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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales.
Séance du mardi 1er m ai 1973
(Dix heures dix minutes)
M. KENNEDY (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Nous procédons maintenant à l'étude des
crédits du ministère des Affaires sociales. Je demanderais au
ministre de faire un tour d'horizon du ministère, avant que l'on ne
prenne les programmes individuellement.
Remarques préliminaires
M. CASTONGUAY: Comme l'an dernier, M. le Président, je pense que
je vais demander, en tout premier lieu, aux officiers du ministère de se
présenter à tour de rôle, en indiquant leur nom et leur
fonction. Je vais demander à M. Gabriel Savard, qui est
secrétaire du ministère, de distribuer aux membres de la
commission une copie de l'organigramme. Cela permet aux membres de situer plus
clairement chacun, d'autant plus que nous avons apporté deux
modifications à l'organigramme du ministère, au cours de
l'année.
La direction des programmes spéciaux a été
intégrée à celle de la programmation et la direction de
l'aide sociale est devenue une direction générale.
M. Gill Fortier, président de la Régie des rentes. M.
Claude Forget, direction générale du financement. M.
Réjean Larouche, direction générale des relations
professionnelles. M. Gabriel Savard, secrétaire du ministère. M.
Aubert Ouellet, planification. M. Martin Laberge, agrément. M. Georges
Dahmen, planification-santé. M. Jacques Pigeon, planification. M. Guy
Saint-Onge, programmes, M. Paul Périard, planification. M. Gérard
Nepveu, programmation. M. André Sauvageau, programmation. M. Pierre-A
Bernier, programmation des services sociaux. M. André Dorval,
administration. M. Marc Boucher, financement. M. Jean-Paul Trudel,
administration. M. René Boileau, formation et perfectionnement. M. Carol
Allaire, relations professionnelles. M. Roger Marier, Conseil des affaires
sociales et de la famille. M. Camille Blier, président de la Commission
d'appel de l'aide sociale. M. Robert Després, Régie de
l'assurance-maladie. M. René Bergeron, affaires publiques
extra-ministérielles. M. Raymond Quirion, directeur du cabinet, M.
André Col-pron, M. Roger Grenier, aide sociale.
M. le Président, comme l'an dernier et les années
précédentes, j'ai fait une brève revue de ce qui avait
été effectué au cours de l'année terminée et
un rappel des objectifs que s'était fixés le ministère
pour l'année en cours. Nous avons procédé depuis le
début de 1971 sur une base d'année de calendrier, compte tenu du
fait que l'année de calendrier présente un certain nombre
d'avantages même si elle ne correspond pas à l'année
budgétaire. Il y a toujours moyen au besoin de faire les recoupements
pour la période entre les deux années. Pendant l'année
1972, au plan législatif, je pense qu'il est important de rappeler
certaines lois qui ont été adoptées, la Loi de la
protection du malade mental, la Loi de la protection de la santé
publique et aussi le dépôt de la Loi de la protection de la
jeunesse.
Ceci était dans le but de mettre l'accent sur la protection de la
personne. Nous avons également au cours de 1972 et tout le monde
s'en souviendra sans doute procédé à l'étude
en commission parlementaire du code des professions et des lois connexes et, au
terme de cette étude, nous avons procédé à la
révision de tous ces projets de loi et à leur
réimpression. Egalement au cours de la même année, nous
avons publié un projet de règlement pour la Loi 65 sur les
services de santé et les services sociaux. Tous les mémoires
présentés sur ce projet de règlement ont été
étudiés et le règlement a été mis en vigueur
le 1er janvier 1973. Depuis la mise en vigueur du règlement, certains
problèmes, surtout de détail, ont été
identifiés, une nouvelle modification pour corriger ces questions a
été élaborée et a fait l'objet d'une publication,
tel que le requiert la loi, dans la Gazette officielle.
Egalement au plan de la loi 65, au 1er janvier 1973, nous avons
procédé à la classification des établissements.
Nous avons aussi, au cours de l'année 1972, procédé
à la création des conseils régionaux dans chacune des
régions sauf la région du Nouveau-Québec.
Au besoin, nous pourrons discuter de cette question. J'ai fait une
tournée de chacune des régions pour rencontrer les membres des
conseils régionaux, au moment où ils amorçaient leur
travail. Depuis, il y a eu un certain nombre de rencontres à divers
niveaux avec les membres des conseils régionaux, de telle sorte que les
liens soient aussi étroits que possible avec le ministère, que
leur travail soit taillé ou précisé et que les
problèmes de fonctionnement qui sont toujours susceptibles de se
présenter dans les débuts soient réduits au minimum.
La poursuite de la mise en place des centres locaux de services
communautaires s'est effectuée. Egalement, un autre point, je pense,
assez important à mentionner était les premières phases de
l'implantation des services de santé communautaires. Au cours de cette
année 1972 également, nous avons eu la mise en vigueur du
programme d'assistance-médicaments, au 1er août; sur un autre
plan, l'extension à tous les établissements sauf quelques
établissements privés qui sont financés par la voie d'un
per diem; alors, nous avons étendu le budget global à tous les
établissements. M. Forget et son équipe de la
direction du financement ont effectué une étude des
résultats obtenus par l'application de la formule du budget global en
1971, dans les 23 premiers établissements, et de certains
résultats obtenus ou qui peuvent être identifiés pour 1972,
avec l'application de cette formule. Alors, nous pourrons, si vous le
désirez, discuter cette question, d'autant plus que nous avons un
sommaire de ces résultats sous forme écrite qui pourrait
être, au besoin, distribué. Nous avons eu aussi de nombreux
échos très positifs de la part des établissements quant
à cette formule qui leur donne beaucoup plus de latitude dans la gestion
courante de leurs établissements.
Au cours de 1972, toujours au plan des immobilisations, nous avons mis
l'accent sur le développement des ressources pour l'enfance. Nous
pourrons également, au besoin, donner des indications, des chiffres.
Nous avons publié un programme quinquennal d'immobilisation pour les
établissements d'enseignement reliés aux universités, aux
quatre universités qui oeuvrent dans le domaine de la santé et
des affaires sociales.
Nous avons également, au plan des immobilisations toujours, comme
autre priorité, mis l'accent sur le développement des
consultations externes, des services d'urgence. En d'autres termes, nous avons
poursuivi sur ce plan ce qui avait été amorcé il y a un
certain nombre d'années.
Egalement, nous avons tenté partout où c'était
possible d'améliorer le niveau des ressources, pour les malades
chroniques de façon particulière.
Au sein du ministère, nous avons aussi procédé
à la création d'une direction des communications, compte tenu de
l'importance de donner aussi bien aux établissements, au personnel qui y
oeuvre qu'à la population, le plus d'information possible sur les
affaires sociales en général. Je voudrais citer, entre autres ou
en particulier, la publication par cette direction d'un périodique
appelé Soixante-cinq à l'heure, de même que la
préparation d'un certain nombre de documents audio-visuels qui ont
été utilisés de façon très intensive dans
les diverses régions, les diverses localités du Québec, et
portant sur les centres locaux de services communautaires, les conseils
régionaux, etc.
Au niveau de la sécurité du revenu, toujours au cours de
l'année 1972, nous avons procédé à des amendements
au Régime de rentes du Québec, comme vous vous en souvenez, et
dans ce cas nous avions mis l'accent sur la hausse des rentes de veuves, des
rentes d'invalides, de façon particulière, et ceci en
conformité avec les priorités que nous avions
établies.
Au niveau de la Loi de l'aide sociale, je crois qu'il y a deux ou trois
phénomènes à mentionner. Au plan de l'administration, de
nombreuses initiatives ont été prises pour améliorer
encore davantage l'administration de cette loi, soit par la voie de programmes
de formation du personnel, soit par de meilleures méthodes de
communication entre les bureaux, soit par des liaisons entre les bureaux d'aide
sociale, les bureaux de main-d'oeuvre, etc. Nous avons aussi apporté
certaines modifications en cours d'année aux règlements de la Loi
de l'aide sociale. On doit également, sous ce plan, signaler qu'au cours
de 1972 une stabilisation et une diminution du nombre de
bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale ont été
enregistrées, ce qui changeait la tendance des années
antérieures.
En définitive, au cours de l'année 1972, au plan
législatif, aux plans administratif et financier, nous avons franchi les
étapes majeures qui demeuraient ou qui devaient être franchies au
plan de la réforme qui avait été amorcée en 1971,
de telle sorte qu'en 1973 nous avons pu déplacer notre accent sur des
activités de nature plus concrète.
Donc, en 1973 nous nous étions fixé au début de
l'année un certain nombre d'objectifs. Je crois que j'avais fait
parvenir à chacun de vous une copie des objectifs que nous nous
étions fixés. Je peux les rappeler brièvement. Au niveau
des grands objectifs généraux, je vais tout simplement faire
lecture de ces objectifs à titre de rappel. Premièrement, une
meilleure utilisation des sommes consacrées au programme de la
sécurité du revenu et le développement de mesures en vue
d'encourager les personnes aptes au travail, particulièrement les
bénéficiaires de l'aide sociale, de maintenir leur emploi ou de
retourner au travail. Comme deuxième objectif très
général, l'amélioration des conditions d'accès aux
services de santé et aux services sociaux de façon
générale, tout en mettant l'accent sur certains groupes
particulièrement vulnérables. Enfin, l'adoption de mesures
législatives visant, d'une part, à assurer une plus grande
protection de la. jeunesse et, d'autre part, à améliorer la
protection du public en tant que bénéficiaire de services
professionnels; alors, les projets de loi sur la protection de la jeunesse et
les corporations professionnelles.
Le détail de ces objectifs ayant déjà
été communiqué, au besoin on pourra y revenir au cours de
la discussion. Mais je pense bien que ce serait peut-être un peu long
d'en faire la lecture pour le moment.
Ces rappels ou ce bilan très sommaire ayant été
présentés, je pourrais peut-être donner certains faits
saillants, comme par les années passées, sur le budget ou les
crédits demandés pour l'exercice 73/74.
Le budget de l'exercice 73/74 totalise $1,862,860,200, ce qui
représente un accroissement de $167,164,000 par rapport au budget
initial de l'exercice 72/73, et de $82.7 millions par rapport au budget
définitif.
Le budjet de l'exercice 72/73, originairement de $1,695,036,900, a, en
effet, été haussé à $1,780,114,700 par le budget
supplémentaire de $78,905,000, d'une part, et par un transfert de
$4,992,800 du ministère des Finances.
Les dépenses probables, après onze mois
d'activité, c'est-à-dire au moment où ces
données ont été préparées, sont
estimés à $1,763,524,700, ce qui laissera probablement subsister
des crédits périmés de l'ordre de $17 millions pour
l'exercice terminé.
Le budget de l'exercice 73/74 représente donc une hausse de 9.9
p.c. par rapport au budget initial de l'exercice 72/73, mais de 5.6 p.c. par
rapport aux dépenses probables de ce même exercice. Mais, en
faisant ces comparaisons, il importe de noter que l'impact des conventions
collectives et de leur rétroactivié ne se fera pas sentir de la
même façon dans l'exercice 73/74. Si l'on examine, au cours des
années passées, les accroissements de budget, on note pour les
exercices financiers 67/68 et 66/67, le même phénomène,
étant donné que l'exercice 67/68 comprenait des crédits
pour des années antérieures. On note le même
phénomène pour l'exercice financier 69/70 par rapport à
l'exercice financier 68/69, et de nouveau pour l'exercice financier 72/73 par
rapport à l'exercice financier 73/74.
Il y a toujours ce phénomène des ajustements provenant des
signatures de convention collective avec des données ou la
rétroactivité qui doit être prévue.
On doit signaler, à ce sujet et je pense que c'est
peut-être un indicateur un peu plus valable que nous avons
établi une moyenne mobile de l'évolution des budgets des anciens
ministères de la Famille et du Bien-être social et de la
Santé, moyenne sur trois ans à compter de l'exercice financier
65/66.
Nous avions exclu les années antérieures, étant
donné l'établissement de l'assurance-hospitalisation et
l'augmentation assez rapide, dans les débuts, des budgets provenant de
ce nouveau programme. On note, comme moyenne mobile pour l'année 67/68,
par rapport à 66/67, une augmentation pour les deux ministères de
l'ordre de 18.4 p.c; pour 68/69, par rapport à 67/68, 18.6 p.c; pour la
période suivante de 14.4 p.c.; pour la période suivante de 13.0
p.c; pour la période 71/72, par rapport à 70/71, il y a 12.8 p.c.
et pour l'exercice 72/73, incluant le budget supplémentaire, de 10.0
p.c. En définitive, on arrive pratiquement au taux ou au rythme, je
pense bien, de croisière, en dessous duquel il serait extrêmement
difficile de vouloir continuer cette tendance de façon
accentuée.
Il y a un autre aspect, je pense bien, qui doit être
mentionné, et c'est signalé par ceux qui ont fait l'analyse du
budget de cette année par rapport à celui de l'an dernier. Les
taux de croissance qui paraissent aux différents postes de l'état
comparatif sont sujets à certaines réserves en raison de
l'introduction du budget-programmes, compte tenu du fait que les regroupements
ne sont pas faits sur la même base que l'an dernier. Malgré tout,
je pense bien qu'on peut citer certains chiffres qui donnent, dans une certaine
mesure, l'accent que nous avons voulu mettre. On notera, par exemple, qu'au
niveau des secteurs de la prévention et de l'amélioration ainsi
que celui de la réadaptation sociale, les pourcentages d'accroissement
ou d'augmentation sont relativement élevés par rapport aux autres
postes, des pourcentages de l'ordre de 19 p.c.
Dans le secteur de la prévention, on doit noter de façon
particulière la croissance des services en milieu scolaire où les
budgets augmentent d'environ 50 p.c, soit de $4 millions à $6.6 millions
et au plan des soins généraux également, une augmentation
de 16.5 p.c. Nous aurons l'occasion de reparler de ces augmentations plus en
détail mais, ici, nous avons voulu mettre l'accent sur les dispensations
de services généraux courants.
Au niveau de la réadaptation sociale, je viens de mentionner que
les pourcentages étaient relativement élevés par rapport
à l'ensemble des autres pourcentages. La hausse se fait sentir au niveau
de chaque programme, en fait, comme nous pourrons le voir. Les services sociaux
polyvalents croissent d'environ 11 p.c, c'est-à-dire ce qui deviendra
les centres de services sociaux; les services de réadaptation
enregistrent une hausse d'à peu près 20 p.c, soit de $84 millions
à $101 millions et ceux de protection et d'hébergement
s'élèvent de 19 p.c, soit de $94 millions à $111 millions.
En définitive, ces hausses indiquent aussi bien une priorité que
la pression qui se manifeste à ces divers niveaux, bien que dans une
certaine mesure, au plan de l'hébergement des personnes
âgées, elle se soit quelque peu atténuée.
Compte tenu du budget supplémentaire, maintenant, au sujet du
recouvrement de la santé, on attire l'attention sur le fait que c'est
probablement là qu'il va falloir faire le plus attention dans les
comparaisons avec les années antérieures et ceci s'explique
à cause des recoupements différents d'une part et, d'autre part,
avec les sommes qui sont prévues ou qui étaient comprises dans
les crédits de l'an dernier aux fins de la rétroactivité.
Je pourrais rappeler également que, dans les notes explicatives qui
avaient été distribuées par le ministre des Finances au
moment de la présentation de son budget, nous retrouvions dans la
section des affaires sociales ou de la mission sociale, certaines
données qui complètent en quelque sorte les quelques faits
saillants que j'ai essayé d'extraire des crédits qui sont
demandés.
Je pense qu'il est nécessaire de rappeler que, dans ce discours
du budget, la hausse de l'exonération aux fins d'impôt de $2,000
à $2,500 pour un célibataire et de $4,000 à $5,000 pour un
couple, a eu pour effet de réduire d'abord les impôts ou
d'éliminer les impôts que devaient payer ces personnes et aussi
et c'est un des points que je voudrais mentionner
d'éliminer, pour toutes ces personnes, leur contribution au
Régime d'assurance-maladie du Québec.
Cela signifie une diminution des revenus, en contributions, de $3
millions et demi environ
pour la Régie de l'assurance-maladie et cela pour les autres, au
plan de l'impôt sur le revenu, diminue quelque peu la pression sur leur
budget, en termes de mesures de supplément de revenus. En ce qui a trait
à la Régie des rentes du Québec, cela signifie qu'un
certain nombre additionnel de personnes, soit les travailleurs autonomes,
verront la moitié de leur contribution versée par le
gouvernement, c'est-à-dire tous ceux qui versaient des contributions au
Régime de rentes du Québec dont les revenus se situaient, pour un
célibataire, entre $2,000 et $2,500 et, pour une personne mariée,
entre $4,000 et $5,000. Il y a là un certain allégement des
contributions pour la Régie des rentes du Québec pour un certain
nombre de personnes compris entre ces deux limites et qui n'apparaissent pas
dans les crédits que nous demandons, mais qui ont des incidences sur les
politiques ou les programmes du ministère des Affaires sociales ou
encore au niveau des personnes atteintes ou rejointes par ces programmes.
Au moment de commencer l'étude de ces crédits, il m'a
semblé, au lieu de publier ces documents en d'autres circonstances,
qu'il y aurait peut-être intérêt à vous donner la
primeur par rapport à certains travaux qui ont été
effectués au sein du ministère. La direction de la '
planification, à la suite des travaux des comités de
mortalité périnatale et infantile de même que des travaux
d'un groupe de médecins, de spécialistes mis sur pied par le
ministère a élaboré un projet de politique de
périnatalité. Je crois que c'est un travail excellent, un travail
de valeur qui a été préparé par la direction de la
planification. Nous allons en expédier incessamment des copies à
tous les organismes, tous les groupements qui nous apparaissent susceptibles de
pouvoir analyser ce document et formuler des commentaires sur ce document. De
façon générale, nous entendons suivre les orientations
fixées dans ce document mais, avant de les transposer en mesures
précises et concrètes, nous avons voulu procéder par cette
phase d'analyse et de consultation. Une copie de ce document vous sera
distribuée.
De la même manière, nous avions exposé, si ma
mémoire est bonne, il y a deux ans, les premières grandes lignes
que nous entendions suivre dans le domaine de la santé mentale. A cette
époque, on se souviendra que nous avions annoncé la formation du
comité de la santé mentale du Québec. Ce comité a
fait un travail portant sur l'organisation des services psychiatriques, travail
qui, de l'avis de tous, s'imposait, comme nous l'avions dit à
l'époque, après la période d'environ dix ans qui a suivi
la première réforme dans le domaine des services psychiatriques.
Le moment était venu de faire le point. Nous avons reçu du
comité de la santé mentale ce projet d'organisation des services
psychiatriques. On va également en faire la distribution.
Encore sur ce plan, avant d'adopter de façon très
précise ce document, nous allons attendre de voir quels sont les
commentaires susceptibles d'être faits, les suggestions et aussi, comme
dans tous ces changements de politique, laisser le temps faire son oeuvre,
c'est-à-dire par la discussion, l'analyse au sein des différents
groupes intéressés ou attendre que les idées
exposées, les objectifs proposés viennent à être
acceptés d'une façon aussi positive que possible par tous les
agents intéressés dans le secteur.
Demain, ou si le document est disponible... Nous avons également
effectué une analyse comparative des coûts de l'hospitalisation au
Québec par rapport à ceux de l'Ontario. Cette étude avait
été commencée, on s'en souviendra, au moment des travaux
de la commission et étant donné la proximité de l'Ontario
et du Québec, le fait que les populations sont de même ordre de
grandeur même s'il y a des différences, je crois que c'est une
étude qui mérite d'être mise à jour
périodiquement afin de permettre des comparaisons qui peuvent être
extrêmement intéressantes sur divers plans. Ce document vous sera
distribué à l'occasion de la prochaine séance; je crois
qu'il s'agit là d'un document très technique, il est
composé de tableaux et de quelques commentaires pour faire ressortir ce
qui nous apparaît être les raisons des écarts. C'est un
document qui nous est extrêmement utile et qui, je l'espère, vous
sera utile également.
D'ici peu de temps, nous serons également en mesure de publier
trimestriellement un nouveau bulletin statistique aussi bien pour toutes les
personnes intéressées dans le secteur des affaires sociales que
pour ceux qui font de la recherche, de l'enseignement, etc. Dans un premier
numéro, ce bulletin va contenir principalement des données sur
les programmes de sécurité du revenu. Dans une livraison
subséquente, l'intention est d'étendre et d'inclure des
données sur les services de santé, les services sociaux et au
même moment ou quelque peu après, dans une troisième
section, de façon périodique nous publierons des données
à caractère démographique ou des données qui sont
reliées, recueillies dans le système de cueillette des
données de nature démographique. On se souviendra d'ailleurs de
certaines modifications à la Loi de la protection de la santé
publique l'automne dernier.
Je crois que nous aurons là, pour tous les
intéressés dans le secteur des affaires sociales, un outil qui
peut être extrêmement important. On ne saurait trop exagérer
ou insister assez sur l'importance de la recherche, d'une information valable.
Nous avons plusieurs fois eu la chance de pouvoir bénéficier de
travaux effectués qui, au moment de leur lancement, auraient pu
paraître à certains comme étant plus ou moins superflus
mais qui, par les données qu'ils ont révélées, la
meilleure connaissance des problèmes qu'ils ont mis en valeur, ont
permis de
prendre des décisions, d'informer les organismes
intéressés d'une façon extrêmement utile.
C'est la raison pour laquelle je voulais signaler la venue prochaine de
ce bulletin. Il s'agit de faire en sorte que l'éditeur officiel pourvoit
aux dernières étapes de publication.
Voilà les quelques commentaires, M. le Président, que je
voulais faire lorsque les membres chacun des représentants des
partis d'Opposition auront fait leurs commentaires d'ordre
général, peut-être pourrions-nous comme par les
années passées, nous entendre sur une certaine marche des
travaux. Nous avons avec nous, comme vous l'avez constaté, le
président de la Régie des rentes, le président de la
Régie de l'assurance-maladie, celui du Conseil des affaires sociales, de
la Commission d'appel; nous avons également tous les sous-ministres
adjoints du ministère, de même que le sous-ministre. Si nous
pouvions avoir un certain aperçu de la marche des travaux, je pense bien
qu'il y a intérêt à ce que le plus grand nombre d'officiers
du ministère demeurent ici malgré tout, il n'en demeure pas moins
que la vie continue pendant que nous étudions les crédits et
qu'il ne serait peut-être pas sage, je pense bien, que le
ministère demeure pendant un certain nombre de jours privé de
l'ensemble de ses principaux officiers. Or, c'est dans ce sens que je fais
cette remarque.
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au
ministre d'ajouter, à la revue qu'il vient de faire, un rapport sur la
conférence extrêmement importante à laquelle il a
assisté, étant donné que les résultats qui n'ont
pas tous été communiqués à la presse peuvent
influer sur la discussion des autres sujets d'ordre général qu'il
a abordés ce matin?
M. CASTONGUAY: Si les membres sont d'accord. Y a-t-il une objection?
Cela dissipera peut-être certains malentendus!
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a des malentendus entre M.
Lalonde et M. Castonguay?
M. CASTONGUAY: Non, mais peut-être entre M. Loubier et M.
Castonguay, M. Laurin et M. Castonguay, M. Guay et M. Castonguay. J'ai lu avec
intérêt le Devoir de ce matin. M. Cloutier et M. Castonguay...
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Castonguay, c'est... J'y reviendrai
tantôt. Je ne ferai pas la remarque tout de suite.
M. CASTONGUAY: Alors, est-ce que cela va?
M. CLOUTIER (Montmagny): II y aurait peut-être... Oui, dans ce
dossier, je ne sais pas... M. Laurin, le député de Bourget, n'a
pas mentionné spécifiquement les documents mais je pense que tous
les documents qui entourent la dernière conférence et
spécialement le mémoire qu'a déposé le ministre des
Affaires sociales du Québec à la conférence et
évidemment tous autres documents qui ont été
échangés par la suite au cours de la conférence et,
même si on l'a lue dans les journaux, la déclaration finale du
ministre Lalonde, on apprécierait...
M. CASTONGUAY: La déclaration du ministre Lalonde a
été reproduite dans le Devoir. Il y a d'autres documents.
Avant d'entrer dans cette question des documents, nous avons fait une
déclaration au début de la conférence et je demande que
l'on en fasse venir des copies que je vous distribuerai.
Quant au texte de M. Lalonde, au terme de la conférence, je
voudrais bien insister sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'un
communiqué officiel, mais plutôt d'un texte d'introduction
à la conférence de presse qui a été tenue et
à laquelle assistaient les onze ministres qui ont participé
à la conférence. Alors, de même, ce texte a
été reproduit en fait dans le Devoir. Comme la copie que j'ai
provenant de la conférence comporte plusieurs ratures, il' y a quelques
changements ou plusieurs changements d'apportés, je ferai reproduire des
copies de ce texte tel qu'il a été publié dans le Devoir.
Je l'ai lu et il m'apparaît conforme à ce qui a été
dit.
Quant aux autres documents, nous avions des documents de travail qui ont
été préparés au sein du ministère pour nous
permettre tout simplement avant la publication du document de travail
fédéral d'analyser un peu plus rapidement le contenu de ce
document, en ce qui a trait par exemple aux allocations familiales. Alors, il
s'agit plutôt d'un outil de travail interne et je crois qu'étant
donné la vaste gamme des options possibles et de toutes les
hypothèses qui ont été prises pour analyser ces options
qui auraient pu se retrouver dans le document fédéral, je trouve
qu'il y aurait un certain danger à publier ce document tant et aussi
longtemps que le gouvernement n'aura pas pris ici certaines des
décisions qui vont devoir être prises à la suite de cette
conférence.
Nous avons également, pour des fins internes,
préparé un premier travail qui fait suite aux travaux qui avaient
été amorcés en novembre dernier et qui porte sur le
financement de l'assistance sociale par la voie du régime canadien
d'assistance publique. On sait qu'en vertu de ce régime, le gouvernement
du Canada partage à 50 p.c. le coût de l'assistance sociale et le
coût des services admissibles. Nous avions identifié clairement
que cette formule de partage avait pour effet de faire supporter un fardeau
plus lourd des budgets d'aide sociale par les provinces où le nombre des
bénéficiaires est relativement plus élevé que dans
les provinces plus riches. Alors, compte tenu du fait qu'il ne serait pas tout
à fait exact d'isoler un seul
budget comme celui-là, nous avons poursuivi le travail pour
introduire l'effet de la péréquation. Certaines hypothèses
qui sont peut-être discutables ont été utilisées, et
c'est pourquoi je dis que c'est un document qui n'est pas définitif, il
n'est pas considéré encore comme un document officiel du
ministère, c'est plutôt une étude interne qui doit
être poursuivie selon les hypothèses suivies. La
péréquation a été répartie aux divers postes
du budget du gouvernement selon l'importance relative ou en proportion directe
de ces divers postes budgétaires.
Le fardeau de l'aide sociale corrigé pour tenir compte de la
péréquation a été, par la suite, relié au
revenu personnel net des citoyens de chacune des provinces et, selon les
hypothèses utilisées, cette étude démontre que,
malgré la péréquation, il demeure encore certains
écarts dans le fardeau que doivent supporter les contribuables selon
qu'ils demeurent dans des provinces plus riches ou moins riches. C'est un
travail qui a été préparé au sein du
ministère. Nous avons demandé que l'étude de cette
question soit poursuivie. H a été accepté que cette
étude se poursuive dans le cadre de la révision des
mécanismes de financement des mesures de sécurité du
revenu.
Quant à cette conférence, j'ai tenté d'en faire un
certain bilan. Il est assez difficile de reprendre tous les points parce qu'il
faudrait pratiquement procéder à une analyse du document de
travail, parce qu'il n'est pas possible de retenir uniquement ce qui a fait
l'objet de la discussion et ce qui apparaît dans le texte lu par M.
Lalonde, le document de travail constituant également un
élément de cet ensemble. C'est pourquoi, en fait, ce que je vais
donner comme bilan constitue, à mon sens, les points saillants du livre
jaune et de la conférence des 25, 26 et 27. Cela ne peut pas être
considéré comme une analyse exhaustive de tous les aspects qui
sont compris dans ce livre blanc de même que de toutes les questions qui
ont pu être discutées au cours de cette conférence de trois
jours.
En premier lieu, je pense qu'un aspect qui doit être
mentionné est, qu'aussi bien dans le document de travail qu'au moment de
la conférence, l'identification des problèmes, la philosophie
générale, les objectifs et les priorités que l'on retrouve
aussi bien dans le document de travail fédéral que dans la
réaction des provinces à ce document nous apparaissent comme
étant quelque chose de positif, compte tenu du fait que cette
identification des problèmes, des grands objectifs, des priorités
qui s'en dégagent sont généralement en accord sur la
politique que nous avions exposée en janvier 1971 et par la suite. En
second lieu, le gouvernement fédéral reconnaît, non pas
seulement dans son document de travail, mais tout au long de la
conférence fédérale-provinciale c'est ressorti de
façon très claire quant aux suites à donner à cette
conférence fédérale-provinciale la
nécessité de mener conjointement la réforme des programmes
de sécurité de revenus et des programmes connexes. Si l'on se
reporte simplement à certaines initiatives prises aussi récemment
qu'au printemps 1972, je crois qu'il s'agit là d'un changement majeur.
On a beau parler de primauté législative, on a beau parler de
consultation, il n'en demeure pas moins que le gouvernement
fédéral, par son pouvoir de dépenser, a occupé des
secteurs tels que ceux des allocations familiales depuis trente ans, des
pensions de vieillesse depuis plus de vingt ans pour ne citer que deux
exemples, qu'il a pris des initiatives dans le passé de façon
complètement unilatérale et que là, il annonce que la
réforme doit être menée de façon conjointe. Nous
verrons un peu plus loin que des mécanismes sont proposés pour
éviter, justement, que des initiatives comme celles déjà
prises puissent venir introduire des déséquilibres plus grands
entre les provinces. Alors, des mécanismes sont proposés à
cet effet.
Le gouvernement fédéral a accepté également
et ceci, est ressorti très clairement au cours des discussions et
aussi dans le texte lu par M. Lalonde que l'examen global ou le
réexamen global inclue des aspects qui jusqu'à ce jour ont
été considérés comme étant externes ou
dissociés de la sécurité du revenu. Je pense, en
particulier, au régime d'assurance-chômage, au programme de
formation professionnelle des adultes en ce qui a trait à la
stratégie de création d'emplois, soit sociaux ou à
caractère communautaire, à la nécessité de ne pas
procéder par voie de nouveaux programmes qui viennent s'ajouter aux
autres, mais d'introduire dans le développement de cette
stratégie des programmes comme ceux des initiatives locales.
Troisièmement, le gouvernement fédéral
reconnaît, et d'une façon qui m'apparaît bien
différente de celle qui était sous-jacente à la
philosophie du livre blanc de l'automne 1970, la responsabilité des
provinces dans le domaine de la sécurité du revenu ou de la
sécurité sociale de même que la nécessité de
tenir compte de l'existence de conditions socio-économiques qui peuvent
différer selon les provinces et selon les régions du pays. A cet
effet, le gouvernement fédéral a proposé et nous
avons eu l'occasion d'en discuter assez longuement lors de la conférence
deux mécanismes qu'il incorporera dans un premier temps à
sa législation sur les allocations familiales. Ces mécanismes
permettront au gouvernement d'une province d'effectuer des modifications
à la structure des paiements à l'intérieur d'un programme
par exemple, dans le cas des allocations familiales, de modifier la
structure des paiements et aussi, ce qui est extrêmement
important, à mon sens, d'effectuer des transferts de fonds d'un
programme à un autre. Et nous avons posé la question pour savoir
si ces transferts pourraient s'effectuer, à titre d'exemple, des
allocations pour la formation professionnelle des adultes vers un autre
programme de sécurité du revenu, et la réponse a
été affirmative.
Ce qui nous apparaissait important vis-à-vis de ces deux
mécanismes était de nous assurer que les conditions auxquelles
l'exercice ou l'utilisation de ces deux mécanismes serait soumis ne
viennent pas les vider de leur sens, c'est-à-dire, si on les entoure de
trop de conditions. Et nous avons pu constater, par rapport aux arrangements
administratifs qui avaient été négociés le
printemps dernier, qu'ils sont d'une nature bien différente. Aucune
condition au plan financier, par exemple, n'est imposée aux
gouvernements des provinces. En fait, le gouvernement fédéral
veut tout simplement introduire des normes strictement minimales et aussi
assurer que les décisions prises au niveau des provinces ne viennent pas
affecter de façon générale les grandes allocations de
ressources que le gouvernement fédéral veut faire entre les
secteurs. Ceci nous donne, à l'intérieur du secteur de la
sécurité sociale, la possibilité j'en suis
convaincu de faire les adaptations de programme qui nous apparaissent
nécessaires et, au besoin, des nouvelles allocations de ressources.
Si l'on se rappelle le fait que depuis 30 ans, simplement au titre des
allocations familiales, il existe un régime fédéral, que
ce régime n'a en aucun moment été modifié, que ce
régime ne permettait en aucune façon le type d'approche que je
viens de souligner et si on se rappelle que dans un régime comme les
allocations familiales, ce qui importe le plus, c'est d'une part la
définition de ceux qui sont admissibles à un tel régime
et sur ce plan, je pense qu'il n'y a pas de difficulté et
d'autre part, c'est le niveau et la structure des prestations qui seront
versées aux citoyens, avec les deux dispositions qui ont
été introduites dans le document de travail du gouvernement
fédéral de même qu'avec les précisions qui ont
été apportées au cours de la discussion.
Je crois que nous avons là l'essentiel et que toute demande
additionnelle de notre part n'aurait pu que retarder ou encore être
refusée par le gouvernement fédéral qui, comme je l'ai
mentionné à quelques reprises, occupe déjà ce champ
par la voie d'un programme qui est en existence depuis 30 ans et qui, à
ma connaissance, n'a jamais été contesté par aucun
gouvernement.
Cinquièmement, le gouvernement fédéral et les
autres provinces ont reconnu, de façon à mon sens très
claire, les priorités que nous avions mises de l'avant au sujet des
allocations familiales. D'abord, au lieu de procéder par la voie d'un
régime sélectif, comme c'était proposé l'an
dernier, le gouvernement fédéral veut s'engager dans un
régime universel mais dont les prestations vont être imposables.
Les propositions ou le projet de loi qui est envisagé va signifier pour
le Québec l'addition d'environ $315 millions par année avant
impôt sur le revenu; de plus, ceci va signifier pour le Québec une
certaine récupération par la voie de l'impôt
québécois sur le revenu. Ceci va donc nous permettre d'apporter
des changements en même temps que la situation des familles va pouvoir
être grandement améliorée, des changements importants au
niveau de notre programme d'aide sociale aussi bien par la voie de la
récupération de l'impôt que par la voie des prestations qui
présentement sont versées à des enfants dans le cadre du
régime d'aide sociale et que nous allons pouvoir
réaménager différemment de telle sorte que la structure
des paiements d'aide sociale et leurs niveaux soient plus
appropriés.
