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Commission permanente des Affaires sociales
Projet de loi no 65 Loi de
l'organisation
des services de santé et des services
sociaux
Séance du vendredi 15 octobre 1971
(Dix heures neuf minutes)
M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Le bill 65. Je demanderais aux porte-parole des organismes de bien
vouloir s'identifier pour faciliter l'enregistrement. Je pense que M.
Cas-tonguay a certaines directives à donner aux organismes qui ont remis
la présentation de leur mémoire à plus tard.
Prochaines séances
M. CASTONGUAY: M. le Président, premièrement, le
secrétaire des commissions parlementaires me dit que certains organismes
s'inquiètent, ne sachant pas quelles sont les dates des séances
futures de la commission, après la séance du mardi 19. Il va y
avoir d'autres séances de la commission. Les dates sont en voie
d'être fixées par les leaders de chaque parti, dans le cadre des
travaux de la session qui reprend le 26 octobre. Ces dates seront
annoncées dès qu'il y aura eu entente quant à la marche
des travaux de l'Assemblée. Il est entendu qu'il va y avoir d'autres
séances.
Le second point: nous avons un grand nombre d'organismes qui ont
demandé à être entendus. Nous avions dit, comme commission,
que nous voulions faire en sorte qu'ils puissent être entendus. Nous nous
étions entendus sur une certaine procédure quant à l'envoi
d'avis préalables pour ne pas convoquer tous les organismes en
même temps et voici qu'aujourd'hui des représentants de trois
organismes nous ont communiqué qu'ils ne pouvaient venir
présenter leur mémoire aujourd'hui.
Je proposerais que, pour le moment, nous prenions connaissance, comme
membres de la commission, de ces mémoires. Au terme de nos travaux, nous
pourrons juger s'il y a lieu de convoquer ces organismes. Autrement, il me
semble qu'il sera difficile de conduire nos travaux si, après avoir
convoqué les organismes en temps utile, avec des délais
raisonnables, chacun décide qu'il peut ou ne peut pas venir à
telle date. Je suggérerais que nous prenions connaissance de ces
mémoires et que, lorsque nous aurons entendu tous les organismes, nous
décidions si, parmi ceux qui se sont décommandés, nous
devrions en convoquer certains après avoir pris connaissance de leur
mémoire.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais une remarque
à faire au sujet de ce que vient de dire le ministre, sur le premier
point. Je sais que les leaders parlementaires s'entendent pour d'autres
séances de la commission. Il est évident que nous ne pouvons pas
terminer nos travaux pour le 19 octobre. Il devra y avoir d'autres
séances.
Quant au deuxième point, les organismes qui ont été
convoqués pour aujourd'hui et qui disent ne pas pouvoir
comparaître devant la commission, il faudrait bien s'entendre; s'ils sont
convoqués, évidemment, s'il y a trop d'organismes qui se
décommandent, la commission pourrait alors se trouver devant une
journée de travail incomplète et, alors que nous pourrions
entendre cinq, six ou sept organismes, nous n'en aurons que deux ou trois. Je
pense que ça causera alors des inconvénients à tout le
monde.
D'autre part, je constate en lisant la liste d'aujourd'hui qu'il y en a
neuf qui sont convoqués. Sans que je fasse porter un jugement à
caractère péjoratif, on peut dire que les organismes n'ont pas
tous la même représentation à faire devant la commission
parlementaire. Il est évident que la Fédération des
médecins spécialistes je prends un exemple aura
peut-être une représentation plus élaborée à
faire qu'un autre organisme parmi ceux qui sont inscrits sur cette liste-ci,
sans faire de discrimination. Il faut être réaliste aussi.
Je pense bien que, pour les neuf organismes, il aurait été
impossible, de toute façon, de les entendre tous, étant
donné la présence des représentants de la
Fédération des médecins spécialistes, de
l'Association des infirmières, des bureaux médicaux et du
Collège des optométristes. Quant on a un peu l'expérience
des commissions parlementaires et surtout des séances antérieures
qu'on a tenues sur le projet de loi 65, on sait que la discussion peut se
prolonger ainsi que la période des questions.
On a dit, et tout le monde est d'accord à la commission ici,
qu'on devait laisser tout le temps nécessaire aux organismes pour
s'exprimer étant donné l'importance du projet de loi et le
secteur qui est couvert par ce projet de loi. Je me demande si, quand on
convoque des organismes, en convoquer neuf pour une journée surtout
quand la liste contient des organismes aussi importants que ceux que nous
avons, ce n'est peut-être pas vouloir être trop optimiste quant au
déroulement de nos travaux.
De toute façon, les observations valent pour aujourd'hui. Je
crois bien qu'on en tiendra compte dans les séances ultérieures
afin de ne pas amener devant la commission des organismes quand on sait qu'il
sera, sans aucun doute, impossible de les entendre. Il s'agit de planifier le
travail.
Quand nous sommes en session, les parlementaires sont ici à
Québec. Cela ne dérange pas ou ne cause pas d'inconvénient
aux parlementaires qu'il y ait des organismes qui ne soient pas entendus.
Mais, d'autre part, cela dérange les organismes de venir ici
à Québec et de n'être pas entendus la journée
même.
Alors, la planification sera plus facile en temps de session. Ce sont
les considérations que je voulais faire, M. le Président.
M. BOIS: M. le Président, de mon côté, j'avais aussi
acquiescé à la demande du ministre à l'effet d'augmenter
peut-être le nombre des associations qui viendraient discuter de leur
mémoire devant la commission, mais, cependant, il n'a pas
été question d'heures. Si nous pouvions continuer le travail
jusqu'à 10 ou 11 heures du soir, il est entendu que le nombre ne serait
pas un facteur, mais si nous devons terminer à 6 heures, j'abonde dans
le sens du député de Montmagny, c'est-à-dire que le nombre
des mémoires devient trop grand. Merci.
M. LAURIN: Aucun commentaire.
M. LE PRESIDENT: La Fédération des médecins
spécialistes du Québec.
Fédération des médecins
spécialistes du Québec
M. ROBILLARD: M. le Président, M. le ministre, messieurs,
permettez-moi d'abord de vous présenter les membres de la
délégation, qui m'accompagnent. A ma droite, le Dr Heller, du
conseil d'administration, le Dr François Léger, qui est
vice-président, le Dr Claude Cholette. A ma gauche, Me Roger David et le
Dr Jacques Boucher.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier pour l'enregistrement, s'il
vous plaît?
M. ROBILLARD: Je suis le porte-parole de la Fédération des
médecins spécialistes et j'en suis le président: Raymond
Robillard, médecin.
M. le Président, je voudrais, au nom des 4,000 médecins
que je représente ici ce matin, vous remercier de nous avoir permis de
présenter les vues de la Fédération des médecins
spécialistes sur le bill 65.
Avant de commencer, j'aimerais peut-être parce que je
m'attends que, peut-être, M. Cloutier m'en fasse la remarque, m'ayant
promis la dernière fois qu'il le ferait fournir certaines
explications sur le fait que nous ne sommes pas antérieurement venus
à la commission parlementaire. J'aimerais tout de même que l'on
aborde ce sujet très brièvement, par souci de politesse, je
pense, envers ceux qui composent cette commission.
Vous nous aviez invités, M. le Président, l'année
dernière, à peu près à la même date, à
nous présenter devant vous à la commission parlementaire. Ce
n'est pas par manque de respect pour l'institution que cette commission
représente que nous respectons hautement comme modèle de
démocratie ni encore moins par manque de respect pour ceux qui
composent cette institution que nous ne sommes pas venus. C'est que le premier
ministre de la province avait dit que quand bien même nous nous
présenterions devant cette commission, les dés étaient
jetés, les décisions étaient prises, et nous avons
trouvé que cette déclaration n'était pas respectueuse ni
de vous ni de nous-mêmes.
Cette fois, cependant, l'invitation a été faite et a
été faite dans un sens de dialogue construc-tif et nous avons
voulu y répondre dans ce sens.
Le mémoire que vous avez entre vos mains a été
préparé par un comité ad hoc. Il a été
rédigé par le conseil d'administration. Il a été
adopté par l'assemblée des délégués, qui est
composée des représentants des 24 associations qui sont
affiliées à notre fédération.
Nous avons tenu des assemblées générales de nos
membres à Québec, Sept-Iles, Gaspé, Rimouski,
Saint-Hyacinthe, Trois-Rivières, Sherbrooke et Montréal. Nous
avons, au cours de ces rencontres avec nos membres, obtenu les réactions
des médecins au projet de loi qui porte le numéro 65 et un grand
nombre de nos membres nous ont fait parvenir, par surcroit, leurs commentaires
écrits. Les vues que nous exposons et les suggestions que nous faisons
sont donc sans équivoque celles de la très vaste majorité
des médecins spécialistes.
Le mémoire que nous avons déposé, vous l'avez
peut-être remarqué, est divisé en deux parties. La
première contient des considérations générales sur
l'organisation du régime de santé proposé par le ministre
des Affaires sociales. C'est comme corps intermédiaire et
habilité à ce titre à participer à l'ensemble des
débats sur le bill 65 que nous présentons ces
considérations qui portent surtout sur les principes de gestion qui
sous-tendent le régime proposé et aussi sur le rôle que
doivent jouer les ORAS et les CLAS.
Je voudrais, dès maintenant, introduire certaines nuances qui ne
sont pas toujours faites par les media à l'effet que nous ne sommes pas
opposés au bill 65, comme il a été dit. Nous voulons en
discuter, et le ministre a été très clair, je pense, sur
ce point, non pas le fond mais les modalités. Nous avons écrit,
je pense, de façon explicite que, pour ce qui était du fond, nous
étions parfaitement d'accord. Pour la nécessité d'une
réorganisation des soins médicaux dans la province de
Québec, nous avons déjà écrit sur le sujet et je
pense qu'il n'y a, de la part d'aucun corps intermédiaire de
réticence à l'égard de la nécessité de cette
réforme. Nous ne sommes donc pas contre le bill 65. Nous sommes pour le
bill 65, si on veut s'exprimer en blanc et en noir, mais en mettant la nuance
qu'au niveau des modalités, comme a dit le ministre, il -y avait champ
pour la discussion.
Tout en abordant, comme corps intermédiaire surtout, la
discussion au niveau des grands principes de gestion, nous n'avons pas pu faire
abstraction du rôle que nous jouons dans le système,
c'est-à-dire du rôle bien particulier que les médecins ont
à jouer dans la dispensation des soins médicaux.
Nous avons donc voulu, dans cette première partie toujours, tout
en demeurant au plan des
généralités, tout de même aborder encore sur
un plan général la question de la structure, du rôle des
ORAS et surtout des CLS, qui s'appellent maintenant les CLAS, surtout sur le
plan du maintien de la qualité de la médecine
québécoise.
Comme j'ai dit tantôt,, il ne nous a pas paru utile de discuter
les objectifs généraux du nouveau régime, puisqu'ils sont
admis par tous.
C'est l'organisation du régime qui fait l'objet du bill 65 et
nous avons décidé de nous en tenir là. Il nous est apparu,
à l'analyse du bill 65, que ce dernier projet de loi traduisait une
volonté centralisatrice très nette, même s'il
présentait les apparences de la décentralisation et de la
participation.
Eh bien, nous avons exprimé, je pense, une pensée assez
nuancée à cet égard Nous n'avons pas vu là
nécessairement une victoire du technocrate sur l'homme politique. Nous
avons plutôt senti chez le législateur une prudence qui nous
parait sage. Il est probable, en effet le minitre des Affaires sociales,
je crois, y a fait allusion, si ma mémoire me sert bien que le
gouvernement entend procéder par étapes, même si cette
première étape de la décentralisation, nous l'avons
écrit, nous semble un peu trop précautionneuse.
Sur le plan de l'organisation elle-même, c'est-à-dire de la
gestion des services de santé, les dispositions de la loi nous
paraissent moins acceptables. De façon générale je
n'ai pas l'intention d'élaborer, puisque nous avons écrit
à ce sujet suffisamment de détails il nous semble que
l'organisation bureaucratique qui a été choisie par le
législateur est de type classique, c'est-à-dire du type
dépassé.
Nous avons tenté de démontrer qu'un système
bureaucratique classique n'est pas adaptable à l'entreprise moderne
où travaillent des spécialistes. Je n'entends pas des
médecins spécialistes, mais des spécialistes de toutes
sortes. Or, l'entreprise de la santé, si l'on veut employer ce
vocabulaire à la mode, est caractérisée par le haut
degré de spécialisation de ceux qui y travaillent et ce à
tous les niveaux du processus de la dispensation des soins médicaux.
Dans les hôpitaux, ces spécialistes de l'entreprise sont
médecins, car toutes les théories administratives ne changeront
rien au fait que ce sont les médecins qui sont, et ce à tous les
niveaux de la dispensation des soins médicaux, responsables de donner au
public des soins médicaux de qualité adéquate.
Nous avons dit qu'il faut concéder, et sous peine d'échec,
un large degré d'autonomie à ce que M. Kenneth Gailbraith a
appelé la technostructure, c'est-à-dire l'ensemble de ceux qui
participent à la prise des véritables décisions dans toute
entreprise, celle de la santé comme les autres.
Le schéma bureaucratique traditionnel qui implique la
subordination hiérarchique nous est apparu particulièrement mal
adapté au milieu hospitalier. Nous ne nous sommes pas seule- ment
référés à nous-mêmes, mais nous avons choisi
de nous référer à certains écrits d'auteurs qui ont
une certaine compétence, je crois. Il est impossible, nous semble-t-il,
en particulier de concevoir que les médecins puissent fonctionner de
façon efficace dans le schéma bureaucratique traditionnel qui a
été envisagé par le projet de loi 65.
Nous acceptons je m'excuse de le répéter encore une
fois d'emblée que l'entreprise de la santé soit
gérée de façon plus efficace qu'elle ne l'a
été jusqu'à présent. Nous admettons aussi qu'il
appartient à l'Etat de planifier. Il n'appartient pas à la
profession médicale de planifier la santé. La santé est
devenue une entreprise qui déborde de loin la simple dispensation des
soins médicaux aigus. Elle déborde sur la planification du revenu
le ministre, je pense, en sait quelque chose et sur d'autres
aspects également. Elle n'appartient pas à la profession
médicale. Elle est absolument incapable, sur le plan technique et
politique, je pense, de prétendre planifier l'univers des soins ou de la
santé. Nous croyons cependant que cette planification doit être
faite par l'Etat de concert avec les intéressés. Nous ne pensons
pas que les intéressés aient été, jusqu'à
présent du moins, consultés.
Nous concédons également, toujours en stricte logique, que
l'Etat doit se prolonger, sur le plan administratif, dans les institutions
qu'il finance par la présence d'une administration saine, plus saine
qu'elle ne l'a été jusqu'à présent, avec une
certaine hiérarchie administrative.
Nous ne pouvons cependant accepter qu'on invoque le principe de
l'unité de gestion ou tout autre dogme administratif pour
dépouiller les médecins, en milieu hospitalier, de
l'autorité que leur confèrent leurs connaissances. C'est
effectivement, à notre avis, ce que fait le bill 65 en éliminant,
à toutes fins pratiques, les bureaux médicaux. Ces organismes qui
sont, aux termes de la loi, des hôpitaux actuels responsables des soins
médicaux et de l'organisation scientifique de l'hôpital
vis-à-vis du conseil d'administration, représentent cette
technostructure à laquelle nous avons fait allusion.
C'est aux bureaux médicaux nous le disons sans aucune
hésitation que la médecine québécoise doit
la grande partie de son essor, qui a été prise à la suite
des années quarante-cinq. Ce sont les bureaux médicaux, dans le
passé, qui ont convaincu d'abord les communautés religieuses puis
plus tard les administrateurs laïques et le gouvernement, non sans
difficulté, de fonder de nouveaux départements, d'acheter des
équipements plus adéquats, de favoriser la recherche
médicale et l'enseignement. Ce sont les bureaux médicaux qui ont
planifié, à l'échelle locale, le développement des
institutions hospitalières, souvent contre les administrations locales
et souvent contre le gouvernement.
Tout cela était peut-être improvisé mais
c'était une époque d'improvisation non seulement en
médecine mais dans bien d'autres départements de la province de
Québec. La profession médicale n'a pas à rougir des
résultats obtenus.
Nous disons que rien, bien au contraire, ne justifie le
démantèlement des bureaux médicaux où
l'équipe médicale se retrouve pour élaborer les politiques
locales de santé qui sont ensuite proposées aux administrations
locales, c'est-à-dire, en fin de compte, au gouvernement qui les
contrôle.
Passant aux centre locaux de santé, qui sont devenus des centres
locaux des affaires sociales, par l'adjonction d'un rôle nouveau qui est
celui de s'occuper des affaires sociales directement, nous sommes
évidemment moins directement impliqués dans le centre local de
santé que ne le sont nos confrères omnipraticiens, les
médecins spécialistes étant beaucoup plus impliqués
au niveau des centres hospitaliers.
Mais nous désirons tout de même, comme je le disais au
début, à titre de corps intermédiaire, souligner les
faiblesses d'un système de soins qui serait fondé sur ce concept
du centre local de santé. Notre fédération ne croit pas
que ces institutions, qui présentent de fortes analogies avec les
anciennes unités sanitaires, soient ou puissent être la base d'un
système adéquat de distribution de soins médicaux au
Québec.
Le ministre a dit, la commission Caston-guay-Nepveu a dit que nous
voulions au Québec une médecine efficace, une médecine
économique, mais le ministre a aussi souligné que nous voulions
une médecine de haute qualité. Nous recommandons au gouvernement
d'user de prudence à l'égard de ces organismes qui nous semblent
et je le souligne nécessaires. Certains nous ont fait dire
que nous étions opposés au concept même du CSL. Nous disons
très fortement que nous les croyons nécessaires en milieu urbain
défavorisé; nous les croyons nécessaires en milieu rural,
mais nous les croyons nécessaires de façon temporaire. Quelle
sera la durée du temporaire? Ceci dépend de l'expansion que
prendra la médecine québécoise dans les cinq ou dix
prochaines années et il faudrait être fort grand clerc pour la
prévoir.
La deuxième partie de notre mémoire contient des
suggestions spécifiques, précises, peu nombreuses, compte tenu
des déclarations que le ministre a faites au début des travaux de
cette commission. Le ministre, en effet, a dit qu'il n'entendait pas
personnellement changer les grands objectifs du régime, les modifier et
qu'il s'en tiendrait à écouter attentivement les suggestions qui
lui seraient faites sur les modalités. Nous l'avons dit, il est assez
difficile de séparer ce que le ministre entend par modalités ou
par généralités, mais, enfin, nous avons essayé de
comprendre à demi-mot.
Les recommandations 1 à 7 inclusivement visent le maintien d'un
conseil des médecins responsable.
La recommandation no 1 définit le rôle d'un conseil des
médecins, ses relations avec le directeur des services professionnels,
qui était jusqu'à présent le directeur médical, et
ses responsabilités vis-à-vis du conseil d'administration. Nous
avons retenu en somme les dispositions de la présente Loi des
hôpitaux, qui nous semblent adéquate.
Il a été dit, et nous sommes parfaitement d'accord, qu'il
n'est pas question de maintenir le statu quo en médecine.
Si nous prenons le statu quo dans cet aspect particulier, qui est le
rôle du bureau médical, il ne faudrait pas extrapoler pour dire
que nous maintenons le statu quo dans toute l'entreprise de la santé.
Nous disons tout simplement que le désir du législateur de ne pas
maintenir le statu quo, c'est-à-dire de progresser, n'est pas identique,
mathématiquement je pense, au principe de la table rase non plus et
qu'il soit nécessaire de tout enlever pour reconstruire de nouveau
à zéro. Il faudrait garder nous le croyons ce qui
est valable dans le système et cette structure, en particulier, nous
paraît, du moins à nous, valable.
La recommandation no 2 en est une de concordance. Nous suggérons
que le directeur des services professionnels ne soit pas responsable de
l'organisation des services de santé et de l'enseignement, puisque cette
responsabilité incombe normalement au conseil des médecins, mais
qu'il soit responsable, cependant, vis-à-vis du conseil
d'administration, vis-à-vis des universités et sujet à des
contrôles extérieurs et internes comme l'a bien expliqué le
Collège des médecins lors de sa présentation.
La recommandation no 3 veut que le conseil des médecins, s'il
doit être un organisme responsable, soit autorisé à faire
les règlements qui concernent sa régie interne, la formation de
ses comités, le tout conformément aux responsabilités que
lui confère la loi. La recommandation no 4 veut que le conseil des
médecins soit consulté lors de la nomination du directeur des
services professionnels qui fait le pont entre l'autorité administrative
d'une part, et le conseil des médecins responsable de l'activité
scientifique d'autre part.
La recommandation no 5 en est une de simple concordance avec la
recommandation no 3. La recommandation no 6 suggère, pour fins
d'efficacité administrative, que le président du conseil des
médecins et dentistes, ainsi que le président du comité
consultatif des professionnels, soit membre du comité administratif de
l'hôpital. La recommandation no 7 propose un rôle élargi
pour le conseil des professionnels en centre hospitalier sans, par ailleurs,
détruire le principe du conseil des médecins responsable.
Toutes les autres recommandations reprennent des points qui ont
déjà été discutés avec le gouvernement et
qui ont fait, pour la plupart, l'objet d'ententes entre le ministre des
Affaires sociales et la Fédération des médecins
spécialistes, ces ententes datant, pour les dernières, du 16
décembre 1970. La recommandation no 8
propose que les pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'organisme
régional des affaires sociales soient limités aux aspects
administratifs du nouveau régime.
Je pense que si vous vous reportez à l'automne dernier, nous
avons l'impression d'un "déjà entendu". Cette discussion a eu
lieu ici même, si je me fie à la lecture du journal des
Débats, entre la commission et le président du Collège des
médecins, et le législateur a apporté une distinction
très nette entre les aspects administratifs du régime et les
aspects professionnels. Il a donc amputé un peu aux pouvoirs de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec en ce qui regarde le
pouvoir d'enquête dans les domaines professionnels, pouvoir qui a
été remis entre les mains du Collège des médecins
et chirurgiens. Nous demandons donc la même chose au niveau des
organismes régionaux des affaires sociales. Il nous semble que c'est un
combat, une discussion, un débat qui a déjà eu lieu.
La recommandation no 9 suggère une consultation des organismes
médicaux représentatifs à propos des règlements qui
seront adoptés en vertu de la loi. Nous sommes consistants quant
à notre politique antérieure qui en est une de "partenariat"
vous m'excuserez ce néologisme avec l'Etat et de
participation à la prise de décisions. Je pense que le pouvoir de
réglementation qui est confié au lieutenant-gouverneur en conseil
dans la présente loi, s'il ne devait pas être soumis à
certains mécanismes modérateurs, fassent du projet de loi, tout
simplement une loi que l'on pourrait appeler une loi de plein pouvoir.
En effet, ce pouvoir est tellement vaste que je pense que le ministre,
par le biais des règlements peut-être pas le ministre
actuel, mais ceux qui viendront après lui, s'il y a lieu pourrait
modifier considérablement le sens de cette loi.
Je n'ai pas fait de suggestion précise. J'avais dit, un jour,
pour être méchant, que les ministres passent, mais que la
médecine demeure, mais je ne le dirai pas.
La recommandation no 10 vise la confirmation du droit de
négociation des médecins en ce qui a trait à leur mode de
participation, aux conditions d'exercice de leur profession et à leur
mode de rémunération en institution publique. Je reprends le
texte même du législateur. C'est lui qui a écrit
textuellement ce droit dans le projet de loi 30 qui, comme vous vous en
souviendrez, était la loi qui formait la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Ce projet de loi 30 reconnaissait le
droit de négociation collective aux médecins et, plus même,
nommait spécifiquement les deux fédérations des
spécialistes et des omnipraticiens comme représentatives.
Cette recommandation, qui vise non pas une nouvelle modalité,
mais la confirmation d'un droit acquis, sera reprise plus en détail par
Me David tantôt, si vous le désirez.
Les modifications nos 11 et 12 sont à l'effet que le terme
"cabinet" soit défini par la loi et que le lieutenant-gouverneur en
conseil ne soit pas habilité à définir un cabinet de
médecin ou de dentiste par simple voie de règlement. Cette
question, à notre avis, a été réglée en
1967. En 1967, l'Association des radiologistes de la province de Québec,
affiliée à notre fédération, a débattu d'une
façon assez vive la question de son droit de pouvoir traiter des malades
en cabinet privé. A cette époque, vous vous en souviendrez, il
avait été question que le droit de pratiquer en cabinet
privé soit soumis à un permis émis par le ministère
de la santé.
Nous avons repris, en 1968, cette même question; nous l'avons
reprise en 1970 et le droit d'exercer en cabinet privé est
explicité de façon très claire dans notre convention du 16
décembre dernier.
Voilà, je n'ai rien de plus à ajouter parce que,
probablement, vous voudrez me poser certaines questions, et vous nous avez
demandé, M. le Président, d'être brefs.
M. LE PRESIDENT: Merci. M. Castonguay.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je crois qu'il y a lieu de
remercier, en premier lieu, la Fédération des médecins
spécialistes pour ce mémoire qui se veut assurément
très objectif et qui a été rédigé de telle
sorte qu'il porte sur les points les plus importants du projet de loi sans
aller dans tous les détails des aspects secondaires. En ce sens, nous
avons là un mémoire intéressant, positif que nous avons
évidemment l'intention d'étudier très attentivement. Nous
voulons aussi écouter très attentivement ce qui sera dit
maintenant que nous engageons la discussion de ce mémoire aux fins d'une
révision possible des dispositions du projet de loi tel qu'il est
rédigé présentement.
Je voudrais faire deux ou trois commentaires avant de laisser la parole
aux autres membres de la commission et, pour reprendre certaines affirmations,
non pas sur les questions spécifiques de la deuxième partie du
mémoire mais plutôt sur certaines affirmations d'ordre
général qui ont été faites. Peut-être qu'il y
a eu aussi manque de compréhension de ma part sur certains des points
mais, lorsque l'on dit que dans ce mémoire l'on propose un schéma
bureaucratique traditionnel et que cette approche est dépassée,
j'ai un petit peu de difficulté à accepter ceci. Dans
l'entreprise privée, il est évident que l'on peut avoir un peu
plus de souplesse dans l'innovation, mais dans le domaine des services publics
et dans le domaine des services de santé en général, des
services sociaux qui revêtent un caractère essentiel, je crois
qu'il est plus difficile d'innover et que nous avons fait un effort
d'innovation dans ce projet de loi même si et j'en conviens
des aspects de ce projet de loi sont contestables et doivent être
modifiés.
Maintenant, un des aspects aussi, je crois, sur lesquels il est
dangereux de passer trop vite aux
conclusions, je l'ai mentionné lors d'une séance
antérieure, c'est que l'on semble oublier, dans bien des
mémoires, que les institutions vont continuer d'avoir le statut de
corporation, avec les pouvoirs généraux des corporations de
façon générale et aussi les fonctions qui sont
définies dans leur charte.
Egalement, et on le voit depuis une dizaine d'années de
façon très claire, les arrangements financiers qui sont faits
avec les institutions sont tout aussi importants et même parfois plus que
le cadre législatif, et sur ce plan, je crois que les initiatives que
nous avons prises sont vraiment des initiatives nouvelles dans le domaine des
services publics. Je pense de façon particulière au budget global
où, en plus de vouloir laisser plus de latitude quant à la
gestion courante d'une institution, au niveau local, nous introduisons,
même si le critère de profits n'existe pas dans ce secteur, les
éléments permettant de mesurer le rendement des institutions,
à tout le moins sur un certain nombre de plans.
Alors, nous sommes, en fait, je crois, en voie d'innover, et d'ailleurs
nous en avons des exemples si on juge par l'intérêt que les
initiatives prises au Québec semblent susciter à
l'extérieur du Québec. On me dit, par exemple, que des grandes
firmes de vérificateurs ou de conseillers en administration ont
demandé à certains de leurs officiers de l'extérieur de
venir examiner ce qui se passe au Québec étant donné
qu'ils voient là certains changements dans les modes de fonctionnement
des hôpitaux qui sont vraiment dans le domaine de l'innovation.
Je ne veux pas insister trop là-dessus mais je voudrais rappeler
qu'il n'y a pas simplement le cadre législatif, qu'il y a les
arrangements financiers qui sont également importants et que nous
n'avons pas toute la latitude dans l'innovation.
Il faut maintenir les services. Il faut s'assurer qu'ils fonctionnent.
Il faut aussi, à partir de ressources limitées, assurer que nous
serons en mesure de satisfaire à nos engagements dans l'avenir. C'est
dans ce contexte, je crois, qu'on doit voir le projet de loi.
Lorsque le président de la fédération nous dit
également et je crois que c'est une déclaration
extrêmement importante qu'il n'appartient pas aux médecins
de planifier l'organisation des services de santé, je crois que,
là, il établit une distinction très claire. Lorsqu'il dit,
par la suite, que cette planification doit être faite de concert avec les
intéressés, je voudrais souligner que nous avons fait des efforts
considérables sur ce plan au cours des derniers mois pour associer aux
décisions le plus grand nombre d'intéressés possible. Je
pense aux avis que nous avons demandés au comité de planification
des services de santé des Cantons de l'Est. Je pense à tous les
avis que nous avons demandés, au sujet des programmes dans le cadre de
la Loi de la caisse d'aide à la santé, aux hôpitaux
d'enseignement, aux facultés de méde- cine. Je pense à
toutes les tentatives que nous avons faites, par exemple dans des cas comme
celui de l'hôpital de Shawinigan et de Grand'-Mère, pour qu'il y
ait entente entre tous les intéressés au lieu d'imposer une
solution.
Alors, je ne conteste pas le fait qu'il aurait été
possible, peut-être avec plus de temps à notre disposition, plus
de ressources, de faire d'autres consultations, mais nous faisons des efforts
considérables sur ce plan.
On nous dit que le président de la Fédération des
médecins spécialistes a dit par la suite que nous proposons, dans
le projet de loi, la disparition des bureaux médicaux. J'ai de la
difficulté à accepter cette affirmation, d'autant plus que ce
n'est pas notre intention d'enlever aux médecins le contrôle de
l'acte médical en milieu hospitalier. Toutefois, il me semble qu'il est
extrêmement important d'assurer, à l'intérieur des
institutions, une structure d'organisation qui permette de concilier à
la fois le bon fonctionnement, pas uniquement au plan administratif comptable
ou administratif dans des questions comme les services de soutien, et aussi une
organisation qui permette aux patients de circuler, que ce soit dans les
cliniques externes ou dans l'utilisation des lits, d'une façon plus
rationnelle que ce n'est le cas bien souvent présentement. Je pense en
particulier à un certain nombre d'hôpitaux où on sent que
le problème n'est pas d'ajouter tellement aux services, ce n'est pas
tellement la qualité des soins rendus qui est le grand problème,
c'est le fait qu'avec des ressources considérables mises en place on
n'obtient qu'un rendement assez limité de toutes ces ressources sur le
plan du nombre de patients traités, sur le plan aussi des
inconvénients que l'on occasionne aux patients, etc., sur le plan de la
mauvaise utilisation du personnel.
Enfin, quant aux centres locaux de services communautaires, je sais que
le mémoire fait état de certaines expériences où
ces centres se seraient avérés plus ou moins satisfaisants. Je
suis encouragé lorsque j'entends le Dr Robillard dire que ces centres
sont nécessaires en milieu urbain défavorisé et en milieu
rural. Je crois, par contre je voudrais le dire bien clairement
qu'ils sont nécessaires aussi non pas dans ces milieux, mais qu'ils sont
nécessaires de façon générale. Sur ce point, je
voudrais rappeler que la commission américaine qui a fait rapport au
président des Etats-Unis il y a deux ou trois ans sur l'organisation des
services de santé aux Etats-Unis, sur les problèmes de ressources
humaines dans ces secteurs, est arrivée passablement au même
diagnostic que notre commission ou encore les groupes de travail formés
par le gouvernement du Canada et les provinces, et qu'il est nécessaire
de prévoir ou d'implanter un nouveau type de ressources au niveau local
pour la distribution des services courants.
Si je fais cette remarque ici, c'est que ce que nous proposons n'est pas
une proposition qui
est faite uniquement au Québec. Ce n'est pas quelque chose qui
nous apparaît comme étant une expérience théorique.
Nous savons, d'autre part, que dans certains endroits ces centres existent et
fonctionnent. Ils fonctionnent de façon très satisfaisante et
constituent, de l'avis de plusieurs, un élément essentiel quant
à l'avenir dans l'organisation des services de santé, des
services sociaux. Nous sommes conscients sur ceci j'abonde dans le
même sens que le Dr Robillard qu'il ne faut pas toutefois
brûler les étapes dans l'implantation de ces centres. Il faut
s'assurer que ceux qui seront implantés permettront de donner à
la population des services de qualité et que ce processus d'implantation
devra faire en sorte que ces centres s'intègrent vraiment au
système de la santé.
Ce sont les quelques remarques que je voulais faire. Je les fais dans le
même esprit que celui dans lequel le mémoire de la
fédération nous est présenté.
Merci, M. le Président.
M. ROBILLARD: Voilà, cela demande une réponse assez
élaborée. Si vous me le permettez je ne sais pas si
d'autres veulent poser des questions j'ai cinq questions ici qui vont me
permettre de cogiter pendant un certain temps. Il y en a deux qui portent sur
les bureaux médicaux que je considère importants,
particulièrement importants, que je vais laisser pour prendre les
autres.
Le commentaire no 2, comme disait M. le ministre, c'est que les
institutions continuent d'être des corporations. Oui, je suis conscient
de cela. Elles continuent d'être des corporations avec les pouvoirs qu'on
donne aux corporations. Mais, tout de même, on a, à
côté, une institution nouvelle qui s'appelle l'organisme
régional des Affaires sociales à qui on délègue une
bonne partie des pouvoirs de la corporation. On a, ensuite, le ministère
qui s'est réorganisé et duquel partent des directives que les
autorités en place ne peuvent guère ignorer. On a aussi le cadre
du contrôle du budget qui est maintenant retiré aux corporations.
Je suis conscient que ceci marque, à mon avis, un pas en arrière
sur l'expéfience qui est en cours. Et quand le ministre dit qu'en ce
moment nous vivons une expérience de participation avec le budget
global, etc., j'en suis bien conscient. Mais je pense tout simplement que c'est
un pas qui a été fait plus avant que le bill ne le fait. Alors,
c'est une maille à l'envers et deux mailles à l'endroit.
Pour ce qui est du rôle qui revient à la planification des
services de santé et à l'effort qu'a fait le ministère
pour consulter ce qu'il appelle les intéressés, nous pouvons dire
que nous sommes très fortement intéressés nous-mêmes
et n'avons jamais été consultés. Peut-être ne nous
sommes-nous pas montrés suffisamment intéressés, mais nous
tenons à signaler que nous le sommes énormément et que
nous demeurons à votre entière disposition pour toute forme de
consultation participatoire.
Puisque vous avez mentionné Shawinigan, qu'il me soit permis de
faire une petite remarque à ce sujet. Nous avons servi de
médiateurs entre les deux groupes de médecins, ce qui posait tout
de même un problème. Nous avons offert notre collaboration au
ministère. Nous avons offert de passer à côté des
schémas politiques classiques pour arriver à une solution
meilleure. Nous ne sommes peut-être pas arrivés tout à fait
à temps, mais disons que l'hôpital a été construit
sans que les médecins aient été consultés. Ce
n'était pas sous votre gouvernement, c'était sous un autre, mais
peu importe, la perpétuité des gouvernements étant ce
qu'elle est. Les plans ont été faits sans la participation des
médecins, sans consultation. Je ne dis pas qu'ils sont mauvais; je dis
tout simplement qu'ils ne sont pas bons.
Pour ce qui est ensuite des centre locaux de santé, le ministre
nous dit que de tels centres locaux de santé font fortune aux
Etats-Unis. Eh bien, non. J'arrive des Etats-Unis. J'ai visité 18 Etats
américains. Je suis allé voir sur place. Il faut s'entendre. Je
pense que c'est une question de définition. Le ministre a parfaitement
raison quand il dit qu'il s'est fait une réorganisation de la
médecine en Amérique. Il a parfaitement raison quand il dit que
la commission américaine a recommandé au Congrès une forme
de médecine d'équipe multidisciplinaire, mais il faut
s'arrêter là. Si vous me le permettez, je continuerai en disant
tout simplement que la forme qui a été proposée par les
Américains n'est pas celle du centre local de santé.
Je pense que la fédération, avant que le ministre ou la
commission Castonguay ne s'exprime sur ce point, a proposé une
médecine d'équipe multidisciplinaire de type "Kaiser Foundation"
et que c'est cela, aux Etats-Unis, qu'on est en train de disséminer
comme concept, d'abord, un peu sous l'égide des universités et
des unions ouvrières et que c'est à ce concept que les
médecins se rallient avec difficulté, parce que ce n'est pas
facile.
J'ai inclus dans le mémoire si vous voulez la retrouver
l'expérience de Boston qui montre tout de même que les
centre locaux de santé font face à des problèmes
extrêmement réels et que chaque visite coûte entre $100 et $
250.
