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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
Séance du mardi 7 mai 1974
(Dix heures dix minutes)
M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs! Ce matin, nous commençons
l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales.
Alors, M. le ministre, à vous la parole.
Présentation des fonctionnaires
M. FORGET: J'aimerais, en commençant, présenter les
fonctionnaires du ministère qui assistent à la séance de
ce matin. D'autres se rendront également disponibles au cours des
séances de la commission. Je peux commencer par le Dr Brunet. Je vais
vous distribuer également, en même temps, l'organigramme du
ministère, sur lequel je dirai quelques mots lorsque l'on aura fini les
présentations. Pour-riez-vous vous nommer?
M. BRUNET: Jacques Brunet, sous-ministre. M. NEPVEU: Gérard
Nepveu.
M. FORGET: M. Mongeau, mon chef de cabinet. M. Savard, secrétaire
du ministère.
M. MARIER: Roger Marier, Conseil des affaires sociales et de la
famille.
M. FORTIER: Gill Fortier, Régie des rentes du Québec.
M. MARTIN: Yves Martin, Régie de l'assurance-maladie.
M. LANGLOIS: Louis-Philippe Langlois, directeur de
l'équipement.
M. CANTIN: Réjean Cantin, directeur des programmes de
santé.
M. BEDARD: Denis Bédard, directeur des budgets.
M. SAUVAGEAU: André Sauvageau, directeur adjoint de la
programmation.
M. FORGET: Alors, l'organigramme, qui vous est distribué, est
l'organigramme qui est actuellement, officiellement, celui de notre
ministère. Comme il a subi certains changements, qui n'ont pas encore
été approuvés par le Conseil du trésor, je vais
tout simplement vous indiquer verbalement certaines modifica- tions qui font
actuellement l'objet d'une demande d'approbation formelle par le Conseil du
trésor. Il s'agit, essentiellement, de faire de l'agrément, qui
était placé sous l'autorité du secrétaire
général, jusqu'à l'an dernier, une direction
générale avec comme responsable un sous-ministre adjoint. La
direction des affaires extraministérielles a été, selon
cette demande d'autorisation, incorporée au secrétariat. Il
s'agit là des principales modifications qui feront l'objet d'une
autorisation présumément au cours de l'année.
Il y a eu, au niveau des responsables des cadres supérieurs du
ministère, certaines modifications. Le Dr Martin Laberge, qui assumait
les responsabilités de l'agrément, comme directeur, est devenu
sous-ministre adjoint en prévision de ce changement dans les structures.
M. Chamard est devenu sous-ministre adjoint, responsable du financement.
Pour ce qui est des programmes de santé, M. Cantin, qui est ici,
a assumé ses responsabilités au début de l'année,
à la direction générale de la programmation.
Remarques préliminaires
M. FORGET: Avant de commencer l'étude des crédits
proprement dite, je pense qu'il serait utile de dresser un bref tableau de
l'activité du ministère, durant la dernière année,
sur un certain nombre de rubriques, la législation des activités
relatives à la régionalisation et aux conseils régionaux,
les développements du côté des services de santé et
des services sociaux. Et, enfin, nous distribuons certains documents qui
peuvent aider à la compréhension des crédits du
ministère.
Sur le plan législatif, il y a eu plusieurs développements
très importants. En premier lieu, il y a eu l'approbation, par
l'Assemblée nationale, de la législation relative aux
professions. Plusieurs lois étaient impliquées, comme vous le
savez, et qui ont fait l'objet d'une étude fort détaillée
en commission parlementaire, durant le printemps et le début de
l'été derniers. Le code des professions a été mis
en vigueur le 2 février de cette année, après quelques
mois de rodage pour l'établissement de l'Office des professions.
Effectivement, il serait utile de mentionner ici que le programme no 17,
qui apparaît, pour des raisons de comptabilité gouvernementale,
parmi les crédits du ministère des Affaires sociales,
relève en fait de l'Office des professions. Comme on le sait, le
ministre responsable de l'administration du code des professions et des lois
connexes est M. Fernand Lalonde, ministre d'Etat au Conseil exécutif. Il
sera sans doute approprié de faire des arrangements spéciaux pour
la discussion de cette partie des crédits, étant donné les
responsabilités spéciales de M. Lalonde, soit par la
participation de M. Lalonde à cette commission, soit par une
référence à la commission parlementaire sur les affaires
des lois professionnelles.
Cette responsabilité nouvelle de l'Office des professions, qui se
traduit encore une fois par des crédits nouveaux au budget du
ministère des Affaires sociales, il est apparu important, surtout
pendant cette période de transition, de la confier à un ministre
distinct de celui qui est responsable des Affaires sociales
généralement, étant donné que les professions de la
santé sont très nombreuses et que le ministère des
Affaires sociales doit fréquemment intervenir à titre de partie,
en quelque sorte, auprès de différents organismes professionnels.
Il paraît, particulièrement dans cette période de
transition d'établissement d'un nouveau code législatif et
réglementaire, souhaitable de distinguer ces deux fonctions, soit la
responsabilité pour les services, d'une part, et la
responsabilité pour la réglementation des professions, d'autre
part.
Une autre loi a été adoptée lors de la
dernière session de la dernière Législature, c'est le bill
21 en vertu duquel la couverture du régime d'assurance-maladie
était étendue au remboursement de prothèses et
d'équipements orthopédiques. Un comité a été
mis sur pied, à la suite de l'adoption de ce projet de loi,
l'été dernier, présidé par le Dr Denis Jobin. Ce
comité a fait rapport au cours des dernières semaines, rapport
qui contient une série de recommandations pour la mise en application de
cette extension à la couverture d'assurance-maladie.
Le bill 21 comportait également la création de
comités de révision au titre des différents services
couverts par l'assurance-maladie, c'est-à-dire services médicaux,
services des opto-métristes, et les cinq comités, qui
étaient prévus au minimum par le bill 21, ont été
créés, dans tous les cas, sauf un que je mentionnerai
tantôt. Les comités ont été formés à
la toute fin de l'année civile 1973. Ils ont eu quelques réunions
préparatoires pour établir des procédures de travail et se
familiariser avec les obligations que la loi leur impose et commencent, sont
à pied-d'oeuvre désormais et seront en mesure d'exercer durant
cette année les responsabiliés que la loi a prévues pour
eux. L'exception à la règle, quant à la formation des
comités de révision, est constituée par le comité
relatif aux soins optométriques qui fait encore l'objet de discussions
avec l'association professionnelle qui, en vertu de la loi, doit
désigner des membres ou des candidats au lieutenant-gouverneur en
conseil pour être membres de ce comité.
La première session de la présente Législature a vu
d'autres modifications au régime de sécurité du revenu,
qui s'inscrivent dans le cadre de la revue générale des
programmes de sécurité de revenu, entreprises en avril 1973 lors
de la conférence fédérale-provinciale sur la
sécurité du revenu.
Il s'agit, comme vous le savez, de la législation nouvelle sur
les allocations familiales, qui a permis de majorer de façon fort
substantielle les allocations familiales versées aux familles du
Québec et, surtout, de graduer le montant de ces allocations en
fonction de l'importance, du nombre des enfants.
Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er janvier 1974, à
la fois au niveau provincial et au niveau fédéral, étant
donné les dispositions de la loi fédérale, qui permettent
aux provinces qui le choisissent de spécifier les montants qui seront
versés ou la configuration du régime d'allocations familiales
financé par une contribution fédérale égale
à 20 p.c. par enfant, en moyenne.
Ces modifications au régime d'allocations familiales ont permis,
également, pour entrer en vigueur le 1er janvier 1974, des modifications
très substantielles au régime d'aide sociale. Ce régime a
été aménagé de façon nouvelle, de
manière à respecter une plus grande cohérence dans
l'ensemble des programmes de sécurité de revenu, pour les
familles avec enfants qui reçoivent désormais des sommes
fortement accrues au titre des allocations familiales,
réaménagement qui a permis de hausser à 100 p.c. des
seuils de pauvreté les sommes versées aux familles
bénéficiaires de l'assistance sociale, aux ménages qui
sont constitués soit par des personnes seules ou par des adultes.
J'ai déjà mentionné, donc, ces modifications au
régime d'aide sociale, qui, en plus, ont rassemblé un certain
nombre d'autres mesures telles que la suppression des barèmes de
logement qui étaient au nombre de trois, anciennement, selon les
régions et les municipalités du Québec, l'adoption d'un
régime qui se rapproche de plus en plus d'un régime de revenu
garanti avec un seul élément de mesure des besoins qui demeure
dans le régime, qui est constitué par le barème de
logement, le seuil de coût de logement en-dessous duquel une diminution
des barèmes d'aide sociale peut être effectuée.
Le régime de rentes a également subi des modifications qui
s'inscrivent également dans le contexte de la revue
générale des programmes de sécurité du revenu, de
manière à hausser, pour une période intérimaire, le
maximum des gains admissibles, de façon parallèle à ce qui
a été fait pour le régime de pension du Canada, de
façon intérimaire puisqu'une nouvelle modification, à ce
titre, sera nécessaire en fonction de l'adoption d'une formule
d'indexation qui n'était pas arrêtée au moment où
cette modification au régime devait être faite pour entrer en
vigueur le 1er janvier 1974, indexation qui portera le maximum des gains
admissibles à un niveau égal à la moyenne des gains
industriels au Canada, en 1980 et, d'ici là, par une période de
rattrapage accélérée, permettant une majoration de 12.5
p.c. par année, d'ici 1980.
Enfin, à la fin de la première session, nous avons
déposé, en première lecture, le projet de loi no 25, qui
portait sur certaines modifications à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Le calendrier législatif n'a pas
permis une étude détaillée en deuxième lecture,
ni l'adoption de ce projet de loi. C'est une question sur laquelle
j'aurai d'autres remarques à faire sous peu.
Voilà pour le bilan législatif. C'est une année qui
a été fort remplie, à la fois au titre, encore une fois,
de la législation sur les professions, l'extension à la
couverture du régime et des améliorations très
substantielles à la sécurité du revenu pour prendre acte
immédiatement des accords déjà intervenus dans le cadre de
la revue de la sécurité du revenu.
Sur le plan des efforts faits depuis quelques années par le
ministère des Affaires sociales pour la régionalisation des
services, l'année 1973 a été une année
extrêmement importante qui a vu la création, de fait, des conseils
régionaux, leur organisation qui s'est opérée durant les
premiers mois de l'année 1973.
En effet, c'est durant cette période que les conseils
régionaux ont commencé, effectivement, à fonctionner,
à obtenir des cadres et les locaux essentiels à leur
fonctionnement. Immédiatement après, leur première
tâche a été constituée par l'organisation et la
surveillance des élections pour les postes électifs des conseils
d'administration des différents établissements.
Ces élections se sont déroulées en juin et ont
permis de constater, dans un très grand nombre de cas, une participation
très élevée du public à ces élections,
certaines assemblées regroupant plus de 1,000 personnes.
L'expérience vécue en 1973, sur le plan des
élections aux postes électifs des conseils d'administration, a
permis de tirer un certain nombre de leçons d'un certain nombre
d'expériences qui ont fait l'objet de discussions entre les conseils
régionaux responsables, disons-le encore une fois, de la surveillance de
ces élections et de l'adoption des règlements qui en
déterminent les modalités, et subséquemment avec le
ministère lui-même, de manière à déterminer
dans quelle mesure les règles qui président à ces
élections pourraient être améliorées pour en
faciliter le déroulement, assurer un accès plus
général du public à l'élection de certains membres
aux postes électifs et, en général, éviter un
certain nombre de difficultés qui ont été observées
au cours de cette opération, opération qui, rappelons-le, se
déroule dans 1,200 établissements environ, peut-être
même un peu plus, du réseau des affaires sociales et qui, donc, a
une envergure très considérable.
Ces observations faites par les conseils régionaux constituent
une des raisons pour lesquelles le projet de loi no 25, qui avait
été déposé en première lecture a
été repris et développé, pour tenir compte ce ces
observations et améliorer, dans toute la mesure du possible, encore une
fois, le déroulement de ce processus.
Une autre tâche à laquelle se sont livrés les
conseils régionaux durant l'année écoulée a
été constituée par la réponse à un mandat
spécial que leur avait adressé mon prédécesseur,
relati- vement à l'organisation et au fonctionnement des services
d'urgence au Québec. Ce mandat leur a été transmis au
printemps, à une période où ces conseils régionaux
venaient tout juste de s'organiser et où ils étaient en pleine
période d'organisation des élections que je viens de
mentionner.
Néanmoins, dès la fin de l'automne, un certain nombre de
ces rapports ou, au moins, des rapports intérimaires des conseils
régionaux étaient transmis au ministère des Affaires
sociales. Les tranches successives de ces rapports, pour certaines
régions, continuent de nous parvenir. Cependant, même avant la
réception de tous les rapports, le ministère a exprimé,
à la toute fin de l'année 1973 et au début de la
présente année, son accord sur toute une série de
représentations sur lesquelles nous pourrons revenir lors de
l'étude de cette partie du budget.
Enfin, comme dernière activité, peut-être
plutôt amorcée par les conseils régionaux, durant
l'année, nous avons eu certains travaux et certaines rencontres, mais
également certains rapports qui ont été
préparés par les conseils régionaux sur les
équipements de leur région respective.
Ce n'est pas encore une pratique tout à fait
générale, il y a, malgré tout, un certain nombre de
régions qui ont fait un premier déblayage, en quelque sorte, de
ce côté, de manière à déceler, sur le plan
régional, quelles pouvaient être les priorités dans le
développement des ressources physiques mises à la disposition de
la population de chaque région.
Sur le plan des services, il y a eu aussi des développements
très considérables. Il y a eu, en premier lieu, la formation des
centres de services sociaux qui a été une opération de
très grande envergure, c'est le premier effort de rationalisation et
d'organisation dans ce secteur d'activités du ministère depuis la
création des agences sociales diocésaines qui remontent à
plusieurs années. Dans les années plus récentes, le
ministère des Affaires sociales ou son prédécesseur, le
ministère de la Famille et du Bien-Etre social a graduellement pris en
charge le financement de ces services pour terminer essentiellement
l'opération en 1972.
En 1973, presque une cinquantaine de ces agences ont été
fusionnées volontairement de manière que, dans la plupart des
régions, une seule agence, un seul centre de services sociaux soit
responsable de l'ensemble des services de consultation psychosociale
spécialisée sur l'ensemble du territoire de la région.
Cette opération s'est déroulée durant
l'année 1973 et nous pourrons, lors de l'étude de cette partie du
budget, faire là-dessus plusieurs autres observations et obtenir aussi
des responsables de l'opération au ministère une description plus
complète des événements et des améliorations
envisagées dans la qualité des services fournis par ces
centres.
Il y a eu aussi, en cours d'année, un élargissement du
programme de création de
centres locaux de services communautaires; une deuxième liste a
été publiée, après consultation avec les conseils
régionaux, sur l'emplacement ou la désignation des districts qui
leur semblaient prioritaires dans leur région.
D'ailleurs, les observations et les recommandations formulées par
les conseils régionaux à cet égard ont été
retenues par le ministère dans la préparation ou la publication
de ce deuxième programme de développement.
En juin également, était annoncé un programme de
développement très important relatif aux services aux personnes
âgées. Il s'agissait, dans un certain nombre de régions,
d'amener le niveau des ressources disponibles à une proportion plus
raisonnable des normes en équipements ou en lits qui sont
utilisés pour ces fins par le ministère des Affaires sociales. Au
total, un programme de construction impliquant 2,400 lits nouveaux a
été annoncé dont un très grand nombre dans la
région de Montréal qui, jusqu'à maintenant, était
largement défavorisée à cet égard, mais aussi dans
quelques autres régions du Québec.
Ce programme d'équipement, qui augmentera de façon fort
sensible le nombre de lits disponibles en foyers d'hébergement pour
personnes âgées, a fait l'objet depuis cette époque de
l'élaboration détaillée d'un programme fonctionnel et d'un
programme physique qui permettra à ces centres, en plus de servir
à l'hébergement, de fournir des ressources en milieu externe, en
quelque sorte, pour des personnes qui n'y sont pas hébergées et
ceci à un coût acceptable.
Ce programme et cet élargissement des activités des
centres d'accueil s'inscrit d'ailleurs dans l'optique générale
d'une politique pour les personnes âgées qui a fait l'objet d'un
document de travail du ministère des Affaires sociales, document de
travail qui a fait l'objet de consultations sous les auspices des conseils
régionaux, dans plusieurs régions du Québec et à la
suite de quoi il sera possible de déterminer une politique d'ensemble
d'aide aux personnes du troisième âge sur le plan des
services.
Relativement aux immobilisations dans le secteur des services de
santé, le ministère a continué la mise au point d'un plan
quinquennal d'immobilisations pour les établissements du secteur
hospitalier.
Ce travail d'élaboration qui s'est avéré fort
difficile, puisque c'est une entreprise nouvelle pour le ministère des
Affaires sociales, touche cependant à sa fin. Il a été
basé, durant la dernière année, sur un
élargissement d'un premier programme quinquennal préparé
l'année précédente qui touchait exclusivement les
établissements ayant une vocation d'enseignement et de recherche,
pouvant donc bénéficier d'un financement en vertu de la caisse
d'aide à la santé.
Dans le domaine des services de santé, le ministère a
publié la version finale de son document sur la politique de
périnatalité et a fait, dans une ou deux régions du
Québec, un début d'application de cette politique.
A l'aide sociale et dans le secteur de la sécurité du
revenu, un système administratif nouveau a été mis en
place qui a permis de libérer les agents de sécurité
sociale, dans une certaine proportion, une proportion d'ailleurs importante,
des tâches purement administratives et de bureau auxquelles ils se
consacraient jusqu'à maintenant. Ceci, de manière à
augmenter leur disponibilité pour les services au public, à la
clientèle, pour lesquels d'ailleurs ils ont reçu un
complément de formation, selon un programme de perfectionnement qui
continue cette année, qui est d'ailleurs un programme
échelonné sur trois ans, je crois, sur lequel nous pourrons
obtenir des responsables du programme des précisions additionnelles.
Dans le secteur de l'enseignement et des relations entre les
universités et les hôpitaux, il y a eu de nombreuses rencontres
pour mieux définir ces relations et établir, de façon
beaucoup moins ambiguë, beaucoup plus claire, le cadre qui devait entourer
les stages cliniques pour les étudiants en médecine et le faire
de manière que les responsabilités respectives de
l'université et du ministère de l'Education, d'une part, de
même que celles de l'hôpital ou du ministère des Affaires
sociales, d'autre part, soient clairement établies et clairement connues
de tous.
Plusieurs rencontres ont eu lieu pour préciser et arriver
à un texte qui soit acceptable et qui permette d'orienter l'action, dans
le secteur de l'enseignement médical, de manière à mieux
satisfaire aux exigences de cet enseignement.
Cette dimension, par laquelle le ministère a manifesté son
intérêt pour l'aspect qualitatif de ces activités, s'est
également complétée par la préparation et
l'achèvement d'un rapport sur les activités de recherche dans le
secteur des affaires sociales, rapport préparé par M.
Louis-Philippe Bonneau qui a fait l'objet d'une assez large diffusion dans les
milieux intéressés depuis l'automne, de manière à
permettre un échange d'opinions et à préciser davantage
les orientations et la façon de procéder qui devraient être
celles du ministère des Affaires sociales dans l'appui qu'il accorde aux
activités de recherche.
Enfin, tout à fait à la fin de l'année et devenant
effectifs au 1er janvier, des programmes comme celui de
l'assistance-médicaments ont été étendus à
une nouvelle catégorie de bénéficiaires,
c'est-à-dire aux personnes âgées bénéficiant
du maximum du revenu garanti.
Des démarches ont été faites, des
négociations ont été reprises avec l'Association des
chirurgiens dentistes du Québec qui ont conduit, il y a quelques jours,
à l'inauguration de ce programme de soins dentaires pour les enfants de
0 à 8 ans, programme qui a fait l'objet d'ailleurs, durant toute
l'année 1973, de discussions et de travaux au ministère des
Affaires sociales de même qu'à la régie responsable de
l'administration du régime.
II y a certain nombre de documents qui ont été
préparés je ne sais pas s'ils sont tous disponibles
maintenant et qui peuvent être utiles pour aider à la
compréhension de certains éléments, de certains programmes
du budget du ministère des Affaires sociales. On vous les distribuera
tantôt. Il s'agit de documents sur différents aspects des
politiques du ministère, de même que des documents qui sont
publiés périodiquement par le ministère et qui regroupent
un certain nombre de statistiques, soit sur les programmes de
sécurité du revenu, soit sur d'autres éléments de
ces activités, tels que les services sociaux, de même que les
données démographiques qui figuraient auparavant au rapport
annuel du ministère.
Le budget du ministère des Affaires sociales, pour l'exercice
financier 1974/75, totalise $2,064,700,000. Pour l'exercice qui vient de
commencer, ceci représente en chiffres absolus un accroissement de
$201,840,000 par rapport au budget initial de 1973/74 et de $149,700,000 par
rapport au budget définitif. Le budget initial, en effet, a
été augmenté en décembre d'un budget
supplémentaire de $48 millions et a été également
majoré, par un mandat spécial du ministère des Finances,
au montant de $3,800,000 pour atteindre $1,915,000,000 pour l'exercice qui
vient de s'écouler.
Les dépenses probables, qui sont estimées sur une base de
onze mois d'activités et d'un mois à venir, sont
évaluées à $1,911,000,000, ce qui laisse subsister des
crédits périmés de $2,890,000 après avoir
absorbé un certain dépassement. L'augmentation en pourcentage du
budget 1974/75 par rapport aux dépenses probables, non pas au budget
comme on voit, les deux sont très près l'un de l'autre
1973/74, est de 8 p.c. Ce taux se maintient sensiblement lorsque la
comparaison est effectuée avec le budget modifié puisqu'il y a
très peu de différence entre le budget modifié et les
dépenses probables. Ce taux est identique à celui utilisé
à la page 5 du document des notes explicatives, du document
déposé à l'Assemblée nationale sur le budget.
A l'égard de ce taux d'augmentation, il est intéressant de
noter que la variation en pourcentage de la moyenne mobile de trois ans,
calculée à compter des données de l'exercice 1965/66,
période à partir de laquelle les dépenses de
l'assurance-hospitalisation se sont en quelque sorte stabilisées,
évolue à la baisse, soit 18.4 p.c. au début de la
série jusqu'à 9.5 p.c. pour la dernière période.
L'utilité d'une moyenne mobile de trois ans est constituée
largement par les variations assez considérables d'une année
à l'autre qui se sont produites durant cette période, à
cause du versement de rétroactivité conséquente à
la conclusion d'un accord avec les syndicats et qui entraîne encore une
fois des paiements assez considérables dans une seule année pour
des années antérieures.
Cette moyenne mobile permet de voir que le taux est allé en
décroissant, de façon régulière, encore une fois,
de 18.4 p.c. à 9.5 p.c. pour la dernière année,
c'est-à-dire 1973.
Le taux de 8 p.c. lui-même, cependant je m'empresse de le
faire observer est basé sur une projection de la masse salariale
pour l'année à venir qui est établie relativement
tôt dans le cycle budgétaire qui, comme vous le savez
probablement, s'étend sur plusieurs mois. Essentiellement, ce cycle
budgétaire commence en juin de l'année précédente
et c'est vers le mois de septembre qu'un taux doit être
déterminé par le Conseil du trésor pour représenter
l'accroissement de la masse salariale.
Cet accroissement comprend deux composantes: une première
composante reflète l'augmentation des échelles telles que
négociées, telles qu'incorporées aux conventions
collectives, plus une majoration de 1 p.c. qui représente le coût
du système, c'est-à-dire essentiellement le coût que
représentent les changements d'échelon d'une année
à l'autre pour l'ensemble des employés et qui s'ajoute
évidemment à la majoration des échelles. Ces projections
budgétaires comprennent un taux de 9 p.c. pour le secteur des services
sociaux et un taux de 8 p.c. pour le secteur des services de santé.
La deuxième composante est constituée par l'indexation, la
clause d'indexation des salaires qui reflète aussi une disposition
contenue aux conventions collectives, mais dont les implications
financières ne sont connues que lorsque l'évolution de l'indice
des prix à la consommation est connue. Encore une fois, au mois de
septembre, un taux de 3 p.c. a été retenu pour les fins de la
préparation des budgets; il est d'ores et déjà clair que
ce taux sousestime considérablement l'évolution de l'indice des
prix à la consommation et qu'une somme additionnelle d'une cinquantaine
de millions de dollars sera nécessaire pour absorber la hausse du
coût de la vie qui se feflète, comme on sait, dans une prime
versée à tous les employés du secteur parapublic. Donc, ce
taux global d'accroissement des dépenses du ministère doit
être considéré en fonction de cette carence qui existe au
niveau de la prévision de l'impact financier de la clause
d'indexation.
Un phénomène analogue existe au niveau de la hausse des
prix des fournitures qui représente environ 25 p.c. du budget du secteur
parapublic et on sait que l'augmentation des prix des fournitures s'est fait
sentir de manière assez générale, ayant un taux fort
élevé, ce qui contribuera à ajouter également des
sommes qui ne pouvaient être anticipées l'automne dernier avec une
précision suffisante.
L'augmentation des dépenses par secteur du budget, par rapport
aux dépenses probables en 1973/74, est la suivante: pour les
régimes de compensation du revenu, une augmentation de 4.7 p.c; pour le
programme de prévention et d'amélioration, c'est-à-dire le
programme qui
regroupe l'ensemble des mesures de santé publique et de
santé communautaire, 13.3 p.c; pour la réadaptation sociale, 16.5
p.c; pour le recouvrement de la santé, le secteur hospitalier, en
général, 6.7 p.c; administration et services, 25.3 p.c, quoiqu'il
faut faire observer ici que l'introcuction dans notre budget du budget de
l'Office des professions a contribué pour une large part à
l'augmentation des services administratifs, du coût apparent des services
administratifs.
Alors, voilà, M. le Président, une revue sommaire à
la fois des activités du ministère durant l'année
écoulée et des principales caractéristiques du budget qui
est soumis à l'attention de l'Assemblée nationale et de cette
commission.
Après les exposés que feront nos collègues des
partis d'Opposition, étant donné la présence assez
nombreuse qui est requise des hauts fonctionnaires du ministère, il
serait peut-être opportun de voir s'il est possible de planifier quelque
peu les travaux de la commission, de manière à ne pas priver tout
le ministère, pendant peut-être une semaine ou davantage, de ses
cadres supérieurs.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, avant de passer la parole au
député de Saint-Jacques, la commission, selon ce que
l'Assemblée nationale exige, doit nommer un rapporteur à la
commission. Alors, est-ce que le député de Frontenac pourrait se
faire le porte-parole de la commission?
M. CHARRON: Le député de Rosemont.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rosemont.
M. BELLEMARE: J'ai trop d'ouvrage.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Ce n'est pas un problème. Le docteur
Dufour, député de Vanier.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Adopté à
l'unanimité.
Alors le député de Saint-Jacques et puis, par la suite, on
pourra faire la planification pour les prochaines séances.
M. CHARRON: Merci, M. le Président. Ma première remarque
sera simplement à l'intention de la commission et de bonne mise. Je
crois, à l'ouverture de l'étude des crédits, être
obligé de demander à la commission beaucoup d'indulgence pour le
travail que j'ai à accomplir, au cours des prochains jours, à
cette commission. Je me suis retrouvé, tout à coup,
bombardé critique officiel de l'Opposition, à l'Education et aux
Affaires sociales; cela fait presque, sinon plus, 50 p.c. du budget total de
l'Etat québécois.
J'occupe cette fonction ce matin, en remplacement de mon
collègue, le député de Chicou- timi, qui est actuellement
hospitalisé à Chicoutimi et où, me dit-on, il peut
constater chaque jour le mauvais état du système d'urgence de
l'hôpital de Chicoutimi. M. le Président, je me plierai à
la tâche de la même façon que, depuis cinq ans maintenant,
j'essaie de le faire à la commission parlementaire de l'Education, en
recherchant, d'une part, beaucoup d'informations parce que je conçois
très bien qu'il m'en faudra beaucoup. D'autre part, aussi des questions
sont posées à nous-mêmes, à l'Opposition officielle,
du fait que nous occupons cette place maintenant et que nous sommes de plus en
plus familiers avec certains dossiers. Après cinq ans de présence
à l'Assemblée nationale, des suggestions, des remarques nous sont
soumises aussi par différentes catégories de la population, soit
par des collaborateurs du ministère des Affaires sociales, dans la
réalisation de certaines de ses politiques et qui attendent, à
cette commission, une remise en question de certaines décisions, de
certaines réglementations.
Elles viennent, d'autre part, de certains bénéficiaires
des différentes politiques des Affaires sociales. Ceux-ci nous font
parvenir à notre bureau de député ou ailleurs, des
commentaires que nous devons, c'est notre devoir, rapporter ici à la
commission, aux fins de discussion et éventuellement, nous
l'espérons, d'amélioration du système des politiques
sociales.
M. le Président, je ne veux pas non plus m'éterniser sur
ce second point que j'entreprendrai, mais je crois nécessaire de le
faire, d'autant plus qu'il est directement relié aux remarques que
j'aurai l'occasion de faire dans les prochaines minutes. J'aimerais souligner
rapidement, peut-être pour la dernière fois, mais avec beaucoup de
sincérité, l'appréciation que le parti d'Opposition
officielle a faite du travail du prédécesseur du ministre des
Affaires sociales actuel.
Je crois que, tout au cours de son séjour à
l'Assemblée nationale, M. Castonguay a eu l'appui et, à plusieurs
endroits, même le soutien politique constant du parti de l'Opposition
officielle. Je crois que je ne peux pas me souvenir ce matin d'un seul endroit,
dans les trois ans et demi qu'a passés M. Castonguay à la
direction des Affaires sociales, où nous nous soyons trouvés en
complet désaccord avec l'ancien député de
Louis-Hébert.
Il a fait une oeuvre que plusieurs avant nous ont qualifiée de
gigantesque. Si notre appui, à quelque occasion que ce soit, a
été d'une utilité quelconque à
l'établissement de cette politique, nous nous en réjouissons
encore aujourd'hui. Et c'est à l'héritage maintenant et à
la poursuite aussi, parce que M. Castonguay, le premier, nous avait fait
remarquer qu'il ne s'agissait là que d'établissement de
politiques qui allaient d'elles-mêmes être appelées à
se développer, c'est donc à l'héritage et à la
poursuite de ce travail que la commission doit maintenant s'attacher, le
ministre le premier.
M. le Président, le ministre des Affaires
sociales, dans son exposé d'ouverture, a fait état d'un
nombre assez élevé, au moins dans la quantité, si ce n'est
pas dans la qualité, de réformes et de modifications qui ont
été apportées au cours de la précédente
année financière, que ce soit de cet important code des
professions qu'il a bien fait de mentionner en tout premier lieu, parce que
c'est probablement la réalisation la plus importante au cours de la
dernière année, jusqu'à des modifications douteuses, par
exemple, apportées à ce fameux nouveau système
administratif de la Loi de l'aide sociale, l'application de la Loi de l'aide
sociale.
Enfin, toutes ces modifications ont été apportées
au cours de l'année, dans plusieurs endroits, et se retrouvent, comme le
ministre l'a lui-même signalé, dans plusieurs programmes que nous
aurons à étudier l'un après l'autre. Comme je me suis
préparé rapidement au cours de la fin de semaine, programme par
programme, j'aime mieux attendre et je crois qu'on gagnera du temps aux travaux
de la commission, sans être obligé de supprimer la période
des questions, pour que je puisse reprendre, à chacun des programmes en
place, les remarques que j'ai à faire sur chacune des modifications
apportées.
C'est d'ailleurs, je dois le signaler à l'avance, sur ces
modifications en particulier que nous aurons cette année des remarques
et des modifications, certaines n'ayant pas été aussi loin que
non seulement l'Opposition officielle, mais que, nous le croyons, les
Québécois l'auraient espéré., et, à d'autres
endroits, certaines n'ayant pas, à notre avis, obtenu le résultat
escompté par le ministère, et c'est notre devoir encore une fois,
je crois, de vous signaler notre opinion sur ces questions.
M. le Président, de toutes les modifications qui ont
été apportées au cours de l'année, je crois que le
ministre a oublié de mentionner la plus importante. Elle est, à
notre avis, après six mois d'existence de cette nouvelle
Législature, à la tête même du ministère. J'ai
mentionné tout à l'heure la disparition politique de l'ancien
député de Louis-Hébert et de l'ancien titulaire des
Affaires sociales. Je sais parfaitement que le ministre actuel savait
probablement très bien à l'avance, au moment où il a
accepté d'être bombardé candidat libéral dans un
comté à grande proportion anglophone, quelles chaussures il
allait porter.
Il savait aussi pertinemment, je crois, que la comparaison allait se
faire, à plusieurs reprises. J'ai cru comprendre à certaines
occasions, dans des remarques qu'il a faites soit à l'Assemblée
nationale, soit à des commissions parlementaires qui ont
siégé sur d'autres questions, que le ministre entendait garder la
tête froide devant ce genre de comparaison. Ce n'est donc pas pour le
réchauffer, ce matin, que j'ai l'intention, moi, d'ouvrir mes
commentaires sur la politique des Affaires sociales en rappelant cette
comparaison.
Nos dossiers de presse sont accumulés, différents articles
écrits dans différents quotidiens, certains moins louangeurs que
d'autres, sur la difficile succession qu'assume le député de
Saint-Laurent actuellement. Ce n'est pas de ces articles, ce n'est pas une
lecture de certaines de ces critiques que, je dirai même, à
certains endroits, j'ai jugées moi-même fort sévères
et hâtives surtout, avant de voir la réalisation de ce que va
faire le successeur de M. Castonguay à la direction des Affaires
sociales. Donc, ce n'est pas une comparaison strictement politique, parce que
je crois que le ministre lui-même s'est défendu de le faire et ce
n'est pas dans cette perspective seulement.
Il serait facile de dire et de faire porter l'essentiel de nos
remarques, comme parti d'Opposition, sur le fait que jamais Claude Castonguay
ne sera remplacé aux Affaires sociales cela ferait dignement
suite aux quelques remarques que je faisais à son égard tout
à l'heure que jamais le député de Saint-Laurent ne
parviendra à la cheville de ce qu'a fait... Ce serait trop facile et ce
serait probablement injuste également, je crois, à l'égard
du député de Saint-Laurent.
Mais le député de Saint-Laurent, qui occupe le poste de
responsable des Affaires sociales en comparaison ou non avec son
prédécesseur, a, au cours des six derniers mois et ce
n'est que sur ces six derniers mois et sans aucune comparaison avec les six
mois précédents de Claude Castonguay ou les trois ans et demi
précédents de Claude Castonguay depuis qu'il occupe ce
poste, déjà de lui-même imposé un style. Il a
déjà, de lui-même, imposé certaines décisions
qui nous permettent, à l'ouverture de l'étude des crédits
de l'année financière 1974/75, de voir de quelle façon,
avec quel doigté, avec quelle philosophie il assumera l'administration
des crédits que nous nous apprêtons à lui voter.
Si j'ai fait cette comparaison avec l'ancien ministre des Affaires
sociales, c'est que les six mois durant lesquels le député de
Saint-Laurent a été à la direction des Affaires sociales
nous prouvent qu'il y a effectivement un changement. Ne comparons pas le
rendement de l'un au rendement de l'autre, le temps n'a pas fait son oeuvre;
mais comparons seulement et le temps a suffisamment fait son oeuvre pour
que nous puissions le faire le style de l'un au style de l'autre en
s'appliquant seulement à faire certaines remarques sur des actions au
cours des derniers six mois. Donc, voici la dernière année
financière sous le nouveau titulaire des Affaires sociales.