Egalement, je crois qu'il est important de mentionner que les
modifications apportées dans le secteur des allocations familiales vont
avoir, sans l'ombre d'aucun doute, un impact sur le placement en institution et
en foyer nourricier d'enfants et de jeunes. Nous avons une étude au
ministère qui a été effectuée à la direction
de la planification et qui démontre que le nombre d'enfants
placés croit selon la taille de la famille ou, en d'autres termes, selon
que la famille est aux prises avec des problèmes, financiers, des
difficultés financières qui sont de plus en plus grands. En
d'autres termes, plus une famille est pauvre, plus il y a probabilité
que des enfants soient placés en foyer nourricier ou en institution; on
sait, d'autre part, que plus le nombre d'enfants est élevé dans
une famille, plus on retrouve de ces familles en dessous des seuils de
pauvreté.
Au plan des incidences sociales qui résulteront des changements
apportés au niveau des allocations familiales, au niveau de l'aide
sociale, nous croyons qu'il va y avoir des incidences sociales très
positives au niveau du placement des enfants en institution et en foyer
nourricier. De même, avec ces changements, nous allons, dans toute la
mesure du possible, tenter d'apporter des améliorations au fur et
à mesure que l'expérience va se dégager quant au
mécanisme d'incitation au travail que nous avons introduit dans les
règlements de la Loi de l'aide sociale tout récemment.
Quant au régime de supplément de revenu proposé
dans le document de travail du gouvernement fédéral, nous
craignions et c'est indiqué dans la déclaration que j'ai
faite au début de la conférence que l'on procède
à l'élaboration au cours d'une période de deux ans
environ très détaillée d'un modèle, d'un
régime de supplément de revenu et que ce n'est que par la suite
que l'on se serait engagé dans l'implantation d'un tel
modèle.
Nous avons demandé que tout en ne rejetant pas
nécessairement ce genre de travail qui va permettre malgré tout
d'établir un cadre général des objectifs plus
précis au plan opérationnel l'on étudie aussi, en
parallèle et de façon concordante, l'implantation graduelle des
changements qui sont énoncés dans le document de travail et ceci
à partir du régime d'aide sociale existant et que, dans le
contexte de ces études visant à une implantation graduelle, l'on
mette l'accent sur la révision des modalités de financement.
Ainsi, au fur et à mesure que les travaux, les décisions
et les ressources pourront devenir disponibles, il sera possible de franchir un
peu plus rapidement les étapes que ne pourrait le laisser entendre le
document de travail et aussi afin que ceci puisse s'effectuer à partir
du régime d'aide sociale pour lequel nous avons tout l'appareil
administratif requis. Ces deux points, qui nous apparaissaient très
importants, ont été également acceptés, comme en
fait état le texte de M. Lalonde, et le travail va s'effectuer de
façon concurrente au même titre que le développement du
modèle proposé par le gouvernement fédéral.
Un aspect qui nous paraissait également très important
il est souligné dans la déclaration du début de la
conférence était le danger que, par l'établissement
de régimes distincts, par exemple pour les personnes invalides, les
retraités, certains groupes, les chefs de famille uniques, que l'on
réintroduise des catégories telles qu'elles existaient
antérieurement à l'adoption de la Loi unique de l'aide sociale.
En surface et rapidement, procéder par voie de catégorie peut
sembler donner des avantages; d'autre part on se souvient que l'assistance
catégorisée a donné lieu à bien des
difficultés dans le passé, non pas seulement au plan de
l'administration, mais au fait qu'à mesure que les conditions de vie
évoluent, des groupes demeurent non couverts et que, par suite des
définitions, les gens essaient de se classifier; c'est presque une
invitation à la fraude. Cela alourdit fatalement les mécanismes
administratifs et ce qui est le plus important, c'est qu'alors que le document
de travail propose pour l'avenir que le critère, vers lequel on doit
évoluer, soit un critère de revenu, c'est-à-dire, sans
égard aux causes, que le régime supplémente le revenu pour
ceux qui n'ont pas des revenus suffisants, l'on pose les premiers gestes dans
la poursuite de cet objectif à partir de critères qui ont
déjà été rejetés dans le passé et qui
ne sont pas reliés au revenu, c'est-à-dire les critères
touchant l'état de santé, le degré d'invalidité,
etc. Ceci nous apparaissait donc un aspect qui présentait des dangers
et, comme en fait état la déclaration de M. Lalonde, avant qu'une
approche comme celle-ci puisse être retenue, si jamais elle
l'était, nous avons tous convenu de la nécessité de
pousser plus loin le travail avant de nous engager dans une telle loi.
Nous avons également et je reviens à la question
antérieure que je mentionnais en faisant état des augmentations
des pensions de vieillesse le printemps dernier reconnu la
nécessité d'harmoniser les niveaux de prestations versées
en vertu des divers programmes de sécurité de revenu et
même de programmes connexes tels que la partie des allocations
versées à des fins de supplémentation de revenu, par
exemple dans des programmes comme la formation professionnelle des adultes.
Déjà, si on examine les propositions 12 et 13, on voit que, dans
le document de travail du gouverne- ment fédéral, cette
possibilité était soulignée lorsqu'on disait à la
douzième proposition que les normes touchant les niveaux des
prestations, de revenu garanti pouvaient être je ne me souviens
pas du texte de la proposition 12 ou 13 mais elle est assez importante à
mon sens déterminées par chacune des provinces.
Celles-ci pourraient être autorisées à modifier,
comme elles le jugent à propos, les taux d'allocation universels et
autres allocations versées au terme des programmes administrés
par le fédéral, à l'exception des mesures d'assurance
sociale relatives aux salaires. Dans ce dernier cas, compte tenu du fait que
nous les avons légifèrés et que nous administrons à
la fois le Régime de rentes du Québec et le Régime
d'indemnisation des accidents du travail, il ne reste donc dans cette
catégorie qui est exclue que celle de l'assurance-chômage. Il y a
là, à mon sens, un autre aspect assez fondamental.
Nous avons aussi souligné, au cours de la conférence, le
problème qui est en voie de surgir, compte tenu du fait que, dans le
développement des centres locaux de services communautaires, par
exemple, dans les centres de services sociaux et pour certains autres services,
l'accessibilité à ces services doit se faire de façon
universelle. En d'autres termes, ces services sont de telle nature qu'il ne
serait pas approprié, à notre sens, de faire subir une
épreuve ou un test des besoins aux gens qui requièrent de tels
services, surtout lorsqu'on pense à des fins de prévention, de
réadaptation. Je pense, en particulier, à des services comme
celui de la planification familiale, à tous les services que l'on
retrouve dans les centres de services sociaux, consultations matrimoniales,
adoption, etc.
Nous risquions de perdre le partage en vertu du régime canadien
de l'assistance publique, étant donné que les coûts sont
partagés en vertu du Régime canadien d'assistance publique, pour
autant qu'il y a eu démonstration de besoin au moment de la dispensation
des services. Le gouvernement fédéral a accepté le
principe, et le travail au plan concret doit être amorcé le plus
rapidement possible, de telle sorte que cette approche différente qui
est suivie au Québec et dans certaines autres provinces, qui tend
à se généraliser, n'ait pas pour effet de faire perdre le
partage dont nous bénéficions présentement par la voie du
Régime canadien d'assistance publique dans le financement de ces
services.
Nous avons discuté également du Régime de retraite
au Canada, et des provinces comme l'Ontario et le Manitoba ont
suggéré et ont insisté fortement pour que des
modifications soient apportées au Régime de retraite du Canada.
Plusieurs ont souhaité que soit atteint de nouveau le
parallélisme, comme il semblait convenu d'appeler ce
phénomène ou cette caractéristique des deux
régimes, soit le fait que, de 1966 à 1972, les deux
régimes comportaient des dispositions identiques.
D'autre part, j'ai mentionné, que tout comme on le reconnaissait,
pour les programmes autres que les assurances sociales, il était
nécessaire de tenir compte des conditions socio-économiques qui
peuvent différer d'une province à l'autre. J'ai mentionné
que, aussi bien pour les régimes d'assurance sociale, la
nécessité de reconnaître des choses telles que des
différences précises, identifiées dans les niveaux de
revenu moyen des travailleurs, par exemple, militait ou pouvait justifier des
dispositions différentes entre le Régime de rentes du
Québec et le Régime de retraite du Canada. Sans prendre aucun
engagement, nous avons convenu de nous associer aux travaux d'un comité
et de travailler au sein de ce comité mais dans le contexte que j'ai
mentionné.
Si, à l'occasion des travaux de ce comité, il se
dégage des amendements qv 'il pourrait être
bénéfique d'apporter au Régime de rentes du Québec.
Nous allons les étudier et nous verrons s'il y a lieu de les adopter,
mais aucun engagement de notre part n'a été pris. J'ai
déjà mentionné également au tout début,
lorsque j'ai fait état des documents, la remise du document initial ou
le document de travail préparé au sein du ministère sur le
partage ou l'équilibre dans les fardeaux qui doivent être
supportés par les contribuables des diverses provinces pour des
régimes tels que celui de l'aide sociale.
En définitive, à mon sens, peu importe de quelle
façon on examine l'ensemble de ce bilan par rapport à la
situation antérieure ou encore à celle que nous avons
vécue jusqu'à il y a deux semaines, que ce soit quant au niveau
des ressources allouées par rapport à nos priorités, que
ce soit par rapport à la nécessité d'adapter les
programmes en fonction des conditions propres au Québec, que ce soit
quant aux objectifs généraux à poursuivre dans le domaine
de la sécurité du revenu et des programmes connexes, il
m'apparait clair qu'il s'agit là d'un bilan fort positif. C'est
d'ailleurs dans cet esprit que nous avons réagi suite à cette
conférence.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Pe-sident, ce n'est qu'une coincidence,
je pense bien, mais le programme 1 des crédits du ministère des
Affaires sociales cette année porte précisément sur le
soutien du revenu et les programmes de sécurité du revenu, de
sorte que nous avons été amenés, au tout début de
l'étude de ces prévisions budgétaires à parler de
la conférence fédérale-provinciale.
Mais avant de reprendre ce thème dont vient de parler le ministre
des Affaires sociales, thème qui a été l'objet d'une
conférence fédérale-provinciale la semaine
dernière, je voudrais faire quelques très brefs commentaires sur
l'importance de l'étude que nous entreprenons ce matin. L'étude
des prévisions budgétaires du ministère des Affaires
sociales, cette année et l'an prochain, dans le contexte des discussions
qui auront lieu avec le gouvernement fédéral, les comités
d'étude qui ont été mis en place au niveau des
fonctionnaires, les discussions qui vont se poursuivre au niveau politique
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial,
revêt une importance particulière et je pense bien que l'on n'a
pas besoin de faire de longues démonstrations.
Si nos craintes les craintes que nous avons exprimées, sur
lesquelles nous allons revenir et que nous allons préciser davantage
si ces craintes sont fondées, il est probable que l'étude
des prévisions budgétaires du ministère des Affaires
sociales, dans les prochaines années, sera beaucoup moins importante
qu'elle ne l'est dans le moment et par les responsabilités que pourra
assumer le ministère et par les sommes d'argent qui seront mises
à sa disposition. Un exemple concret. Avec la réforme qui est
proposée par le document de travail du gouvernement
fédéral, le livre jaune, il y a des programmes importants dont le
ministère des Affaires sociales a pris l'initiative au cours des
dernières années qui seront appelés à
disparaître. Entre autres, le programme 1, les deux premiers
éléments que nous étudions: les allocations familiales
provinciales et les allocations scolaires. On n'a pas besoin de faire un long
débat sur la question. Si le gouvernement fédéral arrive
avec $315 millions additionnels dans le domaine des allocations familiales,
c'est-à-dire une somme totale de $495 millions, je pense bien que la
première chose que le ministre des Affaires sociales va faire sera de
prendre ses $95,100,000 qui apparaissent aux crédits de 73/74 et de
faire autre chose avec.
M.CASTONGUAY: Vous me permettrez...
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, d'accord mais cela m'apparaît...
M.CASTONGUAY: ...de contester cela au moment où je ferai la
réplique.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, d'accord mais il m'apparaît,
à prime abord, que le ministre des Affaires sociales ne prendra pas ce
montant d'argent pour le distribuer, en tout cas, dans le cadre des allocations
familiales. Il va peut-être penser à d'autres programmes, à
moins que le ministre des Finances ne requière cet argent pour
équilibrer un cinquième budget. C'est chose possible.
Le programme d'aide sociale. Avec les projets du fédéral,
les projets qui ont été avancés par le document, le livre
jaune, on entre dans la sécurité, dans le revenu minimal garanti,
si on veut. On est déjà entré dans ce concept avec les
personnes âgées mais là, on va y aller beaucoup plus, on va
supplémenter le revenu, on va le supplémenter de façon
générale, on va le supplémenter de façon
spéciale pour certaines catégories de personnes et comme
programme résiduel, au bout de la course, pour des problèmes
résiduels, on va recourir encore à l'assistance publique,
j'imagine, ou à une forme
d'assistance publique, à une forme de régime comme celui
de l'aide sociale. Mais de toute façon, on se rend compte, dès le
départ, que ce programme, programme que nous allons étudier au
numéro 2, qui représente environ $300 à $350 millions va
être de beaucoup moins considérable.
Alors, on s'aperçoit que le fédéral avec son
programme pour les personnes âgées, de la sécurité
et de la vieillesse, le supplément du revenu garanti pour les personnes
âgées... Nul doute que l'âge de la pension sera
abaissé parce que l'on a donné une certaine indication: les
personnes de 64 ans et plus pourront choisir entre le régime de
sécurité de la vieillesse ou le régime de
supplément du revenu garanti ou un régime de soutien du revenu.
Elles prendront le plus avantageux. Alors, déjà on donne une
indication que l'on va baisser la sécurité de la vieillesse,
probablement dans un délai X que je ne connais pas, de 65 à 60
ans. Donc, le programme de la sécurité de la vieillesse du
fédéral va prendre beaucoup plus d'importance avec les
années.
Comme autre programme important, il va y avoir les allocations
familiales. Je viens de dire que le fédéral probablement prendra
dans ce secteur toute la place, consacrant ainsi le leadership qu'il a pris en
1946, alors qu'il est entré dans ce champ d'activités. Même
s'il n'a pas modifié le programme par la suite, sauf quelques
modifications mineures, évidemment, aujourd'hui, avec l'importance du
programme canadien qui sera de $1,800,000,000 dont $500 millions pour le
Québec, on voit la place de choix, dans tout le programme, dans toute la
politique de sécurité sociale que vont occuper les allocations
familiales. Comme autres programmes importants, on a les programmes
d'assurance-chômage qui, eux aussi, surtout depuis juin 1971... les
programmes dont on connaît les millions et les milliards même, ce
que cela représente dans l'économie canadienne et dans le
fonctionnement de l'économie québécoise. On a aussi les
programmes d'allocations aux vétérans; on a d'autres programmes
de formation de la main-d'oeuvre, recyclage, enfin tous ces domaines qui,
depuis plusieurs années, avec les centres de main-d'oeuvre, ont fait
l'objet d'une discussion assez serrée, d'un dialogue assez serré
entre le fédéral et le provincial.
On voit donc l'importance de tous ces programmes
fédéraux.
Le gouvernement fédéral, désirant garder ou prendre
un leadership nouveau, entre maintenant de plein-pied dans le domaine de la
sécurité du revenu.
Là encore, tout dépend des seuils de pauvreté qui
vont être fixés. On n'a aucune indication à ce moment-ci de
ce que seront les seuils de pauvreté. Les indications les plus
précises qui nous ont été données l'ont
été par le ministre des Affaires sociales dans son document
à la conférence de 1971, où il avait réclamé
très vigoureusement la priorité législa- tive. C'est
à ce moment qu'on a donné quelques indications. Le ministre
s'était servi de certains barèmes avancés par le Conseil
économique du Canada et d'autres organismes qui avaient fait des
études fouillées, très fouillées.
Alors, on voit, M. le Président, que, dans le domaine de la
sécurité de revenu, des programmes de la sécurité
du revenu et je fais abstraction ici des programmes de santé,
tels que l'assurance-hospitalisation et l'assurance-maladie, qui font l'objet
d'autres ententes avec le fédéral, mais je parle du domaine de la
sécurité du revenu on voit quelle importance va prendre
l'action gouvernementale fédérale. C'est pour ça que je
dis que, dans ce cadre-là, l'étude des crédits que nous
entreprenons ce matin et les discussions que nous allons avoir durant ces
quelques jours... Parce que le ministre sait bien que nous ne terminerons pas
aujourd'hui l'étude des prévisions budgétaires,
probablement que nous allons déborder la semaine actuelle. D'ailleurs,
le ministre serait fort déçu si on terminait trop rapidement:
ça pourrait vouloir dire que son ministère perd de l'importance.
Mais nous voulons le convaincre que son ministère est très
important, qu'il a autour de lui toutes les ressources humaines suffisantes
pour rapatrier tous les programmes de sécurité sociale qui seront
bien administrés ici au Québec. Il a des ressources qu'il utilise
largement, des ressources humaines. Il y en a peut-être d'autres, s'il en
a besoin, qu'il n'utilise pas assez et qu'il pourrait peut-être utiliser
davantage. En tout cas, il y a suffisamment de ressources, au ministère
des Affaires sociales, pour rapatrier tous les programmes de
sécurité sociale sans inquiétude. On est capable de les
concevoir, on est capable de les administrer et on est capable, dans ce
secteur, de garder le leadership qui n'empêchera pas le travail en
collaboration avec les autres gouvernements du Canada, les gouvernements
provinciaux et le gouvernement canadien.
D'ailleurs, M. le Président, c'est là la pierre
d'achoppement. Je pense que le ministre des Affaires sociales, pour des
considérations, probablement sous l'impulsion ou sous les pressions du
cabinet ou du ministre des Finances, se voit aux prises avec un dilemme
important, devant l'impératif de rapatrier des sommes d'argent
importantes, d'avoir à sa disposition des sommes d'argent importantes et
dans le domaine des allocations familiales et pour les autres programmes aussi.
Il se voit peut-être contraint de sacrifier sur les principes essentiels
et les principes de base qui ont toujours servi à établir la
politique des gouvernements du Québec depuis plusieurs années en
matière de sécurité sociale.
Alors, le ministre est aux prises avec un dilemme. A ce moment-ci, il
n'y a rien d'irréparable et je pense bien que, dans les ententes, il n'y
a aucune entente signée avec le gouvernement canadien, il y a des
projets de loi qui seront déposés, il y a des discussions qui
vont se
poursuivre. Alors, je pense qu'il n'y a aucune mesure définitive,
il n'y a aucun accord, il n'y a aucun consensus qui ont été
donnés, mais il y a des indications suffisamment précises pour
que le ministre des Affaires sociales voie qu'il peut y avoir danger. Il aura
à prendre des décisions qui vont engager tout l'avenir des
discussions constitutionnelles. Et le texte de M. Lalonde, le texte à la
fin de la conférence, est non équivoque, il est très
explicite. C'est qu'une fois qu'on aura fait ces discussions, pendant un
délai X, deux ans, trois ans, cinq ans, qu'on aura revu tout l'ensemble,
on prendra des décisions importantes sur l'ensemble de la
sécurité sociale et probablement sur les discussions d'ordre
constitutionnel.
Alors, on va se retrouver devant des faits accomplis et devant des
programmes qui ont été décidés, qui ont
été arrangés; même si c'est de façon
temporaire, on sait que ce temporaire a beaucoup de tendance à devenir
permanent et très rapidement. Un danger, c'est qu'on entre dans cette
discussion sans avoir établi des déclarations de principe, sans
avoir établi suffisamment clairement les prémisses de base. Les
négociations se poursuivant pendant deux ans, trois ans, cinq ans; on
sera tenté, au moment où il y aura urgence, d'adopter des mesures
administratives et de conclure des ententes partielles sur des
législations bien particulières, et on oubliera l'orientation
générale qui doit servir de base et de garde-fou à toutes
ces négociations. C'est pour ça que je dis qu'à ce
moment-ci le ministre doit être très explicite, même si on
ne fait que commencer l'étude du livre jaune des propositions du
fédéral. Le ministre doit répondre à nos
inquiétudes, il doit nous dire quels sont les principes de base sur
lesquels il ne sacrifiera pas. Il doit nous dire quelle est l'importance, dans
son optique, de ce concept, de cette priorité qui ont guidé ses
travaux depuis 1970 et ses représentations aux conférences
fédérales-provinciales et aux conférences provinciales, ce
concept de la primauté législative. Il doit nous dire quelle est
la place que le Québec doit occuper dans le domaine de la
sécurité sociale à son avis, dans le contexte actuel. Je
comprends que le contexte des discussions, des négociations puisse
évoluer. Je ne voudrais pas faire de personnalité ici, mais je
pense bien qu'on ne discute avec le nouveau ministre de la Santé
nationale, M. Lalonde, comme on discutait peut-être avec M. Munro ou avec
M. MacEachen. Il y a certainement une nouvelle approche qu'apporte M. Lalonde
et une nouvelle approche évidente. Je pense que, si on veut porter un
jugement sur les modalités d'approche de M. Lalonde, le nouveau
ministre, il y a certainement des éléments positifs, comme le
ministre l'a mentionné tantôt, il y a certainement une ouverture
maintenant qu'il n'y avait pas il y a encore quelques mois. On
s'aperçoit, M. le Président, si on me permet ici un commentaire
assez personnel, que les hom- mes passent et qu'ils ont des approches
différentes. Des hommes différents sont à la tête
des ministères à Ottawa et à Québec et ils ont des
façons nouvelles d'approcher ces problèmes. D semble qu'on ne
doit pas essentiellement baser l'avenir de la constitution sur des hommes en
place ou sur des approches que ces hommes utilisent pour faire leurs
propositions. Cela doit aller beaucoup plus loin que ça.
Le député de Dubuc suggère que le ministre actuel a
lui aussi changé son approche. Alors, les mêmes hommes, à
différents moments de leur carrière politique, changent
peut-être. Ce qui nous apparaît à ce moment-ci, c'est que le
ministre a fait un virage ou se prépare à faire un virage
important. Je ne sais pas si on peut employer le mot du député de
Dubuc: une retraite ou un changement complet de conception maintenant de la
discussion. Le ministre des Affaires sociales est responsable du secteur des
affaires sociales, on est d'accord là-dessus. Le gouvernement a
décidé, dans l'ensemble, qu'il ne discutait pas la question
constitutionnelle, que la question de la sécurité sociale ne se
discuterait pas dans la révision de l'option constitutionnelle ou dans
le cadre des discussions, des modifications à la constitution ou de
l'élaboration d'une nouvelle constitution.
On discute ce secteur isolément de toutes les autres
préoccupations gouvernementales. On le discute même
isolément du partage du pouvoir fiscal, du partage des
responsabilités du pouvoir de dépenser.
Alors, le ministre des Affaires sociales ne peut pas, même s'il
discute, avec son homologue du fédéral, de la
sécurité du revenu, dissocier sa négociation de tout le
problème de la révision constitutionnelle qui devra venir un jour
ou l'autre. Même si le ministre discute à ce moment dans son seul
secteur des programmes de sécurité du revenu et plus
particulièrement, les allocations familiales, avec M. Lalonde et les
autres ministres provinciaux des Affaires sociales, le ministre est conscient
qu'ils mettent en jeu tout l'avenir des discussions constitutionnelles parce
que la sécurité sociale en prend une large part, la part
principale. La pierre d'assise de toute la discussion constitutionnelle
tournera alentour du règlement de la question sociale, la question de la
sécurité sociale. On l'a vu à Victoria parce que c'est sur
ce point en particulier que les discussions ont achoppé.
M. le Président, même si les discussions entreprises au
niveau fédéral s'appliquent à des programmes bien
particuliers, dans le cadre d'un projet de réforme soumis par le
ministre Lalonde, projet de réforme qui contient quatorze propositions
qui donnent des orientations, des indications quant au degré additionnel
de souplesse qui sera consenti aux provinces à l'intérieur de ces
législations, je pense que le ministre devra clarifier durant
l'étude de ces prévisions budgétaires, sa position et nous
dire exactement l'importance qu'ont pour lui les
concepts, les principes de base qu'il a défendus depuis 1970 dans
le domaine de la sécurité sociale.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, bien sûr nous entamons ce matin
une étape assez importante dans le fonctionnement d'un ministère,
c'est-à-dire l'adoption des crédits. Je ne voudrais pas avoir
l'impression de m'adresser ce matin au sous-ministre de M. Lalonde, si on se
réfère à ce qu'on a entendu, à ce qu'on a vu,
à ce qu'on a discuté. Bien sûr que nous avons accueilli,
dans le cadre de ces discussions fédérales-provinciales, de
façon assez joyeuse, peut-être comme le ministre, l'augmentation
des allocations familiales qui viendront en aide aux familles, qui viendront
combler un revenu familial accru à cause du nombre d'enfants.
Cependant, à toute médaille il y a un revers. Nous nous
demandons ce matin si le Québec ne vient pas de manquer l'occasion, au
cours de ces discussions avec le ministre fédéral, de s'affirmer
en matière de sécurité sociale.
On a vu différents media d'information rapporter de façon
un peu différente, mais quand même sur un même ton, le
reflet de ces discussions et peut-être de l'avenir qui est
réservé au programme existant, administré par le
Québec.
Le Québec a connu la semaine dernière une étape qui
n'est, depuis l'arrivée du présent gouvernement, que le sombre
reflet de l'action de ce gouvernement, soit la capitulation pure et simple
devant l'intransigeance du gouvernement d'Ottawa.
Et je me demande si le ministre des Affaires sociales du Québec a
fait valoir aussi sévèrement ce qu'il a défendu
jusqu'à maintenant, soit la priorité législative en
matière des affaires sociales.
Ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion d'en
discuter.
Cependant, il semble, avec ce champ nouveau de discussions qui est
ouvert avec Ottawa, que le ministre aurait eu, peut-être pas ce qu'on
appelle une dernière chance, mais une chance inouie de faire prendre en
main par le Québec la destinée du programme de
sécurité du revenu.
Je ne dis pas que le ministre a démontré son
incapacité mais je pense qu'il aurait pu faire mieux. L'occasion se
présentait et on est porté à croire que le ministre des
Affaires sociales du Québec a succombé au "candy" que le ministre
fédéral lui a offert. Bien sûr, ces concessions, qui ne
sont au départ que temporaires, viennent souvent s'ajuster de
façon permanente. On l'a vu dans d'autres domaines; probablement que ce
ne sera pas différent dans ce cas. Donc, ces concessions temporaires, je
pense que le gouvernement fédéral les a accordées beaucoup
plus dans un but électoral. Cela se dit déjà; cela semble
bien évident.
Entre-temps, cette reddition se fait comme d'habitude sur le dos de la
classe moyenne. Tous savent que ces avantages temporaires seront annulés
dans un avenir assez restreint. On est porté à penser que le
ministre a cédé à un chantage du gouvernement
fédéral, ce qu'on pourrait appeler la pire abdication d'un
ministre depuis pas mal longtemps. Et qui va payer cela? Qui va souffrir cette
abominable reddition? Le ministre a négocié le droit fondamental
du Québec en matière de sécurité sociale,
peut-être pour des avantages électoraux bien cachés,
étant donné l'adresse du ministre fédéral, M.
Lalonde.
C'était la chance pour le ministre du Québec de prendre
ses responsabilités une fois pour toutes. Ce n'est pas facile de
négocier. Le ministre semble avoir donné la priorité sur
la récupération d'argent applicable à autre chose. Le
ministre nous parle de la souplesse du régime. Moi, je dis plutôt
conditions imposées par le fédéral, parce qu'on remarque
les trois conditions assez importantes pour le fonctionnement du régime.
Et si, tout en respectant ces conditions imposées par Ottawa, cette
mesure qui apparaît comme temporaire devient permanente, je me demande ce
qui restera, à l'avenir, de décisions pour le Québec et
surtout, quand on regarde attentivement les conséquences de ce nouveau
programme, face à ce qui existe déjà. De quelle
façon faudra-t-il s'ajuster? De quelle façon, par la suite,
sera-t-il possible de défricher dans ce domaine pour appliquer des
politiques nouvelles, politiques qui seront beaucoup plus adéquates,
beaucoup plus adaptées au Québec.
Dans cette rencontre fédérale-provinciale, c'est
sûrement un champ ouvert aux discussions. Peut-être qu'il n'y a
encore rien de confirmé sauf qu'un document de travail a
été déposé, des communiqués ont
été émis, le ministre, lui-même, a fait des
déclarations assez précises concernant sa décision
à accepter ou à refuser. Cependant, rien n'est précis dans
l'application de ce nouveau régime. A qui s'appliquera-t-il et de quelle
façon? Et si ces crédits, dont nous commençons
l'étude ce matin sont importants, c'est peut-être l'année
où ils seront les plus importants parce que, si désormais on
abandonne un champ aussi vaste et aussi profond que celui de la
sécurité du revenu et qu'on le confie à un autre palier du
gouvernement, moi, je me dis que le ministre des Affaires sociales du
Québec deviendra beaucoup plus un administrateur qu'un homme politique
qui doit décider de l'avenir des politiques d'un ministère.
M. le Président, sans entrer tout de suite dans chacun des
éléments énoncés au crédit, nous accueillons
favorablement les crédits de cette année, sauf que plusieurs
éléments vont être profondément discutés face
au problème qui se pose et que nous vivons chaque jour, que cela soit
dans le domaine de l'aide sociale, assistance-médicaments, soins
hospitaliers.
Je pense que ce serait beaucoup trop long de faire un commentaire
général sur tous les crédits du ministère, sauf
qu'à chacun des articles il y a un endroit ouvert où chaque
membre de la commission peut donner son avis, dire ce qu'il en pense. Je pense
que je vais réserver ces commentaires propres à chacun des
secteurs importants qui apparaissent aux crédits. Cependant, avant de
terminer, j'aimerais le dire au ministre, étant donné que les
ententes fédérales-provinciales ne sont pas encore
définitives, c'est-à-dire signées, j'aimerais que le
ministre nous fasse part de ses commentaires, même s'ils peuvent
être personnels; si nous avons des recommandations à lui faire, je
serais très heureux de les lui faire parvenir, à la suite des
discussions qui ont eu lieu au caucus du parti.
M. le Président, je réserve donc mes commentaires plus
particuliers à chaque article.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Bourget. Je
présume que vous voulez prendre la parole.
M. LAURIN: Vous présumez à juste titre. Le ministre, dans
les objectifs qu'il fixe à l'année 1973, a dit que ce serait une
année d'implantation de services qui ont pour but d'améliorer les
conditions d'accès aux services de santé et aux services sociaux.
Au cours des années précédentes, nous avons adopté
des lois et maintenant il s'agit de voir comment ces lois peuvent se traduire
au niveau de la réalité.
Lorsque nous avons adopté ces lois, nous avons rappelé le
sort qui avait été fait à la révolution scolaire,
et nous avons mis en garde, non seulement le ministre, mais tous les
députés, tous les législateurs, afin que les
difficultés que l'application de cette réforme scolaire avait
engendrées ne se renouvellent pas à l'occasion de l'application
de cette réforme aussi importante, aussi fondamentale qui
s'amorçait dans le domaine des services de santé et des services
sociaux. Le moment est maintenant arrivé de voir si ces
difficultés s'amorcent, si nous en voyons les origines. Le ministre a
été assez discret à cet égard lorsqu'il a fait la
revue des activités de son ministère; je ne sais pas s'il a
noté déjà ces difficultés, si ses collaborateurs
lui en ont fait part, si des mesures ont été prises pour qu'on
évite ces difficultés. En ce qui nous concerne, nous avons
noté, d'après les informations qui nous parviennent, que ces
difficultés n'ont peut-être pas pu être
évitées complètement, et avant qu'il ne soit trop tard, il
nous semble que le gouvernement devrait être mis en alerte pour qu'on
évite les déboires, les tensions qui autrement pourraient
survenir. Par exemple, nous n'avons aucune objection à ce qu'on
étudie le problème de la relocalisation des services. Il est bien
évident, pour prendre un exemple, qu'il y a peut-être trop de
services d'obstétrique concentrés dans une seule région,
trop de services d'orthopédie, trop de, services de pédiatrie,
alors que d'autres régions ne les connaissent pas. Il est évident
qu'il faut éviter le dédoublement indu de personnel ou
d'équipement. Il est évident que les services de planifica-iton
et de programmation doivent faire en sorte de viser à une utilisation
rationnelle des hommes, de l'équipement, en même temps qu'on
facilite l'accession la plus rapide et la plus efficace possible de la
population aux divers services, non seulement communs, de première
ligne, mais également aux services spécialisés. Il reste,
cependant, essentiel que ces études, ces analyses des besoins en
même temps que l'analyse des ressources, d'une part, et que d'autre part
la relocalisation ou la meilleure utilisation de ces services, de ces
équipements, se fassent toujours avec la participation des
intéressés.
Evidemment, cela implique peut-être une lenteur additionnelle, en
apparence. Il prendra probablement plus de temps avant d'en arriver à
des décisions si l'on procède par voie de consultation aussi bien
au niveau de l'analyse qu'au niveau des décisions. Il reste cependant
que le temps qu'on peut sembler perdre au début est regagné
facilement par la suite si on évite ce que les Américains
appellent le "feedback" ou le "back-lash" de communautés ou de groupes
de professionnels qui se sentent lésés ou qui se sentent
court-circuités. Je pense que nous avons, au cours de la dernière
année, des exemples de ces "back-lashes" de régions ou de groupes
de professionnels. Nous en avons eu des échos dans les journaux et
moi-même, peut-être parce que je suis médecin, on m'en a
communiqué plusieurs. C'est la raison pour laquelle je me demande si
toutes les précautions ont été prises pour que ces
aléas, ces difficultés puissent être évités.
Autant nous sommes d'accord sur l'objectif que vise le ministère, de la
rationalisation des services qui amène, en fin de compte, une
économie en termes de financement, autant nous insistons sur les
conditions dans lesquelles ces analyses de besoin de ressources, ces analyses
d'hypothèse et la prise de décision doivent être
menées.
Ceci vaut non seulement pour la vocation des divers hôpitaux, ceci
vaut non seulement pour la nouvelle vocation que doivent assumer les centres
locaux de services communautaires mais ceci vaut également pour tous les
problèmes que l'on peut avoir au niveau de la meilleure utilisation des
services de santé. Je pense par exemple à un nouveau
problème qui est en train de se poser d'une façon aiguë,
celui de la sectorisation des institutions. On sent que l'accent est
donné à cette sectorisation et que c'est là une approche
rationnelle mais nous savons quand même que cette sectorisation, surtout
celle-là, ne peut être acquise, ne peut fonctionner d'une
façon efficace qu'avec le concours de tous les intéressés.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions tellement insisté,
lors de l'adoption de la loi 65, sur deux points qui nous paraissaient
susceptibles d'améliorer l'utilisation des lois que nous adoptions,
celui de la déconcentration et de la décentralisation
d'une part et, deuxièmement, un point qui en est le corollaire, celui de
la participation. Il est malheureux qu'à ce moment-là on ne nous
ait pas écoutés autant que nous l'aurions souhaité car on
s'est refusé à décentraliser et même à
déconcentrer, au niveau régional, l'appareil administratif.
