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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le vendredi 15 octobre 1971 - Vol. 11 N° 90

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 65 - Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux


Journal des débats

 

Commission permanente des Affaires sociales

Projet de loi no 65 — Loi de l'organisation

des services de santé et des services sociaux

Séance du vendredi 15 octobre 1971

(Dix heures neuf minutes)

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Le bill 65. Je demanderais aux porte-parole des organismes de bien vouloir s'identifier pour faciliter l'enregistrement. Je pense que M. Cas-tonguay a certaines directives à donner aux organismes qui ont remis la présentation de leur mémoire à plus tard.

Prochaines séances

M. CASTONGUAY: M. le Président, premièrement, le secrétaire des commissions parlementaires me dit que certains organismes s'inquiètent, ne sachant pas quelles sont les dates des séances futures de la commission, après la séance du mardi 19. Il va y avoir d'autres séances de la commission. Les dates sont en voie d'être fixées par les leaders de chaque parti, dans le cadre des travaux de la session qui reprend le 26 octobre. Ces dates seront annoncées dès qu'il y aura eu entente quant à la marche des travaux de l'Assemblée. Il est entendu qu'il va y avoir d'autres séances.

Le second point: nous avons un grand nombre d'organismes qui ont demandé à être entendus. Nous avions dit, comme commission, que nous voulions faire en sorte qu'ils puissent être entendus. Nous nous étions entendus sur une certaine procédure quant à l'envoi d'avis préalables pour ne pas convoquer tous les organismes en même temps et voici qu'aujourd'hui des représentants de trois organismes nous ont communiqué qu'ils ne pouvaient venir présenter leur mémoire aujourd'hui.

Je proposerais que, pour le moment, nous prenions connaissance, comme membres de la commission, de ces mémoires. Au terme de nos travaux, nous pourrons juger s'il y a lieu de convoquer ces organismes. Autrement, il me semble qu'il sera difficile de conduire nos travaux si, après avoir convoqué les organismes en temps utile, avec des délais raisonnables, chacun décide qu'il peut ou ne peut pas venir à telle date. Je suggérerais que nous prenions connaissance de ces mémoires et que, lorsque nous aurons entendu tous les organismes, nous décidions si, parmi ceux qui se sont décommandés, nous devrions en convoquer certains après avoir pris connaissance de leur mémoire.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais une remarque à faire au sujet de ce que vient de dire le ministre, sur le premier point. Je sais que les leaders parlementaires s'entendent pour d'autres séances de la commission. Il est évident que nous ne pouvons pas terminer nos travaux pour le 19 octobre. Il devra y avoir d'autres séances.

Quant au deuxième point, les organismes qui ont été convoqués pour aujourd'hui et qui disent ne pas pouvoir comparaître devant la commission, il faudrait bien s'entendre; s'ils sont convoqués, évidemment, s'il y a trop d'organismes qui se décommandent, la commission pourrait alors se trouver devant une journée de travail incomplète et, alors que nous pourrions entendre cinq, six ou sept organismes, nous n'en aurons que deux ou trois. Je pense que ça causera alors des inconvénients à tout le monde.

D'autre part, je constate en lisant la liste d'aujourd'hui qu'il y en a neuf qui sont convoqués. Sans que je fasse porter un jugement à caractère péjoratif, on peut dire que les organismes n'ont pas tous la même représentation à faire devant la commission parlementaire. Il est évident que la Fédération des médecins spécialistes — je prends un exemple — aura peut-être une représentation plus élaborée à faire qu'un autre organisme parmi ceux qui sont inscrits sur cette liste-ci, sans faire de discrimination. Il faut être réaliste aussi.

Je pense bien que, pour les neuf organismes, il aurait été impossible, de toute façon, de les entendre tous, étant donné la présence des représentants de la Fédération des médecins spécialistes, de l'Association des infirmières, des bureaux médicaux et du Collège des optométristes. Quant on a un peu l'expérience des commissions parlementaires et surtout des séances antérieures qu'on a tenues sur le projet de loi 65, on sait que la discussion peut se prolonger ainsi que la période des questions.

On a dit, et tout le monde est d'accord à la commission ici, qu'on devait laisser tout le temps nécessaire aux organismes pour s'exprimer étant donné l'importance du projet de loi et le secteur qui est couvert par ce projet de loi. Je me demande si, quand on convoque des organismes, en convoquer neuf pour une journée surtout quand la liste contient des organismes aussi importants que ceux que nous avons, ce n'est peut-être pas vouloir être trop optimiste quant au déroulement de nos travaux.

De toute façon, les observations valent pour aujourd'hui. Je crois bien qu'on en tiendra compte dans les séances ultérieures afin de ne pas amener devant la commission des organismes quand on sait qu'il sera, sans aucun doute, impossible de les entendre. Il s'agit de planifier le travail.

Quand nous sommes en session, les parlementaires sont ici à Québec. Cela ne dérange pas ou ne cause pas d'inconvénient aux parlementaires qu'il y ait des organismes qui ne soient pas entendus.

Mais, d'autre part, cela dérange les organismes de venir ici à Québec et de n'être pas entendus la journée même.

Alors, la planification sera plus facile en temps de session. Ce sont les considérations que je voulais faire, M. le Président.

M. BOIS: M. le Président, de mon côté, j'avais aussi acquiescé à la demande du ministre à l'effet d'augmenter peut-être le nombre des associations qui viendraient discuter de leur mémoire devant la commission, mais, cependant, il n'a pas été question d'heures. Si nous pouvions continuer le travail jusqu'à 10 ou 11 heures du soir, il est entendu que le nombre ne serait pas un facteur, mais si nous devons terminer à 6 heures, j'abonde dans le sens du député de Montmagny, c'est-à-dire que le nombre des mémoires devient trop grand. Merci.

M. LAURIN: Aucun commentaire.

M. LE PRESIDENT: La Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Fédération des médecins spécialistes du Québec

M. ROBILLARD: M. le Président, M. le ministre, messieurs, permettez-moi d'abord de vous présenter les membres de la délégation, qui m'accompagnent. A ma droite, le Dr Heller, du conseil d'administration, le Dr François Léger, qui est vice-président, le Dr Claude Cholette. A ma gauche, Me Roger David et le Dr Jacques Boucher.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier pour l'enregistrement, s'il vous plaît?

M. ROBILLARD: Je suis le porte-parole de la Fédération des médecins spécialistes et j'en suis le président: Raymond Robillard, médecin.

M. le Président, je voudrais, au nom des 4,000 médecins que je représente ici ce matin, vous remercier de nous avoir permis de présenter les vues de la Fédération des médecins spécialistes sur le bill 65.

Avant de commencer, j'aimerais peut-être — parce que je m'attends que, peut-être, M. Cloutier m'en fasse la remarque, m'ayant promis la dernière fois qu'il le ferait — fournir certaines explications sur le fait que nous ne sommes pas antérieurement venus à la commission parlementaire. J'aimerais tout de même que l'on aborde ce sujet très brièvement, par souci de politesse, je pense, envers ceux qui composent cette commission.

Vous nous aviez invités, M. le Président, l'année dernière, à peu près à la même date, à nous présenter devant vous à la commission parlementaire. Ce n'est pas par manque de respect pour l'institution que cette commission représente — que nous respectons hautement comme modèle de démocratie — ni encore moins par manque de respect pour ceux qui composent cette institution que nous ne sommes pas venus. C'est que le premier ministre de la province avait dit que quand bien même nous nous présenterions devant cette commission, les dés étaient jetés, les décisions étaient prises, et nous avons trouvé que cette déclaration n'était pas respectueuse ni de vous ni de nous-mêmes.

Cette fois, cependant, l'invitation a été faite et a été faite dans un sens de dialogue construc-tif et nous avons voulu y répondre dans ce sens.

Le mémoire que vous avez entre vos mains a été préparé par un comité ad hoc. Il a été rédigé par le conseil d'administration. Il a été adopté par l'assemblée des délégués, qui est composée des représentants des 24 associations qui sont affiliées à notre fédération.

Nous avons tenu des assemblées générales de nos membres à Québec, Sept-Iles, Gaspé, Rimouski, Saint-Hyacinthe, Trois-Rivières, Sherbrooke et Montréal. Nous avons, au cours de ces rencontres avec nos membres, obtenu les réactions des médecins au projet de loi qui porte le numéro 65 et un grand nombre de nos membres nous ont fait parvenir, par surcroit, leurs commentaires écrits. Les vues que nous exposons et les suggestions que nous faisons sont donc sans équivoque celles de la très vaste majorité des médecins spécialistes.

Le mémoire que nous avons déposé, vous l'avez peut-être remarqué, est divisé en deux parties. La première contient des considérations générales sur l'organisation du régime de santé proposé par le ministre des Affaires sociales. C'est comme corps intermédiaire et habilité à ce titre à participer à l'ensemble des débats sur le bill 65 que nous présentons ces considérations qui portent surtout sur les principes de gestion qui sous-tendent le régime proposé et aussi sur le rôle que doivent jouer les ORAS et les CLAS.

Je voudrais, dès maintenant, introduire certaines nuances qui ne sont pas toujours faites par les media à l'effet que nous ne sommes pas opposés au bill 65, comme il a été dit. Nous voulons en discuter, et le ministre a été très clair, je pense, sur ce point, non pas le fond mais les modalités. Nous avons écrit, je pense, de façon explicite que, pour ce qui était du fond, nous étions parfaitement d'accord. Pour la nécessité d'une réorganisation des soins médicaux dans la province de Québec, nous avons déjà écrit sur le sujet et je pense qu'il n'y a, de la part d'aucun corps intermédiaire de réticence à l'égard de la nécessité de cette réforme. Nous ne sommes donc pas contre le bill 65. Nous sommes pour le bill 65, si on veut s'exprimer en blanc et en noir, mais en mettant la nuance qu'au niveau des modalités, comme a dit le ministre, il -y avait champ pour la discussion.

Tout en abordant, comme corps intermédiaire surtout, la discussion au niveau des grands principes de gestion, nous n'avons pas pu faire abstraction du rôle que nous jouons dans le système, c'est-à-dire du rôle bien particulier que les médecins ont à jouer dans la dispensation des soins médicaux.

Nous avons donc voulu, dans cette première partie toujours, tout en demeurant au plan des

généralités, tout de même aborder encore sur un plan général la question de la structure, du rôle des ORAS et surtout des CLS, qui s'appellent maintenant les CLAS, surtout sur le plan du maintien de la qualité de la médecine québécoise.

Comme j'ai dit tantôt,, il ne nous a pas paru utile de discuter les objectifs généraux du nouveau régime, puisqu'ils sont admis par tous.

C'est l'organisation du régime qui fait l'objet du bill 65 et nous avons décidé de nous en tenir là. Il nous est apparu, à l'analyse du bill 65, que ce dernier projet de loi traduisait une volonté centralisatrice très nette, même s'il présentait les apparences de la décentralisation et de la participation.

Eh bien, nous avons exprimé, je pense, une pensée assez nuancée à cet égard Nous n'avons pas vu là nécessairement une victoire du technocrate sur l'homme politique. Nous avons plutôt senti chez le législateur une prudence qui nous parait sage. Il est probable, en effet — le minitre des Affaires sociales, je crois, y a fait allusion, si ma mémoire me sert bien — que le gouvernement entend procéder par étapes, même si cette première étape de la décentralisation, nous l'avons écrit, nous semble un peu trop précautionneuse.

Sur le plan de l'organisation elle-même, c'est-à-dire de la gestion des services de santé, les dispositions de la loi nous paraissent moins acceptables. De façon générale — je n'ai pas l'intention d'élaborer, puisque nous avons écrit à ce sujet suffisamment de détails — il nous semble que l'organisation bureaucratique qui a été choisie par le législateur est de type classique, c'est-à-dire du type dépassé.

Nous avons tenté de démontrer qu'un système bureaucratique classique n'est pas adaptable à l'entreprise moderne où travaillent des spécialistes. Je n'entends pas des médecins spécialistes, mais des spécialistes de toutes sortes. Or, l'entreprise de la santé, si l'on veut employer ce vocabulaire à la mode, est caractérisée par le haut degré de spécialisation de ceux qui y travaillent et ce à tous les niveaux du processus de la dispensation des soins médicaux.

Dans les hôpitaux, ces spécialistes de l'entreprise sont médecins, car toutes les théories administratives ne changeront rien au fait que ce sont les médecins qui sont, et ce à tous les niveaux de la dispensation des soins médicaux, responsables de donner au public des soins médicaux de qualité adéquate.

Nous avons dit qu'il faut concéder, et sous peine d'échec, un large degré d'autonomie à ce que M. Kenneth Gailbraith a appelé la technostructure, c'est-à-dire l'ensemble de ceux qui participent à la prise des véritables décisions dans toute entreprise, celle de la santé comme les autres.

Le schéma bureaucratique traditionnel qui implique la subordination hiérarchique nous est apparu particulièrement mal adapté au milieu hospitalier. Nous ne nous sommes pas seule- ment référés à nous-mêmes, mais nous avons choisi de nous référer à certains écrits d'auteurs qui ont une certaine compétence, je crois. Il est impossible, nous semble-t-il, en particulier de concevoir que les médecins puissent fonctionner de façon efficace dans le schéma bureaucratique traditionnel qui a été envisagé par le projet de loi 65.

Nous acceptons — je m'excuse de le répéter encore une fois — d'emblée que l'entreprise de la santé soit gérée de façon plus efficace qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Nous admettons aussi qu'il appartient à l'Etat de planifier. Il n'appartient pas à la profession médicale de planifier la santé. La santé est devenue une entreprise qui déborde de loin la simple dispensation des soins médicaux aigus. Elle déborde sur la planification du revenu — le ministre, je pense, en sait quelque chose — et sur d'autres aspects également. Elle n'appartient pas à la profession médicale. Elle est absolument incapable, sur le plan technique et politique, je pense, de prétendre planifier l'univers des soins ou de la santé. Nous croyons cependant que cette planification doit être faite par l'Etat de concert avec les intéressés. Nous ne pensons pas que les intéressés aient été, jusqu'à présent du moins, consultés.

Nous concédons également, toujours en stricte logique, que l'Etat doit se prolonger, sur le plan administratif, dans les institutions qu'il finance par la présence d'une administration saine, plus saine qu'elle ne l'a été jusqu'à présent, avec une certaine hiérarchie administrative.

Nous ne pouvons cependant accepter qu'on invoque le principe de l'unité de gestion ou tout autre dogme administratif pour dépouiller les médecins, en milieu hospitalier, de l'autorité que leur confèrent leurs connaissances. C'est effectivement, à notre avis, ce que fait le bill 65 en éliminant, à toutes fins pratiques, les bureaux médicaux. Ces organismes qui sont, aux termes de la loi, des hôpitaux actuels responsables des soins médicaux et de l'organisation scientifique de l'hôpital vis-à-vis du conseil d'administration, représentent cette technostructure à laquelle nous avons fait allusion.

C'est aux bureaux médicaux — nous le disons sans aucune hésitation — que la médecine québécoise doit la grande partie de son essor, qui a été prise à la suite des années quarante-cinq. Ce sont les bureaux médicaux, dans le passé, qui ont convaincu d'abord les communautés religieuses puis plus tard les administrateurs laïques et le gouvernement, non sans difficulté, de fonder de nouveaux départements, d'acheter des équipements plus adéquats, de favoriser la recherche médicale et l'enseignement. Ce sont les bureaux médicaux qui ont planifié, à l'échelle locale, le développement des institutions hospitalières, souvent contre les administrations locales et souvent contre le gouvernement.

Tout cela était peut-être improvisé mais

c'était une époque d'improvisation non seulement en médecine mais dans bien d'autres départements de la province de Québec. La profession médicale n'a pas à rougir des résultats obtenus.

Nous disons que rien, bien au contraire, ne justifie le démantèlement des bureaux médicaux où l'équipe médicale se retrouve pour élaborer les politiques locales de santé qui sont ensuite proposées aux administrations locales, c'est-à-dire, en fin de compte, au gouvernement qui les contrôle.

Passant aux centre locaux de santé, qui sont devenus des centres locaux des affaires sociales, par l'adjonction d'un rôle nouveau qui est celui de s'occuper des affaires sociales directement, nous sommes évidemment moins directement impliqués dans le centre local de santé que ne le sont nos confrères omnipraticiens, les médecins spécialistes étant beaucoup plus impliqués au niveau des centres hospitaliers.

Mais nous désirons tout de même, comme je le disais au début, à titre de corps intermédiaire, souligner les faiblesses d'un système de soins qui serait fondé sur ce concept du centre local de santé. Notre fédération ne croit pas que ces institutions, qui présentent de fortes analogies avec les anciennes unités sanitaires, soient ou puissent être la base d'un système adéquat de distribution de soins médicaux au Québec.

Le ministre a dit, la commission Caston-guay-Nepveu a dit que nous voulions au Québec une médecine efficace, une médecine économique, mais le ministre a aussi souligné que nous voulions une médecine de haute qualité. Nous recommandons au gouvernement d'user de prudence à l'égard de ces organismes qui nous semblent — et je le souligne — nécessaires. Certains nous ont fait dire que nous étions opposés au concept même du CSL. Nous disons très fortement que nous les croyons nécessaires en milieu urbain défavorisé; nous les croyons nécessaires en milieu rural, mais nous les croyons nécessaires de façon temporaire. Quelle sera la durée du temporaire? Ceci dépend de l'expansion que prendra la médecine québécoise dans les cinq ou dix prochaines années et il faudrait être fort grand clerc pour la prévoir.

La deuxième partie de notre mémoire contient des suggestions spécifiques, précises, peu nombreuses, compte tenu des déclarations que le ministre a faites au début des travaux de cette commission. Le ministre, en effet, a dit qu'il n'entendait pas personnellement changer les grands objectifs du régime, les modifier et qu'il s'en tiendrait à écouter attentivement les suggestions qui lui seraient faites sur les modalités. Nous l'avons dit, il est assez difficile de séparer ce que le ministre entend par modalités ou par généralités, mais, enfin, nous avons essayé de comprendre à demi-mot.

Les recommandations 1 à 7 inclusivement visent le maintien d'un conseil des médecins responsable.

La recommandation no 1 définit le rôle d'un conseil des médecins, ses relations avec le directeur des services professionnels, qui était jusqu'à présent le directeur médical, et ses responsabilités vis-à-vis du conseil d'administration. Nous avons retenu en somme les dispositions de la présente Loi des hôpitaux, qui nous semblent adéquate.

Il a été dit, et nous sommes parfaitement d'accord, qu'il n'est pas question de maintenir le statu quo en médecine.

Si nous prenons le statu quo dans cet aspect particulier, qui est le rôle du bureau médical, il ne faudrait pas extrapoler pour dire que nous maintenons le statu quo dans toute l'entreprise de la santé. Nous disons tout simplement que le désir du législateur de ne pas maintenir le statu quo, c'est-à-dire de progresser, n'est pas identique, mathématiquement je pense, au principe de la table rase non plus et qu'il soit nécessaire de tout enlever pour reconstruire de nouveau à zéro. Il faudrait garder — nous le croyons — ce qui est valable dans le système et cette structure, en particulier, nous paraît, du moins à nous, valable.

La recommandation no 2 en est une de concordance. Nous suggérons que le directeur des services professionnels ne soit pas responsable de l'organisation des services de santé et de l'enseignement, puisque cette responsabilité incombe normalement au conseil des médecins, mais qu'il soit responsable, cependant, vis-à-vis du conseil d'administration, vis-à-vis des universités et sujet à des contrôles extérieurs et internes comme l'a bien expliqué le Collège des médecins lors de sa présentation.

La recommandation no 3 veut que le conseil des médecins, s'il doit être un organisme responsable, soit autorisé à faire les règlements qui concernent sa régie interne, la formation de ses comités, le tout conformément aux responsabilités que lui confère la loi. La recommandation no 4 veut que le conseil des médecins soit consulté lors de la nomination du directeur des services professionnels qui fait le pont entre l'autorité administrative d'une part, et le conseil des médecins responsable de l'activité scientifique d'autre part.

La recommandation no 5 en est une de simple concordance avec la recommandation no 3. La recommandation no 6 suggère, pour fins d'efficacité administrative, que le président du conseil des médecins et dentistes, ainsi que le président du comité consultatif des professionnels, soit membre du comité administratif de l'hôpital. La recommandation no 7 propose un rôle élargi pour le conseil des professionnels en centre hospitalier sans, par ailleurs, détruire le principe du conseil des médecins responsable.

Toutes les autres recommandations reprennent des points qui ont déjà été discutés avec le gouvernement et qui ont fait, pour la plupart, l'objet d'ententes entre le ministre des Affaires sociales et la Fédération des médecins spécialistes, ces ententes datant, pour les dernières, du 16 décembre 1970. La recommandation no 8

propose que les pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'organisme régional des affaires sociales soient limités aux aspects administratifs du nouveau régime.

Je pense que si vous vous reportez à l'automne dernier, nous avons l'impression d'un "déjà entendu". Cette discussion a eu lieu ici même, si je me fie à la lecture du journal des Débats, entre la commission et le président du Collège des médecins, et le législateur a apporté une distinction très nette entre les aspects administratifs du régime et les aspects professionnels. Il a donc amputé un peu aux pouvoirs de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en ce qui regarde le pouvoir d'enquête dans les domaines professionnels, pouvoir qui a été remis entre les mains du Collège des médecins et chirurgiens. Nous demandons donc la même chose au niveau des organismes régionaux des affaires sociales. Il nous semble que c'est un combat, une discussion, un débat qui a déjà eu lieu.

La recommandation no 9 suggère une consultation des organismes médicaux représentatifs à propos des règlements qui seront adoptés en vertu de la loi. Nous sommes consistants quant à notre politique antérieure qui en est une de "partenariat" — vous m'excuserez ce néologisme — avec l'Etat et de participation à la prise de décisions. Je pense que le pouvoir de réglementation qui est confié au lieutenant-gouverneur en conseil dans la présente loi, s'il ne devait pas être soumis à certains mécanismes modérateurs, fassent du projet de loi, tout simplement une loi que l'on pourrait appeler une loi de plein pouvoir.

En effet, ce pouvoir est tellement vaste que je pense que le ministre, par le biais des règlements — peut-être pas le ministre actuel, mais ceux qui viendront après lui, s'il y a lieu — pourrait modifier considérablement le sens de cette loi.

Je n'ai pas fait de suggestion précise. J'avais dit, un jour, pour être méchant, que les ministres passent, mais que la médecine demeure, mais je ne le dirai pas.

La recommandation no 10 vise la confirmation du droit de négociation des médecins en ce qui a trait à leur mode de participation, aux conditions d'exercice de leur profession et à leur mode de rémunération en institution publique. Je reprends le texte même du législateur. C'est lui qui a écrit textuellement ce droit dans le projet de loi 30 qui, comme vous vous en souviendrez, était la loi qui formait la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ce projet de loi 30 reconnaissait le droit de négociation collective aux médecins et, plus même, nommait spécifiquement les deux fédérations des spécialistes et des omnipraticiens comme représentatives.

Cette recommandation, qui vise non pas une nouvelle modalité, mais la confirmation d'un droit acquis, sera reprise plus en détail par Me David tantôt, si vous le désirez.

Les modifications nos 11 et 12 sont à l'effet que le terme "cabinet" soit défini par la loi et que le lieutenant-gouverneur en conseil ne soit pas habilité à définir un cabinet de médecin ou de dentiste par simple voie de règlement. Cette question, à notre avis, a été réglée en 1967. En 1967, l'Association des radiologistes de la province de Québec, affiliée à notre fédération, a débattu d'une façon assez vive la question de son droit de pouvoir traiter des malades en cabinet privé. A cette époque, vous vous en souviendrez, il avait été question que le droit de pratiquer en cabinet privé soit soumis à un permis émis par le ministère de la santé.

Nous avons repris, en 1968, cette même question; nous l'avons reprise en 1970 et le droit d'exercer en cabinet privé est explicité de façon très claire dans notre convention du 16 décembre dernier.

Voilà, je n'ai rien de plus à ajouter parce que, probablement, vous voudrez me poser certaines questions, et vous nous avez demandé, M. le Président, d'être brefs.

M. LE PRESIDENT: Merci. M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je crois qu'il y a lieu de remercier, en premier lieu, la Fédération des médecins spécialistes pour ce mémoire qui se veut assurément très objectif et qui a été rédigé de telle sorte qu'il porte sur les points les plus importants du projet de loi sans aller dans tous les détails des aspects secondaires. En ce sens, nous avons là un mémoire intéressant, positif que nous avons évidemment l'intention d'étudier très attentivement. Nous voulons aussi écouter très attentivement ce qui sera dit maintenant que nous engageons la discussion de ce mémoire aux fins d'une révision possible des dispositions du projet de loi tel qu'il est rédigé présentement.

Je voudrais faire deux ou trois commentaires avant de laisser la parole aux autres membres de la commission et, pour reprendre certaines affirmations, non pas sur les questions spécifiques de la deuxième partie du mémoire mais plutôt sur certaines affirmations d'ordre général qui ont été faites. Peut-être qu'il y a eu aussi manque de compréhension de ma part sur certains des points mais, lorsque l'on dit que dans ce mémoire l'on propose un schéma bureaucratique traditionnel et que cette approche est dépassée, j'ai un petit peu de difficulté à accepter ceci. Dans l'entreprise privée, il est évident que l'on peut avoir un peu plus de souplesse dans l'innovation, mais dans le domaine des services publics et dans le domaine des services de santé en général, des services sociaux qui revêtent un caractère essentiel, je crois qu'il est plus difficile d'innover et que nous avons fait un effort d'innovation dans ce projet de loi même si — et j'en conviens — des aspects de ce projet de loi sont contestables et doivent être modifiés.

Maintenant, un des aspects aussi, je crois, sur lesquels il est dangereux de passer trop vite aux

conclusions, je l'ai mentionné lors d'une séance antérieure, c'est que l'on semble oublier, dans bien des mémoires, que les institutions vont continuer d'avoir le statut de corporation, avec les pouvoirs généraux des corporations de façon générale et aussi les fonctions qui sont définies dans leur charte.

Egalement, et on le voit depuis une dizaine d'années de façon très claire, les arrangements financiers qui sont faits avec les institutions sont tout aussi importants et même parfois plus que le cadre législatif, et sur ce plan, je crois que les initiatives que nous avons prises sont vraiment des initiatives nouvelles dans le domaine des services publics. Je pense de façon particulière au budget global où, en plus de vouloir laisser plus de latitude quant à la gestion courante d'une institution, au niveau local, nous introduisons, même si le critère de profits n'existe pas dans ce secteur, les éléments permettant de mesurer le rendement des institutions, à tout le moins sur un certain nombre de plans.

Alors, nous sommes, en fait, je crois, en voie d'innover, et d'ailleurs nous en avons des exemples si on juge par l'intérêt que les initiatives prises au Québec semblent susciter à l'extérieur du Québec. On me dit, par exemple, que des grandes firmes de vérificateurs ou de conseillers en administration ont demandé à certains de leurs officiers de l'extérieur de venir examiner ce qui se passe au Québec étant donné qu'ils voient là certains changements dans les modes de fonctionnement des hôpitaux qui sont vraiment dans le domaine de l'innovation.

Je ne veux pas insister trop là-dessus mais je voudrais rappeler qu'il n'y a pas simplement le cadre législatif, qu'il y a les arrangements financiers qui sont également importants et que nous n'avons pas toute la latitude dans l'innovation.

Il faut maintenir les services. Il faut s'assurer qu'ils fonctionnent. Il faut aussi, à partir de ressources limitées, assurer que nous serons en mesure de satisfaire à nos engagements dans l'avenir. C'est dans ce contexte, je crois, qu'on doit voir le projet de loi.

Lorsque le président de la fédération nous dit également — et je crois que c'est une déclaration extrêmement importante — qu'il n'appartient pas aux médecins de planifier l'organisation des services de santé, je crois que, là, il établit une distinction très claire. Lorsqu'il dit, par la suite, que cette planification doit être faite de concert avec les intéressés, je voudrais souligner que nous avons fait des efforts considérables sur ce plan au cours des derniers mois pour associer aux décisions le plus grand nombre d'intéressés possible. Je pense aux avis que nous avons demandés au comité de planification des services de santé des Cantons de l'Est. Je pense à tous les avis que nous avons demandés, au sujet des programmes dans le cadre de la Loi de la caisse d'aide à la santé, aux hôpitaux d'enseignement, aux facultés de méde- cine. Je pense à toutes les tentatives que nous avons faites, par exemple dans des cas comme celui de l'hôpital de Shawinigan et de Grand'-Mère, pour qu'il y ait entente entre tous les intéressés au lieu d'imposer une solution.

Alors, je ne conteste pas le fait qu'il aurait été possible, peut-être avec plus de temps à notre disposition, plus de ressources, de faire d'autres consultations, mais nous faisons des efforts considérables sur ce plan.

On nous dit que le président de la Fédération des médecins spécialistes a dit par la suite que nous proposons, dans le projet de loi, la disparition des bureaux médicaux. J'ai de la difficulté à accepter cette affirmation, d'autant plus que ce n'est pas notre intention d'enlever aux médecins le contrôle de l'acte médical en milieu hospitalier. Toutefois, il me semble qu'il est extrêmement important d'assurer, à l'intérieur des institutions, une structure d'organisation qui permette de concilier à la fois le bon fonctionnement, pas uniquement au plan administratif comptable ou administratif dans des questions comme les services de soutien, et aussi une organisation qui permette aux patients de circuler, que ce soit dans les cliniques externes ou dans l'utilisation des lits, d'une façon plus rationnelle que ce n'est le cas bien souvent présentement. Je pense en particulier à un certain nombre d'hôpitaux où on sent que le problème n'est pas d'ajouter tellement aux services, ce n'est pas tellement la qualité des soins rendus qui est le grand problème, c'est le fait qu'avec des ressources considérables mises en place on n'obtient qu'un rendement assez limité de toutes ces ressources sur le plan du nombre de patients traités, sur le plan aussi des inconvénients que l'on occasionne aux patients, etc., sur le plan de la mauvaise utilisation du personnel.

Enfin, quant aux centres locaux de services communautaires, je sais que le mémoire fait état de certaines expériences où ces centres se seraient avérés plus ou moins satisfaisants. Je suis encouragé lorsque j'entends le Dr Robillard dire que ces centres sont nécessaires en milieu urbain défavorisé et en milieu rural. Je crois, par contre — je voudrais le dire bien clairement — qu'ils sont nécessaires aussi non pas dans ces milieux, mais qu'ils sont nécessaires de façon générale. Sur ce point, je voudrais rappeler que la commission américaine qui a fait rapport au président des Etats-Unis il y a deux ou trois ans sur l'organisation des services de santé aux Etats-Unis, sur les problèmes de ressources humaines dans ces secteurs, est arrivée passablement au même diagnostic que notre commission ou encore les groupes de travail formés par le gouvernement du Canada et les provinces, et qu'il est nécessaire de prévoir ou d'implanter un nouveau type de ressources au niveau local pour la distribution des services courants.

Si je fais cette remarque ici, c'est que ce que nous proposons n'est pas une proposition qui

est faite uniquement au Québec. Ce n'est pas quelque chose qui nous apparaît comme étant une expérience théorique. Nous savons, d'autre part, que dans certains endroits ces centres existent et fonctionnent. Ils fonctionnent de façon très satisfaisante et constituent, de l'avis de plusieurs, un élément essentiel quant à l'avenir dans l'organisation des services de santé, des services sociaux. Nous sommes conscients —sur ceci j'abonde dans le même sens que le Dr Robillard — qu'il ne faut pas toutefois brûler les étapes dans l'implantation de ces centres. Il faut s'assurer que ceux qui seront implantés permettront de donner à la population des services de qualité et que ce processus d'implantation devra faire en sorte que ces centres s'intègrent vraiment au système de la santé.

Ce sont les quelques remarques que je voulais faire. Je les fais dans le même esprit que celui dans lequel le mémoire de la fédération nous est présenté.

Merci, M. le Président.

M. ROBILLARD: Voilà, cela demande une réponse assez élaborée. Si vous me le permettez —je ne sais pas si d'autres veulent poser des questions — j'ai cinq questions ici qui vont me permettre de cogiter pendant un certain temps. Il y en a deux qui portent sur les bureaux médicaux que je considère importants, particulièrement importants, que je vais laisser pour prendre les autres.

Le commentaire no 2, comme disait M. le ministre, c'est que les institutions continuent d'être des corporations. Oui, je suis conscient de cela. Elles continuent d'être des corporations avec les pouvoirs qu'on donne aux corporations. Mais, tout de même, on a, à côté, une institution nouvelle qui s'appelle l'organisme régional des Affaires sociales à qui on délègue une bonne partie des pouvoirs de la corporation. On a, ensuite, le ministère qui s'est réorganisé et duquel partent des directives que les autorités en place ne peuvent guère ignorer. On a aussi le cadre du contrôle du budget qui est maintenant retiré aux corporations. Je suis conscient que ceci marque, à mon avis, un pas en arrière sur l'expéfience qui est en cours. Et quand le ministre dit qu'en ce moment nous vivons une expérience de participation avec le budget global, etc., j'en suis bien conscient. Mais je pense tout simplement que c'est un pas qui a été fait plus avant que le bill ne le fait. Alors, c'est une maille à l'envers et deux mailles à l'endroit.

Pour ce qui est du rôle qui revient à la planification des services de santé et à l'effort qu'a fait le ministère pour consulter ce qu'il appelle les intéressés, nous pouvons dire que nous sommes très fortement intéressés nous-mêmes et n'avons jamais été consultés. Peut-être ne nous sommes-nous pas montrés suffisamment intéressés, mais nous tenons à signaler que nous le sommes énormément et que nous demeurons à votre entière disposition pour toute forme de consultation participatoire.

Puisque vous avez mentionné Shawinigan, qu'il me soit permis de faire une petite remarque à ce sujet. Nous avons servi de médiateurs entre les deux groupes de médecins, ce qui posait tout de même un problème. Nous avons offert notre collaboration au ministère. Nous avons offert de passer à côté des schémas politiques classiques pour arriver à une solution meilleure. Nous ne sommes peut-être pas arrivés tout à fait à temps, mais disons que l'hôpital a été construit sans que les médecins aient été consultés. Ce n'était pas sous votre gouvernement, c'était sous un autre, mais peu importe, la perpétuité des gouvernements étant ce qu'elle est. Les plans ont été faits sans la participation des médecins, sans consultation. Je ne dis pas qu'ils sont mauvais; je dis tout simplement qu'ils ne sont pas bons.

Pour ce qui est ensuite des centre locaux de santé, le ministre nous dit que de tels centres locaux de santé font fortune aux Etats-Unis. Eh bien, non. J'arrive des Etats-Unis. J'ai visité 18 Etats américains. Je suis allé voir sur place. Il faut s'entendre. Je pense que c'est une question de définition. Le ministre a parfaitement raison quand il dit qu'il s'est fait une réorganisation de la médecine en Amérique. Il a parfaitement raison quand il dit que la commission américaine a recommandé au Congrès une forme de médecine d'équipe multidisciplinaire, mais il faut s'arrêter là. Si vous me le permettez, je continuerai en disant tout simplement que la forme qui a été proposée par les Américains n'est pas celle du centre local de santé.

Je pense que la fédération, avant que le ministre ou la commission Castonguay ne s'exprime sur ce point, a proposé une médecine d'équipe multidisciplinaire de type "Kaiser Foundation" et que c'est cela, aux Etats-Unis, qu'on est en train de disséminer comme concept, d'abord, un peu sous l'égide des universités et des unions ouvrières et que c'est à ce concept que les médecins se rallient avec difficulté, parce que ce n'est pas facile.

