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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mardi 1 mai 1973 - Vol. 13 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales.

Séance du mardi 1er m ai 1973

(Dix heures dix minutes)

M. KENNEDY (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Nous procédons maintenant à l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales. Je demanderais au ministre de faire un tour d'horizon du ministère, avant que l'on ne prenne les programmes individuellement.

Remarques préliminaires

M. CASTONGUAY: Comme l'an dernier, M. le Président, je pense que je vais demander, en tout premier lieu, aux officiers du ministère de se présenter à tour de rôle, en indiquant leur nom et leur fonction. Je vais demander à M. Gabriel Savard, qui est secrétaire du ministère, de distribuer aux membres de la commission une copie de l'organigramme. Cela permet aux membres de situer plus clairement chacun, d'autant plus que nous avons apporté deux modifications à l'organigramme du ministère, au cours de l'année.

La direction des programmes spéciaux a été intégrée à celle de la programmation et la direction de l'aide sociale est devenue une direction générale.

M. Gill Fortier, président de la Régie des rentes. M. Claude Forget, direction générale du financement. M. Réjean Larouche, direction générale des relations professionnelles. M. Gabriel Savard, secrétaire du ministère. M. Aubert Ouellet, planification. M. Martin Laberge, agrément. M. Georges Dahmen, planification-santé. M. Jacques Pigeon, planification. M. Guy Saint-Onge, programmes, M. Paul Périard, planification. M. Gérard Nepveu, programmation. M. André Sauvageau, programmation. M. Pierre-A Bernier, programmation des services sociaux. M. André Dorval, administration. M. Marc Boucher, financement. M. Jean-Paul Trudel, administration. M. René Boileau, formation et perfectionnement. M. Carol Allaire, relations professionnelles. M. Roger Marier, Conseil des affaires sociales et de la famille. M. Camille Blier, président de la Commission d'appel de l'aide sociale. M. Robert Després, Régie de l'assurance-maladie. M. René Bergeron, affaires publiques extra-ministérielles. M. Raymond Quirion, directeur du cabinet, M. André Col-pron, M. Roger Grenier, aide sociale.

M. le Président, comme l'an dernier et les années précédentes, j'ai fait une brève revue de ce qui avait été effectué au cours de l'année terminée et un rappel des objectifs que s'était fixés le ministère pour l'année en cours. Nous avons procédé depuis le début de 1971 sur une base d'année de calendrier, compte tenu du fait que l'année de calendrier présente un certain nombre d'avantages même si elle ne correspond pas à l'année budgétaire. Il y a toujours moyen au besoin de faire les recoupements pour la période entre les deux années. Pendant l'année 1972, au plan législatif, je pense qu'il est important de rappeler certaines lois qui ont été adoptées, la Loi de la protection du malade mental, la Loi de la protection de la santé publique et aussi le dépôt de la Loi de la protection de la jeunesse.

Ceci était dans le but de mettre l'accent sur la protection de la personne. Nous avons également au cours de 1972 — et tout le monde s'en souviendra sans doute — procédé à l'étude en commission parlementaire du code des professions et des lois connexes et, au terme de cette étude, nous avons procédé à la révision de tous ces projets de loi et à leur réimpression. Egalement au cours de la même année, nous avons publié un projet de règlement pour la Loi 65 sur les services de santé et les services sociaux. Tous les mémoires présentés sur ce projet de règlement ont été étudiés et le règlement a été mis en vigueur le 1er janvier 1973. Depuis la mise en vigueur du règlement, certains problèmes, surtout de détail, ont été identifiés, une nouvelle modification pour corriger ces questions a été élaborée et a fait l'objet d'une publication, tel que le requiert la loi, dans la Gazette officielle.

Egalement au plan de la loi 65, au 1er janvier 1973, nous avons procédé à la classification des établissements. Nous avons aussi, au cours de l'année 1972, procédé à la création des conseils régionaux dans chacune des régions sauf la région du Nouveau-Québec.

Au besoin, nous pourrons discuter de cette question. J'ai fait une tournée de chacune des régions pour rencontrer les membres des conseils régionaux, au moment où ils amorçaient leur travail. Depuis, il y a eu un certain nombre de rencontres à divers niveaux avec les membres des conseils régionaux, de telle sorte que les liens soient aussi étroits que possible avec le ministère, que leur travail soit taillé ou précisé et que les problèmes de fonctionnement qui sont toujours susceptibles de se présenter dans les débuts soient réduits au minimum.

La poursuite de la mise en place des centres locaux de services communautaires s'est effectuée. Egalement, un autre point, je pense, assez important à mentionner était les premières phases de l'implantation des services de santé communautaires. Au cours de cette année 1972 également, nous avons eu la mise en vigueur du programme d'assistance-médicaments, au 1er août; sur un autre plan, l'extension à tous les établissements sauf quelques établissements privés qui sont financés par la voie d'un per diem; alors, nous avons étendu le budget global à tous les établissements. M. Forget et son équipe de la

direction du financement ont effectué une étude des résultats obtenus par l'application de la formule du budget global en 1971, dans les 23 premiers établissements, et de certains résultats obtenus ou qui peuvent être identifiés pour 1972, avec l'application de cette formule. Alors, nous pourrons, si vous le désirez, discuter cette question, d'autant plus que nous avons un sommaire de ces résultats sous forme écrite qui pourrait être, au besoin, distribué. Nous avons eu aussi de nombreux échos très positifs de la part des établissements quant à cette formule qui leur donne beaucoup plus de latitude dans la gestion courante de leurs établissements.

Au cours de 1972, toujours au plan des immobilisations, nous avons mis l'accent sur le développement des ressources pour l'enfance. Nous pourrons également, au besoin, donner des indications, des chiffres. Nous avons publié un programme quinquennal d'immobilisation pour les établissements d'enseignement reliés aux universités, aux quatre universités qui oeuvrent dans le domaine de la santé et des affaires sociales.

Nous avons également, au plan des immobilisations toujours, comme autre priorité, mis l'accent sur le développement des consultations externes, des services d'urgence. En d'autres termes, nous avons poursuivi sur ce plan ce qui avait été amorcé il y a un certain nombre d'années.

Egalement, nous avons tenté partout où c'était possible d'améliorer le niveau des ressources, pour les malades chroniques de façon particulière.

Au sein du ministère, nous avons aussi procédé à la création d'une direction des communications, compte tenu de l'importance de donner aussi bien aux établissements, au personnel qui y oeuvre qu'à la population, le plus d'information possible sur les affaires sociales en général. Je voudrais citer, entre autres ou en particulier, la publication par cette direction d'un périodique appelé Soixante-cinq à l'heure, de même que la préparation d'un certain nombre de documents audio-visuels qui ont été utilisés de façon très intensive dans les diverses régions, les diverses localités du Québec, et portant sur les centres locaux de services communautaires, les conseils régionaux, etc.

Au niveau de la sécurité du revenu, toujours au cours de l'année 1972, nous avons procédé à des amendements au Régime de rentes du Québec, comme vous vous en souvenez, et dans ce cas nous avions mis l'accent sur la hausse des rentes de veuves, des rentes d'invalides, de façon particulière, et ceci en conformité avec les priorités que nous avions établies.

Au niveau de la Loi de l'aide sociale, je crois qu'il y a deux ou trois phénomènes à mentionner. Au plan de l'administration, de nombreuses initiatives ont été prises pour améliorer encore davantage l'administration de cette loi, soit par la voie de programmes de formation du personnel, soit par de meilleures méthodes de communication entre les bureaux, soit par des liaisons entre les bureaux d'aide sociale, les bureaux de main-d'oeuvre, etc. Nous avons aussi apporté certaines modifications en cours d'année aux règlements de la Loi de l'aide sociale. On doit également, sous ce plan, signaler qu'au cours de 1972 une stabilisation et une diminution du nombre de bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale ont été enregistrées, ce qui changeait la tendance des années antérieures.

En définitive, au cours de l'année 1972, au plan législatif, aux plans administratif et financier, nous avons franchi les étapes majeures qui demeuraient ou qui devaient être franchies au plan de la réforme qui avait été amorcée en 1971, de telle sorte qu'en 1973 nous avons pu déplacer notre accent sur des activités de nature plus concrète.

Donc, en 1973 nous nous étions fixé au début de l'année un certain nombre d'objectifs. Je crois que j'avais fait parvenir à chacun de vous une copie des objectifs que nous nous étions fixés. Je peux les rappeler brièvement. Au niveau des grands objectifs généraux, je vais tout simplement faire lecture de ces objectifs à titre de rappel. Premièrement, une meilleure utilisation des sommes consacrées au programme de la sécurité du revenu et le développement de mesures en vue d'encourager les personnes aptes au travail, particulièrement les bénéficiaires de l'aide sociale, de maintenir leur emploi ou de retourner au travail. Comme deuxième objectif très général, l'amélioration des conditions d'accès aux services de santé et aux services sociaux de façon générale, tout en mettant l'accent sur certains groupes particulièrement vulnérables. Enfin, l'adoption de mesures législatives visant, d'une part, à assurer une plus grande protection de la. jeunesse et, d'autre part, à améliorer la protection du public en tant que bénéficiaire de services professionnels; alors, les projets de loi sur la protection de la jeunesse et les corporations professionnelles.

Le détail de ces objectifs ayant déjà été communiqué, au besoin on pourra y revenir au cours de la discussion. Mais je pense bien que ce serait peut-être un peu long d'en faire la lecture pour le moment.

Ces rappels ou ce bilan très sommaire ayant été présentés, je pourrais peut-être donner certains faits saillants, comme par les années passées, sur le budget ou les crédits demandés pour l'exercice 73/74.

Le budget de l'exercice 73/74 totalise $1,862,860,200, ce qui représente un accroissement de $167,164,000 par rapport au budget initial de l'exercice 72/73, et de $82.7 millions par rapport au budget définitif.

Le budjet de l'exercice 72/73, originairement de $1,695,036,900, a, en effet, été haussé à $1,780,114,700 par le budget supplémentaire de $78,905,000, d'une part, et par un transfert de $4,992,800 du ministère des Finances.

Les dépenses probables, après onze mois

d'activité, c'est-à-dire au moment où ces données ont été préparées, sont estimés à $1,763,524,700, ce qui laissera probablement subsister des crédits périmés de l'ordre de $17 millions pour l'exercice terminé.

Le budget de l'exercice 73/74 représente donc une hausse de 9.9 p.c. par rapport au budget initial de l'exercice 72/73, mais de 5.6 p.c. par rapport aux dépenses probables de ce même exercice. Mais, en faisant ces comparaisons, il importe de noter que l'impact des conventions collectives et de leur rétroactivié ne se fera pas sentir de la même façon dans l'exercice 73/74. Si l'on examine, au cours des années passées, les accroissements de budget, on note pour les exercices financiers 67/68 et 66/67, le même phénomène, étant donné que l'exercice 67/68 comprenait des crédits pour des années antérieures. On note le même phénomène pour l'exercice financier 69/70 par rapport à l'exercice financier 68/69, et de nouveau pour l'exercice financier 72/73 par rapport à l'exercice financier 73/74.

Il y a toujours ce phénomène des ajustements provenant des signatures de convention collective avec des données ou la rétroactivité qui doit être prévue.

On doit signaler, à ce sujet — et je pense que c'est peut-être un indicateur un peu plus valable— que nous avons établi une moyenne mobile de l'évolution des budgets des anciens ministères de la Famille et du Bien-être social et de la Santé, moyenne sur trois ans à compter de l'exercice financier 65/66.

Nous avions exclu les années antérieures, étant donné l'établissement de l'assurance-hospitalisation et l'augmentation assez rapide, dans les débuts, des budgets provenant de ce nouveau programme. On note, comme moyenne mobile pour l'année 67/68, par rapport à 66/67, une augmentation pour les deux ministères de l'ordre de 18.4 p.c; pour 68/69, par rapport à 67/68, 18.6 p.c; pour la période suivante de 14.4 p.c.; pour la période suivante de 13.0 p.c; pour la période 71/72, par rapport à 70/71, il y a 12.8 p.c. et pour l'exercice 72/73, incluant le budget supplémentaire, de 10.0 p.c. En définitive, on arrive pratiquement au taux ou au rythme, je pense bien, de croisière, en dessous duquel il serait extrêmement difficile de vouloir continuer cette tendance de façon accentuée.

Il y a un autre aspect, je pense bien, qui doit être mentionné, et c'est signalé par ceux qui ont fait l'analyse du budget de cette année par rapport à celui de l'an dernier. Les taux de croissance qui paraissent aux différents postes de l'état comparatif sont sujets à certaines réserves en raison de l'introduction du budget-programmes, compte tenu du fait que les regroupements ne sont pas faits sur la même base que l'an dernier. Malgré tout, je pense bien qu'on peut citer certains chiffres qui donnent, dans une certaine mesure, l'accent que nous avons voulu mettre. On notera, par exemple, qu'au niveau des secteurs de la prévention et de l'amélioration ainsi que celui de la réadaptation sociale, les pourcentages d'accroissement ou d'augmentation sont relativement élevés par rapport aux autres postes, des pourcentages de l'ordre de 19 p.c.

Dans le secteur de la prévention, on doit noter de façon particulière la croissance des services en milieu scolaire où les budgets augmentent d'environ 50 p.c, soit de $4 millions à $6.6 millions et au plan des soins généraux également, une augmentation de 16.5 p.c. Nous aurons l'occasion de reparler de ces augmentations plus en détail mais, ici, nous avons voulu mettre l'accent sur les dispensations de services généraux courants.

Au niveau de la réadaptation sociale, je viens de mentionner que les pourcentages étaient relativement élevés par rapport à l'ensemble des autres pourcentages. La hausse se fait sentir au niveau de chaque programme, en fait, comme nous pourrons le voir. Les services sociaux polyvalents croissent d'environ 11 p.c, c'est-à-dire ce qui deviendra les centres de services sociaux; les services de réadaptation enregistrent une hausse d'à peu près 20 p.c, soit de $84 millions à $101 millions et ceux de protection et d'hébergement s'élèvent de 19 p.c, soit de $94 millions à $111 millions. En définitive, ces hausses indiquent aussi bien une priorité que la pression qui se manifeste à ces divers niveaux, bien que dans une certaine mesure, au plan de l'hébergement des personnes âgées, elle se soit quelque peu atténuée.

Compte tenu du budget supplémentaire, maintenant, au sujet du recouvrement de la santé, on attire l'attention sur le fait que c'est probablement là qu'il va falloir faire le plus attention dans les comparaisons avec les années antérieures et ceci s'explique à cause des recoupements différents d'une part et, d'autre part, avec les sommes qui sont prévues ou qui étaient comprises dans les crédits de l'an dernier aux fins de la rétroactivité. Je pourrais rappeler également que, dans les notes explicatives qui avaient été distribuées par le ministre des Finances au moment de la présentation de son budget, nous retrouvions dans la section des affaires sociales ou de la mission sociale, certaines données qui complètent en quelque sorte les quelques faits saillants que j'ai essayé d'extraire des crédits qui sont demandés.

Je pense qu'il est nécessaire de rappeler que, dans ce discours du budget, la hausse de l'exonération aux fins d'impôt de $2,000 à $2,500 pour un célibataire et de $4,000 à $5,000 pour un couple, a eu pour effet de réduire d'abord les impôts ou d'éliminer les impôts que devaient payer ces personnes et aussi — et c'est un des points que je voudrais mentionner — d'éliminer, pour toutes ces personnes, leur contribution au Régime d'assurance-maladie du Québec.

Cela signifie une diminution des revenus, en contributions, de $3 millions et demi environ

pour la Régie de l'assurance-maladie et cela pour les autres, au plan de l'impôt sur le revenu, diminue quelque peu la pression sur leur budget, en termes de mesures de supplément de revenus. En ce qui a trait à la Régie des rentes du Québec, cela signifie qu'un certain nombre additionnel de personnes, soit les travailleurs autonomes, verront la moitié de leur contribution versée par le gouvernement, c'est-à-dire tous ceux qui versaient des contributions au Régime de rentes du Québec dont les revenus se situaient, pour un célibataire, entre $2,000 et $2,500 et, pour une personne mariée, entre $4,000 et $5,000. Il y a là un certain allégement des contributions pour la Régie des rentes du Québec pour un certain nombre de personnes compris entre ces deux limites et qui n'apparaissent pas dans les crédits que nous demandons, mais qui ont des incidences sur les politiques ou les programmes du ministère des Affaires sociales ou encore au niveau des personnes atteintes ou rejointes par ces programmes.

Au moment de commencer l'étude de ces crédits, il m'a semblé, au lieu de publier ces documents en d'autres circonstances, qu'il y aurait peut-être intérêt à vous donner la primeur par rapport à certains travaux qui ont été effectués au sein du ministère. La direction de la ' planification, à la suite des travaux des comités de mortalité périnatale et infantile de même que des travaux d'un groupe de médecins, de spécialistes mis sur pied par le ministère a élaboré un projet de politique de périnatalité. Je crois que c'est un travail excellent, un travail de valeur qui a été préparé par la direction de la planification. Nous allons en expédier incessamment des copies à tous les organismes, tous les groupements qui nous apparaissent susceptibles de pouvoir analyser ce document et formuler des commentaires sur ce document. De façon générale, nous entendons suivre les orientations fixées dans ce document mais, avant de les transposer en mesures précises et concrètes, nous avons voulu procéder par cette phase d'analyse et de consultation. Une copie de ce document vous sera distribuée.

De la même manière, nous avions exposé, si ma mémoire est bonne, il y a deux ans, les premières grandes lignes que nous entendions suivre dans le domaine de la santé mentale. A cette époque, on se souviendra que nous avions annoncé la formation du comité de la santé mentale du Québec. Ce comité a fait un travail portant sur l'organisation des services psychiatriques, travail qui, de l'avis de tous, s'imposait, comme nous l'avions dit à l'époque, après la période d'environ dix ans qui a suivi la première réforme dans le domaine des services psychiatriques. Le moment était venu de faire le point. Nous avons reçu du comité de la santé mentale ce projet d'organisation des services psychiatriques. On va également en faire la distribution.

Encore sur ce plan, avant d'adopter de façon très précise ce document, nous allons attendre de voir quels sont les commentaires susceptibles d'être faits, les suggestions et aussi, comme dans tous ces changements de politique, laisser le temps faire son oeuvre, c'est-à-dire par la discussion, l'analyse au sein des différents groupes intéressés ou attendre que les idées exposées, les objectifs proposés viennent à être acceptés d'une façon aussi positive que possible par tous les agents intéressés dans le secteur.

Demain, ou si le document est disponible... Nous avons également effectué une analyse comparative des coûts de l'hospitalisation au Québec par rapport à ceux de l'Ontario. Cette étude avait été commencée, on s'en souviendra, au moment des travaux de la commission et étant donné la proximité de l'Ontario et du Québec, le fait que les populations sont de même ordre de grandeur même s'il y a des différences, je crois que c'est une étude qui mérite d'être mise à jour périodiquement afin de permettre des comparaisons qui peuvent être extrêmement intéressantes sur divers plans. Ce document vous sera distribué à l'occasion de la prochaine séance; je crois qu'il s'agit là d'un document très technique, il est composé de tableaux et de quelques commentaires pour faire ressortir ce qui nous apparaît être les raisons des écarts. C'est un document qui nous est extrêmement utile et qui, je l'espère, vous sera utile également.

D'ici peu de temps, nous serons également en mesure de publier trimestriellement un nouveau bulletin statistique aussi bien pour toutes les personnes intéressées dans le secteur des affaires sociales que pour ceux qui font de la recherche, de l'enseignement, etc. Dans un premier numéro, ce bulletin va contenir principalement des données sur les programmes de sécurité du revenu. Dans une livraison subséquente, l'intention est d'étendre et d'inclure des données sur les services de santé, les services sociaux et au même moment ou quelque peu après, dans une troisième section, de façon périodique nous publierons des données à caractère démographique ou des données qui sont reliées, recueillies dans le système de cueillette des données de nature démographique. On se souviendra d'ailleurs de certaines modifications à la Loi de la protection de la santé publique l'automne dernier.

Je crois que nous aurons là, pour tous les intéressés dans le secteur des affaires sociales, un outil qui peut être extrêmement important. On ne saurait trop exagérer ou insister assez sur l'importance de la recherche, d'une information valable. Nous avons plusieurs fois eu la chance de pouvoir bénéficier de travaux effectués qui, au moment de leur lancement, auraient pu paraître à certains comme étant plus ou moins superflus mais qui, par les données qu'ils ont révélées, la meilleure connaissance des problèmes qu'ils ont mis en valeur, ont permis de

prendre des décisions, d'informer les organismes intéressés d'une façon extrêmement utile.

C'est la raison pour laquelle je voulais signaler la venue prochaine de ce bulletin. Il s'agit de faire en sorte que l'éditeur officiel pourvoit aux dernières étapes de publication.

Voilà les quelques commentaires, M. le Président, que je voulais faire lorsque les membres — chacun des représentants des partis d'Opposition — auront fait leurs commentaires d'ordre général, peut-être pourrions-nous comme par les années passées, nous entendre sur une certaine marche des travaux. Nous avons avec nous, comme vous l'avez constaté, le président de la Régie des rentes, le président de la Régie de l'assurance-maladie, celui du Conseil des affaires sociales, de la Commission d'appel; nous avons également tous les sous-ministres adjoints du ministère, de même que le sous-ministre. Si nous pouvions avoir un certain aperçu de la marche des travaux, je pense bien qu'il y a intérêt à ce que le plus grand nombre d'officiers du ministère demeurent ici malgré tout, il n'en demeure pas moins que la vie continue pendant que nous étudions les crédits et qu'il ne serait peut-être pas sage, je pense bien, que le ministère demeure pendant un certain nombre de jours privé de l'ensemble de ses principaux officiers. Or, c'est dans ce sens que je fais cette remarque.

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au ministre d'ajouter, à la revue qu'il vient de faire, un rapport sur la conférence extrêmement importante à laquelle il a assisté, étant donné que les résultats qui n'ont pas tous été communiqués à la presse peuvent influer sur la discussion des autres sujets d'ordre général qu'il a abordés ce matin?

M. CASTONGUAY: Si les membres sont d'accord. Y a-t-il une objection? Cela dissipera peut-être certains malentendus!

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a des malentendus entre M. Lalonde et M. Castonguay?

M. CASTONGUAY: Non, mais peut-être entre M. Loubier et M. Castonguay, M. Laurin et M. Castonguay, M. Guay et M. Castonguay. J'ai lu avec intérêt le Devoir de ce matin. M. Cloutier et M. Castonguay...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Castonguay, c'est... J'y reviendrai tantôt. Je ne ferai pas la remarque tout de suite.

M. CASTONGUAY: Alors, est-ce que cela va?

M. CLOUTIER (Montmagny): II y aurait peut-être... Oui, dans ce dossier, je ne sais pas... M. Laurin, le député de Bourget, n'a pas mentionné spécifiquement les documents mais je pense que tous les documents qui entourent la dernière conférence et spécialement le mémoire qu'a déposé le ministre des Affaires sociales du Québec à la conférence et évidemment tous autres documents qui ont été échangés par la suite au cours de la conférence et, même si on l'a lue dans les journaux, la déclaration finale du ministre Lalonde, on apprécierait...

M. CASTONGUAY: La déclaration du ministre Lalonde a été reproduite dans le Devoir. Il y a d'autres documents.

Avant d'entrer dans cette question des documents, nous avons fait une déclaration au début de la conférence et je demande que l'on en fasse venir des copies que je vous distribuerai.

Quant au texte de M. Lalonde, au terme de la conférence, je voudrais bien insister sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'un communiqué officiel, mais plutôt d'un texte d'introduction à la conférence de presse qui a été tenue et à laquelle assistaient les onze ministres qui ont participé à la conférence. Alors, de même, ce texte a été reproduit en fait dans le Devoir. Comme la copie que j'ai provenant de la conférence comporte plusieurs ratures, il' y a quelques changements ou plusieurs changements d'apportés, je ferai reproduire des copies de ce texte tel qu'il a été publié dans le Devoir. Je l'ai lu et il m'apparaît conforme à ce qui a été dit.

Quant aux autres documents, nous avions des documents de travail qui ont été préparés au sein du ministère pour nous permettre tout simplement avant la publication du document de travail fédéral d'analyser un peu plus rapidement le contenu de ce document, en ce qui a trait par exemple aux allocations familiales. Alors, il s'agit plutôt d'un outil de travail interne et je crois qu'étant donné la vaste gamme des options possibles et de toutes les hypothèses qui ont été prises pour analyser ces options qui auraient pu se retrouver dans le document fédéral, je trouve qu'il y aurait un certain danger à publier ce document tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas pris ici certaines des décisions qui vont devoir être prises à la suite de cette conférence.

Nous avons également, pour des fins internes, préparé un premier travail qui fait suite aux travaux qui avaient été amorcés en novembre dernier et qui porte sur le financement de l'assistance sociale par la voie du régime canadien d'assistance publique. On sait qu'en vertu de ce régime, le gouvernement du Canada partage à 50 p.c. le coût de l'assistance sociale et le coût des services admissibles. Nous avions identifié clairement que cette formule de partage avait pour effet de faire supporter un fardeau plus lourd des budgets d'aide sociale par les provinces où le nombre des bénéficiaires est relativement plus élevé que dans les provinces plus riches. Alors, compte tenu du fait qu'il ne serait pas tout à fait exact d'isoler un seul

budget comme celui-là, nous avons poursuivi le travail pour introduire l'effet de la péréquation. Certaines hypothèses qui sont peut-être discutables ont été utilisées, et c'est pourquoi je dis que c'est un document qui n'est pas définitif, il n'est pas considéré encore comme un document officiel du ministère, c'est plutôt une étude interne qui doit être poursuivie selon les hypothèses suivies. La péréquation a été répartie aux divers postes du budget du gouvernement selon l'importance relative ou en proportion directe de ces divers postes budgétaires.

Le fardeau de l'aide sociale corrigé pour tenir compte de la péréquation a été, par la suite, relié au revenu personnel net des citoyens de chacune des provinces et, selon les hypothèses utilisées, cette étude démontre que, malgré la péréquation, il demeure encore certains écarts dans le fardeau que doivent supporter les contribuables selon qu'ils demeurent dans des provinces plus riches ou moins riches. C'est un travail qui a été préparé au sein du ministère. Nous avons demandé que l'étude de cette question soit poursuivie. H a été accepté que cette étude se poursuive dans le cadre de la révision des mécanismes de financement des mesures de sécurité du revenu.

Quant à cette conférence, j'ai tenté d'en faire un certain bilan. Il est assez difficile de reprendre tous les points parce qu'il faudrait pratiquement procéder à une analyse du document de travail, parce qu'il n'est pas possible de retenir uniquement ce qui a fait l'objet de la discussion et ce qui apparaît dans le texte lu par M. Lalonde, le document de travail constituant également un élément de cet ensemble. C'est pourquoi, en fait, ce que je vais donner comme bilan constitue, à mon sens, les points saillants du livre jaune et de la conférence des 25, 26 et 27. Cela ne peut pas être considéré comme une analyse exhaustive de tous les aspects qui sont compris dans ce livre blanc de même que de toutes les questions qui ont pu être discutées au cours de cette conférence de trois jours.

En premier lieu, je pense qu'un aspect qui doit être mentionné est, qu'aussi bien dans le document de travail qu'au moment de la conférence, l'identification des problèmes, la philosophie générale, les objectifs et les priorités que l'on retrouve aussi bien dans le document de travail fédéral que dans la réaction des provinces à ce document nous apparaissent comme étant quelque chose de positif, compte tenu du fait que cette identification des problèmes, des grands objectifs, des priorités qui s'en dégagent sont généralement en accord sur la politique que nous avions exposée en janvier 1971 et par la suite. En second lieu, le gouvernement fédéral reconnaît, non pas seulement dans son document de travail, mais tout au long de la conférence fédérale-provinciale — c'est ressorti de façon très claire quant aux suites à donner à cette conférence fédérale-provinciale — la nécessité de mener conjointement la réforme des programmes de sécurité de revenus et des programmes connexes. Si l'on se reporte simplement à certaines initiatives prises aussi récemment qu'au printemps 1972, je crois qu'il s'agit là d'un changement majeur. On a beau parler de primauté législative, on a beau parler de consultation, il n'en demeure pas moins que le gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser, a occupé des secteurs tels que ceux des allocations familiales depuis trente ans, des pensions de vieillesse depuis plus de vingt ans pour ne citer que deux exemples, qu'il a pris des initiatives dans le passé de façon complètement unilatérale et que là, il annonce que la réforme doit être menée de façon conjointe. Nous verrons un peu plus loin que des mécanismes sont proposés pour éviter, justement, que des initiatives comme celles déjà prises puissent venir introduire des déséquilibres plus grands entre les provinces. Alors, des mécanismes sont proposés à cet effet.

Le gouvernement fédéral a accepté également — et ceci, est ressorti très clairement au cours des discussions et aussi dans le texte lu par M. Lalonde— que l'examen global ou le réexamen global inclue des aspects qui jusqu'à ce jour ont été considérés comme étant externes ou dissociés de la sécurité du revenu. Je pense, en particulier, au régime d'assurance-chômage, au programme de formation professionnelle des adultes en ce qui a trait à la stratégie de création d'emplois, soit sociaux ou à caractère communautaire, à la nécessité de ne pas procéder par voie de nouveaux programmes qui viennent s'ajouter aux autres, mais d'introduire dans le développement de cette stratégie des programmes comme ceux des initiatives locales.

Troisièmement, le gouvernement fédéral reconnaît, et d'une façon qui m'apparaît bien différente de celle qui était sous-jacente à la philosophie du livre blanc de l'automne 1970, la responsabilité des provinces dans le domaine de la sécurité du revenu ou de la sécurité sociale de même que la nécessité de tenir compte de l'existence de conditions socio-économiques qui peuvent différer selon les provinces et selon les régions du pays. A cet effet, le gouvernement fédéral a proposé — et nous avons eu l'occasion d'en discuter assez longuement lors de la conférence — deux mécanismes qu'il incorporera dans un premier temps à sa législation sur les allocations familiales. Ces mécanismes permettront au gouvernement d'une province d'effectuer des modifications à la structure des paiements à l'intérieur d'un programme — par exemple, dans le cas des allocations familiales, de modifier la structure des paiements — et aussi, ce qui est extrêmement important, à mon sens, d'effectuer des transferts de fonds d'un programme à un autre. Et nous avons posé la question pour savoir si ces transferts pourraient s'effectuer, à titre d'exemple, des allocations pour la formation professionnelle des adultes vers un autre programme de sécurité du revenu, et la réponse a été affirmative.

Ce qui nous apparaissait important vis-à-vis de ces deux mécanismes était de nous assurer que les conditions auxquelles l'exercice ou l'utilisation de ces deux mécanismes serait soumis ne viennent pas les vider de leur sens, c'est-à-dire, si on les entoure de trop de conditions. Et nous avons pu constater, par rapport aux arrangements administratifs qui avaient été négociés le printemps dernier, qu'ils sont d'une nature bien différente. Aucune condition au plan financier, par exemple, n'est imposée aux gouvernements des provinces. En fait, le gouvernement fédéral veut tout simplement introduire des normes strictement minimales et aussi assurer que les décisions prises au niveau des provinces ne viennent pas affecter de façon générale les grandes allocations de ressources que le gouvernement fédéral veut faire entre les secteurs. Ceci nous donne, à l'intérieur du secteur de la sécurité sociale, la possibilité — j'en suis convaincu — de faire les adaptations de programme qui nous apparaissent nécessaires et, au besoin, des nouvelles allocations de ressources.

Si l'on se rappelle le fait que depuis 30 ans, simplement au titre des allocations familiales, il existe un régime fédéral, que ce régime n'a en aucun moment été modifié, que ce régime ne permettait en aucune façon le type d'approche que je viens de souligner et si on se rappelle que dans un régime comme les allocations familiales, ce qui importe le plus, c'est d'une part la définition de ceux qui sont admissibles à un tel régime — et sur ce plan, je pense qu'il n'y a pas de difficulté — et d'autre part, c'est le niveau et la structure des prestations qui seront versées aux citoyens, avec les deux dispositions qui ont été introduites dans le document de travail du gouvernement fédéral de même qu'avec les précisions qui ont été apportées au cours de la discussion.

Je crois que nous avons là l'essentiel et que toute demande additionnelle de notre part n'aurait pu que retarder ou encore être refusée par le gouvernement fédéral qui, comme je l'ai mentionné à quelques reprises, occupe déjà ce champ par la voie d'un programme qui est en existence depuis 30 ans et qui, à ma connaissance, n'a jamais été contesté par aucun gouvernement.

Cinquièmement, le gouvernement fédéral et les autres provinces ont reconnu, de façon à mon sens très claire, les priorités que nous avions mises de l'avant au sujet des allocations familiales. D'abord, au lieu de procéder par la voie d'un régime sélectif, comme c'était proposé l'an dernier, le gouvernement fédéral veut s'engager dans un régime universel mais dont les prestations vont être imposables. Les propositions ou le projet de loi qui est envisagé va signifier pour le Québec l'addition d'environ $315 millions par année avant impôt sur le revenu; de plus, ceci va signifier pour le Québec une certaine récupération par la voie de l'impôt québécois sur le revenu. Ceci va donc nous permettre d'apporter des changements en même temps que la situation des familles va pouvoir être grandement améliorée, des changements importants au niveau de notre programme d'aide sociale aussi bien par la voie de la récupération de l'impôt que par la voie des prestations qui présentement sont versées à des enfants dans le cadre du régime d'aide sociale et que nous allons pouvoir réaménager différemment de telle sorte que la structure des paiements d'aide sociale et leurs niveaux soient plus appropriés.