Je pense que nous commençons déjà à en voir
les conséquences et, avant que ces conséquences s'aggravent,
s'aiguisent et risquent de compromettre une réforme que, par ailleurs,
nous jugeons encore essentielle et indispensable, il faudrait peut-être
prendre les correctifs qui s'imposent. Car, si tel n'est pas le cas, nous
risquons de nous retrouver avec un engorgement bureaucratique au niveau du
ministère, avec une accentuation de l'écart entre administrateurs
et administrés aussi bien qu'entre le pouvoir et le citoyen, avec une
évaluation académique biaisée et souvent faussée
des besoins et des ressources, avec une lenteur décisionnelle, avec une
répartition rigide et souvent inappropriée des ressources et de
l'équipement, avec un embrouillamini administratif, avec une
augmentation relative des coûts et une accentuation de la
dépersonnalisation des services dans un domaine où il faudrait
pourtant viser le plus à la minimiser et même à
l'éviter.
Je sais bien qu'après une année à peine
d'expérience, il est encore trop tôt pour faire des critiques
très sérieuses à cet égard mais je pense quand
même qu'il vaudrait mieux prévenir que guérir et qu'il
faudrait déjà profiter des leçons que cette année a
pu nous donner pour apporter les correctifs nécessaires. Peut-être
encore une fois que le ministre, quand il répondra à nos
interventions, pourra être plus explicite sur les difficultés
qu'il a éprouvées et sur les correctifs que déjà
son administration a mis en place pour empêcher ces difficultés de
s'aggraver et de perdurer.
Par ailleurs, M. le Président, les ententes que le ministre nous
avait annoncées, et en ce qui concerne plus particulièrement la
mise en vigueur de l'assurance-maladie pour les soins dentaires, n'ont pas
encore donné les résultats espérés. Nous avons vu
récemment dans les journaux que ces négociations se heurtaient
à des difficultés imprévues. Nous espérons
grandement qu'une solution sera trouvée le plus rapidement possible,
afin que la mise en vigueur de ce programme essentiel puisse s'effectuer dans
les délais les plus rapprochés.
Il est évident également que pour nous, dans ce domaine,
le gouvernement devrait viser le plus tôt possible à
compléter le programme par une assurance, par un programme
d'assurance-santé qui inclurait les médicaments pour toutes les
catégories de citoyens et également l'assurance-prothèse.
Nous insistons à nouveau sur l'assurance-médicaments, puisque ce
sont souvent les citoyens à revenu modeste qui assument d'une
façon excessive le coût de ces médicaments, et que ceci
peut mettre en danger le principe qui guide la politique du ministère,
c'est-à-dire celui de l'accessibilité universelle aux services de
santé et surtout l'amélioration du capital humain
québécois.
Nous insistons également à nouveau sur le fait que les
catégories de citoyens à revenu élevé paient
actuellement proportionnellement moins de prestations que les catégories
de citoyens à revenu moyen ou à revenu modeste, étant
donné que la cotisation est plafonnée à un certain niveau.
Nous demandons au ministre s'il ne serait pas possible, au cours de la
présente année ou des années qui viennent,
d'améliorer le système, afin que tous les citoyens paient en
proportion du revenu réel qu'ils gagnent, afin justement d'en arriver
à une meilleure égalisation du citoyen devant l'impôt et
à une meilleure redistribution du revenu national pour atteindre les
objectifs d'accessibilité que le ministre s'est fixés.
De la même façon, nous nous demandons si, malgré les
initiatives que le ministère a prises, cette année, dans le
domaine de la prévention, ses efforts sont suffisants. Nous savons que
le ministère a annoncé récemment un vaste programme en ce
qui concerne la nutrition des Québécois. C'est là une
initiative dont nous le félicitons et qui s'imposait depuis longtemps,
mais nous aimerions que cette étude soit poussée le plus
rapidement possible, afin qu'elle puisse donner lieu dans les plus brefs
délais aux mesures qui s'imposent. Nous nous demandons également
si le programme qui a été mis en place dans les écoles et,
en particulier, dans les secteurs les plus défavorisés, que ce
soit aussi bien au niveau de la nutrition des élèves que de la
prévention des maladies, donne les résultats que le
ministère en escomptait, et s'il n'y aurait pas lieu de pousser
davantage ce programme, afin que nous en récoltions plus rapidement les
bons effets que le ministère en escompte.
Nous nous demandons également s'il n'y aurait pas lieu de pousser
davantage ce programme de prévention, par exemple, en l'étendant
à certaines usines où les conditions de vie sont difficiles ou
encore dans les milieux défavorisés. Je pense qu'il y a là
un vaste domaine où pourrait se déployer l'initiative des hauts
fonctionnaires du ministère, en particulier ceux de la recherche, de la
planification et de la programmation.
Récemment également, nous avons vu les difficultés
que commence à poser, dans le domaine de l'accessibilité aux
soins, le double réseau public et privé. Il est bien
évident que le ministère ne peut pas surveiller de façon
aussi adéquate, et ne peut pas contrôler, d'une façon aussi
adéquate non plus, autant les activités des institutions
privées que celles des institutions publiques.
Non pas que nous soyons, par principe, contre les institutions
privées. Car nous l'avons déjà dit, dans ce domaine, il y
a des besoins nouveaux qui naissent à chaque instant et bien souvent ce
sont ceux qui sont collés aux
milieux qui peuvent les percevoir, les ressentir avec rapidité et
qui peuvent, dans un esprit de générosité, essayer de les
pallier au meilleur de leur connaissance et de leur talent. Mais il reste
cependant que dans ce domaine des institutions privées, il peut se
glisser facilement, comme l'exemple du passé en témoigne, des
profiteurs et que des moyens de contrôle doivent être mis en place
le plus rapidement possible pour les déceler, les détecter, les
éliminer du circuit quand ce n'est pas pour leur imposer des
contrôles qui, au moins, les ramèneront à un sens plus aigu
de la mission que ces institutions doivent poursuivre.
Des exemples déplorables, que nous avons eus au cours des
quelques mois qui viennent de s'écouler, devraient inciter, je crois, le
gouvernement à multiplier ces méthodes, ces mécanismes
d'analyses, d'enquêtes, de révisions et de contrôles et
peut-être l'amener à harmoniser, d'une façon plus
adéquate, l'intégration des institutions publiques et
privées aussi bien dans le domaine des services sociaux que dans le
domaine des services sanitaires.
Nous ne sommes donc, encore une fois, M. le Président, qu'au
début de l'implantation de cette réforme fondamentale
commencée il y a deux ou trois ans mais je pense que nous devrions,
comme toute entreprise moderne et rationnelle fait, mettre en place, le plus
tôt possible, des mécanismes d'évaluation qui, au fur et
à mesure que l'expérience se poursuivra, nous permettront de
connaître les failles, les lacunes possibles, les vices mêmes de
fonctionnement qui sont portés à notre attention, afin que nous
puissions les corriger le plus possible; ce qui nous vaudra bien sûr des
avantages économiques mais surtout nous évitera des tensions
sociales, des tensions professionnelles inutiles qui, encore une fois, risquent
de compromettre une réforme à laquelle tous les citoyens du
Québec tiennent parce qu'elle s'imposait d'une façon absolument
urgente.
Dans un autre domaine, le ministre veut utiliser, de la façon la
plus rationnelle possible, les sommes consacrées aux programmes de
sécurité du revenu. Il en fait même son premier objectif
pour l'année 1973. Et nous sommes tout à fait d'accord avec lui,
étant donné que ces mesures de sécurité du revenu
visent à pallier la situation économique financière
catastrophique d'une très grande partie des citoyens. On sent bien, en
effet, que toutes ces mesures de sécurité du revenu, depuis
qu'elles ont été instituées à la fin de la
dernière grande guerre, visent à éliminer le scandale de
la pauvreté dans une société d'abondance. Nous savons
également que le Québec a plus que sa juste part de ces
catégories de citoyens qui vivent en deça du seuil de la
pauvreté. Toutes les enquêtes ont été faites
là-dessus et nous savons malheureusement que s'il faut en croire
ces statistiques le Québec compte peut-être près du
tiers de sa population qui vit en deça du seuil de la pauvreté.
On pourrait même parler d'un vérita- ble ghetto sociologique
où croupissent encore au Québec, en deça de ce seuil de la
pauvreté, ses citoyens, malgré l'augmentation du produit national
brut, malgré la hausse moyenne des revenus, malgré la hausse
moyenne des revenus, malgré l'augmentation de la productivité,
malgré une faible reprise du taux d'investissement dans certains
secteurs. Que notre société québécoise compte une
aussi forte proportion de pauvres, chômeurs, invalides, tâcherons,
exploitants de basses besognes, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, ruraux et
urbains, voilà une plaie, un scandale que ne réussiront pas
à masquer et à étouffer tous les discours partisans
où l'on célèbre une vie, une paix sociale
retrouvée.
C'est donc là la raison majeure pour laquelle les gouvernements
se sentent obligés de proposer à la population des programmes de
sécurité de revenu. Il faut bien dire que, jusqu'ici, nous
n'avons réussi que partiellement à masquer ou à panser ces
plaies. Nous avons dénoncé, au cours des deux dernières
années, à plusieurs reprises, notre régime d'aide sociale
malgré tous les avantages qu'il comporte, malgré la solution
partielle qu'il constituait à ce problème. Plus
particulièrement au cours de la dernière année, en raison
probablement du taux élevé de chômage, il nous est souvent
arrivé, à tous les partis d'Opposition et même au ministre,
de critiquer le régime d'aide sociale que nous devions accepter dans
l'état où il était à cause de la marge de manoeuvre
insuffisante que procuraient au gouvernement du Québec les ressources
qui lui provenaient de l'impôt.
Nous savons en effet que ces prestations d'assistance sociale ne
réussissent pas actuellement à procurer une vie digne et
décente au plus grand nombre des assistés sociaux. A une
époque d'inflation galopante, elles augmentent moins vite que le
coût des aliments, du vêtement, de l'ameublement, du transport et
de la vie en général. Par ailleurs, souvent des militants
libéraux l'ont souligné, en raison d'un taux de salaire minimum
fixé à un niveau trop bas, certains assistés sociaux
retirent autant ou presque autant d'argent du cumul de leurs allocations
sociales que s'ils travaillaient quarante heures par semaine aux humbles et
dures tâches qu'on leur offre, ce qui n'est pas évidemment pour
les inciter à travailler, même s'il en résulte une baisse
de la productivité, une diminution des revenus, une augmentation des
dépenses de l'Etat et une dégradation de la fibre morale du
citoyen.
Il est bien évident que, pour faire face à ce
problème et lui apporter une solution, il faut tout un ensemble de
mesures. D'abord, mesures économiques qui visent à diminuer le
taux du chômage et également mesures sociales qui, d'ailleurs,
dépassent le simple cadre du ministère des Affaires sociales. Par
exemple, je pense aux réformes qui s'imposent en ce qui concerne le
logement, logement qui, on l'a vu, aussi bien dans les villes que dans les
campagnes, ne
correspond pas aux nécessités de la vie,
particulièrement celles auxquelles doivent faire face les familles
nombreuses. A cet égard, nous ne pouvons nous empêcher de
constater l'insuffisance des programmes mis au point par le
fédéral en ce qui concerne les politiques d'habitation; ces
politiques ont été souvent critiquées par les citoyens du
Québec en particulier, parce que favorisant par trop les
spéculateurs, ne favorisant pas assez également la participation
de ceux qui devaient bénéficier des programmes d'habitation au
plan de la rénovation ou au plan de l'habitation qui correspondaient
à leurs besoins. C'est donc un domaine qui dépasse de loin la
juridiction du ministère des Affaires sociales. Cela touche presque tous
les ministères, en particulier le ministère des Affaires
municipales, le ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives par la protection du consommateur qu'il doit
assurer, également le ministère de l'Industrie et du Commerce par
la relance économique dont il doit s'estimer responsable.
Mais il reste cependant que le ministère des Affaires sociales,
lui aussi, est responsable, du moins aux termes de l'amélioration des
politiques à cet égard, puisque si les autres politiques, la
politique économique, la politique de protection du consommateur, la
politique de l'habitation, n'ont pas abouti au résultat escompté,
c'est le ministère des Affaires sociales qui se retrouve avec ce fardeau
de pauvres, de gens à revenu modeste à qui il doit remettre au
nom de la collectivité les sommes dont ils ont absolument besoin pour
vivre une vie digne et décente dans cette société
d'abondance.
C'est donc la raison pour laquelle nous surveillons avec une telle
attention depuis quelques années tous les efforts que le ministre a
faits, à la suite de la commission qu'il a présidée, pour
en arriver à élaborer un véritable régime de
sécurité du revenu adapté aux besoins
québécois. C'est la raison pour laquelle nous avions
souligné avec enthousiasme ses déclarations de janvier 1971 de
même que celles de mai 1972, estimant avec lui que c'était
là un des domaines prioritaires pour le Québec et qu'il
était extrêmement important, surtout dans ce domaine, d'en arriver
à une politique sociale intégrée, cohérente mais
proprement québécoise.
Nous avouons qu'à la suite de la conférence qui vient de
se tenir à Ottawa nos espoirs se sont beaucoup tempérés et
que le vieux scepticisme que nous avons connu en ce qui concerne cette
élaboration d'une politique sociale intégrée
québécoise est plus vif que jamais. Car, pour nous, cette
conférence d'Ottawa sur le livre jaune de M. Lalonde ne fut pas autre
chose que la constatation franche et nette de l'impossibilité absolue
pour le Québec d'obtenir une primauté quelconque,
législative et à plus forte raison constitutionnelle, dans le
domaine de la sécurité sociale. Le ministre actuel qui, à
la suite de ses prédécesseurs, s'était fait le champion de
cette primauté, a constaté à ses dépens et
après des expériences douloureuses qu'elle était
radicalement impossible à atteindre dans le cadre constitutionnel et
politique actuel, étant donné justement que cette politique
sociale qui avait été élaborée par la commission
Caston-guay-Nepveu a été reprise à son compte par le
ministre de la Santé d'Ottawa justement parce que cette politique
était excellente et que c'est lui maintenant qui l'appliquera à
l'échelle du Canada tout entier faisant des provinces, et du
Québec en particulier, une simple administration régionale qui,
bien sûr, pourra modifier à la lumière de ses
priorités les textes législatifs du fédéral mais
qui, quand même, sera obligée de s'en tenir aux lois
fédérales, aux normes fédérales, aux minima
fédéraux.
Le ministre en a tiré des conclusions, d'ailleurs, en cessant de
se battre pour une cause perdue d'avance et en essayant de retirer, à
tout le moins pour les citoyens québécois, le maximum d'avantages
financiers que la conjoncture comportait. Cela ne nous étonne pas. Il
n'y a que ceux qui, refusant de se faire instruire par l'expérience tant
de fois renouvelée, veulent croire à tout prix à
l'impossible réforme, qui continueront à espérer la
quadrature du cercle. Ce n'est pour nous qu'en acquérant sa pleine
souveraineté politique que le Québec récupérera la
maîtrise de la sécurité sociale. Mais, en attendant, il
nous faudra vivre avec la prépondérance fédérale
telle qu'exprimée dans le livre jaune de M. Lalonde. L'acceptation des
propositions contenues dans ce document exigera un ajustement des lois et des
programmes actuellement en vigueur au Québec.
A cet égard, nous, du Parti québécois, tenons
à préciser les principes qui guideront notre action.
Premièrement, le gouvernement du Québec ne doit absolument pas
profiter de l'opération pour faire de l'argent en augmentant le fardeau
fiscal du contribuable ou en le privant de paiements auxquels il a droit en
vertu des lois actuelles.
Il ne faut pas oublier que, lorsque le programme québécois
d'allocations familiales a été institué en 1967, ce fut en
remplacement des exemptions personnelles pour les enfants. Si ces allocations
devaient disparaître sans compensation, cela équivaudrait à
une hausse cachée d'impôts.
Donc, le Parti québécois s'opposera à ce que les
allocations fédérales soient assujetties à l'impôt
provincial et également à ce que le programme
québécois d'allocations familiales soit aboli à moins
qu'un montant équivalent ne soit remis aux contribuables sous forme de
crédits d'impôt. Par exemple, si le gouvernement allait
accroître ses revenus fiscaux de $50 millions ce ne sont pas des
chiffres exacts, mais c'est une hypothèse en taxant les
allocations familiales fédérales et, d'autre part,
épargner $70 millions en abolissant les allocations familiales
québécoises, il faudrait qu'il redistribue ces $120 millions aux
contribuables québécois sous forme de crédits
d'impôt. Autrement, le gouvernement s'enrichirait au détri-
ment des familles québécoises. Les allocations familiales
doivent rester un programme de transfert aux individus et non au gouvernement.
D'ailleurs, le système des crédits d'impôt a
déjà fait l'objet d'une recommandation positive de la part de la
commission Bélanger dont le premier ministre a été le
secrétaire.
Voici ce que disait la commission à ce propos. Je cite: "Le
régime des abattements à la base tend à favoriser les
contribuables à fort revenu au détriment des autres en raison du
taux progressif de l'impôt sur le revenu. A notre avis, il serait plus
équitable de remplacer le système d'abattement à la base
par un régime de dégrèvement forfaitaire variant selon les
conditions familiales du contribuable et déductible du montant de
l'impôt à acquitter. Il deviendra alors plus facile
d'intégrer la politique fiscale à la politique sociale du
gouvernement."
Il faut, en outre, faire remarquer qu'un tel système de
crédits d'impôt est absolument nécessaire si le
gouvernement ne veut pas annuler complètement l'augmentation de
l'exonération d'impôt de $4,000 à $5,000 annoncée
lors du dernier budget pour les couples et de $2,000 à $2,500 pour les
individus.
Un deuxième principe auquel nous tenons est celui de
l'administration des programmes. Le printemps dernier, le ministre des Affaires
sociales avait déclaré que l'administration des allocations
familiales devait être provinciale. Il en faisait même une
condition de sa participation aux discussions
fédérales-provinciales à ce sujet.
Cette position avait ensuite été approuvée par
l'ensemble des ministres provinciaux. Pour nous, il s'agit d'un point
fondamental quant à la préservation de l'avenir. Ainsi que le
Québec décide de conserver pour lui la perception de ses taxes,
ainsi il doit insister pour obtenir l'administration des allocations
familiales.
Nous invitons donc le ministre à ne pas flancher sur ce point. A
tout événement, il est un domaine, celui des allocations
scolaires, où le Québec occupe actuellement, d'une façon
totale, le terrain.
En 1964, le Québec a résisté victorieusement
à une tentative du gouvernement fédéral d'accaparer ces
programmes et il a obtenu, en compensation des sommes versées dans les
autres provinces, une compensation fiscale de trois points d'impôt.
Le Parti québécois s'opposera vigoureusement à ce
que ce programme soit cédé au gouvernement fédéral.
Les allocations aux enfants de 16 et 17 ans devront rester
québécoises et la valeur de la compensation fiscale devra
être ajustée en conséquence. Voilà l'essentiel de
notre position sur le livre jaune; nous aurons l'occasion, bien sûr, au
cours de la discussion qui s'amorcera bientôt, d'aller dans le
détail des propositions dont le ministre nous donnait le
résumé tout à l'heure mais nous voulions affirmer quand
même, au départ, notre opposition de fond.
Nous aimerions également, non seulement entrer dans le
détail des propositions dont le ministre nous faisait part tout à
l'heure, mais également lui poser des questions avant que nous puissions
obtenir de lui les réponses, mais nous sommes prêts à
attendre, si la commission le veut bien, que la discussion s'amorce sur ce
sujet pour procéder aussi bien à ces questions qu'à ces
analyses.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Avant que le ministre prenne la parole, je vais
corriger une remarque faite par le député de Bourget, quand il a
parlé du programme d'allocations familiales de 1967 et des exemptions
qui ont été enlevées pour les enfants de zéro
à seize ans sur la formule d'impôt, les exemptions des $300. Il
n'y a pas équivalence entre le programme d'allocations familiales de ce
moment-là, qui représentait $84 millions, et l'abolition des
exemptions, qui ne représentait que $42 millions, soit 50 p.c. seulement
du coût du programme. La différence est venue avec l'augmentation
de la taxe de vente, la différence des fonds requis pour ce programme de
$84 millions. C'est pour cela qu'il n'y a pas équivalence parfaite entre
les deux programmes. Ce n'est que 50 p.c.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je pense qu'à la suite des
commentaires qui ont été faits, avant de commencer l'étude
détaillée de chacun des programmes, il y a lieu d'apporter
certaines précisions ou encore de contester certaines
allégations. Je vais les reprendre dans l'ordre où elles ont
été faites, étant donné l'impossibilité de
faire une synthèse et de regrouper les commentaires faits par chacun des
trois députés.
Le député de Montmagny a affirmé, au début
de ses remarques, que les allocations familiales québécoises et
les allocations scolaires seront appelées à disparaître. Je
voudrais le rassurer, sur ce point-là, je crois que c'est une
hypothèse qui est un peu trop anti...
En deuxième lieu, il a mentionné qu'on se rend compte
maintenant que le régime d'aide sociale va être moins important
dans l'avenir et ceci par suite du programme de supplément de revenu
garanti qui est proposé et que le régime d'aide sociale va
devenir, dans ce contexte-là, un régime purement résiduel.
Je suis bien conscient de la possibilité théorique que ceci se
produise. Je voudrais cependant rappeler que nous allons aborder l'implantation
graduelle d'un nouveau régime de supplément de revenu et ceci par
la voie de l'adaptation de l'aide sociale.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis, pour toutes sortes de
raisons, l'accent sur la nécessité d'étudier cette
approche, de telle sorte que ce soit le régime de l'aide sociale qui
soit modifié, que ceci puisse se faire d'une façon graduelle et
qu'on puisse évaluer en cours de route les résultats obtenus, que
ceci puisse se faire aussi au fur et à mesure que les ressources
deviennent disponibles parce que ces choses ne s'établissent pas non
plus dans l'absolu et aussi, en même temps, que l'on puisse
améliorer les mécanismes de financement.
Le député de Montmagny a également tenu pour acquis
et c'est possible en lisant ce qui a pu se dégager dans certains
journaux que l'on procéderait, dans des délais
relativement brefs, à l'abaissement de la sécurité de la
vieillesse de 65 à 60 ans. Sur ce point, je voudrais mentionner que le
ministre fédéral, justement, qui est soumis à ce genre de
pression, comme on le sait, a fait état du danger de procéder
ainsi. Ceci engagerait, si on en juge par les niveaux de prestation et de
population concernés, des sommes considérables qui
empêcheraient, à coup sûr, toute autre modification
significative, pour tous les autres groupes de population démunis, pour
des temps assez longs. Il est bien conscient du problème et je crois
encore, sur ce plan, que cela n'est pas une possibilité bien grande pour
nous. Au moins sur ces trois premiers points, je pense qu'il est important de
donner ces précisions et aussi de mentionner dès maintenant qu'au
moment où on s'engage dans la première des étapes, qui est
celle des allocations familiales, le gouvernement fédéral a un
régime présentement et que les premiers gestes qu'il entend
poser, et à mon sens, on doit les retenir et les prendre tels qu'ils
sont proposés, visent à une certaine décentralisation qui
n'existe pas présentement dans ce régime. Comme première
étape à franchir, il me semble qu'on s'engage dans la bonne voie
et que l'on ne s'engage pas, au contraire, dans la voie inverse d'une plus
grande décentralisation. Sur ce plan, il me semble qu'il est assez
important de rappeler le rôle de distribution géographique des
ressources que peuvent jouer de tels régimes.
Dans les ressources additionnelles consacrées par le gouvernement
fédéral aux allocations familiales, elles sont au même
niveau, per capita, dans chaque province. On ne peut ignorer, d'autre part, que
le produit de la taxation au Québec est de beaucoup inférieur au
produit de la taxation en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, par
exemple. C'est pourquoi, lorsqu'on parle de la primauté
législative...
Justement, le député m'invitait â préciser
quel est mon concept de la primauté législative. Je voudrais
d'abord rappeler que c'est depuis 1970, à mon sens, que ce principe ou
ce concept a été introduit. On a beaucoup plus parlé dans
le passé de rapatriement de la sécurité sociale et
j'aurais aimé, à l'époque, poser moi-même certaines
questions sur ce qu 'on aurait fait dans le contexte fédéral
actuel si nous avions eu un rapatriement complet de la sécurité
sociale. C'est d'ailleurs pourquoi nous avions introduit ce concept de
primauté législative et nous avions distingué entre trois
niveaux de considération, soit celui de la législation, soit
celui du financement, soit celui de l'administration. J'ai rappelé,
à plusieurs reprises j'ai revu encore récemment mes textes
que, lorsque nous parlions de la primauté législative, ce
que nous entendions, c'est que nous voulions pouvoir faire en sorte que les
programmes soient adaptés aux conditions socio-économiques du
Québec. Au plan du financement, nous avons toujours maintenu que le
gouvernement fédéral a un rôle à jouer, autrement le
fédéralisme n'a plus de sens. Si toute la sécurité
du revenu n'était financée qu'à l'intérieur du
Québec, je crois... Il me semble que la conclusion que l'on doit
dégager, lorsqu'on parle d'un rapatriement complet de la
sécurité sociale, c'est faire abstraction d'une
réalité ou d'un aspect qui m'apparaît très positif
du fédéralisme.
Enfin, quant à l'administration, il est exact que nous avons
demandé l'administration des allocations familiales et ceci dans la
mesure où il n'était pas possible d'obtenir d'autres ouvertures
sur d'autres plans. Dans la mesure où il nous a été
possible de faire en sorte que nous puissions modifier la structure des
prestations, que nous puissions effectuer des transferts de ressources d'un
programme à un autre, la simple administration du régime prenait
un aspect, à mon sens, secondaire, par rapport à ces
considérations. C'est pourquoi vis-à-vis du refus, en quelque
sorte, du gouvernement fédéral de céder ou de
transférer l'administration des allocations familiales, j'ai
accepté.
A ceci, je pense aussi qu'il est important de faire ressortir un autre
point qui est le suivant. Cet argument â mon sens n'est pas
dénué de valeur et il est autre que celui qui a été
mentionné à plusieurs reprises, à savoir qu'il est
important pour le gouvernement fédéral de maintenir un lien
direct avec les individus. C'est l'argument suivant: si le gouvernement
fédéral, qui a un rôle à jouer à mon sens au
plan de la redistribution des ressources géographiquement, n'a que ce
rôle à jouer au niveau d'un programme comme celui des allocations
familiales et que ce régime n'est plus administré en aucune
façon par le fédéral ou qu'il n'y a plus de
présence fédérale, il est fort possible que la Chambre des
communes ou que l'ensemble des députés s'y
désintéressent et que l'accent soit placé sur d'autres
programmes. Là, on voit de nouveau les dangers que peut comporter ceci
si on veut avoir une certaine harmonisation dans l'allocation des ressources,
dans les niveaux de prestation, etc.
Ici, je fais un commentaire qui me ramène à certains des
commentaires du député de Bourget lorsqu'il dit que la
primauté législative totale est impossible dans le contexte
actuel. Si
on entend par ceci la primauté législative ou le
rapatriement complet de la sécurité sociale, je suis pleinement
en accord avec lui. Ma conclusion toutefois, et je n'ai pas à
hésiter sur ce plan, c'est que nous sommes dans un régime
fédéral, que le gouvernement fédéral a un
rôle à jouer au plan de la redistribution et que nous devons
justement, si on veut maintenir ce rôle, pour notre part, viser à
faire en sorte que les mécanismes utilisés nous permettent
d'appliquer au Québec non pas seulement des programmes
fédéraux qui correspondent aux conditions et aux besoins de la
population du Québec mais également des programmes
québécois, comme nous en avons, qui feront en sorte que
l'ensemble satisfera d'une façon de plus en plus appropriée aux
besoins de la population. C'est en ce sens que nous avons réagi
vis-à-vis du document fédéral et c'est en ce sens que nous
avons formulé nos observations.
Le député de Montmagny a mentionné les dangers dans
le déroulement du travail qui vient d'être amorcé et qui
peuvent exister au plan de la constitution, les dangers également qui
peuvent exister quant à un déplacement de l'importance relative
des programmes administrés par les deux niveaux de gouvernement.
Ce serait naif de ma part de dire que de tels dangers n'existent pas et,
sur ce point, je suis bien d'accord avec lui. C'est justement pourquoi, au
niveau d'abord de la constitution, j'ai indiqué clairement, qu'en ce qui
a trait au secteur particulier des affaires sociales, si le type d'arrangement
législatif, qui est proposé et qui ne pourra pas être
défait à volonté par la Chambre des Communes, peu importe
le ministre qui est là ou le gouvernement qui est là, est
introduit dans le processus législatif, avant qu'il soit changé,
il faudrait qu'il y ait de bons motifs. Alors, il me semble que nous avons,
pour un temps, une protection qui m'apparaît valable et qui va nous
permettre de voir si ces arrangements peuvent donner satisfaction. Par la
suite, si la réponse est affirmative, il sera toujours temps de
reprendre au plan de la constitution.
Alors, ce n'est pas une attitude qui nous permette de conclure qu'en un
temps, on puisse faire le saut directement et ramener à la surface les
propositions de modifications à la constitution qui ont
été discutées en juin 1971. Alors, c'est l'attitude que
j'ai prise et c'est celle que j'ai d'ailleurs, pas seulement à
l'intérieur de la conférence, mais au cours des interventions qui
ont fait suite à la conférence ou dans le cadre, je pense bien,
même de la conférence de presse que nous avons donnée
immédiatement après. Egalement, au plan des programmes, j'ai
insisté fortement et je l'ai rappelé sur la
nécessité de s'engager dans un mécanisme d'implantation
graduelle et de procéder par la voie des mécanismes de
financement. Ceci, à mon sens, peut faire en sorte que nous puissions
déboucher sur un partage différent des rôles. Ce n'est pas
le cas présentement. Il ne faut pas se le cacher, le régime
d'aide sociale, présentement, est un régime résiduel et il
faut faire en sorte que cela devienne un régime dans tous les sens du
mot et cela pourra devenir ainsi, si ce régime est changé,
modifiant un régime de supplément de revenu ou d'un revenu
garanti. A ce moment, l'équilibre pourrait être changé
considérablement par rapport à ce qu'il est présentement.
Je rappelle ceci, parce que, en écoutant l'intervention du
député de Montmagny, j'avais l'impression que dans l'avenir, ce
n'est plus moi qui serai accusé de ne pas sourire mais c'est lui
et...
M.CLOUTIER (Montmagny): Ils savent qu'il n'y a pas de danger. Un danger
lointain.
M.CASTONGUAY: II y a un autre aspect aussi qu'il est, je crois,
important de mentionner. Même si certaines des choses dans lesquelles
nous nous engageons sont susceptibles de présenter des risques, il n'en
demeure pas moins qu'il existe des problèmes urgents au niveau de la
population. Sans faire de démagogie avec ceci et sans utiliser des
arguments faciles que vous pouvez imaginer, il me semble que, malgré
tout, nous devons, si nous voulons améliorer le sort de ces populations,
nous engager, si ce processus semble donner des garanties suffisantes, dans un
processus qui laisse envisager des améliorations sensibles et
significatives à court terme.
Alors, sans aller plus loin, je pense bien que vous êtes en mesure
de comprendre aussi bien que moi ce que je veux dire. Je ne voudrais pas entrer
dans des arguments qui pourraient être qualifiés de
démagogiques, mais il me semble que c'est une considération
importante. Depuis trois ans, à titre de titulaire du ministère
des Affaires sociales, probablement plus que chacun de vous ici j'ai
été en mesure de constater jusqu'à quel point certains des
problèmes sont pressants et jusqu'à quel point il nous faut
essayer d'apporter des solutions à ces problèmes.
Le député de Montmagny en terminant et je
poursuivrai cet après-midi a fait état des discussions qui
portent ou qui devraient porter sur le partage fiscal et, si j'ai bien compris
sa remarque, le danger que les discussions touchant la sécurité
du revenu soient isolées de celles portant sur le partage fiscal. Sur ce
plan, je voudrais vous rassurer encore de nouveau; nous avons un comité
interministériel des Affaires intergouvernementales qui se réunit
régulièrement et qui a pour objet de faire en sorte que les
gestes posés dans les relations fédérales-provinciales,
dans les différents secteurs, ne soient pas posés de façon
isolée les uns des autres. Sur ce plan, nous croyons que les efforts que
nous devons faire quant à un meilleur partage fiscal doivent porter au
premier titre sur le programme d'enseignement postsecondaire d'ailleurs,
le ministre des Finances en a fait état au mois de janvier à
nouveau sur les arrangements financiers qui remplaceront ou
seront destinés à remplacer les programmes de
Passurance-hospitalisation ou de l'assurance-maladie.
Encore la semaine prochaine, les 8 et 9 mai, nous avons,
précisément, une conférence
fédérale-provinciale portant sur ces points. Nos positions dans
ces secteurs sont différentes de celles que nous avons adoptées
au plan de la sécurité du revenu, mais même si elles sont
différentes, elles sont compatibles.
Enfin, le député de Montmagny a mentionné que les
dispositions dans la constitution touchant la sécurité du revenu
ou la sécurité sociale sont en quelque sorte la pierre d'assise
de la révision constitutionnelle et il mentionnait que ce fut la cause
de l'échec de Victoria. Sans vouloir entrer dans cette discussion
à ce moment-ci, c'est peut-être prendre une optique un peu
étroite quant à toute cette question de la révision de la
constitution ou encore des propositions qui ont été
formulées en juin 1971 à Victoria.
M. le Président, comme il est une heure moins vingt,
peut-être que nous pourrions suspendre les travaux et les reprendre
après la période des questions.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord. Avant de le faire, on doit nommer
un rapporteur. En l'occurrence, je suggérerais le député
de Chauveau.
Adopté.
On suspend les travaux à quatre heures ou après la
période des questions, selon l'éventualité.
(Séance suspendue à 12 h 39)
Reprise de la séance, 16 h 13
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Ce matin, M. le Président, j'ai fait quelques
commentaires en réponse au député de Montmagny. Le
député de Dorchester a repris certains des points formulés
par le député de Montmagny et il s'est posé la question
à savoir si on a bien défendu tout ce qui devait être
défendu lors de cette conférence et il a exprimé l'opinion
que ce qui est entrevu au plan des allocations familiales se ferait sur le dos
de la classe moyenne. Cette affirmation m'a un peu surpris et peut-être
qu'il aura l'occasion d'expliquer davantage comment il peut conclure que ceci
se fera sur le dos de la classe moyenne.