J'ai inclus dans le mémoire — si vous voulez la retrouver — l'expérience de Boston qui montre tout de même que les centre locaux de santé font face à des problèmes extrêmement réels et que chaque visite coûte entre $100 et $ 250.

Nous savons que M. Rosenfeld, du gouvernement fédéral ici, fait le tour des provinces pour vendre des centres locaux de santé qui sont des unités sanitaires. Il le fait avec beaucoup de succès parce qu'il manipule les budgets et offre des subventions aux gouvernements provinciaux, ce à quoi nous nous opposons dans une certaine mesure, parce que nous sommes conscients que la santé appartient au gouvernement du Québec. Nous sommes conscients que l'on pousse, par voie de subvention,. comme cela, une forme de médecine qui s'appelle le centre local de santé. Je dis tout simplement qu'il faut faire une distinction entre le "Community Health Centre", le "Local Health Centre", le Centre local de Pointe Saint-Charles, tel qu'on le voit et tel qu'il a été débattu ici, et ce qu'on

appelle le "Kaiser Foundation Plan", c'est-à-dire la présence de 40 ou 50 médecins multidis-ciplinaires avec un médecin de première ligne qui est responsable des soins de première ligne et qui traite les malades sur devis, de façon que ce soit plus économique, plus rentable et surtout en vue d'offrir une médecine de meilleure qualité.

C'est quelque chose qui nous touche assez profondément. Je dois vous dire que c'est un intérêt personnel sur lequel je suis revenu à plusieurs reprises seriner les oreilles de plusieurs ministères. Je pense que tout le monde connaît la pensée de la fédération là-dessus.

Je voudrais tout simplement, à propos des centres locaux de santé, citer un article qui a été publié, hier, dans le "Medical Post", où M. Rivard, administrateur d'hôpital, économiste au demeurant, dit avoir rencontré le directeur général du Centre local communautaire de Pointe Saint-Charles qui lui a dit que le médecin qui est directeur des soins, là-bas, ne parle que sur l'autorisation du directeur du centre local de santé. M. Rivard lui a tout de suite demandé: A-t-il parlé? Il a dit: Jamais. Parce qu'on ne le laisse pas parler, a-t-il dit. On considère qu'il n'a rien à apporter. C'est un point de vue.

Pour aller au niveau des bureaux médicaux, le ministre a pris le problème sous un angle général et, ensuite, sous un angle un peu plus particulier.

Sous l'angle très général, quand le ministre nous dit que le schéma bureaucratique employé par le gouvernement n'est pas facilement une copie, un calque de celui que l'industrie privée emploie parce qu'elle a plus de souplesse, nous le suivons très bien, mais nous disons tout simplement: Nous n'avons pas d'exemple sur lequel nous pouvons nous repiquer pour porter jugement sur ce système. Nous avons vu les gouvernements mettre sur pied des sociétés de financement, Sogefor, etc., où ils ont pris un schéma traditionnel, classique, que nous disons un peu dépassé. Nous avons vu les départements et les ministères s'organiser dans un schème bureaucratique extrêmement français, cartésien, logique, mais légèrement inefficace.

Le ministre entre, comme il l'a dit lui-même, de novo dans un terrain vierge. Il n'y a jamais eu d'innovation de ce genre. Il faut donc chercher des schémas administratifs quelque part. Il y a deux places pour les chercher. On peut regarder dans le sac du gouvernement pour trouver les schèmes administratifs, bureaucratiques classiques qui ont fait la fortune de tous les gouvernements depuis Colbert ou on peut alors chercher du côté de l'entreprise privée.

On dit qu'on ne peut pas chercher du côté de l'entreprise privée, parce qu'on n'a pas la même latitude. Cela m'étonne, parce que les administrateurs d'hôpitaux qui ont tant influencé la commission à cet égard, en proposant des schèmes administratifs, comparent l'entreprise de la santé à la General Electric. Et depuis longtemps, on nous dit que nous ne sommes pas des médecins, mais des travailleurs de la santé; que ce n'est pas la médecine, que c'est une entreprise. Je lisais encore dans "Le médecin du Québec" hier toute une thèse à l'appui économique pour prouver que la médecine est un service comme un autre.

Il faut qu'on choisisse soit le schéma de l'entreprise privée, soit le schéma bureaucratique classique gouvernemental. Si on prend le schéma de l'entreprise privée, il va falloir l'adapter à nos besoins, et je pense que si on veut mener l'affaire d'une façon efficace, à mon avis, il faudrait regarder un petit peu du côté de l'entreprise privée. Parce que quand on a voulu mener.... On a un exemple à Québec, ici, où on voit fleurir un deuxième Sears-Roebuck. Sears-Roebuck qui, s'appelle maintenant Simpsons parce qu'il a acheté Simpsons ici, est passé au bord de la faillite parce que le directeur général, qui était M. Avery à l'époque, voulait tout mener comme chez Ford. Dans une centralisation extrême, il a lui-même mené la compagnie au bord de la faillite. On a ensuite réparé, remercié, bien compensé M. Avery et il a quitté. La technostructure a pris pied et vous voyez qu'il y a même deux Sears-Roebuck dans la ville de Québec.

Sur le plan plus particulier du bureau médical, le ministre revient ensuite en disant une chose: Il faut, dans l'intérieur de l'hôpital, pour éviter les inconvénients que peuvent subir les malades, pour rendre plus rentable l'entreprise sur le plan comptable et puis non seulement pour améliorer l'aspect administratif comptable pur, mais aussi l'aspect rendement, mettre tous les pouvoirs entre les mains d'un homme qui s'appelle le directeur des services professionnels, employé du directeur général, et à qui on confie non seulement tous les soins médicaux, ce qui semble une charge très lourde, mais aussi l'enseignement. Bien, là, nous disons tous que c'est un schéma bureaucratique extrêmement classique, extrêmement serré et que cela ne répond en rien à ce que nous a appris M. Galbraith quand il a qualifié la structure normale participatoire du nom de technostructure.

Nous disons tout simplement que pour autant que les professionnels dans n'importe quelle entreprise... Si on se trouve à dire que dans l'entreprise médicale ceux qui connaissent cela un peu, ce sont les médecins — à moins qu'on en fasse abstraction; j'ai dit qu'on revenait à ce moment-là aux "christian sciences" de Mary Baker-Eddy — si on ne nie pas la maladie, on est obligé de concevoir que les médecins traitent encore les malades et qu'ils ont une certaine compétence dans le domaine — je vois le registraire du collège qui acquiesce, c'est lui qui nous donne nos licences après les examens — alors, je pense bien qu'on connaît un petit peu le département et que l'autorité serait malvenue de ne pas conseiller les médecins.

Vous dites: On laisse un bureau médical. Bien sûr, on laisse un bureau médical, on laisse

une coquille vide, on laisse les apparences d'un bureau médical, on laisse un fronton, on laisse un paravent, on laisse un devant de film. Il reste une fonction au bureau médical: celle d'un des neuf comités permanents obligatoires qui étaient prévus par les règlements adoptés en vertu de la Loi des hôpitaux, et ce comité s'appelle "Comité d'appréciation des actes médicaux". Pour le reste, il ne lui reste rien. Il est tout simplement l'agent exécuteur du directeur des services professionnels, point. Je me demande pourquoi on l'a laissé. Peut-être était-ce pour faire plaisir, pour laisser un vestige nostalgique.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais tout d'abord féliciter le Dr Robillard et la Fédération des médecins spécialistes pour la qualité du mémoire qu'ils nous ont présenté ce matin.

Cela nous fait regretter encore plus qu'il ne soit pas venu, avant aujourd'hui, devant la commission parlementaire. Ce mémoire est évidemment marqué au coin de l'objectivité; je le crois sincèrement, après l'avoir parcouru en entier à quelques reprises. Je pense que la Fédération des médecins spécialistes s'est appliquée surtout non pas à débâtir le projet de loi, mais à y suggérer des modifications ou des améliorations extrêmement importantes toujours dans le contexte, évidemment, de l'exercice de leur profession.

Ce mémoire, même s'il a été rédigé par un comité ad hoc, est marqué par le style personnel du docteur Robillard, un style incisif avec le sens de l'humour, sens de l'humour qu'il devra conserver pendant la période des négociations aussi.

M. ROBILLARD: Ce n'est pas moi qui négocie, M. Cloutier, c'est mon avocat.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense bien que vous avez certainement de l'influence sur la profession juridique, du moins je le souhaite. Dr Robillard, vous êtes le patron, comme président de la Fédération des médecins spécialistes, de plusieurs membres de cette commission entre autres de notre distingué président, le Dr Fortier, le Dr Boivin et même le leader du Parti québécois, le Dr Laurin. Je sais que les médecins voudront vous poser des questions peut-être plus directes quant à la conséquence du bill 65 sur l'exercice de votre profession.

Pour ma part, je n'ai pas écarté du revers de la main cette argumentation que vous faites en faveur d'un système de gestion beaucoup plus moderne et beaucoup plus à la pointe du progrès et de l'évolution. Le ministre a rétorqué tantôt qu'évidemment dans le secteur public, surtout au moment où, par le bill 65, on apporte une modification assez profonde dans l'organisation des soins de santé et dans le système de dispensation des services sociaux, je me pose la question moi aussi: Est-ce qu'en plus de ces modifications très profondes dans le système ç'aurait été le moment idéal pour tenter aussi, du côté des systèmes de gestion, une transformation radicale, précédant en cela...

Vous avez fait une comparaison avec le domaine de l'entreprise privée tantôt, mais on ne peut pas dire non plus que, du côté de l'entreprise privée, on ait trouvé un système complètement révolutionnaire, mais on cherche de ce côté-là. On s'aperçoit que les systèmes de gestion traditionnels, dans le monde d'aujourd'hui, avec l'évolution extrêmement rapide qui se fait dans le monde des affaires, le monde de la gestion et le monde de l'entreprise privée, eux aussi doivent être perméables à certains changements. Evidemment, on pourrait en discuter longtemps. Je ne crois pas qu'on doive le faire, sauf par incidence, à l'occasion du bill 65, sauf en ce qui touche principalement le bill 65 et ses nouvelles structures. Peut-être aurons-nous l'occasion de reprendre un débat de fond sur cette question qui est extrêmement intéressante et que vous avez raison de traiter dans votre mémoire.

Les arguments et les citations que vous avez apportés à l'appui de votre thèse, de même que les témoignages de valeur et les hommes que vous avez cités, évidemment, sont des gens qui peuvent apporter au débat un éclairage nécessaire. De toute façon, je ne m'attarderai pas plus longtemps sur le système de gestion sauf pour dire que vous avez raison de vous poser des points d'interrogation sur cette centralisation qui vous apparaît excessive dans le projet de loi et sur certains dangers pratiques que cela peut comporter, ne serait-ce que d'alourdir encore cet appareil gouvernemental.

Vous refusez carrément, dans votre mémoire, le principe de l'unité de gestion.

J'aimerais, Dr Robillard, que vous explicitiez un peu plus les difficultés pratiques que pourrait causer à la profession médicale ce principe d'unité de gestion tel qu'il est retenu dans le projet de loi 65, s'il n'y avait pas de modifications d'apportées dans le sens de vos remarques et dans le sens des propositions que vous avez faites.

M. ROBILLARD: Pour reprendre très brièvement ce que vous avez dit sur l'aspect très général de nos commentaires sur l'administration je voudrais tout de même faire une mise au point: Quand nous disons que nous avons une institution de cogestion qui s'appelle le bureau médical, ça n'existe pas partout ailleurs en Amérique. C'est une entreprise qui a eu son temps ici, qui est venue au monde avec les activités des médecins de la ville de Québec en particulier et c'est une entreprise qui a fait ses preuves. Je ne dis pas qu'elle est parfaite, loin de là; je ne parle pas du bureau médical d'un grand hôpital bien structuré et qui a une longue tradition derrière lui, que ce bureau médical soit semblable, identique dans son rôle à celui d'un hôpital qui est peut-être plus modeste,

d'origine plus récente; mais je dis tout simplement que si l'institution n'est pas parfaite et si nous n'avons pas réussi jusqu'à présent, faute d'une action, à mon avis, concertée de la part du Collège des médecins — action qui est faite maintenant et bien faite — l'institution vaut peut-être mieux que l'usage qu'on en a fait. Mais il ne faut pas enlever l'institution parce qu'il n'y en a pas d'autre, que je vois, qui peut être aussi bonne. Ceci nous amène à l'unité de gestion.

On en recommande une autre pour mettre à la place de gens — 30 ou 40 ou 50 personnes — qui s'assoient après leur travail pour revoir tous les rapports de comités nombreux qu'ils font fonctionner sur leur temps: comité de létalité, comité de l'infection, comité d'accréditation, comité des normes — et j'en passe, il y en a une vingtaine — à côté de ce système qui est un système de travail en équipe au niveau de petites équipes qui se regroupent dans une plus grande équipe le tout est coiffé tout de même par une administration. Il n'y en a pas deux dans un hôpital, il y a la corporation hospitalière qui délègue ses pouvoirs à un directeur général dans le domaine administratif. Et si on trace la ligne d'autorité qui existe dans la Loi des hôpitaux, vous voyez très bien qu'il y a un conseil d'administration et, ensuite, vous avez un bureau médical et, de l'autre côté, vous avez un conseil de direction avec un directeur général, le tout coiffé par l'administration.

Ensuite, vous avez — je m'étais amusé un jour à établir le nombre de ponts qui existent entre ces deux organismes et c'est formidable — la présence du directeur général au conseil d'administration et à l'exécutif du bureau médical; vous avez un comité mixte médico-administratif; vous avez la rencontre et la présence du directeur médical, le nouveau DSP, à tous les étages du système; dans le schéma que j'avais fait à l'époque, au sujet des règlements que vous aviez édictés, — ils sont fort bien faits — j'avais fait une critique constructive de 76 pages qui n'a pas été retenue cependant, où nous avions monté tout le système pour indiquer les ponts qui existent entre les deux.

Je dis tout simplement que je conçois mal cela à côté d'un régime où vous avez une participation des médecins assez importante et obligatoire, pas toujours amusante, qui amène l'autorité des connaissances digérées et toutes prêtes au conseil d'administration qui, lui, — jamais les médecins — prend les décisions finales. C'est comme ça que ça fonctionne. A côté de ça, vous recommandez qu'un homme, l'employé du directeur général, soit responsable de tous les soins médicaux, activités médicales de l'hôpital et, en plus, de l'enseignement. Pourquoi pas la recherche un coup parti? Avant ça, on la lui donnait aussi.

Ce doit être un homme remarquable que vous allez trouver parce qu'il va porter en lui des germes de connaissances multidisciplinaires; il va travailler quelquefois contre lui-même pour arriver à une pensée concrète.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, d'après les explications que vous venez de donner, est-ce que le système actuel, en vertu de la Loi des hôpitaux, comporte certainement plus de partage de responsabilités et plus de motivation pour les médecins qui se sentent davantage proches des centres de décisions?

M. ROBILLARD: On laisse la médecine aux médecins. C'est ça qu'on fait: on laisse la médecine aux médecins; les décisions qui ont à voir avec l'activité professionnelle appartiennent aux médecins. Ce n'est pas final, ce ne sont pas eux qui décident qui va entrer dans un hôpital au bureau médical, contrairement à ce que les gens pensent, à ce qu'on dit dans les media d'information. Ce ne sont pas les médecins, ce n'est pas le comité médical aviseur, c'est toujours l'administration, en dernier lieu, qui prend la décision. Mais les médecins apportent une décision sur laquelle ils ont réfléchi.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans ce système, tel qu'il existe actuellement, y a-t-il tout de même une pierre d'achoppement, y a-t-il des difficultés particulières actuellement qui pourraient être corrigées par cette nouvelle proposition?

M. ROBILLARD: Il y en a de nombreuses dans le système qui existe à l'heure actuelle et elles varient selon la taille de l'hôpital et selon la motivation qu'on donne à l'intérieur. Je pense qu'une des failles du système en ce moment, c'est que les conflits qui peuvent exister entre l'administration et le conseil des médecins souvent se révoltent à Québec, dans l'antichambre des ministres et souvent ne sont pas réglés par l'intermédiaire de l'article 11 qui ne joue jamais, si vous avez remarqué. Je ne me souviens pas d'un seul cas où l'article 11 ait joué. Il est difficile de penser qu'il n'existe jamais de conflits entre le corps médical d'un hôpital et l'administration.

Nous demandons que ce soit maintenu, et je pense que les médecins sont dans un état assez bizarre en ce moment. Cela fait deux ans que je l'observe. Les médecins ne sachant pas où ils vont, ayant l'impression très nette qu'on veut non pas seulement les salarier, parce que ceci n'a guère d'importance, mais qu'on veut les subordonner et en faire des fonctionnaires du gouvernement, ils commencent à avoir un certain désintéressement à l'intérieur de l'hôpital. Pour la participation, ils n'y croient plus. C'est pour ça que je demande à la commission parlementaire de se pencher sur ce problème particulier de la responsabilité du bureau médical pour qu'on puisse motiver de nouveau les médecins. Il y a à ce moment-ci, je vous l'avoue, du flottement dans le corps médical au niveau des hôpitaux, au niveau de la responsabilité des médecins vis-à-vis de l'administration.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie, Dr Robillard. Voilà justement le point

que je voulais vous faire souligner, et vous l'avez fait. C'est cette perte, cette absence de motivation de la part des médecins qui se sentent impliqués moins directement dans le fonctionnement du système. Evidemment, leurs responsabilités diminuant, ils ont moins de possibilités d'influencer le fonctionnement, les modifications et les améliorations à apporter dans le système.

Je pense que vous avez touché là un point extrêmement important de la place qu'occupe le médecin spécialiste ou le médecin omnipraticien dans le fonctionnement d'une institution. Mais, feriez-vous ce raisonnement pour tous les types d'institutions ou si vous pensez qu'il y a d'autant plus de forces que l'institution donne un degré de soins plus spécialisés? Feriez-vous le même raisonnement pour les CLAS?

M. ROBILLARD: Je suis bien pratique et pragmatique généralement dans mon mode de penser. Les hôpitaux ça existe, c'est là, on les connaît beaucoup, on y a fait notre internat, notre résidence et on le sait. Quant au CLAS, je n'ai aucune idée comment il va tourner, comment il va fonctionner, comment il va se politiser ou non. Je ne sais pas non plus exactement quelles sont les pensées du ministère sur le CLAS, elles ne sont pas encore explicitées. J'ai l'impression que le CLAS même pour le ministère est encore un sujet expérimental, même si le ministre dit que le CLAS sera le fondement, la base de toute la médecine québécoise. Peut-être en est-il ainsi, peut-être que cette décision a été arrêtée, mais je suis sûr que les faits viendront tempérer n'importe quelle décision, si judicieuse soit-elle. On va vivre l'évolution des CLAS et nous verrons. Je pense que les omnipraticiens ont fait la remarque qu'il devrait y avoir un bureau médical d'une certaine forme dans les CLAS d'une certaine dimension. C'est une recommandation que nous avons entérinée et je peux vous dire en passant que toutes les recommandations qu'ont faites les médecins omnipraticiens ont été discutées avec nous et nous les faisons nôtres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je reviendrai avec d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, je remercie très sincèrement le Dr Robillard ainsi que la Fédération des médecins spécialistes du mémoire qu'ils ont présenté. Même si, à la suite de l'année dernière, nous pouvons dire que les absents ont toujours tort, on peut cependant présumer que cette année les présents peuvent être questionnés. Parmi les questions que j'aurais à poser, M. Robillard, la première est la suivante: Est-il vrai que présentement il manquerait du personnel médical ou infirmier dans les institutions de langue anglaise?

M. ROBILLARD: Je n'en sais rien. Je lis les journaux comme vous.

J'ai lu la déclaration de la directrice de l'Association des infirmières anglophones qui dit qu'il manque du personnel infirmier au niveau du Montreal Neurological Institute. Je pense que c'est vrai. Cela a été dit, on ne peut le contester. Je sais qu'il manque du personnel médical. Nous sommes intervenus, si vous vous en souvenez, pour que les anesthésistes, qui avaient le "fellow d'Edimbourg", des gens extrêmement qualifiés, puissent être payés par la régie, car ils ne l'étaient pas. Ce qui avait fait dire par les journaux que les anesthésistes travaillaient 26 heures par jour. Ils avaient oublié de dire qu'ils étaient trois. Alors, le bill a été corrigé très rapidement par le gouvernement et nous avons réglé cette question.

Pour ce qui est du personnel infirmier, je vous cite encore les journaux. La présidente est ici, ce matin. Elle va vous le dire beaucoup mieux que moi, je pense. Elle a dit qu'il y avait suffisamment de personnel infirmier, enfin, de gardes-malades du côté francophone. Moi, tout ce que je peux vous dire a rapport aux médecins. Dans le passé, on nous a assez seriné qu'il y aurait un départ de 200 ou 300 médecins. C'est exactement ce qui s'est produit et ceci a causé un certain problème dans les hôpitaux anglophones au niveau de la radiologie et de l'anesthésie et de la psychiatrie en particulier.

M. BOIS: Maintenant, Dr Robillard, en quoi pourriez-vous me dire, d'après ce que je relève dans votre mémoire...

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire juste une remarque ici?

M. BOIS: Oui.

M. CASTONGUAY: Comment conciliez-vous, docteur, les chiffres que vous mentionnez à l'effet que 200 à 300 médecins ont quitté le Québec avec ceux que nous communique régulièrement le régistraire du collège où, depuis un an, on voit qu'ont cessé d'exercer la médecine, si ma mémoire est bonne, au Québec, environ 250 médecins, ce qui comprend ceux qui sont allés étudier à l'extérieur, les décès, les retraites, les changements d'activités?

M. ROBILLARD: Bon, nous voilà revenus encore à l'exode des médecins.

M. CASTONGUAY: Non, non, mais c'est à cause...

M. ROBILLARD: Moi, j'essaie toujours de sortir de l'exode des médecins et inlassablement, j'y reviens. Je ne dis pas que c'est vous qui m'y ramenez. Je vais en parler. Mais je voudrais tout simplement dire, pour la presse, que moi, j'en ai soupe de l'exode des médecins. Alors, cela existe des départs. On en a parlé. Je vais en

parler, mais, mon Dieu! ce n'est pas un exode. On ne veut pas s'en servir comme un outil de quelque chose, de négociation, etc.

Voici les chiffres du collège. Le collège nous dit — le régistraire me corrigera; on a moins de contacts avec le collège que le ministère, mais enfin — 600 personnes ont accédé à la pratique de la médecine au Québec. De cela, je pense qu'il y a à peu près 300 gradués des facultés de médecine, n'est-ce pas, M. le régistraire? De 300 à 320 diplômés. Il y a ensuite peut-être 150 ou un peu plus de résidants qui étaient déjà dans le Québec à l'entraînement dans une spécialité et qui ont reçu une licence de pratique pour rester dans le Québec. Ce n'est pas un apport de l'extérieur. Ils y sont, ils y restent. Pour combien de temps? Je ne le sais pas mais ils y restent. Cela fait à peu près 450 ou 500. Ensuite, nous avons des gens ayant des licences temporaires, qui sont venus passer un certain temps avec un poste hospitalier, soit à McGill, soit à Sherbrooke plus spécifiquement. Il y en a à peu près une soixantaine de ce type-là. Nous avons demandé que la loi soit amendée pour leur permettre de rester un an ici au Québec et vous avez adopté la loi. Donc, il ne reste pas beaucoup de nouveaux venus au Québec qui sont rentrés pour remplacer ceux qui sont partis. Quand bien même il serait rentré des gens pour les remplacer, que je n'ai pas vus encore, il demeure tout de même que ceux qui sont partis sont des gens difficilement remplaçables parce que c'est la moitié de nos radiothérapeutes, ce sont nos professeurs, nos directeurs de psychiatrie, ce sont des radiologistes, ce sont des anesthésistes, des gens qui ne sont pas remplaçables rapidement.

Je ne le souligne pas pour dire que c'est une catastrophe majeure. Ce n'est pas une catastrophe majeure. Mais je voudrais vous signaler aussi que nous sommes en train d'organiser un système, une banque de personnel pour venir en aide dans les endroits où il manque des médecins. Un jeudi, les médecins de Sept-Iles sont venus nous voir en nous disant qu'il n'y avait pas d'anesthésiste pour opérer et, le lundi, il y avait un anesthésiste à Sept-Iles et, maintenant, il y en a deux. Je ne vous dis pas qu'on va faire des miracles, mais j'aimerais tempérer peut-être en vous montrant l'effort qu'on fait de ce côté-là pour ne pas laisser penser aux gens qu'on ouvre un bureau de placement ici pour les médecins en Californie.

M. BOIS: Une autre question, M. Robillard. Dans votre mémoire, vous faites allusion au peu de différence que vous entrevoyez entre les unités sanitaires actuelles et les CLAS. Est-ce que vous auriez l'obligeance de préciser votre pensée là-dessus?

M. ROBILLARD: Je suis obligé de me reporter au rapport Castonguay-Nepveu pour savoir ce qu'est un CLAS. Si je le fais je ne trouve pas le CLAS, mais je retrouve le CLS, le centre local de santé. On dit que ce centre-là serait responsable de 80 p.c. à 90 p.c. des soins médicaux, qu'il serait constitué de deux ou trois omnipra-ticiens, d'une dizaine d'infirmières soignantes — on les appelle comme ça — qui auront des diplômes particuliers d'aides-médecins.

Je ne vois pas la liaison que les centres locaux de santé auront avec les hôpitaux. Maintenant, je voudrais bien préciser encore, parce que dans mon dos j'ai les infirmières — je les aime bien plus devant que de dos — pour dire que nous ne sommes aucunement opposés au concept des aides-médecins, bien au contraire, et que nous sommes totalement en faveur du concept que le premier choix aille aux infirmières. Nous allons leur en parler bientôt.

M. BOIS: Une autre question. Est-il vrai...

M. CASTONGUAY: Est-ce que vous me permettriez d'ajouter un mot...

M. BOIS: Oui.

M. CASTONGUAY: ... pour l'information à la fois de M. Bois et aussi d'autres personnes, peut-être également du Dr Robillard? J'ai déposé ici, à la commission parlementaire, lors de l'étude des crédits du ministère, un document sur les CLSC qui va passablement plus loin que la description que vous en faites. Je ne veux pas prolonger la discussion sur ce plan-là. Mais je vous rappelle qu'au moment de l'étude des crédits du ministère, j'ai déposé un document de travail qui donne passablement plus d'informations sur les CLSC tels que nous les concevons.

M. ROBILLARD: On demanderait, M. le Ministre, à votre secrétaire de nous faire parvenir le document qui ne nous a pas été envoyé.

M. CASTONGUAY: Cela nous fera un grand plaisir, docteur.

M. ROBILLARD: Il nous aidera à mieux participer.

M. BOIS: Dr Robillard, est-il vrai que des omnipraticiens et/ou des spécialistes auraient plus que doublé leurs revenus depuis l'instauration de l'assurance-maladie? D'après vous, cela dépendrait de quoi?

M. ROBILLARD: Moi, si j'étais président de la commission, je vous rappellerais à l'ordre. Cela ne fait rien, je vais répondre. Nous sommes ici pour répondre à toutes les questions. Des informations que nous avons et que nous avons fait étudier par nos actuaires, nous avons conclu que le chiffre moyen qui avait été offert par le ministre des Affaires sociales aux médecins spécialistes le 31 mai 1970 n'a pas été dépassé, au contraire. Alors, donc nous nous en sommes tenus en bas des prévisions budgétaires. Vous

avez vu aussi que la Régie de l'assurance-maladie a dit que c'était exact ce que je vous dis dans le moment. Nous sommes parfaitement conscients, cependant, que certains individus,... le nombre exact je ne l'ai pas parce que j'ai demandé au ministère de me donner le nom des médecins et le revenu de chacun. Mais la loi. avait été faite avec tellement de prudence par l'Assemblée qu'il n'est pas permis de révéler ces secrets. Alors, nous avons été obligés, au cours de l'été, d'envoyer à tous les médecins une lettre leur demandant un mandat nous autorisant à obtenir de la régie le chiffre exact de leurs revenus de façon que les 24 comités que nous avons formés, dits comités de surveillance des conventions, de chacune des associations puissent aller voir sur place le genre de travail que fait le médecin, pourquoi il génère un tel revenu, de façon que nous puissions répondre à toute question et corriger les abus s'il y a lieu. Je peux vous dire que nous avons eu une réponse assez spectaculaire. Certaines de nos associations sont rendues à 90 p.c. de mandats obtenus de leurs commettants. J'ai réuni les présidents pour leur savonner les oreilles un peu il y a deux jours afin qu'ils activent le processus. Alors, je peux vous dire, M. Bois, que tout est sous contrôle de ce côté-là et que si certains médecins vont faire des sommes, en apparence, faramineuses, ils ne sont pas nombreux, deuxièmement cela veut dire que d'autres vont faire des sommes très peu élevées. Il va falloir corriger cela. Le tout, pour le contribuable, se solde par un compte qui est légèrement inférieur à celui qui était prévu. Donc, nous nous sentons assez à l'aise dans ce domaine-là particulièrement.

M. BOIS: Je vous remercie. Maintenant, à la page 29 de votre...

M. CASTONGUAY: Est-ce que, monsieur, je pourrais...

M. BOIS: Oui, allez-y.

M. CASTONGUAY: ... faire juste un commentaire ici? Je voudrais simplement rappeler que vers le mois de juin, si ma mémoire est bonne, j'ai déposé à l'Assemblée nationale un rapport sur les coûts de l'assurance-maladie après quatre mois de fonctionnement du régime. Le président de la régie m'a dit, récemment, qu'une étude subséquente est présentement en cours et portant sur une période plus longue de fonctionnement du régime. Dès que j'aurai le rapport, c'est mon intention également de donner les renseignements pertinents ou utiles qui pourraient se dégager de ce rapport.

Alors, pour dissiper, aussi clairement qu'a voulu le faire le Dr Robillard, tout malentendu, les chiffres seront publiés au fur et à mesure qu'ils seront disponibles, aussi bien dans ce cas-là sur une base brute de déboursés de telle sorte que l'on voie tous les aspects du problème.

M. ROBILLARD: Les revenus bruts et nets avec les dépenses, mais je peux vous dire que la participation que nous avons avec la Régie de l'assurance-maladie — peut-être que cela vous intéresse au passage — est excellente. Nous obtenons tous les chiffres dont nous avons besoin et nous, en retour, nous donnons à la régie toutes les informations que nous avons en notre possession de telle façon que nous pourrions bien, si nous le voulions, sortir notre rapport, mais nous laissons à M. le ministre le plaisir de le faire, cette fois-ci, avant nous.

M. BOIS: Une autre question. Dans votre mémoire, vous attaquez la bureaucratie gouvernementale. Pourriez-vous, M. Robillard, nous expliquer pourquoi les médecins en ont contre les bureaucrates?

M. ROBILLARD: J'ai expliqué, je pense, avec assez de nuances que nous n'en avons pas contre les bureaucrates. Je dis que la bureaucratie — c'est un mot qui n'est pas populaire, mais il faut démasquer un peu ce mot et aller au fond des choses — cela ne veut rien dire. Cela veut dire des gens assis dans un bureau. Tout le "management" américain est centré sur le concept de la bureaucratie. Cela a fait la fortune des Américains. Eux, ils appellent cela le "management". Nous n'avons rien contre la bureaucratie, mais la forme la plus agaçante de la bureaucratie, c'est le fonctionnarisme. Alors, j'en ai contre le fonctionnarisme, mais pas contre la bureaucratie en particulier.

Si vous me demandez pourquoi j'en ai contre le fonctionnarisme, je pourrais vous donner toute une série d'exemples. Je pense que ce n'est pas l'endroit pour cela. Les fonctionnaires en ont aussi contre nous.

M. BOIS: Il me reste deux questions à vous poser, Dr Robillard. Croyez-vous, comme médecin, que le projet de loi no 65 risque d'amener le médecin, à la longue, à devenir beaucoup plus un homme qui s'occupera de paperasses, c'est-à-dire qu'il passera beaucoup plus de son temps à remplir des documents qu'à se dévouer à la médecine elle-même?

M. ROBILLARD: Cela, on le voit déjà. Dans un sens, c'est inévitable. Il faut, je pense, éviter de faire des mémos en 14 copies en utilisant un stylo à bille à pointe fine et en mettant un poids de 20 kilos par pouce carré parce que là, vraiment, on entre dans une bureaucratie. C'est cela, le fonctionnarisme, voyez-vous? J'ai vu cela.

Je pense qu'on s'est entendu avec la régie pour discuter. Quand nous avons demandé, l'an dernier, et que vous nous l'avez refusé, de négocier les formules, vous n'avez justement pas répondu à cette inquiétude que nous avons au sujet des formules. Disons que par la suite, cette position assez catégorique: nous ne négocierons pas nos formules, s'est atténuée. C'est le coeur d'un administrateur, son papier, ses formules.

Depuis ce temps-là, nous avons réussi à discuter des formules et il n'y en a pas une, je pense, qui a été publiée dans les six derniers mois sur laquelle nous n'avons pas été consultés. Pour une fois, on a tenu compte de nos vues à la consultation. Il y a plusieurs sortes de consultations, disons que cela a été des consultations valables, véritables.

M. BOIS: Dernière question. A la page 29 de votre mémoire, vous citez le Club Jean Moulin en disant ceci: "Les libertés locales ne vont pas fleurir par décret dans des régions dépourvues de cadres intellectuels et de capitaux." Est-ce que vous voulez mentionner ici qu'il y aurait difficulté d'établir le système des CLAS ou ORAS dans des régions où, actuellement, par exemple, il manquerait soit de médecins ou d'organisations physiques sur les lieux?

M. ROBILLARD: Là, je prenais la décentralisation. Ce n'est pas moi qui la prenais; je la prenais des mains d'un autre, le Club Jean Moulin en France; je pense que c'est respectable comme groupe. Le titre du chapitre, si je me souviens bien, c'était: "La décentralisation: rêve de l'intellectuel de gauche ou réalité? " La pensée du Club Jean Moulin est extrêmement nuancée sur la participation. Ils en soulignent tout simplement les difficultés en France, en soulignant, en particulier, la pénurie d'effectifs formés sur place, d'administrateurs.

Je viens d'avoir une discussion, il y a deux jours, avec des médecins français qui sont de passage ici. Ils nous expliquaient comment le système participatoire fonctionne en France au niveau de la CHU. A ce niveau, ils ont la possibilité dans la population d'avoir des gens qui ont de l'administration une certaine expérience. Nécessairement, le gouvernement ne paie pas très cher. Le gouvernement ne donne pas un quart de million à un groupe pour meubler ses loisirs. Ils prennent vraiment des gens sur place qui sont capables, qui ont une certaine responsabilité administrative, qui savent ce que c'est. Ils ont aussi des cadres médicaux parce qu'ils ont beaucoup plus de médecins par tête de population qu'on n'en a.

Je dis tout simplement que la pénurie d'effectifs, de ressources dans les communautés, la presse que nous avons aussi dans ces communautés, qui n'est pas, à mon avis, tout à fait à la hauteur — la presse nous critique de temps en temps; il faut bien faire la même chose — l'absence de connaissances techniques pour les gens qui peuvent siéger à ces conseils nous invitent à la prudence.

M. BOIS: J'aurais juste une question à poser au ministre. A la suite de l'étude des crédits du budget de la province, est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qui peut difficilement être établi d'après la dissection des divers postes? Est-ce que, dans votre ministère, on a fait l'étude appropriée quant aux crédits qui se- raient requis pour l'instauration complète du nouveau système?

M. CASTONGUAY: J'ai mentionné déjà, M. le député, que sur cette question, il faut dissocier d'abord ce qui est programmation ou implantation de ressources, modification de ressources, et ce qui est l'impact de ce bill-là au plan financier. Présentement, nous continuons de construire des hôpitaux, d'en agrandir, d'acheter de l'équipement, etc, et ça, que le bill 65 soit là ou non, il va falloir continuer à le faire. Ce sont des coûts qui ne sont pas reliés au bill 65.