Egalement, je crois qu'il est important de mentionner que les modifications apportées dans le secteur des allocations familiales vont avoir, sans l'ombre d'aucun doute, un impact sur le placement en institution et en foyer nourricier d'enfants et de jeunes. Nous avons une étude au ministère qui a été effectuée à la direction de la planification et qui démontre que le nombre d'enfants placés croit selon la taille de la famille ou, en d'autres termes, selon que la famille est aux prises avec des problèmes, financiers, des difficultés financières qui sont de plus en plus grands. En d'autres termes, plus une famille est pauvre, plus il y a probabilité que des enfants soient placés en foyer nourricier ou en institution; on sait, d'autre part, que plus le nombre d'enfants est élevé dans une famille, plus on retrouve de ces familles en dessous des seuils de pauvreté.

Au plan des incidences sociales qui résulteront des changements apportés au niveau des allocations familiales, au niveau de l'aide sociale, nous croyons qu'il va y avoir des incidences sociales très positives au niveau du placement des enfants en institution et en foyer nourricier. De même, avec ces changements, nous allons, dans toute la mesure du possible, tenter d'apporter des améliorations au fur et à mesure que l'expérience va se dégager quant au mécanisme d'incitation au travail que nous avons introduit dans les règlements de la Loi de l'aide sociale tout récemment.

Quant au régime de supplément de revenu proposé dans le document de travail du gouvernement fédéral, nous craignions — et c'est indiqué dans la déclaration que j'ai faite au début de la conférence — que l'on procède à l'élaboration — au cours d'une période de deux ans environ — très détaillée d'un modèle, d'un régime de supplément de revenu et que ce n'est que par la suite que l'on se serait engagé dans l'implantation d'un tel modèle.

Nous avons demandé que tout en ne rejetant pas nécessairement ce genre de travail qui va permettre malgré tout d'établir un cadre général des objectifs plus précis au plan opérationnel l'on étudie aussi, en parallèle et de façon concordante, l'implantation graduelle des changements qui sont énoncés dans le document de travail et ceci à partir du régime d'aide sociale existant et que, dans le contexte de ces études visant à une implantation graduelle, l'on mette l'accent sur la révision des modalités de financement.

Ainsi, au fur et à mesure que les travaux, les décisions et les ressources pourront devenir disponibles, il sera possible de franchir un peu plus rapidement les étapes que ne pourrait le laisser entendre le document de travail et aussi afin que ceci puisse s'effectuer à partir du régime d'aide sociale pour lequel nous avons tout l'appareil administratif requis. Ces deux points, qui nous apparaissaient très importants, ont été également acceptés, comme en fait état le texte de M. Lalonde, et le travail va s'effectuer de façon concurrente au même titre que le développement du modèle proposé par le gouvernement fédéral.

Un aspect qui nous paraissait également très important — il est souligné dans la déclaration du début de la conférence — était le danger que, par l'établissement de régimes distincts, par exemple pour les personnes invalides, les retraités, certains groupes, les chefs de famille uniques, que l'on réintroduise des catégories telles qu'elles existaient antérieurement à l'adoption de la Loi unique de l'aide sociale. En surface et rapidement, procéder par voie de catégorie peut sembler donner des avantages; d'autre part on se souvient que l'assistance catégorisée a donné lieu à bien des difficultés dans le passé, non pas seulement au plan de l'administration, mais au fait qu'à mesure que les conditions de vie évoluent, des groupes demeurent non couverts et que, par suite des définitions, les gens essaient de se classifier; c'est presque une invitation à la fraude. Cela alourdit fatalement les mécanismes administratifs et ce qui est le plus important, c'est qu'alors que le document de travail propose pour l'avenir que le critère, vers lequel on doit évoluer, soit un critère de revenu, c'est-à-dire, sans égard aux causes, que le régime supplémente le revenu pour ceux qui n'ont pas des revenus suffisants, l'on pose les premiers gestes dans la poursuite de cet objectif à partir de critères qui ont déjà été rejetés dans le passé et qui ne sont pas reliés au revenu, c'est-à-dire les critères touchant l'état de santé, le degré d'invalidité, etc. Ceci nous apparaissait donc un aspect qui présentait des dangers et, comme en fait état la déclaration de M. Lalonde, avant qu'une approche comme celle-ci puisse être retenue, si jamais elle l'était, nous avons tous convenu de la nécessité de pousser plus loin le travail avant de nous engager dans une telle loi.

Nous avons également — et je reviens à la question antérieure que je mentionnais en faisant état des augmentations des pensions de vieillesse le printemps dernier — reconnu la nécessité d'harmoniser les niveaux de prestations versées en vertu des divers programmes de sécurité de revenu et même de programmes connexes tels que la partie des allocations versées à des fins de supplémentation de revenu, par exemple dans des programmes comme la formation professionnelle des adultes. Déjà, si on examine les propositions 12 et 13, on voit que, dans le document de travail du gouverne- ment fédéral, cette possibilité était soulignée lorsqu'on disait à la douzième proposition que les normes touchant les niveaux des prestations, de revenu garanti pouvaient être — je ne me souviens pas du texte de la proposition 12 ou 13 mais elle est assez importante à mon sens — déterminées par chacune des provinces.

Celles-ci pourraient être autorisées à modifier, comme elles le jugent à propos, les taux d'allocation universels et autres allocations versées au terme des programmes administrés par le fédéral, à l'exception des mesures d'assurance sociale relatives aux salaires. Dans ce dernier cas, compte tenu du fait que nous les avons légifèrés et que nous administrons à la fois le Régime de rentes du Québec et le Régime d'indemnisation des accidents du travail, il ne reste donc dans cette catégorie qui est exclue que celle de l'assurance-chômage. Il y a là, à mon sens, un autre aspect assez fondamental.

Nous avons aussi souligné, au cours de la conférence, le problème qui est en voie de surgir, compte tenu du fait que, dans le développement des centres locaux de services communautaires, par exemple, dans les centres de services sociaux et pour certains autres services, l'accessibilité à ces services doit se faire de façon universelle. En d'autres termes, ces services sont de telle nature qu'il ne serait pas approprié, à notre sens, de faire subir une épreuve ou un test des besoins aux gens qui requièrent de tels services, surtout lorsqu'on pense à des fins de prévention, de réadaptation. Je pense, en particulier, à des services comme celui de la planification familiale, à tous les services que l'on retrouve dans les centres de services sociaux, consultations matrimoniales, adoption, etc.

Nous risquions de perdre le partage en vertu du régime canadien de l'assistance publique, étant donné que les coûts sont partagés en vertu du Régime canadien d'assistance publique, pour autant qu'il y a eu démonstration de besoin au moment de la dispensation des services. Le gouvernement fédéral a accepté le principe, et le travail au plan concret doit être amorcé le plus rapidement possible, de telle sorte que cette approche différente qui est suivie au Québec et dans certaines autres provinces, qui tend à se généraliser, n'ait pas pour effet de faire perdre le partage dont nous bénéficions présentement par la voie du Régime canadien d'assistance publique dans le financement de ces services.

Nous avons discuté également du Régime de retraite au Canada, et des provinces comme l'Ontario et le Manitoba ont suggéré et ont insisté fortement pour que des modifications soient apportées au Régime de retraite du Canada. Plusieurs ont souhaité que soit atteint de nouveau le parallélisme, comme il semblait convenu d'appeler ce phénomène ou cette caractéristique des deux régimes, soit le fait que, de 1966 à 1972, les deux régimes comportaient des dispositions identiques.

D'autre part, j'ai mentionné, que tout comme on le reconnaissait, pour les programmes autres que les assurances sociales, il était nécessaire de tenir compte des conditions socio-économiques qui peuvent différer d'une province à l'autre. J'ai mentionné que, aussi bien pour les régimes d'assurance sociale, la nécessité de reconnaître des choses telles que des différences précises, identifiées dans les niveaux de revenu moyen des travailleurs, par exemple, militait ou pouvait justifier des dispositions différentes entre le Régime de rentes du Québec et le Régime de retraite du Canada. Sans prendre aucun engagement, nous avons convenu de nous associer aux travaux d'un comité et de travailler au sein de ce comité mais dans le contexte que j'ai mentionné.

Si, à l'occasion des travaux de ce comité, il se dégage des amendements qv 'il pourrait être bénéfique d'apporter au Régime de rentes du Québec. Nous allons les étudier et nous verrons s'il y a lieu de les adopter, mais aucun engagement de notre part n'a été pris. J'ai déjà mentionné également au tout début, lorsque j'ai fait état des documents, la remise du document initial ou le document de travail préparé au sein du ministère sur le partage ou l'équilibre dans les fardeaux qui doivent être supportés par les contribuables des diverses provinces pour des régimes tels que celui de l'aide sociale.

En définitive, à mon sens, peu importe de quelle façon on examine l'ensemble de ce bilan par rapport à la situation antérieure ou encore à celle que nous avons vécue jusqu'à il y a deux semaines, que ce soit quant au niveau des ressources allouées par rapport à nos priorités, que ce soit par rapport à la nécessité d'adapter les programmes en fonction des conditions propres au Québec, que ce soit quant aux objectifs généraux à poursuivre dans le domaine de la sécurité du revenu et des programmes connexes, il m'apparait clair qu'il s'agit là d'un bilan fort positif. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons réagi suite à cette conférence.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Pe-sident, ce n'est qu'une coincidence, je pense bien, mais le programme 1 des crédits du ministère des Affaires sociales cette année porte précisément sur le soutien du revenu et les programmes de sécurité du revenu, de sorte que nous avons été amenés, au tout début de l'étude de ces prévisions budgétaires à parler de la conférence fédérale-provinciale.

Mais avant de reprendre ce thème dont vient de parler le ministre des Affaires sociales, thème qui a été l'objet d'une conférence fédérale-provinciale la semaine dernière, je voudrais faire quelques très brefs commentaires sur l'importance de l'étude que nous entreprenons ce matin. L'étude des prévisions budgétaires du ministère des Affaires sociales, cette année et l'an prochain, dans le contexte des discussions qui auront lieu avec le gouvernement fédéral, les comités d'étude qui ont été mis en place au niveau des fonctionnaires, les discussions qui vont se poursuivre au niveau politique entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, revêt une importance particulière et je pense bien que l'on n'a pas besoin de faire de longues démonstrations.

Si nos craintes — les craintes que nous avons exprimées, sur lesquelles nous allons revenir et que nous allons préciser davantage — si ces craintes sont fondées, il est probable que l'étude des prévisions budgétaires du ministère des Affaires sociales, dans les prochaines années, sera beaucoup moins importante qu'elle ne l'est dans le moment et par les responsabilités que pourra assumer le ministère et par les sommes d'argent qui seront mises à sa disposition. Un exemple concret. Avec la réforme qui est proposée par le document de travail du gouvernement fédéral, le livre jaune, il y a des programmes importants dont le ministère des Affaires sociales a pris l'initiative au cours des dernières années qui seront appelés à disparaître. Entre autres, le programme 1, les deux premiers éléments que nous étudions: les allocations familiales provinciales et les allocations scolaires. On n'a pas besoin de faire un long débat sur la question. Si le gouvernement fédéral arrive avec $315 millions additionnels dans le domaine des allocations familiales, c'est-à-dire une somme totale de $495 millions, je pense bien que la première chose que le ministre des Affaires sociales va faire sera de prendre ses $95,100,000 qui apparaissent aux crédits de 73/74 et de faire autre chose avec.

M.CASTONGUAY: Vous me permettrez...

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, d'accord mais cela m'apparaît...

M.CASTONGUAY: ...de contester cela au moment où je ferai la réplique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, d'accord mais il m'apparaît, à prime abord, que le ministre des Affaires sociales ne prendra pas ce montant d'argent pour le distribuer, en tout cas, dans le cadre des allocations familiales. Il va peut-être penser à d'autres programmes, à moins que le ministre des Finances ne requière cet argent pour équilibrer un cinquième budget. C'est chose possible.

Le programme d'aide sociale. Avec les projets du fédéral, les projets qui ont été avancés par le document, le livre jaune, on entre dans la sécurité, dans le revenu minimal garanti, si on veut. On est déjà entré dans ce concept avec les personnes âgées mais là, on va y aller beaucoup plus, on va supplémenter le revenu, on va le supplémenter de façon générale, on va le supplémenter de façon spéciale pour certaines catégories de personnes et comme programme résiduel, au bout de la course, pour des problèmes résiduels, on va recourir encore à l'assistance publique, j'imagine, ou à une forme

d'assistance publique, à une forme de régime comme celui de l'aide sociale. Mais de toute façon, on se rend compte, dès le départ, que ce programme, programme que nous allons étudier au numéro 2, qui représente environ $300 à $350 millions va être de beaucoup moins considérable.

Alors, on s'aperçoit que le fédéral avec son programme pour les personnes âgées, de la sécurité et de la vieillesse, le supplément du revenu garanti pour les personnes âgées... Nul doute que l'âge de la pension sera abaissé parce que l'on a donné une certaine indication: les personnes de 64 ans et plus pourront choisir entre le régime de sécurité de la vieillesse ou le régime de supplément du revenu garanti ou un régime de soutien du revenu. Elles prendront le plus avantageux. Alors, déjà on donne une indication que l'on va baisser la sécurité de la vieillesse, probablement dans un délai X que je ne connais pas, de 65 à 60 ans. Donc, le programme de la sécurité de la vieillesse du fédéral va prendre beaucoup plus d'importance avec les années.

Comme autre programme important, il va y avoir les allocations familiales. Je viens de dire que le fédéral probablement prendra dans ce secteur toute la place, consacrant ainsi le leadership qu'il a pris en 1946, alors qu'il est entré dans ce champ d'activités. Même s'il n'a pas modifié le programme par la suite, sauf quelques modifications mineures, évidemment, aujourd'hui, avec l'importance du programme canadien qui sera de $1,800,000,000 dont $500 millions pour le Québec, on voit la place de choix, dans tout le programme, dans toute la politique de sécurité sociale que vont occuper les allocations familiales. Comme autres programmes importants, on a les programmes d'assurance-chômage qui, eux aussi, surtout depuis juin 1971... les programmes dont on connaît les millions et les milliards même, ce que cela représente dans l'économie canadienne et dans le fonctionnement de l'économie québécoise. On a aussi les programmes d'allocations aux vétérans; on a d'autres programmes de formation de la main-d'oeuvre, recyclage, enfin tous ces domaines qui, depuis plusieurs années, avec les centres de main-d'oeuvre, ont fait l'objet d'une discussion assez serrée, d'un dialogue assez serré entre le fédéral et le provincial.

On voit donc l'importance de tous ces programmes fédéraux.

Le gouvernement fédéral, désirant garder ou prendre un leadership nouveau, entre maintenant de plein-pied dans le domaine de la sécurité du revenu.

Là encore, tout dépend des seuils de pauvreté qui vont être fixés. On n'a aucune indication à ce moment-ci de ce que seront les seuils de pauvreté. Les indications les plus précises qui nous ont été données l'ont été par le ministre des Affaires sociales dans son document à la conférence de 1971, où il avait réclamé très vigoureusement la priorité législa- tive. C'est à ce moment qu'on a donné quelques indications. Le ministre s'était servi de certains barèmes avancés par le Conseil économique du Canada et d'autres organismes qui avaient fait des études fouillées, très fouillées.

Alors, on voit, M. le Président, que, dans le domaine de la sécurité de revenu, des programmes de la sécurité du revenu — et je fais abstraction ici des programmes de santé, tels que l'assurance-hospitalisation et l'assurance-maladie, qui font l'objet d'autres ententes avec le fédéral, mais je parle du domaine de la sécurité du revenu — on voit quelle importance va prendre l'action gouvernementale fédérale. C'est pour ça que je dis que, dans ce cadre-là, l'étude des crédits que nous entreprenons ce matin et les discussions que nous allons avoir durant ces quelques jours... Parce que le ministre sait bien que nous ne terminerons pas aujourd'hui l'étude des prévisions budgétaires, probablement que nous allons déborder la semaine actuelle. D'ailleurs, le ministre serait fort déçu si on terminait trop rapidement: ça pourrait vouloir dire que son ministère perd de l'importance. Mais nous voulons le convaincre que son ministère est très important, qu'il a autour de lui toutes les ressources humaines suffisantes pour rapatrier tous les programmes de sécurité sociale qui seront bien administrés ici au Québec. Il a des ressources qu'il utilise largement, des ressources humaines. Il y en a peut-être d'autres, s'il en a besoin, qu'il n'utilise pas assez et qu'il pourrait peut-être utiliser davantage. En tout cas, il y a suffisamment de ressources, au ministère des Affaires sociales, pour rapatrier tous les programmes de sécurité sociale sans inquiétude. On est capable de les concevoir, on est capable de les administrer et on est capable, dans ce secteur, de garder le leadership qui n'empêchera pas le travail en collaboration avec les autres gouvernements du Canada, les gouvernements provinciaux et le gouvernement canadien.

D'ailleurs, M. le Président, c'est là la pierre d'achoppement. Je pense que le ministre des Affaires sociales, pour des considérations, probablement sous l'impulsion ou sous les pressions du cabinet ou du ministre des Finances, se voit aux prises avec un dilemme important, devant l'impératif de rapatrier des sommes d'argent importantes, d'avoir à sa disposition des sommes d'argent importantes et dans le domaine des allocations familiales et pour les autres programmes aussi. Il se voit peut-être contraint de sacrifier sur les principes essentiels et les principes de base qui ont toujours servi à établir la politique des gouvernements du Québec depuis plusieurs années en matière de sécurité sociale.

Alors, le ministre est aux prises avec un dilemme. A ce moment-ci, il n'y a rien d'irréparable et je pense bien que, dans les ententes, il n'y a aucune entente signée avec le gouvernement canadien, il y a des projets de loi qui seront déposés, il y a des discussions qui vont se

poursuivre. Alors, je pense qu'il n'y a aucune mesure définitive, il n'y a aucun accord, il n'y a aucun consensus qui ont été donnés, mais il y a des indications suffisamment précises pour que le ministre des Affaires sociales voie qu'il peut y avoir danger. Il aura à prendre des décisions qui vont engager tout l'avenir des discussions constitutionnelles. Et le texte de M. Lalonde, le texte à la fin de la conférence, est non équivoque, il est très explicite. C'est qu'une fois qu'on aura fait ces discussions, pendant un délai X, deux ans, trois ans, cinq ans, qu'on aura revu tout l'ensemble, on prendra des décisions importantes sur l'ensemble de la sécurité sociale et probablement sur les discussions d'ordre constitutionnel.

Alors, on va se retrouver devant des faits accomplis et devant des programmes qui ont été décidés, qui ont été arrangés; même si c'est de façon temporaire, on sait que ce temporaire a beaucoup de tendance à devenir permanent et très rapidement. Un danger, c'est qu'on entre dans cette discussion sans avoir établi des déclarations de principe, sans avoir établi suffisamment clairement les prémisses de base. Les négociations se poursuivant pendant deux ans, trois ans, cinq ans; on sera tenté, au moment où il y aura urgence, d'adopter des mesures administratives et de conclure des ententes partielles sur des législations bien particulières, et on oubliera l'orientation générale qui doit servir de base et de garde-fou à toutes ces négociations. C'est pour ça que je dis qu'à ce moment-ci le ministre doit être très explicite, même si on ne fait que commencer l'étude du livre jaune des propositions du fédéral. Le ministre doit répondre à nos inquiétudes, il doit nous dire quels sont les principes de base sur lesquels il ne sacrifiera pas. Il doit nous dire quelle est l'importance, dans son optique, de ce concept, de cette priorité qui ont guidé ses travaux depuis 1970 et ses représentations aux conférences fédérales-provinciales et aux conférences provinciales, ce concept de la primauté législative. Il doit nous dire quelle est la place que le Québec doit occuper dans le domaine de la sécurité sociale à son avis, dans le contexte actuel. Je comprends que le contexte des discussions, des négociations puisse évoluer. Je ne voudrais pas faire de personnalité ici, mais je pense bien qu'on ne discute avec le nouveau ministre de la Santé nationale, M. Lalonde, comme on discutait peut-être avec M. Munro ou avec M. MacEachen. Il y a certainement une nouvelle approche qu'apporte M. Lalonde et une nouvelle approche évidente. Je pense que, si on veut porter un jugement sur les modalités d'approche de M. Lalonde, le nouveau ministre, il y a certainement des éléments positifs, comme le ministre l'a mentionné tantôt, il y a certainement une ouverture maintenant qu'il n'y avait pas il y a encore quelques mois. On s'aperçoit, M. le Président, si on me permet ici un commentaire assez personnel, que les hom- mes passent et qu'ils ont des approches différentes. Des hommes différents sont à la tête des ministères à Ottawa et à Québec et ils ont des façons nouvelles d'approcher ces problèmes. D semble qu'on ne doit pas essentiellement baser l'avenir de la constitution sur des hommes en place ou sur des approches que ces hommes utilisent pour faire leurs propositions. Cela doit aller beaucoup plus loin que ça.

Le député de Dubuc suggère que le ministre actuel a lui aussi changé son approche. Alors, les mêmes hommes, à différents moments de leur carrière politique, changent peut-être. Ce qui nous apparaît à ce moment-ci, c'est que le ministre a fait un virage ou se prépare à faire un virage important. Je ne sais pas si on peut employer le mot du député de Dubuc: une retraite ou un changement complet de conception maintenant de la discussion. Le ministre des Affaires sociales est responsable du secteur des affaires sociales, on est d'accord là-dessus. Le gouvernement a décidé, dans l'ensemble, qu'il ne discutait pas la question constitutionnelle, que la question de la sécurité sociale ne se discuterait pas dans la révision de l'option constitutionnelle ou dans le cadre des discussions, des modifications à la constitution ou de l'élaboration d'une nouvelle constitution.

On discute ce secteur isolément de toutes les autres préoccupations gouvernementales. On le discute même isolément du partage du pouvoir fiscal, du partage des responsabilités du pouvoir de dépenser.

Alors, le ministre des Affaires sociales ne peut pas, même s'il discute, avec son homologue du fédéral, de la sécurité du revenu, dissocier sa négociation de tout le problème de la révision constitutionnelle qui devra venir un jour ou l'autre. Même si le ministre discute à ce moment dans son seul secteur des programmes de sécurité du revenu et plus particulièrement, les allocations familiales, avec M. Lalonde et les autres ministres provinciaux des Affaires sociales, le ministre est conscient qu'ils mettent en jeu tout l'avenir des discussions constitutionnelles parce que la sécurité sociale en prend une large part, la part principale. La pierre d'assise de toute la discussion constitutionnelle tournera alentour du règlement de la question sociale, la question de la sécurité sociale. On l'a vu à Victoria parce que c'est sur ce point en particulier que les discussions ont achoppé.

M. le Président, même si les discussions entreprises au niveau fédéral s'appliquent à des programmes bien particuliers, dans le cadre d'un projet de réforme soumis par le ministre Lalonde, projet de réforme qui contient quatorze propositions qui donnent des orientations, des indications quant au degré additionnel de souplesse qui sera consenti aux provinces à l'intérieur de ces législations, je pense que le ministre devra clarifier durant l'étude de ces prévisions budgétaires, sa position et nous dire exactement l'importance qu'ont pour lui les

concepts, les principes de base qu'il a défendus depuis 1970 dans le domaine de la sécurité sociale.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, bien sûr nous entamons ce matin une étape assez importante dans le fonctionnement d'un ministère, c'est-à-dire l'adoption des crédits. Je ne voudrais pas avoir l'impression de m'adresser ce matin au sous-ministre de M. Lalonde, si on se réfère à ce qu'on a entendu, à ce qu'on a vu, à ce qu'on a discuté. Bien sûr que nous avons accueilli, dans le cadre de ces discussions fédérales-provinciales, de façon assez joyeuse, peut-être comme le ministre, l'augmentation des allocations familiales qui viendront en aide aux familles, qui viendront combler un revenu familial accru à cause du nombre d'enfants.

Cependant, à toute médaille il y a un revers. Nous nous demandons ce matin si le Québec ne vient pas de manquer l'occasion, au cours de ces discussions avec le ministre fédéral, de s'affirmer en matière de sécurité sociale.

On a vu différents media d'information rapporter de façon un peu différente, mais quand même sur un même ton, le reflet de ces discussions et peut-être de l'avenir qui est réservé au programme existant, administré par le Québec.

Le Québec a connu la semaine dernière une étape qui n'est, depuis l'arrivée du présent gouvernement, que le sombre reflet de l'action de ce gouvernement, soit la capitulation pure et simple devant l'intransigeance du gouvernement d'Ottawa.

Et je me demande si le ministre des Affaires sociales du Québec a fait valoir aussi sévèrement ce qu'il a défendu jusqu'à maintenant, soit la priorité législative en matière des affaires sociales.

Ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion d'en discuter.

Cependant, il semble, avec ce champ nouveau de discussions qui est ouvert avec Ottawa, que le ministre aurait eu, peut-être pas ce qu'on appelle une dernière chance, mais une chance inouie de faire prendre en main par le Québec la destinée du programme de sécurité du revenu.

Je ne dis pas que le ministre a démontré son incapacité mais je pense qu'il aurait pu faire mieux. L'occasion se présentait et on est porté à croire que le ministre des Affaires sociales du Québec a succombé au "candy" que le ministre fédéral lui a offert. Bien sûr, ces concessions, qui ne sont au départ que temporaires, viennent souvent s'ajuster de façon permanente. On l'a vu dans d'autres domaines; probablement que ce ne sera pas différent dans ce cas. Donc, ces concessions temporaires, je pense que le gouvernement fédéral les a accordées beaucoup plus dans un but électoral. Cela se dit déjà; cela semble bien évident.

Entre-temps, cette reddition se fait comme d'habitude sur le dos de la classe moyenne. Tous savent que ces avantages temporaires seront annulés dans un avenir assez restreint. On est porté à penser que le ministre a cédé à un chantage du gouvernement fédéral, ce qu'on pourrait appeler la pire abdication d'un ministre depuis pas mal longtemps. Et qui va payer cela? Qui va souffrir cette abominable reddition? Le ministre a négocié le droit fondamental du Québec en matière de sécurité sociale, peut-être pour des avantages électoraux bien cachés, étant donné l'adresse du ministre fédéral, M. Lalonde.

C'était la chance pour le ministre du Québec de prendre ses responsabilités une fois pour toutes. Ce n'est pas facile de négocier. Le ministre semble avoir donné la priorité sur la récupération d'argent applicable à autre chose. Le ministre nous parle de la souplesse du régime. Moi, je dis plutôt conditions imposées par le fédéral, parce qu'on remarque les trois conditions assez importantes pour le fonctionnement du régime. Et si, tout en respectant ces conditions imposées par Ottawa, cette mesure qui apparaît comme temporaire devient permanente, je me demande ce qui restera, à l'avenir, de décisions pour le Québec et surtout, quand on regarde attentivement les conséquences de ce nouveau programme, face à ce qui existe déjà. De quelle façon faudra-t-il s'ajuster? De quelle façon, par la suite, sera-t-il possible de défricher dans ce domaine pour appliquer des politiques nouvelles, politiques qui seront beaucoup plus adéquates, beaucoup plus adaptées au Québec.

Dans cette rencontre fédérale-provinciale, c'est sûrement un champ ouvert aux discussions. Peut-être qu'il n'y a encore rien de confirmé sauf qu'un document de travail a été déposé, des communiqués ont été émis, le ministre, lui-même, a fait des déclarations assez précises concernant sa décision à accepter ou à refuser. Cependant, rien n'est précis dans l'application de ce nouveau régime. A qui s'appliquera-t-il et de quelle façon? Et si ces crédits, dont nous commençons l'étude ce matin sont importants, c'est peut-être l'année où ils seront les plus importants parce que, si désormais on abandonne un champ aussi vaste et aussi profond que celui de la sécurité du revenu et qu'on le confie à un autre palier du gouvernement, moi, je me dis que le ministre des Affaires sociales du Québec deviendra beaucoup plus un administrateur qu'un homme politique qui doit décider de l'avenir des politiques d'un ministère.

M. le Président, sans entrer tout de suite dans chacun des éléments énoncés au crédit, nous accueillons favorablement les crédits de cette année, sauf que plusieurs éléments vont être profondément discutés face au problème qui se pose et que nous vivons chaque jour, que cela soit dans le domaine de l'aide sociale, assistance-médicaments, soins hospitaliers.

Je pense que ce serait beaucoup trop long de faire un commentaire général sur tous les crédits du ministère, sauf qu'à chacun des articles il y a un endroit ouvert où chaque membre de la commission peut donner son avis, dire ce qu'il en pense. Je pense que je vais réserver ces commentaires propres à chacun des secteurs importants qui apparaissent aux crédits. Cependant, avant de terminer, j'aimerais le dire au ministre, étant donné que les ententes fédérales-provinciales ne sont pas encore définitives, c'est-à-dire signées, j'aimerais que le ministre nous fasse part de ses commentaires, même s'ils peuvent être personnels; si nous avons des recommandations à lui faire, je serais très heureux de les lui faire parvenir, à la suite des discussions qui ont eu lieu au caucus du parti.

M. le Président, je réserve donc mes commentaires plus particuliers à chaque article.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Bourget. Je présume que vous voulez prendre la parole.

M. LAURIN: Vous présumez à juste titre. Le ministre, dans les objectifs qu'il fixe à l'année 1973, a dit que ce serait une année d'implantation de services qui ont pour but d'améliorer les conditions d'accès aux services de santé et aux services sociaux. Au cours des années précédentes, nous avons adopté des lois et maintenant il s'agit de voir comment ces lois peuvent se traduire au niveau de la réalité.

Lorsque nous avons adopté ces lois, nous avons rappelé le sort qui avait été fait à la révolution scolaire, et nous avons mis en garde, non seulement le ministre, mais tous les députés, tous les législateurs, afin que les difficultés que l'application de cette réforme scolaire avait engendrées ne se renouvellent pas à l'occasion de l'application de cette réforme aussi importante, aussi fondamentale qui s'amorçait dans le domaine des services de santé et des services sociaux. Le moment est maintenant arrivé de voir si ces difficultés s'amorcent, si nous en voyons les origines. Le ministre a été assez discret à cet égard lorsqu'il a fait la revue des activités de son ministère; je ne sais pas s'il a noté déjà ces difficultés, si ses collaborateurs lui en ont fait part, si des mesures ont été prises pour qu'on évite ces difficultés. En ce qui nous concerne, nous avons noté, d'après les informations qui nous parviennent, que ces difficultés n'ont peut-être pas pu être évitées complètement, et avant qu'il ne soit trop tard, il nous semble que le gouvernement devrait être mis en alerte pour qu'on évite les déboires, les tensions qui autrement pourraient survenir. Par exemple, nous n'avons aucune objection à ce qu'on étudie le problème de la relocalisation des services. Il est bien évident, pour prendre un exemple, qu'il y a peut-être trop de services d'obstétrique concentrés dans une seule région, trop de services d'orthopédie, trop de, services de pédiatrie, alors que d'autres régions ne les connaissent pas. Il est évident qu'il faut éviter le dédoublement indu de personnel ou d'équipement. Il est évident que les services de planifica-iton et de programmation doivent faire en sorte de viser à une utilisation rationnelle des hommes, de l'équipement, en même temps qu'on facilite l'accession la plus rapide et la plus efficace possible de la population aux divers services, non seulement communs, de première ligne, mais également aux services spécialisés. Il reste, cependant, essentiel que ces études, ces analyses des besoins en même temps que l'analyse des ressources, d'une part, et que d'autre part la relocalisation ou la meilleure utilisation de ces services, de ces équipements, se fassent toujours avec la participation des intéressés.

Evidemment, cela implique peut-être une lenteur additionnelle, en apparence. Il prendra probablement plus de temps avant d'en arriver à des décisions si l'on procède par voie de consultation aussi bien au niveau de l'analyse qu'au niveau des décisions. Il reste cependant que le temps qu'on peut sembler perdre au début est regagné facilement par la suite si on évite ce que les Américains appellent le "feedback" ou le "back-lash" de communautés ou de groupes de professionnels qui se sentent lésés ou qui se sentent court-circuités. Je pense que nous avons, au cours de la dernière année, des exemples de ces "back-lashes" de régions ou de groupes de professionnels. Nous en avons eu des échos dans les journaux et moi-même, peut-être parce que je suis médecin, on m'en a communiqué plusieurs. C'est la raison pour laquelle je me demande si toutes les précautions ont été prises pour que ces aléas, ces difficultés puissent être évités. Autant nous sommes d'accord sur l'objectif que vise le ministère, de la rationalisation des services qui amène, en fin de compte, une économie en termes de financement, autant nous insistons sur les conditions dans lesquelles ces analyses de besoin de ressources, ces analyses d'hypothèse et la prise de décision doivent être menées.

Ceci vaut non seulement pour la vocation des divers hôpitaux, ceci vaut non seulement pour la nouvelle vocation que doivent assumer les centres locaux de services communautaires mais ceci vaut également pour tous les problèmes que l'on peut avoir au niveau de la meilleure utilisation des services de santé. Je pense par exemple à un nouveau problème qui est en train de se poser d'une façon aiguë, celui de la sectorisation des institutions. On sent que l'accent est donné à cette sectorisation et que c'est là une approche rationnelle mais nous savons quand même que cette sectorisation, surtout celle-là, ne peut être acquise, ne peut fonctionner d'une façon efficace qu'avec le concours de tous les intéressés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions tellement insisté, lors de l'adoption de la loi 65, sur deux points qui nous paraissaient susceptibles d'améliorer l'utilisation des lois que nous adoptions,

celui de la déconcentration et de la décentralisation d'une part et, deuxièmement, un point qui en est le corollaire, celui de la participation. Il est malheureux qu'à ce moment-là on ne nous ait pas écoutés autant que nous l'aurions souhaité car on s'est refusé à décentraliser et même à déconcentrer, au niveau régional, l'appareil administratif.