Enfin, au moment où il me disait que cela avait été
une reddition de notre part et que je prenais note de lui demander ce que lui
aurait fait, il m'a ouvert la porte en me disant qu'il était
disposé à nous faire des suggestions si j'ai bien compris
nous faire connaître ses points de vue. Je l'inviterais à
le faire.
M. HARVEY (Chauveau): S'il fait état de ce qu'ils ont
discuté à leur caucus, cela serait la première fois qu'un
caucus serait devenu public.
M. GUAY: Sans dévoiler pour autant les propos qui sont tenus
à l'intérieur d'un parti, on peut quand même émettre
des opinions, je pense bien.
M. CASTONGUAY: Je pense bien qu'il y aurait lieu de faire quelques
commentaires également sur l'intervention du député de
Bourget. Au départ, ce dernier a mentionné qu'il y avait lieu
d'être prudent afin d'éviter que certains des écueils
auxquels on s'est heurté dans le domaine de l'éducation
reviennent également dans le domaine des affaires sociales. De
façon plus particulière, il a mentionné, à titre
d'exemple, le problème de la relocalisation des services. En fait, je
dois dire que nous sommes conscients de ces dangers, que le désir
d'intéresser les personnes impliquées est un désir
sincère de notre part, qu'il est parfois difficile toutefois d'impliquer
tous les intéressés dans un tel processus de discussion et que
nous sommes conscients aussi que, même si dans certains cas, le temps
perdu, en apparence, peut être regagné à plus long terme,
les aspects positifs qui peuvent se dégager d'un dialogue plus long ne
sont pas à minimiser.
En fait, je dois dire que nous sommes bien d'accord. Je dois dire aussi
que nous apprenons et que nous avons appris des expériences que nous
avons vécues et que si, dans certains cas, nous devions refaire les
choses, nous les referions probablement de façon différente dans
certains cas.
Je dois aussi dire qu'il y a là un problème qui sera
toujours extrêmement délicat parce qu'il y a toujours, je crois,
une certaine résistance aux changements et, malgré tout le
dialogue que l'on peut avoir, il n'en demeure pas moins que parfois aussi les
objections qui sont formulées sont en fait des oppositions à
toute forme de changement et parfois pour la protection d'intérêts
bien particuliers.
Il nous importe donc d'essayer de combiner ou de trouver le juste milieu
entre un rôle de leadership qui ne peut venir, à mon sens, que du
ministère, avec cette nécessité de dialoguer, de faire la
plus grande place possible à la participation et de laisser aussi un
certain temps pour que les idées fassent leur chemin. D'ailleurs, c'est
dans ce sens que nous mettons de plus en plus l'accent sur la participation,
dans ces types de questions, des conseils régionaux qui ont
été implantés. Nous aurons l'occasion, au besoin de
revenir sur cette question.
Egalement, au plan de l'organisation du ministère, c'est ce que
nous visons, c'est-à-dire à une certaine décentralisation
et la formation d'une équipe, par exemple, au sein de la programmation
sous la direction de M. Saint-Onge est justement un geste posé sur ce
plan. Au besoin, nous pourrons demander à M. Saint-Onge de faire
état des travaux qui sont sous sa responsabilité à titre
d'exemple.
Suivant l'ordre des interventions qui ont été faites, j'ai
donné, en réponse au député de Montmagny, un
premier aperçu de notre position en ce qui a trait aux soins dentaires.
Je n'irai donc pas plus loin pour le moment. Nous aurons probablement, au
moment de l'étude détaillée des crédits, l'occasion
de revenir sur ceci.
Toutefois, quant à l'extension de la couverture de
l'assurance-maladie, on a parlé des médicaments et des
prothèses entre autres, et je pense que je pourrais peut-être
ajouter certains aspects du transport des malades comme étant des formes
de couverture qui peuvent présenter un intérêt
particulier.
En ce qui a trait aux prothèses, nous avons demandé
à un groupe de travail, après que la Régie de
l'assurance-maladie eut fait une première étude, pour voir s'il
était possible de penser à la couverture des prothèses. Si
oui, dans quel type d'étude on devait s'orienter. A la suite de la
réception de cette étude, nous avons formé un
comité sous la direction du Dr Gustave Gingras, de l'Institut de
réhabilitation, et nous avons été, à mon sens,
heureux qu'il accepte pas juste heureux, mais chanceux qu'il accepte
à cause de toutes ses obligations. Nous devrions recevoir incessamment
son rapport.
M.LAURIN: Est-ce qu'il vous apparaîtrait possible, M. le premier
ministre M. le ministre, excusez le lapsus de nous communiquer
une copie de cette première étude sur les prothèses?
M. CASTONGUAY: Est-ce que M. Després est ici? Certain. Alors
demain, on pourra en apporter une copie. Elle a été
effectuée par le personnel de la régie; très bien.
D'ailleurs, dans un projet de loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie que
normalement nous devrions déposer à la Chambre avant tellement
longtemps, des dispositions touchant à la couverture des
prothèses seront introduites.
En ce qui a trait au transport des malades, on pourrait discuter plus
longuement des divers gestes qui ont été posés. Il est
peut-être un peu tôt pour déterminer ce qui pourrait
être couvert par l'assurance-maladie, mais il m'apparait qu'il y a
là un aspect assez important, d'autant plus que, bien souvent, ce type
de dépenses se présente de façon assez fortuite.
Quant aux médicaments, au fur et à mesure que des tranches
des soins sont couvertes, il me semble que la partie résiduelle est
susceptible de peser moins lourdement sur les budgets personnels ou familiaux,
et ce problème, étant donné sa nature et la
nécessité de poser un assez bon nombre de gestes à
d'autres plans, au plan des coûts, etc., nous l'avons donc reporté
à plus tard. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avions
favorisé les soins dentaires, en second lieu, les prothèses,
peut-être le transport des malades. Quant aux médicaments, il me
semble que c'est un aspect qui devrait suivre dans une autre étape.
Le député de Bourget a parlé également de la
prévention. Je pense bien qu'il y aura intérêt, au besoin,
à aller plus loin dans certains programmes, que ce soit la nutrition en
milieu scolaire; les résultats à Montréal ont
été très encourageants. D'ailleurs, le programme a
été étendu à Québec.
Nous aurons aussi au cours de l'été les résultats
de l'enquête sur la nutrition qui est effectuée dans le cadre de
Nutrition-Canada. Selon ce qu'on nous dit, les résultats de cette
étude devraient être extrêmement intéressants et
pouvoir nous guider de façon beaucoup plus précise quant aux
gestes que nous pourrions devoir poser.
Egalement, dans certains aspects qui méritent, à mon sens,
d'être soulignés, dans ce secteur, en plus du document sur la
politique en périnatalité, c'est la création des
départements de santé communautaires qui, au fur et à
mesure que nous allons progresser, vont pouvoir identifier beaucoup mieux
l'état de santé des diverses populations et justement faire en
sorte que des programmes, à l'intérieur même des services
de santé, puissent être développés: programmes
d'éducation, programmes de dépistage, programmes à
caractère préventif.
De la même façon, comme je l'ai mentionné ce matin,
nous mettons l'accent sur les services de santé scolaire et je pense que
les services de santé scolaire ont, en eux-mêmes, à cause
de la population qui est rejointe, un caractère fortement
préventif. Je mentionne qu'il y a là des actions qui apparaissent
extrêmement impor-
tantes au plan de la prévention et qui ne se situent pas
nécessairement dans le réseau traditionnel des unités
sanitaires, mais qui prennent plutôt la forme de programmes, et c'est
l'orientation vers laquelle nous voulons de plus en plus aller.
Le député de Bourget a fait état des
difficultés d'un double réseau d'établissements publics et
privés. On retrouve ce double réseau, particulièrement
pour certains types bien particuliers de clientèle. Si on examine la
question d'un peu plus près, on se rend compte que, dans certains cas,
peut-être de façon même plus générale qu'on le
pense, le réseau privé a pris naissance par suite du manque
d'intérêt, dans bien des cas, du réseau public à
l'égard de personnes que, pour diverses raisons, on considère
comme n'étant pas assez intéressantes au plan scientifique, au
plan d'une médecine qui veut être dynamique, etc.
Ce réseau a rendu de grands services. Il peut porter à des
abus, c'est exact. Il peut porter aussi à des appétits un peu
trop grands ou en susciter. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les
enquêtes de la direction de l'agrément ont été
multipliées, et nous avons appuyé cette direction dans les
recommandations qu'elle nous a formulées d'une façon aussi
systématique que possible malgré les problèmes qui bien
souvent découlaient de la mise en application de ces
recommandations.
Plus récemment, nous avons demandé la collaboration des
municipalités et aussi celle des établissements de telle sorte
qu'au fur et à mesure que l'assainissement se fait, de nouvelles
ressources clandestines ne surgissent pas un peu partout. Jusqu'à
présent, les réactions obtenues à cet appel apparaissent
positives. Il est clair que nos efforts doivent se poursuivre et je ne sais pas
s'ils doivent se poursuivre dans ce genre d'optique de réseaux public et
privé mais à mon sens, ils doivent se poursuivre.
D'ailleurs, à la fin du mois de mai, normalement nous devrions
recevoir le mémoire sur l'enfance ou les services à l'enfance qui
a été préparé dans le cadre de la
préparation des budgets par programmes. C'est un mémoire
exhaustif de toute la situation. C'est la première fois qu'un effort
systématique pour dresser le portrait de ce qui existe au plan des
services, des programmes qui existent ou n'existent pas ou qui devraient
peut-être exister, un effort d'appréciation de ce qui se fait a
été dressé. L'on sait déjà par exemple par
les travaux que nous avions amorcés dans le cadre de la Loi de la
protection de la jeunesse jusqu'à quel point ce type d'effort est
nécessaire. Il y a là un travail qui a été
commencé, qui va en profondeur et qui vient se joindre en quelque sorte
au travail qui se situe sur un autre plan, effectué par la direction de
l'agrément et qui porte beaucoup plus sur des analyses qualitatives
à plus long terme sur un plan plus général.
Je crois qu'avec les travaux que nous poursuivrons au sujet de la Loi de
la protection de la jeunesse, nous serons en mesure de développer
graduellement, justement, des mécanismes d'appréciation ou
d'évaluation plus qualitatifs que ceux qui existent présentement
dans des types d'établissements comme ceux pour les personnes
âgées, ceux pour l'enfance, etc..
Il faut rappeler que dans ces secteurs nous n'avons pas l'action des
bureaux médicaux comme nous l'avons dans les hôpitaux.
Il faut rappeler aussi que les corporations professionnelles comme le
Collège des médecins ne jouent pas dans ces domaines le
rôle de l'appréciation de la valeur des actes posés que
joue le Collège des médecins. Alors, il va falloir, je pense
bien, développer des mécanismes peut-être de même
nature, peut-être différents si l'on veut justement que notre
rôle déborde l'examen des conditions d'hygiène et de
sécurité face à des dangers d'incendie, d'alimentation, et
que l'on aille plus loin pour voir si vraiment il y a des programmes qui
donnent des résultats face aux personnes qui sont
hébergées dans ces établissements.
Enfin, le député de Bourget... Pardon...
M. LAURIN: Est-ce que l'étude dont a parlé le ministre a
été faite pour les besoins de la population âgée
aussi?
M. CASTONGUAY: Malheureusement, nous avons choisi un secteur au
départ. D y avait des problèmes méthodologiques. C'est la
première fois que cela se faisait et il y a des problèmes de
collecte des données, des problèmes d'analyse des données
et le travail a été beaucoup plus considérable que
prévu. Etant donné, malgré tout, que, dans le domaine des
personnes âgées, il existe des problèmes, il n'en demeure
pas moins qu'il y a là, dans une très large mesure, une
population qui est en mesure de s'exprimer, qui a des liens de parenté
ou des liens sociaux et que les personnes isolées, à mon sens,
qui n'ont aucun contact social, sont susceptibles d'être en moins grand
nombre et que la nature des services qui leur sont rendus doit viser avant tout
à leur apporter un confort, une sécurité, des conditions
décentes de vie, alors que, dans le domaine de l'enfance, vous avez une
population qui bien souvent n'est pas en mesure de s'exprimer, de se faire
entendre, qui est bien souvent coupée de toute relation avec une famille
quelconque et les expériences que ces enfants vivent au cours de ces
années sont susceptibles de marquer tout leur avenir.
Alors, dans un contexte où il nous fallait faire des choix, nous
ne pouvions faire ce travail pour deux programmes ou deux catégories de
programmes en même temps. Nous avons opté pour le secteur de
l'enfance.
M. LAURIN: Et ce sera rendu public à la fin de mai?
M. CASTONGUAY: Je ne sais pas quel est le
cheminement prévu pour ces documents une fois
terminés.
Le document doit être présenté en premier lieu au
Conseil du trésor. C'est dans le cadre de la préparation des
budgets. Après cela, qu'est-ce qu'il advient? Je pense bien que c'est
une excellente question.
M. Ouellet me dit qu'en ce qui a trait aux personnes âgées,
le processus a été amorcé, un processus analogue.
En ce qui a trait maintenant à la sécurité du
revenu, je voudrais mentionner, sans faire un débat très long,
que l'aide sociale, particulièrement depuis la mise en vigueur en
novembre 1970 du projet de loi, lorsqu'on examine les prestations par rapport
à l'augmentation de l'indice des prix, les prestations moyennes par
famille, a augmenté aussi rapidement et plus rapidement que l'indice des
prix. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, en janvier dernier, en janvier
1973, nous avions fait un effort particulier de telle sorte que nous puissions
dépasser, comme on se souviendra, l'augmentation de 3 p.c. qui est
prévue dans les règlements; nous avions visé un taux
d'augmentation beaucoup plus élevé, qui a été, si
ma mémoire est bonne, d'un peu plus de 13 p.c.
Je ne dis pas que les prestations sont à un niveau suffisant,
mais au moins nous n'avons pas perdu de terrain et c'était le point que
je voulais au moins faire ressortir.
Nous avons aussi avec le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre une préoccupation conjointe, c'est celui de
l'établissement du salaire minimum, et aussi l'examen des causes qui
font que certains emplois demeurent inoccupés alors que nous avons,
d'autre part, du chômage, et des emplois qui demeurent inoccupés
alors que ces emplois ne demandent pas nécessairement des qualifications
professionnelles tellement élaborées. Nous collaborons
conjointement avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre aux
travaux portant sur la révision du salaire minimum. Le document que
communiquera le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à la
conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail
qui commence demain a été préparé au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais nous y avons
collaboré de telle sorte qu'on peut dire que c'est un document sur
lequel nous sommes pleinement d'accord. Cet examen des emplois qui, quant
à nous, nous le croyons, devrait être poursuivi, me semble
comporter une dimension qui a été peu explorée, des
problèmes d'emploi, de sécurité de revenu, et qui
mériterait d'être examinée d'un peu plus près.
Les premiers relevés que nous avons eus par le truchement de
l'opération placement sembleraient indiquer que, dans certains cas, des
employeurs ont intérêt à faire en sorte qu'il y ait un
roulement très rapide de la main-d'oeuvre afin de ne prendre aucune
obligation vis-à-vis de ces travailleurs et c'est ce qui fait
qu'à certains moments les travailleurs ne veulent plus aller dans ces
emplois.
En ce qui a trait à la politique d'habitation, nous sommes bien
conscients du fait que travail, habitation, sécurité du revenu,
santé, services sociaux, pour ne nommer que ceux-là, sont des
secteurs extrêmement rapprochés les uns des autres. Et le
ministère des Affaires sociales, même s'il n'a pas la
responsabilité des politiques dans le domaine de l'habitation, doit, au
besoin, agir pour aiguillonner les autres dans les secteurs comme
ceux-là. Récemment, à l'intérieur de la direction
des affaires extraministérielles, le point était refait dans un
document et certaines propositions étaient formulées. J'ai
l'intention d'insister de telle sorte que tous les intéressés,
quelque peu de la même manière que pour l'opération
placement, puissent faire la révision des programmes du
développement des ressources dans le domaine de l'habitation, de telle
sorte que les besoins de toutes les couches de la population puissent trouver
réponse d'une façon peut-être plus satisfaisante, que
certaines approches telles que celle de la rénovation puissent
être mises en relief davantage par rapport à d'autres
approches.
En ce qui a trait au développement récent dans le domaine
de la sécurité du revenu, j'ai fait, je pense, un premier
commentaire ce matin et j'ai noté d'ailleurs, la
déclaration du député de Bourget nous a été
remise leur opposition à l'imposition des allocations familiales
par le Québec et l'élimination du régime
québécois des allocations familiales, à moins que l'on
réintroduise sous une autre forme, soit celle des crédits
d'impôt, les produits qui découleraient de ces gestes.
En ce qui a trait à l'administration des allocations familiales,
je pense qu'aussi bien ce matin que cet après-midi en Chambre, j'ai eu
l'occasion de commenter ce point et en ce qui a trait aux allocations
scolaires, je suis bien conscient du fait que, présentement, ce
régime est administré par le Québec et qu'il y a des
points d'impôt qui ont été gagnés par le
gouvernement, qui ont été récupérés par le
gouvernement du Québec, pour les fins du financement de ce
programme.
C'est un aspect dont nous allons sûrement tenir compte au cours
des discussions qui auront lieu au cours des prochaines semaines.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. le Président, je serai très bref. Je veux
seulement faire un commentaire en deux phrases à la suite des questions
qui ont été posées concernant la dernière
conférence entre les ministres des Affaires sociales.
Il m'est arrivé, dans le passé, de dénoncer pas mal
vertement et assez durement certaines attitudes arrogantes du
fédéral qui, d'après moi, mettaient en danger les bases
mêmes de la Confédération. Cependant, aujourd'hui, je suis
obligé en toute honnêteté de me réjouir du nouvel
esprit de souplesse manifesté lors de la
dernière rencontre des ministres des Affaires sociales.
Je veux ajouter que si un tel esprit pouvait se propager aux autres
dossiers, c'est justement un excellent moyen susceptible de redonner confiance
en une formule fédérale.
C'est de cette façon qu'il sera possible de vérifier et de
prouver que la formule fédérale, au lieu de rester figée
dans l'intransigeance, est capable de s'adapter aux réalités
présentes, prouvant ainsi que les hommes chargés ainsi
d'appliquer les textes sont capables d'en vivre l'esprit plus que la
lettre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 1, élément 1,
allocations familiales.
Soutien du revenu familial
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, cela nous permet de
rester sur le même sujet et de poser des questions additionnelles au
ministre, des questions plus précises. On a parlé, depuis le
matin, des trois aspects qui retiennent l'attention du ministre des Affaires
sociales dans une négociation avec le fédéral: L'aspect de
la législation, l'aspect de l'administration et l'aspect du financement.
Ma question précise est la suivante: Au sujet du financement du
programme qui va coûter $1 milliard $800 millions et dont $500 millions
pour la seule part de la province de Québec, est-ce que ce financement
sera assuré seulement par le fédéral ou si les provinces,
de quelque façon que ce soit, seront appelées à contribuer
à ce coût? Dans le cas du Québec, il s'agit de $500
millions. Que va être le nouveau programme d'allocations familiales
fédéral? Est-ce que la province de Québec va être
appelée de quelque façon à participer au financement de ce
programme?
M. CASTONGUAY: Le principe général, c'est que ce programme
va être financé par le produit des impôts
fédéraux. Maintenant, le programme ne s'appliquera pas
nécessairement d'une façon uniforme au plan des arrangements dans
toutes les provinces, compte tenu du fait, par exemple, que nous avons au
Québec un programme d'allocations scolaires qui est financé au
moyen de trois points d'impôt; ce qui n'est pas le cas dans d'autres
provinces. Il y a une variante. Mais en ce qui a trait au programme
fédéral, c'est un programme qui va être financé tel
que le programme d'allocations familiales fédéral l'est
présentement par les produits de la fiscalité
fédérale.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bon, là c'est en ce qui concerne le
financement. J'ai fait un calcul avec un nombre d'enfants. On m'a
indiqué, avant la séance, qu'il y aura 2,070,000 enfants au
Québec en 1974. Ce sont des projections pour l'an prochain à
partir du 1er janvier. Evidemment, ce sera le nouveau pro- gramme si la loi est
adoptée. Cela balance; j'ai fait un calcul rapide: 2,070,000 enfants par
une moyenne de $20 par mois, cela feirat $240 par année, soit $495
millions si le nombre d'enfants est exact.
Au progincial, il y a un programme de $70 millions et cela fait une
moyenne de $35 par année, par enfant; cela veut dire $3.60 par mois. Je
voudrais demander...
M. CASTONGUAY: Vous comptez $35?
M. CLOUTIER (Montmagny): Disons que c'est $70 millions au provincial et
on a 2 millions d'enfants.
M. CASTONGUAY: Ah bon, cela fait à peu près $35 par
année.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, oui.
M. CASTONGUAY: Je pensais que vous disiez par mois parce que vous disiez
$20 par mois...
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, $35 par année au provincial,
multiplié par deux millions, cela fait $70 millions. Cela fait $3.60 par
mois environ. C'est pour nous situer dans l'importance du programme provincial
par rapport au nouveau programme fédéral.
Est-ce que le ministre est d'opinion que ce serait la seule façon
de verser aux familles des compensations, de redistribuer le revenu aux
familles? Etant donné que le fédéral va indiquer des
normes minimales dans sa législation, j'espère que les normes
minimales vont être minimales, que cela va être discuté avec
les provinces avant, que les normes minimales ne seront pas mises au niveau de
la province la plus riche comme l'Ontario, par exemple, et que, quand on
parlera de normes minimales, cela va tenir compte de la richesse moyenne des
provinces. Alors, si on applique ces normes, je prends un exemple, supposons
que c'est $10 par mois en moyenne par enfant, je voudrais poser au ministre les
questions précises suivantes: Est-ce que, dans le rajustement du
programme dans le Québec, étant donné qu'il va y avoir une
certaine latitude pour utiliser les sommes comme le Québec l'entend, on
va tenir compte, comme on le fait dans le régime provincial
actuellement, de la taille de la famille? Est-ce qu'on va tenir compte du rang
des enfants dans la famille? Est-ce qu'on va tenir compte de l'âge des
enfants? Enfin, est-ce que les études sont assez avancées pour
que le ministre nous donne certaines indications quant à l'utilisation
de ces $500 millions dans le Québec?
M. CASTONGUAY: Nous avons fait passablement de travail. Ce travail avait
été amorcé au moment de l'introduction du régime
québécois en 1967; il avait été poursuivi lors de
la publication du document intitulé "Orientation
pour une politique d'allocations familiales," en 1969. Depuis, les
données ont été mises à jour ou ont
été raffinées et ont été examinées
sous d'autres plans-, alors, les données ne manquent pas. Il faut
toutefois faire des choix et il faut faire approuver ces choix par le cabinet
et par les mécanismes réguliers, étant donné qu'ils
touchent à l'allocation de ressources, qu'ils touchent à des
matières où il va falloir légiférer. Je pense bien
que vous comprendrez qu'autant je serais heureux d'une part de pouvoir apporter
des réponses précises à vos questions, il ne m'est pas
possible de le faire parce que je n'ai tout simplement pas ces réponses
présentement, et même si je les avais, il faudrait que je soumette
cela au processus régulier de prise de décision.
Toutefois, simplement à titre d'indication
générale, parce qu'il y a plusieurs options qui se
présentent ce matin le député de Bourget dans sa
déclaration écrite faisait état de la possibilité
d'utiliser le mécanisme des crédits d'impôt dans
l'utilisation de certaines de ces ressources il y a aussi, comme nous le
savons, dans les allocations d'aide sociale, présentement, des montants
qui sont versés pour les enfants. Alors, nous avons plusieurs dimensions
à ce programme, en fait. Il existe une proposition
fédérale sur laquelle nous pouvons apporter des changements dans
la structure des paiements, il existe un régime québécois
d'allocations familiales, il existe des allocations scolaires, il existe des
paiements pour les enfants dans l'aide sociale. Ces paiements, dans la mesure
ou selon ce qui sera fait dans les autres régimes, pourront être
ajustés pour apporter un meilleur équilibre dans la structure des
paiements pour l'aide sociale.
H existe aussi d'autres mécanismes, peut-être, par la voie
de la fiscalité. C'est ce que nous examinons présentement. Il
existe même certaines possiblités; nous voulons aussi les
examiner.
On nous dit qu'en Nouvelle-Zélande, par exemple, on a introduit
certaines dispositions en vertu desquelles des personnes peuvent recevoir la
valeur capitalisée d'allocations familiales à des fins
spécifiques. Il y a là, peut-être, quelque chose d'assez
intéressant qui, à ma connaissance, n'a pas tellement
été discuté ici, au Québec. C'est dans ce contexte
que se situe le problème. D est assez large. Compte tenu du fait que
nous n'avons eu que très récemment les propositions
fédérales définitives, je ne peux pas apporter de
réponse.
Il y a, d'autre part, des phénomènes qui sont assez
clairement identifiés et nous allons en tenir compte. Je pense que c'est
là où je peux donner une réponse peut-être un peu
plus précise. C'est que, présentement, les charges familiales
sont assez clairement identifiées. Le Montreal Diet Dispensary, par
exemple, publie constamment des données sur les budgets
nécessaires pour des enfants de divers âges. D'autre part, nous
savons qu'à mesure que le nombre d'enfants augmente dans une famille, le
fardeau devient de plus en plus lourd, et que ceci constitue, à la fois,
un des facteurs de pauvreté; pour d'autres personnes, ça
constitue l'incitation à demeurer bénéficiaires de l'aide
sociale, étant donné que l'addition des prestations en total
donne un montant qui excède ce qui peut être gagné sur le
revenu du travail. D'autre part, nous savons également les
études effectuées au sein du ministère le font ressortir
clairement qu'à mesure que la taille des familles augmente et en
même temps que le niveau du revenu; ou plus le revenu d'une famille est
bas, la possibilité que des enfants soient placés en institution
ou en foyer nourricier augmente. Nous avons là l'occasion, à mon
sens, de poser un geste qui pourrait être significatif vis-à-vis
des enfants en foyer nourricier, en institution. Une autre question qui se
pose, c'est la situation des familles à parent unique. On sait fort bien
que la mère qui garde un ou deux enfants n'est pas toujours en mesure de
travailler, alors qu'elle n'a pas, bien souvent, de sources de revenus. Nous
devons donc examiner de façon bien attentive cette situation, en prenant
soin, toutefois, d'ajouter au phénomène qui est constaté
parfois dans l'aide sociale, celui d'inciter les gens à se
séparer pour un gain financier. On doit penser à cet aspect,
parce qu'il y a des gens, des mères qui, sans égard aux mesures
de sécurité de revenu, se retrouvent avec un, deux ou trois
enfants sous leur responsabilité et alors l'Etat doit leur venir en
aide, étant donné l'impossibilité dans laquelle elles se
trouvent de travailler. D'autre part, nous avons la contrepartie, le danger
d'accentuer un phénomène que nous constatons vraiment au niveau
de l'aide sociale. Il y a là un autre aspect de la question que nous
devons introduire dans toute cette analyse de la situation, avant que des
décisions définitives ne puissent être prises.
M.BOIVIN: Est-ce qu'il y a un programme de sécurité de
revenu poussé à fond de train qui ne serait pas de nature
à faire disparaître toutes les allocations sociales?
M. CASTONGUAY: Je crois que...
M. BOIVIN: Est-ce qu'on n'avait pas intérêt
vis-à-vis du fédéral d'aller récupérer ces
possibilités par un programme de sécurité de revenu
plutôt que de les laisser dans ce champ qui est établi depuis
trente ans?
M. CASTONGUAY: Malheureusement, lorsqu'on essaie de compenser par un
programme tel que celui de l'aide sociale, et même si on transformait le
programme d'aide sociale en un programme de revenu minimum garanti, il nous
faut malgré tout compenser par une voie différente les charges
familiales soit en partie, soit en totalité, parce que, si nous le
faisons par la voie d'un programme comme celui de l'aide sociale ou celui du
revenu minimum garanti, nous arrivons à des niveaux de prestation qui
risquent d'être plus élevés, aussitôt qu'il y a un
certain nombre d'enfants dans une famille, que ce que la personne peut gagner
sur le marché du
travail. C'est la raison pour laquelle tous reconnaissent la
nécessité d'un programme distinct d'allocations familiales.
M. BOIVIN: Est-ce que cela ne peut pas s'établir en pourcentage
des revenus, ce qu'on peut accorder sur un salaire garanti?
M. CASTONGUAY: Si vous avez une personne ayant trois enfants, qui n'a
pas de revenu, à qui vous devez donner par suite d'une période de
chômage et que vous lui donnez tout cela par la même voie,
dès qu'elle se qualifie, si vous comparez le montant des prestations
qu'elle reçoit avec ce qu'elle serait susceptible de recevoir sur le
marché du travail, vous arrivez avec des montants et un genre de choix
où les personnes optent pour l'assistance sociale ou opteraient pour le
revenu minimum garanti. C'est d'ailleurs le phénomène que nous
vivons présentement. On a beau tourner et retourner les choses, on en
arrive toujours à la conclusion qu'il nous faut aller assez haut dans
les échelles de revenus pour compenser d'abord les charges familiales et
aussi nous arrivons à un niveau où, si nous ne sommes pas
prudents, nous faisons porter un poids plus lourd sur les classes moyennes.
Finalement, on en arrive à la conclusion qu'il faut avoir un
régime universel d'allocations familiales, imposable d'accord, mais
universel, autrement nous entrons dans d'autres types de problèmes qui
vont être pires quant à leur effet sur les populations, quant
à l'équité du traitement accordé à des
personnes dans différentes situations.
Ce point a été brassé de tous les bords et de tous
les côtés et c'est ma conviction profonde qu'il n'est pas possible
de n'avoir qu'un seul type de programme qui pourrait être
incorporé à l'assistance sociale ou à un régime de
revenu minimum garanti.
D'autant plus qu'il est clair que tout régime de revenu minimum
garanti, lorsqu'on regarde les ressources qui seront nécessaires pour
établir un tel régime, ne pourra aller qu'à des niveaux
relativement bas de revenus dans les débuts. Et tout programme
d'allocations familiales qui y serait greffé ignorerait une très
grande partie de la population. Et là, on frapperait assez durement les
classes moyennes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les programmes de l'aide sociale, dans les
tables d'aide sociale qui devront être révisées à la
suite de l'entrée en vigueur d'un tel régime d'allocations
familiales, à combien le ministre évalue-t-il le montant d'argent
qui devra être soustrait de l'aide sociale pour les enfants, selon les
tables actuelles, et versé à d'autres programmes? Est-ce que ce
serait 10 p.c. de $350 millions, soit $35 millions? Est-ce qu'on peut avoir
certaines indications? Les études ne sont pas assez avancées pour
cela?
M. CASTONGUAY: Je pense bien que le montant maximum serait de l'ordre de
10 p.c.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dix pour cent?
M. CASTONGUAY: Si nous éliminions les prestations versées
pour les enfants par l'aide sociale à compter du troisième
enfant, en supposant que celles versées dans les régimes
d'allocations familiales étaient suffisamment élevées pour
couvrir une bonne partie de ce que représente comme fardeau un enfant,
le troisième, le quatrième, le cinquième, disons qu'on
prend cela comme hypothèse pour essayer de donner un ordre de grandeur,
à ce moment-là, on récupérerait à peu
près $35 millions qui pourraient être réintroduits pour
hausser les prestations pour les adultes par l'aide sociale, mais c'est
à peu près l'ordre de grandeur. Comme maximum, parce que, quand
vous êtes rendus à zéro, quand vous avez
éliminé toute prestation, on ne peut pas aller plus loin.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela veut dire que le programme dont nous
discutons actuellement, le programme un, qui représente avec
l'administration, $97 millions, c'est-à-dire $70 millions pour les
allocations familiales, $25 millions pour les allocations scolaires pour
lesquelles nous avons des points d'impôt, $2 millions pour
l'administration on y reviendra à l'administration dans un
instant $97 millions plus la partie imposable des allocations, ce qui
pourra donner $50 millions d'après l'estimation du ministre...
M. CASTONGUAY: Ce n'est pas moi qui l'ai donnée.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai vu des chiffres dans les journaux...
M. CASTONGUAY: J'ai vu des chiffres moi aussi mais j'ai
été très prudent pour dire que ce n'était pas mon
estimation. Je le sais, moi aussi, je l'ai vue. Je ne conteste pas que vous
l'ayez vue mais je ne suis pas assuré que c'est un chiffre
nécessairement exact, loin de là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je continue dans les 10 p.c. Tantôt, mon
estimation de 10 p.c. a été assez juste pour l'aide sociale; $500
millions, 10 p.c, cela fait $50 millions. Alors, allons-y pour cela. Si ce
n'est pas cela, le ministre me corrigera plus tard. Cela ferait, 97 plus 50,
cela fait $147 millions plus $35 millions de l'aide sociale pour les enfants.
Les tables pourraient être dégonflées d'autant. Alors M. le
ministre, on est rendu proche de $200 millions. Est-ce pour cela qu'il souriait
en partant d'Ottawa ou pour d'autres raisons? Je voudrais savoir ce que l'on va
faire avec cet argent? Le ministre des Finances est bien inquiet.
M. CASTONGUAY: C'était une des causes. En fait, c'était la
première fois que se posaient des problèmes d'argent...
M. CLOUTIER (Montmagny): Quoi faire avec l'argent?
M. CASTONGUAY: Comment utiliser cela, c'était nouveau.
M. CLOUTIER (Montmagny): Comment le ministre va-t-il utiliser cet
argent?
M. CASTONGUAY: Je ne suis pas en mesure de vous le dire. C'est trop
nouveau.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre a des
préoccupations? Sans nous dire: Je vais mettre $20 millions à la
disposition, je ne sais pas, de tel programme en particulier... Parce qu'il va
falloir que, dans l'aide sociale, il rajuste à des places. Alors, ce qui
va arriver aux enfants, nécessairement, je pense que le ministre va
pouvoir me dire tout de suite qu'il va le verser aux couples ou aux personnes
seules, aux adultes... Mais, est-ce qu'il y a des priorités, à ce
moment, que le ministre entrevoit, qui devront nécessairement être
satisfaites? Si le ministre me dit: Une véritable politique familiale,
il va falloir y penser. Bon!
M. CASTONGUAY: II y a trois priorités. Je les ai exposées
lors de la conférence des ministres du Bien-Etre à Victoria.
Elles demeurent: Une meilleure compensation des charges familiales; seconde
priorité, l'amélioration de la structure et du niveau des
paiements dans l'aide sociale; troisième priorité, au besoin nous
allons évaluer ce que donnent les dispositions que nous avons
introduites dans le régime d'aide sociale, relativement au cumul des
prestations et des revenus du travail. Si les données qui se
dégagent indiquent que nous devrions aller plus loin, ce serait un
aspect également qui me paraît devoir être prioritaire.
