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Commission permanente des Affaires sociales
Projet de loi no 69
Loi modifiant de nouveau
la loi de l'Assurance-maladie
Séance du mercredi 20 janvier 1971
(Dix heures trente-cinq minutes)
M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue pour étudier le bill
69, Loi modifiant de nouveau la loi de l'assurance-maladie. Seize associations
veulent adresser la parole. Alors, je voudrais vous demander de prendre le
temps qu'il faut, mais d'être brefs. Nous allons siéger
jusqu'à 12 h 30, ensuite, de trois heures à six heures et, si
nécessaire, de huit heures à onze heures.
Maintenant, le ministre des Affaires sociales et les chefs des
différents partis vont adresser la parole et, ensuite, nous inviterons
les gens à exprimer leurs opinions.
M. le ministre.
Objectifs du projet de loi
M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aimerais donner un certain état de la question, c'est-à-dire
une description des objectifs poursuivis par le projet de loi: ses principales
dispositions à ce stade-ci; un historique des travaux techniques qui ont
été faits; une brève exploration des problèmes tels
qu'ils se posent et une énumération de certaines questions qui ne
sont, ni de près ni de loin, résolues.
Enfin, je voudrais vous indiquer une liste des documents qui seront
distribués, au cours de la journée, aux membres de la commission
afin de leur permettre, au cours des prochaines semaines, de pouvoir, aussi
complètement que possible, analyser toutes les implications des
problèmes qui se posent.
En premier lieu, le but général en ce qui a trait aux
médicaments prescrits, c'est que, dans le système actuel, avec la
Loi de l'aide sociale, nous attribuons, d'après les critères
d'évaluation des besoins de cette loi, un montant en argent au
bénéficiaire. Ce montant peut-être haussé lorsque le
cas l'indique, par référence au bureau régional.
On sait que ce système est assez lourd étant donné
que le patient ou le bénéficiaire doit entrer en communication
une fois qu'il a vu son médecin et qu'il y a une ordonnance
a la pharmacie, le bureau, et bien souvent il est obligé de
débourser un montant. En plus, ce système ne prévoit aucun
mécanisme réel d'économie possible quant au prix, ni de
contrôle sur la consommation des médicaments à divers
points de vue. Il présente aussi un certain caractère de
discrimination parce que, pour des raisons historiques, certaines consultations
externes, d'une part, distribuent aux patients qui se présentent
à ces consultations, des médicaments à des coûts
réduits ou, encore, gratuitement. Dans d'autres cas, c'est un
système comme nous le connaissons à Québec où il y
a entente entre le gouvernement et la ville. Une partie de la population peut
avoir accès à des médicaments soit gratuitement ou
à des coûts réduits. Le trésor public y participe;
ce système n'étant pas uniforme à travers la province, il
présente un certain aspect discriminatoire.
En ce qui a trait aux soins dentaires, la Loi de l'assurance-maladie
présentement ne prévoit la couverture que des soins de chirurgie
buccale dispensés en milieu hospitalier. C'est une couverture
limitée en définitive à un aspect seulement des soins
dentaires. Il nous paraît important que les soins dentaires aux enfants
ou à une catégorie d'enfants, limités à un certain
âge, soient couverts à cause de l'aspect préventif d'une
telle couverture et en parallèle, nous entendons stimuler, dans la
mesure du possible, la fluoration des eaux de consommation et aussi la
formation d'un personnel auxiliaire qui pourrait assister les dentistes dans
leur travail. De cette façon, à la fois poser un geste
additionnel sur le plan de la prévention, des subventions sont
présentement accordées; nous croyons qu'il y aurait avantage
à ne pas trop étendre la couverture des soins dentaires pour
mettre davantage l'accent sur la fluoration de l'eau et la formation du
personnel auxiliaire, compte tenu du fait que les effectifs ne sont pas
suffisants pour répondre à la demande.
Sur les dispositions de la loi relativement aux médicaments, je
vais être très bref. Le projet de loi a été
déposé et je crois qu'il est suffisamment clair: les
médicaments prescrits seront couverts. Quant aux soins dentaires, une
liste des soins couverts devra être établie. Un document,
d'ailleurs, sera distribué à cet effet.
Champ d'application
M. CASTONGUAY : Quant au champ d'application, il est prévu dans
les dispositions du projet de loi que ce seraient les
bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale en ce qui a trait aux
médicaments. Cette définition laisse malgré tout certains
points d'interrogation étant donné qu'il y a deux
catégories de bénéficiaires, en définitive, en
vertu de la Loi de l'aide sociale: les bénéficiaires au titre des
besoins ordinaires et ceux au titre des besoins spéciaux. En ce qui a
trait aux soins dentaires, je viens de mentionner qu'il s'agirait des
enfants.
Au plan des mécanismes par rapport aux professionnels et aux
fabricants, premièrement pour les médicaments, nous croyons qu'il
est nécessaire de distinguer les deux aspects: soit celui du service
rendu par le pharmacien qui
distribue les médicaments, et le coût du médicament
lui-même. En ce qui a trait aux services rendus par les pharmaciens, si
l'on suit le même principe que dans le cas de l'assurance-maladie pour
les autres catégories de soins, il faudra entreprendre une
négociation avec les pharmaciens. En ce qui a trait au coût des
médicaments, il va falloir, par divers mécanismes qui seront
discutés, établir le prix que le gouvernement paiera pour les
médicaments compris sur cette liste. A cette fin, je le souligne
brièvement, le projet de loi prévoit la formation d'une
commission de pharmacologie.
En ce qui concerne les soins dentaires, normalement le même
mécanisme que pour les autres soins couverts dans l'assurance-maladie
devrait être suivi, soit la négociation avec l'association la plus
représentative des dentistes au Québec.
Au plan de l'administration, la Régie de l'assurance-maladie va
être chargée de l'administration de ces aspects du régime,
c'est-à-dire que la régie devra faire l'évaluation des
relevés d'honoraires, en effectuer le paiement, établir les
contrôles appropriés, recueillir les statistiques, etc.
Quant au ministère, en ce qui a trait plus spécifiquement
aux médicaments, il devra, de concert avec la régie,
établir le mécanisme prévu dans la loi,
c'est-à-dire l'émission de carnets aux
bénéficiaires qui sont admissibles à cette couverture.
En ce qui a trait au contrôle de l'activité
professionnelle, une approche en tout point identique à celle qui
existe, à celle qui est présentement prévue dans la loi de
l'assurance-maladie, relative aux soins médicaux, aux services
optométriques et à la chirurgie buccale, est prévue, aussi
bien en ce qui a trait aux services professionnels des pharmaciens que des
dentistes.
Relativement au financement et premièrement pour les
médicaments, le coût de ces derniers et des services
professionnels ne sera pas compris dans le financement régulier de
l'assurance-maladie, c'est-à-dire à même les contributions
des employés, des employeurs, des travailleurs autonomes, et du
gouvernement du Canada. La raison pour ceci est qu'il s'agit essentiellement
d'une couverture d'assistance, c'est-à-dire pour une partie de la
population, mais il y a lieu de remarquer que présentement une large
partie de ces coûts est couverte par la loi de l'aide sociale et il y a
partage de ce coût en vertu du régime canadien d'assistance
publique.
En ce qui a trait aux soins dentaires, quant aux coûts, le
financement sera effectué à même les contributions
prévues dans la loi de l'assurance-maladie. Pour le coût
lui-même des services, diverses estimations ont été
préparées par la régie. Tant et aussi longtemps que tous
les aspects des deux types de couverture ne seront pas achevés, il n'est
pas possible de donner une estimation précise et définitive du
coût.
Le projet de loi prévoit également, en ce qui a trait aux
médicaments, la possibilité que des frais modérateurs
soient chargés, même s'il s'agit de bénéficiaires de
l'assistance sociale. Cette question sera évidemment discutée.
L'expérience démontre même s'il n'est pas possible
de le prouver scientifiquement et même si c'est le médecin qui
prescrit que des frais modérateurs peuvent avoir un effet
sensible sur la consommation. On sait, d'autre part, que l'un des
problèmes qui existent présentement, dans le domaine des drogues,
est celui de leur surutilisation. On invoque des arguments contre de tels frais
modérateurs. Evidemment il s'agit d'une classe de
bénéficiaires dont les revenus sont peu élevés.
On peut invoquer que les frais modérateurs pourraient priver
certaines de ces personnes de médicaments qui leur sont
nécessaires.
En ce qui a trait maintenant aux travaux qui ont été
effectués et si vous me le permettez, je vais en dire un mot,
parce que cette énumération indique jusqu'à quel point la
question est complexe évidemment, plusieurs soupçonnent
qu'en ce qui a trait aux médicaments, les prix qu'ils paient sont trop
élevés. On peut à l'examen de toutes les études, de
toute la documentation, conclure que dans une certaine mesure ils ont raison.
D'autre part, la solution du problème est loin d'être facile. Ce
problème est extrêmement complexe, il a plusieurs
ramifications.
Il y a eu en tout premier lieu un comité interministériel
formé par M. Cloutier, qui était ministre de la Santé, de
la Famille et du Bien-Etre à l'époque et qui a fait un premier
travail en vue de l'établissement d'un tel régime. Ce
comité qui était formé du Dr Laurent Lizotte, de M. Gilles
Bergeron, de Me René Dussault, de Mme Nicole Martin, avait
proposé la formation de divers groupes d'experts pour étudier
certains aspects de cette question. Les rapports de ce comité ont
été produits après certains délais étant
donné la difficulté et le nombre des problèmes en
cause.
Une fois la Régie de l'assurance-maladie créée, en
décembre 1969, le ministre de la Santé, M. Cloutier, confiait
à la régie le mandat d'étudier le problème des
médicaments dans le cadre d'un régime
d'assurance-médicaments. Cela était une étape
subséquente qui se rapprochait de la concrétisation d'un
régime. A ce moment, l'objectif était de couvrir les
médicaments pour le 1er juillet 1970.
La régie, ayant reçu ce mandat, a formé divers
comités: comité des études économiques,
comité d'étude du système de distribution des
médicaments, comité d'étude des médicaments,
comité de conceptualisation, comité responsable de
l'élaboration des structures et des mécanismes administratifs. En
septembre 1970, un
comité consultatif fut formé, étant donné
que les travaux de ces divers comités étaient terminés, et
avant de passer à l'implantation d'un régime, il apparaissait
important de consulter les principaux intéressés.
À ce comité consultatif, des représentants de la
régie vont siéger, des représentants des facultés
de médecine et de pharmacie, du Collège des médecins, du
Collège des pharmaciens, de la Fédération des
médecins spécialistes, de la Fédération des
médecins omniprati-ciens, des trois associations de pharmaciens:
l'Association québécoise de toute façon, la
documentation vous sera distribuée et vous pourrez les identifier
des Associations de fabricants et de grossistes, de l'Association des
hôpitaux du Québec, d'une association de consommateurs et des
représentants du ministère de l'Industrie et du Commerce et des
Institutions financières.
Ce comité a fait un travail additionnel qui nous a permis d'en
arriver à la présentation du projet de loi au mois de
décembre. Etant arrivés à la phase de l'implantation, nous
avons formé, entre la régie et les ministères, un
comité de coordination où siègent le Dr Brunet,
sous-ministre; M. Gilles Gaudreau, sous-ministre adjoint; Me René
Dussault, et, pour la Régie de l'assurance-maladie, le président,
M. Robert Després; le directeur aux affaires pharmaceutiques, M.
Mockell, de même qu'un conseiller en administration, M. Page.
Voilà donc les étapes, en très bref, qui ont
été franchies et qui montrent, malgré le nombre
d'années et les groupes de travail, jusqu'à quel point la
question est complexe. A ce sujet, j'aimerais dire quelques mots justement sur
la nature du problème tel que nous le voyons. Ceci s'applique
particulièrement aux médicaments. Je reviendrai brièvement
sur les travaux en ce qui a trait aux soins dentaires.
Médicaments
M. CASTONGUAY: Dans le domaine des médicaments, nous sommes en
face d'un type de services pour lequel les lois générales du
marché, telles qu'on les perçoit et qu'on croit qu'elles
fonctionnent, ne s'appliquent pas. Le médecin est celui qui prescrit.
Donc, c'est de lui que vient la demande. Cette demande, au premier titre ne
vient pas du consommateur. Le médecin, d'autre part, n'est pas en mesure
je crois que ceci est clair de connaître tous les produits
pharmaceutiques qui sont sur le marché. Dans un rapport, on indique
qu'il y aurait plusieurs milliers de produits pharmaceutiques.
C'est un domaine en pleine évolution. Il y a donc là,
aussi, une autre donnée.
L'utilisation des médicaments étant faite par des
êtres humains, les réactions ne sont pas les mêmes dans tous
les cas. Dans certains cas, un médicament peut avoir un effet parfait,
et un moindre dans d'autres cas, pour des raisons qui, dans certaines
situations, peuvent être connues. Les réactions ne sont pas les
mêmes.
Alors devant ces deux phénomènes, le médecin
avec raison a tendance à établir un certain type
d'ordonnance qu'il développe avec l'expérience acquise
graduellement avec les divers types de médicaments. Evidemment, les
sources de documentation qui lui sont possibles et la façon dont cette
documentation le rejoint influencent cette base d'ordonnance qu'il
développe.
Du côté du pharmacien, le pharmacien d'officine n'est pas
censé faire de substitutions. Toutefois, le médecin est libre,
s'il le désire même si cela n'est pas
généralement le cas de prescrire sous un nom
générique. Evidemment, à ce moment, s'il prescrit sous un
nom générique un médicament, le pharmacien a la
liberté de choisir la marque de commerce et même peut, au besoin,
consulter le patient.
Le pharmacien peut également faire des suggestions au
médecin, compte tenu du problème qui a été
mentionné plus tôt du très grand nombre de
médicaments sur le marché et la quasi impossibilité de les
connaître au complet.
Quant au patient, il ne peut pas, d'abord, de façon
générale, juger du bien-fondé de l'ordonnance qui est
faite par le médecin, aussi bien au point de vue de sa
nécessité, au point de vue de la qualité du produit qu'on
lui vend ou qu'il devra utiliser, de même qu'au point de vue du
coût. En plus, c'est une demande qui, en ce qui le concerne, n'est pas
élective, fi n'a pas le choix de déterminer lui-même s'il
devra utiliser un médicament ou non. Evidemment, dans une certaine
mesure, il peut toujours, une fois l'ordonnance faite, refuser de ne pas la
faire remplir s'il n'a pas l'argent pour le faire, mais je ne pense pas qu'on
puisse considérer que c'est vraiment un choix.
Donc aux trois niveaux, aussi bien du médecin, du pharmacien que
du patient, il y a probablement, si nous en faisons une étude plus
approfondie, d'autres facteurs qui interviennent. Il y a certainement des
caractéristiques ce sont celles-là que j'ai essayé
de résumer qui font que ce marché des médicaments
présente des caractéristiques extrêmement
particulières.
Un des dangers, dans l'établissement d'un tel régime,
à cause de ces caractéristiques, c'est que l'on mette l'accent
uniquement et sans discernement sur une recherche des coûts les plus bas,
à des fins d'économie. Cette recherche, si elle dépassait
certaines limites d'économie, pourrait présenter, pour la
population, à notre sens, divers dangers, c'est-à-dire que l'on
en arriverait, de façon générale, à baisser la
qualité des médicaments utilisés par la population de
même qu'en ce qui a trait aux médecins, à imposer, dans
leur travail, un outil sur lequel ils n'auraient plus un contrôle
suffisant, compte tenu toujours des remarques que j'ai faites
antérieurement. Egalement, cela pourrait avoir des
implications qui ne peuvent être négligées en ce qui
a trait à l'industrie pharmaceutique, aussi bien
québécoise que mondiale, laquelle possède, ou administre
dans la province de Québec, un certain nombre d'usines de
fabrication.
D'ailleurs, à ce sujet, un document sera distribué dans la
liste qui vous permettra de juger de l'importance de cette industrie. Il y a
également l'effet qui pourrait en résulter au plan de la
recherche, étant donné que nous sommes dans un secteur où
la recherche en très grande partie est effectuée par les
fabricants.
En ce qui a trait aux soins dentaires, le travail a été
effectué par un comité qui était constitué du Dr
Jean-Paul Lussier, doyen de la faculté d'art dentaire de
l'Université de Montréal; du Dr Paul Simard, de
l'université Laval; du Dr Jacques Dufour, de la Régie de
l'assurance-maladie et de M. Yvan Pouliot, actuaire. Ce comité
était sous la direction générale de M. Gilles Gaudreau,
sous-ministre adjoint au ministère. Un rapport a été
produit par ce comité et diverses données vous seront d'ailleurs
distribuées.
Maintenant, malgré tous ces travaux et c'est une des
raisons majeures pour laquelle nous avons cru que la commission des Affaires
sociales devait être convoquée un certain nombre de
problèmes demeurent jusqu'à ce qu'ils soient résolus
définitivement ou avant qu'une approche définitive soit
engagée.
J'aimerais, principalement avant que nous écoutions les
différents groupes qui veulent se faire entendre devant la commission,
en faire une énumération, de telle sorte que, dans les questions
que vous pourrez leur adresser, vous soyez conscients de ces problèmes
qui nous apparaissent parmi les plus difficiles.
En premier lieu, en ce qui a trait aux médicaments, le mode de
rémunération du pharmacien détaillant est une question sur
laquelle il va falloir s'interroger. Un système est de plus en plus
proposé, celui de la rémunération à l'acte. Est-ce
que ce système est vraiment adapté? Est-ce qu'il est le meilleur?
On peut apporter des arguments qui indiquent que c'est un excellent
système. Par contre, s'il n'est pas nuancé, on peut craindre
qu'il apporte aussi des effets plus ou moins bénéfiques. Est-ce
que, dans une première étape, c'est le système qui doit
être retenu, quitte à le modifier à l'expérience?
C'est une question, de toute façon.
En ce qui a trait au coût des médicaments, plusieurs
questions se posent. Est-ce que l'ordonnance par noms génériques
est une possibilité? Est-ce que, si cette possibilité n'est pas
retenue, le pharmacien devrait avoir la liberté de substituer, à
partir d'une ordonnance, une marque de commerce à une autre? Est-ce que,
dans l'établissement des coûts, nous devrons tenir compte du fait
qu'un certain nombre de fabricants sont établis au Québec, qu'ils
soient contrôlés de l'extérieur ou qu'ils soient
contrôlés par des intérêts québécois?
Est-ce que nous devrons tenir compte, également, du fait que certains
fabricants font de la recherche et que d'autres n'en font pas?
De la même façon, le problème du format
thérapeutique se pose. Est-ce que le format ou la quantité
prescrite devrait être laissé complètement à la
discrétion du médecin ou si divers formats thérapeutiques
devraient être prévus? De même, lorsque nous arrivons au
mode de fixation du prix de chaque médicament, est-ce que nous devons
envisager un processus de négociation avec tous les fabricants, et tout
ce que cela peut comporter?
Est-ce que nous devons établir une liste de prix minimums et
maximums avec, aussi, ce que cela peut comporter? Ce sont des problèmes
sur lesquels nous devons nous interroger.
Il y a également, dans cette question, le champ d'application.
Est-ce que les critères d'admissibilité qui sont définis
dans la Loi de l'aide sociale sont vraiment ceux qui devraient être
retenus? Il ne faut pas oublier que la distribution ou l'admissibilité
à ces médicaments, pour les bénéficiaires de la Loi
de l'aide sociale, crée peut-être, pour certaines personnes qui
sont juste au-dessus de la ligne qu'il faut à un moment donné
établir, une incitation à se classer dans le groupe des
bénéficiaires pour avoir accès à ces
bénéfices. C'est une question qui se pose.
Enfin, en ce qui a trait aux soins dentaires, de même que nous
avons eu à discuter du problème relativement aux soins
médicaux, il nous faut établir quelle est exactement la
nomenclature des soins qui seront couverts.
Pour revenir aux médicaments, une question déborde le
cadre de la loi mais se pose forcément en même temps que nous
étudions ce problème: c'est celle du coût des
médicaments en milieu hospitalier, dans toutes les institutions
financées en totalité ou en partie par le gouvernement, de
même que le coût des médicaments pour la population en
général. A l'occasion de l'établissement d'une telle
couverture, il y a lieu de s'interroger sur le problème en ce qui a
trait à la partie de la population qui ne sera pas
bénéficiaire de ce régime.
Ce sont les problèmes qu'il m'apparaît le plus important de
discuter ici aujourd'jui. Evidemment, ce n'est pas une liste exhaustive, bien
au contraire. Nous avons fait préparer une documentation et vous en
recevrez des pièces au cours de la journée: l'historique des
travaux, un document sur le problème des équivalences
thérapeutiques, un inventaire des lois qui sont reliées à
cette question, un rapport sur les dispensateurs de médicaments dans le
régime proposé, un document, également, sur la
nécessité d'établir un format thérapeutique, un
document sur l'industrie pharmaceutique, un document qui comporte des
considérations sur l'établissement d'un prix raisonnable, un
document sur l'achat des médicaments en milieu hospitalier, un document
portant sur la distri-
bution des enfants par groupe d'âge, étant donné le
type de couverture envisagée, de même qu'un document proposant une
nomenclature des actes qui pourraient être couverts.
Ces documents vous seront distribués au cours de la
journée. Ils vous permettront, au cours des prochaines semaines, de
prendre connaissance d'une façon plus approfondie des problèmes.
Je n'ai pas eu le temps, pour ma part, d'en prendre entièrement
connaissance. De toute façon, un bon nombre des questions qui seront
discutées sont de nature technique ou professionnelle et j'ai
demandé à certains de mes collaborateurs de m'assister
aujourd'hui. Avec votre permission, je leur demanderai de répondre aux
questions qui pourraient être soulevées au cours de la
journée.
J'ai avec moi M. Gilles Gaudreault, sous-ministre adjoint; Me Jacques
Morency, M. Robert Després, président de la Régie de
l'assurance-maladie. Me Jacques Morency est le directeur du contentieux au
ministère. Le Dr Mockle et d'autres se sont joints à eux. Je leur
demanderai de s'identifier s'ils répondent à des questions.
Je veux enfin vous remercier.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
Problèmes complexes
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je serai très
bref; je n'ai pas l'intention d'élaborer sur les commentaires qu'a faits
le ministre des Affaires sociales. Je voudrais, au début, souhaiter, au
nom du groupe auquel j'appartiens, la bienvenue à tous les organismes et
individus qui s'intéressent aux travaux de cette commission, travaux qui
les concernent directement ou indirectement. J'aimerais faire remarquer aux
membres de cette commission que c'est la deuxième fois, à ma
connaissance, depuis quelques années, que tous les groupements de
pharmaciens en particulier ce n'est peut-être pas le cas pour les
dentistes intéressés au domaine des médicaments
viennent devant une commission parlementaire. Ils étaient venus, en
1965-1966, présenter des mémoires à l'occasion de travaux
d'étude sur l'assurance-maladie, travaux qui étaient
dirigés, à ce moment-là, par le ministre actuel de la
Santé. Je siégeais personnellement à cette commission en
tant que représentant du groupement dont je fais partie. Le ministre
actuel de la Santé et moi-même, nous avons donc été
associés, lui à un titre particulier je n'ai pas dit un
statut particulier aux travaux sur les médicaments.
Ce sont des problèmes extrêmement complexes avec lesquels
nous sommes peut-être un peu plus familiers, mais je ne crois pas que le
fait d'être familiers avec ces problèmes qui concernent les
médicaments nous apporte plus facilement des solutions. De toute
façon, il y a un instant, le ministre a mentionné un certain
nombre de problèmes et de questions auxquels le gouvernement devra
apporter des réponses dans le projet de loi, soit le projet de loi
modifié qui sera présenté à l'Assemblée
nationale en deuxième lecture.
Le seul fait que cette commission siège entre la première
et la deuxième lecture indique bien évidemment que les
représentations que vont faire les organismes et les individus devant
cette commission sont extrêmement importantes, et après les
suggestions et les réflexions qu'ils feront devant cette commission,
évidemment, il est à prévoir que des amendements seront
apportés à cette loi.
De toute façon, nous aurons l'occasion, au cours de cette longue
journée de travail que vous nous avez annoncée, après
avoir écouté les mémoires de chacun des organismes, de
poser des questions pour faire préciser certains points qu'ils ont
soulevés ou même pour discuter de certains points que la loi,
à notre avis, ne précise pas suffisamment, et nous aurons tout le
loisir de poser des questions sur des sujets particuliers.
M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic, pour le
Ralliement créditiste.
M. DUMONT: Merci, M. le Président. En présence du projet
de loi que nous sommes obligés de considérer comme un mal
nécessaire, parce que beaucoup de gens savent quelle attitude nous avons
adoptée, nous tenterons d'apporter des amendements et des remarques qui
aideront la province à obtenir au moins des avantages qui rendront
service à toute la population.
En face de toutes les considérations qui nous ont
été apportées ce matin, nous sommes tout de même
obligés de continuer à appeler ce ministère celui de
l'épuisement financier. Je crois que nous sommes en présence de
problèmes très graves, et le gouvernement aurait une foule
d'autres choses à régler plutôt que de
légiférer sur des problèmes de cet ordre, et j'en signale
un, entre autres, auquel nous apportons immédiatement une objection.
Le ministre a souligné tout à l'heure qu'on ne
s'attarderait pas tellement au problème dentaire, mais qu'on
accentuerait les dépenses en vue de la possibilité d'ajouter du
fluor à l'eau. Nous nous opposons à cette façon de
procéder car commencer à traiter l'eau au fluor à la base
porte atteinte à la liberté des individus. Nous
préconisons plutôt une aide qui permettrait d'installer un
contenant aux robinets de chaque famille, afin que les gens décident
eux-mêmes de la quantité de fluor qu'ils désirent utiliser,
s'ils croient bon d'utiliser ce fluor.
C'est une question de liberté, et nous recommandons au
gouvernement d'étudier sérieusement la question, avant de
recommander une
dépense gouvernementale qui deviendra peut-être trop
onéreuse, vis-à-vis d'un ministère d'épuisement
financier.
Enfin, nous aurons, nous aussi, beaucoup de questions à poser.
Nous sommes heureux de voir, par le mémoire présenté par
le Collège des pharmaciens, qu'ils sont autodisciplinés depuis
plusieurs années et qu'ils continueront de l'être, car,
actuellement, le mot étatisation est à la mode. Des
médecins ne voulaient pas croire à l'étatisation de la
médecine, il y a quelques années. Le Collège des
pharmaciens devra être conscient, même s'il réclame
actuellement un régime universel d'assurance-médicaments, que la
loi n'oblige pas l'étatisation, car nous sommes avant tout pour
l'entreprise privée. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Accessibilité aux soins
M. LAURIN: M. le Président, après les remarques qui
viennent d'être faites, je crois utile de répéter
jusqu'à quel point nous croyons que le droit à la santé
constitue un droit fondamental pour la personne humaine, que ce droit,
pratiquement, exige l'accessibilité universelle de tous les citoyens aux
soins de santé, abstraction faite de leur condition financière.
Cette accessibilité universelle des citoyens aux soins de santé
exige de plus en plus l'intervention de l'Etat, aussi bien au niveau du
contrôle de la qualité que des mécanismes administratifs.
Je crois aussi qu'il faut répéter à quel point il est
essentiel que cette accessibilité aux soins de santé soit
complète, c'est-à-dire couvre tous les soins de santé
nécessaires à l'épanouissement de l'individu.
Il est bien entendu que, de ce principe du droit à la
santé et de l'accessibilité des services de santé à
tous les citoyens, découlent des transformations profondes au niveau des
professions qui jusqu'ici s'étaient organisées pour
elles-mêmes, au meilleur de leur connaissance, pour procurer à la
population les services auxquels elle avait droit.
Cette réorganisation profonde, nous le voyons, exige des
changements aux niveaux du statut des professions, de l'organisation des
professions, des relations nouvelles entre les corps professionnels et l'Etat
et des mécanismes administratifs. Ceci est un travail immense qui a
été commencé dès 1960 avec l'instauration de
l'assurance-hospitalisation, qui s'est continué avec l'instauration de
l'assurance-maladie, qui va se poursuivre avec la couverture appliquée
aux médicaments pour les assistés sociaux, et qui se continuera
jusqu'à ce que tous les soins de santé soient couverts.
Nous sommes très conscients, nous de notre parti, à quel
point cette réorganisation profonde peut faire mal à certains
groupes, à certains individus, peut également demander des
études très approfondies, mais, quand même, c'est là
la rançon du progrès. Il faut y mettre l'énergie, le
temps, les efforts, les études nécessaires. Au nom de mon groupe,
je peux assurer le gouvernement de notre collaboration la plus complète,
dans un esprit d'impartialité absolue.
Ce qui se passe aujourd'hui est très important, puisque cela
répond aux voeux que nous avions déjà formulés pour
l'extension la plus rapide possible de la couverture. Nous sommes très
heureux que ce projet de loi 69 soit étudié. Ceci est très
important pour une autre raison également, puisque, même si nous
ne traitons, dans ce projet de loi, que de la couverture des médicaments
pour les assistés sociaux, il ne fait aucun doute que les études
qui permettront cette couverture pour les assistés sociaux serviront
également de base à la couverture générale des
médicaments pour toute la population. Donc, il est extrêmement
important de scruter, avec la plus grande attention, en particulier les modes
administratifs qui seront adoptés par la présente loi, d'une
part, et, de l'autre, le coût de cette couverture.
Je crois que ce sont là les deux paramètres ou les deux
impératifs que nous devrons toujours avoir à l'esprit. Car, il
s'agit de procurer à la population des services de la meilleure
qualité possible, en tenant compte de toutes les catégories de
professionnels intéressées, des conditions d'exercice
traditionnel, je dirais même, nécessaires à une bonne
pratique professionnelle, d'une part; de l'autre, de diminuer le plus possible
le coût de ces services, afin que ceci coûte moins cher à
l'Etat et que l'on puisse augmenter, élargir encore, dans d'autres
domaines que la santé, les services que l'Etat peut rendre à la
population.
C'est à l'intérieur de ces deux cadres, de ces deux
impératifs que, pour notre part, notre groupe entend se situer. Nous
poserons, avant de proposer des amendements, toutes les questions pertinentes
aux organismes qui nous visiteront, dans le cadre des questions que le ministre
des Affaires sociales a déjà identifiées pour nous.
M. LE PRESIDENT: Je vais demander au Collège des pharmaciens de
la province de Québec d'adresser la parole. Je demanderais à
chacun de s'identifier lorsqu'il prendra la parole, s'il vous plaît.
Collège des pharmaciens
M. GAGNON: Jacques Gagnon, président du Collège des
pharmaciens de la province de Québec.
M. le Président, Messieurs les ministres, Messieurs les membres
du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier pour avoir
donné au Collège des pharmaciens l'occasion
d'exposer ses vues sur le projet de loi 69 et de répondre
à vos questions à ce sujet s'il y a lieu.
J'aimerais en premier lieu, et je crois que c'est essentiel,
établir nos positions de façon claire et précise afin
d'éviter toute interprétation équivoque. Comme le
rôle du Collège des pharmaciens n'est pas connu, ou plutôt
mal connu, nous avons pris la liberté de faire parvenir à chacun
des membres de cette commission un court mémoire qui illustre
l'évolution qui s'est faite au Collège des pharmaciens comme
partout dans le Québec depuis ces dernières années. Notre
seul désir est d'éviter toute discussion stérile pouvant
être due à un manque d'information.
Le Collège des pharmaciens, en janvier 1966 et en mai 1967, a
présenté au ministère de la Santé et du
Bien-être social ainsi qu'à la Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social des mémoires dans lesquels le
Collège se prononçait en faveur d'un régime universel
d'assurance-maladie couvrant les médicaments, partie nécessaire
et essentielle à tout régime de ce genre. Le Collège a
donc toujours été et est encore en faveur d'un régime
d'assurance-médicaments et désire sa mise en application dans le
plus bref délai possible, d'où notre entier accord avec le
principe du projet de loi 69.
En octobre 1970, le collège a présenté ses
recommandations sur les rapports du comité consultatif de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ces recommandations ont
été déposées par la suite au ministère de la
Santé. Le collège a alors fait connaître ses vues. Sans
vouloir entrer dans les détails j'aimerais faire valoir les points
suivants:
Accord avec le projet de loi: La complémentarité des
médicaments avec les soins médicaux ne soulève aucun
doute. Il en est de même de l'importance d'en assurer la couverture
d'abord à ceux qui en ont le plus besoin, soit les récipiendaires
de l'aide sociale. C'est pourquoi le collège se déclare
complètement en accord avec le principe du projet de loi 69 tout en
espérant que le gouvernement pourra mettre en marche le plus tôt
possible un régime d'assurance-médicaments qui s'appliquera
universellement. Dans un tel régime, et pour des raisons
évidentes, le pharmacien devrait avoir le même privilège
quant au désengagement que les autres professionnels de la santé.
Cependant, en ce qui concerne les assistés sociaux il ne saurait
être question de désengagement pour le pharmacien, et nous sommes
très fermes sur ce point. D'ailleurs, l'aspect humanitaire de ce projet
de loi à lui seul justifie notre attitude et la commande.
Honoraires professionnels: Le collège est d'accord avec le projet
de loi pour tout ce qui a trait à la rémunération des
services du pharmacien. Quant à la négociation relativement
à cette question, il appartiendra aux syndicats professionnels de la
faire.
L'activité professionnelle: II faut que les pharmaciens, comme
dans le cas de tous les autres professionnels de la santé, gardent, afin
de protéger le public, le contrôle de leur activité
professionnelle. Le collège exerce ce contrôle de deux
façons: pendant et après l'acte pharmaceutique. C'est la
façon conventionnelle qui existe dans toutes les corporations et qui
implique, premièrement, des avis publics, deuxièmement, un
système d'inspection, troisièmement, un bureau d'éthique,
quatrièmement, un bureau de discipline.
Rappelons, comme nous l'avons affirmé dans le texte
déposé à la commission parlementaire, que dans les avis
publics le collège recommande à la population du Québec de
vérifier les obligations du pharmacien et de s'adresser au
collège s'il y a lieu.
De plus, le système d'inspection fait en moyenne 50 inspections
par semaine et le bureau de discipline siège en moyenne une fois par
mois pour y entendre les plaintes soumises.
Avant l'acte pharmaceutique: Cependant, même s'il admet que les
premiers moyens de contrôle sont nécessaires, le Collège
des pharmaciens considère que le contrôle de l'activité
professionnelle doit aussi être exercé avant que l'acte
pharmaceutique soit posé. Cette façon de contrôle se fait
de différentes façons. Premièrement, par la tenue d'un
dossier-patient qui permettra surtout d'éviter les abus de
médicaments. Conscient de l'importance de l'élaboration d'un
profil de consommation et de prescription de médicaments, le conseil des
gouverneurs a adopté un règlement le 9 mai 1970.
Deuxièmement, surtout par l'éducation permanente
obligatoire, le collège considère que, pour le bien du public, le
pharmacien doit assurer son perfectionnement personnel continu. Ce moyen
d'éviter les incompatibilités médicamenteuses et ainsi de
protéger la santé publique existe depuis plus de deux ans au
collège, qui est la première corporation à avoir
institué un tel système.
Rôle nouveau. Tout comme bien d'autres professions de semblable
nature, syndicats, etc., le collège est conscient du rôle nouveau
qu'il est appelé à jouer dans le contexte actuel où les
services de santé se socialisent. Le Collège des pharmaciens est
également conscient du fait qu'il est devant une commission
étudiant un projet de loi touchant uniquement à la mise en
vigueur d'un régime partiel d'assurance-médicaments.
A titre de conclusion, nous sommes heureux de constater que le
gouvernement du Québec, en incluant les pharmaciens au sein du projet de
loi 69, considère notre profession comme faisant partie
intégrante des professions de la santé. Nous pouvons assurer,
dans ce domaine, notre gouvernement, le ministre des Affaires sociales et,
enfin, la Régie de l'assurance-maladie de notre entière
collaboration.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il des membres de la commission qui ont des
questions à poser?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, M. le Président. M. Gagnon nous a
parlé de la formation des membres de sa profession. Dans son dossier, il
parle de recyclage. Je voudrais demander au président du collège
s'il y a des études spéciales ou des initiatives qui ont
été prises auprès des pharmaciens pour assurer une
meilleure décentralisation des effectifs de la profession sur tout le
territoire du Québec. Est-ce qu'il est satisfait de la situation
actuelle? Advenant l'élargissement de ce régime partiel dans un
régime général, est-ce qu'il croit, actuellement, avec la
répartition que l'on connaît que cette répartition est
suffisante pour assurer l'accessibilité de toute la clientèle aux
services des pharmaciens?
M.GAGNON: M. Cloutier, le Collège des pharmaciens a fait une
étude sur la répartition des pharmaciens dans la province.
Inutile de vous dire que nous nous apercevons du fait que c'est dans les
grandes villes qu'il y a des pharmaciens. Il est vrai que, dans certaines
localités, il n'y a pas de pharmacien, mais nous sommes soumis à
une loi qui nous dit que, dans les localités où il y a une
population inférieure à 7,000, le médecin a le droit de
distribuer des médicaments. Alors, nous sommes dans un cercle vicieux.
Plusieurs pharmaciens seraient peut-être prêts à aller
donner des services pharmaceutiques dans ces régions, mais des
médecins étant là, pratiquant déjà la
pharmacie, le pharmacien arrive à son tour et ne peut rien faire.
Mais vous avez raison, je pense, d'affirmer que nous avons un nombre
suffisant de pharmaciens pour desservir la population et qu'ils sont mal
distribués.
M. CLOUTIER (Montmagny): Disons si je comprends bien, que, les
médecins qui pratiquent dans des endroits plus éloignés
où il n'y a pas de pharmacie distribuent les médicaments...
M. GAGNON: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... et les pharmaciens, dans ces endroits
où il n'y a pas 7,000 de population, ne dispensent pas les services
pharmaceutiques. Est-ce qu'il y a déjà eu des échanges
entre vos deux professions: le Collège des pharmaciens et le
Collège des médecins, afin d'en venir à une entente ou de
discuter de modalités selon lesquelles il pourrait y avoir
possibilité, pour des pharmaciens, de s'installer dans ces
régions?
M. GAGNON: Nous n'avons jamais rencontré le Collège des
médecins pour discuter de cela.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, vous seriez
disposés à le faire...