Je pense que nous commençons déjà à en voir les conséquences et, avant que ces conséquences s'aggravent, s'aiguisent et risquent de compromettre une réforme que, par ailleurs, nous jugeons encore essentielle et indispensable, il faudrait peut-être prendre les correctifs qui s'imposent. Car, si tel n'est pas le cas, nous risquons de nous retrouver avec un engorgement bureaucratique au niveau du ministère, avec une accentuation de l'écart entre administrateurs et administrés aussi bien qu'entre le pouvoir et le citoyen, avec une évaluation académique biaisée et souvent faussée des besoins et des ressources, avec une lenteur décisionnelle, avec une répartition rigide et souvent inappropriée des ressources et de l'équipement, avec un embrouillamini administratif, avec une augmentation relative des coûts et une accentuation de la dépersonnalisation des services dans un domaine où il faudrait pourtant viser le plus à la minimiser et même à l'éviter.

Je sais bien qu'après une année à peine d'expérience, il est encore trop tôt pour faire des critiques très sérieuses à cet égard mais je pense quand même qu'il vaudrait mieux prévenir que guérir et qu'il faudrait déjà profiter des leçons que cette année a pu nous donner pour apporter les correctifs nécessaires. Peut-être encore une fois que le ministre, quand il répondra à nos interventions, pourra être plus explicite sur les difficultés qu'il a éprouvées et sur les correctifs que déjà son administration a mis en place pour empêcher ces difficultés de s'aggraver et de perdurer.

Par ailleurs, M. le Président, les ententes que le ministre nous avait annoncées, et en ce qui concerne plus particulièrement la mise en vigueur de l'assurance-maladie pour les soins dentaires, n'ont pas encore donné les résultats espérés. Nous avons vu récemment dans les journaux que ces négociations se heurtaient à des difficultés imprévues. Nous espérons grandement qu'une solution sera trouvée le plus rapidement possible, afin que la mise en vigueur de ce programme essentiel puisse s'effectuer dans les délais les plus rapprochés.

Il est évident également que pour nous, dans ce domaine, le gouvernement devrait viser le plus tôt possible à compléter le programme par une assurance, par un programme d'assurance-santé qui inclurait les médicaments pour toutes les catégories de citoyens et également l'assurance-prothèse. Nous insistons à nouveau sur l'assurance-médicaments, puisque ce sont souvent les citoyens à revenu modeste qui assument d'une façon excessive le coût de ces médicaments, et que ceci peut mettre en danger le principe qui guide la politique du ministère, c'est-à-dire celui de l'accessibilité universelle aux services de santé et surtout l'amélioration du capital humain québécois.

Nous insistons également à nouveau sur le fait que les catégories de citoyens à revenu élevé paient actuellement proportionnellement moins de prestations que les catégories de citoyens à revenu moyen ou à revenu modeste, étant donné que la cotisation est plafonnée à un certain niveau. Nous demandons au ministre s'il ne serait pas possible, au cours de la présente année ou des années qui viennent, d'améliorer le système, afin que tous les citoyens paient en proportion du revenu réel qu'ils gagnent, afin justement d'en arriver à une meilleure égalisation du citoyen devant l'impôt et à une meilleure redistribution du revenu national pour atteindre les objectifs d'accessibilité que le ministre s'est fixés.

De la même façon, nous nous demandons si, malgré les initiatives que le ministère a prises, cette année, dans le domaine de la prévention, ses efforts sont suffisants. Nous savons que le ministère a annoncé récemment un vaste programme en ce qui concerne la nutrition des Québécois. C'est là une initiative dont nous le félicitons et qui s'imposait depuis longtemps, mais nous aimerions que cette étude soit poussée le plus rapidement possible, afin qu'elle puisse donner lieu dans les plus brefs délais aux mesures qui s'imposent. Nous nous demandons également si le programme qui a été mis en place dans les écoles et, en particulier, dans les secteurs les plus défavorisés, que ce soit aussi bien au niveau de la nutrition des élèves que de la prévention des maladies, donne les résultats que le ministère en escomptait, et s'il n'y aurait pas lieu de pousser davantage ce programme, afin que nous en récoltions plus rapidement les bons effets que le ministère en escompte.

Nous nous demandons également s'il n'y aurait pas lieu de pousser davantage ce programme de prévention, par exemple, en l'étendant à certaines usines où les conditions de vie sont difficiles ou encore dans les milieux défavorisés. Je pense qu'il y a là un vaste domaine où pourrait se déployer l'initiative des hauts fonctionnaires du ministère, en particulier ceux de la recherche, de la planification et de la programmation.

Récemment également, nous avons vu les difficultés que commence à poser, dans le domaine de l'accessibilité aux soins, le double réseau public et privé. Il est bien évident que le ministère ne peut pas surveiller de façon aussi adéquate, et ne peut pas contrôler, d'une façon aussi adéquate non plus, autant les activités des institutions privées que celles des institutions publiques.

Non pas que nous soyons, par principe, contre les institutions privées. Car nous l'avons déjà dit, dans ce domaine, il y a des besoins nouveaux qui naissent à chaque instant et bien souvent ce sont ceux qui sont collés aux

milieux qui peuvent les percevoir, les ressentir avec rapidité et qui peuvent, dans un esprit de générosité, essayer de les pallier au meilleur de leur connaissance et de leur talent. Mais il reste cependant que dans ce domaine des institutions privées, il peut se glisser facilement, comme l'exemple du passé en témoigne, des profiteurs et que des moyens de contrôle doivent être mis en place le plus rapidement possible pour les déceler, les détecter, les éliminer du circuit quand ce n'est pas pour leur imposer des contrôles qui, au moins, les ramèneront à un sens plus aigu de la mission que ces institutions doivent poursuivre.

Des exemples déplorables, que nous avons eus au cours des quelques mois qui viennent de s'écouler, devraient inciter, je crois, le gouvernement à multiplier ces méthodes, ces mécanismes d'analyses, d'enquêtes, de révisions et de contrôles et peut-être l'amener à harmoniser, d'une façon plus adéquate, l'intégration des institutions publiques et privées aussi bien dans le domaine des services sociaux que dans le domaine des services sanitaires.

Nous ne sommes donc, encore une fois, M. le Président, qu'au début de l'implantation de cette réforme fondamentale commencée il y a deux ou trois ans mais je pense que nous devrions, comme toute entreprise moderne et rationnelle fait, mettre en place, le plus tôt possible, des mécanismes d'évaluation qui, au fur et à mesure que l'expérience se poursuivra, nous permettront de connaître les failles, les lacunes possibles, les vices mêmes de fonctionnement qui sont portés à notre attention, afin que nous puissions les corriger le plus possible; ce qui nous vaudra bien sûr des avantages économiques mais surtout nous évitera des tensions sociales, des tensions professionnelles inutiles qui, encore une fois, risquent de compromettre une réforme à laquelle tous les citoyens du Québec tiennent parce qu'elle s'imposait d'une façon absolument urgente.

Dans un autre domaine, le ministre veut utiliser, de la façon la plus rationnelle possible, les sommes consacrées aux programmes de sécurité du revenu. Il en fait même son premier objectif pour l'année 1973. Et nous sommes tout à fait d'accord avec lui, étant donné que ces mesures de sécurité du revenu visent à pallier la situation économique financière catastrophique d'une très grande partie des citoyens. On sent bien, en effet, que toutes ces mesures de sécurité du revenu, depuis qu'elles ont été instituées à la fin de la dernière grande guerre, visent à éliminer le scandale de la pauvreté dans une société d'abondance. Nous savons également que le Québec a plus que sa juste part de ces catégories de citoyens qui vivent en deça du seuil de la pauvreté. Toutes les enquêtes ont été faites là-dessus et nous savons malheureusement que — s'il faut en croire ces statistiques — le Québec compte peut-être près du tiers de sa population qui vit en deça du seuil de la pauvreté. On pourrait même parler d'un vérita- ble ghetto sociologique où croupissent encore au Québec, en deça de ce seuil de la pauvreté, ses citoyens, malgré l'augmentation du produit national brut, malgré la hausse moyenne des revenus, malgré la hausse moyenne des revenus, malgré l'augmentation de la productivité, malgré une faible reprise du taux d'investissement dans certains secteurs. Que notre société québécoise compte une aussi forte proportion de pauvres, chômeurs, invalides, tâcherons, exploitants de basses besognes, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, ruraux et urbains, voilà une plaie, un scandale que ne réussiront pas à masquer et à étouffer tous les discours partisans où l'on célèbre une vie, une paix sociale retrouvée.

C'est donc là la raison majeure pour laquelle les gouvernements se sentent obligés de proposer à la population des programmes de sécurité de revenu. Il faut bien dire que, jusqu'ici, nous n'avons réussi que partiellement à masquer ou à panser ces plaies. Nous avons dénoncé, au cours des deux dernières années, à plusieurs reprises, notre régime d'aide sociale malgré tous les avantages qu'il comporte, malgré la solution partielle qu'il constituait à ce problème. Plus particulièrement au cours de la dernière année, en raison probablement du taux élevé de chômage, il nous est souvent arrivé, à tous les partis d'Opposition et même au ministre, de critiquer le régime d'aide sociale que nous devions accepter dans l'état où il était à cause de la marge de manoeuvre insuffisante que procuraient au gouvernement du Québec les ressources qui lui provenaient de l'impôt.

Nous savons en effet que ces prestations d'assistance sociale ne réussissent pas actuellement à procurer une vie digne et décente au plus grand nombre des assistés sociaux. A une époque d'inflation galopante, elles augmentent moins vite que le coût des aliments, du vêtement, de l'ameublement, du transport et de la vie en général. Par ailleurs, souvent des militants libéraux l'ont souligné, en raison d'un taux de salaire minimum fixé à un niveau trop bas, certains assistés sociaux retirent autant ou presque autant d'argent du cumul de leurs allocations sociales que s'ils travaillaient quarante heures par semaine aux humbles et dures tâches qu'on leur offre, ce qui n'est pas évidemment pour les inciter à travailler, même s'il en résulte une baisse de la productivité, une diminution des revenus, une augmentation des dépenses de l'Etat et une dégradation de la fibre morale du citoyen.

Il est bien évident que, pour faire face à ce problème et lui apporter une solution, il faut tout un ensemble de mesures. D'abord, mesures économiques qui visent à diminuer le taux du chômage et également mesures sociales qui, d'ailleurs, dépassent le simple cadre du ministère des Affaires sociales. Par exemple, je pense aux réformes qui s'imposent en ce qui concerne le logement, logement qui, on l'a vu, aussi bien dans les villes que dans les campagnes, ne

correspond pas aux nécessités de la vie, particulièrement celles auxquelles doivent faire face les familles nombreuses. A cet égard, nous ne pouvons nous empêcher de constater l'insuffisance des programmes mis au point par le fédéral en ce qui concerne les politiques d'habitation; ces politiques ont été souvent critiquées par les citoyens du Québec en particulier, parce que favorisant par trop les spéculateurs, ne favorisant pas assez également la participation de ceux qui devaient bénéficier des programmes d'habitation au plan de la rénovation ou au plan de l'habitation qui correspondaient à leurs besoins. C'est donc un domaine qui dépasse de loin la juridiction du ministère des Affaires sociales. Cela touche presque tous les ministères, en particulier le ministère des Affaires municipales, le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives par la protection du consommateur qu'il doit assurer, également le ministère de l'Industrie et du Commerce par la relance économique dont il doit s'estimer responsable.

Mais il reste cependant que le ministère des Affaires sociales, lui aussi, est responsable, du moins aux termes de l'amélioration des politiques à cet égard, puisque si les autres politiques, la politique économique, la politique de protection du consommateur, la politique de l'habitation, n'ont pas abouti au résultat escompté, c'est le ministère des Affaires sociales qui se retrouve avec ce fardeau de pauvres, de gens à revenu modeste à qui il doit remettre au nom de la collectivité les sommes dont ils ont absolument besoin pour vivre une vie digne et décente dans cette société d'abondance.

C'est donc la raison pour laquelle nous surveillons avec une telle attention depuis quelques années tous les efforts que le ministre a faits, à la suite de la commission qu'il a présidée, pour en arriver à élaborer un véritable régime de sécurité du revenu adapté aux besoins québécois. C'est la raison pour laquelle nous avions souligné avec enthousiasme ses déclarations de janvier 1971 de même que celles de mai 1972, estimant avec lui que c'était là un des domaines prioritaires pour le Québec et qu'il était extrêmement important, surtout dans ce domaine, d'en arriver à une politique sociale intégrée, cohérente mais proprement québécoise.

Nous avouons qu'à la suite de la conférence qui vient de se tenir à Ottawa nos espoirs se sont beaucoup tempérés et que le vieux scepticisme que nous avons connu en ce qui concerne cette élaboration d'une politique sociale intégrée québécoise est plus vif que jamais. Car, pour nous, cette conférence d'Ottawa sur le livre jaune de M. Lalonde ne fut pas autre chose que la constatation franche et nette de l'impossibilité absolue pour le Québec d'obtenir une primauté quelconque, législative et à plus forte raison constitutionnelle, dans le domaine de la sécurité sociale. Le ministre actuel qui, à la suite de ses prédécesseurs, s'était fait le champion de cette primauté, a constaté à ses dépens et après des expériences douloureuses qu'elle était radicalement impossible à atteindre dans le cadre constitutionnel et politique actuel, étant donné justement que cette politique sociale qui avait été élaborée par la commission Caston-guay-Nepveu a été reprise à son compte par le ministre de la Santé d'Ottawa justement parce que cette politique était excellente et que c'est lui maintenant qui l'appliquera à l'échelle du Canada tout entier faisant des provinces, et du Québec en particulier, une simple administration régionale qui, bien sûr, pourra modifier à la lumière de ses priorités les textes législatifs du fédéral mais qui, quand même, sera obligée de s'en tenir aux lois fédérales, aux normes fédérales, aux minima fédéraux.

Le ministre en a tiré des conclusions, d'ailleurs, en cessant de se battre pour une cause perdue d'avance et en essayant de retirer, à tout le moins pour les citoyens québécois, le maximum d'avantages financiers que la conjoncture comportait. Cela ne nous étonne pas. Il n'y a que ceux qui, refusant de se faire instruire par l'expérience tant de fois renouvelée, veulent croire à tout prix à l'impossible réforme, qui continueront à espérer la quadrature du cercle. Ce n'est pour nous qu'en acquérant sa pleine souveraineté politique que le Québec récupérera la maîtrise de la sécurité sociale. Mais, en attendant, il nous faudra vivre avec la prépondérance fédérale telle qu'exprimée dans le livre jaune de M. Lalonde. L'acceptation des propositions contenues dans ce document exigera un ajustement des lois et des programmes actuellement en vigueur au Québec.

A cet égard, nous, du Parti québécois, tenons à préciser les principes qui guideront notre action. Premièrement, le gouvernement du Québec ne doit absolument pas profiter de l'opération pour faire de l'argent en augmentant le fardeau fiscal du contribuable ou en le privant de paiements auxquels il a droit en vertu des lois actuelles.

Il ne faut pas oublier que, lorsque le programme québécois d'allocations familiales a été institué en 1967, ce fut en remplacement des exemptions personnelles pour les enfants. Si ces allocations devaient disparaître sans compensation, cela équivaudrait à une hausse cachée d'impôts.

Donc, le Parti québécois s'opposera à ce que les allocations fédérales soient assujetties à l'impôt provincial et également à ce que le programme québécois d'allocations familiales soit aboli à moins qu'un montant équivalent ne soit remis aux contribuables sous forme de crédits d'impôt. Par exemple, si le gouvernement allait accroître ses revenus fiscaux de $50 millions — ce ne sont pas des chiffres exacts, mais c'est une hypothèse —• en taxant les allocations familiales fédérales et, d'autre part, épargner $70 millions en abolissant les allocations familiales québécoises, il faudrait qu'il redistribue ces $120 millions aux contribuables québécois sous forme de crédits d'impôt. Autrement, le gouvernement s'enrichirait au détri-

ment des familles québécoises. Les allocations familiales doivent rester un programme de transfert aux individus et non au gouvernement. D'ailleurs, le système des crédits d'impôt a déjà fait l'objet d'une recommandation positive de la part de la commission Bélanger dont le premier ministre a été le secrétaire.

Voici ce que disait la commission à ce propos. Je cite: "Le régime des abattements à la base tend à favoriser les contribuables à fort revenu au détriment des autres en raison du taux progressif de l'impôt sur le revenu. A notre avis, il serait plus équitable de remplacer le système d'abattement à la base par un régime de dégrèvement forfaitaire variant selon les conditions familiales du contribuable et déductible du montant de l'impôt à acquitter. Il deviendra alors plus facile d'intégrer la politique fiscale à la politique sociale du gouvernement."

Il faut, en outre, faire remarquer qu'un tel système de crédits d'impôt est absolument nécessaire si le gouvernement ne veut pas annuler complètement l'augmentation de l'exonération d'impôt de $4,000 à $5,000 annoncée lors du dernier budget pour les couples et de $2,000 à $2,500 pour les individus.

Un deuxième principe auquel nous tenons est celui de l'administration des programmes. Le printemps dernier, le ministre des Affaires sociales avait déclaré que l'administration des allocations familiales devait être provinciale. Il en faisait même une condition de sa participation aux discussions fédérales-provinciales à ce sujet.

Cette position avait ensuite été approuvée par l'ensemble des ministres provinciaux. Pour nous, il s'agit d'un point fondamental quant à la préservation de l'avenir. Ainsi que le Québec décide de conserver pour lui la perception de ses taxes, ainsi il doit insister pour obtenir l'administration des allocations familiales.

Nous invitons donc le ministre à ne pas flancher sur ce point. A tout événement, il est un domaine, celui des allocations scolaires, où le Québec occupe actuellement, d'une façon totale, le terrain.

En 1964, le Québec a résisté victorieusement à une tentative du gouvernement fédéral d'accaparer ces programmes et il a obtenu, en compensation des sommes versées dans les autres provinces, une compensation fiscale de trois points d'impôt.

Le Parti québécois s'opposera vigoureusement à ce que ce programme soit cédé au gouvernement fédéral. Les allocations aux enfants de 16 et 17 ans devront rester québécoises et la valeur de la compensation fiscale devra être ajustée en conséquence. Voilà l'essentiel de notre position sur le livre jaune; nous aurons l'occasion, bien sûr, au cours de la discussion qui s'amorcera bientôt, d'aller dans le détail des propositions dont le ministre nous donnait le résumé tout à l'heure mais nous voulions affirmer quand même, au départ, notre opposition de fond.

Nous aimerions également, non seulement entrer dans le détail des propositions dont le ministre nous faisait part tout à l'heure, mais également lui poser des questions avant que nous puissions obtenir de lui les réponses, mais nous sommes prêts à attendre, si la commission le veut bien, que la discussion s'amorce sur ce sujet pour procéder aussi bien à ces questions qu'à ces analyses.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Avant que le ministre prenne la parole, je vais corriger une remarque faite par le député de Bourget, quand il a parlé du programme d'allocations familiales de 1967 et des exemptions qui ont été enlevées pour les enfants de zéro à seize ans sur la formule d'impôt, les exemptions des $300. Il n'y a pas équivalence entre le programme d'allocations familiales de ce moment-là, qui représentait $84 millions, et l'abolition des exemptions, qui ne représentait que $42 millions, soit 50 p.c. seulement du coût du programme. La différence est venue avec l'augmentation de la taxe de vente, la différence des fonds requis pour ce programme de $84 millions. C'est pour cela qu'il n'y a pas équivalence parfaite entre les deux programmes. Ce n'est que 50 p.c.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): M. le ministre.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je pense qu'à la suite des commentaires qui ont été faits, avant de commencer l'étude détaillée de chacun des programmes, il y a lieu d'apporter certaines précisions ou encore de contester certaines allégations. Je vais les reprendre dans l'ordre où elles ont été faites, étant donné l'impossibilité de faire une synthèse et de regrouper les commentaires faits par chacun des trois députés.

Le député de Montmagny a affirmé, au début de ses remarques, que les allocations familiales québécoises et les allocations scolaires seront appelées à disparaître. Je voudrais le rassurer, sur ce point-là, je crois que c'est une hypothèse qui est un peu trop anti...

En deuxième lieu, il a mentionné qu'on se rend compte maintenant que le régime d'aide sociale va être moins important dans l'avenir et ceci par suite du programme de supplément de revenu garanti qui est proposé et que le régime d'aide sociale va devenir, dans ce contexte-là, un régime purement résiduel. Je suis bien conscient de la possibilité théorique que ceci se produise. Je voudrais cependant rappeler que nous allons aborder l'implantation graduelle d'un nouveau régime de supplément de revenu et ceci par la voie de l'adaptation de l'aide sociale.

C'est la raison pour laquelle nous avons mis, pour toutes sortes de raisons, l'accent sur la nécessité d'étudier cette approche, de telle sorte que ce soit le régime de l'aide sociale qui soit modifié, que ceci puisse se faire d'une façon graduelle et qu'on puisse évaluer en cours de route les résultats obtenus, que ceci puisse se faire aussi au fur et à mesure que les ressources deviennent disponibles parce que ces choses ne s'établissent pas non plus dans l'absolu et aussi, en même temps, que l'on puisse améliorer les mécanismes de financement.

Le député de Montmagny a également tenu pour acquis — et c'est possible en lisant ce qui a pu se dégager dans certains journaux — que l'on procéderait, dans des délais relativement brefs, à l'abaissement de la sécurité de la vieillesse de 65 à 60 ans. Sur ce point, je voudrais mentionner que le ministre fédéral, justement, qui est soumis à ce genre de pression, comme on le sait, a fait état du danger de procéder ainsi. Ceci engagerait, si on en juge par les niveaux de prestation et de population concernés, des sommes considérables qui empêcheraient, à coup sûr, toute autre modification significative, pour tous les autres groupes de population démunis, pour des temps assez longs. Il est bien conscient du problème et je crois encore, sur ce plan, que cela n'est pas une possibilité bien grande pour nous. Au moins sur ces trois premiers points, je pense qu'il est important de donner ces précisions et aussi de mentionner dès maintenant qu'au moment où on s'engage dans la première des étapes, qui est celle des allocations familiales, le gouvernement fédéral a un régime présentement et que les premiers gestes qu'il entend poser, et à mon sens, on doit les retenir et les prendre tels qu'ils sont proposés, visent à une certaine décentralisation qui n'existe pas présentement dans ce régime. Comme première étape à franchir, il me semble qu'on s'engage dans la bonne voie et que l'on ne s'engage pas, au contraire, dans la voie inverse d'une plus grande décentralisation. Sur ce plan, il me semble qu'il est assez important de rappeler le rôle de distribution géographique des ressources que peuvent jouer de tels régimes.

Dans les ressources additionnelles consacrées par le gouvernement fédéral aux allocations familiales, elles sont au même niveau, per capita, dans chaque province. On ne peut ignorer, d'autre part, que le produit de la taxation au Québec est de beaucoup inférieur au produit de la taxation en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, par exemple. C'est pourquoi, lorsqu'on parle de la primauté législative...

Justement, le député m'invitait â préciser quel est mon concept de la primauté législative. Je voudrais d'abord rappeler que c'est depuis 1970, à mon sens, que ce principe ou ce concept a été introduit. On a beaucoup plus parlé dans le passé de rapatriement de la sécurité sociale et j'aurais aimé, à l'époque, poser moi-même certaines questions sur ce qu 'on aurait fait dans le contexte fédéral actuel si nous avions eu un rapatriement complet de la sécurité sociale. C'est d'ailleurs pourquoi nous avions introduit ce concept de primauté législative et nous avions distingué entre trois niveaux de considération, soit celui de la législation, soit celui du financement, soit celui de l'administration. J'ai rappelé, à plusieurs reprises — j'ai revu encore récemment mes textes — que, lorsque nous parlions de la primauté législative, ce que nous entendions, c'est que nous voulions pouvoir faire en sorte que les programmes soient adaptés aux conditions socio-économiques du Québec. Au plan du financement, nous avons toujours maintenu que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, autrement le fédéralisme n'a plus de sens. Si toute la sécurité du revenu n'était financée qu'à l'intérieur du Québec, je crois... Il me semble que la conclusion que l'on doit dégager, lorsqu'on parle d'un rapatriement complet de la sécurité sociale, c'est faire abstraction d'une réalité ou d'un aspect qui m'apparaît très positif du fédéralisme.

Enfin, quant à l'administration, il est exact que nous avons demandé l'administration des allocations familiales et ceci dans la mesure où il n'était pas possible d'obtenir d'autres ouvertures sur d'autres plans. Dans la mesure où il nous a été possible de faire en sorte que nous puissions modifier la structure des prestations, que nous puissions effectuer des transferts de ressources d'un programme à un autre, la simple administration du régime prenait un aspect, à mon sens, secondaire, par rapport à ces considérations. C'est pourquoi vis-à-vis du refus, en quelque sorte, du gouvernement fédéral de céder ou de transférer l'administration des allocations familiales, j'ai accepté.

A ceci, je pense aussi qu'il est important de faire ressortir un autre point qui est le suivant. Cet argument â mon sens n'est pas dénué de valeur et il est autre que celui qui a été mentionné à plusieurs reprises, à savoir qu'il est important pour le gouvernement fédéral de maintenir un lien direct avec les individus. C'est l'argument suivant: si le gouvernement fédéral, qui a un rôle à jouer à mon sens au plan de la redistribution des ressources géographiquement, n'a que ce rôle à jouer au niveau d'un programme comme celui des allocations familiales et que ce régime n'est plus administré en aucune façon par le fédéral ou qu'il n'y a plus de présence fédérale, il est fort possible que la Chambre des communes ou que l'ensemble des députés s'y désintéressent et que l'accent soit placé sur d'autres programmes. Là, on voit de nouveau les dangers que peut comporter ceci si on veut avoir une certaine harmonisation dans l'allocation des ressources, dans les niveaux de prestation, etc.

Ici, je fais un commentaire qui me ramène à certains des commentaires du député de Bourget lorsqu'il dit que la primauté législative totale est impossible dans le contexte actuel. Si

on entend par ceci la primauté législative ou le rapatriement complet de la sécurité sociale, je suis pleinement en accord avec lui. Ma conclusion toutefois, et je n'ai pas à hésiter sur ce plan, c'est que nous sommes dans un régime fédéral, que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer au plan de la redistribution et que nous devons justement, si on veut maintenir ce rôle, pour notre part, viser à faire en sorte que les mécanismes utilisés nous permettent d'appliquer au Québec non pas seulement des programmes fédéraux qui correspondent aux conditions et aux besoins de la population du Québec mais également des programmes québécois, comme nous en avons, qui feront en sorte que l'ensemble satisfera d'une façon de plus en plus appropriée aux besoins de la population. C'est en ce sens que nous avons réagi vis-à-vis du document fédéral et c'est en ce sens que nous avons formulé nos observations.

Le député de Montmagny a mentionné les dangers dans le déroulement du travail qui vient d'être amorcé et qui peuvent exister au plan de la constitution, les dangers également qui peuvent exister quant à un déplacement de l'importance relative des programmes administrés par les deux niveaux de gouvernement.

Ce serait naif de ma part de dire que de tels dangers n'existent pas et, sur ce point, je suis bien d'accord avec lui. C'est justement pourquoi, au niveau d'abord de la constitution, j'ai indiqué clairement, qu'en ce qui a trait au secteur particulier des affaires sociales, si le type d'arrangement législatif, qui est proposé et qui ne pourra pas être défait à volonté par la Chambre des Communes, peu importe le ministre qui est là ou le gouvernement qui est là, est introduit dans le processus législatif, avant qu'il soit changé, il faudrait qu'il y ait de bons motifs. Alors, il me semble que nous avons, pour un temps, une protection qui m'apparaît valable et qui va nous permettre de voir si ces arrangements peuvent donner satisfaction. Par la suite, si la réponse est affirmative, il sera toujours temps de reprendre au plan de la constitution.

Alors, ce n'est pas une attitude qui nous permette de conclure qu'en un temps, on puisse faire le saut directement et ramener à la surface les propositions de modifications à la constitution qui ont été discutées en juin 1971. Alors, c'est l'attitude que j'ai prise et c'est celle que j'ai d'ailleurs, pas seulement à l'intérieur de la conférence, mais au cours des interventions qui ont fait suite à la conférence ou dans le cadre, je pense bien, même de la conférence de presse que nous avons donnée immédiatement après. Egalement, au plan des programmes, j'ai insisté fortement — et je l'ai rappelé — sur la nécessité de s'engager dans un mécanisme d'implantation graduelle et de procéder par la voie des mécanismes de financement. Ceci, à mon sens, peut faire en sorte que nous puissions déboucher sur un partage différent des rôles. Ce n'est pas le cas présentement. Il ne faut pas se le cacher, le régime d'aide sociale, présentement, est un régime résiduel et il faut faire en sorte que cela devienne un régime dans tous les sens du mot et cela pourra devenir ainsi, si ce régime est changé, modifiant un régime de supplément de revenu ou d'un revenu garanti. A ce moment, l'équilibre pourrait être changé considérablement par rapport à ce qu'il est présentement. Je rappelle ceci, parce que, en écoutant l'intervention du député de Montmagny, j'avais l'impression que dans l'avenir, ce n'est plus moi qui serai accusé de ne pas sourire mais c'est lui et...

M.CLOUTIER (Montmagny): Ils savent qu'il n'y a pas de danger. Un danger lointain.

M.CASTONGUAY: II y a un autre aspect aussi qu'il est, je crois, important de mentionner. Même si certaines des choses dans lesquelles nous nous engageons sont susceptibles de présenter des risques, il n'en demeure pas moins qu'il existe des problèmes urgents au niveau de la population. Sans faire de démagogie avec ceci et sans utiliser des arguments faciles que vous pouvez imaginer, il me semble que, malgré tout, nous devons, si nous voulons améliorer le sort de ces populations, nous engager, si ce processus semble donner des garanties suffisantes, dans un processus qui laisse envisager des améliorations sensibles et significatives à court terme.

Alors, sans aller plus loin, je pense bien que vous êtes en mesure de comprendre aussi bien que moi ce que je veux dire. Je ne voudrais pas entrer dans des arguments qui pourraient être qualifiés de démagogiques, mais il me semble que c'est une considération importante. Depuis trois ans, à titre de titulaire du ministère des Affaires sociales, probablement plus que chacun de vous ici j'ai été en mesure de constater jusqu'à quel point certains des problèmes sont pressants et jusqu'à quel point il nous faut essayer d'apporter des solutions à ces problèmes.

Le député de Montmagny — en terminant et je poursuivrai cet après-midi — a fait état des discussions qui portent ou qui devraient porter sur le partage fiscal et, si j'ai bien compris sa remarque, le danger que les discussions touchant la sécurité du revenu soient isolées de celles portant sur le partage fiscal. Sur ce plan, je voudrais vous rassurer encore de nouveau; nous avons un comité interministériel des Affaires intergouvernementales qui se réunit régulièrement et qui a pour objet de faire en sorte que les gestes posés dans les relations fédérales-provinciales, dans les différents secteurs, ne soient pas posés de façon isolée les uns des autres. Sur ce plan, nous croyons que les efforts que nous devons faire quant à un meilleur partage fiscal doivent porter au premier titre sur le programme d'enseignement postsecondaire — d'ailleurs, le ministre des Finances en a fait état au mois de janvier à nouveau — sur les arrangements financiers qui remplaceront ou

seront destinés à remplacer les programmes de Passurance-hospitalisation ou de l'assurance-maladie.

Encore la semaine prochaine, les 8 et 9 mai, nous avons, précisément, une conférence fédérale-provinciale portant sur ces points. Nos positions dans ces secteurs sont différentes de celles que nous avons adoptées au plan de la sécurité du revenu, mais même si elles sont différentes, elles sont compatibles.

Enfin, le député de Montmagny a mentionné que les dispositions dans la constitution touchant la sécurité du revenu ou la sécurité sociale sont en quelque sorte la pierre d'assise de la révision constitutionnelle et il mentionnait que ce fut la cause de l'échec de Victoria. Sans vouloir entrer dans cette discussion à ce moment-ci, c'est peut-être prendre une optique un peu étroite quant à toute cette question de la révision de la constitution ou encore des propositions qui ont été formulées en juin 1971 à Victoria.

M. le Président, comme il est une heure moins vingt, peut-être que nous pourrions suspendre les travaux et les reprendre après la période des questions.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): D'accord. Avant de le faire, on doit nommer un rapporteur. En l'occurrence, je suggérerais le député de Chauveau.

Adopté.

On suspend les travaux à quatre heures ou après la période des questions, selon l'éventualité.

(Séance suspendue à 12 h 39)

Reprise de la séance, 16 h 13

M. HOUDE, Limoilou (président de la commission des affaires sociales): A l'ordre, messieurs !

Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Ce matin, M. le Président, j'ai fait quelques commentaires en réponse au député de Montmagny. Le député de Dorchester a repris certains des points formulés par le député de Montmagny et il s'est posé la question à savoir si on a bien défendu tout ce qui devait être défendu lors de cette conférence et il a exprimé l'opinion que ce qui est entrevu au plan des allocations familiales se ferait sur le dos de la classe moyenne. Cette affirmation m'a un peu surpris et peut-être qu'il aura l'occasion d'expliquer davantage comment il peut conclure que ceci se fera sur le dos de la classe moyenne.

