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Commission permanente des Affaires sociales
Projet de loi no 69 Loi modifiant de nouveau
la Loi de l'assurance-maladie
Séance du jeudi 25 février 1971
(Dix heures six minutes)
M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Je vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire
des Affaires sociales. Je demanderais à chaque orateur ou à ceux
qui ont des mémoires à présenter de bien vouloir
s'identifier et identifier leur groupe. Nous avons six groupements qui veulent
se faire entendre. Je demanderais à tous ceux qui vont adresser la
parole de faire un résumé aussi bref que possible, parce qu'on
voudrait, s'il y a moyen, terminer l'audition à six heures ce soir. Nous
allons siéger jusqu'à midi et demi ou une heure et, ensuite, de
quatre heures à six heures.
Avant d'inviter la première à témoigner, je vais
demander à M. Dumont, le député de Mégantic, de
faire une mise au point.
Fluoration obligatoire
M. DUMONT: Merci, M. le Président, pour respecter ce que vous
nous demandez, je vais tenter, moi aussi, d'être très bref. A la
suite des dernières séances, vous me permettrez, sur cette mise
au point que je vous ai demandée, de rétablir certains faits qui
portent à confusion et qui démontrent, hors de tout doute, que
nous n'avons pas obtenu tous les renseignements sur la fluoration obligatoire
demandée au Québec à l'heure actuelle.
Je cite une déclaration d'un doyen d'université, M.
Ratté, qui disait: "Des groupes opposés à la fluoration
ont fait des tremplins politiques, et les autres en avaient peur." J'ai
demandé à ce moment-là au doyen s'il y avait des rapports
qui venaient contester la valeur des rapports favorables à la fluoration
et j'ai réussi à obtenir, d'abord, une pétition des
membres du comité de fluoration de la Société dentaire du
district de Yorcester. Cent dix-neuf dentistes, sur un total de 151, ont
signé cette pétition, et 59 médecins membres de la
société médicale de ce même district ont aussi
entériné ce rapport que j'ai et que je vais déposer
à la commission.
J'ai ici un extrait du journal de l'Association médicale
canadienne. Je n'en ferai pas lecture, pour être bref tel que vous l'avez
demandé. J'ai un extrait de la revue "Nouvelles de la fluoration
nationale" où il était mentionné, entre autres, que la loi
exige la mention du poison sur les bouteilles ou paquets contenant du fluorure
de sodium, mais rien de tel dans le cas du chlorure de sodium.
J'ai en plus ici et je crois que c'est une déclaration
très valable le discours du maire Drapeau de Montréal qui
remonte au 15 juillet 1969. J'ai en plus le résumé de tous ces
rapports que j'ai mentionnés et je pourrais, entre autres, faire
allusion au Dr Spira de Grand Rapids, qui contredit un peu le rapport qui avait
présenté un seul côté de la médaille, car il
y a toujours un revers à une médaille, et j'ai ce rapport
complet.
Enfin, j'ai ici une déclaration du Dr Marcel Chaput que
plusieurs membres de cette commission connaissent qui déclare
textuellement, le 10 juillet 1969: "Le fluor est un poison violent." J'ai ici
ce rapport. En terminant, laissez-moi vous dire que nous avons, lors de la
dernière séance, eu un journaliste péquiste qui signe
Jacques Guay. Il essaie de faire de la propagande et ne donne même pas la
chance à un membre que j'étais de cette commission
de s'expliquer. Il profite de son journal pour porter des accusations à
tort et à travers. Ceci faisait dire à un autre journaliste :
C'est dégueulasse, l'article qu'il a écrit contre Dumont. Je lui
suggère de lire plutôt le livre que j'ai ici, au chapitre 8 de la
fluoration, intitulé: "Poison à rat pour votre eau." Je crois que
ce journaliste cessera d'écrire des chinoiseries.
Merci M. Le Président. La documentation sera
déposée et j'en aurai pour les journalistes dans à peu
près cinq minutes.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission vont en avoir
aussi?
M. DUMONT: Oui, chacun. J'en ai fait préparer 40.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais M. Raymond Parent, du Front commun
CSN-FTQ-CEQ-UCC.
Front commun CSN-FTQ-CEQ-UCC
M. PARENT: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
suis Raymond Parent, secrétaire général de la CSN. J'ai ce
matin le mandat d'intervenir au nom de la Corporation des enseignants du
Québec, qui a des représentants ici, de même que la FTQ, de
l'UCC et de la CSN. Nous n'avons pas présenté de mémoire.
Notre comparution ne veut pas être de caractère technique, dans le
sens que nous ne nous considérons pas qualifiés pour traiter les
aspects techniques précis, que ce soit sur un article ou sur l'autre.
Nous considérons que chacun des groupes concernés comme
les enquêtes qui ont été faites a donné
déjà les assises nécessaires là-dessus.
Notre première remarque voudrait se faire sur l'économie
générale du régime d'assurance-maladie avant de passer
précisément au bill 69. Nous voulons simplement profiter
très rapidement de l'occasion pour répéter nos
revendications traditionnelles qui ont été déjà
fournies à la commission, au gouvernement et au Parlement sur cette
question, à savoir que nous
revendiquons depuis toujours l'universalité totale des soins de
la santé. Nous la revendiquons, même s'il y a eu le bill 8 et
même s'il y a maintenant le bill 69, et nous ne voudrions pas que le
gouvernement considère notre requête simplement comme une demande
à long terme.
C'est pourquoi nous aimerions voir le gouvernement fixer très
rapidement ses échéances par rapport à un
échéancier, par rapport à ce qu'il entend introduire au
cours des prochains mois sur les améliorations ou sur le progrès
qui doit être apporté en regard d'un certain nombre de
priorités. Si nous le faisons, c'est d'abord pour pouvoir
déterminer tous les intérêts ou toutes les personnes qui
sont en jeu là-dedans. Il est bien clair que, lorsque nous ne
connaissons pas la vitesse de croisière du nouveau plan ou de la
volonté de l'universaliser, cela crée des problèmes par
rapport aux services complémentaires qui doivent venir du secteur
privé. Un des faits que nous constatons, c'est que le régime
n'est pas universel à l'heure actuelle, et dans la totalité de la
couverture, nous assistons de façon assez anarchique à un
développement, à une extension du secteur privé, ce qui
apportera, s'il prend place avec de nouveaux services autres que ceux
déjà fournis par le régime, des difficultés
administratives, politiques et sociales dans l'avenir.
Nous croyons aussi que le régime partiel risque, sinon de
saboter, de vraiment créer au plan des problèmes et
administratifs et sociaux. Il est bien clair que, du fait que le régime
soit partiel à l'heure actuelle, cela donne lieu à des abus qui,
dans le cadre de la loi, peuvent être difficilement corrigés. Je
ne voudrais en mentionner que quelque-uns qui sont connus de la plupart des
gens. Par exemple, vu que les injections ne sont pas couvertes par le plan
actuel, cela a pour effet de permettre, dans beaucoup de régions et dans
beaucoup d'endroits, d'augmenter le prix des injections et par
conséquent d'arriver, jusqu'à un certain point à ce que
défend l'économie de la loi. Lorsqu'au cours d'une visite le
médecin traitant fait une injection au patient, il y a mentation de
bénéfices par rapport à ce que la loi permet.
Il y a de nombreux cas que nous avons pu relever où les
médecins donnent des injections en cabinet et en profitent pour
augmenter le coût de ces injections-là, ce qui revient, à
toutes fins utiles, à augmenter indirectement le coût des visites
pour le patient.
C'est la même chose aussi, par exemple, pour le coût des
médicaments vendus en cabinet. Dans plusieurs régions rurales,
nous avons pu constater que l'entrée en vigueur du plan de
l'assurance-maladie a eu pour effet d'augmenter le coût de vente au
détail des médicaments. Ce qui fait que le patient paie plus que
ce qu'il payait avant quand on analyse le total.
Nous croyons qu'il n'y a qu'un seul moyen de régulariser cela,
c'est d'arriver le plus rapidement possible au régime universel pour
empêcher ces fuites qui peuvent se faire à l'heure actuelle et
aussi pour uniformiser le système.
Nous savons que, pour le gouvernement, pour l'Etat, il y a un
problème de financement de ce côté, c'est bien sûr,
mais nous voulons vous dire que nous considérons que, pour le
financement de l'universalité totale du plan, il y a des moyens d'y
arriver à court terme.
Le premier serait d'enlever le plafond qui a été
imposé comme taux de la prime à payer ou comme taux de la
contribution à verser. Il y a là, si le plafond est
enlevé, en ayant une équité de taxation selon les revenus
ou de contribution selon les revenus, un moyen de récupérer
plusieurs millions de dollars. Nous considérons aussi que tout ce que le
gouvernement ou ce que le ministère du Revenu va récupérer
en revenus supplémentaires du fait qu'il y aura moins de fraude de la
part des professionnels de la santé pourrait constituer un montant
additionnel qui pourrait être versé et qui pourrait permettre
aussi de financer. Finalement, en ce qui nous concerne, nous et les gens que
nous représentons, nous pouvons vous dire que nous sommes prêts
à assumer l'augmentation nécessaire de la prime au prorata, pour
que nous arrivions à un régime universel.
A l'heure actuelle, le taux est fixé à 0.8; nous n'avons
pas d'objection à envisager l'augmentation nécessaire pour
universaliser le système. Nous nous rendons compte en effet que ce que
nous ne versons pas au régime, ce que nous ne versons pas à
l'Etat, parce que ce n'est pas couvert, nous devons l'envisager d'une
façon ou d'une autre, soit comme paiement individuel ou comme
prolongement des régimes d'assurance qui existaient.
Par conséquent, nous réitérons notre désir
de voir l'universalisation du régime se faire le plus rapidement
possible. Nous demandons au gouvernement de nous donner dans les plus brefs
délais, un échéancier bien précis et de nous
indiquer quand il entend instaurer les progrès requis pour que la
population, tout le monde, les organismes et les groupes syndicaux qui ont
à négocier sachent exactement quelles sont les orientations
générales à ce sujet.
Quant à nous, nous vous disons que nos priorités, dans
l'ordre, devraient être que très rapidement non seulement
très rapidement, mais à l'intérieur du projet de loi 69
on assure les soins dentaires aux assistés sociaux. Nous croyons
également que le projet de loi 69 aurait dû prévoir de
façon précise, nette et définitive, le paiement des
médicaments aux malades chroniques. Nous croyons que la question des
injections dans le cabinet du médecin constitue à l'heure
actuelle un moyen d'infirmer, sinon de saboter le plan actuel et que ceci
devrait être régularisé et inclus rapidement dans le plan
général.
Finalement, parmi d'autres étapes totales, il faudrait savoir
quand le gouvernement estime que le plan couvrira les soins dentaires
universels, et finalement les médicaments universels. Quant à nos
remarques sur le bill 69 proprement dit, nous voulons vous indiquer que nous
avons été heureux de voir qu'un engagement
qui avait été pris lors de la présentation du bill
8 a été tenu, et que le bill 69 a été
présenté.
Nous trouvons cependant que ces mesures sont timides. Par exemple, quand
le plan prévoit seulement l'assistance-médicaments aux
assistés sociaux, nous réalisons bien que pour une grande partie,
ce n'est pas tellement une politique nouvelle. C'est simplement la
rationalisation de choses qui existaient en faisant des transferts
budgétaires pour une bonne partie de la Loi d'assistance sociale
à la Loi de l'assurance-maladie.
C'est heureux, mais ce n'est pas une mesure très
considérable, et j'ai l'impression que, quand on pense à ce que
ça coûtait à l'assurance sociale, et quand on prend par
ailleurs ce qu'il y avait de donné gratuitement aux hôpitaux, ce
qu'on chargeait à d'autres postes des budgets de
l'assurance-hospitalisation, la rationalisation, en assurant
l'assurance-médicaments aux assistés sociaux, ce n'est
peut-être même pas une dépense pour le gouvernement, c'est
peut-être une économie administrative au total, tout en
étant une rationalisation.
Nous déplorons que le régime du bill 69 n'inclue pas les
médicaments aux malades chroniques. Les informations que nous pouvons
détenir là-dessus révèlent que ce ne serait pas un
déboursé tellement considérable. Si nos informations sont
exactes, c'est que donner et assurer les médicaments aux malades
chroniques pourrait être le coût de la construction d'un mille ou
deux de route par le ministère de la Voirie. Il nous apparaît que,
dans les priorités sociales du Québec à l'heure actuelle,
il serait peut-être préférable de faire un ou deux ou trois
milles de route de moins, et d'assurer les médicaments aux malades
chroniques qui sont, on le sait, dans une situation bien
particulière.
A la question des soins dentaires, nous avons dit
précédemment que nous souhaitons rapidement l'universalisation et
l'universalité là-dedans. Au niveau des soins dentaires, la loi
ne précise pas l'âge et permet simplement par voie de
règlements de fixer le barème des ayants droit. Il a
été mentionné sept ans. Nous avons pris acte aussi du fait
que des organismes spécialisés sont venus dire qu'il était
possible de pouvoir se rendre en ayant les disponibilités
professionnelles pour le faire, jusqu'à l'âge de 18 ans au moins
pour les assistés sociaux.
Nous croyons que ça devrait se réaliser très
rapidement, et même que le bill 69 devrait être ajusté en
conséquence. Nous avons obtenu avec satisfaction que, sur la partie des
soins dentaires, il soit fait mention, même si le bill lui-même
n'en parle pas, de la volonté du gouvernement de faire un effort tout
particulier dans le domaine de la fluoration de l'eau.
Je voudrais tout simplement indiquer là-dessus que, sur ce point
précis, il n'y a pas eu de consultation de chacun de nos 600,000 membres
pour savoir s'ils voulaient être à la chante-pleure ou au baril.
Là-dessus, je ne voudrais pas qu'il y ait des complications,
excepté que cela a été une décision de nos
organismes constituants qui considèrent que la question de fluoration
est un problème vital.
Je vous dirai, un peu avec ironie, que nous sommes surpris de voir que
M. Drapeau en particulier défend la question de la fluoration des eaux
en s'y opposant au terme de la protection des libertés civiles. Il nous
apparaît qu'il y aurait beaucoup d'autres champs où les
libertés civiles pourraient être mieux assurées qu'en
faisant un débat théorique sur celui de la fluoration des
eaux.
Là-dessus, le ministre a mentionné lors de réunions
précédentes qu'il y avait des problèmes de moyens
techniques pour arriver à la fluoration. Je voudrais en transposant un
peu un slogan bien connu, dire que, dans le domaine de la fluoration, il
faudrait rendre techniquement possible ce qui est financièrement
réalisable.
M. DUMONT: Et individuellement favorable, selon nos porte-monnaie.
M. PARENT: Cela nous paraît être une mesure
préventive. Techniquement et médicalement, cela a
été démontré. De plus, nous croyons qu'il n'y a
là-dedans il y a eu d'ailleurs des études faites par les
spécialistes rien qui brime les libertés civiles et que
c'est une mesure préventive et économique nécessaire.
Il a été question longtemps et le bill en parle
de l'établissement des coûts des médicaments. Nous
vous dirons que nous sommes totalement d'accord sur ce qui a été
indiqué comme étant la volonté gouvernementale et ce qui
sera jusqu'à un certain point, du mandat de la commission
d'établir des formats thérapeutiques et d'établir que les
médicaments seront étiquetés sous le nom
générique plutôt que sous le nom commercial. Nous croyons
que la législation à ce sujet devrait être rapidement
amendée pour permettre la distribution et la vente des
médicaments sans que ce soit obligatoirement un pharmacien ou des
pharmaciens qui soient propriétaires. Nous sommes
intéressés, quant à nous, d'abord par le premier point qui
est mentionné comme politique gouvernementale, celui d'aller à
des cliniques de santé qui pourraient être des cliniques
médicales et des cliniques de distribution de médicaments. Nous
sommes intéressés à ce que les hôpitaux publics qui
ont des pharmacies puissent continuer à étendre leurs services au
public. Quant à nous, nous sommes intéressés
également à voir même la création de
coopératives de distribution de revenu, de coopératives qui
pourraient avoir à leur emploi des pharmaciens, sans que
nécessairement tous les coopérateurs soient eux-mêmes
pharmaciens.
Ceci permettrait d'assurer les services aux gens à revenu
modeste, ou à tous ceux qui pourraient profiter du pouvoir que peut
donner l'institution coopérative dans ce secteur. Nous
considérons que le régime de rémunération
pour les pharmaciens, s'il doit être à l'acte pour une certaine
période, ne doit être qu'une période transitoire permettant
de trouver autre chose et que l'on doit véritablement aller vers le
salariat de cette profession afin que l'acte médical, ou l'acte
pharmaceutique, ou la distribution des médicaments ne soit plus une
question de "business", de profits, etc., mais simplement un service à
la population et un service totalement rationalisé.
Nous croyons qu'éventuellement on devrait étudier aussi
les possibilités de nationaliser l'industrie des produits
pharmaceutiques. Nous avons pu voir par certains chiffres qui nous ont
été donnés que les coûts de production sont
très élevés. Dans le coût de la production, il y a
beaucoup d'impondérables qui n'ont rien à voir avec la production
proprement dite. Il y a toute la partie de la promotion et de la
publicité. Simplement pour vous détendre un peu et ce n'est pas
une annonce de Géritol, c'est une annonce d'une compagnie qui vend des
produits brevetés, j'ai quelques exemples. Il s'agit d'une
publicité présentée sous forme de brochure qui coûte
$0.69 l'exemplaire, qui est envoyée évidemment à tout le
monde et qui commence ainsi: "Elle a toujours été lasse cette
pauvre Rita Lacasse. Mais Ritaline lui a redonné énergie et
élan. Elle prend ses commandes d'un style étincelant. Ritaline
rallume promptement l'énergie." Il y en a toute une série.
M. LAURIN: Ce n 'est pas vrai d'ailleurs.
M. CASTONGUAY: Me permettez-vous une question? Est-ce que vous avez
rencontré Rita Lacasse pour voir si c'était vrai ou non?
M. PARENT: Je vous répondrai ça j'ai trouvé la
coincidence la plus extraordinnaire, car j'ai une demi-soeur qui s'appelle Rita
Lacasse.
On voit jusqu'où peut aller la volonté de vendre et de
commercialiser des produits qui ne devraient absolument pas l'être. Je
trouve un peu déraisonnable et dégueulasse qu'une telle situation
puisse exister.
Quant à l'établissement des taux modérateurs, nous
devons vous dire que nous y sommes opposés. Nous sommes davantage
opposés à ce que des taux modérateurs apparaissent dans le
bill 69 quand il s'agit de l'assurance-médicaments aux assistés
sociaux.
Il serait important que le Parlement ou le gouvernement nous indique
à quelle date il prévoit l'entrée en vigueur de cette loi.
La loi prévoit à l'heure actuelle que c'est à la
discrétion du lieutenant-gouverneur en conseil, mais je crois que la
population a besoin de plus de sécurité de ce
côté-là et qu'elle devrait connaf-tre la date
d'entrée en vigueur.
Donc, nous insistons pour que le gouvernement établisse ces
échéanciers. Nous sommes d'accord sur le contenu du bill 69,
essentiellement, sauf sur des questions comme le taux modérateur et
quelques autres points. Nous voudrions que s'entreprennent, si
nécessaire, des analyses pour voir comment on peut assurer une meilleure
production ou une production à meilleur coût et une distribution
à meilleur coût des produits pharmaceutiques, en envisageant d'une
part la nationalisation, le salariat des professionnels du secteur
pharmacologique et finalement la libéralisation de la loi pour permettre
la création de cliniques de santé ou de coopératives de
distribution de documents. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais à la fois faire
quelques commentaires et poser une ou deux questions au représentant des
centrales syndicales, M. Parent. Je ne voudrais pas relever chacun des points
et les discuter, je les prends comme étant des prises de position de la
part des centrales syndicales, dont il nous faudra tenir compte. Je me
restreins donc à certains aspects qui me paraissent plus
généraux ou fondamentaux.
D'une part, les centrales syndicales nous demandent comme elles
l'ont fait l'été dernier de fixer un
échéancier aussi précis que possible quant à
l'entrée en vigueur de cette loi, quant à l'extension du
régime à d'autres types de services.
Je voudrais mentionner ici deux aspects: un premier, c'est qu'on voit,
en prenant le chemin de la négociation et je pense bien que c'est
le chemin qu'il nous faut prendre que les échéances, dans
une large mesure, ne sont pas celles que nous pouvons fixer. Parce
qu'aussitôt que nous fixons une échéance trop rigide, on
nous dit probablement avec raison qu'on exerce sur les
négociations une pression qui n'est pas tout à fait saine. Cela
est un premier point.
Un second point m'apparaît plus fondamental. On nous dit
également qu'il nous faudrait envisager éventuellement d'autres
approches, par exemple comme le mentionnait M. Parent le
salariat, le développement des cliniques. En d'autres termes, le
problème que vous posez est celui du développement d'un
réseau de services de santé et la Loi de l'assurance-maladie est
une loi qui a un caractère purement financier, qui est destinée,
non pas à l'organisation de certains services, mais plutôt au
financement ou à la rémunération de certains
professionnels de la santé, ceux couverts dans le champ de la loi. Il y
a là, il me semble, une certaine contradiction, ou à tout le
moins, quant au gouvernement, deux aspects avec lesquels il nous faut composer:
d'une part, mettre l'accent et sur ce nous sommes totalement d'accord
sur le développement des réseaux de services bien
intégrés.
Le fait qu'il y ait peut-être et qu'il pourrait y avoir
consommation abusive des médicaments, s'ils devenaient absolument
gratuits, n'est pas
pour moi un argument valable et à retenir. En effet, celui qui
décide de l'ordonnance, de la consommation et du format n'est pas le
consommateur, c'est le médecin qui donne l'ordonnance et le pharmacien
qui la remplit. Il nous apparaît donc que la question du taux
modérateur devrait être absolument modifiée. De ce
côté-là, il y a, je pense, beaucoup plus un besoin de faire
l'éducation du public sur le plan de la consommation des
médicaments; c'est par une mesure de prévention et
d'éducation qu'on y arrivera beaucoup plus que par
l'établissement d'un taux modérateur qui ne nous mènera
à peu près nulle part. D'ailleurs, je sais que le problème
a existé en Angleterre. Il y a eu beaucoup de situations difficiles
là-dessus et on a mentionné ce problème à quelques
occasions. Une des choses ce n'était pas un argument essentiel
qu'on a retenues dans les analyses faites là-bas contre le taux
modérateur, c'est que, parce qu'il y avait le taux modérateur, on
ne prescrivait pas le même format pour la même maladie, afin
justement de renouveler l'ordonnance et le taux modérateur et d'assurer
un revenu additionnel. C'est un des aspects qui est pour moi aussi valable que
le premier qui est soumis par l'autre partie.
Il y a aussi là-dedans, je pense, toute la question de la
diminution des frais, la question de la rationalisation de l'industrie
elle-même. On sait, à l'heure actuelle, que 80 p. c. de la
consommation des médicaments se fait pour 20 p. c. des produits. Ceci
veut dire que 20 p. c. des produits étiquetés constituent 80 p.
c. de la consommation. Par conséquent, cela veut dire que l'on a
à côté de cela un tas de produits saupoudrés qui
sont beaucoup plus là non pas pour des raisons de service et de
satisfaction de besoins, mais pour des raisons de concurrence commerciale et
simplement pour des raisons de jeu de concurrence ou de promotion. Ce sont les
remarques générales que nous voulions faire sur ce point.
Finalement, nous sommes d'accord avec la commission de pharmacologie.
Nous aurions aimé, comme nous le revendiquons dans tous les cas, qu'il y
ait là-dedans quelqu'un représentant le monde des
salariés. Nous avons compris finalement que c'était une
commission beaucoup plus spécialisée, mais nous vous signalons
cet aspect. De plus, nous croyons que les recommandations de la commission
devraient non seulement être remises au ministre pour qu'il les publie,
mais que les recommandations de la commission elle-même devraient
être publiques. C'est notre premier point. Il n'y a pas tellement de
moyens de surveillance et de contrôle. Il n'y a pas de chien de garde, si
j'emploie l'expression dans son sens le meilleur, pour savoir ce qui va se
passer là-dedans. Un des moyens, en tout cas, d'arriver à
corriger cela, serait de faire la publication des recommandations de la
commission de pharmacologie, quitte à voir après cela entre la
commission et le ministère comment cela s'établit. Il y a des
analogies par ailleurs. Je sais bien que ce n'est pas une commission tout
à fait de même nature, mais les conseils consultatifs du
gouvernement, que ce soit celui du Travail ou un autre, rendent publics leurs
recommandations au ministre. Ce dernier légifère ensuite ou
administre et en dispose de la façon qu'il le veut, mais on sait
exactement ce qui se passe entre les deux.
Finalement, et pour ne pas prendre plus de votre temps qu'il le faut, il
y a un dernier point que je voudrais mentionner.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Ce développement de
réseaux de services bien intégrés ne peut se faire par le
simple truchement d'une loi dans laquelle on dit: Nous payons la
rémunération de certains professionnels. Ce développement
de réseaux de services se pose dans une certaine mesure au plan
législatif. Nous avons dit cela apparaissait dans le discours du
premier ministre, avant-hier que des législations, des projets de
loi seraient présentés au cours de la présente session
à ce sujet. Il y a aussi tout le problème concret de
l'organisation de ces services. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. En
même temps, il y a le désir de faire en sorte que les
barrières financières, face à l'accessibilité aux
soins, qui nous incite à étendre le régime de
l'assurance-maladie aussi rapidement que possible. Si nous allons trop vite,
nous sommes susceptibles de poser souvent des gestes qui peuvent ralentir ou
rendre beaucoup plus complexe le développement des réseaux de
services de santé.
Je voulais mentionner cela. Si les centrales syndicales ont des
commentaires à faire, j'aimerais bien les entendre. Je voulais soulever
ce point, cet aspect de la question qui, à notre avis, se pose
clairement.
Un autre aspect que les centrales ont indiqué, c'est l'extension
anarchique des régimes privés. Sur ce point-là, il me
semble que dans le domaine des services de santé, les
sociétés privées d'assurances ont été, dans
une certaine mesure, des précurseurs si on regarde le
développement des assurances sociales au Québec. Bien souvent la
nécessité de couvrir des risques s'est fait sentir, ou s'est
posé beaucoup plus clairement par le développement des assurances
privées. Et, à mesure que les préférences de la
population, les besoins de la population se sont exprimés, le
gouvernement est intervenu et a assumé la couverture de risques dont les
préférences ou les besoins avaient été
indiqués clairement par le développement des assurances
privées.
Il me semble que présentement cette évolution se poursuit.
Même si au moment de l'établissement de l'assurance-maladie cela
apporte certains rajustements qui peuvent créer, comme vous le
mentionnez, des difficultés, il me semble que dans l'ensemble,
l'équilibre entre les deux a été, jusqu'à
maintenant, relativement sain.