M. GAGNON: Certainement.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... si, à un moment donné, les
résultats à obtenir l'exigeaient.
M.GAGNON: Certainement, nous serions prêts à le faire.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que le député
de Montmagny me permettrait de poser une question à M. Gagnon?
Il est sans doute vrai, parce que vous venez de l'affirmer, qu'au cours
de votre terme à la présidence du Collège des pharmaciens
vous n'avez pas rencontré les représentants de la profession
médicale. Mais, n'est-il pas vrai qu'au cours de plusieurs
années, il y avait des échanges poursuivis par un comité
conjoint pendant plusieurs mois, je dirais même, deux ou trois
années?
M. GAGNON: J'aimerais vous corriger peut-être sur un point. Je ne
voudrais pas qu'on ait l'impression que je n'ai jamais rencontré le
Collège des médecins. J'ai répondu à M. Cloutier
que je n'avais jamais rencontré le Collège des médecins
pour discuter de la répartition des pharmaciens dans la province. Mais
nous avons rencontré le Collège des médecins à
plusieurs reprises sur d'autres sujets.
M. GOLDBLOOM: Mais, ce sujet précis a été
discuté à maintes reprises et il y a évidemment un
problème assez particulier. Vous avez raison en disant que le pharmacien
qui arrive dans un petit centre où déjà le médecin,
avec le droit de le faire, distribue et vend des médicaments, est dans
l'impossibilité de s'introduire dans la vie économique de ce
centre parce qu'il n'y en a pas assez pour deux. Mais, il en est de même
pour le médecin et il se peut, maintenant que l'assurance-maladie est en
vigueur, que la situation change. Mais depuis de longues années les
médecins disent que pour eux c'est impossible de vivre dans de petits
centres sans être en mesure de vendre des médicaments.
Alors, j'espère que maintenant que ce problème devrait
être réglé par l'introduction de l'assurance-maladie, des
échanges recommenceront et qu'une entente prévoira
peut-être une période de temps pour que le médecin se
départisse de l'approvisionnement qu'il possède mais que ces
échanges seront maintenant possibles.
M. GAGNON: Remarquez bien que nous souhaitons rencontrer le
Collège des médecins sur ce point. Nous avons fait des
recommandations particulières sur la distribution des médicaments
au comité consultatif de la régie.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Gagnon, dans votre exposé, vous avez
fait allusion au désengagement. Ma question s'adresserait au-
tant au ministre des Affaires sociales qu'à vous. Si le
désengagement n'était pas permis à l'intérieur de
ce régime partiel, aimeriez-vous entendre, de la part du ministre des
Affaires sociales, quelle serait l'attitude que prendrait son gouvernement
advenant l'établissement d'un régime général? Dans
un régime général, tel que consenti pour les
médecins, le collège se prononcerait-il en faveur du
désengagement des professionnels pharmaciens à l'intérieur
d'un régime général d'assurance-médicaments?
M. GAGNON: Certainement, d'ailleurs c'est ce que j'ai dit tout à
l'heure quand j'ai dit que dans un régime universel, le collège
se prononcerait contre. Mais dans le régime pour les assistés
sociaux, vu le plan humanitaire du système, nous approuvons le
gouvernement, nous approuvons le bill 69.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, je pose maintenant la question au
ministre des Affaires sociales pour connaître son opinion sur ce
sujet.
M. CASTONGUAY: Comme nous n'en sommes pas encore rendus à cette
étape, me permettriez-vous de demander au président pourquoi il
insisterait pour le désengagement si le régime devenait
universel? En quoi un tel régime, où on négocie un
honoraire pour le service rendu par le pharmacien, pourrait modifier la
qualité des services, ou brimer la liberté du pharmacien ou des
patients? C'est ce genre de questions que je me pose, surtout parce qu'il y a
le problème d'accessibilité que vous venez de mentionner.
M. GAGNON: Nous disons, M. Castonguay, que nous voulons être
traités sur le même plan que les autres professionnels de la
santé.
M. CASTONGUAY: Je suis bien d'accord, mais je voudrais savoir pourquoi.
Je suis bien d'accord sur le fait que vous voulez être traités sur
le même pied que les autres. Je ne vois pas d'objection...
M. GAGNON: C'est une liberté que le pharmacien devrait avoir,
celle d'adhérer au système ou de ne pas y adhérer, comme
les médecins l'ont eue et comme les autres professionnels. Je comprends
qu'il y a peut-être une question d'accessibilité aux services
parce que nous sommes moins nombreux que les autres corps.
M. CASTONGUAY: Je ne veux pas avoir l'air désagréable;
d'autre part, les nuances et aussi certaines explications sont peut-être
nécessaires. Par exemple, les médecins spécialistes ont
mis beaucoup plus d'insistance que les médecins omnipraticiens sur cette
question. Et, dans leurs convictions, ils avaient une série de motifs
à l'appui. Les omnipraticiens qui ont un type de pratique un peu
différent avaient d'autres motifs qui faisaient en sorte qu'ils
mettaient beaucoup moins d'insistance sur cette question.
Les optométristes, d'autre part, auraient été
prêts à adhérer à un régime où il n'y
aurait pas eu possibilité de désengagement. Ils avaient des
motifs à l'appui de ce point de vue. Alors, je pense que, en plus du
fait de l'uniformité de traitement, il est bon de comprendre pourquoi on
adopte telle position et pourquoi on la rejette et c'est dans ce sens-là
que ma question est posée.
M. GAGNON: II y a une autre recommandation que nous avons faite à
la régie sur la distribution des médicaments. On disait que la
priorité devait être accordée aux pharmaciens du secteur
privé, ce qui favoriserait une meilleure répartition
géographique des pharmaciens à travers la province. Je pense que
cela revient un peu à la question qu'on m'a posée tout à
l'heure.
On dit que le collège, croyant que la pharmacie d'officine
devrait être le seul point de distribution des médicaments,
considère que le pharmacien d'officine est la personne devant être
remboursée par la régie.
Les pharmaciens du secteur privé pourraient être
secondés par les pharmaciens du secteur public, bien que le rapport de
la commission Castonguay souligne l'inefficacité relative de ce
secteur.
Enfin le réseau de distribution pourrait être
complété par les médecins ou par les infirmières
lorsque la population n'est pas suffisante pour la mise en place d'un CLS,
(Centre local de santé) ou d'un CCS, (centre communautaire de
santé). Nous sommes prêts, M. le ministre, à analyser toute
la répartition géographique des pharmaciens dans la province. Et
à ce moment -là, nous pourrions reconsidérer le rôle
de notre désengagement ou pas, parce que c'est basé, je pense,
sur la distribution des soins qu'on pourrait avoir dans la province.
Il est évident que les pharmaciens ne sont pas répartis
sur tout le territoire. Alors de ce côté-là, si on
permettait le désengagement, qui en souffrirait? Ce serait la
population.
M. CASTONGUAY: Alors, pour le moment, si je comprends bien parce
que le député m'a posé une question et moi, je n'ai pas
encore de réponse comme je l'ai mentionné, nous ne sommes
pas encore rendu à cette étape-là. Mais la raison
première, ce serait pour insister sur le désengagement, la seule,
de toute façon, que j'ai perçue dans votre réponse, c'est
que vous aimeriez être traités comme les autres.
M. GAGNON: C'est ça.
M. CASTONGUAY: D'accord.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai écouté,
ce matin, une émission radiophonique, une interview que le
ministre des Affaires sociales a donnée au sujet de ce projet de loi. Le
ministre a dit qu'il voulait mettre l'accent sur la formation d'auxiliaires
pour les dentistes. Etant donné que, là aussi, il y a
probablement une pénurie de professionnels et que la répartition
des effectifs dans le Québec pourrait également, être
améliorée à la condition qu'ils soient suffisants, est-ce
que le ministre croit, avec ce moyen qu'il a préconisé: la
formation plus poussée des auxiliaires dentaires, qu'il pourrait
corriger, à assez court terme, le manque d'effectifs et, par le fait
même, la répartition, défectueuse évidemment, des
effectifs médicaux?
M. CASTONGUAY: Si je comprends bien, votre question est
spécifiquement réservée aux dentistes et aux auxiliaires
dentaires.
M. CLOUTIER (Montmagny): On pourra y revenir.
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on pourrait...
M. CLOUTIER (Montmagny): On pourra y revenir tantôt quand il y
aura des mémoires au sujet des dentistes.
M. CASTONGUAY: Très bien.
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que le président du
collège pourrait nous dire combien il y a actuellement de pharmaciens
d'officine, et combien de pharmacies au Québec?
M. GAGNON: Nous avons, dans le Québec, 2,000 pharmaciens. Et nous
avons 1,200 pharmacies. Je vais donner les chiffres exacts: 2,000 membres qui
oeuvrent dans les secteurs suivants: pharmacies d'officine, communautaires,
pharmacies d'hôpital et industries pharmaceutiques, Forces armées
canadiennes, enseignement et organismes gouvernementaux et professionnels. Le
nombre de pharmaciens propriétaires est d'environ 1,000. Mais en vertu
de notre loi, certains pharmaciens possèdent deux ou trois
pharmacies.
M. LAURIN: Pourriez-vous nous dire combien de localités, de
municipalités n'ont pas de pharmacie?
M. GAGNON: De mémoire, je ne peux pas vous le dire, mais nous
avons fait la répartition géographique. Je pourrais vous la
soumettre.
M. LAURIN: Un ordre de grandeur.
M. GAGNON: De localités, je ne le sais pas.
M. LAURIN: Vos études ne sont pas rendues à ce
point-là?
M. GAGNON: Je pourrais vous l'envoyer quand elles seront
terminées.
M. LAURIN: Je vais vous poser une question hypothétique.
Supposons que, dans cinq ou six ans, il y ait des centres locaux de
santé dans toutes les régions et dans toutes les
municipalités du Québec, auriez-vous objection à ce que,
dans ces centres locaux et régionaux de santé, il y ait un
pharmacien avec les locaux dont il a besoin qui serait salarié par le
gouvernement et qui vendrait ou donnerait les médicaments au coût
fixé par l'Etat?
M. GAGNON: Selon notre loi, il faut, pour exercer la profession de
pharmacien, être propriétaire ou locataire du local. A ce moment,
on n'a aucune objection.
M. LAURIN: A supposer que dans les nouveaux centres locaux de
santé, les locaux soient régis par un budget comme celui qui
existe actuellement dans les hôpitaux et que le pharmacien y travaille
à la façon dont travaille un pharmacien d'hôpital,
actuellement, est-ce que le collège aurait objection à un pareil
système?
M. GAGNON: Oui, nous aurions objection parce qu'on veut
complètement contrôler et l'acte pharmaceutique et la tenue de la
pharmacie.
M. LAURIN: Est-ce que vous ne contrôlez pas l'acte pharmaceutique
donné par les pharmaciens dans les hôpitaux, actuellement?
M.GAGNON: Oui, mais nous n'avons plus de contrôle sur le
propriétaire de la pharmacie ou le propriétaire du lieu en vertu
de notre code de déontologie.
M. LAURIN: Est-ce que c'est la propriété qui importe ou la
qualité de l'acte?
M. GAGNON: C'est la qualité.
M. LAURIN: Est-ce que vous ne contrôlez pas actuellement la
qualité de l'acte pharmaceutique?
M.GAGNON: Présentement, nous contrôlons la qualité
de l'acte.
M. LAURIN : Alors, quelle serait la différence entre la
qualité de l'acte posé dans un centre local de santé par
un pharmacien salarié et la qualité de l'acte posé par un
pharmacien d'officine?
M. GAGNON: Je dois admettre qu'il n'y en a pas.
M. LAURIN: Maintenant, vous dites que le collège entend garder le
contrôle de l'activité professionnelle. Sur quelles
activités professionnelles porte actuellement le contrôle du
collège?
M. GAGNON: L'activité professionnelle que le collège
exerce, c'est sur l'exécution de l'ordonnance afin qu'elle soit
exécutée selon sa teneur et qu'elle soit exécutée
par un pharmacien. Egalement, sur tout le contrôle de nos
règlements internes. L'interprétation de l'ordonnance
également. Mais pour revenir à la question que vous m'avez
posée tantôt j'ai trouvé le tableau il y a
une seule région administrative où il n'y a pas de pharmacien et
c'est le Nouveau-Québec. Je peux vous nommer ici les régions: le
Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, 26 pharmaciens; le Saguenay-Lac
Saint-Jean, 51; le Québec, 274; Trois-Rivières, 106; les Cantons
de l'Est, 53; Montréal, 1,196; l'Outaouais, 41; le Nord-Ouest, 20; la
Côte-Nord, 12 et le Nouveau-Québec, 0.
M. LAURIN: Vous avez bien compris le sens de ma question?
M. GAGNON: Oui.
M. LAURIN: C'était pour savoir combien y avait-il de
localités au Québec où la pharmacie était assez
loin pour que ce soit difficile pour un patient d'aller faire remplir une
ordonnance. Est-ce que vos études ont...
M. GAGNON: Dans ces cas, le médecin a le droit et le
privilège de distribuer des médicaments.
M. LAURIN: Mais, si je comprends bien, c'est une situation que vous
déplorez et que vous voudriez voir disparaître.
M. GAGNON: Oui, parce que dans certaines régions vous
allez le comprendre où il y a 3,000 habitants, par exemple, un
pharmacien pourrait difficilement vivre. Mais il y a des régions
où il y a peut-être 6,500 à 6,800 de population, où
un pharmacien pourrait vivre et donner les services. Or, le médecin, en
vertu de notre loi, a le droit de distribuer les médicaments dans ces
localités.
M. LAURIN: Quels sont les désavantages...
M. GAGNON: II est membre de notre corporation, du collège.
M. LAURIN: ... essentiels que vous voyez à cette formule
actuelle?
M.GAGNON: Un pharmacien crève; il n'est pas capable de vivre.
M. LAURIN: C'est un argument économique? Vous...
M. GAGNON: On ne va pas en envoyer là; le gars ne peut pas vivre.
C'est bien beau de dire: On va distribuer des soins, mais il faut vivre
également.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: J'aurais des questions à poser au président. Au
début de votre exposé, vous mentionniez que le rôle du
collège était sinon inconnu, du moins mal connu. Vous avez
exposé le fait que vous étiez heureux de voir le Collège
des pharmaciens et les pharmaciens assimilés aux professionnels de la
santé et vous semblez nous faire la preuve que vous possédez des
structures qui vous permettent d'exercer un contrôle. Vous avez
employé l'expression "bureau d'éthique et bureau de discipline".
Voici la première question que j'ai à vous poser: Quelle
différence y a-t-il entre les deux bureaux, d'une part, et qui
siège à ces bureaux?
M. GAGNON: Au bureau d'éthique on reçoit les plaintes
mineures qui ne sont pas des actes dérogatoires. Si le pharmacien commet
une faute mineure sur un de nos règlements, nous le convoquons devant le
bureau d'éthique. A ce bureau d'éthique siègent des
gouverneurs et le registraire du Collège des pharmaciens.
M. VEZINA: Des gouverneurs, ça vient d'où?
M. GAGNON: Ces gouverneurs sont élus par les pharmaciens dans les
différentes régions de la province.
M. VEZINA: Ce sont des pharmaciens?
M.GAGNON: Ce sont des pharmaciens. Le bureau de discipline, lui, entend
tous les actes dérogatoires que pourrait commettre un membre. C'est le
conseil des gouverneurs qui nomme les membres du bureau de discipline qui sont
également des pharmaciens.
Le bureau de discipline comprend six membres nommés par le
Conseil des gouverneurs et ce sont des membres qui pratiquent dans
différentes sphères de la pharmacie. En plus, le président
du collège est ex officio président du bureau de discipline.
M. VEZINA: Vous avez parlé de la nécessité d'avoir
un dossier-patient.
M. GAGNON: Oui.
M. VEZINA: Est-ce que ça existe actuellement dans l'exercice de
la profession?
M. GAGNON: Comme je le mentionnais tout à l'heure, le
collège a adopté un règlement pour obliger tous les
membres de la corporation à tenir un dossier-patient. Mais, en vertu de
notre loi également, ce règlement doit être
sanctionné par le lieutenant-gouverneur en conseil et il ne l'a pas
encore été.
Je peux affirmer que la majorité des pharmaciens est en faveur
d'un tel dossier-patient parce que réellement c'est avec ce
dossier-patient qu'on peut contrôler et jouer notre rôle qui
consiste à avertir le patient s'il y a une incompatibilité
thérapeutique ou quoi que ce soit. Je pense que c'est une arme
essentielle. Il y a des prescriptions contradictoires. Souvent, un patient va
avoir une ordonnance d'un ou de deux médecins, par exemple, d'un
spécialiste et il oublie de dire à son spécialiste qu'il
prend tel médicament. Je crois que c'est le rôle du pharmacien
d'avertir ce patient-là qu'il peut y avoir un danger
d'incompatibilité thérapeutique ou de communiquer avec son
médecin.
M. VEZINA: Maintenant, est-ce que le Collège des pharmaciens a un
mot à dire de quelque façon que ce soit sur le prix des
médicaments?
M. GAGNON: Absolument pas. Le Collège des pharmaciens n'a aucune
autorité pour fixer ou pour réglementer le prix des
médicaments. Ce n'est pas notre problème. La loi est claire et
précise; nous n'avons absolument aucune autorité sur les prix,
aucun pouvoir de fixer les prix.
M. VEZINA: Une dernière question. Le Collège des
pharmaciens s'est-il prononcé d'une façon ou d'une autre sur le
fait que, dans les pharmacies, on a la possibilité d'acheter à
peu près n'importe quoi, depuis les "trames sauvages" jusqu'à la
crème glacée? Est-ce que vous étudiez ce
problème-là?
M. GAGNON: Evidemment, nous avons un règlement qui a
été adopté en 1967 qui stipule que toutes les pharmacies
ouvertes après 1967 ne devaient vendre que des produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires. Nous sommes placés devant un
problème. Nous croyons qu'il faut que le pharmacien choisisse: ou le
pharmacien exercera sa profession et son art ou il deviendra un
commerçant. Mais on n'accepte pas que le pharmacien se serve de son
titre pour faire du commerce et ouvre à n'importe quelle heure du jour
pour vendre toutes sortes de choses. Nous avons une formation professionnelle
et nous devons exercer notre profession à l'intérieur de ces
limites.
Si le pharmacien veut faire du commerce, libre à lui. Qu'il
sépare son officine de son commerce et il le fera. Nous n'avons aucune
objection à ça. Mais nous avons objection à ce qu'il
exerce les deux dans son officine, dans le même local.
M. VEZINA: Mais ça, je comprends que c'est pour les pharmacies
ouvertes après 1967.
M. GAGNON: Entendu. Mais, à cet effet-là, nous avons
déposé au Conseil des gouverneurs, à l'assemblée de
novembre dernier, un avis de motion modifiant ce règlement. Nous voulons
l'appliquer à tous les pharmaciens de la province.
M. BLANK: Je pense que tout cela a été discuté ici
devant la commission en 1964 et en 1967.
M. GAGNON: Je le crois, mais malheureusement je n'étais pas
là en 1964.
M. BLANK: Moi, j'y étais. Si je me souviens bien, le
collège désirait avoir les pharmaciens complètement
séparés et qu'ils n'aient pas le droit de vendre des
poubelles.
M. GAGNON: C'est ça.
M. BLANK: Cela, c'est le mot que Feu Daniel Johnson utilisait
"poubelles". Nous avions fait un compromis en disant: Si vous séparez
les deux, ça peut marcher. C'est l'Assemblée qui a adopté
cette loi-là et c'est la loi que vous utilisez maintenant.
M. GAGNON: Je ne voudrais pas vous interrompre sur votre
interprétation; c'est un règlement...
M. BLANK: Mais le règlement est dans la loi.
M. GAGNON: ... du collège qui a été
sanctionné par le lieutenant-gouverneur en conseil.
M. BLANK: Mais ces règlements, avant qu'ils soient
adoptés, passent devant votre conseil.
M. GAGNON: Le règlement est adopté selon les modes de
procédure au conseil et, ensuite, il est soumis pour approbation au
lieutenant-gouverneur en conseil.
M. BLANK: Et le conseil est élu par les membres?
M. GAGNON: Par les membres, par les pharmaciens.
M. BLANK: C'est-à-dire que, lorsque vous adoptez un
règlement, c'est la voix de la majorité de vos membres qui
parle.
M. GAGNON: Sûrement, par le Conseil des gouverneurs.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette. M. QUENNEVILLE: M.
Gagnon, votre loi
prévoit que, dans les municipalités où la
population est inférieure à 7,000, le médecin peut
dispenser des médicaments.
M. GAGNON: C'est ça.
M. QUENNEVILLE: Est-ce que ça implique par le fait même
que, dans les localités où la population est supérieure
à 7,000, le médecin ne peut pas dispenser des
médicaments?
M. GAGNON: Sauf s'il possède des droits acquis.
M. QUENNEVILLE: Je comprends, mais en dehors de ça.
M. GAGNON: Pardon?
M. QUENNEVILLE: Pour des nouveaux.
M. GAGNON: Pour des nouveaux, je pourrais demander à mon
conseiller juridique d'y répondre, parce que je ne suis pas avocat;
mais, d'après moi, les nouveaux ne peuvent pas les dispenser.
M. QUENNEVILLE: Voici pourquoi, avant que votre conseiller juridique ne
réponde; c'est parce que, à cause de la mauvaise
répartition des pharmaciens, il y a des endroits populeux où il
n'y a pas de pharmacien. Je prends comme exemple le comté de...
M. LACROIX: Les Iles-de-la-Madeleine.
M. QUENNEVILLE: ...M. Lacroix, les Iles-de-la-Madeleine, où il y
a 14,000 personnes, et il n'y a pas de pharmacien. Est-ce qu'il n'y aurait pas
avantage d'avoir des mesures incitatives, de la part du Collège des
pharmaciens, pour amener dans ces régions des pharmaciens?
M. GAGNON: C'est ce que nous avons fait, mais, dans certaines
régions, c'est impossible d'en avoir. A ce moment- là, nous
permettons, pendant une année, de donner au médecin le
privilège de distribuer les médicaments. Et si nous trouvons un
pharmacien, il ira.
M. LACROIX: Vous pourriez autoriser le député, cela
éliminerait cette...
M. GAGNON: Faites-en la demande au collège.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais revenir sur la question
précédente, posée par le député de
Montmorency. Le président du collège, M. Gagnon, a dit qu'en
vertu du règlement actuel, qui s'applique depuis le 1er janvier 1967
pour les nouveaux professionnels dans le domaine de la pharmacie, ils doivent
séparer...
M. GAGNON: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): ...leur officine de l'endroit de commerce. Pour
la période antérieure à 1967, est-ce que le collège
serait disposé à sanctionner un règlement par le
lieutenant-gouverneur, en prévoyant cependant une période de
transition pour ceux qui sont déjà installés actuellement,
à cause des modifications et des transformations à faire, qui,
dans certains cas, peuvent représenter une somme assez importante? Avec
cette période de transition, est-ce que le collège voudrait
demander au lieutenant-gouverneur de sanctionner un autre arrêté
en conseil pour la période d'avant 1967?
M. GAGNON: Certainement, et nous avons prévu dans le
règlement qu'il y aurait une certaine période donnée aux
pharmaciens pour faire les transformations nécessaires. Il est
évident qu'un capital est investi dans ça, on ne peut pas
s'imposer et dire: Un mois après l'adoption de notre règlement,
on transforme toute la pharmacie. Nous allons prévoir dans le
règlement un certain temps, un an ou deux nous n'avons pas encore
arrêté la longueur mais il y aura certainement un laps de
temps pour faire la transition.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au sujet du contrôle de l'acte
pharmaceutique, dont on a discuté tout à l'heure, est-ce
qu'actuellement vous pouvez exercer un contrôle à votre
satisfaction sur l'acte pharmaceutique posé dans les hôpitaux,
dans les institutions qui émargent au budget du ministère des
Affaires sociales, les institutions de bien-être, ou les soins à
domicile? Est-ce que, dans ces secteurs, vous êtes satisfaits?
M. GAGNON: Dans le secteur hospitalier, nous pouvons exercer un
contrôle. Dans les autres secteurs, non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les soins à domicile, actuellement?
M. GAGNON: Pour les soins à domicile, il y a plusieurs
façons de procéder. Dans la ville de Québec, entre autres,
une entente a été signée avec les pharmaciens, et, pour
toutes les personnes soignées à domicile, les ordonnances sont
remplies et exécutées par le pharmacien de leur choix. Ils
veulent uniformiser ça d'après ce qu'on m'a dit
mais dans d'autres régions on choisit un pharmacien, ou encore on
achète le médicament.
M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.
M. DUMONT: Merci, M. le Président. J'aurais une question à
vous poser, M. Gagnon. La carte médicale distribuée à ceux
qu'on appelle les assistés sociaux a été le début
de l'étatisation de la médecine. En réclamant, comme vous
le faites, un régime universel d'assurance-médicaments, et le
gouvernement défrayant la note, ne croyez-vous pas que c'est le
prélude à l'étatisation des pharmacies au
Québec?
M. GAGNON: Nous ne le croyons pas, non, parce que les pharmaciens, comme
les autres professionnels de la santé, font partie de l'équipe.
Je ne vois pas quel intérêt le gouvernement aurait à
socialiser tout ça.
Dans le cas de la pharmacie, ce serait extrêmement coûteux
et la répartition serait probablement moins bonne. Je le présume.
Tandis que présentement, avec les améliorations qu'on veut
apporter à la répartition des pharmacies, de service va
être meilleur. Je ne crois pas que ça entraîne
l'étatisation.
M. DUMONT: Dans un autre ordre d'idée, vous avez parlé
d'autodiscipline. Pour l'attitude que vous prenez, nous vous félicitons.
Et vous avez répondu au député de Montmorency que vous
n'aviez aucune juridiction sur le problème des prix. Est-ce que vous ne
devriez pas intercéder pour que les abus et l'exploitation soient
enrayés, considérant que c'est un point assez important dans la
vie des individus?
M. GAGNON: Vous voulez dire l'abus des drogues ou l'abus...
M. DUMONT: L'abus des prix des médicaments en pharmacie. Vous
pourriez ajouter dans votre autodiscipline cette possibilité que le
Collège des pharmaciens puisse même avoir juridiction en ce
domaine.
M. GAGNON: Remarquez bien que nous sommes en faveur d'un système
qui serait trouvé pour abaisser le coût des médicaments.
Bravo! Nous sommes en faveur de ça. Mais le collège n'a pas
juridiction dans ce domaine-là, et nous ne croyons pas que cela nous
regarde de trouver des moyens. Nous sommes là pour la protection du
public: contrôler l'acte médical, suivre le pharmacien, mais non
pas surveiller les prix, jamais. Nous demandons, depuis 1964, que le pharmacien
sorte de ce carcan-là, qu'il arrête d'être
rémunéré à profits. Nous voulons que le pharmacien
soit reconnu comme un professionnel, comme il l'est par le bill 69, et qu'il
soit rémunéré avec des honoraires professionnels. Nous ne
croyons pas que ce soit notre domaine de...
M. DUMONT: Même si vous découvrez des abus parfois un peu
graves?
M. GAGNON: Nous n'avons pas de pouvoir. Nous n'avons aucun pouvoir.
M. DUMONT: Vous ne pouvez pas en ajouter?
M.GAGNON: Non. M. DUMONT: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, pour continuer sur la
même question du contrôle de l'acte professionnel, je suppose que,
parmi toute cette gamme de produits pharmaceutiques, vous avez des produits qui
sont difficilement assimilables ou qui peuvent être plus difficilement
assimilés les uns que les autres. Je pense qu'il peut y avoir même
des produits qui, en fait, ne sont pas assimilables du tout. Dans ce
contrôle de l'acte professionnel, est-ce que vous contrôler
à ce point de vue d'une façon scientifique, si vous voulez, la
qualité des médicaments qui sont distribués par les
pharmaciens?
M. GAGNON: Par notre cours d'éducation continu, nous donnons les
informations thérapeutiques du médicament. Le contrôle de
la qualité du médicament relève du gouvernement
fédéral. Nous n'avons aucun moyen de contrôler la
qualité. Parfois, des rapports nous sont envoyés par la Direction
générale des aliments et drogues du gouvernement
fédéral à ce sujet. Le pharmacien dans son officine n'a
aucun contrôle sur la qualité du produit.
M. SAINT-GERMAIN: Vous ne pouvez pas contrôler, même s'il
est assimilable ou pas assimilable, par exemple?
M. GAGNON: Quelquefois, des rapports nous sont envoyés, comme sur
certains produits qui ne sont pas assimilables. Cela, nous le savons. Mais
quant au contrôle absolu par des moyens scientifiques, au sein de notre
laboratoire ou de notre officine, le pharmacien n'a pas ce contrôle.
M. SAINT-GERMAIN: Si vous me le permettez, M. le Président, nous
avons appris, par la voie des journaux, que certaines pharmacies avaient
distribué des produits non valables au point de vue pharmaceutique.
Est-ce que le collège a autorité pour protéger le public
contre cela?
M. GAGNON: Cette chose-là est devant les tribunaux, c'est sub
judice, mais le collège a envoyé ses procureurs pour suivre toute
la marche de l'affaire.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.
M. SAINDON: Je voudrais demander quel-
que chose à M. Gagnon. M. Gagnon, vous semblez d'avis que
l'étatisation de la pharmacie est peu probable. Quelle serait votre
réaction personnelle ou l'opinion du collège si, une bonne
journée, le gouvernement voulait étatiser la pharmacie?
M. GAGNON: Le Collège des pharmaciens comme tel, quant à
la qualité des médicaments et la qualité des soins, ne
peut rien faire. Je ne pense pas que notre organisme puisse défendre le
point de vue économique. Il y a un syndicat de pharmaciens, et je pense
que cela lui appartiendrait de défendre ce point-là. Pour nous,
en autant que la qualité des produits, que la qualité du service
est assurée, nous l'acceptons.
M. SAINDON: Ce n'est pas cela que je demande. Je ne demande pas ce qu'il
pourrait faire ou ne pas faire, il peut me répondre s'il le veut ou ne
pas me répondre. Ce que je voulais savoir, c'est si le collège ou
le président serait en faveur de l'étatisation.
M. GAGNON: Nous n'avons pas d'opinion de formée.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: M. Gagnon, si nous comprenons bien le souci de la
sécurité des patients, il semble un objectif primordial dans
votre faculté. Par ailleurs, en dehors de la question des prix, vous
semblez avoir le contrôle des règlements à
l'intérieur des pharmacies.
M. GAGNON: Le contrôle professionnel. M. QUENNEVILLE:
Professionnel.
M. GAGNON: Simplement le côté professionnel.
M. QUENNEVILLE: II y a quand même quelque chose
d'inquiétant. Vous avez, je pense bien, une loi qui oblige à la
présence continuelle d'un pharmacien à l'intérieur d'une
pharmacie. Si on tient compte des chiffres que vous avez donnés
tantôt, au point de vue du nombre des pharmaciens, je pense bien que
c'est une chose absolument impossible.
Je me demande, alors quelle est votre attitude vis-à-vis de ce
règlement.
M. GAGNON: Vous dites que c'est une chose impossible; moi, je ne suis
pas d'accord.
M. QUENNEVILLE: Vous n'avez pas suffisamment de pharmaciens?
M. GAGNON: Est-ce obligatoire que le pharmacien soit disponible de 8
heures du matin à 11 heures du soir? C'est-à-dire qu'il peut
être disponible; mais est-ce obligatoire que son bureau soit ouvert aussi
longtemps? Je pense qu'on est en train... Le collège a recommandé
à tous ses membres, pour pouvoir répondre aux besoins de la
population, d'avoir un réseau de services d'urgence. Quelle que soit
l'heure où un patient a besoin d'une ordonnance, le pharmacien est
disponible et capable de la remplir. Entre autres, à Québec,
à Chicoutimi, à Hull et à Trois-Rivières, il existe
des services d'urgence où le pharmacien est disponible, comme le
médecin, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.
M. QUENNEVILLE: Oui, mais la présence continuelle d'un pharmacien
dans une pharmacie, c'est là-dessus surtout que j'insiste.
M. GAGNON: II faut qu'il y ait un pharmacien pour poser des actes
pharmaceutiques. C'est cela que la loi nous dit.
M. QUENNEVILLE: Ce règlement-là quand même
vous...
M. GAGNON: Nous le maintenons et nous le suivons de près.
M. QUENNEVILLE: Oui? M. GAGNON: Oui! Merci!
M. LE PRESIDENT: M. le ministre de la Santé.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions
à poser. La première, est-ce que le Collège des
pharmaciens verrait des objections à ce que les médecins puissent
prescrire, ou prescrivent de façon générale par des noms
génériques, s'il a des objections à ce que les
médecins prescrivent à partir de noms génériques?
Est-ce qu'il voit la possibilité que le pharmacien puisse faire des
substitutions si le médecin ne prescrivait pas par noms
génériques. Il y a deux questions dans cela.
M. GAGNON: II faudrait s'entendre, M. Cas-tonguay. Nous ne parlons pas
de substitutions, quand nous disons: Va voir un médecin il va prescrire
une tétracycline, on va donner un autre nom de commerce. Nous appelons
cela dans le langage pharmaceutique, une duplication. Mais en vertu de notre
loi, il est établi qu'elle devient dérogatoire...
M. CASTONGUAY: Oublions la loi, pour le moment.
M. GAGNON: Bon d'accord! Sur le principe, à qualité
égale, nous sommes d'accord.
M. CASTONGUAY: Sur quoi?
M. GAGNON: Que le pharmacien puisse substituer un médicament.
Nous sommes d'accord sur la duplication d'un médicament...
M. CASTONGUAY: Et quelles sont vos opinions sur la question... Je sais
que les représentants du Collège des médecins sont ici
nous aurons la possibilité de leur poser la question
également mais quelle est votre opinion, vous, à titre de
président du collège sur la question de la prescription par noms
génériques? Ce qui laisserait la latitude au pharmacien de
choisir à son sens le médicament de meilleure qualité au
meilleur prix.
M. GAGNON: Nous sommes entièrement d'accord là-dessus. Si
le médecin prescrit selon un nom générique, s'il y a des
normes de qualité de médicaments établies et la latitude
est laissée aux pharmaciens de donner le médicament le meilleur
marché, à meilleure qualité, nous sommes
entièrement d'accord sur cette philosophie.
M. CASTONGUAY: Vous avez dit que vous n'avez pas de pouvoirs, comme
collège, de prendre des actions directement vis-à-vis de la
question des coûts des médicaments. Mais indirectement, les
règlements que vous adoptez ont une influence assez forte. Depuis un
certain temps, il me semble qu'il est absolument obligatoire que le pharmacien
travaille dans un cadre très strict, que son commerce soit clairement
identifié et isolé de la vente d'autres produits. Si je ne me
trompe pas je suis peut-être dans l'erreur il n'est pas
possible, par exemple, d'imaginer que dans un grand centre commercial
facilement accessible, on ait, à l'intérieur d'un commerce
quelconque, une section bien identifiée qui pourrait respecter toutes
les règles d'hygiène et où on pourrait garder des produits
pharmaceutiques dans de bonnes conditions de réfrigération, au
besoin, etc. Alors, il y a donc ces points que je voudrais faire ressortir. Un
autre aspect, c'est celui d'essayer de libéraliser le plus possible
cette question de statut du pharmacien, d'endroits où il peut pratiquer,
de telle sorte que tout ce qui est artificiel et qui tend à faire
hausser les coûts soit éliminé. Est-ce que vous pourriez
commenter cette question-là? C'est une question qui se pose de
façon assez aiguë* parce que certains pharmaciens essaient, ou se
présentent même comme des pharmaciens, ce qu'on appelle en anglais
des "discount house" pour réduire leurs prix par divers moyens; ils
semblent se buter à des difficultés soit par la voie des
règlements ou autrement.
M. GAGNON: En aucun temps, le Collège des pharmaciens n'a
empêché un pharmacien d'ouvrir dans un local où l'on
vendait des produits autres que ceux de la pharmacie pour une question de prix.
Jamais.
M. CASTONGUAY: II doit être propriétaire, par contre, ce
qui limite passablement la possibilité qu'on établisse et qu'on
réduise les coûts, celui de l'administration ou les frais fixes.
Il doit être propriétaire de sa pharmacie, de son officine.
M. GAGNON: C'est cela.
M. CASTONGUAY: C'est l'inverse, en fait, du gouvernement qui assume
directement la distribution des médicaments. Est-ce qu'on pourrait
imaginer que cette question de propriété parce que,
tantôt, si j'ai bien compris, vous avez dit que la question de
propriété n'avait rien à faire avec la qualité
soit élargie considérablement de telle sorte qu'on puisse
réduire les frais fixes dans toute la mesure du possible?
M. GAGNON: Je pense qu'à ce moment-là, cela nous prendrait
une étude économique pour pouvoir prouver si,
véritablement, dans des conditions telles que celles dont vous parlez,
cela amènerait une baisse du médicament. Est-ce que je comprends
bien votre question?
M. CASTONGUAY: Est-ce que cela prend vraiment une étude
économique? Si un pharmacien ne peut être propriétaire que
d'une pharmacie, il est évident qu'il aura un certain niveau de frais
fixes. Cependant, s'il est l'employé d'un certain commerce, qui a une
administration complètement montée au point de vue du paiement
des salaires, tenue des inventaires, achats, même, sur une plus large
quantité, étant donné la possibilité qu'il regroupe
ses achats à l'intérieur d'un réseau, est-ce que ceci
pourrait avoir pour effet de réduire la qualité? Il me semble, de
prime abord, en tout cas, sans étude plus approfondie, que les frais
fixes seraient certainement plus bas.
M. GAGNON: Vous avez entièrement raison: cela ne diminuerait pas
la qualité. Mais je ne me sens pas qualifié pour répondre
sur l'aspect économique. Je pense qu'ici quelqu'un a des chiffres. Il a
fait une étude dans différentes provinces et il pourrait
peut-être beaucoup mieux vous éclairer que moi. Mais je pense que
c'est évident que cela n'affecterait pas la qualité des soins et
des services.
M. CASTONGUAY: Dans un autre ordre d'idées, est-ce que, sur la
question de l'établissement d'un format thérapeutique, vous avez
des commentaires à faire?
M. GAGNON: Non. Nous nous sommes prononcés en faveur de ce
format.
