, qui a toujours jalousement protégé l'universalité et l'accessibilité aux soins de santé de façon égalitaire pour tous les citoyens. Cette inégalité des soins et services dispensés aux personnes âgées, reliée aux moyens financiers engendrés par la privatisation de l'hébergement, est le propre de tout système basé sur la libre concurrence. Il entraîne donc pour le Québec une situation qui ressemble étrangement à un système à deux vitesses. Les places étant rares dans le réseau public, les résidences privées sont une option pour celles et ceux qui ont les moyens de se les payer.

D'autre part, les personnes âgées en perte d'autonomie n'étant pas suffisamment malades pour être admises en CHSLD doivent opter pour le privé, indépendamment de leur capacité de payer. C'est donc à l'intérieur même du secteur privé que se développe un système à deux vitesses. On y retrouve des conditions d'hébergement dont les coûts peuvent varier presque du simple au double.

Rappelons également qu'il est rencontré dans le réseau des résidences privées, où la rentabilité financière oblige, de nombreuses situations injustes et de nombreuses astuces qui relèvent souvent de l'exploitation éhontée. On cherchera à évincer un résident qui demande trop de soins ou de surveillance en alléguant un besoin d'hospitalisation afin d'accueillir des personnes plus autonomes. On exigera des frais exorbitants pour l'administration du crédit d'impôt auquel les résidents ont droit et on utilisera cette mesure du gouvernement pour mousser la publicité de la résidence, comme si elle en était responsable. On abusera de la vulnérabilité des résidents ou résidentes, de la crainte de perdre leur place ou de représailles s'il y a plainte pour hausser indûment... des loyers ou de certains services. On profitera d'un rapport d'autorité dominant-dominé pour imposer des règles qui ne visent que la rentabilité au détriment de la qualité de vie des résidents.

Bien sûr, il ne s'agit pas là d'une situation généralisée, mais plutôt de situations très nombreuses, tout aussi inacceptables les unes que les autres, qui s'attaquent à la dignité des personnes âgées. D'ailleurs, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans son rapport de consultation publié en octobre 2001, avait relevé de nombreux cas d'abus en résidence pour personnes âgées. Il nous apparaît clair que le gouvernement, comme gardien du bien commun et de l'ordre public et responsable du maintien d'un système de santé et de services sociaux universel et accessible à tous, ne peut justifier plus longtemps cette attitude facile de non-intervention dans ce secteur où l'iniquité est monnaie courante.

Notre analyse des dispositions de l'article 128 du projet de loi nous amène à la conclusion que l'ajout des paragraphes 0.3 à 0.19 de l'article 346 nous ramène aux politiques antérieures du gouvernement qui confirment son intention de poursuivre sa politique de non-réglementation du secteur privé des résidences pour personnes âgées avec services. En effet, ce projet de loi, quoiqu'invitant à explorer une avenue qui pourrait apporter une légère amélioration à la qualité de vie en résidence, est par ailleurs dépourvu de toutes mesures pourtant nécessaires à la responsabilité de l'État de pourvoir à l'accès égalitaire aux soins de santé et à la protection contre les abus de près de 100 000 personnes âgées. Cette responsabilité de l'État est d'autant plus croissante et pressante que la perte d'autonomie et la vulnérabilité moyenne de ces personnes augmentent au même rythme que l'expansion de ce secteur privé d'hébergement.

Le projet de loi rappelle, par sa timidité, les lois nos 101 et 106 adoptées par le gouvernement précédent en 2002, qui respectivement décrétaient la tenue d'un registre de résidences privées sur le territoire de chacune des régies régionales de santé et services sociaux et permettaient aux municipalités qui le voulaient bien d'adopter des règlements régissant les résidences privées pour personnes âgées, particulièrement celles de neuf places et moins. En effet, le projet de loi prévoit le pouvoir des agences de santé et de services sociaux d'émettre sur une base volontaire, sans obligation aucune pour les résidences de s'en prévaloir, des certificats de conformité.

La loi, aux articles 346.0.7 et 346.0.9, prévoit que les agences pourront conclure une entente avec un organisme d'appréciation et ont le pouvoir de faire une inspection. Au paragraphe 0.11 du même article, on prévoit que le certificat de conformité est renouvelable pourvu que l'exploitant de la résidence en fasse la demande et satisfait aux conditions de validité, sinon il ne se passe rien. Aux paragraphes 346.0.12 et 346.0.13, il est prévu que l'agence peut refuser de délivrer un certificat de conformité et peut suspendre un tel certificat.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Boucher, s'il vous plaît.

M. Boucher (Maurice): Oui?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous demande de conclure dans la prochaine minute, si vous permettez.

M. Boucher (Maurice): O.K.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci.

M. Boucher (Maurice): C'est beau. Alors, ce que nous relevons particulièrement de ce projet de loi, M. le Président, c'est le caractère volontaire de la demande et du maintien de ces certificats de conformité et c'est l'absence de réglementation le moindrement coercitive pour l'amélioration et le mieux-être de l'ensemble des personnes âgées qui sont hébergées. Alors, c'est ce constat que l'AQDR fait. Et, comme le président l'expliquait, nous pensons que le mieux-être des personnes âgées passe par leur participation à elles dans l'élaboration de leurs conditions de vie et de leurs conditions de résidence. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Salembier, M. Boucher. Votre constat est parfaitement... explicitement exprimé devant cette commission. Je cède la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Salembier et M. Boucher. Une brève remarque, sans aller dans le détail. Dans les notes explicatives, il est fait mention de la certification des résidences privées et du processus de plaintes. Alors, vous pourrez... Bien, je ne prendrai pas du temps pour vous le lire, là, mais c'est là. Évidemment, vous avez bien noté que la démarche qu'on introduit dans ce projet de loi là, par rapport à la démarche précédente qu'était le registre des résidences privées, va dans le sens d'un processus de certification des résidences privées que vous trouvez de toute évidence insuffisant, puis vous faites des remarques là-dessus. J'aimerais qu'on discute un peu plus en profondeur de la façon dont à votre avis on pourrait bonifier ce qui est proposé ici.

n(11 h 50)n

La ligne qu'on a suivie ou la philosophie qu'on a suivie est la suivante, c'est que, lorsqu'on parle de personnes âgées en perte d'autonomie, elles vont, la plupart du temps, transiter par le réseau de santé, par les établissements de santé, et la disposition qui fait qu'une agence ou un établissement ne peut référer une personne à une résidence si elle ne détient pas le certificat de conformité, dans notre esprit, va couvrir la vaste majorité des situations des personnes âgées en perte d'autonomie. Mais qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire pour aller plus loin? Parce que je crois discerner la proposition d'un processus obligatoire. Comment est-ce qu'on introduit ça, compte tenu du cadre légal et qu'il s'agit des domiciles? Il y a toutes sortes d'implications légales qui sont importantes à considérer là-dedans. Avez-vous réfléchi à une façon pratique dont on pourrait s'y prendre pour aller dans le sens de ce que vous recommandez?

M. Boucher (Maurice): Pour le faire valablement...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Boucher, s'il vous plaît. Oui, allez-y.

M. Boucher (Maurice): Excusez-moi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie.

M. Boucher (Maurice): Pour le faire valablement, il faudrait qu'on s'amène avec tous les critères, les standards et les normes que l'on souhaite. Mais à mon avis le gouvernement ne manque pas de capacité d'exercer une espèce d'attirance des résidences privées, ne manque pas de moyens pour inciter les résidences privées à avoir des normes qui sont convenables pour la qualité de vie des personnes âgées.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Salembier, s'il vous plaît.

M. Salembier (Henri): Excusez ma voix, parce que... Ce qu'on voit, c'est que les maisons qui font partie de regroupements, comme des CHSLD privés et des résidences privées, et également ceux qui font partie, par exemple, du SPAR, à Montréal, de neuf et moins, et qui sont au niveau de la Rose d'or également, ce sont des... ce n'est pas les résidences où vous aurez des problèmes. Demain matin, je peux m'en aller chez nous et partir une résidence de neuf et moins puis il n'y a à peu près rien qui va m'empêcher de faire ce que je veux, excepté si je ne réponds pas aux critères de ma ville au point de vue du feu ? je le sais parce que j'ai été sur une table de concertation où on a eu une entente avec la municipalité. Seulement, quand on arrive pour appliquer ça dans le concret, le CLSC, il marche sur des oeufs, et la ville, elle dit: Bien, moi, je peux, oui, seulement... au niveau du feu seulement. Seulement, si on a un problème de propreté, si on a un problème d'alimentation et qu'on n'a pas les services adéquats à certains niveaux, c'est bien de valeur. Et ces gens-là ne feront jamais partie d'un regroupement comme le SPAR ou d'autres parce qu'ils ne veulent pas être trop, trop connus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. M. le ministre.

M. Couillard: Donc, je retiens que ce que vous recommandez, c'est qu'on aille plus loin dans la certification que la disposition de... l'aspect facultatif qui est ici mais qui à notre avis est renforcé quand même par le lien de référence, là, par le lien qui est créé entre le réseau de santé puis la résidence.

Il y a d'autres organisations qui sont venues, notamment la FADOQ qui est venue ici au début de nos travaux. Parce qu'effectivement vous avez noté que le projet de loi comporte une disposition où on peut faire une entente avec un organisme d'évaluation pour procéder à cette certification. On a donné, au moment où la FADOQ est venue ? vous pourrez le retrouver dans les procès-verbaux ? un aperçu des critères sociosanitaires qu'on veut mettre en place par règlement pour la certification. La FADOQ nous a offert d'être le partenaire en question via le programme Roses d'or. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Salembier.

M. Salembier (Henri): Je dois vous dire d'abord que, par une entente gouvernementale, l'AQDR siège au niveau de la Rose d'or, et le représentant au niveau de la Rose d'or est Maurice Boucher, justement. Alors, moi, personnellement, je n'ai pas de problème, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Boucher.

M. Boucher (Maurice): Oui. Je dirai que le comité aviseur provincial du programme Roses d'or, où je siège également, comme M. Salembier l'a dit, souhaite qu'on arrive à avoir une réglementation qui est autrement que volontaire, qui est autrement que reliée à la volonté des résidences, et a demandé aussi qu'on ait... Et je voudrais ajouter que les critères sociosanitaires qui seront fixés par règlement, nous exigerons, comme la FADOQ d'ailleurs, qu'ils soient suffisamment sévères. Mais je dirai que, dans la mesure où ils seront sévères, bien les résidences auront tendance à ne pas y adhérer. Alors donc, là, il y a un problème d'ajustement.

M. Couillard: Et ce qu'on doit craindre également, il faut être prudent parce que, si on met des critères excessivement lourds, d'abord on risque de ne pas avoir de résidence et puis en plus on risque de se voir ? les personnes qui y résident ? de se voir infliger des augmentations de loyer pour correspondre aux normes qui sont demandées. Alors, l'équilibre est assez délicat, là, vous ne trouvez pas?

M. Boucher (Maurice): Ce sera notre problème. Ce sera le problème de tout le monde. Moi, je pense que, comme, nous, on préconise l'instauration de comités de résidents autonomes dans chacune des résidences, et ce, en partenariat ? on est à l'ère du partenariat un peu, si je ne m'abuse ? en partenariat avec les propriétaires et gestionnaires de résidences, en partenariat avec les intervenants de la santé et des services sociaux dans les régions, je pense qu'on est capables de faire de ces résidences privées avec services un milieu de vie agréable dans chacune d'elles, et pour ça il nous faut absolument susciter la participation des résidents eux-mêmes, et c'est ce à quoi on s'applique, à l'AQDR.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. M. Boucher, M. Salembier, bienvenue à la commission et merci pour la présentation de votre mémoire. Et vous savez que c'est un segment dans la loi qui me touche particulièrement. À l'époque où j'étais étudiante, j'ai travaillé dans des résidences de personnes âgées privées et CHSLD publics et je suis toujours demeurée sensible à tout ce qui entoure ce domaine-là. Tellement que, juste avant les Fêtes, j'ai visité environ, dans mon comté, là ? je ne veux pas vous donner de chiffres exacts parce que je ne veux pas en oublier ? 17 résidences privées et publiques de mon comté, à 24 heures d'avis, des fois pas du tout parce que je voulais voir ce qui s'y passait mais aussi me permettre de communiquer efficacement avec les personnes âgées qui y résident. J'ai été agréablement surprise. Tant mieux, hein, on ne souhaite pas trouver de gros problèmes.

Mais il n'en demeure pas moins qu'effectivement on s'interroge. Quand on en ressort, on se dit: Bon, j'ai visité, ça a bien été, mais, si le cas était le contraire, hein? Veux veux pas, on se la pose, la question. Alors, moi, je pensais au projet de loi qui s'en venait évidemment et je me suis dit: Bon, processus de certification, c'est bien parce que ça va...

Puis, moi, les propriétaires de résidences privées d'ailleurs que j'ai rencontrés étaient très, très, très ? mais, écoutez, là, je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de problème à la grandeur du Québec, là, hein, on s'entend ? ils étaient très fiers de leur entreprise, très fiers de comment ils livraient les services, tellement que j'ai été invitée souvent à manger avec les personnes âgées, et tout ça, tellement ils n'avaient pas peur de ce qu'ils livraient. Je sentais une grande fierté à bien servir leurs clients. Mais on sait, vous et moi, que ce n'est pas partout comme ça.

Alors, je me suis dit: Comment on peut faire en sorte que, par le processus de certification, ça devienne très attrayant? Parce que bon, oui, il n'y aurait pas de référence par le milieu de santé et de services sociaux de personnes âgées vers les maisons non certifiées. Mais comment faire pour que les gens... Parce que, moi, je pense que c'est une responsabilité collective aussi. Ce n'est pas que la responsabilité des élus ou du ministère de la Santé que de penser à nos personnes âgées, je pense que c'est la population en général. Quand on voit des choses pas normales, bien il faut y voir.

Alors, je me suis dit que peut-être la promotion de la certification, expliquer à la population c'est quoi, la certification, autant pour les personnes aînées que leur famille ou carrément M. et Mme Tout-le-monde qui n'ont pas d'aîné encore peut-être dans les résidences, mais expliquer bien c'est quoi, faire des campagnes promotionnelles. Est-ce que vous croyez que ça pourrait accroître le nombre de certifications et mieux faire comprendre aux gens qu'est-ce que ça comprend, une certification, et quelle qualité de vie ça peut amener à leur résidents?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Boucher, oui.

M. Boucher (Maurice): Oui. Nous, dans notre démarche, on veut que soit mise à contribution... qu'il y ait toute la dimension relationnelle, parents, résidents, direction de la résidence, intervenants sociaux, associations de retraités, de personnes âgées, que tout ce monde-là travaille ensemble pour créer ces milieux de vie là. Alors, il y a moyen de faire ça, d'avoir une approche favorable à toute cette dimension relationnelle. Le personnel, le personnel de ces résidences-là qui est en contact quotidien avec les résidents, tout ce beau monde-là mis à contribution, je pense qu'il y a moyen de créer des milieux de vie agréables.

n(12 heures)n

Et, comme vous dites, il n'y a pas des histoires d'horreur partout. C'est la forte majorité où ça va bien. Les gens sont dévoués au mieux-être des personnes qui résident dans ces résidences-là. Mais malheureusement, de temps à autre, on découvre des choses qui ne devraient pas exister, et ça, bien il faut qu'on regarde ça ensemble.

Mme Charlebois: Mais est-ce que vous croyez qu'une campagne de sensibilisation, une campagne promotionnelle, expliquer à la population c'est quoi, la certification, ce que ça amène, est-ce que vous croyez que ça pourrait faire en sorte qu'on aurait plus de certification et que les gens seraient plus vigilants face aux résidences de personnes âgées?

M. Boucher (Maurice): Bien sûr, et ça devrait s'accompagner d'une campagne d'incitation aux propriétaires et gestionnaires de résidences d'adhérer à ce programme-là.

Mme Charlebois: Ça va.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, merci. M. Salembier, vous vouliez ajouter quelque chose, à ce moment-là?

M. Salembier (Henri): Oui. Il sera toujours... C'est qu'on tente de rejoindre des résidences qui dans le fond... elles ne veulent pas trop se faire connaître et, même dans des municipalités, elles ne sont peut-être pas même déclarées. Je me rappelle, chez nous, à un moment donné, sur la table on découvrait tout à coup qu'il y avait une petite résidence de neuf et moins qui venait d'ouvrir puis qu'on ne savait même pas qu'elle était là. Alors, c'est ceux-là qui sont...

Puis imaginez-vous bien que, ces résidences-là, il y a beaucoup moins de services souvent et elles chargent moins cher. Alors, les gens, ils sont portés à s'en aller dans ces petites résidences là parce que c'est à leur pouvoir financier comme tel. Alors, c'est celles-là. Parce que je reste toujours convaincu, madame, qu'il y a des résidences, si vous leur donnez la chance, elles vont se certifier. C'est sûr que, quand on dit: Bon, tous les CSC ou les agences maintenant vont, à un moment donné, développer ou donner la chance à des gens de s'en aller dans certaines résidences qui sont certifiées, c'est sûr que ça aussi, c'est une incitation. Seulement, il y en a qui vont être en dehors de ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Salembier. Ça va? Alors, je cède la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Et de condition des aînés.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Et de condition des aînés.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous saluer, M. Salembier, M. Boucher. Je sais que c'est une problématique extrêmement importante pour l'AQDR, pour vos sections locales. Vous l'avez démontré au dernier Parlement des sages qui s'est déroulé ici même, à l'Assemblée nationale, où vous avez adopté une politique, n'est-ce pas, en matière d'hébergement.

Alors, j'ai beaucoup aimé votre mémoire parce qu'il apporte un éclairage nouveau, d'abord parce que manifestement, en réponse aux questions du ministre, j'ai compris que vous mettiez l'intérêt supérieur des aînés hébergés à celui de vos organisations respectives, la FADOQ et l'AQDR, et qu'il y a possibilité de collaboration, et vraiment je vous en sais gré de cela. Vous ne pouvez pas être, si vous voulez, utilisés comme arme contre la FADOQ, alors je crois que c'est très sage.

Ensuite, j'aimerais également revenir avec vous sur un certain nombre de questions qui ne remettent pas en cause, là, l'échange que vous avez eu avec la députée de Vaudreuil-Soulanges...

Une voix: Soulanges.

Mme Harel: ...de Soulanges, avec la députée de Soulanges, mais ce que vous dites, c'est qu'il existe des résidences pour les riches puis des résidences pour les pauvres. Et, dépendamment où on se trouve sur l'échiquier, disons, d'une ville comme Montréal, on peut être dans des résidences de riches ou des résidences de pauvres. Si on est dans des quartiers de pauvres, il y a plus de risques d'être dans des résidences de pauvres. Alors, il y a... C'est un...

Des voix: ...téléphone.

Mme Harel: D'accord. Alors, je crois que c'est un élément extrêmement important que vous apportez. Bon.

Dans votre mémoire, je crois que c'est à la page 6 de votre mémoire, vous nous parlez du développement accéléré du secteur privé dans l'hébergement des personnes âgées et vous dites: Ça menace «le principe du régime sociosanitaire qui caractérise le Québec, qui a toujours jalousement protégé l'universalité et l'accessibilité». En fait, pour que cela soit, il faudrait introduire, dans un projet de loi qui réforme en profondeur la loi générale sur les services de santé et les services sociaux, il faudrait introduire ces principes d'universalité, d'accessibilité et autres parce que la loi fédérale qui contient ces principes ne s'applique pas aux domiciles, ne s'applique qu'aux établissements. Donc, en dehors de l'établissement, il n'y a pas finalement de protection des grands principes fondamentaux. Ça, je pense, c'est un premier élément sur lequel peut-être on pourrait échanger. Peut-être, ça pourrait faire l'objet d'ailleurs d'un projet de loi au prochain Parlement des sages qui aura lieu ici, l'automne prochain.

Mais ce que vous nous rappelez, c'est que le trois quarts... Bon, il y a à peu près autant de Québécois âgés dans les résidences privées que dans les CHSLD de soins de longue durée, mais, dans les résidences privées, le trois quarts ont plus de 75 ans et la moitié sont en perte d'autonomie.

Alors, la vraie question ? moi aussi, comme mes collègues, là, vous savez, une commission parlementaire, c'est pour réfléchir sur toutes ces questions-là ? c'est la suivante: Est-ce qu'on n'a pas tort de regarder la question par le biais du régime de propriété? Si c'est privé, vous pouvez échapper aux règles sociosanitaires qu'une société doit se donner pour être respectueuse des âgés vulnérables en perte d'autonomie, avec des problèmes cognitifs. Est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité d'État par rapport à ces personnes-là, où qu'elles soient, une responsabilité dans le sens de dire: Pour ces personnes vulnérables en perte d'autonomie, avec des problèmes cognitifs, cela se traduit par les règles sociosanitaires présentes ? et là on les décline ? que ce soit dans le public ou dans le privé? Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Boucher, s'il vous plaît.

M. Boucher (Maurice): Je pense que c'est ça qui devrait être fait parce que, tant et aussi longtemps qu'on demeurera avec un caractère volontaire comme ça, ça ne nous mènera nulle part, je pense. Il y a bien cette incitation dont M. le ministre parle, compte tenu, là... les personnes âgées qui seront dirigées vers des résidences privées dans la mesure où ils sont détenteurs d'un certificat de conformité, ça, ça pourra certainement être valable, mais...

Mme Harel: Qui ont l'argent pour aller dans ces résidences.

M. Boucher (Maurice): Oui, mais ça dépend de la résidence privée qui s'offre à eux, c'est ça qui... Mais je pense qu'il y a lieu de mobiliser tout le monde vers un régime qui, sans être très coercitif, très contraignant pour les résidences privées, peut, en partenariat avec tout le monde concerné, arriver à... avec un objectif, une approche résident, résidente, plutôt qu'une approche résidence, ou une approche services, ou une approche de rentabilité. Une approche résident, résidente, quand tout le monde aura ça à l'esprit, je pense qu'on pourra créer un milieu de vie agréable, et nos personnes âgées le méritent bien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Bon. Vous-même, M. Boucher, vous avez participé à une étude qui a été menée ici, dans la région de Québec, j'ai vu votre nom mentionné parmi les auteurs de cette étude. Je comprends que, l'AQDR, vous vous êtes donné en fait une mission qui est celle de faire reconnaître le droit des personnes âgées de s'exprimer en leur propre nom, ce que vous appelez l'«empowerment» en fait, hein?

M. Boucher (Maurice): Exact.

Mme Harel: Et puis vous avez mené une étude avec l'Université Laval, j'imagine, hein...

M. Boucher (Maurice): Oui.

Mme Harel: ...un projet qui en fait portait sur les services communautaires, je pense, hein? Est-ce que ce serait possible de nous en parler?

M. Boucher (Maurice): Oui. Je vous explique. Une équipe d'une quinzaine de bénévoles ont visité 50 résidences, un échantillonnage de 50 résidences, petites, moyennes et grosses, à deux à la fois, et on a surtout eu une entrevue avec des personnes résidentes choisies sans passer par la direction, mais choisies au hasard, sélectionnées par toutes les techniques d'échantillonnage de l'Université Laval. J'étais, à ce moment-là, dans le regroupement des associations d'aînés de la région de Québec. Et on a eu un excellent résultat de cette démarche-là. Parce qu'on avait une entrevue de 1 h 30 min avec les résidents, bien sûr avec magnéto audio. Mais ce qu'on s'était donné comme mission, l'équipe des bénévoles, c'est de faire ces entrevues-là non seulement avec le questionnaire qui avait été préparé par les universitaires, mais avec notre coeur, avec notre objectif, notre implication, notre engagement. Et ces entrevues-là, on les terminait en fermant le magnétophone et en entreprenant une conversation, un échange avec les résidents.

n(12 h 10)n

Dans la plupart des résidences, comme on dit, les gens se sentent en sécurité, bien sûr, ça va bien, l'alimentation, ce n'est pas trop mal, mais il y avait toujours un «mais»: Mais ce n'est pas comme chez nous; mais ce n'est pas nous autres qui décide, il y a des règlements qu'on est obligés de suivre. Il y avait toujours cette... Alors, on se disait: Ces gens-là n'ont pas de mot à dire. Et puis, bien, on le sait, il y a bien sûr la crainte des représailles, il y a cette relation dominant-dominé dont on parle.

Je suis allé dans une résidence, à l'occasion des Fêtes, une cérémonie à l'occasion des Fêtes, et tout le monde se réjouissait ? bon, les Fêtes ? une résidence de 150 résidents, et vers la fin il y a une résidente qui s'est levée, puis elle a dit: Je voudrais remercier nos patrons. Le responsable du comité de résidents dans cette résidence-là a dit: C'est qui, ça, nos patrons? Bien, c'était la direction, la directrice de la résidence et la propriétaire de la résidence qui étaient là. Voyez-vous? La notion de patron. Alors donc, c'est tout ça qu'il faut démystifier et c'est par l'«empowerment» qu'on pense y arriver et par l'instauration de comités de résidents bien formés, bien informés également.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. Je voudrais profiter justement de cette expérience, là, que vous avez développée au sein de l'AQDR. En fait, la question que je me pose, c'est: Dans la mesure où, sur un territoire, il pourrait y avoir peu d'hébergements privés qui satisfont les critères ? ils peuvent demander le certificat, mais, s'ils ne satisfont pas les critères, en fait ce certificat ne leur sera pas accordé, mais ils vont continuer à héberger les personnes ? s'il arrive, sur un territoire, qu'il y ait justement ces résidences qui ne le demandent pas ou qui ne l'obtiennent pas, le certificat, alors il peut y avoir donc, à ce moment-là, difficulté pour les institutions de référence, là, les institutions publiques, de référer des personnes à des résidences qui n'ont pas le certificat, puis ça, la loi va leur interdire de le faire, ou si les résidences qui le demandent en fait sont celles qui ont des coûts supérieurs aux revenus des personnes... Parce qu'il y a des résidences...

Chacun de nous, sans doute, dans le milieu où nous évoluons, qui est un milieu de classe moyenne en fait, avons des parents qui sont dans des résidences privées, mais on sait que les coûts sont de l'ordre de... certainement toujours supérieurs aux revenus des personnes qui ont la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti et qui sont la majorité des personnes âgées, qui sont la très grande majorité. Alors, qu'est-ce qui va arriver, à ce moment-là? C'est donc dire que le certificat de conformité, ça va être pour les résidences de riches puis que, pour les gens qui sont sans revenus adéquats, bien ces résidences-là ne satisferont pas aux critères sociosanitaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Salembier, s'il vous plaît.

M. Salembier (Henri): Moi, personnellement, je pense qu'on est mieux d'avoir un certificat qui est général, avec des critères peut-être plus doux, seulement qui nous permet quand même d'avoir une visibilité ou de pouvoir être quand même très prudents par rapport aux résidences, que de mettre des critères très, très stricts et qu'on n'aide pas les résidents... les centres d'hébergement. Alors, je pense qu'on est mieux d'avoir une certification qui est pour toutes les résidences puis de déterminer des niveaux qui permettront, à un moment donné, peut-être, dans le futur, de les augmenter à mesure.

Mais, comme vous dites, il faut toujours penser qu'il y a toute la dimension financière des gens. Et ça, ça se vit même dans les CHSLD publics. Moi, ma mère était dans un CHSLD ? elle est morte dernièrement. Seulement, le CHSLD a pris l'argent qu'elle avait dans son compte de banque au niveau de 1 500 $ ? cristi! ? jusqu'à temps qu'elle n'ait plus d'argent, et, à ce moment-là, ils l'ont ramenée à 800 $ par mois. Alors, le même principe qui s'applique là, il s'applique aussi, à un moment donné, dans le privé, là. Je veux dire, si ça coûtait 1 500 $ réels, ça veut dire que, quand elle est devenue à 800 $, il y a quelqu'un qui payait pour elle.

