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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 20 janvier 1971 - Vol. 11 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 69 - Loi modifiant de nouveau la loi de l'assurance-maladie


Journal des débats

 

Commission permanente des Affaires sociales

Projet de loi no 69

Loi modifiant de nouveau

la loi de l'Assurance-maladie

Séance du mercredi 20 janvier 1971

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue pour étudier le bill 69, Loi modifiant de nouveau la loi de l'assurance-maladie. Seize associations veulent adresser la parole. Alors, je voudrais vous demander de prendre le temps qu'il faut, mais d'être brefs. Nous allons siéger jusqu'à 12 h 30, ensuite, de trois heures à six heures et, si nécessaire, de huit heures à onze heures.

Maintenant, le ministre des Affaires sociales et les chefs des différents partis vont adresser la parole et, ensuite, nous inviterons les gens à exprimer leurs opinions.

M. le ministre.

Objectifs du projet de loi

M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais donner un certain état de la question, c'est-à-dire une description des objectifs poursuivis par le projet de loi: ses principales dispositions à ce stade-ci; un historique des travaux techniques qui ont été faits; une brève exploration des problèmes tels qu'ils se posent et une énumération de certaines questions qui ne sont, ni de près ni de loin, résolues.

Enfin, je voudrais vous indiquer une liste des documents qui seront distribués, au cours de la journée, aux membres de la commission afin de leur permettre, au cours des prochaines semaines, de pouvoir, aussi complètement que possible, analyser toutes les implications des problèmes qui se posent.

En premier lieu, le but général en ce qui a trait aux médicaments prescrits, c'est que, dans le système actuel, avec la Loi de l'aide sociale, nous attribuons, d'après les critères d'évaluation des besoins de cette loi, un montant en argent au bénéficiaire. Ce montant peut-être haussé lorsque le cas l'indique, par référence au bureau régional.

On sait que ce système est assez lourd étant donné que le patient ou le bénéficiaire doit entrer en communication — une fois qu'il a vu son médecin et qu'il y a une ordonnance — a la pharmacie, le bureau, et bien souvent il est obligé de débourser un montant. En plus, ce système ne prévoit aucun mécanisme réel d'économie possible quant au prix, ni de contrôle sur la consommation des médicaments à divers points de vue. Il présente aussi un certain caractère de discrimination parce que, pour des raisons historiques, certaines consultations externes, d'une part, distribuent aux patients qui se présentent à ces consultations, des médicaments à des coûts réduits ou, encore, gratuitement. Dans d'autres cas, c'est un système comme nous le connaissons à Québec où il y a entente entre le gouvernement et la ville. Une partie de la population peut avoir accès à des médicaments soit gratuitement ou à des coûts réduits. Le trésor public y participe; ce système n'étant pas uniforme à travers la province, il présente un certain aspect discriminatoire.

En ce qui a trait aux soins dentaires, la Loi de l'assurance-maladie présentement ne prévoit la couverture que des soins de chirurgie buccale dispensés en milieu hospitalier. C'est une couverture limitée en définitive à un aspect seulement des soins dentaires. Il nous paraît important que les soins dentaires aux enfants ou à une catégorie d'enfants, limités à un certain âge, soient couverts à cause de l'aspect préventif d'une telle couverture et en parallèle, nous entendons stimuler, dans la mesure du possible, la fluoration des eaux de consommation et aussi la formation d'un personnel auxiliaire qui pourrait assister les dentistes dans leur travail. De cette façon, à la fois poser un geste additionnel sur le plan de la prévention, des subventions sont présentement accordées; nous croyons qu'il y aurait avantage à ne pas trop étendre la couverture des soins dentaires pour mettre davantage l'accent sur la fluoration de l'eau et la formation du personnel auxiliaire, compte tenu du fait que les effectifs ne sont pas suffisants pour répondre à la demande.

Sur les dispositions de la loi relativement aux médicaments, je vais être très bref. Le projet de loi a été déposé et je crois qu'il est suffisamment clair: les médicaments prescrits seront couverts. Quant aux soins dentaires, une liste des soins couverts devra être établie. Un document, d'ailleurs, sera distribué à cet effet.

Champ d'application

M. CASTONGUAY : Quant au champ d'application, il est prévu dans les dispositions du projet de loi que ce seraient les bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale en ce qui a trait aux médicaments. Cette définition laisse malgré tout certains points d'interrogation étant donné qu'il y a deux catégories de bénéficiaires, en définitive, en vertu de la Loi de l'aide sociale: les bénéficiaires au titre des besoins ordinaires et ceux au titre des besoins spéciaux. En ce qui a trait aux soins dentaires, je viens de mentionner qu'il s'agirait des enfants.

Au plan des mécanismes par rapport aux professionnels et aux fabricants, premièrement pour les médicaments, nous croyons qu'il est nécessaire de distinguer les deux aspects: soit celui du service rendu par le pharmacien qui

distribue les médicaments, et le coût du médicament lui-même. En ce qui a trait aux services rendus par les pharmaciens, si l'on suit le même principe que dans le cas de l'assurance-maladie pour les autres catégories de soins, il faudra entreprendre une négociation avec les pharmaciens. En ce qui a trait au coût des médicaments, il va falloir, par divers mécanismes qui seront discutés, établir le prix que le gouvernement paiera pour les médicaments compris sur cette liste. A cette fin, je le souligne brièvement, le projet de loi prévoit la formation d'une commission de pharmacologie.

En ce qui concerne les soins dentaires, normalement le même mécanisme que pour les autres soins couverts dans l'assurance-maladie devrait être suivi, soit la négociation avec l'association la plus représentative des dentistes au Québec.

Au plan de l'administration, la Régie de l'assurance-maladie va être chargée de l'administration de ces aspects du régime, c'est-à-dire que la régie devra faire l'évaluation des relevés d'honoraires, en effectuer le paiement, établir les contrôles appropriés, recueillir les statistiques, etc.

Quant au ministère, en ce qui a trait plus spécifiquement aux médicaments, il devra, de concert avec la régie, établir le mécanisme prévu dans la loi, c'est-à-dire l'émission de carnets aux bénéficiaires qui sont admissibles à cette couverture.

En ce qui a trait au contrôle de l'activité professionnelle, une approche en tout point identique à celle qui existe, à celle qui est présentement prévue dans la loi de l'assurance-maladie, relative aux soins médicaux, aux services optométriques et à la chirurgie buccale, est prévue, aussi bien en ce qui a trait aux services professionnels des pharmaciens que des dentistes.

Relativement au financement et premièrement pour les médicaments, le coût de ces derniers et des services professionnels ne sera pas compris dans le financement régulier de l'assurance-maladie, c'est-à-dire à même les contributions des employés, des employeurs, des travailleurs autonomes, et du gouvernement du Canada. La raison pour ceci est qu'il s'agit essentiellement d'une couverture d'assistance, c'est-à-dire pour une partie de la population, mais il y a lieu de remarquer que présentement une large partie de ces coûts est couverte par la loi de l'aide sociale et il y a partage de ce coût en vertu du régime canadien d'assistance publique.

En ce qui a trait aux soins dentaires, quant aux coûts, le financement sera effectué à même les contributions prévues dans la loi de l'assurance-maladie. Pour le coût lui-même des services, diverses estimations ont été préparées par la régie. Tant et aussi longtemps que tous les aspects des deux types de couverture ne seront pas achevés, il n'est pas possible de donner une estimation précise et définitive du coût.

Le projet de loi prévoit également, en ce qui a trait aux médicaments, la possibilité que des frais modérateurs soient chargés, même s'il s'agit de bénéficiaires de l'assistance sociale. Cette question sera évidemment discutée. L'expérience démontre — même s'il n'est pas possible de le prouver scientifiquement et même si c'est le médecin qui prescrit — que des frais modérateurs peuvent avoir un effet sensible sur la consommation. On sait, d'autre part, que l'un des problèmes qui existent présentement, dans le domaine des drogues, est celui de leur surutilisation. On invoque des arguments contre de tels frais modérateurs. Evidemment il s'agit d'une classe de bénéficiaires dont les revenus sont peu élevés.

On peut invoquer que les frais modérateurs pourraient priver certaines de ces personnes de médicaments qui leur sont nécessaires.

En ce qui a trait maintenant aux travaux qui ont été effectués — et si vous me le permettez, je vais en dire un mot, parce que cette énumération indique jusqu'à quel point la question est complexe — évidemment, plusieurs soupçonnent qu'en ce qui a trait aux médicaments, les prix qu'ils paient sont trop élevés. On peut à l'examen de toutes les études, de toute la documentation, conclure que dans une certaine mesure ils ont raison. D'autre part, la solution du problème est loin d'être facile. Ce problème est extrêmement complexe, il a plusieurs ramifications.

Il y a eu en tout premier lieu un comité interministériel formé par M. Cloutier, qui était ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre à l'époque et qui a fait un premier travail en vue de l'établissement d'un tel régime. Ce comité qui était formé du Dr Laurent Lizotte, de M. Gilles Bergeron, de Me René Dussault, de Mme Nicole Martin, avait proposé la formation de divers groupes d'experts pour étudier certains aspects de cette question. Les rapports de ce comité ont été produits après certains délais étant donné la difficulté et le nombre des problèmes en cause.

Une fois la Régie de l'assurance-maladie créée, en décembre 1969, le ministre de la Santé, M. Cloutier, confiait à la régie le mandat d'étudier le problème des médicaments dans le cadre d'un régime d'assurance-médicaments. Cela était une étape subséquente qui se rapprochait de la concrétisation d'un régime. A ce moment, l'objectif était de couvrir les médicaments pour le 1er juillet 1970.

La régie, ayant reçu ce mandat, a formé divers comités: comité des études économiques, comité d'étude du système de distribution des médicaments, comité d'étude des médicaments, comité de conceptualisation, comité responsable de l'élaboration des structures et des mécanismes administratifs. En septembre 1970, un

comité consultatif fut formé, étant donné que les travaux de ces divers comités étaient terminés, et avant de passer à l'implantation d'un régime, il apparaissait important de consulter les principaux intéressés.

À ce comité consultatif, des représentants de la régie vont siéger, des représentants des facultés de médecine et de pharmacie, du Collège des médecins, du Collège des pharmaciens, de la Fédération des médecins spécialistes, de la Fédération des médecins omniprati-ciens, des trois associations de pharmaciens: l'Association québécoise — de toute façon, la documentation vous sera distribuée et vous pourrez les identifier — des Associations de fabricants et de grossistes, de l'Association des hôpitaux du Québec, d'une association de consommateurs et des représentants du ministère de l'Industrie et du Commerce et des Institutions financières.

Ce comité a fait un travail additionnel qui nous a permis d'en arriver à la présentation du projet de loi au mois de décembre. Etant arrivés à la phase de l'implantation, nous avons formé, entre la régie et les ministères, un comité de coordination où siègent le Dr Brunet, sous-ministre; M. Gilles Gaudreau, sous-ministre adjoint; Me René Dussault, et, pour la Régie de l'assurance-maladie, le président, M. Robert Després; le directeur aux affaires pharmaceutiques, M. Mockell, de même qu'un conseiller en administration, M. Page.

Voilà donc les étapes, en très bref, qui ont été franchies et qui montrent, malgré le nombre d'années et les groupes de travail, jusqu'à quel point la question est complexe. A ce sujet, j'aimerais dire quelques mots justement sur la nature du problème tel que nous le voyons. Ceci s'applique particulièrement aux médicaments. Je reviendrai brièvement sur les travaux en ce qui a trait aux soins dentaires.

Médicaments

M. CASTONGUAY: Dans le domaine des médicaments, nous sommes en face d'un type de services pour lequel les lois générales du marché, telles qu'on les perçoit et qu'on croit qu'elles fonctionnent, ne s'appliquent pas. Le médecin est celui qui prescrit. Donc, c'est de lui que vient la demande. Cette demande, au premier titre ne vient pas du consommateur. Le médecin, d'autre part, n'est pas en mesure — je crois que ceci est clair — de connaître tous les produits pharmaceutiques qui sont sur le marché. Dans un rapport, on indique qu'il y aurait plusieurs milliers de produits pharmaceutiques.

C'est un domaine en pleine évolution. Il y a donc là, aussi, une autre donnée.

L'utilisation des médicaments étant faite par des êtres humains, les réactions ne sont pas les mêmes dans tous les cas. Dans certains cas, un médicament peut avoir un effet parfait, et un moindre dans d'autres cas, pour des raisons qui, dans certaines situations, peuvent être connues. Les réactions ne sont pas les mêmes.

Alors devant ces deux phénomènes, le médecin — avec raison — a tendance à établir un certain type d'ordonnance qu'il développe avec l'expérience acquise graduellement avec les divers types de médicaments. Evidemment, les sources de documentation qui lui sont possibles et la façon dont cette documentation le rejoint influencent cette base d'ordonnance qu'il développe.

Du côté du pharmacien, le pharmacien d'officine n'est pas censé faire de substitutions. Toutefois, le médecin est libre, s'il le désire — même si cela n'est pas généralement le cas — de prescrire sous un nom générique. Evidemment, à ce moment, s'il prescrit sous un nom générique un médicament, le pharmacien a la liberté de choisir la marque de commerce et même peut, au besoin, consulter le patient.

Le pharmacien peut également faire des suggestions au médecin, compte tenu du problème qui a été mentionné plus tôt du très grand nombre de médicaments sur le marché et la quasi impossibilité de les connaître au complet.

Quant au patient, il ne peut pas, d'abord, de façon générale, juger du bien-fondé de l'ordonnance qui est faite par le médecin, aussi bien au point de vue de sa nécessité, au point de vue de la qualité du produit qu'on lui vend ou qu'il devra utiliser, de même qu'au point de vue du coût. En plus, c'est une demande qui, en ce qui le concerne, n'est pas élective, fi n'a pas le choix de déterminer lui-même s'il devra utiliser un médicament ou non. Evidemment, dans une certaine mesure, il peut toujours, une fois l'ordonnance faite, refuser de ne pas la faire remplir s'il n'a pas l'argent pour le faire, mais je ne pense pas qu'on puisse considérer que c'est vraiment un choix.

Donc aux trois niveaux, aussi bien du médecin, du pharmacien que du patient, il y a probablement, si nous en faisons une étude plus approfondie, d'autres facteurs qui interviennent. Il y a certainement des caractéristiques — ce sont celles-là que j'ai essayé de résumer — qui font que ce marché des médicaments présente des caractéristiques extrêmement particulières.

Un des dangers, dans l'établissement d'un tel régime, à cause de ces caractéristiques, c'est que l'on mette l'accent uniquement et sans discernement sur une recherche des coûts les plus bas, à des fins d'économie. Cette recherche, si elle dépassait certaines limites d'économie, pourrait présenter, pour la population, à notre sens, divers dangers, c'est-à-dire que l'on en arriverait, de façon générale, à baisser la qualité des médicaments utilisés par la population de même qu'en ce qui a trait aux médecins, à imposer, dans leur travail, un outil sur lequel ils n'auraient plus un contrôle suffisant, compte tenu toujours des remarques que j'ai faites antérieurement. Egalement, cela pourrait avoir des

implications qui ne peuvent être négligées en ce qui a trait à l'industrie pharmaceutique, aussi bien québécoise que mondiale, laquelle possède, ou administre dans la province de Québec, un certain nombre d'usines de fabrication.

D'ailleurs, à ce sujet, un document sera distribué dans la liste qui vous permettra de juger de l'importance de cette industrie. Il y a également l'effet qui pourrait en résulter au plan de la recherche, étant donné que nous sommes dans un secteur où la recherche en très grande partie est effectuée par les fabricants.

En ce qui a trait aux soins dentaires, le travail a été effectué par un comité qui était constitué du Dr Jean-Paul Lussier, doyen de la faculté d'art dentaire de l'Université de Montréal; du Dr Paul Simard, de l'université Laval; du Dr Jacques Dufour, de la Régie de l'assurance-maladie et de M. Yvan Pouliot, actuaire. Ce comité était sous la direction générale de M. Gilles Gaudreau, sous-ministre adjoint au ministère. Un rapport a été produit par ce comité et diverses données vous seront d'ailleurs distribuées.

Maintenant, malgré tous ces travaux — et c'est une des raisons majeures pour laquelle nous avons cru que la commission des Affaires sociales devait être convoquée — un certain nombre de problèmes demeurent jusqu'à ce qu'ils soient résolus définitivement ou avant qu'une approche définitive soit engagée.

J'aimerais, principalement avant que nous écoutions les différents groupes qui veulent se faire entendre devant la commission, en faire une énumération, de telle sorte que, dans les questions que vous pourrez leur adresser, vous soyez conscients de ces problèmes qui nous apparaissent parmi les plus difficiles.

En premier lieu, en ce qui a trait aux médicaments, le mode de rémunération du pharmacien détaillant est une question sur laquelle il va falloir s'interroger. Un système est de plus en plus proposé, celui de la rémunération à l'acte. Est-ce que ce système est vraiment adapté? Est-ce qu'il est le meilleur? On peut apporter des arguments qui indiquent que c'est un excellent système. Par contre, s'il n'est pas nuancé, on peut craindre qu'il apporte aussi des effets plus ou moins bénéfiques. Est-ce que, dans une première étape, c'est le système qui doit être retenu, quitte à le modifier à l'expérience? C'est une question, de toute façon.

En ce qui a trait au coût des médicaments, plusieurs questions se posent. Est-ce que l'ordonnance par noms génériques est une possibilité? Est-ce que, si cette possibilité n'est pas retenue, le pharmacien devrait avoir la liberté de substituer, à partir d'une ordonnance, une marque de commerce à une autre? Est-ce que, dans l'établissement des coûts, nous devrons tenir compte du fait qu'un certain nombre de fabricants sont établis au Québec, qu'ils soient contrôlés de l'extérieur ou qu'ils soient contrôlés par des intérêts québécois? Est-ce que nous devrons tenir compte, également, du fait que certains fabricants font de la recherche et que d'autres n'en font pas?

De la même façon, le problème du format thérapeutique se pose. Est-ce que le format ou la quantité prescrite devrait être laissé complètement à la discrétion du médecin ou si divers formats thérapeutiques devraient être prévus? De même, lorsque nous arrivons au mode de fixation du prix de chaque médicament, est-ce que nous devons envisager un processus de négociation avec tous les fabricants, et tout ce que cela peut comporter?

Est-ce que nous devons établir une liste de prix minimums et maximums avec, aussi, ce que cela peut comporter? Ce sont des problèmes sur lesquels nous devons nous interroger.

Il y a également, dans cette question, le champ d'application. Est-ce que les critères d'admissibilité qui sont définis dans la Loi de l'aide sociale sont vraiment ceux qui devraient être retenus? Il ne faut pas oublier que la distribution ou l'admissibilité à ces médicaments, pour les bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale, crée peut-être, pour certaines personnes qui sont juste au-dessus de la ligne qu'il faut à un moment donné établir, une incitation à se classer dans le groupe des bénéficiaires pour avoir accès à ces bénéfices. C'est une question qui se pose.

Enfin, en ce qui a trait aux soins dentaires, de même que nous avons eu à discuter du problème relativement aux soins médicaux, il nous faut établir quelle est exactement la nomenclature des soins qui seront couverts.

Pour revenir aux médicaments, une question déborde le cadre de la loi mais se pose forcément en même temps que nous étudions ce problème: c'est celle du coût des médicaments en milieu hospitalier, dans toutes les institutions financées en totalité ou en partie par le gouvernement, de même que le coût des médicaments pour la population en général. A l'occasion de l'établissement d'une telle couverture, il y a lieu de s'interroger sur le problème en ce qui a trait à la partie de la population qui ne sera pas bénéficiaire de ce régime.

Ce sont les problèmes qu'il m'apparaît le plus important de discuter ici aujourd'jui. Evidemment, ce n'est pas une liste exhaustive, bien au contraire. Nous avons fait préparer une documentation et vous en recevrez des pièces au cours de la journée: l'historique des travaux, un document sur le problème des équivalences thérapeutiques, un inventaire des lois qui sont reliées à cette question, un rapport sur les dispensateurs de médicaments dans le régime proposé, un document, également, sur la nécessité d'établir un format thérapeutique, un document sur l'industrie pharmaceutique, un document qui comporte des considérations sur l'établissement d'un prix raisonnable, un document sur l'achat des médicaments en milieu hospitalier, un document portant sur la distri-

bution des enfants par groupe d'âge, étant donné le type de couverture envisagée, de même qu'un document proposant une nomenclature des actes qui pourraient être couverts.

Ces documents vous seront distribués au cours de la journée. Ils vous permettront, au cours des prochaines semaines, de prendre connaissance d'une façon plus approfondie des problèmes. Je n'ai pas eu le temps, pour ma part, d'en prendre entièrement connaissance. De toute façon, un bon nombre des questions qui seront discutées sont de nature technique ou professionnelle et j'ai demandé à certains de mes collaborateurs de m'assister aujourd'hui. Avec votre permission, je leur demanderai de répondre aux questions qui pourraient être soulevées au cours de la journée.

J'ai avec moi M. Gilles Gaudreault, sous-ministre adjoint; Me Jacques Morency, M. Robert Després, président de la Régie de l'assurance-maladie. Me Jacques Morency est le directeur du contentieux au ministère. Le Dr Mockle et d'autres se sont joints à eux. Je leur demanderai de s'identifier s'ils répondent à des questions.

Je veux enfin vous remercier.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

Problèmes complexes

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je serai très bref; je n'ai pas l'intention d'élaborer sur les commentaires qu'a faits le ministre des Affaires sociales. Je voudrais, au début, souhaiter, au nom du groupe auquel j'appartiens, la bienvenue à tous les organismes et individus qui s'intéressent aux travaux de cette commission, travaux qui les concernent directement ou indirectement. J'aimerais faire remarquer aux membres de cette commission que c'est la deuxième fois, à ma connaissance, depuis quelques années, que tous les groupements de pharmaciens en particulier — ce n'est peut-être pas le cas pour les dentistes — intéressés au domaine des médicaments viennent devant une commission parlementaire. Ils étaient venus, en 1965-1966, présenter des mémoires à l'occasion de travaux d'étude sur l'assurance-maladie, travaux qui étaient dirigés, à ce moment-là, par le ministre actuel de la Santé. Je siégeais personnellement à cette commission en tant que représentant du groupement dont je fais partie. Le ministre actuel de la Santé et moi-même, nous avons donc été associés, lui à un titre particulier — je n'ai pas dit un statut particulier — aux travaux sur les médicaments.

Ce sont des problèmes extrêmement complexes avec lesquels nous sommes peut-être un peu plus familiers, mais je ne crois pas que le fait d'être familiers avec ces problèmes qui concernent les médicaments nous apporte plus facilement des solutions. De toute façon, il y a un instant, le ministre a mentionné un certain nombre de problèmes et de questions auxquels le gouvernement devra apporter des réponses dans le projet de loi, soit le projet de loi modifié qui sera présenté à l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Le seul fait que cette commission siège entre la première et la deuxième lecture indique bien évidemment que les représentations que vont faire les organismes et les individus devant cette commission sont extrêmement importantes, et après les suggestions et les réflexions qu'ils feront devant cette commission, évidemment, il est à prévoir que des amendements seront apportés à cette loi.

De toute façon, nous aurons l'occasion, au cours de cette longue journée de travail que vous nous avez annoncée, après avoir écouté les mémoires de chacun des organismes, de poser des questions pour faire préciser certains points qu'ils ont soulevés ou même pour discuter de certains points que la loi, à notre avis, ne précise pas suffisamment, et nous aurons tout le loisir de poser des questions sur des sujets particuliers.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic, pour le Ralliement créditiste.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. En présence du projet de loi que nous sommes obligés de considérer comme un mal nécessaire, parce que beaucoup de gens savent quelle attitude nous avons adoptée, nous tenterons d'apporter des amendements et des remarques qui aideront la province à obtenir au moins des avantages qui rendront service à toute la population.

En face de toutes les considérations qui nous ont été apportées ce matin, nous sommes tout de même obligés de continuer à appeler ce ministère celui de l'épuisement financier. Je crois que nous sommes en présence de problèmes très graves, et le gouvernement aurait une foule d'autres choses à régler plutôt que de légiférer sur des problèmes de cet ordre, et j'en signale un, entre autres, auquel nous apportons immédiatement une objection.

Le ministre a souligné tout à l'heure qu'on ne s'attarderait pas tellement au problème dentaire, mais qu'on accentuerait les dépenses en vue de la possibilité d'ajouter du fluor à l'eau. Nous nous opposons à cette façon de procéder car commencer à traiter l'eau au fluor à la base porte atteinte à la liberté des individus. Nous préconisons plutôt une aide qui permettrait d'installer un contenant aux robinets de chaque famille, afin que les gens décident eux-mêmes de la quantité de fluor qu'ils désirent utiliser, s'ils croient bon d'utiliser ce fluor.

C'est une question de liberté, et nous recommandons au gouvernement d'étudier sérieusement la question, avant de recommander une

dépense gouvernementale qui deviendra peut-être trop onéreuse, vis-à-vis d'un ministère d'épuisement financier.

Enfin, nous aurons, nous aussi, beaucoup de questions à poser. Nous sommes heureux de voir, par le mémoire présenté par le Collège des pharmaciens, qu'ils sont autodisciplinés depuis plusieurs années et qu'ils continueront de l'être, car, actuellement, le mot étatisation est à la mode. Des médecins ne voulaient pas croire à l'étatisation de la médecine, il y a quelques années. Le Collège des pharmaciens devra être conscient, même s'il réclame actuellement un régime universel d'assurance-médicaments, que la loi n'oblige pas l'étatisation, car nous sommes avant tout pour l'entreprise privée. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Accessibilité aux soins

M. LAURIN: M. le Président, après les remarques qui viennent d'être faites, je crois utile de répéter jusqu'à quel point nous croyons que le droit à la santé constitue un droit fondamental pour la personne humaine, que ce droit, pratiquement, exige l'accessibilité universelle de tous les citoyens aux soins de santé, abstraction faite de leur condition financière. Cette accessibilité universelle des citoyens aux soins de santé exige de plus en plus l'intervention de l'Etat, aussi bien au niveau du contrôle de la qualité que des mécanismes administratifs. Je crois aussi qu'il faut répéter à quel point il est essentiel que cette accessibilité aux soins de santé soit complète, c'est-à-dire couvre tous les soins de santé nécessaires à l'épanouissement de l'individu.

Il est bien entendu que, de ce principe du droit à la santé et de l'accessibilité des services de santé à tous les citoyens, découlent des transformations profondes au niveau des professions qui jusqu'ici s'étaient organisées pour elles-mêmes, au meilleur de leur connaissance, pour procurer à la population les services auxquels elle avait droit.

Cette réorganisation profonde, nous le voyons, exige des changements aux niveaux du statut des professions, de l'organisation des professions, des relations nouvelles entre les corps professionnels et l'Etat et des mécanismes administratifs. Ceci est un travail immense qui a été commencé dès 1960 avec l'instauration de l'assurance-hospitalisation, qui s'est continué avec l'instauration de l'assurance-maladie, qui va se poursuivre avec la couverture appliquée aux médicaments pour les assistés sociaux, et qui se continuera jusqu'à ce que tous les soins de santé soient couverts.

Nous sommes très conscients, nous de notre parti, à quel point cette réorganisation profonde peut faire mal à certains groupes, à certains individus, peut également demander des études très approfondies, mais, quand même, c'est là la rançon du progrès. Il faut y mettre l'énergie, le temps, les efforts, les études nécessaires. Au nom de mon groupe, je peux assurer le gouvernement de notre collaboration la plus complète, dans un esprit d'impartialité absolue.

Ce qui se passe aujourd'hui est très important, puisque cela répond aux voeux que nous avions déjà formulés pour l'extension la plus rapide possible de la couverture. Nous sommes très heureux que ce projet de loi 69 soit étudié. Ceci est très important pour une autre raison également, puisque, même si nous ne traitons, dans ce projet de loi, que de la couverture des médicaments pour les assistés sociaux, il ne fait aucun doute que les études qui permettront cette couverture pour les assistés sociaux serviront également de base à la couverture générale des médicaments pour toute la population. Donc, il est extrêmement important de scruter, avec la plus grande attention, en particulier les modes administratifs qui seront adoptés par la présente loi, d'une part, et, de l'autre, le coût de cette couverture.

Je crois que ce sont là les deux paramètres ou les deux impératifs que nous devrons toujours avoir à l'esprit. Car, il s'agit de procurer à la population des services de la meilleure qualité possible, en tenant compte de toutes les catégories de professionnels intéressées, des conditions d'exercice traditionnel, je dirais même, nécessaires à une bonne pratique professionnelle, d'une part; de l'autre, de diminuer le plus possible le coût de ces services, afin que ceci coûte moins cher à l'Etat et que l'on puisse augmenter, élargir encore, dans d'autres domaines que la santé, les services que l'Etat peut rendre à la population.

C'est à l'intérieur de ces deux cadres, de ces deux impératifs que, pour notre part, notre groupe entend se situer. Nous poserons, avant de proposer des amendements, toutes les questions pertinentes aux organismes qui nous visiteront, dans le cadre des questions que le ministre des Affaires sociales a déjà identifiées pour nous.

M. LE PRESIDENT: Je vais demander au Collège des pharmaciens de la province de Québec d'adresser la parole. Je demanderais à chacun de s'identifier lorsqu'il prendra la parole, s'il vous plaît.

Collège des pharmaciens

M. GAGNON: Jacques Gagnon, président du Collège des pharmaciens de la province de Québec.

M. le Président, Messieurs les ministres, Messieurs les membres du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier pour avoir donné au Collège des pharmaciens l'occasion

d'exposer ses vues sur le projet de loi 69 et de répondre à vos questions à ce sujet s'il y a lieu.

J'aimerais en premier lieu, et je crois que c'est essentiel, établir nos positions de façon claire et précise afin d'éviter toute interprétation équivoque. Comme le rôle du Collège des pharmaciens n'est pas connu, ou plutôt mal connu, nous avons pris la liberté de faire parvenir à chacun des membres de cette commission un court mémoire qui illustre l'évolution qui s'est faite au Collège des pharmaciens comme partout dans le Québec depuis ces dernières années. Notre seul désir est d'éviter toute discussion stérile pouvant être due à un manque d'information.

Le Collège des pharmaciens, en janvier 1966 et en mai 1967, a présenté au ministère de la Santé et du Bien-être social ainsi qu'à la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social des mémoires dans lesquels le Collège se prononçait en faveur d'un régime universel d'assurance-maladie couvrant les médicaments, partie nécessaire et essentielle à tout régime de ce genre. Le Collège a donc toujours été et est encore en faveur d'un régime d'assurance-médicaments et désire sa mise en application dans le plus bref délai possible, d'où notre entier accord avec le principe du projet de loi 69.

En octobre 1970, le collège a présenté ses recommandations sur les rapports du comité consultatif de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ces recommandations ont été déposées par la suite au ministère de la Santé. Le collège a alors fait connaître ses vues. Sans vouloir entrer dans les détails j'aimerais faire valoir les points suivants:

Accord avec le projet de loi: La complémentarité des médicaments avec les soins médicaux ne soulève aucun doute. Il en est de même de l'importance d'en assurer la couverture d'abord à ceux qui en ont le plus besoin, soit les récipiendaires de l'aide sociale. C'est pourquoi le collège se déclare complètement en accord avec le principe du projet de loi 69 tout en espérant que le gouvernement pourra mettre en marche le plus tôt possible un régime d'assurance-médicaments qui s'appliquera universellement. Dans un tel régime, et pour des raisons évidentes, le pharmacien devrait avoir le même privilège quant au désengagement que les autres professionnels de la santé. Cependant, en ce qui concerne les assistés sociaux il ne saurait être question de désengagement pour le pharmacien, et nous sommes très fermes sur ce point. D'ailleurs, l'aspect humanitaire de ce projet de loi à lui seul justifie notre attitude et la commande.

Honoraires professionnels: Le collège est d'accord avec le projet de loi pour tout ce qui a trait à la rémunération des services du pharmacien. Quant à la négociation relativement à cette question, il appartiendra aux syndicats professionnels de la faire.

L'activité professionnelle: II faut que les pharmaciens, comme dans le cas de tous les autres professionnels de la santé, gardent, afin de protéger le public, le contrôle de leur activité professionnelle. Le collège exerce ce contrôle de deux façons: pendant et après l'acte pharmaceutique. C'est la façon conventionnelle qui existe dans toutes les corporations et qui implique, premièrement, des avis publics, deuxièmement, un système d'inspection, troisièmement, un bureau d'éthique, quatrièmement, un bureau de discipline.

Rappelons, comme nous l'avons affirmé dans le texte déposé à la commission parlementaire, que dans les avis publics le collège recommande à la population du Québec de vérifier les obligations du pharmacien et de s'adresser au collège s'il y a lieu.

De plus, le système d'inspection fait en moyenne 50 inspections par semaine et le bureau de discipline siège en moyenne une fois par mois pour y entendre les plaintes soumises.

Avant l'acte pharmaceutique: Cependant, même s'il admet que les premiers moyens de contrôle sont nécessaires, le Collège des pharmaciens considère que le contrôle de l'activité professionnelle doit aussi être exercé avant que l'acte pharmaceutique soit posé. Cette façon de contrôle se fait de différentes façons. Premièrement, par la tenue d'un dossier-patient qui permettra surtout d'éviter les abus de médicaments. Conscient de l'importance de l'élaboration d'un profil de consommation et de prescription de médicaments, le conseil des gouverneurs a adopté un règlement le 9 mai 1970.

Deuxièmement, surtout par l'éducation permanente obligatoire, le collège considère que, pour le bien du public, le pharmacien doit assurer son perfectionnement personnel continu. Ce moyen d'éviter les incompatibilités médicamenteuses et ainsi de protéger la santé publique existe depuis plus de deux ans au collège, qui est la première corporation à avoir institué un tel système.

Rôle nouveau. Tout comme bien d'autres professions de semblable nature, syndicats, etc., le collège est conscient du rôle nouveau qu'il est appelé à jouer dans le contexte actuel où les services de santé se socialisent. Le Collège des pharmaciens est également conscient du fait qu'il est devant une commission étudiant un projet de loi touchant uniquement à la mise en vigueur d'un régime partiel d'assurance-médicaments.

A titre de conclusion, nous sommes heureux de constater que le gouvernement du Québec, en incluant les pharmaciens au sein du projet de loi 69, considère notre profession comme faisant partie intégrante des professions de la santé. Nous pouvons assurer, dans ce domaine, notre gouvernement, le ministre des Affaires sociales et, enfin, la Régie de l'assurance-maladie de notre entière collaboration.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il des membres de la commission qui ont des questions à poser?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, M. le Président. M. Gagnon nous a parlé de la formation des membres de sa profession. Dans son dossier, il parle de recyclage. Je voudrais demander au président du collège s'il y a des études spéciales ou des initiatives qui ont été prises auprès des pharmaciens pour assurer une meilleure décentralisation des effectifs de la profession sur tout le territoire du Québec. Est-ce qu'il est satisfait de la situation actuelle? Advenant l'élargissement de ce régime partiel dans un régime général, est-ce qu'il croit, actuellement, avec la répartition que l'on connaît que cette répartition est suffisante pour assurer l'accessibilité de toute la clientèle aux services des pharmaciens?

M.GAGNON: M. Cloutier, le Collège des pharmaciens a fait une étude sur la répartition des pharmaciens dans la province. Inutile de vous dire que nous nous apercevons du fait que c'est dans les grandes villes qu'il y a des pharmaciens. Il est vrai que, dans certaines localités, il n'y a pas de pharmacien, mais nous sommes soumis à une loi qui nous dit que, dans les localités où il y a une population inférieure à 7,000, le médecin a le droit de distribuer des médicaments. Alors, nous sommes dans un cercle vicieux. Plusieurs pharmaciens seraient peut-être prêts à aller donner des services pharmaceutiques dans ces régions, mais des médecins étant là, pratiquant déjà la pharmacie, le pharmacien arrive à son tour et ne peut rien faire.

Mais vous avez raison, je pense, d'affirmer que nous avons un nombre suffisant de pharmaciens pour desservir la population et qu'ils sont mal distribués.

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons si je comprends bien, que, les médecins qui pratiquent dans des endroits plus éloignés où il n'y a pas de pharmacie distribuent les médicaments...

M. GAGNON: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... et les pharmaciens, dans ces endroits où il n'y a pas 7,000 de population, ne dispensent pas les services pharmaceutiques. Est-ce qu'il y a déjà eu des échanges entre vos deux professions: le Collège des pharmaciens et le Collège des médecins, afin d'en venir à une entente ou de discuter de modalités selon lesquelles il pourrait y avoir possibilité, pour des pharmaciens, de s'installer dans ces régions?

M. GAGNON: Nous n'avons jamais rencontré le Collège des médecins pour discuter de cela.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, vous seriez disposés à le faire...

M. GAGNON: Certainement.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... si, à un moment donné, les résultats à obtenir l'exigeaient.