Nous savons que M. Rosenfeld, du gouvernement fédéral ici,
fait le tour des provinces pour vendre des centres locaux de santé qui
sont des unités sanitaires. Il le fait avec beaucoup de succès
parce qu'il manipule les budgets et offre des subventions aux gouvernements
provinciaux, ce à quoi nous nous opposons dans une certaine mesure,
parce que nous sommes conscients que la santé appartient au gouvernement
du Québec. Nous sommes conscients que l'on pousse, par voie de
subvention,. comme cela, une forme de médecine qui s'appelle le centre
local de santé. Je dis tout simplement qu'il faut faire une distinction
entre le "Community Health Centre", le "Local Health Centre", le Centre local
de Pointe Saint-Charles, tel qu'on le voit et tel qu'il a été
débattu ici, et ce qu'on
appelle le "Kaiser Foundation Plan", c'est-à-dire la
présence de 40 ou 50 médecins multidis-ciplinaires avec un
médecin de première ligne qui est responsable des soins de
première ligne et qui traite les malades sur devis, de façon que
ce soit plus économique, plus rentable et surtout en vue d'offrir une
médecine de meilleure qualité.
C'est quelque chose qui nous touche assez profondément. Je dois
vous dire que c'est un intérêt personnel sur lequel je suis revenu
à plusieurs reprises seriner les oreilles de plusieurs
ministères. Je pense que tout le monde connaît la pensée de
la fédération là-dessus.
Je voudrais tout simplement, à propos des centres locaux de
santé, citer un article qui a été publié, hier,
dans le "Medical Post", où M. Rivard, administrateur d'hôpital,
économiste au demeurant, dit avoir rencontré le directeur
général du Centre local communautaire de Pointe Saint-Charles qui
lui a dit que le médecin qui est directeur des soins, là-bas, ne
parle que sur l'autorisation du directeur du centre local de santé. M.
Rivard lui a tout de suite demandé: A-t-il parlé? Il a dit:
Jamais. Parce qu'on ne le laisse pas parler, a-t-il dit. On considère
qu'il n'a rien à apporter. C'est un point de vue.
Pour aller au niveau des bureaux médicaux, le ministre a pris le
problème sous un angle général et, ensuite, sous un angle
un peu plus particulier.
Sous l'angle très général, quand le ministre nous
dit que le schéma bureaucratique employé par le gouvernement
n'est pas facilement une copie, un calque de celui que l'industrie
privée emploie parce qu'elle a plus de souplesse, nous le suivons
très bien, mais nous disons tout simplement: Nous n'avons pas d'exemple
sur lequel nous pouvons nous repiquer pour porter jugement sur ce
système. Nous avons vu les gouvernements mettre sur pied des
sociétés de financement, Sogefor, etc., où ils ont pris un
schéma traditionnel, classique, que nous disons un peu
dépassé. Nous avons vu les départements et les
ministères s'organiser dans un schème bureaucratique
extrêmement français, cartésien, logique, mais
légèrement inefficace.
Le ministre entre, comme il l'a dit lui-même, de novo dans un
terrain vierge. Il n'y a jamais eu d'innovation de ce genre. Il faut donc
chercher des schémas administratifs quelque part. Il y a deux places
pour les chercher. On peut regarder dans le sac du gouvernement pour trouver
les schèmes administratifs, bureaucratiques classiques qui ont fait la
fortune de tous les gouvernements depuis Colbert ou on peut alors chercher du
côté de l'entreprise privée.
On dit qu'on ne peut pas chercher du côté de l'entreprise
privée, parce qu'on n'a pas la même latitude. Cela
m'étonne, parce que les administrateurs d'hôpitaux qui ont tant
influencé la commission à cet égard, en proposant des
schèmes administratifs, comparent l'entreprise de la santé
à la General Electric. Et depuis longtemps, on nous dit que nous ne
sommes pas des médecins, mais des travailleurs de la santé; que
ce n'est pas la médecine, que c'est une entreprise. Je lisais encore
dans "Le médecin du Québec" hier toute une thèse à
l'appui économique pour prouver que la médecine est un service
comme un autre.
Il faut qu'on choisisse soit le schéma de l'entreprise
privée, soit le schéma bureaucratique classique gouvernemental.
Si on prend le schéma de l'entreprise privée, il va falloir
l'adapter à nos besoins, et je pense que si on veut mener l'affaire
d'une façon efficace, à mon avis, il faudrait regarder un petit
peu du côté de l'entreprise privée. Parce que quand on a
voulu mener.... On a un exemple à Québec, ici, où on voit
fleurir un deuxième Sears-Roebuck. Sears-Roebuck qui, s'appelle
maintenant Simpsons parce qu'il a acheté Simpsons ici, est passé
au bord de la faillite parce que le directeur général, qui
était M. Avery à l'époque, voulait tout mener comme chez
Ford. Dans une centralisation extrême, il a lui-même mené la
compagnie au bord de la faillite. On a ensuite réparé,
remercié, bien compensé M. Avery et il a quitté. La
technostructure a pris pied et vous voyez qu'il y a même deux
Sears-Roebuck dans la ville de Québec.
Sur le plan plus particulier du bureau médical, le ministre
revient ensuite en disant une chose: Il faut, dans l'intérieur de
l'hôpital, pour éviter les inconvénients que peuvent subir
les malades, pour rendre plus rentable l'entreprise sur le plan comptable et
puis non seulement pour améliorer l'aspect administratif comptable pur,
mais aussi l'aspect rendement, mettre tous les pouvoirs entre les mains d'un
homme qui s'appelle le directeur des services professionnels, employé du
directeur général, et à qui on confie non seulement tous
les soins médicaux, ce qui semble une charge très lourde, mais
aussi l'enseignement. Bien, là, nous disons tous que c'est un
schéma bureaucratique extrêmement classique, extrêmement
serré et que cela ne répond en rien à ce que nous a appris
M. Galbraith quand il a qualifié la structure normale participatoire du
nom de technostructure.
Nous disons tout simplement que pour autant que les professionnels dans
n'importe quelle entreprise... Si on se trouve à dire que dans
l'entreprise médicale ceux qui connaissent cela un peu, ce sont les
médecins à moins qu'on en fasse abstraction; j'ai dit
qu'on revenait à ce moment-là aux "christian sciences" de Mary
Baker-Eddy si on ne nie pas la maladie, on est obligé de
concevoir que les médecins traitent encore les malades et qu'ils ont une
certaine compétence dans le domaine je vois le registraire du
collège qui acquiesce, c'est lui qui nous donne nos licences
après les examens alors, je pense bien qu'on connaît un
petit peu le département et que l'autorité serait malvenue de ne
pas conseiller les médecins.
Vous dites: On laisse un bureau médical. Bien sûr, on
laisse un bureau médical, on laisse
une coquille vide, on laisse les apparences d'un bureau médical,
on laisse un fronton, on laisse un paravent, on laisse un devant de film. Il
reste une fonction au bureau médical: celle d'un des neuf comités
permanents obligatoires qui étaient prévus par les
règlements adoptés en vertu de la Loi des hôpitaux, et ce
comité s'appelle "Comité d'appréciation des actes
médicaux". Pour le reste, il ne lui reste rien. Il est tout simplement
l'agent exécuteur du directeur des services professionnels, point. Je me
demande pourquoi on l'a laissé. Peut-être était-ce pour
faire plaisir, pour laisser un vestige nostalgique.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais tout
d'abord féliciter le Dr Robillard et la Fédération des
médecins spécialistes pour la qualité du mémoire
qu'ils nous ont présenté ce matin.
Cela nous fait regretter encore plus qu'il ne soit pas venu, avant
aujourd'hui, devant la commission parlementaire. Ce mémoire est
évidemment marqué au coin de l'objectivité; je le crois
sincèrement, après l'avoir parcouru en entier à quelques
reprises. Je pense que la Fédération des médecins
spécialistes s'est appliquée surtout non pas à
débâtir le projet de loi, mais à y suggérer des
modifications ou des améliorations extrêmement importantes
toujours dans le contexte, évidemment, de l'exercice de leur
profession.
Ce mémoire, même s'il a été
rédigé par un comité ad hoc, est marqué par le
style personnel du docteur Robillard, un style incisif avec le sens de
l'humour, sens de l'humour qu'il devra conserver pendant la période des
négociations aussi.
M. ROBILLARD: Ce n'est pas moi qui négocie, M. Cloutier, c'est
mon avocat.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense bien que vous avez certainement de
l'influence sur la profession juridique, du moins je le souhaite. Dr Robillard,
vous êtes le patron, comme président de la
Fédération des médecins spécialistes, de plusieurs
membres de cette commission entre autres de notre distingué
président, le Dr Fortier, le Dr Boivin et même le leader du Parti
québécois, le Dr Laurin. Je sais que les médecins voudront
vous poser des questions peut-être plus directes quant à la
conséquence du bill 65 sur l'exercice de votre profession.
Pour ma part, je n'ai pas écarté du revers de la main
cette argumentation que vous faites en faveur d'un système de gestion
beaucoup plus moderne et beaucoup plus à la pointe du progrès et
de l'évolution. Le ministre a rétorqué tantôt
qu'évidemment dans le secteur public, surtout au moment où, par
le bill 65, on apporte une modification assez profonde dans l'organisation des
soins de santé et dans le système de dispensation des services
sociaux, je me pose la question moi aussi: Est-ce qu'en plus de ces
modifications très profondes dans le système ç'aurait
été le moment idéal pour tenter aussi, du
côté des systèmes de gestion, une transformation radicale,
précédant en cela...
Vous avez fait une comparaison avec le domaine de l'entreprise
privée tantôt, mais on ne peut pas dire non plus que, du
côté de l'entreprise privée, on ait trouvé un
système complètement révolutionnaire, mais on cherche de
ce côté-là. On s'aperçoit que les systèmes de
gestion traditionnels, dans le monde d'aujourd'hui, avec l'évolution
extrêmement rapide qui se fait dans le monde des affaires, le monde de la
gestion et le monde de l'entreprise privée, eux aussi doivent être
perméables à certains changements. Evidemment, on pourrait en
discuter longtemps. Je ne crois pas qu'on doive le faire, sauf par incidence,
à l'occasion du bill 65, sauf en ce qui touche principalement le bill 65
et ses nouvelles structures. Peut-être aurons-nous l'occasion de
reprendre un débat de fond sur cette question qui est extrêmement
intéressante et que vous avez raison de traiter dans votre
mémoire.
Les arguments et les citations que vous avez apportés à
l'appui de votre thèse, de même que les témoignages de
valeur et les hommes que vous avez cités, évidemment, sont des
gens qui peuvent apporter au débat un éclairage
nécessaire. De toute façon, je ne m'attarderai pas plus longtemps
sur le système de gestion sauf pour dire que vous avez raison de vous
poser des points d'interrogation sur cette centralisation qui vous
apparaît excessive dans le projet de loi et sur certains dangers
pratiques que cela peut comporter, ne serait-ce que d'alourdir encore cet
appareil gouvernemental.
Vous refusez carrément, dans votre mémoire, le principe de
l'unité de gestion.
J'aimerais, Dr Robillard, que vous explicitiez un peu plus les
difficultés pratiques que pourrait causer à la profession
médicale ce principe d'unité de gestion tel qu'il est retenu dans
le projet de loi 65, s'il n'y avait pas de modifications d'apportées
dans le sens de vos remarques et dans le sens des propositions que vous avez
faites.
M. ROBILLARD: Pour reprendre très brièvement ce que vous
avez dit sur l'aspect très général de nos commentaires sur
l'administration je voudrais tout de même faire une mise au point: Quand
nous disons que nous avons une institution de cogestion qui s'appelle le bureau
médical, ça n'existe pas partout ailleurs en Amérique.
C'est une entreprise qui a eu son temps ici, qui est venue au monde avec les
activités des médecins de la ville de Québec en
particulier et c'est une entreprise qui a fait ses preuves. Je ne dis pas
qu'elle est parfaite, loin de là; je ne parle pas du bureau
médical d'un grand hôpital bien structuré et qui a une
longue tradition derrière lui, que ce bureau médical soit
semblable, identique dans son rôle à celui d'un hôpital qui
est peut-être plus modeste,
d'origine plus récente; mais je dis tout simplement que si
l'institution n'est pas parfaite et si nous n'avons pas réussi
jusqu'à présent, faute d'une action, à mon avis,
concertée de la part du Collège des médecins action
qui est faite maintenant et bien faite l'institution vaut
peut-être mieux que l'usage qu'on en a fait. Mais il ne faut pas enlever
l'institution parce qu'il n'y en a pas d'autre, que je vois, qui peut
être aussi bonne. Ceci nous amène à l'unité de
gestion.
On en recommande une autre pour mettre à la place de gens
30 ou 40 ou 50 personnes qui s'assoient après leur travail pour
revoir tous les rapports de comités nombreux qu'ils font fonctionner sur
leur temps: comité de létalité, comité de
l'infection, comité d'accréditation, comité des normes
et j'en passe, il y en a une vingtaine à côté
de ce système qui est un système de travail en équipe au
niveau de petites équipes qui se regroupent dans une plus grande
équipe le tout est coiffé tout de même par une
administration. Il n'y en a pas deux dans un hôpital, il y a la
corporation hospitalière qui délègue ses pouvoirs à
un directeur général dans le domaine administratif. Et si on
trace la ligne d'autorité qui existe dans la Loi des hôpitaux,
vous voyez très bien qu'il y a un conseil d'administration et, ensuite,
vous avez un bureau médical et, de l'autre côté, vous avez
un conseil de direction avec un directeur général, le tout
coiffé par l'administration.
Ensuite, vous avez je m'étais amusé un jour
à établir le nombre de ponts qui existent entre ces deux
organismes et c'est formidable la présence du directeur
général au conseil d'administration et à l'exécutif
du bureau médical; vous avez un comité mixte
médico-administratif; vous avez la rencontre et la présence du
directeur médical, le nouveau DSP, à tous les étages du
système; dans le schéma que j'avais fait à
l'époque, au sujet des règlements que vous aviez
édictés, ils sont fort bien faits j'avais fait une
critique constructive de 76 pages qui n'a pas été retenue
cependant, où nous avions monté tout le système pour
indiquer les ponts qui existent entre les deux.
Je dis tout simplement que je conçois mal cela à
côté d'un régime où vous avez une participation des
médecins assez importante et obligatoire, pas toujours amusante, qui
amène l'autorité des connaissances digérées et
toutes prêtes au conseil d'administration qui, lui, jamais les
médecins prend les décisions finales. C'est comme
ça que ça fonctionne. A côté de ça, vous
recommandez qu'un homme, l'employé du directeur général,
soit responsable de tous les soins médicaux, activités
médicales de l'hôpital et, en plus, de l'enseignement. Pourquoi
pas la recherche un coup parti? Avant ça, on la lui donnait aussi.
Ce doit être un homme remarquable que vous allez trouver parce
qu'il va porter en lui des germes de connaissances multidisciplinaires; il va
travailler quelquefois contre lui-même pour arriver à une
pensée concrète.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, d'après les
explications que vous venez de donner, est-ce que le système actuel, en
vertu de la Loi des hôpitaux, comporte certainement plus de partage de
responsabilités et plus de motivation pour les médecins qui se
sentent davantage proches des centres de décisions?
M. ROBILLARD: On laisse la médecine aux médecins. C'est
ça qu'on fait: on laisse la médecine aux médecins; les
décisions qui ont à voir avec l'activité professionnelle
appartiennent aux médecins. Ce n'est pas final, ce ne sont pas eux qui
décident qui va entrer dans un hôpital au bureau médical,
contrairement à ce que les gens pensent, à ce qu'on dit dans les
media d'information. Ce ne sont pas les médecins, ce n'est pas le
comité médical aviseur, c'est toujours l'administration, en
dernier lieu, qui prend la décision. Mais les médecins apportent
une décision sur laquelle ils ont réfléchi.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans ce système, tel qu'il existe
actuellement, y a-t-il tout de même une pierre d'achoppement, y a-t-il
des difficultés particulières actuellement qui pourraient
être corrigées par cette nouvelle proposition?
M. ROBILLARD: Il y en a de nombreuses dans le système qui existe
à l'heure actuelle et elles varient selon la taille de l'hôpital
et selon la motivation qu'on donne à l'intérieur. Je pense qu'une
des failles du système en ce moment, c'est que les conflits qui peuvent
exister entre l'administration et le conseil des médecins souvent se
révoltent à Québec, dans l'antichambre des ministres et
souvent ne sont pas réglés par l'intermédiaire de
l'article 11 qui ne joue jamais, si vous avez remarqué. Je ne me
souviens pas d'un seul cas où l'article 11 ait joué. Il est
difficile de penser qu'il n'existe jamais de conflits entre le corps
médical d'un hôpital et l'administration.
Nous demandons que ce soit maintenu, et je pense que les médecins
sont dans un état assez bizarre en ce moment. Cela fait deux ans que je
l'observe. Les médecins ne sachant pas où ils vont, ayant
l'impression très nette qu'on veut non pas seulement les salarier, parce
que ceci n'a guère d'importance, mais qu'on veut les subordonner et en
faire des fonctionnaires du gouvernement, ils commencent à avoir un
certain désintéressement à l'intérieur de
l'hôpital. Pour la participation, ils n'y croient plus. C'est pour
ça que je demande à la commission parlementaire de se pencher sur
ce problème particulier de la responsabilité du bureau
médical pour qu'on puisse motiver de nouveau les médecins. Il y a
à ce moment-ci, je vous l'avoue, du flottement dans le corps
médical au niveau des hôpitaux, au niveau de la
responsabilité des médecins vis-à-vis de
l'administration.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie, Dr Robillard. Voilà
justement le point
que je voulais vous faire souligner, et vous l'avez fait. C'est cette
perte, cette absence de motivation de la part des médecins qui se
sentent impliqués moins directement dans le fonctionnement du
système. Evidemment, leurs responsabilités diminuant, ils ont
moins de possibilités d'influencer le fonctionnement, les modifications
et les améliorations à apporter dans le système.
Je pense que vous avez touché là un point
extrêmement important de la place qu'occupe le médecin
spécialiste ou le médecin omnipraticien dans le fonctionnement
d'une institution. Mais, feriez-vous ce raisonnement pour tous les types
d'institutions ou si vous pensez qu'il y a d'autant plus de forces que
l'institution donne un degré de soins plus spécialisés?
Feriez-vous le même raisonnement pour les CLAS?
M. ROBILLARD: Je suis bien pratique et pragmatique
généralement dans mon mode de penser. Les hôpitaux
ça existe, c'est là, on les connaît beaucoup, on y a fait
notre internat, notre résidence et on le sait. Quant au CLAS, je n'ai
aucune idée comment il va tourner, comment il va fonctionner, comment il
va se politiser ou non. Je ne sais pas non plus exactement quelles sont les
pensées du ministère sur le CLAS, elles ne sont pas encore
explicitées. J'ai l'impression que le CLAS même pour le
ministère est encore un sujet expérimental, même si le
ministre dit que le CLAS sera le fondement, la base de toute la médecine
québécoise. Peut-être en est-il ainsi, peut-être que
cette décision a été arrêtée, mais je suis
sûr que les faits viendront tempérer n'importe quelle
décision, si judicieuse soit-elle. On va vivre l'évolution des
CLAS et nous verrons. Je pense que les omnipraticiens ont fait la remarque
qu'il devrait y avoir un bureau médical d'une certaine forme dans les
CLAS d'une certaine dimension. C'est une recommandation que nous avons
entérinée et je peux vous dire en passant que toutes les
recommandations qu'ont faites les médecins omnipraticiens ont
été discutées avec nous et nous les faisons
nôtres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je reviendrai avec d'autres questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.
M. BOIS: M. le Président, je remercie très
sincèrement le Dr Robillard ainsi que la Fédération des
médecins spécialistes du mémoire qu'ils ont
présenté. Même si, à la suite de l'année
dernière, nous pouvons dire que les absents ont toujours tort, on peut
cependant présumer que cette année les présents peuvent
être questionnés. Parmi les questions que j'aurais à poser,
M. Robillard, la première est la suivante: Est-il vrai que
présentement il manquerait du personnel médical ou infirmier dans
les institutions de langue anglaise?
M. ROBILLARD: Je n'en sais rien. Je lis les journaux comme vous.
J'ai lu la déclaration de la directrice de l'Association des
infirmières anglophones qui dit qu'il manque du personnel infirmier au
niveau du Montreal Neurological Institute. Je pense que c'est vrai. Cela a
été dit, on ne peut le contester. Je sais qu'il manque du
personnel médical. Nous sommes intervenus, si vous vous en souvenez,
pour que les anesthésistes, qui avaient le "fellow d'Edimbourg", des
gens extrêmement qualifiés, puissent être payés par
la régie, car ils ne l'étaient pas. Ce qui avait fait dire par
les journaux que les anesthésistes travaillaient 26 heures par jour. Ils
avaient oublié de dire qu'ils étaient trois. Alors, le bill a
été corrigé très rapidement par le gouvernement et
nous avons réglé cette question.
Pour ce qui est du personnel infirmier, je vous cite encore les
journaux. La présidente est ici, ce matin. Elle va vous le dire beaucoup
mieux que moi, je pense. Elle a dit qu'il y avait suffisamment de personnel
infirmier, enfin, de gardes-malades du côté francophone. Moi, tout
ce que je peux vous dire a rapport aux médecins. Dans le passé,
on nous a assez seriné qu'il y aurait un départ de 200 ou 300
médecins. C'est exactement ce qui s'est produit et ceci a causé
un certain problème dans les hôpitaux anglophones au niveau de la
radiologie et de l'anesthésie et de la psychiatrie en particulier.
M. BOIS: Maintenant, Dr Robillard, en quoi pourriez-vous me dire,
d'après ce que je relève dans votre mémoire...
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire juste une remarque ici?
M. BOIS: Oui.
M. CASTONGUAY: Comment conciliez-vous, docteur, les chiffres que vous
mentionnez à l'effet que 200 à 300 médecins ont
quitté le Québec avec ceux que nous communique
régulièrement le régistraire du collège où,
depuis un an, on voit qu'ont cessé d'exercer la médecine, si ma
mémoire est bonne, au Québec, environ 250 médecins, ce qui
comprend ceux qui sont allés étudier à l'extérieur,
les décès, les retraites, les changements d'activités?
M. ROBILLARD: Bon, nous voilà revenus encore à l'exode des
médecins.
M. CASTONGUAY: Non, non, mais c'est à cause...
M. ROBILLARD: Moi, j'essaie toujours de sortir de l'exode des
médecins et inlassablement, j'y reviens. Je ne dis pas que c'est vous
qui m'y ramenez. Je vais en parler. Mais je voudrais tout simplement dire, pour
la presse, que moi, j'en ai soupe de l'exode des médecins. Alors, cela
existe des départs. On en a parlé. Je vais en
parler, mais, mon Dieu! ce n'est pas un exode. On ne veut pas s'en
servir comme un outil de quelque chose, de négociation, etc.
Voici les chiffres du collège. Le collège nous dit
le régistraire me corrigera; on a moins de contacts avec le
collège que le ministère, mais enfin 600 personnes ont
accédé à la pratique de la médecine au
Québec. De cela, je pense qu'il y a à peu près 300
gradués des facultés de médecine, n'est-ce pas, M. le
régistraire? De 300 à 320 diplômés. Il y a ensuite
peut-être 150 ou un peu plus de résidants qui étaient
déjà dans le Québec à l'entraînement dans une
spécialité et qui ont reçu une licence de pratique pour
rester dans le Québec. Ce n'est pas un apport de l'extérieur. Ils
y sont, ils y restent. Pour combien de temps? Je ne le sais pas mais ils y
restent. Cela fait à peu près 450 ou 500. Ensuite, nous avons des
gens ayant des licences temporaires, qui sont venus passer un certain temps
avec un poste hospitalier, soit à McGill, soit à Sherbrooke plus
spécifiquement. Il y en a à peu près une soixantaine de ce
type-là. Nous avons demandé que la loi soit amendée pour
leur permettre de rester un an ici au Québec et vous avez adopté
la loi. Donc, il ne reste pas beaucoup de nouveaux venus au Québec qui
sont rentrés pour remplacer ceux qui sont partis. Quand bien même
il serait rentré des gens pour les remplacer, que je n'ai pas vus
encore, il demeure tout de même que ceux qui sont partis sont des gens
difficilement remplaçables parce que c'est la moitié de nos
radiothérapeutes, ce sont nos professeurs, nos directeurs de
psychiatrie, ce sont des radiologistes, ce sont des anesthésistes, des
gens qui ne sont pas remplaçables rapidement.
Je ne le souligne pas pour dire que c'est une catastrophe majeure. Ce
n'est pas une catastrophe majeure. Mais je voudrais vous signaler aussi que
nous sommes en train d'organiser un système, une banque de personnel
pour venir en aide dans les endroits où il manque des médecins.
Un jeudi, les médecins de Sept-Iles sont venus nous voir en nous disant
qu'il n'y avait pas d'anesthésiste pour opérer et, le lundi, il y
avait un anesthésiste à Sept-Iles et, maintenant, il y en a deux.
Je ne vous dis pas qu'on va faire des miracles, mais j'aimerais tempérer
peut-être en vous montrant l'effort qu'on fait de ce
côté-là pour ne pas laisser penser aux gens qu'on ouvre un
bureau de placement ici pour les médecins en Californie.
M. BOIS: Une autre question, M. Robillard. Dans votre mémoire,
vous faites allusion au peu de différence que vous entrevoyez entre les
unités sanitaires actuelles et les CLAS. Est-ce que vous auriez
l'obligeance de préciser votre pensée là-dessus?
M. ROBILLARD: Je suis obligé de me reporter au rapport
Castonguay-Nepveu pour savoir ce qu'est un CLAS. Si je le fais je ne trouve pas
le CLAS, mais je retrouve le CLS, le centre local de santé. On dit que
ce centre-là serait responsable de 80 p.c. à 90 p.c. des soins
médicaux, qu'il serait constitué de deux ou trois
omnipra-ticiens, d'une dizaine d'infirmières soignantes on les
appelle comme ça qui auront des diplômes particuliers
d'aides-médecins.
Je ne vois pas la liaison que les centres locaux de santé auront
avec les hôpitaux. Maintenant, je voudrais bien préciser encore,
parce que dans mon dos j'ai les infirmières je les aime bien plus
devant que de dos pour dire que nous ne sommes aucunement opposés
au concept des aides-médecins, bien au contraire, et que nous sommes
totalement en faveur du concept que le premier choix aille aux
infirmières. Nous allons leur en parler bientôt.
M. BOIS: Une autre question. Est-il vrai...
M. CASTONGUAY: Est-ce que vous me permettriez d'ajouter un mot...
M. BOIS: Oui.
M. CASTONGUAY: ... pour l'information à la fois de M. Bois et
aussi d'autres personnes, peut-être également du Dr Robillard?
J'ai déposé ici, à la commission parlementaire, lors de
l'étude des crédits du ministère, un document sur les CLSC
qui va passablement plus loin que la description que vous en faites. Je ne veux
pas prolonger la discussion sur ce plan-là. Mais je vous rappelle qu'au
moment de l'étude des crédits du ministère, j'ai
déposé un document de travail qui donne passablement plus
d'informations sur les CLSC tels que nous les concevons.
M. ROBILLARD: On demanderait, M. le Ministre, à votre
secrétaire de nous faire parvenir le document qui ne nous a pas
été envoyé.
M. CASTONGUAY: Cela nous fera un grand plaisir, docteur.
M. ROBILLARD: Il nous aidera à mieux participer.
M. BOIS: Dr Robillard, est-il vrai que des omnipraticiens et/ou des
spécialistes auraient plus que doublé leurs revenus depuis
l'instauration de l'assurance-maladie? D'après vous, cela
dépendrait de quoi?
M. ROBILLARD: Moi, si j'étais président de la commission,
je vous rappellerais à l'ordre. Cela ne fait rien, je vais
répondre. Nous sommes ici pour répondre à toutes les
questions. Des informations que nous avons et que nous avons fait
étudier par nos actuaires, nous avons conclu que le chiffre moyen qui
avait été offert par le ministre des Affaires sociales aux
médecins spécialistes le 31 mai 1970 n'a pas été
dépassé, au contraire. Alors, donc nous nous en sommes tenus en
bas des prévisions budgétaires. Vous
avez vu aussi que la Régie de l'assurance-maladie a dit que
c'était exact ce que je vous dis dans le moment. Nous sommes
parfaitement conscients, cependant, que certains individus,... le nombre exact
je ne l'ai pas parce que j'ai demandé au ministère de me donner
le nom des médecins et le revenu de chacun. Mais la loi. avait
été faite avec tellement de prudence par l'Assemblée qu'il
n'est pas permis de révéler ces secrets. Alors, nous avons
été obligés, au cours de l'été, d'envoyer
à tous les médecins une lettre leur demandant un mandat nous
autorisant à obtenir de la régie le chiffre exact de leurs
revenus de façon que les 24 comités que nous avons formés,
dits comités de surveillance des conventions, de chacune des
associations puissent aller voir sur place le genre de travail que fait le
médecin, pourquoi il génère un tel revenu, de façon
que nous puissions répondre à toute question et corriger les abus
s'il y a lieu. Je peux vous dire que nous avons eu une réponse assez
spectaculaire. Certaines de nos associations sont rendues à 90 p.c. de
mandats obtenus de leurs commettants. J'ai réuni les présidents
pour leur savonner les oreilles un peu il y a deux jours afin qu'ils activent
le processus. Alors, je peux vous dire, M. Bois, que tout est sous
contrôle de ce côté-là et que si certains
médecins vont faire des sommes, en apparence, faramineuses, ils ne sont
pas nombreux, deuxièmement cela veut dire que d'autres vont faire des
sommes très peu élevées. Il va falloir corriger cela. Le
tout, pour le contribuable, se solde par un compte qui est
légèrement inférieur à celui qui était
prévu. Donc, nous nous sentons assez à l'aise dans ce
domaine-là particulièrement.
M. BOIS: Je vous remercie. Maintenant, à la page 29 de
votre...
M. CASTONGUAY: Est-ce que, monsieur, je pourrais...
M. BOIS: Oui, allez-y.
M. CASTONGUAY: ... faire juste un commentaire ici? Je voudrais
simplement rappeler que vers le mois de juin, si ma mémoire est bonne,
j'ai déposé à l'Assemblée nationale un rapport sur
les coûts de l'assurance-maladie après quatre mois de
fonctionnement du régime. Le président de la régie m'a
dit, récemment, qu'une étude subséquente est
présentement en cours et portant sur une période plus longue de
fonctionnement du régime. Dès que j'aurai le rapport, c'est mon
intention également de donner les renseignements pertinents ou utiles
qui pourraient se dégager de ce rapport.
Alors, pour dissiper, aussi clairement qu'a voulu le faire le Dr
Robillard, tout malentendu, les chiffres seront publiés au fur et
à mesure qu'ils seront disponibles, aussi bien dans ce cas-là sur
une base brute de déboursés de telle sorte que l'on voie tous les
aspects du problème.
M. ROBILLARD: Les revenus bruts et nets avec les dépenses, mais
je peux vous dire que la participation que nous avons avec la Régie de
l'assurance-maladie peut-être que cela vous intéresse au
passage est excellente. Nous obtenons tous les chiffres dont nous avons
besoin et nous, en retour, nous donnons à la régie toutes les
informations que nous avons en notre possession de telle façon que nous
pourrions bien, si nous le voulions, sortir notre rapport, mais nous laissons
à M. le ministre le plaisir de le faire, cette fois-ci, avant nous.
M. BOIS: Une autre question. Dans votre mémoire, vous attaquez la
bureaucratie gouvernementale. Pourriez-vous, M. Robillard, nous expliquer
pourquoi les médecins en ont contre les bureaucrates?
M. ROBILLARD: J'ai expliqué, je pense, avec assez de nuances que
nous n'en avons pas contre les bureaucrates. Je dis que la bureaucratie
c'est un mot qui n'est pas populaire, mais il faut démasquer un peu ce
mot et aller au fond des choses cela ne veut rien dire. Cela veut dire
des gens assis dans un bureau. Tout le "management" américain est
centré sur le concept de la bureaucratie. Cela a fait la fortune des
Américains. Eux, ils appellent cela le "management". Nous n'avons rien
contre la bureaucratie, mais la forme la plus agaçante de la
bureaucratie, c'est le fonctionnarisme. Alors, j'en ai contre le
fonctionnarisme, mais pas contre la bureaucratie en particulier.
Si vous me demandez pourquoi j'en ai contre le fonctionnarisme, je
pourrais vous donner toute une série d'exemples. Je pense que ce n'est
pas l'endroit pour cela. Les fonctionnaires en ont aussi contre nous.
M. BOIS: Il me reste deux questions à vous poser, Dr Robillard.
Croyez-vous, comme médecin, que le projet de loi no 65 risque d'amener
le médecin, à la longue, à devenir beaucoup plus un homme
qui s'occupera de paperasses, c'est-à-dire qu'il passera beaucoup plus
de son temps à remplir des documents qu'à se dévouer
à la médecine elle-même?
M. ROBILLARD: Cela, on le voit déjà. Dans un sens, c'est
inévitable. Il faut, je pense, éviter de faire des mémos
en 14 copies en utilisant un stylo à bille à pointe fine et en
mettant un poids de 20 kilos par pouce carré parce que là,
vraiment, on entre dans une bureaucratie. C'est cela, le fonctionnarisme,
voyez-vous? J'ai vu cela.
Je pense qu'on s'est entendu avec la régie pour discuter. Quand
nous avons demandé, l'an dernier, et que vous nous l'avez refusé,
de négocier les formules, vous n'avez justement pas répondu
à cette inquiétude que nous avons au sujet des formules. Disons
que par la suite, cette position assez catégorique: nous ne
négocierons pas nos formules, s'est atténuée. C'est le
coeur d'un administrateur, son papier, ses formules.
Depuis ce temps-là, nous avons réussi à discuter
des formules et il n'y en a pas une, je pense, qui a été
publiée dans les six derniers mois sur laquelle nous n'avons pas
été consultés. Pour une fois, on a tenu compte de nos vues
à la consultation. Il y a plusieurs sortes de consultations, disons que
cela a été des consultations valables, véritables.
M. BOIS: Dernière question. A la page 29 de votre mémoire,
vous citez le Club Jean Moulin en disant ceci: "Les libertés locales ne
vont pas fleurir par décret dans des régions dépourvues de
cadres intellectuels et de capitaux." Est-ce que vous voulez mentionner ici
qu'il y aurait difficulté d'établir le système des CLAS ou
ORAS dans des régions où, actuellement, par exemple, il
manquerait soit de médecins ou d'organisations physiques sur les
lieux?
M. ROBILLARD: Là, je prenais la décentralisation. Ce n'est
pas moi qui la prenais; je la prenais des mains d'un autre, le Club Jean Moulin
en France; je pense que c'est respectable comme groupe. Le titre du chapitre,
si je me souviens bien, c'était: "La décentralisation: rêve
de l'intellectuel de gauche ou réalité? " La pensée du
Club Jean Moulin est extrêmement nuancée sur la participation. Ils
en soulignent tout simplement les difficultés en France, en soulignant,
en particulier, la pénurie d'effectifs formés sur place,
d'administrateurs.
Je viens d'avoir une discussion, il y a deux jours, avec des
médecins français qui sont de passage ici. Ils nous expliquaient
comment le système participatoire fonctionne en France au niveau de la
CHU. A ce niveau, ils ont la possibilité dans la population d'avoir des
gens qui ont de l'administration une certaine expérience.
Nécessairement, le gouvernement ne paie pas très cher. Le
gouvernement ne donne pas un quart de million à un groupe pour meubler
ses loisirs. Ils prennent vraiment des gens sur place qui sont capables, qui
ont une certaine responsabilité administrative, qui savent ce que c'est.
Ils ont aussi des cadres médicaux parce qu'ils ont beaucoup plus de
médecins par tête de population qu'on n'en a.
Je dis tout simplement que la pénurie d'effectifs, de ressources
dans les communautés, la presse que nous avons aussi dans ces
communautés, qui n'est pas, à mon avis, tout à fait
à la hauteur la presse nous critique de temps en temps; il faut
bien faire la même chose l'absence de connaissances techniques
pour les gens qui peuvent siéger à ces conseils nous invitent
à la prudence.
M. BOIS: J'aurais juste une question à poser au ministre. A la
suite de l'étude des crédits du budget de la province, est-ce que
le ministre pourrait nous dire ce qui peut difficilement être
établi d'après la dissection des divers postes? Est-ce que, dans
votre ministère, on a fait l'étude appropriée quant aux
crédits qui se- raient requis pour l'instauration complète du
nouveau système?
M. CASTONGUAY: J'ai mentionné déjà, M. le
député, que sur cette question, il faut dissocier d'abord ce qui
est programmation ou implantation de ressources, modification de ressources, et
ce qui est l'impact de ce bill-là au plan financier.
Présentement, nous continuons de construire des hôpitaux, d'en
agrandir, d'acheter de l'équipement, etc, et ça, que le bill 65
soit là ou non, il va falloir continuer à le faire. Ce sont des
coûts qui ne sont pas reliés au bill 65.