Alors, ce sont les trois priorités sur ce plan; elles ont
été exposées de façon générale.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre recommanderait
également à ses collègues du ministère du Revenu et
du ministère des Finances, et particulièrement le
ministère du Revenu, de faire une révision de la fiscalité
de façon à dégrever sensiblement les particuliers quant
à l'impôt sur le revenu? Il y a tout le problème dont le
député de Bourget a parlé ce matin, le problème des
exemptions statutaires ou des exonérations ou des exemptions, des
abattements d'impôt. Il y a aussi évidemment une différence
actuellement entre les exemptions de base accordées par le gouvernement
fédéral et celles du gouvernement québécois. Au
provincial, c'est $2,850 d'exemption; au fédéral c'est $3,000.
C'est un exemple de dégrèvement, de soulagement fiscal qui
pourrait être fait. D'autre part, est-ce que le ministre,
également dans les mesures de dégrèvement fiscal,
entrevoit la possibilité d'avoir une table d'imposition spéciale
pour les allocations fami- liales et de ne pas prendre la table actuelle de
l'impôt sur le revenu qui est confectionnée de telle façon
et qui comporte peut-être des injustices ou du moins des
inégalités qui pourraient être corrigées?
M. CASTONGUAY: D'abord, je dois dire que, lorsque vous avez fait votre
total de $200 millions, ce n'est pas nécessairement de l'argent neuf
pour la solution de problèmes tels que ceux de pauvreté ou de
compensation des charges familiales. Dans la mesure où nous soustrayons
les $70 millions, comme vous le faites, nous accroissons le problème de
la pauvreté parce que vos allocations familiales ou le régime
d'allocations familiales que vous avez introduit en 1967, en mettant l'accent
sur les familles plus nombreuses, visait précisément à
rejoindre davantage que dans un régime à prestations uniformes
les familles où la charge des enfants pesait plus lourdement.
Alors, il n'y a pas un montant total de $200 millions qu'on vient
injecter dans le système, il y en a déjà un de $100
millions qui est dans le système. Alors, ça c'est un aspect.
Maintenant, de quelle façon l'utiliser ou de quelle façon
doit-on faire les réaménagements présentement...
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet, je voudrais
rectifier. Le ministre dit: Il y a déjà $100 millions dans le
système, mais le premier ministre dit qu'il y a $315 millions de
différence. Alors, on a encore $200 millions de différence,
là.
M. CASTONGUAY: Non; il arrive une injection additionnelle de $315
millions par la voie des allocations familiales fédérales, $315
millions avant impôt, c'est exact, c'est une addition. Mais je ne peux
pas vous répondre davantage à cette question, à savoir si
nous allons utiliser un barème d'imposition différent du
barème d'imposition régulier; je ne peux pas vous répondre
d'une façon plus précise si nous allons examiner ou plutôt
conclure qu'il faudrait changer la base des exemptions pour une personne seule
ou une personne mariée. Je vous ai mentionné nos trois
priorités; en définitive la plus grande des priorités
c'est de faire en sorte, quant à moi, qu'on utilise ces sommes dans la
plus large mesure du possible pour résorber la pauvreté. Et en
faisant ceci, en maintenant la structure des régimes par rapport aux
conditions du marché du travail de telle sorte que les gens trouvent un
encouragement à retourner au travail et qu'au besoin on y ajoute des
sommes pour que la transition soit plus facile et qu'elle tienne davantage
compte des dépenses qu'un travailleur peut effectuer lorsqu'il
réintègre le marché du travail. Je ne peux pas aller
malheureusement au-delà de ce degré; comme je vous l'ai dit, je
n'ai pas les réponses.
M. CLOUTIER (Montmagny): II y a des
programmes du fédéral qui, actuellement, tiennent compte
des charges familiales. On pourrait nommer, je pense,
l'assurance-chômage, le Régime de rentes au fédéral
et au provincial où on tient compte des charges familiales. Du moins, si
on se base sur les déclarations qui ont été faites
à la conférence, ces programmes-là devraient être
revus. Mais, est-ce que le ministre a l'impression que déjà au
1er janvier 1974, quand le nouveau régime d'allocations familiales
entrera en vigueur... Est-ce que le fédéral reverrait
également les échelles de prestations de ces autres programmes,
tels que l'assurance-chômage, la formation de la main-d'oeuvre et ainsi
de suite?
M. CASTONGUAY: Comme vous le savez, dans le cas du Régime de
rentes, nous avions proposé le gel des prestations pour les enfants
à compter du 1er janvier 1974, précisément dans le cadre
de la nécessité de prestations d'allocations familiales par la
voie d'un régime distinct qui serait plus adéquat. En ce qui a
trait à l'assurance-chômage, dans la structure des paiements qui a
été introduite lors des modifications à
l'assurance-chômage, on tient moins compte, si mes renseignements sont
exacts, de la taille des familles qu'on ne le faisait par le passé.
Est-ce que c'est exact, Aubert? Ah bon! M. Garcia dit que c'est exact, qu'on
avait diminué.
Maintenant, dans la question de la formation professionnelle des
adultes, parce que là aussi on a introduit la dimension de la taille de
la famille, il me semble que, dans la mesure où les allocations
familiales compensent d'une façon plus adéquate, c'est un type de
structure de paiement qui devra être révisé
également. D'ailleurs, des représentations que nous avons faites
dans le passé portaient précisément sur ce point. Dans la
mesure où le travail des comités va progresser, c'est un aspect
que nous voulons réaborder et, d'ailleurs, je l'ai mentionné au
cours de la conférence la semaine dernière.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur l'administration du programme, étant
donné qu'au gouvernement du Québec on a mis en place tout
l'appareillage et en ressources techniques et en ressources humaines pour
administrer un programme qui était de quelque $80 millions au
début et qui a diminué, en ce qui concerne le problème de
l'administration, si l'administration du programme était confiée
simplement au gouvernement central, est-ce qu'il y aurait utilisation de toutes
ces ressources techniques et humaines que nous avons ici dans le cadre du
programme?
Et est-ce qu'il pourrait y avoir administration conjointe dans le sens
que, si le fédéral veut garder le lien avec les familles en
versant des chèques, est-ce qu'il ne serait pas important aussi que sur
ce même chèque le gouvernement provincial garde le contact lui
aussi avec les familles? Parce qu'en fait, ce sont les citoyens du
Québec qui paieront les $500 millions au fédéral, les $500
millions de taxes suffisants pour verser un programme d'allocations familiales
fédéral. Comment le ministre voit-il cet aspect?
M. CASTONGUAY: Vous savez que présentement il y a des
administrations distinctes. Il y a l'administration fédérale du
régime fédéral d'allocations familiales et il y a
l'administration québécoise des deux programmes d'allocations
familiales et scolaires qui est sous la responsabilité, maintenant, de
la Régie des rentes du Québec. Nous avons, présentement,
des administrations doubles. Encore là, la question que vous soulevez
est liée dans une très large mesure aux décisions qui
seront prises. Il y a des effectifs d'environ une centaine de personnes qui
sont affectées présentement à l'administration des
allocations familiales, des allocations scolaires. C'est une des données
dont nous devrons tenir compte.
Il y a aussi peut-être certaines possibilités qui s'offrent
dans le cadre d'une administration distincte pour deux régimes mais qui
pourraient viser à faire en sorte qu'il y ait réduction dans les
coûts d'expédition des chèques, par exemple. On sait que
lorsque la décision avait été prise de verser des
prestations deux fois par année, cet élément avait
été considéré, des coûts d'émission de
chèques mensuelle par rapport au montant des chèques et depuis ce
temps et depuis les efforts de modernisation et d'introduction
d'efficacité au ministère des Postes par M. Kierans, on sait que
les coûts ont augmenté...
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre sourit, pour l'information des
lecteurs du journal des Débats.
M. CASTONGUAY: C'est un élément du problème dont il
nous faut tenir compte et il y a peut-être des avenues que nous devrons
explorer sur ce plan. Mais encore une fois, il est un peu trop tôt pour
le dire tant et aussi longtemps que les choix plus fondamentaux n'ont pas
été faits.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Dorchester.
M.GUAY: M. le Président, j'apprécie les explications qui
sont données par le ministre à la suite des questions
posées par le député de Montmagny. Il est ressorti bien
clairement dans ce système de sécurité sociale quand on
parle des charges familiales que les charges familiales s'accroissent avec le
nombre d'enfants. Il existait autrefois je ne dirai pas une solution
complète mais quand même une partie de solution qui était
l'exemption d'impôt à un montant fixe par enfant. Et je me demande
si le ministre des Finances ne devrait pas songer à cette formule ou
à la formule qui était utilisée
dans le passé et on pourrait la rendre encore plus efficace en
l'employant de cette façon, d'exemption croissante par enfant.
Par exemple, on réalise qu'avec une famille de deux enfants, il y
a telle charge familiale et plus les enfants sont nombreux, plus les charges
familiales deviennent écrasantes. A ce moment, il y aurait
peut-être lieu de se servir de cette formule d'exemption croissante selon
le nombre d'enfants. Je songe à cela puisque cela viendrait corriger les
charges qui s'accroissent et, si on conserve la même formule ou le
même barème d'imposition, comme les charges de la fiscalité
ont toujours été assumées en grande partie par la classe
moyenne, il est bien clair, c'est bien évident que cette nouvelle mesure
qu'on introduit sera assumée par la classe moyenne. L'explication est
très facile à donner. On a seulement à faire un examen,
une étude des sources fiscales, d'où elles proviennent et on se
rend bien compte que, si ces mesures deviennent trop difficiles à
supporter par la classe moyenne, ce n'est plus une classe moyenne. Cela devient
une classe défavorisée.
M. le Président, j'aimerais que l'on regarde attentivement,
peut-être, cette façon qui conviendrait de compenser pour les
charges familiales accrues, si on ne veut pas surtout écraser cette
classe moyenne qui est déjà actuellement assez mal
placée.
M. CASTONGUAY: Je vous demanderais également d'examiner plus
attentivement votre proposition, parce que vous allez conclure, si vous
appliquez les taux d'impôt qui vont en augmentant, à mesure que le
revenu augmente, que la présence d'exemptions pour les enfants à
charge, dans la fiscalité, vise à donner une situation qui
devient de plus en plus favorable, à mesure que les niveaux de revenus
augmentent, et que les exemptions des charges familiales profitent beaucoup
plus à une personne dont le revenu est de $50,000 qu'elles ne profitent
à une personne dont le revenu est de $7,000. D'ailleurs, c'était
dans un souci d'une plus grande équité et de redistribution vers
les familles qui en ont le plus besoin que le gouvernement
précédent avait éliminé ces exemptions et avait
établi son régime d'allocations familiales
québécois.
H me semble, alors que nous sommes définitivement conscients
qu'il demeure des problèmes de pauvreté, que les ressources qui
nous sont disponibles doivent être utilisées, en premier lieu,
pour résorber ces problèmes, aider les familles à revenu
moyen qui ont un certain nombre d'enfants, en premier lieu. Après cela,
il me semble qu'il ne faut pas trop non plus compliquer le système,
parce que les études que nous avions effectuées, l'an dernier,
dans le cadre de la sélectivité, démontraient assez
clairement que, passé un certain niveau de revenu, si nous utilisons un
taux d'impôt plus rapide, le rendement est extrêmement faible.
C'est la raison pour laquelle de toute façon... Quant à moi,
comme point de départ, il me semble qu'une formule orientée vers
des crédits d'impôt ou encore, par la voie de versements de
prestations, présenté plus d'avantages, compte tenu des objectifs
que nous poursuivons, que la réintroduction d'exemptions pour les
personnes à charge.
M. GUAY: Justement, je pense que c'est surtout là qu'on doit se
demander si ces barèmes d'imposition ne doivent pas être
révisés pour faire en sorte que, si on veut réellement
protéger la famille ou compenser les charges familiales, le
barème d'imposition soit transformé d'une façon
quelconque. Et, j'en suis convaincu, c'est surtout pour aider les familles
à faible revenu. Mais, qu'on révise le barème, qu'on fasse
en sorte qu'il ne profite pas à ceux qui, par exemple, ont un revenu de
$50,000 ou de $60,000, mais qu'il profite surtout à ceux qui ont un
faible revenu. Je pense que les mesures qui ont été
enlevées de cette partie non imposable du revenu, concernant les charges
familiales, profitaient en plus grand nombre, surtout aux familles à
faible revenu. D'après, d'ailleurs, les chiffres qui nous ont
été fournis, je pense que cela profitait surtout à ces
familles, et je pense que cela est important.
Maintenant, dans l'élément que nous discutions
actuellement: Allocations familiales, nous remarquons une diminution de
crédits à voter en 73/74. J'aimerais que le ministre nous dise
comment il se fait qu'il y ait eu une réduction. Est-ce que c'est
à cause du nombre de bénéficiaires, alors que l'allocation
scolaire a augmenté et alors que les taux n'ont pas été
changés? C'est sans doute un nombre accru de bénéficiaires
qui sont venus s'ajouter. A l'élément; Allocations familiales,
est-ce à cause du taux des naissances qu'il y a eu une diminution
à cet effet? Je pense que le ministre doit avoir ces chiffres.
M. CASTONGUAY: En ce qui a trait aux allocations familiales, la
diminution provient de la baisse du nombre de bénéficiaires. Il
faut se rappeler qu'on a un programme qui couvre de zéro à seize
ans. Alors, la chute ou la baisse dans les taux de natalité a
été plus prononcée depuis 1960. Elle a commencé
à se manifester vraiment vers la fin des années cinquante, elle
s'est poursuivie au cours des années soixante et touche davantage ce
groupe qui s'étend sur quinze ou seize ans d'âge.
Quant aux enfants de 16 et 17 ans, j'imagine que la baisse des
natalités n'a pas encore atteint ce groupe et c'est ce qui fait que le
nombre...
Il y a une haute fréquentation... C'est cela. Et il y a eu un
phénomène administratif d'annulation des remboursements qui a
joué pour quelques centaines de milliers de dollars.
Pourriez-vous le donner plus clairement? C'est lié à la
fréquentation scolaire, le paiement des allocations?
Il y a aussi un phénomène administratif.
L'amélioration des procédés administratifs a
entraîné une hausse de 25 p.c. des annulations et remboursements,
ce qui a eu une incidence sur les coûts et qui explique que le
décalage n'est pas directement proportionnel au nombre de
bénéficiaires. On s'était posé la question.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Saint-Laurent.
M. PEARSON: Je voulais juste poser une question au député
de Dorchester sur le même sujet. Au sujet des exemptions d'impôt,
comment ferait-il fonctionner cela, par exemple, pour les pères de
famille qui sont en chômage, qui auraient un certain nombre d'enfants ou
ceux qui sont à petit salaire et qui auraient moins de $5,000 par
année, qui sont déjà exempts d'impôt? Si on ne leur
donne pas, ils ont une allocation pour le nombre d'enfants ou à chaque
enfant?
M. GUAY: Bien sûr que s'ils n'ont pas un revenu suffisant, c'est
la Loi de la sécurité sociale à ce moment qui
compense.
M. PEARSON: Autrement dit, cela voudrait dire que les deux
systèmes fonctionneraient parallèlement.
M. GUAY: II ne faudrait pas non plus décourager ceux qui vont
chercher un revenu qui est absolument nécessaire.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, ma première question est
d'ordre historique; elle est adressée aux deux ministres, l'actuel et
l'ancien. On sait que pour les allocations scolaires, le Québec a obtenu
une compensation fiscale de trois points d'impôt. Est-ce que des efforts
avaient été faits pour obtenir du fédéral une
compensation analogue, à partir de 1967, pour le programme
québécois d'allocations familiales? C'est parce que la
justification au fond est à peu près la même.
M. CASTONGUAY: A tout seigneur tout honneur.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je remercie le ministre qui continue dans la
même... J'espère qu'il ne dira pas cela à Ottawa. Il peut
dire cela à Québec, mais pas là-bas. Si je comprends bien
la question du député, c'est: Est-ce que nous avons essayé
de faire la même chose avec les allocations scolaires que pour les
allocations familiales? Non, nous n'avons pas essayé de faire la
même chose pour la bonne raison que, quand le fédéral est
arrivé avec le programme d'allocations scolaires, le programme du
Québec existait. Le fédéral était devant un fait
accompli; alors il fallait bien, si on voulait profiter du programme qu'il y
avait déjà, obtenir des points d'impôt mais nous avons
introduit le programme. La Chambre, l'Assemblée législative
à l'époque, avait adopté la Loi des allocations familiales
parce que nous avions jugé que le programme fédéral
n'était pas suffisant pour redistribuer le revenu aux familles. Alors,
nous avons introduit le programme qui représentait $84 millions, soit la
moitié, sensiblement, du programme fédéral à
l'époque, 50 p.c. É y avait donc, en plus de la
conséquence directe de redonner de l'argent aux familles qui en avaient
besoin, un facteur psychologique qui pouvait jouer dans le rapatriement de
l'allocation familiale. De sorte que nous avions démontré que
nous étions capables de mettre sur pied un régime d'allocations
familiales avec les critères que nous lui avions donnés, en
tenant compte de la taille de la famille, de l'âge des enfants et ainsi
de suite. Nous avions voulu indiquer dans quel sens devait aller un
véritable programme d'allocations familiales. Nous avons mis sur pied
une administration mécanisée même bien avant le
fédéral. A ce moment, le fédéral n'avait pas une
administration mécanisée. Je pense qu'il ne l'a pas encore.
Alors, c'est pour cela que nous avions demandé le rapatriement et non
pas des points équivalents d'impôt. Il n'y avait pas de raison de
demander des points équivalents d'impôt sauf si le
fédéral avait voulu introduire la même politique que pour
les allocations scolaires. Alors, c'est pour cela que cette réclamation
n'a jamais été faite, parce que ce n'était pas dans le
contexte des allocations scolaires.
M. LAURIN: Depuis trois ans aucune tentative n'a été
faite?
M. CASTONGUAY: Le problème se pose dans une perspective un peu
différente également. C'est que les demandes de retrait de
programme avec des équivalences sous forme de points d'impôt ont
toujours été formulées à l'égard de
programmes établis à l'échelle du pays, de telle sorte
qu'il n'y ait pas d'accusation de vouloir bénéficier d'un
traitement privilégié par rapport aux autres provinces du pays.
Comme il s'agit là d'un programme bien particulier introduit par le
biais de la fiscalité ou de modification à la fiscalité
québécoise, je pense qu'il aurait été inutile de
demander d'obtenir des points. A moins qu'il y ait eu justement dans l'autre
sens à un autre niveau, la réponse aurait été
négative.
M. LAURIN: Etant donné que le gouvernement fédéral,
en triplant d'un seul coup le montant des allocations familiales, avoue sa
culpabilité, sa négligence, son retard, est-ce qu'il n'admettrait
pas que ce retard a pénalisé les citoyens québécois
et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'effectuer une sorte de paiement
rétroactif pour la correction des erreurs qui ont été
faites?
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet. La
pénalité qui pourrait être comptabilisée, c'est que
le Québec aurait pu en bénéficier quand on avait un taux
de natalité plus haut que celui d'autres provinces. Mais je doute que
notre taux de natalité soit plus fort qu'ailleurs et il est
peut-être même inférieur à celui des autres
provinces. C'est là que ce régime fédéral va
peut-être jouer au détriment du Québec, parce qu'il arrive
un peu tard. C'est comme les gens qui disent: On a élevé toute
notre famille quand il n'y avait pas d'allocations familiales. Je comprends,
mais on l'a commencé dans certaines circonstances.
M. LAURIN: On ne l'a pas eu au moment où on en avait le plus
besoin.
M. CASTONGUAY: Par contre, les données que nous avons
établies pour la conférence du 2 février démontrent
qu'au Québec le nombre d'enfants en bas de 18 ans, par rapport à
la population totale du Québec, s'établit bien juste au
même niveau que la moyenne canadienne, soit 0.34.
M. LAURIN: Une autre question dans le même sens. Est-ce qu'en
triplant d'un seul coup le montant des allocations familiales alors que le
Québec aurait voulu le faire depuis plusieurs années et ne
pouvait pas le faire, ça ne démontre pas qu'il y a un
écart marqué et injuste entre les ressources fiscales du
fédéral et du provincial, qui sont beaucoup plus
élastiques du côté fédéral et beaucoup plus
rigides du côté provincial? Est-ce que ceci ne constitue pas un
argument additionnel pour qu'on puisse avoir des ressources qui devraient nous
donner la même élasticité quant à l'accomplissement
de nos priorités?
M. CASTONGUAY: II est clair ceci fait d'ailleurs l'objet de
plusieurs représentations, non pas seulement de la part du gouvernement
du Québec, mais de la part aussi des gouvernements des autres provinces
que la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral ou
l'élasticité dans ses revenus fiscaux par rapport à ses
charges fixes ou établies est moins grande. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous avons insisté, à plusieurs reprises, pour que
le partage fiscal soit révisé. D'ailleurs, dans ce sens,
certaines demandes vont être formulées de nouveau.
M. LAURIN: Est-ce que ce n'est pas ça qui donne justement le
pouvoir d'initiative au fédéral et qui oblige, à toutes
fins pratiques, une province comme le Québec, à accepter,
peut-être pas n'importe quel plan du fédéral, mais un peu
quand même le plan qu'on lui propose parce qu'il n'a pas de latitude, il
n'a pas le choix.
M. CASTONGUAY: Sûrement que, dans la mesure où vous avez
des ressources financières plus grandes, c'est la même chose pour
les gouvernements que pour les individus, vous avez un pouvoir de choix,
d'initiative plus grand. Il n'y a aucun doute.
M. LAURIN: Lors de la discussion à Ottawa, est-ce que vous avez
pu avoir des estimations assez exactes sur le coût total du régime
d'allocations familiales pour le Canada et pour le Québec, de
même, est-ce que vous avez pu avoir des estimations assez exactes sur la
récupération par l'impôt fédéral, sur le
montant total des allocations familiales et par l'impôt provincial,
malgré que vous ayez dit ce matin que vous n'avez pas
complété ce calcul en ce qui concerne le Québec?
M. CASTONGUAY: Je vais demander à M. Ouellet de vous donner le
montant total pour le Canada et le Québec des allocations familiales qui
seront versées, le montant estimé de récupération
par la voie de l'impôt fédéral qu'ils ont cité.
Quant au Québec, certains problèmes se posent et, en fait, les
problèmes se posent du fait que nous avons un nombre de points
d'impôt qui diffère de celui des autres provinces. Nous avons 54
points d'impôt alors que les autres provinces, si ma mémoire est
bonne, ont 28 points. Il y a là certains éléments à
clarifier quant à la façon dont ces points d'impôt seront
traités.
M. LAURIN: Est-ce que nous avons les chiffres pour le gouvernement
fédéral?
M. CASTONGUAY: L'estimation qui a été mentionnée au
fédéral a été un coût brut total de
$1,800,000,000 pour l'ensemble du Canada, et le montant net serait de l'ordre
de $1,350,000,000. Evidemment, sur le montant net, il y a des estimations qui
prêtent davantage à caution parce que le rendement d'impôt
va varier en fonction de la structure des allocations qui seront
déterminées par les provinces.
M. LAURIN: J'ai posé en Chambre une question, cet
après-midi, sur le minimum. H est bien évident que plus ce
minimum sera à un taux bas, plus cela avantagera le Québec.
Est-ce qu'on est quand même rendu assez loin dans la fixation de ce
minimum, parce que les choses pressent, étant donné que le
gouvernement d'Ottawa va présenter son projet de loi, si on croit M.
Lalonde, d'ici un mois ou deux? Est-ce que le Québec va faire
connaître ce taux très rapidement et quelles sont les chances
d'obtenir le taux minimum le plus bas possible?
M. CASTONGUAY: Comme je l'ai mentionné ce matin, le ministre
fédéral nous a donné l'assurance qu'il ne chercherait pas
par la voie des normes minimales à enlever tout sens aux dispositions
qui vont permettre de modifier la structure des paiements. C'est une
première assurance qu'il nous a donnée. D'autre part,
nous savons que, présentement, il existe des allocations de $6,
$8 et $10 selon l'âge, les allocations de $10 étant pour les
enfants de seize et dix-sept ans. On peut se demander si aller au-dessous d'un
tel minimum serait sage. Déjà, il y a un certain plancher qui,
par la force des choses, s'est établi lorsque le programme des
allocations scolaires a été mis en place en 1962, je crois. Le
chiffre auquel on peut donc songer devrait varier autour de ces montants.
M. LAURIN: Donc, le taux minimum acceptable pour le Québec se
situerait entre $6 et $10.
M. CASTONGUAY: Le taux idéal, celui qui, à mon sens,
serait acceptable, serait un taux qui n'excéderait pas $10.
M. LAURIN: Est-ce que vous avez discuté aussi d'un taux maximal
que le Québec ne devrait pas dépasser?
M. CASTONGUAY : Dans ce contexte, il n'a pas été question
d'un taux maximal, mais il en a été question, et je profite de
l'occasion pour le mentionner parce que cela peut revenir sous une autre forme
à un moment donné; mais dans certains programmes que le
gouvernement fédéral partage et où on doit tenir compte de
la richesse relative des provinces, il se pourrait que le gouvernement
fédéral, dans la mesure où il dit dans son document de
travail que les normes devraient être fixées par les provinces,
insiste pour que ce soit à l'intérieur d'une norme minimale et
une norme maximale. Et la norme maximale s'explique par le fait qu'une province
très riche, avec un nombre de bénéficiaires limité
dans un programme, pourrait fixer le niveau des prestations à un niveau
très élevé, que l'exercice de redistribution serait
faussé et que des ressources beaucoup plus grandes que justifiées
seraient canalisées dans une province riche.
Il est fort probable que, dans l'avenir, on voie l'introduction d'une
norme maximale à cette fin dans le cadre par exemple des modifications
à apporter au régime d'aide sociale ou l'introduction d'un
régime de supplément de revenu.
M. LAURIN: Est-ce qu'il y a eu d'autres normes nationales qui ont
été discutées à propos du régime
d'allocations familiales à part ce taux minimum et ces propositions 12
et 13?
M. CASTONGUAY: En fait, le ministre fédéral a fait
état qu'il visait beaucoup plus des normes à caractère
très général visant à éviter des formes de
discrimination, par exemple. Or, c'était beaucoup plus ce type de norme
qu'il avait à l'esprit que...
M. LAURIN: Ce n'étaient pas des nonnes financières?
M. CASTONGUAY: II y avait les nonnes financières
également, mais sa préférence allait beaucoup plus vers
les normes à caractère général pour éviter
des formes de discrimination. C'est le point qu'il a fait ressortir
clairement.
M. LAURIN: Maintenant, en lisant la proposition 12 du livre jaune, je me
suis posé des questions sur la troisième condition que contient
cette proposition. Je vais la lire et j'aimerais que le ministre se fasse pour
quelque temps l'exégète de son homologue fédéral,
pour qu'il nous fasse comprendre d'une façon très claire,
à sa façon habituelle.: le sens intégral de cette
condition. Cette troisième condition se lit comme suit: "Les provinces
seraient tenues de verser aux caisses de l'assurance sociale un montant
équivalant à la somme qu'elles auraient autrement versée
avant les changements apportés au système et avant toute
modification apportée aux taux d'allocations fédérales ou
des prestations de soutien du revenu qui auraient été consenties
aux termes de toute nouvelle formule de souplesse". Ce n'est sûrement pas
M. Lalonde qui est responsable de la formulation de cette condition parce que
j'y reconnais la clarté que j'avais toujours reconnue aux propos de M.
Munro et c'est la raison pour laquelle je demande au ministre de se faire
l'exégète de cette condition extrêmement limpide et
claire.
M. CASTONGUAY: D'abord il y a une erreur de traduction au départ.
Au lieu de "aux caisses de l'assurance sociale", il fait lire "au
système de sécurité sociale".
Alors, peut-être que là vous allez mieux saisir
l'idée. C'est en quelque sorte une condition que le gouvernement
fédéral introduit, qui vise à faire en sorte que, par
l'utilisation des deux autres dispositions, soit la première sur la
structure des paiements à l'intérieur d'un programme ou les
transferts de sommes d'un programme à un autre, la province qui utilise
ces deux conditions ne puisse, dans ce jeu-là, soustraire des sommes de
ces programmes de sécurité sociale ou de soutien du revenu et les
divertir à des fins de construction de routes ou de voirie ou je ne sais
trop quoi. Alors, le gouvernement fédéral dit en d'autres termes:
Nous sommes prêts à permettre une plus grande souplesse, de telle
sorte que les programmes fédéraux soient adaptés aux
conditions dans une province donnée, mais pas au-delà d'un point
qui permettrait à une province de soustraire de ces programmes des
sommes pour les diriger à d'autres fins.
A mon sens, il s'agit là, encore une fois, d'une condition qui me
paraît acceptable.
M. LAURIN: Maintenant, d'un point de vue pratique, c'est le
fédéral qui a l'initiative, qui prépare son projet
national d'allocations familiales et, d'après les propos du ministre, il
y aura
des consultations avec les autres provinces et en particulier le
Québec avant que ce projet ne soit déposé à
Ottawa.
Est-ce qu'il a été prévu que les provinces et le
Québec peuvent proposer au ministre des amendements une fois que le
projet aura été déposé ou une fois que la
discussion en deuxième lecture aura pu suggérer des amendements
possibles au ministre? Est-ce qu'il y a des possibilités à cet
effet, premièrement? Deuxièmement... Mettons que je reviendrai
sur ma deuxième question.
M. CASTONGUAY: Le gouvernement fédéral n'a donné
aucune indication qu'il voulait changer son processus législatif. C'est
clair que le sujet va être discuté à la Chambre des
communes et, tout comme nous ici, le gouvernement peut être sensible
à des représentations qui sont faites au moment de l'étude
d'un projet de loi. Mais il n'est pas question de modifier ou il n'a pas
été question de modifier le processus législatif au niveau
de la Chambre des communes pour introduire de façon formelle la
possibilité de discussions ou de représentations.
M. LAURIN: Non, mais je veux dire par la voie normale des
ministères, des représentations.
M. CASTONGUAY: On n'a pas engagé la discussion sur ce plan, mais
chaque fois qu'un projet de loi qui nous intéresse est
déposé, assez généralement on essaie de faire
connaître nos points de vue. Mais ça n'a pas dépassé
ce point.
M. LAURIN: Par la suite, une fois que cette loi sera adoptée,
est-ce qu'elle va couvrir tout le champ des allocations familiales de telle
façon que, si les montants étaient suffisants, il ne serait plus
nécessaire pour le Québec d'avoir sa propre loi d'allocations
familiales, étant donné que du point de vue quantitatif, aussi
bien que qualitatif, les besoins du Québec auraient été
satisfaits?
M. CASTONGUAY: II est trop tôt pour donner une réponse
à cette question, mais lorsqu'on examine les budgets pour couvrir la
charge d'un enfant dans une famille du Montreal Diet Dispensary, on constate
que ces budgets varient selon l'âge de l'enfant, si ma mémoire est
bonne, de $50 à $60 par enfant; c'est bien exact. Alors, on voit qu'avec
une prestation moyenne de $20, on demeure malgré tout en deça des
budgets requis. Alors, je ne peux pas vous donner de réponse quant
à ce qui va advenir de façon précise au sujet d'un
programme donné. Mais le problème général de la
compensation des charges familiales, malgré l'injection de fonds
nouveaux dans le cadre du régime fédéral, est un
problème qui ne sera pas entièrement résolu.
M. LAURIN: S'il n'est pas entièrement résolu vous
semblez en être sûr est-ce que ça va
nécessiter pour le Québec la présentation d'une loi qui se
situerait à l'intérieur de la loi-cadre fédérale
des allocations familiales ou une loi qui, sans porter le titre précis
d'une loi portant sur les allocations familiales, compléterait, dans le
sens que vous venez d'indiquer, la législation
fédérale?
M. CASTONGUAY: D'abord, je pense bien qu'il ne faut pas voir la loi
fédérale comme étant une loi-cadre; c'est une loi que nous
pouvons modifier en tant que gouvernement et ça, c'est un
principe nouveau à mon sens ou dont nous pouvons modifier
l'application en tant que gouvernement.
M. LAURIN: L'application.
M. CASTONGUAY: Ce n'est pas une loi-cadre. Maintenant, encore là,
de quelle façon allons-nous faire en sorte que les programmes actuels
soient modifiés? Si c'est par la voie d'un régime d'allocations
familiales québécois, ça va prendre amendement. Si
c'était par une autre voie, à titre d'hypothèse des
crédits d'impôt, il faudrait de toute façon amender la loi
actuelle, soit pour l'abolir, soit pour la modifier quant à sa
portée, parce que les allocations familiales québécoises
sont versées en vertu d'une loi dont le montant et le niveau des
prestations sont inscrits dans la loi, et non dans les règlements.
M. BOIVIN: Si ça venait de la sécurité du revenu,
ça pourrait baisser au fédéral. On pourrait leur imposer
une baisse des allocations familiales qui viendrait de la
sécurité du revenu d'une loi provinciale. Ce serait
appliqué encore dans le même champ. Si on augmentait le salaire de
la sécurité du revenu, est-ce qu'on pourrait demander au
fédéral de baisser les allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Ah! on pourrait prendre les sommes dans le cadre de la
proposition qui est faite dans le document de travail, mais il ne faut pas
oublier que tout ça n'apparaîtra pas dans la législation,
demain. On va voir les premières dispositions correspondantes dans leur
législation sur les allocations familiales, mais lorsque les
dispositions analogues auront été introduites dans d'autres
programmes, nous pourrions dire à titre d'hypothèse: Voici, nous
transférons des sommes de la formation professionnelle des adultes, par
exemple, aux allocations familiales ou encore à un autre programme. Mais
toujours dans les programmes fédéraux, on transfère d'un
programme fédéral à un autre programme
fédéral.
M. LAURIN: D'une part, évidemment, le ministre l'a souvent dit:
Les allocations familia-
les constituent la clé de voûte d'un régime, surtout
intégré, de sécurité sociale et, d'autre part, il
est très difficile d'en parler sans traiter également de tous les
transferts ou de la structure de paiement qui nous amène à
étudier d'autres programmes de sécurité sociale.