M. CASTONGUAY: Très bien. Dans un autre ordre d'idée,
toujours, quelles seraient, à votre point de vue, les implications si la
loi du
collège était modifiée de telle sorte que le
lieutenant-gouverneur en conseil puisse autoriser, dans les endroits où
les médicaments sont difficilement accessibles, les unités
sanitaires, les pharmacies d'hôpitaux, les infirmières de colonies
parce qu'à certains endroits il n'y a que des infirmières
de colonies; il n'y a ni médecins, ni pharmaciens à
dispenser les médicaments?
M. GAGNON: Nous n'avons aucune objection. Nous l'avons même
recommandé lorsque nous avons siégé au comité
consultatif de la régie.
M. CASTONGUAY: Très bien. Est-ce que vous avez, aussi, des
objections à ce que des organismes de soins à domicile, par
exemple, qui sont formés en vertu d'une charte, mais qui sont
intégrés, à toutes fins pratiques, pour leurs
activités à un hôpital, obtiennent leurs médicaments
par le même truchement que l'hôpital les obtient pour ses
patients?
M. GAGNON: A condition qu'il y ait un pharmacien ou un médecin
attaché à l'hôpital qui fait le contrôle de la
médication.
M. CASTONGUAY: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil, sur la même
question.
M. SAINDON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. A
qui incomberait la responsabilité de l'efficacité du
médicament si le pharmacien avait la liberté de faire une
duplication de la prescription d'un médicament? A qui des deux, au
médecin ou au pharmacien?
M. CASTONGUAY: Eh bien, là, c'est une question, justement, que je
posais au collège: Est-ce que, eux, comme spécialistes dans les
médicaments, voyaient objection à ce que le médecin
prescrive par noms génériques? Il m'a dit: Non. Et, dans sa
réponse à la deuxième question, il disait: Le pharmacien
pourrait faire la duplication.
J'ai mentionné, à ce moment-là, que les
représentants du collège étaient ici et que la même
question devrait leur être posée pour voir, aussi, s'il y a
d'autres points de vue.
A ce stade-ci, j'aimerais donc réserver toute opinion ou tout
jugement avant d'avoir entendu les représentants des
médecins.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'adresse à M. Gagnon,
président du collège. Vous en avez peut-être parlé
dans votre exposé. Si oui, ça m'a échappé, mais
j'aimerais vous demander si les dispositions de la loi au sujet de la formation
de la commission de pharmacologie, du nombre de ses membres, de la
qualité de ces membres, satisfont le collège ou s'il voudrait
voir élargir cette commission en y ajoutant d'autres types de
pharmaciens.
M. GAGNON: Je pourrais peut-être demander à M. Robert, qui
a siégé à une réunion de la régie, de donner
plus de précisions sur ce point.
M. ROBERT: M. Cloutier, je pourrais peut-être vous répondre
en vous disant que le comité consultatif de la Régie de
l'assurance-maladie a soumis à différents organismes un
mémoire au sujet de ce qu'ils ont appelé le comité de
conceptualisation des médicaments. A ce moment-là, la
régie a soumis un organigramme qui diffère de celui que nous
retrouvons dans le bill 69.
A ce moment-là, nous étions d'accord avec la Régie
de l'assurance-maladie. Je ne me souviens pas par coeur, mais je sais que l'on
préconisait un pharmacien d'officine; l'on préconisait un
pharmacien ayant acquis de l'expérience dans l'hôpital, dans
l'enseignement et dans l'industrie pharmaceutique entre autres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si je comprends bien vous aviez
suggéré que le comité de conceptualisation soit plus large
et comprenne d'autres représentants du domaine de la pharmacie.
M. ROBERT: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. CASTONGUAY: Pourrais-je demander pourquoi vous suggériez,
étant donné ie mandat de cette commission, tous ces
représentants?
M. ROBERT: M. le ministre, je m'excuse, mais ce n'est pas nous qui
l'avons recommandé, c'est la régie elle-même qui nous a
soumis un mémoire et nous l'avons approuvé.
M. CASTONGUAY: Ah bon! Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. Gagnon, selon le collège, devrait-on laisser au
médecin seul ou au pharmacien avec le médecin, la
responsabilité de la quantité prescrite par ordonnance? Est-ce
que ce devrait être une responsabilité partagée avec le
médecin ou si, comme c'est le cas actuellement, le médecin
devrait être le seul responsable de la quantité prescrite?
M. GAGNON: Je pense que seul le médecin est responsable de la
quantité prescrite.
M. LAURIN: Avez-vous fait des études là-dessus pour
montrer que le pharmacien pourrait peut-être améliorer la
qualité des soins en
devenant, pour une partie, responsable de la quantité?
M. GAGNON: C'est le médecin qui pose le diagnostic, en fait, et
c'est lui qui est capable de juger que le patient a besoin de telle
quantité de médicament pour telle maladie. Je ne pense pas que ce
soit notre rôle d'intervenir à ce moment-là.
M. CASTONGUAY: Je pense qu'il peut y avoir confusion. J'ai
demandé tantôt au président quels étaient ses
commentaires sur l'établissement d'un format thérapeutique,
c'est-à-dire que pour chacun des médicaments couverts, il y
aurait des quantités prédéterminées. Si j'ai bien
compris, le président a dit qu'il était d'accord sur
l'établissement d'un tel format thérapeutique. Je crois voir
là peut-être une certaine contradiction parce que, d'autre part,
le président dit que c'est le médecin qui est le seul juge de la
quantité à prescrire.
M. GAGNON: J'ai dit que nous étions d'accord sur le format
thérapeutique, c'est vrai, parce que le format thérapeutique
amènerait probablement l'accélération d'un service. Mais
je ne vois pas en quoi le pharmacien serait appelé à
déterminer la quantité de pilules ou de médicaments pour
un cas donné, à moins qu'il ne travaille en équipe, en
collaboration directe avec lui, comme on le voit dans certains pays, je
pense.
Mais si le médecin, d'une part, est dans son cabinet de pratique
et le pharmacien dans son officine, je ne vois pas de quelle façon on
peut agencer les deux.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant de poser mes deux
dernières questions, j'aimerais commenter les propos tenus tout à
l'heure par le député de Bourget. Il me semble que c'est le
médecin qui doit juger de la durée du traitement, donc la
quantité à prescrire, dans deux sens. Je prends l'exemple des
otites, que je voudrais traiter pendant cinq ou six jours; des angines
streptococciques qui nécessitent un traitement de dix jours; des
infections urinaires qui ont besoin d'un traitement de plusieurs semaines.
C'est le médecin qui doit juger ces choses. Je n'en vois pas
d'autres.
Et dans un autre sens, c'est au médecin, je crois, de faire
l'inverse, de ne prescrire qu'une petite quantité pour être en
mesure de juger, après vingt-quatre ou quarante-huit heures, de l'effet
du médicament en permettant que l'ordonnance soit renouvelés par
la suite, et de ne pas imposer au malade le coût total d'une ordonnance.
Evidemment, si nous passons à un régime d'honoraires
professionnels, les honoraires professionnels seraient probablement les
mêmes dans la plupart des cas, indépendamment de la durée
du traitement ou du montant prescrit. Mais je pense que dans le régime
actuel, et même dans l'autre, c'est le médecin qui doit juger de
la durée du traitement.
M. LAURIN: J'avais soulevé la question précisément
parce que le ministre avait dit que c'était là un problème
qui demeurait à l'étude, qui était difficile et qui
comportait des incidences sur lesquelles je voulais avoir des
clarifications.
M. CASTONGUAY: Est-ce que, avec votre permission, on pourrait demander
au Dr Mockle, qui est le directeur des affaires pharmaceutiques à la
régie, de donner son point de vue sur cette question, étant
donné qu'on sait par expérience qu'on reste assez souvent avec
des quantités de médicaments? Je sais, pour ma part, qu'à
tous les printemps, ma femme fait le ménage de ce qu'il reste et il en
reste de bonnes quantités. D'autre part, il y a aussi le danger qu'on
prescrive des quantités trop petites si le système de
rémunération est à l'acte et qu'on multiplie les actes. Je
sais que certains assureurs privés ont présentement ce
problème spécifique.
Est-ce qu'on pourrait demander au Dr Mockle de nous indiquer comment il
voit, lui, cette possibilité?
DR MOCKLE: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Il
s'agit d'un problème qui a été discuté de longue
date, puisqu'il en était question au comité
interministériel. Nous avons eu le point de vue de différentes
personnes, du côté des médecins et des pharmaciens. Nous
avons repris ce problème au niveau des comités de la régie
et, pour ma part du moins, je suis un ardent défenseur du format
thérapeutique pour diverses raisons.
D'abord, sur le plan médical, nous pensons que la liberté
du médecin doit être sauvegardée, mais pour autant,
évidemment, que ceci ne prête pas à des abus sur le plan de
la pratique ou d'autres points de vue. Lorsqu'on lit ce qui se fait dans le
monde entier et lorsqu'on regarde ce qui se fait dans certains pays, on
remarque que le format thérapeutique, c'est-à-dire le
conditionnement d'un produit pharmaceutique en une quantité
donnée, est une façon logique et rationnelle de pratiquer la
médecine. D'ailleurs, il y a eu aux Etats-Unis une équipe de
travail qui a étudié le problème, c'est le "Task Force on
Question Drugs". Ce sont des experts qui ont étudié pendant
plusieurs années, donc ce n'est pas un travail d'un mois, et le
leitmotiv de ce comité est de favoriser le plus possible ce qu'ils
appellent, eux, dans leur language, le "Rational Therapy", c'est-à-dire
l'emploi rationnel des produits pharmaceutiques. Ceci veut dire, dans un sens
très large, de donner le bon médicament au bon patient, au bon
moment, dans la bonne quantité, tout en tenant compte
du coût. Donc, vous voyez un peu, si vous voulez, l'ensemble du
concept de "Rational Therapy".
Par conséquent, pour atteindre ce "Rational Therapy" je
prends l'expression anglaise parce qu'elle est un peu plus significative que la
française il faut, évidemment, s'attarder à
concevoir un format de présentation des produits qui corresponde
à une réalité sur le plan médical. Ceci n'atteint
aucunement la liberté du médecin, en ce sens que, s'il juge
à propos de donner un traitement plus prolongé, il peut prescrire
deux ou trois formats thérapeutiques. Ceci, nous l'avons clairement
indiqué lorsque nous avons participé aux discussions; nous avons
clairement indiqué au médecin que sa liberté
n'était pas atteinte, parce qu'il la conservait pour prescrire le nombre
de formats, compte tenu, évidemment, de l'implication pathologique du
patient qu'il traite.
Donc, voici, M. le ministre, pour l'aspect professionnel ou scientifique
de cette chose.
Par ailleurs, si le concept de "Rational Therapy" indique
également je l'ai défini tantôt une
implication de coût, ça nous permet aussi, dans le cadre d'un plan
général, universel, comme vous dites,
d'assurance-médicaments, d'avoir un meilleur contrôle des
coûts. On peut là, nettement, fixer un prix pour le format
lui-même, compte tenu de la valeur du médicament. Ceci nous permet
également, sur un plan professionnel, à l'égard des
pharmaciens, de contrôler les honoraires professionnels. Il va de soi
que, si le format n'est pas conçu comme tel, le pharmacien peut acheter
des quantités de 100,000 en vrac et par conséquent aller chercher
là $1.50 ou $2 de profit qu'il ajoute à ses honoraires
professionnels, ce qui, en réalité, fausse le concept des
honoraires professionnels. Donc, pour des raisons à la fois
médicales et économiques, je pense que le concept du format
thérapeutique est de toute nécessité.
M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, que les propos...
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une question à poser...
M. GOLDBLOOM: Non, non. M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. GOLDBLOOM: J'aimerais continuer les questions que j'avais l'intention
de poser au président du collège, mais auparavant je veux
simplement commenter les propos du Dr Mockle, en disant qu'ils me semblent la
logique même et qu'ils rejoignent ceux que j'ai tenus tout à
l'heure. Maintenant, au président du collège, j'aimerais poser
deux questions.
Premièrement, pour les besoins de la discussion, je pose
l'hypothèse que là où il y a un pharmacien, le
médecin s'abstiendrait de la distribution et de la vente des
médicaments. Quelle population faut-il pour nourrir un pharmacien? Je
pose la question de façon double: premièrement, dans le cas de la
pharmacie-bazar que nous connaissons aujourd'hui et, deuxièmement, dans
le cas de la pharmacie exclusivement professionnelle préconisée
par le collège.
M. GAGNON: Pour ce qui est de cette question, je pense que ce serait au
syndicat à y répondre sur des bases économiques. Au
collège, nous n'avons aucune estimation économique. On sait que,
les chiffres varient pour faire vivre un pharmacien strictement
avec son officine et les produits hygiéniques, sanitaires et
pharmaceutiques, c'est à peu près une population de 6,000
âmes. Mais je le dis sous réserve, j'aimerais mieux le faire
confirmer par mes confrères.
M. GOLDBLOOM: Merci. Voici maintenant ma deuxième question. Je
pose l'hypothèse pour les besoins de la discussion, à l'effet que
nous avons tous intérêt à voir baisser de façon
générale le prix des médicaments. Il me semble qu'il y a
trois façons qui s'offrent au pharmacien d'officine pour le faire; il y
en a peut-être d'autres auxquelles je n'ai pas pensé, mais j'en ai
trouvé trois. Il y a l'élimination de l'élément
profit par l'établissement d'un régime d'honoraires
professionnels. C'est ce que vous préconisez comme représentant
du collège, mais ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour demain ou
après-demain, il faudra un certain temps pour établir ce
régime.
Entre-temps, il y a la libre concurrence, une tradition
nord-américaine. Il me semble que la libre concurrence, dans le
régime que nous connaissons, est d'intérêt public et je
vois difficilement la libre concurrence sans annonce.
Troisièmement, il y a la vente d'autres articles que les produits
pharmaceutiques. Il y a de nombreux pharmaciens qui prétendent qu'ils
sont en mesure de maintenir le prix des médicaments à un niveau
relativement bas parce que le profit de la vente d'autres articles leur permet
de gagner leur vie.
J'aimerais avoir les commentaires du président du Collège
des pharmaciens sur ces questions.
M. GAGNON: Pour la première question, je suis d'accord avec vous
parce que on l'a dit la meilleure façon de
rémunérer le parmacien, c'est un honoraire professionnel. Votre
deuxième question portait sur...
M. GOLDBLOOM: La libre concurrence.
M. GAGNON: La libre concurrence, je pense qu'il faut l'admettre, il faut
en avoir à l'intérieur de nos règlements.
M. GOLDBLOOM: Est-elle possible sans publicité?
M. GAGNON: Cela se fait d'abord dans les autres professions. Dans le
rapport Castonguay-Nepveu, on dit que toute la publicité devrait
être abandonnée pour tous les professionnels, tels que les
médecins et les avocats. Nous permettons, à un type, comme je le
disais tout à l'heure, qui veut faire du commerce d'en faire. Qu'il
sépare et qu'il annonce, à ce moment-là, les choses qu'il
veut vendre, comme vous le disiez, qui peuvent le faire vivre et lui apporter
une certaine rémunération. Mais nous avons un règlement de
publicité professionnelle qui interdit la publicité sur les actes
pharmaceutiques, sur les ordonnances ou les prescriptions.
Le gouvernement fédéral, également, interdit
l'annonce de certains produits.
M. GOLDBLOOM: D'accord, mais est-ce qu'il serait possible pour un
pharmacien aujourd'hui, dans le régime actuel, de modifier son
système de vente de médicaments pour établir chez lui le
régime d'honoraires professionnels? Est-ce que ce serait acceptable aux
yeux du collège?
M. GAGNON: C'est ce qui se fait présentement. Vous savez sans
doute que le syndicat des pharmaciens a négocié avec certaines
compagnies d'assurance. Les assurés ont leurs médicaments chez le
pharmacien de leur choix: le pharmacien est rémunéré
à des honoraires professionnels et le médicament est vendu
à partir d'un prix coûtant. Cela se fait depuis quelques mois.
M. GOLDBLOOM: Est-ce que, dans le cadre de la déontologie
professionnelle, il serait permis à un tel pharmacien d'indiquer, sans
se vanter de demander des prix plus bas qu'un autre, que, lui, il vend sous le
régime des honoraires professionnels, tandis que l'autre vend selon un
autre régime?
M. GAGNON: C'est universel. Tous les pharmaciens ont accès
à cette négociation-là.
M. GOLDBLOOM: Ce n'est pas ma question. Ma question est de savoir s'il a
le droit, à l'intérieur de la déontologie professionnelle,
d'indiquer, soit dans la vitrine, soit dans une annonce dans les journaux, que
c'est le régime qu'il suit lui-même?
M. GAGNON: Je demanderais à mon conseiller juridique de
répondre en vertu des lois.
M. DU MESNIL: Dans le contexte actuel, la publicité pour l'acte
professionnel est interdite complètement à tous les pharmaciens,
comme dans toutes les autres professions. Le pharmacien n'a pas plus le droit
d'annoncer une prescription à prix réduit qu'un avocat pourrait
annoncer trois divorces pour $200. La position est la même.
Pour le régime avec les compagnies d'assurance, vu que tous les
pharmaciens ne sont pas encore membres de ce régime avec la SSQ et les
autres compagnies, il est interdit, en vertu du même principe, d'annoncer
un avantage sur un autre confrère. Si tous les pharmaciens devenaient
assujettis à ce régime, la publicité ne causerait pas de
problème, parce que tous les pharmaciens seraient sur le même
pied.
Mais nous ne voulons pas punir le pharmacien qui, pour des raisons
personnelles, n'a pas voulu souscrire au régime d'assurance privé
en permettant à ceux qui ont souscrit de l'annoncer. C'est ça le
règlement.
M. GOLDBLOOM: II me manque la réponse du président
à ma dernière question: quel effet a sur le prix global des
médicaments ou le prix moyen des médicaments la vente d'autres
articles dans les pharmacies? Est-ce que les profits de la vente d'autres
articles servent à baisser le prix des médicaments?
M. GAGNON: Je ne crois pas. J'ai moi-même une pharmacie où
je ne vends presque rien autre chose que des produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires et cela ne baisse pas du tout le prix du
médicament. J'arrive au même résultat que mes autres
confrères, c'est la même chose. Donc dans un régime
d'honoraires, si le prix est négocié par le syndicat
vis-à-vis des compagnies d'assurance il est uniforme, le prix
coûtant est le même pour tous les pharmaciens de la province. Ils
ont l'honoraire qu'ils ont négocié. Le prix est uniforme pour
tout le monde, pour tous les pharmaciens.
M. GOLDBLOOM: Nous ne sommes pas en désaccord à ce
sujet.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, étant
donné le manque d'effectifs professionnels chez les pharmaciens aussi
bien que chez les dentistes, j'aurais l'occasion de poser la question
cet après-midi en ce qui concerne les dentistes à partir de la
déclaration du ministre dans votre profession, y aurait-il
possibilité de dégager les pharmaciens professionnels de
certaines tâches au profit de certaines tâches qui pourraient
être assumées par des aides-pharmaciens ou même à un
échelon inférieur, tout en sauvegardant la qualité de
l'acte professionnel? Dans ce cas-là, est-ce que ça
amènerait des modifications au système d'enseignement actuel,
c'est-à-dire au système de formation des pharmaciens?
M. GAGNON: Pour les techniciens en phar-
macie, nous croyons que ce n'est pas ce qu'il nous faut
présentement. Ce qu'il va nous falloir, nous croyons que ce sont des
secrétaires pharmaceutiques. Nous en sommes rendus à remplir
plusieurs formules et je pense que le pharmacien n'a pas été
formé pour remplir des formules. Il nous faudrait des secrétaires
pharmaceutiques comme on a des secrétaires médicales, comme on a
des secrétaires d'études juridiques. Cela pourrait dégager
le pharmacien.
Quant à la responsabilité professionnelle du pharmacien,
il faut que l'acte soit posé par le pharmacien lui-même.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'acte est entier. Une partie de l'acte ne
pourrait pas être posée sans inconvénient pour le
contrôle de l'acte professionnel par une autre personne que le pharmacien
lui-même?
M. GAGNON: Non.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, j'aimerais revenir, si vous me
le permettez, à cette question du coût de la distribution.
Vu qu'on vend dans les pharmacies tout un éventail de produits et
que ces produits sont vendus dans un monde de concurrence, d'une façon
régulière, normale, comme pour tous les marchands, voilà
que tout ceci oblige les pharmaciens à avoir des locaux très
dispendieux, de grands locaux sur des rues commerciales, et a aussi
amené le pharmacien à aller chercher chez le patient même,
chez le client même l'ordonnance et bien souvent à la livrer. Je
retourne un peu la question du Dr. Goldbloom à l'envers: Est-ce que vous
ne croyez pas que la vente de tous ces produits augmente
considérablement leur coût de distribution?
M. GAGNON: Je pense que c'est un tout. Nous sommes contre. Nous disons
que si le pharmacien veut faire du commerce sous un autre nom, qu'il le fasse.
Il pourrait y avoir certains pharmaciens qui tiennent évidemment de
grands locaux et qui seraient obligés d'en diminuer la grandeur. C'est
évident! Cela ne prend pas une pharmacie de 100 pieds sur 50 pieds pour
vendre des médicaments, pour rendre service à la population. Le
pharmacien qui est amené dans ce genre de commerce, de local semblable,
est obligé pour défrayer ses dépenses, d'avoir toutes
sortes de choses. Or, il pourrait diviser, il pourrait séparer tout cela
et faire la même chose, mais je ne crois pas que cela ait une incidence
sur le coût.
M. SAINT-GERMAIN: Sur la question de principe, cela va très bien,
on s'entend, je pense. Mais en fait il est de tradition que les pharmaciens
vendent une multitude de produits. Même si on mettait des
séparations matérielles de murs, ci ou ça, le
problème de fond reste absolument semblable à mon avis. Enfin, je
peux me tromper. A première vue, toujours!
M.GAGNON: C'est réalisable! Je ne voudrais pas prendre un exemple
personnel, mais je m'aperçois que, dès qu'un pharmacien diminue
dans sa pharmacie toutes les "bebelles", la foire, les ordonnances augmentent,
et il vend plus de médicaments. Cela semble peut-être paradoxal,
mais c'est la réalité. C'est cela qui se produit. Cela
n'empêche pas le pharmacien de très bien vivre et il vit de sa
profession. Il est plus disponible. Il vit de sa profession et je pense que les
pharmaciens sont tous tannés de voir la façon dont fonctionne la
pharmacie. On veut mettre de l'ordre dans cela. Un règlement a
été appliqué en 1967 et maintenant on veut le
généraliser à tout le monde pour le bien-être,
l'ordre et la dignité de la profession. Je pense qu'il est tout à
fait normal et logique que le pharmacien puisse vivre de sa profession.
Il a été formé, il a été
éduqué pour être professionnel, faire de la pharmacie
cinq ans d'université et je pense qu'il doit être
là pour faire de la pharmacie.
M. LE PRESIDENT: Avant de suspendre la séance jusqu'à deux
heures et demie, deux députés ont demandé la parole: le
député de Sainte-Marie et le député d'Argenteuil.
Ensuite, nous suspendrons la séance jusqu'à deux heures
trente.
Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Gagnon, est-ce que ce sont les
pharmaciens qui contrôlent les prescriptions qui sont renouvelables
presque automatiquement? Je m'explique: Un patient va consulter son
médecin. Celui-ci lui donne une prescription. Une fois qu'il a
utilisé la quantité de remède prescrite, le patient
appelle son médecin, lui donne le numéro de la prescription et,
tout simplement, on renouvelle la prescription. Est-ce qu'il y a un
contrôle là-dessus?
M. GAGNON: La loi dit que, pour que le pharmacien puisse
répéter ou renouveler une ordonnance, il faut que le
médecin en ait indiqué le nombre de fois. Or, si le
médecin n'a pas indiqué le nombre de fois, le pharmacien,
souvent, appelle le médecin et lui dit: Telle ou telle personne veut
répéter son ordonnance. Il la répète, sous l'ordre
du médecin.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, mais je puis vous
téléphoner et vous dire: J'ai eu une prescription de tel
médecin. Ma prescription est échue. C'est tel médecin, tel
numéro de prescription. Et, souvent, on envoie un livreur porter la
prescription, sans demander d'autres
détails. Je ne dis pas que ce n'est pas contrôlé,
mais de quelle façon?
M. GAGNON: II faut partir de la prescription originale. Le pharmacien,
à ce moment, va voir la prescription originale et, si le médecin
a indiqué le nombre de fois que l'ordonnance peut être
répétée, il la répète ou il peut appeler le
médecin.
Savez-vous que souvent je serai très honnête
il y a peut-être des pharmaciens qui ne le font pas. C'est vrai, il faut
l'admettre. Mais, souvent, nous appelons les médecins. Nous leur disons:
Madame Unetelle ou M. Untel veut la répétition de telle
ordonnance, tel numéro. C'était telle chose. Ils
répondent: Ne me bâdre donc pas et répète-la lui. En
pratique, cela se fait fréquemment.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous donne un exemple: Je connais une
jeune fille...
DES VOIX: Ah! Ah!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Laissez-moi finir. Je n'en connais pas
seulement une...
M. GAGNON: Vous ne direz pas la médication!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, je vais vous la dire. Je connais une
jeune fille qui se fait livrer chez elle des pilules anticonceptionnelles avec
la prescription de sa mère.
M. GAGNON: C'est anormal. Le pharmacien ne devrait pas le faire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est pour cela. Je pourrais vous citer des
faits.
M. GAGNON: C'est anormal.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'accuse personne. Je vous dis que cela
se fait.
M. GAGNON: Croyez bien que le collège est conscient de ces
choses.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Cela se fait.
M. GAGNON: Je l'admets, M. le député.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous donnerai le nom, si vous le
voulez.
M.GAGNON: J'admets, M. le député, ce que vous me dites
là. C'est comme dans toutes les autres professions. Ce ne sont pas tous
des anges que nous avons chez nous. Nous en avons des cas comme ça.
C'est pour ça que nous avons un bureau de discipline et des
enquêteurs qui vont voir tous les pharmaciens. Quand le type fait des
choses comme ça, nous le traduisons. C'est le but de l'existence
même du collège, d'exercer ce contrôle. Mais que cela se
fasse, je l'admets; il y a certains pharmaciens qui le font.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Certains pharmaciens.
M.GAGNON: Si peu.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.
M. SAINDON: M. le Président, ce n'est qu'une remarque. Si un
médicament prescrit est la responsabilité du médecin, bien
sûr, il faudrait, à ce moment-là, qu'il soit bien celui qui
est dispensé. Si le médicament, par exemple, est prescrit non par
son nom générique, mais par son nom de marque de commerce, n'y
aurait-il pas possibilité, à ce moment-là, qu'un commis
qualifié en pharmacie soit autorisé à exécuter une
ordonnance parce qu'il y a un nom bien défini qui est écrit sur
l'ordonnance? Si c'était le nom générique, ce serait
différent, mais j'entends, le nom de la marque de commerce. A ce
moment-là, il ne peut pas passer à côté; il faut
qu'il donne absolument le médicament qui est mentionné.
M. GAGNON: Nous avons un exemple, pour répondre, si vous le
permettez, M. le Président, où un commis a fait ça et il
s'est trompé de médicament. C'était prescrit sous le nom
générique et il s'est trompé de médicament.
C'était pour un enfait et l'enfant a été dans le coma
durant quatre jours.
M. SAINDON: Justement, je ne parle pas du nom générique;
je parle du nom commercial.
M. GAGNON: Je m'excuse, le médicament était prescrit sous
son nom commercial. La cause nous a été soumise au collège
et l'enfant a été tout près de mourir.
M. CASTONGUAY: Mais, M. le Président, on donne en réponse
à une question générale un cas spécifique.
J'imagine que, dans l'histoire de la pharmacie, un pharmacien très
qualifié a dû se tromper aussi.
M. GAGNON: Je l'admets. C'est humain.
M. CASTONGUAY: Alors, pourriez-vous répondre à une
question de façon générale et non par un exemple
spécifique?
M. GAGNON: De façon générale, nous croyons que le
contrôle de l'acte médical doit être posé par un
pharmacien qui a les connaissances voulues. L'acte pharmaceutique doit
être posé par un pharmacien qui a été formé
pour ça, tandis que le commis ou l'autre personne
qui n'a aucune formation pharmaceutique ne peut pas avoir les
connaissances voulues pour vérifier si le dosage est bon. Souvent, le
pharmacien est obligé de communiquer avec le médecin. Il s'en
produit des erreurs de dosage.
M. CASTONGUAY M. le Président, dans l'hypothèse où
il y aurait un format thérapeutique, c'est-à-dire que le
médecin prescrit le médicament X selon sa marque de commerce,
s'il écrit clairement, est-ce que ce danger d'erreur est tellement
grand? Il s'agit, à mon sens, à ce moment-là, pour le
pharmacien d'aller choisir la bonne marque.
M. GAGNON: Le contrôle final doit être fait par le
pharmacien qui vérifie si réellement il n'y a pas eu d'erreur.
Parce que souvent, dans une ordonnance, il peut y avoir deux ou trois
médicaments et ça peut porter à une mauvaise
interprétation.
M. CASTONGUAY : Est-ce que des normes ne pourraient pas être
établies de telle sorte que les cas standard, où il y a
simplement des médicaments assez simples qui sont prescrits il
n'y a pas de prescription complexe cela pourrait être fait, comme
le demandait le député d'Argenteuil, par un aide-pharmacien?
M. GAGNON: Nous croyons que cela doit être le pharmacien qui pose
ce geste.
M. LE PRESIDENT: Une dernière question par le
député de Joliette et nous allons ajourner.
M. QUENNEVILLE: M. Gagnon, est-ce que vous ne croyez pas plutôt
que la raison, pouvant justifier la nécessité que ce soit un
pharmacien, soit plutôt la question du dosage. Parce que vous avec le
même médicament, le nom commercial, avec naturellement des forces
différentes. A ce moment-là, ce serait le danger. Est-ce que
c'est ça?
M. GAGNON: Oui. C'est pour ça qu'il faut que ce soit le
pharmacien qui pose ce geste. C'est un des dangers.
M. LAVOIE (Wolfe): C'est-à-dire que si les médecins
écrivaient lisiblement aussi...
M. LE PRESIDENT: Alors, la commission ajourne ses travaux à 2 h
30. Un instant. Les membres de la commission peuvent laisser leurs documents
ici. Nous allons fermer les portes à clé.
Reprise de la séance à 14 h 46
M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
M. Castonguay a une question pour le Collège des pharmaciens de
la province de Québec.
M. CASTONGUAY: Ce serait une dernière question, M. le
Président.
Est-ce que le Collège des pharmaciens pourrait nous expliquer
quelles sont les normes qui ont été établies au plan des
pharmacies d'hôpitaux publics, pharmacies d'hôpitaux privés,
pharmacies dans les institutions de bien-être, par exemple, par rapport
aux normes qui ont été développées pour les
pharmacies d'officine? Je pense que là il y a un problème. Nous
avons vu ce matin qu'il y avait des normes assez strictes auxquelles le
collège tenait ou croit bien important de maintenir, en ce qui a trait
aux pharmacies d'officine. Je pense que pour compléter le tableau, il
serait bon d'obtenir certains renseignements sur cet autre aspect.
M. GAGNON: Si je comprends votre question, M. le ministre, nous avons
juridiction sur les pharmacies d'officine, mais nous n'avons aucune juridiction
dans les autres pharmacies, que ce soit à l'hôpital ou ailleurs.
Nous avons juridiction dans les hôpitaux, simplement au niveau de l'acte
professionnel posé par le pharmacien, mais nous n'avons pas de
juridiction sur la pharmacie en soi.
M. CASTONGUAY: Est-ce que le collège a déjà fait
des représentations à cet effet? Est-ce que le collège a
déjà demandé ou déjà indiqué au
gouvernement le fait qu'il n'avait pas de pouvoirs à cet effet?
M. GAGNON: Non.
M. CASTONGUAY: Merci.
M. LAURIN: M. Gagnon, est-ce que vous auriez objection à ce que,
dans le projet de refonte des corporations professionnelles, soient
ajoutés, au bureau de direction de votre corporation, des professionnels
autres que pharmaciens?
M. GAGNON: Absolument pas. Nous l'avons recommandé lorsque nous
avons soumis un mémoire à la CIQ la commission d'enquête
sur les professions.
M. LE PRESIDENT: Si les membres du comité sont d'accord, nous
allons parler de pharmacie jusqu'à 4 heures.
Je remercie le président du Collège des pharmaciens de la
province de Québec de son intervention. Si des membres ont des
questions
à poser au cours de l'après-midi, vous serez ici, n'est-ce
pas?
M. GAGNON: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup.
Nous allons parler de pharmacie jusqu'à 4 heures. A 4 heures,
nous allons suspendre pour 15 minutes et ensuite peut-être, si les
membres sont d'accord, nous allons entendre les chirurgiens-dentistes et le
Collège des médecins et chirurgiens. Ensuite, nous reviendrons
aux pharmacies. Est-ce que les membres sont d'accord sur ce programme?
Alors, l'Association des pharmaciens salariés du
Québec.
M. LE PRESIDENT: J'ai une question à poser aux membres. Je
demanderais à ceux qui ont des mémoires de nous en faire un
résumé afin que l'on procède d'une façon assez
brève. Alors, monsieur, veuillez vous identifier, s'il vous
plaît.
Association professionnelle des pharmaciens
salariés
M. LANDRY: Mon nom est Louis Landry de l'Association professionnelle des
pharmaciens salariés du Québec.
Nous avons remis aux membres de la commission un texte écrit de
notre mémoire. Alors je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le
lire en entier. Je voudrais tout simplement souligner deux points, un point
secondaire et un point très important.
Le point secondaire, pour l'éliminer tout de suite, c'est
à l'article 12 du projet de loi 69 où l'on parle de frais
modérateurs. Nous voulons tout simplement faire remarquer aux membres de
la commission que le frais modérateur est utile quand on veut
modérer quelque chose. Or, dans le cas des médicaments, le
consommateur, qui est le patient, n'a aucune décision à prendre
sur la quantité qu'il doit prendre ni sur le nombre de fois qu'il fera
répéter son ordonnance. C'est une décision qui
relève du médecin et, à l'occasion, du pharmacien. Alors
nous croyons que le frais modérateur à ce niveau-là est
inutile et même dangereux, étant donné que s'il
modère le patient, s'il empêche le patient de prendre la
quantité qui lui a été prescrite, ça peut
évidemment retarder son rétablissement.
Maintenant, le point central que j'aimerais souligner est le suivant:
Dans la loi no 8 de l'assurance-santé, section IV, il y a une commission
prévue, la commission d'appréciation des différends et,
à la section V, il y a un conseil d'arbitrage prévu qui
découle d'ailleurs de cette partie de la loi.
Il n'y a rien de semblable de prévu dans le projet de loi 69 pour
les pharmaciens.
M. CASTONGUAY : Je m'excuse, M. le Président. J'ai lu hier soir,
le mémoire de l'Association des pharmaciens salariés et je
voudrais simplement faire remarquer que dans la Loi de l'assurance-maladie,
telle qu'elle a été approuvée, cette commission
d'appréciation des différends a été enlevée
de la loi. Alors présentement, dans la Loi de l'assurance-maladie, il
n'y a plus de commission d'appréciation des différends.
M. LANDRY: D'accord. C'est amendé par la loi 40 ou 39?
M. CASTONGUAY: Au cours des discussions sur le bill 8 et après
ça, je ne me souviens pas.
M.Cloutier me dit que c'est dans le bill 39. Cette commission-là
a sauté à cause des péripéties de
l'été.
M. LANDRY: Est-ce que je peux poser une question avant de continuer, car
cela peut changer pas mal le...
M. CASTONGUAY: Je m'excuse, je ne voulais pas vous interrompre, je
voulais simplement qu'on n'entame pas une argumentation fondée sur une
donnée qui n'est pas exacte.
M. LANDRY: Je suis d'accord, cela va économiser du temps. Ce que
je voulais dire c'est: Y a-t-il quand même quelque chose de prévu
pour régler les problèmes qui peuvent survenir à la suite
d'ententes entre les corps de professionnels et la régie?
M. CASTONGUAY: Le mécanisme qui a été
établi, dans chacune des ententes, a été
négocié avec les représentants des médecins dans le
cas des médecins, des optométristes dans le cas des
optométristes, et ces mécanismes-là sont établis
par entente.
M. LANDRY: Par entente, et ce n'est pas prévu dans la loi. De
toute façon, pour compléter quand même ce que j'avais
à dire, sans faire de relations avec cette partie-là, c'est qu'il
est prévu dans le projet de loi 69 la formation d'un comité de
pharmacologie. Le comité de pharmacologie a pour fonction, entre autres,
de vérifier la fabrication des médicaments, etc., mais il n'est
pas prévu que cette commission-là puisse vérifier la
qualité de l'acte pharmaceutique comme tel. Il est même
prévu, je crois, dans la loi no 8, que la régie ne peut refuser
le paiement d'un acte pharmaceutique, parce que, pour divers motifs, elle
n'accepterait pas la qualité de l'acte en question. Ils remettent cette
décision-là strictement au bureau de discipline visé
à la loi de pharmacie.
A notre avis, nous croyons que le comité de pharmacologie devrait
avoir des pouvoirs sup-
plémentaires pour vérifier la qualité des actes
pharmaceutiques qui sont posés dans la province de Québec. Et une
des raisons pour lesquelles ce serait un avantage d'ailleurs on donne
plusieurs critères dans le mémoire que vous avez en main
c'est que, lorsque le pharmacien pose un acte pharmaceutique, plusieurs choses
doivent être faites. Ce matin, on a discuté de cette
question-là. On a dit que, s'il y avait des contenants tout
préparés d'avance, le médecin prescrirait par nom de
commerce. A ce moment-là, le pharmacien n'aurait aucune décision
à prendre, et le travail pourrait être fait par un commis.
Nous croyons qu'il y a toute une série de gestes à poser
par le pharmacien à ce niveau. Premièrement, il doit
vérifier l'identité du patient pour éviter un accident
comme celui qui a été rapporté ce matin, où une
prescription d'une personne servait à une autre personne.