Si nous ne construisons pas les centres locaux de services communautaires, nous allons devoir construire des hôpitaux qui coûtent encore passablement plus cher. Et encore là, nous n'avons pas d'analyses, où nous nous sommes amusés à essayer de faire des projections détaillées de ce que pourraient être la demande et les coûts, si nous voulions continuer de satisfaire à la demande d'après les modes actuels et ce qu'ils seraient, si nous déplaçons vers les centres locaux de services communautaires une certaine partie de cette demande. Mais nous sommes convaincus que les coûts vont être inférieurs.

En ce qui a trait directement aux coûts reliés au bill 65, nous les voyons au niveau de l'organisation des offices régionaux des Affaires sociales. Et là présentement, sur ce plan encore, il y a deux commentaires, je crois, qu'il est nécessaire de faire. C'est que, d'une part, nous subventionnons présentement des organismes qui assument certaines des fonctions qui sont proposées pour les offices régionaux des Affaires sociales. Je pense par exemple au Comité de planification des services de santé des Cantons de l'Est. Je pense à certaines études que nous commanditons pour analyser certains problèmes, soit des groupes, soit des individus. Ce sont des coûts qui existent présentement et dans la mesure où les offices assumeront ces fonctions, on n'a pas là uniquement des coûts nouveaux.

Nous avons dit également dans ce projet de loi et nous proposons que les offices régionaux soient mis en place de façon graduelle et aussi que leurs pouvoirs puissent leur être confiés graduellement. Encore là, pour nous, il n'était pas possible, je crois, d'étudier toutes les hypothèses en faisant l'hypothèse qu'en créant un office, deux offices, trois offices, etc, on leur donnait certaines gammes de pouvoirs.

Ce que nous avons dit plutôt, c'est qu'il y a d'abord un problème de recrutement de personnel compétent. Il y a aussi le fait qu'il faut assurer que ces offices fonctionneront convenablement et il nous apparaissait difficile de les mettre en place tous en même temps.

Donc, il n'est pas encore, et surtout tant et aussi longtemps que le projet de loi n'est pas dans sa forme définitive, possible de dire ce que serait le coût de ces offices. Ces offices,

également, assumeront des fonctions qui sont présentement assumées au niveau du ministère et pour lesquelles nous encourons des coûts. Il y aura déplacement quant au lieu où les dépenses sont effectuées, mais ce ne sont pas encore nécessairement toujours de nouveaux coûts.

Enfin, dans la mesure où ces offices joueront un rôle utile, ils pourront aussi, en contrepartie des sommes qui seront nécessaires pour les faire fonctionner, apporter des économies également. Je vous ai cité à la dernière séance de la commission — si vous vous rappelez bien — certains exemples. A partir d'un manque de contrôle, on a par exemple, le cas d'un hôpital où les dépenses autorisées pour la rénovation, l'agrandissement de cet hôpital étaient de $9 millions; lorsque le tout a été terminé, les coûts encourus étaient de l'ordre de $19 millions. Si nous avions pu dire à un moment donné: Voici, c'est ça qui est approuvé, vous n'allez pas plus loin que ça, ces $10 millions ne se seraient pas dépensés.

Il y a dans toute cette question un ensemble de facteurs.

La conclusion que j'en tire c'est que le bill 65 constituera un instrument permettant d'effectuer un meilleur contrôle d'allocation, d'abord — par rapport aux besoins, aux régions et au type de services — des fonds et aussi une meilleure utilisation de ces fonds dans le temps.

M. BOIS: M. le Président, je crois à l'honnêteté intellectuelle du ministre; c'est définitif, d'ailleurs je le lui ai déjà dit.

M. CASTONGUAY: Oui.

M. BOIS: Je ne voudrais pas ici, quand même...

M. CASTONGUAY: C'est une permanence.

M. BOIS: Sa déclaration vise à protéger un prédécesseur, mais, pour revenir à cette question d'un hôpital en particulier, est-ce qu'il n'y aurait pas des cas par exemple, où le gouvernement aurait une certaine influence dans le choix des architectes, des ingénieurs, etc.?

M. CASTONGUAY: Je n'ai pas fait, depuis un an et demi, d'étude de ce type afin de déterminer qui sont les responsables, dans un cas donné, des coûts plus élevés encourus; ce qui m'apparaît plus important, c'est de faire en sorte que dans l'avenir on ait les moyens de voir à ce que les sommes allouées soient bien dépensées.

Je n'ai pas pris, en aucun cas, de dossier pour les examiner et essayer de mettre le doigt sur des responsables. Cela n'a pas été l'approche que j'ai voulu prendre, je n'ai jamais accusé qui que ce soit de mauvaise foi. Par contre, ce que j'ai essayé de faire c'est plutôt d'identifier certaines des causes, de façon générale, de ces dépassements et d'essayer d'apporter des suggestions pour les corriger. Je mentionne entre autres, par exemple, le fait que présentement, lorsque nous nous engageons dans une construction, nous signifions à un hôpital — ce fut le cas dans le passé de façon générale et pas seulement sous l'ancien gouvernement mais antérieurement également — que nous approuvons le projet de construction. Nous disons: Vous pouvez construire un hôpital, la limite des coûts est de $3 millions pour un hôpital général.

Présentement, nous y allons beaucoup plus dans le détail. Nous définissons, de concert avec le conseil ou la corporation, quelles devront être les fonctions qui seront assumées par cet hôpital. On voit justement que c'est nouveau et cela fait l'objet de litiges, comme dans le cas de Shawinigan-Grand'Mère, où cela a pris un certain temps avant de s'entendre sur un équilibre entre les fonctions confiées aux deux hôpitaux. Nous sommes en voie, présentement, d'élaborer un guide de telle sorte que lorsqu'un tel projet sera approuvé, en plus d'avoir un programme à réaliser, nous dirons spécifiquement à la corporation hospitalière : Voici quelles sont vos responsabilités dans ce projet, voici quelles sont les responsabilités du ministère, voici comment nous croyons que vous pourriez éviter certains écueils dans la construction. Il ne faut pas oublier un facteur dans ceci: Bien souvent, un hôpital ou une corporation hospitalière n'est appelé à faire des travaux majeurs qu'une fois sur une très longue période d'années. Même si le phénomène se reproduit souvent, à plusieurs endroits en même temps, pour une corporation donnée, c'est une nouvelle expérience.

Est-ce qu'ils doivent engager quelqu'un pour surveiller leurs intérêts sur le chantier ou se fier uniquement à l'entrepreneur? Est-ce que, lorsqu'ils voient des extra comme c'est bien souvent le cas dans un projet, ils peuvent faire des dépenses pour ces extra sans autorisations ou s'ils doivent en obtenir? Est-ce que les frais d'honoraires, comme vous le mentionnez, sont compris dans le montant de la construction ou si c'est en plus? Est-ce que la forme de soumission demandée doit être celle déterminée par l'hôpital ou s'il doit y avoir un type plus standard de telle sorte que l'on bénéficie de l'expérience? Nous sommes en voie de mettre en place un tel guide qui, nous le croyons, sera un outil utile pour les administrations hospitalières. Ceci, nous le faisons à partir d'une analyse, non pas d'un cas particulier, mais des causes ou de ce qui nous apparaît être les principales causes des dépassements dans les projets de construction.

M. BOIS: M. le Président, je remercie le ministre et le Dr Robillard d'avoir répondu à mes questions.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne peux pas laisser passer la question du

député de Saint-Sauveur sans faire la réflexion suivante: D'abord, le sujet est trop vaste — il est certainement hors cadre ce matin — pour que l'on élabore plus longuement. Je voudrais dire ceci. Entre le moment où l'on commence à étudier un projet d'implantation d'un hôpital et le moment où on met la clef dans la serrure pour ouvrir l'hôpital, il s'écoule une période de cinq, six et sept ans.

Entre-temps, il arrive toutes sortes de choses impondérables, telles que des renouvellements de conventions collectives, comme il y a eu depuis deux ou trois ans dans le secteur de la construction. Cela a amené le gouvernement à réviser en cours de route bien des projets de construction en ce qui concerne les conventions collectives et les salaires. Cela peut expliquer dans une certaine mesure les différences entre les estimations initiales et le coût final de la réalisation.

Il arrive aussi qu'en cours de réalisation du projet, des services qui n'avaient pas été prévus au début sont ajoutés, tenant compte de l'évolution qui se fait dans le domaine des services médicaux, de la dispensation des soins de santé. De toute façon, c'est une question et je ne crois pas que le ministre dans sa réponse ait voulu couvrir qui que ce soit, comme je l'ai fait en 1966, quand j'ai pris la suite de mes prédécesseurs, je n'ai pas voulu non plus couvrir qui que ce soit. C'est un problème complexe et, tenant compte des difficultés d'appréciation et de réalisation dans ces domaines, il s'est produit nécessairement que des estimations initiales aient été dépassées. De toute façon, nous prendrons en temps utile chaque cas en particulier pour obtenir les informations que les membres de l'Assemblée nationale ont le droit d'avoir. Mais ce n'est pas le moment, ici, ce matin, de faire le procès du coût de construction des hôpitaux.

Mais cela m'amène à poser une question au Dr Robillard. Je m'excuse auprès du député de Bourget, ma question sera courte. Il a parlé tantôt de Shawinigan. Il nous a dit, à la commission, que les médecins n'avaient pas été consultés. Est-ce qu'il parlait des médecins de l'institution ou de la Fédération des médecins spécialistes? Ce sont deux choses différentes.

M. ROBILLARD: Nous avons l'habitude de ne pas être consultés et nous considérons cela presque normal. Mais j'entends les médecins qui exercent dans l'hôpital; ils n'ont pas été consultés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il faudra évidemment revoir dans quelles circonstances ça s'est produit. J'ai rencontré assez régulièrement des comités de construction d'hôpitaux et j'ai constaté souvent que des médecins faisaient partie de ces comités de construction. Quand il n'y avait pas de mécecins au comité de construction, on les appelait à l'intérieur de l'hôpital à donner leur opinion sur l'aménagement des services. Peut-être que l'opération aurait dû être poussée plus loin, quand on a fait la synthèse de tout cela avant de donner l'approbation finale. De toute façon, j'ai noté l'observation du Dr Robillard et le ministre également. Si ce n'est pas fait suffisamment à ce jour, j'espère que ce le sera davantage à l'avenir.

M. ROBILLARD: Je voudrais bien clarifier cette position pour ne pas en faire un point de politique. La construction de l'hôpital de Shawinigan, comme vous dites, de la genèse intellectuelle de l'hôpital, l'ouverture des portes, il s'écoule six ans, voire dix ou quinze ans. Je ne me souviens plus sous quel gouvernement la construction de l'hôpital avait débuté, mais je me souviens que le député local a changé à un certain moment. Je ne peux donc pas dire que c'est un gouvernement ou l'autre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il n'est peut-être pas passé tellement de gouvernements, mais plusieurs ministres.

M. ROBILLARD: C'est pour cela que je ne voulais pas tenir responsable l'un ou l'autre, mais je dois vous dire que lorsque nous avons discuté avec les hauts fonctionnaires du gouvernement de la question, on nous a répondu tout simplement qu'on était en face d'un fait acquis dont ils n'étaient pas responsables et que nous avons eu une discussion très fructueuse, comme on l'a vu. Je n'ai rien à dire sur le climat qui a présidé à ce moment-là. Ce qui s'est passé est passé. Je dis tout simplement que c'est malheureux que ce ne se soit pas passé comme ça. Pour ce qui est dans le moment, je n'ai rien à dire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, j'ai pris un très vif intérêt à la lecture et à la présentation du mémoire de la fédération ainsi qu'aux échanges qui ont suivi. Ceci me convainc de plus en plus que nous avons affaire, avec le projet de loi 65, à une loi qui va changer du tout au tout l'organisation des services sanitaires et sociaux au Québec, comme si la situation avait évolué jusqu'ici un peu à son propre rythme, au rythme de ceux qui s'occupaient de la mission santé au Québec.

Maintenant il s'agit de faire le point, de peser les avantages et les désavantages du système actuel et de prévoir un nouveau système.

Ce nouveau système, moi, je le décrirais un peu, à la suite de votre exposé, comme la recherche d'un nouveau rapport de forces entre tous ceux qui ont à s'occuper de la mission santé, la recherche d'un nouvel équilibre entre les contributeurs aux divers systèmes. Jusqu'en 1971, en effet, on a vu que les organisateurs ou ceux qui avaient affaire au problème de la santé étaient les suivants. Il y avait les élites communautaires qui la plupart du temps ont créé les institutions, les ont développées. Il y a eu les

médecins, surtout les médecins, qui offraient leur science, leur technique, dont l'apport était absolument indispensable et dont l'apport s'est développé, amélioré au fur et à mesure des progrès de la science. Troisièmement, les usagers qui, il faut bien l'avouer, jsuqu'ici sont restés très passifs et, enfin, l'Etat dont le rôle s'est accru au cours des années, s'est accru à un point tel que maintenant il lui fallait repenser son rôle, sa vocation, ses fonctions.

Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez contre le statu quo sans cependant peut-être aller suffisamment dans les raisons qui vous amènent à être contre le statu quo. Contre ce statu quo, il y a peut-être le fait, par exemple, que les élites communautaires, malgré tout le dévouement, malgré toute la générosité dont elles ont fait preuve, n'ont pas vu toute l'ampleur ou toutes les facettes d'un problème, n'ont pas été capables de coordonner d'elles-mêmes leurs ressources, leurs fonctions, leur vocation.

En ce qui concerne la profession médicale, peut-être, justement au fur et à mesure du progrès de la science, a-t-elle tendu elle aussi à ne pas pouvoir coordonner ses activités d'un hôpital à l'autre, d'une institution à l'autre. Peut-être à l'intérieur même de l'institution a-t-elle, par la force des choses, assumé un rôle que lui ont graduellement contesté les conseils d'administration d'hôpitaux, l'Etat et aussi les usagers. Vous avez mentionné, ainsi que le ministre, d'ailleurs, certains des reproches qu'on avait pu faire à la classe médicale comme, par exemple, le défaut de rendement d'un hôpital en ce qui concerne l'admission des patients, la circulation des patients à l'intérieur d'un département. Je pourrais faire état d'autres reproches que j'ai entendus, comme, par exemple, les chasses gardées que constituaient les bureaux médicaux où il était très difficile pour certains médecins — et particulièrement dans les régions rurales — de se faire admettre dans certains hôpitaux, ou encore la difficulté pour un bureau médical d'avoir une vue qui dépassait son hôpital et d'insérer son action au sein de la communauté, de prendre conscience de sa vocation sociale ainsi que de la vocation de coordination de l'ensemble des besoins d'une région.

Egalement, à l'intérieur de ce corps professionnel, un autre reproche que vous connaissez aussi bien que moi et que l'on entend souvent, c'est qu'en même temps que progressait la profession médicale, en même temps que la science se spécialisait, s'accroissait, il y avait quand même d'autres spécialistes qui faisaient émergence dans les hôpitaux. Je pense à toutes les professions paramédicales, que ce soit le nursing, que ce soit les physiothérapeutes, que ce soit les sociologues, les travailleurs sociaux, les psychologues. Les rapports à l'intérieur même des professionnels de la santé étaient souvent tendus et on ne trouvait pas à l'intérieur des bureaux médicaux ou des corps professionnels de l'hôpital les rapports, l'équilibre qui auraient convenu à l'administration de soins qui auraient répondu aux nécessités professionnelles aussi bien qu'aux besoins de l'usager.

Enfin, en ce qui concerne les usagers, cette passivité a graduellement fait place à une activité en ce sens que l'organisation des hôpitaux allant à l'encontre de certains de leurs besoins fondamentaux, que ce soit le besoin humain, le besoin d'être considérés comme des individus, des personnes et non comme des numéros, le besoin d'être respectés dans toutes les dimensions de leur personnalité, le manque d'organisation en ce qui concerne, par exemple la distance, la gamme de tous leurs besoins ont fait que les usagers ont eu de plus en plus de griefs à l'endroit des institutions et ont ainsi manifesté le désir d'être présents là où se prennent les décisions.

Je n'ai pas envie de refaire ici toute la critique qu'a faite la commission Castonguay-Nepveu à l'endroit de l'organisation actuelle des services sanitaires et sociaux. Mais je pense que vous êtes convaincus comme moi qu'il fallait véritablement en arriver à cette révision, parfois déchirante, de la situation actuelle. Et là, nous arrivons au véritable problème: l'organisation d'un nouvel état de choses, d'une nouvelle mission santé, la définition des vocations, des responsabilités réciproques, la recherche d'un équilibre entre ceux qui ont quelque chose à voir avec l'administration des services de santé, une vocation plus spécifique pour chacun des groupes qui ont un rôle à jouer, qu'il s'agisse aussi bien de l'Etat que de la profession médicale, que des professionnels au sein des travailleurs de la santé, aussi bien que des conseils d'administration et des usagers. C'est bien sûr que c'est très difficile de trouver cet équilibre, ce nouveau rapport de forces, malgré toutes les études qui ont été consacrées à ce sujet.

A ce titre, je pense que vous avez eu raison dans votre mémoire d'aborder le problème de très très haut et de consacrer une bonne partie du mémoire à des considérations générales. Car je crois encore, et je l'ai déjà dit, que c'est une question de philosophie. Et tant qu'on ne s'entendra pas sur cette philosophie, il sera très difficile d'en arriver à cet équilibre idéal de forces. Peut-être, si on n'y arrive pas, y a-t-il un grand danger. Les usagers seront encore une fois mécontents et il y aura de la contestation. Les professionnels et, en particulier, les médecins seront mécontents également et on court le risque d'arriver à cette non-motivation dont vous parliez tout à l'heure, à cette non-participation, à cette non-mobilisation qui constitueraient également un danger très grave.

Donc dans la recherche de ce nouvel équilibre, j'aimerais que vous précisiez davantage le rôle spécifique que vous attribuez aux divers corps en question. Les élites communautaires, on sent qu'elles vont jouer dans l'avenir un rôle de plus en plus supplétif, puisque l'Etat entend

assumer des responsabilités beaucoup plus importantes au plan de la planification, au plan de la coordination et au plan du contrôle. On sent que ce rôle, même si les élites communautaires n'en sont pas toujours très satisfaites, va devenir de moins en moins important. J'aimerais avoir votre idée là-dessus, si vous leur voyez encore une rôle important.

J'aimerais aussi connaître vos idées sur le rôle que s'attribue l'Etat dans cette nouvelle fonction. Est-ce qu'il devrait véritablement exercer tous ces rôles de planification, de coordination et surtout de contrôle et la façon dont il entend l'assumer par le projet de loi no 65?

J'aimerais aussi avoir votre idée sur les ORAS, sur ces organismes que le gouvernement introduit dans l'organisation des services de santé. Dans votre mémoire, vous dites qu'il n'y a pas assez de pouvoirs qui sont confiés à l'ORAS. Cela vous fait penser à l'époque de Colbert, où on disait: Vous allez faire quelque chose, mais vous allez être obligés de remonter à Paris pour le contrôle de tout ce que vous faites. J'aimerais que vous spécifIlez davantage là-dessus.

En ce qui concerne le rôle des médecins à l'intérieur des structures, est-ce que vous croyez, vous l'avez dit, je crois, qu'on élimine s'il est vrai qu'auparavant les médecins avaient peut-être un pouvoir peut-être pas exagéré mais important, vous considérez qu'on l'a trop réduit? Dans quel domaine trouvez-vous qu'on l'a par trop réduit et quels dangers voyez-vous à cette réduction excessive, par exemple, qui aboutirait à confier au directeur général ou aux directeurs des services professionnels l'organisation scientifique de l'hôpital qui, auparavant, était confiée aux bureaux des médecins?

Enfin, du point de vue des usagers, je vois que vous n'êtes pas tendres dans votre mémoire à l'endroit du rôle des usagers. Vous recommandez au gouvernement d'y aller prudemment, par étapes. Vous vous demandez si, à l'intérieur des centres locaux de services communautaires en particulier, le rôle des usagers ne sera pas excessif, ne sera pas trop important, n'aboutira pas à une diminution de la qualité des soins. J'aimerais que vous nous disiez si, à l'égard justement de ces protestations, de ces griefs légitimes des usagers, vous envisagez une formule qui permettrait justement aux usagers d'orienter d'une façon qui permettrait à leurs besoins réels, légitimes, d'être respectés, de participer à l'orientation des organismes.

M. ROBILLARD: Je ne reprendrai pas l'exposé du député de Bourget. Je vais en prendre seulement les conclusions qui sont des questions.

Les élites communautaires. Bien, l'élitisme, les élites communautaires peuvent être l'objet d'une discussion politique intéressante. Mais je ne pense pas que ce soit mon rôle de m'y attarder. Je pense que l'élitisme est peut-être un de ces lieux communs dont j'ai souligné la fréquence dans mon livre. Cela fait peut-être partie de ce que Galbraith appelle la sagesse conventionnelle, "conventional wisdom", de ces mots à la mode au Québec. Il y en a plusieurs: la participation, le dialogue, l'élitisme, etc.

Des élites communautaires, au Québec, il n'y en a guère. Je pense qu'on doit se rendre compte, tout de même, si nous voulons être bien prosaïques, bien tranquilles et ne pas faire de débat politique, — ce qui n'est pas mon rôle — que nous avons des gens qui ont fait partie, dans le passé, de conseils d'administration des hôpitaux, qui étaient des comptables, des entrepreneurs, des notaires, aussi des commerçants et que je ne pourrais pas qualifier d'élites communautaires. Et je ne pourrais pas dire non plus, si je me retourne vers les bourgeois de Calais, qu'il y avait une ressemblance entre ces braves gens et ceux qui occupent les postes qu'on a décrits sous le nom des 200 familles en France.

Je pense que c'est transporter ici des problèmes politiques d'ailleurs. Tout de même, au niveau de ce qu'on appelle les élites communautaires, il y a lieu de s'attarder à savoir si le système va marcher ou non, et quand on nomme quelqu'un à un conseil d'administration, ce n'est pas pour vendre de la moutarde. S'il s'assoit à un conseil d'administration, c'est pour gérer, et si c'est pour gérer c'est pour avoir une idée de ce qu'est la gestion. Ce n'est pas pour lui donner un cours de gestion.

Je dis donc, pour me résumer là-dessus, que quand je pense à la participation des élites communautaires qui ont fait les hôpitaux — et des médecins faisaient partie de ces élites communautaires, que je ne nommerai pas faute de temps — et quand on forme ces élites communautaires, il faut tenir compte du fait qu'il y a des gens qui ont, dans notre milieu, une expérience valable de l'administration et qu'il ne faut pas les négliger. Je suis d'accord, cependant, sur le fait que nos élites, dans le passé — ce qu'on a appelé nos élites, c'est-à-dire celui qui avait fait son collège classique aller-retour — cela est passé de mode pas mal, et qu'il y a lieu d'intégrer au conseil d'administration des hôpitaux des gens qui sont du milieu, qui n'ont pas nécessairement fait un cours classique, si vous voulez. C'était la norme autrefois de ce qu'on peut appeler, peut-être, notre élite communautaire. Donc, nous sommes partie. Personnellement, je pense que c'est partagé par tous ceux qui m'entourent que d'élargir le cadre de participation au niveau des décisions et de la gestion et d'y inclure autre chose que notre traditionnelle élite communautaire. Je suis d'accord.

Allons à l'autre pôle de votre question si vous voulez. Puisqu'on parle d'élite communautaire, sautons tout de suite à l'autre pôle que vous semblez défendre au nom des B.B.B. : battus, bafoués, brimés. Est-ce que c'est vrai

que les gens dans les hôpitaux ont reçu de si mauvais services? Est-ce que c'est vrai qu'ils ont été privés d'une médecine de qualité, etc.? Eh bien! je vous réponds non. Défaut de rendement des médecins? Moyenne de séjour, neuf jours et demi; Angleterre, 32. Chasse gardée, vieille rengaine classique au Québec. Chasse gardée des hôpitaux. Je n'avais pas de "mon oncle" ou de "ma tante" dans les hôpitaux qui était soeur supérieure ou quoi que ce soit. Je n'ai eu aucune difficulté à entrer dans l'hôpital de mon choix, n'importe où. Ceux qui emploient cette rengaine si fréquemment, je leur demanderais une chose: Voulez-vous nous fournir une liste des médecins du Québec qui n'ont pas d'attache hospitalière?

Je me suis employé à en rédiger une, sur laquelle j'ai trouvé quelques malheureux confrères qui avaient eu des problèmes de narcomanie, etc. Il y en a dans tous les domaines de la société. Ils étaient fort peu nombreux, pas plus qu'ailleurs. Je n'ai pas trouvé de gens qui n'avaient pas d'attache hospitalière.

On oublie aussi souvent de faire la distinction entre un hôpital général et un hôpital d'enseignement. On oublie de dire qu'un hôpital d'enseignement qui comporte à peu près 100 à 130 médecins comme personnel et qui a 450 lits, où chacun dispose peut-être de deux ou trois lits, parfois quatre au maximum, qu'ils sont obligés de former des étudiants en médecine de 2e, 3e, 4e et 5e année, plus les résidants en psychiatrie, en neurologie et en médecine, cela devient un problème. A ce moment-là, ouvrir l'hôpital à tout le monde serait difficile.

Il serait aussi difficile que quelqu'un puisse être commis voyageur en médecine et faire dix hôpitaux, le matin, en se promenant tranquillement, entre les foyers et d'autres activités complémentaires, n'appartenant à aucun comité de l'hôpital, ne participant pas à la vie administrative de l'hôpital.

C'est pour cela que le législateur, dans sa sagesse — c'est la convention qu'on le dise — a voulu édicter des règlements qu'on appelle les règlements adoptés en vertu de la Loi des hôpitaux.

Donc, l'élitisme, je pense, est en perte de vitesse. La sagesse conventionnelle veut qu'on parle maintenant des usagers. J'y ai fait allusion, je vais y revenir deux secondes. Les pendules ont cette tendance, par la loi de la gravité, à dépasser le point médian. Je pense qu'on voit un pendule, en ce moment. On voit le pendule osciller dans le sens de la participation que je dirais légèrement échevelée.

J'ai cité tantôt M. Rivard dans cet article du "Medical Post". On dit: Seulement un médecin à un comité. On en veut, tout d'abord, seulement un parce que les professionnels, vous le savez, sont dangereux. On nous l'a dit ici à la table que j'occupe. Il faut les laisser parler le moins possible parce qu'ils pourraient convaincre. Deuxièmement, on leur dit quand parler. Et quand on leur demande quand ils ont parlé, ils répondent: Jamais. On ne les laisse pas parler. On n'a pas besoin d'eux. Alors, je pense qu'on passe d'un bout, qui s'appelle le notaire de campagne, à l'autre bout, qui s'appelle la participation activiste échevelée. Entre les deux, il me semble qu'il doit y avoir un chemin, un moyen de nous comprendre.

Je n'ai eu, pour ma part — vous le signaliez, M. le député, la dernière fois — aucune difficulté à communiquer avec les gens du public parce que je n'ai jamais exercé dans un quartier riche. J'ai toujours exercé dans un quartier bien ordinaire, qui était Maisonneuve. Je n'ai pas vu non plus mes internes et mes résidants, qui étaient des gens qui venaient de la première et de la deuxième génération d'un fond agraire certain, avoir des problèmes de communication très intenses. Par contre, là où je vous rejoins très sûrement, c'est que, premièrement, je veux que la profession médicale ne porte aucun blâme pour le passé. Je ne l'accepte pas. S'il était acceptable, soyez sûrs que nous l'accepterions. J'en prends des petits bouts. Mais on dit que l'ensemble de la médecine du Québec, cela ne vaut rien. On va, du revers de la main — comme vous dites — l'éliminer pour en faire une neuve, conçue par qui? Je vous le demande. Je n'accepte pas cela. Parce qu'il y a une chose, dans le Québec, qui a de l'allure — je n'hésite pas une seconde à le dire — c'est la médecine québécoise.

Cette médecine québécoise, c'est vous et moi qui l'avons faite. Nous n'avons pas à rougir de la médecine québécoise. Nous avons été dépassés, entre 1945 et 1968, où s'est fait vraiment le grand "push" de la médecine québécoise, à l'école américaine beaucoup plus qu'à l'école française. Nous avons été dépassés ensuite, mais pas seulement nous, dans tout l'hémisphère occidental, dépassés par les progrès de la médecine par rapport à la dispensation des soins.

Nous avons porté plus d'attention aux progrès techniques de la médecine, aux grands avancés, aux grandes percées de la médecine qu'aux problèmes de rendre accessibles ces soins-là à la population. Est-ce pour dire que nous nous en sommes désintéressés?

Je vous référerais à un petit livre que j'ai écrit, qui a été précédé d'articles que vous avez dû recevoir aussi de ma plume, en 1967, où on parlait de réforme de médecine, vers une médecine de demain, etc. Je vous référerais à tous les articles qui ont été écrits par les facultés de médecine américaines, par les groupes médico-américains, depuis 20 ans, sur la nécessité d'une réorganisation des soins.

Si on veut se résumer, vous me dites: Elite. D'accord, je pense que nous avons fait des commentaires. Le rôle de l'Etat? Le rôle de l'Etat, que doit-il être? On peut avoir là encore deux polarisations d'opinions: tout à l'Etat ou rien à l'Etat. Cela se polarise comme ça au Québec depuis un certain temps. C'est tout noir ou c'est tout blanc. Il n'y a presque plus de gris.

Mois, je dis que le rôle de l'Etat, je l'ai

esquissé tantôt, c'est de planifier, de concert avec les intéressés, c'est de voir ensuite à ce que la planification indicative qu'il met en place soit respectée, et, si elle ne l'est pas, d'intervenir. Je ne conçois pas que le rôle de l'Etat soit l'intervention immédiate, sans avoir passé par cette phase de ce qu'on appelle le "job owning" américain, comme Nixon a fait avant de passer aux mesures restrictives. Moi, je le vois comme ça.

L'ORAS, quel doit être son rôle? C'est là qu'est le dilemme entre le partage des pouvoirs de l'hôpital, de l'institution et le ministère. Avant ça, on pouvait régler des problèmes dans les hôpitaux. Je ne vous dis pas que c'était facile, mais nous pouvions les régler. Nous pouvions frapper à la porte de l'administrateur et voir. Et si ça n'allait pas au bout d'un an, nous pouvions peut-être avoir un rendez-vous à Québec pour rencontrer le ministre. Et nous pouvions peut-être obtenir quelque chose, un département de radiothérapie, un nouvel appareil, etc. Les ministres, d'ailleurs, ne nous avaient jamais fermé leur porte, mais il fallait insister légèrement.

Nous ne voudrions pas que l'ORAS soit un paravent placé pour garder la porte du directeur général ou du ministre. Si on voyait — et c'est ceci qui est dessiné dans la loi — ... Quand pensez-vous qu'un médecin va pouvoir voir son patron, le directeur général, dans un hôpital? Il va aller faire le pied de grue et antichambre chez le DSP et ça va se noyer là, le DSP va dire: Mon cher ami, soyez sûr que je transmets votre demande en haut lieu, c'est-à-dire au directeur général, qui, lui, la transmettra, soyez-en sûr, à l'ORAS qui, lui également, soyez-en assuré, la transmettra au ministère dans le département de la programmation ou quelque chose comme ça.

Et dans cette guimauve bureaucratique — c'est de celle-là tantôt dont je voulais parler — on va s'en aller sans jamais pouvoir avoir une réponse à quelque question que ce soit.

L'ORAS doit être un lieu où nous allons porter des choses, où nous sommes représentés, pas majoritairement — nous ne l'avons jamais demandé. Quand M. Laplante, du Devoir, dit que nous voulons être partout, que nous lorgnons les fauteuils, je peux vous dire que nous ne lorgnons pas les fauteuils. Au contraire, nous sommes des gens debout et pas assis. Mais nous ne lorgnons aucun fauteuil, nous voulons être présents dans un fauteuil sur 20, de temps en temps, juste pour voir ce qui se passe, et faire participer les gens à nos connaissances.

L'ORAS, à mon avis, devrait avoir son budget ou une bonne partie de son budget. S'il n'a rien à administrer et s'il faut acheter des crayons avec l'autorisation de Québec, je ne vois pas pourquoi on fait des ORAS. Nous voulons un ORAS qui ait un certain pouvoir de décision pour la planification régionale et de telle façon que nous ne nous en allons pas seulement voir des gens qui nous disent: Nous référerons à Québec, c'est-à-dire à Paris.

Plus que ça, je laisserai au législateur le soin d'écrire des lois pour réfléter cette réalité sur laquelle bien d'autres que moi se sont penchés, ce n'est pas comme vous avez vu dans le texte de notre mémoire, nous avons déplacé sur d'autres questions qui nous semblaient plus propres à notre expérience et à notre compétence.

M. LAURIN: Il y a certaines questions que j'avais posées auxquelles vous n'avez peut-être pas répondu...

M. ROBILLARD: Allez, allez, j'en ai tellement posé que...

M. LAURIN: Les rapports à l'intérieur de la technostructure disons, entre les membres de cette technostructure, par exemple, les médecins et les professionnels, le nouvel équilibre à trouver, la ■ façon dont ça peut s'incarner, se concrétiser dans la vie quotidienne d'un hôpital...

M. ROBILLARD: Là, vous parlez du choc du futur. Moi, je vous parlerai du choc du passé. Ce n'est rien de nouveau. Des psychologues dans les hôpitaux, ça fait déjà quelques années que nous travaillons avec eux, les infirmières, sans elles, il y a longtemps que les hôpitaux auraient fermé leur porte. Elle s'appelait Jeanne Mance, la première ici. Il n'y a pas de nouvelles choses absolument dévastatrices. Qu'il y ait un, deux, trois, quatre ou cinq dentistes, je pense que les hôpitaux — pour n'en nommer qu'un, l'hôpital Notre-Dame, — c'était entendu bien avant que le gouvernement n'intervienne sur les droits et privilèges des chirurgiens buccaux, qui font de la chirurgie que d'autres médecins font également, en plastie ou en orthopédie, on n'a pas attendu. Nous disons seulement, et nous l'avons souligné, — comme Peter F. Druker l'a dit — que si on commence à peine à connaître comment on doit organiser le travailleur manuel — je ne pense pas qu'on le sache vraiment.

Cela n'en a pas l'air, en tout cas. On ne sait pas beaucoup non plus comment organiser le travail des intellectuels, les liens qu'il y a entre ces gens-là et leurs aspirations. Les médecins sont des travailleurs intellectuels, comme n'importe quel commis de bureau qui travaille avec une plume au lieu de travailler avec ses mains. Cette expression-là ne le valorise pas plus. Je dis que ce n'est pas simple. Quand nous avons voulu dire: Faisons un conseil des médecins responsable — d'un côté c'est acquis, on donne un travail bien circonscrit et cela, au moins, c'est un principe de gestion raisonnable — faisons un conseil à côté des professionnels à qui on donne plus de champ, plus de latitude qu'il n'en avait avant, c'est-à-dire qu'il peut conseiller sur l'organisation technique professionnelle, et puis faisons travailler les gens ensemble dans les départements; on va arriver à une solution.

En imposer une tout de suite, ce serait

imposer le progrès avant la réalité. Là-dessus, je ne peux pas vous dire qu'il y a une formule magique selon laquelle on va structurer un bureau médical de telle façon et sûrement que cela va marcher. Je vais vous dire une chose: La participation — je pense que vous l'avez considéré longtemps avant moi — est une espèce de forme d'affection des gens les uns pour les autres. Je pense qu'on peut travailler pour autant qu'on se respecte mutuellement, qu'on se connaît et qu'on s'aime un peu. Cela ne s'impose pas, il n'y a pas de loi qui l'impose.