Le ministre des Affaires sociales occupe les responsabilités
je le crois les plus difficiles à assumer au sein d'un
cabinet non seulement à cause de la taille du budget qu'il a à
administrer, ce qui est une chose en soi, mais doit-on signaler qu'il compte
aussi sur probablement les effectifs les plus nombreux et sur la collaboration,
dans toutes les régions du Québec, la plus soutenue dans ce
domaine. Mais peu importe, il
est vrai qu'il assume une bonne part du budget des affaires
québécoises et ce n'est pas une mince tâche. Mais la
tâche est encore plus compliquée si on s'écarte du budget
pour le moment et qu'on considère l'objet des politiques que doit
assumer le ministre des Affaires sociales. Le ministre des Affaires sociales se
trouve, au sein du cabinet, plus que n'importe quel autre, et je dirais
même plus que le chef de l'Etat québécois lui-même,
le porte-parole des citoyens du Québec les plus démunis.
C'est, de tous les ministères et je dirais de tous les
députés, du parti ministériel ou de l'Opposition, celui
sur qui les Québécois les plus démunis, je reprends
cette expression qui est devenue quotidienne les plus
défavorisés, les citoyens qui, pour s'assurer la subsistance
minimum et décente en 1974, attendent de lui une réponse plus que
de n'importe quel des 110 membres de l'Assemblée nationale. Ce
rôle, s'il est lourd à porter lorsqu'il doit se transposer,
j'imagine, au Conseil du trésor lorsqu'il s'agit de faire le partage des
revenus et que le ministre, comme tout le monde, espère avoir le plus
d'argent possible pour réaliser le plus de politiques possible, il est
aussi lourd à porter lorsqu'il s'agit, pour le ministre, de se faire le
porte-parole de ces gens dont il assume, dans quelques occasions très
réelles, le niveau de vie.
A cet égard, il me semble qu'en 1974 et si, ce matin, je
voulais faire des allusions quelque peu politiques, je dirais dans un
régime qui se prétend social-démocrate ou qui veut le
devenir, restons-en là il faut que ce ministre des Affaires
sociales, à notre avis, soit le défenseur de ceux qui sont le
plus directement touchés par les politiques sociales.
C'est souvent ainsi dans certains cabinets de pays souverains où
l'ensemble d'une politique sociale est aux mains d'un seul ministère. On
a souvent noté que ce sont les ministres des Affaires sociales,
particulièrement dans les régimes sociaux-démocrates, qui
sont le plus souvent appelés à critiquer leur propre gouvernement
et, à certains égards, pour qui la solidarité
ministérielle, sur certains points, est la plus difficile à
porter.
Ce sont souvent les ministres auxquels la population s'identifie le plus
rapidement. Evoquons seulement le collègue des Affaires sociales du
Manitoba, que connaît certainement l'actuel ministre des Affaires
sociales du Québec, qui, à certaines occasions, dans le
régime néo-démocrate du Manitoba, a pris des positions
qui, à mon avis, reflétaient une parfaite compréhension du
rôle qu'il a assumé. Non seulement doit-il défendre le plus
gros budget, mais aussi doit-il défendre, lorsqu'il s'agit d'implanter
différentes politiques économiques, différentes politiques
de revenu, différentes politiques d'éducation ou ailleurs,
défendre littéralement et être le plus acharné des
défenseurs de ceux dont il a assuré le revenu minimum de
subsistance.
Qui sont-ils ceux que l'actuel ministre des
Affaires sociales a à défendre? Les
bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale, bien sûr, les
personnes âgées, les malades, les jeunes placés en
institution ou en foyer nourricier, les gens handicapés, les familles
pour qui l'épreuve est déjà immense d'avoir des enfants
infirmes, handicapés et qui doivent nécessairement retrouver, au
sein de n'importe quel cabinet, un homme qui, face au plus austère
ministre des Finances, qui, face au plus épris de grandeur des premiers
ministres, qui, face à n'importe quel collègue qui
nécessite un appui financier dans la réalisation de ses
politiques, un homme qui s'engage à les défendre sur la place
publique aussi bien qu'à l'intérieur du conseil des
ministres.
Qui sont-ils encore? Il faut que tous ces gens retrouvent, dans le
ministre des Affaires sociales, un homme prêt à défendre
leurs intérêts. Or, ce n'est pas certain que toutes ces personnes
se sont à ce point identifiées au ministre des Affaires sociales
actuel depuis six mois. Quand je dis qu'ils ont besoin d'un défenseur,
ils n'ont pas besoin d'un comptable qu'on a vu, par exemple, lors du
règlement touchant la contribution des parents d'enfants placés
en foyer nourricier. Ils n'ont pas besoin d'un défenseur des compagnies
de finance, comme nous l'avons vu se prêter aussi facilement devant un
auditoire étudiant.
Je représente, à l'Assemblée nationale depuis cinq
ans maintenant, les citoyens de Montréal peut-être les plus
démunis. Ces citoyens n'ont certainement pas apprécié le
genre d'intervention qu'a faite et qu'a répétée dans les
media d'information le ministre des Affaires sociales qui se portait non pas
je dois le dire à son crédit à la
défense intégrale des façons d'agir des compagnies de
prêts, des compagnies de finance, comme on les appelle
communément, non pas dans la totalité de leurs activités,
mais dans leur existence d'abord, ce qui était déjà, en
soi, une prise de position politique, et dans le genre de soutien au revenu
familial et de collaborateur de l'Etat québécois que ses propos
ont laissé entendre, à sa façon de les identifier.
Je considère que ce genre de position, non seulement
s'éloigne du véritable rôle d'un ministre des Affaires
sociales, mais constitue, à l'intention des gens pour qui le budget que
nous aurons à voter et à adopter est, dans certains cas, la
source principale de leur revenu, une insulte en même temps qu'un manque
de délicatesse invraisemblable.
Plusieurs des collaborateurs du ministère des Affaires sociales
et, en particulier, certains groupes bénévoles qui oeuvrent dans
le domaine des affaires sociales, pour compléter l'oeuvre que le
ministère, le plus largement possible, remplit à chaque
année mais il ne suffit pas à la tâche des
travailleurs sociaux, des assistés sociaux eux-mêmes se regroupent
et se battent à certaines occasions pour obtenir un revenu minimum
garanti, en d'autres occasions, un
revenu qui leur assure simplement de traverser la période de
hausse du coût de la vie, de l'inflation dont bénéficie ce
gouvernement à portes ouvertes actuellement. Tous ces gens se battent
depuis certaines années, depuis plusieurs années dans certains
cas, pour l'abolition des compagnies de finance et des prêts à
taux usuaire comme elles en font actuellement. Le minimum de décence
aurait été, pour le ministre des Affaires sociales, s'il
cautionne l'activité de ces requins, comme on les a souvent
appelés en plusieurs milieux, de se taire sur le sujet, et au moins de
ne pas cautionner l'existence de ceux-ci afin que les
bénéficiaires et ceux qui attendent de l'action du ministre des
Affaires sociales un appui à tout le moins moral ne soient pas
contrecarrés dans leur position en apprenant que, devant un auditoire
étudiant de son comté, je crois, le ministre des Affaires
sociales a défendu l'action des compagnies de finance.
Quand je dis que ces gens ont besoin d'un défenseur, d'un
porte-parole, ils n'ont certainement pas besoin de ce genre de technocrate que
l'on a qualifié d'éloigné et que l'on a vu à
l'oeuvre, par exemple, lorsque est venu ce problème alentour du CLSC de
la basse-ville de Québec, en refusant à ces gens de passer un
contrat de services avec les avocats populaires, en se renfermant
derrière certaines théories qui ne résistent pas à
l'examen, M. le Président.
Quand je dis qu'ils ont besoin d'un défenseur, c'est qu'ils n'ont
pas nécessairement besoin de ce planificateur qui décida, on s'en
rappelle encore, de baisser l'aide sociale, de telle sorte que les familles
bénéficiaires ont été les seules et on le
soutient encore, M. le Président familles
québécoises à ne pas avoir joui pleinement de la hausse
des allocations familiales et de cet arrangement à l'amiable qui
était survenu, au bout de je ne sais combien d'années de
querelles, entre nos deux niveaux de gouvernement.
On dit, M. le Président et c'est le ministre
lui-même, dans un texte qui a été publié in extenso
dans plusieurs quotidiens que son ministère s'est fixé dans
ses objectifs 1974 la qualité et l'humanisation des services. J'avais
déjà entendu pareille chanson au ministère de l'Education
et nous avons eu l'occasion, au cours des crédits, la semaine
dernière, du ministère de l'Education, de faire
l'évaluation de cette politique annoncée avec tambours et
trompettes, mais qu'on a du mal à retrouver dans la vie quotidienne des
différents établissements qui dépendent du
ministère des Affaires sociales.
Si on veut humaniser ce ministère, il faudrait peut-être,
comme l'ont souligné certains critiques acerbes, humaniser le ministre
pour commencer. Humaniser le secteur des affaires sociales voudrait
probablement dire enfin remplacer la tatillonne et mesquine Loi de l'aide
sociale par une politique de revenu annuel garanti qui soit décent et
qui ne soit pas, dans son évolution, inférieur à la hausse
du coût de la vie et à l'inflation galopante dont, encore une
fois, M. le Président, bénéficie comme n'importe quelle
compagnie privée, l'actuel gouvernement du Québec. Cela veut
dire, par exemple, M. le Président, instaurer un réseau public de
garderies, plutôt qu'une autre mesure échevelée et
décortiquée en 25 solutions, les unes plus incroyables que les
autres, qu'on essaie de glisser comme de l'huile de ricin actuellement à
tous ces groupes qui, depuis longtemps, sont les collaborateurs du
ministère des Affaires sociales, qui, en certaines occasions, ont
remplacé l'action du ministère des Affaires sociales, par du
bénévolat et qui, maintenant, voient leur action non pas
appuyée par le ministère des Affaires sociales, mais
divisée et émiettée.
Je dois dire que c'est à ma connaissance le seul dossier que le
ministre d'Etat des Affaires sociales a, à part le coupage de rubans,
actuellement. Nous ne l'avons pas vu actuellement, non plus, démontrer
beaucoup plus d'efficacité que celui qui est le ministre en titre des
Affaires sociales, dans ce domaine. Cela veut dire humaniser et augmenter la
qualité des services dans les affaires sociales. Cela veut dire
certainement mettre sur pied des services de santé et des services
sociaux à domicile afin que les personnes âgées nous
aurons l'occasion d'en parler, puisque le ministre en a fait mention
lui-même ne soient plus obligées de s'éloigner et
d'aller finir leur vie dans des institutions qui sont de plus en plus
fermées au nombre incroyable de demandes que, je crois, chacun des
députés, aussi bien ministériels que de l'Opposition,
pourrait déposer sur la table, des interminables listes d'attente pour
un service que nous devons considérer comme essentiel maintenant.
Humaniser la qualité des services des Affaires sociales, cela
doit vouloir dire certainement redonner aux bénéficiaires de la
Loi de l'aide sociale les pleins bénéfices de la hausse des
allocations familiales que cette Assemblée nationale a unanimement
votée en décembre dernier. Si la raison fondamentale était
à l'époque l'écart que doit maintenir le planificateur qui
est à la tête des Affaires sociales entre le revenu des
bénéficiaires de l'aide sociale et ceux qui ne doivent compter
que sur le revenu du salaire minimum, il faut qu'on puisse au moins
espérer maintenant que cette grande largesse que le ministre du Travail
a eue à l'égard des employés du salaire minimum en
augmentant de $0.10 leur revenu, le 1er mai dernier, nous allons la retrouver
un tant soit peu au ministère des Affaires sociales très
bientôt. Puissions-nous espérer que le ministre actuel remette aux
bénéficiaires de l'aide sociale ce qu'ils ont le droit d'avoir,
exactement comme tous les autres Québécois, c'est-à-dire
bénéficier pleinement et en totalité du montant d'argent
qu'ils ont le droit d'avoir aussi bien que les enfants de juges à
$33,000 par année, que les enfants de ministres ou de
députés,
recevoir pleinement pour le premier enfant $12 provenant du
fédéral et $3 provenant du gouvernement
québécois.
Cela veut dire établir, avec les comités de citoyens, les
groupes populaires qui, je le répète, à mon avis, ne sont
pas seulement à certains endroits les collaborateurs essentiels du
ministère des Affaires sociales, mais en d'autres, ceux qui
suppléent littéralement à son action. A cet égard,
l'attitude du ministre des Affaires sociales ou de ceux qui dirigent le
ministère des Affaires sociales doit être, à l'égard
de ces groupes, au-delà des divergences passagères et des
exigences normales auxquelles on ne peut pas toujours répondre, j'en
conviens, l'établissement d'un dialogue franc et ouvert, plutôt
que de pratiquer comme déjà cela semble être l'insigne de
ce nouveau ministère, cette espèce de méfiance
caractéristique des libéraux et que le Parti libéral a
toujours eue à l'égard de tout ce qui bouge et de tout ce qui
progresse au Québec. Nous allons aborder l'étude, dollar par
dollar, de l'immense budget qui n'a pourtant pas, je le signale, connu la
croissance que nous lui aurions espérée des Affaires sociales.
Non seulement faut-il entreprendre ce budget avec beaucoup de circonspection
sur chacune des réalisations précédentes et des intentions
du gouvernement actuel au cours de la prochaine année, dans
l'utilisation de cet argent que nous sommes disposés à lui voter,
il faut aussi voir avec quel esprit et de quelle façon chacune de ces
réalisations se fera. N'en mentionnons qu'une que nous aurons l'occasion
de reprendre et que je ne voudrais pas discuter à ce moment. Mais, dans
les cinq ou six premiers paragraphes de ce texte que le ministre des Affaires
sociales, je le présume, a écrit et a livré lui-même
au cours d'une rencontre avec la presse en février dernier, on
annonçait dans les toutes premières intentions, ce que les
journalistes appelaient à l'époque des voeux pieux plutôt
que des réalisation aux Affaires sociales.
Voici ce tout premier voeu pieux que nous reconnaissons, je cite le
ministre des Affaires sociales: Nous nous emploierons à assouplir les
mécanismes juridiques afin, par exemple, de faciliter l'adoption
d'enfants. La première nouvelle que nous en avons eue n'était pas
tout à fait symbolique et ne nous donnait pas tout à fait
l'opinion qu'il s'agissait là de faciliter l'adoption, si nous devons en
faire foi, de différentes mesures qui sont parvenues à notre
information. Et en nombre d'autres endroits, par exemple, M. le
Président, ne signalerais-je que ce refus du ministre des Affaires
sociales de poursuivre, à cette commission des affaires sociales,
l'étude du projet de règlement de la contribution des parents
pour les enfants placés en foyer nourricier. Les autres occasions, nous
les signalerons programme après programme. Mais puis-je signaler, en
conclusion, que, quelle que soit la beauté théorique de chacun
des programmes que nous allons voter, l'immense planification que nous pourrons
retrouver contrairement à l'éducation, ce qui me fera du
bien en passant d'un domaine à l'autre des Affaires sociales, je
ne doute pas des qualités de planificateur du ministre des Affaires
sociales actuel. C'est probablement pour cela qu'il a été
nommé, mais j'ai eu l'occasion d'exprimer dans mes remarques que je
doute beaucoup, et avec moi beaucoup de Québécois
également, de ses qualités dans d'autres domaines que je juge
aussi essentiels que l'habileté à planifier ou à
comptabiliser un budget aussi imposant que celui des Affaires sociales.
M. le Président, je suis prêt, pour ma part, à
entamer l'étude des programmes et j'imagine que mon collègue de
Rouyn-Noranda a aussi des remarques à faire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, bien entendu le ministre s'attend que
nous fassions certaines critiques des politiques de son ministère. Quant
à moi, je n'ai pas tellement l'intention que ma critique se fasse au
niveau du ministre comme tel, la personne du ministre, puisque, bien entendu,
vous concevrez, M. le Président, qu'on pourrait tout aussi bien avoir un
bon ministre dans un mauvais système qu'un mauvais ministre dans un bon
système. Alors, je ne pense pas que seul le ministre soit responsable
des bonnes ou des mauvaises politiques de son ministère. J'ai
l'impression que ce ministère, comme les autres, fait partie d'un
gouvernement qui a des politiques d'ensemble et, bien entendu c'est sur ces
politiques d'ensemble, je pense, que nous devrions faire nos critiques. Mais
comme il s'agit aujourd'hui du ministère des Affaires sociales,
j'aimerais apporter certaines critiques à différents postes du
budget. Vous comprendrez, M. le Président, qu'il est difficile d'entamer
une critique générale sans discuter des programmes de l'aide
sociale lesquels, je pense, au ministère, sont des programmes
considérés comme très importants. Ces programmes d'aide
sociale, bien entendu, ne correspondent pas à nos idées, à
nos demandes. L'idéal n'est sûrement pas l'actuel système
de l'aide sociale. Il faudrait à tout prix repenser les formules pour en
arriver, quant à nous, à une politique de revenu minimum garanti
de façon universelle, sans cette sélectivité que nous
connaissons dans les programmes actuels.
M. le Président, bien entendu, dans cette politique de l'aide
sociale, nous retrouvons une philosophie qui est la suivante. Le citoyen qui
doit utiliser la politique de l'aide sociale est appelé à vivre
non pas selon ses moyens, mais selon les moyens qu'on lui donne. Alors, nous
préférerions, quant à nous, une philosophie
différente, soit celle que soit permis à un citoyen, qui doit
avoir recours aux politiques de l'aide sociale, de vivre selon ses besoins.
Cela, nous ne le retrouvons pas dans l'actuelle politique de l'aide
sociale. Comme vous le
savez, les citoyens devant avoir recours à ce service sont
absolument obligés de vivre à l'intérieur d'un budget,
suivant des règlements, suivant des normes établies, qui est
nettement insuffisant. Même à l'intérieur de l'actuel
système je vous répète tout de suite, M. le
Président, que ce n'est pas l'idéal, ce n'est pas ce que nous
croyons être la meilleure formule il y aurait sûrement
possibilité d'amélioration pour faire en sorte que le
système en arrive à rejoindre la philosophie suivante, soit celle
de permettre au citoyen de vivre selon ses besoins.
Nous savons tous, M. le Président, que la Loi de l'aide sociale
avec les barèmes nettement insuffisants que nous connaissons
actuellement, même à l'intérieur de cela pour certains
citoyens qui sont aidés par l'aide sociale, mais qui seraient capables
d'exercer un certain travail, soit un travail à temps partiel puisque
leur santé dans bien des cas ne leur permet pas d'occuper un emploi
à temps plein... Nous savons tous, advenant qu'une personne qui n'a pas
suffisamment de revenus et cela est incontestable décide
ou ait la chance d'occuper un emploi d'un jour ou deux par semaine, quels sont
les risques pour cette personne, c'est-à-dire de se voir diminuer l'aide
sociale parce qu'elle a osé travailler.
Je dis, M. le Président, que c'est là décourager
l'initiative au travail de ces gens-là. Nous savons tous qu'après
une certaine période passée au bien-être social, même
les gens étant précédemment considérés comme
de bons travailleurs, en viennent à se complaire à ne pas
travailler. Cela est absolument humain, M. le Président. Je ne crois pas
que c'est parce que ces gens sont des défavorisés qu'ils en
viennent à cela, je pense que c'est humain. Si chacun d'entre nous
arrêtions de travailler pour un an ou deux, nous en viendrions
peut-être un jour à nous complaire dans cet état de choses.
Or, je crois qu'au contraire il est bon pour les gens de s'occuper à
quelque chose, que ce soit un travail à temps plein ou à temps
partiel. Il est bon pour la personne humaine de s'occuper à quelque
chose. Or, je pense que dans ce sens-là le ministre aurait tout avantage
à étudier une formule permettant aux assistés sociaux
d'occuper un emploi temporaire, advenant qu'ils aient la chance
évidemment d'en trouver un, et cela sans pénalité compte
tenu du fait que les allocations sociales sont absolument insuffisantes pour
n'importe laquelle des familles au Québec devant avoir recours à
ce système. Je pense, M. le Président, qu'étant
donné cet état de choses et avec les exemples que nous avons
à peu près régulièrement, le ministère
devrait se pencher sur cette question dans les plus brefs délais.
Je voudrais aussi, M. le Président, faire référence
à une autre philosophie que nous retrouvons dans le système de
l'aide sociale, soit celle qu'à chaque fois qu'un autre palier de
gouvernement augmente les allocations, soit les allocations familiales ou, dans
un autre ordre d'idées, les allocations aux personnes âgées
et je me reporte à il y a deux ans, alors qu'il y eut
augmentation du supplément de revenu garanti pour les personnes
âgées le ministère en a profité pour
augmenter ses frais en foyer d'hébergement.
Ce qui veut dire que ce que les gens ont reçu d'une main du
gouvernement fédéral, ils se le sont vu prendre d'une autre main
par le gouvernement provincial, en quelque sorte. La même chose s'est
répétée en ce qui concerne l'augmentation des allocations
familiales, le 1er janvier dernier. Le gouvernement fédéral, qui
a pris la plus grande part de cette augmentation, avait décidé
d'augmenter ses allocations familiales, compte tenu des besoins nouveaux. En
considérant l'inflation, en considérant la hausse constante du
coût de la vie, comme le gouvernement fédéral a
considéré qu'il y avait un besoin d'un revenu nouveau pour les
familles, il a alors augmenté les allocations familiales de façon
universelle.
Mais, ce que nous n'acceptons pas, c'est que si ces allocations
familiales ont été augmentées de façon universelle,
ça veut dire que les gens, qui ont des revenus autres que ceux de
l'allocation sociale, ont obtenu cette autre augmentation au complet. Alors que
les assistés sociaux ont été les plus grands
pénalisés car, dans plusieurs cas, on a réduit
l'allocation sociale en tenant compte de l'augmentation des allocations
familiales, c'est-à-dire que cette augmentation de revenu, qui a
été réelle pour les autres Canadiens, n'a pas
été réelle ou du moins pas totalement réelle pour
les assistés sociaux. C'est pourquoi je considère que le ministre
et ses officiers devraient reconsidérer les décisions qui ont
été prises avant le 1er janvier et qui ont amené cet
état de choses que nous déplorons et que nous considérons
comme inadmissible.
Egalement, nous nous retrouvons, lorsque nous discutons d'allocations
sociales, devant certaines réalités pour vous démontrer
jusqu'à quel point il y a certaines contraintes que doivent subir les
assistés sociaux. Par exemple, lorsqu'un agent du bien-être social
demande à un assisté social un certificat médical
vous allez me dire que c'est un détail, ça nous apparaît
peut-être comme un détail mais dans la pratique, nous avons
vu certaines personnes aller demander à des médecins un
certificat médical et certains médecins demander un paiement pour
le certificat. Vous voyez que, même si ça semble un petit
détail, pour celui et pour la famille qui a un manque de revenu, qui a
un revenu insuffisant, on demande de débourser de l'argent pour obtenir
un certificat médical et on le fait de façon occasionnelle.
M. le Président, je ne sache pas qu'il y ait, dans l'actuelle
réglementation, une provision pour rembourser ces dépenses.
D'autres genres de dépenses qui ne sont pas du luxe aujourd'hui, comme
le téléphone, on ne le prévoit pas. Avec la nouvelle
réglementation du logement, nous savons tous que cela n'a pas de sens,
il y a
certains besoins qui sont des besoins réels et qui ne sont pas
considérés. C'est pourquoi nous trouvons plusieurs familles qui
doivent se contenter de l'aide sociale, un manque réel de revenu les
empêchant même de se nourrir trois fois par jour.
Chose qui m'apparaft curieuse, c'est qu'aujourd'hui, en
commençant l'étude de nos crédits, on vient de nous donner
de la documentation, une volumineuse documentation du ministère des
Affaires sociales, que je n'ai évidemment pas eu le temps de lire, vous
allez comprendre pourquoi. Mais je retrouve dans cette documentation, un livre
qui s'intitule: Nutrition en milieu scolaire, M. le Président, et qui
m'apparaft des plus intéressant. Il m'apparaft même comme un grand
service à rendre à la population, car nous retrouvons dans ce
livre des conseils quant à la nutrition des enfants en milieu scolaire,
qui m'apparaissent comme étant les meilleurs.
Mais, si je me permets de vous parler de ce livre, de la nutrition en
milieu scolaire, c'est que, d'une part, le ministère fait des efforts
pour que notre population permette une meilleure nutrition en milieu scolaire
et, d'autre part, c'est le même ministère qui, avec sa politique
d'aide sociale, restreint les possibilités des familles de donner
à ces enfants la nutrition qui est suggérée par le
ministère. Vous voyez comme c'est contradictoire. D'une part, on
suggère des choses et, d'autre part, on ne donne pas les moyens à
la famille de les appliquer et cela va plus loin que ça. En milieu
scolaire, nous considérons que les enfants, qui sont issus de familles
riches ou en moyen ou à l'aise, ou ayant un revenu moyen, se voient
différencier des autres à l'école, de ceux qui doivent
vivre de l'aide sociale.
Cela m'amène à vous parler d'une suggestion qui a
déjà été faite auparavant puisqu'on nous parle de
nutrition en milieu scolaire. Nous avons au Québec, comme vous le savez,
une production laitière qui pourrait ne pas avoir de limite. Cela
voudrait dire qu'il serait permis, en fonction des capacités physiques,
de distribuer aux enfants en milieu scolaire du lait alors que,
présentement, ça se fait pour ceux qui ont les moyens de payer et
je vous dis que, si les adultes acceptent qu'il y ait des disparités en
fonction des capacités des gens, en fonction de leurs aspirations, en
fonction d'une certaine chance, en fonction d'un héritage ou de choses
comme ça, il demeure qu'en milieu scolaire les enfants ne sont pas
rendus à cet état de pouvoir avoir ce raisonnement.
Déjà, en bas âge, on les habitue à une certaine
lutte de classes. Sans leur dire que c'est une lutte de classes, on les
habitue, dans les faits, à une certaine lutte de classes, parce qu'on ne
permet pas à ceux qui sont moins favorisés d'obtenir un minimum
de services. Les gens, dont les familles doivent vivre de l'aide sociale, ont
des enfants qui ont les mêmes besoins que les autres, qui ont les
mêmes besoins minimums que les autres. Je dis qu'il nous faudrait
considérer cette suggestion de façon positive afin qu'au moins
tous les enfants en milieu scolaire obtiennent un minimum. En
considérant, parallèlement, le revenu annuel garanti
universellement, ça voudrait dire que, si on en arrive à faire
payer pour ces services, les familles auront au moins les moyens de les payer.
Pour le moment, puisqu'ils n'ont pas les moyens, il nous faut permettre
à ceux qui sont défavorisés d'obtenir au moins ce minimum
de services dont je vous parle. Surtout, permettre que ce livre, qui est
publié par le ministère des Affaires sociales, qui s'intitule:
Nutrition en milieu scolaire, soit distribué et bien accueilli des
familles.
Mais présentement, vous distribuez cela à des familles
bénéficiaires de l'aide sociale, vous les insulterez, parce que
vous démontrez une nécessité dans ce livre que vous ne
leur permettez pas d'acquérir. Vous démontrez des
nécessités, mais vous ne leur donnez pas l'argent pouvant leur
permettre justement de se procurer ces nécessités. Cela veut dire
que nous avons du chemin à faire de ce côté.
Il y a également un autre projet que j'aimerais souligner
présentement, puisqu'il est question d'aide sociale. Certains
étudiants qui ne sont pas admissibles parfois à des bourses
d'étude ont des problèmes. Dans certains cas, ils ne demeurent
plus avec les parents, ou, dans d'autres cas, ils veulent demeurer avec eux
mais les parents n'ont pas suffisamment de revenu. Comme vous le savez,
à moins qu'il n'y ait des disponibilités que je ne connaisse pas,
dans la pratique, plusieurs cas ont été portés à
mon attention où il n'y a pas de somme prévue pour ce genre de
personnes dans la Loi de l'aide sociale. Ce qui veut dire qu'on est
obligé, si on va aux études je dis bien, si on va aux
études ou bien d'aller aux études et presque crever de
faim parce qu'on n'a pas de disposition budgétaire pour ceux-là,
ou bien de cesser les études, de ne pas y aller, pour avoir droit
à l'aide sociale.
Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, parce qu'il
faut quand même considérer que si cette personne, n'étant
pas encore sur le marché du travail, est nettement
découragée par le gouvernement, découragée, cela
veut dire appelée à ne pas poursuivre ses études et tenter
soit de travailler si elle peut le faire ou encore, tout simplement, devenir
admissible à la Loi de l'aide sociale.
Il vaudrait mieux donner à ces gens de l'assistance pour leur
permettre de continuer leurs études que de tout bloquer pour leur donner
de l'assistance.
Dansun autre domaine, j'aimerais bien vous parler des services de
santé. Vous savez qu'au Québec, depuis 1970, avec la venue de
l'assurance-maladie, certaines choses ont changé et je ne crois pas
qu'elles aient toujours changé pour le mieux.
En effet, le régime de l'assurance-maladie, en s'appliquant, fait
en sorte que les citoyens du
Québec ont moins de services présentement qu'ils n'en
avaient avant la venue de l'assurance-maladie.
Est-ce parce que les services sont gratuits que les gens en
bénéficient moins ou d'une plus mauvaise façon? Il y a des
questions qu'on peut se poser. Mais, nous nous retrouvons devant des faits,
où la population doit attendre et attendre et attendre avant de pouvoir
voir un médecin.
Dans certains cas, il faut attendre tellement longtemps que, lorsqu'on
réussit à voir le médecin, ou bien on n'a plus la maladie
qu'on avait, ou bien le médecin vient constater le décès.
C'est peut-être exagéré. Je vous vois sourire, vous avez
peut-être raison de sourire mais, dans les faits, cela n'est
peut-être pas toujours porté à votre attention, mais on
s'en va vers de telles choses qui peuvent nous arriver.
En tout cas, il n'y a personne qui va nous dire que c'est facile de voir
un médecin maintenant. Je peux vous dire cela et il semble qu'il y a une
seule chose qui fonctionne bien dans le domaine de la santé, c'est la
machine à passer la "castonguette". Il paraît que ça
fonctionne très bien. C'est plus important même que les services
à la population. En tout cas, ça nous paraît comme
ça.
Je pense que ce n'est pas normal. Evidemment, on pourra peut-être
nous dire que ça dépend, comme on dit toujours quand on consulte
les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, ils sont toujours
très réceptifs à nos suggestions et objectifs, mais on
nous arrive toujours avec le manque de budget.
On dit toujours: Si on avait des budgets, on ferait mieux que ça.
Je me le demande si on ferait mieux que ça avec des budgets, parce que
le budget est déjà passablement fort au ministère des
Affaires sociales, et il ne semble pas que ce soit une question de budget, il
semble que c'est une question plutôt d'organisation ou de leadership, de
responsabilités.
En effet, dans plusieurs régions du Québec, nous avons
comme le ministre le sait un manque de médecins
spécialistes. Je veux croire le ministre lorsqu'il nous manifeste son
intention de faire des efforts. Je veux lui donner le bénéfice du
doute, mais c'est la cinquième année que je siège en cette
Chambre et que nous donnons le bénéfice du doute au ministre des
Affaires sociales. Et vous voyez que je ne fais pas de personnalité
parce qu'il y a eu au moins deux ministres depuis ce temps.
Mais, même si on a toujours donné le bénéfice
du doute, on demeure avec le même problème, c'est que, dans les
régions éloignées, il n'y a pas suffisamment de
médecins spécialistes. Et cela veut dire que les populations de
ces régions doivent se passer de services ou bien voyager vers les
régions de Montréal ou de Québec.
Evidemment, quand on est dans une situation comme celle-là, vous
comprendrez qu'on attend à la dernière minute avant de se
prévaloir des avantages que nous avons, soit celui de nous rendre
à Montréal ou à Québec. Ce qui fait que la
médecine préventive, dans des régions aussi
éloignées que celles du Nord-Ouest québécois, de la
Gaspésie ou de la Côte-Nord, ça ne veut rien dire.
Nous avons quand même dans nos régions un autre service qui
fonctionne bien, soit celui des communications. A la télévision,
dans notre région comme ailleurs, on nous passe des annonces en nous
demandant d'aller régulièrement voir notre médecin pour
prévenir le cancer, les maladies du coeur et certaines maladies comme
ça. La première chose qu'on nous dit: Allez voir
régulièrement votre médecin. On ne peut pas y aller
régulièrement, il ne peut pas nous recevoir, il n'y en a pas
assez. Cela, c'est une réalité.
Je dis qu'il doit y avoir un effort spécial. Il ne faut pas
attendre que les choses s'arrangent d'elles-mêmes. Le ministre devrait
penser en fonction de politiques incitatives. Je sais qu'il y a, au
ministère, certaines études qui se font. J'ai fait certaines
suggestions au ministre dernièrement là-dessus. Je ne sais pas si
elles ont été considérées, le ministre me
répondra tantôt.
J'ai suggéré que le ministère accorde son appui
à des étudiants en provenance des régions
éloignées je dis bien en provenance des régions
éloignées quant à leurs études avec la
condition que l'étudiant retourne dans sa région pour une
certaine période de temps pour y pratiquer. C'est là, je pense,
la seule possibilité.
Même avec des politiques incitatives, le ministre ne
réussit pas à emmener dans ces régions
éloignées des spécialistes qui sont habitués de
vivre dans une autre région, comme celle de Montréal ou de
Québec. Je pense qu'il y a un point important, soit celui de
considérer le fait que les étudiants qui proviennent de ces
régions éloignées, donc qui sont habitués à
demeurer dans ces régions, sont plus susceptibles de retourner pratiquer
dans ces régions.
Et, il y a aussi une autre chose qui pourrait être
considérée, soit celle de conclure les ententes qu'il faudra pour
que les universités considèrent l'admission des étudiants
des régions éloignées.
Là-dessus, j'ai pris connaissance personnellement de certains
dossiers où des étudiants, ayant toutes les notes qu'il fallait,
pouvant se qualifier comme il le fallait, se sont vu refuser l'accès
à l'université en médecine pour des raisons qui peuvent
varier. Je dis, M. le Président, que nous devons, à ce moment-ci,
considérer, si on veut régler le problème des
régions éloignées, des arrangements spéciaux avec
les universités pour donner une certaine priorité ou une partie
de priorité, en tout cas, aux étudiants en provenance des
régions éloignées à la condition qu'ils acceptent
de retourner pratiquer leur profession dans ces régions.
Il y a aussi, M. le Président, une autre question dont j'ai saisi
le ministre dernièrement et cela m'amène à vous parler
plus particulière-
ment de ma région, mais je pense que cela s'applique aussi dans
d'autres régions éloignées. Les services psychiatriques
sont complètement nuls. Je sais que le ministère a fait des
efforts. Il y a eu, depuis un certain temps, des équipes volantes et des
ateliers, des foyers protégés, je pense. Mais, dans la pratique,
M. le Président j'ai des cas dans mes dossiers et je sais qu'au
ministère, plusieurs fonctionnaires ont tenté de résoudre
le problème que je leur ai soumis il demeure que nous sommes
encore dans une impasse. Les cas ne sont pas réglés. Des dossiers
trament depuis un an et demi. Nous n'avons aucune espèce de service
valable. Quand nous avons des cas urgents, nous n'avons pas, nous, en tout cas,
en tant que députés, d'autre ressource que celle de communiquer
avec le ministère. Nos fonctions de député sont celles de
servir notre population au meilleur de notre connaissance, mais de nous
adresser au ministère. Ce n'est pas à nous de nous adresser
à des directeurs d'hôpitaux à l'extérieur de notre
région.