M.GAGNON: Certainement, nous serions prêts à le faire.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que le député de Montmagny me permettrait de poser une question à M. Gagnon?

Il est sans doute vrai, parce que vous venez de l'affirmer, qu'au cours de votre terme à la présidence du Collège des pharmaciens vous n'avez pas rencontré les représentants de la profession médicale. Mais, n'est-il pas vrai qu'au cours de plusieurs années, il y avait des échanges poursuivis par un comité conjoint pendant plusieurs mois, je dirais même, deux ou trois années?

M. GAGNON: J'aimerais vous corriger peut-être sur un point. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que je n'ai jamais rencontré le Collège des médecins. J'ai répondu à M. Cloutier que je n'avais jamais rencontré le Collège des médecins pour discuter de la répartition des pharmaciens dans la province. Mais nous avons rencontré le Collège des médecins à plusieurs reprises sur d'autres sujets.

M. GOLDBLOOM: Mais, ce sujet précis a été discuté à maintes reprises et il y a évidemment un problème assez particulier. Vous avez raison en disant que le pharmacien qui arrive dans un petit centre où déjà le médecin, avec le droit de le faire, distribue et vend des médicaments, est dans l'impossibilité de s'introduire dans la vie économique de ce centre parce qu'il n'y en a pas assez pour deux. Mais, il en est de même pour le médecin et il se peut, maintenant que l'assurance-maladie est en vigueur, que la situation change. Mais depuis de longues années les médecins disent que pour eux c'est impossible de vivre dans de petits centres sans être en mesure de vendre des médicaments.

Alors, j'espère que maintenant que ce problème devrait être réglé par l'introduction de l'assurance-maladie, des échanges recommenceront et qu'une entente prévoira peut-être une période de temps pour que le médecin se départisse de l'approvisionnement qu'il possède mais que ces échanges seront maintenant possibles.

M. GAGNON: Remarquez bien que nous souhaitons rencontrer le Collège des médecins sur ce point. Nous avons fait des recommandations particulières sur la distribution des médicaments au comité consultatif de la régie.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Gagnon, dans votre exposé, vous avez fait allusion au désengagement. Ma question s'adresserait au-

tant au ministre des Affaires sociales qu'à vous. Si le désengagement n'était pas permis à l'intérieur de ce régime partiel, aimeriez-vous entendre, de la part du ministre des Affaires sociales, quelle serait l'attitude que prendrait son gouvernement advenant l'établissement d'un régime général? Dans un régime général, tel que consenti pour les médecins, le collège se prononcerait-il en faveur du désengagement des professionnels pharmaciens à l'intérieur d'un régime général d'assurance-médicaments?

M. GAGNON: Certainement, d'ailleurs c'est ce que j'ai dit tout à l'heure quand j'ai dit que dans un régime universel, le collège se prononcerait contre. Mais dans le régime pour les assistés sociaux, vu le plan humanitaire du système, nous approuvons le gouvernement, nous approuvons le bill 69.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, je pose maintenant la question au ministre des Affaires sociales pour connaître son opinion sur ce sujet.

M. CASTONGUAY: Comme nous n'en sommes pas encore rendus à cette étape, me permettriez-vous de demander au président pourquoi il insisterait pour le désengagement si le régime devenait universel? En quoi un tel régime, où on négocie un honoraire pour le service rendu par le pharmacien, pourrait modifier la qualité des services, ou brimer la liberté du pharmacien ou des patients? C'est ce genre de questions que je me pose, surtout parce qu'il y a le problème d'accessibilité que vous venez de mentionner.

M. GAGNON: Nous disons, M. Castonguay, que nous voulons être traités sur le même plan que les autres professionnels de la santé.

M. CASTONGUAY: Je suis bien d'accord, mais je voudrais savoir pourquoi. Je suis bien d'accord sur le fait que vous voulez être traités sur le même pied que les autres. Je ne vois pas d'objection...

M. GAGNON: C'est une liberté que le pharmacien devrait avoir, celle d'adhérer au système ou de ne pas y adhérer, comme les médecins l'ont eue et comme les autres professionnels. Je comprends qu'il y a peut-être une question d'accessibilité aux services parce que nous sommes moins nombreux que les autres corps.

M. CASTONGUAY: Je ne veux pas avoir l'air désagréable; d'autre part, les nuances et aussi certaines explications sont peut-être nécessaires. Par exemple, les médecins spécialistes ont mis beaucoup plus d'insistance que les médecins omnipraticiens sur cette question. Et, dans leurs convictions, ils avaient une série de motifs à l'appui. Les omnipraticiens qui ont un type de pratique un peu différent avaient d'autres motifs qui faisaient en sorte qu'ils mettaient beaucoup moins d'insistance sur cette question.

Les optométristes, d'autre part, auraient été prêts à adhérer à un régime où il n'y aurait pas eu possibilité de désengagement. Ils avaient des motifs à l'appui de ce point de vue. Alors, je pense que, en plus du fait de l'uniformité de traitement, il est bon de comprendre pourquoi on adopte telle position et pourquoi on la rejette et c'est dans ce sens-là que ma question est posée.

M. GAGNON: II y a une autre recommandation que nous avons faite à la régie sur la distribution des médicaments. On disait que la priorité devait être accordée aux pharmaciens du secteur privé, ce qui favoriserait une meilleure répartition géographique des pharmaciens à travers la province. Je pense que cela revient un peu à la question qu'on m'a posée tout à l'heure.

On dit que le collège, croyant que la pharmacie d'officine devrait être le seul point de distribution des médicaments, considère que le pharmacien d'officine est la personne devant être remboursée par la régie.

Les pharmaciens du secteur privé pourraient être secondés par les pharmaciens du secteur public, bien que le rapport de la commission Castonguay souligne l'inefficacité relative de ce secteur.

Enfin le réseau de distribution pourrait être complété par les médecins ou par les infirmières lorsque la population n'est pas suffisante pour la mise en place d'un CLS, (Centre local de santé) ou d'un CCS, (centre communautaire de santé). Nous sommes prêts, M. le ministre, à analyser toute la répartition géographique des pharmaciens dans la province. Et à ce moment -là, nous pourrions reconsidérer le rôle de notre désengagement ou pas, parce que c'est basé, je pense, sur la distribution des soins qu'on pourrait avoir dans la province.

Il est évident que les pharmaciens ne sont pas répartis sur tout le territoire. Alors de ce côté-là, si on permettait le désengagement, qui en souffrirait? Ce serait la population.

M. CASTONGUAY: Alors, pour le moment, si je comprends bien — parce que le député m'a posé une question et moi, je n'ai pas encore de réponse — comme je l'ai mentionné, nous ne sommes pas encore rendu à cette étape-là. Mais la raison première, ce serait pour insister sur le désengagement, la seule, de toute façon, que j'ai perçue dans votre réponse, c'est que vous aimeriez être traités comme les autres.

M. GAGNON: C'est ça.

M. CASTONGUAY: D'accord.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai écouté,

ce matin, une émission radiophonique, une interview que le ministre des Affaires sociales a donnée au sujet de ce projet de loi. Le ministre a dit qu'il voulait mettre l'accent sur la formation d'auxiliaires pour les dentistes. Etant donné que, là aussi, il y a probablement une pénurie de professionnels et que la répartition des effectifs dans le Québec pourrait également, être améliorée à la condition qu'ils soient suffisants, est-ce que le ministre croit, avec ce moyen qu'il a préconisé: la formation plus poussée des auxiliaires dentaires, qu'il pourrait corriger, à assez court terme, le manque d'effectifs et, par le fait même, la répartition, défectueuse évidemment, des effectifs médicaux?

M. CASTONGUAY: Si je comprends bien, votre question est spécifiquement réservée aux dentistes et aux auxiliaires dentaires.

M. CLOUTIER (Montmagny): On pourra y revenir.

M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on pourrait...

M. CLOUTIER (Montmagny): On pourra y revenir tantôt quand il y aura des mémoires au sujet des dentistes.

M. CASTONGUAY: Très bien.

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que le président du collège pourrait nous dire combien il y a actuellement de pharmaciens d'officine, et combien de pharmacies au Québec?

M. GAGNON: Nous avons, dans le Québec, 2,000 pharmaciens. Et nous avons 1,200 pharmacies. Je vais donner les chiffres exacts: 2,000 membres qui oeuvrent dans les secteurs suivants: pharmacies d'officine, communautaires, pharmacies d'hôpital et industries pharmaceutiques, Forces armées canadiennes, enseignement et organismes gouvernementaux et professionnels. Le nombre de pharmaciens propriétaires est d'environ 1,000. Mais en vertu de notre loi, certains pharmaciens possèdent deux ou trois pharmacies.

M. LAURIN: Pourriez-vous nous dire combien de localités, de municipalités n'ont pas de pharmacie?

M. GAGNON: De mémoire, je ne peux pas vous le dire, mais nous avons fait la répartition géographique. Je pourrais vous la soumettre.

M. LAURIN: Un ordre de grandeur.

M. GAGNON: De localités, je ne le sais pas.

M. LAURIN: Vos études ne sont pas rendues à ce point-là?

M. GAGNON: Je pourrais vous l'envoyer quand elles seront terminées.

M. LAURIN: Je vais vous poser une question hypothétique.

Supposons que, dans cinq ou six ans, il y ait des centres locaux de santé dans toutes les régions et dans toutes les municipalités du Québec, auriez-vous objection à ce que, dans ces centres locaux et régionaux de santé, il y ait un pharmacien avec les locaux dont il a besoin qui serait salarié par le gouvernement et qui vendrait ou donnerait les médicaments au coût fixé par l'Etat?

M. GAGNON: Selon notre loi, il faut, pour exercer la profession de pharmacien, être propriétaire ou locataire du local. A ce moment, on n'a aucune objection.

M. LAURIN: A supposer que dans les nouveaux centres locaux de santé, les locaux soient régis par un budget comme celui qui existe actuellement dans les hôpitaux et que le pharmacien y travaille à la façon dont travaille un pharmacien d'hôpital, actuellement, est-ce que le collège aurait objection à un pareil système?

M. GAGNON: Oui, nous aurions objection parce qu'on veut complètement contrôler et l'acte pharmaceutique et la tenue de la pharmacie.

M. LAURIN: Est-ce que vous ne contrôlez pas l'acte pharmaceutique donné par les pharmaciens dans les hôpitaux, actuellement?

M.GAGNON: Oui, mais nous n'avons plus de contrôle sur le propriétaire de la pharmacie ou le propriétaire du lieu en vertu de notre code de déontologie.

M. LAURIN: Est-ce que c'est la propriété qui importe ou la qualité de l'acte?

M. GAGNON: C'est la qualité.

M. LAURIN: Est-ce que vous ne contrôlez pas actuellement la qualité de l'acte pharmaceutique?

M.GAGNON: Présentement, nous contrôlons la qualité de l'acte.

M. LAURIN : Alors, quelle serait la différence entre la qualité de l'acte posé dans un centre local de santé par un pharmacien salarié et la qualité de l'acte posé par un pharmacien d'officine?

M. GAGNON: Je dois admettre qu'il n'y en a pas.

M. LAURIN: Maintenant, vous dites que le collège entend garder le contrôle de l'activité professionnelle. Sur quelles activités professionnelles porte actuellement le contrôle du collège?

M. GAGNON: L'activité professionnelle que le collège exerce, c'est sur l'exécution de l'ordonnance afin qu'elle soit exécutée selon sa teneur et qu'elle soit exécutée par un pharmacien. Egalement, sur tout le contrôle de nos règlements internes. L'interprétation de l'ordonnance également. Mais pour revenir à la question que vous m'avez posée tantôt — j'ai trouvé le tableau — il y a une seule région administrative où il n'y a pas de pharmacien et c'est le Nouveau-Québec. Je peux vous nommer ici les régions: le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, 26 pharmaciens; le Saguenay-Lac Saint-Jean, 51; le Québec, 274; Trois-Rivières, 106; les Cantons de l'Est, 53; Montréal, 1,196; l'Outaouais, 41; le Nord-Ouest, 20; la Côte-Nord, 12 et le Nouveau-Québec, 0.

M. LAURIN: Vous avez bien compris le sens de ma question?

M. GAGNON: Oui.

M. LAURIN: C'était pour savoir combien y avait-il de localités au Québec où la pharmacie était assez loin pour que ce soit difficile pour un patient d'aller faire remplir une ordonnance. Est-ce que vos études ont...

M. GAGNON: Dans ces cas, le médecin a le droit et le privilège de distribuer des médicaments.

M. LAURIN: Mais, si je comprends bien, c'est une situation que vous déplorez et que vous voudriez voir disparaître.

M. GAGNON: Oui, parce que dans certaines régions — vous allez le comprendre — où il y a 3,000 habitants, par exemple, un pharmacien pourrait difficilement vivre. Mais il y a des régions où il y a peut-être 6,500 à 6,800 de population, où un pharmacien pourrait vivre et donner les services. Or, le médecin, en vertu de notre loi, a le droit de distribuer les médicaments dans ces localités.

M. LAURIN: Quels sont les désavantages...

M. GAGNON: II est membre de notre corporation, du collège.

M. LAURIN: ... essentiels que vous voyez à cette formule actuelle?

M.GAGNON: Un pharmacien crève; il n'est pas capable de vivre.

M. LAURIN: C'est un argument économique? Vous...

M. GAGNON: On ne va pas en envoyer là; le gars ne peut pas vivre. C'est bien beau de dire: On va distribuer des soins, mais il faut vivre également.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.

M. VEZINA: J'aurais des questions à poser au président. Au début de votre exposé, vous mentionniez que le rôle du collège était sinon inconnu, du moins mal connu. Vous avez exposé le fait que vous étiez heureux de voir le Collège des pharmaciens et les pharmaciens assimilés aux professionnels de la santé et vous semblez nous faire la preuve que vous possédez des structures qui vous permettent d'exercer un contrôle. Vous avez employé l'expression "bureau d'éthique et bureau de discipline". Voici la première question que j'ai à vous poser: Quelle différence y a-t-il entre les deux bureaux, d'une part, et qui siège à ces bureaux?

M. GAGNON: Au bureau d'éthique on reçoit les plaintes mineures qui ne sont pas des actes dérogatoires. Si le pharmacien commet une faute mineure sur un de nos règlements, nous le convoquons devant le bureau d'éthique. A ce bureau d'éthique siègent des gouverneurs et le registraire du Collège des pharmaciens.

M. VEZINA: Des gouverneurs, ça vient d'où?

M. GAGNON: Ces gouverneurs sont élus par les pharmaciens dans les différentes régions de la province.

M. VEZINA: Ce sont des pharmaciens?

M.GAGNON: Ce sont des pharmaciens. Le bureau de discipline, lui, entend tous les actes dérogatoires que pourrait commettre un membre. C'est le conseil des gouverneurs qui nomme les membres du bureau de discipline qui sont également des pharmaciens.

Le bureau de discipline comprend six membres nommés par le Conseil des gouverneurs et ce sont des membres qui pratiquent dans différentes sphères de la pharmacie. En plus, le président du collège est ex officio président du bureau de discipline.

M. VEZINA: Vous avez parlé de la nécessité d'avoir un dossier-patient.

M. GAGNON: Oui.

M. VEZINA: Est-ce que ça existe actuellement dans l'exercice de la profession?

M. GAGNON: Comme je le mentionnais tout à l'heure, le collège a adopté un règlement pour obliger tous les membres de la corporation à tenir un dossier-patient. Mais, en vertu de notre loi également, ce règlement doit être sanctionné par le lieutenant-gouverneur en conseil et il ne l'a pas encore été.

Je peux affirmer que la majorité des pharmaciens est en faveur d'un tel dossier-patient parce que réellement c'est avec ce dossier-patient qu'on peut contrôler et jouer notre rôle qui consiste à avertir le patient s'il y a une incompatibilité thérapeutique ou quoi que ce soit. Je pense que c'est une arme essentielle. Il y a des prescriptions contradictoires. Souvent, un patient va avoir une ordonnance d'un ou de deux médecins, par exemple, d'un spécialiste et il oublie de dire à son spécialiste qu'il prend tel médicament. Je crois que c'est le rôle du pharmacien d'avertir ce patient-là qu'il peut y avoir un danger d'incompatibilité thérapeutique ou de communiquer avec son médecin.

M. VEZINA: Maintenant, est-ce que le Collège des pharmaciens a un mot à dire de quelque façon que ce soit sur le prix des médicaments?

M. GAGNON: Absolument pas. Le Collège des pharmaciens n'a aucune autorité pour fixer ou pour réglementer le prix des médicaments. Ce n'est pas notre problème. La loi est claire et précise; nous n'avons absolument aucune autorité sur les prix, aucun pouvoir de fixer les prix.

M. VEZINA: Une dernière question. Le Collège des pharmaciens s'est-il prononcé d'une façon ou d'une autre sur le fait que, dans les pharmacies, on a la possibilité d'acheter à peu près n'importe quoi, depuis les "trames sauvages" jusqu'à la crème glacée? Est-ce que vous étudiez ce problème-là?

M. GAGNON: Evidemment, nous avons un règlement qui a été adopté en 1967 qui stipule que toutes les pharmacies ouvertes après 1967 ne devaient vendre que des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Nous sommes placés devant un problème. Nous croyons qu'il faut que le pharmacien choisisse: ou le pharmacien exercera sa profession et son art ou il deviendra un commerçant. Mais on n'accepte pas que le pharmacien se serve de son titre pour faire du commerce et ouvre à n'importe quelle heure du jour pour vendre toutes sortes de choses. Nous avons une formation professionnelle et nous devons exercer notre profession à l'intérieur de ces limites.

Si le pharmacien veut faire du commerce, libre à lui. Qu'il sépare son officine de son commerce et il le fera. Nous n'avons aucune objection à ça. Mais nous avons objection à ce qu'il exerce les deux dans son officine, dans le même local.

M. VEZINA: Mais ça, je comprends que c'est pour les pharmacies ouvertes après 1967.

M. GAGNON: Entendu. Mais, à cet effet-là, nous avons déposé au Conseil des gouverneurs, à l'assemblée de novembre dernier, un avis de motion modifiant ce règlement. Nous voulons l'appliquer à tous les pharmaciens de la province.

M. BLANK: Je pense que tout cela a été discuté ici devant la commission en 1964 et en 1967.

M. GAGNON: Je le crois, mais malheureusement je n'étais pas là en 1964.

M. BLANK: Moi, j'y étais. Si je me souviens bien, le collège désirait avoir les pharmaciens complètement séparés et qu'ils n'aient pas le droit de vendre des poubelles.

M. GAGNON: C'est ça.

M. BLANK: Cela, c'est le mot que Feu Daniel Johnson utilisait "poubelles". Nous avions fait un compromis en disant: Si vous séparez les deux, ça peut marcher. C'est l'Assemblée qui a adopté cette loi-là et c'est la loi que vous utilisez maintenant.

M. GAGNON: Je ne voudrais pas vous interrompre sur votre interprétation; c'est un règlement...

M. BLANK: Mais le règlement est dans la loi.

M. GAGNON: ... du collège qui a été sanctionné par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. BLANK: Mais ces règlements, avant qu'ils soient adoptés, passent devant votre conseil.

M. GAGNON: Le règlement est adopté selon les modes de procédure au conseil et, ensuite, il est soumis pour approbation au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. BLANK: Et le conseil est élu par les membres?

M. GAGNON: Par les membres, par les pharmaciens.

M. BLANK: C'est-à-dire que, lorsque vous adoptez un règlement, c'est la voix de la majorité de vos membres qui parle.

M. GAGNON: Sûrement, par le Conseil des gouverneurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette. M. QUENNEVILLE: M. Gagnon, votre loi

prévoit que, dans les municipalités où la population est inférieure à 7,000, le médecin peut dispenser des médicaments.

M. GAGNON: C'est ça.

M. QUENNEVILLE: Est-ce que ça implique par le fait même que, dans les localités où la population est supérieure à 7,000, le médecin ne peut pas dispenser des médicaments?

M. GAGNON: Sauf s'il possède des droits acquis.

M. QUENNEVILLE: Je comprends, mais en dehors de ça.

M. GAGNON: Pardon?

M. QUENNEVILLE: Pour des nouveaux.

M. GAGNON: Pour des nouveaux, je pourrais demander à mon conseiller juridique d'y répondre, parce que je ne suis pas avocat; mais, d'après moi, les nouveaux ne peuvent pas les dispenser.

M. QUENNEVILLE: Voici pourquoi, avant que votre conseiller juridique ne réponde; c'est parce que, à cause de la mauvaise répartition des pharmaciens, il y a des endroits populeux où il n'y a pas de pharmacien. Je prends comme exemple le comté de...

M. LACROIX: Les Iles-de-la-Madeleine.

M. QUENNEVILLE: ...M. Lacroix, les Iles-de-la-Madeleine, où il y a 14,000 personnes, et il n'y a pas de pharmacien. Est-ce qu'il n'y aurait pas avantage d'avoir des mesures incitatives, de la part du Collège des pharmaciens, pour amener dans ces régions des pharmaciens?

M. GAGNON: C'est ce que nous avons fait, mais, dans certaines régions, c'est impossible d'en avoir. A ce moment- là, nous permettons, pendant une année, de donner au médecin le privilège de distribuer les médicaments. Et si nous trouvons un pharmacien, il ira.

M. LACROIX: Vous pourriez autoriser le député, cela éliminerait cette...

M. GAGNON: Faites-en la demande au collège.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais revenir sur la question précédente, posée par le député de Montmorency. Le président du collège, M. Gagnon, a dit qu'en vertu du règlement actuel, qui s'applique depuis le 1er janvier 1967 pour les nouveaux professionnels dans le domaine de la pharmacie, ils doivent séparer...

M. GAGNON: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): ...leur officine de l'endroit de commerce. Pour la période antérieure à 1967, est-ce que le collège serait disposé à sanctionner un règlement par le lieutenant-gouverneur, en prévoyant cependant une période de transition pour ceux qui sont déjà installés actuellement, à cause des modifications et des transformations à faire, qui, dans certains cas, peuvent représenter une somme assez importante? Avec cette période de transition, est-ce que le collège voudrait demander au lieutenant-gouverneur de sanctionner un autre arrêté en conseil pour la période d'avant 1967?

M. GAGNON: Certainement, et nous avons prévu dans le règlement qu'il y aurait une certaine période donnée aux pharmaciens pour faire les transformations nécessaires. Il est évident qu'un capital est investi dans ça, on ne peut pas s'imposer et dire: Un mois après l'adoption de notre règlement, on transforme toute la pharmacie. Nous allons prévoir dans le règlement un certain temps, un an ou deux — nous n'avons pas encore arrêté la longueur — mais il y aura certainement un laps de temps pour faire la transition.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au sujet du contrôle de l'acte pharmaceutique, dont on a discuté tout à l'heure, est-ce qu'actuellement vous pouvez exercer un contrôle à votre satisfaction sur l'acte pharmaceutique posé dans les hôpitaux, dans les institutions qui émargent au budget du ministère des Affaires sociales, les institutions de bien-être, ou les soins à domicile? Est-ce que, dans ces secteurs, vous êtes satisfaits?

M. GAGNON: Dans le secteur hospitalier, nous pouvons exercer un contrôle. Dans les autres secteurs, non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les soins à domicile, actuellement?

M. GAGNON: Pour les soins à domicile, il y a plusieurs façons de procéder. Dans la ville de Québec, entre autres, une entente a été signée avec les pharmaciens, et, pour toutes les personnes soignées à domicile, les ordonnances sont remplies et exécutées par le pharmacien de leur choix. Ils veulent uniformiser ça — d'après ce qu'on m'a dit — mais dans d'autres régions on choisit un pharmacien, ou encore on achète le médicament.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. J'aurais une question à vous poser, M. Gagnon. La carte médicale distribuée à ceux qu'on appelle les assistés sociaux a été le début de l'étatisation de la médecine. En réclamant, comme vous le faites, un régime universel d'assurance-médicaments, et le gouvernement défrayant la note, ne croyez-vous pas que c'est le prélude à l'étatisation des pharmacies au Québec?

M. GAGNON: Nous ne le croyons pas, non, parce que les pharmaciens, comme les autres professionnels de la santé, font partie de l'équipe. Je ne vois pas quel intérêt le gouvernement aurait à socialiser tout ça.

Dans le cas de la pharmacie, ce serait extrêmement coûteux et la répartition serait probablement moins bonne. Je le présume. Tandis que présentement, avec les améliorations qu'on veut apporter à la répartition des pharmacies, de service va être meilleur. Je ne crois pas que ça entraîne l'étatisation.

M. DUMONT: Dans un autre ordre d'idée, vous avez parlé d'autodiscipline. Pour l'attitude que vous prenez, nous vous félicitons. Et vous avez répondu au député de Montmorency que vous n'aviez aucune juridiction sur le problème des prix. Est-ce que vous ne devriez pas intercéder pour que les abus et l'exploitation soient enrayés, considérant que c'est un point assez important dans la vie des individus?

M. GAGNON: Vous voulez dire l'abus des drogues ou l'abus...

M. DUMONT: L'abus des prix des médicaments en pharmacie. Vous pourriez ajouter dans votre autodiscipline cette possibilité que le Collège des pharmaciens puisse même avoir juridiction en ce domaine.

M. GAGNON: Remarquez bien que nous sommes en faveur d'un système qui serait trouvé pour abaisser le coût des médicaments. Bravo! Nous sommes en faveur de ça. Mais le collège n'a pas juridiction dans ce domaine-là, et nous ne croyons pas que cela nous regarde de trouver des moyens. Nous sommes là pour la protection du public: contrôler l'acte médical, suivre le pharmacien, mais non pas surveiller les prix, jamais. Nous demandons, depuis 1964, que le pharmacien sorte de ce carcan-là, qu'il arrête d'être rémunéré à profits. Nous voulons que le pharmacien soit reconnu comme un professionnel, comme il l'est par le bill 69, et qu'il soit rémunéré avec des honoraires professionnels. Nous ne croyons pas que ce soit notre domaine de...

M. DUMONT: Même si vous découvrez des abus parfois un peu graves?

M. GAGNON: Nous n'avons pas de pouvoir. Nous n'avons aucun pouvoir.

M. DUMONT: Vous ne pouvez pas en ajouter?

M.GAGNON: Non. M. DUMONT: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, pour continuer sur la même question du contrôle de l'acte professionnel, je suppose que, parmi toute cette gamme de produits pharmaceutiques, vous avez des produits qui sont difficilement assimilables ou qui peuvent être plus difficilement assimilés les uns que les autres. Je pense qu'il peut y avoir même des produits qui, en fait, ne sont pas assimilables du tout. Dans ce contrôle de l'acte professionnel, est-ce que vous contrôler à ce point de vue d'une façon scientifique, si vous voulez, la qualité des médicaments qui sont distribués par les pharmaciens?

M. GAGNON: Par notre cours d'éducation continu, nous donnons les informations thérapeutiques du médicament. Le contrôle de la qualité du médicament relève du gouvernement fédéral. Nous n'avons aucun moyen de contrôler la qualité. Parfois, des rapports nous sont envoyés par la Direction générale des aliments et drogues du gouvernement fédéral à ce sujet. Le pharmacien dans son officine n'a aucun contrôle sur la qualité du produit.

M. SAINT-GERMAIN: Vous ne pouvez pas contrôler, même s'il est assimilable ou pas assimilable, par exemple?

M. GAGNON: Quelquefois, des rapports nous sont envoyés, comme sur certains produits qui ne sont pas assimilables. Cela, nous le savons. Mais quant au contrôle absolu par des moyens scientifiques, au sein de notre laboratoire ou de notre officine, le pharmacien n'a pas ce contrôle.

M. SAINT-GERMAIN: Si vous me le permettez, M. le Président, nous avons appris, par la voie des journaux, que certaines pharmacies avaient distribué des produits non valables au point de vue pharmaceutique. Est-ce que le collège a autorité pour protéger le public contre cela?

M. GAGNON: Cette chose-là est devant les tribunaux, c'est sub judice, mais le collège a envoyé ses procureurs pour suivre toute la marche de l'affaire.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.

M. SAINDON: Je voudrais demander quel-

que chose à M. Gagnon. M. Gagnon, vous semblez d'avis que l'étatisation de la pharmacie est peu probable. Quelle serait votre réaction personnelle ou l'opinion du collège si, une bonne journée, le gouvernement voulait étatiser la pharmacie?

M. GAGNON: Le Collège des pharmaciens comme tel, quant à la qualité des médicaments et la qualité des soins, ne peut rien faire. Je ne pense pas que notre organisme puisse défendre le point de vue économique. Il y a un syndicat de pharmaciens, et je pense que cela lui appartiendrait de défendre ce point-là. Pour nous, en autant que la qualité des produits, que la qualité du service est assurée, nous l'acceptons.

M. SAINDON: Ce n'est pas cela que je demande. Je ne demande pas ce qu'il pourrait faire ou ne pas faire, il peut me répondre s'il le veut ou ne pas me répondre. Ce que je voulais savoir, c'est si le collège ou le président serait en faveur de l'étatisation.

M. GAGNON: Nous n'avons pas d'opinion de formée.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: M. Gagnon, si nous comprenons bien le souci de la sécurité des patients, il semble un objectif primordial dans votre faculté. Par ailleurs, en dehors de la question des prix, vous semblez avoir le contrôle des règlements à l'intérieur des pharmacies.

M. GAGNON: Le contrôle professionnel. M. QUENNEVILLE: Professionnel.

M. GAGNON: Simplement le côté professionnel.

M. QUENNEVILLE: II y a quand même quelque chose d'inquiétant. Vous avez, je pense bien, une loi qui oblige à la présence continuelle d'un pharmacien à l'intérieur d'une pharmacie. Si on tient compte des chiffres que vous avez donnés tantôt, au point de vue du nombre des pharmaciens, je pense bien que c'est une chose absolument impossible.

Je me demande, alors quelle est votre attitude vis-à-vis de ce règlement.

M. GAGNON: Vous dites que c'est une chose impossible; moi, je ne suis pas d'accord.

M. QUENNEVILLE: Vous n'avez pas suffisamment de pharmaciens?

M. GAGNON: Est-ce obligatoire que le pharmacien soit disponible de 8 heures du matin à 11 heures du soir? C'est-à-dire qu'il peut être disponible; mais est-ce obligatoire que son bureau soit ouvert aussi longtemps? Je pense qu'on est en train... Le collège a recommandé à tous ses membres, pour pouvoir répondre aux besoins de la population, d'avoir un réseau de services d'urgence. Quelle que soit l'heure où un patient a besoin d'une ordonnance, le pharmacien est disponible et capable de la remplir. Entre autres, à Québec, à Chicoutimi, à Hull et à Trois-Rivières, il existe des services d'urgence où le pharmacien est disponible, comme le médecin, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

M. QUENNEVILLE: Oui, mais la présence continuelle d'un pharmacien dans une pharmacie, c'est là-dessus surtout que j'insiste.

M. GAGNON: II faut qu'il y ait un pharmacien pour poser des actes pharmaceutiques. C'est cela que la loi nous dit.

M. QUENNEVILLE: Ce règlement-là quand même vous...

M. GAGNON: Nous le maintenons et nous le suivons de près.

M. QUENNEVILLE: Oui? M. GAGNON: Oui! Merci!

M. LE PRESIDENT: M. le ministre de la Santé.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser. La première, est-ce que le Collège des pharmaciens verrait des objections à ce que les médecins puissent prescrire, ou prescrivent de façon générale par des noms génériques, s'il a des objections à ce que les médecins prescrivent à partir de noms génériques? Est-ce qu'il voit la possibilité que le pharmacien puisse faire des substitutions si le médecin ne prescrivait pas par noms génériques. Il y a deux questions dans cela.

M. GAGNON: II faudrait s'entendre, M. Cas-tonguay. Nous ne parlons pas de substitutions, quand nous disons: Va voir un médecin il va prescrire une tétracycline, on va donner un autre nom de commerce. Nous appelons cela dans le langage pharmaceutique, une duplication. Mais en vertu de notre loi, il est établi qu'elle devient dérogatoire...

M. CASTONGUAY: Oublions la loi, pour le moment.

M. GAGNON: Bon d'accord! Sur le principe, à qualité égale, nous sommes d'accord.

M. CASTONGUAY: Sur quoi?

M. GAGNON: Que le pharmacien puisse substituer un médicament. Nous sommes d'accord sur la duplication d'un médicament...

M. CASTONGUAY: Et quelles sont vos opinions sur la question... Je sais que les représentants du Collège des médecins sont ici — nous aurons la possibilité de leur poser la question également — mais quelle est votre opinion, vous, à titre de président du collège sur la question de la prescription par noms génériques? Ce qui laisserait la latitude au pharmacien de choisir à son sens le médicament de meilleure qualité au meilleur prix.

M. GAGNON: Nous sommes entièrement d'accord là-dessus. Si le médecin prescrit selon un nom générique, s'il y a des normes de qualité de médicaments établies et la latitude est laissée aux pharmaciens de donner le médicament le meilleur marché, à meilleure qualité, nous sommes entièrement d'accord sur cette philosophie.

M. CASTONGUAY: Vous avez dit que vous n'avez pas de pouvoirs, comme collège, de prendre des actions directement vis-à-vis de la question des coûts des médicaments. Mais indirectement, les règlements que vous adoptez ont une influence assez forte. Depuis un certain temps, il me semble qu'il est absolument obligatoire que le pharmacien travaille dans un cadre très strict, que son commerce soit clairement identifié et isolé de la vente d'autres produits. Si je ne me trompe pas — je suis peut-être dans l'erreur — il n'est pas possible, par exemple, d'imaginer que dans un grand centre commercial facilement accessible, on ait, à l'intérieur d'un commerce quelconque, une section bien identifiée qui pourrait respecter toutes les règles d'hygiène et où on pourrait garder des produits pharmaceutiques dans de bonnes conditions de réfrigération, au besoin, etc. Alors, il y a donc ces points que je voudrais faire ressortir. Un autre aspect, c'est celui d'essayer de libéraliser le plus possible cette question de statut du pharmacien, d'endroits où il peut pratiquer, de telle sorte que tout ce qui est artificiel et qui tend à faire hausser les coûts soit éliminé. Est-ce que vous pourriez commenter cette question-là? C'est une question qui se pose de façon assez aiguë* parce que certains pharmaciens essaient, ou se présentent même comme des pharmaciens, ce qu'on appelle en anglais des "discount house" pour réduire leurs prix par divers moyens; ils semblent se buter à des difficultés soit par la voie des règlements ou autrement.

M. GAGNON: En aucun temps, le Collège des pharmaciens n'a empêché un pharmacien d'ouvrir dans un local où l'on vendait des produits autres que ceux de la pharmacie pour une question de prix. Jamais.

M. CASTONGUAY: II doit être propriétaire, par contre, ce qui limite passablement la possibilité qu'on établisse et qu'on réduise les coûts, celui de l'administration ou les frais fixes. Il doit être propriétaire de sa pharmacie, de son officine.

M. GAGNON: C'est cela.

M. CASTONGUAY: C'est l'inverse, en fait, du gouvernement qui assume directement la distribution des médicaments. Est-ce qu'on pourrait imaginer que cette question de propriété — parce que, tantôt, si j'ai bien compris, vous avez dit que la question de propriété n'avait rien à faire avec la qualité — soit élargie considérablement de telle sorte qu'on puisse réduire les frais fixes dans toute la mesure du possible?

M. GAGNON: Je pense qu'à ce moment-là, cela nous prendrait une étude économique pour pouvoir prouver si, véritablement, dans des conditions telles que celles dont vous parlez, cela amènerait une baisse du médicament. Est-ce que je comprends bien votre question?

M. CASTONGUAY: Est-ce que cela prend vraiment une étude économique? Si un pharmacien ne peut être propriétaire que d'une pharmacie, il est évident qu'il aura un certain niveau de frais fixes. Cependant, s'il est l'employé d'un certain commerce, qui a une administration complètement montée au point de vue du paiement des salaires, tenue des inventaires, achats, même, sur une plus large quantité, étant donné la possibilité qu'il regroupe ses achats à l'intérieur d'un réseau, est-ce que ceci pourrait avoir pour effet de réduire la qualité? Il me semble, de prime abord, en tout cas, sans étude plus approfondie, que les frais fixes seraient certainement plus bas.

M. GAGNON: Vous avez entièrement raison: cela ne diminuerait pas la qualité. Mais je ne me sens pas qualifié pour répondre sur l'aspect économique. Je pense qu'ici quelqu'un a des chiffres. Il a fait une étude dans différentes provinces et il pourrait peut-être beaucoup mieux vous éclairer que moi. Mais je pense que c'est évident que cela n'affecterait pas la qualité des soins et des services.

M. CASTONGUAY: Dans un autre ordre d'idées, est-ce que, sur la question de l'établissement d'un format thérapeutique, vous avez des commentaires à faire?