Encore là si M. Parent veut commenter, c'est
son droit et je serais intéressé à l'entendre. Je
voudrais faire une petite précision. J'énumère les points
dans l'ordre où vous les avez mentionnés. Quant aux noms
génériques des médicaments, il me semble que
d'après la façon dont vous vous êtes exprimé, vous
avez donné l'impression d'après ce que j'ai compris
que le gouvernement avait indiqué déjà quelle était
sa position sur ce point. Je voudrais donc rappeler que nous avons soumis
justement le projet de loi à la commission parlementaire, un projet de
loi qui se veut aussi précis que possible quant au principe, mais qui
laisse à la discussion et à l'analyse ce type de question. Le
gouvernement, jusqu'à maintenant, n'a pas indiqué de position
précise quant à cette question des noms
génériques.
Enfin, vous avez parlé des frais modérateurs. Vous avez
exprimé votre totale opposition à cette question. Je suis
d'accord, pour ma part, en principe, de façon générale. Si
nous avons inclus dans le projet de loi la possibilité que des frais
modérateurs soient imposés par règlement, c'est pour
montrer premièrement, que le problème se pose d'une façon
particulière au sujet des médicaments.
Deuxièmement, le texte de la loi lui-même indiquait que des
frais modérateurs pourraient être immédiatement
chargés, et de tel type. Mais, si l'on remarque bien le projet de loi,
ce serait par règlement. Cela laisse une porte ouverte. C'est une autre
question sur laquelle il nous faudra prendre une position plus précise,
et c'est dans ce sens, à ce stade-ci, que cette question a
été soulevée dans le projet de loi.
Il y a d'autres questions que vous avez soulevées, entre autres,
celle de l'élimination du plafond des cotisations. Ce matin, à la
commission, si nous voulons procéder aussi rapidement que possible afin
que nous puissions prendre action sur ce projet de loi, je suggérerais,
étant donné que cette question a été
discutée longuement l'été dernier, que, si elle devait
faire de nouveau l'objet d'un débat, elle ne le fasse pas à ce
stade-ci, mais plutôt au moment où le projet de loi reviendra soit
en deuxième lecture ou en troisième lecture. Alors, je vous
remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais questionner
M. Parent, au sujet de la nationalisation de l'industrie pharmaceutique.
J'imagine qu'il n'a pas de chiffre précis, mais a-t-il une idée
du coût de la nationalisation de l'industrie, surtout si l'on
considère que, dans ce domaine, les investissements peuvent être
assez considérables? Je prends comme exemple l'investissement qui vient
d'être annoncé dans une région du Québec d'une
industrie qui va investir $25 millions. M. Parent pourrait-il, à vol
d'oiseau, nous citer un chiffre sur le coût approximatif?
M. PARENT: Si vous permettez, M. le Président, j'ai justement
indiqué, lors de mon intervention, que je considérais que
c'était un des aspects qui n'avaient pas été
analysés encore publiquement ou privément. Je souhaiterais ou les
centrales syndicales souhaiteraient, qu'une étude soit faite pour voir
ce que ça veut dire. Je sais qu'il y a des problèmes bien
particuliers à ce sujet. Il y a le fait que, même si
c'était nationalisé, on n'a pas nécessairement la
matière première ici. Cela crée une difficulté; il
peut y en avoir d'autres aussi.
Mais il nous apparaît que dans ce secteur d'industrie, à
l'heure actuelle, avec les quelques chiffres généraux que l'on
peut avoir, au point de vue du rendement de capital et des montants qu'ils
investissent, par exemple dans la publicité, il y a des choses assez
déraisonnables. C'est pour cette raison, même si je n'ai pas de
chiffres très précis sur les conséquences de tel ou tel
geste, qu'il serait souhaitable qu'une étude soit entreprise par le
gouvernement, et nous demandons qu'il la fasse parce qu'il a les moyens de le
faire. Il pourrait entendre au niveau de l'étude toutes les parties, et
l'on pourrait y voir davantage.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, en somme, ce n'est pas une position
ferme, une position de principe en faveur de la nationalisation de l'industrie
pharmaceutique. Mais vous désirez que le gouvernement entreprenne une
étude qui pourrait contenir les chiffres principaux quant aux
investissements, quant à la forme de publicité, les
modalités d'action de cette industrie.
M. PARENT: C'est ça. Et cela pourrait, par exemple, aller
jusqu'à envisager la création d'un secteur public concurrent. Il
peut y avoir, évidemment, toute une gamme possible d'hypothèses
de travail. Mais nous n'avons pas les données pour le faire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais attirer l'attention de la
commission et du ministre sur une déclaration qui a été
faite à la Chambre des communes apparemment par le ministre de la
Santé, M. Munro, à partir d'une autre déclaration qui
aurait été faite par le Dr Spence de Toronto au sujet des soins
dentaires. Voici ce qu'on dit dans l'article de la Presse canadienne, reproduit
dans le Devoir de cette semaine. Le Dr Spence rappelle que son association
s'est déjà déclarée favorable à
l'augmentation du nombre de techniciens dentaires qui pourraient en
l'occurrence travailler en équipe sous la surveillance de dentistes
diplômés. L'Association est également favorable à un
régime de soins dentaires pour les enfants de trois ans et plus. Mais
elle s'oppose à ce qu'un tel régime aille plus loin que
l'âge scolaire. "Nous ne pourrions pas suffire", dit le Dr Spence. De son
côté, le rédacteur du journal de l'association, M. Compton,
a révélé qu'il n'y a que 7,000
dentistes au Canada, soit un pour 3,000 personnes.
Pour que l'on puisse instaurer un régime national de soins
dentaires, dit-il, il faudrait que le rapport soit d'un dentiste pour 1,200
personnes.
Quant au coût d'un tel régime, il serait
nécessairement gonflé, faute de soins préventifs à
l'heure actuelle. C'est pourquoi son association en l'occurrence, c'est
l'Association dentaire canadienne croit que, dans la mesure du possible,
on devrait consacrer l'argent disponible à des fins d'éducation
et de fluoration. Cela rejoint les observations de M. Parent il y a un instant,
et que d'autres ont faites devant cette commission.
Autrement, affirme M. Compton, les dentistes ne font que du
rapiéçage sans fin, ce qui représente un coulage
considérable dans l'économie. M. Munro, pour sa part, a
déposé lundi aux Communes un rapport qui préconise un
programme national de soins dentaires pour les enfants, comme premier pas vers
un éventuel régime comparable au régime
d'assurance-maladie.
Ce rapport note qu'un tiers seulement des soins dentaires requis par la
population canadienne sont présentement dispensés. Je voudrais
poser la question suivante au ministre des Affaires sociales: Est-ce que cette
déclaration de M. Munro indique que déjà le gouvernement
canadien est disposé à partager le coût d'un régime
de soins dentaires ou du moins le coût du régime instauré
par le bill 69? A-t-il d'autres indications plus précises que cette
déclaration de M. Munro?
M. CASTONGUAY: Si vous me permettez un commentaire, ce que vous venez de
décrire ou de lire comme position confirme en fait dans une assez large
mesure le type d'approche que j'ai déjà décrit ici quant
à ce que nous entendons faire au gouvernement, relativement à
l'hygiène dentaire ou aux soins dentaires. Lorsque ce bill a
été présenté, nous avons dit que si nous en
limitions la couverture simplement aux enfants, c'était à cause
du caractère préventif particulier des soins pour cette
catégorie de population. Nous avons dit qu'il nous fallait
également tenir compte du fait qu'environ un tiers les chiffres
semblent être confirmés de la demande de soins était
satisfaite. Nous avons noté qu'il nous fallait également
développer le personnel auxiliaire, et aussi, pour ce faire, garder des
ressources financières ou voir à ce qu'il soit possible de le
faire financièrement. Tout ce que vous lisez confirme en effet je
ne sais pas si c'est inspiré de ce qui a été dit ici
les positions décrites quant à l'attitude du
gouvernement.
En ce qui a trait à la question plus spécifique que vous
posez l'intention du gouvernement du Canada relativement à la
couverture des soins dentaires dans le régime fédéral ou
la loi fédérale des soins médicaux je voudrais sim-
plement vous reporter à la dernière conférence des
ministres de la Santé, et à la position prise par le gouvernement
du Québec à ce moment. C'est-à-dire qu'au lieu de
procéder par le truchement de lois comme l'assurance-hospitalisation, la
loi fédérale sur les soins médicaux où,
forcément, on fixe à l'échelle du pays des
priorités, des modes rigides d'allocations de ressources, notre position
est qu'étant donné que nous avons la responsabilité
d'ailleurs extrêmement difficile à assumer d'organiser tous
les services de santé, il nous faut plutôt un mode de financement
ou de partage des coûts qui nous laisse la plus grande liberté
d'action possible.
Pour moi et c'est dans ce sens que les discussions qui doivent
s'amorcer avec le fédéral doivent être entreprises
il importe beaucoup plus de remplacer les mesures actuelles de partage des
coûts par une nouvelle mesure générale qui nous permettrait
justement de faire une allocation de ressources, compte tenu de nos besoins, de
nos possibilités en effectifs, etc, de nos priorités. La
question, pour moi, je ne veux pas la poser en ces termes-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si les déclarations que je viens de lire
s'inspirent des travaux et des déclarations qui sont faites ici à
la commission, j'inciterais le ministre à en dire encore plus, à
aller encore plus loin, si ce qu'il dit devant la commission et si les
engagements du gouvernement et les plans qui sont proposés tombent dans
des oreilles attentives. J'encourage le ministre à aller plus loin dans
ses déclarations.
M. Parent, vous avez parlé tantôt de coopératives de
distribution de médicaments. Vous avez employé le terme
"distribution de revenus" mais j'ai cru comprendre que c'était
plutôt "coopératives de distribution de médicaments".
Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur cette formule que vous
semblez mettre de l'avant?
M. PARENT: C'est que nous envisageons et il n'y en n'a pas
encore, en tout cas, pour nous si la loi nous le permet, c'est la
création de coopératives de consommateurs comme il existe des
coopératives de consommateurs dans l'alimentation ou dans d'autres
secteurs qui pourraient simplement, avec un comptoir de pharmaciens, vendre,
vendre non pas à profit, mais sur la base du principe coopératif.
Nous croyons que ce serait de nature à baisser assez
considérablement les coûts aux consommateurs.
M. LE PRESIDENT: M. Tetley.
M. TETLEY: M. le Président, les remarques de M. Parent sont
très intéressantes. En effet, il suggère que l'on
contrôle sérieusement le coût de production et le coût
de vente des médicaments. Mais si on veut contrôler un secteur de
l'économie il faut contrôler, à mon avis, tous les
coûts de production, y compris les salaires, n'est-ce pas?
Comme représentant syndical, êtes-vous prêt à
accepter un contrôle des salaires des personnes qui produisent les
médicaments, qui vendent les médicaments les
employés parce qu'autrement, je me demande comment le
gouvernement peut accéder à votre demande. C'est la question que
je vous pose.
M. PARENT: Je vais essayer de répondre à la question du
ministre en disant que, dans l'enseignement, cela nous paraît
déjà fait. Alors, cela ne pose pas de problème. Il y a un
contrôle étatique des salaires. Dans d'autres domaines...
M. TETLEY: Pardon, M. le Président, je note qu'après cette
remarque, M. Parent a ri, ainsi que toute l'assistance, et je mets en doute
cette remarque.
M. PARENT: II y a eu au moins un cas où les salaires des
enseignants ont été fixés par voie de décret, par
voie législative. Donc, c'est de l'imposition.
M. TETLEY: Avec droit de grève, et ils sont encore en
grève.
M. PARENT: Non, non. Dans le domaine de la construction, il y a eu le
bill 38 qui a décidé que c'était un décret sans
droit de grève qui établirait les conditions. Il y a des cas
particuliers.
M. TETLEY: Est-ce que vous... pardon.
M. PARENT: Non, mais permettez... sur le principe, il y a un autre cas
que je voudrais également vous citer. L'Hydro-Québec, à ce
que je sache, est une entreprise nationalisée; elle contrôle les
prix de production d'un service à la population qui est
nécessaire; il n'y a pas nécessairement contrôle
étatique des salaires. C'est le jeu de la négociation dans une
entreprise publique. C'est vrai ici, c'est vrai ailleurs.
Quant au contrôle des salaires par rapport aux prix, je ne vous
répéterai qu'une position qui est publique et qui est très
connue. Nous l'avons fait avec la Commission des prix et revenus, à
Ottawa, ç'a été une position commune du Congrès du
travail du Canada et de la CSN. Dans ce cas, nous avons toujours dit:
Contrôlez les prix; comme les salaires sont un élément de
détermination des prix, si les prix augmentent à cause des
salaires vous le direz simplement et on sera soumis aux mêmes sanctions
que ceux qui auront augmenté indûment les prix. Cela a
été une position très nette, très ferme et
très précise. Nous ne voulons pas aller vers un contrôle
étatique des salaires; c'est bien sûr Pas plus que quand nous
parlons, par exemple, de développement d'un secteur comme celui de la
santé ou des biens de la santé qui sont essentiels. Si cela est
produit par une entreprise nationalisée cela ne veut pas dire que les
mécanismes normaux de négociation ne peuvent pas être
là, de la même façon qu'ils le sont, comme je viens de le
mentionner pour un grand nombre d'entreprises étatiques, de la
même façon qu'ils le sont même pour les employés de
l'Etat. Les employés de l'Etat eux-mêmes ont des
possibilités de négociation. Alors, il n'y a pas, quant a nous,
divorce entre le fait qu'il peut y avoir des entreprises nationalisées
afin d'assurer d'une autre façon la distribution des revenus et le droit
à la libre négociation collective et la détermination
normale par voie de négociations des conventions collectives. Pour nous,
ce n'est absolument pas exorbitant.
M. TETLEY: Si je comprends bien, vous voulez quand même accorder
aux employés le droit de négocier, de faire la grève, de
demander le salaire qu'ils peuvent obtenir par le moyen de grève ou
négociation, mais vous ne voulez pas donner aux manufacturiers, aux
pharmaciens et aux autres le même droit de négocier et le
même droit de grève...
Vous voulez un contrôle dans un secteur et pas dans un autre. Si
je comprends bien, si le gouvernement fixe le prix des médicaments, il
n'y aura pas de négociation et de droit de grève pour les
manufacturiers; mais s'il fixe les salaires vous aurez le droit de grève
et le droit de négocier selon vos moyens.
M. PARENT: Je pense que vous avez mal interprété mon
intervention. Je m'excuse! Je me suis peut-être mal exprimé. Je
n'ai pas dit que l'Etat devait contrôler les prix. J'ai simplement
demandé qu'il y ait une étude pour voir si par la nationalisation
totale ou par la création d'un secteur concurrent, cela ne permettrait
pas de diminuer les coûts de production et de distribution. C'est un
changement de nature de l'entreprise. Mais ce n'est pas un contrôle
étatique sur les prix en soi. Cela est une autre question. Il ne s'agit
pas du tout du même phénomène. Je ne crois pas que les
entreprises, même celles des produits pharmaceutiques, que ce soit
n'importe quel secteur de l'économie, excepté pour le transport,
et un certain nombre de services publics, doivent être soumises à
un contrôle et à une détermination publique des prix. Ce
n'est pas la négociation qui joue, c'est la seule détermination
arbitraire de l'offre et de la demande. Tandis que dans le domaine de la
convention collective ou de la négociation collective des salaires, il
existe d'autres règles du jeu. C'est que nous avons à
négocier. Nous n'avons pas à imposer.
M. TETLEY: M. le Président, je vais terminer mes observations. A
mon avis, M. Parent, veut retirer un secteur de l'offre et de la demande et
veut garder l'autre. C'est mon opinion à la suite de ses
observations.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur a
demandé la parole.
M. BOIS: Tout à l'heure vous faisiez le parallèle entre le
coût possible des médicaments pour les assistés sociaux de
moins de dix-huit ans par rapport à deux milles de voie carossable ou de
voie ferrée, peu importe. Est-ce que vous avez fait la différence
entre le coût de la fluoration dans toutes les municipalités du
Québec en regard du pourcentage de l'eau pour la consommation humaine
qui atteint réellement la fin de la fluoration?
M. PARENT: Je n'ai pas fait d'étude spécialisée
là-dessus pour une raison bien précise c'est que ce
n'était pas une de nos préoccupations essentielles. Mais j'ai
l'impression, d'après les chiffres que nous avons appris à la
commission j'y ai assisté depuis le début que la
fluoration de l'eau était un des moyens de prévention les moins
dispendieux qui existent par rapport à tout ce qu'on pourrait introduire
comme système de réparation de quelque nature qu'il soit.
M. BOIS: M. Parent, j'aurais une autre question. Quelle est la
différence ou quelle différence verriez-vous entre
l'étatisation de la production et la non-étatisation des prix en
ce qui concerne les médicaments? Parce que vous voulez vous
réserver la liberté de négocier les salaires pour
référer à la question de M. Tetley, mais si vous
nationalisez la production sans avoir la nationalisation finale des prix...
M. PARENT: Le premier point que je voudrais mentionner, c'est que nous
n'avons pas demandé la nationalisation, mais qu'une étude soit
entreprise. C'est une distinction de base.
M. BOIS: Je pose la question tout simplement.
M. PARENT: Deuxièmement, les besoins de la santé pour moi
font partie des droits fondamentaux. Pour moi, cela ne devrait pas être
laissé aux mercantilistes simplement. Cela devrait être
rationalisé puisque ce sont des besoins essentiels qui doivent
être satisfaits. Tout ce que nous disons à l'heure actuelle et
tout ce que nous avons dit, c'est d'étudier en vue de développer
un autre système d'entreprises de production et voir si ce ne serait
pas, soit totalement ou soit partiellement, un facteur qui aurait pour effet de
diminuer le coût des médicaments. Dans ce secteur en particulier,
et nous avons pu le voir par quelques exemples je pense que
quelqu'un en a apportés ici, pour la même qualité de
médicament. Avec toutes les complications de brevets ou tout ce qui
existe là-dedans, il peut arriver que le coût soit dans la
proportion de 1 à 11 pour le même produit et la même
qualité de la marchandise. Cela nous montre qu'il y a quelque chose
d'obscur au moins, pour ne pas dire davantage. Nous disons que si
c'était examiné, on découvrirait peut-être qu'on
peut arriver à produire et à abaisser le coût des
médicaments.
Un des éléments qui nous frappent, c'est qu'à peu
près 25 ou 28 p. c. du coût des médicaments va simplement
à la promotion et à la publicité.
Ce pourcentage est à peu près le plus élevé
de tout ce qui se produit, excepté dans l'industrie des
cosmétiques. Je pense qu'aucun produit n'a une proportion de coût
aussi élevée en publicité que les cosmétiques. Or,
cela nous apparaît exorbitant qu'il y ait un montant aussi
considérable pour faire la publicité d'un besoin essentiel. Il
nous apparaît qu'il y a là un problème, soit de monopole ou
de concurrence artificielle, qui nous semble irrégulier. Alors, tout ce
que nous souhaitons, c'est que cela devrait être parce que je
pense que ça ne l'a jamais été examiné de
plus près pour voir ce qui se passe dans ce domaine. Notre affaire est
aussi simple que cela.
J'aurais une autre question.
M. CASTONGUAY: Pourrais-je faire un seul commentaire, M. le
député? Vous dites que la question du coût des
médicaments ou de la fabrication des médicaments n'a jamais
été étudiée. Depuis l'enquête Kefauver aux
Etats-Unis, toute une série de groupes ont étudié cette
question. Je pense que ce qui s'est dégagé de façon
générale, comme conclusion, c'est une distinction assez
importante à faire. Dans le système actuel de fabrication,
l'existence de très grands fabricants, leur concurrence auprès
des autres ont apporté un développement assez extraordinaire au
plan des types de médicaments qui ont été
découverts et mis en marché. Par contre, il en est
résulté, étant donné la force de ces fabricants,
certaines situations telles que celles que vous mentionnez qui sont, je crois,
d'un autre ordre, qu'il a fallu analyser et qui ont été
analysées. C'est dans des domaines comme ceux de la publicité,
ceux des formats thérapeutiques, etc., où il semble possible de
faire certaines économies. Ici, lorsque nous étudions le bill 69,
c'est cet aspect que nous avons plutôt voulu aborder. Mais je ne crois
pas que les enquêtes menées par la commission Harley, par le
groupe de travail en Alberta, ou par les Américains n'en soient jamais
arrivées à la conclusion qu'un système de fabrication
nationalisé pourrait apporter des avantages. Lorsqu'on compare des
services comme l'Hydro-Québec, ou la distribution de
l'électricité, où il y a là tout le problème
du réseau qui ne peut être double, les coûts énormes
de développement ou d'exploitation des ressources, également dans
le cas d'un pouvoir comme celui-là, le pouvoir électrique, la
nécessité d'avoir des tarifs uniformes, de telle sorte qu'on ne
favorise ou qu'on ne défavorise pas indûment une région, il
me semble que c'est un problème assez différent que celui d'un
des aspects de la question que nous discutons ce matin, c'est-à-dire
celui de la fabrication.
Il me semblait nécessaire, M. le député de
Saint-Sauveur, de faire ces quelques commentaires pour expliciter aussi
notre attitude sur cette question.
M. BOIS: J'aurais une question additionnelle. M. Parent, serait-il
possible quant à la fabrication, par exemple, ou à la mise en
marché, que la publicité du côté industriel devienne
éducation du côté gouvernemental? Je m'explique: Les 12,012
de l'Hydro. La même publicité pourrait être faite par une
compagnie privée comme par l'Hydro nationalisée.
M. TETLEY: ... bill 45.
M. BOIS: J'aimerais aussi savoir... D'ailleurs, je demanderais à
l'honorable ministre de la Santé de produire, à la suite de
ça, ce qu'a pu coûter l'éducation qui a été
faite, par exemple, depuis un an, pour dire aux gens à quels
bénéfices ils auront droit en matière de santé.
Cela pourrait aider à établir un parallèle dans ce genre
de choses, la publicité éducative qui a été faite
pour dire aux gens ce à quoi ils ont droit dans leurs
bénéfices, etc.
M. CASTONGUAY: La publicité faite par qui?
M. BOIS: Par la régie.
M. CASTONGUAY: Ah! bon! M. Després est ici, il peut donner
à ce moment-ci, ou à la prochaine séance...
M. BOIS: A la prochaine séance, il peut le faire, M. le
ministre.
M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. LAURIN: M. Parent, vous avez parlé de l'extension anarchique
du régime privé. Est-ce que vous pourriez donner des
exemples?
M. PARENT: Oui, ce qui se passe à l'heure actuelle dans le
cas des travailleurs qui sont couverts par des plans d'assurance collectifs ou
privés et qui l'étaient avant l'entrée en vigueur de la
loi c'est que généralement ces plans sont
négociés avec l'entreprise et on prévoit de l'employeur
une contribution de x et de l'employé une contribution de y. Avec
l'arrivée de l'assurance-maladie, il y a eu le phénomène
suivant: c'est que les compagnies d'assurance, si elles n'avaient pas
modifié leur éventail de bénéfices à offrir,
auraient vu leur chiffre d'affaires diminuer considérablement. Elles ont
développé à l'heure actuelle tout ce qui est à peu
près imaginable de bénéfices afin de ne pas diminuer leur
chiffre d'affaires.
Ceci a comme résultat brut, avec les difficultés qu'il y a
aussi dans un certain nombre de cas de conventions collectives, qu'un bon
nombre de salariés paient maintenant pour l'assurance- maladie leur
contribution de 0.8 et autant d'argent qu'ils payaient avant pour des
bénéfices privés, parce qu'il y a eu tout l'effort
privé pour leur vendre des bénéfices additionnels. Et cela
ne se développe pas de façon cohérente.
Simplement sur le plan des médicaments, on sait à l'heure
actuelle, que des entreprises d'assurance privée ont
développé des plans d'assurance privés avec des frais
modérateurs. Ils essaient déjà d'imposer cela dans le
secteur privé. Ce qui fait que ça ne peut pas avoir pour effet
autre, quand le gouvernement aura l'intention de pousser plus loin, que
d'être pris avec des situations de fait qui auront été
crées dans le secteur privé. C'est un problème très
concret à l'heure actuelle.
Il y a toute une gamme de choses qui se passent à l'heure
actuelle et on s'aperçoit que, comme résultat final ce qui
se passe dans le secteur privé avec le développement qui se fait
cela ne peut que freiner éventuellement l'extension du secteur
public. C'est pour ça que nous, ce que nous demandions essentiellement,
c'est qu'il y ait un échéancier pour dire: On sait que
l'intention du gouvernement c'est de faire en sorte que, dans un an, telle ou
telle chose sera mise en vigueur. Si on en connaissait simplement les
orientations, ça permettrait d'harmoniser davantage ce qui se fait dans
le secteur privé et de ne pas se retrouver dans des situations
impossibles.
Je voudrais ajouter que le gouvernement pourrait très bien dire:
Techniquement telle chose, ou financièrement telle chose, nous
prévoyons la faire à telle place sans brimer les droits de
négociation des parties intéressées. Cela ne fait partie
à ce moment-là que du "bargaining power" de l'une ou l'autre des
parties. Et déjà toute l'économie de la loi du travail est
faite dans ces sens-là. Quand nous négocions, nous, en vertu de
la loi, nous sommes soumis à des délais qui vont jusqu'au point
que, s'il n'y a pas un terme donné pour conclure la convention
collective, on peut même perdre notre accréditation syndicale. Ce
n'est pas plus compliqué pour les autres groupes et je ne pense pas que
ça ajouterait une pression indue de savoir qu'il est possible
techniquement et financièrement pour le gouvernement d'appliquer le bill
69 dans trois mois, et que, par conséquent, il y a un délai de
trois ou quatre mois.
La même chose pour un certain nombre d'échéanciers.
Cela nous apparaît comme ça. C'est pour cette raison que nous
aimerions en savoir davantage parce que de la façon dont ça se
développe à l'heure actuelle dans le secteur privé, il
nous apparaît que ça va être dommageable aux
intérêts de tout le monde.
M. LAURIN: Vous avez dit que ces excès s'inscrivent dans des
conventions collectives. Est-ce que, dans la négociation des conventions
collectives, les représentants des centrales n'ont pas l'occasion de
faire entendre leurs opposi-
tions? Et s'ils s'opposent est-ce que ça s'inscrit quand
même dans les conventions collectives?
M. PARENT: II y a là une difficulté très
concrète. Il est bien sûr que nous avons le pouvoir de
négociation, mais il est très rare que la négociation
collective sur les plans médicaux ou les plans d'assurance se fasse dans
le sens de la négociation du bénéfice x, y ou z.
Généralement, cela se fait beaucoup plus comme l'acceptation de
la contribution d'un montant de x dollars pour fins de, ou de x cents l'heure
pour fins de. Et comme nous n'avons pas les outils pour en déterminer
les coûts actuariels, nous sommes soumis à tout un aléa de
situations qui font que les gens vont s'assurer selon les groupes individuels,
selon les aspirations du moment.
Tel groupe s'assure pour telle qualité de
bénéfices, tel autre pour telle autre qualité de
bénéfices. C'est ce que je voulais expliquer en disant que cela
se développait de façon anarchi-que. Quand on arrivera pour
harmoniser tout cela dans le secteur public, on aura des problèmes
très considérables qui pourraient être prévenus si
on avait un échéancier du genre de choses qui peuvent nous
arriver.
M. LAURIN: Vous dites qu'il vous est impossible de contrer la
publicité faite par les régimes privés avec les moyens que
possèdent actuellement les centrales. C'est ça que vous voulez
dire?