Or, nous nous adressons au ministère, et il semble que, en tout
cas suivant les informations qu'on m'a données, les clauses de la loi 65
empêchent le ministère, dans certains cas, de faire un bon
travail. Je m'explique: Certains directeurs d'hôpitaux en psychiatrie
nous ont tout simplement laissé voir ou laissé savoir que ce sont
eux qui menaient; quels que soient les problèmes qu'on a dans nos
régions, cela ne les dérange pas. C'est à peu près
cela. Je sais que le ministre a un certain pouvoir discrétionnaire, mais
je pense que cela devrait aller plus loin que cela. Je pense qu'il devrait y
avoir des amendements de prévus, s'il le faut, pour que le
ministère ait certaines responsabilités lui permettant de
décider. La même chose se produit, d'ailleurs le ministre,
tantôt, nous a mentionné, si j'ai bien compris, qu'il y avait
certains changements dans le domaine des services sociaux. La même
chose existait, en tout cas, il n'y a pas encore tellement longtemps où,
advenant un litige quelconque, advenant que les personnes concernées ne
donnaient pas les services requis de façon normale, le ministère
n'avait pas tellement grand-chose à dire. Le ministère paie, mais
il ne décide pas, et quand il y a litige, vous comprendrez qu'il faut
quand même quelqu'un pour arbitrer.
Ceci me ramène à vous dire que, dans ma région, le
ministère n'a probablement pas tout fait ce qu'il aurait dû faire
en ce domaine. Cela m'amène aussi à vous parler d'un projet qui
est en plan depuis plusieurs années déjà et dont le
ministre est, je pense, personnellement au courant.
Cela m'amène à vous parler du projet de La Ruche, qui
trame depuis plusieurs années et par lequel on a, l'an passé,
laissé une certaine lueur d'espoir aux représentants de la
corporation de La Ruche, en leur parlant d'ateliers protégés,
etc., etc. Il semble que cela n'ait pas marché. Le ministre m'a fait
savoir dernièrement qu'une nouvelle politique du ministère serait
annoncée sous peu; cela fait déjà un mois et demi, ces
gens s'inquiètent, avec raison. Ces gens-là s'inquiètent,
comme ils s'inquiètent d'ailleurs dans un autre domaine, celui des
handicapés qui, eux aussi, ont besoin d'aide présentement. Dans
le domaine des handicapés, par exemple, M. le Président, je sais,
qu'actuellement, l'Association des handicapés du Nord-Ouest
québécois a fait parvenir au ministre un mémoire le
ministre ne l'a probablement pas reçu encore, cela a été
envoyé tout dernièrement dans lequel on réclame
pour les handicapés, par exemple, que leur soient fournis gratuitement
les services de prothèses, quel que soit le genre dont ils ont besoin.
Gratuitement, même si ces gens-là occupent un certain emploi parce
que, comme vous le savez, les handicapés ne peuvent sûrement pas,
en majorité, occuper des emplois aussi rémunérateurs que
ceux d'une personne normale.
Or, évidemment, ces gens, si vous le voulez, en plus d'être
handicapés physiquement, le sont d'une autre façon: ils sont
obligés de payer, dans certains cas, des sommes assez importantes pour
leurs prothèses. C'est une compensation qui devrait être
considérée par le ministère pour inciter davantage ces
gens à occuper un emploi, parce que je les ai rencontrés, et je
vous assure que ces gens-là veulent occuper un emploi. Ils veulent
s'occuper à quelque chose. Ils ne veulent pas vivre au crochet du
gouvernement. Ils sont fiers de faire cela et je pense qu'ils méritent
d'être encouragés. Ils sont devant le dilemme suivant: Dans
certains cas, quand les prothèses coûtent assez cher, ils n'ont
pas les moyens de se les payer s'ils travaillent à un petit salaire. Ils
sont obligés de se contenter de vivre de l'aide sociale et d'obtenir
gratuitement de cette façon ce qu'ils ne peuvent pas obtenir en
travaillant. Cela fait partie de la philosophie que je vous expliquais
tantôt, voulant que nous devons encourager au moins ceux qui veulent
travailler.
Evidemment, je pourrais vous parler aussi de plusieurs autres sujets
dont, par exemple, la question des foyers pour personnes âgées.
Là aussi, je crois savoir qu'il y a un manque de disponibilité
dans presque toutes les régions. Chez nous, il y a nettement un manque
de disponibilité. Il y a des listes d'attente extraordinaires.
Même si le centre des services sociaux tente de faire tout son possible
pour que soient acheminées les demandes les plus pressantes, il demeure
qu'actuellement des vieillards doivent loger dans des endroits qui ne sont
sûrement pas ce qu'il leur faut, faute d'avoir suffisamment de
disponibilités dans les foyers organisés. Nous avons dû
rouvrir, dans notre région, un foyer privé qui était le
foyer existant depuis 1940, je pense, qui avait été fermé
à l'occasion de la réouverture d'un nouveau foyer. Il a dû
être rouvert, parce qu'il y a un besoin réel, et même s'il a
dû être rouvert, M. le Président, ce foyer n'obtient pas
l'aide nécessaire du ministè-
re. On me dira sûrement que cela ne fait pas partie des politiques
du ministère, peut-être, que d'aider les foyers privés ou
nouveaux foyers privés. Je pense que la politique du ministère
devrait, quand même, avoir une certaine souplesse. J'ai souvent entendu
parler d'humaniser les politiques sociales.
J'ai souvent entendu ce désir se manifester. Je pense que ce
serait là une façon d'humaniser, considérer les demandes
en fonction des besoins réels et en fonction de la
réalité.
Nous pourrions aussi, M. le Président, dans un autre ordre
d'idées, parler du mémoire qui a été soumis au
ministre dernièrement et qui a été également soumis
au ministre de la Justice concernant la protection des enfants. Comme il est
mentionné dans ce mémoire, certains enfants au Québec,
sous la responsabilité parentale, sont nettement, suivant le
mémoire, maltraités et n'ont pas suffisamment de protection. Il y
a certaines suggestions qui sont peut-être discutables dans le
mémoire, mais un fait demeure, c'est qu'un problème est là
et que la recherche d'une solution, en tout cas, s'impose.
Ce mémoire est présenté par des avocats, des
médecins et des travailleurs sociaux qui ont sûrement connaissance
de ce problème de façon régulière. Evidemment, je
crois savoir que le ministère envisage d'amender la Loi de la protection
de la jeunesse. Je pense que cela pourrait, en tout cas, être
considéré dans le délai le plus court possible.
Il y aussi une question qui se pose à la suite des
problèmes connus dernièrement à l'hôpital Notre-Dame
concernant le fameux croisement des tuyaux.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): On reviendra à quatre heures, si
votre exposé est encore assez long.
M. SAMSON: J'achève, M. le Président. Si vous me donnez
quelques minutes, je vais terminer cela.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord.
M. SAMSON: Concernant le fameux croisement des tuyaux, il y eut deux
décès. Le ministre est probablement au courant. La même
chose s'est produite l'an dernier, je crois, à Sudbury, où il y a
eu plus d'une vingtaine de décès.
J'aimerais que le ministre nous dise quelles ont été les
mesures prises par son ministère pour éviter que cela se
reproduise. Evidemment, il y a sûrement eu enquête. Il pourrait
peut-être nous faire rapport de l'enquête, mais ce qui est le plus
important, ce sont les dispositions à être prises pour que cela ne
se reproduise plus.
Une autre petite parenthèse, en terminant. Je souligne au
ministre j'aurais dû en parler tantôt quand je suis
passé sur ce sujet, mais je l'ai oublié qu'à la
Régie de l'assurance-maladie, l'on m'a rapporté comme vous
le savez, en tant que députés, nous avons à
répondre devant le public, nous avons aussi des demandes en provenance
d'individus qui font appel à nos services pour des problèmes
qu'ils ont concernant l'assurance-maladie qu'à l'occasion de nos
interventions, il est arrivé que l'on nous ait tout simplement
répondu: Adressez vos demandes par écrit. On ne voulait pas
discuter du cas. Il est arrivé aussi qu'on ait tout simplement, quand il
y eut discussion avec les fonctionnaires nous répondant au
téléphone, refusé de s'identifier. Ce sont peut-être
des directives qui sont données. Je ne le sais pas, mais je voudrais que
le ministre considère cette question car il y va de la collaboration
à être donnée aux élus du peuple. Comme vous le
savez, lorsque nous avons certaines demandes à diriger vers ces
services, nous le faisons en fonction du mandat que nous avons reçu de
la population.
Je pense que, de ce côté, il y aurait au moins avantage
à vérifier et à permettre une meilleure collaboration avec
les élus du peuple.
M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion de revenir
lors de l'étude des crédits, article par article. En terminant,
je vous dis que je suis très heureux d'assister à l'étude
des crédits des Affaires sociales pour la première fois depuis
quatre ans, parce que, durant les quatre années
précédentes, c'est mon ex-collègue de Dorchester qui avait
la fonction de critiquer le ministère des Affaires sociales, un peu
comme le député de Saint-Jacques. C'est un peu ma première
expérience. J'espère que, durant l'étude de ces
crédits, on nous permettra à l'occasion, en tout cas, de
dévier peut-être du sujet qui sera apporté, parce que ce
n'est pas notre spécialité de critiquer les Affaires
sociales.
M. BONNIER: M. le Président, est-ce que je peux faire une petite
suggestion avant de terminer si on termine, je ne sais pas avant
qu'on ait la réponse du ministre ou un certain nombre de
commentaires.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): II avait été entendu tout
à l'heure qu'on terminait à midi pour reprendre vers 4 heures. Le
député de Frontenac m'avait demandé la parole pour une
courte intervention lui aussi. Je sais que...
M. BONNIER: C'est une suggestion, ce n'est pas une intervention.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Est-ce qu'on permet la suggestion? Oui,
allez.
M. CHARRON: Oui.
M. BONNIER: M. le Président, afin de nous aider à mieux
saisir chacun des programmes, le ministre nous a exposé ce matin les
principales dispositions ou les principales lois qui avaient été
adoptées au cours de l'année dernière. Il me semble que
cela m'aiderait beaucoup, c'est pour cela que je le fais sous forme de
suggestion, si le
ministre pouvait aussi nous tracer un peu l'ordre des priorités
du ministère des Affaires sociales, parce que je comprends bien qu'un
budget est simplement un instrument pour atteindre certains objectifs. Si
c'était très clair que certains secteurs de la population doivent
être visés au cours de l'année prochaine, il me semble que
cela nous aiderait à établir un équilibre.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Tout à l'heure, il a
été discuté que la commission établirait un
programme pour les séances à venir. Est-ce que les membres de la
commission ont des suggestions à faire, soit M. le ministre ou d'autres
membres de la commission?
M. CHARRON: M. le Président, avant d'entendre la suggestion du
ministre, je ne sais pas si je suis le seul au courant ou si le ministre aussi
est au courant s'il l'est, cela va c'est qu'il y a une entente
entre les leaders de l'Opposition officielle et du gouvernement pour que cette
commission cesse ses travaux demain midi au point où nous en serons et
ne les reprendre que la semaine d'après. Nous ne siégerons pas,
évidemment le mercredi après-midi, parce que c'est la
journée des députés, ni jeudi, ni vendredi; ce sera le
ministère des Institutions financières, vient-on de me dire. Pour
la préparation de nos travaux sachant que, cette semaine, nous n'avons
que cet après-midi, ce soir et demain matin, on pourrait tout de suite
choisir ce qu'on va faire cette semaine.
M. FORGET: Excellent. Il y a le premier secteur, qui est tout le secteur
de la sécurité du revenu, qui peut faire l'objet d'une
discussion. Il y a aussi, n'apparaissant pas directement aux crédits du
ministère, parce qu'ils relèvent des opérations des deux
régies, les présidents des deux régies.
M. CHARRON: J'allais vous faire la suggestion. Au troisième
programme, qui s'appelle assistance-maladie, on pourrait avoir, à cette
occasion, des discussions élargies sur...
M. FORGET: De la même façon, l'administration du programme
d'allocations familiales étant faite par la régie, cela peut
aussi donner une occasion...
M. CHARRON: D'accord.
M. FORGET: ... peut-être, puisque cela n'apparaft plus
après dans le reste des crédits.
M. CHARRON: D'accord. Si on commence par les trois premiers programmes,
soutien du revenu familial, aide sociale et assistance-maladie, sans
présumer au plus, on peut dire que cela occuperait peut-être la
journée d'aujourd'hui. Je ne sais pas, mais je peux vous dire tout de
suite, pour votre information, c'est quand même à vous de
décider, que l'essentiel de la discussion des questions, soit pour les
informations, soit les suggestions que nous avons, se rapporte aux secteurs que
vous venez de nommer et, par la suite, plus particulièrement, au secteur
de la réadaptation sociale, c'est-à-dire les programmes de
consultation psychosociale, la réadaptation de l'enfance et des adultes,
la protection et l'hébergement, l'équipement des services
sociaux. Ce sont les deux groupes, puis le recouvrement de la santé,
également.
Pour d'autres, on en fera la suggestion tout à l'heure, si vous
voulez, peut-être au sous-ministre, mais si nous disposions de certains
documents, par exemple qui concernent l'équipement des services sociaux,
la liste des travaux, etc., aujourd'hui ou demain, dans
l'éventualité de la discussion, ça raccourcirait de
beaucoup, j'ai l'impression; parce qu'il s'agit de documents qu'on pourrait
parcourir avant, donc nos questions seraient plus directes et plus
précises à certains endroits.
M. FORGET: Nous allons faire tout notre possible pour vous procurer les
documents, peut-être à la fin de l'après-midi.
M. CHARRON: Je vais vous poser une question aussi. J'ai du mal à
retrouver dans les programmes où nous pourrons avoir l'importante
discussion sur les garderies populaires.
M. FORGET: Ce serait dans les crédits que vous avez
déjà mentionnés, les programmes de protection et
d'hébergement essentiellement. C'est sous cette rubrique.
M. CHARRON: C'est ce que je croyais, mais je voulais en être
assuré.
Les CLSC, les CRSSS, c'est à services communautaires.
M. FORGET: Soins généraux, services communautaires.
M. CHARRON: D'accord.
M. FORGET: Les CRSSS, excusez-moi, je me corrige. Les CRSSS se trouvent
dans le programme 15.
M. CHARRON: Dans Développement de moyens d'intervention.
D'accord.
Qu'est-ce qu'on fait pour cette semaine?
M. FORGET: On peut suivre votre suggestion. Prendre les trois premiers
programmes de l'ensemble du secteur de la sécurité et du
revenu.
M. CHARRON: Ecoutez...
M. FORGET: Et les régies, de façon incidente.
M. CHARRON: Je m'excuse, je ne veux pas
m'imposer à la commission, mais je peux prévoir que les
programmes 1, 2 et 3 pourraient occuper la journée d'aujourd'hui,
c'est-à-dire la séance après la période des
questions qui nous est revenue cet après-midi, et ce soir; demain,
peut-être les programmes 4, 5 et 6 pour la séance du matin et ce
sera terminé. Nous avons moins de questions aux programmes 4, 5 et 6, ce
qui fait que cela pourrait se regrouper demain matin.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux
jusqu'à quatre heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
Reprise de la séance à 16 h 50
M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
Nous reprenons, avec quelques minutes de retard, l'étude des
crédits du ministère des Affaires sociales. Je crois que M. le
ministre, ce matin, avait des interventions à faire, à la suite
des interventions des députés de Saint-Jacques et de
Rouyn-Noranda. M. le ministre.
M. FORGET: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais
souligner qu'il y a deux documents qui font suite à des souhaits
exprimés ce matin par deux membres de la commission. Dans un cas, il
s'agit d'une description sommaire des projets d'immobilisations en cours. La
question portait, je pense, essentiellement sur les établissements de
services sociaux. Cependant, les données que nous distribuons
comprennent également les constructions dans le secteur hospitalier;
donc, l'ensemble des projets d'immobilisations.
Un autre document vous sera distribué pour également
répondre au voeu du député de Taschereau, qui a
exprimé le désir d'avoir des éléments pour lui
permettre d'évaluer ou de connaître les orientations du
ministère. Plutôt que de faire un long exposé sur ces
orientations pour l'année en cours, le document, qui a été
rendu public en février, sur les objectifs du ministère vous sera
distribué.
M. le Président, je ne chercherai pas à répondre de
façon absolument détaillée à tous les commentaires
qui ont été faits ce matin. Je voudrais, cependant, relever
certains propos qui ont été tenus ou apporter certains
éléments de réponse. Malheureusement, le
député de Rouyn-Noranda n'est pas ici, mais il pourra prendre
connaissance de la transcription des travaux de la commission, de
manière à obtenir, au moins, certaines indications qui peuvent
lui être utiles.
Mes remarques porteront sur les deux aspects de nos activités,
soit, d'une part, la sécurité du revenu et, d'autre part,
certains éléments qui ont été mentionnés
relativement aux services de santé et aux services sociaux.
Pour ce qui est de la sécurité du revenu, le
député de Rouyn-Noranda a exprimé le voeu de voir le
ministère des Affaires sociales et le gouvernement du Québec se
diriger vers un régime de revenu minimum garanti. J'accueille,
évidemment, avec plaisir l'opinion qu'a exprimée le
député de Rouyn-Noranda, d'autant plus que c'est effectivement la
direction dans laquelle mon ministère va depuis quelques années,
et ceci de façon plus marquée lors des récentes
modifications aux régimes de l'aide sociale et des allocations
familiales.
Le but de la sécurité du revenu, tel que nous
l'envisageons, est triple et il caractérise assez bien, je pense, les
objectifs que doit et que peut poursuivre un programme ou un régime
de
sécurité du revenu prévoyant un revenu minimum
garanti.
Je rappelle brièvement ces trois objectifs qui sont
respectivement, d'une part, la garantie d'un revenu adéquat qui permette
à chaque personne, à chaque ménage, soit individu seul ou
famille, de satisfaire ses besoins essentiels, en tenant compte du niveau de
vie de la collectivité dans laquelle elle se situe et des gains
antérieurs de cette personne. Cet objectif implique qu'on cherche
à éliminer la pauvreté par un régime de prestations
sociales et, par un régime de rentes ou d'assurance sociale, que l'on
cherche à garantir le maintien d'un certain niveau de vie, lorsque
certains risques se matérialisent, qui entraînent l'interruption
d'un revenu d'emploi.
Un deuxième principe est de favoriser une prise en charge plus
complète des responsabilités qui découlent de la
présence des enfants dans un ménage, et ceci peut être fait
par un régime comme celui des allocations familiales qui permet de
compenser les charges familiales, alors que, comme on sait, les revenus
d'emplois ne permettent pas de refléter ces charges dans le niveau des
revenus.
Il est également important et c'est là le
troisième objectif qu'un régime de sécurité
du revenu puisse continuer de prévoir des mécanismes et un
régime général encourageant les individus et les familles
à participer le plus pleinement à tous les aspects de la vie en
société et, en particulier, au marché du travail qui est
une dimension importante de l'insertion et de la valorisation des individus
dans la société dans laquelle nous vivons.
Ces trois objectifs sont ceux qui nous inspirent dans la réforme
d'ensemble de la sécurité du revenu. Comme on sait, c'est un
processus dans lequel nous nous sommes engagés avec d'autres provinces
et le gouvernement fédéral, à partir de l'an dernier, qui
a déjà porté des fruits concrets et qui se poursuit
à la lumière de ces trois objectifs qui ont été
retenus, à notre grande satisfaction, par les autres gouvernements
impliqués comme nous dans ce processus de révision.
Ce processus est bien engagé et il devrait normalement
résulter l'automne prochain dans des propositions nouvelles qui nous
feront faire un nouveau pas dans la réalisation des objectifs
qu'appellent de ces voeux, non seulement le député de
Rouyn-Noranda, mais je suis persuadé tous les membres de
l'Assemblée nationale.
A la lumière de cet objectif d'un régime de
sécurité du revenu, d'un régime de revenu garanti, il me
parait important de bien marquer la distinction qui existe entre un tel
régime et un régime qui, selon les mots utilisés par le
député de Rouyn-Noranda, compenserait les individus et les
familles en fonction de leurs besoins.
En effet, un régime de sécurité du revenu ne
cherche pas à compenser ou à rembourser les individus ou les
familles pour des dépenses spécifiques, mais au contraire
à les mettre en position de faire face à des dépenses par
une source de revenu globalement attribuée et évaluée
également en fonction d'une conception d'ensemble de ces besoins, et non
pas en fonction d'une évaluation spécifique.
Cette évaluation spécifique des besoins et un
remboursement axé sur une évaluation détaillée de
différents besoins particuliers sont une situation que nous avons connue
dans le passé et dont nous nous éloignons progressivement parce
qu'elle est précisément l'antithèse d'un régime de
sécurité du revenu proprement dit et qu'elle implique, au niveau
de l'administration de mesures de sécurité du revenu, une
très grande ingérence de l'administration de ces régimes
dans la vie privée des bénéficiaires, une
évaluation détaillée et tatillonne de tous les
éléments de dépenses qui peuvent être l'objet d'un
remboursement.
Il nous semble donc que, si l'on veut vraiment affirmer la
dignité humaine des bénéficiaires d'allocations sociales,
si l'on veut leur témoigner la confiance qu'ils méritent comme
les autres membres de la société, il est important de ne pas
intervenir de façon aussi détaillée pour compenser des
besoins spécifiques, mais au contraire d'établir un régime
de revenu, dont le niveau étant graduellement haussé, permettra
à ces individus et ces familles de faire face à tous leurs
besoins et de décider eux-mêmes de la priorité qu'ils
attachent à différents besoins particuliers, à
différentes préoccupations ou dépenses
particulières.
On a mentionné également la prétendue
impossibilité actuelle du cumul des revenus provenant de l'aide sociale
et un emploi. A cet égard, j'aimerais faire quelques remarques qui ont
pour but de souligner que ce cumul, en effet, n'est pas de façon
générale possible dans le moment.
C'est l'objet même des travaux que nous faisons, encore une fois
dans ce processus de revue de la sécurité sociale, de
manière que, par un supplément possible du revenu, il soit
possible de cumuler ainsi des revenus d'emploi et des prestations sociales
puisque cela implique que les prestations sociales ne sont pas réduites,
dollar pour dollar, en fonction des revenus gagnés.
Cependant, en attendant la réalisation d'un programme plus
acceptable au point de vue des incitations qu'il offre pour conserver ou pour
accepter un emploi, il demeure qu'il y a un cumul limité, qui est
possible de deux façons, c'est-à-dire que la comptabilisation des
revenus d'emploi au titre de l'aide sociale est partielle seulement puisqu'une
certaine somme est exclue dans le montant des revenus mensuels,
c'est-à-dire $25 pour un individu et $40 pour une famille, plus $5 par
enfant, et que, par ailleurs, un nouvel emploi n'est que partiellement
comptabilisé durant les premiers mois lorsqu'il est accepté par
un bénéficiaire d'aide sociale.
Ce sont là des dispositions qui sont peut-être moins
familières à certains membres de cette commission et que nous
pourrons discuter plus en détail ultérieurement. Cependant,
peut-être plus important que ce cumul des prestations, il existe un autre
type de cumul dont on semble paradoxalement vouloir faire reproche au
gouvernement, et c'est le cumul des prestations d'aide sociale et des
prestations au titre des allocations familiales.
Un des objectifs visés par ce cumul était
précisément d'introduire un élément qui
préfigure en quelque sorte un régime de revenu garanti puisque
ces allocations familiales, comme on sait, fortement majorées sont
versées, qu'une personne soit bénéficiaire de l'aide
sociale ou non, ce qui diminue le coût apparent de l'acceptation d'un
emploi par une personne qui est bénéficiaire de l'aide sociale
puisque cette partie qu'elle reçoit sous forme d'allocation familiale
lui est acquise, quel que soit son statut sur le marché du travail.
Ce genre de cumul fait précisément que l'ensemble des
mesures de sécurité du revenu qui ont été
adoptées n'ont pas effectivement favorisé seulement les
bénéficiaires d'aide sociale, mais également les
travailleurs de faible revenu; c'est aussi la caractéristique que
posséderait nécessairement un régime de reve'nu garanti,
puisqu'en plus de bénéficier à ceux qui sont actuellement
bénéficiaires de l'aide sociale ou des catégories de
bénéficiaires analogues, il devrait bénéficier
à des personnes qui sont un peu au-dessus de cette catégorie
quant au niveau de revenu, tirant d'un emploi un supplément qu'elles
pourraient conserver.
Le taux d'accroissement et c'est un sujet sur lequel nous allons
nous attarder passablement au cours des prochaines heures des
prestations moyennes d'aide sociale au cours de la dernière année
qui s'est écoulée illustre assez bien qu'il est faux de
prétendre que le gouvernement dans son ensemble si l'on tient
compte à la fois de ses revenus, certes, mais également de ses
dépenses bénéficie de façon nette de
l'inflation.
Le budget du ministère des Affaires sociales je l'ai
souligné ce matin subit cette année un accroissement
d'environ $200 millions qui est largement attribuable à des majorations
dans les prix, mais surtout les salaires, de même que des majorations
dans les taux de prestations, et ces $200 millions s'accroîtront durant
le prochain exercice financier des sommes que j'ai indiquées et qui sont
rendues nécessaires par la clause d'indexation dont
bénéficient les employés du secteur parapublic.
Il s'agit donc d'une augmentation très sensible de la charge
supportée par l'Etat qui compense, dans une très large mesure,
les recettes fiscales accrues, sans aucun doute, qui sont attribuables à
l'inflation.
Pour revenir plus spécifiquement à l'aide sociale, il faut
remarquer que, durant les quatorze mois qui se sont écoulés entre
décembre 1972 et janvier 1974, la prestation moyenne d'aide sociale aux
ménages qui sont constitués par une personne seule a
été de 45 p.c, c'est-à-dire 45 p.c. en quatorze mois et,
pour ce qui est des familles, la prestation moyenne s'est élevée,
sans tenir compte de la majoration des allocations familiales, à 20 p.c.
en quatorze mois. Donc, il y a eu une compensation très large de l'effet
de l'inflation pour ces catégories de revenus, ce qui ne veut pas dire
que nous ne sommes pas à l'affût des développements dans ce
secteur et qui affectent cette catégorie de population de manière
que toute poursuite ou accélération de l'inflation ne se trouve
réflétée dans les meilleurs délais dans les taux de
l'aide sociale. C'est d'ailleurs un phénomène qui s'est produit
dans le passé puisque, durant l'année civile 1973, il y a eu pas
moins de trois modifications fort importantes des barèmes et des
règlements de l'aide sociale qui ont résulté chaque fois
dans des hausses substantielles de la prestation moyenne pour
différentes catégories de bénéficiaires.
Je passe maintenant aux services de santé et aux services
sociaux. J'aimerais ici attirer l'attention sur une remarque du
député de Rouyn-Noranda, que je salue avec plaisir, disant que le
ministère est peut-être empêché d'agir par la
législation qui encadre nécessairement son action et
empêché d'agir de manière à améliorer le
rendement, l'efficacité ou la qualité des services. Je pense que
c'est une affirmation qui dépasse largement la situation. Le
ministère possède des moyens d'action. Cependant, il ne faut pas
minimiser non plus l'importance de la décentralisation que symbolise le
statut juridique de tout le secteur parapublic. En d'autres termes, plus
simplement, tous les services de santé et les services sociaux, à
quelques exceptions près, sont la responsabilité immédiate
de corporations juridiquement et, en fait, distinctes du ministère et du
gouvernement, corporations qui ont leur raison d'être dans le
désir précisément de décentraliser le pouvoir de
décision, décentralisation qui trouve également une raison
d'être dans la loi qui maintenant encadre le fonctionnement de tous les
établissements, qu'il s'agisse de centres d'accueil ou de centres
hospitaliers. C'est une loi qui a permis un élargissement
considérable de la participation du public, des usagers au conseil
d'administration de ces établissements, précisément dans
le but d'aider à résoudre des problèmes à ce
niveau, de sensibiliser ces institutions, ces établissements aux besoins
auxquels ils doivent répondre sans la nécessité de longues
lignes de transmission de l'information et de l'autorité, permettant
ainsi ce qui est considéré un peu partout comme une condition
essentielle non seulement d'un bon fonctionnement, mais une condition
essentielle à la motivation qui est peut-être le ressort principal
de la qualité des services. Cette motivation s'alimente beaucoup plus
facilement dans un sentiment que les décisions pourraient être
prises localement dans
un très grand nombre de cas plutôt que dans le sentiment
que tout doit être référé à une
autorité supérieure.
Donc, tout ce réseau d'établissements, qui a
peut-être ses lourdeurs, demeure malgré tout un réseau
décentralisé et il importe de lui conserver ce caractère
de manière, précisément, que ces nouveaux conseils
d'administration élargis puissent faire sentir leur influence, leur
poids sur la façon dont les services sont donnés et contribuent,
par leur action, leurs décisions à corriger des problèmes
qui existent sans aucun doute et qui peuvent l'être de façon plus
satisfaisante par ce moyen que par des directives, des règlements, et
des lois qui, en eux-mêmes, ne peuvent se substituer à la
compétence des individus, des cadres et du personnel et, encore une
fois, à leur motivation.
Le député de Rouyn-Noranda a souligné
également les disparités régionales pour les services
médicaux et il a souligné, avec raison, que le ministère
étudie des incitations qui permettraient de diminuer, dans une certaine
mesure, ces disparités. Mais l'action du ministère ne
s'arrête pas à l'étude et éventuellement à
l'adoption de mesures incitatives. Elle s'est développée
déjà, cette année, par un effort d'information qui
était dirigé vers les finissants des écoles de
médecine de manière à les sensibiliser à
l'existence de ces disparités qui sont pour eux à la fois
l'indication d'un problème, mais aussi l'indication d'une
opportunité personnelle peut-être et ceci en collaboration avec ce
qu'on appelait autrefois le Collège des médecins, et maintenant,
la Corporation professionnelle des médecins. C'est un effort
d'information qui a été fait et qui continuera d'être fait
et qui a des chances de porter des fruits. Un tel effort aussi a
été suggéré, a été entrepris par les
conseils régionaux puisqu'il y a des barrières sociologiques
à surmonter de manière que les professionnels soient
effectivement attirés dans ces régions et qu'ils soient
adéquatement informés de l'accueil qu'ils y recevront de
manière que, soit les préjugés, soit la crainte d'un
isolement possible pour eux-mêmes et leur famille soient minimisés
dans toute la mesure possible.
Encore là, il faut une action qui peut être inspirée
et encouragée par le ministère, mais à laquelle le
ministère ne peut pas se substituer par des règlements et des
actions autoritaires.
Pour ce qui est des services aux personnes âgées, je
rappellerai seulement, à la suite d'une remarque faite à ce
sujet, par le député de Rouyn-Noranda, que la région qu'il
représente à l'Assemblée nationale verra une construction
nouvelle qui fait partie de ce programme qui a été annoncé
l'an dernier et qui permettra à la région du Nord-Ouest de se
situer plus près de la norme utilisée pour ces constructions,
pour la planification de ces ressources. Donc, il y aura dans sa région
une solution offerte à la population pour ce qui est de l'accès
à des centres d'hébergement pour personnes âgées.
Dans l'in- térim, le ministère prévoit également un
certain assouplissement de son attitude et de ses possibilités de
financement de ressources intérimaires qui doivent être parfois
assurées pour permettre une accessibilité égale, quel que
soit le revenu des individus à des foyers qui ont pu, à un moment
ou l'autre, être considérés clandestins et dont la
situation peut parfois être régularisée. Ce sont des
solutions qui sont souvent nécessaires, au moins à titre
intérimaire, étant donné les délais
d'exécution du programme de construction des foyers pour personnes
âgées.
Pour ce qui est des services à l'enfance, il y a plusieurs
éléments nouveaux dont j'aurais pu faire état dans mon
exposé du début, qui apparaissent à l'horizon et qui
doivent être pris en considération lorsque le projet de loi sur la
protection de la jeunesse sera considéré à nouveau. Non
seulement ce projet de loi a-t-il été l'objet d'un certain nombre
de commentaires, de critiques ou de recommandations dont un certain nombre sont
très bien fondées et qui doivent se refléter dans une
rédaction nouvelle du projet, mais existe-t-il dans le contexte
général plusieurs éléments qui sont susceptibles de
modifier le cadre dans lequel la loi de la protection de la jeunesse est
utilisée et qui doit effectivement se refléter par des
dispositions nouvelles de la Loi de la protection de la jeunesse.
Je mentionne seulement, à titre de référence, nous
pourrons y revenir si la commission le désire, l'imminence d'un rapport
relatif aux droits des personnes qui sera publié par la Commission de
révision du code civil et qui fera état des considérations
du ministère des Affaires sociales pour un assouplissement des
règles relatives à l'adoption.
Il est de notoriété publique également que le
ministre de la Justice va déposer un livre blanc sur l'organisation des
tribunaux juridiciaires, y compris les tribunaux qui s'occupent du droit
familial, et il y a également là des conséquences à
tirer pour une Loi de la protection de la jeunesse. De même, sur un plan
administratif, je me suis référé à la
réorganisation des centres de services sociaux et cette
réorganisation est susceptible, plus que simplement des textes de loi ou
de règlements, d'apporter certaines réponses concrètes aux
problèmes soulevés dans la protection de la jeunesse.
Déjà, des expériences sont faites de collaboration entre
les centres de services sociaux et la cour de Bien-Etre social. Il serait
souhaitable que ces expériences se fassent et qu'à la
lumière de ces expériences, la loi puisse, dans sa nouvelle
rédaction, en tenir compte.
Pour toutes ces raisons, il y a un délai qui semble
nécessaire pour permettre à cette loi de refléter une
situation qui est sur le point, à bien des égards, de se modifier
de façon assez profonde. J'aimerais, malgré tout, souligner que,
dans l'intérim, il n'y a pas d'inaction de notre part puisque nous
participons, à divers
titres, à l'élaboration de différents projets dans
ce secteur de l'enfance et très certainement dans la
réorganisation administrative qui affecte les centres de services
sociaux.
Le député de Saint-Jacques a fait allusion à une
circulaire qui a été adressée par le ministère,
récemment, relative aux règles sur l'adoption. Je pense qu'il est
important, puisque certains journaux ont fait écho à cette
directive, de la situer dans son cadre approprié. Cette directive
n'avait pas pour but, bien au contraire, de rendre plus difficile l'adoption.
Elle n'était pas inspirée, en premier lieu, par un souci du
ministère d'établir des normes rigides pour présider
à l'adoption. Elle était plutôt issue des milieux
professionnels qui se préoccupent de l'adoption et elle était
accompagnée d'une note de couverture qui indiquait que ces
règles, qui n'avaient pas nécessairement été
élaborées par le ministère, mais qui étaient
suggérées par des professionnels comme des guides, dans
l'utilisation de leur jugement de professionnels, devaient être
inteprétées de la façon la plus généreuse,
la plus libérale possible de manière à ne pas
décourager ou rendre plus difficile une adoption, soit vis-à-vis
d'un enfant en particulier ou vis-à-vis d'une famille qui cherche
à adopter. C'est donc un guide pour le jugement qui a été
souhaité par les professionnels dans ce secteur, mais qui n'a
été publié par le ministère qu'avec de grandes
réserves et avec une invitation à l'utiliser avec beaucoup de
prudence et avec beaucoup de libéralité.
Je terminerai par deux commentaires très brefs sur les
événements qui se sont déroulés récemment
dans une salle d'opération à l'hôpital Notre-Dame, à
la suite de la question posée par le député de
Rouyn-Noranda.
A ce sujet, on sait qu'une enquête du coroner sera tenue de
manière à déterminer les responsabilités
individuelles, s'il en est. Dans tous les cas où il y a mort non
naturelle ou mort suspecte d'homme, il y a une telle enquête qui est
seule habilitée à se prononcer sur les responsabilités ou
la culpabilité éventuelle ou probable d'individus en particulier.