Si nous ne construisons pas les centres locaux de services
communautaires, nous allons devoir construire des hôpitaux qui
coûtent encore passablement plus cher. Et encore là, nous n'avons
pas d'analyses, où nous nous sommes amusés à essayer de
faire des projections détaillées de ce que pourraient être
la demande et les coûts, si nous voulions continuer de satisfaire
à la demande d'après les modes actuels et ce qu'ils seraient, si
nous déplaçons vers les centres locaux de services communautaires
une certaine partie de cette demande. Mais nous sommes convaincus que les
coûts vont être inférieurs.
En ce qui a trait directement aux coûts reliés au bill 65,
nous les voyons au niveau de l'organisation des offices régionaux des
Affaires sociales. Et là présentement, sur ce plan encore, il y a
deux commentaires, je crois, qu'il est nécessaire de faire. C'est que,
d'une part, nous subventionnons présentement des organismes qui assument
certaines des fonctions qui sont proposées pour les offices
régionaux des Affaires sociales. Je pense par exemple au Comité
de planification des services de santé des Cantons de l'Est. Je pense
à certaines études que nous commanditons pour analyser certains
problèmes, soit des groupes, soit des individus. Ce sont des coûts
qui existent présentement et dans la mesure où les offices
assumeront ces fonctions, on n'a pas là uniquement des coûts
nouveaux.
Nous avons dit également dans ce projet de loi et nous proposons
que les offices régionaux soient mis en place de façon graduelle
et aussi que leurs pouvoirs puissent leur être confiés
graduellement. Encore là, pour nous, il n'était pas possible, je
crois, d'étudier toutes les hypothèses en faisant
l'hypothèse qu'en créant un office, deux offices, trois offices,
etc, on leur donnait certaines gammes de pouvoirs.
Ce que nous avons dit plutôt, c'est qu'il y a d'abord un
problème de recrutement de personnel compétent. Il y a aussi le
fait qu'il faut assurer que ces offices fonctionneront convenablement et il
nous apparaissait difficile de les mettre en place tous en même
temps.
Donc, il n'est pas encore, et surtout tant et aussi longtemps que le
projet de loi n'est pas dans sa forme définitive, possible de dire ce
que serait le coût de ces offices. Ces offices,
également, assumeront des fonctions qui sont présentement
assumées au niveau du ministère et pour lesquelles nous encourons
des coûts. Il y aura déplacement quant au lieu où les
dépenses sont effectuées, mais ce ne sont pas encore
nécessairement toujours de nouveaux coûts.
Enfin, dans la mesure où ces offices joueront un rôle
utile, ils pourront aussi, en contrepartie des sommes qui seront
nécessaires pour les faire fonctionner, apporter des économies
également. Je vous ai cité à la dernière
séance de la commission si vous vous rappelez bien
certains exemples. A partir d'un manque de contrôle, on a par exemple, le
cas d'un hôpital où les dépenses autorisées pour la
rénovation, l'agrandissement de cet hôpital étaient de $9
millions; lorsque le tout a été terminé, les coûts
encourus étaient de l'ordre de $19 millions. Si nous avions pu dire
à un moment donné: Voici, c'est ça qui est
approuvé, vous n'allez pas plus loin que ça, ces $10 millions ne
se seraient pas dépensés.
Il y a dans toute cette question un ensemble de facteurs.
La conclusion que j'en tire c'est que le bill 65 constituera un
instrument permettant d'effectuer un meilleur contrôle d'allocation,
d'abord par rapport aux besoins, aux régions et au type de
services des fonds et aussi une meilleure utilisation de ces fonds dans
le temps.
M. BOIS: M. le Président, je crois à
l'honnêteté intellectuelle du ministre; c'est définitif,
d'ailleurs je le lui ai déjà dit.
M. CASTONGUAY: Oui.
M. BOIS: Je ne voudrais pas ici, quand même...
M. CASTONGUAY: C'est une permanence.
M. BOIS: Sa déclaration vise à protéger un
prédécesseur, mais, pour revenir à cette question d'un
hôpital en particulier, est-ce qu'il n'y aurait pas des cas par exemple,
où le gouvernement aurait une certaine influence dans le choix des
architectes, des ingénieurs, etc.?
M. CASTONGUAY: Je n'ai pas fait, depuis un an et demi, d'étude de
ce type afin de déterminer qui sont les responsables, dans un cas
donné, des coûts plus élevés encourus; ce qui
m'apparaît plus important, c'est de faire en sorte que dans l'avenir on
ait les moyens de voir à ce que les sommes allouées soient bien
dépensées.
Je n'ai pas pris, en aucun cas, de dossier pour les examiner et essayer
de mettre le doigt sur des responsables. Cela n'a pas été
l'approche que j'ai voulu prendre, je n'ai jamais accusé qui que ce soit
de mauvaise foi. Par contre, ce que j'ai essayé de faire c'est
plutôt d'identifier certaines des causes, de façon
générale, de ces dépassements et d'essayer d'apporter des
suggestions pour les corriger. Je mentionne entre autres, par exemple, le fait
que présentement, lorsque nous nous engageons dans une construction,
nous signifions à un hôpital ce fut le cas dans le
passé de façon générale et pas seulement sous
l'ancien gouvernement mais antérieurement également que
nous approuvons le projet de construction. Nous disons: Vous pouvez construire
un hôpital, la limite des coûts est de $3 millions pour un
hôpital général.
Présentement, nous y allons beaucoup plus dans le détail.
Nous définissons, de concert avec le conseil ou la corporation, quelles
devront être les fonctions qui seront assumées par cet
hôpital. On voit justement que c'est nouveau et cela fait l'objet de
litiges, comme dans le cas de Shawinigan-Grand'Mère, où cela a
pris un certain temps avant de s'entendre sur un équilibre entre les
fonctions confiées aux deux hôpitaux. Nous sommes en voie,
présentement, d'élaborer un guide de telle sorte que lorsqu'un
tel projet sera approuvé, en plus d'avoir un programme à
réaliser, nous dirons spécifiquement à la corporation
hospitalière : Voici quelles sont vos responsabilités dans ce
projet, voici quelles sont les responsabilités du ministère,
voici comment nous croyons que vous pourriez éviter certains
écueils dans la construction. Il ne faut pas oublier un facteur dans
ceci: Bien souvent, un hôpital ou une corporation hospitalière
n'est appelé à faire des travaux majeurs qu'une fois sur une
très longue période d'années. Même si le
phénomène se reproduit souvent, à plusieurs endroits en
même temps, pour une corporation donnée, c'est une nouvelle
expérience.
Est-ce qu'ils doivent engager quelqu'un pour surveiller leurs
intérêts sur le chantier ou se fier uniquement à
l'entrepreneur? Est-ce que, lorsqu'ils voient des extra comme c'est bien
souvent le cas dans un projet, ils peuvent faire des dépenses pour ces
extra sans autorisations ou s'ils doivent en obtenir? Est-ce que les frais
d'honoraires, comme vous le mentionnez, sont compris dans le montant de la
construction ou si c'est en plus? Est-ce que la forme de soumission
demandée doit être celle déterminée par
l'hôpital ou s'il doit y avoir un type plus standard de telle sorte que
l'on bénéficie de l'expérience? Nous sommes en voie de
mettre en place un tel guide qui, nous le croyons, sera un outil utile pour les
administrations hospitalières. Ceci, nous le faisons à partir
d'une analyse, non pas d'un cas particulier, mais des causes ou de ce qui nous
apparaît être les principales causes des dépassements dans
les projets de construction.
M. BOIS: M. le Président, je remercie le ministre et le Dr
Robillard d'avoir répondu à mes questions.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne peux pas laisser
passer la question du
député de Saint-Sauveur sans faire la réflexion
suivante: D'abord, le sujet est trop vaste il est certainement hors
cadre ce matin pour que l'on élabore plus longuement. Je voudrais
dire ceci. Entre le moment où l'on commence à étudier un
projet d'implantation d'un hôpital et le moment où on met la clef
dans la serrure pour ouvrir l'hôpital, il s'écoule une
période de cinq, six et sept ans.
Entre-temps, il arrive toutes sortes de choses impondérables,
telles que des renouvellements de conventions collectives, comme il y a eu
depuis deux ou trois ans dans le secteur de la construction. Cela a
amené le gouvernement à réviser en cours de route bien des
projets de construction en ce qui concerne les conventions collectives et les
salaires. Cela peut expliquer dans une certaine mesure les différences
entre les estimations initiales et le coût final de la
réalisation.
Il arrive aussi qu'en cours de réalisation du projet, des
services qui n'avaient pas été prévus au début sont
ajoutés, tenant compte de l'évolution qui se fait dans le domaine
des services médicaux, de la dispensation des soins de santé. De
toute façon, c'est une question et je ne crois pas que le ministre dans
sa réponse ait voulu couvrir qui que ce soit, comme je l'ai fait en
1966, quand j'ai pris la suite de mes prédécesseurs, je n'ai pas
voulu non plus couvrir qui que ce soit. C'est un problème complexe et,
tenant compte des difficultés d'appréciation et de
réalisation dans ces domaines, il s'est produit nécessairement
que des estimations initiales aient été dépassées.
De toute façon, nous prendrons en temps utile chaque cas en particulier
pour obtenir les informations que les membres de l'Assemblée nationale
ont le droit d'avoir. Mais ce n'est pas le moment, ici, ce matin, de faire le
procès du coût de construction des hôpitaux.
Mais cela m'amène à poser une question au Dr Robillard. Je
m'excuse auprès du député de Bourget, ma question sera
courte. Il a parlé tantôt de Shawinigan. Il nous a dit, à
la commission, que les médecins n'avaient pas été
consultés. Est-ce qu'il parlait des médecins de l'institution ou
de la Fédération des médecins spécialistes? Ce sont
deux choses différentes.
M. ROBILLARD: Nous avons l'habitude de ne pas être
consultés et nous considérons cela presque normal. Mais j'entends
les médecins qui exercent dans l'hôpital; ils n'ont pas
été consultés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il faudra évidemment revoir dans quelles
circonstances ça s'est produit. J'ai rencontré assez
régulièrement des comités de construction d'hôpitaux
et j'ai constaté souvent que des médecins faisaient partie de ces
comités de construction. Quand il n'y avait pas de mécecins au
comité de construction, on les appelait à l'intérieur de
l'hôpital à donner leur opinion sur l'aménagement des
services. Peut-être que l'opération aurait dû être
poussée plus loin, quand on a fait la synthèse de tout cela avant
de donner l'approbation finale. De toute façon, j'ai noté
l'observation du Dr Robillard et le ministre également. Si ce n'est pas
fait suffisamment à ce jour, j'espère que ce le sera davantage
à l'avenir.
M. ROBILLARD: Je voudrais bien clarifier cette position pour ne pas en
faire un point de politique. La construction de l'hôpital de Shawinigan,
comme vous dites, de la genèse intellectuelle de l'hôpital,
l'ouverture des portes, il s'écoule six ans, voire dix ou quinze ans. Je
ne me souviens plus sous quel gouvernement la construction de l'hôpital
avait débuté, mais je me souviens que le député
local a changé à un certain moment. Je ne peux donc pas dire que
c'est un gouvernement ou l'autre.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il n'est peut-être pas passé
tellement de gouvernements, mais plusieurs ministres.
M. ROBILLARD: C'est pour cela que je ne voulais pas tenir responsable
l'un ou l'autre, mais je dois vous dire que lorsque nous avons discuté
avec les hauts fonctionnaires du gouvernement de la question, on nous a
répondu tout simplement qu'on était en face d'un fait acquis dont
ils n'étaient pas responsables et que nous avons eu une discussion
très fructueuse, comme on l'a vu. Je n'ai rien à dire sur le
climat qui a présidé à ce moment-là. Ce qui s'est
passé est passé. Je dis tout simplement que c'est malheureux que
ce ne se soit pas passé comme ça. Pour ce qui est dans le moment,
je n'ai rien à dire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, j'ai pris un très vif
intérêt à la lecture et à la présentation du
mémoire de la fédération ainsi qu'aux échanges qui
ont suivi. Ceci me convainc de plus en plus que nous avons affaire, avec le
projet de loi 65, à une loi qui va changer du tout au tout
l'organisation des services sanitaires et sociaux au Québec, comme si la
situation avait évolué jusqu'ici un peu à son propre
rythme, au rythme de ceux qui s'occupaient de la mission santé au
Québec.
Maintenant il s'agit de faire le point, de peser les avantages et les
désavantages du système actuel et de prévoir un nouveau
système.
Ce nouveau système, moi, je le décrirais un peu, à
la suite de votre exposé, comme la recherche d'un nouveau rapport de
forces entre tous ceux qui ont à s'occuper de la mission santé,
la recherche d'un nouvel équilibre entre les contributeurs aux divers
systèmes. Jusqu'en 1971, en effet, on a vu que les organisateurs ou ceux
qui avaient affaire au problème de la santé étaient les
suivants. Il y avait les élites communautaires qui la plupart du temps
ont créé les institutions, les ont développées. Il
y a eu les
médecins, surtout les médecins, qui offraient leur
science, leur technique, dont l'apport était absolument indispensable et
dont l'apport s'est développé, amélioré au fur et
à mesure des progrès de la science. Troisièmement, les
usagers qui, il faut bien l'avouer, jsuqu'ici sont restés très
passifs et, enfin, l'Etat dont le rôle s'est accru au cours des
années, s'est accru à un point tel que maintenant il lui fallait
repenser son rôle, sa vocation, ses fonctions.
Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez contre le
statu quo sans cependant peut-être aller suffisamment dans les raisons
qui vous amènent à être contre le statu quo. Contre ce
statu quo, il y a peut-être le fait, par exemple, que les élites
communautaires, malgré tout le dévouement, malgré toute la
générosité dont elles ont fait preuve, n'ont pas vu toute
l'ampleur ou toutes les facettes d'un problème, n'ont pas
été capables de coordonner d'elles-mêmes leurs ressources,
leurs fonctions, leur vocation.
En ce qui concerne la profession médicale, peut-être,
justement au fur et à mesure du progrès de la science, a-t-elle
tendu elle aussi à ne pas pouvoir coordonner ses activités d'un
hôpital à l'autre, d'une institution à l'autre.
Peut-être à l'intérieur même de l'institution
a-t-elle, par la force des choses, assumé un rôle que lui ont
graduellement contesté les conseils d'administration d'hôpitaux,
l'Etat et aussi les usagers. Vous avez mentionné, ainsi que le ministre,
d'ailleurs, certains des reproches qu'on avait pu faire à la classe
médicale comme, par exemple, le défaut de rendement d'un
hôpital en ce qui concerne l'admission des patients, la circulation des
patients à l'intérieur d'un département. Je pourrais faire
état d'autres reproches que j'ai entendus, comme, par exemple, les
chasses gardées que constituaient les bureaux médicaux où
il était très difficile pour certains médecins et
particulièrement dans les régions rurales de se faire
admettre dans certains hôpitaux, ou encore la difficulté pour un
bureau médical d'avoir une vue qui dépassait son hôpital et
d'insérer son action au sein de la communauté, de prendre
conscience de sa vocation sociale ainsi que de la vocation de coordination de
l'ensemble des besoins d'une région.
Egalement, à l'intérieur de ce corps professionnel, un
autre reproche que vous connaissez aussi bien que moi et que l'on entend
souvent, c'est qu'en même temps que progressait la profession
médicale, en même temps que la science se spécialisait,
s'accroissait, il y avait quand même d'autres spécialistes qui
faisaient émergence dans les hôpitaux. Je pense à toutes
les professions paramédicales, que ce soit le nursing, que ce soit les
physiothérapeutes, que ce soit les sociologues, les travailleurs
sociaux, les psychologues. Les rapports à l'intérieur même
des professionnels de la santé étaient souvent tendus et on ne
trouvait pas à l'intérieur des bureaux médicaux ou des
corps professionnels de l'hôpital les rapports, l'équilibre qui
auraient convenu à l'administration de soins qui auraient répondu
aux nécessités professionnelles aussi bien qu'aux besoins de
l'usager.
Enfin, en ce qui concerne les usagers, cette passivité a
graduellement fait place à une activité en ce sens que
l'organisation des hôpitaux allant à l'encontre de certains de
leurs besoins fondamentaux, que ce soit le besoin humain, le besoin
d'être considérés comme des individus, des personnes et non
comme des numéros, le besoin d'être respectés dans toutes
les dimensions de leur personnalité, le manque d'organisation en ce qui
concerne, par exemple la distance, la gamme de tous leurs besoins ont fait que
les usagers ont eu de plus en plus de griefs à l'endroit des
institutions et ont ainsi manifesté le désir d'être
présents là où se prennent les décisions.
Je n'ai pas envie de refaire ici toute la critique qu'a faite la
commission Castonguay-Nepveu à l'endroit de l'organisation actuelle des
services sanitaires et sociaux. Mais je pense que vous êtes convaincus
comme moi qu'il fallait véritablement en arriver à cette
révision, parfois déchirante, de la situation actuelle. Et
là, nous arrivons au véritable problème: l'organisation
d'un nouvel état de choses, d'une nouvelle mission santé, la
définition des vocations, des responsabilités réciproques,
la recherche d'un équilibre entre ceux qui ont quelque chose à
voir avec l'administration des services de santé, une vocation plus
spécifique pour chacun des groupes qui ont un rôle à jouer,
qu'il s'agisse aussi bien de l'Etat que de la profession médicale, que
des professionnels au sein des travailleurs de la santé, aussi bien que
des conseils d'administration et des usagers. C'est bien sûr que c'est
très difficile de trouver cet équilibre, ce nouveau rapport de
forces, malgré toutes les études qui ont été
consacrées à ce sujet.
A ce titre, je pense que vous avez eu raison dans votre mémoire
d'aborder le problème de très très haut et de consacrer
une bonne partie du mémoire à des considérations
générales. Car je crois encore, et je l'ai déjà
dit, que c'est une question de philosophie. Et tant qu'on ne s'entendra pas sur
cette philosophie, il sera très difficile d'en arriver à cet
équilibre idéal de forces. Peut-être, si on n'y arrive pas,
y a-t-il un grand danger. Les usagers seront encore une fois mécontents
et il y aura de la contestation. Les professionnels et, en particulier, les
médecins seront mécontents également et on court le risque
d'arriver à cette non-motivation dont vous parliez tout à
l'heure, à cette non-participation, à cette non-mobilisation qui
constitueraient également un danger très grave.
Donc dans la recherche de ce nouvel équilibre, j'aimerais que
vous précisiez davantage le rôle spécifique que vous
attribuez aux divers corps en question. Les élites communautaires, on
sent qu'elles vont jouer dans l'avenir un rôle de plus en plus
supplétif, puisque l'Etat entend
assumer des responsabilités beaucoup plus importantes au plan de
la planification, au plan de la coordination et au plan du contrôle. On
sent que ce rôle, même si les élites communautaires n'en
sont pas toujours très satisfaites, va devenir de moins en moins
important. J'aimerais avoir votre idée là-dessus, si vous leur
voyez encore une rôle important.
J'aimerais aussi connaître vos idées sur le rôle que
s'attribue l'Etat dans cette nouvelle fonction. Est-ce qu'il devrait
véritablement exercer tous ces rôles de planification, de
coordination et surtout de contrôle et la façon dont il entend
l'assumer par le projet de loi no 65?
J'aimerais aussi avoir votre idée sur les ORAS, sur ces
organismes que le gouvernement introduit dans l'organisation des services de
santé. Dans votre mémoire, vous dites qu'il n'y a pas assez de
pouvoirs qui sont confiés à l'ORAS. Cela vous fait penser
à l'époque de Colbert, où on disait: Vous allez faire
quelque chose, mais vous allez être obligés de remonter à
Paris pour le contrôle de tout ce que vous faites. J'aimerais que vous
spécifIlez davantage là-dessus.
En ce qui concerne le rôle des médecins à
l'intérieur des structures, est-ce que vous croyez, vous l'avez dit, je
crois, qu'on élimine s'il est vrai qu'auparavant les médecins
avaient peut-être un pouvoir peut-être pas exagéré
mais important, vous considérez qu'on l'a trop réduit? Dans quel
domaine trouvez-vous qu'on l'a par trop réduit et quels dangers
voyez-vous à cette réduction excessive, par exemple, qui
aboutirait à confier au directeur général ou aux
directeurs des services professionnels l'organisation scientifique de
l'hôpital qui, auparavant, était confiée aux bureaux des
médecins?
Enfin, du point de vue des usagers, je vois que vous n'êtes pas
tendres dans votre mémoire à l'endroit du rôle des usagers.
Vous recommandez au gouvernement d'y aller prudemment, par étapes. Vous
vous demandez si, à l'intérieur des centres locaux de services
communautaires en particulier, le rôle des usagers ne sera pas excessif,
ne sera pas trop important, n'aboutira pas à une diminution de la
qualité des soins. J'aimerais que vous nous disiez si, à
l'égard justement de ces protestations, de ces griefs légitimes
des usagers, vous envisagez une formule qui permettrait justement aux usagers
d'orienter d'une façon qui permettrait à leurs besoins
réels, légitimes, d'être respectés, de participer
à l'orientation des organismes.
M. ROBILLARD: Je ne reprendrai pas l'exposé du
député de Bourget. Je vais en prendre seulement les conclusions
qui sont des questions.
Les élites communautaires. Bien, l'élitisme, les
élites communautaires peuvent être l'objet d'une discussion
politique intéressante. Mais je ne pense pas que ce soit mon rôle
de m'y attarder. Je pense que l'élitisme est peut-être un de ces
lieux communs dont j'ai souligné la fréquence dans mon livre.
Cela fait peut-être partie de ce que Galbraith appelle la sagesse
conventionnelle, "conventional wisdom", de ces mots à la mode au
Québec. Il y en a plusieurs: la participation, le dialogue,
l'élitisme, etc.
Des élites communautaires, au Québec, il n'y en a
guère. Je pense qu'on doit se rendre compte, tout de même, si nous
voulons être bien prosaïques, bien tranquilles et ne pas faire de
débat politique, ce qui n'est pas mon rôle que nous
avons des gens qui ont fait partie, dans le passé, de conseils
d'administration des hôpitaux, qui étaient des comptables, des
entrepreneurs, des notaires, aussi des commerçants et que je ne pourrais
pas qualifier d'élites communautaires. Et je ne pourrais pas dire non
plus, si je me retourne vers les bourgeois de Calais, qu'il y avait une
ressemblance entre ces braves gens et ceux qui occupent les postes qu'on a
décrits sous le nom des 200 familles en France.
Je pense que c'est transporter ici des problèmes politiques
d'ailleurs. Tout de même, au niveau de ce qu'on appelle les élites
communautaires, il y a lieu de s'attarder à savoir si le système
va marcher ou non, et quand on nomme quelqu'un à un conseil
d'administration, ce n'est pas pour vendre de la moutarde. S'il s'assoit
à un conseil d'administration, c'est pour gérer, et si c'est pour
gérer c'est pour avoir une idée de ce qu'est la gestion. Ce n'est
pas pour lui donner un cours de gestion.
Je dis donc, pour me résumer là-dessus, que quand je pense
à la participation des élites communautaires qui ont fait les
hôpitaux et des médecins faisaient partie de ces
élites communautaires, que je ne nommerai pas faute de temps et
quand on forme ces élites communautaires, il faut tenir compte du fait
qu'il y a des gens qui ont, dans notre milieu, une expérience valable de
l'administration et qu'il ne faut pas les négliger. Je suis d'accord,
cependant, sur le fait que nos élites, dans le passé ce
qu'on a appelé nos élites, c'est-à-dire celui qui avait
fait son collège classique aller-retour cela est passé de
mode pas mal, et qu'il y a lieu d'intégrer au conseil d'administration
des hôpitaux des gens qui sont du milieu, qui n'ont pas
nécessairement fait un cours classique, si vous voulez. C'était
la norme autrefois de ce qu'on peut appeler, peut-être, notre
élite communautaire. Donc, nous sommes partie. Personnellement, je pense
que c'est partagé par tous ceux qui m'entourent que d'élargir le
cadre de participation au niveau des décisions et de la gestion et d'y
inclure autre chose que notre traditionnelle élite communautaire. Je
suis d'accord.
Allons à l'autre pôle de votre question si vous voulez.
Puisqu'on parle d'élite communautaire, sautons tout de suite à
l'autre pôle que vous semblez défendre au nom des B.B.B. : battus,
bafoués, brimés. Est-ce que c'est vrai
que les gens dans les hôpitaux ont reçu de si mauvais
services? Est-ce que c'est vrai qu'ils ont été privés
d'une médecine de qualité, etc.? Eh bien! je vous réponds
non. Défaut de rendement des médecins? Moyenne de séjour,
neuf jours et demi; Angleterre, 32. Chasse gardée, vieille rengaine
classique au Québec. Chasse gardée des hôpitaux. Je n'avais
pas de "mon oncle" ou de "ma tante" dans les hôpitaux qui était
soeur supérieure ou quoi que ce soit. Je n'ai eu aucune
difficulté à entrer dans l'hôpital de mon choix, n'importe
où. Ceux qui emploient cette rengaine si fréquemment, je leur
demanderais une chose: Voulez-vous nous fournir une liste des médecins
du Québec qui n'ont pas d'attache hospitalière?
Je me suis employé à en rédiger une, sur laquelle
j'ai trouvé quelques malheureux confrères qui avaient eu des
problèmes de narcomanie, etc. Il y en a dans tous les domaines de la
société. Ils étaient fort peu nombreux, pas plus
qu'ailleurs. Je n'ai pas trouvé de gens qui n'avaient pas d'attache
hospitalière.
On oublie aussi souvent de faire la distinction entre un hôpital
général et un hôpital d'enseignement. On oublie de dire
qu'un hôpital d'enseignement qui comporte à peu près 100
à 130 médecins comme personnel et qui a 450 lits, où
chacun dispose peut-être de deux ou trois lits, parfois quatre au
maximum, qu'ils sont obligés de former des étudiants en
médecine de 2e, 3e, 4e et 5e année, plus les résidants en
psychiatrie, en neurologie et en médecine, cela devient un
problème. A ce moment-là, ouvrir l'hôpital à tout le
monde serait difficile.
Il serait aussi difficile que quelqu'un puisse être commis
voyageur en médecine et faire dix hôpitaux, le matin, en se
promenant tranquillement, entre les foyers et d'autres activités
complémentaires, n'appartenant à aucun comité de
l'hôpital, ne participant pas à la vie administrative de
l'hôpital.
C'est pour cela que le législateur, dans sa sagesse c'est
la convention qu'on le dise a voulu édicter des règlements
qu'on appelle les règlements adoptés en vertu de la Loi des
hôpitaux.
Donc, l'élitisme, je pense, est en perte de vitesse. La sagesse
conventionnelle veut qu'on parle maintenant des usagers. J'y ai fait allusion,
je vais y revenir deux secondes. Les pendules ont cette tendance, par la loi de
la gravité, à dépasser le point médian. Je pense
qu'on voit un pendule, en ce moment. On voit le pendule osciller dans le sens
de la participation que je dirais légèrement
échevelée.
J'ai cité tantôt M. Rivard dans cet article du "Medical
Post". On dit: Seulement un médecin à un comité. On en
veut, tout d'abord, seulement un parce que les professionnels, vous le savez,
sont dangereux. On nous l'a dit ici à la table que j'occupe. Il faut les
laisser parler le moins possible parce qu'ils pourraient convaincre.
Deuxièmement, on leur dit quand parler. Et quand on leur demande quand
ils ont parlé, ils répondent: Jamais. On ne les laisse pas
parler. On n'a pas besoin d'eux. Alors, je pense qu'on passe d'un bout, qui
s'appelle le notaire de campagne, à l'autre bout, qui s'appelle la
participation activiste échevelée. Entre les deux, il me semble
qu'il doit y avoir un chemin, un moyen de nous comprendre.
Je n'ai eu, pour ma part vous le signaliez, M. le
député, la dernière fois aucune difficulté
à communiquer avec les gens du public parce que je n'ai jamais
exercé dans un quartier riche. J'ai toujours exercé dans un
quartier bien ordinaire, qui était Maisonneuve. Je n'ai pas vu non plus
mes internes et mes résidants, qui étaient des gens qui venaient
de la première et de la deuxième génération d'un
fond agraire certain, avoir des problèmes de communication très
intenses. Par contre, là où je vous rejoins très
sûrement, c'est que, premièrement, je veux que la profession
médicale ne porte aucun blâme pour le passé. Je ne
l'accepte pas. S'il était acceptable, soyez sûrs que nous
l'accepterions. J'en prends des petits bouts. Mais on dit que l'ensemble de la
médecine du Québec, cela ne vaut rien. On va, du revers de la
main comme vous dites l'éliminer pour en faire une neuve,
conçue par qui? Je vous le demande. Je n'accepte pas cela. Parce qu'il y
a une chose, dans le Québec, qui a de l'allure je n'hésite
pas une seconde à le dire c'est la médecine
québécoise.
Cette médecine québécoise, c'est vous et moi qui
l'avons faite. Nous n'avons pas à rougir de la médecine
québécoise. Nous avons été dépassés,
entre 1945 et 1968, où s'est fait vraiment le grand "push" de la
médecine québécoise, à l'école
américaine beaucoup plus qu'à l'école française.
Nous avons été dépassés ensuite, mais pas seulement
nous, dans tout l'hémisphère occidental, dépassés
par les progrès de la médecine par rapport à la
dispensation des soins.
Nous avons porté plus d'attention aux progrès techniques
de la médecine, aux grands avancés, aux grandes percées de
la médecine qu'aux problèmes de rendre accessibles ces
soins-là à la population. Est-ce pour dire que nous nous en
sommes désintéressés?
Je vous référerais à un petit livre que j'ai
écrit, qui a été précédé d'articles
que vous avez dû recevoir aussi de ma plume, en 1967, où on
parlait de réforme de médecine, vers une médecine de
demain, etc. Je vous référerais à tous les articles qui
ont été écrits par les facultés de médecine
américaines, par les groupes médico-américains, depuis 20
ans, sur la nécessité d'une réorganisation des soins.
Si on veut se résumer, vous me dites: Elite. D'accord, je pense
que nous avons fait des commentaires. Le rôle de l'Etat? Le rôle de
l'Etat, que doit-il être? On peut avoir là encore deux
polarisations d'opinions: tout à l'Etat ou rien à l'Etat. Cela se
polarise comme ça au Québec depuis un certain temps. C'est tout
noir ou c'est tout blanc. Il n'y a presque plus de gris.
Mois, je dis que le rôle de l'Etat, je l'ai
esquissé tantôt, c'est de planifier, de concert avec les
intéressés, c'est de voir ensuite à ce que la
planification indicative qu'il met en place soit respectée, et, si elle
ne l'est pas, d'intervenir. Je ne conçois pas que le rôle de
l'Etat soit l'intervention immédiate, sans avoir passé par cette
phase de ce qu'on appelle le "job owning" américain, comme Nixon a fait
avant de passer aux mesures restrictives. Moi, je le vois comme ça.
L'ORAS, quel doit être son rôle? C'est là qu'est le
dilemme entre le partage des pouvoirs de l'hôpital, de l'institution et
le ministère. Avant ça, on pouvait régler des
problèmes dans les hôpitaux. Je ne vous dis pas que c'était
facile, mais nous pouvions les régler. Nous pouvions frapper à la
porte de l'administrateur et voir. Et si ça n'allait pas au bout d'un
an, nous pouvions peut-être avoir un rendez-vous à Québec
pour rencontrer le ministre. Et nous pouvions peut-être obtenir quelque
chose, un département de radiothérapie, un nouvel appareil, etc.
Les ministres, d'ailleurs, ne nous avaient jamais fermé leur porte, mais
il fallait insister légèrement.
Nous ne voudrions pas que l'ORAS soit un paravent placé pour
garder la porte du directeur général ou du ministre. Si on voyait
et c'est ceci qui est dessiné dans la loi ... Quand
pensez-vous qu'un médecin va pouvoir voir son patron, le directeur
général, dans un hôpital? Il va aller faire le pied de grue
et antichambre chez le DSP et ça va se noyer là, le DSP va dire:
Mon cher ami, soyez sûr que je transmets votre demande en haut lieu,
c'est-à-dire au directeur général, qui, lui, la
transmettra, soyez-en sûr, à l'ORAS qui, lui également,
soyez-en assuré, la transmettra au ministère dans le
département de la programmation ou quelque chose comme ça.
Et dans cette guimauve bureaucratique c'est de celle-là
tantôt dont je voulais parler on va s'en aller sans jamais pouvoir
avoir une réponse à quelque question que ce soit.
L'ORAS doit être un lieu où nous allons porter des choses,
où nous sommes représentés, pas majoritairement
nous ne l'avons jamais demandé. Quand M. Laplante, du Devoir, dit que
nous voulons être partout, que nous lorgnons les fauteuils, je peux vous
dire que nous ne lorgnons pas les fauteuils. Au contraire, nous sommes des gens
debout et pas assis. Mais nous ne lorgnons aucun fauteuil, nous voulons
être présents dans un fauteuil sur 20, de temps en temps, juste
pour voir ce qui se passe, et faire participer les gens à nos
connaissances.
L'ORAS, à mon avis, devrait avoir son budget ou une bonne partie
de son budget. S'il n'a rien à administrer et s'il faut acheter des
crayons avec l'autorisation de Québec, je ne vois pas pourquoi on fait
des ORAS. Nous voulons un ORAS qui ait un certain pouvoir de décision
pour la planification régionale et de telle façon que nous ne
nous en allons pas seulement voir des gens qui nous disent: Nous
référerons à Québec, c'est-à-dire à
Paris.
Plus que ça, je laisserai au législateur le soin
d'écrire des lois pour réfléter cette
réalité sur laquelle bien d'autres que moi se sont
penchés, ce n'est pas comme vous avez vu dans le texte de notre
mémoire, nous avons déplacé sur d'autres questions qui
nous semblaient plus propres à notre expérience et à notre
compétence.
M. LAURIN: Il y a certaines questions que j'avais posées
auxquelles vous n'avez peut-être pas répondu...
M. ROBILLARD: Allez, allez, j'en ai tellement posé que...
M. LAURIN: Les rapports à l'intérieur de la
technostructure disons, entre les membres de cette technostructure, par
exemple, les médecins et les professionnels, le nouvel équilibre
à trouver, la ■ façon dont ça peut s'incarner, se
concrétiser dans la vie quotidienne d'un hôpital...
M. ROBILLARD: Là, vous parlez du choc du futur. Moi, je vous
parlerai du choc du passé. Ce n'est rien de nouveau. Des psychologues
dans les hôpitaux, ça fait déjà quelques
années que nous travaillons avec eux, les infirmières, sans
elles, il y a longtemps que les hôpitaux auraient fermé leur
porte. Elle s'appelait Jeanne Mance, la première ici. Il n'y a pas de
nouvelles choses absolument dévastatrices. Qu'il y ait un, deux, trois,
quatre ou cinq dentistes, je pense que les hôpitaux pour n'en
nommer qu'un, l'hôpital Notre-Dame, c'était entendu bien
avant que le gouvernement n'intervienne sur les droits et privilèges des
chirurgiens buccaux, qui font de la chirurgie que d'autres médecins font
également, en plastie ou en orthopédie, on n'a pas attendu. Nous
disons seulement, et nous l'avons souligné, comme Peter F. Druker
l'a dit que si on commence à peine à connaître
comment on doit organiser le travailleur manuel je ne pense pas qu'on le
sache vraiment.
Cela n'en a pas l'air, en tout cas. On ne sait pas beaucoup non plus
comment organiser le travail des intellectuels, les liens qu'il y a entre ces
gens-là et leurs aspirations. Les médecins sont des travailleurs
intellectuels, comme n'importe quel commis de bureau qui travaille avec une
plume au lieu de travailler avec ses mains. Cette expression-là ne le
valorise pas plus. Je dis que ce n'est pas simple. Quand nous avons voulu dire:
Faisons un conseil des médecins responsable d'un
côté c'est acquis, on donne un travail bien circonscrit et cela,
au moins, c'est un principe de gestion raisonnable faisons un conseil
à côté des professionnels à qui on donne plus de
champ, plus de latitude qu'il n'en avait avant, c'est-à-dire qu'il peut
conseiller sur l'organisation technique professionnelle, et puis faisons
travailler les gens ensemble dans les départements; on va arriver
à une solution.
En imposer une tout de suite, ce serait
imposer le progrès avant la réalité.
Là-dessus, je ne peux pas vous dire qu'il y a une formule magique selon
laquelle on va structurer un bureau médical de telle façon et
sûrement que cela va marcher. Je vais vous dire une chose: La
participation je pense que vous l'avez considéré longtemps
avant moi est une espèce de forme d'affection des gens les uns
pour les autres. Je pense qu'on peut travailler pour autant qu'on se respecte
mutuellement, qu'on se connaît et qu'on s'aime un peu. Cela ne s'impose
pas, il n'y a pas de loi qui l'impose.
M. LAURIN: Dans votre mémoire, vous réclamez un haut
degré d'autonomie à la technostructure. La technostructure, pour
vous, est-ce plutôt le corps médical, d'une part?
Deuxièmement, vous n'avez pas précisé le degré
d'autonomie que vous aimeriez que l'Etat accorde à cette
technostructure. Pourriez-vous être plus explicite là-dessus?