M. GAGNON: Non. Nous nous sommes prononcés en faveur de ce format.

M. CASTONGUAY: Très bien. Dans un autre ordre d'idée, toujours, quelles seraient, à votre point de vue, les implications si la loi du

collège était modifiée de telle sorte que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse autoriser, dans les endroits où les médicaments sont difficilement accessibles, les unités sanitaires, les pharmacies d'hôpitaux, les infirmières de colonies — parce qu'à certains endroits il n'y a que des infirmières de colonies; il n'y a ni médecins, ni pharmaciens — à dispenser les médicaments?

M. GAGNON: Nous n'avons aucune objection. Nous l'avons même recommandé lorsque nous avons siégé au comité consultatif de la régie.

M. CASTONGUAY: Très bien. Est-ce que vous avez, aussi, des objections à ce que des organismes de soins à domicile, par exemple, qui sont formés en vertu d'une charte, mais qui sont intégrés, à toutes fins pratiques, pour leurs activités à un hôpital, obtiennent leurs médicaments par le même truchement que l'hôpital les obtient pour ses patients?

M. GAGNON: A condition qu'il y ait un pharmacien ou un médecin attaché à l'hôpital qui fait le contrôle de la médication.

M. CASTONGUAY: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil, sur la même question.

M. SAINDON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. A qui incomberait la responsabilité de l'efficacité du médicament si le pharmacien avait la liberté de faire une duplication de la prescription d'un médicament? A qui des deux, au médecin ou au pharmacien?

M. CASTONGUAY: Eh bien, là, c'est une question, justement, que je posais au collège: Est-ce que, eux, comme spécialistes dans les médicaments, voyaient objection à ce que le médecin prescrive par noms génériques? Il m'a dit: Non. Et, dans sa réponse à la deuxième question, il disait: Le pharmacien pourrait faire la duplication.

J'ai mentionné, à ce moment-là, que les représentants du collège étaient ici et que la même question devrait leur être posée pour voir, aussi, s'il y a d'autres points de vue.

A ce stade-ci, j'aimerais donc réserver toute opinion ou tout jugement avant d'avoir entendu les représentants des médecins.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'adresse à M. Gagnon, président du collège. Vous en avez peut-être parlé dans votre exposé. Si oui, ça m'a échappé, mais j'aimerais vous demander si les dispositions de la loi au sujet de la formation de la commission de pharmacologie, du nombre de ses membres, de la qualité de ces membres, satisfont le collège ou s'il voudrait voir élargir cette commission en y ajoutant d'autres types de pharmaciens.

M. GAGNON: Je pourrais peut-être demander à M. Robert, qui a siégé à une réunion de la régie, de donner plus de précisions sur ce point.

M. ROBERT: M. Cloutier, je pourrais peut-être vous répondre en vous disant que le comité consultatif de la Régie de l'assurance-maladie a soumis à différents organismes un mémoire au sujet de ce qu'ils ont appelé le comité de conceptualisation des médicaments. A ce moment-là, la régie a soumis un organigramme qui diffère de celui que nous retrouvons dans le bill 69.

A ce moment-là, nous étions d'accord avec la Régie de l'assurance-maladie. Je ne me souviens pas par coeur, mais je sais que l'on préconisait un pharmacien d'officine; l'on préconisait un pharmacien ayant acquis de l'expérience dans l'hôpital, dans l'enseignement et dans l'industrie pharmaceutique entre autres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si je comprends bien vous aviez suggéré que le comité de conceptualisation soit plus large et comprenne d'autres représentants du domaine de la pharmacie.

M. ROBERT: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. CASTONGUAY: Pourrais-je demander pourquoi vous suggériez, étant donné ie mandat de cette commission, tous ces représentants?

M. ROBERT: M. le ministre, je m'excuse, mais ce n'est pas nous qui l'avons recommandé, c'est la régie elle-même qui nous a soumis un mémoire et nous l'avons approuvé.

M. CASTONGUAY: Ah bon! Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. Gagnon, selon le collège, devrait-on laisser au médecin seul ou au pharmacien avec le médecin, la responsabilité de la quantité prescrite par ordonnance? Est-ce que ce devrait être une responsabilité partagée avec le médecin ou si, comme c'est le cas actuellement, le médecin devrait être le seul responsable de la quantité prescrite?

M. GAGNON: Je pense que seul le médecin est responsable de la quantité prescrite.

M. LAURIN: Avez-vous fait des études là-dessus pour montrer que le pharmacien pourrait peut-être améliorer la qualité des soins en

devenant, pour une partie, responsable de la quantité?

M. GAGNON: C'est le médecin qui pose le diagnostic, en fait, et c'est lui qui est capable de juger que le patient a besoin de telle quantité de médicament pour telle maladie. Je ne pense pas que ce soit notre rôle d'intervenir à ce moment-là.

M. CASTONGUAY: Je pense qu'il peut y avoir confusion. J'ai demandé tantôt au président quels étaient ses commentaires sur l'établissement d'un format thérapeutique, c'est-à-dire que pour chacun des médicaments couverts, il y aurait des quantités prédéterminées. Si j'ai bien compris, le président a dit qu'il était d'accord sur l'établissement d'un tel format thérapeutique. Je crois voir là peut-être une certaine contradiction parce que, d'autre part, le président dit que c'est le médecin qui est le seul juge de la quantité à prescrire.

M. GAGNON: J'ai dit que nous étions d'accord sur le format thérapeutique, c'est vrai, parce que le format thérapeutique amènerait probablement l'accélération d'un service. Mais je ne vois pas en quoi le pharmacien serait appelé à déterminer la quantité de pilules ou de médicaments pour un cas donné, à moins qu'il ne travaille en équipe, en collaboration directe avec lui, comme on le voit dans certains pays, je pense.

Mais si le médecin, d'une part, est dans son cabinet de pratique et le pharmacien dans son officine, je ne vois pas de quelle façon on peut agencer les deux.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant de poser mes deux dernières questions, j'aimerais commenter les propos tenus tout à l'heure par le député de Bourget. Il me semble que c'est le médecin qui doit juger de la durée du traitement, donc la quantité à prescrire, dans deux sens. Je prends l'exemple des otites, que je voudrais traiter pendant cinq ou six jours; des angines streptococciques qui nécessitent un traitement de dix jours; des infections urinaires qui ont besoin d'un traitement de plusieurs semaines. C'est le médecin qui doit juger ces choses. Je n'en vois pas d'autres.

Et dans un autre sens, c'est au médecin, je crois, de faire l'inverse, de ne prescrire qu'une petite quantité pour être en mesure de juger, après vingt-quatre ou quarante-huit heures, de l'effet du médicament en permettant que l'ordonnance soit renouvelés par la suite, et de ne pas imposer au malade le coût total d'une ordonnance. Evidemment, si nous passons à un régime d'honoraires professionnels, les honoraires professionnels seraient probablement les mêmes dans la plupart des cas, indépendamment de la durée du traitement ou du montant prescrit. Mais je pense que dans le régime actuel, et même dans l'autre, c'est le médecin qui doit juger de la durée du traitement.

M. LAURIN: J'avais soulevé la question précisément parce que le ministre avait dit que c'était là un problème qui demeurait à l'étude, qui était difficile et qui comportait des incidences sur lesquelles je voulais avoir des clarifications.

M. CASTONGUAY: Est-ce que, avec votre permission, on pourrait demander au Dr Mockle, qui est le directeur des affaires pharmaceutiques à la régie, de donner son point de vue sur cette question, étant donné qu'on sait par expérience qu'on reste assez souvent avec des quantités de médicaments? Je sais, pour ma part, qu'à tous les printemps, ma femme fait le ménage de ce qu'il reste et il en reste de bonnes quantités. D'autre part, il y a aussi le danger qu'on prescrive des quantités trop petites si le système de rémunération est à l'acte et qu'on multiplie les actes. Je sais que certains assureurs privés ont présentement ce problème spécifique.

Est-ce qu'on pourrait demander au Dr Mockle de nous indiquer comment il voit, lui, cette possibilité?

DR MOCKLE: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Il s'agit d'un problème qui a été discuté de longue date, puisqu'il en était question au comité interministériel. Nous avons eu le point de vue de différentes personnes, du côté des médecins et des pharmaciens. Nous avons repris ce problème au niveau des comités de la régie et, pour ma part du moins, je suis un ardent défenseur du format thérapeutique pour diverses raisons.

D'abord, sur le plan médical, nous pensons que la liberté du médecin doit être sauvegardée, mais pour autant, évidemment, que ceci ne prête pas à des abus sur le plan de la pratique ou d'autres points de vue. Lorsqu'on lit ce qui se fait dans le monde entier et lorsqu'on regarde ce qui se fait dans certains pays, on remarque que le format thérapeutique, c'est-à-dire le conditionnement d'un produit pharmaceutique en une quantité donnée, est une façon logique et rationnelle de pratiquer la médecine. D'ailleurs, il y a eu aux Etats-Unis une équipe de travail qui a étudié le problème, c'est le "Task Force on Question Drugs". Ce sont des experts qui ont étudié pendant plusieurs années, donc ce n'est pas un travail d'un mois, et le leitmotiv de ce comité est de favoriser le plus possible ce qu'ils appellent, eux, dans leur language, le "Rational Therapy", c'est-à-dire l'emploi rationnel des produits pharmaceutiques. Ceci veut dire, dans un sens très large, de donner le bon médicament au bon patient, au bon moment, dans la bonne quantité, tout en tenant compte

du coût. Donc, vous voyez un peu, si vous voulez, l'ensemble du concept de "Rational Therapy".

Par conséquent, pour atteindre ce "Rational Therapy" — je prends l'expression anglaise parce qu'elle est un peu plus significative que la française — il faut, évidemment, s'attarder à concevoir un format de présentation des produits qui corresponde à une réalité sur le plan médical. Ceci n'atteint aucunement la liberté du médecin, en ce sens que, s'il juge à propos de donner un traitement plus prolongé, il peut prescrire deux ou trois formats thérapeutiques. Ceci, nous l'avons clairement indiqué lorsque nous avons participé aux discussions; nous avons clairement indiqué au médecin que sa liberté n'était pas atteinte, parce qu'il la conservait pour prescrire le nombre de formats, compte tenu, évidemment, de l'implication pathologique du patient qu'il traite.

Donc, voici, M. le ministre, pour l'aspect professionnel ou scientifique de cette chose.

Par ailleurs, si le concept de "Rational Therapy" indique également — je l'ai défini tantôt — une implication de coût, ça nous permet aussi, dans le cadre d'un plan général, universel, comme vous dites, d'assurance-médicaments, d'avoir un meilleur contrôle des coûts. On peut là, nettement, fixer un prix pour le format lui-même, compte tenu de la valeur du médicament. Ceci nous permet également, sur un plan professionnel, à l'égard des pharmaciens, de contrôler les honoraires professionnels. Il va de soi que, si le format n'est pas conçu comme tel, le pharmacien peut acheter des quantités de 100,000 en vrac et par conséquent aller chercher là $1.50 ou $2 de profit qu'il ajoute à ses honoraires professionnels, ce qui, en réalité, fausse le concept des honoraires professionnels. Donc, pour des raisons à la fois médicales et économiques, je pense que le concept du format thérapeutique est de toute nécessité.

M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, que les propos...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une question à poser...

M. GOLDBLOOM: Non, non. M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. GOLDBLOOM: J'aimerais continuer les questions que j'avais l'intention de poser au président du collège, mais auparavant je veux simplement commenter les propos du Dr Mockle, en disant qu'ils me semblent la logique même et qu'ils rejoignent ceux que j'ai tenus tout à l'heure. Maintenant, au président du collège, j'aimerais poser deux questions.

Premièrement, pour les besoins de la discussion, je pose l'hypothèse que là où il y a un pharmacien, le médecin s'abstiendrait de la distribution et de la vente des médicaments. Quelle population faut-il pour nourrir un pharmacien? Je pose la question de façon double: premièrement, dans le cas de la pharmacie-bazar que nous connaissons aujourd'hui et, deuxièmement, dans le cas de la pharmacie exclusivement professionnelle préconisée par le collège.

M. GAGNON: Pour ce qui est de cette question, je pense que ce serait au syndicat à y répondre sur des bases économiques. Au collège, nous n'avons aucune estimation économique. On sait que, — les chiffres varient — pour faire vivre un pharmacien strictement avec son officine et les produits hygiéniques, sanitaires et pharmaceutiques, c'est à peu près une population de 6,000 âmes. Mais je le dis sous réserve, j'aimerais mieux le faire confirmer par mes confrères.

M. GOLDBLOOM: Merci. Voici maintenant ma deuxième question. Je pose l'hypothèse pour les besoins de la discussion, à l'effet que nous avons tous intérêt à voir baisser de façon générale le prix des médicaments. Il me semble qu'il y a trois façons qui s'offrent au pharmacien d'officine pour le faire; il y en a peut-être d'autres auxquelles je n'ai pas pensé, mais j'en ai trouvé trois. Il y a l'élimination de l'élément profit par l'établissement d'un régime d'honoraires professionnels. C'est ce que vous préconisez comme représentant du collège, mais ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour demain ou après-demain, il faudra un certain temps pour établir ce régime.

Entre-temps, il y a la libre concurrence, une tradition nord-américaine. Il me semble que la libre concurrence, dans le régime que nous connaissons, est d'intérêt public et je vois difficilement la libre concurrence sans annonce.

Troisièmement, il y a la vente d'autres articles que les produits pharmaceutiques. Il y a de nombreux pharmaciens qui prétendent qu'ils sont en mesure de maintenir le prix des médicaments à un niveau relativement bas parce que le profit de la vente d'autres articles leur permet de gagner leur vie.

J'aimerais avoir les commentaires du président du Collège des pharmaciens sur ces questions.

M. GAGNON: Pour la première question, je suis d'accord avec vous parce que — on l'a dit — la meilleure façon de rémunérer le parmacien, c'est un honoraire professionnel. Votre deuxième question portait sur...

M. GOLDBLOOM: La libre concurrence.

M. GAGNON: La libre concurrence, je pense qu'il faut l'admettre, il faut en avoir à l'intérieur de nos règlements.

M. GOLDBLOOM: Est-elle possible sans publicité?

M. GAGNON: Cela se fait d'abord dans les autres professions. Dans le rapport Castonguay-Nepveu, on dit que toute la publicité devrait être abandonnée pour tous les professionnels, tels que les médecins et les avocats. Nous permettons, à un type, comme je le disais tout à l'heure, qui veut faire du commerce d'en faire. Qu'il sépare et qu'il annonce, à ce moment-là, les choses qu'il veut vendre, comme vous le disiez, qui peuvent le faire vivre et lui apporter une certaine rémunération. Mais nous avons un règlement de publicité professionnelle qui interdit la publicité sur les actes pharmaceutiques, sur les ordonnances ou les prescriptions.

Le gouvernement fédéral, également, interdit l'annonce de certains produits.

M. GOLDBLOOM: D'accord, mais est-ce qu'il serait possible pour un pharmacien aujourd'hui, dans le régime actuel, de modifier son système de vente de médicaments pour établir chez lui le régime d'honoraires professionnels? Est-ce que ce serait acceptable aux yeux du collège?

M. GAGNON: C'est ce qui se fait présentement. Vous savez sans doute que le syndicat des pharmaciens a négocié avec certaines compagnies d'assurance. Les assurés ont leurs médicaments chez le pharmacien de leur choix: le pharmacien est rémunéré à des honoraires professionnels et le médicament est vendu à partir d'un prix coûtant. Cela se fait depuis quelques mois.

M. GOLDBLOOM: Est-ce que, dans le cadre de la déontologie professionnelle, il serait permis à un tel pharmacien d'indiquer, sans se vanter de demander des prix plus bas qu'un autre, que, lui, il vend sous le régime des honoraires professionnels, tandis que l'autre vend selon un autre régime?

M. GAGNON: C'est universel. Tous les pharmaciens ont accès à cette négociation-là.

M. GOLDBLOOM: Ce n'est pas ma question. Ma question est de savoir s'il a le droit, à l'intérieur de la déontologie professionnelle, d'indiquer, soit dans la vitrine, soit dans une annonce dans les journaux, que c'est le régime qu'il suit lui-même?

M. GAGNON: Je demanderais à mon conseiller juridique de répondre en vertu des lois.

M. DU MESNIL: Dans le contexte actuel, la publicité pour l'acte professionnel est interdite complètement à tous les pharmaciens, comme dans toutes les autres professions. Le pharmacien n'a pas plus le droit d'annoncer une prescription à prix réduit qu'un avocat pourrait annoncer trois divorces pour $200. La position est la même.

Pour le régime avec les compagnies d'assurance, vu que tous les pharmaciens ne sont pas encore membres de ce régime avec la SSQ et les autres compagnies, il est interdit, en vertu du même principe, d'annoncer un avantage sur un autre confrère. Si tous les pharmaciens devenaient assujettis à ce régime, la publicité ne causerait pas de problème, parce que tous les pharmaciens seraient sur le même pied.

Mais nous ne voulons pas punir le pharmacien qui, pour des raisons personnelles, n'a pas voulu souscrire au régime d'assurance privé en permettant à ceux qui ont souscrit de l'annoncer. C'est ça le règlement.

M. GOLDBLOOM: II me manque la réponse du président à ma dernière question: quel effet a sur le prix global des médicaments ou le prix moyen des médicaments la vente d'autres articles dans les pharmacies? Est-ce que les profits de la vente d'autres articles servent à baisser le prix des médicaments?

M. GAGNON: Je ne crois pas. J'ai moi-même une pharmacie où je ne vends presque rien autre chose que des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires et cela ne baisse pas du tout le prix du médicament. J'arrive au même résultat que mes autres confrères, c'est la même chose. Donc dans un régime d'honoraires, si le prix est négocié par le syndicat vis-à-vis des compagnies d'assurance il est uniforme, le prix coûtant est le même pour tous les pharmaciens de la province. Ils ont l'honoraire qu'ils ont négocié. Le prix est uniforme pour tout le monde, pour tous les pharmaciens.

M. GOLDBLOOM: Nous ne sommes pas en désaccord à ce sujet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, étant donné le manque d'effectifs professionnels chez les pharmaciens aussi bien que chez les dentistes, — j'aurais l'occasion de poser la question cet après-midi en ce qui concerne les dentistes à partir de la déclaration du ministre — dans votre profession, y aurait-il possibilité de dégager les pharmaciens professionnels de certaines tâches au profit de certaines tâches qui pourraient être assumées par des aides-pharmaciens ou même à un échelon inférieur, tout en sauvegardant la qualité de l'acte professionnel? Dans ce cas-là, est-ce que ça amènerait des modifications au système d'enseignement actuel, c'est-à-dire au système de formation des pharmaciens?

M. GAGNON: Pour les techniciens en phar-

macie, nous croyons que ce n'est pas ce qu'il nous faut présentement. Ce qu'il va nous falloir, nous croyons que ce sont des secrétaires pharmaceutiques. Nous en sommes rendus à remplir plusieurs formules et je pense que le pharmacien n'a pas été formé pour remplir des formules. Il nous faudrait des secrétaires pharmaceutiques comme on a des secrétaires médicales, comme on a des secrétaires d'études juridiques. Cela pourrait dégager le pharmacien.

Quant à la responsabilité professionnelle du pharmacien, il faut que l'acte soit posé par le pharmacien lui-même.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'acte est entier. Une partie de l'acte ne pourrait pas être posée sans inconvénient pour le contrôle de l'acte professionnel par une autre personne que le pharmacien lui-même?

M. GAGNON: Non.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, j'aimerais revenir, si vous me le permettez, à cette question du coût de la distribution.

Vu qu'on vend dans les pharmacies tout un éventail de produits et que ces produits sont vendus dans un monde de concurrence, d'une façon régulière, normale, comme pour tous les marchands, voilà que tout ceci oblige les pharmaciens à avoir des locaux très dispendieux, de grands locaux sur des rues commerciales, et a aussi amené le pharmacien à aller chercher chez le patient même, chez le client même l'ordonnance et bien souvent à la livrer. Je retourne un peu la question du Dr. Goldbloom à l'envers: Est-ce que vous ne croyez pas que la vente de tous ces produits augmente considérablement leur coût de distribution?

M. GAGNON: Je pense que c'est un tout. Nous sommes contre. Nous disons que si le pharmacien veut faire du commerce sous un autre nom, qu'il le fasse. Il pourrait y avoir certains pharmaciens qui tiennent évidemment de grands locaux et qui seraient obligés d'en diminuer la grandeur. C'est évident! Cela ne prend pas une pharmacie de 100 pieds sur 50 pieds pour vendre des médicaments, pour rendre service à la population. Le pharmacien qui est amené dans ce genre de commerce, de local semblable, est obligé pour défrayer ses dépenses, d'avoir toutes sortes de choses. Or, il pourrait diviser, il pourrait séparer tout cela et faire la même chose, mais je ne crois pas que cela ait une incidence sur le coût.

M. SAINT-GERMAIN: Sur la question de principe, cela va très bien, on s'entend, je pense. Mais en fait il est de tradition que les pharmaciens vendent une multitude de produits. Même si on mettait des séparations matérielles de murs, ci ou ça, le problème de fond reste absolument semblable à mon avis. Enfin, je peux me tromper. A première vue, toujours!

M.GAGNON: C'est réalisable! Je ne voudrais pas prendre un exemple personnel, mais je m'aperçois que, dès qu'un pharmacien diminue dans sa pharmacie toutes les "bebelles", la foire, les ordonnances augmentent, et il vend plus de médicaments. Cela semble peut-être paradoxal, mais c'est la réalité. C'est cela qui se produit. Cela n'empêche pas le pharmacien de très bien vivre et il vit de sa profession. Il est plus disponible. Il vit de sa profession et je pense que les pharmaciens sont tous tannés de voir la façon dont fonctionne la pharmacie. On veut mettre de l'ordre dans cela. Un règlement a été appliqué en 1967 et maintenant on veut le généraliser à tout le monde pour le bien-être, l'ordre et la dignité de la profession. Je pense qu'il est tout à fait normal et logique que le pharmacien puisse vivre de sa profession.

Il a été formé, il a été éduqué pour être professionnel, faire de la pharmacie — cinq ans d'université — et je pense qu'il doit être là pour faire de la pharmacie.

M. LE PRESIDENT: Avant de suspendre la séance jusqu'à deux heures et demie, deux députés ont demandé la parole: le député de Sainte-Marie et le député d'Argenteuil. Ensuite, nous suspendrons la séance jusqu'à deux heures trente.

Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Gagnon, est-ce que ce sont les pharmaciens qui contrôlent les prescriptions qui sont renouvelables presque automatiquement? Je m'explique: Un patient va consulter son médecin. Celui-ci lui donne une prescription. Une fois qu'il a utilisé la quantité de remède prescrite, le patient appelle son médecin, lui donne le numéro de la prescription et, tout simplement, on renouvelle la prescription. Est-ce qu'il y a un contrôle là-dessus?

M. GAGNON: La loi dit que, pour que le pharmacien puisse répéter ou renouveler une ordonnance, il faut que le médecin en ait indiqué le nombre de fois. Or, si le médecin n'a pas indiqué le nombre de fois, le pharmacien, souvent, appelle le médecin et lui dit: Telle ou telle personne veut répéter son ordonnance. Il la répète, sous l'ordre du médecin.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, mais je puis vous téléphoner et vous dire: J'ai eu une prescription de tel médecin. Ma prescription est échue. C'est tel médecin, tel numéro de prescription. Et, souvent, on envoie un livreur porter la prescription, sans demander d'autres

détails. Je ne dis pas que ce n'est pas contrôlé, mais de quelle façon?

M. GAGNON: II faut partir de la prescription originale. Le pharmacien, à ce moment, va voir la prescription originale et, si le médecin a indiqué le nombre de fois que l'ordonnance peut être répétée, il la répète ou il peut appeler le médecin.

Savez-vous que souvent — je serai très honnête — il y a peut-être des pharmaciens qui ne le font pas. C'est vrai, il faut l'admettre. Mais, souvent, nous appelons les médecins. Nous leur disons: Madame Unetelle ou M. Untel veut la répétition de telle ordonnance, tel numéro. C'était telle chose. Ils répondent: Ne me bâdre donc pas et répète-la lui. En pratique, cela se fait fréquemment.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous donne un exemple: Je connais une jeune fille...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Laissez-moi finir. Je n'en connais pas seulement une...

M. GAGNON: Vous ne direz pas la médication!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, je vais vous la dire. Je connais une jeune fille qui se fait livrer chez elle des pilules anticonceptionnelles avec la prescription de sa mère.

M. GAGNON: C'est anormal. Le pharmacien ne devrait pas le faire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est pour cela. Je pourrais vous citer des faits.

M. GAGNON: C'est anormal.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'accuse personne. Je vous dis que cela se fait.

M. GAGNON: Croyez bien que le collège est conscient de ces choses.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Cela se fait.

M. GAGNON: Je l'admets, M. le député.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous donnerai le nom, si vous le voulez.

M.GAGNON: J'admets, M. le député, ce que vous me dites là. C'est comme dans toutes les autres professions. Ce ne sont pas tous des anges que nous avons chez nous. Nous en avons des cas comme ça. C'est pour ça que nous avons un bureau de discipline et des enquêteurs qui vont voir tous les pharmaciens. Quand le type fait des choses comme ça, nous le traduisons. C'est le but de l'existence même du collège, d'exercer ce contrôle. Mais que cela se fasse, je l'admets; il y a certains pharmaciens qui le font.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Certains pharmaciens.

M.GAGNON: Si peu.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.

M. SAINDON: M. le Président, ce n'est qu'une remarque. Si un médicament prescrit est la responsabilité du médecin, bien sûr, il faudrait, à ce moment-là, qu'il soit bien celui qui est dispensé. Si le médicament, par exemple, est prescrit non par son nom générique, mais par son nom de marque de commerce, n'y aurait-il pas possibilité, à ce moment-là, qu'un commis qualifié en pharmacie soit autorisé à exécuter une ordonnance parce qu'il y a un nom bien défini qui est écrit sur l'ordonnance? Si c'était le nom générique, ce serait différent, mais j'entends, le nom de la marque de commerce. A ce moment-là, il ne peut pas passer à côté; il faut qu'il donne absolument le médicament qui est mentionné.

M. GAGNON: Nous avons un exemple, pour répondre, si vous le permettez, M. le Président, où un commis a fait ça et il s'est trompé de médicament. C'était prescrit sous le nom générique et il s'est trompé de médicament. C'était pour un enfait et l'enfant a été dans le coma durant quatre jours.

M. SAINDON: Justement, je ne parle pas du nom générique; je parle du nom commercial.

M. GAGNON: Je m'excuse, le médicament était prescrit sous son nom commercial. La cause nous a été soumise au collège et l'enfant a été tout près de mourir.

M. CASTONGUAY: Mais, M. le Président, on donne en réponse à une question générale un cas spécifique. J'imagine que, dans l'histoire de la pharmacie, un pharmacien très qualifié a dû se tromper aussi.

M. GAGNON: Je l'admets. C'est humain.

M. CASTONGUAY: Alors, pourriez-vous répondre à une question de façon générale et non par un exemple spécifique?

M. GAGNON: De façon générale, nous croyons que le contrôle de l'acte médical doit être posé par un pharmacien qui a les connaissances voulues. L'acte pharmaceutique doit être posé par un pharmacien qui a été formé pour ça, tandis que le commis ou l'autre personne

qui n'a aucune formation pharmaceutique ne peut pas avoir les connaissances voulues pour vérifier si le dosage est bon. Souvent, le pharmacien est obligé de communiquer avec le médecin. Il s'en produit des erreurs de dosage.

M. CASTONGUAY M. le Président, dans l'hypothèse où il y aurait un format thérapeutique, c'est-à-dire que le médecin prescrit le médicament X selon sa marque de commerce, s'il écrit clairement, est-ce que ce danger d'erreur est tellement grand? Il s'agit, à mon sens, à ce moment-là, pour le pharmacien d'aller choisir la bonne marque.

M. GAGNON: Le contrôle final doit être fait par le pharmacien qui vérifie si réellement il n'y a pas eu d'erreur. Parce que souvent, dans une ordonnance, il peut y avoir deux ou trois médicaments et ça peut porter à une mauvaise interprétation.

M. CASTONGUAY : Est-ce que des normes ne pourraient pas être établies de telle sorte que les cas standard, où il y a simplement des médicaments assez simples qui sont prescrits — il n'y a pas de prescription complexe — cela pourrait être fait, comme le demandait le député d'Argenteuil, par un aide-pharmacien?

M. GAGNON: Nous croyons que cela doit être le pharmacien qui pose ce geste.

M. LE PRESIDENT: Une dernière question par le député de Joliette et nous allons ajourner.

M. QUENNEVILLE: M. Gagnon, est-ce que vous ne croyez pas plutôt que la raison, pouvant justifier la nécessité que ce soit un pharmacien, soit plutôt la question du dosage. Parce que vous avec le même médicament, le nom commercial, avec naturellement des forces différentes. A ce moment-là, ce serait le danger. Est-ce que c'est ça?

M. GAGNON: Oui. C'est pour ça qu'il faut que ce soit le pharmacien qui pose ce geste. C'est un des dangers.

M. LAVOIE (Wolfe): C'est-à-dire que si les médecins écrivaient lisiblement aussi...

M. LE PRESIDENT: Alors, la commission ajourne ses travaux à 2 h 30. Un instant. Les membres de la commission peuvent laisser leurs documents ici. Nous allons fermer les portes à clé.

Reprise de la séance à 14 h 46

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

M. Castonguay a une question pour le Collège des pharmaciens de la province de Québec.

M. CASTONGUAY: Ce serait une dernière question, M. le Président.

Est-ce que le Collège des pharmaciens pourrait nous expliquer quelles sont les normes qui ont été établies au plan des pharmacies d'hôpitaux publics, pharmacies d'hôpitaux privés, pharmacies dans les institutions de bien-être, par exemple, par rapport aux normes qui ont été développées pour les pharmacies d'officine? Je pense que là il y a un problème. Nous avons vu ce matin qu'il y avait des normes assez strictes auxquelles le collège tenait ou croit bien important de maintenir, en ce qui a trait aux pharmacies d'officine. Je pense que pour compléter le tableau, il serait bon d'obtenir certains renseignements sur cet autre aspect.

M. GAGNON: Si je comprends votre question, M. le ministre, nous avons juridiction sur les pharmacies d'officine, mais nous n'avons aucune juridiction dans les autres pharmacies, que ce soit à l'hôpital ou ailleurs. Nous avons juridiction dans les hôpitaux, simplement au niveau de l'acte professionnel posé par le pharmacien, mais nous n'avons pas de juridiction sur la pharmacie en soi.

M. CASTONGUAY: Est-ce que le collège a déjà fait des représentations à cet effet? Est-ce que le collège a déjà demandé ou déjà indiqué au gouvernement le fait qu'il n'avait pas de pouvoirs à cet effet?

M. GAGNON: Non.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. LAURIN: M. Gagnon, est-ce que vous auriez objection à ce que, dans le projet de refonte des corporations professionnelles, soient ajoutés, au bureau de direction de votre corporation, des professionnels autres que pharmaciens?

M. GAGNON: Absolument pas. Nous l'avons recommandé lorsque nous avons soumis un mémoire à la CIQ la commission d'enquête sur les professions.

M. LE PRESIDENT: Si les membres du comité sont d'accord, nous allons parler de pharmacie jusqu'à 4 heures.

Je remercie le président du Collège des pharmaciens de la province de Québec de son intervention. Si des membres ont des questions

à poser au cours de l'après-midi, vous serez ici, n'est-ce pas?

M. GAGNON: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup.

Nous allons parler de pharmacie jusqu'à 4 heures. A 4 heures, nous allons suspendre pour 15 minutes et ensuite peut-être, si les membres sont d'accord, nous allons entendre les chirurgiens-dentistes et le Collège des médecins et chirurgiens. Ensuite, nous reviendrons aux pharmacies. Est-ce que les membres sont d'accord sur ce programme?

Alors, l'Association des pharmaciens salariés du Québec.

M. LE PRESIDENT: J'ai une question à poser aux membres. Je demanderais à ceux qui ont des mémoires de nous en faire un résumé afin que l'on procède d'une façon assez brève. Alors, monsieur, veuillez vous identifier, s'il vous plaît.

Association professionnelle des pharmaciens salariés

M. LANDRY: Mon nom est Louis Landry de l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec.

Nous avons remis aux membres de la commission un texte écrit de notre mémoire. Alors je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le lire en entier. Je voudrais tout simplement souligner deux points, un point secondaire et un point très important.

Le point secondaire, pour l'éliminer tout de suite, c'est à l'article 12 du projet de loi 69 où l'on parle de frais modérateurs. Nous voulons tout simplement faire remarquer aux membres de la commission que le frais modérateur est utile quand on veut modérer quelque chose. Or, dans le cas des médicaments, le consommateur, qui est le patient, n'a aucune décision à prendre sur la quantité qu'il doit prendre ni sur le nombre de fois qu'il fera répéter son ordonnance. C'est une décision qui relève du médecin et, à l'occasion, du pharmacien. Alors nous croyons que le frais modérateur à ce niveau-là est inutile et même dangereux, étant donné que s'il modère le patient, s'il empêche le patient de prendre la quantité qui lui a été prescrite, ça peut évidemment retarder son rétablissement.

Maintenant, le point central que j'aimerais souligner est le suivant: Dans la loi no 8 de l'assurance-santé, section IV, il y a une commission prévue, la commission d'appréciation des différends et, à la section V, il y a un conseil d'arbitrage prévu qui découle d'ailleurs de cette partie de la loi.

Il n'y a rien de semblable de prévu dans le projet de loi 69 pour les pharmaciens.

M. CASTONGUAY : Je m'excuse, M. le Président. J'ai lu hier soir, le mémoire de l'Association des pharmaciens salariés et je voudrais simplement faire remarquer que dans la Loi de l'assurance-maladie, telle qu'elle a été approuvée, cette commission d'appréciation des différends a été enlevée de la loi. Alors présentement, dans la Loi de l'assurance-maladie, il n'y a plus de commission d'appréciation des différends.

M. LANDRY: D'accord. C'est amendé par la loi 40 ou 39?

M. CASTONGUAY: Au cours des discussions sur le bill 8 et après ça, je ne me souviens pas.

M.Cloutier me dit que c'est dans le bill 39. Cette commission-là a sauté à cause des péripéties de l'été.

M. LANDRY: Est-ce que je peux poser une question avant de continuer, car cela peut changer pas mal le...

M. CASTONGUAY: Je m'excuse, je ne voulais pas vous interrompre, je voulais simplement qu'on n'entame pas une argumentation fondée sur une donnée qui n'est pas exacte.

M. LANDRY: Je suis d'accord, cela va économiser du temps. Ce que je voulais dire c'est: Y a-t-il quand même quelque chose de prévu pour régler les problèmes qui peuvent survenir à la suite d'ententes entre les corps de professionnels et la régie?

M. CASTONGUAY: Le mécanisme qui a été établi, dans chacune des ententes, a été négocié avec les représentants des médecins dans le cas des médecins, des optométristes dans le cas des optométristes, et ces mécanismes-là sont établis par entente.

M. LANDRY: Par entente, et ce n'est pas prévu dans la loi. De toute façon, pour compléter quand même ce que j'avais à dire, sans faire de relations avec cette partie-là, c'est qu'il est prévu dans le projet de loi 69 la formation d'un comité de pharmacologie. Le comité de pharmacologie a pour fonction, entre autres, de vérifier la fabrication des médicaments, etc., mais il n'est pas prévu que cette commission-là puisse vérifier la qualité de l'acte pharmaceutique comme tel. Il est même prévu, je crois, dans la loi no 8, que la régie ne peut refuser le paiement d'un acte pharmaceutique, parce que, pour divers motifs, elle n'accepterait pas la qualité de l'acte en question. Ils remettent cette décision-là strictement au bureau de discipline visé à la loi de pharmacie.

A notre avis, nous croyons que le comité de pharmacologie devrait avoir des pouvoirs sup-

plémentaires pour vérifier la qualité des actes pharmaceutiques qui sont posés dans la province de Québec. Et une des raisons pour lesquelles ce serait un avantage — d'ailleurs on donne plusieurs critères dans le mémoire que vous avez en main — c'est que, lorsque le pharmacien pose un acte pharmaceutique, plusieurs choses doivent être faites. Ce matin, on a discuté de cette question-là. On a dit que, s'il y avait des contenants tout préparés d'avance, le médecin prescrirait par nom de commerce. A ce moment-là, le pharmacien n'aurait aucune décision à prendre, et le travail pourrait être fait par un commis.

Nous croyons qu'il y a toute une série de gestes à poser par le pharmacien à ce niveau. Premièrement, il doit vérifier l'identité du patient pour éviter un accident comme celui qui a été rapporté ce matin, où une prescription d'une personne servait à une autre personne.

Il doit vérifier le dosage, la posologie, une foule de choses, mais aussi vérifier les possibilités de contre-action avec d'autres médicaments qui sont déjà pris, grâce au dossier-patient qui est encore à établir et aussi tous les renseignements qu'il y aurait lieu de donner aux patients sur la façon de prendre un médicament qui n'est pas nécessairement écrite sur l'étiquette, sur les précautions à prendre, sur les effets secondaires qui peuvent se produire. Quelques-uns de ces effets secondaires sont anodins, et il est bon d'en avertir le patient pour ne pas l'inquiéter; si d'autres effets secondaires sont dangereux, il faut prévenir le patient que si cela se produit, il faut immédiatement avertir le pharmacien. Le pharmacien verra, s'il y a lieu aussi, à avertir le médecin.