Il doit vérifier le dosage, la posologie, une foule de choses,
mais aussi vérifier les possibilités de contre-action avec
d'autres médicaments qui sont déjà pris, grâce au
dossier-patient qui est encore à établir et aussi tous les
renseignements qu'il y aurait lieu de donner aux patients sur la façon
de prendre un médicament qui n'est pas nécessairement
écrite sur l'étiquette, sur les précautions à
prendre, sur les effets secondaires qui peuvent se produire. Quelques-uns de
ces effets secondaires sont anodins, et il est bon d'en avertir le patient pour
ne pas l'inquiéter; si d'autres effets secondaires sont dangereux, il
faut prévenir le patient que si cela se produit, il faut
immédiatement avertir le pharmacien. Le pharmacien verra, s'il y a lieu
aussi, à avertir le médecin.
Je crois que c'est là une série de gestes à poser
et qui doivent faire l'objet d'un contrôle, d'une vérification. Je
crois que si ces gestes-là ne sont pas posés, l'acte
pharmaceutique n'est pas complet et même n'existe pas. A ce
moment-là, la régie serait autorisée à ne pas payer
cet acte-là. Evidemment, ce genre d'acte ne peut être posé,
ce genre de renseignement ne peut être donné que par un pharmacien
qui a fait les études voulues.
Je crois que cela résume à peu près ce que l'on
voulait dire sur le sujet, excepté qu'à ce moment-là, si
la commission de pharmacologie a des pouvoirs plus étendus pour
vérifier ces gestes, il y aurait peut-être lieu d'en changer un
peu la composition pour y inclure non seulement des pharmacologues qui ont une
connaissance théorique du médicament, mais des pharmaciens
d'officine ou pharmaciens d'hôpital qui connaissent la partie pratique de
la pharmacie, de l'acte pharmaceutique.
Je crois que ce que j'avais à dire est à peu près
complet.
M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me le permettez, j'aurais
simplement un commentaire à faire, non pas que je voudrais m'approprier
toutes les questions ou prendre les premières questions, mais pour bien
situer une des remarques faites par le président de l'association.
Celui-ci recommande que la commission pharmacologique soit habilitée
à exercer un contrôle de la qualité des actes posés
par les pharmaciens. Cette question a été débattue
l'été dernier, lors de l'établissement de
l'assurance-maladie, et au cours de l'automne. Le principe appliqué dans
la Loi de l'assurance-maladie, aussi bien pour les médecins que pour les
dentistes et les optométristes, c'est que ce contrôle doit rester
une des responsabilités des collèges ou des corporations
professionnels, et que si ces organismes n'ont pas les pouvoirs ou ne sont pas
structurés de telle sorte qu'ils puissent exercer efficacement ces
contrôles, la façon de résoudre ce problème serait
d'amender ces lois.
J'ai indiqué, en ce qui a trait, par exemple, à la loi
médicale et à certaines autres lois corporatives, à tout
le moins pour cette session qui s'en vient, que le gouvernement
déposerait des projets de loi à cet effet. Ici, on propose en
fait des modalités différentes de celles qui ont
été retenues en ce qui a trait aux autres groupements
professionnels. Il est dit d'ailleurs dans le mémoire de l'association,
à la première page, que le bureau de discipline visait la loi de
la pharmacie, beaucoup trop tolérante dans l'appréciation des
actes pharmaceutiques. Cela semble être la base. Je voudrais au moins
rappeler les faits en ce qui a trait à la loi de l'assurance-maladie.
J'aime autant laisser les membres de la commission poser des questions, quitte
à me réserver certaines questions pour la fin.
M. CLOUTIER (Montmagny): Combien y a-t-il de pharmaciens
salariés?
M. LANDRY: Au Québec, les pharmaciens salariés, cela
comprend évidemment les pharmaciens d'officine, les pharmaciens
d'hôpitaux, les pharmaciens de l'industrie et du gouvernement. J'imagine
que vous voulez savoir le nombre de pharmaciens d'officine?
M. CLOUTIER (Montmagny): Les pharmaciens salariés, combien y en
a-t-il?
M. LANDRY: D'après le chiffre qui a été émis
par le collège et qui correspond à nos chiffres, il y a environ
1,000 pharmaciens salariés au Québec.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur un effectif global de 2,000. Où
sont-ils concentrés? Est-ce que c'est surtout dans les hôpitaux
qu'on en retrouve le plus grand nombre?
M. LANDRY: Selon nos renseignements il y a de 500 à 600
pharmaciens salariés à l'officine, c'est-à-dire dans les
pharmacies de quartiers, dans les pharmacies de villes; il y aurait
peut-être 150 ou 200 pharmaciens d'hôpitaux et je
crois qu'il y a à peu près 75 pharmaciens dans
l'industrie. Le reste serait dans les divers ministères et comprendrait
même des pharmaciens qui ne pratiquent pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Landry, je constate que l'effectif des
pharmaciens salariés représente environ 50 p. c. de l'effectif
total professionnel. Evidemment, il est question et il sera davantage question,
à la suite de l'adoption de cette loi, de rémunération
pour les pharmaciens. On a mentionné ce matin que l'un des modes de
rémunération serait à l'acte profes-sionel pour le
pharmacien, quitte à rétribuer ensuite les services et les biens
fournis. Est-ce que votre association, qui est importante au sein de votre
profession, reconnaît ce mode de rémunération à
l'acte professionnel à l'intérieur de la profession de
pharmacien?
M. LANDRY: Nous le revendiquons depuis plusieurs années.
M. CLOUTIER (Montmagny): Votre association revendique-t-elle la
rémunération à l'acte professionnel pour les autres
pharmaciens qui ne sont pas actuellement salariés ou si vous voudriez,
vous aussi, dans certains secteurs je ne sais pas si cela s'y
prête à certains endroits où vous êtes
rémunérés à salaire, maintenant, être
rémunérés à l'acte professionnel? Est-ce exact?
M. LANDRY: II faut quand même diviser le problème. Les
pharmaciens d'hôpitaux ont une association qui négocie
continuellement avec l'Association des hôpitaux. Ils sont, je crois,
rémunérés à salaire. Nous ne nous occupons
aucunement de cette partie des négociations et nous n'avons aucune
objection à ce que le pharmacien soit payé à salaire.
Mais, pour changer la formule actuelle qui veut que le pharmacien
propriétaire soit payé selon une formule de profit sur les
médicaments et que pharmacien salarié soit payé sur une
base de salaire versé par son propriétaire, nous revendiquons que
chaque pharmacien, qu'il soit propriétaire ou non, soit payé par
honoraires professionnels.
M. BLANK: Qui va payer le loyer?
M. LANDRY: Ce serait peut-être très long à expliquer
de quelle façon nous voyons la formule. Disons que je vais faire une
comparaison et, après cela, je pourrai répondre aux
questions.
Il y a des cliniques médicales partout au Québec. Chaque
médecin qui travaille dans une clinique médicale travaille pour
son propre compte, reçoit ses propres honoraires, rencontre ses propres
patients. Le propriétaire de la clinique médicale n'est pas
nécessairement un médecin. Il paie tout simplement un loyer pour
la partie qu'il occupe. S'il emploie des matériaux qui appartiennent
à la clinique médicale, le médecin rembourse la clinique
médicale pour ces choses-là.
Nous entrevoyons une pharmacie dans ce genre. On appelle cela,
plutôt, des centres pharmaceutiques. Vous auriez des centres
pharmaceutiques où chaque pharmacien travaille à son propre
compte et n'est pas nécessairement propriétaire des
médicaments qui sont dans le centre. Il est payé pour l'acte
pharmaceutique qu'il pose. Quand il fournit des médicaments,
évidemment il en demande paiement au patient et rembourse la
clinique.
M. BLANK: Mais je ne comprends pas. Le patient paye pour le
médicament le prix coûtant, plus l'acte médical?
M. LANDRY: Oui.
M. BLANK: Si vous, le salarié, êtes payé pour l'acte
médical et que vous payez le prix coûtant au propriétaire,
comment le propriétaire paiera-t-il son loyer? Avec quoi?
M. LANDRY: Nous divisons tout ce paiement en trois: le coût du
médicament, les frais d'administration, les honoraires
pharmaceutiques.
M. BLANK: Cela veut dire que vous serez un associé, maintenant,
du propriétaire? Il n'y a plus de salariés, vous êtes un de
ses associés.
M. LANDRY: Ecoutez, considérez-vous que les médecins sont
propriétaires dans une clinique? Ils travaillent pour leur propre
compte.
M. BLANK: Mais vous entrez dans le commerce d'un autre sans risquer un
sou d'investissement.
M. LANDRY: Nous avons dit tout à l'heure que nous divisions
l'honoraire en trois. Le coût du médicament et les frais
d'administration. Ces deux parties-là, si vous voulez les payer au
propriétaire du centre pharmaceutique ou de la pharmacie, libre à
vous; tout ce que demande le pharmacien, c'est que ses honoraires
professionnels lui soient payés, le reste sera à discuter avec
les pharmaciens-propriétaires, ou ce sera payé au pharmacien qui
est là et il remboursera le propriétaire selon une entente qu'il
prendra avec ce dernier.
M. BLANK: Vous divisez les honoraires comme les chauffeurs de taxi qui
gagnent $0.40 sur chaque $1.
M. LANDRY: Je crois que, de toute façon, ce que la régie
sera obligée de faire quand il y aura des négociations sur les
honoraires, sera d'évaluer d'ailleurs je pense que c'est
déjà
fait ce que représentent les frais d'administration. Je
crois que c'est une chose qui se fera et qui est assez normale. Exactement
comme le médecin qui reçoit ses honoraires, s'il a des frais
d'administration il les paie avec ses honoraires et il rembourse le centre
médical de ce qu'il a reçu comme services.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le système que vous décrivez
actuellement, M. Landry, pourrait-il s'apparenter au système de pool qui
existe pour les médecins à certains endroits?
M. LANDRY: Non. C'est-à-dire qu'il peut y avoir plusieurs
variantes à la formule exacte. Evidemment celle que j'ai en tête
n'est pas un pool. Il y a peut-être des cliniques médicales qui
fonctionnent d'après une formule de pool et d'autres qui ne fonctionnent
pas de la même façon. Je vais donner un autre exemple qui
éclairera peut-être un petit peu. Dans un hôpital, le
médecin n'est pas propriétaire de l'hôpital et pourtant il
reçoit des honoraires quand il y travaille. S'il se sert des outils de
l'hôpital je ne sais pas s'il y a une entente entre
l'hôpital et le médecin pour qu'il soit remboursé
jusqu'à un certain point il est payé directement pour
l'acte qu'il pose.
M. CASTONGUAY: M. le Président, pour-rais-je poser quelques
questions à ce sujet? N'y a-t-il pas là un problème qui,
en fait, doit être réglé entre les pharmaciens
propriétaires d'officine et les pharmaciens salariés? Ou encore,
d'une autre façon, qu'est-ce qui empêche qu'un tel système
soit présentement établi? Vous le soulevez à l'occasion de
l'introduction de ce projet de loi, mais qu'est-ce qui empêche qu'il soit
établi? Enfin, une troisième question, quels seraient les
avantages d'un tel système pour la population?
Je ferai remarquer que les pharmaciens, qui travaillent dans les
hôpitaux, sont payés par l'hôpital, ils ne sont pas
payés à l'acte. Je ne crois pas qu'il soit dit que
présentement ce système-là baisse la qualité des
services des pharmaciens d'hôpitaux. Je crois de même qu'en ce qui
a trait aux médecins qui travaillent à l'intérieur des
hôpitaux, on peut se poser un bon nombre de questions sur la valeur de la
rémunération à l'acte, à tel point que dans les
hôpitaux d'enseignement on retrouve aujourd'hui un bon nombre de
médecins qui, volontairement, se sont joints à ces hôpitaux
et sont rémunérés à salaire.
Alors, je pense bien qu'il y a aussi cette dernière question
à savoir quels seraient les avantages qui en résulteraient pour
les patients ou les bénéficiaires du système.
M. LANDRY: Je vais répondre à la dernière, parce
que cela va peut-être expliquer ce que j'ai à dire en
réponse aux premières questions. Je crois que le problème
dans votre esprit, M. le ministre, c'est que vous pensez que nous demandons des
honoraires à l'acte plutôt que le salaire.
M. CASTONGUAY: Je pense qu'on ne doit pas se prêter d'intention.
Je vous ai posé des questions aussi objectives que possible et je vous
demanderais d'y répondre sans essayer d'imaginer ce qui peut me motiver
à poser ces questions.
M. LANDRY: Alors, disons, de toute façon, que nous n'avons aucune
objection à être payés à salaire plutôt
qu'à l'acte. C'est un premier point établi. Il reste que,
actuellement, vous nous demandez pour quelles raisons nous revendiquons les
honoraires payés aux pharmaciens plutôt qu'aux
propriétaires de pharmacie, à l'occasion d'une loi comme
celle-ci. C'est que, à ce moment-là, comme vous pouvez le
prévoir, l'attitude du gouvernement va sûrement influer sur la
pratique de la pharmacie dans le Québec. Premièrement, notre
attitude va dépendre de l'attitude du gouvernement. Si le gouvernement
décide de payer les actes pharmaceutiques aux propriétaires,
évidemment, nous serons obligés de nous entendre avec les
propriétaires, soit pour adapter la formule de salaire que nous avons
actuellement et l'ajuster, soit pour que le pharmacien nous remette la partie
des honoraires qui nous revient.
Il y a une autre possibilité: soit que le gouvernement paie la
partie des honoraires aux pharmaciens et paie le médicament et la partie
de l'administration aux propriétaires, ou soit qu'il paie les trois aux
pharmaciens salariés.
A notre avis, quelle que soit la formule, nous croyons que la partie des
honoraires doit nous revenir si nous ne sommes pas payés à
l'acte. Si le gouvernement décide, par exemple, d'ouvrir des centres
pharmaceutiques et de nous payer à salaire, nous sommes parfaitement
d'accord. Si le pharmacien propriétaire reçoit toute la partie
des honoraires, le problème qui se pose pour la santé publique,
c'est que attendez, je ne voudrais pas me mêler dans mes affaires
les honoraires devraient être payés à celui qui a
posé l'acte pharmaceutique. Si vous les payez au propriétaire,
cela ne voudra pas dire que celui qui a posé l'acte pharmaceutique est
un pharmacien. C'est pour être assuré que cela se fasse.
M. CASTONGUAY: La loi demande qu'il y ait un pharmacien
continuellement.
M. LANDRY: Oui.
M. CASTONGUAY: Est-ce que le problème va être
réglé?
M. LANDRY: La loi demande que les ordonnances soient remplies par les
pharmaciens et qu'il y ait un pharmacien en permanence dans
la pharmacie, mais nous savons qu'en pratique, c'est une chose qui est
rarement réalisée.
M. CASTONGUAY: Maintenant, il reste une question. Qu'est-ce qui
empêche que ceci se réalise? Il n'en demeure pas moins et je suis
d'accord avec vous, que pour les pharmacies d'hôpitaux, nous pouvons
faire en sorte que les pharmaciens soient payés à salaire, mais
dans le cas des pharmacies qui sont la propriété d'un pharmacien,
à partir du moment où le pharmacien, qui en est le
propriétaire, passe un contrat avec un autre pharmacien pour qu'il
devienne son employé, qu'il soit rémunéré à
salaire, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait intervenir dans un
contrat privé et dire au pharmacien: A l'avenir,
pharmaciens-propriétaires, vous allez rémunérer vos
employés de telle ou telle façon. Il me semble que c'est un
problème qui se pose entre l'Association des pharmaciens salariés
et l'Association des propriétaires de pharmacies d'officine.
Si les pharmaciens salariés n'obtiennent pas des
propriétaires des conditions satisfaisantes, c'est comme dans toute
négociation lorsqu'un problème se pose, il y a des recours, etc.
Mais je ne vois pas que, dans le système de pharmacie privée,
propriété de pharmacien, l'on puisse intervenir et imposer des
modalités. Ces modalités, aussi bien au plan des conditions de
travail que des conditions de rémunération, doivent faire l'objet
de négociations. Sur cette question, j'aimerais entendre vos suggestions
parce que, vraiment, je ne crois pas que, par un tel projet de loi, on puisse
toucher à ce genre de problème qui est un problème de
relations de travail, à mon sens.
M. LANDRY: M. le ministre, actuellement, il n'existe pas de tel contrat
entre le pharmacien propriétaire et le pharmacien qui travaille à
son service. Il n'existe pas de tel contrat. Donc, le gouvernement ne briserait
rien en faisant telle chose.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse. Même s'il n'y a pas un contrat
écrit, il y a assurément, dans les faits et je peux le
faire confirmer par un conseiller juridique un contrat de services
à partir du moment où un pharmacien accepte de travailler
à salaire pour un propriétaire. Même s'il n'y a pas de
contrat écrit, il y a un contrat dans les faits.
M. LANDRY: Je vais donner, même s'il y a un contrat tacite, une
différence qu'il peut y avoir entre un contrat de cet ordre-là et
ce qui pourrait se passer dans un autre secteur des activités. C'est que
le pharmacien qui travaille pour un autre pharmacien conserve, à notre
avis, son autonomie et sa pleine responsabilité. De sorte que, si ce
pharmacien fait une erreur, ce n'est pas le pharmacien propriétaire qui
en serait responsable. Je crois que la question des responsabilités est
assez différente. Il y a peut-être lieu de l'étudier
davantage, mais je crois que, si le pharmacien qui travaille pour un autre
pharmacien est apte à recevoir des ordres parce que c'est ce
pharmacien-là qui le paie, il est apte aussi à poser des gestes
qui ne sont peut-être pas conformes à son intégrité
ou aux responsabilités qu'il a à prendre.
M. BRISSON: M. Landry, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y
avait environ 1,000 membres pharmaciens salariés. Est-ce 1,000 membres
ou 1,000 salariés? Est-ce que tous ces salariés sont membres de
votre association?
M. LANDRY: II y a environ 1,000 pharmaciens salariés, ce qui
comprend les pharmaciens d'hôpitaux, de l'industrie, etc. Il y a 500
à 600 pharmaciens salariés d'officine et nous avons de 200
à 250 membres inscrits dans l'association qui existe depuis quatre
ans.
M. BRISSON: Donc, vous parlez au nom de 200 à 250 membres?
M. LANDRY: Environ.
M. LAURIN: M. Landry, pourriez-vous nous dire pourquoi les pharmaciens
d'officine sont tellement nombreux, 500 ou 600?
M. LANDRY: Ce serait une longue histoire à vous raconter.
M. LAURIN: J'aimerais l'entendre.
M. LANDRY: Je vais essayer de résumer, quand même. Il y a
un principe dans la Loi de pharmacie qui a été assez bien
respecté jusqu'à maintenant, c'est que la pharmacie doit
appartenir à un pharmacien. Donc, si vous voulez pratiquer votre
profession, la première chose qui vous vient à l'idée,
c'est d'avoir votre propre pharmacie. Si vous n'avez pas votre propre
pharmacie, il faut que vous trouviez un pharmacien prêt à vous
employer.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la Loi de pharmacie est plus ou
moins bien appliquée au Québec, ce qui fait que souvent le
pharmacien propriétaire a intérêt à engager une
autre personne qu'un pharmacien pour remplir les ordonnances ou même
vendre les médicaments au comptoir. Ce qui fait que le pharmacien,
lorsqu'il sort de l'université, a un choix assez limité, soit
ouvrir sa propre pharmacie ou essayer d'avoir un emploi dans une pharmacie. Il
est parfois obligé, parce qu'il n'a pas d'emploi, d'ouvrir sa propre
pharmacie, ce qui augmente évidemment le nombre de pharmacies à
un point où cela cause la disproportion dont on parlait tout à
l'heure: on a beaucoup de pharmacies au même endroit et très peu
ailleurs.
M. LAURIN: Est-ce que vous êtes au courant que, dans certaines
provinces, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour
remplir des actes pharmaceutiques?
M. LANDRY: Je suis certainement au courant. D'ailleurs, nous sommes au
courant qu'ils sont rares les endroits où cette obligation existe
encore.
M. LAURIN: Est-ce que votre association est contre cette exigence de la
Loi pharmaceutique?
M. LANDRY: Nous ne sommes pas contre, mais nous ne sommes pas
nécessairement pour, en ce sens qu'on n'a pu trouver aucun argument qui
puisse nous prouver que l'exclusivité de la propriété
d'une pharmacie pour un pharmacien avantage ou augmente la qualité de
l'acte pharmaceutique.
M. LAURIN: Est-ce que vous proposez des améliorations ou des
changements à la loi actuelle en ce qui concerne cette exigence?
M. LANDRY: Oui. Nous avons soumis au ministère de M. Castonguay,
aussi au ministère des Affaires...
M. QUENNEVILLE: Des Institutions financières.
M. LANDRY: ... au ministère de M. Tetley, bon, le
ministère des Institutions financières, un projet de
réforme de la Corporation de pharmacie du Québec.
M. LAURIN: Est-ce donc uniquement pour des raisons économiques
qu'il y a tellement de pharmaciens d'officine salariés?
M. LANDRY: C'est pour une raison économique. Le pharmacien
n'avait pas le choix, soit ouvrir une pharmacie ou rester en chômage.
M. LAURIN: Est-ce qu'on peut assimiler le pharmacien d'officine
salarié à un résident en médecine dans les
hôpitaux?
M. LANDRY: C'est difficile à dire. Disons que le pharmacien
salarié est pharmacien au même titre que le pharmacien
propriétaire. Il a le même diplôme: il est bachelier ou
licencié en pharmacie.
M. LAURIN: Est-ce qu'il a les mêmes responsabilités?
M. LANDRY: II a les mêmes responsabilités, sauf les
responsabilités commerciales.
M. LAURIN: Pourriez-vous nous donner une idée du revenu annuel
moyen des pharmaciens d'officine?
M. LANDRY: Disons de $5,000 à $15,000, suit une moyenne de
$10,000 à peu près.
M. LAURIN: Les salariés d'officine.
M. LANDRY: Maintenant, il faut préciser que c'est pour des
semaines d'environ 45 à 50 heures et que cela comprend le dimanche,
souvent le soir, sans aucune assurance ou rente ou pension. C'est une salaire
net.
M. LAURIN: Je crois discerner un grand état d'insatisfaction et
de frustration dans vos commentaires. Est-ce à dire que vous proposeriez
des modifications notables à votre statut?
M. LANDRY: Exactement. Nous en avons proposé dans le
mémoire auquel je fais allusion. Je n'aborde pas cette question ici
parce que je ne pense pas que cela entre en jeu dans le projet de loi 69.
M. LAURIN: Je remarque que dans votre association vous incluez les 200
pharmaciens d'hôpitaux qui ont quand même formé une
association distincte. Est-ce à dire que vous ne les représentez
que nominalement, qu'ils ont des intérêts assez différents
des vôtres et qu'ils ont une action assez différente de la
vôtre?
M. LANDRY: Tout à l'heure, j'ai précisé qu'il y a
environ 1,000 pharmaciens salariés au Québec et qu'il y a de 150
à 200 pharmaciens d'hôpitaux qui sont très bien
structurés et qui négocient continuellement avec l'Association
des hôpitaux. Nous avons dit tout à l'heure que nous n'entrions
aucunement dans ces négociations. En très grande partie nos
membres sont des pharmaciens d'officine, mais nous avons aussi à
l'occasion des pharmaciens d'industrie, des pharmaciens d'hôpitaux, etc.
Nous incluons dans nos cadres tous les pharmaciens qui sont à salaire,
ni plus ni moins.
M. CASTONGUAY: Combien avez-vous de membres?
M. LANDRY: Environ 200 à 250. M. CASTONGUAY: Ah bon!
M. LAURIN: J'aurais une autre question, pour terminer. Elle s'adresse
d'ailleurs autant au ministre qu'à M. Landry.
Dans le cas des ententes qui ont été signées
jusqu'ici avec les professionnels de la santé, nous avions affaire
à des syndicats professionnels constitués depuis un certain
nombre d'années: la Fédération des omnipraticiens, celle
des médecins spécialistes et l'Association des chirurgiens
dentistes. Mais, est-ce qu'il y a, dans le domaine de la pharmacie, des
associations qui, de fait ou légalement, peuvent mériter le titre
de syndicat professionnel avec qui le gouvernement pourrait négocier des
ententes?
M. LANDRY: Est-ce que c'est moi qui réponds ou M. Castonguay?
M. CASTONGUAY: Allez-y donc! Cela donne du temps pour
réfléchir.
M. LANDRY: D'accord. Notre association a une charte syndicale. Pour
obtenir le droit de négociation au nom de tous les pharmaciens
salariés d'officine ou pharmaciens salariés du Québec, il
faudrait avoir la majorité des pharmaciens dans chacune des pharmacies
du Québec. En fin de compte, vous connaissez toute la procédure
à suivre pour qu'un syndicat soit reconnu comme ayant le droit de
négocier au nom de ses membres. Nous avons le droit de négocier
dans les seules pharmacies où nous avons la majorité des
pharmaciens à salaire.
Nous ne pouvons pas nous considérer actuellement comme un
syndicat comme tel qui peut négocier. Nous pourrions l'obtenir avec la
formule que nous proposons, en ce sens qu'à ce moment-là nous
serions des pharmaciens salariés au niveau provincial et, dès que
nous aurions 50.1 p. c. des membres dans nos cadres, nous pourrions
négocier.
M. CASTONGUAY: Vous savez qu'il n'y a pas de mécanisme
d'accréditation dans le .secteur des professionnels,
présentement, pour ceux qui ne sont pas des salariés, par exemple
les médecins, les optométristes. C'est une reconnaissance de
fait; ils peuvent se former, en vertu de la loi des syndicats professionnels,
mais au plan des négociations il n'y a pas de mécanisme
d'accréditation. D'ailleurs, le cadre pour des négociations n'est
pas couvert comme il l'est pour tous les travailleurs qui ont le statut de
salarié. C'est un problème qui existe. C'est un problème
auquel, je l'espère, nous serons en mesure d'essayer d'apporter une
solution par l'introduction éventuelle d'une législation
appropriée, l'établissement d'un cadre pour les
négociations avec les travailleurs non salariés.
Avec les médecins, les optométristes, les chirurgiens
dentistes, nous avons reconnu dans les faits ce qui nous apparaissait
être les associations les plus représentatives, et nous avons
négocié avec elles.
Dans le cas présent qui nous intéresse, tout dépend
de la relation qui va être choisie pour l'établissemment d'un tel
régime. Présentement, si, par exemple, les médicaments
couverts par le régime ne sont distribués que par les pharmacies
d'officine, évidemment nous ne négocierons pas avec les
pharmaciens d'hôpitaux je pense que c'est assez évident.
Si, par contre, c'est uniquement par les pharmacies d'officine, donc, nous
négocierons avec les propriétaires de ces pharmacies, tant et
aussi longtemps que le système d'organisation des pharmacies d'officine
ne sera pas modifié, parce que je reviens au même point
auquel je faisais allusion au début il ne nous est pas possible
de nous introduire par un tel régime dans les relations normales de
travail entre un employeur et son employé. Alors, nous
négocierons avec l'association la plus représentative des
propriétaires de pharmacies d'officine, tant et aussi longtemps que nous
n'aurons pas modifié l'établissement des pharmacies d'officine.
Présentement, la loi impose un certain nombre de conditions.
M. LAURIN: Ce qui voudrait dire que les réclamations, demandes ou
propositions de l'Association des pharmaciens salariés devront
être réglées par un autre canal, un autre moyen, une autre
loi.
M. CASTONGUAY: A moins qu'une partie du problème ne
m'échappe présentement, dans le cadre spécifique de la loi
que nous avons ici, je crois que vous avez raison.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: Tout à l'heure, pour nous prouver le statut
professionnel à part entière du pharmacien salarié, vous
nous avez dit que le pharmacien salarié était entièrement
responsable de ses actes.
A plusieurs reprises, vous nous avez donné comme point de
comparaison le médecin qui pratique à l'intérieur d'un
hôpital. Je serais désireux de savoir, à ce
moment-là, s'il ne s'agit pas d'une responsabilité conjointe
entre le pharmacien propriétaire et le pharmacien salarié, comme
cela existe à l'intérieur d'un hôpital. L'hôpital est
conjointement responsable des actes posés par le médecin qui y
pratique. Est-ce que ce n'est pas la même chose dans une pharmacie?
M. LANDRY: Ecoutez, il n'y a peut-être pas de jurisprudence
là-dessus. Je ne voudrais pas donner d'avis juridique. Je voudrais
préciser quelques cas d'exception qui sont quand même assez
répandus où, malgré la Loi de pharmacie, il existe des
propriétaires de pharmacies qui ne sont pas pharmaciens, par exemple,
des successions de pharmaciens. Vous avez des successions de pharmaciens, que
ce soient des veuves ou d'autres qui sont propriétaires de pharmacie et
qui ne partagent sûrement pas la responsabilité avec le
pharmacien. C'est tellement vrai que, dans la Loi de pharmacie, il est
prévu que le gérant de la pharmacie, dans ces
occasions-là, est strictement responsable de tout ce qui se passe au
point de vue professionnel.
M. QUENNEVILLE: Est-ce que le gérant est responsable, à ce
moment-là, des actes du pharmacien salarié?
M. LANDRY: Le gérant est responsable de ses propres actes. Mais,
supposons que, dans la même pharmacie, à la même heure, il y
ait deux pharmaciens. Si l'ordonnance en question a été
préparée par les deux pharmaciens en même temps, en
s'aidant l'un l'autre, je serais bien embêté de dire qui est
responsable. Si le pharmacien est seul dans une pharmacie et qu 'il n'en est
pas le propriétaire, je sais très bien que, s'il y a une
irrégularité, il en sera responsable en premier lieu.
M. QUENNEVILLE: Je comprends qu'il soit assez exceptionnel que des
veuves soient propriétaires. J'imagine aussi que ce doit être
aussi exceptionnel que le pharmacien propriétaire prépare la
même ordonnance en même temps que son pharmacien
salarié.
M. LANDRY: J'ai expliqué, tout à l'heure, qu'un acte
pharmaceutique comme celui d'exécuter une ordonnance comportait
plusieurs gestes: vérifications, contrôle, dossier-patient,
explication au patient et appel au médecin. Alors, on peut très
bien comprendre que deux pharmaciens qui travaillent ensemble se partagent la
même besogne s'il se présente un problème.
Je ne pense pas que la question de savoir si, dans un tel cas, l'un est
plus responsable que l'autre soit vraiment importante. Je crois que si un
pharmacien est seul dans la pharmacie, qu'il soit propriétaire ou non,
il est responsable en premier lieu. Nous savons qu'au bureau de discipline du
collège il y a eu des condamnations dans des cas semblables. Nous
trouvons absolument normal que le pharmacien à plein droit soit
responsable de ses actes. Autrement, le propriétaire n'aurait aucun
avantage à engager un pharmacien.
M. QUENNEVILLE: C'est que vous avez donné cela comme preuve tout
à l'heure. Vous disiez que le pharmacien salarié était
responsable à part entière alors que, dans le fond, je pense bien
qu'il ne faut pas se raconter d'histoires. Le pharmacien propriétaire,
à mon avis, a toujours été conjointement responsable des
actes posés par son employé.
M. LANDRY: II faudrait faire vérifier cela par un juge.
M. QUENNEVILLE: Vous n'avez pas un conseiller juridique avec vous?
M. LE PRESIDENT: M. Landry, si vous me le permettez, je crois que le
procureur du Collège des pharmaciens a quelque chose à dire.
M. DUMESNIL: Si on me le permet, M. le Président, je peux
régler l'affaire assez rapidement. Premièrement, le pharmacien
comme tout autre citoyen est soumis au code civil. Or, l'article 1054, dernier
paragraphe, dit que le patron est absolument responsable des actes de son
employé. Cela règle le cas. Deuxièmement, on vous a
cité le cas des successions. Il y a une cinquantaine de successions dans
la province de
Québec. Cela est une loi spéciale. La succession peut
continuer, depuis 1964, pendant dix ans à la condition que ce soit sous
la surveillance personnelle d'un licencié en pharmacie. La succession ne
peut pas continuer d'elle-même sans pharmacien. Deuxièmement, la
personne qui est inscrite, l'exécuteur testamentaire ou le fiduciaire,
peu importe, est soumise à la Loi de pharmacie comme tout autre
pharmacien. J'espère que cela clarifie la question de la
responsabilité.
M. CASTONGUAY: Je voudrais poser une dernière question, M. le
Président. M. Landry a dit que des frais modérateurs pouvaient
être inutiles et dangereux. Lorsque j'ai brièvement fait quelques
commentaires ce matin, j'ai dit qu'évidemment on pouvait voir des
avantages à ce qu'on élimine de tels frais modérateurs,
mais aussi qu'il pouvait y avoir certains avantages à ce qu'ils soient
prévus et que c'était difficile de prouver le bien-fondé
d'une position ou de l'autre d'une façon scientifique, disons, ou assez
rigoureusement.
Un exemple m'apparaît assez important. Des
phénomènes se sont produits en Angleterre où, selon les
changements de gouvernements, on a ajouté ou on a retranché des
frais modérateurs, et la consommation a varié sensiblement. L'on
sait, d'autre part, qu'il y a un problème d'accès aux
médicaments pour une partie de la population, et aussi un
problème d'abus de consommation et d'utilisation de médicaments.
On sait aussi, et c'est le témoignage de plusieurs médecins, que
même si, en théorie, c'est lui qui, uniquement, prescrit, bien
souvent le patient insiste tellement, que finalement il est obligé de
lui prescrire un médicament. Il y a une pression de toute façon
qui s'exerce sur le médecin. Même si, en théorie, le
médecin est tout à fait libre de dire qu'il prescrit ou non, en
pratique il y a des pressions qui s'exercent. Et même le patient,
psychologiquement bien souvent, se sent mal soigné si on ne lui a pas
donné une ordonnance. Il y a toute une série de
phénomènes, je pense, ou de réactions qui jouent.
J'aimerais demander à M. Landry sur quoi il base son affirmation. Est-ce
que c'est uniquement une opinion ou si c'est à partir d'études,
d'expériences de tel régime qu'il fait une telle affirmation
à l'effet que ce serait inutile et dangereux?
M. LANDRY : Je crois que là-dessus on peut tout simplement parler
de bon sens. M. le ministre a dit que, dans certains endroits où il y a
eu des frais modérateurs, cela avait réduit la consommation des
médicaments. Nous pouvons supposer que ce qui s'est passé
à ce moment-là, c'est que des patients qui avaient une ordonnance
ont évité de la faire remplir parce que seulement les frais
modérateurs l'en empêchaient de la faire prescrire ou du moins les
modéraient suffisamment pour ne pas la faire remplir.
Vous avez dit que certains patients faisaient pression sur le
médecin pour faire renouveler leur ordonnance, mais à ce
moment-là s'il y a des frais modérateurs à mettre, cela
serait peut-être chez le médecin ou chez le pharmacien qui serait
porté à renouveler l'ordonnance, sans nécessité. Le
patient, lui, il faut quand même l'admettre, est le captif du
médecin et du pharmacien. Je crois que ce n'est pas lui qu'il faut
modérer, c'est soit la personne qui prescrit ou la personne qui remplit
l'ordonnance.
M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président. M.
Landry, est-ce que j'interprète bien les sentiments de votre association
en disant que vous avez l'impression que le groupe de pharmaciens
salariés d'officine constitue un réservoir de pharmaciens qui se
croient sous-utilisés, mal utilisés qualitativement et
géogra-phiquement.
M. LANDRY : Les pharmaciens salariés sont sûrement
sous-utilisés, et j'ajoute que même les pharmaciens
propriétaires sont sous-utilisés parce que leur qualité de
propriétaires les oblige à s'occuper de toute la partie
administrative de leur commerce, et le temps qu'ils consacrent à cela
les empêche d'exercer leur profession comme telle. Je crois que, pour
revenir à ce que je disais tout à l'heure, tous les pharmaciens
du Québec sont mal utilisés présentement.
M. LAURIN: Et géographiquement?
M. LANDRY: Géographiquement, sûrement.
M. LAURIN: Est-ce à dire que beaucoup de pharmaciens appartenant
à votre groupe n'auraient aucune objection à aller pratiquer dans
les centres autres que les grands centres métropolitains si les
conditions du réseau de distribution des soins, tel qu'établi par
le gouvernement, était différentes?
M. LANDRY: Exactement.
M. BRISSON : Quand vous avez présenté votre
mémoire, vous avez mentionné: conditions de la part du patient,
avoir le choix d'une seule pharmacie; et dans les changements, pour qu'il ait
le droit de changer de pharmacie, vous ne donnez pas comme raison le prix
payé. Pourquoi?
M. LANDRY: Non, écoutez, en acceptant la proposition que la
régie a l'intention de faire, que ce soit le prix coûtant plus les
honoraires, le prix sera le même partout. Je pense bien qu'il faut quand
même s'entendre là-dessus. Alors la question de prix ne pourra pas
compter vraiment, mais...
M. BRISSON : Ce qui veut dire que le prix coûtant, à un
pharmacien, est le même partout, c'est-à-dire que l'industriel
vend au même prix. Parfois, si on achète en grosse
quantité, cela coûte moins cher.
M. LANDRY: Exactement, mais là je ne sais pas du tout quel
critère la régie va utiliser pour définir le prix
coûtant. J'imagine que ce sera déterminé par
négociations, mais je crois que, si le médicament est
calculé au prix coûtant, les différences d'une pharmacie
à l'autre seront assez faibles.
Les honoraires seront les mêmes. Ce qui fait la différence
actuellement, c'est la notion de profit qui fait qu'un médicament qui
coûte $6 se détaille de $10 à $12, ce qui fait une marge de
$4 à $6. Pour un médicament qui coûte $1, la marge est
d'à peu près $0.50 ou $0.75. Voyez-vous, les différence
d'honoraires de $0.75 à $4, c'est très grand. Si on part du prix
coûtant et si on enlève la notion de profit, les variations seront
très faibles.
M. BRISSON: Pourquoi le choix d'une seule pharmacie? Vous enlevez ainsi
la concurrence ou vous garantissez à un pharmacien ses clients.
M. LANDRY: Premièrement, nous prévoyons qu'un patient qui
a adopté telle pharmacie et qui, pour une raison ou pour une autre,
décide de changer de pharmacie n'a qu'à faire une demande
à la régie. A ce moment, la régie devrait l'accorder
presque automatiquement, à moins d'avoir des raisons de ne pas le faire.
Mais si on fait cela, c'est justement une modération qu'on voudrait
poser. Si on attache un patient à une pharmacie, c'est pour permettre au
pharmacien de mieux suivre la médication que ce patient reçoit.