M. PARENT: Ce n'est pas possible. Nous n'avons pas les outils
nécessaires. Nous avons nos outils de négociation sur le montant
des contributions individuelles, les contributions à consacrer. Nous
n'avons pas les moyens techniques et les informations techniques pour
établir par exemple la qualité des coûts et celle des
bénéfices.
M. CASTONGUAY: M. le Président, est-ce que le
député de Bourget me permettrait une question? J'ai fait
certaines observations à la suite des commentaires de M. Parent quant
à la date d'entrée en vigueur de ce régime. M. Parent n'y
a pas répondu, il me semble, mais a plutôt
réaffirmé, à son avis, la nécessité que nous
fixions une date. Il y a deux aspects qui m'apparaissent importants. J'aimerais
que M. Parent me dise comment il croit que l'on puisse résoudre un tel
problème.
Premièrement, les auditions ici, à cette commission. Je
crois qu'elles ont été jugées valables. Comment
pouvons-nous contrôler le nombre de ces auditions, étant
donné que chaque fois qu'une personne a demandé à
être entendue, il a été jugé bon de l'entendre? Je
pense bien que si on vous avait dit ce matin: plus d'auditions, parce que l'on
veut mettre le régime en vigueur le 1er avril et qu'il faut
légiférer, vous n'auriez pas trouvé que cela était
ce qu'il y avait de plus sensé comme méthode. Or, il nous reste
encore une liste d'organismes et nous ne serons pas en mesure de les entendre
aujourd'hui. Il va falloir fixer une autre date. Vous savez comme moi que,
malgré tout notre désir je ne parle pas comme ministre,
mais comme membre de l'assemblée d'accélérer notre
travail, la plupart des députés qui sont ici participent aux
travaux d'une, deux ou trois commissions. Cette prochaine séance devra
avoir lieu. Après ça, si nous avons tenu trois ou quatre
séances pour écouter les organismes, il me semble qu'il serait
sage que la commission se réunisse et que nous discutions les questions
les plus importantes.
Cela peut donc signifier encore, en plus d'aujourd'hui, une ou deux
autres séances. Même si les membres de la commission veulent
discuter encore plus longuement, c'est assez difficile de limiter cela.
Deuxièmement, une fois ceci fini, il nous faut apporter des
modifications au projet de loi, il nous faut également faire en sorte
que le mécanisme administratif soit prêt. Le mécanisme
administratif sera adapté aux dispositions de la loi. Selon les choix
qui seront faits, cela peut impliquer des changements assez importants. On ne
peut engager présentement des équipes complètes en prenant
comme hypothèse qu'un projet de loi sera conçu de telle
façon alors que nous ne savons pas exactement ce qu'il sera en
définitive.
Troisièmement, lorsque nous reviendrons en Chambre, nous avons un
programme législatif. Il y a aussi en Chambre d'autres questions qui
doivent être discutées. Encore là, le gouvernement n'est
pas le seul qui ait un mot à dire quant au calendrier des discussions en
Chambre. A quel moment ce bill pourra-t-il être présenté en
Chambre? A quel moment pourra-t-il être discuté? Quelle sera la
longueur du débat? Autant de questions auxquelles il est assez difficile
de répondre présentement.
Si nous additionnons toutes ces choses, si nous les prenons une par une,
nous pouvons parler d'un délai d'un mois, d'un délai de quelques
semaines. Lorsque nous additionnons l'ensemble, il n'en demeure pas moins que
c'est assez difficile de fixer une date. Pour ma part, je ne suis pas capable
de le dire à moins qu'on me dise comment répondre à
chacune de ces trois séries de questions.
M. PARENT: Lorsque le bill 8 a été adopté, je pense
que le ministre avait fait une déclaration à ce moment-là
disant: C'est notre intention de présenter le plus rapidement possible
et avant la prochaine session je pense que c'était son expression
tel et tel type de choses. Nous savions donc, par conséquent,
que, sur ces questions-là, une législation serait soumise. Nous
ne faisons pas de reproche pour le rythme de ses séances à la
commission parlementaire, cela est un délai plus ou moins mesurable,
c'est la même chose pour les travaux de la Chambre. Un bon matin, la
législation sera adoptée.
J'imagine qu'au moment ou elle sera adoptée, vous serez en mesure
de dire que vous croyez qu'administrativement c'est possible
qu'elle entre en vigueur dans trois ou quatre mois.
M. CASTONGUAY: II va rester la négociation.
M. PARENT: Oui, je comprends. Vous avez la négociation.
M. CASTONGUAY: C'est important!
M. PARENT: Nous y sommes astreints, nous aussi, nous savons un peu
comment ça se passe. J'ai l'impression que si vous dites publiquement:
Nous sommes en mesure, dans des conditions normales, d'appliquer tel plan
à telle place, vous mettez la pression à la bonne place.
M. CASTONGUAY: Alors, nous sommes d'accord. Il faut procéder dans
la mesure du possible aussi rapidement que c'est humainement possible de le
faire, mais je ne crois pas qu'il soit possible, et c'était le point que
je voulais mentionner, de fixer aujourd'hui une date assez précise.
M. LAURIN: Vous avez parlé de l'étude sur la
nationalisation de la fabrication. Avez-vous des positions sur la
nationalisation de la distribution ou de l'achat, exception faite de la
fabrication?
M. PARENT: Je pense avoir indiqué très rapidement tout
à l'heure que, pour la distribution, nous aimerions que l'on se serve
davantage des pharmacies des hôpitaux publics pour les ouvrir au public.
Ça se fait déjà dans certaines régions, mais
ça pourrait être étendu, c'est un des moyens. Nous avons
mentionné également l'autre question des cliniques de
santé et de distribution de produits pharmaceutiques. Nous croyons que
ceci pourrait être possible surtout dans les régions
éloignées des grands centres. Nous avons parlé
également de l'idée du développement de
coopératives de distribution. Je crois que ce sont autant
d'éléments qui peuvent favoriser la constitution d'un
réseau, sinon parallèle, un réseau qui modifierait ce qui
existe à l'heure actuelle.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Tetley a demandé la parole?
M. TETLEY: Non.
M. LE PRESIDENT: Monsieur le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: M. Parent, d'après vos études sur le
coût des médicaments, vous avez déclaré que le
même médicament pouvait présenter un coût variant
dans une proportion de un à onze. Lorsque vous parlez de
médicament de même qualité, entendez-vous des
médicaments comprenant les mêmes ingrédients, ou si vos
études tiennent compte également du procédé de
fabrication et de la possibilité d'assimilation du
médicament?
Pour tous les professionnels de la santé qui ont eu à se
servir de médicaments ou à en prescrire, il est évident
que le même médicament, présentant les mêmes
ingrédients, ne produit pas toujours les mêmes effets. C'est
à ce moment que le coût peut varier. Vos études
tiennent-elles comptes de ces procédés de fabrication et des
possibilités d'assimilation du médicament?
M. PARENT: Nous n'avons pas fait d'études
spécialisées sur les contenus des médicaments, on comprend
que ça va revenir en partie à la Commission de pharmacologie,
mais nous nous sommes basés pour affirmer...
M. QUENNEVILLE: C'est important.
M. PARENT: ... sur des choses qui ont été dites ici
à la commission depuis le début, et en particulier sur une
étude qui a été faite et publiée en Ontario, et qui
donne une liste d'un certain nombre de médicaments sous le titre
générique avec les noms d'entreprises en disant il y a un
coût de tant et tant. C'est à partir de ça que je fais
cette affirmation.
M. QUENNEVILLE: C'est parce que ce n'est plus le même
médicament à ce moment-là. Ce n'est pas le même
effet. Cela a énormément d'importance.
M. LE PRESIDENT: Le député de d'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, un bref commentaire en marge de la
discussion. Nous parlons depuis quelques moments de la nationalisation possible
de la production ou de la distribution des médicaments.
Je tiens à souligner qu'il y a trois ou quatre ans j'ai eu
l'avantage d'aller visiter trois pays européens, la France, la Suisse,
la Belgique. J'y suis allé, accompagné de l'ancien
député de Richelieu, que je suis heureux de revoir parmi nous ce
matin.
J'ai déjà eu l'occasion, pendant ces discussions, ici
à la commission parlementaire, de souligner le fait que les mêmes
médicaments se vendent moins cher dans des pays européens que sur
le continent nord-américain, et je me suis permis de poser certaines
questions à ce sujet.
Je suis informé en outre que cet écart de coût
existe, que le médicament soit produit dans les pays européens ou
qu'il soit produit en Amérique du Nord et exporté vers ces
pays-là.
C'est une des raisons pour lesquelles j'ai participé à
cette mission d'étude. Je tiens à souligner qu'il n'y a pas dans
ces pays-là de nationalisation ni de la production, ni de la
distribution, mais qu'il existe un régime de
négociation des prix entre l'Etat et le fabricant, et que les
renseignements que j'ai pu récolter sont à la disposition du
ministre des Affaires sociales pour l'étude de toute cette question.
M. LAURIN: Avez-vous des renseignements sur le régime qu'est en
train d'établir le Manitoba sur la nationalisation de la distribution et
des achats? Est-ce que le gouvernement suit assez ces cheminements-là
pour nous donner très brièvement les lignes que ce gouvernement
semble suivre?
M. GOLDBLOOM: C'est à mon collègue le ministre de
répondre à cette question.
M. CASTONGUAY: Peut-être le Dr Mockle ou M. Després
pourraient-ils vous dire plus clairement ce que nous suivons comme
expérience au plan technique. Je ne suis pas en mesure de
répondre à cette question. Est-ce que vous êtes au courant
de ce qui se fait au Manitoba au plan de nationalisation possible du
système d'achats et de distribution des médicaments?
M. MOCKLE: Je regrette, c'est quelque chose de nouveau pour nous. Je ne
suis pas au courant. En Alberta, il y a un élément en jeu
concernant la possibilité de la substitution, de ce qu'on appelle la
substitution, c'est-à-dire de donner une marque de commerce autre que
celle prescrite par le médecin moyennant certaines conditions. On a
ça en Alberta. Mais au Manitoba, je n'ai aucun renseignement concernant
ce qui pourrait être appliqué de même au Québec.
M. CASTONGUAY: On communiquera de toute façon.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester a une question
à poser?
M. GUAY: M. Parent, dans le présent système de financement
des médicaments, selon vous y a-t-il des gens qui doivent se priver de
médicaments?
M. PARENT: S'il y a des gens qui doivent se priver de médicaments
en ce moment? Certainement. Beaucoup de gens ne peuvent pas s'assurer les soins
médicaux et les soins de prévention au point de départ,
parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de le faire. Je n'ai pas de
statistiques là-dessus, mais le problème n'est pas simplement
relié à cela. On se rend compte que ce sont les gens à
plus faible revenu qui finissent par être les plus hauts consommateurs de
médicaments. Pourquoi? Parce que, justement, ils ne sont pas capables de
suivre la médication préventive; ils sont tout simplement aux
prises avec des problèmes de complications et de réparations plus
globales.
M. GUAY: Dans un autre ordre d'idée, étant donné
qu'on parle de distribution, de quelle façon prévoyez-vous que
sera contrôlée la quantité de médicaments pour
chaque consommateur, afin, évidemment, qu'il n'y ait pas d'abus de
consommation de médicaments?
M. PARENT: Vous voulez dire chaque ordonnance?
M. GUAY: Advenant, par exemple, un cas de distribution plus facile et
presque gratuite, est-ce que vous prévoyez un mécanisme de
contrôle de quantité pour chaque consommateur de
médicaments?
M. PARENT: Nous parlons toujours des médicaments prescrits; ce
sont donc les médecins et ce sont les professionnels de la santé
qui vont continuer à prescrire des ordonnances, de la même
façon qu'à l'heure actuelle. Je ne pense pas que le fait que la
distribution soit facilitée, ou que l'accès soit facilité
va changer tellement la nature de la conscience professionnelle des
professionnels de la santé.
M. GUAY: Merci, M. Parent.
Les pharmaciens Coutu et Michaud
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Parent de son exposé. Je
demanderais maintenant à Me Claude Tellier, représentant les
pharmaciens Jean Coutu et Louis Michaud, de nous faire un résumé
de leur mémoire.
M. TELLIER: M. le Président, je représente ici ce matin M.
Louis Michaud, à ma gauche, et M. Jean Coutu, à ma droite. Ils
sont tous deux pharmaciens.
A l'annonce de la présentation du bill 69, ils ont cru de leur
devoir de se présenter devant vous pour vous faire part d'un certain
témoignage.
Le débat sur le bill 69, et la dernière intervention le
justifie amplement, soulève d'emblée la discussion sur le
coût des médicaments. Comme quelqu'un l'a mentionné, ceci a
fait l'objet de très savantes et très nombreuses études
avec lesquelles nous ne voulons pas entrer en concurrence. Il n'en demeure pas
moins que la question du coût des médicaments se situe à
différents niveaux et, entre autres, au niveau de la distribution. C'est
sur cette question que nous voudrions témoigner, pour avoir vécu
une expérience qui est assez concluante.
La question de la distribution des médicaments est axée
sur la pharmacie du coin qui, aujourd'hui encore, est traditionnellement
artisanale. Elle est substantiellement ce qu'elle était il y a une
génération ou deux et elle représente les
caractéristiques suivantes: c'est-à-dire un trop grand nombre
d'établissements dans certains sens; deuxièmement, un volume
d'affaires
insuffisant, ce qui réduit d'autant et proportionnellement le
pouvoir d'achat de l'entrepreneur; troisièmement, le pouvoir d'achat
étant réduit, la productivité du personnel qui y travaille
est incomplète et insatisfaisante et, quatrièmement c'est
surtout cet aspect qui constitue le noeud du problème c'est que
la pharmacie, aujourd'hui, a un double aspect, une dualité, d'abord
l'exercice d'une profession avec privilège réservé en
vertu de la loi qui consiste à remplir des ordonnances et dispenser un
certain nombre de médicaments, drogues et poisons, et, d'autre part, le
pharmacien est un commerçant de produits non pharmaceutiques.
Il y a quelque temps ou il y a quelques années, le pharmacien
avait un double rôle: celui de faire des médicaments et celui d'en
vendre. Avec les progrès de la médecine et de la science, avec
l'arrivée de l'industrie pharmaceutique, le rôle du pharmacien en
tant que fabricant a été, à toutes fins pratiques,
éliminé ou réduit à pas grand-chose. Il est
arrivé que ce secteur a été remplacé graduellement
par des activités de type commercial. Cependant, cette évolution
s'est faite de sorte que le pharmacien n'a pas su, en tant que
détaillant, faire appel aux mêmes techniques, aux mêmes
ressources que les autres secteurs du marché au détail, comme par
exemple ç'a été le cas dans le domaine de l'alimentation,
le domaine de la quincaillerie ou dans le domaine du vêtement. On ne
retrouve donc pas ou on retrouve trop peu, dans le domaine de la pharmacie, les
techniques modernes et nouvelles de mise en marché, comme le
"marketing", l'emballage, le "self-service", les techniques publicitaires,
etc., avec le résultat que vous avez affaire à des entreprises
qui ne se sont pas mises au diapason de 1971. Cette absence d'évolution
a été créée en grande partie, non pas par une
incapacité des pharmaciens d'évoluer mais par une politique du
Collège des pharmaciens qui poursuivait un idéal professionnel,
qui se défend à son point de vue, mais qui freine l'expansion
normale des entreprises pharmaceutiques selon les lois naturelles de
l'économie.
Et, pour appuyer cette affirmation lourde de conséquences, je
voudrais vous signaler et je le signale dans mon mémoire, aux
pages 6 et 7 un certain nombre de réglementations qui ont
été adoptées par le collège. En 1967, on a
adopté un règlement qui, contrairement à une certaine
coutume ou à une certaine tolérance qui avait prévalu
jusque là, a exigé que toute prescription, quelle qu'elle soit,
soit remplie par un pharmacien. Ceci, évidemment, a créé
un fardeau extrêmement lourd sur un grand nombre de pharmaciens, parce
que cette disposition n'était pas exigée
antérieurement.
Deuxièmement, en 1967, on a également adopté un
règlement et je cite: "Sauf les droits acquis à la page 7
toute personne inscrite en vertu de la Loi de la pharmacie lorsqu'elle
tient pharmacie doit la tenir dans un local complètement distinct et
absolument indépen- dant de tout local où il se pratique un
commerce étranger aux produits pharmaceutiques, aux drogues et aux
poisons". Cela veut dire que le pharmacien devrait exploiter son
établissement dans un local restreint où il ne se vend que des
médicaments ne pouvant pas vendre autre chose, ce qui réduit le
volume d'affaires de ces gens et augmente en proportion inverse le prix des
articles qu'il vend.
Troisièmement, en 1969 on a adopté un règlement qui
interdisait la publicité quant aux prescriptions.
Quatrièmement, à la page 9, je mentionne qu'au mois de
décembre le collège informait ses membres qu'on voulait adopter
un nouveau règlement pour renforcer celui dont j'ai parlé en
premier lieu, celui qui exigeait que le pharmacien clôture son office et
on va lui interdire maintenant d'avoir une raison sociale. Lorsque ce
mémoire a été écrit, nous n'avions pas beaucoup
d'informations et, à la fin du mois de janvier, le collège a
adopté en première lecture ce règlement qui non seulement
va venir encore limiter les activités économiques des pharmaciens
mais également, à mon sens, va outrepasser les pouvoirs qu'il a
en vertu de la Loi de la pharmacie et s'arroger en quelque sorte les pouvoirs
législatifs qui n'appartiennent qu'à l'Assemblée
nationale.
Pour vous démontrer le bien-fondé de ces affirmations,
nous voulons vous faire part de l'expérience que nous avons
réalisée nous-mêmes depuis 1969 alors que MM. Coutu et
Michaud ont décidé de faire la vente de leurs ordonnances, de
leurs médicaments, en coupant le prix de 40 p. c. et en ne chargeant que
$0.99 pour le coût de leur ordonnance. Si bien qu'un médicament
qui se détaillait $10. se vendait $6 plus $0.99. Pour lancer cette
nouvelle politique de mise en marché, il y a eu de la publicité
de faite et la réponse du public a été absolument
spectaculaire au point que dans certains types de médicaments, cette
réduction a pu aller jusqu'à 50 p. c. Surtout en ce qui concerne
les médicaments destinés à ceux atteints d'état
chronique comme les diabétiques, les cardiaques, ceux qui souffrent de
glaucome, c'est-à-dire les gens qui doivent renouveller continuellement
leurs ordonnances.
Les conséquences de cette expérience,
énumérées à la page 12 du mémoire qui est
devant vous et dont la première est très intéressante
parce qu'elle prend en considération certains arguments mis de l'avant
par le collège, est que les pharmaciens à l'emploi de nos
établissements ont eu à partir de ce moment-là une
activité vraiment professionnelle parce qu'ils ne faisaient que de la
prescription. Ils n'avaient pas le temps d'être occupés à
du travail non professionnel.
Deuxièmement, il y a eu une augmentation considérable du
pouvoir d'achat, ce qui nous permettait d'obtenir les médicaments
à meilleur compte et d'accorder des réductions encore plus
grandes.
Troisièmement, nous avons augmenté notre pouvoir d'achat
et c'est très important. Je parlais tantôt des techniques modernes
de mise en marché et, entre autres, il y a la question du "commercial
traffic" c'est-à-dire que, si vous vendez un produit et que vous avez
une circulation de clientèle, vous avez des chances de vendre autre
chose. C'est justement ce qui s'est produit. La vente des produits
pharmaceutiques a crée une augmentation du volume des ventes dans les
autres produits et inversement. Si bien que ceci a permis une augmentation du
volume des ventes et une répartition plus équitable des frais
généraux d'opération, ce qui permettait de vendre les
médicaments à un prix fort raisonnable.
Nous sommes venus ici pour attirer votre attention sur le fait que, si
par l'établissement d'un régime d'assurance-médicaments
l'Assemblée nationale ne se préoccupe pas parallèlement de
l'orientation qui doit être donnée à la Loi de la pharmacie
et de l'application de cette loi quant aux membres de cette corporation, on
risque d'annuler les bénéfices que l'on recherche par l'effort
qui est démontré par le bill 69.
Vous m'avez demandé, M. le Président, de faire un
résumé. Je pense que le résumé est fait et nous
sommes à votre disposition pour toutes questions.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, avant de poser
peut-être une ou deux questions à Me Tellier, mentionner qu'au
cours des auditions de cette commission, à mon avis, une des conclusions
qui se dégagent, c'est qu'en effet il ne s'agit pas uniquement pour nous
de penser à qui sera couvert par la loi proposée, aux
mécanismes de négociation ou d'établissement des prix, de
même qu'aux mécanismes techniques tels que la commission de
pharmacologie, à tous ces problèmes qui sont reliés
directement au bill 69. Je crois qu'il est ressorti assez clairement qu'un
examen de la Loi du collège de la pharmacie s'impose également,
comme le dit Me Tellier. Nous entendrons également cet après-midi
M. Neiss qui a des représentations à nous faire sur le même
sujet.
Je crois que ce qui importe à ce moment-ci et je fais
cette remarque pour ne pas nous engager dans une voie qui pourrait être
extrêmement complexe c'est de prendre en bonne note les
représentations de M. Tellier, quitte à obtenir certaines
clarifications et, compte tenu du fait que c'est l'intention du gouvernement,
comme le premier ministre l'a mentionné dans son discours inaugural
mardi, de proposer des modifications aux lois des corporations professionnelles
dans le domaine de la santé et des services sociaux.
Si je comprends bien l'objet du mémoire, et c'est la question que
j'adresse à Me Tellier: Est-ce que le mémoire est plutôt
destiné ce matin à bien nous sensibiliser sur le fait qu'il nous
faut en même temps examiner la Loi du collège des pharmaciens ou
est-ce que ce mé- moire était destiné également,
dans l'esprit de Me Tellier et de MM. Coutu et Michaud, à engager
dès maintenant une discussion plus technique, parce que la Loi du
collège des pharmaciens comporte d'autres aspects?
Je voudrais n'en nommer qu'un et il y aurait un danger, à
mon sens, si nous voulions aller trop loin ce matin dans l'analyse c'est
le fait que si, d'une part, comme le mentionnait Me Tellier, par une plus
grande possibilité de concurrence, il peut être possible
d'abaisser des coûts, possibilité de concurrence qui pourrait
venir par des amendements à la Loi du collège des pharmaciens ou
aux règlements, il ne faut pas oublier pour autant que certains
contrôles s'imposent. Je pense encore une fois que, dans les journaux des
derniers jours, nous avons eu une preuve assez évidente de la
consommation abusive qu'une partie de la population fait des
médicaments.
Il y a cet aspect qu'on ne peut ignorer et qui doit faire, à mon
sens, que, même s'il est important de rechercher les moyens d'abaisser
les prix des médicaments partout où c'est possible de le faire,
il ne faut pas oublier les autres aspects de la question qui portent sur la
santé des individus. Il y a là un problème évident,
c'est celui de la surconsommation des médicaments par une grande partie
de la population.
M. LAURIN: Au sujet de la surconsommation dont vous parlez, s'agit-il de
médicaments brevetés ou non brevetés?
M. CASTONGUAY: Les deux.
M. TELLIER: Je pense que vous me posez la question suivante: Quel est le
sens exact de notre intervention ce matin? Il faut sensibiliser, je suis
d'accord. Une urgence est aussi créée par cette démarche
du collège de vouloir adopter assez rapidement puisqu'il l'est
déjà en première lecture un projet de
règlement qui, à mon avis, est peut-être illégal.
Dans ce cas, nous nous adresserons aux tribunaux, si telle est notre opinion.
Mais indépendamment de ça, un problème de
législation et d'orientation de la politique de la distribution des
médicaments se pose.
J'ai entendu, avec bonheur, auparavant, plusieurs interventions
où on parlait d'étatisation, etc. Je pense si on me permet
une remarque additionnelle qu'on semble vouloir rechercher, dans ce
problème de la distribution des médicaments, une solution unique.
Or, nous avons affaire à un problème complexe. C'est facile de
distribuer des médicaments à des patients hospitalisés.
Cela va bien, on les a sur place. Mais il y a le problème des gens qui
vont consulter leur médecin dans son cabinet. Certains centres ont des
pharmacies sur place. Là encore ça va bien. Mais que faire
lorsqu'il s'agit de renouveler une ordonnance et que le malade est à
cinq, dix, quinze ou vingt-cinq milles du centre de distribution du service
médical?
II y a tout le problème des gens qui se soignent eux-mêmes,
sans prescription, pour une indigestion, un rhume, une grippe, etc, qui
connaissent leur état, qui veulent avoir des médicaments sur
place. Il y a tout le problème des gens qui veulent se procurer des
médicaments le dimanche.
En ce qui concerne cet aspect-là, s'il fallait que le pharmacien
ne puisse vendre que des médicaments, il est prouvé qu'un
pharmacien ne peut garder un établissement ouvert le dimanche, d'une
façon rentable s'il ne vend que des médicaments d'ordonnance. Les
médecins, en principe, ne font pas de consultations; ils vont traiter
les cas d'urgence, mais le nombre des ordonnances est restreint le dimanche. Si
bien que si on empêche cette deuxième activité, ou bien les
pharmaciens vont fermer le dimanche, ou ils vont partager durant les autres
jours de la semaine, les pertes encourues le dimanche. C'est
mathématique, il n'y a pas à discuter là-dessus.
Je pense que la politique du collège se précise et que
cette politique a une répercussion directe sur le coût du
médicament au niveau du consommateur. Et c'est une répercussion
extrêmement sérieuse.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Tetley a une question à poser?
M. TETLEY: Mais, le leader de l'Opposition...
M. PAUL: M. Cloutier d'abord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): A la lumière des remarques que vient de
faire le ministre et de la réponse de Me Tellier, je n'ai pas
l'intention d'entrer dans une discussion de fond auprès de
l'expérience qu'on a décrite dans le mémoire. C'est une
expérience qui met en lumière le jeu des forces naturelles dans
l'économie: baisse de prix, augmentation de volume, pouvoir d'achat plus
considérable. Il n'y a pas là-dedans une expérience qui
nous surprend, c'est la conclusion normale.
Mais je voudrais poser la question suivante: Est-ce que cette
expérience qui a consisté à réduire les prix de 40
p. c, à ajouter un honoraire de $0.99, si elle n'avait pas conduit
à une augmentation sensible de volume, aurait pu être poursuivie
assez longtemps avec succès?
M. TELLIER: II est clair que si on ne remplissait que dix ordonnances
dans une journée, ce ne serait pas possible. Au début de notre
mémoire, quand on vous donne les caractéristiques de la pharmacie
actuelle, en tant que centre de distribution, nous croyons, par exemple qu'il y
a un trop grand nombre d'établissements ce qui fait que c'est
improductif. Si vous avez un petit centre peu fréquenté, ouvert
sept jours par semaine, et durant dix ou quinze heures par jour surtout
avec le nouveau règlement qui exige la présence d'un pharmacien
il est impossible de maintenir continuellement sept jours par semaine un
pharmacien en devoir, s'il ne travaille pas professionnellement. Par
conséquent, il faut avoir des centres plus actifs et vous aurez une
productivité accrue, ce qui permet de réduire vos
coûts.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'expérience a
été assez loin pour que vous puissiez dire qu'avec l'augmentation
de volume que vous avez connue, il y aurait tant de pharmacies dans la
même zone, dans la même région, qui auraient dû
normalement disparaf-tre?