Notre ministère a envoyé un médecin pour enquêter
sur les événements qui se sont déroulés le mois
dernier de manière à déterminer s'il y avait des mesures
qu'il était désirable de prendre à court terme, de
manière à connaître l'envergure exacte du problème
et de manière à voir si, à la lumière de
l'expérience observée dans cet hôpital, il y avait des
règles plus générales qui devaient être
appliquées pour prévenir de tels incidents ailleurs.
Pour ce qui est des actions à très court terme, pour
s'assurer que de tels incidents ne se reproduisent plus à cet endroit
précis, l'hôpital Notre-Dame a évidemment pris les mesures
nécessaires pour corriger la situation. Nous avons pu, par ailleurs, par
le rapport que nous a présenté l'enquêteur,
déterminer que, par le registre de toutes les opérations, tous
les accouchements effectués dans cette salle depuis les travaux
effectués le 28 mars, aucun autre cas, sauf les deux qui ont
été rapportés publiquement, ne s'était
effectivement produit. Pour ce qui est des recommandations plus
générales qui peuvent découler d'un incident comme
celui-là, il s'agit de conclusions auxquelles nous ne sommes pas encore
arrivés, mais qui font l'objet d'études au ministère. Il
s'agit peut-être d'établir plus clairement les
responsabilités administratives et le cheminement des
réquisitions pour des travaux qui peuvent impliquer des changements
peut-être dangereux dans certains équipements d'un centre
hospitalier. Encore une fois, ce sont des conclusions auxquelles nous ne sommes
pas encore arrivés, et qui feront l'objet d'une annonce publique
dès que ce sera fait.
Voilà, M. le Président, tout ce que j'avais à dire,
de façon générale, sur les commentaires faits par les
députés de Saint-Jacques et de Rouyn-Noranda. Je présume
que l'on peut peut-être passer à l'étude des
crédits, si vous n'avez pas d'objection.
M. SAMSON: M'est-il permis de poser une couple de questions au ministre?
J'ai l'impression que j'ai manqué quelques minutes de cette commission
et peut-être que vous avez répondu à ces questions dans
votre...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre a répondu à toutes
les questions que vous avez posées ce matin et il en a fait mention au
début de son exposé. Il a demandé que vous lisiez le
journal des Débats pour prendre connaissance des réponses qu'il
vous a données. De toute façon, s'il n'a pas répondu, vous
pouvez toujours les poser.
M. SAMSON: Ce ne sera pas tellement long. Etant donné qu'il
semble avoir répondu dans l'ordre, il y a une question que j'ai
posée vers la fin de mon exposé: dans le désordre,
ça me permettrait peut-être de gagner...
La question de la gratuité des prothèses pour les
handicapés...
M. FORGET: Sur ce point précis, je n'ai pas répondu parce
que, d'une certaine façon, nous allons en parler. J'ai
déjà fait allusion, dans mes remarques du début, de la loi
21 adoptée en juillet dernier, du rapport que m'avait remis
récemment le président du comité qui a été
créé à la suite de l'adoption de cette loi 21 qui
permettait justement d'élargir la couverture du régime pour
assurer la gratuité des prothèses et des orthèses
orthopédiques.
Ce rapport a été reçu récemment, je l'ai
examiné, il fait l'objet d'études au ministère de
manière à adopter les mesures administratives qui s'imposent pour
effectivement assumer cette couverture étendue. Donc, les
représentations faites par cette association des handicapés de
votre région trouveront très certainement une réponse
favorable, la seule condition étant que toutes les modalités
administratives néces-
saires pour l'instauration d'un tel régime soient
établies, ce à quoi nous travaillons dès maintenant.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, passons au programme 1: Soutien du
revenu familial.
Le député de Saint-Jacques.
Soutien du revenu familial
M. CHARRON: M. le Président, nous entamons l'étude de ce
programme dont les trois éléments constituent l'action actuelle,
je crois, du ministère vers cette sécurité du revenu que
le ministre vient de nous réaffirmer, une fois de plus, comme
étant l'objectif que le gouvernement québécois s'efforce
d'atteindre, dans les limites, bien sûr, de ses possibilités
budgétaires, d'une part, mais aussi, ce qu'il a oublié de
mentionner, dans ses limites politiques, également, d'action puisque,
dans l'établissement d'une politique devant conduire à une
sécurité du revenu, là comme ailleurs, le Québec
n'est pas souverain et doit dépendre, dans plusieurs cas, des
initiatives qui sont prises à un autre niveau de gouvernement.
Ce gouvernement nous a rappelé, souvent, ses limites
budgétaires. On nous rappelle encore que les $200,000,000
supplémentaires que nous trouvons, cette année, au budget total
du ministère des Affaires sociales, sont engloutis, à peu
près globalement, dans l'accroissement des prestations sociales de
toutes sortes que nous sommes à discuter maintenant, et dont le
ministère et le gouvernement ne bénéficient pas, au moins
à ce chapitre de son administration, celui des activités
sociales, comme on l'a prétendu, de l'inflation. Mais on ne signale pas
très souvent le fait que, dans ce domaine comme ailleurs, et pour les
personnes directement visées en particulier par l'action des Affaires
sociales, les limites politiques constitutionnelles du Québec
constituent, aussi, un handicap. On peut bien, du côté du
ministre, fixer des objectifs. Ce sont de ceux-là que j'entends discuter
maintenant, mais j'aurais bien aimé, aussi, qu'on discute des moyens que
l'on a pour les obtenir.
D'ailleurs, M. le Président, avant d'entamer une discussion sur
les objectifs que vient d'énoncer le ministre, je vous signalerai, vous
l'avez entendu comme moi, qu'à la fin, on nous a parlé de
nouvelles mesures qui devraient être apportées, l'automne prochain
et qui feraient faire un pas de plus à la société
québécoise vers une politique de sécurité du
revenu. Ces mesures, M. le Président ce que n'a pas ajouté
le ministre des Affaires sociales sont largement, actuellement,
dépendantes de ce que, à l'autre niveau du gouvernement, on
prendra comme initiative. Le prochain gouvernement fédéral,
puisque nous pouvons maintenant, je crois, parler de cette
éventualité de quelques semai- nes, le prochain gouvernement
fédéral, de quelque allégeance qu'il soit ce n'est
pas cela qui est en question demeure toujours propriétaire, au
chapitre des Affaires sociales, du domaine social, dois-je dire, de
possibilités d'action, qui sont très vastes et qui encadrent
largement celles du gouvernement québécois. Je conçois
bien que la constitution canadienne nous a mis, en théorie et
majoritairement en pratique, détenteurs de cette parcelle du pouvoir
dans le domaine social, mais personne n'ignore que l'évolution des
dernières années de la Confédération a donné
lieu à plusieurs initiatives fédérales dans ce
domaine.
Puis-je vous mentionner simplement, M. le Président, sans
m'écarter du sujet, que lorsque nous discuterons avec Madame le ministre
du problème des garderies, nous ne pourrons pas écarter les
Initiatives locales que le gouvernement fédéral a prises dans ce
domaine, et qui fait que, maintenant, le gouvernement québécois,
suite à une initiative étrangère à lui, doit
prendre en charge un domaine qu'il n'assumait pas au début, mais que,
vraisemblablement, à compter du 31 mai prochain, il devra le faire.
Pouvons-nous nommer, également, toutes les interventions
fédérales dans le domaine de la sécurité du revenu,
et de la situation, en général, des personnes âgées?
Ingérence prioritaire du gouvernement fédéral, qui fait
que chacune des actions de notre gouvernement, en ce domaine, n'est qu'un
ajustement des initiatives prises à un autre niveau.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de faire de ce
débat, encore une fois, la tribune de l'option politique que je
représente et qui est celle d'un grand nombre de
Québécois. Mais je ne peux passer sous silence, comme le ministre
l'a fait, cette limite. Nous aurons certainement l'occasion d'en parler, parce
que, soit au programme 1, Soutien du revenu familial, allocations familiales,
au programme 2, Aide sociale, et au programme 3, Assistance maladie, nous
devons toujours tenir compte, dans nos préoccupations, de ce que l'autre
niveau de gouvernement peut prendre comme initiatives.
M. le Président, le ministre a décrit la politique de
sécurité du revenu en trois objectifs, et, assez curieusement, ce
sont les trois, si vous me le permettez, qui couvrent les trois premiers
programmes du premier secteur que nous sommes à étudier.
Non pas que l'ordre dans lequel le ministre les a énoncés
me déplaise, pour suivre l'ordre des programmes, nous devrions
peut-être prendre le deuxième objectif en premier lieu, celui que
le ministre décrivait je crois l'avoir pris mot à mot
ainsi : II s'agit, comme objectif, de favoriser la prise en charge des
responsabilités qui découlent de la présence d'enfants
dans la vie des couples, donc dans l'établissement de familles au sein
de la société québécoise. L'exemple qu'a
apporté le ministre lui-même est celui qui figure au programme 1,
élément 1, Allocations familiales.
Avant d'entamer cette question des allocations familiales, de reprendre
cette question, puisque nous en avons discuté à
l'Assemblée nationale il y a à peine quelques semaines, puis-je
demander au ministre si, dans ce deuxième objectif qu'il nous a
tracé tout à l'heure, lorsqu'il s'agit de favoriser la prise en
charge des responsabilités qui découlent de la présence
d'enfants, il existe dans ce domaine d'autres initiatives ou d'autres
possibilités d'intervention du gouvernement québécois que
les allocations familiales?
M. FORGET: Si vous faites allusion à la sécurité du
revenu et à des programmes qui se rangent sous cette rubrique de la
sécurité du revenu, je crois qu'il s'agit essentiellement de la
mesure par excellence, quoique l'aide sociale, comme vous le savez,
prévoit également que, pour ce qui est des enfants des premier,
deuxième et troisième rangs, il y a des sommes qui sont
prévues au titre de l'aide sociale, sous la rubrique de l'aide sociale
au titre de la présence des enfants. Donc, ce n'est pas la seule mesure,
même dans le cadre de la sécurité du revenu, pour aider les
enfants ou les familles qui ont des enfants. Maintenant, si l'on se
réfère à d'autres rubriques du budget,
particulièrement celles relatives aux services, évidemment, il y
a les services à l'enfance qui sont considérables et qui doivent
également être vus dans la même perspective d'une aide aux
familles pour les aider à assumer leurs charges familiales, qui sont
parfois des charges financières mais qui sont aussi, parfois, des
services particuliers dont ces familles ont besoin.
M. CHARRON: Dans ce genre d'interventions, vous pourriez nommer
également les garderies, par exemple, le jour où elles
existeront, comme étant plutôt une diminution de dépenses.
Le fait que le gouvernement offre aux familles ces services, certains
gratuitement, d'autres pas, constitue une diminution de dépenses
à la charge familiale. Mais nous parlons, et je parlais plus tôt
d'accroissement de revenus à la famille; c'est-à-dire
plutôt l'autre bout de la chandelle, si vous voulez.
M. FORGET: II y a une distinction qui est un peu factice entre une
diminution de dépenses et un accroissement de revenus, puisque certains
régimes comme, par exemple, l'assurance-maladie, ont un impact financier
indubitable sur la situation nette des familles qui ont des enfants. On peut,
si on veut, faire cette distinction, mais c'est une distinction qui,
effectivement, est plutôt de l'ordre des modalités par lesquelles
l'Etat vient en aide aux familles. L'aide n'est pas moins réelle parce
qu'elle prend plutôt une forme comme, par exemple, un régime de
gratuité des soins, soins médicaux ou soins dentaires pour les
enfants, qu'une forme de prestation en espèces ou en argent.
M. CHARRON: Je vous donne un exemple de ce que je veux dire en parlant
spécifiquement d'accroissement de revenus: Des sociétés
ont envisagé, par exemple, de donner à la femme qui accouche une
prime, qui n'est pas une allocation familiale et qui ne se poursuivra pas avec
l'âge de l'enfant ou le rang de l'enfant. Elle n'a aucun rapport avec
cela, mais elle constitue, pour le seul fait de mettre au monde un niveau
citoyen dans la société, une dépense que l'Etat de cette
société accepte d'encourir. On l'a appelée prime à
la natalité je ne sais pas s'il y a d'autres mots pour
définir cela mais cela constitue par voie d'allocation un
encouragement à la natalité et vraisemblablement une
participation de l'Etat à l'accroissement du revenu.
Je vous donne un autre exemple: Une allocation à la femme au
foyer, celle qui doit assumer et je reprends la prise en charge
des responsabilités qui découlent de la présence
d'enfants. C'est aussi une possibilité d'accroissement de la
sécurité du revenu qui est accordée à la femme dont
l'essentiel de son métier est finalement devenu d'élever des
enfants, quel que soit le nombre d'enfants en place, c'est un montant fixe
mensuel qu'elle reçoit. Ce sont des possibilités que d'autres
sociétés ont envisagées selon différents
modèles, différentes méthodes, différents
barèmes, j'imagine bien. Ce n'est pas cela qui est en discussion.
Je vois dans votre deuxième objectif que vous mentionnez, comme
moyen d'action du gouvernement dans l'accroissement du revenu des familles pour
favoriser la prise en charge des responsabilités qui découlent de
la présence de l'enfant, l'unique ressource des allocations familiales.
Je ne la sous-estime pas. Nous aurons l'occasion d'en évaluer la
portée, ce que cela représente pour le gouvernement
québécois. Nous pourrons voir ce que cela représente de
l'apport de nos impôts à Ottawa, qu'ils nous retournent sous cette
forme. Mais je trouve curieux que vous limitiez cette possibilité
d'action strictement aux allocations familiales. L'Etat québécois
pourrait certainement, peut-être pas dès ce présent budget
assumer le genre d'initiative que je viens de vous mentionner, mais il y a
certainement un programme et une planification à long terme que le
ministère des Affaires sociales devrait être en mesure
d'envisager. Certains groupes, encore une fois, que j'ai appelés et je
vais continuer d'appeler des collaborateurs du ministère des Affaires
sociales, ceux qui oeuvrent dans ce domaine, soutien aux familles, aide aux
familles je pense aux groupes du centre-sud de Montréal ou
d'ailleurs que je connais mieux ont revendiqué ce genre d'appui
financier aux revenus, mais pas dans la diminution des dépenses.
J'admets que cela peut être factice comme différence, mais je
voulais la soutenir. Dans l'accroissement du revenu, ces allocations, comme les
deux que je viens de vous mentionner, sont des possibilités
envisageables, je crois, pour un Etat québécois.
Je demande juste si dans cet objectif, outre les allocations familiales,
on a envisagé d'autres formes de soutien direct au revenu des familles
qui ont des responsabilités particulières qui découlent de
la présence d'enfants.
M. FORGET: Dans un processus de réévaluation de l'ensemble
de la sécurité du revenu, le ministère, comme ses
partenaires dans ces discussions, est amené à considérer
tout un éventail de possibilités. Spécifiquement, à
votre question, est-ce qu'il est envisageable de considérer de telles
mesures? Il est sûr que c'est envisageable de les considérer. A
tout moment, il faut cependant faire état de ce que nous avons comme
mesures, de ce que nous avons comme programme et de ce que nous pouvons offrir
effectivement à la population. Il est bien évident que ces
mesures ne sont pas actuellement des réalités au
Québec.
Cependant, dans l'ensemble de ce processus, il est clair que plusieurs
possibilités seront considérées, y compris les questions
que vous posez sans doute. En ce moment, il est trop tôt pour faire le
point sur cet aspect de nos travaux qui n'ont pas encore abouti à des
conclusions.
M. CHARRON: Est-ce qu'au ministère il existe actuellement un
groupe d'études qui a fait une évaluation politique, sociale et
certainement financière de pareilles initiatives qui s'adjoindraient aux
allocations familiales pour soutenir le revenu de couples avec la
présence d'enfants?
M. FORGET: Si vous aimez avoir une description d'un certain nombre de
travaux ou de la marche générale des travaux auxquels nous
participons dans le cadre de la revue de la sécurité du revenu,
il est toujours possible de demander à M. Ouellet je ne sais pas
s'il est ici ou M. Garcia de décrire un peu l'ensemble des option
qui sont examinées. Cependant, il ne faut pas perdre de vue le fait
qu'un processus comme celui-là est appelé à
considérer tout un éventail de choix envers lesquels des options
ne sont retenues qu'en dernière analyse.
M. CHARRON: D'accord. J'en conviens aisément. Je me demande sur
quelles initiatives on travaille actuellement.
M. FORGET: La revue qui se fait actuellement sur la
sécurité du revenu se fait à l'intérieur d'un
groupe de travail qui est chapeauté, ni plus ni moins, par un
comité, en fait, le comité des sous-ministres du Bien-Etre ou des
Affaires sociales de chacune des provinces et par le sous-ministre au niveau
fédéral. Ces comités fonctionnent. En fait, ce groupe de
travail fonctionne depuis déjà bientôt un an et demi ou
deux ans et coiffe, à toutes fins pratiques, trois groupes de travail
spécifiques qui sont constitués de fonctionnaires des diverses
provinces. Un concerne, d'abord et avant tout, la sécurité du
revenu, c'est-à-dire les mesures de maintien du revenu, tel
l'allocation.
En fait, ce sont ces études qui ont amené des
modifications au niveau des allocations familiales. Ils étudient
actuellement les structures possibles, les coûts et les diverses options
d'un programme de soutien du revenu, quelle que soit sa nature. On parle d'un
revenu garanti de façon globale, d'aide, en fait, aux travailleurs
marginaux ou aux travailleurs qui sont au niveau des seuils de pauvreté.
Actuellement, les travaux portent sur les diverses options pour envisager une
telle politique et celles-ci ont été réduites, si vous le
voulez, à peu près à trois grandes options qui devront
être soumises pour discussion à la prochaine réunion avec
les ministres qui est prévue pour l'automne prochain.
C'est le groupe de travail sur le maintien du revenu des familles.
Un deuxième groupe de travail a étudié et
étudie encore la stratégie d'emploi qui consiste à
étudier, en collaboration avec les ministères du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, le ministère canadien du Travail et de l'Immigration et,
au niveau provincial, ici, les liens ont été faits pour assurer
que le travail était conjoint, des ministères impliqués au
Québec, les modalités ou les possibilités de créer
du travail pour les personnes défavorisées et qui ont tendance
à demeurer marginales dans notre société.
M. CHARRON: Je vous interromps, non pas parce que ce que vous êtes
à me dire n'est pas intéressant et n'a pas à revenir dans
la discussion, mais je veux revenir sur le point que j'ai soulevé, une
tradition du soutien aux familles plutôt que de l'aide sociale qui devra
venir plus loin.
Je suis étonné de voir que le ministre me répond en
faisant état d'un comité de sous-ministres de tout le Canada, qui
travaille sur cette question et qui fera rapport, j'imagine, aux ministres
l'automne prochain pour une discussion qui sera remise à nouveau et
envoyée à un comité pour étude au niveau de chacune
des provinces. Ils reviendront et ils ne fonctionneront probablement que s'il y
a accord du gouvernement fédéral dans cette matière. Ce ne
serait pas se surprendre et ce ne serait pas s'étonner de voir, encore
une fois, les limites de capacité d'intervention du Québec dans
son propre domaine.
Ma question est très précise. Est-ce qu'ici, au
Québec, on a assez de souveraineté dans le domaine des affaires
sociales pour qu'au niveau du ministère des Affaires sociales,
indépendamment de l'avis de l'Ontario ou de l'Ile-du-Prince-Edouard, si
vous le voulez, on soit en mesure d'envisager une politique d'allocation
à la femme qui accouche l'exemple que j'ai donné, la prime
à la natalité ou encore d'allocation à la femme au
foyer, c'est-à-dire celle qui doit assumer d'élever la famille
qu'elle a et pour qui c'est devenu l'essentiel de son métier?
M. FORGET: J'aimerais faire un commentaire. Lorsque vous suggérez
que la participation
du Québec, si elle se limite à ces travaux conjoints,
étant insuffisante ou insuffisamment indépendante des autres
gouvernements dans cette question, vous ignorez le cheminement qui a
été parcouru depuis deux ans dans toute cette revue de la
sécurité sociale au Canada.
Effectivement, les propositions, qui ont été
acceptées lors de la conférence des ministres en avril 1973,
représentaient l'aboutissement d'un effort du Québec pour faire
valoir et accepter ses positions relativement aux objectifs que devrait
poursuivre un régime de sécurité du revenu, non seulement
au Québec, mais dans l'ensemble du Canada puisque plusieurs
régimes sont complémentaires.
C'est donc une participation très active qui a été
assumée par le Québec pendant la période qui a
précédé cette conférence et c'est une participation
active qui se maintient et qui doit tenir compte du fait que l'existence
même d'un tel comité, l'existence même de tels groupes
d'étude, avec les objectifs qui leur ont été fixés,
représentent une réalisation du Québec dans la poursuite
de ses objectifs qui doit donc privilégier le déroulement le plus
expéditif possible de ces discussions puisque,
précisément, il s'est attaché, en premier lieu, à
les faire se produire et à les faire déboucher.
C'est donc pour nous une priorité et les objectifs qui ont
été souscrits par les autres gouvernements, tant provinciaux que
fédéraux, correspondent tout à fait aux objectifs du
Québec.
Nous n'en sommes pas à l'étape de devoir constater et
peut-être ne serons-nous jamais dans la situation de devoir constater
que, même si les objectifs étaient conjoints, les résultats
ne le seront pas. Au contraire, le déroulement continue de nous
satisfaire.
Ces travaux ne sont d'ailleurs pas de qualité ou de nature
académique dans le mauvais sens du mot, c'est-à-dire que des
actions concrètes ont suivi dans un délai remarquablement court
les consensus qui s'y sont dégagés.
Dès l'automne dernier, après seulement quelques mois de
fonctionnement de ces divers sous-comités, groupes de travail, bien
sûr précédés par une gestation, une
élaboration, qui s'est échelonnée sur une plus longue
période de temps, le Québec adoptait deux lois et d'autres
mesures qui apportaient des solutions concrètes à des
préoccupations qui étaient exprimées depuis longtemps par
le Québec.
De la même façon, nous travaillons actuellement à
d'autres étapes également concrètes et il n'y a absolument
aucune raison, actuellement, qui nous porterait à croire que le
processus va soudain s'arrêter.
Il est clair que si les moyens utilisés jusqu'à maintenant
pour le Québec, par le Québec, pour réaliser ses
objectifs, devenaient inutilisables ou s'avéraient infructueux, il
faudrait réévaluer la situation et voir quelles mesures doivent
être prises et peuvent être prises par le Québec,
isolément, et sans tenir compte de l'occasion, malgré tout,
d'établir un consensus puisque dans tous les pays
développés, on a senti et c'est un sentiment qui est
largement partagé, qui est partagé par les pays européens
d'ailleurs la nécessité d'harmoniser non seulement les
mesures financières, même entre pays autonomes, mais aussi des
mesures de sécurité sociale, étant donné l'impact
que ces mesures peuvent avoir, non seulement sur les conditions
économiques d'un territoire, mais également sur les incitations
à la mobilité d'une région à l'autre. Et ces
considérations continuent de jouer, quel que soit le contexte
politique.
Malgré tout, encore une fois, si les discussions auxquelles nous
sommes partie, qui nous satisfont dans le moment s'avéraient
décevantes, alors il sera toujours possible de réévaluer
la situation et, dans la mesure où le travail se poursuit chez nous,
nous serons toujours en mesure de reprendre une initiative qui semblerait
inutilisée ou qui semblerait s'imposer, étant donné la
détérioration d'un consensus qui, jusqu'à maintenant,
s'est réalisé et nous a permis d'agir, en concordance aussi avec
les modifications survenues dans le régime de pension du Canada pour ce
qui est des modifications au régime des rentes, concordance, que je
pense, tout le monde s'accorde à trouver souhaitable.
M. CHARRON: Est-ce qu'on peut dire que cette participation du
Québec, au provincial à l'échelle d'une conférence
fédérale-provinciale, en quelque sorte permanente, au niveau
administratif, au niveau des sous-ministres, dans l'établissement d'une
politique de sécurité du revenu dans tout le Canada et que le
ministre des Affaires sociales vient de nous dire satisfaisante pour le moment,
pour les intérêts du Québec, est-ce qu'on peut dire que les
décisions finalement prises par cette conférence, encore une
fois, "permanente", au niveau des affaires sociales, dépendent largement
de la position fédérale sur une matière ou sur une autre?
Par exemple, en sommes-nous encore au Canada au point qu'une initiative
québécoise ou albertai-ne, demain matin, aux fins d'intervenir
d'elle-même dans la politique de sécurité du revenu de ses
commettants, en établissant, par exemple, une allocation pour la femme
au foyer, ne pourrait se faire, dans le cadre de la politique nationale de
sécurité du revenu par nationale, j'entends pancanadienne
sans que d'autres provinces se soumettent à la même
initiative ou qu'encore la contribution financière du gouvernement
fédéral soit pour quelque chose dans la réalisation de
cette politique?
Je ne sais pas si ma question est claire. Elle revient, en fait, si je
la pose dans des termes plus politiques... Est-ce que, dans ce domaine
extrêmement important de la sécurité du revenu, qui est la
vocation première du ministère des Affaires sociales en 1974,
nous avons cette liberté de manoeuvre, d'interventions, de
possibilités d'accroissement du revenu des familles
québécoises nous-mêmes, sans aucun consentement
extérieur, suivant la décision du ministère des Affaires
sociales du Québec?
M. FORGET: En 1967, le Québec adoptait un régime
d'allocations familiales. C'était un régime qui n'a pas encore
d'équivalent dans les autres provinces et rien n'est survenu, tout au
contraire, depuis cette date, pour diminuer la capacité du Québec
ou d'une autre province d'agir selon ses ressources et selon ses
priorités dans le secteur de la sécurité du revenu. Au
contraire, je pense que la croissance économique qu'il y a eue depuis
cette période renforce encore la capacité du Québec
d'adopter des mesures, même si ces mesures, et c'est le cas des
allocations familiales provinciales, doivent être financées
entièrement par le Québec. La question que vous posez ne
soulève aucun doute dans mon esprit. Cette capacité demeure. Dans
le processus, cependant, où nous sommes engagés, où
l'objectif qui chapeaute tous les autres est de déboucher sur un
régime cohérent de sécurité du revenu dans lequel
viennent s'imbriquer différentes mesures dont les unes dépendent
exclusivement de nous, dont d'autres dépendent exclusivement de la
juridiction fédérale, dont certaines autres sont, d'une certaine
manière, conjointes, il est important que ce processus puisse
déboucher et se réaliser avec une certaine réserve de
chacune des parties de manière à ne pas créer, pendant les
discussions elles-mêmes, une situation nouvelle qui change toutes les
données du problème.
Sous cette réserve près, qui est une réserve...
M. CHARRON: ... de taille.
M. FORGET: Non. C'est une réserve dans les modalités et
dans le calendrier avec lequel on peut vouloir agir, mais qui n'est pas une
réserve de fond, ni de substance. Toute la liberté qui a
existé traditionnellement au Québec, dans la limite des moyens
dont nous disposons, demeure entière.
M. CHARRON: M. le Président, je veux conclure cette discussion,
cette séance de la commission en reprenant à la réponse du
ministre, sa réponse précédente où,
évidemment, on a fait allusion à cet effort de conciliation que,
par exemple, les pays européens ont entre eux, pour le ministre a
raison favoriser et harmoniser la mobilité des citoyens
européens d'un pays à l'autre; et comme les politiques sociales
ont des conséquences sur la vie économique des
sociétés, bien sûr, diminuer les écarts. Cela fait
partie des efforts de rencontres, etc.
Ce qu'on ne nous signale jamais, quand on le fait dans le domaine
social, comme vient de le faire le député de Saint-Laurent, ou
comme on le fait sur d'autres tribunes, comme le fait le premier ministre,
lorsqu'on mentionne ces ef-. forts de concertations européennes ou
latino-américaines ou encore quelles qu'elles soient, c'est que cela se
fait entre Etats souverains. C'est une harmonisation. La différence
entre l'Europe et nous, si les gens peuvent bien vouloir harmoniser leur
politique sociale, il y a encore beaucoup de différence entre les
politiques sociales de la Suède et de la France, pour ne prendre qu'un
sujet qui est à l'ordre du jour, pour les prochaines semaines. Admettons
qu'au niveau des ministres, il y a concertation en vue, dans des buts bien
précis, pour ne pas que les politiques sociales deviennent un obstacle
à un phénomène que, je pense, la plupart des pays
européens favorisent, soit la mobilité. Dans ce sens, on accepte
de se concilier. Chacune des sociétés européennes est
encore très jalouse de la possession de sa souveraineté sociale.
Il n'y a pas encore en Europe un gouvernement qui, au-dessus de chacun de ses
partenaires, possède un pouvoir de dépenser qui est à peu
près illimité, possède des pouvoirs constitutionnels
suffisamment grands pour imposer à l'ensemble des pays européens
une politique comme, par exemple, celle des allocations familiales qui a
affecté le Québec. Il n'y a pas de gouvernement
fédéral existant en Europe. On peut dire qu'on va vers un
fédéralisme. Il n'y est pas. Tandis qu'ici, nous y sommes encore
et qui plus est, nous sommes sous un gouvernement fédéral qui est
fort et qui possède des moyens.
Je termine là-dessus, le ministre nous a dit: La capacité
d'agir de chacun des partenaires de la confédération canadienne
demeure. Le Québec peut toujours prendre des initiatives politiques dans
le domaine de la sécurité du revenu, mais le besoin de
cohérence et d'harmonisation, ne serait-ce que dans le calendrier,
affecte l'autonomie du Québec dans ce domaine. C'est donc là que,
M. le Président, si vous permettez, nous reprendrons plus tard.
M. BELLEMARE: M. le Président, juste une question au
député de Saint-Jacques, si vous me permettez, cela va prendre
une seconde. Il faudrait lui rappeler que son chef aussi fait de la politique
planétaire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 10
M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs !
Lors de la séance de ce matin, le député de
Frontenac avait demandé la parole, et, cet après-midi, il a
dû s'absenter. Alors, je cède la parole au député de
Frontenac.
M. LECOURS: M. le Président, j'ai peut-être une remarque
à faire à propos de la Loi et des règlements de l'aide
sociale. Dans mon comté, je vois plusieurs de ces cas...
M. CHARRON: M. le Président, je ne voudrais pas être
désagréable au député de Frontenac. S'il accepte,
nous pourrions peut-être consacrer les premières minutes au
programme 1, où nous en étions à 6 heures. Je sais qu'il
n'a pas pu assister aux travaux de la commission cet après-midi.
L'autre, après, c'est l'aide sociale, immédiatement...
M. LECOURS: Je suis d'accord. Je n'ai aucune objection. Je ne savais pas
au juste. Je m'étais informé, et on m'avait dit que je
pouvais.
M. CHARRON: En fait, on a abordé les trois ensemble, mais plus
spécifiquement le programme 1.
M. le Président, si vous le permettez, je ne veux pas reprendre
la discussion que nous avions au moment de l'ajournement, sauf en concluant
très rapidement là-dessus. Tenant compte de l'appartenance du
Québec au système confédéral et au fait que le
gouvernement central a des possibilités énormes d'intervention
dans le domaine social, nous avions, en discutant, cet après-midi,
reçu l'affirmation du ministre que les capacités politiques du
Québec d'élaborer une politique de sécurité du
revenu ne sont pas, à son avis, touchées au fond, mais bien dans
ses contingences, soit dans l'établissement d'un calendrier des
agencements avec les politiques que le gouvernement central ou les autres
gouvernements provinciaux auraient à décider
d'élaborer.
Il est inutile, je pense, de reprendre de A à Z les
différentes politiques qui séparent le parti ministériel
de l'Opposition officielle, mais je ne peux croire que ces limites à
l'action politique du Québec, dans ce domaine, ne soient, comme l'a
signalé le ministre des Affaires sociales, que des questions de
contingences et d'agencements de calendrier. Je pense que le dilemme qui a
longtemps marqué l'application du régime d'allocations familiales
et que nous discutons actuellement en est une preuve tragique. Combien
d'énergies, de discussions, de mémoires, de conférences,
de retours à une table, de menaces de démission d'un ministre des
Affaires sociales québécoises, de revendications à
Victoria sur les amendements à la constitution, enfin on ne nous fera
pas croire qu'il ne s'agissait alors que de contingences de calendrier. Il
s'agissait véritablement de savoir qui avait la priorité et qui
organiserait la politique sociale du Québec. Et nous croyons toujours
que, dans le régime actuel que le ministre est prêt à
défendre et qu'il a défendu tout à l'heure, les
désavantages pour le Québec dans l'élaboration de sa
politique de sécurité du revenu sont nombreux. Mais nous avions
abordé toute cette question, que nous ne pouvons pas éviter au
Québec, de la situation constitutionnelle du Québec, au moment
où je demandais au ministre si, dans cette politique dont l'objectif est
de favoriser la prise en charge des responsabilités qui découlent
de la présence d'enfants, le gouvernement du Québec, avec ou sans
ses partenaires, peu importe pour le moment, avait élaboré
d'autres politiques de soutien au revenu que l'allocation familiale que nous
sommes à discuter. Et nommément, est-ce que le ministère
des Affaires sociales a évalué une politique qui, d'une
façon, consisterait à être une prime à la
natalité, comme je l'ai décrit cet après-midi, ou dans un
autre volet, pourrait être un soutien à la mère de famille
par une allocation mensuelle?
Ces politiques sont déjà appliquées à
d'autres endroits qu'au Québec, dans des modalités
différentes, il va sans dire. Le parti politique que je
représente, M. le Président, l'avait inscrit à son
programme. Je demande donc au ministre des Affaires sociales sans lui
demander si c'est cette année que nous aurons pareille politique, parce
que je ne la vois pas figurer au budget, donc j'aurais tort de poser cette
question si pareille politique de prime à la natalité ou
d'allocation mensuelle à la mère de famille, la femme au foyer,
est une politique qu'on puisse envisager bientôt pour le
Québec.
Et se fait-il des études au ministère des Affaires
sociales? A-t-on des évaluations sur le coût, la mise en place de
pareilles politiques? J'irai plus loin, évidemment, si la réponse
est positive. A-t-on apporté ces esquisses québécoises
dans ces fameuses négociations et conférences
fédérales-provinciales pour soumettre le projet aux partenaires
provinciaux et évidemment au tuteur fédéral?
M. FORGET: M. le Président, je ne ferai que
réitérer ce que j'ai indiqué avant que nous ajournions
pour le dfner, que, dans le processus d'élaboration d'un système
cohérent de sécurité du revenu, un très grand
nombre d'hypothèses peuvent, à un moment ou l'autre, être
considérées. Il est évident que tous les problèmes
que soulèvent non seulement une politique familiale, mais
également le statut de la femme, au titre de différents
programmes de sécurité sociale, font l'objet d'une attention qui
croît avec les années et même avec les mois. Le
député sait probablement, s'il a suivi les résultats des
travaux jusqu'à présent, que le Québec a annoncé
son intention d'étendre aux femmes les avantages que le régime de
rentes reconnaît pour les hommes, dans le cas de rentes de survivants.
C'est un aspect très concret, cette
fois, au niveau d'une intention manifeste du gouvernement, des
nombreuses questions qui sont débattues lors d'une exploration aussi
comlète de toutes les hypothèses, de toutes les façons
d'envisager une réforme d'ensemble de la sécurité du
revenu.
D'autres questions analogues ont également été
soulevées. Maintenant, on ne peut en exclure et on ne doit en exclure
aucune. Cependant, il n'y a pas d'intention, sauf celle que j'ai
annoncée, pour mettre en pratique de manière immédiate une
mesure de ce genre. Nous sommes encore dans une phase d'élaboration.
M. CHARRON: Le ministère n'est détenteur d'aucune
étude spécifique sur un projet de prime à la
natalité, par exemple.