M. LAURIN: Dans votre mémoire, vous réclamez un haut degré d'autonomie à la technostructure. La technostructure, pour vous, est-ce plutôt le corps médical, d'une part? Deuxièmement, vous n'avez pas précisé le degré d'autonomie que vous aimeriez que l'Etat accorde à cette technostructure. Pourriez-vous être plus explicite là-dessus?

M. ROBILLARD: La technostructure que je connais, c'est la mienne, c'est le groupe des médecins. Le "nursing" dans un hôpital est une technostructure qui a un haut degré de connaissances et d'indépendance et qui doit le préserver, à mon humble avis, de même que l'administration qui est très jalouse de ses prérogatives et de son autonomie. C'est normal.

Il n'y a pas une technostructure. Oui, il y a une technostructure, si on veut employer le terme générique, mais il y a des comités, dans la technostructure, qui forment la technostructure, qui est un terme général. Il y a des comités; il y a le comité qui s'appelle le bureau médical, avec l'organisation du bureau médical, il y a le "nursing" aussi qui disparaît, d'après ce que je peux voir. Quel est le rôle de la technostructure? Le rôle de la technostructure, je pense, est d'évaluer la situation qui se passe dans son domaine, c'est de poser des gestes d'appréciation à des événements qui se passent dans ce domaine, c'est d'accomplir des tâches définies — c'est du domaine de la planification — de pouvoir, premièrement les apprécier, deuxièmement, de motiver ceux qui vont les appliquer en les leur faisant connaître, communiquer avec eux, les amener à réaliser, exercer des contrôles sur eux, qui sont des contrôles motivants et non pas des contrôles démotivants. Le collège a suffisamment parlé de cela pour que je ne reprenne pas la question. C'est cela, le rôle d'une technostructure.

Si vous voulez comparez avec l'industrie, c'est la division de Buick vs la division de Chevrolet. Elles ont un haut degré d'autonomie. Pour ce qui est du "design" dans une industrie, la patron qui irait s'opposer systématiquement, qui irait donner des conseils ou regarder pardessus l'épaule du gars qui est à la table de dessin, va tout simplement faire faire faillite à l'entreprise. C'est la démonstration de Galbraith, avec des exemples très nombreux, et cela a été la démonstration du Harvard Business

School. Je le vois comme cela. Entrer dans plus de détails...

M. LAURIN: J'aurais une dernière question, enfin. Vous demandez que la profession ou la technostructure, encore une fois, soient consultées sur les modes de participation à la vie de la communauté où elles travaillent.

Jusqu'où doit aller cette consultation ou cette considération en ce qui concerne la définition des modes de participation à l'exercice des fonctions?

M. ROBILLARD: Votre question est tellement intellectuelle que, je l'avoue, je ne l'ai pas comprise.

M. LAURIN: C'est peut-être intellectuel mais vous vous êtes référé, tout à l'heure, lorsque vous en parliez, à la loi 30 qui était censée prévoir les principes et les modalités. Vous avez même à ce moment-là, regardé du côté de votre conseiller juridique, et c'est ce qui m'incite à vous poser une question qui vous amènera à préciser votre position là-dessus.

M. ROBILLARD: C'est que dans les modes de consultation, nous avons assez souvent, je pense, insisté sur le fait qu'on ne peut pas considérer le syndicalisme médical comme un instrument qui va tout simplement, au service des médecins, accomplir certains actes honteux et périodiques, qui va aller négocier avec le gouvernement les sommes les plus fantasmagoriques possibles pour rendre les docteurs heureux. Non, le syndicalisme médical, nous ne le concevons pas comme ça. Nous concevons, si on veut prendre des mots encore à la mode — on y retombe si facilement — un syndicalisme de participation. Nous ne discutons pas seulement les questions financières des médecins, nous disons que — et je le répète — parvenus à un certain seuil de rémunération, comme le dit tout le monde, les gens qui travaillent intellectuellement ont d'autres aspirations.

Nous voulons négocier, puisque vous faites appel à la loi 30, qui est le mandat que le législateur nous a donné pour ce qui constitue la négociation, les conditions de travail. C'est-à-dire quelle va être la médecine de demain? Quel va être notre devenir demain? Je dois vous avouer que, dans le moment, nous n'en avons aucune idée. Nous sommes assis ou déambulant dans les corridors et nous regardant, en disant: Qu'est-ce que M. Castonguay va faire avec nous? C'est à peu près ça qu'on se pose. On dit: Est-ce qu'il est pour ça? Est-ce que le gouvernement va faire ça? Est-ce que ça va se passer comme ça? Dr Robillard, avez-vous votre boule de cristal pour nous dire s'il va neiger l'année prochaine à Pâques? Je ne le sais pas.

On demande tout simplement au gouvernement — et le Collège le fait, je pense, avec assez de fermeté — d'ouvrir tout le livre, qu'on sache

où on s'en va le plus tôt possible. De telle façon qu'on puisse faire des interventions les plus intelligentes possibles, les plus correctes et se défendre si on pense qu'il faut se défendre, et participer si on pense qu'il faut participer. Mais, "do not fence us in", juste nous garder dans le département des sous pour après ça nous dire que tout ce qui concerne Tes conditions d'exercices et tout ça: Docteur, ça ne vous regarde pas, ce n'est pas de votre ressort. On discutera cela avec le Collège, avec les autorités en place à l'université. Non, on va discuter cela avec nous parce que c'est notre vie, la médecine.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser au Dr. Robillard. Plusieurs questions que j'avais à poser ont reçu une réponse à la suite d'autres questions posées. J'ai nettement l'impression que plus vous vous exprimez — vous avez mentionné au tout début que vous étiez en faveur d'une réorganisation des serivces de santé — plus on vous écoute, plus on a l'impression que vous êtes un peu moins en faveur vers la fin de votre exposé, c'est-à-dire, en réponse à des questions qui ont été posées. J'aurais aimé vous faire préciser justement les propos que vous venez de terminer.

En ce qui concerne le rôle réel du médecin spécialiste, je pensais à ce moment-là à l'autonomie professionnelle — je pourrais changer cela pour le mot "initiative" personnelle — du médecin spécialiste en milieu hospitalier, par exemple.

M. ROBILLARD: Le rôle du médecin spécialiste, d'abord, c'est de traiter les malades. Il a été formé justement pour cela.

Je m'excuse qu'en nuançant ma pensée, elle devienne plus difficile à comprendre. C'est clair que si on met les choses noires ou blanches c'est plus facile mais quand on commence à nuancer, c'est-à-dire si on commence à dire qu'il y a peut-être des zones de gris et à penser un peu tout haut en échangeant des points de vue avec des gens que l'on respecte, alors on peut perdre un peu et ça fait de moins bonnes têtes d'affiche dans les journaux pour dire: Les spécialistes sont "contre" quelque chose; ou: Les autres sont "pour" quelque chose. J'ai dit, dès le début, que nous étions "pour", alors nous sommes "pour" encore à la fin, mais j'ai apporté quelques nuances.

Le rôle réel du médecin spécialiste, tel que je le vois dans un hôpital c'est, premièrement, celui de traiter des malades. Deuxièmement, c'est aussi, dans certains hôpitaux, de former les gens qui vont prendre la relève, c'est de contrôler la qualité des actes médicaux qui s'y posent, sous les devoirs qui lui ont été attribués par la Loi des hôpitaux, les contrôles externes du Collège des médecins, etc., parce que nous travaillons en bocal de poissons, nous travaillons en milieu ouvert dans un hôpital.

Le rôle réel du médecin spécialiste aussi dans un hôpital ce n'est pas seulement d'arriver là comme on arrive dans un bureau, avec sa clé, voir son malade et bonjour! sortir de l'hôpital et s'en aller faire autre chose. Il n'y a pas une heure qu'un médecin spécialiste peut passer dans un hôpital sans entrer en contact avec un autre médecin. Vous n'êtes pas capables, parce que le matin vous ouvrez votre dossier, il y a un médecin de laboratoire qui a vu l'analyse qui est là, il y a un radiologiste qui a vu le film qui est là, vous êtes obligés toujours de travailler en équipes.

Donc, premier rôle du médecin spécialiste c'est de traiter les malades, deuxièmement de façon spécialisée. Cela demande tout de même de l'organisation et ça n'arrive pas toujours; troisièmement, c'est de former une équipe et pour former une équipe, il faut savoir où on va, d'abord, s'asseoir et décider quels sont les objectifs généraux. Il faut savoir aussi motiver les gens. Pour ça, il faut communiquer avec eux, leur expliquer, il faut pouvoir légiférer pour que ça ait de l'allure, il faut ensuite représenter auprès soit des administrations, soit des autres pour pouvoir réaliser ce que l'on a conçu. Enfin, là où on sort un peu du rôle strictement médical pour entrer dans un rôle semi-administratif, là vous frappez les administrateurs qui vous disent: Ah! Ah! arrêtez ça tout de suite, c'est de l'administration!

A ce moment-là, moi, je nuance. Je dis que nous ne sommes pas capables de concevoir un travail d'équipe fait par des gens qui sont des coéquipiers vers un but particulier sans dire que l'administration interne, la gestion interne, les comités que l'on va former, bien oui! c'est de l'administration jusqu'à un certain degré. Cela je regrette, mais c'est vrai. Je ne dis pas que ça doit tout être laissé aux médecins, parce que cette administration elle-même est codifiée dans les règlements édictés en vertu de la Loi des hôpitaux et ensuite elle est reprécisée au niveau local. Parce que nos règlements sont adoptés par le comité d'administration et ensuite ils seront maintenant encore soumis au RAS et ailleurs.

Alors, quand nous disons que nous demandons une gestion interne, c'est pour des fins extrêmement pratiques, ce n'est pas notre gestion, elle est adaptée dans les cadres d'une législation qui nous est donnée, la meilleure possible, nous l'espérons, que l'on a conçue avec les ans, que l'on applique.

M. GUAY: Dans l'application du projet de loi en discussion, voyez-vous une plus grande facilité justement à jouer ce rôle que vous venez de décrire ou si ce sera plus difficile à ce moment-là?

M. ROBILLARD: Ce sera impossible.

M. GUAY: Disons que je suis content que vous l'ayez précisé de cette façon là. Vous exprimez un peu plus loin dans votre mémoire le danger qu'il y aurait par exemple à conférer un caractère de permanence au CLAS et vous n'avez pas tellement élaboré. Vous avez peur évidemment de la création d'une médecine de ghetto. J'aimerais que vous expliquiez davantage ce que vous voyez par ça.

M. ROBILLARD: J'ai dit tantôt que la médecine américaine à laquelle le ministre Castonguay s'est référé, celle que l'on voit se développer outre-frontière, celle que le Dr Gardner a développée dans les déserts de Californie, pour Kaiser à l'époque où Kaiser a commencé à vouloir donner de la médecine à ses employés, parce qu'il n'y en avait pas, et qui s'étend de Hawaï maintenant jusque dans plusieurs Etats américains, cette médecine est multidisciplinaire.

C'est une médecine où le nouveau médecin omnipraticien qui est formé au diagnostic et au traitement s'identifie avec le malade et le soigne avec beaucoup d'affection et de présence. Ce n'est pas une médecine anonyme. Celle qu'on fait en ce moment est anonyme, et je le regrette. Ce n'est pas notre faute, je l'ai dit assez clairement.

M. GUAY: Est-ce que vous voyez plutôt dans ce...

M. ROBILLARD: Une seconde. Je continue. Je peux nuancer encore un peu.

M. GUAY: D'accord.

M. ROBILLARD: Je disais tout simplement que cette médecine qu'on prône n'est pas la médecine du centre local de santé, qui, à mon avis, est une minimédecine, qui est une médecine commode, utile, utilitaire, qui va donner des soins à des gens qui autrement n'iraient pas en chercher. Donc, on pousse un pseudopode vers les gens dans la communauté à l'intérieur jusqu'à ce que d'autres choses, les partis politiques, l'animation sociale, le renouveau urbain, etc., aient réveillé les gens et les aient amenés à se comporter, dans certaines demandes qu'ils ont, comme les autres. Je ne vous dis pas que les autres ont raison ou qu'eux ont raison, mais une chose est certaine, c'est qu'on ne peut pas se permettre de continuer à polariser les choses comme elles le sont et même commencer à polariser la médecine. C'était la dernière chose qui ne l'était pas.

M. GUAY: Justement, dans cette forme de CLAS que vous mentionnez, est-ce que cela ne serait pas justement une formule transitoire à regarder plutôt que...

M. ROBILLARD: Je le vois ainsi et je pense que nous devrions, la profession médicale, et je l'ai écrit aussi, faire notre effort à nous, pour mettre sur pied des projets et aussi des projets expérimentaux — parce que nous ne sommes pas, nous, en possession tranquille de la vérité — des plans qui vont être des plans pilotes. Nous sommes fort intéressés à nous intégrer aux centres locaux des affaires sociales, de façon à ce qu'on n'abandonne pas des médecins là-dedans qui vont rester cinq ou dix ans sans participation à la vie médicale, qui change extrêmement rapidement, comme tout le reste d'ailleurs. Alors, nous sommes prêts à établir des contacts avec ces centres locaux des affaires sociales, au point de vue médical évidemment.

M. GUAY: Maintenant, j'aimerais toucher un peu ce qu'on appelle le milieu nettement défavorisé. Le centre local des affaires sociales semblait assez bienvenu dans ces milieux défavorisés où il semble impossible actuellement — et je parle en connaissance de cause, je peux le mentionner — d'avoir des médecins résidents. On a nettement l'impression qu'on est délaissé par les professionnels de la médecine pour avoir chez nous des services adéquats. Est-ce que vous voyez, par exemple, qu'on la prenne dans le centre local des affaires sociales ou encore sous une autre forme, une formule d'intégration des médecins en milieux ruraux comme le mien et que viennent s'installer des médecins en permanence?

M. ROBILLARD: Ecoutez, je pense que, lors de la législation qui a été adoptée, on a dit aussi que les médecins spécialistes étaient contre l'assurance-maladie.

On a dit cela, ce qui était stupide. Nous avions dit, à plusieurs reprises, que nous étions favorables à l'assurance-maladie mais à certaines modalités, non. L'avènement de l'assurance-maladie a changé considérablement le climat chez les médecins. Il n'y a aucun intérêt particulier — parce qu'il faut tout de même penser que les médecins sont des hommes comme tout le monde et qu'ils ont des intérêts — à un médecin d'exercer à un endroit plus qu'à l'autre. Il y a même un certain intérêt à exercer dans un milieu populaire parce qu'à ce moment-là, on vous prend au sérieux et on n'a pas lu le dictionnaire Larousse la veille et on n'a pas lu toutes les nouvelles pilules qu'on voudrait se faire prescrire.

Pour ma part, j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à travailler dans ce milieu-là et je pense qu'on n'a pas les structures physiques voulues. Ce n'est pas la même chose... Dans les villes de New York, Baltimore et ailleurs, il n'y a aucun service. A Washington, Boston, à côté du Peter Benpringham Hospital — il y a les meilleurs hôpitaux du monde, à Boston — juste à côté, à six rues de là, vous n'avez pas un médecin dans le quartier. Vous ne pouvez pas sortir le soir non plus sans vous faire assommer. Il y a des problèmes urbains, des problèmes considérables au point de vue urbain, qu'on ne connaît pas encore à

Montréal mais qu'on va connaître parce qu'on s'en va dans une ville qui va ressembler à New York étrangement bientôt.

Je ne vous dis pas qu'on a la solution au problème. Je dis que, sur le plan financier, c'est possible et ce n'était pas possible avant; deuxièmement, il y a une grosse barrière psychologique, on l'a vu ici l'autre jour. Je pense que c'était très net. Les médecins, on en a peur, on les craint. D'accord. On ne nous invite pas non plus. Moi, j'ai dit aux gens du FRAP qui étaient venus nous rencontrer à l'époque, l'année dernière: Invitez-moi chez vous, nous irons n'importe quand, dans n'importe quelle salle et vous pourrez nous poser n'importe quelle question. On ne l'a jamais fait. Je ne vous dis pas que c'est leur faute. C'est la nôtre aussi. Peut-être qu'on n'a pas franchi cette barrière-là, qu'on n'a pas trouvé la façon de communiquer et que les médecins sont un peu trop sorciers, pour prendre une expression des étudiants à la mode. Peut-être, j'en suis conscient. Si vous trouvez une formule, vous me le direz.

M. GUAY: Parce qu'il faut dire évidemment qu'il n'y a pas de services, il n'y a pas de médecine sans médecin.

J'aimerais toucher un phénomène. L'honorable ministre pourrait peut-être me dire s'il est moderne ou récent ou que c'est un vieux phénomène, un vieux problème. Est-ce que vous pourriez expliquer, docteur, justement ce phénomène qu'un nombre incalculable de patients attendent l'admission dans les hôpitaux actuellement? Chez nous, je pourrais vous citer des exemples où des personnes ont attendu et attendent encore actuellement. Elles en sont à leur dixième et onxième semaine d'attente d'admission à l'hôpital.

M. ROBILLARD: Ce n'est rien cela. En Angleterre, quand j'y étais, les malades attendaient généralement deux ans pour une hernie. Cela ne fait pas mourir, une hernie, mais c'est drôlement inconfortable. Les varices, on n'en parlait pas. L'attente était plus longue que cela. Nous voyons s'allonger les listes d'attente des hôpitaux de ce temps-ci et considérablement. C'était à prévoir. C'était une partie prévisible. On a rendu la médecine plus accessible qu'elle ne l'était. Deuxièmement, certains sont admis à l'hôpital et ils ne devraient pas l'être.

Nous en sommes parfaitement conscients. Il y en a beaucoup moins qu'on ne le pense, cependant, mais il y en a encore un certain pourcentage, faute d'équipement, d'aménagements extérieurs où l'on peut "processer" des malades d'une base ambulatoire. Nous entendons établir ces locaux — nous sommes en train de le faire — à condition qu'on nous en donne la liberté. Vous verrez, en milieu rural — justement, c'est là qu'on s'attarde — monter des choses qui changeront pas mal la face de la médecine au Québec, si Dieu nous prête vie et si le gouvernement ne nous étouffe pas dans l'oeuf. A ce moment-là, évidemment, on changera un peu la face des choses.

Ceci étant dit, il y a un fait: On voit s'allonger les listes d'attente. On voit certaines opérations qui attendent depuis dix ou quinze semaines devenir plus compliquées pour avoir attendu. Je n'ai pas d'explications. Il y a des hôpitaux qui sont construits, qui attendent et qui ne sont pas encore ouverts. Pour des raisons de personnel? On vient de nous dire qu'on ne manquait pas de personnel, dans la province de Québec, en "nursing". Ce n'est pas à moi de le dire, cela ne me ragarde pas, mais, comme contribuable et comme citoyen, je dois dire que les hôpitaux ont une dette énorme, que le gouvernement doit y faire face et que nous, les médecins, nous n'avons jamais fait de déclarations dans ce sens, ni de démagogie. Nous pourrions en faire. C'est la plus facile. Nous pourrions prendre les malades comme otages et faire de la démagogie en disant: Les gens meurent sur les listes d'attente. Ce n'est pas vrai. Nous surveillons tous les matins les listes d'attente pour nous assurer que les malades les plus urgents entrent les premiers.

Nous avons tout simplement à faire face, dans la province de Québec, à des moyens restreints, avec une dette hospitalière purement fantastique à laquelle il faut faire face. C'est pour cela que nous avons demandé d'être consultés. Nous sommes de bons partenaires. Quand l'Etat nous consultera, il s'en apercevra. Les fois qu'il nous a consultés, il s'en est aperçu. Nous sommes conscients des coûts que nous générons, nous, les médecins. Parce que ce que vous nous payez, c'est une chose; ce qu'on génère comme coût à la population est encore énormément plus considérable. Ce n'est pas le coût de bâtir un hôpital qui est important; c'est le coût de l'entretenir, les salaires et toutes les dépenses. Alors, je regrette, c'est vrai que les listes d'attente sont longues. Peut-être que le ministre peut élaborer là-dessus, mais je pense que ce n'est pas sa faute, ni la nôtre.

M. GUAY: Je vous remercie, docteur, d'avoir été presque aussi réaliste que les patients qui attendent.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres de la commission ont des questions à poser?

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais juste une question avant de terminer. Je voudrais demander au Dr Robillard s'il voit des avantages à la cohabitation d'un centre local des affaires sociales avec un centre hospitalier, sous le même toit et utilisant les mêmes services.

M. ROBILLARD: Non, pour moi-même, c'est une opinion personnelle. Je réponds à titre personnel parce que je n'ai pas de mandat. On n'a jamais pensé à ça. Moi, j'ai des idées très précises là-dessus. Je pense que l'hôpital pour le

malade est un milieu effarant, c'est troublant, l'hôpital. Quand j'ai des parents dans l'hôpital, j'entre là, puis ce n'est pas la même attitude que j'ai; ça sent drôle, puis c'est curieux et ça fait peur au monde. Je pense qu'on ne doit pas pratiquer la médecine ambulatoire dans les hôpitaux. On doit la mettre ailleurs que dans les hôpitaux, le plus près possible, si on veut, pour éviter la duplication, mais pas sous le toit hospitalier lui-même. Je pense que ce n'est pas l'endroit idéal pour faire la médecine ambulatoire et préventive.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie le Dr Robillard.

M. ROBILLARD: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures trente.

Reprise de la séance à 14 h 40

M. OSTIGUY (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

L'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec.

Association des bureaux médicaux des hôpitaux

M. DENIS: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, mon nom est Rosario Denis; je suis président de l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous présenter ceux qui m'assistent aujourd'hui dans la présentation de ce mémoire. A mon extrême gauche, le Dr Belley, du Montreal Children's Hospital; le Dr Gendreau, de l'hôpital de Rimouski; le Dr Paulin, de l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, secrétaire-trésorier de notre association, le Dr Maltais, président du bureau médical de l'hôpital Notre-Dame; le Dr Nadeau, président du bureau médical de l'Hôtel-Dieu de Montréal, et maintenant à mon extrême droite, le Dr Turgeon, vice-président du bureau médical de l'hôpital Saint-Luc; le Dr Robert Lavigne, président sortant de notre association, et Me Beaupré.

Nous avons déposé devant la commission un mémoire, et à la demande du secrétaire de la commission. Nous n'avons pas l'intention de lire ce mémoire, mais d'en faire plutôt un résumé. Nous demandons cependant que les pages 32 à 35 qui contiennent nos recommandations soient consignées mot à mot dans le journal des Débats comme si elles avaient été lues. (Voir annexe A).

L'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec groupe environ 4,000 médecins, tant spécialistes qu'omnipraticiens qui dispensent des services professionnels dans les différents hôpitaux de la province.

L'association existe depuis 25 ans et représente 110 bureaux médicaux dont nous avons la liste ici. Si la commission désire avoir cette liste, nous pouvons la lui fournir.

Au cours de ces années, elle a acquis une expérience des problèmes quotidiens qui se présentent au médecin dans son milieu de travail, de sorte qu'elle a cru de sa responsabilité de se présenter devant la commission permanente des Affaires sociales et de faire part à cette commission de son point de vue sur le projet de loi 65.

Au départ, il n'est pas inutile de dire que l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec groupe les mêmes médecins qui sont représentés par les deux fédérations qui négocient avec l'Etat, soit la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec que vous avez entendue ce matin.

L'association n'est pas en désaccord avec ces deux fédérations qui ont soumis à votre commission des représentations en rapport avec ce projet de loi. Elle est loin d'être en désaccord avec le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec qui a présenté le point de vue des médecins sous l'aspect de l'intérêt public et des fonctions qu'il se doit de remplir dans le milieu médical, particulièrement en ce qui concerne l'évaluation et le contrôle externe de l'acte médical.

Comme représentant du médecin dans l'hôpital, notre association se permettra d'insister plus particulièrement sur les répercussions que ce projet de loi peut avoir sur l'activité quotidienne du médecin et, par voie de conséquence directe, sur le bien être de la population. L'association possède, au sein des bureaux médicaux, une expérience particulière. Elle ne prétend pas au monopole de la vérité mais elle croit qu'on ne peut, non plus, écarter le fait que, pendant 25 ans, elle a été au coeur même du problème que le bill 65 cherche à résoudre.

Depuis des années, en effet, les bureaux médicaux sont responsables de l'acte médical et de l'organisation scientifique de l'hôpital vis-à-vis des conseils d'administration, tel que le veut la Loi des hôpitaux, chapitre 164, article 9. Cette responsabilité a mis l'association en contact direct avec les problèmes qui se posent dans le milieu hospitalier et lui a appris qu'il n'est pas possible d'administrer adéquatement un centre hospitalier sans le concours des médecins.

Il est essentiel qu'une collaboration étroite s'établisse entre les conseils d'administration et les bureaux médicaux.

Les problèmes de santé et ceux du bien-être social sont parmi les plus complexes auxquels les gouvernements ont à faire face dans la société actuelle. L'association en est consciente et quelle que soit la nature des critiques qu'elle formule dans son mémoire, elle a toujours voulu garder à l'esprit le fait qu'il est plus facile de critiquer que de construire.

Nous allons maintenant dire quelques mots sur les offices régionaux des affaires sociales. A l'intérieur d'une même région, plusieurs organismes oeuvrent côte à côte dans le domaine de la santé. Il faut, par ailleurs, donner à toute la population du Québec les meilleurs services médicaux possibles. L'Association constate facilement qu'il devient nécessaire au niveau de chaque région de coordonner l'activité de ces organismes afin de dispenser les services professionnels à la population avec le plus d'efficacité possible.

L'Association est donc d'accord sur le principe de créer des offices régionaux qui auraient cette fonction de coordination et de planification.

Il nous apparaît cependant que le système qui est proposé par le bill 65 n'atteindra pas les buts recherchés.

Tout d'abord, les offices créés par la loi ont juridiction à la fois sur les problèmes de santé et sur les problèmes de bien-être social. C'est une conception que l'on retrouve partout dans la loi. Nous sommes d'avis que cette philosophie qui transcende la loi veut atteindre un but fort louable, mais parce qu'elle s'éloigne des réalités elle n'aboutira qu'à confondre les problèmes plutôt qu'à les régler.

L'urgence de résoudre les problèmes de la santé et ceux du bien-être social n'a d'égale que la difficulté de leur trouver des solutions. Dans un premier temps l'on devrait séparer ces deux problèmes. En ce qui concerne l'association, il lui paraît que des offices régionaux devraient être formés pour s'occuper exclusivement de régler, d'une part, les problèmes qui concernent la coordination des soins médicaux. D'autre part, le gouvernement devrait pourvoir à la création d'offices régionaux qui auraient juridiction sur l'organisation des services sociaux dans leur région respective.

A la lumière de l'expérience et une fois résolus certains problèmes urgents particuliers à ces deux domaines, le gouvernement pourra alors juger de l'opportunité de fondre ces organismes régionaux de santé et de bien-être. Il faut avoir le sens des étapes. L'Etat vient de fondre deux ministères, la Santé et le Bien-Etre social.

Des malins disent que la fusion n'est faite encore qu'au quinzième étage. Ne faudrait-il pas consolider le mariage au niveau du ministère avant de songer à marier la progéniture?

Il y a moins d'inconvénients à vivre d'abord une expérience qui consisterait à séparer les deux domaines, à régler certains problèmes pour ensuite les réunir dans un même organisme.

L'association souhaite donc que tant au niveau local qu'au niveau régional, le législateur sépare, pour le moment, les soins médicaux des services sociaux.

Pour répondre à ce besoin de planification et de coordination, l'association croit que l'on devrait s'inspirer des expériences vécues dans certaines régions. Et comme exemple, je voudrais citer la région du Bas-du-Fleuve où les bureaux médicaux se sont réunis pour former un conseil régional chargé d'étudier les besoins de la région et auquel le ministère a délégué un coordonnateur régional.

Au cours des questions, si vous désirez avoir plus d'explications à ce sujet, nous serons prêts à vous en donner. Les médecins sont impliqués dans les aspects de l'administration dans les problèmes de la santé lorsque les décisions qui seront prises peuvent affecter les soins médicaux qui sont rendus à la population et que leur présence au niveau régional se justifie.

Nous sommes d'avis qu'il devrait exister un conseil régional des médecins qui jouerait auprès de l'office un rôle analogue à celui que le bureau médical joue présentement auprès du conseil d'administration des hôpitaux. J'ai bien dit analogue et non pas identique.

Ce conseil régional des médecins devrait être composé d'un membre du bureau médical de chacun des centres hospitaliers sur lesquels l'office a juridiction. L'office prendrait l'opinion du conseil régional des médecins sur les seules matières qui relèvent de la juridiction de l'office et qui peuvent impliquer l'activité professionnelle des médecins de la région. Et, afin d'assurer la liaison entre l'office et le conseil, nous suggérons qu'un membre de ce conseil siège de droit à l'office, qu'il ait ou non droit de vote à cet office. Dans ce contexte, il faut cependant que l'office ait des pouvoirs et une responsabilité bien délimités.

La loi devrait prévoir, nous semble-t-il, trois catégories de matières correspondant à des compétences respectives des organismes prévus par la loi. Une première catégorie de matières énumérées dans la loi devraient relever exclusivement de la juridiction des centres hospitaliers sur lesquels ces centres exerceraient leur pouvoir de réglementation.

A titre d'exemple, un centre hospitalier devrait pouvoir, sans consulter l'office, faire des règlements pour sa régie interne, édicter des règles disciplinaires applicables localement dans son institution, réglementer les conditions d'admission d'un étudiant dans l'hôpital, l'affiliation de l'hôpital aux universités, etc.

La loi devrait prévoir une deuxième catégorie de matières qui seraient de la juridiction exclusive de l'office; à titre d'exemple seulement, les recommandations concernant les plans quinquennaux, la construction de nouveaux hôpitaux dans une région, l'addition de services ou de départements dans un hôpital de la région, la vocation particulière des hôpitaux de la région, etc.

Une troisième catégorie de matières devraient également être prévues par la loi sur lesquelles les centres hospitaliers auraient juridiction, sujet cependant à l'approbation de l'office.

Toutes ces matières devraient faire l'objet d'une délimitation précise dans la loi et cette procédure place les responsabilités là où elles doivent se retrouver. En conséquence, l'association souhaite que des offices régionaux soient créés, que les membres soient nommés en fonction uniquement de leur compétence, que ces offices aient une juridiction bien précisée dans la loi, que le rôle des offices soit limité aux services médicaux par opposition aux services sociaux, qu'un conseil régional de médecins soit créé pour aviser l'office dans des matières bien délimitées dans la loi et, pour assurer la liaison entre les deux organismes, qu'un membre du conseil régional siège à l'office, qu'il ait droit de vote ou non.

Le bill 65 confère aux offices des pouvoirs d'enquête qui nous paraissent hors de proportion avec les fonctions que les offices doivent remplir et préjudiciables à l'intérêt public.

En vertu du projet de loi actuel, aux articles 30 à 35, la personne qui est désignée par un office a accès à tous les documents sans restriction. Elle peut les saisir, en prendre des copies et, ce qui est plus grave, tous les renseignements que l'enquêteur obtient au cours de son enquête peuvent être communiqués à toute personne que l'office désigne et cela, au mépris du secret professionnel.

Ces pouvoirs nous paraissent, à proprement parler, relever de l'Etat. Le gouvernement a d'ailleurs senti le danger d'un pareil pouvoir puisqu'à l'article 34 il a imposé à l'office, avant de l'exercer, l'obligation d'envoyer un avis au ministre. C'est l'Etat qui doit décider quand l'intérêt public est en jeu et non un office.

L'association recommande que les articles 30 à 35 du projet de loi soient modifiés pour que seul le lieutenant-gouverneur ou le ministre puisse ordonner une enquête et posséder les pouvoirs qui sont donnés à l'office en vertu de ces articles et que, dans la tenue de cette enquête, le secret professionnel soit respecté.

Nous abordons maintenant l'étude des centres hospitaliers qui nous intéressent plus particulièrement comme association de bureaux médicaux.

L'association admet que chaque centre hospitalier doit fonctionner dans une région qui relève de la juridiction d'un office à la condition que la juridiction de chacun soit bien délimitée dans la loi.

Le projet de loi modifie substantiellement les structures existantes au sein des hôpitaux sans que l'association puisse trouver la nécessité apparente qu'il y a de le faire si ce n'est de diminuer l'influence des médecins au sein de l'hôpital. Peu de chose est au fond à changer dans la formule que prévoit la Loi des hôpitaux pour le bon fonctionnement d'un centre hospitalier si ce n'est, peut-être, d'accorder aux professionnels non médecins une voix au chapitre dans les matières qui peuvent les concerner.

L'association croit qu'il est possible d'atteindre ce but sans chambarder complètement les structures existantes et plus particulièrement sans faire disparaître, à toutes fins pratiques, le bureau médical tel que le bill 65 s'apprête à le faire.

Pouvoirs et responsabilités vont de pair de sorte que, si l'on veut tenir les médecins responsables de la mise en place et du fonctionnement des mécanismes requis pour assurer le contrôle des actes professionnels, tel que le veut l'article 81 du projet de loi, il est nécessaire qu'ils aient les pouvoirs suffisants pour assumer cette responsabilité.

Confier au directeur des services professionnels l'organisation des services de santé comme le veut l'article 78 du projet de loi et confier aux médecins la mise en place des mécanismes nécessaires pour contrôler les actes professionnels semble contradictoire.

Il faut tout d'abord laisser au conseil des médecins et dentistes toute la responsabilité et la juridiction qui appartiennent actuellement au bureau médical en vertu de la Loi des hôpitaux,

c'est-à-dire la responsabilité des soins médicaux et de l'organisation scientifique de l'hôpital vis-à-vis du conseil d'administration.

Dans les hôpitaux, le directeur médical qui devient maintenant le directeur des services professionnels dans le nouveau projet de loi remplit un rôle nécessaire et que tous lui reconnaissent. Son rôle consiste à coordonner toutes les activités administratives de l'hôpital qui présentent un aspect médical et professionnel.

Dans le projet de loi que votre commission est chargée d'étudier, le directeur des services professionnels supplante l'ancien bureau médical et lui enlève presque sa raison d'être. Cela ne peut qu'amener des frictions et des mésententes graves dans les hôpitaux et aura également pour effet d'inciter les médecins à ne plus assumer avec le même intérêt des responsabilités qui ne peuvent être remplies que par eux.

On devrait également maintenir la procédure de solution des conflits qui est prévue à l'article 11 de la Loi des hôpitaux en l'étendant à tous les conflits qui peuvent survenir entre les différents organismes du centre hospitalier.

Pour atteindre le but que l'on se propose, il suffit que le nouveau directeur des services professionnels remplisse le rôle de coordonna-teur que, de fait, l'ancien directeur médical a toujours rempli et qu'il réponde de la bonne exécution de ses fonctions au directeur général.

L'association recommande que cette fonction soit remplie par un médecin et que le directeur des services professionnels soit chargé de vérifier si les différents services et les différents organismes en place dans l'hôpital et qui remplissent des devoirs d'un caractère médical remplissent bien leurs devoirs; qu'il soit également chargé de coordonner leurs activités; qu'il fasse rapport au directeur général et que là se limitent ses fonctions et son autorité.

Il est relativement facile de donner voix au chapitre aux professionnels non médecins qui oeuvrent dans l'hôpital. L'association croit que la façon de le faire est de créer un conseil des professionnels non médecins et de laisser à l'actuel bureau médical, sous le nom de conseil des médecins et dentistes, la juridiction qu'il possède. Le conseil des professionnels groupera tous les professionnels de la santé non médecins et répondra directement de ses activités au conseil d'administration de l'hôpital. Le président de ce conseil des professionnels siégera de droit au conseil d'administration et au comité administratif où il aura droit de vote.

