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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 25 février 1971 - Vol. 11 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 69 - Loi modifiant de nouveau la loi de l'assurance-maladie


Journal des débats

 

Commission permanente des Affaires sociales

Projet de loi no 69 Loi modifiant de nouveau

la Loi de l'assurance-maladie

Séance du jeudi 25 février 1971

(Dix heures six minutes)

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Je vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire des Affaires sociales. Je demanderais à chaque orateur ou à ceux qui ont des mémoires à présenter de bien vouloir s'identifier et identifier leur groupe. Nous avons six groupements qui veulent se faire entendre. Je demanderais à tous ceux qui vont adresser la parole de faire un résumé aussi bref que possible, parce qu'on voudrait, s'il y a moyen, terminer l'audition à six heures ce soir. Nous allons siéger jusqu'à midi et demi ou une heure et, ensuite, de quatre heures à six heures.

Avant d'inviter la première à témoigner, je vais demander à M. Dumont, le député de Mégantic, de faire une mise au point.

Fluoration obligatoire

M. DUMONT: Merci, M. le Président, pour respecter ce que vous nous demandez, je vais tenter, moi aussi, d'être très bref. A la suite des dernières séances, vous me permettrez, sur cette mise au point que je vous ai demandée, de rétablir certains faits qui portent à confusion et qui démontrent, hors de tout doute, que nous n'avons pas obtenu tous les renseignements sur la fluoration obligatoire demandée au Québec à l'heure actuelle.

Je cite une déclaration d'un doyen d'université, M. Ratté, qui disait: "Des groupes opposés à la fluoration ont fait des tremplins politiques, et les autres en avaient peur." J'ai demandé à ce moment-là au doyen s'il y avait des rapports qui venaient contester la valeur des rapports favorables à la fluoration et j'ai réussi à obtenir, d'abord, une pétition des membres du comité de fluoration de la Société dentaire du district de Yorcester. Cent dix-neuf dentistes, sur un total de 151, ont signé cette pétition, et 59 médecins membres de la société médicale de ce même district ont aussi entériné ce rapport que j'ai et que je vais déposer à la commission.

J'ai ici un extrait du journal de l'Association médicale canadienne. Je n'en ferai pas lecture, pour être bref tel que vous l'avez demandé. J'ai un extrait de la revue "Nouvelles de la fluoration nationale" où il était mentionné, entre autres, que la loi exige la mention du poison sur les bouteilles ou paquets contenant du fluorure de sodium, mais rien de tel dans le cas du chlorure de sodium.

J'ai en plus ici — et je crois que c'est une déclaration très valable — le discours du maire Drapeau de Montréal qui remonte au 15 juillet 1969. J'ai en plus le résumé de tous ces rapports que j'ai mentionnés et je pourrais, entre autres, faire allusion au Dr Spira de Grand Rapids, qui contredit un peu le rapport qui avait présenté un seul côté de la médaille, car il y a toujours un revers à une médaille, et j'ai ce rapport complet.

Enfin, j'ai ici une déclaration du Dr Marcel Chaput — que plusieurs membres de cette commission connaissent — qui déclare textuellement, le 10 juillet 1969: "Le fluor est un poison violent." J'ai ici ce rapport. En terminant, laissez-moi vous dire que nous avons, lors de la dernière séance, eu un journaliste péquiste qui signe Jacques Guay. Il essaie de faire de la propagande et ne donne même pas la chance à un membre — que j'étais — de cette commission de s'expliquer. Il profite de son journal pour porter des accusations à tort et à travers. Ceci faisait dire à un autre journaliste : C'est dégueulasse, l'article qu'il a écrit contre Dumont. Je lui suggère de lire plutôt le livre que j'ai ici, au chapitre 8 de la fluoration, intitulé: "Poison à rat pour votre eau." Je crois que ce journaliste cessera d'écrire des chinoiseries.

Merci M. Le Président. La documentation sera déposée et j'en aurai pour les journalistes dans à peu près cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission vont en avoir aussi?

M. DUMONT: Oui, chacun. J'en ai fait préparer 40.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais M. Raymond Parent, du Front commun CSN-FTQ-CEQ-UCC.

Front commun CSN-FTQ-CEQ-UCC

M. PARENT: M. le Président, MM. les membres de la commission, je suis Raymond Parent, secrétaire général de la CSN. J'ai ce matin le mandat d'intervenir au nom de la Corporation des enseignants du Québec, qui a des représentants ici, de même que la FTQ, de l'UCC et de la CSN. Nous n'avons pas présenté de mémoire. Notre comparution ne veut pas être de caractère technique, dans le sens que nous ne nous considérons pas qualifiés pour traiter les aspects techniques précis, que ce soit sur un article ou sur l'autre. Nous considérons que chacun des groupes concernés — comme les enquêtes qui ont été faites — a donné déjà les assises nécessaires là-dessus.

Notre première remarque voudrait se faire sur l'économie générale du régime d'assurance-maladie avant de passer précisément au bill 69. Nous voulons simplement profiter très rapidement de l'occasion pour répéter nos revendications traditionnelles qui ont été déjà fournies à la commission, au gouvernement et au Parlement sur cette question, à savoir que nous

revendiquons depuis toujours l'universalité totale des soins de la santé. Nous la revendiquons, même s'il y a eu le bill 8 et même s'il y a maintenant le bill 69, et nous ne voudrions pas que le gouvernement considère notre requête simplement comme une demande à long terme.

C'est pourquoi nous aimerions voir le gouvernement fixer très rapidement ses échéances par rapport à un échéancier, par rapport à ce qu'il entend introduire au cours des prochains mois sur les améliorations ou sur le progrès qui doit être apporté en regard d'un certain nombre de priorités. Si nous le faisons, c'est d'abord pour pouvoir déterminer tous les intérêts ou toutes les personnes qui sont en jeu là-dedans. Il est bien clair que, lorsque nous ne connaissons pas la vitesse de croisière du nouveau plan ou de la volonté de l'universaliser, cela crée des problèmes par rapport aux services complémentaires qui doivent venir du secteur privé. Un des faits que nous constatons, c'est que le régime n'est pas universel à l'heure actuelle, et dans la totalité de la couverture, nous assistons de façon assez anarchique à un développement, à une extension du secteur privé, ce qui apportera, s'il prend place avec de nouveaux services autres que ceux déjà fournis par le régime, des difficultés administratives, politiques et sociales dans l'avenir.

Nous croyons aussi que le régime partiel risque, sinon de saboter, de vraiment créer au plan des problèmes et administratifs et sociaux. Il est bien clair que, du fait que le régime soit partiel à l'heure actuelle, cela donne lieu à des abus qui, dans le cadre de la loi, peuvent être difficilement corrigés. Je ne voudrais en mentionner que quelque-uns qui sont connus de la plupart des gens. Par exemple, vu que les injections ne sont pas couvertes par le plan actuel, cela a pour effet de permettre, dans beaucoup de régions et dans beaucoup d'endroits, d'augmenter le prix des injections et par conséquent d'arriver, jusqu'à un certain point à ce que défend l'économie de la loi. Lorsqu'au cours d'une visite le médecin traitant fait une injection au patient, il y a mentation de bénéfices par rapport à ce que la loi permet.

Il y a de nombreux cas que nous avons pu relever où les médecins donnent des injections en cabinet et en profitent pour augmenter le coût de ces injections-là, ce qui revient, à toutes fins utiles, à augmenter indirectement le coût des visites pour le patient.

C'est la même chose aussi, par exemple, pour le coût des médicaments vendus en cabinet. Dans plusieurs régions rurales, nous avons pu constater que l'entrée en vigueur du plan de l'assurance-maladie a eu pour effet d'augmenter le coût de vente au détail des médicaments. Ce qui fait que le patient paie plus que ce qu'il payait avant quand on analyse le total.

Nous croyons qu'il n'y a qu'un seul moyen de régulariser cela, c'est d'arriver le plus rapidement possible au régime universel pour empêcher ces fuites qui peuvent se faire à l'heure actuelle et aussi pour uniformiser le système.

Nous savons que, pour le gouvernement, pour l'Etat, il y a un problème de financement de ce côté, c'est bien sûr, mais nous voulons vous dire que nous considérons que, pour le financement de l'universalité totale du plan, il y a des moyens d'y arriver à court terme.

Le premier serait d'enlever le plafond qui a été imposé comme taux de la prime à payer ou comme taux de la contribution à verser. Il y a là, si le plafond est enlevé, en ayant une équité de taxation selon les revenus ou de contribution selon les revenus, un moyen de récupérer plusieurs millions de dollars. Nous considérons aussi que tout ce que le gouvernement ou ce que le ministère du Revenu va récupérer en revenus supplémentaires du fait qu'il y aura moins de fraude de la part des professionnels de la santé pourrait constituer un montant additionnel qui pourrait être versé et qui pourrait permettre aussi de financer. Finalement, en ce qui nous concerne, nous et les gens que nous représentons, nous pouvons vous dire que nous sommes prêts à assumer l'augmentation nécessaire de la prime au prorata, pour que nous arrivions à un régime universel.

A l'heure actuelle, le taux est fixé à 0.8; nous n'avons pas d'objection à envisager l'augmentation nécessaire pour universaliser le système. Nous nous rendons compte en effet que ce que nous ne versons pas au régime, ce que nous ne versons pas à l'Etat, parce que ce n'est pas couvert, nous devons l'envisager d'une façon ou d'une autre, soit comme paiement individuel ou comme prolongement des régimes d'assurance qui existaient.

Par conséquent, nous réitérons notre désir de voir l'universalisation du régime se faire le plus rapidement possible. Nous demandons au gouvernement de nous donner dans les plus brefs délais, un échéancier bien précis et de nous indiquer quand il entend instaurer les progrès requis pour que la population, tout le monde, les organismes et les groupes syndicaux qui ont à négocier sachent exactement quelles sont les orientations générales à ce sujet.

Quant à nous, nous vous disons que nos priorités, dans l'ordre, devraient être que très rapidement — non seulement très rapidement, mais à l'intérieur du projet de loi 69 — on assure les soins dentaires aux assistés sociaux. Nous croyons également que le projet de loi 69 aurait dû prévoir de façon précise, nette et définitive, le paiement des médicaments aux malades chroniques. Nous croyons que la question des injections dans le cabinet du médecin constitue à l'heure actuelle un moyen d'infirmer, sinon de saboter le plan actuel et que ceci devrait être régularisé et inclus rapidement dans le plan général.

Finalement, parmi d'autres étapes totales, il faudrait savoir quand le gouvernement estime que le plan couvrira les soins dentaires universels, et finalement les médicaments universels. Quant à nos remarques sur le bill 69 proprement dit, nous voulons vous indiquer que nous avons été heureux de voir qu'un engagement

qui avait été pris lors de la présentation du bill 8 a été tenu, et que le bill 69 a été présenté.

Nous trouvons cependant que ces mesures sont timides. Par exemple, quand le plan prévoit seulement l'assistance-médicaments aux assistés sociaux, nous réalisons bien que pour une grande partie, ce n'est pas tellement une politique nouvelle. C'est simplement la rationalisation de choses qui existaient en faisant des transferts budgétaires pour une bonne partie de la Loi d'assistance sociale à la Loi de l'assurance-maladie.

C'est heureux, mais ce n'est pas une mesure très considérable, et j'ai l'impression que, quand on pense à ce que ça coûtait à l'assurance sociale, et quand on prend par ailleurs ce qu'il y avait de donné gratuitement aux hôpitaux, ce qu'on chargeait à d'autres postes des budgets de l'assurance-hospitalisation, la rationalisation, en assurant l'assurance-médicaments aux assistés sociaux, ce n'est peut-être même pas une dépense pour le gouvernement, c'est peut-être une économie administrative au total, tout en étant une rationalisation.

Nous déplorons que le régime du bill 69 n'inclue pas les médicaments aux malades chroniques. Les informations que nous pouvons détenir là-dessus révèlent que ce ne serait pas un déboursé tellement considérable. Si nos informations sont exactes, c'est que donner et assurer les médicaments aux malades chroniques pourrait être le coût de la construction d'un mille ou deux de route par le ministère de la Voirie. Il nous apparaît que, dans les priorités sociales du Québec à l'heure actuelle, il serait peut-être préférable de faire un ou deux ou trois milles de route de moins, et d'assurer les médicaments aux malades chroniques qui sont, on le sait, dans une situation bien particulière.

A la question des soins dentaires, nous avons dit précédemment que nous souhaitons rapidement l'universalisation et l'universalité là-dedans. Au niveau des soins dentaires, la loi ne précise pas l'âge et permet simplement par voie de règlements de fixer le barème des ayants droit. Il a été mentionné sept ans. Nous avons pris acte aussi du fait que des organismes spécialisés sont venus dire qu'il était possible de pouvoir se rendre en ayant les disponibilités professionnelles pour le faire, jusqu'à l'âge de 18 ans au moins pour les assistés sociaux.

Nous croyons que ça devrait se réaliser très rapidement, et même que le bill 69 devrait être ajusté en conséquence. Nous avons obtenu avec satisfaction que, sur la partie des soins dentaires, il soit fait mention, même si le bill lui-même n'en parle pas, de la volonté du gouvernement de faire un effort tout particulier dans le domaine de la fluoration de l'eau.

Je voudrais tout simplement indiquer là-dessus que, sur ce point précis, il n'y a pas eu de consultation de chacun de nos 600,000 membres pour savoir s'ils voulaient être à la chante-pleure ou au baril. Là-dessus, je ne voudrais pas qu'il y ait des complications, excepté que cela a été une décision de nos organismes constituants qui considèrent que la question de fluoration est un problème vital.

Je vous dirai, un peu avec ironie, que nous sommes surpris de voir que M. Drapeau en particulier défend la question de la fluoration des eaux en s'y opposant au terme de la protection des libertés civiles. Il nous apparaît qu'il y aurait beaucoup d'autres champs où les libertés civiles pourraient être mieux assurées qu'en faisant un débat théorique sur celui de la fluoration des eaux.

Là-dessus, le ministre a mentionné lors de réunions précédentes qu'il y avait des problèmes de moyens techniques pour arriver à la fluoration. Je voudrais en transposant un peu un slogan bien connu, dire que, dans le domaine de la fluoration, il faudrait rendre techniquement possible ce qui est financièrement réalisable.

M. DUMONT: Et individuellement favorable, selon nos porte-monnaie.

M. PARENT: Cela nous paraît être une mesure préventive. Techniquement et médicalement, cela a été démontré. De plus, nous croyons qu'il n'y a là-dedans — il y a eu d'ailleurs des études faites par les spécialistes — rien qui brime les libertés civiles et que c'est une mesure préventive et économique nécessaire.

Il a été question longtemps — et le bill en parle — de l'établissement des coûts des médicaments. Nous vous dirons que nous sommes totalement d'accord sur ce qui a été indiqué comme étant la volonté gouvernementale et ce qui sera jusqu'à un certain point, du mandat de la commission d'établir des formats thérapeutiques et d'établir que les médicaments seront étiquetés sous le nom générique plutôt que sous le nom commercial. Nous croyons que la législation à ce sujet devrait être rapidement amendée pour permettre la distribution et la vente des médicaments sans que ce soit obligatoirement un pharmacien ou des pharmaciens qui soient propriétaires. Nous sommes intéressés, quant à nous, d'abord par le premier point qui est mentionné comme politique gouvernementale, celui d'aller à des cliniques de santé qui pourraient être des cliniques médicales et des cliniques de distribution de médicaments. Nous sommes intéressés à ce que les hôpitaux publics qui ont des pharmacies puissent continuer à étendre leurs services au public. Quant à nous, nous sommes intéressés également à voir même la création de coopératives de distribution de revenu, de coopératives qui pourraient avoir à leur emploi des pharmaciens, sans que nécessairement tous les coopérateurs soient eux-mêmes pharmaciens.

Ceci permettrait d'assurer les services aux gens à revenu modeste, ou à tous ceux qui pourraient profiter du pouvoir que peut donner l'institution coopérative dans ce secteur. Nous

considérons que le régime de rémunération pour les pharmaciens, s'il doit être à l'acte pour une certaine période, ne doit être qu'une période transitoire permettant de trouver autre chose et que l'on doit véritablement aller vers le salariat de cette profession afin que l'acte médical, ou l'acte pharmaceutique, ou la distribution des médicaments ne soit plus une question de "business", de profits, etc., mais simplement un service à la population et un service totalement rationalisé.

Nous croyons qu'éventuellement on devrait étudier aussi les possibilités de nationaliser l'industrie des produits pharmaceutiques. Nous avons pu voir par certains chiffres qui nous ont été donnés que les coûts de production sont très élevés. Dans le coût de la production, il y a beaucoup d'impondérables qui n'ont rien à voir avec la production proprement dite. Il y a toute la partie de la promotion et de la publicité. Simplement pour vous détendre un peu et ce n'est pas une annonce de Géritol, c'est une annonce d'une compagnie qui vend des produits brevetés, j'ai quelques exemples. Il s'agit d'une publicité présentée sous forme de brochure qui coûte $0.69 l'exemplaire, qui est envoyée évidemment à tout le monde et qui commence ainsi: "Elle a toujours été lasse cette pauvre Rita Lacasse. Mais Ritaline lui a redonné énergie et élan. Elle prend ses commandes d'un style étincelant. Ritaline rallume promptement l'énergie." Il y en a toute une série.

M. LAURIN: Ce n 'est pas vrai d'ailleurs.

M. CASTONGUAY: Me permettez-vous une question? Est-ce que vous avez rencontré Rita Lacasse pour voir si c'était vrai ou non?

M. PARENT: Je vous répondrai ça j'ai trouvé la coincidence la plus extraordinnaire, car j'ai une demi-soeur qui s'appelle Rita Lacasse.

On voit jusqu'où peut aller la volonté de vendre et de commercialiser des produits qui ne devraient absolument pas l'être. Je trouve un peu déraisonnable et dégueulasse qu'une telle situation puisse exister.

Quant à l'établissement des taux modérateurs, nous devons vous dire que nous y sommes opposés. Nous sommes davantage opposés à ce que des taux modérateurs apparaissent dans le bill 69 quand il s'agit de l'assurance-médicaments aux assistés sociaux.

Il serait important que le Parlement ou le gouvernement nous indique à quelle date il prévoit l'entrée en vigueur de cette loi. La loi prévoit à l'heure actuelle que c'est à la discrétion du lieutenant-gouverneur en conseil, mais je crois que la population a besoin de plus de sécurité de ce côté-là et qu'elle devrait connaf-tre la date d'entrée en vigueur.

Donc, nous insistons pour que le gouvernement établisse ces échéanciers. Nous sommes d'accord sur le contenu du bill 69, essentiellement, sauf sur des questions comme le taux modérateur et quelques autres points. Nous voudrions que s'entreprennent, si nécessaire, des analyses pour voir comment on peut assurer une meilleure production ou une production à meilleur coût et une distribution à meilleur coût des produits pharmaceutiques, en envisageant d'une part la nationalisation, le salariat des professionnels du secteur pharmacologique et finalement la libéralisation de la loi pour permettre la création de cliniques de santé ou de coopératives de distribution de documents. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais à la fois faire quelques commentaires et poser une ou deux questions au représentant des centrales syndicales, M. Parent. Je ne voudrais pas relever chacun des points et les discuter, je les prends comme étant des prises de position de la part des centrales syndicales, dont il nous faudra tenir compte. Je me restreins donc à certains aspects qui me paraissent plus généraux ou fondamentaux.

D'une part, les centrales syndicales nous demandent — comme elles l'ont fait l'été dernier — de fixer un échéancier aussi précis que possible quant à l'entrée en vigueur de cette loi, quant à l'extension du régime à d'autres types de services.

Je voudrais mentionner ici deux aspects: un premier, c'est qu'on voit, en prenant le chemin de la négociation — et je pense bien que c'est le chemin qu'il nous faut prendre — que les échéances, dans une large mesure, ne sont pas celles que nous pouvons fixer. Parce qu'aussitôt que nous fixons une échéance trop rigide, on nous dit — probablement avec raison — qu'on exerce sur les négociations une pression qui n'est pas tout à fait saine. Cela est un premier point.

Un second point m'apparaît plus fondamental. On nous dit également qu'il nous faudrait envisager éventuellement d'autres approches, par exemple — comme le mentionnait M. Parent — le salariat, le développement des cliniques. En d'autres termes, le problème que vous posez est celui du développement d'un réseau de services de santé et la Loi de l'assurance-maladie est une loi qui a un caractère purement financier, qui est destinée, non pas à l'organisation de certains services, mais plutôt au financement ou à la rémunération de certains professionnels de la santé, ceux couverts dans le champ de la loi. Il y a là, il me semble, une certaine contradiction, ou à tout le moins, quant au gouvernement, deux aspects avec lesquels il nous faut composer: d'une part, mettre l'accent — et sur ce nous sommes totalement d'accord — sur le développement des réseaux de services bien intégrés.

Le fait qu'il y ait peut-être et qu'il pourrait y avoir consommation abusive des médicaments, s'ils devenaient absolument gratuits, n'est pas

pour moi un argument valable et à retenir. En effet, celui qui décide de l'ordonnance, de la consommation et du format n'est pas le consommateur, c'est le médecin qui donne l'ordonnance et le pharmacien qui la remplit. Il nous apparaît donc que la question du taux modérateur devrait être absolument modifiée. De ce côté-là, il y a, je pense, beaucoup plus un besoin de faire l'éducation du public sur le plan de la consommation des médicaments; c'est par une mesure de prévention et d'éducation qu'on y arrivera beaucoup plus que par l'établissement d'un taux modérateur qui ne nous mènera à peu près nulle part. D'ailleurs, je sais que le problème a existé en Angleterre. Il y a eu beaucoup de situations difficiles là-dessus et on a mentionné ce problème à quelques occasions. Une des choses — ce n'était pas un argument essentiel — qu'on a retenues dans les analyses faites là-bas contre le taux modérateur, c'est que, parce qu'il y avait le taux modérateur, on ne prescrivait pas le même format pour la même maladie, afin justement de renouveler l'ordonnance et le taux modérateur et d'assurer un revenu additionnel. C'est un des aspects qui est pour moi aussi valable que le premier qui est soumis par l'autre partie.

Il y a aussi là-dedans, je pense, toute la question de la diminution des frais, la question de la rationalisation de l'industrie elle-même. On sait, à l'heure actuelle, que 80 p. c. de la consommation des médicaments se fait pour 20 p. c. des produits. Ceci veut dire que 20 p. c. des produits étiquetés constituent 80 p. c. de la consommation. Par conséquent, cela veut dire que l'on a à côté de cela un tas de produits saupoudrés qui sont beaucoup plus là non pas pour des raisons de service et de satisfaction de besoins, mais pour des raisons de concurrence commerciale et simplement pour des raisons de jeu de concurrence ou de promotion. Ce sont les remarques générales que nous voulions faire sur ce point.

Finalement, nous sommes d'accord avec la commission de pharmacologie. Nous aurions aimé, comme nous le revendiquons dans tous les cas, qu'il y ait là-dedans quelqu'un représentant le monde des salariés. Nous avons compris finalement que c'était une commission beaucoup plus spécialisée, mais nous vous signalons cet aspect. De plus, nous croyons que les recommandations de la commission devraient non seulement être remises au ministre pour qu'il les publie, mais que les recommandations de la commission elle-même devraient être publiques. C'est notre premier point. Il n'y a pas tellement de moyens de surveillance et de contrôle. Il n'y a pas de chien de garde, si j'emploie l'expression dans son sens le meilleur, pour savoir ce qui va se passer là-dedans. Un des moyens, en tout cas, d'arriver à corriger cela, serait de faire la publication des recommandations de la commission de pharmacologie, quitte à voir après cela entre la commission et le ministère comment cela s'établit. Il y a des analogies par ailleurs. Je sais bien que ce n'est pas une commission tout à fait de même nature, mais les conseils consultatifs du gouvernement, que ce soit celui du Travail ou un autre, rendent publics leurs recommandations au ministre. Ce dernier légifère ensuite ou administre et en dispose de la façon qu'il le veut, mais on sait exactement ce qui se passe entre les deux.

Finalement, et pour ne pas prendre plus de votre temps qu'il le faut, il y a un dernier point que je voudrais mentionner.

Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Ce développement de réseaux de services bien intégrés ne peut se faire par le simple truchement d'une loi dans laquelle on dit: Nous payons la rémunération de certains professionnels. Ce développement de réseaux de services se pose dans une certaine mesure au plan législatif. Nous avons dit — cela apparaissait dans le discours du premier ministre, avant-hier — que des législations, des projets de loi seraient présentés au cours de la présente session à ce sujet. Il y a aussi tout le problème concret de l'organisation de ces services. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. En même temps, il y a le désir de faire en sorte que les barrières financières, face à l'accessibilité aux soins, qui nous incite à étendre le régime de l'assurance-maladie aussi rapidement que possible. Si nous allons trop vite, nous sommes susceptibles de poser souvent des gestes qui peuvent ralentir ou rendre beaucoup plus complexe le développement des réseaux de services de santé.

Je voulais mentionner cela. Si les centrales syndicales ont des commentaires à faire, j'aimerais bien les entendre. Je voulais soulever ce point, cet aspect de la question qui, à notre avis, se pose clairement.

Un autre aspect que les centrales ont indiqué, c'est l'extension anarchique des régimes privés. Sur ce point-là, il me semble que dans le domaine des services de santé, les sociétés privées d'assurances ont été, dans une certaine mesure, des précurseurs si on regarde le développement des assurances sociales au Québec. Bien souvent la nécessité de couvrir des risques s'est fait sentir, ou s'est posé beaucoup plus clairement par le développement des assurances privées. Et, à mesure que les préférences de la population, les besoins de la population se sont exprimés, le gouvernement est intervenu et a assumé la couverture de risques dont les préférences ou les besoins avaient été indiqués clairement par le développement des assurances privées.

Il me semble que présentement cette évolution se poursuit. Même si au moment de l'établissement de l'assurance-maladie cela apporte certains rajustements qui peuvent créer, comme vous le mentionnez, des difficultés, il me semble que dans l'ensemble, l'équilibre entre les deux a été, jusqu'à maintenant, relativement sain.