M. TELLIER: C'est possible. Pour répondre à votre
première question, je peux vous dire que, par exemple, dans cette
pharmacie, il y a eu jusqu'à 700 ordonnances dans une journée. A
$0.99 l'unité, cela vous permet de produire, même si vous avez
quatre ou cinq pharmaciens en devoir. Ces gens-là font vraiment du
travail professionnel.
M. TETLEY: M. le Président, je voudrais tout simplement souligner
les remarques du ministre Castonguay et aussi féliciter M. Louis Michaud
et M. Jean Coutu d'avoir essayé de couper les prix des
médicaments. Je crois que le public leur en est très
reconnaissant.
Me Tellier, vous avez parlé de vendre d'autres produits dans les
pharmacies. Quels autres produits? Je sais très bien que vos clients et
les pharmaciens en général sont en concurrence avec les
supermarchés et les autres grands magasins qui vendent eux-mêmes
vos produits ou les produits de vos clients. Je suis d'accord avec vous qu'il
faut que vous montriez que vous êtes capables de les concurrencer. Mais
quels produits?
M. TELLIER: C'est évidemment une question très
délicate et qui ne se tranche pas au couteau. Il y a certainement des
produits qui sont compatibles avec une activité professionnelle dans ce
cas-là. Vous avez par exemple des produits hygiéniques, des
produits comme les savons de toilette, les dentifrices, des articles de
toilette, des cosmétiques, des insecticides, des articles pour
dépanner des gens comme la petite papeterie, des enveloppes. Vous avez
un certain nombre de choses qui conservent je pense que cela peut faire
l'objet d'une étude très poussée un certain
caractère à l'établissement. Si vous me parlez de
l'antigel ou d'une tondeuse à gazon, comme cela s'est fait,je pense que
c'est abusif. Il s'agit, je pense, de faire une approche objective et
pondérée de l'affaire.
La Loi de la pharmacie dit que le collège doit réglementer
la tenue de la pharmacie. Si le collège, sous l'impulsion de votre
commission
ou du gouvernement, au lieu de vouloir prohiber toute activité
non strictement pharmaceutique, était invité à
réglementer et non pas prohiber une activité décente et
convenable, je pense que c'est encore le collège qui
représenterait l'organisme le plus apte à mettre au point une
réponse à cela.
C'est par une recherche, une méthode d'approche assez
scientifique que nous pouvons élaborer quelque chose dans ce
domaine-là.
M. TETLEY: Au sujet de la publicité, Me Tellier, je crois avec
vous qu'il faut informer le public qu'il y a des pharmaciens comme ceux que
vous représentez. Quelle publicité croyez-vous convenable pour un
pharmacien?
M. TELLIER: La question de la publicité n'est pas facile, parce
que vous avez ici une espèce de conflit de juridiction
fédérale-provinciale. La réglementation
fédérale prohibe la publicité quant à un certain
nombre de produits. Par conséquent, au départ, cette
publicité n'est pas possible.
Deuxièmement, à l'heure actuelle le collège la
prohibe. C'est une chose assez étonnante, nous n'avons pas le droit
d'annoncer le coût de l'ordonnance. Mais on peut annoncer le même
produit. Prenons l'exemple de l'aspirine, qui peut se prescrire
théoriquement. Je n'ai pas le droit d'annoncer que je vais vendre mon
aspirine sous ordonnance à tel prix, mais je peux annoncer que je vends
l'aspirine à tel prix. Je pense que, là encore, le collège
devrait faire un effort pour réglementer sous quelle forme la
publicité peut se faire de façon sobre, de façon
professionnelle, en maintenant un standing mais d'un autre côté,
le permettre à l'intérieur d'un programme bien
délimité. Là encore, je pense que ce serait beaucoup plus
positif que de le prohiber purement et simplement.
M. TETLEY: Très bien. La commission Cas-tonguay-Nepveu, dont
notre ministre ici...
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais suggérer à mon
collègue d'être très prudent?
M. TETLEY: M. le Président, je vais faire mon possible.
Je voudrais ajouter que je suis un admirateur de ce rapport et
évidemment du ministre concerné. De toute façon, disons la
commission "Nepveu" a suggéré que, dans quelques cas, certaines
professions donnent droit au public d'être membre ou d'assister en partie
à des réunions de professions, y compris ma profession juridique.
Je sais que quelques avocats s'objecteraient, mais que pensez-vous M. Tellier
de ma suggestion? Ne mentionnons pas la commission Nepveu, si quelques membres
du public avaient le droit d'assister aux réunions de la profession de
vos deux clients... le Collège des pharmaciens.
M. TELLIER: M. le Ministre, je ne peux pas répondre pour le
Collège des pharmaciens, n'en étant pas un membre, et je ne le
représente pas. Quant au Barreau, mon opinion personnelle est je
vais arrêter mes pirouettes que ce ne serait pas mauvais et je
vais vous dire pourquoi. Dans le public on a souvent l'impression que dans les
conseils d'administration de ces corporations, il se passe toutes sortes de
choses épouvantables. Cela démystifierait un peu ce qui s'y
passe, sans que le débat se fasse sur la place publique tout ce
qui se dit n'est pas toujours dans l'intérêt du public mais
que des observateurs puissent dire: On voit ce qui s'y passe, ils font face
à des problèmes et ils essaient de les régler de la
meilleure manière possible. Sans avoir été membre du
conseil du Barreau, j'ai travaillé pour le Barreau pendant un an, et
j'ai vu le problème des corporations professionnelles de
l'intérieur. Ce n'est pas toujours facile de régler les
problèmes que les corporations ont à résoudre.
M. TETLEY: Une dernière question Me Tellier. Lorsqu'un
médecin envoie une prescription à un de vos clients, un
médicament d'un type quelconque, si le pharmacien sait très bien
que le même médicament existe sous un autre nom et à un
autre prix, moins élevé, que fait-il, ou que font-ils?
M. TELLIER: Je ne parle pas pour la majorité des pharmaciens.
Mais ce que mes clients font, c'est qu'ils remettent au client rigoureusement
le produit mentionné sur la prescription. S'il y a un problème,
ils ne feront rien sans communiquer avec le médecin et discuter du
problème avec lui.
M. TETLEY: Font-ils cela régulièrement?
M. TELLIER: Je vous ai expliqué qu'ils ont presque toujours en
main le médicament prescrit, cela peut arriver dans des pharmacies
où l'inventaire est plus bas, mais chez eux, à cause de la
quantité qu'ils ont en main, le problèmes ne se pose pas.
Le problème de la substitution en est un que je ne connais pas,
sauf pour en avoir beaucoup entendu parler ces derniers temps, mais c'est un
problème extrêmement complexe.
M. TETLEY: D'accord.
M. TELLIER: Ce problème est tellement complexe qu'il devient,
à mon sens, beaucoup plus un problème de consommateur, relevant
d'un ministère protégeant le consommateur. A cause des
procédés de fabrication, je dois comprendre que ce n'est pas
toujours la même efficacité physiologique, mais qui va en
décider?
M. LE PRESIDENT: M. le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Le régime que vous préconisez qui ferait
baisser le coût des médicaments, c'est le marché de la
masse, est-ce cela?
M. TELLIER: Si vous me permettez, c'est d'abord de reconnaître
franchement qu'il s'agit d'un commerce au détail. C'est une
activité économique et, à ce moment, il faudrait permettre
à la pharmacie d'être exposée aux lois naturelles de
l'économie et non pas en restreindre artificiellement l'évolution
ou la performance.
Quand, par exemple, on empêche la publicité, quand on veut
forcer les pharmaciens à réduire leur volume avec leurs murs
pleins, et que, dans leur officine, il ne se vend que des médicaments,
on viole les lois de l'économie.
Si on permettait simplement aux pharmacies de retomber dans le giron des
lois économiques, on assisterait à la normalisation de la
situation.
M. SAINT-GERMAIN: Si vous créez un marché de masse comme
on crée des marchés de masse pour l'alimentation ou la lingerie
ou ainsi de suite...
M. TELLIER: Vous me parlez d'alimentation, c'est vrai, jusqu'à un
certain point. Je suis avocat du comité paritaire; je peux vous en
parler.
M. SAINT-GERMAIN: II faudrait, pour être logique...
M. TELLIER: II reste quand même que, dans une ville comme
Montréal, des centaines d'établissements sont demeurés
petits parce qu'il y a une demande pour les grands établissements et une
demande pour les petits. Pour toutes sortes de raisons, questions de distance,
d'habitudes, de service, par exemple, les petits établissements auront
un service téléphonique, alors que les grands n'en auront
pas.
C'est la même chose. Qu'on laisse la concurrence et qu'on laisse
les besoins déterminer la forme que doivent prendre nos pharmacies. Tout
cela va se placer assez bien selon la demande. A l'heure actuelle, on
empêche la demande d'imposer, de préciser l'étendue de ses
besoins.
M. SAINT-GERMAIN: Mais si vous créez un marché de masse,
vous devez nécessairement considérer que le pharmacien est
premièrement un commerçant et que les produits qu'il vend sont
des produits ordinaires. Est-ce que vous concevez que, dans un contexte de
marché de masse en pharmacie et en médicaments, le public peut
avoir la même protection qu'il a actuellement? C'est là, en fait,
tout le problème.
M. TELLIER: Je vais vous répondre qu'il y a plusieurs arguments
dans votre question. D'abord, pour le marché de masse. Dans une
pharmacie, dans le contexte nord-américain, vous avez l'officine et vous
avez d'autres choses. On sait très bien que, si l'affaire est bien
administrée, le pharmacien n'est pas à la caisse pour vendre des
cosmétiques, il est derrière le laboratoire. A ce
moment-là, au lieu de perdre son temps à vendre des cigarettes,
il vend des médicaments; il est donc plus heureux.
Deuxièmement, il n'est pas sûr qu'on aura seulement des
grandes pharmacies, et qu'on n'en aura plus de petites. Troisièmement,
on semble vouloir de façon idéale, que je respecte et que
je reconnais un pharmacien coulé dans un seul moule,
c'est-à-dire celui qui est l'expert du médicament, qui ne remplit
que l'image du pharmacien idéal. Mais il n'y a pas une profession
aujourd'hui qui n'ait pas plusieurs types de professionnels.
Prenez la médecine, je m'excuse auprès du
député de Bourget, mais qu'y a-t-il de plus incompatible qu'un
psychiatre et qu'un chirurgien? Qu'un ingénieur civil et un
ingénieur nucléaire? Qu'un avocat criminaliste et un avocat de
corporation? Ces gens portent le même titre mais ils ne font pas le
même travail.
Dans la pharmacie, je pense qu'on doit avoir des pharmaciens de
différents types. On doit avoir des pharmaciens d'industrie, des
pharmaciens d'hôpitaux, des pharmaciens de détail. Il faut
admettre qu'il y a des pharmaciens de clinique; il y a par exemple à
Montréal certaines grandes cliniques où vous avez cent
médecins et, au rez-de-chaussée, un dispensaire. C'est
merveilleux.
Ces gens-là doivent demeurer, mais on ne peut pas penser à
n'avoir que ce type de pharmaciens. Vous pouvez toujours le faire, mais
à quel prix, et est-ce que la population aura le service?
M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.
M. QUENNEVILLE: Me Tellier, depuis quelques années, j'ai
rencontré à plusieurs reprises des groupes importants de
pharmaciens. De ces rencontres-là, il est ressorti, d'une façon
particulière, leur aspiration à être
considérés comme des professionnels. Il est aussi ressorti,
semble-t-il, que le premier pas à faire pour être
considérés comme professionnels, c'était justement
d'abandonner la partie mercantile de leur profession. Je comprends mal
aujourd'hui que ce que vous préconisez puisse ne pas entrer en conflit
avec ces aspirations d'être considérés comme
professionnels.
M. TELLIER: C'est une bonne question, mais je pense que, lorsqu'on
recherche une solution, il faut partir d'une réalité de fait.
Vous avez le problème d'alimenter la population par la vente au
détail.
Que voulez-vous? Le pharmacien qui accepte de s'en aller dans la vente
au détail doit accepter d'être commerçant. Quand vous
arrivez avec une prescription de douze valiums,
même en tenant compte de l'idéal le plus
élevé, ce sera toujours douze pilules à compter. Que
voulez-vous que j'y fasse? S'il veut faire une carrière scientifique,
qu'il aille dans une université, qu'il aille à l'emploi d'une
industrie. Que voulez-vous? C'est une réalité. Le public a besoin
de douze pilules, est-ce qu'on va chambarder toute la situation pour lui
permettre d'avoir une vie professionnelle à son goût? On peut le
faire mais le public va payer combien pour cela? Il va payer encore plus cher
que ce qu'il paie aujourd'hui.
M. QUENNEVILLE: Me Tellier, est-ce qu'il faut considérer comme
non sérieuses ces aspirations?
M. TELLIER: Non, il faut les respecter mais cela revient à ce que
je disais tout à l'heure. Je ne pense pas que le Collège des
pharmaciens, pas plus que n'importe quelle autre corporation professionnelle,
puisse espérer avoir un type de professionnels qui va faire tel genre
d'activité. La technologie fait, à l'heure actuelle, qu'il y a
des spécialités et, à l'intérieur d'une corporation
professionnelle, vous avez différents types d'activité. Il faut
accepter qu'il y ait des pharmaciens qui vendent au détail et qui soient
des commerçants comme il faut accepter qu'il y ait des pharmaciens qui
enseignent et qu'il y ait des pharmaciens d'hôpitaux et qu'il y ait des
pharmaciens dans l'industrie. Comme il y a des médecins qui enseignent
dans les universités, il y a des médecins qui travaillent en
clinique et il y a des médecins qui travaillent dans l'industrie.
M. QUENNEVILLE: Et de la politique.
M. TELLIER: Et de la politique. Je vais m'arrêter là, en
passant.
M. LAURIN: Me Tellier, dois-je conclure de vos réponses au Dr
Quenneville que les clients que vous représentez aujourd'hui sont plus
des commerçants que des pharmaciens?
M. TELLIER: Docteur, vous avez assez d'expérience pour savoir que
souvent quand on pose une question la réponse est contenue dans
l'emballage. Là n'est pas la question. Je pense que, dans l'approche de
ce problème, on tient les choses pour acquises et elles ne
s'avèrent pas nécessairement fondées. On dit et vous le
dites je ne vous le fais pas dire, en tout cas est-ce que vos
clients sont des commerçants imbus de mercantilisme?
M. LAURIN: Je n'ai pas dit ça.
M. TELLIER: Non, enfin ça veut dire cela. Or, la preuve a
démontré que, par une poussée de mercantilisme, ils
réussissent à être plus professionnels que bien d'autres de
leurs confrères. Comprenez-vous? Parce que, avec le volume d'affaires
que leurs établissements font, ils n'ont pas le temps d'être
ailleurs que dans leur laboratoire. Et là, ils ont assez de travail pour
ne faire que de l'ordonnance tandis que vous allez prendre une pharmacie de
type artisanal, où le monsieur doit être là de 8 heures ou
9 heures le matin à 10 heures le soir, sept jours par semaine et il y a
peut-être une ou deux personnes qui viennent l'aider. Il va
peut-être remplir quinze à vingt ordonnances dans sa
journée, cela ne prend pas les dix ou quinze heures qu'il consacre
à la pharmacie. Que fait-il pendant ce temps? Il va vendre des
cigarettes, des savons, du dentifrice, toutes sortes de choses mais il ne fera
pas de l'ordonnance. Tandis que celui qui réussit à se
bâtir...
M. LAURIN: Me Tellier, celui qui va faire de l'ordonnance, ce sera
plutôt le pharmacien engagé par ces superpharmaciens plutôt
commerçants?
M. TELLIER: Dans certains cas, c'est vrai... M. LAURIN: Dans 98 p. c.
des cas.
M. TELLIER: A part cela, il a tous les problèmes de commander des
stocks, de contrôler les inventaires, de voir à la demande et
s'approvisionner, etc. Cela demande également des connaissances
pharmaceutiques. Je comprends que c'est un travail qui, pour certains, est bas
mais il est nécessaire. Etatisez, si vous voulez, la distribution, vous
allez être obligé d'avoir des pharmaciens qui se
préoccupent de stock et d'inventaire, puis de commande; c'est
indispensable.
M. LAURIN: Vous avez dit aussi tout à l'heure qu'il y avait
autant de différence entre les divers types de pharmaciens qu'entre les
divers types de médecins, par exemple, un chirurgien et un psychiatre.
Cependant, il est établi que chaque discipline médicale comporte
des actes très différents à poser alors qu'en ce qui
concerne les pharmaciens j'ai l'impression en ce qui concerne l'exercice
professionnel du pharmacien que c'est toujours à peu près
la même chose. C'est vérifier la qualité d'un
médicament, avertir sur ses effets secondaires...
M. TELLIER: Je peux vous interrompre? M. LAURIN: Oui, d'accord.
M. TELLIER: Je comprends votre question, le pharmacien à l'emploi
d'une industrie pharmaceutique et qui travaille dans un laboratoire, à
mon sens, ne fait pas du tout le même travail que celui qui est dans une
officine ou qui vend au public.
M. LAURIN: Non. Je dirais qu'il y a plutôt une différence
entre les recherchistes et les cliniciens, mais cela vaut pour toutes les
professions.
M. TELLIER: Le pharmacien d'hôpital ne fait pas du tout la
même chose. Regardez ce qui se passe souvent dans les hôpitaux, les
ordonnances sont remplies par des non-pharmaciens mais sous surveillance.
M. LAURIN: De toute façon ce n'est pas cela qui est le plus
important. Dans votre mémoire vous dites que vos clients ont
réussi à baisser le prix des médicaments de 40 p. c.
Incidemment cela prouve que les médicaments se vendent toujours beaucoup
trop cher si l'on peut réduire de 40 p. c. le prix des
médicaments. Est-ce que je peux vous demander la marge de profit que
conservent quand même, malgré cette réduction immense, les
pharmaciens sur les médicaments qu'ils vendent, parce que j'imagine
qu'ils ne fonctionnent pas à perte?
M. TELLIER: Si vous me le permettez avant de répondre
c'est sûr il y a une affirmation que vous avez faite et je
voudrais la corriger. Il y a des pharmaciens qui vendent plus cher, donc ils
font trop d'argent.
M. LAURIN: Je n'ai pas dit cela.
M. TELLIER: Non, mais on peut pousser le raisonnement plus loin. C'est
justement l'absurde de la situation. A notre avis, le pharmacien qui est
obligé de vendre plus cher va souvent fonctionner avec une marge de
profit beaucoup moindre que celui qui vend moins cher, mais à grand
volume. Ces gens-là sont, en fait, marginaux au point qu'ils peuvent
culbuter n'importe quand. Ces gens-là ne surchargent pas la population
quant à eux. Ils ne prennent pas un profit indu. C'est que leurs frais
d'opération sont trop élevés. Ils n'ont pas de pouvoir
d'achat, etc. C'est sûr qu'ils font un profit, sans cela ils ne seraient
pas en affaires. En chargeant $0.99 d'honoraire, c'est là que
s'approvisionne une grande partie de leurs profits. Puis, en augmentant
considérablement leur volume, leur pouvoir d'achat augmente en
conséquence. C'est normal. Acheter 100 tablettes dans un contenant et en
acheter 1,000 dans un seul contenant, on économise 9 contenants. On
épargne dans la manipulation, etc., et le prix est en
conséquence.
M. LAURIN: Est-ce que l'établissement du format
thérapeutique n'enlèverait pas cet avantage?
M. TELLIER: Je ne peux pas répondre à cela, mais j'imagine
qu'il se produirait un certain nombre de choses. Cela le diminuerait dans un
sens et cela éliminerait des manipulations à l'intérieur
de la pharmacie. Le pharmacien ne serait pas obligé de le compter, donc
il pourrait avoir une certaine équivalence. Je ne suis pas
compétent, mais il ne semble pas que...
M. LAURIN: On peut de même assimiler les $0.99 dont vous parlez
à une sorte d'honoraires pharmaceutiques. Est-ce qu'on n'aurait pas le
même effet en établissant des honoraires pharmaceutiques pour tous
les pharmaciens qui pourraient même être un peu plus
élevés que ceux-là.
M. TELLIER: Je pense que c'est une question de négociation, mais
vous avez les données du problème. Je ne suis pas autorisé
à...
M. LAURIN: Vous avez dit aussi que ce qui permet cette réduction
de prix, c'est une série de facteurs dont les honoraires, dont nous
venons de parler, également l'augmentation des ventes pharmaceutiques,
le peu de profit qui reste multiplié par le nombre des ordonnances. Mais
une autre raison de la réduction serait peut-être les gains
effectués dans les autres services de la pharmacie...
M. TELLIER: Sûrement.
M. LAURIN: ... qui souvent sont très exten-sifs dans certaines
pharmacies. Est-ce que cela ne favoriserait pas davantage des bailleurs qui ont
beaucoup de fonds à leur disposition et qui pourraient d'emblée
établir tous ces autres services et à même les profits
réalisés établir le genre de pratique pharmaceutique que
vous préconisez? A ce moment-là, est-ce que ce n'est pas
dérégler un peu le jeu de la concurrence pour ces pharmaciens
qui, n'ayant pas trop le sens des affaires, puisqu'ils ont choisi la profession
d'abord, sont peut-être plus mal préparés pour se lancer
dans des opérations de cette envergure?
M. TELLIER: Je pense qu'il y a des clients dans certains cas; mais il y
en a plusieurs autres. Vous avez dans chaque centre d'achats, dans la banlieue
de Montréal, des pharmacies assez importantes. Je ne voudrais pas
m'avancer trop loin, mais je vais vous donner un exemple ailleurs. Vous allez
dans des grands magasins de Montréal où il y a, par exemple, des
salons d'optométristes.
A l'intérieur du salon, j'ai l'impression que les standards
professionnels sont respectés et que cela ne prostitue pas la profession
pour autant. A ce moment-là, c'est un problème de
réglementation du collège pour qu'il ait la juridiction et
l'autorité voulues pour qu'il ne se départisse pas de son
contrôle sur l'officine.
M. LAURIN: Mais admettez-vous quand même, Me Tellier, que le
système que vous préconisez favorise plutôt les pharmaciens
qui ont la bosse des affaires ou les pharmaciens qui sont associés avec
de gros bailleurs de fonds?
M. TELLIER: Je pense que tous les pharmaciens qui sont en affaires et
qui le demeurent
doivent avoir un minimum de compétence. Je représente
ici...
M. LAURIN: Pharmaceutique ou commerciale?
M. TELLIER: Les deux. Que voulez-vous? C'est comme ça chez chaque
professionnel, dans chaque profession. Nous connaissons tous dans nos
professions réciproques des gens qui sont de très bons
techniciens, mais qui ne savent pas faire passer leur message, auprès
d'un client ou auprès d'un tribunal, etc. Il faut accepter une
diversité de personnes.
M. LAURIN: Est-ce que vous admettez aussi que la disparition
éventuelle de petites pharmacies mal préparées à ce
jeu de la concurrence et qui seraient obligées de disparaître n'a
pas la même signification quand même que la disparition d'un petit
commerce d'épicerie, étant donné qu'il s'agit de
professionnels?
M. TELLIER: J'avais commencé à vous dire ceci. A la suite
de mon intervention, plusieurs amis que je connais m'ont appelé et m'ont
tous dit la même chose: On attend de voir que le collège se
branche pour prendre une orientation. Ils sont en place. Ils ont des baux, une
raison sociale, etc. Ils ont un potentiel et ils se sentent
arrêtés, freinés de prendre de l'expansion, parce qu'ils se
disent: Est-ce qu'on va investir $10,000, $15,000 ou $20,000 en
rénovation? Prenez le projet de règlement. On donne six mois aux
pharmaciens pour ériger un mur plein avec accès sur la voie
publique pour isoler son officine du reste. A ce moment-là, ils se
disent: Nous n'allons pas faire cet investissement-là. Comprenez-vous?
C'est possible qu'il y ait une ou deux tentatives, mais cela ne veut pas dire
que tous les pharmaciens vont disparaître. La preuve, c'est qu'il y en a
qui se développent et qui deviennent prospères.
M. LAURIN: Je reconnais avec vous, Me Tellier, qu'une bonne partie des
problèmes auxquels nous avons à faire face actuellement sont dus
à la coexistence de plus en plus marquée de deux secteurs: un
secteur privé, qui obéit aux lois de l'économie
libérale, et un secteur public, de plus en plus assumé par le
gouvernement en vertu de son intention d'instituer une accessibilité
universelle aux soins de santé. Le secteur privé est
déjà très bien constitué. Le secteur de l'Etat est
en train de prendre forme. Il n'est pas étonnant d'assister à des
crises, à des mutations, mais, quand on compare les avantages des deux
systèmes pour le patient, le consommateur, le professionnel, le
pharmacien, pour l'économie de l'Etat aussi, est-ce qu'on ne doit pas
considérer d'une façon plus attentive les avantages de l'un et de
l'autre système? Par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas arriver
à d'aussi bons résultats que vos clients et même à
de meilleurs résultats, si le prix d'achat était
négocié par le gouvernement pour tous les médicaments
distribués à tous les consommateurs? Est-ce qu'on n'arriverait
pas à établir des prix inférieurs même à ceux
que vos clients peuvent actuellement dispenser? Est-ce qu'on n'arriverait pas
à une diminution de tous les frais administratifs? Est-ce qu'on
n'arriverait pas à une accessibilité plus grande? Est-ce qu'on
n'en arriverait pas en même temps à conserver le caractère
professionnel aux pharmaciens comme bénéfices secondaires, si
tous les achats étaient négociés ensemble, si tous les
achats étaient groupés, si le prix était fixé
après négociation, bien entendu, avec les fabricants de
produits?
M. TELLIER: Sur le plan théorique, tout cela a une belle
consonnance, mais le problème est celui-ci : supposons que vous arrivez
dans un système étatique de distribution, et que vous dites: On
paie tant le médicament...
M. LAURIN: Avant la distribution, à l'achat.
M. TELLIER: Bon! On paie tant à l'achat. Mais est-ce qu'on sait
jamais, dans un pareil système, combien, effectivement, coûte le
médicament, quand il est rendu au comptoir? Parce que, là encore,
vous dites qu'il n'y aura pas de frais administratifs...
M. LAURIN: Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas, c'est sûr qu'il y
en aura, mais il y en aura peut-être moins.
M. TELLIER: Je pense et je vais recommencer à l'origine
que le problème n'est pas tellement un conflit entre un service
étatique et un service privé, parce qu'il faut partir du fait que
la situation est complexe.
Il y a un certain secteur dont la réponse se trouve dans un
service d'Etat et il y a un autre secteur qui peut très bien être
servi à meilleur compte par un service privé. Le conflit,
à mon sens, se présente beaucoup plus à un autre niveau,
c'est d'avoir le courage, soit de reconnaître la dualité
professionnelle commerciale, soit de la nier. Je pense que c'est beaucoup plus
fondamental.
Qu'un diabétique consulte son médecin dans son cabinet et
qu'il puisse avoir son médicament au moment où il sort du cabinet
avec son ordonnance, fort bien. Mais il retourne chez lui ce patient et il ne
reverra peut-être pas son médecin avant six mois, parce que sa
dose de médicament est prescrite. Sera-t-il obligé de parcourir
cinq, dix ou quinze milles pour aller se ravitailler, alors qu'aujourd'hui au
coin de chez lui ou à deux ou trois pâtés de maisons il y a
une pharmacie, et que cette pharmacie va venir livrer, etc.