M. FORGET: Je ne pourrais même pas dire que nous sommes
détenteurs d'aucune étude. Au contraire, je pense qu'il est fort
possible qu'au cours de cette revue des programmes de sécurité
sociale, cette question ait été mentionnée d'une
façon ou d'une autre. C'est fort possible. Encore une fois, nous
n'excluons aucune possibilité, a priori. Au contraire même, une
des hypothèses qui a été retenue, entre autres, à
l'insistance du Québec dans cette revue de la sécurité
sociale, c'est d'établir, au moins à titre de
référence, une hypothèse d'un système global de
sécurité du revenu qui engloberait et qui coifferait l'ensemble
des mesures, de manière absolument cohérente, absolument
compréhensive. C'est une hypothèse que nous avons voulu voir
développer par le groupe de travail sur la sécurité du
revenu, sur le maintien du revenu, de manière à servir de point
de comparaison et peut-être d'alternative, lorsque sera venu le moment de
faire des choix.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le programme 1, adopté?
M. CHARRON: Non.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, en ce qui concerne les programmes
d'allocations familiales, pour rejoindre partiellement ce que mentionnait le
député de Saint-Jacques, je me demande si, compte tenu des
réponses que le ministre nous a données, le ministère ne
devrait pas, sachant bien entendu qu'il y a des études, etc., partir du
principe de prôner une certaine philosophie comme moyen d'étudier
autour d'une philosophie qui serait prônée.
Je comprends qu'il y a des études qui se font, mais où
vont-elles déboucher et de quelle façon vont-elles arriver?
Ce que le député de Saint-Jacques a mentionné,
c'est une politique d'assistance à la mère de famille ou à
la nouvelle mère de famille.
Là-dessus, je rejoins son point de vue et je me demande s'il n'y
aurait pas lieu que le ministre considère, à l'intérieur
du cadre des allocations familiales, par exemple, comme prime à la
natalité ou comme moyen d'incitation, que le premier chèque
d'allocations familiales pour le premier enfant soit différent des
autres, c'est-à-dire que le premier chèque soit une somme
globale, évaluée à un montant étudié suivant
les besoins et aussi suivant la façon dont on veut donner de
l'importance à ces moyens d'incitation visant à non pas
séparer les familles, mais au contraire à les favoriser, à
les regrouper davantage. Je sais qu'en ce sens nous avons beaucoup de travail
à faire présentement, au Québec.
Dans un autre domaine, mais comme point de référence, on
entend parler de la promotion de la langue française souvent et je suis
d'accord, mais qu'arrivera-t-il si on n'a pas un taux suffisant de
natalité au Québec? On risque de conserver une langue
française plutôt folklorique qu'utile, si on se laisse aller et
qu'on n'adopte pas des politiques visant à favoriser davantage la
famille.
Je me demande, M. le Président, si cela ne rejoindrait pas aussi,
ce qu'on peut peut-être appeler un salaire à la femme au foyer ou
une allocation à la femme au foyer, pour que les gens qui veulent
réellement s'adonner à fonder un foyer aient cette
possibilité économique de le faire. Ce qui se produit
présentement au Québec vous le savez, par exemple, la
semaine dernière, il y avait ce symposium sur le respect de la vie
c'est qu'il y a des Québécoises qui vont se faire avorter
outre frontière, soit dans l'Etat de New York ou ailleurs aux
Etats-Unis. Le premier problème qui est posé à toutes ces
personnes qui ont recours finalement à ces méthodes est un
problème d'ordre économique. On retrouve toujours le
problème économique. La mère ou la future mère,
étant souvent dans des conditions économiques difficiles, voire
impossibles, a recours à des moyens comme ceux-là. Comme je sais
que le gouvernement il s'est prononcé encore la semaine
dernière sur le sujet est contre ce genre de choses, bien
entendu, je m'attends à ce que le gouvernement, par des politiques
incitatives, vise à éviter que cela se produise. Et pour
empêcher que ce problème persiste, il y a cette question d'ordre
économique qui pourrait grandement aider à éviter ces
choses. Autrement dit, ce n'est pas de la politique négative, c'est
positif que de permettre davantage la promotion de l'unité familiale.
Evidemment, cela pourrait aller un peu plus loin que les allocations
familiales.
Cela rejoint peut-être le programme 2, mais je pense bien, M. le
Président, que si je vous en parle pendant deux ou trois minutes
maintenant, je n'en parlerai pas à l'autre programme. Je pense que cette
façon, finalement, d'étudier les crédits nous avance quand
même. Cela peut nous amener à parler, aussi, des politiques
d'aide sociale qui, en pratique je pense que tout le monde va
comprendre ce que je veux dire dans certains cas, montrent qu'il est
plus avantageux financièrement pour des assistés sociaux de vivre
séparément que de vivre ensemble, avec les enfants. Cela se
comprend, puisque les barèmes font en sorte qu'une personne,
considérée comme célibataire, peut obtenir une allocation
différente de celle des personnes vivant ensemble, si on fait la somme
des deux.
Il y a eu beaucoup de ces exemples que nous sommes à même
de constater encore, où parfois les gens sont obligés de se
séparer et de détruire la cellule familiale, l'unité
familiale. M. le Président, je sais que, même concienscieuse-ment,
des représentants de certains bureaux de bien-être social, dans
certains cas, considérant la situation pénible des
requérants, ont dû, sans le faire officiellement, en tout cas, je
pense savoir qu'ils ont dû aller jusqu'à suggérer ou
laisser sous-entendre qu'il valait mieux vivre séparément, pour
manger trois fois par jour, que de vivre ensemble puis de risquer de ne pas
manger trois fois par jour.
C'est pénible, M. le Président, ces situations-là,
et je pense que là, il y a lieu, sur une base humaine en tout cas, de
considérer une élaboration différente des barèmes
de bien-être social, pour que le tout finalement en arrive à faire
surtout la promotion de l'unité familiale. Je pense que, si on les
aidait, dans plusieurs cas, beaucoup de parents continueraient à garder
les enfants chez eux, plutôt que de favoriser un placement en foyer
nourricier. On sait ce que ça apporte comme problème, au
ministère, les placements en foyer nourricier.
On sait aussi ce que ç'a apporté dans des cas
dernièrement. On a connu une manifestation, même au Parlement.
Alors je pense, moi, que, si on regarde ça sur une base plus humaine,
c'est toujours possible. Remarquez bien, je ne voudrais pas que mon allocution
soit considérée comme une critique destructive. Au contraire, je
voudrais qu'on la considère comme une critique constructive. Il y a
toujours moyen d'améliorer et de rendre plus humaines ces politiques
pour faire en sorte que, finalement, on évite de retrouver des enfants
en foyer nourricier aussi longtemps, en tout cas, que c'est possible de
l'éviter.
C'est très malheureux, lorsque la famille est obligée de
se séparer une première fois, M. le Président, même
pour une période dite temporaire, parce que, parfois, une famille peut
passer une mauvaise période. Quand on en arrive à faire
ça, pour une période même temporaire, le temporaire devient
facilement permanent. Alors, moi, je pense qu'il y aurait tout avantage
à ce que le ministère, les fonctionnaires et le ministre se
penchent sur cette question, toujours avec l'objectif en tête de
faciliter davantage l'unité familiale. La faciliter davantage, ça
veut dire donner les moyens, donner davantage les moyens afin que la famille
puisse demeurer unie.
Alors, M. le Président, ce sont les quelques remarques que
j'aimerais faire et j'aimerais bien avoir le point de vue du ministre
là-dessus.
M. BONNIER: Avant de, M. le Président, un instant...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président, moi, ça fait quelque temps
que j'entends parler de cette idée de l'allocation de la femme au foyer
et je pense que ça vaudrait la peine, une fois pour toutes, de faire une
étude de cette hypothèse. Je ne dis pas qu'elle est valable, je
ne dis pas qu'elle n'est pas valable. Il faudrait voir vraiment comment
ça fonctionne dans un système.
Est-ce que c'est au niveau de l'impôt qu'il y a lieu d'apporter
une aide? Est-ce que c'est au niveau d'une allocation spéciale? Et quand
on parle, M. le Président, de la question des garderies, je crois que
cette idée, du moins selon les gens avec lesquels j'en ai parlé,
cette obligation parfois financière, dans le fond, que l'épouse a
d'aller travailler à l'extérieur, a une incidence sur toute la
question des garderies.
Et, moi, je comprends que le ministère n'a peut-être pas
une politique définie à l'heure actuelle sur ce sujet-là,
mais je pense que ça vaudrait drôlement la peine qu'au cours de
cette année, si possible, le ministère puisse faire le tour de
l'hypothèse et nous présenter un rapport.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Frontenac attend
une réponse du ministre.
M. LECOURS: J'aimerais m'inscrire un peu en faux sur la question de
l'avortement soulevée par le député de Rouyn-Noranda.
Je crois que, personnellement, d'après mon expérience de
médecin qui voit des cas comme ça, peut-être deux ou trois
par semaine, dans mon bureau, c'est très rarement une raison d'ordre
économique qui pousse ces personnes à aller se faire avorter
à New York. Bien souvent, on retrouve ces cas chez des jeunes filles des
polyvalentes et des CEGEP qui sont réellement traumatisées du
fait d'être enceintes, pas du fait du manque d'argent du tout et souvent
chez les mères de famille âgées, de famille très
à l'aise le plus souvent, qui vont se faire avorter là-bas parce
qu'elles deviennent enceintes quand elles ont 40 ans, 45 ans, alors que dans
leur plan, il n'était pas prévu qu'elles deviendraient enceintes
une dernière fois comme ça. Je pense que la question
pécuniaire entre très peu souvent en ligne de compte. Ce sont les
seules remarques que je veux faire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Gaspé.
M. SAMSON: M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): On va passer la parole à l'honorable
député de Gaspé et après au député de
Rouyn-Noranda.
M. FORTIER: Je suis un peu de l'avis du député de
Frontenac. Personnellement, comme médecin, avec plusieurs années
d'expérience, je suis contre l'avortement,à part les conditions
bien définies et qui seront jugées par un comité de trois
médecins dans un hôpital, parce que vous savez que quand vous
faites mourir un foetus de quatre mois, moi, je trouve que c'est un acte qui
s'approche d'un acte criminel. Voici, au point de vue de l'avortement, mon
point de vue bien défini. Je suis contre l'avortement et je proteste
ouvertement contre certains media d'information, même dans mon
comté en Gaspésie, où l'on annonce malheureusement sur un
journal comme le Forillon : Avortements par téléphone.
Téléphonez-nous, puis on va vous arranger l'avortement. Cela est
ridicule.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Cela ne se pratique pas par
téléphone.
M. FORTIER: Non, mais on paie même le voyage, alors voyage
payé, frais... Sur cela, je suis d'accord.
Je voudrais rejoindre un peu le député de Saint-Jacques,
tantôt, qui a parlé de donner un revenu à la femme
mariée et je dois lui dire que ce n'est pas une politique qui a
été inventée par le Parti québécois, parce
qu'en 1970, lors d'un congrès régional à Bonaventure pour
toute la Gaspésie, il avait été question de donner un
salaire mensuel aux mères de famille. Et, après avoir
étudié le financement possible de cette méthode, pour
laquelle d'ailleurs je suis favorable, mais si on paie 300,000 mères de
famille, à qui on donnerait un salaire de $200 par mois, cela voudrait
dire $720 millions par année. Je ne vois pas comment, malgré la
politique du député de Saint-Jacques, on pourrait faire autrement
que d'avoir recours à l'aide du gouvernement fédéral pour
nous aider à financer un tas de programmes. D'ailleurs, la mère
de famille, entre nous autres, qu'elle reçoive $200 par mois, que
ça lui vienne d'un plan conjoint ou d'un plan strictement provincial,
cela ne la dérange pas beaucoup, du moment qu'elle a ses $200, elle va
être très heureuse. Je comprends que cela pourrait
peut-être, dans certains cas, aider au ministère des Affaires
sociales, si on pouvait lui accorder cette somme.
C'est un peu l'idée générale que je retiens,
d'autant plus et je voudrais attirer l'attention du député
de Saint-Jacques et aussi du député de Rouyn-Noranda que
j'ai remarqué, lorsque j'étais sous l'ancien régime,
j'étais encore adjoint parlementaire, je remplaçais parfois le
ministre, et lors de réunions qui concernaient le revenu familial, la
sécurité de revenu, que la province de Québec faisait
prépondérance, c'était elle qui avait toujours les
principaux points. Et lors de la dernière conférence inter-
provinciale à laquelle j'ai assisté, ici à Québec,
c'était la politique émise par le ministère des Affaires
sociales qui était discutée et surtout qui était retenue
par les différents ministres des Affaires sociales. Je ne vois pas
comment on peut dire que le Québec n'a pas le mot principal à
dire dans la politique des Affaires sociales concernant le revenu familial.
Je crois que si on veut avoir et donner aux familles, comme aux
individus, les sommes suffisantes, les revenus garantis, il faudra avoir
c'est une opinion bien personnelle de l'aide financière de la
part du gouvernement provincial.
M. CHARRON: Fédéral.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Oui, M. le Président. Je ne voudrais pas m'inscrire en
faux contre les affirmations du député de Frontenac, mais je
voudrais quand même lui faire remarquer que, dans ce qu'il a
mentionné tantôt, il a bien pris la peine de souligner
"très rarement". Cela veut dire que, même si c'est très
rarement, lui aussi il a eu des cas où c'était pour des questions
d'ordre économique ou qui s'y rattachaient finalement, sinon
directement, de façon indirecte. Evidemment, le député de
Frontenac a l'avantage d'être un médecin pratiquant. Evidemment,
il y a influence dans les rencontres qu'il a avec ses électeurs, selon
que l'électeur s'adresse plus au député qu'il ne s'adresse
au médecin, ou selon qu'il s'adresse plus au médecin qu'il ne
s'adresse au député.
Bien entendu, si moi j'étais médecin, je comprendrais que
certaines personnes me parlent de leur santé en même temps
qu'elles me parlent de leur poblème d'ordre économique. Mais
évidemment, j'en ai peut-être plus, moi, que le
député de Frontenac, peut-être plus que d'autres aussi, des
cas qui sont reliés directement ou indirectement à la question
économique, parce qu'évidemment on vient rarement me voir, moi,
pour des questions de santé; je ne suis pas médecin et on ne me
parle pas de la question de santé. Parce qu'il faut aussi
considérer que, dans ce cas-ci, le député de Frontenac,
dans toute cette question là-dessus, je suis bien d'accord avec
le député de Gaspé ... Bien entendu, je pense qu'il
arrive qu'il y ait des gens qui seraient prêts à utiliser tous les
prétextes. Je comprends ça; mais quand même, ce
n'était pas non plus l'essentiel de mon argumentation au sujet de l'aide
à apporter à la mère. Je l'ai mentionné comme
étant l'un des problèmes que, parmi tant d'autres, nous
retrouvons. Quant à moi, pour autant que je suis concerné, j'ai
eu connaissance de plusieurs de ces problèmes dans le bureau du
député, puis si ce n'étaient pas des familles riches, cela
arrivait souvent à des familles pauvres et c'est encore beaucoup plus
pénible. C'est pourquoi, je crois
qu'il est important que nous recherchions au moins une solution. Quant
à moi, ce n'est pas tellement celui qui a inventé la formule de
l'aide à la mère de famille ou du salaire à la mère
au foyer, ce n'est pas tellement qui l'a inventée qui
m'intéresse, c'est qui va l'appliquer justement. Parce qu'on peut tous
avoir inventé des choses intéressantes, un jour ou l'autre, et
puis le fait d'en obtenir le crédit, cela ne règle pas le
problème de la population. Evidemment, c'est le résultat qui
compte. Que les fonds proviennent du gouvernement fédéral en
grande partie, je n'ai rien contre ça, aucunement. Evidemment, vous
comprendrez que nous sommes tous intéressés au Québec;
tous les partis politiques, je pense, sont intéressés à ce
que le Québec retrouve sa pleine et entière juridiction en
matière d'affaires sociales. Nous sommes tous intéressés
à ça. Mais il faut quand même considérer aussi la
réalité, le contexte dans lequel on se trouve.
Présentement, on n'a pas pleine et entière juridiction; par
contre dans le contexte du fédéralisme actuel, il y a des
possibilités de plans conjoints ou de compensations que nous pouvons
utiliser. Que ce soit le gouvernement fédéral qui paie
jusqu'à 100 p.c., je n'aurais rien contre ça non plus. Si le
gouvernement réussissait ce tour de force, j'applaudirais.
Peut-être que le gouvernement réussira ce tour de force plus
facilement d'ici un mois ou deux, parce que je viens d'entendre aux nouvelles
qu'il y aura peut-être ce soir un déclenchement d'élections
au fédéral, cela aidera.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Ce n'est pas dans le programme 1.
M. SAMSON: M. le Président, au contraire, je viens de voir
briller les yeux du ministre, quand je lui dis qu'il y aura peut-être un
nouveau gouvernement à Ottawa.
M. BONNIER: Un psychanaliste.
M. SAMSON: Peut-être qu'il sait, lui, que ce sera plus facile
à négocier avec un autre gouvernement ou avec un gouvernement
renouvelé, je ne le sais pas. C'est lui qui est aux prises avec les
négociations présentement, mais...
M. BELLEMARE: Avec Caouette!
M. SAMSON: Peut-être, M. le Président, que vous auriez
moins de problème. En tout cas, M. le Président, je pense que ce
qui importe, c'est là que j'aimerais bien retenir l'opinion du ministre,
c'est ce que nous recherchons comme solution; quelle que soit la méthode
à utiliser pour autant que c'est une bonne méthode, on n'a rien
contre ça. Ce qu'on voudrait, dans le fond, c'est que la mère de
famille puisse avoir une aide raisonnable lui permettant de rester au foyer le
plus possible, si elle le désire.
Je voudrais bien être compris, il n'est pas question pour nous
d'obliger qui que ce soit à rester au foyer si elle ne veut pas rester
là, mais si on lui permet de le faire, ça évitera
peut-être certains problèmes que j'ai mentionnés
tantôt. La plupart du temps encore là je mets une
réserve, il y a des exceptions quand la mère est
obligée d'aller travailler à l'extérieur, ce n'est pas
tellement parce qu'elle aime aller travailler à l'extérieur,
c'est parce qu'il y a une question d'argent qui est en cause, une question de
budget familial qui est en cause et il faut s'attaquer au mal là
où il est, à la racine du mal. La racine du mal, c'est ça.
C'est un manque de pouvoir d'achat, c'est un manque de pouvoir d'achat
familial, qui oblige finalement les gens à travailler à
l'extérieur puis, en travaillant à l'extérieur, M. le
Président, vous concevrez comme moi, que ça prend peut-être
des emplois que d'autres personnes, déjà sur le marché du
travail et actuellement en chômage, ne peuvent pas occuper. C'est comme
ça que ça fonctionne.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Vanier.
M. DUFOUR: M. le Président, je voudrais appuyer l'intervention de
mes deux collègues en médecine et aussi à
l'Assemblée nationale pour dire que l'avortement est une chose
déplorable. La deuxième chose, c'est que je m'inscris en faux
contre le Dr Samson. Je crois qu'il n'a pas la même clientèle que
nous.
M. SAMSON: Est-ce que je peux invoquer le règlement pour faire
remarquer au député de Vanier que je n'ai pas encore reçu
mes honoraires de médecin cette année?
M. DUFOUR: Alors, on va demander à M. Forget, le
député de Saint-Laurent, le ministre des Affaires sociales, de
vous envoyer une castonguette, ça coûte $40.
UNE VOIX: C'est rendu à $50? M. DUFOUR: C'est rendu à
$50.
M. SAMSON: Ce n'est pas le prix que ça coûte pour l'avoir,
c'est le prix que ça coûte pour le peuple.
M. DUFOUR: Cela prend dix visites au bureau pour la payer. En
général, à 99.9 p.c, les femmes ne viennent pas nous voir
pour se faire avorter, par manque d'argent. C'est exactement ce que le Dr
Lecours disait tout à l'heure. Je crois qu'il y a erreur.
Peut-être qu'en Abitibi, dans le comté de Rouyn-Noranda, les
problèmes sont autres, je ne connais pas les médecins du coin,
mais je m'inscris en faux, contre cet avancé qui veut que les femmes
viennent nous voir pour se faire avorter, sous prétexte qu'elles
manquent d'argent.
M. SAMSON: M. le Président, ça me fait plaisir de voir
qu'il y a quand même des
médecins qui ont une clientèle à l'aise. Il y a
chez nous des médecins qui ont une clientèle moins à
l'aise que ça.
M. DUFOUR: En tout cas, je vis et je pratique dans un milieu très
défavorisé, ça, c'est vrai.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de
Saint-Jacques.
Allocations familiales
M. CHARRON: M. le Président, le programme 1 traite de la
politique des allocations familiales du ministère des Affaires sociales.
Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat qui a eu lieu en Chambre
en décembre dernier, au moment de l'adoption de la loi qui portait,
à l'époque, le no 1. C'est la première loi de la
présente Législature. Si le ministre me le permet, je vais lui
demander d'abord s'il pourrait, d'ici la fin de l'étude des
crédits du ministère, déposer, pour l'intérêt
des membres de la commission et en particulier de l'Opposition qui auraient
besoin de ce document, un tableau des effets du nouveau régime, des
bénéficiaires du nouveau régime d'allocations familiales,
si le ministère en est évidemment détenteur,
c'est-à-dire le nombre d'enfants au Québec et combien
reçoivent la somme de $3, combien sont au second rang, combien sont au
quatrième, l'âge des enfants bénéficiaires, combien
ont plus de 12 ans et bénéficient des $5 supplémentaires.
C'est probablement possible d'obtenir ces statistiques, qui nous seraient
utiles en temps opportun.
Mais, M. le Président, si vous me permettez de recourir au texte
de la loi même que nous avons votée au mois de décembre
dernier, je ne parle pas de l'article 4, mais bien de l'article 5, qui se
terminait comme suit, dernier alinéa: "Toutefois, pour l'année
1975, la proportion prévue à l'alinéa
précédent il s'agit de l'augmentation de l'indexation des
allocations familiales s'établit entre l'indice des rentes pour
cette année et la moyenne d'indice des prix à la consommation au
Canada pour chaque mois au cours de la période de douze mois se
terminant le 31 octobre 1973".
Est-ce que je peux demander au ministre ce que signifiera, pour les
bénéficiaires, l'application de l'article 5 de la loi à
compter du 1er janvier 1975? Est-ce que c'est prévu dans le budget
actuel? Je l'imagine, puisque c'est une disposition de la loi à laquelle
devait se plier le ministre. Et quel montant cela représente-t-il sur le
montant global qui est prévu au programme 1 de $97,400,000?
M. FORGET: ... le ministre des Affaires sociales...
M. CHARRON: Si vous me permettez, s'il vous plaît. Quel
pourcentage cela représente-t-il puisque vous avez dû faire cette
proportion du multiplicateur tel que défini dans la loi? Qu'est-ce que
cela signifie au point de vue du pourcentage, si on tient compte de
l'augmentation du coût de la vie en particulier?
M. FORGET: M. le Président, je demanderais à M. Gill
Fortier, président de la Régie des rentes, de donner
peut-être quelques indications relativement à la
disponibilité ou la date de disponibilité des statistiques sur le
fonctionnement du régime ainsi que sur cette notion de...
Les seules statistiques que je peux avoir dans le moment, ce sont des
statistiques sur le nombre de bénéficiaires, au mois de mars,
avec une répartition du nombre d'enfants par famille. Mais je n'ai pas
des statistiques aussi complètes que ce que vous avez
mentionné.
Là, ce que je veux vous donner, c'est qu'au mois de mars, il y
avait 891,000 familles qui bénéficiaient d'allocations
familiales. Il y avait 1,942,784 enfants pour lesquels nous avons payés
des allocations familiales.
Alors, la répartition des familles, selon le nombre d'enfants:
Les familles qui ont un enfant, je vais donner des chiffres ronds: 324,000.
Deux enfants, 291,000. Trois enfants, 153,000. Quatre enfants, 69,000. Cinq
enfants, 29,000. Six enfants, 12,000. Sept enfants et plus, 9,000 environ. Ce
qui veut dire, par exemple, que, dans le cas des familles ayant un enfant,
où on a payé $3 par mois.
M. CHARRON: C'est 324,000 fois $3.
M. FORGET: ... c'est 324,000 fois $3. Mais il y a peut-être une
possibilité. Je n'ai pas la répartition des enfants par
âge. C'est quelque chose qu'on pourra obtenir, je pourrai voir demain si
je peux obtenir les chiffres, je pourrai vous les faire communiquer.
M. CHARRON: D'accord. Mon autre question est plus importante. La
première n'était que de l'information, en quelque sorte. En vertu
de l'application de l'article 5 de la Loi des allocations familiales, quel est
le pourcentage prévu d'augmentation dont bénéficieront les
citoyens québécois?
M. FORGET: Sur ce deuxième point, on m'informe que, dans les
crédits, tels qu'ils apparaissent, un taux a été
utilisé. Malheureusement, je ne peux pas vous le préciser ce
soir, on pourrait peut-être le faire demain matin, si vous
considérez cette information-là comme vitalement importante. Un
taux d'indexation a été prévu. Maintenant, la Loi des
allocations familiales prévoit que les crédits, pour l'exercice
qui vient de commencer, sont prélevés à même le
fonds consolidé; donc, évidemment, les fonds seront disponibles
pour permettre cette indexation.
L'indexation va se faire au plein taux d'aug-
mentation de l'indice des prix à la consommation sur douze
mois.
C'est un chiffre qui ne peut qu'être émis par
hypothèse, à ce moment-ci. Il sera connu dans les quelques
semaines qui suivront la fin du mois d'octobre de cette année. Donc,
c'est un taux qui dépend du rythme de l'inflation d'ici la fin
d'octobre. Cependant, une indexation est déjà prévue
à un taux probablement conservateur, comme on le fait normalement dans
les prévisions budgétaires. Est-ce qu'il s'agit d'un taux de 3
p.c, 4 p.c. ou 5 p.c? C'est une précision qu'on peut vous apporter
demain. Malheureusement, nous ne l'avons pas ici.
M. CHARRON: Mais, M. le Président, la loi dit, à l'article
5, que la proportion s'établira entre l'indice des rentes pour cette
année, à partir du 1er janvier 1975.
M. FORGET: Mais nous n'avons pas actuellement l'indice des rentes pour
l'année 1975. Nous allons l'avoir peut-être au milieu de
l'année 1974, c'est là qu'on aura le chiffre de ce que sera
l'indice des rentes pour l'année 1975 et c'est à partir...
M. CHARRON: A quelle date de l'année 1974détient-on ces
statistiques?
M. FORGET: Pas avant les mois de novembre ou de décembre, puisque
c'est la fin d'octobre.
M. le Président, la Loi du régime de rentes a
été amendée. Dans les amendements apportés par le
bill 24, la période de détermination de l'indice des rentes a
été changée. C'est maintenant du 1er novembre au 31
octobre. D'accord? Alors, l'indice des rentes pour l'année 1975 sera
déterminé uniquement quand l'indice des prix, pour octobre 1974,
sera rendu public.
M. CHARRON: D'accord. Alors, le calcul officiel pour la transposition de
l'augmentation ne peut s'effectuer avant le 1er novembre 1974. On aura les deux
derniers mois de l'année 1974 pour fixer le montant dont
bénéficieront les Québécois à partir du 1er
janvier.
M. FORGET: C'est exact.
M. CHARRON: Maintenant, l'autre donnée utilisée dans le
calcul est la moyenne d'indice des prix à la consommation au Canada pour
chaque mois au cours de la période de douze mois se terminant en octobre
1973. Donc, c'est quoi?
M. FORGET: Je ne peux pas vous le dire par coeur, mais c'est un chiffre
que nous pouvons vous procurer facilement, il est connu, nous l'avons. Mais, il
faut avoir les deux, il faut avoir l'indice des rentes de 1975 et l'autre
chiffre à la fin d'octobre 1973 pour pouvoir établir
l'augmentation.
M. CHARRON: Et vous établissez la proportion de l'un sur l'autre.
L'un sur l'autre devient le multiplicateur de $3.
M. FORGET: C'est ça.
S'il y a une hausse de 10 p.c. entre les deux années, les
prestations seront augmentées de 10 p.c. Si la hausse est de...
M. CHARRON: Le chiffre que vous avancez, c'est celui-là que
j'aimerais avoir.
M. FORGET: Non.
M. CHARRON: On est peut-être en mesure de faire des
prévisions. Je sais que le calcul officiel de l'indice des rentes de
1975 ne peut pas s'effectuer avant novembre, mais les actuaires ne sont pas
là pour rien. La prévision, le ministre mentionnait qu'on l'a
probablement faite de façon conservatrice, mais ça doit
être un tant soit peu inclus dans les $97,400,000 qui sont actuellement
prévus. La prévision est aux alentours de quoi? Quitte à
un rajustement au cours de novembre et décembre.
M. FORGET: Cela, je pourrai le préciser demain matin. Disons que
je n'ai pas ça en tête. Je sais que c'est certainement plus faible
que l'augmentation actuelle des prix.
M. CHARRON: Ce qui veut dire que la proportion sera favorable.
M. FORGET: Non, ça ne change rien au montant que les
bénéficiaires vont recevoir. Tout ce que ça veut dire,
c'est que les déboursés qui sont dans le budget peuvent
être dépassés. C'est ce que ça veut dire.
M. CHARRON: D'accord.
M. FORGET: Maintenant, il y a d'autres éléments qui
jouent, il y a le fait qu'on a légèrement surestimé le
nombre d'enfants admissibles. Cela peut compenser finalement pour la hausse des
prix.
M. CHARRON: Je ne veux pas non plus revenir sur la discussion du projet
de loi, mais on dit que le chiffre qui servira au calcul de l'indexation est la
moyenne d'indice des prix à la consommation jusqu'en octobre 1973, et
quand on sait que cette augmentation n'arrivera que quelque quatorze mois plus
tard, on prend un chiffre vieux de quatorze mois, si vous voulez, pour calculer
l'augmentation dont bénéficieront les Québécois.
Est-ce qu'il n'est pas possible d'avoir une indexation au coût de la
consommation plus récente, en particulier à cause des taux
d'inflation?
M. FORGET: Justement, le changement dans l'indice des rentes qui est
intervenu récemment a eu pour but de rapprocher la date de
l'indexation du moment le plus éloigné qu'il a
été possible dans une année civile pour permettre
justement de faire l'ajustement pour le 1er janvier.
Alors, on aurait pu dire théoriquement à la fin de
décembre, sauf qu'il y avait un moment de raison entre le 31
décembre et le 1er janvier où il aurait fallu connaître le
taux et déterminer l'indice. Il fallait donner un délai minimum
de deux mois. Antérieurement, c'était l'indice des prix de
l'année qui précédait l'indexation, mais l'indice des prix
sur douze mois se terminant à la fin de juin. Cela a été
avancé à la fin d'octobre, toujours pour une indexation au 1er
janvier qui suit. Donc, on a considérablement rapproché
l'indexation et rendu l'indice beaucoup plus sensible aux fluctuations
récentes.
M. CHARRON: Si je comprends bien votre argumentation, vous
prétendez que le fait d'avoir avancé ou, si vous voulez,
retardé jusqu'au 31 octobre le calcul de l'indice des rentes est
favorable au bénéficiaire, puisque cela rapproche le chiffre
réel plus près du 1er janvier 1975?
M. FORGET: C'est que l'écart va être plus grand entre les
derniers chiffres qu'on va avoir avec 1973 que si on avait pris 1974; la
proportion va être plus élevée.
M. CHARRON: D'accord. Ce qui fait que la proportion sera plus
élevée, M. le Président, j'ai une autre question sur les
allocations familiales avant que mes collègues puissent en poser
d'autres. C'est cette question qu'on a soulevée lors des derniers
débats de la commission des affaires sociales à propos des
enfants placés en foyer nourricier. Cela touche aux allocations
familiales, puisqu'il s'agit de la possibilité pour le ministère
d'aller recueillir, de l'argent qu'il a placé dans des familles, mais
qu'il retire par la suite, puisque cette famille n'a pas, en fin de compte, la
garde de l'enfant. Est-ce qu'on a envisagé c'est la seule
question que je veux poser sur ce sujet la possibilité technique
de retenir les chèques des bénéficiaires qui placent leur
enfant, pour éviter cette situation?
M. FORGET: Non seulement cette possibilité est-elle
envisagée, mais c'est, comme on le sait, la situation qui a
prévalu dans le passé et qui prévaut encore actuellement,
tant et aussi longtemps que les ajustements administratifs dans les
régimes d'allocations ne permettront pas de les verser directement au
bénéficiaire. Donc, il n'y a pas d'impossibilité
administrative, si c'est là la nature de votre question, à
retenir le paiement.
M. CHARRON: Moi, j'ai fini pour les allocations familiales.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Allocations familiales,
élément 1, adopté. Elément 2?
M. FORGET: A l'élément 2, administration, il s'agit des
honoraires qui sont versés à la Régie des rentes pour
l'administration du régime.
M. CHARRON: Adopté, quant à moi.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Adopté. Alors, programme 1,
adopté. Programme 2: Aide sociale?
Aide sociale
M. FORGET: Est-ce qu'il y a des questions sur la régie sur
lesquelles vous voudriez revenir?
M. CHARRON: Vous pouvez aller regarder la deuxième
période.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Frontenac, sur le programme 2.
M. LECOURS: M. le Président, mon expérience de
médecin et de nouveau député depuis six mois m'a
enseigné certaines choses. J'ai relevé dans mon comté les
dossiers de presque tous ceux qui sont venus à mon bureau me consulter
à propos de l'aide sociale. J'ai réalisé une chose, entre
autres, c'est que, si on pouvait améliorer les articles 302 et 303, on
pourrait régler environ 25 p.c. des cas qui viennent se plaindre qu'ils
n'ont pas assez de revenus ou de prestations de l'aide sociale. L'article 302
porte sur le coût mensuel des loyers. Je ne verrais pas pourquoi, dans
une région, la mienne, par exemple, si quelqu'un peut trouver un loyer
à $55 par mois, ses prestations seraient diminuées de la
différence entre $105 ou $65. Je trouve cela anormal. Si quelqu'un peut
trouver un loyer à meilleur marché, pourquoi ses prestations
seraient-elles diminuées? A l'article 303, ici, je me dois de
défendre les veuves et les invalides qui reçoivent seulement,
pour ceux qui sont propriétaires, $10 par mois pour améliorer ou
pour faire des réparations à leur demeure. Je pense que c'est
inconcevable, à l'heure actuelle, d'offrir $10 à ces personnes.
Je pense que cela crée des problèmes extraordinaires pour ces
personnes. Pour moi, l'aide sociale présentement, ce n'est
peut-être pas parfait, mais, si on améliore les articles 302 et
303, je suis persuadé que la plupart des assistés sociaux vont
pouvoir dire au moins qu'on a fait quelque chose de réellement bien pour
eux.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. FORGET: Nous avons déjà abordé de façon
assez générale, cet après-midi, cette question de
distinction entre un régime de sécurité du revenu ou un
régime de revenu garanti et un régime qui est accordé aux
besoins spécifiques. J'ai indiqué que dans l'ensemble des
réformes qui avaient été apportées, dans le secteur
de
l'aide sociale, depuis quelques années et tout
particulièrement en janvier, il y a eu un effort pour se rapprocher d'un
régime de revenu garanti plutôt que d'un régime
d'évaluation particulière et spécifique de besoins
particuliers. On est, malgré tout, encore dans un régime qui
conserve un élément et c'est peut-être le seul
élément qui demeure d'une évaluation
spécifique des besoins, et c'est constitué par l'article 302 sur
lequel le député de Frontenac attire notre attention.
