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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 25 novembre 1971 - Vol. 11 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 65 - Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux


Journal des débats

 

Commission permanente des Affaires sociales

Projet de loi no 65 - Loi de l'organisation des services

de santé et des services sociaux

Séance du jeudi 25 novembre 1971

(Seize heures huit minutes)

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Bill 65. M. Castonguay a un commentaire à faire.

Avis du Conseil des affaires sociales et de la famille

M. CASTONGUAY: M. le Président, avant de commencer l'audition des organismes, j'aimerais distribuer aux membres de la commission un commentaire que j'ai reçu du Conseil des affaires sociales et de la famille sur le bill 65. Je crois que c'est au cours des discussions de la commission qu'il avait été mentionné qu'il pourrait être utile de demander l'avis de ce conseil. Je l'ai fait, étant donné que le conseil en est encore ou n'en était qu'à ses débuts, vraiment, au moment où cet avis a été donné, où cette demande a été formulée. On m'a remis un avis qu'on me dit ne pas être aussi complet, aussi fouillé qu'on l'aurait voulu et qu'on ne le considère pas comme étant un avis — disons au sens de la loi — du Conseil des affaires sociales et de la famille.

Malgré ces réserves que les membres du Conseil des affaires sociales et de la famille ont voulu exprimer, j'ai cru qu'il serait utile de distribuer ce document aux membres de la commission parlementaire. Avant de le faire, toutefois, j'ai communiqué avec le président, toujours compte tenu du fait que le conseil nous dit dans ce document ne pas avoir, au moment où l'avis lui a été demandé, l'organisation qui lui aurait permis autrement de donner un avis réellement conforme aux dispositions de la loi.

Je demande qu'on distribue ce document aux membres de la commission.

Document sur l'enfance inadaptée

M. CASTONGUAY: De plus, même si ceci n'est pas relié directement au bill 65 mais vu qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important, c'est-à-dire l'orientation des politiques et programmes pour l'enfance inadaptée au Québec, compte tenu du fait qu'il y a environ 200,000 enfants que l'on peut considérer comme faisant partie de l'enfance inadaptée, compte tenu également du fait qu'il y a quelques années un livre blanc avait été publié sur la question et que nous avons poursuivi notre travail comme nous l'avions mentionné au moment de l'étude du budget, nous avons en main un document de travail sur l'enfance inadaptée qui a été préparé au sein du ministère des Affaires sociales.

Ce document sera communiqué demain par le sous-ministre à l'occasion d'un congrès de la Fédération des services sociaux à la famille, comme document de travail et non pas comme politique définitive du ministère, parce que nous croyons qu'il doit faire l'objet de discussions, être complété, être nuancé au besoin. Mais avant qu'il soit rendu public, j'ai cru qu'il serait opportun de saisir cette séance de la commission pour en remettre une copie à chacun des membres de la commission.

Demain également, des copies seront envoyées aux media d'information et à la presse spécialisée. Je demande également, même si la séance n'avait pas pour but l'étude de cette question, qu'on distribue une copie de ce document de travail.

Mémoires annexés au journal des Débats

M. CASTONGUAY: M. le Président, lors de la dernière séance, nous avions convenu que nous demanderions au secrétaire des commissions de communiquer avec tous les organismes qui n'avaient pu encore se faire entendre relativement au projet de loi 65.

Le secrétaire des commissions s'est acquitté de ce mandat et plus d'une vingtaine d'organismes ont demandé que leur mémoire soit annexé au journal des Débats. Ils ont dit qu'étant donné la teneur de leur mémoire et le fait que le projet de loi avait été discuté de façon très approfondie, ils ne jugeaient pas utile ou nécessaire de se faire entendre par la commission.

Je voudrais remercier ces organismes de leur collaboration et je pense bien qu'avec la permission des membres de la commission, nous pourrons demander que ces mémoires soient versés au journal des Débats. *

Quant aux autres organismes, la plupart nous ont dit qu'ils voulaient se faire entendre pour mettre en relief un point particulier de leur mémoire, craignant que, malgré les discussions très longues sur le bill 65, cet aspect particulier de leur mémoire pourrait passer inaperçu.

Nous avons aujourd'hui une vingtaine d'organismes qui ont été convoqués. Compte tenu de l'entente que nous avions faite, nous allons poursuivre cet après-midi et ce soir jusqu'à ce que tous les organismes aient été entendus.

Je demanderais la collaboration de chacun des porte-parole des organismes pour que les présentations soient aussi brèves que possible. Nous avons vos mémoires en main. Nous les avons étudiés ou nous allons les étudier, attentivement; vous pouvez en être assurés. Je vous demande cette collaboration de telle sorte que ceux dont les noms apparaissent les derniers sur * Ces mémoires seront publiés en annexe à la suite de la prochaine réunion de la commission permanente des Affaires sociales.

la liste puissent se faire entendre également aujourd'hui et que ce soit à une heure raisonnable, non trop tardive ce soir ou dans la nuit. Merci, M. le Président.

M. LAURIN: J'ai un simple commentaire, pour marquer le plaisir qu'a ressenti la commission de recevoir autant de mémoires et le regret où nous sommes de ne pas pouvoir y accorder toute l'attention que nous accordons habituellement, en ce qui concerne les audiences, les discussions et le dialogue qui s'engagent, car la raison impérieuse qui nous demande d'agir ainsi, c'est que la population a besoin au plus tôt d'un projet de loi de ce genre qui va rendre tellement de services. C'est en raison de cet impératif que nous demandons, au fond, aux organismes qui se présentent ici de nous excuser pour ce tempo peut-être un peu plus rapide qui sera le nôtre à l'occasion de cette dernière séance.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous désirez dire un mot?

M. BOIS: On est prêt à coopérer pour que les gens puissent être entendus.

M. LE PRESIDENT: J'invite les représentants de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je demande à tous ceux qui présentent un mémoire de bien vouloir s'identifier.

Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke

M. MALTAIS: M. le Président, je suis Roger Maltais, prêtre et d'une époque qui permettait comme une chose courante qu'on reçoive, à un moment donné, le titre de monseigneur.

Je représente le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Le centre hospitalier est une entité réelle, mais non juridique, qui est formée justement de deux entités juridiques, la clinique de l'Université de Sherbrooke et l'Université de Sherbrooke elle-même, dont le secteur immédiatement intéressé par notre démarche d'ajourd'hui est la faculté de médecine.

Je suis président du conseil d'administration de la clinique de l'Université de Sherbrooke et recteur de l'université. Je suis accompagné, à mon extrême droite, du Dr Théodore Lévesque, secrétaire de la faculté de médecine; du Dr Victor Marchessault, directeur de la division des sciences cliniques à la faculté de médecine et directeur médical à la clinique; du Dr Richard Béland, directeur du département des sciences du comportement à la faculté; du Dr Gilles Pigeon, vice-doyen de la faculté de médecine et, à ma gauche, de Mme Madeleine Côté, directrice générale de la clinique de l'université; du Dr Jules Lamarre, membre du conseil d'administration de l'université, et du Dr Claude Lanctôt, directeur de la division de médecine sociale.

L'idée de préparer un mémoire nous est venue de certaines dispositions du projet de loi 65 qui, à notre avis; nous empêcheraient de poursuivre jusqu'à son niveau de perfection que nous considérons nécessaire l'unification de ce complexe formé de la clinique et de la faculté. Ce travail s'est fait en collaboration et sous la responsabilité immédiate du vice-doyen de la faculté, le Dr Gilles Pigeon.

Comme vous nous avez demandé d'être aussi ad rem que possible pour pouvoir être aussi brefs que possible, je ne puis trouver personne de mieux informé des fins détails du mémoire et de ses points saillants que celui qui a présidé à sa rédaction. C'est pourquoi, si vous me le permettez, je passerai la parole au Dr Pigeon.

M. PIGEON: M. le Président, dans l'esprit de l'organisation des services de santé et des services sociaux, l'article 2 du bill 65 stipule que la loi s'appliquera à toutes les institutions. Il est donc évident que celles où il se donne de l'enseignement sont également impliquées. Il est également évident que le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke y est aussi impliqué.

Le comité des doyens des facultés de médecine du Québec a eu l'occasion, récemment, devant cette même commission de souligner l'extrême importance de prévoir et de favoriser, dans le projet de loi soumis, la mission d'enseignement et de formation universitaire au niveau des hôpitaux d'enseignement. A cette occasion, M. le ministre des Affaires sociales, dans ses commentaires, a cru bon de faire sienne une suggestion du mémoire du comité des doyens des facultés de médecine en rappelant, et je cite, "qu'il est important que la loi projetée consolide ce qui est acquis tout en étant assez souple pour permettre l'exploration de nouvelles formules."

Nous croyons acquise la réalité du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke composé de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke qui a débuté en 1966 et de la clinique de l'Université de Sherbrooke, hôpital universitaire intégré qui a ouvert ses portes en 1969. Aussi, nous avons pensé, M. le Président, dans le mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui, vous rappeler néanmoins que cette réalité du Centre hospitalier universitaire vit dans deux structures, l'une émanant du conseil d'administration de l'Université de Sherbrooke et l'autre, du conseil d'administration de la Clinique de l'Université de Sherbrooke et qu'il faut pallier quotidiennement les inconvénients des deux structures tout en poursuivant un objectif unique: l'amélioration de la santé de la population et les progrès des sciences de la santé sans avoir une unité de direction; le bill 65, dans sa version actuelle, ne nous permet pas d'espérer une solution permanente à nos difficultés.

Vous me permettrez donc, M. le Président, en conclusion, de rappeler seulement la recommandation de notre mémoire:

Considérant que la clinique de l'Université de Sherbrooke est un hôpital universitaire intégré qui reconnaît comme buts principaux l'enseignement et la recherche, bien que devant fournir les meilleurs soins possibles aux malades;

Considérant que la faculté de médecine et la clinique de l'Université de Sherbrooke ont été conçues à l'origine comme une seule institution: le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke;

Considérant que cette conception a permis le recrutement d'un corps professoral et professionnel reconnu;

Considérant que l'arrivée de ces professionnels de la santé a permis de donner à la région des Cantons de l'Est des soins tertiaires et des soins régionaux dont elle était dépourvue auparavant ;

Considérant que l'assemblée des professeurs de la faculté de médecine et non seulement le bureau médical a contribué à faire du centre hospitalier universitaire le berceau de la planification régionale des services de santé au Québec et considérant que ces deux institutions sont physiquement réunies et partagent des services communs;

Considérant les multiples efforts d'intégration qui ont été poursuivis jusqu'à maintenant;

Considérant que le bill 65 détruira entièrement les mécanismes qui ont difficilement été vécus jusqu'ici pour assurer cette intégration, obligerait à de nouveaux prodiges de coexistence constructive et consacrerait deux institutions séparées;

Nous recommandons que des dispositions soient prises pour permettre une intégration totale de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et de la clinique de l'Université de Sherbrooke en une seule entité: le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, afin d'assurer l'établissement d'une unité de direction indispensable à la poursuite de ces objectifs.

M. le Président, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je crois qu'il est approprié de faire un commentaire. Nous savons que le Centre hospitalier universitaire de l'Université de Sherbrooke a voulu, comme on l'indique dans le mémoire, développer à la fois la faculté de médecine et le centre hospitalier d'une façon aussi intégrée que possible.

On nous rappelle également ce que j'ai mentionné lorsque les représentants des hôpitaux d'enseignement de l'université McGill ont soumis leur mémoire. Il y a toutefois une dimension qu'il me semble nécessaire d'introduire dans la considération dé cette question. C'est que le centre hospitalier universitaire rend des services à la population et que c'est la principale institution dans cette région; il nous faut nous assurer que ces services soient adaptés le plus possible aux besoins de la population. Pour ce faire, il nous semble qu'une structure qui permet, justement, la représentation de la population, des intéressés au fonctionnement du centre hospitaliter est un objectif valable, d'autant plus que les personnes qui sont formées dans ce centre doivent et devront recevoir un enseignement qui est adapté le plus possible aux modes de distribution de soins tels qu'on les rencontre dans tous les autres centres, dans tous les autres endroits où ils seront appelés à les pratiquer.

Alors, pour concilier à la fois ce désir de permettre une intégration aussi grande que possible pour le bon fonctionnement à la fois de la faculté et du centre hospitalier et aussi cette exigence que les mécanismes de distribution de soins soient aussi bien coordonnés que possible avec les autres institutions dans le territoire, soient aussi adaptés que possible aux besoins de la population, je crois que, de façon générale, les structures proposées dans le bill 65 doivent demeurer. Quitte à ce que l'on y introduise des mécanismes un peu plus souples que ceux prévus dans le bill 65, pour faciliter la liaison au plan du fonctionnement quotidien des deux institutions.

Ce serait également ignorer un autre problème à mon avis qui est important, c'est celui des sources diverses de financement pour les fins de service de santé, les fins d'éducation et pour les fins de recherches. Je crois que, sur ce plan-là également, il est assez important que l'on puisse identifier clairement les coûts, les contributions etc., qui vont à chaque secteur.

Je ne rejette pas, au contraire, les propositions ou l'objectif visé, dans la recommandation qui nous est faite dans ce mémoire, mais je crois que nous devons le poursuivre par une modalité quelque peu différente de celle qui nous est proposée.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Est-ce que je me trompe en pensant que ce que vous craignez le plus dans le projet de loi 65, c'est qu'il enlève à la faculté le pouvoir de nommer, à la tête des différents départements, des professeurs choisis par la faculté de médecine, dans une proportion aussi grande que cela existe actuellement et qui a constitué pour vous une sorte de garantie de la qualité, aussi bien des services que de l'enseignement? Si je ne me trompe pas, et si vous craignez que la loi 65 amène un changement qui soit dangereux pour les objectifs que vous poursuivez, est-ce que vous pourriez, à la lumière de la promesse que vient de faire le ministre de se montrer souple dans la recherche d'un mécanisme propre à assurer les mêmes objectifs, nous donner des suggestions propres à assurer la réalisation des mêmes objectifs avec des moyens nouveaux qui seraient conformes à l'esprit du projet de loi 65?

M. PIGEON: Si vous me permettez, M. le Président, le Dr Richard Béland répondra à M. Laurin.

M. BELAND: La question de la nomination des professeurs, dans plusieurs des cas, est un point qui est déjà prévu dans les contrats d'affiliation avec les universités où dans certains cas on stipule un certain contrôle, une certaine consultation qui est beaucoup plus dans certains cas...

M. LAURIN: C'est beaucoup plus marqué...

M. BELAND: C'est beaucoup plus marqué. Maintenant, il est évident qu'au CHU de Sherbrooke, tous les professeurs sont membres officiels, de fait, du bureau médical. Mais, cela implique, évidemment, une double structure de nomination dans les deux cas, c'est-à-dire comme professeur à la faculté et aussi comme médecin clinicien à la clinique de l'Université de Sherbrooke. Si vous me le permettez, M. le Président, je ne sais pas si cela répond à votre question, mais rapidement, il y a peut-être un point que je voudrais soulever de nouveau à l'occasion du commentaire de M. le ministre. Je pense qu'il est évident que le problème de la distribution des soins, qui est l'élément majeur du bill 65, doit être relié au problème du centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke.

Dans la perspective du bill 65, il y a une structure qui est prévue à partir de l'office régional pour tout ce qui regarde la distribution des soins. Dans une telle perspective de distribution de soins, il est évident, je pense, que tout le monde serait d'accord pour que, du côté de la distribution des soins, dans le cadre du bill actuel, ça relève directement de l'office régional sur le même pied que les autres organismes qui ont comme fonction de distribuer les soins. Là où ça devient plus complexe c'est qu'il est très difficile de donner, en même temps, à une même institution, trois objectifs ultimes ou deux objectifs ultimes. Il est évident qu'il faut s'en donner un, les autres étant soit des contraintes qu'on s'impose ou des objectifs secondaires.

Si on définit le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke comme une institution d'enseignement et que son objectif ultime est la formation des travailleurs de la santé, il est clair que, pour faire cet enseignement, il y a un certain nombre de contraintes dont il faut tenir compte, en termes de production ou de structures de production — si vous me permettez l'expression "production" dans un cas d'éducation— mais, il est évident qu'il faut tenir compte, à la fois de la recherche et à la fois des soins, parce qu'il est impossible dans un milieu de formation des travailleurs de la santé de dissocier l'élément "enseignement", étant donné que les soins sont à la base de l'enseignement.

Mais, il est également évident que, pour être capable de planifier, de coordonner les ressources, il faut absolument s'assurer d'une unité de direction que vous avez d'ailleurs soulevée à plusieurs reprises, dans le texte, pour justifier tout un système intégré. Le fait que plusieurs sources de financement servent actuellement dans le milieu de l'enseignement ou au Centre hospitalier universitaire, au niveau de l'enseignement, des soins et de la recherche, implique beaucoup plus cette intégration de l'unité pour être capable de s'assurer qu'ayant à faire face à plusieurs sources de financement, on ne soit pas impliqué dans plusieurs sources de direction ou de mécanismes de prise de décision dans une même institution physiquement intégrée. Il est clair que ça pose des problème majeurs si, à chaque fois qu'on a une source de financement, il faut créer un pôle de décision. On est pris avec un problème qui dit que plus on a de sources de financement, plus on va avoir de pôles de décision. Dans cet esprit de centre de décision où à une institution on donne l'enseignement comme priorité ou comme objectif ultime il faut absolument, à ce moment-là, s'assurer cette coordination des efforts et des ressources à l'intérieur du système.

Deux mots pour terminer. Il est clair aussi que, dans la région de Sherbrooke, avant l'introduction ou l'établissement du centre hospitalier, il y avait quand même des ressources qui étaient relativement insuffisantes pour la création d'un centre complet de formation et d'enseignement. Il y avait des hôpitaux qui distribuaient déjà des soins mais on n'avait pas l'équipement ou la sous-structure essentiels à l'enseignement. Le fait d'intégrer les ressources a permis justement de créer ce centre qui essaie de plus en plus de se développer. C'est dans cette perspective qu'on espérerait en tout cas, de plus en plus, pouvoir travailler à donner le maximum d'efforts vis-à-vis d'un centre essentiel pour la formation des travailleurs de la santé actuellement. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie les porte-parole de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke.

M. BELAND: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: J'invite les Cadres infirmiers unis inc.

Les Cadres infirmiers unis

M. ROBERT: M. le Président, mon nom est Michel Robert et je représente les différents groupements qui ont soumis ce mémoire. Je suis accompagné par Mme Joan Borcheron, la présidente des Cadres infirmiers unis inc., ainsi que de Mlle Hélène Tremblay, à ma gauche, qui est la présidente du Syndicat professionnel des diététistes du Québec.

Il ne s'agit pas d'un mémoire qui porte sur

l'ensemble du projet de loi ou qui se prononce sur les principes du bill. Non pas que les organismes que je représente n'aient pas d'opinion à ce sujet-là mais ils n'ont pas jugé bon d'en faire part dans ce mémoire. Ce mémoire porte exclusivement sur un aspect très particulier du projet de loi, qui est décrit à l'article 75 du bill 65. Plus particulièrement, le mémoire porte sur la question de la détermination des conditions de travail, pour les employés-cadres au sein du milieu hospitalier.

Vous savez évidemment que, malgré certaines promesses du gouvernement actuel concernant le syndicalisme de cadres, nous n'avons pas encore, semble-t-il, de projet de législation déposé concernant le syndicalisme de cadres et que, d'autre part, dans le milieu hospitalier, il y a actuellement une émergence assez fantastique du syndicalisme de cadres au niveau surtout des professionnels.

Pour vous donner une idée du nombre des cadres dans le milieu hospitalier qui ne pourraient pas correspondre à la définition du mot "salarié" au sens du code du travail, je pense qu'on pourrait parler approximativement de 25,000 employés dans le milieu hospitalier. A ce moment-ci, il y a plusieurs associations, plusieurs groupements qui se sont formés ou qui sont en formation et qui tentent par divers moyens d'exercer une influence sur la détermination de leurs conditions d'emploi, soit par voie de négociations dites collectives ou semi-collectives, soit par voie de négociations collectives d'un contrat individuel type.

Effectivement, le gouvernement, jusqu'ici, a accepté de négocier collectivement, si je puis dire, avec certains organismes représentatifs, des contrats individuels types de travail, c'est-à-dire une sorte de contrat pour une durée déterminée qui serait signé par les institutions concernées et qui serait' également signé par les cadres qui ne peuvent pas être accrédités en vertu du code du travail.

Donc, devant ces phénomènes, nous suggérons aux membres de cette commission de recommander à l'Assemblée nationale de modifier l'article 75 du bill 65. L'article 75 du bill 65 prévoit que les employés qui ne sont pas régis par une convention collective de travail et qui ne sont pas des fonctionnaires ou employés du gouvernement c'est-à-dire qui ne tombent pas sous le coup de la Loi de la fonction publique, soient nommés et rémunérés suivant les effectifs, normes et barèmes établis par règlement.

Or, nous croyons qu'il existe actuellement et qu'il existera dans l'avenir d'autres ententes que des conventions collectives pures, si je puis dire, c'est-à-dire des conventions collectives au sens du code du travail. Il existe déjà des ententes, je pense, pour les résidents et les internes qui pourraient être des conventions collectives au sens de la Loi des syndicats professionnels mais pas nécessairement des conventions collectives au sens du code du travail. Or, le texte qui est actuellement soumis par le gouvernement semble restrictif et pourrait être interprété comme voulant dire que les conventions collectives auxquelles on réfère dans l'article 75 sont seulement celles qui sont conclues en vertu du code du travail à La suite d'une accréditation et même qui sont conclues à l'intérieur des limites du bill 46 qui a été adopté en juin dernier.

A ce moment-là, ceci, à mon point de vue, ferme la porte à toute forme d'entente, toute forme autre qu'une pure convention collective pour les autres employés que ceux qui sont couverts par les conventions collectives.

C'est pourquoi nous suggérons que dans le texte de l'article 75 on parle non seulement de convention collective mais on parle également d'entente. C'est le nouveau texte que nous suggérons, que vous retrouvez à la page 9 du mémoire où on suggère d'ajouter: "...et qui ne sont pas régis par une convention collective de travail ou toute autre entente entre le gouvernement et un employé ou un groupe d'employés relative à leurs conditions d'emploi..." pour justement tenir compte de ce phénomène soit d'un contrat individuel type de travail qui peut exister entre lés parties, soit encore d'un contrat individuel négocié collectivement ou encore purement et simplement une convention collective ou un document qui n'est pas conclu nécessairement en vertu du code de travail mais qui peut être conclu en vertu de la Loi des syndicats professionnels.

Evidemment, vous me direz que, si le gouvernement déposait un projet de loi prévoyant des mécanismes nouveaux pour le syndicalisme de cadre, mes réserves deviendraient peut-être inutiles — je serais probablement d'accord avec vous — mais il ne semble pas que dans les mois qui viendront, ce projet de loi sera déposé.

De plus, l'article 75 a réglé le problème de la sécurité d'emploi pour les employés-cadres du secteur des affaires sociales. Evidemment, cette sécurité d'emploi est extrêmement importante et c'est l'un des principaux problèmes qui concernent les cadres du milieu hospitalier.

Les employés syndiqués couverts par des conventions collectives bénéficient évidemment de la sécurité d'emploi en ce sens qu'ils ne peuvent pas être congédiés ou disciplinés ou démis de leurs fonctions sans juste cause et l'arbitre, évidemment, qui siège soit au conseil d'arbitrage, soit comme président d'un tribunal unique peut apprécier la justesse et la suffisance des motifs allégués par l'employeur.

Le cadre n'étant pas protégé par une convention collective peut être congédié avec un avis, conformément aux dispositions du code civil, c'est-à-dire un avis d'un mois ou plus, tout dépend de sa situation et des conditions de son emploi.

Dans le projet de loi no 65, on suggère la protection qui est accordée aux fonctionnaires par la Loi de la fonction publique et plus particulièrement, par l'article 61 de la Loi de la fonction publique. Bien que ceci représente,

évidemment, un progrès considérable sur la situation actuelle, puisqu'actuellement il ne bénéficie d'aucune sécurité d'emploi, nous ne croyons pas que cette formule soit la plus appropriée dans les circonstances. D'abord, il est évident que la Commission de la fonction publique, à notre point de vue, serait surchargée, puisqu'il faudrait ajouter au nombre d'employés sous sa juridiction, quant à cet aspect de la loi, environ 25,000 cadres.

De plus, la Commission de la fonction publique, son expérience si on veut, se situe dans un autre domaine que celui de l'administration hospitalière. Et souvent les questions de compétence que pourrait être appelée à juger la Commission de la fonction publique comportent des aspects disons professionnels ou médicaux ou paramédicaux qu'un organisme autre, à notre point de vue, serait plus en mesure d'apprécier.

Nous suggérons à la fin de notre mémoire de laisser aux différentes parties le soin de s'entendre sur des mécanismes, en vue de prévoir un moyen d'éliminer l'arbitraire dans les congédiements, les suspensions et l'imposition des autres peines disciplinaires pour les cadres hospitaliers.

Je n'ai pas autre chose à ajouter; vous nous avez demandé d'être brefs. Nous sommes prêts à répondre aux questions.

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je crois que le point que l'on nous expose est clair. Comme je l'ai mentionné déjà, la Loi de l'organisation des services de santé ou des services sociaux ou le projet de loi — parce que nous en sommes toujours à l'étape d'un projet de loi — ne visait pas à changer les mécanismes ou le cadre des relations de travail tels qu'ils existent présentement. En ce sens, les représentations qui nous sont faites, je crois que nous pourrons y donner suite, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Ce n'est pas notre intention de changer, parce projet de loi qui touche à l'organisation des services, les dispositions relatives qui peuvent s'appliquer ou ne pas s'appliquer, comme on nous l'a mentionné, touchant aux relations de travail.

Sur le point spécifique, je ne crois pas que j'aie d'autres commentaires à faire, sauf que je crois que les recommandations qui nous sont formulées ici, relativement au projet de loi 65, sont justifiées. Quant à l'aspect plus large du syndicalisme, le cadre dans ce secteur, je vais référer le mémoire au ministre de la Fonction publique qui, comme vous le savez, est le responsable, quant au gouvernement, de ces questions.

M. LAURIN: M. le Président, j'aimerais dire à M. Robert que la première recommandation qu'il nous a faite au sujet de l'article 75 avait été faite également par la Fédération des médecins omnipraticiens, je pense, dans le même esprit, afin d'apporter une clarification à un article de loi qui n'allait pas nécessairement à l'encontre des intérêts actuels des cadres, mais qui demande peut-être à être précisé davantage. Quant à votre deuxième représentation, je crois voir une certaine réticence à ce que ce soit le ministère de la Fonction publique qui s'occupe de cette question. J'ai l'impression que vous manifestez une préférence pour le ministère du Travail, en l'occurrence.

M. ROBERT: Ou le ministère des Affaires sociales. On voit difficilement comment, par exemple, la Commission de la fonction publique pourrait décider si...

M. CASTONGUAY: Me permettez-vous juste un commentaire? Peut-être que je n'ai pas été suffisamment clair, lorsque j'ai parlé de référer la question au ministère de la Fonction publique.

Je n'ai pas à l'esprit l'aspect bien spécifique de l'article 75, j'avais â l'esprit la question du syndicalisme pour les cadres. Comme vous le savez, si je le reférais là, c'est que le ministre de la Fonction publique, dans toutes les négociations, dans tous les aspects qui touchent aux relations de travail en ce qui a trait aux hôpitaux, à l'enseignement, etc., les agences, le service social, est le ministre responsable pour autant que le gouvernement est concerné. C'était dans ce sens-là que je faisais cette observation.

M. LAURIN: Je mentionnais aussi le ministère du Travail parce que lors de la discussion des crédits du ministère du Travail, nous avons eu un long échange avec le ministre, justement sur l'élaboration d'une loi prochaine sur le syndicalisme de cadres. Je sais que les travaux, d'après ce qu'il nous a dit, sont pas mal avancés. Bien que le problème ne puisse être réglé immédiatement, peut-être que déjà des orientations se dessinent dont on pourrait profiter dans les ajustements administratifs ou les mécanismes prévus.

M. ROBERT: Pour continuer peut-être à répondre brièvement à votre question, on comprend mal comment la Commission de la fonction publique pourrait décider si, par exemple, le directeur médical, le directeur des services professionnels ou la directrice du nursing d'un hôpital doit être congédié, eu égard à toutes les conditions propres au secteur hospitalier, parce que, souvent, dans ces cas-là, il faut apprécier la compétence, le milieu et l'institution. Je pense qu'on ne voit pas comment la Commission de la fonction publique serait l'organisme approprié pour décider d'une recommandation, parce que, selon l'article 61, la Commission de la fonction publique, avant de congédier un employé, devrait normalement faire enquête et faire une recommandation au

ministre. Maintenant, il n'y a pas que les congédiements non plus, il y a les congédiements, il y a les transferts, il y a l'imposition des peines disciplinaires, le changement du contenu de la fonction, etc., les relations entre les divers cadres à l'intérieur de l'entreprise.

On préférerait qu'il y ait un organisme propre au secteur des affaires sociales qui serait prêt à jouer ce rôle-là.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres commentaires, nous allons...

M. BOIS: J'aurais une question, M. le Président. Est-ce que M. le ministre pourrait dire ici si, à la page 11, par exemple, la partie qui traite des réalisations du centre hospitalier universitaire, par exemple, va être réglée parce que ce que nous avions déjà discuté de la question de l'enseignement, par exemple? Parce qu'ici, il est fait mention de cliniques.

M. CASTONGUAY: Pendant votre absence, M. Bois...

M. BOIS: Je m'excuse d'avoir été absent obligatoirement...

M. CASTONGUAY: ...on a passé à un autre organisme. Je vous dirai un mot tantôt.

M. BOIS: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors, madame, mademoiselle, messieurs, je vous remercie. J'invite les directeurs régionaux de la psychiatrie.

Les directeurs régionaux de la psychiatrie

M. LORTIE: M. le Président, je suis Gilles Lortie, directeur régional de la psychiatrie pour la région de Montréal; j'ai à ma droite, le Dr Pierre Martel, directeur régional pour la région de Sherbrooke, à ma gauche, le Dr. Pierre Déorn, directeur régional pour la région de Valleyfield, et le Dr Louis Boyer, pour la région des Bois-Francs.

Si nous avons voulu présenter un mémoire à la commission parlementaire au sujet du bill 65, c'est d'abord parce que nous représentons ici les soignants d'à peu près 50 p.c. des malades qui occupent les lits de la province.

Deuxièmement, c'est parce que depuis quelques années, nous avons vécu une expérience qui ressemble par certains points à la création des offices régionaux des affaires sociales. Dans notre mémoire, nous avons choisi de soulever dans le résumé qui vous est présenté trois points particuliers. D'abord, la question des offices régionaux des affaires sociales, puis la représentation à ces organismes et enfin la question de la représentation de la psychiatrie ou plutôt de l'hygiène mentale au niveau du projet de loi no 65.