Enfin, au moment où il me disait que cela avait été une reddition de notre part et que je prenais note de lui demander ce que lui aurait fait, il m'a ouvert la porte en me disant qu'il était disposé à nous faire des suggestions — si j'ai bien compris — nous faire connaître ses points de vue. Je l'inviterais à le faire.

M. HARVEY (Chauveau): S'il fait état de ce qu'ils ont discuté à leur caucus, cela serait la première fois qu'un caucus serait devenu public.

M. GUAY: Sans dévoiler pour autant les propos qui sont tenus à l'intérieur d'un parti, on peut quand même émettre des opinions, je pense bien.

M. CASTONGUAY: Je pense bien qu'il y aurait lieu de faire quelques commentaires également sur l'intervention du député de Bourget. Au départ, ce dernier a mentionné qu'il y avait lieu d'être prudent afin d'éviter que certains des écueils auxquels on s'est heurté dans le domaine de l'éducation reviennent également dans le domaine des affaires sociales. De façon plus particulière, il a mentionné, à titre d'exemple, le problème de la relocalisation des services. En fait, je dois dire que nous sommes conscients de ces dangers, que le désir d'intéresser les personnes impliquées est un désir sincère de notre part, qu'il est parfois difficile toutefois d'impliquer tous les intéressés dans un tel processus de discussion et que nous sommes conscients aussi que, même si dans certains cas, le temps perdu, en apparence, peut être regagné à plus long terme, les aspects positifs qui peuvent se dégager d'un dialogue plus long ne sont pas à minimiser.

En fait, je dois dire que nous sommes bien d'accord. Je dois dire aussi que nous apprenons et que nous avons appris des expériences que nous avons vécues et que si, dans certains cas, nous devions refaire les choses, nous les referions probablement de façon différente dans certains cas.

Je dois aussi dire qu'il y a là un problème qui sera toujours extrêmement délicat parce qu'il y a toujours, je crois, une certaine résistance aux changements et, malgré tout le dialogue que l'on peut avoir, il n'en demeure pas moins que parfois aussi les objections qui sont formulées sont en fait des oppositions à toute forme de changement et parfois pour la protection d'intérêts bien particuliers.

Il nous importe donc d'essayer de combiner ou de trouver le juste milieu entre un rôle de leadership qui ne peut venir, à mon sens, que du ministère, avec cette nécessité de dialoguer, de faire la plus grande place possible à la participation et de laisser aussi un certain temps pour que les idées fassent leur chemin. D'ailleurs, c'est dans ce sens que nous mettons de plus en plus l'accent sur la participation, dans ces types de questions, des conseils régionaux qui ont été implantés. Nous aurons l'occasion, au besoin de revenir sur cette question.

Egalement, au plan de l'organisation du ministère, c'est ce que nous visons, c'est-à-dire à une certaine décentralisation et la formation d'une équipe, par exemple, au sein de la programmation sous la direction de M. Saint-Onge est justement un geste posé sur ce plan. Au besoin, nous pourrons demander à M. Saint-Onge de faire état des travaux qui sont sous sa responsabilité à titre d'exemple.

Suivant l'ordre des interventions qui ont été faites, j'ai donné, en réponse au député de Montmagny, un premier aperçu de notre position en ce qui a trait aux soins dentaires. Je n'irai donc pas plus loin pour le moment. Nous aurons probablement, au moment de l'étude détaillée des crédits, l'occasion de revenir sur ceci.

Toutefois, quant à l'extension de la couverture de l'assurance-maladie, on a parlé des médicaments et des prothèses entre autres, et je pense que je pourrais peut-être ajouter certains aspects du transport des malades comme étant des formes de couverture qui peuvent présenter un intérêt particulier.

En ce qui a trait aux prothèses, nous avons demandé à un groupe de travail, après que la Régie de l'assurance-maladie eut fait une première étude, pour voir s'il était possible de penser à la couverture des prothèses. Si oui, dans quel type d'étude on devait s'orienter. A la suite de la réception de cette étude, nous avons formé un comité sous la direction du Dr Gustave Gingras, de l'Institut de réhabilitation, et nous avons été, à mon sens, heureux qu'il accepte — pas juste heureux, mais chanceux qu'il accepte à cause de toutes ses obligations. Nous devrions recevoir incessamment son rapport.

M.LAURIN: Est-ce qu'il vous apparaîtrait possible, M. le premier ministre — M. le ministre, excusez le lapsus — de nous communiquer une copie de cette première étude sur les prothèses?

M. CASTONGUAY: Est-ce que M. Després est ici? Certain. Alors demain, on pourra en apporter une copie. Elle a été effectuée par le personnel de la régie; très bien. D'ailleurs, dans un projet de loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie que normalement nous devrions déposer à la Chambre avant tellement longtemps, des dispositions touchant à la couverture des prothèses seront introduites.

En ce qui a trait au transport des malades, on pourrait discuter plus longuement des divers gestes qui ont été posés. Il est peut-être un peu tôt pour déterminer ce qui pourrait être couvert par l'assurance-maladie, mais il m'apparait qu'il y a là un aspect assez important, d'autant plus que, bien souvent, ce type de dépenses se présente de façon assez fortuite.

Quant aux médicaments, au fur et à mesure que des tranches des soins sont couvertes, il me semble que la partie résiduelle est susceptible de peser moins lourdement sur les budgets personnels ou familiaux, et ce problème, étant donné sa nature et la nécessité de poser un assez bon nombre de gestes à d'autres plans, au plan des coûts, etc., nous l'avons donc reporté à plus tard. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avions favorisé les soins dentaires, en second lieu, les prothèses, peut-être le transport des malades. Quant aux médicaments, il me semble que c'est un aspect qui devrait suivre dans une autre étape.

Le député de Bourget a parlé également de la prévention. Je pense bien qu'il y aura intérêt, au besoin, à aller plus loin dans certains programmes, que ce soit la nutrition en milieu scolaire; les résultats à Montréal ont été très encourageants. D'ailleurs, le programme a été étendu à Québec.

Nous aurons aussi au cours de l'été les résultats de l'enquête sur la nutrition qui est effectuée dans le cadre de Nutrition-Canada. Selon ce qu'on nous dit, les résultats de cette étude devraient être extrêmement intéressants et pouvoir nous guider de façon beaucoup plus précise quant aux gestes que nous pourrions devoir poser.

Egalement, dans certains aspects qui méritent, à mon sens, d'être soulignés, dans ce secteur, en plus du document sur la politique en périnatalité, c'est la création des départements de santé communautaires qui, au fur et à mesure que nous allons progresser, vont pouvoir identifier beaucoup mieux l'état de santé des diverses populations et justement faire en sorte que des programmes, à l'intérieur même des services de santé, puissent être développés: programmes d'éducation, programmes de dépistage, programmes à caractère préventif.

De la même façon, comme je l'ai mentionné ce matin, nous mettons l'accent sur les services de santé scolaire et je pense que les services de santé scolaire ont, en eux-mêmes, à cause de la population qui est rejointe, un caractère fortement préventif. Je mentionne qu'il y a là des actions qui apparaissent extrêmement impor-

tantes au plan de la prévention et qui ne se situent pas nécessairement dans le réseau traditionnel des unités sanitaires, mais qui prennent plutôt la forme de programmes, et c'est l'orientation vers laquelle nous voulons de plus en plus aller.

Le député de Bourget a fait état des difficultés d'un double réseau d'établissements publics et privés. On retrouve ce double réseau, particulièrement pour certains types bien particuliers de clientèle. Si on examine la question d'un peu plus près, on se rend compte que, dans certains cas, peut-être de façon même plus générale qu'on le pense, le réseau privé a pris naissance par suite du manque d'intérêt, dans bien des cas, du réseau public à l'égard de personnes que, pour diverses raisons, on considère comme n'étant pas assez intéressantes au plan scientifique, au plan d'une médecine qui veut être dynamique, etc.

Ce réseau a rendu de grands services. Il peut porter à des abus, c'est exact. Il peut porter aussi à des appétits un peu trop grands ou en susciter. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les enquêtes de la direction de l'agrément ont été multipliées, et nous avons appuyé cette direction dans les recommandations qu'elle nous a formulées d'une façon aussi systématique que possible malgré les problèmes qui bien souvent découlaient de la mise en application de ces recommandations.

Plus récemment, nous avons demandé la collaboration des municipalités et aussi celle des établissements de telle sorte qu'au fur et à mesure que l'assainissement se fait, de nouvelles ressources clandestines ne surgissent pas un peu partout. Jusqu'à présent, les réactions obtenues à cet appel apparaissent positives. Il est clair que nos efforts doivent se poursuivre et je ne sais pas s'ils doivent se poursuivre dans ce genre d'optique de réseaux public et privé mais à mon sens, ils doivent se poursuivre.

D'ailleurs, à la fin du mois de mai, normalement nous devrions recevoir le mémoire sur l'enfance ou les services à l'enfance qui a été préparé dans le cadre de la préparation des budgets par programmes. C'est un mémoire exhaustif de toute la situation. C'est la première fois qu'un effort systématique pour dresser le portrait de ce qui existe au plan des services, des programmes qui existent ou n'existent pas ou qui devraient peut-être exister, un effort d'appréciation de ce qui se fait a été dressé. L'on sait déjà par exemple par les travaux que nous avions amorcés dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse jusqu'à quel point ce type d'effort est nécessaire. Il y a là un travail qui a été commencé, qui va en profondeur et qui vient se joindre en quelque sorte au travail qui se situe sur un autre plan, effectué par la direction de l'agrément et qui porte beaucoup plus sur des analyses qualitatives à plus long terme sur un plan plus général.

Je crois qu'avec les travaux que nous poursuivrons au sujet de la Loi de la protection de la jeunesse, nous serons en mesure de développer graduellement, justement, des mécanismes d'appréciation ou d'évaluation plus qualitatifs que ceux qui existent présentement dans des types d'établissements comme ceux pour les personnes âgées, ceux pour l'enfance, etc..

Il faut rappeler que dans ces secteurs nous n'avons pas l'action des bureaux médicaux comme nous l'avons dans les hôpitaux.

Il faut rappeler aussi que les corporations professionnelles comme le Collège des médecins ne jouent pas dans ces domaines le rôle de l'appréciation de la valeur des actes posés que joue le Collège des médecins. Alors, il va falloir, je pense bien, développer des mécanismes peut-être de même nature, peut-être différents si l'on veut justement que notre rôle déborde l'examen des conditions d'hygiène et de sécurité face à des dangers d'incendie, d'alimentation, et que l'on aille plus loin pour voir si vraiment il y a des programmes qui donnent des résultats face aux personnes qui sont hébergées dans ces établissements.

Enfin, le député de Bourget... Pardon...

M. LAURIN: Est-ce que l'étude dont a parlé le ministre a été faite pour les besoins de la population âgée aussi?

M. CASTONGUAY: Malheureusement, nous avons choisi un secteur au départ. D y avait des problèmes méthodologiques. C'est la première fois que cela se faisait et il y a des problèmes de collecte des données, des problèmes d'analyse des données et le travail a été beaucoup plus considérable que prévu. Etant donné, malgré tout, que, dans le domaine des personnes âgées, il existe des problèmes, il n'en demeure pas moins qu'il y a là, dans une très large mesure, une population qui est en mesure de s'exprimer, qui a des liens de parenté ou des liens sociaux et que les personnes isolées, à mon sens, qui n'ont aucun contact social, sont susceptibles d'être en moins grand nombre et que la nature des services qui leur sont rendus doit viser avant tout à leur apporter un confort, une sécurité, des conditions décentes de vie, alors que, dans le domaine de l'enfance, vous avez une population qui bien souvent n'est pas en mesure de s'exprimer, de se faire entendre, qui est bien souvent coupée de toute relation avec une famille quelconque et les expériences que ces enfants vivent au cours de ces années sont susceptibles de marquer tout leur avenir.

Alors, dans un contexte où il nous fallait faire des choix, nous ne pouvions faire ce travail pour deux programmes ou deux catégories de programmes en même temps. Nous avons opté pour le secteur de l'enfance.

M. LAURIN: Et ce sera rendu public à la fin de mai?

M. CASTONGUAY: Je ne sais pas quel est le

cheminement prévu pour ces documents une fois terminés.

Le document doit être présenté en premier lieu au Conseil du trésor. C'est dans le cadre de la préparation des budgets. Après cela, qu'est-ce qu'il advient? Je pense bien que c'est une excellente question.

M. Ouellet me dit qu'en ce qui a trait aux personnes âgées, le processus a été amorcé, un processus analogue.

En ce qui a trait maintenant à la sécurité du revenu, je voudrais mentionner, sans faire un débat très long, que l'aide sociale, particulièrement depuis la mise en vigueur en novembre 1970 du projet de loi, lorsqu'on examine les prestations par rapport à l'augmentation de l'indice des prix, les prestations moyennes par famille, a augmenté aussi rapidement et plus rapidement que l'indice des prix. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, en janvier dernier, en janvier 1973, nous avions fait un effort particulier de telle sorte que nous puissions dépasser, comme on se souviendra, l'augmentation de 3 p.c. qui est prévue dans les règlements; nous avions visé un taux d'augmentation beaucoup plus élevé, qui a été, si ma mémoire est bonne, d'un peu plus de 13 p.c.

Je ne dis pas que les prestations sont à un niveau suffisant, mais au moins nous n'avons pas perdu de terrain et c'était le point que je voulais au moins faire ressortir.

Nous avons aussi avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre une préoccupation conjointe, c'est celui de l'établissement du salaire minimum, et aussi l'examen des causes qui font que certains emplois demeurent inoccupés alors que nous avons, d'autre part, du chômage, et des emplois qui demeurent inoccupés alors que ces emplois ne demandent pas nécessairement des qualifications professionnelles tellement élaborées. Nous collaborons conjointement avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre aux travaux portant sur la révision du salaire minimum. Le document que communiquera le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à la conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail qui commence demain a été préparé au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais nous y avons collaboré de telle sorte qu'on peut dire que c'est un document sur lequel nous sommes pleinement d'accord. Cet examen des emplois qui, quant à nous, nous le croyons, devrait être poursuivi, me semble comporter une dimension qui a été peu explorée, des problèmes d'emploi, de sécurité de revenu, et qui mériterait d'être examinée d'un peu plus près.

Les premiers relevés que nous avons eus par le truchement de l'opération placement sembleraient indiquer que, dans certains cas, des employeurs ont intérêt à faire en sorte qu'il y ait un roulement très rapide de la main-d'oeuvre afin de ne prendre aucune obligation vis-à-vis de ces travailleurs et c'est ce qui fait qu'à certains moments les travailleurs ne veulent plus aller dans ces emplois.

En ce qui a trait à la politique d'habitation, nous sommes bien conscients du fait que travail, habitation, sécurité du revenu, santé, services sociaux, pour ne nommer que ceux-là, sont des secteurs extrêmement rapprochés les uns des autres. Et le ministère des Affaires sociales, même s'il n'a pas la responsabilité des politiques dans le domaine de l'habitation, doit, au besoin, agir pour aiguillonner les autres dans les secteurs comme ceux-là. Récemment, à l'intérieur de la direction des affaires extraministérielles, le point était refait dans un document et certaines propositions étaient formulées. J'ai l'intention d'insister de telle sorte que tous les intéressés, quelque peu de la même manière que pour l'opération placement, puissent faire la révision des programmes du développement des ressources dans le domaine de l'habitation, de telle sorte que les besoins de toutes les couches de la population puissent trouver réponse d'une façon peut-être plus satisfaisante, que certaines approches telles que celle de la rénovation puissent être mises en relief davantage par rapport à d'autres approches.

En ce qui a trait au développement récent dans le domaine de la sécurité du revenu, j'ai fait, je pense, un premier commentaire ce matin et j'ai noté — d'ailleurs, la déclaration du député de Bourget nous a été remise — leur opposition à l'imposition des allocations familiales par le Québec et l'élimination du régime québécois des allocations familiales, à moins que l'on réintroduise sous une autre forme, soit celle des crédits d'impôt, les produits qui découleraient de ces gestes.

En ce qui a trait à l'administration des allocations familiales, je pense qu'aussi bien ce matin que cet après-midi en Chambre, j'ai eu l'occasion de commenter ce point et en ce qui a trait aux allocations scolaires, je suis bien conscient du fait que, présentement, ce régime est administré par le Québec et qu'il y a des points d'impôt qui ont été gagnés par le gouvernement, qui ont été récupérés par le gouvernement du Québec, pour les fins du financement de ce programme.

C'est un aspect dont nous allons sûrement tenir compte au cours des discussions qui auront lieu au cours des prochaines semaines.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. le Président, je serai très bref. Je veux seulement faire un commentaire en deux phrases à la suite des questions qui ont été posées concernant la dernière conférence entre les ministres des Affaires sociales.

Il m'est arrivé, dans le passé, de dénoncer pas mal vertement et assez durement certaines attitudes arrogantes du fédéral qui, d'après moi, mettaient en danger les bases mêmes de la Confédération. Cependant, aujourd'hui, je suis obligé en toute honnêteté de me réjouir du nouvel esprit de souplesse manifesté lors de la

dernière rencontre des ministres des Affaires sociales.

Je veux ajouter que si un tel esprit pouvait se propager aux autres dossiers, c'est justement un excellent moyen susceptible de redonner confiance en une formule fédérale.

C'est de cette façon qu'il sera possible de vérifier et de prouver que la formule fédérale, au lieu de rester figée dans l'intransigeance, est capable de s'adapter aux réalités présentes, prouvant ainsi que les hommes chargés ainsi d'appliquer les textes sont capables d'en vivre l'esprit plus que la lettre.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 1, élément 1, allocations familiales.

Soutien du revenu familial

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, cela nous permet de rester sur le même sujet et de poser des questions additionnelles au ministre, des questions plus précises. On a parlé, depuis le matin, des trois aspects qui retiennent l'attention du ministre des Affaires sociales dans une négociation avec le fédéral: L'aspect de la législation, l'aspect de l'administration et l'aspect du financement. Ma question précise est la suivante: Au sujet du financement du programme qui va coûter $1 milliard $800 millions et dont $500 millions pour la seule part de la province de Québec, est-ce que ce financement sera assuré seulement par le fédéral ou si les provinces, de quelque façon que ce soit, seront appelées à contribuer à ce coût? Dans le cas du Québec, il s'agit de $500 millions. Que va être le nouveau programme d'allocations familiales fédéral? Est-ce que la province de Québec va être appelée de quelque façon à participer au financement de ce programme?

M. CASTONGUAY: Le principe général, c'est que ce programme va être financé par le produit des impôts fédéraux. Maintenant, le programme ne s'appliquera pas nécessairement d'une façon uniforme au plan des arrangements dans toutes les provinces, compte tenu du fait, par exemple, que nous avons au Québec un programme d'allocations scolaires qui est financé au moyen de trois points d'impôt; ce qui n'est pas le cas dans d'autres provinces. Il y a une variante. Mais en ce qui a trait au programme fédéral, c'est un programme qui va être financé tel que le programme d'allocations familiales fédéral l'est présentement par les produits de la fiscalité fédérale.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bon, là c'est en ce qui concerne le financement. J'ai fait un calcul avec un nombre d'enfants. On m'a indiqué, avant la séance, qu'il y aura 2,070,000 enfants au Québec en 1974. Ce sont des projections pour l'an prochain à partir du 1er janvier. Evidemment, ce sera le nouveau pro- gramme si la loi est adoptée. Cela balance; j'ai fait un calcul rapide: 2,070,000 enfants par une moyenne de $20 par mois, cela feirat $240 par année, soit $495 millions si le nombre d'enfants est exact.

Au progincial, il y a un programme de $70 millions et cela fait une moyenne de $35 par année, par enfant; cela veut dire $3.60 par mois. Je voudrais demander...

M. CASTONGUAY: Vous comptez $35?

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons que c'est $70 millions au provincial et on a 2 millions d'enfants.

M. CASTONGUAY: Ah bon, cela fait à peu près $35 par année.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, oui.

M. CASTONGUAY: Je pensais que vous disiez par mois parce que vous disiez $20 par mois...

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, $35 par année au provincial, multiplié par deux millions, cela fait $70 millions. Cela fait $3.60 par mois environ. C'est pour nous situer dans l'importance du programme provincial par rapport au nouveau programme fédéral.

Est-ce que le ministre est d'opinion que ce serait la seule façon de verser aux familles des compensations, de redistribuer le revenu aux familles? Etant donné que le fédéral va indiquer des normes minimales dans sa législation, j'espère que les normes minimales vont être minimales, que cela va être discuté avec les provinces avant, que les normes minimales ne seront pas mises au niveau de la province la plus riche comme l'Ontario, par exemple, et que, quand on parlera de normes minimales, cela va tenir compte de la richesse moyenne des provinces. Alors, si on applique ces normes, je prends un exemple, supposons que c'est $10 par mois en moyenne par enfant, je voudrais poser au ministre les questions précises suivantes: Est-ce que, dans le rajustement du programme dans le Québec, étant donné qu'il va y avoir une certaine latitude pour utiliser les sommes comme le Québec l'entend, on va tenir compte, comme on le fait dans le régime provincial actuellement, de la taille de la famille? Est-ce qu'on va tenir compte du rang des enfants dans la famille? Est-ce qu'on va tenir compte de l'âge des enfants? Enfin, est-ce que les études sont assez avancées pour que le ministre nous donne certaines indications quant à l'utilisation de ces $500 millions dans le Québec?

M. CASTONGUAY: Nous avons fait passablement de travail. Ce travail avait été amorcé au moment de l'introduction du régime québécois en 1967; il avait été poursuivi lors de la publication du document intitulé "Orientation

pour une politique d'allocations familiales," en 1969. Depuis, les données ont été mises à jour ou ont été raffinées et ont été examinées sous d'autres plans-, alors, les données ne manquent pas. Il faut toutefois faire des choix et il faut faire approuver ces choix par le cabinet et par les mécanismes réguliers, étant donné qu'ils touchent à l'allocation de ressources, qu'ils touchent à des matières où il va falloir légiférer. Je pense bien que vous comprendrez qu'autant je serais heureux d'une part de pouvoir apporter des réponses précises à vos questions, il ne m'est pas possible de le faire parce que je n'ai tout simplement pas ces réponses présentement, et même si je les avais, il faudrait que je soumette cela au processus régulier de prise de décision.

Toutefois, simplement à titre d'indication générale, parce qu'il y a plusieurs options qui se présentent — ce matin le député de Bourget dans sa déclaration écrite faisait état de la possibilité d'utiliser le mécanisme des crédits d'impôt dans l'utilisation de certaines de ces ressources — il y a aussi, comme nous le savons, dans les allocations d'aide sociale, présentement, des montants qui sont versés pour les enfants. Alors, nous avons plusieurs dimensions à ce programme, en fait. Il existe une proposition fédérale sur laquelle nous pouvons apporter des changements dans la structure des paiements, il existe un régime québécois d'allocations familiales, il existe des allocations scolaires, il existe des paiements pour les enfants dans l'aide sociale. Ces paiements, dans la mesure ou selon ce qui sera fait dans les autres régimes, pourront être ajustés pour apporter un meilleur équilibre dans la structure des paiements pour l'aide sociale.

H existe aussi d'autres mécanismes, peut-être, par la voie de la fiscalité. C'est ce que nous examinons présentement. Il existe même certaines possiblités; nous voulons aussi les examiner.

On nous dit qu'en Nouvelle-Zélande, par exemple, on a introduit certaines dispositions en vertu desquelles des personnes peuvent recevoir la valeur capitalisée d'allocations familiales à des fins spécifiques. Il y a là, peut-être, quelque chose d'assez intéressant qui, à ma connaissance, n'a pas tellement été discuté ici, au Québec. C'est dans ce contexte que se situe le problème. D est assez large. Compte tenu du fait que nous n'avons eu que très récemment les propositions fédérales définitives, je ne peux pas apporter de réponse.

Il y a, d'autre part, des phénomènes qui sont assez clairement identifiés et nous allons en tenir compte. Je pense que c'est là où je peux donner une réponse peut-être un peu plus précise. C'est que, présentement, les charges familiales sont assez clairement identifiées. Le Montreal Diet Dispensary, par exemple, publie constamment des données sur les budgets nécessaires pour des enfants de divers âges. D'autre part, nous savons qu'à mesure que le nombre d'enfants augmente dans une famille, le fardeau devient de plus en plus lourd, et que ceci constitue, à la fois, un des facteurs de pauvreté; pour d'autres personnes, ça constitue l'incitation à demeurer bénéficiaires de l'aide sociale, étant donné que l'addition des prestations en total donne un montant qui excède ce qui peut être gagné sur le revenu du travail. D'autre part, nous savons également — les études effectuées au sein du ministère le font ressortir clairement— qu'à mesure que la taille des familles augmente et en même temps que le niveau du revenu; ou plus le revenu d'une famille est bas, la possibilité que des enfants soient placés en institution ou en foyer nourricier augmente. Nous avons là l'occasion, à mon sens, de poser un geste qui pourrait être significatif vis-à-vis des enfants en foyer nourricier, en institution. Une autre question qui se pose, c'est la situation des familles à parent unique. On sait fort bien que la mère qui garde un ou deux enfants n'est pas toujours en mesure de travailler, alors qu'elle n'a pas, bien souvent, de sources de revenus. Nous devons donc examiner de façon bien attentive cette situation, en prenant soin, toutefois, d'ajouter au phénomène qui est constaté parfois dans l'aide sociale, celui d'inciter les gens à se séparer pour un gain financier. On doit penser à cet aspect, parce qu'il y a des gens, des mères qui, sans égard aux mesures de sécurité de revenu, se retrouvent avec un, deux ou trois enfants sous leur responsabilité et alors l'Etat doit leur venir en aide, étant donné l'impossibilité dans laquelle elles se trouvent de travailler. D'autre part, nous avons la contrepartie, le danger d'accentuer un phénomène que nous constatons vraiment au niveau de l'aide sociale. Il y a là un autre aspect de la question que nous devons introduire dans toute cette analyse de la situation, avant que des décisions définitives ne puissent être prises.

M.BOIVIN: Est-ce qu'il y a un programme de sécurité de revenu poussé à fond de train qui ne serait pas de nature à faire disparaître toutes les allocations sociales?

M. CASTONGUAY: Je crois que...

M. BOIVIN: Est-ce qu'on n'avait pas intérêt vis-à-vis du fédéral d'aller récupérer ces possibilités par un programme de sécurité de revenu plutôt que de les laisser dans ce champ qui est établi depuis trente ans?

M. CASTONGUAY: Malheureusement, lorsqu'on essaie de compenser par un programme tel que celui de l'aide sociale, et même si on transformait le programme d'aide sociale en un programme de revenu minimum garanti, il nous faut malgré tout compenser par une voie différente les charges familiales soit en partie, soit en totalité, parce que, si nous le faisons par la voie d'un programme comme celui de l'aide sociale ou celui du revenu minimum garanti, nous arrivons à des niveaux de prestation qui risquent d'être plus élevés, aussitôt qu'il y a un certain nombre d'enfants dans une famille, que ce que la personne peut gagner sur le marché du

travail. C'est la raison pour laquelle tous reconnaissent la nécessité d'un programme distinct d'allocations familiales.

M. BOIVIN: Est-ce que cela ne peut pas s'établir en pourcentage des revenus, ce qu'on peut accorder sur un salaire garanti?

M. CASTONGUAY: Si vous avez une personne ayant trois enfants, qui n'a pas de revenu, à qui vous devez donner par suite d'une période de chômage et que vous lui donnez tout cela par la même voie, dès qu'elle se qualifie, si vous comparez le montant des prestations qu'elle reçoit avec ce qu'elle serait susceptible de recevoir sur le marché du travail, vous arrivez avec des montants et un genre de choix où les personnes optent pour l'assistance sociale ou opteraient pour le revenu minimum garanti. C'est d'ailleurs le phénomène que nous vivons présentement. On a beau tourner et retourner les choses, on en arrive toujours à la conclusion qu'il nous faut aller assez haut dans les échelles de revenus pour compenser d'abord les charges familiales et aussi nous arrivons à un niveau où, si nous ne sommes pas prudents, nous faisons porter un poids plus lourd sur les classes moyennes. Finalement, on en arrive à la conclusion qu'il faut avoir un régime universel d'allocations familiales, imposable d'accord, mais universel, autrement nous entrons dans d'autres types de problèmes qui vont être pires quant à leur effet sur les populations, quant à l'équité du traitement accordé à des personnes dans différentes situations.

Ce point a été brassé de tous les bords et de tous les côtés et c'est ma conviction profonde qu'il n'est pas possible de n'avoir qu'un seul type de programme qui pourrait être incorporé à l'assistance sociale ou à un régime de revenu minimum garanti.

D'autant plus qu'il est clair que tout régime de revenu minimum garanti, lorsqu'on regarde les ressources qui seront nécessaires pour établir un tel régime, ne pourra aller qu'à des niveaux relativement bas de revenus dans les débuts. Et tout programme d'allocations familiales qui y serait greffé ignorerait une très grande partie de la population. Et là, on frapperait assez durement les classes moyennes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les programmes de l'aide sociale, dans les tables d'aide sociale qui devront être révisées à la suite de l'entrée en vigueur d'un tel régime d'allocations familiales, à combien le ministre évalue-t-il le montant d'argent qui devra être soustrait de l'aide sociale pour les enfants, selon les tables actuelles, et versé à d'autres programmes? Est-ce que ce serait 10 p.c. de $350 millions, soit $35 millions? Est-ce qu'on peut avoir certaines indications? Les études ne sont pas assez avancées pour cela?

M. CASTONGUAY: Je pense bien que le montant maximum serait de l'ordre de 10 p.c.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dix pour cent?

M. CASTONGUAY: Si nous éliminions les prestations versées pour les enfants par l'aide sociale à compter du troisième enfant, en supposant que celles versées dans les régimes d'allocations familiales étaient suffisamment élevées pour couvrir une bonne partie de ce que représente comme fardeau un enfant, le troisième, le quatrième, le cinquième, disons qu'on prend cela comme hypothèse pour essayer de donner un ordre de grandeur, à ce moment-là, on récupérerait à peu près $35 millions qui pourraient être réintroduits pour hausser les prestations pour les adultes par l'aide sociale, mais c'est à peu près l'ordre de grandeur. Comme maximum, parce que, quand vous êtes rendus à zéro, quand vous avez éliminé toute prestation, on ne peut pas aller plus loin.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela veut dire que le programme dont nous discutons actuellement, le programme un, qui représente avec l'administration, $97 millions, c'est-à-dire $70 millions pour les allocations familiales, $25 millions pour les allocations scolaires pour lesquelles nous avons des points d'impôt, $2 millions pour l'administration — on y reviendra à l'administration dans un instant— $97 millions plus la partie imposable des allocations, ce qui pourra donner $50 millions d'après l'estimation du ministre...

M. CASTONGUAY: Ce n'est pas moi qui l'ai donnée.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai vu des chiffres dans les journaux...

M. CASTONGUAY: J'ai vu des chiffres moi aussi mais j'ai été très prudent pour dire que ce n'était pas mon estimation. Je le sais, moi aussi, je l'ai vue. Je ne conteste pas que vous l'ayez vue mais je ne suis pas assuré que c'est un chiffre nécessairement exact, loin de là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je continue dans les 10 p.c. Tantôt, mon estimation de 10 p.c. a été assez juste pour l'aide sociale; $500 millions, 10 p.c, cela fait $50 millions. Alors, allons-y pour cela. Si ce n'est pas cela, le ministre me corrigera plus tard. Cela ferait, 97 plus 50, cela fait $147 millions plus $35 millions de l'aide sociale pour les enfants. Les tables pourraient être dégonflées d'autant. Alors M. le ministre, on est rendu proche de $200 millions. Est-ce pour cela qu'il souriait en partant d'Ottawa ou pour d'autres raisons? Je voudrais savoir ce que l'on va faire avec cet argent? Le ministre des Finances est bien inquiet.

M. CASTONGUAY: C'était une des causes. En fait, c'était la première fois que se posaient des problèmes d'argent...

M. CLOUTIER (Montmagny): Quoi faire avec l'argent?

M. CASTONGUAY: Comment utiliser cela, c'était nouveau.

M. CLOUTIER (Montmagny): Comment le ministre va-t-il utiliser cet argent?

M. CASTONGUAY: Je ne suis pas en mesure de vous le dire. C'est trop nouveau.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre a des préoccupations? Sans nous dire: Je vais mettre $20 millions à la disposition, je ne sais pas, de tel programme en particulier... Parce qu'il va falloir que, dans l'aide sociale, il rajuste à des places. Alors, ce qui va arriver aux enfants, nécessairement, je pense que le ministre va pouvoir me dire tout de suite qu'il va le verser aux couples ou aux personnes seules, aux adultes... Mais, est-ce qu'il y a des priorités, à ce moment, que le ministre entrevoit, qui devront nécessairement être satisfaites? Si le ministre me dit: Une véritable politique familiale, il va falloir y penser. Bon!