Il s'agit là d'une disposition des règlements en vertu de
laquelle on évalue, à titre exceptionnel, le besoin du
ménage en question, qu'il s'agisse d'une personne seule ou d'une
famille. Ce besoin est constitué par ses dépenses de logement. Si
les dépenses qu'il encourt effectivement sont inférieures
à ces taux, son aide sociale est réduite. Si les dépenses
de logement qu'il encourt sont égales ou supérieures, son aide
sociale n'est pas réduite. Ceci est un reliquat d'une période
où l'on remboursait spécifiquement le coût du loyer.
Essayons de nous replacer à cette période antérieure.
L'introduction dans le barème général d'aide sociale d'une
certaine somme pour couvrir les frais de logement, quelle que soit la
région du Québec on prévoyait avant des
régions spécifiques quel que soit le montant précis
qui est payé par la famille, constitue un mouvement vers un
régime de revenu garanti.
Cependant, il y a des contraintes qui jouent sur l'ensemble du
système et ce sont les régimes de partage de coût,
notamment le régime canadien d'assistance publique. C'est un des
éléments qui, sans aucun doute, fait l'objet d'une revue et qui
est susceptible d'être modifié dans le processus de
révision. Cette loi, telle qu'elle existe cependant dans le moment,
exige de retenir au moins une dimension d'évaluation de besoins. C'est
celle qu'on retrouve ici. Les montants qui sont contenus à cet article,
$65 de loyer pour une personne seule, $85 pour deux personnes, etc. ne
constituent pas les sommes qui sont incluses dans les barèmes d'aide
sociale. Les barèmes d'aide sociale incluent des sommes qui sont
supérieures à ces montants. Ce sont des seuils. Si une famille ou
un ménage a des dépenses de logement qui sont inférieures
à ces seuils, son aide sociale est diminuée en
conséquence, puisqu'on a évalué spécifiquement ce
besoin à titre exceptionnel. Pour aider ces familles, pour leur
permettre d'avoir un revenu plus considérable, ce qu'il faudrait faire,
c'est effectivement, non pas augmenter ces sommes mais les diminuer, sommes en
dessous desquelles on réduit l'aide sociale. Il est clair que si ces
sommes étaient, pour citer un cas extrême, de $5 pour une personne
seule et $10 pour une famille, il n'y a aucune coupure pour aucun ménage
qui serait effectuée dans l'ensemble du Québec. Si, par contre,
on haussait les sommes, il y aurait beaucoup plus de familles qui subiraient
des coupures dans leurs prestations d'aide sociale.
Donc, pour aider les familles, pour leur permettre de garder une aide
sociale supérieure, il faudrait réduire ces montants. Ces
montants, encore une fois, ne sont pas égaux, ne sont pas
équivalents à ce qui est inclus dans la prestation d'aide sociale
pour payer le loyer et qui est une somme supérieure. Il est clair que
nous considérons sérieusement cette question qu'a soulevée
le député de Frontenac. C'est un des aspects des
règlements de l'aide sociale qui a fait l'objet d'un examen par mon
ministère et qui est susceptible, au fur et à mesure de nos
disponibilités, de faire l'objet d'une amélioration dans le sens
suggéré.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Rosemont.
M. BELLEMARE: Est-ce que le ministre ou son ministère est au
courant d'ailleurs à Montréal, dans mon comté, cela
existe qu'il y a certains couples qui se séparent d'un accord
commun? L'un prend une chambre à $10 par semaine et la femme ne prend
aucun recours juridique contre son mari. Les deux bénéficient du
bien-être social. Les deux loyers sont subventionnés par le
bien-être. En fait, ils demeurent toujours ensemble. Surtout si la femme
est belle, les plaintes sont moins fortes. Est-ce que le ministère
entend prendre des recours quelconques de ce côté? Il ne faut pas
s'en cacher, ce sont des faits qui existent.
M. FORGET: On peut répondre de plusieurs façons à
un problème comme celui-là. Il y a d'abord des cas
spécifiques qui peuvent, bien sûr, être signalés
à l'attention des gestionnaires du programme. C'est un peu l'argument
que présentait aussi le député de Rouyn-Noranda
relativement à ce problème de couples qui sont
séparés et qui, s'ils sont effectivement séparés,
sont considérés comme des ménages distincts. Il faut
cependant, tenir compte que les coûts de subsistance de ce qui devient
à ce moment deux ménages, avec deux loyers à payer, sont
très généralement supérieurs à ce qu'ils
seraient pour les mêmes personnes si elles faisaient partie du même
ménage. Donc, il y a en effet. un avantage apparent à une
situation comme celle-là, mais un avantage qui est compensé et
souvent largement compensé par les coûts additionnels
associés à une vie séparée.
Si, cependant, la séparation est factice, les règlements
de l'aide sociale permettent de considérer ce couple, même s'il
est juridiquement séparé ou même s'il n'est pas
marié du tout, comme un ménage et de lui verser la prestation qui
est versée à un seul ménage plutôt qu'à des
individus isolés. Donc, il peut y avoir, bien sûr, une
inadvertance ou une négligence sur un plan administratif, mais il s'agit
là de cas particuliers sur lesquels on ne demande pas mieux que
d'être alerté, de manière à apporter les corrections
nécessaires.
M. BELLEMARE: S'ils sont légion...
M. FORGET: II faut les signaler s'ils sont légion, nous n'avons
pas l'impression qu'ils sont légion. Encore une fois, s'il y a des cas
particuliers, il faut les signaler. Pour ce qui est des séparations qui
interviennent et qui ne s'accompagnent pas d'un recours normal de
l'épouse, surtout s'il y a des enfants, envers son ex-mari ou son mari
dont elle est séparée, pour une pension alimentaire, il y a dans
la loi et sur un plan administratif des mesures que l'on peut vous
décrire plus longuement si c'est désiré. En vertu de
celles-ci, on peut exercer ces recours ou interrompre le paiement d'aide
sociale. Sur un plan administratif, il y a des ententes avec les bureaux d'aide
juridique, de manière que ces recours ne soient pas omis lors de
procédures en séparation.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, le député de Frontenac
a ouvert très légitimement la discussion sur les
règlements de l'aide sociale. J'imagine que plusieurs
députés ont des cas précis en tête, surtout dans le
centre sud de Montréal, ce n'est pas cela qui manque. J'en profiterais,
moi aussi, pour poser quelques questions sur l'application de ce
règlement, en partant d'ailleurs du même article qu'a
signalé le député de Frontenac. J'ai compris et entendu
l'explication du ministre quant à l'existence de ce barème de
logement, en dessous duquel le bénéficiaire est en quelque sorte
pénalisé s'il vient à se trouver un logement d'un loyer
inférieur à cela. Il se peut, M. le Président, qu'un
bénéficiaire de l'aide sociale puisse trouver un logement pour
une personne seule à $60 par mois. Ceci dit, il se trouverait sous le
barème. Il se trouverait donc à être
pénalisé, mais il se peut que ce même
bénéficiaire ait à défrayer les coûts
d'électricité et de chauffage de cet appartement. Il se trouvera
avec le même coût que d'autres personnes qui paieraient $70, mais
tous frais compris, donc non pénalisées. Lui, parce qu'il paie
seulement $60, se voit diminuer son aide sociale parce qu'il est sous le
barème. En plus de cela, c'est peut-être la raison pour laquelle
il paie seulement $60, il a à payer le chauffage et
l'électricité. S'il ne payait pas le chauffage et
l'électricité, on lui aurait probablement chargé $70 comme
tout le monde.
Cela équivaut à peu près à $10 par mois du
coût total. Il ne serait pas pénalisé. J'ai des cas aussi
chez nous, dans Saint-Jacques. Je pense que n'importe quel collègue
pourrait soulever des cas de ce genre. C'est dans ce sens, j'imagine en tout
cas, que le député de Frontenac faisait son intervention.
Je conçois très bien l'explication du ministre. Si, par
hasard, une personne réussit à se loger à un prix
inférieur, ce n'est pas à l'Etat québécois de
défrayer le coût, mais il est possible que ce soit un tour de
force pour cette personne de s'être trouvé un logement à
prix vraiment modique: $60 par mois, dans Montréal, c'est rare.
M. LECOURS: Pas à ce prix.
M. CHARRON: II y en a encore. Les taudis de l'ouest de la rue
Ontario.
M. LECOURS: Ils préfèrent vivre dans des taudis et manger
trois fois par jour. C'est bien leur droit.
M. CHARRON: Cela appartient au Royal Trust, je pourrais vous les donner.
Il y a des logements sur la rue Amherst, à proximité de mon
bureau, où l'on paye encore $45 par mois. Ce sont des taudis. Il n'y a
ni baignoire ni eau chaude, punaises comprises, tout ce que vous voudrez. Ce
sont des taudis.
Mais cette personne qui paye $45 par mois se trouve
pénalisée en vertu de ce barème. Elle a à payer son
Cascade 60, si elle veut l'eau chaude, elle à à payer son
électricité et elle a à payer le chauffage d'un taudis, ce
qui représente certainement un coût assez élevé
quand il y a du jour autour de chaque fenêtre. C'est dans ce sens, M. le
Président, que je considère l'intervention du
député de Frontenac comme particulièrement bien
fondée.
M. SAMSON: Dans le même sens, je pense qu'il y va également
de la liberté de l'individu qui, de toute façon, n'a pas un
revenu suffisant. Je pense que personne ne contestera que, quand on
bénéficie du bien-être social, on n'a pas un revenu
suffisant. Il devrait donc y aller de la liberté de l'individu de
s'imposer des privations de lui-même sans qu'on les lui impose. C'est
aussi le cas général dans ma région. Si un individu ou une
famille peut obtenir le même barème d'aide sociale en
décidant de se priver d'un logement confortable pour mieux manger, je
pense que c'est absolument légitime. La loi devrait être assez
souple pour le permettre à cette famille.
Eivdemment, nous retrouvons ces problèmes dans notre
région, comme dans la région de Montréal, comme dans la
région du député. D'ailleurs, je félicite le
député de Frontenac d'avoir ouvert le débat sur ce sujet
d'une façon aussi positive.
Je sais qu'il a les mêmes problèmes que nous avons dans
toutes les régions du Québec, lorsque nous rencontrons les
électeurs qui nous soumettent ces problèmes. Je sais aussi que le
ministre, sachant son désir d'améliorer la situation, va
sûrement les prendre en considération.
En ce qui concerne les couples séparés ou en voie de
séparation, j'ai cru comprendre le raisonnement du ministre, qui est le
suivant, si je l'interprète bien: Les frais sont accrus si les personnes
demeurent en logements séparés. Il est bien entendu, et nous le
savons aussi, qu'il y
a des frais accrus. Mais il est déjà arrivé
ce n'est peut-être pas la majorité, je le conçois
que le deuxième logement, si vous voulez, a été choisi de
façon qu'il coûte passablement moins cher que le premier.
Même si, dans certains cas, il y a des séparations
théoriques, il demeure encore que les conjoints se font un clin d'oeil
de temps en temps, M. le ministre. Vous allez comprendre, et vous
n'éviterez pas cela.
M. CHARRON: C'est l'amour.
M. SAMSON: Cela revient à dire que la séparation de la
famille ne se fait pas pour des raisons autres que le manque de revenu. Parce
que l'on a un manque de revenu, on cherche toutes sortes de solutions, celles
qui sont à la portée de la main, jusqu'à celle de
déclarer un logement sur une rue, avec un numéro qui ressemble
drôlement à certaines listes électorales. Vous comprenez ce
que je veux dire! Il y en a qui ne comprennent pas encore, M. le ministre, on y
reviendra lors de la réforme électorale. Le ministre non plus?
Vous avez peut-être avantage à suivre de plus près la
politique, vous comprendriez alors ce que je veux dire.
C'est qu'il y a des logements qui sont déclarés, mais qui
n'existent pas.
M. BELLEMARE: Dans le comté de Rouyn-Noranda?
M. SAMSON: Je fais référence surtout au... M. BONNIER: II
faudrait rester sur le sujet. M. SAMSON: ... comté de Rosemont.
M. BELLEMARE: Dans le comté de Rouyn-Noranda...
M. SAMSON: M. le Président, tout ceci pour dire que si ces gens
sont obligés de chercher toutes sortes de moyens comme cela, c'est parce
qu'il y a un manque de revenu familial, c'est clair. Si une personne demeure
dans un logement à $95, on lui donne $95. Si elle décide de
s'imposer des privations et de demeurer dans un logement de $45 il y en
a, peut-être moins qu'auparavant, mais il y en a encore on ne lui
donne pas la compensation. Evidemment, c'est malheureux, je vous le dis, parce
que l'individu devrait avoir la liberté de choisir lui-même la
façon d'aménager son budget en fonction d'un revenu familial.
C'est comme cela.
Aujourd'hui, cela ne se présente pas ainsi et on retrouve des
situations aussi drôles que la suivante: les gens, plutôt que de ne
pas avoir finalement la compensation, recherchent un logement plus confortable,
avec un revenu insuffisant. On ne mange pas trois fois par jour,
là-dedans, mais ne vous en faites pas, on est bien logé. Vous
savez, c'est un peu cela. On est dans une bonne maison, mais on n'a pas les
capacités de se nourrir suffisamment dans cette bonne maison.
Aussi, je voudrais demander au ministre s'il entend donner suite aux
demandes de Me Marceau, le Protecteur du citoyen qui, dans un article paru dans
le Devoir du 3 mai dernier, déplore l'interprétation restrictive
suivant l'article voire illogique des règles de la Loi de
l'aide sociale. Premièrement, est-ce que le ministre a pris connaissance
de ces déclarations du Protecteur du citoyen et est-ce qu'il entend y
donner suite?
M. LECOURS: J'aimerais avoir le commentaire, M. le Président, du
ministre à propos de l'article 303. Est-ce que le gouvernement a
l'intention d'augmenter l'allocation de $10 par mois allouée aux veuves
et aux invalides pour l'entretien de leur maison? Je pense que c'est une
question bien importante. J'aimerais avoir une réponse.
M. FORGET: M. le Président, j'ai noté du mieux que j'ai pu
un certain nombre de questions qui sont fort rapprochées les unes des
autres et qui touchent ces deux articles. J'ai indiqué, tantôt,
dans ma première réponse, que cette disposition de
règlements 3.02 faisait l'objet d'une attention. Ce n'est pas une
réponse de style que j'ai apportée. J'ai souligné
également, ce matin, qu'à trois reprises, l'an dernier, il y a eu
des modifications parfois fort substantielles aux règlements de l'aide
sociale. C'est une expérience qui est vécue de manière
continuelle; l'administration de ce régime nous procure les occasions
d'apprendre et d'améliorer de manière continuelle,
également, son fonctionnement. Ce qui veut dire que, loin de fermer la
porte à des modifications qui pourraient viser ces articles, j'indique,
sans hésitation, que c'est un aspect du fonctionnement de la Loi de
l'aide sociale, ces deux articles que nous examinons de très
près, sur lesquels nous aurons peut-être des modifications que
malheureusement je ne peux pas annoncer ce soir, mais nous sommes
sensibilisés très certainement, à l'importance de ces
questions. Nous sommes sensibilisés également à
l'importance d'un certain nombre de problèmes qu'a soulevés le
Protecteur du citoyen dans son rapport, dont j'ai effectivement pris
connaissance et au sujet duquel, d'ailleurs, j'ai déjà
demandé que l'on examine certaines possibilités
d'amélioration.
Donc, de ce côté, on peut envisager, sans même
attendre les révisions annuelles, une revue continuelle et une
amélioration dans les meilleurs délais d'un certain nombre de
mesures. Enfin, toutes les mesures font continuellement l'objet d'un examen.
Encore une fois, je ne peux pas annoncer ce soir quelle sera la nature de ces
changements ni quelle sera leur envergure, mais il n'est pas question
d'exclure, très certainement, des modifications.
Malgré tout, j'aimerais souligner que, par certaines
interventions, on a très bien illustré deux propositions qui ont
été faites par moi-même et aussi par d'autres, aujourd'hui,
relativement à l'avantage qu'il y a, en premier lieu, d'avoir un
régime de sécurité de revenu garanti plutôt qu'un
régime spécifique de remboursement de dépenses. C'est le
député de Rouyn-Noranda qui rappelait précisément
l'importance de laisser aux bénéficiaires des allocations
sociales certains choix en vertu desquels ils vont pouvoir tirer le plus grand
profit possible des sommes qui leur sont données, en prenant en
particulier, certaines décisions affectant leur style de vie, leur mode
de vie. C'est un point de vue que nous partageons entièrement. C'est
d'ailleurs un point de vue qui a orienté les modifications du
régime jusqu'à maintenant.
M. CHARRON: Oui, mais encore faut-il et je pense que le
député de Rouyn-Noranda n'a pas négligé de le
souligner que la possibilité économique de l'exercice de
ce choix existe.
M. FORGET: Sans doute.
M. CHARRON: J'ai souvent l'impression que le ministre des Affaires
sociales est plus apte à défendre la conception de son
régime qui dit: L'important est de ne pas imposer des choix de
remboursement sur facture ou des genres de tatillonnages bureaucratiques comme
celui-là. Quand on a $170 par mois pour vivre dans une ville comme
Montréal et dans n'importe quelle région du Québec
l'exercice du choix est très relatif.
M. le Président, à l'article 3.02...
M. FORGET: M. le Président, est-ce que vous permettez que je
continue?
M. CHARRON: Oui.
M. FORGET: Vous pourrez ensuite faire le commentaire qui vous
paraît approprié.
Je disais donc qu'il nous parait important de continuer à
orienter le régime dans le sens de favoriser ces choix. C'est ce que
nous avons fait et c'est la raison pour laquelle nous considérons que
cette clause assez exceptionnelle dans le régime, actuellement, ce
barème de logement, doit probablement demeurer, étant
donné des contraintes au niveau du partage des coûts avec le
gouvernement fédéral, mais ne doit certainement pas
s'accroître en importance.
Cependant, l'exemple même que nous avons entendu, d'une
séparation factice qui s'accompagne d'un second logis avec un loyer
dérisoire, montre malgré tout que, même si l'on veut
diminuer l'importance de cet élément d'évaluation des
besoins, il peut jouer un rôle, pourvu qu'il joue un rôle minimum,
pour ce qui est d'établir le niveau des prestations, mais un rôle,
malgré tout, important pour empêcher justement ces situations
irrégulières, puisqu'une per- sonne qui aurait un logis pour
lequel le loyer serait de $10 par mois, une personne seule, par exemple, qui
est séparée ou prétendument séparée, verrait
sa prestation de personne seule réduite, dans ce cas, de $55 par mois,
diminuant ainsi grandement le bénéfice d'une séparation
factice.
C'est donc qu'il y a quand même un certain fond de justification,
peut-être, dans ce barème d'évaluation de ce besoin
particulier, quoique l'on puisse se poser des questions sur son niveau absolu,
question que nous nous posons d'ailleurs.
Cependant, avant de dire, comme l'a fait le député de
Saint-Jacques, que l'assisté social est pénalisé par une
telle situation, je pense que c'est exagérer un peu la signification de
cette disposition. Il se peut qu'il y ait une pénalisation. Cependant il
ne suffit pas d'observer le règlement pour conclure à une
pénalisation.
Prenons un exemple assez simple. Je prends des chiffres ronds, des
chiffres qui ne sont pas nécessairement les vrais chiffres, mais qui
vont aider à comprendre assez simplement ce que je veux dire. Supposons
que, dans le barème pour une personne seule, il y aurait une somme de
$80 d'attribuée pour le besoin de logement, mais dans l'allocation
générale. Ces sommes ne sont pas ventilées, mais une somme
équivalant à environ $80 serait donné implicitement, dans
le barème général d'aide sociale. Comme le barème
de logement est à $65, si la personne seule, effectivement, ne paye que
$60, elle sera pénalisée, si l'on veut, en voyant son allocation
diminuer de $5. Il reste qu'en payant $60, elle conserve, dans son allocation
générale, une somme qui est supérieure au loyer qu'elle
paye.
Donc elle n'est pas véritablement pénalisée, elle
subit effectivement une diminution, elle subit peut-être une restriction
dans ses possibilités de faire des choix, mais il demeure qu'elle n'est
pas pénalisée pour ce qui est de ses possibilités de se
trouver un logement adéquat.
M. CHARRON: Mais la question est, suivant votre exemple : est-ce que,
dans le coût mensuel des besoins ordinaires, l'évaluation actuelle
du loyer est supérieure à $65, que nous retrouvons au
barème de l'article 3.02.
M. FORGET: Cette évaluation est généralement
supérieure. Ce n'est pas un barème inspiré directement par
une ventilation de la prestation d'aide sociale, c'est un barème
inspiré, au contraire, par un test. C'est un seuil, ce n'est pas
envisagé comme étant le coût moyen du logement pous les
assistés sociaux.
Maintenant, le point qui a été soulevé relativement
au coût de l'énergie pose exactement le même
problème, la pénalisation n'est pas automatique. Pour vraiment
pouvoir répondre à cette question, il faut connaître le
montant que la prestation générale comporte implicitement pour
les frais d'énergie et voir si, étant donné ses frais
d'énergie et les frais qui
sont effectivement assumés par le bénéficiaire
d'aide sociale, il y a eu sous-estimation. S'il y a eu sous-estimation, si, par
exemple, on a prévu implicitement $20 ou si on pouvait supposer qu'il y
a $20 affectés pour les besoins de l'énergie, normalement ou en
moyenne, et que ces frais sont de $30 par mois, il y a évidemment une
sous-évaluation de la prestation générale,
sous-évaluation qui devrait, sans aucun doute, être
corrigée si on la constatait. C'est d'ailleurs une des raisons pour
lesquelles tout ce problème de l'article 3.02 fait l'objet d'un
examen.
M. CHARRON: M. le Président.
M. BONNIER: M. le Président, je veux juste faire un commentaire
là-dessus. Je ne voudrais pas prolonger le débat sur la question
du loyer, mais c'est, socialement parlant, une question très importante.
Je pense que la façon de l'étudier, ce n'est pas à partir
d'une analyse absolue d'un cas individuel par rapport à lui-même,
quand un assisté social discute cela avec nous, c'est parce qu'il sait
combien le voisin et le deuxième voisin et le troisième voisin
ont. Puis il dit: Lui a droit à tant par mois; moi, parce que je me loge
à moins, que je consens, comme dit le député de
Rouyn-Noranda, à des sacrifices sur mon logis, j'ai moins. C'est comme
ça, c'est une question un peu relative.
Cependant, je pense qu'on saisit tous très bien le point de vue
du ministre qui est que, comme philosophie, si je comprends bien, le
ministère tend vers une philosophie basée sur le revenu annuel
garanti, donc implicitement l'individu faisant les choix qu'il veut à
même un montant X qu'il aurait. Mais nous sommes en cheminement, si je
comprends bien, nous sommes encore un petit peu à cheval sur cette
philosophie axée sur les besoins. C'est ça, je pense bien, le
problème fondamental, mais je voudrais quand même faire remarquer
au ministre que ce n'est pas l'individu par rapport à lui-même,
mais l'individu par rapport aux autres qui se compare toujours.
M. CHARRON: Excellente intervention, M. le Président.
M. SAMSON: M. le Président, je tiens compte de l'intervention de
l'honorable député de Taschereau. Evidemment, on n'est pas dans
un contexte de revenu annuel garanti, si vous voulez, mais il demeure que les
besoins et les problèmes qui se posent maintenant doivent obtenir des
solutions maintenant. Est-ce que le ministre accepterait d'envisager
l'étude de ce problème de la façon suivante, par exemple:
Considérant le barème maximum accordé pour le loyer, en
tentant d'en arriver à un barème minimum, peut-être que
cela réduirait la marge? Je m'explique. S'il y avait entre le
barème minimum et le barème maximum, par exemple, une vingtaine
de dollars, cela voudrait dire que, pour obtenir le barème maximum
évidemment, il faut le justifier par les dépenses, alors
que le barème minimum, lui, serait automatique le citoyen
concerné pourrait, suivant sa décision, loger dans un logement
qui coûte moins cher, qui vaut moins cher et qui est moins
confortable.
Il pourrait s'imposer ces sacrifices, si tel est son désir,
toujours en considérant qu'il n'a pas le choix, parce que c'est dans un
portefeuille qui est globalement insuffisant. Mais dans ce portefeuille
globalement insuffisant, si, par exemple, le barème minimum est de $75,
et que la personne en question, voulant s'imposer des sacrifices, trouve un
logement à $45 ou $50, son sacrifice de loger dans un logement moins
confortable serait compensé par une possibilité de $25 ou $30 par
mois supplémentaires pour les autres besoins de la famille. C'est dans
ce sens que je pense qu'il y aurait peut-être lieu d'envisager cette
possibilité d'un barème minimum, au moins.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Frontenac.
M. LECOURS: M. le Président, j'avais cru comprendre que, l'hiver
dernier, les assistés sociaux avaient une subvention spéciale
pour compenser l'augmentation du prix de l'huile à chauffage. Beaucoup
de personnes me téléphonent à mon bureau, apparemment
elles ont entendu cela à la télévision, j'en avais
déjà discuté avec M. le ministre, j'aimerais avoir des
commentaires à propos de cela.
M. FORGET: Je vais répondre dans l'ordre, si vous me permettez.
Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre, ou si je comprends bien la
question du député de Rouyn-Noranda, mais le barème qui
figure à l'article 3.02 est effectivement un barème minimum, non
pas un barème maximum. Dans le sens suivant: si un ménage fait
une économie dans le choix d'un logement, cette économie lui est
acquise et il peut la consacrer à d'autres fins pourvu que le loyer
qu'il paie ne devienne pas inférieur au montant indiqué dans cet
article qui, encore une fois, ne doit pas être considéré
comme étant le coût que doit payer ou est censé payer la
majorité des assistés sociaux, mais comme un barème
minimum. Donc si, au lieu d'avoir un logis, par exemple dans le cas
d'une personne seule de $100 par mois, cette personne se loge pour $65
par mois, l'économie de $35 ne lui est pas retirée, n'est pas
récupérée par l'aide sociale; elle lui est acquise cette
économie, elle peut la consacrer à des besoins de logement. Si,
cependant, elle paie $60, son aide sociale est diminuée de $5, non pas
de $40 ou de quelqu'autre somme, par rapport à un barème maximum
qui serait prévu.
Encore une fois, si l'on veut empêcher ces diminutions dans les
prestations d'aide sociale,
si l'on considère que même ces sommes, même aux
coûts des loyers actuellement, sont trop considérables, il faut
les diminuer pour empêcher ou diminuer la probabilité de ces
réductions. Encore une fois, si on en vient à une situation
extrême, où ce sont des chiffres de $5 et $10 $5 pour une
personne seule, $10 pour un ménage alors on peut affirmer sans
crainte de se tromper qu'aucun bénéficiaire d'aide sociale ne
subira une diminution de son aide sociale, à la suite d'économies
qu'il réaliserait en se logeant moins cher. Donc, c'est toujours en
diminuant ces chiffres qu'on aidera les assistés sociaux, pas en les
augmentant. Parce que toutes les économies qu'ils font entre ces sommes
et un montant supérieur, ce sont des économies qu'ils conservent,
qui leur sont acquises, qu'ils peuvent consacrer à l'alimentation, par
exemple, ou au vêtement.
M. SAMSON: Au point de vue pratique...
M. CHARRON: On pourrait toujours concevoir de les augmenter, ces
barèmes, si on inclut les frais d'énergie.
M. FORGET: Non, même en incluant les frais d'énergie...
Enfin, cela dépend quelle est l'envergure des frais qu'on inclut, mais
je ne crois pas...
M. CHARRON: D'accord.
M. FORGET: Je ne crois pas que ce soit une solution, parce que si l'on
augmente en même temps les barèmes et qu'on inclut des frais qui
ne sont pas actuellement inclus dans le calcul, on serait exactement au point
de départ.
M. CHARRON: Cela dépend de combien on ajoute.
M. FORGET: II faudrait ajouter moins au barème qu'on inclut pour
les frais d'énergie...
M. CHARRON: Ou alors maintenir le barème tel qu'il est là,
mais inclure les frais de chauffage et d'électricité, dans le
calcul. Si une personne, une fois son loyer payé, chauffé et
éclairé, se trouve à payer une somme inférieure
à $65, là, je reprends mon terme de tout à l'heure, la
pénalité puisqu'il s'agit d'une pénalité, on
soustrait du montant normalement prévu dans le coût mensuel des
besoins ordinaires pourrait s'appliquer. Mais je reprends mon cas de
tout à l'heure, il est possible qu'une personne se retrouve sous ce
barème de logement simplement parce que les frais
d'électricité et de chauffage ne sont pas inclus. J'en fais une
demande formelle pour qu'au ministère des Affaires sociales on reprenne
ce calcul.
Je ne suis pas contre l'existence d'un barème de logement et je
n'ai pas entendu le député de Rouyn-Noranda se prononcer contre
l'existence du barème de logement minimum. Je suis pour qu'il couvre la
dépense en entier affectée au logement. Il n'y a pas de logement
qui ne s'éclaire pas et qui ne se chauffe pas au Québec. Donc, si
on fixe un barème de logement et qu'on est même prêt
à pénaliser les bénéficiaires dans leur revenu
total, qu'on le calcule.
M. le Président, je ferai une dernière remarque avant de
remettre la parole au ministre. C'est que, depuis tout à l'heure, nous
discutons d'économie pour savoir qui se fait $5, qui se fait $10. En
sort-il avec $15 supplémentaires ou est-ce le ministère qui est
perdant dans l'échange? Mais gardons toujours à l'esprit que nous
sommes en train de parler, par exemple, de personnes seules qui vivent avec
$170 par mois. Alors, que cette personne vienne à bout de faire une
économie de $5, ce n'est pas catastrophique pour le ministère des
Affaires sociales et c'est à peine bénéfique pour la
personne qui a $170.
Tout à l'heure, dans votre réponse à
l'argumentation de tous ceux qui ont participé au débat, vous
nous signaliez qu'il se peut que la personne y trouve avantage, que
l'économie qu'elle fera sur le loyer, par exemple, lui appartienne en
plus pour couvrir les autres besoins. Je vous ai demandé, en
réponse à votre augmentation, la ventilation dans le coût
mensuel des besoins ordinaires de $170. Parce qu'avant d'affirmer que certaines
personnes peuvent en profiter, j'imagine très difficilement, si je fais
la ventilation, comme j'ai eu souvent l'occasion de la faire avec des personnes
dans cette situation, qu'effectivement, dans les $170, au total, de revenus
mensuels pour un Québécois en 1974, l'évaluation des frais
affectés au logement dépasse ces $65. Vous me dites: Si dans le
calcul des besoins ordinaires, c'était $80, il pourrait se faire $15;
même pénalisé à $60, perd $5, mais il garde $15. Je
n'ai pas l'impression que la ventilation dans les $170, devant couvrir la
nourriture, le vêtement, dépenses personnelles et logement,
affecte une somme supérieure à $65. Mettez $65 pour le logement,
soit le barème que l'on retrouve à l'article 3.02, il reste $115.
Mettez $15 pour les frais d'énergie pour toute l'année, que nous
n'avons pas calculés dans les frais de logement, pour des
réparations ou de l'ameublement, rien n'est compris encore
là-dedans, ou des améliorations de l'intérieur, $15 par
mois. Il reste à la personne $100 par mois pour se nourrir et pour
s'habiller. C'est $25 par semaine, avec le boeuf haché à $1.59 la
livre. C'est cela que cela veut dire.
Alors, une personne qui réussit l'exploit d'économiser $5
lorsqu'il s'agit de louer un logement, ce n'est pas le ministère des
Affaires sociales qui est perdant. Je dirais qu'il est même gagnant dans
l'ensemble, puisqu'une personne se trouvera à vivre un peu mieux avec
ses $170 par mois.
Mais, depuis tantôt, on a l'impression qu'on est en train de
discuter c'est peut-être notre habitude, à force de
fonctionner dans des
budgets immenses de $170 millions. Souvent, les chiffres avec
lesquels on travaille sont des abrégés de millions et parfois
même de milliards. Nous parlons de $170 affectés par un taux
d'inflation incroyable, dans le Québec de 1974. On n'a pas à s'en
faire pour les économies.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Vanier.
M. DUFOUR: Bon. Comme vous le voyez, les articles 3.02 et 3.03
créent bien des problèmes. On a parlé des barèmes.
Je voudrais poser une question surtout pour savoir comment on pourrait se
débarrasser, nous, les députés, de cet achalandage
causé par ces deux articles. Dans l'intervention du député
de Frontenac, il y avait un sous-entendu et je pense que c'est un peu
celui-là. On est achalandé dans nos bureaux et on n'a jamais de
réponse favorable à leur donner.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'étudier un moyen pour nous
soulager un peu?
Deuxièmement, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire une
étude de réorganisation des centres ou des bureaux de service
social? Les gens vont aux bureaux du service social, sont plus ou moins bien
reçus. A ce moment-là, vous les voyez revenir chez nous, disant
qu'on ne veut pas les écouter, etc., etc. Alors, je crois que c'est bon
de parler d'argent, mais c'est bon aussi d'essayer de régler certains
problèmes, de diminuer un peu notre travail. On est devenu des bureaux
d'agence sociale, même des bureaux de placement. Alors, je pense que,
s'il y avait une étude de faite au niveau des services locaux, cela nous
aiderait énormément.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. FORGET: Bien, j'aimerais, encore une fois, s'il est nécessaire
de le faire, après l'avoir fait deux fois, indiquer que je suis
personnellement sensibilisé et l'ensemble du ministère l'est
aussi, relativement à la question qui a fait l'objet de discussion
depuis près de deux heures, c'est-à-dire essentiellement cette
évaluation de besoins dans l'aide sociale, évaluation de besoins
dont on ne peut se départir totalement mais qui, relativement à
son niveau, pose un problème que nous étudions et auquel nous
croyons pouvoir apporter une solution.
Donc, je ne m'inscris pas en faux, pour employer une expression qui a
été utilisée souvent ce soir, relativement aux remarques
que la plupart d'entre vous avez faites là-dessus. C'est sans aucun
doute un problème. Nous le considérons et, encore une fois, il y
a eu, dans le passé, de nombreuses modifications et il peut encore y en
avoir, en particulier sur ce point-là.
M. CHARRON: II doit y en avoir.
M. FORGET: Sans doute. Il doit y avoir des modifications qui sont
nécessaires dans la mesure où elles sont nécessaires. Mais
c'est précisément ce qui fait l'objet de notre étude.
Donc, je suis loin de fermer la porte à cette modification. Encore une
fois, je ne peux pas vous l'annoncer ce soir.
Pour ce qui est du processus administratif, je me demande, M. le
Président, si on peut sans aucun doute en parler. D'un autre
côté, il y a au feuilleton de l'Assemblée nationale une
motion qui a précisément pour but d'examiner plus
complètement l'administration de l'aide sociale. C'est une discussion
qui pourra sans aucun doute se faire et qui sera sans aucun doute aussi
très intéressante non seulement, je l'espère, pour vous
mais également pour nous, à cause des suggestions qui peuvent
nous être faites à cette occasion. Je me demande si, étant
donné tout le travail qu'on a à faire sur les crédits, je
ne vous ferais pas l'invitation de réserver, à ce
moment-là, une discussion très complète sur
l'administration comme telle.
J'ai fait mention des problèmes qui existent là aussi, ne
serait-ce qu'en mentionnant une solution que nous avons mise en oeuvre, que
nous continuons de mettre en oeuvre, c'est-à-dire un programme de
perfectionnement des agents de sécurité sociale. C'est une chose
à laquelle nous croyons beaucoup. C'est une chose qui a une
signification encore plus grande maintenant que jamais dans le passé
à cause de l'allégement du fardeau de travail pour ce qui est des
tâches purement administratives. Il y a les recours que la loi permet.