Elle est encore trop centrée sur ses besoins immédiats, oubliant les objectifs à long terme et oubliant surtout la nécessité de la répartition des ressources en fonction des services offerts dans certaines régions. La politisation, évidemment toujours possible, pourrait alors présider à la distribution des ressources.

Les élus au niveau des centres locaux de services communautaires ou au niveau des conseils d'administration de ces centres locaux sont généralement non initiés et peuvent se sentir incapables de faire valoir leur point de vue en face d'administrateurs ou de professionnels qui, par leur simple présence au sein de ces structures, intimident ces élus de la population qui, d'ailleurs, se font de plus en plus rares au fur et à mesure qu'on monte dans l'organisation des soins jusqu'à l'office régional de santé, ce qui ne veut pas dire que nous soyons contre cette représentation qui nous parait souhaitable, au contraire.

La formation adéquate de la population à ce genre de participation, cependant, est d'une nécessité impérieuse et on doit s'y attaquer tout de suite si nous voulons y arriver d'ici au moins dix ans.

Quant à l'ORAS, nous soutenons la thèse, dans notre mémoire, que dans sa forme proposée, il coiffe un système de représentation fictif, qu'il n'a aucun pouvoir véritable d'organisation et qu'au lieu de décentraliser le pouvoir, au contraire, il le centralise davantage et ne permette aucune concentration à certains niveaux, qu'ils soient géographiques ou par centre d'intérêt, ce qui pourtant semble nécessaire.

L'ORAS, ainsi conçu, émanant de la base, nous semble voué à l'échec, sans mentionner les actions politiques qui pourraient encore exercer des pressions à ce niveau, simplement parce que les personnes qui en feraient partie représentent tant de disciplines diverses, même si elles sont reliées les unes aux autres, que le chaos nous semble inévitable.

La suggestion que nous proposons comporte aussi ce danger. Il nous suffit de se rappeler les luttes qui ont opposé les services importants de l'ex-ministère de la Santé.

L'ORAS, au lieu d'être soutenu par la base, devrait être un organisme relevant directement du ministère des Affaires sociales. Il pourrait alors contrôler les activités des institutions dont il avait la responsabilité, mais surtout sur lesquelles il avait les pouvoirs essentiels de contrôle. Il serait, en somme, l'extension du ministère dans chacune des régions. Il aurait la possibilité, comme la loi créant les ministères le permet, de distribuer les budgets nécessaires tout en instaurant les moyens de contrôle voulus.

La formule proposée par le bill 65 ne prévoit pas ce contrôle, sinon de façon indirecte. Les pouvoirs d'enquête, qui sont inclus dans le projet de loi no 65, pourraient être maintenus, mais de façon un peu plus démocratique il nous

semble, s'inspirant de l'article 11 de la Loi des hôpitaux et, au besoin, des articles 16 et 17 de cette même loi.

Notre mémoire fait des suggestions précises quant aux corps intermédiaires qui pourraient être consultés pour les nominations à ces nouveaux offices régionaux des affaires sociales à la condition, toutefois, que ces nominations demeurent toujours nécessaires.

Ce que nous voulons dire ici, c'est que si ce sont des organismes qui émanent du ministère, ils seront composés d'un personnel administratif et de membres de la fonction publique qui auraient ce contrôle sur les organismes voulus. Ils pourraient être orientés ou on pourrait leur permettre d'avoir des comités consultatifs qui pourraient être choisis par des organismes, comme des universités ou les fédérations de médecins, l'association des hôpitaux ou, encore, les services de bien-être, etc.

Enfin, il n'est prévu à aucun endroit dans le projet de loi no 65 que les psychiatres ou que des équipes de santé mentale seront représentés à tous les niveaux de distribution des soins. Nous désirons fortement discuter ce sujet avec les membres de la commission parlementaire, car il nous apparaît comme primordial.

Nous ne voulons pas, en tant que psychiatres, ne faire que du traitement, nous voulons surtout faire de la prévention en santé mentale.

Nous ne résumons pas ici toutes les raisons que nous avons d'insister, mais chacun peut en prendre connaissance aux pages 11 et suivantes de notre mémoire de même qu'à l'appendice c).

M. CASTONGUAY: M. le Président, les deux premiers points soulevés dans le mémoire ont fait l'objet de bien des discussions. On nous dit ici que la population n'est peut-être pas tout à fait prête à ce genre de participation et qu'il nous faudrait la préparer à participer si l'on veut y arriver d'ici dix ans, comme premier point. Une des façons de la préparer à participer davantage est peut-être de lui donner un peu plus de chance de participer, quitte à ce qu'on supplée aussi par d'autres moyens. Déjà, à ce sujet, nous avons engagé, avec entre autres l'Association des hôpitaux, le dialogue de telle sorte que l'on puisse développer une petite brochure assez sommaire où l'on peut donner, sans diriger la personne, des renseignements aussi objectifs que possible sur ce qu'est un membre d'un conseil d'administration, par exemple, quel est le rôle qu'il est appelé à jouer, quelles sont ses responsabilités, quel est son engagement vis-à-vis de l'institution, etc. J'espère qu'avec l'association, nous serons en mesure de développer là un premier instrument. Il y a d'autres moyens aussi qui peuvent être pris. Sur cette première question, on enregistre évidemment vos représentations, c'est un point sur lequel il y aura certainement des discussions ici, au sein de la commission. Je ne suis pas tout à fait assuré que tous les membres de la commission vont partager ce point de vue.

Quant au second point, les offices régionaux, également, vous touchez à un des aspects du projet de loi, je l'ai mentionné à plusieurs reprises, qui a été le plus contesté. Selon les mémoires qui nous sont soumis, l'on opte pour une formule ou pour une autre ou pour des combinaisons de deux approches. Ici, vous nous suggérez que les ORAS soient, en fait, des émanations directes des ministères quitte à ce qu'on les couple d'organismes consultatifs. Encore sur ce point-là, d'autres se joignent à vous, bien d'autres organismes, dans les mémoires qui nous ont été soumis; d'autres ne partagent pas tout à fait ce point de vue, selon qu'ils optent pour une plus grande ouverture sur la participation. Alors la deuxième question, en définitive, est reliée aussi dans une certaine mesure à la première et je ne crois pas que je ferais poursuivre, que je ferais progresser le débat si je vous questionnais sur ces deux aspects bien particuliers, compte tenu de tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant.

Quant au troisième aspect, je comprends votre préoccupation. Sur ce point, toutefois, je voudrais simplement, à moins que l'on puisse formuler une recommandation qui m'apparaît transposable dans un tel projet de loi. A plusieurs reprises j'ai mentionné ici, à la commission, que ce projet de loi ne veut pas entrer dans les programmes de soins ou de services tout comme il ne veut pas entrer, dans la mesure ou cela n'est pas nécessaire de le faire, dans le détail des structures internes, des compositions d'équipes, que ce soit au plan de l'administration, de la dispensation des services, etc. Nous ne l'avons pas fait, que ce soit pour les aspects, par exemple, de la médecine physique, préventive où les gens qui sont dans ce secteur s'inquiètent également, avec raison. Alors je comprends votre préoccupation.

Mais je me demande si, de façon précise, concrète et d'une façon aussi qui pourrait apporter des résultats utiles dans l'avenir, il est possible, à l'intérieur du projet de loi 65, autrement que dans des organismes tels que l'office régional, mais dans les structures de distribution de services, de répondre directement aux voeux que vous formulez.

M. LAURIN: M. le Président, sur la participation, je crois quand même qu'il y a une idée nouvelle qui nous est apportée pour la première fois, c'est celle de la formation, "training on the job", si on peut appeler cela comme cela, de ceux qui seraient appelés à siéger aux conseils d'administration. Je pense que c'est une avenue très intéressante et je vois que le ministère s'en préoccupe déjà par ses contacts avec l'Association des hôpitaux. Je pense en effet qu'il faudrait arriver à systématiser ce travail de formation, surtout dans un domaine qui est tellement complexe et où la nécessité du contrôle des coûts s'impose d'une façon aussi impérieuse.

En ce qui concerne vos suggestions sur

l'ORAS, comme l'a dit le ministre, plusieurs représentations nous ont été faites dans un sens ou dans l'autre. Je pense que l'ORAS est un organisme très moderne dans ce sens qu'il est à la jonction de la population et de l'Etat. On cherche un moyen d'articuler les fonctions des citoyens et les fonctions de l'Etat dans un double objectif de déconcentration et de décentralisation. On pensait au départ qu'on pouvait aboutir à ces deux objectifs en même temps, mais on s'aperçoit parfois et de plus en plus que les deux objectifs de déconcentration et de décentralisation peuvent s'opposer, peuvent arriver à s'opposer et que l'un n'implique pas nécessairement l'autre. Vous suggérez que l'ORAS soit plutôt un représentant de l'Etat, cela nous a été suggéré récemment par des diplômés en administration qui doivent poursuivre leurs recherches à ce point de vue-là. Par contre, presque tous les mouvements de citoyens et tous ceux qui veulent participer pleinement, les agents de la santé, demandent plutôt que l'ORAS représente les besoins de la base. Je pense que les deux conceptions se valent, se défendent et qu'il ne faille pas les renvoyer dos à dos, ni les rejeter l'une ou l'autre, parce qu'il s'agit plutôt de trouver le point de jonction. J'espère que le ministre pourra nous arriver avec des amendements qui résoudront ce noeud gordien d'ici quelques jours.

Quant à vos représentations sur la représentation de l'hygiène mentale, je pense qu'elles se situent dans la ligne de celles qui nous ont déjà été faites. Je suis bien d'accord avec le ministre qu'un projet de loi ne peut pas tout résoudre, ne doit pas s'immiscer dans les programmes, mais il reste quand même qu'un projet de loi doit quand même être conforme aux impératifs scientifiques, techniques d'une profession. Or, le principe qu'ont souligné toutes les organisations de psychiatres qui sont venues ici est celui d'une continuité de soins qui est peut-être plus élaborée, plus impérative dans le champ de la psychiatrie que dans certaines autres disciplines, justement du fait que la maladie psychiatrique est par définition une maladie chronique, qu'elle dure longtemps et qu'on doit s'en occuper à tous les stades d'une façon aussi intensive, soit au stade de la prévention ou au stade de la réadaptation. C'est précisément cet impératif qui demande que, dans les structures, cette continuité devienne possible. Je pense que c'est plutôt le voeu que vous émettez quant à la forme où cet impératif devra se couler dans les faits. Il reviendra bien sûr à la commission de faire ses suggestions, de travailler certaines formules qui viseront à nous assurer cet objectif et en ce sens-là, je pense que vos représentations nous sont très utiles.

M. LORTIE: Je vous remercie. M. le Président, je n'aurais que quelques mots à ajouter. Je dois tout d'abord dire que je suis très heureux de cette initiative qu'a mentionnée M. Caston- guay de faire en sorte que les gens puissent participer à des conseils d'administration et à leur rôle. Ce dont je m'inquiète surtout, c'est que les gens ne soient pas suffisamment intéressés à se présenter pour être élus. Là, je pense qu'il y a de la promotion à faire. Pour ce qui est du point de jonction dont parlait le Dr Laurin, j'espère que notre suggestion pourra être retenue.

Le point de jonction pourrait se faire précisément au niveau des consultants, des membres de la fonction publique qui travailleraient dans les offices régionaux de santé.

Encore une fois, pour ce qui est de l'hygiène mentale, je me demande si ce n'est pas possible de prévoir dans la loi qu'il y ait continuité d'une étape à l'autre, depuis le CLSC jusqu'au CHU, au besoin, parce que le psychiatre, quand il traite un malade, commence à le traiter en première ligne et il le traite en deuxième et en troisième ligne, contrairement aux autres spécialistes qui peuvent se passer le malade de l'un à l'autre, ce qui, en psychiatrie, ne se fait que très rarement. C'est ce point que je voulais ajouter.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais quelques questions à poser à M. Lortie. C'est une question que je pose assez souvent. Combien y a-t-il de psychiatres dans la province actuellement, en activité?

M. LORTIE: Actuellement, avec la dernière promotion, il doit y avoir à peu près 460, 475 psychiatres dans la province.

M. GUAY: Est-ce que c'est suffisant comme effectif pour faire face aux besoins grandissants dans ce domaine?

M. LORTIE: Non, c'est nettement insuffisant. Dans notre mémoire, nous citons des chiffres. Nous en sommes arrivés, après certains calculs, à la nécessité d'avoir environ 600 psychiatres dans la province de Québec qui s'occuperaient de soins actifs au niveau de la première ligne, aussi bien que dans les hôpitaux généraux et les hôpitaux psychiatriques. Nous ne comptons pas là-dedans les administrateurs et ceux qui font de la recherche ou ceux qui font de l'enseignement, simplement les soignants.

M. GUAY: Maintenant, vous mentionnez que vous souhaitez — comme nous le souhaitons tous — que les soins psychiatriques aient une continuité, soient une continuité d'autres soins. Est-ce possible actuellement, étant donné la pénurie de psychiatres que nous connaissons?

M. LORTIE: Cela ne se fait pas, malheureusement, actuellement dans toute la province,

cette continuité. Mais où ça se fait, ça donne des résultats assez extraordinaires. Il y a un hôpital à Montréal entre autres qui a doublé le chiffre de ses nouvelles inscriptions en deux ans et qui n'a pourtant augmenté son budget que de 25 p.c. depuis cinq ans.

M. GUAY: Il n'y en a pas en chômage actuellement?

M. LORTIE: Non. M. GUAY: Merci.

M. CASTONGUAY: Une dernière et brève question au Dr Lortie. Comment croyez-vous qu'on pourrait atteindre un tel objectif dans le projet de loi? En imposant par les dispositions de la loi l'obligation à une institution d'un palier de recevoir un malade référé par un autre palier ou une autre institution? Remarquez que je suis tout à fait sympathique à ce que vous exprimez, mais je ne vois pas comment le transposer dans un texte de loi, alors que nous avons des institutions qui ont un degré d'autonomie, qui sont autonomes, ou qui sont des entités distinctes. Je sais que nous voulons, pour les centres locaux de service communautaire, nous assurer que chaque centre sera lié au moins à une institution. Nous ouvrons la porte dans le projet de loi — et c'est une des choses que nous voulons encourager — aux contrats d'affiliation entre institutions, mais comment aller au-delà de ceci dans un projet de loi?

M. LORTIE: Le Dr Deom a peut-être une réponse.

M. DEOM: Je pense, M. le ministre, que le malade mental est un malade au même titre que n'importe quel autre malade. Lorsque, dans les hôpitaux généraux, on admet des cardiaques et les cas d'appendicite aiguë, enfin toute la catégorie de malades, qu'on puisse admettre aussi le malade mental, dans n'importe quelle institution. Comme le Dr Lortie le mentionnait, à tous les niveaux de soins, de prévention et de traitements, que ce même malade puisse être traité, tout en tenant compte de la spécificité de la maladie mentale. La maladie mentale est une maladie qui est malheureusement bien souvent longue et chronique. Un malade mental n'est pas un malade qui fait une grippe qui dure de deux à trois jours ou qui fait une amygdalite qu'on opère et qui sort en 24 heures.

Cela prend une continuité de soins et il faut absolument que l'équipe, non seulement le psychiatre, mais l'équipe multidisciplinaire en psychiatrie soit représentée à tous les niveaux et aussi d'autant plus parce que le malade mental, à cause de sa maladie, est un être qui est tout à fait impuissant dans la société, et si personne ne s'en occupe, s'il n'y a pas de loi précise qui vienne le protéger, il sera malheureusement oublié comme il l'a été avant 1960.

M. CASTONGUAY: Très bien. La seule chose, ce que vous dites là, je le sais. Mais comment le transposer dans un projet de loi? A moins d'autres suggestions, la seule façon dont je vois ça c'est dans les droits de l'individu quant au service de santé.

M. LAURIN: Il y a aussi en accélérant la mobilité du professionnel. Le professionnel qui serait le même au CLSC, le même à l'unité psychiatrique de l'hôpital général, le même au grand hôpital psychiatrique en vertu d'une organisation et d'un système qui permettrait cette mobilité du professionnel, aussi bien que du malade.

M. CASTONGUAY: Oui, cela on ne le fera pas par le projet de loi mais c'est désirable.

M. LORTIE: Il est peut-être seulement possible de le faire par les ordonnances ou les règlements qui viendront après, avec le projet de loi. Mais je me demande si la loi d'hygiène mentale qu'on nous promet ne pourrait être intégrée peut-être à la loi 65.

M. CASTONGUAY: J'ai vu cette recommandation que vous nous avez faite. Vous nous dites qu'ici on peut stigmatiser le malade mental en ayant une loi différente. Là, on se bute à certaines difficultés. Chaque loi a un objet bien précis et, ici, nous avons une Loi de l'organisation des services. Dans le projet de loi à venir sur l'hygiène mentale, l'objet visé est la protection de la personne sous traitements psychiatriques comme premier objectif.

Il s'agit d'un principe très différent et même si les motifs qui vous appellent à faire cette demande étaient bons, je crois qu'en Chambre, il serait assez difficile parce que ça pourrait combiner deux principes aussi différents et pour des motifs aussi humanitaires constituer un précédent que nous pourrions utiliser à d'autres reprises pour introduire d'autres projets de loi comportant deux principes. Je pense que ce sont deux lois de nature très différente à mon avis et j'aime autant le dire immédiatement, je sais que les officiers légistes et le comité de législation n'accepteraient pas une telle demande, compte tenu de la façon dont les lois sont présentées à notre assemblée et débattues.

Remarquez que ce n'est pas parce que je veux me trouver un moyen détourné de ne pas combiner les deux ensemble.

M. LE PRESIDENT: Alors, je remercie les porte-parole des directeurs régionaux de la psychiatrie.

M. LORTIE: Merci.

M. LE PRESIDENT: J'invite les porte-parole de l'Institut Philippe Pinel de Montréal.

Institut Philippe Pinel de Montréal

M. GENDREAU: M. le Président, je suis Gilles Gendreau et je représente le conseil d'administration et surtout le président, Me Alain Lortie, qui est en dehors de la province et qui m'a demandé à la dernière minute de bien vouloir représenter le conseil d'administration. L'Institut Philippe Pinel est un hôpital spécialisé en psychiatrie et surspécialisé dans le traitement total, et la garde, nous insistons, le traitement et la garde de personnes ayant des comportements violents, dangereux ou criminels.

Ces patients proviennent de plusieurs sources. Qu'il suffise de dire que les patients peuvent venir du lieutenant-gouverneur, du ministère des Affaires sociales, du solliciteur général du Canada, d'autres institutions psychiatriques et même venir pour fins d'observation au centre d'observation pour des expertises pour le compte des tribunaux de juridiction criminelle.

Pour toutes ces raisons, l'Institut Philippe Pinel de Montréal apparaît comme étant le seul établissement du genre à répondre à des besoins bien précis pour toute la population du Québec.

C'est pour cette raison que vous voudrions mentionner un certain nombre de recommandations qui sont effectivement davantage reliées aux politiques et aux objectifs précis de l'Institut Philippe Pinel.

En soumettant l'Institut Philippe Pinel à un office régional des Affaires sociales, nous craignons que la fonction spéciale et unique de l'institut ne soit compromise. Nous croyons, en effet, qu'il serait normal que cette office régional ne soit préoccupé que des problèmes limités à ceux de son territoire et que, dès lors, l'institut soit limité pour autant dans ses opérations.

Si, par exemple, un office forçait l'institut à admettre un grand nombre de personnes qui ont besoin de traitements psychiatriques, mais qui ne sont ni violents, ni dangereux, à quoi alors pourrait servir cet établissement qui a été conçu comme étant un centre de traitement total à sécurité maximum? De la même façon il faudrait se demander qui aura autorité pour autoriser les nouveaux services indispensables aux fins poursuivies par l'Institut Philippe Pinel. Ceci nous apparaît donc important en regard des fins spécifiques que poursuit l'Institut Philippe Pinel.

Nous voudrions attirer l'attention des membres de la commission parlementaire au sujet du conseil médical et professionnel. Il s'agit des articles 76, 79 et 80 où la loi prévoit la formation de deux conseils consultatifs au sein d'un hôpital: le conseil des professionnels en général et le conseil des médecins et des dentistes de façon plus précise. Pour ce qui est du domaine des hôpitaux généraux, nous croyons qu'il s'agit là d'un pas en avant extrêmement intéressant, où il y a vraiment la consécration en quelque sorte des professions paramédicales. Or, à l'Institut Philippe Pinel, cette reconnaissance des professions paramédicales est déjà un fait accompli depuis au moins deux ans. Ceci s'explique en effet par le fait que le traitement repose sur une équipe multidisciplinaire et surtout sur un effort concerté d'un travail interprofessionnel. C'est pourquoi on retrouve à l'Institut Philippe Pinel un bureau médical et professionnel qui regroupe en un seul corps, non seulement les médecins, mais tous les professionnels qui participent aux équipes thérapeutiques.

Par conséquent, appliquer intégralement les dispositions des articles que nous avons mentionnés tout à l'heure équivaudrait, quant à nous, à faire un pas en arrière puisque ceci nous forcerait à revenir à faire la distinction entre médecins d'une part et autres professionnels d'autre part. Nous insistons pour dire que le traitement étant quelque chose de complet, il doit y avoir cette interdisciplinarité. Par conséquent, nous soumettons que l'on devrait prévoir à ces articles la possibilité qu'il n'y ait qu'un seul organisme qui grouperait à la fois tous les médecins et tous les professionnels. Nous vous référons à cet effet à notre recommandation 2.

Le directeur des services professionnels. A l'Institut Philippe Pinel, le surintendant cumule à la fois les fonctions de directeur général et de directeur médical. Dans un établissement tel que l'Institut Philippe Pinel où les trois éléments importants sont les aspects médicaux, les questions administratives et les questions de sécurité — il ne faut pas oublier le genre de clientèle qui est envoyée à l'Institut Philippe Pinel — il serait important de comprendre que l'expérience dans des institutions de ce genre peut amener à faire que l'on sépare les champs de responsabilité de l'aspect médical, de l'aspect administratif et de l'aspect sécuritaire et qu'il y a probablement risque de mettre par exemple la question sécuritaire, même si elle est très importante, prioritaire par rapport à l'aspect médical.

Ainsi, nous risquerions de détruire un des objectifs fondamentaux que représente Pinel, qui est de traiter en même temps que de garder dans un certain milieu sécuritaire. Aussi, nous soumettons, sur cette question, que les articles 77 et 78 devraient prévoir qu'un conseil d'administration puisse confier à une personne le cumul des fonctions dites administratives et des fonctions dites médicales qui incluraient à ce moment-là les fonctions de gardes de sécurité.

La composition et le pouvoir des conseils d'administration. Le projet de loi no 65 prévoit, à l'article 50, des dispositions concernant la composition des conseils d'administration des centres hospitaliers. A l'heure actuelle, le conseil d'administration de l'Institut Philippe Pinel de Montréal est composé de quatorze membres représentant le gouvernement, les milieux universitaire et hospitalier, le milieu des agences sociales et communautaires, le milieu des affai-

res et des professionnels et, en même temps, le personnel professionnel de l'Institut Philippe Pinel de Montréal.

Nous demandons si seule l'appartenance territoriale stipulée à l'article 50, paragraphe a), peut faire obstacle à la représentation des groupes déjà mentionnés. Quant à nous, le milieu tel que déjà représenté au conseil d'administration doit avoir préséance sur le territoire, étant donné les caractéristiques déjà décrites de l'Institut Philippe Pinel. Nous référons à ce sujet à notre recommandation 4.

Quant aux pouvoirs dont un centre hospitalier disposera pour s'acquitter de ses fonctions, le projet de loi 65 les réduit malheureusement considérablement, et encore, ils ne pourront être exercés que dans les cadres fixés tantôt par le lieutenant-gouverneur en conseil, tantôt par l'ORAS.

C'est vrai que c'est avec des fonds publics qu'on a défrayé le coût de la construction de l'Institut Philippe Pinel et ce sont des fonds publics qui en assurent son fonctionnement. L'Institut Philippe Pinel ne peut donc pas reprocher au gouvernement de vouloir décider la façon dont il sera administré. Cependant, le gouvernement a décidé que le pouvoir d'administrer serait à l'avenir partagé officiellement entre trois paliers: le lieutenant-gouverneur en conseil, l'ORAS et le conseil d'administration des institutions. Ce partage des pouvoirs entre trois paliers d'administration est déjà, sur papier, source de confusion. Dans la pratique, messieurs, nous craignons que l'esprit d'initiative de l'institution ne soit la victime de l'ordre nouveau, désormais fondé sur la délégation des pouvoirs. Cette délégation devant fatalement passer par le crible de la bureaucratie.

Il y a là un problème que nous vous soumettons, tout en étant bien conscients que nous affirmons le principe que les fonds publics doivent être nettement contrôlés. Mais nous ne voulons pas risquer l'initiative et l'autonomie nécessaires aux objectifs.

Je pense que c'est là une des principales remarques que le conseil d'administration tenait à faire. Pour résumer cette intervention, messieurs, nous demandons, quelle que soit la politique que le gouvernement entend suivre en matière de réorganisation du milieu hospitalier, que la vocation spéciale de l'Institut Philippe Pinel de Montréal soit préservée et que l'on ne sacrifie pas cette institution de caractère provincial aux impératifs légitimes d'une réorganisation administrative.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire quelques commentaires et j'aurai fort probablement une question à poser. Je ne prendrai pas les commentaires dans l'ordre. Je vais être bref. Lorsque vous nous parlez de la nécessité dans la loi d'établir un conseil des médecins et un conseil des professionnels séparés, vous retrouvez dans plusieurs lois ce genre l'obligation de former un comité ou une struc- ture pour une fin bien spécifique. Dans le cas présent, le conseil des médecins et dentistes est formé pour contrôler spécifiquement les actes posés.

Mais la formation de tels comités, ordonnés par la loi, n'empêche aucunement la formation de tout autre comité et si, chez vous, vous avez un grand comité qui groupe tout le monde, qui joue un rôle professionnel, qui fonctionne très bien, l'un n'empêche pas l'autre. Mais nous voulons assurer qu'à tout le moins, il y aura un comité qui comprend tous les médecins, tous les dentistes, qui va assurer un contrôle des actes professionnels.

Alors, je crois qu'on ne vous empêche pas de faire davantage que la loi le demande. Au contraire, on établit un minimum.

La deuxième des remarques est un peu de la même nature. La loi dit qu'il faut nommer un directeur général et il faut nommer un directeur des services professionnels. Je ne suis pas légiste, je vais vérifier ce point avec les légistes du gouvernement, mais je ne crois pas que la loi dise que ce doivent être nécessairement deux individus. On peut imaginer que, dans certains hôpitaux de taille assez réduite, il peut exister une personne qui doit cumuler les deux fonctions pour des raisons autres que celles que vous avez mentionnées et c'est au conseil d'administration de déterminer s'il confie à la même personne les responsabilités qui doivent être nommément, par contre, confiées à un individu comme directeur général et à un individu comme directeur des services professionnels, étant donné que le projet de loi exige que ces deux postes soient créés, mais je ne crois pas que le projet de loi exige que ce soient deux individus.

Quant à la question d'appartenance à une région, étant donné le rôle plus large que joue l'Institut Philippe Pinel, à plusieurs reprises, j'ai mentionné que nous étions conscients de cette dimension particulière que prenaient certaines institutions et, de la même manière, dans les mécanismes qui pourront être prévus pour la nomination des membres au niveau des conseils de ces institutions. Toutefois, ce fait, tout comme le caractère particulier de l'institut, parce que d'autres institutions ont des caractères bien particuliers aussi, nous entendons maintenir, évidemment, des institutions à caractère particulier, me porte à croire â ce stade-ci, à tout le moins, que ce n'est pas une raison suffisante de les soustraire des mécanismes prévus au plan des efforts qui peuvent être faits soit aux fins de régionalisation, de coordination des institutions entre elles.

Justement, sur ce point, vous avez parlé des coûts. Je pense qu'il est important aussi pour qu'on soit tous conscients de certaines des répartitions de coûts qui ont été faits dans le passé, compte tenu des grands besoins qui existent, de bien être conscients que les mécanismes qui ont fonctionné dans le passé, on peut se demander parfois si vraiment ils ont

donné lieu à une répartition adéquate des coûts. Je pense qu'il serait intéressant que vous disiez, pour les membres de la commission, approximativement, combien a coûté l'Institut Philippe Pinel, le nombre de lits et ce qu'il en coûte pour son fonctionnement par année, de telle sorte qu'on puisse voir comment on répartit les coûts dans un système où, évidemment, on a fait appel à la bonne volonté de tout le monde, on a fait appel à leurs qualités administratives, etc., mais où chacun a procédé indépendamment les uns des autres.

M. GENDREAU: Je pense qu'en tant que vice-président du conseil d'administration, vous me posez une question qu'en tant que citoyens et professionnels nous nous sommes posée à plusieurs occasions, devant un certain malaise pour assumer une responsabilité qui a coûté à la province, pour la construction, au-delà de $16 millions si je ne m'abuse, si ce n'est plus, et qui coûte certainement pour chaque individu qui est placé là un certain nombre de mille dollars extrêmement élevé. Je pense que nous étions en face, à l'Institut Philippe Pinel, d'un problème de commencement. Il y a là un problème majeur en ce qui concerne même la science de traitement de ce genre de patients, dont personne actuellement, même au Canada, ne s'occupe vraiment; nous sommes actuellement l'institut qui le fait. Il est évident, actuellement, qu'il faudra arriver à diminuer les coûts. Le conseil d'administration est vraiment inquiet de la façon dont on va être capable de diminuer les coûts parce que nous ne croyons pas que la province puisse soutenir très longtemps et à profusion les institutions de ce genre.

Devant la surspécialisation exigée, nous ne savons pas vous répondre et je pense que s'il y avait, ici, les administrateurs de l'intérieur, je ne sais pas s'ils diraient autre chose que je peux vous dire, mais je peux vous dire que nous faisons vraiment des efforts pour diminuer ces coûts-là.

Il est vrai que ça coûte cher, mais ce que nous ne voudrions pas, c'est que, pour diminuer les coûts, on cesse de faire servir Pinel aux objectifs qu'il voulait. C'est tout simplement ça, parce que nous croyons qu'il faut diminuer les coûts.

M. CASTONGUAY: Alors, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, ce qui m'importe, c'est qu'on essaie d'éviter, dans toute la mesure du possible, les exceptions pour l'avenir, de telle sorte qu'il y ait une meilleure allocation de ressources; au départ, lorsqu'on fait les immobilisations et par voie de conséquence, les coûts de fonctionnement qui en résultent. C'était le but de ma question et le but de mon observation.