Alors ça, ça peut aller, dans un système public. Seulement, dans un système privé, je ne pense pas que les entreprises soient là pour perdre de l'argent, il faut qu'elles en fassent. Par contre, on se rend compte qu'il y a un regroupement présentement dans certaines villes qui fait que c'est des gros, gros regroupements, c'est-à-dire qu'il y a des gens ou des consortiums qui mettent la main sur des centres de plus en plus gros et qu'ils sont là pour faire la piastre. Parce que, si, dans ces consortiums-là, vous avez des gens qui viennent de l'Ontario ou des États-Unis, c'est le libre-échange, si vous voulez. Seulement, il reste quand même qu'il y a un problème.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Oui, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie pour votre mémoire. Ce que j'aime surtout de ce mémoire-là, c'est qu'on sent que ça vient du milieu, on sent que vous avez ou vous portez vraiment les représentations des personnes qui vivent dans ces milieux-là. Ce n'est pas de la structure dont vous parlez, mais des personnes, et c'est rafraîchissant d'avoir ça ici, en commission.

Par rapport à votre plus grande préoccupation ? c'est le fait que la certification ne soit pas obligatoire, si je ne me trompe ? le ministre fait le pari que le fait que les personnes vont être référées par... sont souvent référées par les milieux de santé, ça va être un incitatif important pour avoir cette certification-là. Mais, dans le contexte de ce que je connais dans ma communauté, dans le contexte où les ressources, là, sont à peu près l'adéquation entre ce qu'on offre et ce qu'on a besoin, c'est à peu près égal, on n'a pas de place disponible, cette certification-là ne devient plus obligatoire. Si la personne ne trouve plus d'endroit, elle va commencer par un endroit certifié. Il n'y en a plus de place, ils vont finalement obligatoirement remplir les endroits où il n'y a pas de certification.

Donc, en quoi celui qui n'est pas certifié, là, va avoir moins de clientèle? Je ne comprends pas. Si les besoins et les ressources sont égales, les ressources et les personnes qui doivent en bénéficier, c'est égal, s'il y a une adéquation, il n'y a pas de marché, il n'y a pas de loi du marché qui s'applique. Êtes-vous d'accord avec ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Boucher.

M. Boucher (Maurice): On n'a pas de statistiques sur la proportion des personnes qui choisissent elles-mêmes la résidence où elles vont élire domicile et les personnes qui sont dirigées par les CLSC du temps ou les centres de santé et de services sociaux. Alors, je ne sais pas quelle est la proportion, mais il faut penser de laisser ce libre choix aux personnes qui pensent aller élire domicile dans une résidence privée avec services de choisir elles-mêmes la résidence. Alors, on ne peut pas prétendre que tous ces gens-là vont être dirigés par le centre de services de santé et services sociaux. Alors donc, quelle est la proportion, c'est difficile à déterminer. Mais je pense que, dans une majorité des cas, les gens, avec la famille, font le libre choix de la résidence où ils vont élire domicile.

Mme Roy: Donc, avez-vous confiance, là, au fait que ce soient les établissements de santé qui proposent seulement des établissements certifiés pour les résidences, que ça va permettre, là, de concentrer les personnes dans des endroits certifiés, que ça va donner un incitatif suffisant aux résidences?

M. Boucher (Maurice): Ça peut avoir un impact favorable, remarquez, je pense que ça, il ne faut pas rejeter ça, mais il reste que le caractère volontaire demeure quand même la certification.

Mme Roy: J'ai noté que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ce sera la dernière question, si vous permettez.

Mme Roy: Celle que je vais poser?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Celle que vous allez poser, oui.

Mme Roy: Celle que je vais poser?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Celle que vous allez poser, oui.

Mme Roy: O.K. Oui. J'avais compris «vous avez posée».

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je m'excuse.

Mme Roy: Donc, j'ai noté que vous avez dénoncé plusieurs situations qui sont difficiles. Ces situations-là vont pouvoir se corriger au niveau des règlements et au niveau sociosanitaire, au niveau de toute la réglementation qui va suivre après le projet de loi n° 83. Avez-vous des propositions précises quant à une façon de réglementer à ce sujet-là?

M. Boucher (Maurice): Quels que soient les critères sociosanitaires qui seront déterminés, il y aura probablement encore des cas d'abus, d'exploitation, de domination qui ont besoin d'être corrigés dans les résidences, même si elles détiennent un certificat de conformité, l'un n'empêche pas l'autre. Alors donc, notre objectif, c'est de faire en sorte que ces abus-là soient radiés et que les résidents et résidentes puissent donner leur point de vue sur les conditions qui leur sont faites.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Salembier et M. Boucher, merci de votre contribution.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 2 heures, cet après-midi. Nous nous retrouverons dans cette même salle. Les parlementaires peuvent laisser leurs dossiers ici, ce sera fermé à clé.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

 

(Reprise à 14 h 3)

La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales...

Des voix: ...

La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux.

Cet après-midi nous recevons quatre groupes, soit, le premier, le Conseil de la protection des malades; ensuite, nous allons recevoir l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec; ensuite, Les recteurs des universités du Québec dotées d'une faculté de médecine; et nous allons conclure avec le Protecteur du citoyen.

Alors, pour débuter nous allons entendre le mémoire du Conseil de la protection des malades. Je crois que c'est M. Brunet qui débute les présentations. Alors, bonjour et bienvenue à la commission. Je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui va être suivie d'échanges avec les parlementaires de part et d'autre.

Conseil pour la protection
des malades (CPM)

M. Brunet (Paul): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, messieurs dames les membres de cet auditoire. Alors, le Conseil pour la protection des malades est toujours content de venir soumettre ses idées, ses suggestions, surtout que ça fait plus de 30 ans maintenant qu'il le fait respectueusement.

Je suis accompagné aujourd'hui, et j'en suis fier, de Me Sarah Trudeau, à ma gauche, et Me Dominique Demers, à ma droite. Et nous allons vous entretenir de quatre éléments du projet de loi, quatre éléments qui en fait nous intéressaient particulièrement, vous l'aurez compris: le processus de plaintes, la structure des comités des usagers, les certificats de conformité et les dossiers informatisés. Sans plus tarder, je cède la parole à Me Trudeau.

Mme Trudeau (Sarah): Bonjour.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Me Trudeau.

Mme Trudeau (Sarah): Bonjour. En ce qui concerne le commissaire local aux plaintes, le changement de terme pour «commissaire aux plaintes» a été accueilli favorablement par le CPM. Ceci étant dit, nous avons formulé une recommandation quant à la nomination. Ce poste devrait relever du conseil d'administration exclusivement et non sous recommandation du directeur général.

En ce qui a trait à la notion d'exclusivité, nous avons aussi accueilli favorablement cette proposition, ceci pour éviter les conflits d'intérêts. Souvent, sur le terrain, lorsqu'on se rend, les comités d'usagers invoquent que le commissaire est souvent directeur des ressources humaines, directeur des soins infirmiers ou directeur des soins professionnels. Donc, il est primordial que le commissaire, son rôle soit bien défini et aussi qu'il soit accessible. Le CPM se soucie beaucoup de ceci, donc peut-être, que, sur nos recommandations, que la loi spécifie qu'il y ait un commissaire local de présent dans chaque établissement. Donc, puisque pour avoir une charge à temps complet, on peut penser que le commissaire va devoir travailler dans plusieurs établissements, nous demandons qu'il assure une présence physique dans chaque établissement avec un local distinct de la direction et que son horaire et son nom soient bien affichés visiblement pour les usagers, ceci pour faciliter le processus de plaintes.

Nous demandons également que le ministre émette une directive quant aux qualifications pour le commissaire, que ce soit bien défini, les qualifications qu'il aura de besoin, soit une connaissance du réseau, des habilités en matière de médiation et de règlement de conflit, et qu'il ait aussi une connaissance des lois applicables et du processus de plaintes. Le deuxième point que nous allons traiter, c'est le comité des usagers, et c'est Me Demers qui va prendre la parole.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Me Demers.

Mme Demers (Dominique): Merci. M. le ministre, MM., Mmes les parlementaires, je vous dirais que le coeur de notre mémoire se situe à la section des comités des usagers, les articles 209 à 212.2 de la LSSSS. Et je vais tenter de résumer nos arguments de façon simple et concise. D'entrée de jeu, nous tenons à vous dire qu'une quinzaine de comités d'usagers ou de regroupements de comités nous ont fait valoir leur position sur le projet de loi, et notre position reflète plus que la majorité d'entre eux.

Aux pages 8 et 9 du mémoire, nous saluons premièrement l'initiative du ministre de proposer la création des comités d'usagers dans tous les établissements de santé à travers le Québec. Le CPM revendique depuis toujours la présence de ces comités pour permettre une défense des usagers où qu'ils se trouvent et quels que soient les soins et services qu'ils reçoivent.

Afin qu'il y ait une certaine uniformité à travers le réseau et en raison des nouveautés apportées avec les articles 209 et suivants, nous proposons, à la recommandation 4° ? page 9 de notre mémoire ? que le ministère de la Santé et des Services sociaux adopte un cadre de référence sur lequel les conseils d'administration des établissements de santé pourront s'inspirer pour la création des comités des usagers, des comités de résidents et du comité central proposés.

Les premiers comités des usagers étaient des comités de bénéficiaires mis sur pied pour les usagers hébergés en raison de leur vulnérabilité et de leur présence dans un établissement de santé 24 heures sur 24 et 365 jours par année. La situation des usagers hébergés n'a pas changé aujourd'hui. Nous comprenons alors difficilement pourquoi, dans le projet de loi n° 83, on semble vouloir à la fois accorder davantage d'importance aux comités des usagers et enlever une partie importante de l'influence que peuvent exercer les comités de résidents, qui ont été les premiers à être mis sur pied dans le réseau de la santé. Pour vous illustrer notre position à ce sujet, on vous a imprimé un tableau exposant les propositions du projet de loi n° 83 et du CPM côte à côte pour bien distinguer les modifications recommandées. On pourra, si vous le voulez, distribuer éventuellement ? on en a 25 copies, ici ? le document.

Le CPM et les comités des usagers qu'il représente s'opposent énergiquement à trois aspects importants relatifs aux comités de résidents et proposés dans le projet de loi.

Premièrement, le nombre de membres du comité des résidents diminué à seulement trois. Où on en fait référence? À l'article 209.1, alinéa deux. Le fait de réduire le nombre à trois, même s'il s'agirait d'un minimum, diminue l'importance que l'on veut accorder à ces comités qui ont une grande importance dans la vie de tous les jours des résidents. Si un ou deux résidents, par exemple, sont membres du comité de résidents et qu'ils se retrouvent dans l'impossibilité d'assister à une réunion, le comité aura de la difficulté à tenir légalement ses réunions et sera toujours en élection lorsqu'un des membres ne sera plus là. Le renouvellement des membres siégeant sur les comités de résidents est malheureusement très élevé. Il s'agit ici d'un net recul, et il ne s'inscrit pas dans l'esprit qu'on veut inculquer en regard de l'importance des comités des usagers ou de résidents dans l'établissement. Le CPM recommande de garder le statu quo à cet égard, c'est-à-dire un minimum de cinq membres sur les comités de résidents.

n(14 h 10)n

Deuxièmement, la position du comité de résidents dans la hiérarchie des structures, c'est-à-dire avec trois paliers. Donc, dans le tableau, à la dernière page ? qu'on pourra vous distribuer à la fin ? on voit bien, là, la structure à trois paliers, si vous voulez. En raison de l'article 212.2, les comités de résidents doivent faire rapport au comité des usagers hébergés, qui sera à son tour soumis à un comité central s'il y a plus d'un comité des usagers. Donc, c'est une structure, si on veut, à trois paliers. On a les comités de résidents qui relèvent d'un comité des usagers hébergés et, s'il y a plusieurs comités d'usagers, on a ensuite le comité central. Donc, on s'aperçoit que la structure... l'éloignement du pouvoir ou de l'influence du comité des résidents face, si on veut, à la direction. Le comité de résidents n'a même pas droit à une représentation sur le comité central, ce qui est un net recul pour la clientèle hébergée, qui pourtant est le plus à risque de subir une atteinte à leurs droits vu leur présence à temps plein dans un établissement de santé. Le CPM recommande plutôt que les comités de résidents soient établis au même titre que les autres comités des usagers représentant les autres catégories d'usagers afin de maintenir leur importance dans l'établissement. Donc, on fait une proposition à deux paliers, c'est-à-dire: les comités de résidents, les autres comités d'usagers pour les différentes catégories, qui chacun d'eux aurait droit à un siège sur le comité central.

Ensuite, troisièmement, on a la diminution des fonctions devant être exercées par les comités de résidents, et ça, on retrouve ça à 212.2. C'est les fonctions du comité de résidents. Il est très réducteur, croit le CPM, pour les comités de résidents de restreindre leurs fonctions aux deux premiers paragraphes de l'article 212, alors qu'ils ont toujours fait de la défense de droits et intérêts collectifs et qu'ils ont également accompagné et assisté les usagers sur demande. Nous avons de la difficulté à comprendre comment un comité des résidents ne puisse pas faire de la défense collective des droits lorsqu'il aura participé, par exemple, à l'évaluation du degré de satisfaction des usagers. Les paragraphes 3° et 4° de l'article 212 sont indissociables du rôle qu'a à jouer un comité des usagers ou des résidents dans un établissement. Nous suggérons donc de laisser les mêmes fonctions auxquelles sont déjà habitués tous les comités, dont les comités de résidents.

Nous proposons donc de modifier l'article 209 et de retirer les articles 209.1, alinéa deux, et 212.2. Si vous le voulez, peut-être on peut prendre une minute pour voir l'article 209 tel qu'on le propose. Premièrement, l'alinéa un ne changerait pas. L'alinéa deux était déjà dans le projet de loi, et on dit: «Dans le cas où l'établissement exploite plusieurs centres ou offre des services à des usagers de différentes catégories, il doit mettre sur pied autant de comités des usagers que nécessaire pour assurer une représentativité adéquate de ses usagers au sein de ces comités.»

Ensuite, le troisième paragraphe, on pourrait faire référence aux comités de résidents: «Lorsque l'établissement exploite un centre offrant des services à des usagers hébergés, il doit mettre sur pied, dans chacune des installations du centre, un comité de résidents.» On reprend le paragraphe auquel on faisait référence à l'article 209.1, alinéa deux. Et ensuite on dit: «Ces comités se composent d'au moins cinq membres élus ? et là on fait référence aux comités de résidents et aux comités des usagers ? par tous les usagers...» Là, on pourrait rajouter: «...ou résidents que chacun des comités représente. Ces membres doivent être des usagers, résidents, leur représentant ou toute autre personne démontrant un intérêt particulier pour les usagers ou résidents concernés, pourvu que ces personnes ne travaillent pas pour l'établissement ou n'exercent pas leur profession dans un centre exploité par l'établissement.» Ça, c'était déjà là. Donc, c'est notre proposition de l'article 209.

En regard de la composition du comité central, à 209.1, alinéa un, nous recommandons: que les comités de résidents aient droit à une représentation sur le comité central ? comme on en a parlé ? au même titre que les comités des usagers; deuxièmement, que les comités des usagers et les comités de résidents puissent désigner eux-mêmes la personne parmi leurs membres la plus apte à les représenter sur le comité central et non pas de l'imposer aux présidents des comités. Je pense que les comités sont assez autonomes entre eux pour désigner une personne parmi leurs membres qui pourra aller siéger sur le comité central et non pas l'imposer aux présidents. Donc, on pourra toujours vous référer ultérieurement à l'article 209.1 tel que proposé. En fait, on suggère d'enlever le deuxième alinéa.

En ce qui a trait à la qualification des membres pouvant siéger sur un comité, c'est-à-dire l'article 210, nous voulons apporter la précision, aux pages 14 et 15 de notre mémoire, que seules les personnes sous curatelle ou celles représentées par un mandat donné en prévision de l'inaptitude ne pourraient être membres d'un comité des usagers ou de résidents. On faisait référence également à la tutelle, mais on avait oublié l'importance que les jeunes dans les centres jeunesse puissent siéger sur des comités de résidents. Donc, on retire, si vous voulez, la demande qu'on faisait de... si on était sous tutelle, qu'on ne pouvait pas siéger sur un comité d'usagers.

Nous souhaitons également que soient établies dans la loi, à l'article 211, les obligations pour le directeur général de fournir une ligne téléphonique et un local aux comités des usagers ou de résidents, un local qui leur soit exclusif, en raison de l'interprétation restrictive de la loi et des problèmes que cela engendre souvent, c'est-à-dire une difficulté à se réunir ou de tenir des réunions confidentielles.

Relativement aux fonctions des comités des usagers et de résidents, nous croyons qu'il est essentiel d'ajouter la possibilité de porter plainte au nom d'un usager ou de tous les usagers en raison de la vulnérabilité d'une partie de la clientèle, particulièrement dans les installations où il y a de l'hébergement. La peur des représailles est une réalité qui se vit quotidiennement pour plusieurs usagers hébergés. Nous suggérons également que les comités des usagers et de résidents établissent leurs propres règles de fonctionnement et soumettent leur rapport annuel au comité central et non pas au conseil d'administration. En fait, on propose que le comité central fasse un rapport d'activité au conseil d'administration. Nous proposons que les fonctions du comité central soient davantage précisées pour éviter les conflits de fonctions entre les comités des usagers et des résidents, d'une part, et le comité central, d'autre part. On propose plusieurs... pour décortiquer et pour éclaircir davantage les fonctions du comité central. Vous l'avez dans le mémoire.

Et finalement, à la page 18, nous abordons la question incontournable de la budgétisation de tous ces comités. Il est indispensable de fournir un support adéquat à ces ressources bénévoles siégeant sur les comités des usagers et de résidents. Ils sont un des acteurs importants du réseau de la santé dans la défense et la protection des droits des usagers qu'ils représentent, et un support adéquat doit leur être offert. Finalement, je cède la parole à Me Brunet.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, maître...

Mme Demers (Dominique): Me Trudeau. Pardon.

La Présidente (Mme Charlebois): Me Trudeau, allez-y.

Mme Trudeau (Sarah): Je vais être brève. Pour les certificats de conformité, je vous réfère à la page 24 de notre mémoire. Le CPM demanderait que la certification s'étende à toutes les clientèles ? donc, ça touche les personnes âgées, les gens avec des problèmes de santé mentale, la déficience intellectuelle, la toxicomanie ? afin d'assurer un milieu de vie acceptable et des services sécuritaires pour toutes clientèles vulnérables. De plus, le CPM demande à ce que ça devienne obligatoire et non seulement volontaire, et ceci, évidemment sur une période peut-être de trois ans, tel que proposé dans notre mémoire. Je vais céder la parole à Me Brunet.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Me Brunet.

M. Brunet (Paul): Oui. Sur le dossier de l'informatisation des dossiers médicaux, on convient qu'un jour on devra informatiser ces documents-là, ces informations-là. Je pense que tout le monde semble se rallier à l'idée, au moins au principe. Par ailleurs, ce serait... en tout cas ça l'était en février 2002, quand le projet de loi est venu pour discussion, c'était la première fois dans le monde que le volet clinique et le volet administratif étaient soumis dans ce genre de projet là en même temps, selon la Commission d'accès à l'information, et la Régie de l'assurance maladie, et les informations que nous avons obtenues. En tout cas, dans les pays industrialisés et démocratiques.

La centralisation des données auprès des agences, bon, c'est un moindre mal, selon nous. Le droit d'accès à la RAMQ nous fatigue. Pour nous, il n'est pas question de donner accès à ce genre d'information là à l'assureur de ces services-là et de ces produits-là. On avait déjà même parlé d'un organisme paritaire qui serait une sorte de chien de garde de ces informations-là, organisme dans lequel siégeraient à peu près les professionnels, les patients, le gouvernement, la RAMQ pour s'assurer ensemble que ces informations-là ne seraient jamais l'objet de fausse... ou de diffusion malheureuse.

n(14 h 20)n

Nous questionnons encore une fois une sorte d'empressement que nous sentons ? nous faisions ce reproche-là au PQ à l'époque où le projet de loi avait été soumis par leur gouvernement. Comme la Commission d'accès à l'information l'a réclamé en 1999, nous croyons qu'un débat public s'impose sur le sujet, plus qu'un projet de loi et qu'une commission parlementaire, sauf respect. On est un petit peu tristes de voir qu'il n'y a pas de projet pilote d'évoqué. Il y a des beaux projets qui avaient eu lieu, dont un à Rimouski, dans les années quatre-vingt-dix, un peu plus récemment, le projet de carte santé à Laval, auquel on avait mis fin abruptement ? je pense que c'était M. Trudel, mais de mémoire. Il faut se rappeler aussi qu'en 2001 ce projet-là coûtait... ou valait, selon les estimés, à part les équipements plus locaux, plus de 200 millions. Alors, ce n'est quand même pas rien pour un projet qui, semble-t-il, serait encore une fois unique au monde.

Nous insistons finalement sur l'importance que les gens aient le choix de s'inscrire et qu'une inscription automatique survienne dans leur dossier ou, comme on le proposait à l'époque et comme les informations circulaient à l'époque, qu'on puisse le faire à la pièce, au choix du patient, et finalement la possibilité toujours, un peu comme la FMSQ vous l'a dit ce matin, de renoncer tout le temps, quand on veut, durant la période concernée.

C'est en gros, Mme la Présidente, M. le ministre et messieurs dames les membres de cette commission, ce que nous avions à dire en regard du projet de loi. Je me demande, à la fin de tout ça, si ce projet-là, ce projet d'informatisation servira, permettra la moindre amélioration vers l'humanisation des soins, le moindre rehaussement de la façon avec laquelle on soigne et on s'occupe de nos personnes malades, âgées, handicapées, psychiatrisées, qu'elles soient hébergées en centre, en ressource ou à domicile, à travers le Québec. C'est la question que je nous pose cet après-midi. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Maintenant, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Brunet, Mme Trudeau et Mme Demers. Comme d'habitude, une présentation concise et bien bâtie, avec beaucoup de suggestions pratiques de bonifications au projet de loi, même qu'on nous rédige, même on nous prérédige, des articles. On apprécie ça, ça va nous aider beaucoup.

Je dirais qu'il y a beaucoup de choses que vous avez dites qui ne tombent pas dans l'oreille de sourds et puis certainement auxquelles on va être très sensibles, notamment tout le rôle des comités des usagers. C'est vraiment une impulsion qu'on a voulu donner ? d'ailleurs, vous la reconnaissez ? une impulsion qu'on a voulu donner à la présence plus marquée des usagers dans notre système de santé, dans l'administration de notre système de santé.

Vous avez d'abord parlé du processus de plaintes. Votre suggestion sur la nomination, je comprends, c'est d'enlever la recommandation du D.G. au conseil d'administration et d'en faire uniquement un processus de sélection du conseil d'administration. C'est comme ça que j'ai compris votre suggestion. On a eu des présentations, surtout des associations d'établissements, qui nous demandent de laisser le commissaire local dépendre du directeur général plutôt que du conseil d'administration. On nous a même dit que c'était un peu une marque de manque de confiance par rapport aux administrateurs du réseau qu'on veuille faire ce déplacement du commissaire local vers le conseil d'administration, auquel, moi, je crois, là. Mais, vous, c'est quoi, votre commentaire vis-à-vis ça, là?

M. Brunet (Paul): Si mes collègues me permettent, M. le ministre, dans les faits, je suis convaincu, pour connaître plusieurs D.G., que, si on faisait relever cette nomination-là du C.A., ceux et celles qui n'ont pas de problème avec un commissaire aux plaintes le plus indépendant possible n'auront pas de problème avec ça. Mais on a vu malheureusement souvent, sur le terrain, une apparence de conflit d'intérêts ou une apparence de rétention soit de l'information ou de l'action et, pire, une apparence, une impression chez les gens que les gens chez qui ils appelaient, aux commissaires aux plaintes, et où on répondait «direction générale», que les gens qui les écouteraient n'étaient pas nécessairement neutres.

M. Couillard: Pour ce qui est du mandat des comités d'usagers et de leur forme, vous nous proposez en fait une simplification de l'organisation des comités. On apprécie toute suggestion qui va dans le sens d'une simplification.

Il y a un point que je voudrais discuter avec vous, qui a été l'objet de discussions avec des groupes précédents, c'est la question de la représentation au conseil d'administration, où, dans le modèle qui est actuellement proposé pour les centres de santé et de services sociaux, il y a quatre représentants élus de la population et deux représentants des usagers, la logique étant pour nous de dire que les usagers également sont assimilables à des représentants de la population. Mais les gens nous ont dit: Attention, ce n'est pas vrai, les usagers, étant donné qu'ils reçoivent des soins ou des services, on ne peut pas les considérer comme des représentants de la population. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Charlebois): Me Demers.

Mme Demers (Dominique): Oui. Bien, je vous dirais effectivement que je serais plus d'opinion que ce n'est pas... on ne peut pas dire qu'il y a six personnes qui seraient comme représentantes de la population. Si je comprends bien, c'est les comités d'usagers qui ont à nommer une personne... deux personnes en fait sur le conseil d'administration. Donc, c'est vraiment des personnes qui vont avoir à coeur l'intérêt des usagers directement là, tandis que, dans les nominations faites par la population, ça peut être des personnes qui sont simplement impliquées dans le quotidien, si on veut, de l'établissement mais pas nécessairement vont vivre à tous les jours, là, les soins... Je pense, ça a une importance encore davantage pour des endroits où il y a de l'hébergement.

M. Brunet (Paul): J'aurais le goût...

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.

M. Brunet (Paul): J'aurais le goût de compléter, M. le ministre, en vous relançant une proposition que j'avais déjà faite autant aux gens du PQ que chez vous, qu'un jour je rêve du moment où on tentera l'expérience de mettre en majorité, autour d'un C.A. d'un établissement de soins de longue durée, des résidents ou leurs familles.

M. Couillard: Je me souviens, vous nous aviez également fait cette suggestion lors de la commission parlementaire sur la loi n° 25, si ma mémoire est fidèle, là. Pour ce qui est des certificats de conformité des résidences privées, j'aimerais ça que vous nous précisiez un peu plus votre vision de la question quant à la façon de rendre ça plus généralisé. Vous employez, je pense, le mot «obligatoire» plutôt que «facultatif», puis vous parlez d'une période de transition, une période d'implantation de trois ans. Pourriez-vous élaborer un peu comment est-ce que de façon pratique vous imaginez qu'on pourrait faire ça? Vous savez qu'il y a de nombreux écueils sur cet aspect de le rendre obligatoire. Ça a l'air simple et attirant comme ça, mais en pratique il y a des problèmes de type légal et d'autres types de problèmes qui risquent de rendre ça très difficile. Mais comment pensez-vous qu'on devrait procéder?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Brunet.

M. Brunet (Paul): Je partage évidemment les préoccupations soulevées par mes collègues ici, à l'effet que tout le monde, tous les établissements qui ont une mission de soins de longue durée devraient éventuellement être soumis à ce processus-là. Mais ce qui m'inquiète encore plus, pour être moi-même gestionnaire, c'est comment on va l'appliquer, hein? Si on n'est pas capable de faire appliquer une affaire, comment on va faire pour le mettre en vigueur? Ça, ça m'inquiète plus.

Présentement, il y a déjà des endroits où on héberge des gens qui sont en principe assujettis à toutes sortes de contrôles et qui ne sont pas surveillés, outre ? et remercions-les-en ? certaines municipalités qui vont s'intéresser un peu plus aux questions. Mais, moi, ça me fait plus peur, pour être honnête avec vous, M. le ministre, comment on va l'appliquer, comment on va le faire respecter, ce certificat-là. Parce qu'une fois qu'il va être émis, là, puis si on ne retourne pas avant deux, trois ans, il y a beaucoup de choses qui peuvent évoluer, et c'est là où ça risque de se gâter.