Encore là si M. Parent veut commenter, c'est

son droit et je serais intéressé à l'entendre. Je voudrais faire une petite précision. J'énumère les points dans l'ordre où vous les avez mentionnés. Quant aux noms génériques des médicaments, il me semble que d'après la façon dont vous vous êtes exprimé, vous avez donné l'impression — d'après ce que j'ai compris — que le gouvernement avait indiqué déjà quelle était sa position sur ce point. Je voudrais donc rappeler que nous avons soumis justement le projet de loi à la commission parlementaire, un projet de loi qui se veut aussi précis que possible quant au principe, mais qui laisse à la discussion et à l'analyse ce type de question. Le gouvernement, jusqu'à maintenant, n'a pas indiqué de position précise quant à cette question des noms génériques.

Enfin, vous avez parlé des frais modérateurs. Vous avez exprimé votre totale opposition à cette question. Je suis d'accord, pour ma part, en principe, de façon générale. Si nous avons inclus dans le projet de loi la possibilité que des frais modérateurs soient imposés par règlement, c'est pour montrer premièrement, que le problème se pose d'une façon particulière au sujet des médicaments.

Deuxièmement, le texte de la loi lui-même indiquait que des frais modérateurs pourraient être immédiatement chargés, et de tel type. Mais, si l'on remarque bien le projet de loi, ce serait par règlement. Cela laisse une porte ouverte. C'est une autre question sur laquelle il nous faudra prendre une position plus précise, et c'est dans ce sens, à ce stade-ci, que cette question a été soulevée dans le projet de loi.

Il y a d'autres questions que vous avez soulevées, entre autres, celle de l'élimination du plafond des cotisations. Ce matin, à la commission, si nous voulons procéder aussi rapidement que possible afin que nous puissions prendre action sur ce projet de loi, je suggérerais, étant donné que cette question a été discutée longuement l'été dernier, que, si elle devait faire de nouveau l'objet d'un débat, elle ne le fasse pas à ce stade-ci, mais plutôt au moment où le projet de loi reviendra soit en deuxième lecture ou en troisième lecture. Alors, je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais questionner M. Parent, au sujet de la nationalisation de l'industrie pharmaceutique. J'imagine qu'il n'a pas de chiffre précis, mais a-t-il une idée du coût de la nationalisation de l'industrie, surtout si l'on considère que, dans ce domaine, les investissements peuvent être assez considérables? Je prends comme exemple l'investissement qui vient d'être annoncé dans une région du Québec d'une industrie qui va investir $25 millions. M. Parent pourrait-il, à vol d'oiseau, nous citer un chiffre sur le coût approximatif?

M. PARENT: Si vous permettez, M. le Président, j'ai justement indiqué, lors de mon intervention, que je considérais que c'était un des aspects qui n'avaient pas été analysés encore publiquement ou privément. Je souhaiterais ou les centrales syndicales souhaiteraient, qu'une étude soit faite pour voir ce que ça veut dire. Je sais qu'il y a des problèmes bien particuliers à ce sujet. Il y a le fait que, même si c'était nationalisé, on n'a pas nécessairement la matière première ici. Cela crée une difficulté; il peut y en avoir d'autres aussi.

Mais il nous apparaît que dans ce secteur d'industrie, à l'heure actuelle, avec les quelques chiffres généraux que l'on peut avoir, au point de vue du rendement de capital et des montants qu'ils investissent, par exemple dans la publicité, il y a des choses assez déraisonnables. C'est pour cette raison, même si je n'ai pas de chiffres très précis sur les conséquences de tel ou tel geste, qu'il serait souhaitable qu'une étude soit entreprise par le gouvernement, et nous demandons qu'il la fasse parce qu'il a les moyens de le faire. Il pourrait entendre au niveau de l'étude toutes les parties, et l'on pourrait y voir davantage.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, en somme, ce n'est pas une position ferme, une position de principe en faveur de la nationalisation de l'industrie pharmaceutique. Mais vous désirez que le gouvernement entreprenne une étude qui pourrait contenir les chiffres principaux quant aux investissements, quant à la forme de publicité, les modalités d'action de cette industrie.

M. PARENT: C'est ça. Et cela pourrait, par exemple, aller jusqu'à envisager la création d'un secteur public concurrent. Il peut y avoir, évidemment, toute une gamme possible d'hypothèses de travail. Mais nous n'avons pas les données pour le faire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais attirer l'attention de la commission et du ministre sur une déclaration qui a été faite à la Chambre des communes apparemment par le ministre de la Santé, M. Munro, à partir d'une autre déclaration qui aurait été faite par le Dr Spence de Toronto au sujet des soins dentaires. Voici ce qu'on dit dans l'article de la Presse canadienne, reproduit dans le Devoir de cette semaine. Le Dr Spence rappelle que son association s'est déjà déclarée favorable à l'augmentation du nombre de techniciens dentaires qui pourraient en l'occurrence travailler en équipe sous la surveillance de dentistes diplômés. L'Association est également favorable à un régime de soins dentaires pour les enfants de trois ans et plus. Mais elle s'oppose à ce qu'un tel régime aille plus loin que l'âge scolaire. "Nous ne pourrions pas suffire", dit le Dr Spence. De son côté, le rédacteur du journal de l'association, M. Compton, a révélé qu'il n'y a que 7,000

dentistes au Canada, soit un pour 3,000 personnes.

Pour que l'on puisse instaurer un régime national de soins dentaires, dit-il, il faudrait que le rapport soit d'un dentiste pour 1,200 personnes.

Quant au coût d'un tel régime, il serait nécessairement gonflé, faute de soins préventifs à l'heure actuelle. C'est pourquoi son association — en l'occurrence, c'est l'Association dentaire canadienne — croit que, dans la mesure du possible, on devrait consacrer l'argent disponible à des fins d'éducation et de fluoration. Cela rejoint les observations de M. Parent il y a un instant, et que d'autres ont faites devant cette commission.

Autrement, affirme M. Compton, les dentistes ne font que du rapiéçage sans fin, ce qui représente un coulage considérable dans l'économie. M. Munro, pour sa part, a déposé lundi aux Communes un rapport qui préconise un programme national de soins dentaires pour les enfants, comme premier pas vers un éventuel régime comparable au régime d'assurance-maladie.

Ce rapport note qu'un tiers seulement des soins dentaires requis par la population canadienne sont présentement dispensés. Je voudrais poser la question suivante au ministre des Affaires sociales: Est-ce que cette déclaration de M. Munro indique que déjà le gouvernement canadien est disposé à partager le coût d'un régime de soins dentaires ou du moins le coût du régime instauré par le bill 69? A-t-il d'autres indications plus précises que cette déclaration de M. Munro?

M. CASTONGUAY: Si vous me permettez un commentaire, ce que vous venez de décrire ou de lire comme position confirme en fait dans une assez large mesure le type d'approche que j'ai déjà décrit ici quant à ce que nous entendons faire au gouvernement, relativement à l'hygiène dentaire ou aux soins dentaires. Lorsque ce bill a été présenté, nous avons dit que si nous en limitions la couverture simplement aux enfants, c'était à cause du caractère préventif particulier des soins pour cette catégorie de population. Nous avons dit qu'il nous fallait également tenir compte du fait qu'environ un tiers — les chiffres semblent être confirmés — de la demande de soins était satisfaite. Nous avons noté qu'il nous fallait également développer le personnel auxiliaire, et aussi, pour ce faire, garder des ressources financières ou voir à ce qu'il soit possible de le faire financièrement. Tout ce que vous lisez confirme en effet — je ne sais pas si c'est inspiré de ce qui a été dit ici — les positions décrites quant à l'attitude du gouvernement.

En ce qui a trait à la question plus spécifique que vous posez — l'intention du gouvernement du Canada relativement à la couverture des soins dentaires dans le régime fédéral ou la loi fédérale des soins médicaux — je voudrais sim- plement vous reporter à la dernière conférence des ministres de la Santé, et à la position prise par le gouvernement du Québec à ce moment. C'est-à-dire qu'au lieu de procéder par le truchement de lois comme l'assurance-hospitalisation, la loi fédérale sur les soins médicaux où, forcément, on fixe à l'échelle du pays des priorités, des modes rigides d'allocations de ressources, notre position est qu'étant donné que nous avons la responsabilité — d'ailleurs extrêmement difficile à assumer — d'organiser tous les services de santé, il nous faut plutôt un mode de financement ou de partage des coûts qui nous laisse la plus grande liberté d'action possible.

Pour moi — et c'est dans ce sens que les discussions qui doivent s'amorcer avec le fédéral doivent être entreprises — il importe beaucoup plus de remplacer les mesures actuelles de partage des coûts par une nouvelle mesure générale qui nous permettrait justement de faire une allocation de ressources, compte tenu de nos besoins, de nos possibilités en effectifs, etc, de nos priorités. La question, pour moi, je ne veux pas la poser en ces termes-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si les déclarations que je viens de lire s'inspirent des travaux et des déclarations qui sont faites ici à la commission, j'inciterais le ministre à en dire encore plus, à aller encore plus loin, si ce qu'il dit devant la commission et si les engagements du gouvernement et les plans qui sont proposés tombent dans des oreilles attentives. J'encourage le ministre à aller plus loin dans ses déclarations.

M. Parent, vous avez parlé tantôt de coopératives de distribution de médicaments. Vous avez employé le terme "distribution de revenus" mais j'ai cru comprendre que c'était plutôt "coopératives de distribution de médicaments". Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur cette formule que vous semblez mettre de l'avant?

M. PARENT: C'est que nous envisageons — et il n'y en n'a pas encore, en tout cas, pour nous — si la loi nous le permet, c'est la création de coopératives de consommateurs comme il existe des coopératives de consommateurs dans l'alimentation ou dans d'autres secteurs qui pourraient simplement, avec un comptoir de pharmaciens, vendre, vendre non pas à profit, mais sur la base du principe coopératif. Nous croyons que ce serait de nature à baisser assez considérablement les coûts aux consommateurs.

M. LE PRESIDENT: M. Tetley.

M. TETLEY: M. le Président, les remarques de M. Parent sont très intéressantes. En effet, il suggère que l'on contrôle sérieusement le coût de production et le coût de vente des médicaments. Mais si on veut contrôler un secteur de l'économie il faut contrôler, à mon avis, tous les

coûts de production, y compris les salaires, n'est-ce pas?

Comme représentant syndical, êtes-vous prêt à accepter un contrôle des salaires des personnes qui produisent les médicaments, qui vendent les médicaments — les employés — parce qu'autrement, je me demande comment le gouvernement peut accéder à votre demande. C'est la question que je vous pose.

M. PARENT: Je vais essayer de répondre à la question du ministre en disant que, dans l'enseignement, cela nous paraît déjà fait. Alors, cela ne pose pas de problème. Il y a un contrôle étatique des salaires. Dans d'autres domaines...

M. TETLEY: Pardon, M. le Président, je note qu'après cette remarque, M. Parent a ri, ainsi que toute l'assistance, et je mets en doute cette remarque.

M. PARENT: II y a eu au moins un cas où les salaires des enseignants ont été fixés par voie de décret, par voie législative. Donc, c'est de l'imposition.

M. TETLEY: Avec droit de grève, et ils sont encore en grève.

M. PARENT: Non, non. Dans le domaine de la construction, il y a eu le bill 38 qui a décidé que c'était un décret sans droit de grève qui établirait les conditions. Il y a des cas particuliers.

M. TETLEY: Est-ce que vous... pardon.

M. PARENT: Non, mais permettez... sur le principe, il y a un autre cas que je voudrais également vous citer. L'Hydro-Québec, à ce que je sache, est une entreprise nationalisée; elle contrôle les prix de production d'un service à la population qui est nécessaire; il n'y a pas nécessairement contrôle étatique des salaires. C'est le jeu de la négociation dans une entreprise publique. C'est vrai ici, c'est vrai ailleurs.

Quant au contrôle des salaires par rapport aux prix, je ne vous répéterai qu'une position qui est publique et qui est très connue. Nous l'avons fait avec la Commission des prix et revenus, à Ottawa, ç'a été une position commune du Congrès du travail du Canada et de la CSN. Dans ce cas, nous avons toujours dit: Contrôlez les prix; comme les salaires sont un élément de détermination des prix, si les prix augmentent à cause des salaires vous le direz simplement et on sera soumis aux mêmes sanctions que ceux qui auront augmenté indûment les prix. Cela a été une position très nette, très ferme et très précise. Nous ne voulons pas aller vers un contrôle étatique des salaires; c'est bien sûr Pas plus que quand nous parlons, par exemple, de développement d'un secteur comme celui de la santé ou des biens de la santé qui sont essentiels. Si cela est produit par une entreprise nationalisée cela ne veut pas dire que les mécanismes normaux de négociation ne peuvent pas être là, de la même façon qu'ils le sont, comme je viens de le mentionner pour un grand nombre d'entreprises étatiques, de la même façon qu'ils le sont même pour les employés de l'Etat. Les employés de l'Etat eux-mêmes ont des possibilités de négociation. Alors, il n'y a pas, quant a nous, divorce entre le fait qu'il peut y avoir des entreprises nationalisées afin d'assurer d'une autre façon la distribution des revenus et le droit à la libre négociation collective et la détermination normale par voie de négociations des conventions collectives. Pour nous, ce n'est absolument pas exorbitant.

M. TETLEY: Si je comprends bien, vous voulez quand même accorder aux employés le droit de négocier, de faire la grève, de demander le salaire qu'ils peuvent obtenir par le moyen de grève ou négociation, mais vous ne voulez pas donner aux manufacturiers, aux pharmaciens et aux autres le même droit de négocier et le même droit de grève...

Vous voulez un contrôle dans un secteur et pas dans un autre. Si je comprends bien, si le gouvernement fixe le prix des médicaments, il n'y aura pas de négociation et de droit de grève pour les manufacturiers; mais s'il fixe les salaires vous aurez le droit de grève et le droit de négocier selon vos moyens.

M. PARENT: Je pense que vous avez mal interprété mon intervention. Je m'excuse! Je me suis peut-être mal exprimé. Je n'ai pas dit que l'Etat devait contrôler les prix. J'ai simplement demandé qu'il y ait une étude pour voir si par la nationalisation totale ou par la création d'un secteur concurrent, cela ne permettrait pas de diminuer les coûts de production et de distribution. C'est un changement de nature de l'entreprise. Mais ce n'est pas un contrôle étatique sur les prix en soi. Cela est une autre question. Il ne s'agit pas du tout du même phénomène. Je ne crois pas que les entreprises, même celles des produits pharmaceutiques, que ce soit n'importe quel secteur de l'économie, excepté pour le transport, et un certain nombre de services publics, doivent être soumises à un contrôle et à une détermination publique des prix. Ce n'est pas la négociation qui joue, c'est la seule détermination arbitraire de l'offre et de la demande. Tandis que dans le domaine de la convention collective ou de la négociation collective des salaires, il existe d'autres règles du jeu. C'est que nous avons à négocier. Nous n'avons pas à imposer.

M. TETLEY: M. le Président, je vais terminer mes observations. A mon avis, M. Parent, veut retirer un secteur de l'offre et de la demande et veut garder l'autre. C'est mon opinion à la suite de ses observations.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur a demandé la parole.

M. BOIS: Tout à l'heure vous faisiez le parallèle entre le coût possible des médicaments pour les assistés sociaux de moins de dix-huit ans par rapport à deux milles de voie carossable ou de voie ferrée, peu importe. Est-ce que vous avez fait la différence entre le coût de la fluoration dans toutes les municipalités du Québec en regard du pourcentage de l'eau pour la consommation humaine qui atteint réellement la fin de la fluoration?

M. PARENT: Je n'ai pas fait d'étude spécialisée là-dessus pour une raison bien précise c'est que ce n'était pas une de nos préoccupations essentielles. Mais j'ai l'impression, d'après les chiffres que nous avons appris à la commission —j'y ai assisté depuis le début — que la fluoration de l'eau était un des moyens de prévention les moins dispendieux qui existent par rapport à tout ce qu'on pourrait introduire comme système de réparation de quelque nature qu'il soit.

M. BOIS: M. Parent, j'aurais une autre question. Quelle est la différence ou quelle différence verriez-vous entre l'étatisation de la production et la non-étatisation des prix en ce qui concerne les médicaments? Parce que vous voulez vous réserver la liberté de négocier les salaires pour référer à la question de M. Tetley, mais si vous nationalisez la production sans avoir la nationalisation finale des prix...

M. PARENT: Le premier point que je voudrais mentionner, c'est que nous n'avons pas demandé la nationalisation, mais qu'une étude soit entreprise. C'est une distinction de base.

M. BOIS: Je pose la question tout simplement.

M. PARENT: Deuxièmement, les besoins de la santé pour moi font partie des droits fondamentaux. Pour moi, cela ne devrait pas être laissé aux mercantilistes simplement. Cela devrait être rationalisé puisque ce sont des besoins essentiels qui doivent être satisfaits. Tout ce que nous disons à l'heure actuelle et tout ce que nous avons dit, c'est d'étudier en vue de développer un autre système d'entreprises de production et voir si ce ne serait pas, soit totalement ou soit partiellement, un facteur qui aurait pour effet de diminuer le coût des médicaments. Dans ce secteur en particulier, —et nous avons pu le voir par quelques exemples — je pense que quelqu'un en a apportés ici, pour la même qualité de médicament. Avec toutes les complications de brevets ou tout ce qui existe là-dedans, il peut arriver que le coût soit dans la proportion de 1 à 11 pour le même produit et la même qualité de la marchandise. Cela nous montre qu'il y a quelque chose d'obscur au moins, pour ne pas dire davantage. Nous disons que si c'était examiné, on découvrirait peut-être qu'on peut arriver à produire et à abaisser le coût des médicaments.

Un des éléments qui nous frappent, c'est qu'à peu près 25 ou 28 p. c. du coût des médicaments va simplement à la promotion et à la publicité.

Ce pourcentage est à peu près le plus élevé de tout ce qui se produit, excepté dans l'industrie des cosmétiques. Je pense qu'aucun produit n'a une proportion de coût aussi élevée en publicité que les cosmétiques. Or, cela nous apparaît exorbitant qu'il y ait un montant aussi considérable pour faire la publicité d'un besoin essentiel. Il nous apparaît qu'il y a là un problème, soit de monopole ou de concurrence artificielle, qui nous semble irrégulier. Alors, tout ce que nous souhaitons, c'est que cela devrait être — parce que je pense que ça ne l'a jamais été — examiné de plus près pour voir ce qui se passe dans ce domaine. Notre affaire est aussi simple que cela.

J'aurais une autre question.

M. CASTONGUAY: Pourrais-je faire un seul commentaire, M. le député? Vous dites que la question du coût des médicaments ou de la fabrication des médicaments n'a jamais été étudiée. Depuis l'enquête Kefauver aux Etats-Unis, toute une série de groupes ont étudié cette question. Je pense que ce qui s'est dégagé de façon générale, comme conclusion, c'est une distinction assez importante à faire. Dans le système actuel de fabrication, l'existence de très grands fabricants, leur concurrence auprès des autres ont apporté un développement assez extraordinaire au plan des types de médicaments qui ont été découverts et mis en marché. Par contre, il en est résulté, étant donné la force de ces fabricants, certaines situations telles que celles que vous mentionnez qui sont, je crois, d'un autre ordre, qu'il a fallu analyser et qui ont été analysées. C'est dans des domaines comme ceux de la publicité, ceux des formats thérapeutiques, etc., où il semble possible de faire certaines économies. Ici, lorsque nous étudions le bill 69, c'est cet aspect que nous avons plutôt voulu aborder. Mais je ne crois pas que les enquêtes menées par la commission Harley, par le groupe de travail en Alberta, ou par les Américains n'en soient jamais arrivées à la conclusion qu'un système de fabrication nationalisé pourrait apporter des avantages. Lorsqu'on compare des services comme l'Hydro-Québec, ou la distribution de l'électricité, où il y a là tout le problème du réseau qui ne peut être double, les coûts énormes de développement ou d'exploitation des ressources, également dans le cas d'un pouvoir comme celui-là, le pouvoir électrique, la nécessité d'avoir des tarifs uniformes, de telle sorte qu'on ne favorise ou qu'on ne défavorise pas indûment une région, il me semble que c'est un problème assez différent que celui d'un des aspects de la question que nous discutons ce matin, c'est-à-dire celui de la fabrication.

Il me semblait nécessaire, M. le député de

Saint-Sauveur, de faire ces quelques commentaires pour expliciter aussi notre attitude sur cette question.

M. BOIS: J'aurais une question additionnelle. M. Parent, serait-il possible quant à la fabrication, par exemple, ou à la mise en marché, que la publicité du côté industriel devienne éducation du côté gouvernemental? Je m'explique: Les 12,012 de l'Hydro. La même publicité pourrait être faite par une compagnie privée comme par l'Hydro nationalisée.

M. TETLEY: ... bill 45.

M. BOIS: J'aimerais aussi savoir... D'ailleurs, je demanderais à l'honorable ministre de la Santé de produire, à la suite de ça, ce qu'a pu coûter l'éducation qui a été faite, par exemple, depuis un an, pour dire aux gens à quels bénéfices ils auront droit en matière de santé. Cela pourrait aider à établir un parallèle dans ce genre de choses, la publicité éducative qui a été faite pour dire aux gens ce à quoi ils ont droit dans leurs bénéfices, etc.

M. CASTONGUAY: La publicité faite par qui?

M. BOIS: Par la régie.

M. CASTONGUAY: Ah! bon! M. Després est ici, il peut donner à ce moment-ci, ou à la prochaine séance...

M. BOIS: A la prochaine séance, il peut le faire, M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. LAURIN: M. Parent, vous avez parlé de l'extension anarchique du régime privé. Est-ce que vous pourriez donner des exemples?

M. PARENT: Oui, ce qui se passe à l'heure actuelle — dans le cas des travailleurs qui sont couverts par des plans d'assurance collectifs ou privés et qui l'étaient avant l'entrée en vigueur de la loi — c'est que généralement ces plans sont négociés avec l'entreprise et on prévoit de l'employeur une contribution de x et de l'employé une contribution de y. Avec l'arrivée de l'assurance-maladie, il y a eu le phénomène suivant: c'est que les compagnies d'assurance, si elles n'avaient pas modifié leur éventail de bénéfices à offrir, auraient vu leur chiffre d'affaires diminuer considérablement. Elles ont développé à l'heure actuelle tout ce qui est à peu près imaginable de bénéfices afin de ne pas diminuer leur chiffre d'affaires.

Ceci a comme résultat brut, avec les difficultés qu'il y a aussi dans un certain nombre de cas de conventions collectives, qu'un bon nombre de salariés paient maintenant pour l'assurance- maladie leur contribution de 0.8 et autant d'argent qu'ils payaient avant pour des bénéfices privés, parce qu'il y a eu tout l'effort privé pour leur vendre des bénéfices additionnels. Et cela ne se développe pas de façon cohérente.

Simplement sur le plan des médicaments, on sait à l'heure actuelle, que des entreprises d'assurance privée ont développé des plans d'assurance privés avec des frais modérateurs. Ils essaient déjà d'imposer cela dans le secteur privé. Ce qui fait que ça ne peut pas avoir pour effet autre, quand le gouvernement aura l'intention de pousser plus loin, que d'être pris avec des situations de fait qui auront été crées dans le secteur privé. C'est un problème très concret à l'heure actuelle.

Il y a toute une gamme de choses qui se passent à l'heure actuelle et on s'aperçoit que, comme résultat final — ce qui se passe dans le secteur privé avec le développement qui se fait — cela ne peut que freiner éventuellement l'extension du secteur public. C'est pour ça que nous, ce que nous demandions essentiellement, c'est qu'il y ait un échéancier pour dire: On sait que l'intention du gouvernement c'est de faire en sorte que, dans un an, telle ou telle chose sera mise en vigueur. Si on en connaissait simplement les orientations, ça permettrait d'harmoniser davantage ce qui se fait dans le secteur privé et de ne pas se retrouver dans des situations impossibles.

Je voudrais ajouter que le gouvernement pourrait très bien dire: Techniquement telle chose, ou financièrement telle chose, nous prévoyons la faire à telle place sans brimer les droits de négociation des parties intéressées. Cela ne fait partie à ce moment-là que du "bargaining power" de l'une ou l'autre des parties. Et déjà toute l'économie de la loi du travail est faite dans ces sens-là. Quand nous négocions, nous, en vertu de la loi, nous sommes soumis à des délais qui vont jusqu'au point que, s'il n'y a pas un terme donné pour conclure la convention collective, on peut même perdre notre accréditation syndicale. Ce n'est pas plus compliqué pour les autres groupes et je ne pense pas que ça ajouterait une pression indue de savoir qu'il est possible techniquement et financièrement pour le gouvernement d'appliquer le bill 69 dans trois mois, et que, par conséquent, il y a un délai de trois ou quatre mois.

La même chose pour un certain nombre d'échéanciers. Cela nous apparaît comme ça. C'est pour cette raison que nous aimerions en savoir davantage parce que de la façon dont ça se développe à l'heure actuelle dans le secteur privé, il nous apparaît que ça va être dommageable aux intérêts de tout le monde.

M. LAURIN: Vous avez dit que ces excès s'inscrivent dans des conventions collectives. Est-ce que, dans la négociation des conventions collectives, les représentants des centrales n'ont pas l'occasion de faire entendre leurs opposi-

tions? Et s'ils s'opposent est-ce que ça s'inscrit quand même dans les conventions collectives?

M. PARENT: II y a là une difficulté très concrète. Il est bien sûr que nous avons le pouvoir de négociation, mais il est très rare que la négociation collective sur les plans médicaux ou les plans d'assurance se fasse dans le sens de la négociation du bénéfice x, y ou z. Généralement, cela se fait beaucoup plus comme l'acceptation de la contribution d'un montant de x dollars pour fins de, ou de x cents l'heure pour fins de. Et comme nous n'avons pas les outils pour en déterminer les coûts actuariels, nous sommes soumis à tout un aléa de situations qui font que les gens vont s'assurer selon les groupes individuels, selon les aspirations du moment.

Tel groupe s'assure pour telle qualité de bénéfices, tel autre pour telle autre qualité de bénéfices. C'est ce que je voulais expliquer en disant que cela se développait de façon anarchi-que. Quand on arrivera pour harmoniser tout cela dans le secteur public, on aura des problèmes très considérables qui pourraient être prévenus si on avait un échéancier du genre de choses qui peuvent nous arriver.

M. LAURIN: Vous dites qu'il vous est impossible de contrer la publicité faite par les régimes privés avec les moyens que possèdent actuellement les centrales. C'est ça que vous voulez dire?