M. ROBILLARD: La technostructure que je connais, c'est la mienne, c'est
le groupe des médecins. Le "nursing" dans un hôpital est une
technostructure qui a un haut degré de connaissances et
d'indépendance et qui doit le préserver, à mon humble
avis, de même que l'administration qui est très jalouse de ses
prérogatives et de son autonomie. C'est normal.
Il n'y a pas une technostructure. Oui, il y a une technostructure, si on
veut employer le terme générique, mais il y a des comités,
dans la technostructure, qui forment la technostructure, qui est un terme
général. Il y a des comités; il y a le comité qui
s'appelle le bureau médical, avec l'organisation du bureau
médical, il y a le "nursing" aussi qui disparaît, d'après
ce que je peux voir. Quel est le rôle de la technostructure? Le
rôle de la technostructure, je pense, est d'évaluer la situation
qui se passe dans son domaine, c'est de poser des gestes d'appréciation
à des événements qui se passent dans ce domaine, c'est
d'accomplir des tâches définies c'est du domaine de la
planification de pouvoir, premièrement les apprécier,
deuxièmement, de motiver ceux qui vont les appliquer en les leur faisant
connaître, communiquer avec eux, les amener à réaliser,
exercer des contrôles sur eux, qui sont des contrôles motivants et
non pas des contrôles démotivants. Le collège a
suffisamment parlé de cela pour que je ne reprenne pas la question.
C'est cela, le rôle d'une technostructure.
Si vous voulez comparez avec l'industrie, c'est la division de Buick vs
la division de Chevrolet. Elles ont un haut degré d'autonomie. Pour ce
qui est du "design" dans une industrie, la patron qui irait s'opposer
systématiquement, qui irait donner des conseils ou regarder pardessus
l'épaule du gars qui est à la table de dessin, va tout simplement
faire faire faillite à l'entreprise. C'est la démonstration de
Galbraith, avec des exemples très nombreux, et cela a été
la démonstration du Harvard Business
School. Je le vois comme cela. Entrer dans plus de détails...
M. LAURIN: J'aurais une dernière question, enfin. Vous demandez
que la profession ou la technostructure, encore une fois, soient
consultées sur les modes de participation à la vie de la
communauté où elles travaillent.
Jusqu'où doit aller cette consultation ou cette
considération en ce qui concerne la définition des modes de
participation à l'exercice des fonctions?
M. ROBILLARD: Votre question est tellement intellectuelle que, je
l'avoue, je ne l'ai pas comprise.
M. LAURIN: C'est peut-être intellectuel mais vous vous êtes
référé, tout à l'heure, lorsque vous en parliez,
à la loi 30 qui était censée prévoir les principes
et les modalités. Vous avez même à ce moment-là,
regardé du côté de votre conseiller juridique, et c'est ce
qui m'incite à vous poser une question qui vous amènera à
préciser votre position là-dessus.
M. ROBILLARD: C'est que dans les modes de consultation, nous avons assez
souvent, je pense, insisté sur le fait qu'on ne peut pas
considérer le syndicalisme médical comme un instrument qui va
tout simplement, au service des médecins, accomplir certains actes
honteux et périodiques, qui va aller négocier avec le
gouvernement les sommes les plus fantasmagoriques possibles pour rendre les
docteurs heureux. Non, le syndicalisme médical, nous ne le concevons pas
comme ça. Nous concevons, si on veut prendre des mots encore à la
mode on y retombe si facilement un syndicalisme de participation.
Nous ne discutons pas seulement les questions financières des
médecins, nous disons que et je le répète
parvenus à un certain seuil de rémunération, comme le dit
tout le monde, les gens qui travaillent intellectuellement ont d'autres
aspirations.
Nous voulons négocier, puisque vous faites appel à la loi
30, qui est le mandat que le législateur nous a donné pour ce qui
constitue la négociation, les conditions de travail. C'est-à-dire
quelle va être la médecine de demain? Quel va être notre
devenir demain? Je dois vous avouer que, dans le moment, nous n'en avons aucune
idée. Nous sommes assis ou déambulant dans les corridors et nous
regardant, en disant: Qu'est-ce que M. Castonguay va faire avec nous? C'est
à peu près ça qu'on se pose. On dit: Est-ce qu'il est pour
ça? Est-ce que le gouvernement va faire ça? Est-ce que ça
va se passer comme ça? Dr Robillard, avez-vous votre boule de cristal
pour nous dire s'il va neiger l'année prochaine à Pâques?
Je ne le sais pas.
On demande tout simplement au gouvernement et le Collège
le fait, je pense, avec assez de fermeté d'ouvrir tout le livre,
qu'on sache
où on s'en va le plus tôt possible. De telle façon
qu'on puisse faire des interventions les plus intelligentes possibles, les plus
correctes et se défendre si on pense qu'il faut se défendre, et
participer si on pense qu'il faut participer. Mais, "do not fence us in", juste
nous garder dans le département des sous pour après ça
nous dire que tout ce qui concerne Tes conditions d'exercices et tout
ça: Docteur, ça ne vous regarde pas, ce n'est pas de votre
ressort. On discutera cela avec le Collège, avec les autorités en
place à l'université. Non, on va discuter cela avec nous parce
que c'est notre vie, la médecine.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aurais également quelques
questions à poser au Dr. Robillard. Plusieurs questions que j'avais
à poser ont reçu une réponse à la suite d'autres
questions posées. J'ai nettement l'impression que plus vous vous
exprimez vous avez mentionné au tout début que vous
étiez en faveur d'une réorganisation des serivces de santé
plus on vous écoute, plus on a l'impression que vous êtes
un peu moins en faveur vers la fin de votre exposé, c'est-à-dire,
en réponse à des questions qui ont été
posées. J'aurais aimé vous faire préciser justement les
propos que vous venez de terminer.
En ce qui concerne le rôle réel du médecin
spécialiste, je pensais à ce moment-là à
l'autonomie professionnelle je pourrais changer cela pour le mot
"initiative" personnelle du médecin spécialiste en milieu
hospitalier, par exemple.
M. ROBILLARD: Le rôle du médecin spécialiste,
d'abord, c'est de traiter les malades. Il a été formé
justement pour cela.
Je m'excuse qu'en nuançant ma pensée, elle devienne plus
difficile à comprendre. C'est clair que si on met les choses noires ou
blanches c'est plus facile mais quand on commence à nuancer,
c'est-à-dire si on commence à dire qu'il y a peut-être des
zones de gris et à penser un peu tout haut en échangeant des
points de vue avec des gens que l'on respecte, alors on peut perdre un peu et
ça fait de moins bonnes têtes d'affiche dans les journaux pour
dire: Les spécialistes sont "contre" quelque chose; ou: Les autres sont
"pour" quelque chose. J'ai dit, dès le début, que nous
étions "pour", alors nous sommes "pour" encore à la fin, mais
j'ai apporté quelques nuances.
Le rôle réel du médecin spécialiste, tel que
je le vois dans un hôpital c'est, premièrement, celui de traiter
des malades. Deuxièmement, c'est aussi, dans certains hôpitaux, de
former les gens qui vont prendre la relève, c'est de contrôler la
qualité des actes médicaux qui s'y posent, sous les devoirs qui
lui ont été attribués par la Loi des hôpitaux, les
contrôles externes du Collège des médecins, etc., parce que
nous travaillons en bocal de poissons, nous travaillons en milieu ouvert dans
un hôpital.
Le rôle réel du médecin spécialiste aussi
dans un hôpital ce n'est pas seulement d'arriver là comme on
arrive dans un bureau, avec sa clé, voir son malade et bonjour! sortir
de l'hôpital et s'en aller faire autre chose. Il n'y a pas une heure
qu'un médecin spécialiste peut passer dans un hôpital sans
entrer en contact avec un autre médecin. Vous n'êtes pas capables,
parce que le matin vous ouvrez votre dossier, il y a un médecin de
laboratoire qui a vu l'analyse qui est là, il y a un radiologiste qui a
vu le film qui est là, vous êtes obligés toujours de
travailler en équipes.
Donc, premier rôle du médecin spécialiste c'est de
traiter les malades, deuxièmement de façon
spécialisée. Cela demande tout de même de l'organisation et
ça n'arrive pas toujours; troisièmement, c'est de former une
équipe et pour former une équipe, il faut savoir où on va,
d'abord, s'asseoir et décider quels sont les objectifs
généraux. Il faut savoir aussi motiver les gens. Pour ça,
il faut communiquer avec eux, leur expliquer, il faut pouvoir
légiférer pour que ça ait de l'allure, il faut ensuite
représenter auprès soit des administrations, soit des autres pour
pouvoir réaliser ce que l'on a conçu. Enfin, là où
on sort un peu du rôle strictement médical pour entrer dans un
rôle semi-administratif, là vous frappez les administrateurs qui
vous disent: Ah! Ah! arrêtez ça tout de suite, c'est de
l'administration!
A ce moment-là, moi, je nuance. Je dis que nous ne sommes pas
capables de concevoir un travail d'équipe fait par des gens qui sont des
coéquipiers vers un but particulier sans dire que l'administration
interne, la gestion interne, les comités que l'on va former, bien oui!
c'est de l'administration jusqu'à un certain degré. Cela je
regrette, mais c'est vrai. Je ne dis pas que ça doit tout être
laissé aux médecins, parce que cette administration
elle-même est codifiée dans les règlements
édictés en vertu de la Loi des hôpitaux et ensuite elle est
reprécisée au niveau local. Parce que nos règlements sont
adoptés par le comité d'administration et ensuite ils seront
maintenant encore soumis au RAS et ailleurs.
Alors, quand nous disons que nous demandons une gestion interne, c'est
pour des fins extrêmement pratiques, ce n'est pas notre gestion, elle est
adaptée dans les cadres d'une législation qui nous est
donnée, la meilleure possible, nous l'espérons, que l'on a
conçue avec les ans, que l'on applique.
M. GUAY: Dans l'application du projet de loi en discussion, voyez-vous
une plus grande facilité justement à jouer ce rôle que vous
venez de décrire ou si ce sera plus difficile à ce
moment-là?
M. ROBILLARD: Ce sera impossible.
M. GUAY: Disons que je suis content que vous l'ayez
précisé de cette façon là. Vous exprimez un peu
plus loin dans votre mémoire le danger qu'il y aurait par exemple
à conférer un caractère de permanence au CLAS et vous
n'avez pas tellement élaboré. Vous avez peur évidemment de
la création d'une médecine de ghetto. J'aimerais que vous
expliquiez davantage ce que vous voyez par ça.
M. ROBILLARD: J'ai dit tantôt que la médecine
américaine à laquelle le ministre Castonguay s'est
référé, celle que l'on voit se développer
outre-frontière, celle que le Dr Gardner a développée dans
les déserts de Californie, pour Kaiser à l'époque
où Kaiser a commencé à vouloir donner de la
médecine à ses employés, parce qu'il n'y en avait pas, et
qui s'étend de Hawaï maintenant jusque dans plusieurs Etats
américains, cette médecine est multidisciplinaire.
C'est une médecine où le nouveau médecin
omnipraticien qui est formé au diagnostic et au traitement s'identifie
avec le malade et le soigne avec beaucoup d'affection et de présence. Ce
n'est pas une médecine anonyme. Celle qu'on fait en ce moment est
anonyme, et je le regrette. Ce n'est pas notre faute, je l'ai dit assez
clairement.
M. GUAY: Est-ce que vous voyez plutôt dans ce...
M. ROBILLARD: Une seconde. Je continue. Je peux nuancer encore un
peu.
M. GUAY: D'accord.
M. ROBILLARD: Je disais tout simplement que cette médecine qu'on
prône n'est pas la médecine du centre local de santé, qui,
à mon avis, est une minimédecine, qui est une médecine
commode, utile, utilitaire, qui va donner des soins à des gens qui
autrement n'iraient pas en chercher. Donc, on pousse un pseudopode vers les
gens dans la communauté à l'intérieur jusqu'à ce
que d'autres choses, les partis politiques, l'animation sociale, le renouveau
urbain, etc., aient réveillé les gens et les aient amenés
à se comporter, dans certaines demandes qu'ils ont, comme les autres. Je
ne vous dis pas que les autres ont raison ou qu'eux ont raison, mais une chose
est certaine, c'est qu'on ne peut pas se permettre de continuer à
polariser les choses comme elles le sont et même commencer à
polariser la médecine. C'était la dernière chose qui ne
l'était pas.
M. GUAY: Justement, dans cette forme de CLAS que vous mentionnez, est-ce
que cela ne serait pas justement une formule transitoire à regarder
plutôt que...
M. ROBILLARD: Je le vois ainsi et je pense que nous devrions, la
profession médicale, et je l'ai écrit aussi, faire notre effort
à nous, pour mettre sur pied des projets et aussi des projets
expérimentaux parce que nous ne sommes pas, nous, en possession
tranquille de la vérité des plans qui vont être des
plans pilotes. Nous sommes fort intéressés à nous
intégrer aux centres locaux des affaires sociales, de façon
à ce qu'on n'abandonne pas des médecins là-dedans qui vont
rester cinq ou dix ans sans participation à la vie médicale, qui
change extrêmement rapidement, comme tout le reste d'ailleurs. Alors,
nous sommes prêts à établir des contacts avec ces centres
locaux des affaires sociales, au point de vue médical
évidemment.
M. GUAY: Maintenant, j'aimerais toucher un peu ce qu'on appelle le
milieu nettement défavorisé. Le centre local des affaires
sociales semblait assez bienvenu dans ces milieux défavorisés
où il semble impossible actuellement et je parle en connaissance
de cause, je peux le mentionner d'avoir des médecins
résidents. On a nettement l'impression qu'on est délaissé
par les professionnels de la médecine pour avoir chez nous des services
adéquats. Est-ce que vous voyez, par exemple, qu'on la prenne dans le
centre local des affaires sociales ou encore sous une autre forme, une formule
d'intégration des médecins en milieux ruraux comme le mien et que
viennent s'installer des médecins en permanence?
M. ROBILLARD: Ecoutez, je pense que, lors de la législation qui a
été adoptée, on a dit aussi que les médecins
spécialistes étaient contre l'assurance-maladie.
On a dit cela, ce qui était stupide. Nous avions dit, à
plusieurs reprises, que nous étions favorables à
l'assurance-maladie mais à certaines modalités, non.
L'avènement de l'assurance-maladie a changé
considérablement le climat chez les médecins. Il n'y a aucun
intérêt particulier parce qu'il faut tout de même
penser que les médecins sont des hommes comme tout le monde et qu'ils
ont des intérêts à un médecin d'exercer
à un endroit plus qu'à l'autre. Il y a même un certain
intérêt à exercer dans un milieu populaire parce
qu'à ce moment-là, on vous prend au sérieux et on n'a pas
lu le dictionnaire Larousse la veille et on n'a pas lu toutes les nouvelles
pilules qu'on voudrait se faire prescrire.
Pour ma part, j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à travailler
dans ce milieu-là et je pense qu'on n'a pas les structures physiques
voulues. Ce n'est pas la même chose... Dans les villes de New York,
Baltimore et ailleurs, il n'y a aucun service. A Washington, Boston, à
côté du Peter Benpringham Hospital il y a les meilleurs
hôpitaux du monde, à Boston juste à
côté, à six rues de là, vous n'avez pas un
médecin dans le quartier. Vous ne pouvez pas sortir le soir non plus
sans vous faire assommer. Il y a des problèmes urbains, des
problèmes considérables au point de vue urbain, qu'on ne
connaît pas encore à
Montréal mais qu'on va connaître parce qu'on s'en va dans
une ville qui va ressembler à New York étrangement
bientôt.
Je ne vous dis pas qu'on a la solution au problème. Je dis que,
sur le plan financier, c'est possible et ce n'était pas possible avant;
deuxièmement, il y a une grosse barrière psychologique, on l'a vu
ici l'autre jour. Je pense que c'était très net. Les
médecins, on en a peur, on les craint. D'accord. On ne nous invite pas
non plus. Moi, j'ai dit aux gens du FRAP qui étaient venus nous
rencontrer à l'époque, l'année dernière:
Invitez-moi chez vous, nous irons n'importe quand, dans n'importe quelle salle
et vous pourrez nous poser n'importe quelle question. On ne l'a jamais fait. Je
ne vous dis pas que c'est leur faute. C'est la nôtre aussi.
Peut-être qu'on n'a pas franchi cette barrière-là, qu'on
n'a pas trouvé la façon de communiquer et que les médecins
sont un peu trop sorciers, pour prendre une expression des étudiants
à la mode. Peut-être, j'en suis conscient. Si vous trouvez une
formule, vous me le direz.
M. GUAY: Parce qu'il faut dire évidemment qu'il n'y a pas de
services, il n'y a pas de médecine sans médecin.
J'aimerais toucher un phénomène. L'honorable ministre
pourrait peut-être me dire s'il est moderne ou récent ou que c'est
un vieux phénomène, un vieux problème. Est-ce que vous
pourriez expliquer, docteur, justement ce phénomène qu'un nombre
incalculable de patients attendent l'admission dans les hôpitaux
actuellement? Chez nous, je pourrais vous citer des exemples où des
personnes ont attendu et attendent encore actuellement. Elles en sont à
leur dixième et onxième semaine d'attente d'admission à
l'hôpital.
M. ROBILLARD: Ce n'est rien cela. En Angleterre, quand j'y étais,
les malades attendaient généralement deux ans pour une hernie.
Cela ne fait pas mourir, une hernie, mais c'est drôlement inconfortable.
Les varices, on n'en parlait pas. L'attente était plus longue que cela.
Nous voyons s'allonger les listes d'attente des hôpitaux de ce temps-ci
et considérablement. C'était à prévoir.
C'était une partie prévisible. On a rendu la médecine plus
accessible qu'elle ne l'était. Deuxièmement, certains sont admis
à l'hôpital et ils ne devraient pas l'être.
Nous en sommes parfaitement conscients. Il y en a beaucoup moins qu'on
ne le pense, cependant, mais il y en a encore un certain pourcentage, faute
d'équipement, d'aménagements extérieurs où l'on
peut "processer" des malades d'une base ambulatoire. Nous entendons
établir ces locaux nous sommes en train de le faire
à condition qu'on nous en donne la liberté. Vous verrez, en
milieu rural justement, c'est là qu'on s'attarde monter
des choses qui changeront pas mal la face de la médecine au
Québec, si Dieu nous prête vie et si le gouvernement ne nous
étouffe pas dans l'oeuf. A ce moment-là, évidemment, on
changera un peu la face des choses.
Ceci étant dit, il y a un fait: On voit s'allonger les listes
d'attente. On voit certaines opérations qui attendent depuis dix ou
quinze semaines devenir plus compliquées pour avoir attendu. Je n'ai pas
d'explications. Il y a des hôpitaux qui sont construits, qui attendent et
qui ne sont pas encore ouverts. Pour des raisons de personnel? On vient de nous
dire qu'on ne manquait pas de personnel, dans la province de Québec, en
"nursing". Ce n'est pas à moi de le dire, cela ne me ragarde pas, mais,
comme contribuable et comme citoyen, je dois dire que les hôpitaux ont
une dette énorme, que le gouvernement doit y faire face et que nous, les
médecins, nous n'avons jamais fait de déclarations dans ce sens,
ni de démagogie. Nous pourrions en faire. C'est la plus facile. Nous
pourrions prendre les malades comme otages et faire de la démagogie en
disant: Les gens meurent sur les listes d'attente. Ce n'est pas vrai. Nous
surveillons tous les matins les listes d'attente pour nous assurer que les
malades les plus urgents entrent les premiers.
Nous avons tout simplement à faire face, dans la province de
Québec, à des moyens restreints, avec une dette
hospitalière purement fantastique à laquelle il faut faire face.
C'est pour cela que nous avons demandé d'être consultés.
Nous sommes de bons partenaires. Quand l'Etat nous consultera, il s'en
apercevra. Les fois qu'il nous a consultés, il s'en est aperçu.
Nous sommes conscients des coûts que nous générons, nous,
les médecins. Parce que ce que vous nous payez, c'est une chose; ce
qu'on génère comme coût à la population est encore
énormément plus considérable. Ce n'est pas le coût
de bâtir un hôpital qui est important; c'est le coût de
l'entretenir, les salaires et toutes les dépenses. Alors, je regrette,
c'est vrai que les listes d'attente sont longues. Peut-être que le
ministre peut élaborer là-dessus, mais je pense que ce n'est pas
sa faute, ni la nôtre.
M. GUAY: Je vous remercie, docteur, d'avoir été presque
aussi réaliste que les patients qui attendent.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres de la commission ont des
questions à poser?
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais juste une question avant de terminer.
Je voudrais demander au Dr Robillard s'il voit des avantages à la
cohabitation d'un centre local des affaires sociales avec un centre
hospitalier, sous le même toit et utilisant les mêmes services.
M. ROBILLARD: Non, pour moi-même, c'est une opinion personnelle.
Je réponds à titre personnel parce que je n'ai pas de mandat. On
n'a jamais pensé à ça. Moi, j'ai des idées
très précises là-dessus. Je pense que l'hôpital pour
le
malade est un milieu effarant, c'est troublant, l'hôpital. Quand
j'ai des parents dans l'hôpital, j'entre là, puis ce n'est pas la
même attitude que j'ai; ça sent drôle, puis c'est curieux et
ça fait peur au monde. Je pense qu'on ne doit pas pratiquer la
médecine ambulatoire dans les hôpitaux. On doit la mettre ailleurs
que dans les hôpitaux, le plus près possible, si on veut, pour
éviter la duplication, mais pas sous le toit hospitalier lui-même.
Je pense que ce n'est pas l'endroit idéal pour faire la médecine
ambulatoire et préventive.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie le Dr Robillard.
M. ROBILLARD: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à deux
heures trente.
Reprise de la séance à 14 h 40
M. OSTIGUY (président de la commission permanente des Affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
L'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la
province de Québec.
Association des bureaux médicaux des
hôpitaux
M. DENIS: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, mon nom est Rosario Denis; je suis président de
l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de
Québec. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous
présenter ceux qui m'assistent aujourd'hui dans la présentation
de ce mémoire. A mon extrême gauche, le Dr Belley, du Montreal
Children's Hospital; le Dr Gendreau, de l'hôpital de Rimouski; le Dr
Paulin, de l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc,
secrétaire-trésorier de notre association, le Dr Maltais,
président du bureau médical de l'hôpital Notre-Dame; le Dr
Nadeau, président du bureau médical de l'Hôtel-Dieu de
Montréal, et maintenant à mon extrême droite, le Dr
Turgeon, vice-président du bureau médical de l'hôpital
Saint-Luc; le Dr Robert Lavigne, président sortant de notre association,
et Me Beaupré.
Nous avons déposé devant la commission un mémoire,
et à la demande du secrétaire de la commission. Nous n'avons pas
l'intention de lire ce mémoire, mais d'en faire plutôt un
résumé. Nous demandons cependant que les pages 32 à 35 qui
contiennent nos recommandations soient consignées mot à mot dans
le journal des Débats comme si elles avaient été lues.
(Voir annexe A).
L'Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la
province de Québec groupe environ 4,000 médecins, tant
spécialistes qu'omnipraticiens qui dispensent des services
professionnels dans les différents hôpitaux de la province.
L'association existe depuis 25 ans et représente 110 bureaux
médicaux dont nous avons la liste ici. Si la commission désire
avoir cette liste, nous pouvons la lui fournir.
Au cours de ces années, elle a acquis une expérience des
problèmes quotidiens qui se présentent au médecin dans son
milieu de travail, de sorte qu'elle a cru de sa responsabilité de se
présenter devant la commission permanente des Affaires sociales et de
faire part à cette commission de son point de vue sur le projet de loi
65.
Au départ, il n'est pas inutile de dire que l'Association des
bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec
groupe les mêmes médecins qui sont représentés par
les deux fédérations qui négocient avec l'Etat, soit la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et
la Fédération des médecins spécialistes du
Québec que vous avez entendue ce matin.
L'association n'est pas en désaccord avec ces deux
fédérations qui ont soumis à votre commission des
représentations en rapport avec ce projet de loi. Elle est loin
d'être en désaccord avec le Collège des médecins et
chirurgiens de la province de Québec qui a présenté le
point de vue des médecins sous l'aspect de l'intérêt public
et des fonctions qu'il se doit de remplir dans le milieu médical,
particulièrement en ce qui concerne l'évaluation et le
contrôle externe de l'acte médical.
Comme représentant du médecin dans l'hôpital, notre
association se permettra d'insister plus particulièrement sur les
répercussions que ce projet de loi peut avoir sur l'activité
quotidienne du médecin et, par voie de conséquence directe, sur
le bien être de la population. L'association possède, au sein des
bureaux médicaux, une expérience particulière. Elle ne
prétend pas au monopole de la vérité mais elle croit qu'on
ne peut, non plus, écarter le fait que, pendant 25 ans, elle a
été au coeur même du problème que le bill 65 cherche
à résoudre.
Depuis des années, en effet, les bureaux médicaux sont
responsables de l'acte médical et de l'organisation scientifique de
l'hôpital vis-à-vis des conseils d'administration, tel que le veut
la Loi des hôpitaux, chapitre 164, article 9. Cette responsabilité
a mis l'association en contact direct avec les problèmes qui se posent
dans le milieu hospitalier et lui a appris qu'il n'est pas possible
d'administrer adéquatement un centre hospitalier sans le concours des
médecins.
Il est essentiel qu'une collaboration étroite s'établisse
entre les conseils d'administration et les bureaux médicaux.
Les problèmes de santé et ceux du bien-être social
sont parmi les plus complexes auxquels les gouvernements ont à faire
face dans la société actuelle. L'association en est consciente et
quelle que soit la nature des critiques qu'elle formule dans son
mémoire, elle a toujours voulu garder à l'esprit le fait qu'il
est plus facile de critiquer que de construire.
Nous allons maintenant dire quelques mots sur les offices
régionaux des affaires sociales. A l'intérieur d'une même
région, plusieurs organismes oeuvrent côte à côte
dans le domaine de la santé. Il faut, par ailleurs, donner à
toute la population du Québec les meilleurs services médicaux
possibles. L'Association constate facilement qu'il devient nécessaire au
niveau de chaque région de coordonner l'activité de ces
organismes afin de dispenser les services professionnels à la population
avec le plus d'efficacité possible.
L'Association est donc d'accord sur le principe de créer des
offices régionaux qui auraient cette fonction de coordination et de
planification.
Il nous apparaît cependant que le système qui est
proposé par le bill 65 n'atteindra pas les buts recherchés.
Tout d'abord, les offices créés par la loi ont juridiction
à la fois sur les problèmes de santé et sur les
problèmes de bien-être social. C'est une conception que l'on
retrouve partout dans la loi. Nous sommes d'avis que cette philosophie qui
transcende la loi veut atteindre un but fort louable, mais parce qu'elle
s'éloigne des réalités elle n'aboutira qu'à
confondre les problèmes plutôt qu'à les régler.
L'urgence de résoudre les problèmes de la santé et
ceux du bien-être social n'a d'égale que la difficulté de
leur trouver des solutions. Dans un premier temps l'on devrait séparer
ces deux problèmes. En ce qui concerne l'association, il lui
paraît que des offices régionaux devraient être
formés pour s'occuper exclusivement de régler, d'une part, les
problèmes qui concernent la coordination des soins médicaux.
D'autre part, le gouvernement devrait pourvoir à la création
d'offices régionaux qui auraient juridiction sur l'organisation des
services sociaux dans leur région respective.
A la lumière de l'expérience et une fois résolus
certains problèmes urgents particuliers à ces deux domaines, le
gouvernement pourra alors juger de l'opportunité de fondre ces
organismes régionaux de santé et de bien-être. Il faut
avoir le sens des étapes. L'Etat vient de fondre deux ministères,
la Santé et le Bien-Etre social.
Des malins disent que la fusion n'est faite encore qu'au
quinzième étage. Ne faudrait-il pas consolider le mariage au
niveau du ministère avant de songer à marier la
progéniture?
Il y a moins d'inconvénients à vivre d'abord une
expérience qui consisterait à séparer les deux domaines,
à régler certains problèmes pour ensuite les réunir
dans un même organisme.
L'association souhaite donc que tant au niveau local qu'au niveau
régional, le législateur sépare, pour le moment, les soins
médicaux des services sociaux.
Pour répondre à ce besoin de planification et de
coordination, l'association croit que l'on devrait s'inspirer des
expériences vécues dans certaines régions. Et comme
exemple, je voudrais citer la région du Bas-du-Fleuve où les
bureaux médicaux se sont réunis pour former un conseil
régional chargé d'étudier les besoins de la région
et auquel le ministère a délégué un coordonnateur
régional.
Au cours des questions, si vous désirez avoir plus d'explications
à ce sujet, nous serons prêts à vous en donner. Les
médecins sont impliqués dans les aspects de l'administration dans
les problèmes de la santé lorsque les décisions qui seront
prises peuvent affecter les soins médicaux qui sont rendus à la
population et que leur présence au niveau régional se
justifie.
Nous sommes d'avis qu'il devrait exister un conseil régional des
médecins qui jouerait auprès de l'office un rôle analogue
à celui que le bureau médical joue présentement
auprès du conseil d'administration des hôpitaux. J'ai bien dit
analogue et non pas identique.
Ce conseil régional des médecins devrait être
composé d'un membre du bureau médical de chacun des centres
hospitaliers sur lesquels l'office a juridiction. L'office prendrait l'opinion
du conseil régional des médecins sur les seules matières
qui relèvent de la juridiction de l'office et qui peuvent impliquer
l'activité professionnelle des médecins de la région. Et,
afin d'assurer la liaison entre l'office et le conseil, nous suggérons
qu'un membre de ce conseil siège de droit à l'office, qu'il ait
ou non droit de vote à cet office. Dans ce contexte, il faut cependant
que l'office ait des pouvoirs et une responsabilité bien
délimités.
La loi devrait prévoir, nous semble-t-il, trois catégories
de matières correspondant à des compétences respectives
des organismes prévus par la loi. Une première catégorie
de matières énumérées dans la loi devraient relever
exclusivement de la juridiction des centres hospitaliers sur lesquels ces
centres exerceraient leur pouvoir de réglementation.
A titre d'exemple, un centre hospitalier devrait pouvoir, sans consulter
l'office, faire des règlements pour sa régie interne,
édicter des règles disciplinaires applicables localement dans son
institution, réglementer les conditions d'admission d'un étudiant
dans l'hôpital, l'affiliation de l'hôpital aux universités,
etc.
La loi devrait prévoir une deuxième catégorie de
matières qui seraient de la juridiction exclusive de l'office; à
titre d'exemple seulement, les recommandations concernant les plans
quinquennaux, la construction de nouveaux hôpitaux dans une
région, l'addition de services ou de départements dans un
hôpital de la région, la vocation particulière des
hôpitaux de la région, etc.
Une troisième catégorie de matières devraient
également être prévues par la loi sur lesquelles les
centres hospitaliers auraient juridiction, sujet cependant à
l'approbation de l'office.
Toutes ces matières devraient faire l'objet d'une
délimitation précise dans la loi et cette procédure place
les responsabilités là où elles doivent se retrouver. En
conséquence, l'association souhaite que des offices régionaux
soient créés, que les membres soient nommés en fonction
uniquement de leur compétence, que ces offices aient une juridiction
bien précisée dans la loi, que le rôle des offices soit
limité aux services médicaux par opposition aux services sociaux,
qu'un conseil régional de médecins soit créé pour
aviser l'office dans des matières bien délimitées dans la
loi et, pour assurer la liaison entre les deux organismes, qu'un membre du
conseil régional siège à l'office, qu'il ait droit de vote
ou non.
Le bill 65 confère aux offices des pouvoirs d'enquête qui
nous paraissent hors de proportion avec les fonctions que les offices doivent
remplir et préjudiciables à l'intérêt public.
En vertu du projet de loi actuel, aux articles 30 à 35, la
personne qui est désignée par un office a accès à
tous les documents sans restriction. Elle peut les saisir, en prendre des
copies et, ce qui est plus grave, tous les renseignements que l'enquêteur
obtient au cours de son enquête peuvent être communiqués
à toute personne que l'office désigne et cela, au mépris
du secret professionnel.
Ces pouvoirs nous paraissent, à proprement parler, relever de
l'Etat. Le gouvernement a d'ailleurs senti le danger d'un pareil pouvoir
puisqu'à l'article 34 il a imposé à l'office, avant de
l'exercer, l'obligation d'envoyer un avis au ministre. C'est l'Etat qui doit
décider quand l'intérêt public est en jeu et non un
office.
L'association recommande que les articles 30 à 35 du projet de
loi soient modifiés pour que seul le lieutenant-gouverneur ou le
ministre puisse ordonner une enquête et posséder les pouvoirs qui
sont donnés à l'office en vertu de ces articles et que, dans la
tenue de cette enquête, le secret professionnel soit respecté.
Nous abordons maintenant l'étude des centres hospitaliers qui
nous intéressent plus particulièrement comme association de
bureaux médicaux.
L'association admet que chaque centre hospitalier doit fonctionner dans
une région qui relève de la juridiction d'un office à la
condition que la juridiction de chacun soit bien délimitée dans
la loi.
Le projet de loi modifie substantiellement les structures existantes au
sein des hôpitaux sans que l'association puisse trouver la
nécessité apparente qu'il y a de le faire si ce n'est de diminuer
l'influence des médecins au sein de l'hôpital. Peu de chose est au
fond à changer dans la formule que prévoit la Loi des
hôpitaux pour le bon fonctionnement d'un centre hospitalier si ce n'est,
peut-être, d'accorder aux professionnels non médecins une voix au
chapitre dans les matières qui peuvent les concerner.
L'association croit qu'il est possible d'atteindre ce but sans
chambarder complètement les structures existantes et plus
particulièrement sans faire disparaître, à toutes fins
pratiques, le bureau médical tel que le bill 65 s'apprête à
le faire.
Pouvoirs et responsabilités vont de pair de sorte que, si l'on
veut tenir les médecins responsables de la mise en place et du
fonctionnement des mécanismes requis pour assurer le contrôle des
actes professionnels, tel que le veut l'article 81 du projet de loi, il est
nécessaire qu'ils aient les pouvoirs suffisants pour assumer cette
responsabilité.
Confier au directeur des services professionnels l'organisation des
services de santé comme le veut l'article 78 du projet de loi et confier
aux médecins la mise en place des mécanismes nécessaires
pour contrôler les actes professionnels semble contradictoire.
Il faut tout d'abord laisser au conseil des médecins et dentistes
toute la responsabilité et la juridiction qui appartiennent actuellement
au bureau médical en vertu de la Loi des hôpitaux,
c'est-à-dire la responsabilité des soins médicaux
et de l'organisation scientifique de l'hôpital vis-à-vis du
conseil d'administration.
Dans les hôpitaux, le directeur médical qui devient
maintenant le directeur des services professionnels dans le nouveau projet de
loi remplit un rôle nécessaire et que tous lui reconnaissent. Son
rôle consiste à coordonner toutes les activités
administratives de l'hôpital qui présentent un aspect
médical et professionnel.
Dans le projet de loi que votre commission est chargée
d'étudier, le directeur des services professionnels supplante l'ancien
bureau médical et lui enlève presque sa raison d'être. Cela
ne peut qu'amener des frictions et des mésententes graves dans les
hôpitaux et aura également pour effet d'inciter les
médecins à ne plus assumer avec le même
intérêt des responsabilités qui ne peuvent être
remplies que par eux.
On devrait également maintenir la procédure de solution
des conflits qui est prévue à l'article 11 de la Loi des
hôpitaux en l'étendant à tous les conflits qui peuvent
survenir entre les différents organismes du centre hospitalier.
Pour atteindre le but que l'on se propose, il suffit que le nouveau
directeur des services professionnels remplisse le rôle de coordonna-teur
que, de fait, l'ancien directeur médical a toujours rempli et qu'il
réponde de la bonne exécution de ses fonctions au directeur
général.
L'association recommande que cette fonction soit remplie par un
médecin et que le directeur des services professionnels soit
chargé de vérifier si les différents services et les
différents organismes en place dans l'hôpital et qui remplissent
des devoirs d'un caractère médical remplissent bien leurs
devoirs; qu'il soit également chargé de coordonner leurs
activités; qu'il fasse rapport au directeur général et que
là se limitent ses fonctions et son autorité.
Il est relativement facile de donner voix au chapitre aux professionnels
non médecins qui oeuvrent dans l'hôpital. L'association croit que
la façon de le faire est de créer un conseil des professionnels
non médecins et de laisser à l'actuel bureau médical, sous
le nom de conseil des médecins et dentistes, la juridiction qu'il
possède. Le conseil des professionnels groupera tous les professionnels
de la santé non médecins et répondra directement de ses
activités au conseil d'administration de l'hôpital. Le
président de ce conseil des professionnels siégera de droit au
conseil d'administration et au comité administratif où il aura
droit de vote.
Le conseil des médecins groupera tous les médecins et
dentistes de l'hôpital. Il répondra également de ses
activités directement au conseil d'administration de l'hôpital. Le
président du conseil des médecins et dentistes fera
également partie de droit du conseil d'administration et du
comité administratif où il aura droit de vote.