Par ailleurs, dans les objectifs que définissait le
ministère pour 1973, on disait: "Sécurité du revenu. Voici
les gestes que le ministère a l'intention de poser en regard de chacun
de ces objectifs, sécurité du revenu par l'établissement
d'un régime québécois unique d'allocations familiales". Je
remarque quand même, à la suite de cette conférence
fédérale-provinciale, que c'est Ottawa qui fixera le montant
total, le coût total des allocations familiales qu'il devra payer pour le
Canada en général et le Québec en particulier, que c'est
lui qui se trouvera à avoir l'exclusivité législative, que
c'est lui qui fixera les minimums, les normes de transfert, qui va même
établir la coordination de ce programme avec celui de
l'assurance-chômage, qui fixera même la coordination, à
l'avenir, avec certains aspects des services sociaux, que c'est Ottawa qui
gardera ces programmes complémentaires comme Perspectives-Jeunesse,
Initiatives locales, Horizons nouveaux et même les emplois
communautaires, qui gardera l'exclusivité législative sur le
Régime canadien d'assistance publique, qui gardera les bureaux de
placement, la responsabilité du programme de formation professionnelle
des adultes et de formation en cours d'emploi et qui administrera même le
Régime d'allocations familiales.
Comment peut-on dire après cela qu'un des objectifs du
ministère est l'établissement d'un Régime
québécois unique d'allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Vous avez fait beaucoup d'affirmations. Je n'ai pas pu
toutes les noter, mais il y en a certaines que j'aimerais contester. Disons
qu'on va repartir avec les allocations familiales et je pense que j'ai
expliqué assez clairement ce matin que, dans la mesure où nous
pouvions adapter le régime fédéral aux conditions du
Québec et qu'on reconnaissait la priorité dans ce secteur, ceci
nous apparaissait un aspect assez important pour ne pas avoir à insister
davantage sur l'administration du régime.
Ceci ne veut pas dire que le gouvernement fédéral a le mot
exclusif, ou la décision exclusive quant à l'allocation des
ressources dans ce secteur et la preuve en est que nous pourrions fort bien
laisser tout simplement le Régime québécois d'allocations
familiales subsister tel qu'il est. A ce moment, on aurait pris la
décision de maintenir dans ce secteur $70 millions de plus par
année dans le secteur des allocations familiales. Au plan de
l'allocation des ressources, il est clair que le gouvernement
fédéral gardera un rôle. Sur ce plan, pour ma part, je ne
l'ai jamais contesté. J'ai toujours divisé législation, le
financement et l'administration.
Quant aux autres programmes, le gouverne- ment fédéral a
bien insisté. Par exemple, en ce qui a trait au supplément du
revenu, programme de revenu garanti, le ministre a dit très clairement
à ce moment, il parlait en anglais qu'il n'avait pas de
"hang-up", pour reprendre son expression, quant à l'administration d'un
tel programme, à la condition que les provinces y participent
financièrement. Et comme nous le savons, nous finançons la
moitié du coût de l'assistance sociale.
Il n'a pas placé ses préoccupations au niveau de
l'administration d'un tel programme.
Les provinces ont fait état également, et nous l'avons
fait de façon particulière, de l'organisation administrative
déjà mise sur pied. Quand aux autres programmes, lorsque nous
avons parlé de la formation professionnelle des adultes, nous avons dit
qu'il s'agissait d'une mesure qui devait être perçue ou
conçue d'une part comme étant un programme de
supplémentation de revenu, de remplacement ou de soutien de revenu et
qu'elle devrait être intégrée à l'ensemble. On a
accepté que la discussion se fasse dans ce contexte-là. Il se
peut qu'il y ait des sommes additionnelles qui soient versées pour payer
les frais de transport d'une personne qui s'inscrit à ces cours, des
frais incidents à l'achat d'outils ou de manuels, etc. Cela, c'est une
autre dimension.
Mais en ce qui a trait à la partie des revenus dans ces
allocations, c'est la position que nous avons défendue et, encore
là, dans la mesure où elle est introduite dans un programme plus
général, il n'est pas dit que, dans l'avenir, cela ne signifiera
pas un transfert. De la même manière, pour les programmes de
création d'emplois, nous avons fait état du danger de venir
créer un autre programme par-dessus les programmes d'Initiatives
locales, par exemple. Il y a deux raisons. Si on multiplie les programmes, cela
devient de plus en plus compliqué et aussi, si on a un programme de
travail résiduel, on court le risque, en même temps que l'on
essaie, dans la révision des programmes de sécurité et de
revenu, d'enlever le caractère de l'assistance sociale qui a pour effet
d'identifier les individus qui ont un certain caractère négatif.
A mesure qu'on tend à vouloir éliminer cela, il ne faudrait pas
le réintroduire par la voie des programmes de création
d'emplois.
Il a été convenu, que, dans le développement de ce
qui est appelé la création d'emplois communautaires ou à
caractère social, les programmes qui ont été lancés
et qui avaient un caractère temporaire et qui ont
été lancés beaucoup plus face au problème de
chômage saisonnier soient révisés dans ce
contexte-là. Encore là, comme des provinces, non pas seulement le
Québec mais d'autres provinces, ont des programmes de création
d'emplois, elles ont soulevé, ainsi que nous-mêmes, le
problème qui se pose, si de tels programmes fonctionnent en
parallèle. Et, encore là, on a demandé s'il ne serait pas
préférable d'envisager une élaboration conjointe de ces
programmes et une administration conjointe de ces programmes, quelques
formes conjointes de l'administration. Sur ce plan, la réponse a
été la même, dans la mesure où les provinces sont
disposées à participer financièrement. D n'y avait pas, au
départ, d'objection de principe sur ce plan. Je pense qu'il est
important que le gouvernement fédéral participe
financièrement parce que, justement, sa participation financière
peut être plus grande dans les provinces qui ont les plus grands
problèmes et, d'autre part, les provinces ont aussi une
responsabilité et doivent y participer financièrement.
Alors, il me semble qu'il y a là peut-être une ouverture
nouvelle qui peut permettre d'entrevoir un développement de programme et
une administration de programme beaucoup plus satisfaisants que par le
passé.
En même temps, nous avons soulevé l'étendue des
types d'emplois qui peuvent être financés par ces programmes. Nous
avons souligné le danger que, par la voie des programmes de
création d'emplois, on finance en définitive des services. Il
faudrait établir certaines délimitations de telle sorte que les
services, qui sont considérés comme étant essentiels,
soient développés suivant le cadre du développement des
services essentiels; si ce sont des services sociaux, d'après les
mécanismes de développement des services sociaux, et que s'il
s'agit de vouloir développer des emplois communautaires qu'ils soient
conçus comme des programmes d'emplois communautaires valables mais non
pas comme des programmes qui peuvent bifurquer vers le développement de
services considérés, dans d'autres secteurs, comme étant
des services essentiels.
Alors, il me semble qu'il y a là tous les éléments
pour apporter une certaine rationalisation de l'effort des deux niveaux de
gouvernement et une clarification à l'aide de l'expérience
acquise depuis le lancement de ces programmes, de telle sorte que, tout en les
maintenant dans l'avenir et en les développant, ils ne créent pas
les problèmes qu'ils ont créés dans une certaine mesure au
cours des dernières années.
M. LAURIN: Mais, est-ce que tout ceci ne vous paraît pas courir le
risque d'être aléatoire, étant donné que nous le
devons surtout à la conjoncture du gouvernement minoritaire, d'une
élection prochaine. Je souhaite bien avec vous que le ministre
réponde d'une façon favorable à vos demandes
d'élaboration conjointe de divers plans, à vos demandes de
consultation permanente pour l'application des différents programmes,
mais il reste quand même une dure réalité. C'est que c'est
le fédéral qui va garder l'initiative financière, fiscale,
puisque c'est avec ses ressources plus élastiques, comme on le voyait
tout à l'heure, qu'il va financer les aspects les plus importants, les
aspects majeurs de ces programmes. Et c'est lui également qui va
traduire, en termes législatifs, par des lois fédérales,
la plupart de ces programmes. De plus les programmes provinciaux ne prendront
pas toujours, ni souvent, la forme législative; ils prendront
plutôt la forme d'application sur le plan administratif. Est-ce que cela
ne vous parait pas dangereux de voir le fédéral, non seulement ne
rien céder de ce qu'il possédait auparavant, mais s'y
établir plus solidement, étendre son emprise et consacrer cela
par une initiative législative qu'il sera, par la suite, bien difficile
de reprendre, d'amender, de modifier, surtout si la conjoncture veut que nous
nous trouvions bientôt en face d'un autre gouvernement majoritaire ou en
face d'un ministre qui ne manifesterait pas l'ouverture d'esprit ou l'envergure
ou la souplesse du ministre actuel?
M. CASTONGUAY: Tout dépend de l'optique dans laquelle on voit ces
choses. Nous avons là un document de travail qui a été
publié par le gouvernement, document qui, déjà, a retenu
l'attention, de façon assez générale, au Canada, et qui va
se transformer, qui va être transposé dans des actions
concrètes au niveau des allocations familiales. Avant de changer des
orientations comme celles-là et de les mettre complètement
à l'écart, il faudrait que le gouvernement, qui agirait ainsi,
ait d'assez bonnes raisons parce qu'il ne faut pas oublier que ce document a
été publié par un gouvernement minoritaire, d'accord, mais
aussi par un gouvernement qui a été soumis à des pressions
et à des représentations très uniformes de la part de
l'ensemble des provinces.
Il y a là une certaine garantie à mon sens. Egalement, le
gouvernement fédéral, pour autant que je puisse analyser ce qui
se passe au niveau de ce gouvernement, voit assez loin dans les gestes qu'il
pose généralement et on peut imaginer les changements brusques
d'orientation lorsqu'ils sont annoncés. Ce sont des changements qui ont
généralement une certaine garantie de permanence. Ici, il me
semble que c'en est un exemple. D y a des ouvertures nouvelles qui ont
été faites. Vous pouvez être assurés qu'elles ont
été examinées attentivement avant qu'elles soient faites,
et avant qu'elles soient retirées, je pense que le même processus
a rebours devrait être effectué. Il y a certaines garanties.
M. LAURIN: Le programme adopté en 1970 a été
abandonné trois ans après, après beaucoup de...
M. CASTONGUAY: Parce qu'il n'a reçu d'appui nulle part, à
ma connaissance, alors qu'ici il a reçu des appuis...
M. LAURIN: Alors s'il y avait un prochain reflux centralisateur ou un
prochain gouvernement majoritaire, on pourrait aussi assister à la
destruction de ce livre jaune et à l'apparition d'un livre violet.
M. CASTONGUAY: II ne faut pas oublier que, dans les faits, vous avez
présentement un
Régime fédéral d'allocations familiales qui ne
contient pas les dispositions que l'on retrouve ici. Vous avez des programmes
tels que les initiatives locales et la formation professionnelle. Vous avez
toute cette gamme de choses. On ouvre la porte à des changements qui
vont dans l'esprit de ce document, dans la bonne voie; il me semble qu'il est
nécessaire de s'engager dans les mécanismes mis sur pied pour
faire en sorte que ceci soit transposé le plus rapidement possible dans
la réalité. C'est l'attitude que nous avons prise. Nous n'avons
pas des garanties aussi grandes que si certaines de ces choses étaient
inscrites dans la Constitution, c'est très clair. Mais certaines vont
être introduites au niveau de la législation, par exemple dans les
allocations familiales. Encore là, avant de revenir sur ça,
ça va être assez difficile.
Egalement, dans la mesure où nous trouvons un peu plus
d'élasticité, disons dans les décisions que nous pouvons
prendre, comme niveau du gouvernement, nous pouvons retrouver une plus grande
marge d'initiative que celle que nous avons eue récemment.
Et on ne doit pas ignorer que cette situation assez serrée au
plan financier n'a pas toujours été le cas. On n'a qu'à se
reporter au début des années soixante et déjà, je
pense qu'en 1973, la situation est quelque peu différente de ce qu'elle
était en 1970.
M. LAURIN: En tout cas, en ce qui nous concerne, il semble que
malgré les concessions que le gouvernement semble avoir faîtes au
point de vue d'adaptabilité de ses programmes au plan provincial, si on
regarde le plan législatif, le plan financier, le plan fiscal, le plan
constitutionnel, le gouvernement fédéral loin de s'être
replié semble avoir consolidé sa position surtout pour l'avenir
et rendre plus difficile toute révision qui aurait pour but ou pour
visée ce que les gouvernements québécois ont visé
depuis dix ans c'est-à-dire sinon un rapatriement complet, du moins une
sorte de retour au Québec des juridictions qui lui auraient paru
nécessaires pour l'ajustement permanent des législations aux
besoins du Québec. Parce que là, il faut bien penser que ces
grosses tentatives ne pourront pas être répétées
très souvent, à un intervalle de trois, quatre ou cinq ans alors
que nous savons que, dans le secteur des besoins sociaux, les priorités
peuvent changer quand même d'une façon assez rapide et qu'il y a
des changements qui peuvent s'avérer nécessaires au fur et
à mesure qu'une situation sociale qui est plus agitée au
Québec qu'ailleurs se modifie. Est-ce qu'il ne vous semble pas un peu
déplorable que là vous vous trouviez à perdre les
mécanismes qui vous permettaient de rajuster les programmes d'une
façon évolutive et permanente, pour les ajuster aux besoins du
Québec?
M. CASTONGUAY: Votre remarque me rappelle une remarque que vous aviez
faite à un moment donné lorsque nous parlions de la participation
dans les corporations professionnelles. Vous disiez qu'il y avait un
phénomène en psychiatrie il me semble que c'était
relié à la psychiatrie qui avait été
expliqué et qui faisait que certains individus avaient comme des points
noirs qui les empêchaient de voir certaines choses.
M. LAURIN: L'ophtalmologie.
M. CASTONGUAY: II me semble que vous êtes un peu affecté
par ce phénomène et qu'il vous empêche de voir dans ce
document certaines des choses que j'y vois et qui ont trait au degré de
confiance, si on veut aller à l'explication plus profonde, ou de manque
de confiance qu'on peut avoir à l'endroit du gouvernement
fédéral.
M. LAURIN: II faut dire que ma confiance à l'égard du
régime fédéral est mitigée, comme le ministre le
sait.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser au
ministre. De toute façon, l'échéancier pour les
allocations familiales est connu. La loi sera déposée,
d'après la déclaration de M. Lalonde, avant l'ajournement du mois
de juin.
Avant cela, il y aura eu une autre conférence en mai...
M. CASTONGUAY: Non, il va y avoir des échanges
bilatéraux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bilatéraux. Bon. Alors, cela
répond à certaines observations qui ont été faites
antérieurement. Si le ministre s'aperçoit... Disons qu'à
mon point de vue, cela sera le test majeur de la bonne foi du document, ce qui
n'est pas contenu dans le document. Le ministre dit qu'il ne voit pas, dans ce
document, certaines choses que le député de Bourget voit et
craint.
M. CASTONGUAY: Non. Moi j'en vois que lui ne voit pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Que lui ne voit pas. En tout cas, disons que
vous n'êtes pas... Si on fait la somme, vous n'arrivez pas au même
montant.
Cela va être le test, je pense bien, le ministre va pouvoir porter
un jugement. Le fédéral va mettre des normes dans sa loi, il va
faire une certaine consultation, des échanges bilatéraux. Le
ministre dit qu'il n'y a aucune raison de ne pas faire confiance au ministre,
surtout s'il tient compte du contexte de la conférence et des
déclarations qui ont été faites. Alors, ma question est
celle-ci: Est-ce que le ministre, s'il s'aperçoit que le test n'est pas
concluant et que la réponse qui est apportée par le
fédéral dans le cas des allocations familiales n'est pas la
réponse qu'il attendait, a conscience qu'il aura
peut-être posé un geste qui sera préjudiciable au
Québec dans le contexte de l'élaboration d'une politique sociale,
une politique de sécurité du revenu intégrée?
M. CASTONGUAY: Ecoutez, je pense qu'il faut faire la part des choses.
Nous avons, depuis trois ans, exposé ce qu'étaient nos objectifs
dans le domaine de la sécurité du revenu. Ces objectifs sont
maintenant repris dans une très large mesure par le gouvernement
fédéral, ce qui ne peut que hâter leur réalisation
au plan concret, étant donné le rôle que le gouvernement
fédéral joue au plan financier. Cela, il m'apparaît que
c'est très positif. Le gouvernement fédéral introduit
aussi, dans le processus du réexamen global, des éléments
qui permettent d'espérer un bien meilleur système de
sécurité sociale au Canada et au Québec et qui même,
si ce livre était mis en application au cours des prochaines
années je n'ai aucune hésitation à le dire
peuvent faire en sorte qu'au Canada et au Québec, nous aurions,
comparativement aux pays développés, probablement le meilleur
système de sécurité du revenu et de programmes
connexes.
Alors, dans ce sens, avoir accepté de participer à des
mécanismes de travail qui visent à ça, je ne crois pas
avoir posé le moindre geste qui puisse être préjudiciable
au Québec.
En second lieu, plus précisément en ce qui a trait aux
allocations familiales, il existe un régime présentement qui est
administré et financé par le fédéral et dans lequel
on ne retrouve aucune disposition qui laisse la moindre place aux provinces.
Dans la prochaine législation fédérale, on doit trouver
des dispositions permettant d'adapter ce régime aux conditions d'une
province. Il me semble que d'avoir dit oui en principe à cette approche
n'est pas préjudiciable. Il reste la question de la norme minimale et
nous allons la discuter. J'ai bon espoir que cette norme sera située
à un niveau qui va nous permettre d'adapter, d'une façon
appropriée, à nos besoins les prestations. Je n'ai donc à
mon sens posé aucun geste à caractère
irrémédiable; au contraire je crois que, par les efforts des
trois dernières années, nous avons contribué à
faire avancer de façon significative les possibilités
d'amélioration des conditions de la population. J'aimerais mieux, avant
de dire quoi que ce soit de plus, attendre que nous ayons ces discussions avec
le ministre fédéral qui, tout au cours de la conférence,
comme je l'ai mentionné, a été d'une franchise très
grande lorsque des questions lui ont été adressées et que
la réponse devait être non, dans son opinion, la réponse a
été donnée très clairement. Il n'y a jamais eu
d'hésitation; il n'y a jamais eu de confusion lorsqu'on recoupait ses
diverses réponses. C'est pourquoi, lorsqu'il a dit qu'il ne voulait pas
faire en sorte que, par ces dispositions touchant les normes, on vienne
à l'encontre des autres dispositions touchant la souplesse, j'ai
accepté sa parole.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est d'opinion que le
ministre, M. Lalonde, a obtenu du conseil des ministres au
fédéral toute la marge de manoeuvre nécessaire pour mener
à bonne fin les discussions avec les provinces?
M. CASTONGUAY: Bien, si on juge par ce qu'il a obtenu jusqu'à
présent du cabinet fédéral, je pense bien qu'on a encore
là une certaine garantie sur ce plan. Maintenant, il y a
également, outre le cabinet fédéral, la Chambre des
communes et j'espère bien que le sentiment qui s'est manifesté au
niveau du gouvernement dans la préparation de ce document de travail ne
soit pas contrecarré au niveau de la Chambre des communes.
LE PRESIDENT (M. Houde. Limoilou): La commission ajourne ses
travaux.
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais poser une simple question au sujet
de l'organisation de notre travail?
M.BOIVIN: Si vous êtes trompé par le fédéral,
il vous restera l'option de vous présenter sous l'étiquette du
Parti québécois.
M. CASTONGUAY: Non. Je ne le pense pas, docteur. Est-ce que,
étant donné le problème qui se pose, du très grand
nombre d'officiers qui sont ici, c'est l'intention des membres de la commission
de procéder programme par programme ou est-ce qu'après le
programme no 1 et le programme no 2 qui pour des raisons évidentes,
retenaient un peu plus l'attention à ce moment, on pourrait, comme par
les années passées, peut-être sauter au programme 16, ce
qui permettrait une certaine révision des diverses directions du
ministère et par la suite, revenir au programme 3, au programme 4, au
programme B.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Je l'aurais suggéré parce
que le ministre ayant déposé l'organigramme, et étant
donné que le programme 2 a des incidences aussi sur ce que nous avons
déjà discuté...
M. CASTONGUAY: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... je pense que nous devrions le discuter ce
soir...
M. CASTONGUAY: D'accord.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... et peut-être, je ne le sais pas...
Est-ce que le programme 3 est le seul programme qui retient ici le
président de la Régie de l'assurance-maladie?
M. CASTONGUAY: Si nous nous entendions pour le programme 1 et 2 et
après cela, étudier le programme 16, nous pourrions en
même temps que nous prenons chacune des directions du
ministère, demander. J'ai demandé au président de la
Régie des rentes, au président de la Régie de
l'assurance-maladie, au président du Conseil des affaires sociales et de
la famille M. Blier, le président de la Commission d'appel est
également ici on pourrait demander à Mme
Leclerc-Chevalier, qui est la présidente du Comité de la
pharmacologie au besoin de venir. On pourrait passer ces éléments
qui apparaissent au programme 16 de telle sorte qu'on puisse par la suite
libérer les présidents des organismes et lorsqu'on reviendra au
programme spécifique à partir du programme 3, je pense bien que
nous aurions beaucoup moins de difficultés et on mobilisera un moins
grand nombre de personnes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela va.
M. CASTONGUAY: Cela va? Le programme 1 est approuvé?
M. CLOUTIER (Montmagny): Adopté. M. CASTONGUAY: Good.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux
à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
Reprise de la séance à 20 h 21
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Programme 2, élément
1.
Aide sociale
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est prêt à
voter sur ses crédits?
M. CASTONGUAY: A voter?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, si on pouvait voter? Si le ministre
désire qu'on prenne un vote?
M. CASTONGUAY: Si...
M. CLOUTIER (Montmagny): On est rendu au chapitre des assistés
sociaux, on ne pourrait pas à ce moment-ci...
M. CASTONGUAY: Tout dépend de la façon dont vous voulez
voter.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas un ministère...
M. CASTONGUAY: Pour un votre de non-confiance...
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur ce programme
extrêmement important, $357 millions, je vais demander au ministre,
étant donné qu'il a déposé l'organigramme
aujourd'hui et qu'il y a un changement majeur dans ce secteur l'aide
sociale est devenue une direction générale le ministre
pourrait-il nous dire qui sont les responsables de cette section?
M. CASTONGUAY: Vous avez, au niveau des sous-ministres adjoints, le
sous-ministre adjoint à l'administration, M. Jean-Guy Houde. Comme
directeur général toutefois de l'aide sociale, M. Colpron. M.
Grenier, qui est ici, est le directeur général adjoint de l'aide
sociale. M. Colpron devrait être ici incessamment.
M. CLOUTIER (Montmagny): Qu'est-ce qui a motivé le ministre
à éliminer la direction générale des programmes
spéciaux et à créer cette direction générale
de l'aide sociale?
M. CASTONGUAY: En très grandes lignes, nous nous sommes rendu
compte à l'expérience qu'à la direction
générale des programmes spéciaux, c'était assez
difficile de tracer les lignes de démarcation avec la direction de la
programmation d'une part et, d'autre part, étant donné
l'importance du programme d'aide sociale, l'importance aussi de faire en sorte
que l'aide sociale prenne des dimensions toujours plus dynamiques, au plan soit
de la prévention, soit du cumul des prestations, et d'autres aspects
à venir, nous avons cru que le moment était venu de faire ce
changement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, dans cette direction
générale, vous avez quatre directions. Vous avez une direction de
l'attribution, une direction des règlements et normes d'aide, une
direction de valorisation sociale et une direction de vérification
interne. Etant donné qu'il y a eu, au cours du dernier exercice
financier, plusieurs modifications aux règlements de l'aide sociale, et
j'imagine que le ministre en présentera d'autres à certains
moments durant l'année 73/74, est-ce qu'on pourrait savoir de quelle
façon le ministre procède pour se faire préparer ce
dossier de modifications à l'aide sociale? Quel est le processus? A
partir de quoi? A partir des avis, des bureaux locaux en passant par le conseil
de la Commission d'appel de l'aide sociale qui peut servir de conseiller, en
passant par les différents responsables de l'application de la loi et
des règlements? Alors, de quelle manière le ministre
procède-t-il pour présenter un dossier au conseil des ministres
et retenir certaines des suggestions qui lui sont faites?
M. CASTONGUAY: Je crois qu'il est exact de dire que la contribution dans
la préparation de ces modifications ou les contributions sont multiples.
Il y a l'apport de la direction générale de la planification; il
y a l'apport de la direction générale de l'aide sociale ; il y a
les discussions au niveau des directeurs régionaux, des directeurs des
bureaux locaux; il y a également les renseignements qui nous parviennent
à la suite des décisions rendues par la Commission d'appel.
Alors, c'est tout ceci en définitive qui contribue.
Maintenant, sur un dossier spécifique ou sur un type
d'amendement, tout dépend de l'amendement. Parfois, ce sont des
amendements à caractère plutôt administratif qui ont de
bonnes chances de provenir plus spécifiquement de la direction
générale de l'aide sociale. S'ils portent sur d'autres aspects du
régime, assez souvent, cela va être un travail qui va être
amorcé. L'idée peut être lancée au niveau de l'aide
sociale, être travaillée, documentée,
précisée, évaluée au niveau de la planification et
au moment de la fin du travail, tous les intéressés seront mis
à contribution, y inclus les directeurs régionaux les directeurs
des bureaux locaux au besoin, et également le contentieux au plan de la
rédaction des règlements.
Il n'y a pas eu de "pattern" unique. L'idée a été
d'essayer de mettre à contribution tous ceux qui peuvent contribuer, de
telle sorte que les modifications soient aussi appropriées que possible,
qu'elles correspondent aux objectifs, qu'il soit possible de les administrer
correctement, que les personnes directement impliquées dans
l'administration de l'aide sociale soient également mises à
contribution. On pourrait peut-être demander à M. Ouellet ou
à M. Houde de compléter ou de préciser encore davantage
parce qu'ils sont les deux responsables au plan administration et
planification.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si mes collègues sont d'accord, on
pourrait peut-être épuiser le sujet des structures, du personnel,
quitte à entrer dans la discussion des règlements
eux-mêmes, des niveaux de prestations. En ce qui concerne le personnel,
les ressources humaines et les bureaux, dans le réseau qui existe
actuellement, quel est le nombre de points de service? Est-ce qu'il y en a
d'autres prévus pour 73/74 ou si le nombre de points de service actuel
est suffisant? Est-ce que le ministre a des effectifs à recruter? Est-ce
qu'on pourrait avoir quelques détails sur le personnel et sur les points
de service?
M. CASTONGUAY: On voit, au plan des effectifs, le nombre total à
la page 4-6 du livre des crédits. Quant aux postes vacants ou à
combler, quant à l'ouverture des points de service, je demanderais
à M. Houde de vous donner plus de détails ou plus de
précisions.
Le nombre des effectifs en place est jugé suffisant de sorte que
nous ne prévoyons pas d'addition vraiment substantielle. La variation
est une variation due, sur un chiffre d'environ 1600 personnes, à des
facteurs normaux. Le nombre de points de service a légèrement
fléchi à la suite de la fusion.
Il se situe toujours aux environs de 140, un peu moins de 140, je crois,
à la suite de la fusion de certains bureaux dans une même
municipalité et nous ne prévoyons pas non plus d'addition aux
points de service, en raison du fait qu'un certain critère minimal de
bénéficiaires semble maintenant nécessaire pour assurer un
meilleur service. Alors, le réseau devrait demeurer sensiblement stable
à la fois quant au personnel et quant aux points de service, pour le
prochain exercice.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel critère minimal de dossiers dans la
charge de travail exigez-vous pour ouvrir un point de service? Est-ce que c'est
variable?
M. CASTONGUAY: II y a plusieurs critères dont il faut tenir
compte. Il y a la question de distance, il y a la question de
l'efficacité et de l'organisation d'un bureau. Nous jugeons qu'un bureau
normal pour une organisation de travail efficace devrait être à
peu près de 1,000 à 2,000 cas. Alors, un bureau qui dessert
actuellement 200 ou 300 cas exige trop de recours de personnel et n'a pas une
rentabilité du genre. Mais tout de même, on doit tenir des points
de service de 200 et de 500 à cause de la distance. Il y a d'autres
critères qui entrent en ligne de jeu à ce moment-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est votre organisation de points de
service à Montréal? Est-ce que cela fonctionne bien?
M. CASTONGUAY: Sur l'île de Montréal? M. CLOUTIER
(Montmagny): Sur l'île de
Montréal. Je comprends que la ville de Montréal est
responsable de l'application de la loi 26 et des règlements, mais il
semble qu'à certains moments, il y ait peut-être des
difficultés au point de vue de l'aménagement des locaux, de la
facilité de recevoir rapidement la clientèle. Est-ce que de ce
côté les difficultés semblent avoir été
résolues?
M. CASTONGUAY: Peut-être que je pourrais faire un commentaire
général avant, étant donné la nature de la
question. Je ne voudrais pas jeter de blâme sur le directeur, M.
Séguin, ou sur un ou des officiers ou employés du service des
affaires sociales de la ville de Montréal en particulier. Mais ce qui
semble se dégager de façon générale, c'est que le
climat dans les bureaux d'aide sociale sous la responsabilité directe du
ministère est meilleur que celui dans les bureaux sous la juridiction de
la ville de Montréal. Maintenant, est-ce dû en partie au fait que
nous sommes dans une plus grande ville où les problèmes de
pauvreté sont bien souvent plus aigus.
Les problèmes de détérioration sociale, disons, ou
d'un milieu peuvent prendre des proportions différentes dans des villes
de moins grande envergure ou de moins grande taille. Je ne le sais pas, c'est
peut-être un facteur qui contribue. Mais je serais porté à
penser que l'approche générale qui se dégage au niveau du
ministère des Affaires sociales vis-à-vis de l'aide sociale est
un facteur positif qui contribue, d'une manière qui n'est pas
quantifiable ni définissable, à maintenir un climat quelque peu
meilleur dans les bureaux du ministère des Affaires sociales.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les 140 que vous avez donnés
tantôt, est-ce que les points de service de Montréal y sont
compris? Est-ce qu'il y en a eu des nouveaux depuis un an?
M. CASTONGUAY: Pas à Montréal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'on vous a fait des demandes
à Montréal pour ouvrir des nouveaux points de service?
M. CASTONGUAY: Non, pas à ma connaissance.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous avez combien, sur l'île de
Montréal, de points de service et de relais?
M. CASTONGUAY: Vingt-huit. L'île de Montréal 18 plus 10
cela fait 28 pour toute l'île de Montréal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les 18 qui relèvent du service de
bien-être de la ville de Montréal.
M. CASTONGUAY: Mais ils peuvent techni- quement en ouvrir sans nous en
demander. Ils l'ont toujours fait sans nous le demander, en fait.
M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, ils sont remboursés par le
ministère...
M. CASTONGUAY: C'est cela.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... pour les frais.
M. CASTONGUAY: Oui. Un contrat récent vient d'intervenir entre la
ville et le ministère suivant lequel à l'avenir ce genre de
décision va désormais devoir être soumis
préalablement au ministère.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous avez un droit de regard
actuellement sur l'aménagement de ces bureaux? Il y a une entente avec
le ministère...
M. CASTONGUAY: II y a des dispositions générales qui
stipulent que...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... des normes qui doivent...
M. CASTONGUAY: ... les règlements et les normes du
ministère doivent être respectés à la fois par les
autorités de la ville comme ils doivent l'être par les bureaux en
province.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, dans la ville de Québec,
vous avez ces problèmes? Les bureaux relèvent directement du
ministère. Pour les points de service, est-ce que c'est satisfaisant
actuellement? Est-ce que vous avez eu des demandes pour installer d'autres
bureaux à Québec?
M. CASTONGUAY: Non. La pression pour l'ouverture de nouveaux bureaux
est, de façon générale, au niveau administratif, beaucoup
moindre, telle que nous la pressentons depuis environ un an. Maintenant, on ne
peut vraiment pas comparer la région de Québec à la
région de Montréal.
La diminution du nombre de bénéficiaires de façon
générale, nos interventions vis-à-vis des comités
de citoyens, les liens suivis que l'on a établis avec eux depuis environ
un an, ont contribué pour beaucoup quant à nous, quant à
notre territoire, à assainir l'atmosphère et à
prévenir des pressions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Avec la diminution des dossiers d'aide sociale,
diminution qu'on souhaite et qu'on prévoit évidemment, si le
nouveau régime d'allocations familiales entre en vigueur, et si, d'autre
part, l'économie permet de ramener dans le circuit du travail une foule
de gens, d'assistés sociaux et de chômeurs; est-ce que le
personnel qui est affecté au bureau pourra se consacrer davantage
à d'autres tâches
que d'étudier des demandes de bénéficiaires, au
point de vue quantitatif, et pourra faire un travail davantage qualitatif sur
le dossier, dans le sens d'établir des plans de relèvement, de
fournir des services de réhabilitation, de revalorisation, et contribuer
avec d'autres ministères à la mise en place de certains
programmes?
M. CASTONGUAY: Depuis six à neuf mois, toute notre orientation,
comme le reflètent d'ailleurs les nouvelles structures de l'aide
sociale, est justement dirigée vers les préoccupations que vous
mentionnez. Nous le faisons de façon très discrète
toutefois, afin de ne pas créer d'espoirs inutiles. Mais, nous
poursuivons des projets pilotes dans de nombreux secteurs à la fois qui
ont justement pour but d'orienter les bénéficiaires vers des
services. Par exemple, on a entendu parler de l'opération placement,
mais ce qu'on sait moins, c'est que nous faisons aussi avec le ministère
de l'Agriculture et de la Colonisation des efforts pour un projet pilote du
côté de certains comtés à proximité de
Québec. Nous avons rencontré les gens préposés
à la faillite au niveau fédéral et même soumis un
amendement aux règlements pour que les bénéficiaires
puissent graduellement se libérer de leur endettement par un recours
à la Loi de la faillite. Nous avons reçu un accueil favorable.
Nous avons poursuivi avec la Commission d'aide juridique des discussions qui
ont mené à un projet pilote et qui semblent donner des
résultats heureux. Nous voulons poursuivre aussi ce travail du
côté des services sociaux... Oui?
Concernant la Commission des services juridiques, pourriez-vous
préciser davantage sur la nature?
Je vais terminer mon intervention générale et je vais
demander à M. Grenier ou M. Colpron de le faire. Encore là, dans
ce dernier domaine que je viens de mentionner, nous avons poursuivi des efforts
qui avaient pour but, encore une fois, de jeter les bases, d'ici un an, d'un
meilleur lien avec les services possibles. Maintenant, de façon plus
précise, M. Colpron pourrait peut-être revenir sur certains de ces
points, dont la Commission d'aide juridique. M. Colpron.
Vous avez fait mention, M. Cloutier, du travail ou de la
préoccupation de l'agent de sécurité sociale, qui
était surtout à l'attribution antérieurement, et qu'on
considérait surtout d'une façon quantitative, donc le "case load"
de deux cents et plus.
Actuellement, nos regards sont davantage portés vers la
valorisation sociale et aussi vérification et contrôle.