M. PARENT: Ce n'est pas possible. Nous n'avons pas les outils nécessaires. Nous avons nos outils de négociation sur le montant des contributions individuelles, les contributions à consacrer. Nous n'avons pas les moyens techniques et les informations techniques pour établir par exemple la qualité des coûts et celle des bénéfices.

M. CASTONGUAY: M. le Président, est-ce que le député de Bourget me permettrait une question? J'ai fait certaines observations à la suite des commentaires de M. Parent quant à la date d'entrée en vigueur de ce régime. M. Parent n'y a pas répondu, il me semble, mais a plutôt réaffirmé, à son avis, la nécessité que nous fixions une date. Il y a deux aspects qui m'apparaissent importants. J'aimerais que M. Parent me dise comment il croit que l'on puisse résoudre un tel problème.

Premièrement, les auditions ici, à cette commission. Je crois qu'elles ont été jugées valables. Comment pouvons-nous contrôler le nombre de ces auditions, étant donné que chaque fois qu'une personne a demandé à être entendue, il a été jugé bon de l'entendre? Je pense bien que si on vous avait dit ce matin: plus d'auditions, parce que l'on veut mettre le régime en vigueur le 1er avril et qu'il faut légiférer, vous n'auriez pas trouvé que cela était ce qu'il y avait de plus sensé comme méthode. Or, il nous reste encore une liste d'organismes et nous ne serons pas en mesure de les entendre aujourd'hui. Il va falloir fixer une autre date. Vous savez comme moi que, malgré tout notre désir — je ne parle pas comme ministre, mais comme membre de l'assemblée — d'accélérer notre travail, la plupart des députés qui sont ici participent aux travaux d'une, deux ou trois commissions. Cette prochaine séance devra avoir lieu. Après ça, si nous avons tenu trois ou quatre séances pour écouter les organismes, il me semble qu'il serait sage que la commission se réunisse et que nous discutions les questions les plus importantes.

Cela peut donc signifier encore, en plus d'aujourd'hui, une ou deux autres séances. Même si les membres de la commission veulent discuter encore plus longuement, c'est assez difficile de limiter cela.

Deuxièmement, une fois ceci fini, il nous faut apporter des modifications au projet de loi, il nous faut également faire en sorte que le mécanisme administratif soit prêt. Le mécanisme administratif sera adapté aux dispositions de la loi. Selon les choix qui seront faits, cela peut impliquer des changements assez importants. On ne peut engager présentement des équipes complètes en prenant comme hypothèse qu'un projet de loi sera conçu de telle façon alors que nous ne savons pas exactement ce qu'il sera en définitive.

Troisièmement, lorsque nous reviendrons en Chambre, nous avons un programme législatif. Il y a aussi en Chambre d'autres questions qui doivent être discutées. Encore là, le gouvernement n'est pas le seul qui ait un mot à dire quant au calendrier des discussions en Chambre. A quel moment ce bill pourra-t-il être présenté en Chambre? A quel moment pourra-t-il être discuté? Quelle sera la longueur du débat? Autant de questions auxquelles il est assez difficile de répondre présentement.

Si nous additionnons toutes ces choses, si nous les prenons une par une, nous pouvons parler d'un délai d'un mois, d'un délai de quelques semaines. Lorsque nous additionnons l'ensemble, il n'en demeure pas moins que c'est assez difficile de fixer une date. Pour ma part, je ne suis pas capable de le dire à moins qu'on me dise comment répondre à chacune de ces trois séries de questions.

M. PARENT: Lorsque le bill 8 a été adopté, je pense que le ministre avait fait une déclaration à ce moment-là disant: C'est notre intention de présenter le plus rapidement possible et avant la prochaine session — je pense que c'était son expression — tel et tel type de choses. Nous savions donc, par conséquent, que, sur ces questions-là, une législation serait soumise. Nous ne faisons pas de reproche pour le rythme de ses séances à la commission parlementaire, cela est un délai plus ou moins mesurable, c'est la même chose pour les travaux de la Chambre. Un bon matin, la législation sera adoptée.

J'imagine qu'au moment ou elle sera adoptée, vous serez en mesure de dire que vous croyez qu'administrativement c'est possible

qu'elle entre en vigueur dans trois ou quatre mois.

M. CASTONGUAY: II va rester la négociation.

M. PARENT: Oui, je comprends. Vous avez la négociation.

M. CASTONGUAY: C'est important!

M. PARENT: Nous y sommes astreints, nous aussi, nous savons un peu comment ça se passe. J'ai l'impression que si vous dites publiquement: Nous sommes en mesure, dans des conditions normales, d'appliquer tel plan à telle place, vous mettez la pression à la bonne place.

M. CASTONGUAY: Alors, nous sommes d'accord. Il faut procéder dans la mesure du possible aussi rapidement que c'est humainement possible de le faire, mais je ne crois pas qu'il soit possible, et c'était le point que je voulais mentionner, de fixer aujourd'hui une date assez précise.

M. LAURIN: Vous avez parlé de l'étude sur la nationalisation de la fabrication. Avez-vous des positions sur la nationalisation de la distribution ou de l'achat, exception faite de la fabrication?

M. PARENT: Je pense avoir indiqué très rapidement tout à l'heure que, pour la distribution, nous aimerions que l'on se serve davantage des pharmacies des hôpitaux publics pour les ouvrir au public. Ça se fait déjà dans certaines régions, mais ça pourrait être étendu, c'est un des moyens. Nous avons mentionné également l'autre question des cliniques de santé et de distribution de produits pharmaceutiques. Nous croyons que ceci pourrait être possible surtout dans les régions éloignées des grands centres. Nous avons parlé également de l'idée du développement de coopératives de distribution. Je crois que ce sont autant d'éléments qui peuvent favoriser la constitution d'un réseau, sinon parallèle, un réseau qui modifierait ce qui existe à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Tetley a demandé la parole?

M. TETLEY: Non.

M. LE PRESIDENT: Monsieur le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: M. Parent, d'après vos études sur le coût des médicaments, vous avez déclaré que le même médicament pouvait présenter un coût variant dans une proportion de un à onze. Lorsque vous parlez de médicament de même qualité, entendez-vous des médicaments comprenant les mêmes ingrédients, ou si vos études tiennent compte également du procédé de fabrication et de la possibilité d'assimilation du médicament?

Pour tous les professionnels de la santé qui ont eu à se servir de médicaments ou à en prescrire, il est évident que le même médicament, présentant les mêmes ingrédients, ne produit pas toujours les mêmes effets. C'est à ce moment que le coût peut varier. Vos études tiennent-elles comptes de ces procédés de fabrication et des possibilités d'assimilation du médicament?

M. PARENT: Nous n'avons pas fait d'études spécialisées sur les contenus des médicaments, on comprend que ça va revenir en partie à la Commission de pharmacologie, mais nous nous sommes basés pour affirmer...

M. QUENNEVILLE: C'est important.

M. PARENT: ... sur des choses qui ont été dites ici à la commission depuis le début, et en particulier sur une étude qui a été faite et publiée en Ontario, et qui donne une liste d'un certain nombre de médicaments sous le titre générique avec les noms d'entreprises en disant il y a un coût de tant et tant. C'est à partir de ça que je fais cette affirmation.

M. QUENNEVILLE: C'est parce que ce n'est plus le même médicament à ce moment-là. Ce n'est pas le même effet. Cela a énormément d'importance.

M. LE PRESIDENT: Le député de d'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, un bref commentaire en marge de la discussion. Nous parlons depuis quelques moments de la nationalisation possible de la production ou de la distribution des médicaments.

Je tiens à souligner qu'il y a trois ou quatre ans j'ai eu l'avantage d'aller visiter trois pays européens, la France, la Suisse, la Belgique. J'y suis allé, accompagné de l'ancien député de Richelieu, que je suis heureux de revoir parmi nous ce matin.

J'ai déjà eu l'occasion, pendant ces discussions, ici à la commission parlementaire, de souligner le fait que les mêmes médicaments se vendent moins cher dans des pays européens que sur le continent nord-américain, et je me suis permis de poser certaines questions à ce sujet.

Je suis informé en outre que cet écart de coût existe, que le médicament soit produit dans les pays européens ou qu'il soit produit en Amérique du Nord et exporté vers ces pays-là.

C'est une des raisons pour lesquelles j'ai participé à cette mission d'étude. Je tiens à souligner qu'il n'y a pas dans ces pays-là de nationalisation ni de la production, ni de la distribution, mais qu'il existe un régime de

négociation des prix entre l'Etat et le fabricant, et que les renseignements que j'ai pu récolter sont à la disposition du ministre des Affaires sociales pour l'étude de toute cette question.

M. LAURIN: Avez-vous des renseignements sur le régime qu'est en train d'établir le Manitoba sur la nationalisation de la distribution et des achats? Est-ce que le gouvernement suit assez ces cheminements-là pour nous donner très brièvement les lignes que ce gouvernement semble suivre?

M. GOLDBLOOM: C'est à mon collègue le ministre de répondre à cette question.

M. CASTONGUAY: Peut-être le Dr Mockle ou M. Després pourraient-ils vous dire plus clairement ce que nous suivons comme expérience au plan technique. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Est-ce que vous êtes au courant de ce qui se fait au Manitoba au plan de nationalisation possible du système d'achats et de distribution des médicaments?

M. MOCKLE: Je regrette, c'est quelque chose de nouveau pour nous. Je ne suis pas au courant. En Alberta, il y a un élément en jeu concernant la possibilité de la substitution, de ce qu'on appelle la substitution, c'est-à-dire de donner une marque de commerce autre que celle prescrite par le médecin moyennant certaines conditions. On a ça en Alberta. Mais au Manitoba, je n'ai aucun renseignement concernant ce qui pourrait être appliqué de même au Québec.

M. CASTONGUAY: On communiquera de toute façon.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester a une question à poser?

M. GUAY: M. Parent, dans le présent système de financement des médicaments, selon vous y a-t-il des gens qui doivent se priver de médicaments?

M. PARENT: S'il y a des gens qui doivent se priver de médicaments en ce moment? Certainement. Beaucoup de gens ne peuvent pas s'assurer les soins médicaux et les soins de prévention au point de départ, parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de le faire. Je n'ai pas de statistiques là-dessus, mais le problème n'est pas simplement relié à cela. On se rend compte que ce sont les gens à plus faible revenu qui finissent par être les plus hauts consommateurs de médicaments. Pourquoi? Parce que, justement, ils ne sont pas capables de suivre la médication préventive; ils sont tout simplement aux prises avec des problèmes de complications et de réparations plus globales.

M. GUAY: Dans un autre ordre d'idée, étant donné qu'on parle de distribution, de quelle façon prévoyez-vous que sera contrôlée la quantité de médicaments pour chaque consommateur, afin, évidemment, qu'il n'y ait pas d'abus de consommation de médicaments?

M. PARENT: Vous voulez dire chaque ordonnance?

M. GUAY: Advenant, par exemple, un cas de distribution plus facile et presque gratuite, est-ce que vous prévoyez un mécanisme de contrôle de quantité pour chaque consommateur de médicaments?

M. PARENT: Nous parlons toujours des médicaments prescrits; ce sont donc les médecins et ce sont les professionnels de la santé qui vont continuer à prescrire des ordonnances, de la même façon qu'à l'heure actuelle. Je ne pense pas que le fait que la distribution soit facilitée, ou que l'accès soit facilité va changer tellement la nature de la conscience professionnelle des professionnels de la santé.

M. GUAY: Merci, M. Parent.

Les pharmaciens Coutu et Michaud

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Parent de son exposé. Je demanderais maintenant à Me Claude Tellier, représentant les pharmaciens Jean Coutu et Louis Michaud, de nous faire un résumé de leur mémoire.

M. TELLIER: M. le Président, je représente ici ce matin M. Louis Michaud, à ma gauche, et M. Jean Coutu, à ma droite. Ils sont tous deux pharmaciens.

A l'annonce de la présentation du bill 69, ils ont cru de leur devoir de se présenter devant vous pour vous faire part d'un certain témoignage.

Le débat sur le bill 69, et la dernière intervention le justifie amplement, soulève d'emblée la discussion sur le coût des médicaments. Comme quelqu'un l'a mentionné, ceci a fait l'objet de très savantes et très nombreuses études avec lesquelles nous ne voulons pas entrer en concurrence. Il n'en demeure pas moins que la question du coût des médicaments se situe à différents niveaux et, entre autres, au niveau de la distribution. C'est sur cette question que nous voudrions témoigner, pour avoir vécu une expérience qui est assez concluante.

La question de la distribution des médicaments est axée sur la pharmacie du coin qui, aujourd'hui encore, est traditionnellement artisanale. Elle est substantiellement ce qu'elle était il y a une génération ou deux et elle représente les caractéristiques suivantes: c'est-à-dire un trop grand nombre d'établissements dans certains sens; deuxièmement, un volume d'affaires

insuffisant, ce qui réduit d'autant et proportionnellement le pouvoir d'achat de l'entrepreneur; troisièmement, le pouvoir d'achat étant réduit, la productivité du personnel qui y travaille est incomplète et insatisfaisante et, quatrièmement — c'est surtout cet aspect qui constitue le noeud du problème — c'est que la pharmacie, aujourd'hui, a un double aspect, une dualité, d'abord l'exercice d'une profession avec privilège réservé en vertu de la loi qui consiste à remplir des ordonnances et dispenser un certain nombre de médicaments, drogues et poisons, et, d'autre part, le pharmacien est un commerçant de produits non pharmaceutiques.

Il y a quelque temps ou il y a quelques années, le pharmacien avait un double rôle: celui de faire des médicaments et celui d'en vendre. Avec les progrès de la médecine et de la science, avec l'arrivée de l'industrie pharmaceutique, le rôle du pharmacien en tant que fabricant a été, à toutes fins pratiques, éliminé ou réduit à pas grand-chose. Il est arrivé que ce secteur a été remplacé graduellement par des activités de type commercial. Cependant, cette évolution s'est faite de sorte que le pharmacien n'a pas su, en tant que détaillant, faire appel aux mêmes techniques, aux mêmes ressources que les autres secteurs du marché au détail, comme par exemple ç'a été le cas dans le domaine de l'alimentation, le domaine de la quincaillerie ou dans le domaine du vêtement. On ne retrouve donc pas ou on retrouve trop peu, dans le domaine de la pharmacie, les techniques modernes et nouvelles de mise en marché, comme le "marketing", l'emballage, le "self-service", les techniques publicitaires, etc., avec le résultat que vous avez affaire à des entreprises qui ne se sont pas mises au diapason de 1971. Cette absence d'évolution a été créée en grande partie, non pas par une incapacité des pharmaciens d'évoluer mais par une politique du Collège des pharmaciens qui poursuivait un idéal professionnel, qui se défend à son point de vue, mais qui freine l'expansion normale des entreprises pharmaceutiques selon les lois naturelles de l'économie.

Et, pour appuyer cette affirmation lourde de conséquences, je voudrais vous signaler — et je le signale dans mon mémoire, aux pages 6 et 7 — un certain nombre de réglementations qui ont été adoptées par le collège. En 1967, on a adopté un règlement qui, contrairement à une certaine coutume ou à une certaine tolérance qui avait prévalu jusque là, a exigé que toute prescription, quelle qu'elle soit, soit remplie par un pharmacien. Ceci, évidemment, a créé un fardeau extrêmement lourd sur un grand nombre de pharmaciens, parce que cette disposition n'était pas exigée antérieurement.

Deuxièmement, en 1967, on a également adopté un règlement et je cite: "Sauf les droits acquis — à la page 7 — toute personne inscrite en vertu de la Loi de la pharmacie lorsqu'elle tient pharmacie doit la tenir dans un local complètement distinct et absolument indépen- dant de tout local où il se pratique un commerce étranger aux produits pharmaceutiques, aux drogues et aux poisons". Cela veut dire que le pharmacien devrait exploiter son établissement dans un local restreint où il ne se vend que des médicaments ne pouvant pas vendre autre chose, ce qui réduit le volume d'affaires de ces gens et augmente en proportion inverse le prix des articles qu'il vend.

Troisièmement, en 1969 on a adopté un règlement qui interdisait la publicité quant aux prescriptions.

Quatrièmement, à la page 9, je mentionne qu'au mois de décembre le collège informait ses membres qu'on voulait adopter un nouveau règlement pour renforcer celui dont j'ai parlé en premier lieu, celui qui exigeait que le pharmacien clôture son office et on va lui interdire maintenant d'avoir une raison sociale. Lorsque ce mémoire a été écrit, nous n'avions pas beaucoup d'informations et, à la fin du mois de janvier, le collège a adopté en première lecture ce règlement qui non seulement va venir encore limiter les activités économiques des pharmaciens mais également, à mon sens, va outrepasser les pouvoirs qu'il a en vertu de la Loi de la pharmacie et s'arroger en quelque sorte les pouvoirs législatifs qui n'appartiennent qu'à l'Assemblée nationale.

Pour vous démontrer le bien-fondé de ces affirmations, nous voulons vous faire part de l'expérience que nous avons réalisée nous-mêmes depuis 1969 alors que MM. Coutu et Michaud ont décidé de faire la vente de leurs ordonnances, de leurs médicaments, en coupant le prix de 40 p. c. et en ne chargeant que $0.99 pour le coût de leur ordonnance. Si bien qu'un médicament qui se détaillait $10. se vendait $6 plus $0.99. Pour lancer cette nouvelle politique de mise en marché, il y a eu de la publicité de faite et la réponse du public a été absolument spectaculaire au point que dans certains types de médicaments, cette réduction a pu aller jusqu'à 50 p. c. Surtout en ce qui concerne les médicaments destinés à ceux atteints d'état chronique comme les diabétiques, les cardiaques, ceux qui souffrent de glaucome, c'est-à-dire les gens qui doivent renouveller continuellement leurs ordonnances.

Les conséquences de cette expérience, énumérées à la page 12 du mémoire qui est devant vous et dont la première est très intéressante parce qu'elle prend en considération certains arguments mis de l'avant par le collège, est que les pharmaciens à l'emploi de nos établissements ont eu à partir de ce moment-là une activité vraiment professionnelle parce qu'ils ne faisaient que de la prescription. Ils n'avaient pas le temps d'être occupés à du travail non professionnel.

Deuxièmement, il y a eu une augmentation considérable du pouvoir d'achat, ce qui nous permettait d'obtenir les médicaments à meilleur compte et d'accorder des réductions encore plus grandes.

Troisièmement, nous avons augmenté notre pouvoir d'achat et c'est très important. Je parlais tantôt des techniques modernes de mise en marché et, entre autres, il y a la question du "commercial traffic" c'est-à-dire que, si vous vendez un produit et que vous avez une circulation de clientèle, vous avez des chances de vendre autre chose. C'est justement ce qui s'est produit. La vente des produits pharmaceutiques a crée une augmentation du volume des ventes dans les autres produits et inversement. Si bien que ceci a permis une augmentation du volume des ventes et une répartition plus équitable des frais généraux d'opération, ce qui permettait de vendre les médicaments à un prix fort raisonnable.

Nous sommes venus ici pour attirer votre attention sur le fait que, si par l'établissement d'un régime d'assurance-médicaments l'Assemblée nationale ne se préoccupe pas parallèlement de l'orientation qui doit être donnée à la Loi de la pharmacie et de l'application de cette loi quant aux membres de cette corporation, on risque d'annuler les bénéfices que l'on recherche par l'effort qui est démontré par le bill 69.

Vous m'avez demandé, M. le Président, de faire un résumé. Je pense que le résumé est fait et nous sommes à votre disposition pour toutes questions.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, avant de poser peut-être une ou deux questions à Me Tellier, mentionner qu'au cours des auditions de cette commission, à mon avis, une des conclusions qui se dégagent, c'est qu'en effet il ne s'agit pas uniquement pour nous de penser à qui sera couvert par la loi proposée, aux mécanismes de négociation ou d'établissement des prix, de même qu'aux mécanismes techniques tels que la commission de pharmacologie, à tous ces problèmes qui sont reliés directement au bill 69. Je crois qu'il est ressorti assez clairement qu'un examen de la Loi du collège de la pharmacie s'impose également, comme le dit Me Tellier. Nous entendrons également cet après-midi M. Neiss qui a des représentations à nous faire sur le même sujet.

Je crois que ce qui importe à ce moment-ci — et je fais cette remarque pour ne pas nous engager dans une voie qui pourrait être extrêmement complexe — c'est de prendre en bonne note les représentations de M. Tellier, quitte à obtenir certaines clarifications et, compte tenu du fait que c'est l'intention du gouvernement, comme le premier ministre l'a mentionné dans son discours inaugural mardi, de proposer des modifications aux lois des corporations professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Si je comprends bien l'objet du mémoire, et c'est la question que j'adresse à Me Tellier: Est-ce que le mémoire est plutôt destiné ce matin à bien nous sensibiliser sur le fait qu'il nous faut en même temps examiner la Loi du collège des pharmaciens ou est-ce que ce mé- moire était destiné également, dans l'esprit de Me Tellier et de MM. Coutu et Michaud, à engager dès maintenant une discussion plus technique, parce que la Loi du collège des pharmaciens comporte d'autres aspects?

Je voudrais n'en nommer qu'un — et il y aurait un danger, à mon sens, si nous voulions aller trop loin ce matin dans l'analyse — c'est le fait que si, d'une part, comme le mentionnait Me Tellier, par une plus grande possibilité de concurrence, il peut être possible d'abaisser des coûts, possibilité de concurrence qui pourrait venir par des amendements à la Loi du collège des pharmaciens ou aux règlements, il ne faut pas oublier pour autant que certains contrôles s'imposent. Je pense encore une fois que, dans les journaux des derniers jours, nous avons eu une preuve assez évidente de la consommation abusive qu'une partie de la population fait des médicaments.

Il y a cet aspect qu'on ne peut ignorer et qui doit faire, à mon sens, que, même s'il est important de rechercher les moyens d'abaisser les prix des médicaments partout où c'est possible de le faire, il ne faut pas oublier les autres aspects de la question qui portent sur la santé des individus. Il y a là un problème évident, c'est celui de la surconsommation des médicaments par une grande partie de la population.

M. LAURIN: Au sujet de la surconsommation dont vous parlez, s'agit-il de médicaments brevetés ou non brevetés?

M. CASTONGUAY: Les deux.

M. TELLIER: Je pense que vous me posez la question suivante: Quel est le sens exact de notre intervention ce matin? Il faut sensibiliser, je suis d'accord. Une urgence est aussi créée par cette démarche du collège de vouloir adopter assez rapidement —puisqu'il l'est déjà en première lecture — un projet de règlement qui, à mon avis, est peut-être illégal. Dans ce cas, nous nous adresserons aux tribunaux, si telle est notre opinion. Mais indépendamment de ça, un problème de législation et d'orientation de la politique de la distribution des médicaments se pose.

J'ai entendu, avec bonheur, auparavant, plusieurs interventions où on parlait d'étatisation, etc. Je pense — si on me permet une remarque additionnelle — qu'on semble vouloir rechercher, dans ce problème de la distribution des médicaments, une solution unique. Or, nous avons affaire à un problème complexe. C'est facile de distribuer des médicaments à des patients hospitalisés. Cela va bien, on les a sur place. Mais il y a le problème des gens qui vont consulter leur médecin dans son cabinet. Certains centres ont des pharmacies sur place. Là encore ça va bien. Mais que faire lorsqu'il s'agit de renouveler une ordonnance et que le malade est à cinq, dix, quinze ou vingt-cinq milles du centre de distribution du service médical?

II y a tout le problème des gens qui se soignent eux-mêmes, sans prescription, pour une indigestion, un rhume, une grippe, etc, qui connaissent leur état, qui veulent avoir des médicaments sur place. Il y a tout le problème des gens qui veulent se procurer des médicaments le dimanche.

En ce qui concerne cet aspect-là, s'il fallait que le pharmacien ne puisse vendre que des médicaments, il est prouvé qu'un pharmacien ne peut garder un établissement ouvert le dimanche, d'une façon rentable s'il ne vend que des médicaments d'ordonnance. Les médecins, en principe, ne font pas de consultations; ils vont traiter les cas d'urgence, mais le nombre des ordonnances est restreint le dimanche. Si bien que si on empêche cette deuxième activité, ou bien les pharmaciens vont fermer le dimanche, ou ils vont partager durant les autres jours de la semaine, les pertes encourues le dimanche. C'est mathématique, il n'y a pas à discuter là-dessus.

Je pense que la politique du collège se précise et que cette politique a une répercussion directe sur le coût du médicament au niveau du consommateur. Et c'est une répercussion extrêmement sérieuse.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Tetley a une question à poser?

M. TETLEY: Mais, le leader de l'Opposition...

M. PAUL: M. Cloutier d'abord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): A la lumière des remarques que vient de faire le ministre et de la réponse de Me Tellier, je n'ai pas l'intention d'entrer dans une discussion de fond auprès de l'expérience qu'on a décrite dans le mémoire. C'est une expérience qui met en lumière le jeu des forces naturelles dans l'économie: baisse de prix, augmentation de volume, pouvoir d'achat plus considérable. Il n'y a pas là-dedans une expérience qui nous surprend, c'est la conclusion normale.

Mais je voudrais poser la question suivante: Est-ce que cette expérience qui a consisté à réduire les prix de 40 p. c, à ajouter un honoraire de $0.99, si elle n'avait pas conduit à une augmentation sensible de volume, aurait pu être poursuivie assez longtemps avec succès?

M. TELLIER: II est clair que si on ne remplissait que dix ordonnances dans une journée, ce ne serait pas possible. Au début de notre mémoire, quand on vous donne les caractéristiques de la pharmacie actuelle, en tant que centre de distribution, nous croyons, par exemple qu'il y a un trop grand nombre d'établissements ce qui fait que c'est improductif. Si vous avez un petit centre peu fréquenté, ouvert sept jours par semaine, et durant dix ou quinze heures par jour — surtout avec le nouveau règlement qui exige la présence d'un pharmacien — il est impossible de maintenir continuellement sept jours par semaine un pharmacien en devoir, s'il ne travaille pas professionnellement. Par conséquent, il faut avoir des centres plus actifs et vous aurez une productivité accrue, ce qui permet de réduire vos coûts.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'expérience a été assez loin pour que vous puissiez dire qu'avec l'augmentation de volume que vous avez connue, il y aurait tant de pharmacies dans la même zone, dans la même région, qui auraient dû normalement disparaf-tre?