Je réitère le fait, sauf respect pour mes consoeurs ici, que comment on va l'appliquer, avec quelle intensité on va le faire, avec quelle régularité on va le faire, si on n'est pas capable de se garantir à soi-même qu'on va le faire respecter, le certificat, et que ceux qui ne le mériteront plus vont se le faire révoquer? Je pense qu'on est mieux d'attendre parce qu'on va avoir des difficultés encore plus graves que celles qu'on voulait régler avec ce projet-ci.

M. Couillard: Vous avez remarqué bien sûr que le certificat est révocable en cours d'exercice puis que le projet de loi donne également un pouvoir d'inspection à l'agence pour en vérifier la conformité. Est-ce que ce n'est pas au moins une façon... Je suis d'accord que ce n'est pas... ce n'est jamais une garantie, il n'y a jamais rien qui est une garantie à 100 %, là. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est au moins un garde-fou qui est utile?

M. Brunet (Paul): Oui, mais c'est dans la pratique: Qui va inspecter ça? Combien il va y avoir de gens? Une municipalité peut avoir des centaines de règlements pour assurer la quiétude des gens, mais, s'il n'y a pas d'inspecteur sur le terrain, on ne va pas loin.

M. Couillard: Maintenant, le dernier point de votre présentation: informatisation. Je pense que vous avez vous-même parlé de ce qui se fait dans les autres juridictions, puis il est certainement important, au Québec, qu'on se dote de cet outil-là. Qui est un outil qui vise à quoi? Qui vise d'abord et avant tout à améliorer les soins. C'est-à-dire que, lorsqu'on dit qu'on doit intégrer les différentes parties de notre système de santé, un des facteurs de succès de cette intégration-là, c'est la plus libre circulation de l'information, puis ça nécessite un changement du cadre législatif pour une loi qui était faite à l'époque où tous les dossiers étaient de papier puis ils étaient dans les établissements. Puis on n'est certainement plus dans cette époque-là.

Vous avez vous-même dit qu'il y a déjà eu le débat sur la carte à puce. Il y a eu beaucoup de débats, là, qui ont été faits dans cette enceinte, ici, à l'Assemblée nationale, sur cette question. Il y a d'autres juridictions qui ont déjà démarré. Le Québec est un peu en retard, je pense qu'on pourrait dire ça. Ce qu'on a essayé de faire, c'est d'en faire avant tout un outil clinique. Je me souviens très bien, moi aussi, à l'époque où j'observais, comme citoyen, les débats du projet de carte à puce, que ce qui inquiétait beaucoup les citoyens, c'est qu'on le percevait avant tout comme un outil de contrôle administratif, alors qu'en utilisant les bases de données régionales, en en faisant d'abord un outil d'information clinique pour améliorer les services, il nous semble que c'est la meilleure façon de prendre le problème. Et on a ainsi évité l'écueil de cette immense banque centrale où toutes les données étaient conservées. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a une progression, là, dans la bonne direction?n(14 h 30)n

M. Brunet (Paul): Oui. Maintenant, si vous dites que le projet n'en a que pour le volet clinique, j'ai un peu de difficultés à voir, là, où la RAMQ va trouver son compte, puisque, pour moi, le volet clinique, ce sont les professionnels de la santé. Je ne vois pas ce que la RAMQ alors aurait à faire ou à voir dans cette banque importante d'informations là. Or, je vois, dans le projet de loi, que la RAMQ aurait un certain accès à cette banque-là. Je n'ai rien contre la RAMQ, M. le ministre, j'y ai siégé 10 ans, mais j'ai une difficulté dans le fait que la RAMQ, c'est l'assureur. On ne donne pas un dossier médical à l'assureur, en tout cas pas comme ça. Et c'est avec ça que nous avons... nous avions et avons toujours des problèmes.

M. Couillard: Je vais clarifier le rôle de la Régie d'assurance maladie du Québec parce que c'est un point important. Il n'est pas question ? puis on le rendra plus clair s'il le faut ? il n'est pas question de rendre disponible tout le dossier médical à la RAMQ. Le rôle de cette organisation est bien balisé. C'est un agent localisateur. Par exemple, vous êtes de Montréal, puis vous êtes en vacances en Gaspésie, puis il vous arrive malheureusement un problème, puis le médecin qui vous voit là a besoin de trouver votre dossier médical, il faut que quelqu'un lui dise où est-ce qu'il est, le dossier médical. Et c'est important qu'il y ait une organisation comme ça.

Deuxièmement, c'est le registre des consentements et des profils d'utilisation: Qui a consenti? À quelle date? Est-ce que le consentement est encore valable? Est-ce que les divers intervenants sont autorisés, en vertu de quel profil, à avoir accès? Ensuite, la seule partie de données qui est confiée à la RAMQ actuellement, c'est la base de données pharmacologiques, parce que tous les pharmacies du Québec sont actuellement en lien informatique avec elle. Mais ce n'est pas là qu'est entreposé le dossier médical.

Le dossier médical est dans la base de données régionale, et la RAMQ agit comme courroie de transmission pour les données pharmacologiques et comme agent localisateur pour le reste. Je pense que c'est important de le préciser. Parce qu'on a vraiment voulu se démarquer de ce piège qu'était la constitution de cette immense banque centralisée là. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est une façon également de...

M. Brunet (Paul): Bien, un peu rassurant. J'aimerais ça voir dans les faits. Vous savez, malheureusement, au CPM, on ne nous appelle pas quand ça va bien, on nous appelle quand ça va mal. Des informations, et je ne dis pas... on ne les a pas corroborées. Je vous donne des témoignages d'une femme qui a accouché puis qui, quelques jours plus tard, reçoit par la poste un kit pour la nouvelle maman; des gens qui ont fait admettre un proche âgé dans un centre d'hébergement et qui reçoivent par la poste, quelques jours plus tard, un kit de préarrangements. Ça donne froid dans le dos. Des fondations qui écrivent à des patients qui ont été soignés pour leur demander s'ils ne pourraient pas faire un don.

Il y a des fuites. L'humain étant ce qu'il est, les systèmes étant ce qu'ils sont, il n'y a pas d'assurance à 100 %. Alors, repoussons le plus possible les risques. Et c'est dans cette mesure-là que nous soumettons nos idées. Nous ne disons pas que le projet n'a pas de valeur en soi évidemment.

M. Couillard: Mais vous allez conclure avec moi que toutes ces fuites dont vous parlez sont dans le cadre législatif du dossier papier. Le dossier papier en lui-même n'est pas une garantie, loin de là, n'est pas une garantie de confidentialité et d'étanchéité. C'est même parfois malheureusement le contraire, hein?

M. Brunet (Paul): Mais, comme quelqu'un à la RAMQ me disait: Me Brunet, vous savez très bien que des fois on faxe des diagnostics puis ça traîne sur le bureau de l'infirmière à l'hôpital, je disais: J'espère que c'est parce qu'on veut faire mieux et pas aussi pire qu'on l'était jusqu'à maintenant.

M. Couillard: Oui, c'est ça. Il y a même des gens qui nous démontrent qu'en fait sur le plan objectif, le dossier informatisé bien protégé est plus sécuritaire que le dossier papier, s'il est bien encadré.

Vous parliez de projets pilotes. Il y a des projets terrains qui nous ont inspirés. Je ne sais pas si vous êtes au courant du projet SI-RIL, à Laval. C'est un projet qui met les cliniques médicales en réseau avec les établissements de santé.

Une voix: ...

M. Couillard: C'est ça. Ça, c'est quelque chose de très intéressant, qui nous a servi de base, là, d'inspiration.

M. Brunet (Paul): Oui. Et c'est un des beaux projets, comme un peu Rimouski, un peu plus tôt, mais sur lequel il aurait été intéressant de ramasser encore plus de données et d'information. Malheureusement, on avait mis fin abruptement au projet. Mais je suis content d'entendre que vous vous en êtes, entre autres, inspirés.

M. Couillard: Non seulement le projet SI-RIL nous sert d'inspiration à nous, mais il est également le projet de démonstration du Québec sur l'Inforoute Santé canadienne et il risque même de faire des petits à l'extérieur du Québec. Et je pense qu'on peut se féliciter, entre Québécois, d'avoir innové dans ce domaine-là.

Pour ce qui est du consentement, j'ajoute une précision: le consentement est révocable en tout temps. Parce que vous avez mentionné... Vous ne sembliez pas certain. La Fédération des médecins spécialistes du Québec, ce matin, a émis une suggestion avec laquelle, je dirais, on n'est pas en accord d'emblée, qui est de dire que le consentement explicite n'était pas nécessaire pour entreposer des données dans les bases régionales, que, si un patient consultait un médecin, il consentait automatiquement à ce que ses données soient entreposées dans le dossier médical. Je dois vous dire que c'est un peu contraire à l'ensemble des représentations qu'on a eues. Mais je pense que vous devriez vous exprimer sur cette recommandation également.

M. Brunet (Paul): Nous non plus, on n'accepte pas cette suggestion de la FMSQ.

M. Couillard: C'est une bonne idée, le cadre de référence pour les comités des usagers. Est-ce que vous avez déjà quelque chose, un travail en cours dans votre organisation qui pourrait nous aider? On aime ça, nous autres, quand le travail est déjà fait.

M. Brunet (Paul): Oui, on voit ça.

Mme Demers (Dominique): Laissez-nous trois jours, puis ça va être prêt.

M. Couillard: Pardon?

La Présidente (Mme Charlebois): Me Demers.

Mme Demers (Dominique): Bien, laissez-nous trois jours, et ça va être prêt.

M. Couillard: Ah, vous avez un peu plus de temps quand même.

Mme Demers (Dominique): Oui. O.K. Trois semaines, ça va être bon.

M. Couillard: Vous disiez qu'on vous appelle quand ça ne va pas bien; c'est un peu mon cas, moi aussi.

Mme Demers (Dominique): O.K.

M. Couillard: Les comités de vigilance, vous n'en avez pas parlé vraiment, c'est pour nous une façon de faire le lien et de corriger un problème qu'on a tous vu dans les événements des deux, trois dernières années, qui ont été si médiatisés, notamment Saint-Charles et d'autres choses, qui est un conseil d'administration qui est souvent complètement déconnecté sur le plan de ce qui se passe dans son établissement, notamment au niveau des plaintes. Alors, à Saint-Charles, on l'a bien vu, puis dans d'autres établissements également, les membres du conseil d'administration n'étaient tout simplement pas au courant qu'il y avait eu deux, trois, quatre plaintes souvent de la même personne ou, disons, dans le même problème. Est-ce que le comité de vigilance rattaché au conseil d'administration va être une façon de refaire ce lien-là?

M. Brunet (Paul): Bien oui, dans notre mémoire, vous allez voir qu'on a donné un avis favorable à cet élément-là. Mais j'ai toujours cette préoccupation d'une sorte d'assurance fausse qu'on se donne en créant certaines structures. C'est du monde, hein, ça prend du monde qui se préoccupe, qui s'inquiète. Si, au C.A, on dit: Nous, on veut la liste des plaintes à tous les mois pour voir où c'en est puis on veut les suivre, on n'a pas besoin d'un comité de vigilance. Et je suis sûr que ça se fait ailleurs, je l'ai vu.

Alors, je comprends la structure puis je comprends l'importance puis la préoccupation, puis on la trouve très bienvenue, là, comprenez-nous bien, M. le ministre, sauf que, si ce n'est pas du monde dédié qui s'en occupe et qui est curieux pour s'assurer que la raison d'être de soigner du monde convenablement n'est pas respectée, on aura beau mettre tout ce qu'on voudra dans la loi, on n'améliorera pas nécessairement les choses, malgré notre bonne volonté, souvent.

M. Couillard: Je vais vous dire, M. Brunet, cette question des structures par rapport aux objectifs d'amélioration, tous ici, puis vous également bien sûr, on souscrit à l'objectif d'améliorer les services. Puis on entend souvent dire: Bien, ce n'est pas de créer des structures qui va en soi améliorer les services. Vous avez raison là-dessus. Par contre, moi, je vois la question de l'autre angle, peut-être parce que je suis un peu cynique quant à la nature humaine, je me dis que, si au moins il y a quelque chose qui est là qui un peu amène ou même force à la rigueur les gens à poser certains gestes et à s'impliquer dans le processus, on risque d'éviter le chemin de la plus faible résistance, hein? La nature humaine est ainsi faite, c'est toujours plus facile d'aller où est-ce qu'il y a le moins de risque, hein. Comme l'eau qui coule, hein, on va où la pente est la plus facile.

Et ce comité-là, même si on peut le qualifier d'une structure supplémentaire, à mon avis, est un élément qui rappelle aux humains, aux personnes qui sont là: Écoutez, vous devez faire ça, vous devez faire le lien avec votre conseil d'administration. C'est sûr qu'on pourrait se fier à la bonne volonté et, je dirais, à la générosité de coeur de tout le monde, puis ce serait mon souhait qu'on soit dans une société comme ça, mais peut-être que ce n'est pas tout à fait la réalité. Donc, l'objectif... l'équilibre entre créer des structures puis améliorer les services, à mon avis, les deux doivent être là. C'est illusoire de dire qu'on va uniquement donner à chacun le mandat de faire le mieux qu'il peut, il faut quelque part qu'il y ait des garde-fous. Vous ne trouvez pas?

M. Brunet (Paul): C'est la vertu, M. le ministre, je suis d'accord avec vous. Mais on avait quand même mis certaines balises en matière de nomination de commissaire aux plaintes. Dans une région, présentement, aujourd'hui, le commissaire aux plaintes est l'épouse du directeur général, tu sais. Mais ce n'est pas parce que... Ailleurs, ça va bien, mais il y a des endroits où on a eu la malencontreuse idée de faire ça. Et ce n'est pas parce qu'on n'est pas de bonne volonté, mais on commet certaines erreurs, et c'est pour ça que vous probablement et nous aussi sommes ici tout le temps préoccupés par le réseau de la santé.

M. Couillard: Je pense que, pour terminer, Mme la Présidente, on peut faire la prédiction honnête que, dans 10, 15 ans, il y aura encore des problèmes à améliorer dans le système de santé.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Maintenant, pour poursuivre l'échange, nous allons passer à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de condition des aînés.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Brunet, Me Demers, Me Trudeau, bienvenue de la part de l'opposition officielle. En écoutant l'échange que vous aviez avec le ministre, je me disais que son argumentation venait appuyer votre recommandation, à la page 6, de faire relever le commissaire local aux plaintes directement du conseil d'administration et non pas du directeur général sur recommandation. En fait, pour les mêmes argumentations de nature humaine qu'il a utilisées, je trouvais que son argumentation bien développée appuyait votre recommandation. Alors, je souhaite que, je pense, on aille de l'avant avec cette recommandation d'un commissaire local aux plaintes qui relève du conseil d'administration.

n(14 h 40)n

Ce que j'ai apprécié de votre mémoire, c'est qu'outre son aspect d'expertise qui, depuis 30 ans, est connu, du CPM, mais, au-delà de cela, c'est aussi son aspect pratique, là, pratico-pratique. Comme, par exemple, à la page 7, vous faites une recommandation, là, très précise sur laquelle j'attire l'attention du ministre, vous dites: Que la loi spécifie que le commissaire dispose d'un local distinct de la direction et que son nom, ses coordonnées, son horaire soient affichés. Hein, ça a l'air trivial. Et pourtant, moi, j'ai fait l'expérience, dans un centre hospitalier de soins de longue durée qui était déjà fusionné avec plusieurs autres établissements, de demander qui était commissaire local, et puis ni la réceptionniste-téléphoniste, ni le personnel sur l'étage où était un parent, personne ne le savait. Personne ne le savait. C'était une bonne personne ? j'ai réussi, hein, à découvrir qui c'était ? mais elle était directrice des ressources humaines puis elle avait pas mal d'ouvrage parce qu'il y avait pas mal d'établissements, là, il y avait pas mal de pavillons.

Alors, je pense que c'est un élément extrêmement important de savoir... Parce qu'elle m'a signalé que, lors de l'accueil, effectivement, dans un dossier très épais, il y avait plusieurs dépliants, dont un dépliant d'ordre plus général sur l'existence, mais on n'avait pas le nom, on n'avait pas le numéro de téléphone, on n'avait pas aucune des coordonnées qui permettaient de finalement contacter la personne. Je ne parle pas du CHSLD où vous et moi nous sommes rendus quelquefois, là, mais d'un autre, évidemment. Alors, je pense que c'est très pratique, ça, c'est très important.

M. Brunet (Paul): Je sais que certains établissements travaillent beaucoup sur la charge exclusive du commissaire. L'ironie a voulu par ailleurs qu'ils se le partagent entre établissements. Ça fait qu'il était exclusif, mais on ne le voit pas. Et je me suis demandé s'il ne pourrait pas y avoir un genre de norme, par exemple, qu'il y aurait un commissaire à chaque 250 lits, par exemple ? c'est une idée que je lance comme ça, là, qu'on va évidemment faire mûrir ? pour qu'à un moment donné on ait quelqu'un à qui on puisse se... Parce que particulièrement, quand on est résident, bien, on est à mobilité réduite par définition, et ce n'est pas évident de retracer la personne, de pouvoir l'appeler ou la faire appeler quand on est vraiment diminué. Alors, il faut qu'il y ait une amélioration là-dessus évidemment.

Mme Harel: Vous savez, le ministre disait se réjouir du travail que vous aviez fait, là, qui allait faciliter la tâche de l'examen article par article du projet de loi. Alors, vous vous imaginez? Si le ministre est content de ce que vous avez fait, lui qui a à son service énormément de juristes, imaginez-vous comment l'opposition est contente. Parce que, nous, si Mahomet ne vient pas à la montagne, la montagne ira à Mahomet. C'est-à-dire, s'il n'y a pas des modifications souhaitées comme vous les avez préparées, bien, ça pourra faire l'objet de propositions d'amendement, puis je pense que ce sera en fait un travail très utile.

M. Brunet (Paul): Imaginez l'originalité d'un PPP dans ce domaine-là avec le CPM. Je veux dire, ce serait le nirvana.

Mme Harel: Attendez, je n'ai pas bien compris.

La Présidente (Mme Charlebois): Je suis tentée de vous dire quelque chose, Me Brunet, je vais me retenir.

Mme Harel: Tantôt, le ministre vous a posé la question concernant la représentation citoyenne versus la représentation des usagers et des résidents, et je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important. Et ça m'a rappelé que, par exemple, au niveau scolaire, on vote aux élections scolaires même si on n'a pas d'enfant. La justification, ça peut être parce qu'on est des contribuables, mais ça peut être aussi... Même si on ne paie pas d'impôts, on n'enlève pas le droit de voter aux gens qui ne paient pas d'impôts. Donc, ce n'est pas à titre de contribuables, c'est parce qu'ils sont citoyens puis que, dans une société démocratique, l'intervention de l'État avec des services publics, c'est une intervention que les citoyens doivent s'approprier pour le plus possible en être impliqués. Et c'est pour ça que c'est essentiel de maintenir une représentation citoyenne puis de maintenir une représentation d'usagers ou de résidents. Autant on peut avoir un point de vue sur la santé et les établissements qui dispensent les soins, autant on peut souhaiter ne jamais en être usager ou résident, hein, n'est-ce pas? Alors, je pense que ça, c'est un aspect important.

Et, vous, vous dites: Les usagers... Bon, vous avez une démonstration assez, si vous voulez, explicite, à la page 11, là: comité central, comité des usagers, comité des résidents. Moi, ce que je comprends, c'est que vous voulez que le comité des résidents puisse ultimement avoir accès quasi au conseil d'administration. C'est ça, votre objectif, hein? Est-ce que c'est ce que je dois décoder?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Brunet.

M. Brunet (Paul): Oui, et d'ailleurs nous n'avons jamais compris pourquoi les gens qui siègent au C.A. comme représentants des résidents ne venaient pas obligatoirement du comité des usagers.

Mme Harel: Donc, vous, quand vous utilisez le mot «usagers», vous voulez dire comme...

M. Brunet (Paul): Résidents.

Mme Harel: C'est résidents, hein? Résidents quand c'est longue durée, puis usagers quand c'est un établissement de soins curatifs, hein? Mais les deux s'équivalent, hein, si je comprends bien. Donc, et vous pensez, vous, que les deux comités, quel que soit le nom, devraient avoir le même statut. C'est bien ça?

Une voix: Exact.

Mme Harel: Puis que ces deux comités ne sont pas dans une ligne hiérarchique. Il n'y a pas les résidents en bas, puis après les usagers, puis après ça le comité central, puis après le conseil d'administration. Il n'y a pas quatre paliers.

Mme Demers (Dominique): Je pourrais juste peut-être vous mentionner, quand ces articles-là avaient été proposés, on en a discuté en équipe, et souvent les comités d'usagers, les membres des comités nous appelaient, et il y avait à peu près trois, quatre, cinq versions différentes. Même, on a parlé avec Lise Denis, puis elle n'avait pas la même compréhension que nous. Je pense que c'est une structure qui est assez compliquée. Et le fait de le ramener à deux paliers, on a des comités de résidents et d'usagers qui ont les mêmes fonctions, les mêmes obligations, le même nombre de membres. Et ensuite on a un comité central qui est au-dessus. Une personne par comité d'usagers ou de résidents siégeront sur le comité central. Et le lien avec le conseil d'administration est beaucoup plus rapproché, à ce moment-là.

Mme Harel: Alors, merci en tout cas pour votre contribution, hein, à cet effet-là. Dans le mémoire que vous présentez, vous souhaitez également et recommandez que la certification s'étende aux personnes vulnérables et non pas simplement aux personnes âgées vulnérables, c'est-à-dire donc que la certification s'étende à toute clientèle vulnérable en santé mentale, déficience intellectuelle, toxicomanie, alcoolisme. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Brunet (Paul): Voulez-vous y aller, Sarah? Non, ça va. Bien, en fait, on ne comprend pas pourquoi les autres clientèles ne bénéficieraient pas de ce contrôle, entre guillemets, que constitueraient désormais ces certificats-là. On a vu quelques histoires d'horreur survenir parce qu'on avait manqué de contrôler là où on envoyait les gens, et particulièrement des gens, des clientèles vulnérables en santé mentale, en déficience intellectuelle. Alors, s'il y a un endroit où on devrait particulièrement insister pour mettre ces certificats-là de l'avant, ça devrait, entre autres, être là.

Mme Harel: Ce matin, l'AQDR, l'Association québécoise de droits des retraités et préretraités a présenté un mémoire dans lequel ils indiquaient leur inquiétude qu'il y ait de plus en plus un développement d'hébergement pour les riches et d'hébergement pour les pauvres, et leur inquiétude étant que le certificat de conformité serait demandé ou obtenu par de l'hébergement privé capable de s'y conformer, alors que l'hébergement privé à rabais, si vous voulez, pourrait trouver difficile de s'ajuster aux critères sociosanitaires qui seront réglementés, alors, d'autant plus que ce sont des personnes, nous rappelaient-ils, qui sont en perte d'économie évolutive, qui peuvent finir avec des problèmes cognitifs importants. Alors, comment voyez-vous finalement le développement de cet hébergement? La question qui se posait, c'est: Faut-il des critères sociosanitaires? M. le président, là, M. Salembier, disait qu'il faudrait peut-être des critères sociosanitaires, qu'un établissement ait ou pas un certificat de conformité. Comment vous voyez ça?

M. Brunet (Paul): Bien, c'est une des raisons pour éviter justement qu'il y ait des centres... en tout cas que la tendance des centres pour les riches et celle pour les pauvres soit en tout cas ralentie, sinon annihilée, que le certificat soit obligatoire.

n(14 h 50)n

Vous parlez de critères. Une des choses qui nous est venue à l'esprit, c'est: Pourquoi n'utiliserions-nous pas le Conseil québécois d'agrément? Pourquoi n'obligerions-nous pas à se soumettre à l'agrément beaucoup d'établissements? Nous avons notre propre Conseil québécois de l'agrément. Je ne me souviens pas quel parti... ou sous quel gouvernement ça a été fondé, mais c'est dans le début des années quatre-vingt, quatre-vingt-deux. Et le CPM a un siège comme membre du comité fondateur. Alors, il y a là un organisme qui a une expertise. Et les critères sont nombreux: sociosanitaires, qualitatifs, quantitatifs. Alors, cet organisme-là pourrait peut-être... ? une suggestion ? pourrait être utilisé.

Mais il m'apparaît évident que cela devrait éventuellement devenir obligatoire. Je comprends le ministre quand il dit que ce n'est pas évident, là, rendre ce genre de certificat là obligatoire, mais, une fois qu'on aura les moyens de l'exiger et de vérifier qu'ils sont toujours à la hauteur, les établissements, quels qu'ils soient, devraient s'y soumettre, à notre avis.

Mme Harel: Est-ce que c'est pensable, vous qui avez une longue expérience dans ce domaine-là, est-ce que c'est pensable que, je dirais nonobstant les certificats de conformité qui pourraient être facultatifs, il y ait des critères sociosanitaires qui soient édictés de telle manière que, s'il y a, dans le privé, de l'hébergement pour des personnes vulnérables ? je parle des personnes vulnérables ? les critères sociosanitaires suivants doivent être respectés?

M. Brunet (Paul): Oui, certainement. Mais encore là plus vous allez être parcimonieux puis être minutieux, plus vous devrez être en mesure d'aller investiguer, de les faire respecter, d'avoir les ressources pour le faire. Moi, c'est toujours ça que... Je m'excuse de mon pragmatisme peut-être obsédé, mais je me dis tout le temps: Si on n'est pas capable de le faire appliquer, on est mieux de ne pas le partir.

Mme Harel: C'est ça qu'on apprécie, au contraire. Par exemple, du côté de la protection de la jeunesse, il y a des signalements qui sont faits. Encore faut-il ensuite qu'il y ait un examen du signalement. Mais cela crée une obligation, qui est celle du voisin ou d'un parent, de signaler. Ce ne sont pas tous les signalements qui sont retenus, je pense que ce n'est même pas la moitié des signalements qui sont retenus. Mais il y a donc une appropriation, dans la population, de cette responsabilité de vérifier.

Moi, j'ai souvenir, dans mon quartier, j'ai beaucoup félicité... J'ai envoyé une belle lettre, d'ailleurs. C'était un jeune homme qui mettait les aliments dans les paniers de provision et qui a bien vu qu'une petite fille était... une toute petite fille avait été maltraitée, qui l'a signalé et puis... Alors, moi, je pense que c'est une responsabilité citoyenne aussi de signaler quand il y a des...

M. Brunet (Paul): Oui. Et pourquoi aussi n'utiliserions-nous pas ou ne nous inspirerions-nous pas des normes qui ont servi d'ailleurs à l'Association des CLSC et CHSLD, il y a quelques années, de dévoiler un rapport troublant sur le niveau de soins et de services rendus en hébergement de soins de longue durée par une liste de services et de soins normés, qui apparemment n'aurait pas été révisée depuis 1983-1984? On a été en mesure de dire: Bien, à la grandeur du Québec, là, on est à 62 %; à certains endroits, c'est 50 %; d'autres, c'est 75 %. On s'en sert encore. Peut-être pourrions-nous enrichir, mettre à jour cette liste-là de soins et de services et s'en inspirer dans le cadre de l'émission des certificats.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

Mme Harel: Merci. Je vous remercie, M. Brunet.

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, merci beaucoup, Me Brunet, Me Demers et Me Trudeau, pour la présentation de votre mémoire.

Alors, j'invite le prochain groupe à bien vouloir prendre place, qui sont l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour, M. Frigon, M. Malo et Mme Lauzon. Vous représentez l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, ça va être suivi d'échanges avec les parlementaires pour une période équivalente de chaque côté. Alors, je vous cède la parole.

Association des établissements
de réadaptation en déficience physique
du Québec (AERDPQ)

M. Frigon (Jean-Guy): Merci, Mme la Présidente. Je suis Jean-Guy Frigon, président de l'Association des établissements en réadaptation en déficience physique du Québec. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Mme Anne Lauzon, à ma gauche, et M. Luc Malo, administrateur externe au conseil d'administration de l'association.