M. GENDREAU: M. le Président, puis-je dire que nous sommes — enfin, personnellement et je pense que je peux parler au nom du conseil d'administration — tout à fait d'accord sur les remarques de M. le ministre,

M. LAURIN: Maintenant, M. Gendreau, je pense que la vocation propre de Pinel que je connais très bien, comme vous le savez, est quand même en grande partie régionale, puisque, même si, à prime abord, elle a plutôt une allure scientifique, en ce sens qu'on s'occupe d'un certain nombre de malades dont personne ne s'occupe ou ne veut s'occuper, la plus grande partie de ses malades sont concentrés dans la grande métropole. A toute fins pratiques, il y a un recoupement qui, pour la plus grande partie des malades, fait de l'institut Pinel une institution montréalaise en grande partie.

Bien sûr, aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'institution similaire dans d'autres capitales régionales, comme Québec ou Sherbrooke, il faudra bien envoyer ces malades spéciaux à Montréal. Mais, justement, il faudra bien attendre, étant donné les coûts dont parlait le ministre tout à l'heure, qu'il y en ait assez dans les autres régions pour qu'on puisse les multiplier.

Je dois vous avouer que je ne partage pas trop vos appréhensions en ce qui concerne une carence possible de l'ORAS à reconnaître une vocation propre à Pinel. Si cette vocation a pu finalement être acceptée par le ministère de la Santé, même si cela a pris du temps et si on a dû se heurter à beaucoup d'obstacles, je ne vois pas de raisons pour lesquelles un ORAS qui, lui, est beaucoup plus près des problèmes de la région, aurait de la difficulté à reconnaître cette vocation. Et, en conséquence, il a accordé à cette institution, qui a une vocation spécifique, les moyens, les règlements, les fonds dont elle a besoin. L'ORAS serait peut-être plus en mesure quand même d'assurer cette coordination dont Pinel a quand même besoin avec les autres institutions, ou médicales, ou psychiatriques, ou sociales, de la région.

En tout cas, j'espère que ma conception optimiste prévaudra contre la vôtre qui m'apparaît plus pessimiste.

M. GENDREAU: M. le Président, je voudrais simplement répondre que, tout à l'heure, le Dr Déom disait que le malade mental était, par définition, le plus oublié. Je pense que le malade mental qui a commis un délit et qui est un criminel, à plus forte raison, avec toute la philosophie qu'il y a derrière cela, on a tendance à l'oublier encore plus que les autres parce que, en arrière de ça, il y a tous les préjugés contre celui qui a commis un délit. Je pense que c'est dans cette perspective que nous voudrions que la philosophie... Parce qu'il ne faut pas oublier que c'est extrêmement important, à travers la philosophie même de l'action sociale; on a une chose qui est extraordinaire au Québec, c'est qu'on a réussi à s'occuper de ces criminels et à les soigner. Cela, il ne faudrait pas qu'on le regrette, même si ça coûte énormé-

ment cher et s'il y a d'autres besoins. C'est dans ce sens que nous pensons qu'une allure peut-être un peu trop régionale pourrait risquer, devant l'ensemble et l'ampleur des problèmes, de faire oublier cette question qui nous apparaît l'un des objectifs à poursuivre.

M. LAURIN: Quant aux coûts très élevés que comporte une telle institution, je rejoins votre pessimisme parce que, justement, il s'agit d'une catégorie de malades qui sont très mal connus encore, au point de vue scientifique. Il faudra beaucoup de recherches avant de pouvoir en arriver à une connaissance plus approfondie. Mais nous en savons quand même assez, cependant, pour réaliser que, pour s'occuper de ces patients-là, il faut des équipes de professionnels plus nombreuses, encore mieux formées et non seulement des professionnels, mais des équipes d'auxiliaires aussi, dans le sens de la réadaptation et, en ce sens-là, je pense qu'une expérience pilote comme celle-là, toute onéreuse qu'elle soit, s'impose.

Là, je pense que c'est une réponse qu'on peut donner au ministre. Non seulement des institutions comme celle-là sont exceptionnelles, mais ce sont des institutions pilotes aussi. Je pense que, pour une institution pilote, un Etat est plus capable de faire des sacrifices que pour une institution uniquement exceptionnelle.

M. CASTONGUAY: Je suis d'accord, docteur, qu'on doive innover, faire de la recherche, mais on doit aussi partager les ressources et c'était dans ce genre d'esprit que je faisais mon observation.

Je ne remets pas en cause le principe de l'Institut Philippe Pinel, mais je me pose des questions quant au coût de construction et quant au coût de fonctionnement, face à certains autres besoins, et on me dit que le conseil d'administration fait de même. Et je me dis, si les décisions avaient été prises dans un ensemble un peu plus grand où on aurait pu comparer avec d'autres choix, par exemple je pense à certains besoins dans le domaine de l'enfance — je pourrais en énumérer un certain nombre — peut-être qu'on aurait donné une taille un peu plus réduite à l'institut, peut-être qu'où aurait été un peu moins généreux dans tout l'aspect matériel de l'institut. Il en aurait résulté des frais d'opération moins grands pour l'avenir et on aurait pu faire un travail tout aussi valable. C'est dans ce sens-là.

M. LE PRESIDENT: M. Bois.

M. BOIS: M. le Président, en assumant que l'année dernière, par exemple, il y a même eu une demande faite de la part des membres de la commission de ne pas inclure les soins psychiatriques dans le projet de loi 8, est-ce que, comme représentant devant cette commission, vous jugez que la difficulté cette année, devant le projet de loi no 65, provient autant du professionnel que de l'institution elle-même, du professionnel qui pratique la psychiatrie?

M. GENDREAU: Je ne comprends pas le sens de votre question.

M. BOIS: C'est que, l'année dernière, on avait demandé, par exemple, d'exclure les soins psychiatriques dans le bill 8 qui concerne l'assurance-maladie. Est-ce que, cette année, les difficultés que vous voyez pourraient naître surtout sur le plan médical plutôt que sur le plan de l'institution Pinel?

M. GENDREAU: Je pense que, dans la remarque que nous faisons, nous parlons de l'aspect du patient et donc du médecin, des professionnels qui vont travailler auprès des patients. Vous voulez parler de la cinquième recommandation si je comprends bien?

M. BOIS: Oui, oui, justement.

M. GENDREAU: Je pense que là, il est important — parce que l'on veut envisager que ce soit un tout— qu'on ne laisse pas de côté l'aspect des professionnels et des malades au détriment des aspects administratifs. Je veux dire l'aspect administratif au détriment plutôt des aspects du malade et des professionnels. C'est pour cela que nous pensons qu'il doit y avoir un tout dans cette loi.

M. BOIS: M. le Président, je tiens à féliciter le représentant. A la page 6 de votre mémoire, juste à la fin de l'article 4, vous dites quelque chose que je trouve extrêmement à point et pour lequel je tiens à vous féliciter.

M. LE PRESIDENT: M. Gendreau, je vous remercie. J'invite maintenant le porte-parole de l'Université de Montréal, et hôpitaux affiliés.

Université de Montréal et hôpitaux affiliés

M. LAROSE (Roger): M. le Président, messieurs les ministres, messieurs. Je suis Roger Larose, vice-recteur à l'administration de l'Université de Montréal, et je représente l'Université de Montréal, ses facultés de la santé, médecine, pharmacie, chirurgie dentaire, nursing; ses cinq hôpitaux affiliés: Notre-Dame, Hôtel-Dieu de Montréal, Saint-Luc, Sainte-Justine, Maisonneuve-Rosemont, et ses trois instituts de recherche: l'Institut de cardiologie, l'Institut du cancer et l'Institut de recherches cliniques. Je suis accompagné d'un vice-doyen de la faculté de médecine, le Dr Jean Mathieu, qui est à ma droite, immédiatement à ma droite, du Dr Pierre Nadeau, qui est à sa droite, qui est le président du Conseil des médecins de l'Hôtel-Dieu de Montréal, et de Me Jacques Girard, à ma gauche, qui est le secrétaire général de l'Université de Montréal.

Comme vous l'avez vu dans le mémoire, notre préoccupation est le maintien de la relation efficace qui existe déjà, depuis plusieurs années, entre la faculté de médecine et les hôpitaux affiliés et, plus généralement, entre l'Université de Montréal, les hôpitaux affiliés et les instituts de recherche affiliés. Nous acceptons, comme vous vous en êtes rendu compte, de vivre à l'intérieur du projet de loi no 65, mais nous pensons que les amendements que nous suggérons permettront de mieux maintenir cette relation efficace entre l'université, les hôpitaux et les instituts de recherche. Le mémoire a d'ailleurs été préparé en collaboration avec les hôpitaux et les instituts de recherche. C'est Me Jacques Girard, le secrétaire général de l'université, qui en a fait la rédaction avec le doyen Bois et le vice-recteur à la gestion académique, André Archambault. Avec votre permission, j'inviterai Me Jacques Girard à vous le présenter.

M. GIRARD: M. le Président, tout comme M. Larose vient de le dire, le mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui a été voulu par le comité interhospitalo-universitaire, comité qui regroupe les représentants de l'Université de Montréal et les représentants de chacun des hôpitaux et des instituts affiliés à l'Université de Montréal. Suite à la publication du projet de loi no 65, le comité a jugé important de soumettre un mémoire, mais il a voulu, par ailleurs, que ce mémoire ne traite que des implications du projet de loi au niveau de l'enseignement et de la recherche.

Je me contenterai de résumer les principes qui sous-tendent tout le mémoire et qui apparaissent dans les cinq premières pages, puisque les amendements que nous suggérons en regard des différents articles sont le résultat direct de ces principes que nous retrouvons dans les premières pages. Nous posons tout d'abord le principe suivant, qui est le rôle de l'université dans le domaine de la santé et des affaires sociales. L'université, dans ce domaine comme dans tous les autres, est responsable de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle assure cet enseignement supérieur et cette recherche par sa faculté de médecine, mais également ses autres facultés de la santé et certains de ses départements dans le domaine des affaires sociales.

Quels sont les moyens dont doit disposer l'université pour remplir efficacement ce rôle? Il apparaît de plus en plus nettement qu'il lui faut, pour l'accomplir, au niveau des sciences cliniques, un milieu qui soit favorable, qui soit complet et qui soit total et ce milieu, ce sont, bien sûr, les hôpitaux et les instituts eux-mêmes. Devant cette nécessité, l'université n'a pas hésité à s'affilier, au cours des récentes années, des hôpitaux et également des instituts et elle a l'intention, dans les prochains mois, de s'affilier d'autres hôpitaux et d'autres instituts et cela, pour assurer, précisément, un enseignement efficace des sciences cliniques. Ces hôpitaux et ces instituts ont, suite à l'affiliation, un double mandat. Tout d'abord, celui, comme tous les autres, de dispenser des soins, mais également, celui de dispenser l'enseignement et de faire progresser la recherche.

L'université et les hôpitaux estiment que, pour accomplir efficacement ce rôle, il faut que l'université soit présente dans les structures mêmes des hôpitaux et des instituts affiliés. Cela est au. niveau principalement des conseils d'administration mais également au niveau des autres organismes, des hôpitaux et des instituts.

Il apparaît également à l'université et à ses institutions affiliées de faire une distinction très nette des budgets, entre les budgets affectés aux soins et les budgets affectés à l'enseignement et à la recherche.

Nous estimons que dans ce domaine, l'université, en collaboration étroite avec ses institutions affiliées, a un rôle très particulier et très important à jouer, si elle veut pouvoir efficacement planifier le développement de l'enseignement et de la recherche.

Par ailleurs, lorsque nous demandons que ces budgets soient clairement identifiés et que la responsabilité de l'université soit nettement précisée, nous ne voulons pas pour autant nous exclure du système prévu par le projet de loi no 65. Nous pensons que la réconciliation, au niveau de la planification et du développement des budgets des soins et du budget de l'enseignement et de la recherche, peut se faire, précisément au niveau de l'office régional des affaires sociales, à condition bien entendu, comme nous le suggérons dans le mémoire, que la représentation de l'université y soit une représentation véritable et que parmi les fonctions de l'office régional on retrouve cette préoccupation à l'égard de l'enseignement et de la recherche.

En terminant, M. le Président, somme toute, le but du mémoire est de souligner que les institutions affiliées à une université et où, en plus des soins, il se dispense de l'enseignement et de la recherche, ont des caractères très particuliers qui doivent être précisés dans le projet de loi.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les représentants de l'université pour ce mémoire — je note avec beaucoup d'intérêt le fait qu'un comité interhospitalo-universitaire fonctionne — parce que je ne suis pas sans savoir que l'Université de Montréal, au cours des dernières années, et dans le passé, a eu de grandes difficultés avec ses instituts et ses hôpitaux d'enseignement. Encore au moment où je suis passé, comme président de la commission d'enquête à l'Institut de cardiologie, qui fait sous bien des aspects l'orgueil des Québécois, il n'existait aucune relation avec l'université aux fins de l'enseignement de la médecine dans cet institut.

UNE VOIX: C'est exact.

M. CASTONGUAY: Il en était de même — si

ma mémoire est bonne — en ce qui a trait à l'Institut de microbiologie, qui fabrique des produits qui semblent être de qualité suffisamment bonne pour être exportés aux Etats-Unis dans bien des endroits.

Si je mets cet élément en relief, ce n'est pas pour faire revivre des souvenirs pénibles ou des choses désagréables, mais c'est pour mettre l'accent, pour les membres de la commission et pour ceux qui prennent connaissance de ces discussions, sur les difficultés qui existent dans le secteur de la santé, dans le domaine de l'enseignement et même à ces niveaux. Je puis dire que, de façon générale, les représentations que vous nous faites nous apparaissent bien sensées. J'espère bien que dans les dispositions finales du projet de loi, nous aurons pu faire un pas en avant qui vous permettra d'avoir des relations encore plus efficaces, plus étroites avec vos hôpitaux ou vos institutions, soit au niveau de la nomination des responsables, soit au niveau des relations à tous les plans.

Quant à la question également soulevée de la distinction entre les budgets pour les soins, l'enseignement et la recherche, nous partageons aussi cet objectif et nous travaillons en ce sens. Il n'est pas toujours facile, présentement, de faire cette distinction. Vous savez que nous avons pris l'habitude, par la voie de certains programmes qui sont officiellement des programmes de financement de soins, de financer d'autres activités et nous nous intéressons grandement à cette question parce que je crois que nous aurions tout à gagner si nous savions clairement ce qui va vraiment aux soins, ce qui va à l'enseignement et ce qui va à la recherche.

En ce qui a trait à la recherche, justement, à chaque fois que la chose nous est possible, nous posons déjà des gestes pour nous assurer que cette clarification va se faire.

Je voudrais vous remercier pour ce mémoire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. Larose, les problèmes que vous nous avez très bien exposés dans votre mémoire me sont évidemment bien connus puisque j'en ai fait mon pain quotidien pendant de nombreuses années. Il reste que, quand j'ai lu le projet de loi 65 pour la première fois, j'ai vu que c'était, non pas une des faiblesses du projet de loi, mais un des secteurs où les précisions s'imposaient davantage. Car nonobstant les considérations du ministre voulant que l'équilibre entre l'université et ses institutions affiliées avait été difficile à établir, s'était heurté à beaucoup d'obstacles prolongés, je pense quand même que vous en étiez arrivé à établir un équilibre harmonieux entre les objectifs respectifs de l'université et des institutions affiliées.

Et c'est précisément au moment où vous en étiez arrivé à établir cet équilibre que vous êtes obligé de le remettre en question par l'adjonction d'un troisième organisme avec lequel il va falloir également établir des relations qui vont vous permettre de réaliser vos objectifs. A première vue, on peut penser que ce sera peut-être un peu plus difficile qu'avec les hôpitaux puisqu'à la longue l'université pouvait faire valoir aux hôpitaux qu'elle leur rendait énormément de services au point de vue de la qualité des soins, au niveau du personnel très spécialisé dont elle pouvait lui assurer la présence, alors que le but premier de l'ORAS sera précisément une coordination, une planification des soins. Ce sera centré sur les soins et on voit à première vue dans le projet de loi que l'enseignement et la recherche sont plutôt des services qui vont entraîner des contrats de location, si l'on peut s'exprimer ainsi, et lui donneront une position un peu ancillaire, un peu subsidiaire par rapport à cet objectif très important et essentiel et qui s'impose d'ailleurs, de la planification régionale des soins.

A ce moment-là, je souhaitais et je souhaite encore que les fonctions de l'ORAS en ce qui concerne l'enseignement et la recherche soient davantages précisées, que les conditions de location de services soient plus précisées et que surtout le rôle majeur de l'université dans la continuation d'une bonne qualité d'enseignement qui est la seule, à long terme, à pouvoir garantir la qualité des services puisse être assurée. Encore une fois, je reconnais bien que dans un projet de loi on ne puisse pas faire des exposés philosophiques, des préambules qui souvent posent un tas de problèmes au point de vue de l'interprétation. Il reste quand même que je pense que le ministre nous a donné l'assurance que le projet de loi sera amendé en ce sens que les objectifs seront plus clairement précisés, que les orientations se dessineront davantage. J'espère qu'on en arrivera à un texte qui montrera davantage le rôle extrêmement important que continue à jouer l'université en coordination avec l'ORAS pour assurer à sa façon la qualité des soins, ce qui n'apparaît pas toujours à première vue. Je pense que, pour ma part, j'ai bien compris vos préoccupations ainsi que vos recommandations et j'essaierai d'en tenir compte.

M. LAROSE: Merci beaucoup.

M. BOIS: J'ai une question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: A la page 9 de votre mémoire, à l'article 7, vous dites: "Il faut distinguer très nettement entre les budgets de soins et les budgets d'enseignement et de recherche." Dans les budgets de la recherche universitaire à l'heure actuelle, quel est le pourcentage qui est composé de subventions du gouvernement et quelle est la partie qui pourrait être celle de l'Université de Montréal?

M. LAROSE: Il n'y a vraiment pas d'argent qui vient de l'Université de Montréal. L'Université de Montréal vit en somme de fonds publics — des frais de scolarité — qui nous viennent pour le fonctionnement dans la proportion d'environ 80 p.c. du gouvernement provincial. A la recherche, les sources de financement sont plus nombreuses. Il y a par exemple les organismes fédéraux de subventions à la recherche; il y a aussi ce que je pourrais appeler les subventions de département à l'intérieur à la fois du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial; il y a aussi des sources comme des fondations qui font de la distribution de subventions à la recherche, à la recherche médicale particulièrement. Si j'ai bien compris votre question, l'université n'a pas d'argent.

Nous avons un fonds de dotation d'un peu plus de $2 millions. Je pense qu'à ce point de vue nous sommes une des universités les plus pauvres. Nous n'avons vraiment pas de fonds à disposer à la recherche. Il nous est possible parfois de voler un peu d'argent au budget de fonctionnement pour des projets de recherche très valables, qui ne sont pas subventionnés directement par des organismes de l'extérieur, mais ça reste quand même assez faible.

M. BOIS: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je vous remercie.

M. LAROSE,: M. le Président, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 8 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. FORTIER (président de la commission permanente des Affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

Je dois demander aux représentants de Jewish General Hospital et de l'Institut de psychiatrie communautaire et familiale si leur représentant est ici.

Alors, les porte-parole n'étant pas ici, nous allons demander la Fédération des infirmiers et infirmières unis inc.

Fédération des infirmiers et infirmières unis

MME BLAKER: M. le Président, je suis Mme Gloria Blaker, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers unis et de la Fédération des infirmières et infirmiers unis.

Je suis accompagnée, à ma droite, de Mlle Joan Martin, vice-présidente, et à sa droite, Mlle Hélène Wavroch, trésorière; à ma gauche, Mme Madeleine Morgan, conseillère technique et, à sa gauche, Mlle Irene Mitcheson, secrétaire.

Depuis notre demande au secrétaire de la commission de nous inscrire sur la liste d'appel de la présente commission, notre mouvement est devenu la Fédération des infirmières et infirmiers unis. Nous regrettons le fait que les commissaires n'aient pas eu le temps de parcourir notre mémoire. En effet, des difficultés techniques nous ont empêchés de vous le faire parvenir plus tôt.

Si, par ailleurs, nous avons insisté pour nous présenter devant vous, c'est que nous désirons recevoir des réponses à nos questions inscrites dans notre mémoire. Ainsi, nous relevons, à la page 18 du chapitre 3: "Concernant l'article 75 du projet de loi 65" des questions. Cet article du projet de loi soulève, de notre part, en tant que fédération syndicale, beaucoup de points d'interrogation. Cet article s'applique-t-il aux infirmières ne faisant pas partie des cadres qui ne sont pas syndiqués travaillant dans toute institution publique au sens de la loi?

Le règlement dont il est question serait-il élaboré par l'institution même, l'ORAS ou le ministre lui-même? A cet égard, la clarté ne nous apparaît pas éblouissante.

Les normes dont il est fait mention, sont-ce des normes qui ont trait aux exigences de la qualité des soins ou aux conditions de travail?

En tenant compte de l'incidence du budget global à chaque institution, peut-on en conclure qu'il sera loisible à ces institutions d'établir des barêmes de salaire autre que ceux déterminés provincialement par la négociation collective?

Les infirmières ci-haut mentionnées seront-elles soumises aussi à l'article 61 de la Loi de la fonction publique en ce qui concerne leur congédiement? Nous vous référons également à la page 42, chapitre 3, concernant l'article 145 du projet de loi. Ainsi, en effet, le bill 46, qui déterminait les groupements visés par la négociation provinciale d'une convention collective,

s'est avéré fort confus au niveau de l'interprétation de cette loi. Aussi, pour élucider tout doute, tenant compte du fait que la Fédération des infirmières et infirmiers unis négocie provincialement pour les infirmières du secteur des affaires sociales, nous demandons que la Fédération des infirmières et infirmiers unis soit inscrite à l'article 145 comme groupement négociant provincialement pour les infirmières en vertu du bill 46.

Nous aurions espéré que cet article 145 apporte plus de précisions en ce qui concerne la négociation de convention collective.

En ce qui concerne l'ensemble de notre mémoire, ne voulant pas accaparer le temps de la commission à notre présentation, nous vous référons au chapitre 4, soit celui de nos recommandations et nous attendons vos réponses à nos questions ci-haut mentionnées ainsi que les questions que vous voudrez bien nous adresser. J'aimerais aussi lire nos recommandations.

Recommandation 1: Que l'Etat assure dès maintenant les soins dentaires à l'adolescent et à la femme enceinte;

Recommandation 2: Que l'Etat reconnaisse à tout citoyen du Québec quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, son âge, sa langue, sa religion et ses opinions politiques le droit aux services de santé et aux services sociaux.

Recommandation 3: Que l'Etat reconnaisse à tout citoyen du Québec, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, son âge, sa langue, sa religion et ses opinions politiques, le droit de participer à la gestion des institutions des services de santé et des services sociaux, ainsi qu'à la détermination des besoins de la communauté;

Recommandation no 4: Que l'Etat entame un dialogue avec les institutions où se retrouve un haut pourcentage de citoyens juifs afin que soit respecté leur droit de satisfaire aux exigences de leur religion; sans préjudice pour les autres citoyens de langue ou de religion différentes;

Recommandation 5: Que soient éliminés de l'article 15, les mots suivants: "ou de tout autre groupe de personnes déterminé par les règlements";

Recommandation 6: Que le choix des régions où sera implanté un ORAS se situe sur le modèle correspondant aux activités administratives économiques du Québec en vue d'une coordination interministérielle plus efficace;

Recommandation 7: Que soient remplacés les mots: "la nécessité de la consultation de cette catégorie d'institutions est supprimée" par "cette représentation sera comblée par deux autres représentants des groupes socio-économiques";

Recommandation 8: Qu'un mécanisme démocratique soit adopté pour l'élection des membres du conseil d'administration d'un ORAS;

Recommandation 9: Que soit définie claire- ment la notion "groupes socio-économiques" (article 9);

Recommandation 10: Que le directeur général d'un office soit nommé pour une période n'excédant pas 5 ans;

Recommandation 11: Qu'au 2e alinéa de l'article 49a), cinq personnes élues pour quatre ans par la population du territoire desservi par le centre suivant les règles et la procédure établies à cette fins par règlement de l'office de la région dans laquelle le centre est situé, soit remplacé par "six personnes élues";

Recommandation 12: Que le directeur général du centre (article 49), fasse partie "ex-officio" du conseil d'administration sans droit de vote;

Recommandation 13: Que l'article 50a) soit remplacé par: a) sept personnes résidant dans le territoire desservi par le centre, élues pour quatre ans par l'ensemble des citoyens du territoire à l'assemblée annuelle;

Recommandation 14: Qu'à l'article 36 b) du projet: "établir la procédure qui doit être suivie au cours des séances publiques d'information" soit ajouté "et d'élections";

Recommandation 15: Que soient éliminés de l'article no 53, les mots suivants: "les professionnels exerçant leur profession à l'institution de même que";

Recommandation 16: Que tel que proposé à l'article 76, le conseil consultatif des professionnels soit composé de tous les professionnels exerçant leur profession dans le centre;

Recommandation 17: Que le conseil des professionnels élise un directeur des services professionnels agréé par le conseil d'administration du centre hospitalier ou du centre de service social;

Recommandation 18: Qu'advenant le refus d'agrément par le conseil d'administration de la proposition du conseil des professionnels, ce dernier serait tenu d'apporter autant de nouvelles propositions qu'il serait nécessaire pour arriver à un accord;

Recommandation 19: Que soit déterminé à l'article 89 le véritable mécanisme qui sera utilisé pour l'approbation des règlements relatifs à l'administration des institutions publiques;

Recommandation 20: Que le ministère des Affaires sociales en collaboration avec le ministère du Travail et le ministère de l'Education prévoie l'accessibilité du plus grand nombre d'infirmières à l'étude postscolaire en nursing communautaire;

Recommandation 21 : Qu'au moment de la fusion, de la fermeture ou de la conversion d'une institution où les infirmières sont membres de notre mouvement, la Fédération des infirmières unies soit appelée officiellement à collaborer afin que la fusion, la fermeture ou la conversion s'opère dans un climat le plus serein possible en tenant compte des conventions collectives en vigueur;

Recommandation 22: Que le code des pro-

fessions, la Loi médicale, la Loi des infirmières soient déposées à la commission parlementaire où nous sollicitons dès maintenant le droit de nous faire entendre;

On sait que le code des professions et la Loi médicale ont été déposés en première lecture, mais nous attendons la Loi des infirmières.

Recommandation 23 : Que la Fédération des infirmières unies soit inscrite nommément dans l'article 145 comme groupement négociant provincialement pour les infirmières en vertu du bill 46;

Nous avons aussi reproduit des chiffres qui vous donnent l'inventaire des infirmières et infirmiers quant au syndicalisme. Nous avons dû le faire parce que, lors de la présentation de l'AIPQ, les chiffres suivants ont été donnés: 15,000 infirmières et infirmiers syndiqués, 15,000 infirmières et infirmiers non syndiqués.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier la Fédération des infirmières et infirmiers unis pour ce mémoire qu'ils nous présentent. Je vais être très bref dans mes commentaires. En premier lieu — je reprends un peu, dans l'ordre, les commentaires qui ont été faits — on nous adresse une certaine série de questions sur l'article 75. Normalement, le mécanisme de la commission parlementaire est plutôt d'informer les membres de la commission qui auront à se prononcer sur le projet de loi que d'informer ceux qui viennent se présenter devant la commission.

Je reconnais le besoin d'information, d'expliquer quels sont les objectifs poursuivis par le gouvernement, mais le but de la commission parlementaire, qui est un aspect bien particulier dans le processus, est plutôt d'informer les membres de la commission. Si je comprends bien le sens des questions, ou même si c'est formulé sous forme de questions, c'est dans le même sens que le mémoire qui nous a été présenté cet après-midi par les cadres infirmiers unis.

Si je fais erreur, une fois mes commentaires terminés, il y aurait peut-être lieu de mentionner si c'est vraiment, comme sens général, différent. Je me reporte également aux commentaires que j'ai faits cet après-midi quant à la nature du bill 65, par rapport aux relations de travail, et c'est dans le même sens, je pense bien, que l'on doit voir l'article 145 qui ne vise pas à donner des accréditations au sens du code du travail, étant donné qu'il y a déjà, d'autre part, dans la législation du travail, les mécanismes appropriés pour la reconnaissance syndicale, la reconnaissance au plan des négociations. Alors, ce projet de loi n'a aucunement l'intention de modifier la législation ouvrière.

Quant aux diverses recommandations, évidemment, certaines s'adressent à des aspects autres que le bill 65 tels les soins dentaires, la formation de personnel infirmier, etc. Etant donné que le bill ne touche pas ces aspects, je ne crois pas qu'il y ait lieu, pour le moment, de discuter ces questions même si les recommandations qui sont formulées portent sur des aspects importants. Quant aux autres recommandations qui sont directement reliées au bill 65, je pense qu'à chaque recommandation, j'ai eu l'occasion de faire des commentaires et, dans un certain nombre de cas, j'ai déjà indiqué le désir du gouvernement soit de clarifier, soit d'ajuster les dispositions du projet de loi ou des dispositions qui sont mentionnées dans ce projet.

Enfin, quant à l'ensemble des lois qui touchent aux corporations professionnelles, dès que l'ensemble de ces lois aura été déposé, déjà nous avons dit en Chambre qu'elles sont toutes référées à la commission parlementaire spéciale formée aux fins d'entendre les représentations sur cet ensemble de projet de loi, y compris la Loi des infirmières.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je n'ai pas de commentaire particulier à faire. Sauf que je voudrais adresser une question au ministre. Pour répondre à la recommandation 22, étant donné que le code des professions et la Loi médicale ont été déposés en première lecture, est-ce que la Loi des infirmières le sera incessamment, la Loi des infirmières et les autres qui concernent le secteur de la santé?

M. CASTONGUAY: Avant l'ajournement pour Noël.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'on les aura en Chambre au moment...

M. CASTONGUAY: Oui, oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ...où nous pourrons étudier le projet de loi no 65?

M. CASTONGUAY: Vous avez vu que déjà le code des professions, qui comprend la majeure partie des dispositions touchant les corporations professionnelles, étant donné que dans les lois particulières on ne retrouve que les dispositions particulières, donne un grand nombre de réponses qui ont pu être soulevées lors de l'étude du bill 65; quant aux autres projets de loi, ils vont être déposés au cours des travaux la semaine prochaine. Je suis convaincu que certains seront déposés.

Exactement, à quel rythme et à quelle date et comment puis-je donner la garantie qu'ils seront tous déposés avant qu'on aborde en Chambre la deuxième lecture du projet de loi 65, j'hésite. Mais vous pouvez être assuré que tous les projets vont être déposés.

M. CLOUTIER (Montmagny): En ce qui concerne la santé particulièrement?

M. CASTONGUAY: Comme je dis, tous les projets concernant la santé.

M. LE PRESIDENT: Mesdames, je vous remercie.

MME MORGAN (Madeleine): Est-ce qu'on peut poser une question au sujet, justement, du Code des professions, la Loi médicale et la Loi des infirmières? Est-ce qu'on pourrait savoir si les trois vont être présentés en même temps et à la même commission?

M. CASTONGUAY: Tous les projets de loi touchant les corporations professionnelles sont référés à une commission spéciale de la Chambre qui a été formée pour entendre toutes les représentations touchant cet ensemble.