M. TELLIER: C'est possible. Pour répondre à votre première question, je peux vous dire que, par exemple, dans cette pharmacie, il y a eu jusqu'à 700 ordonnances dans une journée. A $0.99 l'unité, cela vous permet de produire, même si vous avez quatre ou cinq pharmaciens en devoir. Ces gens-là font vraiment du travail professionnel.

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais tout simplement souligner les remarques du ministre Castonguay et aussi féliciter M. Louis Michaud et M. Jean Coutu d'avoir essayé de couper les prix des médicaments. Je crois que le public leur en est très reconnaissant.

Me Tellier, vous avez parlé de vendre d'autres produits dans les pharmacies. Quels autres produits? Je sais très bien que vos clients et les pharmaciens en général sont en concurrence avec les supermarchés et les autres grands magasins qui vendent eux-mêmes vos produits ou les produits de vos clients. Je suis d'accord avec vous qu'il faut que vous montriez que vous êtes capables de les concurrencer. Mais quels produits?

M. TELLIER: C'est évidemment une question très délicate et qui ne se tranche pas au couteau. Il y a certainement des produits qui sont compatibles avec une activité professionnelle dans ce cas-là. Vous avez par exemple des produits hygiéniques, des produits comme les savons de toilette, les dentifrices, des articles de toilette, des cosmétiques, des insecticides, des articles pour dépanner des gens comme la petite papeterie, des enveloppes. Vous avez un certain nombre de choses qui conservent — je pense que cela peut faire l'objet d'une étude très poussée — un certain caractère à l'établissement. Si vous me parlez de l'antigel ou d'une tondeuse à gazon, comme cela s'est fait,je pense que c'est abusif. Il s'agit, je pense, de faire une approche objective et pondérée de l'affaire.

La Loi de la pharmacie dit que le collège doit réglementer la tenue de la pharmacie. Si le collège, sous l'impulsion de votre commission

ou du gouvernement, au lieu de vouloir prohiber toute activité non strictement pharmaceutique, était invité à réglementer et non pas prohiber une activité décente et convenable, je pense que c'est encore le collège qui représenterait l'organisme le plus apte à mettre au point une réponse à cela.

C'est par une recherche, une méthode d'approche assez scientifique que nous pouvons élaborer quelque chose dans ce domaine-là.

M. TETLEY: Au sujet de la publicité, Me Tellier, je crois avec vous qu'il faut informer le public qu'il y a des pharmaciens comme ceux que vous représentez. Quelle publicité croyez-vous convenable pour un pharmacien?

M. TELLIER: La question de la publicité n'est pas facile, parce que vous avez ici une espèce de conflit de juridiction fédérale-provinciale. La réglementation fédérale prohibe la publicité quant à un certain nombre de produits. Par conséquent, au départ, cette publicité n'est pas possible.

Deuxièmement, à l'heure actuelle le collège la prohibe. C'est une chose assez étonnante, nous n'avons pas le droit d'annoncer le coût de l'ordonnance. Mais on peut annoncer le même produit. Prenons l'exemple de l'aspirine, qui peut se prescrire théoriquement. Je n'ai pas le droit d'annoncer que je vais vendre mon aspirine sous ordonnance à tel prix, mais je peux annoncer que je vends l'aspirine à tel prix. Je pense que, là encore, le collège devrait faire un effort pour réglementer sous quelle forme la publicité peut se faire de façon sobre, de façon professionnelle, en maintenant un standing mais d'un autre côté, le permettre à l'intérieur d'un programme bien délimité. Là encore, je pense que ce serait beaucoup plus positif que de le prohiber purement et simplement.

M. TETLEY: Très bien. La commission Cas-tonguay-Nepveu, dont notre ministre ici...

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais suggérer à mon collègue d'être très prudent?

M. TETLEY: M. le Président, je vais faire mon possible.

Je voudrais ajouter que je suis un admirateur de ce rapport et évidemment du ministre concerné. De toute façon, disons la commission "Nepveu" a suggéré que, dans quelques cas, certaines professions donnent droit au public d'être membre ou d'assister en partie à des réunions de professions, y compris ma profession juridique. Je sais que quelques avocats s'objecteraient, mais que pensez-vous M. Tellier de ma suggestion? Ne mentionnons pas la commission Nepveu, si quelques membres du public avaient le droit d'assister aux réunions de la profession de vos deux clients... le Collège des pharmaciens.

M. TELLIER: M. le Ministre, je ne peux pas répondre pour le Collège des pharmaciens, n'en étant pas un membre, et je ne le représente pas. Quant au Barreau, mon opinion personnelle est — je vais arrêter mes pirouettes — que ce ne serait pas mauvais et je vais vous dire pourquoi. Dans le public on a souvent l'impression que dans les conseils d'administration de ces corporations, il se passe toutes sortes de choses épouvantables. Cela démystifierait un peu ce qui s'y passe, sans que le débat se fasse sur la place publique — tout ce qui se dit n'est pas toujours dans l'intérêt du public — mais que des observateurs puissent dire: On voit ce qui s'y passe, ils font face à des problèmes et ils essaient de les régler de la meilleure manière possible. Sans avoir été membre du conseil du Barreau, j'ai travaillé pour le Barreau pendant un an, et j'ai vu le problème des corporations professionnelles de l'intérieur. Ce n'est pas toujours facile de régler les problèmes que les corporations ont à résoudre.

M. TETLEY: Une dernière question Me Tellier. Lorsqu'un médecin envoie une prescription à un de vos clients, un médicament d'un type quelconque, si le pharmacien sait très bien que le même médicament existe sous un autre nom et à un autre prix, moins élevé, que fait-il, ou que font-ils?

M. TELLIER: Je ne parle pas pour la majorité des pharmaciens. Mais ce que mes clients font, c'est qu'ils remettent au client rigoureusement le produit mentionné sur la prescription. S'il y a un problème, ils ne feront rien sans communiquer avec le médecin et discuter du problème avec lui.

M. TETLEY: Font-ils cela régulièrement?

M. TELLIER: Je vous ai expliqué qu'ils ont presque toujours en main le médicament prescrit, cela peut arriver dans des pharmacies où l'inventaire est plus bas, mais chez eux, à cause de la quantité qu'ils ont en main, le problèmes ne se pose pas.

Le problème de la substitution en est un que je ne connais pas, sauf pour en avoir beaucoup entendu parler ces derniers temps, mais c'est un problème extrêmement complexe.

M. TETLEY: D'accord.

M. TELLIER: Ce problème est tellement complexe qu'il devient, à mon sens, beaucoup plus un problème de consommateur, relevant d'un ministère protégeant le consommateur. A cause des procédés de fabrication, je dois comprendre que ce n'est pas toujours la même efficacité physiologique, mais qui va en décider?

M. LE PRESIDENT: M. le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Le régime que vous préconisez qui ferait baisser le coût des médicaments, c'est le marché de la masse, est-ce cela?

M. TELLIER: Si vous me permettez, c'est d'abord de reconnaître franchement qu'il s'agit d'un commerce au détail. C'est une activité économique et, à ce moment, il faudrait permettre à la pharmacie d'être exposée aux lois naturelles de l'économie et non pas en restreindre artificiellement l'évolution ou la performance.

Quand, par exemple, on empêche la publicité, quand on veut forcer les pharmaciens à réduire leur volume avec leurs murs pleins, et que, dans leur officine, il ne se vend que des médicaments, on viole les lois de l'économie.

Si on permettait simplement aux pharmacies de retomber dans le giron des lois économiques, on assisterait à la normalisation de la situation.

M. SAINT-GERMAIN: Si vous créez un marché de masse comme on crée des marchés de masse pour l'alimentation ou la lingerie ou ainsi de suite...

M. TELLIER: Vous me parlez d'alimentation, c'est vrai, jusqu'à un certain point. Je suis avocat du comité paritaire; je peux vous en parler.

M. SAINT-GERMAIN: II faudrait, pour être logique...

M. TELLIER: II reste quand même que, dans une ville comme Montréal, des centaines d'établissements sont demeurés petits parce qu'il y a une demande pour les grands établissements et une demande pour les petits. Pour toutes sortes de raisons, questions de distance, d'habitudes, de service, par exemple, les petits établissements auront un service téléphonique, alors que les grands n'en auront pas.

C'est la même chose. Qu'on laisse la concurrence et qu'on laisse les besoins déterminer la forme que doivent prendre nos pharmacies. Tout cela va se placer assez bien selon la demande. A l'heure actuelle, on empêche la demande d'imposer, de préciser l'étendue de ses besoins.

M. SAINT-GERMAIN: Mais si vous créez un marché de masse, vous devez nécessairement considérer que le pharmacien est premièrement un commerçant et que les produits qu'il vend sont des produits ordinaires. Est-ce que vous concevez que, dans un contexte de marché de masse en pharmacie et en médicaments, le public peut avoir la même protection qu'il a actuellement? C'est là, en fait, tout le problème.

M. TELLIER: Je vais vous répondre qu'il y a plusieurs arguments dans votre question. D'abord, pour le marché de masse. Dans une pharmacie, dans le contexte nord-américain, vous avez l'officine et vous avez d'autres choses. On sait très bien que, si l'affaire est bien administrée, le pharmacien n'est pas à la caisse pour vendre des cosmétiques, il est derrière le laboratoire. A ce moment-là, au lieu de perdre son temps à vendre des cigarettes, il vend des médicaments; il est donc plus heureux.

Deuxièmement, il n'est pas sûr qu'on aura seulement des grandes pharmacies, et qu'on n'en aura plus de petites. Troisièmement, on semble vouloir — de façon idéale, que je respecte et que je reconnais — un pharmacien coulé dans un seul moule, c'est-à-dire celui qui est l'expert du médicament, qui ne remplit que l'image du pharmacien idéal. Mais il n'y a pas une profession aujourd'hui qui n'ait pas plusieurs types de professionnels.

Prenez la médecine, je m'excuse auprès du député de Bourget, mais qu'y a-t-il de plus incompatible qu'un psychiatre et qu'un chirurgien? Qu'un ingénieur civil et un ingénieur nucléaire? Qu'un avocat criminaliste et un avocat de corporation? Ces gens portent le même titre mais ils ne font pas le même travail.

Dans la pharmacie, je pense qu'on doit avoir des pharmaciens de différents types. On doit avoir des pharmaciens d'industrie, des pharmaciens d'hôpitaux, des pharmaciens de détail. Il faut admettre qu'il y a des pharmaciens de clinique; il y a par exemple à Montréal certaines grandes cliniques où vous avez cent médecins et, au rez-de-chaussée, un dispensaire. C'est merveilleux.

Ces gens-là doivent demeurer, mais on ne peut pas penser à n'avoir que ce type de pharmaciens. Vous pouvez toujours le faire, mais à quel prix, et est-ce que la population aura le service?

M. LE PRESIDENT: Le député de Joliette.

M. QUENNEVILLE: Me Tellier, depuis quelques années, j'ai rencontré à plusieurs reprises des groupes importants de pharmaciens. De ces rencontres-là, il est ressorti, d'une façon particulière, leur aspiration à être considérés comme des professionnels. Il est aussi ressorti, semble-t-il, que le premier pas à faire pour être considérés comme professionnels, c'était justement d'abandonner la partie mercantile de leur profession. Je comprends mal aujourd'hui que ce que vous préconisez puisse ne pas entrer en conflit avec ces aspirations d'être considérés comme professionnels.

M. TELLIER: C'est une bonne question, mais je pense que, lorsqu'on recherche une solution, il faut partir d'une réalité de fait. Vous avez le problème d'alimenter la population par la vente au détail.

Que voulez-vous? Le pharmacien qui accepte de s'en aller dans la vente au détail doit accepter d'être commerçant. Quand vous arrivez avec une prescription de douze valiums,

même en tenant compte de l'idéal le plus élevé, ce sera toujours douze pilules à compter. Que voulez-vous que j'y fasse? S'il veut faire une carrière scientifique, qu'il aille dans une université, qu'il aille à l'emploi d'une industrie. Que voulez-vous? C'est une réalité. Le public a besoin de douze pilules, est-ce qu'on va chambarder toute la situation pour lui permettre d'avoir une vie professionnelle à son goût? On peut le faire mais le public va payer combien pour cela? Il va payer encore plus cher que ce qu'il paie aujourd'hui.

M. QUENNEVILLE: Me Tellier, est-ce qu'il faut considérer comme non sérieuses ces aspirations?

M. TELLIER: Non, il faut les respecter mais cela revient à ce que je disais tout à l'heure. Je ne pense pas que le Collège des pharmaciens, pas plus que n'importe quelle autre corporation professionnelle, puisse espérer avoir un type de professionnels qui va faire tel genre d'activité. La technologie fait, à l'heure actuelle, qu'il y a des spécialités et, à l'intérieur d'une corporation professionnelle, vous avez différents types d'activité. Il faut accepter qu'il y ait des pharmaciens qui vendent au détail et qui soient des commerçants comme il faut accepter qu'il y ait des pharmaciens qui enseignent et qu'il y ait des pharmaciens d'hôpitaux et qu'il y ait des pharmaciens dans l'industrie. Comme il y a des médecins qui enseignent dans les universités, il y a des médecins qui travaillent en clinique et il y a des médecins qui travaillent dans l'industrie.

M. QUENNEVILLE: Et de la politique.

M. TELLIER: Et de la politique. Je vais m'arrêter là, en passant.

M. LAURIN: Me Tellier, dois-je conclure de vos réponses au Dr Quenneville que les clients que vous représentez aujourd'hui sont plus des commerçants que des pharmaciens?

M. TELLIER: Docteur, vous avez assez d'expérience pour savoir que souvent quand on pose une question la réponse est contenue dans l'emballage. Là n'est pas la question. Je pense que, dans l'approche de ce problème, on tient les choses pour acquises et elles ne s'avèrent pas nécessairement fondées. On dit et vous le dites — je ne vous le fais pas dire, en tout cas — est-ce que vos clients sont des commerçants imbus de mercantilisme?

M. LAURIN: Je n'ai pas dit ça.

M. TELLIER: Non, enfin ça veut dire cela. Or, la preuve a démontré que, par une poussée de mercantilisme, ils réussissent à être plus professionnels que bien d'autres de leurs confrères. Comprenez-vous? Parce que, avec le volume d'affaires que leurs établissements font, ils n'ont pas le temps d'être ailleurs que dans leur laboratoire. Et là, ils ont assez de travail pour ne faire que de l'ordonnance tandis que vous allez prendre une pharmacie de type artisanal, où le monsieur doit être là de 8 heures ou 9 heures le matin à 10 heures le soir, sept jours par semaine et il y a peut-être une ou deux personnes qui viennent l'aider. Il va peut-être remplir quinze à vingt ordonnances dans sa journée, cela ne prend pas les dix ou quinze heures qu'il consacre à la pharmacie. Que fait-il pendant ce temps? Il va vendre des cigarettes, des savons, du dentifrice, toutes sortes de choses mais il ne fera pas de l'ordonnance. Tandis que celui qui réussit à se bâtir...

M. LAURIN: Me Tellier, celui qui va faire de l'ordonnance, ce sera plutôt le pharmacien engagé par ces superpharmaciens plutôt commerçants?

M. TELLIER: Dans certains cas, c'est vrai... M. LAURIN: Dans 98 p. c. des cas.

M. TELLIER: A part cela, il a tous les problèmes de commander des stocks, de contrôler les inventaires, de voir à la demande et s'approvisionner, etc. Cela demande également des connaissances pharmaceutiques. Je comprends que c'est un travail qui, pour certains, est bas mais il est nécessaire. Etatisez, si vous voulez, la distribution, vous allez être obligé d'avoir des pharmaciens qui se préoccupent de stock et d'inventaire, puis de commande; c'est indispensable.

M. LAURIN: Vous avez dit aussi tout à l'heure qu'il y avait autant de différence entre les divers types de pharmaciens qu'entre les divers types de médecins, par exemple, un chirurgien et un psychiatre. Cependant, il est établi que chaque discipline médicale comporte des actes très différents à poser alors qu'en ce qui concerne les pharmaciens j'ai l'impression — en ce qui concerne l'exercice professionnel du pharmacien — que c'est toujours à peu près la même chose. C'est vérifier la qualité d'un médicament, avertir sur ses effets secondaires...

M. TELLIER: Je peux vous interrompre? M. LAURIN: Oui, d'accord.

M. TELLIER: Je comprends votre question, le pharmacien à l'emploi d'une industrie pharmaceutique et qui travaille dans un laboratoire, à mon sens, ne fait pas du tout le même travail que celui qui est dans une officine ou qui vend au public.

M. LAURIN: Non. Je dirais qu'il y a plutôt une différence entre les recherchistes et les cliniciens, mais cela vaut pour toutes les professions.

M. TELLIER: Le pharmacien d'hôpital ne fait pas du tout la même chose. Regardez ce qui se passe souvent dans les hôpitaux, les ordonnances sont remplies par des non-pharmaciens mais sous surveillance.

M. LAURIN: De toute façon ce n'est pas cela qui est le plus important. Dans votre mémoire vous dites que vos clients ont réussi à baisser le prix des médicaments de 40 p. c. Incidemment cela prouve que les médicaments se vendent toujours beaucoup trop cher si l'on peut réduire de 40 p. c. le prix des médicaments. Est-ce que je peux vous demander la marge de profit que conservent quand même, malgré cette réduction immense, les pharmaciens sur les médicaments qu'ils vendent, parce que j'imagine qu'ils ne fonctionnent pas à perte?

M. TELLIER: Si vous me le permettez avant de répondre — c'est sûr — il y a une affirmation que vous avez faite et je voudrais la corriger. Il y a des pharmaciens qui vendent plus cher, donc ils font trop d'argent.

M. LAURIN: Je n'ai pas dit cela.

M. TELLIER: Non, mais on peut pousser le raisonnement plus loin. C'est justement l'absurde de la situation. A notre avis, le pharmacien qui est obligé de vendre plus cher va souvent fonctionner avec une marge de profit beaucoup moindre que celui qui vend moins cher, mais à grand volume. Ces gens-là sont, en fait, marginaux au point qu'ils peuvent culbuter n'importe quand. Ces gens-là ne surchargent pas la population quant à eux. Ils ne prennent pas un profit indu. C'est que leurs frais d'opération sont trop élevés. Ils n'ont pas de pouvoir d'achat, etc. C'est sûr qu'ils font un profit, sans cela ils ne seraient pas en affaires. En chargeant $0.99 d'honoraire, c'est là que s'approvisionne une grande partie de leurs profits. Puis, en augmentant considérablement leur volume, leur pouvoir d'achat augmente en conséquence. C'est normal. Acheter 100 tablettes dans un contenant et en acheter 1,000 dans un seul contenant, on économise 9 contenants. On épargne dans la manipulation, etc., et le prix est en conséquence.

M. LAURIN: Est-ce que l'établissement du format thérapeutique n'enlèverait pas cet avantage?

M. TELLIER: Je ne peux pas répondre à cela, mais j'imagine qu'il se produirait un certain nombre de choses. Cela le diminuerait dans un sens et cela éliminerait des manipulations à l'intérieur de la pharmacie. Le pharmacien ne serait pas obligé de le compter, donc il pourrait avoir une certaine équivalence. Je ne suis pas compétent, mais il ne semble pas que...

M. LAURIN: On peut de même assimiler les $0.99 dont vous parlez à une sorte d'honoraires pharmaceutiques. Est-ce qu'on n'aurait pas le même effet en établissant des honoraires pharmaceutiques pour tous les pharmaciens qui pourraient même être un peu plus élevés que ceux-là.

M. TELLIER: Je pense que c'est une question de négociation, mais vous avez les données du problème. Je ne suis pas autorisé à...

M. LAURIN: Vous avez dit aussi que ce qui permet cette réduction de prix, c'est une série de facteurs dont les honoraires, dont nous venons de parler, également l'augmentation des ventes pharmaceutiques, le peu de profit qui reste multiplié par le nombre des ordonnances. Mais une autre raison de la réduction serait peut-être les gains effectués dans les autres services de la pharmacie...

M. TELLIER: Sûrement.

M. LAURIN: ... qui souvent sont très exten-sifs dans certaines pharmacies. Est-ce que cela ne favoriserait pas davantage des bailleurs qui ont beaucoup de fonds à leur disposition et qui pourraient d'emblée établir tous ces autres services et à même les profits réalisés établir le genre de pratique pharmaceutique que vous préconisez? A ce moment-là, est-ce que ce n'est pas dérégler un peu le jeu de la concurrence pour ces pharmaciens qui, n'ayant pas trop le sens des affaires, puisqu'ils ont choisi la profession d'abord, sont peut-être plus mal préparés pour se lancer dans des opérations de cette envergure?

M. TELLIER: Je pense qu'il y a des clients dans certains cas; mais il y en a plusieurs autres. Vous avez dans chaque centre d'achats, dans la banlieue de Montréal, des pharmacies assez importantes. Je ne voudrais pas m'avancer trop loin, mais je vais vous donner un exemple ailleurs. Vous allez dans des grands magasins de Montréal où il y a, par exemple, des salons d'optométristes.

A l'intérieur du salon, j'ai l'impression que les standards professionnels sont respectés et que cela ne prostitue pas la profession pour autant. A ce moment-là, c'est un problème de réglementation du collège pour qu'il ait la juridiction et l'autorité voulues pour qu'il ne se départisse pas de son contrôle sur l'officine.

M. LAURIN: Mais admettez-vous quand même, Me Tellier, que le système que vous préconisez favorise plutôt les pharmaciens qui ont la bosse des affaires ou les pharmaciens qui sont associés avec de gros bailleurs de fonds?

M. TELLIER: Je pense que tous les pharmaciens qui sont en affaires et qui le demeurent

doivent avoir un minimum de compétence. Je représente ici...

M. LAURIN: Pharmaceutique ou commerciale?

M. TELLIER: Les deux. Que voulez-vous? C'est comme ça chez chaque professionnel, dans chaque profession. Nous connaissons tous dans nos professions réciproques des gens qui sont de très bons techniciens, mais qui ne savent pas faire passer leur message, auprès d'un client ou auprès d'un tribunal, etc. Il faut accepter une diversité de personnes.

M. LAURIN: Est-ce que vous admettez aussi que la disparition éventuelle de petites pharmacies mal préparées à ce jeu de la concurrence et qui seraient obligées de disparaître n'a pas la même signification quand même que la disparition d'un petit commerce d'épicerie, étant donné qu'il s'agit de professionnels?

M. TELLIER: J'avais commencé à vous dire ceci. A la suite de mon intervention, plusieurs amis que je connais m'ont appelé et m'ont tous dit la même chose: On attend de voir que le collège se branche pour prendre une orientation. Ils sont en place. Ils ont des baux, une raison sociale, etc. Ils ont un potentiel et ils se sentent arrêtés, freinés de prendre de l'expansion, parce qu'ils se disent: Est-ce qu'on va investir $10,000, $15,000 ou $20,000 en rénovation? Prenez le projet de règlement. On donne six mois aux pharmaciens pour ériger un mur plein avec accès sur la voie publique pour isoler son officine du reste. A ce moment-là, ils se disent: Nous n'allons pas faire cet investissement-là. Comprenez-vous? C'est possible qu'il y ait une ou deux tentatives, mais cela ne veut pas dire que tous les pharmaciens vont disparaître. La preuve, c'est qu'il y en a qui se développent et qui deviennent prospères.

M. LAURIN: Je reconnais avec vous, Me Tellier, qu'une bonne partie des problèmes auxquels nous avons à faire face actuellement sont dus à la coexistence de plus en plus marquée de deux secteurs: un secteur privé, qui obéit aux lois de l'économie libérale, et un secteur public, de plus en plus assumé par le gouvernement en vertu de son intention d'instituer une accessibilité universelle aux soins de santé. Le secteur privé est déjà très bien constitué. Le secteur de l'Etat est en train de prendre forme. Il n'est pas étonnant d'assister à des crises, à des mutations, mais, quand on compare les avantages des deux systèmes pour le patient, le consommateur, le professionnel, le pharmacien, pour l'économie de l'Etat aussi, est-ce qu'on ne doit pas considérer d'une façon plus attentive les avantages de l'un et de l'autre système? Par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas arriver à d'aussi bons résultats que vos clients et même à de meilleurs résultats, si le prix d'achat était négocié par le gouvernement pour tous les médicaments distribués à tous les consommateurs? Est-ce qu'on n'arriverait pas à établir des prix inférieurs même à ceux que vos clients peuvent actuellement dispenser? Est-ce qu'on n'arriverait pas à une diminution de tous les frais administratifs? Est-ce qu'on n'arriverait pas à une accessibilité plus grande? Est-ce qu'on n'en arriverait pas en même temps à conserver le caractère professionnel aux pharmaciens comme bénéfices secondaires, si tous les achats étaient négociés ensemble, si tous les achats étaient groupés, si le prix était fixé après négociation, bien entendu, avec les fabricants de produits?

M. TELLIER: Sur le plan théorique, tout cela a une belle consonnance, mais le problème est celui-ci : supposons que vous arrivez dans un système étatique de distribution, et que vous dites: On paie tant le médicament...

M. LAURIN: Avant la distribution, à l'achat.

M. TELLIER: Bon! On paie tant à l'achat. Mais est-ce qu'on sait jamais, dans un pareil système, combien, effectivement, coûte le médicament, quand il est rendu au comptoir? Parce que, là encore, vous dites qu'il n'y aura pas de frais administratifs...

M. LAURIN: Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas, c'est sûr qu'il y en aura, mais il y en aura peut-être moins.

M. TELLIER: Je pense — et je vais recommencer à l'origine — que le problème n'est pas tellement un conflit entre un service étatique et un service privé, parce qu'il faut partir du fait que la situation est complexe.

Il y a un certain secteur dont la réponse se trouve dans un service d'Etat et il y a un autre secteur qui peut très bien être servi à meilleur compte par un service privé. Le conflit, à mon sens, se présente beaucoup plus à un autre niveau, c'est d'avoir le courage, soit de reconnaître la dualité professionnelle commerciale, soit de la nier. Je pense que c'est beaucoup plus fondamental.