Vous avez tout un problème de service au public. On s'en prend
à l'aspect mercantiliste, de commercialisation si vous voulez. C'est
quand même un service pour bien des gens de
pouvoir se procurer un rince-bouche à neuf heures du soir, alors
que d'autres magasins sont fermés; d'obtenir ce genre de
médicament pour aider une digestion qui, pour une raison ou pour une
autre souvent toujours la meilleure fait qu'on digère mal
ou que l'on a un mal de tête, etc. Est-ce qu'on va être
obligé d'aller dans dix, quinze ou vingt centres dans l'île de
Montréal pour s'acheter des aspirines?
Allez-vous faire des centres de distribution simplement pour une
catégorie inférieure de médicaments et laisser les gros
à des centres d'Etat? Vous ne permettrez pas aux autres de vivre.
Le problème je pense est celui-ci. Il ne faut pas
rechercher une solution unique. Il faut permettre à différents
types de solution de coexister et ces types de solution vont survivre pour
autant qu'ils répondent à un besoin de la population.
M. LAURIN: Ne faudrait-il pas, Me Tellier, accorder plutôt notre
préférence à un système à inventer, qui
éliminerait cette dualité dont vous parlez, en laissant le
commerce au commerçant et la pharmacie au pharmacien d'une part; qui
permettrait également d'abaisser le coût pour le consommateur et
pour l'Etat des produits pharmaceutiques et qui aussi serait assez souple pour
permettre à tous les consommateurs d'avoir les médicaments quand
ils en ont besoin, soit par une rotation des produits pharmaceutiques, soit par
la multiplication des centres locaux communautaires de santé, où
les pharmaciens pourraient avoir leur bureau?
M. TELLIER: Tout ça, ce sont des hypothèses, mais ce n'est
pas sûr. Quand vous dites que ce sont des services à inventer,
j'en doute, parce que ces services existent en grande partie. Tout ce dont on a
besoin pour résoudre une grande partie du problème, c'est
simplement de leur permettre d'évoluer normalement. Que le gouvernement
et le collège établissent une politique sécurisante. A
l'heure actuelle, les gens ne veulent pas se lancer, ils ne savent pas ce qui
les attend. Cela existe, on n'a pas besoin de le créer.
A cause de la complexité actuelle et même future
parce que ça n'ira pas en s'améliorant cette affaire de la
multiplicité des médicaments, la recherche continue est-ce
qu'il est sûr qu'un réseau unique gouvernemental va provoquer une
baisse dans le coût de la distribution? Ce n'est pas sûr. Parce
qu'à ce moment-là le gouvernement ne serait pas justifié
de se lancer dans la vente d'un certain nombre de produits parapharmaceutiques.
Et n'ayant pas à vendre ce produit-là, le profit
réalisé dans ces produits parapharmaceutiques contribue à
diminuer les frais d'administration dans le véritable produit
pharmaceutique. Je ne suis pas sûr du tout que vous allez créer
une baisse.
D'un autre côté, si vous me parlez d'une unité
sanitaire dans un endroit reculé, bien sûr si vous le faites
sachant que votre opération va vous coûter plus cher. Votre
pharmacien ne remplira pas cent ordonnances dans une journée, ce n'est
pas vrai. Il n'a pas de population.
M. LE PRESIDENT: M. le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: Me Tellier, je m'excuse si vous avez déjà
fourni la réponse à la question que je voudrais vous poser,
pendant ma brève absence de la salle, mais je la crois très
importante.
La baisse de prix que l'on chiffre à 40 p. c. en moyenne, quelle
en est la base de calcul? Est-ce qu'elle est calculée par rapport au
prix suggéré par le fabricant, dit communément prix de
liste? Est-ce qu'elle est calculée selon des prix trouvés dans
d'autres pharmacies avoisinantes ou est-ce qu'elle est calculée par
rapport au prix chargé antérieurement à l'instauration du
régime des $0.99 par la pharmacie en question?
M. TELLIER: II y a des associations de pharmaciens qui suggèrent
des prix, qui dressent des listes de prix. Ces prix vous me corrigerez
sont fixés d'après une marge de profit de 40 p. c. sur le
prix d'achat. Si vous réclamez $0.99 d'honoraires et que, d'autre part,
vous augmentez votre pouvoir d'achat, vous allez obtenir peut-être
à meilleur compte qu'à 60 p. c. votre médicament parce que
vous l'achetez en quantité substantielle.
M. GOLDBLOOM: Or, la base de calcul est une liste de prix
suggérée par une association de pharmaciens. Si je comprends
bien, cette liste de prix comporte une certaine augmentation en comparaison
avec le prix de liste suggéré par...
M. TELLIER: Ce n'est pas une augmentation. Il est établi en
essayant de rechercher une marge de profit de 40 p. c. sur le prix d'achat
normal, le prix d'achat du pharmacien moyen. Si, par un pouvoir d'achat accru
vous pouvez vous procurer les médicaments à meilleur compte, cela
peut rejoindre un peu ce que disait M. Laurin tout à l'heure sur des
possibilités de négociation. Disons que c'est peut-être un
peu prématuré. Si vous avez un plus grand pouvoir d'achat,
évidemment même en accordant 40 p. c. vous faites encore une marge
ténue mais elle est là quand même.
M. GOLDBLOOM: Je vous remercie de la précision. Je comprends bien
qu'en effet la pharmacie elle-même a réduit ses prix
d'approximativement 40 p. c. en comparaison de ce qu'elle exigeait avant et
elle a ajouté les $0.99 comme honoraires professionnels en quelque
sorte.
M. TELLIER: Dans certains cas, cela a été jusqu'à
50 p. c.
M. GOLDBLOOM: Merci, Me Tellier. M. LE PRESIDENT: D'autres
questions?
M. CLOUTIER (Montmagny): Une question additionnelle à celle que
le député de D'Arcy-McGee vient de poser. Pour des prescriptions
d'un petit montant, est-ce qu'il peut arriver que le fait d'ajouter $0.99, le
prix total soit supérieur à ce qu'il aurait été
ailleurs ou en vertu de l'ancien système?
M. TELLIER: Demandez à M. Coutu parce que je n'étais pas
là quand...
M. COUTU: Je comprends bien votre question. Vous voulez dire que s'il y
a des produits qui autrefois... Nous parlions des prix suggérés,
tout à l'heure. Il y a quatre ou cinq ans, la plupart des produits
pharmaceutiques nous étaient livrés avec un prix de détail
suggéré qui n'existe plus aujourd'hui. Cela a été
pour les pharmaciens surtout ceux qui ont mon âge notre
base d'appréciation du prix de vente d'un médicament, un prix de
détail suggéré. Aujourd'hui, ce que nous faisons, nous
recevons en général des médicaments à un prix
coûtant. Il est facile pour nous de fixer l'ancien prix de détail
et ensuite d'enlever les 40 p. c. . Nous vendons au prix coûtant plus
$0.99. Il arrive que certains produits sont d'un prix de détail de $2.
Vous allez avoir un prix coûtant de $1.20. Si nous ajoutons $0.99 cela
fait $2.19. Dans ce cas-là, nous avons pris une autre façon de
calculer. Nous oublions les $0.99, nous les sacrifions, et nous donnons un
escompte sur le prix de détail suggéré.
C'est-à-dire qu'un produit de $2 dans notre système, nous allons
le vendre $1.59 ou $1.69. Mais ces produits sont de plus en plus rares. Les
compagnies font de moins en moins de médicaments à $2 au
détail.
M. QUENNEVILLE: Tantôt vous avez parlé du coût de
douze valiums.
M. COUTU: Je n'ai pas parlé de ça personnellement.
M. QUENNEVILLE: Me Tellier a cité en exemple douze valiums
simples, cela vous coûterait combien? C'est ce que je veux savoir.
M. COUTU: Autrefois, le prix des valiums de cinq milligrammes, le type
le plus populaire était suggéré à $12. Le prix
était suggéré à $12. Cela faisait un prix
coûtant de $7.20. A cause des achats de masse, nous pouvons nous les
procurer aux alentours de $42 le mille. Voilà exactement notre prix
coûtant. Nous nous permettions de vendre ces médicaments meilleur
marché parce que nous bénéficiions d'un meilleur prix
d'achat. Je vais vous donner quelques exemples si vous voulez. J'ai tout cela
au prix à la centaine parce que c'est là qu'est réellement
l'économie lorsque le médecin prescrit de grandes
quantités.
C'est très rare, même aujourd'hui, que nous ayons des
ordonnances de douze comprimés de valiums. C'est plutôt dans
l'ordre de trente, quarante ou cinquante et très souvent cent. Si vous
avez une ordonnance de douze comprimés de valium, ça va vous
donner je crois, une charge de cinq sous, ça va donner $1.59 avec nos
$0.99. Est-ce assez clair? Tout est compris dans $1.59. Notre prix
coûtant est aux environs de $0.05, nous multiplions douze par cinq...
M. QUENNEVILLE: Cela fait $0.60.
M. COUTU: Cela fait $0.60, plus $0.99, ça fait $1.59.
M. QUENNEVILLE: Dans les autres pharmacies, combien vend-on douze
comprimés de valium simple?
M. COUTU: Je m'occupe de ma pharmacie, pour celles des autres, je ne
peux pas vous le dire.
M. QUENNEVILLE: Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Tellier, tout à l'heure, M.
Parent, le représentant du Front commun des centrales syndicales,
suggérait dans son exposé, la création de comptoirs
coopératifs qui feraient la distribution des médicaments, ce qui,
semble-t-il, en diminuerait le coût de revient. Que pensez-vous de
l'application d'un tel système de distribution?
M. TELLIER: Je vais être logique avec moi-même. Je viens de
vous dire: Permettez donc, si vous voulez, aux lois naturelles de
l'économie de recevoir leur application. Je rejoins si vous voulez
à l'inverse ce que le Dr Laurin disait tout à l'heure: Qu'il y
ait des gros ou des petits, cela n'a pas d'importance, laissez à la
population le soin d'exprimer ses besoins. Dans certains centres, qu'il y ait
des coopératives, s'ils sont capables de les mettre sur pied et de les
faire fonctionner, donc d'arriver dans leurs affaires, pourquoi pas? Cela peut
répondre à 10 p. c, 15 p. c, 20 p. c. des besoins de la
population. Vous pouvez avoir, si vous voulez, des chaînes ou disons,
pour ne pas exagérer, de grandes entreprises qui répondraient
à une autre portion de 10 p. c, 15 p. c. des besoins de la population?
D'accord, laissez les besoins stimuler la concurrence. De même, vous avez
un certain pourcentage qui est dispensé au niveau des hôpitaux,
des cliniques etc., pourquoi pas? Avec le système coopératif,
dans certains cas, je pense que ce serait possible, mais ce serait encore une
erreur de penser que l'on va organiser toute la province sur une base
coopérative. Ce serait quelque chose d'artificiel, aussi artificiel
qu'à l'heure actuelle, voyez-vous? Je ne vois pas pourquoi, moi.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Juste une question supplémentaire.
Vous avez dit tantôt que le système de distribution qui avait
été établi par vos clients l'avait été dans
le but de diminuer le coût des médicaments, de rendre les
médicaments à la portée de toutes les bourses. Est-ce que
vos clients seraient prêts à participer à un tel
système de comptoirs coopératifs, par exemple, si leur souci est
toujours de vendre le médicament le moins cher possible?
M. TELLIER: Pourquoi pas? Ecoutez, il y a des pharmaciens qui se
groupent pour pouvoir acheter en quantité certaines lignes de
médicaments là où ils y trouvent leur avantage, et
là ils se partagent la chose. Qu'il y ait une coopération avec un
système coopératif, si les parties peuvent s'entendre. Pourquoi
pas? Je n'ai pas d'objection à ce qu'ils se rencontrent et
négocient. Ils peuvent sûrement s'entendre, mais la loi, à
l'heure actuelle, ne le permet pas.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): La loi, à l'heure actuelle, ne le
permet pas.
M. TELLIER: Cela prend en effet un pharmacien comme propriétaire,
et un établissement. Mais vous me posez la question en théorie et
je vous dis: Pourquoi pas?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci.
M. LE PRESIDENT: Me Tellier, une autre question par le
député de Saint-Sauveur.
M. BOIS: Me Tellier, est-ce que vous croyez que la distribution des
médicaments contrôlée par l'Etat, par exemple, ou par des
magasins de l'Etat pourrait se faire à un profit aussi peu
élevé que les produits de la Régie des alcools?
M. TELLIER: Vous savez, il y a des fois où je me demande si la
régie n'est pas la véritable source de médicaments. Avec
tout ce que j'entends dire sur les effets nocifs des médicaments, je
pense que j'aime encore mieux les autres. Enfin, je pense que nous sommes tous
d'accord sur une chose, sur la question des médicaments, à cause
de la pluralité des produits et parce que le médicament qui, en
apparence, sur l'étiquette, contient la même substance, n'a pas
nécessairement la même valeur thérapeutique. J'en profite
pour attirer votre attention sur ceci, parce qu'on l'a fait pour moi.
Aux Etats-Unis, on commence à faire cette étude
comparative des médicaments qui sont en apparence identiques. Les
résultats obtenus sont absolument renversants. Je crois qu'à ce
moment si l'Etat se lançait là-dedans, il deviendrait un
entrepreneur commercial. Il ne pourrait pas faire autrement, à cause de
la structure extrêmement complexe qu'il devrait installer pour le
contrôle des stocks, des achats et de la distribution etc. Je pense qu'il
se lancerait dans une aventure et, je doute, à ce moment-là,
qu'il pourrait réaliser des économies.
Je pense qu'il y a peut-être une solution à long terme, sur
une question, comme le Dr Goldbloom en a soulevé une tout à
l'heure, une question de négociation collective auprès des
entreprises. Ce peut être un mécanisme beaucoup plus valable. Mais
l'exploitation directe par l'Etat, je ne le pense pas.
M. LE PRESIDENT: Je remercie Me Tellier, nous allons suspendre les
travaux jusqu'à quatre heures cet après-midi. Voici l'ordre. Nous
avons à quatre heures l'Association québécoise des
pharmaciens-propriétaires, ensuite Cumberland Drug Store, ensuite les
pharmacies Richard et le groupe de travail pour les médicaments à
prix modique. Je demande à chacun sa collaboration afin qu'on puisse
terminer cette audition pour 6 h 30. Merci.
Reprise de la séance à 16 h 25
M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs! Je vais demander au représentant de
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires de
prendre la parole. Voulez-vous vous identifier s'il vous plaît?
Association québécoise des pharmaciens
propriétaires
M. COMTOIS: Yves Comtois, représentant de l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires. M. le
Président, messieurs, nous représentons une association qui a
été formée en vertu de la loi des syndicats
professionnels. Nous groupons, depuis le dernier rapport qui date d'hier, 1012
membres, ce qui représente 98 p. c. des pharmaciens propriétaires
de la province de Québec. Malgré notre formation très
récente, nous sommes très fiers d'avoir une réalisation
importante à notre crédit. Nous avons établi le premier
régime d'assurance-médicaments avec des compagnies d'assurance
privées, avec paiement directement à la pharmacie. Ce plan
d'assurance-médicaments comprend un honoraire et pour la première
fois, le pharmacien procède, non plus avec une marge de profit, mais
avec un honoraire professionnel. Nous avons tenté d'éliminer le
mercantilisme qu'il y avait lorsque nous remplissions une ordonnance.
Bien sûr, notre association approuve la présentation du
projet de loi 69. Nous serons très heureux de collaborer à
l'application de cette loi. Nous souhaitons qu'elle se réalise le plus
tôt possible. Le mémoire, que nous avions remis il y a quelques
semaines, était surtout centré sur le projet de loi
lui-même. Si vous permettez, M. le Président, j'en ferai un
très court résumé. Nous avons voulu, en premier lieu,
viser les classes de pharmaciens de l'article 1 de la loi au paragraphe a),
nous constatons que l'énuméra-tion que l'on y donne des
pharmaciens pourrait causer certains problèmes administratifs. Nous
aurions peut-être certains problèmes. On donne quelques exemples
dans le mémoire.
S'il arrivait qu'un pharmacien propriétaire soit
conventionné, et que le pharmacien salarié ne le soit pas ou le
contraire, des complications administratives pourraient survenir.
Nous donnons quelques exemples. Nous notons aussi dans le nouveau projet
de loi qu'on aura un carnet de réclamations pour l'assisté
social. Probablement qu'il faudra contrôler la distribution du
médicament, sa consommation, mais on ne voudrait pas que ce carnet
social puisse servir à identifier l'assisté social dans nos
établissements, l'identifier d'une façon trop précise qui
pourrait être discriminatoire à son endroit.
Nous espérons tout simplement, c'est un voeu que nous exprimons,
que ce carnet puisse ressembler à une carte d'assuré, que
l'assisté social soit traité sur le même pied que tous les
autres citoyens de la province. Nous sommes certains que ce carnet ne servira
pas à identifier l'assisté social lui-même.
Nous faisons quelques remarques sur le désengagement. La loi
actuelle de l'assurance-maladie permet aux autres professionnels de la
santé d'être désengagés ou non-participants, ce
qu'elle ne permet pas aux pharmaciens actuellement. Nous comprenons facilement
que, pour les assistés sociaux, ce serait peut-être difficilement
applicable, et nous nous réservons le droit de pouvoir discuter plus
tard s'il y avait un élargissement de la loi pour les autres citoyens de
pouvoir discuter à ce moment-là de la participation ou
non-participation au désengagement.
Nous notons ensuite à l'article 27 k) qu'il y a un terme qui
pourrait porter à ambiguïté. C'est-à-dire que l'on
emploie à un certain moment le mot "coût", et à d'autres
moments le mot "prix". Est-ce qu'on veut désigner la même chose,
ce qui serait peut-être surprenant? Si on désigne des choses
différentes, ça pourrait prêter à des
ambiguïtés.
Nous avons remis, peut-être un peu en retard, mais à la
suite des représentations qui ont été faites ici devant
les membres de la commission, un addendum à notre premier
mémoire. Nous tentons de répondre à des questions qui ont
été posées ici devant ce comité. Nous faisons
quelques remarques, par exemple, sur le salariat, à savoir que
l'association n'en rejette point le principe, mais qu'il y aurait des
complications économiques très grandes, et qu'il faudrait une
étude beaucoup plus sérieuse que celle que nous faisons
actuellement.
Nous notons aussi, au sujet de la publicité, que son but est de
créer un besoin réel ou fictif, qu'il est bien certain que, dans
des cas particuliers, la publicité peut contribuer à abaisser le
coût des biens et des services. Mais, une telle publicité pourrait
aussi provoquer une automédication et, même si les produits sont
moins chers, on pourrait avoir une surconsommation.
L'argument qu'une publicité bien dirigée augmente la vente
des produits parapharmaceu tiques et contribue ainsi à diminuer le
coût des ordonnances équivaut à dire que de telles ventes
subventionnent l'officine. Si cette pratique était acceptée, nous
ne verrions pas pourquoi elle ne serait pas acceptée également
par les autres professions. Les médecins, les dentistes, les avocats
pourraient bien réduire le prix de leurs honoraires professionnels en
les subventionnant au moyen de profits réalisés dans d'autres
entreprises.
Ceci vous est soumis, messieurs, sans préjudice pour personne.
Mais nous pensons que les pharmaciens sont aussi des professionnels au
même titre que les autres et que ce n'est pas parce qu'il y a une
certaine dualité chez le pharmacien que l'on devrait se servir de ce
moyen uniquement pour abaisser le coût des ordonnances.
Nous traitons aussi de la responsabilité du
pharmacien. Et, dans les questions qui ont été
posées ici par les membres de la commission, nous avons noté que
l'on avait parlé d'équivalence de produits de substitution.
Alors, nous faisons quelques remarques aussi à ce point de vue. Nous
croyons que la formation du pharmacien lui permet de pouvoir choisir la
dénomina tion commerciale ou la dénomination commune de
l'identité chimique. Nous reconnaissons très bien aux
médecins le privilège de choisir le médicament, la force,
la posologie, ainsi que la durée du traitement, mais que le reste doit
être réservé aux pharmaciens. Nous donnons un exemple. Si
l'on prescrit equanil 200 milligrammes et qu'on prescrit deux comprimés,
trois fois par jour, on ne voit pas pourquoi le pharmacien ne pourrait choisir
l'entité chimique et donner du meprobamate 400 milligrammes à un
comprimé, trois fois par jour, ce qui équivaudrait exactement
à la même dose, exactement au même produit.
Nous avons quelques remarques sur le rôle du pharmacien. Nous ne
nous opposons pas à ce qu'il y ait des auxiliaires dans nos pharmacies
pour nous aider à accomplir le travail.
Cependant, nous croyons que l'interprétation, le contrôle
de la posologie, les contre-indications des médicaments, les modes
d'utilisation, les renseignements à donner aux patients doivent
être réservés aux pharmaciens.
Les pharmaciens pourraient, au moment où on aurait des
auxiliaires dans nos pharmacies, se consacrer à des tâches
peut-être plus importantes et pourraient servir de guides, de conseillers
auprès de la population et de conseillers en pharmacologie auprès
des médecins, conseillers scientifiques objectifs et impartiaux de tous
les professionnels de la santé.
Nous croyons devoir ajouter maintenant, M. le Président, quelques
remarques sur ce qui s'est affirmé ce matin. On a débuté
ce matin avec une argumentation qui ne nous semble pas tout à fait
correcte. Les représentations de ce matin sont parties, il nous semble,
d'un mauvais pied. On a argumenté que le pharmacien devait être
traité sur un pied exclusivement commercial et nous croyons que le
pharmacien est beaucoup plus un professionnel qu'un commerçant. Nous
croyons que c'est sur cette base qu'il devrait être traité. Il est
bien entendu que le pharmacien dans son rôle actuel est un professionnel
et qu'il est en même temps un commerçant. Dans l'exercice de sa
profession, puisque le tout semble se tenir il est très difficile de
séparer l'un de l'autre, on doit le traiter sur une base de
professionnel.
Cette ambiguïté dans la présentation de ce matin
provient de l'ambivalence de la personne du pharmacien, mais pour vous donner
un exposé rapide sur ce sujet, ici, à l'Association des
pharmaciens propriétaires, nous tentons d'avoir une certaine
collégialité et pour traiter de ce sujet plus particulier, je
pourrais demander, avec votre permission, à M. Gilles Laroc-que,
pharmacien, de vouloir vous donner un exposé là-dessus.
M. LAROCQUE: M. le Président, messieurs les membres de la
commission. Plusieurs points très importants ont été
soulevés ce matin. Il nous est apparu qu'il est plus que temps de dire
la vérité et d'exposer les faits tels qu'ils sont, pour le plus
grand bénéfice des membres de cette commission qui avez des
décision extrêmement importantes à prendre et aussi pour
jeter un peu de lumière sur toutes sortes de choses qui se disent dans
le public et qui sont colportées de façon différente.
D'abord, nous avons parlé d'une ambiguïté. Tout
provient du fait que certains pharmaciens, très bien
intentionnés, envisagent leur profession d'abord sous l'aspect
commercial. Or, tout règlement susceptible de régir leur
profession est envisagé d'abord sous l'aspect mercantile.
Lorsque, par exemple, nous avons parlé ce matin du collège
avec la politique visant à restreindre d'une certaine façon la
publicité professionnelle de façon à réglementer
l'exercice de la profession avec le règlement des murs pleins, nous y
voyons d'abord une entrave à l'exercice de ce qu'on appelle le libre
commerce.
Il nous apparaît très clair que, d'une part, le
Collège des pharmaciens n'a aucune juridiction sur l'aspect commercial.
Il nous apparaît également qu'il n'entre pas dans les intentions
du collège de vouloir imposer aux pharmaciens des mesures visant
à leur interdire le libre exercice du commerce. C'est le premier
principe. Par ailleurs, il nous apparaît également très
clair que le collège, en vertu des pouvoirs qui lui sont accordés
par l'Etat, peut très bien, du moins, tenter d'amorcer une
réforme à l'intérieur de l'exercice de la profession telle
quelle. Ce qui nous apparaît ambigu, c'est l'argumentation suivante.
D'une part, on nous dit que le collège n'a aucune juridiction sur
l'aspect commercial, c'est exact. Par ailleurs, un peu plus loin, on dit: II
faudrait que le législateur permette au Collège des pharmaciens
de se brancher c'est l'expression qu'on a employée ce matin
. On dit encore: Voici, messieurs, jusqu'où les pharmaciens
peuvent aller. Peuvent-ils vendre telle chose et ne pas vendre telle autre
chose? A ce moment- là, on demande tout simplement au législateur
d'accorder des pouvoirs accrus au collège dans un domaine qui ne le
regarde pas actuellement. Cela nous semble, d'une part, ambigu.
Par ailleurs, lorsqu'on nous dit qu'on veut nous empêcher de
vendre et de vendre en volume, de créer une demande accrue pour nos
produits pharmaceutiques et d'en abaisser le coût, il nous apparaît
une chose et c'est ce que le collège a clairement défini
ici que, d'abord, il y a une dualité chez le pharmacien.
Il est d'abord un professionnel avec une formation universitaire et il
est obligé de s'exprimer dans un contexte commercial. Ce sont les faits,
on ne peut pas le nier.
Mais par ailleurs, le collège a toujours dit c'est une
attitude qui est appuyée par le syndicat: On ne veut pas empêcher
quiconque
d'exercer son droit de citoyen, c'est-à-dire d'exercer un
commerce. Il a le droit de le faire. Mais en toute équité, par
justice pour les autres citoyens qui ont aussi des droits, l'on ne veut pas que
les pharmaciens se retranchent derrière leur statut professionnel et
derrière la façade de pharmacien ou de pharmacie pour vendre des
articles, fussent-ils à prix réduit et à ce
moment-là avoir des privilèges discriminatoires par rapport aux
autres citoyens qui vendent les mêmes articles qu'eux.
Lorsque nous préconisons, que ce soit très bien compris,
que d'une part nous sommes obligés de nous exprimer dans un mode
d'expression commerciale, il est clair qu'on ne veut pas empêcher
quiconque d'exercer son droit de commerce, mais qu'on le fasse dans un local
séparé en suivant les lois édictées par le
législateur, à savoir les heures de fermeture et c'est tout.
Quant au reste, le collège peut, en vertu des lois qui lui sont
conférées, régir ce qui pourrait se faire à
l'intérieur de la pharmacie et la pharmacie, à toutes fins
utiles, aujourd'hui, c'est l'officine, c'est le laboratoire où le
pharmacien exerce véritablement sa profession.
Une autre chose que je me permets de souligner ici parce que
c'est extrêmement important et l'on revient constamment sur la question
de prix c'est que lorsqu'on nous dit que les médicaments sont
chers, on a parfaitement raison. Nous sommes les premiers à l'admettre.
Nous ne cherchons pas à mettre le blâme sur quiconque, nous disons
les médicaments sont chers, mais par ailleurs tout est cher: les
vêtements, les aliments, les taxes, les impôts, tout est cher. Mais
ce n'est pas la faute des pharmaciens. Allons plus loin.