L'association remercie la Commission des affaires sociales de l'avoir invitée à participer aux audiences publiques portant sur la révision de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Je rappelle brièvement le mandat principal de l'association: favoriser et promouvoir sur l'ensemble du territoire québécois l'accès aux services spécialisés et surspécialisés de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique, c'est-à-dire visuelle, auditive, motrice ou du langage, qu'elle soit acquise ou innée.

Dans l'ensemble, l'association accueille favorablement le contenu du projet de loi. Elle souscrit entièrement aux objectifs du gouvernement d'améliorer l'accessibilité, la continuité et la qualité des services à la population. Dans son mémoire, l'association réaffirme son désir de s'associer de manière optimale à la démarche actuelle de transformation du réseau et de contribuer de manière significative à la mise en oeuvre du nouveau cadre législatif.

Les recommandations que nous formulons afin de bonifier le projet de loi reposent sur une prémisse essentielle: la détermination des établissements spécialisés ou de réadaptation en déficience physique de jouer pleinement leur rôle en collaboration avec tous les autres acteurs du réseau. La mise en place des projets cliniques constitue de toute évidence la pierre angulaire de la transformation du réseau. Le succès de cette opération est crucial, surtout si l'on veut éviter que la réforme en cours se traduise finalement en simple transformation de structures. Aussi, tous les acteurs du réseau ont une contribution significative à apporter dans cette démarche, comme le reconnaît d'ailleurs le projet de loi.

L'association comprend que les instances locales sont les maîtres d'oeuvre de la démarche d'élaboration et d'implantation des projets cliniques, étant investies d'une responsabilité populationnelle. Mais les instances locales ne peuvent en avoir seules la responsabilité, d'où l'obligation qu'elles ont de mobiliser les autres acteurs et de s'assurer de leur participation. Les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique se sentent très concernés par cet appel à la collaboration et souhaitent, du fait, être associés à l'ensemble des étapes du processus en ce qui a trait à la clientèle qu'ils ont pour mandat de desservir.

À propos de la responsabilité, l'association s'interroge sur l'introduction dans le projet de loi de l'expression «de manière exclusive». Cela nous paraît démesuré, sinon paradoxal, étant donné que les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique ont de fait une responsabilité relativement à l'accès et à la continuité des services qu'ils dispensent à leurs usagers. L'association recommande donc de retirer les termes «de manière exclusive» et propose le libellé suivant: «L'instance locale est responsable de définir, en collaboration avec les autres acteurs du réseau de services, un projet clinique et organisationnel», ce qui viendrait renforcer la volonté de miser sur la collaboration.

n(15 heures)n

L'association perçoit de façon positive la nouvelle responsabilité accordée à l'agence régionale. Son rôle au regard des services spécialisés nous apparaît essentiel. L'agence régionale doit en effet pouvoir exercer une coordination entre les établissements de réadaptation et les autres acteurs du réseau et au besoin arbitrer les litiges pouvant survenir.

Les établissements de réadaptation sont appelés à collaborer avec plusieurs instances locales sur leur territoire régional, tout en assurant une prestation de services en conformité avec les orientations ministérielles et les priorités régionales dans leurs champs d'activité. Cela implique donc la mise en place d'un mécanisme facilitant la participation à l'élaboration et à l'implantation de plusieurs projets cliniques.

Aussi, afin que l'agence régionale puisse jouer pleinement son rôle de coordination au regard des projets cliniques, l'association recommande d'intégrer au texte de loi certains éléments formulés sur le projet clinique par le ministère dans son cadre de référence, soit: animer et coordonner, sur le plan régional, l'élaboration et l'implantation des projets cliniques, s'assurer de la cohérence, de la coordination, de l'équité des projets qui lui sont déposés et à cet égard arbitrer au besoin les écarts dans leurs offres de services entre les niveaux local, régional et suprarégional.

Au chapitre du régime d'examen des plaintes, l'association souscrit à plusieurs modifications formulées dans le projet de loi, notamment en ce qui a trait à l'élargissement du mécanisme d'accompagnement et au transfert de la responsabilité au Protecteur des citoyens. Nous sommes d'accord sur l'importance d'assurer une indépendance de fonction au commissaire et sur le fait d'élargir son pouvoir d'initiative. Par contre, nous sommes persuadés que l'exclusivité de fonction du commissaire est difficilement applicable dans plusieurs établissements. Chacun des établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique traite au maximum une vingtaine de plaintes par année. Dans ce contexte, il est impensable d'affecter une personne uniquement à leur traitement.

Bien sûr, le projet de loi prévoit la possibilité que le poste de commissaire aux plaintes soit partagé par plusieurs établissements, ce qui permettra de résoudre l'aspect pratique du recrutement et de rétention d'une personne. Nous doutons cependant que cette formule assure toute la qualité attendue dans le traitement des plaintes. Comment en effet une personne qui connaît peu l'établissement, sa clientèle, sa culture, son fonctionnement pourra-t-elle intervenir de manière pertinente et efficace? D'ailleurs, l'expérience d'une telle formule dans l'un de nos établissements a permis de réaliser que la personne mandatée remplissait plutôt une fonction instrumentale. Elle recevait les plaintes, mais elle se reposait sur le directeur des services professionnels pour leur traitement.

L'association reconnaît que la condition majeure pour garantir l'exclusivité de fonction du commissaire aux plaintes est qu'il ne soit ni impliqué dans la prestation ou la gestion des services aux usagers ni dans la gestion du personnel ou des ressources financières de l'établissement. Il ne doit en aucun temps être en situation potentielle ou réelle de conflit d'intérêts entre ses fonctions de commissaire aux plaintes et ses autres fonctions. Ceci étant, rien ne l'empêche de remplir aussi d'autres fonctions reliées à la qualité dans l'établissement, par exemple en matière de respect des droits des usagers, de soutien au comité des usagers, de suivi de la satisfaction de la clientèle, de gestion des risques, de coordination et de suivi du processus d'agrément. De cette façon, tous les établissements de réadaptation, quel que soit leur taille ou le nombre de plaintes formulées annuellement, pourraient disposer d'une personne dédiée à ces fonctions.

L'association recommande donc qu'une personne répondant aux conditions énoncées ci-dessus puisse exercer la fonction du commissaire local aux plaintes et qu'elle relève du conseil d'administration ou de la direction générale, à la condition qu'elle rende compte directement au conseil d'administration pour l'ensemble de ses fonctions en lien avec le traitement des plaintes, comme le prévoit le projet de loi.

De par la philosophie qui les guide, les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique ont toujours accordé une place majeure à la participation des usagers dans leurs structures. Certaines propositions du projet de loi à cet égard semblent cependant entraîner davantage d'inconvénients que d'améliorations. L'association adhère à l'obligation pour tous les établissements de mettre sur pied un comité des usagers. Nous sommes toutefois perplexes quant à l'efficacité d'une multiplication de comités dans le cas des établissements exploitant plusieurs centres ou offrant des services à des usagers de différentes catégories.

Aussi, s'inspirant de l'expérience pratique développée par les établissements multivocationnels depuis plusieurs années, l'association recommande que la composition du comité des usagers sera déterminée par règlement du conseil d'administration de manière à assurer une représentativité adéquate des usagers de chacun des centres et de chacune des catégories d'usagers desservies. Par contre, en ce qui a trait à la mise en place d'un comité de résidents, l'association s'interroge sur les conditions concrètes d'application dans le cas d'un établissement disposant de petites installations. Comment, par exemple, s'appliquerait cette disposition pour un foyer de groupe où seraient hébergées cinq personnes?

La question des RUIS nous interpelle aussi grandement. En effet, certains de nos établissements exercent déjà, en collaboration avec les universités québécoises, des activités de recherche, d'enseignement, d'évaluation des technologies, de transfert de connaissances, etc., activités qui sont rattachées aux RUIS. Or, les centres de réadaptation ne peuvent être membres des RUIS, cette possibilité étant réservée aux centres hospitaliers.

Étant donné la nature même des services que les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique sont appelés à dispenser à leurs usagers, ils se trouvent à la fois dans le domaine de la santé et dans celui des services sociaux. Aussi, l'association se demande comment le ministère compte établir les liens essentiels entre les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique et les réseaux universitaires intégrés de santé, et éventuellement avec ceux du domaine social. Le ministère prévoit-il des mécanismes d'arrimage à ce sujet? Ces questions demeurent sans réponse, d'autant que le rapport du Comité sur la réorganisation universitaire des services sociaux n'apporte pour l'instant pas d'éclairage supplémentaire.

L'association est favorable à un allégement de certaines règles de circulation de l'information, surtout dans le contexte des plans de services. Nous croyons cependant que le projet de loi ne devrait pas réserver uniquement aux instances locales la possibilité de bénéficier des règles prévues à l'article 10.0.3 de la loi. En effet, tout comme les instances locales, les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique dirigent quotidiennement des usagers vers d'autres établissements, des professionnels ou des organismes, sans pour autant cesser de les desservir, comme c'est le cas lors d'un transfert.

Aussi, l'association recommande que les règles concernant la circulation de l'information véritablement requise, prévues à cet article, soient étendues à toutes les catégories d'établissements. Bien entendu, il faut s'assurer de maintenir des règles strictes pour protéger la confidentialité de ces informations. Comme les établissements spécialisés de réadaptation en déficience physique interviennent souvent en partenariat avec des organisations d'autres secteurs que la santé et que les services sociaux ? par exemple, le milieu scolaire ou celui de l'emploi ? il nous apparaît très pertinent que la circulation de l'information requise s'applique aussi aux partenaires intersectoriels.

n(15 h 10)n

Concernant l'usage de la télésanté, prise au sens large, puisqu'elle inclut la prestation des services sociaux, on voit se dessiner dans le projet de loi certaines balises. L'association constate malgré tout qu'elles sont très peu nombreuses au regard de la prestation des services à distance. Cela peut soulever plusieurs problèmes dans l'application des règles. Par exemple, en ce qui a trait à l'allocation des ressources, le projet de loi indique que le service est considéré comme rendu selon l'endroit où exerce le professionnel consulté. Or, des considérations telles que le lieu de prestation de services, le lieu de résidence de l'usager, le lien entre les heures rémunérées des professionnels par un établissement et les services qu'il rend selon les caractéristiques de l'usager sont de plus en plus déterminantes dans l'allocation des ressources.

Aussi, l'association estime que la complexité de la question et de ses impacts n'est pas résolue par le simple énoncé de l'article 108.2 de la loi. Cette question mérite à notre avis plus ample réflexion. L'association recommande donc de retirer l'article du projet de loi à ce sujet.

Aussi... dans la composition du conseil d'administration des centres de réadaptation, l'association montre quelques préoccupations. D'abord, nous croyons qu'un déséquilibre pourrait être engendré par une surreprésentation des membres du personnel au conseil. Ce serait le cas, par exemple, pour les établissements qui n'ont pas de conseil consultatif, tel que celui des médecins et dentistes ou celui des infirmières et infirmiers. Ils procéderaient alors par substitution, comme le projet de loi prévoit, en remplaçant le représentant par les représentants de leur conseil multidisciplinaire, d'où la surreprésentation possible.

Quant aux établissements ayant une vocation suprarégionale, le projet de loi supprime la nomination à leur conseil d'administration d'une personne désignée par les conseils d'administration des agences des régions concernées. C'était pourtant à notre avis une façon très pertinente d'assurer un lien direct avec les régions desservies par l'établissement. Aussi, l'association propose de réintroduire une dénomination au sein du conseil d'administration des établissements à vocation suprarégionale.

Enfin, dans le cas des établissements multivocationnels, nous constatons... des compositions ne réunit toutes les composantes requises pour s'assurer d'une représentation adéquate de toutes les missions, surtout si l'établissement a à la fois des missions locales et régionales. L'association profite de l'occasion pour inviter le ministre à corriger cette situation en déterminant une composition du conseil à géométrie variable afin de représenter de façon optimale la réalité des établissements multivocationnels.

Un dernier point que l'association aimerait porter à l'attention des membres de la commission a trait à l'obligation pour l'établissement qui exploite un centre de réadaptation désigné institut universitaire et qui offre des services de réadaptation fonctionnelle intensive de nommer un directeur des soins infirmiers. Pourquoi cibler ainsi le seul centre de réadaptation désigné institut universitaire dans notre secteur d'activité, soit l'Institut de réadaptation de déficience physique de Québec? L'association est persuadée que la qualité des soins infirmiers est très bien assurée actuellement dans cet établissement.

De plus, nous croyons que l'instauration d'une direction spécifique pour les soins infirmiers entre en contradiction avec l'approche interdisciplinaire et la structure par programmes mises en place depuis de nombreuses années par les centres de réadaptation en déficience physique. La désignation d'un ou une responsable des soins infirmiers répond tout à fait à cette philosophie d'intervention tout en assurant la qualité des soins recherchée. Aussi, l'association recommande de retirer l'obligation de nommer un directeur des soins infirmiers, que le centre soit ou non désigné universitaire.

En terminant, l'association rappelle qu'elle et ses membres souscrivent aux principes et aux objectifs qui guident le processus de transformation du réseau en cours et souhaite s'y associer de manière optimale. Nous croyons fermement que l'accessibilité, la continuité et la qualité des services aux personnes ayant une déficience physique seront améliorées à l'intérieur des réseaux de services mieux intégrés dans un partenariat renouvelé. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Frigon. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Frigon, M. Malo, Mme Lauzon, merci pour votre présentation. Je voudrais aborder deux ou trois points avec vous. Puis j'ai une consoeur qui veut également échanger sur la fin de la période qui nous est consacrée.

Pour ce qui est des projets cliniques, c'est un élément qui est revenu souvent dans les discussions, puis je vais répéter encore la philosophie que, nous, on a adoptée, je crois que vous y souscrivez dans l'ensemble. C'est que, comme c'est l'instance locale ou le réseau local qui a responsabilité de la population, c'est à partir de là que le projet clinique doit être identifié, organisé. Il doit remonter, ce projet clinique, vers les institutions spécialisées, bénéficier du travail de coordination et d'arbitrage à l'agence régionale, mais il doit absolument se faire à partir de la base.

Et l'Association des CLSC et CHSLD, entre autres, qui souscrit à ce principe-là, nous a dit: Surtout, résistez à la tentation d'amenuiser la notion d'exclusivité du projet d'organisation au niveau de l'instance locale. Parce que je rappelle que, dans le projet de loi, également est incluse l'obligation de conclure des ententes, de s'assurer de la circulation des patients entre le réseau local et l'institution spécialisée. Et ma crainte, si on dilue cet élément-là, c'est qu'on en revienne comme on avait depuis des années, à des modèles d'organisation qui viennent du haut et vers la base plutôt que l'inverse, comme on veut créer. On essaie, comme le disait quelqu'un, de renverser la pyramide qui était sur la pointe depuis quelques années et de la remettre dans le bon sens. Alors, est-ce que vous partagez cette crainte que j'ai, là?

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne): Oui. Alors, effectivement on souscrit globalement, là, à la présente transformation du réseau. Puis on est d'accord que la responsabilité d'initier ou la responsabilité première des CSSS est d'élaborer le projet clinique pour l'ensemble de la population qu'ils ont à desservir. Par contre, c'est clair qu'ils ne peuvent pas le faire tout seuls. D'ailleurs, il y a un article qui dit que tous les autres établissements doivent y collaborer. Alors, dans notre tête, c'est dur de comprendre comment une instance peut être responsable exclusivement de quelque chose puis qu'en même temps on dise que tous les autres doivent y collaborer.

Si on prend l'exemple d'un territoire, n'importe lequel au Québec, il y a environ 12 % de la population qui a une déficience physique un jour dans sa vie. Donc, admettons qu'il y a 500 personnes handicapées sur un territoire. Quand le CSSS va arriver à dire c'est quoi, l'ensemble des besoins et c'est quoi, les différents projets cliniques qu'il va falloir que je mette en oeuvre pour répondre à 100 % des besoins de la population, bien il va falloir qu'il tienne compte des besoins spécifiques de ces personnes-là qu'on considère aussi dans les clientèles vulnérables ou particulières, là, selon les vocabulaires. Et, quand on veut s'adresser aux besoins spécifiques de cette population-là, bien je pense que les établissements spécialisés que nous représentons sont plus à même de savoir c'est quoi, l'ensemble des besoins de cette population-là.

C'est pour ça que, nous autres, on dit qu'il faut que, dès le départ, dès le début des travaux, à l'identification des besoins, il faut que les CR soient impliqués parce que, nous autres, on a une clientèle à desservir, on la connaît très bien, alors qu'un CSSS a l'ensemble de toutes les problématiques à desservir. Donc, pour nous autres, on est responsables chacun de notre offre de services. Mais, quand on parle de l'identification des besoins, de la continuité des services, il n'y a personne qui peut être responsable tout seul de la continuité des services, parce que ça le dit, il faut que tu sois deux pour qu'un client passe d'un établissement à l'autre, et, dans notre cas, souvent on dessert simultanément la même personne.

Donc, c'est pour ça que, pour nous, on reconnaît qu'ils sont maîtres d'oeuvre, qu'ils ont une coche de plus de responsabilité. Puis peut-être que le mot, c'est «imputable» des projets cliniques. Je sais qu'on m'a déjà dit dans une conversation: S'il n'y a pas de projet clinique dans le territoire X, il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit imputable de ça. Bien, peut-être que c'est imputable qu'il y ait un projet clinique, mais l'élaboration du projet clinique, on est convaincus qu'on en a aussi une responsabilité. Je ne sais pas si ça précise notre...

M. Couillard: Oui. Puis c'est une remarque qui est faite par d'autres également. Mais je demeure attaché à la base philosophique, là, de ce qu'on fait, mais je suis d'accord pour envisager, je dirais, des modalités pour être certain que l'association et le dialogue se font avec les établissements spécialisés parce que...

Mme Lauzon (Anne): Bien, peut-être, M. le ministre, si vous me permettez un autre... Je sais que vous êtes allergique aux silos, là. On veut essayer de les défaire puis remettre la pyramide à l'endroit. Par contre, notre crainte, c'est que sinon on recrée d'autres silos mais entre première, deuxième puis troisième ligne, puis je pense qu'on ne serait pas plus avancés. On se retrouverait en commission parlementaire, dans quelques années, pour refaire une matrice. Donc, je pense qu'on a l'occasion, là, on est à quelques cheveux près, je pense, de trouver un moyen pour que chacun ait la bonne responsabilité mais en même temps que ce soit respecté.

n(15 h 20)n

M. Couillard: Parce que je prends, par exemple, la question de la réadaptation. C'est assez vaste, hein, vous le savez, la réadaptation. D'un côté, les centres de réadaptation, ça varie selon les régions, hein, ce qui se fait dans ces centres-là. Ils s'occupent des personnes handicapées ou des gens qui ont à séjourner pour une réhabilitation intensive. D'un autre côté, il y a d'autres personnes qui ont de la réadaptation à domicile. Toute la convalescence postopératoire, par exemple, des chirurgies articulaires, de plus en plus, dans plusieurs régions, se fait à domicile. Donc, il y a plusieurs intervenants qui gravitent autour de ce champ d'action là de réadaptation, d'où l'importance d'avoir une bonne coordination entre les deux.

La question du commissaire local aux plaintes, évidemment c'est une bonne remarque que vous faites puis c'est une bonne nouvelle que vous nous apportez, en passant, qu'étant donné le faible volume de plaintes que vous avez à traiter chaque année dans vos établissements vous avez des difficultés à comprendre comment le rôle pourrait être exclusif. Vous avez vous-mêmes remarqué qu'on permet le partage de commissaires entre plusieurs établissements. Mais, si on voulait, par exemple, enrichir la tâche de cette personne-là mais sans en compromettre l'indépendance, est-ce que vous avez réfléchi à certaines façons dont on pourrait s'y prendre pour arriver à cet objectif-là?

M. Malo (Luc M.): Il nous apparaît ? et c'est à l'expérience, M. le ministre ? qu'on peut avoir une personne qui est attachée, qui est responsable, qui est commissaire aux plaintes et à la qualité des services, qui assume d'autres fonctions dans l'établissement, donc qui connaît la culture de l'établissement mais qui assume d'autres fonctions qui ne sont pas incompatibles avec son rôle de responsable de recevoir les plaintes. Par exemple, une personne qui est responsable du processus d'agrément et de s'assurer que l'établissement... donc qui est responsable de la qualité des services, une personne qui donnerait de la formation, qui ferait du transfert de connaissances, qui à la rigueur participerait à une recherche, ce n'est pas incompatible avec son rôle d'être commissaire aux plaintes.

Mais, si on est dans une situation où on a... Nous, on a estimé que le nombre de plaintes variait entre trois et 30, maximum, dans les établissements de notre réseau. Si on a une personne qui est à temps plein sur ce dossier-là, bien, un, il va perdre son temps, c'est bien clair, on va le payer pour rien, et je pense qu'on... Bien, on ne le paierait pas pour rien, mais disons qu'il n'en aurait certainement pas pour sa grosse dent en termes d'activité et on questionnerait son efficacité. On est d'accord par contre que le commissaire aux plaintes relève du conseil d'administration à certains égards et qu'il ait une place très visible dans l'établissement.

M. Couillard: Effectivement, le partage également de plusieurs établissements peut être une solution. Par exemple, les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse également n'ont pas des volumes de plaintes très élevés, donc théoriquement on pourrait associer les deux. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Malo (Luc M.): Bien, je pense que, pour être capable de bien traiter une plainte, il faut aussi connaître la culture d'une organisation. Pour avoir travaillé dans un centre jeunesse puis être président d'un centre de réadaptation en déficience physique, c'est sûr que c'est des clients quand même qu'on dessert, on doit desservir avec la même attention, mais il faut connaître la culture, il faut connaître la loi qui régit les deux, et ce n'est pas évident qu'actuellement on a des personnes qui connaissent très bien ces deux réseaux et qui seraient capables d'intervenir efficacement dans ces deux réseaux.

M. Couillard: Je trouve vos suggestions intéressantes. Par contre, vous le savez, puis je pense que, dans les suggestions que vous faites, transparaît la même préoccupation, plusieurs personnes ont critiqué le fait, par exemple, que, lorsqu'ils contactaient le commissaire aux plaintes local, ça pouvait être, par exemple, le directeur des ressources humaines ou la directrice des soins infirmiers, ce qui amène une perception, je dirais, de conflit d'intérêts, là, au moins, qui met en doute quant à la validité du processus. Je pense que vous êtes d'accord avec ça, évidemment.

M. Malo (Luc M.): Je suis d'accord avec ça.

M. Couillard: O.K. Une brève remarque avant de céder la parole à ma consoeur de Nelligan, sur la question des réseaux universitaires intégrés de santé. Effectivement, il y a un chevauchement avec votre mission, qui est une mission à la fois sociale et une mission santé. Vous avez raison, le Comité sur l'organisation universitaire des services sociaux, présidé par M. Duplantie, est en train de terminer ses travaux, et je sais que vous avez collaboré, n'est-ce pas, aux travaux de M. Duplantie, donc...

M. Malo (Luc M.): Notre directeur général est membre de ce comité. Mais on a également collaboré au RUIS de l'Université Laval depuis le tout début des travaux. Vous savez, notre établissement est celui qui a le plus de stagiaires en réadaptation, plus que tous les autres hôpitaux, que chacun des hôpitaux de la région de Québec. Et, à ce compte-là, on ne comprend pas pourquoi on serait retirés de cette participation que nous avons avec les centres hospitaliers et l'Université Laval dans le secteur de la réadaptation. On pense qu'on a notre place et dans le RUIS santé et également dans ce qui sera recommandé par le rapport Duplantie.

M. Couillard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Frigon, M. Malo et Mme Lauzon, bienvenue et merci beaucoup pour votre présentation. J'ai trouvé ça très important, intéressant. J'étais particulièrement intéressée par vos propos, par votre proposition d'amendement concernant la télésanté, étant donné que c'est un domaine relativement nouveau et qui va évoluer, qui va être très important dans notre système. Et, M. Frigon, je vous écoutais précédemment, lorsque vous avez parlé de votre proposition, et vous avez évoqué vos inquiétudes par rapport à l'imprécision, à l'article 108, concernant les services rendus à distance et vous avez proposé un amendement, une modification législative à cet effet-là.

La question que je me pose et que je vous pose, c'est que: Est-ce que vous avez pensé que ce serait une meilleure idée peut-être d'y aller par règlement? Justement parce que, dans le domaine de la télésanté, c'est quelque chose qui va évoluer quand même assez rapidement et que, vous le savez comme moi, les modifications législatives ne se font pas du jour au lendemain. Qu'en pensez-vous?

M. Frigon (Jean-Guy): Pour répondre à la question, c'est Mme Lauzon qui va le faire, mais juste pour vous dire que c'est très nouveau aussi dans le domaine, présentement que c'est en train de se mettre en application. Et je laisserais Mme Lauzon répondre à la question.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne): Oui. Effectivement, on a un projet provincial de téléréadaptation qui est en cours d'implantation présentement, et tous les centres de réadaptation vont être reliés, là, par un système de télésanté. Et les exemples, là, qu'on vous a donnés dans notre mémoire, d'application de ce qui était proposé dans le projet de loi nous posent problème en termes de collecte de données au plan financier mais aussi en termes de biais que ça pourrait causer dans l'allocation des ressources. Parce que, avec l'approche populationnelle qui est aussi préconisée dans le nouveau mode d'allocation des ressources que le ministère a mis en place, la question de la mobilité interrégionale est prise en compte, et puis c'est correct, là. Par contre, dans notre réseau, étant donné que le réseau n'est pas encore à maturité, il y a beaucoup de mobilité interrégionale, plus que dans d'autres programmes, ce qui fait que, si on acceptait, là, si on appliquait ce qui est proposé là et que les unités de mesure sont consignées seulement à l'endroit où le professionnel est consulté, ça créerait des biais très importants, d'où notre recommandation d'enlever cet article-là et de...

Votre suggestion d'y aller par règlement un peu plus tard probablement serait plus sage parce qu'effectivement l'expérience va probablement nous donner des meilleures pistes à long terme à utiliser pour qu'à la fois on tienne bien compte, là, de la production de services, mais aussi qu'on respecte les règles, là, des ordres professionnels, de l'allocation des ressources, de la mobilité interrégionale. En fait, il y a plusieurs éléments qui rentrent en ligne de compte, et ça mériterait certainement une réflexion un peu plus approfondie.

Mme James: Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

Mme James: Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, merci. Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et condition des aînés.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Frigon, M. Malo et Mme Lauzon, bienvenue de la part de l'opposition officielle. J'y reviendrai, là, je suis en train de regarder la synthèse, là, des délais d'attente en matière de réadaptation tant pour les... tous les groupes d'âge, là, enfants, adultes. En fait, ça me semble assez important pour qu'on puisse voir si, dans ce projet de réforme, il y a selon vous la lumière au bout du tunnel. Bon.

Avant d'y arriver, je voudrais reprendre avec vous la partie du mémoire où vous nous mentionnez votre inquiétude ? je pense que c'est à la page 27 ? sur la fusion, je dirais, là, des responsabilités d'une agence par une instance locale. C'est donc une possibilité du moins qu'offre le projet de loi n° 83, à l'article 174 du projet de loi, de faire exercer les responsabilités de l'agence par une instance locale. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne): Oui. Bien, écoutez, c'est sûr que, dans l'état actuel des choses, c'est une possibilité. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où il n'y aura jamais sur un territoire une seule instance, en fait un seul établissement... Il peut y avoir un seul CSSS, mais il n'y aura jamais sur un territoire juste un CSSS, il y aura toujours d'autres établissements qui, entre autres, auront une vocation régionale. Bien, à ce moment-là, si le CSSS a les responsabilités de l'agence régionale en termes d'allocation des ressources de façon équitable, d'arbitrage interprogrammes et territoires, bien, là, on se demande comment une instance comme ça pourrait avoir cette double responsabilité là et ne pas être au moins en apparence de conflit d'intérêts. C'est un questionnement.

n(15 h 30)n

Mme Harel: Alors, c'est un questionnement qui se répond comment?