MME MORGAN: Ce sera la même commission pour ces trois-là spécifiquement?

M. CASTONGUAY: Ce sera la même commission, oui.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Les porte-parole de l'Institut Anbar.

Institut Anbar

M. BARAKETT (Raymond): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je suis Raymond Barakett, le conseiller juridique de l'Institut Anbar. J'ai avec moi le fondateur et directeur général, le Dr Anbar, à ma droite; à ma gauche, son adjointe, Mme Nelson; encore à ma droite, le Dr Voyer, directeur médical, et le Dr Landriault, chef des services médicaux; à ma gauche, M. Daniel Holdrinet, directeur des services professionnels.

Nous aimerions vous exprimer notre gratitude pour avoir accepté notre demande d'audition sur le projet de loi no 65. Permettez-nous de mentionner au tout début que nous ne sommes pas venus vous demander des subventions pour nos institutions.

Cette année, nous avons négocié un contrat à forfait pour la location de nos services au gouvernement. Nous demandons seulement le droit de continuer de négocier de tels contrats avec le ministre pour des services qui doivent toujours respecter les normes et les standards déterminés par l'Etat.

Par conséquent, nous nous opposons aux définitions des diverses institutions de l'article 1 du projet parce que nos institutions, contrairement aux institutions sans but lucratif dont non seulement les dépenses d'opération, mais aussi les pertes sont assumées par l'Etat, nos institutions, dis-je, ne sont pas subventionnées. C'est pourquoi des institutions comme les nôtres devraient, nous le soumettons, être appelées plutôt institutions privées à contrat qu'"institutions privées subventionnées".

Parmi les nombreux sujets que nous avons examinés dans notre mémoire, il y en a deux que nous désirons souligner lors de cette audition. En premier lieu, il y a certains articles du bill qui, lorsque appliqués à des institutions privées comme les nôtres, ont pour effet pratique de les transformer, de les convertir en institutions publiques. Nous soumettons que ces articles vont à l'encontre de la nature même des institutions privées.

Les articles 101 et 143 obligent les institutions privées à dévoiler leurs états financiers. Le vérificateur général peut, en vertu de l'article 144, vérifier les livres et comptes de toute institution privée dont les dépenses sont payées à même les fonds publics.

Les articles 30 et 35 donnent des pouvoirs d'enquête extraordinaires à l'ORAS. L'article 120 d) permet au ministre d'assumer l'administration provisoire d'une institution subventionnée qui a encouru une dépense non prévue au budget approuvé et en vertu de l'article 138, le lieutenant-gouverneur en conseil peut destituer toute personne qui fait partie de telle institution qui a autorisé ou approuvé une telle dépense.

Les résultats: ces institutions privées, converties à toutes fins pratiques en institutions publiques, deviendront pour le gouvernement, nous vous le soumettons, aussi coûteuses que les institutions sans but lucratif subventionnées. Ceci coûtera beaucoup d'argent au gouvernement et aucun gain d'aucune sorte ne peut en être attendu par le public.

Puisque c'est l'Etat qui doit fixer les normes et standards de santé, d'hygiène, de sécurité et d'éducation qui s'appliquent à nos institutions, c'est l'Etat qui a le droit et l'obligation même, nous en convenons, d'inspecter et de voir à ce que ces normes et standards soient suivis sous peine de perte de permis.

Mais en vertu de quel principe assumer notre administration ou destituer un de nos membres si le budget approuvé n'a pas été respecté puisque c'est nous seuls qui devons supporter les frais et les déficits. Ces articles ont aussi un effet très sérieux sur la possibilité de négocier un contrat à forfait avec l'Etat. Ceci nous amène à exposer le deuxième point que nous désirons vous souligner aujourd'hui, à savoir qu'à toutes fins pratiques, l'article 136 empêche la libre négociation d'un contrat à forfait avec le gouvernement. Nous croyons l'article 136 foncièrement et ouvertement injuste pour nos institutions parce que, premièrement, cette disposition n'envisage pas une compensation raisonnable pour le grand risque encouru dans l'exploitation de nos institutions; deuxièmement, il ne permet pas une compensation adéquate pour notre efficacité administrative; troisièmement, il ne permet pas la libre négociation d'un contrat à prix fixe.

La notion de risque. On ne tient aucunement compte du grand risque particulier à nos institutions. Les institutions Anbar nécessitent une mise de fonds considérable pour l'acquisition d'immeubles, bâtiments, équipements et meubles de nature très spécialisée qui ne peuvent être utilisés que pour les fins d'une telle institution. Le permis, en vertu de l'article 97, n'est valide que pour un an. Au cas de perte de permis, on ne pourra disposer de ces biens que

difficilement et, par conséquent, on court un grand risque de perdre une proportion considérable de ces biens, d'encourir une perte énorme. Or l'article 136 ne mentionne pas la notion de risque.

La notion d'efficacité. L'article 136 ne mentionne non plus aucune compensation pour l'efficacité administrative. Pourtant, cette efficacité administrative des organisations privées n'est pas illusoire. Les institutions Anbar, depuis 17 ans, louent au gouvernement québécois des services de la plus haute qualité dans le domaine du retard mental à un coût qui, aujourd'hui encore, s'établit à une moyenne totale de $13 par jour et par enfant. Poursuivant un but de régionalisation de ses services, le gouvernement a lui-même ouvert plusieurs institutions dans la province. C'est un fait établi que ces institutions fonctionnent à des coûts plusieurs fois plus élevés que les coûts exceptionnellement bas des Institutions Anbar. Toutefois, l'article 136 ne tient pas compte de la notion de l'efficacité administrative.

La possibilité de négocier un contrat à fortfait. L'expérience nous montre qu'un contrat à forfait est avantageux pour le gouvernement et encourage l'efficacité dans les institutions. Cependant l'article 136, tel que rédigé, empêche la négociation d'un contrat à prix fixe avec le gouvernement, parce qu'il oblige le ministre à ne s'en tenir, premièrement, qu'au remboursement des dépenses admissibles en vertu des règlements; deuxièmement, qu'à la rémunération correspondant à un pourcentage annuel, que fixent les règlements, de la valeur de l'investissement financier du propriétaire. Ce qui constitue à notre avis deux contradictions flagrantes avec la notion d'un contrat à forfait négocié librement. Nous soumettons que l'article 136 devrait être amendé pour permettre la libre négociation d'un contrat à prix fixe pour des services qui sont toujours sujets à l'inspection par le gouvernement qui, lui, détermine les normes et standards.

Nous suggérons, également, que l'article 136 soit amendé pour éliminer les notions de dépenses d'exploitation, remboursement des dépenses admissibles, pourcentage de la valeur de l'investissement financier, de façon à permettre la libre négociation avec le ministre de contrats à prix fixe ou à per diem avec nous. Nous désirons remplir pleinement notre obligation de fournir des services de qualité, toujours sujets à l'inspection et à l'approbation du gouvernement et, en contrepartie, nous nous attendons à un contrat qui nous permettra de continuer de fonctionner librement, pour le bénéfice du déficient mental dans la province. Merci.

M. CASTONGUAY: Premièrement, M. le Président, je veux remercier les représentants de l'Institut Anbar. Nous avons déjà eu l'occasion d'écouter les représentants de l'ADEP, de discuter de leur mémoire, de cette question analogue dans une large mesure. L'Association des parents de l'Institut Anbar ou des parents des enfants de l'Institut Anbar nous a également présenté un mémoire qui soulève d'autres aspects de la question.

Alors, je vais être bref. Je crois qu'il est exact de dire qu'à certains moments, lorsque le ministère a dû fermer les institutions, il a référé des enfants à l'Institut Anbar, ce qui est une indication certaine d'une reconnaissance de services conformes à des normes jugées acceptables de part et d'autre. Alors, il n'est pas question de reprendre la discussion sur ce plan. Donc, je me transpose à ce qui a trait au projet de loi et nous avons proposé un mode pour établir les relations, au plan financier, entre le gouvernement et les institutions. Si nous l'avons fait, c'est qu'il m'apparaît assez clair qu'au cours des dernières années, un ou des modes adéquats ont pu être établis.

On a modifié, il y a quelque temps, l'approche d'un grand nombre d'institutions. On a distingué entre les salaires payés pour le personnel, les montants payés pour les autres frais d'exploitation; on a introduit, en définitive, une semi-formule budgétaire. On avait eu, antérieurement, d'autres formules de paiement de per diem ou fixé selon d'autres critères ou d'autres méthodes qu'il ne m'appartient pas d'énumérer pour le moment. Avec le résultat qu'il y a eu des changements d'apportés. Il y a une certaine insatisfaction, une certaine insécurité qui règne que ce soit au plan de la durée des contrats — il en est fait mention ici — ou sur d'autres plans.

Alors, il nous faut, je crois, établir un mode de relation, au plan financier, plus permanent, plus stable et qui permette aux institutions de fonctionner ou de savoir si elles ont un avenir ou non dans ce secteur. J'ai déjà mentionné pour plusieurs raisons, les attitudes du ministère' quant à l'avenir des établissements privés. Il n'en demeure pas moins qu'une des causes de cette incertitude, à mon avis, ou de ce flottement ou de ces modifications dans les modes de financement, provient du fait qu'il existe toujours un inconnu du côté du ministère et c'est celui de mesurer, d'une certaine façon, une fois les paiements effectués, quels sont les coûts d'exploitation.

En dehors du secteur privé, nous n'avons pas de barème. On a beau comparer avec le secteur public, bien souvent ce sont des institutions difficilement comparables. De toute façon, même à l'intérieur du secteur public, nous n'avons pas encore de barème — et ce n'est pas particulier au Québec — qui nous permette de comparer d'une façon juste et précise les coûts ou les performances d'une institution à l'autre. Alors, un des aspects du projet de loi qui, il me semble, pourra aider à faciliter l'établissement de relations plus saines, plus permanentes, plus adaptées à la situation est cet article touchant la présentation d'états financiers, de telle sorte que, tout comme pour tout autre service public ou service à caractère public, soit dans le

domaine des transports ou autre, on ait, comme gouvernement, les éléments ou les documents nécessaires pour analyser la situation.

Quant au mode de financement proposé dans le projet de loi, ou le mode de relations financières, nous avons eu, comme je l'ai mentionné, des représentations d'autres organismes, en particulier, l'association, l'ADEP et nous entendons, avant de réintroduire ou d'apporter des modifications définitives au projet de loi, apporter des clarifications à cet aspect du projet de loi, de telle sorte que nous puissions avoir un équilibre plus adéquat pour l'avenir.

Je crois que le contenu du mémoire est suffisamment clair. Il ne m'est pas nécessaire d'adresser des questions pour en préciser certains aspects. Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire un très court commentaire parce qu'effectivement nous avons déjà eu l'occasion, au cours des auditions antérieures, d'entendre les organismes qui nous ont exposé des problèmes des secteurs privés. Nous en avons aussi eu l'occasion quand l'association des parents des enfants qui sont dans les institutions Anbar est venue devant la commission.

Le commentaire que je voudrais faire est celui-ci. Je n'ai pas l'impression — même au terme des séances de la commission — que nous aurons obtenu des certitudes ou que nous aurons précisé exactement la place que le secteur des institutions privées continuera d'occuper dans le secteur des affaires sociales. Il n'est pas surprenant qu'il en soit ainsi parce que, dans le secteur de l'éducation, depuis déjà dix ans qu'on a touché au secteur de l'éducation à partir du bill 60 et des autres législations qui ont suivi, la question de la survie des institutions privées revient en surface à certains moments, sous une forme ou sous une autre, soit sous l'aspect pédagogique, soit sous l'aspect financier. Je ne dis pas qu'il est normal qu'il en soit ainsi et je regrette qu'il en soit ainsi.

C'est un peu malheureux, étant donné que les institutions privées, que ce soit dans l'éducation ou dans le secteur des affaires sociales, occupe tout de même une place importante et il est normal que le débat se poursuive. Cela fait déjà plusieurs années que le débat dure. Il ne faut pas s'en scandaliser. Nous discutons la place des institutions privées dans le secteur des affaires sociales comme nous l'avons discutée dans le secteur de l'éducation. Est-ce que le débat doit durer éternellement? Le flottement auquel a fait allusion le ministre tantôt, est-ce que nous devons essayer d'y mettre fin le plus tôt possible? Je comprends que c'est plus facile de le désirer que de préciser toutes ces questions qui sont en suspens, qui sont en discussion.

De toute façon, je retiens de votre représentation devant la commission et de celles qui ont été faites par l'ADEP et d'autres organismes, qu'il y a encore des points extrêmement importants en discussion au sujet des institutions privées, du secteur privé, des institutions comme les institutions Anbar qui occupent une place importante et essentielle pour l'enfance inadaptée. Je me demande qui aurait rendu les services que vous avez rendus si vous ne l'aviez pas fait? Parce qu'alors le secteur public n'a pas assumé ses responsabilités; le gouvernement, financièrement, n'était pas capable non plus de les assumer.

Vous avez souligné que certains articles devraient être précisés, d'autres devraient être modifiés. Sur le plan financier, vous avez parlé du contrat à forfait que vous venez de signer et qui est actuellement en vigueur. C'est la question que je voudrais poser. Est-ce que ce genre de contrat, le contrat à forfait, pourrait profiter d'une reconduction en tenant compte de l'article 136? Est-ce que le ministre pourrait me répondre? C'est peut-être un peu technique, mais...

M. CASTONGUAY: Je ne crois pas que le projet de loi — de toute façon, peu importe ce que seront les dispositions définitives — puisse modifier un contrat, par exemple, d'une durée d'un an qui vient d'être signé ou dont la durée n'est pas expirée. Le projet de loi va comporter d'ailleurs des dispositions de transition qui éviteraient ce genre de situation. Mais cela, c'est sans présumer de ce que sera le contenu définitif de l'article 136 ou des articles de même nature.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je note, évidemment cette précision du ministre et je retiens aussi ce qu'il vient de dire. J'en conclus également que d'autres contrats à forfait comme ceux que vous avez signés ne seront pas possibles, même en vertu de l'article 136 modifié.

M. CASTONGUAY: Je n'ai pas dit ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'avez pas dit ça. J'ai donc conclus trop vite, M. le Président. Je termine ici mes remarques, nous aurons l'occasion au cours des séances subséquentes de la commission et en deuxième lecture de statuer notre position définitive quant au secteur important que vous représentez.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, nous aussi, nous aurons l'occasion de statuer nos positions définitives. Cependant, il y a peut-être un parallèle que j'aimerais amener ce soir parce que je viens d'avoir une entrevue avec une oeuvre qui s'occupe des enfants inadaptés. Si on se réfère aux lois actuelles pour voir toutes les complexités qui découlent justement de cette chose-là, le tout vient d'une loi qui est définitivement

sanctionnée par la province de Québec, la Loi de la loterie publique. Je me demande ce que ce sera quand nous aurons affaire à l'application du projet de loi no 65.

M. le Président, je comprends qu'il faut avancer, qu'il faut aller de l'avant, qu'il faut absolument voir les modifications à certains systèmes qui existent dans le Québec, mais plus nous étudions ça, plus je réalise qu'éventuellement demain, chaque fois qu'il faudra s'adresser à quelqu'un, nous aurons seulement à parler en signes de piastre au nom d'une administration plus efficace, plus cohérente et peut-être plus collective, je n'oserai pas dire le mot "socialisante", parce que ça peut blesser certaines oreilles très chastes. Mais quand même, M. le Président, je crois que si on fait un parallèle aujourd'hui entre ce qui existe dans des oeuvres charitables et ce qui, demain matin, existera au point de vue médical, nous ne sommes ni au commencement, ni à la fin de nos déboires. C'est tout ce que j'ai à dire.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres commentaires ou questions, je vous remercie. J'invite les porte-parole de la Clinique des jeunes de Montréal, Montreal Youth Clinic.

M. CASTONGUAY: Ils n'ont pas de mémoire.

M. LE PRESIDENT: Ils nous ont demandés...

Clinique des jeunes de Montréal

MLLE FRASER (Barbara): M. le Président, mesdames, messieurs, je suis Barbara Fraser et je représente la Clinique des jeunes de Montréal. Voici à ma gauche Rosa Harris, directrice de la clinique, et à ma droite, Le Dr Michel Whitehead, notre directeur médical. Suite à l'étude du texte du bill 65, la Clinique des jeunes de Montréal croit devoir exprimer ses craintes et son insatisfaction concernant certains aspects de la loi.

Bien que la clinique reconnaisse la légitimité du désir du gouvernement provincial de vouloir assurer une certaine uniformité aux structures des services de santé et des services sociaux dans la province, elle espère pouvoir expliquer par les commentaires suivants pourquoi cette structure n'est pratiquement pas applicable à un service tel que celui de la clinique.

Nos trois motifs principaux de mécontentements sont les suivants:

Premièrement, la clinique ne s'intègre à aucune des classifications préconisées au début de la loi, ce qui a pour effet de nous conférer un statut vague et un mandat imprécis.

Deuxièmement, le bill ne laisse aucune place aux institutions à caractère non bureaucratique et, de ce fait, ébranle la base sur laquelle repose notre clinique.

Troisièmement, le bill ne permet pas un système de gouvernement interne, système qui s'est avéré efficace dans le cas de notre clinique.

La Clinique des jeunes fut fondée il y a plus de trois ans afin de desservir la communauté des adolescents. Cette communauté ne pouvait être définie géographiquement — vu qu'une partie de la clientèle était de passage — ou économiquement vu que l'on rejoignait des jeunes des différentes couches sociales et économiques. Les patients avaient cependant plusieurs points en commun dont le principal était un désenchantement et un manque de confiance vis-à-vis des services de santé disponibles. Avant l'avènement de la clinique, plusieurs adolescents ne pouvaient trouver remède à leurs maux. Notre communauté en est une d'aliénation.

La politique de la Clinique des jeunes était de préserver l'anonymat de sa clientèle, espérant ainsi que le fait de ne pas poser de question contribuerait à donner un traitement plus complet à un plus grand nombre de jeunes. L'expérience s'est avérée positive. A ce jour, nous avons vu et traité plus de 4,000 individus qui, n'eût été de la clinique, n'auraient peut-être pas reçu le traitement médical dont ils avaient besoin.

Si le bill 65 est adopté tel quel, il sera très difficile pour la clinique de continuer à fonctionner selon le présent système. Nous citons l'article 30, section Il du bill: "Toute personne qu'un office désigne par écrit a, en tout temps, accès à tous les documents qui sont en possession d'une institution..." Cet article ébranle le principe de base fondamental de la clinique.

La clinique a toujours été réceptive à la communauté des jeunes qu'elle dessert. Elle comporte présentement deux conseils: un conseil consultatif professionnel et un conseil consultatif communautaire, qui veillent mutuellement au bon fonctionnement de la clinique et s'équilibrent l'un et l'autre. Les conseils établissent la politique de la clinique et agissent comme gouvernement. En d'autres mots, le pouvoir a toujours été aux mains de ceux qui bénéficient des services de la clinique, comme de ceux qui y travaillent. L'adoption du bill 65 signifierait que ce système de gouvernement interne ne pourrait continuer d'exister puisqu'un centre local de services communautaires dont le conseil d'administration est défini par le bill doit répondre uniquement à l'office qu'on lui assigne.

Cette proposition en elle-même ne serait pas mauvaise. Cependant, vu qu'un service tel que la clinique ne s'intègre à aucune catégorie d'un centre local de services communautaires, il n'aura aucune représentation à l'office de la région. La clinique ne dessert pas une communauté locale mais plutôt une communauté plus large et plus difficile à définir. Elle est en quelque sorte un centre de services communautaires spécialisés. Le bill ne prévoit rien pour un service comme le nôtre.

La clinique a toujours témoigné d'une grande flexibilité dans son approche des problèmes,

changeant sa structure au besoin et de façon rapide après de nombreuses consultations et mûre réflexion. Le bill nous empêcherait d'effectuer des changements importants, tel l'installation d'une bibliothèque, rapidement. Nous devrons nous plier à un système bureaucratique avant de pouvoir apporter des modifications. Voir articles 48, 49.

En considération de ces faits, nous espérons que le gouvernement examinera à nouveau les aspects de la loi qui détruisent littéralement et très particulièrement la base d'opération de notre clinique.

De plus, nous espérons que le gouvernement réévaluera tous les aspects de cette loi en communiquant avec plusieurs services communautaires déjà existants en vue de profiter de leur expérience avant d'adopter le bill 65. Merci.

M. CASTONGUAY: J'ai simplement quelques commentaires. Dès le début des audiences, j'ai voulu rassurer des groupes analogues quant à la portée du projet de loi no 65. J'ai dit à plusieurs reprises que ce n'était pas notre intention de couvrir de tel type de services: services à caractère bénévole ou services principalement à caractère bénévole communautaire.

J'ai également dit que c'était notre intention de clarifier s'il y a besoin le projet de loi à cet effet.

Depuis ce temps, en réfléchissant à la question, je me suis demandé si la formule coopérative ne pourrait pas être utilisée. Je voudrais vous poser une question. Nous voulons éviter une chose évidemment, et je l'ai dit. Le problème qui se posait, c'était de concilier ce dynamisme du milieu, ce besoin de souplesse d'une part et aussi, à un certain moment, il y a un point de rencontre, lorsque des fonds publics sont accordés; lorsque, aussi, des services sont donnés et qu'il y a besoin d'établir certain contrôle au plan de la qualité. Nous avons les corporations professionnelles pour le faire. Mais il y a peut-être une formule coopérative à introduire dans ce projet de loi qui permettrait justement de faire le pont entre les deux. Voici la question que je voulais vous adresser: Est-ce que vous recevez des subventions d'un organisme comme l'OPTAT ou d'autres sources? Do you receive grants from OPTAT, for example?

MME FRASER: Du gouvernement fédéral.

M. CASTONGUAY: Du gouvernement fédéral.

M. WHITEHEAD: Les deux dernières années, nous avons reçu de l'argent du gouverne- ment fédéral. Avant cela, nous ne recevions presque rien.

M. CASTONGUAY: Il ne demande pas de contrôle, il n'exerce aucun contrôle.

MME FRASER: Non.

M. CASTONGUAY: Il est plus riche que nous.

M. WHITEHEAD: Il reçoit un rapport par année.

M. CASTONGUAY: Pardon?

M. WHITEHEAD: Chaque année, nous soumettons un rapport des activités de la clinique, mais c'est le seul contrôle. En plus de ça, nous sommes en relation avec le YMCA de Montréal, qui fait de la surveillance sur les travailleurs de la rue, des jeunes. C'est une coopération entre la clinique et nos YMCA que le gouvernement d'Ottawa subventionne.

M. CASTONGUAY: Comme il nous faut aller voter, je crois, je vous adresse une dernière question, très rapidement. Il y a un vote en Chambre présentement. En vertu de quel programme est-ce que le gouvernement fédéral vous subventionne? Est-ce Perspectives-Jeunesse ou s'il s'agit de subventions à l'hygiène d'un ministère fédéral?

MME FRASER: Le ministère de la Santé et du Bien-Etre social.

M. CASTONGUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les autres membres ont des questions?

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question. Etant donné que je connaissais ces programmes subventionnés par le fédéral, est-ce que vous n'êtes pas obligés de faire approuver votre projet par le ministère des Affaires sociales?

M. WHITEHEAD: Chaque année, nous soumettons une demande d'aide. La première fois que nous nous sommes rendus à Ottawa, il y a eu une rencontre avec quelques personnes pour décider si nous étions une bonne organisation à appuyer. Chaque année, il faut faire une demande...

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez nous excuser cinq minutes, nous allons voter. Vous pouvez attendre ici.

(Suspension de la séance à 21 h 19)

Reprise de la séance à 21 h 25

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Bourget a des questions?

M. LAURIN : Est-ce que vous faites surtout du traitement social, ou médical ou psychiatrique avec la population de patients dont...?

MME HARRIS: Nous sommes premièrement une clinique médicale, psychiatrique aussi. Il y a quatre travailleurs qui n'ont pas de diplôme universitaire, mais qui ont l'avantage de bien soigner la communauté. Mais c'est premièrement une clinique médicale et psychiatrique avec des médecins volontaires.

M. LAURIN : Est-ce que vous êtes associés avec un hôpital quelconque qui vous fournit des services?

MME HARRIS: Nous sommes associés avec l'université McGill et l'hôpital Douglas. Nous sommes aussi affiliés à titre non officiel à l'hôpital Royal Victoria.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny vous a posé une question, M. Cloutier. Est-ce que vous allez y répondre?

M. CLOUTIER: Je dois la répéter. J'ai demandé tantôt, avant que nous partions pour le vote, si vous envoyez au gouvernement d'Ottawa, pour obtenir une subvention, une copie de la formule au gouvernement du Québec pour qu'il approuve, du moins pour qu'il n'apporte pas objection à votre projet?

M. WHITEHEAD: Oui, ça fait maintenant deux fois que nous envoyons une soumission à Ottawa Chaque fois, nous avons envoyé la même chose à Québec pour obtenir la permission.

M. CLOUTIER: Oui, je me souviens parce que, tantôt, quand vous avez donné votre réponse, autour de la table ici les membres de la commission ont paru un peu surpris de voir que le gouvernement canadien pouvait subventionner un organisme sans que le Québec n'ait un droit de regard. Mais je me souviens qu'à une conférence des ministres provinciaux de la Santé à Halifax, alors que le Dr Goyette, un haut fonctionnaire du ministère de la Santé d'Ottawa, assistait à la conférence, nous avions convenu que nous n'avions pas d'objection à ce que, dans le domaine de la recherche et dans le domaine de l'hygiène, le gouvernement canadien subventionne des projets expérimentaux, des projets pilotes, mais à condition que le Québec puisse en surveiller l'application et voir s'il devait, oui ou non, apporter une objection.

Alors, c'est dans ce contexte-là que votre demande s'est inscrite au gouvernement.

M. WHITEHEAD: Chaque fois, selon mon information, nous avons suivi la coutume de demander et avons reçu l'approbation du gouvernement du Québec.

M. CLOUTIER: Le seul commentaire que je voudrais faire, M. le Président, c'est que nous ne connaissons pas suffisamment bien les modalités de fonctionnement de vos cliniques et les résultats. Je pense qu'à la suite de la présentation de ce mémoire, il y aurait intérêt à ce que vous fassiez parvenir, si ce n'est déjà fait, au ministère des Affaires sociales, peut-être davantage de précisions sur l'action des cliniques que vous administrez.

M. WHITEHEAD: Certainement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, je voudrais poser une question. Est-ce que vous croyez absolument que le ministère des Affaires sociales est obligé de tout savoir et de tout connaître pour qu'une chose aille bien dans l'administration des services sociaux?

M. WHITEHEAD: Certainement. C'est important.

M. BOIS: Deuxièmement, est-ce qu'à ce jour, la province de Québec a tiré ombrage du fait que vous receviez des subventions sans que la province ne le sache ou n'en soit pas tout à fait informée?

M. WHITEHEAD: Nous pensons que le gouvernement de Québec sait que nous recevons de l'aide du gouvernement d'Ottawa.

M. BOIS: A l'article 2, aimeriez-vous mieux que je vous questionne en anglais? Would you prefer that I ask you the questions in English? At the item No 2, you say that the Bill leaves no place to the institutions which are not administered by non bureaucratic people, by, what we call the people of the Government. What do you mean by this exactly?

MME HARRIS: We generally try and limit the amount of information that we take at the desk from the people who see the doctor at our clinic. I have seen the fear that with the passing of the Bill, we will be given a list of questions that we must ask to each person who comes to our clinic, and this will take away from the effect of having no questions asked of persons passing through our clinic.

You see when we are talking about bureaucracy, we mean what seems to our clientele to be unnecessary questions asked at the desk and, you know, when a person comes in to register to see the doctor.

M. BOIS: Now, another question. Do you think that the services that you render to the youth in Montreal will be better if it is administered or, surveyed by the Provincial Government through Bill 69 in all the other items which will...

MME HARRIS: It is difficult to say. I would say that we run a risk of losing a great deal of a value if Bill 65 is passed. We would have to change drastically to accommodate for the Bill and although, eventually, this might lead to a better clinic, the interim can quite effectively destroy us.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser: Alors, monsieur et madame, je vous remercie. I thank you.

J'invite maintenant les représentants des Catholic Family and Children's Services, M. Coulson.

Catholic Family and Children's Services

M. MacKLEM: M. le ministre, MM. les membres de la commission, messieurs et mesdames: Je suis Richard Macklem, je suis directeur de Rolls Royce, en Amérique du Nord, et je suis vice-président des Catholic Family and Children's Services et membre du conseil de l'administration. A ma droite, est M. Coulson, le directeur général, et à ma gauche, le Dr Edward McCracken, membre du conseil d'administration. Il est éducateur.

Messieurs, est-ce mieux que je parle en français ou en anglais? Peut-être que si je parle en anglais, je peux m'exprimer plus précisément, mais c'est comme vous voulez.

M. LE PRESIDENT: Comme vous voulez. Si vous voulez parler anglais, vous pouvez parler anglais.

M. MacKLEM: The Catholic Family and Children's Services is a member agency of the Federation of Catholic Community Services, and as its name implies, it employs professional social workers providing services to English language clients requiring help with children and family problems. By this, I mean such things as arranging foster homes and adoptions, helping unwed mothers, dealing with marital problems, family counselling, providing services to the aged and to adolescent children.

We administer a budget of just under a million dollars, of which the Government of Quebec funds some 75 p.c, and this is mainly utilized in salaries and related expenses of approximately a hundred workers, most of them are former graduate social workers, I should say social work professionals who carry a load of some 4,300 cases per year.

Gentlemen, we do not propose to read our brief in full, in view of the lateness of the hour, but we would wish to highlight certain main points.

First of all, I would like to say that the views expressed in our brief represent the views of our board of directors and of our professionnal staff combined. It is presented in three parts. It covers regional and language considerations, ethnic and religious considerations and finally, professional and organizational needs.

Each section has its own set of recommendations, and they speak for themselves. However, the main thrust of all these recommendations is to demonstrate the need for a continuation of English language services for clients who speak that language. In the field of social work, Gentlemen, language is not just a matter of communication. It is, as we say in our brief, the tools of the trade. It is the very essence of the activity. It goes to the heart of the requirements of the professional worker. For the social worker to understand fully the problems of his client, expressed as they usually are in the vernacular and against the cultural background, which is that of English Canada, that social worker must be from the English language sector. Our clients demand and need English language help and the Government of Quebec can and must recognize their right to receive it.

Further, we wish to stress the need for a strong community voice in the organization and delivery of social services. We believe this can best be accomphished by a far greater participation of elected volunteer boards that is envisaged in the first draft of Bill 65. In our agency, our directors play a major administrative role.

Gentlemen, I can tell you that personally, I spend, maybe, $75 to $100 a year working with our agency. Finally, I wish to thank you for providing us with the opportunity to present our views. My two colleagues may wish to add their own comments to what I have said, and after that, we should be happy to try to answer any questions which you may have.