Le conseil des médecins groupera tous les médecins et dentistes de l'hôpital. Il répondra également de ses activités directement au conseil d'administration de l'hôpital. Le président du conseil des médecins et dentistes fera également partie de droit du conseil d'administration et du comité administratif où il aura droit de vote.

Le directeur des services professionnels devrait normalement suffire à la tâche supplémen- taire d'agir comme agent de liaison entre le conseil des professionnels et le conseil des médecins.

Ce système a l'avantage, croyons-nous, de laisser au conseil des médecins et dentistes la reponsabilité des soins médicaux et de l'organisation scientifique de l'hôpital, fonctions qu'il exerce d'ailleurs sous le contrôle du conseil d'administration sans scinder les responsabilités et les pouvoirs comme le projet de loi le propose aux articles 78 et 81.

Si nous recommandons que les deux présidents des deux conseils y siègent, ce n'est que pour mieux assurer la coordination nécessaire entre tous les organismes du centre hospitalier vu qu'à tout événement le vote de ces deux personnes sera nécessairement minoritaire.

Quant au directeur général, du simple point de vue de l'efficacité administrative, il est anormal qu'il soit président du comité administratif. L'association pense qu'il devrait en être membre, qu'il devrait également être membre du conseil d'administration, mais comme il est chargé de mettre à exécution les décisions de ces deux organismes, il ne devrait pas les présider.

Dans le but de rendre les services médicaux et les services sociaux plus accessibles à la population, le projet de loi 65 propose la création de centres locaux de services communautaires. Ces centres auraient pour but d'assurer à la population des services d'action sanitaire et sociale.

L'association émet sur cette question la même opinion qu'elle a émise au sujet des offices régionaux des affaires sociales. Elle est d'avis qu'il est prématuré d'institutionnaliser, d'un seul coup et au niveau local, un corps qui sera chargé de dispenser à la fois des services médicaux et des services sociaux. Encore une fois, les problèmes de services sociaux et les problèmes de services médicaux sont énormes et le fait de les additionner et de confier leur solution à un même organisme ne diminue en rien leur ampleur et ne facilite en rien leur solution.

L'association est certaine qu'à brève échéance et même dans un avenir aussi prochain qu'il est raisonnable de prévoir, la solution proposée par le projet de loi n'atteindra pas, du moins pour autant que les services médicaux sont concernés, les objectifs que l'on se propose d'atteindre.

Le surcroît de travail à son cabinet privé, depuis l'instauration de l'assurance-maladie en particulier, empêche de plus en plus le médecin de répondre aux demandes de services médicaux à domicile et, par voie de conséquence, entraîne également des changements sérieux dans le genre de services professionnels que traditionnellement les hôpitaux avaient coutume de fournir.

Le médecin, l'omnipraticien surtout se trouve dans l'impossibilité de répondre à la demande à domicile, plus particulièrement aux heures

tardives et le patient n'a pas d'autre recours que de s'adresser aux hôpitaux pour obtenir ces services. Que ces services nécessitent une atten-tion immédiate ou non, le patient se dirige directement et fort naturellement d'ailleurs vers les hôpitaux, soit à l'urgence, soit à la clinique externe.

Cette situation provoque l'encombrement des centres hospitaliers. Devant cette situation, le gouvernement propose la mise sur pied d'un centre local de services communautaires qu'il charge de dispenser sur une base locale, à la fois des services sociaux et des services médicaux. Nous avons des doutes sérieux en ce qui concerne l'efficacité et la bonne marche de ces centres locaux.

Non pas que nous rejetions, a priori, le concept de médecine globale, mais son application, selon la formule préconisée, nous paraît prématurée et ses chances de répondre adéquatement aux besoins de la population nous semblent douteuses.

L'association recommande qu'au niveau local, comme au niveau régional, l'on sépare, pour le moment, les services médicaux et les services sociaux. Nous sommes d'avis qu'il serait plus sage de chercher une solution à ce problème en favorisant plutôt l'instauration d'une médecine de groupe au niveau local dont les conditions pourraient être négociées entre l'Etat et les deux fédérations qui groupent les médecins à ces fins.

Nous ne ferons pas de commentaires sur le cabinet privé du médecin, sujet qui a été abordé amplement par nos fédérations. Nous partageons leur point de vue et nous nous contentons de vous demander d'insérer dans la loi la définition du cabinet privé. L'association a sérieusement étudié le projet de loi prêtant toujours à ceux qui l'ont conçu les meilleures intentions et la plus entière bonne foi. Dans cet esprit, elle a parcouru 132 articles de ce projet de loi pour se rendre compte, à la lecture de l'article 133, qu'elle avait bien mal interprété et la lettre et l'esprit du bill 65. Cet article, en effet, réduit à néant tout le reste du projet de loi.

Tout d'abord, il révèle que les institutions n'ont en réalité aucun pouvoir. C'est le ministre qui, par sa recommandation au gouvernement, détermine les activités qu'une institution peut poursuivre. C'est encore lui qui détermine les règlements que les institutions peuvent adopter. Il peut, à volonté, leur accorder ou leur refuser un permis; il peut même révoquer ce permis à sa plus entière discrétion, étant donné que le droit d'appel qu'il confère en ce cas est plus illusoire que réel. C'est le ministre également qui détermine les personnes qu'il y a lieu d'admettre, de ne pas admettre ou de renvoyer d'une institution. C'est le ministre qui détermine les règlements des conseils des médecins et dentistes et même de leurs comités.

Aucune institution ne peut exercer un pouvoir important sans l'autorisation du ministre ou du gouvernement. De plus, la possibilité pour le médecin d'exercer sa profession peut dépendre, en très grande partie, du bon vouloir du ministre. L'article 133q) lui confère suffisamment de pouvoirs pour fermer à toute une catégorie de médecins l'accès aux institutions et l'article 133t) lui permet de définir, de la façon la plus restrictive que l'on puisse imaginer, le cabinet de médecin. Les étudiants mêmes n'y échappent pas.

Cette loi n'est donc pas une loi mais un blanc-seing que l'Assemblée nationale accorde au ministre d'élaborer seul tout le régime de santé et de bien-être social du Québec, sous l'apparence de la participation du public et des professionnels de la santé.

L'association, en conséquence, recommande que les paragraphes a), b), d), k), r), s) et t) de l'article 133 soient retranchés du projet de loi, que le paragraphe i) de cet article soit modifié pour préserver le secret professionnel et que la définition du cabinet de médecin ou de dentiste soit insérée dans la loi.

Ce mémoire, M. le Président, a été préparé par nos bureaux médicaux et a été accepté à notre assemblée annuelle. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'association de nous avoir présenté ce mémoire et de nous avoir fait connaître ses vues sur le projet de loi 65. Comme j'ai déjà eu l'occasion de commenter la plupart des questions qui ont été soulevées dans ce mémoire ou encore d'écouter les questions et réponses formulées par les membres de la commission sur des aspects analogues, j'aimerais faire un ou deux commentaires et peut-être poser une question.

En premier lieu, on demande — et c'est la raison pour laquelle je voudrais aborder cette question, je pense que c'est le premier mémoire qui le fait — que l'on maintienne tout à fait séparément à tous les niveaux l'organisation des services de santé de l'organisation des services sociaux. Sur ce plan, je voudrais simplement rappeler qu'au niveau de toutes les institutions à caractère le moindrement spécialisé dans les faits les distinctions qui existent présentement vont continuer de subsister au plan du fonctionnement des institutions. Une agence de service social va demeurer une agence de service social en ce qui a trait à la majeure partie des services qui sont rendus par ces agences, de la même façon pour un centre d'hébergement ou un centre d'entrafnement à la vie pour les déficients mentaux. Tous ces organismes vont garder leur caractère.

Ce n'est qu'au niveau local ou au niveau des services les plus courants et non pas dans des buts de simplification des procédures administratives ou encore dans des buts de mélanger deux types de problèmes que nous avons proposé la formation de centres locaux de

services communautaires. Mais c'est pour que les individus, les familles qui plus souvent qu'autrement ont des problèmes qui présentent des aspects divers ne soient pas obligés de se raccorder à une foule d'organismes ou de services distincts les uns des autres, obligés bien souvent de recommencer des démarches assez longues pour avoir accès à ces services, avoir des dossiers partiels traitant l'histoire de ces personnes ou de ces familles et aussi bien souvent avoir des traitements partiels, si on envisage les problèmes dans une optique un peu plus large.

Alors c'est l'idée fondamentale de ces centres locaux de services communautaires. Il semble ici, si j'ai bien compris, qu'on met l'objection sur le fait que ça s'éloigne de la réalité actuelle, donc c'est mauvais. Je crois que l'idée de base, c'est que la réalité actuelle, le fractionnement des services en ce qui a trait aux individus, est mauvaise. Alors c'est cet aspect que nous avons voulu poursuivre.

Allons plus précisément dans le domaine des soins. Dans le mémoire, on parle du concept de médecine globale. Au bas de la page 26 on dit que les quelques expériences tentées dans des milieux jugés les plus propices à son application laissent au contraire présager de sérieuses difficultés. Et de là, si j'ai bien compris, on dit que les médecins dans leur cabinet privé sont surchargés de travail et que ceci occasionne un encombrement des hôpitaux.

Justement, dans les centres locaux de services communautaires, on croit qu'avec une équipe il sera possible de mieux partager les tâches bien souvent, d'apporter un support administratif qui n'existe pas bien des fois dans les cabinets privés, d'apporter aussi de l'aide d'autres catégories de professionnels que les médecins, ce qu'on retrouve rarement dans les cabinets de médecine groupés. Alors nous croyons qu'il sera possible de soulager d'une bonne partie du fardeau le médecin qui pratique seul ou qui, à ce niveau de services, se regroupe avec un ou deux confrères.

Maintenant, j'aimerais connaître plus de détails sur ce qui a porté l'association à dire que les quelques expériences tentées dans les milieux jugés les plus propices à son application — parce que justement on ne croit pas que ça doit se restreindre à un type de milieu en particulier — laissent au contraire présager de sérieuses difficultés. Car, d'autre part, nous avons des informations à l'effet contraire. Alors c'est le commentaire sur la distinction ou la division entre les services de santé et les services sociaux que je voulais faire. Je voudrais aussi faire une petite mise au point en ce qui a trait au droit d'appel quant à l'octroi des permis.

Dans un système comme celui dans lequel nous sommes, où il s'agit de services essentiels, je crois que, si on examine la Loi des hôpitaux, le ministre a toute latitude pour octroyer des permis ou ne pas en octroyer.

Je crois que c'est normal si on considère notre système de gouvernement, la responsabilité ministérielle. Cette responsabilité, lorsqu'elle touche, à ces niveaux et à ce plan, à l'intérêt public, ne peut être diminuée et l'introduction d'un droit d'appel est une garantie de protection qui n'existait pas pour les institutions. Il est évident, il est clair compte tenu de la responsabilité ministérielle, que ce droit d'appel ne puisse toucher qu'à la procédure qui est utilisée ou prescrite pour assurer le respect des droits des individus en cause et des institutions.

Mais ce droit, ou cette responsabilité quant à l'octroi des permis ne peut être partagée et d'ailleurs elle ne l'est pas dans la Loi des hôpitaux actuelle.

Je voulais faire cette mise au point de telle sorte qu'il n'y ait pas confusion ici et qu'on ne confonde pas des pouvoirs au plan administratif avec des pouvoirs qui touchent à la protection de l'intérêt public.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

UNE VOIX: M. le Président, si vous le permettez, j'ai posé une question.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai entendu la question et j'attends la réponse.

M. DENIS: M. le Président, l'Association des bureaux médicaux, évidemment, est plus touchée par les problèmes qui intéressent les centres hospitaliers-, elle est également bien consciente des problèmes sociaux qui existent dans notre province et — particulièrement dans certaines zones grises — des problèmes médicaux qui sont inaccessibles à une partie de la population.

Nous comprenons difficilement, cependant, et nous avons pensé, à la lecture du bill 65, qu'il s'agissait de confondre les deux domaines. Nous croyons qu'il peut exister dans un même local des gens qui vont s'occuper des problèmes sociaux intéressant l'individu et d'autre part une équipe médicale qui s'occuperait des problèmes médicaux. En discutant avec certains de nos membres et des gens qui s'intéressent plus particulièrement à ces problèmes, nous nous rendons compte que parfois le mélange des deux aspects, social et médical, crée de la confusion. Nous discutions récemment, entre autres, avec le directeur du service de soins à domicile dans la région de Montréal. Il nous avouait qu'évidemment il y a des problèmes sociaux mais qu'il y a également des problèmes médicaux et qu'il envisageait le problème de la façon suivante: il croyait qu'il devrait exister un dossier social et un dossier médical qui seraient différents. Rien n'empêche qu'à un niveau supérieur ces deux dossiers se retrouvent mais il semblait insister énormément pour que l'aspect médical ne soit pas confondu avec l'aspect social.

Maintenant, j'ai à côté de moi le Dr Claude Paulin qui peut-être pourrait terminer mon intervention sur ce sujet.

M. PAULIN: Claude Paulin, médecin-secrétaire de l'Association. Nous réalisons, les médecins, qu'il y a un changement énorme des problèmes depuis quelque temps, surtout depuis l'assurance-maladie. Les salles d'urgence ont augmenté de même que les cliniques externes; les bureaux de médecins commencent à être surchargés et on voit qu'il y a énormément d'activité. On peut dire qu'il y a une activité fébrile.

A un moment donné l'on se rend compte que ce n'est pas pareil dans toutes les zones, dans toutes les sections. Il y a des sections, par exemple dans la ville de Montréal, où il y a surtout des gens pauvres, des gens qui n'ont pas tellement les moyens. Dans d'autres sections, il y a des gens du service social, des ouvriers non syndiqués. L'ouvrier non syndiqué peut endurer pas mal de tempêtes mais à un moment donné, si ça dure trop, il n'a pas les moyens, il n'a pas les revenus. Ensuite, il y a la zone des ouvriers syndiqués, des ouvriers spécialisés, les professionnels, les gens qui ont plus d'argent.

Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que dans une zone donnée d'une ville, si on faisait des archives du service social, il y aurait beaucoup de dossiers du service social parce qu'il y a une zone où il y a beaucoup de besoins. Dans d'autres zones, que vous alliez à Westmount ou à Outremont à trois heures du matin, toute la population là-bas a besoin, dans une zone déterminée, de traitements médicaux et c'est urgent d'organiser un bon système médical qui va répondre à la surcharge.

Nous pensons que, pour le moment, nous sommes dans une situation probablement temporaire et qu'avec l'évolution de la médecine, l'amélioration des différentes procédures on va finir par trouver des solutions. Mais on trouve que l'organisation médicale peut être confiée à une section qui va y voir très bien et, dans d'autres sections, on verra le problème social. L'exemple qui nous a été donné avait trait à une famille qui se présente — c'est un exemple que les médecins nous ont donné — qui a besoin d'un lit d'hôpital, d'une chaise roulante, de toutes sortes de choses, comme de quelqu'un pour surveiller des enfants. Par contre, de l'autre côté, il y a le problème médical, le problème de la douleur. C'est là qu'on voit le besoin d'avoir un dossier médical pour donner vraiment de bons soins médicaux. De l'autre côté, on voit le besoin du dossier social. Ils peuvent se rejoindre. On ne voit pas d'objection. On ne voit que le besoin.

Maintenant, du côté médical, on voit l'urgence d'organiser des cliniques médicales pour répondre aux grands besoins. Je ne sais pas si la réponse est suffisante.

M. CASTONGUAY: Il ya juste un commentaire additionnel que je voudrais faire. Lorsqu'on parle de problèmes qui relèvent des services sociaux, si j'ai bien saisi, on semble les confondre avec les problèmes d'assistance socia- le. Les services sociaux sont bien souvent aussi requis à Westmount, à Outremont, à la ville de Mont-Royal qu'ailleurs. Il y a des problèmes d'alcoolisme, de drogue, de délinquance, des problèmes de déficience mentale, des problèmes qui se posent au niveau des personnes âgées aussi bien au plan des services de santé que des services pour permettre à ces personnes de garder une autonomie; enfin, des problèmes de mésentente familiale, d'adoption, etc. Je pourrais continuer l'énumération assez longuement.

Alors, sans que le centre local de service social signifie nécessairement un dossier unique, englobant la santé et tous les autres problèmes d'ordre social, il n'en demeure pas moins que c'est dans un même lieu. Si un problème présente de multiples aspects, il y a possibilité qu'il soit abordé avec une certaine cohérence par une équipe qui se voit, qui se côtoie, qui a les mêmes préoccupations, que le dossier au plan de la santé et non pas seulement le dossier médical soit disponible et qu'il y ait également, si besoin en est, un autre dossier au plan social. Donc, je crois qu'il y a des avantages.

Alors, ce que je peux faire ressortir le plus clairement, c'est qu'en parlant de services sociaux je ne parle pas d'assistance financière.

M. LE PRESIDENT (Leduc): L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Denis, vous avez fait une suggestion intéressante dans votre mémoire au sujet du conseil régional des médecins. Actuellement, il existe deux fédérations qui regroupent les médecins; d'ailleurs, vous l'avez mentionné. Il y a aussi le Collège des médecins qui est un organisme en contact avec chacun des membres de la profession. Vous avez, d'autre part, l'Association des bureaux médicaux qui regroupent à l'intérieur d'une même institution les médecins qui y travaillent.

Malgré l'intérêt que suscite cette suggestion, je me demande s'il n'y a pas là peut-être un doublage des structures ou des contacts que vous voulez établir entre les médecins. Je me demande — peut-être que vous pourriez m'éclairer et éclairer la commission — quelles sont les facilités de contact que crée l'Association des bureaux médicaux entre les médecins des différentes institutions. Est-ce qu'il y a des réunions? Quel est votre travail? Quelle est la fréquence de ces réunions? Quels sont les problèmes qui y sont discutés? Enfin, n'est-ce pas déjà là le conseil régional des médecins?

M. DENIS: M. le Président, le député de Montmagny voudrait peut-être interpréter les réunions de notre association. Nous avons, comme conseil d'administration, des réunions mensuelles; nous avons, de plus, un exécutif qui se réunit de façon hebdomadaire; nous avons une correspondance soutenue avec tous les bureaux médicaux de la province, qu'ils soient

membres ou non de notre association. Cependant, nous pensons que nous regroupons quand même la majeure partie des bureaux médicaux importants de la province.

Si vous voulez donner évidemment à ces réunions et à notre association l'interprétation que nous formons ni plus ni moins un conseil régional des médecins, je n'ai pas d'objection parce que notre conseil d'administration est composé justement de directeurs venant des différentes régions de la province. Nous avons un directeur pour le Bas-du-Fleuve nous en avons un pour la région de Chicoutimi-Lac-Saint-Jean, un autre pour la région de l'Outaouais, un autre pour la région de Québec, un autre pour les Cantons de l'est, etc., sans oublier Montréal.

C'est au cours de nos réunions que nous avons constaté que les problèmes médicaux sont loin d'être identiques dans les différentes régions de la province. Particulièrement depuis deux ans, notre association a travaillé, de concert avec notre directeur de Rimouski, le Dr Gendreau, à l'organisation du conseil régional du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie. Il y a également un début d'organisation d'un conseil régional dans la région de Trois-Rivières et dans la région de Québec. C'est pour cela que nous avons pensé que ce conseil pouvait être utile aux structures que le bill 65 propose. Nous ne voulons pas lui donner, évidemment, les mêmes prérogatives, les mêmes juridictions que le bureau médical désire conserver au niveau du centre hospitalier, mais nous pensons qu'un organisme régional médical pourrait, cependant, conseiller le bureau sur des problèmes qui intéressent la coordination et la planification au niveau régional.

Si vous aimez avoir, cependant, plus d'explications sur l'expérience que nous avons vécue dans le Bas-du- Fleuve et la Gaspésie, peut-être que je pourrais demander au Dr Gendreau de vous en donner.

M. GENDREAU: Avant de donner des explications au sujet de l'expérience du Bas-Saint-Laurent, pour répondre à la question du député de Montmagny, au niveau du dédoublement, je pense qu'il faut mettre les choses à leur place. Le Collège des médecins est un organisme qui protège le citoyen. Il ne défend pas les médecins. Les fédérations ont un rôle de protection des intérêts des médecins tandis que l'Association des bureaux médicaux regroupe tous les médecins sous un autre aspect. On s'intéresse aux problèmes particuliers. D'ailleurs, ce sont ces problèmes-là qui nous viennent à Montréal quotidiennement et qui sont réglés de façon régulière par l'exécutif et qui sont revus aux réunions mensuelles. Il y a des problèmes propres à chaque bureau médical et je pense que l'association est le point de rencontre de beaucoup d'informations. A plusieurs reprises, l'an passé, l'association était en mesure d'aider, de façon très appréciable, des bureaux médi- caux tant au niveau des hôpitaux psychiatriques que des hôpitaux régionaux, des hôpitaux de plus grande importance ou de plus petite importance comme ceux du Bas-Saint-Laurent.

Pour la question du problème du bureau régional médical, l'idée en est venue de l'association, lors des réunions mensuelles, parce que de Rimouski on arrivait toujours avec des problèmes qui étaient particuliers à la région. A un moment donné, les directeurs ont dit: Bien, Dr Gendreau, allez-vous-en chez vous, réunissez vos gars et étudiez vos problèmes! Alors, c'est ce qui s'est fait. On a réuni des représentants de tous les bureaux médicaux de toute la zone, c'est-à-dire de Notre-Dame-du-Lac à Gaspé. On a formé un bureau médical régional qui a travaillé en coopération avec le coordonnateur régional qui avait un bureau qui fonctionnait très bien à Sainte-Anne-des-Monts. L'élaboration du plan de régionalisation s'est faite en consultation avec les médecins et les administrateurs d'hôpitaux. Alors, cela a donné un projet qui est rendu au ministère et qui est déjà en voie de réalisation.

Les priorités les plus grandes qui avaient été signalées à la suite de ce travail sont déjà réalisées, comme les centres locaux de santé. Au moment du travail, on a réalisé qu'il y avait, par exemple, 150 milles de côte, dans la Gaspésie, où il n'y avait même pas un médecin. C'était un problème très urgent. C'est le premier problème que le ministère ait réglé en créant un mini centre local de santé à Grande-Vallée et aux Iles-de-la-Madeleine. Les premières étapes du programme de régionalisation qui ont été proposées, étapes qui émanaient du bureau du coordonnateur régional et du travail qui avait été fait en coopération avec les bureaux médicaux de la région, sont déjà en voie de réalisation.

Lors du passage du ministre à Rimouski, la question lui a été posée, à savoir s'il avait l'intention de respecter ce programme. Si je me souviens bien, le ministre a répondu que la province n'avait pas les moyens de payer des études deux fois. Alors je pense que l'étude qui a été faite est quand même valable. Cela émane de réunions des bureaux médicaux d'une région.

M. CLOUTIER (Montmagny): Docteur, j'ai...

M. CASTONGUAY: Avec votre permission, pourrais-je faire seulement un commentaire?

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre n'a pas de permission à demander à l'ancien ministre, M. le Président.

M. CASTONGUAY: Bon!

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est de la continuité.

M. CASTONGUAY: La seule chose que je dirai est la suivante : le projet de loi ne spécifie pas — je ne crois pas qu'il serait sain de les spécifier — tous les organismes qui, au plan des regroupements volontaires, pourraient exister, que ce soit dans le domaine de la santé ou des services sociaux et qui peuvent avoir des points de vue valables — j'en conviens — à apporter.

C'est la seule chose. Ce projet de loi n'empêche pas, n'enlève absolument rien à la liberté qu'a tout groupe de personnes intéressées par une même question de s'associer, d'étudier cette question, de faire des représentations. Dans la mesure où ce travail est valable et important, il sera toujours, à mon avis, écouté dans le type de société dans lequel nous vivons. Mais je crois qu'il serait mauvais, d'autre part, de dire dans un projet de loi quels sont tous ces organismes qui doivent jouer un rôle au plan consultatif.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si je vous ai posé la question, tantôt, à savoir s'il y avait dédoublement, ce n'est pas parce que dans mon esprit, à ce moment, il y a dédoublement. C'était justement pour vous faire préciser le rôle de ce conseil régional. Pour ma part, après avoir entendu vos explications, je vois des avantages à ce qu'une telle structure soit mise en place et que des conseils régionaux de médecins fonctionnent.

J'y vois d'abord l'aspect d'étude des problèmes médicaux à l'échelle régionale, parce que vous avez dit avec raison que les problèmes médicaux d'une région ne sont pas nécessairement les problèmes d'une autre région. Cela vous permettra probablement aussi d'atteindre des médecins qu'autrement vous ne pourriez peut-être pas rejoindre par les bureaux médicaux. Il est possible qu'un médecin isolé, qui pratique loin d'un hôpital, qui n'a pas l'accès facile aux institutions hospitalières n'ait pas de contacts aussi fréquents avec le bureau médical de son hôpital. Cela permettra aussi, à l'intérieur du conseil régional, peut-être, de réunir plus facilement et de créer ce dialogue qui doit exister entre les différentes spécialités de la médecine: le médecin spécialiste, le médecin omnipraticien et j'ajouterais aussi — non pas en faisant allusion au député de Bourget — les psychiatres qui complètent cette équipe et qui forment une discipline importante de la médecine.

Ce sont des avantages qui m'apparaissent devoir être les conséquences de la création d'un tel conseil régional. Quant au conseil régional, comme l'a dit le ministre il y a un instant, on ne peut pas donner dans un projet de loi la liste des organismes existants ou des organismes à venir qui, dans le territoire, pourraient, à un moment ou l'autre, aider à faire fonctionner cette législation. Il pourra certainement s'en créer d'autres avec l'évolution, avec le temps, à mesure qu'on décèle des besoins à satisfaire.

Je crois pour ma part que l'idée d'un conseil régional des médecins doit être poursuivie par l'Association des bureaux médicaux et doit être réalisée.

M. PAULIN: M. le Président, nous voudrions non seulement avoir des voeux, mais nous, les médecins, pensons que s'il y a une structure, après tout nous administrerons des malades.

C'est un problème médical, nous parlons de la médecine en partie et il va y avoir des médecins qui vont travailler.

Si vous faites une structure, s'il y a un conseil d'administration dans la région qui va s'occuper des problèmes médicaux, nous ne voudrions pas simplement qu'on dise: Réunissez-vous, les docteurs, et arrangez-vous ensemble, faites-nous des suggestions. Nous avons eu une belle expérience que nous avons vécue: je ne sais pas qui a fait la Loi des hôpitaux, mais il y a quelque chose de bien là-dedans. Nous, les médecins, nous avons vécu de très belles expériences au point de vue hospitalier. A un moment donné, on a mis dans la loi qu'un médecin devait faire partie du conseil d'administration, devait aller à l'exécutif du conseil. Avant personne n'en parlait.

A un moment donné, on a demandé une participation active. Il a fallu que le bureau médical se réunisse une fois par année. Cela a obligé le bureau médical à dire à un médecin d'aller au conseil, d'assister aux réunions. Nous étions assis au bout de la table, on parlait de la mélasse, du saindoux et d'achat de briques. Nous ne comprenions rien là-dedans. Mais, dès que ça arrivait à un problème médical, là le président du conseil nous demandait: Docteur, qu'est-ce que vous pensez de l'organisation médicale dans ce domaine-là?

Quand vous créez des structures au niveau légal, ce qui arrive au niveau régional si vous n'en avez pas, les gens disent: Ce sont des voeux, ça pourrait se faire. Mais si vous faites ça dans une loi, ce qui arrive dans l'application, c'est bon pour les docteurs aussi. Les docteurs sont peut-être des fois endormis, nous l'admettons, mais vous pouvez leur dire: Il faut y aller, il faut que chaque hôpital de la région donne un représentant et il faut que ces représentants se réunissent. Vous le dites au conseil des médecins. Nous, nous disons que vous pouvez le dire pour le conseil régional. Réunissez-vous, les docteurs, ensemble dans la région, faites des suggestions, envoyez un représentant à notre conseil et, quand ça viendra à des problèmes médicaux, parlez avec nous. C'est ça que nous voulons, parler avec vous autres.

Nous ne voulons pas que dans une région il soit dit: Faites des voeux, faites des suggestions. Si vous faites une loi, nous allons être obligés de marcher aussi et là vous allez avoir de la coordination, de la coopération. Dans toutes les discussions que nous avons eues dernièrement avec les économistes, ceux-ci nous parlaient toujours d'un mot anglais, le "feed-back", d'après eux, ça veut dire qu'il faut qu'on mène

d'en haut, mais il faut que d'en bas on donne des suggestions. Si le haut mène et que le bas ne donne pas de suggestions, à un moment donné ça devient mêlé; c'est ça que nous trouvons nous.

Je pense que c'est la solution la plus originale de notre rapport. On parle de la régionalisation. Je pense que personne d'autre n'en a parlé. C'est parce que l'Association des bureaux médicaux a réalisé que c'est un besoin de s'asseoir autour d'une table, des omnipraticiens, des spécialistes, ne tenant pas trop compte des spécialités, mais tenant compte des problèmes qu'il y a dans un hôpital.

M. CLOUTIER (Montmagny): Avec ces explications additionnelles, précisément ceux qui auraient des responsabilités à l'intérieur du conseil régional, est-ce que ça déboucherait aussi sur les ORAS, une représentation aux offices régionaux des affaires sociales?

M. PAULIN: Nous, nous disons que nous avons vécu une belle expérience. A Montréal, nous nous sommes réunis toutes les semaines; nous avions des problèmes à régler, des problèmes qui se posaient au niveau des bureaux médicaux, dans les règlements, par exemple, et dans toutes sortes d'applications.

Nous réalisons à un moment donné que nous ne pouvons pas régler dans un sens tous ces problèmes-là. Il faut avoir autour de la table la voix d'un type de chaque région. Nous croyons, si nous prenons une région typique de Rimouski, du Bas-du-Fleuve — que nous avons citée — qu'il pourrait y avoir dans chaque centre hospitalier un membre et, nous, nous voulons donner la même chose. Nous ne sommes pas contre les professionnels de la santé, nous sommes avec eux. Qu'ils aient, eux aussi, un groupe, un comité général, qu'ils s'élisent un exécutif s'ils veulent et qu'ils envoient un représentant au conseil d'administration; nous allons nous asseoir à côté d'eux. Nous discuterons au bout de la table. Nous ne serons que deux contre quatorze, mais, quand viendra un problème médical, nos types qui sont obligés d'aller — parce que la loi va les forcer à aller, plutôt les stimuler — vont s'asseoir au bout de la table et ils vont discuter de leur petite partie médicale. Quand les autres vont parler de la brique et du ciment, nous n'aurons pas d'affaire là-dedans, nous le savons.

Ce que nous voulons c'est, lorsque nous parlons du médical, avoir quelqu'un là, autant que les professionnels de la santé. Ensuite, si le comité, le conseil d'administration de la région décide qu'il veut créer des comités spéciaux entre les autres professionnels et les médecins, là ça marche Nous en avons déjà des comités dans nos hôpitaux, des comités de nursing. Vous êtes au courant, vous étiez ministre déjà.

Nous avons une foule de comités. Nous nous assoyons avec les gardes-malades et nous discutons des problèmes de salles d'opérations. Nous aimerions, si c'est possible — nous ne voulons forcer la main de personne — qu'une fois rendu au conseil d'administration le médecin qui représenterait la région de Rimouski — il aurait son exécutif, il aurait son "feed-back", il irait à l'exécutif de la région, membre de chaque hôpital de Rimouski, de Gaspé — dirait: Voilà ce que nous avons discuté au point de vue médical. Quelles sont vos suggestions?

La, le "feed-back" s'en viendrait par en haut. Eux diraient: Allez dire au conseil que ça ne marche pas comme ça, notre affaire. L'homme qui a décidé en haut, le directeur général,... Nous, ce que nous craignons, c'est que vous donniez trop de pouvoirs à un homme et que vous l'enleviez à un comité.

C'est facile de dire dans un hôpital: Notre bureau médical, l'exécutif, est responsable au directeur médical. La loi dit ça. Le directeur médical est responsable à qui? Il est responsable au directeur général. Le directeur général, c'est qui? Cela va être le président du comité administratif. Qu'est-ce qu'il va faire, le directeur général? Il va faire l'ordre du jour, il va s'asseoir avec cinq gars et il va recommander au conseil d'approuver ses affaires. Comment ça va marcher?

Nous aimerions être sous la commande d'un bon conseil d'administration. Nous n'avons pas peur d'un comité parce qu'au niveau d'un bon comité d'administration on a des hommes capables qui disent au directeur général: Applique-les, les règles. Nous voulons juste avoir notre petite voix, nous autres. Nous ne voulons pas contrôler. Les gens disent dans les journaux que les médecins veulent des chasses gardées, qu'ils veulent des contrôles. Nous ne demandons pas cela. Je pense que nous sommes mal compris, nous les médecins, actuellement. Nous ne demandons rien de tout cela.

Nous demandons de participer, de nous asseoir à la table et de dire aux gars: Ecoutez, le problème médical, de la manière dont on l'applique en bas, ce n'est pas comme cela qu'on doit l'appliquer. Nous avons des suggestions à faire. Si vous ne voulez pas les prendre, vous êtes le comité d'administration, vous êtes le conseil; prenez vos décisions, c'est à vous d'en prendre la responsabilité.

Nous ne voulons pas qu'un homme, dans un hôpital, devienne le seul contrôleur. Dans certains hôpitaux où c'est un homme extraordinaire, cela va marcher, mais dans des hôpitaux où c'est un homme plus ou moins compétent — parce que des hommes, il y en a de toutes les qualités — cela n'ira pas. Nous disons qu'il faut absolument que ce directeur général soit responsable devant un conseil; autrement, vous pensez d'éliminer tous les problèmes et vous allez en créer seulement un, mais cela peut devenir le directeur général.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Dr Denis, j'aurais une question à poser. C'est une question que j'aurais probablement pu poser à d'autres groupes également. A la fin de votre mémoire, vous exprimez le désir de voir insérées dans la loi certaines définitions et vous donnez, comme exemple, une définition du cabinet de médecin ou de dentiste.

Est-ce qu'il existe actuellement une telle définition? J'aimerais que vous fassiez une suggestion en ce qui concerne la définition, que vous aimeriez voir insérée dans la loi, du cabinet de médecin.

M. DENIS: M. le Président, je réponds à la question du député de Saint-Jacques.

M. GUAY: Dorchester.

M. DENIS: Dorchester, excusez-moi. Je n'ai pas eu l'occasion de vous rencontrer souvent; excusez-moi, monsieur. Dans le règlement de la Loi des hôpitaux, arrêté en conseil 288 adopté le 31 janvier 1969, on définit le cabinet de médecin en page 8: "Un endroit particulier à la charge d'un médecin ou d'un dentiste aux fins de dispenser habituellement et pour leur propre compte leurs services professionnels."

Si nous demandons qu'un cabinet de médecin soit défini dans la loi, c'est parce qu'à l'article 133 t) le ministre se réserve le droit de le définir. Pourquoi se réserve-t-il le droit de le définir? Est-ce qu'il veut diminuer les pouvoirs que le médecin a, aujourd'hui, d'exercer en cabinet privé? On peut se le demander. C'est la raison pour laquelle nous demandons de le préciser.

M. CASTONGUAY: Je veux tout simplement dire, sur ce point-là, que la question est revenue plusieurs fois sur la table. Dans la Loi des hôpitaux actuelle, il est dit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut définir, par règlement, ce qu'est un cabinet. Lorsque nous avons rédigé le projet de loi, nous avons dit: Nous allons refaire la même chose. Cela semble susciter des craintes et j'ai dit que nous introduirions dans le projet de loi, lorsque nous aurons fini l'audition, une définition de cabinet.