Qu'un diabétique consulte son médecin dans son cabinet et qu'il puisse avoir son médicament au moment où il sort du cabinet avec son ordonnance, fort bien. Mais il retourne chez lui ce patient et il ne reverra peut-être pas son médecin avant six mois, parce que sa dose de médicament est prescrite. Sera-t-il obligé de parcourir cinq, dix ou quinze milles pour aller se ravitailler, alors qu'aujourd'hui au coin de chez lui ou à deux ou trois pâtés de maisons il y a une pharmacie, et que cette pharmacie va venir livrer, etc.

Vous avez tout un problème de service au public. On s'en prend à l'aspect mercantiliste, de commercialisation si vous voulez. C'est quand même un service pour bien des gens de

pouvoir se procurer un rince-bouche à neuf heures du soir, alors que d'autres magasins sont fermés; d'obtenir ce genre de médicament pour aider une digestion qui, pour une raison ou pour une autre — souvent toujours la meilleure — fait qu'on digère mal ou que l'on a un mal de tête, etc. Est-ce qu'on va être obligé d'aller dans dix, quinze ou vingt centres dans l'île de Montréal pour s'acheter des aspirines?

Allez-vous faire des centres de distribution simplement pour une catégorie inférieure de médicaments et laisser les gros à des centres d'Etat? Vous ne permettrez pas aux autres de vivre.

Le problème — je pense — est celui-ci. Il ne faut pas rechercher une solution unique. Il faut permettre à différents types de solution de coexister et ces types de solution vont survivre pour autant qu'ils répondent à un besoin de la population.

M. LAURIN: Ne faudrait-il pas, Me Tellier, accorder plutôt notre préférence à un système à inventer, qui éliminerait cette dualité dont vous parlez, en laissant le commerce au commerçant et la pharmacie au pharmacien d'une part; qui permettrait également d'abaisser le coût pour le consommateur et pour l'Etat des produits pharmaceutiques et qui aussi serait assez souple pour permettre à tous les consommateurs d'avoir les médicaments quand ils en ont besoin, soit par une rotation des produits pharmaceutiques, soit par la multiplication des centres locaux communautaires de santé, où les pharmaciens pourraient avoir leur bureau?

M. TELLIER: Tout ça, ce sont des hypothèses, mais ce n'est pas sûr. Quand vous dites que ce sont des services à inventer, j'en doute, parce que ces services existent en grande partie. Tout ce dont on a besoin pour résoudre une grande partie du problème, c'est simplement de leur permettre d'évoluer normalement. Que le gouvernement et le collège établissent une politique sécurisante. A l'heure actuelle, les gens ne veulent pas se lancer, ils ne savent pas ce qui les attend. Cela existe, on n'a pas besoin de le créer.

A cause de la complexité actuelle et même future — parce que ça n'ira pas en s'améliorant cette affaire de la multiplicité des médicaments, la recherche continue — est-ce qu'il est sûr qu'un réseau unique gouvernemental va provoquer une baisse dans le coût de la distribution? Ce n'est pas sûr. Parce qu'à ce moment-là le gouvernement ne serait pas justifié de se lancer dans la vente d'un certain nombre de produits parapharmaceutiques. Et n'ayant pas à vendre ce produit-là, le profit réalisé dans ces produits parapharmaceutiques contribue à diminuer les frais d'administration dans le véritable produit pharmaceutique. Je ne suis pas sûr du tout que vous allez créer une baisse.

D'un autre côté, si vous me parlez d'une unité sanitaire dans un endroit reculé, bien sûr si vous le faites sachant que votre opération va vous coûter plus cher. Votre pharmacien ne remplira pas cent ordonnances dans une journée, ce n'est pas vrai. Il n'a pas de population.

M. LE PRESIDENT: M. le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: Me Tellier, je m'excuse si vous avez déjà fourni la réponse à la question que je voudrais vous poser, pendant ma brève absence de la salle, mais je la crois très importante.

La baisse de prix que l'on chiffre à 40 p. c. en moyenne, quelle en est la base de calcul? Est-ce qu'elle est calculée par rapport au prix suggéré par le fabricant, dit communément prix de liste? Est-ce qu'elle est calculée selon des prix trouvés dans d'autres pharmacies avoisinantes ou est-ce qu'elle est calculée par rapport au prix chargé antérieurement à l'instauration du régime des $0.99 par la pharmacie en question?

M. TELLIER: II y a des associations de pharmaciens qui suggèrent des prix, qui dressent des listes de prix. Ces prix — vous me corrigerez — sont fixés d'après une marge de profit de 40 p. c. sur le prix d'achat. Si vous réclamez $0.99 d'honoraires et que, d'autre part, vous augmentez votre pouvoir d'achat, vous allez obtenir peut-être à meilleur compte qu'à 60 p. c. votre médicament parce que vous l'achetez en quantité substantielle.

M. GOLDBLOOM: Or, la base de calcul est une liste de prix suggérée par une association de pharmaciens. Si je comprends bien, cette liste de prix comporte une certaine augmentation en comparaison avec le prix de liste suggéré par...

M. TELLIER: Ce n'est pas une augmentation. Il est établi en essayant de rechercher une marge de profit de 40 p. c. sur le prix d'achat normal, le prix d'achat du pharmacien moyen. Si, par un pouvoir d'achat accru vous pouvez vous procurer les médicaments à meilleur compte, cela peut rejoindre un peu ce que disait M. Laurin tout à l'heure sur des possibilités de négociation. Disons que c'est peut-être un peu prématuré. Si vous avez un plus grand pouvoir d'achat, évidemment même en accordant 40 p. c. vous faites encore une marge ténue mais elle est là quand même.

M. GOLDBLOOM: Je vous remercie de la précision. Je comprends bien qu'en effet la pharmacie elle-même a réduit ses prix d'approximativement 40 p. c. en comparaison de ce qu'elle exigeait avant et elle a ajouté les $0.99 comme honoraires professionnels en quelque sorte.

M. TELLIER: Dans certains cas, cela a été jusqu'à 50 p. c.

M. GOLDBLOOM: Merci, Me Tellier. M. LE PRESIDENT: D'autres questions?

M. CLOUTIER (Montmagny): Une question additionnelle à celle que le député de D'Arcy-McGee vient de poser. Pour des prescriptions d'un petit montant, est-ce qu'il peut arriver que le fait d'ajouter $0.99, le prix total soit supérieur à ce qu'il aurait été ailleurs ou en vertu de l'ancien système?

M. TELLIER: Demandez à M. Coutu parce que je n'étais pas là quand...

M. COUTU: Je comprends bien votre question. Vous voulez dire que s'il y a des produits qui autrefois... Nous parlions des prix suggérés, tout à l'heure. Il y a quatre ou cinq ans, la plupart des produits pharmaceutiques nous étaient livrés avec un prix de détail suggéré qui n'existe plus aujourd'hui. Cela a été pour les pharmaciens — surtout ceux qui ont mon âge — notre base d'appréciation du prix de vente d'un médicament, un prix de détail suggéré. Aujourd'hui, ce que nous faisons, nous recevons en général des médicaments à un prix coûtant. Il est facile pour nous de fixer l'ancien prix de détail et ensuite d'enlever les 40 p. c. . Nous vendons au prix coûtant plus $0.99. Il arrive que certains produits sont d'un prix de détail de $2. Vous allez avoir un prix coûtant de $1.20. Si nous ajoutons $0.99 cela fait $2.19. Dans ce cas-là, nous avons pris une autre façon de calculer. Nous oublions les $0.99, nous les sacrifions, et nous donnons un escompte sur le prix de détail suggéré. C'est-à-dire qu'un produit de $2 dans notre système, nous allons le vendre $1.59 ou $1.69. Mais ces produits sont de plus en plus rares. Les compagnies font de moins en moins de médicaments à $2 au détail.

M. QUENNEVILLE: Tantôt vous avez parlé du coût de douze valiums.

M. COUTU: Je n'ai pas parlé de ça personnellement.

M. QUENNEVILLE: Me Tellier a cité en exemple douze valiums simples, cela vous coûterait combien? C'est ce que je veux savoir.

M. COUTU: Autrefois, le prix des valiums de cinq milligrammes, le type le plus populaire était suggéré à $12. Le prix était suggéré à $12. Cela faisait un prix coûtant de $7.20. A cause des achats de masse, nous pouvons nous les procurer aux alentours de $42 le mille. Voilà exactement notre prix coûtant. Nous nous permettions de vendre ces médicaments meilleur marché parce que nous bénéficiions d'un meilleur prix d'achat. Je vais vous donner quelques exemples si vous voulez. J'ai tout cela au prix à la centaine parce que c'est là qu'est réellement l'économie lorsque le médecin prescrit de grandes quantités.

C'est très rare, même aujourd'hui, que nous ayons des ordonnances de douze comprimés de valiums. C'est plutôt dans l'ordre de trente, quarante ou cinquante et très souvent cent. Si vous avez une ordonnance de douze comprimés de valium, ça va vous donner je crois, une charge de cinq sous, ça va donner $1.59 avec nos $0.99. Est-ce assez clair? Tout est compris dans $1.59. Notre prix coûtant est aux environs de $0.05, nous multiplions douze par cinq...

M. QUENNEVILLE: Cela fait $0.60.

M. COUTU: Cela fait $0.60, plus $0.99, ça fait $1.59.

M. QUENNEVILLE: Dans les autres pharmacies, combien vend-on douze comprimés de valium simple?

M. COUTU: Je m'occupe de ma pharmacie, pour celles des autres, je ne peux pas vous le dire.

M. QUENNEVILLE: Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Tellier, tout à l'heure, M. Parent, le représentant du Front commun des centrales syndicales, suggérait dans son exposé, la création de comptoirs coopératifs qui feraient la distribution des médicaments, ce qui, semble-t-il, en diminuerait le coût de revient. Que pensez-vous de l'application d'un tel système de distribution?

M. TELLIER: Je vais être logique avec moi-même. Je viens de vous dire: Permettez donc, si vous voulez, aux lois naturelles de l'économie de recevoir leur application. Je rejoins si vous voulez à l'inverse ce que le Dr Laurin disait tout à l'heure: Qu'il y ait des gros ou des petits, cela n'a pas d'importance, laissez à la population le soin d'exprimer ses besoins. Dans certains centres, qu'il y ait des coopératives, s'ils sont capables de les mettre sur pied et de les faire fonctionner, donc d'arriver dans leurs affaires, pourquoi pas? Cela peut répondre à 10 p. c, 15 p. c, 20 p. c. des besoins de la population. Vous pouvez avoir, si vous voulez, des chaînes ou disons, pour ne pas exagérer, de grandes entreprises qui répondraient à une autre portion de 10 p. c, 15 p. c. des besoins de la population? D'accord, laissez les besoins stimuler la concurrence. De même, vous avez un certain pourcentage qui est dispensé au niveau des hôpitaux, des cliniques etc., pourquoi pas? Avec le système coopératif, dans certains cas, je pense que ce serait possible, mais ce serait encore une erreur de penser que l'on va organiser toute la province sur une base coopérative. Ce serait quelque chose d'artificiel, aussi artificiel qu'à l'heure actuelle, voyez-vous? Je ne vois pas pourquoi, moi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Juste une question supplémentaire. Vous avez dit tantôt que le système de distribution qui avait été établi par vos clients l'avait été dans le but de diminuer le coût des médicaments, de rendre les médicaments à la portée de toutes les bourses. Est-ce que vos clients seraient prêts à participer à un tel système de comptoirs coopératifs, par exemple, si leur souci est toujours de vendre le médicament le moins cher possible?

M. TELLIER: Pourquoi pas? Ecoutez, il y a des pharmaciens qui se groupent pour pouvoir acheter en quantité certaines lignes de médicaments là où ils y trouvent leur avantage, et là ils se partagent la chose. Qu'il y ait une coopération avec un système coopératif, si les parties peuvent s'entendre. Pourquoi pas? Je n'ai pas d'objection à ce qu'ils se rencontrent et négocient. Ils peuvent sûrement s'entendre, mais la loi, à l'heure actuelle, ne le permet pas.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): La loi, à l'heure actuelle, ne le permet pas.

M. TELLIER: Cela prend en effet un pharmacien comme propriétaire, et un établissement. Mais vous me posez la question en théorie et je vous dis: Pourquoi pas?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci.

M. LE PRESIDENT: Me Tellier, une autre question par le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: Me Tellier, est-ce que vous croyez que la distribution des médicaments contrôlée par l'Etat, par exemple, ou par des magasins de l'Etat pourrait se faire à un profit aussi peu élevé que les produits de la Régie des alcools?

M. TELLIER: Vous savez, il y a des fois où je me demande si la régie n'est pas la véritable source de médicaments. Avec tout ce que j'entends dire sur les effets nocifs des médicaments, je pense que j'aime encore mieux les autres. Enfin, je pense que nous sommes tous d'accord sur une chose, sur la question des médicaments, à cause de la pluralité des produits et parce que le médicament qui, en apparence, sur l'étiquette, contient la même substance, n'a pas nécessairement la même valeur thérapeutique. J'en profite pour attirer votre attention sur ceci, parce qu'on l'a fait pour moi.

Aux Etats-Unis, on commence à faire cette étude comparative des médicaments qui sont en apparence identiques. Les résultats obtenus sont absolument renversants. Je crois qu'à ce moment si l'Etat se lançait là-dedans, il deviendrait un entrepreneur commercial. Il ne pourrait pas faire autrement, à cause de la structure extrêmement complexe qu'il devrait installer pour le contrôle des stocks, des achats et de la distribution etc. Je pense qu'il se lancerait dans une aventure et, je doute, à ce moment-là, qu'il pourrait réaliser des économies.

Je pense qu'il y a peut-être une solution à long terme, sur une question, comme le Dr Goldbloom en a soulevé une tout à l'heure, une question de négociation collective auprès des entreprises. Ce peut être un mécanisme beaucoup plus valable. Mais l'exploitation directe par l'Etat, je ne le pense pas.

M. LE PRESIDENT: Je remercie Me Tellier, nous allons suspendre les travaux jusqu'à quatre heures cet après-midi. Voici l'ordre. Nous avons à quatre heures l'Association québécoise des pharmaciens-propriétaires, ensuite Cumberland Drug Store, ensuite les pharmacies Richard et le groupe de travail pour les médicaments à prix modique. Je demande à chacun sa collaboration afin qu'on puisse terminer cette audition pour 6 h 30. Merci.

Reprise de la séance à 16 h 25

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Je vais demander au représentant de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires de prendre la parole. Voulez-vous vous identifier s'il vous plaît?

Association québécoise des pharmaciens propriétaires

M. COMTOIS: Yves Comtois, représentant de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. M. le Président, messieurs, nous représentons une association qui a été formée en vertu de la loi des syndicats professionnels. Nous groupons, depuis le dernier rapport qui date d'hier, 1012 membres, ce qui représente 98 p. c. des pharmaciens propriétaires de la province de Québec. Malgré notre formation très récente, nous sommes très fiers d'avoir une réalisation importante à notre crédit. Nous avons établi le premier régime d'assurance-médicaments avec des compagnies d'assurance privées, avec paiement directement à la pharmacie. Ce plan d'assurance-médicaments comprend un honoraire et pour la première fois, le pharmacien procède, non plus avec une marge de profit, mais avec un honoraire professionnel. Nous avons tenté d'éliminer le mercantilisme qu'il y avait lorsque nous remplissions une ordonnance.

Bien sûr, notre association approuve la présentation du projet de loi 69. Nous serons très heureux de collaborer à l'application de cette loi. Nous souhaitons qu'elle se réalise le plus tôt possible. Le mémoire, que nous avions remis il y a quelques semaines, était surtout centré sur le projet de loi lui-même. Si vous permettez, M. le Président, j'en ferai un très court résumé. Nous avons voulu, en premier lieu, viser les classes de pharmaciens de l'article 1 de la loi au paragraphe a), nous constatons que l'énuméra-tion que l'on y donne des pharmaciens pourrait causer certains problèmes administratifs. Nous aurions peut-être certains problèmes. On donne quelques exemples dans le mémoire.

S'il arrivait qu'un pharmacien propriétaire soit conventionné, et que le pharmacien salarié ne le soit pas ou le contraire, des complications administratives pourraient survenir.

Nous donnons quelques exemples. Nous notons aussi dans le nouveau projet de loi qu'on aura un carnet de réclamations pour l'assisté social. Probablement qu'il faudra contrôler la distribution du médicament, sa consommation, mais on ne voudrait pas que ce carnet social puisse servir à identifier l'assisté social dans nos établissements, l'identifier d'une façon trop précise qui pourrait être discriminatoire à son endroit.

Nous espérons tout simplement, c'est un voeu que nous exprimons, que ce carnet puisse ressembler à une carte d'assuré, que l'assisté social soit traité sur le même pied que tous les autres citoyens de la province. Nous sommes certains que ce carnet ne servira pas à identifier l'assisté social lui-même.

Nous faisons quelques remarques sur le désengagement. La loi actuelle de l'assurance-maladie permet aux autres professionnels de la santé d'être désengagés ou non-participants, ce qu'elle ne permet pas aux pharmaciens actuellement. Nous comprenons facilement que, pour les assistés sociaux, ce serait peut-être difficilement applicable, et nous nous réservons le droit de pouvoir discuter plus tard s'il y avait un élargissement de la loi pour les autres citoyens de pouvoir discuter à ce moment-là de la participation ou non-participation au désengagement.

Nous notons ensuite à l'article 27 k) qu'il y a un terme qui pourrait porter à ambiguïté. C'est-à-dire que l'on emploie à un certain moment le mot "coût", et à d'autres moments le mot "prix". Est-ce qu'on veut désigner la même chose, ce qui serait peut-être surprenant? Si on désigne des choses différentes, ça pourrait prêter à des ambiguïtés.

Nous avons remis, peut-être un peu en retard, mais à la suite des représentations qui ont été faites ici devant les membres de la commission, un addendum à notre premier mémoire. Nous tentons de répondre à des questions qui ont été posées ici devant ce comité. Nous faisons quelques remarques, par exemple, sur le salariat, à savoir que l'association n'en rejette point le principe, mais qu'il y aurait des complications économiques très grandes, et qu'il faudrait une étude beaucoup plus sérieuse que celle que nous faisons actuellement.

Nous notons aussi, au sujet de la publicité, que son but est de créer un besoin réel ou fictif, qu'il est bien certain que, dans des cas particuliers, la publicité peut contribuer à abaisser le coût des biens et des services. Mais, une telle publicité pourrait aussi provoquer une automédication et, même si les produits sont moins chers, on pourrait avoir une surconsommation.

L'argument qu'une publicité bien dirigée augmente la vente des produits parapharmaceu tiques et contribue ainsi à diminuer le coût des ordonnances équivaut à dire que de telles ventes subventionnent l'officine. Si cette pratique était acceptée, nous ne verrions pas pourquoi elle ne serait pas acceptée également par les autres professions. Les médecins, les dentistes, les avocats pourraient bien réduire le prix de leurs honoraires professionnels en les subventionnant au moyen de profits réalisés dans d'autres entreprises.

Ceci vous est soumis, messieurs, sans préjudice pour personne. Mais nous pensons que les pharmaciens sont aussi des professionnels au même titre que les autres et que ce n'est pas parce qu'il y a une certaine dualité chez le pharmacien que l'on devrait se servir de ce moyen uniquement pour abaisser le coût des ordonnances.

Nous traitons aussi de la responsabilité du

pharmacien. Et, dans les questions qui ont été posées ici par les membres de la commission, nous avons noté que l'on avait parlé d'équivalence de produits de substitution. Alors, nous faisons quelques remarques aussi à ce point de vue. Nous croyons que la formation du pharmacien lui permet de pouvoir choisir la dénomina tion commerciale ou la dénomination commune de l'identité chimique. Nous reconnaissons très bien aux médecins le privilège de choisir le médicament, la force, la posologie, ainsi que la durée du traitement, mais que le reste doit être réservé aux pharmaciens. Nous donnons un exemple. Si l'on prescrit equanil 200 milligrammes et qu'on prescrit deux comprimés, trois fois par jour, on ne voit pas pourquoi le pharmacien ne pourrait choisir l'entité chimique et donner du meprobamate 400 milligrammes à un comprimé, trois fois par jour, ce qui équivaudrait exactement à la même dose, exactement au même produit.

Nous avons quelques remarques sur le rôle du pharmacien. Nous ne nous opposons pas à ce qu'il y ait des auxiliaires dans nos pharmacies pour nous aider à accomplir le travail.

Cependant, nous croyons que l'interprétation, le contrôle de la posologie, les contre-indications des médicaments, les modes d'utilisation, les renseignements à donner aux patients doivent être réservés aux pharmaciens.

Les pharmaciens pourraient, au moment où on aurait des auxiliaires dans nos pharmacies, se consacrer à des tâches peut-être plus importantes et pourraient servir de guides, de conseillers auprès de la population et de conseillers en pharmacologie auprès des médecins, conseillers scientifiques objectifs et impartiaux de tous les professionnels de la santé.

Nous croyons devoir ajouter maintenant, M. le Président, quelques remarques sur ce qui s'est affirmé ce matin. On a débuté ce matin avec une argumentation qui ne nous semble pas tout à fait correcte. Les représentations de ce matin sont parties, il nous semble, d'un mauvais pied. On a argumenté que le pharmacien devait être traité sur un pied exclusivement commercial et nous croyons que le pharmacien est beaucoup plus un professionnel qu'un commerçant. Nous croyons que c'est sur cette base qu'il devrait être traité. Il est bien entendu que le pharmacien dans son rôle actuel est un professionnel et qu'il est en même temps un commerçant. Dans l'exercice de sa profession, puisque le tout semble se tenir il est très difficile de séparer l'un de l'autre, on doit le traiter sur une base de professionnel.

Cette ambiguïté dans la présentation de ce matin provient de l'ambivalence de la personne du pharmacien, mais pour vous donner un exposé rapide sur ce sujet, ici, à l'Association des pharmaciens propriétaires, nous tentons d'avoir une certaine collégialité et pour traiter de ce sujet plus particulier, je pourrais demander, avec votre permission, à M. Gilles Laroc-que, pharmacien, de vouloir vous donner un exposé là-dessus.

M. LAROCQUE: M. le Président, messieurs les membres de la commission. Plusieurs points très importants ont été soulevés ce matin. Il nous est apparu qu'il est plus que temps de dire la vérité et d'exposer les faits tels qu'ils sont, pour le plus grand bénéfice des membres de cette commission qui avez des décision extrêmement importantes à prendre et aussi pour jeter un peu de lumière sur toutes sortes de choses qui se disent dans le public et qui sont colportées de façon différente.

D'abord, nous avons parlé d'une ambiguïté. Tout provient du fait que certains pharmaciens, très bien intentionnés, envisagent leur profession d'abord sous l'aspect commercial. Or, tout règlement susceptible de régir leur profession est envisagé d'abord sous l'aspect mercantile.

Lorsque, par exemple, nous avons parlé ce matin du collège avec la politique visant à restreindre d'une certaine façon la publicité professionnelle de façon à réglementer l'exercice de la profession avec le règlement des murs pleins, nous y voyons d'abord une entrave à l'exercice de ce qu'on appelle le libre commerce.

Il nous apparaît très clair que, d'une part, le Collège des pharmaciens n'a aucune juridiction sur l'aspect commercial. Il nous apparaît également qu'il n'entre pas dans les intentions du collège de vouloir imposer aux pharmaciens des mesures visant à leur interdire le libre exercice du commerce. C'est le premier principe. Par ailleurs, il nous apparaît également très clair que le collège, en vertu des pouvoirs qui lui sont accordés par l'Etat, peut très bien, du moins, tenter d'amorcer une réforme à l'intérieur de l'exercice de la profession telle quelle. Ce qui nous apparaît ambigu, c'est l'argumentation suivante. D'une part, on nous dit que le collège n'a aucune juridiction sur l'aspect commercial, c'est exact. Par ailleurs, un peu plus loin, on dit: II faudrait que le législateur permette au Collège des pharmaciens de se brancher — c'est l'expression qu'on a employée ce matin —. On dit encore: Voici, messieurs, jusqu'où les pharmaciens peuvent aller. Peuvent-ils vendre telle chose et ne pas vendre telle autre chose? A ce moment- là, on demande tout simplement au législateur d'accorder des pouvoirs accrus au collège dans un domaine qui ne le regarde pas actuellement. Cela nous semble, d'une part, ambigu.

Par ailleurs, lorsqu'on nous dit qu'on veut nous empêcher de vendre et de vendre en volume, de créer une demande accrue pour nos produits pharmaceutiques et d'en abaisser le coût, il nous apparaît une chose — et c'est ce que le collège a clairement défini ici — que, d'abord, il y a une dualité chez le pharmacien.

Il est d'abord un professionnel avec une formation universitaire et il est obligé de s'exprimer dans un contexte commercial. Ce sont les faits, on ne peut pas le nier.

Mais par ailleurs, le collège a toujours dit — c'est une attitude qui est appuyée par le syndicat: On ne veut pas empêcher quiconque

d'exercer son droit de citoyen, c'est-à-dire d'exercer un commerce. Il a le droit de le faire. Mais en toute équité, par justice pour les autres citoyens qui ont aussi des droits, l'on ne veut pas que les pharmaciens se retranchent derrière leur statut professionnel et derrière la façade de pharmacien ou de pharmacie pour vendre des articles, fussent-ils à prix réduit et à ce moment-là avoir des privilèges discriminatoires par rapport aux autres citoyens qui vendent les mêmes articles qu'eux.

Lorsque nous préconisons, que ce soit très bien compris, que d'une part nous sommes obligés de nous exprimer dans un mode d'expression commerciale, il est clair qu'on ne veut pas empêcher quiconque d'exercer son droit de commerce, mais qu'on le fasse dans un local séparé en suivant les lois édictées par le législateur, à savoir les heures de fermeture et c'est tout. Quant au reste, le collège peut, en vertu des lois qui lui sont conférées, régir ce qui pourrait se faire à l'intérieur de la pharmacie et la pharmacie, à toutes fins utiles, aujourd'hui, c'est l'officine, c'est le laboratoire où le pharmacien exerce véritablement sa profession.

Une autre chose que je me permets de souligner ici — parce que c'est extrêmement important et l'on revient constamment sur la question de prix — c'est que lorsqu'on nous dit que les médicaments sont chers, on a parfaitement raison. Nous sommes les premiers à l'admettre. Nous ne cherchons pas à mettre le blâme sur quiconque, nous disons les médicaments sont chers, mais par ailleurs tout est cher: les vêtements, les aliments, les taxes, les impôts, tout est cher. Mais ce n'est pas la faute des pharmaciens. Allons plus loin.