Il peut en recevoir de plusieurs médecins et, comme on l'a
expliqué ce matin, les médications peuvent être
contradictoires. C'est la seule façon dont le pharmacien peut arriver
à exercer un certain contrôle sur le médicament
vis-à-vis de ce patient.
Mais il y a une autre possibilité. C'est qu'on parle de
dossier-patient. Jusqu'à maintenant, on parle du dossier-patient
pharmacie par pharmacie. Mais si on avait un dossier-patient avec une
centralisation provinciale à laquelle tous les pharmaciens pourraient
avoir accès très facilement, par téléphone par
exemple, peut-être que cette condition ne serait pas aussi
importante.
M. BRISSON: Mais quand un patient change de médecin, son dossier
le suit.
M. LANDRY: Oui.
M. BRISSON: Le nouveau médecin peut demander le dossier à
l'ancien médecin.
M. LANDRY: Ce serait excellent.
M. BRISSON: II le fait suivre. Je dis cela parce que...
M. LANDRY: D'ailleurs, je crois que c'est prévu dans nos notes. A
ce moment, quand le patient a demandé à la régie de
changer de pharmacie, le pharmacien est obligé de remettre le dossier au
patient.
M. BRISSON: II y a une partie de la population qui a du mal à
s'exprimer et même qui ne sait pas écrire. A ce moment-là,
être obligé d'écrire, c'est une objection.
M. LANDRY: Oui, d'accord. En fait, la meilleure correction à
cela, c'est un fichier-patient, mais provincial. Il ne sera peut-être pas
fait demain matin.
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'il serait beaucoup
plus simple que chaque patient qui désire avoir un tel dossier en ait un
et qu'il l'utilise...
M. LANDRY: Qu'il se promène d'une pharmacie à l'autre.
M. CASTONGUAY: ... au lieu d'avoir une régie ou encore un
sytème d'allocation des patients par pharmacie? Tout comme il a
été souvent question d'un carnet de santé.
M. LANDRY: Oui. Quitte à ce qu'il ne perde pas son carnet.
M. CASTONGUAY: Non, non. Cela, on peut...
M. LANDRY: II y a une possibilité. Mais quand nous avons
prévu cette chose, c'était pour mettre en évidence le fait
qu'un patient qui va chez cinq pharmaciens différents non seulement peut
faire remplir des ordonnances qui sont contradictoires, mais peut aussi se
servir de cela pour mêler complètement le dossier-patient qu'on
veut établir.
Il y a des gens qui font de l'automédication, personnellement, en
sachant très bien ce qu'ils font, soit qu'ils ont une accoutumance ou
qu'ils ont une certaine toxicomanie. Il faut éviter cette chose.
C'était une façon de l'éviter.
M. QUENNEVILLE: M. Landry, ce matin, on nous a dit que cette formule de
dossier-médicament existait depuis deux ans. Vous pourriez
peut-être nous dire les inconvénients que cela a
créés depuis deux ans, puisque cela existe
déjà.
M. LANDRY: Je sais que cela existe depuis deux ans. Ceux qui le font par
initiative personnelle établissent le dossier-patient des personnes qui
vont chez eux. L'inconvénient, c'est que cela représente du
travail supplémentaire.
M. QUENNEVILLE: J'entends pour le patient, pas pour le pharmacien.
M. LANDRY: Je ne vois pas l'inconvénient pour le patient, au
contraire.
M. QUENNEVILLE: Cela dépend. S'il change de place. S'il va rester
à Baie-Comeau, par exemple, et que son dossier est à
Joliette.
M. LANDRY: Exactement. Actuellement, cela cause des
problèmes.
M. QUENNEVILLE: C'est ce que je veux savoir.
M. LANDRY: Si le même patient va à cinq pharmacies
différentes, le dossier, en fait, n'a pratiquement pas de valeur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse
au ministre. Il a parlé tantôt des frais modérateurs. Je
comprends que ces frais seront déterminiés dans une étape
subséquente à la réglementation, mais est-ce que le
ministre peut nous dire déjà de quel ordre pourraient être
ces frais modérateurs? Est-ce qu'ils s'appliqueront à chaque
patient indistinctement, à chacune des ordonnances indistinctement ou
s'il peut y avoir des exceptions pour des renouvellements d'ordonnances?
Est-ce qu'il peut y avoir des exceptions pour des maladies qui exigent
des médicaments de façon continue, comme le diabète ou les
maladies du coeur? Le ministre pourrait-il déjà
peut-être me répondra-t-il que la question est
prématurée nous donner des renseignements pour
éclairer ceux qui sont venus devant la commission ainsi que les membres
de la commission?
M. CASTONGUAY: D'abord, je pense que nous devons penser, pour
répondre à la question, dans quel contexte ces frais
modérateurs s'appliqueraient. Jusqu'à maintenant il semble bien
qu'il y ait un accord assez général sur le fait que du
moins, c'est ma perception les formats pharmaceutiques pourraient
être utilisés, c'est-à-dire que pour un type de
prescription, il y a une quantité prédéterminée de
telle sorte que les ordonnances ne sont pas répétées, de
façon générale, inutilement parce qu'on prescrit de trop
petites quantités, etc.
Alors, à partir de ce moment-là, nous pouvons imaginer que
dans certains cas d'exception, où il y avait besoin de
répétitions assez fréquentes, à cause de la nature
du médicament, on peut faire certaines exceptions, comme vous le
suggérez, tout en prenant soin de ne pas trop compliquer le
système; une fois cela passé, il me semble que ça devrait
être des frais pas tellement élevés, peut-être de
l'ordre de $0.50 par ordonnance.
Maintenant, il n'y a rien d'arrêté sur ça au
contraire. C'est simplement une question de réalisme qui me fait
suggérer un montant comme celui-là. Je crois d'ailleurs que c'est
le même type de montant qui était retenu par la Mutuelle des
services de santé du Québec dans le plan qu'elle a établi
pour couvrir les médicaments.
M. LE PRESIDENT: Alors, ce n'est pas une question à poser...
M. CASTONGUAY:: J'aurais peut-être une clarification sur le cas de
la responsabilité pour bien voir si tout le monde s'entend bien. Parce
qu'à un moment donné il y a eu discussion, le procureur du
collège a fait une rectification et les conseillers juridiques du
ministère me disent qu'il faut distinguer deux types de
responsabilité. Il y a la responsabilité civile qui est
assumée par le propriétaire et il y a aussi la
responsabilité professionnelle ou déontologique, et
celle-là demeure celle du pharmacien salarié. Alors, M. Landry,
lorsqu'il disait qu'il avait une responsabilité, il pouvait avoir
raison, parce qu'il parlait de la responsabilité professionnelle et le
procureur du collège aurait raison aussi lorsqu'il disait que
c'était la responsabilité du propriétaire, s'il parlait
évidemment de la responsabilité civile.
Je ne sais pas s'il y a accord sur ce point-là, mais c'est ce que
me disent les conseillers juridiques du ministère,
M. LANDRY: Tout à l'heure, je n'ai pas voulu prolonger la
discussion, d'autant plus que Me Dumesnil est sûrement plus
compétent que moi là-dessus. Mais, j'étais quand
même surpris de sa réponse étant donné que justement
au point de vue professionnel, nous avions été mis au courant par
le collège du fait qu'il y avait des pharmaciens gérants et des
pharmaciens salariés qui avaient été condamnés par
le bureau de discipline, bien logiquement, parce qu'ils avaient posé des
actes illégaux ou ils avaient laissé poser des actes
illégaux parfois même, en leur absence. Nous connaissons au moins
deux pharmaciens qui, en leur absence à la pharmacie, alors qu'on avait
posé des actes illégaux, ont été condamnés
par le collège. Nous avons conclu que le pharmacien était le
premier responsable, quitte pour lui, justement, pour la partie civile, de
revenir contre le propriétaire.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le procureur du collège a...
M. DUMESNIL: M. le Président, je ne voudrais pas m'étendre
sur la question, mais c'est une question de fait dans chaque cas. Si un acte
professionnel a été accompli conjointement par les deux
pharmaciens, le salarié et le propriétaire, ils sont tous les
deux responsables. Nous ne pouvons pas dire qu'il y a une règle
précise, mais s'il y a solidarité pour commettre un délit,
il y a coresponsabilité ipso facto, qu'il soit professionnel, criminel
ou civil. Voilà pourquoi je ne me suis pas étendu sur cette
question. C'est une question de fait dans chaque cas; nous examinons chaque cas
et s'il y a solidarité, nous poursuivons les deux; s'il n'y a pas
solidarité, nous ne poursuivons que la personne responsable
professionnellement.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Landry de l'exposé de son
mémoire. Je veux inviter maintenant l'Association canadienne des
fabricants en pharmacie.
Est-ce que vous avez un mémoire à distribuer?
Association canadienne des fabricants en
pharmacie
M. TELLIER: Oui, M. le Président. Il a été remis,
ce matin. Et je crois apercevoir quelque chose qui peut lui ressembler, devant
vous. Cela porte une couverture bleue, avec une petite fenêtre.
Il y a des annexes de toutes sortes de couleurs.
M. le Président, je me présente, je suis Claude Tellier,
conseiller juridique de l'Association canadienne des fabricants en pharmacie.
Je suis accompagné, aujourd'hui, de M. Guy Beau-chemin,
vice-président de l'association, de M. Jacques Gauthier, administrateur
et président de la compagnie Upjohn du Canada, et de M. Hubert Martel,
conseiller en administration et chargé de cours à
l'université McGill.
M. LE PRESIDENT: Un instant. Très bien.
M. TELLIER: L'Association canadienne des fabricants en pharmacie a eu
l'occasion de prendre connaissance de ce projet de loi no 69 et, en raison de
l'importance des sujets qui y sont traités, nous nous sommes permis de
vous présenter, un peu à la dernière minute, mais de vous
présenter tout de même, le mémoire qui est devant vous.
A cause des implications médicales, sociales et
économiques que peuvent soulever ces dispositions, nous voudrions
d'abord nous présenter et présenter, dans les grandes lignes,
l'importance économique de cette réalité des fabricants de
produits pharmaceutiques.
Il est bon de mentionner que notre association compte 58 fabricants,
dont 32 ont des établissements dans la province de Québec. Sa
fondation remonte à 1914. Nous représentons des membres dans le
domaine des médicaments qui ne peuvent être vendus que par des
pharmaciens et dont la publicité est restreinte par la
réglementation fédérale, si bien que ces compagnies ne
sont pas tellement connues du grand public.
Il est bon de mentionner, cependant, que sur un investissement de $145
millions au Canada,
vous en avez $98 millions dans la province de Québec. Sur une
production nationale globale annuelle de $304 millions, $207 millions sont
produits ici au Québec.
Il est bon de noter, également, que 26 p.c. seulement de la
production québécoise sont consommés sur place et que le
reste est exporté soit dans les autres provinces canadiennes ou sur le
marché international.
Cette industrie, dans Québec, emploie 4,342 personnes dont 25
p.c. sont diplômés d'universités. Dans les 75 p.c. qui
restent, un grand nombre sont des techniciens diplômés de nos
CEGEP et, autrefois, de nos instituts techniques, etc.
Nous voulons également vous mentionner que l'industrie
dépense, dans le Québec, une somme de $ 10 millions par
année en recherche répartis comme suit: $8 millions en frais de
laboratoire de recherche et de développement, $1.5 million en frais de
recherche en clinique et $ 500,000 en bourses de recherche.
Nous pourrions développer cet aspect très important mais,
pour abréger, nous avons, en annexe, un certain nombre d'appendices qui
vous donnent le nom de nos représentants, de nos membres, des
statistiques économiques et des articles que nous considérons
valables sur bon nombre de problèmes que, par exemple, M. le ministre de
la Santé a soulignés ce matin à propos des substitutions
et des dénominations génériques.
Nous voudrions également vous signaler que, dans ce domaine, il y
a malheureusement deux catégories d'industries. Il y a ce que nous
appelons la véritable industrie et l'industrie marginale.
L'industrie véritable offre au public les avantages et les
services suivants: c'est cette industrie qui assume la recherche pure, la
recherche et l'élaboration de nouveaux médicaments, la recherche
clinique dans différents centres hospitaliers, les
expérimentations animales et humaines, les démarches
auprès du Département des aliments et drogues du gouvernement
fédéral en vue de faire reconnaître l'efficacité et
l'innocuité des nouveaux médicaments. Cette industrie
dépense des sommes considérables pour faire connaître le
nouveau médicament auprès des centres médicaux et
hospitaliers. Cette industrie maintient un service de consultation pour le
bénéfice des médecins et de leurs patients pour les cas
où des difficultés surgiraient en cours de traitement. De
façon générale, elle fait l'éducation du public
quant à l'utilisation de ces médicaments et observe des normes de
qualité très élevées. Cette industrie
véritable doit donc assumer des coûts extrêmement
élevés et n'est protégée, au point de vue des
brevets d'invention, que par une législation très mitigée,
ce qui laisse alors le champ libre à une industrie que l'on appellera
marginale pour plagier les efforts déployés par l'industrie
véritable et mettre sur le marché des produits pour lesquels elle
n'a pas eu à investir de fortes sommes.
Cette industrie marginale présente donc l'image inverse de ce que
nous venons de vous représenter, c'est-à-dire qu'elle n'a pas
à assumer des frais de recherche préalable, à faire
reconnaître le niveau d'activité physiologique de ses produits par
les autorités fédérales, s'adresse à un
marché qui connaît déjà cette substance, ne
présente pas toujours les mêmes standards, etc.
En d'autres termes, cette industrie marginale livre à la
véritable industrie une concurrence qui, évidemment, lui fait
assumer des frais additionnels.
Enfin, soulignons que, malgré ces handicaps sérieux, la
véritable industrie réussit malgré tout à offrir au
public des médicaments à des prix qui concurrencent, dans la
plupart des cas, les produits offerts par l'industrie marginale, et ce, avec
l'avantage marqué d'offrir des produits de très haute
qualité, accompagnés de nombreux services qui ne sont pas offerts
par l'industrie marginale.
Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais passer
et je me réfère aux pages 9 et suivantes de notre mémoire
à nos commentaires sur le bill 69 lui-même. Nous devrons,
si vous voulez, tenir compte de ces commentaires dans ce que nous avons
à vous formuler.
Notre premier commentaire concerne l'article 27 a) du bill 69, qui
prévoit la formation de la commission de pharmacologie, et l'article 27
b) qui en prévoit la composition. Cette commission serait
composée d'un membre président nommé par le
lieutenant-gouverneur et de quatre membres nommés après
consultation du Collège des pharmaciens de la province de Québec
et du Collège des médecins.
Nous sommes tout à fait d'accord pour que ces organismes soient
consultés. Nous croyons, par ailleurs, que l'industrie qui assure la
fabrication du médicament pourrait apporter une contribution
extrêmement précieuse et valable dans l'élaboration des
politiques de cette commission. On a parlé souvent, depuis le
début de vos délibérations, du problème de
l'empaquetage thérapeutique. C'est une question qui sûrement sera
étudiée davantage. Nous croyons qu'il n'est pas inutile et qu'il
est même indispensable qu'un représentant de l'industrie, qui a
une connaissance technique des problèmes de la fabrication et de
l'automatisation, puisse participer à l'élaboration de ces
politiques, qu'il puisse rendre cette commission consciente des
problèmes, des difficultés et aussi des possibilités.
C'est pourquoi, face à cette situation, nous croyons que le bill 69
pourrait être modifié soit en ajoutant au Collège des
pharmaciens et au Collège des médecins un troisième
organisme consultatif qui serait l'industrie manufacturière ou encore en
ajoutant un sixième membre qui serait désigné après
consultation avec les milieux manufacturiers.
M. VEZINA: Pour qu'ils soient dans le contexte.
M. TELLIER: Si possible. Dans le décor.
Notre deuxième commentaire je suis à la page 12 de
notre mémoire traite de l'article 27 d); c'est un corollaire de ce
que nous venons de dire. Si l'on doit reconnaître comme bien
fondée notre suggestion qu'un représentant de l'industrie doive y
participer, je ne crois pas que l'on doive faire grief à un
représentant de l'industrie d'être membre de la commission.
L'article 27 d) j'aurais dû vous le mentionner
prévoit qu' "aucun membre de la commission ne peut, sous peine de
déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou
indirect dans une entreprise".
Or, nous soumettons que, si nous reconnaissons le droit de cité
à un membre de l'industrie, il ne faudrait tout de même pas le lui
reprocher. Nous ignorions si la charge de membre de la commission était
une fonction à plein temps ou à temps partiel. Si c'est une
charge à plein temps, il faudrait peut-être dire que le fait
d'être en congé sans solde d'une industrie ne constitue pas un
empêchement en vertu de l'article 27 d).
M. LE PRESIDENT: Un instant.
M. CASTONGUAY: Si vous me le permettez, juste un renseignement. La
raison de cet article, c'est pour que les membres ne soient pas en conflit
d'intérêts.
M. TELLIER : Je le comprends bien, mais si l'intérêt est
déclaré et si cette personne est nommée après
consultation auprès de l'industrie, j'imagine que l'industrie ne
déléguera pas une personne qui serait malhonnête ou qui
favoriserait, si vous le voulez, des choses inadmissibles.
M. BRISSON: Si elle a des parts dans la compagnie?
M. TELLIER : Bien, je ne pense pas. Nous allons revenir plus tard, si
vous le voulez, sur le rôle de la commission. Entre autres choses, le
rôle de la commission va être surtout au niveau des substances
génériques. Il va y avoir aussi une question de marque de
commerce, mais avec les recommandations que vous allez nous faire vous allez
voir que l'incidence est beaucoup moins forte.
C'est pour cela que nous vous suggérons, selon les circonstances,
d'atténuer les rigueurs de cet article 27 d) de façon qu'un
membre de l'industrie puisse sans gêne participer à cette
commission de pharmacologie.
M. VEZINA: M. le Président, si vous me le permettez, il y a tout
de même une différence entre désirer être
consulté pour la nomination de quelqu'un et demander que cette personne
fasse partie de tel groupe.
M. TELLIER: Absolument.
M. VEZINA: Alors, on peut acquiescer à votre première
demande, sans modifier l'article 27 d).
M. TELLIER: Sans doute, mais, d'un autre côté, je pense
qu'il ne faut pas non plus anticiper. On peut très bien imaginer deux
choses, soit qu'on délègue quelqu'un qui est tout à fait
étrange à l'industrie, mais que l'on considère apte
à nous remplacer ou qu'on y aille directement en disant: Nous allons
prendre un expert en production, qu'il vienne de l'une ou de l'autre des
compagnies intéressées.
Nous vous soumettons le problème; nous n'avons pas à le
résoudre.
M. LE PRESIDENT: Continuez, M. Tellier.
M. TELLIER: Ensuite, il y a l'article 27 h) qui se lit comme suit
le texte est à la page 13 du mémoire: "Les fonctions de la
commission sont de faire des enquêtes et de poursuivre des recherches sur
les médicaments, les substances médicamenteuses ou
préparations pharmaceutiques, ainsi que sur leur fabrication et leur
coût." Deuxième paragraphe: "Aux fins de ces enquêtes et
recherches, chacun des membres de la commission est investi des pouvoirs et
immunités conférés à un commissaire en vertu des
articles 7, 9 à 12, 16 et 17 de la Loi des commissions
d'enquêtes."
Nous reconnaissons le but louable poursuivi par cet article. Nous
soumettons cependant qu'à plusieurs points de vue il ouvre la porte
à certaines difficultés.
D'un premier point de vue, nous croyons que cet article est susceptible
de créer une doublure des responsabilités déjà
assumées par le directorat fédéral des aliments et
drogues. En faisant pareille affirmation, notre propos n'est pas d'entrer dans
un débat constitutionnel, mais nous voulons attaquer simplement le
problème sous un angle pragmatique. Une situation de fait existe au
Canada, et c'est l'autorité et l'activité de ce directorat qui,
jusqu'à présent, a réglementé la
disponibilité des produits pharmaceutiques. Or, si cette commission de
pharmacologie se mettait à avoir des règles particulières
différentes de l'autorité fédérale, il s'ensuivrait
que l'industrie manufacturière serait alors aux prises avec des
dispositions de réglementaition différentes et parfois même
inconciliables, si bien qu'il ne peut en résulter qu'une inflation des
coûts et peut-être même des répercussions
économiques qui pourraient se traduire en des départs ou des
déménagements d'industries en dehors du territoire
québécois. Quant au surplus, nous aurons en regard de l'article
27 k) d'autres commentaires à faire.
Cet article 27 h) confère également des pouvoirs
d'enquête extrêmement étendus aux membres de la commission,
et nous croyons que ces pouvoirs peuvent donner lieu à des abus
extrêmement sérieux. Nous vous avons exposé dans notre
introduction la concurrence extrêmement serrée que les
manufacturiers doivent se livrer dans leurs opérations quotidiennes. Or,
si les commissaires peuvent de plein droit avoir accès aux
méthodes de production, aux travaux de recherche ou aux coûts de
production des différentes industries, il peut arriver que la commission
serve, volontairement ou non, à des fins d'espionnage industriel qui
pourrait causer des préjudices irréparables. Ici encore nous
croyons que ces pouvoirs d'enquête doivent exister, mais de la
façon dont nous reparlerons à l'article 27 k).
Nous arrivons à cet article 27 k) qui, vu sous notre angle,
constitue l'article principal de cette législation proposée et
nous en avons le texte à la page 17. On y dit: "Le ministre des Affaires
sociales dresse périodiquement une liste de médicaments dont la
régie assume le coût en vertu de l'article 3. Cette liste indique
les dénominations communes, les marques de commerce, etc." Ici encore,
nous sommes d'accord avec les buts poursuivis par les rédacteurs de ce
projet qui, manifestement, ont voulu chercher là une solution dans la
diminution des coûts et dans l'élimination de médicaments
de qualité secondaire. Cependant, nous soumettons respectueusement que
le procédé recommandé risque de ne pas atteindre les buts
proposés.
En effet, le principe général énoncé par ce
projet de loi est que seuls les médicaments qui auront été
recommandés par la commission de pharmacologie au ministre seront
inscrits sur la liste. Or, à notre humble avis, le mécanisme
proposé n'est pas apte à permettre la réalisation des
objectifs à atteindre. Bien au contraire, il donne ouverture à
des abus possibles et à des injustices.
En effet, il nous semble qu'une commission de pharmacologie, même
composée des plus grandes compétences, éprouvera de
très sérieuses difficultés à insérer sur une
pareille liste tous les médicaments qui présentent des garanties
de qualité à des coûts raisonnables. Il nous semble
impossible que cette commission puisse, sans commettre d'oublis ou d'erreurs,
présenter une liste complète et valable.
Par conséquent, il nous apparaît que le fabricant d'un
produit pharmaceutique n'a aucun droit de voir son produit inscrit sur la liste
dont il est question dans le bill.
Au contraire, sur le plan strictement juridique, le fabricant n'a qu'un
privilège de voir son produit inscrit sur la liste. Il nous semble donc
que le premier principe devrait être l'inverse et que le fabricant,
moyennant certaines conditions à être clairement
précisées, devrait avoir le droit de voir son produit inscrit sur
cette liste. En d'autres termes, nous croyons que la fonc- tion première
de cette commission de pharmacologie devrait être de dresser le nom des
substances pharmaceutiques dont la Régie de la santé entend
assumer le coût pour le bénéfice des malades. Une fois que
la décision a été prise d'inscrire sur la liste le nom des
substances thérapeutiques, nous croyons que les fabricants dont le
produit contient, à l'intérieur des normes
énoncées, cette substance, devraient avoir le droit d'être
inscrits sur cette liste, à la condition, évidemment, qu'ils
rencontrent les normes fédérales en vigueur et que le fabricant
soit reconnu sous l'empire des normes d'achat du gouvernement
fédéral.
Ce principe nous apparaît important car, d'une question de
privilège, on en fait maintenant une question de droit. En second lieu,
il nous semble que la reconnaissance de ce principe aurait pour effet le
maintien d'une concurrence qui a été jusqu'à ce jour
génératrice de progrès et indispensable au
développement dynamique de l'industrie pharmaceutique.
Pour ces raisons, notre association croit au principe suivant: Le
médecin a le droit de prescrire la préparation pharmaceutique de
son choix. Nous croyons que ceci devrait être accompli sans que soient
lésés les droits du patient à tous les
bénéfices de quelque programme que ce soit. Il est connu en
pharmacologie que différents produits pharmaceutiques contenant
sensiblement la même substance n'auront pas le même résultat
physiologique ou ne seront pas assimilés de la même façon,
selon les méthodes de préparation. Ces différents effets
primaires ou secondaires sont connus des praticiens qui, selon les patients,
doivent conserver une entière flexibilité dans les
médicaments qu'ils veulent prescrire.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez résumer tout cela?
M. TELLIER: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Nous avons tellement de choses à discuter.
M. TELLIER: En définitive, ce que nous proposons, c'est
d'inverser le principe du mécanisme et d'en faire une question de droit
et non pas une question de privilège. Ce mécanisme serait le
suivant: la commission recommanderait d'abord l'adoption d'une liste des
substances thérapeutiques et, une fois que les substances seraient
reconnues, avis serait donné dans la Gazette officielle et tous les
fabricants qui se conformeraient aux normes mentionnées dans l'avis
auraient droit d'être inscrits sur la liste.
Cependant, pour atteindre le but de la législation, la commission
aurait les pouvoirs de discuter pour établir que le produit est conforme
aux normes ou, encore, de demander à un manufacturier de venir justifier
comment il se fait qu'un produit à peu près comparable se
vend beaucoup moins cher que le sien. C'est ici qu'interviennent les
pouvoirs d'enquête dont nous avons parlé tout à l'heure.
Nous croyons que la commission devrait avoir, comme pouvoir d'enquête le
pouvoir de recevoir la preuve des manufacturiers qui sont sommés soit de
prouver qu'ils se conforment aux normes requises dans l'avis ou encore que le
prix de leurs médicaments se justifie par des avantages, par exemple, un
service de consultation pour médecins, etc. A ce moment-là, c'est
le manufacturier qui aurait le fardeau de la preuve. S'il ne veut pas
dévoiler ses secrets, s'il ne veut pas donner à la commission les
renseignements nécessaires, la commission n'a qu'une chose à
faire, c'est de rendre la décision en conséquence.
On ne donne pas, alors, à la commission un droit de perquisition
dans des affaires privées. Ici, il faut bien se rendre compte que, dans
des industries, au niveau de la recherche, des dispositifs de
sécurité énormes sont pris à l'endroit même
du personnel et que des gens d'un même personnel ignorent ce qu'un groupe
fait par rapport à l'autre, pour éviter toute
indiscrétion. Vous comprenez très bien qu'avec, d'une part, la
concurrence et, d'autre part, les droits de brevets limités, ces
compagnies ne peuvent se permettre des fuites d'information.
Pour compléter, simplement une remarque. Nous avons pris
connaissance de ce projet de loi il y a très peu de temps; il y a moins
d'une semaine. Nous avons voulu, dans ce mémoire, vous indiquer le
mécanisme ou les principes que nous considérions comme
fondamentaux.
Si vous nous accordiez un délai de quinze jours, nous pourrions
peut-être apporter quelque chose d'encore plus constructif et vous
soumettre des textes pour bien illustrer ce que nous voulons vous
suggérer.
M. CASTONGUAY: J'aurais quelques questions, M. le Président.
D'abord je voudrais indiquer que le projet de loi a été
déposé il y a environ un mois à l'Assemblée
nationale, c'est malheureux que vous l'ayez eu il n'y a qu'une semaine.
M. TELLIER: Je n'en fais grief à personne.
M. CASTONGUAY: Je voulais simplement mentionner cela. De toute
façon, l'Assemblée ne siège pas au cours de la semaine
prochaine ni au cours des deux prochaines semaines. S'il y avait des aspects
sur lesquels vous vouliez communiquer des points de vue additionnels, je ne
crois pas qu'il y ait de difficulté de ce
côté-là.
Les quelques questions que j'avais à poser sont les suivantes:
Lorsque vous suggérez qu'un représentant des fabricants
siège à la commission pharmacologique, est-ce qu'il n'y a pas un
danger de conflit d'intérêts? D'autant plus que cette commission
pharmacologique a un man- dat bien spécifique qui est de conseiller le
ministre, en définitive, au plan de la qualité et non pas
tellement sur les processus de fabrication. Cela me relie à un autre des
commentaires que vous avez faits. Nous n'avons pas l'intention, en
suggérant, dans ce projet de loi, la formation d'une telle commission,
d'établir au Québec un directorat des aliments et des drogues. On
a assez de problèmes à s'organiser sans qu'on essaie... Ce n'est
pas une critique, mais c'est un problème qui parait hautement complexe
sans qu'on commence à dédoubler ici un tel directorat.
Le mandat qui est donné à la commission peut, en
apparence, paraître constituer un dédoublement dans la mesure
où il essaie de refaire les mêmes opérations. Mais s'il
obtient, dans son travail, les renseignements du directorat des aliments et des
drogues pour les fins de son mandat spécifique, il n'y a pas de
dédoublement. Même si le mandat, tel qu'il apparaît, peut
donner cette impression. Alors, au plan de la qualité, au plan de la
composition des médicaments par l'existence du directorat, en ce qui
concerne la commission, il me semble qu'elle peut obtenir les renseignements
qu'il lui faut et, à ce moment-là, il est de beaucoup
préférable de ne pas avoir de représentant de
l'Association des fabricants afin que cette commission ne puisse pas être
soupçonnée, par la présence d'un membre
représentant les fabricants, d'être en position de conflit
d'intérêts.
M. TELLIER: Depuis le début de ce débat, il a
été question à plusieurs reprises de l'emballage
thérapeutique. C'est une notion qui est connue ailleurs et qui, je
pense, n'est pas un principe, c'est un moyen. Par conséquent, dans
certains cas, c'est possible, dans d'autres cas, ce n'est pas avantageux. Je
pense que l'industrie comme telle est dépositaire d'un grand nombre
d'informations extrêmement utiles qui assureraient que le travail de la
commission tienne compte des connaissances techniques que l'industrie
possède. Par exemple, il a été question de demande et
question de mise en marché, question de fabrication et d'empaquetage,
des problèmes propres à l'emballage... Dans certains cas, cela
est possible, dans d'autres cas, non. Questions simplement pratiques qui
doivent être soulevées. Nous pensons que, même si on peut
supposer que la commission va consulter à l'occasion, rien n'assure que
la commission dans son travail va le faire. Nous croyons que, si un
représentant de l'industrie était membre, nous pourrions
présumer que cette consultation, avec ceux qui ont le problème de
répondre à la demande, serait toujours faite.
M. CASTONGUAY: Est-ce que vous seriez d'accord que cette consultation
qui, je ne le nie pas, puisse être nécessaire, soit prévue
par un autre mécanisme, pour éviter tout conflit
d'intérêts possible?
M. TELLIER: Possible!
M. GOLDBLOOM: M. le Président, sur le même sujet, une
question que je voudrais constructive. N'est-il pas vrai que l'association que
vous représentez a un président à temps complet qui ne
représente aucune compagnie membre de l'association?
M. TELLIER: C'est exact, monsieur.
M. GOLDBLOOM: Est-ce que c'est la seule personne qui agit comme
fonctionnaire de façon indépendante des compagnies membres?
M. TELLIER: M. Beauchemin peut répondre à votre
question.
M. BEAUCHEMIN: Non. Notre personnel, à nos bureaux, comprend onze
personnes: trois pharmaciens dont je suis et un médecin,
notre président; je suis le vice-président administratif. Nous
avons deux pharmaciens comme directeurs des relations extérieures et des
services administratifs et des jeunes filles qui travaillent à temps
plein. Nous avons un bureau à temps plein.
M. GOLDBLOOM: Mais, parmi ces onze personnes, il y en a qui auraient la
compétence voulue pour exprimer un point de vue global au nom de
l'industrie, sans être membres de quelque compagnie que ce soit?
M. BEAUCHEMIN: Absolument, et dont le salaire est payé par 58 ou
59 compagnies.
M. GOLDBLOOM: Merci.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse
au ministre, mais M. Tellier pourra ajouter des commentaires, s'il le
désire. Celui-ci a fait état, dans le mémoire qu'il vient
de nous lire, de l'importance du processus d'inscription des médicaments
dans un formulaire, afin qu'il n'y ait pas d'oublis ou de discrimination
à l'endroit d'une entreprise de fabrication.
J'aimerais que le ministre ou un de ses fonctionnaires qui ont
travaillé au comité du formulaire c'est un travail qui a
demandé plusieurs mois d'études et de discussions
j'aimerais qu'un des membres de ce comité, si le ministre
préfère le laisser parler, vienne nous expliquer la façon
dont ils ont procédé pour dresser ce formulaire, qui était
un travail extrêmement considérable. Je ne peux pas,
moi-même, porter un jugement de valeur sur un tel formulaire, mais je
crois que c'est un travail extrêmement valable.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je demanderai, comme le
suggère le député de
Montmagny, de nous donner ces renseignements.
Maintenant, je voudrais simplement rappeler une chose, je l'ai
mentionnée ce matin: II demeure un aspect de cette question,
c'est-à-dire celui de la fixation des coûts, qui n'est pas encore
réglé. Certaines possibilités s'offrent. On peut imaginer,
par exemple, si on retient la formule proposée par l'Association des
fabricants, que tous les médicaments, incluant les marques de commerce,
soient inscrits sur un tel formulaire et qu'à ce moment-là, s'il
y a possibilité, de la part du pharmacien, de faire des substitutions,
on lui donne certains encouragements pour que, dans les substitutions qu'il
fera, il tende à rechercher les médicaments dont les coûts
sont plus bas. Il est ressorti clairement qu'avec la formule des honoraires le
pharmacien d'officine n'aurait plus intérêt dans le prix de la
substance elle-même. Alors, c'est une possibilité.
Une autre possibilité, c'est que nous procédions par voie
de demandes de soumissions, avec toutes les difficultés que cela peut
comporter, étant donné que les prix varient selon les
quantités, et inscrire les médicaments dont les prix sont les
plus bas, encore une fois, à partir d'un certain appel de soumissions
que nous pourrions peut-être imaginer.
Il y a une autre possibilité. C'est qu'on examine les prix
à partir de rapports sur la qualité des médicaments d'une
même catégorie et qu'on inscrive sur la liste uniquement ceux dont
les prix ne dépassent pas une certaine limite, de telle sorte que la
liste ne comprenne que les médicaments ne dépassant pas un
certain niveau de prix. Et pour qu'il n'y ait pas d'injustices, nous pourrions
inscrire tous les autres médicaments sur la liste afin qu'il n'y ait pas
d'oublis, mais indiquer qu'ils ne sont pas couverts aux fins de
l'assistance-médicaments. Le procureur mentionnait justement la
possibilité que certains soient oubliés.
Alors, il y a encore certaines options qui se présentent.
Ces options varient selon certaines décisions qui peuvent
être prises par rapport à la possibilité de substitution,
la prescription par des noms génériques, etc.
Alors, je pense qu'il est bon de mentionner ça parce que le
formulaire, en fait, ne sera définitif qu'au moment où l'aspect
du prix sera également compris. En ce moment, ça ne demeure
qu'une liste.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais, ce que je voudrais faire ressortir par le
témoignage de ceux qui ont participé à ce travail, c'est
de quelle façon l'industrie pharmaceutique a été
associée à ce travail en fournissant des renseignements et en
venant rencontrer la commission pour donner des explications.
M. TELLIER : M. le Président, nous ne met-
tons pas cela en doute. Ce n'est pas là qu'est le
problème, nous savons qu'il y a eu un travail de fait, que ce qui a
été fait a sûrement été bien fait.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Tellier, ce n'est pas pour mettre cela en
doute, c'est pour le bénéfice des membres de la commission, pour
qu'ils sachent que déjà, au départ des travaux,
l'industrie a été associée à ces travaux-là,
la commission s'est penchée sur chacun des médicaments inscrits
au formulaire et a fait un travail sur chacun de ces
médicaments-là. C'est pour montrer que, dans nos
préoccupations le ministre l'a répété, je
l'ai entendu moi-même, il l'a dit ce matin à la radio
l'aspect de la fabrication, l'aspect de l'industrie du médicament
était important parce qu'il y avait et vous l'avez
mentionné par des chiffres, au début de votre exposé
dans le Québec des investissements importants dans le domaine de
l'industrie. Cet aspect-là n'a pas été oublié et ce
que je voudrais faire ressortir par ce témoignage, c'est de quelle
façon on s'est préoccupé de faire un travail
sérieux, en collaboration avec l'industrie.
M. MOCKLE: M. le Président, ayant passé quinze ans dans
l'enseignement, je vais peut-être donner un cours mais je vais essayer de
me limiter, si vous voulez, à l'essentiel. Le comité
interministériel sur les médicaments a été
formé en vue d'étudier tout le problème de forunir des
médicaments dans un premier stade aux assistés sociaux et
possiblement d'étendre également les médicaments
approuvés en milieu hospitalier.
Donc, un comité d'experts a été formé pour
étudier cet aspect. Ce comité d'experts a d'abord regardé
ce qui se faisait un peu partout dans le monde. A la lumière
également de l'expérience de chaque personne, ont
émergé des critères sur lesquels finalement nous nous
sommes arrêtés pour établir une liste de médicaments
en vue d'en proposer l'adoption au gouvernement du Québec. Les
critères qui ont été établis ont ensuite
été soumis en consultation à un sous-comité
appelé comité d'approbation de la liste qui était
représenté par neuf organismes dont quatre du côté
des médecins, à savoir: FMOQ, FMSQ, le Collège des
médecins et l'ensemble des facultés de médecine d'une part
et, d'autre part, quatre du côté des pharmaciens, notamment
l'association des propriétaires et également les pharmaciens
d'hôpitaux, le Collège des pharmaciens et les Ecoles de pharmacie
du Québec. Finalement, l'Association des hôpitaux, donc au total
neuf.
Ce sous-comité d'approbation a étudié tous les
critères, les normes également, sur lesquels le comité
d'experts voulait se baser pour établir cette liste. Le comité
des experts a modifié certains critères à la
lumière de la discussion. Finalement, ces critères et normes ont
été approuvés par le sous-comité d'approbation sans
aucune restriction fondamentale. A partir de ces normes et critères, une
liste a été préparée, à partir d'abord des
substances chimiques et ces messieurs de l'industrie me comprennent,
j'espère qui entrent dans la fabrication des médicaments,
à titre d'ingrédients actifs.