M. DENIS: D'ailleurs, M. le Président, vous remarquerez que nous n'avons pas tellement insisté sur ce problème aujourd'hui, justement parce que nous avions eu, antérieurement, l'assurance du ministre.

M. GUAY: En ce qui concerne la définition que vous venez de mentionner — vous êtes libre de répondre ou pas — est-ce une définition qui vous convient?

M. DENIS: Jusqu'à maintenant, nous avons l'impression que cela ne va pas si mal.

M. GUAY: Merci.

M. DENIS: D'autre part, j'aimerais peut-être vous rappeler une expérience que j'ai vécue récemment. Nous avons l'impression, en lisant le bill 65 et en entendant certaines remarques, qu'on a des doutes sur la qualité de la médecine au Québec et que le projet de loi veut justement mettre peut-être — comme le disait un ancien premier ministre — un carcan aux médecins pour les limiter le plus possible.

J'arrive d'un voyage qui m'a mené pour un congrès au Liban. Qu'est-ce qui est arrivé là-bas? Les gens du Québec ont été reçus à bras ouverts. La plupart des grandes sommités du monde médical au Québec ont été appelées, à tour de rôle, en consultation auprès des patients du Liban.

Un chef d'Etat d'un pays voisin est même venu à Beyrouth pour consulter un médecin du Québec. Un autre médecin du Québec qui était là et qui a dû assister à un autre congrès en Ecosse a dû revenir une semaine plus tard pour pratiquer une opération chirurgicale. Par la suite, j'ai été en Grèce; j'ai rencontré des Canadiens qui vivent là depuis quelques années. Ils m'ont dit: C'est un pays merveilleux — c'est vrai, d'ailleurs, j'espère que vous l'avez vu ou que vous le verrez — le seul problème que nous trouvons, le seul problème de difficulté d'adaptation, c'est avec la médecine.

J'ai rencontré ensuite un autre couple de Québécois qui vit en Allemagne. Ils m'ont dit, sans que je le leur demande (ce ne sont pas des médecins): En Allemagne, c'est un beau pays, on fait une belle vie ici mais on s'ennuie de la médecine du Québec. Je pense que ces témoignages peuvent dire quelque chose sur la qualité de la médecine au Québec.

M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais faire une remarque ici. Je trouve malheureux ce que l'on voit dans ce projet de loi, d'autant plus que, lorsqu'il a été présenté et même après jamais je n'ai fait d'allusion au fait que ce projet de loi pourrait être nécessaire à cause d'une mauvaise qualité de la médecine. C'est un projet de loi qui touche à l'organisation des services de santé et je crois qu'il est évident, sur ce plan-là, qu'il y a des problèmes d'organisation de services de santé. Il y a des problèmes de financement; il y a des problèmes aussi de coordination des services qui se posent et ce sont ces problèmes que nous abordons. Il ne faut pas voir dans tout ceci un jugement négatif quant à la qualité de la médecine comme telle. Sur ce point j'aimerais rappeler, étant donné qu'on l'a affirmé, que la Loi des hôpitaux a permis des expériences utiles, fort valables, et je ne conteste pas cela. Cette loi a été adoptée il y a neuf ans maintenant. Le temps a passé, les problèmes se posent différemment, mais je me rappelle également qu'au moment où la Loi des hôpitaux a été adoptée, ç'a donné lieu à des résistances extrêmement grandes. J'ai relu certains des

journaux de l'époque, les mémoires de l'époque et je crois qu'on y voyait un danger énorme dans cette Loi des hôpitaux. Il semble qu'à l'expérience elle a constitué un outil utile. Mais aujourd'hui, il faut poursuivre et passer à une autre étape, ce qui ne constitue pas un jugement négatif à l'endroit de la qualité de la médecine comme telle.

M. DENIS: M. le Président, j'espère que nous aurons d'aussi bons résultats avec le bill 65 que nous en avons eus avec la Loi des hôpitaux et que les accommodations nous satisferont. Peut-être que le Dr Lavigne qui est président sortant de charge, qui a dirigé les destinées de notre association pendant quelques années, aimerait dire quelques mots si vous le permettez.

M. LE PRESIDENT: Je pense que le député de Bourget a une question à poser avant.

M. LAURIN: M. le Président, il y a un problème que le mémoire de l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux me semble très bien poser, c'est celui des pouvoirs et des responsabilités du bureau médical. Dans votre mémoire, vous soutenez que le bureau médical sera éliminé complètement de tout l'aspect organisationnel et administratif des services médicaux dans le centre hospitalier et que ce pouvoir que la Loi des hôpitaux attribuait au conseil médical sera désormais exercé par le directeur des services professionnels en vertu de l'article 78. Vous vous opposiez à cette nouvelle définition du pouvoir du directeur des services professionnels ou à cette diminution du pouvoir du bureau médical avec l'argument suivant. Vous ditez que vous ne comprenez pas que le médecin soit chargé du contrôle de l'acte médical alors qu'il n'a rien eu à voir dans l'organisation des services de santé qui, au fond, ont beaucoup à voir avec la façon dont l'acte médical sera posé. Par exemple, à la page 11, vous dites que les médecins sont concernés par les aspects de l'administration dans les problèmes de la santé lorsque les décisions qui sont prises peuvent affecter les soins médicaux qui sont rendus à la population.

Je pense que c'est là, en effet, un des problèmes essentiels du projet de loi 65 et je me demande moi-même encore personnellement quelles sont toutes les raisons qui ont amené le gouvernement à enlever au bureau médical cette fonction, ce pouvoir, cette responsabilité qui lui était confiée par la Loi des hôpitaux pour la confier au directeur des services professionnels.

Lorsque vous dites, par exemple, à la page 17: "Confier au directeur des services professionnels l'organisation des services de santé... et confier aux médecins la mise en place des mécanismes nécessaires pour contrôler les actes nous semble contradictoire", en quoi cela vous semble-t-il contradictoire? Au fond, j'aimerais poser la même question au ministre. Est-ce qu'à lui aussi cela paraît contradictoire? Et si cela paraît un peu contradictoire, y a-t-il une autre façon que celle prévue par le projet de loi 65 pour assurer une meilleure administration des soins médicaux dans un hôpital avec une participation quand même plus importante des médecins que celle que prévoit la loi 65?

M. DENIS: M. le Président, pour répondre au député de Bourget — j'espère que je ne me trompe pas cette fois — il nous semble évident que si vous voulez garder à l'intérieur des centres hospitaliers un intérêt soutenu de la part des médecins, il faut quand même leur laisser quelques responsabilités et quelques devoirs. Si on leur demande, comme le suppose le bill 65, de ne faire ou de ne garder comme responsabilité dans l'hôpital qu'un rôle de police, ni plus ni moins, auprès des médecins, en ce sens d'organiser les mécanismes de contrôle, de les surveiller mais qu'on ne leur donne aucune responsabilité d'organiser les départements, les services médicaux, de voir à ce que chaque département, chaque service médical fournisse les soins qu'il est appelé à donner au niveau hospitalier, donnant tout cela au directeur médical ou au directeur des services professionnels qui est un administrateur, j'ai beaucoup de respect pour les directeurs médicaux et je pense qu'il en faut dans nos institutions, mais nous ne voyons pas d'autre rôle pour eux qu'un rôle de coordination et de liaison, si vous voulez, entre les différents services médicaux. En somme, c'est un rôle qui consisterait à exécuter ou à voir à ce que les décisions qui sont prises au niveau du bureau médical soient exécutées, dans le domaine médical, évidemment.

M. LAURIN: Est-ce que vous accepteriez une formule où le conseil médical ou le conseil des professionnels proposerait des formules d'organisation des départements avec raison à l'appui sans pouvoir décisionnel ou sans responsabilité et que ce serait le directeur des services professionnels qui prendrait les décisions?

M. DENIS: Non. Nous croyons que le bureau médical doit conserver cette responsabilité et nous ne croyons pas qu'il appartienne au directeur des services professionnels, même si c'est suggéré par le bureau médical, de prendre la décision. Nous croyons que le bureau médical doit recommander au conseil d'administration les structures qu'il juge nécessaires dans le milieu donné où il vit et qu'ensuite on demande au directeur des services professionnels de voir si tout se passe dans le milieu hospitalier et si l'exécution de ces décisions est faite suivant la loi.

M. LAURIN: Donc, de toutes les façons, vous ne trouvez pas que le directeur des services professionnels est capable techniquement de remplir les responsabilités que lui attribue l'article 78, c'est-à-dire l'organisation des services de santé?

M. DENIS: Cela prend un surhomme pour être capable de posséder toutes ces qualités.

M. LAURIN: Même s'il est médecin?

M. DENIS: Même s'il est médecin. Il doit être médecin, mais il n'y a pas un directeur médical qui soit capable de remplir les fonctions que le bureau médical remplit actuellement en plus de celles qu'il remplit lui-même.

Nous comprenons aussi que dans les règlements de la Loi des hôpitaux on avait déjà attribué beaucoup de responsabilités au directeur médical, mais en fait vous savez aussi bien que moi que les directeurs médicaux n'ont jamais rempli toutes les fonctions qu'on leur a accordées à ce moment-là. Je pense qu'on peut déjà voir que les responsabilités qu'on avait voulu leur confier dans les règlements en 1969 dépassaient déjà leurs capacités.

M. LAURIN: Cela me tenterait beaucoup de demander au ministre s'il voit lui aussi une contradiction entre le fait qu'on confie aux médecins le soin de contrôler l'acte alors qu'on enlève au bureau médical toute responsabilité quant à la mise en place des mécanismes qui sont responsables des actes qui sont posés.

M. CASTONGUAY: Si vous me le permettez, nous reviendrons à cette question lorsque nous analyserons le projet de loi article par article. Je voudrais simplement rappeler que, d'après le projet de loi, les médecins vont être membres du conseil consultatif des professionnels. Ce conseil va faire des recommandations au conseil d'administration. C'est de là que viendront les décisions à être exécutées au plan de l'organisation et du fonctionnement, non pas au plan des actes médicaux eux-mêmes, par les voies décrites. C'est là l'idée. Je ne crois pas qu'il y ait de contradiction. Cela est possible, toutefois. Nous reviendrons sur cette question de savoir si elle doit être maintenue telle quelle ou non, si vous me le permettez.

M. LAURIN: Bon, est-ce que quelqu'un d'autre veut répondre à cela?

M. LAVIGNE: M. le Président, je voudrais répondre à certaines questions qui ont été soulevées par M. Cloutier et par le Dr Camille Laurin.

M. Cloutier nous demandait de situer un peu l'association, et je voudrais en parler un peu. Le bureau médical, à l'heure actuelle, tel qu'il est dans la Loi des hôpitaux, est le plus bel exemple de participation, dans notre cas, de la connaissance médicale avec le niveau administratif en milieu hospitalier, au niveau d'une organisation. On cherche, à l'heure actuelle, dans tous les niveaux administratifs, à trouver des modes de participation qui permettent à tout le monde de travailler pour un objectif primordial, soit le but pour lequel l'organisation existe.

Actuellement, nous avons une organisation qui existe dans ce sens-là. Cela existe depuis plus de vingt ans. Cela a été trouvé avant même qu'on commence à parler de participation de la population et de la participation de tout le monde. Cela a été une formule qui a été trouvée avant son temps.

Pourquoi, à l'heure actuelle, venons-nous pour la détruire dans un texte qui est le bill 65? On lui donne encore un certain rôle de participation, mais il est bien dit, à l'article 161, que les rôles actuels joués par le bureau médical sont partagés entre trois organismes, c'est-à-dire le conseil des médecins, le directeur des services professionnels et le conseil des professionnels.

Actuellement, nous considérons que l'aspect médical dans l'hôpital est assez important pour que les médecins soient groupés et prennent leurs responsabilités. Nous sommes d'accord pour être membres du conseil des professionnels de la santé. Nous collaborons avec les autres professionnels de la santé au niveau hospitalier, mais nous croyons que le rôle qui nous est accordé est trop minime. Je ne veux pas dire que nous voulons nous séparer des autres, mais je crois que le groupe médical a tout de même un rôle de leadership au niveau hospitalier et qu'il doit être capable de le jouer.

Au niveau du conseil des professionnels, imaginez un peu un hôpital assez grand de Montréal où il y aurait un conseil des professionnels, regroupant disons, environ 200 médecins, 1,000 infirmières, peut-être 100 autres professionnels, combien de techniciens de radiologie, combien de techniciens de laboratoire et tout le monde. On leur donnerait une responsabilité à remplir.

Nous avons cru qu'il était préférable de former deux conseils: un conseil des médecins, qui garde les mêmes responsabilités que dans la Loi des hôpitaux actuelle, avec tous ses règlements tels qu'ils ont été édictés, il y a quelques années, et que nous trouvons très bien. Ces règlements de la Loi des hôpitaux nous ont permis de travailler avec une certaine structure identique dans les différents centres hospitaliers et cela s'est avéré extrêmement efficace.

Au niveau des comités, vous avez des comités conjoints. Ils sont nombreux: comités mixtes médico-administratifs, comités médico-nursing au sein desquels un énorme travail a été fait.

Or, le bureau médical, dans la Loi des hôpitaux actuelle, a une responsabilité. C'est l'article 9 de la Loi des hôpitaux. Notre association — et, là, je réponds à M. Cloutier — les regroupe dans cette responsabilité et désire favoriser la participation de ceux qui ont la connaissance médicale au niveau administratif au sein de chaque hôpital.

Notre association était structurée au niveau régional. Nous avions des représentants de différentes régions, mais nous avons senti qu'au niveau de chaque région il fallait également grouper les professionnels. Nous croyons que l'avenir de la médecine est dans la planification

régionale des soins. On comprend votre problème, M. le ministre. Il y a une question de finance. C'est énorme. Vous ne pouvez pas permettre qu'on ait partout, comme on le dit, les mêmes équipements. Il faut que ce soit planifié.

La chose la plus intéressante qu'on a vécue au cours des deux dernières années, cela a été de réunir et de grouper des médecins d'hôpitaux différents. C'était la première fois que plusieurs se rencontraient. Cela leur permet d'étudier ensemble les problèmes au niveau de la région. Cela leur donne une conscience régionale. Au lieu de penser simplement à leur patelin, à leur propre hôpital, ils acquièrent une conscience régionale de participation pour assurer des soins de qualité et des soins adéquats au niveau de la région.

C'est ce qui a été réalisé au niveau de la région de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve où un conseil régional des bureaux médicaux a travaillé en collaboration avec un conseil régional des administrateurs d'hôpitaux et a pu collaborer avec un coordonnateur régional. Ceci est une forme de régionalisation que nous avons trouvée extrêmement valable.

A ce moment-là, le comité régional des bureaux médicaux n'avait qu'un rôle consultatif. Il participait et c'est ce que nous demandons. Nous demandons d'avoir une participation.

Dans le bill 65, le bureau médical perd ses responsabilités. On les donne aux autres. Ce que l'on veut, c'est que ceux qui ont la connaissance au point de vue médical et qui sont groupés actuellement en bureau médical, et prochainement en conseil des médecins, gardent les mêmes responsabilités que dans la Loi des hôpitaux avec ses comités et ses règlements. Nous voulons que ce comité, pour avoir réellement un rôle à jouer au niveau administratif, au niveau des institutions, soit responsable au conseil d'administration. D'accord, dans le texte actuel, il a un délégué au conseil d'administration. C'est très bien. Nous sommes heureux de cela parce que c'est cela la participation. C'est d'avoir une chance, comme on le dit, qu'un groupement participe au niveau décisionnel. Dans les institutions, c'est le conseil d'administration qui prend les décisions. Nous sommes heureux de cela mais nous voulons que ce bureau médical régional soit responsable à l'autorité, c'est-à-dire au conseil d'administration et non à un de ses fonctionnaires ou à un de ses employés qui est le directeur des services professionnels. Alors, notre rôle va être anéanti. C'est qu'à ce moment-là, on va bien donner des suggestions, bien faire des rapports qui vont s'oublier dans les échelons de l'administration.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le Dr Lavigne me permettrait? Je pense que ce que vous nous exposez a déjà été mentionné tantôt. Comme l'heure avance et que d'autres organismes veulent se faire entendre, je vous demande- rais, s'il vous plaît, d'essayer de condenser votre exposé.

M. LAVIGNE: Me donnez-vous seulement trente secondes?

Or, nous voulons qu'il soit responsable au conseil d'administration. Nous désirons qu'il y ait une procédure pour résoudre les conflits. On l'a dans la Loi des hôpitaux à l'article 11. Cet article-là a été surtout valable pour obliger les gens à régler leurs conflits avant d'être obligés de s'en servir. C'est cela qui est la sagesse d'une loi. C'est d'obliger les gens à ne pas l'utiliser et à régler leurs problèmes ensemble. Cela a été la sagesse de l'article 11 de la Loi des hôpitaux. Nous voulons qu'il y ait une procédure de conflits parce que tout de même, il peut arriver un problème. Si un bureau médical a l'impression qu'une question médicale d'importance doit être résolue de telle manière et que le conseil d'administration lui impose une chose qui est antiprofessionnelle, il faut qu'il y ait une place pour la résoudre. Cela est une procédure. On peut en accepter une autre qui sera proposée par le ministère. Nous sommes conscients que le rôle de participation que le bureau médical a joué dans le passé est extrêmement valable. S'il est valable pour nous autres, il est valable aussi pour les autres professionnels. C'est pour cela que nous sommes d'accord pour qu'il y ait une formation d'un conseil des professionnels de la santé et qu'eux aussi aient les mêmes privilèges que le conseil des médecins, qu'ils aient aussi un représentant au conseil d'administration et qu'ils soient également responsables au conseil d'administration. C'est cela, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, Dr Lavigne.

M. LAURIN: Une dernière question au Dr Denis. Dans votre mémoire, à la page 13, vous accordez des pouvoirs considérables à l'ORAS, par exemple, la juridiction exclusive sur les plans quinquennaux, la construction de nouveaux hôpitaux dans une région, l'addition de services ou de départements dans un hôpital de la région, la vocation particulière des hôpitaux de la région et vous ajoutez: "etc.". Est-ce que vous iriez jusqu'à inclure là-dedans l'approbation préalable des budgets des hôpitaux desservis par l'ORAS?

M. DENIS: Nous n'avons pas d'objection. Qu'ils soient acceptés par l'organisme régional ou qu'ils le soient au niveau du ministère, de toute façon, il faut qu'ils soient acceptés par une autorité supérieure.

M. LAURIN: Mais entre les deux, qu'est-ce que votre association préfère?

M. DENIS: Personnellement, je préférerais le statu quo qui est l'approbation au niveau du ministère.

M. LE PRESIDENT: Merci, Dr Denis. Merci à l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux. Je demanderais maintenant à l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec dont le porte-parole est Mme Agathe Shooner de prendre la parole.

Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec

MME SHOONER: L'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec. Agathe Shooner, présidente. Permettez-moi d'abord de vous présenter quelques membres de notre conseil d'administration: M. Jacques Moreau, pharmacien du domaine hospitalier; M. André Ouimet, pharmacien à l'officine; M. René Dubois, président fondateur qui fut, en plus, inspecteur et gouverneur au Collège des pharmaciens durant deux termes. M. Dubois exposera aux membres de cette commission nos recommandations quant au projet de loi no 65.

M. DUBOIS: Je me présente: René Dubois, pharmacien, représentant pour l'APPSQ.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, précisons dès le départ que nous appuyons les efforts du gouvernement en vue d'assurer à la population des services de santé et des services sociaux plus adéquats.

En ce qui regarde les services pharmaceutiques, ils ne sauraient être réellement efficaces si l'on ne donne au pharmacien la possibilité d'exercer son rôle dans toute sa plénitude et les moyens nécessaires pour qu'il soit en contact personnel continuel avec l'équipe de la santé et le patient.

Dans le projet actuel, la définition du mot "professionnel" semble satisfaisante à première vue. Mais comme on ne retrouve nulle part ailleurs de critères qui assurent la présence du pharmacien, nous craignons qu'elle soit laissée à la discrétion de l'un ou de l'autre, sans considération réelle de sa nécessité dans les institutions préconisées.

Si nous demeurons sceptiques, c'est que trop souvent, dans le passé, on n'a pas tenu compte des services pharmaceutiques tout en assurant la distribution de médicaments. Qu'on songe, par exemple, à ce qui s'est produit dans le milieu hospitalier où l'on n'a réalisé l'importance de la présence du pharmacien que vers les années cinquante alors que quelques hôpitaux, à cause de leur importance, ont fait appel à des pharmaciens. Mais ce n'est réellement qu'à la venue de l'assurance-hospitalisation, à la suite d'une certaine réglementation, que l'on a reconnu la nécessité des services professionnels pharmaceutiques, après plusieurs années d'incertitude et de tâtonnement. C'était trop dispendieux et non rentable, disait-on, comme si la santé des individus n'était pas rentable.

Nous ne voudrions pas que la même situation se répète au niveau des CLSC. C'est pourquoi nous vous demandons de préciser, dans le bill 65, la tenue d'une pharmacie et d'établir comme essentiels, dès le départ, les services pharmaceutiques.

Vous prévoyez peut-être donner cette assurance au niveau des règlements mais, alors, ces règlements n'auront force de loi qu'au niveau des institutions. S'il n'y a pas de changements immédiats, croyons-nous, dans la Loi de pharmacie, leur application pourrait en être entravée en pratique. Qu'on imagine seulement l'obligation, pour un pharmacien, de contourner la Loi actuelle de pharmacie pour pouvoir s'inscrire dans une pharmacie qui serait, comme nous le pensons, propriété du CLSC. Une telle pharmacie, propriété d'un CLSC, ne peut être reconnue légalement par le Collège des pharmaciens.

Le public a le droit de recevoir des services pharmaceutiques et l'Etat a le devoir de les lui assurer, et au meilleur coût, puisque c'est lui qui, finalement, devra en assumer le paiement. Quand nous pensons au public, nous y incluons aussi les vieillards et les enfants qui seront hébergés dans les centres d'accueil. C'est pourquoi nous demandons que soit légalisée l'opération de pharmacie avec pharmacien dans ces centres, s'ils sont assez importants pour en supporter les frais. S'ils ne le pouvaient pas, que ces services soient assurés au niveau des CLSC. Par le fait même, on ferait d'une pierre deux coups, soit assurer des services pharmaceutiques aux patients de ces centres d'accueil et augmenter la rentabilité des pharmacies au niveau des CLSC.

L'apparition de pharmaciens au niveau des CLSC ne sera pas sans causer une certaine perturbation dans le secteur privé de la pharmacie, tout comme il s'en produira au niveau de la médecine et d'autres disciplines où la pratique privée a été jusqu'à maintenant la seule méthode rentable pour le professionnel de rendre ses services.

On invoquera la répercussion financière dans le secteur privé, la pénurie de pharmaciens disponibles, la répartition des pharmacies dans la province. Autant de problèmes que les pharmaciens ont ignorés dans le passé ou dont ils ont refusé les solutions parce qu'elles étaient en contradiction avec leur intérêt personnel.

Le CLSC peut devenir une réponse à ces problèmes, une solution à tout ce gaspillage professionnel actuel au niveau de la pharmacie du secteur privé, mais à condition cependant qu'on assure au pharmacien pratiquant dans ces centres la possibilité d'y jouer pleinement son rôle. C'est pourquoi nous demandons l'autonomie du pharmacien dans son secteur, en rapport avec les autres professionnels de la santé, de manière à assurer son épanouissement normal dans un travail d'équipe. Et cet épanouissement normal ne se fera, à notre avis, qu'à condition qu'il ne soit pas en conflit avec ses propres intérêts, d'où la nécessité du salariat.

L'APPSQ sous ces garanties se fera un devoir de vous offrir ses services, non seulement pour vous offrir le personnel qualifié disponible pour

accomplir les services pharmaceutiques dans les CLSC — nous avons déjà plusieurs demandes de pharmaciens disponibles pour travailler dans ce secteur — mais aussi pour guider le ministère, en collaboration avec ses administrateurs, dans la planification de ces pharmacies, dans l'élaboration d'un système d'information pharmaceutique pour l'équipe de la santé, dans l'élaboration d'inventaires perpétuels de dossiers-patients et de mesures à prendre pour assurer à la population les meilleurs services et au meilleur coût.

Si vous avez des questions, il nous fera plaisir, mon équipe et moi, d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: D'abord, je voudrais remercier l'association pour le mémoire qu'elle nous a présenté. De fait, je suis en accord avec la plupart des choses qui y sont dites, j'aimerais faire simplement deux commentaires à ce stade-ci.

Des modifications à la Loi de la pharmacie vont être proposées dans le cadre d'une législation touchant les diverses professions, et l'impossibilité, pour le moment, légale qui existerait d'établir une pharmacie dans un centre local de services communautaires va être levée, d'après cette proposition.

Le deuxième point qu'il m'apparaît nécessaire de faire, c'est que les CLSC, tels que projetés, n'auront pas tous la même population à desservir. Il est possible que dans certains CLSC, si leur taille dessert une population assez restreinte, il n'existe pas de service de pharmacien à l'intérieur du CLSC.

De façon générale, par contre, pour les CLSC d'une certaine taille — cela devrait être la norme générale — il devrait normalement y avoir les services d'un pharmacien, non pas seulement pour jouer le rôle de remplisseur de prescriptions mais aussi de conseiller auprès de l'équipe qui pratiquera dans ce CLSC.

Si nous n'avons pas dans la loi inclus ce niveau d'information, c'est qu'il ne nous apparaît pas sage d'aller dans ce degré de détails, chaque centre local de services communautaires devra être adapté normalement aux besoins, les lois des corporations professionnelles déterminent le degré d'autonomie nécessaire pour que le professionnel puisse faire son travail et protéger la population. Pour le reste, il nous semble que quant à la façon de composer les équipes à l'intérieur d'un centre local, la façon dont il fonctionne, la façon dont les responsabilités sont réparties, ce sont des problèmes qui doivent être abordés au niveau de chaque centre et résolus de telle sorte qu'on en arrive au meilleur fonctionnement possible. Mais nous ne croyons pas que nous devions aller à ce degré de précision, sans risquer de figer ce qui, à notre avis, doit être une formule aussi souple que possible.

M. DUBOIS: Evidemment, nous croyons fortement que vous allez, dans votre projet qui va changer les lois des corporations, permettre que des pharmaciens puissent s'inscrire comme salariés et que ces pharmacies-là soient la propriété de CLSC.

En prenant comme exemple le projet de loi 65, que vous présentez, tenant compte du temps qu'il faudra pour changer ces lois de corporations et toutes les représentations que vous aurez à entendre, est-ce que dès le début, alors que les CLSC seront en voie de formation et qu'ils commenceront à fonctionner, ils ne seront pas bloqués, par le fait même, en ce qui regarde les services pharmaceutiques?

M. CASTONGUAY: Quel moyen me suggérez-vous autre que ce processus démocratique très intéressant mais quelque peu long, en effet?

M. DUBOIS: Non, je ne voudrais pas changer le processus que vous employez parce que nous le croyons très démocratique; si ce n'était de ce processus, on ne pourrait même pas se présenter ici dans le moment. Si vous inscriviez immédiatement dans votre loi qu'il va y avoir des pharmacies, on réglerait un problème. Vous pourriez abroger en conséquence la Loi des pharmacies immédiatement, en ce qui regarde cette question-là, pour permettre le fonctionnement de pharmacies immédiatement.

M. CASTONGUAY: Sur ce point-là, je suis obligé de vous déclarer qu'on nous dit toujours qu'il est mauvais d'amender une loi à partir d'une autre loi et de faire un amendement partiel qui peut fort bien être pas mal plus complexe à rédiger que cela puisse paraître à prime abord, sans présenter le problème dans son ensemble.

Les légistes, qui conseillent avec justesse, je pense, le gouvernement sur ce plan-là, nous disent, de façon générale, qu'il est mauvais de modifier une loi par le biais d'une autre loi et encore plus de le faire d'une façon très partielle, dans simplement un aspect, par peur de déséquilibrer toute une autre loi ou de ne pas voir toutes les implications. Vous savez d'ailleurs comment l'interprétation des lois, bien souvent, crée des difficultés.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur ce point particulier, est-ce que la Loi des hôpitaux ne permet pas déjà à l'article 14 à une institution de disposer d'un local pour la pharmacie? La Loi des hôpitaux sera abolie par le projet de loi no 65. Est-ce que, dans la Loi des hôpitaux, on ne trouve pas une disposition qui permet actuellement, à l'article 14, à un hôpital de louer un espace pour les fins de pharmacie?

M. DUBOIS: Nous y avions pensé.

M. CLOUTIER (Montmagny): S'il y a une disposition comme celle-là dans la Loi des hôpitaux et qu'on abolisse la loi, peut-être qu'il

y aurait lieu — on demandait des suggestions tantôt — de faire une réserve. Si la Loi des hôpitaux le permet actuellement, je ne pense pas que ce soit l'intention du ministre, par l'établissement des CLSC, de défendre une telle disposition.

M. CASTONGUAY: Voici ce que dit l'article 14: "Nul ne peut, sans l'autorisation écrite du ministre, changer la nature de l'exploitation d'un hôpital ni céder ou louer un hôpital en totalité ou en partie."

M. CLOUTIER (Montmagny): Sans l'autorisation du ministre, mais le ministre peut donner son autorisation. Il y a des cas spécifiques.

M. CASTONGUAY: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons à Havre-Saint-Pierre, je sais qu'il y a là un cas spécifique.

M. CASTONGUAY: On peut louer.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous pouvez louer, oui.

M. CASTONGUAY: Si je comprends bien le mémoire de l'Association des hôpitaux, on veut être intégré plus que simplement par la location d'un espace à l'intérieur d'un centre local de services communautaires, mais être vraiment associé à l'équipe.

M. CLOUTIER (Montmagny): Comme disposition transitoire. On demandait une suggestion de disposition transitoire afin de ne pas éliminer, en n'en parlant pas, le pharmacien d'une nouvelle institution.

M. DUBOIS: Vous savez on a déjà pensé à des moyens détournés pour s'inscrire quand même, mais c'est toujours embêtant de contourner les lois. Cela nous donne, à un moment donné, une insécurité qui n'est pas intéressante.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'autre part, vous dites, dans votre mémoire — on vient justement d'en parler — qu'il est impossible d'ouvrir une pharmacie dans un CLSC. Je pense qu'avec les remarques que l'on vient de faire il faut s'entendre sur les mots "ouvrir une pharmacie", pour la location d'un espace.

M. CASTONGUAY: C'est cela.

M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, votre intervention va plus loin que cela, c'est d'être incorporé. Cela m'amène à poser une autre question au ministre. On parle souvent, dans le projet de loi, de conseil des médecins, de conseil des dentistes. On ne parle pas beaucoup de l'autre membre de cette équipe qu'est le pharmacien. Il est son prolongement normal dans le domaine de la santé.

Est-ce qu'il y a des prévisions ou des provisions, advenant l'adoption des lois ultérieures, pour la reconnaissance plus explicite du rôle du pharmacien dans l'équipe de la santé et à ce conseil — pas celui des professionnels parce qu'ils vont être englobés dans le conseil des professionnels — des médecins et des dentistes?

M. CASTONGUAY: Bien, nous avons jugé, pour le moment — et nous sommes prêts à en discuter— que le conseil des médecins et des dentistes à l'intérieur de l'hôpital et les fonctions décrites dans le projet de loi s'adressent aux deux groupes de professionnels, soit les médecins et les dentistes, qui posent un type d'acte qui est quelque peu différent, malgré tout, de l'acte pharmaceutique à notre sens. Je pourrais essayer de décrire ces nuances entre l'acte pharmaceutique et l'acte médical, mais d'autres sont en mesure de le faire avec plus de raffinement que moi. Nous avons cru qu'il y avait une distinction et que nous devions limiter le conseil des médecins et des dentistes simplement à ces deux catégories, étant donné ces différences qui nous apparaissent.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le pharmacien était rémunéré à l'acte professionnel, est-ce que, dans l'esprit du ministre, il y aurait moins de différence entre le médecin et le dentiste et le pharmacien?

M. CASTONGUAY: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non! Je pose la question parce que le ministre dit qu'il va nous donner des nuances un peu plus tard. Je voudrais qu'on commence à devancer peut-être tout de suite.

M. CASTONGUAY: Non, mais c'est que, dans le cas du médecin et du dentiste, je crois que le processus de traitement est quelque peu différent. Il y a le diagnostic, il y a le traitement. Le traitement inclut, à mon sens, non seulement une question de science, mais aussi d'autres aspects. D'ailleurs, vous verrez dans les projets de loi les critères que nous avons élaborés pour décrire les conditions qui doivent être remplies pour le privilège exclusif d'exercer une profession. Je crois que ces critères s'appliquent intégralement à l'acte médical ou à l'acte posé par un dentiste.

Dans le cas du pharmacien, même s'il peut agir comme consultant et qu'il devrait agir davantage comme consultant à l'intérieur d'une équipe, lorsqu'il agit comme pharmacien, au moment où il pose l'acte d'exécuter une ordonnance, de déterminer si le médicament est vraiment celui demandé, il y a un geste qui requiert un grand degré d'exactitude, mais qui ne comporte pas tous les éléments que nécessite la formulation d'un diagnostic, d'un mode de traitement et la surveillance du patient.

Cela, à mon sens, fait une distinction entre l'acte médical, l'acte posé par le dentiste et

l'acte posé par le pharmacien, sans vouloir pour autant dénigrer ou diminuer la valeur du travail d'un pharmacien. D'ailleurs, je pense qu'à ce niveau tous reconnaissent que des professions peuvent faire un travail qui demande tout autant d'intégrité, de connaissances, d'honnêteté que d'autres professions, même si elles ne sont pas protégées ou couvertes par une loi professionnelle qui leur réserve le droit exclusif de poser ces actes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le Solliciteur général, député de Gatineau, a fait une déclaration lundi dernier; il a exposé un peu la législation à venir pour les professionnels. Il disait ceci : Actuellement, on envisage ce regroupement dans la loi-cadre sous trois aspects différents. Un premier groupe serait formé des organismes touchant la santé, ainsi que les corporations les plus anciennes comme celles des avocats, des notaires, des comptables et le reste. Ce premier groupe continuerait à jouir de l'exclusivité d'exercice. Un second groupe jouissant présentement du privilège de titre réservé sans toutefois posséder un domaine exclusif d'exercice est également prévu.

Enfin, un troisième groupe bénéficierait d'une reconnaissance gouvernementale particulière et dépendrait d'un ministère, soit, à titre d'exemple, les bibliothécaires du ministère de l'Education. Est-ce que, entre cette déclaration et la déclaration initiale, le ministre voit un changement d'orientation ou si, à l'intérieur de ce cadre déjà prévu, ce serait simplement une classification qui serait faite?

M. CASTONGUAY: Les lois peuvent être présentées ou regroupées de façon quelque peu différente de ce qui avait été décrit par le Solliciteur général dans sa déclaration du mois de juillet, mais quant au fond et même quant à tous les aspects de sa déclaration du mois de juillet, elles demeurent intégralement.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une question qui a déjà été posée, mais est-ce que ces nouveaux développements au sujet de cette législation seront déposés au début de la session?

M. CASTONGUAY: Dans sa déclaration du mois de juillet, je crois que le Solliciteur disait — je l'ai ici —...

M. CLOUTIER (Montmagny): Moi, j'ai la dernière.

M. CASTONGUAY: Nous sommes en train d'oublier les pharmaciens d'hôpitaux, là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela les touche, l'organisation des professions.