Mme Lauzon (Anne): Bien, je ne sais pas. Ça, ça dépendra de ce qui arrivera de vos travaux. Mais, pour nous, si on veut préserver la question de l'équité interprogrammes et interétablissements, parce que, comme je vous dis, il n'y aura jamais juste un établissement à ma connaissance sur un territoire, bien je ne pense pas que ce soit une bonne idée que le CSSS ait toutes les responsabilités de l'agence.

Mme Harel: Dans votre mémoire, vous dites, à la page 26, que la question de l'allocation des ressources vous préoccupe. Vous voulez vous assurer que l'agence régionale ait une préoccupation d'une répartition équitable entre les territoires locaux, s'il y a plusieurs CSSS, centres de santé et services sociaux, mais aussi entre les programmes services et les niveaux de services. Alors, encore faut-il rappeler que, vous, votre vocation est régionale. Ça vaut pour vous, ça vaut pour la protection de la jeunesse et pour certains autres dont la vocation est régionale.

Alors, la question est de savoir: Quel lien entretenez-vous avec l'agence ? je pense que c'est un peu l'objet de votre préoccupation dans votre mémoire ? et quel est le lien que vous entretenez avec les CSSS et notamment à l'égard de l'agence, en matière d'allocation de ressources? Est-ce que je m'explique bien la position que vous reprenez dans votre mémoire?

Mme Lauzon (Anne): En fait, ce qu'on exprime là, c'est ce qu'on veut, c'est que ce qui se fait présentement continue à se faire, c'est-à-dire que les enveloppes budgétaires sont octroyées aux agences régionales qui, elles, en font une répartition équitable sur leur territoire entre les différents programmes services et entre les différents dispensateurs. Donc, le rôle d'arbitrage en termes interprogrammes et interterritoires demeure aux agences, et pour nous c'est très important parce qu'on n'a pas une desserte locale, on a une desserte régionale et on donne des services de deuxième et de troisième ligne. Donc, pour qu'il y ait cet équilibre-là à différents niveaux, il faut qu'il y ait un organisme au plan régional qui ait une vue d'ensemble et qui connaisse bien justement la situation de chacune des clientèles de chacun des acteurs du réseau.

Alors, ce qu'on recommande, c'est que ce soit dans les faits ce qui se fait déjà depuis plusieurs années, et qu'il reste cette responsabilité au plan régional, et que donc... Nos établissements, par rapport aux agences, bien, on a toujours été des partenaires, autant à la fois avec nos collègues du régional que nos collègues des CSSS. Par exemple, dans certaines régions, le centre de réadaptation va devoir signer des ententes et convenir d'un partage de services avec 10, 11 CSSS. Donc, pour éviter de faire le tour avec... de signer 11 sortes d'ententes, bien c'est sûr que, nous, on s'attend à ce que régionalement il y ait une certaine coordination ou, à tout le moins, une certaine table régionale où tous les acteurs peuvent s'exprimer puis qu'il y ait un minimum qui soit commun à toutes les ententes avec chacun des CSSS, par équité aussi pour tous les citoyens, et puis qu'après ça les volets spécifiques soient négociés plus individuellement avec chacun des CSSS.

Mme Harel: Est-ce que vous avez l'assurance que cela se passerait tel que vous le décrivez?

Mme Lauzon (Anne): Bien, on a confiance que ça va se faire comme ça parce que, dans plusieurs régions, c'est déjà en train de se passer comme ça, et le projet de loi prévoit quand même cette responsabilité-là aux agences.

Mme Harel: Alors, en regard, par exemple, des délais d'attente dont je vous parlais tantôt, là, vous nous rappelez que vous avez une responsabilité première, deuxième, troisième, quatrième ligne. C'est ce que je comprends?

Mme Lauzon (Anne): Nous, c'est deuxième, troisième ligne, on ne s'occupe pas de la première.

Mme Harel: Deuxième, troisième. Donc, pour la deuxième ligne, ce que vous appelez la deuxième ligne, c'est nécessairement en centre de réadaptation.

Mme Lauzon (Anne): Oui, c'est ça.

Mme Harel: Quand on regarde les délais d'attente, c'est aussi en centre de réadaptation.

Mme Lauzon (Anne): Oui, c'est ça.

Mme Harel: Donc, ce sont les délais qui sont les vôtres présentement.

Mme Lauzon (Anne): Oui.

Mme Harel: Alors, en date du 24 novembre ? donc c'est quand même assez récent ? la synthèse des délais d'attente produite au ministère, je crois, hein, au ministère de la Santé et des Services sociaux, fait état d'un grand total de 7 844 personnes en attente d'une réadaptation dans vos centres, dont 2 915 enfants. Et le nombre de... le délai moyen, pour les enfants, pour obtenir un service actuellement est de 318 jours, donc presque... pas tout à fait un an, mais pas loin de un an. Ça, c'est le délai moyen. Pour ce qui est des adultes, le délai moyen est de 292 jours. Pour ce qui est des aînés, le délai moyen est de 344 jours. Alors, c'est presque un an en l'occurrence, là, le délai moyen pour obtenir des services dont on dit que le défaut de ces services de réadaptation peut avoir des conséquences très négatives sur les habitudes de vie, les difficultés d'intégration scolaire pour les enfants, d'isolement social pour les adultes et avec toutes les autres difficultés de déficience motrice, et autres. Alors, est-ce que vous pensez que la réforme, puisque vous considérez que le projet de loi est bienvenu, va pouvoir améliorer la situation?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Frigon? Non. Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne): Bien, on y compte effectivement, parce qu'à partir du moment où les CSSS ont la responsabilité populationnelle puis de façon presque exclusive, bien ça veut dire que, l'accès aux services pour les personnes qui sont sur leur territoire, qui ont une déficience physique, quand ils vont nous les référer puis qu'on va leur dire qu'effectivement il y a un an d'attente, six mois d'attente, deux ans d'attente, bien, on espère qu'ils vont devenir nos principaux alliés pour qu'on ait un rehaussement budgétaire pour qu'on puisse améliorer l'accès aux services, pour que finalement, dans leur imputabilité, ils aient une meilleure note aussi. Mais c'est un continuum de services, et tout est relié, on ne peut pas juste renforcer la première ligne ou juste la deuxième ligne, sinon on va se pénaliser. Dans ce sens-là, l'objectif étant de travailler à des meilleurs réseaux intégrés de services, on compte que ça va mettre la pression aussi à la bonne place pour qu'on soit dans le fond dans des consensus pour que l'accès aux services soit amélioré.

Mme Harel: Faut-il, pour ce faire, de nouvelles ressources budgétaires?

Mme Lauzon (Anne): Oui, certainement. Dans notre cas, c'est une question d'investissement... Au total, il nous manque quelque chose aux alentours de 100 millions. Et des tranches de 30 millions seraient quelque chose de réaliste pour nous parce que, en termes de recrutement de personnel et de pieds carrés, on ne pourrait pas d'emblée offrir pour autant de services que 100 millions dans une année. Mais c'est sûr que le réseau de la réadaptation, c'est le réseau qui est le plus jeune, le dernier à être développé, avec une orientation de régionaliser les services seulement en 1995. Alors, c'est sûr que le développement est inégal selon les régions, et ça se traduit par des trous dans l'offre de services, qui sont assez significatifs.

Mme Harel: Je comprends aussi que l'offre de services en réadaptation fait les frais actuellement des compressions dans les régions qui sont dites en surplus budgétaire par rapport aux objectifs d'équité interrégionale. Alors, les développements annoncés sont finalement déduits des sommes dont ont dit qu'elles doivent servir à l'équité interrégionale, ce qui fait qu'on s'achemine vers une sorte d'égalité mais dans la malchance en fait pour l'ensemble des régions. Est-ce que vous avez eu écho des difficultés qui se présentent dans les régions qui sont supposément être en surplus, finalement, budgétaire?

Mme Lauzon (Anne): Dans la méthode d'allocation des ressources, qui est en révision, hein ? c'est un nouveau mode d'allocation des ressources dont la première année de transformation a été appliquée en 2004-2005 et la deuxième année, là, d'application... la méthode d'ailleurs est déjà un peu bonifiée pour 2005-2006 ? oui, on est au courant qu'il y a eu certaines décisions de cet ordre-là dans certaines régions. Et dans le fond ce que ça fait, c'est que ça réduit l'impact d'un investissement qui était significatif l'année dernière.

Au plan de la méthode, il y a des choses qui vont être introduites dès cette année pour tenir compte mieux des dimensions régionales qui, entre autres, pénalisaient certaines régions. Donc, la méthode est en évolution, et on y contribue de façon active pour la bonifier et que justement elle soit le plus équitable possible. Maintenant, la décision des agences de mettre une priorité ou une autre sur un programme ou un autre, on comprend que ça leur appartient et que ça va rester là en autant que les cibles sont atteintes. Et là-dessus, bien, on travaille avec le ministère pour les établir, ces cibles-là.

Mme Harel: Je vous remercie.

La Présidente (Mme James): Merci beaucoup. Alors, M. Malo, M. Frigon, Mme Lauzon, merci beaucoup pour votre présentation.

Nous allons maintenant passer aux recteurs des universités du Québec dotées d'une faculté de médecine. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

 

(Reprise à 15 h 43)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour et bienvenue aux porte-parole des recteurs des universités du Québec dotées d'une faculté de médecine. Je crois que... Est-ce que c'est M. Marceau qui prendra la parole pour débuter l'échange ou... C'est plutôt M. Godbout? Bon, bien, allez-y, M. Godbout. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, ça va être suivi d'une période d'échange avec les parlementaires. Je vous invite cependant à nous présenter vos invités pour débuter.

Les recteurs des universités du Québec
dotées d'une faculté de médecine

M. Godbout (Claude): Merci, Mme la Présidente. Je vais vous présenter les gens qui sont avec moi. Il y a, à ma gauche, M. Denis Marceau, le vice-recteur à l'enseignement de l'Université de Sherbrooke; à ma droite, Mme Janyne Hodder, vice-principale des relations institutionnelles de l'Université McGill; et nous attendons dans les minutes qui viennent Mme Maryse Rinfret-Raynor, vice-rectrice académique de l'Université de Montréal, qui avait promis d'être ici à 4 heures, mais, étant donné le devancement de l'horaire, va se trouver à arriver un petit peu en retard.

La Présidente (Mme Charlebois): ...vous savez, et efficace.

M. Godbout (Claude): Ceci étant dit, je vais partager avec ma collègue Janyne Hodder la lecture de la lettre des recteurs de nos universités. Et, comme, à la fin de cette lettre, on fait référence au mémoire de MEDU, c'est-à-dire le groupe de travail sur les affaires médicales de la CREPUQ, M. Marceau, qui est président de ce groupe de travail qui regroupe les vice-recteurs académiques et les doyens, va aussi ajouter les commentaires de ce groupe de travail.

Mme la Présidente, les universités dotées d'une faculté de médecine ont pris connaissance du projet de loi n° 83 et désirent faire connaître à la Commission des affaires sociales leurs préoccupations quant à certains impacts significatifs sur leurs responsabilités et leurs ressources. Nos commentaires porteront plus spécifiquement sur les articles concernant les réseaux universitaires intégrés de santé, RUIS, ainsi que sur d'autres articles traitant de la répartition entre les médecins des tâches relatives à l'activité clinique, à la recherche et à l'enseignement.

Le concept de réseaux universitaires intégrés de santé est issu des travaux du Comité sur la vision du réseau d'hôpitaux universitaires, présidé par le Dr Raymond Carignan. Ce rapport se situait dans le contexte où le gouvernement sollicitait les universités pour accroître de façon urgente leur capacité de formation non seulement des médecins, mais aussi des infirmières et d'autres professionnels de la santé. Ces formations exigent une étroite collaboration entre les établissements de santé, en particulier ceux ayant une désignation universitaire, qui doivent accueillir les stagiaires et les résidents, et ce, dans les conditions qui respectent les exigences des programmes de formation et les normes des organismes d'agrément.

On peut rappeler que la société a confié aux universités une mission propre d'enseignement et de recherche. Les universités ont ainsi la responsabilité de la conception, de la mise en oeuvre, de l'évaluation de leurs programmes d'enseignement et de recherche. À cette fin, elles sont habilitées à déterminer le contenu de ceux-ci et à identifier les ressources nécessaires à leur mise en oeuvre. Elles doivent s'assurer de leur qualité, rencontrer les normes d'agrément et attester de la compétence des professionnels par l'émission de grades et de diplômes.

Sous le leadership des universités, la création des RUIS visait à assurer la cohérence et la convergence entre les soins, l'enseignement et la recherche et l'évaluation des technologies à l'intérieur de chaque réseau universitaire en respectant le rôle propre de chacun: l'enseignement et la recherche, pour les universités et leurs facultés; les soins et les services, pour les établissements de santé; la coordination des ressources, pour les agences.

Le rapport Carignan prévoyait à cet effet que «chaque RUIS sera doté d'une instance administrative de type consortium. Sous le leadership d'une université ayant une faculté de médecine, cette instance regroupera ? je cite, je continue de le citer ? outre des représentants de cette université, des représentants des centres hospitaliers désignés, universitaires, d'une ou des régies régionales concernées ? il faut se rappeler qu'on est en 1982 ? ainsi que certains représentants d'autres partenaires en fonction des besoins et caractéristiques de chaque réseau. Chaque partenaire bénéficie d'un statut cohérent et conforme à son rôle et à sa mission spécifique.»

Or, le projet de loi, tel que présenté, s'éloigne significativement de la pensée et des visées du rapport Carignan, puisqu'une université qui devait assumer un leadership est devenue une université associée à un regroupement d'hôpitaux relevant de l'autorité du ministère de la Santé et des Services sociaux. En effet, selon le libellé actuel des articles 436.1 à 436.8, les universités, en tant qu'institutions, ne sont pas membres du réseau universitaire intégré de santé de leur territoire. Chaque RUIS n'est constitué que des seuls centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés qui ont une désignation universitaire et qui sont affiliés à l'université associée à ce réseau. Cette structure selon nous ne tient pas compte du rôle incontournable des universités et de leurs facultés dans un tel réseau et en particulier de la réalité vécue par les RUIS déjà en place. Mme Hodder.

Mme Hodder (Janyne M.): Ce premier constat nous amène à faire des commentaires plus spécifiques sur la composition du comité de direction et divers aspects du mandat du RUIS. Le libellé actuel de l'article 436.2 du projet de loi prévoit que le comité de direction du RUIS est formé de directeurs généraux des hôpitaux, et des présidents-directeurs généraux des agences du territoire, et du doyen de la faculté de médecine. Nommé par la loi et non désigné par l'université comme son représentant, le doyen n'agit donc pas statutairement en qualité de représentant de l'université. Il n'est pas prévu que l'université puisse y désigner des représentants ni que d'autres établissements affiliés y soient représentés. Une telle composition revient à confier aux directeurs généraux des centres hospitaliers et aux présidents-directeurs généraux des agences le mandat de formuler à toute agence concernée ou au ministre, selon le cas, des propositions sur divers sujets dont certains sont de la responsabilité exclusive des universités: la formation médicale, la répartition auprès des établissements des étudiants des facultés de médecine, la coordination des activités de recherche, etc. La décision finale reviendrait donc au ministre ou à une agence qui en ces matières n'ont pas la légitimité requise.

n(15 h 50)n

Par ailleurs, les modifications aux articles 238 et surtout 242 affectent directement les ressources des universités oeuvrant dans les centres hospitaliers. Telles que rédigées, elles confient au conseil d'administration des hôpitaux désignés centres hospitaliers universitaires ou instituts universitaires la répartition entre les médecins des tâches relatives à l'activité clinique, à la recherche et à l'enseignement. Ce faisant, elles permettent à l'établissement de santé d'empiéter sur la juridiction des universités, qui est de déterminer annuellement les tâches d'enseignement et de recherche de chacun de ses professeurs selon l'évolution des besoins universitaires en tenant compte de la modulation des tâches dans la carrière des professeurs.

Rappelons qu'il est clairement de la responsabilité des universités et de leurs facultés de médecine de sélectionner les médecins enseignants et de leur attribuer une tâche universitaire. L'engagement des chercheurs et la préparation d'un plan de recherche universitaire relèvent également des universités, en collaboration avec les établissements affiliés. Dans leur fonction universitaire, ces personnes ont toutes un lien d'emploi avec l'université ou ont un statut octroyé par l'université.

En outre, certains des mandats que l'on prévoit confier aux RUIS débordent des préoccupations ayant présidé à la mise sur pied des RUIS afin, rappelons-le, de rapprocher les universités et les centres hospitaliers dans la poursuite des missions universitaires, pour les impliquer, entre autres, dans les sujets qui relèvent au premier chef des agences du ministère: la prévention des ruptures de services et l'instauration de corridors de services. La réalisation de tels mandats exige d'importantes ressources d'analyse et requiert des leviers d'action que le RUIS n'a pas.

Enfin, de façon générale, le libellé des articles qui concernent les RUIS est centré sur les médecines physiques. Ce faisant, les préoccupations relatives à la formation des infirmières, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des orthophonistes, des audiologistes, des pharmaciens, des travailleurs sociaux et d'autres professionnels qui oeuvrent auprès de la population ne sont pas prises en considération. De même, l'apport des établissements des secteurs de la réadaptation, de la gériatrie, de la santé mentale, de la première ligne ? CLSC désignés universitaires ? à la formation des professionnels de toutes les disciplines de la santé est peu présent.

En conclusion, Mme la Présidente, nous croyons à la pertinence de créer des réseaux universitaires intégrés de santé autour de nos quatre universités afin de tenir compte de l'interdépendance des établissements de santé et des universités pour rencontrer les attentes de la société, particulièrement dans la formation des médecins et de l'ensemble des professionnels de la santé. Cependant, force est de constater que le projet de loi, tel que formulé, ne reconnaît pas le rôle que doivent y jouer les universités et le leadership qu'elles devraient y assumer.

Il y aurait donc lieu que les articles 431.1 et suivants soient modifiés afin de reconnaître que les universités sont membres à part entière des RUIS et que non seulement le doyen de la faculté de médecine, mais aussi d'autres représentants nommés par les universités fassent partie du comité de direction. Nous croyons aussi que le mandat du RUIS devrait être révisé pour être centré sur les moyens de soutenir la mission universitaire qui se réalise dans les établissements ayant une désignation universitaire.

Nous recommandons aussi que l'autorité confiée au conseil d'administration par les articles 238 et 242 soit modulée afin que les activités d'enseignement et de recherche établies par la faculté de médecine pour chacun des médecins ayant un statut universitaire soient intégrées aux privilèges octroyés aux médecins. Après tout, sans université, il n'y aurait pas de centre hospitalier universitaire, et il y a lieu de reconnaître le rôle fondamental de l'université dans l'organisation du centre hospitalier.

Nous invitons donc le gouvernement à tenir compte de nos commentaires et ceux du groupe de travail sur les affaires médicales, MEDU, de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et de réviser en conséquence son projet de loi. Nous vous offrons notre collaboration pour ce faire, car nous croyons à la valeur ajoutée que peuvent représenter de tels réseaux s'ils suscitent l'adhésion de toutes les parties impliquées.

M. Godbout (Claude): Maintenant, M. Marceau va poursuivre, si vous le permettez, avec les commentaires que les doyens de médecine et le groupe MEDU ont faits, souvent dans le même sens que celui des recteurs.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. Marceau.

M. Marceau (Denis): Mme la Présidente, mesdames, messieurs, le MEDU salue la création officielle des RUIS et se déclare satisfait de ce que les réseaux soient des organismes consultatifs. Le MEDU souhaiterait que soit clarifié d'entrée de jeu, à l'article 436.1, que le rôle essentiel du RUIS est de contribuer à la nécessaire concertation entre les responsables de l'enseignement et de la recherche universitaire, d'une part, et les responsables des soins de santé et des services sociaux principalement spécialisés et surspécialisés, d'autre part. Cette simple mais fondamentale précision serait peut-être préférable à la longue énumération des sujets sur lesquels les réseaux peuvent soumettre des propositions et qui apparaissent à l'article 436.6.

En cohérence avec ceci, le MEDU estime qu'il serait nécessaire que, chaque fois qu'il sera mention dans la loi que les RUIS peuvent adresser des recommandations au ministre de la Santé et des Services sociaux et aux agences régionales, il soit ajouté que ces recommandations peuvent aussi s'adresser aux universités, aux établissements hospitaliers, au ministère de l'Éducation du Québec et à tout organisme concerné par l'interaction entre les missions universitaires et les missions cliniques.

L'article 436.6 proposé contient d'ailleurs des énoncés contestables. Tel que rédigé, par exemple, le paragraphe 2° de cet article laisse entendre que le RUIS fournit des recommandations au ministre ou à l'agence régionale quant à la formation médicale et la répartition, auprès des établissements membres du réseau, des étudiants de la faculté de médecine de l'université associée au réseau. Si c'était le cas, ce serait donc le ministre ou l'agence qui aurait le pouvoir décisionnel sur ces questions. Or, il ne saurait être question que la formation médicale échappe à la compétence des universités et de leurs facultés de médecine. C'est le doyen de la faculté de médecine, à titre de mandataire de l'autorité universitaire, qui détermine dans quel cadre doit s'effectuer la formation des étudiants et des résidents qui sont inscrits dans un de ces programmes d'études.

De même, le paragraphe 6° de cet article laisse entendre, tel que rédigé, que le RUIS fournit au ministre ou à l'agence des recommandations quant à la coordination des activités de recherche menées dans les établissements du réseau. Or, il ne saurait être acceptable que les activités de recherche menées dans les établissements affiliés ne soient pas clairement sous la responsabilité des universités et de leurs facultés de médecine. Pour ces raisons, il apparaîtrait préférable de remplacer l'article 436.6 par un énoncé plus général et plus fondamental, du type de celui qui est énoncé ci-dessus, quant au rôle essentiel du RUIS, c'est-à-dire contribuer à la nécessaire concertation.

Notons, en passant, certaines craintes que nous avons quant au paragraphe 10° de l'article 436.6. Si le RUIS doit permettre de prévenir les ruptures de services pour les établissements du territoire de desserte, nous ne pouvons que souligner que cette mission pourrait s'avérer difficile à remplir compte tenu de la position actuelle du ministère de la Santé et des Services sociaux à l'égard des recrutements autorisés dans les régions universitaires au moyen des plans de recrutement des effectifs médicaux, à savoir les PREM. Si on doit garder le concept de rupture de services, il faudrait absolument que le rôle des RUIS se limite à prévenir de telles ruptures dans les services tertiaires uniquement.

La composition du comité de direction du RUIS nous laisse prévoir une représentation disproportionnée des agences. Nous souhaiterions qu'un seul président-directeur général d'agence soit statutairement prévu sur le comité de direction du RUIS, soit celui de l'agence où se situe la faculté de médecine du RUIS. Il nous apparaît problématique que tous les P.D.G. des agences concernées y siègent statutairement. Le nombre de régions avec lesquelles chaque RUIS doit interagir est tel que la perspective des agences risque d'être hors de proportion au comité de direction, avec la composition actuellement prévue. Par ailleurs, pour intégrer dans le comité de direction une perspective universitaire large et reconnaître la responsabilité universitaire sur toutes les questions reliées à l'enseignement et à la recherche, une représentation statutaire des directions des universités devrait y être prévue.

n(16 heures)n

Dans le respect des réalités régionales propres à chaque réseau, nous croyons que chaque RUIS devrait avoir une latitude de nommer d'autres établissements comme membres du réseau, autres que les établissements mentionnés à l'article 436.1. Certaines réalités locales peuvent en effet faire en sorte que des partenaires institutionnels importants et dont la contribution est requise pour assurer la coordination entre les missions universitaires et la dispensation de soins sont actuellement absents du membership du RUIS.

Pour éviter d'alourdir le comité de direction, certains de ces milieux pourraient se voir accorder le titre de membre associé et ne siégeraient alors pas sur le comité. Afin qu'ils aient une certaine voix au chapitre toutefois, nous proposons que chaque RUIS se dote d'une table locale à laquelle siégeraient, outre les membres du comité de direction, tous les partenaires que le réseau aura choisi de se donner comme membres et membres associés. Les présidents d'agences qui auront été exclus du comité de direction à la suite de la recommandation précédente pourraient être aussi invités à siéger à cette table locale.

Enfin, il est clair que les questions sur lesquelles le RUIS doit intervenir débordent celles de la médecine au sens strict. Nous souhaitons que les autres facultés de nos universités qui sont partie prenante à la santé et aux services sociaux puissent être présentes à cette table locale. Nous pensons ici...

La Présidente (Mme Charlebois): Je vous invite à conclure, il reste moins de deux minutes.

M. Marceau (Denis): Oui. Alors, j'y vais. Donc, nous partageons le fait que... La présidence en alternance du RUIS par le doyen et le directeur général du CHUS, avec rotation tous les deux ans nous semble une bonne idée.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Marceau, juste à titre d'éclaircissement, est-ce que la présentation de la dernière partie que vous venez de faire, est-ce que ça fait partie du mémoire écrit?

M. Marceau (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Actuel?

M. Marceau (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Il y a deux mémoires? O.K.

M. Marceau (Denis): C'est ça. C'est le mémoire MEDU, c'est-à-dire du groupe de travail qui réunit les quatre vice-recteurs des facultés de médecine et les quatre doyens concernés.

La Présidente (Mme Charlebois): O.K. Merci.

Mme Harel: Un instant, Mme la Présidente. On n'a pas eu de copie, je pense, du dernier mémoire, là, dont vient de faire lecture...

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

Mme Harel: Peut-être serait-il utile, pour les fins de notre échange, ou bien que le secrétariat nous procure le mémoire ou qu'on en fasse des copies, tout simplement.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va, on va vous en procurer. Maintenant, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ça va vous permettre d'élaborer davantage.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs mesdames, merci pour votre présentation fort intéressante. Je vais commencer par quelques commentaires; par la suite, on pourra échanger sur plusieurs aspects de votre présentation.

D'abord, effectivement, notre proposition pour les RUIS et notre mise en fonction en fait qui a précédé le projet de loi  ? parce que vous savez qu'administrativement on les a mis en place à notre arrivée ? effectivement, vont plus loin que le rapport Carignan parce qu'on y ajoute la dimension de l'organisation des soins. Et je dirais qu'on l'assume bien, même qu'on en est plutôt fiers parce qu'on pense que les organisations universitaires qui touchent à la santé ne peuvent être en état, comme je le disais ce matin, de lévitation, là, au-dessus de la façon dont les soins et les services s'organisent, et c'est au bénéfice même des universités et des facultés de médecine des centres hospitaliers universitaires d'avoir leur mot à dire dans cette question-là.

Deuxièmement, il ne faudrait pas non plus, je crois, créer une impression d'étanchéité absolue entre les responsabilités d'enseignement et de recherche des uns et des autres. La loi actuelle de santé et de services sociaux, aux articles 89 et 90, confère des responsabilités propres d'enseignement et de recherche aux centres hospitaliers universitaires et aux établissements à désignation universitaire, et, en passant, c'est le cas également ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Pour ce qui est de la composition du comité directeur, effectivement, la CREPUQ a actuellement un membre invité. Je pense que c'est vous, M. Marceau, qui êtes actuellement là. Si je comprends bien, vous suggéreriez que ce membre invité devienne un membre permanent. Est-ce que c'est l'essentiel de votre message? Il y en a beaucoup d'autres, mais est-ce que celui-là est bien compris?

M. Marceau (Denis): Celui-là est... Oui, tout à fait clair.

M. Couillard: O.K. Maintenant, pour ce qui est de la représentation des agences régionales... Oui? Pardon?

M. Godbout (Claude): Excusez, M. le ministre. Je pense aussi que la remarque des recteurs, et des vice-recteurs, et des doyens était aussi à l'effet d'avoir des représentants des universités dans les RUIS locaux, ce que le projet de loi ne prévoit pas, différenciés de la table. Il y a deux institutions, je devrais dire, là, différentes, la table ministérielle et les RUIS locaux, et on veut que les universités soient présentes dans les RUIS locaux et non pas uniquement à la table ministérielle.