A cette fin, nous avons utilisé ce que nous rencontrons
couramment dans toutes les pharmacopées du monde, c'est-à-dire
l'inscription par dénomination commune, ce que vous appelez les noms
génériques.
Donc, nous avons pris ce critère de référence,
celui de la pharmacopée, l'inscription des substances par noms
génériques qui était le seul langage que tout le monde
pouvait comprendre puisqu'il était aussi celui de la
pharmacopée.
A partir de ces substances, reste à savoir quelles étaient
les préparations les plus aptes à répondre, si vous
voulez, à l'efficacité thérapeuthique, d'une part, et,
d'autre part, les critères concernant la qualité du produit en
vue, évidemment, de son usage.
Donc, diverses formes pharmaceutiques ont été
considérées pour ces substances, pour ces entités de
dénomination commune et nous avons arrêté notre choix sur
la plupart des formes pharmaceutiques courantes en milieu pharmaceutique.
Quant aux préparations commerciales de ces produits, je dois dire
ici, M. le ministre et M. le Président, que c'était le
deuxième stade à compléter au cours des études. Le
travail qui avait été fait consistait, premièrement,
à arrêter une liste de chacune de ces substances, à
arrêter les préparations pharmaceutiques, les dosages au sein de
chaque préparation et aussi un conditionnement dit
thérapeuthique. Il restait également à étudier la
qualité des préparations commerciales qui répondaient aux
substances de la liste.
Le travail a été arrêté pour des raisons
particulières, puisque d'autres prérogatives du gouvernement
étaient en cause. Par conséquent, ce travail restait à
être terminé concernant je le répète
la reconnaissance des préparations commerciales des formes
pharmaceutiques et des substances médicamenteuses de la liste.
J'espère, M. le Président, avoir été assez
clair dans mon exposé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce
demande la parole. Vous pourrez continuer après.
M. TETLEY: Me Tellier, vous représentez l'Association canadienne
des fabricants. J'ai une question à vous poser au sujet de la loi
fédérale des enquêtes sur les monopoles. La question du
prix auquel votre association vend des médicaments aux pharmaciens, aux
hôpitaux et peut-être au gouvernement est très importante.
Est-ce qu'il y a une vraie concurrence? Comme deuxième question, est-ce
que votre association ou des membres ont été le sujet d'une
enquête
par le fédéral, en vertu de la loi intitulée
"Combines Investigation Act"? Je crois que c'est l'enquête sur les
monopoles.
M. TELLIER: M. Beauchemin, qui est plus au courant, va répondre
à votre question.
M. BEAUCHEMIN: Je désirerais, M. lé Président, en
premier...
M. TETLEY: S'il y a de la concurrence, oui?
M. BEAUCHEMIN: De la concurrence? Très bien. Oui, il y a eu une
enquête en 1959, conduite par M. David Henry, qui était le
directeur du "Combines Branch" du ministère de la Justice, dans ce
temps-là; maintenant, c'est le ministère des Consommateurs et des
Corporations. Il a fait une enquête pendant deux ans et il a
présenté un rapport en 1962, si ma mémoire est exacte,
où il a été prouvé qu'il y avait de la concurrence
au sein de l'industrie pharmaceutique. Cependant l'enquête n'a
découvert aucun agencement ou cartel entre les compagnies
pharmaceutiques canadiennes pour maintenir les prix à quelque niveau que
ce soit. Ce que l'enquête a conclu, cependant, et qui est
préjudiciable, si vous voulez, à l'industrie pharmaceutique,
c'est que ses taux de promotion étaient trop élevés et que
l'apport de sources d'approvisionnement étrangères
créerait probablement une diminution des prix.
A la suite de cette recommandation plusieurs années plus
tard M. Basford a proposé des modifications à la Loi des
brevets, par le bill C-102 qui a été adopté en 1969. Les
brevets d'invention sur les produits pharmaceutiques ont été,
à toutes fins pratiques, abolis. Pour répondre à votre
question exactement, l'enquête n'a conclu à aucune connivence
entre les fabricants pour maintenir les prix.
M. TETLEY: La première question: Est-ce que vous croyez,
vous-mêmes, aujourd'hui, en 1971, qu'il y a une vraie concurrence? Je
vois qu'il y a une association.
Pourquoi une association? Est-ce pour faire de la concurrence ou pour
éviter la concurrence?
M. TELLIER: Comme dans toutes ces industries, ils ont des
problèmes communs. Par exemple, la raison de notre présence ici.
Indépendamment du produit que l'un ou l'autre des membres de notre
associations fabrique, la question, par exemple, de la confection d'une liste,
le mécanisme suivi concerne tous les fabricants, quel que soit leur
produit. Ce problème que nous avons ici, devant l'Assemblée
nationale du Québec, nous l'avons dans chacune des dix provinces du
Canada, comme nous avons des problèmes avec les autorités
fédérales. Nous en avons eu sur la question des brevets
d'invention, sur la question des enquêtes, sur la...
Indépendamment, si vous voulez, de nos problèmes de concurrence,
nous avons des problèmes communs, et c'est la raison des
associations.
M. TETLEY: Plusieurs de vos compagnies, je crois, sont
contrôlées de leur siège social aux Etats-Unis, ou,
plusieurs des médicaments viennent des Etats-Unis. C'est une autre
façon de dire la même chose, peut-être. Nous savons qu'il y
a eu plusieurs enquêtes aux Etats-Unis je parle de l'enquête
du sénateur Kefauver, qui est décédé maintenant
qui démontraient qu'il n'y avait pas de vraie concurrence, si je
ne me trompe. Ma question est la suivante: Est-ce que votre association ou vos
membres contrôlent vraiment le coût au Canada ou si c'est
contrôlé ailleurs?
M. TELLIER: Pour être logique, si nous n'avons pas de cartel, nous
ne pouvons pas, comme association, contrôler les prix de nos membres. Je
pense que la réponse s'impose.
M. TETLEY: J'accepte cette hypothèse. Est-ce que les prix d'une
compagnie membre sont contrôlés par une compagnie canadienne ou
contrôlés ailleurs, peut-être par un cartel ailleurs?
M. TELLIER: Je ne connais pas la réponse. Je ne peux pas vous en
inventer une. M. Martel, je crois, pourrait donner une réponse à
cette question.
M. MARTEL: II est évident qu'un grand nombre des plus grands
manufacturiers de produits pharmaceutiques sont des compagnies internationales.
Ces compagnies peuvent être soit d'origine américaine, suisse,
française, anglaise, allemande, italienne, japonaise, d'une façon
générale, venir des plus grands pays en ce qui regarde la
population.
Je ne crois pas qu'il y ait eu de preuve de collusion quant aux prix
entre les différentes compagnies. Il y a eu des cas particuliers sur des
produits particuliers. On a eu, par exemple, pour les antibiotiques, un cas en
particulier aux Etats-Unis il y a quelques années. Mais d'une
façon très générale, je ne crois pas que la preuve
ait été faite et je ne sache pas que cela ait existé,
personnellement.
M. TELLIER: S'il n'y avait pas cette concurrence, je ne crois pas que
les efforts que les compagnies font dans le domaine de la recherche seraient
justifiés.
Maintenant, M. le Président, avec votre permission, je voudrais
reprendre la question du mécanisme. On nous a dit ici comment le
sous-comité a procédé pour préparer une liste
administrative. On nous en a donné la composition; aucun membre de
l'industrie n'y a parti-
cipé. Je pose la question: En vertu de quels critères
allons-nous décider dans l'ombre, sans qu'il y ait de normes
précises, que tel médicament est acceptable et que tel autre ne
l'est pas? Nous croyons que ce qui devrait être la règle, c'est
qu'un médicament qui répond aux normes générales
qui sont définies devrait avoir le droit d'être inscrit sur la
liste avec la possibilité d'être rayé s'il est
établi qu'on ne répond pas aux normes de qualité ou que
les prix sont trop élevés.
On a dit aussi, dans les débats ce matin, que bien des
médecins n'avaient pas l'information voulue pour être capables de
sélectionner parmi un éventail de médicaments possibles.
Nous croyons que, si un formulaire était confectionné et qu'il
donnait un nombre suffisant de renseignements, ceci serait un stimulant nouveau
pour l'industrie parce que le médecin aurait les données
techniques, connaîtrait l'endroit où il est manufacturé,
saurait si l'empaquetage thérapeutique est disponible, connaf-trait le
prix, pourrait voir par lui-même quelles sont les différentes
caractéristiques du produit.
Cela engendrerait une amélioration dans les prix et ranimerait
cette concurrence. Si un médicament publié dans ce formulaire
paraissait d'un prix trop élevé, il est clair qu'il serait en
défaveur et cela inciterait son manufacturier à vouloir
concurrencer les prix des autres. Et nous croyons que c'est un régime de
droit et non pas de privilège.
Je vous pose la question: La compagnie qui met au point un nouveau
médicament, comment va-t-elle faire pour se faire inscrire sur la liste?
Pour mettre un médicament sur le marché, elle a à
dépenser des sommes considérables pendant des années pour
le faire approuver par les autorités fédérales. Une fois
qu'elle est reconnue par le fédéral, il faudrait qu'elle
recommence toute une série de démarches pour être inscrite
sur la liste dans la province de Québec. Cela, je pense que c'est
limiter la créativité, c'est restreindre l'apparition sur le
marché de nouveaux médicaments qui peuvent être
bienfaisants. C'est discriminatoire pour une industrie qui apporte à la
province de Québec des bienfaits considérables.
C'est pour cela que nous croyons que les mêmes objectifs de
qualité et de lutte aux prix élevés des médicaments
seraient quand même atteints si on adoptait le mécanisme que l'on
propose et si on installait un régime de droit plutôt qu'un
régime de privilège. Il n'y a aucune garantie, aucune norme dans
la loi qui dise qu'un manufacturier sérieux pourrait être
écarté de la liste, pour des raisons tout à fait non
scientifiques. Et on peut entrer facilement dans un régime de
favoritisme de toutes sortes. C'est pour cela que nous croyons qu'un
régime de droit va empêcher tous ces abus et va vous permettre
d'atteindre ces objectifs avec lesquels nous sommes d'accord.
M. LAURIN: Avant qu'on ajourne la séance, je voudrais demander
une clarification à M. Beauchemin pour la réponse qu'il a
donnée, tout à l'heure, à M. Tetley. Lorsque vous avez dit
qu'on avait trouvé, après cette enquête, que le taux de
promotion était trop élevé, qu'est-ce que ça veut
dire? Deuxièmement, est-il vrai que les brevets sont, à toutes
fins pratiques, abolis?
M. BEAUCHEMIN: Vous avez deux questions. La première question, on
a trouvé que les frais de "marketing", les frais de mise en
marché, qui comprennent l'annonce, les représentants, les frais
d'information aux médecins, les services de renseignement, toutes ces
choses-là, représentaient environ 31 p. c. du coût de
production du médicament. C'était en 1962. A la suite de ces
recommandations, les compagnies que nous représentons ont fait des
efforts afin de diminuer ces frais, qui sont, d'après notre
dernière enquête, de 24 p. c, ou de 25 p. c. maintenant. Il se
produit un phénomène, c'est que les frais de promotion, les frais
de "marketing" pour les petites compagnies sont de beaucoup supérieurs
aux frais de promotion, proportionnellement, des grosses compagnies. La
commission Hall avait recommandé, par exemple, une limite de 15 p. c. de
frais de promotion comme déductibles pour l'impôt. Pour les
grosses compagnies, ça ne présente pas beaucoup de
difficultés, parce que leurs frais de promotion sont à peu
près ça. Mais, pour les petites compagnies, 15 p. c. de $50,000
ou de $100,000 par année, ça ne fait pas un gros budget
d'annonce. D'ailleurs, c'est pour cela que la commission Harley a dit
subséquemment que la recommandation de la commission Hall était
irréaliste et tendait à abolir les petites compagnies. C'est
très difficile, dans ces cas-là. Quand vous avez un bon produit,
un nouveau produit, il faut renseigner le médecin sur son existence,
autrement le médecin ne s'en servira pas. Les frais des grosses
compagnies sont de beaucoup inférieurs, comme je vous le disais.
Maintenant, vous aviez une deuxième question?
M. LAURIN: Est-il vrai que les brevets sont, à toutes fins
pratiques, abolis, comme vous l'avez prétendu?
M. BEAUCHEMIN: Les brevets, à toutes fins pratiques, sont abolis.
C'est une longue question, je vais essayer de vous la condenser. Au Canada, la
Loi des brevets prévoit, par son article 41.3, que les brevets sur les
inventions pharmaceutiques et alimentaires ne s'appliquent pas à l'objet
même, mais à sa méthode de fabrication. Vous pouvez
breveter une méthode de fabrication, mais vous ne pouvez pas breveter un
produit pharmaceutique, à moins qu'il ne soit fabriqué par des
moyens biologiques, et c'est assez rare.
Règle générale, vous ne pouvez breveter que le
procédé de fabrication.
On avait des licences obligatoires depuis 1923 au Canada. Un fabricant
canadien pouvait faire une demande au commissaire des brevets et obtenir le
droit de se servir du produit de celui qui était à l'origine du
produit, de se servir de la méthode de fabrication en lui payant
certains droits qui étaient infimes, soit 1/15 de 1 p. c. du coût,
à la porte de la fabrique.
M. LE PRESIDENT: M. Beauchemin, les membres de la commission ont
demandé de suspendre les travaux pour vingt minutes. Nous pourrions
recommencer à cinq heures moins dix.
M. BEAUCHEMIN: Nous sommes à votre service, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs! Je pense que monsieur...
M. TELLIER: M. Beauchemin n'avait pas complété sa
réponse au Dr Laurin.
M. LE PRESIDENT: M. Beauchemin.
M. BEAUCHEMIN: Je disais donc, docteur, que jusqu'en 1969, quiconque
voulait utiliser les procédés de fabrication pour un
médicament dont une compagnie de recherche possédait les brevets,
pouvait en faire la demande au commissaire des brevets et en obtenait la
permission à peu près automatiquement, à une condition:
Qu'il utilise ce procédé au Canada.
Comme l'industrie ce que l'on appelle le Fine Chemical Industry
au Canada de fabrication chimique était très peu
développée pendant ces années-là, il y a eu peu de
demandes de brevets obligatoires, de licences obligatoires pendant ce
temps-là. Le ministère de la Consommation et des Corporations,
voyant cet état de choses, a introduit un projet de loi à la
Chambre des communes à Ottawa, éventuellement appelé le
bill C-102, qui changeait cet état de choses et qui permettait, à
quiconque le désirait d'obtenir l'autorisation du commissaire des
brevets d'importer de quelque pays que ce soit la substance chimique ou un
produit contenant la substance chimique, simplement en en faisant la demande.
Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu depuis ce temps-là
plusieurs demandes. La dernière compilation que nous en avons indique
qu'il y a eu 58 demandes de permis obligatoires et des droits minimes qui ne
nous satisfont pas ont été accordés au détenteur du
brevet. Il y a des médicaments qui sont importés à l'heure
actuelle ce que l'on considère en violation de nos brevets
d'invention très facilement et il y a eu quelques erreurs.
Malheureusement pour ces gens-là, heureusement pour nous, quelques-unes
des premières substances qui ont été importées sous
l'empire de ces lois-là n'étaient pas satisfaisantes et ont
dû être retirées du marché.
Voilà pourquoi je dis que, de fait, le brevet vaut à peu
près 4 p. c. du coût de fabrication.
M. TELLIER : M. le Président, est-ce qu'on me permettrait de
revenir en arrière? Il y a eu tout à l'heure une question
relativement à la concurrence. Je crois qu'elle est demeurée
partiellement sans réponse. Je n'ai pas voulu risquer une improvisation
pendant l'ajournement.
J'ai demandé à M. Gauthier, qui est ici à ma
droite, quelle était la situation. Avec votre permission, il pourrait
apporter aux membres de la commission des informations très
appréciables.
M. GAUTHIER: M. le Président, M. Tetley a mentionné
tantôt qu'il était très inquiet de la concurrence
pharmaceutique ici au Canada et en particulier au Québec. Je peux lui
dire qu'il existe une concurrence et que lorsque nous établissons les
prix, ils ne sont pas établis en Europe ou aux Etats-Unis et ensuite
apportés ici, comme tels. Les prix sont établis ici, au Canada
même, suivant la concurrence qui s'exerce ici au Canada; ce n'est pas
fait aux Etats-Unis. Je vais vous donner deux exemples pour prouver qu'il y a
réellement concurrence. Si vous retournez dix, onze ou douze ans en
arrière, les antibiotiques qui se vendaient peut-être $9 ou $10
pour 16 capsules se vendent maintenant $3.25, $3.50 ou $3.75 pour le même
produit. Ceci veut dire qu'à cause du volume, à cause de la
concurrence, nous avons été obligés de baisser les prix
pour faire face à cette concurrence. Il y a une autre preuve de cela.
Vous avez entendu parler du régime "per cost" qui a été
établi dernièrement en Ontario. Je peux vous montrer le
catalogué. Voici les pénicillines G par exemple. Vous avez des
barogrammes sur la pénicilline qui vont de $0.02 la capsule
jusqu'à $0.11. et qui sont faits par des compagnies qui sont
certainement acceptables. Si ces produits-là ont été
imprimés, c'est que le régime "per cost" les a acceptés.
Ceci prouve encore une fois qu'il y a certainement une concurrence dans
l'industrie pharmaceutique parce qu'entre $0.02 et $0.11 il y a une
différence très considérable, c'est jusqu'à cinq
fois.
Je crois que M. Tetley avait l'impression je l'ai vu dans son
regard que la concurrence ne se faisait pas dans le domaine
pharmaceutique. Elle se fait, sans aucun doute et ce n'est pas parce que nous
avons une association représentant 85 p.c. de l'industrie pharmaceutique
que nous ne nous faisons pas de concurrence entre nous. Bien au contraire. On
vous a donné simplement deux exemples, mais c'était une mise au
point que je désirais faire pour le privilège de la
commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette. M. OUENNEVILLE: II
a été question tantôt
du coût de la promotion que vous établissez à
environ 25 p.c. J'aurais deux questions à poser là-dessus.
Premièrement, c'est 25 p.c. de quel montant? Deuxièmement, est-ce
que vous croyez que l'instauration d'un plan d'assurance-médicaments ou
d'assistance-médicaments pourrait diminuer ces frais de promotion?
M. BEAUCHEMIN: C'est 25 p.c. du prix de vente à la porte du
fabricant. Si le fabricant vend un produit $1, il y a là-dedans une
composante de mise en marché. Ce n'est pas de l'annonce. L'annonce n'est
qu'une petite proportion de cela. Il y a tout le mécanisme de la mise en
marché, les représentants, l'information médicale,
l'acquisition des droits de mise en marché; tout cela représente
environ 25 p.c.
M. QUENNEVILLE: Vous avez les frais de représentation?
M. BEAUCHEMIN: Oui. Votre deuxième question, excusez-moi!
M. QUENNEVILLE: Je me demande si, étant donné
l'instauration d'un plan d'assurance-médicaments, ce taux pourrait
être abaissé considérablement?
M. BEAUCHEMIN: M. Martel est beaucoup plus versé que moi dans
cette question-là.
M. MARTEL: Evidemment, lorsqu'on fait de la promotion, on en a
donné quelques exemples tout à l'heure, c'est un
phénomène de palier .
Il y a un minimum de dépenses qu'on doit faire pour obtenir une
efficacité. Ce qui fait que les compagnies ayant un faible volume de
ventes ont une proportion accrue de promotion. Lorsque le volume d'affaires
augmente, la proportion de promotion n'augmente pas au même rythme. De
fait, les grandes nations pharmaceutiques, par exemple, l'Angleterre, qui a une
population, quoi, deux fois ou deux fois et demie, plus grande que celle du
Canada, a un marché pharmaceutique à peu près cinq fois
plus grand que celui du Canada et un taux de promotion de l'ordre de 10 p. c.
à 12 p. c.
M. QUENNEVILLE: Je m'excuse, cela ne répond pas tout à
fait à ma question. Je demande si l'installation d'un plan
d'assurance-médicaments ou d'assistance-médicaments pourrait
abaisser ce pourcentage du coût de promotion.
M. MARTEL: Oui.
M. QUENNEVILLE: Beaucoup?
M. MARTEL: D'une façon significative, avec le temps,
certainement.
M. QUENNEVILLE: Qu'est-ce que c'est, significative, au juste? Un ordre
de grandeur, disons.
M. MARTEL: On pourrait penser, par exemple, puisque c'est 24 p. c.
actuellement, en général, à peut-être une moyenne de
12 p. c. semblable à celle de l'Angleterre, qui vit, elle, depuis
très longtemps, dans un régime d'assurance-maladie.
M. QUENNEVILLE: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser. Au sujet
du budget de recherche, vous avez mentionné, dans votre mémoire,
que cela représentait, ici, dans le Québec, $10 millions. C'est
$10 millions sur combien de millions? Quel serait le pourcentage
consacré à la recherche sur le budget total de l'industrie
pharmaceutique?
M. TELLIER: Le pourcentage sur...
M. CLOUTIER (Montmagny): Bien, $10 millions, est-ce que cela
représente le budget de toute l'entreprise pharmaceutique?
M. TELLIER: Au Canada ou au Québec?
M. CLOUTIER (Montmagny): Au Québec. Je prends $10 millions au
Québec.
M. BEAUCHEMIN: En fait, $10 millions, c'est d'après les rapports
que nous avons reçus de 38 de nos membres. Nous avons fait une
enquête et, comme dans toutes ces enquêtes, malheureusement, il y a
plusieurs compagnies qui ne répondent pas. Alors, nous avons fait une
extrapolation, connaissant les budgets de recherche approximatifs. Cela se
monte, au Québec, à environ $18 millions, pour un chiffre de
vente de compagnies situées au Québec de $207 millions. Alors,
c'est de l'ordre de 10 p. c.
M. CLOUTIER (Montmagny): A quel moment considérez-vous qu'une
industrie devient marginale?
M. BEAUCHEMIN: Une industrie marginale, d'après notre
définition, est une industrie qui ne fournit pas les services que nous
fournis-ssons, qui ne crée aucun nouveau médicament, qui ne fait
aucune recherche, qui n'a aucun service d'informations aux médecins et
qui prend la crème du marché. C'est-à-dire que nos
compagnies qui créent de nouveaux produits créent la demande,
informent les médecins de l'existence de ces substances ou de ces
produits. Les imitateurs voient ce qui se vend, où est le
gros marché et se lancent là-dedans. C'est ce que nous
appelons l'industrie marginale dont la responsabilité sociale, disons,
est moins considérable que celle que nous avons.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il existe un problème de
langue de travail au sein de l'industrie pharmaceutique?
M. BEAUCHEMIN: Tout dépend. Au sein de la compagnie Rougier, au
sein de la compagnie Anglo-French, au sein de la compagnie Franca, au sein de
la compagnie Roussel, au sein de la compagnie Poulenc, c'est le
français. Au sein de la compagnie Upjohn, le président est de
langue française et il est ici. Cela varie. Les compagnies qui sont
situées en Ontario travaillent en anglais, en général.
Ici, M. Martel a peut-être d'autres renseignements.
M. MARTEL: En fait, la compagnie pour laquelle je travaille
principalement a une politique de bilinguisme. Chaque individu peut s'adresser
à son supérieur et à ses confrères dans la langue
de son choix. C'est un objectif de bilinguisme intégral.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, M. le Président,
je ne voulais pas en faire un débat. C'était une question
incidente.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il faut comprendre, d'après les
explications que vous avez fournies tantôt au sujet du coût de la
promotion, que cela coûterait 25 p. c. de $207 millions, grosso modo?
M. BEAUCHEMIN: Grosso modo, oui, 24 p. c.
M. QUENNEVILLE: Merci.
M. BEAUCHEMIN: Cela comprend les frais de prouver au directorat des
aliments et drogues, parce que nous sommes des innovateurs, l'efficacité
de nos médicaments; ce que les imitateurs n'ont pas à faire. Nous
avons à soumettre des dossiers d'efficacité clinique qui sont
d'une hauteur de quatre ou cinq pieds, habituellement. Tout cela est compris
dans les frais de lancement du produit.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jeanne-Mance.
M. BRISSON : Sur le montant de $304 millions de ventes, quel est le
pourcentage de profit brut réalisé?
M. BEAUCHEMIN: Le profit net est d'environ 6. 4 p. c. ; vous savez, il y
a les différents impôts et tout ça.
M. BRISSON: Le profit brut?
M. BEAUCHEMIN: Environ 13. 1 p. c. .
M. BRISSON: Dans le calcul de votre profit brut, incluez-vous ou non la
publicité? Habituellement, le profit brut comprend la fabrication, plus
les frais de recherche.
M. BEAUCHEMIN: Excusez moi, je croyais que vous parliez du profit avant
les taxes.
M. BRISSON: Non, le profit brut. La différence entre le prix de
vente et le coûtant de la manchandise vendue.
M. BEAUCHEMIN: Je n'ai pas de renseignements là-dessus.
M. MARTEL: C'est certainement très variable selon chacun des
manufacturiers.
M. BRISSON: Prenons la moyenne des chiffres qu'on nous a fournis. Vous
avez additionné la somme de $304 millions; si vous additionnez le
coût de cela, ça va vous donner tant. Si vous ne l'avez pas en
pourcentage, dites-le en dollars. Je pense qu'il est très important pour
la commission de connaître le profit brut réalisé sur un
produit vendu, pour fixer les coûts.
M. TELLIER: II semble bien que l'information ne soit pas disponible dans
ces termes.
M. BEAUCHEMIN: Mais, nous pouvons vous la fournir dans quelques
jours.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse, M. le Président; dans les documents
qui vont être distribués aux membres de la commission, il y a des
données qui ont été recueillies par les groupes de travail
auxquels j'ai fait allusion ce matin. Ils permettront de voir, à partir
des données obtenues, quels sont ces pourcentages.
M. BRISSON: Maintenant, une deuxième question. Y a-t-il des prix
suggérés au détail? Si vous vendez un produit $2 à
un pharmacien lui suggérez-vous un prix de vente au détail?
M. MARTEL: La pratique était généralisée il
y a quelques années, mais à la suite de la commission Harley, la
recommandation a été de ne pas suggérer de prix. Un
très grand nombre de manufacturiers ont suivi cette recommandation,
d'une façon générale.
M. BRISSON : Avez-vous une idée du pourcentage de l'augmentation
des prix de vente, c'est-à-dire la différence entre le prix que
les fabricants vendent et le prix que le pharmacien vend?
M. BEAUCHEMIN: Je crois que les pharma-
ciens seraient plus habiles que nous à répondre à
ces choses-là.
M. BRISSON: Merci.
M. LAURIN: M. le Président, il y a déjà eu des
négociations entre un certain groupe d'hôpitaux psychiatriques et
des fabricants de produits pharmaceutiques, en ce qui concerne le coût
des médicaments.
A la suite de ces négociations, une entente a été
conclue en vertu de laquelle ces médicaments coûtaient à ce
groupe d'hôpitaux 17 p. c. moins cher que le prix usuel.
Quelqu'un d'entre vous pourrait-il nous expliquer la raison pour
laquelle on peut aboutir à une baisse aussi importante, simplement par
un regroupement des achats?
M. MARTEL: Je ne peux évidemment pas vous donner les
détails techniques. Je suppose que ces achats ont été
faits en vrac. Je suppose qu'au lieu d'acheter 100 unités vous en avez
acheté 100,000, quelque chose dans ce sens-là. Je suppose aussi
que vous avez acheté de ces médicaments pour une période
de temps, disons six mois. Je sais qu'un certain nombre d'hôpitaux,
particulièrement les hôpitaux psychiatriques, ont comme pratique
d'acheter aux six mois, pour des raisons budgétaires ou ainsi de
suite.
Nous pouvons analyser le problème de différentes
façons. Premièrement, au point de vue du conditionnement; si vous
achetez par 100, vous avez des frais de conditionnement que je pourrais
estimer, d'une façon générale, de l'ordre de $0.25
à $0.30 la bouteille. C'est de $0.25 à $0.30 par bouteille par
rapport à une centaine d'unités; sur 10,000, on peut calculer
rapidement un certain nombre de dollars. Si vous regardez le prix de vente de
ces médicaments par rapport à la réduciton de coût,
vous vous apercevrez qu'il n'est pas tellement difficile d'obtenir 17 p. c.
Il y a aussi le fait que vous pouvez acheter par anticipation, de
façon que, à la condition que les hôpitaux paient, on ait
d'avance le bénéfice de l'argent; donc, nous faisons un profit
sur cette somme d'argent payée à l'avance et nous vous en
retournons une certaine partie. C'est le principe je m'excuse d'utiliser
un terme anglais du "economic order quantity" ou "economic sales
quantity". Par des jeux de cette grandeur, on peut très, très
facilement obtenir une réduction de coût d'un ordre
supérieur à 17 p. c. et on vous en passe une certaine
quantité de ces réductions de coût.
M. LAURIN: Est-ce à dire, M. Martel, qu'avec la
généralisation d'un système comme celui-là pour
tous les hôpitaux du Québec, qu'avec la
généralisation possible de ce système avec les pharmacies
d'officine, dans l'optique d'un programme général
d'assurance-médica- ments, on pourrait encore augmenter ce pourcentage
de réduction, et de quel ordre pourrait-il être?
M. MARTEL: C'est assez difficile pour moi de donner une estimation de
cette chose-là. Mais il y a une chose certaine, et cela rejoint un peu
la recommandation qu'on a faite précédemment, c'est que, pour
autant que nos coûts d'exploitation peuvent être réduits,
nous sommes totalement d'accord pour en passer une partie, la partie majeure de
ces réductions de coût, à nos clients, que ce soient le
gouvernement, les hôpitaux ou les pharmaciens.
Quel est l'ordre de grandeur? Je ne sais pas. Il faudrait
établir, par études ou par plans, cela dépend du plan
qu'on emploie, mais s'il y a des réductions de coût, nous sommes
tout à fait d'accord pour transmettre ces réductions.
M. LAURIN: J'imagine, M. le ministre, que des études ont dû
être faites là-dessus par les comités dont vous nous
parliez ce matin?
M. CASTONGUAY: Sur la possibilité d'obtenir des
économies...
M. LAURIN: Par le regroupement des achats pour tous les hôpitaux,
tous les foyers et la généralisation possible même pour les
pharmacies d'officine.
M. CASTONGUAY: Vous avez ici justement un document de travail qui va
vous être distribué sur les achats de médicaments en
groupes qui fait état de l'expérience faite, par exemple, dans la
région de Québec, le groupe Hopbec, et il y a un rapport de
l'Association des hôpitaux, etc. C'est évidemment une question qui
nous intéresse en même temps que celle...
M. MARTEL: J'aimerais faire un commentaire, si c'est possible. Vous
savez, dans la question de distribution, premièrement, il y a les
coûts au point de vue du manufacturier. Il y a aussi les coûts au
point de vue de la distribution, ce qu'on appelle distribution en gros.
Après, il y a la distribution au détail.
Le grossiste rend un service. Il est rémunéré pour
ce service-là. Il y a certains pharmaciens qui achètent
directement du manufacturier, en quantité, et qui reçoivent une
partie de ce coût, parce qu'ils font le service de grossiste. Et lorsque
vous parlez d'achats par appels d'offres, vous parlez réellement de
transmettre les coûts d'exploitation du grossiste au gouvernement. C'est
le gouvernement qui, ensuite, assumera ces coûts de distribution.
Voyez-vous, il y a toutes sortes de paliers.
M. LAURIN: Une autre question. Comme vous le savez peut-être, un
tiers seulement de tous les médicaments consommés par la
popula-
tion sont des médicaments prescrits sur ordonnance. Quelle est la
réaction de votre association à ce phénomène, et
est-ce que cela a quelque chose à voir avec ce que votre procureur
disait tout à l'heure sur les compagnies marginales?
M. MARTEL: Non, nous ne sommes intéressés, au point de vue
de nos produits, qu'aux médicaments sur ordonnance. De fait, les
médicaments d'automédication, cela ne regarde pas notre
association, et très peu les compagnies qui en font partie. Nous n'avons
pas de position là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: Si on se réfère à la page 19 de
votre mémoire, il est question que les produits de tous les fabricants
apparaissent sur la liste du formulaire. Est-ce que vous entendez, par
fabricants, ceux qui fabriquent réellement des médicaments ou si,
par le fait même, vous éliminez ce que vous appelez les
marginales?
M. TELLIER: Je pense que, par exemple, si dans le formulaire il y a
suffisamment d'informations, il peut y avoir entre autres rubriques le fait que
le médicament est fabriqué par quelqu'un qui fait la recherche,
qui fait la mise en marché, qui fait l'implantation, et il peut y avoir
aussi une indication à l'effet que c'est un manufacturier qui ne fait
pas ces opérations-là. A ce moment-là, c'est facile pour
le médecin de choisir. Comprenez-vous? Et je pense que cela assure un
mécanisme beaucoup plus équitable parce qu'on n'écarte
personne. Mais le public consommateur, que ce soit le médecin, que ce
soient des "pools" d'hôpitaux qui veulent s'approvisionner dans tel genre
ou tel genre de médicaments, la disponibilité est là, mais
cela ne veut pas dire que nécessairement on va s'en
prévaloir.
Cela donne une assurance qu'il n'y aura pas d'élimination
arbitraire et, par conséquent, cela maintient une certaine
concurrence.
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il faut comprendre que les compagnies
marginales font quand même fabriquer leurs médicaments par les
compagnies qui fabriquent des médicaments? La qualité, à
ce moment, reste la même, du point de vue du patient.
M. BEAUCHEMIN: Non, elles ne font pas fabriquer cela arrive
quelquefois, il y en a qui prennent un contrat elles les importent ou
les fabriquent. Il n'est pas difficile d'acheter une machine à
comprimés et d'y mettre un kilo d'une certaine substance active avec
trois ou quatre kilos de sucre et de lait. Cela se fait. Les compagnies
marginales pratiquent en général au
Canada l'opération pharmaceutique, mais ne fabriquent pas la
substance active. Plusieurs l'importent.
Maintenant, il ne faut pas croire qu'un nom générique a
quelque chose de magique ou qu'une marque de commerce a quelque chose de
magique. On peut avoir un médicament qui est infect et qui a une marque
de commerce comme on peut avoir un médicament vendu sous un nom
générique qui est excellent. C'est un fait de la vie que les
compagnies qui créent de nouveaux médicaments leur donnent une
marque de commerce. Maintenant, il y en a d'autres qui leur en donnent
aussi.
M. TELLIER: Est-ce que je pourrais ajouter aussi, si vous me le
permettez, que nous ne prétendons pas que tous les médicaments
doivent être à tout prit inscrits sur la liste.
C'est-à-dire que, en règle générale, sivous
répondez aux normes, si vous avez le droit d'être inscrits. Mais
nous croyons que la commission devrait avoir la discrétion de rayer un
médicament qui ne répondrait pas à ces normes. Mais avant
de rayer un médicament de la liste, je pense qu'il serait simplement
équitable que le manufacturier soit appelé à se justifier,
comme sur les question de prix. Il peut y avoir toutes sortes de raisons qui
font qu'un médicament a un prix plus élevé. Si la
justification est acceptable, on le laisse. Si elle n'est pas acceptable, on le
raye. Mais le mécanisme est assuré.
M. QUENNEVILLE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de...
M. QUENNEVILLE: Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas à
Montréal des fabricants qui fabriquent des médicaments pour les
compagnies marginales? Par exemple, Merck Sharp & Dohme, et d'autres
compagnies? Il y a énormément de compagnies marginales qui font
faire des médicaments là et ce n'est pas nécessairement
avec des substances importées.
M. BEAUCHEMIN: II faut bien définir ce qu'on appelle les
compagnies marginales. Il y a plusieurs compagnies au Québec qui ne sont
pas membres de notre association et qui sont membres d'une autre association,
l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques et
dont les produits sont excellents. Nous n'avons pas le monopole de
l'excellence. Ce ne sont pas ces compagnies que nous appelons les compagnies
marginales. D en existe je pense que les médecins les connaissent
qui vendent des médicaments à partir du coffre de la
voiture, des choses comme ça. C'est cela qu'on appelle des compagnies
marginales.
Vous parliez de Merck Sharp & Dohme. M. Martel travaille pour Merck
Sharp & Dohme. Avez-vous des renseignements?
M. MARTEL: Nous fabriquons nos produits nous-mêmes. Nous ne
fabriquons pas de produits pour d'autres compagnies.
M. QUENNEVILLE: Est-ce qu'il y a longtemps que vous n'en fabriquez pas
pour d'autres compagnies?
M. MARTEL: Au moins quelques années.
M. QUENNEVILLE: Qu'est-ce que quelques années, au juste?
M. MARTEL: Au moins quatre ans, à ma connaissance.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai...
M. MARTEL: Pardon? On peut en parler personnellement, si vous
voulez.
M. QUENNEVILLE: C'est ce que je pensais.
M. MARTEL: La compagnie que vous avez à l'idée n'est pas
une compagnie qui est associée avec nous.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, n'est-il pas vrai qu'il y a au
Québec trois ou quatre compagnies qui offrent à n'importe qui,
à peu près, le service de fabriquer un médicament? Un
pharmacien, s'il veut présenter un médicament sous sa propre
étiquette, ne peut-il pas faire appel à une de ces compagnies
pour faire produire des médicaments qui seront vendus par lui?
M. BEAUCHEMIN: Plusieurs pharmaciens ont des préparations
à leur nom qu'ils font fabriquer par des fabricants d'excellente
réputation mais nous représentons les fabricants de produits qui
sont prescrits par les médecins. Généralement, les
produits dont vous parlez sont recommandés par le pharmacien à
leurs patients ou souvent prescrits par des médecins amis. Mais nous
parlons d'un marché différent, je crois.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Parmi les compagnies marginales que vous
mentionnez, est-ce qu'il y en a qui sont des filiales des compagnies que vous
représentez?
M. BEAUCHEMIN: Je n'en connais pas.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'en connaissez pas?
M. BEAUCHEMIN: II peut y en avoir.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est fait par qui tous les remèdes
brevetés, comme l'aspirine?