Enfin, il y a toute cette question que nous pourrons examiner, à votre
convenance, très complètement.
Quant à moi, j'accueille avec beacoup de plaisir la
possibilité d'avoir une discussion de ce genre-là.
M. CHARRON: M. le Président, je m'empresse de décliner
l'invitation du ministre des Affaires sociales. D'abord, parce que nous sommes
tout à fait disposés à retirer la motion du feuilleton, si
cela intéresse le ministre. Nous l'avions posée parce que nous
jugions urgente la discussion de cette question. L'occasion nous en est
fournie, une fois par année, à l'étude des crédits
du ministère des Affaires sociales. L'ancien ministre s'y était
toujours prêté de bonne grâce. Il n'avait jamais
été nécessaire d'inscrire des questions au feuilleton et
des motions au feuilleton. Nous avons enfin l'occasion de discuter de ces
questions. Chacun des députés, même celui de Vanier,
faisait état d'un achalandage. Je pense que nous ne pouvons pas refuser
l'occasion qui nous est donnée, c'est celle que nos règlements
prévoient sans forcer aucune motion spéciale de la Chambre.
D'ailleurs, qui sait comment la Chambre pourrait disposer de pareille motion
d'un parti d'Opposition?
Nous avons effectivement plusieurs questions à poser encore
à ce chapitre de la Loi de l'aide sociale. Je serais
étonné qu'on en dispose ce soir. Je pense que le ministre n'a pas
à éviter la discussion. D'ailleurs, je trouve assez curieux
que le ministre soit beaucoup plus à l'aise lorsqu'on parie de
planification à coups de millions et de milliards de dollars et
d'orientation générale de sécurité du revenu que
lorsque les députés se mettent à défiler des cas
quotidiens que vivent les Québécois et que nous vivons, nous,
mais c'est notre métier et nous n'avons pas à nous en plaindre.
Pour ma part, je ne me plains pas de l'achalandage à mon bureau. Si nous
soulevons des problèmes très concrets vécus, mettons chez
nous, simplement, à Montréal, par quelque 45,000 assistés
sociaux, c'est parce que c'est l'endroit et qu'il faut que cela se fasse un
jour, cette discussion.
D'une part, ce sont des engagements que nous avons pris vis-à-vis
des citoyens mais, d'autre part, c'est un devoir de le faire. Nous votons des
lois et nous votons un budget de l'ordre de $2 milliards. Il faut voir ce que,
dans la vie concrète des Québécois, cela signifie. Sinon,
nous nous perdons dans des discussions et on pourrait aussi bien adopter cela
immédiatement, peu importe ce que cela signifie pour l'avenir du
Québec.
Par exemple c'est la question que j'allais poser au ministre des
Affaires sociales il y a des gens qui se font couper
l'électricité, lorsqu'ils ne sont pas en moyen de payer. Cela
arrive. C'est un cas qui s'est produit encore pendant cette fameuse
grève postale, qui a causé plus d'un problème à
cette catégorie de citoyens dont nous parlons ce soir.
HydroQuébec, par la voix de ses dirigeants, a déjà pris
position et elle a déjà dit qu'elle posait ce genre de gestes
à son corps défendant. Par exemple, voici un cas qui a
été soulevé à mon bureau; enfin, je ne veux pas
soulever un nombre inclaculable de cas, mais j'ai eu l'occasion de
vérifier auprès des responsables de HydroQuébec et on m'a
assuré que c'était après une série incroyable
d'avertissements pour que la personne règle la facture avec
Hydro-Québec.
Donc, Hydro-Québec, je ne l'accuse pas ici, ce soir, de
procéder de façon cavalière dans un service essentiel
à la population. Cela nous a même valu, à un moment
donné, d'adopter une loi d'exception pour faire retourner des
travailleurs en grève au travail, parce que l'électricité
était considérée comme un service essentiel. Or, il se
trouve que certains citoyens en sont privés parce que, dans leurs
revenus, par manque de prévision ou par manque de moyens, à
certains moments, ce service sssentiel ne leur est pas assuré.
Est-ce qu'il y a une entente, maintenant, entre Hydro-Québec et
le ministère, pour ne pas couper l'électricité aux
bénéficiaires de l'aide sociale? Y a-t-il eu des discussions et
les résultats sont-ils positifs sur cette question? Cela, ça
touche du monde aussi.
M. FORGET: M. le Président, avant que nous poursuivions la
discussion là-dessus, le député de Saint-Jacques mentionne
que nous hésitons à discuter de l'administration de l'aide
sociale. Au contraire, j'ai toujours considéré la motion qui,
d'ailleurs, a été présentée par un
député de l'Opposition, votre collègue de Chicoutimi,
comme une occasion de plus pour tous les collègues de l'Assemblée
nationale et particulièrement pour ceux qui appartiennent à
l'Opposition de s'exprimer là-dessus et d'obtenir des
éclaircissements.
Loin de refuser une discussion, je pense qu'aux dix heures
réglementaires ou davantage que nous pouvons consacrer aux
crédits, on peut ajouter du temps pour une discussion sur
l'administration de l'aide sociale. Il reste que c'est une initiative qui a
été prise par le député de Chicoutimi. La motion
est au feuilleton depuis deux mois. Si le député de Saint-Jacques
m'indique qu'il désire la retirer ou qu'elle peut être
retirée, je n'ai aucune objection à ce qu'elle le soit et qu'on
en discute ici, mais je pense qu'on peut difficilement envisager deux
discussions sur le même sujet.
M. CHARRON: D'accord.
M. FORGET: On peut le faire dès cette semaine, si vous le voulez.
D'ailleurs, je pense que nous ne siégeons pas en cette commission,
jeudi, pour les crédits. On peut le faire de toutes sortes de
façons et, encore une fois, nous accueillons avec beaucoup de plaisir
cette possibilité. Mais c'est un problème d'aménagement du
temps qui est réservé pour cette commission; il faut l'utiliser
au meilleur escient possible, étant donné d'autres
possibilités. C'est essentiellement un choix qui revient à
l'Opposition, qui a présenté cette motion, d'exprimer une
préférence pour une formule ou pour une autre.
M. CHARRON: Je répète au ministre que nous avions
proposé cette motion parce que nous étions désireux de
discuter le plus rapidement possible de cette question et cela nous paraissait,
à un moment, comme étant le seul moyen que nous ayons. La Chambre
a ajourné pendant les trois semaines d'avril. Je vous ferai remarquer
que, durant la dernière semaine de session, nous avons été
privés de notre journée des députés, le mercredi.
Alors nous avons eu, en fait, une journée des députés de
l'Opposition. Nous avons eu l'occasion de présenter une motion depuis la
reprise de la session.
Je peux prendre l'engagement, devant le ministre, de retirer dès
demain du feuilleton cette question puisque nous avons cette discussion
actuellement, si nous l'avons pleine et entière. D'autre part, le
règlement auquel fait allusion le ministre quant aux dix heures, c'est
un règlement qui permet au gouvernement, au parti ministériel,
après dix heures de discussion sur les crédits d'un
ministère en particulier, de juger l'étude complète et
d'en prendre le blâme ou le mérite, face à l'opinion
publique.
Ces dix heures, c'est un minimum à partir duquel la guillotine
gouvernementale peut intervenir, mais je rappellerai que nous avons eu, ne
serait-ce qu'au ministère de l'Education, encore cette semaine,
plus que dix heures de discussion, mais nous avons fait le tour des
problèmes. Cela arrive une fois par année et c'est le grand
privilège, peut-être la période de l'année la plus
intéressante pour les membres de l'Assemblée nationale puisqu'en
dehors d'une série de tracasseries, de procédures et de
législations qui s'accumulent, on peut aborder un certain nombre de
problèmes qu'autrement nous ne pouvons pas aborder.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Frontenac et, par la suite, le député de Taschereau.
M. LECOURS: M. le Président, c'est peut-être une vieille
méthode de vieux médecin de campagne, mais j'aimerais savoir, par
un oui ou par un non, si les assistés sociaux, qui ont dû
s'endetter, l'hiver dernier, pour payer leur huile à chauffage, dont le
prix a augmenté de façon extraordinaire, vont avoir de l'aide ou
pas?
M. FORGET: Je m'excuse envers le député de Frontenac, qui
avait posé sa question à la suite d'une autre intervention, de ne
pas lui avoir répondu dans ce cas précis.
Ce qui a été annoncé l'hiver dernier, relativement
au problème de chauffage, visait les frais d'installation et de
réparation de fournaise, dans le cas de personnes qui
déménagent, qui ont à s'installer ou qui ont à
faire réparer une fournaise. Cette aide avait été
jugée nécessaire, à l'époque, pour répondre
à un problème pressant, qui avait, par inadvertance,
été omis dans les règlements.
Pour ce qui est des frais d'énergie proprement dits, je pense que
toute la discussion que nous avons eue ce soir, justement relativement au
barème de logement, entre autres, et les réponses que j'ai
données qui, encore une fois, n'étaient pas négatives,
sans vouloir vous donner une réponse définitive sur une extension
ou une modification aux règlements ce soir, indiquent que nous examinons
cette question et que, pour ce qui est des mois de juin, juillet et août,
les frais de chauffage, par bonheur, si le climat nous favorise le moindrement,
ne devraient pas être trop pressants mais très certainement, nous
aurons une réponse à cette question pour les mois d'hiver.
M. BONNIER: M. le Président, je ne voudrais pas empêcher le
ministre de donner une réponse au député de Saint-Jacques
par rapport à sa question sur Hydro-Québec, mais comme il l'a
reliée à une autre question qui était celle des
assistés sociaux qui, à un moment donné, ne
reçoivent pas leur chèque d'allocations et qu'il peut arriver, en
fait, que des assistés sociaux, comme n'importe qui, à un moment
donné, ne puissent pas honorer leurs paiements à une date fixe,
quels que soient ces paiements, je me souviens d'avoir discuté avec
certaines person- nes du ministère des Affaires sociales de la
possibilité d'établir un plan de prêts à un taux
d'intérêt très bas pour les assistés sociaux et
à des conditions aussi de remboursement extrêmement
intéressantes, sur une longue période.
Je pense, en particulier, que si nous avions eu un tel système de
prêts, soit par l'entremise je ne suis pas obligé de faire
de la publicité mais, en tout cas, j'en fais quand même des
caisses populaires ou directement par l'entremise du ministère, il
n'aurait pas été nécessaire au ministère d'avoir
des mesures spéciales dans le cas de la grève des postes,
puisqu'il aurait suffi aux assistés sociaux de faire un emprunt, tout
simplement en attendant de recevoir leur chèque, ce que n'importe quel
autre individu dans la société peut faire et a le droit de
faire.
Le seul problème, quand on arrive au point de vue des
assistés sociaux, c'est que parfois les taux d'intérêt sont
tellement onéreux et que la période de remboursement est
tellement courte que ça ne correspond pas aux possibilités de
remboursement.
Serait-il possible de savoir si le ministère ne pourrait pas,
dès cette année, étudier cette question, soit de
créer un fonds à même le ministère pour qu'il y ait
des prêts préférentiels comme ça et à bas
taux d'intérêt pour les assistés sociaux, soit de se mettre
en relation avec une institution d'épargne et de crédit, autant
que possible de type coopératif, pour ne pas en nommer, qui serait en
mesure de collaborer efficacement à un tel système. Je pense que
ça pourrait peut-être correspondre à la question du
député de Saint-Jacques en ce qui regarde les factures
d'Hydro-Québec qui ne peuvent pas être acquittées à
temps.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre.
M. FORGET: Vous êtes sans doute au courant de l'attitude
adoptée par mon ministère relativement aux dettes des
assistés sociaux, à leur passif et au problème que
constituerait pour un régime de soutien du revenu tout programme qui
viserait à assumer ces passifs d'une manière ou d'une autre.
Ce sont des mesures qui auraient de grandes chances de paraître
favoriser au moins autant les créanciers que les assistés sociaux
eux-mêmes et c'est un secteur où, à ma connaissance
mais mon information peut être déficiente à cet
égard il n'y a pas ou il y a bien peu de programmes de
sécurité du revenu qui permettent d'absorber de quelque
façon un passif accumulé dans une période
antérieure.
Pour ce qui est des difficultés de paiement et des
problèmes chroniques de difficulté de paiement, puisque ça
se pose parfois plutôt relativement à certains ménages,
à certains individus, il y a des mesures administratives qu'on peut
expliquer et qui permettent au moins d'éviter que le problème ne
se perpétue ou empire.
Pour ce qui est des possibilités de prêts, il y a
également dans la loi des possibilités de prêts
que l'on peut expliquer mais qui ont pour but d'avantager le
bénéficiaire lui-même plutôt que ses
créanciers. Cette distinction est importante parce qu'autrement il
faudrait s'interroger sur l'impact d'une mesure de prise en charge du passif
sur d'autres mesures qui existent dans ce secteur des personnes en faillite ou
dans une situation analogue à la faillite. L'aide sociale se
substituerait à tous ces mécanismes assez rapidement si l'Etat
prenait en charge des situations déficitaires, des bilans personnels
déficitaires.
M. BONNIER: Je n'irais pas jusque-là, M. le ministre, par
exemple. Moi-même, j'ai eu à intervenir pour des assistés
sociaux qui ne recevaient pas à temps leur chèque, lors de la
période des Fêtes, à les diriger vers une institution
à cautionner pour eux, dans le fond, auprès de cette institution
de prêt coopératif.
M. FORGET: A cet égard, il existe, dans les bureaux d'aide
sociale, des fonds de dépannage.
M. BONNIER: Le bureau n'a jamais voulu faire intervenir ce
fonds-là, me dit-on.
M. FORGET: Là, vous touchez à un aspect de jugement dans
un cas particulier et, quelles que soient les ressources dont une loi ou une
politique générale pourrait disposer, il y aurait toujours des
cas particuliers où tel fonctionnaire a porté un jugement d'une
façon qui peut être, après coup, condamnée ou
jugée intempestive.
Cependant, il existe un fonds de dépannage à la
disposition des bureaux locaux et il faut présumer que ces fonds sont
utilisés pour vraiment servir les buts pour lesquels ils sont
créés, c'est-à-dire dépanner des gens qui, pour les
raisons que vous indiquez, sont en difficulté.
Il y a, par exemple, des déménagements qui se produisent,
des assistés sociaux qui se déplacent d'une région vers
une autre, d'une ville vers l'autre, qui changent d'allégeance, en
quelque sorte, au point de vue du bureau local avec lequel ils font affaires et
où il peut y avoir un délai administratif, causé par un
retard postal ou pour d'autres raisons. Ce n'est qu'un cas, probablement, parmi
toute une série qui peut donner ouverture à une aide comme
celle-là. Mais il n'y a aucune garantie, à priori, dans une loi,
que le jugement d'individus qui administrent les lois sera toujours
irréprochable, bien sûr. C'est la raison pour laquelle il y a des
possibilités de révision et éventuellement d'appel devant
une commission d'appel.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rosemont.
M. BELLEMARE: M. le Président, le ministre a un peu
précédé ma question lorsqu'il parle d'un fonds d'aide.
Maintenant, n'y aurait-il pas possibilité, je comprends que ça
l'impliquerait beaucoup, du côté de l'administration, de
créer un fonds de réserve pour ces assistés sociaux?
Disons, comme exemple, qu'on leur donne, en chiffres ronds, $100 par mois. On
enlèverait 2 p.c. ou 3 p.c, $3 par mois, si vous voulez, et l'on
créerait un fonds de réserve lorsqu'arrive-raient des situations
comme celles que le député de Saint-Jacques a expliquées.
On pourrait prendre à même leur fonds de réserve. C'est une
suggestion, je ne sais pas si vous comprenez ma question ou ma suggestion.
M. FORGET: Ce qu'il faut voir, c'est que les barèmes d'aide
sociale sont des barèmes minimaux pour satisfaire aux besoins courants
de l'existence. Les efforts que nous avons faits. J'ai mentionné la
majoration de 45 p.c. sur 14 mois, de décembre 1972 à janvier
1974, pour les personnes seules, de 20 p.c. pour les ménages, dans le
niveau des prestations moyennes. Ceci représente un effort qui est, je
crois, très substantiel, pour faire arriver le niveau moyen des
prestations à un niveau comparable à ce qu'il est convenu
d'appeler le seuil de pauvreté.
C'est pratiquement ce qui a été obtenu dans le cas des
personnes seules, ce sont des efforts qui doivent être poursuivis dans le
cas des familles qui comptent un plus grand nombre de membres. Malgré
tout, il s'agit, même si on obtient satisfaction sur toute la ligne, de
barèmes minimaux et il semble peut-être difficile d'envisager une
espèce d'épargne obligatoire, un prélèvement
obligatoire à même un revenu aussi modeste. Maintenant, est-ce que
ça devrait être disponible sur une base volontaire? Je ne le sais
pas, mais je pense que ce n'est pas le sens de votre remarque.
Encore une fois, c'est un niveau de revenu où il a
été démontré que l'épargne n'est pas facile.
On a déjà insisté sur le niveau extrêmement modique
des prestations.
M. BELLEMARE: Je suis d'accord là-dessus, M. le ministre, comme
vous le dites si bien, surtout un fonds de réserve volontaire. Ceux qui
ne veulent pas se serviront du fonds de dépannage comme vous l'avez
mentionné. Je ne sais pas. Vos recherchistes, qui sont si bien
payés par le gouvernement, pourraient certainement faire un sondage,
plutôt que de rester assis ici au parlement, parmi le peuple, parmi les
gens surtout dans la région de Montréal, entre autres dans mon
comté, dans le comté de Saint-Jacques, le comté de
Maisonneuve, tout l'est, Montréal-Sud, etc. Vous savez, ce n'est pas la
même misère qui existe dans la région de Montréal ce
n'est pas la même misère que celle qui peut exister dans d'autres
régions. C'est totalement différent.
Vos recherchistes aiment cela, à l'occasion, venir en ville.
Envoyez-les faire un tour, dites-leur de faire un sondage, de demander aux
gens. Ils pourraient faire un quelconque inventaire. J'imagine qu'ils sont
compétents, ces types-là, ils peuvent certainement compiler des
statistiques et s'informer auprès des gens de ce qu'ils
penseraient si on leur enlevait $2 ou $3 par mois. Je comprends le seuil
que vous venez d'expliquer, mais si on enlevait $2 ou $3 par mois pour un fonds
de réserve, pour des urgences...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Frontenac.
M. LECOURS: M. le Président, j'aimerais peut-être ajouter
quelque chose sur le fonds de dépannage. Chez nous, dans ma
région, ils ont bien peur de s'en servir. A Noël, j'avais environ
25 familles qui avaient droit à l'assurance-chômage, mais comme
là-bas, ils ne sont pas très vite en affaires, c'est
arrivé à peu près deux mois après la date à
laquelle ils auraient dû la recevoir et le fonds de dépannage au
service social ne voulait pas donner à ces gens. J'au dû
protester, téléphoner au ministère. Ne serait-il pas
possible de donner des directives sévères à chaque bureau,
de leur dire qu'à ceux qui ont droit au moins à
l'assurance-chômage, on leur avance l'argent? Ils y ont droit, selon la
loi. Pourquoi le refuser à Thetford-Mines? Je ne l'accepte pas, je
l'accepterai encore moins dans les mois futurs.
M. CHARRON: Le fonds de dépannage, comme vient de dire le
député de Frontenac, par exemple, celui qui était
situé dans Saint-Jacques, au 435 Champ-de-Mars, a été
à peu près mis à l'abandon actuellement et certaines
personnes que nous avions l'habitude de référer là
justement dans des cas de secours, pas pour n'importe quoi, doivent maintenant
attendre cinq ou six jours que le chèque provienne de Québec
plutôt qu'il soit émis directement de Montréal. Le 435
Champ-de-Mars, c'était à peu près sa vocation
première, ce centre de dépannage.
Les fonctionnaires municipaux je le dis aussi à
l'intention du député de Frontenac qui soulève le
problème de Montréal, lorsque le ministre a annoncé
au début de l'année en cours un nouveau système
administratif d'application de la Loi de l'aide sociale, on fait parvenir un
mémoire dans lequel ils soulevaient la statistique suivante: Entre le 29
octobre 1973 soit les élections et le 12 décembre de
la même année, on a compté 8,556 cas, soit 762 par semaine,
pour une dépense totale de $748,694. Le ministre est certainement au
courant de cette statistique. Le mémoire dont j'ai copie lui
était adressé; le parti d'Opposition en a reçu une copie
également. C'est donc dire que ce service de dépannage, non
seulement en certains endroits comme vous le signalez probablement chez vous,
est restreint et on refuse de l'utiliser, mais il constitue un véritable
service. D'accord, on va dire qu'à certaines occasions il pouvait y
avoir abus des personnes responsables locales qui pouvaient prendre des
décisions d'émettre des chèques peut-être un peu
trop rapidement. Le nombre élevé qu'on a là fait
peut-être état de certains abus. Mais le nombre
élevé, en même temps, doit témoigner du fait que ce
service répondait à une demande des citoyens. Ce n'est pas
possible qu'il y ait 762 personnes par semaine qui abusent d'un même
service.
Mettez le pourcentage que vous voudrez, il y a toujours une proportion
de gens. M. le Président, je ne veux pas, j'hésite toujours
à invoquer des cas particuliers parce que je sais que n'importe quel
député est aussi bien qualifié que moi pour le faire et si
on se mettait à le faire, évidemment on dépasserait
largement notre temps; mais ce sont des cas de personnes, par exemple, qui ont
quitté la Gaspésie ou l'Abitibi, ou ailleurs, qui arrivent
à Montréal une fin de semaine, complètement
dépourvues, sans chambre, sans logement, sans nourriture; des jeunes,
des vieux, des couples qui traversent une période difficile et quoi
encore, des clochards, des personnes seules; tout cela existe dans une grande
ville comme Montréal et ce service n'existe plus. C'est à se
demander quoi inventer. Cela s'appelait le service d'urgence justement parce
que c'était, à certaines occasions, pour assurer que la personne
ait au moins un repas pendant la journée en cours, au moins un.
Il n'est pas dit qu'il y a une interdiction maintenant de recevoir de
l'aide du gouvernement du Québec; non, ce n'est pas ce que je
prétends, mais la disparition du service de dépannage, ou
service-secours, et l'obligation de recourir à Québec impliquent
pour les citoyens de régions éloignées de Québec,
que ce soit Thetford-Mines ou Montréal, un délai de cinq à
six jours. Et quand vous parlez de service-secours et de
dépannage-secours et vous dites aux gens qu'ils vont attendre
l'émission d'un chèque de Québec qui va vous parvenir dans
cinq jours... Le gars est allé là parce qu'il avait faim, le gars
est allé là parce qu'il avait besoin d'une place où
dormir; c'est ça, un service-secours. Quand vous dites: Dans cinq ou six
jours, vous aurez le chèque qui vous convient, il va nous demander,
à nous, comme à n'importe quel député: Qu'est-ce
que je fais pendant ce temps-là? Qu'est-ce qui arrive?
Je ne comprends pas encore pourquoi on a aboli ce service.
M. LECOURS: II faut que la machine soit brisée à
Québec; c'est une belle réponse pour du monde qui a faim.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Vanier.
M. DUFOUR: Si je comprends, le service de dépannage c'est
assez rare que je vous fais des compliments, M. le Président je
trouve que ce service... Pour les fois que j'ai eu à m'en servir et que
j'ai renseigné les gens qui en avaient besoin, j'ai été
bien servi et ç'a été assez rapide. Je ne sais pas si
c'est dans toutes les agences de Québec, mais dans l'agence de mon
comté, c'est très bien pour ça. Mais je pense qu'il y a
un
manque d'information. Admettons qu'un monsieur est admissible à
la Loi de l'assurance-chômage.
Je crois qu'à ce moment-là, il y a un défaut de
communication avec le ministère des Affaires sociales qui devrait
prendre en main le service de dépannage, même au point de vue de
la papeterie, de la paperasse; parce que le monsieur, souvent, n'est pas
capable de communiquer, il n'est pas capable d'écrire, il est trop
gêné pour aller quémander; on lui refuse. J'ai vu des gens
de mon comté, qui après quatre mois durant lesquels ils avaient
droit à l'assurance-chômage, ont été
dépannés et â qui le bien-être social n'a jamais
apporté son secours. Je crois que le bien-être social à ce
moment-là, par son service de dépannage, devrait travailler avec
le type ou la dame en question pour faire décoller ce mécanisme
d'assurance-chômage. Cela aiderait énormément. Je crois que
le ministère des Affaires sociales devrait avoir une personne, c'est
rendu assez volumineux pour cela, la quantité de personnes qui utilisent
le service de dépannage est assez importante pour que le
ministère nomme une personne pour s'occuper exclusivement de ces choses
et dépanner les gens dans d'autres domaines aussi. Si quelqu'un est sans
argent et a été transféré, les chèques
retardent, je crois qu'une personne devrait être attitrée pour
donner un meilleur service. Nous les députés, quand nous
appelons, on met la machine en branle et je crois que ce serait tout à
l'avantage de la population.
Il y a aussi un manque d'information de la part du ministère des
Affaires sociales à la personne secourue. On devrait lui dire que,
demain, elle aura à rembourser, surtout pour les cas
d'assurance-chômage. Les gens souvent dépensent l'argent,
reçoivent l'argent du bien-être social, reçoivent
finalement leur argent de l'assurance-chômage et ne remboursent pas le
gouvernement. Je crois qu'il devrait y avoir un programme d'information
à la population, beaucoup plus prononcé, parce que, nous,
ça prend parfois une demi-heure à leur faire comprendre que cet
argent était prêté. Je parle des cas
d'assurance-chômage. Pour les autres, c'est selon les conditions
sociales.
M. CHARRON: M. le ministre, pourquoi le service de dépannage
a-t-il été aboli à Montréal?
M. FORGET: J'aimerais, M. le Président, souligner la
présence ici de M. Jean-Guy Houde, qui est sous-ministre adjoint au
ministère et qui, à ce titre, est responsable du programme d'aide
sociale, de même que de M. Colpron, qui est directeur
général de l'aide sociale. Je pense qu'il serait utile, parce
qu'ils ont une connaissance plus intime de l'administration du régime,
qu'ils vous donnent un aperçu à la fois des mécanismes qui
sont prévus pour donner une aide rapide et combien rapide
aux demandes nouvelles qui sont reçues, de même qu'ils
décrivent différents autres aspects de l'entrée de
nouveaux bénéficiaires tels que, par exemple, ceux qui sont
qualifiés à l'assurance-chômage, mais qui ne
reçoivent pas encore de prestations, ou d'autres aspects qui peuvent
venir à la surface.
Si vous permettiez, M. le Président, je pense qu'il faudrait
sérier un peu les problèmes, qui sont de différents
ordres. Il y a d'abord le problème de l'émission du chèque
du bénéficiaire qui a droit à l'aide sociale comme telle
et de la rapidité de l'émission. Autrefois, comme vous le savez,
nous avions un système qui permettait aux agents d'aide sociale
d'émettre un chèque sur place, quand le
bénéficiaire se présentait. C'est notamment ce à
quoi ont fait allusion, dans leur conférence de presse, les
représentants des employés de la ville de Montréal. Il
aurait été impossible d'en faire autrement parce que le
délai et le processus de traitement étaient tels que les
bénéficiaires auraient attendu en moyenne de trois à
quatre semaines avant de recevoir leur chèque. La possibilité
pour le bureau d'émettre un chèque s'imposait donc.
Le problème majeur qui se soulevait était de deux ordres.
Le premier était un problème de contrôle, parce qu'au
moment où nous avons fait les changements, c'est près de $75
millions par année qui se trouvaient ainsi émis sans
contrôle préalable et sur lesquels nous n'avions ni information
statistique pertinente ni aucun mode de validation.
Alors ç'a soulevé, au niveau de l'évolution du
budget d'aide sociale, dans les années passées, si vous remontez
à 1970/71, des dépassements budgétaires qui, par
contrecoup, influençaient directement la capacité du gouvernement
de hausser les taux.
Le deuxième problème se plaçait vis-à-vis du
bénéficiaire. Il existait dans le réseau d'aide sociale
à l'époque, pour certains, cette philosophie, je ne dirai pas
ancienne, mais qui venait un peu à contre-courant du revenu garanti,
soit cette philosophie d'un agent d'aide sociale qui avait ce pouvoir
d'émettre un chèque au bénéficiaire lui-même,
par opposition à l'autre philosophie qui veut que le
bénéficiaire ait un droit concrétisé par le fait
qu'il reçoit un chèque lui-même, directement du
ministère des Finances, comme tout revenu normal ou comme tout salaire
normal, et que la volonté d'émettre le chèque aujourd'hui,
demain ou après-demain ne dépend pas du fonctionnaire
lui-même, mais d'un processus d'émission normal qui
reconnaît des droits.
Cela est particulièrement vrai dans la ville de Montréal.
En mettant sur pied un nouveau système qui, par voie de
téléinformatique, permet une transmission d'information de
façon quasi instantanée, nous avons réduit pratiquement
aux délais de poste, les délais d'émission des
chèques. Les payes ont lieu trois fois la semaine, du moins les payes
pour besoins spéciaux. La période de la paye mensuelle se
termine le dernier jour du mois et les chèques sont émis
la nuit même ou le lendemain, et ils sont mis à la poste
immédiatement. Ce qui fait que nous avions la possibilité
à la fois d'atteindre un objectif de contrôle, non en soi, un
objectif de contrôle en termes de possibilité de maximiser
l'utilisation de notre budget pour les bénéficiaires et je pense
que les hausses de taux dont le ministre a fait état en sont les
témoins.
D'autre part, nous pensions, peut-être à tort, mais
c'était l'objectif, que cette modalité permettait de donner au
bénéficiaire le sentiment réel qu'il avait un droit
véritable. Nous étions conscients, par contre, que certaines
situations subsistaient où un chèque devait être
émis immédiatement, nous avons donc prévu ce que nous
avons appelé une caisse de dépannage. On entend, par caisse de
dépannage, la possibilité, dans un cadre limité, que le
bureau d'aide sociale puisse émettre un chèque dans des
situations particulières.
Je vous cite quelques exemples. Un détenu qui quitte la prison
l'hiver doit avoir une aide immédiate, il faut absolument qu'il mange le
soir et qu'il couche la nuit. Nous avons ainsi cinq cas, nous avons...
M. CHARRON: A la suite d'incendies.
M. FORGET: Oui. Nous avons discuté d'ailleurs fréquemment
avec les gens de la ville de Montréal, et nous leur avons demandé
de nous suggérer des cas précis. Il importe peu qu'on
élargisse la caisse de dépannage. Je pense que ce qui est
important de faire, c'est d'élargir un cadre dans lequel on
définit les besoins. Et effectivement, ils nous ont soumis certaines
propositions. Par exemple, le cas de l'individu qui quitte l'hôpital, ou
celui de la femme dont le mari vient de décéder, que nous
comptons ajouter à cette formule de dépannage, tout en conservant
les principes dont je viens de faire état.
Je pourrais aussi appuyer ces principes sur ce qu'a été le
nouveau système administratif. On pourra y revenir un peu plus tard,
parce que j'ai souvent l'impression qu'il est mal saisi. Il n'a pas
changé en soi le système d'aide sociale. Il a tout simplement
changé le mode d'acheminement des données, et en soi, je veux
dire ce n'est qu'un outil et si cet outil ne devait pas atteindre la fin
d'être bénéfique au niveau des agents, de sorte qu'ils
puissent consacrer plus de temps à la clientèle, il n'aurait pas
de raison d'être.
Mais effectivement, ce que nous vivons depuis un mois ou deux,
c'est-à-dire depuis la fin de son implantation, qui s'est
terminée en mars, nous laisse entrevoir, au contraire, que les agents
bénéficient d'une latitude de 20 p.c. à 25 p.c. de temps
qu'ils n'avaient pas auparavant, justement parce que le système ne fait
finalement que leur enlever les services d'un employé de bureau.
Là où l'erreur survient, c'est nous qui l'avons provoquée
dans une certaine mesure, c'est lorsque nous l'avons appelé nouveau
système, alors que nous aurions dû l'appeler: nouveau mode
d'acheminement des données, parce que ce n'est pas en soi un nouveau
système d'aide sociale.
Si je continue maintenant sur le plan du dépannage, il y a un
autre mode de dépannage, dont il faut se préoccuper, ce sont tous
ces cas qui, sans être nécessairement des cas d'aide sociale, dans
une métropole comme Montréal particulièrement,
soulèvent des problèmes immédiats et l'aide sociale
écope non pas en soi, mais parce que les diverses agences de l'Etat ne
sont pas encore suffisamment coordonnées, pour dire que, par exemple,
quand une personne est évincée de son logis à trois heures
et trente de l'après-midi, il y a un moyen de pallier le problème
le soir.
Il y a des ressources d'habitation et on fait de l'aide sociale un peu
le dénominateur commun de tous ces cas qui arrivent. A l'heure actuelle,
il existe à Montréal une petite caisse modeste, pour des repas,
de petites situations d'urgence. Je pense que c'est jusqu'à concurrence
de $25, et je pense que $25,000 est le montant de la caisse annuellement. Je
vous dis que c'est modeste. Il existe aussi un organisme, le service d'aide aux
voyageurs et immigrants, qui lui aussi vient en aide dans certaines situations
particulières.
Mais hier encore, nous discutions avec les gens du centre local
populaire du sud-ouest. Nous avons passé trois heures. Il nous arrive,
M. le député, très fréquemment de nous rendre sur
place...
M. BELLEMARE: Félicitations.
M. FORGET: La suggestion est bonne, Dieu sait si nous en avons besoin,
et les problèmes dont ils faisaient état, de toute
évidence, étaient des problèmes qui avaient justement
trait à cette forme élargie de dépannage pour les
situations d'espèce et où il est extrêmement difficile de
trouver des solutions à l'aide sociale, parce qu'à l'aide sociale
le volume fait qu'un cas particulier devient un cas général et
qu'il est extrêmement difficile de le cerner par des critères.
Nous envisagions, avec M. Garcia, les possibilités diverses de trouver
des solutions dans un cadre qui pourrait être celui-là ou un
autre, mais ça demeure un problème incident mais réel.
Il y a quand même dans cette possibilité du centre du
Champ-de-Mars et de sa vie, des moyens de dépannage qui pourraient aussi
peut-être être élargis suivant des situations mieux
définies. Maintenant, il y a aussi le sentiment que les
députés reçoivent à leur bureau un très
grand nombre de cas. Afin de donner une idée de la dimension de ce
qu'est l'aide sociale, il serait peut-être intéressant de vous
donner des chiffres. En mars 1974, sur 171,000 dossiers, il y a eu des
modifications dans 42,000 dossiers, sous forme d'acceptation,
d'annulation, de hausse de revenu, de baisse de revenu. Il est
entré environ 8,000 nouveaux cas, 5,000 ont été
retirés, 13,000 ont été augmentés, une dizaine de
mille ont été diminués et ça ce n'est que pour un
mois. Pour toute l'année, de ces 300,000 ou 400,000 changements, qui
constituent un volume énorme, il y en a environ 7,000 qui ont
été en révision.
De tous ceux-là, le Protecteur du citoyen, dans toute une
année, a reçu 240 plaintes qu'il a étudiées et il
n'en a retenu que 41. A la commission d'appel qui, en deux ou trois ans, a
reçu quelques milliers de demandes, le chiffre mensuel d'appels est
tombé d'octobre, novembre, décembre, janvier, février,
à 94, 88, 44, 55 et 34. C'est quand même assez indicatif du fait
qu'en dernière analyse, la pression des gens, qui se situe et qui sera
toujours au niveau des taux, n'est quand même pas aussi aiguë
qu'elle l'a déjà été au plan administratif.
D'ailleurs nous-mêmes faisons une analyse mensuelle des plaintes que nous
recevons.