M. CASTONGUAY: II y a trois priorités. Je les ai exposées lors de la conférence des ministres du Bien-Etre à Victoria. Elles demeurent: Une meilleure compensation des charges familiales; seconde priorité, l'amélioration de la structure et du niveau des paiements dans l'aide sociale; troisième priorité, au besoin nous allons évaluer ce que donnent les dispositions que nous avons introduites dans le régime d'aide sociale, relativement au cumul des prestations et des revenus du travail. Si les données qui se dégagent indiquent que nous devrions aller plus loin, ce serait un aspect également qui me paraît devoir être prioritaire. Alors, ce sont les trois priorités sur ce plan; elles ont été exposées de façon générale.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre recommanderait également à ses collègues du ministère du Revenu et du ministère des Finances, et particulièrement le ministère du Revenu, de faire une révision de la fiscalité de façon à dégrever sensiblement les particuliers quant à l'impôt sur le revenu? Il y a tout le problème dont le député de Bourget a parlé ce matin, le problème des exemptions statutaires ou des exonérations ou des exemptions, des abattements d'impôt. Il y a aussi évidemment une différence actuellement entre les exemptions de base accordées par le gouvernement fédéral et celles du gouvernement québécois. Au provincial, c'est $2,850 d'exemption; au fédéral c'est $3,000. C'est un exemple de dégrèvement, de soulagement fiscal qui pourrait être fait. D'autre part, est-ce que le ministre, également dans les mesures de dégrèvement fiscal, entrevoit la possibilité d'avoir une table d'imposition spéciale pour les allocations fami- liales et de ne pas prendre la table actuelle de l'impôt sur le revenu qui est confectionnée de telle façon et qui comporte peut-être des injustices ou du moins des inégalités qui pourraient être corrigées?

M. CASTONGUAY: D'abord, je dois dire que, lorsque vous avez fait votre total de $200 millions, ce n'est pas nécessairement de l'argent neuf pour la solution de problèmes tels que ceux de pauvreté ou de compensation des charges familiales. Dans la mesure où nous soustrayons les $70 millions, comme vous le faites, nous accroissons le problème de la pauvreté parce que vos allocations familiales ou le régime d'allocations familiales que vous avez introduit en 1967, en mettant l'accent sur les familles plus nombreuses, visait précisément à rejoindre davantage que dans un régime à prestations uniformes les familles où la charge des enfants pesait plus lourdement.

Alors, il n'y a pas un montant total de $200 millions qu'on vient injecter dans le système, il y en a déjà un de $100 millions qui est dans le système. Alors, ça c'est un aspect.

Maintenant, de quelle façon l'utiliser ou de quelle façon doit-on faire les réaménagements présentement...

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet, je voudrais rectifier. Le ministre dit: Il y a déjà $100 millions dans le système, mais le premier ministre dit qu'il y a $315 millions de différence. Alors, on a encore $200 millions de différence, là.

M. CASTONGUAY: Non; il arrive une injection additionnelle de $315 millions par la voie des allocations familiales fédérales, $315 millions avant impôt, c'est exact, c'est une addition. Mais je ne peux pas vous répondre davantage à cette question, à savoir si nous allons utiliser un barème d'imposition différent du barème d'imposition régulier; je ne peux pas vous répondre d'une façon plus précise si nous allons examiner ou plutôt conclure qu'il faudrait changer la base des exemptions pour une personne seule ou une personne mariée. Je vous ai mentionné nos trois priorités; en définitive la plus grande des priorités c'est de faire en sorte, quant à moi, qu'on utilise ces sommes dans la plus large mesure du possible pour résorber la pauvreté. Et en faisant ceci, en maintenant la structure des régimes par rapport aux conditions du marché du travail de telle sorte que les gens trouvent un encouragement à retourner au travail et qu'au besoin on y ajoute des sommes pour que la transition soit plus facile et qu'elle tienne davantage compte des dépenses qu'un travailleur peut effectuer lorsqu'il réintègre le marché du travail. Je ne peux pas aller malheureusement au-delà de ce degré; comme je vous l'ai dit, je n'ai pas les réponses.

M. CLOUTIER (Montmagny): II y a des

programmes du fédéral qui, actuellement, tiennent compte des charges familiales. On pourrait nommer, je pense, l'assurance-chômage, le Régime de rentes au fédéral et au provincial où on tient compte des charges familiales. Du moins, si on se base sur les déclarations qui ont été faites à la conférence, ces programmes-là devraient être revus. Mais, est-ce que le ministre a l'impression que déjà au 1er janvier 1974, quand le nouveau régime d'allocations familiales entrera en vigueur... Est-ce que le fédéral reverrait également les échelles de prestations de ces autres programmes, tels que l'assurance-chômage, la formation de la main-d'oeuvre et ainsi de suite?

M. CASTONGUAY: Comme vous le savez, dans le cas du Régime de rentes, nous avions proposé le gel des prestations pour les enfants à compter du 1er janvier 1974, précisément dans le cadre de la nécessité de prestations d'allocations familiales par la voie d'un régime distinct qui serait plus adéquat. En ce qui a trait à l'assurance-chômage, dans la structure des paiements qui a été introduite lors des modifications à l'assurance-chômage, on tient moins compte, si mes renseignements sont exacts, de la taille des familles qu'on ne le faisait par le passé. Est-ce que c'est exact, Aubert? Ah bon! M. Garcia dit que c'est exact, qu'on avait diminué.

Maintenant, dans la question de la formation professionnelle des adultes, parce que là aussi on a introduit la dimension de la taille de la famille, il me semble que, dans la mesure où les allocations familiales compensent d'une façon plus adéquate, c'est un type de structure de paiement qui devra être révisé également. D'ailleurs, des représentations que nous avons faites dans le passé portaient précisément sur ce point. Dans la mesure où le travail des comités va progresser, c'est un aspect que nous voulons réaborder et, d'ailleurs, je l'ai mentionné au cours de la conférence la semaine dernière.

M. CLOUTIER (Montmagny): Sur l'administration du programme, étant donné qu'au gouvernement du Québec on a mis en place tout l'appareillage et en ressources techniques et en ressources humaines pour administrer un programme qui était de quelque $80 millions au début et qui a diminué, en ce qui concerne le problème de l'administration, si l'administration du programme était confiée simplement au gouvernement central, est-ce qu'il y aurait utilisation de toutes ces ressources techniques et humaines que nous avons ici dans le cadre du programme?

Et est-ce qu'il pourrait y avoir administration conjointe dans le sens que, si le fédéral veut garder le lien avec les familles en versant des chèques, est-ce qu'il ne serait pas important aussi que sur ce même chèque le gouvernement provincial garde le contact lui aussi avec les familles? Parce qu'en fait, ce sont les citoyens du Québec qui paieront les $500 millions au fédéral, les $500 millions de taxes suffisants pour verser un programme d'allocations familiales fédéral. Comment le ministre voit-il cet aspect?

M. CASTONGUAY: Vous savez que présentement il y a des administrations distinctes. Il y a l'administration fédérale du régime fédéral d'allocations familiales et il y a l'administration québécoise des deux programmes d'allocations familiales et scolaires qui est sous la responsabilité, maintenant, de la Régie des rentes du Québec. Nous avons, présentement, des administrations doubles. Encore là, la question que vous soulevez est liée dans une très large mesure aux décisions qui seront prises. Il y a des effectifs d'environ une centaine de personnes qui sont affectées présentement à l'administration des allocations familiales, des allocations scolaires. C'est une des données dont nous devrons tenir compte.

Il y a aussi peut-être certaines possibilités qui s'offrent dans le cadre d'une administration distincte pour deux régimes mais qui pourraient viser à faire en sorte qu'il y ait réduction dans les coûts d'expédition des chèques, par exemple. On sait que lorsque la décision avait été prise de verser des prestations deux fois par année, cet élément avait été considéré, des coûts d'émission de chèques mensuelle par rapport au montant des chèques et depuis ce temps et depuis les efforts de modernisation et d'introduction d'efficacité au ministère des Postes par M. Kierans, on sait que les coûts ont augmenté...

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre sourit, pour l'information des lecteurs du journal des Débats.

M. CASTONGUAY: C'est un élément du problème dont il nous faut tenir compte et il y a peut-être des avenues que nous devrons explorer sur ce plan. Mais encore une fois, il est un peu trop tôt pour le dire tant et aussi longtemps que les choix plus fondamentaux n'ont pas été faits.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Dorchester.

M.GUAY: M. le Président, j'apprécie les explications qui sont données par le ministre à la suite des questions posées par le député de Montmagny. Il est ressorti bien clairement dans ce système de sécurité sociale quand on parle des charges familiales que les charges familiales s'accroissent avec le nombre d'enfants. Il existait autrefois je ne dirai pas une solution complète mais quand même une partie de solution qui était l'exemption d'impôt à un montant fixe par enfant. Et je me demande si le ministre des Finances ne devrait pas songer à cette formule ou à la formule qui était utilisée

dans le passé et on pourrait la rendre encore plus efficace en l'employant de cette façon, d'exemption croissante par enfant.

Par exemple, on réalise qu'avec une famille de deux enfants, il y a telle charge familiale et plus les enfants sont nombreux, plus les charges familiales deviennent écrasantes. A ce moment, il y aurait peut-être lieu de se servir de cette formule d'exemption croissante selon le nombre d'enfants. Je songe à cela puisque cela viendrait corriger les charges qui s'accroissent et, si on conserve la même formule ou le même barème d'imposition, comme les charges de la fiscalité ont toujours été assumées en grande partie par la classe moyenne, il est bien clair, c'est bien évident que cette nouvelle mesure qu'on introduit sera assumée par la classe moyenne. L'explication est très facile à donner. On a seulement à faire un examen, une étude des sources fiscales, d'où elles proviennent et on se rend bien compte que, si ces mesures deviennent trop difficiles à supporter par la classe moyenne, ce n'est plus une classe moyenne. Cela devient une classe défavorisée.

M. le Président, j'aimerais que l'on regarde attentivement, peut-être, cette façon qui conviendrait de compenser pour les charges familiales accrues, si on ne veut pas surtout écraser cette classe moyenne qui est déjà actuellement assez mal placée.

M. CASTONGUAY: Je vous demanderais également d'examiner plus attentivement votre proposition, parce que vous allez conclure, si vous appliquez les taux d'impôt qui vont en augmentant, à mesure que le revenu augmente, que la présence d'exemptions pour les enfants à charge, dans la fiscalité, vise à donner une situation qui devient de plus en plus favorable, à mesure que les niveaux de revenus augmentent, et que les exemptions des charges familiales profitent beaucoup plus à une personne dont le revenu est de $50,000 qu'elles ne profitent à une personne dont le revenu est de $7,000. D'ailleurs, c'était dans un souci d'une plus grande équité et de redistribution vers les familles qui en ont le plus besoin que le gouvernement précédent avait éliminé ces exemptions et avait établi son régime d'allocations familiales québécois.

H me semble, alors que nous sommes définitivement conscients qu'il demeure des problèmes de pauvreté, que les ressources qui nous sont disponibles doivent être utilisées, en premier lieu, pour résorber ces problèmes, aider les familles à revenu moyen qui ont un certain nombre d'enfants, en premier lieu. Après cela, il me semble qu'il ne faut pas trop non plus compliquer le système, parce que les études que nous avions effectuées, l'an dernier, dans le cadre de la sélectivité, démontraient assez clairement que, passé un certain niveau de revenu, si nous utilisons un taux d'impôt plus rapide, le rendement est extrêmement faible. C'est la raison pour laquelle de toute façon... Quant à moi, comme point de départ, il me semble qu'une formule orientée vers des crédits d'impôt ou encore, par la voie de versements de prestations, présenté plus d'avantages, compte tenu des objectifs que nous poursuivons, que la réintroduction d'exemptions pour les personnes à charge.

M. GUAY: Justement, je pense que c'est surtout là qu'on doit se demander si ces barèmes d'imposition ne doivent pas être révisés pour faire en sorte que, si on veut réellement protéger la famille ou compenser les charges familiales, le barème d'imposition soit transformé d'une façon quelconque. Et, j'en suis convaincu, c'est surtout pour aider les familles à faible revenu. Mais, qu'on révise le barème, qu'on fasse en sorte qu'il ne profite pas à ceux qui, par exemple, ont un revenu de $50,000 ou de $60,000, mais qu'il profite surtout à ceux qui ont un faible revenu. Je pense que les mesures qui ont été enlevées de cette partie non imposable du revenu, concernant les charges familiales, profitaient en plus grand nombre, surtout aux familles à faible revenu. D'après, d'ailleurs, les chiffres qui nous ont été fournis, je pense que cela profitait surtout à ces familles, et je pense que cela est important.

Maintenant, dans l'élément que nous discutions actuellement: Allocations familiales, nous remarquons une diminution de crédits à voter en 73/74. J'aimerais que le ministre nous dise comment il se fait qu'il y ait eu une réduction. Est-ce que c'est à cause du nombre de bénéficiaires, alors que l'allocation scolaire a augmenté et alors que les taux n'ont pas été changés? C'est sans doute un nombre accru de bénéficiaires qui sont venus s'ajouter. A l'élément; Allocations familiales, est-ce à cause du taux des naissances qu'il y a eu une diminution à cet effet? Je pense que le ministre doit avoir ces chiffres.

M. CASTONGUAY: En ce qui a trait aux allocations familiales, la diminution provient de la baisse du nombre de bénéficiaires. Il faut se rappeler qu'on a un programme qui couvre de zéro à seize ans. Alors, la chute ou la baisse dans les taux de natalité a été plus prononcée depuis 1960. Elle a commencé à se manifester vraiment vers la fin des années cinquante, elle s'est poursuivie au cours des années soixante et touche davantage ce groupe qui s'étend sur quinze ou seize ans d'âge.

Quant aux enfants de 16 et 17 ans, j'imagine que la baisse des natalités n'a pas encore atteint ce groupe et c'est ce qui fait que le nombre...

Il y a une haute fréquentation... C'est cela. Et il y a eu un phénomène administratif d'annulation des remboursements qui a joué pour quelques centaines de milliers de dollars.

Pourriez-vous le donner plus clairement? C'est lié à la fréquentation scolaire, le paiement des allocations?

Il y a aussi un phénomène administratif.

L'amélioration des procédés administratifs a entraîné une hausse de 25 p.c. des annulations et remboursements, ce qui a eu une incidence sur les coûts et qui explique que le décalage n'est pas directement proportionnel au nombre de bénéficiaires. On s'était posé la question.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Je voulais juste poser une question au député de Dorchester sur le même sujet. Au sujet des exemptions d'impôt, comment ferait-il fonctionner cela, par exemple, pour les pères de famille qui sont en chômage, qui auraient un certain nombre d'enfants ou ceux qui sont à petit salaire et qui auraient moins de $5,000 par année, qui sont déjà exempts d'impôt? Si on ne leur donne pas, ils ont une allocation pour le nombre d'enfants ou à chaque enfant?

M. GUAY: Bien sûr que s'ils n'ont pas un revenu suffisant, c'est la Loi de la sécurité sociale à ce moment qui compense.

M. PEARSON: Autrement dit, cela voudrait dire que les deux systèmes fonctionneraient parallèlement.

M. GUAY: II ne faudrait pas non plus décourager ceux qui vont chercher un revenu qui est absolument nécessaire.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, ma première question est d'ordre historique; elle est adressée aux deux ministres, l'actuel et l'ancien. On sait que pour les allocations scolaires, le Québec a obtenu une compensation fiscale de trois points d'impôt. Est-ce que des efforts avaient été faits pour obtenir du fédéral une compensation analogue, à partir de 1967, pour le programme québécois d'allocations familiales? C'est parce que la justification au fond est à peu près la même.

M. CASTONGUAY: A tout seigneur tout honneur.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je remercie le ministre qui continue dans la même... J'espère qu'il ne dira pas cela à Ottawa. Il peut dire cela à Québec, mais pas là-bas. Si je comprends bien la question du député, c'est: Est-ce que nous avons essayé de faire la même chose avec les allocations scolaires que pour les allocations familiales? Non, nous n'avons pas essayé de faire la même chose pour la bonne raison que, quand le fédéral est arrivé avec le programme d'allocations scolaires, le programme du Québec existait. Le fédéral était devant un fait accompli; alors il fallait bien, si on voulait profiter du programme qu'il y avait déjà, obtenir des points d'impôt mais nous avons introduit le programme. La Chambre, l'Assemblée législative à l'époque, avait adopté la Loi des allocations familiales parce que nous avions jugé que le programme fédéral n'était pas suffisant pour redistribuer le revenu aux familles. Alors, nous avons introduit le programme qui représentait $84 millions, soit la moitié, sensiblement, du programme fédéral à l'époque, 50 p.c. É y avait donc, en plus de la conséquence directe de redonner de l'argent aux familles qui en avaient besoin, un facteur psychologique qui pouvait jouer dans le rapatriement de l'allocation familiale. De sorte que nous avions démontré que nous étions capables de mettre sur pied un régime d'allocations familiales avec les critères que nous lui avions donnés, en tenant compte de la taille de la famille, de l'âge des enfants et ainsi de suite. Nous avions voulu indiquer dans quel sens devait aller un véritable programme d'allocations familiales. Nous avons mis sur pied une administration mécanisée même bien avant le fédéral. A ce moment, le fédéral n'avait pas une administration mécanisée. Je pense qu'il ne l'a pas encore. Alors, c'est pour cela que nous avions demandé le rapatriement et non pas des points équivalents d'impôt. Il n'y avait pas de raison de demander des points équivalents d'impôt sauf si le fédéral avait voulu introduire la même politique que pour les allocations scolaires. Alors, c'est pour cela que cette réclamation n'a jamais été faite, parce que ce n'était pas dans le contexte des allocations scolaires.

M. LAURIN: Depuis trois ans aucune tentative n'a été faite?

M. CASTONGUAY: Le problème se pose dans une perspective un peu différente également. C'est que les demandes de retrait de programme avec des équivalences sous forme de points d'impôt ont toujours été formulées à l'égard de programmes établis à l'échelle du pays, de telle sorte qu'il n'y ait pas d'accusation de vouloir bénéficier d'un traitement privilégié par rapport aux autres provinces du pays. Comme il s'agit là d'un programme bien particulier introduit par le biais de la fiscalité ou de modification à la fiscalité québécoise, je pense qu'il aurait été inutile de demander d'obtenir des points. A moins qu'il y ait eu justement dans l'autre sens à un autre niveau, la réponse aurait été négative.

M. LAURIN: Etant donné que le gouvernement fédéral, en triplant d'un seul coup le montant des allocations familiales, avoue sa culpabilité, sa négligence, son retard, est-ce qu'il n'admettrait pas que ce retard a pénalisé les citoyens québécois et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'effectuer une sorte de paiement rétroactif pour la correction des erreurs qui ont été faites?

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet. La pénalité qui pourrait être comptabilisée, c'est que le Québec aurait pu en bénéficier quand on avait un taux de natalité plus haut que celui d'autres provinces. Mais je doute que notre taux de natalité soit plus fort qu'ailleurs et il est peut-être même inférieur à celui des autres provinces. C'est là que ce régime fédéral va peut-être jouer au détriment du Québec, parce qu'il arrive un peu tard. C'est comme les gens qui disent: On a élevé toute notre famille quand il n'y avait pas d'allocations familiales. Je comprends, mais on l'a commencé dans certaines circonstances.

M. LAURIN: On ne l'a pas eu au moment où on en avait le plus besoin.

M. CASTONGUAY: Par contre, les données que nous avons établies pour la conférence du 2 février démontrent qu'au Québec le nombre d'enfants en bas de 18 ans, par rapport à la population totale du Québec, s'établit bien juste au même niveau que la moyenne canadienne, soit 0.34.

M. LAURIN: Une autre question dans le même sens. Est-ce qu'en triplant d'un seul coup le montant des allocations familiales alors que le Québec aurait voulu le faire depuis plusieurs années et ne pouvait pas le faire, ça ne démontre pas qu'il y a un écart marqué et injuste entre les ressources fiscales du fédéral et du provincial, qui sont beaucoup plus élastiques du côté fédéral et beaucoup plus rigides du côté provincial? Est-ce que ceci ne constitue pas un argument additionnel pour qu'on puisse avoir des ressources qui devraient nous donner la même élasticité quant à l'accomplissement de nos priorités?

M. CASTONGUAY: II est clair — ceci fait d'ailleurs l'objet de plusieurs représentations, non pas seulement de la part du gouvernement du Québec, mais de la part aussi des gouvernements des autres provinces — que la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral ou l'élasticité dans ses revenus fiscaux par rapport à ses charges fixes ou établies est moins grande. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons insisté, à plusieurs reprises, pour que le partage fiscal soit révisé. D'ailleurs, dans ce sens, certaines demandes vont être formulées de nouveau.

M. LAURIN: Est-ce que ce n'est pas ça qui donne justement le pouvoir d'initiative au fédéral et qui oblige, à toutes fins pratiques, une province comme le Québec, à accepter, peut-être pas n'importe quel plan du fédéral, mais un peu quand même le plan qu'on lui propose parce qu'il n'a pas de latitude, il n'a pas le choix.

M. CASTONGUAY: Sûrement que, dans la mesure où vous avez des ressources financières plus grandes, c'est la même chose pour les gouvernements que pour les individus, vous avez un pouvoir de choix, d'initiative plus grand. Il n'y a aucun doute.

M. LAURIN: Lors de la discussion à Ottawa, est-ce que vous avez pu avoir des estimations assez exactes sur le coût total du régime d'allocations familiales pour le Canada et pour le Québec, de même, est-ce que vous avez pu avoir des estimations assez exactes sur la récupération par l'impôt fédéral, sur le montant total des allocations familiales et par l'impôt provincial, malgré que vous ayez dit ce matin que vous n'avez pas complété ce calcul en ce qui concerne le Québec?

M. CASTONGUAY: Je vais demander à M. Ouellet de vous donner le montant total pour le Canada et le Québec des allocations familiales qui seront versées, le montant estimé de récupération par la voie de l'impôt fédéral qu'ils ont cité. Quant au Québec, certains problèmes se posent et, en fait, les problèmes se posent du fait que nous avons un nombre de points d'impôt qui diffère de celui des autres provinces. Nous avons 54 points d'impôt alors que les autres provinces, si ma mémoire est bonne, ont 28 points. Il y a là certains éléments à clarifier quant à la façon dont ces points d'impôt seront traités.

M. LAURIN: Est-ce que nous avons les chiffres pour le gouvernement fédéral?

M. CASTONGUAY: L'estimation qui a été mentionnée au fédéral a été un coût brut total de $1,800,000,000 pour l'ensemble du Canada, et le montant net serait de l'ordre de $1,350,000,000. Evidemment, sur le montant net, il y a des estimations qui prêtent davantage à caution parce que le rendement d'impôt va varier en fonction de la structure des allocations qui seront déterminées par les provinces.

M. LAURIN: J'ai posé en Chambre une question, cet après-midi, sur le minimum. H est bien évident que plus ce minimum sera à un taux bas, plus cela avantagera le Québec. Est-ce qu'on est quand même rendu assez loin dans la fixation de ce minimum, parce que les choses pressent, étant donné que le gouvernement d'Ottawa va présenter son projet de loi, si on croit M. Lalonde, d'ici un mois ou deux? Est-ce que le Québec va faire connaître ce taux très rapidement et quelles sont les chances d'obtenir le taux minimum le plus bas possible?

M. CASTONGUAY: Comme je l'ai mentionné ce matin, le ministre fédéral nous a donné l'assurance qu'il ne chercherait pas par la voie des normes minimales à enlever tout sens aux dispositions qui vont permettre de modifier la structure des paiements. C'est une première assurance qu'il nous a donnée. D'autre part,

nous savons que, présentement, il existe des allocations de $6, $8 et $10 selon l'âge, les allocations de $10 étant pour les enfants de seize et dix-sept ans. On peut se demander si aller au-dessous d'un tel minimum serait sage. Déjà, il y a un certain plancher qui, par la force des choses, s'est établi lorsque le programme des allocations scolaires a été mis en place en 1962, je crois. Le chiffre auquel on peut donc songer devrait varier autour de ces montants.

M. LAURIN: Donc, le taux minimum acceptable pour le Québec se situerait entre $6 et $10.

M. CASTONGUAY: Le taux idéal, celui qui, à mon sens, serait acceptable, serait un taux qui n'excéderait pas $10.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez discuté aussi d'un taux maximal que le Québec ne devrait pas dépasser?

M. CASTONGUAY : Dans ce contexte, il n'a pas été question d'un taux maximal, mais il en a été question, et je profite de l'occasion pour le mentionner parce que cela peut revenir sous une autre forme à un moment donné; mais dans certains programmes que le gouvernement fédéral partage et où on doit tenir compte de la richesse relative des provinces, il se pourrait que le gouvernement fédéral, dans la mesure où il dit dans son document de travail que les normes devraient être fixées par les provinces, insiste pour que ce soit à l'intérieur d'une norme minimale et une norme maximale. Et la norme maximale s'explique par le fait qu'une province très riche, avec un nombre de bénéficiaires limité dans un programme, pourrait fixer le niveau des prestations à un niveau très élevé, que l'exercice de redistribution serait faussé et que des ressources beaucoup plus grandes que justifiées seraient canalisées dans une province riche.

Il est fort probable que, dans l'avenir, on voie l'introduction d'une norme maximale à cette fin dans le cadre par exemple des modifications à apporter au régime d'aide sociale ou l'introduction d'un régime de supplément de revenu.

M. LAURIN: Est-ce qu'il y a eu d'autres normes nationales qui ont été discutées à propos du régime d'allocations familiales à part ce taux minimum et ces propositions 12 et 13?

M. CASTONGUAY: En fait, le ministre fédéral a fait état qu'il visait beaucoup plus des normes à caractère très général visant à éviter des formes de discrimination, par exemple. Or, c'était beaucoup plus ce type de norme qu'il avait à l'esprit que...

M. LAURIN: Ce n'étaient pas des nonnes financières?

M. CASTONGUAY: II y avait les nonnes financières également, mais sa préférence allait beaucoup plus vers les normes à caractère général pour éviter des formes de discrimination. C'est le point qu'il a fait ressortir clairement.

M. LAURIN: Maintenant, en lisant la proposition 12 du livre jaune, je me suis posé des questions sur la troisième condition que contient cette proposition. Je vais la lire et j'aimerais que le ministre se fasse pour quelque temps l'exégète de son homologue fédéral, pour qu'il nous fasse comprendre d'une façon très claire, à sa façon habituelle.: le sens intégral de cette condition. Cette troisième condition se lit comme suit: "Les provinces seraient tenues de verser aux caisses de l'assurance sociale un montant équivalant à la somme qu'elles auraient autrement versée avant les changements apportés au système et avant toute modification apportée aux taux d'allocations fédérales ou des prestations de soutien du revenu qui auraient été consenties aux termes de toute nouvelle formule de souplesse". Ce n'est sûrement pas M. Lalonde qui est responsable de la formulation de cette condition parce que j'y reconnais la clarté que j'avais toujours reconnue aux propos de M. Munro et c'est la raison pour laquelle je demande au ministre de se faire l'exégète de cette condition extrêmement limpide et claire.

M. CASTONGUAY: D'abord il y a une erreur de traduction au départ. Au lieu de "aux caisses de l'assurance sociale", il fait lire "au système de sécurité sociale".

Alors, peut-être que là vous allez mieux saisir l'idée. C'est en quelque sorte une condition que le gouvernement fédéral introduit, qui vise à faire en sorte que, par l'utilisation des deux autres dispositions, soit la première sur la structure des paiements à l'intérieur d'un programme ou les transferts de sommes d'un programme à un autre, la province qui utilise ces deux conditions ne puisse, dans ce jeu-là, soustraire des sommes de ces programmes de sécurité sociale ou de soutien du revenu et les divertir à des fins de construction de routes ou de voirie ou je ne sais trop quoi. Alors, le gouvernement fédéral dit en d'autres termes: Nous sommes prêts à permettre une plus grande souplesse, de telle sorte que les programmes fédéraux soient adaptés aux conditions dans une province donnée, mais pas au-delà d'un point qui permettrait à une province de soustraire de ces programmes des sommes pour les diriger à d'autres fins.

A mon sens, il s'agit là, encore une fois, d'une condition qui me paraît acceptable.

M. LAURIN: Maintenant, d'un point de vue pratique, c'est le fédéral qui a l'initiative, qui prépare son projet national d'allocations familiales et, d'après les propos du ministre, il y aura

des consultations avec les autres provinces et en particulier le Québec avant que ce projet ne soit déposé à Ottawa.

Est-ce qu'il a été prévu que les provinces et le Québec peuvent proposer au ministre des amendements une fois que le projet aura été déposé ou une fois que la discussion en deuxième lecture aura pu suggérer des amendements possibles au ministre? Est-ce qu'il y a des possibilités à cet effet, premièrement? Deuxièmement... Mettons que je reviendrai sur ma deuxième question.

M. CASTONGUAY: Le gouvernement fédéral n'a donné aucune indication qu'il voulait changer son processus législatif. C'est clair que le sujet va être discuté à la Chambre des communes et, tout comme nous ici, le gouvernement peut être sensible à des représentations qui sont faites au moment de l'étude d'un projet de loi. Mais il n'est pas question de modifier ou il n'a pas été question de modifier le processus législatif au niveau de la Chambre des communes pour introduire de façon formelle la possibilité de discussions ou de représentations.

M. LAURIN: Non, mais je veux dire par la voie normale des ministères, des représentations.

M. CASTONGUAY: On n'a pas engagé la discussion sur ce plan, mais chaque fois qu'un projet de loi qui nous intéresse est déposé, assez généralement on essaie de faire connaître nos points de vue. Mais ça n'a pas dépassé ce point.

M. LAURIN: Par la suite, une fois que cette loi sera adoptée, est-ce qu'elle va couvrir tout le champ des allocations familiales de telle façon que, si les montants étaient suffisants, il ne serait plus nécessaire pour le Québec d'avoir sa propre loi d'allocations familiales, étant donné que du point de vue quantitatif, aussi bien que qualitatif, les besoins du Québec auraient été satisfaits?

M. CASTONGUAY: II est trop tôt pour donner une réponse à cette question, mais lorsqu'on examine les budgets pour couvrir la charge d'un enfant dans une famille du Montreal Diet Dispensary, on constate que ces budgets varient selon l'âge de l'enfant, si ma mémoire est bonne, de $50 à $60 par enfant; c'est bien exact. Alors, on voit qu'avec une prestation moyenne de $20, on demeure malgré tout en deça des budgets requis. Alors, je ne peux pas vous donner de réponse quant à ce qui va advenir de façon précise au sujet d'un programme donné. Mais le problème général de la compensation des charges familiales, malgré l'injection de fonds nouveaux dans le cadre du régime fédéral, est un problème qui ne sera pas entièrement résolu.

M. LAURIN: S'il n'est pas entièrement résolu — vous semblez en être sûr — est-ce que ça va nécessiter pour le Québec la présentation d'une loi qui se situerait à l'intérieur de la loi-cadre fédérale des allocations familiales ou une loi qui, sans porter le titre précis d'une loi portant sur les allocations familiales, compléterait, dans le sens que vous venez d'indiquer, la législation fédérale?

M. CASTONGUAY: D'abord, je pense bien qu'il ne faut pas voir la loi fédérale comme étant une loi-cadre; c'est une loi que nous pouvons modifier en tant que gouvernement — et ça, c'est un principe nouveau à mon sens — ou dont nous pouvons modifier l'application en tant que gouvernement.

M. LAURIN: L'application.

M. CASTONGUAY: Ce n'est pas une loi-cadre. Maintenant, encore là, de quelle façon allons-nous faire en sorte que les programmes actuels soient modifiés? Si c'est par la voie d'un régime d'allocations familiales québécois, ça va prendre amendement. Si c'était par une autre voie, à titre d'hypothèse des crédits d'impôt, il faudrait de toute façon amender la loi actuelle, soit pour l'abolir, soit pour la modifier quant à sa portée, parce que les allocations familiales québécoises sont versées en vertu d'une loi dont le montant et le niveau des prestations sont inscrits dans la loi, et non dans les règlements.

M. BOIVIN: Si ça venait de la sécurité du revenu, ça pourrait baisser au fédéral. On pourrait leur imposer une baisse des allocations familiales qui viendrait de la sécurité du revenu d'une loi provinciale. Ce serait appliqué encore dans le même champ. Si on augmentait le salaire de la sécurité du revenu, est-ce qu'on pourrait demander au fédéral de baisser les allocations familiales?

M. CASTONGUAY: Ah! on pourrait prendre les sommes dans le cadre de la proposition qui est faite dans le document de travail, mais il ne faut pas oublier que tout ça n'apparaîtra pas dans la législation, demain. On va voir les premières dispositions correspondantes dans leur législation sur les allocations familiales, mais lorsque les dispositions analogues auront été introduites dans d'autres programmes, nous pourrions dire à titre d'hypothèse: Voici, nous transférons des sommes de la formation professionnelle des adultes, par exemple, aux allocations familiales ou encore à un autre programme. Mais toujours dans les programmes fédéraux, on transfère d'un programme fédéral à un autre programme fédéral.

M. LAURIN: D'une part, évidemment, le ministre l'a souvent dit: Les allocations familia-

les constituent la clé de voûte d'un régime, surtout intégré, de sécurité sociale et, d'autre part, il est très difficile d'en parler sans traiter également de tous les transferts ou de la structure de paiement qui nous amène à étudier d'autres programmes de sécurité sociale.

Par ailleurs, dans les objectifs que définissait le ministère pour 1973, on disait: "Sécurité du revenu. Voici les gestes que le ministère a l'intention de poser en regard de chacun de ces objectifs, sécurité du revenu par l'établissement d'un régime québécois unique d'allocations familiales". Je remarque quand même, à la suite de cette conférence fédérale-provinciale, que c'est Ottawa qui fixera le montant total, le coût total des allocations familiales qu'il devra payer pour le Canada en général et le Québec en particulier, que c'est lui qui se trouvera à avoir l'exclusivité législative, que c'est lui qui fixera les minimums, les normes de transfert, qui va même établir la coordination de ce programme avec celui de l'assurance-chômage, qui fixera même la coordination, à l'avenir, avec certains aspects des services sociaux, que c'est Ottawa qui gardera ces programmes complémentaires comme Perspectives-Jeunesse, Initiatives locales, Horizons nouveaux et même les emplois communautaires, qui gardera l'exclusivité législative sur le Régime canadien d'assistance publique, qui gardera les bureaux de placement, la responsabilité du programme de formation professionnelle des adultes et de formation en cours d'emploi et qui administrera même le Régime d'allocations familiales.