Je crois que c'est là une série de gestes à poser et qui doivent faire l'objet d'un contrôle, d'une vérification. Je crois que si ces gestes-là ne sont pas posés, l'acte pharmaceutique n'est pas complet et même n'existe pas. A ce moment-là, la régie serait autorisée à ne pas payer cet acte-là. Evidemment, ce genre d'acte ne peut être posé, ce genre de renseignement ne peut être donné que par un pharmacien qui a fait les études voulues.

Je crois que cela résume à peu près ce que l'on voulait dire sur le sujet, excepté qu'à ce moment-là, si la commission de pharmacologie a des pouvoirs plus étendus pour vérifier ces gestes, il y aurait peut-être lieu d'en changer un peu la composition pour y inclure non seulement des pharmacologues qui ont une connaissance théorique du médicament, mais des pharmaciens d'officine ou pharmaciens d'hôpital qui connaissent la partie pratique de la pharmacie, de l'acte pharmaceutique.

Je crois que ce que j'avais à dire est à peu près complet.

M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me le permettez, j'aurais simplement un commentaire à faire, non pas que je voudrais m'approprier toutes les questions ou prendre les premières questions, mais pour bien situer une des remarques faites par le président de l'association. Celui-ci recommande que la commission pharmacologique soit habilitée à exercer un contrôle de la qualité des actes posés par les pharmaciens. Cette question a été débattue l'été dernier, lors de l'établissement de l'assurance-maladie, et au cours de l'automne. Le principe appliqué dans la Loi de l'assurance-maladie, aussi bien pour les médecins que pour les dentistes et les optométristes, c'est que ce contrôle doit rester une des responsabilités des collèges ou des corporations professionnels, et que si ces organismes n'ont pas les pouvoirs ou ne sont pas structurés de telle sorte qu'ils puissent exercer efficacement ces contrôles, la façon de résoudre ce problème serait d'amender ces lois.

J'ai indiqué, en ce qui a trait, par exemple, à la loi médicale et à certaines autres lois corporatives, à tout le moins pour cette session qui s'en vient, que le gouvernement déposerait des projets de loi à cet effet. Ici, on propose en fait des modalités différentes de celles qui ont été retenues en ce qui a trait aux autres groupements professionnels. Il est dit d'ailleurs dans le mémoire de l'association, à la première page, que le bureau de discipline visait la loi de la pharmacie, beaucoup trop tolérante dans l'appréciation des actes pharmaceutiques. Cela semble être la base. Je voudrais au moins rappeler les faits en ce qui a trait à la loi de l'assurance-maladie. J'aime autant laisser les membres de la commission poser des questions, quitte à me réserver certaines questions pour la fin.

M. CLOUTIER (Montmagny): Combien y a-t-il de pharmaciens salariés?

M. LANDRY: Au Québec, les pharmaciens salariés, cela comprend évidemment les pharmaciens d'officine, les pharmaciens d'hôpitaux, les pharmaciens de l'industrie et du gouvernement. J'imagine que vous voulez savoir le nombre de pharmaciens d'officine?

M. CLOUTIER (Montmagny): Les pharmaciens salariés, combien y en a-t-il?

M. LANDRY: D'après le chiffre qui a été émis par le collège et qui correspond à nos chiffres, il y a environ 1,000 pharmaciens salariés au Québec.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sur un effectif global de 2,000. Où sont-ils concentrés? Est-ce que c'est surtout dans les hôpitaux qu'on en retrouve le plus grand nombre?

M. LANDRY: Selon nos renseignements il y a de 500 à 600 pharmaciens salariés à l'officine, c'est-à-dire dans les pharmacies de quartiers, dans les pharmacies de villes; il y aurait peut-être 150 ou 200 pharmaciens d'hôpitaux et je

crois qu'il y a à peu près 75 pharmaciens dans l'industrie. Le reste serait dans les divers ministères et comprendrait même des pharmaciens qui ne pratiquent pas.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Landry, je constate que l'effectif des pharmaciens salariés représente environ 50 p. c. de l'effectif total professionnel. Evidemment, il est question et il sera davantage question, à la suite de l'adoption de cette loi, de rémunération pour les pharmaciens. On a mentionné ce matin que l'un des modes de rémunération serait à l'acte profes-sionel pour le pharmacien, quitte à rétribuer ensuite les services et les biens fournis. Est-ce que votre association, qui est importante au sein de votre profession, reconnaît ce mode de rémunération à l'acte professionnel à l'intérieur de la profession de pharmacien?

M. LANDRY: Nous le revendiquons depuis plusieurs années.

M. CLOUTIER (Montmagny): Votre association revendique-t-elle la rémunération à l'acte professionnel pour les autres pharmaciens qui ne sont pas actuellement salariés ou si vous voudriez, vous aussi, dans certains secteurs — je ne sais pas si cela s'y prête à certains endroits — où vous êtes rémunérés à salaire, maintenant, être rémunérés à l'acte professionnel? Est-ce exact?

M. LANDRY: II faut quand même diviser le problème. Les pharmaciens d'hôpitaux ont une association qui négocie continuellement avec l'Association des hôpitaux. Ils sont, je crois, rémunérés à salaire. Nous ne nous occupons aucunement de cette partie des négociations et nous n'avons aucune objection à ce que le pharmacien soit payé à salaire.

Mais, pour changer la formule actuelle qui veut que le pharmacien propriétaire soit payé selon une formule de profit sur les médicaments et que pharmacien salarié soit payé sur une base de salaire versé par son propriétaire, nous revendiquons que chaque pharmacien, qu'il soit propriétaire ou non, soit payé par honoraires professionnels.

M. BLANK: Qui va payer le loyer?

M. LANDRY: Ce serait peut-être très long à expliquer de quelle façon nous voyons la formule. Disons que je vais faire une comparaison et, après cela, je pourrai répondre aux questions.

Il y a des cliniques médicales partout au Québec. Chaque médecin qui travaille dans une clinique médicale travaille pour son propre compte, reçoit ses propres honoraires, rencontre ses propres patients. Le propriétaire de la clinique médicale n'est pas nécessairement un médecin. Il paie tout simplement un loyer pour la partie qu'il occupe. S'il emploie des matériaux qui appartiennent à la clinique médicale, le médecin rembourse la clinique médicale pour ces choses-là.

Nous entrevoyons une pharmacie dans ce genre. On appelle cela, plutôt, des centres pharmaceutiques. Vous auriez des centres pharmaceutiques où chaque pharmacien travaille à son propre compte et n'est pas nécessairement propriétaire des médicaments qui sont dans le centre. Il est payé pour l'acte pharmaceutique qu'il pose. Quand il fournit des médicaments, évidemment il en demande paiement au patient et rembourse la clinique.

M. BLANK: Mais je ne comprends pas. Le patient paye pour le médicament le prix coûtant, plus l'acte médical?

M. LANDRY: Oui.

M. BLANK: Si vous, le salarié, êtes payé pour l'acte médical et que vous payez le prix coûtant au propriétaire, comment le propriétaire paiera-t-il son loyer? Avec quoi?

M. LANDRY: Nous divisons tout ce paiement en trois: le coût du médicament, les frais d'administration, les honoraires pharmaceutiques.

M. BLANK: Cela veut dire que vous serez un associé, maintenant, du propriétaire? Il n'y a plus de salariés, vous êtes un de ses associés.

M. LANDRY: Ecoutez, considérez-vous que les médecins sont propriétaires dans une clinique? Ils travaillent pour leur propre compte.

M. BLANK: Mais vous entrez dans le commerce d'un autre sans risquer un sou d'investissement.

M. LANDRY: Nous avons dit tout à l'heure que nous divisions l'honoraire en trois. Le coût du médicament et les frais d'administration. Ces deux parties-là, si vous voulez les payer au propriétaire du centre pharmaceutique ou de la pharmacie, libre à vous; tout ce que demande le pharmacien, c'est que ses honoraires professionnels lui soient payés, le reste sera à discuter avec les pharmaciens-propriétaires, ou ce sera payé au pharmacien qui est là et il remboursera le propriétaire selon une entente qu'il prendra avec ce dernier.

M. BLANK: Vous divisez les honoraires comme les chauffeurs de taxi qui gagnent $0.40 sur chaque $1.

M. LANDRY: Je crois que, de toute façon, ce que la régie sera obligée de faire quand il y aura des négociations sur les honoraires, sera d'évaluer — d'ailleurs je pense que c'est déjà

fait — ce que représentent les frais d'administration. Je crois que c'est une chose qui se fera et qui est assez normale. Exactement comme le médecin qui reçoit ses honoraires, s'il a des frais d'administration il les paie avec ses honoraires et il rembourse le centre médical de ce qu'il a reçu comme services.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le système que vous décrivez actuellement, M. Landry, pourrait-il s'apparenter au système de pool qui existe pour les médecins à certains endroits?

M. LANDRY: Non. C'est-à-dire qu'il peut y avoir plusieurs variantes à la formule exacte. Evidemment celle que j'ai en tête n'est pas un pool. Il y a peut-être des cliniques médicales qui fonctionnent d'après une formule de pool et d'autres qui ne fonctionnent pas de la même façon. Je vais donner un autre exemple qui éclairera peut-être un petit peu. Dans un hôpital, le médecin n'est pas propriétaire de l'hôpital et pourtant il reçoit des honoraires quand il y travaille. S'il se sert des outils de l'hôpital — je ne sais pas s'il y a une entente entre l'hôpital et le médecin pour qu'il soit remboursé jusqu'à un certain point — il est payé directement pour l'acte qu'il pose.

M. CASTONGUAY: M. le Président, pour-rais-je poser quelques questions à ce sujet? N'y a-t-il pas là un problème qui, en fait, doit être réglé entre les pharmaciens propriétaires d'officine et les pharmaciens salariés? Ou encore, d'une autre façon, qu'est-ce qui empêche qu'un tel système soit présentement établi? Vous le soulevez à l'occasion de l'introduction de ce projet de loi, mais qu'est-ce qui empêche qu'il soit établi? Enfin, une troisième question, quels seraient les avantages d'un tel système pour la population?

Je ferai remarquer que les pharmaciens, qui travaillent dans les hôpitaux, sont payés par l'hôpital, ils ne sont pas payés à l'acte. Je ne crois pas qu'il soit dit que présentement ce système-là baisse la qualité des services des pharmaciens d'hôpitaux. Je crois de même qu'en ce qui a trait aux médecins qui travaillent à l'intérieur des hôpitaux, on peut se poser un bon nombre de questions sur la valeur de la rémunération à l'acte, à tel point que dans les hôpitaux d'enseignement on retrouve aujourd'hui un bon nombre de médecins qui, volontairement, se sont joints à ces hôpitaux et sont rémunérés à salaire.

Alors, je pense bien qu'il y a aussi cette dernière question à savoir quels seraient les avantages qui en résulteraient pour les patients ou les bénéficiaires du système.

M. LANDRY: Je vais répondre à la dernière, parce que cela va peut-être expliquer ce que j'ai à dire en réponse aux premières questions. Je crois que le problème dans votre esprit, M. le ministre, c'est que vous pensez que nous demandons des honoraires à l'acte plutôt que le salaire.

M. CASTONGUAY: Je pense qu'on ne doit pas se prêter d'intention. Je vous ai posé des questions aussi objectives que possible et je vous demanderais d'y répondre sans essayer d'imaginer ce qui peut me motiver à poser ces questions.

M. LANDRY: Alors, disons, de toute façon, que nous n'avons aucune objection à être payés à salaire plutôt qu'à l'acte. C'est un premier point établi. Il reste que, actuellement, vous nous demandez pour quelles raisons nous revendiquons les honoraires payés aux pharmaciens plutôt qu'aux propriétaires de pharmacie, à l'occasion d'une loi comme celle-ci. C'est que, à ce moment-là, comme vous pouvez le prévoir, l'attitude du gouvernement va sûrement influer sur la pratique de la pharmacie dans le Québec. Premièrement, notre attitude va dépendre de l'attitude du gouvernement. Si le gouvernement décide de payer les actes pharmaceutiques aux propriétaires, évidemment, nous serons obligés de nous entendre avec les propriétaires, soit pour adapter la formule de salaire que nous avons actuellement et l'ajuster, soit pour que le pharmacien nous remette la partie des honoraires qui nous revient.

Il y a une autre possibilité: soit que le gouvernement paie la partie des honoraires aux pharmaciens et paie le médicament et la partie de l'administration aux propriétaires, ou soit qu'il paie les trois aux pharmaciens salariés.

A notre avis, quelle que soit la formule, nous croyons que la partie des honoraires doit nous revenir si nous ne sommes pas payés à l'acte. Si le gouvernement décide, par exemple, d'ouvrir des centres pharmaceutiques et de nous payer à salaire, nous sommes parfaitement d'accord. Si le pharmacien propriétaire reçoit toute la partie des honoraires, le problème qui se pose pour la santé publique, c'est que — attendez, je ne voudrais pas me mêler dans mes affaires — les honoraires devraient être payés à celui qui a posé l'acte pharmaceutique. Si vous les payez au propriétaire, cela ne voudra pas dire que celui qui a posé l'acte pharmaceutique est un pharmacien. C'est pour être assuré que cela se fasse.

M. CASTONGUAY: La loi demande qu'il y ait un pharmacien continuellement.

M. LANDRY: Oui.

M. CASTONGUAY: Est-ce que le problème va être réglé?

M. LANDRY: La loi demande que les ordonnances soient remplies par les pharmaciens et qu'il y ait un pharmacien en permanence dans

la pharmacie, mais nous savons qu'en pratique, c'est une chose qui est rarement réalisée.

M. CASTONGUAY: Maintenant, il reste une question. Qu'est-ce qui empêche que ceci se réalise? Il n'en demeure pas moins et je suis d'accord avec vous, que pour les pharmacies d'hôpitaux, nous pouvons faire en sorte que les pharmaciens soient payés à salaire, mais dans le cas des pharmacies qui sont la propriété d'un pharmacien, à partir du moment où le pharmacien, qui en est le propriétaire, passe un contrat avec un autre pharmacien pour qu'il devienne son employé, qu'il soit rémunéré à salaire, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait intervenir dans un contrat privé et dire au pharmacien: A l'avenir, pharmaciens-propriétaires, vous allez rémunérer vos employés de telle ou telle façon. Il me semble que c'est un problème qui se pose entre l'Association des pharmaciens salariés et l'Association des propriétaires de pharmacies d'officine.

Si les pharmaciens salariés n'obtiennent pas des propriétaires des conditions satisfaisantes, c'est comme dans toute négociation lorsqu'un problème se pose, il y a des recours, etc. Mais je ne vois pas que, dans le système de pharmacie privée, propriété de pharmacien, l'on puisse intervenir et imposer des modalités. Ces modalités, aussi bien au plan des conditions de travail que des conditions de rémunération, doivent faire l'objet de négociations. Sur cette question, j'aimerais entendre vos suggestions parce que, vraiment, je ne crois pas que, par un tel projet de loi, on puisse toucher à ce genre de problème qui est un problème de relations de travail, à mon sens.

M. LANDRY: M. le ministre, actuellement, il n'existe pas de tel contrat entre le pharmacien propriétaire et le pharmacien qui travaille à son service. Il n'existe pas de tel contrat. Donc, le gouvernement ne briserait rien en faisant telle chose.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse. Même s'il n'y a pas un contrat écrit, il y a assurément, dans les faits — et je peux le faire confirmer par un conseiller juridique — un contrat de services à partir du moment où un pharmacien accepte de travailler à salaire pour un propriétaire. Même s'il n'y a pas de contrat écrit, il y a un contrat dans les faits.

M. LANDRY: Je vais donner, même s'il y a un contrat tacite, une différence qu'il peut y avoir entre un contrat de cet ordre-là et ce qui pourrait se passer dans un autre secteur des activités. C'est que le pharmacien qui travaille pour un autre pharmacien conserve, à notre avis, son autonomie et sa pleine responsabilité. De sorte que, si ce pharmacien fait une erreur, ce n'est pas le pharmacien propriétaire qui en serait responsable. Je crois que la question des responsabilités est assez différente. Il y a peut-être lieu de l'étudier davantage, mais je crois que, si le pharmacien qui travaille pour un autre pharmacien est apte à recevoir des ordres parce que c'est ce pharmacien-là qui le paie, il est apte aussi à poser des gestes qui ne sont peut-être pas conformes à son intégrité ou aux responsabilités qu'il a à prendre.

M. BRISSON: M. Landry, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait environ 1,000 membres pharmaciens salariés. Est-ce 1,000 membres ou 1,000 salariés? Est-ce que tous ces salariés sont membres de votre association?

M. LANDRY: II y a environ 1,000 pharmaciens salariés, ce qui comprend les pharmaciens d'hôpitaux, de l'industrie, etc. Il y a 500 à 600 pharmaciens salariés d'officine et nous avons de 200 à 250 membres inscrits dans l'association qui existe depuis quatre ans.

M. BRISSON: Donc, vous parlez au nom de 200 à 250 membres?

M. LANDRY: Environ.

M. LAURIN: M. Landry, pourriez-vous nous dire pourquoi les pharmaciens d'officine sont tellement nombreux, 500 ou 600?

M. LANDRY: Ce serait une longue histoire à vous raconter.

M. LAURIN: J'aimerais l'entendre.

M. LANDRY: Je vais essayer de résumer, quand même. Il y a un principe dans la Loi de pharmacie qui a été assez bien respecté jusqu'à maintenant, c'est que la pharmacie doit appartenir à un pharmacien. Donc, si vous voulez pratiquer votre profession, la première chose qui vous vient à l'idée, c'est d'avoir votre propre pharmacie. Si vous n'avez pas votre propre pharmacie, il faut que vous trouviez un pharmacien prêt à vous employer.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, la Loi de pharmacie est plus ou moins bien appliquée au Québec, ce qui fait que souvent le pharmacien propriétaire a intérêt à engager une autre personne qu'un pharmacien pour remplir les ordonnances ou même vendre les médicaments au comptoir. Ce qui fait que le pharmacien, lorsqu'il sort de l'université, a un choix assez limité, soit ouvrir sa propre pharmacie ou essayer d'avoir un emploi dans une pharmacie. Il est parfois obligé, parce qu'il n'a pas d'emploi, d'ouvrir sa propre pharmacie, ce qui augmente évidemment le nombre de pharmacies à un point où cela cause la disproportion dont on parlait tout à l'heure: on a beaucoup de pharmacies au même endroit et très peu ailleurs.

M. LAURIN: Est-ce que vous êtes au courant que, dans certaines provinces, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour remplir des actes pharmaceutiques?

M. LANDRY: Je suis certainement au courant. D'ailleurs, nous sommes au courant qu'ils sont rares les endroits où cette obligation existe encore.

M. LAURIN: Est-ce que votre association est contre cette exigence de la Loi pharmaceutique?

M. LANDRY: Nous ne sommes pas contre, mais nous ne sommes pas nécessairement pour, en ce sens qu'on n'a pu trouver aucun argument qui puisse nous prouver que l'exclusivité de la propriété d'une pharmacie pour un pharmacien avantage ou augmente la qualité de l'acte pharmaceutique.

M. LAURIN: Est-ce que vous proposez des améliorations ou des changements à la loi actuelle en ce qui concerne cette exigence?

M. LANDRY: Oui. Nous avons soumis au ministère de M. Castonguay, aussi au ministère des Affaires...

M. QUENNEVILLE: Des Institutions financières.

M. LANDRY: ... au ministère de M. Tetley, bon, le ministère des Institutions financières, un projet de réforme de la Corporation de pharmacie du Québec.

M. LAURIN: Est-ce donc uniquement pour des raisons économiques qu'il y a tellement de pharmaciens d'officine salariés?

M. LANDRY: C'est pour une raison économique. Le pharmacien n'avait pas le choix, soit ouvrir une pharmacie ou rester en chômage.

M. LAURIN: Est-ce qu'on peut assimiler le pharmacien d'officine salarié à un résident en médecine dans les hôpitaux?

M. LANDRY: C'est difficile à dire. Disons que le pharmacien salarié est pharmacien au même titre que le pharmacien propriétaire. Il a le même diplôme: il est bachelier ou licencié en pharmacie.

M. LAURIN: Est-ce qu'il a les mêmes responsabilités?

M. LANDRY: II a les mêmes responsabilités, sauf les responsabilités commerciales.

M. LAURIN: Pourriez-vous nous donner une idée du revenu annuel moyen des pharmaciens d'officine?

M. LANDRY: Disons de $5,000 à $15,000, suit une moyenne de $10,000 à peu près.

M. LAURIN: Les salariés d'officine.

M. LANDRY: Maintenant, il faut préciser que c'est pour des semaines d'environ 45 à 50 heures et que cela comprend le dimanche, souvent le soir, sans aucune assurance ou rente ou pension. C'est une salaire net.

M. LAURIN: Je crois discerner un grand état d'insatisfaction et de frustration dans vos commentaires. Est-ce à dire que vous proposeriez des modifications notables à votre statut?

M. LANDRY: Exactement. Nous en avons proposé dans le mémoire auquel je fais allusion. Je n'aborde pas cette question ici parce que je ne pense pas que cela entre en jeu dans le projet de loi 69.

M. LAURIN: Je remarque que dans votre association vous incluez les 200 pharmaciens d'hôpitaux qui ont quand même formé une association distincte. Est-ce à dire que vous ne les représentez que nominalement, qu'ils ont des intérêts assez différents des vôtres et qu'ils ont une action assez différente de la vôtre?

M. LANDRY: Tout à l'heure, j'ai précisé qu'il y a environ 1,000 pharmaciens salariés au Québec et qu'il y a de 150 à 200 pharmaciens d'hôpitaux qui sont très bien structurés et qui négocient continuellement avec l'Association des hôpitaux. Nous avons dit tout à l'heure que nous n'entrions aucunement dans ces négociations. En très grande partie nos membres sont des pharmaciens d'officine, mais nous avons aussi à l'occasion des pharmaciens d'industrie, des pharmaciens d'hôpitaux, etc. Nous incluons dans nos cadres tous les pharmaciens qui sont à salaire, ni plus ni moins.

M. CASTONGUAY: Combien avez-vous de membres?

M. LANDRY: Environ 200 à 250. M. CASTONGUAY: Ah bon!

M. LAURIN: J'aurais une autre question, pour terminer. Elle s'adresse d'ailleurs autant au ministre qu'à M. Landry.

Dans le cas des ententes qui ont été signées jusqu'ici avec les professionnels de la santé, nous avions affaire à des syndicats professionnels constitués depuis un certain nombre d'années: la Fédération des omnipraticiens, celle des médecins spécialistes et l'Association des chirurgiens dentistes. Mais, est-ce qu'il y a, dans le domaine de la pharmacie, des associations qui, de fait ou légalement, peuvent mériter le titre de syndicat professionnel avec qui le gouvernement pourrait négocier des ententes?

M. LANDRY: Est-ce que c'est moi qui réponds ou M. Castonguay?

M. CASTONGUAY: Allez-y donc! Cela donne du temps pour réfléchir.

M. LANDRY: D'accord. Notre association a une charte syndicale. Pour obtenir le droit de négociation au nom de tous les pharmaciens salariés d'officine ou pharmaciens salariés du Québec, il faudrait avoir la majorité des pharmaciens dans chacune des pharmacies du Québec. En fin de compte, vous connaissez toute la procédure à suivre pour qu'un syndicat soit reconnu comme ayant le droit de négocier au nom de ses membres. Nous avons le droit de négocier dans les seules pharmacies où nous avons la majorité des pharmaciens à salaire.

Nous ne pouvons pas nous considérer actuellement comme un syndicat comme tel qui peut négocier. Nous pourrions l'obtenir avec la formule que nous proposons, en ce sens qu'à ce moment-là nous serions des pharmaciens salariés au niveau provincial et, dès que nous aurions 50.1 p. c. des membres dans nos cadres, nous pourrions négocier.

M. CASTONGUAY: Vous savez qu'il n'y a pas de mécanisme d'accréditation dans le .secteur des professionnels, présentement, pour ceux qui ne sont pas des salariés, par exemple les médecins, les optométristes. C'est une reconnaissance de fait; ils peuvent se former, en vertu de la loi des syndicats professionnels, mais au plan des négociations il n'y a pas de mécanisme d'accréditation. D'ailleurs, le cadre pour des négociations n'est pas couvert comme il l'est pour tous les travailleurs qui ont le statut de salarié. C'est un problème qui existe. C'est un problème auquel, je l'espère, nous serons en mesure d'essayer d'apporter une solution par l'introduction éventuelle d'une législation appropriée, l'établissement d'un cadre pour les négociations avec les travailleurs non salariés.

Avec les médecins, les optométristes, les chirurgiens dentistes, nous avons reconnu dans les faits ce qui nous apparaissait être les associations les plus représentatives, et nous avons négocié avec elles.

Dans le cas présent qui nous intéresse, tout dépend de la relation qui va être choisie pour l'établissemment d'un tel régime. Présentement, si, par exemple, les médicaments couverts par le régime ne sont distribués que par les pharmacies d'officine, évidemment nous ne négocierons pas avec les pharmaciens d'hôpitaux — je pense que c'est assez évident. Si, par contre, c'est uniquement par les pharmacies d'officine, donc, nous négocierons avec les propriétaires de ces pharmacies, tant et aussi longtemps que le système d'organisation des pharmacies d'officine ne sera pas modifié, parce que — je reviens au même point auquel je faisais allusion au début — il ne nous est pas possible de nous introduire par un tel régime dans les relations normales de travail entre un employeur et son employé. Alors, nous négocierons avec l'association la plus représentative des propriétaires de pharmacies d'officine, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas modifié l'établissement des pharmacies d'officine. Présentement, la loi impose un certain nombre de conditions.

M. LAURIN: Ce qui voudrait dire que les réclamations, demandes ou propositions de l'Association des pharmaciens salariés devront être réglées par un autre canal, un autre moyen, une autre loi.

M. CASTONGUAY: A moins qu'une partie du problème ne m'échappe présentement, dans le cadre spécifique de la loi que nous avons ici, je crois que vous avez raison.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: Tout à l'heure, pour nous prouver le statut professionnel à part entière du pharmacien salarié, vous nous avez dit que le pharmacien salarié était entièrement responsable de ses actes.

A plusieurs reprises, vous nous avez donné comme point de comparaison le médecin qui pratique à l'intérieur d'un hôpital. Je serais désireux de savoir, à ce moment-là, s'il ne s'agit pas d'une responsabilité conjointe entre le pharmacien propriétaire et le pharmacien salarié, comme cela existe à l'intérieur d'un hôpital. L'hôpital est conjointement responsable des actes posés par le médecin qui y pratique. Est-ce que ce n'est pas la même chose dans une pharmacie?

M. LANDRY: Ecoutez, il n'y a peut-être pas de jurisprudence là-dessus. Je ne voudrais pas donner d'avis juridique. Je voudrais préciser quelques cas d'exception qui sont quand même assez répandus où, malgré la Loi de pharmacie, il existe des propriétaires de pharmacies qui ne sont pas pharmaciens, par exemple, des successions de pharmaciens. Vous avez des successions de pharmaciens, que ce soient des veuves ou d'autres qui sont propriétaires de pharmacie et qui ne partagent sûrement pas la responsabilité avec le pharmacien. C'est tellement vrai que, dans la Loi de pharmacie, il est prévu que le gérant de la pharmacie, dans ces occasions-là, est strictement responsable de tout ce qui se passe au point de vue professionnel.

M. QUENNEVILLE: Est-ce que le gérant est responsable, à ce moment-là, des actes du pharmacien salarié?

M. LANDRY: Le gérant est responsable de ses propres actes. Mais, supposons que, dans la même pharmacie, à la même heure, il y ait deux pharmaciens. Si l'ordonnance en question a été

préparée par les deux pharmaciens en même temps, en s'aidant l'un l'autre, je serais bien embêté de dire qui est responsable. Si le pharmacien est seul dans une pharmacie et qu 'il n'en est pas le propriétaire, je sais très bien que, s'il y a une irrégularité, il en sera responsable en premier lieu.

M. QUENNEVILLE: Je comprends qu'il soit assez exceptionnel que des veuves soient propriétaires. J'imagine aussi que ce doit être aussi exceptionnel que le pharmacien propriétaire prépare la même ordonnance en même temps que son pharmacien salarié.

M. LANDRY: J'ai expliqué, tout à l'heure, qu'un acte pharmaceutique comme celui d'exécuter une ordonnance comportait plusieurs gestes: vérifications, contrôle, dossier-patient, explication au patient et appel au médecin. Alors, on peut très bien comprendre que deux pharmaciens qui travaillent ensemble se partagent la même besogne s'il se présente un problème.

Je ne pense pas que la question de savoir si, dans un tel cas, l'un est plus responsable que l'autre soit vraiment importante. Je crois que si un pharmacien est seul dans la pharmacie, qu'il soit propriétaire ou non, il est responsable en premier lieu. Nous savons qu'au bureau de discipline du collège il y a eu des condamnations dans des cas semblables. Nous trouvons absolument normal que le pharmacien à plein droit soit responsable de ses actes. Autrement, le propriétaire n'aurait aucun avantage à engager un pharmacien.

M. QUENNEVILLE: C'est que vous avez donné cela comme preuve tout à l'heure. Vous disiez que le pharmacien salarié était responsable à part entière alors que, dans le fond, je pense bien qu'il ne faut pas se raconter d'histoires. Le pharmacien propriétaire, à mon avis, a toujours été conjointement responsable des actes posés par son employé.

M. LANDRY: II faudrait faire vérifier cela par un juge.

M. QUENNEVILLE: Vous n'avez pas un conseiller juridique avec vous?

M. LE PRESIDENT: M. Landry, si vous me le permettez, je crois que le procureur du Collège des pharmaciens a quelque chose à dire.

M. DUMESNIL: Si on me le permet, M. le Président, je peux régler l'affaire assez rapidement. Premièrement, le pharmacien comme tout autre citoyen est soumis au code civil. Or, l'article 1054, dernier paragraphe, dit que le patron est absolument responsable des actes de son employé. Cela règle le cas. Deuxièmement, on vous a cité le cas des successions. Il y a une cinquantaine de successions dans la province de

Québec. Cela est une loi spéciale. La succession peut continuer, depuis 1964, pendant dix ans à la condition que ce soit sous la surveillance personnelle d'un licencié en pharmacie. La succession ne peut pas continuer d'elle-même sans pharmacien. Deuxièmement, la personne qui est inscrite, l'exécuteur testamentaire ou le fiduciaire, peu importe, est soumise à la Loi de pharmacie comme tout autre pharmacien. J'espère que cela clarifie la question de la responsabilité.

M. CASTONGUAY: Je voudrais poser une dernière question, M. le Président. M. Landry a dit que des frais modérateurs pouvaient être inutiles et dangereux. Lorsque j'ai brièvement fait quelques commentaires ce matin, j'ai dit qu'évidemment on pouvait voir des avantages à ce qu'on élimine de tels frais modérateurs, mais aussi qu'il pouvait y avoir certains avantages à ce qu'ils soient prévus et que c'était difficile de prouver le bien-fondé d'une position ou de l'autre d'une façon scientifique, disons, ou assez rigoureusement.

Un exemple m'apparaît assez important. Des phénomènes se sont produits en Angleterre où, selon les changements de gouvernements, on a ajouté ou on a retranché des frais modérateurs, et la consommation a varié sensiblement. L'on sait, d'autre part, qu'il y a un problème d'accès aux médicaments pour une partie de la population, et aussi un problème d'abus de consommation et d'utilisation de médicaments. On sait aussi, et c'est le témoignage de plusieurs médecins, que même si, en théorie, c'est lui qui, uniquement, prescrit, bien souvent le patient insiste tellement, que finalement il est obligé de lui prescrire un médicament. Il y a une pression de toute façon qui s'exerce sur le médecin. Même si, en théorie, le médecin est tout à fait libre de dire qu'il prescrit ou non, en pratique il y a des pressions qui s'exercent. Et même le patient, psychologiquement bien souvent, se sent mal soigné si on ne lui a pas donné une ordonnance. Il y a toute une série de phénomènes, je pense, ou de réactions qui jouent. J'aimerais demander à M. Landry sur quoi il base son affirmation. Est-ce que c'est uniquement une opinion ou si c'est à partir d'études, d'expériences de tel régime qu'il fait une telle affirmation à l'effet que ce serait inutile et dangereux?

M. LANDRY : Je crois que là-dessus on peut tout simplement parler de bon sens. M. le ministre a dit que, dans certains endroits où il y a eu des frais modérateurs, cela avait réduit la consommation des médicaments. Nous pouvons supposer que ce qui s'est passé à ce moment-là, c'est que des patients qui avaient une ordonnance ont évité de la faire remplir parce que seulement les frais modérateurs l'en empêchaient de la faire prescrire ou du moins les modéraient suffisamment pour ne pas la faire remplir.

Vous avez dit que certains patients faisaient pression sur le médecin pour faire renouveler leur ordonnance, mais à ce moment-là s'il y a des frais modérateurs à mettre, cela serait peut-être chez le médecin ou chez le pharmacien qui serait porté à renouveler l'ordonnance, sans nécessité. Le patient, lui, il faut quand même l'admettre, est le captif du médecin et du pharmacien. Je crois que ce n'est pas lui qu'il faut modérer, c'est soit la personne qui prescrit ou la personne qui remplit l'ordonnance.

M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président. M. Landry, est-ce que j'interprète bien les sentiments de votre association en disant que vous avez l'impression que le groupe de pharmaciens salariés d'officine constitue un réservoir de pharmaciens qui se croient sous-utilisés, mal utilisés qualitativement et géogra-phiquement.

M. LANDRY : Les pharmaciens salariés sont sûrement sous-utilisés, et j'ajoute que même les pharmaciens propriétaires sont sous-utilisés parce que leur qualité de propriétaires les oblige à s'occuper de toute la partie administrative de leur commerce, et le temps qu'ils consacrent à cela les empêche d'exercer leur profession comme telle. Je crois que, pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, tous les pharmaciens du Québec sont mal utilisés présentement.

M. LAURIN: Et géographiquement?

M. LANDRY: Géographiquement, sûrement.

M. LAURIN: Est-ce à dire que beaucoup de pharmaciens appartenant à votre groupe n'auraient aucune objection à aller pratiquer dans les centres autres que les grands centres métropolitains si les conditions du réseau de distribution des soins, tel qu'établi par le gouvernement, était différentes?

M. LANDRY: Exactement.

M. BRISSON : Quand vous avez présenté votre mémoire, vous avez mentionné: conditions de la part du patient, avoir le choix d'une seule pharmacie; et dans les changements, pour qu'il ait le droit de changer de pharmacie, vous ne donnez pas comme raison le prix payé. Pourquoi?

M. LANDRY: Non, écoutez, en acceptant la proposition que la régie a l'intention de faire, que ce soit le prix coûtant plus les honoraires, le prix sera le même partout. Je pense bien qu'il faut quand même s'entendre là-dessus. Alors la question de prix ne pourra pas compter vraiment, mais...

M. BRISSON : Ce qui veut dire que le prix coûtant, à un pharmacien, est le même partout, c'est-à-dire que l'industriel vend au même prix. Parfois, si on achète en grosse quantité, cela coûte moins cher.

M. LANDRY: Exactement, mais là je ne sais pas du tout quel critère la régie va utiliser pour définir le prix coûtant. J'imagine que ce sera déterminé par négociations, mais je crois que, si le médicament est calculé au prix coûtant, les différences d'une pharmacie à l'autre seront assez faibles.

Les honoraires seront les mêmes. Ce qui fait la différence actuellement, c'est la notion de profit qui fait qu'un médicament qui coûte $6 se détaille de $10 à $12, ce qui fait une marge de $4 à $6. Pour un médicament qui coûte $1, la marge est d'à peu près $0.50 ou $0.75. Voyez-vous, les différence d'honoraires de $0.75 à $4, c'est très grand. Si on part du prix coûtant et si on enlève la notion de profit, les variations seront très faibles.

M. BRISSON: Pourquoi le choix d'une seule pharmacie? Vous enlevez ainsi la concurrence ou vous garantissez à un pharmacien ses clients.

M. LANDRY: Premièrement, nous prévoyons qu'un patient qui a adopté telle pharmacie et qui, pour une raison ou pour une autre, décide de changer de pharmacie n'a qu'à faire une demande à la régie. A ce moment, la régie devrait l'accorder presque automatiquement, à moins d'avoir des raisons de ne pas le faire. Mais si on fait cela, c'est justement une modération qu'on voudrait poser. Si on attache un patient à une pharmacie, c'est pour permettre au pharmacien de mieux suivre la médication que ce patient reçoit. Il peut en recevoir de plusieurs médecins et, comme on l'a expliqué ce matin, les médications peuvent être contradictoires. C'est la seule façon dont le pharmacien peut arriver à exercer un certain contrôle sur le médicament vis-à-vis de ce patient.