M. BEAUCHEMIN: Nous ne les représentons pas. Il y a d'autres
associations, comme l'abbé Warré, le sirop Lambert et les pilules
Carter, nous, nous n'avons rien à faire avec cela, du tout. C'est
absolument étranger...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II n'y en a aucune qui soit des filiales de
vos compagnies?
M. BEAUCHEMIN: II y en a quelques-unes, par exemple, le sirop Vicks qui
est une filiale de Merrell, mais nous ne les représentons pas pour ces
produits-là. Souvent d'ailleurs nos politiques viennent en conflit
directement.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors toute la publicité à la
télévision, par exemple, de ces produits brevetés, ce
n'est pas vous...
M. BEAUCHEMIN: En général, on nous fait un tort
énorme parce que le public conclut que c'est l'industrie pharmaceutique
qui publie ça.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je veux mentionner, par exemple: "Si vous
manquez de fer, prenez Géritol". Quand on sait qu'il y a à peu
près 42 sortes d'anémie, on fait un diagnostic et on dit aux
gens: "Vous manquez de fer, prenez Géritol". Alors il n'y a pas de
filiale de vos compagnies dans ça. Parfait.
M. LE PRESIDENT: Je remercie les représentants... Il y a une
autre question? Le député de Jeanne-Mance.
M. BRISSON: Le prix d'un produit vendu par les fabricants à un
pharmacien est-il le même que le prix vendu à un
médecin?
M. TELLIER: Ce qui fait la différence, ce n'est pas tellement la
qualité de médecin ou de pharmacien.
M. BRISSON: C'est le même produit, mais on m'informe qu'il serait
vendu moins cher au médecin, d'environ 10 p. c. à 12 p. c. Alors
je voudrais savoir pourquoi, si ça existe, pour la même
quantité.
M. MARTEL: Evidemment, ici, vous soulevez un problème très
particulier. Je crois qu'on peut classifier les maisons de trois façons
différentes: Les maisons qui ont le même prix pour tous les
clients; il y a certaines maisons qui dépendent davantage du pharmacien
pour l'appui qu'elles obtiennent dans le marché et ces maisons-là
normalement ont des prix plus avantageux pour le pharmacien que pour le
méde-
cin; il y a d'autres maisons dont la clientèle vient
principalement des médecins et, selon les quantités, les
conditions de vente, on pourrait aller dans le détail il
peut arriver qu 'on vende meilleur marché à des médecins
qu'à des pharmaciens. Maintenant, ce sont des phénomènes
de politique individuelle des différents manufacturiers.
Une chose certaine, c'est que l'achat direct par les médecins et
la vente des médicaments par les pharmaciens je m'excuse
d'employer un mot qu'on a employé à d'autres sauces tout à
l'heure par rapport au marché canadien, parce que nos compagnies
pensent plutôt en termes d'un marché général que
d'un marché spécifique, d'une façon très
générale, c'est un phénomène assez marginal qui se
trouve surtout dans certaines régions du Québec, de l'Ontario et
des Maritimes. Mais ce n'est pas un phénomène
généralisé. La majeure partie des manufacturiers les plus
importants et les manufacturiers dépendent surtout de la
prescription, c'est-à-dire une prescription écrite par le
médecin et remplie par le pharmacien... H y a même certaines
régions où on ne vend pas du tout aux médecins et d'une
façon générale, c'est le pharmacien qui...
M. BRISSON: Par exemple, je prends ce qui me vient à l'esprit. Un
médecin achète 25,000 capsules de librium et un pharmacien en
achète un nombre égal. Est-ce que les prix sont les mêmes,
ou si l'un va payer moins cher que l'autre?
M. MARTEL: Je m'excuse, mais le manufacturier de librium n'est pas
membre de notre association.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. BRISSON: Pourriez-vous me suggérer un produit qu'un de vos
membres fabrique?
M. MARTEL: Je n'en connais pas.
M. BRISSON: Le valium?
M. MARTEL: C'est le même fabricant.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je pense que ça
éclairerait les membres de la commission de savoir qui est responsable,
dans la province, du contrôle de la qualité de tout
l'éventail de ces produits pharmaceutiques. Si j'ai bien compris,
à Ottawa, à la direction des aliments et des drogues, on
détermine simplement si tel produit peut être dommageable ou non
pour la santé des gens.
S'il peut être acceptable, on détermine simplement si tel
produit peut être dommageable ou non pour la santé des gens. On ne
détermine pas sa qualité au point de vue pharmaceutique ou au
point de vue de son efficacité à combattre une maladie
donnée. Le Collège des pharmaciens nous a dit que les pharmaciens
ne déterminaient pas la qualité des produits vendus par les
compagnies. Je ne sais pas si le docteur...
M. CASTONGUAY: Avec votre permission, nous pourrions peut-être
demander au Dr Mockle de nous donner plus de renseignements sur le rôle
de la direction des aliments et drogues.
M. MOCKLE: La question qui est posée concerne la qualité
des produits, je crois. Il est vrai que, durant plusieurs années,
jusqu'à tout récemment, la direction des aliments et drogues
à Ottawa s'enquérait davantage de la non-nocivité d'un
médicament pour son visa de mise en marché. A la suite de
nombreuses enquêtes qui ont eu lieu aux Etats-Unis, à la suite de
l'amendement Kefauver sur la réévaluation des médicaments
mis sur le marché entre 1938 et 1962, la direction des aliments et
drogues a été amenée à s'interroger sur la valeur
des produits pour qu'ils ne soient pas obligés de refaire le même
travail qui est fortement critiqué, d'ailleurs mais qui
est, à mon sens, justifié, aux Etats-Unis, sur la révision
de la qualité des produits mis sur le marché, de façon
à garantir l'efficacité de ces substances pour le patient qui les
utilise.
Compte tenu de cela, il semble - du moins, ce sont des indices que nous
avons que la direction des aliments et drogues attache un peu plus
d'importance à l'efficacité du produit ou, en d'autres termes,
à la qualité du produit garantissant cette efficacité.
Mais je dois abonder dans le sens du député qui a parlé
tout à l'heure. En effet, jusqu'à très récemment,
on mettait d'abord l'accent sur la non-nocivité du produit, de
façon à garantir qu'on pouvait l'utiliser, non pas en toute
quiétude, mais au moins avec la garantie qu'à la dose
préconisée, lorsqu'on le prend décemment je ne
parle pas de prendre une bouteille au complet on ne puisse pas en
souffrir sur le plan de la santé.
M. SAINT-GERMAIN: Puisqu'Ottawa ne peut pas fixer, ou jusqu'ici, ne l'a
pas fait, la qualité curative des médicaments sur le
marché, que le pharmacien n'est pas organisé, lui non plus, pour
en établir la qualité, et que le médecin en clinique n'est
pas très organisé, lui non plus, pour faire des recherches
il peut se limiter à faire quelques observations cliniques, mais
certainement pas des recherches réellement scientifiques c'est
dire que ce sont les compagnies elles-mêmes qui déterminent ou, du
moins, qui ont la responsabilité de la valeur curative ou de
l'efficacité de leurs médicaments.
M. MOCKLE: Je pense qu'il y a là tout un examen de conscience,
une réétude à faire sur ce sujet. Je pourrais vous citer
ici plusieurs exemples de ces choses. Ainsi, par exemple, de
très nombreux relaxants musculaires sont sur le marché
actuellement et qui, par la voie orale, n'ont aucune efficacité. Je dis
bien par la voie orale; je voudrais qu'on m'entende ici très bien. Par
conséquent, ils sont toujours sur le marché. Si vraiment il y
avait un contrôle de l'efficacité du produit, on devrait
normalement rappeler ces produits et ne les autoriser qu'après une
expertise pour vérifier si tel fait est fondé. Mais je dois dire
également qu'il semble que ce soit une préoccupation de la
direction des aliments et drogues actuellement de regarder un peu plus du
côté de l'efficacité à l'égard des nouveaux
médicaments qui sont mis sur le marché. Mais ceci n'a pas
été fait à l'égard des médicaments
actuellement sur le marché.
Ceci, évidemment, rejoint un peu la préoccupation du
ministre Castonguay concernant la liste des médicaments et leur
qualité. Dans un régime d'assurance-médicaments, si le
gouvernement paie, il doit payer pour la qualité, d'une part, mais il
faut que cette qualité soit également garante de
l'efficacité. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'il
prévoit une commission de pharmacologie qui puisse garantir à la
fois la qualité et l'efficacité des produits.
M. SAINT-GERMAIN: Je voudrais savoir si le gouvernement, comme acheteur
d'un montant très considérable de médicaments, sera
laissé à sa propre initiative pour déterminer la valeur de
ses achats.
M. CASTONGUAY: Je pense, d'après les explications que le Dr
Mockle a données, que la direction des aliments et drogues s'y
intéresse davantage. Il y a aussi un autre aspect qu'il ne faut pas
oublier, c'est que le médecin, lorsqu'il prescrit un médicament,
est en mesure, dans bon nombre de cas, de voir s'il y a un effet oui ou non et
le patient, j'imagine, dans un bon nombre de cas, peut dire: votre
médicament a donné de bons résultats ou n'en a pas
donné. Là aussi, il y a un certain nombre d'autres
contrôles au niveau de la prescription et de l'utilisation.
M. LAURIN: Vous y avez goûté là, quand vous avez
fait votre ménage.
M. CASTONGUAY: C'est qu'il avait donné un résultat,
celui-là.
M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais savoir des manufacturiers sur quoi on se
base pour fixer le prix des médicaments. Est-ce que l'on se base sur les
années consacrées à sa recherche ou bien sur le prix des
ingrédients qui entrent dans la fabrication du produit?
M. TELLIER: II y a deux facteurs, comme pour n'importe quel produit: le
coût de produc- tion et les conditions du marché. Il arrive,
là comme ailleurs, que, dans certains cas, le prix va être
inférieur au prix coûtant pour faire face à la concurrence.
Dans d'autres cas, il y a aussi la question de l'offre et de la demande. Par
exemple, une nouvelle substance qui entre sur le marché se vend à
un prix beaucoup plus élevé. Ce médicament-là est
pris par d'autres concurrents et, graduellement, à cause du volume et de
bien d'autres choses, le prix baisse. On a donné l'exemple de la
pénicilline, tout à l'heure. On en a développé
l'usage. Les différents manufacturiers se sont mis à la produire,
on a mieux connu le produit. Finalement, les prix se sont stabilisés
selon tous ces facteurs-là.
M. LAVOIE (Wolfe): Merci.
M. LAURIN: Je voudrais poser quelques questions sur les relations qui
existent entre les succursales canadiennes québécoises en
l'occurrence des grandes compagnies installées ici dont la maison
mère est, soit en France, soit en Suisse ou aux Etats-Unis. Quand nous
avons, ici au Québec, de ces succursales, est-ce que les
médicaments sont importés en majeure partie tels quels de la
maison mère et distribués sur le marché
québécois ou sont-ils fabriqués ici, sur le marché
québécois? S'ils sont fabriqués sur le marché
québécois, est-ce que la filiale importe à un tarif
réduit l'ingrédient actif qui est responsable de
l'activité thérapeutique du médicament ou est-ce que cet
ingrédient est soumis aux mêmes tarifs, que tous les autres
produits, d'après la loi canadienne des tarifs?
M. TELLIER: M. Gauthier va répondre à votre question.
M. GAUTHIER: Premièrement, Dr Laurin, un très grand nombre
de compagnies qui fabriquent des produits ici, au Québec ou en Ontario,
pour cette raison, importent la matière première, prennent cette
matière-là, la transforment et fabriquent les comprimés,
les capsules, les onguents, les sirops, les injections, etc. Je crois
qu'à peu près 80 p. c. des médicaments qui sont vendus par
les compagnies que nous représentons ici comme association fabriquent
ces produits-là, excepté la matière première. Pour
produire la matière première, cela prend des installations
quelquefois de l'ordre de $25 millions, $30 millions, $40 millions, $50
millions; je n'exagère pas en disant cela. Je prends l'exemple de ma
compagnie, que je connais très bien, où, s'il fallait doubler ces
installations-là, le coût serait prohibitif. Nous importons les
matières premières, en poudre ou en solution quelconque, et nous
fabriquons le produit ici. Je crois que cela répond à votre
question.
M. LAURIN: Les payez-vous moins cher qu'un concurrent
éventuel?
M. GAUTHIER: II n'y a pas de tarif préférentiel. Il y a
des tarifs que nous payons. Si ce sont des produits en poudre, c'est tel
pourcentage si c'est une solution, c'est tel autre pourcentage, etc. Ce sont
des tarifs établis par le gouvernement fédéral. Nous
n'avons rien. Il faut se soumettre à cela, je crois.
M. MARTEL: J'ai une précision là-dessus.
Premièrement, les produits chimiques fondamentaux que le manufacturier
fait lui-même, ce sont ses produits exclusifs. Ce sont des produits dont
il a les brevets, dont il a l'exclusivité. Donc, il n'a pas ou
très peu de clients extérieurs. Les produits qui sont
d'utilité courante, il les prend sur le marché courant.
Maintenant, pour répondre un peu à l'intention
j'espère que je ne vous trahis pas de la question, il y a eu une
expérience canadienne de fabricants qui ont voulu fabriquer les produits
de base au Canada. Elle s'est soldée par un échec assez
lamentable dont j'ai eu à souffrir.
M. LAURIN: Est-ce à dire, M. Martel, que, par exemple, la
recherche pour les nouveaux produits qui impliquent l'utilisation de ces
ingrédients actifs la recherche fondamentale, la recherche pure
se fait surtout aux maisons mères de vos compagnies?
M. MARTEL: Pas nécessairement! Lorsqu'on fait la recherche, on
n'utilise pas des disponibilités. On utilise de la puissance grise, de
la matière grise. Or, les Canadiens en ont autant que les autres et il y
a certaines compagnies qui ont fait confiance à des chercheurs
canadiens.
M. LAURIN: Je remarque qu'à la page 5, de votre annexe A, vous
faites une différence entre recherche et développement. Par
exemple, on consacre 52 p. c. à la recherche pure ou
expérimentale et 40.5 p. c. au développement. Quelle est la
raison de cette distinction? Qu'est-ce que ce développement comporte par
rapport à recherche?
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser?
M. LAURIN: II n'a pas encore répondu à ma question.
M. MARTEL: Je m'excuse! Dans la partie de la recherche, on pense
pharmacologie, chimie, essais cliniques, recherche pharmaceutique comme telle.
Mais lorsqu'on a un produit commercialisable, il faut passer de petites
quantités à des quantités industrielles. C'est ce que nous
appelons développement. La formule, par exemple, la stabilité de
la formule, sa dissolution, son bioabilité, son développement
chimique industriel, toute la partie d'exécution d'un projet, qui est un
projet minime, à la produc- tion industrielle, c'est ce que nous
appelons le développement. Le développement, je crois, dans cette
définition-là, inclurait aussi, les dépenses de recherche
clinique.
M. LAURIN: Toujours en ce qui concerne ces rapports et
particulièrement la recherche, est-ce que vous avez une idée, du
moins pour la compagnie que vous connaissez le mieux, du pourcentage de la
recherche qui est fait au Québec par rapport à ce qui est fait
à la maison mère? Est-ce qu'en général on peut pas
dire que le plus gros pourcentage de la recherche se fait à la maison
mère?
M. MARTEL: En fait, ce qui se passe est une compétition à
l'intérieur d'une même maison pour des disponibilités. En
fait, lorsque nous voulons établir un centre de recherche, nous entrons
en concurrence avec la France, avec l'Angleterre. Je crois qu'on pourrait dire
que le marché canadien est de l'ordre de 1 p. c. à 2 p. c. du
marché mondial accessible aux gens de l'Ouest. Pour ce qui est de ma
maison, je suis fier de le dire, nous faisons à peu près 2 p. c.
de nos dépenses de recherche au Canada.
M. BRISSON: M. Martel, je voudrais revenir sur ma question de tout
à l'heure car, dans mon esprit, ce n'est pas clair. Je la reformule.
Est-ce que, en général, les médecins paieraient moins cher
que les pharmaciens pour un produit?
M. MARTEL: Je ne peux répondre à cela que pour la maison
qui me regarde. Mon expérience est non. Je ne peux pas répondre
pour les autres maisons.
M. BRISSON: Mais, dans vos études, vous n'avez...
M. MARTEL: Je ne pourrais pas répondre à cela autrement
que par l'information que j'ai...
M. BRISSON: M. Gauthier pourrait peut-être me répondre.
M. GAUTHIER: Je dois dire simplement pour répéter ce que
M. Martel a dit, que la tendance actuelle est de n'avoir qu'un seul prix, que
ce soit pour les médecins ou les pharmaciens, et que les médecins
ne paient pas moins que les pharmaciens. C'est l'exemple de ma compagnie, mais
pas seulement de ma compagnie.
M. BRISSON: En pratique aussi?
M. GAUTHIER: En général, la tendance est maintenant
d'avoir un seul prix pour tout le monde. Je crois que c'est une tendance bien
bonne.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: Une dernière question, M. le Président, il y
a un fait qui me laisse perplexe depuis assez longtemps. Le prix du même
médicament est généralement plus bas, et dans certains cas
beaucoup plus bas, en Europe qu'en Amérique du Nord. On m'a donné
une explication que je voudrais vérifier. On m'a dit que c'est parce que
le coût de la recherche et du développement, quel que soit
l'endroit où cette recherche et ce développement sont faits, est
appliqué au marché nord-américain. Est-ce que c'est vrai
ou est-ce qu'il y a d'autres explications pour l'écart de coût
entre les continents?
M.GAUTHIER: M. le Président, une des explications je ne
peux pas les donner toutes, je ne suis pas responsable du marché
européen, dans ma compagnie qui font que quelquefois et
j'ai dit quelquefois quelques produits, en Europe, peuvent être
moins dispendieux, comme quelques produits que nous avons ici au Canada peuvent
être moins dispendieux qu'aux Etats-Unis je peux vous en citer des
exemples et vice versa, c'est que le coût de la vie, je crois, et
le coût des travailleurs, en Europe, sont beaucoup moins
élevés en Italie, par exemple, ou en Angleterre, qu'ils le sont
ici. Nous savons tous qu'au Canada le coût de la vie est un des plus
élevés au monde. Un travailleur qui est payé ici, dans
l'industrie pharmaceutique, gagne beaucoup plus que le même travailleur
qui fait le même travail en Italie, en France ou en Angleterre.
Il y a certainement là une raison. Cela peut être une des
raisons, très valable, pour le fait que quelques produits,
peut-être, peuvent être moins dispendieux.
Il y a aussi le volume. Dans les pays européens, vous comparez
les volumes des produits fabriqués; la population de ces pays est
beaucoup plus nombreuse. Alors, si vous vendez plus, eh bien, encore une fois,
le coût peut diminuer.
Le coût de la vie en général, le coût du
travail et même, quelquefois, de la machinerie parce que le
coût de la machinerie dépend du coût du travail
très souvent cela peut influer sur le coût de ces produits. Ici
même au Canada peut-être que cela a été
rapporté quelquefois dans les journaux d'une façon
équivoque vous avez des produits qui se vendent moins cher qu'aux
Etats-Unis. C'est peut-être surprenant, mais cela se produit dans
plusieurs cas.
M. GOLDBLOOM: C'est l'explication traditionnelle. Je ne voudrais pas
être désobligeant, mais n'est-il pas vrai que les écarts de
rémunération entre les pays européens et les pays
nord-américains diminuent considérablement avec le temps? Et
n'est-il pas vrai que Paris, par exemple, est une des villes les plus
dispendieuses quant au coût de la vie, et elle est quand même en
France? Les antibiotiques, surtout, qui sont parmi nos médicaments les
plus chers, se vendent beaucoup moins cher dans la plupart de ces pays
européens. Et je les ai visités.
M.GAUTHIER: M. le Président, je pense qu'il ne faudrait pas
prendre Paris comme exemple, car Paris est une des villes où il y a le
plus de tourisme, premièrement, et que Paris et le reste de la France,
c'est bien différent, même comme marché. Moi-même,
j'y ai travaillé pendant quelques mois et je peux vous dire que le
coût de la vie à Paris et le coût de la vie en Normandie
sont réellement différents. Les gens sont même payés
différemment.
M. QUENNEVILLE: Est-ce que le coût des médicaments varie?
Non?
M. GAUTHIER: Quelquefois, oui.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jeanne-Mance.
M. BRISSON: M. le Président, une dernière question. Est-ce
qu'on pourrait me dire à combien se totalisent les salaires payés
aux directeurs?
M. BEAUCHEMIN: Vous voulez dire les membres du bureau de direction qui
représentent les actionnaires au sein de...
M. BRISSON: Oui. Les membres du bureau de direction, le
président, les directeurs.
M. BEAUCHEMIN: II y a le président de la compagnie et le
président du bureau de direction, qui sont deux personnes.
M. BRISSON: Dans une compagnie limitée, vous avez ce qu'on
appelle les salaires payés aux directeurs.
M. BEAUCHEMIN: Cela varie avec l'importance de la compagnie,
j'imagine.
M. BRISSON: Dans les 38 compagnies dont vous nous avez donné les
chiffres? C'est parce que je voudrais savoir combien d'argent sur les $71
millions est payé à des employés qui ne sont pas
directeurs?
M. BEAUCHEMIN: Je n'en ai aucune idée. Evidemment, c'est une
proportion infime.
M. BRISSON: Oui.
M. BEAUCHEMIN: Dans un bureau de direction, vous pouvez avoir douze ou
treize directeurs. Si vous les mettez un chiffre
courant au Canada, s'il font exclusivement cela à environ
820,000 ou .$25,000, cela représente un chiffre...
M. LE PRESIDENT: MM. les membres de la commission, une fois que la
réponse à cette question aura été donnée, je
permettrai une autre question au député de Dorion et ensuite nous
demanderons à un autre groupe de présenter son
mémoire.
Alors, vous pouvez terminer votre réponse, M. Beauchemin.
M. BEAUCHEMIN: C'est complété.
M. LE PRESIDENT: Alors, le député de Dorion.
M. BOSSE: Ma question s'adresse à M. Gauthier. En ce qui a trait
au coût plus élevé des médicaments, ici, qui serait
attribuable au coût plus élevé de la main-d'oeuvve, est-ce
là une simple hypothèse ou est-ce un fait que vous êtes en
mesure de prouver?
M. GAUTHIER: Nous sommes certainement en mesure de le prouver. J'ai dit
que c'est une des raisons, je n'ai pas dit que c'était la seule.
M. BEAUCHEMIN: Nous serions heureux, M. le Président, de vous
fournir des chiffres à cet effet.
M. BOSSE: J'aimerais qu'on nous fournisse des chiffres.
M. BEAUCHEMIN : Avec plaisir.
Comité des assistés sociaux du
Québec
M. LE PRESIDENT: Je remercie ceux qui ont présenté le
mémoire des fabricants en pharmacie. J'inviterais maintenant M. Paul de
Boies qui représente le Comité des assistés sociaux du
Québec.
M. DE BOIES: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
la commission. Qu'il me soit permis, tout d'abord, de vous remercier d'avoir
bien voulu recevoir un non-nanti parmi les nombreuses organisations
professionnelles qui se présentent devant nous. Permettez-moi, de plus,
de vous dire, M. le Président, que je ne suis pas accompagné de
conseillers juridiques, ni de conseillers techniques mais tout simplement du
bon sens.
Il y a deux questions sur lesquelles je m'interroge à savoir si
le Collège des pharmaciens et l'Association des fabricants
pharmaceutiques sont plus démunis que les assistés sociaux.
La deuxième question que je me pose est la suivante: Ne
devrait-on pas changer le nom du bill 69, l'assurance-médicaments pour
l'amélioration du sort des défavorisés en celui de
l'assurance-médicaments pour l'amélioration du sort du trust
pharmaceutique?
Je crois que certains membres de cette commission seront d'accord avec
nous lorsque nous disons que les industries pharmaceutiques en gros et que les
pharmaciens d'officine sont le plus grand monopole et le plus grand racket dans
la province de Québec.
Permettez-moi, M. le Président, de vous citer quelques cas que
nous avons eus à notre secrétariat à Montréal. Nous
avons eu le cas d'une famille qui n'était pas apte à retirer des
allocations sociales et qui devait acheter dans une certaine pharmacie pour un
montant mensuel de 840.
Nous l'avons dirigée vers une certaine pharmacie et le prix de
ces médicaments est devenu $17.50. Un autre cas: dans une certaine
pharmacie, on vendait, à une famille à faible revenu, 30 pilules
pour $7.50. Nous l'avons envoyée dans une autre pharmacie et la personne
a obtenu 100 pilules, de la même marque, de même qualité,
pour $6.50.
Je me demande comment le Collège des pharmaciens peut expliquer
un tel écart de prix. Je crois que le Collège des pharmaciens
veut jouer le même jeu que l'Association des médecins
spécialistes. Ici, je pose une question au ministre des Affaires
sociales. Au mois de novembre, l'an dernier, le Montreal Children Hospital et
le Montreal General Hospital fermaient les pharmacies aux patients externes.
Est-il vrai que dans une lettre adressée à quelqu'un, l'honorable
député de Notre-Dame-de-Grâce disait que le Collège
des pharmaciens avait fait pression sur le gouvernement afin de faire fermer
les pharmacies dans les hôpitaux?
M. TETLEY: Pardon, M. le Président. Evidemment, j'ai fait
enquête sur cette question qui me touche de près, comme vous, et
si vous regardez la lettre, vous allez voir qu'il y avait bien des raisons, et
je suis, M. de Boies, d'accord avec vous dans les grandes lignes.
C'était apparemment un des cas, une des raisons pour lesquelles elles
ont été fermées. C'est vrai.
M. DE BOIES: Parfait. Le Comité des assistés sociaux du
Québec est pleinement d'accord avec le bill 69. Nous considérons
que lorsque cette loi sera en vigueur, ce sera une grande amélioration
sur le système actuel pour les assistés sociaux.
Ici, que le ministre des Affaires sociales me permette de faire une
observation sur le système actuel des médicaments. Il y a une
chose que nous ne comprenons pas. Comment se fait-il que lorsqu'un
assisté social, qui a besoin d'un certain nombre de médicaments,
se présente à un bureau du bien-être social de la ville de
Montréal, son cas est réglé immédiatement? Tandis
que dans les bureaux régionaux provin-
ciaux, comme Verdun, Lasalle, Lachine, Saint-Jérôme,
Sainte-Thérèse, on prend quelquefois quinze jours, trois semaines
et même deux mois, comme j'ai vu dans certains cas?
Je crois, M. le Président, que dans le bill 69 on a oublié
deux catégories de gens. La première catégorie, ce sont
les gens les plus négligés de la société, je veux
parler ici des chômeurs domiciliés dans les asiles de nuit.
La majorité d'entre eux ne veulent pas l'assistance sociale et
aiment beaucoup mieux travailler occasionnellement un jour ou deux par semaine.
Je crois que cette catégorie devrait être incluse dans le bill 69.
Le ministre des Affaires sociales se souvient que lorsqu'il a reçu notre
délégation le 5 août dernier venue lui demander les
médicaments gratuits nous lui suggérions que les montants,
au lieu d'être sur les allocations sociales, devraient être
facturés directement au gouvernement. Puisque la chose est possible pour
les bénéficiaires de l'assistance sociale, je crois que la
même chose pourrait être accordée aux chômeurs
domiciliés dans les asiles de nuit.
De plus, il y a une autre catégorie que nous considérons
comme devant être incluse dans le bill 69. Ce sont les travailleurs
à faible revenu. Un père de famille de trois enfants qui ne gagne
que §2,500 par année ne peut se procurer les médicaments
nécessaires pour sa famille. Les seuls médicaments qu'il peut se
procurer sont les médicaments à bon marché dont on fait
une publicité tapageuse. Je crois que cette situation vis-à-vis
des travailleurs à faible revenu ne devrait pas exister dans notre
société actuelle.
Nous espérons que le bill 69 sera mis en vigueur le plus
tôt possible et qu'il ne tramera pas en longueur aussi longtemps que le
bill de l'aide sociale, le bill 26.
Nous recommandons à la commission parlementaire que les
médicaments soient fournis gratuitement à tous les
assistés sociaux, ainsi que les soins dentaires, lunettes et
prothèses. Aussi, pour les enfants défavorisés, tous les
médicaments nécessaires pour leur santé.
Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord. Je me demande si
j'ai bien compris la loi. C'est que tous les enfants, jusqu'à
l'âge de 7 ans, bénéficieraient de tous les soins
dentaires. Je crois qu'il serait beaucoup plus utile que les enfants
d'âge scolaire des familles défavorisées ou des familles
à faible revenu reçoivent tous les traitements nécessaires
pour leur santé.
Je ne vois pas pourquoi un enfant d'une personne qui gagne $20,000 par
année pourrait retirer les mêmes bénéfices que les
enfants des défavorisés.
De plus, nous recommandons à la commission que dans les zones
grises l'on donne, s'il le faut, des bourses aux professionnels pour qu'ils
oeuvrent dans les quartiers défavorisés.
En terminant, que l'on me permette, M. le Président, de dire que,
même si le bill 69 est une amélioration pour le sort des
défavorisés, nous considérons que ce n'est encore qu'un
cataplasme sur une jambe de bois et qu'il ne touche pas réellement le
fond du problème de la misère qui sévit actuellement dans
le Québec. Merci.
M. CASTONGUAY: J'aimerais, M. le Président, faire quelques
commentaires. M. de Boies a mentionné que les médicaments peuvent
être obtenus à des coûts différents selon qu'on
s'adresse à une pharmacie plutôt qu'à une autre.
Evidemment, il y a là deux aspects. Si le médicament est
acheté dans la pharmacie où le prix est le plus
élevé, cela impose un fardeau additionnel. Je pense que cela
démontre à la fois qu'il peut y avoir une certaine concurrence au
niveau des prix. Il s'agit peut-être justement d'essayer de faire en
sorte que cette concurrence soit plus grande. C'est un des aspects que j'ai
mentionnés ce matin à cette commission, la question de la
concurrence au niveau des prix aussi bien des pharmaciens d'officine qu'au
niveau des prix des fabricants.
En ce qui a trait aux médicaments dans les cliniques ou les
consultations externes des hôpitaux, je voudrais rappeler ici il
en a été question; je crois justement que c'est le
député de Sainte-Marie qui m'avait posé la question en
Chambre que c'était une initiative que ces hôpitaux avaient
prise d'eux-mêmes et lorsque le bill 26, je crois que cela a
été le facteur prédominant, a été
adopté et face aux difficultés financières que ces
hôpitaux connaissent pour diverses raisons, ils ont décidé
entre autres choses d'abandonner le système. Maintenant, à notre
demande, ils ont repris pour une période intérimaire tant et
aussi longtemps que le bill 69 ne sera pas approuvé.
Je crois que, dans ce cas, même s'il y a des gens qui ont pu en
souffrir, il y a un autre aspect à signaler au niveau de ces
hôpitaux: c'est leur désir de vouloir aider dans la mesure de
leurs moyens et ils l'ont fait pendant un bon nombre d'années
les gens qui obtenaient des médicaments à meilleur prix ou
gratuitement dans les consultations. Ils ont cru que le bill 26 les
dégageait de cette responsabilité qu'ils avaient assumée
eux-mêmes et en pratique cela s'est avéré quelque peu
différent à cause des lourdeurs du système prévu
dans le bill 26 et des problèmes aussi que cela pose.
En ce qui a trait au délai dans les bureaux régionaux du
ministère par rapport aux bureaux de Montréal, je sais que nous
avons des difficultés. Je crois qu'elles sont graduellement en voie de
se résorber. Il ne faut pas oublier que la Loi d'aide sociale a
été établie à un moment où le chômage
était fort élevé et où le nombre des
bénéficiaires est par définition ou par voie de
conséquence élevé et que c'est une loi assez difficile
à administrer, étant donné la nécessité de
réviser les cas, la nécessité, en définitive,
d'apporter une attention individuelle à chacun des dossiers.
II ne faut pas oublier, d'autre part, malgré toutes les pressions
qu'on a pu exercer pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment de personnel
dans les bureaux, il n'était pas possible au gouvernement de
connaître exactement à l'avance quel serait le fardeau dans chacun
des bureaux. Une fois les dossiers décentralisés, certains
bureaux se sont retrouvés avec des fardeaux trop élevés.
Il a donc fallu, dans certains cas, sectionner ces bureaux et, dans d'autres
cas, faire du recrutement, entraîner ce personnel.
Nous savions, lorsque nous avons accéléré la mise
en vigueur de la Loi d'aide sociale au 1er novembre, alors que les officiers du
ministère nous avaient dit que, normalement, le 1er janvier leur
donnerait le temps de franchir toutes les étapes, que nous ferions face
à certains de ces problèmes. Nous avons quand même cru
préférable de mettre la loi en vigueur, quitte à corriger
ces situations par la suite plutôt que de retarder la mise en vigueur de
la Loi d'aide sociale.
Dans tous les cas, les rapports que nous avons sont à l'effet
qu'un bon nombre de ces problèmes se résolvent graduellement. Il
y a aussi les difficultés de faire entrer du personnel dans la fonction
publique. Je me souviens qu'il y a quelques années, le premier ministre
de l'époque, M. Johnson, se plaignait des lourdeurs, des lenteurs du
système. Il y a peut-être eu de l'amélioration je
n'étais pas là à l'époque mais je sais que
c'est encore un processus assez complexe. La loi de l'administration
financière, qui a été approuvée lors de la
dernière session, devrait avoir un certain effet sur ce plan.
Les cas oubliés. On a mentionné les chômeurs des
asiles de nuit, qui ne reçoivent pas d'assistance, mais qui devraient,
selon M. de Boies, être couverts par la Loi de l'aide sociale, en ce qui
a trait aux médicaments. Je voudrais simplement préciser ici
qu'il y a une différence entre la Loi d'aide sociale et les anciennes
lois. Une personne n'a pas nécessairement besoin de recevoir des
allocations financières, elles peuvent, si évidemment elles sont
admissibles, être couvertes dans les limites prévues par la
loi.
Il y a également les travailleurs à faible revenu. Je
voudrais ici signaler le gouvernement l'a mentionné à
plusieurs reprises devant les demandes faites à cette commission
à l'effet que la couverture de l'assurance-maladie soit étendue
plus rapidement que par le simple fait que les soins médicaux
sont aujourd'hui couverts, il n'en demeure pas moins que, pour le budget d'une
famille même si c'est un budget qui n'est pas très
élevé le fait que les soins médicaux soient
couverts allège quelque peu à tout le moins la partie du budget
consacrée aux soins de santé. C'est déjà une
amélioration et cela améliore peut-être un peu
l'accès aux médicaments.
Deuxièmement, dans toutes les discussions que nous avons eues
aujourd'hui et dans les quelques commentaires que je faisais au début,
c'est également notre intention d'essayer de bénéficier
des mécanismes qui seront mis sur pied pour ce régime ou cette
couverture des médicaments pour faire en sorte que la population ait une
meilleure information et puisse rechercher des médicaments de
qualité à meilleur coût. L'information est
présentement extrêmement difficile d'accès pour la
population, sinon impossible. On nous a parlé tout à l'heure d'un
programme ontarien. En fait, le programme appliqué en Ontario vise
à distribuer de l'information à la population ce qui permet
à celle-ci de faire ses choix en bénéficiant d'un peu plus
de renseignements. Il est possible et je crois bien qu'il serait normal
que nous essayions ici de faire la même chose.
Il y a aussi le fait que nous ne couvrons pas toute la population et que
ce régime nous l'avons mentionné lors du
dépôt du projet de loi provient d'abord d'un problème
de coût.
Il provient aussi de l'établissement des mécanismes
administratifs qui sont assez complexes et aussi des mécanismes de toute
la question de la négociation. Avant de penser à étendre
le régime, je pense qu'il est bon... De toute façon, c'est une
question qui peut être discutée ici, à la commission, mais
l'opinion du gouvernement est qu'il est bon d'absorber cette première
étape avant de penser à trop élargir le champ
d'application du régime.
Il y a également le problème des coûts qui se pose,
même s'il y a une transposition des dépenses du secteur
privé au secteur public. Il y a des incidences et on ne peut les ignorer
totalement. Ce sont les quelques commentaires que je voulais faire, suite
à l'exposé de M. de Boies.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je n'ai pas de question
à poser à M. de Boies, je voudrais simplement le remercier de sa
contribution. On sait tous les travaux de cette commission, depuis qu'elle
siège, depuis plusieurs années. Il faut souligner qu'il a
soulevé des problèmes réels, entre autres les
difficultés que pose une période de transition alors qu'on
débute avec un régime partiel pour en arriver plus tard à
un régime qui couvre toute la population. De toute façon, nous
espérons que le gouvernement pourra franchir les étapes le plus
rapidement possible, en tenant compte des remarques du ministre, des
contraintes, des coûts, de l'expérience administrative à
acquérir. Nous espérons que cette période de transition
sera la plus courte possible afin que, particulièrement, les
économiquement faibles, ceux qui sont situés juste au-dessus de
la barre, ceux qui ne peuvent pas bénéficier de ces
législations qui couvrent les assistés sociaux, ne se voient pas
privés trop longtemps des services que peuvent leur rendre ces
législations.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, j'aimerais demander à M. de
Boies ce qu'il pense, lui, et ce que pensent ceux avec qui il vient le plus
souvent en contact, du ticket modérateur, des frais modérateurs,
pour l'assurance-médica-ment.
M. de BOIES: Je crois que le gouvernement pourrait négocier avec
le Collège des pharmaciens, s'il est de bonne foi, tout comme avec les
chirurgiens-dentistes et les optométristes. En effet, il y a
déjà une entente avec les optométristes à l'effet,
par exemple, que les optométristes donnent aux assistés sociaux
une paire de lunettes et que le bien-être paie $20. Avec les
chirurgiens-dentistes, il y a une entente à l'effet que, pour deux
dentiers, la somme est de $75.
Le ministre faisait remarquer que, dans les pharmacies, il y avait
concurrence et que cela prouvait qu'il y a un écart des prix. Je crois
que, dans les produits pharmaceutiques, il pourrait y avoir un prix
modérateur tout comme il y en a chez les optométristes et chez
les chirurgiens-dentistes actuellement.
M. LAURIN: Vous n'êtes donc pas contre cette mesure?
M. DE BOIES: Voici...
M. LAURIN: Vous n'y voyez pas d'inconvénient?
M. DE BOIES: Non, à condition que les prix ne soient pas trop
élevés, parce que, une fois de plus, le contribuable dira: Les
assistés sociaux nous coûtent énormément cher.