M. COULSON: Mr. Minister, Mr. President, members, very briefly, I would like to forward some of the principal preoccupations of our staff, as a result of workshop discussions that we have had on a preliminary level concerning Bill 65 as we understand it at this point. The practitioner preoccupations, the social worker in the field at this point, have to do with the following few items. No one is a concern about excessive centralization of decision-making. The anticipated inflexibility, if such excessive centralization becomes a fact, and the negative effects on services. We are dealing with services which have to have a local community connection, we have to be flexible, we have to be able to change with one month's notice, half way through the year, and the workers have expressed a concern that without strongly decentralized units of service and of administration, we will find an extremely rigid and inflexible system, as we understand it at this point.

Secondly, the question of planning and of programming of social services. The practitioners feel they are, in a manner of speaking, the experts, like those of you who have dealt with the White Paper have heard the same thing from men in commerce and in business. They feel that their participation in planning is extremely important and do not, at this point, feel confident that their participation is assured.

Thirdly, in terms of Montreal, without repeating unnecessarily the recommandations in our brief, we have moved ahead, I think very quickly in the last year and a half in terms of interagency co-ordination and co-operation, and the need that we seem to feel the strongest is the absence of a regular, available and assessable Ministry of Social Affairs planning ressources. At this point, our planning is disjointed, is on a purely voluntary level; we have recognized our needs and our problems, but we would welcome more strongly something in the area of the regional jointed planning body. We are unressourced and without this kind of function available to us on a regular basis shortly working with us in assessing and developing social services, we feel we are going to continue to struggle on without great effectiveness.

These brief points I would like to point out to you are the expression of the staff of our agency only; they are in strong sympathy with the objectives of the Bill, they have expressed some reservations and have asked me to communicate in behalf of them their concern in the areas I spoke of, as well as their willingness to work as closely as they are invited to, with the Ministry and his representatives in planning even on a prelimilary level for the first steps of the new development of social services.

M. McCRACKEN: Simplement quelques remarques d'orientation. Premièrement, l'idée de diversification dans l'administration. Hier, dans la Gazette, j'ai lu une description de la réorganisation d'Air Canada. Autrefois et sans succès, avec beaucoup de pertes, on y a décidé de décentraliser toute l'opération et c'est sûrement un commencement. Il me semble qu'aujourd'hui, le point pour avoir du succès dans l'administration, est d'avoir des centres non plus étroits mais séparés et diffusés. Le deuxième point, est seulement la question de la langue et les rapports avec la clientèle. Depuis des années j'ai comme préoccupation, comme vocation...le mot qu'on dit en français "des faux amis". Aujourd'hui, nous avons essayé d'aller à Montréal en auto; arrivés presque à Saint-Hyacinthe, il nous était impossible de continuer. A ce moment-là, nous avons pensé de peut-être acheter ou emprunter des raquettes. Mais, that would have made us racketeers and so, it would be impossible to arrive in Quebec as a racketeer, because a racketeer is not a person who porte des raquettes. En d'autres mots, n'oubliez pas qu'avec beaucoup de clients, je dois parler en jargon, en argot, I say in English, you are a pain in the neck, or if you permit me a pain in the ass, I am not talking about neck, I am not talking about ass or I am not talking about pain. But this is a part of the everyday jargon that English speak. Many of my French friends say this is a terrible language and I would say, vis-à-vis de ça, à la française: C'est aussi pour un Anglais une langue terrible. Il est impossible de la connaître. Dire que quelqu'un est parfaitement bilingue, c'est presque une impossibilité. Avoir des discussions intimes avec des personnes qui appartiennent à une autre échelle de la vie, c'est souvent bien difficile.

Ce n'est pas une question de nationalisme, mais c'est une question de...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je peux vous demander de... Si possible, could you talk about bill 65, come back to the bill, please?

M. McCRACKEN: D'accord. Après ça, nous avons quelques programmes which it is beginning to develop. There are areas now of family planning. There is the question of abortion, there is the question of family life education. So, these, you will find refered to in our presentation. We ask you to take them under consideration. Thank you very much.

M. CASTONGUAY: Merci. Je voudrais remercier, M. le Président, les représentants du Catholic Family and Children Services pour leur mémoire. Le seul commentaire que je veux faire, étant donné que les autres aspects du mémoire ont été couverts dans d'autres mémoires — nous allons l'étudier — touche à la question de la langue. Si l'on examine la législation dans le domaine des services sociaux, des services de santé au Québec, on constate que cette législation n'a pas été faite sur une base linguistique.

Dans la mesure où les services gardent des attaches avec la population qu'ils doivent desservir, il me semble que l'équilibre que l'on retrouve présentement entre les personnes qui reçoivent des services et celles qui les donnent, sera maintenu dans l'avenir. Je ne crois pas qu'on puisse dire, par exemple, qu'un hôpital comme le Montreal Children Hospital qui reçoit une partie de clientèle de langue française n'a été, en aucun moment, obligé, par législation ou autrement, d'ajuster son personnel pour répondre à cette demande. Si je comprends bien, présentement le personnel est réparti de telle sorte que les gens de langue française, comme ceux de langue anglaise, reçoivent des services appropriés en s'adressant à cet hôpital.

Je prends celui-là comme exemple. Dans d'autres institutions, le même phénomène s'est produit. Certaines ont été plus lentes dans leur évolution, mais il me semble que, dans la mesure où les institutions pourront être reliées à la population qu'elles desservent, il sera

possible de garder ou de maintenir, ou d'atteindre, selon les cas, l'équilibre nécessaire, dans la composition des personnels, pour que les services soient rendus de façon adéquate.

C'est la façon pour le moment dont j'envisage ce problème de langue dans les services. Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): Un seul commentaire, M. le Président. Le problème que vous nous avez souligné se rattache à l'aspect qui a déjà été mentionné, particulièrement par les communautés juives qui sont venues devant la commission parlementaire, à savoir la question de langue, la question de culture, tenir compte de l'aspect culturel, surtout dans les services sociaux. Le ministre a parlé des institutions tantôt. Il est exact qu'à notre connaissance il n'y a aucune institution qui dispensait des services en langue anglaise, que ce soient des centres hospitaliers ou des centres de services sociaux, qui n'ait été obligée, par législation, de modifier les modalités de dispensation des services.

C'est un aspect important; je ne crois pas que l'on doive, dans une législation telle que le bill 65, préciser ces choses-là quand vous mentionnez particulièrement de tenir compte dans la ville de Montréal, des différences culturelles qui existent. Etant donné que les régions ne sont pas définies dans le projet de loi, il est évident que tout ça va se préciser par la suite et non pas à l'intérieur du projet de loi, mais dans la mise en vigueur de la législation.

Les aspects que vous avez soulignés sont importants, mais je ne crois pas que le projet de loi 65...

Je n'ai trouvé aucune atteinte à ce qui existe actuellement comme différence culturelle, comme modalité de dispensation des services sociaux. C'est dans la pratique que l'on verra si les décisions qui seront prises, si la réglementation qui va découler du projet de loi no 65 vont gêner ou paralyser les choses ou vont causer des difficultés dans la dispensation des soins.

M. MacKLEM: I am very pleased to hear your assurances in this regard. Nevertheless, in studying the Bill and in discussions both at the Board and at our professional workers level, there was a fear that the ability for the English language sector to organize itself and deliver its services as it wishes to in its own language would be threatened by this Bill. Possibly we are wrong, Gentlemen, but this is the impression that was left with us.

M. LAURIN: Etant donné que votre groupe est le seul groupe anglophone à ma connaissance qui semble préoccupé par cet aspect — et nous en avons quand même entendu un certain nombre — j'aimerais savoir d'une façon plus précise ce qui a pu inquiéter vos membres quant au maintien...

M. MacKLEM: I do not know, Sir, what English language groups have brought before you but our particular agency is in the business of delivering services. We are an agency which is providing services at the agent level. We are not a federation, we are not a funding body, we are actually providing the services and therefore, possibly, this is the reason why it is a particular preoccupation with us. We know our clients, we know the people we deal with and we know what they need and what they want.

M. LAURIN: Je comprends que ce soit une préoccupation mais qu'est-ce que vous avez vu de précis, de concret dans le texte de loi? What have you seen precisely in the law? What article? What item have you seen which gives a certain amount of substance to your fear?

M. COULSON: Je vais répondre à ça. Les six agences familiales de Montréal ont tenu avec nous des réunions, des conférences pour discuter de la coordination des services. Je pense que c'est l'impression générale que la signification de la valeur linguistique dans la création, l'administration et la direction des services en est un peu absente. Nous n'avons donc pas nécessairement une conviction mais une impression...

M. LAURIN: Speaking for the Minister, I think, it was deliberate. He did not want his bill to be jeopardized by this problem which really has not arisen practically.

M. COULSON: Je voudrais parler pour les travailleurs sociaux. Nous avons chez nous des ateliers où nous avons discuté de ça. Il y a eu des séminaires où d'autres agences ont discuté officieusement au point de vue du conseil d'administration et au point de vue des employés, et il existe — nous en avons la preuve — une certaine inquiétude du point de vue de la planification et de l'administration des services. Particulièrement chez les praticiens, on se demande si l'ambiance professionnelle doit changer radicalement dans l'avenir. Est-ce que l'on peut anticiper la continuation de nos bases professionnelles de services? C'est un sujet d'inquiétude, je pense.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: A la page 6 du mémoire anglais vous dites: "We believe that Bill 65 confuses and even suggests a denigration of the role of the private sector in relation of that of the Government." Pouvez-vous m'expliciter ce que vous mentionnez ici, à la page 6 du mémoire, à la septième ligne?

M. MacKLEM: Gentlemen, there is no denying that the Bill, as it was orginally

presented, greatly reduced the role of the privately elected boards of directors that now exist.

In our particular agency, our directors are drawn from all sectors of the City of Montreal with the view to having an input into the agency of the needs, social work needs, various areas of the City. It is not an easy thing to do when he does know his work. We try to do this. And we also feel that it permits the parishes in Montreal, the people who live in the communities and so on to express themselves to the agency, to their board representations.

Under Bill 65, of course, the representations of the private sectors are greatly reduced.

M. BOIS: J'aurais une autre question. Pour autant que la langue est concernée pour vous, est-ce que vous auriez peur qu'à un moment donné un gouvernement composé de types comme Lemieux et Chartrand, par exemple, vienne vous aider dans ce secteur? You cannot give any answer?

M. McCRACKEN: No, it is difficult to give ans answer but, by the same token, many of our executives are chosen, they are not all executives. Some of them are working men, some of them are merchants, many of them happen to be businessmen because somehow or other there is a feeling and it is not unique that one must make a contribution of services for the privilege of living in the community. And so, this is part of our tradition and these people do give their time and their effort.

You heard Mr. Macklem say that he works 70 hours at least; I am sure he worked 150 hours. He is a top executive. This is time given on Saturday, and Sunday, and in the evenings. And this is done without complaint, without remuneration of any kind and he likes to do it. Simply as I say, because this is part of a tradition. So that is what we mean, I think, here. If we would have ouvriers, workers, but that, often times, is not in their tradition; but if it were, they would be most welcome. And we would hope to have many of these people making their contribution which would be different from the contribution that I might make but a contribution of either of my colleagues here because they would bring a different view of the community. It is simply that point.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres commentaires? Gentlemen, I thank you.

M. MacKLEM: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: J'invite l'Institut Canado-Polonais du Bien-Etre incorporé.

Institut Canado-Polonais du bien-être

M. RYBIKOWSKI: M. le Président, M. le ministre, messieurs. Mon nom est Michel Rybikowski, je suis le président de l'Institut Canado-Polonais à Montréal. A ma droite est M. Tarnowski, vice-président, et M. Krajewski, qui est directeur général de notre institut. A ma gauche, M. Lewandowski qui va vous présenter notre commentaire sur le projet de loi no 65. Avec nous, ce sont aussi des représentants de notre organisation, des Polonais de Montréal, qui sont membres de notre institut. Je passe maintenant la parole à M. Lewandowski.

M. LEWANDOWSKI: Au nom de l'Institut Canado-Polonais du bien-être, nous remercions la commission parlementaire de l'Assemblée nationale de nous avoir invités et convoqués pour présenter notre mémoire aujourd'hui, concernant le foyer de vieillards. Je tâcherai d'être très bref.

M. le ministre, M. le Président, il y a plus d'un quart de siècle, en 1944, eut lieu la fondation du Foyer canadien-polonais pour les vieillards à Knowlton et puis à Montréal.

Petit à petit, par des efforts, par des sacrifices et le travail bénévole et généreux des membres des associations polonaises, nous avons réussi à atteindre le but tant espéré et tellement nécessaire pour notre colonie: fonder un foyer sur la rue Bélanger, un foyer pour les vieillards.

Ce foyer, depuis 1966, est vraiment la fierté de la colonie polonaise. Cette oeuvre est administrée par des Canadiens québécois d'origine polonaise d'une haute valeur morale et professionnelle. Elle est soumise à un contrôle rigoureux du gouvernement avec un contrat renouvelable tous les ans.

Maintenant, après ces années, il est difficile de s'imaginer la colonie polonaise dans la province sans l'hospice des vieillards, tellement ce foyer est ancré dans notre vie. Nos pensionnaires, au nombre de 92, restent sous les soins d'un personnel dévoué. De nombreuses personnes bien disposées multiplient tous les jours des marques de sympathie pour leur rendre la vieillesse plus acceptable dans un milieu qui leur est proche.

Ici, au Canada, dans la province de Québec, les Polonais qui ont dû quitter la Pologne souvent à cause de circonstances tragiques des deux guerres, après avoir passé les sévices des camps de concentration allemands et soviétiques ou bien les mauvais traitements du travail forcé, ont trouvé un refuge et une patrie. Nous sommes très reconnaissants au Canada et à cette province. Mais la langue française, nous l'admettons, est leur point faible, mais pas à cause de la mauvaise volonté.

En arrivant ici, il fallait donner du pain à la famille et penser à l'avenir pour ne pas devenir un fardeau de la société qui nous a généreusement acceptés et adoptés. Nous comprenons tous que les nouveaux venus doivent graduellement participer à la société québécoise mais, comme a bien voulu le souligner l'ancien

ministre Cloutier, et nous lui en rendons grâce, les nouveaux Canadiens peuvent conserver leurs coutumes et leur culture originale. Et la culture, c'est l'ensemble de la langue, d'une certaine manière de vivre, de la religion et de traditions séculaires auxquelles nous, Polonais, sommes particulièrement attachés.

Pour un vieillard, surtout, la possibilité de parler dans son entourage la langue natale maternelle, de conserver cette liaison spirituelle et même physique avec les siens, souvent de la même ville, de la même campagne, ou même de la même école, est un grand bonheur. Sans cela, la solitude de leur vieillesse deviendrait insupportable.

Je dois ajouter, M. le ministre et MM. les membres de cette commission, que nous, Slaves, nous nous comprenons mutuellement. Un Polonais, un Ukrainien, un Russe, un Tchèque, même s'ils parlent chacun leur langue, ils se comprennent. On peut avoir cette liaison spirituelle. Les Polonais se sont rendu compte déjà, en 1944, qu'à côté des droits qui leur sont accordés, ils doivent prendre sur leurs épaules des responsabilités parmi lesquelles la protection du vieillard est très importante.

Ils ont conçu cette idée de créer un foyer pour les vieillards. Ce foyer restera toujours, messieurs, un patrimoine québécois rendant des services énormes à la colonie polonaise et à la colonie slave.

L'institut que nous représentons est une corporation sans but lucratif et il désire le rester.

Nous ne voulons aucun gain. Il appartient à ces huit associations polonaises qui sont représentées ici sur le banc. Elles ont tout mis en commun pour ce but charitable. Elles ont mis leur propriété, leur bonne volonté, leur labeur.

Le projet de loi pourrait signifier la liquidation et la fin du foyer tel que conçu. Pourquoi? Si notre institut devenait attaché à une des régions créées en vertu du paragraphe 3, il deviendrait une institution régionale au service de tous les habitants de cette région, sans distinction d'origine et il serait inaccessible aux gens d'origine polonaise ou slave qui habitent en dehors de cette région. Ces gens seraient privés, dans leur vieillesse, du milieu polonais qui est tellement important à leur survie.

Deuxièmement, si l'exécutif de cet institut devait être nommé selon le paragraphe 51, l'administration passerait entre les mains de gens qui ne parlent pas le polonais et qui n'ont rien en commun avec la culture polonaise. La maison érigée par la communauté polonaise deviendrait pour elles sans aucune utilité et le propriétaire serait totalement exclu de l'administration de l'hospice créé par leur effort commun.

Pour ces raisons, nous nous sommes permis, très respectueusement, de proposer dans notre mémoire, les amendements suivants. Ils sont très courts, alors, je me permettrais de les lire. C'est très court. Nous demandons que, dans le cas où l'institution dessert spécifiquement un groupe ethnique, elle ne soit pas soumise à la juridiction d'un organisme régional. Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse établir une régie à l'échelle provinciale, afin d'exercer toute juridiction intermédiaire sur ce genre d'institution. Et enfin, que notre foyer garde son identité propre, qu'il soit reconnu comme une institution privée et qu'il garde le pouvoir de nommer ses membres et ses administrateurs.

Nous sommes convaincus que sa structure actuelle correspond bien au milieu qu'il dessert et que ce milieu participe réllement à l'organisation de notre institution. Ces changements que nous proposons — ce sont des changements réllement mineurs à une institution déjà existante, à une institution spécialisée — seraient une vraie bénédiction pour ceux qui y sont déjà et pour ceux qui leur succéderont.

Et en plus, il nous semble à tous les Polonais que nos conclusions sont absolument conformes aux intentions de votre gouvernement qui a en vue, en premier lieu, le bien-être de ses citoyens et de ses vieillards aussi, naturellement.

Les paroles encourageantes de M. le ministre Castonguay, prononcées dans la salle en bas, à la présentation du mémoire de l'Association des foyers pour les adultes, dont nous faisons partie, les paroles que je répète: "Pas d'expropriation, dissipez vos craintes", nous ont donné l'espérance toute nouvelle que nos demandes seront exaucées et que l'institut polonais pourra continuer son oeuvre. Notre seul et unique désir, messieurs, est de rendre paisibles les derniers jours et années de nos compatriotes et de nos estimés concitoyens, unis dans une ambiance familière et sereine, sous le toit de notre foyer. Je vous remercie.

M. CASTONGUAY: M. le Président, comme on vient de le mentionner en rappelant les paroles que j'ai mentionnées plus tôt, à l'occasion de l'étude du mémoire de l'Association des foyers pour adultes, j'espère que c'est de nature à rassurer les représentants de l'Institut canado-polonais. Ce n'est évidemment pas notre intention, en introduisant le bill ou le projet de loi no 65, de priver de cette ressource un groupe qui, comme vous le mentionnez, a fait des sacrifices, dans un désir d'entraider les siens et plus particulièrement ses personnes âgées. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, notre but n'est pas celui-là. Nous ne voulons pas, comme gouvernement, nous emparer d'institutions ou encore de prendre une institution, sans raison valable, pour qu'elle reçoive une nouvelle catégorie de bénéficiaires de ces services. Alors, dans ce sens-là, je crois que je dois de nouveau vous rassurer.

Le projet de loi a peut-être été sous certains plans interprété trop littéralement. Nous voulons plutôt, comme je l'ai mentionné à certaines reprises, assurer une meilleure coordination des services et une meilleure intégration lorsque nécessaire, continuité dans les services lorsque

nécessaire, et aussi assurer, partout où c'est nécessaire — et j'emploie bien le qualificatif "nécessaire" — une meilleure rotation, un meilleur renouvellement dans les conseils d'administration. Ce soir nous avons entendu deux organismes qui nous expriment des points de vue sur la participation. Je pense que, dans votre milieu, ce que vous nous décrivez est vraiment le résultat d'efforts de participation de vos concitoyens. Alors, au plan bien technique, quelles sont les clarifications qui peuvent être nécessaires au projet de loi pour concrétiser ou encore pour vous réassurer complètement? Je ne crois pas que ce soit tellement nécessaire de le mentionner ici ce soir, mais je voulais simplement rappeler ce que j'ai déjà dit.

M. LEWANDOWSKI: Nous vous remercions et vous pouvez être assuré de notre pleine coopération, M. le ministre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, M. le Président, j'aimerais faire un commentaire, à l'endroit du groupe des Polonais, un groupe extrêmement sympathique, et je dois dire que je pense qu'il serait normal que nous notions au nom de la commission, d'ailleurs comme pour ceux qui sont venus auparavant ce soir, vous vous êtes exprimés, pour des Polonais, dans un excellent français. Cela montre que, même si vous êtes soucieux de préserver la culture polonaise, vous n'avez pas refusé non plus de dialoguer avec les gens avec qui vous vivez. Le fait d'avoir voulu construire un foyer pour personnes âgées de votre groupe, cela ne voulait pas dire non plus, j'imagine, que vous refusiez que les personnes âgées ne s'intègrent d'avantage à la communauté québécoise mais c'était pour leur procurer des services qu'autrement, peut-être, il aurait été difficile de leur rendre. C'est pour cela que nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt le développement de votre institution, qui véritablement fonctionne très bien. Mais d'autre part, je voudrais souligner ceci. J'ai écouté la réponse du ministre et, à plusieurs reprises au cours des travaux de la commission, il a voulu atténuer certaines appréhensions de certains groupes qui ont exprimé des réserves devant la commission et qui voulaient lui faire préciser certains textes du projet de loi. Je comprends, moi aussi, que, connaissant le ministre, comme nous le connaissons depuis plusieurs années, je n'ai pas de doute sur ses bonnes intentions et je n'ai pas de doute non plus sur les objectifs qu'il poursuit avec l'introduction du projet de loi no 65.

Je voudrais répéter ce qu'on a dit à plusieurs reprises. Il reste qu'il y a des textes législatifs qui sont rédigés de telle façon. Je comprends qu'on veuille bien interpréter très largement, mais le ministre nous rassure à l'effet qu'il ne faut pas interpréter trop littéralement les textes de loi, mais quand on connaît la profession juridique, quand les juristes vont avoir à interpréter le texte de loi, ils vont l'interpréter tel qu'il est rédigé.

Vous avez fait des suggestions qui introduiraient peut-être un peu de souplesse dans la législation, le bill 65. Je ne dis pas qu'il faille dans une législation aussi importante qui a pour objet de réorganiser les services de santé et les services sociaux... On ne peut pas commencer à introduire une foule d'exceptions. Ce n'est pas l'intention d'un projet de loi, ce n'est pas d'abord de prévoir des exceptions. Mais, d'autre part, je pense que, dans les recommandations que vous avez faites, dans les trois recommandations, il y certainement quelque chose à retenir, pour introduire davantage de souplesse dans une législation qui, même si elle veut introduire davantage de coordination, de réorganisation dans le secteur des services sociaux et des services de santé, n'a pas pour objet d'abord de détruire ce qui existe et ce qui fonctionne bien. Il s'agit d'améliorer aussi un système et d'apporter des améliorations.

Alors, je pense bien que le ministre a conçu sa législation dans cet esprit. C'est pour cela qu'à chaque fois — et c'est la première fois que nous avons l'occasion de faire cette sorte de remarque au cours de l'étude du projet de loi 65 — qu'il sera possible, sans fausser l'orientation qu'on veut donner à la législation, chaque fois qu'il sera possible d'introduire, non pas des mesures d'exception, mais des mesures qui assouplissent le projet de loi lui-même... Vous avez la suggestion d'un office qui ne coïnciderait pas avec une région mais qui coïnciderait plutôt avec d'autres critères et d'autres facteurs. Je pense que c'est une suggestion qui vaut la peine de fouiller davantage et qui devrait être retenue. Cette suggestion est faite par l'Institut canado-polonais, mais elle pourrait s'appliquer aussi à d'autres groupes qui sont venus devant la commission parlementaire et qui ont fait ressortir d'autres problèmes de nature particulière. C'est une suggestion — je ne sais pas si elle devrait être retenue de la façon qu'elle a été faite — mais de toute manière je crois qu'il y a dans cette suggestion véritablement un effort positif et constructif de la part de votre association pour apporter quelque chose de nouveau dans les études de ce projet de loi et pour apporter un essai de solution.

D'autre part, je comprends la façon dont les conseils d'administration sont prévus dans le projet de loi. Evidemment si on tient compte que les membres du conseil d'administration sont nommés en vertu des nouveaux critères, je pense bien que, pour le conseil d'administration de l'Institut canado-polonais, vous ne retrouverez pas dans les différents groupes socio-économiques à Montréal les gens qui vont répondre aux critères que vous-mêmes avez fixés comme membres du conseil d'administration.

Alors, en tenant compte de cette première suggestion, il y a peut-être des assouplissements à introduire qui n'auraient pas tellement de caractère d'exception qu'on voudrait institutionnaliser dans le projet de loi. D'autre part, s'il est bon de ne pas multiplier les exceptions,

on reconnaîtra la valeur d'une législation, la qualité d'une législation dans le fait qu'elle ne crée pas inutilement des problèmes mais qu'en apportant une réorganisation, une amélioration de ce qui existe actuellement, elle ne crée pas d'autres sortes de problèmes qu'elle aurait pu éviter autrement.

C'est le commentaire que je voulais faire ce soir et je pense bien que le ministre et nous, aurons l'occasion d'en reparler lors des séances subséquentes de la commission.

M. LAURIN: Quant à nous, M. le Président, nous voudrions simplement partager le soulagement et la satisfaction qu'ont dû provoquer chez vous les assurances que vient de vous donner le ministre.

M. LEWANDOWSKI: Nous vous remercions. Si vous saviez, monsieur, avec quelle angoisse et inquiétude nos pensionnaires attendent le verdict de la loi 65.

M. CASTONGUAY: Dites-leur d'être rassurés.

M. LEWANDOWSKI: Nous vous remercions. M. LE PRESIDENT: Un instant, un instant.

M. TARNOWSKI: Nous serions très fiers si notre proposition ne servait pas seulement à notre institution mais servait à tout le Canada et à toute la province.

M. SHANKS: L'excellente pensée de Me Lewandowski s'explique très bien, c'est Son Excellence le ministre plénipotentiaire du gouvernement polonais en exil ici au Canada.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je vous remercie. J'invite maintenant le Conseil des oeuvres et du bien-être de Québec.

Conseil des oeuvres et du bien-être de Québec

M. LEFRANÇOIS (Richard): M. le Président et MM. les membres de la commission parlementaire, mon nom est Richard Lefrançois. Je suis responsable du service de la recherche au Conseil des oeuvres et du bien-être de Québec. J'ai à mes côtés M. Jacques Turcot qui est également du service de la recherche, qui a été un des principaux responsables de la rédaction du mémoire que nous avons soumis et dont il vous dressera un bref résumé dans quelques instants.

Au préalable, j'aimerais souligner que le COBEQ a obtenu une séance de consultation auprès de 70 organismes affiliés qui ont pu exprimer leur point de vue concernant le document de travail que nous leur avions soumis. On a évidemment tenu compte de leurs suggestions, de leurs critiques et de leurs com- mentaires dans la rédaction finale. C'est la procédure que le COBEQ a suivie dans la présentation de ce mémoire qui se subdivise en quatre grands thèmes principaux, à savoir la réorganisation, le fonctionnement, la décentralisation et la participation.

Nos observations sont donc regroupées autour de ces quatre principaux thèmes. On peut dire en général que, bien que nous soyons en accord sur le principe du bill, il y a quand même place pour de l'amélioration et nos recommandations, nos remarques portent précisément sur des aspects de base, des aspects de principe plutôt que sur des aspects techniques qui, jusqu'à présent, ont surtout été soulignés. Sans plus tarder, je laisse la parole à M. Turcot.

M. TURCOT (Jacques): D'abord, nous avons relevé quelques ambiguïtés dans la définition des éléments de la structure proposée. Ces ambiguïtés sont sans doute attribuables au fait que la plupart des articles du projet de loi no 65 concernent l'aspect administratif plus que l'aspect social de la réorganisation des services.

C'est afin de pallier cette lacune que nous faisons des recommandations concernant le mécanisme de formation au travail multidisciplinaire, concernant les responsabilités du gouvernement envers les organismes qui voudront demeurer privés et concernant l'établissement de mécanismes de coordination.

Nos recommandations ont été pensées en fonction des intérêts des bénéficiaires de services. En ce qui a trait à la participation, nous croyons que les efforts du ministère des Affaires sociales sont timides. On semble souscrire à un principe sans engager un processus véritable de participation. Il ne suffit pas d'offrir à la population des sièges au conseil d'administration des institutions pour consacrer le principe de la participation des citoyens.

Il faut que ces conseils d'administration détiennent des pouvoirs de décision, non uniquement des normes de contrôle à appliquer. Il faut aussi que la population soit informée des possibilités de participation qui s'offrent à elle. C'est dans cet ordre d'idées que nous recommandons que la population soit informée, non seulement des services dont elle pourra bénéficier, mais aussi des structures permettant sa participation.

Pour la même raison, nous voulons qu'une des fonctions explicites de la CLSC soit l'animation sociale. Pour favoriser la participation et aussi afin de démocratiser la structure proposée, nous recommandons que le seul mode de sélection des membres des conseils d'administration soit l'élection, et que les deux-tiers de ceux-ci soient composés de représentants de la population.

Nous constatons que le projet de loi no 65, instaure des structures décentralisées administrativement et territorialement alors que toute décision revient au sommet de la hiérarchie ministérielle. Etant donné que nous appuyons

la politique de décentralisation que le ministère des Affaires sociales vise dans la réorganisation des domaines de la santé et du bien-être mais que nous croyons que cette politique doit se réaliser parallèlement au niveau administratif, territorial et de décision, nous recommandons une redistribution des pouvoirs dans la structure de sorte que les ORAS aient plus de pouvoir de décision, tout en étant des outils au service des institutions.

Enfin, l'ensemble des critiques menées par les corporations des professionnels, par les institutions et associations oeuvrant dans le domaine de la santé et du bien-être nous porte à croire qu'un projet pilote mis sur pied dans une région administrative serait une expérience bénéfique pour tous ceux qui seront touchés par la loi 65, pour autant qu'une évaluation complète de cette expérience permette une révision du projet de loi pour le plus grand bien des Québécois.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants du Conseil des oeuvres et du bien-être du Québec. Ce mémoire porte sur les aspects généraux du projet de loi. Je crois que les commentaires qui nous sont faits sont clairs, de même que les recommandations. M. le Président, je vais me contenter de remercier les représentants pour ce mémoire. Je ne crois pas qu'il y ait des points particuliers, dans le moment, sur lesquels j'aurais des questions à poser.

M. BOIS: A la page 15, quand vous dites participation, vous mentionnez à l'article 17 que le seul mode de sélection des membres des conseils d'administration des institutions soit l'élection. Est-ce que vous voulez dire l'élection à l'intérieur des institutions elles-mêmes, que ce soient toutes les institutions sociales ou les conseils exécutifs des institutions hospitalières?