Les pharmaciens ont toujours dit ceci et surtout notre syndicat
le préconise depuis plusieurs années: Nous sommes prêts
à dispenser les médicaments au plus bas coût possible et
nous ajouterons un facteur, les honoraires, qui, vous le savez, comprennent
à la fois les frais de l'administration de l'officine seul et non pas le
bazar, plus une juste rémunération pour le pharmacien.
Lorsque ce matin nous avons parlé de la question du prix
coûtant plus $0.99, il ne faut pas éluder la question, il faut
l'expliquer franchement et en toute honnêteté: Pour tous ceux qui
sont ici présents, lorsqu'on nous parle de prix coûtant, la
première question qui nous vient à l'esprit c'est: Qu'est-ce
qu'un prix coûtant?
Or, nous allons vous l'expliquer et vous pourrez vérifier. Ce que
nous vous avons dit ce matin est la pure vérité. La plupart des
compagnies pharmaceutiques nous offrent un catalogue de prix et le prix qui y
est indiqué est un prix coûtant. Autrefois, la plupart du temps,
nous avions deux colonnes et parfois trois je reviendrai
là-dessus le prix coûtant plus le prix de détail
suggéré. Pour ceux qui sont forts en chiffres, le prix de
détail suggéré était le prix de détail
à 40 p. c. ou, le prix coûtant plus 66 2/3 p. c, cela donnait le
prix de détail suggéré. La plupart des pharmaciens se
contentaient d'un tel bénéfice ou profit. Je vais vous donner un
exemple très précis. Je suppose qu'un produit nous coûte
$6. Si vous ajoutez 66 2/3 p. c. de $6. vous arrivez à $10. Si vous
prenez 40 p. c. de $10 cela vous donne $6. Nous disons, messieurs, que nous
sommes capables de vendre le produit au prix coûtant, soit $6 plus $0.99
ce qui égale $6.99. C'est strictement vrai. Nous ne le nions pas.
Il y a deux choses à cette question. Il nous apparaît
d'abord que c'est un faux problème et, en second lieu, c'est
discriminatoire. C'est un faux problème parce que nous oublions de vous
dire une chose très importante. Les pharmaciens j'ai bien
aimé l'expression du Dr Laurin, ce matin, "les superpharmaciens", en
fait il faut leur donner le mérite, ce sont des superpharmaciens
achètent à volume, ils misent sur une concentration de
population, sur des techniques d'achat et ils sont capables de négocier
en force avec les compagnies pharmaceutiques, des prix moyennant des contrats,
moyennant ce que nous appelions des "under the counter deal", des bonifications
et des gratifications. Cela se fait. Nous ne le nions pas, nous vous le disons
carrément.
Alors, voici ce qui se produit. Vous pouvez acheter au prix
coûtant moins 20 p. c, 25 p. c, 30 p. c, 35 p. c, ou 40 p. c. Je fais un
petit calcul, vous pouvez le vérifier. L'exemple que je vous
mentionnais: les $10 qui nous coûtent, à nous, pharmaciens des
régions rurales j'en suis un et comme bien d'autres pharmaciens
à conditions modestes $6, eux le paie $6 je serais
très réaliste et pas très généreux
moins 20 p. c, vous gagnez là $1.20 de plus. Nous vous vendons $6 plus
$0.99 mais nous oublions de mentionner le $1.20 que vous faites. L'honoraire
est donc de $2.19. Ce n'est pas mentir. C'est strictement la
vérité. Les gens qui disent cela sont honnêtes mais ils
posent un faux problème.
Le deuxième aspect est discriminatoire. Discriminatoire pourquoi?
Parce que nous ne permettons pas à tous les citoyens du Québec
d'avoir le même privilège.
Un pharmacien, conscient des nouvelles techniques du "merchandising", du
"marketing", progressif, détenteur d'un MBA, se dit: Moi, je veux faire
profiter mes concitoyens des mêmes privilèges, mais je demeure
dans une région rurale, où il y a un bassin de population de
2,000, 3,000, 4,000, 5,000 personnes. Comment voulez-vous qu'il achète
au volume? C'est impossible. Il doit vendre $6 plus un certain pourcentage, ou
plus les honoraires, qui est certainement plus élevé que $0.99.
Que le gouvernement, prenne le plus tôt possible les moyens pour acheter
les médicaments pour tous les citoyens de la province au même
tarif que ces superpharmaciens peuvent le faire. Cela rendrait un grand
service, comme ils nous l'ont démontré ce matin. Ils ont fait une
expérience
très valable pour démontrer que c'était possible.
Il appartient au gouvernement, maintenant, de prendre les moyens pour que tous
les citoyens puissent avoir la même chose.
Mais on vous dit: Messieurs, vous vendez plus cher que les autres. Il
est clair que si l'on vous vend $6 plus $0.99, c'est impensable. Lorsqu'on nous
parle de compétition, invariablement on nous parle de prix: Cela
coûte cher, vous vendez plus cher, un autre me donne un escompte, etc."
Nous disons ceci: La compétition doit exister, mais elle doit exister au
même plan que tous les autres professionnels; au niveau de la
compétence, au niveau des services et au niveau de la
personnalité. Je donne souvent cet exemple farfelu, M. le
Président vous me le pardonnerez voyez-vous cela, un
professionnel, qui inscrirait dans le journal: J'aime les grandes familles, je
comprends le coût de la vie, je suis prêt à offrir mes
honoraires à $0.99, deux pour une piastre. Ou encore des choses
semblables? C'est aberrant, cela ne se fait pas. Lorsque l'on nous dit en plus
nous le soulignons dans notre addendum qu'avec une
publicité qui viserait à accroftre la vente des produits
parapharmaceutiques, on pourrait se servir des profits de ces produits
parapharmaceutiques pour subventionner l'officine, à ce moment, je ne
vois aucune raison pour laquelle on ne permettrait pas aux médecins de
vendre les médicaments au maximum, se servir des bénéfices
de cette vente et dire au gouvernement: Messieurs, nous sommes en mesure de
réduire nos honoraires de $2 et $3. Est-ce que cela ne serait pas pour
le plus grand bien de toute la population? Je ne voudrais pas m'étendre
sur ce sujet. Si vous avez des questions concernant la pharmacie, les prix, et
notre pratique, posez-les nous vous dirons la vérité. Nous ne
vous dirons pas: Messieurs, ceci est un problème complexe. Nous vous
dirons exactement ce qu'il en est.
Si, par ailleurs, en vous disant la vérité, nous vous
prouvons que nous n'avons pas notre raison d'être, il est
préférable que nous le sachions immédiatement. La
réforme s'en vient et nous prendrons des mesures. Si vous me permettez
encore, M. le Président, je me permets une observation pour finir. On
nous présente une argumentation qui me semble fallacieuse. Il
m'apparaît important que vous vous penchiez sur cette question. On nous
dit, avec justice: Est-ce que le collège peut établir la
compétence ou la valeur de l'acte pharmaceutique posé tant par un
salarié, que par un propriétaire? La valeur des services est-elle
la même? Il est clair que c'est oui, évidemment. Est-il
obligatoire qu'un pharmacien soit propriétaire d'une officine pour que
l'on donne des services pharmaceutiques adéquats? Il est clair que c'est
non. On nous dit: Si c'étaient des non-pharmaciens qui étaient
propriétaires des officines, qui engageraient des professionnels, le
service pharmaceutique ne serait pas de moindre qualité. C'est vrai.
On nous dit qu'on pourrait avoir des murs pleins, qu'on pourrait avoir
un étalage de produits parfaitement bien agencés, on aurait une
atmosphère professionnelle de très belle qualité et c'est
rigoureusement vrai.
On nous dit aussi: Si c'étaient des consortiums ou encore des
non-pharmaciens qui étaient propriétaires de pharmacies, avec
leur grand pouvoir d'achat, leur connaissance, ils pourraient offrir des
services à prix réduit. Je me permets cette dernière
observation. Dans les faits, aux Etats-Unis, vous le savez, les officines sont
contrôlées à toutes fins pratiques ou dirigées par
des consortiums, non par des indépendants.
Vous savez aussi que les produits manufacturés le sont en grande
partie aux Etats-Unis, et on admet, la plupart du temps, que le produit brut
est moins cher aux Etats-Unis qu'au Canada. On admet également que, dans
plusieurs Etats américains, on permet la publicité, non seulement
la publicité des produits parapharmaceutiques, mais également la
publicité de produits qu'ici, au Canada, le fédéral nous
défend, les produits d'ordonnance.
On admet également que ces gens-là, ayant la
liquidité et toutes les connaissances administratives, sont en mesure de
choisir les meilleurs endroits. Ce qui nous semble assez étrange, c'est
que, lorsqu'on analyse en profondeur le coût moyen de l'ordonnance des
indépendants et le coût moyen des ordonnances des grands
consortiums, il y a à peine un écart de 10 p. c.
On se demande si c'est vraiment là le noeud du problème,
soit le fait qu'au Québec on permette à des non-pharmaciens
d'être propriétaires d'officine. On se demande vraiment si
ça abaissera le coût des médicaments, parce qu'on ne sache
pas que ces compagnies soient là pour le bien-être de
l'humanité. Elles sont là pour faire des profits, et c'est
normal. Je ne sais pas également si ce sont ces gens qui vont contribuer
à changer la répartition géographique inadéquate
des pharmaciens, parce qu'ils vont, évidemment, choisir les meilleurs
endroits, là où ils sont susceptibles de faire des profits.
Alors ces quelques considérations, nous vous les laissons pour
étude, et nous vous prions d'y penser vraiment et de comprendre que le
rôle de pharmacien n'est pas facile. Nous nous débattons dans un
contexte qui ne nous exalte pas du tout, et nous voulons aujourd'hui prendre
les moyens pratiques, avec vous justement, pour fournir de meilleurs
médicaments au coût le plus bas, pour le plus grand bien de tout
le monde.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Y a-t-il des membres de la commission
qui ont des questions à poser?
M. QUENNEVILLE: M. Comtois, vous nous avez démontré tout
à l'heure l'importance d'avoir des auxiliaires en pharmacie. Vous nous
avez décrit les différentes fonctions du pharma-
cien licencié à l'intérieur même de sa
pharmacie mais vous avez oublié de nous dire quel serait le rôle
des auxiliaires. Après toute l'énumération des
différentes fonctions du pharmacien à l'intérieur de sa
pharmacie, je me demande ce que l'auxiliaire ferait à part de vendre des
cigarettes.
M. COMTOIS: Nous croyons, M. le ministre, que l'auxiliaire dans la
pharmacie pourrait avoir un rôle de technicien, ce qu'on entend par
technicien aujourd'hui. Faut-il avoir une formation professionnelle, une
formation universitaire pour compter des comprimés ou pour
vérifier la marchandise, pour la placer sur les tablettes, pour faire
les inventaires, pour faire les inscriptions sur les fiches pharmaceutiques? Il
va falloir un jour ou l'autre avec toute la paperasse qu'on est obligé
de tenir actuellement, il va falloir avoir des aides, parce que je ne pense pas
que le gouvernement serait prêt à payer pour qu'un pharmacien
compte des pilules, qu'il verse des liquides, ou qu'il vérifie de la
marchandise. Je pense que dans ces cas ce serait le rôle de
l'auxiliaire.
M. QUENNEVILLE: C'est tout ce qu'on voulait savoir. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: M. Comtois, les pharmaciens propriétaires et les
employés pharmaciens font partie d'une même corporation
professionnelle. Quelles sont les relations entre ces employés?
M. COMTOIS: A l'intérieur de nos pharmacies, les relations sont
excellentes.
Nous croyons que les pharmaciens salariés, à
l'intérieur de nos pharmacies, accomplissent une tâche aussi
importante et aussi bien faite que celle du pharmacien propriétaire.
Leur responsabilité s'arrête au niveau de l'ordonnance et celle du
pharmacien propriétaire est probablement un peu plus étendue.
M. BOIVIN: Ces employés sont-ils tous payés à
salaire ou s'ils touchent l'acte pharmaceutique?
M. COMTOIS : Je pense que tous les pharmaciens salariés sont
à salaire; il n'y en a aucun à l'acte pharmaceutique. Ils sont
salariés.
M. BOIVIN: Est-ce qu'il n'y a pas de protestation, de la part de ces
pharmaciens, pour toucher l'acte professionnel lui-même, tout en payant
au propriétaire?
M. COMTOIS: Ils sont payés à salaire, même à
l'intérieur des plans que nous avons établis. Par exemple, nous
avons établi un plan avec des compagnies d'assurance. A ce
moment-là, le pharmacien propriétaire est payé, lui,
à honoraires, et il paie son pharmacien salarié selon le nombre
d'heures, son temps de travail dans la semaine. Il n'est pas
rémunéré d'après les honoraires ou le nombre
d'ordonnances qu'il a remplies durant la semaine. Il est payé sur une
base salariale et non pas sur une base d'honoraires ou le nombre d'ordonnances
remplies.
M. BOIVIN: II n'y a aucune difficulté qui surgit entre les
employés pharmaciens et les pharmaciens propriétaires à ce
sujet.
M. COMTOIS: Entre les pharmaciens propriétaires et leurs
employés pharmaciens? Non.
M. BOIVIN: Ni de la part des associations de pharmaciens à
salaire?
M. COMTOIS: Il n'y a jamais eu de revendications faites directement par
l'Association des pharmaciens salariés à l'Association des
pharmaciens propriétaires.
M. BOIVIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laroc-que, tout à l'heure, nous
donnait des chiffres. Il parlait par exemple, de quelque chose qui
coûtait $10 au détail et qui pouvait coûter $6 au
pharmacien. C'est bien ça? Bon. Vous disiez par contre qu'en achetant en
grande quantité, vous pouviez encore bénéficier en
parlant des superpharmaciens de 20 p. c, 25 p. c. et peut-être 30
p. c. Verriez-vous un avantage ou un désavantage pour les pharmaciens
à vous regrouper pour avoir un acheteur unique qui soit
contrôlé par vous ou par le gouvernement, peu importe qui
achèterait en grande quantité? A ce moment-là, vous
pourriez bénéficier de cet escompte de 20 p. c. ou 25 p. c. et en
faire bénéficier l'acheteur. Est-ce que vous me donneriez des
précisions là-dessus?
M. LAROCQUE: Je l'ai dit un peu tout à l'heure. Les pharmaciens
revendiquent depuis très longtemps cette chose. C'est-à-dire
qu'il y a un organisme on voit évidemment que le gouvernement est
le mieux placé pour cela pour faire des appels d'offres et
ensuite négocier des prix de façon que tous les pharmaciens
puissent avoir accès aux mêmes prix, et dispenser les
médicaments au plus bas prix possible.
Actuellement, l'expérience que nous avons mérite tout de
même d'être soulignée. Nous avons maintenant une
expérience de près de six mois avec les assureurs. Nous avons
dressé une liste de prix coûtants et les prix coûtants que
nous avons dressés sont les prix normaux des pharmaciens ordinaires, pas
des superpharmaciens. Cette liste est publique, vous pouvez la vérifier.
D'ailleurs, je pense que les responsables de la Régie de
l'assurance-maladie l'ont vue et, à partir de ce prix coûtant,
nous ajoutons des
honoraires; cela vaut pour tous les pharmaciens de la province, les
1,012, je pense, que nous représentons à l'heure actuelle.
Votre question est très pertinente. Si vraiment le gouvernement
peut mettre sur pied un organisme visant à négocier avec les
compagnies pharmaceutiques, nous en serions très heureux. En fait, nous,
avec le nouveau système des honoraires, nous ne faisons aucun profit
avec la vente du médicament. Notre plus grand souci est d'avoir des
médicaments de qualité. Là-dessus, évidemment, nous
n'avons pas un contrôle direct et, à moins que le gouvernement ne
mette sur pied un organisme visant aussi à assurer la qualité des
produits, il ne restera qu'à procéder comme nous,
c'est-à-dire faire affaires avec des compagnies responsables. Nous
n'avons pas d'autre choix.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Est-ce qu'il n'y a pas
déjà eu, à Montréal, des tentatives dans ce sens de
la part de pharmaciens qui se sont groupés pour avoir plus de pouvoir
d'achat? Je crois que ça s'est fait à Montréal par
certaines pharmacies.
M. LAROCQUE: Cela existe à Montréal et, également,
dans d'autres régions de la province.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que cela a donné des
résultats tangibles sur le coût de revient?
M. LAROCQUE: Je dois vous dire que personnellement je n'ai pas fait de
recherches dans ce sens. Il est possible qu'au départ on ait
cherché beaucoup plus une façon d'augmenter les
bénéfices personnels. On ne jouera pas sur les mots, on ne
présumera pas des intentions pures de nos confrères. Ils l'ont
fait dans un but strictement commercial au départ. Il est possible, par
ailleurs, et on vous l'a démontré ce matin, qu'on ait
prolongé cette chose-là et qu'on ait cherché vraiment
à réduire le prix. On ne blâme personne. Nous disons qu'il
nous apparaît que c'est une mesure discriminatoire parce qu'il y a
énormément de pharmaciens à l'extérieur des grands
centres qui, tout de même, sont soucieux aussi de fournir à leurs
patients des médicaments de qualité au plus bas prix
possible.
Quand vous achetez au prix de tout le monde, il est difficile à
ce moment-là de réduire encore davantage les coûts. Nous le
souhaitons, nous l'avons dit, nous l'avons répété: Le plus
tôt sera le mieux. Au Québec vous savez tous que la plupart des
grossistes sont des coopératives, on en a parlé ce matin. Le
coût, le bénéfice brut moyen pris par les
coopératives est de 6 p. c. plus bas que les compagnies qui sont des
grossistes aux Etats-Unis et dans les autres provinces. C'est public, c'est un
fait. Donc, on peut affirmer sans l'ombre d'un doute que les pharmaciens sont
actuellement en mesure d'obtenir les médicaments au plus bas coût
possible et ce coût inclut le transport quelle que soit la
localité. C'est extrêmement important aussi, parce que le
gouvernement pourrait très bien mettre sur pied un organisme visant
à acheter des médicaments et encore faut-il être en mesure
de les distribuer partout en province au même coût. Dans les
régions éloignées, le pharmacien qui paierait un surplus
pour le transport ne serait pas en mesure d'offrir le même prix à
ses concitoyens. Nous le souhaitons.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie) Seulement une autre question. D'après
votre exposé, vous parliez tantôt des pharmaciens qui donnent une
réduction de 40 p. c. plus $0.99 quand on fait remplir une ordonnance.
Est-ce qu'on doit conclure d'après vos explications qu'en
définitive l'acheteur ne bénéficie pas en
réalité d'une réduction de 40 p. c? Est-ce que j'ai bien
compris?
M. LAROCQUE: Non. Je vais être très franc avec vous, c'est
qu'effectivement dans plusieurs cas il y a réduction de prix...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce sont les 40 p. c...
M. LAROCQUE: ... il n'y a pas réduction d'honoraires, il y a
réduction de prix pour le consommateur.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me le permettez, les 40 p. c. sont
calculés sur le prix coûtant, sur ce que ça coûte au
pharmacien. Ce n'est pas le prix total. Je m'explique. Si je vais chez vous et
que j'ai une ordonnance à remplir qui coûte $15, on ne me fait pas
une réduction de 40 p. c. sur $15, mais une réduction de 40 p. c.
sur le prix que ça vous coûte. Est-ce que c'est cela?
M. LAROCQUE: Non. Ce n'est pas tout à fait cela. En toute
justice, il faut dire que ce n'est pas cela. Est-ce que je peux reprendre
l'argument de tantôt très simplement?
M. LE PRESIDENT: En bref.
M. LAROCQUE: Oui. En bref. Je ne vous blâme pas. Si on prend les
$15, je suppose que c'est le prix normal du marché. On nous dit ceci:
Nous allons prendre $15 moins les 40 p. c, cela fait $9 et on ajoute $0.99. Si
vraiment on fait cela dans tous les cas, il y a effectivement une
réduction pour le consommateur. On ne peut pas le nier. Mais il n 'y a
pas réduction de bénéfice pour le pharmacien qui fait cela
parce que lui, à partir de ses $9, il est encore capable d'obtenir 20 p.
c. ou 30 p. c. de profit. Nous disons, par ailleurs, que c'est une politique
discriminatoire parce qu'elle n'est pas accessible à tous les
pharmaciens qui seraient
soucieux de vouloir faire la même chose. D'où l'importance
de pouvoir acheter les médicaments par l'entremise d'un organisme comme
le gouvernement.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une dernière question, M. le
Président, très courte. Dans toutes les pharmacies, c'est une
chose qui m'a toujours intrigué, on vend aussi ce qu'on appelle les
remèdes brevetés. De quelle façon le pharmacien
contrôle-t-il la vente de ces remèdes pour savoir, par exemple, si
tel remède peut être pris par tel ou tel patient? J'ai souvent
entendu dire, je ne suis pas médecin, que quelqu'un qui prend des
anticoagulants ne devrait pas prendre trop d'aspirines. Par contre, n'importe
qui peut acheter des aspirines à la douzaine. Est-ce que vous exercez un
certain contrôle là-dessus, chez le client qui se présente
au comptoir et qui demande ces remèdes?
M. LAROCQUE: A ce moment-là, il peut y avoir conflit
d'intérêts. C'est clair.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Bon! C'est clair.
M. LAROCQUE: Cependant, je dois préciser une chose. Avec les
recommandations du collège et du syndicat, les pharmaciens ont de plus
en plus adopté le principe du dossier-patient, justement pour
sensibiliser les pharmaciens à la question non seulement des ordonnances
exécutées à l'intérieur de la pharmacie, mais aussi
pour sensibiliser le pharmacien vis-à-vis des médicaments
brevetés susceptibles d'être pris avec les médicaments
prescrits. De là à vous dire qu'il n'y a aucun conflit
d'intérêts, il peut y en avoir, et à ce moment-là,
voici ce qui se produit. Cela mérite d'être souligné. Le
pharmacien n'est rémunéré qu'en fonction de ce qu'il
produit de tangible. Il livre une ordonnance. Il obtient une
rémunération ou un profit. Il vend un produit parapharmaceutique
ou un produit breveté, il a un profit sur la vente. Le pharmacien qui
veut vraiment être professionnel, qui est conscient de l'exemple que vous
donnez, doit dire et souvent le fait pour des choses aussi importantes que
ça: M. Tremblay, ne prenez pas de l'aspirine avec vos anticoagulants. Il
peut arriver d'autres cas aussi où vous vous présentez chez moi.
Je n'ai pas votre dossier. Je ne suis pas au courant que vous prenez des
anticoagulants. A ce moment-là, je ne peux faire autrement que de vous
vendre de l'aspirine. Comprenez-vous, là?
Par ailleurs, si je veux toujours être professionnel et que je
fais des omissions d'acte, c'est-à-dire que je refuse de livrer une
ordonnance ou de renouveler une ordonnance, même si je pouvais le faire,
ou si je refuse de vendre un produit breveté qui viendrait en conflit
avec les médicaments pris par cette personne, et que je fais cela
consciemment et tout le temps, je suis un professionnel, mais, au point de vue
com- mercial, il va se produire un problème, c'est que je ne peux plus
faire d'affaires, d'où, dans certains cas, il faut l'avouer, un certain
conflit d'intérêts, mais il n'est pas aussi grand qu'on veut le
laisser entendre.
M. QUENNEVILLE: M. Larocque, depuis le début des séances
de cette commission parlementaire, nous avons entendu plusieurs
représentants de différents groupes. Je pense que, parce que vous
nous avez dit que vous étiez disposé à nous dire la
vérité, il ne faut pas comprendre que ceux qui vous ont
précédé ne nous l'ont pas dite.
M. LAROCQUE: Sûrement pas.
M. QUENNEVILLE: II reste quand même, dans toute la question de
l'appréciation des coûts, qu'il y a peut-être un petit
aspect dont vous n'avez pas fait mention, probablement par oubli. Est-ce qu'il
n'est pas vrai que les actionnaires des maisons de gros reçoivent une
ristourne à la fin de l'année? Si c'est vrai, quel est le
pourcentage de cette ristourne?
M. LAROCQUE: Dr Quenneville, vous me posez une question très
pertinente et je vous avoue en toute sincérité que je ne suis pas
au courant, si une telle pratique existe. Si elle existe, et dans quelle
proportion, je l'ignore.
M. QUENNEVILLE: Je parle des actionnaires.
M. LAROCQUE: Est-ce que vous voulez parler des actionnaires?
M. QUENNEVILLE: Des pharmaciens actionnaires.
M. LAROCQUE: Ah! bon. C'est une question très
intéressante. Au sujet des grossistes, je vous ai dit tantôt qu'il
y avait au Québec, une situation un peu spéciale, que nos
principaux grossistes étaient des coopératives. Or, ce que vous
soulignez là est très important. Il y a deux types de
marchandises. Il y a une marchandise dont le prix est net et, à ce
moment-là, sans présumer du mode administratif des
coopératives, ça dépend des prix consentis par les
manufacturiers ou les fabricants. Par ailleurs, il y a aussi un certain groupe
de marchandises qui ne sont pas uniquement des médicaments. Il peut y
avoir là-dedans des "sundries" qui sont à ce moment-là
à rabais, disons de 10 p. c, et payés suivant deux modes: il y en
a sous forme d'une ristourne à la fin de l'année; il y en a
d'autres sous forme de réduction sur le relevé des comptes. On ne
peut pas dire que c'est une mesure incitatrice visant à accroître
le volume. Est-ce que ça répond à votre question?
M. QUENNEVILLE: Non. Je voulais savoir le taux de cette ristourne. Il y
en a sûrement.
Vous ne le savez peut-être pas, mais il y en a sûrement qui
sont actionnaires, soit de la Pharmacie Moderne, soit de la Pharmacie
Universelle.
M. LAROCQUE: Oui. Je préférerais que M. Ripsman
réponde à ça. Il saurait sûrement répondre
mieux que moi.
M. RIPSMAN: Dr Quenneville, moi, je suis actionnaire de la Pharmacie
Moderne. Je viens de recevoir un chèque de $20.50.
M. QUENNEVILLE: Vous avez été malchanceux.
M. RIPSMAN: Exactement, et c'est imposable aussi. Il faut bien
comprendre qu'il y a une différence. Peut-être que cela n'a pas
été assez précisé.
Nous avons chez plusieurs grossistes le prix coûtant d'un produit
disons $6 ou $5 et ces derniers nous retournent un
bénéfice de 10 p. c. à la fin du mois. Il y en a plusieurs
qui le retournent tout de suite sur l'état de compte. Mais les
pharmaciens acceptent et calculent ça comme coûtant. Dans notre
liste de prix pour nos assureurs, tous ces prix coûtants le sont
après que les 10 p. c. ont été enlevés. C'est
seulement une manière de baisser les prix et c'est pourquoi nos
grossistes ont une marge de 9 p. c. et non de 15 p. c. à 17 p. c. comme
les grossistes qui ne sont pas coopératifs.
M. QUENNEVILLE: Est-ce que c'est possible aussi que certaines
coopératives ne donnent le montant qu'à la fin de l'année?
J'ai déjà fait un voyage avec un pharmacien et c'était sa
ristourne qui payait le voyage.
M. RIPSMAN: Moi, je ne suis pas au courant et j'aimerais bien être
au courant.