Les pharmaciens ont toujours dit ceci — et surtout notre syndicat le préconise depuis plusieurs années: Nous sommes prêts à dispenser les médicaments au plus bas coût possible et nous ajouterons un facteur, les honoraires, qui, vous le savez, comprennent à la fois les frais de l'administration de l'officine seul et non pas le bazar, plus une juste rémunération pour le pharmacien.

Lorsque ce matin nous avons parlé de la question du prix coûtant plus $0.99, il ne faut pas éluder la question, il faut l'expliquer franchement et en toute honnêteté: Pour tous ceux qui sont ici présents, lorsqu'on nous parle de prix coûtant, la première question qui nous vient à l'esprit c'est: Qu'est-ce qu'un prix coûtant?

Or, nous allons vous l'expliquer et vous pourrez vérifier. Ce que nous vous avons dit ce matin est la pure vérité. La plupart des compagnies pharmaceutiques nous offrent un catalogue de prix et le prix qui y est indiqué est un prix coûtant. Autrefois, la plupart du temps, nous avions deux colonnes et parfois trois — je reviendrai là-dessus — le prix coûtant plus le prix de détail suggéré. Pour ceux qui sont forts en chiffres, le prix de détail suggéré était le prix de détail à 40 p. c. ou, le prix coûtant plus 66 2/3 p. c, cela donnait le prix de détail suggéré. La plupart des pharmaciens se contentaient d'un tel bénéfice ou profit. Je vais vous donner un exemple très précis. Je suppose qu'un produit nous coûte $6. Si vous ajoutez 66 2/3 p. c. de $6. vous arrivez à $10. Si vous prenez 40 p. c. de $10 cela vous donne $6. Nous disons, messieurs, que nous sommes capables de vendre le produit au prix coûtant, soit $6 plus $0.99 ce qui égale $6.99. C'est strictement vrai. Nous ne le nions pas.

Il y a deux choses à cette question. Il nous apparaît d'abord que c'est un faux problème et, en second lieu, c'est discriminatoire. C'est un faux problème parce que nous oublions de vous dire une chose très importante. Les pharmaciens — j'ai bien aimé l'expression du Dr Laurin, ce matin, "les superpharmaciens", en fait il faut leur donner le mérite, ce sont des superpharmaciens — achètent à volume, ils misent sur une concentration de population, sur des techniques d'achat et ils sont capables de négocier en force avec les compagnies pharmaceutiques, des prix moyennant des contrats, moyennant ce que nous appelions des "under the counter deal", des bonifications et des gratifications. Cela se fait. Nous ne le nions pas, nous vous le disons carrément.

Alors, voici ce qui se produit. Vous pouvez acheter au prix coûtant moins 20 p. c, 25 p. c, 30 p. c, 35 p. c, ou 40 p. c. Je fais un petit calcul, vous pouvez le vérifier. L'exemple que je vous mentionnais: les $10 qui nous coûtent, à nous, pharmaciens des régions rurales — j'en suis un et comme bien d'autres pharmaciens à conditions modestes — $6, eux le paie $6 — je serais très réaliste et pas très généreux — moins 20 p. c, vous gagnez là $1.20 de plus. Nous vous vendons $6 plus $0.99 mais nous oublions de mentionner le $1.20 que vous faites. L'honoraire est donc de $2.19. Ce n'est pas mentir. C'est strictement la vérité. Les gens qui disent cela sont honnêtes mais ils posent un faux problème.

Le deuxième aspect est discriminatoire. Discriminatoire pourquoi? Parce que nous ne permettons pas à tous les citoyens du Québec d'avoir le même privilège.

Un pharmacien, conscient des nouvelles techniques du "merchandising", du "marketing", progressif, détenteur d'un MBA, se dit: Moi, je veux faire profiter mes concitoyens des mêmes privilèges, mais je demeure dans une région rurale, où il y a un bassin de population de 2,000, 3,000, 4,000, 5,000 personnes. Comment voulez-vous qu'il achète au volume? C'est impossible. Il doit vendre $6 plus un certain pourcentage, ou plus les honoraires, qui est certainement plus élevé que $0.99. Que le gouvernement, prenne le plus tôt possible les moyens pour acheter les médicaments pour tous les citoyens de la province au même tarif que ces superpharmaciens peuvent le faire. Cela rendrait un grand service, comme ils nous l'ont démontré ce matin. Ils ont fait une expérience

très valable pour démontrer que c'était possible. Il appartient au gouvernement, maintenant, de prendre les moyens pour que tous les citoyens puissent avoir la même chose.

Mais on vous dit: Messieurs, vous vendez plus cher que les autres. Il est clair que si l'on vous vend $6 plus $0.99, c'est impensable. Lorsqu'on nous parle de compétition, invariablement on nous parle de prix: Cela coûte cher, vous vendez plus cher, un autre me donne un escompte, etc." Nous disons ceci: La compétition doit exister, mais elle doit exister au même plan que tous les autres professionnels; au niveau de la compétence, au niveau des services et au niveau de la personnalité. Je donne souvent cet exemple farfelu, M. le Président —vous me le pardonnerez — voyez-vous cela, un professionnel, qui inscrirait dans le journal: J'aime les grandes familles, je comprends le coût de la vie, je suis prêt à offrir mes honoraires à $0.99, deux pour une piastre. Ou encore des choses semblables? C'est aberrant, cela ne se fait pas. Lorsque l'on nous dit en plus —nous le soulignons dans notre addendum — qu'avec une publicité qui viserait à accroftre la vente des produits parapharmaceutiques, on pourrait se servir des profits de ces produits parapharmaceutiques pour subventionner l'officine, à ce moment, je ne vois aucune raison pour laquelle on ne permettrait pas aux médecins de vendre les médicaments au maximum, se servir des bénéfices de cette vente et dire au gouvernement: Messieurs, nous sommes en mesure de réduire nos honoraires de $2 et $3. Est-ce que cela ne serait pas pour le plus grand bien de toute la population? Je ne voudrais pas m'étendre sur ce sujet. Si vous avez des questions concernant la pharmacie, les prix, et notre pratique, posez-les nous vous dirons la vérité. Nous ne vous dirons pas: Messieurs, ceci est un problème complexe. Nous vous dirons exactement ce qu'il en est.

Si, par ailleurs, en vous disant la vérité, nous vous prouvons que nous n'avons pas notre raison d'être, il est préférable que nous le sachions immédiatement. La réforme s'en vient et nous prendrons des mesures. Si vous me permettez encore, M. le Président, je me permets une observation pour finir. On nous présente une argumentation qui me semble fallacieuse. Il m'apparaît important que vous vous penchiez sur cette question. On nous dit, avec justice: Est-ce que le collège peut établir la compétence ou la valeur de l'acte pharmaceutique posé tant par un salarié, que par un propriétaire? La valeur des services est-elle la même? Il est clair que c'est oui, évidemment. Est-il obligatoire qu'un pharmacien soit propriétaire d'une officine pour que l'on donne des services pharmaceutiques adéquats? Il est clair que c'est non. On nous dit: Si c'étaient des non-pharmaciens qui étaient propriétaires des officines, qui engageraient des professionnels, le service pharmaceutique ne serait pas de moindre qualité. C'est vrai.

On nous dit qu'on pourrait avoir des murs pleins, qu'on pourrait avoir un étalage de produits parfaitement bien agencés, on aurait une atmosphère professionnelle de très belle qualité et c'est rigoureusement vrai.

On nous dit aussi: Si c'étaient des consortiums ou encore des non-pharmaciens qui étaient propriétaires de pharmacies, avec leur grand pouvoir d'achat, leur connaissance, ils pourraient offrir des services à prix réduit. Je me permets cette dernière observation. Dans les faits, aux Etats-Unis, vous le savez, les officines sont contrôlées à toutes fins pratiques ou dirigées par des consortiums, non par des indépendants.

Vous savez aussi que les produits manufacturés le sont en grande partie aux Etats-Unis, et on admet, la plupart du temps, que le produit brut est moins cher aux Etats-Unis qu'au Canada. On admet également que, dans plusieurs Etats américains, on permet la publicité, non seulement la publicité des produits parapharmaceutiques, mais également la publicité de produits qu'ici, au Canada, le fédéral nous défend, les produits d'ordonnance.

On admet également que ces gens-là, ayant la liquidité et toutes les connaissances administratives, sont en mesure de choisir les meilleurs endroits. Ce qui nous semble assez étrange, c'est que, lorsqu'on analyse en profondeur le coût moyen de l'ordonnance des indépendants et le coût moyen des ordonnances des grands consortiums, il y a à peine un écart de 10 p. c.

On se demande si c'est vraiment là le noeud du problème, soit le fait qu'au Québec on permette à des non-pharmaciens d'être propriétaires d'officine. On se demande vraiment si ça abaissera le coût des médicaments, parce qu'on ne sache pas que ces compagnies soient là pour le bien-être de l'humanité. Elles sont là pour faire des profits, et c'est normal. Je ne sais pas également si ce sont ces gens qui vont contribuer à changer la répartition géographique inadéquate des pharmaciens, parce qu'ils vont, évidemment, choisir les meilleurs endroits, là où ils sont susceptibles de faire des profits.

Alors ces quelques considérations, nous vous les laissons pour étude, et nous vous prions d'y penser vraiment et de comprendre que le rôle de pharmacien n'est pas facile. Nous nous débattons dans un contexte qui ne nous exalte pas du tout, et nous voulons aujourd'hui prendre les moyens pratiques, avec vous justement, pour fournir de meilleurs médicaments au coût le plus bas, pour le plus grand bien de tout le monde.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Y a-t-il des membres de la commission qui ont des questions à poser?

M. QUENNEVILLE: M. Comtois, vous nous avez démontré tout à l'heure l'importance d'avoir des auxiliaires en pharmacie. Vous nous avez décrit les différentes fonctions du pharma-

cien licencié à l'intérieur même de sa pharmacie mais vous avez oublié de nous dire quel serait le rôle des auxiliaires. Après toute l'énumération des différentes fonctions du pharmacien à l'intérieur de sa pharmacie, je me demande ce que l'auxiliaire ferait à part de vendre des cigarettes.

M. COMTOIS: Nous croyons, M. le ministre, que l'auxiliaire dans la pharmacie pourrait avoir un rôle de technicien, ce qu'on entend par technicien aujourd'hui. Faut-il avoir une formation professionnelle, une formation universitaire pour compter des comprimés ou pour vérifier la marchandise, pour la placer sur les tablettes, pour faire les inventaires, pour faire les inscriptions sur les fiches pharmaceutiques? Il va falloir un jour ou l'autre avec toute la paperasse qu'on est obligé de tenir actuellement, il va falloir avoir des aides, parce que je ne pense pas que le gouvernement serait prêt à payer pour qu'un pharmacien compte des pilules, qu'il verse des liquides, ou qu'il vérifie de la marchandise. Je pense que dans ces cas ce serait le rôle de l'auxiliaire.

M. QUENNEVILLE: C'est tout ce qu'on voulait savoir. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: M. Comtois, les pharmaciens propriétaires et les employés pharmaciens font partie d'une même corporation professionnelle. Quelles sont les relations entre ces employés?

M. COMTOIS: A l'intérieur de nos pharmacies, les relations sont excellentes.

Nous croyons que les pharmaciens salariés, à l'intérieur de nos pharmacies, accomplissent une tâche aussi importante et aussi bien faite que celle du pharmacien propriétaire. Leur responsabilité s'arrête au niveau de l'ordonnance et celle du pharmacien propriétaire est probablement un peu plus étendue.

M. BOIVIN: Ces employés sont-ils tous payés à salaire ou s'ils touchent l'acte pharmaceutique?

M. COMTOIS : Je pense que tous les pharmaciens salariés sont à salaire; il n'y en a aucun à l'acte pharmaceutique. Ils sont salariés.

M. BOIVIN: Est-ce qu'il n'y a pas de protestation, de la part de ces pharmaciens, pour toucher l'acte professionnel lui-même, tout en payant au propriétaire?

M. COMTOIS: Ils sont payés à salaire, même à l'intérieur des plans que nous avons établis. Par exemple, nous avons établi un plan avec des compagnies d'assurance. A ce moment-là, le pharmacien propriétaire est payé, lui, à honoraires, et il paie son pharmacien salarié selon le nombre d'heures, son temps de travail dans la semaine. Il n'est pas rémunéré d'après les honoraires ou le nombre d'ordonnances qu'il a remplies durant la semaine. Il est payé sur une base salariale et non pas sur une base d'honoraires ou le nombre d'ordonnances remplies.

M. BOIVIN: II n'y a aucune difficulté qui surgit entre les employés pharmaciens et les pharmaciens propriétaires à ce sujet.

M. COMTOIS: Entre les pharmaciens propriétaires et leurs employés pharmaciens? Non.

M. BOIVIN: Ni de la part des associations de pharmaciens à salaire?

M. COMTOIS: Il n'y a jamais eu de revendications faites directement par l'Association des pharmaciens salariés à l'Association des pharmaciens propriétaires.

M. BOIVIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laroc-que, tout à l'heure, nous donnait des chiffres. Il parlait par exemple, de quelque chose qui coûtait $10 au détail et qui pouvait coûter $6 au pharmacien. C'est bien ça? Bon. Vous disiez par contre qu'en achetant en grande quantité, vous pouviez encore bénéficier — en parlant des superpharmaciens — de 20 p. c, 25 p. c. et peut-être 30 p. c. Verriez-vous un avantage ou un désavantage pour les pharmaciens à vous regrouper pour avoir un acheteur unique — qui soit contrôlé par vous ou par le gouvernement, peu importe — qui achèterait en grande quantité? A ce moment-là, vous pourriez bénéficier de cet escompte de 20 p. c. ou 25 p. c. et en faire bénéficier l'acheteur. Est-ce que vous me donneriez des précisions là-dessus?

M. LAROCQUE: Je l'ai dit un peu tout à l'heure. Les pharmaciens revendiquent depuis très longtemps cette chose. C'est-à-dire qu'il y a un organisme — on voit évidemment que le gouvernement est le mieux placé pour cela — pour faire des appels d'offres et ensuite négocier des prix de façon que tous les pharmaciens puissent avoir accès aux mêmes prix, et dispenser les médicaments au plus bas prix possible.

Actuellement, l'expérience que nous avons mérite tout de même d'être soulignée. Nous avons maintenant une expérience de près de six mois avec les assureurs. Nous avons dressé une liste de prix coûtants et les prix coûtants que nous avons dressés sont les prix normaux des pharmaciens ordinaires, pas des superpharmaciens. Cette liste est publique, vous pouvez la vérifier. D'ailleurs, je pense que les responsables de la Régie de l'assurance-maladie l'ont vue et, à partir de ce prix coûtant, nous ajoutons des

honoraires; cela vaut pour tous les pharmaciens de la province, les 1,012, je pense, que nous représentons à l'heure actuelle.

Votre question est très pertinente. Si vraiment le gouvernement peut mettre sur pied un organisme visant à négocier avec les compagnies pharmaceutiques, nous en serions très heureux. En fait, nous, avec le nouveau système des honoraires, nous ne faisons aucun profit avec la vente du médicament. Notre plus grand souci est d'avoir des médicaments de qualité. Là-dessus, évidemment, nous n'avons pas un contrôle direct et, à moins que le gouvernement ne mette sur pied un organisme visant aussi à assurer la qualité des produits, il ne restera qu'à procéder comme nous, c'est-à-dire faire affaires avec des compagnies responsables. Nous n'avons pas d'autre choix.

Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. Est-ce qu'il n'y a pas déjà eu, à Montréal, des tentatives dans ce sens de la part de pharmaciens qui se sont groupés pour avoir plus de pouvoir d'achat? Je crois que ça s'est fait à Montréal par certaines pharmacies.

M. LAROCQUE: Cela existe à Montréal et, également, dans d'autres régions de la province.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que cela a donné des résultats tangibles sur le coût de revient?

M. LAROCQUE: Je dois vous dire que personnellement je n'ai pas fait de recherches dans ce sens. Il est possible qu'au départ on ait cherché beaucoup plus une façon d'augmenter les bénéfices personnels. On ne jouera pas sur les mots, on ne présumera pas des intentions pures de nos confrères. Ils l'ont fait dans un but strictement commercial au départ. Il est possible, par ailleurs, et on vous l'a démontré ce matin, qu'on ait prolongé cette chose-là et qu'on ait cherché vraiment à réduire le prix. On ne blâme personne. Nous disons qu'il nous apparaît que c'est une mesure discriminatoire parce qu'il y a énormément de pharmaciens à l'extérieur des grands centres qui, tout de même, sont soucieux aussi de fournir à leurs patients des médicaments de qualité au plus bas prix possible.

Quand vous achetez au prix de tout le monde, il est difficile à ce moment-là de réduire encore davantage les coûts. Nous le souhaitons, nous l'avons dit, nous l'avons répété: Le plus tôt sera le mieux. Au Québec vous savez tous que la plupart des grossistes sont des coopératives, on en a parlé ce matin. Le coût, le bénéfice brut moyen pris par les coopératives est de 6 p. c. plus bas que les compagnies qui sont des grossistes aux Etats-Unis et dans les autres provinces. C'est public, c'est un fait. Donc, on peut affirmer sans l'ombre d'un doute que les pharmaciens sont actuellement en mesure d'obtenir les médicaments au plus bas coût possible et ce coût inclut le transport quelle que soit la localité. C'est extrêmement important aussi, parce que le gouvernement pourrait très bien mettre sur pied un organisme visant à acheter des médicaments et encore faut-il être en mesure de les distribuer partout en province au même coût. Dans les régions éloignées, le pharmacien qui paierait un surplus pour le transport ne serait pas en mesure d'offrir le même prix à ses concitoyens. Nous le souhaitons.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie) Seulement une autre question. D'après votre exposé, vous parliez tantôt des pharmaciens qui donnent une réduction de 40 p. c. plus $0.99 quand on fait remplir une ordonnance. Est-ce qu'on doit conclure d'après vos explications qu'en définitive l'acheteur ne bénéficie pas en réalité d'une réduction de 40 p. c? Est-ce que j'ai bien compris?

M. LAROCQUE: Non. Je vais être très franc avec vous, c'est qu'effectivement dans plusieurs cas il y a réduction de prix...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais ce sont les 40 p. c...

M. LAROCQUE: ... il n'y a pas réduction d'honoraires, il y a réduction de prix pour le consommateur.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me le permettez, les 40 p. c. sont calculés sur le prix coûtant, sur ce que ça coûte au pharmacien. Ce n'est pas le prix total. Je m'explique. Si je vais chez vous et que j'ai une ordonnance à remplir qui coûte $15, on ne me fait pas une réduction de 40 p. c. sur $15, mais une réduction de 40 p. c. sur le prix que ça vous coûte. Est-ce que c'est cela?

M. LAROCQUE: Non. Ce n'est pas tout à fait cela. En toute justice, il faut dire que ce n'est pas cela. Est-ce que je peux reprendre l'argument de tantôt très simplement?

M. LE PRESIDENT: En bref.

M. LAROCQUE: Oui. En bref. Je ne vous blâme pas. Si on prend les $15, je suppose que c'est le prix normal du marché. On nous dit ceci: Nous allons prendre $15 moins les 40 p. c, cela fait $9 et on ajoute $0.99. Si vraiment on fait cela dans tous les cas, il y a effectivement une réduction pour le consommateur. On ne peut pas le nier. Mais il n 'y a pas réduction de bénéfice pour le pharmacien qui fait cela parce que lui, à partir de ses $9, il est encore capable d'obtenir 20 p. c. ou 30 p. c. de profit. Nous disons, par ailleurs, que c'est une politique discriminatoire parce qu'elle n'est pas accessible à tous les pharmaciens qui seraient

soucieux de vouloir faire la même chose. D'où l'importance de pouvoir acheter les médicaments par l'entremise d'un organisme comme le gouvernement.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une dernière question, M. le Président, très courte. Dans toutes les pharmacies, c'est une chose qui m'a toujours intrigué, on vend aussi ce qu'on appelle les remèdes brevetés. De quelle façon le pharmacien contrôle-t-il la vente de ces remèdes pour savoir, par exemple, si tel remède peut être pris par tel ou tel patient? J'ai souvent entendu dire, je ne suis pas médecin, que quelqu'un qui prend des anticoagulants ne devrait pas prendre trop d'aspirines. Par contre, n'importe qui peut acheter des aspirines à la douzaine. Est-ce que vous exercez un certain contrôle là-dessus, chez le client qui se présente au comptoir et qui demande ces remèdes?

M. LAROCQUE: A ce moment-là, il peut y avoir conflit d'intérêts. C'est clair.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Bon! C'est clair.

M. LAROCQUE: Cependant, je dois préciser une chose. Avec les recommandations du collège et du syndicat, les pharmaciens ont de plus en plus adopté le principe du dossier-patient, justement pour sensibiliser les pharmaciens à la question non seulement des ordonnances exécutées à l'intérieur de la pharmacie, mais aussi pour sensibiliser le pharmacien vis-à-vis des médicaments brevetés susceptibles d'être pris avec les médicaments prescrits. De là à vous dire qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts, il peut y en avoir, et à ce moment-là, voici ce qui se produit. Cela mérite d'être souligné. Le pharmacien n'est rémunéré qu'en fonction de ce qu'il produit de tangible. Il livre une ordonnance. Il obtient une rémunération ou un profit. Il vend un produit parapharmaceutique ou un produit breveté, il a un profit sur la vente. Le pharmacien qui veut vraiment être professionnel, qui est conscient de l'exemple que vous donnez, doit dire et souvent le fait pour des choses aussi importantes que ça: M. Tremblay, ne prenez pas de l'aspirine avec vos anticoagulants. Il peut arriver d'autres cas aussi où vous vous présentez chez moi. Je n'ai pas votre dossier. Je ne suis pas au courant que vous prenez des anticoagulants. A ce moment-là, je ne peux faire autrement que de vous vendre de l'aspirine. Comprenez-vous, là?

Par ailleurs, si je veux toujours être professionnel et que je fais des omissions d'acte, c'est-à-dire que je refuse de livrer une ordonnance ou de renouveler une ordonnance, même si je pouvais le faire, ou si je refuse de vendre un produit breveté qui viendrait en conflit avec les médicaments pris par cette personne, et que je fais cela consciemment et tout le temps, je suis un professionnel, mais, au point de vue com- mercial, il va se produire un problème, c'est que je ne peux plus faire d'affaires, d'où, dans certains cas, il faut l'avouer, un certain conflit d'intérêts, mais il n'est pas aussi grand qu'on veut le laisser entendre.

M. QUENNEVILLE: M. Larocque, depuis le début des séances de cette commission parlementaire, nous avons entendu plusieurs représentants de différents groupes. Je pense que, parce que vous nous avez dit que vous étiez disposé à nous dire la vérité, il ne faut pas comprendre que ceux qui vous ont précédé ne nous l'ont pas dite.

M. LAROCQUE: Sûrement pas.

M. QUENNEVILLE: II reste quand même, dans toute la question de l'appréciation des coûts, qu'il y a peut-être un petit aspect dont vous n'avez pas fait mention, probablement par oubli. Est-ce qu'il n'est pas vrai que les actionnaires des maisons de gros reçoivent une ristourne à la fin de l'année? Si c'est vrai, quel est le pourcentage de cette ristourne?

M. LAROCQUE: Dr Quenneville, vous me posez une question très pertinente et je vous avoue en toute sincérité que je ne suis pas au courant, si une telle pratique existe. Si elle existe, et dans quelle proportion, je l'ignore.

M. QUENNEVILLE: Je parle des actionnaires.

M. LAROCQUE: Est-ce que vous voulez parler des actionnaires?

M. QUENNEVILLE: Des pharmaciens actionnaires.

M. LAROCQUE: Ah! bon. C'est une question très intéressante. Au sujet des grossistes, je vous ai dit tantôt qu'il y avait au Québec, une situation un peu spéciale, que nos principaux grossistes étaient des coopératives. Or, ce que vous soulignez là est très important. Il y a deux types de marchandises. Il y a une marchandise dont le prix est net et, à ce moment-là, sans présumer du mode administratif des coopératives, ça dépend des prix consentis par les manufacturiers ou les fabricants. Par ailleurs, il y a aussi un certain groupe de marchandises qui ne sont pas uniquement des médicaments. Il peut y avoir là-dedans des "sundries" qui sont à ce moment-là à rabais, disons de 10 p. c, et payés suivant deux modes: il y en a sous forme d'une ristourne à la fin de l'année; il y en a d'autres sous forme de réduction sur le relevé des comptes. On ne peut pas dire que c'est une mesure incitatrice visant à accroître le volume. Est-ce que ça répond à votre question?

M. QUENNEVILLE: Non. Je voulais savoir le taux de cette ristourne. Il y en a sûrement.

Vous ne le savez peut-être pas, mais il y en a sûrement qui sont actionnaires, soit de la Pharmacie Moderne, soit de la Pharmacie Universelle.

M. LAROCQUE: Oui. Je préférerais que M. Ripsman réponde à ça. Il saurait sûrement répondre mieux que moi.

M. RIPSMAN: Dr Quenneville, moi, je suis actionnaire de la Pharmacie Moderne. Je viens de recevoir un chèque de $20.50.

M. QUENNEVILLE: Vous avez été malchanceux.

M. RIPSMAN: Exactement, et c'est imposable aussi. Il faut bien comprendre qu'il y a une différence. Peut-être que cela n'a pas été assez précisé.

Nous avons chez plusieurs grossistes le prix coûtant d'un produit — disons $6 ou $5 — et ces derniers nous retournent un bénéfice de 10 p. c. à la fin du mois. Il y en a plusieurs qui le retournent tout de suite sur l'état de compte. Mais les pharmaciens acceptent et calculent ça comme coûtant. Dans notre liste de prix pour nos assureurs, tous ces prix coûtants le sont après que les 10 p. c. ont été enlevés. C'est seulement une manière de baisser les prix et c'est pourquoi nos grossistes ont une marge de 9 p. c. et non de 15 p. c. à 17 p. c. comme les grossistes qui ne sont pas coopératifs.

M. QUENNEVILLE: Est-ce que c'est possible aussi que certaines coopératives ne donnent le montant qu'à la fin de l'année? J'ai déjà fait un voyage avec un pharmacien et c'était sa ristourne qui payait le voyage.