Avant de donner des mesures incitatives par la loi et aussi une aide
technique pour guider des bénéficiaires de l'aide sociale vers le
marché du travail, il faut les libérer de certaines contraintes,
celle des dettes, des préoccupations qui sont tout autres que celle du
travail. Il y a des démarches qui ont été faites avec la
Commission des services juridiques. D y a des démarches qui ont
été faites avec la Loi des faillites. Ce sont des
préliminaires tout simplement avant un travail réel de
valorisation et d'orientation à une intégration du
bénéficiaire de l'aide sociale au marché du travail.
J'aimerais ajouter un autre aspect. Le travail devrait s'amorcer au
cours des prochaines semaines de façon graduelle mais nous avons
financé une étude sur le crédit, étude qui a
été réalisée par je ne sais pas si on l'a
financée totalement, en tout cas, de façon substantielle
les ACEP. Cette étude sera disponible très bientôt et le
problème du crédit est sûrement un problème auquel
on doit s'intéresser dans le domaine de l'aide sociale, de façon
particulière.
Nous avions eu, il y a quelque temps, une offre de collaboration du
Mouvement Desjardins. Malheureusement, à ce moment, nous n'étions
pas en mesure, vraiment, de donner suite à cette offre de collaboration
et nous avons repris les contacts; j'ai communiqué avec M. Rouleau et il
s'est dit très favorable à l'idée d'étudier avec le
ministère et peut-être... Je ne veux pas prendre d'engagement,
d'autant plus que vous connaissez la structure du mouvement coopératif.
Je ne voudrais pas, par son désir de collaborer, d'autre part, en
traitant de cette possibilité, lui créer des difficultés.
Mais, on peut imaginer tout ce que pourrait représenter une
collaboration avec un tel mouvement au plan d'une meilleure information pour
les bénéficiaires dans des questions comme la planification
budgétaire, dans des questions aussi comme l'obtention, sous certaines
conditions, de crédits alors que, bien souvent, les
bénéficiaires d'aide sociale ou encore ceux qui sortent de l'aide
sociale ne peuvent faire appel qu'aux compagnies de finance.
Le président du Mouvement Desjardins, en tout cas, s'est
dît très heureux de soumettre cette question à son
mouvement et, dès que cela aura été fait de façon
officielle, nous allons amorcer l'étude de moyens de collaboration entre
le ministère des Affaires sociales et le Mouvement Desjardins. Cela peut
aussi déboucher sur quelque chose d'assez intéressant et positif
pour l'avenir.
Evidemment, lorsqu'on fait référence, par exemple,
à la Loi des faillites, il y a un phénomène qu'on doit
signaler ici, c'est que certains bénéficiaires d'aide sociale ont
des difficultés ou craignent de sortir du réseau ou de leur
statut de bénéficiaire d'aide sociale parce que, aussitôt
qu'ils retournent dans le monde du travail, ils sont susceptibles d'être
poursuivis, etc. Il y a là aussi un autre champ d'action qui peut
être extrêmement intéressant et utile.
M. CLOUTIER (Montmagny): On reviendra sur cet aspect des programmes
spéciaux de retour à la vie normale des assistés sociaux,
des projets pilotes. C'est extrêmement important. Je voudrais auparavant
poser une question sur l'inventaire de la clientèle qui a
été fait et dont le détail nous a été remis
par le ministre il y a
quelques jours. Je lis la circulaire, l'inventaire de la
clientèle de l'aide sociale, qui a été communiquée,
qui a été émise par le ministère des Communications
mais dont la source m'apparaît être le ministère des
Affaires sociales. Je cite: "L'inventaire de la clientèle de l'aide
sociale a permis d'évaluer à 68,650 le nombre de
bénéficiaires qui à des degrés très divers
pourraient retourner au travail. Le nombre des bénéficiaires est
d'environ 175,000, ce qui laisse 106,350 bénéficiaires absolument
inaptes au travail en raison de leur âge ou d'incapacité physique
ou mentale. Les 68,650 qui ont été jugés aptes au travail,
on les a divisés en trois catégories. Il y en avait 4,025 qui
seraient employables immédiatement; 1,050 le seraient également
quoique avec de légers handicaps quant à l'âge ou à
la compétence; 30,625 pourraient s'intégrer au marché du
travail après avoir subi au préalable des cours de recyclage
académique ou des cours de formation professionnelle. Le premier groupe
représente 2.9 p.c. des bénéficiaires et celui-ci
représente 17.5 p.c. des bénéficiares. Enfin, une
troisième catégorie de 32,950 qui ne peuvent travailler
régulièrement ou normalement et ne pourraient obtenir que des
emplois protégés ou des emplois dans des ateliers
protégés. Cette catégorie représente 19.4 p.c. des
bénéficiaires."
De quelle façon s'est opéré ce classement? Qui l'a
fait et de quelle façon a-t-on procédé? Est-ce qu'on
pourrait me le décrire?
M. CASTONGUAY: Je vais demander à M. Colpron, qui a
été le responsable de ces opérations, de vous donner tous
les détails, parce que je pense qu'il y a là une source
d'information extrêmement utile quant aux types de gestes qu'on peut
poser et quant aux types de programmes qui peuvent devenir
nécessaires.
M. le Président, il y a déjà eu une
expérience dans le Bas-Saint-Laurent et dans la Gaspésie dans un
projet conjoint fédéral-provincial, l'ODEQ, de valorisation
sociale de nos bénéficiaires de l'aide sociale et, après
deux ou trois années d'expérience là-bas, on était
arrivé à une sélection...
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans quel domaine, M. Colpron, les
pêcheries ou...
M. CASTONGUAY: Non, le domaine général de nos
bénéficiaires de l'aide sociale. Mais à cause d'une
situation un peu plus difficile de l'industrie là-bas, il s'est fait une
expérience dans le genre d'une étude sur les
bénéficiaires de l'aide sociale.
On a fait un inventaire de la clientèle de l'aide sociale en sept
catégories de possibilités d'emploi. Sont
considérées comme employables les personnes qui ont une bonne
santé, une bonne scolarité et qui, du jour au lendemain, peuvent
retourner au milieu du travail. Cependant, on les a divisées en deux
catégories. La première catégorie, c'est de 18 à 44
ans. Il y en a 4,025 qu'on a pu sélectionner dans la province, soit 2.3
p.c. de notre clientèle, ce qui veut dire 4,025 d'âge moyen de
retour au travail, de 18 à 44 ans, avec scolarité et bonne
santé. De 45 à 64 ans, il y en a 1,050. Alors, le handicap vient
surtout de l'âge. Elles ont des qualifications professionnelles ou une
scolarité ou elles ont l'état de santé pour retourner au
travail.
M. CLOUTIER (Montmagny): La scolarité, qu'est-ce que cela veut
dire?
M. CASTONGUAY: Une douzième année ou une carte
professionnelle, une qualification professionnelle.
M. CLOUTIER (Montmagny): Et bonne santé, c'est quoi? Un
certificat médical...
M. CASTONGUAY: La bonne santé, c'est deux pieds, deux mains, bon
oeil, bon pied. Enfin, elle n'a pas de handicap temporaire ou partiel. C'est
une question de handicap temporaire ou partiel.
M. CLOUTIER (Montmagny): Rien d'apparent.
M. CASTONGUAY: La clientèle de l'aide sociale est de 2.9 p.c. de
toute la clientèle, soit 5,075 à peu près des
bénéficiaires de l'aide sociale qui peuvent se considérer
comme employables, du jour au lendemain, retourner au travail. Reclassables,
ils ont bonne santé aussi, mais il leur manque soit une qualification
professionnelle ou une scolarité avantageuse pour retourner au travail.
Ce sont des personnes qui peuvent être reclassées pour retourner
au travail avec certains cours de formation professionnelle ou de formation des
adultes. Cette catégorie-là est de 30,625, soit 17.5 p.c. de
toute la clientèle de l'aide sociale.
Les protégeables, il y a une question d'âge. Ceux qui ont
45 ans et plus, bonne santé mais faible scolarité, une
scolarité très faible, c'est protégeable au degré 1
et les autres protégeables, c'est santé médiocre, soit
handicap physique ou mental, partiel ou temporaire. Nous en avons 32,250 qui
sont bénéficiaires de l'aide sociale. Ce qui fait un total de
68,650 qui correspond à peu près à 40 p.c. de la
clientèle, qui sont employables, mais à un degré de
possibilité d'emploi, soit que du jour au lendemain il peut retourner au
travail ou il peut être recyclé, ou il peut être dans un
atelier protégé ou dans un travail un peu plus spécial
pour un type qui a un handicap physique ou mental.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ce classement-là vous a
été fourni par les bureaux locaux?
M. CASTONGUAY: Oui. Ce travail a été fait... dans tous les
bureaux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez donné les normes?
M. CASTONGUAY: On a donné les normes...
M. CLOUTIER (Montmagny): Ils les ont classés?
M. CASTONGUAY: Ils les ont classés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ils ont retourné les chiffres que vous
avez compilés. Est-ce qu'on va suivre, est-ce qu'on va avoir un
inventaire permanent?
M. CASTONGUAY: Nécessairement. Le premier travail, c'est un
travail de préclassification pour le comité de l'opération
placement. De là vient le travail de l'agent de main-d'oeuvre qui pourra
travailler avec tel bénéficiaire selon sa capacité ou ses
possibilités.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais bien d'autres
questions, mais si mes collègues veulent enchaîner sur ce sujet,
je reviendrai après.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoaou): L'honorable député de
Dorchester.
M. GUAY: Evidemment, si c'était possible d'avoir ces
chiffres-là pour toute la province, on aimerait bien les obtenir par
secteur, sauf que nous sommes conscients aussi qu'un bon nombre de personnes
peuvent retourner au travail.
On vient de le mentionner. Dans plusieurs cas, ça demande un peu
de recyclage. Dans tous les cas, ça prend des emplois. Dans la
région chez nous, il se fait un travail actuellement au niveau du
reboisement forestier. Il y a eu également un programme de retour au
travail qui a été, dans la région de la Beauce,
déclenché cette année concernant le temps des sucres, mais
c'est un emploi bien temporaire.
Est-ce que le ministère a pensé travailler en
collaboration avec les autres ministères parce qu'il va quand même
falloir y voir si on veut mettre un terme à ce problème, qui se
pose, des gens qui peuvent travailler mais qui n'ont pas, selon eux, la chance
de travailler? Je pense aux ministères du Travail, de l'Industrie et du
Commerce, enfin tous les ministères, comme celui de l'Agriculture, qui
peuvent donner l'accent de façon prioritaire à l'emploi de ces
personnes qui, dans bien des cas, sont incapables de fournir un effort aussi
valable que des personnes qui sont physiquement et moralement mieux
préparées qu'elles à retourner au travail. Si on pense aux
personnes qui n'ont pas travaillé depuis un certain nombre
d'années, ça prend quand même une habitude de recommencer
à travailler. Chez nous, c'est un problème qui se pose parce que
les gens croient ne pas être capables de détenir un emploi parce
que ça fait tant de temps qu'ils n'ont pas travaillé. Le
problème se pose à ce niveau.
M. CASTONGUAY: Au niveau du ministère directement, outre les
mesures auxquelles M. Houde et M. Colpron ont fait référence
quant au travail du personnel dans les bureaux d'aide sociale, nous avons
modifié les règlements pour permettre un certain cumul des
prestations avec des revenus de travail pour faciliter la transition. C'est un
geste dans ce sens. C'est tout récent. Egalement, il y avait eu
l'expérience de comités interministériels, dans le
passé, pour faire en sorte que des projets en collaboration avec des
ministères puissent être développés dans le but de
rendre un plus grand nombre d'emplois disponibles ou créer des emplois
à cette fin. Sur ces comités on retrouvait des
représentants de divers ministères qui se situaient quelque peu
au même niveau. L'expérience a été malheureusement
dans certains cas, que l'intérêt baissait avec le temps dans le
travail de ces comités. C'est la raison pour laquelle nous avons
créé l'opération placement dont le responsable est
directement attaché au secrétariat du Conseil exécutif du
cabinet et qui est composé d'officiers supérieurs des
ministères les plus directement intéressés et qui peut
s'attacher des fonctionnaires additionnels au besoin. Ce comité a mandat
de faire rapport au cabinet, périodiquement. Vous retrouvez dans le
comité, outre M. Frigon, M. Colpron, M. Mérineau, M.
Bédard, du Conseil du trésor, M. Langlois de l'Industrie et du
Commerce. Je demanderais à...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... de ce que le ministre nous envoie, je
ramasse ça.
M. CASTONGUAY: ... M. Houde et à M. Colpron de donner un peu plus
de détails sur le fonctionnement de l'opération placement. Dans
le discours du budget, il a été prévu un montant
additionnel de $5 millions pour le développement de projets à
l'intérieur de l'opération placement. Et il y a un autre aspect
qui doit être touché et qui a été mis en
lumière par l'opération placement en même temps ou en
parallèle avec l'analyse de la clientèle des
bénéficiaires d'aide sociale. On a identifié, par exemple,
que dans certains secteurs un nombre assez élevé d'emplois
demeurent vacants alors que nous avons des personnes qui sont soit en
chômage ou soit bénéficiaires de l'aide sociale. Une partie
du phénomène peut être due aux conditions assez faciles
d'accès à l'assurance-chômage au niveau des prestations
mais, de toute façon, il y a aussi une autre partie qui semble
reliée aux conditions de travail qui sont faites dans ces secteurs.
D'après les informations obtenues, il semblerait qu'il y a presque, dans
certains cas, des politiques visant à un roulement assez rapide de la
main-d'oeuvre, de telle sorte que l'employeur ne se sent pas d'obligation
vis-à-vis de cette main-d'oeuvre.
Aussi, il y a certains défauts dans la structure du salaire
minimum. Par exemple, dans l'industrie de la chaussure, pour une personne qui a
moins de 90 jours d'emploi dans le secteur, le salaire minimum est de $0.25 de
moins que le salaire payé pour une personne qui a plus que 90 jours. Il
nous faut donc, en même temps qu'on s'intéresse au niveau du
salaire minimum, faire attention que des dispositions comme celles-là
n'aient pas des effets négatifs. Je crois aussi qu'il va falloir
regarder de façon un peu plus attentive les pratiques de certains
employeurs dans certains secteurs qui font en sorte que l'emploi devient
extrêmement aléatoire ou très temporaire.
M. LAURIN: ... les ouvriers d'après tels quotas?
M. CASTONGUAY: Le résultat est celui-là mais c'est fait
par des moyens parfois un peu plus raffinés. On impose des quotas
toujours plus hauts de telle sorte qu'à un moment donné
l'employé part. Ce sont des moyens comme ceux-là que l'on prend.
Mais je pense que c'est quelque chose qu'on doit examiner de plus près,
compte tenu du fait que les gouvernements d'une part font des effrots avec des
deniers publics pour créer des emplois, appuient également avec
des deniers publics des mesures de sécurité de revenu. Je pense
qu'il n'est que juste que, quand des employeurs s'adonnent à des
pratiques comme celles-là, ce soit examiné de très
près de telle sorte que, s'il y a des emplois disponibles, ils le soient
d'une façon normale. C'est une dimension à laquelle nous devrons
nous intéresser d'une façon un peu plus précise.
Il y a deux dimensions plus spécifiques à votre question,
pour suivre les remarques du ministre. Le fonds de $5 millions mis par le
ministre des Finances à la disposition du ministère du Travail et
de la Main-d'Oeuvre a fait l'objet d'une approche plus spécifique au
niveau d'un groupe de travail qui réunissait des représentants
des ministères de l'Agriculture et de l'Industrie et du Commerce. Le
ministère de l'Agriculture doit soumettre incessamment un programme qui
viserait à utiliser la main-d'oeuvre suivant les différentes
saisons ou périodes ou différentes récoltes pertinentes en
commençant avec l'érable au printemps, les récoltes
d'été, l'industrie laitière dans certaines régions,
les pommes à l'automne. Ils avaient déjà certains projets
qui vont se concrétiser dans le cadre d'un programme plus précis
qui, pour la moitié du fonds, devrait servir à tenter une
expérience pilote mais avec une certaine dimension. Du côté
du ministère de l'Industrie et du Commerce, on fait le même effort
au niveau d'une certaine économie préindustrielle, par exemple,
comme l'artisanat, qui s'est développé dans plusieurs
régions du Québec et où il y aurait peut-être
certains efforts à poursuivre au niveau de certains
bénéficiaires de la loi de l'aide sociale.
Parallèlement à cela, la deuxième dimension, c'est
que le gouvernement fédéral nous a offert de mettre en
priorité â contribution tous les programmes de
réhabilitation et de formation qu'il a conçus récemment
pour venir en aide à une certaine catégorie de travailleurs
défavorisés. Dans le cadre du comité mixte de la formation
professionnelle se poursuivent des discussions qui d'ailleurs vont se
concrétiser prochainement dans une rencontre au niveau administratif
afin de voir dans quelle mesure les mécanismes de formation et de
motivation prévus dans le cadre de programmes existants pourraient
être utilement mis à profit justement pour combattre le genre
d'attitude qui se manifeste à la longue chez d'autres catégories
de bénéficiaires.
Ces démarches sont très concrètes, très
pratiques et nous pensons que, d'ici un ou deux mois, elles devraient commencer
à donner des résultats concrets.
M. GUAY: On a vu encore cette année des
bénéficiaires d'aide sociale refuser un travail, par exemple dans
le cas de l'érable. C'est très fréquent chez nous, puisque
l'on est peut-être dans la région pour cela. On posait donc la
question suivante aux personnes: Pourquoi refusez-vous un travail? Elles nous
expliquaient que c'est très simple, que, si elles travaillaient, elles
perdaient leurs allocations d'aide sociale et semblaient toujours
éprouver de la difficulté par la suite à redevenir des
bénéficiaires selon la Loi de l'aide sociale. On nous dit: Si on
travaille, on a un revenu, par contre, l'aide sociale nous est enlevée
et on perd constamment du temps quand on retourne au bureau pour redemander ses
prestations. On a vu des personnes faire ce qu'on appelle du camouflage pour ne
pas refuser catégoriquement d'emploi, mais tout en expliquant que s'il y
avait possibilité de faire autrement...
C'est là que l'on a vu des propriétaires
d'érablière dans l'impossibilité de les exploiter à
cause d'un manque de main-d'oeuvre alors qu'il y avait un nombre de
chômeurs assez grand dans la région qui recevaient des prestations
d'assurance-chômage. L'Etat semble venir en concurrence avec ce genre
d'employeurs qui offrent des emplois bien temporaires, pour une saison
seulement. Evidemment plusieurs ont refusé à ce titre un emploi.
Je pense que c'est un peu anormal alors que le bénéficiaire de la
Loi de l'aide sociale devrait surtout se chercher du travail. Si l'onparle
d'addition d'une partie du revenu aux bénéfices d'aide sociale,
c'est un début. Cela sera de l'incitation au travail. Le prestateur va
quand même dire: Cela me donne quelque chose de travailler alors que ce
n'est pas uniquement de l'argent déplacé que je peux obtenir
autrement sans travailler.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, tout à l'heure
on a commencé à nous dire que, avec différents
ministères, il y a des programmes qui sont en train d'être
élaborés.
Est-ce que ce sera l'opération placement, le comité
interministériel dont la responsabilité a été
confiée au ministère du Travail qui va prendre l'initiative
maintenant d'élaborer ces programmes plutôt que le
ministère des Affaires sociales? Est-ce que toute cette
responsabilité va être confiée à ce comité
interministériel d'opération placement?
M.CASTONGUAY: Le développement des programmes se fait ou devra se
faire à l'intérieur des ministères sous l'impulsion de
l'opération placement et non pas à l'intérieur du
ministère des Affaires sociales. Evidemment, nous croyons avoir des
idées que nous pourrons transmettre, d'accord. Mais je pense bien que ce
sont encore les ministères qui sont ou qui devraient normalement
être les plus au courant des types de programmes qui pourraient
être développés. Je crois qu'avec une certaine impulsion de
la part de l'opération placement, avec des rappels périodiques
à divers niveaux à partir du cabinet, cette structure peut nous
donner une certaine garantie.
Maintenant, il y a, outre les ministères, d'autres
possibilités au niveau par exemple des municipaités, au niveau de
groupes communautaires et les $5 millions de crédit introduits ne visent
pas uniquement des programmes à être mis en place à
l'intérieur de la structure des ministères.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense à toute l'équipe qui
était aux programmes spéciaux, celle que j'ai connue en tout cas,
qui était attitrée à ce secteur de revalorisation de
l'assisté social. Je pense à M. Edgar Guay, à M. Magnan,
à M. Gosselin, si ma mémoire est bonne. Est-ce que toutes ces
personnes vont être transférées au ministère du
Travail, par exemple, pour mettre en place certains de ces programmes?
M. CASTONGUAY: Nous en retrouvons, par exemple, au niveau des programmes
spéciaux dans la direction de la programmation, aussi dans l'aide
sociale au niveau de la valorisation sociale, plus particulièrement M.
Guay. M. Guay a été prêté pour un certain temps
à un autre ministère et présentement nous sommes en
discussion pour que justement, il puisse travailler de façon directe
à l'intérieur d'un autre ministère au développement
de programmes qui pourraient, dans un secteur qu'il connaît
extrêmement bien, présenter un potentiel particulier dans le cadre
de la discussion que nous avons.
Maintenant, on pourrait peut-être demander soit à M.
Gérard Nepveu, soit à M. Jean-Guy Houde, l'endroit précis
où sont rendues les personnes dont vous avez fait état.
M. Girouard est encore aux programmes spéciaux; c'est lui qui est
responsable. M. Magnan est demeuré dans la direction des programmes
spéciaux ou de démonstration; les autres...
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Gosselin,
M...
M.CASTONGUAY: Je vous disais cela de mémoire. M. Gosselin est
allé à l'ENAP et il est revenu au ministère au cours de
cette année. Il est actuellement dans la direction de la programmation
au niveau des programmes de services sociaux. Je pense qu'ils ont tous
été intégrés à quelque endroit.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Guay sera prêté à quel
ministère?
M. CASTONGUAY: La forme exacte n'est pas définie, mais l'endroit
sera le ministère des Terres et Forêts.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour l'opération bûcherons, pour
revaloriser l'assisté social en forêt. De toute façon, il
est utilisé, on fait appel à son expérience qui est
très vaste dans ce domaine-là. A partir du classement, on a fait
l'inventaire, on a fait le classement par catégories; maintenant vous
avez 5,000 personnes qui sont employables, on en a parlé tantôt;
il y a des projets précis qui peuvent être mis sur pied,
commencés. Les autres, ceux qui ont besoin de recyclage, de formation
professionnelle, est-ce qu'ils vont pouvoir bénéficier des cours?
A l'intérieur des programmes de formation qui existent
déjà et qui n'ont pas laissé beaucoup de place aux
assistés sociaux il faut le dire, c'étaient surtout des
chômeurs sur l'assurance-chômage qui avaient la priorité
est-ce qu'il va y avoir pour ceux-là des possibilités
à assez court terme pour pouvoir bénéficier de ces
programmes?
M. CASTONGUAY: Me permettriez-vous un commentaire? Ces
chiffres-là donnent un portrait qui a été établi
à une date donnée. Maintenant, les relevés qui ont
été effectués également, par exemple au cours de
novembre 1972, démontrent qu'il y a un certain roulement. Alors, je
pense qu'il est important de rappeler que, malgré ces
classifications-là, il y a un certain nombre de personnes qui entrent et
qui ressortent de l'aide sociale.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bien, retenons les pourcentages plutôt,
les pourcentages dans le groupe qui sont...
M.CASTONGUAY: Oui, d'accord, mais ce que je voulais faire ressortir,
c'est que, malgré l'ampleur des chiffres absolus, un certain nombre de
ces personnes-là, et particulièrement avec les mesures
incitatrices si elles donnent les résultats escomptés, s'en
ressortent. Il s'agit de viser plutôt celles qui ont le plus de
difficulté. Au plan de la formation professionnelle, on va demander
encore à M. Colpron de nous dire où en sont les pourparlers.
C'est un problème qui a été abordé au cours de la
conférence fédérale-provinciale la semaine dernière
et, si vous vous
souvenez d'ailleurs, dans une directive plus ou moins heureuse, on sent
déjà que le gouvernement fédéral a
été sensibilisé à cette préoccupation. La
directive était peut-être mal formulée; de toute
façon le sous-ministre qui l'avait formulée n'es plus là,
il s'en est allé au service de l'approvisionnement. On sent que la
préoccupation a fait son chemin. Alors, peut-être que vous
pourriez ajouter quelque chose.
Sur le plan local, on établit actuellement un comité,
pratiquement un comité mixte qui rejoint le ministère des
Affaires sociales, donc l'aide sociale, l'agent d'aide sociale, de
préférence un agent de valorisation; on rejoint aussi le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, un agent de main-d'oeuvre
du Québec, et on veut rejoindre aussi un agent de main-d'oeuvre du
Canada.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est ce que vous appelez votre
mécanisme de liaison?
M. CASTONGUAY: Oui, c'est un comité local de l'opération
placement.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est ça.
M. CASTONGUAY: Actuellement, on est à les établir, il y a
à peu près cinq régions où c'est établi dans
toutes les localités où on a des bureaux, dans les cinq
régions, et nous prévoyons que, vers le 15 mai, nous terminerons
cette opération, l'installation des comités locaux de ces trois
organismes. Maintenant, c'est surtout pour rejoindre les
bénéficiaires et participer aux mécanismes existants de
main-d'oeuvre, les mettre en contact avec les mécanismes de
main-d'oeuvre, avec l'agent de main-d'oeuvre du Québec et l'agent de
main-d'oeuvre du Canada aussi. A ce moment-là, s'il est employable, voir
s'il y a quelque chose pour lui et s'il n'est pas employable, s'il est
reclassable, voir s'il y a un cours qui correspond à ses
capacités. Actuellement, c'est en marche dans cinq régions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre s'est assuré, par
une communication avec le ministre de la Main-d'Oeuvre à Ottawa,
peut-être via son collègue, le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre à Québec, que les centres de main-d'oeuvre du
fédéral vont apporter toute leur collaboration? Parce que
là, on vient d'expliquer le mécanisme de liaison dans les
régions et ce sont ces mécanismes-là qui vont
travailler.
Ce ne sont pas les ministères, à une certaine distance,
qui vont pouvoir mettre en application ces programmes, quand on sait que c'est
le centre de main-d'oeuvre qui réfère la main-d'oeuvre, pour les
opérations, les programmes d'Initiatives locales, Perspectives-Jeunesse,
tous ces programmes qui font appel à de la main-d'oeuvre qui n'est pas
spécialisée et qui peut facilement se recruter du moins dans les
deux premières catégories des assistés sociaux.
M. CASTONGUAY: Cela aussi a été fait. Je pense que le
meilleur exemple de ce que cela peut apporter comme résultat est dans la
région de Hull et, encore là, de façon plus
concrète, parce que nous sommes d'accord sur le fond, la forme et les
résultats que cela peut apporter. Il serait peut-être
intéressant de demander également à M. Colpron de nous
donner plus de détails.
C'est là que sont nés, ni plus ni moins, nos
comités locaux de l'opération placement. On demande à un
agent de main-d'oeuvre de s'installer dans un bureau local d'aide sociale, si
on peut référer les clients à cet agent de main-d'oeuvre
avant de canaliser un agent de sécurité sociale ou d'aide
sociale. On a vu que 25 p.c. de la clientèle qui se présentait au
bureau d'aide sociale trouvait sa solution en se présentant à un
agent de main-d'oeuvre, même avant de se catégoriser, si on peut
dire, comme bénéficiaire d'aide sociale. C'est un peu cette
technique qu'on a voulu utiliser dans l'opération placement, dans les
comités locaux d'opération placement, dans le cadre
opérationnel qu'on va développer.
Maintenant, vis-à-vis du Centre de main-d'oeuvre du Canada, on a
eu déjà plusieurs approches. Au niveau supérieur, le
comité mixte a rencontré le fédéral, au mois de
février dernier. Il y a un accord de principe. C'est à
l'étude, actuellement et, au cours de mai, on doit l'étendre dans
tous les centres de main-d'oeuvre selon la parole des autorités du
Centre de la main-d'oeuvre du Canada. C'est l'autre partie de votre
question.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous prévoyez que les
règlements qui entrent en vigueur aujourd'hui, le cumul de l'allocation
sociale, plus une certaine partie du revenu du travail, qui peut varier de 100
p.c. ou 90 p.c, 80 p.c, 70 p.c, cela va jouer assez rapidement? Est-ce qu'il y
a des expériences, jusqu'à maintenant, qui nous prouvent que cela
peut être...
M. CASTONGUAY: Nous avons examiné les mouvements de sorties et
d'entrées dans l'aide sociale. D'ailleurs, je pense qu'on vous a remis
une copie de l'étude qui avait été effectuée, en
même temps que nous avons publié les communiqués auxquels
vous faites allusion. C'est le but. Maintenant, je pense que personne ne peut
faire une prévision quant aux résultats qui pourront être
atteints. Par contre, il y a une chose dont nous sommes bien conscients, c'est
la nécessité d'évaluer le rendement obtenu par une telle
formule, de sorte qu'on puisse essayer de mesurer les résultats obtenus,
parce que, déjà, des personnes sortaient de l'aide sociale. Avec
l'évaluation des résultats obtenus, nous verrons s'il y a lieu de
faire davantage ou de modifier peut-être la structure des calculs,
des
revenus qu'on prend en ligne de compte, ou encore la période
pendant laquelle les bénéficiaires ont dû recevoir
l'assistance sociale, avant de bénéficier de ces dispositions,
les différents paramètres de cette formule.
Je ne crois pas que personne puisse, avec certitude, faire une
prévision quant aux résultats que nous allons obtenir. Nous
entrons vraiment dans du terrain neuf. D'autant plus que nous n'avions pas
d'expérience antérieure, à vrai dire, surtout l'exemption
de base.
M. CLOUTIER (Montmagny): La seule provision qui existait aux
règlements de l'aide sociale, c'est l'exemption de base de $40, plus $5
par enfant. D'après ce que je comprends, cela n'a pas joué comme
cela aurait dû jouer. Cela n'a pas eu d'effet comme cela aurait dû
en avoir.
M. CASTONGUAY: Cela a un effet pour une certaine catégorie de
bénéficiaires, mais pas dans le sens positif du retour.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les montants ne sont pas assez
considérables pour que cela joue non plus. La différence n'est
pas assez élevée. Dans certains secteurs, on a localisé
une pénurie de main-d'oeuvre, ainsi dans le secteur du meuble, dans le
secteur du vêtement, du textile, dans le secteur de la forêt.
Souvent, c'est particulier à certaines régions. Est-ce que dans
ces régions, d'abord, on va mettre l'accent sur le lien entre cette
industrie et cette disponibilité d'employés qui pourront tout de
suite satisfaire la demande et l'entreprise?
M. CASTONGUAY: Là, par contre, vous frappez
précisément les secteurs auxquels je faisais allusion plus
tôt et il était à espérer...
M. CLOUTIER (Montmagny): A certaines périodes de l'année,
peut-être que ce n'est pas tellement le salaire qui est fait comme les
conditions de travail, le temps ou des choses comme cela.
M. CASTONGUAY: Et un peu plus dans certaines entreprises ou certaines
compagnies par le mécanisme des quotas apparemment. Je ne peux pas
affirmer cela de façon générale mais et c'est
pourquoi je dis qu'il va falloir regarder cela d'un peu plus près
il semblerait que c'est une des causes aussi. C'est clair qu'il nous faut
orienter les efforts dans des endroits où des emplois semblent
disponibles, mais il ne faut pas non plus travailler contre des conditions
à peu près impossibles à combattre si c'est
érigé presque en système. Il y a là un aspect qu'il
va falloir examiner.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est important que cet aspect soit
examiné très rapidement, parce que je pense bien que l'une des
sources du mécontentement du public en géné- ral, c'est de
voir que, dans une région, d'une part, on manque de main-d'oeuvre dans
certains secteurs. Je comprends qu'il peut y avoir des problèmes comme
ceux que le ministre a mentionnés tantôt, tels que l'insuffisance
du salaire, de la rémunération payée. D'autre part, on a
des assistés sociaux en pleine santé, des jeunes hommes de 25 ou
30 ans parfois, qui refusent du travail. C'est ce qui incite le public, en
général, à porter un jugement défavorable sur toute
une législation ou sur tout un programme gouvernemental qui reste
foncièrement bon, si vous le voulez, sauf qu'il faut corriger certains
abus et certaines lacunes.
M. CASTONGUAY: J'ai déjà mentionné aussi le
problème que semble poser, à ce niveau-là,
l'accessibilité assez facile au niveau des prestations dans
l'assurance-chômage. Bien souvent, malheureusement, dans le langage
populaire, les gens parlent du bien être social alors que, dans un
certain nombre de cas, les phénomènes que vous mentionnez ont
été mis en lumière et accentués à la suite
des récents amendements à la Loi de l'assurance-chômage. Il
y a aussi le fait qu'il existe divers programmes, tels que celui de la
formation professionnelle, l'assurance-chômage, où les gens sont
assez perspicaces. Ils connaissent assez bien les règlements, ils
viennent à trouver des niveaux de rémunération qui peuvent
être assez intéressants par rapport à ce qu'ils peuvent
gagner sur le marché du travail. C'est la raison pour laquelle on a
tellement insisté pour l'harmonisation des niveaux de prestation et
aussi pour une meilleure cohésion entre ces types de programmes.
M. BOIVIN: Dans le secteur agricole, est-ce que cela a été
un succès, le retour à la terre pour certains de vos
assistés sociaux? J'ai eu l'expérience, dans mon comté,
où on a parlé dans les journaux du ministère ainsi que du
député du comté relativement au succès qui avait
été obtenu dans ce secteur. Je ne sais pas si, ailleurs, il y a
eu des résultats.
M. CASTONGUAY: De façon générale les discussions
assez soutenues que nous avons eues avec le ministère de l'Agriculture
sont à l'effet que, pour définir un programme, ces gens
souhaitaient un projet pilote pour être sûrs eux-mêmes des
critères suivants lesquels ils voulaient ménager leur mode
d'information. Et si, dans certains coins limités, il y a eu certains
résultats d'atteints, je pense qu'il faut honnêtement dire que,
dans l'ensemble, c'est un certain départ. C'est une des raisons pour
lesquelles j'insistais tout à l'heure sur cette approche du
ministère de l'Agriculture qui veut définir les programmes de
façon un peu plus précise pour qu'une évaluation se fasse
sur des projets un peu plus précis.
M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a eu des mises de
capitaux importantes pour ces travaux? J'ai même reçu des
appels téléphoniques de la part des gens pour me dire: Payez-leur
de l'assistance sociale et laissez-les là. Ils prétendaient que
cela avait coûté $100,000 pour un...
M. CASTONGUAY: Non, sauf pour les quelques projets comme
Petit-Bégin et quelques autres, je pense qu'on ne peut vraiment dire
qu'il y ait eu mise de capitaux importante.
M. BOIVIN: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir des détails
là-dessus?