M. TURCOT: Toutes les institutions publiques qui sont constituées par le bill 65.

M. BOIS: Vous voulez dire ici, toutes celles qui sont mentionnées à la fin du mémoire.

M. TURCOT: Les conseils d'administration, oui. Qu'il n'y ait pas de nomination.

M. LEFRANÇOIS: Je pense qu'on pourrait peut-être ajouter un commentaire au niveau des ORAS. Si c'est un organisme qui se veut représentatif des différents groupes socio-économiques à la base, je pense qu'à ce moment-là il n'est pas nécessaire qu'il y ait une super-structure qui vienne également imposer ou donner un ton, disons, aux politiques qui peuvent être mises de l'avant au niveau des CLSC ou des institutions d'accueil ou des autres institutions. C'est un peu dans ce sens-là que les commentaires ont été formulés.

M. BOIS: En fait, c'est un principe démocratique que vous recommandez. Au lieu qu'une nomination soit faite par l'autorité pour les différents organismes sociaux, que ce soit fait parmi les membres qui le composent. Est-ce que c'est ça?

M. LEFRANÇOIS: C'est-à-dire que le principe de l'élection doit être répandu à tous les niveaux quelle qu'en soit la structure, parce qu'autrement cela devient un carcan qu'on nous impose et qui risque d'avoir des répercussions à tous les niveaux. D'ailleurs, je pense que plusieurs organismes ont exprimé le même point de vue. Je pense que l'élection, c'est un point de vue — sans vouloir faire le procès de la démocratie — qui nous apparaît important.

M. BOIS: Je vous remercie beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je vous remercie.

Le Conseil interprofessionnel du Québec. L'Association des psychiatres du Québec.

Association des psychiatres du Québec

M. NAIMAN: Mon nom est James Naiman, je suis président de l'Association des psychiatres du Québec; à ma droite est le Dr Lemelin, trésorier de l'association.

Vu l'heure tardive, je vais essayer d'être aussi bref que possible et également je crois avoir peut-être — étant ici depuis le début de l'après-midi — saisi un peu plus l'esprit du projet de loi 65 que je ne l'avais saisi simplement d'après la lecture.

Un mot au sujet de l'Association des psychiatres. Nous avons débuté comme association professionnelle, nous sommes maintenant un syndicat professionnel et si j'en occupe actuellement la présidence et que mon nom est Naiman, c'est que l'Association des psychiatres a toujours respecté le principe de l'alternance, que la présidence aille à tour de rôle à un francophone et à un anglophone. Alors, je suis le président parce que c'était le tour de l'anglophone. Je le dis parce que je crois que, peut-être, ça prouve qu'en dépit de toutes les différences de points de vue qui peuvent exister entre les psychiatres, nous avons tout de même, peut-être, un certain exemple à montrer dans nos relations. Entre nous, inutile de dire que la majorité de l'association est canadienne-française et francophone et l'a toujours été. Par conséquent, ceci est une décision de la part de Canadiens français d'avoir voulu cette alternance, de sorte que les présidents ont été des personnes aussi diverses que le Dr Roberts, le Dr Cleghorn et le Dr Camille Laurin, à des dates différentes. A ma gauche, le Dr Lapointe qui est le secrétaire de l'Association des psychiatres.

Je vais m'attaquer à ce que je considère comme les points essentiels de notre mémoire

et je suis certainement disposé à répondre aux questions qui touchent n'importe quel aspect. Tout d'abord, au sujet du chiffre de 50 p.c. de lits et tant de lits psychiatriques, je ne me porte pas garant de ce pourcentage qui se trouve sur la première page. Il m'avait été donné par un collègue; j'avais cru qu'il était exact; j'ai voulu le vérifier, mais il a été impossible de le faire. Le Dr Lortie l'a répété cet après-midi. Je ne sais pas si c'est vraiment 50 p.c. ou si c'est 40 p.c. En tout cas, c'est un pourcentage très élevé. Par contre, on a parlé du nombre de psychiatres dans la province et s'il y en a assez. A un moment donné, je le mentionne, durant une certaine décennie qui s'est terminée il y a quatre ans, le nombre moyen de psychiatres qui quittaient le Québec était de deux par année. Depuis le 1er janvier 1970, il est mentionné dans mon mémoire qu'il y en avait 40; le chiffre est maintenant rendu à 42. Nous espérons que l'exode va diminuer après la signature de l'entente collective syndicale que nous espérons signer avec le représentant du ministère demain matin à Montréal.

Pour en revenir au projet de loi no 65, je vais mentionner les différents points que nous considérons comme étant essentiels du point de vue psychiatrique, non pas dans l'ordre de leur importance, mais dans l'ordre de leur simplicité, en commençant par les plus simples.

Le premier, c'est la question du secret professionnel. Ce point a déjà été soulevé dans le mémoire du Collège des médecins et dans celui de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Nous considérons que le secret professionnel peut être utile dans d'autres domaines de la médecine; nous croyons qu'en psychiatrie il est absolument indispensable. Qu'un fonctionnaire de l'ORAS puisse avoir accès au dossier d'un patient et prendre connaissance des détails de sa vie intime nous parait absolument impensable. Et nous désirons protester vigoureusement contre cette disposition de la loi. Nous pensons que l'ORAS devrait être capable d'exercer les fonctions qui lui sont attribuées sans qu'il soit nécessaire d'avoir accès aux dossiers des malades. La seule conséquence de cette disposition sera que le dossier va être incomplet. Ma première résidence en psychiatrie était à l'Hôpital des Vétérans de Montréal, qui était un hôpital fédéral, et le gouvernement fédéral avait, de par la loi, accès aux dossiers des malades.

Le résultat est que les dossiers étaient extrêmement incomplets et que nous mettions des diagnostics comme...

M. CASTONGUAY: Seulement un commentaire, ici. Si cet aspect n'a pas été mentionné dans le projet de loi, c'est que le secret professionnel sur tout ce qui touche les médecins et les dentistes est couvert dans le code de procédure civile québécois et que les officiers légistes n'ont pas jugé utile de le reproduire dans le projet de loi.

Vis-à-vis des craintes qui ont été mentionnées, j'ai dit à plusieurs reprises que nous introduirions cet aspect dans le projet de loi. Mais le code de procédure civile, si vous référez à je ne me souviens pas quel article, couvre déjà cette question et, dans chaque projet de loi, les officiers légistes s'opposent à ce qu'on répète tout le bagage des dispositions qui pourraient s'appliquer à une question particulière.

M. NAIMAN: Nous sommes d'accord là-dessus si nous avons votre assurance, nous aimerions peut-être que le texte qui définit les pouvoirs de l'ORAS puisse être modifié de manière à couvrir ces dispositions. Je crois que quelques mots suffiraient à nous rassurer là-dessus.

Le second point est la question du directeur des services professionnels dans les institutions psychiatriques. Le texte de loi, à l'article 151, mentionne que le surintendant n'existera plus. Il s'appellera le directeur des services professionnels. Le titre de ce monsieur ou de cette dame nous intéresse fort peu. Par contre, ce qui nous intéresse, c'est qu'elle sorte de personne sera-t-il? Sera-t-il un diplômé de l'Ecole nationale d'administration ou sera-t-il un psychiatre?

Nous tenons à ce qu'il soit un psychiatre. Nous avons écouté plus tôt, dans l'après-midi, le mémoire de l'Institut Philippe Pinel. Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas psychiatres, je désirerais rappeler qui est Philippe Pinel. Philippe Pinel était un psychiatre au temps de la révolution française qui a enlevé les chaînes des patients à la Salpêtrière parce qu'il pensait que les patients psychiatriques n'étaient pas aussi dangereux qu'on le pensait à l'époque.

Au nom de ce qui semble préoccuper beaucoup le ministre, soit l'efficacité et la sauvegarde des fonds publics, il aurait peut-être été plus efficace de garder les patients enchaînés. C'est pour ça que nous tenons beaucoup à ce que le directeur des services professionnels soit un psychiatre — et cela a d'ailleurs déjà été dit dans le mémoire des directeurs des institutions psychiatriques — qui ait reçu la formation nécessaire à administrer une institution psychiatrique selon les données modernes de l'institution psychiatrique.

Par exemple, l'Association psychiatrique américaine décerne un certificat spécial en administration d'institutions psychiatriques. On peut être psychiatre sans être capable d'être administrateur. Personnellement, je suis psychiatre et je n'entreprendrais pas l'administration d'un hôpital psychiatrique de 4000 lits. Je ne me considère pas capable de le faire. Il y a, par contre, d'autres psychiatres qui en sont capables, qui peuvent le faire et je crois qu'ils devraient être nommés à des postes de ce genre. Cela, je crois, nous parait une chose extrêmement importante.

Maintenant, ces deux points-là étant simples, je vais passer aux autres points de notre

mémoire. Si vous regardez à la page 5, au haut, vous trouverez le résumé des points qui nous concernent le plus et là, nous passons à des choses plus controversées dont il a été question plus tôt cet après-midi et il nous sera difficile d'éviter une certaine longueur.

Il me semble que, dans l'intégration de la psychiatrie dans la médecine, il y a deux extrêmes. Un extrême avait été préconisé par le Dr Paumelle et par certains de ses disciples et c'est la séparation complète des deux disciplines.

Le sous-ministre avait eu la bienveillance de me faire parvenir un mémoire à ce sujet cet été et j'ai fait des commentaires.

Ceci me paraissait un point de vue extrême et le fait qu'il n'avait pas été entendu au-delà du 13e arrondissement de Paris me faisait croire que les autorités parisiennes également hésitaient à l'étendre au reste de la ville de Paris, et que probablement elles avaient des raisons valables de le faire.

Par contre, dans le bill 65, il me semble que la psychiatrie est noyée. Comme je dis dans le mémoire, on a supprimé la division des services psychiatriques du ministère de la Santé, nous n'en réclamons pas la restitution ou le rétablissement. Certains de nos membres le désirent, nous sommes parfaitement disposés à accepter des structures différentes, mais je crois que, dans la structure administrative proposée par le ministre, la psychiatrie se trouve complètement noyée au point de vue administratif, et nous le redoutons également, au point de vue budgétaire. Nous pensons que les deux vont aller ensemble.

Le Dr Lortie, dans son mémoire, avait fait un commentaire quelque peu analogue et M. Castonguay lui avait demandé de faire une proposition concrète. A la suite de cela, ce n'est pas dans le mémoire mais c'est ma réaction à la question que M. Castonguay avait posée au Dr Lortie, je proposerais qu'à l'article 41 du bill 65 on ajoute un paragraphe e): Corporation régionale de santé mentale. Qu'est-ce que nous entendons par cela et pourquoi nous le voulons?

Nous pensons que, dans certains cas, l'hôpital psychiatrique peut remplir un rôle utile. Nous pensons que, dans d'autres cas, le service de psychiatrie d'un hôpital général peut remplir un rôle utile. Nous pensons, par contre, que dans d'autres cas encore où il n'y a pas de structures existantes, où l'essai d'intégration de la psychiatrie dans l'hôpital général a été une faillite... Je pourrais nommer les hôpitaux, mais je ne tiens pas particulièrement à me faire faire un procès pour libelle diffamatoire. Je crois que le ministre sait de quels hôpitaux il s'agit. Il y en a certains à Montréal, S'il veut que je les nomme confidentiellement, je le ferai. C'est pour cela que nous désirons dans ce projet de loi une certaine — ce que vous avez dit monsieur — souplesse qui permette la variabilité des structures selon les besoins locaux, selon ce qui existe déjà. Nous avons entendu cet après-midi, il me semble, des représentations faites par des organismes qui fonctionnent. Je crois que les organismes qui fonctionnent, il ne faut pas les chambarder. Le dernier point sur lequel je veux m'exprimer concerne l'enseignement et la recherche.

L'enseignement, nous le savons, relève du ministre de l'Education. Néanmoins, comme M. Castonguay le sait fort bien, l'enseignement dans les facultés de médecine est largement subventionné par son ministère. L'enseignement et la recherche peuvent être considérés comme du luxe et peuvent être considérés comme des choses qui peuvent être séparées, rigoureusement du travail clinique. C'était le point de vue que les représentants de l'Université de Montréal ont exprimé ici cet après-midi. Nous sommes en désaccord sur ce point de vue. Nous ne pensons pas que l'on peut vraiment séparer les soins des patients, l'enseignement et la recherche. Nous pensons que c'est un trio qui va inévitablement ensemble, si l'on veut une haute qualité de soins et également si l'on veut établir par des faits, et non seulement par des discussions et des débats, quelles sont les structures administratives qui sont les plus valables et les plus efficaces et les moins coûteuses pour rendre service à la population.

Je crois que présicément la multiplicité des points de vue qui ont été exprimés indique bien que nous n'avons pas atteint en psychiatrie le stade de connaissance où nous pouvons vraiment dire que telle ou telle solution est la meilleure. Je crois qu'il devrait être "built in", je m'excuse de l'anglicisme, je n'en connais pas l'équivalent en français, dans le projet de loi, que les structures fassent l'objet d'une révision constante afin de voir ce que, en effet, on pourrait peut-être précisément faire. Quelqu'un a mentionné ici des projets pilotes, je pense qu'il n'est pas nécessaire au niveau de toute la province de faire tout de suite la même chose. On pourrait avoir des projets pilotes, on pourrait voir ceux qui fonctionnent le mieux et on pourrait alors étendre le système là où c'est étendu. Je vous remercie.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des psychiatres pour ce mémoire. Je serais tenté de faire un commentaire sur ce que j'ai pu dire cet après-midi lorsque j'ai parlé de la recherche de l'efficacité ou de la nécessité de contrôler les coûts. J'espère que j'ai mal saisi, mais j'ai voulu être cet après-midi aussi nuancé que possible. Il est évident que l'Etat n'a pas de ressources illimitées et que nous sommes obligés de contrôler les coûts tout en gardant bien vivement à l'esprit qu'il y a des priorités, qu'il y a divers types d'allocations de ressources à faire. C'est le point que j'ai voulu faire ressortir, je n'ai pas voulu donner l'impression que nous voulions rebrousser chemin, reculer et arrêter tout progrès. Sur ce point-là je voudrais répéter

ceci, compte tenu de la remarque que l'on a faite et de l'association qu'on a faite avec les prisonniers enchaînés du temps de Pinel.

En ce qui a trait aux directeurs des services psychiatriques, dans la Loi actuelle des hôpitaux pour malades mentaux, il n'est pas dit que ce doit être un psychiatre et je crois qu'à la fois le gouvernement et ceux qui ont eu à se prononcer ont toujours, lorsque les psychiatres étaient disponibles, nommé des psychiatres pour occuper ces postes. Il ne nous a pas paru nécessaire de consacrer ceci dans le projet de loi, de même que, dans les agences de service social ou dans les centres de services sociaux, nous n'avons pas dit que ce devait être telle catégorie de personnel professionnel qui devait occuper tel poste. Il me semble qu'en même temps qu'on nous dit que nous allons trop dans les détails à certains endroits, l'on nous reproche de pas aller suffisamment dans les détails à d'autres endroits alors que justement l'expérience que nous avons a démontré que, sans que les lois précisent ces points, les conseils d'administration ou les gouvernements ont agi avec le sens commun. Quant aux autres aspects, comme ils portent sur des questions déjà discutées, j'ai écouté avec attention ce qui vient d'être dit et je voudrais remercier à nouveau les représentants de l'association.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, votre mémoire est comme ceux soumis par tous les psychiatres au cours des autitions de la commission, c'est le quatrième ou le cinquième groupe de psychiatres dont le mémoire est extrêmement important. Il y a deux types de sujets dans votre mémoire, il y a un type de sujet qui peut faire l'objet de discussions, peut-être pas ici mais lors de l'étude des prévisions budgétaires du ministère des Affaires sociales, à savoir les types de structures et la responsabilité, la direction des services psychiatriques, la question de l'imputation des sommes à la psychiatrie, ainsi de suite.

Il y a une question que je voudrais vous poser, il y a une remarque dans votre mémoire que je trouve extrêmement importante, c'est l'exode des psychiatres. La première fois, à ma connaissance, on a parlé de l'exode des médecins à l'occasion des difficultés qu'on a connues, mais au sujet des psychiatres, à ma connaissance, c'est la première fois que nous parlons de l'exode en termes de chiffres.

A quoi attribuez-vous surtout l'exode, les 42 départs en moins de deux ans?

M. NAIMAN: Je crois qu'il y a diverses raisons à cet exode. Je crois que vous n'ignorez pas que le bill 8, c'est-à-dire le bill de l'assurance-maladie, diffère d'une façon assez considérable des lois analogues dans les autres provinces du Canada. A cet égard, les psychiatres n'ont pas été traités plus mal que qui que ce soit. Ils ont été traités comme les autres médecins. L'échelle des tarifs qui a été négociée à la table de la FMSQ l'a été sur le même pourcentage pour la psychiatrie que pour les autres spécialités. Il y a par contre le fait qu'il y a dans diverses spécialités de la médecine des questions d'offre et de demande, dans les autres provinces du Canada et aux Etats-Unis, qui sont différentes.

Je ne connais pas les chiffres exacts, mais les autres spécialités où il y a eu des exodes sont en radiothérapie et en anesthésie. En radiothérapie, je crois que le nombre est faible, mais le pourcentage est relativement élevé, peut-être même plus élevé que chez nous. Je crois que ceci dépend tout simplement du fait qu'à l'heure actuelle il suffit d'ouvrir n'importe quelle revue psychiatrique pour trouver des annonces où on demande des psychiatres un peu partout, au Canada et aux Etats-Unis. Moi, dans mon courrier du matin, je reçois des offres venant de l'Etat de Californie, de l'Etat de New-York en disant que les Canadiens n'ont pas besoin de passer d'examen ou devront le faire dans un an ou dans deux ans, la province de la Saskatchewan fait aussi des annonces partout. Il est extrêmement facile en psychiatrie de se trouver des postes ailleurs.

En chirurgie générale ou en médecine interne, par exemple, il est extrêmment difficile pour un interne de Montréal d'aller s'installer ailleurs. Il devrait accepter un poste nettement inférieur à celui qu'il occupe ici, s'il travaille par exemple dans un hôpital universitaire, et par conséquent le déplacement est beaucoup plus difficile. La demande pour les services psychiatriques est beaucoup plus considérable que l'offre. Il n'y a pas suffisamment de psychiatres et, comme je dis, l'entente que nous espérons signer demain va — nous l'espérons — améliorer quelque peu la situation mais jusqu'à la signature de cette entente, certainement en milieu hospitalier les différences étaient considérables et les gens sont partis.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'anticipais la réponse, sans connaître tous ces faits évidemment, j'imaginais que vous toucheriez ce point-là. Je l'ai posée parce que justement l'entente se signe demain et, dans tout ce contexte-là, je voulais voir si l'entente qui va se signer demain, sans connaître de précision, avait pour objet d'obvier un peu à cet exode que l'on connaît dans le domaine de la psychiatrie.

M. NAIMAN: Je pense que oui, mais j'en reviens au thème de l'enseignement et de la recherche. Dans l'entente que nous allons signer demain nous avons atteint avec le ministère un accord qui, sur le plan de la rémunération, rend la psychiatrie au Québec tout à fait compétitive avec la psychiatrie ailleurs au Canada.

Par contre, ça dépend là des administrations, si les tâches qui sont données aux psychiatres sont trop restrictives, si on leur dit: Vous ne pouvez être payés que si vous voyez des malades, si vous avez un petit projet de recher-

che en tête, on ne va pas vous payer pour cela, etc., si on fait des chinoiseries de ce genre, je crois que la rémunération financière à elle seule ne va pas être suffisante.

Je suis satisfait de l'entente qui sera signée demain sur le plan financier. Je crois que, sur ce plan-là, il n'y aura plus de problèmes et que ce ne sera plus une raison pour les gens de quitter.

Est-ce que les gens vont continuer à quitter? Je pense que ça dépendra du climat à l'intérieur des institutions hospitalières.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, j'aurais d'abord une question à poser. A la première page, on dit que le Dr Camille Laurin, qui aurait été votre prédécesseur, mentionnait que la psychiatrie n'était pas une spécialité comme les autres. Heureusement, ça a peut-être été l'occasion de produire un honorable député qui n'est pas comme les autres. Et ce n'est pas péjoratif.

M. LAURIN: Je vous en remercie.

M. BOIS: La question que j'ai à poser est à l'article 7 de vos recommandations. Vous parlez ici, par exemple, que, dans les cas d'institutions, 50 p.c. de tous les lits d'hôpitaux du Québec sont occupés pour des fins psychiatriques, alors que vous ajoutez par exemple, que, si on exclut les services psychiatriques d'hôpitaux généraux, même 30 p.c. des autres patients ont quelque chose qui, en réalité, a trait à la psychiatrie.

Si je fais des calculs bien simples, ça veut dire que plus de 65 p.c. des patients hospitalisés dans le Québec ont besoin, dans une marge plus ou moins grande, de services psychiatriques.

M. NAIMAN: C'est vrai dans le Québec et ailleurs. Ce n'est pas plus élevé dans le Québec. Ce sont des chiffres qui sont plus ou moins généraux dans tous les pays civilisés où l'on maintient des statistiques plus ou moins valables. Ce qui se passe en Union Soviétique, nous ne le savons pas, parce qu'on n'y publie pas de statistiques. Mais, dans des pays comme l'Angleterre, les Etats-Unis, les chiffres sont à peu près les mêmes partout.

M. BOIS: Cela veut dire que, pour toute institution générale qui est reconnue pour se spécialiser en médecine générale par exemple ou en chirurgie, vous retrouveriez les mêmes proportions?

M. NAIMAN: Oui, je dirais que le pionnier dans ce domaine a été le Mont Sinaï Hospital à New York qui, avant d'avoir un service de psychiatrie, avait nommé deux psychiatres dans chaque service: obstétrique, gynécologie, chirurgie, etc. Il y avait 85 psychiatres à ce moment- là. C'est un hôpital de 700 ou 800 lits et chaque malade était vu, ou du moins, il y avait un psychiatre disponible pour la consultation, non pour le traitement. Par exemple, un enfant était dans le plâtre et était devenu très angoissé. L'enfant était dans un plâtre et ne pouvait regarder que le plafond. Il ne pouvait pas voir le reste de son corps. Le psychiatre a fait la suggestion très simple de mettre des miroirs pour que l'enfant puisse voir le reste de son corps, pour qu'il puisse voir ses pieds.

Ceci a réglé le problème. Ce que je veux dire est que tous ces patients-là n'ont pas besoin de soins psychiatriques, d'être suivis par un psychiatre, mais qu'un psychiatre a un rôle à jouer. Et ceci est de plus en plus accepté, je dirais à peu près partout.

Le Mont Sinaï Hospital a été le pionnier de ça, il y a à peu près 30 ou 40 ans à New York et les autres, graduellement, petit à petit, se sont acheminés dans cette direction.

Je dirais que, dans un hôpital général, la consultation aux autres services de l'hôpital est probablement encore plus importante ou au moins tout aussi importante que d'avoir un service de psychiatrie, avoir des lits psychiatriques proprement dits. Je crois que, très souvent, le psychiatre peut jouer un rôle comme dans l'exemple que je vous ai donné.

M. LAURIN: Pour continuer la question du député de Montmagny, sur les 42 psychiatres qui ont quitté le pays, combien étaient de langue anglaise?

M. NAIMAN: Je vais vous donner les chiffres dans un instant, Dr Laurin. Sur les 42 qui ont quitté, il y avait 34 anglophones et 8 francophones. En remontant à 1952, il y a un total de 85 qui ont quitté dont 67 anglophones et 18 francophones. La proportion est donc d'à peu près, grosso modo, quatre anglophones et un francophone. Cette proportion semble se maintenir à travers les années.

M. LAURIN: Je sais qu'étant donné le rôle national joué par l'université McGill dans la formation des psychiatres, il y a toujours eu un mouvement, une mobilité des psychiatres à partir de Montréal. Est-ce que vous avez constaté que ce mouvement s'était accusé?

M. NAIMAN: Si vous regardez à la page 4, Dr Laurin, vous allez voir que nous avons fait la comparaison: de 1952 à 1967 c'est-à-dire avant que la situation politique ne change au point de vue médical, il y a 29 personnes qui sont parties. C'est pour une période de 16 ans. Cela fait donc une moyenne d'environ un "demi-psychiatre" par année. Durant 1968 et 1969, nous avons eu un total de 14. Donc, cela a grimpé à une moyenne de 7 par année. A partir du moment où il a été question de la Loi de l'assurance-maladie, alors, qu'on en a parlé, depuis le début de 1970, cela a grimpé. Nous

avons donc eu 13 départs en 1970 et nous en avons eu 29 en 1971. Il y en a qui partent encore parce qu'il y a des gens qui ont déjà pris la décision de partir. Je crois que nous voyons les suites de la grève du bill 41 et de tout ce qui s'est passé à cette époque-là. Il y a des gens qui à ce moment-là avaient pris la décision de partir. Ils avaient des maisons à vendre. Ils avaient des enfants à l'école de sorte que cela s'est échelonné. Est-ce que cela va s'arrêter? J'espère que l'entente de demain va aider à arrêter cet exode. Etant donné que nous avons remonté jusqu'en 1952, la différence entre le déplacement normal de psychiatres formés par McGill qui sont allés ailleurs... Nous ne prenons que les psychiatres qui ont obtenu le certificat de spécialiste en psychiatrie du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. Il y en a certains qui viennent d'ailleurs et qui viennent se former à McGill pour repartir. Cela ne figurerait pas sur ces chiffres de toute façon parce que ce seraient des gens qui n'auraient jamais eu l'intention d'exercer la psychiatrie au Québec et ils n'auraient pas pris l'examen de spécialiste en psychiatrie du collège provincial, cet examen qui a existé depuis 1955. C'est la première année où il y a eu un examen séparé du collège royal. Nous n'avons pris que cela. Par conséquent, les autres ne figurent pas du tout.

M. LAURIN: Je n'avais qu'une autre remarque générale à ajouter. Comme l'a noté le député de Montmagny, c'est le cinquième ou le sixième groupe de psychiatres que nous entendons et qui nous font valoir leurs recommandations. J'en conclus ou que les psychiatres parmi les médecins sont plus contestataires que les autres, peut-être à cause de leur travail ou encore qu'ils ont des problèmes particuliers plus aigus dans la conjoncture actuelle et qu'ils comptent que la loi 65 pourrait les aider à les résoudre. J'ai l'impression que les deux raisons peuvent peut-être chevaucher. Je vois que votre mémoire comporte des suggestions concrètes, précises que je trouve, pour ma part, intéressantes.

Il me fera plaisir de fouiller davantage. Merci.

M. NAIMAN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres commentaires? Messieurs, je vous remercie. J'invite maintenant les porte-parole du Montreal Convalescent Hospital.

Montreal Convalescent Hospital

MME. PINEO (Noreen): M. le Président, distingués membres de la commission parlementaire des Affaires sociales, mon nom est Noreen Pineo. Je suis la présidente du Montreal Convalescent Hospital. J'ai avec moi, ce soir, mes confrères du comité pour l'étude du projet de loi 65. A ma gauche, Mme Kane, vice-présidente; Mlle Francine Payette; à ma droite, Mme Howard et M. John Gregory, notre administrateur.

Le Montreal Convalescent Hospital a pris connaissance et a lu avec intérêt le projet de loi 65 présenté par l'Assemblée nationale du Québec. Son conseil d'administration vous a fait parvenir un mémoire dont j'ai mandat aujourd'hui, ce soir, de vous transmettre le contenu. Si vous me le permettez et si vous n'y voyez pas d'objection, ma langue maternelle étant l'anglais, je m'exprimerais en anglais. Je crois cependant que vous avez déjà des copies françaises de notre mémoire, si vous préférez suivre le texte en français. Est-ce que j'ai votre permission de continuer en anglais?

M. LE PRESIDENT: Oui.

MME PINEO: Merci beaucoup. I am going to omit the first part of our presentation and to begin with the introductory remarks. La présentation commence à la page 3. The board of administration wants it clearly understood that it has no argument with the principle of the proposed legislation to coordinate health and welfare services and to... Am I not close enough to...?

M. LE PRESIDENT: One moment, please.

M. CASTONGUAY: May I interrupt you just for a minute? Do you intend to read the whole brief or just give us a résumé?

MME PINEO: The salient points of the brief. M. CASTONGUAY: Thank you very much.

MME PINEO : I realize it is very late. With your proposed legislation to coordinate health and welfare services and to concurrently assure the availability of these essential services, as efficiently and economically as possible, to all segments of the population.

What concerns the board of administration of this hospital is that Bill 65, if enacted in its present form, would eliminate most, if not all, private initiatives and would tend to even do further harm by discouraging the participation of highly qualified community minded citizens in this sphere of health and welfare services.

Serious concern was also expressed by the board of administration as to the questionable legalities of Bill 65 with regard to the powers given to the Minister of Financial Institutions, with regard to the dissolution of the corporate legal status of an hospital — thus in effect expropriating without compensation but, worse than that, striking at the very Gore and philosophy of the Civil Law of this Province holding the testator's desires and wishes to be sacrosanct at all times.

Since the Montreal Convalescent Hospital

was chiefly developed, constructed and built from funds made available to it through the specific wishes of testators in various wills, the question arises as to the legality of the powers contained in Bill 65 which would tend to wholly disregard our entire structure on the Laws of Wills and Trusts.

I will proceed then to the question of trusteeship versus participation. Hospital trusteeship was born from a disinterested concern on the part of public-spirited citizens in community health organization. Hospital trusteeship has always represented a democratic form of local government, that of citizen groups working co-operatively with professional groups to provide the community with efficient health services.

These hospital trustees were not professional providers of care. In most cases, they were not consumers of care in the institution which they were helping to organize or to manage or, if they were, they did not sit as such on the governing board but rather as general representatives of the community.

Indeed, the fact of being associated with the hospital in any capacity used to be considered as a disqualifying factor for the position of trustee. As an example, it is still believed in many circles that no physician practicing in a hospital should be a member of the governing board of their hospital. To this day, we have one province in Canada which forbids it by law.

Now, the next point that concerns us is that, in article 50, — the article of the proposed Bill — it stipulates that the board of directors of a hospital should consist of fourteen persons. Now, it is our opinion that if this board consists of fourteen persons, then there would no corporate body other than the governing board. The Bill does not provide for the possibility of a general assembly of corporation members from which part of the governing board could be elected.

One consequence would be the constitution of a mixed board whose members of outside origin would not be the direct representatives of the community but rather Government appointees upon recommendation by certain designated socio-economic groups.

Another consequence appears even more important and far-reaching. The concept of trusteeship is replaced by the concept of participation. This desinterested trustees are replaced by interested parties, consumers from the territory, physicians, professionals, non-professionals, staff, etc. It is possible that the representation of different and sometimes opposed groups within the governing boards of a hospital may bring conflict, confusion and perhaps cahos as it has been the case recently in some CEGEP, because it seems that representatives of interested groups, very seldom transcend the respective interests of their groups in order to pursue the common good of the institution. It is then recommended, first, that the representatives of the community on hospital governing boards be not Government appointed, but rather selected according to a democratic procedure such as an election among a general assembly of corporation members recruited from the community as it is the case at present in the Montreal Convalescent Hospital.