M. RIPSMAN: Moi, je ne suis pas au courant et j'aimerais bien être au courant.

M. QUENNEVILLE: C'était plus que $1.52.

M. RIPSMAN: C'est possible, mais je ne suis pas au courant.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont d'autres questions à poser?

Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aimerais m'adresser à M. Laroc-que, sachant qu'il connaît assez bien mon comté. Est-ce que, selon vous, il y a une possibilité pour un propriétaire de pharmacie d'administrer un commerce qui vendrait uniquement des produits pharmaceutiques tout en réalisant des profits avec une population aussi minime que certaines municipalités de mon comté?

M. LAROCQUE: C'est impossible.

M. GUAY: II faut donc à tout prix pour administrer un commerce qui soit rentable, que soient ajoutés, aux produits pharmaceutiques, des produits que vous disiez parapharmaceuti-ques.

M. LAROCQUE : De toute nécessité.

M. GUAY: Une deuxième question que j'ai posée à plusieurs reprises. Selon vous, croyez-vous que des gens sont présentement privés de médicaments à cause de certaines distances à parcourir pour se les procurer ou encore à cause de leur impossibilité financière? Si oui, quel serait à peu près le pourcentage de ces gens dans un comté rural comme le mien?

M. LAROCQUE: Votre question a plusieurs aspects. La première: la question des distances. Il est possible — remarquez bien que je n'ai pas fait d'études à ce sujet — que dans certaines régions des personnes soient gênées financièrement dans l'obtention de médicaments. Par ailleurs, il faut ici aussi souligner que plusieurs pharmaciens ont des services de livraison qui dépassent largement leur localité. Vous en êtes un peu au courant en ce qui concerne votre région. A ce moment-là, ce n'est pas un service qui est parfait, mais du moins il tente de combler une lacune. Et ceci est fait à même les fonds du pharmacien. C'est le premier aspect de la question.

Le deuxième, vous demandiez s'il y a des gens qui sont gênés à cause du manque de fonds. Evidemment, c'est possible, surtout dans des régions rurales ou sous-developpées. Cependant j'ai l'impression qu'avec les nouvelles mesures préconisées par le gouvernement, l'on tente de plus en plus de réduire cet écart. Il y a des moyens qui se prennent actuellement pour permettre aux gens de se procurer les médicaments.

Quant à la troisième question, quel est le pourcentage? Je ne peux pas vous répondre là-dessus.

M. GUAY: Une autre question, si vous me permettez: Est-ce que vous vous considérez comme étant un superpharmacien?

M. LAROCQUE: Je n'ai pas cette prétention, mais je pense avoir les dispositions naturelles, ou du moins le tempérament, pour en devenir un, si on m'en fournissait l'occasion.

Est-ce que ça répond à votre question?

M. QUENNEVILLE: On vous le souhaite.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et je demanderais au représentant de Cumberland Drug Store d'exprimer ses revendications.

Cumberland Drug Store

M. NEISS: Mon nom est Neiss, je suis propriétaire de la pharmacie Cumberland à Montréal...

M. QUENNEVILLE: Plus fort s'il vous plaît. M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas assez fort.

M. NEISS: M. le Président, MM. les membres, je comprends que la commission permanente des Affaires sociales de l'Assemblée nationale est réunie aujourd'hui pour les fins...

M. LE PRESIDENT: Pouvez-vous vous identifier, nous n'avons pas compris. Quel est votre nom?

M. NEISS: Mon nom est Morrie Neiss. Notre but serait de fournir des médicaments à toute personne qui bénéficie d'aide sociale. J'approuve le principe de ce bill et je félicite le gouvernement de l'avoir présenté. Par contre, je suis d'avis que le bill 69 ne va pas assez loin. Heureusement, la plupart des Québécois ne reçoivent pas d'aide sociale mais à cause de faibles revenus, beaucoup ne peuvent pas payer le prix des médicaments que beaucoup de pharmaciens demandent présentement. A mon avis, il y a certaines raisons pour lesquelles les prix des médicaments sont élevés. J'ai proposé quelques changements que vous trouverez aux page 16 et 19.

En bref, la composition du conseil des gouverneurs du Collège des pharmaciens devrait changer. Certains règlements doivent être révoqués et il faut adopter certains amendements à la Loi de pharmacie. Aussi, il faut que le Collège des pharmaciens continue d'agir principalement afin de protéger et de perfectionner ses membres car les intérêts du public ne sont pas considérés comme ils le devraient.

Le Collège des pharmaciens doit avoir le droit de régler la conduite professionnelle de tous les gens qui disposent des médicaments. Mais, le Collège des pharmaciens ne devrait pas utiliser ses pouvoirs de manière à ignorer les besoins et les intérêts de tous les Québécois.

Un règlement concernant la tenue d'une pharmacie est injuste de la façon que le collège l'interprète. Le règlement, de la façon que le collège l'interprète, ne permet pas la vente d'autres articles que les drogues et poisons dans une pharmacie. Cela peut donner des résultats injurieux et non souhaitables.

Le prix des drogues et ordonnances augmenterait. Un pharmacien peut offrir un bas prix pour ses drogues et ordonnances s'il peut faire un profit de la vente de ses autres produits et articles. Si un pharmacien doit payer toutes ses dépenses, payer son propre salaire et celui de ses employés, des profits qu'il a pu acquérir seulement des ventes des drogues et de la préparation des ordonnances, c'est à croire que ses prix augmenteraient énormément. Donc, le public serait affecté.

Le public, alors, serait obligé de changer ses habitudes et méthodes d'achat inutilement. Pendant environ 50 ans, les citoyens de la province de Québec et particulièrement ceux qui demeurent dans les grandes villes, ont pris l'habitude d'aller à la pharmacie voisine pour l'achat de certains articles. Avec la restriction de vendre seulement des drogues et des poisons et de remplir des ordonnances, la coutume du public sera changée d'une manière draconienne et ce changement n'a aucune valeur bénéficiaire pour le public. Les habitudes et coutumes d'une société ne devraient pas être dérangées par le gouvernement sauf si ce changement est pour le bien du public. Je maintiens l'opinion que le public sera affecté si le collège peut continuer l'application de sa politique.

De plus, beaucoup de gens seraient sans emploi. Si le pharmacien a le droit de vendre seulement les drogues, les poisons et le nécessaire pour les ordonnances, alors tous les commis et autres membres du personnel perdraient leur emploi. Le déplacement de ces individus leur causerait beaucoup de souffrance et d'ennui ainsi qu'à leur famille. Cela devrait être pris en sérieuse considération. Ce n'est pas dans l'intérêt du public d'abolir une catégorie entière d'emploi. Quelques pharmaciens vont acquérir une position privilégiée. Les pharmaciens qui, selon le Collège des pharmaciens, ont des "droits acquis" seraient enrichis immédiatement. Puisqu'une nouvelle pharmacie pourrait vendre seulement les drogues, les poisons et le nécessaire à la préparation des ordonnances, un nouveau pharmacien qui voudrait vendre d'autres articles serait obligé de se procurer une pharmacie qui a déjà ses "droits acquis" à un prix exagéré et abominable. Le pharmacien avec "droits acquis" tiendrait à réaliser un profit énorme en vendant sa pharmacie privilégiée. Il est tout probable que c'est tout simplement une coincidence, mais il arrive que les pharmaciens de plusieurs des gouverneurs du collège auraient ces acquisitions et droits privilégiés si l'interprétation faite par le collège a la permission de prévaloir. L'intérêt du public n'est certainement pas choyé par la création des catégories privilégiées pour les individus ou pour les établissements.

Le jeune et nouveau pharmacien souffrirait un préjudice sévère. Comme le pharmacien établi depuis plusieurs années aurait le plaisir de connaître une situation privilégiée, le nouveau pharmacien qui ouvre une nouvelle pharmacie sans "droits acquis" serait donc obligé de demander un prix plus haut pour ses drogues et ordonnances parce que ses dépenses seraient faites à même les profits qu'il aurait obtenus de la vente des drogues et de la préparation d'ordonnances et autres articles d'un choix très limité.

Le public sachant ceci ne serait pas porté à aller chez les nouveaux pharmaciens, ce qui

explique donc, la difficulté pour les nouveaux pharmaciens d'attirer la clientèle. Cette restriction sur le jeune et nouveau pharmacien ne sert absolument pas l'intérêt du public.

Evidemment, beaucoup de jeunes gens ne seraient pas attirés vers la profession de pharmacien. La raison est que le jeune étudiant serait découragé d'aborder la profession de pharmacien. Il constaterait qu'il est dans une situation ne lui permettant pas de soutenir la concurrence sur un pied d'égalité, à moins d'avoir les moyens de se procurer une pharmacie avec droits acquis. L'inégalité de la situation va certainement désillusionner la jeunesse et, conséquemment, l'intérêt du public ne sera pas servi. Plusieurs pharmaciens qui ont investi de grosses sommes et assumé des obligations financières à long terme pour ouvrir une autre pharmacie de bonne foi, après 1967, mais qui n'ont pas su comprendre les termes ambigus du présent règlement, seraient acculés à la ruine financière si on permettait au collège de continuer à interpréter le règlement de la façon qu'il l'interprète présentement et l'intérêt du public ne serait pas servi, si on permettait que des citoyens honnêtes soient ruinés financièrement. Cumberland Drug propose certains changements.

Afin de pouvoir protéger l'intérêt du public et d'assurer que le Collège des pharmaciens soit assujetti aux normes de la loi et de la justice qui règnent dans la province de Québec, Cumberland Drug propose que le conseil des gouverneurs du Collège des pharmaciens du Québec, devrait être composé d'un certain nombre de membres nommés comme représentants du gouvernement et, parmi eux, quelques-uns qui ne seraient pas pharmaciens, pour assurer la protection de l'intérêt du public et pour assurer l'uniformité de l'application de la Loi de pharmacie et des règlements du collège.

Bien que la Loi de pharmacie, comme elle est présentement conçue, dise que le bureau de discipline agit toujours en restant assujetti au droit d'appel au conseil du collège, et bien que l'article 58 (3) de la loi déclare qu'un appel au conseil suspendrait l'exécution pour les frais, toute ambiguïté serait dissipée si la Loi de pharmacie était modifiée pour déclarer clairement et en termes absolus qu'un appel au conseil suspendrait l'effet de la décision du bureau de discipline. Sinon, un pharmacien peut être puni et il en souffrirait un préjudice irréparable avant d'avoir eu l'occasion...

M. LE PRESIDENT: M. Neiss, je veux vous poser une question, parce que les membres de la commission me le demandent. Votre mémoire se rapporte-t-il au projet de loi actuellement à l'étude ou bien s'il se rapporte plutôt à une question de régie interne de la Loi de pharmacie?

M. NEISS: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: II se rapporte au projet de loi en question, c'est-à-dire la fourniture des médicaments aux assistés sociaux.

M. NEISS: Oui, il se rapporte au projet de loi 69. La proposition que j'ai soumise ici, les changements à la Loi de pharmacie sont au bénéfice du public. Ils sont à son bénéfice en ce sens qu'ils réduisent les prix des ordonnances au public. Puis-je continuer?

M. LE PRESIDENT: Très bien, faites un résumé de votre mémoire.

M. NEISS: C'est un résumé. J'en ai une autre page.

Le règlement du Collège des pharmaciens concernant la publicité devrait être rejeté à l'exception du premier paragraphe. Si le prix des drogues et des médicaments émis par ordonnance doit être maintenu à un prix aussi bas que possible, ceci serait accompli par l'entremise de la concurrence. Quoique ceci peut être considéré "contre la dignité de la profession" de publier des prix spécifiques, le public mérite au moins de savoir la méthode de base selon laquelle les prix sont déterminés pour la préparation des ordonnances. A moins que la politique prohibant la publicité des prescriptions soit changée, le public sera toujours dans un état d'ignorance.

La politique de demander, comme on dit en anglais "what ever the traffic will bear" pourra continuer dans plusieurs pharmacies au prix d'un grave détriment pour le public.

L'article 28 de la Loi de pharmacie devrait être modifié pour aider le pharmacien à tenir plus que trois pharmacies, dans la ville de Montréal, la ville de Québec et ses régions. Si un pharmacien possède plus de pharmacies, il a un pouvoir d'achat plus puissant. Il peut donc acheter à de meilleurs prix, et les prix pour les drogues, poisons et ordonnances seraient donc plus bas.

Rien ne devrait être fait pour affecter l'entretien d'une petite pharmacie et son propriétaire dans les autres parties de la province.

Le règlement du Collège des pharmaciens concernant la tenue d'une pharmacie devrait être révoqué à l'exception de la section II. Si ce règlement est éventuellement remplacé, le nouveau règlement devra établir des conditions uniformes pour toutes les pharmacies et devra ptogéger "les droits acquis" de la profession tout entière des pharmaciens, permettant aux pharmaciens de vendre tous articles et produits qui ont été traditionnellement vendus depuis le début de ce siècle dans les pharmacies de tout le Québec. beaucoup de nos citoyens du Québec m'appuient et j'attache à ceci une pétition signée par près de vingt-mille personnes.

Le tout respectueusement soumis, avec l'intention de renforcer la profession de pharmacien, et le tout pour protéger le public. Merci.

LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a t-il des questions à Doser?

M. TETLEY: Merci, M. le Président. Je note avec plaisir à la page 16 que vous approuvez une des recommandations de la commission Caston-guay et Nepveu à l'effet que d'autres personnes que les pharmaciens soient membres du Collège des pharmaciens, et qu'y soit représenté le grand public. Je note aussi personnellement avec un certain plaisir que vous avez, je crois, réduit le coût des produits pharmaceutiques à Montréal.

Mais il y a un problème que M. Laroque a soulevé, c'est le dilemme suivant: les pharmaciens ruraux n'ont pas la même chance que vous de vendre autant de produits, par exemple dans une petite ville. Il y a aussi le problème qu'il faut évidemment protéger autant que possible le petit pharmacien, même à Montréal. Avez-vous une solution à ce dilemme, M. Neiss?

M. NEISS: Premièrement, je pense que, au sujet de la ville de Montréal, tous les pharmaciens peuvent effectivement, réduire le prix de leurs ordonnances. Ils peuvent commencer. Ils ont les mêmes chances que moi. N'oubliez pas que je suis un homme d'affaires depuis trois ans et demi seulement. J'ai commencé moi-même. J'ai acheté un magasin normal, pas une superpharmacie, c'est moi qui ai changé la politique de cette pharmacie et j'ai commencé au même point que tous les autres pharmaciens. Dans les petites villes du Québec, si vous faites une comparaison de la population, une relation entre la population totale de Montréal et le nombre des pharmacies, vous trouverez qu'il y a presque le même nombre de gens dans la plupart des petites villes du Québec pour chaque pharmacie, c'est-à-dire qu'il y a 5,000, 6,000 ou 7,000 clients pour chaque pharmacie, à Montréal. Si vous faites le même calcul pour les petites villes, vous trouverez presque le même nombre, je pense. Je parle des villes où j'ai fait de petites expériences. Mais, je ne suis pas prêt à parler au sujet de toutes les petites villes du Québec.

M. TETLEY: Merci. Que pensez-vous de la concurrence des supermarchés qui vendent vos produits? Ils vendent des légumes, de la viande et quelques produits pharmaceutiques?

M. NEISS: Les supermarchés vendent seulement les produits pharmaceutiques brevetés, ceux qui ont un numéro donné par le gouvernement. Je peux dire que ce que les supermarchés vendent fait de la concurrence et que les supermarchés et les superpharmacies ont le même but, réduire les prix au public. Si le public en retire des bénéfices, peu lui importe la provenance de ces médicaments. La concurrence est une bonne chose pour le public.

M. TETLEY: Une autre question, M. Neiss. Lorsqu'un médecin ou un client arrive avec une ordonnance et que le médicament nommé est un médicament breveté ou à titre nominal, et que vous savez qu'il y a un autre médicament moins cher, avec la même formule chimique peut-être, que faites-vous? Y a-t-il un moyen par lequel le pharmacien peut suggérer à son client qu'il a peut-être un autre médicament moins cher mais le même médicament?

M. NEISS: Je peux parler seulement de mon affaire, une pharmacie comme Brunet. Nous avons pour règle de donner exactement ce que le médecin prescrit. Si l'ordonnance est trop dispendieuse pour le client, nous suggérons seulement qu'il y a une autre marque moins chère et nous demandons la permission du client de téléphoner au médecin pour lui demander la permission de substituer, mais seulement avec la permission du client.

M. TETLEY: Est-ce que cela arrive souvent?

M. NEISS: Cela arrive souvent dans mes pharmacies.

M. TETLEY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Une question additionnelle, M. Quenneville.

M. QUENNEVILLE: M. Neiss, je pense bien que vos remarques ont trait surtout à un cas personnel qui touche la Loi de pharmacie. Je pense bien que c'est par extension assez prolongée que cela peut toucher l'étude du projet de loi 69. Je me demande jusqu'à quel point le mémoire peut nous aider, malheureusement, à l'étude du projet de loi 69. Avez-vous une suggestion pratique qui touche directement le projet de loi 69?

M. NEISS: Je suis ici, aujourd'hui, pour aider le public. Si l'information que j'ai présentée ici aujourd'hui, les propositions, les recommandations sont importantes aux membres de la commission, j'espère pouvoir participer à l'amélioration de l'acte pharmaceutique, aider le public, lui donner les plus bas prix, les prix minimums sur les médicaments, sur les ordonnances. Je ne suis pas un politicien...

M. TETLEY: Ce n'est pas un défaut.

M. NEISS: ... je ne suis pas un homme qui fait les lois ou les règlements. Je suis un pharmacien qui a fait l'expérience d'une nouvelle politique. Un pharmacien qui a fait un succès de sa nouvelle politique. J'espère que ma réussite va réfléter sur le nouveau système ou sur des nouveaux règlements que vous pouvez adopter.

M. QUENNEVILLE: Je m'excuse. Si on s'en tient aux remarques que vous présentez, ce n'est pas une nouvelle politique puisque vous prétendez que tous les autres font la même chose que vous.

M. NEISS: J'ai fait des suggestions à la page 18 qui, je pense, peuvent aider le public directement et immédiatement. Une de mes suggestions est un changement dans l'acte pharmaceutique, à propos du règlement concernant les annonces. En pharmacie, comme ailleurs, la concurrence donne immédiatement comme résultat des prix plus bas. Sans la concurrence, vous avez des prix plus élevés.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Neiss, des explications que vous avez données. Les membres de la commission ont-ils des questions à poser?

M. GUAY: Une question assez brève. J'aimerais qu'on m'explique ce qu'on entend par superpharmacien. Je vois qu'il est mentionné que vous avez 70 employés avec un revenu de $3,500,000 par année. Expliquez-moi, si vous le pouvez, ce qu'est un superpharmacien?

M. NEISS: Un superpharmacien, c'est un mot que j'ai appris il y a quinze minutes avec les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens. Je ne suis pas un superpharmacien. Je suis un homme d'affaires. Je suis seulement un administrateur. Pour votre information, je suis un homme d'affaires depuis trois ans et demi. Je n'ai pas été une seule fois dans mes laboratoires depuis trois ans. Je pratique une politique d'administrateur. C'est une des raisons de ma réussite.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais tout simplement noter que les observations de M. Neiss, même si elles ne tombent pas exactement dans le projet de loi en question — le bill 69 — sont très intéressantes. Si, en effet, on peut réduire le coût des médicaments, au moins dans les villes, comme simple citoyen j'apprécie ce fait et je crois que le public l'apprécie aussi. Evidemment, c'est apparent qu'il y a une lutte dans le collège, mais il y a des luttes dans toutes les professions. Je crois que c'est notre devoir — je sais très bien que le ministre est de cet avis — de protéger le public. Je ne parle pas simplement comme ministre en charge de la protection du consommateur, mais comme député et citoyen. Si cela peut nous aider, c'est très bien.

M. NEISS: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. Neiss, sur les 70 employés que vous avez, combien sont affectés à la pharmacie comme telle et combien travaillent dans les autres secteurs?

M. NEISS: Je pense qu'il y a 12 à 15 employés qui travaillent au laboratoire. Les autres travaillent en avant.

M. GOLDBLOOM: Maintenant, est-ce que votre opération pourrait s'adapter facilement à ce qui pourrait éventuellement être proposé comme un nouveau régime, c'est-à-dire où un système serait établi qui fixerait en quelque sorte, par négociation ou autrement, le prix des médicaments et où le pharmacien travaillerait avec comme revenu principal ses honoraires professionnels pour l'acte pharmaceutique?

M. NEISS: C'est la politique actuelle dans mon commerce.

Mais le pharmacien, dans le magasin, travaille souvent en laboratoire. Nous avons une politique coûteuse et tous les autres employés travaillent dans le reste du magasin et c'est un grand succès.

M. GOLDBLOOM: Je pense que c'est assez important pour nous de comprendre ceci. Est-ce que l'opinion que vous exprimez est en partie celle que le pharmacien est en mesure d'offrir, comme vous le faites présentement, des médicaments à des prix réduits parce que vous avez les autres secteurs de vos activités qui vous donnent certains revenus et vous permettent donc de baisser le prix des médicaments?

M. NEISS: Oui, cela est le résultat de nos affaires. Je fais des profits dans la vente à mon magasin et ces profits aident au fonctionnement du laboratoire. Comme on le dit: Une main lave l'autre et les deux mains lavent le corps.

M. GOLDBLOOM: J'ai une autre question, M. le Président. Si le pharmacien était obligé de s'en tenir strictement aux ordonnances médicales qui lui viennent, est-ce que nous aurions assez ou pas assez ou trop de pharmacies sous un tel régime?

M. NEISS: Je ne crois pas que ce fait soit relié directement au nombre des pharmacies. Je suis sûr que ce serait la fin de beaucoup de pharmacies. Comme homme d'affaires, je puis vous dire que c'est impossible d'assumer les mêmes dépenses ou presque les mêmes dépenses pour le loyer, l'électricité, les taxes, toutes les dépenses normales fixes, seulement avec les profits bruts des ordonnances. Si un pharmacien devait payer toutes ses dépenses uniquement avec le profit brut des ordonnances, ce dernier devrait être énorme et le but de cette commission aujourd'hui est de réduire le prix des ordonnances.

M. GOLDBLOOM: Merci.

M. SAINT-GERMAIN: Une toute dernière question. Est-ce que vous vous considérez, M.

Neiss, comme un administrateur, un homme d'affaires ou un pharmacien?

M. NEISS: Je suis les deux.

M. SAINT-GERMAIN: Vous êtes les deux.

M. NEISS: Je duis diplômé d'une université. Mes diplômes sont à mon bureau. J'engage six autres pharmaciens licenciés qui travaillent pour moi. Je suis un professionnel et un commerçant. Lorsque j'ai terminé l'école secondaire, j'ai considéré toutes les autres professions: avocat, chimiste, médecin, et j'ai choisi la pharmacie parce que...

UNE VOIX: Vous avez bien choisi.

M. NEISS: ...c'est la seule profession qui peut me donner la chance d'être à la fois un professionnel et un commerçant.

M. SAINT-GERMAIN: Mais dans toutes les lois du "marketing", par exemple, on voit souvent dans les grands magasins d'alimentation, en particulier, que certaines marchandises sont écoulées avec peu de profit et même à perte pour attirer la clientèle. Alors, dans le contexte de votre pharmacie, est-ce que vous considérez la vente de médicaments comme étant simplement un moyen, si vous voulez, d'attirer chez vous une clientèle qui vous permet d'écouler d'autres marchandises qui n'ont nécessairement rien à voir avec la pharmacie?

M. NEISS: Mon premier but, en vérité, est de faire des profits. Mais le deuxième but, celui qui nous intéresse ici, c'est d'offrir au public les prix plus bas. Si je peux faire les deux, c'est acceptable pour le public et pour moi.

M.,SAINT-GERMAIN: II est entendu qu'avec votre façon de faire le public ne peut pas être autrement qu'heureux, parce que ça lui procure d'une façon immédiate un moyen d'avoir des médicaments à meilleur marché. C'est clair. D'ailleurs le public vous fait confiance, il va vous voir. Si je vous pose ces questions-là, c'est que je me demandais simplement si à longue échéance, avec cette façon de procéder, l'intérêt du public serait toujours conservé?

M. NEISS: Oui, parce que j'entre en concurrence et je force les autres pharmaciens à pratiquer la même politique. Quand j'ai commencé, il y a trois ans et demi, je pense qu'il y avait deux ou trois pharmacies, qui avaient la même politique, à Montréal. Aujourd'hui il y en a quinze, vingt ou vingt-cinq; l'année prochaine, cinquante. Avec l'aide du gouvernement, peut-être que tous les pharmaciens changeront leur politique.

J'ai commencé un nouveau système pour aider le public. Si je mourais demain ou si j'échouais dans mes affaires, je connais maintenant un minimum de 25 pharmaciens qui gagnent leur vie avec ce système. J'ai commencé quelque chose. L'avenir pour moi n'est pas important. Pour le public c'est important. Je pense que j'ai réussi.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent pose des questions? Le député de Sainte-Marie.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Neiss, vos établissements, ce sont des pharmacies qui ferment à dix heures du soir?

M. NEISS: Oui, excepté le dimanche.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Etant donné que vous vendez toutes sortes de marchandises en plus des produits phamarceutiques, est-ce que le fait de pouvoir vendre ces marchandises après les heures de fermeture, cela ne crée pas une injustice vis-à-vis des autres commerçants qui vendent la même marchandise?

M. NEISS: Je ne suis pas très au courant au sujet des règlements concernant les heures de fermeture, mais je ne fais que suivre les autres pharmaciens, cent pour cent des autres pharmaciens de la ville de Montréal. Toutes les autres pharmacies vendent toute la gamme de produits, toutes les heures où elles sont ouvertes. Si je suis coupable, 1500 autres pharmaciens le sont.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Après les heures de fermeture, je veux dire après six heures, vous continuez à vendre non seulement des produits pharmaceutiques, mais tous les produits qui sont en étalage.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Une dernière question, M. Neiss, étant donné que vous avez 70 employés, combien d'ordonnances pouvez-vous remplir dans une journée?

M. NEISS: Nous -en préparons environ 400 dans mon premier magasin, et dans mon second magasin qui est ouvert seulement depuis dix mois, environ 200 par jour.