Le directeur des services professionnels devrait normalement suffire
à la tâche supplémen- taire d'agir comme agent de liaison
entre le conseil des professionnels et le conseil des médecins.
Ce système a l'avantage, croyons-nous, de laisser au conseil des
médecins et dentistes la reponsabilité des soins médicaux
et de l'organisation scientifique de l'hôpital, fonctions qu'il exerce
d'ailleurs sous le contrôle du conseil d'administration sans scinder les
responsabilités et les pouvoirs comme le projet de loi le propose aux
articles 78 et 81.
Si nous recommandons que les deux présidents des deux conseils y
siègent, ce n'est que pour mieux assurer la coordination
nécessaire entre tous les organismes du centre hospitalier vu
qu'à tout événement le vote de ces deux personnes sera
nécessairement minoritaire.
Quant au directeur général, du simple point de vue de
l'efficacité administrative, il est anormal qu'il soit président
du comité administratif. L'association pense qu'il devrait en être
membre, qu'il devrait également être membre du conseil
d'administration, mais comme il est chargé de mettre à
exécution les décisions de ces deux organismes, il ne devrait pas
les présider.
Dans le but de rendre les services médicaux et les services
sociaux plus accessibles à la population, le projet de loi 65 propose la
création de centres locaux de services communautaires. Ces centres
auraient pour but d'assurer à la population des services d'action
sanitaire et sociale.
L'association émet sur cette question la même opinion
qu'elle a émise au sujet des offices régionaux des affaires
sociales. Elle est d'avis qu'il est prématuré
d'institutionnaliser, d'un seul coup et au niveau local, un corps qui sera
chargé de dispenser à la fois des services médicaux et des
services sociaux. Encore une fois, les problèmes de services sociaux et
les problèmes de services médicaux sont énormes et le fait
de les additionner et de confier leur solution à un même organisme
ne diminue en rien leur ampleur et ne facilite en rien leur solution.
L'association est certaine qu'à brève
échéance et même dans un avenir aussi prochain qu'il est
raisonnable de prévoir, la solution proposée par le projet de loi
n'atteindra pas, du moins pour autant que les services médicaux sont
concernés, les objectifs que l'on se propose d'atteindre.
Le surcroît de travail à son cabinet privé, depuis
l'instauration de l'assurance-maladie en particulier, empêche de plus en
plus le médecin de répondre aux demandes de services
médicaux à domicile et, par voie de conséquence,
entraîne également des changements sérieux dans le genre de
services professionnels que traditionnellement les hôpitaux avaient
coutume de fournir.
Le médecin, l'omnipraticien surtout se trouve dans
l'impossibilité de répondre à la demande à
domicile, plus particulièrement aux heures
tardives et le patient n'a pas d'autre recours que de s'adresser aux
hôpitaux pour obtenir ces services. Que ces services nécessitent
une atten-tion immédiate ou non, le patient se dirige directement et
fort naturellement d'ailleurs vers les hôpitaux, soit à l'urgence,
soit à la clinique externe.
Cette situation provoque l'encombrement des centres hospitaliers. Devant
cette situation, le gouvernement propose la mise sur pied d'un centre local de
services communautaires qu'il charge de dispenser sur une base locale, à
la fois des services sociaux et des services médicaux. Nous avons des
doutes sérieux en ce qui concerne l'efficacité et la bonne marche
de ces centres locaux.
Non pas que nous rejetions, a priori, le concept de médecine
globale, mais son application, selon la formule préconisée, nous
paraît prématurée et ses chances de répondre
adéquatement aux besoins de la population nous semblent douteuses.
L'association recommande qu'au niveau local, comme au niveau
régional, l'on sépare, pour le moment, les services
médicaux et les services sociaux. Nous sommes d'avis qu'il serait plus
sage de chercher une solution à ce problème en favorisant
plutôt l'instauration d'une médecine de groupe au niveau local
dont les conditions pourraient être négociées entre l'Etat
et les deux fédérations qui groupent les médecins à
ces fins.
Nous ne ferons pas de commentaires sur le cabinet privé du
médecin, sujet qui a été abordé amplement par nos
fédérations. Nous partageons leur point de vue et nous nous
contentons de vous demander d'insérer dans la loi la définition
du cabinet privé. L'association a sérieusement
étudié le projet de loi prêtant toujours à ceux qui
l'ont conçu les meilleures intentions et la plus entière bonne
foi. Dans cet esprit, elle a parcouru 132 articles de ce projet de loi pour se
rendre compte, à la lecture de l'article 133, qu'elle avait bien mal
interprété et la lettre et l'esprit du bill 65. Cet article, en
effet, réduit à néant tout le reste du projet de loi.
Tout d'abord, il révèle que les institutions n'ont en
réalité aucun pouvoir. C'est le ministre qui, par sa
recommandation au gouvernement, détermine les activités qu'une
institution peut poursuivre. C'est encore lui qui détermine les
règlements que les institutions peuvent adopter. Il peut, à
volonté, leur accorder ou leur refuser un permis; il peut même
révoquer ce permis à sa plus entière discrétion,
étant donné que le droit d'appel qu'il confère en ce cas
est plus illusoire que réel. C'est le ministre également qui
détermine les personnes qu'il y a lieu d'admettre, de ne pas admettre ou
de renvoyer d'une institution. C'est le ministre qui détermine les
règlements des conseils des médecins et dentistes et même
de leurs comités.
Aucune institution ne peut exercer un pouvoir important sans
l'autorisation du ministre ou du gouvernement. De plus, la possibilité
pour le médecin d'exercer sa profession peut dépendre, en
très grande partie, du bon vouloir du ministre. L'article 133q) lui
confère suffisamment de pouvoirs pour fermer à toute une
catégorie de médecins l'accès aux institutions et
l'article 133t) lui permet de définir, de la façon la plus
restrictive que l'on puisse imaginer, le cabinet de médecin. Les
étudiants mêmes n'y échappent pas.
Cette loi n'est donc pas une loi mais un blanc-seing que
l'Assemblée nationale accorde au ministre d'élaborer seul tout le
régime de santé et de bien-être social du Québec,
sous l'apparence de la participation du public et des professionnels de la
santé.
L'association, en conséquence, recommande que les paragraphes a),
b), d), k), r), s) et t) de l'article 133 soient retranchés du projet de
loi, que le paragraphe i) de cet article soit modifié pour
préserver le secret professionnel et que la définition du cabinet
de médecin ou de dentiste soit insérée dans la loi.
Ce mémoire, M. le Président, a été
préparé par nos bureaux médicaux et a été
accepté à notre assemblée annuelle. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'association de nous avoir présenté ce mémoire et de nous
avoir fait connaître ses vues sur le projet de loi 65. Comme j'ai
déjà eu l'occasion de commenter la plupart des questions qui ont
été soulevées dans ce mémoire ou encore
d'écouter les questions et réponses formulées par les
membres de la commission sur des aspects analogues, j'aimerais faire un ou deux
commentaires et peut-être poser une question.
En premier lieu, on demande et c'est la raison pour laquelle je
voudrais aborder cette question, je pense que c'est le premier mémoire
qui le fait que l'on maintienne tout à fait
séparément à tous les niveaux l'organisation des services
de santé de l'organisation des services sociaux. Sur ce plan, je
voudrais simplement rappeler qu'au niveau de toutes les institutions à
caractère le moindrement spécialisé dans les faits les
distinctions qui existent présentement vont continuer de subsister au
plan du fonctionnement des institutions. Une agence de service social va
demeurer une agence de service social en ce qui a trait à la majeure
partie des services qui sont rendus par ces agences, de la même
façon pour un centre d'hébergement ou un centre d'entrafnement
à la vie pour les déficients mentaux. Tous ces organismes vont
garder leur caractère.
Ce n'est qu'au niveau local ou au niveau des services les plus courants
et non pas dans des buts de simplification des procédures
administratives ou encore dans des buts de mélanger deux types de
problèmes que nous avons proposé la formation de centres locaux
de
services communautaires. Mais c'est pour que les individus, les familles
qui plus souvent qu'autrement ont des problèmes qui présentent
des aspects divers ne soient pas obligés de se raccorder à une
foule d'organismes ou de services distincts les uns des autres, obligés
bien souvent de recommencer des démarches assez longues pour avoir
accès à ces services, avoir des dossiers partiels traitant
l'histoire de ces personnes ou de ces familles et aussi bien souvent avoir des
traitements partiels, si on envisage les problèmes dans une optique un
peu plus large.
Alors c'est l'idée fondamentale de ces centres locaux de services
communautaires. Il semble ici, si j'ai bien compris, qu'on met l'objection sur
le fait que ça s'éloigne de la réalité actuelle,
donc c'est mauvais. Je crois que l'idée de base, c'est que la
réalité actuelle, le fractionnement des services en ce qui a
trait aux individus, est mauvaise. Alors c'est cet aspect que nous avons voulu
poursuivre.
Allons plus précisément dans le domaine des soins. Dans le
mémoire, on parle du concept de médecine globale. Au bas de la
page 26 on dit que les quelques expériences tentées dans des
milieux jugés les plus propices à son application laissent au
contraire présager de sérieuses difficultés. Et de
là, si j'ai bien compris, on dit que les médecins dans leur
cabinet privé sont surchargés de travail et que ceci occasionne
un encombrement des hôpitaux.
Justement, dans les centres locaux de services communautaires, on croit
qu'avec une équipe il sera possible de mieux partager les tâches
bien souvent, d'apporter un support administratif qui n'existe pas bien des
fois dans les cabinets privés, d'apporter aussi de l'aide d'autres
catégories de professionnels que les médecins, ce qu'on retrouve
rarement dans les cabinets de médecine groupés. Alors nous
croyons qu'il sera possible de soulager d'une bonne partie du fardeau le
médecin qui pratique seul ou qui, à ce niveau de services, se
regroupe avec un ou deux confrères.
Maintenant, j'aimerais connaître plus de détails sur ce qui
a porté l'association à dire que les quelques expériences
tentées dans les milieux jugés les plus propices à son
application parce que justement on ne croit pas que ça doit se
restreindre à un type de milieu en particulier laissent au
contraire présager de sérieuses difficultés. Car, d'autre
part, nous avons des informations à l'effet contraire. Alors c'est le
commentaire sur la distinction ou la division entre les services de
santé et les services sociaux que je voulais faire. Je voudrais aussi
faire une petite mise au point en ce qui a trait au droit d'appel quant
à l'octroi des permis.
Dans un système comme celui dans lequel nous sommes, où il
s'agit de services essentiels, je crois que, si on examine la Loi des
hôpitaux, le ministre a toute latitude pour octroyer des permis ou ne pas
en octroyer.
Je crois que c'est normal si on considère notre système de
gouvernement, la responsabilité ministérielle. Cette
responsabilité, lorsqu'elle touche, à ces niveaux et à ce
plan, à l'intérêt public, ne peut être
diminuée et l'introduction d'un droit d'appel est une garantie de
protection qui n'existait pas pour les institutions. Il est évident, il
est clair compte tenu de la responsabilité ministérielle, que ce
droit d'appel ne puisse toucher qu'à la procédure qui est
utilisée ou prescrite pour assurer le respect des droits des individus
en cause et des institutions.
Mais ce droit, ou cette responsabilité quant à l'octroi
des permis ne peut être partagée et d'ailleurs elle ne l'est pas
dans la Loi des hôpitaux actuelle.
Je voulais faire cette mise au point de telle sorte qu'il n'y ait pas
confusion ici et qu'on ne confonde pas des pouvoirs au plan administratif avec
des pouvoirs qui touchent à la protection de l'intérêt
public.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
UNE VOIX: M. le Président, si vous le permettez, j'ai posé
une question.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai entendu la question et j'attends la
réponse.
M. DENIS: M. le Président, l'Association des bureaux
médicaux, évidemment, est plus touchée par les
problèmes qui intéressent les centres hospitaliers-, elle est
également bien consciente des problèmes sociaux qui existent dans
notre province et particulièrement dans certaines zones grises
des problèmes médicaux qui sont inaccessibles à une
partie de la population.
Nous comprenons difficilement, cependant, et nous avons pensé,
à la lecture du bill 65, qu'il s'agissait de confondre les deux
domaines. Nous croyons qu'il peut exister dans un même local des gens qui
vont s'occuper des problèmes sociaux intéressant l'individu et
d'autre part une équipe médicale qui s'occuperait des
problèmes médicaux. En discutant avec certains de nos membres et
des gens qui s'intéressent plus particulièrement à ces
problèmes, nous nous rendons compte que parfois le mélange des
deux aspects, social et médical, crée de la confusion. Nous
discutions récemment, entre autres, avec le directeur du service de
soins à domicile dans la région de Montréal. Il nous
avouait qu'évidemment il y a des problèmes sociaux mais qu'il y a
également des problèmes médicaux et qu'il envisageait le
problème de la façon suivante: il croyait qu'il devrait exister
un dossier social et un dossier médical qui seraient différents.
Rien n'empêche qu'à un niveau supérieur ces deux dossiers
se retrouvent mais il semblait insister énormément pour que
l'aspect médical ne soit pas confondu avec l'aspect social.
Maintenant, j'ai à côté de moi le Dr Claude Paulin
qui peut-être pourrait terminer mon intervention sur ce sujet.
M. PAULIN: Claude Paulin, médecin-secrétaire de
l'Association. Nous réalisons, les médecins, qu'il y a un
changement énorme des problèmes depuis quelque temps, surtout
depuis l'assurance-maladie. Les salles d'urgence ont augmenté de
même que les cliniques externes; les bureaux de médecins
commencent à être surchargés et on voit qu'il y a
énormément d'activité. On peut dire qu'il y a une
activité fébrile.
A un moment donné l'on se rend compte que ce n'est pas pareil
dans toutes les zones, dans toutes les sections. Il y a des sections, par
exemple dans la ville de Montréal, où il y a surtout des gens
pauvres, des gens qui n'ont pas tellement les moyens. Dans d'autres sections,
il y a des gens du service social, des ouvriers non syndiqués. L'ouvrier
non syndiqué peut endurer pas mal de tempêtes mais à un
moment donné, si ça dure trop, il n'a pas les moyens, il n'a pas
les revenus. Ensuite, il y a la zone des ouvriers syndiqués, des
ouvriers spécialisés, les professionnels, les gens qui ont plus
d'argent.
Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que dans une zone
donnée d'une ville, si on faisait des archives du service social, il y
aurait beaucoup de dossiers du service social parce qu'il y a une zone
où il y a beaucoup de besoins. Dans d'autres zones, que vous alliez
à Westmount ou à Outremont à trois heures du matin, toute
la population là-bas a besoin, dans une zone déterminée,
de traitements médicaux et c'est urgent d'organiser un bon
système médical qui va répondre à la surcharge.
Nous pensons que, pour le moment, nous sommes dans une situation
probablement temporaire et qu'avec l'évolution de la médecine,
l'amélioration des différentes procédures on va finir par
trouver des solutions. Mais on trouve que l'organisation médicale peut
être confiée à une section qui va y voir très bien
et, dans d'autres sections, on verra le problème social. L'exemple qui
nous a été donné avait trait à une famille qui se
présente c'est un exemple que les médecins nous ont
donné qui a besoin d'un lit d'hôpital, d'une chaise
roulante, de toutes sortes de choses, comme de quelqu'un pour surveiller des
enfants. Par contre, de l'autre côté, il y a le problème
médical, le problème de la douleur. C'est là qu'on voit le
besoin d'avoir un dossier médical pour donner vraiment de bons soins
médicaux. De l'autre côté, on voit le besoin du dossier
social. Ils peuvent se rejoindre. On ne voit pas d'objection. On ne voit que le
besoin.
Maintenant, du côté médical, on voit l'urgence
d'organiser des cliniques médicales pour répondre aux grands
besoins. Je ne sais pas si la réponse est suffisante.
M. CASTONGUAY: Il ya juste un commentaire additionnel que je voudrais
faire. Lorsqu'on parle de problèmes qui relèvent des services
sociaux, si j'ai bien saisi, on semble les confondre avec les problèmes
d'assistance socia- le. Les services sociaux sont bien souvent aussi requis
à Westmount, à Outremont, à la ville de Mont-Royal
qu'ailleurs. Il y a des problèmes d'alcoolisme, de drogue, de
délinquance, des problèmes de déficience mentale, des
problèmes qui se posent au niveau des personnes âgées aussi
bien au plan des services de santé que des services pour permettre
à ces personnes de garder une autonomie; enfin, des problèmes de
mésentente familiale, d'adoption, etc. Je pourrais continuer
l'énumération assez longuement.
Alors, sans que le centre local de service social signifie
nécessairement un dossier unique, englobant la santé et tous les
autres problèmes d'ordre social, il n'en demeure pas moins que c'est
dans un même lieu. Si un problème présente de multiples
aspects, il y a possibilité qu'il soit abordé avec une certaine
cohérence par une équipe qui se voit, qui se côtoie, qui a
les mêmes préoccupations, que le dossier au plan de la
santé et non pas seulement le dossier médical soit disponible et
qu'il y ait également, si besoin en est, un autre dossier au plan
social. Donc, je crois qu'il y a des avantages.
Alors, ce que je peux faire ressortir le plus clairement, c'est qu'en
parlant de services sociaux je ne parle pas d'assistance financière.
M. LE PRESIDENT (Leduc): L'honorable député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Denis, vous avez fait une suggestion
intéressante dans votre mémoire au sujet du conseil
régional des médecins. Actuellement, il existe deux
fédérations qui regroupent les médecins; d'ailleurs, vous
l'avez mentionné. Il y a aussi le Collège des médecins qui
est un organisme en contact avec chacun des membres de la profession. Vous
avez, d'autre part, l'Association des bureaux médicaux qui regroupent
à l'intérieur d'une même institution les médecins
qui y travaillent.
Malgré l'intérêt que suscite cette suggestion, je me
demande s'il n'y a pas là peut-être un doublage des structures ou
des contacts que vous voulez établir entre les médecins. Je me
demande peut-être que vous pourriez m'éclairer et
éclairer la commission quelles sont les facilités de
contact que crée l'Association des bureaux médicaux entre les
médecins des différentes institutions. Est-ce qu'il y a des
réunions? Quel est votre travail? Quelle est la fréquence de ces
réunions? Quels sont les problèmes qui y sont discutés?
Enfin, n'est-ce pas déjà là le conseil régional des
médecins?
M. DENIS: M. le Président, le député de Montmagny
voudrait peut-être interpréter les réunions de notre
association. Nous avons, comme conseil d'administration, des réunions
mensuelles; nous avons, de plus, un exécutif qui se réunit de
façon hebdomadaire; nous avons une correspondance soutenue avec tous les
bureaux médicaux de la province, qu'ils soient
membres ou non de notre association. Cependant, nous pensons que nous
regroupons quand même la majeure partie des bureaux médicaux
importants de la province.
Si vous voulez donner évidemment à ces réunions et
à notre association l'interprétation que nous formons ni plus ni
moins un conseil régional des médecins, je n'ai pas d'objection
parce que notre conseil d'administration est composé justement de
directeurs venant des différentes régions de la province. Nous
avons un directeur pour le Bas-du-Fleuve nous en avons un pour la région
de Chicoutimi-Lac-Saint-Jean, un autre pour la région de l'Outaouais, un
autre pour la région de Québec, un autre pour les Cantons de
l'est, etc., sans oublier Montréal.
C'est au cours de nos réunions que nous avons constaté que
les problèmes médicaux sont loin d'être identiques dans les
différentes régions de la province. Particulièrement
depuis deux ans, notre association a travaillé, de concert avec notre
directeur de Rimouski, le Dr Gendreau, à l'organisation du conseil
régional du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie. Il y a
également un début d'organisation d'un conseil régional
dans la région de Trois-Rivières et dans la région de
Québec. C'est pour cela que nous avons pensé que ce conseil
pouvait être utile aux structures que le bill 65 propose. Nous ne voulons
pas lui donner, évidemment, les mêmes prérogatives, les
mêmes juridictions que le bureau médical désire conserver
au niveau du centre hospitalier, mais nous pensons qu'un organisme
régional médical pourrait, cependant, conseiller le bureau sur
des problèmes qui intéressent la coordination et la planification
au niveau régional.
Si vous aimez avoir, cependant, plus d'explications sur
l'expérience que nous avons vécue dans le Bas-du- Fleuve et la
Gaspésie, peut-être que je pourrais demander au Dr Gendreau de
vous en donner.
M. GENDREAU: Avant de donner des explications au sujet de
l'expérience du Bas-Saint-Laurent, pour répondre à la
question du député de Montmagny, au niveau du
dédoublement, je pense qu'il faut mettre les choses à leur place.
Le Collège des médecins est un organisme qui protège le
citoyen. Il ne défend pas les médecins. Les
fédérations ont un rôle de protection des
intérêts des médecins tandis que l'Association des bureaux
médicaux regroupe tous les médecins sous un autre aspect. On
s'intéresse aux problèmes particuliers. D'ailleurs, ce sont ces
problèmes-là qui nous viennent à Montréal
quotidiennement et qui sont réglés de façon
régulière par l'exécutif et qui sont revus aux
réunions mensuelles. Il y a des problèmes propres à chaque
bureau médical et je pense que l'association est le point de rencontre
de beaucoup d'informations. A plusieurs reprises, l'an passé,
l'association était en mesure d'aider, de façon très
appréciable, des bureaux médi- caux tant au niveau des
hôpitaux psychiatriques que des hôpitaux régionaux, des
hôpitaux de plus grande importance ou de plus petite importance comme
ceux du Bas-Saint-Laurent.
Pour la question du problème du bureau régional
médical, l'idée en est venue de l'association, lors des
réunions mensuelles, parce que de Rimouski on arrivait toujours avec des
problèmes qui étaient particuliers à la région. A
un moment donné, les directeurs ont dit: Bien, Dr Gendreau,
allez-vous-en chez vous, réunissez vos gars et étudiez vos
problèmes! Alors, c'est ce qui s'est fait. On a réuni des
représentants de tous les bureaux médicaux de toute la zone,
c'est-à-dire de Notre-Dame-du-Lac à Gaspé. On a
formé un bureau médical régional qui a travaillé en
coopération avec le coordonnateur régional qui avait un bureau
qui fonctionnait très bien à Sainte-Anne-des-Monts.
L'élaboration du plan de régionalisation s'est faite en
consultation avec les médecins et les administrateurs d'hôpitaux.
Alors, cela a donné un projet qui est rendu au ministère et qui
est déjà en voie de réalisation.
Les priorités les plus grandes qui avaient été
signalées à la suite de ce travail sont déjà
réalisées, comme les centres locaux de santé. Au moment du
travail, on a réalisé qu'il y avait, par exemple, 150 milles de
côte, dans la Gaspésie, où il n'y avait même pas un
médecin. C'était un problème très urgent. C'est le
premier problème que le ministère ait réglé en
créant un mini centre local de santé à
Grande-Vallée et aux Iles-de-la-Madeleine. Les premières
étapes du programme de régionalisation qui ont été
proposées, étapes qui émanaient du bureau du coordonnateur
régional et du travail qui avait été fait en
coopération avec les bureaux médicaux de la région, sont
déjà en voie de réalisation.
Lors du passage du ministre à Rimouski, la question lui a
été posée, à savoir s'il avait l'intention de
respecter ce programme. Si je me souviens bien, le ministre a répondu
que la province n'avait pas les moyens de payer des études deux fois.
Alors je pense que l'étude qui a été faite est quand
même valable. Cela émane de réunions des bureaux
médicaux d'une région.
M. CLOUTIER (Montmagny): Docteur, j'ai...
M. CASTONGUAY: Avec votre permission, pourrais-je faire seulement un
commentaire?
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre n'a pas de permission à
demander à l'ancien ministre, M. le Président.
M. CASTONGUAY: Bon!
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est de la continuité.
M. CASTONGUAY: La seule chose que je dirai est la suivante : le projet
de loi ne spécifie pas je ne crois pas qu'il serait sain de les
spécifier tous les organismes qui, au plan des regroupements
volontaires, pourraient exister, que ce soit dans le domaine de la santé
ou des services sociaux et qui peuvent avoir des points de vue valables
j'en conviens à apporter.
C'est la seule chose. Ce projet de loi n'empêche pas,
n'enlève absolument rien à la liberté qu'a tout groupe de
personnes intéressées par une même question de s'associer,
d'étudier cette question, de faire des représentations. Dans la
mesure où ce travail est valable et important, il sera toujours,
à mon avis, écouté dans le type de société
dans lequel nous vivons. Mais je crois qu'il serait mauvais, d'autre part, de
dire dans un projet de loi quels sont tous ces organismes qui doivent jouer un
rôle au plan consultatif.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si je vous ai posé la question,
tantôt, à savoir s'il y avait dédoublement, ce n'est pas
parce que dans mon esprit, à ce moment, il y a dédoublement.
C'était justement pour vous faire préciser le rôle de ce
conseil régional. Pour ma part, après avoir entendu vos
explications, je vois des avantages à ce qu'une telle structure soit
mise en place et que des conseils régionaux de médecins
fonctionnent.
J'y vois d'abord l'aspect d'étude des problèmes
médicaux à l'échelle régionale, parce que vous avez
dit avec raison que les problèmes médicaux d'une région ne
sont pas nécessairement les problèmes d'une autre région.
Cela vous permettra probablement aussi d'atteindre des médecins
qu'autrement vous ne pourriez peut-être pas rejoindre par les bureaux
médicaux. Il est possible qu'un médecin isolé, qui
pratique loin d'un hôpital, qui n'a pas l'accès facile aux
institutions hospitalières n'ait pas de contacts aussi fréquents
avec le bureau médical de son hôpital. Cela permettra aussi,
à l'intérieur du conseil régional, peut-être, de
réunir plus facilement et de créer ce dialogue qui doit exister
entre les différentes spécialités de la médecine:
le médecin spécialiste, le médecin omnipraticien et
j'ajouterais aussi non pas en faisant allusion au député
de Bourget les psychiatres qui complètent cette équipe et
qui forment une discipline importante de la médecine.
Ce sont des avantages qui m'apparaissent devoir être les
conséquences de la création d'un tel conseil régional.
Quant au conseil régional, comme l'a dit le ministre il y a un instant,
on ne peut pas donner dans un projet de loi la liste des organismes existants
ou des organismes à venir qui, dans le territoire, pourraient, à
un moment ou l'autre, aider à faire fonctionner cette
législation. Il pourra certainement s'en créer d'autres avec
l'évolution, avec le temps, à mesure qu'on décèle
des besoins à satisfaire.
Je crois pour ma part que l'idée d'un conseil régional des
médecins doit être poursuivie par l'Association des bureaux
médicaux et doit être réalisée.
M. PAULIN: M. le Président, nous voudrions non seulement avoir
des voeux, mais nous, les médecins, pensons que s'il y a une structure,
après tout nous administrerons des malades.
C'est un problème médical, nous parlons de la
médecine en partie et il va y avoir des médecins qui vont
travailler.
Si vous faites une structure, s'il y a un conseil d'administration dans
la région qui va s'occuper des problèmes médicaux, nous ne
voudrions pas simplement qu'on dise: Réunissez-vous, les docteurs, et
arrangez-vous ensemble, faites-nous des suggestions. Nous avons eu une belle
expérience que nous avons vécue: je ne sais pas qui a fait la Loi
des hôpitaux, mais il y a quelque chose de bien là-dedans. Nous,
les médecins, nous avons vécu de très belles
expériences au point de vue hospitalier. A un moment donné, on a
mis dans la loi qu'un médecin devait faire partie du conseil
d'administration, devait aller à l'exécutif du conseil. Avant
personne n'en parlait.
A un moment donné, on a demandé une participation active.
Il a fallu que le bureau médical se réunisse une fois par
année. Cela a obligé le bureau médical à dire
à un médecin d'aller au conseil, d'assister aux réunions.
Nous étions assis au bout de la table, on parlait de la mélasse,
du saindoux et d'achat de briques. Nous ne comprenions rien là-dedans.
Mais, dès que ça arrivait à un problème
médical, là le président du conseil nous demandait:
Docteur, qu'est-ce que vous pensez de l'organisation médicale dans ce
domaine-là?
Quand vous créez des structures au niveau légal, ce qui
arrive au niveau régional si vous n'en avez pas, les gens disent: Ce
sont des voeux, ça pourrait se faire. Mais si vous faites ça dans
une loi, ce qui arrive dans l'application, c'est bon pour les docteurs aussi.
Les docteurs sont peut-être des fois endormis, nous l'admettons, mais
vous pouvez leur dire: Il faut y aller, il faut que chaque hôpital de la
région donne un représentant et il faut que ces
représentants se réunissent. Vous le dites au conseil des
médecins. Nous, nous disons que vous pouvez le dire pour le conseil
régional. Réunissez-vous, les docteurs, ensemble dans la
région, faites des suggestions, envoyez un représentant à
notre conseil et, quand ça viendra à des problèmes
médicaux, parlez avec nous. C'est ça que nous voulons, parler
avec vous autres.
Nous ne voulons pas que dans une région il soit dit: Faites des
voeux, faites des suggestions. Si vous faites une loi, nous allons être
obligés de marcher aussi et là vous allez avoir de la
coordination, de la coopération. Dans toutes les discussions que nous
avons eues dernièrement avec les économistes, ceux-ci nous
parlaient toujours d'un mot anglais, le "feed-back", d'après eux,
ça veut dire qu'il faut qu'on mène
d'en haut, mais il faut que d'en bas on donne des suggestions. Si le
haut mène et que le bas ne donne pas de suggestions, à un moment
donné ça devient mêlé; c'est ça que nous
trouvons nous.
Je pense que c'est la solution la plus originale de notre rapport. On
parle de la régionalisation. Je pense que personne d'autre n'en a
parlé. C'est parce que l'Association des bureaux médicaux a
réalisé que c'est un besoin de s'asseoir autour d'une table, des
omnipraticiens, des spécialistes, ne tenant pas trop compte des
spécialités, mais tenant compte des problèmes qu'il y a
dans un hôpital.
M. CLOUTIER (Montmagny): Avec ces explications additionnelles,
précisément ceux qui auraient des responsabilités à
l'intérieur du conseil régional, est-ce que ça
déboucherait aussi sur les ORAS, une représentation aux offices
régionaux des affaires sociales?
M. PAULIN: Nous, nous disons que nous avons vécu une belle
expérience. A Montréal, nous nous sommes réunis toutes les
semaines; nous avions des problèmes à régler, des
problèmes qui se posaient au niveau des bureaux médicaux, dans
les règlements, par exemple, et dans toutes sortes d'applications.
Nous réalisons à un moment donné que nous ne
pouvons pas régler dans un sens tous ces problèmes-là. Il
faut avoir autour de la table la voix d'un type de chaque région. Nous
croyons, si nous prenons une région typique de Rimouski, du
Bas-du-Fleuve que nous avons citée qu'il pourrait y avoir
dans chaque centre hospitalier un membre et, nous, nous voulons donner la
même chose. Nous ne sommes pas contre les professionnels de la
santé, nous sommes avec eux. Qu'ils aient, eux aussi, un groupe, un
comité général, qu'ils s'élisent un exécutif
s'ils veulent et qu'ils envoient un représentant au conseil
d'administration; nous allons nous asseoir à côté d'eux.
Nous discuterons au bout de la table. Nous ne serons que deux contre quatorze,
mais, quand viendra un problème médical, nos types qui sont
obligés d'aller parce que la loi va les forcer à aller,
plutôt les stimuler vont s'asseoir au bout de la table et ils vont
discuter de leur petite partie médicale. Quand les autres vont parler de
la brique et du ciment, nous n'aurons pas d'affaire là-dedans, nous le
savons.
Ce que nous voulons c'est, lorsque nous parlons du médical, avoir
quelqu'un là, autant que les professionnels de la santé. Ensuite,
si le comité, le conseil d'administration de la région
décide qu'il veut créer des comités spéciaux entre
les autres professionnels et les médecins, là ça marche
Nous en avons déjà des comités dans nos hôpitaux,
des comités de nursing. Vous êtes au courant, vous étiez
ministre déjà.
Nous avons une foule de comités. Nous nous assoyons avec les
gardes-malades et nous discutons des problèmes de salles
d'opérations. Nous aimerions, si c'est possible nous ne voulons
forcer la main de personne qu'une fois rendu au conseil d'administration
le médecin qui représenterait la région de Rimouski
il aurait son exécutif, il aurait son "feed-back", il irait à
l'exécutif de la région, membre de chaque hôpital de
Rimouski, de Gaspé dirait: Voilà ce que nous avons
discuté au point de vue médical. Quelles sont vos
suggestions?
La, le "feed-back" s'en viendrait par en haut. Eux diraient: Allez dire
au conseil que ça ne marche pas comme ça, notre affaire. L'homme
qui a décidé en haut, le directeur général,...
Nous, ce que nous craignons, c'est que vous donniez trop de pouvoirs à
un homme et que vous l'enleviez à un comité.
C'est facile de dire dans un hôpital: Notre bureau médical,
l'exécutif, est responsable au directeur médical. La loi dit
ça. Le directeur médical est responsable à qui? Il est
responsable au directeur général. Le directeur
général, c'est qui? Cela va être le président du
comité administratif. Qu'est-ce qu'il va faire, le directeur
général? Il va faire l'ordre du jour, il va s'asseoir avec cinq
gars et il va recommander au conseil d'approuver ses affaires. Comment
ça va marcher?
Nous aimerions être sous la commande d'un bon conseil
d'administration. Nous n'avons pas peur d'un comité parce qu'au niveau
d'un bon comité d'administration on a des hommes capables qui disent au
directeur général: Applique-les, les règles. Nous voulons
juste avoir notre petite voix, nous autres. Nous ne voulons pas
contrôler. Les gens disent dans les journaux que les médecins
veulent des chasses gardées, qu'ils veulent des contrôles. Nous ne
demandons pas cela. Je pense que nous sommes mal compris, nous les
médecins, actuellement. Nous ne demandons rien de tout cela.
Nous demandons de participer, de nous asseoir à la table et de
dire aux gars: Ecoutez, le problème médical, de la manière
dont on l'applique en bas, ce n'est pas comme cela qu'on doit l'appliquer. Nous
avons des suggestions à faire. Si vous ne voulez pas les prendre, vous
êtes le comité d'administration, vous êtes le conseil;
prenez vos décisions, c'est à vous d'en prendre la
responsabilité.
Nous ne voulons pas qu'un homme, dans un hôpital, devienne le seul
contrôleur. Dans certains hôpitaux où c'est un homme
extraordinaire, cela va marcher, mais dans des hôpitaux où c'est
un homme plus ou moins compétent parce que des hommes, il y en a
de toutes les qualités cela n'ira pas. Nous disons qu'il faut
absolument que ce directeur général soit responsable devant un
conseil; autrement, vous pensez d'éliminer tous les problèmes et
vous allez en créer seulement un, mais cela peut devenir le directeur
général.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Dr Denis, j'aurais une question à poser. C'est une
question que j'aurais probablement pu poser à d'autres groupes
également. A la fin de votre mémoire, vous exprimez le
désir de voir insérées dans la loi certaines
définitions et vous donnez, comme exemple, une définition du
cabinet de médecin ou de dentiste.
Est-ce qu'il existe actuellement une telle définition? J'aimerais
que vous fassiez une suggestion en ce qui concerne la définition, que
vous aimeriez voir insérée dans la loi, du cabinet de
médecin.
M. DENIS: M. le Président, je réponds à la question
du député de Saint-Jacques.
M. GUAY: Dorchester.
M. DENIS: Dorchester, excusez-moi. Je n'ai pas eu l'occasion de vous
rencontrer souvent; excusez-moi, monsieur. Dans le règlement de la Loi
des hôpitaux, arrêté en conseil 288 adopté le 31
janvier 1969, on définit le cabinet de médecin en page 8: "Un
endroit particulier à la charge d'un médecin ou d'un dentiste aux
fins de dispenser habituellement et pour leur propre compte leurs services
professionnels."
Si nous demandons qu'un cabinet de médecin soit défini
dans la loi, c'est parce qu'à l'article 133 t) le ministre se
réserve le droit de le définir. Pourquoi se réserve-t-il
le droit de le définir? Est-ce qu'il veut diminuer les pouvoirs que le
médecin a, aujourd'hui, d'exercer en cabinet privé? On peut se le
demander. C'est la raison pour laquelle nous demandons de le
préciser.
M. CASTONGUAY: Je veux tout simplement dire, sur ce point-là, que
la question est revenue plusieurs fois sur la table. Dans la Loi des
hôpitaux actuelle, il est dit que le lieutenant-gouverneur en conseil
peut définir, par règlement, ce qu'est un cabinet. Lorsque nous
avons rédigé le projet de loi, nous avons dit: Nous allons
refaire la même chose. Cela semble susciter des craintes et j'ai dit que
nous introduirions dans le projet de loi, lorsque nous aurons fini l'audition,
une définition de cabinet.
M. DENIS: D'ailleurs, M. le Président, vous remarquerez que nous
n'avons pas tellement insisté sur ce problème aujourd'hui,
justement parce que nous avions eu, antérieurement, l'assurance du
ministre.
M. GUAY: En ce qui concerne la définition que vous venez de
mentionner vous êtes libre de répondre ou pas est-ce
une définition qui vous convient?