M. CASTONGUAY: Ce genre de projet, d'ailleurs, à la
lumière de l'analyse, on s'aperçoit que, sur un strict plan
agricole, il n'est pas rentable, à moins que des mesures soient prises
pour le situer dans d'autres programmes agricoles qui sont d'une optique plus
moderne et plus dynamique. C'est une question de volume...
M. GUAY: Maintenant, concernant le cumul des revenus, est-ce que c'est
l'employeur ou le bénéficiaire qui doit faire rapport au bureau
pour établir de quelle façon cela doit fonctionner. Plusieurs
m'ont posé des questions à cet effet-là et j'ai
été vraiment embêté pour leur répondre.
M. CASTONGUAY: Là-dessus, le bénéficiaire a, de par
la loi, l'obligation de faire rapport de ses revenus. Il est évident que
nous devons, de notre côté, nous assurer, par des mesures de
surveillance appropriées, qu'il le fait effectivement. Par contre, il
serait dangereux de trop orienter l'aide sociale vers un esprit tel qu'on
finirait par nuire à nos objectifs plutôt que de les atteindre. Ce
qui serait le cas, par exemple, si, sans trop de discernement, on le faisait
pour des montants minimes, parce qu'il y a des écarts normaux
d'appréciation, par exemple dans les milieux ruraux, dans ce qui peut
être un revenu hebdomadaire. Définir une philosophie de
surveillance et de contrôle est très difficile et je vous avoue
qu'à l'heure actuelle, sur ce plan-là, nous évoluons un
peu à la lumière de l'expérience. Je ne peux vraiment pas
en ajouter plus si ce n'est qu'à l'heure actuelle, on a peut-être
un peu trop mis l'accent sur les mesures de contrôle technique, surtout
de la part de nos équipes de vérification, et nous voulons nous
réorienter vers une philosophie un peu plus générale
à la lumière du climat et de l'évaluation qu'on en
fera.
Je voudrais ajouter à cela que, si la personne qui retourne au
travail a un "suivi" qui vient du comité local d'opération
placement et de l'agent de revalorisation, nécessairement, ce "suivi" va
être de quatre mois. Alors le bénéficiaire fera rapport
à cette personne qui le suivra pour l'aider à
réintégrer, si on peut dire, le milieu socio-économique.
Il y aura aussi une déclaration de son revenu au fur et à mesure
que cela évoluera. Il l'aidera aussi à suppléer à
son revenu s'il est capable d'avoir un travail qui va lui donner davantage. Il
l'aidera aussi à voir s'il peut lui trouver des conditions de travail
supérieures à ce qu'il a, à un minimum.
M. CLOUTIER (Montmagny): Avant d'entreprendre la discussion sur les
prestations elles-mêmes, les niveaux de prestation, j'aurais une
dernière question sur les points de service. Est-ce que la nouvelle
carte électorale qui va entrer en vigueur le 1er août 1973 va
amener la révision des points de service dans certains endroits? C'est
peut-être une question à laquelle le ministre...
M. CASTONGUAY: Quelle est l'incidence entre les deux?
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est l'incidence entre les deux?
M. CASTONGUAY: Je manque d'expérience, évidemment.
M. CLOUTIER (Montmagny): II va falloir que le ministre la voie quand il
va discuter avec M. Lalonde. Au cours de discussions sur la carte
électorale, on a fait état de la situation suivante qui se
produisait en certains endroits. La population d'un comté était
divisée du point de vue administratif, était
déchirée entre plusieurs points de service dans le territoire. On
a même fait état d'une situation dans un endroit où la
population avait affaire à quatorze endroits différents pour des
points de service, que ce soit pour la voirie, différents
ministères. Alors, il est clair que la question des lignes de
comté peut entrer en ligne de compte dans l'implantation des bureaux,
à un moment donné. Cela a pu arriver qu'on ait examiné les
services à rendre à la clientèle en se basant sur les
limites de comté. C'est pour cela que je pose la question au ministre.
Est-ce que la redistribution des comtés a amené au
ministère des demandes à l'effet de répartir autrement les
points de service?
M. CASTONGUAY: Je suis dans l'ignorance complète sur ce
plan-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un bon signe si le ministre est
ignorant.
M. CASTONGUAY: De façon générale, nous avons une
situation historique. Quand l'aide sociale a été implantée
de façon assez accélérée en 1970 et, à la
suite des pressions qui ont suivi, nous avons établi un nombre de
services que nous jugeons maintenant suffisamment grands pour desservir les
besoins et ce nombre devient à la fois un problème et une
contrainte parce que nous réalisons maintenant qu'il y aurait avantage
à procéder peut-être à certaines fusions, à
certains réaménagements dans le sens que vous indiquez, mais vous
réalisez tout de suite que, dès que nous pensons à le
faire, nous
obtenons des réactions qui nous préviennent, qui nous
empêchent souvent d'y songer. Alors, notre solution de compromis a
été de tenter de réunir autour des bureaux existants des
facilités suffisantes pour desservir et répondre aux besoins
avoisinants.
Mais nous ne pouvons vraiment pas songer à étendre
davantage ni le personnel, compte tenu des aménagements administratifs,
ni vraiment le nombre de bureaux, parce qu'ils deviendraient, en moyenne,
probablement inefficaces en partie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'établissement de CLSC peut
lui aussi occasionner des réaménagements de points de service
pour les bureaux locaux?
M.CASTONGUAY: On prend, non, on loue... Partout où c'est
possible, pour les CLSC, on essaie de louer. Mais, comme attitude, on voudrait
qu'il y ait rapprochement dans toute la mesure du possible, entre les bureaux
de main-d'oeuvre et ceux de l'aide sociale et, lorsque c'est possible, avec les
CLSC. Je pense qu'il y a intérêt et avantage, pour les
bénéficiaires justement, de faire en sorte qu'ils puissent
obtenir la plus grande gamme de services possible au même endroit. En
raison des baux existants, parfois de l'impossibilité de trouver des
espaces, c'est un processus qui est assez long. Mais, sur ce plan, à
l'exécutif du ministère, nous avons discuté de cette
question, et ce sont des lignes de conduite que nous avons essayé
d'établir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quant à ces points, je pense que ce
serait satisfaisant. Je ne sais pas si le député...
M. LAURIN: Est-ce que l'opération est trop jeune pour qu'on
puisse déjà voir se dessiner des orientations, par exemple, un
succès probable et surtout dans quel domaine? Est-ce que c'est trop
tôt pour qu'on puisse voir...
M.CASTONGUAY: Vous voulez dire, pour qu'on cumule des prestations?
M. LAURIN: Non, avant qu'on parle de prestations, de l'opération
placement.
M. CASTONGUAY: Je demanderais plutôt... On est encore, en fait,
à la phase...
M. LAURIN: Trop tôt, encore.
M. CASTONGUAY: C'est un travail qu'on a voulu aussi systématique
et aussi bien appuyé que possible. Je pense que les responsables de
l'opération placement ont été sages de bien appuyer les
bases de leur travail, avant de faire de la publicité, de faire
naître des espoirs. On est à la veille de déborder ou
d'approcher les phases plus concrètes.
Je crois que l'expérience de Hull nous laisse voir
déjà que, grâce à la présence des agents de
la main-d'oeuvre chez nous, il y a déjà 25 p.c. de la
clientèle de l'aide sociale qui est orientée, avant de rentrer
et, après la sortie, le mois suivant ou deux ou trois mois après.
Une autre expérience a eu lieu dans une autre région, parce qu'on
commence à implanter les mécanismes. La référence
systématique au centre de main-d'oeuvre a permis à 40 p.c.
à peu près, d'une clientèle qui a été
référée de trouver une solution à moyen terme,
à court ou à moyen terme. Mais, c'est déjà le
travail de ceux qui sont là. Maintenant, arriver avec des chiffres sur
un plan provincial, c'est encore trop tôt. Mais on a déjà
des indices montrant que c'est quelque chose de positif.
M. LAURIN: Dans les communiqués que vous avez émis, j'ai
vu que vous favorisiez surtout les projets gouvernementaux, municipaux, les
projets ministériels ou d'agences publiques. Est-ce que vous incluez
aussi parmi les projets qui peuvent être acceptés ceux qui sont
élaborés par certains groupes d'assistés sociaux
eux-mêmes? Je sais qu'il y a certaines tentatives dans certains coins du
Québec où...
M.CASTONGUAY: Premièrement, les projets d'initiative
locale...
M. LAURIN: Mais il y en a qui sont refusés justement...
M.CASTONGUAY: Ce que je veux dire, c'est qu'ils ont plutôt
été destinés à ces fins-là, en premier lieu.
Lorsque nous avons repris, la semaine dernière, cette question
concernant la création des emplois communautaires, nous avons mis
l'accent sur la nécessité, soit de fusionner ou intégrer
ces deux types de programmes. Selon l'évolution des discussions, il
n'est pas impossible qu'on arrive à un programme qui fonctionnerait
beaucoup plus conjointement entre les deux niveaux de gouvernement. Dans les
projets à être élaborés dans le cadre de
l'opération placement, il semblerait qu'au départ le potentiel
est plus grand dans le cadre des ministères, des municipalités ou
d'organismes de cette nature. Mais il n'y a pas de règles
précises qui disent qu'en dehors de ces gouvernements provincial ou
municipaux il n'y a pas de règle qui fait abstraction d'autres types de
projets.
Il y a peut-être une autre dimension: la main-d'oeuvre tend
à vouloir expérimenter et favoriser une approche qui serait autre
que cas par cas mais par groupe, par exemple, réunir dans un bureau
donné tous les gens qui ont peut-être les mêmes
préférences ou les mêmes qualifications et justement faire
en sorte de susciter un projet, une approche. On rejoint déjà
davantage le sens de votre question et, effectivement, il y a des
expériences qui semblent avoir été faites avec un certain
profit mais, encore une fois, on en est au tout début.
M. GUAY: Croyez-vous que cette opération placement a plus de
chance de réussite en milieu rural comparativement avec le milieu
urbain? Est-ce qu'il peut y avoir une différence assez marquée
tenant compte évidemment des emplois disponibles, que ce soit dans
l'industrie ou dans d'autres secteurs?
M. CASTONGUAY: On a deux types d'expériences à l'heure
actuelle. On a celle de Hull, qui est en milieu urbain et on a aussi dans l'Est
du Québec, en milieu un peu plus rural, certaines expériences
favorables au plan de la réalisation sociale, ce qui nous laisse
entrevoir des possibilités sur deux plans. On a raison de croire que,
dans les deux cas, il y a des approches qui pourraient être valables.
Encore une fois, au tout début, on n'a vraiment pas de statistique pour
appuyer notre réponse.
M. LAURIN: Mais â supposer qu'un groupe d'assistés sociaux
mette sur pied un projet, quel serait le mécanisme d'acheminement de ce
projet pour qu'il puisse être étudié par les instances
concernées et être approuvé par ces instances?
M. CASTONGUAY: Nous avons certains critères d'entrée de
projets et nous avons demandé à deux ministères en
particulier celui de l'Agriculture, pour ce qui a trait à
l'agriculture, et celui de l'Industrie et du Commerce, pour ce qui a trait
à là production ou à l'industrie, mais la petite industrie
avec quelque chose d'artisanal de nous fournir des critères. Mais
ce que nous retenons à l'opération placement, ce sont surtout des
critères de quelque chose qui va durer. Ce n'est pas quelque chose pour
un, deux ou trois mois. C'est pour une longue période. C'est à
long terme. On veut prendre quelqu'un et le retourner de façon stable
à un travail. On veut toucher aussi le type de clientèle que nous
avons. C'est une telle série de critères que nous tâchons
de développer pour rejoindre les gens qu'on veut rejoindre et les
installer de façon définitive.
M. LAURIN: Une dernière question que je voulais poser au ministre
au sujet des services d'assistance sociale qui ne relèvent pas tout
à fait de son ministère. Il en a parlé tout à
l'heure à propos de Montréal, il a dit, sans vouloir accuser qui
que ce soit, qu'il y avait quand même une certaine différence de
mentalité entre les points de service qui relèvent directement du
ministère et les points de service qui relèvent de la ville de
Montréal. Est-ce qu'il pourrait être plus précis quant
à ces différences? Est-ce que c'est en ce qui concerne l'argent
lui-même? Est-ce que c'est dans le mode de dispensation des services?
Est-ce que c'est dans les structures juridiques? Par exemple le fait que la
syndicalisation est peut-être différente d'un point de service
à l'autre, d'une part, et d'autre part, est-ce que des mécanismes
sont prévus pour qu'une harmonisation plus grande s'effectue?
M. CASTONGUAY: Là, on est dans des appréciations d'ordre
qualitatif. C'est la même loi, ce sont les mêmes règlements
qui doivent être appliqués; en fait, les échelles de
salaires sont quelque peu plus élevées pour le personnel sous la
juridiction directe des affaires sociales de la ville de Montréal; ce
n'est donc pas une question de salaire. Je ne crois pas qu'on puisse identifier
des individus à un niveau quelconque. Je serais plutôt
porté à dire avec toutes les réserves qu'on peut y
mettre, parce que c'est une appréciation que c'est une question
de climat général.
M. LAURIN: Est-ce que ces agents bénéficient par exemple
d'une formation en cours d'emploi comme on le fait actuellement au
ministère?
M. CASTONGUAY: M. Colpron, est-ce que vous pourriez répondre
à cela?
La structure interne d'un bureau local à Montréal est
peut-être un peu différente de la nôtre dans le
réseau provincial. La convention collective détermine même
les tâches d'une façon différente de la nôtre. C'est
assez difficile d'arriver à des comparaisons de travail à
l'intérieur de la répartition du travail sur la façon dont
les employés dans la ville de Montréal sont initiés
à leur travail, il y a aussi un groupe de formation différent de
celui de la province.
M. LAURIN: Ma deuxième question, c'était pour savoir si
des mesures ont été prévues pour l'amélioration ou
l'harmonisation de l'action menée par ces divers points de service.
M. CASTONGUAY: Dans le système administratif en voie d'être
réaménagé, disons, il va y avoir une meilleure
intégration de telle sorte que sur ce plan on en arrive à un
système administratif avec l'implantation plus grande des moyens de
téléinformatique uniformisés.
Maintenant, il y aura toujours, tant qu'il y a deux autorités
administratives différentes, possibilité de différences
dans l'application ou les modalités d'application concrète de ce
programme.
Nous étudions au ministère cette question. Cela fait
quelquefois que nous y revenons. En fait c'est le seul service municipal
qu'administre la Loi de l'aide sociale aujourd'hui. Dans toutes les autres
municipalités, cela est terminé. Nous essayons d'identifier quels
pourraient être les moyens à prendre pour en arriver, outre le
plan du système de gestion et les autres moyens qui pourraient
être pris pour effectuer une plus grande intégration, disons, dans
le réseau général d'aide sociale.
M. LAURIN: Vous n'avez pas encore dégagé de
conclusion?
M. CASTONGUAY: C'est un problème assez délicat. Nous avons
des statuts d'employés de la ville de Montréal qui sont
différents des syndicats et nous avons examiné certaines
hypothèses. Mais c'est un travail qui se poursuit et on voudrait essayer
justement d'en arriver à une stratégie, à un
échéancier ou à une approche pour aborder ce
problème qui à mon sens doit être abordé.
Nous sommes en voie d'élaborer une pièce de base au
dossier qui contiendrait toutes les contraintes soit d'ordre législatif,
soit dans la chartre, soit dans les conventions légales, à partir
de laquelle on pourra déceler un peu plus les avenues possibles. Le
problème est très complexe au plan des droits des
employés.
M.LAURIN: Est-ce qu'il y a plus de plaintes qui viennent de la
région de Montréal que du reste du Québec?
M. CASTONGUAY: Au plan des plaintes, on va le demander à M.
Colpron et M. Houde; au plan des appels, on pourrait demander cela à
M.Blier.
Au plan des plaintes, il n'y a pas de doute qu'au niveau de la ville de
Montréal, si on en juge par la réaction populaire, le niveau des
plaintes est plus élevé. Cela est dû à deux facteurs
au-delà de ce que le ministre soulignait tout à l'heure. C'est
que, nettement les comités de citoyens ont vu le jour et sont plus
actifs dans la ville de Montréal. C'est à la fois difficile
à vivre mais c'est à la fois heureux aussi parce que cela nous
permet d'avoir un écho assez sensible et assez rapide de ce que les
bénéficiaires peuvent pressentir quant à nos
règlements quoiqu'il est un peu exagéré mais il est quand
même indicatif de la tendance. D'un autre côté, le personnel
de la ville de Montréal vit dans une atmosphère un peu plus
sévère, de sorte que le rapprochement entre les deux parties
devient plus difficile et que l'un a une incidence sur l'autre. D en
résulte certaines difficultés.
M. LAURIN: Est-ce que vous pourriez préciser?
M. CASTONGUAY: L'attitude est peut-être un peu plus rigide quant
à l'application de la loi et des règlements. Cela a ses avantages
mais cela a aussi ses inconvénients de sorte que l'on sent nettement que
l'atmosphère est un peu plus tendue et nos interventions doivent
être peut-être un peu plus fréquentes. Maintenant, pour
être parfaitement juste, on sent beaucoup moins la présence des
comités de citoyens dans les autres régions de la province mais
cela fait que le nombre des plaintes émanant de Montréal est
nettement supérieur.
M. Colpron me souligne que 8 p.c. des révisions formulées
au niveau régional, chez nous, sont retenues de la part de notre palier
régional tandis qu'à Montréal, 33 p.c. le sont. Ce qui
veut dire une application beaucoup moins flexible, si vous voulez.
J'ajouterais simplement un mot à ceci. C'est que probablement
notre structure et la répartition des tâches chez nous est
différente de cellle de la ville de Montréal.
Là-bas, c'est peut-être la révision, quelque chose
de plus normal, ça passe par une personne, c'est plus normal. Chez nous
à l'intérieur d'un bureau local, il y a une révision
quasiment interne par le chef d'unité. Chaque dossier est
révisé immédiatement par le chef d'unité. J'ajoute
simplement ceci pour expliquer les chiffres. On se rejoint probablement.
Pour ce qui a trait aux appels, le président de la Commission
d'appel dit que, compte tenu du volume, la proportion du nombre d'appels dans
la région de Montréal ou dans la ville de Montréal est
à peu près la même que dans les autres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, la révision serait plus forte au
niveau des bureaux régionaux parce que le sous-ministre Houde vient de
dire qu'il y a 33 p.c. des appels au niveau régional qui sont retenus,
tandis qu'il y en a 8 p.c. au niveau...
M. CASTONGUAY: Encore une fois, il faut être prudent parce que les
modalités d'attribution et le rôle du personnel ne sont pas les
mêmes. On réserve à Montréal, au niveau de la
vérification, une plus grande part. Alors, il faut être assez
prudent dans nos conclusions. C'est une atmosphère
générale, mais il faut quand même tenir compte des
circonstances, je pense, en toute honnêteté.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, la question des prestations maintenant.
Il y a eu des modifications au cours de la dernière année, les
dernières sont entrées en vigueur au mois d'avril et le ministre,
dans cet arrêté en conseil et dans les arrêtés en
conseil précédents, en donnait un peu, mais il en ôtait un
peu aussi chaque fois. Souci d'équilibre, je pense bien, ou de
répartition il nous dira tantôt quels sont les
critères qui le guident souci de répartition des
ressources dans ce secteur. Ma question est celle-ci: Est-ce que le ministre
prévoit d'autres ajustements à brève
échéance? Parce que là, les crédits qui sont
demandés sont de $36 millions supérieurs à ceux des
années passées. D'autre part, le ministre n'a pas
été sans prévoir dans ses estimations budgétaires
qu'il est possible que la Loi des allocations familiales entre en vigueur le
1er janvier 1974. D'autre part, il y a peut-être d'autres mesures qui
soulagent ce budget-là. Alors, est-ce qu'il va y avoir des modifications
dans le sens de la hausse des prestations bientôt?
M. CASTONGUAY: Au moment d'abord de la préparation des
crédits, si l'on traite des montants qui sont indiqués, ces
montants ont été établis en fonction de l'évolution
du nombre des bénéficiaires, de l'évolution des
prestations en l'absence de tout changement. On sait
d'ailleurs quelle est la longueur du cycle de préparation des
budgets et les crédits ont été demandés donc sur
cette base-là. En ce qui a trait à l'effet des changements, avant
d'aborder votre question, je peux peut-être donner certaines
données ici qui peuvent vous intéresser et qui dorénavant
apparaîtront de façon assez systématique dans le bulletin
dont j'ai fait état ce matin. En janvier 1972, la prestation moyenne
pour l'émission régulière des chèques, pour une
personne seule, était de $90.11. Je dis l'émission
régulière parce qu'avec les paiements par la caisse centrale, le
montant est augmenté à $94.45; mais si j'ai mentionné
$90.11, c'est pour faire la comparaison avec janvier 1973. En janvier 1973, par
rapport à $90.11, on retrouvait $96.21, ce qui fait une augmentation
pour la prestation moyenne d'un peu plus de 6 p.c. Evidemment, les $96, quand
on y ajoute les paiements faits par la caisse centrale, passaient au-dessus de
$100.
Pour les familles, en janvier 1972, l'émission
régulière, $177.62; l'émission totale moyenne par famille,
compte tenu de la caisse centrale, $191.13 en janvier. Mais pour vous donner
une idée de l'augmentation, en janvier 1973, par rapport à $177,
le montant moyen était augmenté à $193.19. A ces $193.19
que je vous donne par rapport à $177, il faudra ajouter, lorsque les
chiffres seront disponibles, un montant de l'ordre d'environ $12 ou $13. On
voit que les prestations sur ce plan ont augmenté également d'une
façon assez appréciable.
Des changements ont eu lieu depuis. Je peux vous les donner pour des cas
types, vous donner des comparaisons pour des cas types. Une personne seule, en
avril 1972. Ici, je vous donne les montants d'aide au titre des besoins
ordinaires, soit la nourriture, vêtement, nécessités
personnelles et domestiques et un montant additionnel de 50 p.c. de la table de
logement est inclus. Alors, pour une personne seule, en avril 1972, $130. En
avril 1973, si cette personne a moins de 60 ans, $139, pour une augmentation
d'à peu près 7 p.c. Pour un adulte âgé de 60 ans et
plus, $149, pour une augmentation d'à peu près 15 p.c. Pour deux
adultes, en avril 1972, $176. En avril 1973, $194 si l'âge du chef de
ménage était en bas de 60 ans, pour une augmentation de 10.2 p.c.
Au-dessus ou 60 ans et plus, $214, pour une augmentation d'environ 22 p.c. Deux
adultes et un enfant, $226 en avril 1972. En avril 1973, $245 et si
c'était un chef de ménage au-dessus de 60 ans ou 60 ans et plus,
$265, pour une augmentation de 17 p.c.
Cela vous donne une idée de l'évolution des prestations
pour des cas types. En plus de l'effort qui avait été fait lors
de la mise en vigueur de la loi il y a eu un effort assez appréciable,
même au cours de la dernière année, pour hausser le niveau
des prestations.
Pour répondre à votre dernière question, ceci
n'apparaît pas, comme je l'ai mentionné, dans les crédits
budgétaires, mais à la suite ou concurremment à la mise en
vigueur du nouveau régime de l'aide sociale. Cela sera évidemment
le moment approprié d'apporter d'autres changements au régime
d'allocations familiales. Je m'excuse. Cela sera le moment approprié
d'apporter des changements à la structure et au niveau des paiements
dans le régime de l'aide sociale.
M. CLOUTIER (Montmagny): Donc, il n'y en aura pas d'ici le 1er janvier
1974.
M. CASTONGUAY: Ce n'est pas impossible. Je ne sais pas plus de
mémoire combien d'amendements nous avons apportés depuis la mise
en vigueur de la loi en novembre 1970. Mais je pense bien qu'il y a eu une
bonne douzaine de changements au règlement...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... sinon plus.
M. CASTONGUAY: ... pendant cette pério-d'à peu près
deux ans et demi. Il n'est pas impossible mais, présentement, il n'y a
pas de projet précis, concret, d'apporter des changements au
règlement de la Loi de l'aide sociale.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'autre part, dans les changements qui ont eu
lieu, il y a des besoins spéciaux qui ont été
diminués ou enlevés.
Le changement majeur, c'est au mois d'avril, quand on a fait
disparaître l'allocation pour le mobilier, sauf en cas de remplacement
pour cause d'incendie, de sinistre ou de perte par le vol ou enfin... Est-ce
que le ministre prévoit de ce côté-là être
capable de rétablir une certaine forme d'assistance un peu plus
libérale? Parce que je pense bien que les huit dollars qui ont
été donnés pour cela à partir du mois d'avril vont
servir à la nourriture. Il n'y en a pas qui vont les accumuler parce
qu'ils en ont besoin tous les mois. Je serais bien surpris que quelqu'un qui a
des problèmes, qui a des factures à régler pour la
réparation... On sait combien coûte la réparation d'un
réfrigérateur, d'une cuisinière électrique. Ils
n'auront pas les sommes nécessaires. Depuis que ce changement a
été mis en vigueur, est-ce qu'il y a beaucoup de plaintes qui ont
été faites? Je sais que j'ai vu dans les journaux que des
organismes ont dit que cela avait créé des problèmes.
Est-ce qu'on pourrait porter un jugement à ce moment-ci sur cet aspect
du problème?
M. CASTONGUAY: En faisant le changement, on l'a fait de telle sorte, en
premier lieu, que le montant total estimé qui doit être
versé soit passablement plus élevé que le montant qui
était versé dans le cadre de la couverture des besoins
spéciaux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le total, $6.7 millions contre $10.5 millions.
C'est cela?
M. CASTONGUAY: Oui. Sur ce plan, notre but n'était donc pas
d'effectuer des économies. Je pense qu'il est bon d'affirmer cela en
premier lieu. En second lieu, il me semble, il y a deux problèmes
d'équité ici. Comment en arriver au juste équilibre? C'est
une question qui se pose parce qu'il y a beaucoup de problèmes assez
difficiles qui se posent au niveau d'un tel programme. Mais, il y en a deux
ici. Le premier problème d'équité, c'est que nous avons eu
énormément de plaintes quant à la façon
d'administrer ou la façon dont a été administré ce
type de besoins spéciaux. Encore là, je ne veux pas mettre de
blâme sur les agents. Mais, c'est un type de besoin qui est
extrêmement difficile à administrer et qui se prêtait
à beaucoup d'abus et, dans la mesure des personnes, peut-être, un
peu plus entreprenantes que d'autres, elles pouvaient bénéficier
du régime d'une façon assez prononcée alors que d'autres
n'en bénéficiaient absolument pas. En tout cas, il y avait
là un problème au plan administratif, jusqu'où vous
pouviez pousser les contrôles pour ce type de besoins et, si vous ne les
poussiez pas trop, comme il est nécessaire ou il était
nécessaire de le faire, vous tombiez dans des problèmes d'abus et
d'inéquité.
En deuxième lieu, par rapport aux personnes qui ont des revenus
relativement faibles, ces personnes sont obligées je ne parle pas
des personnes bénéficiant de l'aide sociale d'administrer
leur propre budget et on peut se demander parfois, vis-à-vis du portrait
que pouvait donner l'utilisation que l'on faisait, en certains cas, des besoins
spéciaux, s'il n'y avait pas un certain encouragement à joindre
les rangs des bénéficiaires d'aide sociale ou, sinon, s'il n'y
avait pas, dans l'esprit des gens qui travaillent pour des revenus relativement
faibles, des comparaisons qui pouvaient leur paraf-tre assez odieuses.
C'était un autre genre de préoccupation, je pense, dont nous
devions tenir compte.
Au fur et à mesure aussi que nous sommes dans une position
où il nous est possible d'améliorer le niveau des prestations et
d'en arriver de plus en plus vers un niveau de prestations qui se situe pas
trop loin des seuils établis, je crois que nous devons viser à
verser en argent les prestations aux bénéficiaires pour tout ce
qui est de la nature de besoins courants, de telle sorte que ces personnes
apprennent ou continuent d'administrer leur budget.
La tendance est souvent forte et elle provient de toutes sortes de
formes pour que nous prenions en main l'administration du budget des
bénéficiaires de l'aide sociale. Il y a d'autres exemples que
celui-ci; c'est au niveau du paiement des taxes, taxes d'eau, comptes
d'électricité, etc. Je crois que nous devons prendre une attitude
passablement rigide sur ce plan-là; autrement, si nous cédons,
avant longtemps nous allons administrer, pour les bénéficiaires,
leur budget et nous allons en faire encore une classe que l'on incite davantage
à la dépendance.
Alors, il y a tout cela qui est entré en ligne de compte lorsque
nous avons effectué ce changement. A l'expérience, s'il devait y
avoir des modifications à faire, je ne dis pas que la porte est
fermée, mais je ne dis pas qu'elle est ouverte présentement. Il
va falloir vivre un bon moment l'expérience de ces dispositions et voir
quels résultats elles donnent avant de penser à les modifier. Il
ne faut pas oublier qu'outre les dispositions dont vous avez parlé, en
cas de sinistre, l'allocation aux fins de déménagement a
été maintenue et aussi à titre de besoin spécial.
Il y a aussi l'entraide dans les milieux et je pense bien que c'est un aspect
qu'on ne doit pas négliger. On parle toujours de projets communautaires
etc, etc. Alors, il me semble qu'il y a un certain nombre de choses pour
l'entretien d'un mobilier, son renouvellement, qui peuvent être faites
par certaines formes d'entraide communautaire. Le crédit modique
pourrait être une réponse.
Alors, ce sont les considérations qui sont entrées. Au
niveau...
M. LAURIN: La porte est fermée, mais pas à clef.
M. CASTONGUAY: Non. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que nous
sommes toujours prêts, je pense, avec toutes les modifications que
nous avons apportées depuis novembre 1970 on l'a démontré
à apporter des changements lorsque nous pouvons le faire en
fonction des ressources que nous avons et aussi en fonction de l'information,
de l'expérience développée. Par contre, c'est dans ce
cadre-là que je dis que la porte n'est pas fermée. Je ne dis pas
non plus qu'elle est ouverte, pour ne pas susciter d'espoir ou faire
naître des pressions tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu ce que
donne vraiment l'application de ces dispositions. Maintenant, j'ai eu certains
échos qui montrent que ç'a été
apprécié et peut-être qu'on a eu certaines plaintes sur ce
plan.
Pas plus que le mois antérieur. Le service de plaintes n'accuse
pas plus d'achalandage pour ce secteur qui est éliminé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Depuis la modification.
M. CASTONGUAY: Depuis la modification, depuis un mois. Il faudrait aussi
souligner qu'on a consulté nos directeurs régionaux à la
demande du ministre et la quasi-unanimité était favorable au
changement. Et au niveau des bureaux locaux, les gens qui subissent les
pressions et qui souvent nous parlent en sens contraire, avaient eux aussi, le
sentiment que c'était un effort susceptible d'être tenté.
De façon générale.
M. BOIVIN: Le grabuge ne venait-il pas plutôt du commerce que de
l'assisté social? Il y
aurait peut-être lieu de punir les commerçants plutôt
que les assistés sociaux?
M. CASTONGUAY: On ne les punit pas.
M. BOIVIN: II y en a qui peuvent en avoir besoin.
M. CASTONGUAY: II y a aussi un aspect qui est assez important. On a
examiné tous les moyens de corriger ces situations auxquelles vous
faites allusion. On entre dans toutes sortes de petites municipalités.
Il y a tellement de situations, tellement de choses qui peuvent être
achetées; ce n'est pas facile.
M. CLOUTIER (Montmagny): II y avait deux niveaux d'autorisation. Il y en
avait un au niveau local; je pense que c'était $150. Il y en avait un au
niveau régional qui était de $400. Est-ce que le problème
était le même au niveau local qu'au niveau régional?
M. CASTONGUAY: Le plus gros problème était que, dès
qu'on voulait contrôler, il y avait un problème de favoritisme. Je
veux dire que vous aviez un ou deux catalogues de meubles à des prix
raisonnables mais ça pouvait être interprété comme
l'orientation de la clientèle. Il fallait dire aux agents: C'est une
pratique contre laquelle il faut vous mettre en garde. Je pourrais multiplier
les exemples à l'infini.
M. BOIVIN: C'est l'initiative des commerçants plutôt.
M. CASTONGUAY: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le problème qui va se poser
ne sera pas plutôt au niveau des réparations majeures d'outillage,
d'instruments, cuisine, mobilier, ainsi de suite?
M. CASTONGUAY: Comme le ministre l'a dit, c'est vraiment à la
lumière de l'expérience qu'on va pouvoir évaluer le
résultat. Par contre, dans la région de Montréal une bonne
partie des réparations semblaient orientées vers des appareils de
télévision cela peut donner un exemple avec le
résultat que d'autres critiques se faisaient sentir, souvent
injustifiées, mais il n'y avait pas vraiment d'issue.
Mais il y a une dernière considération ici, c'est que le
temps consacré par les agents d'aide sociale à l'administration
de ce besoin était considérable. On parlait tantôt de
mettre l'accent davantage sur l'aide, autre que financière, à
apporter aux bénéficiaires mais c'est une mesu- re qui va dans ce
sens et qui est positive dans ce sens.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, il est dix heures, la
commission suspend...
M. CASTONGUAY: Avant de suspendre, est-ce que le programme est
adopté?
M. CLOUTIER (Montmagny): II reste deux articles. Il faut entendre le
président de la Commission d'appel, monsieur le juge.
M. CASTONGUAY: Allez-y.
M. LAURIN: Une dernière question avant l'ajournement. Comment en
êtes-vous arrivés à fixer ce taux à $8?
M. CASTONGUAY: Par un savant calcul de M. Garcia et compagnie, qui nous
ont guidés, nous avons essayé d'établir le pourcentage
dans le niveau des allocations pour cette fin au même niveau que le
pourcentage que les études de consommation indiquent pour des familles
à revenu un peu plus élevé que l'aide sociale. Si, dans
une famille où les revenus sont à peu près de $3,000, il y
a un tel pourcentage qui va à cette fin, on n'a plus le même
pourcentage ou à peu près pour les fins de l'aide sociale.
M. LAURIN: Cela veut dire que cela coûterait seulement à
ces familles $96 par année pour l'ameublement?
M. CASTONGUAY: A $3,000 par année, les gens ne peuvent pas
multiplier les postes budgétaires bien des fois. Quand le
vêtement, les frais de logement, l'alimentation sont passés, cela
ne laisse pas une marge bien grande pour toutes les autres fins. Pour ces
pourcentages, M. Garcia peut indiquer ses sources, et c'est la base, vous me
posez la question, c'est la base.
M. LAURIN: J'aimerais en entendre parler un peu plus demain matin.
M. CASTONGUAY: J'ai été moi-même surpris lorsque
j'ai eu ces chiffres.
M. LAURIN: Moi aussi.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, la commission suspend ses
travaux jusqu'à demain, mercredi, neuf heures trente.
(Fin de la séance à 22 h 01 )