Dans un mois, par exemple, comme janvier ou février de cette
année, nous en avons reçu 273, dont environ 10 p.c.
étaient des plaintes diverses au niveau de l'accueil, et les autres,
encore une fois, au niveau d'explications sur les différents montants,
les différents taux que l'on reçoit. Il faut donc soigneusement
éviter, je pense, de confondre l'aide sociale en soi, dans son
administration, et Dieu sait s'il reste encore, par exemple au plan de
l'accueil, des choses à faire, c'est-à-dire la façon dont
on reçoit la clientèle et quand elle quitte, ce qui conditionne
pour beaucoup, je pense, les réactions qui vont à vos bureaux, et
le problème fondamental d'une société où on accepte
de moins en moins, par exemple, comme on le voyait dans le Devoir, qu'une
personne soit évincée et qu'il n'y ait pas d'agence d'Etat
immédiatement disponible pour pallier le problème et qu'on
traduit par un problème d'aide sociale, alors que, dans la
majorité des cas, ce n'est pas techniquement un problème d'aide
sociale, c'est évidemment une responsabilité sociale.
Alors, je ne sais pas si ces remarques que j'ai faites, non pas dans un
esprit défensif, mais simplement pour essayer de donner une perspective
aux problèmes, sont de nature à vous aider. La dernière
remarque que je voudrais faire porte sur le système, et je vais le faire
en deux minutes. Vous aviez avant un processus où un agent qui
remplissait une formule devait ensuite la transmettre par courrier à
Québec. A Québec, il fallait mettre ces 170,000, ces 40,000 ou
ces 50,000 formules par mois en lot.
Une fois mises en lot, il fallait faire une opération de
codification manuelle, ensuite une opération de validation, en outre une
opération de perforation et là, les formules entraient dans
l'ordinateur au bout de deux ou trois semaines et, si l'ordinateur les
rejetait, il fallait reprendre le processus en sens inverse, par courrier,
revenir à l'origine et renvoyer la formule. C'est ce qui faisait, en
fait, la lourdeur administrative de ce qu'on a appelé le système;
on l'appelait un système parce que les agents étaient
littéralement pris dans cela, alors qu'à l'heure actuelle, par
une dactylo, sur un clavier, on s'adresse directement à l'ordinateur, on
sauve toutes les étapes de validation intermédiaire.
L'ordinateur, qui est fait pour cela finalement, valide la transaction; si les
renseignements sont incomplets, il le dit à l'agent qui peut les
modifier immédiatement de sorte qu'aussitôt l'entrée est
faite.
Mais cela ne change rien. Que la formule suive tout un processus manuel
ou qu'elle en suive un autre, fondamentalement, l'agent reçoit son
client, remplit une formule et transige avec son client; ce qui était
important, c'était de le libérer du fardeau de suivre la formule
pour qu'il puisse vraiment se consacrer à son client. L'autre dimension
que l'ordinateur apporte et qui est importante, c'est qu'il remplit des
activités d'administration comme les relances, les mises à jour.
Pourquoi les agents devaient-ils mettre à jour manuellement tous les
âges des clients quand une machine peut le faire? C'est vraiment une
opération de tenir son dossier suivant les âges, suivant les
âges des enfants, etc.; c'est une série d'opérations que
l'ordinateur peut faire, comme l'ordinateur peut faire aussi le calcul de la
prestation et la valider sans que l'agent doive remplir une troisième
formule, la faire contresigner, contre-calculer par quelqu'un d'autre. Mais
c'est purement ce processus administratif qui a fait l'objet des changements et
non pas fondamentalement le système lui-même.
En parlant de système, encore une fois, nous-mêmes avons
probablement contribué à donner une dimension différente
de ce que c'était vraiment. Je ne sais pas, M. le Président, si
ces explications contribuent à clarifier la situation.
M. CHARRON: II y a certainement une partie des informations que vient
d'apporter le ministre qui constitue de nouvelles données dont nous ne
disposions pas, mais cette intervention du ministre a eu lieu au moment
où nous discutions le service de dépannage, en particulier celui
de Montréal qui a fait l'objet de discussions sérieuses. A ce
chapitre, je pense que les argumentations que vient d'apporter le ministre ne
font pas le poids au problème réel causé chez les
Montréalais actuellement. Je ne dis pas simplement dans les bureaux des
députés de Montréal, je veux dire le problème
touché par ceux qui, normalement, devraient bénéficier
d'un service plus adéquat et, disons le mot puisqu'il a
été lancé par le ministre des Affaires sociales
lui-même, plus humain.
Des deux arguments de contrôle budgétaire, prenons d'abord
le premier où on dit que sur une somme équivalant à $75
millions par année le ministère déplorait, pour fins
comptables et pour fins d'administration, le manque de contrôle
budgétaire qu'il avait sur ces opérations:
Qui étaient les bénéficiaires, à quel
montant, quelles fins étaient utilisées, quels calculs avaient
prévalu? Toutes ces choses, évidemment, vont probablement valoir
des économies au ministère des Affaires sociales. Il est bien
entendu que le processus de dépannage est maintenant plus
compliqué, moins de gens en bénéficieront et le montant
d'argent ainsi dispensé sera probablement moindre. Il est probable que
dans ce budget supplémentaire qu'annuellement le ministère des
Affaires sociales nous appelait à voter vers la fin de décembre,
traditionnellement, on retrouvait toujours un montant supplémentaire. Ce
montant pour l'administration de la Loi de l'aide sociale, un des facteurs de
cette augmentation indue au chapitre de l'aide sociale, était le fait
que le service de dépannage constituait une somme d'argent beaucoup plus
élevée qu'elle ne l'était probablement je donne
raison à la réponse du ministre du fait que le
système qui prévalait faisait qu'on dépensait
effectivement plus. Plus de gens pouvaient en bénéficier
étant plus près de la source même, c'est-à-dire de
la simple émission par un agent du bureau local.
Ce meilleur contrôle budgétaire, d'une part, et cette
économie que se trouvera vraisemblablement à faire le
ministère des Affaires sociales, d'autre part, parce que je crois qu'il
y aura économie... Plus un service est loin des citoyens, plus il est
difficile d'accès aux citoyens, par définition même, moins
de citoyens s'en prévaudront.
Si c'est par souci d'économie et pour un meilleur contrôle
de cette somme, diminuée par rapport à auparavant, que des
citoyens qui ont droit à une aide en cas d'urgence et en cas de besoin
immédiat s'en sont prévalus, je trouve que l'argument est
mesquin. Nous devons partir du principe que nous devons assurer à ces
citoyens le service auquel ils ont droit. Nous ne pouvons pas admettre, en
1974, dans une société comme la nôtre, que des citoyens
victimes d'épreuves, quelle que soit l'étendue de la ventilation
des épreuves que l'on ait et que l'on inclut dans le règlement de
l'aide sociale, les citoyens en situation d'urgence, pour assurer leur
subsistance, parce que le gouvernement a décidé d'établir
un meilleur contrôle budgétaire ou de faire des économies,
se trouvent dépourvus de ce droit. C'est prendre le problème d'un
angle comptable, budgétaire et strictement administratif; mais si on le
prenait du côté humain, en disant que tout l'appareil de l'Etat
doit être au service de ce droit qu'ont les citoyens, même si le
contrôle budgétaire que le gouvernement a sur ces sommes devait
être moins efficace, j'imagine, que ce qui est proprement
dépensé dans le ministère et dans les agences du
ministère... J'en conviens, on ne peut pas avoir le même
contrôle sur un service de dépannage qu'on a sur l'utilisation,
par exemple, des sommes votées aux allocations familiales. Mais, si
c'est au prix d'un contrôle budgétaire moins efficace et si
ça présume des sommes plus élevées, on ne doit pas
faire des économies de bouts de chandelle lorsqu'il s'agit du droit de
subsistance des citoyens qui est en jeu.
Quant au deuxième argument, il est encore plus faux, à mon
avis, le fait qu'on voulait, par cette méthode, faire que le client,
comme on l'a appelé, ou le citoyen ait le sentiment réel
d'appartenir à je ne sais quelle famille ou quel conglomérat
social qu'on lui aurait créé artificiellement sur la tête.
Je pense que le sentiment réel qu'ont les citoyens lorsqu'ils sont en
situation d'urgence, qu'ils se présentent à un bureau pour
demander du dépannage et qu'ils se voient refilés à
l'ordinateur, en attendant une réponse de cinq à six jours, parce
que l'émission des chèques se fait maintenant à partir de
Québec, le sentiment réel qu'ils ont actuellement c'est qu'on se
fout de leur gueule. Le sentiment réel qu'on a actuellement quand on
sort de ce bureau, qu'on court chez le député ou qu'on court sur
une tribune radiophonique, à n'importe quels gueuletons qui se
succèdent sur les ondes radiophoniques de Montréal ou encore dans
les tribunes des journaux, peu importe, ce que ces citoyens expriment comme
sentiment réel, c'est celui d'être de trop dans la
société québécoise.
On n'avait pas prévu qu'à un moment donné elle
pouvait se trouver dans des situations d'urgence, l'ordinateur n'avait pas
calculé que cette personne pouvait avoir besoin, dans une situation qui
s'abat sur elle et qu'elle n'a probablement pas préméditée
et surtout pas souhaitée, lorsqu'on en est rendu à tramer dans
les agences sociales pour pouvoir assurer sa subsistance... Le sentiment
réel qu'ont ces citoyens, c'est qu'ils ne vivent pas dans une
société social-démocrate chez qui la personne humaine et
le respect de cette personne humaine ont pris priorité sur l'ensemble
des politiques.
Ce genre de décision, strictement administrative, que l'on a eu
tort de présenter comme nouveau système administratif, puisqu'il
est bel et bien dans la tradition bureaucratique et inhumaine de l'application
de certaines réglementations de l'aide sociale, si c'est cela
l'argumentation du ministre, il devra l'expliquer mieux, je crois, aux citoyens
de Montréal, de Montréal ou d'ailleurs. Je ne veux pas uniquement
prêcher, comme on dit, pour ma paroisse. La disparition de ce service sur
le territoire montréalais pour des raisons comme celles qu'on vient
d'évoquer dans la réponse du ministre ne constitue pas, à
mon avis, une justification qui correspondrait un tant soit peu aux objectifs
si pompeusement lancés en février dernier par le titulaire des
Affaires sociales.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. FORGET: Le député de Saint-Jacques prend plaisir
à souligner le mot "économie" qui
serait, selon lui, le fin mot de tout ce changement administratif dont
on lui a expliqué le fonctionnement. S'il insiste pour utiliser le mot
"économie", je veux bien le suivre en cela, mais ce sur quoi je
diffère d'opinions avec lui, c'est sur la notion que l'économie
se fait aux dépens des assistés sociaux. Au contraire,
l'économie réelle, en effet, qui est assurée par la
meilleure gestion du réseau et du programme d'aide sociale fait
bénéficier la clientèle du programme de deux façons
très significatives.
Financièrement d'abord, il est clair que l'économie qui
est rendue possible par une meilleure gérance du programme a
bénéficié financièrement à l'assisté
social par une majoration substantielle de la prestation moyenne que l'on peut
observer durant l'année écoulée. Il est clair que ces
économies ont apporté une contribution significative pour
accroître l'aide de ceux qui en ont véritablement besoin. Ce n'est
pas négligeable et on ne peut balayer cette considération du
revers de la main.
On parle d'une somme de $75 millions, c'est-à-dire, à
l'époque, environ le quart des déboursés de l'aide sociale
qui était dans un vague alarmant et qui contribuait non seulement
à diminuer les ressources financières disponibles pour des
besoins reconnus auxquels tous ont accès de manière égale,
mais qui contribuait aussi psychologiquement, si vous voulez, à mettre
en doute l'intégrité du programme, à créer dans la
population, et particulièrement la population d'un niveau de revenu
modeste, ne bénéficiant pas du programme, à donner au
programme d'aide sociale une réputation mauvaise au détriment des
efforts du gouvernement et des efforts de ceux qui veulent effectivement aider
cette clientèle pour améliorer le niveau des prestations. Ces
critiques, cette perception négative de l'assisté social et du
programme qui cherche à lui venir en aide, si on peut la contrecarrer
par une meilleure gérance, on rend effectivement un service à
cette clientèle et on rend possible un développement qui serait
beaucoup plus difficile sans cela. Donc, à la fois, sur un plan
financier, des économies qui ne sont pas négligeables ont
été réalisées qui permettent de majorer le niveau
moyen des prestations pour des besoins reconnus et permettent
d'améliorer la perception qu'on se fait généralement du
réseau et du programme, de manière à faciliter
l'accroissement des ressources et l'accroissement du niveau des
prestations.
On a beaucoup insisté tantôt, et avec raison, sur le besoin
qui existe de définir des besoins de dépannage. Il y en a
déjà qui sont prévus, il n'y a rien qui s'oppose,
là encore, à ce que des modifications interviennent pour
élargir, assouplir, dans une certaine mesure, ces critères,
pourvu qu'il y ait des critères. Parce qu'on parle de droits sociaux, on
parle de droits qui doivent effectivement être considérés
comme tels, et qui ne peuvent pas être des droits s'ils sont
laissés à l'arbitraire, à la discrétion
administrative absolue d'un agent qui se fait non pas le serviteur ou la
personne qui est au service de la population, mais qui se fait l'arbitre des
situations et le juge des gens qui s'adressent à lui. C'est une
situation qui est incompatible avec la notion qui doit exister dans un
régime de sécurité du revenu si on veut
véritablement en faire un droit économique plutôt qu'une
faveur ou un privilège que l'on peut conférer selon une
discrétion.
Donc, il faut qu'il y ait une discrétion, mais une
discrétion qui soit à un niveau autre que celui sur le plan des
cas individuels, de manière que ce soit clairement reconnu comme des
droits, comme des recours accessibles à tous sur un pied
d'égalité et, dans la mesure où des besoins nouveaux de
dépannage sont isolés quelques-uns l'ont
déjà été ils peuvent s'ajouter à ceux
qui sont déjà reconnus et favoriser une prise en charge
immédiate de certaines situations d'urgence. Mais il ne servirait
à rien, à mon avis, de généraliser une situation
comme celle que nous avons connue dans le passé, encore une fois, qui a
eu des coûts économiques et aussi des coûts en termes
psychologiques ou en termes de la perception que l'on s'est faite d'un
système de sécurité du revenu qu'on accusait de tous les
vices, qu'on accusait de tous les défauts, et, en partie,
justifié justement par cet arbitraire. Nous avons, je pense, largement
corrigé cette situation. Il y a encore des améliorations à
faire et nous ac-ceuillons d'ailleurs très volontiers des suggestions
positives qui peuvent nous être faites pour introduire des cas nouveaux
qui ont pu, en effet, nous échapper et qui peuvent être
ajoutés à ceux qui sont reconnus et qui sont alors accessibles
à tous sur un pied d'égalité.
M. CHARRON: M. le Président, dans la dernière partie de la
question du ministre, encore une fois, par le fait de faire disparaître
l'aspect discrétionnaire qu'avaient certains agents, on a voulu mettre
tout le monde sur le même pied puisqu'il s'agit de droits, mais il y a
quand même quelqu'un ou quelque chose qui va exercer un jugement quant
à la demande de l'éventuel bénéficiaire ou du
client qui se présente en situation de dépannage ou de secours.
Auparavant, c'était un fonctionnaire qui pouvait prendre lui-même
la décision de signer un chèque et de l'émettre
directement à la personne; c'est encore un fonctionnaire qui prendra la
décision de remettre ladite demande sur dactylo à l'ordinateur ou
est-ce l'ordinateur qui maintenant va décider si cette personne est en
droit de recevoir une aide? J'aime mieux, moi, la discrétion d'un
fonctionnaire humain que la discrétion d'un ordinateur, lorsqu'il s'agit
de demandes. Si ce n'est pas l'ordinateur qui décide, il y a un
fonctionnaire qui va décider de porter ou de ne pas porter,
jusqu'à l'émission des chèques provenant de Québec,
la demande formulée par un client de l'autre côté de la
table. On n'écartera jamais cette dimension proprement
discrétionnaire d'évaluation d'un
cas humain, urgent, qui se présente devant une personne. La
question n'est pas sur la discrétion, la question est sur
l'efficacité de répondre à l'urgence de la situation.
C'est là que le nouveau système, comme on l'appelle, porte
à faux puisqu'auparavant, discrétion pour discrétion, il
était possible de répondre immédiatement, alors que
maintenant, même discrétion toujours, mais cette fois avec
l'intervention de l'ordinateur, ça prend maintenant cinq jours avant de
répondre aux besoins d'une personne.
M. FORGET: II n'y a pas d'ordinateur qui décide quoi que ce soit,
l'ordinateur n'est qu'une machine qui fait ce qu'on lui dit de faire. Ce qui
est important, ce n'est pas que la discrétion d'un individu ou d'une
personne soit en cause plutôt que la décision d'un ordinateur; la
question est de savoir s'il y a des cas qui doivent donner ouverture à
des possibilités d'aide immédiate et si ces cas doivent
être reconnus de la même façon pour tous ceux qui sont dans
des circonstances analogues.
M. CHARRON: Qu'il reconnaît.
M. FORGET: II faut un constat de fait qui est porté, bien
sûr, par des individus, mais il y a une distinction que je suis sûr
que le député de Saint-Jacques connaît entre la
rédaction des lois et l'application des lois. C'est la même
distinction qui vaut lorsqu'il s'agit de reconnaître des cas qui
méritent d'être classés comme des cas de dépannage
et la décision de considérer abstraitement certaines situations
comme méritant un dépannage, une constatation de fait, un constat
de fait qu'un individu se trouve dans des circonstances X qui le...
M. CHARRON: C'est encore un agent social qui le fera.
M. FORGET: Evidemment, on ne peut pas et on n'a pas le désir de
remplacer le jugement des agents de sécurité sociale; il faut
bien qu'ils fassent leur travail et d'ailleurs dans la mesure où les
tâches de bureau qu'ils ont à faire sont diminuées, le
temps qu'il leur reste pour porter des jugements sur des situations
concrètes est accru d'autant. Mais devront-ils décider des cas
selon leur seul jugement, leurs seuls informations, leurs seules normes, leurs
seuls critères, qui leur sont personnels et individuels, ou doivent-ils
porter des jugements sur des situations de fait, en vertu de normes qui sont
connues et qui sont accessibles dans des conditions d'égalité
à tous ceux qui se trouvent dans les mêmes circonstances? C'est
l'alternative que nous retenons et, encore une fois, nous sommes
disposés à élargir les conditions qui donnent ouverture
à un service de dépannage ou à une aide financière
de dépannage. Encore faut-il préciser ces cas et ça peut
être fait sans grande formalité par un processus administratif
très simple.
M. CHARRON: En fait, on a changé deux choses, si le
député de Taschereau me permet. D'abord, on a
précisé les normes qui pouvaient être
considérées comme cas méritant un dépannage. On les
a très spécifiquement définies dans cinq cas. On a dit
qu'on était ouvert à des modifications; je l'espère, parce
que ces cinq cas font preuve d'une étroitesse incalculable, mais, en
plus de ça, on a aussi décidé d'émettre les
chèques à partir de Québec. Ceci ajoute des...
M. FORGET: Québec, c'est un accident, ça pourrait
être Montréal.
M. CHARRON: On a, si vous voulez, Québec ou Montréal; on a
décidé maintenant de ne plus émettre les chèques
sur le champ, où que soit le champ.
Le dépannage se fait sur place et se fait toujours selon le
jugement d'un fonctionnaire.
M. FORGET: Sur des faits.
M. CHARRON: Ce qui a changé, ce sont les faits à partir
desquels on l'invite à exercer son jugement. Comme vous m'avez
vous-même rappelé, il y a une nuance entre une loi et
l'application d'une loi.
Bien sûr, les cinq cas bien précis à partir desquels
un fonctionnaire se sent parfaitement légitimé dans son action
pour émettre un chèque de dépannage et faire
l'émission de ce chèque de dépannage à la personne
qui se présente devant lui peuvent porter à
interprétation. C'est là l'aspect discrétionnaire. A ce
chapitre, la seule nouveauté, c'est qu'on a changé les normes, on
a changé les faits à partir desquels on l'invite à exercer
son jugement, mais il exerce toujours son jugement. Donc, tout le baratin que
vous me faisiez tout à l'heure quant à la nécessité
d'écarter le discrétionnaire dans l'émission de
chèques, ça n'existe que dans le fait que vous êtes rendus
plus sévère dans les faits à partir desquels on exerce le
jugement. Par exemple, il ne suffit plus, maintenant, qu'un curé de
paroisse ou une autre personne recommande telle personne comme étant
dans le véritable besoin immédiat de recevoir une aide, cela ne
se fait plus. Il faut que la personne sorte de prison, ou soit un des cinq cas
que vous avez mentionnés.
Donc, le ministère s'est rendu plus sévère. C'est
là la nouveauté, mais il n'a pas écarté le
discrétionnaire, il l'a augmenté à mon avis, dans ce sens
qu'on a rétréci, on est encore plus discrétionnaire
qu'auparavant. On a rétréci la "qualité" des citoyens
pouvant se prévaloir de ce droit. Si vous appelez cela une victoire de
l'humain sur le discrétionnaire, alors qu'on a réduit le champ de
jugement à partir duquel un fonctionnaire peut exercer son jugement
devant la décision à prendre d'émettre ou non un
chèque en dépannage à une personne, vous avez besoin d'en
ériger des monuments à ce genre de victoire de l'humain sur le
bureaucratique. On a
fait des mesures encore plus tatillonnes, encore plus étroites et
encore plus parcimonieuses qu'elles ne l'étaient auparavant alors
même que plusieurs citoyens, comme l'a signalé le
député de Frontenac, se plaignaient de l'étroitesse de
jugement qu'on exerçait dans le cas du service de dépannage. Il
dit lui-même qu'à l'époque de l'ancien régime,
à l'époque de Noël, il a eu tout le mal du monde à
obtenir de l'aide pour des familles véritablement dans le besoin.
M. LECOURS: Ils n'ont pas eu d'aide d'ailleurs.
M. CHARRON: Ils n'en ont pas eu. Maintenant, le député de
Frontenac serait heureux d'apprendre qu'il aurait encore moins de
possibilité d'en avoir parce que le ministère a encore plus
refermé le réservoir. Maintenant, il faut être ou bien un
repris de justice, ou bien dans quelque autre condition vraiment
exceptionnelle. Si jamais le ministère se mettait à serrer encore
plus la vis, ce serait à se demander vers où il se dirige
véritablement.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Taschereau.
M. BONNIER: J'aurais deux commentaires à faire, M. le
Président. Mon premier commentaire, c'est qu'honnêtement, je pense
que c'est très important l'étude des crédits parce que
cela permet probablement au ministre d'avoir un autre son de cloche.
Moi-même, malheureusement, je l'ai constaté à quelques
reprises, les fonctionnaires auraient répondu à des
assistés sociaux: Qu'est-ce que tu veux, l'ordinateur sait ce qu'il dit!
C'est "just too bad". Va-t'en chez vous. Evidemment, on entre dans un autre
aspect qui est la formation des fonctionnaires et tout cela. Je pense que,
quand on établit un système que l'on qualifie de nouveau ou non,
il faudrait aussi pousser la formation des gens qui doivent l'utiliser. Parce
que je pense que, dans les cas que j'ai eus, le jugement qui a
été utilisé apparemment par les fonctionnaires
n'était pas de tout repos. Il n'était certainement pas un exemple
d'utilisation de jugement. Je ne veux pas généraliser, mais je
vous dis les cas que j'ai eus.
Dans ma deuxième remarque, je voudrais aussi établir le
fait que, dans le cas du dépannage, on a bien dit que le maximum
était de $25, ce qui, dans certains cas, est assez peu. Ce n'est pas
exact?
M. FORGET: C'est le fonds d'urgence, simplement.
M. BONNIER: Ce n'est pas la même chose que le fonds de
dépannage.
M. FORGET: En dehors des heures de bureau.
M. BONNIER: Le fonds de dépannage, lui, n'a pas ce maximum.
D'accord. Parce que je voudrais revenir et ne pas lâcher une idée
que j'ai. C'est que, pour les économiquement faibles et les
assistés sociaux, il y aurait lieu d'étudier la
possibilité de leur faciliter des emprunts pour l'achat d'ameublement ou
de choses semblables lorsqu'ils le désirent. Je pense qu'ils ont le
droit d'emprunter comme d'autres à des conditions spécifiques et
je vous réfère, à ce moment-là, aux études
qui ont été faites lors de la commission Croll à
Ottawa.
Il y a eu certaines expériences aux Etats-Unis dans ce domaine,
en particulier dans des quartiers plus défavorisés.
M. FORGET: Je suis heureux des remarques que vous faites sur le dernier
point. C'est sans aucun doute une suggestion qui est fort utile et qui
d'ailleurs va trouver facilement un écho dans les travaux auxquels nous
nous livrons en ce moment dans la même optique que celle que j'ai
mentionnée plus tôt, lorsque l'on discutait des articles 3.02 et
3.03. Il y a des possibilités d'amélioration à cet
égard au sujet du crédit qui font l'objet d'une étude dans
le moment. J'aimerais peut-être que l'on commente et que M. Houde vous
donne quelques indications, à la suite des remarques que vous faites,
sur le personnel de l'aide sociale pour vous permettre d'apprécier un
peu les efforts qui sont faits au plan de la valorisation du personnel et de
son perfectionnement. Je pense que c'est une dimension intéressante,
parce que cela correspond à un besoin qui a été souvent
exprimé, particulièrement à cause de l'introdution d'un
nouveau régime administratif qui permet de maximiser en quelque sorte
les avantages qu'on peut retirer d'une meilleure formation au niveau du
personnel.
Simplement pour ajouter une dimension aux autres remarques, nous sommes
en contact assez constant avec des milieux représentatifs de citoyens,
d'assistés sociaux. En fait, j'estime pour ma part que c'est un
élément important de notre action. Je dois dire que la perception
que j'ai des mouvements de citoyens eux-mêmes en est une qui manifeste
une certaine acceptation des buts que nous visons parce que, même sous le
régime antérieur où, théoriquement et
j'emploie le mot "théoriquement" il y avait une aide
immédiate possible au bureau, en pratique, il y avait une grande
majorité de chèques qui étaient mis à la poste ou
remis aux clients dans une deuxième phase ou une troisième phase.
Si on réussissait à élargir ce qu'on appelle notre
nouvelle caisse de dépannage en tenant compte des observations, je l'ai
dit, dont certaines étaient fondées, de la part des groupes
d'employés qui s'inquiètent, d'autre part, je pense qu'on
reviendrait sensiblement à la situation antérieure en ayant, dans
l'intervalle, réussi à améliorer de façon sensible
du dire même de tout le monde, que ce soit les gens qui parlent de
dépannage ou les employés d'autres régions leur
fardeau d'employé de bureau. Il ne faut pas oublier que ce
système date
simplement de février ou mars. Son implantation vient de se
terminer. La première formule de dépannage qu'on a établie
l'a été par voie de consultation, mais il était
immanquable que 30 jours plus tard on se rende compte que des cas nous avaient
échappé. Je pense qu'à la lumière de
l'expérience, si on élargit la caisse en fonction des besoins, on
va retrouver la situation antérieure sauf que, pour employer les mots du
ministre, on la retrouvera avec des critères, et que le jugement des
agents sera dans un cadre plus précis. Les objectifs, finalement, qui
ont été mentionnés sont ceux que nous poursuivons. Les
moyens, évidemment, vont devoir être adaptés, mais je
serais bien surpris pour ma part qu'on n'en arrive pas finalement à une
situation qui soit satisfaisante.
M. CHARRON: Quand vous dites qu'on parviendra à la même
situation mais cette fois avec des critères, c'est-à-dire que,
dans la situation antérieure, il n'y avait à peu près
aucun critère à partir duquel le jugement des fonctionnaires
s'exerçait?
M. FORGET: Non. Ce que je veux dire, c'est que la possibilité
pour l'agent d'émettre le chèque lui-même faisait que le
chèque était émis, même si le client ne l'avait pas
immédiatement, d'une façon telle qu'ensuite, pour fins de
processus interne, il n'y avait plus de moyens, de suite logique, alors
qu'aujourd'hui les chèques sont émis dans un cadre tel qu'on peut
suivre l'évolution des coûts, on peut faire de meilleures
projections. Nos règlements en sont améliorés d'autant, et
ce qui est encore plus important, c'est qu'il y a une espèce de
processus d'évaluation qui fait qu'on n'a plus besoin de retenir 25,000
chèques par mois pour faire des changements après coup ou que le
volume des surpaiements a baissé sans que, finalement, les clients en
souffrent. L'important n'est pas de faire des économies, je pense que
c'est d'administrer le régime d'une façon telle que, tout en
faisant en sorte que les gens aient pleinement droit à ce qu'on doit
leur donner comme service, administrativement, en contrepartie, on ait un
réseau qui, à la fois, libère l'agent de sa tâche et
qui, d'autre part, permette à l'instance centrale que nous sommes
d'avoir les informations pertinentes pour le gérer.
Je pense que l'élargissement de la caisse de dépannage
avec des normes va finalement rejoindre, pour les cas qu'on a soulignés,
les situations antérieures dans les faits et on pourra reprendre la
discussion dans quelques mois; mais j'ai l'impression qu'il y a finalement
moyen de concilier dans l'esprit vos remarques.
Quand nous avons mis le système en vigueur, c'est-à-dire
quand nous l'avons même conçu, nous étions conscients qu'il
aurait pour effet de provoquer un certain sentiment d'insécurité
chez nos agents. La raison en est bien simple. Alourdis par le travail de
bureau qu'ils dénonçaient eux-mêmes, il était
évident qu'en étant libérés, leur première
interrogation serait quant au contenu futur de leur tâche. Or, nous avons
prévu dès lors un programme de formation qui en est à sa
troisième phase et qui, en première phase, était un
objectif de sensibilisation par un processus d'animation; en deuxième
phase, un processus qui touchait surtout aux cadres des relations humaines et,
en troisième phase, un processus qui met l'accent sur une formation
collégiale à l'intérieur d'un cadre collégial qui
va permettre de déboucher éventuellement, pour ceux qui le
voudront, avec le temps, sur un statut qui va porter le titre d'attestation en
études collégiales créé spécialement pour
eux et qui sera même comptabilisable pour continuer au niveau du
diplôme terminal du CEGEP, s'ils désirent le faire, en assistance
sociale.
Cette dimension de formation est d'autant plus importante que l'accueil
à la clientèle ne saurait se concevoir par voie de directives ou
par voie de dictées venant d'en haut. Je pense que le seul moyen
d'atteindre notre objectif est de plonger les agents dans un cadre volontaire
de formation telle que, progressivement, ils gagnent cette espèce de
dimension qui va les libérer un peu, à la fois de la charge
concrète de ce qui les pressurise littéralement ou de ce qui les
pressurisait et qui, d'autre part, leur ouvre des horizons, non pas seulement
chez nous mais même ailleurs, parce que l'autonomie d'un agent est le
meilleur gage finalement de son absence d'agressivité.
Je pense, encore une fois, que l'évolution d'un régime,
même s'il n'est pas encore totalement satisfaisant, démontre quand
même par le volume des plaintes, le volume des pressions qui viennent des
mouvements de citoyens, le niveau des occupations que nous vivons si largement
il y a deux ans, que nous faisons des progrès.
Parallèlement à cette dimension de formation des agents,
nous avons aussi poursuivi des efforts au niveau des directeurs de bureau parce
qu'un bon nombre de problèmes, dans certains bureaux, résultaient
simplement de l'organisation du travail. Or, comme le rôle premier d'un
directeur de bureau est d'organiser le travail dans son bureau, nous avons,
dans un cadre de formation qu'ils avaient eux-mêmes en groupe
préalablement défini, avec l'appui de l'Université du
Québec, donné à nos directeurs de bureau, au cours de la
dernière année ou de l'exercice financier qui se termine, une
formation dans ce sens que, majoritairement, je pense, on peut dire qu'ils ont
appréciée.
Je peux le dire parce que nous terminons une deuxième
série de visites ce que nous avons appelé des
tournées dans toutes les régions où tout le
personnel peut venir dialoguer avec nous et où nous avons ressenti,
d'une visite à l'autre, ce phénomène.
Nous terminons enfin une révision du palier régional et
nous comptons inviter prochainement les directeurs régionaux à
des séances de formation à leur niveau, qui devraient
compléter encore une fois l'esprit d'équipe que nous tentons
d'insuffler.
Alors, tout ce cadre de formation dont nous
n'avons pas tellement parlé a quand même eu lieu
parallèlement à l'implantation du système de sorte que je
pense que nous avons prévenu pour beaucoup le phénomène
d'automatisation qu'on a vécu, par exemple, dans un conflit
récent dans un autre domaine. Il faut quand même admettre
qu'à l'aide sociale, un processus extrêmement complexe
d'implantation a eu lieu sans que, finalement, le personnel s'en sente
lésé.
Il reste encore la clientèle, il reste à s'assurer que nos
objectifs sont bien atteints et là, je fais miennes les
préoccupations, toutes les remarques qui ont été faites ce
soir et j'assure au moins les membres de la commission que nous allons tenter,
dans toute la mesure du possible, d'élargir cette mission de
dépannage, si c'est possible.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: C'est une question que je voudrais poser au ministre. On a
parlé tantôt des caisses d'urgence. Je voudrais savoir si cela
existe dans toutes les régions du Québec.
M. FORGET: Oui.
M. SAMSON: Dans toutes les régions du Québec. De quelle
façon...
M. FORGET: La caisse de dépannage...
M. SAMSON: Je parle de la caisse d'urgence, du fonds d'urgence.
M. FORGET: Non. Le fonds d'urgence n'existe qu'à
Montréal.
M. SAMSON: A Montréal seulement. Est-ce votre intention d'en
créer dans toutes les régions du Québec, parce qu'il peut
y avoir, vous le concevez sûrement, des besoins dans toutes les
régions, qui sont semblables à ceux de Montréal?
M. FORGET: Si on pose le problème de dépannage
élargi à Montréal, je pense qu'il faut naturellement le
poser dans les autres régions. Les pressions, évidemment, sont
moins fortes qu'à Montréal, où le milieu est plus
varié, mais je pense que nous allons devoir déboucher sur des
formules qui s'appliquent à l'ensemble du territoire, si nous en
trouvons.
M. SAMSON: Oui, d'accord, mais vous comprenez que je fais la
différence entre la caisse de dépannage qui existe dans toutes
les régions et ce fonds d'urgence qui n'existe pas dans toutes les
régions.
M. FORGET: Vous permettez? M. SAMSON: Oui.
M. FORGET: Le fonds d'urgence tel qu'il est pratiqué à
Montréal est en dehors des heures de bureau.
M. SAMSON: Oui.
M. FORGET: C'est de cinq heures à huit heures et c'est le samedi,
et les personnes qui sont bénéficiaires d'aide sociale relevant
de ce fonds d'urgence, c'est nécessairement enregistré lorsque
l'horaire le permet, durant les heures normales de bureau.
L'incidence est beaucoup plus forte à Montréal
qu'ailleurs, considérant les itinérants qui sont à
Montréal et, ensuite, le manque de voisinage, si on peut dire, pour
porter secours dans des situations.
A part ce fonds d'urgence à la ville de Montréal, il y a
aussi un centre d'hébergement pour des personnes qui viennent de
l'extérieur, qui peuvent se référer à ce centre
d'hébergement pour la nuit. Alors, il faudrait qu'il existe ces
mêmes centres d'hébergement dans d'autres milieux pour...
M. SAMSON: M. le Président, étant donné qu'il est
11 heures, si vous le permettez, j'aimerais revenir sur ce sujet demain parce
qu'il y a sûrement des choses à préciser.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain matin 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 2)