Comment peut-on dire après cela qu'un des objectifs du ministère est l'établissement d'un Régime québécois unique d'allocations familiales?

M. CASTONGUAY: Vous avez fait beaucoup d'affirmations. Je n'ai pas pu toutes les noter, mais il y en a certaines que j'aimerais contester. Disons qu'on va repartir avec les allocations familiales et je pense que j'ai expliqué assez clairement ce matin que, dans la mesure où nous pouvions adapter le régime fédéral aux conditions du Québec et qu'on reconnaissait la priorité dans ce secteur, ceci nous apparaissait un aspect assez important pour ne pas avoir à insister davantage sur l'administration du régime.

Ceci ne veut pas dire que le gouvernement fédéral a le mot exclusif, ou la décision exclusive quant à l'allocation des ressources dans ce secteur et la preuve en est que nous pourrions fort bien laisser tout simplement le Régime québécois d'allocations familiales subsister tel qu'il est. A ce moment, on aurait pris la décision de maintenir dans ce secteur $70 millions de plus par année dans le secteur des allocations familiales. Au plan de l'allocation des ressources, il est clair que le gouvernement fédéral gardera un rôle. Sur ce plan, pour ma part, je ne l'ai jamais contesté. J'ai toujours divisé législation, le financement et l'administration.

Quant aux autres programmes, le gouverne- ment fédéral a bien insisté. Par exemple, en ce qui a trait au supplément du revenu, programme de revenu garanti, le ministre a dit très clairement — à ce moment, il parlait en anglais — qu'il n'avait pas de "hang-up", pour reprendre son expression, quant à l'administration d'un tel programme, à la condition que les provinces y participent financièrement. Et comme nous le savons, nous finançons la moitié du coût de l'assistance sociale.

Il n'a pas placé ses préoccupations au niveau de l'administration d'un tel programme.

Les provinces ont fait état également, et nous l'avons fait de façon particulière, de l'organisation administrative déjà mise sur pied. Quand aux autres programmes, lorsque nous avons parlé de la formation professionnelle des adultes, nous avons dit qu'il s'agissait d'une mesure qui devait être perçue ou conçue d'une part comme étant un programme de supplémentation de revenu, de remplacement ou de soutien de revenu et qu'elle devrait être intégrée à l'ensemble. On a accepté que la discussion se fasse dans ce contexte-là. Il se peut qu'il y ait des sommes additionnelles qui soient versées pour payer les frais de transport d'une personne qui s'inscrit à ces cours, des frais incidents à l'achat d'outils ou de manuels, etc. Cela, c'est une autre dimension.

Mais en ce qui a trait à la partie des revenus dans ces allocations, c'est la position que nous avons défendue et, encore là, dans la mesure où elle est introduite dans un programme plus général, il n'est pas dit que, dans l'avenir, cela ne signifiera pas un transfert. De la même manière, pour les programmes de création d'emplois, nous avons fait état du danger de venir créer un autre programme par-dessus les programmes d'Initiatives locales, par exemple. Il y a deux raisons. Si on multiplie les programmes, cela devient de plus en plus compliqué et aussi, si on a un programme de travail résiduel, on court le risque, en même temps que l'on essaie, dans la révision des programmes de sécurité et de revenu, d'enlever le caractère de l'assistance sociale qui a pour effet d'identifier les individus qui ont un certain caractère négatif. A mesure qu'on tend à vouloir éliminer cela, il ne faudrait pas le réintroduire par la voie des programmes de création d'emplois.

Il a été convenu, que, dans le développement de ce qui est appelé la création d'emplois communautaires ou à caractère social, les programmes qui ont été lancés et qui avaient un caractère temporaire — et qui ont été lancés beaucoup plus face au problème de chômage saisonnier — soient révisés dans ce contexte-là. Encore là, comme des provinces, non pas seulement le Québec mais d'autres provinces, ont des programmes de création d'emplois, elles ont soulevé, ainsi que nous-mêmes, le problème qui se pose, si de tels programmes fonctionnent en parallèle. Et, encore là, on a demandé s'il ne serait pas préférable d'envisager une élaboration conjointe de ces programmes et une administration conjointe de ces programmes, quelques

formes conjointes de l'administration. Sur ce plan, la réponse a été la même, dans la mesure où les provinces sont disposées à participer financièrement. D n'y avait pas, au départ, d'objection de principe sur ce plan. Je pense qu'il est important que le gouvernement fédéral participe financièrement parce que, justement, sa participation financière peut être plus grande dans les provinces qui ont les plus grands problèmes et, d'autre part, les provinces ont aussi une responsabilité et doivent y participer financièrement.

Alors, il me semble qu'il y a là peut-être une ouverture nouvelle qui peut permettre d'entrevoir un développement de programme et une administration de programme beaucoup plus satisfaisants que par le passé.

En même temps, nous avons soulevé l'étendue des types d'emplois qui peuvent être financés par ces programmes. Nous avons souligné le danger que, par la voie des programmes de création d'emplois, on finance en définitive des services. Il faudrait établir certaines délimitations de telle sorte que les services, qui sont considérés comme étant essentiels, soient développés suivant le cadre du développement des services essentiels; si ce sont des services sociaux, d'après les mécanismes de développement des services sociaux, et que s'il s'agit de vouloir développer des emplois communautaires qu'ils soient conçus comme des programmes d'emplois communautaires valables mais non pas comme des programmes qui peuvent bifurquer vers le développement de services considérés, dans d'autres secteurs, comme étant des services essentiels.

Alors, il me semble qu'il y a là tous les éléments pour apporter une certaine rationalisation de l'effort des deux niveaux de gouvernement et une clarification à l'aide de l'expérience acquise depuis le lancement de ces programmes, de telle sorte que, tout en les maintenant dans l'avenir et en les développant, ils ne créent pas les problèmes qu'ils ont créés dans une certaine mesure au cours des dernières années.

M. LAURIN: Mais, est-ce que tout ceci ne vous paraît pas courir le risque d'être aléatoire, étant donné que nous le devons surtout à la conjoncture du gouvernement minoritaire, d'une élection prochaine. Je souhaite bien avec vous que le ministre réponde d'une façon favorable à vos demandes d'élaboration conjointe de divers plans, à vos demandes de consultation permanente pour l'application des différents programmes, mais il reste quand même une dure réalité. C'est que c'est le fédéral qui va garder l'initiative financière, fiscale, puisque c'est avec ses ressources plus élastiques, comme on le voyait tout à l'heure, qu'il va financer les aspects les plus importants, les aspects majeurs de ces programmes. Et c'est lui également qui va traduire, en termes législatifs, par des lois fédérales, la plupart de ces programmes. De plus les programmes provinciaux ne prendront pas toujours, ni souvent, la forme législative; ils prendront plutôt la forme d'application sur le plan administratif. Est-ce que cela ne vous parait pas dangereux de voir le fédéral, non seulement ne rien céder de ce qu'il possédait auparavant, mais s'y établir plus solidement, étendre son emprise et consacrer cela par une initiative législative qu'il sera, par la suite, bien difficile de reprendre, d'amender, de modifier, surtout si la conjoncture veut que nous nous trouvions bientôt en face d'un autre gouvernement majoritaire ou en face d'un ministre qui ne manifesterait pas l'ouverture d'esprit ou l'envergure ou la souplesse du ministre actuel?

M. CASTONGUAY: Tout dépend de l'optique dans laquelle on voit ces choses. Nous avons là un document de travail qui a été publié par le gouvernement, document qui, déjà, a retenu l'attention, de façon assez générale, au Canada, et qui va se transformer, qui va être transposé dans des actions concrètes au niveau des allocations familiales. Avant de changer des orientations comme celles-là et de les mettre complètement à l'écart, il faudrait que le gouvernement, qui agirait ainsi, ait d'assez bonnes raisons parce qu'il ne faut pas oublier que ce document a été publié par un gouvernement minoritaire, d'accord, mais aussi par un gouvernement qui a été soumis à des pressions et à des représentations très uniformes de la part de l'ensemble des provinces.

Il y a là une certaine garantie à mon sens. Egalement, le gouvernement fédéral, pour autant que je puisse analyser ce qui se passe au niveau de ce gouvernement, voit assez loin dans les gestes qu'il pose généralement et on peut imaginer les changements brusques d'orientation lorsqu'ils sont annoncés. Ce sont des changements qui ont généralement une certaine garantie de permanence. Ici, il me semble que c'en est un exemple. D y a des ouvertures nouvelles qui ont été faites. Vous pouvez être assurés qu'elles ont été examinées attentivement avant qu'elles soient faites, et avant qu'elles soient retirées, je pense que le même processus a rebours devrait être effectué. Il y a certaines garanties.

M. LAURIN: Le programme adopté en 1970 a été abandonné trois ans après, après beaucoup de...

M. CASTONGUAY: Parce qu'il n'a reçu d'appui nulle part, à ma connaissance, alors qu'ici il a reçu des appuis...

M. LAURIN: Alors s'il y avait un prochain reflux centralisateur ou un prochain gouvernement majoritaire, on pourrait aussi assister à la destruction de ce livre jaune et à l'apparition d'un livre violet.

M. CASTONGUAY: II ne faut pas oublier que, dans les faits, vous avez présentement un

Régime fédéral d'allocations familiales qui ne contient pas les dispositions que l'on retrouve ici. Vous avez des programmes tels que les initiatives locales et la formation professionnelle. Vous avez toute cette gamme de choses. On ouvre la porte à des changements qui vont dans l'esprit de ce document, dans la bonne voie; il me semble qu'il est nécessaire de s'engager dans les mécanismes mis sur pied pour faire en sorte que ceci soit transposé le plus rapidement possible dans la réalité. C'est l'attitude que nous avons prise. Nous n'avons pas des garanties aussi grandes que si certaines de ces choses étaient inscrites dans la Constitution, c'est très clair. Mais certaines vont être introduites au niveau de la législation, par exemple dans les allocations familiales. Encore là, avant de revenir sur ça, ça va être assez difficile.

Egalement, dans la mesure où nous trouvons un peu plus d'élasticité, disons dans les décisions que nous pouvons prendre, comme niveau du gouvernement, nous pouvons retrouver une plus grande marge d'initiative que celle que nous avons eue récemment.

Et on ne doit pas ignorer que cette situation assez serrée au plan financier n'a pas toujours été le cas. On n'a qu'à se reporter au début des années soixante et déjà, je pense qu'en 1973, la situation est quelque peu différente de ce qu'elle était en 1970.

M. LAURIN: En tout cas, en ce qui nous concerne, il semble que malgré les concessions que le gouvernement semble avoir faîtes au point de vue d'adaptabilité de ses programmes au plan provincial, si on regarde le plan législatif, le plan financier, le plan fiscal, le plan constitutionnel, le gouvernement fédéral loin de s'être replié semble avoir consolidé sa position surtout pour l'avenir et rendre plus difficile toute révision qui aurait pour but ou pour visée ce que les gouvernements québécois ont visé depuis dix ans c'est-à-dire sinon un rapatriement complet, du moins une sorte de retour au Québec des juridictions qui lui auraient paru nécessaires pour l'ajustement permanent des législations aux besoins du Québec. Parce que là, il faut bien penser que ces grosses tentatives ne pourront pas être répétées très souvent, à un intervalle de trois, quatre ou cinq ans alors que nous savons que, dans le secteur des besoins sociaux, les priorités peuvent changer quand même d'une façon assez rapide et qu'il y a des changements qui peuvent s'avérer nécessaires au fur et à mesure qu'une situation sociale qui est plus agitée au Québec qu'ailleurs se modifie. Est-ce qu'il ne vous semble pas un peu déplorable que là vous vous trouviez à perdre les mécanismes qui vous permettaient de rajuster les programmes d'une façon évolutive et permanente, pour les ajuster aux besoins du Québec?

M. CASTONGUAY: Votre remarque me rappelle une remarque que vous aviez faite à un moment donné lorsque nous parlions de la participation dans les corporations professionnelles. Vous disiez qu'il y avait un phénomène en psychiatrie — il me semble que c'était relié à la psychiatrie — qui avait été expliqué et qui faisait que certains individus avaient comme des points noirs qui les empêchaient de voir certaines choses.

M. LAURIN: L'ophtalmologie.

M. CASTONGUAY: II me semble que vous êtes un peu affecté par ce phénomène et qu'il vous empêche de voir dans ce document certaines des choses que j'y vois et qui ont trait au degré de confiance, si on veut aller à l'explication plus profonde, ou de manque de confiance qu'on peut avoir à l'endroit du gouvernement fédéral.

M. LAURIN: II faut dire que ma confiance à l'égard du régime fédéral est mitigée, comme le ministre le sait.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser au ministre. De toute façon, l'échéancier pour les allocations familiales est connu. La loi sera déposée, d'après la déclaration de M. Lalonde, avant l'ajournement du mois de juin.

Avant cela, il y aura eu une autre conférence en mai...

M. CASTONGUAY: Non, il va y avoir des échanges bilatéraux.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bilatéraux. Bon. Alors, cela répond à certaines observations qui ont été faites antérieurement. Si le ministre s'aperçoit... Disons qu'à mon point de vue, cela sera le test majeur de la bonne foi du document, ce qui n'est pas contenu dans le document. Le ministre dit qu'il ne voit pas, dans ce document, certaines choses que le député de Bourget voit et craint.

M. CASTONGUAY: Non. Moi j'en vois que lui ne voit pas.

M. CLOUTIER (Montmagny): Que lui ne voit pas. En tout cas, disons que vous n'êtes pas... Si on fait la somme, vous n'arrivez pas au même montant.

Cela va être le test, je pense bien, le ministre va pouvoir porter un jugement. Le fédéral va mettre des normes dans sa loi, il va faire une certaine consultation, des échanges bilatéraux. Le ministre dit qu'il n'y a aucune raison de ne pas faire confiance au ministre, surtout s'il tient compte du contexte de la conférence et des déclarations qui ont été faites. Alors, ma question est celle-ci: Est-ce que le ministre, s'il s'aperçoit que le test n'est pas concluant et que la réponse qui est apportée par le fédéral dans le cas des allocations familiales n'est pas la réponse qu'il attendait, a conscience qu'il aura

peut-être posé un geste qui sera préjudiciable au Québec dans le contexte de l'élaboration d'une politique sociale, une politique de sécurité du revenu intégrée?

M. CASTONGUAY: Ecoutez, je pense qu'il faut faire la part des choses. Nous avons, depuis trois ans, exposé ce qu'étaient nos objectifs dans le domaine de la sécurité du revenu. Ces objectifs sont maintenant repris dans une très large mesure par le gouvernement fédéral, ce qui ne peut que hâter leur réalisation au plan concret, étant donné le rôle que le gouvernement fédéral joue au plan financier. Cela, il m'apparaît que c'est très positif. Le gouvernement fédéral introduit aussi, dans le processus du réexamen global, des éléments qui permettent d'espérer un bien meilleur système de sécurité sociale au Canada et au Québec et qui même, si ce livre était mis en application au cours des prochaines années —je n'ai aucune hésitation à le dire — peuvent faire en sorte qu'au Canada et au Québec, nous aurions, comparativement aux pays développés, probablement le meilleur système de sécurité du revenu et de programmes connexes.

Alors, dans ce sens, avoir accepté de participer à des mécanismes de travail qui visent à ça, je ne crois pas avoir posé le moindre geste qui puisse être préjudiciable au Québec.

En second lieu, plus précisément en ce qui a trait aux allocations familiales, il existe un régime présentement qui est administré et financé par le fédéral et dans lequel on ne retrouve aucune disposition qui laisse la moindre place aux provinces. Dans la prochaine législation fédérale, on doit trouver des dispositions permettant d'adapter ce régime aux conditions d'une province. Il me semble que d'avoir dit oui en principe à cette approche n'est pas préjudiciable. Il reste la question de la norme minimale et nous allons la discuter. J'ai bon espoir que cette norme sera située à un niveau qui va nous permettre d'adapter, d'une façon appropriée, à nos besoins les prestations. Je n'ai donc à mon sens posé aucun geste à caractère irrémédiable; au contraire je crois que, par les efforts des trois dernières années, nous avons contribué à faire avancer de façon significative les possibilités d'amélioration des conditions de la population. J'aimerais mieux, avant de dire quoi que ce soit de plus, attendre que nous ayons ces discussions avec le ministre fédéral qui, tout au cours de la conférence, comme je l'ai mentionné, a été d'une franchise très grande lorsque des questions lui ont été adressées et que la réponse devait être non, dans son opinion, la réponse a été donnée très clairement. Il n'y a jamais eu d'hésitation; il n'y a jamais eu de confusion lorsqu'on recoupait ses diverses réponses. C'est pourquoi, lorsqu'il a dit qu'il ne voulait pas faire en sorte que, par ces dispositions touchant les normes, on vienne à l'encontre des autres dispositions touchant la souplesse, j'ai accepté sa parole.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est d'opinion que le ministre, M. Lalonde, a obtenu du conseil des ministres au fédéral toute la marge de manoeuvre nécessaire pour mener à bonne fin les discussions avec les provinces?

M. CASTONGUAY: Bien, si on juge par ce qu'il a obtenu jusqu'à présent du cabinet fédéral, je pense bien qu'on a encore là une certaine garantie sur ce plan. Maintenant, il y a également, outre le cabinet fédéral, la Chambre des communes et j'espère bien que le sentiment qui s'est manifesté au niveau du gouvernement dans la préparation de ce document de travail ne soit pas contrecarré au niveau de la Chambre des communes.

LE PRESIDENT (M. Houde. Limoilou): La commission ajourne ses travaux.

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais poser une simple question au sujet de l'organisation de notre travail?

M.BOIVIN: Si vous êtes trompé par le fédéral, il vous restera l'option de vous présenter sous l'étiquette du Parti québécois.

M. CASTONGUAY: Non. Je ne le pense pas, docteur. Est-ce que, étant donné le problème qui se pose, du très grand nombre d'officiers qui sont ici, c'est l'intention des membres de la commission de procéder programme par programme ou est-ce qu'après le programme no 1 et le programme no 2 qui pour des raisons évidentes, retenaient un peu plus l'attention à ce moment, on pourrait, comme par les années passées, peut-être sauter au programme 16, ce qui permettrait une certaine révision des diverses directions du ministère et par la suite, revenir au programme 3, au programme 4, au programme B.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Je l'aurais suggéré parce que le ministre ayant déposé l'organigramme, et étant donné que le programme 2 a des incidences aussi sur ce que nous avons déjà discuté...

M. CASTONGUAY: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... je pense que nous devrions le discuter ce soir...

M. CASTONGUAY: D'accord.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... et peut-être, je ne le sais pas... Est-ce que le programme 3 est le seul programme qui retient ici le président de la Régie de l'assurance-maladie?

M. CASTONGUAY: Si nous nous entendions pour le programme 1 et 2 et après cela, étudier le programme 16, nous pourrions en

même temps que nous prenons chacune des directions du ministère, demander. J'ai demandé au président de la Régie des rentes, au président de la Régie de l'assurance-maladie, au président du Conseil des affaires sociales et de la famille — M. Blier, le président de la Commission d'appel est également ici — on pourrait demander à Mme Leclerc-Chevalier, qui est la présidente du Comité de la pharmacologie au besoin de venir. On pourrait passer ces éléments qui apparaissent au programme 16 de telle sorte qu'on puisse par la suite libérer les présidents des organismes et lorsqu'on reviendra au programme spécifique à partir du programme 3, je pense bien que nous aurions beaucoup moins de difficultés et on mobilisera un moins grand nombre de personnes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela va.

M. CASTONGUAY: Cela va? Le programme 1 est approuvé?

M. CLOUTIER (Montmagny): Adopté. M. CASTONGUAY: Good.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

Reprise de la séance à 20 h 21

M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Programme 2, élément 1.

Aide sociale

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est prêt à voter sur ses crédits?

M. CASTONGUAY: A voter?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, si on pouvait voter? Si le ministre désire qu'on prenne un vote?

M. CASTONGUAY: Si...

M. CLOUTIER (Montmagny): On est rendu au chapitre des assistés sociaux, on ne pourrait pas à ce moment-ci...

M. CASTONGUAY: Tout dépend de la façon dont vous voulez voter.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas un ministère...

M. CASTONGUAY: Pour un votre de non-confiance...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur ce programme extrêmement important, $357 millions, je vais demander au ministre, étant donné qu'il a déposé l'organigramme aujourd'hui et qu'il y a un changement majeur dans ce secteur — l'aide sociale est devenue une direction générale — le ministre pourrait-il nous dire qui sont les responsables de cette section?

M. CASTONGUAY: Vous avez, au niveau des sous-ministres adjoints, le sous-ministre adjoint à l'administration, M. Jean-Guy Houde. Comme directeur général toutefois de l'aide sociale, M. Colpron. M. Grenier, qui est ici, est le directeur général adjoint de l'aide sociale. M. Colpron devrait être ici incessamment.

M. CLOUTIER (Montmagny): Qu'est-ce qui a motivé le ministre à éliminer la direction générale des programmes spéciaux et à créer cette direction générale de l'aide sociale?

M. CASTONGUAY: En très grandes lignes, nous nous sommes rendu compte à l'expérience qu'à la direction générale des programmes spéciaux, c'était assez difficile de tracer les lignes de démarcation avec la direction de la programmation d'une part et, d'autre part, étant donné l'importance du programme d'aide sociale, l'importance aussi de faire en sorte que l'aide sociale prenne des dimensions toujours plus dynamiques, au plan soit de la prévention, soit du cumul des prestations, et d'autres aspects à venir, nous avons cru que le moment était venu de faire ce changement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, dans cette direction générale, vous avez quatre directions. Vous avez une direction de l'attribution, une direction des règlements et normes d'aide, une direction de valorisation sociale et une direction de vérification interne. Etant donné qu'il y a eu, au cours du dernier exercice financier, plusieurs modifications aux règlements de l'aide sociale, et j'imagine que le ministre en présentera d'autres à certains moments durant l'année 73/74, est-ce qu'on pourrait savoir de quelle façon le ministre procède pour se faire préparer ce dossier de modifications à l'aide sociale? Quel est le processus? A partir de quoi? A partir des avis, des bureaux locaux en passant par le conseil de la Commission d'appel de l'aide sociale qui peut servir de conseiller, en passant par les différents responsables de l'application de la loi et des règlements? Alors, de quelle manière le ministre procède-t-il pour présenter un dossier au conseil des ministres et retenir certaines des suggestions qui lui sont faites?

M. CASTONGUAY: Je crois qu'il est exact de dire que la contribution dans la préparation de ces modifications ou les contributions sont multiples. Il y a l'apport de la direction générale de la planification; il y a l'apport de la direction générale de l'aide sociale ; il y a les discussions au niveau des directeurs régionaux, des directeurs des bureaux locaux; il y a également les renseignements qui nous parviennent à la suite des décisions rendues par la Commission d'appel. Alors, c'est tout ceci en définitive qui contribue.

Maintenant, sur un dossier spécifique ou sur un type d'amendement, tout dépend de l'amendement. Parfois, ce sont des amendements à caractère plutôt administratif qui ont de bonnes chances de provenir plus spécifiquement de la direction générale de l'aide sociale. S'ils portent sur d'autres aspects du régime, assez souvent, cela va être un travail qui va être amorcé. L'idée peut être lancée au niveau de l'aide sociale, être travaillée, documentée, précisée, évaluée au niveau de la planification et au moment de la fin du travail, tous les intéressés seront mis à contribution, y inclus les directeurs régionaux les directeurs des bureaux locaux au besoin, et également le contentieux au plan de la rédaction des règlements.

Il n'y a pas eu de "pattern" unique. L'idée a été d'essayer de mettre à contribution tous ceux qui peuvent contribuer, de telle sorte que les modifications soient aussi appropriées que possible, qu'elles correspondent aux objectifs, qu'il soit possible de les administrer correctement, que les personnes directement impliquées dans l'administration de l'aide sociale soient également mises à contribution. On pourrait peut-être demander à M. Ouellet ou à M. Houde de compléter ou de préciser encore davantage parce qu'ils sont les deux responsables au plan administration et planification.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si mes collègues sont d'accord, on pourrait peut-être épuiser le sujet des structures, du personnel, quitte à entrer dans la discussion des règlements eux-mêmes, des niveaux de prestations. En ce qui concerne le personnel, les ressources humaines et les bureaux, dans le réseau qui existe actuellement, quel est le nombre de points de service? Est-ce qu'il y en a d'autres prévus pour 73/74 ou si le nombre de points de service actuel est suffisant? Est-ce que le ministre a des effectifs à recruter? Est-ce qu'on pourrait avoir quelques détails sur le personnel et sur les points de service?

M. CASTONGUAY: On voit, au plan des effectifs, le nombre total à la page 4-6 du livre des crédits. Quant aux postes vacants ou à combler, quant à l'ouverture des points de service, je demanderais à M. Houde de vous donner plus de détails ou plus de précisions.

Le nombre des effectifs en place est jugé suffisant de sorte que nous ne prévoyons pas d'addition vraiment substantielle. La variation est une variation due, sur un chiffre d'environ 1600 personnes, à des facteurs normaux. Le nombre de points de service a légèrement fléchi à la suite de la fusion.

Il se situe toujours aux environs de 140, un peu moins de 140, je crois, à la suite de la fusion de certains bureaux dans une même municipalité et nous ne prévoyons pas non plus d'addition aux points de service, en raison du fait qu'un certain critère minimal de bénéficiaires semble maintenant nécessaire pour assurer un meilleur service. Alors, le réseau devrait demeurer sensiblement stable à la fois quant au personnel et quant aux points de service, pour le prochain exercice.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quel critère minimal de dossiers dans la charge de travail exigez-vous pour ouvrir un point de service? Est-ce que c'est variable?

M. CASTONGUAY: II y a plusieurs critères dont il faut tenir compte. Il y a la question de distance, il y a la question de l'efficacité et de l'organisation d'un bureau. Nous jugeons qu'un bureau normal pour une organisation de travail efficace devrait être à peu près de 1,000 à 2,000 cas. Alors, un bureau qui dessert actuellement 200 ou 300 cas exige trop de recours de personnel et n'a pas une rentabilité du genre. Mais tout de même, on doit tenir des points de service de 200 et de 500 à cause de la distance. Il y a d'autres critères qui entrent en ligne de jeu à ce moment-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est votre organisation de points de service à Montréal? Est-ce que cela fonctionne bien?

M. CASTONGUAY: Sur l'île de Montréal? M. CLOUTIER (Montmagny): Sur l'île de

Montréal. Je comprends que la ville de Montréal est responsable de l'application de la loi 26 et des règlements, mais il semble qu'à certains moments, il y ait peut-être des difficultés au point de vue de l'aménagement des locaux, de la facilité de recevoir rapidement la clientèle. Est-ce que de ce côté les difficultés semblent avoir été résolues?

M. CASTONGUAY: Peut-être que je pourrais faire un commentaire général avant, étant donné la nature de la question. Je ne voudrais pas jeter de blâme sur le directeur, M. Séguin, ou sur un ou des officiers ou employés du service des affaires sociales de la ville de Montréal en particulier. Mais ce qui semble se dégager de façon générale, c'est que le climat dans les bureaux d'aide sociale sous la responsabilité directe du ministère est meilleur que celui dans les bureaux sous la juridiction de la ville de Montréal. Maintenant, est-ce dû en partie au fait que nous sommes dans une plus grande ville où les problèmes de pauvreté sont bien souvent plus aigus.

Les problèmes de détérioration sociale, disons, ou d'un milieu peuvent prendre des proportions différentes dans des villes de moins grande envergure ou de moins grande taille. Je ne le sais pas, c'est peut-être un facteur qui contribue. Mais je serais porté à penser que l'approche générale qui se dégage au niveau du ministère des Affaires sociales vis-à-vis de l'aide sociale est un facteur positif qui contribue, d'une manière qui n'est pas quantifiable ni définissable, à maintenir un climat quelque peu meilleur dans les bureaux du ministère des Affaires sociales.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les 140 que vous avez donnés tantôt, est-ce que les points de service de Montréal y sont compris? Est-ce qu'il y en a eu des nouveaux depuis un an?

M. CASTONGUAY: Pas à Montréal.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'on vous a fait des demandes à Montréal pour ouvrir des nouveaux points de service?

M. CASTONGUAY: Non, pas à ma connaissance.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous avez combien, sur l'île de Montréal, de points de service et de relais?

M. CASTONGUAY: Vingt-huit. L'île de Montréal 18 plus 10 cela fait 28 pour toute l'île de Montréal.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les 18 qui relèvent du service de bien-être de la ville de Montréal.

M. CASTONGUAY: Mais ils peuvent techni- quement en ouvrir sans nous en demander. Ils l'ont toujours fait sans nous le demander, en fait.

M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, ils sont remboursés par le ministère...

M. CASTONGUAY: C'est cela.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... pour les frais.

M. CASTONGUAY: Oui. Un contrat récent vient d'intervenir entre la ville et le ministère suivant lequel à l'avenir ce genre de décision va désormais devoir être soumis préalablement au ministère.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous avez un droit de regard actuellement sur l'aménagement de ces bureaux? Il y a une entente avec le ministère...

M. CASTONGUAY: II y a des dispositions générales qui stipulent que...

M. CLOUTIER (Montmagny): ... des normes qui doivent...

M. CASTONGUAY: ... les règlements et les normes du ministère doivent être respectés à la fois par les autorités de la ville comme ils doivent l'être par les bureaux en province.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, dans la ville de Québec, vous avez ces problèmes? Les bureaux relèvent directement du ministère. Pour les points de service, est-ce que c'est satisfaisant actuellement? Est-ce que vous avez eu des demandes pour installer d'autres bureaux à Québec?

M. CASTONGUAY: Non. La pression pour l'ouverture de nouveaux bureaux est, de façon générale, au niveau administratif, beaucoup moindre, telle que nous la pressentons depuis environ un an. Maintenant, on ne peut vraiment pas comparer la région de Québec à la région de Montréal.

La diminution du nombre de bénéficiaires de façon générale, nos interventions vis-à-vis des comités de citoyens, les liens suivis que l'on a établis avec eux depuis environ un an, ont contribué pour beaucoup quant à nous, quant à notre territoire, à assainir l'atmosphère et à prévenir des pressions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Avec la diminution des dossiers d'aide sociale, diminution qu'on souhaite et qu'on prévoit évidemment, si le nouveau régime d'allocations familiales entre en vigueur, et si, d'autre part, l'économie permet de ramener dans le circuit du travail une foule de gens, d'assistés sociaux et de chômeurs; est-ce que le personnel qui est affecté au bureau pourra se consacrer davantage à d'autres tâches

que d'étudier des demandes de bénéficiaires, au point de vue quantitatif, et pourra faire un travail davantage qualitatif sur le dossier, dans le sens d'établir des plans de relèvement, de fournir des services de réhabilitation, de revalorisation, et contribuer avec d'autres ministères à la mise en place de certains programmes?

M. CASTONGUAY: Depuis six à neuf mois, toute notre orientation, comme le reflètent d'ailleurs les nouvelles structures de l'aide sociale, est justement dirigée vers les préoccupations que vous mentionnez. Nous le faisons de façon très discrète toutefois, afin de ne pas créer d'espoirs inutiles. Mais, nous poursuivons des projets pilotes dans de nombreux secteurs à la fois qui ont justement pour but d'orienter les bénéficiaires vers des services. Par exemple, on a entendu parler de l'opération placement, mais ce qu'on sait moins, c'est que nous faisons aussi avec le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation des efforts pour un projet pilote du côté de certains comtés à proximité de Québec. Nous avons rencontré les gens préposés à la faillite au niveau fédéral et même soumis un amendement aux règlements pour que les bénéficiaires puissent graduellement se libérer de leur endettement par un recours à la Loi de la faillite. Nous avons reçu un accueil favorable. Nous avons poursuivi avec la Commission d'aide juridique des discussions qui ont mené à un projet pilote et qui semblent donner des résultats heureux. Nous voulons poursuivre aussi ce travail du côté des services sociaux... Oui?

Concernant la Commission des services juridiques, pourriez-vous préciser davantage sur la nature?

Je vais terminer mon intervention générale et je vais demander à M. Grenier ou M. Colpron de le faire. Encore là, dans ce dernier domaine que je viens de mentionner, nous avons poursuivi des efforts qui avaient pour but, encore une fois, de jeter les bases, d'ici un an, d'un meilleur lien avec les services possibles. Maintenant, de façon plus précise, M. Colpron pourrait peut-être revenir sur certains de ces points, dont la Commission d'aide juridique. M. Colpron.

Vous avez fait mention, M. Cloutier, du travail ou de la préoccupation de l'agent de sécurité sociale, qui était surtout à l'attribution antérieurement, et qu'on considérait surtout d'une façon quantitative, donc le "case load" de deux cents et plus.

Actuellement, nos regards sont davantage portés vers la valorisation sociale et aussi vérification et contrôle.

Avant de donner des mesures incitatives par la loi et aussi une aide technique pour guider des bénéficiaires de l'aide sociale vers le marché du travail, il faut les libérer de certaines contraintes, celle des dettes, des préoccupations qui sont tout autres que celle du travail. Il y a des démarches qui ont été faites avec la Commission des services juridiques. D y a des démarches qui ont été faites avec la Loi des faillites. Ce sont des préliminaires tout simplement avant un travail réel de valorisation et d'orientation à une intégration du bénéficiaire de l'aide sociale au marché du travail.