It is also recommended that the community served by different hospitals be not identified with a territory so that some competent and available persons who are not living within this territory and hence who are not consumers of care in that institution could nonetheless become members of its governing board.

I think I will leave, the, the question of the present trusteeship versus the future board members, but what we are concerned about is that we feel and we respectfully submit that our community cannot likely dispense with the high level of competence, availability, initiative and goodwill represented by present hospital trustees.

Furthermore, even if an entirely new group of trustees as competent, as available and as full of initiative and goodwill could easily be found, it is submitted that such a sudden and global change of trustees would no be advisable for the best interest of the institutions.

Therefore, we recommend that such organizational changes as need be legislated be gradually phased in, but by clearly delineated steps, and we also recommend that hospital governing boards be organized so that appointments and/or election there to be carried out in stages.

The question of inquiry, the three procedures of inquiry, one originated by the regional bureau, as outlined in articles 30 to 35, another originated by the Minister, article 102, still another originated by the Lieutenant-Governor in council, article 129 and article 130, should be reduced to one procedure of inquiry upon a signed order of the Minister.

With regard to sanctions, the excessive sanction of dismissal, article 138, or stiff fines, article 146, we feel should be deleted. They are unwarranted penalties to voluntary board members and might alienate competent citizens from participating in hospital management.

The question of contracts, well, this is of concern to us too, but I will pass it by.

M. CASTONGUAY: If you will allow me just one comment, I think the English version of the Bill does not correspond to the French version with respect to contracts. In French, I think it appears more clearly that it is the approval only for certain categories of contracts that would have been specified in the regulations.

MME. PINEO: I see.

M. CASTONGUAY: It is not our intention to approve all contracts.

MME PINEO: Every little contract, I see. Thank you. Now, with regard to private donations versus public property, there is not a word in the proposed bill about the property of present institutions.

The corporations created by the Bill would be mere management corporations, as described in article 8 for regional bureaus and article 45 for all other institutions. The rights of ownership of present corporations on land, building and other assets are completly ignored in the Bill. However, the power of expropriation granted to the regional bureaus in article 8-1 and the powers of amalgamation conversion granted to the Minister of Financial Institutions in articles 83 and 84 do not include any mention of consultation with, let a long consent of the concerned institutions. Furthermore, there is no provision for the possible need for reversion of assets to the estate of a donator, that expropriation or merger procedure might necessarily entail.

Endowments which were made by private citizens to specific institutions for specific purposes may not be seized upon by the regional bureaus or even by the Minister himself. The testator's will generates legal rights and obligations that cannot be ignored. On that point the constitutionality of Bill 65 may well be questioned. Our recommendations then are as follows:

The representatives of the community on hospital governing boards be not Government appointed but rather selected according to such democratic procedures as already availed in the constitution of the Montreal Convalescent Hospital.

That the community served by hospitals be not identified with a territory.

That such organizational changes as need be legislated be gradually phased in but by clearly delineated steps.

That hospital governing boards be organised so that appointment and or election thereto be carried out in stages.

That control measures be flexible enough so as not to stifle initiative and creativity among hospital trustees and that where justified the corporate identity of each hospital be maintained in relation to its properties, bequests and endowments.

Thank you !

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: Je voudrais vous remercier également pour ce mémoire que vous nous présentez. Le seul point sur lequel je voudrais faire des commentaires, ou encore répéter, c'est sur les derniers aspects que vous avez traités quant aux volontés des donateurs, des testataires, quant aux dangers que vous voyez, dans ce bill, de spoliation de la propriété privée. Encore là, c'est un peu la même chose que ce que je mentionnais au sujet du mémoire précédent. Si le code de procédure civile dans ce cas-là contient des dispositions relatives au secret professionnel, de la même manière ici, il s'agit d'aspects suffisamment reconnus par toute l'habitude, la tradition, et nous ne croyions pas qu'il devait falloir les répéter explicitement dans le bill. Mais devant les représentations qui nous sont faites, c'est une question que nous avons soulevée auprès des légistes du gouvernement. Cela n'est pas notre intention d'introduire dans la législation de disposition qui pourrait aller à l'encontre de la volonté de personnes qui ont fait des dons, qui y ont attaché des conditions ou qui les ont faits dans un sens donné. Alors, vis-à-vis de cette crainte que l'on nous exprime et qui ne nous apparaissait pas à tout le moins fondée au moment du dépôt de la loi, je crois que nous apporterons les précisions qui s'imposent. Quant aux autres aspects qui touchent aux structures, aux modalités de fonctionnement, je crois que ces aspects ont déjà fait à plusieurs reprises l'objet de discussions, nous notons attentivement le contenu de votre mémoire.

MME. PINEO: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des commentaires?

M. BOIS: Non, pas de commentaires.

M. LE PRESIDENT: Alors, j'invite tous les Groupements populaires de Québec.

Les Groupements populaires de Québec

M. PARENT: M. le Président, je m'appelle Roger Parent, la secrétaire est Mlle Rachel Laberge. Nous ne prétendons pas parler au nom de toute la population, nous ne sommes pas des professionnels.

Nous sommes des représentants de groupes de citoyens qui oeuvrent dans le milieu populaire depuis quelques années, pour le bien-être de leur population. Nous sommes des responsables de services créés par et pour la population et contrôlés par elle. Nous sommes des citoyens directement concernés par le bill 65, ceux qui auront à subir ses effets quotidiens, bons ou mauvais. Plus exactement, nous sommes le Comité de citoyens de Saint-Sauveur, le Comité des citoyens de l'aire 10, le Centre socio-médical de Québec Enr., le Centre de références et d'information. Je peux continuer?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PARENT: Voici en résumé les démarches qui ont été faites pour l'étude du bill 65 :

Première étape, les représentants des diffé-

rents groupes populaires ont pris connaissance des grandes lignes du bill 65.

Deuxième étape, nous exprimons nos principales critiques et nous mettons sur pied les bases d'un bill 65 vu par les citoyens.

Troisième étape, on laisse le soin à un petit groupe de trois de rédiger le mémoire qui est ensuite vulgarisé et rediscuté par les différents groupes de citoyens.

Quatrième étape, le mémoire terminé, et corrigé est accepté par trois de ces groupements et présenté à la commission parlementaire.

Cinquième étape, le mémoire servira comme instrument de travail auprès des citoyens en général pour les éveiller à leur responsabilité face aux services de santé et aux services médicaux.

A cette étape, si vous le permettez, M. le Président, la secrétaire va vous lire le document. Nous n'aurons pas le temps de tout vous lire ce soir; je sais que vous avez entendu bien des mémoires par des gens qui ont bien voulu vous les donner professionnellement. Nous, nous parlons au nom de gens qui ont besoin des services et non ceux qui donnent les services. Il y a une grosse différence entre les recevoir et les appliquer.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, vous nous en faites un résumé, s'il vous plaît.

MLLE ROBERGE: Oui, justement, c'était pour vous dire que je ne lirai pas les deux annexes, elles sont plutôt des modalités qui pourraient peut-être servir à la formulation d'un nouveau bill. Je vais me permettre de parler surtout du problème qui nous apparaît la question de fond. Voici pourquoi on a présenté un mémoire. M. Castonguay a affirmé que l'on ne pourra modifier que certaines modalités. Nous avons compris surtout ceci: Ne vous faites pas d'illusion, il n'y aura pas grand-chose qui va changer, le bill 65 va passer de toute façon. Pourtant, nous avons quand même choisi de venir faire connaître notre point de vue. Il a la valeur de notre expérience dans notre milieu. Nous voulons tout de suite relever une ambiguïté. Le ministre insiste sur le fait que le bill 65 apporte une réforme administrative, c'est-à-dire une meilleure organisation et une meilleure coordination des services de santé et des services sociaux. Pour nous, cela veut dire trois choses. Une meilleure organisation dans ce bill 65, cela veut dire qu'on se fait organiser. Nous ne prenons pas les décisions qui nous concernent. Une fois de plus le gouvernement se fait le bon papa gâteau et laisse tomber son rôle d'agent éducateur aux dépens de ceux qui ont un profond besoin de se réaliser. Il nous impose des solutions, il nous force à consommer davantage au lieu de nous aider et de nous donner les moyens d'être les créateurs. Encore des solutions artificielles temporaires et nuisibles au développement de l'ensemble à moyen et long termes.

Une autre fois, on essaie de nous plonger dans un état de dépendance et de passivité. Des gouvernants qui se voudraient au service du peuple, au lieu d'essayer de l'asservir sans cesse, lui donneraient des outils pour la participation. Ils encourageraient les initiatives de base en lui fournissant les moyens techniques et financiers nécessaires à la réussite. Un tel gouvernement irait même jusqu'à y susciter l'envie de travailler au mieux-être de la communauté par l'animation. Nous voulons une loi qui instituerait un fonds d'action pouvant permettre aux gens d'agir en adultes responsables.

Dans une foule de secteurs, des millions sont dépensés pour faire des recherches qui ont le plus souvent des effets très secondaires sur la vie concrète. Cependant, on hésite toujours lorsqu'il est question d'investir directement sur l'homme. Nous pensons que l'homme doit être le principal agent de sa formation et qu'il est le mieux placé pour chercher et trouver ce qui lui convient. On est plus heureux dans sa cabane que dans le château d'un étranger, c'est notre expérience.

Rien, rien dans ce projet de loi ne parle de fournir aux citoyens ordinaires les moyens de s'organiser. On nous propose de siéger bénévolement dans des organismes, dans l'organisme de l'autre sans nous y accorder de pouvoir réel.

Articles 49 à 51. Tout groupe qui acceptera l'aide gouvernementale, nos dirigeants se donnent la possibilité de le réduire sous son joug. 89 à 93. Même les groupes qui n'y ont pas eu recours, parce qu'ils n'ont pas attendu le gouvernement pour agir, ce dernier se donne le pouvoir de les assimiler ou de les détruire.

La principale question à la quelle nous voulons qu'une telle loi réponde n'est pas: Que pensez-vous faire pour régler nos problèmes? Mais plutôt: Que pensez-vous faire pour nous aider à construire nous-mêmes ce qui répond à nos besoins?

Nous disons qu'il faut faire le pari, il faut miser sur l'homme et lui donner les chances de gagner. Si une fois de plus on l'organise, au lieu de l'aider à s'organiser, on ne fait que le droguer: ça calme la douleur, mais ça ne guérit pas.

Nous détestons l'attitude de nos gouvernements qui veulent se créer par ce projet de loi juges, mesure et seule norme de ce qui est bon ou mauvais. C'est définitif, le bill 65, nous n'en voulons pas.

Une meilleure organisation dans ce bill 65 veut dire aussi, deuxièmement, qu'on se fait coloniser: des intellectuels et des professionnels vont prendre la place des gens du milieu. Partout on parle beaucoup de participation, c'est d'ailleurs la principale raison qui nous amène ici. Le mot "participation" veut dire dans le Larousse "avoir part" et non "donner part ou prendre part". Cela veut dire que tous les citoyens "ont part" à la vie québécoise dans la mesure où ils le désirent. Actuellement les

"bons du gouvernement" ou ce bill 65 veulent créer des mécanismes où ils permettent la participation. On se demande beaucoup de quel droit ils le font ou plutôt le permettent-ils? Nous ne sommes pas intéressés à recevoir certains permis de participation à l'organisation des services de santé et des services sociaux. Nous désirons participer à l'organisation au titre de citoyens.

Nous sommes capables, à partir de notre culture, de définir nos besoins, de déterminer nos moyens et nos objectifs ainsi que de faire les choix nécessaires qui nous permettront de prendre en main la situation.

La participation dans ce bill 65, il n'y en a pas, ou elle est très bien camouflée. D'ailleurs, le meilleur exemple de cette fausse participation camouflée commence ici à cette commission parlementaire. Nous ne croyons pas à ce mécanisme et, si nous sommes ici, c'est pour vous le dire.

Quelques fonctionnaires rédigent un bill. Après la première lecture, c'est la présentation des mémoires. Presque la totalité de ceux qui viennent ici forment deux types d'amendements. Les premiers dits de la droite, désirent garder leurs pouvoirs obtenus par d'autres bills, les autres dits de la gauche, réclament leurs droits fondamentaux: être leurs propres agents de développement, entre les deux, la vertu. Doit-on déduire que c'est vous autres ou ce bill 65? Vous redonnez quelques-uns de vos pouvoirs aux citoyens, mais nous n'en voulons pas de votre pouvoir. Il est faux et usé.

Tant que le bill 65 ne permettra pas aux citoyens d'être responsables de leur développement, nous n'en voulons pas. Nous voulons la vraie participation, celle de tous les citoyens, le nouveau pouvoir. C'est définitif, le bill 65, nous n'en voulons pas.

Une' troisième raison, la meilleure organisation de ce bill 65 veut dire encore qu'on se fait hypnotiser. Volontairement le gouvernement garde la population passive et endormie: elle ne pense plus, elle ne bouge plus, elle rêve.

On vous voit venir, vous nous proposez un semblant de participation dans la structure que vous avez imaginée, puis dans deux ou trois ans vous direz: On vous a offert la participation, mais les gens ne sont pas intéressés. Dans une telle structure la population restera sûrement passive et endormie. Vous le prévoyez, nous en sommes sûrs. On vous le dit tout de suite, votre structure n'a pas pour but l'autogestion. Vous préférez garder dans la dépendance sociale la majorité de nos concitoyens. Vous préférez par votre structure que la population ne pense pas trop, ne bouge pas trop. On préfère que la population rêve. Elle rêve en consommant toujours plus, en se posant de moins en moins de questions. On gagerait que vous avez des parts à Télé 4 ou à Radio-Canada, vous ne voudriez surtout pas leur enlever leurs auditeurs. Vous perpétuez et ajoutez à notre aliénation économique une aliénation sociale et politique.

Merci beaucoup. Cajolez-la, prenez-en soin de votre bébé dépendance et de sa soeur aliénation. Cela rassurera vos contribuables, mais on vous prévient: ça se réveillera à un moment donné bien brutalement et alors le ministère de la Justice deviendra plus important que le ministère des Affaires sociales.

Ce bill 65, nous n'en voulons pas. Pour terminer, nous voudrions vous dire que nous voulons un autre bill 65. M. Castonguay aura beau parcourir toute la province pour dire que cette réforme n'est qu'administrative, nous rejetons la philosophie que sous-entend ce projet de loi et qui affirme que les citoyens sont des irresponsables de naissance, impropres à évoluer même si on leur en fournissait les moyens.

Nous sommes d'accord sur le fait qu 'il y a de la place pour le changement dans le domaine des affaires sociales et de la santé. Ce que nous tenons à souligner, c'est qu'une vraie et courageuse réforme dans ce domaine s'attaquerait aux problèmes de fond, s'attaquerait au fond du problème, partirait de la base de nos besoins et de nos priorités. Vous trouverez ci-joint deux annexes qui sont un essai de ce que pourrait être le bill 65 et qui vont servir d'instruments de travail au niveau de la population. C'est préparé en tableaux, c'est très simple à comprendre et je crois que, même si nous n'avons pas pu vous remettre le mémoire avant, vous pourrez, en le feuilletant, comprendre assez facilement les recommandations que nous suggérons pour le nouveau bill 65. M. Parent.

M. PARENT: Pour faire suite, M. le Président, nous avons une expérience de trois ans de clinique médicale bénévole faite par les citoyens, pour les citoyens et dans le milieu du citoyen. Je pourrais donner un exemple, M. le Président qui n'est pas arrivé il y a deux ans ou trois ans, ni deux mois ni trois mois, mais qui est arrivé samedi. Je ne sais pas si M. le ministre sait comment la "castonguette" fonctionne souvent, pour une affaire d'ainsi soit-il, une affaire simple.

Ma femme a eu un accident samedi dernier, non pas il y a trois ou cinq mois. Nous sommes allés à l'hôpital samedi matin; dans la nuit de dimanche, le médecin lui a passé des examens. Elle est restée là au moins une heure, une heure et demie. Nous sommes revenus chez nous. Ils ne passaient pas de radiographie dans la nuit; je ne sais pas pourquoi, mais ils n'en passaient pas.

Nous y sommes retournés le dimanche après-midi. On a passé des examens, des radiographies à ma femme disant que c'était une entorse qu'elle avait eue. La "castonguette" a servi deux fois. Une fois ou deux dans la nuit, une fois le dimanche, une fois ou deux fois. Nous y sommes retournés le lundi matin, nous avons encore passé l'avant-midi là. Cela a encore fait la même chose. Le médecin a dit que c'était une entorse.

Ce n'est pas la faute du gouvernement, mais on vous donne les erreurs du milieu que nous connaissons et que vous ne connaissez pas ici.

Cela ne se fait pas dans un bureau; ces erreurs-là se font dans notre milieu. Nous y sommes retournés le lundi, ils ont dit que c'était une entorse qu'elle avait eue. Nous retournons chez nous. Le médecin nous appelle, il dit: Vous avez un os cassé; le médecin qui vous a soignée n'a pas examiné votre radiographie avant, vous avez un os cassé et vous allez revenir à l'hôpital.

Remarquez bien ce que je vous dis. C'est le lundi et il me dit: Vous allez revenir le mardi, — non, le mercredi —. Venez donc jeudi. Je dis à ma femme: Tu as un os cassé, le docteur te demande de venir jeudi, cela ne marche pas. Je rappelle l'hôpital, je demande à la garde-malade s'ils font des plâtres le mardi et le mercredi.

Elle me répond que oui, que ça dépend si c'est nécessaire. Je dis que c'est nécessaire. Le médecin a dit qu'à la radiographie, les autres ne l'avaient pas vu, ils l'ont vu cet après-midi. Elle a un os de cassé. Je lui ai demandé s'ils faisaient des plâtres dans l'après-midi. Elle me répond: Cela dépend si la jambe est bien enflée.

Ma femme n'a pas une jambe enflée, mais elle veut avoir un plâtre. Donc, elle a eu son plâtre cet après-midi. La "castonguette" a fonctionné peut-être bien sept ou huit fois — je ne l'ai pas compris — pour avoir un plâtre cinq jours après. Nous ne critiquons pas directement le gouvernement, mais nous critiquons les dépenses de millions qui se font à l'heure actuelle pour le service que vous donnez, pour l'aide sociale que vous donnez, le service qui n'est pas tel qu'on le conçoit.

Nous mettons le service santé avec les affaires sociales. Monsieur, tout à l'heure, parlait toujours du domaine social. Ce soir, je n'ai pas entendu parler du domaine social; je n'ai pas entendu une seule parole de toute la soirée à ce sujet. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler les autres jours de la façon dont on doit servir le public, et ce, dans, notre milieu. Je ne parle pas professionnellement; je sais bien que si le ministre Castonguay va à l'hôpital, il va avoir un meilleur service que moi, le Dr Laurin aussi, et tous ceux qui sont ici.

Mais nous autres, comment pourrait-on dans notre milieu... Nous avons notre clinique depuis trois ans, nous l'avons faite bénévolement, socialement: aller voir les gens avant qu'ils ne meurent pour être capable de les soigner et non pas quand ils sont morts. Je vous ai parlé d'un cas, je pourrais vous en citer bien d'autres. C'est un cas concret, qui s'est produit cette semaine dans ma famille. Je pourrais vous citer, M. le ministre, plusieurs autres cas. Le service n'est pas adéquat pour l'argent que nous dépensons.

Je vais vous dire une chose: le milieu que je représente n'est pas celui qui donne le plus d'impôts ou qui en donne le plus pour le service de santé, parce que ce sont des gens qui gagnent $30, $40, $50, $60 par semaine.

Si un type — enlevez ma femme de là — qui gagne $15 par jour et qui est obligé d'aller cinq jours à l'hôpital, le service de santé ne lui coûte rien mais combien cela lui coûte-t-il sur son salaire? Il a eu son plâtre seulement au bout de cinq jours, ce sont cinq jours de retard sur un salaire de $10 ou de $15 par jour. Un type n'a pas le moyen de faire ça. Nous avons le service de santé mais nous ne l'avons pas directement pour rendre le service que vous prétendez donner.

M. CASTONGUAY: D'abord je voudrais vous donner un petit conseil. Je vous suggérerais de communiquer avec la Régie de l'assurance-maladie et de rapporter le cas que vous venez de mentionner pour qu'action soit prise. S'il y a abus, il nous faut le savoir pour pouvoir corriger. C'est la Régie de l'assurance-maladie qui est chargée de ça.

Vous nous dites que le Comité de citoyens de Saint-Sauveur, de l'aire no 10 et notre Centre socio-médical de Québec, ce sont des choses que nous avons formées et que nous voulons conserver. Ce n'est pas le but du bill 65 d'aller toucher ça. Je l'ai mentionné à d'autres groupes qui sont venus ici, des groupements qui se sont formés bénévolement, de cette nature-là, on ne veut pas les rejoindre par le bill 65 et détruire ça, au contraire. Par contre ce que l'on veut créer par le bill 65 et nous espérons que ça peut être bon et que ça peut bien fonctionner... Je suis bien conscient qu'il y a des problèmes, qu'il y a des besoins qui ne sont pas satisfaits. C'est mon but d'essayer d'apporter une meilleure réponse. Je peux vous garantir qu'ici, les membres qui siègent à cette commission et qui ont écouté toutes les représentations qui nous ont été faites ont cet objectif à coeur également.

J'aime mieux, en fait, entendre le type de représentations que vous faites verbalement que la façon dont elles son écrites. Je pense que les problèmes que vous vivez et ce que vous avez décrit verbalement c'est vraiment le type de problèmes que vous vivez et ce sont ceux-là que nous voulons résoudre. Merci.

MLLE. ROBERGE: Si vous le permettez, s'il vous plaît. J'ai assisté à toutes les commissions parlementaires, M. Castonguay, et c'est à peu près toujours la même réflexion que vous passez à savoir que vous n'êtes pas intéressé à toucher à ces services. Je suis bien prête...

M. CASTONGUAY: Pas à ces services, j'ai dit les comités de citoyens.

MLLE ROBERGE: Les comités de citoyens dans les cliniqques de quartiers.

M. CASTONGUAY: On a exprimé au début de la commission la crainte qu'on voulait s'emparer d'une façon quelconque... Je ne vois pas par quelle partie du bill on ferait ça. J'ai mentionné que ce n'était pas ça.

MLLE ROBERGE : Vous le faites par les conseils d'administration des CLSC et nous, nous relèverons des CLSC. Vous, pendant votre

règne, je ne pense pas que vous soyez éternel, on peut peut-être se fier à votre parole pour les quelques années que vous serez là. Je me fie aux papiers. Les CLSC qui seront nos futurs conseils d'administration ne sont pas représentatifs de la population.

M. CASTONGUAY: Ils ne vous regrouperont pas, en tout cas, vous pouvez en être assurée. Je l'ai dit à plusieurs reprises, ce n'est pas — vous pouvez être rassurée sur ce point-là, quitte à ce qu'on modifie le texte — le but du bill 65 de venir envelopper, par les CLSC, les comités de citoyens.

MLLE. ROBERGE: Demain, nous rencontrons un de vos sous-ministres à ce sujet-là. Nous serons subventionnés très bientôt par le gouvernement provincial et c'est dans le langage qu'ils emploient.

M. CASTONGUAY: Je parle des comités de citoyens.

MLLE. ROBERGE: Le Centre socio-médical de Québec ou la Clinique du comité des citoyens de l'aire no 10.

M. CASTONGUAY: Si vous voulez que nous discutions de cet aspect-là maintenant, le Centre socio-médical, vous voulez qu'il soit financé dans une certaine partie, vous avez des frais à assumer. Encore, sur ce plan-là, j'ai mentionné à plusieurs reprises depuis le début qu'il y a un problème difficile, celui à la fois de nous assurer avec les fonds publics — cela ne sera pas la première fois que ça se produit — que ces fonds-là sont bien dépensés. D'autre part, faire le joint entre le désir qu'ont les gens que vous avez de ne pas vous voir écraser par des structures. Si on a déposé un projet de loi et avant de l'adopter en Chambre, si on l'a déféré pour étude ici, c'est qu'on voulait voir justement quelles étaient les réactions, quelles étaient les améliorations qu'on pouvait apporter.

On n'est pas assez cynique, comme votre mémoire le dit — et je sais que ce n'est pas vous qui avez écrit le mémoire, je le sens dans vos remarques et dans la façon dont vous vous exprimez.

MLLE ROBERGE: Je suis une des trois personnes qui l'ont rédigé.

M. CASTONGUAY: Nous ne sommes pas assez cyniques pour passer des heures et des heures à écouter les gens alors que nous n'aurions eu tous ici aucune intention d'écouter vraiment et d'apporter des modifications.

Ce problème d'essayer de trouver un point d'équilibre a été mentionné à quelques reprises et c'est une question à laquelle, une fois les auditions terminées, nous allons essayer d'apporter une solution qui satisfait davantage que celle proposée dans le projet de loi.

M. PARENT: M. le ministre, prenez la page 5, la principale question et ça résume à peu près toutes nos questions sociales dont monsieur a parlé. Nous voulons vivre dans le social et le communautaire et les services de santé. Notre point de vue du milieu, ça ne s'apprend pas à l'université, ça ne s'apprend pas ici dans les bureaux du gouvernement, ça s'apprend dans le milieu où nous sommes. Nous l'avons vécu, nous avons l'expérience de trois ans de clinique bénévole.

La participation, la principale question à laquelle nous voulons qu'une telle loi réponde n'est pas: Que pensez-vous faire pour régler nos problèmes? Mais plutôt: Que pensez-vous faire pour nous aider à construire nous-mêmes ce dont nous avons besoin? Aux paroles que vous venez de dire nous répondons que notre clinique est en marche. Nous attendons la réponse du gouvernement pour être capables de continuer, et non pas que le gouvernement s'empare de tout. On vous ôte des ennuis, nous sommes capables d'avoir soin de nous-mêmes. Les citoyens, on le calcule assez vieux, assez âgés aujourd'hui. Selon les paroles que vous avez déjà dites, le citoyen doit dialoguer. Nous ne faisons que cela. Le citoyen aujourd'hui est capable d'essayer de se bâtir lui-même, au lieu que le gouvernement s'empare de tout. Prenez seulement ces lignes-là, ça veut dire la réponse que vous venez de nous donner et c'est ça que nous voulons attendre.

Nous avons demandé une subvention au gouvernement. Cela fait au moins cinq mois. Les médecins et tout ça, on est prêt à marcher mais on ne l'a pas encore.

M. CASTONGUAY: Non.

M. PARENT: Le dialogue dont vous parlez, on ne l'a pas eu avant non plus. C'est justement ça. Notre point de vue est qu'au lieu de passer la loi, on fasse les amendements à la loi et qu'on adopte la loi après. Il n'y aura pas de critique, il n'y aura rien ici. On va faire des amendements à la loi et on adoptera la loi après. Là, on fait la loi et on fait les amendements après. C'est dans tout, ça. C'est pour ça, M. le ministre, aujourd'hui, si la convocation... C'est mon point de vue, c'est le point de vue des comités de citoyens, nous ne sommes pas des professionnels, nous vous l'avons dit tout à l'heure, mais nous faisons notre possible pour réveiller le citoyen lui-même sans passer toujours par les lois gouvernementales et attendre que les lois viennent le secourir comme le bien-être social, et secourir tout le monde toujours au crochet du gouvernement.

Il y a bien des gens qui sont capables de le faire eux-mêmes, mais avec l'aide du gouvernement, au lieu que le gouvernement essaie de les aider, le contraire de ce que le comité de citoyens attend de vous.

M. CASTONGUAY: Pour vous rassurer, on est un peu moins mauvais que vous le pensez.

Ce n'est pas une loi, c'est un projet de loi. C'est juste un document imprimé et là on l'étudie avant de l'adopter. Les amendements, les changements ne seront pas des changements à une loi, ce sont des changements à un projet de loi. Ce n'est pas encore une loi.

MLLE ROBERGE: Dans l'expérience passée, en tout cas, les projets de loi d'aide sociale n'ont pas été tellement modifiés. Par exemple, on attend le projet de loi 69 qu'on pensait avoir pour janvier et, dernièrement, votre ministère nous a dit que ce ne serait peut-être pas encore pour janvier mais seulement pour l'été prochain. Là aussi...

M. LE PRESIDENT: M. Bois.

M. BOIS: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer des gens de ma région. J'en suis très heureux. A la suite du mémoire qui a été présenté ici, je pense bien que ce serait peut-être bon de prendre quelques moments pour répéter peut-être une vérité de Goethe qui disait: Vérité fâcheuse vaut mieux qu'erreur profitable, la vérité guérit la douleur qu'elle peut causer. Si je me réfère ici à la page 4 du mémoire, je vois cependant que, dans l'avant-dernier paragraphe, on mentionne à la dernière ligne: Des millions sont dépensés pour faire des recherches qui ont le plus souvent des effets très secondaires sur la vie concrète. Je pense bien que M. le ministre va se rappeler que, lors de l'étude des crédits de 1971, je lui ai mentionné ce printemps que, dès la prochaine session, je verrais à le questionner d'ailleurs d'une façon extrêmement serrée à ce sujet.

Cela, M. le ministre, je vous en avais fait part que dans l'optique des citoyens, disons que les documents de recherche, c'est une très bonne chose, mais pour autant qu'on n'atteint pas les gens dans les biens qui sont en mesure de les servir, bien des fois on risque de passer à côté.

A la page 7 du mémoire, il y a une autre vérité qui m'a frappé, surtout que cela vient des citoyens. On dit dans le deuxième paragraphe: "...être les propres agents de leur développement..." C'est qu'en réalité la population a une fierté et une fierté qui lui est acquise, surtout dans les comtés ouvriers, comme dans les comtés agricoles, je pense bien que ce sont les endroits où le bon vouloir se manifeste. Je suis à même de le constater dans mon propre comté, un endroit où il y a beaucoup de sociétés sans but lucratif.

Et incidemment, M. le ministre, j'ai eu l'occasion de faire une remarque au début de la soirée, même dans le cas d'une oeuvre sociale dont j'aurai à m'occuper dès demain matin, parce qu'il y a justement une question de formalité, de fonctionnarisme qui bloque certaines choses et il faut des pressions pour faire démarrer ça. Je pense bien que ce que les citoyens désirent, c'est qu'à un moment donné il n'y ait pas trop de fonctionnarisme dans ce qu'on appelle la vie qu'on vit tous les jours et les agents qui sont appelés à nous la fournir.

A la page 8, je vois, au troisième paragraphe: "...elle rêve en consommant toujours plus et en se posant de moins en moins de questions..." A l'heure actuelle, nous sommes en voie de devenir une société de consommation de bénéfices sociaux et je devrais m'adresser à vous, M. le Président, afin que cette question soit réellement considérée lorsque les amendements seront apportés au projet de loi no 65. A l'heure actuelle, plus on donne des bénéfices, moins le peuple participe, plus nous faisons une société passive qui, demain, attendra tout de ses ministres, du gouvernement et de ceux qui seront, demain, avec une certaine popularité en mesure de causer du trouble à la société.