M. GUAY: Une autre question brève. Quel pourcentage de votre chiffre d'affaires représente chez vous strictement les produits pharmaceutiques brevetés?

M. NEISS: En ordonnance? M. GUAY: C'est ça.

M. NEISS: Le dernier mois, c'était 21 p. c. et quelque chose.

M. GUAY: Pour le reste, ce sont différents produits qui s'ont vendus chez vous.

M. NEISS: Pour 25 p. c, ce sont des produits pharmaceutiques brevetés et pour 20 p. c. ou 25 p. c, ce sont des produits de beauté, et le reste des...

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Neiss de son exposé. Maintenant, est-ce que les membres de la commission... Il nous reste à entendre le Groupe de travail pour des médicaments à prix modique et les Pharmacies Richard. Est-ce que les membres de la commission veulent suspendre les travaux jusqu'à huit heures ce soir? Nous pouvons commencer à écouter le mémoire du Groupe de travail pour des médicaments à prix modique.

M. François Girard.

Groupe de travail pour des médicaments à prix modique

M. GIRARD: MM. les membres de la Commission, je suis ici comme porte-parole du Groupe de travail pour les médicaments à prix modique, dont l'appellation, en anglais, est le "Task Force for Low Cost Medication". Je tiens d'abord à souligner que je vais essayer de prendre le minimum de temps possible. La première bonne raison, c'est que je me suis rendu compte que les positions du Groupe de travail pour les médicaments à prix modique sont essentiellement les mêmes que celles qui ont été prises par le front commun des trois centrales syndicales et par l'UCC, ce matin.

Je voudrais d'abord mentionner brièvement la nature et la composition du Groupe de travail pour les médicaments à prix modique. Le Groupe de travail pour les médicaments à prix modique a été formé au mois de novembre 1970, quelque temps après la mise en vigueur de la Loi de l'assurance-maladie. Nous pouvons considérer la création du groupe de travail comme un phénomène assez spontané autour d'un problème bien concret, celui de la fermeture des dispensaires d'hôpitaux, même si, dans certains cas, certains étaient fermés depuis longtemps.

Depuis le mois de novembre, le Groupe de travail pour les médicaments à prix modique a surtout travaillé au niveau de la mobilisation de l'ensemble des comités de citoyens, des cliniques populaires et des mouvements sociaux en général autour de la question des médicaments. Ultérieurement, il pourrait s'agrandir jusqu'à toucher d'autres problèmes que la question des médicaments strictement. Les principaux appuis dont dispose actuellement notre mémoire sont les suivants... Le mémoire que je vais vous lire est assez court — en fait il a quatre pages — il est appuyé par le Greater Montreal Antipov-erty Coordinationg Committee.

M. LE PRESIDENT: Etes-vous capable de résumer votre mémoire?

M. GIRARD: Etant donné que le contenu du mémoire peut être résumé en cinq minutes, j'aimerais d'abord vous mentionner la liste des appuis.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Je n'ai aucune objection.

M. GIRARD: II est donc appuyé par le Greater Montreal Antipoverty Coordinating Committee qui réunit douze comités de citoyens anglophones à Montréal, par le Montreal Council of Social Agencies, par l'Association des praticiens de service social en milieu médical de la province de Québec, par plusieurs autres groupes dont un certain nombre d'appuis officiels de la part de l'Association de clubs d'âge d'or et d'un appui officieux qui n'attend qu'un conseil d'administration de la part de la Fédération des clubs de l'âge d'or de la province de Québec.

Egalement appuyé par la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et d'autres groupes de citoyens. Une pétition résumant le mémoire que je vais vous lire rapidement tout à l'heure a été endossée jusqu'ici — parce que la phase d'endossement de la pétition, est loin d'être terminée — après calcul rapide, par 1,000 personnes à titre individuel et nous en attendons encore à peu près deux fois ce nombre.

Disons qu'en cinq minutes je pourrais vous résumer le contenu du mémoire. La position de principe du groupe de travail pour des médicaments à prix modique est la suivante: l'accès aux médicaments est un droit et non pas un privilège. Quiconque a besoin de médicaments a droit à ce qu'on complète immédiatement son ordonnance, indépendamment de sa capacité de les payer.

La première référence que nous faisons à l'appui de notre position vise une interprétation de la Loi de l'Aide sociale sur laquelle, je pense, tout le monde peut s'entendre. C'est-à-dire que la Loi de l'Aide sociale avait pour objectif premier de décompartimenter le régime de politique sociale au Québec et deuxièmement, de rendre plus accessible cette politique sociale.

Dans cette perspective, il y a nécessairement un lien entre l'idée d'une assurance-maladie au Québec et l'esprit de la Loi de l'Aide sociale. Nous trouvons que les étapes très lentes que poursuit actuellement le programme d'assistance-médicaments sont en discordance avec les priorités que posent à la fois le principe de la Loi d'Aide sociale et le principe d'une assurance-maladie.

Deuxièmement, nous avons parlé dans le mémoire de la question de l'accès au programme de gratuité des médicaments pour assistés sociaux, c'est-à-dire plus précisément sur la question du contenu explicite du projet de loi 69. Il est assez évident, à travers le texte du

projet de loi 69, que l'administration d'un programme d'assurance-médicaments pour assistés sociaux se ferait par les bureaux de bien-être. On considère que c'est s'éloigner de l'esprit du rapport Castonguay que nous endossons en général, en ce sens que le rapport Castonguay préconise la mise sur pied d'un système ou d'un régime ouvert de services de santé, en ce qui concerne l'ensemble des politiques sociales au Québec, si on peut lui donner une certaine extension.

Il nous semble que ce serait partir dans une très mauvaise direction que de perpétuer les problèmes implicitement compris dans le système bureaucratique des bureaux du bien-être. On pourra revenir là-dessus tout à l'heure de façon peut-être un peu plus claire.

En ce qui concerne le bill 69 comme tel, la position du groupe de travail est la suivante: c'est que, dans la mesure où le bill 69 ne vise qu'à couvrir les frais des médicaments d'ordonnance aux assistés sociaux, nous considérons que, premièrement, comme il a été dit ce matin, la meilleure formulation est que ça ne sert qu'à consolider une politique déjà existante au Québec.

Cela sert à rationaliser une chose qui existe actuellement, et dans ce sens-là, la longueur de l'adoption d'un bill comme le bill 69, me semble assez soupçonnable. Nous recommandons que le projet de loi actuel étende la gratuité des médicaments non seulement aux assistés sociaux, mais également aux personnes âgées qui ne bénéficient pour vivre que d'un chèque d'allocations ou d'un chèque de pension, enfin aux familles à petit revenu, c'est-à-dire donc techniquement, les familles qui dépensent plus de 70 p. c. pour seulement le logement, la nourriture et le vêtement.

C'est la définition de la pauvreté du Conseil du travail, du Conseil économique du Canada en 1968. Nous demandons que l'assurance-médicaments s'étende immédiatement à l'ensemble des gens qui vivent dans une situation de pauvreté. Nous considérons enfin une question un peu plus technique, à l'article 12 du bill, au sujet des frais modérateurs. Dans l'ensemble des arguments qui ont été apportés jusqu'ici, que ce soit par la Régie de l'assurance-maladie, que ce soit par le gouvernement, ou par ceux qui se cherchaient des moyens de retarder la mise en application d'un programme d'assistance-médicaments, souvent, à l'égard de la question des frais modérateurs, on a invoqué l'expérience de l'Angleterre. L'Angleterre, ce n'est pas le Québec. L'ensemble des facteurs qui entreraient à ce moment-là en ligne de compte, dans la motivation des gens à consommer des médicaments, ne justifient pas qu'on parle de frais modérateurs pour retarder la consommation des médicaments. Nous nous opposons donc radicalement à l'idée d'imposer aux assistés sociaux, et à des gens qui dépensent 90 p. c. de leurs revenus pour le logement, la nourriture et les vêtements, de leur imposer en plus, même un $0.50 ou $1 de frais soi-disant modérateurs.

La position finale, en ce qui concerne le bill 69 est la suivante.

Dans ce sens-là, il s'agit d'une remise en question assez fondamentale de l'esprit du bill 69. Aussi longtemps qu'on ne fait qu'assurer que les assistés sociaux puissent se procurer les médicaments sans remettre en question la législation actuelle en ce qui concerne l'ensemble des problèmes pharmaceutiques au Québec, c'est-à-dire la Loi de pharmacie et ses mécanismes de mise en application, c'est-à-dire également les privilèges du Collège des pharmaciens, tant et aussi longtemps qu'on ne fait que rendre gratuits les médicaments des assistés sociaux sans remettre en question l'ensemble des réseaux de distribution et de production des médicaments, tout ce qu'on fait c'est agrandir le marché des médicaments, c'est grossir potentiellement le chiffre d'affaires des pharmaciens.

Il est donc absolument indispensable, dans la conjoncture actuelle du Québec, que la mise en application d'un système d'assurance-médicaments soit suivie et même, si possible, précédée d'une remise en question des conditions du marché des médicaments, des conditions de production des médicaments. Je pense que, essentiellement, c'est le texte du mémoire. S'il y a des questions, je suis disposé à y répondre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont des questions à poser à M. Girard? Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. Girard, vous mentionnez à la première page de votre mémoire que vous vous opposez à ce que le présent projet de loi ne s'adresse qu'à la catégorie des bénéficiaires de l'aide sociale. Vous expliquez dans une autre page ce qu'est pour vous une famille réellement pauvre, c'est-à-dire où les trois articles que vous mentionnez prennent 70 p. c. du revenu. Par exemple, dans certaines localités, dans certaines régions — je prends la région que je représente ou le comté — où il y aurait probablement plus de 40 p. c. de la population qui serait bénéficiaire, est-ce que vous prévoyez un mécanisme de vérification de revenus, te! que vous le mentionnez?

M. GIRARD: La question des implications administratives d'un programme qui viserait à réaliser une politique sociale est assez fondamentale. Quant aux questions administratives, ce n'est pas à un groupe qui revendique ses droits de les examiner en détail. Il y a différents mécanismes appropriés pour vérifier le revenu d'une personne. Une fois par année on remplit une formule d'impôt. Soit qu'on dise que la formule d'impôt ne vaut rien et qu'elle n'est pas propre à vérifier les revenus de quelqu'un; soit qu'on l'accepte. Je la cite à titre d'exemple, car nous ne proposons rien, ici. Nous venons exprimer l'opinion d'un certain nombre de groupes, mais la formule d'impôt pourrait être une solution rapide au problème, à tout le moins, à première vue.

M. GUAY: Est-ce qu'il n'y a pas, selon vous, un danger à ce moment-là que soit augmenté le coût des articles mentionnés pour rejoindre les 70 p. c. du revenu?

M. GIRARD: Vous parlez des coûts administratifs d'un programme comme celui-ci?

M. GUAY: L'analyse du budget. Supposons que je consacre 70 p. c. de mon revenu à la nourriture, aux vêtements et au logement. L'année suivante, je me rends compte que ces dépenses ne représentent que 65 p. c. de mon revenu. Est-ce qu'il peut arriver que j'augmente aux articles mentionnés une partie de mon revenu?

M. GIRARD: Que vous demandiez à votre propriétaire d'augmenter votre loyer?

M. GUAY: Personnellement, je ne trouverais pas que cela m'avantage. C'est toujours un danger. Il existe la possibilité de mettre sur pied les mécanismes de contrôle. Dans la mesure où on a une administration efficace, cela constitue un problème assez différent que celui de reconnaître des priorités en termes de politique sociale. La question est la mise sur pied de mécanismes administratifs pour contrôler les problèmes concrets comme ceux-là. J'en conviens. Cela constitue, je pense, un autre problème.

M. GUAY: On doit vous remercier, de ma part du moins, d'exprimer aussi clairement vos vues sur l'inclusion des médicaments.

M. SAVOIE: Est-ce que je pourrais faire remarquer au député qui vient de faire la dernière intervention que le problème du contrôle ne se pose même pas pour les personnes âgées qui reçoivent $111 par mois?

On n'a même pas besoin de savoir s'ils dépensent 70 p. c. de leurs revenus en logement, nourriture et vêtements, c'est évident. La question de contrôle se poserait donc seulement dans le cas des économiquement faibles.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que des membres ont d'autres questions à poser? Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Si je comprends bien, vous êtes un organisme bénévole qui fait un travail pour...

M. SAVOIE: Notre organisme n'a aucun statut juridique particulier. L'organisme — disons qu'on ne l'appellerait pas un organisme, on l'a appelé groupe de travail — est une coalition, si vous voulez, un comité ad hoc représentant un certain nombre de comités qui sont eux-mêmes ad hoc dans certains cas comme le Greater Montreal Antipoverty Coordination Committee qui n'a pas que je sache de statut juridique. Il n'est pas incorporé en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a une question.

M. TETLEY: La question a été posée.

M. LE PRESIDENT: Bon. Le député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: Je comprends que vous avez dit tout à l'heure que vous n'exprimiez qu'une opinion sur ce qui devrait être fait de façon globale sans entrer dans les détails. Si j'ai bien compris — et je ne voudrais pas mal vous citer — je vous ai entendu dire que l'extension du régime devrait être précédée d'une étude de tout le marché des produits pharmaceutiques; de la mise en marché et du système d'établissement de coûts et de prix.

M. GIRARD: Elle aurait dû être précédée de cette étude. On est en droit de supposer que les recherches faites jusqu'ici sont sérieuses. Je pense qu'il est de sens commun de constater qu'il est d'ailleurs probablement reconnu par le gouvernement que l'application d'un régime d'assurance-médicaments ne peut pas se faire de façon rentable sans que soient également chambardées pas mal de choses en termes de réseaux de production et de réduction de médicaments. Je pourrais peut-être expliciter les objectifs du "task force" de façon à clarifier peut-être le contenu un peu plus implicite des propositions qu'on fait.

Le premier objectif du comité porte sur la gratuité des médicaments d'ordonnance pour l'ensemble de la population du Québec. C'est la proposition que j'ai faite tout à l'heure. Le deuxième objectif, c'est la gratuité immédiate pour les personnes ou familles vivant au seuil de la privation — la définition que j'ai donnée tout à l'heure de 70 p. c. — et pour y arriver, un contrôle étatique beaucoup plus sévère allant à la rigueur jusqu'à la nationalisation de la production et de la distribution des médicaments d'ordonnance. Cette mesure est conçue comme la seule capable de réduire le coût actuel des médicaments.

Troisième objectif, la modification en profondeur de la Loi de pharmacie, ainsi que les privilèges accordés tant aux corporations professionnelles qu'à l'industrie pharmaceutique, de façon à rendre possible la prise en charge de la production et de la distribution des médicaments par des coopératives populaires. On revient ici sur la question des coopératives pour la bonne raison que cela a été soulevé par plusieurs personnes des comités qu'on représente. Il y a eu au moins à Montréal un projet de coopératives de production de médicaments qui a été bloqué à cause de la loi actuelle. Il y a plusieurs projets de coopératives de distribution de médicaments, de pharmacies coopératives

qu'il est rigoureusement impossible de réaliser dans le contexte législatif actuel parce que les copropriétaires ne sont pas nécessairement tous des pharmaciens.

Nous demandons plus qu'une recherche. Il y a eu des recherches. Sur la question des médicaments et sur la proportion qui est dévolue au coût de "marketing" dans l'industrie pharmaceutique, cela fait une quinzaine d'années qu'on sait ça. Il s'agit que le gouvernement reconnaisse l'ensemble de la population des défavorisés — on n'a pas la prétention de représenter l'ensemble de la population, ni même l'ensemble des assistés sociaux ou des gens à petits revenus — mais nous appuyons le gouvernement dans toute mesure qui viserait à transformer les privilèges des corporations professionnelles, visant également à établir un contrôle étatique beaucoup plus sévère sur la production et la distribution.

A titre d'exemple, je pourrais mentionner une loi visant à forcer les corporations qui produisent des médicaments à présenter des bilans publics — ce qui n'existe pas actuellement ou c'est toujours tellement douteux que c'est inutilisable pour la connaissance du problème — des lois qui visent donc à publier les soi-disant lois naturelles du marché dont on a entendu parler aujourd'hui.

Il n'y a personne qui connaisse les lois naturelles du marché, sauf ceux qui en profitent. Il serait peut-être bon qu'à un moment donné l'ensemble de la population puisse utiliser elle aussi les lois naturelles du marché, soit les possibilités de coopératives de production, de coopératives de distribution de médicaments.

M. GOLDBLOOM: Je tiens à souligner que le gouvernement entreprend présentement cette étude de la mise en marché des produits pharmaceutiques à laquelle vous faites allusion et qu'il se penche justement sur les lois constitutives des corporations professionnelles de façon à y apporter certaines améliorations. Un dernier commentaire —je n'en fais point un reproche — mais je lis dans votre mémoire, à la page 3: "Nous comprenons qu'il est stratégique pour le gouvernement à l'heure actuelle de tâter le pouls à la fois de l'industrie pharmaceutique et des corporations professionnelles". En ce qui concerne la question des médicaments, je ne peux que conclure — je répète que je n'en fais pas de reproche — que vous n'étiez pas ici quand l'industrie pharmaceutique et le Collège des pharmaciens se trouvaient au micro qui est devant vous en ce moment.

M. GIRARD: Nous étions deux ici à la première séance de la commission parlementaire. J'en retire l'expérience du nombre d'heures qu'a parlé le Collège des pharmaciens à comparer avec ce qui nous est alloué. Je ne penserais absolument pas à en faire un reproche; au contraire, je tiens d'ailleurs — soit dit en passant — à remercier le président.

M. LE PRESIDENT: M. Girard, vous avez tout le temps que vous voulez. C'est vous-même qui m'avez dit que vous en aviez pour une demi-heure.

M. GIRARD: J'ai dit que je ne voulais pas vous ennuyer plus qu'une demi-heure. Disons que, jusqu'ici, le temps et l'ordre de présentation des interlocuteurs me semblent un symptôme assez clair de la situation de la commission parlementaire. Je ne le reproche pas. Je dis qu'il est absolument indispensable actuellement de voir où en sont les rapports de force.

Maintenant il reste tout de même que, ce matin, quelqu'un à notre avis, a présenté un mémoire qui n'avait que peu à faire avec le bill 69 comme tel, sauf par incidence très indirecte. Il était certainement intéressant de discuter des problèmes de compétence administrative des pharmaciens, mais il reste que c'est un problème secondaire par rapport à la priorité à l'urgence du problème des gens qui actuellement ne peuvent pas avoir des médicaments.

M. GOLDBLOOM: Je tiens à vous dire que, normalement, la liste des comparutions est confectionnée d'après lordre chronologique de la réception des demandes et que, malgré cela, à la première séance de cette commission parlementaire, nous avons pris des dispositions spéciales pour entendre un représentant des assistés sociaux, tenant compte des problèmes qui le confrontaient en se rendant à Québec et en retournant à montréal.

M. GIRARD: Oui, j'ai remercié tout à l'heure M. le président et M. Paul Gelly, secrétaire de la commission, pour le travail qu'ils ont fait afin qu'il me soit possible de présenter un mémoire aujourd'hui. Maintenant, j'aimerais mentionner tout de même que, si nous nous sommes permis les événements de la journée aujourd'hui — parce qu'il s'est passé des choses à Montréal, aussi — c'est que nous sommes entrés en contact avec le gouvernement au mois de novembre. J'ai quelque part, ici, une lettre du secrétaire particulier de M. Castonguay, nous promettant de se mettre en contact avec nous avant la présentation du projet de loi, de façon qu'il nous soit possible de nous adresser à la commission parlementaire en priorité. Ce qui n'a pas été fait. Là-dessus, à mon point de vue, cela clôt la question. Nous tenions tout de même à nous présenter devant la commission parlementaire même si plusieurs d'entre vous se disent peut-être que nous parlons en l'air et que nous parlons de grands principes. Il reste que l'ensemble des groupes que nous représentons a souvent des moyens d'action très différents de celui-ci. Je pense qu'on l'a prouvé aujourd'hui quelque part à Montréal. Maintenant il reste que le problème est posé et j'espère qu'à l'avenir il sera possible de communiquer ensemble plus facilement.

M. BOIS: M. Girard, j'aurais une question à

poser. Dans les pourcentages que vous donnez au premier paragraphe de votre présentation, vous mentionnez qu'en 1968 seulement 8 p. c. de la population était considérée comme bénéficiaire de l'aide sociale, tandis que plus de 20 p. c. de la population vivaient tout de même en dessous du seuil de la pauvreté. Votre enquête est-elle basée sur un échantillonnage qui a été fait dans l'île de Montréal ou aux alentours?

M. GIRARD: Vous parlez du 7.8 p. c. ou du 8 p. c?

M. BOIS: Non, du 20 p. c.

M. GIRARD: Disons que le 20 p. c...

M. BOIS: Combien pour l'échantillonnage?

M. GIRARD: Concernant les 20 p. c. vivant en bas du seuil de pauvreté, je pourrais vous référer à plusieurs études qui ont été faites; ça varie d'ailleurs entre 20 p. c. et 30 p. c. entre nous. Mais les 20 p. c. sont précisément la référence que je fais en bas, c'est-à-dire dans le texte intitulé: "Défi posé par la croissance et le changement, cinquième exposé annuel du Conseil économique du Canada", C'est un chiffre qui a été donné par le Conseil économique du Canada.

Cette étude a été confirmée à un autre moment, dans la région de Montréal, par le Conseil du travail de Montréal, qui a indiqué les mêmes chiffres. Il a appelé cela pauvreté plutôt que privation, mais cela voulait dire la même chose. J'ai moi-même effectué une recherche dans la région de Nicolet, il y a deux ans, qui a démontré qu'il y avait 23 p. c. de la population qui vivait dans des conditions encore pires que celles-là, c'est-à-dire que 76 p. c. et plus du revenu était affecté seulement au logement, à la nourriture et au vêtement.

Je pense encore à une recherche faite récemment dans la région de Montréal, démontrant que, dans trois quartiers défavorisés, la moyenne des pourcentages du revenu accordé à la nourriture, au logement et aux vêtements, est de 76.5 p. c, ce qui représente à peu près 250,000 ou 300,000 de population dans Pile de Montréal.

Disons que la question des 70 p. c. n'est pas un mythe; on donne 20 p. c, je pense que c'est un minimum.

M. JORON: Je vous remercie M. Girard.

M.QUENNEVILLE: M. Girard, je voudrais que vous sachiez que nous déplorons avec vous la lenteur qui est sûrement due aux principes démocratiques dont vous jouissez cet après-midi. M. Castonguay a très bien expliqué ce matin les raisons pour lesquelles tous ces processus étaient lents, et je pense bien qu'on n'a pas à insister là-dessus. C'est la raison d'être d'une commission parlementaire, de pouvoir entendre tous les groupes. Ce sont aussi les raisons pour lesquelles c'est lent.

Je peux aussi vous dire, qu'en ce qui concerne les suggestions qui sont dans votre mémoire, nous les considérons beaucoup. Déjà une bonne partie retient notre attention. Veuillez croire que ce n'est peut-être pas avec l'intention que vous nous prêtez que nous allons relire votre mémoire. Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Girard. Le même groupement, oui.

M. SAVOIE: En attendant que le projet de loi subisse les lectures suivantes avec amendements appropriés, serait-il possible que l'autorisation faite à trois hôpitaux de Montréal, d'ouvrir leur pharmacie d'hôpitaux au mois de décembre, puisse être étendue aux dispensaires des autres hôpitaux?

M. QUENNEVILLE: Je transmettrai le message à M. Castonguay, et vous pouvez être sûr que ce sera pris en considération.

M. LE PRESIDENT: Si tous les membres de la commission sont d'accords, pourrions-nous entendre le mémoire des pharmacies Richard?

Les pharmacies Richard

M. RICHARD: Je serai très bref, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. Richard, vous êtes consentant à donner votre exposé maintenant?

M. RICHARD: Oui, j'en ai pour deux minutes.

Mon nom est Jean-Eudes Richard, je suis propriétaire de deux pharmacies de quartier à Montréal.

M. le Président, à une question du député de Montmorency, l'autre jour, le président du Collège des pharmaciens répondait qu'il existe dans notre loi deux organismes capables de régler nos problèmes internes: ce sont le bureau d'éthique, qui juge les plaintes mineures, et le bureau de discipline, qui juge les actes dérogatoires à l'honneur de la profession.

Maintenant, est-ce qu'une plainte portée contre un pharmacien, surtout à cause d'un commis pharmacien, doit être entendue par l'un ou l'autre de ces bureaux? C'est là, à mon avis, l'origine de tout le malaise qui affecte les pharmacies de quartier présentement.

D'un autre côté, les décisions importantes du collège émanent des trois ou quatre pharmaciens qui composent son exécutif. Depuis 1967, la canalisation des plaintes s'est faite vers le bureau de discipline plutôt que vers le bureau d'éthique, parce qu'à ce bureau des amendes et contraintes financières de toutes sortes étaient justifiées par la loi. La tentation était donc

forte, de la part de l'exécutif, de monnayer ces actes dérogatoires mineurs via le bureau de discipline et au gré de ses intérêts personnels.

Résultat net: ce carcan financier imposé aux pharmacies de quartier a produit la fermeture de près de 120 d'entre nous depuis 1967. Il est à prévoir que l'adoption par le conseil des ministres du règlement concernant l'isolement de l'officine du reste de la pharmacie bouleversera complètement la notion de pharmacie de quartier. Nous aurons alors à choisir entre deux extrêmes non souhaitables dans le contexte actuel: soit réduire nos heures de service à la population et augmenter le coût de distribution des médicaments, ou bien tout simplement fermer nos portes, privant ainsi un arrondissement des services professionnels qu'il est habitué de recevoir depuis au-delà de 50 ans.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont des questions à poser? Le député de Montmorency.

M. VEZINA: Oui, juste une remarque. Les propos que vient de tenir M. Richard me semblent porter beaucoup plus sur le contenu de la Loi du collège des pharmaciens que sur la portée du bill 69.

M. RICHARD: J'ai pensé, M. le Président, attirer l'attention de la commission sur la situation précaire des pharmacies de quartier présentement.

M. VEZINA: C'est comme cela qu'on le prend.

M. RICHARD: C'est comme cela que je l'ai compris également.

M. VEZINA: Notre attention est attirée.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Richard et tous ceux qui ont présenté un exposé. La commission ajourne ses travaux au 11 mars à 10 heures du matin.

(Fin de la séance: 18 h 24)

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