Mais il y a une autre possibilité. C'est qu'on parle de dossier-patient. Jusqu'à maintenant, on parle du dossier-patient pharmacie par pharmacie. Mais si on avait un dossier-patient avec une centralisation provinciale à laquelle tous les pharmaciens pourraient avoir accès très facilement, par téléphone par exemple, peut-être que cette condition ne serait pas aussi importante.

M. BRISSON: Mais quand un patient change de médecin, son dossier le suit.

M. LANDRY: Oui.

M. BRISSON: Le nouveau médecin peut demander le dossier à l'ancien médecin.

M. LANDRY: Ce serait excellent.

M. BRISSON: II le fait suivre. Je dis cela parce que...

M. LANDRY: D'ailleurs, je crois que c'est prévu dans nos notes. A ce moment, quand le patient a demandé à la régie de changer de pharmacie, le pharmacien est obligé de remettre le dossier au patient.

M. BRISSON: II y a une partie de la population qui a du mal à s'exprimer et même qui ne sait pas écrire. A ce moment-là, être obligé d'écrire, c'est une objection.

M. LANDRY: Oui, d'accord. En fait, la meilleure correction à cela, c'est un fichier-patient, mais provincial. Il ne sera peut-être pas fait demain matin.

M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'il serait beaucoup plus simple que chaque patient qui désire avoir un tel dossier en ait un et qu'il l'utilise...

M. LANDRY: Qu'il se promène d'une pharmacie à l'autre.

M. CASTONGUAY: ... au lieu d'avoir une régie ou encore un sytème d'allocation des patients par pharmacie? Tout comme il a été souvent question d'un carnet de santé.

M. LANDRY: Oui. Quitte à ce qu'il ne perde pas son carnet.

M. CASTONGUAY: Non, non. Cela, on peut...

M. LANDRY: II y a une possibilité. Mais quand nous avons prévu cette chose, c'était pour mettre en évidence le fait qu'un patient qui va chez cinq pharmaciens différents non seulement peut faire remplir des ordonnances qui sont contradictoires, mais peut aussi se servir de cela pour mêler complètement le dossier-patient qu'on veut établir.

Il y a des gens qui font de l'automédication, personnellement, en sachant très bien ce qu'ils font, soit qu'ils ont une accoutumance ou qu'ils ont une certaine toxicomanie. Il faut éviter cette chose. C'était une façon de l'éviter.

M. QUENNEVILLE: M. Landry, ce matin, on nous a dit que cette formule de dossier-médicament existait depuis deux ans. Vous pourriez peut-être nous dire les inconvénients que cela a créés depuis deux ans, puisque cela existe déjà.

M. LANDRY: Je sais que cela existe depuis deux ans. Ceux qui le font par initiative personnelle établissent le dossier-patient des personnes qui vont chez eux. L'inconvénient, c'est que cela représente du travail supplémentaire.

M. QUENNEVILLE: J'entends pour le patient, pas pour le pharmacien.

M. LANDRY: Je ne vois pas l'inconvénient pour le patient, au contraire.

M. QUENNEVILLE: Cela dépend. S'il change de place. S'il va rester à Baie-Comeau, par exemple, et que son dossier est à Joliette.

M. LANDRY: Exactement. Actuellement, cela cause des problèmes.

M. QUENNEVILLE: C'est ce que je veux savoir.

M. LANDRY: Si le même patient va à cinq pharmacies différentes, le dossier, en fait, n'a pratiquement pas de valeur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse au ministre. Il a parlé tantôt des frais modérateurs. Je comprends que ces frais seront déterminiés dans une étape subséquente à la réglementation, mais est-ce que le ministre peut nous dire déjà de quel ordre pourraient être ces frais modérateurs? Est-ce qu'ils s'appliqueront à chaque patient indistinctement, à chacune des ordonnances indistinctement ou s'il peut y avoir des exceptions pour des renouvellements d'ordonnances?

Est-ce qu'il peut y avoir des exceptions pour des maladies qui exigent des médicaments de façon continue, comme le diabète ou les maladies du coeur? Le ministre pourrait-il déjà — peut-être me répondra-t-il que la question est prématurée — nous donner des renseignements pour éclairer ceux qui sont venus devant la commission ainsi que les membres de la commission?

M. CASTONGUAY: D'abord, je pense que nous devons penser, pour répondre à la question, dans quel contexte ces frais modérateurs s'appliqueraient. Jusqu'à maintenant il semble bien qu'il y ait un accord assez général sur le fait que — du moins, c'est ma perception — les formats pharmaceutiques pourraient être utilisés, c'est-à-dire que pour un type de prescription, il y a une quantité prédéterminée de telle sorte que les ordonnances ne sont pas répétées, de façon générale, inutilement parce qu'on prescrit de trop petites quantités, etc.

Alors, à partir de ce moment-là, nous pouvons imaginer que dans certains cas d'exception, où il y avait besoin de répétitions assez fréquentes, à cause de la nature du médicament, on peut faire certaines exceptions, comme vous le suggérez, tout en prenant soin de ne pas trop compliquer le système; une fois cela passé, il me semble que ça devrait être des frais pas tellement élevés, peut-être de l'ordre de $0.50 par ordonnance.

Maintenant, il n'y a rien d'arrêté sur ça au contraire. C'est simplement une question de réalisme qui me fait suggérer un montant comme celui-là. Je crois d'ailleurs que c'est le même type de montant qui était retenu par la Mutuelle des services de santé du Québec dans le plan qu'elle a établi pour couvrir les médicaments.

M. LE PRESIDENT: Alors, ce n'est pas une question à poser...

M. CASTONGUAY:: J'aurais peut-être une clarification sur le cas de la responsabilité pour bien voir si tout le monde s'entend bien. Parce qu'à un moment donné il y a eu discussion, le procureur du collège a fait une rectification et les conseillers juridiques du ministère me disent qu'il faut distinguer deux types de responsabilité. Il y a la responsabilité civile qui est assumée par le propriétaire et il y a aussi la responsabilité professionnelle ou déontologique, et celle-là demeure celle du pharmacien salarié. Alors, M. Landry, lorsqu'il disait qu'il avait une responsabilité, il pouvait avoir raison, parce qu'il parlait de la responsabilité professionnelle et le procureur du collège aurait raison aussi lorsqu'il disait que c'était la responsabilité du propriétaire, s'il parlait évidemment de la responsabilité civile.

Je ne sais pas s'il y a accord sur ce point-là, mais c'est ce que me disent les conseillers juridiques du ministère,

M. LANDRY: Tout à l'heure, je n'ai pas voulu prolonger la discussion, d'autant plus que Me Dumesnil est sûrement plus compétent que moi là-dessus. Mais, j'étais quand même surpris de sa réponse étant donné que justement au point de vue professionnel, nous avions été mis au courant par le collège du fait qu'il y avait des pharmaciens gérants et des pharmaciens salariés qui avaient été condamnés par le bureau de discipline, bien logiquement, parce qu'ils avaient posé des actes illégaux ou ils avaient laissé poser des actes illégaux parfois même, en leur absence. Nous connaissons au moins deux pharmaciens qui, en leur absence à la pharmacie, alors qu'on avait posé des actes illégaux, ont été condamnés par le collège. Nous avons conclu que le pharmacien était le premier responsable, quitte pour lui, justement, pour la partie civile, de revenir contre le propriétaire.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le procureur du collège a...

M. DUMESNIL: M. le Président, je ne voudrais pas m'étendre sur la question, mais c'est une question de fait dans chaque cas. Si un acte professionnel a été accompli conjointement par les deux pharmaciens, le salarié et le propriétaire, ils sont tous les deux responsables. Nous ne pouvons pas dire qu'il y a une règle précise, mais s'il y a solidarité pour commettre un délit, il y a coresponsabilité ipso facto, qu'il soit professionnel, criminel ou civil. Voilà pourquoi je ne me suis pas étendu sur cette question. C'est une question de fait dans chaque cas; nous examinons chaque cas et s'il y a solidarité, nous poursuivons les deux; s'il n'y a pas solidarité, nous ne poursuivons que la personne responsable professionnellement.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Landry de l'exposé de son mémoire. Je veux inviter maintenant l'Association canadienne des fabricants en pharmacie.

Est-ce que vous avez un mémoire à distribuer?

Association canadienne des fabricants en pharmacie

M. TELLIER: Oui, M. le Président. Il a été remis, ce matin. Et je crois apercevoir quelque chose qui peut lui ressembler, devant vous. Cela porte une couverture bleue, avec une petite fenêtre.

Il y a des annexes de toutes sortes de couleurs.

M. le Président, je me présente, je suis Claude Tellier, conseiller juridique de l'Association canadienne des fabricants en pharmacie. Je suis accompagné, aujourd'hui, de M. Guy Beau-chemin, vice-président de l'association, de M. Jacques Gauthier, administrateur et président de la compagnie Upjohn du Canada, et de M. Hubert Martel, conseiller en administration et chargé de cours à l'université McGill.

M. LE PRESIDENT: Un instant. Très bien.

M. TELLIER: L'Association canadienne des fabricants en pharmacie a eu l'occasion de prendre connaissance de ce projet de loi no 69 et, en raison de l'importance des sujets qui y sont traités, nous nous sommes permis de vous présenter, un peu à la dernière minute, mais de vous présenter tout de même, le mémoire qui est devant vous.

A cause des implications médicales, sociales et économiques que peuvent soulever ces dispositions, nous voudrions d'abord nous présenter et présenter, dans les grandes lignes, l'importance économique de cette réalité des fabricants de produits pharmaceutiques.

Il est bon de mentionner que notre association compte 58 fabricants, dont 32 ont des établissements dans la province de Québec. Sa fondation remonte à 1914. Nous représentons des membres dans le domaine des médicaments qui ne peuvent être vendus que par des pharmaciens et dont la publicité est restreinte par la réglementation fédérale, si bien que ces compagnies ne sont pas tellement connues du grand public.

Il est bon de mentionner, cependant, que sur un investissement de $145 millions au Canada,

vous en avez $98 millions dans la province de Québec. Sur une production nationale globale annuelle de $304 millions, $207 millions sont produits ici au Québec.

Il est bon de noter, également, que 26 p.c. seulement de la production québécoise sont consommés sur place et que le reste est exporté soit dans les autres provinces canadiennes ou sur le marché international.

Cette industrie, dans Québec, emploie 4,342 personnes dont 25 p.c. sont diplômés d'universités. Dans les 75 p.c. qui restent, un grand nombre sont des techniciens diplômés de nos CEGEP et, autrefois, de nos instituts techniques, etc.

Nous voulons également vous mentionner que l'industrie dépense, dans le Québec, une somme de $ 10 millions par année en recherche répartis comme suit: $8 millions en frais de laboratoire de recherche et de développement, $1.5 million en frais de recherche en clinique et $ 500,000 en bourses de recherche.

Nous pourrions développer cet aspect très important mais, pour abréger, nous avons, en annexe, un certain nombre d'appendices qui vous donnent le nom de nos représentants, de nos membres, des statistiques économiques et des articles que nous considérons valables sur bon nombre de problèmes que, par exemple, M. le ministre de la Santé a soulignés ce matin à propos des substitutions et des dénominations génériques.

Nous voudrions également vous signaler que, dans ce domaine, il y a malheureusement deux catégories d'industries. Il y a ce que nous appelons la véritable industrie et l'industrie marginale.

L'industrie véritable offre au public les avantages et les services suivants: c'est cette industrie qui assume la recherche pure, la recherche et l'élaboration de nouveaux médicaments, la recherche clinique dans différents centres hospitaliers, les expérimentations animales et humaines, les démarches auprès du Département des aliments et drogues du gouvernement fédéral en vue de faire reconnaître l'efficacité et l'innocuité des nouveaux médicaments. Cette industrie dépense des sommes considérables pour faire connaître le nouveau médicament auprès des centres médicaux et hospitaliers. Cette industrie maintient un service de consultation pour le bénéfice des médecins et de leurs patients pour les cas où des difficultés surgiraient en cours de traitement. De façon générale, elle fait l'éducation du public quant à l'utilisation de ces médicaments et observe des normes de qualité très élevées. Cette industrie véritable doit donc assumer des coûts extrêmement élevés et n'est protégée, au point de vue des brevets d'invention, que par une législation très mitigée, ce qui laisse alors le champ libre à une industrie que l'on appellera marginale pour plagier les efforts déployés par l'industrie véritable et mettre sur le marché des produits pour lesquels elle n'a pas eu à investir de fortes sommes.

Cette industrie marginale présente donc l'image inverse de ce que nous venons de vous représenter, c'est-à-dire qu'elle n'a pas à assumer des frais de recherche préalable, à faire reconnaître le niveau d'activité physiologique de ses produits par les autorités fédérales, s'adresse à un marché qui connaît déjà cette substance, ne présente pas toujours les mêmes standards, etc.

En d'autres termes, cette industrie marginale livre à la véritable industrie une concurrence qui, évidemment, lui fait assumer des frais additionnels.

Enfin, soulignons que, malgré ces handicaps sérieux, la véritable industrie réussit malgré tout à offrir au public des médicaments à des prix qui concurrencent, dans la plupart des cas, les produits offerts par l'industrie marginale, et ce, avec l'avantage marqué d'offrir des produits de très haute qualité, accompagnés de nombreux services qui ne sont pas offerts par l'industrie marginale.

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais passer — et je me réfère aux pages 9 et suivantes de notre mémoire — à nos commentaires sur le bill 69 lui-même. Nous devrons, si vous voulez, tenir compte de ces commentaires dans ce que nous avons à vous formuler.

Notre premier commentaire concerne l'article 27 a) du bill 69, qui prévoit la formation de la commission de pharmacologie, et l'article 27 b) qui en prévoit la composition. Cette commission serait composée d'un membre président nommé par le lieutenant-gouverneur et de quatre membres nommés après consultation du Collège des pharmaciens de la province de Québec et du Collège des médecins.

Nous sommes tout à fait d'accord pour que ces organismes soient consultés. Nous croyons, par ailleurs, que l'industrie qui assure la fabrication du médicament pourrait apporter une contribution extrêmement précieuse et valable dans l'élaboration des politiques de cette commission. On a parlé souvent, depuis le début de vos délibérations, du problème de l'empaquetage thérapeutique. C'est une question qui sûrement sera étudiée davantage. Nous croyons qu'il n'est pas inutile et qu'il est même indispensable qu'un représentant de l'industrie, qui a une connaissance technique des problèmes de la fabrication et de l'automatisation, puisse participer à l'élaboration de ces politiques, qu'il puisse rendre cette commission consciente des problèmes, des difficultés et aussi des possibilités. C'est pourquoi, face à cette situation, nous croyons que le bill 69 pourrait être modifié soit en ajoutant au Collège des pharmaciens et au Collège des médecins un troisième organisme consultatif qui serait l'industrie manufacturière ou encore en ajoutant un sixième membre qui serait désigné après consultation avec les milieux manufacturiers.

M. VEZINA: Pour qu'ils soient dans le contexte.

M. TELLIER: Si possible. Dans le décor.

Notre deuxième commentaire — je suis à la page 12 de notre mémoire— traite de l'article 27 d); c'est un corollaire de ce que nous venons de dire. Si l'on doit reconnaître comme bien fondée notre suggestion qu'un représentant de l'industrie doive y participer, je ne crois pas que l'on doive faire grief à un représentant de l'industrie d'être membre de la commission. L'article 27 d) — j'aurais dû vous le mentionner — prévoit qu' "aucun membre de la commission ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise".

Or, nous soumettons que, si nous reconnaissons le droit de cité à un membre de l'industrie, il ne faudrait tout de même pas le lui reprocher. Nous ignorions si la charge de membre de la commission était une fonction à plein temps ou à temps partiel. Si c'est une charge à plein temps, il faudrait peut-être dire que le fait d'être en congé sans solde d'une industrie ne constitue pas un empêchement en vertu de l'article 27 d).

M. LE PRESIDENT: Un instant.

M. CASTONGUAY: Si vous me le permettez, juste un renseignement. La raison de cet article, c'est pour que les membres ne soient pas en conflit d'intérêts.

M. TELLIER : Je le comprends bien, mais si l'intérêt est déclaré et si cette personne est nommée après consultation auprès de l'industrie, j'imagine que l'industrie ne déléguera pas une personne qui serait malhonnête ou qui favoriserait, si vous le voulez, des choses inadmissibles.

M. BRISSON: Si elle a des parts dans la compagnie?

M. TELLIER : Bien, je ne pense pas. Nous allons revenir plus tard, si vous le voulez, sur le rôle de la commission. Entre autres choses, le rôle de la commission va être surtout au niveau des substances génériques. Il va y avoir aussi une question de marque de commerce, mais avec les recommandations que vous allez nous faire vous allez voir que l'incidence est beaucoup moins forte.

C'est pour cela que nous vous suggérons, selon les circonstances, d'atténuer les rigueurs de cet article 27 d) de façon qu'un membre de l'industrie puisse sans gêne participer à cette commission de pharmacologie.

M. VEZINA: M. le Président, si vous me le permettez, il y a tout de même une différence entre désirer être consulté pour la nomination de quelqu'un et demander que cette personne fasse partie de tel groupe.

M. TELLIER: Absolument.

M. VEZINA: Alors, on peut acquiescer à votre première demande, sans modifier l'article 27 d).

M. TELLIER: Sans doute, mais, d'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas non plus anticiper. On peut très bien imaginer deux choses, soit qu'on délègue quelqu'un qui est tout à fait étrange à l'industrie, mais que l'on considère apte à nous remplacer ou qu'on y aille directement en disant: Nous allons prendre un expert en production, qu'il vienne de l'une ou de l'autre des compagnies intéressées.

Nous vous soumettons le problème; nous n'avons pas à le résoudre.

M. LE PRESIDENT: Continuez, M. Tellier.

M. TELLIER: Ensuite, il y a l'article 27 h) qui se lit comme suit — le texte est à la page 13 du mémoire: "Les fonctions de la commission sont de faire des enquêtes et de poursuivre des recherches sur les médicaments, les substances médicamenteuses ou préparations pharmaceutiques, ainsi que sur leur fabrication et leur coût." Deuxième paragraphe: "Aux fins de ces enquêtes et recherches, chacun des membres de la commission est investi des pouvoirs et immunités conférés à un commissaire en vertu des articles 7, 9 à 12, 16 et 17 de la Loi des commissions d'enquêtes."

Nous reconnaissons le but louable poursuivi par cet article. Nous soumettons cependant qu'à plusieurs points de vue il ouvre la porte à certaines difficultés.

D'un premier point de vue, nous croyons que cet article est susceptible de créer une doublure des responsabilités déjà assumées par le directorat fédéral des aliments et drogues. En faisant pareille affirmation, notre propos n'est pas d'entrer dans un débat constitutionnel, mais nous voulons attaquer simplement le problème sous un angle pragmatique. Une situation de fait existe au Canada, et c'est l'autorité et l'activité de ce directorat qui, jusqu'à présent, a réglementé la disponibilité des produits pharmaceutiques. Or, si cette commission de pharmacologie se mettait à avoir des règles particulières différentes de l'autorité fédérale, il s'ensuivrait que l'industrie manufacturière serait alors aux prises avec des dispositions de réglementaition différentes et parfois même inconciliables, si bien qu'il ne peut en résulter qu'une inflation des coûts et peut-être même des répercussions économiques qui pourraient se traduire en des départs ou des déménagements d'industries en dehors du territoire québécois. Quant au surplus, nous aurons en regard de l'article 27 k) d'autres commentaires à faire.

Cet article 27 h) confère également des pouvoirs d'enquête extrêmement étendus aux membres de la commission, et nous croyons que ces pouvoirs peuvent donner lieu à des abus extrêmement sérieux. Nous vous avons exposé dans notre introduction la concurrence extrêmement serrée que les manufacturiers doivent se livrer dans leurs opérations quotidiennes. Or, si les commissaires peuvent de plein droit avoir accès aux méthodes de production, aux travaux de recherche ou aux coûts de production des différentes industries, il peut arriver que la commission serve, volontairement ou non, à des fins d'espionnage industriel qui pourrait causer des préjudices irréparables. Ici encore nous croyons que ces pouvoirs d'enquête doivent exister, mais de la façon dont nous reparlerons à l'article 27 k).

Nous arrivons à cet article 27 k) qui, vu sous notre angle, constitue l'article principal de cette législation proposée et nous en avons le texte à la page 17. On y dit: "Le ministre des Affaires sociales dresse périodiquement une liste de médicaments dont la régie assume le coût en vertu de l'article 3. Cette liste indique les dénominations communes, les marques de commerce, etc." Ici encore, nous sommes d'accord avec les buts poursuivis par les rédacteurs de ce projet qui, manifestement, ont voulu chercher là une solution dans la diminution des coûts et dans l'élimination de médicaments de qualité secondaire. Cependant, nous soumettons respectueusement que le procédé recommandé risque de ne pas atteindre les buts proposés.

En effet, le principe général énoncé par ce projet de loi est que seuls les médicaments qui auront été recommandés par la commission de pharmacologie au ministre seront inscrits sur la liste. Or, à notre humble avis, le mécanisme proposé n'est pas apte à permettre la réalisation des objectifs à atteindre. Bien au contraire, il donne ouverture à des abus possibles et à des injustices.

En effet, il nous semble qu'une commission de pharmacologie, même composée des plus grandes compétences, éprouvera de très sérieuses difficultés à insérer sur une pareille liste tous les médicaments qui présentent des garanties de qualité à des coûts raisonnables. Il nous semble impossible que cette commission puisse, sans commettre d'oublis ou d'erreurs, présenter une liste complète et valable.

Par conséquent, il nous apparaît que le fabricant d'un produit pharmaceutique n'a aucun droit de voir son produit inscrit sur la liste dont il est question dans le bill.

Au contraire, sur le plan strictement juridique, le fabricant n'a qu'un privilège de voir son produit inscrit sur la liste. Il nous semble donc que le premier principe devrait être l'inverse et que le fabricant, moyennant certaines conditions à être clairement précisées, devrait avoir le droit de voir son produit inscrit sur cette liste. En d'autres termes, nous croyons que la fonc- tion première de cette commission de pharmacologie devrait être de dresser le nom des substances pharmaceutiques dont la Régie de la santé entend assumer le coût pour le bénéfice des malades. Une fois que la décision a été prise d'inscrire sur la liste le nom des substances thérapeutiques, nous croyons que les fabricants dont le produit contient, à l'intérieur des normes énoncées, cette substance, devraient avoir le droit d'être inscrits sur cette liste, à la condition, évidemment, qu'ils rencontrent les normes fédérales en vigueur et que le fabricant soit reconnu sous l'empire des normes d'achat du gouvernement fédéral.

Ce principe nous apparaît important car, d'une question de privilège, on en fait maintenant une question de droit. En second lieu, il nous semble que la reconnaissance de ce principe aurait pour effet le maintien d'une concurrence qui a été jusqu'à ce jour génératrice de progrès et indispensable au développement dynamique de l'industrie pharmaceutique.

Pour ces raisons, notre association croit au principe suivant: Le médecin a le droit de prescrire la préparation pharmaceutique de son choix. Nous croyons que ceci devrait être accompli sans que soient lésés les droits du patient à tous les bénéfices de quelque programme que ce soit. Il est connu en pharmacologie que différents produits pharmaceutiques contenant sensiblement la même substance n'auront pas le même résultat physiologique ou ne seront pas assimilés de la même façon, selon les méthodes de préparation. Ces différents effets primaires ou secondaires sont connus des praticiens qui, selon les patients, doivent conserver une entière flexibilité dans les médicaments qu'ils veulent prescrire.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez résumer tout cela?

M. TELLIER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Nous avons tellement de choses à discuter.

M. TELLIER: En définitive, ce que nous proposons, c'est d'inverser le principe du mécanisme et d'en faire une question de droit et non pas une question de privilège. Ce mécanisme serait le suivant: la commission recommanderait d'abord l'adoption d'une liste des substances thérapeutiques et, une fois que les substances seraient reconnues, avis serait donné dans la Gazette officielle et tous les fabricants qui se conformeraient aux normes mentionnées dans l'avis auraient droit d'être inscrits sur la liste.

Cependant, pour atteindre le but de la législation, la commission aurait les pouvoirs de discuter pour établir que le produit est conforme aux normes ou, encore, de demander à un manufacturier de venir justifier comment il se fait qu'un produit à peu près comparable se

vend beaucoup moins cher que le sien. C'est ici qu'interviennent les pouvoirs d'enquête dont nous avons parlé tout à l'heure. Nous croyons que la commission devrait avoir, comme pouvoir d'enquête le pouvoir de recevoir la preuve des manufacturiers qui sont sommés soit de prouver qu'ils se conforment aux normes requises dans l'avis ou encore que le prix de leurs médicaments se justifie par des avantages, par exemple, un service de consultation pour médecins, etc. A ce moment-là, c'est le manufacturier qui aurait le fardeau de la preuve. S'il ne veut pas dévoiler ses secrets, s'il ne veut pas donner à la commission les renseignements nécessaires, la commission n'a qu'une chose à faire, c'est de rendre la décision en conséquence.

On ne donne pas, alors, à la commission un droit de perquisition dans des affaires privées. Ici, il faut bien se rendre compte que, dans des industries, au niveau de la recherche, des dispositifs de sécurité énormes sont pris à l'endroit même du personnel et que des gens d'un même personnel ignorent ce qu'un groupe fait par rapport à l'autre, pour éviter toute indiscrétion. Vous comprenez très bien qu'avec, d'une part, la concurrence et, d'autre part, les droits de brevets limités, ces compagnies ne peuvent se permettre des fuites d'information.

Pour compléter, simplement une remarque. Nous avons pris connaissance de ce projet de loi il y a très peu de temps; il y a moins d'une semaine. Nous avons voulu, dans ce mémoire, vous indiquer le mécanisme ou les principes que nous considérions comme fondamentaux.

Si vous nous accordiez un délai de quinze jours, nous pourrions peut-être apporter quelque chose d'encore plus constructif et vous soumettre des textes pour bien illustrer ce que nous voulons vous suggérer.

M. CASTONGUAY: J'aurais quelques questions, M. le Président. D'abord je voudrais indiquer que le projet de loi a été déposé il y a environ un mois à l'Assemblée nationale, c'est malheureux que vous l'ayez eu il n'y a qu'une semaine.

M. TELLIER: Je n'en fais grief à personne.

M. CASTONGUAY: Je voulais simplement mentionner cela. De toute façon, l'Assemblée ne siège pas au cours de la semaine prochaine ni au cours des deux prochaines semaines. S'il y avait des aspects sur lesquels vous vouliez communiquer des points de vue additionnels, je ne crois pas qu'il y ait de difficulté de ce côté-là.

Les quelques questions que j'avais à poser sont les suivantes: Lorsque vous suggérez qu'un représentant des fabricants siège à la commission pharmacologique, est-ce qu'il n'y a pas un danger de conflit d'intérêts? D'autant plus que cette commission pharmacologique a un man- dat bien spécifique qui est de conseiller le ministre, en définitive, au plan de la qualité et non pas tellement sur les processus de fabrication. Cela me relie à un autre des commentaires que vous avez faits. Nous n'avons pas l'intention, en suggérant, dans ce projet de loi, la formation d'une telle commission, d'établir au Québec un directorat des aliments et des drogues. On a assez de problèmes à s'organiser sans qu'on essaie... Ce n'est pas une critique, mais c'est un problème qui parait hautement complexe sans qu'on commence à dédoubler ici un tel directorat.

Le mandat qui est donné à la commission peut, en apparence, paraître constituer un dédoublement dans la mesure où il essaie de refaire les mêmes opérations. Mais s'il obtient, dans son travail, les renseignements du directorat des aliments et des drogues pour les fins de son mandat spécifique, il n'y a pas de dédoublement. Même si le mandat, tel qu'il apparaît, peut donner cette impression. Alors, au plan de la qualité, au plan de la composition des médicaments par l'existence du directorat, en ce qui concerne la commission, il me semble qu'elle peut obtenir les renseignements qu'il lui faut et, à ce moment-là, il est de beaucoup préférable de ne pas avoir de représentant de l'Association des fabricants afin que cette commission ne puisse pas être soupçonnée, par la présence d'un membre représentant les fabricants, d'être en position de conflit d'intérêts.

M. TELLIER: Depuis le début de ce débat, il a été question à plusieurs reprises de l'emballage thérapeutique. C'est une notion qui est connue ailleurs et qui, je pense, n'est pas un principe, c'est un moyen. Par conséquent, dans certains cas, c'est possible, dans d'autres cas, ce n'est pas avantageux. Je pense que l'industrie comme telle est dépositaire d'un grand nombre d'informations extrêmement utiles qui assureraient que le travail de la commission tienne compte des connaissances techniques que l'industrie possède. Par exemple, il a été question de demande et question de mise en marché, question de fabrication et d'empaquetage, des problèmes propres à l'emballage... Dans certains cas, cela est possible, dans d'autres cas, non. Questions simplement pratiques qui doivent être soulevées. Nous pensons que, même si on peut supposer que la commission va consulter à l'occasion, rien n'assure que la commission dans son travail va le faire. Nous croyons que, si un représentant de l'industrie était membre, nous pourrions présumer que cette consultation, avec ceux qui ont le problème de répondre à la demande, serait toujours faite.

M. CASTONGUAY: Est-ce que vous seriez d'accord que cette consultation qui, je ne le nie pas, puisse être nécessaire, soit prévue par un autre mécanisme, pour éviter tout conflit d'intérêts possible?

M. TELLIER: Possible!

M. GOLDBLOOM: M. le Président, sur le même sujet, une question que je voudrais constructive. N'est-il pas vrai que l'association que vous représentez a un président à temps complet qui ne représente aucune compagnie membre de l'association?

M. TELLIER: C'est exact, monsieur.

M. GOLDBLOOM: Est-ce que c'est la seule personne qui agit comme fonctionnaire de façon indépendante des compagnies membres?

M. TELLIER: M. Beauchemin peut répondre à votre question.

M. BEAUCHEMIN: Non. Notre personnel, à nos bureaux, comprend onze personnes: trois pharmaciens — dont je suis — et un médecin, notre président; je suis le vice-président administratif. Nous avons deux pharmaciens comme directeurs des relations extérieures et des services administratifs et des jeunes filles qui travaillent à temps plein. Nous avons un bureau à temps plein.

M. GOLDBLOOM: Mais, parmi ces onze personnes, il y en a qui auraient la compétence voulue pour exprimer un point de vue global au nom de l'industrie, sans être membres de quelque compagnie que ce soit?

M. BEAUCHEMIN: Absolument, et dont le salaire est payé par 58 ou 59 compagnies.

M. GOLDBLOOM: Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse au ministre, mais M. Tellier pourra ajouter des commentaires, s'il le désire. Celui-ci a fait état, dans le mémoire qu'il vient de nous lire, de l'importance du processus d'inscription des médicaments dans un formulaire, afin qu'il n'y ait pas d'oublis ou de discrimination à l'endroit d'une entreprise de fabrication.

J'aimerais que le ministre ou un de ses fonctionnaires qui ont travaillé au comité du formulaire — c'est un travail qui a demandé plusieurs mois d'études et de discussions — j'aimerais qu'un des membres de ce comité, si le ministre préfère le laisser parler, vienne nous expliquer la façon dont ils ont procédé pour dresser ce formulaire, qui était un travail extrêmement considérable. Je ne peux pas, moi-même, porter un jugement de valeur sur un tel formulaire, mais je crois que c'est un travail extrêmement valable.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je demanderai, comme le suggère le député de

Montmagny, de nous donner ces renseignements.

Maintenant, je voudrais simplement rappeler une chose, je l'ai mentionnée ce matin: II demeure un aspect de cette question, c'est-à-dire celui de la fixation des coûts, qui n'est pas encore réglé. Certaines possibilités s'offrent. On peut imaginer, par exemple, si on retient la formule proposée par l'Association des fabricants, que tous les médicaments, incluant les marques de commerce, soient inscrits sur un tel formulaire et qu'à ce moment-là, s'il y a possibilité, de la part du pharmacien, de faire des substitutions, on lui donne certains encouragements pour que, dans les substitutions qu'il fera, il tende à rechercher les médicaments dont les coûts sont plus bas. Il est ressorti clairement qu'avec la formule des honoraires le pharmacien d'officine n'aurait plus intérêt dans le prix de la substance elle-même. Alors, c'est une possibilité.

Une autre possibilité, c'est que nous procédions par voie de demandes de soumissions, avec toutes les difficultés que cela peut comporter, étant donné que les prix varient selon les quantités, et inscrire les médicaments dont les prix sont les plus bas, encore une fois, à partir d'un certain appel de soumissions que nous pourrions peut-être imaginer.

Il y a une autre possibilité. C'est qu'on examine les prix à partir de rapports sur la qualité des médicaments d'une même catégorie et qu'on inscrive sur la liste uniquement ceux dont les prix ne dépassent pas une certaine limite, de telle sorte que la liste ne comprenne que les médicaments ne dépassant pas un certain niveau de prix. Et pour qu'il n'y ait pas d'injustices, nous pourrions inscrire tous les autres médicaments sur la liste afin qu'il n'y ait pas d'oublis, mais indiquer qu'ils ne sont pas couverts aux fins de l'assistance-médicaments. Le procureur mentionnait justement la possibilité que certains soient oubliés.

Alors, il y a encore certaines options qui se présentent.

Ces options varient selon certaines décisions qui peuvent être prises par rapport à la possibilité de substitution, la prescription par des noms génériques, etc.

Alors, je pense qu'il est bon de mentionner ça parce que le formulaire, en fait, ne sera définitif qu'au moment où l'aspect du prix sera également compris. En ce moment, ça ne demeure qu'une liste.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mais, ce que je voudrais faire ressortir par le témoignage de ceux qui ont participé à ce travail, c'est de quelle façon l'industrie pharmaceutique a été associée à ce travail en fournissant des renseignements et en venant rencontrer la commission pour donner des explications.

M. TELLIER : M. le Président, nous ne met-

tons pas cela en doute. Ce n'est pas là qu'est le problème, nous savons qu'il y a eu un travail de fait, que ce qui a été fait a sûrement été bien fait.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Tellier, ce n'est pas pour mettre cela en doute, c'est pour le bénéfice des membres de la commission, pour qu'ils sachent que déjà, au départ des travaux, l'industrie a été associée à ces travaux-là, la commission s'est penchée sur chacun des médicaments inscrits au formulaire et a fait un travail sur chacun de ces médicaments-là. C'est pour montrer que, dans nos préoccupations — le ministre l'a répété, je l'ai entendu moi-même, il l'a dit ce matin à la radio — l'aspect de la fabrication, l'aspect de l'industrie du médicament était important parce qu'il y avait — et vous l'avez mentionné par des chiffres, au début de votre exposé — dans le Québec des investissements importants dans le domaine de l'industrie. Cet aspect-là n'a pas été oublié et ce que je voudrais faire ressortir par ce témoignage, c'est de quelle façon on s'est préoccupé de faire un travail sérieux, en collaboration avec l'industrie.

M. MOCKLE: M. le Président, ayant passé quinze ans dans l'enseignement, je vais peut-être donner un cours mais je vais essayer de me limiter, si vous voulez, à l'essentiel. Le comité interministériel sur les médicaments a été formé en vue d'étudier tout le problème de forunir des médicaments dans un premier stade aux assistés sociaux et possiblement d'étendre également les médicaments approuvés en milieu hospitalier.

Donc, un comité d'experts a été formé pour étudier cet aspect. Ce comité d'experts a d'abord regardé ce qui se faisait un peu partout dans le monde. A la lumière également de l'expérience de chaque personne, ont émergé des critères sur lesquels finalement nous nous sommes arrêtés pour établir une liste de médicaments en vue d'en proposer l'adoption au gouvernement du Québec. Les critères qui ont été établis ont ensuite été soumis en consultation à un sous-comité appelé comité d'approbation de la liste qui était représenté par neuf organismes dont quatre du côté des médecins, à savoir: FMOQ, FMSQ, le Collège des médecins et l'ensemble des facultés de médecine d'une part et, d'autre part, quatre du côté des pharmaciens, notamment l'association des propriétaires et également les pharmaciens d'hôpitaux, le Collège des pharmaciens et les Ecoles de pharmacie du Québec. Finalement, l'Association des hôpitaux, donc au total neuf.

Ce sous-comité d'approbation a étudié tous les critères, les normes également, sur lesquels le comité d'experts voulait se baser pour établir cette liste. Le comité des experts a modifié certains critères à la lumière de la discussion. Finalement, ces critères et normes ont été approuvés par le sous-comité d'approbation sans aucune restriction fondamentale. A partir de ces normes et critères, une liste a été préparée, à partir d'abord des substances chimiques — et ces messieurs de l'industrie me comprennent, j'espère — qui entrent dans la fabrication des médicaments, à titre d'ingrédients actifs.