M. Couillard: Et, effectivement, dans la dimension d'organisation de services, il y a un lien qui n'est pas aussi tranché qu'on pourrait le croire entre l'organisation des services et la formation médicale, par exemple l'orientation qu'on a choisie, au Québec, d'insister sur la formation en région, qui est un élément de solution structurante à la pénurie d'effectifs qu'on vit en région. L'Université de Montréal a fait un très beau projet qui démarre actuellement à Trois-Rivières; l'Université de Sherbrooke a un autre projet similaire pour la Sagamie.

Par opposition où d'autres provinces ont créé, elles, des facultés de médecine rurales complètement indépendantes, nous, on a préféré nous en tenir au nombre de facultés de médecine qu'on a actuellement, avec un encouragement, qui est d'ailleurs fort bien suivi dans les quatre facultés, à multiplier les possibilités de stages et de formation en région. Je pense que c'est un élément sur lequel on a très bien collaboré. Puis je pense que les RUIS vont nous amener à aller plus loin dans cette direction-là.

Est-ce que vous pensez que la mise sur pied de ces réseaux universitaires intégrés de santé peut nous amener à plus de complémentarité entre les universités, pour les domaines de l'enseignement et de la recherche, par exemple? Est-ce que c'est quelque chose qui peut aider à bonifier cet aspect-là, coordination interuniversitaire?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Godbout.

M. Godbout (Claude): Je peux tenter de répondre, mais mes collègues aussi pourront ajouter. Je pense que tout le monde est d'accord à l'effet que la mise sur pied des RUIS non seulement est une bonne chose et une chose souhaitable, mais une chose qui était un peu due dans un sens à la fois pour favoriser au premier chef l'arrimage entre les missions universitaires des universités et les missions universitaires des centres hospitaliers.

Ceci étant dit, que cette concertation, qui doit d'abord s'exercer au niveau local ? parce qu'avant de la faire au niveau de l'échelle du Québec, il faut la faire au niveau local aussi ? cette concertation des rôles et des ressources peut sûrement aussi s'étendre au niveau de l'ensemble du Québec et favoriser un meilleur arrimage, une meilleure concertation, collaboration entre les différents réseaux. Mais il faut, comme je le dis, au premier chef, qu'il y ait d'abord une concertation puis une collaboration au niveau local. Je pense bien que c'est important.

Et, de ce point de vue là, je pense qu'il faut se rappeler que le régime des RUIS... Et puis je comprends que ça a évolué pour inclure les soins, ainsi de suite, mais le vrai besoin à l'origine des RUIS était qu'initialement il y avait des rôles des centres hospitaliers... Le rôle premier, je ne dirai pas, là, «propre», là, parce que le mot «propre» peut avoir toutes sortes de connotations, de réalités, mais le rôle premier des hôpitaux, c'étaient les soins, ça a toujours été les soins finalement, qu'ils soient universitaires ou autres ? on en parlait ce matin, je pense bien, vous en parliez ce matin avec les doyens de médecine, qui mentionnaient que les soins de première ligne étaient une partie importante, là, des... ? et le rôle premier des universités... encore là, le mot «propre» peut nous amener à confusion, mais le rôle premier des universités a été de toute époque l'enseignement et la recherche universitaire.

Puis, je signale, «recherche universitaire». Ça veut dire quoi, «recherche universitaire»? C'est le développement de connaissances mais aussi la formation de chercheurs. Et donc, la recherche universitaire, c'est le propre des universités de pouvoir, par la recherche, former la relève, ce que les centres de recherche gouvernementaux, privés ou autres, institutionnels, ne font pas. Les universités sont les seules à faire la recherche et de la formation par la recherche. Et donc on revient dans le domaine de la recherche universitaire.

Et donc le but initial des RUIS était de favoriser un arrimage des ressources parce que l'un et l'autre ont besoin de l'un et l'autre, en ce sens que, pour les besoins de formation, en particulier clinique, les universités ont besoin du réseau hospitalier, dans son sens le plus large possible, là ? puis je dis «hospitalier», ce sont des établissements de santé, pour inclure les CLSC, parce que, pour des disciplines, ça s'applique aussi ? et aussi évidemment c'est souhaitable pour les hôpitaux de pouvoir bénéficier de l'expertise universitaire et des statuts universitaires.

Ceci étant dit, il faut peut-être voir comment on définit les rôles de l'un et l'autre, par exemple dans le domaine de l'enseignement. Alors que les universités ont un rôle, je devrais dire, premier en enseignement et en recherche, puis nous parlons de l'enseignement au premier chef ? le doyen vous le disait ce matin, il est responsable de l'émission des diplômes, de la qualité de la formation, de la qualité des professeurs, ainsi de suite ? la loi actuelle des services sociaux mentionne que les centres hospitaliers universitaires participent à l'enseignement. C'est toute une nuance. Ce n'est pas la même chose, là. Que les hôpitaux universitaires participent à l'enseignement, alors que les universités ont comme rôle premier de faire les programmes d'enseignement, d'être responsables de l'enseignement et d'émettre les grades, c'est un rôle un petit peu différent. Ce n'est pas une équivalence au niveau de l'enseignement, je le prétends du moins ou nous pouvons le prétendre. De la même façon qu'au niveau des soins les universités puissent collaborer à un meilleur arrimage puis un meilleur soutien des pénuries, ainsi de suite. Mais le rôle premier des soins, c'est d'abord les hôpitaux et les agences.

Ça fait que c'est pour ça que, oui, il y a des arrimages possibles, mais il faut voir comment ça se fait dans le respect des rôles propres de chacun, ce qui était le but initial des RUIS et ce que je pense qu'il faut ne pas perdre de vue non plus. Peut-être que Mme Hodder...

Mme Hodder (Janyne M.): Oui. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question, M. le ministre, mais vous avez semblé demander si les RUIS pouvaient servir à améliorer la concertation en matière de recherche. Je pense qu'il est important de rappeler que la concertation en matière de recherche entre les universités est déjà bien présente et sous bien des formes. Alors, si on veut comprendre en fait quel problème le RUIS voulait régler, il ne me semble pas que ce soit la question de la concertation universitaire en matière de recherche, une question tout à fait étrange, pour laquelle il ne semble pas à l'heure actuelle y avoir de problème.

n(16 h 10)n

M. Couillard: Lorsqu'on parle de recherche, il faut faire attention également de donner l'impression que tout est blanc et noir. La recherche se fait dans plusieurs endroits dans le système de santé puis dans le milieu universitaire, au Québec. Par exemple, il y a parfois cette notion que la recherche fondamentale ne se fait que sur le campus universitaire. On sait qu'il y a plusieurs exemples, dont à l'Université McGill, dont à l'Université Laval, dont à l'Université de Sherbrooke et également même dans les instituts de recherche affiliés à l'Université de Montréal, dans les divers hôpitaux affiliés, où il y a beaucoup de recherche de type fondamental qui se fait dans ces établissements-là.

Alors, comme les gens qui font la recherche sont souvent des chercheurs cliniciens également qui ont des missions doubles, il m'apparaît important... Je ne dis pas qu'il y a une catastrophe actuellement en cours sur le plan de la concertation ou de la coordination. Au contraire, il y a beaucoup de beaux exemples, même, à l'opposé. Mais je pense que voilà un outil qui va nous permettre de bonifier ça et de faire en sorte que ce qui se passe sur les campus hospitaliers des universités, dans leurs hôpitaux d'enseignement puisse également faire l'objet de conversations et de coordination. Je pense que c'est important de rappeler cette question-là.

Et vous avez raison. Tantôt, vous disiez: Il n'y a pas d'hôpital universitaire sans université. Il est difficile également d'avoir une faculté de médecine sans hôpital universitaire. Je pense que là il y a une symbiose essentielle qui doit se faire. Et, pour la recherche également, je reviens à ma remarque, c'est que la recherche est beaucoup plus dispersée que ce que l'on entend parfois. La recherche se fait également sur les campus des hôpitaux affiliés, dans les quatre universités, n'est-ce pas?

M. Godbout (Claude): Oui, tout à fait, vous avez raison. Puis il faut voir aussi... Puis nous avions une rencontre récemment, la semaine dernière, avec un directeur de centre de recherche qui est dans un centre hospitalier, et, lui, il me disait qu'il y avait des professeurs ou des chercheurs membres de sept facultés à l'université. Et donc, de là aussi le besoin d'avoir les directions d'université présentes dans les RUIS et présentes dans toute l'opération, de façon à pouvoir tenir compte de l'ensemble des dimensions que la recherche prend de plus en plus. Même en recherche purement médicale, la partie nutrition prend de l'importance, aujourd'hui, la partie éthique prend de l'importance, la partie sociale prend de l'importance. Et donc, comment on peut tirer avantage de la richesse des campus universitaires? Bien, en favorisant une participation plus large des universités à ces réseaux, je devrais dire, locaux et aussi évidemment avec le réseau à l'échelle du Québec. Denis.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Marceau.

M. Marceau (Denis): Moi, je voudrais renchérir sur ce que M. le ministre disait. C'est qu'il y a une nécessaire collaboration, une nécessaire concertation. On ne peut pas continuellement travailler en silo, ça, c'est clair. Donc, il faut véritablement travailler ensemble et avec l'objectif bien sûr de mieux servir le Québec, nos clientèles, c'est-à-dire les gens, la société québécoise. Mais, dans cette nécessaire concertation, c'est que je pense que ce que mon collègue, M. Godbout, met en évidence, c'est: la formation dite universitaire, elle, l'imputabilité de cette formation, c'est l'université qui la porte, cette imputabilité-là. Et je pense qu'il faut rendre très clair qu'il faut travailler ensemble mais que nos rôles doivent être très clairs et complémentaires de façon à éviter la confusion, donc.

La Présidente (Mme Charlebois): Je pense que Mme Rinfret-Raynor avait quelque chose à rajouter.

Mme Rinfret-Raynor (Maryse): Oui. Oui, je me joindrais à la voix de mes collègues. Vous demandiez, M. le ministre: Est-ce que les RUIS ne peuvent pas favoriser la collaboration? Je pense qu'effectivement la collaboration, elle peut être améliorée. Ça ne veut pas dire qu'elle est toujours facile, par ailleurs. Je pense qu'on met souvent des cultures différentes, et il faut s'apprivoiser.

Mais je pense que, dans tout ça, «collaboration» ne veut pas dire «responsabilités identiques». Et je pense que c'est le point que les collègues des autres universités tentent de faire ressortir. C'est que les hôpitaux ont une responsabilité de soins et d'appui à l'enseignement universitaire. Les universités veulent se prévaloir de leur droit fondamental de pouvoir, je dirais, diriger l'enseignement et la recherche en lien avec les milieux hospitaliers.

Et, je pense, vous faisiez référence tantôt au projet de Trois-Rivières, c'est certain que ce projet-là, il n'aurait pas pu voir le jour, d'un point de vue d'enseignement, si à la fois le CHRTR, qui est l'hôpital régional, et l'UQTR n'avaient pas contribué à la mise sur pied du programme pour la formation des médecins dans cette région-là. Mais les rôles sont différenciés, et les responsabilités sont différentes également, et il nous semble que, la collaboration, elle peut... elle doit être là, que les RUIS peuvent l'améliorer mais avec des mandats et des responsabilités qui appartiennent à la mission fondamentale de chacun des types d'institution.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.

M. Couillard: Oui. Je reviens d'ailleurs sur le projet de Trois-Rivières puis celui de Sagamie, qui s'en vient pour 2006. Moi, c'est quelque chose qui m'enthousiasme beaucoup, là, qui fait que les étudiants de l'antenne de Trois-Rivières vont avoir la même qualité de formation finalement et la même qualité de diplôme ? dont vous êtes imputables effectivement, la qualité de diplôme et les programmes d'enseignement, ça m'apparaît important de le rappeler.

Vous avez fait allusion tantôt aux effectifs médicaux brièvement dans un commentaire, les effectifs universitaires de soutien, là, pour l'enseignement. Je voulais juste vous mentionner qu'on est bien ouverts, et on l'a fait d'ailleurs, à des dérogations de plans d'effectifs lorsqu'ils s'accompagnent de garantie de desserte. Et on l'a fait. C'est-à-dire que, lorsqu'on nous dit: Bien, écoutez, laissez-nous engager telle personne dans notre établissement à désignation universitaire en dessus de ce qui est prévu puis, en échange, notre service, et non pas uniquement l'individu qui est ajouté, notre service prend en charge la desserte de telle sous-région ou de telle région, moi, je pense qu'il y a beaucoup d'avenir là-dedans. Et on est prêts à répéter ces expériences-là et à augmenter même le rythme de ces exemples-là.

Je voulais vous donner... Parce qu'on est en peu dans la philosophie, depuis le début de cette présentation-là, ce qui n'est pas désagréable, ça nous élève un peu l'esprit. L'Organisation mondiale de la santé qui définit l'imputabilité sociale des facultés de médecine. Puis c'est un peu pour ça qu'on a voulu ajouter la dimension d'organisation de services aux missions des RUIS. Je vous cite la définition de l'imputabilité sociale des facultés de médecine, donc: «L'obligation d'axer leurs activités d'enseignement, de recherche et de service sur les problèmes prioritaires en matière de santé de la communauté, de la région et de la nation qu'elles ont le mandat de servir. Ces problèmes doivent être déterminés conjointement par les gouvernements, les organismes de santé, les professionnels de la santé et le public.» Je pense qu'il y a un très beau projet, là. Et je pense que c'est pour ça que, malgré ce qu'on pourrait craindre en apparence, la dimension d'organisation de services ne peut être totalement dissociée de la mission sociale d'une faculté de médecine.

M. Marceau (Denis): Nous sommes d'accord avec vous, M. le ministre.

M. Couillard: Voilà. Bien, je suis heureux de le savoir. Merci beaucoup.

M. Godbout (Claude): Si je peux me permettre.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. Godbout.

M. Godbout (Claude): Vous avez raison. Il y a les universités, puis les facultés de médecine, comme d'autres facultés, ont une mission d'enseignement et de recherche, de formation mais, de plus en plus en fait c'est reconnu, une mission sociale de rendre service à la société qui les fait vivre finalement, alors, en bout de piste, chacun ayant son rôle propre.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Merci. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de condition des aînés.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous saluer, M. Marceau, M. Godbout, Mme Hodder ? que j'ai connue dans une autre vie, comme étudiante en immersion en langue anglaise, à Bishop ? Mme Rinfret-Raynor. Alors, je ne veux pas commencer par le... Oui, en fait, je vais commencer par le particulier plutôt que le général. Parce que vous échangiez sur la très belle expérience, là, qui est prévue à Trois-Rivières. En fait, ce n'est pas une expérience, c'est une décision ferme. En fait, Trois-Rivières doit accueillir la première cohorte, hein, d'étudiants en médecine, qui vont débuter leur première année. Mais tout a l'air de baigner dans l'huile. Je l'espère, je le souhaite. Mais les journaux régionaux font état d'un retard dans la décision du ministère de l'Éducation d'annoncer les investissements requis pour aménager les locaux pour recevoir les étudiants, l'été prochain. Est-ce que je crois comprendre que c'est réglé?

Mme Rinfret-Raynor (Maryse): Écoutez, vous posez une question qui a plusieurs facettes, Mme Harel. Je vous dirais, dans un premier temps, les étudiants sont déjà à Trois-Rivières et ils ont commencé l'année préparatoire. Comme vous savez, à l'Université de Montréal, nous avons un contingent qui vient directement des collèges et d'autres qui viennent des universités. Ceux qui viennent directement des collèges doivent faire une année que nous appelons préparatoire. Cette année-là, elle est en marche, et nous continuons l'an prochain avec l'année de première année de médecine proprement dite.

Il y a différents points de vue, je dirais, sur la question de la responsabilité quant aux infrastructures dans ce dossier-là. Présentement, nous sommes en discussion avec et le CHRTR, et le ministère de la Santé et des Services sociaux, et le ministère de l'Éducation pour trouver une solution. Mais nous sommes... et nous avons un engagement que, l'an prochain, les étudiants seront à Trois-Rivières. Il s'agit de trouver le meilleur endroit pour pouvoir les loger.

Mme Harel: C'est simplement une question d'endroit et non pas de budget?

Mme Rinfret-Raynor (Maryse): À ce moment-ci, c'est une question d'endroit. Le ministère de l'Éducation s'est engagé à appuyer nos étudiants de la même façon qu'il les appuie quand ils sont sur les campus non régionaux mais principaux, si on peut parler ainsi.

n(16 h 20)n

Mme Harel: Merci. Alors, passons plus au général. Vous disiez tantôt ? je crois que c'est M. Marceau: À chacun son rôle propre. Et, lorsque vous avez dit cette formule, tout le monde a convenu que c'était une belle formule. Mais je ne sais pas ce que chacun considère être comme son rôle. Alors, je voudrais revenir sur cette question-là. Qui établit les activités d'enseignement et de recherche, le RUIS ou les universités?

M. Marceau (Denis): La responsabilité finale, c'est les universités qui devraient l'établir.

Mme Harel: Dans le projet de loi, pour vous, qui... est-ce que c'est ambigu ou s'il y a une responsabilité claire?

M. Marceau (Denis): Ça pourrait prêter à confusion.

Mme Harel: Et cette confusion pourrait amener quelle interprétation?

M. Marceau (Denis): Quelle interprétation? C'est-à-dire que le ministère de la Santé et des Services sociaux, par exemple, pourrait diriger ou... oui, avoir un certain dirigisme de ce qui doit se faire dans les universités.

Mme Harel: Et la coordination, là ? on a parlé de coordination ? cette nécessaire coordination, elle se fait, en vertu du projet de loi, à la table des RUIS ou ailleurs, selon vous?

M. Marceau (Denis): C'est-à-dire que chaque RUIS est un outil, et la table de coordination des RUIS est un autre outil pour garantir finalement cette façon de bien faire les choses.

Mme Harel: Alors, quand, à l'article 436, paragraphe 6°, là, sixième... 436.6, paragraphe 6°, on y dit que chaque réseau universitaire intégré formule à toute agence ou au ministre, selon le cas, des propositions sur «la coordination, avec le Fonds de la recherche en santé du Québec, des activités de recherche des établissements du territoire», etc., ça, vous considérez, à ce moment-là, qu'il y a empiètement du ministère de la Santé et du ministre?

M. Marceau (Denis): Bien, ce qui a... En tout cas, là où, nous, on s'interroge, c'est sur le 436.6, le début, là: «Chaque réseau universitaire intégré de santé formule à toute agence concernée ou au ministre, selon le cas, des propositions sur les sujets suivants...», et là vous arrivez dans l'énumération. Et, nous, ce qu'on préférerait, c'est qu'au lieu d'aller dans l'énumération c'est de rester au niveau du principe général de travailler à s'informer comme il faut, se coordonner, se concerter, etc., mais pas aller dans ces exemples-là. Parce que, tel que le début de la phrase est dite, c'est que ça pourrait laisser croire que finalement c'est le ministre ou l'agence qui va dicter d'en haut. C'est une crainte que nous avons par le libellé de l'article et par le début du libellé de l'article 436.6.

Mme Hodder (Janyne M.): Pardon. Vous permettez?

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Hodder.

Mme Hodder (Janyne M.): Peut-être en complément. Il nous semble ? et le propos de la lettre était, nous espérons, assez clair à cet égard ? qu'il y a dans ce projet quelque chose d'emballant, une belle concertation, un travail conjoint. D'ailleurs, il faudrait peut-être le dire, on ne l'a pas assez dit, ça va bien sur le terrain, dans les RUIS, et des gens ont développé des pratiques administratives qui semblent bien fonctionner. Maintenant, on veut encadrer de façon plus grande. Est-il trop tôt pour faire un encadrement si détaillé? C'est une question qu'on peut poser.

Par ailleurs, dans cet encadrement, est-ce qu'on vient reconnaître une situation de fait où la concertation va bien ou est-ce qu'il y a un léger glissement vers un rapatriement du côté de la santé de l'autonomie de l'université? Et l'autonomie des universités, ça a été un principe non seulement reconnu au Québec depuis la fondation des universités, mais, je dirais, reconnu partout en Amérique du Nord et partout au Canada comme étant la condition, le sine qua non de la réussite des universités.

Donc, le questionnement se pose à ce niveau. Et on donne des exemples où on a l'impression qu'il y a effectivement un glissement, que ce soit dans l'intention ou dans le langage, on peut penser que c'est dans le langage, et qu'il pourrait y avoir des corrections pour que les RUIS servent aussi bien l'ensemble des établissements et des universités, que c'est le souhait de tous.

M. Godbout (Claude): Peut-être, si je peux me permettre, Mme Harel, d'ajouter une précision. Je participe au RUIS de l'Université Laval maintenant depuis l'automne 2002 et donc j'ai vécu un peu la naissance de ce RUIS, qui va très bien, comme Mme Hodder le disait, et qui a fait certaines choses très intéressantes. Et ce n'est pas tellement le RUIS qui coordonne, ce sont les membres qui, ayant chacun leur mandat et leur rôle dans leur institution, soit dans un centre hospitalier, soit à l'université, conviennent, à travers le RUIS, qui est un forum, qui est une table d'échange, conviennent de certaines actions et que chacun, retournant chez soi, met en place.

Et donc, ce n'est pas le RUIS comme tel qui coordonne. Le RUIS est plus un lieu de coordination qu'un organisme en soi qui viendrait coordonner les autres. C'est à travers la participation active de ses membres, qui sont tous et toutes en charge d'établissements soit hospitaliers soit universitaires, que la coordination se fait par un consensus. Donc, ce n'est pas le RUIS. Il faut peut-être voir le RUIS non pas comme un organisme qui a sa vie propre, qui a ses ressources, parce que ce n'est pas le cas, il n'a pas ses ressources propres pour diriger des choses, c'est plus à travers les membres qui consentent à mettre sur la table des choses en commun et à partager des orientations et à les mettre en place chacun dans leur institution.

Et donc, quand le doyen de médecine ou la doyenne de sciences infirmières, qui participent aussi au RUIS de l'Université Laval, conviennent que, dans leur programme de formation, ils vont prévoir tel et tel stage dans tel et tel groupe d'hôpitaux ou tel et tel... bien, ils reviennent chez eux puis, avec leurs professeurs, les étudiants de leur faculté, ils mettent en place ça. De la même façon, au niveau des hôpitaux, ils mettent en place l'accueil des étudiants et des stagiaires.

Mme Harel: Ça peut se résumer par ce principe physique que le tout est différent de la somme des parties. C'est-à-dire que le RUIS est une somme de parties...

M. Godbout (Claude): Peut-être. Je ne voudrais pas embarquer dans le domaine de la physique, là, je suis déjà au bout de mes compétences en médecine, ça fait que...

La Présidente (Mme Charlebois): Je crois que Mme Rinfret-Raynor voudrait intervenir aussi.

Mme Rinfret-Raynor (Maryse): Oui. Il y a un lien à faire entre la composition du RUIS telle que décrite à l'article 436.2 et les responsabilités qui vont être au réseau, au 436.6. C'est-à-dire qu'au niveau du comité de direction on retrouve là tous les directeurs généraux des établissements qui composent le réseau, donc le milieu hospitalier est très bien représenté; le président-directeur général de chacune des agences concernées du territoire de desserte de ce réseau; et le doyen de la faculté de médecine. Donc, ça, ce sont les membres qui composent le comité de direction. Et ces gens-là ont une responsabilité, et on parle de propositions.

On disait tantôt, bon: Est-ce que c'est dans le langage? Est-ce que c'est dans l'intention? C'est difficile. Mais, vous savez, «propositions» peut vouloir dire des suggestions, mais ça peut vouloir dire quelque chose de beaucoup plus fort. Et là, dans le 436.6, nous avons fait des propositions, chaque réseau fait des propositions sur la formation médicale, sur la coordination avec le Fonds de recherche en santé du Québec, les activités de recherche des établissements du territoire de desserte du réseau et également fait la coordination des demandes de subvention au Fonds canadien d'investissement en provenance des établissements membres du réseau.

Si je prends simplement sur ce dernier élément-là, qui est la Fondation canadienne de l'innovation, nous avons eu, avec le modèle qui existe présentement, où il y a des liens privilégiés entre le réseau et les universités mais sous, je dirais, la gouverne des universités, si je regarde l'institution d'où je proviens, l'Université de Montréal, nous avons eu un taux de succès extrêmement intéressant où nous avons eu très peu d'échecs. Et, dans ce contexte-là, on se demande s'il y a vraiment pertinence à changer le modèle qui existe et de donner aux gens dont la responsabilité première, ce sont les soins la responsabilité de faire des propositions sur la formation médicale. Si ce sont des suggestions, des recommandations sans plus, c'est une chose. Mais vous comprendrez, pour moi, que la ligne entre les suggestions, les recommandations et une certaine imposition est peut-être mince. Et c'est ce que nous tentons de dire dans les principaux mémoires que nous vous avons fait parvenir.

Mme Harel: Le fait est que c'est très bien expliqué dans votre mémoire, en fait. Je comprends que, comme nous tous, là, vous êtes favorables aux RUIS, mais la question est de savoir qui va en assumer le leadership. Est-ce que c'est un leadership qui sera partagé ou y a-t-il finalement un glissement vers un leadership différent de celui qui se vit présentement dans les RUIS, hein? Ça, c'est la question. En fait, pour la résumer, c'est une question de pouvoir de décision: Qui va prendre les décisions ultimement, hein?

n(16 h 30)n

Alors, ça dépendra qui compose la table, c'est bien évident. Parce qu'il y a quand même une influence dépendamment de qui se trouve autour de la table de décision; première question, à 436.2. Puis, ensuite de ça, qu'est-ce que cette table de décision pourra décider, ça, c'est 436.6. On dit «proposer», mais en fait... Enfin. Qu'en termes élégants cette chose est dite, en fait, hein?

Mais, si on revient, là, dans le fait... Concrètement, moi, ce que je veux savoir, c'est donc que vous vous opposez au fait que, tel que rédigé, c'est peut-être... On ne sait pas si c'est l'intention du ministre, mais, en fait, tel que rédigé, le projet de loi confie au conseil d'administration des hôpitaux, dites-vous, dans votre mémoire, à la page 2, donc confie «au conseil d'administration des hôpitaux désignés [...] des tâches relatives à l'activité clinique, à la recherche et à l'enseignement». Ça, c'est votre... Ça, c'est le premier écueil, si on peut dire. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre? Bon.

Et ensuite vous proposez quelque chose qui ne m'apparaît pas très clair, vu mon statu de non-initiée, mais vous proposez que l'autorité confiée au conseil d'administration de ces hôpitaux «soit modulée afin que les activités d'enseignement et de recherche établies par la faculté de médecine pour chacun des médecins ayant un statut universitaire soient intégrées aux privilèges octroyés aux médecins». Alors, vous, vous proposez de renverser le fardeau, en quelque part.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Godbout.

M. Godbout (Claude): Peut-être une précision, madame, puis M. Marceau pourra vous... En fait, c'est deux commentaires qui s'imbriquent bien avec, ici, le commentaire de MEDU, où les doyens saluaient avec bonheur la présence de cet article 242 qui permettait de cristalliser un peu la tâche des médecins ? bien, en tout cas, médecins, cliniciens, enseignants ? dans leurs activités d'enseignement, de recherche et de prestation de soins. Et les doyens et les vice-recteurs de MEDU souhaitaient... en fait soulignaient avec bonheur l'arrivée de cet article.

Mme Harel: C'est pour les plans de pratique, ça, hein?