M. QUENNEVILLE: C'était plus que $1.52.
M. RIPSMAN: C'est possible, mais je ne suis pas au courant.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont d'autres
questions à poser?
Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aimerais m'adresser à M. Laroc-que, sachant qu'il
connaît assez bien mon comté. Est-ce que, selon vous, il y a une
possibilité pour un propriétaire de pharmacie d'administrer un
commerce qui vendrait uniquement des produits pharmaceutiques tout en
réalisant des profits avec une population aussi minime que certaines
municipalités de mon comté?
M. LAROCQUE: C'est impossible.
M. GUAY: II faut donc à tout prix pour administrer un commerce
qui soit rentable, que soient ajoutés, aux produits pharmaceutiques, des
produits que vous disiez parapharmaceuti-ques.
M. LAROCQUE : De toute nécessité.
M. GUAY: Une deuxième question que j'ai posée à
plusieurs reprises. Selon vous, croyez-vous que des gens sont
présentement privés de médicaments à cause de
certaines distances à parcourir pour se les procurer ou encore à
cause de leur impossibilité financière? Si oui, quel serait
à peu près le pourcentage de ces gens dans un comté rural
comme le mien?
M. LAROCQUE: Votre question a plusieurs aspects. La première: la
question des distances. Il est possible remarquez bien que je n'ai pas
fait d'études à ce sujet que dans certaines régions
des personnes soient gênées financièrement dans l'obtention
de médicaments. Par ailleurs, il faut ici aussi souligner que plusieurs
pharmaciens ont des services de livraison qui dépassent largement leur
localité. Vous en êtes un peu au courant en ce qui concerne votre
région. A ce moment-là, ce n'est pas un service qui est parfait,
mais du moins il tente de combler une lacune. Et ceci est fait à
même les fonds du pharmacien. C'est le premier aspect de la question.
Le deuxième, vous demandiez s'il y a des gens qui sont
gênés à cause du manque de fonds. Evidemment, c'est
possible, surtout dans des régions rurales ou sous-developpées.
Cependant j'ai l'impression qu'avec les nouvelles mesures
préconisées par le gouvernement, l'on tente de plus en plus de
réduire cet écart. Il y a des moyens qui se prennent actuellement
pour permettre aux gens de se procurer les médicaments.
Quant à la troisième question, quel est le pourcentage? Je
ne peux pas vous répondre là-dessus.
M. GUAY: Une autre question, si vous me permettez: Est-ce que vous vous
considérez comme étant un superpharmacien?
M. LAROCQUE: Je n'ai pas cette prétention, mais je pense avoir
les dispositions naturelles, ou du moins le tempérament, pour en devenir
un, si on m'en fournissait l'occasion.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. QUENNEVILLE: On vous le souhaite.
M. LE PRESIDENT: Je remercie les représentants de l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires et je demanderais
au représentant de Cumberland Drug Store d'exprimer ses
revendications.
Cumberland Drug Store
M. NEISS: Mon nom est Neiss, je suis propriétaire de la pharmacie
Cumberland à Montréal...
M. QUENNEVILLE: Plus fort s'il vous plaît. M. LE PRESIDENT: Ce
n'est pas assez fort.
M. NEISS: M. le Président, MM. les membres, je comprends que la
commission permanente des Affaires sociales de l'Assemblée nationale est
réunie aujourd'hui pour les fins...
M. LE PRESIDENT: Pouvez-vous vous identifier, nous n'avons pas compris.
Quel est votre nom?
M. NEISS: Mon nom est Morrie Neiss. Notre but serait de fournir des
médicaments à toute personne qui bénéficie d'aide
sociale. J'approuve le principe de ce bill et je félicite le
gouvernement de l'avoir présenté. Par contre, je suis d'avis que
le bill 69 ne va pas assez loin. Heureusement, la plupart des
Québécois ne reçoivent pas d'aide sociale mais à
cause de faibles revenus, beaucoup ne peuvent pas payer le prix des
médicaments que beaucoup de pharmaciens demandent présentement. A
mon avis, il y a certaines raisons pour lesquelles les prix des
médicaments sont élevés. J'ai proposé quelques
changements que vous trouverez aux page 16 et 19.
En bref, la composition du conseil des gouverneurs du Collège des
pharmaciens devrait changer. Certains règlements doivent être
révoqués et il faut adopter certains amendements à la Loi
de pharmacie. Aussi, il faut que le Collège des pharmaciens continue
d'agir principalement afin de protéger et de perfectionner ses membres
car les intérêts du public ne sont pas considérés
comme ils le devraient.
Le Collège des pharmaciens doit avoir le droit de régler
la conduite professionnelle de tous les gens qui disposent des
médicaments. Mais, le Collège des pharmaciens ne devrait pas
utiliser ses pouvoirs de manière à ignorer les besoins et les
intérêts de tous les Québécois.
Un règlement concernant la tenue d'une pharmacie est injuste de
la façon que le collège l'interprète. Le règlement,
de la façon que le collège l'interprète, ne permet pas la
vente d'autres articles que les drogues et poisons dans une pharmacie. Cela
peut donner des résultats injurieux et non souhaitables.
Le prix des drogues et ordonnances augmenterait. Un pharmacien peut
offrir un bas prix pour ses drogues et ordonnances s'il peut faire un profit de
la vente de ses autres produits et articles. Si un pharmacien doit payer toutes
ses dépenses, payer son propre salaire et celui de ses employés,
des profits qu'il a pu acquérir seulement des ventes des drogues et de
la préparation des ordonnances, c'est à croire que ses prix
augmenteraient énormément. Donc, le public serait
affecté.
Le public, alors, serait obligé de changer ses habitudes et
méthodes d'achat inutilement. Pendant environ 50 ans, les citoyens de la
province de Québec et particulièrement ceux qui demeurent dans
les grandes villes, ont pris l'habitude d'aller à la pharmacie voisine
pour l'achat de certains articles. Avec la restriction de vendre seulement des
drogues et des poisons et de remplir des ordonnances, la coutume du public sera
changée d'une manière draconienne et ce changement n'a aucune
valeur bénéficiaire pour le public. Les habitudes et coutumes
d'une société ne devraient pas être dérangées
par le gouvernement sauf si ce changement est pour le bien du public. Je
maintiens l'opinion que le public sera affecté si le collège peut
continuer l'application de sa politique.
De plus, beaucoup de gens seraient sans emploi. Si le pharmacien a le
droit de vendre seulement les drogues, les poisons et le nécessaire pour
les ordonnances, alors tous les commis et autres membres du personnel
perdraient leur emploi. Le déplacement de ces individus leur causerait
beaucoup de souffrance et d'ennui ainsi qu'à leur famille. Cela devrait
être pris en sérieuse considération. Ce n'est pas dans
l'intérêt du public d'abolir une catégorie entière
d'emploi. Quelques pharmaciens vont acquérir une position
privilégiée. Les pharmaciens qui, selon le Collège des
pharmaciens, ont des "droits acquis" seraient enrichis immédiatement.
Puisqu'une nouvelle pharmacie pourrait vendre seulement les drogues, les
poisons et le nécessaire à la préparation des ordonnances,
un nouveau pharmacien qui voudrait vendre d'autres articles serait
obligé de se procurer une pharmacie qui a déjà ses "droits
acquis" à un prix exagéré et abominable. Le pharmacien
avec "droits acquis" tiendrait à réaliser un profit énorme
en vendant sa pharmacie privilégiée. Il est tout probable que
c'est tout simplement une coincidence, mais il arrive que les pharmaciens de
plusieurs des gouverneurs du collège auraient ces acquisitions et droits
privilégiés si l'interprétation faite par le
collège a la permission de prévaloir. L'intérêt du
public n'est certainement pas choyé par la création des
catégories privilégiées pour les individus ou pour les
établissements.
Le jeune et nouveau pharmacien souffrirait un préjudice
sévère. Comme le pharmacien établi depuis plusieurs
années aurait le plaisir de connaître une situation
privilégiée, le nouveau pharmacien qui ouvre une nouvelle
pharmacie sans "droits acquis" serait donc obligé de demander un prix
plus haut pour ses drogues et ordonnances parce que ses dépenses
seraient faites à même les profits qu'il aurait obtenus de la
vente des drogues et de la préparation d'ordonnances et autres articles
d'un choix très limité.
Le public sachant ceci ne serait pas porté à aller chez
les nouveaux pharmaciens, ce qui
explique donc, la difficulté pour les nouveaux pharmaciens
d'attirer la clientèle. Cette restriction sur le jeune et nouveau
pharmacien ne sert absolument pas l'intérêt du public.
Evidemment, beaucoup de jeunes gens ne seraient pas attirés vers
la profession de pharmacien. La raison est que le jeune étudiant serait
découragé d'aborder la profession de pharmacien. Il constaterait
qu'il est dans une situation ne lui permettant pas de soutenir la concurrence
sur un pied d'égalité, à moins d'avoir les moyens de se
procurer une pharmacie avec droits acquis. L'inégalité de la
situation va certainement désillusionner la jeunesse et,
conséquemment, l'intérêt du public ne sera pas servi.
Plusieurs pharmaciens qui ont investi de grosses sommes et assumé des
obligations financières à long terme pour ouvrir une autre
pharmacie de bonne foi, après 1967, mais qui n'ont pas su comprendre les
termes ambigus du présent règlement, seraient acculés
à la ruine financière si on permettait au collège de
continuer à interpréter le règlement de la façon
qu'il l'interprète présentement et l'intérêt du
public ne serait pas servi, si on permettait que des citoyens honnêtes
soient ruinés financièrement. Cumberland Drug propose certains
changements.
Afin de pouvoir protéger l'intérêt du public et
d'assurer que le Collège des pharmaciens soit assujetti aux normes de la
loi et de la justice qui règnent dans la province de Québec,
Cumberland Drug propose que le conseil des gouverneurs du Collège des
pharmaciens du Québec, devrait être composé d'un certain
nombre de membres nommés comme représentants du gouvernement et,
parmi eux, quelques-uns qui ne seraient pas pharmaciens, pour assurer la
protection de l'intérêt du public et pour assurer
l'uniformité de l'application de la Loi de pharmacie et des
règlements du collège.
Bien que la Loi de pharmacie, comme elle est présentement
conçue, dise que le bureau de discipline agit toujours en restant
assujetti au droit d'appel au conseil du collège, et bien que l'article
58 (3) de la loi déclare qu'un appel au conseil suspendrait
l'exécution pour les frais, toute ambiguïté serait
dissipée si la Loi de pharmacie était modifiée pour
déclarer clairement et en termes absolus qu'un appel au conseil
suspendrait l'effet de la décision du bureau de discipline. Sinon, un
pharmacien peut être puni et il en souffrirait un préjudice
irréparable avant d'avoir eu l'occasion...
M. LE PRESIDENT: M. Neiss, je veux vous poser une question, parce que
les membres de la commission me le demandent. Votre mémoire se
rapporte-t-il au projet de loi actuellement à l'étude ou bien
s'il se rapporte plutôt à une question de régie interne de
la Loi de pharmacie?
M. NEISS: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: II se rapporte au projet de loi en question,
c'est-à-dire la fourniture des médicaments aux assistés
sociaux.
M. NEISS: Oui, il se rapporte au projet de loi 69. La proposition que
j'ai soumise ici, les changements à la Loi de pharmacie sont au
bénéfice du public. Ils sont à son bénéfice
en ce sens qu'ils réduisent les prix des ordonnances au public. Puis-je
continuer?
M. LE PRESIDENT: Très bien, faites un résumé de
votre mémoire.
M. NEISS: C'est un résumé. J'en ai une autre page.
Le règlement du Collège des pharmaciens concernant la
publicité devrait être rejeté à l'exception du
premier paragraphe. Si le prix des drogues et des médicaments
émis par ordonnance doit être maintenu à un prix aussi bas
que possible, ceci serait accompli par l'entremise de la concurrence. Quoique
ceci peut être considéré "contre la dignité de la
profession" de publier des prix spécifiques, le public mérite au
moins de savoir la méthode de base selon laquelle les prix sont
déterminés pour la préparation des ordonnances. A moins
que la politique prohibant la publicité des prescriptions soit
changée, le public sera toujours dans un état d'ignorance.
La politique de demander, comme on dit en anglais "what ever the traffic
will bear" pourra continuer dans plusieurs pharmacies au prix d'un grave
détriment pour le public.
L'article 28 de la Loi de pharmacie devrait être modifié
pour aider le pharmacien à tenir plus que trois pharmacies, dans la
ville de Montréal, la ville de Québec et ses régions. Si
un pharmacien possède plus de pharmacies, il a un pouvoir d'achat plus
puissant. Il peut donc acheter à de meilleurs prix, et les prix pour les
drogues, poisons et ordonnances seraient donc plus bas.
Rien ne devrait être fait pour affecter l'entretien d'une petite
pharmacie et son propriétaire dans les autres parties de la
province.
Le règlement du Collège des pharmaciens concernant la
tenue d'une pharmacie devrait être révoqué à
l'exception de la section II. Si ce règlement est éventuellement
remplacé, le nouveau règlement devra établir des
conditions uniformes pour toutes les pharmacies et devra ptogéger "les
droits acquis" de la profession tout entière des pharmaciens, permettant
aux pharmaciens de vendre tous articles et produits qui ont été
traditionnellement vendus depuis le début de ce siècle dans les
pharmacies de tout le Québec. beaucoup de nos citoyens du Québec
m'appuient et j'attache à ceci une pétition signée par
près de vingt-mille personnes.
Le tout respectueusement soumis, avec l'intention de renforcer la
profession de pharmacien, et le tout pour protéger le public. Merci.
LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a
t-il des questions à Doser?
M. TETLEY: Merci, M. le Président. Je note avec plaisir à
la page 16 que vous approuvez une des recommandations de la commission
Caston-guay et Nepveu à l'effet que d'autres personnes que les
pharmaciens soient membres du Collège des pharmaciens, et qu'y soit
représenté le grand public. Je note aussi personnellement avec un
certain plaisir que vous avez, je crois, réduit le coût des
produits pharmaceutiques à Montréal.
Mais il y a un problème que M. Laroque a soulevé, c'est le
dilemme suivant: les pharmaciens ruraux n'ont pas la même chance que vous
de vendre autant de produits, par exemple dans une petite ville. Il y a aussi
le problème qu'il faut évidemment protéger autant que
possible le petit pharmacien, même à Montréal. Avez-vous
une solution à ce dilemme, M. Neiss?
M. NEISS: Premièrement, je pense que, au sujet de la ville de
Montréal, tous les pharmaciens peuvent effectivement, réduire le
prix de leurs ordonnances. Ils peuvent commencer. Ils ont les mêmes
chances que moi. N'oubliez pas que je suis un homme d'affaires depuis trois ans
et demi seulement. J'ai commencé moi-même. J'ai acheté un
magasin normal, pas une superpharmacie, c'est moi qui ai changé la
politique de cette pharmacie et j'ai commencé au même point que
tous les autres pharmaciens. Dans les petites villes du Québec, si vous
faites une comparaison de la population, une relation entre la population
totale de Montréal et le nombre des pharmacies, vous trouverez qu'il y a
presque le même nombre de gens dans la plupart des petites villes du
Québec pour chaque pharmacie, c'est-à-dire qu'il y a 5,000, 6,000
ou 7,000 clients pour chaque pharmacie, à Montréal. Si vous
faites le même calcul pour les petites villes, vous trouverez presque le
même nombre, je pense. Je parle des villes où j'ai fait de petites
expériences. Mais, je ne suis pas prêt à parler au sujet de
toutes les petites villes du Québec.
M. TETLEY: Merci. Que pensez-vous de la concurrence des
supermarchés qui vendent vos produits? Ils vendent des légumes,
de la viande et quelques produits pharmaceutiques?
M. NEISS: Les supermarchés vendent seulement les produits
pharmaceutiques brevetés, ceux qui ont un numéro donné par
le gouvernement. Je peux dire que ce que les supermarchés vendent fait
de la concurrence et que les supermarchés et les superpharmacies ont le
même but, réduire les prix au public. Si le public en retire des
bénéfices, peu lui importe la provenance de ces
médicaments. La concurrence est une bonne chose pour le public.
M. TETLEY: Une autre question, M. Neiss. Lorsqu'un médecin ou un
client arrive avec une ordonnance et que le médicament nommé est
un médicament breveté ou à titre nominal, et que vous
savez qu'il y a un autre médicament moins cher, avec la même
formule chimique peut-être, que faites-vous? Y a-t-il un moyen par lequel
le pharmacien peut suggérer à son client qu'il a peut-être
un autre médicament moins cher mais le même médicament?
M. NEISS: Je peux parler seulement de mon affaire, une pharmacie comme
Brunet. Nous avons pour règle de donner exactement ce que le
médecin prescrit. Si l'ordonnance est trop dispendieuse pour le client,
nous suggérons seulement qu'il y a une autre marque moins chère
et nous demandons la permission du client de téléphoner au
médecin pour lui demander la permission de substituer, mais seulement
avec la permission du client.
M. TETLEY: Est-ce que cela arrive souvent?
M. NEISS: Cela arrive souvent dans mes pharmacies.
M. TETLEY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Une question additionnelle, M. Quenneville.
M. QUENNEVILLE: M. Neiss, je pense bien que vos remarques ont trait
surtout à un cas personnel qui touche la Loi de pharmacie. Je pense bien
que c'est par extension assez prolongée que cela peut toucher
l'étude du projet de loi 69. Je me demande jusqu'à quel point le
mémoire peut nous aider, malheureusement, à l'étude du
projet de loi 69. Avez-vous une suggestion pratique qui touche directement le
projet de loi 69?
M. NEISS: Je suis ici, aujourd'hui, pour aider le public. Si
l'information que j'ai présentée ici aujourd'hui, les
propositions, les recommandations sont importantes aux membres de la
commission, j'espère pouvoir participer à l'amélioration
de l'acte pharmaceutique, aider le public, lui donner les plus bas prix, les
prix minimums sur les médicaments, sur les ordonnances. Je ne suis pas
un politicien...
M. TETLEY: Ce n'est pas un défaut.
M. NEISS: ... je ne suis pas un homme qui fait les lois ou les
règlements. Je suis un pharmacien qui a fait l'expérience d'une
nouvelle politique. Un pharmacien qui a fait un succès de sa nouvelle
politique. J'espère que ma réussite va réfléter sur
le nouveau système ou sur des nouveaux règlements que vous pouvez
adopter.
M. QUENNEVILLE: Je m'excuse. Si on s'en tient aux remarques que vous
présentez, ce n'est pas une nouvelle politique puisque vous
prétendez que tous les autres font la même chose que vous.
M. NEISS: J'ai fait des suggestions à la page 18 qui, je pense,
peuvent aider le public directement et immédiatement. Une de mes
suggestions est un changement dans l'acte pharmaceutique, à propos du
règlement concernant les annonces. En pharmacie, comme ailleurs, la
concurrence donne immédiatement comme résultat des prix plus bas.
Sans la concurrence, vous avez des prix plus élevés.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Neiss, des explications que vous avez
données. Les membres de la commission ont-ils des questions à
poser?
M. GUAY: Une question assez brève. J'aimerais qu'on m'explique ce
qu'on entend par superpharmacien. Je vois qu'il est mentionné que vous
avez 70 employés avec un revenu de $3,500,000 par année.
Expliquez-moi, si vous le pouvez, ce qu'est un superpharmacien?
M. NEISS: Un superpharmacien, c'est un mot que j'ai appris il y a quinze
minutes avec les représentants de l'Association québécoise
des pharmaciens. Je ne suis pas un superpharmacien. Je suis un homme
d'affaires. Je suis seulement un administrateur. Pour votre information, je
suis un homme d'affaires depuis trois ans et demi. Je n'ai pas
été une seule fois dans mes laboratoires depuis trois ans. Je
pratique une politique d'administrateur. C'est une des raisons de ma
réussite.
M. LE PRESIDENT: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY: M. le Président, je voudrais tout simplement noter que
les observations de M. Neiss, même si elles ne tombent pas exactement
dans le projet de loi en question le bill 69 sont très
intéressantes. Si, en effet, on peut réduire le coût des
médicaments, au moins dans les villes, comme simple citoyen
j'apprécie ce fait et je crois que le public l'apprécie aussi.
Evidemment, c'est apparent qu'il y a une lutte dans le collège, mais il
y a des luttes dans toutes les professions. Je crois que c'est notre devoir
je sais très bien que le ministre est de cet avis de
protéger le public. Je ne parle pas simplement comme ministre en charge
de la protection du consommateur, mais comme député et citoyen.
Si cela peut nous aider, c'est très bien.
M. NEISS: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. Neiss, sur les 70 employés que vous avez,
combien sont affectés à la pharmacie comme telle et combien
travaillent dans les autres secteurs?
M. NEISS: Je pense qu'il y a 12 à 15 employés qui
travaillent au laboratoire. Les autres travaillent en avant.
M. GOLDBLOOM: Maintenant, est-ce que votre opération pourrait
s'adapter facilement à ce qui pourrait éventuellement être
proposé comme un nouveau régime, c'est-à-dire où un
système serait établi qui fixerait en quelque sorte, par
négociation ou autrement, le prix des médicaments et où le
pharmacien travaillerait avec comme revenu principal ses honoraires
professionnels pour l'acte pharmaceutique?
M. NEISS: C'est la politique actuelle dans mon commerce.
Mais le pharmacien, dans le magasin, travaille souvent en laboratoire.
Nous avons une politique coûteuse et tous les autres employés
travaillent dans le reste du magasin et c'est un grand succès.
M. GOLDBLOOM: Je pense que c'est assez important pour nous de comprendre
ceci. Est-ce que l'opinion que vous exprimez est en partie celle que le
pharmacien est en mesure d'offrir, comme vous le faites présentement,
des médicaments à des prix réduits parce que vous avez les
autres secteurs de vos activités qui vous donnent certains revenus et
vous permettent donc de baisser le prix des médicaments?
M. NEISS: Oui, cela est le résultat de nos affaires. Je fais des
profits dans la vente à mon magasin et ces profits aident au
fonctionnement du laboratoire. Comme on le dit: Une main lave l'autre et les
deux mains lavent le corps.
M. GOLDBLOOM: J'ai une autre question, M. le Président. Si le
pharmacien était obligé de s'en tenir strictement aux ordonnances
médicales qui lui viennent, est-ce que nous aurions assez ou pas assez
ou trop de pharmacies sous un tel régime?
M. NEISS: Je ne crois pas que ce fait soit relié directement au
nombre des pharmacies. Je suis sûr que ce serait la fin de beaucoup de
pharmacies. Comme homme d'affaires, je puis vous dire que c'est impossible
d'assumer les mêmes dépenses ou presque les mêmes
dépenses pour le loyer, l'électricité, les taxes, toutes
les dépenses normales fixes, seulement avec les profits bruts des
ordonnances. Si un pharmacien devait payer toutes ses dépenses
uniquement avec le profit brut des ordonnances, ce dernier devrait être
énorme et le but de cette commission aujourd'hui est de réduire
le prix des ordonnances.
M. GOLDBLOOM: Merci.
M. SAINT-GERMAIN: Une toute dernière question. Est-ce que vous
vous considérez, M.
Neiss, comme un administrateur, un homme d'affaires ou un
pharmacien?
M. NEISS: Je suis les deux.
M. SAINT-GERMAIN: Vous êtes les deux.
M. NEISS: Je duis diplômé d'une université. Mes
diplômes sont à mon bureau. J'engage six autres pharmaciens
licenciés qui travaillent pour moi. Je suis un professionnel et un
commerçant. Lorsque j'ai terminé l'école secondaire, j'ai
considéré toutes les autres professions: avocat, chimiste,
médecin, et j'ai choisi la pharmacie parce que...
UNE VOIX: Vous avez bien choisi.
M. NEISS: ...c'est la seule profession qui peut me donner la chance
d'être à la fois un professionnel et un commerçant.
M. SAINT-GERMAIN: Mais dans toutes les lois du "marketing", par exemple,
on voit souvent dans les grands magasins d'alimentation, en particulier, que
certaines marchandises sont écoulées avec peu de profit et
même à perte pour attirer la clientèle. Alors, dans le
contexte de votre pharmacie, est-ce que vous considérez la vente de
médicaments comme étant simplement un moyen, si vous voulez,
d'attirer chez vous une clientèle qui vous permet d'écouler
d'autres marchandises qui n'ont nécessairement rien à voir avec
la pharmacie?
M. NEISS: Mon premier but, en vérité, est de faire des
profits. Mais le deuxième but, celui qui nous intéresse ici,
c'est d'offrir au public les prix plus bas. Si je peux faire les deux, c'est
acceptable pour le public et pour moi.
M.,SAINT-GERMAIN: II est entendu qu'avec votre façon de faire le
public ne peut pas être autrement qu'heureux, parce que ça lui
procure d'une façon immédiate un moyen d'avoir des
médicaments à meilleur marché. C'est clair. D'ailleurs le
public vous fait confiance, il va vous voir. Si je vous pose ces
questions-là, c'est que je me demandais simplement si à longue
échéance, avec cette façon de procéder,
l'intérêt du public serait toujours conservé?
M. NEISS: Oui, parce que j'entre en concurrence et je force les autres
pharmaciens à pratiquer la même politique. Quand j'ai
commencé, il y a trois ans et demi, je pense qu'il y avait deux ou trois
pharmacies, qui avaient la même politique, à Montréal.
Aujourd'hui il y en a quinze, vingt ou vingt-cinq; l'année prochaine,
cinquante. Avec l'aide du gouvernement, peut-être que tous les
pharmaciens changeront leur politique.
J'ai commencé un nouveau système pour aider le public. Si
je mourais demain ou si j'échouais dans mes affaires, je connais
maintenant un minimum de 25 pharmaciens qui gagnent leur vie avec ce
système. J'ai commencé quelque chose. L'avenir pour moi n'est pas
important. Pour le public c'est important. Je pense que j'ai réussi.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent pose des
questions? Le député de Sainte-Marie.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Neiss, vos établissements, ce sont
des pharmacies qui ferment à dix heures du soir?
M. NEISS: Oui, excepté le dimanche.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Etant donné que vous vendez toutes
sortes de marchandises en plus des produits phamarceutiques, est-ce que le fait
de pouvoir vendre ces marchandises après les heures de fermeture, cela
ne crée pas une injustice vis-à-vis des autres commerçants
qui vendent la même marchandise?
M. NEISS: Je ne suis pas très au courant au sujet des
règlements concernant les heures de fermeture, mais je ne fais que
suivre les autres pharmaciens, cent pour cent des autres pharmaciens de la
ville de Montréal. Toutes les autres pharmacies vendent toute la gamme
de produits, toutes les heures où elles sont ouvertes. Si je suis
coupable, 1500 autres pharmaciens le sont.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Après les heures de fermeture, je
veux dire après six heures, vous continuez à vendre non seulement
des produits pharmaceutiques, mais tous les produits qui sont en
étalage.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Une dernière question, M. Neiss, étant
donné que vous avez 70 employés, combien d'ordonnances
pouvez-vous remplir dans une journée?
M. NEISS: Nous -en préparons environ 400 dans mon premier
magasin, et dans mon second magasin qui est ouvert seulement depuis dix mois,
environ 200 par jour.
M. GUAY: Une autre question brève. Quel pourcentage de votre
chiffre d'affaires représente chez vous strictement les produits
pharmaceutiques brevetés?