M. DENIS: Jusqu'à maintenant, nous avons l'impression que cela ne
va pas si mal.
M. GUAY: Merci.
M. DENIS: D'autre part, j'aimerais peut-être vous rappeler une
expérience que j'ai vécue récemment. Nous avons
l'impression, en lisant le bill 65 et en entendant certaines remarques, qu'on a
des doutes sur la qualité de la médecine au Québec et que
le projet de loi veut justement mettre peut-être comme le disait
un ancien premier ministre un carcan aux médecins pour les
limiter le plus possible.
J'arrive d'un voyage qui m'a mené pour un congrès au
Liban. Qu'est-ce qui est arrivé là-bas? Les gens du Québec
ont été reçus à bras ouverts. La plupart des
grandes sommités du monde médical au Québec ont
été appelées, à tour de rôle, en consultation
auprès des patients du Liban.
Un chef d'Etat d'un pays voisin est même venu à Beyrouth
pour consulter un médecin du Québec. Un autre médecin du
Québec qui était là et qui a dû assister à un
autre congrès en Ecosse a dû revenir une semaine plus tard pour
pratiquer une opération chirurgicale. Par la suite, j'ai
été en Grèce; j'ai rencontré des Canadiens qui
vivent là depuis quelques années. Ils m'ont dit: C'est un pays
merveilleux c'est vrai, d'ailleurs, j'espère que vous l'avez vu
ou que vous le verrez le seul problème que nous trouvons, le seul
problème de difficulté d'adaptation, c'est avec la
médecine.
J'ai rencontré ensuite un autre couple de Québécois
qui vit en Allemagne. Ils m'ont dit, sans que je le leur demande (ce ne sont
pas des médecins): En Allemagne, c'est un beau pays, on fait une belle
vie ici mais on s'ennuie de la médecine du Québec. Je pense que
ces témoignages peuvent dire quelque chose sur la qualité de la
médecine au Québec.
M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais
faire une remarque ici. Je trouve malheureux ce que l'on voit dans ce projet de
loi, d'autant plus que, lorsqu'il a été présenté et
même après jamais je n'ai fait d'allusion au fait que ce projet de
loi pourrait être nécessaire à cause d'une mauvaise
qualité de la médecine. C'est un projet de loi qui touche
à l'organisation des services de santé et je crois qu'il est
évident, sur ce plan-là, qu'il y a des problèmes
d'organisation de services de santé. Il y a des problèmes de
financement; il y a des problèmes aussi de coordination des services qui
se posent et ce sont ces problèmes que nous abordons. Il ne faut pas
voir dans tout ceci un jugement négatif quant à la qualité
de la médecine comme telle. Sur ce point j'aimerais rappeler,
étant donné qu'on l'a affirmé, que la Loi des
hôpitaux a permis des expériences utiles, fort valables, et je ne
conteste pas cela. Cette loi a été adoptée il y a neuf ans
maintenant. Le temps a passé, les problèmes se posent
différemment, mais je me rappelle également qu'au moment
où la Loi des hôpitaux a été adoptée,
ç'a donné lieu à des résistances extrêmement
grandes. J'ai relu certains des
journaux de l'époque, les mémoires de l'époque et
je crois qu'on y voyait un danger énorme dans cette Loi des
hôpitaux. Il semble qu'à l'expérience elle a
constitué un outil utile. Mais aujourd'hui, il faut poursuivre et passer
à une autre étape, ce qui ne constitue pas un jugement
négatif à l'endroit de la qualité de la médecine
comme telle.
M. DENIS: M. le Président, j'espère que nous aurons
d'aussi bons résultats avec le bill 65 que nous en avons eus avec la Loi
des hôpitaux et que les accommodations nous satisferont. Peut-être
que le Dr Lavigne qui est président sortant de charge, qui a
dirigé les destinées de notre association pendant quelques
années, aimerait dire quelques mots si vous le permettez.
M. LE PRESIDENT: Je pense que le député de Bourget a une
question à poser avant.
M. LAURIN: M. le Président, il y a un problème que le
mémoire de l'Association des bureaux médicaux des hôpitaux
me semble très bien poser, c'est celui des pouvoirs et des
responsabilités du bureau médical. Dans votre mémoire,
vous soutenez que le bureau médical sera éliminé
complètement de tout l'aspect organisationnel et administratif des
services médicaux dans le centre hospitalier et que ce pouvoir que la
Loi des hôpitaux attribuait au conseil médical sera
désormais exercé par le directeur des services professionnels en
vertu de l'article 78. Vous vous opposiez à cette nouvelle
définition du pouvoir du directeur des services professionnels ou
à cette diminution du pouvoir du bureau médical avec l'argument
suivant. Vous ditez que vous ne comprenez pas que le médecin soit
chargé du contrôle de l'acte médical alors qu'il n'a rien
eu à voir dans l'organisation des services de santé qui, au fond,
ont beaucoup à voir avec la façon dont l'acte médical sera
posé. Par exemple, à la page 11, vous dites que les
médecins sont concernés par les aspects de l'administration dans
les problèmes de la santé lorsque les décisions qui sont
prises peuvent affecter les soins médicaux qui sont rendus à la
population.
Je pense que c'est là, en effet, un des problèmes
essentiels du projet de loi 65 et je me demande moi-même encore
personnellement quelles sont toutes les raisons qui ont amené le
gouvernement à enlever au bureau médical cette fonction, ce
pouvoir, cette responsabilité qui lui était confiée par la
Loi des hôpitaux pour la confier au directeur des services
professionnels.
Lorsque vous dites, par exemple, à la page 17: "Confier au
directeur des services professionnels l'organisation des services de
santé... et confier aux médecins la mise en place des
mécanismes nécessaires pour contrôler les actes nous semble
contradictoire", en quoi cela vous semble-t-il contradictoire? Au fond,
j'aimerais poser la même question au ministre. Est-ce qu'à lui
aussi cela paraît contradictoire? Et si cela paraît un peu
contradictoire, y a-t-il une autre façon que celle prévue par le
projet de loi 65 pour assurer une meilleure administration des soins
médicaux dans un hôpital avec une participation quand même
plus importante des médecins que celle que prévoit la loi 65?
M. DENIS: M. le Président, pour répondre au
député de Bourget j'espère que je ne me trompe pas
cette fois il nous semble évident que si vous voulez garder
à l'intérieur des centres hospitaliers un intérêt
soutenu de la part des médecins, il faut quand même leur laisser
quelques responsabilités et quelques devoirs. Si on leur demande, comme
le suppose le bill 65, de ne faire ou de ne garder comme responsabilité
dans l'hôpital qu'un rôle de police, ni plus ni moins,
auprès des médecins, en ce sens d'organiser les mécanismes
de contrôle, de les surveiller mais qu'on ne leur donne aucune
responsabilité d'organiser les départements, les services
médicaux, de voir à ce que chaque département, chaque
service médical fournisse les soins qu'il est appelé à
donner au niveau hospitalier, donnant tout cela au directeur médical ou
au directeur des services professionnels qui est un administrateur, j'ai
beaucoup de respect pour les directeurs médicaux et je pense qu'il en
faut dans nos institutions, mais nous ne voyons pas d'autre rôle pour eux
qu'un rôle de coordination et de liaison, si vous voulez, entre les
différents services médicaux. En somme, c'est un rôle qui
consisterait à exécuter ou à voir à ce que les
décisions qui sont prises au niveau du bureau médical soient
exécutées, dans le domaine médical, évidemment.
M. LAURIN: Est-ce que vous accepteriez une formule où le conseil
médical ou le conseil des professionnels proposerait des formules
d'organisation des départements avec raison à l'appui sans
pouvoir décisionnel ou sans responsabilité et que ce serait le
directeur des services professionnels qui prendrait les décisions?
M. DENIS: Non. Nous croyons que le bureau médical doit conserver
cette responsabilité et nous ne croyons pas qu'il appartienne au
directeur des services professionnels, même si c'est
suggéré par le bureau médical, de prendre la
décision. Nous croyons que le bureau médical doit recommander au
conseil d'administration les structures qu'il juge nécessaires dans le
milieu donné où il vit et qu'ensuite on demande au directeur des
services professionnels de voir si tout se passe dans le milieu hospitalier et
si l'exécution de ces décisions est faite suivant la loi.
M. LAURIN: Donc, de toutes les façons, vous ne trouvez pas que le
directeur des services professionnels est capable techniquement de remplir les
responsabilités que lui attribue l'article 78, c'est-à-dire
l'organisation des services de santé?
M. DENIS: Cela prend un surhomme pour être capable de
posséder toutes ces qualités.
M. LAURIN: Même s'il est médecin?
M. DENIS: Même s'il est médecin. Il doit être
médecin, mais il n'y a pas un directeur médical qui soit capable
de remplir les fonctions que le bureau médical remplit actuellement en
plus de celles qu'il remplit lui-même.
Nous comprenons aussi que dans les règlements de la Loi des
hôpitaux on avait déjà attribué beaucoup de
responsabilités au directeur médical, mais en fait vous savez
aussi bien que moi que les directeurs médicaux n'ont jamais rempli
toutes les fonctions qu'on leur a accordées à ce
moment-là. Je pense qu'on peut déjà voir que les
responsabilités qu'on avait voulu leur confier dans les
règlements en 1969 dépassaient déjà leurs
capacités.
M. LAURIN: Cela me tenterait beaucoup de demander au ministre s'il voit
lui aussi une contradiction entre le fait qu'on confie aux médecins le
soin de contrôler l'acte alors qu'on enlève au bureau
médical toute responsabilité quant à la mise en place des
mécanismes qui sont responsables des actes qui sont posés.
M. CASTONGUAY: Si vous me le permettez, nous reviendrons à cette
question lorsque nous analyserons le projet de loi article par article. Je
voudrais simplement rappeler que, d'après le projet de loi, les
médecins vont être membres du conseil consultatif des
professionnels. Ce conseil va faire des recommandations au conseil
d'administration. C'est de là que viendront les décisions
à être exécutées au plan de l'organisation et du
fonctionnement, non pas au plan des actes médicaux eux-mêmes, par
les voies décrites. C'est là l'idée. Je ne crois pas qu'il
y ait de contradiction. Cela est possible, toutefois. Nous reviendrons sur
cette question de savoir si elle doit être maintenue telle quelle ou non,
si vous me le permettez.
M. LAURIN: Bon, est-ce que quelqu'un d'autre veut répondre
à cela?
M. LAVIGNE: M. le Président, je voudrais répondre à
certaines questions qui ont été soulevées par M. Cloutier
et par le Dr Camille Laurin.
M. Cloutier nous demandait de situer un peu l'association, et je
voudrais en parler un peu. Le bureau médical, à l'heure actuelle,
tel qu'il est dans la Loi des hôpitaux, est le plus bel exemple de
participation, dans notre cas, de la connaissance médicale avec le
niveau administratif en milieu hospitalier, au niveau d'une organisation. On
cherche, à l'heure actuelle, dans tous les niveaux administratifs,
à trouver des modes de participation qui permettent à tout le
monde de travailler pour un objectif primordial, soit le but pour lequel
l'organisation existe.
Actuellement, nous avons une organisation qui existe dans ce
sens-là. Cela existe depuis plus de vingt ans. Cela a été
trouvé avant même qu'on commence à parler de participation
de la population et de la participation de tout le monde. Cela a
été une formule qui a été trouvée avant son
temps.
Pourquoi, à l'heure actuelle, venons-nous pour la détruire
dans un texte qui est le bill 65? On lui donne encore un certain rôle de
participation, mais il est bien dit, à l'article 161, que les
rôles actuels joués par le bureau médical sont
partagés entre trois organismes, c'est-à-dire le conseil des
médecins, le directeur des services professionnels et le conseil des
professionnels.
Actuellement, nous considérons que l'aspect médical dans
l'hôpital est assez important pour que les médecins soient
groupés et prennent leurs responsabilités. Nous sommes d'accord
pour être membres du conseil des professionnels de la santé. Nous
collaborons avec les autres professionnels de la santé au niveau
hospitalier, mais nous croyons que le rôle qui nous est accordé
est trop minime. Je ne veux pas dire que nous voulons nous séparer des
autres, mais je crois que le groupe médical a tout de même un
rôle de leadership au niveau hospitalier et qu'il doit être capable
de le jouer.
Au niveau du conseil des professionnels, imaginez un peu un
hôpital assez grand de Montréal où il y aurait un conseil
des professionnels, regroupant disons, environ 200 médecins, 1,000
infirmières, peut-être 100 autres professionnels, combien de
techniciens de radiologie, combien de techniciens de laboratoire et tout le
monde. On leur donnerait une responsabilité à remplir.
Nous avons cru qu'il était préférable de former
deux conseils: un conseil des médecins, qui garde les mêmes
responsabilités que dans la Loi des hôpitaux actuelle, avec tous
ses règlements tels qu'ils ont été édictés,
il y a quelques années, et que nous trouvons très bien. Ces
règlements de la Loi des hôpitaux nous ont permis de travailler
avec une certaine structure identique dans les différents centres
hospitaliers et cela s'est avéré extrêmement efficace.
Au niveau des comités, vous avez des comités conjoints.
Ils sont nombreux: comités mixtes médico-administratifs,
comités médico-nursing au sein desquels un énorme travail
a été fait.
Or, le bureau médical, dans la Loi des hôpitaux actuelle, a
une responsabilité. C'est l'article 9 de la Loi des hôpitaux.
Notre association et, là, je réponds à M. Cloutier
les regroupe dans cette responsabilité et désire favoriser
la participation de ceux qui ont la connaissance médicale au niveau
administratif au sein de chaque hôpital.
Notre association était structurée au niveau
régional. Nous avions des représentants de différentes
régions, mais nous avons senti qu'au niveau de chaque région il
fallait également grouper les professionnels. Nous croyons que l'avenir
de la médecine est dans la planification
régionale des soins. On comprend votre problème, M. le
ministre. Il y a une question de finance. C'est énorme. Vous ne pouvez
pas permettre qu'on ait partout, comme on le dit, les mêmes
équipements. Il faut que ce soit planifié.
La chose la plus intéressante qu'on a vécue au cours des
deux dernières années, cela a été de réunir
et de grouper des médecins d'hôpitaux différents.
C'était la première fois que plusieurs se rencontraient. Cela
leur permet d'étudier ensemble les problèmes au niveau de la
région. Cela leur donne une conscience régionale. Au lieu de
penser simplement à leur patelin, à leur propre hôpital,
ils acquièrent une conscience régionale de participation pour
assurer des soins de qualité et des soins adéquats au niveau de
la région.
C'est ce qui a été réalisé au niveau de la
région de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve où un conseil
régional des bureaux médicaux a travaillé en collaboration
avec un conseil régional des administrateurs d'hôpitaux et a pu
collaborer avec un coordonnateur régional. Ceci est une forme de
régionalisation que nous avons trouvée extrêmement
valable.
A ce moment-là, le comité régional des bureaux
médicaux n'avait qu'un rôle consultatif. Il participait et c'est
ce que nous demandons. Nous demandons d'avoir une participation.
Dans le bill 65, le bureau médical perd ses
responsabilités. On les donne aux autres. Ce que l'on veut, c'est que
ceux qui ont la connaissance au point de vue médical et qui sont
groupés actuellement en bureau médical, et prochainement en
conseil des médecins, gardent les mêmes responsabilités que
dans la Loi des hôpitaux avec ses comités et ses
règlements. Nous voulons que ce comité, pour avoir
réellement un rôle à jouer au niveau administratif, au
niveau des institutions, soit responsable au conseil d'administration.
D'accord, dans le texte actuel, il a un délégué au conseil
d'administration. C'est très bien. Nous sommes heureux de cela parce que
c'est cela la participation. C'est d'avoir une chance, comme on le dit, qu'un
groupement participe au niveau décisionnel. Dans les institutions, c'est
le conseil d'administration qui prend les décisions. Nous sommes heureux
de cela mais nous voulons que ce bureau médical régional soit
responsable à l'autorité, c'est-à-dire au conseil
d'administration et non à un de ses fonctionnaires ou à un de ses
employés qui est le directeur des services professionnels. Alors, notre
rôle va être anéanti. C'est qu'à ce moment-là,
on va bien donner des suggestions, bien faire des rapports qui vont s'oublier
dans les échelons de l'administration.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le Dr Lavigne me permettrait? Je pense que
ce que vous nous exposez a déjà été
mentionné tantôt. Comme l'heure avance et que d'autres organismes
veulent se faire entendre, je vous demande- rais, s'il vous plaît,
d'essayer de condenser votre exposé.
M. LAVIGNE: Me donnez-vous seulement trente secondes?
Or, nous voulons qu'il soit responsable au conseil d'administration.
Nous désirons qu'il y ait une procédure pour résoudre les
conflits. On l'a dans la Loi des hôpitaux à l'article 11. Cet
article-là a été surtout valable pour obliger les gens
à régler leurs conflits avant d'être obligés de s'en
servir. C'est cela qui est la sagesse d'une loi. C'est d'obliger les gens
à ne pas l'utiliser et à régler leurs problèmes
ensemble. Cela a été la sagesse de l'article 11 de la Loi des
hôpitaux. Nous voulons qu'il y ait une procédure de conflits parce
que tout de même, il peut arriver un problème. Si un bureau
médical a l'impression qu'une question médicale d'importance doit
être résolue de telle manière et que le conseil
d'administration lui impose une chose qui est antiprofessionnelle, il faut
qu'il y ait une place pour la résoudre. Cela est une procédure.
On peut en accepter une autre qui sera proposée par le ministère.
Nous sommes conscients que le rôle de participation que le bureau
médical a joué dans le passé est extrêmement
valable. S'il est valable pour nous autres, il est valable aussi pour les
autres professionnels. C'est pour cela que nous sommes d'accord pour qu'il y
ait une formation d'un conseil des professionnels de la santé et qu'eux
aussi aient les mêmes privilèges que le conseil des
médecins, qu'ils aient aussi un représentant au conseil
d'administration et qu'ils soient également responsables au conseil
d'administration. C'est cela, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, Dr Lavigne.
M. LAURIN: Une dernière question au Dr Denis. Dans votre
mémoire, à la page 13, vous accordez des pouvoirs
considérables à l'ORAS, par exemple, la juridiction exclusive sur
les plans quinquennaux, la construction de nouveaux hôpitaux dans une
région, l'addition de services ou de départements dans un
hôpital de la région, la vocation particulière des
hôpitaux de la région et vous ajoutez: "etc.". Est-ce que vous
iriez jusqu'à inclure là-dedans l'approbation préalable
des budgets des hôpitaux desservis par l'ORAS?
M. DENIS: Nous n'avons pas d'objection. Qu'ils soient acceptés
par l'organisme régional ou qu'ils le soient au niveau du
ministère, de toute façon, il faut qu'ils soient acceptés
par une autorité supérieure.
M. LAURIN: Mais entre les deux, qu'est-ce que votre association
préfère?
M. DENIS: Personnellement, je préférerais le statu quo qui
est l'approbation au niveau du ministère.
M. LE PRESIDENT: Merci, Dr Denis. Merci à l'Association des
bureaux médicaux des hôpitaux. Je demanderais maintenant à
l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec
dont le porte-parole est Mme Agathe Shooner de prendre la parole.
Association professionnelle des pharmaciens
salariés du Québec
MME SHOONER: L'Association professionnelle des pharmaciens
salariés du Québec. Agathe Shooner, présidente.
Permettez-moi d'abord de vous présenter quelques membres de notre
conseil d'administration: M. Jacques Moreau, pharmacien du domaine hospitalier;
M. André Ouimet, pharmacien à l'officine; M. René Dubois,
président fondateur qui fut, en plus, inspecteur et gouverneur au
Collège des pharmaciens durant deux termes. M. Dubois exposera aux
membres de cette commission nos recommandations quant au projet de loi no
65.
M. DUBOIS: Je me présente: René Dubois, pharmacien,
représentant pour l'APPSQ.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
précisons dès le départ que nous appuyons les efforts du
gouvernement en vue d'assurer à la population des services de
santé et des services sociaux plus adéquats.
En ce qui regarde les services pharmaceutiques, ils ne sauraient
être réellement efficaces si l'on ne donne au pharmacien la
possibilité d'exercer son rôle dans toute sa plénitude et
les moyens nécessaires pour qu'il soit en contact personnel continuel
avec l'équipe de la santé et le patient.
Dans le projet actuel, la définition du mot "professionnel"
semble satisfaisante à première vue. Mais comme on ne retrouve
nulle part ailleurs de critères qui assurent la présence du
pharmacien, nous craignons qu'elle soit laissée à la
discrétion de l'un ou de l'autre, sans considération
réelle de sa nécessité dans les institutions
préconisées.
Si nous demeurons sceptiques, c'est que trop souvent, dans le
passé, on n'a pas tenu compte des services pharmaceutiques tout en
assurant la distribution de médicaments. Qu'on songe, par exemple,
à ce qui s'est produit dans le milieu hospitalier où l'on n'a
réalisé l'importance de la présence du pharmacien que vers
les années cinquante alors que quelques hôpitaux, à cause
de leur importance, ont fait appel à des pharmaciens. Mais ce n'est
réellement qu'à la venue de l'assurance-hospitalisation, à
la suite d'une certaine réglementation, que l'on a reconnu la
nécessité des services professionnels pharmaceutiques,
après plusieurs années d'incertitude et de tâtonnement.
C'était trop dispendieux et non rentable, disait-on, comme si la
santé des individus n'était pas rentable.
Nous ne voudrions pas que la même situation se
répète au niveau des CLSC. C'est pourquoi nous vous demandons de
préciser, dans le bill 65, la tenue d'une pharmacie et d'établir
comme essentiels, dès le départ, les services
pharmaceutiques.
Vous prévoyez peut-être donner cette assurance au niveau
des règlements mais, alors, ces règlements n'auront force de loi
qu'au niveau des institutions. S'il n'y a pas de changements immédiats,
croyons-nous, dans la Loi de pharmacie, leur application pourrait en être
entravée en pratique. Qu'on imagine seulement l'obligation, pour un
pharmacien, de contourner la Loi actuelle de pharmacie pour pouvoir s'inscrire
dans une pharmacie qui serait, comme nous le pensons, propriété
du CLSC. Une telle pharmacie, propriété d'un CLSC, ne peut
être reconnue légalement par le Collège des
pharmaciens.
Le public a le droit de recevoir des services pharmaceutiques et l'Etat
a le devoir de les lui assurer, et au meilleur coût, puisque c'est lui
qui, finalement, devra en assumer le paiement. Quand nous pensons au public,
nous y incluons aussi les vieillards et les enfants qui seront
hébergés dans les centres d'accueil. C'est pourquoi nous
demandons que soit légalisée l'opération de pharmacie avec
pharmacien dans ces centres, s'ils sont assez importants pour en supporter les
frais. S'ils ne le pouvaient pas, que ces services soient assurés au
niveau des CLSC. Par le fait même, on ferait d'une pierre deux coups,
soit assurer des services pharmaceutiques aux patients de ces centres d'accueil
et augmenter la rentabilité des pharmacies au niveau des CLSC.
L'apparition de pharmaciens au niveau des CLSC ne sera pas sans causer
une certaine perturbation dans le secteur privé de la pharmacie, tout
comme il s'en produira au niveau de la médecine et d'autres disciplines
où la pratique privée a été jusqu'à
maintenant la seule méthode rentable pour le professionnel de rendre ses
services.
On invoquera la répercussion financière dans le secteur
privé, la pénurie de pharmaciens disponibles, la
répartition des pharmacies dans la province. Autant de problèmes
que les pharmaciens ont ignorés dans le passé ou dont ils ont
refusé les solutions parce qu'elles étaient en contradiction avec
leur intérêt personnel.
Le CLSC peut devenir une réponse à ces problèmes,
une solution à tout ce gaspillage professionnel actuel au niveau de la
pharmacie du secteur privé, mais à condition cependant qu'on
assure au pharmacien pratiquant dans ces centres la possibilité d'y
jouer pleinement son rôle. C'est pourquoi nous demandons l'autonomie du
pharmacien dans son secteur, en rapport avec les autres professionnels de la
santé, de manière à assurer son épanouissement
normal dans un travail d'équipe. Et cet épanouissement normal ne
se fera, à notre avis, qu'à condition qu'il ne soit pas en
conflit avec ses propres intérêts, d'où la
nécessité du salariat.
L'APPSQ sous ces garanties se fera un devoir de vous offrir ses
services, non seulement pour vous offrir le personnel qualifié
disponible pour
accomplir les services pharmaceutiques dans les CLSC nous avons
déjà plusieurs demandes de pharmaciens disponibles pour
travailler dans ce secteur mais aussi pour guider le ministère,
en collaboration avec ses administrateurs, dans la planification de ces
pharmacies, dans l'élaboration d'un système d'information
pharmaceutique pour l'équipe de la santé, dans
l'élaboration d'inventaires perpétuels de dossiers-patients et de
mesures à prendre pour assurer à la population les meilleurs
services et au meilleur coût.
Si vous avez des questions, il nous fera plaisir, mon équipe et
moi, d'y répondre.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: D'abord, je voudrais remercier l'association pour le
mémoire qu'elle nous a présenté. De fait, je suis en
accord avec la plupart des choses qui y sont dites, j'aimerais faire simplement
deux commentaires à ce stade-ci.
Des modifications à la Loi de la pharmacie vont être
proposées dans le cadre d'une législation touchant les diverses
professions, et l'impossibilité, pour le moment, légale qui
existerait d'établir une pharmacie dans un centre local de services
communautaires va être levée, d'après cette
proposition.
Le deuxième point qu'il m'apparaît nécessaire de
faire, c'est que les CLSC, tels que projetés, n'auront pas tous la
même population à desservir. Il est possible que dans certains
CLSC, si leur taille dessert une population assez restreinte, il n'existe pas
de service de pharmacien à l'intérieur du CLSC.
De façon générale, par contre, pour les CLSC d'une
certaine taille cela devrait être la norme générale
il devrait normalement y avoir les services d'un pharmacien, non pas
seulement pour jouer le rôle de remplisseur de prescriptions mais aussi
de conseiller auprès de l'équipe qui pratiquera dans ce CLSC.
Si nous n'avons pas dans la loi inclus ce niveau d'information, c'est
qu'il ne nous apparaît pas sage d'aller dans ce degré de
détails, chaque centre local de services communautaires devra être
adapté normalement aux besoins, les lois des corporations
professionnelles déterminent le degré d'autonomie
nécessaire pour que le professionnel puisse faire son travail et
protéger la population. Pour le reste, il nous semble que quant à
la façon de composer les équipes à l'intérieur d'un
centre local, la façon dont il fonctionne, la façon dont les
responsabilités sont réparties, ce sont des problèmes qui
doivent être abordés au niveau de chaque centre et résolus
de telle sorte qu'on en arrive au meilleur fonctionnement possible. Mais nous
ne croyons pas que nous devions aller à ce degré de
précision, sans risquer de figer ce qui, à notre avis, doit
être une formule aussi souple que possible.
M. DUBOIS: Evidemment, nous croyons fortement que vous allez, dans votre
projet qui va changer les lois des corporations, permettre que des pharmaciens
puissent s'inscrire comme salariés et que ces pharmacies-là
soient la propriété de CLSC.
En prenant comme exemple le projet de loi 65, que vous présentez,
tenant compte du temps qu'il faudra pour changer ces lois de corporations et
toutes les représentations que vous aurez à entendre, est-ce que
dès le début, alors que les CLSC seront en voie de formation et
qu'ils commenceront à fonctionner, ils ne seront pas bloqués, par
le fait même, en ce qui regarde les services pharmaceutiques?
M. CASTONGUAY: Quel moyen me suggérez-vous autre que ce processus
démocratique très intéressant mais quelque peu long, en
effet?
M. DUBOIS: Non, je ne voudrais pas changer le processus que vous
employez parce que nous le croyons très démocratique; si ce
n'était de ce processus, on ne pourrait même pas se
présenter ici dans le moment. Si vous inscriviez immédiatement
dans votre loi qu'il va y avoir des pharmacies, on réglerait un
problème. Vous pourriez abroger en conséquence la Loi des
pharmacies immédiatement, en ce qui regarde cette question-là,
pour permettre le fonctionnement de pharmacies immédiatement.
M. CASTONGUAY: Sur ce point-là, je suis obligé de vous
déclarer qu'on nous dit toujours qu'il est mauvais d'amender une loi
à partir d'une autre loi et de faire un amendement partiel qui peut fort
bien être pas mal plus complexe à rédiger que cela puisse
paraître à prime abord, sans présenter le problème
dans son ensemble.
Les légistes, qui conseillent avec justesse, je pense, le
gouvernement sur ce plan-là, nous disent, de façon
générale, qu'il est mauvais de modifier une loi par le biais
d'une autre loi et encore plus de le faire d'une façon très
partielle, dans simplement un aspect, par peur de déséquilibrer
toute une autre loi ou de ne pas voir toutes les implications. Vous savez
d'ailleurs comment l'interprétation des lois, bien souvent, crée
des difficultés.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur ce point
particulier, est-ce que la Loi des hôpitaux ne permet pas
déjà à l'article 14 à une institution de disposer
d'un local pour la pharmacie? La Loi des hôpitaux sera abolie par le
projet de loi no 65. Est-ce que, dans la Loi des hôpitaux, on ne trouve
pas une disposition qui permet actuellement, à l'article 14, à un
hôpital de louer un espace pour les fins de pharmacie?
M. DUBOIS: Nous y avions pensé.
M. CLOUTIER (Montmagny): S'il y a une disposition comme celle-là
dans la Loi des hôpitaux et qu'on abolisse la loi, peut-être
qu'il
y aurait lieu on demandait des suggestions tantôt de
faire une réserve. Si la Loi des hôpitaux le permet actuellement,
je ne pense pas que ce soit l'intention du ministre, par l'établissement
des CLSC, de défendre une telle disposition.
M. CASTONGUAY: Voici ce que dit l'article 14: "Nul ne peut, sans
l'autorisation écrite du ministre, changer la nature de l'exploitation
d'un hôpital ni céder ou louer un hôpital en totalité
ou en partie."
M. CLOUTIER (Montmagny): Sans l'autorisation du ministre, mais le
ministre peut donner son autorisation. Il y a des cas spécifiques.
M. CASTONGUAY: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Disons à Havre-Saint-Pierre, je sais
qu'il y a là un cas spécifique.
M. CASTONGUAY: On peut louer.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous pouvez louer, oui.
M. CASTONGUAY: Si je comprends bien le mémoire de l'Association
des hôpitaux, on veut être intégré plus que
simplement par la location d'un espace à l'intérieur d'un centre
local de services communautaires, mais être vraiment associé
à l'équipe.
M. CLOUTIER (Montmagny): Comme disposition transitoire. On demandait une
suggestion de disposition transitoire afin de ne pas éliminer, en n'en
parlant pas, le pharmacien d'une nouvelle institution.
M. DUBOIS: Vous savez on a déjà pensé à des
moyens détournés pour s'inscrire quand même, mais c'est
toujours embêtant de contourner les lois. Cela nous donne, à un
moment donné, une insécurité qui n'est pas
intéressante.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'autre part, vous dites, dans votre
mémoire on vient justement d'en parler qu'il est
impossible d'ouvrir une pharmacie dans un CLSC. Je pense qu'avec les remarques
que l'on vient de faire il faut s'entendre sur les mots "ouvrir une pharmacie",
pour la location d'un espace.
M. CASTONGUAY: C'est cela.
M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, votre intervention va plus loin que
cela, c'est d'être incorporé. Cela m'amène à poser
une autre question au ministre. On parle souvent, dans le projet de loi, de
conseil des médecins, de conseil des dentistes. On ne parle pas beaucoup
de l'autre membre de cette équipe qu'est le pharmacien. Il est son
prolongement normal dans le domaine de la santé.
Est-ce qu'il y a des prévisions ou des provisions, advenant
l'adoption des lois ultérieures, pour la reconnaissance plus explicite
du rôle du pharmacien dans l'équipe de la santé et à
ce conseil pas celui des professionnels parce qu'ils vont être
englobés dans le conseil des professionnels des médecins
et des dentistes?
M. CASTONGUAY: Bien, nous avons jugé, pour le moment et
nous sommes prêts à en discuter que le conseil des
médecins et des dentistes à l'intérieur de l'hôpital
et les fonctions décrites dans le projet de loi s'adressent aux deux
groupes de professionnels, soit les médecins et les dentistes, qui
posent un type d'acte qui est quelque peu différent, malgré tout,
de l'acte pharmaceutique à notre sens. Je pourrais essayer de
décrire ces nuances entre l'acte pharmaceutique et l'acte
médical, mais d'autres sont en mesure de le faire avec plus de
raffinement que moi. Nous avons cru qu'il y avait une distinction et que nous
devions limiter le conseil des médecins et des dentistes simplement
à ces deux catégories, étant donné ces
différences qui nous apparaissent.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le pharmacien était
rémunéré à l'acte professionnel, est-ce que, dans
l'esprit du ministre, il y aurait moins de différence entre le
médecin et le dentiste et le pharmacien?
M. CASTONGUAY: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non! Je pose la question parce que le ministre
dit qu'il va nous donner des nuances un peu plus tard. Je voudrais qu'on
commence à devancer peut-être tout de suite.
M. CASTONGUAY: Non, mais c'est que, dans le cas du médecin et du
dentiste, je crois que le processus de traitement est quelque peu
différent. Il y a le diagnostic, il y a le traitement. Le traitement
inclut, à mon sens, non seulement une question de science, mais aussi
d'autres aspects. D'ailleurs, vous verrez dans les projets de loi les
critères que nous avons élaborés pour décrire les
conditions qui doivent être remplies pour le privilège exclusif
d'exercer une profession. Je crois que ces critères s'appliquent
intégralement à l'acte médical ou à l'acte
posé par un dentiste.
Dans le cas du pharmacien, même s'il peut agir comme consultant et
qu'il devrait agir davantage comme consultant à l'intérieur d'une
équipe, lorsqu'il agit comme pharmacien, au moment où il pose
l'acte d'exécuter une ordonnance, de déterminer si le
médicament est vraiment celui demandé, il y a un geste qui
requiert un grand degré d'exactitude, mais qui ne comporte pas tous les
éléments que nécessite la formulation d'un diagnostic,
d'un mode de traitement et la surveillance du patient.
Cela, à mon sens, fait une distinction entre l'acte
médical, l'acte posé par le dentiste et
l'acte posé par le pharmacien, sans vouloir pour autant
dénigrer ou diminuer la valeur du travail d'un pharmacien. D'ailleurs,
je pense qu'à ce niveau tous reconnaissent que des professions peuvent
faire un travail qui demande tout autant d'intégrité, de
connaissances, d'honnêteté que d'autres professions, même si
elles ne sont pas protégées ou couvertes par une loi
professionnelle qui leur réserve le droit exclusif de poser ces
actes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le Solliciteur général,
député de Gatineau, a fait une déclaration lundi dernier;
il a exposé un peu la législation à venir pour les
professionnels. Il disait ceci : Actuellement, on envisage ce regroupement dans
la loi-cadre sous trois aspects différents. Un premier groupe serait
formé des organismes touchant la santé, ainsi que les
corporations les plus anciennes comme celles des avocats, des notaires, des
comptables et le reste. Ce premier groupe continuerait à jouir de
l'exclusivité d'exercice. Un second groupe jouissant présentement
du privilège de titre réservé sans toutefois
posséder un domaine exclusif d'exercice est également
prévu.
Enfin, un troisième groupe bénéficierait d'une
reconnaissance gouvernementale particulière et dépendrait d'un
ministère, soit, à titre d'exemple, les bibliothécaires du
ministère de l'Education. Est-ce que, entre cette déclaration et
la déclaration initiale, le ministre voit un changement d'orientation ou
si, à l'intérieur de ce cadre déjà prévu, ce
serait simplement une classification qui serait faite?
M. CASTONGUAY: Les lois peuvent être présentées ou
regroupées de façon quelque peu différente de ce qui avait
été décrit par le Solliciteur général dans
sa déclaration du mois de juillet, mais quant au fond et même
quant à tous les aspects de sa déclaration du mois de juillet,
elles demeurent intégralement.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une question qui a déjà
été posée, mais est-ce que ces nouveaux
développements au sujet de cette législation seront
déposés au début de la session?
M. CASTONGUAY: Dans sa déclaration du mois de juillet, je crois
que le Solliciteur disait je l'ai ici ...
M. CLOUTIER (Montmagny): Moi, j'ai la dernière.
M. CASTONGUAY: Nous sommes en train d'oublier les pharmaciens
d'hôpitaux, là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela les touche, l'organisation des
professions.
M. CASTONGUAY: Les pharmaciens salariés. J'avais le texte...
M. CLOUTIER (Montmagny): Tout ce qui touche à la profession de
pharmacie les intéresse.
M. CASTONGUAY: Bon, alors le Solliciteur général disait,
à la fin de son texte... Au moment du dépôt, ce qu'il
disait au mois de juillet n'a pas changé, j'essaie de le retrouver. Si
vous voulez, nous pouvons poursuivre et, lorsque je l'aurai trouvé, je
le mentionnerai.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.