M. Godbout (Claude): Non. C'est plus la... c'est par médecin, là, ce n'est pas tout à fait un plan de pratique. C'est médecin par médecin, d'après ce que je comprends de la loi, là, à ce que je comprends. Mais ce que les universités veulent ajouter à ça, c'est que la partie enseignement-recherche, elle ne soit pas déterminée par le conseil d'administration de l'hôpital, mais elle soit déterminée par l'université. Autrement dit, c'est bon qu'il y ait une détermination des rôles et de la segmentation enseignement-recherche et soins, on souhaite ça, mais que la partie enseignement-recherche soit telle que proposée par le doyen de médecine, par exemple. Et donc les deux ne s'opposent pas.

Qu'il y ait un enchâssement, un quelconque enchâssement, si on veut dire, de la répartition de la tâche des médecins dans les privilèges... avec les privilèges accordés, je pense que ça paraissait aux doyens de médecine souhaitable parce que ça leur donnait un plus grand levier pour s'assurer que les gens qui avaient des privilèges sous le vocable «enseignement», sous le vocable «recherche» et sous le vocable «soins» évidemment aussi, là, remplissaient bien leurs obligations, ça, ça va, mais, pour que cet enchâssement-là soit adéquat, selon les universités, il faudrait que la partie tâches d'enseignement et de recherche soit telle que proposée par le doyen de médecine et non pas telle que proposée par le conseil d'administration de l'hôpital, parce qu'à ce moment-là c'est le C.A. de l'hôpital qui vient déterminer la répartition de la tâche des professeurs d'université.

Parce que, pour plusieurs, ces gens-là sont des professeurs d'université, le lien d'emploi est avec l'université. Et c'est de pratique qu'à l'université le doyen, avec ses directeurs de département, répartit la tâche d'enseignement entre les professeurs pour s'assurer que l'ensemble des tâches d'enseignement sont bien couvertes. Et donc, il faut lui donner la chance, au doyen, de pouvoir proposer au C.A. de l'hôpital de quelle façon il va vouloir répartir les tâches d'enseignement entre les médecins qui vont participer à l'enseignement et non pas laisser ça dans les mains uniquement du C.A. de l'hôpital. Donc, on parle de travailler de manière conjointe, on ne veut pas que ce soit uniquement les universités, mais il faut, entre autres, que les universités, elles aient une place, parce que les doyens ou les... peu importe la faculté. Parce que le C.A. de l'hôpital, ce n'est pas l'université, finalement.

Un peu de la même façon, comme je vous l'ai souligné auparavant, qu'au niveau des comités de direction des RUIS, tel que proposé, bien, si je prends l'exemple du RUIS de l'Université Laval, il y aurait quatre D.G. d'hôpitaux universitaires, sept P.D.G. des agences et le doyen. Ça fait que, pour un réseau universitaire, 11 personnes qui sont D.G. des hôpitaux ou des agences puis un doyen, il nous paraissait que l'équilibre n'était peut-être pas tout à fait ce qui serait souhaitable pour un réseau universitaire.

Mme Harel: Vous aimeriez mieux égal à égal?

M. Godbout (Claude): Ce n'est pas une question de nombre. Mais on voulait avoir... on souhaitait que les agences soient peut-être moins nombreuses, là, sept, les hôpitaux universitaires, puis on voulait un peu plus de représentation de l'université. Ce n'est pas une question de nombre uniquement, mais de 11 à un, ce n'est pas pareil non plus, là. Je pense que c'est ça qu'on veut dire aussi.

Mme Harel: Je sais que le temps file et j'ai peur qu'on m'arrête, là, mais, quand on revient à la mission de dispensation des soins et services, hein, puisqu'avec l'évolution décrite par le ministre aux missions d'enseignement et de recherche qu'on retrouve dans le rapport Carignan s'ajoute d'une manière beaucoup plus formelle la mission de dispensation de soins et de services et donc de cette desserte, de cette nécessaire desserte.

Aujourd'hui, dans les journaux ? je m'en voudrais, et il me reste deux minutes, de ne pas vous poser la question ? on nous indique qu'un nombre croissant de jeunes diplômés quittent le Québec pour devenir omnipraticiens ailleurs, plutôt que de pratiquer dans les régions éloignées québécoises. Alors, on parle donc du départ de presque le tiers des nouveaux diplômés en médecine qui quittent sans même exercer la médecine ici. On parle de 71 qui ont quitté, bien que formés au Québec, et qui ont décidé de lancer leur carrière ailleurs, sur 216 nouveaux omnipraticiens. Alors, c'est presque le tiers, ça. J'aimerais ça, là... Je ne sais pas si vous avez un point de vue sur cette question.

Mme Hodder (Janyne M.): Mais ce n'est pas les nôtres. Mais je vais vous répondre quand même.

Mme Harel: Ah, non, non. Mais oui, c'est une question générale.

Mme Hodder (Janyne M.): Oui, oui, la question est générale, mais...

Mme Harel: Mais là j'aime bien que vous la preniez personnel.

Mme Hodder (Janyne M.): Oui, oui, oui, justement pas. Mais j'ai eu l'occasion de prendre connaissance du même article que vous et... Bien, la réponse, elle va être générale. Je pense qu'il faut qu'on se donne, au Québec, des politiques publiques qui incitent les jeunes Québécois et Québécoises qui seront formés ici à y demeurer.

Et j'ai apporté une belle histoire. Vous savez, on fait un plan de renouveau, à l'Université McGill, où on embauche une centaine de professeurs par année, et on vient de faire un relevé de cette embauche, et on remarque que, sur le total, entre 2000 et 2004, des 500 professeurs qu'on a fait venir, il y en avait 60 % qui étaient des citoyens canadiens, et, sur ce nombre, 37 % avaient des doctorats au Canada. Donc, on peut penser que l'autre était des gens qui étaient formés au doctorat ailleurs et non pas au Canada, qu'on a réussi à ramener au Québec et à l'université en partie en conséquence du Programme de chaires de recherche du Canada de la Fondation canadienne de l'innovation.

Je pense qu'il faut qu'on se donne comme volonté ou comme pratique des politiques publiques qui font en sorte qu'on incite les meilleurs à rester chez nous et qu'on doit reconnaître que les talents, les grands talents sont mobiles et le seront de plus en plus. Donc, c'est par des moyens de les retenir...

Mme Harel: Là, on parle d'omnipraticiens, là. On parle...

Mme Hodder (Janyne M.): Bien oui, oui. Donc, la même... il me semble que la logique d'avoir des politiques publiques qui intéressent les gens à rester au Québec est la même.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Je crois qu'il reste du temps du côté ministériel, et M. le ministre de la Santé et des Services sociaux souhaite intervenir.

M. Couillard: Oui, juste brièvement pour inviter ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve à approfondir sa recherche. Ce matin, dans La Presse, il y avait une correction de l'article de la Gazette d'hier. En fait, le chiffre de 71 est très inexact. C'est un chiffre qui était basé sur des projections qui ne se sont pas réalisées pour plusieurs raisons. Le nombre réel est 19 et c'est un nombre qui est stable au cours des dernières années.

Et je pense qu'on partage tous également, des deux côtés de l'Assemblée, le désir que tous les Québécois bénéficient de services médicaux partout, dans toutes les régions. Et d'ailleurs on a, grâce à la collaboration, entre autres, des facultés de médecine avec la formation en région, des fédérations médicales, des nombres records d'installations dans des régions comme la Mauricie, cette année, qui était très dépourvue au cours des dernières années. Je pense qu'il faut remettre les choses en perspective. Et, moi, je suis pas mal fier qu'on ait un plan d'effectifs puis qu'on incite les médecins à aller en région, et on va continuer de le faire.

Mme Harel: Alors, ça valait la peine que je pose la question.

M. Couillard: Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Merci, Mme Rinfret-Raynor, Mme Hodder, M. Godbout et M. Marceau, pour la présentation et les fabuleux échanges.

n(16 h 40)n

Maintenant, j'invite le Protecteur du citoyen à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour et merci de votre présence. Je vais vous demander, Mme Champoux-Lesage, de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez très bien les règles de fonctionnement: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'échange avec les parlementaires. Alors, je vous invite à débuter.

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, je suis accompagnée de mon conseiller juridique, Me Jean-Claude Paquet, et de Me Micheline McNicoll de mon bureau. Alors, je veux d'abord remercier les membres de la Commission des affaires sociales de me permettre de leur faire part de mes réactions et de mes commentaires sur le projet de loi n° 83.

Ce projet de loi comprend plusieurs objets. Avec le temps qui nous est imparti mais aussi avec la complexité de ce projet, on ne prétend pas couvrir l'ensemble, là, et ça ne nous a pas permis de couvrir l'ensemble de ce projet, alors nous nous sommes attardés à une modification qui, pour nous, est majeure, celle qui confère au Protecteur du citoyen les fonctions exercées jusqu'ici par le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Vous comprendrez donc que mes premiers commentaires porteront sur ce nouveau mandat que, je vais le dire d'emblée, j'accueille avec beaucoup d'enthousiasme, étant bien consciente par ailleurs de la taille du défi.

Je ferai également des commentaires et des suggestions sur les mécanismes d'examen des plaintes dans le réseau pour m'assurer que toutes les plaintes des usagers puissent être examinées conformément à la loi. Et de même je m'attarderai aux dispositions qui concernent les résidences d'hébergement pour personnes âgées. Je commenterai enfin, mais ceci de façon très brève, le dernier volet du projet, qui touche la conservation et la circulation de l'information de santé lorsque nécessaire à la prestation de soins et de services ou à la prise en charge du citoyen.

J'ai formulé d'autres recommandations, dans mon mémoire, qui touchent des aspects, certains plus techniques, que je ne juge pas nécessaires de reprendre, cet après-midi, par faute de temps plus particulièrement.

Alors, en ce qui concerne le nouveau mandat, je me réjouis de la proposition du projet de loi d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen en lui confiant la responsabilité d'agir comme ombudsman du réseau de la santé et des services sociaux, comme il le fait depuis 1968 pour l'ensemble de l'administration gouvernementale québécoise.

L'idée d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen pour couvrir le réseau de la santé et des services sociaux, ce n'est pas une idée qui est nouvelle. Déjà, en 1990, à l'occasion de l'examen par la Commission des institutions de l'Assemblée nationale, examen du mandat du Protecteur du citoyen, on avait discuté de l'élargissement de ce mandat aux établissements ou instances du réseau. Le législateur a par la suite fait un autre choix en confiant, en 1991, au Commissaire aux plaintes, nommé dans le cadre de la loi sur la santé et les services sociaux, un rôle d'examen des plaintes puis, en 2001, en adoptant la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux.

Lors de mon intervention sur ce projet de loi, ce projet de loi créant le Protecteur des usagers, en ce qui concerne l'indépendance de cette institution, je disais: «Je demeure convaincue que le Protecteur des usagers devrait posséder les caractéristiques d'un ombudsman de type parlementaire. [...]Si ce n'est pas le cas, il est à craindre que la désignation du titulaire comme Protecteur des usagers sème la confusion chez les usagers et dans la population en ce qui concerne le mandat de ce dernier et celui du Protecteur du citoyen, et [aussi] en laissant croire que son statut est profondément modifié et se compare à celui du Protecteur du citoyen.» Ces craintes se sont avérées justifiées parce qu'à plusieurs reprises on a confondu les deux protecteurs.

En juin 2004, le groupe de travail sur les mécanismes d'examen des plaintes formé par le ministre de la Santé et des Services sociaux écrivait, et je cite: «Enfin, la crédibilité d'un mécanisme d'examen des plaintes dont le palier d'appel est interne reste questionnable. Les membres du groupe de travail [...] sont d'avis que, pour asseoir la crédibilité de l'ensemble des mécanismes des plaintes, le recours de deuxième niveau doit être indépendant du ministère[...]. Le ministre a opté pour le scénario du rattachement au Protecteur du citoyen», répondant ainsi au voeu émis par plusieurs personnes.

Le premier avantage de la réforme envisagée, c'est de conférer une plus grande indépendance à la fonction de Protecteur en le faisant relever de l'Assemblée nationale, à qui seul il rend compte. Le second, c'est de le distancier du ministère et du réseau en supprimant les fonctions de conseil au ministre et celles d'encadrement du processus d'examen des plaintes dans le réseau. Une telle distance à mon avis favorise la neutralité.

Le projet de loi reconnaît par ailleurs l'importance qu'il faut accorder au réseau de la santé et des services sociaux et reconnaît aussi l'expertise particulière qui est requise dans ce cas. La création d'un poste de vice-protecteur dédié principalement à ce secteur reflète cette importance qu'on veut accorder au secteur. La proposition retenue a pour effet de lever l'ambiguïté actuelle des deux dénominations, Protecteur des usagers et Protecteur du citoyen, lesquelles sont fréquemment confondues.

Enfin, plusieurs des modifications apportées à l'actuelle Loi sur le Protecteur des usagers constituent des assouplissements dont le résultat sera une amélioration du régime d'examen des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux. Alors, l'indépendance du dernier recours ajoutée au fait que les commissaires locaux et régionaux aux plaintes exerceront désormais exclusivement leur fonction de commissaire sont deux facteurs de nature à renforcer l'impartialité et donc la crédibilité de ces recours.

J'aimerais maintenant vous soumettre certaines préoccupations et me permettre quelques recommandations. La première a trait à la consultation imposée pour la nomination du vice-protecteur principalement chargé du secteur de la santé et des services sociaux. Le processus de nomination du Protecteur du citoyen par l'Assemblée nationale lui assure l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa fonction.

Le législateur a créé en 1968 le poste d'adjoint au Protecteur du citoyen pour le seconder dans l'exercice de ses fonctions. Si cet adjoint est nommé pour sa part par le gouvernement, il ne peut l'être que sur recommandation du Protecteur, préservant ainsi l'entière indépendance de celui-ci à l'égard du gouvernement. En lui confiant dorénavant la compétence sur le réseau de la santé et des services sociaux, le projet de loi donne au Protecteur un autre vice-protecteur qui sera aussi nommé sur sa recommandation.

Par ailleurs, je m'interroge sérieusement sur l'obligation d'une consultation des organismes représentatifs du milieu de la santé et des services sociaux, qu'elle soit effectuée par le gouvernement ou par le Protecteur du citoyen, et sur le problème que cela pose à l'égard de l'indépendance de l'institution. L'exercice même de consultation ne risque-t-il pas d'entacher l'apparence d'indépendance de l'institution, voire l'indépendance même de celle-ci et la crédibilité de la nomination? Il me semble qu'une consultation est non appropriée dans ce cas-ci. Le seul fait que le nouvel article 4 de la Loi sur le Protecteur du citoyen prévoie que le nouveau vice-protecteur exercera principalement les fonctions anciennement exercées par le Protecteur des usagers, ça m'apparaît suffisant pour garantir la reconnaissance et la spécificité de la fonction. Il fera en sorte que le Protecteur du citoyen verra à recommander et le gouvernement à nommer une personne qualifiée et apte à remplir les exigences du poste.

Le législateur n'a pas jugé bon, en 1968, d'exiger une telle consultation pour la nomination de l'adjoint au Protecteur du citoyen. Il n'a pas envisagé, par exemple, de consulter les groupes de citoyens, les associations d'accidentés du travail, de la route ou les autres regroupements socioéconomiques. D'ailleurs, je constate aussi que, lorsqu'il a créé, en 2001, la fonction de Protecteur des usagers, le législateur n'a pas cru opportun non plus d'imposer une telle consultation avant de procéder à la nomination de cette personne. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui? Étant d'avis que la consultation des organismes représentatifs du milieu de la santé et des services sociaux avant la nomination de ce vice-protecteur touche à la fois à l'indépendance de la fonction et à son unicité, il y aurait un vice-protecteur pour lequel il y a une consultation, un autre pour lequel il n'y en aurait pas. Moi, je recommande que l'on renonce à cette obligation.

Un second point que j'aimerais voir clarifié concerne le droit de regard en cas de rejet d'une plainte jugée frivole, vexatoire ou de mauvaise foi par le Commissaire aux plaintes. Actuellement, le Protecteur des usagers peut examiner la plainte d'un usager qui est en désaccord avec les conclusions qui lui ont été transmises par le commissaire local ou régional. Les articles 35 et 68 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux permettent au commissaire local ou régional aux plaintes de rejeter, sur examen sommaire, toute plainte qu'il juge frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi. Certains pourraient en conséquence prétendre que, lorsque la plainte d'une personne est rejetée en vertu de ces dispositions, celle-ci ne peut en demander la révision auprès du Protecteur.

n(16 h 50)n

Je suis d'avis que l'occasion est bonne de dissiper toute ambiguïté sur cette question et je recommande que l'article 8 de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux soit modifié afin de prévoir explicitement son pouvoir d'examiner la décision rendue par les commissaires locaux ou régionaux de rejeter une plainte.

Enfin, il me semble qu'il y aurait intérêt à compléter la réforme législative qui est proposée. Tout en étant heureuse et enthousiaste, comme je l'ai dit, d'accueillir ce nouveau mandat qui m'est confié, je suis d'avis que le projet de loi est inachevé sur un aspect que je considère important. Le maintien en vigueur de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, en conservant le titre d'une fonction qu'il n'exécutera plus, puisqu'elle sera exercée par le Protecteur du citoyen, risque de perpétuer la confusion déjà existante, tant pour les usagers que pour les acteurs du réseau.

Je suis d'avis que, pour compléter cette réforme, il faudrait donner immédiatement le coup de barre nécessaire en intégrant le mandat du Protecteur des usagers dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. Pour lever toute ambiguïté et pour éviter de maintenir deux appellations, alors que seul le Protecteur du citoyen relève de l'Assemblée nationale et est nommé par elle, je recommande que la Loi sur le Protecteur des usagers soit abrogée et que la Loi sur le Protecteur du citoyen soit modifiée pour y intégrer le mandat du Protecteur des usagers. Cette recommandation rejoint d'ailleurs celle qui a été formulée par le Barreau du Québec.

Maintenant, je ferais quelques commentaires sur certains autres aspects de la réforme. Je voudrais aborder certains aspects du processus d'examen des plaintes dans le réseau. Au cours des dernières années, le Protecteur du citoyen a formulé des commentaires et est intervenu à quelques reprises en commission parlementaire à l'égard de différents projets de loi modifiant le régime d'examen des plaintes des usagers du réseau de la santé et des services sociaux. Il a aussi participé aux travaux du groupe de travail mandaté par M. le ministre pour analyser les mécanismes d'examen des plaintes, lequel a déposé son rapport en juin dernier.

Les améliorations apportées aux mécanismes d'examen des plaintes par le projet de loi n° 83 sont substantielles, et je suis heureuse de constater que certaines des modifications proposées intègrent des recommandations que le Protecteur du citoyen a déjà formulées dans les années antérieures. Je désirerais cependant relever un certain nombre de lacunes qu'il serait utile de combler.

D'abord, sur qui a droit de porter plainte. La législation actuelle permet seulement à l'usager, ses héritiers ou aux représentants légaux d'un usager décédé de formuler une plainte auprès des commissaires locaux et régionaux ainsi qu'auprès du Protecteur des usagers. L'objectif d'un mécanisme d'examen des plaintes, c'est de s'assurer que tout usager bénéficie de services de qualité, de la protection et du respect de ses droits. À mon avis, aucune contrainte ne doit faire obstacle à l'atteinte de cet objectif.

Aussi, peu importe qui soumet au commissaire une situation qui semble préjudiciable à un usager, il appartiendra à celui-ci de se saisir de la plainte et d'évaluer s'il existe des motifs raisonnables de l'examiner. Le cas échéant, il prendra les mesures pour préserver la vie privée de l'usager et la protection des renseignements personnels au cours de son examen et lors de la transmission de ses résultats.

D'ailleurs, aux fins de l'application de la Loi sur le Protecteur du citoyen, toute personne peut me saisir d'une plainte mettant en cause un tiers. Et j'affirme sans hésitation que, depuis 35 ans, le Protecteur du citoyen examine ces plaintes dans le respect des renseignements personnels en ne communiquant à la personne qui a logé une plainte mettant en cause un tiers que les informations auxquelles elle a droit. Je souligne en outre que, selon l'article 44 de la loi sur la santé et les services sociaux, le médecin examinateur peut se saisir de la plainte formulée par toute personne, lui, qu'un usager ou son représentant.

En conséquence, je recommande que le projet de loi soit modifié pour permettre à toute personne de formuler une plainte au nom d'un usager, et ce, à tous les paliers du mécanisme d'examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux.

Les modifications qui visent à permettre aux usagers de déposer une plainte verbale, ce qui est un plus, reflètent le désir d'assouplir les règles régissant l'examen des plaintes et de faciliter l'accessibilité à ces instances. Il subsiste néanmoins une instance où les plaintes écrites demeurent une exigence. Il s'agit des demandes de révision qui sont adressées au comité de révision de l'instance locale par les usagers qui sont en désaccord avec les conclusions du médecin examinateur.

Alors, dans le but d'assurer la cohérence du processus d'examen des plaintes, il serait souhaitable d'assouplir cette règle en ajoutant la possibilité pour l'usager de s'adresser verbalement à cette instance. Et je recommande que l'article 53 de la loi soit modifié afin de prévoir que le plaignant puisse formuler une demande de révision verbale ou écrite auprès du comité de révision.

Au sujet de la désignation du médecin examinateur, le projet de loi introduit des modifications pour accorder au conseil d'administration la possibilité de désigner un médecin examinateur qui n'exerce pas sa profession dans un centre exploité par l'établissement. Je comprends que cette modification vise notamment à renforcer la crédibilité d'un tel processus d'examen des plaintes à l'égard des professionnels de la santé. Or, pour garantir l'indépendance des personnes désignées et pour assurer qu'il n'y ait pas un risque d'apparence de partialité, je crois qu'il y aurait lieu d'exclure le directeur des services professionnels de la possibilité d'être désigné pour agir à ce titre.

Je recommande donc que le directeur des services professionnels d'un établissement ne puisse être désigné pour agir comme médecin examinateur.

Au regard de la procédure d'examen de la plainte, maintenant. Les articles 41 à 59 de la loi prévoient les règles que le médecin examinateur ainsi que le comité de révision et le conseil d'administration doivent suivre lors du dépôt ou de l'examen d'une plainte. L'article 46 prévoit le cas où le médecin examinateur achemine une plainte au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Dans un tel cas, le conseil est tenu de constituer un comité pour examiner la plainte. Or, aucun recours n'est prévu pour l'usager, si ces procédures ne sont pas respectées.

Je suis d'avis que le Protecteur devrait avoir un droit de regard sur le respect de celles-ci. Ainsi, il pourrait s'assurer que le médecin examinateur traite la plainte dans le délai prévu à l'article 47 ou encore que le comité de révision a permis à chacune des parties de présenter leurs observations, comme l'exige l'article 55, et enfin que le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens a constitué le comité prévu à cette fin.

J'exerce déjà ce pouvoir d'intervention, notamment auprès d'organismes comme la Commission d'accès à l'information, la Commission des lésions professionnelles ou le Commissaire à la déontologie policière. Je recommande donc que le Protecteur du citoyen ait droit de regard sur la procédure d'examen des plaintes par le médecin examinateur, le comité de révision et le conseil d'administration, que le Protecteur du citoyen ait droit de regard pour s'assurer que les plaintes portant sur un acte professionnel posé par un médecin, dentiste ou pharmacien sont examinées conformément à la loi.

J'aborderai maintenant le sujet de l'encadrement proposé pour les résidences privées d'hébergement pour personnes âgées et je crois que je vais rejoindre ici des recommandations qui ont été faites par plusieurs autres groupes.

Le Protecteur du citoyen est heureux de constater que le projet de loi n° 83 prévoit un processus de certification des résidences pour personnes âgées. L'intervention de l'État pour l'instauration de contrôles à l'endroit des résidences privées qui accueillent des personnes référées par le réseau s'avère une nécessité. Ce faisant, le ministre veut assurer aux personnes âgées hébergées dans de telles résidences un milieu de vie sécuritaire et des services de qualité. Il s'agit là d'un premier pas certes important.

Il faut cependant se rappeler que les personnes âgées ne constituent qu'une portion de la population ayant des besoins particuliers. Les personnes hébergées présentant un déficit cognitif ou intellectuel, ou souffrant de maladies chroniques ou psychiatriques, ou encore vivant avec des problèmes de toxicomanie requièrent également une telle protection. Ainsi, la certification proposée ne devrait-elle pas être obligatoire pour toutes les résidences désirant accueillir des personnes référées par le réseau de la santé et des services sociaux, qu'il s'agisse de personnes âgées en perte d'autonomie ou d'autres catégories de personnes nécessitant des services particuliers?

Je recommande donc, en ajoutant ma voix à toutes celles des autres, que toutes les résidences privées désirant accueillir des personnes qui présentent des besoins particuliers et qui sont référées par le réseau de la santé et des services sociaux soient tenues de détenir une certification.

Selon ce que prévoit le projet de loi, seules devront être certifiées les résidences pour personnes âgées dont les exploitants désirent accueillir justement des personnes référées par le réseau. Les autres résidences privées non certifiées pourront continuer de recevoir des personnes désireuses d'y être hébergées sans avoir à répondre à des exigences de qualité et de service. On peut penser que dans plusieurs de ces résidences vivent des personnes qui, au fil du temps, se retrouveront avec des incapacités et des problèmes chroniques ou cognitifs plus importants. Comment assurer la protection de ces personnes?

Un dispositif permettant d'intervenir quand il existe des motifs raisonnables de croire que la santé ou le bien-être d'une personne hébergée dans une résidence non certifiée est compromis, en s'appuyant sur les instances actuelles, me semble une mesure essentielle. En conséquence, je recommande que le pouvoir du commissaire régional aux plaintes et du Protecteur du citoyen soit étendu afin qu'ils puissent intervenir dans toutes les résidences privées qui ne détiennent pas un certificat de conformité, lorsqu'ils sont saisis d'une situation susceptible de compromettre la santé ou le bien-être des personnes qui y sont hébergées.

Un mot, pour conclure, sur la circulation et la conservation des renseignements de santé. Je m'interroge sur la nécessité de supprimer l'expression du consentement et je me demande pourquoi la prise en charge clinique exigerait à l'avenir que la transmission des renseignements nécessaires se fasse automatiquement, sans le consentement explicite de l'usager. Ainsi, pourquoi devrait-on considérer d'emblée que le consentement de l'usager est implicite, comme étant compris dans la demande de soins?

n(17 heures)n

La communication automatique de renseignements cliniques a un double impact sur l'usager, d'abord sur ses droits, comme personne apte et responsable, d'être informé de ce qui se passe à son sujet et de consentir à ce que les renseignements cliniques soient communiqués, droits qui lui sont reconnus. Le second impact est celui qui va se répercuter sur la relation humaine globale entre le personnel du système de santé et des services sociaux et l'usager.

À l'heure actuelle, l'usager participe à la gestion de sa santé, est informé, consent ou refuse des soins ou des traitements. L'obligation de demander le consentement constitue une occasion d'informer l'usager et de le faire participer aux soins et aux services le concernant. Et, en l'absence de motifs clairement énoncés démontrant la nécessité de supprimer le consentement exprès, le changement proposé à l'alinéa 7°, de l'article, ne m'apparaît pas justifié.

En conséquence, je recommande: que l'on conserve l'exercice du droit de consentir de façon expresse à la communication de renseignements, tel qu'il existe actuellement; que le ministre de la Santé et des Services sociaux élabore une procédure simple de consentement où les divers intervenants des services de santé et des services sociaux seront responsables de la gestion du consentement.

Enfin, pour ce qui concerne la conservation des renseignements personnels sur une base régionale, je recommande: que le formulaire de consentement énonce clairement le fait que le consentement à la conservation des renseignements comporte également le consentement à leur circulation aux conditions énoncées à la loi; et que le ministre s'assure que l'usager soit adéquatement informé, de façon claire et en temps opportun de tous ses droits relatifs à l'accès et à la rectification des renseignements conservés par les agences.