A cette fin, nous avons utilisé ce que nous rencontrons couramment dans toutes les pharmacopées du monde, c'est-à-dire l'inscription par dénomination commune, ce que vous appelez les noms génériques.

Donc, nous avons pris ce critère de référence, celui de la pharmacopée, l'inscription des substances par noms génériques qui était le seul langage que tout le monde pouvait comprendre puisqu'il était aussi celui de la pharmacopée.

A partir de ces substances, reste à savoir quelles étaient les préparations les plus aptes à répondre, si vous voulez, à l'efficacité thérapeuthique, d'une part, et, d'autre part, les critères concernant la qualité du produit en vue, évidemment, de son usage.

Donc, diverses formes pharmaceutiques ont été considérées pour ces substances, pour ces entités de dénomination commune et nous avons arrêté notre choix sur la plupart des formes pharmaceutiques courantes en milieu pharmaceutique.

Quant aux préparations commerciales de ces produits, je dois dire ici, M. le ministre et M. le Président, que c'était le deuxième stade à compléter au cours des études. Le travail qui avait été fait consistait, premièrement, à arrêter une liste de chacune de ces substances, à arrêter les préparations pharmaceutiques, les dosages au sein de chaque préparation et aussi un conditionnement dit thérapeuthique. Il restait également à étudier la qualité des préparations commerciales qui répondaient aux substances de la liste.

Le travail a été arrêté pour des raisons particulières, puisque d'autres prérogatives du gouvernement étaient en cause. Par conséquent, ce travail restait à être terminé concernant — je le répète — la reconnaissance des préparations commerciales des formes pharmaceutiques et des substances médicamenteuses de la liste.

J'espère, M. le Président, avoir été assez clair dans mon exposé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce demande la parole. Vous pourrez continuer après.

M. TETLEY: Me Tellier, vous représentez l'Association canadienne des fabricants. J'ai une question à vous poser au sujet de la loi fédérale des enquêtes sur les monopoles. La question du prix auquel votre association vend des médicaments aux pharmaciens, aux hôpitaux et peut-être au gouvernement est très importante. Est-ce qu'il y a une vraie concurrence? Comme deuxième question, est-ce que votre association ou des membres ont été le sujet d'une enquête

par le fédéral, en vertu de la loi intitulée "Combines Investigation Act"? Je crois que c'est l'enquête sur les monopoles.

M. TELLIER: M. Beauchemin, qui est plus au courant, va répondre à votre question.

M. BEAUCHEMIN: Je désirerais, M. lé Président, en premier...

M. TETLEY: S'il y a de la concurrence, oui?

M. BEAUCHEMIN: De la concurrence? Très bien. Oui, il y a eu une enquête en 1959, conduite par M. David Henry, qui était le directeur du "Combines Branch" du ministère de la Justice, dans ce temps-là; maintenant, c'est le ministère des Consommateurs et des Corporations. Il a fait une enquête pendant deux ans et il a présenté un rapport en 1962, si ma mémoire est exacte, où il a été prouvé qu'il y avait de la concurrence au sein de l'industrie pharmaceutique. Cependant l'enquête n'a découvert aucun agencement ou cartel entre les compagnies pharmaceutiques canadiennes pour maintenir les prix à quelque niveau que ce soit. Ce que l'enquête a conclu, cependant, et qui est préjudiciable, si vous voulez, à l'industrie pharmaceutique, c'est que ses taux de promotion étaient trop élevés et que l'apport de sources d'approvisionnement étrangères créerait probablement une diminution des prix.

A la suite de cette recommandation — plusieurs années plus tard — M. Basford a proposé des modifications à la Loi des brevets, par le bill C-102 qui a été adopté en 1969. Les brevets d'invention sur les produits pharmaceutiques ont été, à toutes fins pratiques, abolis. Pour répondre à votre question exactement, l'enquête n'a conclu à aucune connivence entre les fabricants pour maintenir les prix.

M. TETLEY: La première question: Est-ce que vous croyez, vous-mêmes, aujourd'hui, en 1971, qu'il y a une vraie concurrence? Je vois qu'il y a une association.

Pourquoi une association? Est-ce pour faire de la concurrence ou pour éviter la concurrence?

M. TELLIER: Comme dans toutes ces industries, ils ont des problèmes communs. Par exemple, la raison de notre présence ici. Indépendamment du produit que l'un ou l'autre des membres de notre associations fabrique, la question, par exemple, de la confection d'une liste, le mécanisme suivi concerne tous les fabricants, quel que soit leur produit. Ce problème que nous avons ici, devant l'Assemblée nationale du Québec, nous l'avons dans chacune des dix provinces du Canada, comme nous avons des problèmes avec les autorités fédérales. Nous en avons eu sur la question des brevets d'invention, sur la question des enquêtes, sur la... Indépendamment, si vous voulez, de nos problèmes de concurrence, nous avons des problèmes communs, et c'est la raison des associations.

M. TETLEY: Plusieurs de vos compagnies, je crois, sont contrôlées de leur siège social aux Etats-Unis, ou, plusieurs des médicaments viennent des Etats-Unis. C'est une autre façon de dire la même chose, peut-être. Nous savons qu'il y a eu plusieurs enquêtes aux Etats-Unis — je parle de l'enquête du sénateur Kefauver, qui est décédé maintenant — qui démontraient qu'il n'y avait pas de vraie concurrence, si je ne me trompe. Ma question est la suivante: Est-ce que votre association ou vos membres contrôlent vraiment le coût au Canada ou si c'est contrôlé ailleurs?

M. TELLIER: Pour être logique, si nous n'avons pas de cartel, nous ne pouvons pas, comme association, contrôler les prix de nos membres. Je pense que la réponse s'impose.

M. TETLEY: J'accepte cette hypothèse. Est-ce que les prix d'une compagnie membre sont contrôlés par une compagnie canadienne ou contrôlés ailleurs, peut-être par un cartel ailleurs?

M. TELLIER: Je ne connais pas la réponse. Je ne peux pas vous en inventer une. M. Martel, je crois, pourrait donner une réponse à cette question.

M. MARTEL: II est évident qu'un grand nombre des plus grands manufacturiers de produits pharmaceutiques sont des compagnies internationales. Ces compagnies peuvent être soit d'origine américaine, suisse, française, anglaise, allemande, italienne, japonaise, d'une façon générale, venir des plus grands pays en ce qui regarde la population.

Je ne crois pas qu'il y ait eu de preuve de collusion quant aux prix entre les différentes compagnies. Il y a eu des cas particuliers sur des produits particuliers. On a eu, par exemple, pour les antibiotiques, un cas en particulier aux Etats-Unis il y a quelques années. Mais d'une façon très générale, je ne crois pas que la preuve ait été faite et je ne sache pas que cela ait existé, personnellement.

M. TELLIER: S'il n'y avait pas cette concurrence, je ne crois pas que les efforts que les compagnies font dans le domaine de la recherche seraient justifiés.

Maintenant, M. le Président, avec votre permission, je voudrais reprendre la question du mécanisme. On nous a dit ici comment le sous-comité a procédé pour préparer une liste administrative. On nous en a donné la composition; aucun membre de l'industrie n'y a parti-

cipé. Je pose la question: En vertu de quels critères allons-nous décider dans l'ombre, sans qu'il y ait de normes précises, que tel médicament est acceptable et que tel autre ne l'est pas? Nous croyons que ce qui devrait être la règle, c'est qu'un médicament qui répond aux normes générales qui sont définies devrait avoir le droit d'être inscrit sur la liste avec la possibilité d'être rayé s'il est établi qu'on ne répond pas aux normes de qualité ou que les prix sont trop élevés.

On a dit aussi, dans les débats ce matin, que bien des médecins n'avaient pas l'information voulue pour être capables de sélectionner parmi un éventail de médicaments possibles. Nous croyons que, si un formulaire était confectionné et qu'il donnait un nombre suffisant de renseignements, ceci serait un stimulant nouveau pour l'industrie parce que le médecin aurait les données techniques, connaîtrait l'endroit où il est manufacturé, saurait si l'empaquetage thérapeutique est disponible, connaf-trait le prix, pourrait voir par lui-même quelles sont les différentes caractéristiques du produit.

Cela engendrerait une amélioration dans les prix et ranimerait cette concurrence. Si un médicament publié dans ce formulaire paraissait d'un prix trop élevé, il est clair qu'il serait en défaveur et cela inciterait son manufacturier à vouloir concurrencer les prix des autres. Et nous croyons que c'est un régime de droit et non pas de privilège.

Je vous pose la question: La compagnie qui met au point un nouveau médicament, comment va-t-elle faire pour se faire inscrire sur la liste? Pour mettre un médicament sur le marché, elle a à dépenser des sommes considérables pendant des années pour le faire approuver par les autorités fédérales. Une fois qu'elle est reconnue par le fédéral, il faudrait qu'elle recommence toute une série de démarches pour être inscrite sur la liste dans la province de Québec. Cela, je pense que c'est limiter la créativité, c'est restreindre l'apparition sur le marché de nouveaux médicaments qui peuvent être bienfaisants. C'est discriminatoire pour une industrie qui apporte à la province de Québec des bienfaits considérables.

C'est pour cela que nous croyons que les mêmes objectifs de qualité et de lutte aux prix élevés des médicaments seraient quand même atteints si on adoptait le mécanisme que l'on propose et si on installait un régime de droit plutôt qu'un régime de privilège. Il n'y a aucune garantie, aucune norme dans la loi qui dise qu'un manufacturier sérieux pourrait être écarté de la liste, pour des raisons tout à fait non scientifiques. Et on peut entrer facilement dans un régime de favoritisme de toutes sortes. C'est pour cela que nous croyons qu'un régime de droit va empêcher tous ces abus et va vous permettre d'atteindre ces objectifs avec lesquels nous sommes d'accord.

M. LAURIN: Avant qu'on ajourne la séance, je voudrais demander une clarification à M. Beauchemin pour la réponse qu'il a donnée, tout à l'heure, à M. Tetley. Lorsque vous avez dit qu'on avait trouvé, après cette enquête, que le taux de promotion était trop élevé, qu'est-ce que ça veut dire? Deuxièmement, est-il vrai que les brevets sont, à toutes fins pratiques, abolis?

M. BEAUCHEMIN: Vous avez deux questions. La première question, on a trouvé que les frais de "marketing", les frais de mise en marché, qui comprennent l'annonce, les représentants, les frais d'information aux médecins, les services de renseignement, toutes ces choses-là, représentaient environ 31 p. c. du coût de production du médicament. C'était en 1962. A la suite de ces recommandations, les compagnies que nous représentons ont fait des efforts afin de diminuer ces frais, qui sont, d'après notre dernière enquête, de 24 p. c, ou de 25 p. c. maintenant. Il se produit un phénomène, c'est que les frais de promotion, les frais de "marketing" pour les petites compagnies sont de beaucoup supérieurs aux frais de promotion, proportionnellement, des grosses compagnies. La commission Hall avait recommandé, par exemple, une limite de 15 p. c. de frais de promotion comme déductibles pour l'impôt. Pour les grosses compagnies, ça ne présente pas beaucoup de difficultés, parce que leurs frais de promotion sont à peu près ça. Mais, pour les petites compagnies, 15 p. c. de $50,000 ou de $100,000 par année, ça ne fait pas un gros budget d'annonce. D'ailleurs, c'est pour cela que la commission Harley a dit subséquemment que la recommandation de la commission Hall était irréaliste et tendait à abolir les petites compagnies. C'est très difficile, dans ces cas-là. Quand vous avez un bon produit, un nouveau produit, il faut renseigner le médecin sur son existence, autrement le médecin ne s'en servira pas. Les frais des grosses compagnies sont de beaucoup inférieurs, comme je vous le disais.

Maintenant, vous aviez une deuxième question?

M. LAURIN: Est-il vrai que les brevets sont, à toutes fins pratiques, abolis, comme vous l'avez prétendu?

M. BEAUCHEMIN: Les brevets, à toutes fins pratiques, sont abolis. C'est une longue question, je vais essayer de vous la condenser. Au Canada, la Loi des brevets prévoit, par son article 41.3, que les brevets sur les inventions pharmaceutiques et alimentaires ne s'appliquent pas à l'objet même, mais à sa méthode de fabrication. Vous pouvez breveter une méthode de fabrication, mais vous ne pouvez pas breveter un produit pharmaceutique, à moins qu'il ne soit fabriqué par des moyens biologiques, et c'est assez rare.

Règle générale, vous ne pouvez breveter que le procédé de fabrication.

On avait des licences obligatoires depuis 1923 au Canada. Un fabricant canadien pouvait faire une demande au commissaire des brevets et obtenir le droit de se servir du produit de celui qui était à l'origine du produit, de se servir de la méthode de fabrication en lui payant certains droits qui étaient infimes, soit 1/15 de 1 p. c. du coût, à la porte de la fabrique.

M. LE PRESIDENT: M. Beauchemin, les membres de la commission ont demandé de suspendre les travaux pour vingt minutes. Nous pourrions recommencer à cinq heures moins dix.

M. BEAUCHEMIN: Nous sommes à votre service, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs! Je pense que monsieur...

M. TELLIER: M. Beauchemin n'avait pas complété sa réponse au Dr Laurin.

M. LE PRESIDENT: M. Beauchemin.

M. BEAUCHEMIN: Je disais donc, docteur, que jusqu'en 1969, quiconque voulait utiliser les procédés de fabrication pour un médicament dont une compagnie de recherche possédait les brevets, pouvait en faire la demande au commissaire des brevets et en obtenait la permission à peu près automatiquement, à une condition: Qu'il utilise ce procédé au Canada.

Comme l'industrie — ce que l'on appelle le Fine Chemical Industry au Canada — de fabrication chimique était très peu développée pendant ces années-là, il y a eu peu de demandes de brevets obligatoires, de licences obligatoires pendant ce temps-là. Le ministère de la Consommation et des Corporations, voyant cet état de choses, a introduit un projet de loi à la Chambre des communes à Ottawa, éventuellement appelé le bill C-102, qui changeait cet état de choses et qui permettait, à quiconque le désirait d'obtenir l'autorisation du commissaire des brevets d'importer de quelque pays que ce soit la substance chimique ou un produit contenant la substance chimique, simplement en en faisant la demande. Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu depuis ce temps-là plusieurs demandes. La dernière compilation que nous en avons indique qu'il y a eu 58 demandes de permis obligatoires et des droits minimes qui ne nous satisfont pas ont été accordés au détenteur du brevet. Il y a des médicaments qui sont importés à l'heure actuelle — ce que l'on considère en violation de nos brevets d'invention — très facilement et il y a eu quelques erreurs. Malheureusement pour ces gens-là, heureusement pour nous, quelques-unes des premières substances qui ont été importées sous l'empire de ces lois-là n'étaient pas satisfaisantes et ont dû être retirées du marché.

Voilà pourquoi je dis que, de fait, le brevet vaut à peu près 4 p. c. du coût de fabrication.

M. TELLIER : M. le Président, est-ce qu'on me permettrait de revenir en arrière? Il y a eu tout à l'heure une question relativement à la concurrence. Je crois qu'elle est demeurée partiellement sans réponse. Je n'ai pas voulu risquer une improvisation pendant l'ajournement.

J'ai demandé à M. Gauthier, qui est ici à ma droite, quelle était la situation. Avec votre permission, il pourrait apporter aux membres de la commission des informations très appréciables.

M. GAUTHIER: M. le Président, M. Tetley a mentionné tantôt qu'il était très inquiet de la concurrence pharmaceutique ici au Canada et en particulier au Québec. Je peux lui dire qu'il existe une concurrence et que lorsque nous établissons les prix, ils ne sont pas établis en Europe ou aux Etats-Unis et ensuite apportés ici, comme tels. Les prix sont établis ici, au Canada même, suivant la concurrence qui s'exerce ici au Canada; ce n'est pas fait aux Etats-Unis. Je vais vous donner deux exemples pour prouver qu'il y a réellement concurrence. Si vous retournez dix, onze ou douze ans en arrière, les antibiotiques qui se vendaient peut-être $9 ou $10 pour 16 capsules se vendent maintenant $3.25, $3.50 ou $3.75 pour le même produit. Ceci veut dire qu'à cause du volume, à cause de la concurrence, nous avons été obligés de baisser les prix pour faire face à cette concurrence. Il y a une autre preuve de cela. Vous avez entendu parler du régime "per cost" qui a été établi dernièrement en Ontario. Je peux vous montrer le catalogué. Voici les pénicillines G par exemple. Vous avez des barogrammes sur la pénicilline qui vont de $0.02 la capsule jusqu'à $0.11. et qui sont faits par des compagnies qui sont certainement acceptables. Si ces produits-là ont été imprimés, c'est que le régime "per cost" les a acceptés. Ceci prouve encore une fois qu'il y a certainement une concurrence dans l'industrie pharmaceutique parce qu'entre $0.02 et $0.11 il y a une différence très considérable, c'est jusqu'à cinq fois.

Je crois que M. Tetley avait l'impression — je l'ai vu dans son regard — que la concurrence ne se faisait pas dans le domaine pharmaceutique. Elle se fait, sans aucun doute et ce n'est pas parce que nous avons une association représentant 85 p.c. de l'industrie pharmaceutique que nous ne nous faisons pas de concurrence entre nous. Bien au contraire. On vous a donné simplement deux exemples, mais c'était une mise au point que je désirais faire pour le privilège de la commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette. M. OUENNEVILLE: II a été question tantôt

du coût de la promotion que vous établissez à environ 25 p.c. J'aurais deux questions à poser là-dessus. Premièrement, c'est 25 p.c. de quel montant? Deuxièmement, est-ce que vous croyez que l'instauration d'un plan d'assurance-médicaments ou d'assistance-médicaments pourrait diminuer ces frais de promotion?

M. BEAUCHEMIN: C'est 25 p.c. du prix de vente à la porte du fabricant. Si le fabricant vend un produit $1, il y a là-dedans une composante de mise en marché. Ce n'est pas de l'annonce. L'annonce n'est qu'une petite proportion de cela. Il y a tout le mécanisme de la mise en marché, les représentants, l'information médicale, l'acquisition des droits de mise en marché; tout cela représente environ 25 p.c.

M. QUENNEVILLE: Vous avez les frais de représentation?

M. BEAUCHEMIN: Oui. Votre deuxième question, excusez-moi!

M. QUENNEVILLE: Je me demande si, étant donné l'instauration d'un plan d'assurance-médicaments, ce taux pourrait être abaissé considérablement?

M. BEAUCHEMIN: M. Martel est beaucoup plus versé que moi dans cette question-là.

M. MARTEL: Evidemment, lorsqu'on fait de la promotion, — on en a donné quelques exemples tout à l'heure, c'est un phénomène de palier — .

Il y a un minimum de dépenses qu'on doit faire pour obtenir une efficacité. Ce qui fait que les compagnies ayant un faible volume de ventes ont une proportion accrue de promotion. Lorsque le volume d'affaires augmente, la proportion de promotion n'augmente pas au même rythme. De fait, les grandes nations pharmaceutiques, par exemple, l'Angleterre, qui a une population, quoi, deux fois ou deux fois et demie, plus grande que celle du Canada, a un marché pharmaceutique à peu près cinq fois plus grand que celui du Canada et un taux de promotion de l'ordre de 10 p. c. à 12 p. c.

M. QUENNEVILLE: Je m'excuse, cela ne répond pas tout à fait à ma question. Je demande si l'installation d'un plan d'assurance-médicaments ou d'assistance-médicaments pourrait abaisser ce pourcentage du coût de promotion.

M. MARTEL: Oui.

M. QUENNEVILLE: Beaucoup?

M. MARTEL: D'une façon significative, avec le temps, certainement.

M. QUENNEVILLE: Qu'est-ce que c'est, significative, au juste? Un ordre de grandeur, disons.

M. MARTEL: On pourrait penser, par exemple, puisque c'est 24 p. c. actuellement, en général, à peut-être une moyenne de 12 p. c. semblable à celle de l'Angleterre, qui vit, elle, depuis très longtemps, dans un régime d'assurance-maladie.

M. QUENNEVILLE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser. Au sujet du budget de recherche, vous avez mentionné, dans votre mémoire, que cela représentait, ici, dans le Québec, $10 millions. C'est $10 millions sur combien de millions? Quel serait le pourcentage consacré à la recherche sur le budget total de l'industrie pharmaceutique?

M. TELLIER: Le pourcentage sur...

M. CLOUTIER (Montmagny): Bien, $10 millions, est-ce que cela représente le budget de toute l'entreprise pharmaceutique?

M. TELLIER: Au Canada ou au Québec?

M. CLOUTIER (Montmagny): Au Québec. Je prends $10 millions au Québec.

M. BEAUCHEMIN: En fait, $10 millions, c'est d'après les rapports que nous avons reçus de 38 de nos membres. Nous avons fait une enquête et, comme dans toutes ces enquêtes, malheureusement, il y a plusieurs compagnies qui ne répondent pas. Alors, nous avons fait une extrapolation, connaissant les budgets de recherche approximatifs. Cela se monte, au Québec, à environ $18 millions, pour un chiffre de vente de compagnies situées au Québec de $207 millions. Alors, c'est de l'ordre de 10 p. c.

M. CLOUTIER (Montmagny): A quel moment considérez-vous qu'une industrie devient marginale?

M. BEAUCHEMIN: Une industrie marginale, d'après notre définition, est une industrie qui ne fournit pas les services que nous fournis-ssons, qui ne crée aucun nouveau médicament, qui ne fait aucune recherche, qui n'a aucun service d'informations aux médecins et qui prend la crème du marché. C'est-à-dire que nos compagnies qui créent de nouveaux produits créent la demande, informent les médecins de l'existence de ces substances ou de ces produits. Les imitateurs voient ce qui se vend, où est le

gros marché et se lancent là-dedans. C'est ce que nous appelons l'industrie marginale dont la responsabilité sociale, disons, est moins considérable que celle que nous avons.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il existe un problème de langue de travail au sein de l'industrie pharmaceutique?

M. BEAUCHEMIN: Tout dépend. Au sein de la compagnie Rougier, au sein de la compagnie Anglo-French, au sein de la compagnie Franca, au sein de la compagnie Roussel, au sein de la compagnie Poulenc, c'est le français. Au sein de la compagnie Upjohn, le président est de langue française et il est ici. Cela varie. Les compagnies qui sont situées en Ontario travaillent en anglais, en général. Ici, M. Martel a peut-être d'autres renseignements.

M. MARTEL: En fait, la compagnie pour laquelle je travaille principalement a une politique de bilinguisme. Chaque individu peut s'adresser à son supérieur et à ses confrères dans la langue de son choix. C'est un objectif de bilinguisme intégral.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, M. le Président, je ne voulais pas en faire un débat. C'était une question incidente.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il faut comprendre, d'après les explications que vous avez fournies tantôt au sujet du coût de la promotion, que cela coûterait 25 p. c. de $207 millions, grosso modo?

M. BEAUCHEMIN: Grosso modo, oui, 24 p. c.

M. QUENNEVILLE: Merci.

M. BEAUCHEMIN: Cela comprend les frais de prouver au directorat des aliments et drogues, parce que nous sommes des innovateurs, l'efficacité de nos médicaments; ce que les imitateurs n'ont pas à faire. Nous avons à soumettre des dossiers d'efficacité clinique qui sont d'une hauteur de quatre ou cinq pieds, habituellement. Tout cela est compris dans les frais de lancement du produit.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jeanne-Mance.

M. BRISSON : Sur le montant de $304 millions de ventes, quel est le pourcentage de profit brut réalisé?

M. BEAUCHEMIN: Le profit net est d'environ 6. 4 p. c. ; vous savez, il y a les différents impôts et tout ça.

M. BRISSON: Le profit brut?

M. BEAUCHEMIN: Environ 13. 1 p. c. .

M. BRISSON: Dans le calcul de votre profit brut, incluez-vous ou non la publicité? Habituellement, le profit brut comprend la fabrication, plus les frais de recherche.

M. BEAUCHEMIN: Excusez moi, je croyais que vous parliez du profit avant les taxes.

M. BRISSON: Non, le profit brut. La différence entre le prix de vente et le coûtant de la manchandise vendue.

M. BEAUCHEMIN: Je n'ai pas de renseignements là-dessus.

M. MARTEL: C'est certainement très variable selon chacun des manufacturiers.

M. BRISSON: Prenons la moyenne des chiffres qu'on nous a fournis. Vous avez additionné la somme de $304 millions; si vous additionnez le coût de cela, ça va vous donner tant. Si vous ne l'avez pas en pourcentage, dites-le en dollars. Je pense qu'il est très important pour la commission de connaître le profit brut réalisé sur un produit vendu, pour fixer les coûts.

M. TELLIER: II semble bien que l'information ne soit pas disponible dans ces termes.

M. BEAUCHEMIN: Mais, nous pouvons vous la fournir dans quelques jours.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse, M. le Président; dans les documents qui vont être distribués aux membres de la commission, il y a des données qui ont été recueillies par les groupes de travail auxquels j'ai fait allusion ce matin. Ils permettront de voir, à partir des données obtenues, quels sont ces pourcentages.

M. BRISSON: Maintenant, une deuxième question. Y a-t-il des prix suggérés au détail? Si vous vendez un produit $2 à un pharmacien lui suggérez-vous un prix de vente au détail?

M. MARTEL: La pratique était généralisée il y a quelques années, mais à la suite de la commission Harley, la recommandation a été de ne pas suggérer de prix. Un très grand nombre de manufacturiers ont suivi cette recommandation, d'une façon générale.

M. BRISSON : Avez-vous une idée du pourcentage de l'augmentation des prix de vente, c'est-à-dire la différence entre le prix que les fabricants vendent et le prix que le pharmacien vend?

M. BEAUCHEMIN: Je crois que les pharma-

ciens seraient plus habiles que nous à répondre à ces choses-là.

M. BRISSON: Merci.

M. LAURIN: M. le Président, il y a déjà eu des négociations entre un certain groupe d'hôpitaux psychiatriques et des fabricants de produits pharmaceutiques, en ce qui concerne le coût des médicaments.

A la suite de ces négociations, une entente a été conclue en vertu de laquelle ces médicaments coûtaient à ce groupe d'hôpitaux 17 p. c. moins cher que le prix usuel.

Quelqu'un d'entre vous pourrait-il nous expliquer la raison pour laquelle on peut aboutir à une baisse aussi importante, simplement par un regroupement des achats?

M. MARTEL: Je ne peux évidemment pas vous donner les détails techniques. Je suppose que ces achats ont été faits en vrac. Je suppose qu'au lieu d'acheter 100 unités vous en avez acheté 100,000, quelque chose dans ce sens-là. Je suppose aussi que vous avez acheté de ces médicaments pour une période de temps, disons six mois. Je sais qu'un certain nombre d'hôpitaux, particulièrement les hôpitaux psychiatriques, ont comme pratique d'acheter aux six mois, pour des raisons budgétaires ou ainsi de suite.

Nous pouvons analyser le problème de différentes façons. Premièrement, au point de vue du conditionnement; si vous achetez par 100, vous avez des frais de conditionnement que je pourrais estimer, d'une façon générale, de l'ordre de $0.25 à $0.30 la bouteille. C'est de $0.25 à $0.30 par bouteille par rapport à une centaine d'unités; sur 10,000, on peut calculer rapidement un certain nombre de dollars. Si vous regardez le prix de vente de ces médicaments par rapport à la réduciton de coût, vous vous apercevrez qu'il n'est pas tellement difficile d'obtenir 17 p. c.

Il y a aussi le fait que vous pouvez acheter par anticipation, de façon que, à la condition que les hôpitaux paient, on ait d'avance le bénéfice de l'argent; donc, nous faisons un profit sur cette somme d'argent payée à l'avance et nous vous en retournons une certaine partie. C'est le principe — je m'excuse d'utiliser un terme anglais — du "economic order quantity" ou "economic sales quantity". Par des jeux de cette grandeur, on peut très, très facilement obtenir une réduction de coût d'un ordre supérieur à 17 p. c. et on vous en passe une certaine quantité de ces réductions de coût.

M. LAURIN: Est-ce à dire, M. Martel, qu'avec la généralisation d'un système comme celui-là pour tous les hôpitaux du Québec, qu'avec la généralisation possible de ce système avec les pharmacies d'officine, dans l'optique d'un programme général d'assurance-médica- ments, on pourrait encore augmenter ce pourcentage de réduction, et de quel ordre pourrait-il être?

M. MARTEL: C'est assez difficile pour moi de donner une estimation de cette chose-là. Mais il y a une chose certaine, et cela rejoint un peu la recommandation qu'on a faite précédemment, c'est que, pour autant que nos coûts d'exploitation peuvent être réduits, nous sommes totalement d'accord pour en passer une partie, la partie majeure de ces réductions de coût, à nos clients, que ce soient le gouvernement, les hôpitaux ou les pharmaciens.

Quel est l'ordre de grandeur? Je ne sais pas. Il faudrait établir, par études ou par plans, cela dépend du plan qu'on emploie, mais s'il y a des réductions de coût, nous sommes tout à fait d'accord pour transmettre ces réductions.

M. LAURIN: J'imagine, M. le ministre, que des études ont dû être faites là-dessus par les comités dont vous nous parliez ce matin?

M. CASTONGUAY: Sur la possibilité d'obtenir des économies...

M. LAURIN: Par le regroupement des achats pour tous les hôpitaux, tous les foyers et la généralisation possible même pour les pharmacies d'officine.

M. CASTONGUAY: Vous avez ici justement un document de travail qui va vous être distribué sur les achats de médicaments en groupes qui fait état de l'expérience faite, par exemple, dans la région de Québec, le groupe Hopbec, et il y a un rapport de l'Association des hôpitaux, etc. C'est évidemment une question qui nous intéresse en même temps que celle...

M. MARTEL: J'aimerais faire un commentaire, si c'est possible. Vous savez, dans la question de distribution, premièrement, il y a les coûts au point de vue du manufacturier. Il y a aussi les coûts au point de vue de la distribution, ce qu'on appelle distribution en gros. Après, il y a la distribution au détail.

Le grossiste rend un service. Il est rémunéré pour ce service-là. Il y a certains pharmaciens qui achètent directement du manufacturier, en quantité, et qui reçoivent une partie de ce coût, parce qu'ils font le service de grossiste. Et lorsque vous parlez d'achats par appels d'offres, vous parlez réellement de transmettre les coûts d'exploitation du grossiste au gouvernement. C'est le gouvernement qui, ensuite, assumera ces coûts de distribution. Voyez-vous, il y a toutes sortes de paliers.

M. LAURIN: Une autre question. Comme vous le savez peut-être, un tiers seulement de tous les médicaments consommés par la popula-

tion sont des médicaments prescrits sur ordonnance. Quelle est la réaction de votre association à ce phénomène, et est-ce que cela a quelque chose à voir avec ce que votre procureur disait tout à l'heure sur les compagnies marginales?

M. MARTEL: Non, nous ne sommes intéressés, au point de vue de nos produits, qu'aux médicaments sur ordonnance. De fait, les médicaments d'automédication, cela ne regarde pas notre association, et très peu les compagnies qui en font partie. Nous n'avons pas de position là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: Si on se réfère à la page 19 de votre mémoire, il est question que les produits de tous les fabricants apparaissent sur la liste du formulaire. Est-ce que vous entendez, par fabricants, ceux qui fabriquent réellement des médicaments ou si, par le fait même, vous éliminez ce que vous appelez les marginales?

M. TELLIER: Je pense que, par exemple, si dans le formulaire il y a suffisamment d'informations, il peut y avoir entre autres rubriques le fait que le médicament est fabriqué par quelqu'un qui fait la recherche, qui fait la mise en marché, qui fait l'implantation, et il peut y avoir aussi une indication à l'effet que c'est un manufacturier qui ne fait pas ces opérations-là. A ce moment-là, c'est facile pour le médecin de choisir. Comprenez-vous? Et je pense que cela assure un mécanisme beaucoup plus équitable parce qu'on n'écarte personne. Mais le public consommateur, que ce soit le médecin, que ce soient des "pools" d'hôpitaux qui veulent s'approvisionner dans tel genre ou tel genre de médicaments, la disponibilité est là, mais cela ne veut pas dire que nécessairement on va s'en prévaloir.

Cela donne une assurance qu'il n'y aura pas d'élimination arbitraire et, par conséquent, cela maintient une certaine concurrence.

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il faut comprendre que les compagnies marginales font quand même fabriquer leurs médicaments par les compagnies qui fabriquent des médicaments? La qualité, à ce moment, reste la même, du point de vue du patient.

M. BEAUCHEMIN: Non, elles ne font pas fabriquer — cela arrive quelquefois, il y en a qui prennent un contrat — elles les importent ou les fabriquent. Il n'est pas difficile d'acheter une machine à comprimés et d'y mettre un kilo d'une certaine substance active avec trois ou quatre kilos de sucre et de lait. Cela se fait. Les compagnies marginales pratiquent en général au

Canada l'opération pharmaceutique, mais ne fabriquent pas la substance active. Plusieurs l'importent.

Maintenant, il ne faut pas croire qu'un nom générique a quelque chose de magique ou qu'une marque de commerce a quelque chose de magique. On peut avoir un médicament qui est infect et qui a une marque de commerce comme on peut avoir un médicament vendu sous un nom générique qui est excellent. C'est un fait de la vie que les compagnies qui créent de nouveaux médicaments leur donnent une marque de commerce. Maintenant, il y en a d'autres qui leur en donnent aussi.

M. TELLIER: Est-ce que je pourrais ajouter aussi, si vous me le permettez, que nous ne prétendons pas que tous les médicaments doivent être à tout prit inscrits sur la liste. C'est-à-dire que, en règle générale, sivous répondez aux normes, si vous avez le droit d'être inscrits. Mais nous croyons que la commission devrait avoir la discrétion de rayer un médicament qui ne répondrait pas à ces normes. Mais avant de rayer un médicament de la liste, je pense qu'il serait simplement équitable que le manufacturier soit appelé à se justifier, comme sur les question de prix. Il peut y avoir toutes sortes de raisons qui font qu'un médicament a un prix plus élevé. Si la justification est acceptable, on le laisse. Si elle n'est pas acceptable, on le raye. Mais le mécanisme est assuré.

M. QUENNEVILLE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de...

M. QUENNEVILLE: Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas à Montréal des fabricants qui fabriquent des médicaments pour les compagnies marginales? Par exemple, Merck Sharp & Dohme, et d'autres compagnies? Il y a énormément de compagnies marginales qui font faire des médicaments là et ce n'est pas nécessairement avec des substances importées.

M. BEAUCHEMIN: II faut bien définir ce qu'on appelle les compagnies marginales. Il y a plusieurs compagnies au Québec qui ne sont pas membres de notre association et qui sont membres d'une autre association, l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques et dont les produits sont excellents. Nous n'avons pas le monopole de l'excellence. Ce ne sont pas ces compagnies que nous appelons les compagnies marginales. D en existe — je pense que les médecins les connaissent — qui vendent des médicaments à partir du coffre de la voiture, des choses comme ça. C'est cela qu'on appelle des compagnies marginales.

Vous parliez de Merck Sharp & Dohme. M. Martel travaille pour Merck Sharp & Dohme. Avez-vous des renseignements?

M. MARTEL: Nous fabriquons nos produits nous-mêmes. Nous ne fabriquons pas de produits pour d'autres compagnies.

M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il y a longtemps que vous n'en fabriquez pas pour d'autres compagnies?

M. MARTEL: Au moins quelques années.

M. QUENNEVILLE: Qu'est-ce que quelques années, au juste?

M. MARTEL: Au moins quatre ans, à ma connaissance.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai...

M. MARTEL: Pardon? On peut en parler personnellement, si vous voulez.

M. QUENNEVILLE: C'est ce que je pensais.

M. MARTEL: La compagnie que vous avez à l'idée n'est pas une compagnie qui est associée avec nous.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, n'est-il pas vrai qu'il y a au Québec trois ou quatre compagnies qui offrent à n'importe qui, à peu près, le service de fabriquer un médicament? Un pharmacien, s'il veut présenter un médicament sous sa propre étiquette, ne peut-il pas faire appel à une de ces compagnies pour faire produire des médicaments qui seront vendus par lui?

M. BEAUCHEMIN: Plusieurs pharmaciens ont des préparations à leur nom qu'ils font fabriquer par des fabricants d'excellente réputation mais nous représentons les fabricants de produits qui sont prescrits par les médecins. Généralement, les produits dont vous parlez sont recommandés par le pharmacien à leurs patients ou souvent prescrits par des médecins amis. Mais nous parlons d'un marché différent, je crois.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Parmi les compagnies marginales que vous mentionnez, est-ce qu'il y en a qui sont des filiales des compagnies que vous représentez?

M. BEAUCHEMIN: Je n'en connais pas.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'en connaissez pas?

M. BEAUCHEMIN: II peut y en avoir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est fait par qui tous les remèdes brevetés, comme l'aspirine?

M. BEAUCHEMIN: Nous ne les représentons pas. Il y a d'autres associations, comme l'abbé Warré, le sirop Lambert et les pilules Carter, nous, nous n'avons rien à faire avec cela, du tout. C'est absolument étranger...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II n'y en a aucune qui soit des filiales de vos compagnies?