M. CASTONGUAY: Les pharmaciens salariés. J'avais le texte...

M. CLOUTIER (Montmagny): Tout ce qui touche à la profession de pharmacie les intéresse.

M. CASTONGUAY: Bon, alors le Solliciteur général disait, à la fin de son texte... Au moment du dépôt, ce qu'il disait au mois de juillet n'a pas changé, j'essaie de le retrouver. Si vous voulez, nous pouvons poursuivre et, lorsque je l'aurai trouvé, je le mentionnerai.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.

M. DUBOIS: Notre pensée, c'est que si vous parlez d'équipe de santé qui va travailler au niveau d'un CLSC, nous ne pouvons pas concevoir une équipe de santé qui va travailler sans pharmacien qui sera là entièrement et à tout moment pour pouvoir renseigner le médecin et aussi à tout moment pour pouvoir renseigner le patient. Le patient, au niveau d'un CLSC, ce n'est plus un patient comme un patient dans un hôpital qui est déjà suivi par une équipe et qui demeure là pour un temps indéterminé plus ou moins long. Le patient ira au CLSC où on va poser un diagnostic, où on va lui fournir les médicaments et le pharmacien devra continuer à rester en contact avec ce patient pour le renseigner sur les autres médicaments qu'il ne peut pas prendre, pour lui donner des conseils s'il a des affaires secondaires qui sont ou non prévues. Enfin, le pharmacien doit jouer un rôle de contact immédiat avec le patient. C'est pourquoi nous disons qu'au niveau d'un CLSC le pharmacien doit être considéré comme un personnage essentiel.

Une autre chose qui est mentionnée, c'est que vous sembliez, M. Cloutier, je crois, penser que, dans un CLSC, par exemple, on pourrait louer un local à un pharmacien pour qu'il exploite sa propre pharmacie. Dans le système qu'on a l'intention d'établir je ne vois pas comment un pharmacien de l'entreprise privée pourrait exploiter une pharmacie personnelle à but lucratif dans une institution qui devrait être une institution à but non lucratif.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne cherchais qu'à trouver une disposition transitoire que l'on retrouve dans la Loi des hôpitaux actuellement et qui permet l'établissement d'un service, d'une pharmacie.

Tantôt, c'est pour cela que le problème s'est posé. Il n'y avait pas de transition entre la Loi des hôpitaux et l'application de cette loi, ou de précision quant aux services dans le CLSC.

J'ai fait cette remarque peut-être comme suggestion d'une disposition transitoire.

M. CASTONGUAY: L'article 48 du projet de loi 65 reproduit l'article 13 de la Loi des hôpitaux. Alors, avec les réserves qu'on vient de faire, je pense qu'il est bon d'apporter cette précision.

Quant aux lois des corporations profession-

nelles, le Solliciteur général disait dans une partie de sa déclaration qu'il a été jugé opportun de faire connaître dès maintenant les grandes lignes des projets du gouvernement qui seront déposés à la reprise des travaux sessionnels à l'automne.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, je voulais simplement signifier mon accord sur la proposition qui nous est présentée. Nous notons à ce sujet avec plaisir les assurances du ministre.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Dubois, Mme Shooner et l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec.

J'inviterais maintenant l'Association des infirmières de la province de Québec, dont le porte-parole est Mme Nicole Du Mouchel.

Association des infirmières et infirmiers

MME DU MOUCHEL: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés membres de la commission parlementaire. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les membres, mes collègues qui m'accompagnent ici. Tout d'abord, à ma gauche, Mlle Helen Taylor, présidente de notre association; Mlle Sheila O'Neil, première vice-présidente d'expression anglaise; Mlle Madeleine Lalande, deuxième vice-présidente; Mlle Rachel Bureau, première vice-présidente d'expression française; Mme Janine Cormier, trésorière; Mlle Rita Lussier, consultante en services infirmiers, Mme Gertrude Jacob et Soeur Madeleine Bachand, consultantes en législation.

Avant de débuter, nous aimerions que les 34 recommandations de l'association qui apparaissent dans le mémoire puissent être publiées dans le journal des Débats. (Voir annexe B).

J'ai donc l'honneur, aujourd'hui, au nom de l'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec, de vous présenter officiellement un résumé de la prise de position de notre corporation professionnelle à la suite de l'étude du projet de loi pour l'organisation des services de santé et des services sociaux.

L'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec est la corporation chargée de l'administration et de la mise en vigueur de la loi régissant l'exercice de la profession infirmière et l'éducation en soins infirmiers dans la province de Québec.

Les fonctions de l'association sont décrites dans le mémoire aux articles 1 — 2 et 1 — 4. Je suis assurée que les membres de la commission ont eu ou auront l'occasion d'en prendre connaissance.

Au 31 décembre 1970, l'association comptait 30,767 membres pratiquant et 6,646 membres n'exerçant pas la profession, répartis dans tous les secteurs des services de santé. En présentant officiellement sa position à la suite de l'analyse du bill 65, l'association veut indiquer ici son désir de collaboration et d'intégration à toutes les activités ayant trait à l'avancement et à l'amélioration des services offerts à la collectivité.

Dans son mémoire présenté au ministre des Affaires sociales, en juin dernier, au volume 4 de la commission d'enquête, l'association déclarait son accord sur la philosophie et les objectifs du régime de santé tels qu'exposés par cette commission. A la lumière des données recueillies par son implication continue dans le champ d'action, l'association apporte aujourd'hui des propositions et observations afin que le projet de loi final puisse répondre le mieux possible aux objectifs définis.

L'association est aujourd'hui en mesure d'apporter sa position sur les sujets suivants: la législation partielle, la structure générale du système préconisé, l'autorité centralisée au niveau du gouvernement, les offices régionaux des Affaires sociales, les services professionnels, la régie interne des institutions.

La Loi de l'organisation des services de santé et services sociaux, tel que l'a indiqué le ministre des Affaires sociales, est d'importance primordiale puisque cette dernière affecte un nombre imposant de personnes, d'organismes et de professionnels du secteur santé et bien-être.

Nous admettons que ce projet de loi entend donner uniquement un cadre d'organisation permettant d'adapter les ressources et les services pour répondre aux besoins de la population.

Il n'en demeure pas moins que le bill 65 est étroitement lié aux projets de loi qui seront présentés sur le code des professions et des corporations. Nous sommes ici placés devant l'évidence d'une législation partielle faisant partie d'un tout dans la réorganisation globale du système de santé et de bien-être.

La mise en application de l'organisation des services de santé et des services sociaux dépendra de la collaboration complète et du travail quotidien des professionnels et travailleurs de la santé. Ces personnes assureront l'application pratique du système préconisé et leur collaboration sera d'autant plus rentable que les professionnels seront assurés de leur survie et de leur autonomie en tant que profession.

Diverses entraves à la qualité des services infirmiers sont actuellement perçues si le projet de loi est adopté avant qu'une analyse constructive des effets de cette loi par rapport aux législations envisagées pour les corporations puisse être amorcée par les corporations professionnelles. Les divers dangers perçus apparaissent dans le mémoire à l'article Il.6.

L'association trouve qu'il est primordial que les projets de loi sur les corporations ainsi que la réglementation relevant du bill 65 soient connus avant que ce dernier soit adopté. La corporation pourrait ainsi procéder à une analyse parallèle et présenter le résultat de son étude. Cette précaution permettrait sans doute d'éviter toute incompatibilité résultant d'une adoption

hâtive d'un projet de loi, incompatibilité qui pourrait être néfaste au public et même s'avérer une perte de temps coûteuse pour l'Etat et les professionnels.

L'association a été heureuse d'apprendre, lors des dernières assises de la commission parlementaire, que le ministre des Affaires sociales avait l'intention de déposer le projet de loi des corporations à l'ouverture, ou tôt après, de la session de l'Assemblée nationale. Notre corporation croit fermement que, si cette sage précaution est prise, l'on évitera beaucoup de problèmes dans les prochains mois et même les prochaines années.

Le deuxième point sur lequel notre corporation désire apporter ses observations concerne la structure générale du système préconisé. Tout d'abord, la fusion des services de santé et des services sociaux. Le principe de fusion des services de santé avec les services sociaux en un seul service est appuyé par l'AIlPQ. Cette dernière, moyennant garanties, devrait assurer un lien plus étroit entre les parties constituantes et faciliter leur administration pour le plus grand bien de la clientèle.

L'association désire ici faire remarquer qu'il ne suffit pas seulement d'élaborer une législation pour créer une intégration complète qui assurera la continuité des services offerts à la population. La participation des praticiens de la santé aux phases initiales de développement et aux premières mises en application du système basées sur une consultation continue des corporations, associations et groupements pouvant apporter des données essentielles est une première garantie de succès. Notre profession est depuis longtemps consciente de l'interaction entre la santé, les conditions sociales et l'environnement. Pour minimiser les effets négatifs d'une telle intégration, un programme de formation intense à tous les niveaux, gouvernements, professionnels et public, doit immédiatement être lancé.

La réglementation devra assurer que la mise en application de la fusion des services ne demeure pas seulement au niveau des concepts et des théories légales mais soit, de fait, exercée à travers la province.

La santé et le bien-être. La perspective d'un nouveau système intégré des services de santé et des services sociaux nécessaires à une population saine nous a fait espérer une approche de santé globale plutôt que de médecine globale. L'étude du projet de loi actuel nous laisse plutôt croire encore à une forte orientation vers les soins curatifs dans les institutions hospitalières. La mention particulière du conseil des médecins et dentistes comme conseil principal où l'aspect multidisciplinaire prend un rôle de second plan après le conseil des médecins et ce, quel que soit le niveau du centre de santé, est un indicatif de l'orientation.

Nous réalisons ici qu'il est difficile pour le législateur d'unir en une seule loi à la fois l'aspect sanitaire et l'aspect social. Mais nous croyons qu'une importance minime est donnée aux moyens de prévention et d'amélioration de la santé.

Le but des centres locaux de services communautaires est "d'assurer à la communauté des services d'action sanitaire et sociale". Outre cette fonction très générale, l'orientation du projet de loi semble encore donner préséance à la maladie et au traitement. Il nous semble impérieux que l'action vers la promotion de la santé soit plus assurée par des articles de loi définissant plus clairement les fonctions des divers services de santé et services sociaux.

La continuité des soins et des services.

La continuité des soins et des services a été mentionnée comme un des objectifs prioritaires du ministère des Affaires sociales lors de la séance de la commission parlementaire du 24 août dernier. Cet objectif est entièrement appuyé par. notre association, qui est consciente de ce besoin. La longue expérience de la profession infirmière dans la coordination et la continuité des services de santé permettant d'assurer aux clients un soin plus uniforme et complet, tant au sein d'un même centre qu'entre les divers centres de santé et de bien-être, a permis à l'association de se pencher très étroitement sur l'atteinte de cet objectif par le projet de loi.

Trois catégories principales groupent les divers services offerts, à savoir la prévention, le diagnostic et la thérapie. Des efforts positifs ont été portés par divers centres de santé et divers professionnels de la santé pour assurer une meilleure continuité des soins et une uniformité dans l'approche des soins préventifs, curatifs et de réadaptation. Il ne faudrait pas que cette action positive des travailleurs eux-mêmes soit diminuée ou même demeure stationnaire avec le nouveau projet de loi.

La continuité des soins ne nous semble pas mieux assurée dans le bill 65. L'association tient à souligner que ce n'est pas seulement en groupant les services dans une région donnée, par une législation, sous un office régional que la continuité des services et des soins sera assurée. D'autres gages de sécurité doivent être offerts. Sans cela, on risque d'obtenir une grande diversité de la qualité de la continuité des soins et des services d'une région à l'autre.

Il est essentiel pour la population que toute la gamme des services d'un plan global de santé soit offerte dans les diverses régions. Une bonne distribution géographique des services de santé, accompagnée d'une continuité efficace, est primordiale. Le mécanisme par lequel une personne pourra avoir accès aux services de santé et aux services sociaux n'a pas été spécifié dans le bill 65.

Il est vrai que les institutions publiques peuvent conclure des contrats relatifs aux services avec tout office régional ou toute institution. L'on peut déduire de cet état de choses, qu'un client ne pourrait être dirigé que vers les centres où il y a eu entente ou contrat. Si le

client ne peut passer d'un centre à l'autre qu'aux endroits où il y a eu contrat, la liberté individuelle se trouverait peut-être ainsi lésée.

L'association croit qu'il est essentiel que la commission parlementaire se penche sur le projet de loi afin d'assurer la continuité des soins et des services et ainsi d'uniformiser la qualité de cette continuité d'une région à l'autre, tout en assurant la flexibilité nécessaire à la liberté individuelle au sein du système.

La troisième étape de l'analyse de la corporation concerne la centralisation de l'autorité au niveau du gouvernement versus l'objectif visé par le ministère pour une décentralisation du système.

Nous remarquons dans le projet de loi que les pouvoirs de décision résident presque exclusivement au gouvernement par les règlements, par les nominations aux offices régionaux et aux institutions, par les autorisations ou approbations du lieutenant-gouverneur en conseil et par les pouvoirs d'annulation. Cette autorité centralisée, telle que présentée dans les divers articles du bill 65, semble aller à l'encontre de l'orientation des travaux de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être préconisant la démocratie, la participation et la décentralisation.

Tout dans ce projet de loi est orienté vers un contrôle complet de l'Etat: les services et institutions appartiennent à l'Etat, les pouvoirs sont tous conférés au lieutenant-gouverneur en conseil pour l'établissement, le fonctionnement ou la liquidation des institutions, sans droit de recours.

Les dangers d'une telle étatisation et d'une autorité centralisée à ce point final semblent prendre naissance au niveau de l'obscurité quant à la représentation des groupes socio-économiques et de l'influence des groupes de pression.

De plus, nous notons que le rapport de la commission d'enquête sur la Santé et le Bien-Etre recommande un nombre impair de membres aux divers conseils d'administration, afin qu'un vote majoritaire puisse en tout temps être possible. Tous les conseils d'administration proposés dans le bill 65 ont un nombre pair de membres, ce qui créera sûrement des impasses. Les conséquences de l'indécision pourraient alors affecter les opérations des divers centres et par le fait même les services à la clientèle.

L'association recommande que les conseils d'administration, en accord avec la commission d'enquête, aient un nombre impair de membres, afin d'assurer la bonne prise de décision.

Intimement liée à la régionalisation est la décentralisation des pouvoirs de la gestion courante, de la planification et de la recherche. Le but de la régionalisation à travers la décentralisation est l'adaptation pratique aux besoins perçus ou exprimés de la population. Une décentralisation efficace ne doit pas alourdir les fonctions administratives, mais plutôt intégrer la structure du système au sein de la population.

Il ne nous semble pas que le projet de loi atteint l'objectif visé par la décentralisation. Au contraire, nous croyons que les articles du bill 65 créent une fausse sécurité en termes de démocratie. Nous trouvons que lorsque les pouvoirs de décision sont éloignés du niveau d'exécution la mise en application de ces derniers est fréquemment altérée.

Nous reconnaissons le besoin de l'unité de direction désirée et exprimée par le ministre des Affaires sociales. Toutefois, l'unité de direction ne veut pas nécessairement impliquer autocratie, droit de veto, sanctions, mais plutôt, en termes de dynamique de l'administration, l'accumulation des données, la coordination et la canalisation des efforts.

Cette unité de direction peut être atteinte de diverses façons. L'association appuie la philosophie émise par la commission d'enquête sur la décentralisation, la participation et l'autonomie de divers organismes. Les principes-guides proposés par la commission d'enquête contribueraient à atteindre les objectifs cités par le ministre des Affaires sociales.

L'autonomie laissée aux institutions et aux offices régionaux selon leur niveau de compétence préserverait et augmenterait l'intérêt, l'initiative et la créativité de tous les participants à la réorganisation du régime de santé.

Dans son étude des offices régionaux, l'association a tenté d'apprécier si la régionalisation définie dans le bill 65 assurerait une approche plus systématique éliminant le double emploi dans les services en corrigeant les déficiences actuelles reconnues. Les services offerts à la population devraient être plus efficacement accessibles à cette dernière.

Si plus d'autonomie est conférée à l'ORAS, tout en assurant une bonne coordination par l'Etat, les principes émis par la commission d'enquête en termes de contrôle orienté vers les concepts modernes de gestion et de coordination d'un plan global de santé ne se retrouvent pas dans le projet de loi actuel. Les mécanismes préconisés devraient favoriser cette approche orientée en termes de progrès permettant de créer un climat de confiance dès le début de la mise en application du système.

Toutefois la connotation de surveillance impliquée dans les articles 4, 30, 34, 36 du bill 65 met beaucoup d'emphase sur la nécessité de contrôle, d'inspection ou de sanction plutôt que sur une planification, une coordination, une éducation continue vers l'auto-discipline.

Les pouvoirs désirés pour l'office régional par la commission d'enquête semblent avoir perdu l'orientation désirée par cette dernière. L'ORAS semble devenir une superstructure administrative pour canaliser une prise de décision centralisée au niveau du ministère.

Les pouvoirs de l'ORAS dans la gestion du système préconisé semblent des plus minimes. Pour que l'ORAS devienne un organisme de gestion efficace et n'alourdisse pas la structure bureaucratique du système, il faut que certains pouvoirs décisionnels lui soient conférés.

Lorsque les exécutants n'ont aucun contact avec le centre de décision, si l'on en juge par le bill, la transmission des données se faisant par un intermédiaire, en l'occurrence l'office régional, ces derniers se trouveront dans une situation favorisant l'installation des communications bureaucratiques.

Il fut répété à maintes reprises que l'office régional devrait répondre aux besoins de la population. Ce concept, hautement utilisé et exprimé, implique nécessairement une évaluation constante de ces besoins. L'office doit, de plus, assurer le contrôle de la qualité des services de santé. La présence des praticiens, pouvant apporter des données valables à cette évaluation, s'avère essentielle à ce niveau. Les membres de la profession infirmière devraient donc être présents à titre de consultants au niveau de l'office régional, étant donné que le "nursing" est impliqué dans plusieurs phases des services offerts à la population.

La participation des professionnels aura pour effet de créer une meilleure intégration de ces derniers au sein de la région, favorisant ainsi l'objectif d'approche multidisciplinaire du ministère des Affaires sociales Cette participation des professionnels, quoique désirée par plusieurs, n'est pas assurée dans le présent projet de loi. Nous avons mentionné que l'objectif visé par la réorganisation du système de santé était de mieux coordonner les services de façon à placer les ressources à la disposition du public, d'éliminer le double emploi et de corriger les déficiences.

Depuis des millénaires, les professionnels et l'Etat identifient les besoins de la population. Le 5 octobre dernier, un représentant des citoyens exposait, devant la commission parlementaire, les sentiments des citoyens sur l'identification des besoins de la population par les groupes professionnels. Afin qu'une fois pour toutes on réponde vraiment aux besoins des régions et de la population, la participation active des citoyens doit être assurée. Pour que cette dernière soit efficace, il faut qu'elle soit accentuée plus clairement dans les articles du bill 65 pour atteindre pleinement les objectifs.

Le ministère des Affaires sociales, voulant l'unité de direction et de coordination d'un plan global de santé, il est surprenant que les articles de la loi n'assurent pas un moyen de coordination et de communication entre les offices régionaux. La voie de communication semble actuellement résider seulement avec le ministère des Affaires sociales, d'une part, et avec les institutions d'autre part.

Un mécanisme prévu permettrait à l'Etat de remplir son rôle de coordination et aux régions d'exercer leur autonomie pour répondre aux besoins de la collectivité. Ce mécanisme pourrait être un comité des directeurs généraux des offices régionaux et des représentants de l'Etat ou toute autre méthode assurant le même objectif.

Les services professionnels. Les professionnels de la santé étant les principaux agents responsables de la concrétisation du système, il est normal que notre corporation professionnelle se soit attardée à l'appréciation des garanties de qualité offertes par le projet de loi sur les services professionnels.

Premièrement, le terme "professionnel." Le terme "professionnel," tel que défini à l'article 1-j), n'est pas spécifique et semble très ambigu puisque, d'une part, la définition indique "toute personne qui, dans une institution, dispense des services de santé et des services sociaux et qui fait partie d'un groupe de personnes à qui la loi confère le droit exclusif d'exercer une profession" et d'autre part, "ou de tout autre groupe de personnes déterminé par les règlements".

Il nous semble que la deuxième partie de l'article peut rendre la première tout à fait nulle. C'est par voie de législation que devraient être définis les professionnels, avec la mention d'une formation spécialisée et le contrôle des actes professionnels pour la protection du public plutôt que par la flexibilité et la facilité d'une modification par règlement.

Le besoin de protection des citoyens existant encore aujourd'hui, l'association préférerait voir l'orientation donnée dans la définition émise par Saunders, à l'annexe 12 de la commission d'enquête, citée dans notre mémoire à l'article VI.3. Nous ne voulons qu'aucun groupe de personnes soit reconnu comme professionnel si son rôle entre en conflit avec celui d'une profession donnée, notamment la profession infirmière.

Il nous apparaît impérieux encore une fois de voir à étudier cette définition à la lumière des législations proposées pour la profession pour déceler toute confusion qui pourrait avoir de graves répercussions sur la qualité des services offerts par les professionnels.

Deuxièmement, les actes professionnels.

Les actes professionnels ne sont pas définis dans la loi, à l'exception de ce qui peut être supposé à l'article 81 qui indique "des actes professionnels posés par les professionnels." Une très grande marge est alors possible, à savoir la tâche la plus simple quant à l'administration des soins jusqu'à l'acte plus complexe du traitement. Aucune distinction n'est faite quant à la signification de ces actes ou leurs conséquences pour la protection et le bien-être de la personne.

L'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec est vivement concernée par la qualité des services professionnels et des actes infirmiers posés par ses membres durant l'exercice de leur fonction, laquelle implique la responsabilité personnelle du professionnel. La responsabilité personnelle du professionnel vis-à-vis du client doit être encouragée. Les besoins immédiats du client déterminent les activités du personnel de la santé. La responsabilité personnelle ne doit pas être réduite par les exigences des réglementations sous un contrôle hiérarchique.

En accord avec le principe général que les

professionnels assument la responsabilité de leur pratique, l'AIlPQ préconise que chaque groupe de professionnels soit responsable de la surveillance et de l'évaluation de leur propre exercice professionnel. L'évaluation des actes infirmiers est une préoccupation constante des associations professionnels d'infirmières à travers le pays. Les méthodes d'évaluation se précisent de plus en plus et une vaste expérimentation dans le domaine se poursuit continuellement. L'emphase de l'appréciation des actes professionnels infirmiers devrait se situer sur l'autoévaluation, la surveillance par la discipline elle-même et l'éducation permanente afin de promouvoir la haute qualité des services à la clientèle.

Pour atteindre cet objectif du contrôle des actes professionnels, il nous semble important que l'article 81 soit modifié afin que chaque groupe de professionnels devienne responsable de l'évaluation de leur propre exercice et qu'un comité composé de représentants de chaque groupe de professionnels puisse faire rapport au conseil d'administration de l'institution de la qualité de l'exercice professionnel intramural.

Un conseil des infirmières devrait alors avoir la responsabilité de l'évaluation de la pratique des soins infirmiers dans tout centre de santé.

Troisièmement, la qualité des services professionnels.

Par l'entremise de ses comités de soins infirmiers, d'éducation, de recherche et de développement en nursing, l'association est à l'affût d'élaborer des méthodes d'évaluation de soins infirmiers, de favoriser la promotion de ses membres par l'éducation continue et d'assurer des conditions d'exercice aptes à donner des soins infirmiers de haute qualité.

Par son contrôle sur les programmes d'enseignement infirmier de base, l'association évalue constamment les programmes et apporte les recommandations nécessaires afin que le produit réponde aux besoins actuels et futurs de notre société.

L'association depuis longtemps favorise l'élaboration de normes aptes à assurer un niveau de qualité toujours croissant et à servir de base à une évaluation continue des services infirmiers, et ce dans un but de protection du public. Des critères pour la qualité des soins infirmiers doivent être formulés pour le nouveau système de santé. La recherche est nécessaire afin de perfectionner les instruments de mesure de la qualité des soins infirmiers.

Dans le bill 65, les articles préconisant la répartition des ressources sont orientés vers la dimension budgétaire, notamment l'article 133 (g) et assurent l'élaboration de normes quantitatives plutôt que qualitatives. Il serait important que des normes soient établies en consultation avec les professionnels du nursing et de la corporation et que ces normes soient assurées par un article de la loi.

Quatrièmement, le contrôle de la pratique des soins infirmiers.

Selon les objectifs du ministère des Affaires sociales, le contrôle de l'acte professionnel doit être laissé aux professionnels eux-mêmes. Dans la structure proposée, les responsabilités des corporations professionnelles sont omises.

Le bill 65 décrit les nouvelles structures des services de santé et sociaux; mais le rôle des corps professionnels, en ce qui concerne la surveillance à exercer par l'évaluation éducative pour l'amélioration des soins infirmiers et l'avancement de la profession, n'est pas défini. L'association désire étendre sa responsabilité du contrôle de la qualité de la pratique et recevoir l'autorité nécessaire pour surveiller les modes d'appréciation de cette pratique. Des mécanismes de contrôle, partout où l'acte infirmier se pratique, devraient être accordés à l'association professionnelle. Ces mécanismes sont vus comme nécessaires afin que notre corporation puisse atteindre ses objectifs et responsabilités de façon entière pour maintenir une haute compétence de ses membres.

Pour que l'association remplisse cette fonction avec efficacité, il est nécessaire qu'un mécanisme soit prévu par la présente loi pour que l'information se rende à la corporation afin que cette dernière puisse entamer l'enquête.

Cinquièmement, le secret professionnel.

La Loi des infirmières et infirmiers de la province de Québec déclare comme acte dérogatoire à l'éthique et à l'honneur professionnels le fait de dévoiler volontairement le secret professionnel. Comme les autres corporations, l'AIlPQ tient à voir le secret professionnel protégé et s'inquiète du manque de protection de ce dernier dans le bill 65.

L'on doit se rappeler que le secret professionnel appartient au client et que l'Etat devrait voir à ce que ce droit soit pleinement protégé.

La régie interne des institutions. L'association a enfin concentré ses études du projet de loi sur la régie interne des institutions.

Les responsabilités administratives et professionnelles. Il existe, dans les centres de santé, une distinction dans les domaines de responsabilité administrative et de responsabilité professionnelle. Le partage des responsabilités tel que suggéré par la commission d'enquête tient du point de vue administratif, à l'efficacité et du point de vue professionnel, à la qualité des soins.

Dans le sens du texte de la commission d'enquête et des recommandations, il est proposé que les chefs de service soient responsables de l'efficacité et de la qualité de leur service, c'est-à-dire les effets administratifs et professionnels.

Nous savons que dans les centres de santé actuels et, quelle que soit la réorganisation préconisée, le service des soins infirmiers est situé à la jonction de ces deux domaines de responsabilité. La coordination des services des autres professionnels et des autres départements retombe très souvent sur la responsabilité du service des soins infirmiers et ce, à cause de son

contact étroit et continuel avec les malades et par sa présence assurée sur 24 heures de service et sept jours par semaine. Devant ce fait, il demeure essentiel que la coordination et la surveillance des soins infirmiers en institution demeure la responsabilité du bureau du nursing sous la gestion et la coordination de professionnels du nursing compétents.

Le directeur des services professionnels. Le directeur des services professionnels relève du directeur général. Ses responsabilités comprennent, entre autres l'organisation des services de santé et des services sociaux. Par ses fonctions, ce directeur agit comme assistant du directeur général de l'institution. Ce poste, par la nature de ses tâches, relève donc plus du domaine administratif que professionnel et ajoute une personne à la hiérarchie.

Le titulaire de ce poste n'est pas défini, l'on peut estimer que seul un médecin serait acceptable dans le concept du rapport de la commission et celui du bill 65. Il existe une pénurie de médecins dans la province et leurs services sont loin de répondre aux besoins existants. Si, de plus, les médecins doivent occuper ces postes de gestion générale des centres de santé, nous serons témoins d'une pénurie encore plus grande de médecins.

Les services précieux rendus par la médecine peuvent bien, dans les fonctions purement administratives, ne pas constituer la façon la plus efficace d'utiliser leur compétence professionnelle. De plus, si l'on se conforme aux responsabilités mentionnées, il est possible de conclure que le directeur des services professionnels aura la responsabilité des soins infirmiers au sein des unités.

Le service du nursing se trouverait ainsi fragmenté et les fonctions relatives à l'enseignement et à la coordination des services infirmiers seraient entre les mains du directeur des services professionnels.

La structure proposée dans le rapport de la commission d'enquête, pour le directeur des services professionnels, devrait être expérimentée dans des institutions pilotes avant que cette dernière soit mise en vigueur par la législation. L'Association des infirmières et infirmiers de la province de Québec est prête à participer à l'expérimentation de cette nouvelle organisation pourvu que des dispositions visant à l'unité de direction des services infirmiers soient prises et que ce service soit bien administré, qu'elles soient suivies d'une évaluation critique constructive face à la situation de notre province avant que cette fonction ait force de loi.

Le premier souci de notre profession est d'avoir la liberté de jugement dans l'exercice des fonctions relevant de notre compétence en collaborant avec les autres membres de l'équipe de santé.

Le comité de régie. Le comité de régie établi selon les règlements de la Loi des hôpitaux est formé des cinq membres suivants, sous l'unité de direction du directeur général, à savoir le directeur médical, le directeur des soins infirmiers, le directeur financier, le directeur du personnel, le directeur des services auxiliaires. Dans le projet de loi, cette gestion administrative se trouve réduite à trois membres. Le directeur des services professionnels devra con-séquemment assumer une grande partie des responsabilités de ces deux services.

Jusqu'à maintenant, le comité de régie, encore très récent et décrit dans la Loi des hôpitaux, s'est démontré un mode efficace de régie interne. Le principe de la complémentarité des membres de l'équipe, fréquemment préconisé, et l'objectif exprimé par le ministère des Affaires sociales peuvent efficacement être mis en pratique par cette équipe de gestion. Cette structure nous semble plus appropriée aux établissements de soins sur le continent nord-américain.

Le conseil consultatif des professionnels. A l'article 76 du bill 65, il est proposé que le conseil consultatif soit composé de tous les professionnels exerçant dans le centre. Dans certains cas, les termes "tous les professionnels" peuvent représenter un nombre magistral de personnes. La question se pose ici au sujet de la composition du conseil consultatif des professionnels en tant que groupe de travail efficace. Selon des procédés démocratiques, chaque groupe professionnel devrait élire des membres à ce conseil, proportionnellement au nombre de ses propres membres. Le conseil consultatif des professionnels, tel que mentionné dans le rapport de la commission d'enquête, a des fonctions se rapportant à l'organisation administrative d'une institution. Ceci est une innovation importante de l'emploi au chapitre des professionnels qui exercent dans un centre et est un moyen de participation active dans la planification des services de santé.

Le conseil consultatif pourrait participer à l'établissement de politiques au niveau du conseil d'administration. C'est là une innovation importante du système préconisé et c'est de plus une occasion de participation de la part de toutes les professions dans un même groupe. L'AIlPQ, conséquemment, appuie le concept du conseil consultatif des professionnels représentant vraiment les groupes professionnels. Afin d'assurer la participation à part entière de tous les groupes, il ne faudrait pas qu'un groupe de professionnels ait une majorité absolue au conseil des professionnels.

Le directeur des services professionnels, où il y a expériences pilotes, devrait être membre du conseil consultatif des professionnels. Nous remarquons que cette personne qui est responsable de l'organisation des services de santé et des services sociaux ainsi que de l'enseignement dispensé dans un centre donné n'a aucune relation directe avec le conseil consultatif des professionnels dans le bill 65.

En conclusion, nous résumons les points qui nous semblent primordiaux pour l'efficacité d'application du système préconisé. Soit, pre-

mièrement, que les projets de loi des corporations soient connus le plus tôt possible. Deuxièmement, que la consultation des groupes professionnels pour définir le mécanisme d'application s'amorce dans un avenir immédiat. Troisièmement, qu'une vraie décentralisation soit offerte avec une participation judicieuse des groupes professionnels et représentatifs. Quatrièmement, que la délégation de l'autorité aille de pair avec la délégation des responsabilités selon les niveaux de compétence.

Que les actes professionnels et leur contrôle demeurent la responsabilité des professionnels eux-mêmes et de leur corporation respective.

En terminant, qu'il nous soit permis de réitérer notre appréciation pour cette première approche de participation et de consultation. Nous espérons que cette expérience ouvrira les portes à une consultation et un échange continus entre l'Etat et les corporations. Nous désirons aussi assurer le gouvernement de l'entière collaboration de notre corporation professionnelle à toute expérimentation, recherche et action amenant l'amélioration des services infirmiers et des services de santé à la population de notre province.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais également remercier l'Association des infirmières et infirmiers pour ce mémoire. Je ne commenterai pas tous les aspects qui y sont soulevés. Tout comme les autres mémoires, nous allons l'étudier attentivement. Je voudrais, par contre, faire certains commentaires et poser, si possible, une ou deux questions.

En premier lieu, on dit de ce projet de loi que c'est une législation partielle; en ce sens, tous les projets de loi constituent des législations partielles. Je ne connais pas un secteur d'activités où il n'y a qu'un seul projet de loi. C'est dans le processus normal de fonctionnement d'introduire des projets de loi au fur et à mesure des besoins, de l'évolution, etc. Il y a d'ailleurs un autre aspect de cette question qu'on ne doit pas ignorer, c'est celui qui veut que, dans un projet de loi, il n'y ait généralement pas plus d'un principe ou une question fondamentale qui soit abordé. Assez souvent ou quelquefois, dans l'histoire des Parlements du type du nôtre, on a vu des projets de loi être déposés et qui contenaient plus d'un principe fondamental. On a demandé ou les Oppositions ont demandé que ces projets de loi soient scindés en parties.

Alors, dans ce sens-là, nous n'avons pas voulu, pas plus que vis-à-vis de quelque autre question que ce soit, procéder par voie de législation partielle afin de garder, disons, secrets ou confidentiels des aspects qui exigeront des changements dans d'autres secteurs. Ce n'est pas du tout le cas. C'est le processus de législation qui le veut ainsi. Quant à la nécessité ou au désir que les législations sur les corporations professionnelles soient déposées, j'ai déjà eu l'occasion de commenter, de rappeler la déclaration du Solliciteur général.

Alors, plus précisément maintenant, quant au mémoire lui-même, j'aimerais faire un premier commentaire. Lorsque l'on décrit les fonctions de l'association, étant donné que, justement cet après-midi même, on nous a rappelé les distinctions qu'il fallait faire entre les fonctions qu'assument les corporations professionnelles, d'une part, et les syndicats, d'autre part. Je revois ici dans le mémoire, à la page 2, que l'on dit clairement qu'une des fonctions de l'association est de recommander des salaires et des conditions de travail pour les membres de la profession, ce qui est une fonction, à mon sens, syndicale et qui ne se concilie pas, je crois, avec les fonctions de protection du public qui sont généralement celles des corporations professionnelles'. Sur ce plan, j'aimerais simplement avoir l'opinion de l'association quant aux besoins de scinder les fonctions de telle sorte qu'il n'y ait pas conflit.

Deuxième commentaire ou deuxième partie de mes commentaires, je voudrais les préfacer d'un commentaire d'ordre plus général.

Si nous examinons le mémoire — je l'ai lu avant de venir à cette séance de la commission — je remarque que l'on nous demande à plusieurs endroits d'entrer dans des détails extrêmement précis. Si nous avons évité de faire ceci dans le projet de loi, c'est que nous ne voulons pas tout fixer, de telle sorte qu'il ne reste plus de place à l'initiative et à l'innovation. D'ailleurs, déjà, on nous reproche, dans ce projet de loi, de vouloir entrer, à certains endroits, dans trop de détails. Certains commentaires s'inscrivent dans ce contexte plus général d'un désir de notre part de ne pas vouloir tout prévoir dans une tel projet et de laisser suffisamment de marge à des différences dans l'organisation des institutions, dans la gamme des services, etc.