En conclusion, je considère qu'en ce qui touche le système de traitement des plaintes le projet de loi apporte des améliorations qui me semblent porteuses tant au niveau local que régional. Le fait de confier aux Protecteur du citoyen le mandat de Protecteur des usagers donne une plus grande indépendance à ce dernier recours. Et, pour que la situation soit claire pour tous, je réitère ma recommandation d'abroger la Loi sur le Protecteur des usagers et d'intégrer son mandat à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter la période d'échange, et je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Champoux-Lesage, M. Paquet et Mme McNicoll, je crois. Je m'excuse, je n'avais pas saisi votre nom initialement. Je vous remercie pour vos commentaires. Effectivement, on a beaucoup travaillé dans la foulée du groupe de travail sur le traitement des plaintes, et je pense que, comme vous l'avez mentionné, la plupart de leurs recommandations se retrouvent, presque totalement parfois ou partiellement à d'autres reprises, incluses dans le projet de loi.

Je comprends bien votre recommandation, c'est le premier point que je voulais discuter avec vous, quant à la nécessité d'abroger la Loi sur le Protecteur des usagers et de modifier la loi qui régit votre fonction, et je pense que nécessairement il va falloir y venir, à cette étape-là. Est-ce que vous ne pensez pas cependant qu'il serait plus prudent de nous laisser une période de transition, compte tenu du fait que cet exercice peut également être assez long, hein, de prolonger votre loi compte tenu de votre statut? Est-ce qu'il ne serait pas bon de nous laisser une période de transition pour qu'à la lumière de l'expérience concrète, lorsqu'on fasse le geste d'harmonisation des deux lois, d'abrogation d'une et d'harmonisation de l'autre, on n'ait pas besoin de s'y reprendre une autre fois par la suite? C'est un peu ce qui nous guide.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, ce que je comprends, M. le ministre, c'est que votre loi est très volumineuse et que d'avoir, dans un premier temps, pour rencontrer vos échéances, essayé d'intégrer les deux, ça aurait été peut-être mission impossible à court terme. Mais il ne semble pas que ce soit un exercice qui soit lié au fait de l'expérimentation ou non. Je pense que ce serait davantage dans la perspective de clarifier la situation.

J'ai lu beaucoup de rapports qui ont été déposés et je décode que les gens n'ont pas saisi véritablement quels changements étaient effectués. Et, tant qu'on va maintenir les deux dénominations, la confusion va demeurer, et je pense que ce ne sera pas clair que c'est quelqu'un qui dépend de l'Assemblée nationale parce qu'on aura toujours Protecteur des usagers et Protecteur du citoyen. Et je ne pense pas que ce soit quelque chose de très compliqué à faire. Ça prend peut-être un peu de temps. On pourrait le faire.

Mais je sais que, dans d'autres lois d'ombudsman, il y a, à un moment donné, un chapitre... autrement dit, les dispositions générales sont intégrées, mais il y a un chapitre qui peut demeurer spécifique parce qu'il y a quand même des particularités, là, à la Loi sur le Protecteur des usagers, en termes de procédures, qui n'existent pas dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. Et je pense qu'on aurait tout avantage à le faire dans des délais... Je ne pense pas que le fait de vivre avec la loi va nous faciliter l'intégration. C'est mon humble avis.

M. Couillard: Pour ce qui est du mode de nomination, je comprends bien votre désir que le mode de nomination soit harmonisé avec celui qui régit votre fonction ou votre organisation. Compte tenu du caractère spécifique... Évidemment, on assume que, si vous aviez la responsabilité de procéder à la nomination ou de conseiller le gouvernement sur la nomination, vous tiendriez compte des spécificités du milieu de la santé et des services sociaux. Mais, compte tenu de ces spécificités-là, est-ce que vous ne pensez pas qu'il est prudent d'au moins consulter les organismes représentatifs de ce milieu-là?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, moi, je ne sais pas qu'est-ce qu'on entend par «organismes représentatifs». Deuxièmement, il y a un Protecteur du citoyen. Les vice-protecteurs, qui seront les vice-protecteurs ou les adjoints, sont des personnes dont les fonctions sont établies par le Protecteur du citoyen. Il n'y a qu'une personne qui dépend de l'Assemblée nationale, c'est le Protecteur du citoyen ou la Protectrice du citoyen. Alors, c'est véritablement pour s'assurer de l'unicité de la fonction et qu'on ne laisse pas entendre qu'il y a comme deux protecteurs du citoyen.

Parce que ce n'est pas le choix qui a été fait par le gouvernement. Le choix qui a été fait par le gouvernement, c'est de dire: Bon, bien, on va nommer deux vice-protecteurs et ne garder qu'un ombudsman parlementaire. Alors, moi, je trouve que ça fait... C'est bien sûr que, lors de la nomination, on va sûrement voir des gens de... on va aller chercher une expertise pour la santé et les services sociaux. Mais pourquoi c'est plus important aujourd'hui d'aller consulter, alors qu'on ne l'a pas fait lorsqu'on a désigné une personne comme Protectrice des usagers? Et pourquoi ça n'aurait pas été tout aussi pertinent finalement de consulter les principaux clients, entre guillemets, du Protecteur du citoyen que sont les accidentés de la route, la CSST ou...

Et, moi, je pense que la fonction même de l'ombudsman et le fait que cette personne-là relève de l'Assemblée nationale, ça ne devrait pas laisser place à la consultation. On n'est pas dans une situation, comme à la CSST, où il y a un groupement paritaire. Et ce que ça risquerait de faire, à mon avis, c'est de laisser entendre que, bon, cette personne-là a été nommée puis, après consultation, bien tu as reçu l'aval des gens. On n'a pas besoin de recevoir l'aval du réseau. Je pense que les dispositions que vous avez incluses dans la loi sont suffisamment claires pour qu'on choisisse une personne compétente. Et, moi, ce que je crains, c'est que ça porte non seulement à confusion, mais que ça discrédite un peu et que ça laisse croire que c'est moins impartial dans cette situation-là.

M. Couillard: Vous avez raison sur le fait que... Mme la Présidente, merci de me donner la parole, là. Vous avez raison sur le fait que le gouvernement veut n'avoir qu'un ou qu'une ombudspersonne ? je ne sais pas comment on dit maintenant, dans la façon politiquement correcte de le dire, là ? à dépendance parlementaire. On ne veut pas créer l'impression qu'il y a un autre poste de Protecteur des usagers parallèle qui est créé. Je pense que c'est notre volonté, et on va s'assurer de bien la clarifier.

Je voudrais revenir sur un élément ? je m'excuse pour les collègues, parce que c'est quelque chose que j'ai répété plusieurs fois pendant la commission parlementaire ? c'est la question de la possibilité pour le directeur des services professionnels d'un établissement d'agir comme élément d'appréciation du premier palier dans le rôle du médecin examinateur. Ceci est basé sur mon expérience personnelle où parfois, pour trouver un médecin examinateur ? vous savez que ce n'est pas un poste où les volontaires affluent, pour des raisons évidentes ? on s'est trouvé devant des mois de vacance. Et les dossiers s'accumulent sans qu'il y ait de traitement, et forcément les droits des usagers se trouvent, à ce moment-là, mis en péril.

Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un compromis ? je vous tends une perche ? pour qu'au moins dans un rôle de suppléance ou d'intérim, en attendant qu'un commissaire... qu'un médecin examinateur soit nommé, qu'on puisse permettre à cette personne d'au moins exercer les fonctions pendant quelques mois? Parce que, moi, dans mon expérience, ça a pris jusqu'à huit, neuf mois avant de trouver une personne qui acceptait de remplir ce rôle-là.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ça illustre la complexité ou la difficulté d'avoir quelqu'un d'impartial pour l'exercer, hein? Et, à ce moment-là, si on demande au directeur des services professionnels, il est comme en situation d'être juge et partie. C'est quand même lui qui encadre... lui ou elle qui encadre ses collègues et qui aura à juger d'un acte professionnel. Mais ça me semble une situation délicate, pour ma part.

M. Couillard: Mais je dirais qu'on est dans une situation où il faut voir quelle est la moins pire des hypothèses: voir les dossiers s'empiler, sans traitement ou, pour une période temporaire, accepter de faire ? je l'accorde ? une concession d'apparence quant à l'impartialité. On pourra certainement y réfléchir.

La question de la certification... ou plutôt de l'intervention, pardon, du processus d'examen des plaintes dans les résidences non certifiées. D'abord, je voudrais vous dire que votre remarque sur les autres clientèles vulnérables nous rejoint. Elle est revenue à plusieurs reprises dans les travaux de cette commission, et ça m'apparaît bien logique.

La question de l'intervention dans les résidences privées non certifiées devient un peu plus compliquée, comme vous le savez, qu'elle ne le paraît à première vue parce que d'abord il s'agit d'établissements ou de résidences qui n'ont pas de lien établi avec le réseau de la santé et des services sociaux, premièrement; deuxièmement, parce que souvent on est dans une situation de résidences privées ou de domiciles de type locateur-locataire. Comment est-ce qu'on explique, à ce moment-là, l'intervention d'un officiel gouvernemental dans ce qui est essentiellement une résidence privée?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, en fait, c'est pourquoi on est arrivés avec une proposition où, lorsqu'il y aurait dénonciation... Notre préoccupation, puis je pense que c'est la préoccupation de la plupart des gens qui se sont présentés en commission parlementaire, c'est: Comment assurer la sécurité des personnes, j'ai envie de dire, devenues vulnérables?

n(17 h 10)n

Parce que vous avez raison de dire que, dans une résidence privée, si, moi, je fais le choix d'aller vivre là et que je ne suis pas une personne vulnérable, il faut respecter ça. Mais on sait qu'il y a des situations où il y a des personnes dont la situation se détériore avec le temps. Et comment assurer la sécurité de ces personnes? Comment assurer qu'elles disposent de soins... Ils sont censés normalement offrir des soins ou ne pas accueillir ces personnes-là. Comment on fait pour protéger les individus? Moi, c'est ça, ma préoccupation. Alors, ce qu'on proposait, c'est de permettre, lorsqu'il y a un signalement, par exemple... autrement dit, quand on est informé qu'il y a, dans une résidence privée, une personne qui est en situation de vulnérabilité, que l'on puisse, à ce moment-là, intervenir.

M. Couillard: Oui, c'est ce que ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve, de façon assez élégante d'ailleurs, appelait la perte d'autonomie évolutive. Ça, c'est un élément que je vais rajouter à mon lexique.

Mais, pour bien s'assurer que je comprends votre recommandation, ce que vous demandez, c'est que les protecteurs ou commissaires puissent intervenir dans une résidence comme ça, s'il y a lieu de penser qu'il y a un problème, s'il y a une dénonciation ou... Pourriez-vous préciser un peu plus?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Quand on a des motifs raisonnables de croire qu'une personne qui est dans cette résidence-là est dans une situation de vulnérabilité. Alors, je me tiens dans un objectif de protection de cette personne-là.

M. Couillard: Parce que je continue dans... C'est une question très technique, pour ceux qui nous écoutent, mais, comme vous le savez, de la plus grande importance quant au fait de rassurer la population sur le fait que l'État prend ses responsabilités. Ce qu'on veut faire, entre autres, vous l'avez dit tantôt, c'est s'assurer qu'il n'y a pas des services donnés dans cette résidence-là qui ne devraient pas l'être, donc nécessairement des activités s'exerçant sans permis. Parce qu'il existe déjà des permis pour lesquels il existe déjà un pouvoir d'inspection des autorités régionales pour s'assurer qu'il n'y a pas d'activités nécessitant un permis qui sont exercées. Est-ce qu'on n'a donc pas déjà cette façon d'intervenir?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mais, si ma mémoire est bonne, je crois qu'il y a beaucoup d'interventions qui ont été faites par la Protectrice des usagers dans des résidences privées qui étaient sans permis. Alors, moi, je pense que, comme gouvernement, on doit assumer la responsabilité à l'endroit de l'ensemble des citoyens. Donc, quand on a des raisons, des motifs raisonnables de croire que, dans cette résidence-là, malgré le pouvoir d'inspection ? donc, il n'a pas été exercé ou il y a quelque chose qui s'est passé ? il peut survenir... bien, qu'on puisse aller voir et faire des recommandations par la suite pour s'assurer de la sécurité de ces personnes et de la qualité des services, évidemment.

M. Couillard: Dernier élément, Mme la Présidente, la question de la circulation de l'information. Votre remarque sur le consentement lors de l'élaboration d'un plan de services individualisé est revenue également à quelques reprises. Vous avez probablement suivi les recommandations de la Commission d'accès à l'information et du Barreau. Nous, on est tout à fait prêts à rendre très explicite, lors du consentement au plan de services individualisé, le consentement et la divulgation explicite, qu'à ce consentement est associée la circulation de l'information pertinente. Est-ce que c'est une façon qui vous satisferait?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je vais demander à Mme McNicoll, qui a analysé particulièrement ce dossier.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Mme McNicoll.

Mme McNicoll (Micheline): Oui. Merci. Il y a plusieurs volets. Il n'y a pas seulement le plan individualisé, il y a tout le pan de mur que le projet de loi n° 83 fait tomber sur le consentement explicite à la communication des renseignements. On est pour la conservation de l'expression du consentement de façon générale. Et l'autre volet, c'était, à l'occasion du consentement à la conservation par une agence régionale, que le formulaire soit très explicite sur le fait que vous consentez à ce qu'on conserve des renseignements sur vous, mais aussi automatiquement vous consentez à la circulation, ce qui n'apparaissait pas évident.

Mais on aimerait quand même insister sur le fait que, le consentement, les droits qui sont reconnus actuellement ont une signification et un contenu qui sont plus que juste dire: Oui, c'est correct. Ça fait partie de la reconnaissance de l'autonomie de la personne. Même si la personne est malade, si elle peut être diminuée, amoindrie, elle doit conserver le droit qu'on l'informe, qu'on lui parle et qu'elle consente à des choses. C'est une façon de participer aussi à ses soins.

Et, sur le formulaire, avec les agences qui feront la conservation, effectivement on aimerait que ce soit bien précisé pour que les gens sachent à quoi ils s'engagent.

M. Couillard: Parce que c'est un point très important, là, puis on veut le plus possible susciter l'adhésion autour de ça puis qu'il n'y ait pas de crainte dans la population quant à la circulation de cette information-là. Lorsque le consentement est donné pour la conservation régionale et l'entreposage, si vous me passez l'expression, du dossier médical électronique, on demanderait également, en même temps, sur le formulaire, un consentement explicite quant à la circulation de l'information, et cette information étant bien sûr de la nature jugée par le professionnel qui fait les soins sur la base d'un critère de nécessité régi lui-même par le Code de déontologie, là. Est-ce qu'on est dans un contexte où on est sur la même longueur d'onde ou il y a...

Mme McNicoll (Micheline): Oui, mais je voudrais préciser que la personne qui a consenti à la conservation, c'est un autre contexte, là, hein, ce n'est pas pour... Elle peut, elle, revenir sur son consentement. O.K.? Alors, c'est deux choses différentes. Ça, ça apparaît avoir des règles importantes.

Je saisis la perche que vous tendez sur l'appréciation du caractère de nécessité. Dans notre mémoire, on dit que... Bon, pourquoi est-ce qu'on veut faire disparaître le consentement lorsqu'il y a une référence à l'intérieur du réseau local? Pourquoi tout d'un coup, là, ce seraient seulement les gens ? tous de bonne volonté, on n'en doute pas ? du monde médical qui auraient l'autorité et qui prendraient tout ce domaine et que la personne en soit évacuée?

Et puis, lors de la lecture d'un document qui vient de votre ministère, le ministère de la Santé et des Services sociaux, de la Planification stratégique, évaluation et gestion de l'information, on voit, dans ce qu'est le cadre légal: «Une reconnaissance de l'autorité des intervenants cliniques sur la circulation de l'information de santé des personnes.» Alors, c'est clairement dit, c'est ce qui est désiré par le réseau. Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a toujours place pour le consentement de la personne, une information complète et un consentement éclairé.

M. Couillard: Et évidemment on veut faire mieux que la situation actuelle, mais ce que je rappelle toujours, lorsqu'on discute de toute cette importante question, c'est que la situation actuelle est loin d'être idéale à cet égard. C'est-à-dire que les gens ont l'impression qu'on est en train de diminuer le niveau de confidentialité parce qu'on passe d'un dossier papier à un dossier électronique. En fait, on part d'un niveau actuellement qui, quelle que soit la bonne volonté qu'on y met, est loin d'être parfait, je pense qu'on s'entendra là-dessus, en raison même de la limitation du format papier, pour un autre format qui n'est pas en soi porteur d'une dégradation de la confidentialité. Il s'agit cependant de l'encadrer correctement.

Et, par exemple, lorsqu'un médecin est en pratique et qu'il consulte un autre médecin ou qu'il réfère à un psychologue ou à un travailleur social, actuellement il va prendre le téléphone ou il va envoyer sur une petite note manuscrite plein d'informations sur le dossier médical sur la base que la personne qui est informée qu'elle va être envoyée à ce travailleur social, ce psychologue ou ce médecin-là s'attend bien sûr à ce que la personne qui la reçoive ait en main les informations utiles à accomplir sa tâche. Alors, je pense qu'il faut maintenir cet équilibre.

Et ce qu'on veut faire encore une fois, c'est garantir la confidentialité et la sécurité des informations mais ne pas non plus alourdir la chose de façon telle qu'il n'y aura jamais de circulation de l'information. Vous comprenez l'équilibre qu'on est en train d'essayer d'établir, là?

Mme McNicoll (Micheline): Oui, M. le ministre, on fait bien la différence entre l'objectif d'informatisation du réseau et de rendre l'information médicale accessible en temps réel, et tout ça, c'est beau, on n'a rien à redire contre ça, mais, et je pense que d'ailleurs c'est ce qu'on dit, il faut dissocier les deux choses. L'informatisation, c'est une chose, l'accès en temps réel au bout du doigt, allez-y, mais la suppression du consentement, ce n'est pas une équation là-dedans, là, ça peut prendre place dans les deux. Et, dans l'histoire de Marguerite, qui est racontée dans le document précité, le moment où le médecin va informer Marguerite, qui est une septuagénaire, qu'elle va avoir telle intervention, qu'elle va avoir tel et tel service, bien c'est le moment de lui demander son consentement.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

M. Couillard: Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de condition des aînés.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous saluer, Mme Champoux-Lesage, et Mme McNicoll, et M. Paquet, au nom de l'opposition officielle. Je crois comprendre qu'on vous a gardés pour le dessert. En fait, vous terminez une journée bien chargée de travaux en commission parlementaire.

Alors, peut-être dans la poursuite de l'échange que vous aviez avec le ministre, il peut y avoir des lacunes, là, actuellement, mais il n'y a pas accès en temps réel à des milliers de personnes en même temps. Qu'on le veuille ou pas, l'informatisation de l'information présente des risques encore plus grands de lacunes, et d'où la nécessité du souci qu'ont finalement beaucoup, beaucoup de gens dans notre société, beaucoup d'institutions, la Commission d'accès à l'information, et beaucoup d'autres également, et le Protecteur ou la Protectrice... Je vois, dans votre texte, que vous le féminisez, la Protectrice du citoyen. J'apprécie beaucoup. Oui, absolument. Il me semble que c'est la première fois que je le vois féminisé.

n(17 h 20)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non. Bien, mon décret de nomination était féminisé. Alors, on distingue, dans les textes, quand on parle de l'institution, on parle du Protecteur et sinon on parle de la Protectrice du citoyen.

Mme Harel: Alors, quand je lis «Protectrice», c'est ce que vous pensez, puis «Protecteur», c'est ce que l'institution pense.

Alors, vous avez échangé avec le ministre sur les améliorations que vous souhaitez au projet de loi tel que rédigé actuellement, et en fait j'en prends bonne note, là. Notamment, sur le mode de nomination, vous mettez sur des pieds d'égalité les deux vice-protecteurs, hein? Je pense que les prémisses de votre analyse, c'est justement de les considérer sur des pieds d'égalité, je crois, hein? Le seront-ils?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, le seront-ils? Je croirais que oui. Dans les faits, oui, parce que normalement c'est pour l'instant moi, là, qui définis le mandant. Ce qu'on souhaite, c'est qu'un des vice-protecteurs... Et je pense que c'est conforme, j'ai envie de dire, à l'importance que revêt le réseau de la santé et des services sociaux. Ne serait-ce que dans l'ensemble du budget gouvernemental ou des missions gouvernementales, ça occupe une part très importante. Alors, qu'il y ait une personne spécialement dédiée à ce secteur-là, ça me semble légitime, toutes proportions gardées, avec l'autre partie qui couvre davantage les ministères plus sectoriels.

Mme Harel: Je pense que, dans votre mémoire, vous nous faites l'historique, et j'ai souvenir, moi, de cette revendication des années quatre-vingt-dix au prédécesseur du ministre Couillard, M. Marc-Yvan Côté, là, de cet examen, par la commission parlementaire, de la nomination... de l'élargissement, plutôt, du mandat du Protecteur des citoyens au secteur de la santé et des services sociaux. J'étais partisane de cet élargissement; alors, je le demeure, là, 15 ans plus tard, bien évidemment. Et est-ce que vous avez toutes les garanties qu'il n'y aura pas, dans cette transformation, là, du Protecteur des usagers en vice-protecteur des citoyens, une perte de ressources budgétaires, de ressources de personnel? En fait, a-t-on les garanties qu'il va y avoir autant... le dispositif va être non pas réduit mais va être en fait au moins le même, à défaut d'être amélioré?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je l'espère, je le souhaite ardemment, et c'est une condition sine qua non parce qu'il ne faudrait pas qu'en voulant améliorer une situation dans les faits on la détériore. Par respect du processus législatif, on ne peut pas entreprendre... on fait des analyses préliminaires, mais, tant que la décision du législateur n'est pas arrêtée, on ne peut pas convenir du reste. Mais soyez assurée que nous sommes préoccupés et on s'assure préalablement de faire un bon état de la situation pour nous assurer qu'en bout de ligne toutes les ressources nous serons consenties.

Mme Harel: D'autant plus que les crédits qui étaient alloués au ministère de la Santé et des Services sociaux pour les fins du Protecteur ? moi, je dirais la Protectrice des usagers ? bien ces crédits dorénavant devront l'être par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et de la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, de qui relève, je pense, hein, le Protecteur?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non.

Mme Harel: Ah, de l'Assemblée nationale...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): De l'Assemblée nationale directement, mais en fait on a notre propre budget. Effectivement, il faudra qu'il y ait un transfert de budget. Et, bon, bien, j'ai un petit peu d'expérience dans ça, là, on essaie de voir quels sont... Parce que ce qu'il est difficile de déterminer, c'est qu'actuellement il y a des services qui sont offerts par le ministère de la Santé et des Services sociaux en soutien au Protecteur des usagers et il y a un budget qui est particulier aussi au Protecteur des usagers.

Mme Harel: Alors, je vous promets d'être attentive à cela lors de l'étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux et d'en parler aussi à mes collègues.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Non. On prévoit... dans la loi, il y a déjà une disposition transitoire qui dit que les...

M. Paquet (Jean-Claude): C'est ça. Si je peux me permettre, l'article 275: «Les sommes affectées au Protecteur des usagers [...] sont transférées au Protecteur du citoyen, dans la mesure que détermine le gouvernement.» Et c'est là, je pense, que votre rôle sera important, Mme Harel.

Mme Harel: Un rôle de surveillance comme celui du Protecteur. Alors, j'ai beaucoup apprécié que vous abordiez dans votre mémoire la question des résidences pour personnes vulnérables et que vous abordiez également la question de la circulation et de la conservation des renseignements de santé. Je n'en attendais pas moins de l'institution du Protecteur des citoyens, et vous êtes à la hauteur de mes espoirs du rôle qu'une telle institution doit jouer dans notre société.

Alors, concernant l'hébergement, alors je comprends premièrement que vous souhaitez qu'il y ait élargissement aux personnes vulnérables et pas simplement aux personnes âgées. C'est bien le cas?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui, tout à fait. En fait, qu'on ne limite pas aux personnes âgées l'obligation de certification. À toutes les fois où une personne est hébergée et qu'elle nécessite... puis que cette personne-là est orientée par le réseau vers un établissement privé, il faudrait qu'on crée obligation à cet établissement d'être certifié.

Mme Harel: Pallier, en fait, ou suppléer au fait que cette certification est facultative et non pas obligatoire par le fait qu'il y ait une responsabilité assumée par l'État en confiant à la Protectrice du citoyen la possibilité de traiter des plaintes dans les résidences privées non certifiées.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui. En fait, ce qu'on considère c'est que, l'objectif étant de protéger l'ensemble des citoyens, lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est dans une situation de vulnérabilité, que l'on puisse intervenir, donc pas un pouvoir d'inspection généralisé, mais un pouvoir d'intervention sur signalement. Il me semble que c'est une responsabilité de l'État. Parce que souvent ces personnes-là sont dans des situations, comme vous avez, je pense, une jolie expression pour dire cela, des personnes... la situation de ces personnes évolue. Et ce qu'on a observé, ça a souvent été dit, souvent les personnes sont très heureuses et ne veulent pas quitter ces établissements mais se retrouvent dans des situations quelquefois précaires. Et il faudrait s'assurer que les personnes disposent des ressources requises pour leur assurer les services de base et la sécurité qu'elles requièrent.

Mme Harel: Ça m'apparaît, disons, un prérequis incontournable, incontournable parce que sinon c'est comme si on confiait seulement aux propriétaires d'hébergement privé cette responsabilité d'offrir des services conformes aux critères sociosanitaires, hein. Parce qu'à ce moment-là l'État pourrait prétendre que la personne n'a qu'à aller dans une résidence qui est certifiée. Les cas où... sans la possibilité de signaler et sans la possibilité de traiter les plaintes dans les hébergements privés non certifiés, il pourrait y avoir en tout cas un jeu de Ponce Pilate qui dit: Oui, mais les personnes n'ont qu'à aller dans les établissements certifiés.

Moi, j'ai hâte de voir, dans quelques années ? je sais que les choses évoluent, dans une société ? quel est le tarif chargé dans les établissements certifiés, si les personnes vulnérables elles-mêmes ou leur famille peuvent avoir accès à ces résidences d'hébergement pour personnes en perte d'autonomie compte tenu des tarifs qui seront chargés. Moi, j'ai... On a discuté aujourd'hui d'un système à deux vitesses dans l'hébergement pour les personnes vulnérables. Et il est possible que, dans quelques années, on ait des... même quand c'est... enfin, on verra, là, mais qu'on ait des tableaux qui indiquent que, dans les résidences qui ont leur certification, il y a des coûts qui sont supérieurs à ceux des résidences qui ne l'obtiennent pas ou qui ne le demandent pas.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est possible. En fait, je pense qu'il y a une réalité actuellement: il y a énormément de résidences privées qui offrent des services que ne peut pas offrir l'État. Moi, je pense qu'on a le devoir d'assurer la sécurité de l'ensemble des citoyens. Il restera toujours... il y aura toujours, je pense, des différences, comme il peut y en avoir dans la situation des individus qui sont même dans des CHSLD et qui ont des revenus ou qui ont... au moins, leur contribution est à l'avenant. Alors, est-ce qu'il faudra voir évoluer les choses aussi? Quand ce sont des résidences certifiées et s'il y a des ententes entre ces résidences-là et le ministère... On verra comment les choses pourront évoluer avec le temps, mais...

Mme Harel: Mais vous comprenez que, dans les résidences publiques de longue durée, ou privées conventionnées, ou même encore dans les résidences intermédiaires, vous comprenez que l'État intervient pour suppléer aux revenus des personnes à faibles revenus, ce qui n'est pas le cas dans le privé. Donc, dans le privé, ils ne vont pas les prendre, ils ne vont pas les accepter, tout simplement. Alors que, disons, dans le glissement de privatisation de l'hébergement de longue durée, il va s'installer un système à deux vitesses.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est fort possible.

Mme Harel: Alors, voilà. Merci beaucoup pour ce mémoire. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Merci, Mme Champoux-Lesage, Mme McNicoll et M. Paquet, pour la présentation. Maintenant, je vais ajourner les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 30)


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