M. DUBOIS: Notre pensée, c'est que si vous parlez d'équipe
de santé qui va travailler au niveau d'un CLSC, nous ne pouvons pas
concevoir une équipe de santé qui va travailler sans pharmacien
qui sera là entièrement et à tout moment pour pouvoir
renseigner le médecin et aussi à tout moment pour pouvoir
renseigner le patient. Le patient, au niveau d'un CLSC, ce n'est plus un
patient comme un patient dans un hôpital qui est déjà suivi
par une équipe et qui demeure là pour un temps
indéterminé plus ou moins long. Le patient ira au CLSC où
on va poser un diagnostic, où on va lui fournir les médicaments
et le pharmacien devra continuer à rester en contact avec ce patient
pour le renseigner sur les autres médicaments qu'il ne peut pas prendre,
pour lui donner des conseils s'il a des affaires secondaires qui sont ou non
prévues. Enfin, le pharmacien doit jouer un rôle de contact
immédiat avec le patient. C'est pourquoi nous disons qu'au niveau d'un
CLSC le pharmacien doit être considéré comme un personnage
essentiel.
Une autre chose qui est mentionnée, c'est que vous sembliez, M.
Cloutier, je crois, penser que, dans un CLSC, par exemple, on pourrait louer un
local à un pharmacien pour qu'il exploite sa propre pharmacie. Dans le
système qu'on a l'intention d'établir je ne vois pas comment un
pharmacien de l'entreprise privée pourrait exploiter une pharmacie
personnelle à but lucratif dans une institution qui devrait être
une institution à but non lucratif.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne cherchais qu'à trouver une
disposition transitoire que l'on retrouve dans la Loi des hôpitaux
actuellement et qui permet l'établissement d'un service, d'une
pharmacie.
Tantôt, c'est pour cela que le problème s'est posé.
Il n'y avait pas de transition entre la Loi des hôpitaux et l'application
de cette loi, ou de précision quant aux services dans le CLSC.
J'ai fait cette remarque peut-être comme suggestion d'une
disposition transitoire.
M. CASTONGUAY: L'article 48 du projet de loi 65 reproduit l'article 13
de la Loi des hôpitaux. Alors, avec les réserves qu'on vient de
faire, je pense qu'il est bon d'apporter cette précision.
Quant aux lois des corporations profession-
nelles, le Solliciteur général disait dans une partie de
sa déclaration qu'il a été jugé opportun de faire
connaître dès maintenant les grandes lignes des projets du
gouvernement qui seront déposés à la reprise des travaux
sessionnels à l'automne.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, je voulais simplement signifier mon
accord sur la proposition qui nous est présentée. Nous notons
à ce sujet avec plaisir les assurances du ministre.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Dubois, Mme Shooner et l'Association
professionnelle des pharmaciens salariés du Québec.
J'inviterais maintenant l'Association des infirmières de la
province de Québec, dont le porte-parole est Mme Nicole Du Mouchel.
Association des infirmières et
infirmiers
MME DU MOUCHEL: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés membres de la commission parlementaire. Permettez-moi
tout d'abord de vous présenter les membres, mes collègues qui
m'accompagnent ici. Tout d'abord, à ma gauche, Mlle Helen Taylor,
présidente de notre association; Mlle Sheila O'Neil, première
vice-présidente d'expression anglaise; Mlle Madeleine Lalande,
deuxième vice-présidente; Mlle Rachel Bureau, première
vice-présidente d'expression française; Mme Janine Cormier,
trésorière; Mlle Rita Lussier, consultante en services
infirmiers, Mme Gertrude Jacob et Soeur Madeleine Bachand, consultantes en
législation.
Avant de débuter, nous aimerions que les 34 recommandations de
l'association qui apparaissent dans le mémoire puissent être
publiées dans le journal des Débats. (Voir annexe B).
J'ai donc l'honneur, aujourd'hui, au nom de l'Association des
infirmières et infirmiers de la province de Québec, de vous
présenter officiellement un résumé de la prise de position
de notre corporation professionnelle à la suite de l'étude du
projet de loi pour l'organisation des services de santé et des services
sociaux.
L'Association des infirmières et infirmiers de la province de
Québec est la corporation chargée de l'administration et de la
mise en vigueur de la loi régissant l'exercice de la profession
infirmière et l'éducation en soins infirmiers dans la province de
Québec.
Les fonctions de l'association sont décrites dans le
mémoire aux articles 1 2 et 1 4. Je suis assurée
que les membres de la commission ont eu ou auront l'occasion d'en prendre
connaissance.
Au 31 décembre 1970, l'association comptait 30,767 membres
pratiquant et 6,646 membres n'exerçant pas la profession,
répartis dans tous les secteurs des services de santé. En
présentant officiellement sa position à la suite de l'analyse du
bill 65, l'association veut indiquer ici son désir de collaboration et
d'intégration à toutes les activités ayant trait à
l'avancement et à l'amélioration des services offerts à la
collectivité.
Dans son mémoire présenté au ministre des Affaires
sociales, en juin dernier, au volume 4 de la commission d'enquête,
l'association déclarait son accord sur la philosophie et les objectifs
du régime de santé tels qu'exposés par cette commission. A
la lumière des données recueillies par son implication continue
dans le champ d'action, l'association apporte aujourd'hui des propositions et
observations afin que le projet de loi final puisse répondre le mieux
possible aux objectifs définis.
L'association est aujourd'hui en mesure d'apporter sa position sur les
sujets suivants: la législation partielle, la structure
générale du système préconisé,
l'autorité centralisée au niveau du gouvernement, les offices
régionaux des Affaires sociales, les services professionnels, la
régie interne des institutions.
La Loi de l'organisation des services de santé et services
sociaux, tel que l'a indiqué le ministre des Affaires sociales, est
d'importance primordiale puisque cette dernière affecte un nombre
imposant de personnes, d'organismes et de professionnels du secteur
santé et bien-être.
Nous admettons que ce projet de loi entend donner uniquement un cadre
d'organisation permettant d'adapter les ressources et les services pour
répondre aux besoins de la population.
Il n'en demeure pas moins que le bill 65 est étroitement
lié aux projets de loi qui seront présentés sur le code
des professions et des corporations. Nous sommes ici placés devant
l'évidence d'une législation partielle faisant partie d'un tout
dans la réorganisation globale du système de santé et de
bien-être.
La mise en application de l'organisation des services de santé et
des services sociaux dépendra de la collaboration complète et du
travail quotidien des professionnels et travailleurs de la santé. Ces
personnes assureront l'application pratique du système
préconisé et leur collaboration sera d'autant plus rentable que
les professionnels seront assurés de leur survie et de leur autonomie en
tant que profession.
Diverses entraves à la qualité des services infirmiers
sont actuellement perçues si le projet de loi est adopté avant
qu'une analyse constructive des effets de cette loi par rapport aux
législations envisagées pour les corporations puisse être
amorcée par les corporations professionnelles. Les divers dangers
perçus apparaissent dans le mémoire à l'article Il.6.
L'association trouve qu'il est primordial que les projets de loi sur les
corporations ainsi que la réglementation relevant du bill 65 soient
connus avant que ce dernier soit adopté. La corporation pourrait ainsi
procéder à une analyse parallèle et présenter le
résultat de son étude. Cette précaution permettrait sans
doute d'éviter toute incompatibilité résultant d'une
adoption
hâtive d'un projet de loi, incompatibilité qui pourrait
être néfaste au public et même s'avérer une perte de
temps coûteuse pour l'Etat et les professionnels.
L'association a été heureuse d'apprendre, lors des
dernières assises de la commission parlementaire, que le ministre des
Affaires sociales avait l'intention de déposer le projet de loi des
corporations à l'ouverture, ou tôt après, de la session de
l'Assemblée nationale. Notre corporation croit fermement que, si cette
sage précaution est prise, l'on évitera beaucoup de
problèmes dans les prochains mois et même les prochaines
années.
Le deuxième point sur lequel notre corporation désire
apporter ses observations concerne la structure générale du
système préconisé. Tout d'abord, la fusion des services de
santé et des services sociaux. Le principe de fusion des services de
santé avec les services sociaux en un seul service est appuyé par
l'AIlPQ. Cette dernière, moyennant garanties, devrait assurer un lien
plus étroit entre les parties constituantes et faciliter leur
administration pour le plus grand bien de la clientèle.
L'association désire ici faire remarquer qu'il ne suffit pas
seulement d'élaborer une législation pour créer une
intégration complète qui assurera la continuité des
services offerts à la population. La participation des praticiens de la
santé aux phases initiales de développement et aux
premières mises en application du système basées sur une
consultation continue des corporations, associations et groupements pouvant
apporter des données essentielles est une première garantie de
succès. Notre profession est depuis longtemps consciente de
l'interaction entre la santé, les conditions sociales et
l'environnement. Pour minimiser les effets négatifs d'une telle
intégration, un programme de formation intense à tous les
niveaux, gouvernements, professionnels et public, doit immédiatement
être lancé.
La réglementation devra assurer que la mise en application de la
fusion des services ne demeure pas seulement au niveau des concepts et des
théories légales mais soit, de fait, exercée à
travers la province.
La santé et le bien-être. La perspective d'un nouveau
système intégré des services de santé et des
services sociaux nécessaires à une population saine nous a fait
espérer une approche de santé globale plutôt que de
médecine globale. L'étude du projet de loi actuel nous laisse
plutôt croire encore à une forte orientation vers les soins
curatifs dans les institutions hospitalières. La mention
particulière du conseil des médecins et dentistes comme conseil
principal où l'aspect multidisciplinaire prend un rôle de second
plan après le conseil des médecins et ce, quel que soit le niveau
du centre de santé, est un indicatif de l'orientation.
Nous réalisons ici qu'il est difficile pour le législateur
d'unir en une seule loi à la fois l'aspect sanitaire et l'aspect social.
Mais nous croyons qu'une importance minime est donnée aux moyens de
prévention et d'amélioration de la santé.
Le but des centres locaux de services communautaires est "d'assurer
à la communauté des services d'action sanitaire et sociale".
Outre cette fonction très générale, l'orientation du
projet de loi semble encore donner préséance à la maladie
et au traitement. Il nous semble impérieux que l'action vers la
promotion de la santé soit plus assurée par des articles de loi
définissant plus clairement les fonctions des divers services de
santé et services sociaux.
La continuité des soins et des services.
La continuité des soins et des services a été
mentionnée comme un des objectifs prioritaires du ministère des
Affaires sociales lors de la séance de la commission parlementaire du 24
août dernier. Cet objectif est entièrement appuyé par.
notre association, qui est consciente de ce besoin. La longue expérience
de la profession infirmière dans la coordination et la continuité
des services de santé permettant d'assurer aux clients un soin plus
uniforme et complet, tant au sein d'un même centre qu'entre les divers
centres de santé et de bien-être, a permis à l'association
de se pencher très étroitement sur l'atteinte de cet objectif par
le projet de loi.
Trois catégories principales groupent les divers services
offerts, à savoir la prévention, le diagnostic et la
thérapie. Des efforts positifs ont été portés par
divers centres de santé et divers professionnels de la santé pour
assurer une meilleure continuité des soins et une uniformité dans
l'approche des soins préventifs, curatifs et de réadaptation. Il
ne faudrait pas que cette action positive des travailleurs eux-mêmes soit
diminuée ou même demeure stationnaire avec le nouveau projet de
loi.
La continuité des soins ne nous semble pas mieux assurée
dans le bill 65. L'association tient à souligner que ce n'est pas
seulement en groupant les services dans une région donnée, par
une législation, sous un office régional que la continuité
des services et des soins sera assurée. D'autres gages de
sécurité doivent être offerts. Sans cela, on risque
d'obtenir une grande diversité de la qualité de la
continuité des soins et des services d'une région à
l'autre.
Il est essentiel pour la population que toute la gamme des services d'un
plan global de santé soit offerte dans les diverses régions. Une
bonne distribution géographique des services de santé,
accompagnée d'une continuité efficace, est primordiale. Le
mécanisme par lequel une personne pourra avoir accès aux services
de santé et aux services sociaux n'a pas été
spécifié dans le bill 65.
Il est vrai que les institutions publiques peuvent conclure des contrats
relatifs aux services avec tout office régional ou toute institution.
L'on peut déduire de cet état de choses, qu'un client ne pourrait
être dirigé que vers les centres où il y a eu entente ou
contrat. Si le
client ne peut passer d'un centre à l'autre qu'aux endroits
où il y a eu contrat, la liberté individuelle se trouverait
peut-être ainsi lésée.
L'association croit qu'il est essentiel que la commission parlementaire
se penche sur le projet de loi afin d'assurer la continuité des soins et
des services et ainsi d'uniformiser la qualité de cette
continuité d'une région à l'autre, tout en assurant la
flexibilité nécessaire à la liberté individuelle au
sein du système.
La troisième étape de l'analyse de la corporation concerne
la centralisation de l'autorité au niveau du gouvernement versus
l'objectif visé par le ministère pour une décentralisation
du système.
Nous remarquons dans le projet de loi que les pouvoirs de
décision résident presque exclusivement au gouvernement par les
règlements, par les nominations aux offices régionaux et aux
institutions, par les autorisations ou approbations du lieutenant-gouverneur en
conseil et par les pouvoirs d'annulation. Cette autorité
centralisée, telle que présentée dans les divers articles
du bill 65, semble aller à l'encontre de l'orientation des travaux de la
commission d'enquête sur la santé et le bien-être
préconisant la démocratie, la participation et la
décentralisation.
Tout dans ce projet de loi est orienté vers un contrôle
complet de l'Etat: les services et institutions appartiennent à l'Etat,
les pouvoirs sont tous conférés au lieutenant-gouverneur en
conseil pour l'établissement, le fonctionnement ou la liquidation des
institutions, sans droit de recours.
Les dangers d'une telle étatisation et d'une autorité
centralisée à ce point final semblent prendre naissance au niveau
de l'obscurité quant à la représentation des groupes
socio-économiques et de l'influence des groupes de pression.
De plus, nous notons que le rapport de la commission d'enquête sur
la Santé et le Bien-Etre recommande un nombre impair de membres aux
divers conseils d'administration, afin qu'un vote majoritaire puisse en tout
temps être possible. Tous les conseils d'administration proposés
dans le bill 65 ont un nombre pair de membres, ce qui créera
sûrement des impasses. Les conséquences de l'indécision
pourraient alors affecter les opérations des divers centres et par le
fait même les services à la clientèle.
L'association recommande que les conseils d'administration, en accord
avec la commission d'enquête, aient un nombre impair de membres, afin
d'assurer la bonne prise de décision.
Intimement liée à la régionalisation est la
décentralisation des pouvoirs de la gestion courante, de la
planification et de la recherche. Le but de la régionalisation à
travers la décentralisation est l'adaptation pratique aux besoins
perçus ou exprimés de la population. Une décentralisation
efficace ne doit pas alourdir les fonctions administratives, mais plutôt
intégrer la structure du système au sein de la population.
Il ne nous semble pas que le projet de loi atteint l'objectif
visé par la décentralisation. Au contraire, nous croyons que les
articles du bill 65 créent une fausse sécurité en termes
de démocratie. Nous trouvons que lorsque les pouvoirs de décision
sont éloignés du niveau d'exécution la mise en application
de ces derniers est fréquemment altérée.
Nous reconnaissons le besoin de l'unité de direction
désirée et exprimée par le ministre des Affaires sociales.
Toutefois, l'unité de direction ne veut pas nécessairement
impliquer autocratie, droit de veto, sanctions, mais plutôt, en termes de
dynamique de l'administration, l'accumulation des données, la
coordination et la canalisation des efforts.
Cette unité de direction peut être atteinte de diverses
façons. L'association appuie la philosophie émise par la
commission d'enquête sur la décentralisation, la participation et
l'autonomie de divers organismes. Les principes-guides proposés par la
commission d'enquête contribueraient à atteindre les objectifs
cités par le ministre des Affaires sociales.
L'autonomie laissée aux institutions et aux offices
régionaux selon leur niveau de compétence préserverait et
augmenterait l'intérêt, l'initiative et la
créativité de tous les participants à la
réorganisation du régime de santé.
Dans son étude des offices régionaux, l'association a
tenté d'apprécier si la régionalisation définie
dans le bill 65 assurerait une approche plus systématique
éliminant le double emploi dans les services en corrigeant les
déficiences actuelles reconnues. Les services offerts à la
population devraient être plus efficacement accessibles à cette
dernière.
Si plus d'autonomie est conférée à l'ORAS, tout en
assurant une bonne coordination par l'Etat, les principes émis par la
commission d'enquête en termes de contrôle orienté vers les
concepts modernes de gestion et de coordination d'un plan global de
santé ne se retrouvent pas dans le projet de loi actuel. Les
mécanismes préconisés devraient favoriser cette approche
orientée en termes de progrès permettant de créer un
climat de confiance dès le début de la mise en application du
système.
Toutefois la connotation de surveillance impliquée dans les
articles 4, 30, 34, 36 du bill 65 met beaucoup d'emphase sur la
nécessité de contrôle, d'inspection ou de sanction
plutôt que sur une planification, une coordination, une éducation
continue vers l'auto-discipline.
Les pouvoirs désirés pour l'office régional par la
commission d'enquête semblent avoir perdu l'orientation
désirée par cette dernière. L'ORAS semble devenir une
superstructure administrative pour canaliser une prise de décision
centralisée au niveau du ministère.
Les pouvoirs de l'ORAS dans la gestion du système
préconisé semblent des plus minimes. Pour que l'ORAS devienne un
organisme de gestion efficace et n'alourdisse pas la structure bureaucratique
du système, il faut que certains pouvoirs décisionnels lui soient
conférés.
Lorsque les exécutants n'ont aucun contact avec le centre de
décision, si l'on en juge par le bill, la transmission des
données se faisant par un intermédiaire, en l'occurrence l'office
régional, ces derniers se trouveront dans une situation favorisant
l'installation des communications bureaucratiques.
Il fut répété à maintes reprises que
l'office régional devrait répondre aux besoins de la population.
Ce concept, hautement utilisé et exprimé, implique
nécessairement une évaluation constante de ces besoins. L'office
doit, de plus, assurer le contrôle de la qualité des services de
santé. La présence des praticiens, pouvant apporter des
données valables à cette évaluation, s'avère
essentielle à ce niveau. Les membres de la profession infirmière
devraient donc être présents à titre de consultants au
niveau de l'office régional, étant donné que le "nursing"
est impliqué dans plusieurs phases des services offerts à la
population.
La participation des professionnels aura pour effet de créer une
meilleure intégration de ces derniers au sein de la région,
favorisant ainsi l'objectif d'approche multidisciplinaire du ministère
des Affaires sociales Cette participation des professionnels, quoique
désirée par plusieurs, n'est pas assurée dans le
présent projet de loi. Nous avons mentionné que l'objectif
visé par la réorganisation du système de santé
était de mieux coordonner les services de façon à placer
les ressources à la disposition du public, d'éliminer le double
emploi et de corriger les déficiences.
Depuis des millénaires, les professionnels et l'Etat identifient
les besoins de la population. Le 5 octobre dernier, un représentant des
citoyens exposait, devant la commission parlementaire, les sentiments des
citoyens sur l'identification des besoins de la population par les groupes
professionnels. Afin qu'une fois pour toutes on réponde vraiment aux
besoins des régions et de la population, la participation active des
citoyens doit être assurée. Pour que cette dernière soit
efficace, il faut qu'elle soit accentuée plus clairement dans les
articles du bill 65 pour atteindre pleinement les objectifs.
Le ministère des Affaires sociales, voulant l'unité de
direction et de coordination d'un plan global de santé, il est
surprenant que les articles de la loi n'assurent pas un moyen de coordination
et de communication entre les offices régionaux. La voie de
communication semble actuellement résider seulement avec le
ministère des Affaires sociales, d'une part, et avec les institutions
d'autre part.
Un mécanisme prévu permettrait à l'Etat de remplir
son rôle de coordination et aux régions d'exercer leur autonomie
pour répondre aux besoins de la collectivité. Ce mécanisme
pourrait être un comité des directeurs généraux des
offices régionaux et des représentants de l'Etat ou toute autre
méthode assurant le même objectif.
Les services professionnels. Les professionnels de la santé
étant les principaux agents responsables de la concrétisation du
système, il est normal que notre corporation professionnelle se soit
attardée à l'appréciation des garanties de qualité
offertes par le projet de loi sur les services professionnels.
Premièrement, le terme "professionnel." Le terme "professionnel,"
tel que défini à l'article 1-j), n'est pas spécifique et
semble très ambigu puisque, d'une part, la définition indique
"toute personne qui, dans une institution, dispense des services de
santé et des services sociaux et qui fait partie d'un groupe de
personnes à qui la loi confère le droit exclusif d'exercer une
profession" et d'autre part, "ou de tout autre groupe de personnes
déterminé par les règlements".
Il nous semble que la deuxième partie de l'article peut rendre la
première tout à fait nulle. C'est par voie de législation
que devraient être définis les professionnels, avec la mention
d'une formation spécialisée et le contrôle des actes
professionnels pour la protection du public plutôt que par la
flexibilité et la facilité d'une modification par
règlement.
Le besoin de protection des citoyens existant encore aujourd'hui,
l'association préférerait voir l'orientation donnée dans
la définition émise par Saunders, à l'annexe 12 de la
commission d'enquête, citée dans notre mémoire à
l'article VI.3. Nous ne voulons qu'aucun groupe de personnes soit reconnu comme
professionnel si son rôle entre en conflit avec celui d'une profession
donnée, notamment la profession infirmière.
Il nous apparaît impérieux encore une fois de voir à
étudier cette définition à la lumière des
législations proposées pour la profession pour déceler
toute confusion qui pourrait avoir de graves répercussions sur la
qualité des services offerts par les professionnels.
Deuxièmement, les actes professionnels.
Les actes professionnels ne sont pas définis dans la loi,
à l'exception de ce qui peut être supposé à
l'article 81 qui indique "des actes professionnels posés par les
professionnels." Une très grande marge est alors possible, à
savoir la tâche la plus simple quant à l'administration des soins
jusqu'à l'acte plus complexe du traitement. Aucune distinction n'est
faite quant à la signification de ces actes ou leurs conséquences
pour la protection et le bien-être de la personne.
L'Association des infirmières et infirmiers de la province de
Québec est vivement concernée par la qualité des services
professionnels et des actes infirmiers posés par ses membres durant
l'exercice de leur fonction, laquelle implique la responsabilité
personnelle du professionnel. La responsabilité personnelle du
professionnel vis-à-vis du client doit être encouragée. Les
besoins immédiats du client déterminent les activités du
personnel de la santé. La responsabilité personnelle ne doit pas
être réduite par les exigences des réglementations sous un
contrôle hiérarchique.
En accord avec le principe général que les
professionnels assument la responsabilité de leur pratique,
l'AIlPQ préconise que chaque groupe de professionnels soit responsable
de la surveillance et de l'évaluation de leur propre exercice
professionnel. L'évaluation des actes infirmiers est une
préoccupation constante des associations professionnels
d'infirmières à travers le pays. Les méthodes
d'évaluation se précisent de plus en plus et une vaste
expérimentation dans le domaine se poursuit continuellement. L'emphase
de l'appréciation des actes professionnels infirmiers devrait se situer
sur l'autoévaluation, la surveillance par la discipline elle-même
et l'éducation permanente afin de promouvoir la haute qualité des
services à la clientèle.
Pour atteindre cet objectif du contrôle des actes professionnels,
il nous semble important que l'article 81 soit modifié afin que chaque
groupe de professionnels devienne responsable de l'évaluation de leur
propre exercice et qu'un comité composé de représentants
de chaque groupe de professionnels puisse faire rapport au conseil
d'administration de l'institution de la qualité de l'exercice
professionnel intramural.
Un conseil des infirmières devrait alors avoir la
responsabilité de l'évaluation de la pratique des soins
infirmiers dans tout centre de santé.
Troisièmement, la qualité des services professionnels.
Par l'entremise de ses comités de soins infirmiers,
d'éducation, de recherche et de développement en nursing,
l'association est à l'affût d'élaborer des méthodes
d'évaluation de soins infirmiers, de favoriser la promotion de ses
membres par l'éducation continue et d'assurer des conditions d'exercice
aptes à donner des soins infirmiers de haute qualité.
Par son contrôle sur les programmes d'enseignement infirmier de
base, l'association évalue constamment les programmes et apporte les
recommandations nécessaires afin que le produit réponde aux
besoins actuels et futurs de notre société.
L'association depuis longtemps favorise l'élaboration de normes
aptes à assurer un niveau de qualité toujours croissant et
à servir de base à une évaluation continue des services
infirmiers, et ce dans un but de protection du public. Des critères pour
la qualité des soins infirmiers doivent être formulés pour
le nouveau système de santé. La recherche est nécessaire
afin de perfectionner les instruments de mesure de la qualité des soins
infirmiers.
Dans le bill 65, les articles préconisant la répartition
des ressources sont orientés vers la dimension budgétaire,
notamment l'article 133 (g) et assurent l'élaboration de normes
quantitatives plutôt que qualitatives. Il serait important que des normes
soient établies en consultation avec les professionnels du nursing et de
la corporation et que ces normes soient assurées par un article de la
loi.
Quatrièmement, le contrôle de la pratique des soins
infirmiers.
Selon les objectifs du ministère des Affaires sociales, le
contrôle de l'acte professionnel doit être laissé aux
professionnels eux-mêmes. Dans la structure proposée, les
responsabilités des corporations professionnelles sont omises.
Le bill 65 décrit les nouvelles structures des services de
santé et sociaux; mais le rôle des corps professionnels, en ce qui
concerne la surveillance à exercer par l'évaluation
éducative pour l'amélioration des soins infirmiers et
l'avancement de la profession, n'est pas défini. L'association
désire étendre sa responsabilité du contrôle de la
qualité de la pratique et recevoir l'autorité nécessaire
pour surveiller les modes d'appréciation de cette pratique. Des
mécanismes de contrôle, partout où l'acte infirmier se
pratique, devraient être accordés à l'association
professionnelle. Ces mécanismes sont vus comme nécessaires afin
que notre corporation puisse atteindre ses objectifs et responsabilités
de façon entière pour maintenir une haute compétence de
ses membres.
Pour que l'association remplisse cette fonction avec efficacité,
il est nécessaire qu'un mécanisme soit prévu par la
présente loi pour que l'information se rende à la corporation
afin que cette dernière puisse entamer l'enquête.
Cinquièmement, le secret professionnel.
La Loi des infirmières et infirmiers de la province de
Québec déclare comme acte dérogatoire à
l'éthique et à l'honneur professionnels le fait de
dévoiler volontairement le secret professionnel. Comme les autres
corporations, l'AIlPQ tient à voir le secret professionnel
protégé et s'inquiète du manque de protection de ce
dernier dans le bill 65.
L'on doit se rappeler que le secret professionnel appartient au client
et que l'Etat devrait voir à ce que ce droit soit pleinement
protégé.
La régie interne des institutions. L'association a enfin
concentré ses études du projet de loi sur la régie interne
des institutions.
Les responsabilités administratives et professionnelles. Il
existe, dans les centres de santé, une distinction dans les domaines de
responsabilité administrative et de responsabilité
professionnelle. Le partage des responsabilités tel que
suggéré par la commission d'enquête tient du point de vue
administratif, à l'efficacité et du point de vue professionnel,
à la qualité des soins.
Dans le sens du texte de la commission d'enquête et des
recommandations, il est proposé que les chefs de service soient
responsables de l'efficacité et de la qualité de leur service,
c'est-à-dire les effets administratifs et professionnels.
Nous savons que dans les centres de santé actuels et, quelle que
soit la réorganisation préconisée, le service des soins
infirmiers est situé à la jonction de ces deux domaines de
responsabilité. La coordination des services des autres professionnels
et des autres départements retombe très souvent sur la
responsabilité du service des soins infirmiers et ce, à cause de
son
contact étroit et continuel avec les malades et par sa
présence assurée sur 24 heures de service et sept jours par
semaine. Devant ce fait, il demeure essentiel que la coordination et la
surveillance des soins infirmiers en institution demeure la
responsabilité du bureau du nursing sous la gestion et la coordination
de professionnels du nursing compétents.
Le directeur des services professionnels. Le directeur des services
professionnels relève du directeur général. Ses
responsabilités comprennent, entre autres l'organisation des services de
santé et des services sociaux. Par ses fonctions, ce directeur agit
comme assistant du directeur général de l'institution. Ce poste,
par la nature de ses tâches, relève donc plus du domaine
administratif que professionnel et ajoute une personne à la
hiérarchie.
Le titulaire de ce poste n'est pas défini, l'on peut estimer que
seul un médecin serait acceptable dans le concept du rapport de la
commission et celui du bill 65. Il existe une pénurie de médecins
dans la province et leurs services sont loin de répondre aux besoins
existants. Si, de plus, les médecins doivent occuper ces postes de
gestion générale des centres de santé, nous serons
témoins d'une pénurie encore plus grande de médecins.
Les services précieux rendus par la médecine peuvent bien,
dans les fonctions purement administratives, ne pas constituer la façon
la plus efficace d'utiliser leur compétence professionnelle. De plus, si
l'on se conforme aux responsabilités mentionnées, il est possible
de conclure que le directeur des services professionnels aura la
responsabilité des soins infirmiers au sein des unités.
Le service du nursing se trouverait ainsi fragmenté et les
fonctions relatives à l'enseignement et à la coordination des
services infirmiers seraient entre les mains du directeur des services
professionnels.
La structure proposée dans le rapport de la commission
d'enquête, pour le directeur des services professionnels, devrait
être expérimentée dans des institutions pilotes avant que
cette dernière soit mise en vigueur par la législation.
L'Association des infirmières et infirmiers de la province de
Québec est prête à participer à
l'expérimentation de cette nouvelle organisation pourvu que des
dispositions visant à l'unité de direction des services
infirmiers soient prises et que ce service soit bien administré,
qu'elles soient suivies d'une évaluation critique constructive face
à la situation de notre province avant que cette fonction ait force de
loi.
Le premier souci de notre profession est d'avoir la liberté de
jugement dans l'exercice des fonctions relevant de notre compétence en
collaborant avec les autres membres de l'équipe de santé.
Le comité de régie. Le comité de régie
établi selon les règlements de la Loi des hôpitaux est
formé des cinq membres suivants, sous l'unité de direction du
directeur général, à savoir le directeur médical,
le directeur des soins infirmiers, le directeur financier, le directeur du
personnel, le directeur des services auxiliaires. Dans le projet de loi, cette
gestion administrative se trouve réduite à trois membres. Le
directeur des services professionnels devra con-séquemment assumer une
grande partie des responsabilités de ces deux services.
Jusqu'à maintenant, le comité de régie, encore
très récent et décrit dans la Loi des hôpitaux,
s'est démontré un mode efficace de régie interne. Le
principe de la complémentarité des membres de l'équipe,
fréquemment préconisé, et l'objectif exprimé par le
ministère des Affaires sociales peuvent efficacement être mis en
pratique par cette équipe de gestion. Cette structure nous semble plus
appropriée aux établissements de soins sur le continent
nord-américain.
Le conseil consultatif des professionnels. A l'article 76 du bill 65, il
est proposé que le conseil consultatif soit composé de tous les
professionnels exerçant dans le centre. Dans certains cas, les termes
"tous les professionnels" peuvent représenter un nombre magistral de
personnes. La question se pose ici au sujet de la composition du conseil
consultatif des professionnels en tant que groupe de travail efficace. Selon
des procédés démocratiques, chaque groupe professionnel
devrait élire des membres à ce conseil, proportionnellement au
nombre de ses propres membres. Le conseil consultatif des professionnels, tel
que mentionné dans le rapport de la commission d'enquête, a des
fonctions se rapportant à l'organisation administrative d'une
institution. Ceci est une innovation importante de l'emploi au chapitre des
professionnels qui exercent dans un centre et est un moyen de participation
active dans la planification des services de santé.
Le conseil consultatif pourrait participer à
l'établissement de politiques au niveau du conseil d'administration.
C'est là une innovation importante du système
préconisé et c'est de plus une occasion de participation de la
part de toutes les professions dans un même groupe. L'AIlPQ,
conséquemment, appuie le concept du conseil consultatif des
professionnels représentant vraiment les groupes professionnels. Afin
d'assurer la participation à part entière de tous les groupes, il
ne faudrait pas qu'un groupe de professionnels ait une majorité absolue
au conseil des professionnels.
Le directeur des services professionnels, où il y a
expériences pilotes, devrait être membre du conseil consultatif
des professionnels. Nous remarquons que cette personne qui est responsable de
l'organisation des services de santé et des services sociaux ainsi que
de l'enseignement dispensé dans un centre donné n'a aucune
relation directe avec le conseil consultatif des professionnels dans le bill
65.
En conclusion, nous résumons les points qui nous semblent
primordiaux pour l'efficacité d'application du système
préconisé. Soit, pre-
mièrement, que les projets de loi des corporations soient connus
le plus tôt possible. Deuxièmement, que la consultation des
groupes professionnels pour définir le mécanisme d'application
s'amorce dans un avenir immédiat. Troisièmement, qu'une vraie
décentralisation soit offerte avec une participation judicieuse des
groupes professionnels et représentatifs. Quatrièmement, que la
délégation de l'autorité aille de pair avec la
délégation des responsabilités selon les niveaux de
compétence.
Que les actes professionnels et leur contrôle demeurent la
responsabilité des professionnels eux-mêmes et de leur corporation
respective.
En terminant, qu'il nous soit permis de réitérer notre
appréciation pour cette première approche de participation et de
consultation. Nous espérons que cette expérience ouvrira les
portes à une consultation et un échange continus entre l'Etat et
les corporations. Nous désirons aussi assurer le gouvernement de
l'entière collaboration de notre corporation professionnelle à
toute expérimentation, recherche et action amenant l'amélioration
des services infirmiers et des services de santé à la population
de notre province.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais également
remercier l'Association des infirmières et infirmiers pour ce
mémoire. Je ne commenterai pas tous les aspects qui y sont
soulevés. Tout comme les autres mémoires, nous allons
l'étudier attentivement. Je voudrais, par contre, faire certains
commentaires et poser, si possible, une ou deux questions.
En premier lieu, on dit de ce projet de loi que c'est une
législation partielle; en ce sens, tous les projets de loi constituent
des législations partielles. Je ne connais pas un secteur
d'activités où il n'y a qu'un seul projet de loi. C'est dans le
processus normal de fonctionnement d'introduire des projets de loi au fur et
à mesure des besoins, de l'évolution, etc. Il y a d'ailleurs un
autre aspect de cette question qu'on ne doit pas ignorer, c'est celui qui veut
que, dans un projet de loi, il n'y ait généralement pas plus d'un
principe ou une question fondamentale qui soit abordé. Assez souvent ou
quelquefois, dans l'histoire des Parlements du type du nôtre, on a vu des
projets de loi être déposés et qui contenaient plus d'un
principe fondamental. On a demandé ou les Oppositions ont demandé
que ces projets de loi soient scindés en parties.
Alors, dans ce sens-là, nous n'avons pas voulu, pas plus que
vis-à-vis de quelque autre question que ce soit, procéder par
voie de législation partielle afin de garder, disons, secrets ou
confidentiels des aspects qui exigeront des changements dans d'autres secteurs.
Ce n'est pas du tout le cas. C'est le processus de législation qui le
veut ainsi. Quant à la nécessité ou au désir que
les législations sur les corporations professionnelles soient
déposées, j'ai déjà eu l'occasion de commenter, de
rappeler la déclaration du Solliciteur général.
Alors, plus précisément maintenant, quant au
mémoire lui-même, j'aimerais faire un premier commentaire. Lorsque
l'on décrit les fonctions de l'association, étant donné
que, justement cet après-midi même, on nous a rappelé les
distinctions qu'il fallait faire entre les fonctions qu'assument les
corporations professionnelles, d'une part, et les syndicats, d'autre part. Je
revois ici dans le mémoire, à la page 2, que l'on dit clairement
qu'une des fonctions de l'association est de recommander des salaires et des
conditions de travail pour les membres de la profession, ce qui est une
fonction, à mon sens, syndicale et qui ne se concilie pas, je crois,
avec les fonctions de protection du public qui sont généralement
celles des corporations professionnelles'. Sur ce plan, j'aimerais simplement
avoir l'opinion de l'association quant aux besoins de scinder les fonctions de
telle sorte qu'il n'y ait pas conflit.
Deuxième commentaire ou deuxième partie de mes
commentaires, je voudrais les préfacer d'un commentaire d'ordre plus
général.
Si nous examinons le mémoire je l'ai lu avant de venir
à cette séance de la commission je remarque que l'on nous
demande à plusieurs endroits d'entrer dans des détails
extrêmement précis. Si nous avons évité de faire
ceci dans le projet de loi, c'est que nous ne voulons pas tout fixer, de telle
sorte qu'il ne reste plus de place à l'initiative et à
l'innovation. D'ailleurs, déjà, on nous reproche, dans ce projet
de loi, de vouloir entrer, à certains endroits, dans trop de
détails. Certains commentaires s'inscrivent dans ce contexte plus
général d'un désir de notre part de ne pas vouloir tout
prévoir dans une tel projet et de laisser suffisamment de marge à
des différences dans l'organisation des institutions, dans la gamme des
services, etc.