M. BEAUCHEMIN: II y en a quelques-unes, par exemple, le sirop Vicks qui est une filiale de Merrell, mais nous ne les représentons pas pour ces produits-là. Souvent d'ailleurs nos politiques viennent en conflit directement.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors toute la publicité à la télévision, par exemple, de ces produits brevetés, ce n'est pas vous...

M. BEAUCHEMIN: En général, on nous fait un tort énorme parce que le public conclut que c'est l'industrie pharmaceutique qui publie ça.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je veux mentionner, par exemple: "Si vous manquez de fer, prenez Géritol". Quand on sait qu'il y a à peu près 42 sortes d'anémie, on fait un diagnostic et on dit aux gens: "Vous manquez de fer, prenez Géritol". Alors il n'y a pas de filiale de vos compagnies dans ça. Parfait.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les représentants... Il y a une autre question? Le député de Jeanne-Mance.

M. BRISSON: Le prix d'un produit vendu par les fabricants à un pharmacien est-il le même que le prix vendu à un médecin?

M. TELLIER: Ce qui fait la différence, ce n'est pas tellement la qualité de médecin ou de pharmacien.

M. BRISSON: C'est le même produit, mais on m'informe qu'il serait vendu moins cher au médecin, d'environ 10 p. c. à 12 p. c. Alors je voudrais savoir pourquoi, si ça existe, pour la même quantité.

M. MARTEL: Evidemment, ici, vous soulevez un problème très particulier. Je crois qu'on peut classifier les maisons de trois façons différentes: Les maisons qui ont le même prix pour tous les clients; il y a certaines maisons qui dépendent davantage du pharmacien pour l'appui qu'elles obtiennent dans le marché et ces maisons-là normalement ont des prix plus avantageux pour le pharmacien que pour le méde-

cin; il y a d'autres maisons dont la clientèle vient principalement des médecins et, selon les quantités, les conditions de vente, — on pourrait aller dans le détail — il peut arriver qu 'on vende meilleur marché à des médecins qu'à des pharmaciens. Maintenant, ce sont des phénomènes de politique individuelle des différents manufacturiers.

Une chose certaine, c'est que l'achat direct par les médecins et la vente des médicaments par les pharmaciens — je m'excuse d'employer un mot qu'on a employé à d'autres sauces tout à l'heure — par rapport au marché canadien, parce que nos compagnies pensent plutôt en termes d'un marché général que d'un marché spécifique, d'une façon très générale, c'est un phénomène assez marginal qui se trouve surtout dans certaines régions du Québec, de l'Ontario et des Maritimes. Mais ce n'est pas un phénomène généralisé. La majeure partie des manufacturiers les plus importants — et les manufacturiers dépendent surtout de la prescription, c'est-à-dire une prescription écrite par le médecin et remplie par le pharmacien... H y a même certaines régions où on ne vend pas du tout aux médecins et d'une façon générale, c'est le pharmacien qui...

M. BRISSON: Par exemple, je prends ce qui me vient à l'esprit. Un médecin achète 25,000 capsules de librium et un pharmacien en achète un nombre égal. Est-ce que les prix sont les mêmes, ou si l'un va payer moins cher que l'autre?

M. MARTEL: Je m'excuse, mais le manufacturier de librium n'est pas membre de notre association.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. BRISSON: Pourriez-vous me suggérer un produit qu'un de vos membres fabrique?

M. MARTEL: Je n'en connais pas.

M. BRISSON: Le valium?

M. MARTEL: C'est le même fabricant.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je pense que ça éclairerait les membres de la commission de savoir qui est responsable, dans la province, du contrôle de la qualité de tout l'éventail de ces produits pharmaceutiques. Si j'ai bien compris, à Ottawa, à la direction des aliments et des drogues, on détermine simplement si tel produit peut être dommageable ou non pour la santé des gens.

S'il peut être acceptable, on détermine simplement si tel produit peut être dommageable ou non pour la santé des gens. On ne détermine pas sa qualité au point de vue pharmaceutique ou au point de vue de son efficacité à combattre une maladie donnée. Le Collège des pharmaciens nous a dit que les pharmaciens ne déterminaient pas la qualité des produits vendus par les compagnies. Je ne sais pas si le docteur...

M. CASTONGUAY: Avec votre permission, nous pourrions peut-être demander au Dr Mockle de nous donner plus de renseignements sur le rôle de la direction des aliments et drogues.

M. MOCKLE: La question qui est posée concerne la qualité des produits, je crois. Il est vrai que, durant plusieurs années, jusqu'à tout récemment, la direction des aliments et drogues à Ottawa s'enquérait davantage de la non-nocivité d'un médicament pour son visa de mise en marché. A la suite de nombreuses enquêtes qui ont eu lieu aux Etats-Unis, à la suite de l'amendement Kefauver sur la réévaluation des médicaments mis sur le marché entre 1938 et 1962, la direction des aliments et drogues a été amenée à s'interroger sur la valeur des produits pour qu'ils ne soient pas obligés de refaire le même travail — qui est fortement critiqué, d'ailleurs — mais qui est, à mon sens, justifié, aux Etats-Unis, sur la révision de la qualité des produits mis sur le marché, de façon à garantir l'efficacité de ces substances pour le patient qui les utilise.

Compte tenu de cela, il semble - du moins, ce sont des indices que nous avons — que la direction des aliments et drogues attache un peu plus d'importance à l'efficacité du produit ou, en d'autres termes, à la qualité du produit garantissant cette efficacité. Mais je dois abonder dans le sens du député qui a parlé tout à l'heure. En effet, jusqu'à très récemment, on mettait d'abord l'accent sur la non-nocivité du produit, de façon à garantir qu'on pouvait l'utiliser, non pas en toute quiétude, mais au moins avec la garantie qu'à la dose préconisée, lorsqu'on le prend décemment — je ne parle pas de prendre une bouteille au complet — on ne puisse pas en souffrir sur le plan de la santé.

M. SAINT-GERMAIN: Puisqu'Ottawa ne peut pas fixer, ou jusqu'ici, ne l'a pas fait, la qualité curative des médicaments sur le marché, que le pharmacien n'est pas organisé, lui non plus, pour en établir la qualité, et que le médecin en clinique n'est pas très organisé, lui non plus, pour faire des recherches — il peut se limiter à faire quelques observations cliniques, mais certainement pas des recherches réellement scientifiques — c'est dire que ce sont les compagnies elles-mêmes qui déterminent ou, du moins, qui ont la responsabilité de la valeur curative ou de l'efficacité de leurs médicaments.

M. MOCKLE: Je pense qu'il y a là tout un examen de conscience, une réétude à faire sur ce sujet. Je pourrais vous citer ici plusieurs exemples de ces choses. Ainsi, par exemple, de

très nombreux relaxants musculaires sont sur le marché actuellement et qui, par la voie orale, n'ont aucune efficacité. Je dis bien par la voie orale; je voudrais qu'on m'entende ici très bien. Par conséquent, ils sont toujours sur le marché. Si vraiment il y avait un contrôle de l'efficacité du produit, on devrait normalement rappeler ces produits et ne les autoriser qu'après une expertise pour vérifier si tel fait est fondé. Mais je dois dire également qu'il semble que ce soit une préoccupation de la direction des aliments et drogues actuellement de regarder un peu plus du côté de l'efficacité à l'égard des nouveaux médicaments qui sont mis sur le marché. Mais ceci n'a pas été fait à l'égard des médicaments actuellement sur le marché.

Ceci, évidemment, rejoint un peu la préoccupation du ministre Castonguay concernant la liste des médicaments et leur qualité. Dans un régime d'assurance-médicaments, si le gouvernement paie, il doit payer pour la qualité, d'une part, mais il faut que cette qualité soit également garante de l'efficacité. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'il prévoit une commission de pharmacologie qui puisse garantir à la fois la qualité et l'efficacité des produits.

M. SAINT-GERMAIN: Je voudrais savoir si le gouvernement, comme acheteur d'un montant très considérable de médicaments, sera laissé à sa propre initiative pour déterminer la valeur de ses achats.

M. CASTONGUAY: Je pense, d'après les explications que le Dr Mockle a données, que la direction des aliments et drogues s'y intéresse davantage. Il y a aussi un autre aspect qu'il ne faut pas oublier, c'est que le médecin, lorsqu'il prescrit un médicament, est en mesure, dans bon nombre de cas, de voir s'il y a un effet oui ou non et le patient, j'imagine, dans un bon nombre de cas, peut dire: votre médicament a donné de bons résultats ou n'en a pas donné. Là aussi, il y a un certain nombre d'autres contrôles au niveau de la prescription et de l'utilisation.

M. LAURIN: Vous y avez goûté là, quand vous avez fait votre ménage.

M. CASTONGUAY: C'est qu'il avait donné un résultat, celui-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais savoir des manufacturiers sur quoi on se base pour fixer le prix des médicaments. Est-ce que l'on se base sur les années consacrées à sa recherche ou bien sur le prix des ingrédients qui entrent dans la fabrication du produit?

M. TELLIER: II y a deux facteurs, comme pour n'importe quel produit: le coût de produc- tion et les conditions du marché. Il arrive, là comme ailleurs, que, dans certains cas, le prix va être inférieur au prix coûtant pour faire face à la concurrence. Dans d'autres cas, il y a aussi la question de l'offre et de la demande. Par exemple, une nouvelle substance qui entre sur le marché se vend à un prix beaucoup plus élevé. Ce médicament-là est pris par d'autres concurrents et, graduellement, à cause du volume et de bien d'autres choses, le prix baisse. On a donné l'exemple de la pénicilline, tout à l'heure. On en a développé l'usage. Les différents manufacturiers se sont mis à la produire, on a mieux connu le produit. Finalement, les prix se sont stabilisés selon tous ces facteurs-là.

M. LAVOIE (Wolfe): Merci.

M. LAURIN: Je voudrais poser quelques questions sur les relations qui existent entre les succursales canadiennes — québécoises en l'occurrence — des grandes compagnies installées ici dont la maison mère est, soit en France, soit en Suisse ou aux Etats-Unis. Quand nous avons, ici au Québec, de ces succursales, est-ce que les médicaments sont importés en majeure partie tels quels de la maison mère et distribués sur le marché québécois ou sont-ils fabriqués ici, sur le marché québécois? S'ils sont fabriqués sur le marché québécois, est-ce que la filiale importe à un tarif réduit l'ingrédient actif qui est responsable de l'activité thérapeutique du médicament ou est-ce que cet ingrédient est soumis aux mêmes tarifs, que tous les autres produits, d'après la loi canadienne des tarifs?

M. TELLIER: M. Gauthier va répondre à votre question.

M. GAUTHIER: Premièrement, Dr Laurin, un très grand nombre de compagnies qui fabriquent des produits ici, au Québec ou en Ontario, pour cette raison, importent la matière première, prennent cette matière-là, la transforment et fabriquent les comprimés, les capsules, les onguents, les sirops, les injections, etc. Je crois qu'à peu près 80 p. c. des médicaments qui sont vendus par les compagnies que nous représentons ici comme association fabriquent ces produits-là, excepté la matière première. Pour produire la matière première, cela prend des installations quelquefois de l'ordre de $25 millions, $30 millions, $40 millions, $50 millions; je n'exagère pas en disant cela. Je prends l'exemple de ma compagnie, que je connais très bien, où, s'il fallait doubler ces installations-là, le coût serait prohibitif. Nous importons les matières premières, en poudre ou en solution quelconque, et nous fabriquons le produit ici. Je crois que cela répond à votre question.

M. LAURIN: Les payez-vous moins cher qu'un concurrent éventuel?

M. GAUTHIER: II n'y a pas de tarif préférentiel. Il y a des tarifs que nous payons. Si ce sont des produits en poudre, c'est tel pourcentage si c'est une solution, c'est tel autre pourcentage, etc. Ce sont des tarifs établis par le gouvernement fédéral. Nous n'avons rien. Il faut se soumettre à cela, je crois.

M. MARTEL: J'ai une précision là-dessus. Premièrement, les produits chimiques fondamentaux que le manufacturier fait lui-même, ce sont ses produits exclusifs. Ce sont des produits dont il a les brevets, dont il a l'exclusivité. Donc, il n'a pas ou très peu de clients extérieurs. Les produits qui sont d'utilité courante, il les prend sur le marché courant. Maintenant, pour répondre un peu à l'intention — j'espère que je ne vous trahis pas — de la question, il y a eu une expérience canadienne de fabricants qui ont voulu fabriquer les produits de base au Canada. Elle s'est soldée par un échec assez lamentable dont j'ai eu à souffrir.

M. LAURIN: Est-ce à dire, M. Martel, que, par exemple, la recherche pour les nouveaux produits qui impliquent l'utilisation de ces ingrédients actifs — la recherche fondamentale, la recherche pure — se fait surtout aux maisons mères de vos compagnies?

M. MARTEL: Pas nécessairement! Lorsqu'on fait la recherche, on n'utilise pas des disponibilités. On utilise de la puissance grise, de la matière grise. Or, les Canadiens en ont autant que les autres et il y a certaines compagnies qui ont fait confiance à des chercheurs canadiens.

M. LAURIN: Je remarque qu'à la page 5, de votre annexe A, vous faites une différence entre recherche et développement. Par exemple, on consacre 52 p. c. à la recherche pure ou expérimentale et 40.5 p. c. au développement. Quelle est la raison de cette distinction? Qu'est-ce que ce développement comporte par rapport à recherche?

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser?

M. LAURIN: II n'a pas encore répondu à ma question.

M. MARTEL: Je m'excuse! Dans la partie de la recherche, on pense pharmacologie, chimie, essais cliniques, recherche pharmaceutique comme telle. Mais lorsqu'on a un produit commercialisable, il faut passer de petites quantités à des quantités industrielles. C'est ce que nous appelons développement. La formule, par exemple, la stabilité de la formule, sa dissolution, son bioabilité, son développement chimique industriel, toute la partie d'exécution d'un projet, qui est un projet minime, à la produc- tion industrielle, c'est ce que nous appelons le développement. Le développement, je crois, dans cette définition-là, inclurait aussi, les dépenses de recherche clinique.

M. LAURIN: Toujours en ce qui concerne ces rapports et particulièrement la recherche, est-ce que vous avez une idée, du moins pour la compagnie que vous connaissez le mieux, du pourcentage de la recherche qui est fait au Québec par rapport à ce qui est fait à la maison mère? Est-ce qu'en général on peut pas dire que le plus gros pourcentage de la recherche se fait à la maison mère?

M. MARTEL: En fait, ce qui se passe est une compétition à l'intérieur d'une même maison pour des disponibilités. En fait, lorsque nous voulons établir un centre de recherche, nous entrons en concurrence avec la France, avec l'Angleterre. Je crois qu'on pourrait dire que le marché canadien est de l'ordre de 1 p. c. à 2 p. c. du marché mondial accessible aux gens de l'Ouest. Pour ce qui est de ma maison, je suis fier de le dire, nous faisons à peu près 2 p. c. de nos dépenses de recherche au Canada.

M. BRISSON: M. Martel, je voudrais revenir sur ma question de tout à l'heure car, dans mon esprit, ce n'est pas clair. Je la reformule. Est-ce que, en général, les médecins paieraient moins cher que les pharmaciens pour un produit?

M. MARTEL: Je ne peux répondre à cela que pour la maison qui me regarde. Mon expérience est non. Je ne peux pas répondre pour les autres maisons.

M. BRISSON: Mais, dans vos études, vous n'avez...

M. MARTEL: Je ne pourrais pas répondre à cela autrement que par l'information que j'ai...

M. BRISSON: M. Gauthier pourrait peut-être me répondre.

M. GAUTHIER: Je dois dire simplement pour répéter ce que M. Martel a dit, que la tendance actuelle est de n'avoir qu'un seul prix, que ce soit pour les médecins ou les pharmaciens, et que les médecins ne paient pas moins que les pharmaciens. C'est l'exemple de ma compagnie, mais pas seulement de ma compagnie.

M. BRISSON: En pratique aussi?

M. GAUTHIER: En général, la tendance est maintenant d'avoir un seul prix pour tout le monde. Je crois que c'est une tendance bien bonne.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: Une dernière question, M. le Président, il y a un fait qui me laisse perplexe depuis assez longtemps. Le prix du même médicament est généralement plus bas, et dans certains cas beaucoup plus bas, en Europe qu'en Amérique du Nord. On m'a donné une explication que je voudrais vérifier. On m'a dit que c'est parce que le coût de la recherche et du développement, quel que soit l'endroit où cette recherche et ce développement sont faits, est appliqué au marché nord-américain. Est-ce que c'est vrai ou est-ce qu'il y a d'autres explications pour l'écart de coût entre les continents?

M.GAUTHIER: M. le Président, une des explications — je ne peux pas les donner toutes, je ne suis pas responsable du marché européen, dans ma compagnie — qui font que quelquefois — et j'ai dit quelquefois — quelques produits, en Europe, peuvent être moins dispendieux, comme quelques produits que nous avons ici au Canada peuvent être moins dispendieux qu'aux Etats-Unis — je peux vous en citer des exemples — et vice versa, c'est que le coût de la vie, je crois, et le coût des travailleurs, en Europe, sont beaucoup moins élevés en Italie, par exemple, ou en Angleterre, qu'ils le sont ici. Nous savons tous qu'au Canada le coût de la vie est un des plus élevés au monde. Un travailleur qui est payé ici, dans l'industrie pharmaceutique, gagne beaucoup plus que le même travailleur qui fait le même travail en Italie, en France ou en Angleterre.

Il y a certainement là une raison. Cela peut être une des raisons, très valable, pour le fait que quelques produits, peut-être, peuvent être moins dispendieux.

Il y a aussi le volume. Dans les pays européens, vous comparez les volumes des produits fabriqués; la population de ces pays est beaucoup plus nombreuse. Alors, si vous vendez plus, eh bien, encore une fois, le coût peut diminuer.

Le coût de la vie en général, le coût du travail et même, quelquefois, de la machinerie —parce que le coût de la machinerie dépend du coût du travail — très souvent cela peut influer sur le coût de ces produits. Ici même au Canada —peut-être que cela a été rapporté quelquefois dans les journaux d'une façon équivoque — vous avez des produits qui se vendent moins cher qu'aux Etats-Unis. C'est peut-être surprenant, mais cela se produit dans plusieurs cas.

M. GOLDBLOOM: C'est l'explication traditionnelle. Je ne voudrais pas être désobligeant, mais n'est-il pas vrai que les écarts de rémunération entre les pays européens et les pays nord-américains diminuent considérablement avec le temps? Et n'est-il pas vrai que Paris, par exemple, est une des villes les plus dispendieuses quant au coût de la vie, et elle est quand même en France? Les antibiotiques, surtout, qui sont parmi nos médicaments les plus chers, se vendent beaucoup moins cher dans la plupart de ces pays européens. Et je les ai visités.

M.GAUTHIER: M. le Président, je pense qu'il ne faudrait pas prendre Paris comme exemple, car Paris est une des villes où il y a le plus de tourisme, premièrement, et que Paris et le reste de la France, c'est bien différent, même comme marché. Moi-même, j'y ai travaillé pendant quelques mois et je peux vous dire que le coût de la vie à Paris et le coût de la vie en Normandie sont réellement différents. Les gens sont même payés différemment.

M. QUENNEVILLE: Est-ce que le coût des médicaments varie? Non?

M. GAUTHIER: Quelquefois, oui.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jeanne-Mance.

M. BRISSON: M. le Président, une dernière question. Est-ce qu'on pourrait me dire à combien se totalisent les salaires payés aux directeurs?

M. BEAUCHEMIN: Vous voulez dire les membres du bureau de direction qui représentent les actionnaires au sein de...

M. BRISSON: Oui. Les membres du bureau de direction, le président, les directeurs.

M. BEAUCHEMIN: II y a le président de la compagnie et le président du bureau de direction, qui sont deux personnes.

M. BRISSON: Dans une compagnie limitée, vous avez ce qu'on appelle les salaires payés aux directeurs.

M. BEAUCHEMIN: Cela varie avec l'importance de la compagnie, j'imagine.

M. BRISSON: Dans les 38 compagnies dont vous nous avez donné les chiffres? C'est parce que je voudrais savoir combien d'argent sur les $71 millions est payé à des employés qui ne sont pas directeurs?

M. BEAUCHEMIN: Je n'en ai aucune idée. Evidemment, c'est une proportion infime.

M. BRISSON: Oui.

M. BEAUCHEMIN: Dans un bureau de direction, vous pouvez avoir douze ou treize directeurs. Si vous les mettez — un chiffre

courant au Canada, s'il font exclusivement cela — à environ 820,000 ou .$25,000, cela représente un chiffre...

M. LE PRESIDENT: MM. les membres de la commission, une fois que la réponse à cette question aura été donnée, je permettrai une autre question au député de Dorion et ensuite nous demanderons à un autre groupe de présenter son mémoire.

Alors, vous pouvez terminer votre réponse, M. Beauchemin.

M. BEAUCHEMIN: C'est complété.

M. LE PRESIDENT: Alors, le député de Dorion.

M. BOSSE: Ma question s'adresse à M. Gauthier. En ce qui a trait au coût plus élevé des médicaments, ici, qui serait attribuable au coût plus élevé de la main-d'oeuvve, est-ce là une simple hypothèse ou est-ce un fait que vous êtes en mesure de prouver?

M. GAUTHIER: Nous sommes certainement en mesure de le prouver. J'ai dit que c'est une des raisons, je n'ai pas dit que c'était la seule.

M. BEAUCHEMIN: Nous serions heureux, M. le Président, de vous fournir des chiffres à cet effet.

M. BOSSE: J'aimerais qu'on nous fournisse des chiffres.

M. BEAUCHEMIN : Avec plaisir.

Comité des assistés sociaux du Québec

M. LE PRESIDENT: Je remercie ceux qui ont présenté le mémoire des fabricants en pharmacie. J'inviterais maintenant M. Paul de Boies qui représente le Comité des assistés sociaux du Québec.

M. DE BOIES: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Qu'il me soit permis, tout d'abord, de vous remercier d'avoir bien voulu recevoir un non-nanti parmi les nombreuses organisations professionnelles qui se présentent devant nous. Permettez-moi, de plus, de vous dire, M. le Président, que je ne suis pas accompagné de conseillers juridiques, ni de conseillers techniques mais tout simplement du bon sens.

Il y a deux questions sur lesquelles je m'interroge à savoir si le Collège des pharmaciens et l'Association des fabricants pharmaceutiques sont plus démunis que les assistés sociaux.

La deuxième question que je me pose est la suivante: Ne devrait-on pas changer le nom du bill 69, l'assurance-médicaments pour l'amélioration du sort des défavorisés en celui de l'assurance-médicaments pour l'amélioration du sort du trust pharmaceutique?

Je crois que certains membres de cette commission seront d'accord avec nous lorsque nous disons que les industries pharmaceutiques en gros et que les pharmaciens d'officine sont le plus grand monopole et le plus grand racket dans la province de Québec.

Permettez-moi, M. le Président, de vous citer quelques cas que nous avons eus à notre secrétariat à Montréal. Nous avons eu le cas d'une famille qui n'était pas apte à retirer des allocations sociales et qui devait acheter dans une certaine pharmacie pour un montant mensuel de 840.

Nous l'avons dirigée vers une certaine pharmacie et le prix de ces médicaments est devenu $17.50. Un autre cas: dans une certaine pharmacie, on vendait, à une famille à faible revenu, 30 pilules pour $7.50. Nous l'avons envoyée dans une autre pharmacie et la personne a obtenu 100 pilules, de la même marque, de même qualité, pour $6.50.

Je me demande comment le Collège des pharmaciens peut expliquer un tel écart de prix. Je crois que le Collège des pharmaciens veut jouer le même jeu que l'Association des médecins spécialistes. Ici, je pose une question au ministre des Affaires sociales. Au mois de novembre, l'an dernier, le Montreal Children Hospital et le Montreal General Hospital fermaient les pharmacies aux patients externes. Est-il vrai que dans une lettre adressée à quelqu'un, l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce disait que le Collège des pharmaciens avait fait pression sur le gouvernement afin de faire fermer les pharmacies dans les hôpitaux?

M. TETLEY: Pardon, M. le Président. Evidemment, j'ai fait enquête sur cette question qui me touche de près, comme vous, et si vous regardez la lettre, vous allez voir qu'il y avait bien des raisons, et je suis, M. de Boies, d'accord avec vous dans les grandes lignes. C'était apparemment un des cas, une des raisons pour lesquelles elles ont été fermées. C'est vrai.

M. DE BOIES: Parfait. Le Comité des assistés sociaux du Québec est pleinement d'accord avec le bill 69. Nous considérons que lorsque cette loi sera en vigueur, ce sera une grande amélioration sur le système actuel pour les assistés sociaux.

Ici, que le ministre des Affaires sociales me permette de faire une observation sur le système actuel des médicaments. Il y a une chose que nous ne comprenons pas. Comment se fait-il que lorsqu'un assisté social, qui a besoin d'un certain nombre de médicaments, se présente à un bureau du bien-être social de la ville de Montréal, son cas est réglé immédiatement? Tandis que dans les bureaux régionaux provin-

ciaux, comme Verdun, Lasalle, Lachine, Saint-Jérôme, Sainte-Thérèse, on prend quelquefois quinze jours, trois semaines et même deux mois, comme j'ai vu dans certains cas?

Je crois, M. le Président, que dans le bill 69 on a oublié deux catégories de gens. La première catégorie, ce sont les gens les plus négligés de la société, je veux parler ici des chômeurs domiciliés dans les asiles de nuit.

La majorité d'entre eux ne veulent pas l'assistance sociale et aiment beaucoup mieux travailler occasionnellement un jour ou deux par semaine. Je crois que cette catégorie devrait être incluse dans le bill 69. Le ministre des Affaires sociales se souvient que lorsqu'il a reçu notre délégation le 5 août dernier — venue lui demander les médicaments gratuits — nous lui suggérions que les montants, au lieu d'être sur les allocations sociales, devraient être facturés directement au gouvernement. Puisque la chose est possible pour les bénéficiaires de l'assistance sociale, je crois que la même chose pourrait être accordée aux chômeurs domiciliés dans les asiles de nuit.

De plus, il y a une autre catégorie que nous considérons comme devant être incluse dans le bill 69. Ce sont les travailleurs à faible revenu. Un père de famille de trois enfants qui ne gagne que §2,500 par année ne peut se procurer les médicaments nécessaires pour sa famille. Les seuls médicaments qu'il peut se procurer sont les médicaments à bon marché dont on fait une publicité tapageuse. Je crois que cette situation vis-à-vis des travailleurs à faible revenu ne devrait pas exister dans notre société actuelle.

Nous espérons que le bill 69 sera mis en vigueur le plus tôt possible et qu'il ne tramera pas en longueur aussi longtemps que le bill de l'aide sociale, le bill 26.

Nous recommandons à la commission parlementaire que les médicaments soient fournis gratuitement à tous les assistés sociaux, ainsi que les soins dentaires, lunettes et prothèses. Aussi, pour les enfants défavorisés, tous les médicaments nécessaires pour leur santé.

Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord. Je me demande si j'ai bien compris la loi. C'est que tous les enfants, jusqu'à l'âge de 7 ans, bénéficieraient de tous les soins dentaires. Je crois qu'il serait beaucoup plus utile que les enfants d'âge scolaire des familles défavorisées ou des familles à faible revenu reçoivent tous les traitements nécessaires pour leur santé.

Je ne vois pas pourquoi un enfant d'une personne qui gagne $20,000 par année pourrait retirer les mêmes bénéfices que les enfants des défavorisés.

De plus, nous recommandons à la commission que dans les zones grises l'on donne, s'il le faut, des bourses aux professionnels pour qu'ils oeuvrent dans les quartiers défavorisés.

En terminant, que l'on me permette, M. le Président, de dire que, même si le bill 69 est une amélioration pour le sort des défavorisés, nous considérons que ce n'est encore qu'un cataplasme sur une jambe de bois et qu'il ne touche pas réellement le fond du problème de la misère qui sévit actuellement dans le Québec. Merci.

M. CASTONGUAY: J'aimerais, M. le Président, faire quelques commentaires. M. de Boies a mentionné que les médicaments peuvent être obtenus à des coûts différents selon qu'on s'adresse à une pharmacie plutôt qu'à une autre. Evidemment, il y a là deux aspects. Si le médicament est acheté dans la pharmacie où le prix est le plus élevé, cela impose un fardeau additionnel. Je pense que cela démontre à la fois qu'il peut y avoir une certaine concurrence au niveau des prix. Il s'agit peut-être justement d'essayer de faire en sorte que cette concurrence soit plus grande. C'est un des aspects que j'ai mentionnés ce matin à cette commission, la question de la concurrence au niveau des prix aussi bien des pharmaciens d'officine qu'au niveau des prix des fabricants.

En ce qui a trait aux médicaments dans les cliniques ou les consultations externes des hôpitaux, je voudrais rappeler ici — il en a été question; je crois justement que c'est le député de Sainte-Marie qui m'avait posé la question en Chambre — que c'était une initiative que ces hôpitaux avaient prise d'eux-mêmes et lorsque le bill 26, je crois que cela a été le facteur prédominant, a été adopté et face aux difficultés financières que ces hôpitaux connaissent pour diverses raisons, ils ont décidé entre autres choses d'abandonner le système. Maintenant, à notre demande, ils ont repris pour une période intérimaire tant et aussi longtemps que le bill 69 ne sera pas approuvé.

Je crois que, dans ce cas, même s'il y a des gens qui ont pu en souffrir, il y a un autre aspect à signaler au niveau de ces hôpitaux: c'est leur désir de vouloir aider dans la mesure de leurs moyens — et ils l'ont fait pendant un bon nombre d'années — les gens qui obtenaient des médicaments à meilleur prix ou gratuitement dans les consultations. Ils ont cru que le bill 26 les dégageait de cette responsabilité qu'ils avaient assumée eux-mêmes et en pratique cela s'est avéré quelque peu différent à cause des lourdeurs du système prévu dans le bill 26 et des problèmes aussi que cela pose.

En ce qui a trait au délai dans les bureaux régionaux du ministère par rapport aux bureaux de Montréal, je sais que nous avons des difficultés. Je crois qu'elles sont graduellement en voie de se résorber. Il ne faut pas oublier que la Loi d'aide sociale a été établie à un moment où le chômage était fort élevé et où le nombre des bénéficiaires est par définition ou par voie de conséquence élevé et que c'est une loi assez difficile à administrer, étant donné la nécessité de réviser les cas, la nécessité, en définitive, d'apporter une attention individuelle à chacun des dossiers.

II ne faut pas oublier, d'autre part, malgré toutes les pressions qu'on a pu exercer pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment de personnel dans les bureaux, il n'était pas possible au gouvernement de connaître exactement à l'avance quel serait le fardeau dans chacun des bureaux. Une fois les dossiers décentralisés, certains bureaux se sont retrouvés avec des fardeaux trop élevés. Il a donc fallu, dans certains cas, sectionner ces bureaux et, dans d'autres cas, faire du recrutement, entraîner ce personnel.

Nous savions, lorsque nous avons accéléré la mise en vigueur de la Loi d'aide sociale au 1er novembre, alors que les officiers du ministère nous avaient dit que, normalement, le 1er janvier leur donnerait le temps de franchir toutes les étapes, que nous ferions face à certains de ces problèmes. Nous avons quand même cru préférable de mettre la loi en vigueur, quitte à corriger ces situations par la suite plutôt que de retarder la mise en vigueur de la Loi d'aide sociale.

Dans tous les cas, les rapports que nous avons sont à l'effet qu'un bon nombre de ces problèmes se résolvent graduellement. Il y a aussi les difficultés de faire entrer du personnel dans la fonction publique. Je me souviens qu'il y a quelques années, le premier ministre de l'époque, M. Johnson, se plaignait des lourdeurs, des lenteurs du système. Il y a peut-être eu de l'amélioration — je n'étais pas là à l'époque — mais je sais que c'est encore un processus assez complexe. La loi de l'administration financière, qui a été approuvée lors de la dernière session, devrait avoir un certain effet sur ce plan.

Les cas oubliés. On a mentionné les chômeurs des asiles de nuit, qui ne reçoivent pas d'assistance, mais qui devraient, selon M. de Boies, être couverts par la Loi de l'aide sociale, en ce qui a trait aux médicaments. Je voudrais simplement préciser ici qu'il y a une différence entre la Loi d'aide sociale et les anciennes lois. Une personne n'a pas nécessairement besoin de recevoir des allocations financières, elles peuvent, si évidemment elles sont admissibles, être couvertes dans les limites prévues par la loi.

Il y a également les travailleurs à faible revenu. Je voudrais ici signaler — le gouvernement l'a mentionné à plusieurs reprises devant les demandes faites à cette commission à l'effet que la couverture de l'assurance-maladie soit étendue plus rapidement — que par le simple fait que les soins médicaux sont aujourd'hui couverts, il n'en demeure pas moins que, pour le budget d'une famille — même si c'est un budget qui n'est pas très élevé — le fait que les soins médicaux soient couverts allège quelque peu à tout le moins la partie du budget consacrée aux soins de santé. C'est déjà une amélioration et cela améliore peut-être un peu l'accès aux médicaments.

Deuxièmement, dans toutes les discussions que nous avons eues aujourd'hui et dans les quelques commentaires que je faisais au début, c'est également notre intention d'essayer de bénéficier des mécanismes qui seront mis sur pied pour ce régime ou cette couverture des médicaments pour faire en sorte que la population ait une meilleure information et puisse rechercher des médicaments de qualité à meilleur coût. L'information est présentement extrêmement difficile d'accès pour la population, sinon impossible. On nous a parlé tout à l'heure d'un programme ontarien. En fait, le programme appliqué en Ontario vise à distribuer de l'information à la population ce qui permet à celle-ci de faire ses choix en bénéficiant d'un peu plus de renseignements. Il est possible — et je crois bien qu'il serait normal — que nous essayions ici de faire la même chose.

Il y a aussi le fait que nous ne couvrons pas toute la population et que ce régime — nous l'avons mentionné lors du dépôt du projet de loi— provient d'abord d'un problème de coût.

Il provient aussi de l'établissement des mécanismes administratifs qui sont assez complexes et aussi des mécanismes de toute la question de la négociation. Avant de penser à étendre le régime, je pense qu'il est bon... De toute façon, c'est une question qui peut être discutée ici, à la commission, mais l'opinion du gouvernement est qu'il est bon d'absorber cette première étape avant de penser à trop élargir le champ d'application du régime.

Il y a également le problème des coûts qui se pose, même s'il y a une transposition des dépenses du secteur privé au secteur public. Il y a des incidences et on ne peut les ignorer totalement. Ce sont les quelques commentaires que je voulais faire, suite à l'exposé de M. de Boies.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je n'ai pas de question à poser à M. de Boies, je voudrais simplement le remercier de sa contribution. On sait tous les travaux de cette commission, depuis qu'elle siège, depuis plusieurs années. Il faut souligner qu'il a soulevé des problèmes réels, entre autres les difficultés que pose une période de transition alors qu'on débute avec un régime partiel pour en arriver plus tard à un régime qui couvre toute la population. De toute façon, nous espérons que le gouvernement pourra franchir les étapes le plus rapidement possible, en tenant compte des remarques du ministre, des contraintes, des coûts, de l'expérience administrative à acquérir. Nous espérons que cette période de transition sera la plus courte possible afin que, particulièrement, les économiquement faibles, ceux qui sont situés juste au-dessus de la barre, ceux qui ne peuvent pas bénéficier de ces législations qui couvrent les assistés sociaux, ne se voient pas privés trop longtemps des services que peuvent leur rendre ces législations.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, j'aimerais demander à M. de Boies ce qu'il pense, lui, et ce que pensent ceux avec qui il vient le plus souvent en contact, du ticket modérateur, des frais modérateurs, pour l'assurance-médica-ment.

M. de BOIES: Je crois que le gouvernement pourrait négocier avec le Collège des pharmaciens, s'il est de bonne foi, tout comme avec les chirurgiens-dentistes et les optométristes. En effet, il y a déjà une entente avec les optométristes à l'effet, par exemple, que les optométristes donnent aux assistés sociaux une paire de lunettes et que le bien-être paie $20. Avec les chirurgiens-dentistes, il y a une entente à l'effet que, pour deux dentiers, la somme est de $75.

Le ministre faisait remarquer que, dans les pharmacies, il y avait concurrence et que cela prouvait qu'il y a un écart des prix. Je crois que, dans les produits pharmaceutiques, il pourrait y avoir un prix modérateur tout comme il y en a chez les optométristes et chez les chirurgiens-dentistes actuellement.

M. LAURIN: Vous n'êtes donc pas contre cette mesure?

M. DE BOIES: Voici...

M. LAURIN: Vous n'y voyez pas d'inconvénient?

M. DE BOIES: Non, à condition que les prix ne soient pas trop élevés, parce que, une fois de plus, le contribuable dira: Les assistés sociaux nous coûtent énormément cher.