M. NEISS: En ordonnance? M. GUAY: C'est ça.
M. NEISS: Le dernier mois, c'était 21 p. c. et quelque chose.
M. GUAY: Pour le reste, ce sont différents produits qui s'ont
vendus chez vous.
M. NEISS: Pour 25 p. c, ce sont des produits pharmaceutiques
brevetés et pour 20 p. c. ou 25 p. c, ce sont des produits de
beauté, et le reste des...
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Neiss de son exposé. Maintenant,
est-ce que les membres de la commission... Il nous reste à entendre le
Groupe de travail pour des médicaments à prix modique et les
Pharmacies Richard. Est-ce que les membres de la commission veulent suspendre
les travaux jusqu'à huit heures ce soir? Nous pouvons commencer à
écouter le mémoire du Groupe de travail pour des
médicaments à prix modique.
M. François Girard.
Groupe de travail pour des médicaments à
prix modique
M. GIRARD: MM. les membres de la Commission, je suis ici comme
porte-parole du Groupe de travail pour les médicaments à prix
modique, dont l'appellation, en anglais, est le "Task Force for Low Cost
Medication". Je tiens d'abord à souligner que je vais essayer de prendre
le minimum de temps possible. La première bonne raison, c'est que je me
suis rendu compte que les positions du Groupe de travail pour les
médicaments à prix modique sont essentiellement les mêmes
que celles qui ont été prises par le front commun des trois
centrales syndicales et par l'UCC, ce matin.
Je voudrais d'abord mentionner brièvement la nature et la
composition du Groupe de travail pour les médicaments à prix
modique. Le Groupe de travail pour les médicaments à prix modique
a été formé au mois de novembre 1970, quelque temps
après la mise en vigueur de la Loi de l'assurance-maladie. Nous pouvons
considérer la création du groupe de travail comme un
phénomène assez spontané autour d'un problème bien
concret, celui de la fermeture des dispensaires d'hôpitaux, même
si, dans certains cas, certains étaient fermés depuis
longtemps.
Depuis le mois de novembre, le Groupe de travail pour les
médicaments à prix modique a surtout travaillé au niveau
de la mobilisation de l'ensemble des comités de citoyens, des cliniques
populaires et des mouvements sociaux en général autour de la
question des médicaments. Ultérieurement, il pourrait s'agrandir
jusqu'à toucher d'autres problèmes que la question des
médicaments strictement. Les principaux appuis dont dispose actuellement
notre mémoire sont les suivants... Le mémoire que je vais vous
lire est assez court en fait il a quatre pages il est
appuyé par le Greater Montreal Antipov-erty Coordinationg Committee.
M. LE PRESIDENT: Etes-vous capable de résumer votre
mémoire?
M. GIRARD: Etant donné que le contenu du mémoire peut
être résumé en cinq minutes, j'aimerais d'abord vous
mentionner la liste des appuis.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Je n'ai aucune objection.
M. GIRARD: II est donc appuyé par le Greater Montreal Antipoverty
Coordinating Committee qui réunit douze comités de citoyens
anglophones à Montréal, par le Montreal Council of Social
Agencies, par l'Association des praticiens de service social en milieu
médical de la province de Québec, par plusieurs autres groupes
dont un certain nombre d'appuis officiels de la part de l'Association de clubs
d'âge d'or et d'un appui officieux qui n'attend qu'un conseil
d'administration de la part de la Fédération des clubs de
l'âge d'or de la province de Québec.
Egalement appuyé par la clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles et d'autres groupes de citoyens. Une pétition
résumant le mémoire que je vais vous lire rapidement tout
à l'heure a été endossée jusqu'ici parce que
la phase d'endossement de la pétition, est loin d'être
terminée après calcul rapide, par 1,000 personnes à
titre individuel et nous en attendons encore à peu près deux fois
ce nombre.
Disons qu'en cinq minutes je pourrais vous résumer le contenu du
mémoire. La position de principe du groupe de travail pour des
médicaments à prix modique est la suivante: l'accès aux
médicaments est un droit et non pas un privilège. Quiconque a
besoin de médicaments a droit à ce qu'on complète
immédiatement son ordonnance, indépendamment de sa
capacité de les payer.
La première référence que nous faisons à
l'appui de notre position vise une interprétation de la Loi de l'Aide
sociale sur laquelle, je pense, tout le monde peut s'entendre.
C'est-à-dire que la Loi de l'Aide sociale avait pour objectif premier de
décompartimenter le régime de politique sociale au Québec
et deuxièmement, de rendre plus accessible cette politique sociale.
Dans cette perspective, il y a nécessairement un lien entre
l'idée d'une assurance-maladie au Québec et l'esprit de la Loi de
l'Aide sociale. Nous trouvons que les étapes très lentes que
poursuit actuellement le programme d'assistance-médicaments sont en
discordance avec les priorités que posent à la fois le principe
de la Loi d'Aide sociale et le principe d'une assurance-maladie.
Deuxièmement, nous avons parlé dans le mémoire de
la question de l'accès au programme de gratuité des
médicaments pour assistés sociaux, c'est-à-dire plus
précisément sur la question du contenu explicite du projet de loi
69. Il est assez évident, à travers le texte du
projet de loi 69, que l'administration d'un programme
d'assurance-médicaments pour assistés sociaux se ferait par les
bureaux de bien-être. On considère que c'est s'éloigner de
l'esprit du rapport Castonguay que nous endossons en général, en
ce sens que le rapport Castonguay préconise la mise sur pied d'un
système ou d'un régime ouvert de services de santé, en ce
qui concerne l'ensemble des politiques sociales au Québec, si on peut
lui donner une certaine extension.
Il nous semble que ce serait partir dans une très mauvaise
direction que de perpétuer les problèmes implicitement compris
dans le système bureaucratique des bureaux du bien-être. On pourra
revenir là-dessus tout à l'heure de façon peut-être
un peu plus claire.
En ce qui concerne le bill 69 comme tel, la position du groupe de
travail est la suivante: c'est que, dans la mesure où le bill 69 ne vise
qu'à couvrir les frais des médicaments d'ordonnance aux
assistés sociaux, nous considérons que, premièrement,
comme il a été dit ce matin, la meilleure formulation est que
ça ne sert qu'à consolider une politique déjà
existante au Québec.
Cela sert à rationaliser une chose qui existe actuellement, et
dans ce sens-là, la longueur de l'adoption d'un bill comme le bill 69,
me semble assez soupçonnable. Nous recommandons que le projet de loi
actuel étende la gratuité des médicaments non seulement
aux assistés sociaux, mais également aux personnes
âgées qui ne bénéficient pour vivre que d'un
chèque d'allocations ou d'un chèque de pension, enfin aux
familles à petit revenu, c'est-à-dire donc techniquement, les
familles qui dépensent plus de 70 p. c. pour seulement le logement, la
nourriture et le vêtement.
C'est la définition de la pauvreté du Conseil du travail,
du Conseil économique du Canada en 1968. Nous demandons que
l'assurance-médicaments s'étende immédiatement à
l'ensemble des gens qui vivent dans une situation de pauvreté. Nous
considérons enfin une question un peu plus technique, à l'article
12 du bill, au sujet des frais modérateurs. Dans l'ensemble des
arguments qui ont été apportés jusqu'ici, que ce soit par
la Régie de l'assurance-maladie, que ce soit par le gouvernement, ou par
ceux qui se cherchaient des moyens de retarder la mise en application d'un
programme d'assistance-médicaments, souvent, à l'égard de
la question des frais modérateurs, on a invoqué
l'expérience de l'Angleterre. L'Angleterre, ce n'est pas le
Québec. L'ensemble des facteurs qui entreraient à ce
moment-là en ligne de compte, dans la motivation des gens à
consommer des médicaments, ne justifient pas qu'on parle de frais
modérateurs pour retarder la consommation des médicaments. Nous
nous opposons donc radicalement à l'idée d'imposer aux
assistés sociaux, et à des gens qui dépensent 90 p. c. de
leurs revenus pour le logement, la nourriture et les vêtements, de leur
imposer en plus, même un $0.50 ou $1 de frais soi-disant
modérateurs.
La position finale, en ce qui concerne le bill 69 est la suivante.
Dans ce sens-là, il s'agit d'une remise en question assez
fondamentale de l'esprit du bill 69. Aussi longtemps qu'on ne fait qu'assurer
que les assistés sociaux puissent se procurer les médicaments
sans remettre en question la législation actuelle en ce qui concerne
l'ensemble des problèmes pharmaceutiques au Québec,
c'est-à-dire la Loi de pharmacie et ses mécanismes de mise en
application, c'est-à-dire également les privilèges du
Collège des pharmaciens, tant et aussi longtemps qu'on ne fait que
rendre gratuits les médicaments des assistés sociaux sans
remettre en question l'ensemble des réseaux de distribution et de
production des médicaments, tout ce qu'on fait c'est agrandir le
marché des médicaments, c'est grossir potentiellement le chiffre
d'affaires des pharmaciens.
Il est donc absolument indispensable, dans la conjoncture actuelle du
Québec, que la mise en application d'un système
d'assurance-médicaments soit suivie et même, si possible,
précédée d'une remise en question des conditions du
marché des médicaments, des conditions de production des
médicaments. Je pense que, essentiellement, c'est le texte du
mémoire. S'il y a des questions, je suis disposé à y
répondre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont des
questions à poser à M. Girard? Le député de
Dorchester.
M. GUAY: M. Girard, vous mentionnez à la première page de
votre mémoire que vous vous opposez à ce que le présent
projet de loi ne s'adresse qu'à la catégorie des
bénéficiaires de l'aide sociale. Vous expliquez dans une autre
page ce qu'est pour vous une famille réellement pauvre,
c'est-à-dire où les trois articles que vous mentionnez prennent
70 p. c. du revenu. Par exemple, dans certaines localités, dans
certaines régions je prends la région que je
représente ou le comté où il y aurait probablement
plus de 40 p. c. de la population qui serait bénéficiaire, est-ce
que vous prévoyez un mécanisme de vérification de revenus,
te! que vous le mentionnez?
M. GIRARD: La question des implications administratives d'un programme
qui viserait à réaliser une politique sociale est assez
fondamentale. Quant aux questions administratives, ce n'est pas à un
groupe qui revendique ses droits de les examiner en détail. Il y a
différents mécanismes appropriés pour vérifier le
revenu d'une personne. Une fois par année on remplit une formule
d'impôt. Soit qu'on dise que la formule d'impôt ne vaut rien et
qu'elle n'est pas propre à vérifier les revenus de quelqu'un;
soit qu'on l'accepte. Je la cite à titre d'exemple, car nous ne
proposons rien, ici. Nous venons exprimer l'opinion d'un certain nombre de
groupes, mais la formule d'impôt pourrait être une solution rapide
au problème, à tout le moins, à première vue.
M. GUAY: Est-ce qu'il n'y a pas, selon vous, un danger à ce
moment-là que soit augmenté le coût des articles
mentionnés pour rejoindre les 70 p. c. du revenu?
M. GIRARD: Vous parlez des coûts administratifs d'un programme
comme celui-ci?
M. GUAY: L'analyse du budget. Supposons que je consacre 70 p. c. de mon
revenu à la nourriture, aux vêtements et au logement.
L'année suivante, je me rends compte que ces dépenses ne
représentent que 65 p. c. de mon revenu. Est-ce qu'il peut arriver que
j'augmente aux articles mentionnés une partie de mon revenu?
M. GIRARD: Que vous demandiez à votre propriétaire
d'augmenter votre loyer?
M. GUAY: Personnellement, je ne trouverais pas que cela m'avantage.
C'est toujours un danger. Il existe la possibilité de mettre sur pied
les mécanismes de contrôle. Dans la mesure où on a une
administration efficace, cela constitue un problème assez
différent que celui de reconnaître des priorités en termes
de politique sociale. La question est la mise sur pied de mécanismes
administratifs pour contrôler les problèmes concrets comme
ceux-là. J'en conviens. Cela constitue, je pense, un autre
problème.
M. GUAY: On doit vous remercier, de ma part du moins, d'exprimer aussi
clairement vos vues sur l'inclusion des médicaments.
M. SAVOIE: Est-ce que je pourrais faire remarquer au
député qui vient de faire la dernière intervention que le
problème du contrôle ne se pose même pas pour les personnes
âgées qui reçoivent $111 par mois?
On n'a même pas besoin de savoir s'ils dépensent 70 p. c.
de leurs revenus en logement, nourriture et vêtements, c'est
évident. La question de contrôle se poserait donc seulement dans
le cas des économiquement faibles.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que des membres ont d'autres questions à
poser? Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: Si je comprends bien, vous êtes un organisme
bénévole qui fait un travail pour...
M. SAVOIE: Notre organisme n'a aucun statut juridique particulier.
L'organisme disons qu'on ne l'appellerait pas un organisme, on l'a
appelé groupe de travail est une coalition, si vous voulez, un
comité ad hoc représentant un certain nombre de comités
qui sont eux-mêmes ad hoc dans certains cas comme le Greater Montreal
Antipoverty Coordination Committee qui n'a pas que je sache de statut
juridique. Il n'est pas incorporé en vertu de la troisième partie
de la Loi des compagnies.
M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a
une question.
M. TETLEY: La question a été posée.
M. LE PRESIDENT: Bon. Le député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: Je comprends que vous avez dit tout à l'heure que
vous n'exprimiez qu'une opinion sur ce qui devrait être fait de
façon globale sans entrer dans les détails. Si j'ai bien compris
et je ne voudrais pas mal vous citer je vous ai entendu dire que
l'extension du régime devrait être précédée
d'une étude de tout le marché des produits pharmaceutiques; de la
mise en marché et du système d'établissement de
coûts et de prix.
M. GIRARD: Elle aurait dû être précédée
de cette étude. On est en droit de supposer que les recherches faites
jusqu'ici sont sérieuses. Je pense qu'il est de sens commun de constater
qu'il est d'ailleurs probablement reconnu par le gouvernement que l'application
d'un régime d'assurance-médicaments ne peut pas se faire de
façon rentable sans que soient également chambardées pas
mal de choses en termes de réseaux de production et de réduction
de médicaments. Je pourrais peut-être expliciter les objectifs du
"task force" de façon à clarifier peut-être le contenu un
peu plus implicite des propositions qu'on fait.
Le premier objectif du comité porte sur la gratuité des
médicaments d'ordonnance pour l'ensemble de la population du
Québec. C'est la proposition que j'ai faite tout à l'heure. Le
deuxième objectif, c'est la gratuité immédiate pour les
personnes ou familles vivant au seuil de la privation la
définition que j'ai donnée tout à l'heure de 70 p. c.
et pour y arriver, un contrôle étatique beaucoup plus
sévère allant à la rigueur jusqu'à la
nationalisation de la production et de la distribution des médicaments
d'ordonnance. Cette mesure est conçue comme la seule capable de
réduire le coût actuel des médicaments.
Troisième objectif, la modification en profondeur de la Loi de
pharmacie, ainsi que les privilèges accordés tant aux
corporations professionnelles qu'à l'industrie pharmaceutique, de
façon à rendre possible la prise en charge de la production et de
la distribution des médicaments par des coopératives populaires.
On revient ici sur la question des coopératives pour la bonne raison que
cela a été soulevé par plusieurs personnes des
comités qu'on représente. Il y a eu au moins à
Montréal un projet de coopératives de production de
médicaments qui a été bloqué à cause de la
loi actuelle. Il y a plusieurs projets de coopératives de distribution
de médicaments, de pharmacies coopératives
qu'il est rigoureusement impossible de réaliser dans le contexte
législatif actuel parce que les copropriétaires ne sont pas
nécessairement tous des pharmaciens.
Nous demandons plus qu'une recherche. Il y a eu des recherches. Sur la
question des médicaments et sur la proportion qui est dévolue au
coût de "marketing" dans l'industrie pharmaceutique, cela fait une
quinzaine d'années qu'on sait ça. Il s'agit que le gouvernement
reconnaisse l'ensemble de la population des défavorisés on
n'a pas la prétention de représenter l'ensemble de la population,
ni même l'ensemble des assistés sociaux ou des gens à
petits revenus mais nous appuyons le gouvernement dans toute mesure qui
viserait à transformer les privilèges des corporations
professionnelles, visant également à établir un
contrôle étatique beaucoup plus sévère sur la
production et la distribution.
A titre d'exemple, je pourrais mentionner une loi visant à forcer
les corporations qui produisent des médicaments à
présenter des bilans publics ce qui n'existe pas actuellement ou
c'est toujours tellement douteux que c'est inutilisable pour la connaissance du
problème des lois qui visent donc à publier les soi-disant
lois naturelles du marché dont on a entendu parler aujourd'hui.
Il n'y a personne qui connaisse les lois naturelles du marché,
sauf ceux qui en profitent. Il serait peut-être bon qu'à un moment
donné l'ensemble de la population puisse utiliser elle aussi les lois
naturelles du marché, soit les possibilités de
coopératives de production, de coopératives de distribution de
médicaments.
M. GOLDBLOOM: Je tiens à souligner que le gouvernement entreprend
présentement cette étude de la mise en marché des produits
pharmaceutiques à laquelle vous faites allusion et qu'il se penche
justement sur les lois constitutives des corporations professionnelles de
façon à y apporter certaines améliorations. Un dernier
commentaire je n'en fais point un reproche mais je lis dans votre
mémoire, à la page 3: "Nous comprenons qu'il est
stratégique pour le gouvernement à l'heure actuelle de
tâter le pouls à la fois de l'industrie pharmaceutique et des
corporations professionnelles". En ce qui concerne la question des
médicaments, je ne peux que conclure je répète que
je n'en fais pas de reproche que vous n'étiez pas ici quand
l'industrie pharmaceutique et le Collège des pharmaciens se trouvaient
au micro qui est devant vous en ce moment.
M. GIRARD: Nous étions deux ici à la première
séance de la commission parlementaire. J'en retire l'expérience
du nombre d'heures qu'a parlé le Collège des pharmaciens à
comparer avec ce qui nous est alloué. Je ne penserais absolument pas
à en faire un reproche; au contraire, je tiens d'ailleurs soit
dit en passant à remercier le président.
M. LE PRESIDENT: M. Girard, vous avez tout le temps que vous voulez.
C'est vous-même qui m'avez dit que vous en aviez pour une demi-heure.
M. GIRARD: J'ai dit que je ne voulais pas vous ennuyer plus qu'une
demi-heure. Disons que, jusqu'ici, le temps et l'ordre de présentation
des interlocuteurs me semblent un symptôme assez clair de la situation de
la commission parlementaire. Je ne le reproche pas. Je dis qu'il est absolument
indispensable actuellement de voir où en sont les rapports de force.
Maintenant il reste tout de même que, ce matin, quelqu'un à
notre avis, a présenté un mémoire qui n'avait que peu
à faire avec le bill 69 comme tel, sauf par incidence très
indirecte. Il était certainement intéressant de discuter des
problèmes de compétence administrative des pharmaciens, mais il
reste que c'est un problème secondaire par rapport à la
priorité à l'urgence du problème des gens qui actuellement
ne peuvent pas avoir des médicaments.
M. GOLDBLOOM: Je tiens à vous dire que, normalement, la liste des
comparutions est confectionnée d'après lordre chronologique de la
réception des demandes et que, malgré cela, à la
première séance de cette commission parlementaire, nous avons
pris des dispositions spéciales pour entendre un représentant des
assistés sociaux, tenant compte des problèmes qui le
confrontaient en se rendant à Québec et en retournant à
montréal.
M. GIRARD: Oui, j'ai remercié tout à l'heure M. le
président et M. Paul Gelly, secrétaire de la commission, pour le
travail qu'ils ont fait afin qu'il me soit possible de présenter un
mémoire aujourd'hui. Maintenant, j'aimerais mentionner tout de
même que, si nous nous sommes permis les événements de la
journée aujourd'hui parce qu'il s'est passé des choses
à Montréal, aussi c'est que nous sommes entrés en
contact avec le gouvernement au mois de novembre. J'ai quelque part, ici, une
lettre du secrétaire particulier de M. Castonguay, nous promettant de se
mettre en contact avec nous avant la présentation du projet de loi, de
façon qu'il nous soit possible de nous adresser à la commission
parlementaire en priorité. Ce qui n'a pas été fait.
Là-dessus, à mon point de vue, cela clôt la question. Nous
tenions tout de même à nous présenter devant la commission
parlementaire même si plusieurs d'entre vous se disent peut-être
que nous parlons en l'air et que nous parlons de grands principes. Il reste que
l'ensemble des groupes que nous représentons a souvent des moyens
d'action très différents de celui-ci. Je pense qu'on l'a
prouvé aujourd'hui quelque part à Montréal. Maintenant il
reste que le problème est posé et j'espère qu'à
l'avenir il sera possible de communiquer ensemble plus facilement.
M. BOIS: M. Girard, j'aurais une question à
poser. Dans les pourcentages que vous donnez au premier paragraphe de
votre présentation, vous mentionnez qu'en 1968 seulement 8 p. c. de la
population était considérée comme
bénéficiaire de l'aide sociale, tandis que plus de 20 p. c. de la
population vivaient tout de même en dessous du seuil de la
pauvreté. Votre enquête est-elle basée sur un
échantillonnage qui a été fait dans l'île de
Montréal ou aux alentours?
M. GIRARD: Vous parlez du 7.8 p. c. ou du 8 p. c?
M. BOIS: Non, du 20 p. c.
M. GIRARD: Disons que le 20 p. c...
M. BOIS: Combien pour l'échantillonnage?
M. GIRARD: Concernant les 20 p. c. vivant en bas du seuil de
pauvreté, je pourrais vous référer à plusieurs
études qui ont été faites; ça varie d'ailleurs
entre 20 p. c. et 30 p. c. entre nous. Mais les 20 p. c. sont
précisément la référence que je fais en bas,
c'est-à-dire dans le texte intitulé: "Défi posé par
la croissance et le changement, cinquième exposé annuel du
Conseil économique du Canada", C'est un chiffre qui a été
donné par le Conseil économique du Canada.
Cette étude a été confirmée à un
autre moment, dans la région de Montréal, par le Conseil du
travail de Montréal, qui a indiqué les mêmes chiffres. Il a
appelé cela pauvreté plutôt que privation, mais cela
voulait dire la même chose. J'ai moi-même effectué une
recherche dans la région de Nicolet, il y a deux ans, qui a
démontré qu'il y avait 23 p. c. de la population qui vivait dans
des conditions encore pires que celles-là, c'est-à-dire que 76 p.
c. et plus du revenu était affecté seulement au logement,
à la nourriture et au vêtement.
Je pense encore à une recherche faite récemment dans la
région de Montréal, démontrant que, dans trois quartiers
défavorisés, la moyenne des pourcentages du revenu accordé
à la nourriture, au logement et aux vêtements, est de 76.5 p. c,
ce qui représente à peu près 250,000 ou 300,000 de
population dans Pile de Montréal.
Disons que la question des 70 p. c. n'est pas un mythe; on donne 20 p.
c, je pense que c'est un minimum.
M. JORON: Je vous remercie M. Girard.
M.QUENNEVILLE: M. Girard, je voudrais que vous sachiez que nous
déplorons avec vous la lenteur qui est sûrement due aux principes
démocratiques dont vous jouissez cet après-midi. M. Castonguay a
très bien expliqué ce matin les raisons pour lesquelles tous ces
processus étaient lents, et je pense bien qu'on n'a pas à
insister là-dessus. C'est la raison d'être d'une commission
parlementaire, de pouvoir entendre tous les groupes. Ce sont aussi les raisons
pour lesquelles c'est lent.
Je peux aussi vous dire, qu'en ce qui concerne les suggestions qui sont
dans votre mémoire, nous les considérons beaucoup.
Déjà une bonne partie retient notre attention. Veuillez croire
que ce n'est peut-être pas avec l'intention que vous nous prêtez
que nous allons relire votre mémoire. Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Girard. Le même groupement,
oui.
M. SAVOIE: En attendant que le projet de loi subisse les lectures
suivantes avec amendements appropriés, serait-il possible que
l'autorisation faite à trois hôpitaux de Montréal, d'ouvrir
leur pharmacie d'hôpitaux au mois de décembre, puisse être
étendue aux dispensaires des autres hôpitaux?
M. QUENNEVILLE: Je transmettrai le message à M. Castonguay, et
vous pouvez être sûr que ce sera pris en considération.
M. LE PRESIDENT: Si tous les membres de la commission sont d'accords,
pourrions-nous entendre le mémoire des pharmacies Richard?
Les pharmacies Richard
M. RICHARD: Je serai très bref, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. Richard, vous êtes consentant à donner
votre exposé maintenant?
M. RICHARD: Oui, j'en ai pour deux minutes.
Mon nom est Jean-Eudes Richard, je suis propriétaire de deux
pharmacies de quartier à Montréal.
M. le Président, à une question du député de
Montmorency, l'autre jour, le président du Collège des
pharmaciens répondait qu'il existe dans notre loi deux organismes
capables de régler nos problèmes internes: ce sont le bureau
d'éthique, qui juge les plaintes mineures, et le bureau de discipline,
qui juge les actes dérogatoires à l'honneur de la profession.
Maintenant, est-ce qu'une plainte portée contre un pharmacien,
surtout à cause d'un commis pharmacien, doit être entendue par
l'un ou l'autre de ces bureaux? C'est là, à mon avis, l'origine
de tout le malaise qui affecte les pharmacies de quartier
présentement.
D'un autre côté, les décisions importantes du
collège émanent des trois ou quatre pharmaciens qui composent son
exécutif. Depuis 1967, la canalisation des plaintes s'est faite vers le
bureau de discipline plutôt que vers le bureau d'éthique, parce
qu'à ce bureau des amendes et contraintes financières de toutes
sortes étaient justifiées par la loi. La tentation était
donc
forte, de la part de l'exécutif, de monnayer ces actes
dérogatoires mineurs via le bureau de discipline et au gré de ses
intérêts personnels.
Résultat net: ce carcan financier imposé aux pharmacies de
quartier a produit la fermeture de près de 120 d'entre nous depuis 1967.
Il est à prévoir que l'adoption par le conseil des ministres du
règlement concernant l'isolement de l'officine du reste de la pharmacie
bouleversera complètement la notion de pharmacie de quartier. Nous
aurons alors à choisir entre deux extrêmes non souhaitables dans
le contexte actuel: soit réduire nos heures de service à la
population et augmenter le coût de distribution des médicaments,
ou bien tout simplement fermer nos portes, privant ainsi un arrondissement des
services professionnels qu'il est habitué de recevoir depuis
au-delà de 50 ans.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont des
questions à poser? Le député de Montmorency.
M. VEZINA: Oui, juste une remarque. Les propos que vient de tenir M.
Richard me semblent porter beaucoup plus sur le contenu de la Loi du
collège des pharmaciens que sur la portée du bill 69.
M. RICHARD: J'ai pensé, M. le Président, attirer
l'attention de la commission sur la situation précaire des pharmacies de
quartier présentement.
M. VEZINA: C'est comme cela qu'on le prend.
M. RICHARD: C'est comme cela que je l'ai compris également.
M. VEZINA: Notre attention est attirée.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Richard et tous ceux qui ont
présenté un exposé. La commission ajourne ses travaux au
11 mars à 10 heures du matin.
(Fin de la séance: 18 h 24)