Alors, devant le mémoire qui nous est présenté et pour lequel je tiens à vous féliciter, vous exprimez des vérités qui, sous une formule ou une autre, doivent assurément atteindre des oreilles attentives. Je vous remercie et je vous félicite.

Merci, M. le Président.

M. LAURIN: J'aurais une question à vous poser. En fait, le souci que vous exprimez et qui a été exprimé par d'autres, nous aussi nous l'avons exprimé au tout début quand on parlait de la possibilité de non-récupération des initiatives valables par une nouvelle structure administrative. Je vais vous poser une question hypothétique: A supposer que le CLSC satisfait à vos exigences humaines centrées sur une participation dynamique, verriez-vous encore une possibilité pour votre clinique d'exister? Consentiriez-vous à l'abandonner?

MLLE ROBERGE: Bien sûr, d'ailleurs vous avez l'exemple...

M. LAURIN : Quitte à accepter cependant des contraintes administratives nécessaires.

M. PARENT: Nous n'avons pas parlé de l'administration. Nous n'avons pas dit que c'était mal administré. Nous n'avons pas d'objection, nous n'avons pas critiqué l'administration. Nous n'avons rien dit contre l'administration. Nous avons parlé contre la participation parce que nous avons formé nous-mêmes notre clinique, les citoyens eux-mêmes avec des médecins et des infirmières bénévoles. Le côté social dont on a parlé toute la soirée, c'était bénévole, mais du médical et du social.

Mgr Lavoie et moi, dans le quartier Saint-Roch, quand on découvrait une personne morte depuis quatre ou cinq jours dans un grenier, il aurait mieux valu la soigner avant qu'elle ne meure ou de l'envoyer à l'hôpital où ça coûte énormément cher au gouvernement. Lorsqu'on prend à temps une maladie — je parle toujours de mon milieu — et lorsque l'on voit ces choses se répéter plusieurs fois, on le voit dans le journal, on a trouvé un vieux dans un grenier

qui était mort depuis quatre ou cinq jours. Bien on s'est dit qu'il y a du service social et médical à faire dans notre milieu. On l'a commencé il y a quatre ans.

C'est bien plus important le social et médical que les pilules, tous les médecins, comme vous...

M. LAURIN:Pas moi.

M. PARENT: Bon, admettons. Mais la plupart des médecins donnent des ordonnances à des gens de notre milieu. L'ordonnance coûte $6, mais il ne sait pas que la personne n'a pas $2 dans sa poche. La personne s'en va chez elle, mais elle n'est pas guérie, elle n'a même pas les $6 pour la payer. Donc elle reste chez elle. Nous avons vu cela, alors nous avons établi notre clinique.

On leur a donné des soins. On a établi la pharmacie gratuite avec les moyens qu'on avait dans ce temps-là. Ce n'est pas seulement le social qu'on veut avoir, c'est de ne pas toujours secourir les gens qui reçoivent du bien-être social. Il y en a plusieurs qui font l'étape de cela. Le ministre va me dire: Les gens qui reçoivent du bien-être social, ils ont tout dans les mains. On sait cela. Mais rien n'empêche que, dans notre milieu, si quelqu'un l'a déjà lu, on gagne $50, $60, $65 par semaine, et les gens ont le coeur de travailler. Ce sont ceux-là que le gouvernement n'aide pas. Personne ne les secourt. Donc, nous autres, avec nos médecins bénévoles, on les secourait. On leur donnait le meilleur prix qu'on pouvait pour les médicaments. C'est justement là où il y a une différence de la population et du milieu pour le service qu'on peut donner.

MLLE ROBERGE: Mais, voyez-vous, M. Laurin, je crois que, après la page 9, vous avez la première chose. On dit, nous autres, qu'un bill qui ferait que ce soit uniquement la structure qui change... Et ce qu'on voit, c'est que la majorité des mémoires qui sont venus ici, sont venus nous parler de structure. Nous ne sommes pas intéressés à rentrer dans une nouvelle structure. Cela ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c'est que les valeurs changent. Et dès qu'à l'intérieur d'un CLSC la participation sera vraiment reconnue, les citoyens verront vraiment à leur affaire, nous sommes tout à fait pour; mais on veut, par exemple, que le bill soit mis en fonction des valeurs. Par exemple, voir à ce qu'une population se garde en santé et non pas voir à mettre un bill pour la soigner. C'est très différent au niveau des valeurs. Vous voyez. Nous, nos cliniques sont faites pour garder la population en santé, pas pour soigner les malades, ni faire de l'argent.

M. LAURIN: Vous notez, en somme, que votre clinique est basée sur des valeurs et que, dans les structures, vous avez peur que les valeurs ne soient pas là.

MLLE ROBERGE: Exactement. Nous n'avons pas peur; nous en sommes presque sûrs.

M. LAURIN: Vous vous repliez sur vos cliniques. Mais, à partir du moment où vous sauriez que les structures seraient habitées par des nouvelles valeurs, vos objections tomberaient.

MLLE ROBERGE: Exactement. Comme, par exemple, à l'intérieur du bill 26, nous sommes bien d'accord qu'on ait mis une structure comme la cour d'Appel, mais à la cour d'Appel, ce sont encore des fonctionnaires! Alors, nous n'y croyons pas, au départ, parce que nous savons que cela ne marche pas encore. Avec les structures qui sont en place, nous sommes d'accord, mais cela n'a rien changé.

M. LAURIN: Mais, à vous entendre parler des fonctionnaires, parfois on dirait que ce ne sont pas des humains.

MLLE ROBERGE: C'est-à-dire que le type qui est devant une cour d'Appel, ce n'est pas au type comme tel que j'en veux. J'en veux à son papier qui est devant lui et qui est pris pour entrer dans ces colonnes-là. Il est obligé de faire passer tout le monde dans le même tuyau. C'est au tuyau que j'en veux, ce n'est pas à l'individu comme tel. Et sa fonction l'oblige à suivre le tuyau.

M. BOIS: J'ai juste un petit commentaire à faire. Je pense bien, ici, pour reprendre une interprétation de l'honorable député de Bourget — je ne voudrais pas dire que les fonctionnaires sont des être inhumains, ce n'est pas là la question — que, quand ils ont affaire à une loi, il y a des mécanismes, ils sont obligés de les faire appliquer. Et quand c'est trop long, c'est celui qui attend qui en souffre.

M. PARENT: C'est justement cela qu'on vient de dire. C'est le mécanisme de la loi et c'est celui qui attend qui en souffre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je veux noter d'abord que vous avez fait beaucoup de suggestions pratiques, â partir de l'annexe no 2. Honnêtement, on doit admettre que dans l'annexe no 2, il y a certainement des choses qui doivent être lues et peut-être retenues aussi. Je comprends que c'est du texte, mais c'est la façon de traduire dans le texte, je suppose. Il y a certaines améliorations que vous voulez voir introduire, même si les valeurs ne changeront peut-être pas toutes à l'occasion du bill 65, dans le sens où vous le désirez. J'essaie de saisir exactement l'objectif que vous poursuivez, disons le sens de votre participation. Si j'ai bien compris, ce n'est pas une participation au niveau de l'administration; c'est ce qui précède cela. C'est la définition, une certaine définition. Vous vivez dans un milieu, vous observez qu'il y a des besoins dans ce milieu-là. Vous sentez que

la population est capable de les identifier et que vous êtes capables, vous-mêmes de préciser certaines choses.

MLLE ROBERGE: Voyez-vous, M. le ministre, je crois qu'il y a une réponse très précise à cela. Nous sommes subventionnés au niveau fédéral pour une recherche au Centre socio-médical de Québec. La recherche n'est pas faite par des professionnels, officiellement. Nous avons comme membres, au niveau de la recherche, tout le département de médecine sociale de l'université Laval qui, sur les recommandations des citoyens, répond aux questions des citoyens, non aux questions des professionnels. Les citoyens veulent savoir, au niveau de la santé, où nous en sommes rendus dans l'aire 10.

La recherche va répondre à cette question et va dire: Nous, on vous suggère ceci, et elle nous a fait des suggestions pour la mise en place justement de la clinique par rapport au gouvernement provincial dans les futures démarches des CLSC. C'est ce qui fait tout le changement. On administre officiellement nos choses. L'argent, on l'administre mais on ne l'administre pas à partir de petits détails, on aimerait demander au gouvernement provincial un montant global par année et qu'à la fin de l'année, il juge de l'efficacité mais qu'il n'essaie pas de juger avant le départ des citoyens non professionnellement formés. A ce moment-là, l'administration nous la ferions quand même selon ce que nous suggérons à l'annexe 1 par des gens élus et non nommés — parce qu'on a bien peur de cela — des gens élus par les différents groupes et même élus par le lieutenant-gouverneur en conseil s'il veut en nommer au niveau de ces organismes-là. On n'est pas contre le contrôle, s'il est valable et s'il est nécessaire; l'administration comme telle nous tenons beaucoup à la faire, mais dans les objectifs mêmes des citoyens et non pas dans un objectif global provincial, fédéral ou mondial.

M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que vous m'avez appelé M. le ministre, je vais donner...

M. CASTONGUAY: Ce n'est pas nécessairement un compliment...

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais demander au ministre depuis quand il s'est aperçu de cela, que ce n'était pas un compliment. Est-ce que c'est nouveau? Etant donné cette appellation, je voudrais peut-être faire preuve de prudence maintenant que vous m'avez attribué ce titre-là, est-ce que vous croyez que, en général, ce serait... Je comprends que, pour une expérience chez vous dans le secteur que vous connaissez, étant donné qu'il y a un éveil de la population, peut-être parce qu'il y a des besoins spéciaux dans ce coin-là, des problèmes particuliers, il y a un éveil plus grand de la population, il se fait peut être plus d'animation aussi, est-ce que vous pensez qu'on pourrait généraliser cela dans toute la province à ce moment-ci?

MLLE ROBERGE: Certainement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Remettez-nous des budgets, nous allons les administrer.

MLLE ROBERGE: Avant que la population vous réponde cela, je voudrais que le gouvernement fasse l'animation ou crée les mécanismes pour animer la population et non pas l'endormir. Mais qu'il les crée, qu'il n'attende pas que deux ou trois gars se décident à trouver quelques sous, quelque part, pour se payer un animateur. Que le gouvernement en place... dans les régions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Soyons réalistes,...

MLLE ROBERGE: C'est très réaliste, vous ne trouvez pas que ce serait bien, on entendait ici répéter des gens qui disaient: En Abitibi, il n'y a pas de gynécologue. Qu'est-ce qu'on attend pour éveiller la population à ce problème-là? Je pense que le gouvernement est conscient, on le lui a dit. Je crois que les expériences des comités de citoyens dans les villes démontrent très bien ce qui en est et qu'il devrait y avoir un mécanisme, peut-être pas celui de l'animation, je ne sais pas, il faudrait peut être en créer un autre pour d'autres régions, mais qu'on voie à créer ces mécanismes qui permettent à la population de s'en sortir d'elle-même...

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon...

M. BOIS: En Abitibi, s'il n'y a pas de gynécologue, je m'excuse M. le député de Montmagny, le problème est réglé parce que le gouvernement à l'heure actuelle paie pour les avortements ainsi que pour la stérilisation, je crois,...

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, M. le Président, je ne voudrais pas retarder la discussion, je crois qu'il n'y a pas un gouvernement qui ne souhaite pas que la population s'occupe de ses problèmes et qu'elle essaie de les résoudre et qu'il garde un rôle supplétif.

M. PARENT: Mais la résolution de tout cela, nous voulions — là cela ne regarde pas directement le ministre — mais si vous faites un projet pilote avec nous, nous, nous avons l'expérience, vous faites le projet pilote; nous n'avons pas demandé au ministre $300,000, nous avons demandé au ministre $45,000 pour être capables de soigner au moins... Je dis au ministre ce soir, sur $45,000 si on est capable de soigner à

l'heure actuelle 10,000 personnes, combien cela fait-il pour chaque personne? Nous n'avons pas le total mais nous avons 10,000 personnes dans un an pour $45,000... Si le gouvernement est capable d'avoir des médecins et des gardes-malades auxiliaires, et le service social pour ce prix-là, nous fermerons notre clinique et nous la donnerons au gouvernement. Nous demandons un projet pilote, c'est cela que je vous dis. Vous disiez tout à l'heure: Si c'était bon dans toute la province. Cela pourrait être bon.

Mais si on commence par l'expérience, la dernière expérience, on l'a faite, mais, seulement, pas d'argent. On vous demande au moins $45,000. Si on est capable de faire l'expérience avec $45,000 vous irez dans la province établir des centres médicaux pour décongestionner les hôpitaux, et le gouvernement fera la connaissance pour voir si c'est bon et si ce n'est pas bon. Cela aura coûté seulement $45,000.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Parent et Mlle Roberge de la présentation du mémoire. Question de nous reposer un peu nous allons prendre dix minutes pour nous délasser les jambes et après nous continuerons.

(Suspension de la séance à 0 h 1)

(Reprise de la séance à 0 h 13)

M. LE PRESIDENT: J'invite maintenant l'Association canadienne des bibliothécaires de langue française, section santé.

Association canadienne des bibliothècaires de langue française

MLLE RICHER (Claude-Lise): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je m'appelle Claude-Lise Richer. Il me fait grand plaisir, au nom de l'Association canadienne des bibliothécaires de langue française, de vous présenter les commentaires de l'association au sujet du projet de loi sur l'organisation des services de santé et des services sociaux. Je vous remercie de cette occasion qui nous est donnée de nous faire entendre.

L'association qui groupe 11,000 membres résidant, en majeure partie au Québec, se trouve surtout concernée par ses bibliothécaires faisant partie de la section de la santé.

Permettez-moi d'abord de vous présenter les délégués qui m'accompagnent.

A ma gauche, Mlle Pierrette Galarneau, présidente de la section de la santé; à sa gauche, Mlle Agathe Malo, bibliothécaire au ministère des Affaires sociales à Montréal; à ma droite, Mme Marcel L'Espérance, chef de la bibliothèque à l'hôpital Notre-Dame de Montréal et, à sa droite, M. Roger Lauzon, chef de la bibliothèque à l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

M. Marcel Hudon, président de l'ACBLF était avec nous cet après-midi et une partie de la soirée, il a malheureusement dû partir. Le mémoire a été rédigé très brièvement afin d'énoncer les positions de l'association en évitant le plus possible d'alourdir la tâche, déjà si ardue, de la commission.

Nous mentionnerons d'abord deux points fondamentaux sur lesquels s'appuient ensuite les deux recommandations que nous considérons essentielles. Le premier point consiste à souligner le rôle important des bibliothèques de la santé dans le maintien et l'amélioration de la qualité des soins aux patients, de l'enseignement médical et de la recherche clinique.

Dans le deuxième point, l'ACBLF désire rappeler le statut officiel du bibliothécaire professionnel depuis l'avènement du bill 175, constituant la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec. De ces deux prémisses, il découle que le bibliothécaire de la santé est un professionnel dont le travail constitue une partie intégrante importante des centres hospitaliers.

Dans certains cas, ces responsabilités peuvent même s'étendre à d'autres institutions concernées par le présent bill. L'association propose les deux recommandations suivantes qui découlent toutes deux des faits qui viennent d'être énoncés. La première recommandation se rapporte à l'article 1, paragraphe j).

L'ACBLF aimerait recevoir l'assurance que le projet de loi no 65 reconnaisse comme l'un des professionnels de l'institution, le bibliothécaire professionnel oeuvrant dans une institution concernée par ce bill.

La deuxième recommandation se rapporte à l'article 78. L'ACBLF recommande aussi que la bibliothèque soit incluse parmi les services qui relèvent de la juridiction du directeur des services professionnels.

En conclusion, ces recommandations nous apparaissent comme étant les plus importantes pour le moment. Cependant, l'ACBLF prévoit que, dès l'adoption de la loi, le gouvernement voudra étudier entre autres les règles désignant les institutions qui devront comprendre une bibliothèque de la santé, la direction de ces bibliothèques par des professionnels qualifiés, la nature et l'envergure de ces bibliothèques de la santé.

Dans le but de pouvoir soumettre au moment opportun l'opinion de l'Association des bibliothécaires sur ces points, les membres de la section de la santé de l'ACBLF poursuivent leur étude en y incluant aussi la régionalisation des bibliothèques de la santé dans l'optique des nouvelles structures proposées par le bill 65. L'association s'intéresse également à la création d'un service central des bibliothèques de la santé au niveau du ministère avec un bibliothécaire consultant comme coordonnateur.

Nous espérons que les membres de la commission accueilleront favorablement ces quelques commentaires et nous les prions d'accepter nos remerciements pour l'attention accordée à notre mémoire.

M. CASTONGUAY: Merci. Je voudrais simplement faire un bref commentaire. Dans le projet de loi lui-même, nous n'avons pas voulu détailler les structures internes des institutions pour éviter que ces structures deviennent trop rigides. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu garder les dispositions touchant aux structures internes et l'organisation du fonctionnement des institutions aussi limitées que possible. Sur ce point, il me semble que d'autres aspects pourront être couverts dans les règlements qui seront édictés en vertu de la loi mais, encore là, il me semble important que nous laissions aussi aux établissements eux-mêmes et aux institutions, à leur conseil, à leur personnel responsable le soin de faire en sorte que les structures qui existent soient les plus appropriées possible. Quant aux désirs qu'il y a dans les hôpitaux, des bibliothèques aussi adéquates que possible, qu'il y ait échange d'information des diverses institutions, c'est évidemment un souhait que nous partageons pleinement et ceci toujours dans la mesure de nos moyens.

Quant à votre voeu que ce mémoire soit reçu favorablement, quoique les objectifs que vous visez quant au développement de bons services à l'intérieur des institutions, nous le partageons. Je ne suis pas tout à fait convaincu que nous devions le faire aussi précisément et aussi rigidement dans le projet de loi que vous le recommandez.

M. CLOUTIER (Montmagny): Seulement une question. Est-ce qu'il existe l'équivalent de votre association du côté social?

Vous oeuvrez du côté de la santé, mais est-ce que du côté social il existe une association des bibliothécaires aussi?

MME MALO: Je ne pense pas qu'il existe une section sociale, mais elle pourrait entrer soit dans la section des recherches spécialisées, soit dans la section santé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ou dans la section?

MLLE MALO: Le domaine de la santé en fait, est assez large quand même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Pour avoir eu souvent l'occasion d'apprécier les précieux services rendus au personnel médical par une bibliothèque bien organisée, je me déclare tout à fait d'accord avec vous. Un bibliothécaire spécialisé devrait être considéré comme un professionnel. Et je suis également d'accord qu'il devrait siéger parmi les professionnels et aussi qu'il devrait relever du directeur des services professionnels. Le ministre ne le sait peut-être pas, mais cette demande que fait cette association se heurte à beaucoup d'obstacles dans nos hôpitaux, parce que c'est considéré comme un service technique qui relève plutôt des services administratifs, alors qu'en fait c'est vraiment un service professionnel et ça doit entrer en rapport avec un type de problèmes que, jusqu'ici, en tout cas, les professionnels ont mieux compris et ont mieux organisé que les services administratifs.

Je sais très bien que ça ne peut pas entrer dans un projet de loi, mais ça doit faire l'objet plutôt d'une réglementation. Mais, je pense quand même qu'une certaine impulsion du ministère pourra s'avérer utile, le moment venu, pour contrer certains usages administratifs établis.

M. LE PRESIDENT: Madame, monsieur, je vous remercie. Le Foyer de Charité de Pointe-aux-Trembles.

Le Foyer de Charité de Pointe-aux-Trembles

M. VIAU (Pierre): M. le Président, MM. les membres de la commission, mon nom est Pierre Viau. Je suis avocat et je suis accompagné de l'abbé Ovila Bélanger qui est directeur du Foyer de charité de Montréal. Nous avons hésité un peu avant de nous présenter devant votre commission pour une bonne raison, c'est que le

Foyer de charité a été formé il y a vingt ans maintenant, par le cardinal Léger, à Montréal, avec, comme base que toute personne qui travaille là le fait de façon complètement bénévole, qu'il s'agisse du travail à temps partiel, de services professionnels, de services ouvriers ou de personnes spécialisées ou non. Toutes les personnes qui vont là le font sur une base purement bénévole.

Deuxièmement, le Foyer de charité est financé sur une base purement privée, c'est-à-dire qu'il n'accepte aucune subvention gouvernementale. Il n'accepte aucune pension gouvernementale, qu'il s'agisse de pension de vieillesse ou de pension ayant trait aux lois de la santé, non pas par mépris pour les autorités en place, mais simplement pour constituer un exemple, à la demande de l'archevêque de l'époque, à Montréal, de ce que peut créer le simple bénévolat et ce qu'on appelle chez les catholiques, la charité.

Alors, ce foyer fonctionne sans dette de façon absolument normale, avec 115 personnes actuellement et a toujours l'intention de continuer à fonctionner. Nous avons, à la suite des nombreux mémoires présentés devant cette commission, noté les nombreuses remarques de l'honorable ministre à l'effet que des organismes bénévoles comme celui-ci ne seraient pas affectés ou qu'on trouverait une façon de ne pas les affecter par le bill 65. Nous lui en savons gré.

Maintenant, je crois qu'il faut aller un peu plus loin. Après avoir lu le projet de loi no 65 assez en détail et après avoir pris connaissance de certains débats qui ont eu lieu devant la commission parlementaire, nous croyons que le projet de loi aurait avantage à être complété. Et la façon dont nous le voyons, c'est en ajoutant peut-être une section.

Nous avons produit une annexe à notre mémoire, pour être plus pratiques, qui prévoirait la possibilité pour des organismes — nous parlons ici, d'organismes sans but lucratif financés complètement par des individus ou des groupes, l'initiative privée — de continuer à fonctionner tout à fait librement sans qu'il y ait de contrôles gouvernementaux, sauf évidemment les contrôles ayant trait aux applications des normes de santé, de sécurité publique, etc., et aussi qu'il y ait une façon de permettre l'éclosion et le développement de nouveaux organismes comme ceux-là.

Dans le monde où nous vivons, nous sommes obligés d'entrevoir un système beaucoup plus souple — le tout soumis respectueusement — que celui qui est prévu actuellement dans le bill et rédigé d'une façon très habile et très bien conçue. Quant à nous, cela ne nous affecte pas directement. Si on suit les déclarations du ministre, il y aura certainement des amendements là-dessus. Mais nous disons que, pour des raisons propres à l'individu, pour des raisons aussi d'ordre administratif et de coût — et je pense ici à l'exemple que donnait l'association polonaise tantôt — il y a certainement des centres qui vont se créer quand même par l'initiative privée et je pense que ces organismes doivent être prévus dans la loi.

Evidemment, on peut demander; Qu'est-ce qui peut vous nuire dans cette loi? Je pense que la loi peut être complète, peut être plus complète en prévoyant quelque chose. Ce n'est pas nécessairement ce qui est contenu dans la loi qui peut nuire et qui nous inquiète, c'est par les choses qui n'y apparaissent pas et qui, il me semble, devraient y être pour au moins garantir non seulement l'existence des organismes en place, mais aussi la création d'autres organismes. Ce qui aurait pour effet certainement d'assouplir le système et d'alléger les tâches vraiment lourdes de l'Etat dans ce domaine.

A tout événement, quant au Foyer de charité lui-même, si des questions devaient être posées, l'abbé Bélanger pourrait y répondre et donner exactement comment fonctionne ce système.

M. BELANGER: Je pourrais ajouter quelque chose et dire en même temps qu'il n'y a aucune organisation officielle, par exemple, comme un bazar, un bingo, une tombola, jamais, jamais, jamais. Cela fait quinze ans qu'on marche sans dette et nous n'avons pas l'intention de demander quoi que ce soit. Comme on le disait tantôt, ce n'est pas un mépris du gouvernement, c'est un témoignage de foi et de charité. Même nos médecins avec les derniers renseignements, avec les dernières possibilités, les médecins, les dentistes, ils ne veulent pas se servir des cartes sociales. Là, on est obligé parce qu'on ne peut pas aller à l'hôpital sans ça, alors on les a prises. Mais ils ne veulent pas les prendre, ils veulent continuer à faire leur service gratuitement. Ils en ont assez d'ailleurs avec le reste...

C'est un fait et je voudrais signaler que, depuis le commencement, depuis 21 ans, ça fait 3,025 personnes qui n'étaient pas aidées par aucune organisation existante et qu'on a secourues. Je vous donne seulement deux ou trois exemples. Une fois des vidangeurs ont appelé d'un dépotoir de la Pointe-Saint-Charles pour nous dire: Il y a un Russe qui s'est sauvé de la Russie; il était en train de mourir du cancer dans le dépotoir. Il ne relevait pas de Verdun, il ne relevait pas de Montréal, il ne relevait pas de la province, il relevait du bureau d'immigration à Ottawa et ces gens ne vont pas au dépotoir à tous les jours, pas plus que nous, mais c'est une personne humaine. Alors on l'a gardé cinq ou six mois, il y a un médecin qui est passé, il restait à Dolbeau dans le temps, et il a dit : Il a besoin de sérum. Il achète du sérum. Il est venu une garde-malade et aujourd'hui c'est organisé.

Vous avez un bonhomme qui a donné bien du trouble et on a dit: On le garde le trouble. Il est aveugle, il est sourd, il est muet, il est épileptique, il est paralytique puis il est attaché. Il était à la Crèche d'Youville à l'âge de quatre ans, et les soeurs ont dit: Nous autres, nous ne

sommes pas capables d'arriver, il y en a 80 par salle. On l'a pris. On a essayé de le placer, il n'y avait pas moyen, il y avait ci, il y avait ça. Finalement, il est rendu à 21 ans puis il n'est pas encore placé et on ne le placera plus, on l'aime beaucoup et ça ne sert à rien, il y en a 965 qui attendent un foyer où ils pourraient être reçus.

Un autre exemple, on en a reçu un dernièrement, un petit bonhomme italien; ça faisait quatre ans que tous les services sociaux essayaient de le placer. Les parents ont dit: Nous, on va se séparer s'il ne part pas de la maison. On l'a pris et il y en a comme ça à tout instant.

Ensuite, il y a autre chose, quand les gens sortent de prison ou encore les alcooliques qui ont suivi des stages, après 21 jours, c'est fini. Alors il y a des gens qu'on garde six mois, un an, un an et demi et on essaie de les rendre à leur famille et c'est toujours gratuit. Celui qui peut payer, on ne le prend pas.

Ce qui m'inquiéterait, moi, comme M. Viau dit, ce qui m'a énervé un petit peu, c'est qu'on va être obligé à chaque année, d'après ce que j'ai compris — mais là, je ne comprends plus ça parce que le ministre a dit le contraire — on serait obligé, chaque année, de demander la permission d'exister.

On a mal compris, dans ce cas-là. D'après ce que vous avez dit, il serait bienvenu qu'on ait une petite note qui permette à ces gens d'exister. C'est seulement ça qu'on voudrait, continuer. Parce qu'on n'a pas l'intention de changer. Alors, c'est notre témoignage en même temps. Cela doit être reposant à la fin de la journée, n'est-ce pas?

UNE VOIX: On ne vous demande rien, on voudrait rester comme ça.

M. CASTONGUAY: Pour finir enfin les audiences, cela finit sur une bonne note, parce que je pense bien que vous représentez le groupe le moins intéressé qu'on ait entendu.

M. BELANGER: Ah ça!

M. CASTONGUAY: C'est rafraîchissant, enfin, et on doit vous féliciter et vous pouvez être assuré que je prends bonne note de vos suggestions. Remarquez que, même si on introduit des dispositions dans la loi, comme vous le dites, pour faciliter, ou tout au moins, pour indiquer que les groupes qui voudraient suivre votre exemple peuvent le faire avec le minimum de difficultés, il n'en demeure pas moins que ça ne demeure qu'un texte de loi et que c'est beaucoup plus dans l'esprit de la population, ses attitudes, que ce genre d'exemple ou plutôt que ce désir d'aider les autres se développe. Les textes de loi sont généralement assez impuissants, quand il s'agit de susciter ce désir d'aider les autres. De toute façon, je pense bien que devant le genre de témoignage que vous nous faites, il y a peu de choses à dire, si ce n'est qu'on admire tout ce que vous avez fait et qu'on vous encourage fortement à continuer.

M. BELANGER: On va dire à nos gens de rester tranquilles et de dormir tranquilles. Cela va être un grand soulagement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, M. le Président, seulement un commentaire. Le ministre dit que vous êtes le groupe le moins intéressé. Moi, je dirais que vous êtes le plus désintéressé, parce que vous êtes intéressés à ce qui se passe au sujet du projet de loi 65. Alors, je n'ai pas d'autres remarques à ajouter, sauf les remarques que j'ai faites antérieurement au sujet de la souplesse à introduire dans le bill. Je pense que cela s'applique parfaitement au Foyer de la charité et à l'oeuvre que vous poursuivez.

M. BELANGER: Il ne reste qu'une chose à faire, c'est de venir visiter ça en passant, à n'importe quel moment, c'est toujours ouvert. Il y a de la visite au Foyer, évidemment, c'est ce qui fait vivre la maison.

M. LAURIN: Pour moi aussi, M. le Président, c'est un témoignage rafraîchissant. Mon ancien professeur va se rappeler ce qu'il me disait souvent: Finis coronat opus. Je vous l'applique aujourd'hui et ça me fait plaisir d'autant plus de vous féliciter et de vous encourager à continuer.

M. BELANGER: C'est pas mal réussi comme professeur.

M. BOIS: Non seulement vous êtes le groupe le moins intéressé peut-être, mais vous êtes aussi le plus intéressant justement parce que vous êtes désintéressé. Mes sincères hommages et je pense bien que M. le ministre considère bien la venue de ce mémoire.

Merci, M. le Président. Mme Gertrude Harel

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Viau et M. Bélanger. Et pour terminer, à titre personnel, Mme Harel.

MME HAREL: Gertrude Harel. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, moi aussi j'ai bien aimé vos commentaires précédents et je suis gênée d'avoir à ajouter un autre mot à cela.

De toute façon, je vous félicite parce que je pense que dans tous les cas, votre bienveillance semble à toute épreuve. Je me contente de dire à M. le ministre que nous lui faisons confiance nous aussi et nous sommes disponibles à notre façon.

Je vous remercie beaucoup de votre amabilité. C'est tout à votre hommage, c'est à l'honneur de la commission, du personnel du secrétariat et des gardiens. Parce que je pense

que, eux aussi, font partie de l'équipe. C'est ma façon à moi de voir les choses, je ne sais pas si... Je vous remercie beaucoup et je demande si c'est encore possible que mon mémoire et le texte de cette présente intervention de ce soir soient inscrits au journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: Très bien.

MME HAREL: Bonsoir, merci messieurs.

M. CASTONGUAY: Je vous remercie, au nom des membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'au jeudi, 2 décembre, après la période des questions alors que les membres de la commission seront invités à se réunir ici pour faire une révision de tous les mémoires que nous avons entendus. Le jeudi 2 décembre tout de suite après la période de questions.

(Fin de la séance à 0 h 37)

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