M. LAURIN: Je voudrais préciser ma question, M. de Boies. Les
frais modérateurs obligeraient par exemple tout acheteur éventuel
de médicaments à débourser une certaine somme pour les
médicaments, par exemple $0.50, $0.75, chaque fois qu'il a besoin de
faire remplir une ordonnance. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure?
M. DE BOIES: Personnellement, je suis en faveur de cette mesure. Mais le
Comité des assistés sociaux, dont je suis le président,
est contre.
M. le député, qu'on me permette de faire cette remarque;
lorsque le bill 69 sera mis en vigueur, ceux qui retirent du surplus pour les
médicaments ne le retireront plus. Actuellement, dans mon organisation,
je suis très controversé à cause de cette question, parce
que l'on me dit: Tu veux nous faire couper nos allocations sociales. Alors, ne
soyez pas surpris, au ministère des Affaires sociales, du tollé
que cela soulèvera chez les assistés sociaux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Argenteuil.
M. SAINDON: M. le président, j'aurais quelques questions à
poser à M. de Boies. Le cas qu'il a présenté concernant
les médicaments au prix de $45 à une pharmacie et de $17.50
à une autre me laisse un peu sceptique. Je vois difficilement deux
pharmacies demander l'une $45 et l'autre $17.50 pour le même
médicament. D'accord, il peut y avoir des irrégularités
commises par certains pharmaciens, certaines pharmacies, mais il reste quand
même à les prouver. C'est accuser ou présenter des cas sans
avoir enquête' au préalable ou s'être assuré du
bien-fondé de ce qu'on va dire; je crois qu'il y aurait lieu, avant
d'accuser, d'être bien certain que ce qu'on va dire est juste, avec
l'engouement vis-à-vis de la contestation que nous avons. Il s'agit tout
simplement d'un ramassis de petits faits comme cela pour discréditer non
seulement le pharmacien, mais la profession.
Je voudrais demander à M. de Boies s'il est bien certain qu'il
s'agissait de la même quantité de médicament.
M. de BOIES: Absolument la même quantité. Si M. le
député veut faire l'expérience, je lui donnerai le nom des
deux pharmacies en question.
M. SAINDON: Est-ce qu'il s'agissait, M. de Boies, d'une prescription
médicale?
M. de BOIES: D'une prescription médicale.
M. SAINDON: Lorsqu'une prescription médicale est remplie dans une
pharmacie, il n'y a pas de nom sur l'étiquette du contenant, que ce soit
une bouteille ou autre chose. Etes-vous bien certain que, dans les deux cas, il
s'agissait du même médicament?
M. de BOIES: Absolument le même. De plus, adressez-vous à
M. Séguin, le directeur du Service de bien-être de
Montréal, qui pourra, dans les dossiers, vous montrer, non pas
simplement deux ou trois cas, mais au moins une centaine de cas. Pourquoi?
Parce que les employés du bien-être de la ville de Montréal
ont fait une enquête. Actuellement, lorsque le coût des
médicaments est un peu trop élevé, on envoie les gens
à deux pharmacies où le coût des médicaments est la
moitié moindre qu'à certaines autres pharmacies.
M. SAINDON: Etes-vous bien certain, M. de Boies, qu'on vous aurait
donné exactement le même médicament dans les deux
mêmes cas? Comment auriez-vous pu vérifier?
M. de BOIES: Absolument le même! M. SAINDON: Et comment...
M. de BOIES: Le pharmacien qui vend à prix réduit, je le
connais depuis de très nombreuses années, le Collège des
pharmaciens le connaît. Je crois qu'on ne peut pas nier sa
compétence et sa qualité de pharmacien.
M. SAINDON: Comment auriez-vous pu certifier que c'était le
même médicament? C'est une autre paire de manches, cela!
M. de BOIES: Les clients ont dit que c'était absolument la
même marque, absolument les mêmes médicaments. Le
médecin de qui venait l'ordonnance dit que c'était absolument la
même qualité pour les deux.
M. SAINDON: Ce n'est pas une preuve. A moins d'une preuve, vous
n'êtes pas capable de certifier cela.
M. de BOIES: Ecoutez, M. le député, je pourrai vous donner
les noms des deux pharmacies en question avec les adresses et vous irez voir
vous-même.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, c'est tout
simplement pour appuyer ce qu'a dit M. de Boies. Pour répondre au
député d'Argenteuil, dans mon comté, vous devez savoir
qu'il y a plusieurs assistés sociaux. Les mêmes assistés
sociaux, quand je les envoie dans une pharmacie, cela leur coûte le
double par rapport à une autre pharmacie. Maintenant,
confidentiellement, si vous voulez avoir des noms de clients et de pharmacies,
je vous en donnerai, M. le député. J'appuie ce que M. de Boies a
dit. J'en ai la preuve personnellement. Cela coûte deux fois plus cher
dans une pharmacie que dans l'autre pour les mêmes médicaments. Et
je l'ai fait vérifier, à part cela.
M. SAINDON: M. le Président, je pense qu'il y a certaines
précisions qu'il est peut-être temps de faire. Je vais lire
l'en-tête de cette page de journal, mais ce n'est pas cela que je veux
amener. J'ai ici, en date du 20 mai 1970 "Montréal inondé de
fausses pilules? Je voulais demander à M. de Boies s'il pouvait
certifier que, dans les deux cas, c'était exactement la même
pilule ou le même médicament. Cela, je suis certain que ce n'est
pas le service social, ni un pharmacien X, Y ou Z qui peut le dire. Cela
prendrait une expertise de laboratoire.
Il y a le B-12, par exemple, qui est reconnu comme un médicament
dispendieux. Vous avez certaines petites compagnies, qui ne sont pas plus
responsables qu'il ne le faut, qui vous vendront une bouteille de pilules avec
du B-12 dedans. Alors, sur l'étiquette, en grosses lettres, ils
écriront, par exemple: 100 microgrammes de B-12. Seulement, si vous
n'êtes pas attentif et si vous n'allez pas lire dans les petites lignes,
tout au bas de l'étiquette ce qui est écrit, vous allez croire
que vous payez $9 pour une bouteille de 100 tablettes contenant 100
microgrammes de B-12 chacune, tandis que tout au bas de l'étiquette,
c'est écrit: 100 microgrammes dans la bouteille. Cela veut dire qu'au
lieu de 100 microgrammes par pilule vous avez un microgramme par pilule.
Alors, celui qui vous vend 100 microgrammes par pilule vous vendra cela
$9 et celui qui vous vend 1 microgramme par pilule vous le vendra $4. Celui qui
vend $9 se fait accuser de voler le monde.
Maintenant, une autre chose qui ne se dit pas et que les pharmaciens et
les producteurs devraient dire de temps en temps, c'est que, justement, vous
avez trois sortes de B-12: vous avez la cyanocobalamine, qui est un B-12,
disons, pur; vous avez la cobalamine qui est un B-12 synthétique et qui
représente, probablement, 66 p.c. de la valeur thérapeutique de
la cyanocobalamine et vous avez, enfin, un troisième B-12 apparu sur le
marché qui vaut probablement quelque chose comme 28 p.c. de
l'original.
Alors, si vous avez affaire, dans certains cas, à quelqu'un qui
ne le sait pas le pharmacien le sait ou le manufacturier le sait
il accusera, peut-être, par erreur, un tel de vendre un produit qui n'est
pas qualifié. Alors, ce sont justement des imprécisions comme
cela. Il s'agit, cependant, de dire à M. de Boies qu'avant d'accuser un
pharmacien, une pharmacie ou la profession, il faut être capable de
prouver ce qu'on affirme.
M. de BOIES: M. le Président, que l'on me permette une
observation à l'honorable député d'Argenteuil. Comment se
fait-il que, dans les pharmacies des hôpitaux, on vende le produit trois
fois moins cher que dans une pharmacie d'officine? Est-ce que vous allez
accuser les pharmacies des hôpitaux de ne pas donner le même
médicament que les pharmaciens d'officine?
M. SAINDON: Je peux difficilement vous répondre, M. de Boies,
à cette question parce que je ne suis pas pharmacien.
Deuxièmement, c'est une question d'administration. Je ne me suis jamais
occupé de pharmacie dans un hôpital. Alors, je peux difficilement
vous répondre là-dessus. Mais, encore là, il faudrait que
ce ne soit pas une accusation ou une affirmation gratuite, cependant.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'aurais une seule question
à poser à M. de Boies. Vous avez cité deux exemples, il y
en a sûrement d'autres...
M. DE BOIES: II y en a beaucoup d'autres.
M. GOLDBLOOM: Combien de pharmacies connaissez-vous auxquelles vous
envoyez les assistés sociaux membres de votre comité qui se
plaignent du coût élevé des médicaments? Y en a-t-il
plusieurs?
M. DE BOIES: II y en a quatre que je connais. Une qui a
été suspendue dernièrement mais dont la suspension a
été levée puisque le propriétaire est ici pour
présenter un mémoire. Il y en a trois autres que je connais
où non pas seulement notre comité envoie les assistés
sociaux ou les gens à faible revenu mais aussi le service social de
Montréal.
M. GOLDBLOOM: Merci, M. de Boies. M. LE PRESIDENT: Une autre
question.
M. BRISSON: Je voudrais savoir combien de membres compte votre
association?
M. DE BOIES: 11 est assez difficile de le dire, nous n'émettons
pas de cartes de membres, nous ne demandons aucune cotisation, mais avec nos
différents comités, nous croyons sans être
présomptueux, que nous comptons tout près de 5,000
assistés sociaux.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.
M. BRISSON: Est-ce que vous les comptez tous?
M. DE BOIES: Non. Ecoutez, 5,000 assistés sociaux, ça ne
représente pas un gros pourcentage parce qu'actuellement, si mes
chiffres sont exacts, 242,000 personnes sont inscrites à l'assistance
sociale, chefs de famille ou célibataires.
M. BRISSON: A votre dernière assemblée, combien aviez-vous
de membres?
M. DE BOIES: A la dernière assemblée, à
Montréal, nous avions 150 personnes. A Lasalle samedi, nous avions
au-delà de 200 personnes.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Argenteuil.
M. SAINDON: M. le Président, une question au ministre. Dans les
dispensaires des hôpitaux, s'il y a déficit, est-ce que le
gouvernement ne comble pas la différence?
M. CASTONGUAY: Premièrement, vous savez que dans les cliniques,
les dispensaires, normalement, en vertu de la Loi du collège de
pharmacie, il n'est pas censé se faire de vente de médicament.
Alors, ce qui s'est fait, les quel- ques cas auxquels je me
référais précédemment, le Montreal Children
Hospital, par exemple, à ma connaissance, dans ces cas là,
l'hôpital assume une partie du coût des médicaments.
M. SAINDON: II n'y a rien qui empêche l'hôpital de vendre au
prix coûtant ou même en bas du prix coûtant.
M. CASTONGUAY: Je sais qu'ils assument une partie du coût des
médicaments. Alors le prix de revient à celui qui va à ces
dispensaires-là peut fort bien être en bas du prix
coûtant.
M. SAINDON: II s'agit donc là quand même d'une aide
indirecte du ministère aux assistés sociaux. Si cela existe, par
contre, c'est justement ce qui amène quelquefois des contestations du
genre de celle d'aujourd'hui.
M. CASTONGUAY: Jusqu'à tout dernièrement, ces
déficits-là étaient absorbés et financés par
les hôpitaux par d'autres sources de revenus. Depuis le 1er novembre,
voyant la Loi de l'aide sociale, ils ont arrêté ce genre
d'activités se disant que les médicaments étaient couverts
par la Loi de l'aide sociale.
Ce n'est qu'à compter du 1er novembre que nous leur avons dit,
comme ministère, que nous assumerions la note en définitive,
jusqu'au moment où le bill 69 serait établi.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter un
détail. Il est bien connu que les hôpitaux peuvent vendre des
médicaments aux assistés sociaux à des prix
réduits. Mais il y a eu entente, au moins tacite, voulant que, dans les
autres cas, les personnes qui ne sont pas des assistés sociaux, mais qui
sont hospitalisés et achètent des médicaments à
leur départ ou qui visitent les cliniques externes, il y ait un prix
normal exigé pour ne pas faire une concurrence déloyale aux
pharmacies d'officine.
M. BLANK: J'aurais une question à poser à M. de Boies. Les
trois autres pharmaciens dont vous parlez, qui vous vendent à prix
modique, est-ce qu'elles font affaires depuis longtemps?
M. DE BOIES: Ah oui! Il y en a une elle a
déménagé cela doit faire sept ou huit ans. Les deux
autres, maintenant, je ne sais pas depuis quand elles font affaires.
M. BLANK: Mais, à votre connaissance, celle qui est là
depuis sept ans et les deux autres ont déjà été
suspendues pour vendre...
M. DE BOIES: Non, non. Simplement, une a été suspendue et
je crois que le propriétaire doit présenter parce que j'ai
vu l'ordre du jour un mémoire devant la commission.
M. BLANK: Mais les trois qui ont vendu...
M. DE BOIES: Non, non, elles n'ont pas été suspendues.
M. BLANK: Jamais?
M. DE BOIES: Non. Et que l'on me permette une observation. Lors de la
crise du Montreal Children Hospital et du Montreal General Hospital, il y a eu,
lors de notre assemblée, le 25 novembre, dans le sous-sol de
Saint-Jacques, une chaîne de pharmacies qui nous a offert ses services en
vendant aux assistés sociaux et aux travailleurs à faible revenu,
les médicaments au prix coûtant plus $1 d'honoraires
professionnels.
M. LE PRESIDENT: Alors, je remercie M. de Boies, de son exposé.
J'inviterais maintenant le Collège des médecins et chirurgiens
à donner ses idées sur ce point.
Collège des médecins et
chirurgiens
M. ROY: M. le Président, MM. les membres de la commission,
mesdames, messieurs. Tout le monde, à cette heure-ci, étant assez
fatigué, je vais être bref. Je dois d'abord féliciter le
gouvernement de sa nouvelle initiative dont nous sommes très heureux et
nous offrons la collaboration du Collège des médecins et
chirurgiens de la province de Québec dans les domaines qui nous
concernent.
Une fois réglée cette question de l'accessibilité
des médicaments, du moins en ce qui concerne les assistés
sociaux, nous devons penser à la distribution des médicaments
comme telle.
Dans un réseau adéquat de distribution de
médicaments, je pense que la seule chose qui doit être
considérée, c'est l'intérêt des malades et non celui
des distributeurs. Parmi les distributeurs importants, il y a,
évidemment, les pharmaciens qui sont les gens habilités à
dispenser les médicaments, à les fournir, à les
vendre.
H y a aussi une question qui nous préoccupe, c'est la
distribution des médicaments dans les régions
éloignées ou dans les régions peu peuplées. Dans
ces régions les médecins ont traditionnellement, par la force des
choses, fourni les médicaments à leurs malades, selon les lois en
vigueur. Nous croyons que cette chose a toujours été faite dans
l'intérêt du public et que c'est la seule considération qui
doit attirer l'attention.
C'est pourquoi nous devons, en examinant le bill 69, attirer votre
attention sur l'article 1, paragraphe a-1), qui donne la définition du
pharmacien dans la Loi de l'assurance-maladie. On fait référence,
dans cet article, à l'article 8 de la Loi de pharmacie dans lequel est
déclaré pharmacien un licencié en pharmacie,
propriétaire ou non propriétaire, de même qu'un
médecin pharmacien. Or, dans la Loi de pharmacie, un médecin
pharmacien est un médecin qui est propriétaire d'une pharmacie
avec pignon sur rue, qui paie les mêmes cotisations qu'un pharmacien, qui
exerce le commerce de pharmacien.
C'est justement une chose qui existe dans certains cas il y a
à peu près encore une centaine de médecins pharmaciens
dans le Québec mais que dans le contexte social actuel, nous ne
voulons plus voir subsister. Nous ne croyons pas qu'il y ait des raisons pour
qu'un médecin, en plus de sa profession de médecin, exerce en
même temps la profession de pharmacien. Nous croyons toutefois que les
médecins, dans les campagnes, dans les régions peu
peuplées ou isolées, devraient continuer à distribuer les
médicaments et ne devraient pas être obligés pour cela
d'avoir une pharmacie avec pignon sur rue, mais pourraient continuer à
garder plusieurs personnes qui ont l'expérience de la campagne
vous diront que c'est essentiel dans ces régions leurs
médicaments à leur bureau, de façon à pouvoir les
dispenser eux-mêmes à leurs malades au cours d'un examen
médical. Ce qui est, en fait, le prolongement de l'acte médical.
Et ceci dans l'intérêt du patient qui n'aurait pas 25, 30 ou 50
milles à faire pour se procurer son médicament, à des
heures où souvent les pharmacies ne peuvent pas être ouvertes, ou
même, dans certains cas, à des moments où il est absolument
impossible de se les procurer ailleurs que chez le médecin. Cela, les
médecins l'ont fait dans le passé pour rendre service à la
population.
Nous croyons que cette question devrait être étudiée
de façon que les médecins puisse continuer à faire partie
du réseau de distribution des médicaments sans être
pharmacien tenant pharmacie avec pignon sur rue et sans être
obligé cela est un point primordial de devenir membre du
Collège des pharmaciens.
Nous croyons que le médecin a la compétence
nécessaire pour prescrire le médicament, pour le donner
lui-même et nous ne croyons pas qu'il devrait être assujetti
à une autre corporation, d'autant plus que de tout temps les
médecins ont eu le droit de fournir ces médicaments.
Nous ne croyons pas, par ailleurs, qu'à l'avenir, nonobstant les
lois actuelles, les médecins devraient continuer à vendre des
médicaments dans les endroits où existent des pharmacies.
Nous avons discuté cette question à plusieurs reprises
avec les représentants du Collège des pharmaciens et nous en
sommes pratiquement arrivés, à un moment donné, à
une entente, mais nous avons toujours bloqué sur un point, et c'est le
point précis dont je vous parle: celui de l'appartenance au
Collège des pharmaciens nous ne voulons absolument pas. Nous ne croyons
pas qu'il serait raisonnable de demander à un médecin qui rend
service à la popula-
tion de payer une cotisation à deux corporations, alors qu'il a
la compétence, par son entraînement, par sa formation, de
continuer à prodiguer les soins et à dispenser les
médicaments lui-même à ses malades.
C'est pourquoi nous aimerions que la commission parlementaire des
Affaires sociales se penche sur la définition du pharmacien et
suggère que le médecin de campagne, là où il n'y a
pas de pharmacien, dans les régions rurales, puisse continuer à
dispenser des médicaments et être remboursé au même
tarif, selon les mêmes conditions que le pharmacien environnant, sans
aucune discrimination.
Un mot seulement sur la question du format thérapeutique dont il
a été question ce matin. Je dois dire ici que nous sommes
d'accord pour l'introduction d'un format thérapeutique à
condition, toutefois, que ce soit selon une forme souple qui permette aux
médecins d'adapter la quantité utile pour les traitements que
requièrent ses malades.
Nous sommes également d'accord, en principe, sur la prescription
par noms génériques. C'est excellent, en théorie. Cela
présente, par ailleurs, au point de vue pratique, certaines
difficultés et des écueils à éviter. Par exemple,
et je pense que c'est une chose dont on a parlé cet après-midi,
une chose primordiale à laquelle on doit toujours penser, c'est la
question de l'efficacité et, évidemment, la qualité d'un
médicament doit être toujours celle qui est la meilleure pour
guérir le malade.
Or, il peut arriver que cette qualité ne soit pas la même
d'une compagnie à une autre, ou qu'un médicament soit fait sous
un nom générique par une compagnie dont on ne peut pas
vérifier l'efficacité. La même chose s'applique à la
substitution ou à la duplication, c'est la question de la qualité
et de l'efficacité qu'il faut viser de façon que, lorsque le
médecin prescrit un médicament à un malade, il soit
assuré que c'est vraiment ce qu'il a prescrit dans
l'intérêt de son malade qui va être donné, et non pas
autre chose qui ne sera pas efficace.
Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir accueillis, nous
sommes à votre disposition, nous comptons collaborer avec le
gouvernement dans l'instauration de ce régime, mais nous croyons que,
dans l'intérêt public, les médecins dans les campagnes,
dans les régions peu peuplées, dans les régions
défavorisées devraient pouvoir continuer à dispenser les
médicaments comme ils le font actuellement, aux mêmes tarifs que
les pharmaciens, sans par ailleurs être obligés d'appartenir au
Collège des pharmaciens.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais juste poser une
question, deux questions en fait. S'il y a un organisme qui est chargé
du contrôle des activités professionnelles de ceux qui distribuent
des médicaments, et c'est le Collège des pharmaciens, en vertu de
quoi exactement les médecins qui distribuent des médicaments dans
les centres où cette pratique subsiste, pour des raisons
évidentes, seraient-ils exclus de l'application de la Loi du
Collège des pharmaciens?
J'ai mal saisi la raison.
M. ROY: Non. De tout temps, le médecin a eu le droit, non pas de
vendre des médicaments au détail, ce qui constitue la pratique de
la pharmacie, mais de dispenser, de fournir ces médicaments
lui-même à ses malades, au cours d'une visite à son bureau.
C'est ce qu'on appelle le prolongement de l'acte médical. Un acte
médical est un tout, c'est un diagnostic, c'est le traitement, c'est le
noeud du traitement, c'est ensuite la vérification, la
réadaptation, etc. C'est un tout, c'est global. Cela comporte justement
cette question de médicaments que les médecins ont toujours
appliquée. Depuis toujours, les médecins ont eu ce pouvoir,
ès droit. Nous considérons que leur préparation leur donne
les connaissances voulues pour donner le médicament approprié aux
malades. Nous croyons qu'il y a encore bien moins de risques d'erreur, si c'est
le médecin lui-même qui donne le médicament à son
malade au cours de la même visite, en plus de faciliter la tâche au
malade qui aurait à parcourir 25 ou 30 milles pour aller voir un
pharmacien et avoir le même médicament.
Nous ne croyons pas que le médecin devrait être assujetti
au Collège des pharmaciens pour ce contrôle que nous pouvons
très bien exercer, parce que cela fait partie de l'exercice de la
médecine comme telle. D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'au tout
début, alors qu'il n'y avait pas de pharmaciens, c'étaient les
médecins qui faisaient tout.
M. CASTONGUAY: Cela a changé un peu malgré tout.
Est-ce qu'il y a une autre question? Je voudrais être bien clair,
je voudrais bien comprendre ce que vous avez dit, en ce qui a trait a la
substitution des médicaments ou l'ordonnance par des
dénominations communes ou des noms génériques. Vous avez
dit que vous étiez d'accord en principe, mais vous avez fait certaines
réserves. Cela veut-il dire que ces réserves-là vont
jusqu'au point où, en pratique, vous êtes en désaccord? Ce
n'est pas clair.
M. ROY: Je ne l'ai pas dit, justement, parce que c'est une question
pratique. En principe, la substitution, si la qualité est absolument
égale, si l'efficacité est la même, est une chose
souhaitable, si le prix peut être plus bas. Ce sont les garanties qu'il
faut obtenir. La duplication ou la substitution pourrait être permise,
acceptée, pour autant qu'on a la garantie de l'efficacité du
médicament.
M. CASTONGUAY: Est-ce que, selon vous,
le pharmacien, vous nous avez dit que vous étiez très
habilité dans cette question de distribution des médicaments
dont vous connaissez le travail, peut faire des jugements valables sur
cette question des substitutions?
M. ROY: C'est justement la question qui est difficile à
résoudre, parce qu'on n'a pas et cela a été dit
encore cet après-midi d'étude d'efficacité des
médicaments. Vous allez prendre quatre médicaments de
différentes compagnies pharmaceutiques et vous n'avez pas l'une
à côté de l'autre des études montrant
l'efficacité de tel médicament par rapport à tel autre.
Des études ont été faites dans certains hôpitaux.
Par exemple, un produit comme le chloramphénicol c'est un nom
générique dont le nom de fabrique dans une compagnie est
chloromycetin peut avoir des effets totalement différents. Vous
allez retrouver, après examen sur des malades, de bien meilleurs
résultats, si les malades dans des cas précis qui sont
arrivés dans un hôpital de Québec, avaient pris de la
chloromycetin au lieu du chloramphémicol.
Je ne dis pas que le chloramphénicol ne peut pas être
très bon, mais, comme c'est très difficile de juger d'une
compagnie pharmaceutique à une autre, d'un lot de noms
génériques à un autre, c'est extrêmement difficile
de se prononcer en pratique. En théorie, c'est bien, à condition
que la qualité et l'efficacité soient garanties.
M. CASTONGUAY: Mais, en vertu de ce que vous dites, s'il n'est pas
possible de savoir de façon définitive si un médicament
est plus efficace qu'un autre, le médecin, lui, qui prescrit une fois un
médicament, une fois un autre et qui pose bien d'autres actes
médicaux, est-ce qu'il est mieux placé que le pharmacien qui,
lui, ne fait que de la distribution de médicaments pour venir juger la
valeur des médicaments? Peut-il former un jugement aussi
précis?
M. ROY: Evidemment, les médicaments peuvent avoir
différents effets. Le médecin qui prescrit un médicament a
le malade devant lui. Il va prescrire tel médicament parce que c'est tel
malade et que, d'après lui, il pense que c'est mieux d'employer ce
médicament-là. Il reste que le nom d'une compagnie que le
médecin connaît, dont il a éprouvé les
mérites, dont il connaît les médicaments est la garantie
qu'il a lui, de l'efficacité de ce médicament. Il sait que c'est
une compagnie sérieuse et qu'elle ne met pas sur le marché un
médicament non éprouvé, alors, que, s'il prescrit un nom
générique d'un médicament qui est importé d'Italie,
il n'a pas la garantie que le médicament va avoir la même
efficacité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Roy, est- ce qu'il peut exister le conflit
d'intérêts suivant pour le médecin qui prescrirait des
médicaments et qui dirigerait ses patients vers des pharmacies qu'il
contrôlerait en tout ou en partie, c'est-à-dire dont il serait
propriétaire en tout ou partiellement? J'ai déjà entendu
raconter cette anecdote que des médecins auraient gagné, dans un
tirage important, une automobile parce que la pharmacie où ils
dirigeaient leurs patients avait vendu le plus de vitamines. Est-ce que cela
peut exister, en pratique, un tel conflit d'intérêts? Si cela a
déjà été vérifié par le
Collège des médecins, est-ce que le collège peut
intervenir de quelque façon que ce soit dans des législations
ultérieures pour corriger cette anomalie?
M. ROY: Certainement. Evidemment, je ne suis pas au courant du cas
auquel vous faites allusion. Vous savez, pour avoir l'expérience des
hommes et pour être politicien, que tout peut arriver dans la vie. Or,
c'est une chose qui peut arriver. Evidemment, une chose que nous ne voulons
pas, c'est le conflit d'intérêts. On nous a souvent dit: Le
médecin est en conflit d'intérêts lorsqu'il a ses
médicaments et qu'il les prescrit. Il va prescrire les
médicaments qu'il a plutôt que ceux qu'il n'a pas. Du moment qu'on
en arrive à une organisation qui fixe le prix des médicaments, en
disant si c'est à prix fixe, à base d'honoraires professionnels
ou au prix coûtant, le conflit d'intérêts est
complètement absent et il n'y a plus de danger que le médecin ait
intérêt à prescrire un médicament plutôt qu'un
autre. Il faut éviter, à tout prix, le conflit
d'intérêts. Nous somme d'accord sur cela.
Nous croyons, par ailleurs, que s'il y a des réglementations
convenables, raisonnables, elles devraient être absolument les
mêmes pour les médecins et pour les pharmaciens dans les
régions rurales. A ce moment-là, le médecin pourrait
continuer ce qui s'est fait depuis toujours. Je n'ai pas l'impression que vous
avez eu bien des plaintes.
Au contraire ces médecins-là ont rendu un très
grand service à la société et ils seraient
irremplaçables, si vous leur demandez de devenir pharmaciens, avec
pignon sur rue, ou si vous leur défendez de dispenser les
médicaments, parce que, à ce moment-là, vous allez priver
des régions complètes de la dispensation des médicaments.
Ayez des règlements raisonnables, mais une fois qu'on a ces
règlements, je ne vois pas pourquoi le médecin ne pourrait pas
être traité exactement comme le pharmacien,avoir le droit de
dispenser ses médicaments et ne pas être obligé
d'être membre du Collège des pharmaciens et de payer une
cotisation supplémentaire, alors que nous le contrôlons
déjà dans tout l'ensemble de sa profession qui comporte justement
la prescription de médicaments.
M. BLANK: Une des raisons pourquoi vous
ne voulez pas souscrire au Collège des pharmaciens, c'est que le
fait de dispenser des médicaments est une continuation de l'acte
médical? Est-ce cela que vous avez dit?
M. ROY: Non.
M. BLANK: C'est cela que vous avez dit, je pense, et vous êtes
déjà payé pour l'acte médical. Maintenant vous
voulez être encore payé pour l'acte de pharmacien. A ce
moment-là vous ne serez pas sous le contrôle du
collège?
M. ROY: Je n'ai pas parlé de modalité de paiement. J'ai
dit que le mode de paiement pourrait être arrêté.
M. BLANK: Cela veut dire que si c'est une continuation de l'acte
médical, vous ne réclamerez pas d'honoraires, une deuxième
fois, du gouvernement pour l'acte pharmaceutique? Seulement une fois.
M. ROY: Le gouvernement discutera alors avec les syndicats des
médecins. Mais si vous faites cela, évidemment vous devrez
demander à tous les médecins de le faire et vous allez
économiser pas mal d'argent. Il faudrait quand même que ce soit le
même tarif, ou qu'on s'entende pour vendre le médicament à
prix coûtant parce qu'il y a quand même des frais d'administration.
Si vous gardez les médicaments, vous avez des frais
d'administration.
M. BLANK: Je suis d'accord avec vous, docteur; mais dès que vous
agissez comme pharmacien, vous réclamez des honoraires, comme
pharmacien. Je pense que vous devez suivre le contrôle des pharmaciens si
c'est un acte complètement séparé de l'autre. Si c'est la
continuation du même acte, il faut réclamer seulement une
fois.
M. ROY: J'ai bien dit au début que nous ne voulons pas que les
médecins exercent la profession de pharmacien, que les médecins
aient des pharmacies avec pignon sur rue, sauf les droits acquis. Les
médecins qui en ont actuellement sont au nombre de 110 environ, parce
que ces médecins-là exercent la profession de pharmacien en plus.
Nous croyons que le médecin a assez de travail avec sa pratique pour se
limiter à l'exercice de sa profession qui est la médecine. Mais
exercer la profession de pharmacien, avec pharmacie avec pignon sur rue et
avoir une réserve de médicaments dans un bureau, ce sont deux
choses. Les médecins d'expérience qui font la pratique
générale vont vous dire que c'est complètement
différent, l'administration n'est pas la même. A ce
moment-là le nombre d'employés n'est pas le même.
Evidemment, c'est le médecin lui-même, ou sa secrétaire qui
voit à toute la préparation qui se fait très rapidement au
moment même où le malade est dans le cabinet du
médecin.
M. BLANK: Vous parlez d'une autre chose. Vous dites que la
secrétaire du médecin peut faire l'acte du pharmacien. Il n'y a
aucun contrôle par le collège de l'acte du pharmacien.
M. ROY : Oui, nous avons dit que...
M. BLANK: Comment le collège peut-il contrôler l'acte du
pharmacien et du médecin?
M. ROY: Des médecins? Ce sont les membres...
M. BLANK: Vous dites que le médecin donne souvent la prescription
à sa secrétaire pour la faire préparer. C'est exactement
contre la loi des pharmaciens que nous avons votée ici.
M. ROY: Les pharmaciens peuvent demander à leur secrétaire
de mettre des boites... Il faut un contrôle, il faut qu'il
vérifie. Ce n'est pas nécessaire que le pharmacien mette chaque
pilule dans chaque boîte et, évidemment, si vous avez le format
thérapeutique vous allez réduire énormément la
manipulation et vous allez quand même avoir alors à
vérifier l'étiquette. Mais il n'est quand même pas
essentiel que ce soit un professionnel qui mette les pilules dans chaque
bofte.
Il faut quand même être raisonnable. Nous croyons que
l'ordonnance des médicaments, la fourniture des médicaments, cela
a été fait par les médecins, de tout temps, et bien fait.
Nous ne voyons pas pourquoi cela ne pourrait pas continuer comme cela,
spécialement dans les régions rurales où c'est un service
public. Je ne dis pas qu'à Montréal d'ailleurs, cela se
fait de moins en moins à Montréal et c'est pratiquement
limité aux omnipraticiens -- les médecins devraient être
remboursés pour les médicaments qu'ils fournissent. Mais, les
médecins devraient et c'est le bon sens même
toujours être autorisés à garder des médicaments
pour les fins d'urgence.
M. MARCHAND: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Un instant. A l'ordre! Le député
d'Argenteuil a une question à poser.
M. SAINDON: M. le Président, c'est une remarque que je voudrais
faire au ministre et au Dr Roy. Il existe des tableaux comparatifs
d'efficacité de plusieurs des principaux antibiotiques sur certaines ou
peut-être une grande partie des maladies contagieuses. Lorsqu'on vous
donne ces tableaux comparatifs, l'antibiotique n'est pas indiqué par son
nom générique. Il l'est par sa marque de commerce. Ces tableaux
existent.
UNE VOIX: D'accord.
M. QUENNEVILLE: Les tableaux ne correspondent pas, je pense bien,
à ce moment-là. Il
reste quand même que cela dépend un peu par quelle
compagnie vous recevez le tableau. Le problème ne peut pas se poser,
parce que, je ne vois pas quelle compagnie pourrait le distribuer, pour prouver
que le produit d'une compagnie est meilleur.
M. SAINDON: Prenez un tableau comparatif. Bien entendu, c'est la
même chose qu'une statistique. Votre statistique vaut ce que le
statisticien vaut. Si le tableau est publié par une compagnie
pharmaceutique responsable, elle va indiquer les résultats d'analyses et
d'expériences faites par des équipes de la santé dans
différents hôpitaux et laboratoires. Si le tableau n'est pas
véridique, c'est la compagnie qui est à blâmer. C'est la
même chose qui s'applique dans la fabrication des médicaments.
Vous avez certaines compagnies de "broche à foin" qui vont vous passer
n'importe quoi et vous avez des compagnies sérieuses qui ne peuvent pas
se payer le luxe de bourrer le monde ou de vendre quelque chose qui n'est pas
conforme à ce qu'elles annoncent. La même chose s'applique dans
les résultats des expériences qui sont conduites.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.
M. MARCHAND: Dr Roy, est-ce que vous avez dit que les médecins
vendaient des médicaments au prix coûtant?
M. ROY: J'ai dit que cela pourrait être une formule qui pourrait
être envisagée dans ces cas-là, avec les honoraires
professionnels. Je ne veux pas parler de la question des modalités. Je
parle tout simplement de la question des principes. Dans les endroits où
il n'y a pas de pharmacies, dans l'intérêt du public, pour
éviter que des gens des campagnes aient à faire 25, 30 ou 40
milles les députés des campagnes me comprendront il
faut que le médecin soit capable de dispenser des médicaments,
à ce moment-là, parce qu'il est le principal agent dans le
réseau de distribution des médicaments.
Les modalités de paiement, de remboursement seront
discutées avec les syndicats médicaux et le gouvernement.
M. MARCHAND: Si le médecin vend les médicaments au prix
coûtant, il faudra quand même qu'il en ait assez pour servir la
population de la région. Je ne crois pas que le médecin soit
prêt à être toujours disponible le dimanche, le samedi soir
ou en tout temps pour quelqu'un ou une famille qui a un enfant malade. Il ne
pourra pas les fournir, je pense bien, parce que le médecin n'est pas
toujours disponible.
M. ROY: Qu'on comprenne bien. Si vous faites allusion à un
médecin qui aurait une pharmacie et qui vendrait au détail, je
fais allusion, moi, au médecin qui reçoit des malades au bureau
et qui leur donne des médicaments lors de leur visite au bureau. Si le
malade va voir le médecin le samedi ou le dimanche, il a bien plus de
chances d'avoir immédiatement son médicament. Mais le
médecin ne sera pas là pour remplir des ordonnances ou pour
servir des malades qui viendraient le voir de la part d'un autre médecin
ou d'ailleurs. Il est là pour remplir les ordonnances de ses malades
à lui. Ce n'est pas de la vente qu'il fait. Nous ne voulons pas qu'il
fasse de vente au détail, nous ne voulons pas qu'il ait pharmacie avec
pignon sur rue.
M. MARCHAND: Dr Roy, j'espère que vous êtes sérieux
quand vous dites que les médecins vendront les médicaments au
prix coûtant?
M. ROY: Je n'ai pas dit cela, j'ai dit que les modalité devraient
être discutées...
M. MARCHAND: Parce que moi, je n'y crois pas.
M. ROY: ... avec le gouvernement et les syndicats médicaux. Je
peux vous dire...
M. MARCHAND: A ce moment, il ne vendra que ses échantillons.
M. ROY: II est très facile de faire de l'esprit de cette
façon quand on n'a pas l'expérience des campagnes, mais je peux
vous dire que, dans les campagnes, de tout temps, avant l'assurance-maladie
demandez-le aux gens des campagnes, ils vous le diront; demandez-le
même aux gens des villes avant l'assurance-hospitalisa-tion et
l'assistance médicale, les médecins ont fourni des
médicaments à leurs malades, gratuitement et au prix
coûtant, en très grande quantité. Je peux vous donner des
noms et les députés des régions rurales pourront vous le
certifier. Je l'ai fait moi-même. Evidemment, ceux qui sont de la ville
auraient intérêt à aller s'aérer les poumons dans
les campagnes.
M. LE PRESIDENT: M. Roy, excusez-moi de vous interrompre. Nous sommes
obligés de le faire, car nous allons ajourner les travaux de la
commission au mercredi 3 février à 10 heures 30 de la
matinée. Les membres de la commission peuvent se procurer tous les
documents relatifs à cette loi; ils leurs seront remis ici.
Je m'excuse de ne pas pouvoir inviter les autres groupes, mais vous avez
pu constater vous-mêmes que le temps est passé et nous devons
ajourner au mercredi 3 février. Je vous remercie.
(Fin de la séance: 19 h 5)