M. LAURIN: Je voudrais préciser ma question, M. de Boies. Les frais modérateurs obligeraient par exemple tout acheteur éventuel de médicaments à débourser une certaine somme pour les médicaments, par exemple $0.50, $0.75, chaque fois qu'il a besoin de faire remplir une ordonnance. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure?

M. DE BOIES: Personnellement, je suis en faveur de cette mesure. Mais le Comité des assistés sociaux, dont je suis le président, est contre.

M. le député, qu'on me permette de faire cette remarque; lorsque le bill 69 sera mis en vigueur, ceux qui retirent du surplus pour les médicaments ne le retireront plus. Actuellement, dans mon organisation, je suis très controversé à cause de cette question, parce que l'on me dit: Tu veux nous faire couper nos allocations sociales. Alors, ne soyez pas surpris, au ministère des Affaires sociales, du tollé que cela soulèvera chez les assistés sociaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Argenteuil.

M. SAINDON: M. le président, j'aurais quelques questions à poser à M. de Boies. Le cas qu'il a présenté concernant les médicaments au prix de $45 à une pharmacie et de $17.50 à une autre me laisse un peu sceptique. Je vois difficilement deux pharmacies demander l'une $45 et l'autre $17.50 pour le même médicament. D'accord, il peut y avoir des irrégularités commises par certains pharmaciens, certaines pharmacies, mais il reste quand même à les prouver. C'est accuser ou présenter des cas sans avoir enquête' au préalable ou s'être assuré du bien-fondé de ce qu'on va dire; je crois qu'il y aurait lieu, avant d'accuser, d'être bien certain que ce qu'on va dire est juste, avec l'engouement vis-à-vis de la contestation que nous avons. Il s'agit tout simplement d'un ramassis de petits faits comme cela pour discréditer non seulement le pharmacien, mais la profession.

Je voudrais demander à M. de Boies s'il est bien certain qu'il s'agissait de la même quantité de médicament.

M. de BOIES: Absolument la même quantité. Si M. le député veut faire l'expérience, je lui donnerai le nom des deux pharmacies en question.

M. SAINDON: Est-ce qu'il s'agissait, M. de Boies, d'une prescription médicale?

M. de BOIES: D'une prescription médicale.

M. SAINDON: Lorsqu'une prescription médicale est remplie dans une pharmacie, il n'y a pas de nom sur l'étiquette du contenant, que ce soit une bouteille ou autre chose. Etes-vous bien certain que, dans les deux cas, il s'agissait du même médicament?

M. de BOIES: Absolument le même. De plus, adressez-vous à M. Séguin, le directeur du Service de bien-être de Montréal, qui pourra, dans les dossiers, vous montrer, non pas simplement deux ou trois cas, mais au moins une centaine de cas. Pourquoi? Parce que les employés du bien-être de la ville de Montréal ont fait une enquête. Actuellement, lorsque le coût des médicaments est un peu trop élevé, on envoie les gens à deux pharmacies où le coût des médicaments est la moitié moindre qu'à certaines autres pharmacies.

M. SAINDON: Etes-vous bien certain, M. de Boies, qu'on vous aurait donné exactement le même médicament dans les deux mêmes cas? Comment auriez-vous pu vérifier?

M. de BOIES: Absolument le même! M. SAINDON: Et comment...

M. de BOIES: Le pharmacien qui vend à prix réduit, je le connais depuis de très nombreuses années, le Collège des pharmaciens le connaît. Je crois qu'on ne peut pas nier sa compétence et sa qualité de pharmacien.

M. SAINDON: Comment auriez-vous pu certifier que c'était le même médicament? C'est une autre paire de manches, cela!

M. de BOIES: Les clients ont dit que c'était absolument la même marque, absolument les mêmes médicaments. Le médecin de qui venait l'ordonnance dit que c'était absolument la même qualité pour les deux.

M. SAINDON: Ce n'est pas une preuve. A moins d'une preuve, vous n'êtes pas capable de certifier cela.

M. de BOIES: Ecoutez, M. le député, je pourrai vous donner les noms des deux pharmacies en question avec les adresses et vous irez voir vous-même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, c'est tout simplement pour appuyer ce qu'a dit M. de Boies. Pour répondre au député d'Argenteuil, dans mon comté, vous devez savoir qu'il y a plusieurs assistés sociaux. Les mêmes assistés sociaux, quand je les envoie dans une pharmacie, cela leur coûte le double par rapport à une autre pharmacie. Maintenant, confidentiellement, si vous voulez avoir des noms de clients et de pharmacies, je vous en donnerai, M. le député. J'appuie ce que M. de Boies a dit. J'en ai la preuve personnellement. Cela coûte deux fois plus cher dans une pharmacie que dans l'autre pour les mêmes médicaments. Et je l'ai fait vérifier, à part cela.

M. SAINDON: M. le Président, je pense qu'il y a certaines précisions qu'il est peut-être temps de faire. Je vais lire l'en-tête de cette page de journal, mais ce n'est pas cela que je veux amener. J'ai ici, en date du 20 mai 1970 "Montréal inondé de fausses pilules? Je voulais demander à M. de Boies s'il pouvait certifier que, dans les deux cas, c'était exactement la même pilule ou le même médicament. Cela, je suis certain que ce n'est pas le service social, ni un pharmacien X, Y ou Z qui peut le dire. Cela prendrait une expertise de laboratoire.

Il y a le B-12, par exemple, qui est reconnu comme un médicament dispendieux. Vous avez certaines petites compagnies, qui ne sont pas plus responsables qu'il ne le faut, qui vous vendront une bouteille de pilules avec du B-12 dedans. Alors, sur l'étiquette, en grosses lettres, ils écriront, par exemple: 100 microgrammes de B-12. Seulement, si vous n'êtes pas attentif et si vous n'allez pas lire dans les petites lignes, tout au bas de l'étiquette ce qui est écrit, vous allez croire que vous payez $9 pour une bouteille de 100 tablettes contenant 100 microgrammes de B-12 chacune, tandis que tout au bas de l'étiquette, c'est écrit: 100 microgrammes dans la bouteille. Cela veut dire qu'au lieu de 100 microgrammes par pilule vous avez un microgramme par pilule.

Alors, celui qui vous vend 100 microgrammes par pilule vous vendra cela $9 et celui qui vous vend 1 microgramme par pilule vous le vendra $4. Celui qui vend $9 se fait accuser de voler le monde.

Maintenant, une autre chose qui ne se dit pas et que les pharmaciens et les producteurs devraient dire de temps en temps, c'est que, justement, vous avez trois sortes de B-12: vous avez la cyanocobalamine, qui est un B-12, disons, pur; vous avez la cobalamine qui est un B-12 synthétique et qui représente, probablement, 66 p.c. de la valeur thérapeutique de la cyanocobalamine et vous avez, enfin, un troisième B-12 apparu sur le marché qui vaut probablement quelque chose comme 28 p.c. de l'original.

Alors, si vous avez affaire, dans certains cas, à quelqu'un qui ne le sait pas — le pharmacien le sait ou le manufacturier le sait — il accusera, peut-être, par erreur, un tel de vendre un produit qui n'est pas qualifié. Alors, ce sont justement des imprécisions comme cela. Il s'agit, cependant, de dire à M. de Boies qu'avant d'accuser un pharmacien, une pharmacie ou la profession, il faut être capable de prouver ce qu'on affirme.

M. de BOIES: M. le Président, que l'on me permette une observation à l'honorable député d'Argenteuil. Comment se fait-il que, dans les pharmacies des hôpitaux, on vende le produit trois fois moins cher que dans une pharmacie d'officine? Est-ce que vous allez accuser les pharmacies des hôpitaux de ne pas donner le même médicament que les pharmaciens d'officine?

M. SAINDON: Je peux difficilement vous répondre, M. de Boies, à cette question parce que je ne suis pas pharmacien. Deuxièmement, c'est une question d'administration. Je ne me suis jamais occupé de pharmacie dans un hôpital. Alors, je peux difficilement vous répondre là-dessus. Mais, encore là, il faudrait que ce ne soit pas une accusation ou une affirmation gratuite, cependant.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aurais une seule question à poser à M. de Boies. Vous avez cité deux exemples, il y en a sûrement d'autres...

M. DE BOIES: II y en a beaucoup d'autres.

M. GOLDBLOOM: Combien de pharmacies connaissez-vous auxquelles vous envoyez les assistés sociaux membres de votre comité qui se plaignent du coût élevé des médicaments? Y en a-t-il plusieurs?

M. DE BOIES: II y en a quatre que je connais. Une qui a été suspendue dernièrement mais dont la suspension a été levée puisque le propriétaire est ici pour présenter un mémoire. Il y en a trois autres que je connais où non pas seulement notre comité envoie les assistés sociaux ou les gens à faible revenu mais aussi le service social de Montréal.

M. GOLDBLOOM: Merci, M. de Boies. M. LE PRESIDENT: Une autre question.

M. BRISSON: Je voudrais savoir combien de membres compte votre association?

M. DE BOIES: 11 est assez difficile de le dire, nous n'émettons pas de cartes de membres, nous ne demandons aucune cotisation, mais avec nos différents comités, nous croyons sans être présomptueux, que nous comptons tout près de 5,000 assistés sociaux.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.

M. BRISSON: Est-ce que vous les comptez tous?

M. DE BOIES: Non. Ecoutez, 5,000 assistés sociaux, ça ne représente pas un gros pourcentage parce qu'actuellement, si mes chiffres sont exacts, 242,000 personnes sont inscrites à l'assistance sociale, chefs de famille ou célibataires.

M. BRISSON: A votre dernière assemblée, combien aviez-vous de membres?

M. DE BOIES: A la dernière assemblée, à Montréal, nous avions 150 personnes. A Lasalle samedi, nous avions au-delà de 200 personnes.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.

M. SAINDON: M. le Président, une question au ministre. Dans les dispensaires des hôpitaux, s'il y a déficit, est-ce que le gouvernement ne comble pas la différence?

M. CASTONGUAY: Premièrement, vous savez que dans les cliniques, les dispensaires, normalement, en vertu de la Loi du collège de pharmacie, il n'est pas censé se faire de vente de médicament. Alors, ce qui s'est fait, les quel- ques cas auxquels je me référais précédemment, le Montreal Children Hospital, par exemple, à ma connaissance, dans ces cas là, l'hôpital assume une partie du coût des médicaments.

M. SAINDON: II n'y a rien qui empêche l'hôpital de vendre au prix coûtant ou même en bas du prix coûtant.

M. CASTONGUAY: Je sais qu'ils assument une partie du coût des médicaments. Alors le prix de revient à celui qui va à ces dispensaires-là peut fort bien être en bas du prix coûtant.

M. SAINDON: II s'agit donc là quand même d'une aide indirecte du ministère aux assistés sociaux. Si cela existe, par contre, c'est justement ce qui amène quelquefois des contestations du genre de celle d'aujourd'hui.

M. CASTONGUAY: Jusqu'à tout dernièrement, ces déficits-là étaient absorbés et financés par les hôpitaux par d'autres sources de revenus. Depuis le 1er novembre, voyant la Loi de l'aide sociale, ils ont arrêté ce genre d'activités se disant que les médicaments étaient couverts par la Loi de l'aide sociale.

Ce n'est qu'à compter du 1er novembre que nous leur avons dit, comme ministère, que nous assumerions la note en définitive, jusqu'au moment où le bill 69 serait établi.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter un détail. Il est bien connu que les hôpitaux peuvent vendre des médicaments aux assistés sociaux à des prix réduits. Mais il y a eu entente, au moins tacite, voulant que, dans les autres cas, les personnes qui ne sont pas des assistés sociaux, mais qui sont hospitalisés et achètent des médicaments à leur départ ou qui visitent les cliniques externes, il y ait un prix normal exigé pour ne pas faire une concurrence déloyale aux pharmacies d'officine.

M. BLANK: J'aurais une question à poser à M. de Boies. Les trois autres pharmaciens dont vous parlez, qui vous vendent à prix modique, est-ce qu'elles font affaires depuis longtemps?

M. DE BOIES: Ah oui! Il y en a une — elle a déménagé — cela doit faire sept ou huit ans. Les deux autres, maintenant, je ne sais pas depuis quand elles font affaires.

M. BLANK: Mais, à votre connaissance, celle qui est là depuis sept ans et les deux autres ont déjà été suspendues pour vendre...

M. DE BOIES: Non, non. Simplement, une a été suspendue et je crois que le propriétaire doit présenter — parce que j'ai vu l'ordre du jour — un mémoire devant la commission.

M. BLANK: Mais les trois qui ont vendu...

M. DE BOIES: Non, non, elles n'ont pas été suspendues.

M. BLANK: Jamais?

M. DE BOIES: Non. Et que l'on me permette une observation. Lors de la crise du Montreal Children Hospital et du Montreal General Hospital, il y a eu, lors de notre assemblée, le 25 novembre, dans le sous-sol de Saint-Jacques, une chaîne de pharmacies qui nous a offert ses services en vendant aux assistés sociaux et aux travailleurs à faible revenu, les médicaments au prix coûtant plus $1 d'honoraires professionnels.

M. LE PRESIDENT: Alors, je remercie M. de Boies, de son exposé. J'inviterais maintenant le Collège des médecins et chirurgiens à donner ses idées sur ce point.

Collège des médecins et chirurgiens

M. ROY: M. le Président, MM. les membres de la commission, mesdames, messieurs. Tout le monde, à cette heure-ci, étant assez fatigué, je vais être bref. Je dois d'abord féliciter le gouvernement de sa nouvelle initiative dont nous sommes très heureux et nous offrons la collaboration du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec dans les domaines qui nous concernent.

Une fois réglée cette question de l'accessibilité des médicaments, du moins en ce qui concerne les assistés sociaux, nous devons penser à la distribution des médicaments comme telle.

Dans un réseau adéquat de distribution de médicaments, je pense que la seule chose qui doit être considérée, c'est l'intérêt des malades et non celui des distributeurs. Parmi les distributeurs importants, il y a, évidemment, les pharmaciens qui sont les gens habilités à dispenser les médicaments, à les fournir, à les vendre.

H y a aussi une question qui nous préoccupe, c'est la distribution des médicaments dans les régions éloignées ou dans les régions peu peuplées. Dans ces régions les médecins ont traditionnellement, par la force des choses, fourni les médicaments à leurs malades, selon les lois en vigueur. Nous croyons que cette chose a toujours été faite dans l'intérêt du public et que c'est la seule considération qui doit attirer l'attention.

C'est pourquoi nous devons, en examinant le bill 69, attirer votre attention sur l'article 1, paragraphe a-1), qui donne la définition du pharmacien dans la Loi de l'assurance-maladie. On fait référence, dans cet article, à l'article 8 de la Loi de pharmacie dans lequel est déclaré pharmacien un licencié en pharmacie, propriétaire ou non propriétaire, de même qu'un médecin pharmacien. Or, dans la Loi de pharmacie, un médecin pharmacien est un médecin qui est propriétaire d'une pharmacie avec pignon sur rue, qui paie les mêmes cotisations qu'un pharmacien, qui exerce le commerce de pharmacien.

C'est justement une chose qui existe dans certains cas — il y a à peu près encore une centaine de médecins pharmaciens dans le Québec — mais que dans le contexte social actuel, nous ne voulons plus voir subsister. Nous ne croyons pas qu'il y ait des raisons pour qu'un médecin, en plus de sa profession de médecin, exerce en même temps la profession de pharmacien. Nous croyons toutefois que les médecins, dans les campagnes, dans les régions peu peuplées ou isolées, devraient continuer à distribuer les médicaments et ne devraient pas être obligés pour cela d'avoir une pharmacie avec pignon sur rue, mais pourraient continuer à garder — plusieurs personnes qui ont l'expérience de la campagne vous diront que c'est essentiel dans ces régions — leurs médicaments à leur bureau, de façon à pouvoir les dispenser eux-mêmes à leurs malades au cours d'un examen médical. Ce qui est, en fait, le prolongement de l'acte médical. Et ceci dans l'intérêt du patient qui n'aurait pas 25, 30 ou 50 milles à faire pour se procurer son médicament, à des heures où souvent les pharmacies ne peuvent pas être ouvertes, ou même, dans certains cas, à des moments où il est absolument impossible de se les procurer ailleurs que chez le médecin. Cela, les médecins l'ont fait dans le passé pour rendre service à la population.

Nous croyons que cette question devrait être étudiée de façon que les médecins puisse continuer à faire partie du réseau de distribution des médicaments sans être pharmacien tenant pharmacie avec pignon sur rue et sans être obligé — cela est un point primordial — de devenir membre du Collège des pharmaciens.

Nous croyons que le médecin a la compétence nécessaire pour prescrire le médicament, pour le donner lui-même et nous ne croyons pas qu'il devrait être assujetti à une autre corporation, d'autant plus que de tout temps les médecins ont eu le droit de fournir ces médicaments.

Nous ne croyons pas, par ailleurs, qu'à l'avenir, nonobstant les lois actuelles, les médecins devraient continuer à vendre des médicaments dans les endroits où existent des pharmacies.

Nous avons discuté cette question à plusieurs reprises avec les représentants du Collège des pharmaciens et nous en sommes pratiquement arrivés, à un moment donné, à une entente, mais nous avons toujours bloqué sur un point, et c'est le point précis dont je vous parle: celui de l'appartenance au Collège des pharmaciens nous ne voulons absolument pas. Nous ne croyons pas qu'il serait raisonnable de demander à un médecin qui rend service à la popula-

tion de payer une cotisation à deux corporations, alors qu'il a la compétence, par son entraînement, par sa formation, de continuer à prodiguer les soins et à dispenser les médicaments lui-même à ses malades.

C'est pourquoi nous aimerions que la commission parlementaire des Affaires sociales se penche sur la définition du pharmacien et suggère que le médecin de campagne, là où il n'y a pas de pharmacien, dans les régions rurales, puisse continuer à dispenser des médicaments et être remboursé au même tarif, selon les mêmes conditions que le pharmacien environnant, sans aucune discrimination.

Un mot seulement sur la question du format thérapeutique dont il a été question ce matin. Je dois dire ici que nous sommes d'accord pour l'introduction d'un format thérapeutique à condition, toutefois, que ce soit selon une forme souple qui permette aux médecins d'adapter la quantité utile pour les traitements que requièrent ses malades.

Nous sommes également d'accord, en principe, sur la prescription par noms génériques. C'est excellent, en théorie. Cela présente, par ailleurs, au point de vue pratique, certaines difficultés et des écueils à éviter. Par exemple, et je pense que c'est une chose dont on a parlé cet après-midi, une chose primordiale à laquelle on doit toujours penser, c'est la question de l'efficacité et, évidemment, la qualité d'un médicament doit être toujours celle qui est la meilleure pour guérir le malade.

Or, il peut arriver que cette qualité ne soit pas la même d'une compagnie à une autre, ou qu'un médicament soit fait sous un nom générique par une compagnie dont on ne peut pas vérifier l'efficacité. La même chose s'applique à la substitution ou à la duplication, c'est la question de la qualité et de l'efficacité qu'il faut viser de façon que, lorsque le médecin prescrit un médicament à un malade, il soit assuré que c'est vraiment ce qu'il a prescrit dans l'intérêt de son malade qui va être donné, et non pas autre chose qui ne sera pas efficace.

Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir accueillis, nous sommes à votre disposition, nous comptons collaborer avec le gouvernement dans l'instauration de ce régime, mais nous croyons que, dans l'intérêt public, les médecins dans les campagnes, dans les régions peu peuplées, dans les régions défavorisées devraient pouvoir continuer à dispenser les médicaments comme ils le font actuellement, aux mêmes tarifs que les pharmaciens, sans par ailleurs être obligés d'appartenir au Collège des pharmaciens.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais juste poser une question, deux questions en fait. S'il y a un organisme qui est chargé du contrôle des activités professionnelles de ceux qui distribuent des médicaments, et c'est le Collège des pharmaciens, en vertu de quoi exactement les médecins qui distribuent des médicaments dans les centres où cette pratique subsiste, pour des raisons évidentes, seraient-ils exclus de l'application de la Loi du Collège des pharmaciens?

J'ai mal saisi la raison.

M. ROY: Non. De tout temps, le médecin a eu le droit, non pas de vendre des médicaments au détail, ce qui constitue la pratique de la pharmacie, mais de dispenser, de fournir ces médicaments lui-même à ses malades, au cours d'une visite à son bureau. C'est ce qu'on appelle le prolongement de l'acte médical. Un acte médical est un tout, c'est un diagnostic, c'est le traitement, c'est le noeud du traitement, c'est ensuite la vérification, la réadaptation, etc. C'est un tout, c'est global. Cela comporte justement cette question de médicaments que les médecins ont toujours appliquée. Depuis toujours, les médecins ont eu ce pouvoir, ès droit. Nous considérons que leur préparation leur donne les connaissances voulues pour donner le médicament approprié aux malades. Nous croyons qu'il y a encore bien moins de risques d'erreur, si c'est le médecin lui-même qui donne le médicament à son malade au cours de la même visite, en plus de faciliter la tâche au malade qui aurait à parcourir 25 ou 30 milles pour aller voir un pharmacien et avoir le même médicament.

Nous ne croyons pas que le médecin devrait être assujetti au Collège des pharmaciens pour ce contrôle que nous pouvons très bien exercer, parce que cela fait partie de l'exercice de la médecine comme telle. D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'au tout début, alors qu'il n'y avait pas de pharmaciens, c'étaient les médecins qui faisaient tout.

M. CASTONGUAY: Cela a changé un peu malgré tout.

Est-ce qu'il y a une autre question? Je voudrais être bien clair, je voudrais bien comprendre ce que vous avez dit, en ce qui a trait a la substitution des médicaments ou l'ordonnance par des dénominations communes ou des noms génériques. Vous avez dit que vous étiez d'accord en principe, mais vous avez fait certaines réserves. Cela veut-il dire que ces réserves-là vont jusqu'au point où, en pratique, vous êtes en désaccord? Ce n'est pas clair.

M. ROY: Je ne l'ai pas dit, justement, parce que c'est une question pratique. En principe, la substitution, si la qualité est absolument égale, si l'efficacité est la même, est une chose souhaitable, si le prix peut être plus bas. Ce sont les garanties qu'il faut obtenir. La duplication ou la substitution pourrait être permise, acceptée, pour autant qu'on a la garantie de l'efficacité du médicament.

M. CASTONGUAY: Est-ce que, selon vous,

le pharmacien, vous nous avez dit que vous étiez très habilité dans cette question de distribution des médicaments — dont vous connaissez le travail, peut faire des jugements valables sur cette question des substitutions?

M. ROY: C'est justement la question qui est difficile à résoudre, parce qu'on n'a pas — et cela a été dit encore cet après-midi — d'étude d'efficacité des médicaments. Vous allez prendre quatre médicaments de différentes compagnies pharmaceutiques et vous n'avez pas — l'une à côté de l'autre — des études montrant l'efficacité de tel médicament par rapport à tel autre. Des études ont été faites dans certains hôpitaux. Par exemple, un produit comme le chloramphénicol — c'est un nom générique dont le nom de fabrique dans une compagnie est chloromycetin — peut avoir des effets totalement différents. Vous allez retrouver, après examen sur des malades, de bien meilleurs résultats, si les malades dans des cas précis qui sont arrivés dans un hôpital de Québec, avaient pris de la chloromycetin au lieu du chloramphémicol.

Je ne dis pas que le chloramphénicol ne peut pas être très bon, mais, comme c'est très difficile de juger d'une compagnie pharmaceutique à une autre, d'un lot de noms génériques à un autre, c'est extrêmement difficile de se prononcer en pratique. En théorie, c'est bien, à condition que la qualité et l'efficacité soient garanties.

M. CASTONGUAY: Mais, en vertu de ce que vous dites, s'il n'est pas possible de savoir de façon définitive si un médicament est plus efficace qu'un autre, le médecin, lui, qui prescrit une fois un médicament, une fois un autre et qui pose bien d'autres actes médicaux, est-ce qu'il est mieux placé que le pharmacien qui, lui, ne fait que de la distribution de médicaments pour venir juger la valeur des médicaments? Peut-il former un jugement aussi précis?

M. ROY: Evidemment, les médicaments peuvent avoir différents effets. Le médecin qui prescrit un médicament a le malade devant lui. Il va prescrire tel médicament parce que c'est tel malade et que, d'après lui, il pense que c'est mieux d'employer ce médicament-là. Il reste que le nom d'une compagnie que le médecin connaît, dont il a éprouvé les mérites, dont il connaît les médicaments est la garantie qu'il a lui, de l'efficacité de ce médicament. Il sait que c'est une compagnie sérieuse et qu'elle ne met pas sur le marché un médicament non éprouvé, alors, que, s'il prescrit un nom générique d'un médicament qui est importé d'Italie, il n'a pas la garantie que le médicament va avoir la même efficacité.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Roy, est- ce qu'il peut exister le conflit d'intérêts suivant pour le médecin qui prescrirait des médicaments et qui dirigerait ses patients vers des pharmacies qu'il contrôlerait en tout ou en partie, c'est-à-dire dont il serait propriétaire en tout ou partiellement? J'ai déjà entendu raconter cette anecdote que des médecins auraient gagné, dans un tirage important, une automobile parce que la pharmacie où ils dirigeaient leurs patients avait vendu le plus de vitamines. Est-ce que cela peut exister, en pratique, un tel conflit d'intérêts? Si cela a déjà été vérifié par le Collège des médecins, est-ce que le collège peut intervenir de quelque façon que ce soit dans des législations ultérieures pour corriger cette anomalie?

M. ROY: Certainement. Evidemment, je ne suis pas au courant du cas auquel vous faites allusion. Vous savez, pour avoir l'expérience des hommes et pour être politicien, que tout peut arriver dans la vie. Or, c'est une chose qui peut arriver. Evidemment, une chose que nous ne voulons pas, c'est le conflit d'intérêts. On nous a souvent dit: Le médecin est en conflit d'intérêts lorsqu'il a ses médicaments et qu'il les prescrit. Il va prescrire les médicaments qu'il a plutôt que ceux qu'il n'a pas. Du moment qu'on en arrive à une organisation qui fixe le prix des médicaments, en disant si c'est à prix fixe, à base d'honoraires professionnels ou au prix coûtant, le conflit d'intérêts est complètement absent et il n'y a plus de danger que le médecin ait intérêt à prescrire un médicament plutôt qu'un autre. Il faut éviter, à tout prix, le conflit d'intérêts. Nous somme d'accord sur cela.

Nous croyons, par ailleurs, que s'il y a des réglementations convenables, raisonnables, elles devraient être absolument les mêmes pour les médecins et pour les pharmaciens dans les régions rurales. A ce moment-là, le médecin pourrait continuer ce qui s'est fait depuis toujours. Je n'ai pas l'impression que vous avez eu bien des plaintes.

Au contraire ces médecins-là ont rendu un très grand service à la société et ils seraient irremplaçables, si vous leur demandez de devenir pharmaciens, avec pignon sur rue, ou si vous leur défendez de dispenser les médicaments, parce que, à ce moment-là, vous allez priver des régions complètes de la dispensation des médicaments. Ayez des règlements raisonnables, mais une fois qu'on a ces règlements, je ne vois pas pourquoi le médecin ne pourrait pas être traité exactement comme le pharmacien,avoir le droit de dispenser ses médicaments et ne pas être obligé d'être membre du Collège des pharmaciens et de payer une cotisation supplémentaire, alors que nous le contrôlons déjà dans tout l'ensemble de sa profession qui comporte justement la prescription de médicaments.

M. BLANK: Une des raisons pourquoi vous

ne voulez pas souscrire au Collège des pharmaciens, c'est que le fait de dispenser des médicaments est une continuation de l'acte médical? Est-ce cela que vous avez dit?

M. ROY: Non.

M. BLANK: C'est cela que vous avez dit, je pense, et vous êtes déjà payé pour l'acte médical. Maintenant vous voulez être encore payé pour l'acte de pharmacien. A ce moment-là vous ne serez pas sous le contrôle du collège?

M. ROY: Je n'ai pas parlé de modalité de paiement. J'ai dit que le mode de paiement pourrait être arrêté.

M. BLANK: Cela veut dire que si c'est une continuation de l'acte médical, vous ne réclamerez pas d'honoraires, une deuxième fois, du gouvernement pour l'acte pharmaceutique? Seulement une fois.

M. ROY: Le gouvernement discutera alors avec les syndicats des médecins. Mais si vous faites cela, évidemment vous devrez demander à tous les médecins de le faire et vous allez économiser pas mal d'argent. Il faudrait quand même que ce soit le même tarif, ou qu'on s'entende pour vendre le médicament à prix coûtant parce qu'il y a quand même des frais d'administration. Si vous gardez les médicaments, vous avez des frais d'administration.

M. BLANK: Je suis d'accord avec vous, docteur; mais dès que vous agissez comme pharmacien, vous réclamez des honoraires, comme pharmacien. Je pense que vous devez suivre le contrôle des pharmaciens si c'est un acte complètement séparé de l'autre. Si c'est la continuation du même acte, il faut réclamer seulement une fois.

M. ROY: J'ai bien dit au début que nous ne voulons pas que les médecins exercent la profession de pharmacien, que les médecins aient des pharmacies avec pignon sur rue, sauf les droits acquis. Les médecins qui en ont actuellement sont au nombre de 110 environ, parce que ces médecins-là exercent la profession de pharmacien en plus. Nous croyons que le médecin a assez de travail avec sa pratique pour se limiter à l'exercice de sa profession qui est la médecine. Mais exercer la profession de pharmacien, avec pharmacie avec pignon sur rue et avoir une réserve de médicaments dans un bureau, ce sont deux choses. Les médecins d'expérience qui font la pratique générale vont vous dire que c'est complètement différent, l'administration n'est pas la même. A ce moment-là le nombre d'employés n'est pas le même. Evidemment, c'est le médecin lui-même, ou sa secrétaire qui voit à toute la préparation qui se fait très rapidement au moment même où le malade est dans le cabinet du médecin.

M. BLANK: Vous parlez d'une autre chose. Vous dites que la secrétaire du médecin peut faire l'acte du pharmacien. Il n'y a aucun contrôle par le collège de l'acte du pharmacien.

M. ROY : Oui, nous avons dit que...

M. BLANK: Comment le collège peut-il contrôler l'acte du pharmacien et du médecin?

M. ROY: Des médecins? Ce sont les membres...

M. BLANK: Vous dites que le médecin donne souvent la prescription à sa secrétaire pour la faire préparer. C'est exactement contre la loi des pharmaciens que nous avons votée ici.

M. ROY: Les pharmaciens peuvent demander à leur secrétaire de mettre des boites... Il faut un contrôle, il faut qu'il vérifie. Ce n'est pas nécessaire que le pharmacien mette chaque pilule dans chaque boîte et, évidemment, si vous avez le format thérapeutique vous allez réduire énormément la manipulation et vous allez quand même avoir alors à vérifier l'étiquette. Mais il n'est quand même pas essentiel que ce soit un professionnel qui mette les pilules dans chaque bofte.

Il faut quand même être raisonnable. Nous croyons que l'ordonnance des médicaments, la fourniture des médicaments, cela a été fait par les médecins, de tout temps, et bien fait. Nous ne voyons pas pourquoi cela ne pourrait pas continuer comme cela, spécialement dans les régions rurales où c'est un service public. Je ne dis pas qu'à Montréal — d'ailleurs, cela se fait de moins en moins à Montréal et c'est pratiquement limité aux omnipraticiens -- les médecins devraient être remboursés pour les médicaments qu'ils fournissent. Mais, les médecins devraient — et c'est le bon sens même — toujours être autorisés à garder des médicaments pour les fins d'urgence.

M. MARCHAND: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant. A l'ordre! Le député d'Argenteuil a une question à poser.

M. SAINDON: M. le Président, c'est une remarque que je voudrais faire au ministre et au Dr Roy. Il existe des tableaux comparatifs d'efficacité de plusieurs des principaux antibiotiques sur certaines ou peut-être une grande partie des maladies contagieuses. Lorsqu'on vous donne ces tableaux comparatifs, l'antibiotique n'est pas indiqué par son nom générique. Il l'est par sa marque de commerce. Ces tableaux existent.

UNE VOIX: D'accord.

M. QUENNEVILLE: Les tableaux ne correspondent pas, je pense bien, à ce moment-là. Il

reste quand même que cela dépend un peu par quelle compagnie vous recevez le tableau. Le problème ne peut pas se poser, parce que, je ne vois pas quelle compagnie pourrait le distribuer, pour prouver que le produit d'une compagnie est meilleur.

M. SAINDON: Prenez un tableau comparatif. Bien entendu, c'est la même chose qu'une statistique. Votre statistique vaut ce que le statisticien vaut. Si le tableau est publié par une compagnie pharmaceutique responsable, elle va indiquer les résultats d'analyses et d'expériences faites par des équipes de la santé dans différents hôpitaux et laboratoires. Si le tableau n'est pas véridique, c'est la compagnie qui est à blâmer. C'est la même chose qui s'applique dans la fabrication des médicaments. Vous avez certaines compagnies de "broche à foin" qui vont vous passer n'importe quoi et vous avez des compagnies sérieuses qui ne peuvent pas se payer le luxe de bourrer le monde ou de vendre quelque chose qui n'est pas conforme à ce qu'elles annoncent. La même chose s'applique dans les résultats des expériences qui sont conduites.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.

M. MARCHAND: Dr Roy, est-ce que vous avez dit que les médecins vendaient des médicaments au prix coûtant?

M. ROY: J'ai dit que cela pourrait être une formule qui pourrait être envisagée dans ces cas-là, avec les honoraires professionnels. Je ne veux pas parler de la question des modalités. Je parle tout simplement de la question des principes. Dans les endroits où il n'y a pas de pharmacies, dans l'intérêt du public, pour éviter que des gens des campagnes aient à faire 25, 30 ou 40 milles — les députés des campagnes me comprendront — il faut que le médecin soit capable de dispenser des médicaments, à ce moment-là, parce qu'il est le principal agent dans le réseau de distribution des médicaments.

Les modalités de paiement, de remboursement seront discutées avec les syndicats médicaux et le gouvernement.

M. MARCHAND: Si le médecin vend les médicaments au prix coûtant, il faudra quand même qu'il en ait assez pour servir la population de la région. Je ne crois pas que le médecin soit prêt à être toujours disponible le dimanche, le samedi soir ou en tout temps pour quelqu'un ou une famille qui a un enfant malade. Il ne pourra pas les fournir, je pense bien, parce que le médecin n'est pas toujours disponible.

M. ROY: Qu'on comprenne bien. Si vous faites allusion à un médecin qui aurait une pharmacie et qui vendrait au détail, je fais allusion, moi, au médecin qui reçoit des malades au bureau et qui leur donne des médicaments lors de leur visite au bureau. Si le malade va voir le médecin le samedi ou le dimanche, il a bien plus de chances d'avoir immédiatement son médicament. Mais le médecin ne sera pas là pour remplir des ordonnances ou pour servir des malades qui viendraient le voir de la part d'un autre médecin ou d'ailleurs. Il est là pour remplir les ordonnances de ses malades à lui. Ce n'est pas de la vente qu'il fait. Nous ne voulons pas qu'il fasse de vente au détail, nous ne voulons pas qu'il ait pharmacie avec pignon sur rue.

M. MARCHAND: Dr Roy, j'espère que vous êtes sérieux quand vous dites que les médecins vendront les médicaments au prix coûtant?

M. ROY: Je n'ai pas dit cela, j'ai dit que les modalité devraient être discutées...

M. MARCHAND: Parce que moi, je n'y crois pas.

M. ROY: ... avec le gouvernement et les syndicats médicaux. Je peux vous dire...

M. MARCHAND: A ce moment, il ne vendra que ses échantillons.

M. ROY: II est très facile de faire de l'esprit de cette façon quand on n'a pas l'expérience des campagnes, mais je peux vous dire que, dans les campagnes, de tout temps, avant l'assurance-maladie — demandez-le aux gens des campagnes, ils vous le diront; demandez-le même aux gens des villes — avant l'assurance-hospitalisa-tion et l'assistance médicale, les médecins ont fourni des médicaments à leurs malades, gratuitement et au prix coûtant, en très grande quantité. Je peux vous donner des noms et les députés des régions rurales pourront vous le certifier. Je l'ai fait moi-même. Evidemment, ceux qui sont de la ville auraient intérêt à aller s'aérer les poumons dans les campagnes.

M. LE PRESIDENT: M. Roy, excusez-moi de vous interrompre. Nous sommes obligés de le faire, car nous allons ajourner les travaux de la commission au mercredi 3 février à 10 heures 30 de la matinée. Les membres de la commission peuvent se procurer tous les documents relatifs à cette loi; ils leurs seront remis ici.

Je m'excuse de ne pas pouvoir inviter les autres groupes, mais vous avez pu constater vous-mêmes que le temps est passé et nous devons ajourner au mercredi 3 février. Je vous remercie.

(Fin de la séance: 19 h 5)

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