D'ailleurs, lorsqu'on nous demande une description plus précise des services, par exemple, lorsque l'on dit que l'on sent que l'accent est davantage sur la maladie que sur la prévention, je rappelle que ce projet de loi n'est pas un projet qui porte sur des programmes ou qui laisse entrevoir une allocation de ressources entre différents types de services. Je crois que cette crainte n'est pas fondée. Nous proposons ici un cadre. C'est l'allocation des ressources, c'est toute la définition des programmes et l'importance donnée à divers programmes qui pourront faire en sorte que l'on puisse juger de l'accent que l'on veut mettre sur un aspect plutôt que sur un autre.

De la même façon, on nous demande d'établir plus clairement, par exemple, des mécanismes pour assurer la continuité des soins. Encore là, nous croyons que nous ne devions pas aller plus loin que d'assurer une représentativité d'un niveau d'organismes à un autre. Ces mécanismes

devront faire l'objet d'ententes volontaires entre les diverses institutions plutôt que d'être prévus dans tous les détails dans le projet de loi.

Je ne veux pas entrer dans tous les cas comme ceux-ci. Je peux mentionner les communications entre les offices régionaux. Nous avons, dans le projet de loi, précisé quels devraient être les canaux de communication essentiels. Rien n'empêche les offices régionaux de communiquer entre eux. Je ne crois pas que ce soit nécessaire de le dire dans le projet de loi.

La définition du terme "professionnel". Il est évident que nous nous référerons aux lois des corporations professionnelles. De nouvelles corporations professionnelles peuvent être formées à l'avenir. Il y en a qui existent aujourd'hui et qui n'existaient pas il y a quelque temps. Il y en a qui demandent à être reconnues et qui ne le sont pas. Nous sommes donc dans un monde en évolution. Ce n'est pas notre intention, ici, de fausser l'expression généralement acceptée du terme "professionnel" pour en faire un terme tellement général que cela inclurait tout le personnel d'une institution. Mais, encore là, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de reprendre dans tout le détail ce type d'énumération. Il y a un certain nombre d'aspects du mémoire qui devront nécessairement être étudiés dans cette optique.

Quant aux pouvoirs des offices régionaux, j'ai déjà eu l'occasion de faire certains commentaires et de dire pourquoi ils ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux de la commission d'enquête. Je vous réfère, à ce sujet, aux commentaires que j'ai faits, qui apparaissent dans un des numéros antérieurs du journal des délibérations de cette commission, pour ne pas prendre inutilement le temps de la commission.

Je puis ici mentionner, toujours dans le cadre des mêmes commentaires, les comités de régie. On dit qu'il serait utile que des comités existent pour qu'on puisse assurer une plus grande collaboration entre les responsables de services. Encore là, nous ne voulons pas donner d'organigramme détaillé dans le projet de loi. Mais nous devons aussi reconnaître que, dans bien des hôpitaux, la Loi des hôpitaux et ses règlements, au plan des comités de régie, ne peuvent pas être appliqués selon la taille des hôpitaux.

Maintenant qu'un pas a été fait dans ce sens, avec la Loi des hôpitaux, les règlements des hôpitaux, nous croyons qu'il peut y avoir un avantage à laisser une certaine souplesse quant à l'organisation des structures internes des hôpitaux. Le Dr Robillard, ce matin, nous rappelant des auteurs tels que Galbraith, nous disait qu'il est important de rechercher de nouveaux modes de gestion, des modes plus dynamiques, alors nous ne voulons pas non plus — je pense que ça s'inscrit dans le même esprit — tout fixer dans un tel projet de loi.

Il me resterait, outre la question du début, une autre question que j'aimerais vous poser: Quels sont les mécanismes concrets qui, à votre avis, peuvent exister pour apprécier la qualité des actes infirmiers ou quels sont ceux qui existent présentement? Comment peut-on apprécier les actes infirmiers? Et quels seraient les mécanismes additionnels? Comment fonctionneraient-ils pour apprécier la qualité des actes infirmiers de la même façon que l'on procède dans un contrôle ou dans les mécanismes de contrôle des actes médicaux?

J'aimerais avoir, si c'était possible, une réponse très concrète, parce que vous insistez passablement sur ce point dans votre mémoire et j'aimerais voir comment ces mécanismes peuvent fonctionner, compte tenu de la très grande variété des actes infirmiers qui peuvent être posés et la nature de ces actes infirmiers.

MME DU MOUCHEL: Si je me réfère au début de vos commentaires, nous n'avions prêté aucune mauvaise intention au ministère et à l'Etat en ne procédant pas à l'étude du projet des corporations actuellement, mais nous avons vu la nécessité d'étudier ces deux projets en parallèle.

Sur les relations de travail, il est vrai qu'en tant que corporation nous nous occupons du contrôle de la pratique et, en tant qu'association, de la promotion professionnelle de nos membres. Et il existe des syndicats qui s'occupent des relations de travail, mais ce ne sont pas tous les membres de notre profession qui sont régis par des conventions collectives. Donc nous devons, pour rendre service à nos membres, jusqu'à l'heure actuelle, nous occuper des problèmes qui nous sont soumis par nos membres en termes de conditions professionnelles de travail et nous apportons des recommandations. Ce ne sont pas des négociations de salaire, mais des recommandations selon les échelles et le comité des relations de travail étudie ces recommandations-là.

Si jamais cette fonction devenait non nécessaire pour nos membres et que tous nos membres étaient régis par des conventions collectives, nécessairement nous concentrerions nos efforts à d'autres niveaux.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse, avant de passer à un autre sujet, est-ce que vous trouvez que c'est compatible?

MME DU MOUCHEL: Je ne crois pas que ce soit incompatible à l'heure actuelle de la façon que nous procédons, car lorsque les membres sont sous une convention collective, nous les renvoyons à leur syndicat. Nous nous occupons surtout de conditions de travail lorsque cela affecte la qualité du service professionnel. Les recommandations salariales ne sont qu'un service à nos membres et nous essayons de diminuer le plus possible cette fonction à mesure que nos membres seront syndiqués.

Mais ce ne sont que des recommandations, ce ne sont pas des moyens de négociation. Nous travaillons avec les autres associations provinciales au niveau de l'association nationale, nous échangeons l'information, et c'est ainsi que nous pouvons apporter les recommandations.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Du Mouchel, si vous le permettez, sur le même sujet.

MME DU MOUCHEL: Certainement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Combien y a-t-il d'infirmières qui sont syndiquées du total de vos membres couverts par l'association?

MME DU MOUCHEL: A peu près 15,000 sur 32,000, la moitié.

Pour les mécanismes concrets d'appréciation des actes infirmiers, parce que nous avons apporté cette suggestion que nous désirons étendre nos responsabilités, nous n'avons pas pensé que c'était une solution facile.

Apprécier l'acte infirmier complet, comme vous l'avez dit, M. le ministre, est une chose de grande taille. Il y a certainement des approches et beaucoup d'expérimentation qui se font actuellement. Nous pouvons, tant à l'intérieur d'une institution ou d'un centre de santé que de l'extérieur, pour voir si les méthodes d'appréciation existent, apprécier l'acte infirmier à partir de son contenu par le "nursing audit". Par exemple, on étudie l'effet des actes infirmiers, le congé précoce s'il y a complication ou incident, et on analyse tout ce qui se produit à la suite des actes infirmiers: l'impact, l'accessibilité, l'acceptabilité des services que nous offrons; la structure, la coordination et la continuité des actes infirmiers d'un service à l'autre, les périodes de 24 heures d'un personne à l'autre au sein d'une équipe de soin et au sein d'une équipe de santé. Enfin, le processus des effectifs qui se fait surtout au point de vue administratif.

Ces méthodes d'appréciation des actes infirmiers peuvent se faire à deux niveaux. En tant que corporation, il s'agirait de voir si les méthodes d'appréciation existent au sein d'un centre et d'une institution. Nous avons beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Nous avons expérimenté le "nursing audit", l'appréciation de l'acte infirmier à partir du dossier, des notes d'évolution de l'infirmière. Le plan de soins est étudié aussi en parallèle.

M. CASTONGUAY: Etant donné qu'un très grand nombre d'infirmières travaillent soit en milieu hospitalier, soit au sein de divers types de services où ce travail se fait en collaboration étroite avec le médecin ou d'autres professionnels, pour une grande partie du travail des infirmières, il y a donc un milieu, un cadre de travail. Est-ce que ce cadre et ces relations qui existent ne sont pas suffisants? Qu'est-ce qui vous incite à vouloir insister sur ce contrôle qui m'apparaît — je m'excuse — assez peu défini encore? Qu'est-ce qui vous fait insister tellement? Est-ce qu'il n'y a pas un danger d'alourdir considérablement le système en introduisant des mécanismes et la nécessité de compléter divers dossiers additionnels, etc.? Qu'est-ce qui vous incite à vouloir tellement insister?

Est-ce que vous avez beaucoup de plaintes de la part des patients que les actes posés par les infirmières sont mal posés et qu'il y a vraiment un problème de protection du public qui se pose, lequel nécessite l'établissement de nouveaux mécanismes qui, si j'ai bien saisi votre réponse, sont loin d'être à point présentement?

MME DU MOUCHEL: Nécessairement, les mécanismes sont toujours à améliorer. Nous recevons certainement des plaintes, comme dans toutes les autres corporations, au sujet des actes des professionnels. Je crois que le mécanisme existe déjà dans plusieurs centres et qu'il ne va pas à l'encontre de l'appréciation de l'acte médical. L'appréciation des actes infirmiers ne fait pas exclusion d'une appréciation du soin total du malade ou du client donné par l'équipe de santé. De plus, je crois que l'appréciation de l'acte infirmier devient de plus en plus importante avec l'étendue, de plus en plus grande, des fonctions déléguées et l'étendue du rôle de l'infirmière.

Très souvent, surtout dans les centres éloignés de santé où la surveillance et la présence médicale s'éloignent de plus en plus, l'acte infirmier devient de plus en plus indépendant. Il est vrai qu'une partie de nos fonctions sont dépendantes. Nous en avons quelques-unes qui sont interdépendantes, mais il demeure une fonction indépendante de l'acte infirmier.

Il y a aussi la responsabilité légale de l'infirmière.

De plus en plus, lorsqu'il y a cause de poursuite, la responsabilité légale individuelle et personnelle de l'infirmière est impliquée et elle n'est pas toujours couverte par l'administration hospitalière ou par l'acte médical. Alors nous avons des poursuites et des causes judiciaires qui se produisent avec pénalité à trois niveaux.

Pour l'amélioration des services et des actes infirmiers et la qualité des services professionnels que nous pouvons donner, un mécanisme existe qui n'est pas encore généralisé. J'admets que nous avons beaucoup de travail à faire, mais il y a beaucoup d'expérimentation. Après avoir fait de l'évaluation pendant plusieurs années dans les centres de santé à tous les niveaux où on a mis sur pied des comités d'évaluation des actes infirmiers, nous avons vu les résultats. Je crois que ce n'est pas un superstructure que nous demandons, mais une nécessité pour de meilleurs services à la population.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Du Mouchel, je voudrais d'abord vous féliciter ainsi que votre association pour ce volumineux mémoire qui a demandé beaucoup de travail. On constate évidemment que vous n'êtes pas toujours d'accord avec ceux qui ont passé avant vous, principalement les médecins, vos patrons; ce n'est pas un mauvais signe que vous soyez en désaccord avec eux sur certains points importants du mémoire.

On a parlé tantôt, j'avais l'intention de vous poser la question, des fonctions de votre asso-

ciation en ce qui concerne les recommandations au sujet des salaires. Comme le ministre, j'avais évidemment des réserves sur cette disposition de votre mémoire; mais vous nous avez expliqué que vous aviez encore au-delà de 15,000 infirmières non syndiquées. Mais je pense qu'en principe vous êtes d'accord: il peut y avoir incompatibilité au sujet de cette responsabilité que vous assumez maintenant et qui devrait être assumée par d'autres groupes.

A la page 21 de votre mémoire, je voudrais avoir une précision. En parlant des offices régionaux, à V.10, vous dites que l'office doit également assurer un contrôle de la qualité des services dispensés. Je voudrais avoir la précision suivante: vous ne voulez certainement pas que l'office exerce ce contrôle, mais vous voulez vous assurer que les mécanismes sont bien là, qu'ils sont en place et qu'ils sont efficaces.

MME DU MOUCHEL: C'est ça. M. CLOUTIER (Montmagny): Bon.

MME DU MOUCHEL: Je crois que l'office régional doit voir au contrôle de la qualité en termes d'efficacité, d'utilisation et de rendement; ce n'est pas en tant qu'acte professionnel. C'est une fonction de tout administrateur: évaluation, contrôle, planification, coordination. Pour ce que vous avez dit et ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord concernant nos employeurs, je ne crois pas que les médecins sont nos employeurs; nous les voyons beaucoup plus comme nos collègues dans l'équipe de santé à part entière.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, c'était une façon de parler parce que les infirmières disent toujours dans leur travail "le patron".

DES VOIX: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, vous ne dites pas ça. Alors, je m'excuse.

MME DE MOUCHEL: Je n'ai pas besoin de faire de commentaires, ils sont venus naturellement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'excuse. Si les médecins reviennent devant la commission, nous leur poserons la question.

Evidemment, vous voulez faire apporter dans la législation beaucoup de précisions sur certains points qui vous apparaissent à ce moment-ci fort imprécis, même où la loi est muette. Ne pensez-vous pas qu'une bonne partie de ces points que vous avez voulu faire préciser le seront par la réglementation?

MME DU MOUCHEL: Espérons-le. Comme la réglementation est inconnue, nous avons vu que nous devons assurer ces mécanismes. S'il est décidé qu'ils seront assurés par une réglementa- tion, je crois que c'est important. Je ne vois pas la nécessité d'imposer des mécanismes précis. Mais le fait que des mécanismes existent comme principe dans un article de règlement ou de loi, je crois que c'est ça qui est important pour donner une certaine marge de sécurité.

Par exemple, en termes de continuité des soins, nous avons eu l'occasion d'entrer en contact avec des pays et des régions où il y avait l'organisation régionale.

Mais, parce que l'organisation régionale était en place sur papier, sur effectif et sur disposition physique, cela ne voulait pas dire qu'il y avait continuité des services entre les divers centres de santé. La continuité dépendait uniquement des personnes en place et c'était laissé au bon vouloir des personnes.

Alors, si un mécanisme, sans entrer dans les détails, peut être assuré, dire qu'il doit y avoir des mécanismes de continuité, par exemple, je crois qu'alors les administrateurs, les directeurs des divers niveaux ont un point de contrôle pour l'évaluation de la qualité des services et de l'efficacité de ces services.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sauf erreur, vous n'avez pas demandé à avoir les règlements avant...

MME DU MOUCHEL: Nous aimerions avoir...

M. CLOUTIER (Montmagny): ...la consultation, je dis ça parce que le ministre était pour vous l'offrir et évidemment... Est-ce parce que vous vouliez avoir davantage inscrit dans la loi?

MME DU MOUCHEL: La réglementation n'est pas connue. Je crois qu'il y a certains points qui seraient fort bien couverts par les règlements. D'autres points, je crois, comme par exemple qu'il y ait des normes de qualité d'assurées et non seulement des normes quantitatives, je crois que ça devrait être défini que ces normes sont assurées. Quant au fait que les normes vont apparaître à la suite de la réglementation, nous l'admettons. La consultation, nous sommes toujours prêts à la fournir.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. MME DU MOUCHEL: Prêts et prêtes.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Dorchester.

M. GUAY: Je voudrais remercier l'association d'avoir présenté ce mémoire qui est bien préparé. J'aurais quelques questions à poser. Tout d'abord on a parlé de l'appréciation de l'acte infirmier. Vous comprendrez mon ignorance n'étant pas dans le domaine. J'aimerais vous entendre définir devant la commission justement l'acte infirmier. Cela va de quoi à quoi. Pourriez-vous illustrer par des exemples?

MME DU MOUCHEL: Tout d'abord, je crois que le rôle essentiel de l'infirmière est défini à la page 4 du mémoire, selon le conseil international, de façon générale. Je vais donner un exemple d'acte infirmier où il y a fonction dépendante, interdépendante et indépendante. Je vais revenir à mes premières amours, soit la pédiatrie. Par exemple, lorsque le médecin prescrit un médicament à être donné à un enfant qui souffre d'un bec-de-lièvre, ma fonction dépendante sera de voir à ce que l'ordonnance médicale soit remplie de façon correcte par le pharmacien de l'équipe de santé. C'est ma fonction dépendante de donner le bon dosage. La fonction interdépendante est assumée avec la coopération du pharmacien. Le moment de l'acte infirmier commence lorsque je continue la fonction dépendante, où je décide comment, quelle est la meilleure façon de donner ce médicament à l'enfant. Par exemple, est-ce que je le mets dans son boire? Est-ce que je le mets dans une once de boire? Est-ce que je le donne en position assise? Est-ce que je le donne à la cuiller ou au compte-gouttes? Cela, c'est l'acte infirmier. Je donne un médicament à un enfant, je note que l'enfant réagit au médicament, c'est un acte infirmier qui relève de l'observation.

M. GUAY : J'aurais également une autre question. J'ai consulté des malades, des convalescents, sachant que vous seriez à la commission. On a souvent minimisé les services rendus par des infirmiers et des infirmières. Ces services semblent de plus en plus importants dans certaines réhabilitations et on a toujours pensé que c'était d'abord la continuité des services rendus par un professionnel de la santé en tant que médecin et plusieurs malades ou convalescents nous ont souligné que la qualité des services rendus pouvait être définie selon le haut ou le bas degré de dévouement d'un infirmier ou d'une infirmière. Pourriez-vous confirmer ou nier certaines plaintes? Vous avez mentionné que vous en aviez. Nous en avons également, mais êtes-vous régis par un code d'éthique bien sévère en ce qui concerne, par exemple, justement ces plaintes qui sont formulées par différents malades ou si c'est laissé au bon vouloir de...

MME DU MOUCHEL: Notre code d'éthique qui a été adopté par l'Association des infirmières est le code d'éthique préconisé par le Conseil international des infirmières. C'est un code d'éthique qui parle du secret professionnel et de l'acte professionnel.

Maintenant, le dévouement de l'infirmière et de l'infirmier est certainement une phase importante dans la réadaptation de tout malade et dans la promotion de la santé.

En tant qu'infirmières, nous traitons un être complet bio, psycho et social. Nous ne pouvons pas fragmenter nos soins. Si nous n'apportons que des soins techniques, nous ne remplissons pas notre rôle complet.

M. GUAY: J'aimerais ajouter une dernière question. Est-ce que vous voyez, advenant l'application du projet de loi no 65, votre rôle très important aussi facile à jouer que présentement?

MME DU MOUCHEL: Je crois que notre rôle ne changera pas tellement quant à la fonction infirmière. Je crois qu'au contraire la fonction infirmière va s'étendre. La profession infirmière va prendre un plus grand rôle au niveau du service communautaire. Des infirmières participent actuellement aux projets pilotes qui se conduisent à Sherbrooke et à Montréal et qui sont actuellement à être évalués, quant au rôle de l'infirmière.

Ce qui va le rendre plus difficile, c'est la fragmentation et le manque d'unité de coordination. Non pas que nous voulons conserver le statu quo et la tradition de l'administration du nursing, on ne demande pas mieux que de remettre aux autres services d'une institution, les services qui leur reviennent, soit le laboratoire après cinq heures, la radiologie, les archives, etc., pour vraiment se concentrer sur l'administration des soins infirmiers et la coordination de ces soins.

M. GUAY: Je m'excuse parce que j'avais dit que c'était la dernière question. Vous parlez, précédemment dans votre mémoire, de la liberté de chaque individu de choisir l'institution de son choix. Vous semblez indiquer que c'est devenu impossible actuellement.

MME DU MOUCHEL: Dans un système où, par exemple, le malade est hospitalisé dans un hôpital général et doit aller dans un centre donné, même s'il y a contrat entre deux organismes, deux centres, même si ce n'est pas possible pour la famille ou n'est pas acceptable, je crois que la liberté individuelle est peut-être lésée. Mais il faut quand même garder le juste milieu. D est certain qu'avec la régionalisation, il pourrait y avoir concentration à mesure que les unités et les centres se développeront.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.

M. LEDUC: Mme Du Mouchel, je voudrais revenir à une des toutes premières questions que le ministre vous a posée au début, après votre intervention qui a été très bien faite ainsi que votre mémoire, au sujet de la non-compatibilité ou de la compatibilité entre le rôle qu'a à jouer votre association directement et probablement une fonction que l'on peut appeler la troisième fonction que vous mentionnez à la page 2 de votre mémoire. Vous avez, à l'occasion, à défendre directement ou indirectement vos membres qui ne sont pas syndiqués par des recommandations que vous faites auprès des autorités concernées. A mon sens, à tort ou à

raison — et je ne prétends pas m'y connaître parfaitement dans ce domaine, loin de là, pour ma part — je vois un semblant du moins d'incompatibilité entre le rôle essentiel que votre association a à jouer et celui qui, par la force des circonstances, probablement vous est imposé, soit celui de défendre les 15,000 ou à peu près, en chiffres ronds, non syndiqués de votre association.

En conséquence, j'aimerais savoir si vous avez eu directement ou indirectement à négocier, au nom des non-syndiqués, des ententes, si vous avez eu directement ou indirectement à participer — à cinq heures quarante-cinq minutes, le mot ne me vient pas, disons que j'emploierai le mot terrible de grève ou semblant de grève — à ces activités ou si, effectivement, en aucun temps vous n'avez participé à des négociations ou discussions, si en aucun temps vous n'avez participé à ces grèves et si, en fait, pour protéger vos membres, vous leur avez dit carrément: Syndiquez-vous parce que ce n'est pas notre rôle à nous, en tant qu'association, de protéger vos intérêts financiers bien que nous le ferons pas la force des circonstances, mais ce n'est pas pour cela que nous existons. Probablement, Mme Du Mouchel, que c'est une question qui ne devrait pas se poser, mais j'aimerais que vous m'éclairiez. Avec votre sourire, je suis sûr que la lumière sera brillante.

MME DU MOUCHEL: C'est une question à laquelle il est facile de répondre parce que notre loi ne nous le permet pas, ne nous donne pas le pouvoir de négociation. Ce que nous faisons, ce qui arrive vraiment, c'est que nos membres ont des problèmes de relations de travail, employeur-employés, au point de vue du fonctionnement et pour donner le rendement de services. C'est surtout à ce niveau que nous traitons avec les membres qui ne sont pas syndiqués et nous leur donnons les recommandations salariales. En aucun temps nous ne négocions de conditions de travail.

Nous n'avons jamais participé à aucun mouvement pour ou contre les syndicats ou pour ou contre les grèves. Nous ne nous occupons que de conditions de travail professionnelles. Il faut penser que, si nos membres doivent donner des services de qualité, ils doivent être satisfaits dans leur travail; ils doivent avoir des conditions compatibles avec l'efficacité, ce qui leur permet de donner le rendement désiré. C'est surtout de ce point de vue-là que nous approchons le problème. Si le membres ont des problèmes de conditions de travail au point de vue salarial ou au point de vue de reconnaissance auprès de l'administration, nous leur disons qu'il y a des syndicats qui existent. Nous leur disons qu'il y a trois syndicats d'infirmières et deux syndicats de cadres et de se référer à ces personnes si elles sentent le besoin d'avoir une protection au point de vue salarial.

De plus, nous avons un comité de relations de travail qui travaille pour les recommandations et qui évalue les problèmes qui sont présentés par les membres. A ce comité siègent des représentants des divers syndicats qui sont nos membres. C'est de ce point de vue que nous travaillons et nous essayons toujours de mettre au premier plan la profession, les conditions professionnelles, l'aspect professionnel, soit la discipline, la protection du public. Pour assurer une protection du public et des services de qualité, nous devons avoir des membres satisfaits.

M. LEDUC: Sur cela, je suis bien d'accord avec vous à l'effet que, pour être heureux dans son travail, il faut avoir des conditions de travail qui nous satisfassent. Une toute dernière question: Dans la moitié de vos membres syndiqués — si on se fie à l'annexe B, c'est la quasi totalité de vos membres, ce qui est basé sur les réponses que vous avez reçues parce qu'il y a à peu près 5,000 réponses que vous n'avez pas reçues; il est d'ailleurs assez extraordinaire que dans une association de 30,000 il n'y ait que 5,000 personnes qui n'aient pas répondu, habituellement c'est le contraire — où se situent les non-syndiqués?

Est-ce qu'on peut, en prenant les chiffres que l'on a à l'annexe B, imaginer grosso modo que ce sont, dans les hôpitaux ou autres institutions, à peu près 50 p.c. qui ne sont pas indiqués et descendant à la suite comme cela ou si c'est dans un secteur bien spécial?

MME DU MOUCHEL: Il y en a dans les hôpitaux, nécessairement. Il y en a parmi les infirmières de service privé. Elles ne sont pas régies par une négociation collective. Entre parenthèses, nous ne négocions jamais les conditions de travail pour les infirmières. Nous n'apportons que nos recommandations et elles s'en servent à bon escient. Dans le secteur de l'hygiène industrielle, il y en a un bon groupe qui ne sont pas syndiqués. Dans l'hygiène scolaire, je ne sais pas. Il y a eu des changements dernièrement mais il y en a certainement qui ne le sont pas. Ainsi, les bureaux de médecins et ceux qui sont dans les autres domaines.

M. LEDUC: Je vous remercie.

MME DU MOUCHEL: Et aussi toutes les infirmières-cadres et les directeurs des soins infirmiers qui n'appartiennent pas aux deux syndicats de cadres.

M. LEDUC: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Merci, Mme Du Mouchel, au nom de l'Association des infirmières de la province de Québec.

MME DU MOUCHEL: Et infirmiers.

M. LE PRESIDENT: Et infirmiers. La prochaine séance, le mardi 19 octobre à dix heures.

(Fin de la séance 17 h 50)

ANNEXE A

LISTE DES RECOMMANDATIONS DE L'ASSOCIATION

DES BUREAUX MEDICAUX DES HOPITAUX DE LA PROVINCE DE QUEBEC

L'ASSOCIATION RECOMMANDE:

I) Que tant au niveau local (C.L.S.C.) qu'au niveau regional (O.R.A.S.) le législateur sépare pour le moment les soins médicaux des services sociaux.

II) Que des offices régionaux soient créés, que les membres soient nommés en fonction uniquement de leur compétence, que ces offices aient une juridiction bien précisée dans la Loi, que les rôle des offices soit limité aux services médicaux par opposition aux services sociaux, qu'un conseil régional de médecins soit créé pour aviser l'office dans des matières bien délimitées dans la Loi et, que pour assurer la liaison entre les deux organismes, un membre du conseil régional siège à l'office, qu'il ait droit de vote ou non.

III) Que les articles 30 à 35 du projet de loi soient modifiés pour que seul le lieutenant-gouverneur ou le ministre puisse ordonner une enquête et posséder les pouvoirs qui sont donnés à l'office en vertu de ces articles et que, dans la tenue de cette enquête, le secret professionnel soit respecté.

IV) Que la fonction de directeur des services professionnels soit remplie par un médecin et que le directeur des services professionnels soit chargé de vérifier si les différents services et les différents organismes en place dans l'hôpital et qui remplissent des devoirs d'un caractère médical, remplissent bien leurs devoirs; qu'il soit également chargé de coordonner leurs activités; qu'il fasse rapport au directeur général et que là se limitent ses fonctions et son autorité.

V) Que le conseil des médecins et dentistes groupe tous les médecins et dentistes de l'hôpital; qu'il ait les mêmes fonctions et la même juridiction qui sont attribuées actuellement au bureau médical et que ce conseil réponde de ses activités directement au conseil d'administration; que le président de ce conseil soit ex officio membre du conseil d'administration et du comité administratif du centre hospitalier; que de plus le conseil des médecins et dentistes soit également responsable de la nomination, de la révocation, du statut, des privilèges et de la discipline des médecins et dentistes du centre hospitalier.

VI) Qu'un conseil des professionnels soit créé groupant tous les professionnels non médecins du centre hospitalier, qu'il réponde de ses activités directement au conseil d'administration et que le président de ce conseil des professionnels soit membre ex officio du conseil d'administration et du comité administratif du centre hospitalier.

VIl) Que le directeur des services professionnels soit un médecin, qu'il assure la coordination et la surveillance de toutes les activités administratives comportant un aspect médical et professionnel dans le centre hospitalier et qu'il soit nommé après avoir pris l'avis du conseil des professionnels et du conseil des médecins et dentistes.

VIIl) Que soit maintenue la procédure de règlement des conflits prévue à l'article Il de la loi des hôpitaux et que cette procédure couvre les conflits entre le conseil d'administration, le comité administratif du conseil des médecins et dentistes et le conseil des professionnels.

IX) Qu'au niveau local comme au niveau régional, l'on sépare, pour le moment, les services médicaux et les services sociaux. Nous sommes d'avis qu'il serait plus sage de chercher une solution à ce problème en favorisant plutôt l'instauration d'une médecine de groupe au niveau local dont les conditions et les modalités d'exercice pourraient faire l'objet de négociations entre l'Etat et les deux grandes Fédérations qui groupent les médecins à ces fins.

X) Que les paragraphes A), B), D), K), R), S) et T) de l'article 133 soient retranchés du projet de loi; que le paragraphe I) de cet article soit modifié pour préserver le secret professionnel et que la définition du cabinet de médecin ou dentiste soit insérée dans la loi.

ANNEXE B

LISTE DES RECOMMANDATIONS DE L'ASSOCIATION DES INFIRMIERES ET INFIRMIERS DE LA PROVINCE DE QUEBEC

RECOMMANDATION 1 : QUE le code des professions et la loi des corporations soient déposés avant la fin de l'étude du Bill 65 afin de permettre une analyse parallèle de ces législations.

RECOMMANDATION 2: QUE les réglementations découlant du Bill 65 soient connues avant l'adoption finale du projet de loi.

RECOMMANDATION 3: QUE l'occasion soit offerte aux corporations de présenter le résultat de l'étude de ces deux projets de loi devant la Commission parlementaire.

RECOMMANDATION 4: QUE les praticiens de la santé puissent participer activement à l'élaboration des modes de mise en application de cette fusion.

RECOMMANDATION 5: QUE tous les groupes initient le plus tôt possible des programmes de formation afin d'assurer la meilleure application possible du système préconisé.

RECOMMANDATION 6: QUE les articles de la loi définissent de façon plus précise les fonctions des divers services de santé et des services sociaux.

RECOMMANDATION 7: QUE soient prévus dans les articles de la loi, des mécanismes pour assurer la continuité des soins et des services, tels que mécanismes d'information sur les besoins des clients, des mécanismes de liaison entre les divers centres de santé et centres communautaires d'une même région.

RECOMMANDATION 8: QUE ces mécanismes soient assez flexibles au sein du système afin de permettre aux clients et aux familles d'être dirigés aux institutions de leur choix.

RECOMMANDATION 9: QUE le Conseil d'Administration, à tous les niveaux, ait un nombre impair de membres afin de faciliter la prise de décision.

RECOMMANDATION 10: QU'une revision des articles de la loi, investissant une autorité et une autonomie aux divers échelons de la structure du système de santé et du système social, soit effectuée.

RECOMMANDATION 11: QUE plus d'autonomie soit accordée aux offices régionaux afin qu'ils puissent administrer effectivement les activités de leur région et répondre aux besoins de la population, en accord avec le concept émis par la Commission.

RECOMMANDATION 12: QUE plus d'importance soit accordée à la fonction coordination-évaluation par les professionnels au sein des offices régionaux.

RECOMMANDATION 13: QUE la loi assure qu'une équipe de professionnels oeuvre efficacement au niveau de l'Office Régional afin de remplir les fonctions contrôle, aviseur, et autres, et ainsi mieux répondre aux besoins des institutions et de la population.

RECOMMANDATION 14: QU'une évaluation continue des besoins de santé de la population soit effectuée au sein des régions, et que des professionnels de la santé, hautement qualifiés, participent à cette appréciation.

RECOMMANDATION 15: QUE la participation des citoyens dans les régions soit accentuée plus clairement dans les articles du Bill 65.

RECOMMANDATION 16: QU'un mécanisme soit prévu dans la loi pour assurer la coordination du plan global de santé et l'unité de direction, soit par le truchement d'un comité de directeurs généraux des offices régionaux et des représentants de l'Etat.

RECOMMANDATION 17: QUE la définition du terme "professionnel", mentionné dans le Bill 65, soit revisée afin que seule la loi puisse conférer le droit exclusif d'exercer une profession.

RECOMMANDATION 18: QUE l'occasion soit donnée aux corporations d'apporter le résultat de leur étude du terme professionnel devant la Commission parlementaire avant l'adoption des projets de loi.

RECOMMANDATION 19: QUE l'article 81 soit modifié afin de rendre chaque groupe de professionnels responsable de l'évaluation de leur propre exercice professionnel.

RECOMMANDATION 20: QU'un comité composé de représentants de chaque groupe de professionnels fasse rapport aux Conseils d'Administration concernant l'exercice professionnel.

RECOMMANDATION 21: QU'un Conseil des infirmier(e)s ait la responsabilité de l'évaluation de la pratique des soins infirmiers dans chaque centre de santé.

RECOMMANDATION 22: QU'un mécanisme déterminant des normes de qualité pour le service des soins infirmiers soit clairement défini dans le contexte du Bill 65 ainsi que dans les règlements qui en découleront.

RECOMMANDATION 23: QUE ces normes soient établies en consultation avec les professionnels du nursing et de la corporation professionnelle.

RECOMMANDATION 24: QUE la recherche soit effectuée à tous les niveaux du système de santé afin de développer des normes et des méthodes d'évaluation des soins infirmiers.

RECOMMANDATION 25: QUE les pouvoirs d'enquête pour le contrôle des actes professionnels en nursing lui soient délégués.

RECOMMANDATION 26: QU'un mécanisme d'information soit imposé par un article de la loi où l'institution de santé aura à faire rapport à la corporation afin qu'elle puisse initier les enquêtes.

RECOMMANDATION 27: QUE la délégation des pouvoirs de contrôle, accordés aux professionnels dans le Bill 65 et que les pouvoirs accordés par le code des professions, puissent être simultanément étudiés avant l'adoption de ce projet de loi.

A cet égard, la recommandation 3 du chapitre Il est réitérée: QUE l'occasion soit offerte aux corporations de présenter le résultat de l'étude de ces deux projets de loi devant la Commission parlementaire.

RECOMMANDATION 28: QUE le secret professionnel et le dossier du client soit protégé dans le Bill 65, et que seuls les professionnels et leur corporation aient accès à ces derniers.

RECOMMANDATION 29: QUE la coordination et la surveillance des soins infirmiers en institutions, soit la responsabilité du bureau des soins infirmiers.

RECOMMANDATION 30: QUE la direction du bureau des soins infirmiers soit déléguée à un(e) infirmier(e) administrateur(trice), compétent(e), afin d'en assurer un contrôle unifié.

RECOMMANDATION 31: QUE, conformément à la nouvelle structure proposée, les fonctions non-infirmières, actuellement assumées par les infirmier(e)s pour les autres départements et les autres professionnels, soient déléguées aux départements et aux professionnels appropriés.

RECOMMANDATION 32: QUE le personnel de direction, tel que composé selon l'Article 42 des Règlements de la Loi des Hôpitaux, soit maintenu dans les règlements du Bill 65.

RECOMMANDATION 33: QU'aucun groupe professionnel n'ait une majorité absolue au conseil consultatif des professionnels.

RECOMMANDATION 34: QUE le directeur des services professionnels soit membre du conseil consultatif des professionnels.

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