J'aimerais ajouter un autre aspect. Le travail devrait s'amorcer au cours des prochaines semaines de façon graduelle mais nous avons financé une étude sur le crédit, étude qui a été réalisée par — je ne sais pas si on l'a financée totalement, en tout cas, de façon substantielle — les ACEP. Cette étude sera disponible très bientôt et le problème du crédit est sûrement un problème auquel on doit s'intéresser dans le domaine de l'aide sociale, de façon particulière.

Nous avions eu, il y a quelque temps, une offre de collaboration du Mouvement Desjardins. Malheureusement, à ce moment, nous n'étions pas en mesure, vraiment, de donner suite à cette offre de collaboration et nous avons repris les contacts; j'ai communiqué avec M. Rouleau et il s'est dit très favorable à l'idée d'étudier avec le ministère et peut-être... Je ne veux pas prendre d'engagement, d'autant plus que vous connaissez la structure du mouvement coopératif. Je ne voudrais pas, par son désir de collaborer, d'autre part, en traitant de cette possibilité, lui créer des difficultés. Mais, on peut imaginer tout ce que pourrait représenter une collaboration avec un tel mouvement au plan d'une meilleure information pour les bénéficiaires dans des questions comme la planification budgétaire, dans des questions aussi comme l'obtention, sous certaines conditions, de crédits alors que, bien souvent, les bénéficiaires d'aide sociale ou encore ceux qui sortent de l'aide sociale ne peuvent faire appel qu'aux compagnies de finance.

Le président du Mouvement Desjardins, en tout cas, s'est dît très heureux de soumettre cette question à son mouvement et, dès que cela aura été fait de façon officielle, nous allons amorcer l'étude de moyens de collaboration entre le ministère des Affaires sociales et le Mouvement Desjardins. Cela peut aussi déboucher sur quelque chose d'assez intéressant et positif pour l'avenir.

Evidemment, lorsqu'on fait référence, par exemple, à la Loi des faillites, il y a un phénomène qu'on doit signaler ici, c'est que certains bénéficiaires d'aide sociale ont des difficultés ou craignent de sortir du réseau ou de leur statut de bénéficiaire d'aide sociale parce que, aussitôt qu'ils retournent dans le monde du travail, ils sont susceptibles d'être poursuivis, etc. Il y a là aussi un autre champ d'action qui peut être extrêmement intéressant et utile.

M. CLOUTIER (Montmagny): On reviendra sur cet aspect des programmes spéciaux de retour à la vie normale des assistés sociaux, des projets pilotes. C'est extrêmement important. Je voudrais auparavant poser une question sur l'inventaire de la clientèle qui a été fait et dont le détail nous a été remis par le ministre il y a

quelques jours. Je lis la circulaire, l'inventaire de la clientèle de l'aide sociale, qui a été communiquée, qui a été émise par le ministère des Communications mais dont la source m'apparaît être le ministère des Affaires sociales. Je cite: "L'inventaire de la clientèle de l'aide sociale a permis d'évaluer à 68,650 le nombre de bénéficiaires qui à des degrés très divers pourraient retourner au travail. Le nombre des bénéficiaires est d'environ 175,000, ce qui laisse 106,350 bénéficiaires absolument inaptes au travail en raison de leur âge ou d'incapacité physique ou mentale. Les 68,650 qui ont été jugés aptes au travail, on les a divisés en trois catégories. Il y en avait 4,025 qui seraient employables immédiatement; 1,050 le seraient également quoique avec de légers handicaps quant à l'âge ou à la compétence; 30,625 pourraient s'intégrer au marché du travail après avoir subi au préalable des cours de recyclage académique ou des cours de formation professionnelle. Le premier groupe représente 2.9 p.c. des bénéficiaires et celui-ci représente 17.5 p.c. des bénéficiares. Enfin, une troisième catégorie de 32,950 qui ne peuvent travailler régulièrement ou normalement et ne pourraient obtenir que des emplois protégés ou des emplois dans des ateliers protégés. Cette catégorie représente 19.4 p.c. des bénéficiaires."

De quelle façon s'est opéré ce classement? Qui l'a fait et de quelle façon a-t-on procédé? Est-ce qu'on pourrait me le décrire?

M. CASTONGUAY: Je vais demander à M. Colpron, qui a été le responsable de ces opérations, de vous donner tous les détails, parce que je pense qu'il y a là une source d'information extrêmement utile quant aux types de gestes qu'on peut poser et quant aux types de programmes qui peuvent devenir nécessaires.

M. le Président, il y a déjà eu une expérience dans le Bas-Saint-Laurent et dans la Gaspésie dans un projet conjoint fédéral-provincial, l'ODEQ, de valorisation sociale de nos bénéficiaires de l'aide sociale et, après deux ou trois années d'expérience là-bas, on était arrivé à une sélection...

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans quel domaine, M. Colpron, les pêcheries ou...

M. CASTONGUAY: Non, le domaine général de nos bénéficiaires de l'aide sociale. Mais à cause d'une situation un peu plus difficile de l'industrie là-bas, il s'est fait une expérience dans le genre d'une étude sur les bénéficiaires de l'aide sociale.

On a fait un inventaire de la clientèle de l'aide sociale en sept catégories de possibilités d'emploi. Sont considérées comme employables les personnes qui ont une bonne santé, une bonne scolarité et qui, du jour au lendemain, peuvent retourner au milieu du travail. Cependant, on les a divisées en deux catégories. La première catégorie, c'est de 18 à 44 ans. Il y en a 4,025 qu'on a pu sélectionner dans la province, soit 2.3 p.c. de notre clientèle, ce qui veut dire 4,025 d'âge moyen de retour au travail, de 18 à 44 ans, avec scolarité et bonne santé. De 45 à 64 ans, il y en a 1,050. Alors, le handicap vient surtout de l'âge. Elles ont des qualifications professionnelles ou une scolarité ou elles ont l'état de santé pour retourner au travail.

M. CLOUTIER (Montmagny): La scolarité, qu'est-ce que cela veut dire?

M. CASTONGUAY: Une douzième année ou une carte professionnelle, une qualification professionnelle.

M. CLOUTIER (Montmagny): Et bonne santé, c'est quoi? Un certificat médical...

M. CASTONGUAY: La bonne santé, c'est deux pieds, deux mains, bon oeil, bon pied. Enfin, elle n'a pas de handicap temporaire ou partiel. C'est une question de handicap temporaire ou partiel.

M. CLOUTIER (Montmagny): Rien d'apparent.

M. CASTONGUAY: La clientèle de l'aide sociale est de 2.9 p.c. de toute la clientèle, soit 5,075 à peu près des bénéficiaires de l'aide sociale qui peuvent se considérer comme employables, du jour au lendemain, retourner au travail. Reclassables, ils ont bonne santé aussi, mais il leur manque soit une qualification professionnelle ou une scolarité avantageuse pour retourner au travail. Ce sont des personnes qui peuvent être reclassées pour retourner au travail avec certains cours de formation professionnelle ou de formation des adultes. Cette catégorie-là est de 30,625, soit 17.5 p.c. de toute la clientèle de l'aide sociale.

Les protégeables, il y a une question d'âge. Ceux qui ont 45 ans et plus, bonne santé mais faible scolarité, une scolarité très faible, c'est protégeable au degré 1 et les autres protégeables, c'est santé médiocre, soit handicap physique ou mental, partiel ou temporaire. Nous en avons 32,250 qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. Ce qui fait un total de 68,650 qui correspond à peu près à 40 p.c. de la clientèle, qui sont employables, mais à un degré de possibilité d'emploi, soit que du jour au lendemain il peut retourner au travail ou il peut être recyclé, ou il peut être dans un atelier protégé ou dans un travail un peu plus spécial pour un type qui a un handicap physique ou mental.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ce classement-là vous a été fourni par les bureaux locaux?

M. CASTONGUAY: Oui. Ce travail a été fait... dans tous les bureaux.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez donné les normes?

M. CASTONGUAY: On a donné les normes...

M. CLOUTIER (Montmagny): Ils les ont classés?

M. CASTONGUAY: Ils les ont classés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ils ont retourné les chiffres que vous avez compilés. Est-ce qu'on va suivre, est-ce qu'on va avoir un inventaire permanent?

M. CASTONGUAY: Nécessairement. Le premier travail, c'est un travail de préclassification pour le comité de l'opération placement. De là vient le travail de l'agent de main-d'oeuvre qui pourra travailler avec tel bénéficiaire selon sa capacité ou ses possibilités.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais bien d'autres questions, mais si mes collègues veulent enchaîner sur ce sujet, je reviendrai après.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoaou): L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: Evidemment, si c'était possible d'avoir ces chiffres-là pour toute la province, on aimerait bien les obtenir par secteur, sauf que nous sommes conscients aussi qu'un bon nombre de personnes peuvent retourner au travail.

On vient de le mentionner. Dans plusieurs cas, ça demande un peu de recyclage. Dans tous les cas, ça prend des emplois. Dans la région chez nous, il se fait un travail actuellement au niveau du reboisement forestier. Il y a eu également un programme de retour au travail qui a été, dans la région de la Beauce, déclenché cette année concernant le temps des sucres, mais c'est un emploi bien temporaire.

Est-ce que le ministère a pensé travailler en collaboration avec les autres ministères parce qu'il va quand même falloir y voir si on veut mettre un terme à ce problème, qui se pose, des gens qui peuvent travailler mais qui n'ont pas, selon eux, la chance de travailler? Je pense aux ministères du Travail, de l'Industrie et du Commerce, enfin tous les ministères, comme celui de l'Agriculture, qui peuvent donner l'accent de façon prioritaire à l'emploi de ces personnes qui, dans bien des cas, sont incapables de fournir un effort aussi valable que des personnes qui sont physiquement et moralement mieux préparées qu'elles à retourner au travail. Si on pense aux personnes qui n'ont pas travaillé depuis un certain nombre d'années, ça prend quand même une habitude de recommencer à travailler. Chez nous, c'est un problème qui se pose parce que les gens croient ne pas être capables de détenir un emploi parce que ça fait tant de temps qu'ils n'ont pas travaillé. Le problème se pose à ce niveau.

M. CASTONGUAY: Au niveau du ministère directement, outre les mesures auxquelles M. Houde et M. Colpron ont fait référence quant au travail du personnel dans les bureaux d'aide sociale, nous avons modifié les règlements pour permettre un certain cumul des prestations avec des revenus de travail pour faciliter la transition. C'est un geste dans ce sens. C'est tout récent. Egalement, il y avait eu l'expérience de comités interministériels, dans le passé, pour faire en sorte que des projets en collaboration avec des ministères puissent être développés dans le but de rendre un plus grand nombre d'emplois disponibles ou créer des emplois à cette fin. Sur ces comités on retrouvait des représentants de divers ministères qui se situaient quelque peu au même niveau. L'expérience a été malheureusement dans certains cas, que l'intérêt baissait avec le temps dans le travail de ces comités. C'est la raison pour laquelle nous avons créé l'opération placement dont le responsable est directement attaché au secrétariat du Conseil exécutif du cabinet et qui est composé d'officiers supérieurs des ministères les plus directement intéressés et qui peut s'attacher des fonctionnaires additionnels au besoin. Ce comité a mandat de faire rapport au cabinet, périodiquement. Vous retrouvez dans le comité, outre M. Frigon, M. Colpron, M. Mérineau, M. Bédard, du Conseil du trésor, M. Langlois de l'Industrie et du Commerce. Je demanderais à...

M. CLOUTIER (Montmagny): ... de ce que le ministre nous envoie, je ramasse ça.

M. CASTONGUAY: ... M. Houde et à M. Colpron de donner un peu plus de détails sur le fonctionnement de l'opération placement. Dans le discours du budget, il a été prévu un montant additionnel de $5 millions pour le développement de projets à l'intérieur de l'opération placement. Et il y a un autre aspect qui doit être touché et qui a été mis en lumière par l'opération placement en même temps ou en parallèle avec l'analyse de la clientèle des bénéficiaires d'aide sociale. On a identifié, par exemple, que dans certains secteurs un nombre assez élevé d'emplois demeurent vacants alors que nous avons des personnes qui sont soit en chômage ou soit bénéficiaires de l'aide sociale. Une partie du phénomène peut être due aux conditions assez faciles d'accès à l'assurance-chômage au niveau des prestations mais, de toute façon, il y a aussi une autre partie qui semble reliée aux conditions de travail qui sont faites dans ces secteurs. D'après les informations obtenues, il semblerait qu'il y a presque, dans certains cas, des politiques visant à un roulement assez rapide de la main-d'oeuvre, de telle sorte que l'employeur ne se sent pas d'obligation vis-à-vis de cette main-d'oeuvre.

Aussi, il y a certains défauts dans la structure du salaire minimum. Par exemple, dans l'industrie de la chaussure, pour une personne qui a moins de 90 jours d'emploi dans le secteur, le salaire minimum est de $0.25 de moins que le salaire payé pour une personne qui a plus que 90 jours. Il nous faut donc, en même temps qu'on s'intéresse au niveau du salaire minimum, faire attention que des dispositions comme celles-là n'aient pas des effets négatifs. Je crois aussi qu'il va falloir regarder de façon un peu plus attentive les pratiques de certains employeurs dans certains secteurs qui font en sorte que l'emploi devient extrêmement aléatoire ou très temporaire.

M. LAURIN: ... les ouvriers d'après tels quotas?

M. CASTONGUAY: Le résultat est celui-là mais c'est fait par des moyens parfois un peu plus raffinés. On impose des quotas toujours plus hauts de telle sorte qu'à un moment donné l'employé part. Ce sont des moyens comme ceux-là que l'on prend. Mais je pense que c'est quelque chose qu'on doit examiner de plus près, compte tenu du fait que les gouvernements d'une part font des effrots avec des deniers publics pour créer des emplois, appuient également avec des deniers publics des mesures de sécurité de revenu. Je pense qu'il n'est que juste que, quand des employeurs s'adonnent à des pratiques comme celles-là, ce soit examiné de très près de telle sorte que, s'il y a des emplois disponibles, ils le soient d'une façon normale. C'est une dimension à laquelle nous devrons nous intéresser d'une façon un peu plus précise.

Il y a deux dimensions plus spécifiques à votre question, pour suivre les remarques du ministre. Le fonds de $5 millions mis par le ministre des Finances à la disposition du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre a fait l'objet d'une approche plus spécifique au niveau d'un groupe de travail qui réunissait des représentants des ministères de l'Agriculture et de l'Industrie et du Commerce. Le ministère de l'Agriculture doit soumettre incessamment un programme qui viserait à utiliser la main-d'oeuvre suivant les différentes saisons ou périodes ou différentes récoltes pertinentes en commençant avec l'érable au printemps, les récoltes d'été, l'industrie laitière dans certaines régions, les pommes à l'automne. Ils avaient déjà certains projets qui vont se concrétiser dans le cadre d'un programme plus précis qui, pour la moitié du fonds, devrait servir à tenter une expérience pilote mais avec une certaine dimension. Du côté du ministère de l'Industrie et du Commerce, on fait le même effort au niveau d'une certaine économie préindustrielle, par exemple, comme l'artisanat, qui s'est développé dans plusieurs régions du Québec et où il y aurait peut-être certains efforts à poursuivre au niveau de certains bénéficiaires de la loi de l'aide sociale.

Parallèlement à cela, la deuxième dimension, c'est que le gouvernement fédéral nous a offert de mettre en priorité â contribution tous les programmes de réhabilitation et de formation qu'il a conçus récemment pour venir en aide à une certaine catégorie de travailleurs défavorisés. Dans le cadre du comité mixte de la formation professionnelle se poursuivent des discussions qui d'ailleurs vont se concrétiser prochainement dans une rencontre au niveau administratif afin de voir dans quelle mesure les mécanismes de formation et de motivation prévus dans le cadre de programmes existants pourraient être utilement mis à profit justement pour combattre le genre d'attitude qui se manifeste à la longue chez d'autres catégories de bénéficiaires.

Ces démarches sont très concrètes, très pratiques et nous pensons que, d'ici un ou deux mois, elles devraient commencer à donner des résultats concrets.

M. GUAY: On a vu encore cette année des bénéficiaires d'aide sociale refuser un travail, par exemple dans le cas de l'érable. C'est très fréquent chez nous, puisque l'on est peut-être dans la région pour cela. On posait donc la question suivante aux personnes: Pourquoi refusez-vous un travail? Elles nous expliquaient que c'est très simple, que, si elles travaillaient, elles perdaient leurs allocations d'aide sociale et semblaient toujours éprouver de la difficulté par la suite à redevenir des bénéficiaires selon la Loi de l'aide sociale. On nous dit: Si on travaille, on a un revenu, par contre, l'aide sociale nous est enlevée et on perd constamment du temps quand on retourne au bureau pour redemander ses prestations. On a vu des personnes faire ce qu'on appelle du camouflage pour ne pas refuser catégoriquement d'emploi, mais tout en expliquant que s'il y avait possibilité de faire autrement...

C'est là que l'on a vu des propriétaires d'érablière dans l'impossibilité de les exploiter à cause d'un manque de main-d'oeuvre alors qu'il y avait un nombre de chômeurs assez grand dans la région qui recevaient des prestations d'assurance-chômage. L'Etat semble venir en concurrence avec ce genre d'employeurs qui offrent des emplois bien temporaires, pour une saison seulement. Evidemment plusieurs ont refusé à ce titre un emploi. Je pense que c'est un peu anormal alors que le bénéficiaire de la Loi de l'aide sociale devrait surtout se chercher du travail. Si l'onparle d'addition d'une partie du revenu aux bénéfices d'aide sociale, c'est un début. Cela sera de l'incitation au travail. Le prestateur va quand même dire: Cela me donne quelque chose de travailler alors que ce n'est pas uniquement de l'argent déplacé que je peux obtenir autrement sans travailler.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, tout à l'heure on a commencé à nous dire que, avec différents ministères, il y a des programmes qui sont en train d'être élaborés.

Est-ce que ce sera l'opération placement, le comité interministériel dont la responsabilité a été confiée au ministère du Travail qui va prendre l'initiative maintenant d'élaborer ces programmes plutôt que le ministère des Affaires sociales? Est-ce que toute cette responsabilité va être confiée à ce comité interministériel d'opération placement?

M.CASTONGUAY: Le développement des programmes se fait ou devra se faire à l'intérieur des ministères sous l'impulsion de l'opération placement et non pas à l'intérieur du ministère des Affaires sociales. Evidemment, nous croyons avoir des idées que nous pourrons transmettre, d'accord. Mais je pense bien que ce sont encore les ministères qui sont ou qui devraient normalement être les plus au courant des types de programmes qui pourraient être développés. Je crois qu'avec une certaine impulsion de la part de l'opération placement, avec des rappels périodiques à divers niveaux à partir du cabinet, cette structure peut nous donner une certaine garantie.

Maintenant, il y a, outre les ministères, d'autres possibilités au niveau par exemple des municipaités, au niveau de groupes communautaires et les $5 millions de crédit introduits ne visent pas uniquement des programmes à être mis en place à l'intérieur de la structure des ministères.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense à toute l'équipe qui était aux programmes spéciaux, celle que j'ai connue en tout cas, qui était attitrée à ce secteur de revalorisation de l'assisté social. Je pense à M. Edgar Guay, à M. Magnan, à M. Gosselin, si ma mémoire est bonne. Est-ce que toutes ces personnes vont être transférées au ministère du Travail, par exemple, pour mettre en place certains de ces programmes?

M. CASTONGUAY: Nous en retrouvons, par exemple, au niveau des programmes spéciaux dans la direction de la programmation, aussi dans l'aide sociale au niveau de la valorisation sociale, plus particulièrement M. Guay. M. Guay a été prêté pour un certain temps à un autre ministère et présentement nous sommes en discussion pour que justement, il puisse travailler de façon directe à l'intérieur d'un autre ministère au développement de programmes qui pourraient, dans un secteur qu'il connaît extrêmement bien, présenter un potentiel particulier dans le cadre de la discussion que nous avons.

Maintenant, on pourrait peut-être demander soit à M. Gérard Nepveu, soit à M. Jean-Guy Houde, l'endroit précis où sont rendues les personnes dont vous avez fait état.

M. Girouard est encore aux programmes spéciaux; c'est lui qui est responsable. M. Magnan est demeuré dans la direction des programmes spéciaux ou de démonstration; les autres...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Gosselin,

M...

M.CASTONGUAY: Je vous disais cela de mémoire. M. Gosselin est allé à l'ENAP et il est revenu au ministère au cours de cette année. Il est actuellement dans la direction de la programmation au niveau des programmes de services sociaux. Je pense qu'ils ont tous été intégrés à quelque endroit.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Guay sera prêté à quel ministère?

M. CASTONGUAY: La forme exacte n'est pas définie, mais l'endroit sera le ministère des Terres et Forêts.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour l'opération bûcherons, pour revaloriser l'assisté social en forêt. De toute façon, il est utilisé, on fait appel à son expérience qui est très vaste dans ce domaine-là. A partir du classement, on a fait l'inventaire, on a fait le classement par catégories; maintenant vous avez 5,000 personnes qui sont employables, on en a parlé tantôt; il y a des projets précis qui peuvent être mis sur pied, commencés. Les autres, ceux qui ont besoin de recyclage, de formation professionnelle, est-ce qu'ils vont pouvoir bénéficier des cours? A l'intérieur des programmes de formation qui existent déjà et qui n'ont pas laissé beaucoup de place aux assistés sociaux — il faut le dire, c'étaient surtout des chômeurs sur l'assurance-chômage qui avaient la priorité — est-ce qu'il va y avoir pour ceux-là des possibilités à assez court terme pour pouvoir bénéficier de ces programmes?

M. CASTONGUAY: Me permettriez-vous un commentaire? Ces chiffres-là donnent un portrait qui a été établi à une date donnée. Maintenant, les relevés qui ont été effectués également, par exemple au cours de novembre 1972, démontrent qu'il y a un certain roulement. Alors, je pense qu'il est important de rappeler que, malgré ces classifications-là, il y a un certain nombre de personnes qui entrent et qui ressortent de l'aide sociale.

M. CLOUTIER (Montmagny): Bien, retenons les pourcentages plutôt, les pourcentages dans le groupe qui sont...

M.CASTONGUAY: Oui, d'accord, mais ce que je voulais faire ressortir, c'est que, malgré l'ampleur des chiffres absolus, un certain nombre de ces personnes-là, et particulièrement avec les mesures incitatrices si elles donnent les résultats escomptés, s'en ressortent. Il s'agit de viser plutôt celles qui ont le plus de difficulté. Au plan de la formation professionnelle, on va demander encore à M. Colpron de nous dire où en sont les pourparlers. C'est un problème qui a été abordé au cours de la conférence fédérale-provinciale la semaine dernière et, si vous vous

souvenez d'ailleurs, dans une directive plus ou moins heureuse, on sent déjà que le gouvernement fédéral a été sensibilisé à cette préoccupation. La directive était peut-être mal formulée; de toute façon le sous-ministre qui l'avait formulée n'es plus là, il s'en est allé au service de l'approvisionnement. On sent que la préoccupation a fait son chemin. Alors, peut-être que vous pourriez ajouter quelque chose.

Sur le plan local, on établit actuellement un comité, pratiquement un comité mixte qui rejoint le ministère des Affaires sociales, donc l'aide sociale, l'agent d'aide sociale, de préférence un agent de valorisation; on rejoint aussi le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, un agent de main-d'oeuvre du Québec, et on veut rejoindre aussi un agent de main-d'oeuvre du Canada.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est ce que vous appelez votre mécanisme de liaison?

M. CASTONGUAY: Oui, c'est un comité local de l'opération placement.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est ça.

M. CASTONGUAY: Actuellement, on est à les établir, il y a à peu près cinq régions où c'est établi dans toutes les localités où on a des bureaux, dans les cinq régions, et nous prévoyons que, vers le 15 mai, nous terminerons cette opération, l'installation des comités locaux de ces trois organismes. Maintenant, c'est surtout pour rejoindre les bénéficiaires et participer aux mécanismes existants de main-d'oeuvre, les mettre en contact avec les mécanismes de main-d'oeuvre, avec l'agent de main-d'oeuvre du Québec et l'agent de main-d'oeuvre du Canada aussi. A ce moment-là, s'il est employable, voir s'il y a quelque chose pour lui et s'il n'est pas employable, s'il est reclassable, voir s'il y a un cours qui correspond à ses capacités. Actuellement, c'est en marche dans cinq régions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre s'est assuré, par une communication avec le ministre de la Main-d'Oeuvre à Ottawa, peut-être via son collègue, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à Québec, que les centres de main-d'oeuvre du fédéral vont apporter toute leur collaboration? Parce que là, on vient d'expliquer le mécanisme de liaison dans les régions et ce sont ces mécanismes-là qui vont travailler.

Ce ne sont pas les ministères, à une certaine distance, qui vont pouvoir mettre en application ces programmes, quand on sait que c'est le centre de main-d'oeuvre qui réfère la main-d'oeuvre, pour les opérations, les programmes d'Initiatives locales, Perspectives-Jeunesse, tous ces programmes qui font appel à de la main-d'oeuvre qui n'est pas spécialisée et qui peut facilement se recruter du moins dans les deux premières catégories des assistés sociaux.

M. CASTONGUAY: Cela aussi a été fait. Je pense que le meilleur exemple de ce que cela peut apporter comme résultat est dans la région de Hull et, encore là, de façon plus concrète, parce que nous sommes d'accord sur le fond, la forme et les résultats que cela peut apporter. Il serait peut-être intéressant de demander également à M. Colpron de nous donner plus de détails.

C'est là que sont nés, ni plus ni moins, nos comités locaux de l'opération placement. On demande à un agent de main-d'oeuvre de s'installer dans un bureau local d'aide sociale, si on peut référer les clients à cet agent de main-d'oeuvre avant de canaliser un agent de sécurité sociale ou d'aide sociale. On a vu que 25 p.c. de la clientèle qui se présentait au bureau d'aide sociale trouvait sa solution en se présentant à un agent de main-d'oeuvre, même avant de se catégoriser, si on peut dire, comme bénéficiaire d'aide sociale. C'est un peu cette technique qu'on a voulu utiliser dans l'opération placement, dans les comités locaux d'opération placement, dans le cadre opérationnel qu'on va développer.

Maintenant, vis-à-vis du Centre de main-d'oeuvre du Canada, on a eu déjà plusieurs approches. Au niveau supérieur, le comité mixte a rencontré le fédéral, au mois de février dernier. Il y a un accord de principe. C'est à l'étude, actuellement et, au cours de mai, on doit l'étendre dans tous les centres de main-d'oeuvre selon la parole des autorités du Centre de la main-d'oeuvre du Canada. C'est l'autre partie de votre question.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous prévoyez que les règlements qui entrent en vigueur aujourd'hui, le cumul de l'allocation sociale, plus une certaine partie du revenu du travail, qui peut varier de 100 p.c. ou 90 p.c, 80 p.c, 70 p.c, cela va jouer assez rapidement? Est-ce qu'il y a des expériences, jusqu'à maintenant, qui nous prouvent que cela peut être...

M. CASTONGUAY: Nous avons examiné les mouvements de sorties et d'entrées dans l'aide sociale. D'ailleurs, je pense qu'on vous a remis une copie de l'étude qui avait été effectuée, en même temps que nous avons publié les communiqués auxquels vous faites allusion. C'est le but. Maintenant, je pense que personne ne peut faire une prévision quant aux résultats qui pourront être atteints. Par contre, il y a une chose dont nous sommes bien conscients, c'est la nécessité d'évaluer le rendement obtenu par une telle formule, de sorte qu'on puisse essayer de mesurer les résultats obtenus, parce que, déjà, des personnes sortaient de l'aide sociale. Avec l'évaluation des résultats obtenus, nous verrons s'il y a lieu de faire davantage ou de modifier peut-être la structure des calculs, des

revenus qu'on prend en ligne de compte, ou encore la période pendant laquelle les bénéficiaires ont dû recevoir l'assistance sociale, avant de bénéficier de ces dispositions, les différents paramètres de cette formule.

Je ne crois pas que personne puisse, avec certitude, faire une prévision quant aux résultats que nous allons obtenir. Nous entrons vraiment dans du terrain neuf. D'autant plus que nous n'avions pas d'expérience antérieure, à vrai dire, surtout l'exemption de base.

M. CLOUTIER (Montmagny): La seule provision qui existait aux règlements de l'aide sociale, c'est l'exemption de base de $40, plus $5 par enfant. D'après ce que je comprends, cela n'a pas joué comme cela aurait dû jouer. Cela n'a pas eu d'effet comme cela aurait dû en avoir.

M. CASTONGUAY: Cela a un effet pour une certaine catégorie de bénéficiaires, mais pas dans le sens positif du retour.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les montants ne sont pas assez considérables pour que cela joue non plus. La différence n'est pas assez élevée. Dans certains secteurs, on a localisé une pénurie de main-d'oeuvre, ainsi dans le secteur du meuble, dans le secteur du vêtement, du textile, dans le secteur de la forêt. Souvent, c'est particulier à certaines régions. Est-ce que dans ces régions, d'abord, on va mettre l'accent sur le lien entre cette industrie et cette disponibilité d'employés qui pourront tout de suite satisfaire la demande et l'entreprise?

M. CASTONGUAY: Là, par contre, vous frappez précisément les secteurs auxquels je faisais allusion plus tôt et il était à espérer...

M. CLOUTIER (Montmagny): A certaines périodes de l'année, peut-être que ce n'est pas tellement le salaire qui est fait comme les conditions de travail, le temps ou des choses comme cela.

M. CASTONGUAY: Et un peu plus dans certaines entreprises ou certaines compagnies par le mécanisme des quotas apparemment. Je ne peux pas affirmer cela de façon générale mais — et c'est pourquoi je dis qu'il va falloir regarder cela d'un peu plus près — il semblerait que c'est une des causes aussi. C'est clair qu'il nous faut orienter les efforts dans des endroits où des emplois semblent disponibles, mais il ne faut pas non plus travailler contre des conditions à peu près impossibles à combattre si c'est érigé presque en système. Il y a là un aspect qu'il va falloir examiner.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est important que cet aspect soit examiné très rapidement, parce que je pense bien que l'une des sources du mécontentement du public en géné- ral, c'est de voir que, dans une région, d'une part, on manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs. Je comprends qu'il peut y avoir des problèmes comme ceux que le ministre a mentionnés tantôt, tels que l'insuffisance du salaire, de la rémunération payée. D'autre part, on a des assistés sociaux en pleine santé, des jeunes hommes de 25 ou 30 ans parfois, qui refusent du travail. C'est ce qui incite le public, en général, à porter un jugement défavorable sur toute une législation ou sur tout un programme gouvernemental qui reste foncièrement bon, si vous le voulez, sauf qu'il faut corriger certains abus et certaines lacunes.

M. CASTONGUAY: J'ai déjà mentionné aussi le problème que semble poser, à ce niveau-là, l'accessibilité assez facile au niveau des prestations dans l'assurance-chômage. Bien souvent, malheureusement, dans le langage populaire, les gens parlent du bien être social alors que, dans un certain nombre de cas, les phénomènes que vous mentionnez ont été mis en lumière et accentués à la suite des récents amendements à la Loi de l'assurance-chômage. Il y a aussi le fait qu'il existe divers programmes, tels que celui de la formation professionnelle, l'assurance-chômage, où les gens sont assez perspicaces. Ils connaissent assez bien les règlements, ils viennent à trouver des niveaux de rémunération qui peuvent être assez intéressants par rapport à ce qu'ils peuvent gagner sur le marché du travail. C'est la raison pour laquelle on a tellement insisté pour l'harmonisation des niveaux de prestation et aussi pour une meilleure cohésion entre ces types de programmes.

M. BOIVIN: Dans le secteur agricole, est-ce que cela a été un succès, le retour à la terre pour certains de vos assistés sociaux? J'ai eu l'expérience, dans mon comté, où on a parlé dans les journaux du ministère ainsi que du député du comté relativement au succès qui avait été obtenu dans ce secteur. Je ne sais pas si, ailleurs, il y a eu des résultats.

M. CASTONGUAY: De façon générale les discussions assez soutenues que nous avons eues avec le ministère de l'Agriculture sont à l'effet que, pour définir un programme, ces gens souhaitaient un projet pilote pour être sûrs eux-mêmes des critères suivants lesquels ils voulaient ménager leur mode d'information. Et si, dans certains coins limités, il y a eu certains résultats d'atteints, je pense qu'il faut honnêtement dire que, dans l'ensemble, c'est un certain départ. C'est une des raisons pour lesquelles j'insistais tout à l'heure sur cette approche du ministère de l'Agriculture qui veut définir les programmes de façon un peu plus précise pour qu'une évaluation se fasse sur des projets un peu plus précis.

M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a eu des mises de

capitaux importantes pour ces travaux? J'ai même reçu des appels téléphoniques de la part des gens pour me dire: Payez-leur de l'assistance sociale et laissez-les là. Ils prétendaient que cela avait coûté $100,000 pour un...

M. CASTONGUAY: Non, sauf pour les quelques projets comme Petit-Bégin et quelques autres, je pense qu'on ne peut vraiment dire qu'il y ait eu mise de capitaux importante.

M. BOIVIN: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir des détails là-dessus?

M. CASTONGUAY: Ce genre de projet, d'ailleurs, à la lumière de l'analyse, on s'aperçoit que, sur un strict plan agricole, il n'est pas rentable, à moins que des mesures soient prises pour le situer dans d'autres programmes agricoles qui sont d'une optique plus moderne et plus dynamique. C'est une question de volume...