D'ailleurs, lorsqu'on nous demande une description plus précise
des services, par exemple, lorsque l'on dit que l'on sent que l'accent est
davantage sur la maladie que sur la prévention, je rappelle que ce
projet de loi n'est pas un projet qui porte sur des programmes ou qui laisse
entrevoir une allocation de ressources entre différents types de
services. Je crois que cette crainte n'est pas fondée. Nous proposons
ici un cadre. C'est l'allocation des ressources, c'est toute la
définition des programmes et l'importance donnée à divers
programmes qui pourront faire en sorte que l'on puisse juger de l'accent que
l'on veut mettre sur un aspect plutôt que sur un autre.
De la même façon, on nous demande d'établir plus
clairement, par exemple, des mécanismes pour assurer la
continuité des soins. Encore là, nous croyons que nous ne devions
pas aller plus loin que d'assurer une représentativité d'un
niveau d'organismes à un autre. Ces mécanismes
devront faire l'objet d'ententes volontaires entre les diverses
institutions plutôt que d'être prévus dans tous les
détails dans le projet de loi.
Je ne veux pas entrer dans tous les cas comme ceux-ci. Je peux
mentionner les communications entre les offices régionaux. Nous avons,
dans le projet de loi, précisé quels devraient être les
canaux de communication essentiels. Rien n'empêche les offices
régionaux de communiquer entre eux. Je ne crois pas que ce soit
nécessaire de le dire dans le projet de loi.
La définition du terme "professionnel". Il est évident que
nous nous référerons aux lois des corporations professionnelles.
De nouvelles corporations professionnelles peuvent être formées
à l'avenir. Il y en a qui existent aujourd'hui et qui n'existaient pas
il y a quelque temps. Il y en a qui demandent à être reconnues et
qui ne le sont pas. Nous sommes donc dans un monde en évolution. Ce
n'est pas notre intention, ici, de fausser l'expression
généralement acceptée du terme "professionnel" pour en
faire un terme tellement général que cela inclurait tout le
personnel d'une institution. Mais, encore là, nous ne croyons pas qu'il
soit nécessaire de reprendre dans tout le détail ce type
d'énumération. Il y a un certain nombre d'aspects du
mémoire qui devront nécessairement être
étudiés dans cette optique.
Quant aux pouvoirs des offices régionaux, j'ai déjà
eu l'occasion de faire certains commentaires et de dire pourquoi ils ne sont
pas tout à fait les mêmes que ceux de la commission
d'enquête. Je vous réfère, à ce sujet, aux
commentaires que j'ai faits, qui apparaissent dans un des numéros
antérieurs du journal des délibérations de cette
commission, pour ne pas prendre inutilement le temps de la commission.
Je puis ici mentionner, toujours dans le cadre des mêmes
commentaires, les comités de régie. On dit qu'il serait utile que
des comités existent pour qu'on puisse assurer une plus grande
collaboration entre les responsables de services. Encore là, nous ne
voulons pas donner d'organigramme détaillé dans le projet de loi.
Mais nous devons aussi reconnaître que, dans bien des hôpitaux, la
Loi des hôpitaux et ses règlements, au plan des comités de
régie, ne peuvent pas être appliqués selon la taille des
hôpitaux.
Maintenant qu'un pas a été fait dans ce sens, avec la Loi
des hôpitaux, les règlements des hôpitaux, nous croyons
qu'il peut y avoir un avantage à laisser une certaine souplesse quant
à l'organisation des structures internes des hôpitaux. Le Dr
Robillard, ce matin, nous rappelant des auteurs tels que Galbraith, nous disait
qu'il est important de rechercher de nouveaux modes de gestion, des modes plus
dynamiques, alors nous ne voulons pas non plus je pense que ça
s'inscrit dans le même esprit tout fixer dans un tel projet de
loi.
Il me resterait, outre la question du début, une autre question
que j'aimerais vous poser: Quels sont les mécanismes concrets qui,
à votre avis, peuvent exister pour apprécier la qualité
des actes infirmiers ou quels sont ceux qui existent présentement?
Comment peut-on apprécier les actes infirmiers? Et quels seraient les
mécanismes additionnels? Comment fonctionneraient-ils pour
apprécier la qualité des actes infirmiers de la même
façon que l'on procède dans un contrôle ou dans les
mécanismes de contrôle des actes médicaux?
J'aimerais avoir, si c'était possible, une réponse
très concrète, parce que vous insistez passablement sur ce point
dans votre mémoire et j'aimerais voir comment ces mécanismes
peuvent fonctionner, compte tenu de la très grande variété
des actes infirmiers qui peuvent être posés et la nature de ces
actes infirmiers.
MME DU MOUCHEL: Si je me réfère au début de vos
commentaires, nous n'avions prêté aucune mauvaise intention au
ministère et à l'Etat en ne procédant pas à
l'étude du projet des corporations actuellement, mais nous avons vu la
nécessité d'étudier ces deux projets en
parallèle.
Sur les relations de travail, il est vrai qu'en tant que corporation
nous nous occupons du contrôle de la pratique et, en tant qu'association,
de la promotion professionnelle de nos membres. Et il existe des syndicats qui
s'occupent des relations de travail, mais ce ne sont pas tous les membres de
notre profession qui sont régis par des conventions collectives. Donc
nous devons, pour rendre service à nos membres, jusqu'à l'heure
actuelle, nous occuper des problèmes qui nous sont soumis par nos
membres en termes de conditions professionnelles de travail et nous apportons
des recommandations. Ce ne sont pas des négociations de salaire, mais
des recommandations selon les échelles et le comité des relations
de travail étudie ces recommandations-là.
Si jamais cette fonction devenait non nécessaire pour nos membres
et que tous nos membres étaient régis par des conventions
collectives, nécessairement nous concentrerions nos efforts à
d'autres niveaux.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse, avant de passer à un autre sujet,
est-ce que vous trouvez que c'est compatible?
MME DU MOUCHEL: Je ne crois pas que ce soit incompatible à
l'heure actuelle de la façon que nous procédons, car lorsque les
membres sont sous une convention collective, nous les renvoyons à leur
syndicat. Nous nous occupons surtout de conditions de travail lorsque cela
affecte la qualité du service professionnel. Les recommandations
salariales ne sont qu'un service à nos membres et nous essayons de
diminuer le plus possible cette fonction à mesure que nos membres seront
syndiqués.
Mais ce ne sont que des recommandations, ce ne sont pas des moyens de
négociation. Nous travaillons avec les autres associations provinciales
au niveau de l'association nationale, nous échangeons l'information, et
c'est ainsi que nous pouvons apporter les recommandations.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Du Mouchel, si vous le permettez, sur le
même sujet.
MME DU MOUCHEL: Certainement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Combien y a-t-il d'infirmières qui sont
syndiquées du total de vos membres couverts par l'association?
MME DU MOUCHEL: A peu près 15,000 sur 32,000, la
moitié.
Pour les mécanismes concrets d'appréciation des actes
infirmiers, parce que nous avons apporté cette suggestion que nous
désirons étendre nos responsabilités, nous n'avons pas
pensé que c'était une solution facile.
Apprécier l'acte infirmier complet, comme vous l'avez dit, M. le
ministre, est une chose de grande taille. Il y a certainement des approches et
beaucoup d'expérimentation qui se font actuellement. Nous pouvons, tant
à l'intérieur d'une institution ou d'un centre de santé
que de l'extérieur, pour voir si les méthodes
d'appréciation existent, apprécier l'acte infirmier à
partir de son contenu par le "nursing audit". Par exemple, on étudie
l'effet des actes infirmiers, le congé précoce s'il y a
complication ou incident, et on analyse tout ce qui se produit à la
suite des actes infirmiers: l'impact, l'accessibilité,
l'acceptabilité des services que nous offrons; la structure, la
coordination et la continuité des actes infirmiers d'un service à
l'autre, les périodes de 24 heures d'un personne à l'autre au
sein d'une équipe de soin et au sein d'une équipe de
santé. Enfin, le processus des effectifs qui se fait surtout au point de
vue administratif.
Ces méthodes d'appréciation des actes infirmiers peuvent
se faire à deux niveaux. En tant que corporation, il s'agirait de voir
si les méthodes d'appréciation existent au sein d'un centre et
d'une institution. Nous avons beaucoup de travail à faire dans ce
domaine. Nous avons expérimenté le "nursing audit",
l'appréciation de l'acte infirmier à partir du dossier, des notes
d'évolution de l'infirmière. Le plan de soins est
étudié aussi en parallèle.
M. CASTONGUAY: Etant donné qu'un très grand nombre
d'infirmières travaillent soit en milieu hospitalier, soit au sein de
divers types de services où ce travail se fait en collaboration
étroite avec le médecin ou d'autres professionnels, pour une
grande partie du travail des infirmières, il y a donc un milieu, un
cadre de travail. Est-ce que ce cadre et ces relations qui existent ne sont pas
suffisants? Qu'est-ce qui vous incite à vouloir insister sur ce
contrôle qui m'apparaît je m'excuse assez peu
défini encore? Qu'est-ce qui vous fait insister tellement? Est-ce qu'il
n'y a pas un danger d'alourdir considérablement le système en
introduisant des mécanismes et la nécessité de
compléter divers dossiers additionnels, etc.? Qu'est-ce qui vous incite
à vouloir tellement insister?
Est-ce que vous avez beaucoup de plaintes de la part des patients que
les actes posés par les infirmières sont mal posés et
qu'il y a vraiment un problème de protection du public qui se pose,
lequel nécessite l'établissement de nouveaux mécanismes
qui, si j'ai bien saisi votre réponse, sont loin d'être à
point présentement?
MME DU MOUCHEL: Nécessairement, les mécanismes sont
toujours à améliorer. Nous recevons certainement des plaintes,
comme dans toutes les autres corporations, au sujet des actes des
professionnels. Je crois que le mécanisme existe déjà dans
plusieurs centres et qu'il ne va pas à l'encontre de
l'appréciation de l'acte médical. L'appréciation des actes
infirmiers ne fait pas exclusion d'une appréciation du soin total du
malade ou du client donné par l'équipe de santé. De plus,
je crois que l'appréciation de l'acte infirmier devient de plus en plus
importante avec l'étendue, de plus en plus grande, des fonctions
déléguées et l'étendue du rôle de
l'infirmière.
Très souvent, surtout dans les centres éloignés de
santé où la surveillance et la présence médicale
s'éloignent de plus en plus, l'acte infirmier devient de plus en plus
indépendant. Il est vrai qu'une partie de nos fonctions sont
dépendantes. Nous en avons quelques-unes qui sont
interdépendantes, mais il demeure une fonction indépendante de
l'acte infirmier.
Il y a aussi la responsabilité légale de
l'infirmière.
De plus en plus, lorsqu'il y a cause de poursuite, la
responsabilité légale individuelle et personnelle de
l'infirmière est impliquée et elle n'est pas toujours couverte
par l'administration hospitalière ou par l'acte médical. Alors
nous avons des poursuites et des causes judiciaires qui se produisent avec
pénalité à trois niveaux.
Pour l'amélioration des services et des actes infirmiers et la
qualité des services professionnels que nous pouvons donner, un
mécanisme existe qui n'est pas encore généralisé.
J'admets que nous avons beaucoup de travail à faire, mais il y a
beaucoup d'expérimentation. Après avoir fait de
l'évaluation pendant plusieurs années dans les centres de
santé à tous les niveaux où on a mis sur pied des
comités d'évaluation des actes infirmiers, nous avons vu les
résultats. Je crois que ce n'est pas un superstructure que nous
demandons, mais une nécessité pour de meilleurs services à
la population.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Du Mouchel, je voudrais d'abord vous
féliciter ainsi que votre association pour ce volumineux mémoire
qui a demandé beaucoup de travail. On constate évidemment que
vous n'êtes pas toujours d'accord avec ceux qui ont passé avant
vous, principalement les médecins, vos patrons; ce n'est pas un mauvais
signe que vous soyez en désaccord avec eux sur certains points
importants du mémoire.
On a parlé tantôt, j'avais l'intention de vous poser la
question, des fonctions de votre asso-
ciation en ce qui concerne les recommandations au sujet des salaires.
Comme le ministre, j'avais évidemment des réserves sur cette
disposition de votre mémoire; mais vous nous avez expliqué que
vous aviez encore au-delà de 15,000 infirmières non
syndiquées. Mais je pense qu'en principe vous êtes d'accord: il
peut y avoir incompatibilité au sujet de cette responsabilité que
vous assumez maintenant et qui devrait être assumée par d'autres
groupes.
A la page 21 de votre mémoire, je voudrais avoir une
précision. En parlant des offices régionaux, à V.10, vous
dites que l'office doit également assurer un contrôle de la
qualité des services dispensés. Je voudrais avoir la
précision suivante: vous ne voulez certainement pas que l'office exerce
ce contrôle, mais vous voulez vous assurer que les mécanismes sont
bien là, qu'ils sont en place et qu'ils sont efficaces.
MME DU MOUCHEL: C'est ça. M. CLOUTIER (Montmagny): Bon.
MME DU MOUCHEL: Je crois que l'office régional doit voir au
contrôle de la qualité en termes d'efficacité,
d'utilisation et de rendement; ce n'est pas en tant qu'acte professionnel.
C'est une fonction de tout administrateur: évaluation, contrôle,
planification, coordination. Pour ce que vous avez dit et ce sur quoi nous ne
sommes pas d'accord concernant nos employeurs, je ne crois pas que les
médecins sont nos employeurs; nous les voyons beaucoup plus comme nos
collègues dans l'équipe de santé à part
entière.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, c'était une façon de parler
parce que les infirmières disent toujours dans leur travail "le
patron".
DES VOIX: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, vous ne dites pas ça. Alors, je
m'excuse.
MME DE MOUCHEL: Je n'ai pas besoin de faire de commentaires, ils sont
venus naturellement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'excuse. Si les médecins reviennent
devant la commission, nous leur poserons la question.
Evidemment, vous voulez faire apporter dans la législation
beaucoup de précisions sur certains points qui vous apparaissent
à ce moment-ci fort imprécis, même où la loi est
muette. Ne pensez-vous pas qu'une bonne partie de ces points que vous avez
voulu faire préciser le seront par la réglementation?
MME DU MOUCHEL: Espérons-le. Comme la réglementation est
inconnue, nous avons vu que nous devons assurer ces mécanismes. S'il est
décidé qu'ils seront assurés par une réglementa-
tion, je crois que c'est important. Je ne vois pas la nécessité
d'imposer des mécanismes précis. Mais le fait que des
mécanismes existent comme principe dans un article de règlement
ou de loi, je crois que c'est ça qui est important pour donner une
certaine marge de sécurité.
Par exemple, en termes de continuité des soins, nous avons eu
l'occasion d'entrer en contact avec des pays et des régions où il
y avait l'organisation régionale.
Mais, parce que l'organisation régionale était en place
sur papier, sur effectif et sur disposition physique, cela ne voulait pas dire
qu'il y avait continuité des services entre les divers centres de
santé. La continuité dépendait uniquement des personnes en
place et c'était laissé au bon vouloir des personnes.
Alors, si un mécanisme, sans entrer dans les détails, peut
être assuré, dire qu'il doit y avoir des mécanismes de
continuité, par exemple, je crois qu'alors les administrateurs, les
directeurs des divers niveaux ont un point de contrôle pour
l'évaluation de la qualité des services et de l'efficacité
de ces services.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sauf erreur, vous n'avez pas demandé
à avoir les règlements avant...
MME DU MOUCHEL: Nous aimerions avoir...
M. CLOUTIER (Montmagny): ...la consultation, je dis ça parce que
le ministre était pour vous l'offrir et évidemment... Est-ce
parce que vous vouliez avoir davantage inscrit dans la loi?
MME DU MOUCHEL: La réglementation n'est pas connue. Je crois
qu'il y a certains points qui seraient fort bien couverts par les
règlements. D'autres points, je crois, comme par exemple qu'il y ait des
normes de qualité d'assurées et non seulement des normes
quantitatives, je crois que ça devrait être défini que ces
normes sont assurées. Quant au fait que les normes vont apparaître
à la suite de la réglementation, nous l'admettons. La
consultation, nous sommes toujours prêts à la fournir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. MME DU MOUCHEL: Prêts et
prêtes.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Dorchester.
M. GUAY: Je voudrais remercier l'association d'avoir
présenté ce mémoire qui est bien préparé.
J'aurais quelques questions à poser. Tout d'abord on a parlé de
l'appréciation de l'acte infirmier. Vous comprendrez mon ignorance
n'étant pas dans le domaine. J'aimerais vous entendre définir
devant la commission justement l'acte infirmier. Cela va de quoi à quoi.
Pourriez-vous illustrer par des exemples?
MME DU MOUCHEL: Tout d'abord, je crois que le rôle essentiel de
l'infirmière est défini à la page 4 du mémoire,
selon le conseil international, de façon générale. Je vais
donner un exemple d'acte infirmier où il y a fonction dépendante,
interdépendante et indépendante. Je vais revenir à mes
premières amours, soit la pédiatrie. Par exemple, lorsque le
médecin prescrit un médicament à être donné
à un enfant qui souffre d'un bec-de-lièvre, ma fonction
dépendante sera de voir à ce que l'ordonnance médicale
soit remplie de façon correcte par le pharmacien de l'équipe de
santé. C'est ma fonction dépendante de donner le bon dosage. La
fonction interdépendante est assumée avec la coopération
du pharmacien. Le moment de l'acte infirmier commence lorsque je continue la
fonction dépendante, où je décide comment, quelle est la
meilleure façon de donner ce médicament à l'enfant. Par
exemple, est-ce que je le mets dans son boire? Est-ce que je le mets dans une
once de boire? Est-ce que je le donne en position assise? Est-ce que je le
donne à la cuiller ou au compte-gouttes? Cela, c'est l'acte infirmier.
Je donne un médicament à un enfant, je note que l'enfant
réagit au médicament, c'est un acte infirmier qui relève
de l'observation.
M. GUAY : J'aurais également une autre question. J'ai
consulté des malades, des convalescents, sachant que vous seriez
à la commission. On a souvent minimisé les services rendus par
des infirmiers et des infirmières. Ces services semblent de plus en plus
importants dans certaines réhabilitations et on a toujours pensé
que c'était d'abord la continuité des services rendus par un
professionnel de la santé en tant que médecin et plusieurs
malades ou convalescents nous ont souligné que la qualité des
services rendus pouvait être définie selon le haut ou le bas
degré de dévouement d'un infirmier ou d'une infirmière.
Pourriez-vous confirmer ou nier certaines plaintes? Vous avez mentionné
que vous en aviez. Nous en avons également, mais êtes-vous
régis par un code d'éthique bien sévère en ce qui
concerne, par exemple, justement ces plaintes qui sont formulées par
différents malades ou si c'est laissé au bon vouloir de...
MME DU MOUCHEL: Notre code d'éthique qui a été
adopté par l'Association des infirmières est le code
d'éthique préconisé par le Conseil international des
infirmières. C'est un code d'éthique qui parle du secret
professionnel et de l'acte professionnel.
Maintenant, le dévouement de l'infirmière et de
l'infirmier est certainement une phase importante dans la réadaptation
de tout malade et dans la promotion de la santé.
En tant qu'infirmières, nous traitons un être complet bio,
psycho et social. Nous ne pouvons pas fragmenter nos soins. Si nous n'apportons
que des soins techniques, nous ne remplissons pas notre rôle complet.
M. GUAY: J'aimerais ajouter une dernière question. Est-ce que
vous voyez, advenant l'application du projet de loi no 65, votre rôle
très important aussi facile à jouer que présentement?
MME DU MOUCHEL: Je crois que notre rôle ne changera pas tellement
quant à la fonction infirmière. Je crois qu'au contraire la
fonction infirmière va s'étendre. La profession infirmière
va prendre un plus grand rôle au niveau du service communautaire. Des
infirmières participent actuellement aux projets pilotes qui se
conduisent à Sherbrooke et à Montréal et qui sont
actuellement à être évalués, quant au rôle de
l'infirmière.
Ce qui va le rendre plus difficile, c'est la fragmentation et le manque
d'unité de coordination. Non pas que nous voulons conserver le statu quo
et la tradition de l'administration du nursing, on ne demande pas mieux que de
remettre aux autres services d'une institution, les services qui leur
reviennent, soit le laboratoire après cinq heures, la radiologie, les
archives, etc., pour vraiment se concentrer sur l'administration des soins
infirmiers et la coordination de ces soins.
M. GUAY: Je m'excuse parce que j'avais dit que c'était la
dernière question. Vous parlez, précédemment dans votre
mémoire, de la liberté de chaque individu de choisir
l'institution de son choix. Vous semblez indiquer que c'est devenu impossible
actuellement.
MME DU MOUCHEL: Dans un système où, par exemple, le malade
est hospitalisé dans un hôpital général et doit
aller dans un centre donné, même s'il y a contrat entre deux
organismes, deux centres, même si ce n'est pas possible pour la famille
ou n'est pas acceptable, je crois que la liberté individuelle est
peut-être lésée. Mais il faut quand même garder le
juste milieu. D est certain qu'avec la régionalisation, il pourrait y
avoir concentration à mesure que les unités et les centres se
développeront.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.
M. LEDUC: Mme Du Mouchel, je voudrais revenir à une des toutes
premières questions que le ministre vous a posée au début,
après votre intervention qui a été très bien faite
ainsi que votre mémoire, au sujet de la non-compatibilité ou de
la compatibilité entre le rôle qu'a à jouer votre
association directement et probablement une fonction que l'on peut appeler la
troisième fonction que vous mentionnez à la page 2 de votre
mémoire. Vous avez, à l'occasion, à défendre
directement ou indirectement vos membres qui ne sont pas syndiqués par
des recommandations que vous faites auprès des autorités
concernées. A mon sens, à tort ou à
raison et je ne prétends pas m'y connaître
parfaitement dans ce domaine, loin de là, pour ma part je vois un
semblant du moins d'incompatibilité entre le rôle essentiel que
votre association a à jouer et celui qui, par la force des
circonstances, probablement vous est imposé, soit celui de
défendre les 15,000 ou à peu près, en chiffres ronds, non
syndiqués de votre association.
En conséquence, j'aimerais savoir si vous avez eu directement ou
indirectement à négocier, au nom des non-syndiqués, des
ententes, si vous avez eu directement ou indirectement à participer
à cinq heures quarante-cinq minutes, le mot ne me vient pas,
disons que j'emploierai le mot terrible de grève ou semblant de
grève à ces activités ou si, effectivement, en
aucun temps vous n'avez participé à des négociations ou
discussions, si en aucun temps vous n'avez participé à ces
grèves et si, en fait, pour protéger vos membres, vous leur avez
dit carrément: Syndiquez-vous parce que ce n'est pas notre rôle
à nous, en tant qu'association, de protéger vos
intérêts financiers bien que nous le ferons pas la force des
circonstances, mais ce n'est pas pour cela que nous existons. Probablement, Mme
Du Mouchel, que c'est une question qui ne devrait pas se poser, mais j'aimerais
que vous m'éclairiez. Avec votre sourire, je suis sûr que la
lumière sera brillante.
MME DU MOUCHEL: C'est une question à laquelle il est facile de
répondre parce que notre loi ne nous le permet pas, ne nous donne pas le
pouvoir de négociation. Ce que nous faisons, ce qui arrive vraiment,
c'est que nos membres ont des problèmes de relations de travail,
employeur-employés, au point de vue du fonctionnement et pour donner le
rendement de services. C'est surtout à ce niveau que nous traitons avec
les membres qui ne sont pas syndiqués et nous leur donnons les
recommandations salariales. En aucun temps nous ne négocions de
conditions de travail.
Nous n'avons jamais participé à aucun mouvement pour ou
contre les syndicats ou pour ou contre les grèves. Nous ne nous occupons
que de conditions de travail professionnelles. Il faut penser que, si nos
membres doivent donner des services de qualité, ils doivent être
satisfaits dans leur travail; ils doivent avoir des conditions compatibles avec
l'efficacité, ce qui leur permet de donner le rendement
désiré. C'est surtout de ce point de vue-là que nous
approchons le problème. Si le membres ont des problèmes de
conditions de travail au point de vue salarial ou au point de vue de
reconnaissance auprès de l'administration, nous leur disons qu'il y a
des syndicats qui existent. Nous leur disons qu'il y a trois syndicats
d'infirmières et deux syndicats de cadres et de se référer
à ces personnes si elles sentent le besoin d'avoir une protection au
point de vue salarial.
De plus, nous avons un comité de relations de travail qui
travaille pour les recommandations et qui évalue les problèmes
qui sont présentés par les membres. A ce comité
siègent des représentants des divers syndicats qui sont nos
membres. C'est de ce point de vue que nous travaillons et nous essayons
toujours de mettre au premier plan la profession, les conditions
professionnelles, l'aspect professionnel, soit la discipline, la protection du
public. Pour assurer une protection du public et des services de
qualité, nous devons avoir des membres satisfaits.
M. LEDUC: Sur cela, je suis bien d'accord avec vous à l'effet
que, pour être heureux dans son travail, il faut avoir des conditions de
travail qui nous satisfassent. Une toute dernière question: Dans la
moitié de vos membres syndiqués si on se fie à
l'annexe B, c'est la quasi totalité de vos membres, ce qui est
basé sur les réponses que vous avez reçues parce qu'il y a
à peu près 5,000 réponses que vous n'avez pas
reçues; il est d'ailleurs assez extraordinaire que dans une association
de 30,000 il n'y ait que 5,000 personnes qui n'aient pas répondu,
habituellement c'est le contraire où se situent les
non-syndiqués?
Est-ce qu'on peut, en prenant les chiffres que l'on a à l'annexe
B, imaginer grosso modo que ce sont, dans les hôpitaux ou autres
institutions, à peu près 50 p.c. qui ne sont pas indiqués
et descendant à la suite comme cela ou si c'est dans un secteur bien
spécial?
MME DU MOUCHEL: Il y en a dans les hôpitaux,
nécessairement. Il y en a parmi les infirmières de service
privé. Elles ne sont pas régies par une négociation
collective. Entre parenthèses, nous ne négocions jamais les
conditions de travail pour les infirmières. Nous n'apportons que nos
recommandations et elles s'en servent à bon escient. Dans le secteur de
l'hygiène industrielle, il y en a un bon groupe qui ne sont pas
syndiqués. Dans l'hygiène scolaire, je ne sais pas. Il y a eu des
changements dernièrement mais il y en a certainement qui ne le sont pas.
Ainsi, les bureaux de médecins et ceux qui sont dans les autres
domaines.
M. LEDUC: Je vous remercie.
MME DU MOUCHEL: Et aussi toutes les infirmières-cadres et les
directeurs des soins infirmiers qui n'appartiennent pas aux deux syndicats de
cadres.
M. LEDUC: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Merci, Mme Du Mouchel, au nom de l'Association des
infirmières de la province de Québec.
MME DU MOUCHEL: Et infirmiers.
M. LE PRESIDENT: Et infirmiers. La prochaine séance, le mardi 19
octobre à dix heures.
(Fin de la séance 17 h 50)
ANNEXE A
LISTE DES RECOMMANDATIONS DE L'ASSOCIATION
DES BUREAUX MEDICAUX DES HOPITAUX DE LA PROVINCE DE
QUEBEC
L'ASSOCIATION RECOMMANDE:
I) Que tant au niveau local (C.L.S.C.) qu'au niveau regional (O.R.A.S.)
le législateur sépare pour le moment les soins médicaux
des services sociaux.
II) Que des offices régionaux soient créés, que les
membres soient nommés en fonction uniquement de leur compétence,
que ces offices aient une juridiction bien précisée dans la Loi,
que les rôle des offices soit limité aux services médicaux
par opposition aux services sociaux, qu'un conseil régional de
médecins soit créé pour aviser l'office dans des
matières bien délimitées dans la Loi et, que pour assurer
la liaison entre les deux organismes, un membre du conseil régional
siège à l'office, qu'il ait droit de vote ou non.
III) Que les articles 30 à 35 du projet de loi soient
modifiés pour que seul le lieutenant-gouverneur ou le ministre puisse
ordonner une enquête et posséder les pouvoirs qui sont
donnés à l'office en vertu de ces articles et que, dans la tenue
de cette enquête, le secret professionnel soit respecté.
IV) Que la fonction de directeur des services professionnels soit
remplie par un médecin et que le directeur des services professionnels
soit chargé de vérifier si les différents services et les
différents organismes en place dans l'hôpital et qui remplissent
des devoirs d'un caractère médical, remplissent bien leurs
devoirs; qu'il soit également chargé de coordonner leurs
activités; qu'il fasse rapport au directeur général et que
là se limitent ses fonctions et son autorité.
V) Que le conseil des médecins et dentistes groupe tous les
médecins et dentistes de l'hôpital; qu'il ait les mêmes
fonctions et la même juridiction qui sont attribuées actuellement
au bureau médical et que ce conseil réponde de ses
activités directement au conseil d'administration; que le
président de ce conseil soit ex officio membre du conseil
d'administration et du comité administratif du centre hospitalier; que
de plus le conseil des médecins et dentistes soit également
responsable de la nomination, de la révocation, du statut, des
privilèges et de la discipline des médecins et dentistes du
centre hospitalier.
VI) Qu'un conseil des professionnels soit créé groupant
tous les professionnels non médecins du centre hospitalier, qu'il
réponde de ses activités directement au conseil d'administration
et que le président de ce conseil des professionnels soit membre ex
officio du conseil d'administration et du comité administratif du centre
hospitalier.
VIl) Que le directeur des services professionnels soit un
médecin, qu'il assure la coordination et la surveillance de toutes les
activités administratives comportant un aspect médical et
professionnel dans le centre hospitalier et qu'il soit nommé
après avoir pris l'avis du conseil des professionnels et du conseil des
médecins et dentistes.
VIIl) Que soit maintenue la procédure de règlement des
conflits prévue à l'article Il de la loi des hôpitaux et
que cette procédure couvre les conflits entre le conseil
d'administration, le comité administratif du conseil des médecins
et dentistes et le conseil des professionnels.
IX) Qu'au niveau local comme au niveau régional, l'on
sépare, pour le moment, les services médicaux et les services
sociaux. Nous sommes d'avis qu'il serait plus sage de chercher une solution
à ce problème en favorisant plutôt l'instauration d'une
médecine de groupe au niveau local dont les conditions et les
modalités d'exercice pourraient faire l'objet de négociations
entre l'Etat et les deux grandes Fédérations qui groupent les
médecins à ces fins.
X) Que les paragraphes A), B), D), K), R), S) et T) de l'article 133
soient retranchés du projet de loi; que le paragraphe I) de cet article
soit modifié pour préserver le secret professionnel et que la
définition du cabinet de médecin ou dentiste soit
insérée dans la loi.
ANNEXE B
LISTE DES RECOMMANDATIONS DE L'ASSOCIATION DES
INFIRMIERES ET INFIRMIERS DE LA PROVINCE DE QUEBEC
RECOMMANDATION 1 : QUE le code des professions et la loi des
corporations soient déposés avant la fin de l'étude du
Bill 65 afin de permettre une analyse parallèle de ces
législations.
RECOMMANDATION 2: QUE les réglementations découlant du
Bill 65 soient connues avant l'adoption finale du projet de loi.
RECOMMANDATION 3: QUE l'occasion soit offerte aux corporations de
présenter le résultat de l'étude de ces deux projets de
loi devant la Commission parlementaire.
RECOMMANDATION 4: QUE les praticiens de la santé puissent
participer activement à l'élaboration des modes de mise en
application de cette fusion.
RECOMMANDATION 5: QUE tous les groupes initient le plus tôt
possible des programmes de formation afin d'assurer la meilleure application
possible du système préconisé.
RECOMMANDATION 6: QUE les articles de la loi définissent de
façon plus précise les fonctions des divers services de
santé et des services sociaux.
RECOMMANDATION 7: QUE soient prévus dans les articles de la loi,
des mécanismes pour assurer la continuité des soins et des
services, tels que mécanismes d'information sur les besoins des clients,
des mécanismes de liaison entre les divers centres de santé et
centres communautaires d'une même région.
RECOMMANDATION 8: QUE ces mécanismes soient assez flexibles au
sein du système afin de permettre aux clients et aux familles
d'être dirigés aux institutions de leur choix.
RECOMMANDATION 9: QUE le Conseil d'Administration, à tous les
niveaux, ait un nombre impair de membres afin de faciliter la prise de
décision.
RECOMMANDATION 10: QU'une revision des articles de la loi, investissant
une autorité et une autonomie aux divers échelons de la structure
du système de santé et du système social, soit
effectuée.
RECOMMANDATION 11: QUE plus d'autonomie soit accordée aux offices
régionaux afin qu'ils puissent administrer effectivement les
activités de leur région et répondre aux besoins de la
population, en accord avec le concept émis par la Commission.
RECOMMANDATION 12: QUE plus d'importance soit accordée à
la fonction coordination-évaluation par les professionnels au sein des
offices régionaux.
RECOMMANDATION 13: QUE la loi assure qu'une équipe de
professionnels oeuvre efficacement au niveau de l'Office Régional afin
de remplir les fonctions contrôle, aviseur, et autres, et ainsi mieux
répondre aux besoins des institutions et de la population.
RECOMMANDATION 14: QU'une évaluation continue des besoins de
santé de la population soit effectuée au sein des régions,
et que des professionnels de la santé, hautement qualifiés,
participent à cette appréciation.
RECOMMANDATION 15: QUE la participation des citoyens dans les
régions soit accentuée plus clairement dans les articles du Bill
65.
RECOMMANDATION 16: QU'un mécanisme soit prévu dans la loi
pour assurer la coordination du plan global de santé et l'unité
de direction, soit par le truchement d'un comité de directeurs
généraux des offices régionaux et des représentants
de l'Etat.
RECOMMANDATION 17: QUE la définition du terme "professionnel",
mentionné dans le Bill 65, soit revisée afin que seule la loi
puisse conférer le droit exclusif d'exercer une profession.
RECOMMANDATION 18: QUE l'occasion soit donnée aux corporations
d'apporter le résultat de leur étude du terme professionnel
devant la Commission parlementaire avant l'adoption des projets de loi.
RECOMMANDATION 19: QUE l'article 81 soit modifié afin de rendre
chaque groupe de professionnels responsable de l'évaluation de leur
propre exercice professionnel.
RECOMMANDATION 20: QU'un comité composé de
représentants de chaque groupe de professionnels fasse rapport aux
Conseils d'Administration concernant l'exercice professionnel.
RECOMMANDATION 21: QU'un Conseil des infirmier(e)s ait la
responsabilité de l'évaluation de la pratique des soins
infirmiers dans chaque centre de santé.
RECOMMANDATION 22: QU'un mécanisme déterminant des normes
de qualité pour le service des soins infirmiers soit clairement
défini dans le contexte du Bill 65 ainsi que dans les règlements
qui en découleront.
RECOMMANDATION 23: QUE ces normes soient établies en consultation
avec les professionnels du nursing et de la corporation professionnelle.
RECOMMANDATION 24: QUE la recherche soit effectuée à tous
les niveaux du système de santé afin de développer des
normes et des méthodes d'évaluation des soins infirmiers.
RECOMMANDATION 25: QUE les pouvoirs d'enquête pour le
contrôle des actes professionnels en nursing lui soient
délégués.
RECOMMANDATION 26: QU'un mécanisme d'information soit
imposé par un article de la loi où l'institution de santé
aura à faire rapport à la corporation afin qu'elle puisse initier
les enquêtes.
RECOMMANDATION 27: QUE la délégation des pouvoirs de
contrôle, accordés aux professionnels dans le Bill 65 et que les
pouvoirs accordés par le code des professions, puissent être
simultanément étudiés avant l'adoption de ce projet de
loi.
A cet égard, la recommandation 3 du chapitre Il est
réitérée: QUE l'occasion soit offerte aux corporations de
présenter le résultat de l'étude de ces deux projets de
loi devant la Commission parlementaire.
RECOMMANDATION 28: QUE le secret professionnel et le dossier du client
soit protégé dans le Bill 65, et que seuls les professionnels et
leur corporation aient accès à ces derniers.
RECOMMANDATION 29: QUE la coordination et la surveillance des soins
infirmiers en institutions, soit la responsabilité du bureau des soins
infirmiers.
RECOMMANDATION 30: QUE la direction du bureau des soins infirmiers soit
déléguée à un(e) infirmier(e)
administrateur(trice), compétent(e), afin d'en assurer un contrôle
unifié.
RECOMMANDATION 31: QUE, conformément à la nouvelle
structure proposée, les fonctions non-infirmières, actuellement
assumées par les infirmier(e)s pour les autres départements et
les autres professionnels, soient déléguées aux
départements et aux professionnels appropriés.
RECOMMANDATION 32: QUE le personnel de direction, tel que composé
selon l'Article 42 des Règlements de la Loi des Hôpitaux, soit
maintenu dans les règlements du Bill 65.
RECOMMANDATION 33: QU'aucun groupe professionnel n'ait une
majorité absolue au conseil consultatif des professionnels.
RECOMMANDATION 34: QUE le directeur des services professionnels soit
membre du conseil consultatif des professionnels.