M. GUAY: Maintenant, concernant le cumul des revenus, est-ce que c'est l'employeur ou le bénéficiaire qui doit faire rapport au bureau pour établir de quelle façon cela doit fonctionner. Plusieurs m'ont posé des questions à cet effet-là et j'ai été vraiment embêté pour leur répondre.

M. CASTONGUAY: Là-dessus, le bénéficiaire a, de par la loi, l'obligation de faire rapport de ses revenus. Il est évident que nous devons, de notre côté, nous assurer, par des mesures de surveillance appropriées, qu'il le fait effectivement. Par contre, il serait dangereux de trop orienter l'aide sociale vers un esprit tel qu'on finirait par nuire à nos objectifs plutôt que de les atteindre. Ce qui serait le cas, par exemple, si, sans trop de discernement, on le faisait pour des montants minimes, parce qu'il y a des écarts normaux d'appréciation, par exemple dans les milieux ruraux, dans ce qui peut être un revenu hebdomadaire. Définir une philosophie de surveillance et de contrôle est très difficile et je vous avoue qu'à l'heure actuelle, sur ce plan-là, nous évoluons un peu à la lumière de l'expérience. Je ne peux vraiment pas en ajouter plus si ce n'est qu'à l'heure actuelle, on a peut-être un peu trop mis l'accent sur les mesures de contrôle technique, surtout de la part de nos équipes de vérification, et nous voulons nous réorienter vers une philosophie un peu plus générale à la lumière du climat et de l'évaluation qu'on en fera.

Je voudrais ajouter à cela que, si la personne qui retourne au travail a un "suivi" qui vient du comité local d'opération placement et de l'agent de revalorisation, nécessairement, ce "suivi" va être de quatre mois. Alors le bénéficiaire fera rapport à cette personne qui le suivra pour l'aider à réintégrer, si on peut dire, le milieu socio-économique. Il y aura aussi une déclaration de son revenu au fur et à mesure que cela évoluera. Il l'aidera aussi à suppléer à son revenu s'il est capable d'avoir un travail qui va lui donner davantage. Il l'aidera aussi à voir s'il peut lui trouver des conditions de travail supérieures à ce qu'il a, à un minimum.

M. CLOUTIER (Montmagny): Avant d'entreprendre la discussion sur les prestations elles-mêmes, les niveaux de prestation, j'aurais une dernière question sur les points de service. Est-ce que la nouvelle carte électorale qui va entrer en vigueur le 1er août 1973 va amener la révision des points de service dans certains endroits? C'est peut-être une question à laquelle le ministre...

M. CASTONGUAY: Quelle est l'incidence entre les deux?

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est l'incidence entre les deux?

M. CASTONGUAY: Je manque d'expérience, évidemment.

M. CLOUTIER (Montmagny): II va falloir que le ministre la voie quand il va discuter avec M. Lalonde. Au cours de discussions sur la carte électorale, on a fait état de la situation suivante qui se produisait en certains endroits. La population d'un comté était divisée du point de vue administratif, était déchirée entre plusieurs points de service dans le territoire. On a même fait état d'une situation dans un endroit où la population avait affaire à quatorze endroits différents pour des points de service, que ce soit pour la voirie, différents ministères. Alors, il est clair que la question des lignes de comté peut entrer en ligne de compte dans l'implantation des bureaux, à un moment donné. Cela a pu arriver qu'on ait examiné les services à rendre à la clientèle en se basant sur les limites de comté. C'est pour cela que je pose la question au ministre. Est-ce que la redistribution des comtés a amené au ministère des demandes à l'effet de répartir autrement les points de service?

M. CASTONGUAY: Je suis dans l'ignorance complète sur ce plan-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un bon signe si le ministre est ignorant.

M. CASTONGUAY: De façon générale, nous avons une situation historique. Quand l'aide sociale a été implantée de façon assez accélérée en 1970 et, à la suite des pressions qui ont suivi, nous avons établi un nombre de services que nous jugeons maintenant suffisamment grands pour desservir les besoins et ce nombre devient à la fois un problème et une contrainte parce que nous réalisons maintenant qu'il y aurait avantage à procéder peut-être à certaines fusions, à certains réaménagements dans le sens que vous indiquez, mais vous réalisez tout de suite que, dès que nous pensons à le faire, nous

obtenons des réactions qui nous préviennent, qui nous empêchent souvent d'y songer. Alors, notre solution de compromis a été de tenter de réunir autour des bureaux existants des facilités suffisantes pour desservir et répondre aux besoins avoisinants.

Mais nous ne pouvons vraiment pas songer à étendre davantage ni le personnel, compte tenu des aménagements administratifs, ni vraiment le nombre de bureaux, parce qu'ils deviendraient, en moyenne, probablement inefficaces en partie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'établissement de CLSC peut lui aussi occasionner des réaménagements de points de service pour les bureaux locaux?

M.CASTONGUAY: On prend, non, on loue... Partout où c'est possible, pour les CLSC, on essaie de louer. Mais, comme attitude, on voudrait qu'il y ait rapprochement dans toute la mesure du possible, entre les bureaux de main-d'oeuvre et ceux de l'aide sociale et, lorsque c'est possible, avec les CLSC. Je pense qu'il y a intérêt et avantage, pour les bénéficiaires justement, de faire en sorte qu'ils puissent obtenir la plus grande gamme de services possible au même endroit. En raison des baux existants, parfois de l'impossibilité de trouver des espaces, c'est un processus qui est assez long. Mais, sur ce plan, à l'exécutif du ministère, nous avons discuté de cette question, et ce sont des lignes de conduite que nous avons essayé d'établir.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quant à ces points, je pense que ce serait satisfaisant. Je ne sais pas si le député...

M. LAURIN: Est-ce que l'opération est trop jeune pour qu'on puisse déjà voir se dessiner des orientations, par exemple, un succès probable et surtout dans quel domaine? Est-ce que c'est trop tôt pour qu'on puisse voir...

M.CASTONGUAY: Vous voulez dire, pour qu'on cumule des prestations?

M. LAURIN: Non, avant qu'on parle de prestations, de l'opération placement.

M. CASTONGUAY: Je demanderais plutôt... On est encore, en fait, à la phase...

M. LAURIN: Trop tôt, encore.

M. CASTONGUAY: C'est un travail qu'on a voulu aussi systématique et aussi bien appuyé que possible. Je pense que les responsables de l'opération placement ont été sages de bien appuyer les bases de leur travail, avant de faire de la publicité, de faire naître des espoirs. On est à la veille de déborder ou d'approcher les phases plus concrètes.

Je crois que l'expérience de Hull nous laisse voir déjà que, grâce à la présence des agents de la main-d'oeuvre chez nous, il y a déjà 25 p.c. de la clientèle de l'aide sociale qui est orientée, avant de rentrer et, après la sortie, le mois suivant ou deux ou trois mois après. Une autre expérience a eu lieu dans une autre région, parce qu'on commence à implanter les mécanismes. La référence systématique au centre de main-d'oeuvre a permis à 40 p.c. à peu près, d'une clientèle qui a été référée de trouver une solution à moyen terme, à court ou à moyen terme. Mais, c'est déjà le travail de ceux qui sont là. Maintenant, arriver avec des chiffres sur un plan provincial, c'est encore trop tôt. Mais on a déjà des indices montrant que c'est quelque chose de positif.

M. LAURIN: Dans les communiqués que vous avez émis, j'ai vu que vous favorisiez surtout les projets gouvernementaux, municipaux, les projets ministériels ou d'agences publiques. Est-ce que vous incluez aussi parmi les projets qui peuvent être acceptés ceux qui sont élaborés par certains groupes d'assistés sociaux eux-mêmes? Je sais qu'il y a certaines tentatives dans certains coins du Québec où...

M.CASTONGUAY: Premièrement, les projets d'initiative locale...

M. LAURIN: Mais il y en a qui sont refusés justement...

M.CASTONGUAY: Ce que je veux dire, c'est qu'ils ont plutôt été destinés à ces fins-là, en premier lieu. Lorsque nous avons repris, la semaine dernière, cette question concernant la création des emplois communautaires, nous avons mis l'accent sur la nécessité, soit de fusionner ou intégrer ces deux types de programmes. Selon l'évolution des discussions, il n'est pas impossible qu'on arrive à un programme qui fonctionnerait beaucoup plus conjointement entre les deux niveaux de gouvernement. Dans les projets à être élaborés dans le cadre de l'opération placement, il semblerait qu'au départ le potentiel est plus grand dans le cadre des ministères, des municipalités ou d'organismes de cette nature. Mais il n'y a pas de règles précises qui disent qu'en dehors de ces gouvernements provincial ou municipaux il n'y a pas de règle qui fait abstraction d'autres types de projets.

Il y a peut-être une autre dimension: la main-d'oeuvre tend à vouloir expérimenter et favoriser une approche qui serait autre que cas par cas mais par groupe, par exemple, réunir dans un bureau donné tous les gens qui ont peut-être les mêmes préférences ou les mêmes qualifications et justement faire en sorte de susciter un projet, une approche. On rejoint déjà davantage le sens de votre question et, effectivement, il y a des expériences qui semblent avoir été faites avec un certain profit mais, encore une fois, on en est au tout début.

M. GUAY: Croyez-vous que cette opération placement a plus de chance de réussite en milieu rural comparativement avec le milieu urbain? Est-ce qu'il peut y avoir une différence assez marquée tenant compte évidemment des emplois disponibles, que ce soit dans l'industrie ou dans d'autres secteurs?

M. CASTONGUAY: On a deux types d'expériences à l'heure actuelle. On a celle de Hull, qui est en milieu urbain et on a aussi dans l'Est du Québec, en milieu un peu plus rural, certaines expériences favorables au plan de la réalisation sociale, ce qui nous laisse entrevoir des possibilités sur deux plans. On a raison de croire que, dans les deux cas, il y a des approches qui pourraient être valables. Encore une fois, au tout début, on n'a vraiment pas de statistique pour appuyer notre réponse.

M. LAURIN: Mais â supposer qu'un groupe d'assistés sociaux mette sur pied un projet, quel serait le mécanisme d'acheminement de ce projet pour qu'il puisse être étudié par les instances concernées et être approuvé par ces instances?

M. CASTONGUAY: Nous avons certains critères d'entrée de projets et nous avons demandé à deux ministères en particulier — celui de l'Agriculture, pour ce qui a trait à l'agriculture, et celui de l'Industrie et du Commerce, pour ce qui a trait à là production ou à l'industrie, mais la petite industrie avec quelque chose d'artisanal — de nous fournir des critères. Mais ce que nous retenons à l'opération placement, ce sont surtout des critères de quelque chose qui va durer. Ce n'est pas quelque chose pour un, deux ou trois mois. C'est pour une longue période. C'est à long terme. On veut prendre quelqu'un et le retourner de façon stable à un travail. On veut toucher aussi le type de clientèle que nous avons. C'est une telle série de critères que nous tâchons de développer pour rejoindre les gens qu'on veut rejoindre et les installer de façon définitive.

M. LAURIN: Une dernière question que je voulais poser au ministre au sujet des services d'assistance sociale qui ne relèvent pas tout à fait de son ministère. Il en a parlé tout à l'heure à propos de Montréal, il a dit, sans vouloir accuser qui que ce soit, qu'il y avait quand même une certaine différence de mentalité entre les points de service qui relèvent directement du ministère et les points de service qui relèvent de la ville de Montréal. Est-ce qu'il pourrait être plus précis quant à ces différences? Est-ce que c'est en ce qui concerne l'argent lui-même? Est-ce que c'est dans le mode de dispensation des services? Est-ce que c'est dans les structures juridiques? Par exemple le fait que la syndicalisation est peut-être différente d'un point de service à l'autre, d'une part, et d'autre part, est-ce que des mécanismes sont prévus pour qu'une harmonisation plus grande s'effectue?

M. CASTONGUAY: Là, on est dans des appréciations d'ordre qualitatif. C'est la même loi, ce sont les mêmes règlements qui doivent être appliqués; en fait, les échelles de salaires sont quelque peu plus élevées pour le personnel sous la juridiction directe des affaires sociales de la ville de Montréal; ce n'est donc pas une question de salaire. Je ne crois pas qu'on puisse identifier des individus à un niveau quelconque. Je serais plutôt porté à dire —avec toutes les réserves qu'on peut y mettre, parce que c'est une appréciation — que c'est une question de climat général.

M. LAURIN: Est-ce que ces agents bénéficient par exemple d'une formation en cours d'emploi comme on le fait actuellement au ministère?

M. CASTONGUAY: M. Colpron, est-ce que vous pourriez répondre à cela?

La structure interne d'un bureau local à Montréal est peut-être un peu différente de la nôtre dans le réseau provincial. La convention collective détermine même les tâches d'une façon différente de la nôtre. C'est assez difficile d'arriver à des comparaisons de travail à l'intérieur de la répartition du travail sur la façon dont les employés dans la ville de Montréal sont initiés à leur travail, il y a aussi un groupe de formation différent de celui de la province.

M. LAURIN: Ma deuxième question, c'était pour savoir si des mesures ont été prévues pour l'amélioration ou l'harmonisation de l'action menée par ces divers points de service.

M. CASTONGUAY: Dans le système administratif en voie d'être réaménagé, disons, il va y avoir une meilleure intégration de telle sorte que sur ce plan on en arrive à un système administratif avec l'implantation plus grande des moyens de téléinformatique uniformisés.

Maintenant, il y aura toujours, tant qu'il y a deux autorités administratives différentes, possibilité de différences dans l'application ou les modalités d'application concrète de ce programme.

Nous étudions au ministère cette question. Cela fait quelquefois que nous y revenons. En fait c'est le seul service municipal qu'administre la Loi de l'aide sociale aujourd'hui. Dans toutes les autres municipalités, cela est terminé. Nous essayons d'identifier quels pourraient être les moyens à prendre pour en arriver, outre le plan du système de gestion et les autres moyens qui pourraient être pris pour effectuer une plus grande intégration, disons, dans le réseau général d'aide sociale.

M. LAURIN: Vous n'avez pas encore dégagé de conclusion?

M. CASTONGUAY: C'est un problème assez délicat. Nous avons des statuts d'employés de la ville de Montréal qui sont différents des syndicats et nous avons examiné certaines hypothèses. Mais c'est un travail qui se poursuit et on voudrait essayer justement d'en arriver à une stratégie, à un échéancier ou à une approche pour aborder ce problème qui à mon sens doit être abordé.

Nous sommes en voie d'élaborer une pièce de base au dossier qui contiendrait toutes les contraintes soit d'ordre législatif, soit dans la chartre, soit dans les conventions légales, à partir de laquelle on pourra déceler un peu plus les avenues possibles. Le problème est très complexe au plan des droits des employés.

M.LAURIN: Est-ce qu'il y a plus de plaintes qui viennent de la région de Montréal que du reste du Québec?

M. CASTONGUAY: Au plan des plaintes, on va le demander à M. Colpron et M. Houde; au plan des appels, on pourrait demander cela à M.Blier.

Au plan des plaintes, il n'y a pas de doute qu'au niveau de la ville de Montréal, si on en juge par la réaction populaire, le niveau des plaintes est plus élevé. Cela est dû à deux facteurs au-delà de ce que le ministre soulignait tout à l'heure. C'est que, nettement les comités de citoyens ont vu le jour et sont plus actifs dans la ville de Montréal. C'est à la fois difficile à vivre mais c'est à la fois heureux aussi parce que cela nous permet d'avoir un écho assez sensible et assez rapide de ce que les bénéficiaires peuvent pressentir quant à nos règlements quoiqu'il est un peu exagéré mais il est quand même indicatif de la tendance. D'un autre côté, le personnel de la ville de Montréal vit dans une atmosphère un peu plus sévère, de sorte que le rapprochement entre les deux parties devient plus difficile et que l'un a une incidence sur l'autre. D en résulte certaines difficultés.

M. LAURIN: Est-ce que vous pourriez préciser?

M. CASTONGUAY: L'attitude est peut-être un peu plus rigide quant à l'application de la loi et des règlements. Cela a ses avantages mais cela a aussi ses inconvénients de sorte que l'on sent nettement que l'atmosphère est un peu plus tendue et nos interventions doivent être peut-être un peu plus fréquentes. Maintenant, pour être parfaitement juste, on sent beaucoup moins la présence des comités de citoyens dans les autres régions de la province mais cela fait que le nombre des plaintes émanant de Montréal est nettement supérieur.

M. Colpron me souligne que 8 p.c. des révisions formulées au niveau régional, chez nous, sont retenues de la part de notre palier régional tandis qu'à Montréal, 33 p.c. le sont. Ce qui veut dire une application beaucoup moins flexible, si vous voulez.

J'ajouterais simplement un mot à ceci. C'est que probablement notre structure et la répartition des tâches chez nous est différente de cellle de la ville de Montréal.

Là-bas, c'est peut-être la révision, quelque chose de plus normal, ça passe par une personne, c'est plus normal. Chez nous à l'intérieur d'un bureau local, il y a une révision quasiment interne par le chef d'unité. Chaque dossier est révisé immédiatement par le chef d'unité. J'ajoute simplement ceci pour expliquer les chiffres. On se rejoint probablement.

Pour ce qui a trait aux appels, le président de la Commission d'appel dit que, compte tenu du volume, la proportion du nombre d'appels dans la région de Montréal ou dans la ville de Montréal est à peu près la même que dans les autres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, la révision serait plus forte au niveau des bureaux régionaux parce que le sous-ministre Houde vient de dire qu'il y a 33 p.c. des appels au niveau régional qui sont retenus, tandis qu'il y en a 8 p.c. au niveau...

M. CASTONGUAY: Encore une fois, il faut être prudent parce que les modalités d'attribution et le rôle du personnel ne sont pas les mêmes. On réserve à Montréal, au niveau de la vérification, une plus grande part. Alors, il faut être assez prudent dans nos conclusions. C'est une atmosphère générale, mais il faut quand même tenir compte des circonstances, je pense, en toute honnêteté.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, la question des prestations maintenant. Il y a eu des modifications au cours de la dernière année, les dernières sont entrées en vigueur au mois d'avril et le ministre, dans cet arrêté en conseil et dans les arrêtés en conseil précédents, en donnait un peu, mais il en ôtait un peu aussi chaque fois. Souci d'équilibre, je pense bien, ou de répartition — il nous dira tantôt quels sont les critères qui le guident — souci de répartition des ressources dans ce secteur. Ma question est celle-ci: Est-ce que le ministre prévoit d'autres ajustements à brève échéance? Parce que là, les crédits qui sont demandés sont de $36 millions supérieurs à ceux des années passées. D'autre part, le ministre n'a pas été sans prévoir dans ses estimations budgétaires qu'il est possible que la Loi des allocations familiales entre en vigueur le 1er janvier 1974. D'autre part, il y a peut-être d'autres mesures qui soulagent ce budget-là. Alors, est-ce qu'il va y avoir des modifications dans le sens de la hausse des prestations bientôt?

M. CASTONGUAY: Au moment d'abord de la préparation des crédits, si l'on traite des montants qui sont indiqués, ces montants ont été établis en fonction de l'évolution du nombre des bénéficiaires, de l'évolution des prestations en l'absence de tout changement. On sait

d'ailleurs quelle est la longueur du cycle de préparation des budgets et les crédits ont été demandés donc sur cette base-là. En ce qui a trait à l'effet des changements, avant d'aborder votre question, je peux peut-être donner certaines données ici qui peuvent vous intéresser et qui dorénavant apparaîtront de façon assez systématique dans le bulletin dont j'ai fait état ce matin. En janvier 1972, la prestation moyenne pour l'émission régulière des chèques, pour une personne seule, était de $90.11. Je dis l'émission régulière parce qu'avec les paiements par la caisse centrale, le montant est augmenté à $94.45; mais si j'ai mentionné $90.11, c'est pour faire la comparaison avec janvier 1973. En janvier 1973, par rapport à $90.11, on retrouvait $96.21, ce qui fait une augmentation pour la prestation moyenne d'un peu plus de 6 p.c. Evidemment, les $96, quand on y ajoute les paiements faits par la caisse centrale, passaient au-dessus de $100.

Pour les familles, en janvier 1972, l'émission régulière, $177.62; l'émission totale moyenne par famille, compte tenu de la caisse centrale, $191.13 en janvier. Mais pour vous donner une idée de l'augmentation, en janvier 1973, par rapport à $177, le montant moyen était augmenté à $193.19. A ces $193.19 que je vous donne par rapport à $177, il faudra ajouter, lorsque les chiffres seront disponibles, un montant de l'ordre d'environ $12 ou $13. On voit que les prestations sur ce plan ont augmenté également d'une façon assez appréciable.

Des changements ont eu lieu depuis. Je peux vous les donner pour des cas types, vous donner des comparaisons pour des cas types. Une personne seule, en avril 1972. Ici, je vous donne les montants d'aide au titre des besoins ordinaires, soit la nourriture, vêtement, nécessités personnelles et domestiques et un montant additionnel de 50 p.c. de la table de logement est inclus. Alors, pour une personne seule, en avril 1972, $130. En avril 1973, si cette personne a moins de 60 ans, $139, pour une augmentation d'à peu près 7 p.c. Pour un adulte âgé de 60 ans et plus, $149, pour une augmentation d'à peu près 15 p.c. Pour deux adultes, en avril 1972, $176. En avril 1973, $194 si l'âge du chef de ménage était en bas de 60 ans, pour une augmentation de 10.2 p.c. Au-dessus ou 60 ans et plus, $214, pour une augmentation d'environ 22 p.c. Deux adultes et un enfant, $226 en avril 1972. En avril 1973, $245 et si c'était un chef de ménage au-dessus de 60 ans ou 60 ans et plus, $265, pour une augmentation de 17 p.c.

Cela vous donne une idée de l'évolution des prestations pour des cas types. En plus de l'effort qui avait été fait lors de la mise en vigueur de la loi il y a eu un effort assez appréciable, même au cours de la dernière année, pour hausser le niveau des prestations.

Pour répondre à votre dernière question, ceci n'apparaît pas, comme je l'ai mentionné, dans les crédits budgétaires, mais à la suite ou concurremment à la mise en vigueur du nouveau régime de l'aide sociale. Cela sera évidemment le moment approprié d'apporter d'autres changements au régime d'allocations familiales. Je m'excuse. Cela sera le moment approprié d'apporter des changements à la structure et au niveau des paiements dans le régime de l'aide sociale.

M. CLOUTIER (Montmagny): Donc, il n'y en aura pas d'ici le 1er janvier 1974.

M. CASTONGUAY: Ce n'est pas impossible. Je ne sais pas plus de mémoire combien d'amendements nous avons apportés depuis la mise en vigueur de la loi en novembre 1970. Mais je pense bien qu'il y a eu une bonne douzaine de changements au règlement...

M. CLOUTIER (Montmagny): ... sinon plus.

M. CASTONGUAY: ... pendant cette pério-d'à peu près deux ans et demi. Il n'est pas impossible mais, présentement, il n'y a pas de projet précis, concret, d'apporter des changements au règlement de la Loi de l'aide sociale.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'autre part, dans les changements qui ont eu lieu, il y a des besoins spéciaux qui ont été diminués ou enlevés.

Le changement majeur, c'est au mois d'avril, quand on a fait disparaître l'allocation pour le mobilier, sauf en cas de remplacement pour cause d'incendie, de sinistre ou de perte par le vol ou enfin... Est-ce que le ministre prévoit de ce côté-là être capable de rétablir une certaine forme d'assistance un peu plus libérale? Parce que je pense bien que les huit dollars qui ont été donnés pour cela à partir du mois d'avril vont servir à la nourriture. Il n'y en a pas qui vont les accumuler parce qu'ils en ont besoin tous les mois. Je serais bien surpris que quelqu'un qui a des problèmes, qui a des factures à régler pour la réparation... On sait combien coûte la réparation d'un réfrigérateur, d'une cuisinière électrique. Ils n'auront pas les sommes nécessaires. Depuis que ce changement a été mis en vigueur, est-ce qu'il y a beaucoup de plaintes qui ont été faites? Je sais que j'ai vu dans les journaux que des organismes ont dit que cela avait créé des problèmes. Est-ce qu'on pourrait porter un jugement à ce moment-ci sur cet aspect du problème?

M. CASTONGUAY: En faisant le changement, on l'a fait de telle sorte, en premier lieu, que le montant total estimé qui doit être versé soit passablement plus élevé que le montant qui était versé dans le cadre de la couverture des besoins spéciaux.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le total, $6.7 millions contre $10.5 millions. C'est cela?

M. CASTONGUAY: Oui. Sur ce plan, notre but n'était donc pas d'effectuer des économies. Je pense qu'il est bon d'affirmer cela en premier lieu. En second lieu, il me semble, il y a deux problèmes d'équité ici. Comment en arriver au juste équilibre? C'est une question qui se pose parce qu'il y a beaucoup de problèmes assez difficiles qui se posent au niveau d'un tel programme. Mais, il y en a deux ici. Le premier problème d'équité, c'est que nous avons eu énormément de plaintes quant à la façon d'administrer ou la façon dont a été administré ce type de besoins spéciaux. Encore là, je ne veux pas mettre de blâme sur les agents. Mais, c'est un type de besoin qui est extrêmement difficile à administrer et qui se prêtait à beaucoup d'abus et, dans la mesure des personnes, peut-être, un peu plus entreprenantes que d'autres, elles pouvaient bénéficier du régime d'une façon assez prononcée alors que d'autres n'en bénéficiaient absolument pas. En tout cas, il y avait là un problème au plan administratif, jusqu'où vous pouviez pousser les contrôles pour ce type de besoins et, si vous ne les poussiez pas trop, comme il est nécessaire ou il était nécessaire de le faire, vous tombiez dans des problèmes d'abus et d'inéquité.

En deuxième lieu, par rapport aux personnes qui ont des revenus relativement faibles, ces personnes sont obligées —je ne parle pas des personnes bénéficiant de l'aide sociale — d'administrer leur propre budget et on peut se demander parfois, vis-à-vis du portrait que pouvait donner l'utilisation que l'on faisait, en certains cas, des besoins spéciaux, s'il n'y avait pas un certain encouragement à joindre les rangs des bénéficiaires d'aide sociale ou, sinon, s'il n'y avait pas, dans l'esprit des gens qui travaillent pour des revenus relativement faibles, des comparaisons qui pouvaient leur paraf-tre assez odieuses. C'était un autre genre de préoccupation, je pense, dont nous devions tenir compte.

Au fur et à mesure aussi que nous sommes dans une position où il nous est possible d'améliorer le niveau des prestations et d'en arriver de plus en plus vers un niveau de prestations qui se situe pas trop loin des seuils établis, je crois que nous devons viser à verser en argent les prestations aux bénéficiaires pour tout ce qui est de la nature de besoins courants, de telle sorte que ces personnes apprennent ou continuent d'administrer leur budget.

La tendance est souvent forte et elle provient de toutes sortes de formes pour que nous prenions en main l'administration du budget des bénéficiaires de l'aide sociale. Il y a d'autres exemples que celui-ci; c'est au niveau du paiement des taxes, taxes d'eau, comptes d'électricité, etc. Je crois que nous devons prendre une attitude passablement rigide sur ce plan-là; autrement, si nous cédons, avant longtemps nous allons administrer, pour les bénéficiaires, leur budget et nous allons en faire encore une classe que l'on incite davantage à la dépendance.

Alors, il y a tout cela qui est entré en ligne de compte lorsque nous avons effectué ce changement. A l'expérience, s'il devait y avoir des modifications à faire, je ne dis pas que la porte est fermée, mais je ne dis pas qu'elle est ouverte présentement. Il va falloir vivre un bon moment l'expérience de ces dispositions et voir quels résultats elles donnent avant de penser à les modifier. Il ne faut pas oublier qu'outre les dispositions dont vous avez parlé, en cas de sinistre, l'allocation aux fins de déménagement a été maintenue et aussi à titre de besoin spécial. Il y a aussi l'entraide dans les milieux et je pense bien que c'est un aspect qu'on ne doit pas négliger. On parle toujours de projets communautaires etc, etc. Alors, il me semble qu'il y a un certain nombre de choses pour l'entretien d'un mobilier, son renouvellement, qui peuvent être faites par certaines formes d'entraide communautaire. Le crédit modique pourrait être une réponse.

Alors, ce sont les considérations qui sont entrées. Au niveau...

M. LAURIN: La porte est fermée, mais pas à clef.

M. CASTONGUAY: Non. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que nous sommes toujours prêts, je pense, —avec toutes les modifications que nous avons apportées depuis novembre 1970 on l'a démontré — à apporter des changements lorsque nous pouvons le faire en fonction des ressources que nous avons et aussi en fonction de l'information, de l'expérience développée. Par contre, c'est dans ce cadre-là que je dis que la porte n'est pas fermée. Je ne dis pas non plus qu'elle est ouverte, pour ne pas susciter d'espoir ou faire naître des pressions tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu ce que donne vraiment l'application de ces dispositions. Maintenant, j'ai eu certains échos qui montrent que ç'a été apprécié et peut-être qu'on a eu certaines plaintes sur ce plan.

Pas plus que le mois antérieur. Le service de plaintes n'accuse pas plus d'achalandage pour ce secteur qui est éliminé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Depuis la modification.

M. CASTONGUAY: Depuis la modification, depuis un mois. Il faudrait aussi souligner qu'on a consulté nos directeurs régionaux à la demande du ministre et la quasi-unanimité était favorable au changement. Et au niveau des bureaux locaux, les gens qui subissent les pressions et qui souvent nous parlent en sens contraire, avaient eux aussi, le sentiment que c'était un effort susceptible d'être tenté. De façon générale.

M. BOIVIN: Le grabuge ne venait-il pas plutôt du commerce que de l'assisté social? Il y

aurait peut-être lieu de punir les commerçants plutôt que les assistés sociaux?

M. CASTONGUAY: On ne les punit pas.

M. BOIVIN: II y en a qui peuvent en avoir besoin.

M. CASTONGUAY: II y a aussi un aspect qui est assez important. On a examiné tous les moyens de corriger ces situations auxquelles vous faites allusion. On entre dans toutes sortes de petites municipalités. Il y a tellement de situations, tellement de choses qui peuvent être achetées; ce n'est pas facile.

M. CLOUTIER (Montmagny): II y avait deux niveaux d'autorisation. Il y en avait un au niveau local; je pense que c'était $150. Il y en avait un au niveau régional qui était de $400. Est-ce que le problème était le même au niveau local qu'au niveau régional?

M. CASTONGUAY: Le plus gros problème était que, dès qu'on voulait contrôler, il y avait un problème de favoritisme. Je veux dire que vous aviez un ou deux catalogues de meubles à des prix raisonnables mais ça pouvait être interprété comme l'orientation de la clientèle. Il fallait dire aux agents: C'est une pratique contre laquelle il faut vous mettre en garde. Je pourrais multiplier les exemples à l'infini.

M. BOIVIN: C'est l'initiative des commerçants plutôt.

M. CASTONGUAY: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le problème qui va se poser ne sera pas plutôt au niveau des réparations majeures d'outillage, d'instruments, cuisine, mobilier, ainsi de suite?

M. CASTONGUAY: Comme le ministre l'a dit, c'est vraiment à la lumière de l'expérience qu'on va pouvoir évaluer le résultat. Par contre, dans la région de Montréal une bonne partie des réparations semblaient orientées vers des appareils de télévision — cela peut donner un exemple — avec le résultat que d'autres critiques se faisaient sentir, souvent injustifiées, mais il n'y avait pas vraiment d'issue.

Mais il y a une dernière considération ici, c'est que le temps consacré par les agents d'aide sociale à l'administration de ce besoin était considérable. On parlait tantôt de mettre l'accent davantage sur l'aide, autre que financière, à apporter aux bénéficiaires mais c'est une mesu- re qui va dans ce sens et qui est positive dans ce sens.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, il est dix heures, la commission suspend...

M. CASTONGUAY: Avant de suspendre, est-ce que le programme est adopté?

M. CLOUTIER (Montmagny): II reste deux articles. Il faut entendre le président de la Commission d'appel, monsieur le juge.

M. CASTONGUAY: Allez-y.

M. LAURIN: Une dernière question avant l'ajournement. Comment en êtes-vous arrivés à fixer ce taux à $8?

M. CASTONGUAY: Par un savant calcul de M. Garcia et compagnie, qui nous ont guidés, nous avons essayé d'établir le pourcentage dans le niveau des allocations pour cette fin au même niveau que le pourcentage que les études de consommation indiquent pour des familles à revenu un peu plus élevé que l'aide sociale. Si, dans une famille où les revenus sont à peu près de $3,000, il y a un tel pourcentage qui va à cette fin, on n'a plus le même pourcentage ou à peu près pour les fins de l'aide sociale.

M. LAURIN: Cela veut dire que cela coûterait seulement à ces familles $96 par année pour l'ameublement?

M. CASTONGUAY: A $3,000 par année, les gens ne peuvent pas multiplier les postes budgétaires bien des fois. Quand le vêtement, les frais de logement, l'alimentation sont passés, cela ne laisse pas une marge bien grande pour toutes les autres fins. Pour ces pourcentages, M. Garcia peut indiquer ses sources, et c'est la base, vous me posez la question, c'est la base.

M. LAURIN: J'aimerais en entendre parler un peu plus demain matin.

M. CASTONGUAY: J'ai été moi-même surpris lorsque j'ai eu ces chiffres.

M. LAURIN: Moi aussi.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à demain, mercredi, neuf heures trente.

(Fin de la séance à 22 h 01 )

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